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(Couno 79 o['ouo] "a[PK) "Moux ; L 1 = 2 A JIOILLVE ENCYCLOPÉDIE D'HISTOIRE NATURELLE TRAITÉ COMPLET DE CETTE SCIENCE LES TRAVAUX DES NATURALISTES LES PLUS ÉMINENTS DE TOUS LES PAYS ET DE TOUTES:LES ÉPOQUES Cd BUFFON, DAUBENTON, LACÉPEDE, 6. CUVIER, F. CUVIER, GEOFFROY SAINT-HILAIRE, LATREILLE, DE JUSSIEU, BRONGNIART, erc., erc. Ouvrage résumant les Observations des Auteurs anciens et comprenant toutes les Découvertes modernes jusqu’à nos jours. | r PAR LE D CHENU CIHROURGIEN— MAJOR À L'HÔPITAL MILITAIRE DU VAL-DE-GRACE, PROFESSEUR D'HISTOIRE NATURELLE, ETC. PACHYDERMES, RUMINANTS. ÉDENTÉS, CÉTACÉS, MARS#PIAUX er MONOTRÈMES. Avec la collaboration de M. E. DESMAREST, préparateur d'Anatomie comparée au Museum. PARIS MARESCQ ET COMPAGNIE ê GUSTAVE HAVARD EDITEURS DE L'ENCYCLOPÉDIE, LIBRAIRE, D, RUE DU PONT-DE-LODI (PRÈS LE PONT NEUF). Ÿ 15, RUE GUÉNÉGAUD (PRÈS LA MONNAIE). ie aim. sue IC TOLS seat 4} Eos uas rsannreua 2 SR canin Fan la res “1e OR MER : 24 L Dee RUE 7 AIT LE 0 SAR E RS USD PONT RE TA LEARARE Nous terminons l'étude des Mammifères, et nous croyons que, dans les cinq volumes que nous avons consacrés à celte classe importante, nous avons donné l’histoire la plus complète et la plus consciencieuse que lon ait publiée jus- qu'ici en France de ces animaux, que nous avons fait connaître et par nos descriptions et par nos nombreuses figures. Dans ce volume, nous complétons la description de lPordre des PACHNY- DERMES par l'étude des sous-ordres des PAGHYDERMES ORDINAIRES (famille des Xunocérinés, Hyracipés, Pazæornérinés, Tapmipés et Anorcorafripés), et des ÉQumés (genre Cheval); nous étudions les ordres des RUMINANTS (famille des Camécinés, Moscuinés, CamécoparpaLipÉés, CErviIDÉs, ANTILOPIDÉS ; — celte der- nière famille divisée en Anrisoriexs, Oviexs et Boviexs), des ÉDENTÉS (famille des Branvronés, Mécaruérinés, Dasvropinés, Oryeréroronnés, Mvyr- MécoPnagInés el Maxmés), et des CÉTACÉS ; — ce dernier ordre partagé en Cétacés ordinaires (genres Lamantin, Halithérium, Dugong à Stellère), et Cétacés ordinaires {famille des Decpuinusinés, PuysérériDés el BaLéininés), et nous faisons connaître les deux sous-classes si curieuses des MARSUPIAUX (famille des Dinezpuipés, Dasvuribés, PéramétpÉs, TarsiIPÉDIDÉS, PuaLAN- cipés, Macropopés et Puascopomypés), et des MONOTREMES, comprenant les deux genres Ornithorhynque et Echidné. Comme dans les volumes précédents nous indiquons non-seulement les animaux actuellement vivants, mais encore ceux que l’on ne retrouve plus qu'à l’état fossile, nous nous étendons principalement sur les Mammifères les plus utiles à l'homme, comme employés dans agriculture ou dans les arts, et c’est pour cela que nous avons consacré de nombreuses pages aux senres Cheval, Chèvre, Mouton, Bœuf, Baleine, ete. Toutes les planches, aussi bien celles insérées dans le texte que celles ürées séparément, se rapportent à des sujets traités dans ce volume, et nous avons cherché à mettre les figures en regard de la description de l’ani- mal. Un grand nombre de nos dessins ont été faits, d’après nature, et plu- sieurs, tels que ceux représentant une famille d’Yack, un combat de Nyl- gau, etc., n'ont pas encore élé donnés ailleurs. \ en 19 20. 29 24 25 26 AVIS AU RELIEUR Les planches tirées hors texte sont au nombre de quarante-huit. Chaque planche doit être placée regard de la page indiquée. Pages. Dauw.— Laie et ses Marcassins, . . . . . . 58 Tète de l'Hippopotame du Cap.— 14. de l'Hip- pOpotamefossile LC. PT ON'OT AT RER MA PE 10 Axis. — Condoma ou Condou . . . . . . 125 Mouton à grosse queue. — Vache. . . . . 172 Cerf de la Louisiane. — Canna. . . . . . . 146 Cerf du Canada. — Buffle du Cap. . . . ., 185 Ægagre (Mâle, femelle et jeune).. . . . . . 160 Cerf roux. — Cerf cochon. . . : . . . 129 Cerf du Bengale. — Elk fossile. . . . . 130 Chèvre de Falconier, — Tragelaphus Angasii (Hemelle etienne) RE ER 2109 Bouquetin des Alpes.— Antilope Klip-Springer. 135 Chamois. — Chevrotain kanchil. . . . . . 85 Antilope tragulus. — Lama alpaca. . . . . . Si Jungly-Gau. — Bœuf brachycère. . . . . . . 190 Yacks (Mâle, femelle et jeune). . . . Frontispice. Chasse du Renne. CR CN LUS, Biche et son Faon. — Biche en mue . . . . 122 Cerf semblable, —- Antilope Anu. . . . 112 Combat de deux Nylgau mâles. . e 151 Antilope Kevel. — Antilope Combstan 140 Antilope Addax. — Antilope Bosbok. . . 145 Antilope Guib. — Antilope Chitchara. . 149 Bouc d'Angora — Mouflon à manchettes . 164 Baleine franche 308 Narval. — Cachalot. . . 296 QG CI w O1 CI C1 C1 Qi S @ 3] © Inia. — Hypéroodon. . Dauphin ordinaire. — Dauphin grampus Dauphin bridé. — Delphinorbynque. . Squelette et animal de Baléinoptère Rorqual. Lamantin., — Dugons. ANS As ere Fourmilier Tamanoir. — Squelette de Méga- thérium de Cuvier. Squelette de Mylodan robuste. : Squelette d'Aï. — Bradype à dos brûlé. Tatusie apar. — Chlamyphore tronqué. Oryctérope du Cap. — Fourmilier Tamandua. Pangolin de Guy. — Pangolia tridenté. Dauphin plombé. — Marsouin commun. , . . Beluga. — Globiceps Dauphin du Gange. — Hypéroodon de Sowerby. Sarigue de D’Azara. — Sarigue bicolore. Dasyure de Maugé.—Thylacine à tête de Chien. Kanguroo géant. Hypsiprymne murin.—Têète de Kanguroo géant. Phalanger Renard. — Tête de Phalanger Re- nard. — Phalanger de Kook. Phascogale à pieds jaunes. — Péramèle à nez pointu, . Myrmécobie fascié. — Pétaure taguanoïde. , Phascolomys Wombat.—Tête de Koala. — Phas- colartos fauve, Ornithorhynque paradoxal. — Squelette d'Or- nithorbynque paradoxal. — Échidné hystrix (7 : : Oo ee UNE à Mobtg tas ‘s ” Angnittq TH s DETTE NTOT so YU TT DU LS pp AT AS FC PACHYDERMES. (Suite.) DEUXIÈME SOUS-ORDRE. PACHYDERMES ORDINAIRES. (Suite.) DEUXIÈME FAMILLE. RHINOCERIDÉES. RHINOCERIDÆ. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. * Parmi les Pachydermes de grande taille, on remarque un groupe particulier qui se distingue par un caractère tout spécial, et que l’on ne retrouve chez aucun autre Mammifère, celui d’avoir une ou deux cornes sur le nez. Ce groupe constitue le genre Rhinocéros, qui tire son nom de cette particu- larité curieuse, et qui aujourd'hui constitue la famille que Vicq D'Azyr nommait Rhinocerati; Gray, Rhinocerina; Marlan, Rhinoceroides; M. Ch. Bonaparte, Rhinocerontina, et que nous désignons, d'après M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, sous les dénominations de Rumnocémpées, Rhinoceridæ. Cette famille renferme des espèces vivantes et des espèces fossiles : les premières, qui ne forment Pr, 1 2 HISTOIRE NATURELLE. que le genre Rhinocéros, sont peu nombreuses et particulières à l'Afrique et au continent indien, ainsi qu'à ses grandes îles; les secondes, beaucoup plus considérables en nombre, comprennent pour les paléontologistes, outre les Rhinocéros proprement dits, plusieurs groupes particuliers, tels que ceux des Acerotherium, Kaup:; Stercorerus, Duvernoy, ete., et se trouvent dans les terrains ter- tiaires miocènes, pliocènes, diluviens, ainsi que dans les cavernes, surtout sur divers points de l'Europe et également dans les grands dépôts des sous-Timalayas, ainsi que, comme on l'a constaté récemment, en Amérique. Pour nous, nous réunirons toutes les espèces vivantes et fossiles dans le seul genre Æhinoccros, et nous nous bornerons à indiquer les autres subdivisions plus récentes. GENRE UNIQUE. — RHINOCEROS. RHINOCEROS. Linné, 1755. Piv, nez; ZEpzs, corne. Systema naturæ, CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. deux ou trente-six dents. Incisives tronquées au bout, inégales en grosseur, quoique assez déve- loppées; molaires supérieures formant une ligne continue, un peu convexe en dehors et un peu con- cave en dedans : la prenuère plus petite que les autres, presque triangulaire; les cinq suivuntes semblables entre elles pour la forme, mais augmentant progressivement de grosseur, à coùronne quadrangulaire, à bord externe tranchant, en forme de colline longitudinale légèrement festonnée, sur laquelle aboutissent deux collines à peu près transversales, tranchantes dans le jeune âge et séparées par une vallée profonde; la septième presque triangulaire, à colline transverse posté- ricure paraissant continuer le bord externe : inférieures plus étroites que les supérieures; la pre- mière très-pelite, à coupe quadrilatère; la seconde de même forme, mas: plus grosse; les quatre suivantes grossissant progressivement et offrant sur leur coupe deux croissants à la suite l'un de l'autre, ayant leur coïveæité en dehors, et la dernière trois croissants : ces croissants étant plus ou moins obliques et ayant quelquefois l'apparence de collines transverses. Tête très-forte, assez courte, à chanfrein concave et à occiput relevé. Yeux petits, placés laté- ralement et supérieurement. Oreilles allongées, étroites, en cornet, situées très-haut. Une corne ou deux cornes plus ou moins longues, placées l'une à la suite de l'autre sur le nez, attachées aux os propres du nez, qui sont très-épais et dilatés en voûte. Pieds épais, tous terminés par trois sabots situés antérieurement. Queue assez courte, ronde à la base, comprimée latéralement vers l'extrémité. Deux mamelles inquinales. Système dentaire : incisives, $, À, + ou 4; molaires, 1-7; en totalité vingt-six, vingt-huit, trentc- Peau excessivement épaisse, sèche, ruqueuse, à peu près nue, formant dans quelques espèces de gros replis persistants sur le cou, sur les épaules, sur la croupe et sur le haut des jambes. Forme lourde, massive. Taille très-grande. Force considérable. Il parait probable, d'après Scheuchzer et Michaelis, que le Reem, dont il est question au neuvième verset du vingt-neuvième chapitre du livre de Job et dans plusieurs autres passages de la Bible, était le Rhinocéros: mais on peut assurer positivement que tous les auteurs grecs, avant la conquête de la Grèce par les Romains, et que Même Aristote, n’en parlent pas dans leurs ouvrages. Les premières notions que nous ayons sur le Rhinocéros se trouvent dans Strabon, qui cite, cependant, pour en avoir parlé avant lui, comme d'un animal peu inférieur à l'Éléphant par la taille, Artémidore. Pompée, le premier, en fit voir un dans les jeux qu’il donna pour l'inauguration de son théâtre, et c’est pro- bablement d'après cet animal que Pline en donne une description. Ælien semble n'avoir parlé que du Rhinocéros à une corne, et selon lui il paraitrait en avoir vu assez fréquemment dans les jeux du cirque donnés à Rome : Martial et Pausanias, de léur côté, citent le Rhinocéros bicorne comme ayant été exposé dans le cnque sous Domitien, qui le fit aussi représenter sur un grand nombre de PACIIYDERMES. ’ é] médailles. Depuis, les empereurs Antonin, Commode, Caracalla, Gordien, Héliogabale, Héraclius, etc. en montrèrent un assez grand nombre, qui presque tous provenaient d'Afrique. Le même animal est liguré dans la fameuse mosaïque de l'alestrine. Chez les modernes, c'est, au contraire, de l'Inde que sont venus tous les Rhinocéros qui ont été vus vivants en Europe, et cela même aujourd'hui. Le pre- mier individu que l'on ait vu fut envoyé, en 1515, à Emmanuel, roi de Portugal, et fit périr le bâtiment qui le transportait en ltalie, comme un présent fait au pape par ce roi; un second individu fut montré en Angleterre en 1684; un troisième individu, jeune mâle, parut à Londres en 1739; une femelle fut montrée en 4741 dans la même ville; une autre femelle fut envoyée en Europe par un spéculateur hollandais, Sichterman, et servit, à son passage à Paris en 1749, de modèle à la figure donnée par Buffon; un Rhinocéros mâle vécut à la ménagerie de Versailles de 1770 jusqu’en 1793, et son squelette estencore conservé dans la galerie d'anatomie comparée du Muséum; un autre mourut en Angleterre à son arrivée des Indes, en 1800; un autre fut vu à Paris en 1814 et 4819, et depuis cette époque les montreurs d'animaux en amenèrent plusieurs en Europe; enfin, pour compléter cette liste, nous de- vons encore indiquer celui qui véeut longtemps à la ménagerie de Londres, et sur lequel M. Richard Owen a pablié d'intéressants détails anatomiques dans les Transactions of the Linnean Society of London pour 4854, et celui qui, acquis par notre Muséum en 1850, y vécut jusqu'à la fin de 1854. Un grand nombre de naturalistes et de voyageurs se sont occupés des Rhinocéros, et sous le point de vue de la distinction des espèces, et sous ceux de l'anatomie et de l'histoire des mœurs. Buffon et Daubenton n'admettaient qu'une seule espèce de Rhinocéros; D. Parson, le premier, démontra qu'il devait y avoir deux espèces de ce genre : l’une unicorne, de l'Inde, et l’autre à deux cor- nes, d'Afrique; Linné indiqua ces espèces sous les noms de Rhinoceros unicornis et bicornis, et Blumenbach, sous ceux de R. Indicus et Africanus; les travaux de P. Camper, de G. Cuvier, etc. prouvèrent la validité de ces deux espèces. Depuis cette époque, cinq ou six espèces particulières ont été distinguées, ainsi que nous le dirons en donnant nos descriptions spécifiques. Presque partout où l’on a rencontré des os fossiles d'Éléphants et de Mastodontes, se sont égale- ment trouvés des restes de Rhinocéros, et, ce qui est digne d'étonnement, c’est de fort bonne heure que les paléontologistes s'en sont occupés, et sans commettre presque aucune erreur à leur-sujet. N. Grew, le premier, en 1681, montra qu'une tête fossile, trouvée près de Cantorbéry, n'appartenait pas à l’Hippopotame, comme le pensait W. Sommer, mais au Rhinocéros. Hollmann, en 1751, déeri- vit des ossements du même genre provenant d'Ilerzberg dans le Hlartz. Pallas, dix ou douze ans après, publia des détails sur plusieurs ossements fossiles de Rhinocéros trouvés en Russie, et donna surtout l'histoire du Rhinocéros découvert entier avec sa peau sur les bords du Willonji, affluent de la Léna. Collini, en 4782, fit connaître un crâne de Rhinocéros trouvé aux environs de Worms. Merc et Camper donnèrent des détails sur des têtes de Rhinocéros rencontrées en Allemagne et en Sibérie. G. Cuvier distingua plus tard le Rhinocéros de Sibérie où R. tichorhinus de Fischer pour la tête fossile décrite par Pallas; depuis cette époque, grâce aux travaux de G. Cuvier, de De Blainville, Nesti, Marcel de Serres, Cortesi, Deveze et Bouillet, Croizet et Jobert, De Christol, Kaup, Jœger, Lar- tet, P. Gervais, Duvernoy, etc., près de vingt espèces fossiles, dont le nombre doit très-probable- ment être très-restreint, furent proposées rien que pour l'Europe; Harlan en indiqua une espèce amé- ricaine, son /?. Alleghaniensis, et plus récemment on en décrivit deux espèces plus anthentiques; et MM. Boker et Durand, ainsi que MM. Falconer et Cunteley, en découvrirent au moins une autre, le R. Sivalensis ou angustirictus, dans les vastes dépôts fossilifères des sous-Himalayas. Quelques espèces de Rhinocéros, pour la taille et la force, doivent prendre rang immédiatement après l'Éléphant, et doivent en conséquence être rangées, sous le point de vue de la grandeur, à la tête des Mammifères terrestres. La tête, en général, relativement au volume du corps, est assez petite, courte, de forme triangulaire : son occiput est très-élevé; le front et le chanfreim sont plats ou légèrement coucaves. L'ouverture de la bouche est petite comparativement au volume de ces ani- maux, et elle est close supérieurement par une lèvre pendante, terminée en pointe dans son milieu et douée d'une mobilité assez grande; la langue est lisse; le bout du museau, sans mufle ou partie nue où muqueuse, est plat et comme tronqué perpendiculairement au-dessus de la bouche; les na- rines sont placées sur les côtés et ressemblent assez à celles du Cheval; les yeux, latéraux et très- petits, à pupille ronde, sont situés à une distance à peu près égale du bout du museau et des oreilles, qui ont la forme d'un cornet et sont mobiles, également comme celles du Cheval; des replis d'une 4 HISTOIRE NATURELLE. peau fort épaisse, plus ou moins saillants, forment, en arrière de l’occiput, comme une sorte de col- lier; le cou est très-court; le corps est assez élevé sur les jambes, si on le compare surtout à celni de l'Éléphant et de l’'Hippopotame; le ventre est assez gros dans son milieu; le garrot est un peu plus élevé que la croupe, qui est arrondie et terminée par une queue assez mince, qui ne descend pas jusqu’au talon et qui est comprimée; les jambes, moins épaisses et plus longues relativement que dans l’Éléphant, ont les angles de leurs articulations plus sentis, c’est-à-dire que le genou et le ta- lon font plus de saillie, et les pieds sont plus courts et moins larges; les doigts, qui, dans les es- pèces vivantes au moins, ne sont qu'au nombre de trois, ne sont apparents au dehors de la peau que par leurs ongles, dont la forme est arrondie et la position presque verticale; la peau, assez semblable à celle de l'Éléphant par sa nature, présente des plis plus ou moins marqués dans certains endroits du corps, et particulièrement derrière la tête, sur la région des épaules et sur celle de la croupe; dans l’espèce où la peau est la plus lâche, on en voit encore sous le cou et en travers du bout des membres : dans celles qui ont cette peau très-serrée, les plis des épaules et de la croupe ne sont qu'indiqués sur les côtés; enfin, dans le plus petit Rhinocéros, celui des îles de la Sonde, les épaules ont deux plis assez distants l’un de l’autre, et l’épiderme de la peau est divisé en petits comparti- ments polygonaux qui lui donnent un aspect tout particulier. L’attribut le plus remarquable des Rhi- nocéros, et qui a valu à ces animaux le nom qu'ils portent, consiste dans la présence d’une corne solide, conique, plus ou moins grande, légèrement recourbée en arrière, fixée à la peau sur une voûte rugueuse résultant de la réunion des os propres du nez au-dessus des fosses nasales, et qui est, dans une espèce fossile, consolidée par une cloison perpendiculaire à son plan. Cette corne, dont la nature n’est pas osseuse comme celle des Gerfs, est persistante comme celle des Bœufs, des Moutons, etc.; mais elle n’entoure pas une cheville osseuse; sa structure est fibreuse et paraît résul- ter d’une agglutination de poils par la matière cornée; sa longueur est plus ou moins considérable suivant les espèces, el l’on en connaît qui ont plus d'un mètre de longueur, tandis que d’autres ne forment qu'un tubercule à peine saillant de trois centimètres. Les Rhinocéros d'Asie et des îles de la Sonde ont cette corne simple; mais, dans des espèces d'Afrique et de Sumatra, on remarque une seconde corne, beaucoup plus petite et comprimée, placée en arrière de la première et sur le eom- mencement des os du front. Ces animaux habitent les contrées les plus chaudes de l'ancien conti- nent, généralement dans les mêmes lieux où se rencontrent les Éléphants. La nature des téguments qui les protégent les porte à rechercher de préférence les lieux humides et ombragés, et ils aiment à se vautrer à la manière des Hippopotames et des Cochons pour assouplir leur cuir. Leur intelli- gence paraît fort bornée, et leur naturel est farouche et indomptable. Ils ont pour ennemis principaux les Lions, les Tigres et autres grandes espèces du genre Chat; ils se défendent avec leur corne et cherchent surtout à éventrer leurs adversaires, après quoi ils les foulent aux pieds. Leur nourriture, purement végétale, consiste en feuilles et en branchages, qu'ils arrachent au moyen de leur lèvre supérieure mobile, et l’on assure aussi qu'ils labourent la terre avec leur corne pour en tirer les racines dont ils se nourrissent égalément. Ces animaux deviennent assez rares, même dans les pays qu'ils habitent; on en a eu rarement dans nos ménageries: toutefois il y en a eu deux en France : l'un qui a vécu, de 1770 à 1793, à la ménagerie de Versailles, et qui, à l’époque de la Révolution française, a été envoyé au Muséum d'Histoire naturelle, et l'autre qui, acquis par le Muséum en mai 4850, y est mort tout récemment le 27 décembre 1854. L'anatomie des Rhinocéros est actuellement assez bien connue, et tout dernièrement M. Richard Owen a publié un travail très-important sur le Rhinoceros Indicus. Nous dirons quelques mots de l'organisation interne de ces animaux d’après les travaux de Daubenton, G. et Fr. Cuvier, Vieq D’Azyr, Iollmann, Pallas, P. Camper, Sparmann, Merc, Blumenbach, Bell, Spix, E. Home, Meckel, Pan- der et D'Alton, De Blainville, et de MM. Duvernoy, Richard Owen, etc.; mais nous nous étendrons principalement sur ce qui concerne le squelette et le système dentaire. Le squelette du Rhinocéros de l'Inde, pris pour type, reproduit parfaitement, quand on le consi- dère en général, l'animal vivant, c'est-à-dire une masse peu élégante, assez allongée dans son tronc, portée sur des membres distants, robustes, assez courts, et dont la tête, un peu plus médiocre, est attachée horizontalement à l'extrémité d'un cou gros, peu courbe, mais bien distinct. Les os qui le constituent sont tous solides, denses, pesants, le tissu caverneux étant serré, et le tissu éburné épais et très-compact: leurs extrémités articulaires sont généralement larges, très-encroûtées de cartilages, PACIIYDERMES. 5 et pour la plupart très-tourmentées à leurs faces d’articulation; leur corps est hérissé d'apophyses, de crêtes très-marquées indiquant une très-graude puissance musculaire. La tête, formée de quatre vertèbres jointes tout à fait bout à bout, est allongée, élargie et pyramidale en arrière par la grande élevation de la crête occipitale, se rétrécissant ensuite assez fortement, puis s’ensellant dans la plus grande partie du chanfrein élargi et sans aucun rétrécissement postorbitaire, pour se relever ct s’ar- quer ensuite vers sa terminaison nasale, qui surplombe les os maxillaires et au delà; les cavités que ces os forment sont en général assez petites ou peu étendues : la cavité cérébrale est même très- remarquable sous le rapport de sa petitesse comparative, quoiqu’elle paraisse encore bien plus grande qu'elle n’est, à cause de l'épaisseur de ses parois, qui sont partout creusées de sinus consi- dérables, surtout en avant sous le front, et en arrière dans la crête occipitale, ce qui est un peu comme dans l'Éléphant et le Cochon; la cavité crânienne est ronde, un peu déprimée et assez forte- ment dilatée de chaque côté; l'orbite est très-peu considérable, et les cavités olfactives, au con- traire, sont très-grandes, très-allongées, quoique assez basses : les cornets qu'elles contiennent ne sont cependant pas très-étendus; les os propres du nez sont d’une grosseur et d'une épaisseur dont il n'y à nul exemple dans les autres Mammifères, et cela pour porter les cornes énormes qu'on re- marque chez ces animaux; la mâchoire inférieure est assez longue, à branche montante peu élevée. Fig. 1. — Squelette du Rhinocéros de Java. Les sept vertèbres cervicales constituent un cou de médiocre longueur, très-épais et très-robuste : l'atlas remarquable par la dilatation et l'arrondissement des apophyses transverses et l'axis à apo- physe épineuse médiocrement élevée et assez arrondie. Les vertèbres dorsales, au nombre de vingt, ont leurs apophyses épineuses d'abord extrêmement élevées, assez inclinées en arrière et renflées l'extrémité, tandis que les dernières ont cette apophyse assez courte, large, presque verticale. Les vertèbres lombaires, au nombre de trois seulement, ne diffèrent guère des dernières dorsales que -parce que leurs apophyses transverses sont considérables. Le sacrum n'est formé que de quatre ver- tèbres assez courtes, produisant une crête épineuse, continue, peu élevée, ayant quatre paires de trous de conjugaison assez peu éloignés, et de larges auricules obliques pour l'articulation avec l'os des iles. Les vertèbres coccygiennes, au nombre de vingt-deux, sont en général courtes, petites, et dépourvues, à l'exception des premières, d’apophyses un peu marquées. L'os hyoïde est assez grand. Le sternum, en général peu étendu, n’est formé que de cinq ou six pièces; et le manubrium est assez long, obtus et presque triquètre. Les côtes, au nombre de vingt paires, dont sept vraies et treize fausses, sont en général très-longues, assez étroites, fortement courbées de dehors en dedans, et assez peu d'avant en arrière. Le thorax est très-long, à peu près cylindrique et d’une grande capa- cité. Les membres sont courts et presque égaux entre eux : aux membres antérieurs, l’omoplate est ovale, étroite, allongée, un peu courbée en arrière dans sa totalité, à crête qui n’est pas ‘out à fait médiane et forte, et à cavité glénoïde presque ronde. L'humérus est remarquable par sa force, sa 6 HISTOIRE NATURELLE. Jargeur, sa brièveté et la torsion de son corps, de manière que les deux plans de ses extrémités sont assez obliques lun par rapport à l'autre. Le radius est également gros, épais et large, proportion- nellement même à sa longueur, et ses deux têtes sont presque égales. Le eubitus est certainement encore plus robuste que le radius, et presque exactement triquètre dans son corps et assez régu- lièrement arqué dans son bord postérieur, très-anguleux. Le carpe est en général assez court et formé de ses deux rangées complètes : c’est-à-dire la première comprenant un scaphoïde, un semi- lunaire, un pyramidal et un pisiforme; et la seconde un trapèze, un trapézoïde, un grand os et un unciforme. Il n’y a que trois métacarpiens complets, ceux de l'indicateur, du médian et de l’annu- laire, avec un rudiment de l'auriculaire qui ne consiste qu'en un osselet tubériforme. articulé avec la facette externe de l’unciforme, mais qui est plus complet dans une espèce fossile, R. tetradacty - lus, décrite par M. Lartet : ces trois métacarpiens sont remarquables par leur peu d'épaisseur com- parée à leur largeur. Les doigts sont très-courts, beaucoup plus même que le métacarpe, peu épais, presque égaux, à premières phalanges à peu près carrées; deuxièmes plus larges que longues, et troi- sièmes ou onguéales beaucoup plus larges que longues, de manière à dépasser les autres de dehors comme en dedans. Aux membres postérieurs, l'os innominé est considérable, à iléon très-dilaté, comme partagé en deux ailes, à pubis assez court, triangulaire, et à iskion de même forme, mais encore plus petit. Le bassin, se joignant au trone sous un angle presque vertical, forme un vaste en- tonnoir peu profond, ouvert largement au détroit supérieur, presque circulaire et peu serré au posté- rieur, par conséquent assez grand. Le fémur est court, assez courbé, très-épais dans toute sa lon- gueur et surtout à ses deux extrémités. La jambe est plus courte que la cuisse; le tibia, gros et court, est peu rétréci dans son corps, et le péroné est complet, assez épais, parfaitement libre, dilaté presque également en palette peu épaisse à ses deux extrémités. Le pied, en totalité, est à peine plus long que la jambe, et le tarse surtout est très-court. L'astragale est aplati; le calcanéum large et court; le scaphoïde de forme ordinaire; les cunéiformes au nombre de trois, et le cuboïde méritant assez bien ce nom par sa forme. Les métatarsiens, au nombre de trois, comme les métacarpiens, mais sans os rudimentaires, ressemblent assez à ceux-ci, quoique peut-être proportionnellement un peu plus longs; il en est à peu près de même des phalanges. Parmi les os sésamoïdes, on remarque que la rotule est très-épaisse, presque rhomboïdale. Si l'on cherche à étudier les différences ostéo- logiques que présentent les diverses espèces de Rhinocéros, on peut dire d’une manière générale qu'elles ne portent ni sur l'ensemble ni sur le nombre des os, mais seulement sur certaines particu- larités de quelques-uns d'entre eux, et même que ces différences, surtout apparentes dans la dispo- sition de la tête, sont peu importantes; aussi ne eroyons-nous pas devoir nous en occuper. Sans entrer dans des détails, qui ne doivent pas trouver leur place ici, sur l'anatomie interne de ces animaux, nous dirons seulement que leur estomac est simple, très-grand: que leurs intestins sont très-longs et le cæcum très-vaste; qu'ils manquent de vesicule du fiel, et que le gland de Ja verge du mäle affecte la forme d'une fleur de lis; nous ajouterons que la capacité de la boîte erà- nienne est petite relativement à l'énorme volume du corps de l'animal, et que conséquemment le cer- veau est assez peu développé. Le système dentaire des Rhinocéros est dans un certain degré d'anomalie, en ce qu'il est incom- plet par suite de l'absence des canines, ce qui produit une barre plus où moins étendue, et parce que les incisives elles-mêmes sont assez variables en nombre, en grandeur et en proportion, au point de pouvoir ne plus exister à l’état adulte, du moins pour deux espèces vivantes et surtout pour le Rhinocéros bicorne; les molaires rentrent assez bien dans la règle générale par le nombre et la disposition générale, avee cette particularité que les inférieures diffèrent prodigieusement des supé- rieures, du moins dans la forme; car il n'en est pas ainsi du nombre, qui est toujours le mème, sept de chaque côté et à chaque mächoire. L'odontologie de ces animaux a donné lieu à de nombreux travaux, et présente des particularités remarquables, en ce que, à l'état adulte, les incisives peuvent exister, comme dans le 22. bicornis, ou manquer complétement, comme dans le R. unicorne, ou bien que le nombre peut en être variable, et en ce que, dans le jeune âge, les espèces à incisives n'en présentent quelquefois pas : nous ne pouvons entrer dans des détails sur ce sujet important, et nous nous bornerons à renvoyer aux importants ouvrages de G. et Fr. Cuvier, de De Blainville, ainsi qu'à celui beaucoup plus récent qu'a publié, en 1843, M. Duvernoy dans la première livraison du tome VII des Archives du Muséwn d'IL stoire naturelle. Qu'il nous soit seulement permis de repro- PACHYDERMES. 1 duire, d'après l'ouvrage de Fr. Cuvier sur les Dents des Mammifères, la description du système dentaire du Rhinocéros dé Java, qui peut être pris comme type des espèces de ce genre; mais toute- fois faisons observer que c’est à tort que Fr. Cuvier n'a pas fait mention des petites incisives exter- nes supérieures et des mitoyennes inférieures, qui manquaient, par exception, dans l'individu qu'il étudiait; dans ce Mammifère, il y a une incisive et sept molaires de chaque côté, en haut comme en bas. À la mâchoire supérieure, l'incisive occupe presque tout l'intermaxillaire; c'est une dent large, épaisse, obtuse. La première molaire est très-petite; la seconde, beaucoup plus grande, est un peu plus petite que la troisième, qui l’est elle-même plus que la quatrième; celle-ci et les deux suivantes sont de même grandeur; et la dernière est plus petite qu'elles : ces molaires se ressemblent par la forme, qui est encore la même que celle des Tapirs et des Damans; elles se composent de deux col- lines réunies par une crête à leur côté externe; cette crête se prolonge postérieurement, et la colline postérieure offre la pointe, en forme de crochet, que l’on retrouve aux deux collines des Damans; la dernière molaire paraît être moins complète : elle a la forme générale d’un triangle, au lieu d'être à peu près carrée, et semble différer des autres parce qu'elle aurait été privée de leur portion antéro- externe : on y voit encore la colline postérieure avec son crochet; mais l'antérieure ne s'aperçoit plus qu’en partie. À la mâchoire inférieure, l’incisive est une dent conique, droite, pointue, et de la nature des défenses, c’est-à-dire qu'elle n’a pas de racine distincte. Les molaires vont en augmen- tant de grandeur de la première, qui est très-petite, à la dernière; et toutes sont composées, comme celles des Damans, de deux croissants, dont la concavité est en dedans de la mâchoire, et réunies par une de leurs extrémités Lorsque la dent est parvenue à un certain degré d'usure, mais séparées par une échanerure avant cette époque : la première de ces dents n’est que rudimentaire comparativement aux autres. Dans leur position réciproque, l'incisive supérieure est en rapport, par son côté externe. avec le côté interne de l’incisive inférieure, et les molaires sont alternes. À mesure que les dents agissent, les collines transverses des molaires s’usent et offrent d’abord deux simples lignes d’émail qui bor- dent un ruban osseux. Plus tard, la détrition a lieu sur la base interne des collines, qui est un peu conique; alors chaque ruban devient plus large en cet endroit qu'au point où il se joint à la ligne de détrition du bord externe; la grande vallée intermédiaire diminue de plus en plus. Lorsque les dents sont encore plus usées, il ne reste que des espèces de troùs de forme variable, selon le degré de détrition. Enfin la couronne n'offre plus qu'une surface carrée de substance osseuse entourée d’é- mail. I. ESPÈCES VIVANTES. 1. RIHINOCÉROS DES INDES. RHINOCEROS UNICORNIS. Linné. CanAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Formes grossières et massives; tête raccourcie, triangulaire, ne por- tant qu'une corne sur le nez, et deux fortes incisives à chaque mâchoire; peau sèche, dure, très- épaisse, d’un gris foncé violâtre, avec quelques poils roïdes et grossiers sur les oreilles et la queue, , et remarquable par des plis profonds qu’elle forme en arrière et en travers des épaules, et en avant et en travers des cuisses. Longueur totale, de 2°,924 à 3",249; hauteur, de 1°,62% à 17,949. Cette espèce est le Rhinoceros unicornis, Linné; le R. Indicus, G. Cuvier: R. unicornis, Boddaert, c’est l'Abada des Indiens. Quelques auteurs ont pensé que c’est uniquement cette espèce qui fut plu- sieurs fois montrée à Rome dans le cirque; mais De Blainville, s'appuyant sur un vers de Martial, croit que l’on y vit plutôt le Rhinocéros bicorne. Ce Rhinocéros a éminemment le caractère triste, brusque, sauvage et indomptable; il vit solitaire- ment dans les forêts les plus désertes des Indes orientales, surtout au delà du Gange, et à proxi- mité des rivières et des marais, parce que, de même que le Sanglier, il aime à se vautrer dans la vase. Sa lèvre supérieure, la seule partie de son corps où il puisse avoir le sens parfait du tact, est allongée, mobile, et il s’en sert avec beaucoup d'adresse pour saisir et arracher les végétaux dont il se nourrit. La langue est jaune et assez douce dans le jeune âge; mais, lorsque l'animal vieillit, elle devient excessivement rude, ainsi que le dessous des lèvres. Sa corne lui sert rarement d'arme of- fensive, excepté peut-être à l’époque des amours, et elle lui sert même rarement d'arme défensive; 8 HISTOIRE NATURELLE, car cet animal paisible, quoique très-farouche, n’attaque jamais, et sa force redoutable fait que les autres animaux le craignent et ne lui font pas la guerre; il ne l'emploie le plus ordinairement que pour détourner les branches et se frayer un passage dans les épaisses forêts qu'il habite, et il est peu probable que, quoi qu’en aient dit quelques naturalistes, il puisse s'en servir pour fouir la terre afin de déraciner des racines dont il se nourrit; car la position même de cette corne rend cela à peu près impossible. Lorsqu'il est paisible, sa voix est faible, sourde, et a quelque analogie avec le grognement du Cochon: mais, quand il est irrité, il jette des cris aigus qui retentissent au loin. Fig. 2. — Rhinocéros des Indes. En esclavage, cet animal se nourrit très-bien de pain, de riz, de sucre et de toutes sortes de ma- tières végétales. Il peut se familiariser jusqu'à un certain point, et il devient assez doux, quoique cependant on doive toujours s’en méfier; car, aussi capricieux que stupide, il passe subitement, sans cause et sans transition, du plus grand calme à la plus grande fureur; alors sa lourde paresse fait place à une légèreté effrayante; il bondit par des mouvements brusques et désordonnés; puis, s’il est libre, il s'élance devant lui avec la rapidité du meilleur Cheval, brisant, renversant, foulant aux pieds tout ce qui se trouve sur son passage, et poussant des cris à faire trembler le plus intrépide chasseur. La faim ne peut le dompter; il s’abandonne à des transports si violents dès qu'il sent le besoin de manger ou qu'on lui fait attendre sa nourriture un instant, que ce moyen de l'apprivoiser, qui réussit très-bien pour des animaux très-féroces, n’est pas praticable pour lui. Si sa fureur est impuissante contre ses ennemis, il cherche à l’assouvir contre lui-même, et heurte sa tête contre les obstacles qu'il trouve devant lui, c'est ainsi que le Rhinocéros qu'Emmanuel envoyait au pape fit pé- rir le navire qui le portait, et c’est de même que celui qu'on montra jadis à la foire Saint-Germain de Paris se jeta à la mer et se nova quand on voulut le conduire en Italie. L'individu mâle qui a vécu dernièrement à la mévagerie du Muséum était assez doux et obéissait souvent à ses gardiens; mais il était presque indomptable à certaines époques. On assure qu'à l'état de liberté la femelle du Rhino- céros ne fait qu'un petit à la fois, et que ses portées sont de neuf mois; en naissant, le jeune est pourvu d'un très petit rudiment de corne qui se développe ensuite avec l'âge; sa taille, assure-t-on, est à peu près égale à celle d'un de nos Cochons domestiques. La chasse du Rhinocéros des Indes, quoique moins périlleuse que celle du Rhinocéros du Cap, n’est pas sans danger; aussi n’ose-t-on l’attaquer que monté sur des Chevaux très-vifs et très-légers. Les chasseurs, lorsqu'ils l'ont aperçu, le suivent de loin et sans bruit jusqu’à ce qu'il soit couché pour dormir; alors ils l’'approchent sous le vent, et, parvenus à-la portée du fusil, ils descendent de Cheval, visent l'animal à la tête, font feu et s'élancent sur leurs Chevaux pour fuir avec vitesse s’il n’est que blessé, car alors il se jette avec rage sur ses agressurs. Les Indiens chassent ces animaux pour avoir leur corne et pour manger leur chair, qu'ils estiment beaucoup; on regarde aussi dans ces pays comme un mets très-délicat une queue de Rhinocéros, ainsi qu'une sorte de gelée faite avec la peau du ventre de ces animaux. Pen- dant très-longtemps, à limitation des anciens, on a attribué à la corne du Rhinocéros un grand nombre de propriétés merveilleuses; on croyait surtout qu’elle avait la vertu de détruire l'effet des poisons les plus dangereux, et c'est pour cela qu'on en fabriquait des coupes qui avaient une valeur très-considérable; et encore aujourd'hui cet usage est conservé en Abyssinie. Ces cornes sont solides, très-dures, d'un rouge brun en dehors, d’un jaune doré en dedans, avec le centre noir; elles sont susceptibles de prendre un beau poli, et l'on en fait de magnifiques manches de poignard et quel- PACHYDERMES, 9 ques autres objets de prix, tels que des tabatières, ete. Dans l'ancienne médecine, le sang, les dents et les ongles du Rhinocéros passaient pour des remèdes alexipharmaques qui ne le cédaient pas en bonté à la thériaque. Le Ruinocéros ne Cawrer, admis comme espèce par De Blainville, est probablement un jeune in- dividu du R. des Indes dans lequel le système dentaire n’était pas entièrement développé, et qui n'a- vait qu'une incisive de chaque côté et à chaque mâchoire. Les autres espèces indieunes seraient au nombre de trois; ce sont : 1° Le Runocéros uNICORNE DE Java ou R. pes iLes pe LA Sonpe (Rhinoceros Javanicus, À. G. Des- marest; R. Sondaicus, G. Cuvier). — Cette espèce a une taille moins considérable que celle du Rhi- nocéros des Indes; sa peau présente de grands plis en arrière des épaules et aux cuisses, et sa surface est couverte de tubercules pentagones; la queue a plus de 0,33 de longueur; la corne est unique, placée près des yeux; les incisives sont petites, au nombre de quatre dans le jeune âge et de deux chez les adultes; des poils courts, roïdes, bruns, sont épars sur la peau, et des poils nom- breux et courts bordent les oreilles et terminent la queue; les formes sont moins massives que dans l'espèce précédente; la tête est courte, à chanfrein concave; les yeux sont petits; chaque tubereule de l’épiderme donne naissance à un poil; il n'y a pas de pli dans le sens de l’épine, comme on en voit un sur l'épaule du Rhinocéros des Indes. — 11 habite Java et les îles de la Sonde. 2 Ruinocénos pe Sumatra [Rhinoceros Sumatrensis, G. Cuvier, Bell, etc.; R. Sumatranus, Raf- les). — Ce Rhinocéros, de petite taille, a la peau rugueuse, couverte de poils roïdes, bruns, assez rares; les plis de ses épaules et de sa croupe sont peu marqués; les incisives sont au nombre de deux en haut comme en bas: le nez est surmonté de deux cornes : la première arquée en arrière, et la seconde lisse, pyramidale et placée un peu en avant entre les deux yeux; la peau est assez mince et presque sans plis; la tête est assez allongée; les yeux petits, bruns; la lèvre supérieure pointue-et recourbée en dessous; les oreilles petites, pointues, bordées de poils noirs, courts; queue aplatie. Taille de 1°,60. — Se trouve dans l'ile de Sumatra. Sir Raffles cite une autre espèce, nommée T'euxon à Sumatra, qui ressemble parfaitement au Rhi- nocéros de Sumatra, mais qui n'aurait qu'une seule corne au lieu de deux. 3° Runocéros INERME (Rhinoceros inermis, Lamarre-Picot, Lesson). — Cette espèce, si elle est distincte du R. de Sumatra, en est au moins très-voisine. Son caractère principal consisterait à ne pas présenter de corne sur le nez. — Des îles du Gange. 2. RHINOCÉROS D'AFRIQUE. RHINOCEROS BICORNIS. Linné. Caractères spÉCIFIQUES. — Pas d’incisives, ni de plis à la peau, qui est presque entièrement nue, quoi- que présentant cependant quelques soies rudes, noires, longues de deux à trois centimètres, éparses sur le haut des oreilles; nez portant deux cornes qui n'ont aucune proportion entre elles, celle de devant étant toujours la plus grande et ayant quelquefois jusqu'à 0",65 de longueur : toutes deux coni- ques, légèrement recourbées vers le front; yeux petits, enfoncés; tête terminée en un museau pointu ; lèvre supérieure légèrement plus longue que l'inférieure; queue un peu plus aplatie vers son extré- mité, et munie sur ses côtés de quelques poils gros, rudes, et longs de deux centimètres; peau rude, épaisse, mais non impénétrable; pieds arrondis, ayant trois sabots qui ne débordent pas beaucoup, et dont celui du milieu est le plus grand; la sole, comme celle des pieds d'Eléphant, couverte d'une peau calleuse, très-dure, très-épaisse, fendne au talon. Atteignant de 3°,60 à 4° de longueur, sur 1,60 à 2v de hauteur. Cette espèce, qui était très-probablement connue des Romains, puisqu'on en voit la représentation sur des médailles à l'effigie de Domitien, est le Cosuus d'Aldrovande et le Taureau D Érmorie de Pausanias : c'est le Nagaz des Hottentots, le Ruunosrer des colons du Cap, le Macazy des Cafres, le Rhinoceros bicornis, Camper, Linné, et le Rhinoceros Africanus, G. Cuvier. Comme tous les Rhinocéros, il devient furieux quand il est attaqué, et surtout blessé; alors il s’é- lance sur son ennemi, le renverse, le foule aux pieds et le met en pièces avec ses cornes redoutables: rien ne peut l'arrêter quand il charge sur son agresseur, pas même le feu et la flamme, qui effrayent tous les animaux féroces: mais ceci n'empêche pas les Cafres de l'attaquer avee la plus grande P. 2 10 HISTOIRE NATURELLE. intrépidité et d'en venir à bout, soit avec leurs flèches empoisonnées, Soit simplement avec leurs za- gaies. Ce Rhinocéros fréquente de préférence les bords des grandes rivières, et se retire dans les bois qui ombragent leurs rives : il est encore plus farouche et plus indomptable que le Rhinocéros des Indes. Il habite le pays des Hottentots, la Cafrerie et probablement tout l'intérieur de l'Afrique méridionale. Jadis on le trouvait partout aux environs du cap de Bonne-Espérance et jusqu'au pied de la montagne de la Table; mais aujourd’hui les colons sont parvenus à le repousser hors des limites de leur territoire. On le trouverait aussi en Abyssinie et en Nubie si, ce qui est probable, le Rhino- céros de Bruce n’en diffère pas. On lui fait une guerre acharnée; car sa chair est bonne à manger, et avec son cuir on fabrique de bons manches de fouet et d'excellents ressorts de voiture. On a distingué spécifiquement dans ces derniers temps plusieurs Rhinocéros africains qui avaient été longtemps confondus avec le R. bicornis. Nous indiquerons les suivants : 1° Rmnocéros camus (Rhinoceros simus, Burchell; R. Burchelii, Lesson). — Il diffère du précé- dent par sa taille beaucoup plus grande, par sa bouche et par son nez qui sont très-élargis et comme tronqués; par sa peau sans poils et sans plis, et par quelques caractères que fournit la forme du crâne osseux. Cette espèce, qui est bien évidemment distincte du Rhinoceros bicornis, quoique, comme lui, elle présente deux cornes de longueur différente, habite les vastes plaines arides de l'intérieur du Cap; aime à se vautrer dans la boue, et ne se nourrit que d'herbe tendre. D'après Delegorgue, qui a donné quelques détails sur les mœurs de cet animal. 4 porterait, chez les Cafres, les noms de Mocour et de Runocéros BLanc; la galerie d'anatomie comparée du Muséum possède un beau squelette rapporté par ce voyageur. 2 Runocéros pe Gonpon (Rhinoceros Gordonii, Blainville). — Cet animal, provenant de l’inté- rieur du Cap, plus petit que le précédent, n’en est peut-être que le jeune âge, et ne se distingue que parce qu’il ne présente que six molaires de chaque côté des deux mächoires, au lieu de sept. 5° Ruinocéros pe Bruce (Rhinoceros Brucii, Blainville), caractérisé par sa seconde corne plate et droîte, parce que les vieux mâles ont un rudiment de troisième corne, et par sa peau plissée à peu près comme dans le Rhinocéros des Indes. On le trouve en Abyssinie et en Nubie, où il porte les noms d'Arwe-larish et d’Auraris, mots qui signifient Grande bête à cornes, ainsi que celui de Gir- namgira, où en français corne sur corne, etc. La grande consommation qu'il fait d'arbres et d’eau le retient dans les lieux assez circonscrits où il peut en trouver; le jour, il se tient caché pour dor- mir dans les buissons les plus fourrés et les plus épineux, et il en sort la nuit pour aller chercher sa nourriture, qui consiste uniquement en jeunes rameaux feuillés de toutes sortes d'arbres épineux ou non, et particulièrement de Mimosa; il va ensuite se vautrer dans la boue, et il s’y roule de ma- uière à s’en couvrir d’une couche épaisse qui le garantit_des piqûres des Taons. Bruce et Chardin ont donné de nombreux détails sur les mœurs de ces animaux, qui ne diffèrent guère de celles des autres espèces, et surtout sur la manière dont on les chasse. 4° Runocénos KerLoa (Rhinoceros ketloa, Smith}, du sud de l'Afrique, nommé Querlotra par les Cafres, et caractérisé surtout parce que sa seconde corne est aussi longue que la premiere. 9° RuiNocEros À carucnon (Rhinoceros cucullatus, Wagner), des environs du Cap, à deux cornes. Nous pourrions encore citer deux espèces vues par Delegorgue dans le Sud-Afrique : l'une, qu'il nomme Lelongonaum d'après les Cafres, et une autre espèce qui n’aurait qu’une seule corne, comme le Rhinocéros des Indes, IL. ESPÈCES FOSSILES. Les Rhinocéros fossiles se rencontrent en grand nombre dans le diluvium et dans le terrain tertiaire. Beaucoup de paléontologistes se sont occupés de ces animaux, et comme de nombreux gisements d’osse- ments fossiles ont été découverts dans toute l'Europe, particulièrement en France, dans les monts Hima- laÿas, et assez récemment, d’après M. Leidy, daus l'Amérique septentrionale, il est résulté des investiga- tions des divers naturalistes qui ont travaillé sur ces matériaux importants, l'établissement, outre les espèces décrites par G. Cuvier, d'un grand nombre d'espèces que De Blainville n'accepte pas et qu'il réduit simplement aux trois grandes de G. Cuvier; mais, d'un côté, De Blainville a porté beaucoup PACHYDERMES: A1 trop loin ces réductions, et, d’un autre, Duvernoy, que la science vient de perdre tout récemment, a fait connaître quelques nouvelles espèces. Les dents de ces Mammifères fossiles sont formées sur le même plan que celles des Palæothériums; seulement la face externe des supérieures est moins régu- lière; au lieu de trois arêtes verticales, il en existe quatre : une à chacun des deux angles, une autre peu marquée au milieu, et une quatrième entre celle-ci et celle de l'angle antérieur. En outre, la col- ; line postérieure de la couronne produit une saillie ou lobe qui s'avance dans la vallée intermédiaire et qui se soude quelquefois avee une production semblable de la colline antérieure ou de la paroi longitudinale de la dent. Par l'usure, il se produit alors trois fossettes; les dents inférieures se dis- tinguent de celles des Palæothériums en ce que leur croissant postérieur n'est pas complet, et qu'il vients’are-bouter contre le flanc du croissantantérieur. Nous ne pouvons décrire toutes les nombreuses espèces de Rhinocéros fossiles; nous n'indiquerons que les principales, en suivant en grande partie le savant travail que Duvernoy a publié dans les Archives du Muséum d'Histoire naturelle (1855, t. VII, livraison 1°). 1. ESPÈCES DES TERRAINS ÉOCÈNES SUPÉRIEURS. M. Leidy vient de signaler, dans ces terrains, deux espèces de Rhinoceros, les R. occidentalis et nebrosus, qui, outre ce gisement remarquable, offrent cette particularité curieuse, de provenir de l'Amérique septentrionale, pays où on n’en avait pas signalé jusqu'ici. II. ESPÈCES DES TERRAINS MIOCÈNES. 4° Rumnocéros À INCISIVE (Rhinoceros incisivus, G. Cuvier). — Os du nez larges, épais, courts, repliés à leur extrémité, rugueux à leur surface; deux fortes incisives à chaque mâchoire; deux pe- tites incisives intermédiaires à l'inférieure; deux petites incisives en arrière des grandes à la mà- choire supérieure; ses quatre pieds à trois doigts. Cette espèce, qui est la même que les Æ. Schleyer- macheri, Kaup, et Sansaniensis, Lartet, et probablement que le pachyrhinus, Kaup, provient des vallées du Rhin et de la Garonne. Une espèce voisine de celle-ci est le R. Simorrensis, Lartet. 2 Ruinocéros rerir (Rhinoceros minutus, G. Guvier). — Septième molaire supérieure encore plus petite que celle du Pleuroceros, avec sa face externe à peu près plane et non arquée comme dans cette dernière espèce. D'après quelques dents trouvées à Moissac. 3° Ruinocésos À pins courts (Rhinoceros brachypus, Lartet). — Deux fortes incisives à chaque mâchoire; molaires supérieures ayant un fort bourrelet émailleux à la surface interne; pieds courts, épais. — De Simorre. 4° Ruinocéros À CoRNES LATÉRALES (Rhinoceros pleurocerus, Duvernoy). — Un tubercule osseux; conique, à sommet rugueux, oblique en dehors sur la partie la plus convexe de chaque os nasal; une incisive supérieure à couronne usée horizontalement; quatre incisives inférieures; dernière molaire supérieure à face externe et postérieure courbée en arc. — De Gannat. 5° Ruixocéros pe Ranvan (Rhinoceros Randanensis, Duvernoy).— Quatre incisives à la mâchoire inférieure : deux externes très-fortes, à alvéole circulaire et non ovale, et deux moyennes petites; symphyse longue. D'après une mâchoire inférieure provenant de Randan. 6° Ruinocénos À quaTre poicrs (Rhinoceros tetradactylus, Lartet). — Os du nez courts, n’attei- gnant pas les extrémités des incisives et ne portant pas de corne; échancrure naso-incisive à fond resserré; deuxième, troisième et quatrième molaires supérieures ayant un bourrelet d'émail à leurs faces interne et latérale; deux fortes incisives à l’une et l’autre mâchoire; un crochet ou un lobule al- lant de la colline postérieure à travers le vallon dans la plupart des molaires supérieures; pieds an- térieurs à quatre doigts. Cette espèce est le type du genre Acerothcrium (x, sans; xepcs, Corne; One, grande bète) de Kaup (/sis, 1832), séparé des Rhinocéros par son manque de corne et surtout par ses pieds à quatre doigts; c'est le R. Cuvicri, À. G. Desmarest; l'A. ancisivum, Kaup; A. typus, 12 HISTOIRE NATURELLE. Duvernoy; et De Blainville le regardait comme la femelle du A. incisivus de G. Cuvier. — D'Auver- gne et de sablières d'Eppelsheim. 7° Ruinocéros DE Ganwar (Rhinoceros Gannatense, Duvernoy). — Os du nez longs, droits, étroits; première molaire supérieure permanente : un bourrelet d’émail à la face interne des deuxième, troisième et quatrième molaires supérieures, comme dans le précédent; à la mâchoire inférieure, deux fortes imcisives, une courte symphyse et un bourrelet d’émail à la face externe des molaires; pieds antérieurs tétradactyles. — D'après un squelette presque complet découvert à Gannat en 1850. III. ESPÈCES DES TERRAINS PHIOCÈNES. 8° Ruvocéros À Nez mince (Rhinoceros leptorhinus). — Os du nez assez larges, recourbés en avant, repliés sur les côtés, soyeux à leur surface, non soutenus par une cloison osseuse; mâchoire inférieure un peu élargie en bec d’aiguière à son extrémité; deux petites incisives coniques à cou- ronne en forme de bouton arrondi dans les os incisifs : quatre petites incisives à la mâchoire infé- rieure, dont les moyennes sont les plus petites. — Trouvé par Cortesi dans une colline du Paisan- tin, puis dans la vallée de l’Arno et dans les fouilles faites dans la ville même de Montpellier. Cette espèce, que Blumenbach nommait R. antiquitatis, et À. G. Desmarest Pallasii, est le même que le R. Monspesulanus, Marcel De Serres, et que le R. megarhinus de Christol. On doit probablement y réunir le À. elatus, Croïzet. 90 RHINOCÉROS À NARINES PRESQUE CLOISONNÉES (Rhinoceros protichorhinus, Duvernoy). — Crâne se rapprochant de celui du R. tichorhinus, mais à crête occipitale non échanerée en forme de cœur, comme dans le R. leptorhinus; il y a une cloison osseuse dans la partie antérieure de la cavité na- sale, qui cesse subitement à la seconde moitié de cette cavité. C’est le même que le R. leptorhinus, R. Owen. IV. ESPÈCES DES TERRAINS DILUVIENS ET DES CAVERNES. 10° PuunocéRos A NARINES CLOISONNÉES (Rhinoceros tichorhinus, G. Cuvier). — Une forte cloison osseuse, s'épaississant d'arrière en avant, sépare les narines, et forme à l'extrémité du museau une forte paroi osseuse qui se soude avec les os du nez et les os incisifs; septième molaire supérieure à deux collines transverses; molaire inférieure un peu élargie à son extrémité; pas d’incisives ni à lune ni à l’autre mâchoire; une corne nasale et une corne frontale. Cette espèce était très-répandue dans toutes les latitudes à l’époque du diluvium et de la formation des dépôts osseux dans les cavernes : on l'a rencontrée dans les cavernes de France et d'Angleterre, dans les alluvions de nos fleuves et en grande abondance en Sibérie. 14° Rmnocéros De Lunez-Viez (Rhinoceros Lunellensis, P. Gervais). — Cette espèce, fondée sur des molaires de lait, paraît avoir des rapports avec les Rhinocéros bicornes du Cap et de Sumatra. Quant aux Rhinoceros Golfusü, hypselorhinus, leptodon, Merckii, Kaup; Kirchbergensis, chœ- rocepalus, Steinheimensis, Jœger; minutulus, Lock; pygmœæus de Munster; medius de Christol, et nariorum, Croizet et Jobert, ils ne sont pas assez complétement connus pour qu'on puisse réelle- ment les regarder comme des espèces distinetes. Mais une espèce que l'on doit admettre est le Rhi- nocéros unicorne, découvert par MM. Falconner et Cautley dans le célèbre dépôt des sous-Hyma- layas, et qu'ils nomment R. Sivalensis. C’est auprès de ces fossiles que vient se ranger le genre Stereoceros (oxeps0s, OSSEUX; 46906, COTE) de Duvernoy (Archiv. du Muséum, t. NI, liv. première, 1853). Ce groupe, qui ne comprenait qu'une espèce, le S. typus ou Galli, Duvernoy, se distinguait par l'existence d’une corne osseuse sur le front; sa tête avait des proportions plus larges et moins hautes, à l’occiput, que celles des espèces connues de Rhinoceros: elle avait d'ailleurs les mêmes caractères dans les ailes mastoïdes, les apo- physes postauditives, la forme et la disposition des condyles, les tubérosités latérales de la crête vc- PACHYDERMES. 15 cipito pariétale, les fosses temporales. C’est d'après une moitié postérieure de crâne, recueillie par Gall et faisant partie de sa collection crânioscopique, que ces caractères ont été indiqués. MM. Kaup et Laurillard ont conjecturé que ce crâne pouvait avoir appartenu au genre Elasmotherium de Fis- cher De Waldheim : ce dernier genre était établi sur une branche de mâchoire inférieure. Pour nous, nous ne croyons pas ce rapprochement naturel; le genre Stereoceros nous semble bien appartenir à la famille des Rhinocéridés, et l'Elasmotherium à l'ordre des Édentés. Ne serait-ce pas dans la famille des Rhinocérotidés que l’on doit ranger les deux genres fossiles des Harpagmotherium (2520, je saisis; 6n9, grande bête) de Fischer Be Waldheim (Zoognos, 1813), et Siderotherium (oder, fer à Gheval; 6», grande bête) de Jœger (Wäürth. foss. Saügth., 1839)? TROISIÈME FAMILLE, iYRACIDÉES. HYRACIDÆ. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Dans l'ordre des Pachydermes, qui comprend presque exclusivement des Mammifères de très- grande taille et à peau épaisse, dépourvue de poils, le Daman ou Hyrax semble être tout à fait dé- placé par sa petitesse et par ses poils abondants et assez longs: cependant, lorsqu'on étudie avec soin cet animal, on remarque qu'il a, sauf la taille, de très-grands rapports avec les Rhinocéros, et que même son système dentaire présente une certaine analogie avec celui de ces animaux. Cest à cause de cela qu’on a dû retirer les Damans de l’ordre des Rongeurs, dans lequel ils étaient jadis placés, pour les mettre dans l’ordre des Pachydermes à côté des Rhinocéros. L'aspect général des Damans et quelques caractères particuliers, tels que celui de présenter quatre doigts aux pieds de devant et trois seulement à ceux de derrière, ont engagé les naturalistes à en for- mer une petite famille particulière, que Wagler nomme Hyraces; M. Ch. Bonaparte, Hyracina, et M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Hyracidées, qui ne renferme qu'un seul genre, ne comprenant qu'un petit nombre d'espèces. GENRE UNIQUE. — DAMAN. AYRAX. Hermann, 1764. Yp2Ë, Musaraigne. Tabula Africæ illustrata. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives ?; molaires, =; en totalité trente-deux dents. Les incisives supé- rieures grandes, arquées, anguleuses à leur base externe, taillées en biseau à l'interne et très- pointues; inférieures courbées en avant, contiqués, cylindriques, à couronne coupée obliquement; une barre entre les incisives et les mulaires à chaque mâchoire, et une petite fausse molaire dans la barre supérieure des jeunes individus; molaires supérieures : l'antérieure à couronne plate et trian- gulaire, les autres à couronne carrée, un peu concave, et à bord externe relevé et tranchant; la seconde et la troisième offrant une petite côte relevée qui se rend de l'angle interne postérieur au milieu de la couronne; côté interne des trois dernières divisé par un long repli de l'émail qui pénètre obliquement dans leur substance; inférieures ayant les côtés interne et externe de leur cou- ronne lisses; l’antérieur et le postérieur relevés en tranchant, et une colline transversale qui divise le milieu de La couronne en deux. 14 HISTOIRE NATURELLE. Tête grosse, terminée par un petit mufle; narines obliques; yeux petits, à paupière clignotante très-développée; lèvre supérieure fendue, formée de fortes moustaches; langue oblonque, assez étroite, renflée à sa partie postérieure, lisse, douce; oreilles courtes, larges, arrondies. Membres peu développés, à paume et plante entièrement nues; pieds antérieurs à quatre doigts courts, dont le second est le plus long; pieds postérieurs à trois doigts, dont l'intermédiaire est le plus long, et les deux autres égaux; ongles petits, plats, pouvant à peine couvrir le dessus des doigts : l'interne du pied de derrière plus long que les autres, arrondi, recourbé en gouttière. Pas de queue. Poils de deux sortes : des laineux très-fins, assez courts; des soyeux très-longs, brillants, seuls “apparents. Six mamelles : deux pectorales, quatre ventrales. Be LT Fig. 3. — Daman de Syrie Le Daman constitue un des genres les plus tranchés de toute la classe des Mammifères, aussi bien pour son organisation extérieure et intérieure que pour ses mœurs et ses habitudes, en contra- diction apparente avec sa structure, genre qui appartient sans nul doute plutôt aux Pachydermes qu'aux Rongeurs, mais qui réellement est intermédiaire à ces deux degrés d'organisation. En effet, par un certain nombre de caractères extérieurs, la forme générale, celle du tronc et des membres, par l'absence de queue, la nature du pelage, les narines, les yeux, les oreilles, et même par les mœurs, ce sont des Rongeurs qui ont quelque ressemblance avec les Lagomys, un peu la forme des doigts, à l'exception de celle des ongles; mais le nombre, et surtout la forme des dents. rapprochent les Damans des Pachydermes et principalement des Rhinocéros, avec lesquels l'absence de vésicule du fiel et l'articulation de l’apophyse transverse de la dernière lombaire avec le sacrum établissent encore évidemment quelques rapports. Mais ces animaux n'en conservent pas moins un assez bon nombre de caractères qui leur sont propres, et cela dans plusieurs parties de l’organisa- tion. Dans l’appareil locomoteur, le grand nombre des vertèbres troncales, vingt-neuf, dont huit lom- baires; la singularité de l'os hyoïde et le carpe, la disposition complétement plantigrade des pieds, la PACIYDERMES. 45 forme singulière d’un des doigts et celle des ongles; dans l'appareil intestinal, anomalie d'un second estomac au milieu de l'intestin grêle, d'une paire de cœcums entre la fin de celui-ci et le commence- ment du gros, constitue un ensemble organique tout à fait particulier, et doit faire de ces animaux une famille particulière. ( Les Grecs et les Romains semblent n'avoir pas connu le Daman. Prosper Alpin, en 1580, et Shaw, qui visitèrent successivement la Syrie, ont les premiers parlé, sous le nom de Daman, d'un animal connu au mont Sinaï : Daman paraît être une altération du mot Ghannem, par lequel les Arabes indi- quent le même animal. Shaw fait surtout attention à cet animal, dont la taille ne dépasse guère celle de la Marmotte, parce qu'il erut y reconnaître l'animal dont il est plusieurs fois question dans la Bible sous le nom de Saphan, et cela parait aujourd'hui tout à fait certain. Au chapitre onzième, verset cinquième du Lévitique, le Saphan est mis au nombre des animaux dont la char est interdite aux Hébreux; les Septante avaient traduit le mot Saphan par yupeypcnue, Hérisson; d'un autre côté, on avait pensé que ce pouvait être le Cuniculus ou Lapin; Brochart avait eru ÿ reconnaître la Gerboise; mais, et d’après l'opinion d'Ehrenberg et de De Blainville, c’est du Daman dont il était plutôt question. Plusieurs points de la côte orientale d'Afrique avaient aussi fourni des animaux de ce genre; Salt et Bruce l'avaient signalé en Nubie et en Abyssinie sous les noms de Geke et Askhoki; Ladolf l'avait antérieurement vu en Abyssinie; les Hollandais, et surtout Kolbe, le signalèrent au Cap. En 1760, Vosmaer en reçut un exemplaire en Hollande, et Pallas en donna la première description. Un peu plus tard, Hermann en fit un genre sous la dénomination d'Hyraæ, d’après le mot 948, employé par Ni- candre, et que l'on prétend avoir désigné la Souris chez les Étoliens, ou peut-être mieux la Musarai- gne. Daubenton décrivit les dents de ce Mammifère dans l'ouvrage de Buffon. En 1804, G. Cuvier recounut que le Daman devait être rangé parmi les Pachydermes; depuis, Fr. Cuvier, Ehrenberg, De Blainville (Ostéographie) et M. Jourdan publièrent des détails importants sur les animaux de ce groupe naturel. Le Daman est de la taille de la Marmotte, et il lui ressemble assez bien par les proportions; il est cependant plus allongé, mieux disposé pour la marche ou la course, et dépourvu de queue à l'exté- rieur; il n'en a pas non plus la tête, et sa physionomie a quelque chose de particulier, autant par elle- même que par les longues vibrisses que présente la face. Les pieds antérieurs ont quatre doigts, ei les postérieurs seulement trois; tous séparés entre eux et terminés par de petits ongles en sabots, aplatis, sauf le doigt interne des postérieurs, qui porte un ongle plus allongé et comme subulé, bien qu'il s’use à son extrémité : les quatre extrémités sont plantigrades et à plante et paume nus. Les dents ont été successivement décrites par Daubenton, par Pallas, par G. et Fr. Cuvier, et plus récemment par De Blainville, et, ce qui est très-remarquable, c’est que les molaires, au nombre de sept paires à chaque mâchoire chez l'adulte, sont tout à fait conformées comme celles des Rhinocéros, des Lophio- dons et des Palæothériums. Nous renvoyons à ce que nous avons dit dans nos généralités sur ces dents; toutefois nous devons remarquer que De Blainville n'en donne pas la même signification que G. Cuvier, que dans les jeunes sujets le nombre des molaires est moindre que dans les adultes, et qu'au contraire il y a plus d’incisives, et enfin qu'à des âges intermédiaires le nombre des dents peut varier assez considérablement : ce que nous en avons dit dans nos généralités est extrait de Fr. Cuvier. Les dents indiquent un régime herbivore, et l'intestin présente lui-même plusieurs particularités en rapport avec cette manière de vivre que Pallas a le premier signalée. L'estomac est simple, quoique volu- mineux, et rien n'indique que l'animal puisse ruminer, comme on l’a dit du Saphan, et des observa- tions faites sur des individus vivants prouvent qu'il n’en est rien. L’intestin grêle a près de deux mè- tres de longueur, et présente au delà du côlon un cœcum considérable, et à la naissance du rectum une paire d'autres cœcums, comparables aux cœæcums pairs des Oiseaux, et dirigés comme eux vers le côlon. La capacité de ce double appareil est considérable; aucun autre Mammifère, excepté le Fourmilier didactyle, ne présente rien de semblable. La vulve des femelles s'ouvre par un orifice assez rapproché de l'anus; dans le mâle, il n’y a pas de serotum, et l'organe excitateur est libre. Le squelette, d'abord étudié par Daubenton, Pallas et G. Cuvier, l'a été plus complétement par De Blain- ville. Le squelette du Daman de Syrie, pris pour type, rappelle assez bien, dans sa forme générale, celui du Lagomys par la disposition assez ramassée et la courbure fortement prononcée en sens inverse des régions cervicale et lombaire de la colonne vertébrale, aussi bien que par la disposition des membres: et, quoique la série dorsale des vertébres soit évidemment bien plus nombreuse que 16 HISTOIRE NATURELLE. dans les Léporides, ce qui ressemble un peu aux Pachydermes, la longueur de la région lombaire et le nombre de ces vertèbres est bien mieux comme dans les Lapins, ce qu'on peut également dire de la brièveté de la queue. Le nombre total des vertèbres est de cinquante-trois : quatre céphaliques, sept cervicales, vingt ou même vingt et une dorsales, huit lombaires, six sacrées et cinq cocey- giennes, combinaison particulière et qui ne se retrouve guère dans aucun autre genre actuellement vivant. La tête a véritablement quelque chose de celle du Rhinocéros, en arrière surtout, plus que de celle des Léporides, par sa forme assez raccourcie, pyramidale, élargie verticalement en arrière, atténuée assez rapidement et comme tronquée en avant; mais elle en diffère, au premier aspect, par la brièveté de la face, la position avancée de l'orbite, et surtout par la forme des os du nez, qui sont articulés avec les incisifs, et ces derniers ayant un développement proportionnel à la force des inci- sives. L'hyoïde a un corps trés-plat, en forme d’écaille, bien symétrique, un peu étranglé dans son milieu, et ses cornes ont des formes particulières. Le sternum est assez étendu, s'élargit légèrement d'avant en arrière, et rappelle assez bien celui du Cabiai. Il y a vingt côtes : sept sternales et treize asternales. Les membres sont très-éloignés entre eux : les antérieurs très-avancés vers la tête, et les postérieurs assez reculés par suite de la longueur des lombes. L'omoplate, par sa forme, rappelle celui des Chevaux. L'humérus est percé, comme celui des Cochons, d’un trou olécränien. Le doigt auriculaire existe en rudiment sous la peau, mais aux membres antérieurs seulement. Les membres postérieurs sont un peu plus allongés que les antérieurs. L'os des iles est assez bien de la même longueur que l’omoplate dans sa partie osseuse. Le fémur ne présente qu'un faible rudiment du troi- sième trochanter des Rhinocéros. Le pied, moins long que la jambe, est cependant plus allongé et surtout beaucoup plus étroit que la main. Quelques différences se remarquent selon l’âge et le sexe; mais elles sont surtout beaucoup plus marquées selon les espèces admises dans ce genre. Les Damans fréquentent de préférence les endroits rocailleux, et c’est dans des trous de rocher qu'ils se retirent. C'est là une de leurs habitudes les plus caractéristiques et l'un des traits au moyen desquels on est arrivé à la signification du mot Saphan. Quoique interdite aux Hébreux, peut-être parce qu'ils la recherchaient trop, la chair des Damans n’a rien de désagréable, et les Arabes, ainsi que les chrétiens, la mangent encore fréquemment. On les prend avec des piéges formés de pierres, à la manière de ceux que les enfants préparent chez nous pour prendre les Moineaux; mais la fosse doit être pavée, parce que les Damans fouissent avec une grande facilité. Leur régime est herbivore dons l’état de nature. Leur humeur est douce, eton les apprivoise aisément; on peut même les laisser errer librement dans les habitations, où ils se nourrissent des débris de la cuisine. On assure qu'ils tuent les Rats. Plusieurs Damans ont été apportés vivants à la ménagerie du Muséum et y ont vécu assez longtemps; aussi pourrait-on avoir l'espérance de pouvoir les acelimater et les rendre domestiques chez nous. Fr. Cuvier, dans son Histoire naturelle des Mammifères du Mu- séum, a donné des détails auxquels nous renvoyons sur les habitudes d'un individu qu'il avait lorg- temps observé. On connait aujourd'hui quatre ou cinq espèces de Daman; trois ou quatre de ees espèces habitent toute la partie sud-est de l'Afrique, et une seule la partie asiatique, mais limitée à la Syrie, à la Palestine et à l'Arabie; elles sont caractérisées par le système dentaire, incisif et molaire, anssi bien que par quelques particularités du squelette, et entre autres par la forme du crâne. Aucun os- sement fossile n’a été attribué à ce genre; car celui des Hyracotheriwn, Owen, qu'on en avait rap- proché, est plus voisin des Chœropotames que des Damans. L'espèce type est le : DAMAN DE SYRIE. HYRAX SYRIACUS. Hemprig et Ebrenberg. Caracrënes spéciriques. — Poils roides, brun fauve en dessus; pas de bande dorsale; une tache médiane d’un blanc fauve; dessous blanchâtre; tête assez grêle, ainsi que la mandibule; barre den- taire étroite; avant-bras, pattes et omoplates un peu plus grèles. Cette espèce, qui est le Daman Israecs de Buffon, et qui est la plus anciennement connue, habite principalement le mont Sinaï. Les autres espèces sont, 1° Le Daman pu Car (Hyrax Capensis, @. Cuvier), Manmorte pu Car (Cavia PACHYDERMES. 17 Capensis, Pallas), du cap de Bonne-Espérance; 2° Daman pu Doncora (Hyrax ruficeps, Hempr. et Ehr.), du Dongola; 3° Dawan n'Asyssie (Hyraxæ Habessinicus, Hempr. et Ehr.) ou Ascuxoro, Bruce; MARMOTTE SANS queur, Pennant, propre à l'Abyssinie, dont Illiger a fait le type de son genre Lipu- rus; 4 Hyrax arboreus, Smith, qui diffère beaucoup des autres, et se rencontre au cap de Bonne- Espérance. QUATRIÈME FAMILLE, PALÆOTHÉRIDÉES. PALÆOTHERIDÆ. Nobis. Nous comprendrons sous ce nom une petite famille de Pachydermes qui ne renferme qu'un nombre assez restreint d'espèces, toutes fossiles, et qui formaient le genre Palæotherium de G. Cuvier. Deux genres seulement, ceux des Palæothériums et des Anchitériums, que l'on pourrait peut-être même ne considérer que comme en étant une subdivision, forment cette famille, qui semble intermé- diaire entre les Rhinocéros et les Tapirs. 4e" GENRE. — PALÆOTHÉRIUM. PALÆOTHERIUM. G. Cuvier, 1804. Haas, ancien; Tng, animal. Annales du Muséum, t. II. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, 5; canines, {=f; molaires, 7-7 ou ==; ; en totalité quarante-deux ou quarante dents. Incisives rangées sur une même ligne, en forme de coins, médiocrement fortes; canines coniques, peu longues, s'entre-croisant entre elles; une barre, courte ou lonque sui- vant les espèces, séparant les molaires des canines; molaires supérieures de forme carrée et à qua- tre racines, à deux collines relevées par leur bord externe et séparées l'une de l’autre par un val- lon rentrant par le bord interne : inférieures à deux croissants successifs; fausses molaires plus ou moins différentes des vraies molaires; dernières molaires supérieure et inférieure toujours plus longues que les autres, et l'inférieure pourvue d'un troisième lobe. Tête ayant une forme à peu près semblable à celle des Tapirs. Os propres du nez très-courts et minces, surplombant seulement sur la partie postérieure de l'ouverture nasale, et ayant très-vrai- semblablement donné attache aux muscles d'une pelite trompe mobile. Fosses orbitaires et tempo- rales séparées supérieurement par une saillie bien marquée; la première de ces fosses très-petite et moins haute que la seconde, d'où il suit que l'œil devait être petit et bas. Arcades zygomatiques assez saillantes. Crâne très-élroit à la hauteur des fosses temporales, qui sont énormes. Méat au- ditif très-petit, non relevé, d’où l'on conclut que l'oreille éiait attachée très-bas. Face occipitale très-petite. Crêtes de l'occiput très-saillantes. Extrémités médiocrement relevées. Cubitus et radius, tibia et péroné distincts. Trois doigts à chaque pied, dont celui du milieu est le plus gros : les deux autres presque égaux entre eux. Queue d'une longueur médiocre. Vers la fin du siècle dernier, la disposition et la composition des roches qui forment le bassin de Paris, et principalement celles du gypse de Montmartre, avaient été étudiées par des géologues d'une réputation justement méritée, comme Manuet, Guettard, Lamanon, Pralon, Nicolas Desmarest, Coupé; P 5 18 HISTOIRE NATURELLE. et plus récemment par A. Brongniart; mais la présence des ossements fossiles, depuis longtemps indiquée par les ouvriers qui exploitent ce gypse pour le transformer en plâtre, n'a été scientifique- ment connue que par les travaux de Pasmont, Guettard, et surtout de Lamanon, qui, le premier, fit assez bien connaître les animaux qui nous occupent. Mais c’est surtout à G. Cuvier, dans une suite d'ouvrages publiés de 1798 à 1895, qu'était réservée la gloire de faire parfaitement connaître ces animaux, et, par cette étude approfondie, de créer en quelque sorte la paléontologie, et de douner surtout une impulsion toute nouvelle à cette science, qui chaque jour fait des progrès immenses, et qui a si considérablement agrandi le cercle de la zoologie. Comme on doit s'y attendre, il dut yavoir, suivant les découvertes successives, de grands tâtonnements dans les travaux de notre grand natu- raliste, et dès sa nouvelle création la science paléontologique ne put pas être fondée sur les mêmes bases où elle repose aujourd'hui. C’est ainsi qu'en créant son genre Palæotherium, G. Cuvier y comprenait des espèces qui, mieux étudiées par son créateur lui-même et par ses nombreux succes- seurs, ont dù servir de types à des genres particuliers qui eux-mêmes en ont été plus ou moins éloignés dans la série zoologique : les Lophiodons, les Chæropotames, les Anoplothériums, étaient compris, à l'origine, dans le genre Palæothérium , et en furent séparés par G. Cuvier, puis le nom- bre des espèces particulières au genre que nous étudions fut assez considérablement augmenté. D’a- bord trouvés uniquement auprès de Paris, des Palæothériums furent découverts en Auvergne, à Eppelsheim, à Sansan, à Montpellier, en Angleterre, ete., et plus récemment même dans les riches dépôts des sous-Himalayas. De nombreux auteurs s’occupèrent de ces animaux : De Blainville leur consacra un fascicule de son Ostéographie, et un grand nombre de paléontologistes, tels que MM. Kaup, Meyer, Pentland, Lartet, Fischer de Waldheim, Laurillard, Owen, P. Gervais, Pomel et beaucoup d’autres, publièrent d'important mémoires sur ces animaux. Quelques coupes génériques ou sous-génériques ont été formées avec les Palæwotherium;: nous les indiquerons, d’après le travail qu'en a publié M. P. Gervais dans sa Zoologie et Paléontologie françaises, et nous n’en distrairons qu'un seul genre, celui des Anchitherium. Fig. 4. — Palcothérium aux pieds épais. Le genre Palæotherium, qui est peut-être, de tous ceux que l’on a découverts parmi les Mammi- fères fossiles, celui dont il est le plus question, et qui a excité au plus haut degré la curiosité des personnes étrangères à l'histoire naturelle, est aussi l’un des plus importants à connaître pour les zoologistes et surtout pour les paléontologistes. Ces espèces, toutes éteintes, sont assez nombreuses, quoique De Blainville ait cherché à les restreindre considérablement, et la plupart d’entre elles sont assez faciles à déterminer. Elles ont existé, à ce qu'il semble, exclusivement pendant les premiers âges de la période tertiaire; leurs débris sont principalement enfouis dans les gypses de Montmartre et autres lieux des environs de Paris, tels que Pantin, Grolay, Montmorency, Franconville, Vanvres, Charonne, Villejuif, ete.; en France, on en a trouvé dans beaucoup d’autres localités, telles que dans les plâtrières de Meaux, dans les gypses d'Aix et dans ceux de Murmaison dans le département de Vaucluse; dans les lignites de la butte de Perréal, près Apt et Gargas; à Saint-Gely, près Montpel- lier; auprès de Toulouse; à Graves, dans le département de la Dordogne; à Eyrans, dans la Gi- PACHYDERMES. 19 ronde; à Saillans, près Libourne; dans les landes de Bordeaux; à Castelnaudary, ete.; et, outre toutes ces localités françaises, il en a été signalé en Angleterre, en Allemagne, en Asie, ainsi que nous l'avons dit. Plusieurs des gisements dont il vient d’être fait mention fournissent des espèces identi- ques à celles de Paris; quelques-uns d’entre eux cependant présentent des espèces que l'on n’a pas pu assimiler à celles de nos environs, et qui semblent en être bien distinctes. Les ossements de Palæothériums, comme tous ceux que l'on rencontre dans le plâtre dé Paris, quoique assez souvent isolés, se trouvent réunis parfois en portions plus ou moins grandes de sque- lettes, et, pour le plus grand nombre, ils ne sont pas roulés; ce qui annonce que les animaux dont ces plâtrières ont conservé les restes vivaient non loin des lieux où on les trouve, et probablement sur les bords du grand lac dans lequel ce terrain d'eau douce est formé. Leurs cadavres étaient en- trainés par les cours d'eau qui se jetaient dans ce lac, et, comme il devait exister de l’acide sulfu- rique dans les lieux où.se formait du plâtre, on conçoit que cet acide dut accélérer la désagrégation des squelettes par son action sur les tissus mous. Les Palæothériums sont associés avec les Anoplo- thériums, les Chœæropotames, les Hyénodons, et avec des ossements de Crocodiles et de Tortues; et, pour les espèces dont on fait le geure Anchithérium, avec des ossements de Mastodontes, de Dino- thériums et de Rhinocéros. La place que l'on doit assigner à ces animaux ne doit pas être trop éloi- gnée des Rhinocéros et des Tapirs : ils se rattachent aussi à des groupes fossiles, tels que les Lo- phiodons et les Anchithériums, qui tend, de leur côté, à les réunir aux Tapirs et aux Chevaux. Ce serait sortir de la limite que nous nous sommes tracée que de reproduire ici les caractères ostéologiques et odontologiques des Palæothériums; nous nous bornerons donc à ce que nous avons dit dans nos générations génériques, et pour plus de détails nous renverrons à l'ouvrage de G. Cu- vier sur les Ossements fossiles, à l'Ostéographie de De Blainville, à la Zoologie et Paléontologie française de M. Paul Gervais et à l'article Palæwotherium de Laurillard, inséré dans le Dictionnaire universel d'histoire naturelle, et nous terminons en indiquant les principales espèces françaises. Nous ferons observer que le nombre de ces espèces, réellement trop considérable, et fondées pour la plupart sur des différences de taille, a été aussi, en sens inverse, beaucoup trop restreint par De Blainville. L. ProracroTHERUN (+se, en avant; Palæothérium), P. Gervais (Compies rendus de l’Académie des Sciences, t. XXIX). — Molaires supérieures assez semblables à celles des Lophiodons : inférieures ayant une disposition de leurs croissants intermédiaire à celles des Pachynolophes et des Palæo- thériums : la dernière pourvue d'un troisième lobe portant une fossette oblongue sur la couronne. Deux espèces : 4° Palæotherium Isselanum, G. Cuvier, d'Issel (Ande) et de Buschweiller (Bas- Rhin); 2° Propalæotherium Argentonium, P. Gervais. indiqué comme Palæothérium d'Orléans, trouvé à Argenton? par G. Cuvier, et rencontré à Argenton (Indre). IL. PasæorTnenum aurtorum (Pal. commune, De Blainville). — Molaires, 7=7 : première supé- rieure el inférieure seule notablement plus petite que les autres, et à un seul lobe; les autres à deux lobes, sauf la septième inférieure, qui est à trois lobes ou collines; lobes des dents supérieures as- sex peu différents de ceux des Rhinocéros; lobes des inférieures en forme de croissants, à con- veæilé externe; barre fort courte; canines assez saillantes. Un grand nombre d'espèces, parmi lesquelles nous citerons seulement les Palæotherium suivants : — P. magnum, G. Cuvier, de la taille du Rhinocéros de Java où d’un Cheval, mais plus trapu; les doigts très-courts; le métacarpien médius est long de 0",190 et large de 0",035 au railieu; de Paris et du Puy en Velay, mais ce dernier constituant probablement une espèce (P. Aniciense, P. Gervais); — P. Girondicum, P. Gervais, de la Graves et d'Apt; — P. crassum, G. Cuvier, plus petit que le précédent, mais à jambes plus courtes; le métacarpien médius long de 0,1 17, large du 0,023; de Paris, d'Apt, ete.; — P. indeterminatum, G. Cuvier, intermédiaire de taille entre le P. medium et le P. crassum, de Paris; — P. medium, G. Cuvier, de la grandeur d'un Cochon de moyenne taille; les jambes grèles; le métacarpien médius long de 0,195, large de 0",015; de Paris, d'Apt, de Graves; — P. velanum, G. Cuvier, du Puy; — P. latum, G. Cuvier, un peu plus petit que le précédent. mais à pieds plus courts, plus larges; le métacarpien médius long de 0",085, large de 0,20; de 20 HISTOIRE NATURELLE. Paris; — P. curtum, G. Cuvier, encore plus petit que le précédent, à pieds très courts; longueur du métacarpien externe, 0",065; large de 0°,018; de Paris. II, — Molaires, 7; les trois premières inférieures à un seul lobe complet, presque triangulaire: le deuxième lobe remplacé par un talon croissant en volume de la première à la troisième dent; la seplième à trois collines; les intermédiaires sans boucle en arrière des deux lobes; barre assez longue. Une seule espèce, Palæotherium ovinum, Aymard, du Puy (Haute-Loire). IV. PacorcorTHerium, Owen (Athæneum, 1847). Plagiolophus, Pomel (Bibl. univ. de Genève. Archives, t. VII, 1847). — Molaires, $=$? ou 7=T, à cément; les deux avant-dernières inférieures pourvues, en arrière du second lobe, d'un petit talon en tubercule qui se elie, par l'usure, au croissant sous forme de boucle; la dernière à trois lobes; barre assez grande; canines faibles. Deux espèces : 1° P. minus, G. Cuvier, plus petit qu’un Chevreuil, à jambes grêles et légères; des environs de Paris, d’Apt, de la Grave, etc.; 2° P. annectens, Owen, dans l’éocène, en Angleterre; de Gargas, dans le département de Vaucluse. 2me GENRE. — ANCHITÉRIUM. ANCHITHERIUM. Meyer, 1843. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, %; canines, =!; molaires, =; en totalité quarante-deux dents. Molaires sans cément; la première de chaque mâchoire beaucoup plus petite que les autres : supé- rieures à deux collines obliques, rejoignant le bord externe qui montre deux échancrures: infé- rieures à deux lobes en croissants successifs, avec ou sans vestige d’un tubercule au lieu de troisième colline à la septième; correspondante supérieure également plus courte que chez les Palwo- thériums. Troisième trochanter du fémur plus rapproché du second que chez ces derniers. Astragale un peu plus semblable à celui des Chevaux. Doigts au nombre de trois en avant et en arrière, plus longs encore que ceux des Palæothériums, minces et plus semblables à ceux des Hipparions. Ce genre, que M. De Christol (Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1847) propose de nommer Hipporitherium, a pour type le Palæotherium Aurelianense de G. Cuvier, et semble éta- blir le passage des Palæotherium aux Equus. On n’en connait que deux espèces : 1° Achitherium Aurelianense, Meyer, G. Cuvier, du calcaire lacustre de Montabuzard, près Orléans; de Montpellier (P. Monspesulanum, Ve Blainville) et de Sansan, où il est indiqué par M. Lartet sous les noms de P, equinum et hipoides ; 2° A. Dumasii, P. Gervais, dans un calcaire d’eau douce et dans les marnes de l’époque éocène de Fous, près Nimes et d’Alais, département du Gard. Le genre CHALICOTHÉRIUM (Chalicotherium) (yaxë, pierre; 6n2, animal) de M. Kaup (Ossements fossiles, 1838), ayant pour type le C. antiquus, Kaup; C. Goldfusii, Buckland, d'Eppelsheim, est, selon quelques auteurs, très-voisin de ces deux genres et de celui des Tapirs; mais, ainsi que nous le dirons, il paraît plutôt devoir être rangé à côté des Anoplotherium. PACHYDERMES, CINQUIÈME FAMILLE. TAPIRIDES. TAPIRIDÆ. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Nous comprendrons dans cette famille, créée par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et qui corres- pond à celles des Tapirii de Vicq D’Azyr et T'apirina de Gray, le genre des Tapirs et les deux groupes fossiles des Lophiodons et des Tapirothériums, qui ont avec eux de grands rapports. Les Tapiridés sont caractérisés principalement par leur système dentairé, et dans les espèces vi- vantes par leur nez prolongé en une petite trompe, par leurs extrémités antérieures à quatre doigts, et les postérieures à trois seulement, par leur taille assez grande, etc. On n’en connaît que trois espèces vivantes propres à l'Amérique et aux îles de l'archipel Indien, et un nombre un peu plus considérable d'espèces fossiles presque toutes particulières à l'Europe. 1 GENRE. — TAPIR. TAPIRUS. Brisson, 1756. Nom spécifique transporté au genre. Règne animal. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, $; canines, =; molaires, =; en totalité quarante-deux dents. Incisives des deux machoires s’opposant en pinces entre elles; intermédiaires courtes, en biseau, tronquées carrément; latérales assez semblables à des canines : celles-ci moyennes, coniques, s'entre- croisant comme celles des carnassiers; un espace intermédiaire entre les canines et les molaires : ces dernières carrées, à couronne marquée de deux collines transverses. x Nez prolongé en une trompe mobile, assez courte, non préhensile comme celle des Éléphanits. Yeux petits. Oreilles longues, mobiles. Langue douce. Pieds de devant pourvus de quatre doigts à sabots courts, arrondis; pieds de derrière à trois doigts seulement. : Queue très-courte. Taille moyennement grande. Peau dure, couverte de poils clair-semés. Deux mamelles inquinales chez les femelles : celles des mâles placées sur le fourreau de la verge. Le Tapir étant le plus grand Mammifère actuellement vivant dans l'Amérique méridionale, et de plus étant susceptible d’être facilement apprivoisé, a été signalé dès les premiers temps de la décou- verte du nouveau monde : aussi en est-il fait mention dans plusieurs des ouvrages qui ont été écrits sur l'histoire de la conquête de l'Amérique méridionale par les Espagnols ; et cependant, ainsi que l'a fait remarquer il y a déjà longtemps G. Cuvier, ce n’est que de nos jours, à la fin du siècle dernier, que le système dentaire du Tapir a été suffisamment connu pour le nombre et la forme des parties qui le composent; alors seulement il a été possible de caractériser ce genre autrement que par le nombre des doigts, quatre en avant, trois en arrière, par la particularité de son nez prolongé en une petite trompe mobile, entrainant la lèvre supérieure, ainsi que par la nudité presque complète de la peau, et la forme générale d’un grand Cochon à queue très-courte : on s’est assuré, en effet, aussitôt qu'on a pu avoir la tête osseuse d'un individu adulte, que le Tapir est pourvu de trois paires d'inci- sives et d’une paire de canines, très-avancées, aux deux mâchoires, outre sept molaires en haut et 99 HISTOIRE NATURELLE, six seulement en bas, facilement caractérisées, en général, par leur forme carrée et leur composition de deux collines transverses presque régulières. Ces dents ont été étudiées avec beaucoup de soin par suite de la découverte, dans notre Europe, d'espèces fossiles qui en sont très-voisines, et qu'on y avait même rapportées. Comme particularités biologiques, on peut dire que ce sont des animaux as- sez grossiers sans doute, mais doux et faciles à apprivoiser, vivant solitairement de branchages, de fruits, de graines tombés, dans des lieux en général boisés et assez aquatiques, ne produisant qu'un à deux petits tout au plus, et dont la vie parait devoir être assez longue. Le Tapir a d'abord été introduit dans les catalogues systématiques comme une espèce d'Iippopo- tame; Linné le nomme Hippopotamus terrestris : c’est l'Hydrochærus Tapir d'Erxleben etle Tapirus Anmericanus de Gmelin. Cette dernière appellation est celle que lui ont conservée les naturalistes. Brisson avait proposé, le premier, en 17692, de faire du Tapir le type d’un genre à part; et son genre T'apirus constitue à lui seul le dixième ordre de sa méthode mammalogique. Pendant longtemps on a cru qu’il n'existait qu’une seule espèce vivante de Tapir, le Tapirus Ame- ricanus; mais assez récemment on en a fait connaître deux autres, une espèce indienne et une se- conde espèce américaine. L'histoire zoologique et anatomique de ce genre n’ayant guère été faite que sur le Tapir d'Amérique, nous allons donner l'historique de cette espèce en prenant principale- mént pour-guide l'important mémoire inséré par M. Roulin dans les travaux des savants étrangers de l'Académie des sciences, et ayant pour titre : Mémoire pour servir à l'histoire du Tapir et des- cripüon d'une espèce nouvelle appartenant aux hautes régions de la Cordillère des Andes, et nous dirons ensuite quelques mots des deux autres. Quoique le Tapirus Americanus soit le plus grand Pachyderme actuel de l'Amérique méridio- nale, et, avec le Lama et le Cerf des marais, le plus grand des Mammifères de ce pays, il n’est ce- pendant pas mentionné dans les récits des premiers conquérants espagnols qui revinrent d'Améri- que, et, toutefois, il est communément répandu sur tous les points de la côte ferme, où abordèrent successivement Christophe Colomb, Vespuce, Peralonso, Nino, Pinzon et Cabral. Son existence resta ignorée jusqu'à l'époque des expéditions qui eurent pour résultat la fondation de la colonie de Da- rien, dans la mer des Antilles. Les premiers renseignements sur le Tapir arrivèrent en Europe vers la fin de l’année 1500, et, l'année suivante, P. Martyn en fit usage pour une indication du Tapir, in- dication très-inexacte, il est vrai, mais cependant reconnaissable au trait caractéristique de l’exis- tence de la trompe. Des détails beaucoup meilleurs, et destinés aux voyageurs eux-mêmes, se lisent dans le Sommaire de l'Histoire naturelle et générale des Indes, que donna, en 1526, Oviedo, et où ilindiqua le Tapir sous les dénominations de Boeri, Anta et Danda. Les écrivains qui succédèrent à Oviedo parlent des Tapirs sous différents noms qui sont pour la plupart empruntés aux dialectes indigènes ; Gomora, en 1553, le signala, dans la province de Gumana, sous celui de Capa; Thenet (1556), sous celui de Tapchire, et Lery (178), sous celui de T'aperousson; l'un et l’autre emprun- tés à la langue des Indiens de Rio-Janeiro, mais un peu altérés. Claude D'Abbeville emploie celui de Tapigre, usité près de l'embouchure de l'Amazone, et Laërt celui de Maïpouri, vulgaire à Cayenne; Hernandez le cite parmi ses animaux du Mexique et l'appelle Tlacoxoloté; c'est encore la Vache montagnarde de Dampier, le Tapiraqguina de Pison etle Mborebi de D'Azara. Buffon en a parlé sous les noms de T'apir et d’Anta, et les renseignements qu'il donne sont pour la plupart empruntés à Laborde et à Bojan, médecin français qui avait habité Cayenne. Linné en donna la description sous le nom latin de T'apirus Americanus, qui a été scientifiquement adopté; et les travaux de G. et Fr. Cu- vier, de De Blainville et de M. Roulin le firent complétement Connaitre en France. Ce n’est que dans le dernier siècle qu'on en amena en Europe, et le premier que l’on puisse citer fut montré à Am- sterdam, en 170%, sous le nom de Cheval marin. Allamand en vit deux autres en Hollande, mais beaucoup plus tard, vers 1774, un mâle dans la ménagerie du prince d'Orange et une femelle dans une ménagerie particulière, et tous deux fort jeunes. Buffon, vers la même époque, en observa éga- lement un dans une ménagerie particulière à Paris, où il véent peu de temps, et il eut depuis l'occa- sion d'en voir un autre tout nouvellement mort, qui, lui ayant été envoyé de l'Amérique, avait vécu jusqu'à une vingtaine de lieues de Paris, et dont il fit faire l'anatomie sous ses yeux, au Muséum d'Histoire naturelle, par Mertrude : c’est le squelette du même sujet qui servit aux travaux de G. Cu- vier. Depuis ce temps, on a vu, quoique peu fréquemment, des Tapirs dans nos ménageries où ils vivent aisément. PACHYDERMES. 93 La seconde espèce est le Pixenaque, qui a été distingué du Tapirus Americanus par M. Roulin, et cela assez récemment; ce nom spécifique servait à désigner un animal fabuleux dont l'histoire se trouve principalement liée à l'existence des Tapirs dans une haute montagne de la Nouvelle-Grenade, pays d’où elle a été rapportée. On n’en connaît en France que deux crânes et une peau montée pour les galeries du Muséum. C'est le T'apirus Roulinüi, J. B. Fischer; T. pinchaque, De Blainville, et T'. villosus, Tschudi. Le Tapir indien, de même que le Pinchaque, n’a été véritablement connu en Europe que nouvel- lement. Ainsi que l'ont fait remarquer, en 1819, Fr. Cuvier, et quelques années après, en 1895, son frère, G. Cuvier, Diard vit pour la premiere fois cet animal, qu'il nomme Maiba, à Barokpour, près de Caleutta, où il venait d'être apporté de l'ile de Sumatra au marquis de Hastings, gouverneur général de l'Inde. Les Anglais ni les Hollandais de la côte n'avaient jamais soupçonné auparavant l'existence de cet animal dans cette île : Diard trouva, quelque temps après, une tête du même Mam- mifère dans le cabinet de la Société asiatique; elle avait été envoyée, en 1806, de la presqu'ile de Malacca par M. Fargaharie, gouverneur des établissements anglais dans ce pays, où le Tapir est aussi commun que le Rhinocéros et que l'Éléphant. Depuis lors, Diard et Duvaucel ont pris eux- mêmes de ces animaux dans le bois de l'île de Sumatra; ils en ont eu de vivants, en ont disséqué, et ont envoyé au Muséum d'Histoire naturelle le squelette et la peau d'une femelle qui a été montée pour les galeries de zoologie. Ge Tapir n’est pas rare aujourd’hui, et il es aussi connu que celui de l'Amérique. Une remarque assez curieuse a été faite à l'occasion de cette espèce; c'est que depuis longtemps cet animal était connu des Chinois et des Japonais. M. Abel Rémusat a fait remarquer à G. Cuvier des gravures d’une espèce d’encyclopédie japonaise et d'autres dessins chinois qui repré- sentaient évidemment un Tapir; seulement la trompe est un peu exagérée et le corps est noir, tacheté de blanc; mais cette dernière circonstance elle-même n’est probablement pas une erreur, on l’a même expliquée, en supposant que dans son premier âge le Tapir de l'Inde porte une livrée comme ceux d'Amérique, ce que l'observation a confirmé. M. Roulin, dans son mémoire remarquable sur le Tapir, a repris cette question et suppose que le Griffon lui-même pourrait bien n'avoir pas une autre origine. « Ce n’est pas, dit-il, seulement dans le nouveau monde que l'histoire du Tapir se lie à celle d'animaux fabuleux. Le merveilleux Mé des auteurs chinois, cet animal à trompe d'Éléphant, aux yeux de Rhinocéros, aux pieds de Tigre, qui ronge le fer, le cuivre et mange les plus gros Ser- pents, cet animal est un Tapir; mais je ne vois pas que ce soit un Tapir habitant la Chine. L'histoire du Mé me parait fondée sur quelque description incomplète du Tapir de Malacca, et sur quelque re- présentation grossière de cet animal. Les Chinois qui sortent de leur pays appartiennent, sans excep- tion, à la classe la moins éclairée; on n'a done point lieu de s'étonner qu'au retour ils mêlent dans leurs récits des erreurs et même quelques mensonges. La figure que nous connaissons du Mé chi- nois nous montre un Maïba marchant et la trompe en l’air; supposons que dans quelque autre image parvenue plus loin encore, au centre de l'Asie, par exemple, l'animal ait été représenté assis et la trompe pendante : cette figure, pour peu que l'exécution en soit grossière, semblera une copie muti- lée du Griffon des sculpteurs grecs. Conclura-t-on de ces conformités que l'image du Maïba indien a servi de modèle pour la figure du Griffon grec? Ce serait hasarder beaucoup sans doute; cepen- dant quelques renseignemenis historiques peuvent donner un peu plus de poids à cette conjecture : l'histoire du Griffon, telle qu’on la.trouve dans Ælien et dans quelques autres écrivains postérieurs au temps de Ctésius, est une fusion de deux traditions : l’une venant de Perse, et ajustée pour servir d’ex- plication à une image évidemment symbolique; l’autre, plus ancienne, arrivée par la route de l'Inde, et qui pourrait bien se rapporter à la figure d’un animal réellement existant, à celle du Tapir malais. » Il existe en Europe des ossements fossiles de Tapir dont les premiers débris ont été rencontrés dans les couches de sables tertiaires d'Auvergne. Dans son célèbre ouvrage sur les Ossements fossiles, G. Cuvier avait consacré un chapitre aux animaux voisins des Tapirs fossiles découverts à Montmar- tre, dont il fit plus tard son genre Lophiodon. Mais il avait admis pour de grandes dents à collines transverses une espèce de Tapir gigantesque, tout en avertissant qu'il faudrait avoir la preuve de l'existence des incisives et des canines correspondantes à celles de ce genre pour les y laisser; les dents molaires, qui avaient engagé G. Cuvier à établir des Tapirs gigantesques, présentent, en effet, surtout dans les antérieures, une grande ressemblance avec celles des Tapirs, quoique d'un volume trois ou quatre fois plus grand; mais les découvertes faites par M. Kaup ont montré que ces animaux 24 HISTOIRE NATURELLE. n'ont à la mâchoire inférieure que deux fortes incisives recourbées en bas, et que le nombre des molaires n'est que de cinq paires à chaque mâchoire, et ces particularités, jointes à quelques autres, l'ont engagé à en faire un genre distinct, celui des Dinotherium, que l'on à rapproché à juste raison de celui des Éléphants. MM. Deveze et Bouillet sont les premiers qui aient indiqué, dans l’Essai géologique et minéralo- gique sur la montagne de la Boulade, des ossements de vrais Tapirs. Bientôt après, MM. Croizet et Jobert, dans leurs Recherches sur les ossements fossiles du département du Puy-de-Dôme, en signa- lérent quelques autres qu’ils publiérent sous le nom de Tapirus Arvernensis. Enfin MM. De Laizer et Bravard en ont recueilli un nombre assez considérable en Auvergne, et M. Aymard, en Velai, dans les alluvions volcaniques anciennes où se trouvent en même temps des ossements de Mastodontes et de Rhinocéros. Malgré la grande ressemblance de ce Tapir avec les Tapirs vivants, plusieurs parti- cularités semblent annoncer que cette espèce était distincte; outre celles qui ont été signalées par De Blainville dans son Ostéographie du genre Tapir, Laurillard, dans le Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, indique à la mächoire inférieure la position du trou mentonnier, situé à l’a- plomb du bord postérieur de la première molaire, tandis que dans les Tapirs vivants il se trouve au- dessous du premier tiers de cette même dent. M. Marcel De Serre a trouvé, dans les sables marins tertiaires de Montpellier, des ossements de Tapirs qu'il a indiqués sous Le nom de Tapirus nünor, et qui proviennent, en effet, d'individus un peu plus petits que ceux du Tapir d'Auvergne, mais dont la position du trou mentonnier est la même que dans ce dernier. M. Kaup, dans son ouvrage sur les Ossements fossiles du duché de Darmstadt, à établi un Tapirus priscus sur des mächoires qui ont été découvertes dans les sables tertiaires d'Eppelsheim avec les ossements de Dinothériums, de Mas- todontes et de Rhinocéros; ces mâchoires sont un peu plus grandes que celles du Tapir d'Auvergne, et la position du trou mentonnier est même plus en avant que dans les Tapirs vivants. Enfin M Pomel indique un Tapirus Poirieri, qui proviendrait du terrain miocène du Bourbonnais. Mais, ainsi que le fait observer Laurillard, ces légères différences indiquent-elles des espèces diverses? Il n’est pas possible, avec les débris que l’on possède actuellement, de donner une réponse précise à cette ques- tion. Pour des animaux de genres différents, on peut le plus souvent établir un genre sur un seul os: mais, pour des espèces d’un même genre, il faut quelquefois posséder un certain nombre d'os, et parmi eux des têtes presque complètes pour les différencier; et c’est ce que l'on peut observer dans les trois Tapirs actuellement vivants, et non positivement dans les espèces fossiles. Outre les Tapirs fossiles européens que nous venons de signaler, on en à décrit des débris améri- cains. M. Lund à établi son Tapirus suinus pour des ossements qu'il a rencontrés dans des cavernes du Brésil, de la grandeur d'un Cochon de moyenne taille, et M. Harlan, un Tapirus mastodontoides, fondé sur une seule dent, qui pourrait bien n'être, comme De Blainville le pense, que l’une des deux premières dents de Mastodontes. Les afinités zoologiques des Tapirs seraient difficiles à établir si l'on ne tenait compte que des animaux actuellement répandus à la surface du globe. Les trois espèces vivantes de ce genre sont très-intimement liées entre elles; cependant elles n’ont d’analogie réelle avec aucune de celles des autres genres du même ordre; ce sont bien des Pachydermes, mais de ceux qui n’appartiennent ni à la famille des Cochons ou des Hippopotames, ni à celle des Chevaux, ni à celle des Rhinocéros et des Damans; leur liaison avec chacun de ces groupes semble de peu de valeur, et celle qui les unit aux Éléphants ne paraît pas moindre, quoique cependant ils n’aient point les mamelles disposées comme chez ceux-ci, ni les doigts en même nombre qu'eux. Mais cet isolement apparent du genre Tapir dans l'ordre des Pachydermes disparait tout à fait si l’on ajoute à la liste des espèces que nous connaissons aujourd'hui, non-seulement les animaux éteints du genre Tapir, mais surtout ceux plus anciens encore dans la série 20ologique dont on a faitles genres Tapirotherium, Lartet; Lophiodon, G. Cuvier, et peut- être mème celui des Palæotherium. Le Tapirothérium n'est pas un Tapir, mais il diffère encore bien peu des animaux de ce genre; les Laphiodons ne s’en distinguent eux-mêmes que par quelques nuances dans la forme des molaires, et par quelques autres caractères indiquant plutôt un sous-genre ou un genre de la même famille qu'une famille à part; les Palæothériums ont déjà moins d’affinités avec les Tapirs, quoiqu'ils leur ressemblent plus encore que les Rhinocéros, les Chevaux et les Cochons; leurs canines étaient plus fortes que celles des Tapirs; leurs molaires avaient une autre disposition quant aux collines d’émail, et ils ava’ent sept paires de ces dents à chaque mâchoire; la septième, en haut PACHYDERMES. 25 eten bas, ayant, sauf chez le Anchiterium, trois collines au lieu de deux. Quant aux Dinothériums, qui ont également été considérés comme des Tapirs, il est évident, par ce que l’on sait aujourd'hui de leur organisation, qu'ils étaient plus semblables aux Proboscidiens; toutefois ils établissaient le passage de ces derniers aux Tapirs. Pour nous, nous avons cependant cru devoir faire des Palæo- thériums une petite famille distincte que nous avons placée avant les Tapirs, et nous réunirons les Tapirs, Tapirothériums et Lophiodons dans une famille particulière Fig. 5. — Tapir d'Amérique. L'organisation des Tapirs a été étudiée avec soin par un assez grand nombre de naturalistes. L’os- téologie, d'abord commencée par Buffon en 1782, a été donnée plus complétement par G. Cuvier, en 1804, dans les Annales du Muséum d Histoire naturelle, et plus récemment dans ses Recher- ches sur les ossements fossiles. Wiedmann, toutefois, avait décrit auparavant la tête du Tapir d'Amé- rique. Pander et d’Alton ont publié la figure d'un squelette; et dans son Ostéographie, De Blainville a étudié, comparativement sous le point de vue qui nous occupe, les trois espèces vivantes de Tapirs, ainsi que quelques débris d'espèces fossiles. Le squelette du Tapir d'Amérique, pris comme type, rappelle un peu plus celui du Rhinocéros que celui du Cochon, avec quelque chose cependant de celui du Cheval dans l’encolure, c’est-à-dire dans la manière dont la tête est soutenue; pour la croupe, c'est au Cochon qu'il ressemble le plus par la manière dont elle se ravale, quoiqu’elle soit cepen- dant toujours bien plus large que dans ce dernier. Les os qui le composent sont pesants et solides par l'épaisseur de la partie éburnée, et leur mode d'assemblable, fort serré, a beaucoup de rapports avec ce qu'il est chez les Rhinocéros. C’est également le même nombre d'os, sauf aux pieds de de- vant, où un quatrième doigt en donne nécessairement trois de plus. La colonne vertébrale est assez arrondie, et composée de cinquante-trois vertèbres : quatre céphaliques, sept cervicales, dix-huit dorsales, cinq lombaires, sept sacrées et douze coccygiennes; mais ce nombre peut légèrement va- rier suivant les individus. La tête peut être plus convenablement comparée à celle du Rhinocéros qu'à celle du Cheval, surtout dans sa partie postérieure ou crânienne; car, dans la partie faciale, et , La ( 26 HISTOIRE NATURELLE. principalement nasale, il y a un peu plus de rapport avec le Cheval : il a aussi une assez grande res- semblance avec celui des Palæothériums. Ce crâne est assez long, comprimé: les os propres du nez sont relevés et presque cordiformes; l'ouverture nasale est considérable, et la partie antérieure des maxillaires très-prolongée; la partie crânienne est plus ou moins comprimée, et la surface limitée par les fosses temporales est étroite ou simplement en arête, mais non aplatie et oblique, comme chez les Sangliers. Les vertèbres cervicales constituent un cou assez court, assez robuste, assez for- tement concave en dessus, rappelant très-bien, quoique plus relevé, celui des Rhinocéros. Les ver- wbres dorsales ont toutes le corps assez petit, arrondi et convexe en avant comme en arrière, avec un trou rond de chaque côté de la racine de l'arc, derrière l'apophyse transverse, devenue articu- laire, sauf la première, où ce n'est qu'une échancrure profonde; les apophyses épineuses sont très- élevées, inclintes et médiocrement larges pour les premières, et, au contraire, plus courtes et plus larges pour les six dernières. Les vertèbres lombaires ressemblent assez bien aux dernières dor- sales. Le sacrum est long, ovale, un peu arqué, assez large et se continuant d’une manière insensible avec le coceyx. Les vertèbres coccygiennes sont en général petites, larges dans leurs apophyses transverses, et décroissent assez rapidement de grandeur. L’hyoïde ressemble assez à celui du Rhi- nocéros. Le sternum, trés-court, n'est composé que de cinq ou six pièces. Les côtes, au nombre de dix-huit, dix-neuf ou vingt, sout en général assez longues et assez grêles, surtout les dernières. La cavité thoracique est très-grande en hauteur et en longueur; mais elle est assez comprimée, surtout en avant. Les membres sont généralement courts et assez distants entre eux, quoique ceux de cha- que paire soient très-rapprochés. Aux membres antérieurs, lomoplate, plus haute que l'humérus, est en général arrondie, surtout à son bord extérieur, par suite de la grandeur de la fosse sur-épi- neuse, bien plus large que la sous-épineuse. L'humérus, court, presque droit, est assez robuste; son extrémité supérieure étant fortement élargie et presque trapézoïdale dans son plan terminal. L'avant-bras rappelle presque celui du Rhinocéros par la longueur proportionnelle de ses os et leur mode de convexion. Le carpe est également assez semblable à celui du Rhinocéros; le pisiforme est pro- portionnellement plus allongé : la première et la seconde rangées du carpe ont chacune quatre os; les os du métacarpe, aussi au nombre de quatre, portant chacun un doigt complet; les phalanges sont un peu moins courtes et moins déprimées que celles des Rhinocéros. Aux membres postérieurs, le bas- sin a une forme particulière; la forme et les proportions des membres de derrière rappellent parfai- tement ceux des Rhinocéros, encore mieux que ceux de devant, d'autant plus qu'ils ont le même nombre de doigts : le fémur, qui a un troisième trochanter, est droit, plus long que l'humérus; les deux os de la jambe, le tibia et le péroné, sont courts, bien séparés, presque droits; le pied est, en petit, disposé comme celui du Rhinocéros. La rotule est très-épaisse, ovale, un peu irrégulière, et rappelle assez bien celle du Rhinocéros. Des différences assez notables se remarquent dans les têtes des trois espèces de Tapirs, et l’on en a même signalé entre les autres parties du squelette du Tapir indien et du Tapir américain. Le système dentaire du Tapir, d'abord étudié par Bajon, Allamand, Buffon, etc., n’a été bien connu qu'après les travaux de G. et Fr. Cuvier, ainsi que de De Blainville. Ces Pachydermes ont quarante- deux dents lorsqu'ils sont adultes; savoir : trois paires d’incisives à chaque mâchoire, une paire de canines; sept paires de molaires à la mâchoire supérieure et six seulement à l'inférieure. Les inci- sives sont assez faibles, sauf la paire supérieure externe, qui croise en avant la canine d’en bas, est aussi grosse où même plus grosse qu'elle, et dépasse de plus de moitié en volume la canine supé- rieure; l’incisive inférieure externe est, au contraire, la plus petite de toutes. Les canines sont fai- bles et très-rapprochées des incisives, principalement celles d'en bas. Une barre assez longue sépare les canines des molaires, qui sont en série continue, et la forme de celles-ci est appropriée au ré- gime végétal de ces animaux; ces dents rappellent, par les collines transverses dont leur couronne est pourvue, celles de plusieurs genres de Mammifères, les uns voisins, les autres, au contraire, fort éloignés des Tapirs par le reste de leur organisation. Les molaires sont pourvues d’une double col line transverse : la première d'en bas est comprimée et assez différente des autres; il en est de même pour la première de la mâchoire supérieure. Les deux collines de chacune des molaires de cette dernière mâchoire sont jointes par une crête longeant d'avant en arrière le bord externe de la dent. Au contraire, celles d'en bas sont parfaitement séparées et sans jonction. Les deux dernières molaires d’en haut ressemblent à celles-ci : la dernière des inférieures ou la sixième n'a que deux collines PACHYDERMES. 27 comme les autres, au lieu de trois, comme chez les Palæothériums, où les collines sont d’ailleurs en ares successifs et non transversals : elle manque aussi du talon qui la caractérise, au contraire, chez les Lophiodons. Enfin aucune des molaires intermédiaires des Tapirs, ni en haut ni en bas, n’est à trois collines, ainsi que cela se voit chez les Dinothériums, qu'on y avait autrefois réunis. La dentition de lait des Tapirs consiste en trente-six dents ainsi réparties : deux paires d'incisives à chaque mächoire, une paire de canines, trois paires de molaires supérieures et deux seulement d'in- férieures; et ces dents ont à peu près la forme de celles qui devront les remplacer. Bajon avait cru que le Tapir était un animal qui ruminait, et c'est par l'anatomie de son estomac qu'il avait été conduit à cette opinion; mais toutefois il montre que cet estomac n'est pas tout à fait disposé comme celui des Ruminants, et qu'il ne présente que trois poches. Buffon a reconnu facile- ment que cette forme d'estomac devait être comparée à celle du Pécari et non du Bœuf, et l'on sait en effet que le développement des deux culs-de-sac de l'estomac le fait paraître triloculaire, et que le Tapir, comme le Pécari et le Daman, que l'on avait signalés comme doués de la faculté de rumi- ner, ne la possède réellement pas. L'intestin du Tapir disséqué par Mertrude était loug de dix-huit pieds deux pouces, et il présentait un cœcum long de vingt et un pouces. Les parties génitales sont assez semblables à celles des Chevaux, soit dans le mâle, soit dans la femelle. Les mœurs des Tapirs, et ce que nous allons dire s'applique plus particulièrement au Tapirus Americanus, à l'état sauvage, semblent brutales, sans être néanmoins féroces. Ils occasionnent peut-être moins de dégâts et sont moins dangereux pour les chasseurs que les Sangliers, dont ils n'ont pas les fortes défenses. Ils se tiennent, en général, dans les endroits chauds, et sont plus noc- turnes que diurnes; ils passent en effet le jour cachés dans des lieux obscurs et fourrés, et ce n’est que la nuit qu’ils se mettent en marche. Leur nourriture consiste en végétaux de plusieurs sortes et en fruits, parmi lesquels on cite les melons d’eau et les courges : selon D'Azara, ils recherchent aussi la terre salée, qu'on appelle au Paraguay barrero; le Pinchaque a des appétits analogues à ceux du Tapir américain. Ils ne sont pas amphibies, comme on l'a prétendu; mais ils aiment assez l'eau, traversent aisément les rivières et se vautrent avec plaisir dans les marais et les étangs. Dans les forêts qu'ils fréquentent, ils ont, suivant quelques auteurs, des sentiers tracés par eux; mais, suivant d'autres, ce qui est plus probable, ils cheminent au hasard, écartant ou brisant tout ce qui leur fait obstacle; ils avancent résolûment, la tête baissée, et la forme en carène de leur crâne et la dureté de leur peau semblent très-favorables à cette habitude. On rapporte, dit D’Azara, que si le Jaguar se jette sur le Tapir, celui-ci l’entraîne à travers les parties les plus épaisses du bois, jusqu’à ce qu'il ait brisé son ennemi en le faisant passer par les espaces les plus étroits. Les jeunes Tapirs suivent leurs mères pendant très-longtemps. En les prenant à cet âge, il est aisé de les habituer à vivre dans nos habitations. Pris jeunes, ils s’apprivoisent dès le premier jour, et vont par toute la maison sans en sortir, même après être devenus adultes. Tout le monde peut les approcher, les tou- cher et les gratter, ce qu’ils aiment beaucoup, mais sans que pour cela ils préfèrent qui que ce soit et obéissent à personne. Si l’on veut, dit D’Azara, faire sortir d'un lieu le Tapir ainsi familiarisé, il faut presque l’en arracher; il ne mord pas, et, si on l’incommode, il fait entendre un sifflement grêle et très-disproportionné à sa structure. [l boit comme le Cochon, mange de la chair crue ou cuite, des aliments de toute espèce et tout ce qu’il rencontre, sans excepter, dit le même observatenr, les chif- fons de laine, de toile ou de soie. Nos ménageries ont possédé et possèdent assez souvent des Tapirs. Fr. Cuvier, dans son Histoire des Mammifères, publiée en 4825, donne les détails suivants sur les mœurs d’un individu qui vivait au Muséum. « L'animal que nous possédons, jeune encore, il est vrai, est d’une douceur et d'une con- fiance remarquables; il n'est pas de Mammifère domestique qui ait une abnégation aussi complète de sa volonté, et cet état ne dépend d'aucune inconstance particulière; il est le même partout et avec toutes les personnes. Quoique sa gloutonnerie soit assez grande, il ne défend point sa nourriture, et permet à des Chiens et à des Chèvres de la partager avec lui. Lorsque, après avoir été renfermé quel- que temps, on lui donne sa liberté, il témoigne vivement sa joie en courant autour de l'enceinte qui lui sert de pare, et sa course alors est très-rapide et très-prompte. Lorsqu'il veut jouer avec de jeunes Chiens avec lesquels it est élevé, il les saisit par le dos avec ses dents. Sa voix est extrême- ment faible et douce; elle ne consiste qu’en un seul son, et il ne le fait entendre que quand on le contrarie, en le forçant à quitter le lieu qui lui plaît. Il a facilement appris à connaître celui où il 28 HISTOIRE NATURELLE, passe la nuit, et, lorsqu'il souffre un peu du froid, il demande à y rentrer ou s'y rend précipitamment de lui-même. La chaleur lui est fort agréable; il la recherche, même en été: et, durant l'hiver, il se rapproche le plus qu'il peut du foyer. Les uns disent que la chair de cette espèce est agréable; les autres assurent le contraire. Ce qui est certain, c'est que, si elle pouvait avoir quelque utilité pour nous, il serait très-facile de la rendre domestique. » Comme les Tapirs sont propres, surtout si on les compare aux Cochons; que, sans être dociles, ils sont moins turbulents, et que leur taille aussi bien que leur chair doit différer peu de celle de ces derniers, on n’a pas perdu de vue les essais de domestication auxquels ils devaient nécessairement donner lieu. Le savant professeur, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, donne, dans ses Essais de 0olo- gte générale, quelques détails sur le parti que l’on pourrait tirer des Tapirs si l’on réussissait à les acclimater chez nous. « Parmi les Pachydermes, dit-il, il est un animal dont la domestication me semble devoir être immédiatement tentée; c’est le Tapir, et plus spécialement l'espèce américaine, qu'il serait si aisé de se procurer par la Guyane et par le Brésil. Non moins facile à nourrir que le Cochon, le Tapir m'a semblé, par ses instincts naturels, éminemment disposé à la domestication. Au défaut de la société de ses semblables, je l'ai vu rechercher celle de tous les animaux placés près de lui avec un empressement sans exemple chez les autres Mammifères. L'utilité du Tapir serait double pour l'homme. Sa chair, surtout améliorée par un régime convenable, fournirait un aliment à la fois sain et agréable. En même temps, d’une taille bien supérieure à celle &u Cochon, le Tapir pourrait rendre d'importants services, comme bête de somme, d'abord aux habitants de l'Europe méridionale, puis, avec le temps, à ceux de tous les pays tempérés. » Le Tapir approche assez du Cheval par sa forme générale, et il lui ressemble plus qu'au San- glier. Toutefois sa queue si courte et sans crins, sa petite trompe, la forme comprimée de sa tête, ses doigts plus nombreux, ses proportions plus lourdes et par suite moins élégantes, permettent aisé- ment de l'en distinguer, cependant on lui donne parfois les noms de Mule sauvage, de Cheval ma- rin, et c'est sous ces dénominations bizarres ou sous d’autres encore que les ménageries ambu- lantes l'annoncent au public. Il offre un peu en petit la forme d’un très-jeune Éléphant. sa taille est celle d’un Ane ordinaire. Ses oreilles sont en cornet droit; les yeux sont petits, à pupille ronde; la langue est douce; les narines sont au bout de la trompe, mais celle-ci est un simple pro- longement nasal de quelques centimètres seulement au boutoir proboscidiforme plutôt qu'une trompe, qui ne sert ni à saisir ni à humer l’eau comme la trompe de l'Éléphant. Le Tapir prend di- rectement sa nourriture avec sa gueule, et, pour boire, il relève sa trompe de manière à ne point la mouiller. Cet organe n’influe pas non plus sur sa voix. Les espèces de Tapirs sont les suivantes : 1. TAPIR D'AMÉRIQUE. TAPIRUS AMERICANUS. Gmeln. CanaCTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage brun, presque uniforme, mais passant au grisâtre sur la tête et la gorge; poils courts, peu serrés; une petite crinière régnant sur le cou du mâle. Longueur totale du corps et de la tête mesurant environ 2"; hauteur au garrot un peu plus de 4°. I Cette espèce, la plus anciennement connue, et la seule qui soit encore répandue dans les collec- tions, à reçu différents noms que nous avons indiqués; l’on a autrefois confondu avec elle le Pin- chaque. Les jeunes, qu'A. G. Desmarest avait décrits sous le nom de Cabiai éléphantipède dans le Nouveau Dictionnaire d'Histoire naturelle de Deterville, ont le fond du pelage brun fauve, avec des piquetures blanchätres sur la tête et des bandes de même couleur sur le corps, les parties infé- rieures de celui-ci étant blanches. Cet animal n’est pas propre à toute l'Amérique méridionale, comme on l’a dit; on le trouve seule- ment depuis l'Orénoque jusqu'à la Plata, c'est-à-dire depuis Le quinzième degré nord jusqu’au trente- cinquième degré sud environ, mais il n'y en a pas dans la Patagonie, non plus qu’au Chili. 2, TAPIR PINCHAQUE. Roulin. TAPIRUS PINCHAQUE. De Blainville. CARAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pas de plis latéraux sur la w'ompe; pas de crête se prolongeant du front PACHYDERMES. 29 au garrot comme dans l'espèce précédente; des poils longs, très-épais, sans que ceux de la ligne cer- vicale soient disposés en crinière; couleur noirâtre, sans liséré blanc aux oreilles, et, au contraire, avec une sorte de tache blanche à l'extrémité de la mâchoire inférieure, remontant et occupant le bord des lèvres; crâne osseux plus semblable à celui du Tapir de l'Inde qu’à celui du Tapir améri- cain, sous certains rapports, tels que la direction et la largeur de front, le défaut de saillie de la crête bipariétale, la dimension des os du nez et la direction plus rectiligne du bord inférieur de la mâchoire supérieure. Taille un peu moindre que celle du précédent. Cette espèce, le Tapirus Roulinii, G. B. Fischer, et Tapirus villosus, Tschudi, est particulière aux Andes colombiennes, se rencontre surtout dans la province de Santa-Fé-de-Bogota, et il paraît que les deux espèces vivent l’une avec l’autre dans quelques localités. 5. TAPIR INDIEN. TAPIRUS INDICUS. G. Cuvier. CaRAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Corps gros, trapu; trompe un peu plus longue que celle du Tapir américain; poil court, ras; tête, cou, épaules, jambes de devant et de derrière, queue, d’une cou- leur noire assez foncée; dos, croupe, ventre, flancs et extrémités des oreilles, blancs. Taille comme dans le Tapirus Americanus. Cette espèce est le Maïsa de Diard et Fr. Cuvier, le Mé des Chinois; c’est le Tapirus Indicus de G. Cuvier, À. G. Desmarest, De Blainville, etc., et le Tapirus Malayanus, Horsfield. Le jeune, comme dans les deux autres espèces, présente une livrée composée de brun et de blanc. Il vit dans les forèts de la presqu'ile de Malacca, à Sumatra et à Bornéo Pour les espèces fossiles du mème genre, nous nous bornerons à ce que nous avons dit précé- demment, et nous compléterons leur histoire en faisant celle du genre suivant, celui des Lophio- dons, où nous dirons quelques mots des Tapirothériums de M. Lartet, qui sont peut-être de vrais Tapirs. Que GENRE. — LOPHIODON. LOPHIODON. G. Cuvier, 1822. Acoos, crête; cdwv, dent. Ossements fossiles, t. I. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, %; canines, {=}; molaires, $, F7 ou 7-7; en totalité trente- quatre, Lrente-six ou trente-huit dents. Incisives et canines plus ou moins fortes; molaires of- frant, comme dans les Tapirs, des collines ou des crêtes transversales, mais en diffèrent par la plus grande obliquité de leurs collines, par l'absence d'une seconde colline dans les premières molaires supérieures, el par la présence d'une troisième à la dernière molaire du bas. Les deux collines des molaires supérieures reliées par leur bord externe; celles des inférieures bien distinctes ou rele- vées par une pelile crête en dhagonal; toujours un talon ou rudiment de troisième colline à la dernière, sauf dans le Coryphodon. Ouverture nasale et nombre des doigts inconnus. Les Lophiodons, que G. Cuvier considéra dans ses premiers travaux comme une simple subdivi- sion des Palæothériums, ont été distingués génériquement pour la première fois par De Blainville dans le tome IX du Nouveau Dictionnaire d'Histoire naturelle, qui leur a donné le nom de Tapi- rotherium pour rappeler leur rapport avec le genre Tapir; ce n’est que plus tard que G. Cuvier, dans ses Ossements fossiles, édition de 1822, oubliant qu'ils étaient déjà dénommés, les a appelés Lophiodons ; depuis lors, De Blainville les a fait connaitre dans son Ostcographie sous ce même 50 HISTOIRE NATURELLE. nom de Lophiodons; MM. Paul Gervais et Duvernoy s’en sont également servis, et la même déno- mination a aussi été préférée par les autres naturalistes qui ont parlé des Lophiodons; tels sont MM. Lockhart, Laurillard, Richard Owen, etc. Quelques subdivisions génériques ont été formées dans ce groupe naturel; telles sont celles des Coryphodon, Lophiodon proprement dit ou Tapiro- therium, Pachynolophus, Lophiotherium et Tapirulus, dont nous parlerons bientôt. Ces animaux ne sont guère connus que par leur système dentaire, et on ne les a encore observés que dans un assez petit nombre de localités; ils constituent néanmoins plusieurs espèces fossiles à distinguer, quoiqu’on les ait peut-être trop multipliées, et leur observation est d’un haut intérêt sous le point de vue géologique. « En effet, rapporte M. Paul Gervais, quoiqu'on ait signalé des restes de Lophiodons dans des terrains tertiaires d'âge bien différents les uns des autres, et qu’en général on les cite, dans les ouvrages paléontologiques, comme principalement enfouis dans les dépôts mio- cènes, j'ai été conduit, par l'étude que j'ai faite de ces animaux, à les considérer comme essentielle- ment caractéristiques de l’époque éocène moyenne. C’est bien certainement dans les formations éocènes moyennes que les Lophiodons sont enfouis dans le bassin de Paris et à Blaye, et cela d’après les géologues eux-mêmes. Suivant moi, les dépôts lacustres qui les renferment, à Buschweiller (Bas- Rhin), à Argenton (Indre), ainsi qu'à Issel (Aude), sont aussi des dépôts éocènes, quoique les géolo- gues les rattachent, pour la plupart, aux terrains miocènes de la région sous-pyrénéenne, avec les- quels ils n'ont cependant aucune espèce de rapport; on les rapporte même à une époque plus récente encore, ce qui est la manière de voir de M. Roulin. J'ai visité le gisement d'Issel, et M. Émilien Du- mas, qui l’a vu après moi et dans le même but, m’a confirmé daus l’idée que je m’en étais faite. L'opinion que je soutiens sur l’âge réellement éocène des Lophiodons et des Pachynolopes d'Issel, d’Argenton et de Buschweiller, a ainsi pour elle l'autorité de G. Cuvier et de M. R. Owen, à défaut de l'approbation de quelques géologues qui ont malheureusement confondu en un seul et même étage les dépôts à Palæothériums de Gargas, ceux à Lophiodons qui viennent d'être cités, ceux à [Hyæno- dons, Caïnothériums, Anthracothériums, ete., de la Limagne et du Puy; ceux à Mastodontes, Rhino- céros, Amphicyons, etc., du Gers et d’autres lieux encore. » D'après ce que nous venons de rapporter, les véritables Lophiodons et les animaux qui paraissent s’en rapprocher le plus, comme le Coryphodon, le Lophiothérium etle Tapirule, peuvent être considé- rés comme formant un genre de Pachydermes herbivores dont les espèces sont essentiellement carac- téristiques des terrains de la période éocène, et toutes, sauf le Lophiothérium et le Tapirule, parais- sent être antérieurs aux Palæothériums. Nous indiquerons les divisions de ce genre et les espèces principales qu'il renferme, surtout parmi celles qui se trouveut en France. I. Coryrnovo, R. Owen. — Fausses molaires supérieures assez différentes des vraies molaires, plus petites et formées de deux crêtes curvilignes concentriques; dernière molaire inférieure sans talon après son second lobe. Une espèce, Lophiodon anthracoideum, De Blainville; Lophiodon de Soissons où du Laonnais, Coryphodon eocœnus, R. Owen; fossile dans les lignites de l'éocène inférieur aux environs de Sois- sons et du Laon, qu'on appelle cendrières dans ces deux localités, ainsi que dans l'argile de Meu- don, près Paris. Cette espèce, un peu plus grande que les Tapirs actuels, et dont une dent, trouvée près de Soissons, avait été attribuée, à cause de sa taille, au Lophiodon Isselense par G. Cuvier; se trouve principalement en France, et a été aussi signalée en Angleterre. IL. Lornionon, G. Cuvier;, T'apirotherium, De Blainville, Olim. — Molaires supérieures peu différentes les unes des autres, sauf la première et la dernière, au nombre de six, à deux collines incomplétement reliées entre elles pur une crête diagonale, disposition qui est moins évidente pour les deux premières; la dernière pourvue d'un rudiment de troisième lobe en forme de talon. 1° Lophiodon Isselense, G. Cuver, ou grand Lophiodon d'Issel et d'Argenton; fossile à Issel et à Argenton. — 2° L. Parisiense, P. Gervais; fossile dans les marnes du calcaire grossier de quelques localités des environs de Paris, telles que Nanterre, Passy, Vaugirard; et peut-être aussi de Pro- vins, Cuis, près Epernay, Blaye, ete. — 3° L. tapiroides, G. Cuvier; c’est le grand Lophiodon de Buschweiller, qui était plus grand qu'un Tapir. — 4° T. tapirotherium, De Blainville; petit T'apir a ma PACHYDERMES. 51 fossile, G. Cuvier; L. moyen d'Issel, ete.; cette espèce, propre à Issel, paraît semblable à la précé- dente. — 5° L. Buchsowillanum, G. Cuvier, de la grandeur du Tapir des Indes, pourrait bien être réuni aux deux précédentes. — 6° L. medium, G. Cuvier, d'Argenton, et de la taille du Tapir. — 7 L. Occitanicum, G. Cuvier, de petite taille, d'Issel. — 8° L. minutum, Fischer, d'Argenton, et de deux tiers moindre pour la taille que le Tapir d'Amérique. UT. Pacuynocoraus, Pomel. — Molaires supérieures au nombre de sept; les inférieures au nom- bre de six, ayant leurs demi-collines transverses relevées par une crête en diagonale; barre plus longue. 1° Lophiodon Cesserasicus, P. Gervais; ce fossile, que l’on avait pris pour un Anoplothérium, a êté trouvé fossile à Cesseras, près Saint-Chinian (Hérault). — 2° L. minimum, Fischer; cette es- pèce, qui est le très-petit Lophiodon d'Argenton, G. Cuvier, a la taille de moitié moindre que celle du Tapir d'Amérique. — 3° L. Duvalii, Pomel; ce fossile, qui porte les noms d’Ayracotherium de Passy; L. mastolophus, Pomel; L. leptognathum, P. Gervais, a été trouvé à Nanterre, à Passy et à Vaugirard, dans les marnes du calcaire grossier moyen, en compagnie du L. Parisiense. — 4° L. par- vulum, Laurillard; ce fossile, d’Argenton, égalait seulement le tiers de la grandeur du Tapir d’Amé- rique. IV. Lormioruériun, P. Gervais. — Molaires supérieures inconnues; sept molaires inférieures; les vraies molaires à deux collines relevées entre elles par une crête en diagonale; la septième pourvue d'un fort talon simulant presque un troisième lobe. Lophiotherium cervulum, P. Gervais; fossile auprès d'Alais (Gers), dans une marne lacustre à Pa- Iæothériums. V. Tarimucus, P. Gervais. — Formule dentaire inconnue; arrière-molaires inférieures pourvues de deux collines transverses très-distinctes, incomplétement reliées par une faible carène perpen- diculaire à leur direction au lieu d'être oblique; un fort talon postérieur; celui de la dernière si- mulant une troisième colline moins large que les deux autres. T'apirulus hyracinus, P. Gervais; fossile à Perréal, près Apt; sa taille est semblable à celle du Daman. Un assez grand nombre d’autres fossiles ont été rangés avec les Lophiodons et doivent en être éloignés; tels sont le Lophiodon de Montpellier, G. Cuvier; le Lophiodon des Barres, faubourg d'Orléans; le très-grand Lophiodon de Montabuzard, G. Cuvier (L. giganteum, À. G. Desmarest), d'Orléans, qui est un Rhinocéros; L. moindre de Montabuzard, G. Cuvier, qui est un Ruminant; crès-grand Lophiodon de Gannat, G. Guvier, qui est un Rhinocéros; Lophiodon d’Eppelsheim, Kaup, qui est un Tapir, etc. Un genre bien distinct de celui des Lophiodons, quoiqu'il en soit voisin, est celui des T'apirothe- rium de M. Lartet, que M. Meyer, selon M. Pomel, nomme Lystriodon. Dans ce groupe, les molaires, au nombre de 21, sont formées, à la couronne, de deux collines transverses presque aussi nettement séparées aux supérieures qu'aux inférieures : la dernière infé- rieure pourvue d'une troisième colline en forme de talon; canines, =, séparées ‘es molaires par une barre et plus fortes que les incisives, qui sont au nombre de #, et en pinces; partie faciale du crâne allongée, à ouverture nasale assez petite et paraissant avoir porté un museau plutôt qu'une trompe; nombre des doigts et forme de l’astragale inconnus. L'espèce unique de ce genre est celle que M. Lartet a découverte dans les riches dépôts des ter- rains sous-pyrénéens, et qu'il a nommée T'apirotherium : c’est le Lophiodon de Sansan et Sus tapi- rotherium de De Blainville; le T'apirotherium Lartetii, P. Gervais, et le Listriodon Lartetii, Pomel. Une question que l'on a débattue est celle de savoir si les Tapirothériums appartiennent à la série des Pachydermes omnivores ou à celle des herbivores, et leur astragale avait-il la forme de celui des Rhinocéros et des Tapirs ou de celui des Sangliers, Anoplothériums et Ruminants ? De Blainville se décide pour cette seconde opinion, et, d'après la disposition du système dentaire, M. Paul Gervais croit que la première lui semblerait devoir être préférée. 32 HISTOIRE NATURELLE, SIXIÈME FAMILLE. ANOPLOTHÉRIDÉES. ANOPLOTHERIDÆ. Nobis. Cette petite famille ne renferme que des Ongulés, que l'on ne rencontre plus aujourd’hui qu’à l’état fossile, et qui sont surtout remarquables en ce que, par l'ensemble de leurs caractères et par quel- ques particularités spécifiques, ils établissent un passage naturel des Pachydermes aux Ruminants. Ce n’est que dans l’ancien monde, particulièrement en France, et plus rarement dans les monts des sous-Himalayas, qu'on en a découvert jusqu'ici. Les caractères des Anoplothéridées sont ceux des anciens Anoplothériums de G. Cuvier. On pourrait y distinguer une dizaine de coupes génériques, que nous avons réunies dans les trois genres des Anoplotherium, Adapis et Anthracotherium, dans lesquels nous parlerons principalement des espèces françaises. 4er GENRE. — ANOPLOTHÉRIUM. ANOPLOTHERIUM. G. Cuvier, 1804. A, privatif; emAcv, arme; Ünp, grande bête. Annales du Muséum, t. II. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, £; canines, 4; molares, = où ÿ— =; =? en totalité quarante et prus souvent quarante-quatre dents, toutes en séries continues. Canines peu différentes des incisives et ne saillissant pas plus qu'elles, ce qui a donné lieu au nom du genre; les trois molaires poste- rieures, de chaque côté, carrées et à deux collines transuerses en haut, à double et à triple crois- sant en bas, dont l'antérieure terminée par une pointe, séparée par un sillon, et assez semblables à celles des Rhinocéros, des Damans et des Palæothériums; les trois molaires antérieures élant comprimées; quatrième molaire resst mblant, en haut, à la moitié postérieure d’une des dents car- rées, el, en bas, aux molaires antérieures. Os propres du nez trop avancés sur la mâchoire pour avoir pu donner attache aux muscles d'une trompe. Pieds terminés par deux grands doigts. ne différant de ceux des Ruminants que par la sépa- ration des os du métacarpe et lu métatarse, qui ne se soudaient pas en canon. Un ou deux doigts accessoires dans quelques espèces. l'arse composé comme celui du Chameau; carpe à peu près comme celui du Ci chou. Formes générales intermédiaires, d'une part, entre celles des Rhinocéros et celles des Chevaux, e de l'autre, entre celles des Hippopotames, des Cochons et des Chameaux. C'est G. Cuvier qui, en 4804, dans ses importants mémoires sur les Ossements fossiles, à fait con- naître le genre des Anoplothérinms. Mais ce groupe a subi depuis sa création, dans sa caractéristi- que et dans ses limites, plusieurs modifications nécessitées par une connaissance plus complète des espèces que son auteur y rapportait, ainsi que par la découverte de plusieurs espèces qui s’en rap- prochent. G. Cuvier lui-même avait déjà distingué les sous-genres Anoplotherium proprement dit, Xiphodon et Dichobune; mais deux espèces de ce groupe ont dù en être retirées pour être repor- tées parmi les Ruminants du genre des Chevrotains; c’est au même groupe des Anoplothériums 1, PACHYDERMES. 33 qu'appartiennent les genres plus récemment découverts des Chalicotherium et Cainotherium, ainsi que celui des Acotherium, ete. : nous indiquerons brièvement ces divers animaux, que nous rap- porterons tous au genre des Anoplothères, en faisant remarquer que plusieurs d’entre eux doivent très-probablement former des groupes génériques différents les uns des autres. Ces animaux, qui tous ne se trouvent plus qu'à l'état fossile, appartiennent presque uniquement aux banes de chaux sulfatée calcarifère ou pierre à plâtre des environs de Paris, et leurs os y sont dispersés avec ceux des Palæothériums, de quelques autres Mammifères, d’un Trionyx et d'un Cro- codile. Les Anoplothériums, d'après l'ensemble de leurs caractères, établissent un point de contact entre les Pachydermes et les Ruminants, à peu près de la même manière que les Damans en établis- sent un entre ces mêmes Pachydermes et les Rongeurs. L. Anorcornériums PROPREMENT pirs, G&. Cuvier. — Molaires, 7-7; les arrière-molaires supérieures composées de deux collines représentées chacune à la couronne, lorsque l'usure les a peu entumées, par un chevron à sommet interne, se rapprochant plus ou moins d'un gros mamelon interne et se confondant ultérieurement avec lui; les molaires inférieures à doubles collines, S'usant à peu près en forme de cœur; la septième pourvue d'un Lalon au troisième lobe; les dents des trois sortes en série continue et égales entre elles; les canines peu différentes, par leur forme, des incisives exter- nes et de la première fausse molaire; pieds didactyles; queue longue, composée de vertèbres fortes, nombreuses. Les deux espèces les mieux connues sont : — 1° l'Anoplotherium commune, G. Cuvier. Animal de la grandeur d’un petit Ane, mais plus bas sur jambes, à queue très-forte et de la longueur du corps, à pieds de devant munis, du côté interne, d'un rudiment de doigt; cet animal était herbivore et pro- bablement nageur comme la Loutre, dont il avait l'allure; il se nourrissait sans doute des tiges et des racines des plantes aquatiques, et avait, selon toute apparence, le poil lisse et les oreilles pe- tites comme l'Hippopotame; €’est le seul Ongulé connu chez lequel la queue acquière un développe- ment considérable. Trouvé fossile dans les plâtrières des environs de Paris, ainsi que dans les lignites de la Débruge, près Apt, et de Vermels, près Ribaute. — 2° À. secundarium, G. Cuvier; de la taille du Cochon. Fossile dans les plâtrières de Paris, et que De Blanville croit n'être que le jeune âge du précédent. — 3° MM. Falconer et Cauteley ont fait connaître une espèce fossile des monts Himalayas, leur À. Sivalense. IL. Cuaucornémum (y2x£, chaux; 6, grande bête), Kaup (Ossements fossiles, 1. 11, 1858); Anisodon, Lartet. — Molaires, =? collines des arrière-molaires supérieures se continuant en crêtes horizontales au delà du sommet des chevrons formés par la face externe des lobes; un seul gros mamelon interne entre les deux collines; arrière-molaires inférieures en doubles chevrons; la dernière sans talon au troisième lobe? L'espèce type est le Chalicotherium grande, De Blainville; cran Anorcoraémiun, Lartet; ce Pa- r- P 2} Fr 54 HISTOIRE NATURELLE. chyderme approchait, par sa taille, des Rhinocéros, et surpassait l’Anoplotherium commune; il a été trouvé dans le dépôt lacustre de Sansan. Deux autres espèces seraient les C. Goldfussii et anti- quum, Kaüp; fossiles dans le duché de Darmstadt. IT. CaiNoTHÉRUN (xaves, insolite; 619, grande bête), Bravard (Monographie de la colline de Per- rine, 1855). — Molaires, =; dents en série continue; quatre doigts, dont les deux médians les plus gros, similaires; les deux autres très-grêles. Ce genre, que MM. De Laizer et De Parieu avaient désigné sous la dénomination d'Oplotherium, et qui est aussi indiqué quelquefois sous la dénomination de Cyclognathum. ne comprend qu'une seule espèce, le C. commune, P. Gervais, ou Anoplotherium laticurvatum, Et. Geoffroy; Cainothe- rium, Bravard et De Blainville. Il est probable, ainsi que l'ont admis presque tous les paléontologistes qui se sont occupés de ces singuliers petits Pachydermes, que plusieurs espèces et non une seule, peuvent être distinguées sur les débris très-nombreux qu’on en a déjà recueillis. Ces Cainothériums n’at- teignaient pas tout à fait la taille de nos petits Chevrotains des îles de la Sonde; ils n'étaient guère grands que comme les Damans; mais, quoique Pachydermes par leurs pieds et leurs dents, ils de- vaient se rapprocher bien plus des Chevrotains que des Damans par leurs allures. Leurs canines supé- rieures étaient conformées comme «celles des Anoplothériums. On les a trouvés fossiles dans le Bour- bonnais, à Saint-Géraud-le-Puy, dans la Limagne, auprès d’Issoire, de Clermont, etc., au Puy en Velay, dans des marnes calcaires lacustres, ainsi que dans les lignites de la Débruge, près Apt, etc. IV. Dicnoguxe (dx, en deux parties; Pcuves, sein), G. Cuvier (Ossements fossiles, 1893). — Molai- res, +; les incisives, canines et avant-molaires un peu écartées entre elles, plus diversiformes que dans le groupe précédent; deux paires d’avant-molaires seulement d'après De Blainville; trois doigts, dont un plus grêle que les deux autres, qui sont similaires. L'espèce type de ce genre est le Dichobune leporinum, G. Cuvier : c’est un petit Pachyderme à forme de Ruminant dont la taille était analogue à celle de l’Antilope de Salt et des Chevrotains, mais qui était plus robuste que ces derniers animaux. Trouvé fossile dans les plâtrières des environs de Paris avec les Palæothériums et les Anoplothériums. Une autre espèce est le D. Suillum, P. Gervais, rencontrée dans les marnes fluviatiles du calcaire grossier moyen avec les Lophiodon Parisiense et Duvalii, à Passy et à Nanterre. On en a également signalé des débris à Argenton et à Buschweiler. Quant aux D. marinum et obliquum, G. Cuvier, on s’est assuré que ce sont de vrais Chevrotains. V. Xipropon (&w0c, épée; cdov, dent), G. Cuvier (Ossements fossiles, t. IT, 1893). — Molaires, 7; toutes les dents presque égales, en série continue; les antérieures plus où moins en palmcttes, à bord coronal tranchant et lobé; les arrière-molaires à deux collines, formées supérieurement de deux pointes chacune, presque arquées et rappelant celles des Ruminunts; les inférieures égale- ment assez semblables à celles de ces animaux; la dernière de la même mâchoire à trois lobes; pieds didactyles; métacarpiens et métatarsiens séparés dans toute leur longueur; queue courte; proportions assez élancées. L'espèce type est le Xiphodon gracile, G. Cuvier. Cet animal devait être une sorte de Pachy- derme à formes élancées comme celles des Antilopes; à en juger par ses métatarsiens, il était un peu moins élevé sur jambes que l'Antilope dorcas et un peu moins svelte. Fossile dans les plâtrières des environs de Paris et dans les lignites de la Débruge. Une autre espèce est le X. gelyense, P. Ger- vais; fossile à Saint-Gely, près Montpellier, dans le terrain des lignites dépendant des calcaires compactes de conformation lacustre, et probablement identique au Dichobune cervinum de l'ile de Wight. VI. Acornéruzum, P. Gervais (Zoologie et Paléontologie françaises, 1850). Groupe peu connu, et principalement caractérisé par ses arrière-molaires supérieures, à quatre tubercules seulement, rangées par paires sur deux collines, et ne renfermant qu'une seule es- pèce, l'A. salurninum, P. Gervais, de la taille des Damans, et trouvé fossile dans les lignites de la Débruge. Un autre groupe du même grand genre est celui des Dicnonons, R. Owen, 1848, qui ne comprend qu'une espèce, le D. cuspidatus, R. Owen, établi sur deux pièces fossiles recueillies dans une cou- che de sable des parties supérieures du terrain tertiaire à Hordle, en Angleterre. PACIHYDERMES. 3ù Peut-être doit-on y joindre aussi les genres des Merycopotanurs et Hyppohyus, décrits par MM. Fal- coner et Cauteley, et fondés sur des pièces fossiles trouvées dans les riches dépôts des sous-[lima- layas. 2ue GENRE. — ADAPIS. ADAPIS. G. Cuvier, 1822. Nom propre emprunté à Gesner. Ossements fossiles, t. LIT. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, +; canines, =; molaires, 5; en totalité trente-deux dents; toutes les dents en série continue, sans barre entre les incisives et les fausses molaires; canines supé- rieures assez fortes, coniques; inférieures longues, à pointe un peu obliquement tronquée en biseau; des trois arrière-molaives chacune à quatre tubercules obtus, peu élevés; la dernière inféricure pourvue d'un fort talon en troisième lobe. Partie angulaire de la mâchoire inférieure curviligne, arrondie. Ce genre ne renferme qu'une seule espèce, l'Adapis Parisiensis, G. Cuvier, qui provient des gypses des environs de Paris et est très-incomplétement connu. C'était un petit animal de la taille des Damans, mais à système dentaire omnivore ayant quelque analogie avec celui des Hérissons, ainsi que du Wicrochærus, autre animal fossile de l’éocène d'Angleterre, décrit par M. Wood. C'est probablement auprès des Adapis que l'on doit ranger les deux genres des Entelodon, Ay- mard, type Æ. magnum, Aymard, au calcaire marneux de l'étage à Palæothériums de Rouzon, près le Puy, et Palæochærus, Pomel, ayant pour espèce unique le P. typus, Pomel, du calcaire à indo- sies de Saint-Géraud-le-Puy, que nous nous bornerons à nommer. . G. Cuvier. 1822. 3m GENRE. — ANTHRACOTIHÉRIUM. ANTHRACOTHERIU Ayboaë, charbon de terre; 0np, grande bête. Ossements fossiles, t. IL CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : À canines, {={; molaires, ZT; en totalité trente-huit dents. Les trois arritre- molaires supérieures à couronne carrée, composée de quatre Grandes pyramides presque quadran gulaires : l'angle interne de ces pyramides élant mousse, ces dents sont plus où moins convexes du côté du palais; en outre, une pyramide moyenne, triangulaire, est située entre l'interne et l'externe de devant, et, de plus, le bord externe de la base de la dent se relève et forme trois pointes ob- tuses; à demi usées, ces dents ont une grande ressemblance arec celles des Anoplothériums et n'en diffèrent que par la face externe creusée de sillons pour former des pointes; quatrième molaire à deux pyramides, avec un bourrelet circulaire relevé en pointe aux deux angles de la face externe; arrière molaires inférieures plus étroites, également formées de quatre pointes, à l'exception de la dernière, qui en a cinq, avec de légères collines de réunion; les antérieures sont à une et à deux pointes comprimées; canines épaisses : inférieures projelées en avant conume dans les Cochons. Ce genre a été créé par G. Cuvier pour les Mammifères fossiles de l’ordre des Pachydermes qui üennent à la fin des Anoplothériums et des Chœropotames, et dont les premiers débris ont été trou- vés dans les lignites ou charbons de Cadibona. M. Paul Gervais a cru devoir réunir les Anthracothé- riums aux Chœropotames, et il considère ces deux groupes d'animaux, ainsi que celui plus récem- ment établi des Hyopotames, comme formant des subdivisions d’un même genre. En traitant de la famille des Suidés, nous avons déjà étudié les Chæropotames, et nous traiterons maintenant des An- thbracothériums et des Hyopotames, qui n’en sont qu'un démembrement. 36 HISTOIRE NATURELLE. 1. Anruracornénium, G. Cuvier. —— Barre assez courte aux deux mächoires; canines fortes, ainsi que les incisives; sillons de séparation entre les collines des arrière-molaires peu profonds; mo- laires inférieures à tubereules plus émoussés. Les principales espèces sont : 1° Anthracotherium magnum, G. Cuvier, qui atteignait ou même surpassait la taille du grand Palæothérium ou celle d’un Cheval. Fossile aux environs de Moissac, avec les Rhinoceros incisivus et minutus, près d'Issoire, dans un calcaire lacustre, et à Digoin. — 2° A. onoideum, P. Gervais, ou À. magnum, d'Orléans; de la taille de l’Ane: fossile à Neuville (Loiret) avec le Rhinocéros à grandes incisives. — %° A. Alsaticum. G. Cuvier, un peu moins grand que le précédent; trouvé à Lobsann, près de Wissembourg (Bas-Rhin). — Deux autres espèces plus douteuses sont l'A. minimum, G. Cuvier; de la taille du Chevreuil: fossile à Hautevignes (Lot-et-Ga- ronne), et À. Gergovianum, Croizet, animal se rapprochant des Dichobunes, et auquel on a assigné les noms génériques du Cyclognathus, Croizet; Brachygnathus et Tynophodus, Pomel; fossile dans le calcaire lacustre de l’éocène supérieur à Issoire, — On a signalé, en outre, quelques autres espèces en Auvergne, dans le Bourbonnais, à Digoin, etc. IL. Hxoporamus, R. Owen. — Tubercules principaux des arrière-molaires supérieures en forme de pyramides; vallon de séparation des deux collines très-profond; bord externe des pyramides externes échancré; dent intermédiaire petile; la première avant-molaire très-distante des autres, ainsi que la canine. Ce groupe, qui à pour type une ancienne espèce d’Anthracotherium, A. velaunum, G. Cuvier, fossile daus les marnes lacustres du Puy (Haute-Loire), a reçu de M. Aymard le nom de Bothriodon, et de M. Pomel celui d'Ancodus. M. Paul Gervais en a fait connaître une seconde espèce, son IT. crispus, de la taille du Pécari; fossile à la Débruge, près Apt (Vaucluse), dans le terrain de li- gnites à Palæothériums. TROISIÈME SOUS-ORDRE. SOLIPÉDES. G. Cuvier. Si l’on interprétait ent l'étymologie de ce nom (solus, seul; pes, pied), il semblerait que les animaux qui le portent n’ont qu'un seul pied, tandis que le caractère distinctif que cette dé- nomination veut rappeler est l'existence d’un seul doigt apparent, d’un seul sabot à chaque pied. Cette particularité d'organisation toute caractéristique est propre à un sous-ordre ou famille de Pachydermes qui ne renferme qu'un seule genre, le genre Cheval. Pour donner à cette division un nom dont l’étymologie füt plus conforme à la valeur du caractère principal qui la distingue, Illiger la désigna sous celui Solidungula (solus, seul; ungula, sabot); pour la même raison, Klein avait plus anciennement appliqué la nomination de Monocheles (uevos, Unique; ya, sabot) aux animaux qui le composent, et les vétérinaires les appellent communément Monodactyles (uovss, seul: Saxrorce. doigt,. Tirant le nom de cette famille du nom du genre qu'elle comprend, M. Gray a choisi le nom plus simple et surtout moins équivoque d’Equidæ (equus, Cheval); et M. Isidore Geoffroy Saint- Ililaire à adopté la dénomination d’Équidées. Sans isoler les Solipèdes des autres Mammifères de son ordre des Belluæ, c'est-à-dire des Ongui- eulés non ruminants, Linné en faisait un genre qui occupait la tête de cet ordre. Les caractères toul 1,1 PACHYDERMES. 37 particuliers des Solipèdes engagèrent d’abord G. Cuvier à en former un ordre à part, comme l’a- vaient fait avant lui Storr et Illiger. Plus tard, notre illustre naturaliste, réunissant tous les Bellucæ de Linné dans son ordre des Pachydermes, considéra les Solipèdes comme la troisième famille de cet ordre; admettant, en général, cette appréciation des affinités des Solipèdes, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire place sa famille des Équidés à la fin de l'ordre des Pachydermes, dans lequel elle oc- cupe le septième rang voisin de l’ordre des Ruminants. Les rapports des Solipèdes avec les Pachy- Jermes sont en effet nombreux, et le groupe fossile des Hypotherium établit encore une sorte de lien de plus entre ces Mammifères et les Pachydermes ordinaires; cependant la réunion de ces Mam- mifères dans un même ordre paraît un peu forcée; l’organisation des Solipèdes semble propre à ca- ractériser un ordre distinct intermédiaire entre les Pachydermes et les Ruminants; c’est ce qu'ont proposé plusieurs zoologistes modernes; pour nous, nous en avons fait un sous-ordre particulier des Pachydermes; les Pachydermes ordinaires et les Proboscidiens formant les deux autres sous- ordres. Ces animaux, dont les représentants vivants ne se trouvent qu'en Asie et en Afrique, et les fossiles plus particulièrement en Europe, ne renferment qu’un seul genre bien distinct, celui des Chevaux : c’est en traitant de ces animaux que nous rapporterons les généralités que nous aurions pu donner maintenant. GENRE UNIQUE. — CHEVAL. EQUUS. Linné, 1755. Equus, Cheval. Systema naturæ. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. 1 FE Système dentaire : incisives, #; canines, =; molaires, =; en totalité quarante dents. Incisives comprimées d'avant en arrière, ayant leur tranchant marqué, dans la jeunesse, d'un sillon trans- versal, qui disparaît ensuite; canines supérieures médiocres, de forme conique : la plupart des fe- melles ne présentent pas de canines, mais les mâles et quelques femelles en ont; une barre entre les incisives et les molaires au milieu de laquelle sont implantées les canines quand elles existent; mo- laires carrées, ayant leurs faces interne et externe sillonnées et leur couronne plane, avec de nom- breuæ replis d'émail qui dessinent à peu près quatre croissants divisés deux par deux, et en situa- tion inverse dans les dents des deux mächoires. Pas de mufle; lèvre supérieure très-développée et très-mobile; yeux grands, latéraux; oreilles assez grandes, pointues, mobiles, en forme ‘le cornet. Jambes hautes, assez fines, terminées toutes les quatre par un seul doigt apparent, muni d'un sabot semi-circulaire; pas d'ongles rudimentaires en arrière; de chaque côté du métacarpe et du métatarse, des stylets osseux représentant deux doigts latéraux; des châtaignes ou plaques ova- laires rugueuses placées près du carpe aux membres antérieurs, et au-dessus du carpe aux mem- bres inférieurs. 3 Queue médiocrement longue, garnie de longs crins dans toute son étendue, ou seulement termi- née par un flocon de poils. Corps élevé, musculeux et couvert de poils. Quatre mamelles inguinales dans les femelles et prépuciales dans les mäles. Estomac simple, membraneux; intestins extrêmement développés; cœcun énorme. Les Chevaux forment, parmi les Mammifères, un groupe très-naturel, mais très-isolé, composé seulement de six espèces; il est impossible, quoique M. Gray ait proposé d'en disjoindre les Anes, de les séparer les uns des autres pour les diviser en groupes partiels; ils ne constituent qu'un seui genre, et ce genre, par l'importance de ses caractères, peut difficilement être réuni à ceux d’un autre groupe : c’est ce que prouvent peut-être les diverses places que les Chevaux ont occupées dans le système général des Mammifères. Linné en fait un genre de ses Belluæ avec l'Hippopotame; Erxleben les place entre les Éléphants et les Dromadaires; Storr en fait un ordre distinct, qu'il range 38 HISTOIRE NATURELLE. après les Ruminants; Illiger, en conservant cet ordre, le met à la suite de celui des Pachydermes et avant les Chameaux; G. Cuvier, ainsi que la plupart des zoologistes modernes, n’en fait plus que le type d'une famille particulière, celle des Solipèdes, de ses Pachydermes, qui est située après celle des Cochons, des Rhinocéros, des Tapirs, ete., et immédiatement avant les Ruminants: enfin M. Isi- dore Geoffroy Saint-Hilaire, qui partage les Pachydermes en quatre sections, sous-divisées elles- mêmes en familles, place dans la dernière section et entièrement isolée, la famille des Solipèdes, composée du seul genre Cheval, attribuant ainsi à cette dernière un degré d'importance supérieur à celui de la famille, mais inférieur à celui de l'ordre. Les organes des sens de toutes les espèces du genre Cheval semblent assez développés. Le toucher général est délicat, et, quoique le corps soit en entier recouvert de poils serrés, on voit la peau se froncer et se mouvoir au moindre attouchement, surtout lorsqu'il a lieu sur les parties inférieures. La langue est douce. La lèvre supérieure est susceptible de s’allonger et d'exécuter des mouvements assez étendus; aussi peuvent-ils l'employer pour ramasser leur nourriture, et souvent semblent-ils s’en servir pour reconnaître et palper certains objets. On connaît l'extrême délicatesse de leurs lèvres, et lon sait que l’on en a même profité pour se faire obéir en pressant plus ou moins forte- ment cet organe au moyen de freins. Le sens du goût est d’aiHeurs assez développé chez ces ani- maux, comme chez les autres Herbivores. La conque auditive externe, dont les dimensions varient suivant les espèces, est constamment assez grande chez les Chevaux, et l’ouie semble très-délicate; et, en effet, au moindre bruit, on les voit s'arrêter avec attention, en dirigeant l'oreille de ce côté. Les yeux sont généralement grands, à fleur de tête; la pupille a la forme d'un parallélogramme hori- zontal, la vue est excellente, et, bien que ce ne soient pas des animaux nocturnes, ils distinguent nettement les objets dans l'obscurité. Le sens qui paraît être le plus exquis chez les Solipèdes c’est l'odorat, quoique l'appareil olfactif ne présente pas un aussi grand développement que chez les Car- nassiers. Les narines sont très-mobiles et séparées par un espace nu, mais non glanduleux. Quand l'animal veut reconnaître un objet qui lui inspire quelque défiance, on le voit ouvrir largement les naseaux, comme pour ne perdre aucune des émanations qui peuvent s’en exhaler; et l'on assure que, dans l'état sauvage, ils éventent ainsi leurs ennemis à plus de deux kilomètres de distance. Le Cheval, étant si souvent associé aux travaux de l’homme, a dû et a en effet été étudié avec soin sous tous les points de vue; mais c’est principalement le Cheval proprement dit qui, en raison même de sa très-grande utilité, a été le sujet du plus grand nombre de travaux. L'art vétérinaire s'occupe presque uniquement de cet animal; on a étudié avec soin son anatomie et sa physiologie pour arriver à connaître plus complétement ses maladies et à les guérir. Nous ne pourrons entrer ici dans des dé- tails circonstanciés sur l'anatomie des Chevaux, et nous nous verrons forcé à renvoyer aux ouvrages des vétérinaires, et plus spécialement à ceux de Lafosse, Girard, Rigot, Huzard, ete., et de MM. Achille Lavocat, Collin, ete. L'ostéologie de ces animaux présente des particularités remarquables, parmi les- quelles nous nous bornerons à citer les quatre jambes, terminées par un seul doigt apparent, et les stylets, qui représentent des doigts latéraux rudimentaires ; enfin la tête osseuse, assez allongée, ete. Les muscles sont forts, puissants, et ceux des membres sont principalement très-développés dans leurs parties tendineuses. Le système dentaire est caractéristique, et, par le degré d'usure plus ou moins avancé des dents, on peut aisément reconnaître l’âge de l'animal. La formule dentaire se compose de quarante dents; savoir : incisives, $; canines, +; molaires, Æ$. « À la mächoire supérieure, dit Fr. Cuvier, les deux premières incisives adultes sont triangulaires, et la seconde est elliptique; mais, au lieu d’être tranchante, leur couronne est creusée, de sorte que, jusqu’à un certain âge, elles pré- sentent dans cette partie un creux circulaire qui diminue de grandeur à mesure que ces dents s’usent. C'est par la première que l’usure commence; la troisième conserve le plus longtemps les traces des premiers caractères, et c’est vers sept ans que ces creux achèvent de s’effacer. Les incisives de lait sont minces et larges, et leur bord interne est beaucoup moins élevé que l'externe, ce qui en fait en réalité des dents tranchantes. Ces incisives sont placées sur un arc de cercle. La canine est conique, comprimée et toujours très-petite; c'est une dent rudimentaire qui ne se développe pas toujours chez les mäles, et qui le fait rarement chez les femelles. La première mächelière est une fausse molaire qui tombe bientôt, qui n'est pas remplacée et qui fait que l'on admet quel- quefois sept molaires à la mâchoire supérieure de ces animaux. La seconde est grande et à la forme générale d’un triangle isocèle; son angle aigu est en avant, et elle présente à l'œil, dans PACTIYDERMES. 39 tout son contour, une bordure d'émail qui fait deux plis principaux, un à sa face interne, assez grand, et l’autre à sa face externe, plus petit; on voit, en outre, dans son milieu, deux crois- sants entourés d'émail ou dessinés par lui, et placés sur la même ligne dans le sens de la longueur de la dent. Les quatre mächelières suivantes sont carrées; mais elles présentent exactement les mé- mes figures que la première. La sixième ressemble encore aux précédentes par les dessins que forme l'émail, et elle n’en diffère que parce qu'elle est plus étroite à son extrémité postérieure qu'à son extrémité antérieure. Les dents ne prennent leurs racines qu'à un âge assez avancé, À la mâchoire inférieure, les incisives ressemblent à celles de la mâchoire supérieure, et il en est de même de la canine. La première et la dernière mâchelière ont la forme d’un triangle isocèle, et leur angle aigu est en avant chez la première et en arrière chez la seconde. Les quatre intermédiaires sont de même grandeur, carrées, un peu plus longues que larges; mais toutes indistinctement présentent les mé- mes figures; l'émail dessine sur chacune d'elles les mêmes contours, et ces contours sont tels, qu'il est beaucoup plus facile de les représenter que de les décrire : c’est une suite de plis formant des lobes arrondis ou anguleux, sortants ou rentrants, sans qu'il y ait interruption dans le ruban qui les présente. En partant du bord antéro-externe de chaque dent, et en suivant l'émail extérieure- ment, on le voit former un pli antérieur, puis revenir sur le bord antéro-externe pour se courber et former un lobe en rentrant, et en formant un pli aigu à la face interne de la dent; de là il ressort, se courbe de nouveau, et forme un second lobe en rentrant dans l'intérieur de la dent, et en formant un troisième pli qui vient presque se réunir à l'extrémité du premier. De ce point, l'émail forme à peu près une ligne droite parallèle à la longueur de la dent, et revient ensuite sur lni-même en for- mapt un quatrième pli, et en s’arrondissant de manière à donner naissance à un nouveau lobe; arrivé à l'extrémité postérieure, un quatrième lobe se forme, mais beaucoup plus petit que les autres; enfin il suit une ligne droite sur toute la surface externe et ne présente qu'un pli assez étroit dans le mi- lieu de cette ligne. Ces figures, dessinées par l'émail sur les molaires, diffèrent un peu suivant le degré d'usure de ces dents : ainsi, dans les vieux animaux, les replis diminuent de profondeur et finissent par s’effacer presque entièrement; dans ceux dans lesquels la mastication n’a point encore eu lieu, ces lobes sont représentés par des tubercules. Dans leur position réciproque, toutes ces dents sont opposées couronne à couronne. » Les organes de la génération n'offrent rien de bien re- marquable dans le genre Cheval; la verge est grande et contenue dans un fourreau dirigé en avant; les testicules sont en dehors; chez les femelles, on trouve quatre mamelles inguinales; la portée est de onze à douze mois, et les mères mettent bas en se tenant debout, ce qui ne s’observe que chez un très-petit nombre de Mammifères. L’estomac n’est pas composé; il est petit, simple, membraneux. Les intestins, comme chez tous les animaux qui se nourrissent d'herbe, sont très-développés; le cæ- cum est énorme; et il naît de cette disposition de l'estomac et des intestins que la digestion, chez ces animaux, doit être surtout intestinale. On sait que les Chevaux ne vomissent jamais; MM. Magendie et Flourens ont découvert les causes de ce fait par l'étude de leur tube intestinal et en ont fait con- naître avec soin le mécanisme ; l’æœsophage est composé de deux parties distinctes : la partie supé- rieure est musculeuse et contractile; la partie inférieure est simplement élastique; elle aboutit à l'estomac et s'y réunit obliquement en formant un cordon que des fibres très-fortes tiennent con- stamment fermé, si bien que, même après la mort de l'animal, il faut employer une grande force pour y introduire le doigt; ceci explique comment les contractions de l'estomac, alors même qu'elles sont aidées par celles des muscles abdominaux, ne peuvent déterminer l’ascension rétrograde des aliments; l'ouverture pylorique, au contraire, est toujours largement ouverte et doit laisser très-faci- lement passer les aliments, et surtout les boissons. Aux jambes de devant, ainsi qu’à celles de der- rière, on voit des parties nues, plus ou moins cornées, qu'on appelle châtaignes, et sur lesquelles M. le docteur Emmanuel Rousseau a publié assez récemment, dans la Revue et Magasin de Zoologie pour 4859, un mémoire circonstancié : d’après lui, les châtaignes du Cheval sont de vraies verrucs épidermiques naturelles, invariablement:au nombre de deux pour chaque membre antérieur et pos- térieur, et plus ou moins développées suivant son âge et sa finesse, mais existant constamment. La chätaigne supérieure de la jambe de devant correspond à peu près au tiers inférieur et in- terne du radius; elle est séparée de cet os par la masse musculaire du fléchisseur interne et par la veine céphalique, qu’elle recouvre à cette partie; dans les Chevaux de forte taille, elle est d'ordinaire très-développée, fendillée et de forme variable, souvent ovoïde. La châtaigne supérieure du membre 10 HISTOIRE NATURELLE, postérieur est plus petite que la précédente, moins large, ovoide, et correspond au scaphoïde, ainsi qu'au grand et au petit cunéiforme. La châtaigne inférieure ou du fanon, souvent indiquée sous le nom d'ergot, est située au-dessus du tendon fléchisseur du pied, et occupe la même place aux quatre extrémités, elle est rugueuse, longue. Ces châtaignes font partie intégrante de la peau, et en sont séparées par un tissu cellulaire plus ou moins serré; elles n’ont pas d'odeur, et l'on n’en connaît pas les fonctions physiologiques. Des differences se remarquent dans les diverses espèces du genre Che- val, etaussi surtout dans les Mulets; nous ne pouvons que renvoyer à l’intéressant travail de M. Emm. Rousseau. 7 [NS ON NS Fig. 7. — Squelette de Cheval. Les allures naturelles aux Chevaux sont le pas, le trot et le galop. Ces animaux, par leurs formes, leurs proportions, leurs mouvements, donnent l'idée de la force et de l’agilité; ils ont Le corps épais sans pesanteur, la croupe arrondie, les épaules séparées par un large poitrail, des cuisses muscu- leuses, des jambes sèches et élevées, des jarrets pleins de vigueur et de souplesse, une forte enco- lure, la tête un peu lourde, mais dont les traits expriment la douceur et la fierté, le courage et la prudence. Nos Chevaux domestiques, de taille moyenne, comme le fait observer Fr. Cuvier, peuvent seuls nous donner une idée des formes, mais non point pour la physionomie, des traits caractéristi- ques des espèces de ce genre, qui re se distinguent les unes des autres que par des couleurs ou par des proportions de quelques parties extérieures des organes des sens ou du mouvement, et par quel- ques dispositions intellectuelles; car ces Chevaux de selle, dont les formes sont si belles, les pro- portions si élégantes, les mouvements si légers, la docilité si grande, ou ces Chevaux épais et lourds que nous employons au trait, sont entièrement les produits de la domesticité; ils ne se conservent que par les soins de l’homme; abandonnés à eux-mêmes et à la nature sauvage, ils reproduiraient les formes primitives de leur espèce, et perdraient toutes les qualités précieuses qu'ils tiennent de nous. A l'état de nature, les Chevaux vivent en troupes nombreuses, habitent les pays de plaines et sont uniquement herbivores. Ces troupes sont conduites par des chefs qui les dirigent et qui sont tou- jours à leur tête, dans les voyages comme dans les combats. La force et le courage ont seuls élevé ceux-ci, et, à mesure que l’âge les affaiblit, leur autorité passe à celui qui, à son tour, se montre le plus courageux et le plus fort. Cette succession à la puissance occasionne peu de démélés fâcheux. L'individu qui a les qualités convenables arrive par degrés d’un rang inférieur à un rang plus élevé, et PACHYDERMES. M il se trouve enfin à la tête des autres par la seule force des choses, sans qu'aucune prérogative, aucune volonté, aient eu part à son élévation ou s’y soient opposées. L'autorité de ces chefs est assez grande; mais elle se renferme tout naturellement dans les intérêts de la troupe. On les suit constamment et partout. S'il s'agit de chercher des pâturages plus frais ou des contrées moins froides, c’est pour l'avantage commun, chacun obéit; s'il faut se défendre contre quelques ennemis, ils s'exposent les premiers au danger, et un instinet secret apprend aux Chevaux que leur force est dans leur union : aussi ont-ils bien sôin de se réunir, de se serrer les uns contre les autres dès qu'une bête féroce les menace, et si l'un d’eux suecombe, c’est ordinairement le plus faible, celui qui n'a pu suivre, s’il était à propos de fuir, ou celui qui a mis trop de lenteur dans ses mouvements, s'il fallait se former en groupe pour se défendre. Les grandes espèces du genre Felis sont, au reste, les seuls ennemis que les Chevaux aient à craindre, et ils se défendent ordinairement contre eux avec succès; ils frap- pent des pieds, et principalement des pieds de derrière, avec beaucoup de force, et mordent très- violemment. Cet instinet de réunion en troupes des Chevaux sauvages, bien que restant le même au fond, se manifeste d'une manière différente dans des localités éloignées; tandis que les Tarpons de la Tartarie vivent pour ainsi dire par familles composées seulement de quelques membres, les sau- vages descendants de la race espagnole, répandus dans les pampas de l'Amérique méridionale, for- ment des peuplades extrêmement nombreuses, où les individus se comptent par milliers. Le genre Cheval nous a donné deux espèces domestiques, le Cheval proprement dit et l'Ane. Les espèces de ce groupe s’accouplent et produisent ensemble ce que l'on a appelé des Mulets; mais, malgré cette circonstance et tous les avantages que donne la domesticité pour développer certaines parties de l'organisme et former des variétés, il est à remarquer qu'on n'est pas encore parvenu à transformer les unes dans les autres; car les individus que les espèces produisent restent toujours les mêmes etne peuvent pas se reproduire, au moins dans la plus grande majorité des cas. « Ces faits, dit Fr. Cuvier, sont une preuve bien forte contre le système des naturalistes qui prétendent faire dériver les traits caractéristiques des espèces de quelques circonstances purement accidentelles : ils montrent que ce système ne repose que sur de vagues conjectures, et qu'aucun phénomène bien constaté n’en fait la base. Dans tout le règne animal, en effet, il n’est aucun cas qui puisse offrir des conditions plus favorables à ce système que la domesticité des Anes et des Chevaux, et leur accou- plement. L'Ane ne diffère du Cheval que dans les proportions d'un petit nombre de ses organes, de ses sabots, de ses oreilles, de sa croupe, de sa queue, et par quelques qualités intellectuelles : il a surtout plus de lenteur dans ses conceptions. Quelle différence, au contraire, n’y a-t-il pas entre le Cheval sarde, si petit, si ramassé, si nerveux, et le Cheval hollandais, si grand, si élancé, si mou; entre le Cheval espagnol, qui joint à l'élégance et à la beauté des formes des mouvements si souples el une intelligence si prompte, et nos gros Chevaux de trait, dont le corps massif et lourd est en si parfaite harmonie avec leur intelligence? Eh bien, au milieu de toutes ces différences, qui se repro- duisent depuis des siècles, qu'on modifie encore chaque jour, jamais on na vu paraïtre une race avec les oreilles des Anes, et bien moins encore avec les qualités propres à cette espèce, et tout ce que nous venons de dire du Cheval, nous pourrions le dire de l’espèce de l’Ane, qui donne aussi nais- sance à un grand nombre de variétés, mais de laquelle jamais aueun Cheval n'est sorti. On croit échapper à la difficulté en répondant qu'il ne se forme plus de variétés; mais, outre que celte asser- tion est une erreur, on sent assez qu'il faudrait indiquer au moins quand les variétés existantes se sont formées, afin d'avoir un fait positif à avancer en sa faveur : au contraire, tous les exemples sont défavorables à cette hypothèse; Les squelettes des animaux conservés en momies par les anciens Égyp- tiens, et qui existaient il y a trois ou quatre mille ans, présentent tous les caractères des espèces d'aujourd'hui, et nous n'avons aucun moyen de remonter à de plus anciennes preuves; car les restes fossiles d'animaux qui se sont conservés dans les vieilles couches de la terre annoncent tous des espèces qui w’existent plus aujourd'hui sur notre globe. » Ce dernier fait, cependant, ne nous semble pas entièrement prouvé; et sans sortir même du genre Cheval, nous pourrions dire que certains dé- bris fossiles paraissent tout à fait identiques à ceux des espèces suivantes. Le genre Cheval se compose, de nos jours, de six espèces qui présentent de grandes ressem- blances. Chez toutes, on trouve sur le corps un poil court et ras en été, qui s’allonge pen- dant la saison froide. Chez toutes, excepté dans le Cheval propremert dit, ce pelage lend à pré- senter des bandes alternativement claires et foncées. Toutelois, cette tendance est peu prononcée Pr, G 42 HISTOIRE NATURELLE. dans l’Ane et dans l'Hémione, elle est, au contraire, très-marquée chez les Couagga, le Dauw et surtout le Zèbre. À ces différences de pelage correspondent des différences de patrie. Les espèces à robe uniforme sont asiatiques; les espèces à pelage zébré sont africaines. Ainsi, comme l’a fait observer M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, la division du genre en groupes secondaires se trouve être exactement la même, soit qu'on la fonde sur l'appréciation des caractères zoologiques, soit qu'on la déduise de leur distribution géographique, telle du moins qu’elle était avant d'avoir été al- térée par l'industrie humaine. En effet, les six espèces de Chevaux appartiennent en propre à l’an- cien continent, et tous les Chevaux américains, domestiques ou sauvages, proviennent d'individus importés d'Europe. De grandes étendues de terrains séparent d’ailleurs les localités d'où paraissent être originaires les espèces asiatiques et les espèces africaines; il semblerait done qu'il a existé pour le genre Cheval deux centres de création, un pour chacune de ces deux parties du monde. Quant aux débris fossiles qui se rapportent à ce groupe, ils ne diffèrent guère des Chevaux propre- ment dits, quoiqu'on ait voulu faire avec quelques-uns d’entre eux des genres distincts, tels que ceux des Hipparion et des Hippotherium, et ils se rencontrent en Europe. Du reste, ces fossiles ont été peu étudiés jusqu'ici; le savant paléontologiste, M. Lartet, s'occupe en ce moment de ce sujet dif- ficile, et nous avons l'espoir qu’il l'aura bientôt entièrement élucidé. 1. CHEVAL ORDINAIRE. EQUUS CABALLUS. Linné. CanaGrÈREs SPÉCIFIQUES. — Point de bandes symétriques de couleur foncée ou claire sur le fond du pelage; oreilles moyennes; queue couverte de longs crins dans toute son étendue. Certains animaux sont essentiellement domestiques, qu'on nous pardonne ce mot, c’est-à-dire qu'ils semblent avoir été destinés à accompagner l'homme partout; tel est principalement le Cheval. L'espèce tout entière est soumise; elle est devenue notre propriété, et l’on n’a pas trouvé de traces authentiques de cet animal à l'état sauvage. Si quelques individus, échappés à l'empire de l'homme, ont, il est vrai, propagé dans les plaines de l'Asie et de l'Amérique des races plus indépendantes et sauvages, celles-ci n’ont pas encore oublié leur vieille tradition et peuvent facilement être remises sous notre joug. Aristote indique le Cheval sous le nom d’15746; c'est l'Hopius d'Ælian, l'Equus domesticus de Klein, le Casvaz de Buffon et l'£quus caballus de Linné et de tous les auteurs systématiques modernes. Si, malgré les assertions d'Ilérodote, d’Aristote, de Strabon, de Léon l’African, de Pallas, ete., il est bien démontré par les naturalistes modernes que le type du Cheval ne se retrouve plus aujour- d'hui dans la nature, il n'en est pas moins évident que les races sauvages, c’est-à-dire celles qui, provenant d'animaux asservis, ont pu se reproduire en liberté, doivent cependant le plus s’en rap- procher, et c’est pour cela que nous allons immédiatement en parler. On trouve des Chevaux vivant en liberté dans les déserts de l’Asie et dans ceux de PAmérique. Les premiers, dont on ne connaît pas bien l'origine, portent le nom de T'arpons, et les autres, ou Alzados, sont évidemment les produits d'individus échappés à l'homme. Les Tarpons ont pour caractères : tête grande proportionnellement au reste du corps; front bombé au-dessus des yeux; chanfrein droit; oreilles plus grandes que celles de nos Chevaux domestiques, et habituellement couchées en arrière; pourtour de la bouche et naseaux garnis de longs poils; mem- bres plus longs et plus forts; crinière se prolongeant au delà du garrot; poils longs et ondoyants. jamais ras. Les Alzados américains, d’après les descriptions qu’en donnent les voyageurs, et surtout d’après celle que D'Azara à publiée sur les Chevaux libres de la Plata, ressemblent, sous tous les rap- ports, aux Tarpons. Dans les pampas de l'Amérique du Sud comme dans les steppes de PAsie, le Cheval, rendu à lui-même, a perdu une partie des belles formes qu'il doit à l'éducation. Sa taille a diminué; ses jambes et sa tête ont grossi; ses oreilles se sont allongées et rejetées en arrière; son poil est devenu grossier; et, ce qui est remarquable, c’est que l’on retrouve sous l'équateur ces Che- vaux, dont le poil estlong et floconneux, qui sembleraient devoir être propres aux climats froids. Deux sièeles au plus ont donc suffi pour produire en Amérique une race presque entièrement semblable à celle qu'on regarde en Europe comme le type sauvage primitif. Quant aux différences présentées par la robe des Chevaux dans l'ancien et le nouveau continent, elles sont presque nulles. En Asie pas PACHYDERMES. 4 plus qu'en Amérique on ne trouve de Cheval pie dans les hordes errantes; les noirs sont très-rares dans les deux localités; mais, en Europe, les couleurs les plus communes sont le brun, l'isabelle et le gris-de-souris, selon Forster; en Amérique, le bai-châtain, au rapport de D'Azara. Sur l'un et l'autre continent, on en trouve d’ailleurs de toutes les couleurs, et ce peu de fixité dans les teintes du pelage serait seul une preuve décisive de regarder ces troupes errantes comme de simples races, car elle est contraire à ce qu'on observe daus toutes les espèces véritablement sauvages. La seule différence réelle qui existe entre les Tarpons et les Alzados se voit dans la manière dont ils observent l'instinet d'association qui leur est commun. Les premiers vivent en petites troupes d'une vingtaine d'individus, toujours composées d'un seul mâle, de ses femelles et de Poulains. Les au- tres, au contraire, se réunissent en troupes innombrables, et D'Azara assure même qu'on en rencontre des troupeaux composés de plus de dix mille individus. Selon M. De Quatrefage, il semble qu'on peut facilement expliquer le motif de ces particularités différentielles; les Tarpons vivent dans un pays où ils n’ont en général à combattre que des ennemis assez faibles, et les Loups seuls, pendant l'hi- ver, peuvent leur faire éprouver quelque danger; en Amérique, au contraire, les Alzados ont à se dé- fendre contre de grandes espèces de Chats, bien autrement redoutables, et de là, pour eux, la né- cessité de se réunir en plus grand nombre; et d’ailleurs la nature même du pays se prêtait à la vie en commun de ces peuplades vagabondes par la vaste étendue et la fertilité des plaines qu’elles par- courent; tandis que, sous ce dernier rapport surtout, les landes du nord de l'Asie laissent beau- coup à désirer. Enfin, les observations de M. Rouliu semblent démontrer que ces grandes troupes d'Alzados résultent uniquement de la réunion peut-être fortuite de familles semblables à celles des Tarpons. En Amérique comme en Sibérie, chaque étalon possède un certain nombre de juments qu'il protége avec courage et surveille avec jalousie; pendant le jour, ces femelles se réunissent et se mé- lent pour paitre en commun; mais tous les soirs les mâles rassemblent leurs femelles, et chaque petite bande, sous la conduite de son chef, gagne sa retraite de nuit, qui est une espèce de gite dont elle ne change que par nécessité. Tous les Chevaux sauvages mènent une vie errante au milieu des pâturages où ils trouvent leur nourriture : chaque bande occupe un canton d’une étendue proportionnée à ses besoins, le regarde comme son domaine, et en défend l'approche aux hordes étrangères; le fourrage vient-il à manquer, on se met en route sous la conduite des chefs; précédés par des éclaireurs, ils marchent en colonne serrée que rien ne peut rompre; la colonne elle-même est subdivisée en pelotons, tous composés d'un mâle et de ses femelles; l'avant-garde signale-t-elle une caravane, un gros de cavalerie, aussitôt les mâles qui se trouvent en tête se détachent, vont reconnaître de l'œil et de l’odorat; puis, au si- gnal de l’un d'eux, la colonne entière charge l'ennemi, ou bien se détourne et passe à côté, en in- vitant par des hennissements graves et prolongés les Chevaux domestiques à les rejoindre; il est rare que cet appel ne soit pas entendu, et, à l'approche de ces Alzados, les voyageurs doivent se hâter d’attacher solidement leurs Chevaux pour les mettre hors d'état de fuir. Ge n’est pas seulement dans l'Amérique méridionale que les Chevaux se sont ainsi multipliés à l'état sauvage; on en trouvait aussi dans la Floride, mais les hâbitants ont été obligés de les détruire afin de pouvoir conserver leurs Chevaux domestiques, qui se laissaient trop facilement embaucher par ces individus affranchis. Entre ces races sauvages et les races domestiques proprement dites, on doit placer certaines races qui ne sont pas entièrement soumises; telles sont les Chevaux d'Islande, que leurs maîtres laissent paitre sur les montagnes, sauf à les reprendre quand le besoin s’en fait sentir; les troupeaux de Chevaux que les cosaques du Don guident sans les garder dans les déserts de l'Ukraine, et qui obéissent moins à leurs propriétaires qu'aux chefs qu'ils se sont choisis; les Chevaux de la Finlande, qui passent l'été dans une indépendance absolue, vivent en troupes à la manière des Tarpons, mais qui reviennent pendant l'hiver aux toits qu'ils connaissent, et même les Chevaux de la Camargue, qui sont à moitié sauvages. De la domestication complète du Cheval est née l'extrême difficulté de déterminer sa patrie origi- nelle. Pendant longtemps on lui a attribué l'Arabie pour patrie; Huzard est le premier qui se soit élevé contre une opinion consacrée par un assentiment universel. Les livres de Moïse ne parlent qu? des Chevaux d'Égypte et nullement de ceux d'Arabie; c'est aussi d'Égypte que, d'après le livre des rois, Salomon faisait venir les siens; Ézéchiel rapporte que les Syriens tiraient les leurs de la Cap- padoce ou de l'Arménie. Dans les armées des Perses et dans celles plus récentes de Mahomet, il n’est æ, jf 44 HISTOIRE NATURELLE. pas question de Chevaux arabes ; et intermédiairement, Strabon dit, en parlant de PArabie, que ce pays produit de tout, excepté des Chevaux. L'erreur combattue par Muzard vient sans doute de ce fait, que depuis nombre d'années la race la plus parfaite de Chevaux nous vient d'Arabie; mais, d'après quelques témoignages historiques, on peut croire que cette race, grâce aux soins constants des Arabes, s’est formée avec des Chevaux provenant d'Égypte, de Perse et de Cappadoce. A ces diffé- rentes considérations, on peut, avec M. De Quatrefage, en ajouter quelques-unes puisées dans la na- ture même du Cheval. « Si le Cheval, dit le savant académicien, était réellement originaire de l'Ara- bie, il devrait, rendu à lui-même, rechercher de préférence les pays chauds; car on sait que tout animal qui échappe à l'influence modificatrice de l'homme tend à se rapprocher autant que possible de ses premières conditions d'existence; or il n'en est pas ainsi. Les Chevaux sauvages qui habitent les vastes plaines de la Tartarie remontent, en été, vers le nord. Ils ne s’avancent jamais à plus de trente degrés vers le sud; et en hiver, bien loin de rechercher les vallées, où ils trouveraient une es- pèce d’abri contre la rigueur de la saison, ils s'élèvent sur les montagnes dont le vent glacial du nord a balayé la neige. » Qu'il uous soit permis de reproduire ici le tableau que Buffon nous a donné des qualités du Cheval. « La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal, qui par- tage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats. Aussi intrépide que son maitre, le Cheval voit le péril et l’affronte; il se fait au bruit des armes; il l’aime; il le cherche et s’anime de la même ardeur; il partage aussi ses plaisirs; à la chasse, aux tournois, à la course, il brille, il étin- celle. Mais, docile autant que courageux, il ne se laisse point emporter par son feu : il sait réprimer ses mouvements. Non-seulement il fléchit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses désirs; et, obéissant toujours aux impressions qu'il en reçoit, il se précipite, se modère ou s’ar- rête, et n’agit que pour le satisfaire; c'est une créature qui renonce à son être pour n’exister que par la volonté d'un autre, qui sait même la prévenir; qui, par la promptitude et la précision de ses mouvements, l'exprime et l'exécute; qui sent autant qu’on le désire, et ne rend qu'autant qu’on veut; qui, se livrant sans réserve, ne se refuse à rien, sert de toutes ses forces et meurt pour mieux obéir. » À ce tableau, ne doit-on pas ajouter avec un savant que nous avons déjà cité : « Ce n’est pas seulement dans les hasards périlleux de la guerre et de la chasse ou au milieu de brillantes fêtes que l'homme a recours au Cheval. C’est encore lui qui, le premier peut-être, l’aida à défricher la terre qui le nourrit. C'est lui qui se charge de transporter ses fardeaux; c’est à sa force et à sa lé- gèreté que son maître a dû de diminuer les distances, d'établir au loin des relations qui, sans lui, seraient impossibles. Jusqu'à ces derniers temps, il a été le seul lien entre les peuples éloignés des bords de la mer, et que séparaient de vastes plaines ou des chaines montagneuses. Si, de nos jours, le génie inventeur de l’homme a su trouver dans la vapeur un moyen plus prompt encore pour ré- pondre à son impatience, ce n'est à qu'un auxiliaire applicable à un petit nombre de cas, et jamais les locomotives ne feront une concurrence réelle au Cheval, si ce n’est sur un petit nombre de lignes exceptionnelles. » L'époque des amours du Cheval est le printemps; alors les mâles appellent les femelles par des hennissements graves et retentissants, et celles-ci leur répondent d’une voix moins forte. La gesta- tion est d'environ un an, et la mère se délivre debout. Le Poulain nait couvert de poils, les yeux ouverts, et déjà ses jambes, quoique proportionnellement fort longues, ont assez de force pour le soutenir et lui permettre de marcher. À deux ans et demi ou trois ans, le jeune Cheval peut se re- produire, et les femelles sont même plus précoces que les mâles. Mais il ne faut pas les laisser se réunir sitôt si on veut obtenir de beaux produits et ne pas épuiser les parents; et attendre l’âge de quatre à cinq ans pour les Chevaux de trait, et jusqu'à sept et huit pour les étalons fins de l'Espagne et du Limousin. Le Poulain tette environ un an; mais on assure que, pour avoir des Chevaux très- vigoureux, il est bien de le séparer avant qu'il ait atteint cet âge ; il acquiert son développement en- jer vers la cinquième année; cependant il est quelques races qui paraissent plus précoces; d’autres, au contraire, telles que la race limousine, sont beaucoup plus tardives. On estime la durée entière de la vie du Cheval à trente aus environ, terme moyen. Les Chevaux et les Anes peuvent s’accoupler, et produisent des Mulets qui ne sont ordinairement pas féconds; le produit de la Jument et de l'Ane est le Mulet proprement dit où grand Mulet (Equus mulus), et celui du Cheval et de l'Anesse est le Bardeau ou petit Muler (Equus hinnus). Les Mulets PACINDERMES. 45 proprement dits sont souvent aussi grands que les Chevaux; mais leur tête est plus grosse et plus courte comparativement; leurs jambes sont sèches; leurs sabots étroits et hauts; leur queue est presque nue. Ils conservent de la Jument l'encolure, les formes de la poitrine, de la croupe, des hanches, ainsi que l'arrondissement des côtes, ete. Leur pied est plus nu que celui des Chevaux, et ils sont recherchés dans les pays de montagnes, surtout en Espagne. Chez les Bardeaux, la tête est plus lon- que et plus petite, proportions gardées, que celle de l’Ane; les oreilles sont plus courtes; les jambes plus fournies; la queue est plus garnie de crins. Ils sont plus petits que les Mulets proprement dits; leur encelure est plus mince, leur dos plus tranchant, leur eroupe plus déclive. Ils sont surtout com- muns en Auvergne, ————_—_— —ENRESTE Fig. 8. — Mulct. Dans un artiele important, publié il y a déjà longtemps (Dictionnaire d'Histoire naturelle de Véter- ville, t. VI, 1817), Huzard donne la description du Cheval considéré spécialement comme animal do- mestique, et nous croyons utile de rapporter quelques passages de ce travail, tout en y joignant quel- ques autres détails. Le Cheval est, de tous les animaux, celui qui, avec une grande taille, réunit les plus exactes pro- portions dans toutes ses parties; l'élégance de sa tête et la manière dont il la porte lui donnent un air de légèreté qui est bien soutenu par la beauté de son encolure; ses yeux sont vifs et bien ouverts; ses oreilles gracieuses, et sa crinière flottante augmente la noblesse de son maintien; toutes les au- tres parties de son corps concourent, chacune pour ce qui la concerne, à l'embellir; et il n’y a pas jusqu'à sa queue, garnie de longs crins, qui ne lui donne de la grâce. Pour les proportions que doi- vent avoir les diverses parties du Cheval, on à reconnu que son corps devait avoir en longueur, en comptant depuis la pointe du bras jusqu'à la pointe de la fesse, et en hauteur, depuis la sommité du garrot jusqu’au cou, deux têtes et demi; ainsi, dès que la tête d’un tel individu donnera plus que cette mesure, elle sera trop longue, et, si elle ne les donne pas, elle sera trop courte; et, la longueur d'une tête bien proportionnée ainsi fixée, on pourra la prendre pour terme de comparaison pour toutes les autres parties du corps. On peut diviser le corps du Cheval en tête, corps proprement dit et extrémités. 46 HISTOIRE NATURELLE. La tête comprend la nuque, le toupet, les oreilles, le front, les salières, les yeux, les larmiers; le chanfrein, les naseaux, le nez, les lèvres, le menion, la barbe, les joues, les ganaches et l'auge. Les seuls termes qui ne s'expliquent pas par leur seule énonciation sont les salières ou enfoncements plus ou moins profonds que l’on remarque au-dessus des yeux; les larmiers, qui sont de petits enfon- cements à l’angle interne de chaque œil; le chanfrein, qui est la partie qui s'étend depuis le bas du front jusqu'aux naseaux; le menton, qui est cette petite protubérance environnée par la lèvre infé- rieure; la barbe, qui est immédiatement au-dessus du menton et l'endroit où porte la gourmette; enfin l’auge, qui est l'espace compris entre les deux ganaches. Le corps comprend la crinière, l'encolure, le poitrail, les ars antérieurs, le garrot, le dos, les reins, les côtes, le passage des sangles, le ventre. les flancs, les ars postérieurs, la croupe, la queue, les hanches, les fesses, enfin les erganes de la génération, soit dn mâle, soit de la femelle. Les ars antérieurs sont les replis de la peau, qui, de la partie inférieure de la poitrine sous le ster- num, gagnent chaque extrémité antérieure; le garrot est cette partie élevée, plus ou moins tran- chante, située au bas de la crinière, formée par les apophyses épineuses des cinq ou six premières vertèbres dorsales; les ars postérieurs sont les replis de la peau qui, du ventre, gagnent chaque ex- trémité postérieure, et qui correspondent à la partie appelée aine dans l'homme. Les extrémités se divisent en antérieures et postérieures; chacune des antérieures comprend l'épaule, le bras, le coude, V'avant-bras, la châtaigne, les genoux, le canon, le boulet, le paturon, la couronne et le sabot, et chacune des extrémités postérieures comprend la cuisse, le grasset ou rotule, la jambe, le jarret, et, comme dans les extrémités antérieures, le canon, le boulet, le patu- ron, la couronne et le sabot. La châtaigne est une espèce de verrue placée au côté interne à la partie inférieure de l’avant-bras, et qui se retrouve aussi aux membres de derrière, à la partie supérieure et interne de chaque canon au-dessous du jarret. À la partie postérieure et inférieure de chaque bou- let, il y a aussi une sorte de petite châtaigne; c’est ce que l'on nomme l’ergot, qui est presque re- couvert par une touffe de longs et forts poils que l'on appelle le fanon; le sabot ou l’ongle est ce qui pose sur le sol; la partie supérieure qui touche à la couronne s'appelle le biseau; la partie anté- rieure, la pince; les parties latérales, les quartiers; les parties postérieures, les talons; la sole est toute la partie inférieure et cave du pied, et la fourchette une élévation en V qui se trouve au milieu de la sole et à la partie postérieure. Des poils couvrent le Cheval presque par tout son corps; ceux du dessus du cou et de la queue sont considérablement plus gros et plus longs que les autres, et s'appellent crins. Il y en a encore quel- ques-uns tout aussi forts, mais moins longs, qui sont disséminés autour des yeux, du nez et des lèvres, et ils sont en plus grand nombre au menton et à la barbe; quelques races de Chevaux do- mestiques en ont aussi en touffes épaisses à la partie postérieure de chaque canon, et qui se con- fondent avec ceux du fanon. Il est quelques Chevaux qui n’ont point ou presque point de poils sur le corps, quoiqu'ils aient des crins; ce sont les Chevaux ladres; il en est d’autres qui ont le poil très-long et frisé à peu près comme les Chameaux: entre ces deux extrêmes se trouvent toutes les nuances possibles de longueur et de grosseur; mais on estime davantage celui qui est court, fin, égal, et par conséquent uni et luisant, à tous les autres. À l’entrée de l'hiver, il pousse à la plupart des Chevaux un poil long, souvent rude, destiné par la nature à les garantir du froid : ce poil, qui altère la beauté de leur robe, tombe à la mue du printemps, et est souvent enlevé artificiellement aux Chevaux fins à mesure qu'il paraît. La couleur naturelle du poil des Chevaux est le gris-rouge de différentes nuances : on dit que le Cheval est alezan si la crinière et la queue sont de la même couleur; mais, si elles sont noires, alors on dit qu'il est bai. L'état de domesticité a beaucoup mul- tiplié les couleurs de cet animal : les uns sont d'une seule couleur, les autres de plusieurs, avec toutes les nuances possibles, et la plupart portent des noms particuliers. Les principales couleurs sont le bai, le noir et l’alezan; les premières donnent le bai ou l'alezan châtain. doré, brun, miroité; la seconde fournit le mat noir teint, le noir-jai et le miroité; la troisième présente le gris sale, le gris argentin, le gris sanguin, le gris brun, le gris charbonné, le gris tuile, le gris souris, la soupe au lait, le gris nl ete. On nomme rouan celui dont les poils sont mêlés de blane, de gris et de bai; isabelle, celui qui est jaune et blanc; pie, celui qui est coupé par de grandes taches d'un poil tout à fait différent du reste. Beaucoup de Chevaux ont sur la tête, au-dessous du front, une tache blanche plus ou moins grande qui les fait nommer marqués en tête. La couleur du poil n'a PACIIYDERMES. 47 aucune action sur les qualités du Cheval; il est cependant un cas où la couleur du poil annonce un certain degré d’affaiblissement dans tous les organes; c'est lorsqu'ils sont tout blancs; en effet, les Chevaux albinos ne sont pas très-estimés; ils ont cependant la faculté de mieux voir pendant la nuit que les autres, et ils ne sont pas très-rares. C'est par l'inspection des dents qu'on parvient à s'assurer principalement de l'époque de la nais- sance des Chevaux, c'est-à-dire d’en connaitre l'âge. Les Poulains, en naissant, apportent quelque- fois des dents; mais souvent ce n’est qu'au bout de quelques jours qu'il sort à chaque mächoire deux dents, qui sont celles du milieu, et que l’on appelle des pinces. À trois mois et demi ou quatre mois, deux autres dents sortent de chaque côté des premières; ce sont les miloyennes, et à six mois et demi ou sept mois, et même quelquefois à huit mois seulement, les deux dernières, que l'on nomme les coins. Ces dents sont les dents de lait et se distinguent des dents adultes, parce qu’elles sont ordinairement plus blanches, toujours plus courtes, et plus rétrécies à la base auprès de la gen- cive, et ce rétrécissement est le collet. De treize à seize mois, les pinces raseut, c’est-à-dire que la cavité de la table s’efface; de seize à vingt mois, les mitoyennes rasent à leur tour; enfin, les coins, de vingt à vingt-quatre mois. De deux ans et demi à trois ans, les pinces de lait disparaissent pour faire place à deux dents d'adultes qui sont beaucoup plus larges; de trois ans et demi à quatre ans, les mitoyennes de lait font place aux mitoyennes adultes; enfin, de quatre ans et demi à cinq ans, les coins tombent et sont remplacés par des coins adultes. À cet âge, les dents de la mâchoire infé- rieure rasent, c'est-à-dire que la cavité du milieu commence à s’effacer; ce sont les pinces qui les premières perdent leur cavité; de cinq à six ans, de six à sept ans les mitoyennes, et enfin de sept à huit ans les coins. Les dents de la mâchoire supérieure s’usent bien un peu en même temps que les dents de la mâchoire inférieure; mais, comme cette mâchoire est immobile, tandis que l'autre est mobile, les dents ne s’usent que beaucoup plus lentement; ainsi ce n’est que de huit à neuf ans que la cavité des pinces s’efface entièrement; de neuf à dix ans, celle des mitoyennes disparaît, et de dix à onze et à douze, celle des coins est totalement enlevée. Passé cette époque, on ne peut plus juger qu'approximativement de l’âge de l'animal par la forme que prennent les dents. Aussi, une fois qu'un Cheval est hors d'âge, lorsqu'il ne marque plus, comme disent les vétérinaires, ce ne sont plus les dents qui doivent diriger pour juger des services qu'il peut rendre, ce sont ses extré- mités, et presque toujours celui qui a les meilleures et qui est le moins usé, quoique parfois très- vieux, vaut mieux qu'un plus jeune déjà ruiné et fatigué. On appelle allures les différents mouvements progressifs au moyen desquels le Cheval se trans- porte d'un lieu à un autre : on en compte de trois sortes, les allures naturelles, défectueuses et artificielles. Les allures naturelles sout le pas, le trot et le galop. La vitesse à la course de quelques Chevaux est incroyable, et on a pu le constater dans nos courses publiques; la per- sévérance dans la fatigue est encore très-remarquable dans le Cheval. Les allures défectueuses sont l’amble, l’aubin, le pas relevé et l'entre-pas. Quant aux allures aruficielles, elles sont le produit d'une éducation soignée; ce sont des mouvements plus ou moins cadencés que l’on force le Cheval à prendre pour le rendre plus léger, plus agréable à manier, plus joli à la vue; en terme de manège, on les appelle airs, et on les a divisés en airs bas ou près de terre; tels que le passage, le piaffer, la galopade, la passade, la pirouette, ete., et en airs relevés, comme la pesade, le mézoir, la courbette, la croupade, la ballotade, la cabriole, etc.; ce sont ces divers modes de progression que l’on peut voir tous les jours dans nos cirques et nos hippodromes. La voix du Cheval s'appelle son hennissement, et l'on en distingue cinq sortes, celui de l’allégresse, celui du désir, celui de la colère, celui de la crainte et celui de la douleur. Les Chevaux qui hennis- sent le plus souvent, surtout d’allégresse et de désir, sont les meilleurs et les plus généreux; les Chevaux hongres et les Juments ont la voix plus faible et hennissent moins fréquemment que les autres; dès la naissance, les mâles ont la voix plus forte que les femelles. Lorsque le Cheval est passionné d'amour, de désir ou d'appétit, il montre les dents et semble rire; il les montre aussi dans la colère et quand il veut mordre. I tire quelquefois la langue pour lécher son maitre lorsqu'il en est traité avec douceur. Il se défend par la rapidité de sa course, par les ruades de ses pieds de derrière et par ses morsures. Il se souvient très-longtemps des mauvais trai- tements, et on a des exemples de vengeance de sa part qui supposent des combinaisons profondes, Le Cheval est aussi susceptible d'attachement pour l'homme lorsqu'il en est bien traité, et surtout 48 HISTOIRE NATURELLE. quand il ne change pas souvent de maître; on a même rapporté à ce sujet des faits qui tiennent plus du merveilleux que de la réalité. On à cherché souvent à indiquer quelles étaient les particularités que devait présenter un Cheval parfait; mais on comprend qu'il ne peut pas y avoir de règles bien fixes à ce sujet; outre que chaque auteur a établi d’après ses idées personnelles le type du Cheval parfait, il faut reconnaitre que le Cheval le plus parfait pour un service qu'on lui imposera uniquement ne pourra pas être également parfait pour un service différent; ainsi la beauté d’un Cheval de selle ne sera pas celle d’un Cheval de carrosse : tous deux auront une beauté propre qui résidera dans les convenances et le rapport de leurs diverses parties, comme celle de tout édifice. Entrer dans des détails sur les particularités que doivent présenter les Chevaux destinés à telle ou telle carrière serait trop long à indiquer ici, et nous ne pouvons que dire que les traits qu'il doit présenter devront beaucoup différer s’il s’agit, soit d'un Cheval de manége, soit d’un Cheval de querre, d'un Cheval de voyage, d'un Cheval de chasse, d'un Cheval de voiture, d'un Cheval de tirage, d'un Cheval destiné à porter de lourds fardeaux, etc. Dans le Cheval domestique, le caractère presque indomptable de la race sauvage est très modifié par nos traitements. Le plus grand nombre, au lieu de cette fierté, de cette vivacité naturelle, ne montre qu'une crainte servile, obéit en tremblant au despote qui, toujours le châtiment à la main, frappe le plus souvent sans aucune raison, et par habitude seule de frapper. Cet animal, que nous devrions plutôt considérer comme un serviteur fidèle que comme un esclave, et que les peuples no- mades regardent comme un compagnon de leurs travaux, est plongé, dans nos villes et dans nos campagnes, dans le dernier avilissement; mal nourri, maltraité, accablé de travaux, avant même que l’âge ait développé ses forces. Heureusement que cet état de choses se modifie chaque jour, et que des lois protectrices forcent aujourd'hui le maître, quelquefois plus brute que l'animal qu'il dirige, à respecter un peu plus son esclave. Tous nos Chevaux ne sont cependant pas réduits à l’état d'avilissement dont nous venons de parler; il en est qui ont conservé une partie de leurs qualités; d’autres, même, qui en ont acquis que l'on ne rencontre pas parmi les Chevaux sauvages, et ce sont ces qualités qui les rendent plus particulièrement propres à tous les besoins de la société. Les races de Chevaux sont nombreuses, et cela devait être, puisqu'il s'agit d'un animal qui, avec le Chien, a été asservi par l'homme dès qu'il a commencé à s'emparer de la domination du monde. Plusieurs races ont disparu, et, d'un autre côté, chaque jour on en a créé de nouvelles selon les besoins des pays dans lesquels on élève les Chevaux; et toutes ces races peuvent se confondre, plus ou moins, les unes dans les autres. De là il résulte qu'il serait impossible de chercher à décrire toutes ces races dans un ouvrage aussi concis que le nôtre; aussi nous bornerons-nous à dire quelques mots de quelques-unes d’entre elles, et indiquerons-nous seulement les principales. Souvent la beauté des races dépend des soins intelligents que l'on a donnés à l'éducation des Chevaux, et aux traitements justes que l'on fait subir à ces animaux. La couleur du pelage ne peut guère être mise au nombre des caractères essentiels des races; car presque toutes produisent des Chevaux de tous poils; cependant il en est quelques-unes qui semblent affectionner certaines couleurs; ainsi les Chevaux barbes sont généralement gris; les andalous, noirs ou bai marron; les danois ont leur robe pie ou tachetée, ete. Les variations de la taille sont, au contraire, remarquables dans les races de Chevaux; on peut dire que celles qui viennent des pays tempérés l’emportent, sous ce rapport, sur les races des pays froids; les plus grands Chevaux connus se trouvent en France, où ils servent pour le halage des bateaux, et en Angleterre, où ils sont connus sous la dénomination de Chevaux de brasseurs; les plus petits, au contraire, habitent dans le Nord, en Islande et surtout aux îles Shetland, et au Midi, dans les pro- vinces méridionales de la Chine et de l'Inde; mais l'influence du froid et de la chaleur, tout en dimi- nuant la taille également, agit différemment sur la nature de ces animaux, et, tandis que les petits Chevaux irlandais et shetlandais sont robustes, agiles et pleins de feu, ceux de l'Inde et de la Chine sont faibles, chétifs et d'un très-mauvais service. La nature même du terrain semble produire des résultats analogues : sous une même latitude, les Chevaux de montagnes sont de petite taille, mais, comme les Chevaux de Corse et des Pyrénées, compensent presque ce désavantage par leur vigueur, et ceux des plaines, au contraire, comme les Chevaux de la Beauce, par exemple, restent toujours lâches et mous. Une température modérée également éloignée de l'excès du froid et de celui de la chaleur, une contrée où le jeune Poulain puisse exercer ses forces naissantes sans se fatiguer outre mesure, une atmosphère pure, un régime nourrissant, mais non stimulant, telles seront les conditions PACHYDERMES. 49 les plus favorables à l'élevage des Chevaux. L'éducation peut modifier très-profondément les Che- vaux, et même dans les points les plus importants de leur organisme: et, pour n’en citer qu'un seul exemple, nous dirons que, dans les beaux Chevaux anglais propres à la course, les intestins sont devenus beaucoup plus courts que dans les autres races, ce qui leur donne moins de ventre et par conséquent une légèreté plus grande. Nous allons indiquer les principales races de Chevaux, en prenant principalement pour guide les travaux d'Huzard, d’un grand nombre d'auteurs, et surtout de M. De Quatrefage, qui les a tous résu- més dans un article important du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle. Race arage. — Cette race fournit sans contredit les premiers Chevaux du monde, et pourtant ce Cheval est loin de présenter l’ensemble de traits auxquels nous attachons l’idée de beauté; sa tête est presque carrée, son chanfrein droit ou creux, son encolure droite et même quelquefois renversée; mais ses articulations, larges et fortes, servent de point d'attache à des muscles puissants qui se dessinent sous une peau lisse, à poil ras, et que parcourent en tous sens des vaisseaux sanguins très-apparents; son poitrail est large; ses jambes sont fines et nerveuses; ces tendons nettement dé- tachés du canon; son pied est excellent et terminé par un sabot dont la corne est d’une extrême dureté. Cet ensemble annonce à la fois la vigueur et l’agilité; aussi aucun Cheval n’égale-t-il le Che- val arabe courant sous l'homme, dressant la tête et l’encolure de manière à protéger-le cavalier, devançant à la course l'Autruche et l’Antilope, ou se précipitant au milieu d’un combat. D'une ex- trême sobriété, le Cheval arabe ne demande à son maître que cinq ou six livres d'orge, et quelque- fois un peu de paille hachée; il peut faire au moins quatre-vingts kilomètres par jour; tout en lui an- nonce la vigueur, la force et la bonté, et ces qualités précieuses qu'il a reçues, il les transmet à ses descendants. Toutes les races s'améliorent en se retrempant à cette race si pure; celles mêmes qui lui sont supérieures pour la taille et dont les formes sont très-différentes, s'ennoblissent par le mé- lange de son sang. Élevé dans la tente commune, et faisant pour ainsi dire partie de la famille, le Cheval arabe a pour son maître l'attachement et la fidélité du Chien, et il se montre quelquefois l'émule de cet animal pour la sûreté de son instinct. Ce n’est pas sans peine non plus que les Arabes sont parvenus à produire leurs admirables produits, et ils ont pour eux une amitié semblable à celle qu'ils attachent à leur propre famille; pour eux, leur Jument, qu'ils préfèrent au Cheval mâle, est autant que leur enfant. Leur race noble, qu'ils nomment Kochani, Kobejle ou Kaïthan, est pour eux l'objet de soins dont on a peine à se faire une idée; chaque Cheval a sa généalogie des mieux tenue, et les Arabes donnent deux mille ans d'existence à la race Kochlani, qu'ils prétendent avoir pris naissance dans les haras de Salomon; toutes les précautions sont prises pour qu'il n'y ait pas de mésalliance; une éducation soignée est donnée au jeune animal, et le Poulain élevé en liberté doit faire ses preuves avant d’être regardé comme un digne successeur de sa race. Il est difficile de se pro- eurer, en Europe, des Chevaux de la race Kochlani, et presque tous ceux qui ont été achetés comme lui appartenant se rapportent souvent à des races inférieures, telles que celle des Kadischi, qui répon- dent à nos demi-sang ou sang mélé, et sont d'excellents Chevaux, et celle des Attechi, qui sont des Chevaux très-ordinaires. On obtient plus facilement des Etalons; quant aux Juments, elles ne sortent pas de l'Arabie, et servent à transporter la noblesse du pays. Les Juments seules transmettent la noblesse, et c'est toujours par les mères que se comptent les généalogies: on a grand soin de les préserver de toute mésalliance, et, lorsque cela arrive par hasard, le Poulain est regardé comme appartenant à la race du père, et, au contraire, si parfois on fait couvrir les femelles de race inférieure par des Étalons Kochlani, le Poulain est réputé de la race maternelle. Race Bange. — Cette race, qui provient principalement de Maroc et du pays de Fez, parait des- cendre de la race arabe, et s'en rapproche peut-être plus qu'aucune autre par sa vigueur, la lon- gueur de son haleine et la rapidité de sa course; ses formes très-agréables et son encolure, qui flatte les yeux, la font rechercher pour les manèges. Elle est presque aussi recherchée en Europe que la race arabe. Race poncora. — Cette race, qui provient du royaume de Dongola et des pays voisins placés entre l'Égypte et l'Abyssinie, fournit une race presque aussi estimée que les deux précédentes. Ces Chevaux ont la taille beaucoup moins longue à proportion que les Chevaux arabes; mais ils sont aussi très- r. 7 50 HISTOIRE NATURELLE. agiles, très-robustes, intelligents, et très-attachés à leurs maîtres; on les regarde comme descendant d'un des cinq Chevaux sur lesquels Mahomet et ses compagnons s’enfuirent de la Mecque à Médine. Les Étalons sont plus estimés que les Juments, et Bosman en a vu vendre un au Caire pour le prix de vingt-cinq mille francs. Race rurkomane — Le Turkestan a été renommé pour ces excellentes races de Chevaux, seulement ils ont les jambes trop longues et la tête trop grande; mais ils sont agiles, robustes, et semblent dé- fier la fatigue; car on assure que ces animaux peuvent parcourir douze cents kilomètres dans l’es- pace de onze jours consécutifs, ce qui fait cent vingt mille kilomètres par jour. L'éducation entre pour beaucoup dans cette faculté de supporter les traites les plus longues et quelquefois les plus grandes privations, et les Turkomans les y habituent de bonne heure. Û Race circassieNNe. — Les animaux de cette race sont remarquables par leur force et leur légèreté plutôt que par la beauté de leurs formes. Chaque grande famille noble en Circassie élève une race particulière de Chevaux qu'on marque sur la fesse, pendant leur jeunesse, d'un signe particulier; et appliquer le signe qui distingue les descendants d’une race illustre à un Cheval d’origine commune est un crime qu'on punit de mort. La famille la plus noble de cette race est celle des Shalokle, et appartient à la famille des sultans de Ton. Race pgrsane. — Avant que l'on parlât de la race arabe, la race persane avait déjà un grand renom, et elle donnait déjà les meilleurs Chevaux de la cavalerie de l'Orient. Les Chevaux persans de race pure étaient si estimés, que les rois les envoyaient comme cadeaux du plus grand prix, et que, dans les grandes circonstances, pour se rendre les dieux favorables, les Parthes immolaient sur l'au- tel un de ces animaux. Cette race n’a pas dégénéré, et les Chevaux qu’elle renferme se rapprochent beaucoup de ceux de [a race arabe, à laquelle ils sont supérieurs par la beauté de leurs formes exté- rieures; aussi les Anglais, qui sont plus en rapport avec les Persans que les autres peuples euro- péens, s’en procurent-ils pour améliorer leurs races indigènes. Race rurque. — Elle provient du croisement des Chevaux arabes et persans, et a surtout les qua- lités de la seconde race. Ces animaux, qui ont également servi à la formation de la race anglaise, ont le corps plus long que les Chevaux arabes, la croupe plus élevée qu'eux, et portent la tête de la même manière. — La race tartare s'en rapproche beaucoup. Racrs EuroréenEs. — Les habitants de l'Europe, plus civilisés, au moins aussi nombreux, mais rapprochés entre eux dans un espace beaucoup plus circonscerit que les peuples qui élèvent les races dont nous venons de parler, n'ayant pas d’autres animaux capables de faire le transport comme les Chameaux et les Dromadaires, ayant plus de fourrages pour nourrir leurs Ckevaux, n'ont pas eu besoin de trouver dans ces animaux une sobriété et une légèreté qui étaient inutiles pour les tra- vaux les plus communs. Ils ont recherché les Chevaux qui, par leur taille plus haute, leur masse plus forte, pouvaient trainer ou porter les fardeaux les plus pesants, et l'on a réservé les plus fins, les plus légers, les plus jolis de ces animaux pour le service de la selle. Bientôt on a perdu de vue lori- gine de ces animaux; on a négligé les sources premières d’où ils étaient venus; on n'a plus considéré les régians qui étaient les plus favorables pour leur conserver les formes et la constitution que leur avait donné la nature; on n'a plus fait attention à l'éducation qu'il était le plus convenable de leur donner pour remédier aux influences d'un climat moins chaud, moins sec, d'une nourriture plus abondante, mais bien moins stimulante, et qui donne plus de masse au corps sans lui donner plus d'énergie; et peu à peu le type originel a disparu : les Chevaux se sont changés en Chevaux de trait, et les autres sont devenus extrêmement rares. Cette dégénération a affecté plus ou moins profondément les Chevaux de l'Europe, selon les régions, selon les mesures prises par les gouverne- ments pour y remédier et selon l'esprit des peuples. Toutefois on peut distinguer quelques races de Chevaux européens, nous indiquerons seulement les principales. Races Esracoces. — Les provinces d’Andalousie, de l'Estramadure et de Grenade fournissent seules des Chevaux d'un grand prix. On y distingue deux races, dont l'une est assez commune, et propre au service de la £avalerie; l’autre, beaucoup plus rare, propre à fournir des Chevaux de selle, ne s'est conservée dans toute sa pureté que dans la chartreuse de Xères. PACHYDERMES. ji RACES TARTARE, TRANSYLVAINE, MOLDAVE, FRISONE, HONGROISE, POLONAISE, etc. — Toutes ces races, qui semblent descendre de Chevaux arabes, ont conservé quelque chose de leur origine, et fournis- sent des Chevaux sobres, légers, vigoureux et bons coureurs; on leur reproche d'avoir la tête carrée, de manquer de corps, d’avoir les sabots étroits et à talon trop haut. PAGES ALLEMANDE, HANOVRIENNE, SUISSE, HOLLANDAISE, ITALIENNE, etc. — Les Chevaux de ces races, hauts de taille, souples, élégants et solides, proviennent presque tous de Juments du pays croisées avec des Étalons anglais, arabes, barbes ou espagnols. Le commerce des Chevaux est très-considé- able en Allemagne, et c’est dans cette contrée surtout que la France va chercher ce qui lui est né- cessaire pour remplacer ses races éteintes; un très-grand nombre de nos Chevaux de cavalerie vien- nent du Holstein et du Mecklemboug, et ce dernier pays nous envoie, en outre, de beaux attelages. — La race danoise, caractérisée par sa robe tachetée, se rapproche des diverses races allemandes. Races anGraises. — Le Cheval anglais proprement dit est le Cheval de course; la souche première de cette race paraît avoir été un Cheval français, the Godolphin Arabian, vendu à vil prix à un An- glais, et croisé avec les Juments du pays; mais depuis on a eu soin de relever de plus en plus la race par des croisements fréquents avec des Étalons barbes ou arabes, et les Chevaux dits premier sang soat les fils d'un de ces Étalons joint à une Jument déjà croisée d’arabe ou de barbe au pre- mier degré. Les Chevaux de course ressemblent beaucoup à leurs ancêtres; mais ils ont la tête plus forte, les oreilles plus grandes, le corps plus allongé, et sont plus hauts et plus étoffés; ils ont beaucoup de force, de vigueur et de hardiesse, mais manquent de souplesse et de grâce; leur course est extrêmement rapide, et l'on assure que l'un de ces Chevaux à pu parcourir jusqu'à quatre- vingts pieds dans une seconde, ce qui suppose une vitesse de près de neuf myriamètres, ou vingt- trois lieues à l'heure. On sait jusqu'où est porté, en Angleterre, l'amour ou plutôt la fureur des courses de Chevaux; la population entière se porte à ces fêtes publiques, surtout à New-Market, à Epsom et à Ascot-Heath, et, outre les prix considérables du gouvernement, des paris énormes sont faits sur le turf par les sportmen pour tel ou tel Cheval. La généalogie de ces héros des races che- valines est tenue au moins avec autant de soin que dans l’Arabie, et le mélange des belles races est empêché par tous les moyens possibles; le nom des Chevaux célèbres, ainsi que ceux de leurs ascen- dants et descendants, souvent aussi célèbres qu'eux, est conservé avec le plus grand soin, et, sans en- trer dans aucun détail à ce sujet, nous citerons seulement quelques-uns d’entre eux, tels que Darby- Arabian, qui, né dans les déserts de Palmyre, fut acheté à Alep, et devint le père d’une famille de coureurs renommés, comme Devonshire, Bleeding, Almanxor, ete.; etles deux Childers, qui ser- virent à améliorer la race même de Darby-Arabian, et parmi les descendants desquels se trouvent Les Blaze, Suap, Sompson, et par-dessus tous le fameux Eclipse, qui battit sur le turf les plus célèbres coureurs, tels que Bucéphale, Pensioner, et qui ne trouva plus-plus tard de concurrent; devenu uni- quement étalon, Éclipse eut un grand nombre d'enfants, parmi lesquel on compte trois cent trente- quatre Chevaux qui furent couronnés dans diverses occasions, et qui gagnèrent à leurs maitres plus de cent soixante mille livres sterling; mais, si Eclipse n’a jamais rencontré de rival pour la rapidité de sa course, il a été dépassé, sous un autre point de vue, par King-Herod, autre descendant de Darby-Arabian; car il n’a pas laissé moins de quatre cent quatre-vingt-dix-sept enfants, qui, par les prix qu'ils remportèrent, valurent à leurs propriétaires plus de deux cent mille livres sterling ou cinq millions de francs. Outre sa race célèbre de coureurs, l'Angleterre possède trois autres races principales dans les- quelles on reconnaît encore le sang arabe, mais qui toutefois s'éloignent de plus en plus de la pré- cédente; ce sont ces races de Chevaux de chasse, de carrosse et de trait. Le Cheval anglais est le meilleur de tous ceux d'Europe; on évalue que l'Angleterre en possède environ un million trois cent mille, représentant une valeur d'à peu près trois cent soixante-sept millions de francs. Race sugrLannaise. -— Cette race, quoique appartenant à l'Angleterre, puisqu'elle se trouve dans les îles Shetland, situées au nord de l'Écosse, diffère beaucoup des races anglaises dont nous avons parlé. Ce sont des Chevanx vigoureux, bons coureurs, mais dont la taille est extrêmement petite, puisque parmi eux il en est qui égalent à peine en hauteur nos Chiens de Terre-Neuve. Races Françaises. — La France était anciennement l'un des pays les plus renommés pour la bonté 52 HISTOIRE NATURELLE. de ses Chevaux; avant même les conquêtes de César, les Romains connaissaient les Chevaux gaulois, qu'ils estimaient autant que ceux de l'ile de Crête; au moyen âge, nos chevaliers cherchèrent des montures à la fois fortes et agiles, et ils prirent les Chevaux normands; les Chevaux limousins, intelligents et souples, furent recherchés comme monture de parade; à la même époque, le Midi donnait la race navarine; le Boulonnais, la Franche-Comté, échangèrent contre les races de luxe leurs Chevaux de trait; et l'Auvergne, le Poitou, la Bourgogne, produisirent d'excellents Bidets, presque égaux aux forts Chevaux de selle élevés dans le Roussillon, le Forez, le Bugey, etc. Mais, à l'époque où les grands vassaux cessèrent d'exister, la dégradation en France de la race chevaline apparut, et fut surtout causée par la suppression de nombreux haras que possédaient les riches seigneurs. Déjà lors des guerres de Louis XIV, la France fut forcée de payer à l'étran- ger un tribu d'environ cent millions pour remonter en partie sa cavalerie. La Révolution française, en abolissant nos derniers haras et en détruisant, dans les guerres de la République et de l'Empire, presque tous les Chevaux qui restaient dans notre pays, acheva presque complétement la destruc- tion de nos belles races indigènes. Fig. 9. — Cheval de course, Cependant depuis près de quarante ans on s'occupe beaucoup plus en France de l'élève des Chevaux: on cherche à rétablir nos anciennes races nationales, et à former de bons Chevaux au moyen d'Éta- lons arabes ou barbes; le goût des courses et des steeple-chases nous a été donné par les Anglais, et tout fait espérer que nos Chevaux reprendront, avant un grand nombre d'années, leur ancienne renommée. « Le gouvernement, dit M. De Quatrefage dans un travail que nous avons déjà cité, pa- raît sentir toute la gravité du dépérissement de nos races de Chevaux: il semble reconnaître que la France ne doit pas dépendre, pour la remonte de sa cavalerie, de peuples qui, d’un instant à l’autre, peuvent être ses ennemis. Les haras ont été reformés, des courses établies, des prix fondés. On est allé chercher, en Angleterre et en Arabie, des Étalons propres à renouveler le sang appauvri de nos races. En 1845, le gouvernement français est même parvenu à se procurer un certain nombre de Chevaux de la race Kochlani. Espérons que d’autres mesures viendront compléter ce qui manque en- core à ces encouragements, et que nous cesserons enfin de payer à l'étranger ce tribu de trente nul- PACUYDERMES. 53 lions que nous coûtent, terme moyen, chaque année, les Chevaux qu’il nous amène. » Ces espérances n’ont pas été déçues; le gouvernement impérial a pris de nouvelles mesures très-favorables à la régénération de nos races, et tout fait espérer que, dans un certain nombre d'années, nos races che- valines auront repris leur ancienne réputation. Les races que l'on retrouve plus ou moins bien conservées en France sont les races galloise, nor- mande, limousine, navarine, ardennaïse, franc-comtoise, alsacienne, boulonnaise, de la Camargue, bretonne et de l'êle de Corse. Les Chevaux gallois ne se retrouvent guère que dans les îles d’Oues- sant, et sont plus communs en Angleterre qu’en France; les Chevaux normands, quoique quelques-uns d'entre eux disputent avec avantage le prix de la course aux Chevaux anglais, sont devenus aujourd’hui plus principalement des Chevaux de trait et de voiture plutôt que des Chevaux de bataille comme au- trefois; les Chevaux limousins et navarins, et ces derniers surtout, commencent à reparaître dans nos provinces; il en est de même des Chevaux des Ardennes, de la Franche-Comté, de l’Alsace et du Boulonnais: les Chevaux de la Camargue, confinés dans l’île de la Camargue et dans les marais près d'Arles, vivent en liberté et ont conservé leur état à demi sauvage; les Chevaux bretons, fortement membrés, très-musculeux, pleins d’ardeur et d'énergie, sont ceux qui ont peut-être le moins été modifiés et que l’on pourrait le plus facilement améliorer au moyen de croisements avec des Chevaux arabes et barbes; enfin les derniers de nos Chevaux dont nous voulions parler sont ceux de l'île de Corse et des Pyrénées : quoique ces animaux soient de très-petite taille, ils sont pleins de vigueur, et la sûreté de leur pied les rend très-utiles dans les pays de montagnes. — Une race qui appartient au nord de l'Europe, la race islandaise, a quelque rapport avec celle-ci. Races NDIENNES. — Les Anglais ont perfectionné les races de Chevaux dans tous les pays qu'ils possèdent, et l'Inde, aujourd'hui, présente des races chevalines intéressantes. On yÿ connaît la race des Tcorky, née du croisement de la race persane avec des Chevaux turcomans; les races des fra- née, Coxaber, Mojinniss, Tozée, qui offrent d'excellentes qualités, et enfin celle des petits Poneys, qui, par la taille et les services qu'ils rendent, se rapprochent de nos Chevaux de Corse. Races océaniques. — Les races qu'on trouve à la Nouvelle-[ollande sont et devaient être les mê- mes que celles de l'Angleterre. Races AmÉRiICaINEs. — Le Cheval, inconnu de l'Américain primitif, y a été introduit par les conqué- rants européens, et il s’y est reproduit à l'état sauvage et domestique en tel nombre, qu'aujourd'hui il est beaucoup plus abondant qu’en Europe. Le Cheval du Canada et de la Louisiane est générale- ment d’origine française; le reste de l'Amérique du Nord, jusqu'à la Floride et au Mexique, ne com- prend que des Chevaux anglais; et enfin, à partir du Mexique jusqu'au cap Horn, presque tous les Chevaux sont de sang espagnol et portugais. Nous ne décrirons pas toutes ces races plus ou moins modifiées, et nous dirons seulement que les Chevaux américains les plus estimés sont ceux du Chili. Pour compléter cette histoire déja trop longue du Cheval, il nous resterait à dire quels sont les meilleurs moyens de le propager, ceux que l'on doit employer pour en faire l'éducation, les opéra- tions qu'on lui fait subir pour le rendre plus beau ou pour le mieux conserver, etc.; nous ne pour- rons qu'à peine effleurer ce trop vaste sujet, qui est plutôt du domaine de l’art vétérinaire que de l'histoire naturelle, et nous renverrons aux traités spéciaux sur ce sujet et au résumé qu'Huzard en a donné dans l'article Cuevar du Nouveau Dictionnaire d'Histoire naturelle de Déterville. Pour conserver intactes les races de Chevaux, on forme des haras; la manière de construire ces éta- blissements et d'élever ces animaux est un art particulier qu’il ne nous est pas permis ici de décrire, mais dant les règles cependant doivent se déduire du naturel des Cheva x; en général, les qualités pro- pres à chaque race se propagent par la génération, et l'on sent, d'après cela, que les races ne peu- vent pas être indifféremment mélangées; c’est par gradation, et par les gradations les plus insen- sibles, que toute espèce de développement s'opère avec le plus de succès, soit au physique, soit au moral, et l’art doit laisser la plus entière liberté à la nature, dans tous les cas où elle tendrait au même but que lui. Ces principes, émis il y a longtemps par Fr. Cuvier, devraient toujours servir de base à toutes les directions des haras; mais il n'en est malheureusement pas toujours ainsi. Le choix des animaux reproducteurs doit être fait avec le plus grand soin. L'âge auquel l'animal b4 HISTOIRE NATURELLE. peut commencer à travailler doit être observé et strictement ordonné. L'éducation de l'animal doit être faite petit à petit, et surtout sans violence autant que possible. Le bien-être de l'animal, soit dans sa nourriture donnée selon sa nature, soit dans son habitation, doit être constamment respecté. L'exercice modéré, le sommeil nécessaire, doivent être accordés à l'animal. Tels sont les principaux principes qui doivent présider à l’élève de bons Chevaux. Certaines opérations sont faites à un grand nombre de Chevaux; telles sont les opérations de la queue à l'anglaise, des oreilles, qu'on leur coupe parfois en partie; de la castration et de la marque. Une autre opération, qui est beaucoup plus générale que celles que nous venons de citer, est la pose du fer; le sabot croît pendant toute la vie de l’animal : celui des Chevaux qui sont dans l'état sauvage ne s’use pas plus vite qu'il ne croit; mais, dans l’état de domesticité, il est exposé à des frottements violents sur les pavés, et il est indispensable de le garnir d’une lame de fer, sans quoi il serait bien- tôt hors de service. Cette nécessité de garantir l'ongle des Chevaux a donné naissance à l'art de la maréchallerie, e’est-à-dire à celui qui a pour but de forger les fers propres aux Chevaux, et de les fixer par des clous. On ne devrait ferrer les Poulains que lorsqu'ils ont quatre ans accomplis; mais on les ferre communément beaucoup plus tôt. . On sait combien le Cheval est utile à l'homme pendant sa vie; après sa mort, il lui donne encore sa peau, ses os, son crin et parfois même sa chair. 2. ANE. EQUUS ASINUS. Linné. CaracrÈRES spÉciriquEs. — Pelage gris, plus ou moins roussâtre, avec la ligne dorsaie et une bande transversale sur les épaules, noires; oreilles très-grandes; queue terminée par une houppe de grands poils. La longueur moyenne du corps, mesurée endigne droite depuis l’entre-deux des oreilles jusqu'à l'anus, est de 1",50; la hauteur au garrot est de 1",12. Beaucoup moins beau, moins brillant, moins intelligent que le Cheval, l'Ane n’est devenu notre servi- teur que beaucoup plus tard que lui, et son type sauvage, connu sous le nom d'Onagre, habite encore aujourd’hui les déserts de l'Asie, où les Tartares lui donnent le nom de Koulan ou Choulan. Le type sau- vage de cette espèce était bien connu des anciens; on le trouve mentionné dans les livres de Moïse, et même ce législateur, le croyant d’une autre espèce que l’Ane domestique, défendit de les accou- pler. Aristote donne à l’Ane le nom d'owx, et Pline, ainsi que Gesner, ceux d’Asinus sylrestris et d'Onager. Cet animal, à son état sauvage, parut souvent dans les jeux du cirque chez les Romains; d’après Julius Capitolinus, l'empereur Gordien nourrissait, entre autres animaux rares, trente Ânes sauvages, et Philippe en fit paraître une vingtaine dans les jeux séculaires. Depuis cette époque, on avait presque entièrement perdu de vue cet animal, lorsque Pallas le retrouva et le décrivit avec soin dans son Voyage en Russie, en 1775. L'Onagre est de la grandeur d’un Cheval de moyenne taille, et par conséquent est un peu plus grand que l’'Ane domestique; sa tête est lourde; ses oreilles ont moins de développement que celles de nos Baudets communs; son pelage est d’un gris ou d’un jaune brunâtre; une longue bande brune s'étend sur la ligne dorsale d'un bout du corps à l’autre, et le poil qui la forme est floconneux et ondoyant, même pendant l'été; en hiver, cette espèce de crinière est moins distincte, parce que le corps entier se couvre d'une toison semblable; une ou deux bandes grises coupent en eroix cette ligne longitudinale à la hauteur des épaules; les côtés de l’encolure sont sillonnés de lignes que forment des épis ou bouquets de poils relevés à contre-sens. L’Ane semble avoir la même patrie que le Cheval; mais, partis sans doute d'un même centre de création, Fun fut porté plus au nord, l'autre plus au midi. Dans les migrations périodiques, l'Onagre descend jusqu’au golfe Persique, jusqu'à la pointe sud de l’Indoustan; mais, au nord, il ne semble pas dépasser le quarante-cinquième degré. Il a les mêmes mœurs que le Cheval; dans leurs voyages, ces animaux sauvages, réunis en troupes innombrables, traversent les déserts de l'Asie sous la con- duite de chefs dont les ordres sont exécutés avec une admirable ponctualité; s'ils sont attaqués par les Loups, ils se rangent en cercle, en plaçant au centre les jeunes et les vieux, frappent leurs enne- mis des pieds de devant, les déchirent par de cruelles blessures, et remportent toujours la victoire. Mais l'homme est pour eux un ennemi plus redoutable que le Loup; il leur déclare une guerre achar- Fe PACHYDERMES. 55 née pour améliorer ses races domestiques, pour s'emparer de la peau, avec laquelle il fait des tam- bours, et cette espèce de maroquin si connu sous la dénomination de chagrin, et pour se nourrir de sa chair, qui passe en Tartarie pour un mets des plus délicats. Par la rapidité de sa course, il se dérobe assez facilement à une attaque ouverte; mais il se laisse prendre sans défiance aux piéges, aux nœuds coulants, et donne souvent dans les embuscades que lui tendent les chasseurs. Si le Cheval n'existait pas, a dit Buffon, l'Ane serait pour nous le premier des animaux. C'est la comparaison qui le dégrade. L'Ane sauvage et le Cheval redevenu libre sont à peu près de la même taille; mais l'Onagre est plus fort et plus agile. Pourquoi donc l’un est-il l'objet de tant de sollici- tude, l’autre de tant de dédain? Cette différence tient sans doute à la supériorité intellectuelle du Cheval; mais cependant il ne faut pas juger l'espèce de l’Ane d'après les individus, abâtardis par nos mœurs et un climat trop froid, que nous voyons dans nos campagnes. En Perse, où on élève avec soin les Anes domestiques, l'espèce s'est remarquablement ennoblie; leur taille égale celle des Che- vaux; leurs formes sont devenues sveltes; leur physionomie animée et intelligente; employés à tous les usages qui, chez nous, sont l'apanage des Chevaux, ils rendent les mêmes services; et la rapi- dité des Anes de selle est si bien connue, que les riches Persans préfèrent cette monture à toute autre. Chez nous, les Anes ne servent que de bêtes de somme, et l’on sait qu'ils peuvent porter de très-forts fardeaux. L'ancienne médecine prenait divers médicaments dans ces animaux; mais au- jourd’hui on ne se sert plus que du lait d'Anesse, qui est employé avec succès dans diverses ma- ladies. En domesticité, les Anes sont des animaux très-patients, très-sobres et très-utiles. Ils servent comme bêtes de somme et comme monture, et c’est particulièrement dans les pays chauds qu'ils sont employés à ce dernier usage. Ils ont les yeux bruns, l'odorat admirable, l’ouïe très-fine; leur goût paraît très-peu délicat, car ils recherchent de préférence les plantes épineuses, comme les char- dons et les orties; ils aiment à se rouler dans la poussière; les chemins les plus étroits et les plus secs sont toujours ceux qu'ils choisissent; ils sont très-susceptibles d'attachement envers leurs mai- tres, quoiqu'ils en soient ordinairement maltraités. La voix de l’Ane, appelée le braire, doit son ton rauque à deux petites cavités particulières du fond de son larynx. La durée de sa vie parait être de vingt à trente ans; il est trois ou quatre ans à croître, et peut engendrer dès l'âge de deux ans. C’est vers le mois de mai que les Anesses entrent en chaleur; les mâles se montrent très-ardents; la gestation dure un an environ, et la femelle ne produit, comme la Jument, qu’un seul, et très-rare- ment deux petits. Les Anons sont très-gais et ont de la légèreté et de la gentillesse. À deux ans et demi, leurs premières incisives tombent, et ensuite les autres incisives tombent aussi, en se renouvelant et s’usaut dans le même temps et dans le même ordre que celles du Cheval. On admet un assez grand nombre de races d’Anes : les uns diffèrent principalement entre eux par la taille, et l’on remarque que ceux qui habitent les contrées les plus rapprochées de la Tartarie, c'est-à-dire de la patrie originaire de ces animaux, sont les plus grands, les plus forts, et qu'ils se rapprochent beaucoup du Cheval par l'élégance de leur taille, le poli de leur poil, la pose de leur tête, la vivacité de leurs yeux, la noblesse et même la fierté de leur attitude, la grâce et l’action de leurs mouvements, la légèreté et la prestesse de leurs allures. Dans toutes ces contrées, les Anes qui obtiennent les soins de l’homme conservent ces avantages; mais là aussi, comme chez nous, les races négligées sont rapetissées et perdent toute leur énergie. Le climat influe aussi considérablement sur ces animaux, et l'on remarque qu'ils sont d'autant plus petits et plus faibles, qu'ils habitent des contrées plus septentrionales. Les Anes arabes et ceux d'Egypte ont autant de vigueur et de beauté que les Chevaux, et ils sont élevés en grand nombre dans ce dernier pays. Les Anes de Perse, de Nubie, d'Abyssinie et de Barbarie, ont beaucoup de ressemblance avec ceux d'Égypte, ce qui paraît dû non-seulement aux soins que l'on a d'eux, mais encore au concours de la grande chaleur et de l'extrême sécheresse de ces pays. Ceux de l'Inde, de la Nubie, de la Haute-Egypte, de la Chine et de la Cochinchine, du Sénégal, habitant des contrées plus humides que celles que nous avons indi- quées, ou plus voisines de l'équateur, sont de taille médiocre ou petite. Les Anes de la Grèce, re- nommés autrefois, sont dégénérés depuis lenvahissement de ce pays par les Turcs. L'Espagne et le Portugal, V Italie et les parties méridionales de la France, fournissent les plus grands Anes de l'Eu- rope. Les Anes de Sardaigne sont nombreux, mais plus petits que ceux d'Italie. Ceux d'Angleterre sont très-petits, et leur espèce n’a été multipliée dans cet État que depuis le règne de la reine Élisa- »6 HISTOIRE NATURELLE. beth. Les Anes des pays du nord de l’Europe sont de même stature, et leur introduction dans quel- ques-uns est encore plus récente qu'en Angleterre. Il n'y avait point d’Anes en Amérique avant la découverte de ce continent; mais ils s’y sont multipliés depuis, et c’est Washington qui en a propagé l'espèce aux États-Unis; ils sont nombreux maintenant au Pérou et au Paraguay. L’Ane peut s'accoupler avec le Cheval et avec le Zèbre, et produire des Mulets qui sont inféconds. Nous avons déj parlé du Mulet, ou produit de l'Ane et de la Jument, et du Bardeau, produit du Cheval et de l'Anesse. Le Mulet provenant de l'accouplement d'un Ane et d’une femelle de Zèbre est gris, avec des bandes noires transversales bien marquées sur la face externe des membres, et d’au- tres très-étroites et presque effacées sur la tête et les flancs; il a une raie noire transversale sur chaque épaule qui est aussi apparente que celle de l'Ane; ses formes sont celles du père. M. Gray (Annals of Philosophical transactions, t. XXVI, 1895) a cru devoir faire de cette espèce et des quatre suivantes un genre particulier auquel il assigne le nom d'Asinus; mais les caractères donnés à ce groupe sont de trop peu de valeur pour qu'on ait cru devoir l'admettre. D'après l'auteur auglais, le genre Ane n’a pas, comme celui des Chevaux, les crins partant de la racine de la queue; une ligne dorsale, qui n'existe nullement sur le Cheval, se trouve généralement chez le genre Ane:; on rencontre constamment sur le Cheval une plaque épidermique qui n’existe pas à la région tar- sienne de la jambe des Anes. La crinière est longue et flottante chez l’un, courte et hérissée chez l'autre; les oreilles de l’un sont bien plus courtes que celles de l’autre; il y à une différence sensi- ble dans la forme du sabot, ete. 3. HÉMIONE ou DZIGGTAI. EQUUS HEMIONUS. Gmelin. CaRACTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage isabelle en dessus; crinière et ligne dorsale noires; queue ter- minée par une houppe noire. Intermédiaire pour la taille entre le Cheval et l’Ane; longueur totale, 17,65, sur lesquels la queue mesure 0",66. Aristote et Élien avaient déjà indiqué ce Pachyderme comme distinet de l'Ane sauvage et du Mulet métis. Les modernes l'avaient perdu de vue, lorsque Messerschmidt le reconnut et le rapporta au Mulet fécond d'Aristote; mais c’est réellement Pallas qui en donna le premier une bonne descrip- tion, depuis entièrement complétée par Fr. CGuvier, sous le nom de Equus hemionus Dshigglai dictus. C'est l'Equus hemionus, Hémione ou Dziggtai des auteurs modernes, et il peut se pro- pager aisément dans nos ménageries, où l’on en possède constamment. L'Hémione mérite tout à fait son nom par la ressemblance qu'il offre à la fois avec le Cheval, par les parties antérieures du corps, et avec l'Ane, par les postérieures. La tête présente le même mé- lange; par sa grosseur, elle rappelle celle de l'Ane, et celle du Cheval par la forme; on peut en dire autant des oreilles, un peu moins longues que celles de l’Ane, et se rapprochant de celles du Che- val par leur coupe et par leur implantation; chez l'Hémione, les ouvertures des narines simulent deux croissants dont la convexité est tournée en dehors, ce qui ne se retrouve ni chez le Cheval, ni chez l’Ane. Le pelage est formé d’un poil ras et lustré; la couleur en est presque uniformément blanche pour les parties inférieures et internes, isabelle pour les parties externes et supérieures; ces deux couleurs se confondent insensiblement l'une dans l'autre. A la face externe des membres, on observe de longues barres transversales d'une teinte isabelle plus pâle; la crinière, qui commence un peu en avant des oreilles, s'étend jusqu’au garrot en diminuant insensiblement de longueur, et les poils qui la composent sont noirâtres; elle semble se continuer en une bande de même couleur qui règne tout le long de la ligne dorsale, s'élargit d'arrière en avant, se rétrécit assez brusquement après avoir dépassé les hanches, et vient se terminer en pointe sur le bout de la queue; celle-ci, dans sa plus grande étendue, est couverte de poils aussi ras que le reste du corps, et l’on trouve seulement à l'extrémité un bouquet de erins noirâtres. La ménagerie du Muséum possède depuis longtemps plusieurs Hémiones, et l'on est parvenu à les faire reproduire : des essais ont été faits pour rendre cette espèce domestique; mais jusqu'ici le caractère presque indomptable de cet animal n’a pas permis qu'il ait pu réussir; cependant ils reconnaissent leur gardien, lui obéissent souvent, et les Poulains viennent le flatter quand il leur apporte leur nourriture. Espérons qu'aujourd'hui, qu'on étudie avec tant de zèle les condi- PACHYDERMES. 91 tions de la domestication des animaux, de nouveaux essais seront tentés, et qu’ils auront pour ré- sultat de nous donner pour auxiliaire un aussi bel animal qui pourrait probablement nous rendre les mêmes services que le Cheval et que l'Ane. Le jeune sujet porte une livrée; la teinte isabelle tire sur le rougeätre à la hauteur des côtes, et partout ailleurs elle est plus pâle que dans l'adulte; les zébrures des membres semblent remplacées par un réseau isabelle à peine sensible; vers la ligne dorsale, la couleur des flancs passe insensiblement à une teinte blanchätre, en même temps que le poil s'allonge et se relève contre la crinière, qui contient déjà de vrais crins, et est noirâtre, mélan- gée de poils blancs. Les Iémiones se trouvent en grand nombre dans le pays de Cutch, au nord de Gazarate; ils vont par troupes de vingt à trente, et quelquefois de cent individus dans les plaines découvertes où les plantes salées abondent, et qu'ils recherchent. Dussumier assure qu'à Bombay on s’en est servi comme Chevaux de selle et de trait, et il ajoute qu'on peut assez facilement les apprivoiser; cepen- dant les Tartares ue les emploient pas, et ne leur font la chasse que pour en manger la chair, qui leur plait beaucoup. IL. ESPÈCES D'AFRIQUE. 4. COUAGGA. EQUUS QUACCLA. Gmelin. CanacrÈres sréciriques. — Tête, cou et épaules brun noirâtre, rayés en travers de blanchâtre: eroupe d'un gris roussâtre; queue terminée par une touffe de grands poils. Longueur totale, 1,30. Couagea mâle. — Fig. 10 Ce Solipède rappelle assez bien les formes du Cheval par la légèreté de sa taille, la petitesse de sa P 8 DS HISTOIRE NATURELLE. tête, la brièveté des oreilles; mais il a la queue, la bande dorsale et les barres transversales de l’'Ane; quant aux zébrures qui se trouvent sur la partie antérieure du corps, elles lui sont propres. La taille du Couagga est semblable à celle du Cheval de moyenne grandeur; le fond du pelage, sur la tête et sur le cou, est brun foncé noirâtre; le dos, les flanes, le haut des cuisses sont d'un brun clair qui se change en roussätre sur le milieu des cuisses; les parties inférieure et interne sont d’un beau blanc; on voit des raies gris roussâtre variant avec l’âge sur la tête et le cou; une ligne noi- râtre règne le long de l’épine dorsale et descend sur la queue; la crinière est courte et droite, ayant sa couleur genérale occupée par des taches blanches correspondantes aux raies du cou. On en a possédé un individu mâle au Muséum de Paris, et il mourut à environ vingt ans; on n'a pu le faire accoupler avec une Anesse; souvent il répétait le cri de couang, qui a valu à l'espèce le nom qu'elle porte. Cet animal parait propre aux parties les plus méridionales de l'Afrique; on le trouve en grand nombre sur les plateaux de la Cafrerie, où il se nourrit de plantes grasses et d’une espèce particu- lière d’acacia. Il vit par familles nombreuses qui se mêlent souvent aux troupes de Zèbres, et c’est le Cheval du Cap des voyageurs. On peut l'apprivoiser aisément, et les colons hollandais ont, dit-on, l'habitude d'en élever avec le bétail ordinaire, qu'il défend avec courage contre les animaux féroces, et surtout contre les Hyènes. 5. DAUW. EQUUS MONTANUS. Burchell. CaracrÈRES sPÉCIFIQUES. — Pelage blanc; nuque et dos rayés de bandes alternativement noires et fauves; une ligne noire, bordée de blanc, sur le dos; ventre, queue et fesses sans bande comme dans l'espèce précédente, et tout à fait blancs; crinière rayée de bandes noirâtres et blanches. (Voy. l'Atlas, pl. Il, fig. 1.) Cette espèce, la dernière connue, et qui a été longtemps confondue, tantôt avec l'Hémione, tantôt avec le Zèbre, tient à la fois de ces deux animaux. C’est l'£quus xebroides de Fr. Cuvier, qui en a même décrit un individu sous le nom de Zèbre mâle; c'est l'Equus zebra et montanus de Burchell, et l’'Asinus Burchellii de Gray. La taille de cet animal est celle d’un petit Cheval; le fond du pelage est isabelle sur les parties supérieures, blanc aux parties inférieures; tout le dessus du corps est rayé de rubans noirs ou bruns, transverses en avant et obliques en arrière, se ramifiant et s'anastomosant, surtout dans le mi- lieu du corps; le bout du museau est noir; le dernier ruban du cou se divise, sur le bras, en un che- vron dans lequel s’en inscrivent trois ou quatre autres; la queue est toute blanche, raide; la crinière ne retombe pas, comme dans le Cheval, sur les côtés du cou. Le mâle diffère de la femelle en ce qu'il est plus petit, et que ses rubans sont moins teintés de brun. La ménagerie du Muséum de Paris possède depuis longtemps plusieurs de ces animaux, et ils s'y sont même reproduits. Ils paraissent recevoir avec plaisir les soins de leur gardien, qu'ils recon- naissent fort bien: cependant ils sont loin d’avoir perdu le souvenir et l'amour de leur ancienne in- dépendance, et, dans un accès de colère, l'un d’eux a cassé la cuisse à l'homme qui le soignait; mais, comme des accidents semblables arrivent malheureusement quelquefois aux personnes qui soignent des Chevaux, il ne faut pas admettre pour cela qu’ils sont indomptables, et l'on peut encore espérer les rendre domestiques; par la force de leurs membres, on peut même penser qu’ils ren- draient de grands services comme bêtes de somme. On le trouve sauvage aux environs du cap de Bonne-Espérance et probablement dans une grande partie des montagnes de l'Afrique centrale, Il a les mêmes mœurs que les autres espèces du même genre. G. ZËBRE. EQUUS ZEBRA. Linné. CarAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage rayé partout, très-symétriquement, de bandes d'un brun plus ou moins noir sur un fou d blanc. De la taille d'un Cheval de moyenne grandeur. #0 à, |] Fig. 2. — Laic et ses Marcassins. PACHYDERNES. 59 Aristote et ses commentateurs ne semblent pas avoir connu le Zèbre; cependant il à dù figurer à Rome dans les jeux du cirque. Philippe rapporte que Caracalla tua dans un seul jour un Éléphant, un Bhinocéros, un Tigre et un Hippo-Tigre; le même auteur raconte aussi que Plautius envoya des cepturions dans les îles de la mer Érythrée pour y enlever les Chevaux du soleil, semblables à des Tigres. Ces deux expressions ne peuvent se rapporter.qu'au Zèbre; et Diodore de Sicile parait aussi avoir parlé, sous la dénomination d'Hippotigre, de cet animal dans sa description du pays des Tro- glodytes. Les Romains, au reste, ont fini par connaître cet animal; car, quoique sa véritable patrie soit le cap de Bonne-Espérance, il s'étend dans presque toute l'Afrique orientale, il est commun au Congo et en Abyssinie. Jobson le désigne sous le nom de Zebra Indica; Aldrovande, sous celui de Zebra; Cest l'Equus Brasiliensis de Jacob, quoiqu'on ne le rencontre nullement en Amérique, l'Equus zebra de Linné, et le Zèsre de Buffon. Quoi qu'en ait pu dire Buffon, ainsi que le fait observer M. De Quatrefages, le Zèbre n’est nulle- ment supérieur au Cheval par la beauté des formes; et, sous ce rapport, il ressemble beaucoup à l’Ane domestique: mais sa taille est bien plus élevée, et la richesse de sa robe suflit seule pour le séparer nettement de toutes les autres espèces du même genre. Le fond du pelage est blanc, glacé de jaunâtre, et cette teinte règne seule sous le ventre et à la partie supérieure et interne des cuisses, partout ailleurs elle est rayée de bandes dont la direction est perpendiculaire à l’axe de la partie qu'on observe, excepté sur le chanfrein, où cette direction est longitudinale; la couleur des bandes est rousse sur le museau, et partout ailleurs d’un brun foncé noirâtre; leur nombre paraît être con- stant dans certaines parties du corps : il y en a huit sur le cou, deux sur l'épaule et douze sur le train de devant; chaque cuisse en présente quatre plus larges que les autres, qui en dessinent très- bien la convexité; le reste des membres, des oreiiles, ete., est irrégulièrement rayé de noir et de blane, et le tour du museau est tout entier d’un brun noirâtre. Le mâle et la femelle se ressemblent; les jeunes naissent avec les couleurs de l'adulte, seulement le brun est plus pâle. C’est pour la première fois, en Angleterre, et par les soins de lord Clive, que l’on parvint à faire aecoupler le Zèbre et l’'Ane, et depuis cette expérience a été renouvelée heureusement au Muséum de Paris. L'accouplement d'une femelle de Zèbre avec un Ane d’Espagne de forte race fut fécond, et, au bout d’un an et quelques jours, elle mit au monde un petit qui vit encore aujourd'hui, plus tard, on essaya de la réunir au Cheval, ce qui se fit sans difficulté; mais malheureusement cette femelle mou- rut au huitième mois de sa grossesse; le fœtus, avec les formes du père, avait une partie de la robe de la mère. Les Zèbres sont assez rares dans nos ménageries européennes, quoiqu’on puisse en voir de temps en temps. On a longtemps regardé le Zèbre comme un animal indomptable. Les faits avan- cés par Buffon sur des équipages formés par cet animal ont été démentis; toutefois, le Zèbre qui a vécu au Muséum avait été pris jeune, et avait appartenu au gouverneur du cap de Bonne-Espérance, était très-doux et se laissait approcher, conduire et mener presque aussi facilement qu'un Cheval bien dressé. Il ne semble donc pas y avoir de doute que l’on ne puisse rendre aussi cette espèce domestique. Dans l'Afrique australe, les Zèbres sauvages vivent par troupes et paissent l'herbe dure et sèche qui croit dans les pays de montagnes; ils ont beaucoup de force et se défendent contre les grands animaux sauvages par des ruades vigoureuses; leur caractère est excessivement défiant et farouche, et il semble qu'il est presque impossible de les dompter, à moins qu'on ne les ait pris très-jeunes. On trouve en très-grand nombre des ossements fossiles du genre Cheval dans les couches meubles qui recèlent des os de Rhinocéros, d'Éléphant, de Cerf et de Bœuf, ainsi que dans les cavernes et les brèches osseuses: mais il n’a pas été possible jusqu'ici de les distinguer des espèces vivantes. Il est vrai de dire que les squelettes de toutes les espèces vivantes de ce genre se ressemblent tellement lorsqu'ils sont de même taille, qu'on n’a pas encore indiqué de caractères bien tranchés propres’à les différencier; cependant le Cheval étant généralement d'une taille supérieure à celle des autres espèces, et les ossements que nous avons cités offrant les mêmes dimensions que les siennes, on peut croire qu'ils appartiennent bien réellement à cette espèce, appelée dès lors à tort Equus fossilis. En ce moment M. Lartet s'occupe de l'étude des Chevaux fossiles, et il est probable que d'ici à peu de temps la science saura s'il y a ou non des espèces éteintes de ce genre, bien distinetes des espèces vivantes. On rencontre de ces ossements en Europe; mais, ce qui est beaucoup f us curieux, en Amé- GO HISTOIRE NATURELLE. rique, entre autres au Texas, mélangés avec des os de Bœufs, et là où il n'existait pas de Chevaux avant l'arrivée des Européens. à S'il paraît impossible de distinguer ces Chevaux des terrains de diluvium, il n’en est pas de même de ceux qu'on trouve dans les sables tertiaires. M. De Christol a découvert, dans le bassin de Pé- zénas (Hérault) et dans la vallée de la burance, des ossements d’une espèce de Cheval dont l'émail des molaires supérieures, au lieu de présenter un croissant au milieu du bord interne, montre un cerele qui ne se confond pas avec les croissants du reste de la dent; et, comme les os du squelette ont offert aussi quelques différences à M. De Cbristol (Jahrb. [. Min., 4854), il a fait de cet ani- mal un genre auquel il donne le nom d’'Hipparion (irraow:, petit Cheval). Peu de temps après, M. Kaup a trouvé dans les sablières d'Eppelsheim, sur les bords du Rhin, mêlés avec des os de Di- nothérium, de Mastodonte et de Rhinocéros, des dents de Chevaux qui offrent le même caractère que celles de l'Hipparion, et il en a fait un genre particulier sous le nom d'Hippotherium (i#rcs, petit Cheval; 6x9, grande bête), et il en distingue deux espèces, les ZT. gracile et nanum, qui réellement ue doivent en former qu'une et être peut-être même réunie au genre de M. De Christol. Fig. 1. — Rhinocéros univorne. RUMINANTS. Cet ordre est l'un des plus naturels parmi ceux que les zoologistes ont établis daus la elasse des Mammifères; car l'on n’observe que des différences peu importantes dans tous les points de l'orga- nisation des animaux qu'il contient, comparés entre eux, et les genres que l’on a formés pour les subdiviser ne présentent pour la plupart que des caractères secondaires. Les Ruminants n'ont pas d’in- cisives supérieures, à très-peu d’exceptions près; le nombre des incisives inférieures est de huit; il n’y a souvent pas de canines supérieures; le plus ordinairement les molaires ont leur couronne mar- quée de deux doubles croissants; les pieds ont deux doigts engagés dans des sabots et deux rudi- ments de doigts latéraux derrière le sabot, et ces pieds servent uniquement à la marche; ils ont le plus communément des cornes ou des bois, et ceci est le caractère le plus particulier de ces Mammi- fères: ils présentent tous quatre estomacs destinés à la rumination; le cerveau a des circonvolutions nombreuses: les mamelles sont inguinales; enfin ce sont des Mammifères placentaires, et leur pla- centa est cotylédonaire ou diffus. Linné a nommé ces animaux Pecora, parce que les bestiaux qui composent nos troupeaux en font principalement partie. La forme de leurs pieds leur à fait donner, par iliger, les noms de Pisur- ques, Bisulca; par Klein, ceux de Dichiles ou Divacryces, et par De Blainville celui d'OxcuLocranes rares. Enfin les anomalies qu'on remarque dans leurs organes de la digestion et dans la manière dont cette fonction s'exécute chez eux ont déterminé Vicq D’Azyr à les appeler Ruminantes; Bod- daërt, Ruminantia, et G. Cuvier, Ruminanrs, dénomination qui a généralement prévalu. Plusieurs des caractères principaux des Ruminants leur sont communs avec les Pachydermes; l'acte seul de la rumination et quelques particularités de l'estomac destinées à son exécution les en distinguent d'une manière absolue; aussi peut-on dire, avec Duvernoy, M. P. Gervais et d’autres zoologistes, que les Pachydermes et les Ruminants ne sont que des fractions d’un même groupe de Mammifères, celui des Ongulés, qui est en effet une des grandes subdivisions que l’on doit admettre parmi ces animaux; du reste, l'étude des Pachydermes fossiles démontre encore ce rapprochement d'une manière plus évidente, puisque plusieurs d’entre eux tiennent de bien plus près aux Ruminants que ne le font les espèces actuelles, c'est ce que montrent surtout plusieurs groupes voisins des Anoplothériums qui tendent à joindre ces animaux aux Chevrotains, qui sont de vrais Ruminants : c’est ainsi que. sous le point de vue du système dentaire, on a dû, dans ces derniers temps, ranger dans le genre Che- vrotain, et par conséquent dans les Ruminants, le Dichobune cervinum, que G. Cuvier plaçait parmi les Pachydermes. 62 HISTOIRE NATURELLE. Plusieurs animaux de l’ordre que nous étudions, tels que la Girafe, le Chameau et le Bœuf, sont de très-grande taille; la plupart des autres, comme les Moutons, Chèvres, Cerfs, Antilopes, sont de taille moyenne; enfin un petit nombre, et parmi eux on doit citer les Chevrotains et quelques Anti- lopes, sont de très-petites dimensions. Excepté les Bœufs, qui ont le corps épais, les membres ro- bustes et la démarche lente, tous les Ruminants ont des formes sveltes, des jambes grêles et élevées, et sont doués d'une grande vitesse à la course. Ceux qui ont la force en partage sont d’un naturel farouche, tandis que les plus faibles, et c'est la très-grande majorité, sont des animaux craintifs, presque uniquement occupés à se soustraire aux poursuites de leurs nombreux ennemis. Les Pachy- derme (Voy. l'Atlas, pl. IL., fig. 2. la Laïe et ses Marcassins), mais cependant nous devons en exclure tout le groupe de Chevaux, ont des formes plus massives que les Ruminants. La tête de ces derniers est allongée et amincie antérieurement, excepté dans les Bœufs et dans quelques Antilopes, où le mufñle s'élargit et présente quelquefois une surface charnue sur les côtés de laquelle sont percés les naseaux. Les yeux, en général grands, bien fendus et à paupières bordées de cils, ont la cor- née saillante, la pupille en parallélogramme transversal ou oblique, et semblent bien conformés pour voir pendant la nuit. Au-dessous et en avant des yeux, on remarque une fente ou plutôt un repli de la peau qu’on appelle larmier, dont les parois sécrètent une humeur transparente, un peu épaisse et jaunâtre, que l’on a regardée dans les Cerfs comme étant leurs armes, ce qui est faux; car ces ani- maux, comme les autres Mammifères, ont des glandes lacrymales, et par conséquent de véritables larmes; les larmiers peuvent être très-profonds ou ne pas exister. Les oreilles, au moins dans les espèces sauvages, sont longues, en cornet, très-mobiles. Un organe particulier, qui existe bien chez quelques autres Mammifères, mais qui ici est arrivé à son maximum de développement, est celui que l’on a appelé organe de Jacobson, sur lequel M. le docteur P. Gratiolet a donné, dans ces derniers temps, de nombreux détails, et que l’on suppose destiné à leur permettre de reconnaitre les matières végétales qui leur conviennent le mieux. Les moustaches ne sont représentées que par quelques poils faibles, peu allongés, ou même n'existent pas. La langue est longue, plate, et très-souvent en des- sus garnie, vers la base, de nombreuses papilles molles, affectant diverses formes, ou, plus rare ment, couverte de papilles cornées. Des productions particulières à beaucoup d'animaux de cet ordre sont celles qui ont reçu le nom de cornes ou de bois, et qui se voient tantôt simultanément sur la tête dans les deux sexes, tantôt chez les mäles seulement, ou bien qui, dans un certain nombre d’es- pèces, n'existent ni dans l'un ni dans l'autre sexe. Ces cornes ou bois sont toujours paires, et placées sur les os du front. Les cornes se composent d'un développement de ces os en forme de cheville simple, conique, plus ou moins allongée et diversement contournée, lequel est tantôt, comme chez les Bœufs, Moutons, Antilopes et Chèvres, recouvert d’une enveloppe conique de corne qui en suit la direction anguleuse, comprimée ou ronde, lisse, ridée ou annelée en travers, et de couleur assez va- riable, depuis le noir jusqu’au gris jaunâtre; tantôt seulement, comme dans les Girafes, revêtu d'un prolongement persistant de la peau velue de la tête, lequel est terminé par une forte touffe de grands poils raides; ces chevilles, osseuses dans les Bœufs et Moutons, sont creuses, et leur cavité, commu- niquant avec les sinus frontaux, peut être considérée comme un annexe des organes de l'odorat, ou bien, ainsi que dans les Antilopes, sont solides et formées d’une substance osseuse à tissu très-serré. Les bois, qui sont, la femelle du Renne seule exceptée, les attributs des mâles dans le grand genre Cerf, sont des productions plus ou moins compliquées, et le plus ordinairement branchues, au moins chez les adultes, qui tombent et se renouvellent, en se compliquant davantage chaque année, jus- qu'à ce que les animaux qui les portent soient dans la force de l’âge; ils sont purement de nature osseuse, sans étui corné, et, quand ils se développent chaque été, ils sont d'abord cartilagineux et recouverts par une peau sensible et velue, continuation de celle de la tête, et sous laquelle sont des vaisseaux abondants qui, venant à s’oblitérer plus tard, laissent leurs traces en forme de sillons sur le bois, auquel ils ont porté originairement la nourriture. La bouche est médiocrement grande, et la lèvre supérieure est plus ou moins fendue dans son milieu. Le système dentaire, parfaitement carac- térisé, ne permettrait de former dans cet ordre qu'un très-petit nombre de genres; sa composition générale dans le plus grand nombre des groupes, tels que ceux des Girafe, Cerf, Antilope, Bœuf et Mouton, consiste en huit incisives inférieures, aplaties, élargies et assez tranchantes à leur extré- mité, s'appuyant obliquement sur un bourrelet charnu qui garnit le bord avancé, aplati et assez mince des os intermaxillaires qui terminent la mâchoire supérieure, et six molaires seulement, tant RUMINANTS. 65 en haut qu'en bas, où il n'y a que cette seule sorte de dents, de chaque côté, dont les trois pre- mières, plus simples que les autres, présentent à leur couronne la corne d’un croissant mal dessiné, et dont les trois postérieures offrent des figures de doubles croissants, ayant leur convexité en dedans pour la mâchoire d'en haut et en dehors pour celle d’en bas. Quelques particularités se remarquent suivant certaines espèces; dans les Chevrotains, le nombre des molaires est de même, seulement les trois fausses molaires antérieures sont latéralement comprimées, et ont leur bord tranchant et lobé à la manière des molaires des Carnassiers; les Chameaux se rapprochent beau- coup des Pachydermes, car ils n’ont que six incisives inférieures au lieu de huit : il y a une in- cisive de chaque côté en haut, et cette dent ressemble, par sa forme, à la canine qui ia suit : la mâchoire inférieure a encore une canine, et enfin il y a six molaires en haut et cinq en bas; les Lamas ne diffèrent des Chameaux qu’en ce qu'il y a une de ces molaires de moins dans les deux mâchoires, ce qui est le moindre nombre de ces dents chez les Ruminants. Les mäles des Chevro- tains et quelques mâles du genre Cerf, avec le système dentaire général que nous avons indiqué, présentent de plus deux canines supérieures, quelquefois très-longues, comme dans les Ghevrotains, et arquées en arrière, ou peu développées; et un caractère qui semble en corrélation avec celui-ci, c’est que, dans ce cas, les cornes peuvent disparaître comme dans le Chevrotain, ou être très- petites, comme chez le Muntjac. Selon MM. P. Gervais et Owen, on devrait considérer les incisives externes de la quatrième paire comme des canines, ce qui rendrait plus comparable la formule den- taire des Chameaux avec celle des Ruminants à bois ou à cornes, et celle des uns et des autres avec la dentition de certains Pachydermes. La dent molaire des Ruminants, qui est la plus compliquée dans sa forme, est la quatrième molaire supérieure et inférieure, laquelle est la dent principale de ces animaux, et la sixième molaire d’en bas est à trois divisions comme chez les Pachydermes her- bivores des genres fossiles des Anoplotherium et Palæotherium. La théorie avait fait admettre a priori que tous les Ruminants, quoique privés d’incisives supérieures dans la plus grande majo- rité des espèces pendant l’âge adulte, et même dès le premier moment de leur naissance, ont néan- moins, pendant une partie de leur vie fœtale, les dents qui leur font défaut à une époque antérieure; MM. Goodsir et Owen ont constaté par l’observation qu'il en était ainsi. Des fœtus de Cerf, Bœuf et Mouton ont montré ces dents à la mâchoire supérieure, et même les canines de l'inférieure; on leur a aussi reconnu quatre paires de molaires en haut et en bas; toutefois nous devons ajouter que De Blainville ne partagea pas cette manière de voir. La longueur du cou varie en raison de celle des jambes des Ruminants; la Girafe, le Chameau, le Lama, présentent l'extrême de ce double allongement, tandis que le Bœuf en offre le minimum; les Cerfs et les Antilopes, qui sous ce rapport sont intermédiaires aux premiers et au dernier, par la forme de leur cou, qui est bien dégagé, par leur corps svelte et leurs jambes légères, ont une grâce toute particulière. - Le corps est plus ou moins épais, et ses formes sont plus ou moins nettement dessinées, selon l'ampleur de la peau, qui parfois, chez les Bœufs, par exemple, pend sous le cou et forme un fanon. Les épaules sont assez étroites. La croupe n’est pas très-musculeuse. La queue varie eu longueur, nulle même dans le Chevrotain muse, très-courte dans le Chevreuil, un peu plus longue dans les Cerfs, courte et grêle dans les Chèvres, enfin, chez les Bœufs et chez quelques Antilopes, elle prend plus de dimension, et est souvent garnie à son extrémité par un flocon de grands poils. Les mamelles. toujours ventrales, sont au nombre de deux ou de quatre. Dans les Chameaux, on trouve sur le dos des productions graisseuses qui forment une ou deux bosses molles plus ou moins volumineuses; des bosses de même nature se voient au garrot des Zèbres et sur la partie inférieure de la queue de cer- tains Moutons. Les jambes sont ordinairement fines, et les parties tendineuses y sont plus abondantes que les parties musculeuses; e’est ce qui a lieu dans les Cerfs et les Antilopes, tandis que chez les Bœufs ces extrémités prennent plus de force. Chez tous, le bras et la cuisse sont courts, et même cette dernière partie ne se détache pas bien sensiblement du corps, excepté dans la Girafe et le Chameau; les os qui représentent l’avant-bras et celui qui remplace la jambe ne sont pas très-longs; Le cubitus est soudé au radius, mais en est cependant distinct, et le péroné est réduit à un osselet styloïde. Le talon est constamment relevé, et les métacarpes et les métatarses ont beaucoup de longueur : ce sont eux qui portent vulgairement chez ces animaux le nom de jambes; ils ne sont formés que d’un seul 54 HISTOIRE NATURELLE. os Où canon; mais cet os résulte évidemment de la soudure de deux autres. I y a à chaque pied deux doigts formés de trois phalanges, dont la dernière entourée en entier d'un sabot de corne qui pose sur le sol et a généralement une forme allongée, triangulaire. Derrière les sabots se voient deux petites productions cornées nommées les onglons, et qui représentent deux doigts rudimentaires et inutiles. Des particularités curieuses se remarquent dans la forme des membres du Chameau, et, en outre. dans l'existence de parties nues et calleuses sur les points des articulations. Aux membres antérieurs de quelques Antilopes, il y a une forte touffe de poils raides sur l'articulation du poignet, et qui a reçu le nom de brosse. Les poils se présentent sous divers aspects. Chez les espèces sauvages, le poil est généralement assez raide, tantôt ras, comme dans les Antilopes et les Cerfs, qui habitent les plaines boisées des pays méridionaux et tempérés; tantôt plus ou moins dur et grossier, comme dans les Bouquetins, le Chamois, les Chèvres, ete., qui vivent sur les sommets des montagnes. Dans quelques Ruminants, le poil est laineux et floconneux, comme chez le Bison, ou très-sec, cassant, aplati, comme dans l'Élan et le Muse. Dans les races de Moutons domestiques, on observe que tantôt le jars ou grand poil disparaît et fait place à un poil interne qui se développe beaucoup et prend la qualité de laine, ou bien que le poil extérieur se raffine et devient soyeux et brillant. Deux Raminants, le Yak et la Chèvre du Thibet, sont les seuls sur lesquels on trouve de vrais crins. Les couleurs du pelage sont assez constantes dans presque toutes les espèces, et le fauve domine dans celles qui ont le poil ras; le brun, le noirâtre et le gris appartiennent plutôt à celles qui sont couvertes d'une fourrure épaisse, et ce n'est que dans le genre Cerf que les jeunes où Faons portent une robe tachetée régulièrement de blanc, ou une livrée; du reste, les couleurs ne sont jamais brillantes, et ce sont certaines espèces d'Antilopes qui présentent les plus belles et surtout les plus agréablement distribuées. Le caractère commun le plus saillant et le plus général des Ruminants se trouve dans leur mode de nutrition, qui leur a valu le nom qu'ils portent, et dans la structure des organes qui servent à l'exercice de cette fonction. Les dents ne sont pas aussi bien disposées que chez les autres Mammi- fères pour la trituration des aliments; mais ces animaux y remédient par la disposition particulière de divers points de leur organisme. L'articulation des mâchoires est telle, que les mouvements late- raux sont beaucoup plus faciles chez eux que les mouvements verticaux; et cette disposition leur sert pour la trituration des aliments. Les glandes salivaires sont, avec celles des Chevaux, les plus grosses qu'on observe chez les Mammifères. L’œsophage renferme dans ses parois deux couches de fibres spirales qui s'étendent dans toute sa longueur, en se contournant en des sens opposés; ces fibres, au maximum de développement, peuvent se contracter en partie et successivement sur toute la ligne de l'æsophage, de manière à pousser de bas en haut et de hauten basles pelotes de nourriture ou bols alimentaires quiy sont engagés. L'estomac est divisé en quatre poches ou estomacs bien distincts; 4°la panse, aussi appelée rumen, herbier ou double, vaste cul-de-sac correspondant au jabot des Oiseaux, où arrive d’abord et sont placés, en état de macération, les aliments secs ou ligneux aussitôt qu'ils ont été avalés; cette panse occupe une grande partie de l'abdomen: ses parois, peu épaisses, sont con- tactiles, et sa surface interne contient des papilles larges et plates de grandeur variable; elle com- munique directement avec l'æsophage par une seule issue s'ouvrant dans une gouttière de ce canal, qui aboutit aussi avec le second et troisième estomac; 2° le bonnet (reticulum), ou second estomac, quiestle plus petit de tous, rond, et qui extérieurement ne paraît qu'un appendice du premier: sa membrane interne à des replis cannelés sur les côtés, dentelés à leurs bords, formant des mailles polygones hérissées de papilles assez fines; cet estomac communique par une partie de sa surface avec la gouttière de l'æsophage, qui se termine dans le troisième estomac et n’en est, à proprement parler, que la continuation; 3° celui-ci, ou le feuillet (omasum), est placé au côté droit de la panse, et n’est que le troisième pour la grandeur; il est globuleux, séparé du second et du quatrième par des rétrécissements très-sensibles; ses parois sont minces, sa cavité partagée en larges feuillets lon- gitudinaux formés par les replis de la membrane interne, dont la surface est hérissée de petites pa- pilles semblables à des grains de millet, et il communique par une ouverture avec le dernier esto- mac; 4° celui-ci, ou la caillette (abomasum), est le plus grand après la panse chez les animaux qui tont fait usage d'aliments solides, et le plus volumineux de tous dans les très-jeunes sujets, et tant qu'ils se bornent à teter leur mère; ses parois sont peu épaisses, excepté vers sa terminaison posté- rieure, qui n'a pas de rebord valvulaire; la membrane in:erne est muqueuse, et toute sa surface est RUMINANTS. (0) lubréfiée d'abondantes mucosités; ectte caillette, qui est le véritable estomac. paraît séeréter le suc gastrique, ce que prouve l'usage que l’on fait des portions de cet organe desséché, dans les Veaux, pour faire prendre ou cailler le lait. Les différences principales que présentent les différents estomacs, considérées dans les divers Ruminants, sont relatives au volume ou à la forme extérieure de chacun d’entre eux, et en général peu importantes; mais, dans les Chameaux, la panse offre des renflements ou culs-de-sac particuliers que l’on nomme réservoirs, qui sont, pour quelques auteurs, un cinquième estomac, et qui sont remplis d’un liquide incolore, iusipide, que l’on a regardé comme étant de l’eau que ces animaux buvaient à profusion lorsqu'ils rencontraient des sources, afin de la mettre en ré- serve dans ces cellules pour humecter plus tard, et à mesure que besoin en était, les aliments secs ingérés dans la panse. Fig, 12. — Estomac de Ruminant. Les Ruminants sont les Mammifères dont le tube intestinal a le plus de longueur; dans le Bélier, par exemple, où ilest le plus long, il mesure vingt-sept fois la longueur du corps. Les gros intestins ne sont pas boursouflés. Le cœcum est long, lisse, peu volumineux. Le foie présente trois lobes. La vésicule biliaire se trouve dans tous ces animaux, excepté dans ceux des genres Cerf et Chameau. Le pancréas affecte différentes formes. Les reins sont tantôt simples, tantôt, au contraire, profondé- ment lobés. Les organes génitaux des femelles n'offrent rien de particulier; dans les mâles, les tes- ticules, toujours apparents au dehors, sont d'ordinaire très-volumineux. Ces animaux, exclusivement herbivores, ont besoin de prendre une quantité d'autant plus con- sidérable d'aliments, que ceux-ci sont moins nutritifs par leur nature et consistent principalement en feuilles ou tiges de graminées souvent sèches, ligneuses et à l’état de foin. Ces aliments, au lieu d’être complétement triturés au moment où ils sont pris et arrachés à l’aide des incisives inférieures et du mouvement de torsion que la langue leur imprime, sont d’abord légèrement triturés pour être divisés en pelotes grossières qui descendent dans l'œsophage, et pour lesquelles s'ouvre seulement la partie de la gouttière œæsophagienne qui répond à l'ouverture de la panse, où elles sont placées en dépôt, et où les matières dont elles se composent sont imbibées par les liquides que sécrètent les parois de cet estomac; la panse se remplit ainsi d'une quantité plus ou moins grande d'aliments; ceux-ci se ramollissent et entrent dans une fermentation qui quelquefois peut causer la mort des animaux si elle est accompagnée d’un dégagement de gaz trop prompt et trop abondant; les ani- maux, dans ce cas, enflent considérablement et sont dits météorisés. Ensuite l'animal se couche un peu sur le côté, et, par la contraction de la panse, l'ouverture de la portion de la gouttière œæsopha- gienne qui correspond à cet estomac, et la contraction successive des différentes parties de l'œæso- phage lui-même, les aliments remontent par pelotes dans la bouche. Alors, placés sous les molaires, ces aliments sont finement broyés par des dents qui agissent cireulairement; puis ils sont avalés de P 9 66 HISTOIRE NATURELLE, nouveau; mais, au bas de l'œsophage, l'ouverture de la panse se trouve fermée, et celle du bonnet est ouverte; le bol perfectionné y entre pour être transmis, un peu plus tard, au troisième estomac ou feuillet, et de celui-ci il passe à la caillette, où il s’imbibe des véritables digestifs avant de suivre le reste du trajet du tube intestinal. Tous les aliments déposés dans la panse sont ainsi successive- ment repris, remâchés, et servent à la nutrition; et celte occupation est très-longue et occupe la plus grande partie du temps où les Ruminants restent couchés. L'uniformité des formes du squelette dans les nombreux animaux de cet ordre a été souvent re- marquée, et est incontestable; mais cependant on peut facilement, en y regardant de près, apercevoir des différences assez notables dans les mêmes os des divers genres et souvent même des diverses espèces. Les os sont généralement durs, solides, pesants, peu poreux, et, au contraire, très-fistuleux pour ceux des membres. Leur mode d’articulation est en général très-serré et gynglymoïdal, ce qui est encore augmenté par la brièveté et la sécheresse des ligaments; le ligament cervical est très-deve- loppé et très-solide; leur nombre est presque rigoureusement le même, si ce n’est lorsque les doigts supplémentaires existent plus ou moins complets ou n’existent pas du tout. Le cœur présente un ou deux ostéides différant un peu de forme et surtout de grandeur, compris dans l'épaisseur de la cloi- son qui sépare les deux veutricules du cœur; ces ostéides, d’après De Blainville, existent chez tous les Ruminants; mais ils varient pour le développement suivant l’âge et même le sexe. 214 à sf GA) DA Fig. 15. — Squelette du Dromadaire Dans leur squelette, ce que les Ruminants présentent de plus remarquable consiste dans la forme des orbites, qui sont complets, tout en communiquant avec la fosse temporale; dans la courbure de l’arcade zygomatique en bas; dans le mode d’articulation très-lâche de la mâchoire inférieure, qui permet le mouvement de rotation des molaires les unes sur les autres; dans les vertèbres cervicales plus ou moins convexo-concaves; dans le sternum plat; dans l'absence des clavicules; dans la briè- veté de l'humérus et dé fémur; dans le eubitus plus ou moins complétement soudé au radius; dans le péroné rudimentairs: dans l’astragale en forme d’osselet; dans la disposition paire dés doigts, et Fig. 1. — Tête de l’Hippopotame du Cap RUMINANTS. 67 c'est surtout ce qui a valu à ces pieds les noms de fourchus, bisulques et bifides; dans la longueur des métacarpiens et métatarsiens, au nombre de deux, égaux et soudés en un seul qui a reçu le nom de canon, etc. Ce dernier caractère est général chez les Ruminants; car il w’offre qu'une seule exception, c’est une espèce de Chevrotain d'Afrique, le Moschus aquaticus, où ces deux os ne sont pas soudés ensemble; chez les Pachydermes, les métatarsiens et les métacarpiens sont toujours iso- lés, même ceux des Dichobunes, si voisins des Chevrotains sous tant de rapports; dans les Pécaris, cependant, aux pieds de derrière il y a une disposition assez analogue à celle que présentent les Ruminants. En général, les os de la tête des Ruminants sont plus minces que ceux des Pachydermes, et produisent une tête dont la forme est plus svelte; comparativement à la tête du squelette de Rumi- nant que nous donnons ici, nous avons représenté, PI. 1 de l'Atlas, deux têtes osseuses de Pachy- dermes se rapportant au genre Hippopotame : l'une: d’une espèce vivante, l'. du Cap (fig. 1), et l'autre d'une espèce fossile (fig. 2) du val d’Arno. Les muscles du tronc comme ceux des membres suivent la disposition articulaire des os qui les composent, de manière à ne produire essentiellement que des mouvements de flexion angulaire dans un même plan, d'où résulte la locomotion dans une seule direction longitudinale d’arrière en avant avec une prodigieuse vitesse dans le temps comme dans l’espace ou dans le sens vertical de bas en haut, aussi bien aux membres antérieurs qu'aux membres postérieurs, ce qui produit le saut si ex- iraordinaire dans certaines espèces, comme dans les Antilopes et les Chèvres, par exemple. Le système pileux est formé de soies et de laine dans les proportions variables a*ec le climat et la saison; la coloration est presque constamment uniforme, ainsi que nous l'avons dit. Le cerveau a un volume assez médiocre, et, bien que ses circonvolutions extérieures soient nom- breuses, les Ruminants n’ont pas généralement beaucoup d'intelligence, et leurs sens ne paraissent pas doués d’une grande perfection. Ceux en grand nombre que l'homme a soumis, et à leur tête nous devons placer le Mouton, sont les plus abrutis et les plus dégénérés de toutes les races domestiques; et si pour nous ces animaux se sont perfectionnés, puisqu'ils nous donnent de meilleurs produits que les types sauvages, et qu'en même temps ils ne se défendent pas contre nos cruautés continuelles, il ne nous semble pas que l’on puisse dire, avec quelques auteurs, que ces animaux, en profitant de notre civilisation, se perfectionnent et en jouissent proportionnellement à ses progrès et suivant sa di- rection. Non certes, et le Ruminant sauvage nous semble beaucoup plus intelligent que le Ruminant dont nous avons fait notre esclave, et qui, lui, nous ne craignons pas d’être démenti, doit être loin de se féliciter que notre civilisation ait bien voulu s'occuper de lui, car elle a dù le faire au point de vue de l'homme et non à celui de l'animal en lui-même. Dans l'état de nature, les Ruminants sont naturelle- ment portés à vivre en troupe, quoiqu'il y ait aussi parmi eux quelques espèces solitaires; la plupart sont timides et fugitifs, et presque tous sont la proie des Carnassiers, qui les guettent surtout aux fontaines où ils vont s'abreuver. Ge ne sont que les plus grands et les plus robustes, comme les Buffles sauvages, les Bisons et les Aurochs, qui peuvent opposer quelque résistance aux poursuites de l'homme, où même l’attaquer de leur propre mouvement. Tous, sans exception, se nourrissent d'herbes fraiches ou sèches, de bourgeons, de baies, d’écorce, et quelques-uns, par exemple le Renne, préfèrent à tout autre nour- riture les lichens et autres cryptogames. La plupart recherchent les matières salées et surtout le sel marin. Tous boivent beaucoup, surtout dans les pays chauds. La polygamie paraît être habituelle chez ces animaux; le Chevreuil, cependant, fait exception à cette règle. Les mâles les plus robustes conduisent les troupeaux, qui se composent de femelles et de jeunes, ‘et les défendent courageuse- ment; ils sont ardents en amour, et souvent la possession des femelles est le prix d'un combat opi- niâtre et sanglant dans lequel les mâles cherchent surtout à briser le crâne de leur adversaire en heurtant violemment leur tête contre la sienne, ou à s’éventrer mutuellement avec les pointes de leurs cornes ou de leurs bois. L'acconplement est instantané, presque constamment prolifique, et il peut être renouvelé un grand nombre de fois de suite de la part du mâle. Les femelles n’ont habi- tuellement qu'un ou deux petits par portée, et leur gestation dure plus ou moins de temps suivant les espèces; dans l'état sauvage, elles ont beaucoup de tendresse pour leurs enfants, mais ordinai- rement pas assez pour ne les pas quitter dans le danger; à l’état domestique, on remarque chez elles, dans le plus grand nombre au moins, et surtout dans la Brebis, un exemple bien marqué d'indiffé- rence envers ses petits lorsqu'on les lui enlève. Les mères seules sonf chargées de F'éduration des ‘cunes. 68 HISTOIRE NATURELLE. Une question importante est celle de savoir si nos espèces domestiques descendent réellement des types sauvages si différents qu'on leur attribue, si le Bœuf descend de l’Auroch, la Chèvre du Bou- quetin ou de l'Œgagre, le Mouton du Mouflon de Corse ou de l’Argali; ou si plutôt ces espèces, quoique congénères de certains animaux sauvages, n’eu sont simplement que des espèces plus ou moins rapprochées, mais non pas leurs variétés transformées par la domestication. Gela est un des points les plus difficiles de la zoologie, et, quoiqu'un grand nombre de naturalistes s'en soient oc- cupés, on n'a aucune solution positive à cet égard, et il est probable que les matériaux manqueront toujours pour en avoir jamais une positive. e L'ordre des Ruminants fournit un grand nombre d'animaux utiles à l’homme, et beaucoup d’es- pèces, comme le Bœuf, le Buffle, le Mouton, la Chèvre, le Chameau, le Lama, etc., sont devenues do- mestiques et ont été amenées presque partout. Nous nous nourrissons avec la chair et le lait de ces animaux; les arts se sont emparés de leur graisse ou suif, de leur peau, de leurs cornes où bois, de leur laine, de leurs os, et même du muse que sécrètent les glandes prépuciales d’une espèce de Che- vrotain; enfin certains d’entre eux, tels que les Bœufs, Les Chameaux, les Dromadaires et les Rennes, nous servent de bêtes de somme et de trait. En domesticité, on ne garde que le nombre de mâles indispensable à la reproduction de l'espèce, et tous les autres sont destinés ou plutôt sacrifiés pour les travaux de l'agriculture et de l'alimentation. Fig. 14. — Cerf de Walich. Les Ruminants se trouvent répandus aussi bien dans l’ancien que dans le nouveau continent, et à presque toutes les latitudes et les longitudes; l'Océanie seule n’en possède pas à l’état sauvage, et ils y sont remplacés par les grands Marsupiaux herbivores, par les Kanguroos. Le plus grand nom- bre des espèces, comme les Bœufs, les Antilopes et les Chameaux, habitent les contrées chaudes de l'ancien continent, et les régions tempérées en renferment aussi beaucoup d’autres, dans le genre Cerf principalement; l'Amérique possède des Cerfs, des Bœufs et un groupe particulier, celui des Lamas, qui habitent exclusivement les pays de montagnes; quelques espèces seulement sont parti- culières aux régions polaires arctiques, comme le Renne, l'Élan, le Buffle musqué; ou aux sommités les plus élevées des autres latitudes terrestres, tels sont le Chamois, le Bouquetin, le Mouflon, la Chèvre sauvage, etc. Le nombre des genres admis dans cet ordre est assez peu considérable; mais le nombre des espèces que l’on comprend dans chacun d'eux l'est, au contraire, beaucoup. La France RUMINANTS. 69 ne compte que six espèces habitant naturellement son sol; mais on en rencontre un plus grand nombre à l’état de domesticité. On connaît un nombre assez considérable de Ruminants fossiles; mais ici, comme chez les Pachy- dermes, nous n'aurons pas à signaler de types bien distincts, et le plus souvent ce ne sont que des débris qui semblent devoir se rapporter à nos espèces encore vivantes, ou tout au moins à des es- pèces qui en étaient très-voisines. Les terrains tertiaires et de diluvium sont les seuls qui nous of- frent des fossiles d'animaux de cet ordre; les terrains éocènes en sont presque entièrement dépour- vus : les Palæothériums et surtout les Anoplothériums sont les Herbivores de l’ancienne faune dont on retrouve les traces dans ces terrains, et, parmi ces derniers, quelques-uns approchent tant des Ruminants, que G. Cuvier se demandait si leur estomac n'etait pas conformé comme le leur. Les Cerfs, les Chevrotains, les Antilopes, apparaissent ensuite, et ils précèdent les Chameaux, les Mou- tons, les Chèvres et les Bœufs, dont les genres, plus utiles à l'homme, ne semblent pas antérieurs aux formations diluviennes ou tout au plus pliocènes. Beaucoup d'auteurs se sont occupés de la description, de la classification et de l'étude écono- mique des Ruminants; nous ne devons pas traiter ce sujet maintenart, nous en dirons quelques mots dans nos articles génériques, et nous allous terminer ces généralités en donnant une idée gé- nérale des principales classifications qui ont été proposées pour les Ruminants. Ces animaux, ainsi que nous l'avons dit, comprennent l’un des groupes les plus naturels qui exis- tent dans toute la zoologie; aussi, dans tous les ouvrages systématiques, depuis celui de Ray jus- qu'à ceux qu'on publie de nos jours, les voit-on réunis en une seule famille sous divers noms qui se rapportent à leur organisation et à leurs habitudes; tels que ceux de Pieds-Fourckus ou Bisulces, de Pecora, de Ruminants où Ruminantia, d'Ongulogrades paires, ete., qui leur ont été successi- vement appliqués par Ray, Linné, Klein, Daubenton, Storr, Vicq D'Azyr, Blumenbach, G. Cuvier, A. G. Desmarest, Illiger, De Blainville, Geoffroy Saint-Hilaire, etc. Aristote indique ces animaux sous le nom d’Anamphisodonta: Pline, quoiqu'il les caractérise in- complétement, y forme déjà les genres Chameau, Girafe, Cerf, Chèvre, Mouton et Bœuf; mais ils fu- rent bien distingués par les premiers systématistes des temps modernes, tels que Gualt, Charleton, J. Ray, Linné, dans les premières éditions du Systema naturæ, Klein, Hill et Brisson. C’est surtout dans Buffon, qui développe d’une manière si brillante l'histoire de la plupart de ces animaux, par lesquels même il commence, que l’on trouve, outre ces divisions génériques, l'indication de celles qui seront plus tard établies sous les noms d'Antilope et de Lama. Pallas fit quelques légères modi- fications à ce qu'avait proposé Buffon; mais les naturalistes qui les suivirent, comme Erxleben, Pen- nant, Blumenbach, Storr, Hermann, Boddaërt, Gmelin, Vicq D'Azyr, A. Millin, Et. Geoffroy Saint- Hilaire, G. et Fr. Cuvier, A. G. Desmarest, MM. C. Duméril, Tiedmaun, Illiger, Cken, ne firent guère qu’adopter presque complétement ce qu'avaient fait Buffon et Pallas. De Blainville proposa quel- ques changements à la classification de ses prédécesseurs, et il en fut de même des méthodes plus récentes de MM. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, P. Gervais, Duvernoy, etc. D’autres auteurs s’occu- pèrent aussi des Ruminants; tels sont MM. Goldfuss, Ranzani, Latreille, Lesson, J. Wagler, le prince Charles Bonaparte, et surtout MM. Ogilby, Sundeval et Smith, qui proposèrent des subdivisions génériques peut-être trop nombreuses. A cette liste, déjà trop longue, nous pourrions ajouter un grand nombre de noms de naturalistes si nous voulions citer tous les auteurs ou voyageurs qui ont décrit des espèces nouvelles, et tous ceux qui ont publié des monographies de genres de cet ordre; mais nous croyons en avoir dit assez, et nous nous bornerons à indiquer les principales classifica- tions qui ont été proposées pour les animaux de cet ordre. A. G. Desmarest, dans le tableau méthodique qui fait partie du XXIV® volume de ia première édi- tion du Dictionnaire d'Histoire naturelle de Déterville, a donné une classification qui se rapporte presque complétement à celles qu'ont proposées depuis Illiger et G. Cuvier. D'après ces classifica- tions, les Ruminants se partagent en trois sections : 4 Section. — Ruminants sans cornes ni bois et pourvus des trois sortes de dents, qui forment trois grands genres distincts : les Chameaux à dos garni d’une ou deux loupes graisseuses, à pieds à semelle calleuse, pourvus en avant de deux petits onglons; Lamas à pieds pareïllement confor- més, mais sans loupe graisseuse, et les Chevrotains à pieds munis de deux sabots semblables à ceux de tous les autres Ruminants. s 7 HISTOIRE NATURELLE, 2e Section. — Ruminants dont la tête du mâle, au moins, est munie d'une paire d'appendices nommés cornes ou bois; comprenant deux tribus : — A. Capreoli, Illiger, caractérisé par des bois entièrement de nature osseuse, caduque, et souvent branchus, et ne renfermant que le genre Cerf. — B. Devena, Illiger, qui comprend le genre Girafe, distingué par deux chevilles osseuses aux fron- taux, persistantes, et toujours revêtues de peau velue, avec un bouquet terminal de grands poils. 5° Section. — Cavicorni, Illiger, contenant les Ruminants dont les frontaux sont pourvus de chevilles osseuses permanentes, revêlues d'un étui de corne, et renfermant quatre genres assez peu séparés les uns des autres, et seulement par les caractères que présentent les cornes : — A. Anti- lope, ayant les cornes à chevilles pleines, rondes, diversement contournées, mais non dirigées latéra- lement, lisses ou ridées en travers; deux ou quatre mamelles. — B. Chèvre à cornes anguleuses, à nœuds ou rides transversales; ayant un ongle en avant, une barbe au menton, deux mamelles. — C. Mouton à cornes anguleuses, onduleuses ou ridées en travers, avec une face en avant; point de barbe; deux mamelles. — D. Bœuf à cornes à cheville creuses, lisses, rondes, dirigées latéralement, non ridées ou striées en travers; quatre mamelles. De Blainville ne fait des Ruminants que l'une de ses subdivisions de ses Ongulogrades, qui com- prennent par conséquent les Pachydermes et les Ruminants. Cette manière de voir est assez généra- lement adoptée aujourd’hui. M. P. Gervais, en se servant surtout des considérations importantes que présentent les fossiles, a montré combien les Ruminants se rapprochaient des Pachydermes, et que l’on pouvait bien réunir ensemble ces deux ordres d'animaux. Duvernoy, de son côté, ainsi que nous l'avons dit ailleurs, admet un ordre des ONGULÉS, qu'il subdivise en trois sous-ordres, les Progoscipiens, les PacuyperMes et les Ruminanrs : les animaux du troisième sous-ordre sont ainsi partagés par lui en deux sections, celles des Hétérodontes et des Orthodontes : la première ne ren- ferme que la famille des Chameaux, genres Chameau et Lama; et la seconde comprend quatre familles : 1°les Acères, genres Chevrotain et Moschus; 2° les Cerfs, genre Cerf, lui-même subdivisé en plusieurs groupes; 3° les Girafes, genre Girafe; 4 les Kérocères, genres Antilope, Catolépus, Chèvre, Mouton et Bœuf. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dont nous suivrons presque entièrement la classification dans l'étude des animaux de cet ordre, subdivise les Ruminants en deux familles, et la deuxième famille en quatre tribus. Pour le savant professeur de Mammalogie, les Ruminants ont, en résumé, des dents dissimilaires, des membres antérieurs terminés par des colonnes, un estomac très-compliqué, et un œsophage communiquant à la fois avec trois poches sternales. 1" Famille. CAMÉLIDÉS. — Semelles calleuses; sabots moyens et de forme symétrique; six Inci- sives inférieures et deux supérieures. Genres Chameau et Lama. 2e Famille. ANTILOPIDES. — Sans semelles calleuses:; sabots très-grands, convexes en dehors, aplatis en dedans; huit incisives en bas et pas en haut. 1" Tribu. Moscuiens. — Prolongements frontaux nuls. Genres Muse et Chevrotain. 2° Tribu. CaAMÉLÉOPARDALIENS. — Prolongements frontaux subsistant au moins chez le mâle, et consistant en des bois permanents non ramifiés. Genre Girafe. 5° Tribu. Ceuviens. — Prolongements frontaux subsistant au moins chez le mäle, et consistant en des bois caducs ordinairement ramifiés. Genres Renne, Élan, Cerf, Cervide. 4° Tribu. Anriropiens. — Prolongements frontaux subsistant au moins chez le mâle, et consistant en des cornes à noyau osseux. Genres Antilope, Gazelle, Alcélaphe, Chamois, Bucélaphe, Bouque- tin, Mouflon, Ovibos et Bœuf. La place des Ruminants dans la série mammalogique a toujours été après les Pachydermes; on a différé davantage sur l'ordre qui doit les suivre; nous y placerons, avec M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire, celui des Ébenrés, tout en faisant remarquer que ces derniers animaux ont aussi beaucoup de rapports avec les Rongeurs, à côté desquels on les range souvent. Les familles que nous admettrons sont celles des Caméripés, Moscmipés, CaméLéorAnDALIDÉS, CER- VIDÉS et ANTILOPIDÉS. RUMINANTS. D Preuurre duousuon. RUMINANTS SANS CORNES NI BOIS DANS LES DEUX SEXES, PREMIERE FAMILLE. CAMELIDÉS. CAMELIDÆ. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Cette famille, la plus distincte de toutes celles de l'ordre des Ruminants, a été indiquée depuis longtemps, surtout sous le nom général de Chameaux et de Camélés, et est en effet très-bien carac- térisée par ses semelles calleuses, ses sabots moyens et de forme symétrique, et surtout ses six inci- sives inférieures et ses deux incisives supérieures. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire lui a donné le nom que nous lui avons conservé. Par l'espèce d'ambiguité que présentent leurs particularités organiques , les Camélidés sont un de ces groupes d'animaux qui embarrassent souvent les naturalistes classificateurs. En effet, dans les méthodes le plus généralement adoptées aujourd'hui, et dans lesquelles les Mammifères sont clas- sés d'après des considérations tirées des organes de la locomotion et de la mastication, il est assez difficile de déterminer d'une manière bien positive le rang que ces animaux doivent naturellement occuper. Cependant, par les particularités physiologiques de la rumination (et encore les Chameaux présentent-ils une différence assez notable dans ces renflements de la panse qui forment une sorte de cinquième estomac), les Camélidés doivent évidemment être rapportés aux Ruminants; mais, en les rattachant à cet ordre, on détruit évidemment en grande partie l'harmonie d'un groupe primordial d'ailleurs très-naturel; car ils ne présentent presque aucun des caractères assignés à cet ordre. Leurs pieds sont bifurqués, il est vrai, mais leurs doigts ne sont pas revêtus de ce sabot qui, dans les Ruminants à cornes, s’aplatit au côté interne, de manière à leur mériter le nom d’animaux à pieds fourehus; ces doigts sont réunis, en dessous, par une semelle cornée qui garnit la plante postérieu- rement; ils sont séparés au bout, et chacun a un ongle assez court et crochu. Le système dentaire présente des caractères encore plus différentiels; deux fortes canines se développent à l'extrémité des maxillaires, et, par une anomalie des plus remarquables, la mâchoire supérieure porte deux in- cisives dont la forme se rapproche aussi de celle des canines : ce qui fait que ces animaux parais- sent avoir trois de ces dernières dents à la mâchoire supérieure, et deux à l'inférieure si l'on prend la dent qui correspond à la canine supérieure pour une canine elle-même; mais alors, au lieu de huit incisives à cette dernière mâchoire, comme dans les autres Ruminants, il n’y en.aura plus que six. Leurs molaires ont, en général, tous les caractères de l’ordre; mais elles ne forment pas une série continue aux deux mächoires : la première est séparée des autres et située à peu près au mi- lieu de l'intervalle qui se trouve entre celle-ci et les os incisifs, et cette dent est en forme de cro- chet; en outre, le nombre, qui est ordinairement, dans les Ruminants, de six de chaque côté aux deux mâchoires, n’est plus le même : dans les Chameaux, il est de six en haut et cinq en bas, et, dans les Lamas, de cinq en haut et quatre seulement en bas. 79 HISTOIRE NATURELLE. Les Camélidés sont très-peu nombreux en espèces, puisque l'on ne connait que deux espèces de Chameaux et trois de Lamas; les premiers originaires de l'Asie et de l'Afrique, et les autres de l'Amé- rique. En outre, on y réunit quelques fossiles, tels qu'un Chameau qui parait identique avee le Camelus Bactrianus, et qui provient des dépôts des sous-Himalayas, un genre particulier, celui des Méricothères, découverts en Sibérie, et quelques débris de Lama découverts en Amérique. On sait que ces animaux, rendus domestiques, sont très-utiles à l'homme, surtout comme bêtes de somme et pour la laine qu'ils lui donnent. 4 GENRE. — CHAMEAU. CAMELUS. Linné, 1755. Du latin Camelus, Chameau. Systema naturr. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ?; canmes, 1; molaires, =; en totalité trente-quatre dents. Inci- sives supérieures latérales et en forme de canines; inférieures en coins tranchants; canines coni- ques, droites, fortes; fausses molaires de chaque côté étant séparées des autres, placées au milieu de la barre ou de l'espace interdentaire, et ayant la forme de crochet : les autres molaires offrant lu forme générale iles dents correspondantes des Ruminants. Tête longue; chanfrein busqué; point de mufle ni de larmüäers; lèvre supérieure divisée en deux parties qui peuvent s'allonger et se mouvoir séparément; narines consistant en deux simples fentes susceptibles de se fermer et de s'ouvrir à volonté; yeux saillants; oreilles assez petites. Cou très-allongé. Jambes très-longues et grêles; pieds non fourchus, mais garnis en dessous d’une semelle cornée très-allongée; deux petits ongles courts et crochus terminant les doigts. Une ou deux loupes graisseuses très-développées sur le dos; des callosités au poitrail, aux coudes et aux poignets des jambes de devant, ainsi qu'à la rotule et au talon de celles de der- rière. Corps gros: taille élevée; queue moyenne. Poils laineux, grossiers. Mamelles au nombre de quatre. Organe principal mâle très-mince, dirigé en arrière dans le repos. Panse ayant une sorte d'appendice que l'on a considéré quelquefois comme un cinquième esto- mac, divisée en un grand nombre de cellules membraneuses, et semblant destinées à contenir de l'eau. C'est dans les livres des Hébreux que l’on trouve mentionné pour la première fois le Chameau, sous le nom de Ghimel ou de Gamel, qui est devenu l'origine de ceux tels que Kayrcs et Camelus, sous lesquels il était connu chez les Grecs et les Latins, et depuis lors dans toutes les langues mo- dernes, néolatines et même germaniques; il n’y a que les langües tartares dans lesquelles ces animaux ont un nom tout différent, celui de Tjuja. Dès les premiers livres de Moïse, c’est-à-dire dans la Genèse, le Deutéronome et le Lévitique, il est question du Chameau comme d’un animal dont l'usage était commun, et qui servait aux Juifs comme bête de charge, de trait, et comme leur fournissant du lait et de la laine; mais dont la chair était défendue pour leur nourriture, On voit aussi, dans l’histoire de la nation juive laissée par Moïse, que tous les peuples avec lesquels elle avait établi des rela- tions possédaient un grand nombre de ces animaux : par exemple, pour les Égyptiens, nous voyons un Pharaon envoyer des Chameaux pour amener Abraham et sa famille en Égypte, et Dieu menacer de faire périr les troupeaux, y compris les Chameaux. Hérodote, le premier, chez les Grecs, fait mention des Chameaux comme d'animaux employés dans les armées, soit comme bêtes de charge, soit comme servant de montures à des gens armés, et cela principalement à l’occasion de la conquête de la Perse par Cyrus, et dans les guerres de Xerxès contre les Grecs. On pourrait faire remonter, + RUMINANTS. 75 d'après Diodore de Sicile, l'époque de l'emploi du Chameau dans les armées des grands potentats de l'Asie occidentale aux guerres de Sémiramis contre les Indiens. Xénophon, de son côté, nous apprend qu'Agésilas, roi de Lacédémone, à la suite de ses succès sur les Perses dans l'Asie Mineure, consacra aux dieux le dixième du butin, et qu'ainsi il amena dans la Grèce des Chameaux pris dans sa campagne sur Tissopherne. Mais jusque-là on ne sait s'il est question du Chameau ou du Droma- daire, et ce que l'on a rapporté convient à tous les deux. Cest Aristote qui distingua bien le Chameau à deux bosses de la Bactriane, de celui à une seule, d'Arabie, et, d'après ce qu'il dit. on peut en déduire que ces animaux étaient déjà devenus domestiques. Les auteurs qui suivirent, comme Strabon, Diodore de Sicile, Lucien, ajoutèreunt quelques détails à ceux qu'on avait déjà. À Rome, d'après Salluste, ce ne fut que soixante-huit ans avant Jésus-Christ que les Chameaux furent mon- trés pour la première fois. Pline donne quelques faits nouveaux sur l'histoire de ces animaux, et il en est de même d'Élien. D'après Lampridius, Héliogabale se montrait dans un cirque particulier dans un quadrige attelé de Chameaux, et même il en faisait servir sur sa table, aussi bien que de l'Autruche; mais seulement des pieds suivant Spartien. Galien rapporte aussi que, de son temps, les chars attelés de Chameaux, qu'il désigne sous le nom de Dromadaires, étaient usités à Alexandrie. Les encyclopédistes du moyen âge, comme Bartholomé et Albert le Grand, ainsi que les naturalistes des quinzième et seizième siècles, tels que P. Gilles, Wolton, Scaliger, Gesner, ne firent guère que rapporter ce qu'avaient dit les anciens auteurs. Mais c'est depuis le commencement du dix-septième siècle que les systématistes, parmi lesquels il faut comprendre Aldrovande, Jonston, Charleton, 3. Ray, Linné, Klein, Hill, Brisson, ont pu définir le genre Camelus d’une manière de plus en plus convenable, en en séparant d’abord les Lamas, qu'ils y ont ensuite réunis; et ces derniers auteurs y furent surtout aidés par la vue de quelques-uns de ces animaux qui furent amenés en Europe; tel est, par exemple, le Chameau à deux bosses qui vécut à la ménagerie de Louis XIV, à Versailles. Buffon et Daubenton augmentèrent les connaissances acquises sur les animaux de ce genre; le premier, sous le point de vue de l'histoire naturelle, et le second sous celui de l'anatomie. Depuis cette époque presque récente, les Chameaux et les Dromadaires sont devenus de plus en plus communs dans les ménageries publiques ou particulières; un haras de ces animaux fut même établi aux environs de Pise; et des observateurs habiles, tels que G. et Fr. Cuvier, Everard Home, Et. Geoffroy Saint-Hi- laire, De Blainville, A. Grundler, P. Savi, Mayer, etc., firent parfaitement connaître les Chameaux z00- logiquement et anatomiquement. D'après une opinion assez générale, la lettre gimelon ou gamel de l'alphabet hébreu, correspon- dant au gamma des Grecs, serait tirée de la forme du cou dn Chameau, avec lequel, en effet, elle n'est pas sans quelque ressemblance. Selon M. Dureau De La Malle, dans le Memnomium se trouvent des figures de Chameaux. Ker-Porter dit aussi qu’il est représenté sur les bas-reliefs de Persépolis les plus anciens. Le Dromadaire est représenté sur des médailles de Muscius Scaurus, et il est sou- vent figuré sur les monnaies et médailles arabes; il en est de même pour le Chameau à deux bosses sur des médailles bactriennes et indo-seythiques. Enfin De Blainville signale le Chameau dans la mo- saique de Palestrine, où il est indiqué sous la dénomination d’Abrous. Ce n'est qu'à une époque assez rapprochée de nous que l'on a signalé des débris fossiles de Cha- meaux, et cela même d'abord d’une manière insuffisante. La première mention en est due au profes- seur Bojanus, à l’occasion de trois ou quatre arrière-molaires supérieures séparées qu'un marchand lui avait procurées sans indication précise de localité, mais qu'il pensa comme lui venir de Sibé- rie, d'où ila tiré le nom de Sibericus, qu'il a donné à l'espèce, dont il fait son genre Merycothe- rium, qui est au moins très-voisin de celui des Chameaux, s’il n’est pas même identique. M. Marcel De Serres rapporte au genre Chameau un fémur fossile; et M. Newcold parle d’ossements trouvés sur les bords de la mer Rouge, et qui pourraient bien avoir appartenu à un Chameau. Jusqu'ici il n°y à rien de bien positif relativement à ces débris fossiles, si ce n'est pour le Merycotherium, sur lequel nous reviendrons; mais il n’en est pas de même pour des Chameaux trouvés dans ces derniers temps, par MM. Durand, Falconner et Cautley, dans le célèbre dépôt des sous-Himalayas, en si grand nom- bre, et si caractéristiques, qu'il ne pouvait y avoir le moindre doute sur le genre de ces débris, et dont on a fait une espèce particulière, le Camelus Sivalensis. Il est difficile d'imaginer une conformation plus désagréable à la vue que celle du Chameau : un corps épais, surmonté d’une ou deux bosses qui en augmentent encore la masse; des membres, et P. 10 74 IISTOIRE NATURELLE. surtout les postérieurs, qui paraissent trop faibles pour Le poids qu'ils ont à soutenir; un cou très- long, supportant une tête petite, mais lourde dans ses proportions; une allure, pesante et génée, blessent les yeux au premier regard : c’est que ses traits ne rappellent ni la force, ni la légèreté, ni la souplesse, ni aucune des qualités enfin sans lesquelles l'existence nous semble presque impossi- ble au milieu des dangers qui l’environnent sans cesse. Mais les Chameaux regagnent cependant par l'intelligence ce qu'ils perdent par leurs formes; leurs sens principaux, la vue, l’ouïe, l'odorat, sont doués d’une assez grande délicatesse; leur naturel robuste peut se ployer à tout, et ils ont beaucoup de mémoire : par là, ils se placent dans un rang assez élevé et bien supérieur à celui des autres Ru- ‘minants. La tête de ces animaux est petite, fortement arquée, et semble terminée par une lèvre supérieure fendue dans son milieu, et dont les deux moitiés, susceptibles de mouvements très-variés, peuvent se mouvoir séparément. C’est dans cet organe que paraît surtout résider le sens du toucher; ils s'en servent évidemment pour palper les objets qu’on leur présente, et les sensations qu'ils acquièrent par ce moyen semblent être assez délicates. Les yeux, disposés comme tous ceux des Ruminants, sont saillants et ternes, ce qui donne à la physionomie de ces animaux quelque chose de stupide, mais, toutefois, le sens de la vue paraît très développé chez les Chameaux; il n’y a pas de larmiers. Quoique les conques de l'oreille soient peu développées, loue est très-exercée dans ces Mammi- fères; et, au moindre bruit, ils s'éveillent et ont l'air d'écouter avec attention. Les narines, percées assez loin de l'extrémité du museau, ne forment dans la peau que deux simples fentes que l'animal ouvre et ferme à volonté; on ne trouve autour d'elles aucune trace de ce corps glanduleux qui forme le mufle des autres Ruminants, et qui est si développé dans le Bœuf. On n'a pas de notions précises sur l'appareil de l'olfaction; mais les sensations dont il est le siége paraissent développées, car le Chameau leur doit de découvrir, à des distances souvent très-considérables, les sources si rares dans les pays qu'il habite. La langue est très-longue, molle, très-mobile, recouverte d’une membrane muqueuse, lisse et très-douce au toucher. Le sens du goût n'est pas aussi obtus qu’on pourrait le croire, etsi cetanimal est d’une sobriété devenue proverbiale, s’il sait se contenter, dans les déserts, d’herbages desséchés, il n’en recherche pas moins avec avidité, lorsque l'occasion se présente, de frais pâturages. Le cou est long et grêle. Le dos présente une ou deux bosses ou excroissances consi- dérables, qui sont des espèces de loupes adipeuses, et dans l'intérieur desquelles on ne trouve ni os ni muscles, et qui ne causent aucune déviation de la colonne vertébrale, ainsi qu'on l'avait cru an- ciennement. Les pieds sont bifurqués comme ceux des autres Ruminants, c’est-à dire qu'il ne reste que deux doigts à chacun d'eux; mais ces doigts ne sont pas enveloppés de cornes, et portent seulement, sur la dernière phalange, un ongle assez courtet crochu; ce qui distingue surtout ces organes de Ja locomotion, c'est une espèce de semelle de nature cornée, qui, partant de la partie postérieure, pro- têge les doigts dans presque toute leur étendue; en sorte que, vus en dessous, ils n’ont l'air d'être sc- parés qu’à leur extrémité. Cette semelle leur permet de marcher sans enfoncer dans les sables mou- vants, et leur donne la facilité de faire de longs voyages dans les déserts de l'Asie et de l'Afrique; et elle serait loin de leur permettre une marche facile sur des terrains glissants, dans des prairies ou sur des sentiers rocailleux. Avec l'âge, il se développe, sous le sternum et aux articulations des membres, des callosités assez développées. È L'organisation intérieure de ces animaux est aujourd'hui assez bien connue, quoique ce ne soit guère que vers la fin du dix-septième siècle qu'on ait commencé à s’en occuper, et encore les tra- vaux des anciens académiciens de Paris et surtout de Duverney, publiés en 4676, sont-ils loin d'être complets; un siècle après, en 1764, Daubenton, dans l'Histoire naturelle de Buffon, donna une anatomie comparée des deux espèces de Chameaux; mais c'est surtout dans ces derniers temps que l'on a complété l'histoire de l’organisation de ces animaux. L'ostéologie, en particulier, commencée par Daubenton, a surtout été donnée complétement par G. Cuvier et De Blainville. L'ensemble des os du Dromadaire où Ghameau à une bosse, pris pour type, constitue un squelette qui traduit très- bien la forme disgracieuse de l'animal par la manière dont la tête est articulée, à angle droit à l'ex- trémité d'un long cou largement soudé à sa racine, et dont les membres assez grêles, surtout les postérieurs, fortement pliés dans leurs articulations principales, s'appuient obliquement sur le col plutôt par leur face palmaire ou plantaire que sur l'extrémité des phalanges onguéales. Ces os ont une structure et une solidité assez analogues à ce qui existe dans les autres Ruminants, sauf peut-être RUMINANTS. 75 dans les articulations moins serrées. Leur nombre est sensiblement le même, à l'exception de ceux qui forment ordinairement les ergots ou faux doigts, dont il n’y à pas de traces. La tête osseuse est peut-être la partie du squelette qui offre le plus de différences caractéristiques, comparée avec ce qu'elle est chez les autres Ruminants; en effet, sa forme générale, étroite et allongée dans sa par- tie erânienne, appoiutie rapidement dans sa partie maxillaire, mais fort élargie dans sa partie inter- médiaire, où sont les orbites, qui partagent par moitié la longueur totale de la tête, lui donne bien la physionomie particulière à cet animal. Un autre caractère distinctif de cette tête, c'est que les fosses temporales sont très-grandes, étendues, qu’elles sont sur une crête sagittale assez prononcée qui n’existe pas chez les autres Ruminants, et en même temps très-profondes, par suite de la grande courbure en dehors de l'arcade zygomatique, ce qui a quelque ressemblance avec ce qu'on observe chez les animaux carnassiers. Quelques-uns des os des extrémités des membres, et cela devait être, offrent quelques différences avec ceux des Ruminants. Les ostéides du cœur sont deux demi-anneaux situés à l'origine de l'aorte du ventricule gauche, correspondant à la valvule semi-lunaire droite. Le Chameau proprement dit ou à deux bosses ne présente pas de différences ostéologiques appré- ciables. Le système dentaire a peut-être encore été étudié plus tard que le squelette; en effet, les anato- mistes de l’ancienne Académie des sciences en ont dit fort peu de chose, et Daubenton ne l’a pas parfaitement interprété. C’est à Gœthe qu'est due l'observation que ces animaux avaient réellement une paire de dents implantée dans le prémaxillaire; depuis, Pojanus, G. et Fr. Cuvier, De Blain- rille, ete., se sont occupés des dents de ces animaux. La formule dentaire généralement adoptée est, de chaque côté des mâchoires : incisives, }; canines, 4: molaires, £. En général, la disposition des dents diffère notablement de celle qui se remarque chez les autres Ruminants, en ce que, des avant- molaires, les deux premières d'en haut sont largement espacées, ce qui, avec la canine, fait que chez eux il y a une véritable barre. La première et unique incisive d'en haut ne doit être considérée comme telle que parce qu'elle est implantée dans l'os incisif; car, par sa forme, elle ressemble à une petite canine mousse; en bas, les incisives ont un peu la forme de celles des Cochous, étant assez déelives, simples, allongées, un peu en cuiller et décroissantes de la première à la troisième. La ca- uine d'en haut ressemble presque complétement à l’incisive, dont elle est médiocrement distante : aussi est ce l’'analogue du crochet chez le Cheval; celle d'en bas est plus petite et moins en crochet. Des molaires supérieures, la première, inégalement distante de la canine et de la seconde molaire, est encore en crochet, mais bien plus petite et plus aiguë que la canine; les cinq autres sont contiguës et assez bien comme dans tous les Ruminants; des cinq molaires inférieures, la première est comme celle d'en haut, simple, conique et verticalement implantée, et les autres ne présentent pas de par- ticularités. On ne sait pas jusqu'ici quelles sont les différences bien tranchées qu'offre le système dentaire des Chameaux suivant lesâges, les sexes et les espèces. Plusieurs parties de l'organisme offrent des particularités qui doivent être notées, ainsi, le foie n'a pas de vésicule du fiel, ce qui, chez les Ruminants, ne se présente que dans ces animaux, chez les Cheyrotains et les Cerfs; le placenta, au lieu d'être décomposé en petites pelotes ou cotylédons, con- stitue une masse continue ou une sorte de membrane dense prenant la forme de la corne utérine et dont la face externe est couverte de villosités vasculaires assez bien comme dans le Cheval, quoi- que l’allantoïde soit comme dans les autres Ruminants. > L'appareil de la digestion ressemble, dans ses dispositions générales, à ce qu’on voit chez les au- tres Ruminants : on y retrouve les quatre estomacs caractéristiques; mais la panse présente une par- ticularité des plus remarquables, car elle semble partagée en deux poches bien distinctes : l'une d'elles ne différant en rien de ce que l’on observe chez les Ruminants; l’autre, au contraire, présentant des espèces de-cellules cubiques disposées d'une manière assez régulière, et à laquelle certains ana- tomistes ont donné le nom de réservoir ou de cinquième estomac. Cette poche semble toujours conte- nir de l'eau, et on a dit que cette eau, que les Chameaux y plaçaient dans les jours d’abondance, devait leur servir à étancher leur soif dans les jours de disette; on à même été Jusqu'à prétendre que, lorsque les voyageurs, tourmentés par une soif ardente, ne pouvaient plus se procurer d’eau ils ne trouvaient de moyen de salut qu'en tuant leurs Chameaux pour s'emparer du liquide qui se trouvait dans la panse de leurs animaux. Il y a là très-probablement une grande exagération; le sujet n'a pas encore été complétement étudié; et tandis que certains anatomistes admettent un cinquième 76 HISTOIRE NATURELLE. estomac distinct, d'autres, et surtout De Blainville, n°y voient qu'une simple partie de la panse; tan- dis que certains auteurs disent que cette poche est destinée uniquement à conserver l’eau que les Chameaux ont bu, d’autres, et nous pouvons citer M. Le Quatrefages, pensent que l’eau de ces réser- voirs est due à une véritable sécrétion de l'animal. La sobriété du Chameau est très-grande, mais on doit dire que c’est en grande partie une qualité acquise, et, sous ce rapport, les Chameaux élevés pour vivre dans les déserts de l'Arabie et de l’A- frique sont bien supérieurs à ceux qui habitent des contrées plus favorisées par la nature. Les éle- veurs les dressent de bonne heure; dès que leur croissance est achevée, on commence à régler leur repas, qu'on éloigne chaque jour davantage, en même Lemps qu'on diminue graduellement la quan- tité de leur nourriture; on les habitue surtout à se passer de boissons, et, par cette éducation, on les met à portée de supporter une abstinence vraiment difficile à comprendre; on sait, en effet, d’une manière positive qu'un Chameau chargé de huit cents à mille livres, faisant dix à douze lieues par jour sous un soleil brûlant, n’a souvent pour tout aliment qu'une poignée de grains, quelques dattes ou une petite pelote de pâte de maïs, et qu'il est souvent huit à dix jours sans boire. Mais, au bout de ce temps, s'il passe dans le voisinage d'une source d'eau, il la sent, fût-elle à deux kilomètres, et, doublant aussitôt le pas, il court se désaltérer pour la soif passée et pour la soif à venir. De Blain- ville rapporte, d'après M. P. E. Botta, que les Chameaux des caravanes, lorsqu'ils arrivent enfin à uu abreuvoir après avoir traversé un grand désert, temps pendant lequel ils étaient parvenus à une sorte d'émaciation souvent extrême, changent rapidement d'aspect, d’embonpoint général, après qu'ils ont satisfait leur soif, au point que l'on ne peut presque plus les reconnaître, et cette exten- sion de tout le système cellulaire ne peut être due qu’à une absorption immédiate de l’eau arrivée daps l'estomac et propagée par endosmose, à tout l'organisme. = —_— D Fig. 15. — Chameau de la Bactrianc Ce n'es: pas seulement d’eau que les Chameaux semblent faire provision pendant leurs heures d'abondance, ils ont aussi reçu le don de mettre en réserve une certaine quantité d'aliments solides RUMINANTS. 77 que l'organisme sait retrouver lorsque le besoin s'en fait sentir. Les loupes graisseuses dorsales pa- raissent du moins jouer ce rôle important; quand le Chameau est quelque temps privé de sa ration ordinaire, ces éminences diminuent, et après un long et pénible voyage, on ne trouve plus à leur place que des espèces de poches formées par la peau, et qui retombent le long du dos; en outre, le corps maigrit en même temps, et les forces diminuent bientôt avec rapidité. Pour que ces animaux puissent rendre tous les services qu'on en peut tirer, il leur faut un certain degré d'embonpoint; aussi les marchands qui font le voyage de la Barbarie en Éthiopie partent-ils avec des Chameaux gros et capables de porter de lourdes charges; mais, à leur retour, ces mêmes animaux sont excessi- vement amaigris et affaiblis. Les marchands les vendent alors à vil prix à des Arabes, qui les en- graissent, el la vigueur leur revient avec l'embonpoint. La force ne semble pas avoir soumis ces animaux à l'espèce humaine : malgré l'habitude qu'ils ont de l'obéissance, la violence les révolte; ils ne tardent jamais longtemps à se venger des mauvais trai- tements, et leurs canines, longues et tranchantes, sont pour cela les puissantes armes dont ils se servent. Une grande disposition à la confiance de leur part, une grande douceur de la nôtre, ont pu seules amener petit à petit ces animaux à s'attacher à nous, et à n'avoir plus que cette volonté pas- sive, que cette docilité presque absolue, sans lesquelles, en effet, ils ne nous appartiendraient pas, ou nous échapperaient bientôt. D'après la plupart des auteurs, ces animaux peuvent se reproduire dés l'âge de trois ans; la fe- melle porte un an, et le petit, qui naît les yeux ouverts, tette pendant près d'une année entière au moins; mais, lorsqu'on veut obtenir des animaux vigoureux, on laisse le jeune animal teter et paître en liberté jusqu’à l'âge de quatre ans; alors seulement on commence à le charger et à le faire tra- vailler. En agissant autrement, on risque d'abätardir l'espèce; et ce fâcheux résultat se manifeste en ce moment dans les possessions indiennes des Anglais, où l’on emploie beaucoup de Chameaux, et surtout où l’on a voulu s’en servir trop tôt. Leur entier développement n'a lieu que la septième an- née, et la durée de leur vie est de quarante à cinquante ans. Les callosités qu'on remarque, chez les adultes, aux poignets, aux genoux et sur le sternum, ne se développent qu'avec l'âge; on n’en voit pas la moindre race au Chameau nouveau-né; mais, comme ces animaux se couchent naturellement sur les parties où ces callosités naissent, elles ne tardent pas à paraître. Il faut donc rejeter l’idée que c'est par l'effet de l’art qu'on habitue les Chameaux à se coucher ainsi, et cela pour qu’il fût possible de les charger commodément; il est plus probable que les hommes ont profité de cette dis- position et qu'ils ont seulement appris aux Chameaux à se coucher au commandement. Buffon a dit : « L'or et la soie ne sont pas les vraies richesses de l'Orient : c'est le Chameau qui est le trésor de l'Asie. » Et ces paroles sont parfaitement vraies. Get animal, pour les contrées où il se multiplie, donne aux habitants une foule de produits : il les nourrit de son lait, plus abondant et durant plus longtemps que celui de la Vache, et de sa chair, qui chez les jeunes surtout est très- bonne; il les habille de son poil, plus long et plus moelleux, dans quelques races, que nos laines les plus estimées; il emploie la fiente de cet animal comme litière pour ses bêtes de somme, et comme combustible pour préparer ses aliments; il retire de ses excréments le sel ammoniac; enfin il s'en sert comme bête de somme, et surtout pour le transporter rapidement dans les déserts. « C’est surtout, ainsi que le fait observer M. De Quatrefages, comme bête de somme que le Chameau est précieux à son propriétaire. Seul il a pu rendre habitable ces contrées arides où l'Arabe a de tout temps trouvé un asile pour sa farouche indépendance; seul il a pu rapprocher par le commerce ces peuples que des océans de sable séparent les uns des autres : aussi les Orientaux l’ont-ils appelé, dans leur langage figuré, le navire du désert. 1] doit ses avantages à deux circonstances particu- lières : la conformation de ses pieds et l'extraordinaire sobriété à laquelle on l’accoutume. » Les Chameaux appartiennent à l’ancien continent, et se rencontrent surtout en Asie et en Afrique, où ils occupent une zone de trois à quatre cents lieues de large, et qui s’étend de la Barbarie à la Chine; mais, au sud, ces animaux semblent redouter la zone torride, et s'arrêtent là où l’on com- merce à trouver l'Éléphant. Des deux espèces admises dans ce genre, l'une paraît préférer les eli- mats tempérés, et se trouve jusque sur les bords du lac Baïkal, l'autre habite plutôt les pays chauds. Du reste, la patrie originaire de ces Ruminants, de même que celle du Chien et du Cheval, ne nous est pas connue. Entièrement soumis à l’homme, ce genre semble ne se multiplier qu'avec lui, et les Chameaux sauvages que Pallas à signalés dans le midi de la Tartarie paraissent descendre d'animaux TN HISTOIRE NATURELLE. originairement soumis. On comprend que des animaux aussi complétement domestiques doivent avoir été profondément modifiés : aussi existe-t-il un grand nombre de races qui varient de taille, de pro- portion et de pelage. Les Chameaux du Turquestan ont, assure-t-on, jusqu'à deux mètres et demi au garrot, et, en Chine, il s’en trouverait dont la taille n’excéderait pas celle de l'Ane. Au milieu de toutes ces races nombreuses, et surtout dans des lieux où elles se propagent, on est très-embarrassé vour en trouver la souche ou les souches originaires. Buffon, se fondant sur ce que toutes ces races peuvent se croiser entre elles et donner naissance à des produitsféconds, n’admet qu'une seule es- pèce, et il regarde la production de la bosse ou des deux bosses Ge ces animaux, ainsi que leurs rallosités, comme des stigmates de leur domestication. Mais l'opinion de Buffon n’est généralement pas adoptée, et l'on décrit, avec Linné, deux espèces dans ce genre. 4. CHAMEAU PROPREMENT DIT ou A DEUX BOSSES. CAMELUS BACTRIANUS. Linné. CaRaCTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage d’un brun marron plus ou moins foncé; poils ras sur presque tout le corps, s'allongeant et devenant comme crépu sur les bosses et en dessus du cou; au dessous de cette partie du corps, ce poil forme de longues mèches qui pendent comme autant de fanons et entourent les jambes de devant d'épaisses manchettes; le plus grand des deux; il a de deux mètres à deux mètres trente centimètres de hauteur au garrot, et même parfois davantage. Le Chameau était connu des anciens, qui le nommaient déjà,*du temps d’Aristote, Chameau de la Bactriane. On l'élève principalement dans les climats tempérés, et c'est lui qui arrive jusqu'au lac Baïkal; et dans le Thibet, la Tartarie et les provinces septentrionales de la Perse, cette espèce est pour ainsi dire la seule employée. Elle supporte très-bien les hivers assez rigoureux, et on en a vu se reproduire jusqu'en Pologne. On sait que le grand-duc de Toscane, Léopold, a introduit des Cha- meaux dans ses États, qu'ils s’y sont multipliés, et qu'aujourd'hui ils servent comme bêtes de somme à l'exploitation des propriétés de l'État. D'après cela, il n’y a pas de doute que l'espèce ne s'accli- matât facilement dans les provinces méridionales de la France, surtout dans les landes de la Gas- cogne, et il serait très-utile que des essais fussent tentés à ce sujet. Cette espèce est plus rare dans les ménageries que la suivante. Deux mâles ont vécu assez long- temps au Muséum, et Fr. Cuvier présente quelques remarques à leur sujet. « Ces animaux, dit-il, . avaient autrefois été employés en Hollande à traîner un chariot; mais un long repos leur en ayant fait perdre l'habitude, lorsqu'on voulut les atteler de nouveau, on ne put plus les maîtriser, et on ne se donna pas la peine de refaire leur éducation. A la fin de chaque automne, ils devenaient en rut : cet état s'annonçait par des sueurs et une odeur très-forte et très-désagréable, par la perte de l’ap- pétit, par ! écoulement plus abondant de l’organe glanduleux du derrière de la tête, et par le singu- lier besoin, lorsqu'ils urinent, de ramener leur queue entre leurs jambes pour uriner dessus, et de la relever subitement pour jeter l'urine sur leur dos. Le rut durait à peu près quatre mois, pendant lesquels ils cessaient presque absolument de manger : aussi maigrissaient-ils beaucoup; alors leurs bosses fondaient et se réduisaient à un morceau de peau épaisse qui retombait sur lui-même. Après le rut venait la mue, qui les dépouillait entièrement de leurs poils, et les rendait tout à fait nus; ce n'était qu'après deux mois qu'on voyait de nouveaux poils repousser, et leur pelage n'avait entière- ment reparu que vers le mois de juin. Ces animaux se laissaient conduire; mais il fallait s’en méfier : ils cherchaient à mordre, donnaient de violents coups de pied. Ils mangeaient environ trente livres de foin par jour, et buvaient à peu près quatre seaux d’eau. » 2. DROMADAIRE ou C{HAMEAU A UNE BOSSE. CAMELUS DROMEDARIUS. Linné. CaracTÈRES sPÉCIFIQUES. — Cette espèce se distingue facilement de la précédente en ce qu’elle n’a qu'une seule bosse placée au milieu du dos au lieu de deux; le pelage est à peu près le même, quoi- que variable pour sa nature et sa couleur; Ja taille un peu plus petite; les formes plus légères, moins massives. Le Dromadaire, répandu sur une plus grande surface du globe que le Chameau, et chez des nations $ S q , RUMINANTS. 79 dont les mœurs et le genre de vie diffèrent davantage, a subi de très-nombreuses modifications, et nous sommes loin de connaître toutes les variétés de cette espèce. Les diverses races dont parlent les voyageurs diffèrent considérablement pour la taille, les proportions, la couleur et la nature du pelage; les unes sont presque nues, d’autres sont entièrement couvertes de poils longs et soyeux; les teintes qu'ils présentent varient depuis le brunâtre foncé jusqu’au blanc; pour les uns, la mue est complète comme dans le Chameau, et chez d’autres elle ne se fait que peu à peu et d’une manière partielle. Ce qu'il y à de plus remarquable, c'est que ces variations atteignent jusqu'aux fonctions; ainsi le rut s'est manifesté à des époques très-différentes chez les individus appartenant à trois races distinctes qui ont vécu à la ménagerie du Muséum; chez un Dromadaire venu d'Alger, cet état com- mence en février; il se manifeste au mois de mai dans deux autres individus venus, l'un d'Égypte et l'autre de Turquie. Le Dromadaire habite le midi des contrées où l'on trouve le Chameau; il semble redouter dayan- tage le froid et mieux supporter la chaleur. On l’emploie presque exclusivement dans les voyages à travers le désert; et, sous ce rapport, on distingue deux races principales qui ne diffèrent peut-être que par suite d’une éducation qui a commencé de très-bonne heure : dans la première, destinée à porter des fardeaux, on recherche surtout la force, et cette qualité est sacrifiée à la légèreté; dans la seconde, au contraire, on a développé autant que possible cette dernière qualité. Les Dromadaires coureurs ont des formes plus sveltes; leur taille est aussi un peu moindre que celle des Dromadaires porteurs; mais la rapidité de leur marche au milieu des sables brûlants des déserts a quelque chose de merveilleux; car on assure qu'ils franchissent, sans s'arrêter, un espace de quarante ou cinquante lieues en un jour : pendant ces courses forcées, leurs conducteurs ne cessent de chanter; car ils pré- tendent que les Dromadaires aiment la musique, et que c'est le meilleur moyen de soutenir leur cou- rage. Depuis vingt-cinq ans que nous possédons l'Algérie, nous employons quelquefois dans ce pays ces animaux comme bêtes de somme; mais jusqu'ici, à notre connaissance, aucun essai n’a été tenté pour les acelimater dans le midi de la France. à Nous avons déjà fait remarquer qu'un petit nombre de débris fossiles de Chameaux avait été si- gnalé par les paléontologistes; l'espèce qui en a fourni le plus estle Camelus Sivalensis de MM. Fal- coner et Cautley; cette espèce, du reste, ne présente pas de caractères bien tranchés, et est au moins très-rapprochée, sinon identique, avec le Camelus Bactrianus, et Laurillard est tenté de ne la considérer que comme en étant le type sauvage. Quelques molaires, que l’on pense trouvées en Sibérie et qui ont un très-grand rapport avec celles des Chameaux, ont servi à Ja création d’un genre particulier de fossiles, celui des Merycotherium (uros- «to, je rumine; 6muv, animal) de Bojanus (Mém. des curieux de la nature de Bonn., t. XI). Les trois molaires supérieures que l’on connaît de Mérycothère, tout en ayant beaucoup de rapport avec celles des Chameaux, des Moutons et des Chèvres, ont pour caractère principal de présenter des arêtes entre les colonnes; et à cela se joignent quelques autres particularités différentielles. L'espèce unique de ce groupe est le Merycotherium Sibericum, Bojanus, dont la taille était, dit-on, à peu près semblable à celle de la Girafe. Que GENRE. — LAMA. AUCHENIA. Illiger, 1811. Prodromus systematicus Mammalium et Avium. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, 2; canines, =\; molaires, =; en totalité trente dents. Ces dents, plus petites, mais exactement conformées comme celles des Chameaux. Museau peu renflé, sans mufle; lèvre supérieure fendue; pas de larmiers; yeux gros; oreilles grandes, pointues. Pieds terminés par deux doigts bien séparés et munis d'ongles petits, crochus, assez séparés l'un de l'autre, mais ayant vers le talon une petite semelle calleuse qui appuie sur le sol. Pas de loupes graisseuses sur le dos. Des callosités à la poitrine et aux genoux seulement. Queue courte. Deux mamelles. 80 HISTOIRE NATURELLE. La connaissance du Lama et des animaux sauvages ou domestiques qui s'en approchent comme espèce ou comme variété sous les noms d’Alpaca, de Vigogne, de Paco, etc. est bien loin de remonter aussi haut dans l’histoire des hommes que celle des Chameaux, pour ainsi dire perdue dans la nuit des temps. En effet, appartenant au nouveau monde, nous ne pouvons guère aller au delà de sa dé- couverte par les Européens en 14992 et 1497; nous savons cependant, d’après les récits des conqué- rants du Pérou, que les Lamas étaient déjà domestiques chez les peuples gouvernés par les Incas, ce qui doit nécessairement en faire remonter la connaissance longtemps auparavant. Les historiens de la conquête du Pérou par Pizarre, en 1525, et du Chili par Diégo Almagno, vers 1534, en parlent sous les noms de Moutons du Pérou et du Chili; et Scaliger, qui en vit un en Europe en 1592, le nomme Allo-Camelus. Buffon en parle d'après les écrits des voyageurs espagnols, tels que Fernan- dez, Frezier, Feuille, 3. Ulloa, et, dans ses suppléments, il le décrit d’après des individus qui vivaient à l'école vétérinaire d'Alfort. Depuis cette époque, plusieurs essais d’acelimatation ont été tentés en France, et l’on a eu souvent occasion d’avoir dans nos ménageries des Lamas, des Alpacas et même des Vigognes, qui s'y reproduisent facilement et qui ont donné lieu à des travaux importants, et sur- tout à d’intéressantes notices de Fr. Cuvier, de M. Bennett et de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire ; aussi l'histoire naturelle et même l’organisation de ces animaux est-elle, aujourd’hui, assez bien connue. Linné réunissait les animaux de ce groupe aux Chameaux sous le nom général de Camelus; Iliger en fait son genre des Auchenia, et plus tard Fr. Cuvier les désigna sous la dénomination de Lama, aussi bien eu français qu’en latin. Fig. 46. — Lama. On n'a pas signalé, en Europe, de Lamas fossiles; car c’est par suite d’une erreur que M. Bronn a dit qu'il en existait des débris; M. Lund, dans les énumérations qu'il a données des ossements fossiles trouvés au Brésil, croit pouvoir en attribuer à deux espèces de Lamas, l'une de la taille d'un Cheval, l’autre plus petite; mais cependant, dans les descriptions qu'il a données plus tard des fos- siles du Brésil, il ne parle plus de ces débris. Plus récemment M. Wedell, dans le voyage dans l'A- mérique méridionale qu'il a fait avec MM. de Castelnau et Deville, a découvert quelques ossements de Lamas fossiles, et il les a rapportés au Muséum. Les Lamas, dans le nouveau monde, sont les représentants des Chameaux de l’ancien continent, et ils en possèdent tous les caractères principaux. Ils s'en distinguent néanmoins d’une manière sen- sible par l'absence de bosses sur le dos et par la séparation complète des doigts. D'ailleurs leurs formes sont plus sveltes, et se rapprochent davantage de ces justes proportions, d’où résulle pour nous un ensemble gracieux. Leur taille est moindre que celle des Chameaux. Leurs mœurs sont les mêmes que celles des Chameaux, et, comme eux, ils sont essentiellement herbivores. On les emploie de la même manière, comme bêtes de somme et comme coureurs, et, comme eux, ils sont essentiel- lemeut domestiques, mais pas au point néanmoins que l'on ne puisse plus les rencontrer à l'état sauvage. Fig. 1. — Antilope tragulus. ie, à Fig. 2 2. — Lama alpaca VI 14 RUMINANTS. él L'organisation des Lamas n’a été étudiée qu'assez récemment : c'est G. Cuvier qui, le premier, a parlé de leur squelette, et, depuis, De Blainville l'a fait plus complétement connaître dans son Ostéogra- phie. À la première vue, le squelette du Lama se distingue d’une manière évidente de celui du Droma- daire, d'abord par une taille beaucoup moindre, mais aussi par des proportions plus grêles; du reste, la nature des os, leur mode d’articulation et leur nombre même sont absolument comme dans les Chameaux; seulement, dans la colonne vertébrale, la courbure de la base du cou est bien moins con- Sidérable et la partie caudale bien moins longue; la forme générale de la tête est presque en tout semblable à celle des Chameaux, mais notablement et proportionnellement plus petite, plus étroite, Surtout dans sa partie basilaire. De Blainville note encore quelques autres caractères differentiels, et indique de légères modifications qu'offre la Vigogne. Le système dentaire comprend trente dents, c’est-à dire, de chaque côté : } incisives, © canine et ? molaires. En haut, l'incisive et la canine sont assez bien comme dans les Chameaux, mais moins coniques, plus comprimées, plus tranchantes et plus en crochet; les molaires, en série eontiguë, croissent de la première à la dernière, les deux postérieures égalant les trois antérieures, et la cou- ronne de ces dents offre quelques différences avec celle des Chameaux; en bas, les trois incisives normales, décroissantes de l’interne à l’externe, sont plus allongées, plus en cuiller, plus déclives et un peu plus convergentes; la canine est plus distante dans l'âge adulte, plus tranchante; les mo- laires sont assez semblables à leurs analogues dans les Chameaux, même dans la proportion des lobes. Pendant longtemps on a pensé que leur panse ne présentait pas ce renflement particulier, quel- quefois nommé réservoir, et qui est si remarquable chez les Chameaux, et l'on avait même indiqué cela comme étant un caractère du genre. Mais Duvernoy, dans l'Anatomie comparée de G. Cuvier, a dé- montré le contraire; il a vu le réservoir dans la panse des Lamas, et, de plus, il a reconnu que, même dès leur bas âge, cette poche stomacale offrait déjà une étendue bien supérieure à celle des autres estomacs, ce qui, dans les Ruminants ordinaires, ne se manifeste que chez les adultes. Une question importante, et qui a beaucoup occupé les naturalistes et les agriculteurs, surtout dans ces derniers temps, se rattache à l'histoire naturelle des Lamas, c’est celle qui concerne la possibilité et Putilité d’acclimater, en Europe, ces Ruminants, qui donneraient à l'industrie de ma- gnifiques produits. Dès 1765, Buffon disait : « J'imagine que ces animaux seraient une excellente acquisition pour l'Europe, et produiraient plus de bien réel que tout le métal du nouveau monde. » Des essais d’acclimatation furent tentés en France par le marquis de Nesle, soutenu par l'abbé Be- liardy et par Bixon; puis par M. Leblond, qui entreprit à ce sujet, et par ordre de Louis XVI, ua voyage en Amérique en 1799; ensuite à la Malmaison par ordre de l'impératrice Joséphine; quelque temps après, M. Walton fit quelques essais, et enfin, beaucoup plus tard, le duc d'Orléans chargea M. le comte de Castelnau de rapporter d'Amérique un troupeau de ces animaux, ce qu'il ne put malheureusement pas faire. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dans son excellent rapport sur la vaturalisation, en France, du Lama, a énoncé la précieuse utilité et les avantages que le gouverne- meut pourrait retirer en propageant cette espèce chez nous, et c'est par sou intervention que, en 1849, M. Lanjuinais, alors ministre de l’agriculture, fit l'acquisition d'un magnifique troupeau de Lamas nés en Hollande, qui fut placé dans les pares de l'institut agronomique de Versailles, mais qui mal- heureusement, et peut-être par la nature du lieu même que l’on avait choisi pour les placer, ne pro- duisit pas les bons résultats qu’on espérait en tirer. Il ne faut pas cependantse désespérer pour cela, et il est probable que ces animaux pourront un jour se propager sur les Pyrénées, les Alpes, les Vosges, le Jura, les montagnes de l'Auvergne et surtout en Algérie. En Angleterre, l'importation des Alpacas est devenue une question pratique d'économie agricole; un grand nombre de propriétaires en possèdent des troupeaux, encore peu nombreux, il est vrai, mais qui ne tarderont pas à s'accroitre par voie de génération. En France, les montagnes sur les- quelles même on ne peut pas faire de culture leur conviendraient parfaitement, et il est probable que la Société impériale zoologique d'acclimatation, qui, quoique n'ayant guère plus d’un an d’exis- tence, a déjà rendu tant de services, parviendra à acclimater ces animaux si utiles par leur laine longue, fine, et même par leur chair. En Amérique, e’est surtout dans les provinces de la Paz, de Puno et d'Arequipa que l’on en trouve le plus. Ils y sont bêtes de somme, animal alimentaire et animal industriel, et c'est sous ce dernier rapport qu'ils sont le plus utiles, car l’on fait toute sorte d'étoffes avec leur laine, Le poids le plus r, Il 82 HISTOIRE NATURELLE. ordinaire que l'on peut faire porter à ces animaux est de quarante à cinquante kilogrammes; mais ils ne peuvent être chargés tous les jours, et il faut mener dans une troupe le double au moins du nombre nécessaire. Ils peuvent cependant marcher six jours de suite, mais l'on ne peut leur faire faire plus de trois à cinq lieues par jour. Ces animaux sont, du reste, conduits, seulement à de certaines époques de l'année, dans les vallées moins éloignées des villes, afin de leur faire porter eux-mêmes leurs toisons sur les points les plus favorables au chargement. La maigreur des pâturages, jointe au climat du Pérou, n’est pas très-favorable à la croissance de la laine; aussi n’observe-t-on pas des saisons régulières pour la tonte de ces animaux; il y a cependant beaucoup de localités où la tonte en est faite tous les ans et dans d’autres une fois seulement en deux ans. En général, cette opération n’est pas faite avec beau coup de soin; on observe rarement la séparation des couleurs et des qualités de la laine, et la tonte une fois opérée, la laine est jetée pêle-mêle. La toison d'un Alpaca annuellement tondu fournit près de six à huit kilogrammes, et peut même atteindre jusqu'à dix kilogrammes. Sur tout le plateau bolivien, le prix moyen d'un Lama ou Alpaca est d'environ quatre piastres, et, auprès de Lima, de sept ou huit piastres, et l’on estime la valeur de la laine un quart en sus; ce qui prouve que les indi- gènes du pays ne tondent pas tous ces animaux et qu'ils ne savent même pas tous la valeur qu'on attache à cette laine. La laine de l'Alpaca réunit à un très-grand degré toutes les qualités néces- saires pour entrer dans la confection des étoffes, tant par son élasticité que par sa finesse : deux conditions essentielles pour faire ce genre de fabrication. Une assez grande quantité de ces laines a été introduite en France et a été mise en usage dans nos fabriques des environs de Lille, et spé- cialement à Turcoing, lieu cité par E. Deville, qui a donné, dans les Annales des Sciences natu- relles pour 1852, une note sur l’acclimatation des Lamas. En Angleterre, cette industrie a pris beaucoup plus de développement que chez nous, et on fait venir en grande abondance des laines de Lama du Pérou. Nous ne nous étendrons pas davantage sur ce sujet, mais tont le monde en comprend l'importance; aussi a-t-il donné lieu à la publication d'un grand nombre d’écrits. Le nombre des espèces qui doivent être rapportées au genre Lama est loin d’être fixé d’une ma- nière certaine; le désaccord que présentent là-dessus les naturalistes tient sans doute à la domestica- tion subie depuis bien longtemps par une ou plusieurs de ces espèces, et à la diversité des races qui en a été Le résultat. Nous n’indiquerons que les trois espèces qui seules sont bien connues, et nous ne ferons que citer une quatrième espèce, le Guanaco, que M. Tschudi, dans sa Faune du Pérou, donne comme très-distincte des autres, et que l’on réunit souvent au Lama. 4. LAMA PROPREMENT DIT. AUCHENIA G£LAMA. À. G. Desmarest. Caracrères sréciriques. — Pelage laineux, grossier, brun varié de taches blanches où d'un brun uniforme; dos arqué; une tache elliptique, d'un brun uniforme, placée en dedans du jarret; tête et jambes un peu fournies de poils; queue pendante. Cette espèce est Je Lana de Buffon; Camelus glama, Linné; €. lama, Erxleben; Auchenia glama, A. G. Desmarest, et Lama Peruviana, Lesson. C’est le Lama nomesrique par excellence; le Lama sau- vacE des voyageurs où Huanaca d'Ulloa, et l’on y réunit même l'espèce indiquée par M. Tschudi sous la dénomination de Guanaco. Le Lama était la seule bête employée par les habitants du Pérou lors de la découverte de l'Amé- rique, et cet animal, comme plusieurs autres, dont l'utilité pour l’homme est de tous les instants, n'y existait plus à l’état sauvage; car l'on pense, avec M, De Humboldt, que ceux qu’on rencontre libres et errants dans les gorges des Cordilières ne sont que les descendants d'individus soumis. Par suite de cet asservissement de l'espèce entière, il s’est établi un assez grand nombre de races distinctes, dont on comprend qu'il devient très-difficile d'établir avec précision les caractères. On peut cependant dire d'une manière générale que la taille du Lama est à peu près celle d’un petit Che- val : il a 1°,55 de hauteur au garrot, et un peu plus de 1",60 de longueur; sa tête est petite et bien placée; il porte des callosités au sternum et aux genoux, et même parfois au corps; son poil varie de couleur, d'épaisseur et de longueur; mais les teintes brunes paraissent y dominer, et il est toujours plus long et plus frisé sur le corps que sur la tête, le cou etles jambes. La gestation, en Amérique, RUMINANTS. 83 est de dix mois, mais, en Europe, elle semble un peu plus longue; les femelles n’ont ordinairement qu'un petit, rarement deux; elles ont quatre mamelles. À l’âge de trois ans, la femelle devient propre à la génération; ces animaux vivent, en Amérique, de vingt-cinq à trente ans. Cette espèce est celle que l’on a cherché à introduire en France : elle peut produire avec la Vigogne un métis nommé Alpa-Vigogne, qui, dit-on, peut former de bons troupeaux, et que l'on pourrait avoir domestique chez nous. L'emploi du Lama comme bête de somme est beaucoup moins fréquent depuis l'introduction des Chevaux dans l'Amérique du Nord; cependant il sert encore à transporter des fardeaux dans les sentiers escarpés des Cordilières, où la sûreté de son pied le rend très-propre à cet usage. Il ne peut pas porter un poids très-élevé; sa marche est très-lente; et, lorsqu'on veut l'accélérer, il se couche à terre comme résolu à se laisser assommer sur place. Mais cette espèce est précieuse à plus d’un titre : la chair des jeunes est un excellent manger; leur peau donne un cuir assez estimé, et surtout leur poil sert à fabriquer de nombreuses étoffes. 2. ALPACA. AUCHENIA PACO. À. G. Desmarest CaracrÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage composé de poils laineux, très-longs et fins, de couleur chà- tain clair; les poils des jambes très-courts, noirâtres, tandis que ceux du corps sont disposés par mèches; museau assez brusquement séparé du front; taille du Cerf; queue touflue, tombante. Fig. 17. — Lama Alpaca. C'est le Paco de Puflon, l'Ovis Peruana et Pacadicta, Hernandez; Camelus cophis, Linné; le Ca- melus paco, Erxleben; Lama paco, Fr. Cuvier, qui l’a surtout distingué, car on l’a souvent confondu avec l'espèce précédente. La laine de l'Alpaca joint à une finesse qui égale presque celle des tissus de Cachemire une lon- gueur bien plus considérable; et nul doute que, si on parvenait à naturaliser cet animal, l'industrie ne trouvät dans sa toison une branche importante de commerce. L’Alpaca est, de même que le Lama, un animal essentiellement de l'Amérique du Nord, et il habite les mêmes localités. 5. VIGOGNE. AUCHENIA VICUGNA. A. G. Desmaresl CARAGTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage d’un brun fauve tirant sur [a couleur isabelle en dessus et blanc en dessous; poils laineux, très-fins, longs de trois centimètres sur le corps et de neuf environ sur la poitrine; tête moyenne; museau s’unissant au front par une légère courbure; jambes longues et me- nues; plus petit que les précédents. 8% [HISTOIRE NATURELLE. C'est la Vicocxe de Buffon, le Camelus aruncanus, Molina: C. vicugna, Linné; Lama vicugna, Fr. Cuvier. La Vigogne ressemble beaucoup au Lama; mais elle est plus petite et ses formes générales sont plus sveltes et plus élégantes; sa tête plus courte, avec de grands yeux noirs qui lui donnent un air d'in- telligence et de vivacité remarquable; la plus grande partie du corps est d'un brun légèrement vi- neux, et le reste d’une couleur isabelle; la gorge est jaunâtre; la poitrine, le dessous du ventre et le dedans des cuisses sont blancs; il y a des manchettes de longs poils jaune fauve sur les membres antérieurs. Cet animal paraît être moins sociable que le Lama; mais cependant habitué comme lui à vivre en troupes, ayant les mêmes habitudes, il est bien certain qu'avec quelques efforts on parviendrait à la rendre également domestique. C’est ce qui a déjà lieu dans quelques points de l'Amérique; mais, le plus habituellement, on le chasse comme bête fauve. Les Américains, pour s'emparer des peaux de cet animal précieux, qui fait l'objet d’un commerce assez considérable, le poursuivent jusque sur les sommets les plus escarpés des Andes, où il s’est réfugié, et le nombre en diminue de jour en jour. DEUXIÈME FAMILLE. © MOSCHIDES. MOSCHIDÆ. Nobis. Les naturalistes du siècle dernier, et même Buffon, avaient confondu sous le nom de Chevrotain un assez grand nombre de Ruminants qui n’avaient guère de commun entre eux que la petitesse de la taille et l'élégance des formes; c'est ainsi que le Guevei du Sénégal, que l'on à reconnu depuis etre une Antilope, était placé dans le même groupe que ces animaux. Ce fut Linné qui établit vérita- blement le genre Chevrotain, auquel il assigna la dénomination latine de Moschus, et ce fut avec raison qu'il le rapprocha des Chameaux. En effet, ces animaux semblent établir le passage des Ca- mélidés aux Ruminants ordinaires; ils manquent, il est vrai, de cet annexe de la panse, auquel on a quelquefois donné le nom de réservoir, et que l’on a même considéré comme un cinquième estomac; mais ils n’ont jamais de cornes, même chez les mâles, etils présentent encore, en outre, des canines très-développées à la mâchoire supérieure. Un caractère remarquable, et qui ne se retrouve dans aucun autre Ruminant, se présente chez eux, et consiste en ce qu'ils ont un péroné grêle, distinct, et surtout les métacarpiens et métatarsiens des deux doigts principaux séparés dans toute leur longueur chez le Moschus aquaticus. Les Chevrotains, réunis en un seul genre par Linné et G. Cuvier, sont devenus une petite famille distincte partagée en deux genres pour quelques auteurs; M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire en fait sa première tribu de la famille des Antilopidés et lui donne le nom de Moschiens: Lesson donne à cette famille le nom de Moschisideæ; pour nous, pour nous conformer à notre nomenclature, nous en ferons une famille particulière sous la dénomination de Moschidés. Les deux genres que l'on place dans cette division, ceux des Cuevrorans où Tragulus et des Muse ou Moschus, ne renferment qu'un petit nombre d'espèces particulières à l'ancien continent pour les espèces vivantes, et à l'Europe pour deux ou trois espèces fossiles, et ne différent entre eux qu'en ce qu'ils portent ou non une poche prépuciale sécrétant une matière odorante. \\ S NX \" ù N 1. — Chamois. = — \' Qi RUMINANTS. Lis] Ac GENRE. -- CHEVROTAIN. TRAGULUS. Brisson. Histoire naturelle. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. 0 6—6. Système dentaire : chez les mâles : incisives, Ÿ; canines, 4; molaires, À; en totalité trente- quatre dents, et chez les femelles : incisives, $; molaires, 6 2 5) =; en totalité brente-deux dents. Inci- sives et molaires en tout semblables à celles des Ruminants ordinaires; canines supérieures des mâles longues, verticales, comprimées, tranchantes et un peu courbées en arrière, sortant beau- coup de la bouche. Tête légère, sans cornes, même chez les mâles; un mufle; pas de lwrmiers; oreilles assez allon- gées, pointues. Pas de loupes graisseuses sur le dos. Un péroné distinct; pieds à sabots bien séparés ei entourant les dernières phalanges, comme dans tes Ruminants ordinaires. Formes du corps sèches, sueltes; taille petite; poils ras, sec, cassant; queuc très-courte. Pas de poche prépuciale. Deux mamelles inguinules. Les Chevrotains se distinguent, extérieurement, de tous les autres Ruminants par leur tête nue, c'est- à-dire sans bois ni cornes, et par les deux longues iucisives pointues et tranchantes qui descendent de la bouche des mâles au delà de la mâchoire inférieure : ils sont, en outre, les seuls qui aient un péroné, et chez lesquels les métacarpiens et les métatarsiens des deux doigts principaux sont séparés dans toute leur longueur. Du reste, ils ressemblent aux autres Ruminants : ils n’ont pas d’incisives à la mâchoire supérieure, mais ils en ont huit à l'inférieure, et leurs molaires sont au nombre de vingt- quatre, six de chaque côté des deux mächoires. Les yeux n’ont rien de remarquable; ils n'ont point de larmiers comme les Cerfs, mais leurs narines sont séparées par un mufle qui ressemble à celui de ces animaux. Les oreilles sont de moyenne grandeur, pointues. Les pieds sont courts, gros, secs. - La queue est courte. Les mâles ont la verge dirigée en avant, et les femelles ont deux mamelles entre les jambes de derrière. Ce sont des animaux qui paraissent très-sauvages, et qui, par ce motif, sont encore très-peu con- aus à l’état de nature sous le rapport de leurs mœurs Ils ont une petite taille et toute la légèreté des Gazelles, dont ils ont aussi vraisemblablement les mêmes habitudes, et vivent de plantes. Ils sont remarquables par les sauts énormes qu'ils peuvent faire lorsqu'on les poursuit : c’est ainsi que l'on assure que, dans ce cas, le Kranchil peut s’élancer de manière à s'accrocher aux branches d'un arbre par ses deux longues canines, et qu'il laisse ainsi passer au-dessous de lui les Chiens ou les autres - ennemis qui lui donnent la chasse; sa ruse et sa finesse sont passées en proverbe, et les Malais disent d'un habile voleur qu'il est rusé comme un Kranchil. C’est un gibier très-recherché. Ils paraissent être, en général, d’une extrême délicatesse, et ne peuvent supporter les voyages de long cours : aussi a-1-0n été très-longtemps avant de parvenir à en conserver de vivants dans nos ménageries. Buffon, tevant compte, d'un côté, de leur petitesse, qui semble annoncer qu'ils ont plusieurs petits à chaque portée, et, d'un autre côté, de leur caractère d'animaux à pieds fourchus, qui devrait faire supposer qu'ils n’ont jamais qu'un ou deux petits à la fois, se demande si la nature n’aurait pas tout concilié en les faisant se reproduire plus souvent. Tous les Chevrotains sont propres à l’ancien continent; car G. Cuvier a démontré que le Moschus Americanus de Séba n’est qu'un jeune ou une femelle d’un des Cerfs de la Guyane, et que le M. delicatulus, Shaw, est le faon d’un Cerf américain. Nous avons dit que l'on a distrait de ce groupe, sous le nom générique de Muse, l’une des espèces de Chevrotain; malgré cela les zoologistes modernes, surtout d’après Fr. Cuvier, y rangent encore onze espèces, cinq actuellement vivantes et trois à l’état fossile; mais ce nombre, ainsi que l’a déjà dit M. Gray, pourra être assez considérablement réduit. Le tvpe est le : 8G HISTOIRE NATURELLE. CIIEVROTAIN PROPREMENT DIT. TRAGULUS PYGMÆUS Drisson. CaRACTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage d'un brun roux en dessus, fauve sur les cotés, blanc en des- sous. Longueur du corps, mesuré depuis Je bout du museau jusqu’à l’origine de la queue, 0,24; de la queue, 0,03. Cet animal, qui est le Tragulus Guincensis de Brisson, le Cervus Africanus de Séba, le Cnevro- TAIN DES INDES ORIENTALES de Buffon, et le Moschus pygmœæus de Linné, est le plus petit des Rumi- nants; car sa taille ne dépasse pas celle du Lièvre. Mais toutes ses formes sont d’une élégance et d'une délicatesse admirables; le dessus de son corps est d’un beau roux passant au fauve sur les cô- tés, et toutes ses parties inférieures sont blanches. Le Chevrotain parait habiter les parties les plus chaudes de l'Afrique et de l'Asie, où il semble vivre à la manière des Antilopes. Sa légèreté est extraordinaire; il fait des sauts et des bonds prodi- gieux; mais il ne peut continuer longtemps ces violents efforts. On assure que les Indiens le pren- nent à la course, et que les nègres le chassent de même et le tuent à coups de bäton ou de petites zagaies. C’est un gibier très-recherché. Les autres espèces, qui, à l'exception d'une seule, paraissent peu distinctes de celle que nous ve- nons de décrire, sont : 4° le CHEvROTAIN À PEAU MARQUÉE DE Tacues BLancues de Buffon (Tragulus meminna, Boddaërt), type du sous-genre Meminna de Lesson, qui habite l'ile de Ceylan; 2° le Cue- vrRoTaIN D£ Java, Buffon, Naru, Fr. Cuvier (M. Javanicus, Raffles), type du sous-genre Napu, Lesson, de l'île de Java; 3° le Knaxemnt, où Kaxemz (M. kranchil, Paffles), de l'ile de Sumatra; 4° le Muse be L’Inne (MS. Indicus), sur lequel De Blainville a donné quelques détails; 5° M. fulviventer Gray, de l'archipel des Malais et des Indes orientales; 6° M. stanleyanus, Gray, dont on ignore au juste la patrie; et 7° M. aquaticus, Ogilby, peut-être le plus distinet de tous par ses mœurs; car il semble de préférence habiter le bord des fleuves. Relativement aux espèces fossiles, on n'a pas encore jusqu'ici de détails bien complets et tout à fait positifs. G. Cuvier, tout en plaçant parmi les Dichobunes ses Anoplotherium murimum et obli- quum, soupçonnait déjà que c’étaient des Ruminants, et il rapprochait lun des Chevrotains et l'autre des Cerfs; De Blainville les a rappôrtés tous deux au genre des Chevrotains, et M. Pomel (Bibl. univ. de Genève. Archives, t. XI) à proposé d'en faire un genre à part sous le nom d’Amphimeærix. On n'a encore de ces deux espèces que quatre fragments, tous quatre plus ou moins incomplets et ap- partenant à la mâchoire inférieure : un seul os est de l'obliquum; les quatre autres sont regardés comme étant du murinum; mais il n’est pas hors de doute que ces fragments, qui ne sont connus que par les planches de G. Cuvier et de De Blainville, soient tous trois d'une même espèce, et M. P. Gervais ne l’admet pas. Les espèces fossiles sont : 1° Moschus murinus (Dichobune murinum, G. Cuvier), fossile dans les plâtrières des environs de Paris, et qui, avec l'espèce suivante, sont les À RUMINANTS. N1 seuls Ruminants que l'on ait encore observés dans les terrains tertiaires éocènes de Paris, qui, au contraire, sont si riches en Pachydermes; il est de la taille du M. meminna; 9° M. obliquus (Di- chobune obliquum, G. Cuvier), des plâtrières de Paris, plus svelte que le précédent et ayant de lana- logie avec les Cerfs; 5° M. armatus, P. Gervais (Moschus? De Blainville), fossile à Sansan (Gers), où il a été découvert par M. Lartet. Jue GENRE. — MUSC. MOSCHUS. Linné, 1755, Systema nature. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Caractères semblables à ceux des Chevrotains, et n'en différant qu'en ce que l'on trouve chez les Muscs une poche prépuciale considérable contenant une matière odorante, et qu'en ce que les canines supérieures des mâles sont encore plus développées. On na décrit d’une manière bien positive qu'une seule espèce de ce genre, la plus connue de toutes celles de la famille des Moschidés; c’est le : MUSC ou CHEVROTAIN PORTE-MUSC. MOSCHUS MOSCHIFERUS Linné. CanacTènes sréÉciriques. — Pelage d'un gris brun, composé de poils très-gros et très-cassants. Taille du Chevreuil; la tête et le corps mesurant environ 0,70, et la hauteur du train de devant, 0,56; queue excessivement courte. Le Muse, quoique n'étant pas encore complétement connu même aujourd'hui, a été indiqué il y : déjà très-Tongtemps. Cependant il paraît avoir été inconnu aux Grecs et aux Romains, et Aristote et Pline n’en font aucune mention, non plus que du parfum qu'il produit. Les auteurs arabes en ont parlé les premiers, et Scrapion a donné, au huitième siècle, une description de cet animal. C’est le Moschi capreolus de Gesner, l'Animal moschiferun de Nieremberg, la Capra moschi d'Aldovrande, le Tragus moschiferus, Klein; le Tragulus moschus, Brisson; le Kabarga, Gmelin; le Moschus moschiferus, Linné, G. Cuvier, De Blainville, À. G Desmarest, etc.; le Muse, Buffon, Daubenton, et le XÉ des Chinois. Dans cette espèce, le front est légèrement bombé et arrondi; le chanfrein droit; les veux grands, avec l'iris d'un brun roux; le bord des paupières et Les naseaux de couleur noire; les oreilles grandes, larges et très-mobiles; les canines blanches, très-apparentes, sortant de la bouche et formant de chaque côté un reuflement à la lèvre supérieure; les extrémités postérieures sont beaucoup plus fortes que les antérieures: le poil est très-gros et cassant, offrant un mélange de plusieurs couleurs, et notamment de brun, de fauve et de blanchâtre; cette dernière couleur étant à leur base et les autres à leur extrémité; le front, le nez et la partie extérieure des oreilles, garnis de poils d’un noir rous- sâtre mêlé de gris; les yeux ayant du fauve jaunâtre en dessus et en dessous; les épaules et les jam- bes d'un brun noir, ainsi que les pieds: les cuisses et les jambes de derrière de la même couleur, mais d’une teinte beaucoup moins foncée; quelquefois une tache blanche au milieu du front; les sabots et les ergots sont noirs; la queue est remplacée par un tubereule qui n'a pas tout à fait trois centimètres de saillie; la taille de l’animal est à peu près semblable à celle du Chevreuil. Il en existe une variété entièrement blanche. Les canines supérieures des mâles des Muses sont très-développées et deviennent presque de véri- tables défenses; elles sortent de la bouche en s’incurvant d'arrière en avant; leur bord postérieur est tranchant, et l'animal s’en sert, selon les circonstances, soit pour couper des racines, soit pour se défendre. La poche caractéristique du Muse est placée sous le ventre, en avant du prépuce, et elle a près de neuf centimètres de diamètre. Pendant l'hiver, on peut la distinguer extérieurement; mais durant l'été, et principalement à l’époque du rut, elle forme une saillie très-prononcée. La membrane qui tapisse l’intérieur de cette poche est, dit-on, sèche comme du parchemin, même à l’époque où 88 HISTOIRE NATURELLE. ses fonctions sont le plus actives; en revanche, elle est entonrée d’un lacis vasculaire très-riche. Le muse lui-même est sécrété à l'état solide; et, lorsque la poche est pleine, il reste toujours, à l'inté- rieur de la sphère produite par la matière odorante, un vide qui se tasse seulement de la circonfé- rence vers le centre. Cette poche s'ouvre en dehors par un orifice, et l’on assure que, lorsque la matière odorante gonfle outre mesure son réservoir naturel, l'animal se frotte contre les arbres et les rochers pour se débarrasser de ce trop-plein. Le musc recueilli de cette manière est le plus pur et le plus estimé; mais il est presque impossible d’en trouver dans le commerce. Fig. 19. — Musc. Le Muse habite la Chine, et surtout les provinces de Xiusi, de Suchuen et de Jamar: le Thibet, le Touquin, le Pégu, les royaumes d’Aracan et de Boutan, plusieurs provinces de l'Indoustan, la Tar- tarie chinoise et quelques parties de la Tartarie russe; mais il abonde principalement dans les con- trées montagneuses au delà du Jenissei, près du lac Baikal, ainsi que dans les montagnes de Konz- netzk, près du lac Telet-Koi. Cet animal, dit Sonnini, vit solitaire et ne se plait que sur les hautes montagnes et les rochers escarpés; tantôt il descend dans les gorges profondes et ténébreuses qui séparent les chaines des monts les plus élevés, tantôt il grimpe à leur sommet couvert de neige. Il est très-leste et très-agile, et il nage aussi fort bien. Farouche à l'excès, il est très-difficile de l'ap- procher; il l’est également de l’apprivoiser, quoique la douceur forme la base de son caractère. Il entre en rut dans les mois de novembre et de décembre; cette saison de l'amour l’est aussi de fureur et de combat entre les mâles. Bien qu'habitant des contrées aussi éloignées de nous, le Muse semble pouvoir s’acclimater en Europe, et peut-être pourrait-on l'élever sans de trop grandes difficultés. Dans le siècle dernier, le duc De La Vrillière a eu, pendant trois ans, dans son château de l'Hermi- naye, près de Versailles, un de ces animaux qui avait mis trois ans à lui parvenir; il avait done vécu six ans en captivité, et encore sa mort fut-elle toute accidentelle; car Daubenton, qui en fit Fanato- mie, trouva une égragropile engagée dans la caillette et fermant l’orifice du pylore, à peu près comme aurait pu le faire une soupape à bouchon. Ce Chevrotaiu était très-timide et ne se laissait pas ap- procher; sa souplesse et sa vivacité étaient extrêmes; son train de derrière, plus développé que eelui de devant, en faisait un animal éminemment propre au saut : aussi ne se mouvait-il, pour ainsi dire, que de cette manière; il semblait prendre plaisir à bondir contre un mur perpendiculaire, qui lui ser- vait de point d'appui, pour s’élancer dans une direction opposée. Ce Ruminant est recherché pour sa chair, mais beaucoup plus encore pour la matière odorante RUMINANTS. 89 qu'il produit, et qui porte le même nom que lui. Cette substance est solide, en grumeaux de différentes grosseurs, d'un rouge noir, et assez semblable à du sang desséché; elle s'écrase facilement sous le doigt; sa saveur est âcre et légèrement amère. Sa composition est très-complexe : suivant MM. Blon- bleau et Guibourt, qui en ont fait une consciencieuse analyse, on y trouve de la stéarine, de l'élaine, de la gélatine, de l'albumine, de la fibrine, une huile acide unie à l'ammoniaque, une huile volatile, de la cholestérine, une substance très-carbonatée soluble dans l’eau, des chlorhydrates d'ammonia- que, de potasse et de chaux, un acide particulier, en partie saturé des mêmes bases, un acide com- bustible, des carbonates, des phosphates de chaux, enfin une petite quantité d’eau. Mais, malgré les soins que ces chimistes ont dù prendre pour se procurer du muse à l'état de pureté, il est probable qu'ils n’y sont pas parvenus; car la présence de la fibrine dans la matière mise en expérience sem- ble prouver qu'elle avait été mélangée avec du sang de l'animal. On sait, en effet, que c’est avec du sang desséché du Moschus moschiferus, ou avee d’antres matières analogues, que les Chinois, dont nous tirons ordinairement ce produit important, sophistiquent le muse. Cette matière très-odorante est employée chez les Orientaux, surtout dans les parfums; également employée autrefois assez fré- quemment dans la parfumerie européenne, elle ne nous sert plus guère aujourd'hui qu'en pharma- cie, et est un remède violent que la médecine recommande assez souvent. L'odeur que répand le muse est peut-être la plus forte de toutes les odeurs connues; il n’en faut qu'une très-petite dose pour parfumer une grande quantité de matière; l’odeur se porte à une grande distance; la plus pe- tite particule suffit pour le faire sentir dans un espace considérable, et le parfum même en est si fixe, qu'au bout de plusieurs années il semble n'avoir pas perdu de son activité. Le muse nous vient, en Europe, principalement du Boutan et de la Chine; l'on remarque que celui que l'on apporte du nord de la Chine n’a pas autant d’odeur que celui de la Chine même : aussi vend-on les vessies qui le con- tiennent à bas prix. C’est en hiver que l’on prend le plus de ces animaux : on se sert de lacets et d’assommoirs que l'on place dans les ouvertures des haies, formées entre les rochers et les gradins des montagnes où les Muses cherchent leur nourriture. Leurs peaux sont employées à des fourrures communes pour les voyageurs; on les coud comme des peaux de Chevreuils, et, quand elles sont tannées, elles ont beaucoup plus de moelleux que celle de tous les animaux du même pays. Deuxteue diouston. RUMINANTS AYANT DES CORNES CREUSES PERSISTANTES, OU DES BOIS DE NATURE OSSEUSE ET CADUCS, AU MOINS DANS LE SEXE MALE. A. — Des cornes ou proéminences de l'os frontal enveloppées d’une peau velue. qui se continue avec celle de la tête et qui ne se détruit pas, dans les deux sexes. TROISIÈME FAMILLE CAMÉLOPARDALIDES. CAMELOPARDALIDÆ. Nobis. Cette famille, qui ne renferme qu'un seul genre, celui des Girafes, est l’une des plus caractérisées de l'ordre des Ruminants et, aujourd'hui, l’une des plus connues. C’est principalement par la taille élevée, le grand cou, la robe jaunâtre, tachetée de couleurs plus foncées, et surtout les prolonge- ï 12 90 IHISTOIRE NATURELLE. ments frontaux, subsistant au moins chez les mâles et consistant en des bois permanents non rami- liés, ete., qu'on peut en quelques mots définir l'espèce unique actuellement vivante de ce genre et de cette famille. L'Afrique australe, l'Abyssinie et les environs du cap de Bonne-Espérance nourrissent les Girafes; tout récemment on en a découvert quelques débris fossiles en France par Duvernoy, et dans les monts Himalayas par MM. Falconer et Cautley. GENRE UNIQUE. — GIRAFE. CAMELOPARDALIS. Lioné, 1795. Systema naturæ. Camelus, Ghameau, Pardalis, Panthère, CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ©; molaires, 5; en totalité trente-deux dents qui ne présentent pas de différences bien sensibles avec celles des Cerfs, Antilopes et Moutons. Tête très-longue, ayant un tubercule osseux au milieu du chanfrein et deux chevilles également osseuses sur les frontaux, revêtues de peau velue et terminées par une touffe de poils; pas de mufle; lèvre supérieure non fendue; pas de larmiers; oreilles assez grandes, pointues; langue garnie de papilles cornées; yeux grands. Cou très-long. Train de devant assez haut comparativement à celui de derrière; garrot très-élevé; dos oblique; jambes assez minces, terminées par des sabots semblables à ceux des Ruminants proprement dits. Corps assez svelte. Une callosité au sternum. Mamelles au nombre de quatre. Magnifique dans sa parure, bizarre dans ses formes, singulière dans sa démarche, colossale par sa taille, inoffensive par caractère, la Girafe a dû attirer de bonne heure l'attention de l'homme : aussi la voyons-nous représentée sur les plus anciens monuments de l'Égypte et de la Nubie. C'est principalement dans les Typhoniums, temples consacrés au dieu malfaisant Typhon, que l'on trouve surtout la représentation du Camelopardalis; faut-il, comme le pensent MM. Joly et Lavocat, que ce soit par opposition avec le dieu tyran de l'Égypte? La Girafe se trouve encore représentée dans la mosaïque de Palestrine et sur les fresques du Poggio-Cajano, palais des dues de Médicis. Quelques savants pensent que le Zemer, cité dans le Deutéronome comme étant au nombre des animaux dont la chair pouvait servir de nourriture au peuple hébreu, n’était autre que le Camelopardalis gi- raffa; d'autres savants voient dans cet animal le Chamois de nos montagnes, ce qui semble peu pro- bable. Une foule d'auteurs postérieurs à Moïse ont mentionné ou déerit la Girafe; nous allons les passer rapidement en revue, en les classant en géographes, voyageurs, historiens, poètes, littérateurs, natu- ralistes, etc. Agatharchides, qui vivait cent quatre ans avant Jésus-Christ, semble être le premier géographe qui ait signalé la Girafe; il dit que cet animal, le Kapmieragd ane des Grecs, habite le pays des Tro- slodytes. Plus tard, Artémidore en dit quelques mots dans sa Description de la terre; puis Strabon et Solin s'en occupèrent à leur tour, et enfin Léon l'Africain en donna, dans sa Description de l'Afrique, publiée il y a trois siècles, une assez bonne description. Depuis cette époque, tous les géographes qui s'occupèrent des pays qu'habite la Girafe la citent; mais aucun d’eux, si on n’en excepte Malte-Brun et Charles Ritter, ne nous apprirent rien de nouveau sur cet animal. Les voyageurs, en grand nombre, ont étudié la Girafe; Cosmos Indicopleustes, cinq cent vingt- cinq ans après Jésus-Christ, dit qu'elle habite FÉthiopie, et si ce fait, rapporté également par plu- sieurs auteurs, était vrai à cette époque, il n’en est plus de même aujourd'hui: car l'Ethiopie ne nour- rit plus cet animal. Marco-Polo indique cet animal, qu'il nomme Graffa, comme se tronvant dans RUMINA? L'ile de Zanzibar, et il en donne une bonne description. Citons encore parmi les voyageurs qui par- lent de la Girafe, au moyen âge, Bernard de Breydenbach et Baumgarten: à l'époque de la renais- sance, Thevet, Marmal, Bandier, Villamont et Jérome Lobo; enfin, à une époque plus rapprochée de nous, Le Vaillant, le capitaine Carteret, Bruce, Busbeck, MM. Belzoni, Mollien, Rüppel, Caillaud, Ed. Combes et Tamisier, J. Verreaux, le capitaine Laplace, ete., qui nous donnent de nombreuses remarques, principalement sur les mœurs de ce magnifique Ruminant. Occupés sans cesse à enregistrer les faits dignes d'être transmis an souvenir des hommes, les his- toriens ne pouvaient passer sous silence la première apparition de la Girafe dans une contrée diffé- férente du pays qu'elle habite. Diodore de Sicile, Dion Cassius, Eusèbe Pamphile, Ibnocholean, Saint-Jérôme, Ladolf, ete., en parlent. Athénée nous apprend que Ptolémée Philadelphe montra pour la première fois cet animal aux habitants d'Alexandrie dans cette pompe triomphale devenue si célèbre par sa richesse et sa magnificence. Au rapport de Diodore de Sicile, de Pline et de Dion Cassius, les Romains n'avaient pas encore vu de Girafe, lorsque, dans les jeux du Cirque qui se célébrèrent l'an 45 avant Jésus-Christ, Jules César fit paraître cet animal aux yeux du peuple. Depuis Jules Cé- saë jusqu'à Philippe, successeur de Gordien HI, le Camelopardalis reparut de temps en temps à Ron.e, et, dans les jeux consacrés à la célébration du premier millénaire de la fondation de cette ville, dix Girafes se montrèrent à la fois dans le cirque. Aurélien, en 274, en it voir aussi plusieurs. Les empereurs de Constantinople eurent de bonne heure l'occasion de connaître la Girafe; sept indi- vidus de cette espèce furent vus à Constantinople : le premier a été décrit par Philostorge; deux au- tres, signalés par le comte Marcellin, avaient été envoyés de l'Inde à l'empereur Anastase; beaucoup plus tard, Michel Paléologue, d'après Pachymère, en reçut un en présent du roi d'Ethiopie; le ein- quième est celui dont Busbeck étudia les os; le sixième fut amené à l'occasion des fêtes splendides qui furent célébrées lors de la circoncision de Mahomet HT; enfin le septième fut envoyé au sultan, en 4829, par le pacha d'Égypte. Il est aussi question d'une Girafe dans la Vie de Tamerlan, par Cherefeddin-Ali. Jusqu'en 4827, l'Europe chrétienne n'avait pu voir que trois Girafes vivantes : la première fut adressée. par le sultan d'Égypte, à l’empereur Frédéric IL, et c'est celle qui a été im- parfaitement décrite par Albert le Grand sous les noms d'Oraflas et d'Anabala; la deuxième fut offerte, par le sultan Biba, à Mainfroi, fils naturel du même Frédéric Il; enfin la troisième, dont on voit encore aujourd'hui l'image dans les fresques qui ornent le palais de Poggio Cajano, fut donnée, en 4486, à Laurent de Médicis par le soudan d'Égypte, et elle a été indiquée par Ange Politien et par le poëte Antonio Costanzi. En 1826, Ismaël-Pacha envoya en Europe trois Girafes : il offrit l'une à Charles X, l'autre à l'empereur d'Autriche et la troisième au roi d'Angleterre : le premier de ces animaux a pu seul arriver en Europe, et, après avoir passé l'hiver à Marseille, est parvenu à Paris au mois de juin 4827; c'est celui que l'on a vu pendant près de vingt ans attirer une foule de curieux à la ménagerie du Muséum d'Histoire naturelle, et qui y est mort au mois de janvier 1845. En 1836, après avoir essuyé de grandes fatigues et éprouvé bien des périls, M. Thibaut fut assez heureux pour ramener en Angleterre cinq Girafes, qu'il avait prises dans le Darfour et le Kordofan : deux d'entre elles se sont accouplées à Londres, et ont produit le plus petit individu, qui vivait encore il ÿ a quel- ques années dans les jardins de la Société zoologique, et sur lequel nous reviendrons bientôt. De- puis cette époque, plusieurs autres Camelopardalis giraffa ont été amenées dans différentes parties de l'Europe, et, pour ne citer que celles que l’on a vues en France, nous dirons qu’en 1846 le doc- teur Clot-Bey a fait don au Muséum d'un beau mâle, et que, l'année suivante, M. Bourdon-Gramont, souverneur du Sénégai, à également envoyé au même établissement une jeune femelle, mais que tous deux sont morts; enfin qu'en 1855, M. Delaporte, Consul de France au Caire, a donné au même Muséum trois autres mâles et une femelle, provenant de l'intérieur de l'Afrique : deux de ces der- niers animaux, un mâle et une femelle, existent encore aujourd'hui, et nous avons l'espérance qu'ils pourront reproduire l'espèce chez nous. Nous ne terminerons pas cette longue énumération sans dire qu'une Girafe vivante fut amenée en France en 1844, et que, montrée dans les foires par des bate- leurs, elle mourut à Toulouse : c’est qu’en effet les restes de cet animal, acquis par le conseil muni- cipal de cette ville, sont devenus pour MM. Joly et Lavocat un sujet d'études aussi curieuses qu'im- portantes sous le point de vue anatomique. Ua animal aussi extraordinaire que la Girafe ne pouvait manquer d'inspirer les poëtes. Aussi, dans une de ses épitres, Horace, reprochant à ses compatriotes l'espèce de délire qui les entraîne aux 92 HISTOIRE NATURELLE. jeux du Cirque, a très-heureusement paraphrasé le nom de Camelopardalis; Oppien lui-même a eru devoir invoquer sa muse pour décrire cet animal d'une manitre digne de son sujet; enfin, comme nous l'apprerd Aldrovande, Herricus l’a également chanté. Plusieurs littérateurs et polygraphes ont également parlé du Camelopardalis. Héliodore, dans le quatrième siècle de notre ère, l’a parfaitement décrit dans son roman des Éthiopiques ou des Amours de Théagène et de Chariclée, et il indique l'amble comme étant son allure naturelle. Cas- sius Bassus en parle aussi. Isidore de Séville et Albert le Grand s’en oceupèrent, mais d'une manière erronée. Ange Politien, J. Ludolf, Antonio Costanzi, plus connu sous le nom de Constantius, Bo- chart, Clusius, Varron, Vincent De Beauvais, et plus récemment Schneider, MM. Jomard et Mongez ont dit quelques mots de ce bel animal. Des zoologistes en très-grand nombre ont étudié le Camelopardalis et nous l'ont fait connaitre d'une manière complète. Aristote semble l'avoir conuu et le mentionne sous les noms de agde et d'Irrzoduv, dans SON Tex ruv Low Iorepuz; mais cette assertion, soutenue par Allaman et Pallas, et qui semble très-probable d'après les descriptions qu'en donne le père immortel de l'Histoire des animaux, est niée cependant par Bochart, Jonston, Buffon, Mongez et G. Cuvier. Pline n'a laissé qu'une description incomplète de la Girafe, quoiqu'il l'ait vue en nature. Au moyen àge, nous re- trouvons quelques compilateurs qui parlent d’une manière plus où moins satisfaisante de cet ani- mal: tels sont Cazurini, Ibnocholion, Damir, Gualterus Charletonus et quelques autres, et plus récem- ment Ambroise Paré; Pierre Gilles, en 1550. donne une description qui semble faite d’après l'animal vivant; Gesner n’en dit que quelques mots; Belon et Prosper Aipin rapportent quelques faits qui ne manquent pas d'exactitude. Aldrovande et Johston ont longuement parlé de la Girafe, mais ils wont guère ajouté que des fables à son histoire naturelle. Allaman, Brisson, Klein, Zimmermann, ont dû également s’en occuper. Linné n’en a donné qu'une très-courte description, et il la range parmi les Cerfs: celle de Housselquist est trop longue et trop sèche selon Buffon, qui lui-même n'en a peut-être pas dit tout ce qu'il devait en dire. Pallas, Pennant, Blumenbach, C. Duméril, A. G. Des- marest, Fr. Cuvier père et fils, MM. Salze, Schnitz, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Owen, P. Gervais, Joly et Lavocat, etc., ont décrit plus ou moins brièvement, plus ou moins complétement la Girafe dans des travaux spéciaux ou dans divers recueils encyclopédiques. Étienne Geoffroy Saint-Hilaire a donné quelques considérations philosophiques pour expliquer le pourquoi des singularités que pré- sente | organisation extérieure de la Girafe. Parmi les anatomistes qui ont étudié la Girafe, et nous ne parlerons que des modernes, nous de- vons sigualer quelques considérations de MM. Geoffroy Saint-Hilaire père et fils, insérées dans la Philosophie anatomique et dans le Dictionnaire classique d'Histoire naturelle: quelques faits inté- ressants relatifs au squelette indiqué par G. Cuvier, par Carus, Gæœthe, et par M. P. Gervais: de belles planches du squelette et de têtes de divers pays de la Girafe, dessinées sous les yeux de De Plain- ville, qui devaient faire partie de l'Ostéographie, et qui, encore inédites, doivent bientôt paraitre; quelques détails sur la langue et l'estomac par sir Edward Home; un grand travail anatomique de M. Richard Owen, dans les Transactions of zoo!ogical Society of London, 1858-1839, fait d'après deux Girafes mortes, l’une dans les jardins de Regent's Park et l'autre dans ceux de la Société z0olo- gique; enfin et surtout le mémoire de MM. Joly et Lavocat, intitulé Recherches historiques, zoologi- ques, anatomiques et paléontologiques sur la Girafe, et inséré, en 1845, dans les Mémoires «le la Société du Muséum d'Histoire naturelle de Strasbourg, travail consciencieux fait d’après un individu mâle mort à Toulouse, et auquel nous empruntons plusieurs passages de ce que nous disons dans cet ouvrage. Des paléontologistes, mais seulement dans ces derniers temps, ont signalé la présence de la Gi- rafe dans le sein de la terre. Duvernoy, le premier, et d'une manière positive, a révélé l'antique exis- tence de la Girafe dans nos propres contrées, dans le Berry, et il en a décrit une mächoire infé- rieure. Presque à la même époque, MM. Falconer et Cautley ont fait une découverte analogue dans les monts Himalayas. On peut, en outre, citer une dent rapportée à ce genre par M. Agassiz, et dé- couverte en Suisse, dans un terrain de molasse, par M. Nicolet, et rapprocher de ce groupe d’ani- maux le célèbre Sivatherium de MM. Falconer et Cautley, trouvé dans les Hin alayas. Il ne nous sera pas possible d’entrer, dans cette encyclopédie, dans de grands détails sur l’ana- tomie de la Girafe; toutefois nous croyons devoir en donner une idée générale, rapporter les faits RUMINANTS. : "93 principaux que préseute son histoire, et nous renverrons, pour la faire connaître complétement, aux auteurs que nous avons déjà cités, et plus particulièrement aux ouvrages de M. Owen et de MA. Joly et Lavocat, qui, outre les faits nouveaux qu'ils ont rapportés, ont résumé ce qu'avaient dit leurs devanciers. L'ostéologie est assez bien connue. Le crâne est prolongé, au devant des molaires, en un long prisme triangulaire; la région frontale est très-large et très-haute, relevée sur la ligne médiane en une sorte de pyramide qui forme un os distinct, terminée plus en arrière par deux longues éminences osseuses : derrière celles-ci, le crâne se rétréeit et s'incline en arrière, limité de chaque côté par des crêtes temporales qui ne se rapprochent pas dans la tête vue en dessus; le développement de la ré- gion frontale ne laisse rien apercevoir des arcades, qui sont petites, droites et, de plus, très-rele- vées au-dessus de l’arcade dentaire. La mächoire inférieure se distingue par la gracilité et la longueur de ses branches horizontales, et par la graude étendue de sa symphyse. Deux cornes parti- eulières, recouvertes par la peau, se trouvent sur le crâne, et un rudiment d’une troisième sur la ligne médiane. La colonne vertébrale se compose de cinquante vertèbres, dont sept cervicales, quatorze dorsales, cinq lombaires, quatre sacrées et vingt éoccygiennes. Les vertèbres cervicales forment à elles seules, par leur longueur, près de la moitié du rachis. Le sternum est peu ossifié et composé de sept os spongieux, unis entre eux par des cartilages. Les côtes sont au nombre de qua- torze paires, sepl vraies et sept fausses. Aux membres antérieurs, l'omoplate est triangulaire, longue par rapport à sa largeur; l'humérus est assez court; le eubitus, au contraire, est très-long et parfaite- ment distinct du radius, qui à lui seul forme tout l’avant-bras et surpasse de beaucoup en longueur l'humérus lui-même; le carpe est formé de six os, disposés sur deux rangs; il n'existe qu'un métacar- pien principal, qui est presque aussi long que le radius; enfin la première phalange est très-longue et-la dernière grosse. Aux membres postérieurs, le bassin offre de la ressemblance avec celui du Cheval; le fémur se distingue par son grand volume proportionnel et par la grande dimension d’a- vant en arrière de sa tête inférieure; le tibia ne présente rien de remarquable; la rotule a la forme d'un cône renversé et légèrement courbé en arc; le tarse offre, à la première rangée, le calca- néum, l’astragale et un autre os; et à la seconde, indépendamment de l'union du scaphoïde et du cuboïde en un os unique, on voit aussi les deux cunéiformes se souder non-seulement entre eux mais aussi avec la pièce scaphoïdo-cuboïdienne; le métatarse est grêle; les phalanges n’offrent rien de bien particulier. Fig. 20. — Tête de Girafe MM. Joly et Lavocat ont fait connaître pour la première fois l'appareil ligamenteux de la Girafe. Les fibro-cartilages intervertébraux, etsurtout ceux de la région cervicale, sontremarquables par leur épaisseur et leur souplesse, gages de mobilité; tous les ligaments interépineux sont formés de tissu jaune élastique. Les autres ligaments sont remarquables par leur force, et surtout celui du cou. Le système musculaire présente, en général, un grand développement; les fibres des muscles sont 94 HISTOIRE NATURELLE. grosses el serrées, À ces premières conditions d'énergie viennent s'ajouter des dispositions très- favorables : ainsi le renflement des éminences osseuses, sur lesquelles les muscles s’implantent ou glissent, écarte ces forces du centre de mouvement, détruit leur parallélisme avec les rayons osseux, et rend leur action plus efficace. Ailleurs, et dans le sens de levier inter-puissant, c’est le point d’in- sertion qui s'éloigne du centre de mouvement et allonge d'autant le bras du levier de la puissance musculaire. D'autres fois la disposition est telle, que ce n’est pas l'action contractile du musele qui est favorisée, mais son résultat; c’est le mouvement produit qui regagne la rapidité. On rencontre au con des muscles longs pour lesquels la lenteur des contractions étendues est évitée par des inter- ruptions tendineuses qui diminuent la longueur des fibres musculaires, sans préjudice pour l'inten- sité de leur action. Dans d'autres cas, certains muscles de la même région, au lieu d'être simplement étendus d'une extrémité à l’autre de la colonne mobile, se subdivisent en digitations et s’attachent à ces différentes pièces pour plus de variété et de précision dans les mouvements. Souvent, surtout aux membres, on rencontre des muscles qui s'unissent pour agir en même temps, soit dans le même rayon, soit sur des rayons différents, inversement mobiles. En outre, presque tous les muscles sont enveloppés de fortes membranes aponévrotiques qui en assurent la position et en rendent la contrac- tion plus énergique; plusieurs de ces aponévroses donnent attache à des muscles qui augmentent leur tension et leurs effets; beaucoup de tenseurs, surtout ceux des membres, glissent dans des gaines fibreuses adhérentes aux os, coulisses complètes, parfois très-prolongées, qui s'opposent à tout dé- placement. En plusieurs points, l'appareil musculaire est recouvert de couches de tissu fibreux jaune; ces lames sont très-adhérentes aux museles et se remarquent surtout là où de puissants efforts s’exé- eutent, à la base latérale du cou, à la croupe, à la fesse, au côté externe de la cuisse. La tunique jaune abdominale est très-développée; et enfin le ligament jaune surépineux cervical est une immense produc- tion, soutien de la tête et du cou. Une particularité bien remarquable est l'absence presque complète de muscles peaussiers ; ils sont remplacés par une grande et forte aponévrose satinée enveloppant tout le corps, unie d’une manière assez lâche à la peau, et confondue, en quelques régions, avec des couches fibreuses jaunes; cette large aponévrose, tendue, bridée sur tout l'appareil musculaire, fa- vorise singulièrement l'énergie de contraction. Nous n’entrerons pas dans la description particu- lière des muscles, car nous en avons dit assez pour faire comprendre que toutes ces dispositions musculaires expliquent la force, la souplesse et la rapidité des mouvements de l'animal que nous étu- dions. Les descriptions publiées par MM. Joly et Lavocat sont complètes, et M. Werner à donné dans la collection des vélins du Muséum des dessins de myologie d’une Girafe préparée au Muséum, en 1847, sous la direction de De Blamville. L'odontologie de la Girafe, sans présenter des caractères bien différents de ceux que l’on remar- que en général chez tous les Ruminants, nous offre cependant quelques particularités assez remar- quables. Ses dents sont au nombre de trente-deux; il n°y a pas de canines ni à l’une ni à l’autre des mâchoires; les incisives, au nombre de huit, se trouvent seulement inférieurement, et l’on compte six molaires de chaque côté, aussi bien à la mâchoire supérieure qu’à la mandibule. Les denis, en géné- ral, sont fortes; les incisives grandes, presque égales, tranchantes, courbées en avant et ailant en S’écartant un peu en dehors de la ligne moyenne, avec l’externe la plus large de toutes et bilobée, ce qui ne se remarque chez aucun autre Ruminänt; les molaires ressemblent assez à celles des Gerfs, et surtout des Élans; les deux premières fausses molaires sont simples; la troisième a un talon à sa partie postérieure, et les trois autres ne différent pas plus que celles de la mâchoire inférieure des molaires analogues des Chameaux. G. et Fr. Cuvier, Duveruoy, MM. Owen, Joly et Lavocat ont donné quelques détails importants sur le système dentaire des Girafes tant dans le jeune âge que dans l'âge adulte; nous renvoyons aux ouvrages de ces auteurs, ne pouvant les résumer ici; faisant seulement remarquer que, comme dans les moluires des Cerfs, ces dents portent, dans la Girafe, entre leurs piliers, de petits cônes pointus que l'usure n’atteint que fort tard, et que l’incisive mitoyenne, comme chez les Cerfs, est très-large à sa partie coronaire; mais n’oublions pas que chez la Girafe, et chez la Girafe seule, l'incisive externe l'est encore davantage; rappelons aussi que la Girafe manque de ca- nines et que celles-ci existent, au contraire, chez un grand nombre de Gerfs; notons enfin que les canines atteignent leur plus grand développement chez les espèces de Cervus, dont le foie se réduit à de très-faibles dimensions, et qu'elles deviennent plus fortes encore chez les Chameaux, les Lamas et les Chevrotains, dont la tête n’est pas armée de bois, et que, dès lors, il semblerait que la Girafe, RUMINANTS. 95 avec ses dagues si petites et si faibles, devrait avoir de très-fortes canines, comme dans le Muntjac:; il n'en est pourfant rien, et, sous ce rapport comme sous tant d’autres, le Camelopardalis giraffa forme un être à part, une exception presque continuelle aux lois, si souvent mensongères, que créent les vues bornées de notre esprit. On a voulu trouver des caractères différentiels dans les dents de Gi- rafes provenant de pays différents, et de là en tirer la conséquence qu'il ÿ aurait plusieurs espèces de ce genre; mais l’on n’est parvenu à rien de positif à cet égard. La forme de la bouche de la Girafe diffère de celle que cet organe offre chez tous les autres Rumi- nants; la lèvre supérieure est beaucoup plus extensible; l'intérieur de la cavité buccale présente des papilles très-nombreuses et très-développées, et qui abondent surtout à l'angle des lèvres, ainsi que sur la face interne des joues. Les dents sont exclusivement disposées pour une nourriture végétale, La langue est très-remarquable par son extensibilité, sa grande flexibilité, et elle sert tout à la fois d’instrument de préhension, de dégustation et de déglutition : sa structure anatomique a été étudiée avec soin et offre des particularités assez singulières. La cavité buccale, au lieu de prendre à sa par- tie postérieure la forme d'un entonnoir, se termine, au contraire, par une fente transversale, au-dessus de laquelle fait saillie un rebord vulvaire formé par la marge supérieure et élargie de l'épiglotte, repliée sur elle-même en cet endroit. La surface du pharynx est ridée par des saillies et des dépressions très- prononcées. Les amygdales sont ovales, aplaties. Les glandes salivaires ressemblent à celles des au- tres Ruminants. Comme toutes les parties situées le long du cou, lœsophage se fait remarquer par sa grande longueur; d'un diamètre à peu près uniforme partout, il se compose de deux fortes cou- ches de fibres musculaires. L’estomac, formé sur le type de celui des Ruminants à cornes pleines et caduques, offre les quatre divisions principales admises pour ces derniers. A l’intérieur de la panse, qui est énorme et bifide à son extrémité inférieure, on trouve une foule de papilles longues, aplaties, arrondies, bilobées ou trilobées à leur extrémité supérieure, où elles offrent plus de largeur que dans le reste de leur étendue, ce qui leur donne plus de ressemblance avec les papilles du Renne qu'avec celles de la panse du Bœuf. Sous le rapport de la forme et du peu de profondeur des cel- lules, le bonnet présente encore plus d’analogie avec le Renne qu'avec tout autre Ruminant; chez le Renne, en effet, ces cellules sont peu profondes, et il en est de même chez la Girafe, où elles sont formées par des prolongements de la membrane interne à peine saillants au-dessus de la surface, et supportant une rangée de papilles coniques plus grosses que celles qui garnissent les espaces cir- conscrits par ces prolongements. Le troisième estomac ressemble presque entièrement à celui du Bœuf, c'est-à-dire qu'entre deux feuillets étroits on en trouve deux autres beaucoup moins étroits, de largeur inégale, et que ces lamelles sont revètnes de papilles pyriformes. La caillette enfin offre des plis longitudinaux peu développés. Le duodénum, très-dilaté à son origine, reçoit les sues pau- créatique et biliaire à un décimètre environ de l’ouverture pylorique. L'intestin grêle se distingue par sa longueur et par son faible diamètre, et la valvule iléo-cœcale est formée par une simple lèvre renflée et circulaire. Le cæcum n'offre rien de particulier, si ce n’est son volume, assez peu considé- rable, quand on le compare à celui des autres Ruminants. Le côlon, presque sans bosselures, est remarquable par sa grande longueur; sa disposition ressemble à celle qu'il affecte chez les Cerfs, et il se termine sans rien de particulier au rectum. En totalité, la longueur du canal intestinal est réellement extraordinaire, même comparativement avec celle déjà considérable du même organe chez les autres Ruminants, le Mouton, toutefois, excepté; en effet, dans l'individu disséqué par MM. Joly et Lavocat, il mesurait 62,95, et si l’on y ajoute 1,40, longueur de l'œsophage; 0",80, longueur de la panse à partir du sac gauche jusqu’à l'ouverture œsophagienne, et 0®,80, longueur de la panse à parür de cette ouverture jusqu'au pylore, on aura 65",25 pour la longueur totale de l'intestin. Le pancréas, très-analogue à celui du Bœuf, en diffère en ce qu'il est un peu plus large, plus mince, et plus irrégulier dans sa conformation. Le foie est petit, aplati, presque elliptique, de cou- leur bleu grisätre, et ne consiste qu'en un seul lobe, auquel s'ajoute une éminence de Spigel peu prononcée : au bord postérieur, il y a une échancrure prononcée pour loger la veine cave, qui ne perfore pas le foie. La vésicule biliaire existe dans quelques sujets, mais ne se trouve pas chez tous, et dans quelques-uns le suc biliaire est versé directement par un large canal hépatique dans le duo- dénum. La rate, presque orbiculaire, est mince, d’un tissu mou et remarquable par les nombreuses sinuosités que présente son contour. Les reins, de couleur brun foncé, unis et lisses à l'extérieur ct présentant à l'intérieur une teinte légèrement jaunâtre, ne sont pas lobés comme ceux du Bœuf. Les 96 [HISTOIRE NATURELLE." capsules surrénales n’offrent rien de particulier. Le grand épiploon s'étend, comme chez les autres Ruminants, depuis la panse jusqu’au bord du bassin. Les ventricules et les cordes vocales du larynx sont presque à l'état rudimentaire. La trachée-artère est remarquable par sa grande longueur et par le très-grand nombre, plus de deux cents, de cer- ceaux cartilagineux dont elle se compose. Les poumons n’offrent rien de bien particulier; toutefois ils sont petits relativement au volume des animaux auxquels ils appartiennent. Le cœur est de forme très-allongée et conique, situé vers la région mediane de la poitrine; les oreillettes sont petites, comparativement aux ventricules. M. Owen a constaté dans cet organe, tout près de la naissance de l'aorte, un os recourbé, long de 0",16 et logé dans le cercle tendineux qui donne attache aux fibres musculaires du ventricule. Les vaisseaux ont en général un assez grand calibre, remarquable surtout par les principaux troncs, comme l'aorte et les veines caves, dont le vo- lume et l'épaisseur sont bien plus considérables que dans d’autres animaux, tels que le Bœuf et le Cheval, dont le corps est cependant à peu près de mêmes dimensions; quant aux dispositions essen- tielles, au mode de distribution général et au trajet de l'appareil vasculaire, on remarque à peu près les dispositions ordinaires des autres Ruminants. Le cerveau diffère peu de celui des autres Ruminants, surtout pour la forme des circonvolutions; son volume, cependant, est un peu plus considérable, ainsi que son poids; il n°y a pas de particules pierreuses dans la glande pinéale, dont la substance est ferme et solide. Le cervelet, placé tout à fait en arrière du cerveau, n'offre rien de particulier. La moelle épinière se distingue surtout par l'extrême longueur de sa portion cervicale et par la singulière origine des nerfs de cette même ré- gion. Quant aux nerfs, ils présentent des dispositions à peu près analogues à celles des autres Ru- minants. Les organes mâles principaux sont logés dans un court scrotum, et, de chaque côté de ce dernier, on voit le rudiment de deux glandes mammaires; les testicules eux-mêmes sont allongés, ovales. La prostate est formée de deux corps glanduleux séparés, allongés, situés au côté extérieur des canaux déférents. À la base du bulbe de l’urètre sont situées deux glandes de Cowper, chacune aussi grosses qu'une noix muscade, et environnées d'une épaisse capsule formée par des fibres musculaires. Le tissu caverneux du pénis n'est pas divisé par une cloison médiane. Dans la femelle, les ovaires sont de forme ovale, placés dans un vaste sac péritonéal formé par une expansion du ligament large de l’uté- rus. Ce dernier organe est petit. La vulve, le clitoris et lurètre ressemblent à ces mêmes parties chez les Ruminants à cornes. L'œuf est de forme sphérique; il a un douzième de ligne de diamètre, est enveloppé par un chorion gélatineux et transparent, et est logé dans une masse de granules ellip- tiques. La Girafe constitue un genre particulier de Ruminants, ne renfermant qu'une seule espèce, et qui est principalement caractérisé par l'existence permanente, et dans les deux sexes, de cornes coni- ques, petites, toujours recouvertes par une peau velue et continue avec celle de la tête : ces cornes offrant, dans les jeunes individus, une noyau osseux tout à fait distinct des autres os du crâne; au milieu du chanfrein est un tubercule ou troisième corne plus courte, mais plus large que les deux autres, et, comme elles, simplement articulée, dans le jeune âge, avec les os du front. Outre ces caractères principanx, ce genre présente encore les suivants : trente-deux dents; une tête allongée, à lèvre et langue très-mobiles, sans mufñle ou espace nu autour des narines; cou très-long; tronc relevé en avant et très-élevé sur jambes; deux doigts à chaque pied, sans ergots même rudimen- taires, ete. Le pelage est d’un blanc grisâtre parsemé d'une grande quantité de taches rhomboïdales, plus où moins irrégulières, d'un brun fauve. Habitant les confins du désert dans les sables de l'Afrique et sous l’action d'un soleil brûlant, la Girafe avait besoin d’avoir des moyens particuliers de protection pour ses organes de la vision. C’est ce qui a lieu. L'œil, grand et noir, placé très-haut, et par conséquent pouvant voir de très-loin, est placé au fond d'un orbite saillant et profond, et est encore protégé par une membrane elignotante très-développée; et, en outre, la pupille est transversalement fendue. Les narines sont étroites, obliquement percées, défendues par des poils sur leurs bords et environnées de fibres musculaires qui leur permettent de se fermer entièrement et garantissent ainsi la membrane délicate qui les ta- pisse contre l’action suffocante des nuages de sable que soulève le vent du désert. La lèvre supé- rieure, très-prolongée au-dessus de l’inférieure, concourt avec la langue, très-flexible, très-allongée, RUMINANTS. 97 à former un instrument de préhension des plus précieux : des papilles nombreuses garnissent le palais, l'intérieur des joues et la langue, et, tout en empêchant les aliments soumis à la mastication de dévier de la route qu’ils doivent suivre, elles les dirigent vers le pharynx. Les oreilles sont lon- gues, très-mobiles, et forment des espèces de cornets acoustiques propres à recueillir tous les bruits que l'animal a intérêt de connaître ou d'éviter. Fig. 21. — Girafe. On s’est demandé à quoi peuvent servir à la Girafe ce cou si élevé et ces jambes d'une longueur si démesurée, et l'on a pu répondre que, destinée à vivre non pas de l'herbe des prairies, mais bien à brouter les feuilles des grands arbres qui croissent dans les terres arrosées et fertiles dont le désert se trouve environné, elle devait être conformée de manière à pouvoir atteindre le but pour lequel elle a été créée. De là un train antérieur plus élevé que le postérieur; de là un très-long cou; de là enfin une taille de 5,50 à 6". Bien plus, comme si cette taille gigantesque n'était pas suffisante pour que la Girafe pût se procurer toujours et partout un abondant feuillage, la nature a voulu que cet animal pôt encore, au besoin, augmenter sa hauteur déjà si colossale : au moyen d’une disposition particulière, aussi simple qu'ingénieuse, elle lui a permis de lever assez la tête pour que le museau fût sur la même ligne que le cou, et elle a placé à l'extrémité de cette longue colonne une langue rugueuse, allongée et flexible, sorte de main dont elle se sert pour attirer les branches que, sans elle, elle ne saurait atteindre. Exagérant outre mesure la disproportion qui existe entre le train antérieur et le train postérieur de la Girafe, Buffon et la plupart des auteurs qui l’out précédé ou suivi en ont conclu que cet animal doit être très-lent dans ses mouvements,: et ils ont été jusqu’à dire que la course lui était totalement impossible. Cette assertion manque complétement d’exactitude. D'abord il n’est pas vrai que les jambes de devant soient quatre ou cinq fois, comme l'a prétendu Bouder, ni même une fois, comme l'a dit Buffon, plus longues que les jambes postérieures. Un examen attentif du squelette montre que le bras est sensiblement égal à la cuisse, et que le pied de devant seulement est plus » 15 98 IHISTOME NATURELLE. court que celui de dérrière. L’avant-bras seul surpasse la jambe d’un décimètre environ, mais, à la vérité, l'omoplate est plus longue et moins obliquement placée dans la Girafe que chez tous les autres Mammifères; la poitrine est aussi plus profonde; mais ces deux circonstances ne sauraient excuser l’exagération dans laquelle sont tombés la plupart des naturalistes, Quarante à cinquante centimètres de plus au garrot qu'à la croupe, telles sont les différences de hauteur que présentent ordinairement les deux trains de la Girafe adulte; et, d'après cette conformation, l'on pouvait dire a priori que cet animal n'était pas propre à sauter; mais on n’était pas en droit de lui refuser l'agi- lité dans les mouvements, la vitesse dans la course. La Girafe marche l'amble, c’est-à-dire que, au lieu de lever alternativement le pied droit d'un côté et le pied gauche de l’autre, elle lève presque en même temps les deux pieds du même côté. L'amble est une conséquence nécessaire de la conformation extérieure du Camelopardalis girafa; en effet, la grande longueur des membres et le court espace qui sépare les pieds antérieurs des postérieurs ne permettent pas le mode de progression par paires diagonales qui a lieu chez la plupart des Mammi- fères à corps moins court : à chaque instant le pied de derrière eût frappé le membre antérieur laté- ralement correspondant si les extrémités n'eussent été mises en mouvement par paires latérales. La vitesse de ce genre d’allure peut être très-grande, puisque, à chaque pas, le poids du corps, seul centre de gravité, supporté seulement par deux membres latéraux, se trouve en équilibre très-insta- ble : l'imminence de la chute détermine l'animal à ramener les extrémités anx soutiens d'autant plus rapidement qu’elles ont été soulevées; dans ce cas, la succession des membres sera rapide et la pro- gression très-accélérée, tandis que si les extrémités ont été moins soulevées, la marche sera moins vive en raison du même principe; l'instabilité de l'équilibre dans les allures est donc la mesure de leur vitesse. D'autres particularités organiques venant encore se joindre à celles que nous avons si- gnalées, il en résulte que le mode de progression de la Girafe, contrairement à ce qui a été souvent rapporté, est assez grand, et c’est ce que rapportent en général les voyageurs; car ils disent qu’à la course cet animal va au moins aussi vite que le Cheval; toutefois ils ajoutent que, lorsque ce Rumi- nant court, sa démarche semble ridicule, et tout le monde a été à même de constater ce fait dans notre ménagerie du Muséum lorsqu'on voit nos Girafes se poursuivre. Quand elles se reposent, elles se couchent sur le ventre, ce qui leur donne quelquefois des callosités à la poitrine et aux jointures des jambes. Ainsi que nous l'avons dit, la Girafe se nourrit presque exclusivement du feuillage des arbres, et, en Europe, les feuilles et les fruits qu’elle semble préférer sont ceux des abricotiers sauvages, de l’Acacia commun, et, en général, de toutes les espèces de Mimosa. Comme nous l'avons fait remar- quer, la haute taille de cet animal et plusieurs particularités semblent bien indiquer qu'il doit néces- sairement prendre une telle nourriture. « Et ce qui prouve, dit Et. Geoffroy Saint-Hilaire, que la Girafe est décidément appelée à brouter les hautes branches des arbres, c’est sa manière gênée de prendre sa nourriture à terre. Elle s’y décide en faveur d'une branche de Mimosa; mais on voit, à la gaucherie de ses mouvements, au temps qu’elle emploie, aux précautions qu'elle est forcée de pren- dre, qu'elle agit vraiment contre les allures naturelles à sa conformation. Ainsi elle écarte d’abord d'une petite quantité un de ses pieds de devant, puis l’autre, pour recommencer plusieurs fois le mème manége; et ce n'est qu'après de telles tentatives, qui font baisser le tronc, qu'elle se déter- mine à fléchir le cou et à porter ses lèvres et sa langue sur la chose qui lui est offerte. » En outre, on à pu remarquer que, dans les pares où elles sont placées dans nos ménageries, les Girafes sem- blent mépriser les végétaux qu’elles ont à leurs pieds pour aller dépouiller, au contraire, les bran- ches des arbres le plus haut qu’elles le peuvent. En captivité, on les nourrit avec du fourrage que l'on met dans des mangeoires placées assez haut; on leur donne aussi, dans leur jeunesse, du lait de Vache ou de Chamelle, avec un mélange de grains de maïs, d'orge et de fèves de marais brisés . au moulin, et même, ce qui a lieu dans la plupart des cas, avec des pommes de terre, des carottes et autres légumes frais. Nous avons déjà signalé la petitesse de la tête par rapport au cou qui la supporte, et la brièveté remarquable du tronc comparativement à Ja longueur des membres destinés à lui servir de soutiens. Et. Geoffroy Saint-Hilaire et Gæthe ont expliqué ces particularités, qui viennent donner une écla- tante confirmation à la loi du balancement des organes établi par le célèbre professeur de mammalo- gie du Muséum. RUMINANTS. 99 A tous ces caractères zoologiques, on peut ajouter que la poitrine est tellement large relativement autrain postérieur, que, vue par devant, elle cache presque totalement ce dernier. Enfin la queue, assez grêle et peu longue proportionnellement à la taille de l'animal, est terminée par une touffe de gros poils ou crins noirs. Quant aux cornes que porte la tête, nous ne reviendrons pas sur ce que nous en avons dit; nous ferons seulement observer qu'elles sont placées trop haut et trop peu soli- dement établies sur les os du crâne, au moins dans le jeune âge, pour pouvoir servir d'armes vrai- ment défensives à l'animal qui en est pourvu. Aussi n’en fait-il que très-rarement usage pour se défendre; peu confiant dans cette armure, il a plus souvent recours à la force de ses jarrets nerveux, soit pour chercher son salut dans [a fuite, soit pour lancer au Lion et aux autres animaux carnas- siers, ses ennemis naturels, des ruades vigoureuses et multipliées; et il parait même que, sous ce dernier rapport, ses jambes de devant lui rendent beaucoup plus de services que ses jambes de derrière. D'après tout ce qui précède, on a peine à comprendre pourquoi Ambroise Paré a cru devoir relé- guer la Girafe parmi les monstres, et comment Buffon a pu tracer de ce beau Ruminant un portrait aussi peu ressemblant. « La Girafe, dit-il, est un des premiers, des plus beaux, des plus grands ani- maux, et qui, sans être nuisible, est en même temps l’un des plus inutiles. La disproportion énorme de ses jambes, dont celles de devant sont une fois plus longues que celles de derrière, fait obstacle à l'exercice de ses forces. Son corps n’a point d’assiette; sa démarche est vacillante; ses mouvements sont lents et contraints; elle ne peut ni fuir ses ennemis dans l'état de liberté, ni servir ses maîtres dans l'état de domesticité : aussi l'espèce en est peu nombreuse, et a toujours été confinée dans les déserts de l'Éthiopie et de quelques autres provinces de l'Afrique méridionale. » Plusieurs naturalistes se sont demandé quelle était l'utilité de la Girafe dans l'harmonie zoologi- que, pour quel but, en un mot, avait été créé cet animal; Buffon lui-même s’est adressé cette ques- tion, et il en parle sans y répondre d'une manière satisfaisante; Et. Geolfroy Saint-Hilaire semble avoir mieux résolu ce problème. « Comme les vues intentionnelles sont, dit-il, toujours restées dans le domaine des impénétrables desseins de la Providence, il vaut mieux demander dans quels rap- ports nos efforts de domination sur les êtres ont placé à notre égard la Girafe. Or ce que l’on en sait, c’est que les peuples des parties centrales de l'Afrique disputent au Lion la Girafe; qu'ils trou- vent à sa poursuite le même avantage, à sa possession la même utilité; qu'ils la considèrent comme un excellent et surtout comme un très-abondant gibier. Elle est pour les noirs africains ce que sont pour les Européens les bêtes fauves de nos forêts. Buffon a dit des Cerfs qu'ils peuplent, embel- lissent, animent nos bocages; qu'ils servent aux délassements et aux plaisirs des grands de la terre. Pourquoi n'en dirait-on pas autant de la Girafe? Il y a parfaite analogie entre les uns et les autres, sauf que ce sont les bois qui deviennent les lieux de refuge de nos bêtes fauves et que ce sont les déserts pour les Girafes et les Antilopes. Il est sans doute inutile d'expliquer comment et pourquoi la nature des choses en a ainsi décidé. » Douces et craintives, les Girafes vont par petites troupes composées de cinq, six ou sept indivi- dus, quelquefois de dix ou douze, et rarement d'un plus grand nombre. On ignore si les mäles et les femelles forment des couples an moment des amours, ou si les mâles possèdent plusieurs femel- les à la fois; ce qui est, dit-on, plus probable. Quoi qu'il en soit, il paraît que, semblables sous ce rapport à presque toutes les espèces de Cerfs, avec lesquels, du reste, ils ont de nombreux rapports, les mâles se livrent des combats furieux, et se disputent à coups de cornes, dit-on, la possession des femelles, ce que l'on a pu surtout observer dans la ménagerie de Londres, et ce qui, très-pro- bablement, doit avoir lieu à l’état de liberté. L'accouplement se fait au printemps. On ignore la durée de la vie du Camelopardalis giraffa; mais il est à présumer qu'elle doit être assez considérable, d'autant plus que la Girafe qui a produit, à Londres,edeux petits avait encore quelques-unes de ses dents de premier âge à cette époque, et que l'on peut voir dans notre galerie d'anatomie comparée des crânes qui, par leur ossification presque en une seule pièce, semblent avoir appartenu à des animaux qui auraient vécu très-longtemps. Toutefois l'accroissement, dont la durée est ordinairement proportionnelle à celle de l'existence, est extrêmement rapide; en effet, huit jours après sa naissance, le faon de la Girafe Zaïda était haut de 1,85; à la fin du troisième mois, sa taille s'était accrue de plus de 0",30, et, à neuf mois, elle atteignait 2,74 : il avait done, dans ce court espace de temps. grandi de plus d'un mètre. 100 THSTOIRE NATURELLE. On trouve des Girafes, principalement dans les plaines et sur les lisières des vastes forêts arrosées de cours d’eau, dans une grande partie de l'Afrique, depuis le Kordofan, entre l'Abyssinie et la Maute-Egypte, jusqu'au Sénégal et en Cafrerie : il semble probable qu’elles ont habité jadis le Saïde; mais ce fait n'est cependant pas complétement démontré, et M. Jomard pense même qu'il n’est pas exact. Quoi qu'il en soit, la Girafe se rencontre actüellement dans les forêts de la Nubie, de l'Abys- sinie, de la Sénégambie, du pays des grands Namaquois et aux environs du cap de Bonne-Espé- rance. C'est à tort que Buffon a indiqué la Girafe comme se trouvant dans les Indes. Les Hottentots chassent la Girafe et la tuent, dit-on, avec des flèches empoisonnées; cepéndant ils mangent sa chair et font grand cas de la moelle de ses os. Avec la peau, qui est très-épaisse, ils fa- briquent des vases à conserver de l'eau. Les cavaliers abyssins l'emploient à faire des housses et même des boucliers. Enfin les nègres se servent des crins de sa queue pour lier les anneaux de fer ou de cuivre dont ils se font une parure et même un talisman. La chair de plusieurs des Girafes mortes en Europe à été mangée; et nous avons pu constater, corime MM. Joly et Lavocat, qu'elle est plus tendre que celle du Bœuf, et plus agréable au goût que celle du Veau. Les Girafes fuient dès qu’elles aperçoivent l'homme; aussi ne peut-on guère prendre en vie que les jeunes, surtout celles qui tettent encore; et il arrive souvent qu’en voulant se défaire de leurs liens, elles se cassent quelques membres ou se rompent le cou. Dans nos ménageries, elles n'aiment pas être attachées, et leur douceur fait qu’on peut leur donner une liberté presque complète. On en prend souvent, et, comme nous l'avons dit, on en envoie de temps en temps quelques-unes en Eu- rope. Nous ne parlerons pas de la vogue extraordinaire qu’eut celle qui arriva à Paris en 1827; on sait quelle affluence innombrable elle attira au Muséum pendant près de vingt ans; disons seulement que cet animal, qui était une femelle, provenait du désert au sud de la ville de Sennar: qu'ila vécu dix-huit ans à notre Ménagerie, et que, mort en 1845, sa dépouille a été montée pour nos galeries de zoologie, où l’on peut la voir aujourd’hui, tandis que plusieurs points de son organisme ont été étudiés avec soin par De Blainville; pour plus de détails, nous renvoyons à un mémoire spécial publié par M. Salze, et nous nous bornerons à rapporter les mots suivants qu'il écrivait sous une première impression, et qui sont encore vrais vingt ans après :‘« Cette Girafe n'est peut-être qu'extraordinaire en opposition avec tous les animaux que nous connaissons; mais il est bien remarquable, cependant, qu'après l'avoir considérée attentivement on ne conserve de ses formes et de son port qu'un souvenir incertain; aussi aime-t-on, en général, à la revoir souvent, et chaque fois elle donne lieu à quelque nouvelle remar- que.» En 1845, une autre Girafe femelle.a été envoyée au Muséum par le docteur Clot-Bey, et a pré- senté les mêmes mœurs que la célèbre Girafe de 1827; en 1847, un jeune mâle, qui n'a vécu que peu-d'années, a été envoyé des forêts de la Sénégambie; enfin, en 1853, trois Girafes, deux mâles et une femelle, ont été offertes au Muséum par M. Delaporte, consul de France au Caire : deux d’entre elles vivent encore aujourd'hui, se portent très-bien; elles se sont déjà accouplées, et tout nous fait espérer que, dans un temps plus ou moins reculé, nous pourrons obtenir des petits à notre ménagerie; mais, nos deux Girafes étant probablement trop jeunes encore, ce ne sera que dans quelques années que cette espérance pourra être réalisée. Nous avons déjà dit qu'une Girafe, montrée par des bateleurs dans plusieurs contrées de l'Europe, et qui est venue mourir à Toulouse en 184%, a donné lieu à un travail zoologique et anatomique com- plet de MM. Joly et Lavocat, travail qui nous a servi de guide dans cet ouvrage, et auquel nous avons emprunté divers passages. Inous reste à parler des Girafes qui ont été amenées en Angleterre, et nous le ferons d'après un mémoire publié par M. Richard Owen dans le tome I des Transactions of the Zoological Society of London. En 1836, on veyait à Londres sept Girafes : trois chez M. Cross, au jardin zoologique de Surrey; quatre dans la ménagerie de la Société zoologique, à Regent's Park, et enfin, récemment, on en peut voir dans le palais de cristal de Sydenham. Des quatre Girafes de la Société zoologique, une d'entre elles était une femelle et les-trois autres étaient des mâles : elles avaient reçu les noms de Laïda, Malborough, Sélim et Guib-Allah. Ce dernier, l'un des mâles, et Zaïda, la femelle, s’accouplèrent une première fois le 18 mars 1858, etune seconde fois le 4° avril de la même année; le rapprochement des sexes a lieu, dans cette espèce, de la même manière que chez les Cerfs : le mâle fait aussi en- tudre un faible cri d'un timbre tout à fait guttural. Plusieurs mois S'étant écoulés sans que la fe- RUMINANTS. 101 . melle donnât aucun signe de grossesse, on doutait que la fécondation eût eu lieu; mais, au bout d'un temps assez long, le ventre se gonfla un peu, et l’on aperçut, du côté gauche, les mouvements du fœtus, qui occupait la corne gauche de l'utérus. Cependant, comme un an après le dernier rappro- chement la parturition n'avait pas encore eu lieu, et que le développement de l'abdomen n'avait pas continué d'une manière bien sensible, on doutait de nouveau, lorsque des signes extérieurs d’une prochaine parturition se manifestèrent dans l’un des premiers jours de juin 1839. Enfin, le 9 du même mois, c’est-à-dire après quatre cent quarante-quatre jours de gestation, ou quinze mois lunaires trois semaines et trois jours après le dernier accouplement, Zaïda mit bas un petit. C'était un mâle. Au bout d'une minute, il fit une première inspiration, accompagnée d'un frémissement spasmodique de tout le corps; il prit une pose volontaire, continua à respirer d'une manière régulière, et, une demi-heure après sa naissance, il fit des efforts pour se relever, se mit d'abord sur ses genoux de derrière, et, marchant bientôt, quoique en vacillant, il tourna autour de sa mère. Celle-ci ne l'accueil- lit pas : tout ce qu'on obtint d'elle fut un regard d’étonnement pour le jeune importun, qui dès lors lui resta tout à fait étranger; aussi ne tarda-t-il pas à devenir malade, et, le 98 juin, il mourut. A sa naissance, la jeune Girafe mesurait déjà 6 pieds 10 pouces anglais depuis le haut du museau jusqu'à l'origine de la queue; elle avait plus de 5 pieds de hauteur; sa queue avait À pied 5 pouces; ses proportions différaient, sur quelques points, de celles des adultes; son cou était comparativement moins long, sa tête moins effilée, et quant à ses couleurs, elles étaient à peu près les mêmes : c’est, du reste, à peu près ce que nous avons été à même d'observer dans l’un des jeunes sujets envoyés au Muséum. Les soins trop empressés dont on avait entouré la femelle lors de la naissance de son petit furent considérés comme la cause de son indifférence pour ce dernier; on pensa qu'ils l'avaient em- pêchée de donner un libre cours à ses instincts; et, comme dans les phénomènes instinctifs tous les actes se suivent et s’enchainent d’une manière pour ainsi dire nécessaire, la femelle, qui n'avait pas accompli librement le premier, fut aussi détournée de ceux qui en eussent été la conséquence natu- relle. On se promit bien dès lors de l’abandonner à elle-même si pareil cas se représentait, et plus tard on eut lieu de constater toute la justesse de ces réflexions. En effet, Guib-Allah et Zaïda ayant été rapprochés, un nouvel accouplement eut lieu le 30 mars 1840; la femelle entra de nou- veau en gestation, et le 26 mai 1841, c'est-à-dire quatre cent trente et un jours, ou quinze mois lunaires et sept jours après, une seconde Girafe naquit à la ménagerie de Regent's Park. C'était un mâle, comme le précédent. La mère, à laquelle on laissa supporter, sans la tourmenter, tout le tra- vail de l'accouchement, eut pour son petit la tendresse qu’on espérait d’elle; ce jeune animal prit bientôt des forces; il continua à vivre, grandit rapidement; à trois semaines, il mangeait les mêmes aliments que sa mère, et il ruminait avec une égale facilité et, au bout de quelques années, il attei- gnit la même taille qu’elle. Agée d’un mois à peine, cette Girafe avait ses quatre incisives mitoyennes bien apparentes; les couronnes des deux molaires antérieures de chaque côté étaient sorties de la gencive des deux mächoires, et déjà servaient à la mastication. A deux mois, la troisième incisive avait paru sur chacune des branches de la mâchoire inférieure. A quatre mois, la troisième et la quatrième molaires étaient en place, et les incisives extérieures avaient percé la gencive. À neuf mois, la jeune Girafe avait acquis toutes ses dents de lait. Les dents de remplacement sont bien plus long- temps à paraître; en effet, au moment où naquit le second faon, Zaïda perdait à peine ses incisives de lai! extérieures, et celles qui devaient leur succéder n'avaient pas encore pris leur position natu- relle dans la série des incisives de remplacement. Des figures de Girafes ont été données par les naturalistes les plus anciens; mais elles représentent mal l'animal. La figure de Buffon, et c’est le défaut de la plupart des autres figures, est mauvaise : le cou de l'animal est trop gros, et la disproportion des membres est de beaucoup exagérée. Ce n'est que dans ces derniers temps qu'on en a donné des figures satisfaisantes; celles qui ont le plus attiré l'attention sont la figure de la Girafe arrivée à Paris en 1827, et dessinée par M. Meunier pour le Butfon publié par les soins d'A. G. Desmarest; la belle planche publiée à Londres et représentant Guib-Allah, Zaïda et leur petit, et due à l'habile crayon de M. Robert Hills; la planche du Diction- - naire universel d Histoire naturelle, etc. Quelques auteurs, surtout Et. Geoffroy Saint-Hilaire et Duvernoy, ont supposé qu'il existait plusieurs espèces, au moins deux, de Girafes actuellement vivantes; mais cela est loin d'être démontré. I semble que les particularités que l'on a pu remarquer dans les individus pris dans di 402 HISTOIRE NATURELLE verses régions de l'Afrique ne présentent entre eux que de légères différences individuelles et pro- duites probablement même par l'âge, et qu'il n’y a réellement qu'une espèce de Camelopardalis. Pour la position qu'occupe ce genre dans la série des Ruminants, on peut dire qu'il doit être rap- proché des groupes naturels des Llans et des Cerfs, et qu’il a aussi quelques rapports avec le genre des Antilopes. Nous avons dit que l'on avait trouvé des Girafes fossiles. Ainsi il y a une dizaine d’années, MM. Falconer et Caut'ey ont découvert, dans les terrains tertiaires des collines Siva, des monts Hli- malayas de l'Inde, des débris de Girafes qu'ils rapportent à deux espèces particulières auxquelles ils donnent les noms de Camelopardalis Sivalensis et affinis. L'Europe présente au moins une espèce bien constatée et distincte de Girafe : c’est à Duvernoy que l’on en doit la découverte; elle provient des environs d’Issoudun, et a reçu le nom de C. Biturigum; elle est fondée sur un fragment assez complet de mâchoire inférieure, qui fait aujourd’hui partie de la riche collection paléontologique du Muséum de Paris. M. Nicolet, d'après ce que rapporte M. Agassiz, a trouvé, en Suisse, dans un ter- rain de molasse, une dent fossile que l'on rapporte également au même genre. Enfin le Sivatheriunt giganteum de MM. Falconer et Cautley, provenant aussi de l’Inde, à été placé, par Et. Geoffroy Saint-Hilaire, dans le genre Girafe, sous la dénomination de Camelopardalis pramigenius; mais il est bien démontré aujourd’hui qu’il doit former un genre distinct voisin de celui des Antilopes. Pour terminer ce que nous avons à dire sur les Girafes, ik nous reste à donner en quelques mots la description de l'espèce actuellement vivante. GIRAFE. CAMELOPARDALIS GIRAFFA. Gmelin. Caraerènes sréciriQuEs. — Tête ayant beaucoup de rapport avec celle du Cheval et de l'Elan par la forme du museau et des narines; lèvre supérieure dépassant l'inférieure et n'étant pas fendue; front ayant dans son milieu un tubercule de nature osseuse, de trois centimètres de diamètre et de cinq à six centimètres de hauteur; cornes droites, légèrement coniques, dirigées à peu près parallèlement et en arrière, couvertes d'une peau garnie de petits poils noirs, et terminées par une sorte de touffe ou pinceau de longs poils; oreilles longues, pointues; yeux grands, à pau- pières garnies de cils; pas de larmiers; cou. très-long, comprimé, garni d’une crinière en dessus, depuis la tête jusqu'au garrot dans les adultes, et jusqu'au milieu du dos dans les jeunes individus; garrot très-élevé et soutenu par les apophyses épineuses des vertèbres, qui sont démesurément lon: gues; queue mince, ayant son tronçon long de 0,66 et son extrémité garnie d’une touffe de poils noirs aplatis, très-forts, et aussi longs de 0,66; poil du corps ras; fond du pelage d'un blane sale et partout marqué de taches généralement anguleuses, plus ou moins brunes ou ferrugineuses, grandes et rapprochées les unes des autres. Femelles plus petites que les mâles et présentant des couleurs plus claires; jeunes mâles ne différant des adultes que par ce dernier caractère. Hauteur, mesurée en ligne droite depuis la plante des pieds de devant jusqu'au-dessus du tubercule qui est sur la tête lorsque l'animal a le cou dressé perpendiculairement, 5"; longueur totale du corps, depuis le bout du museau jusqu’à l'origine de la queue, en suivant la courbure, 4,53; hauteur du garrot, au-dessus du sol, 4”. La synonymie de cette espèce est assez compliquée, ainsi que nous l'avons déjà dit, et nous croyons inutile de revenir maintenant sur les noms sous lesquels la Girafe a été indiquée ou décrite par les auteurs anciens et modernes. Nous ne reviendrons pas non plus sur les détails que nous avons donnés assez longuement, dans nos généralités sur les mœurs de la Girafe, et nous dirons seule- ment qu'elle se trouve principalement aux environs du cap de Bonne-Espérance, mais qu'on la ren- contre aussi au Sénégal et en Abyssinie. , ‘ RUMINANTS. | 105 B. — Des bois osseux ordinairement branchus, cadues, repoussant chaque année plus grands que l'année précédente, toujours sur la tête des mâles, et quelquefois aussi existant sur la tête des femelles. QUATRIÈME FAMILLE, CERVIDÉS. CERVIDÆ. H. Smith. Pour les naturalistes modernes, le genre linnéen des Cenrs ou Cervus est devenu une division ou famille particulière qui elle-même, sous les noms de Capreoli, Iliger; Cervide, H. Smith; Cervina, Wiegmann; Cervisidæ, Lesson; Cerviens, Isid. Geoffroy Saint-Ililaire; Cervidés, ete., comprend un nombre plus ou moins considérable de genres, que cependant quelques auteurs ne regardent que comme de simples subdivisions sous-génériques. D'une manière très-générale, on peut, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, caractériser les Cer- vidés par ce peu de mots : Ruminants à prolongements frontaux subsistant au moins chez le mâle, et consistant en des bois cadues ordinairement ramifiés. Les Cerfs de nos forêts sont les types des Gervidés, et on les connaît trop pour que nous ayons à les décrire maintenant d'une manière plus complète que nous ne l'avons fait; on sait seulement que ce sont des Ruminants de taille assez considérable, à corps assez svelte, quoique moins toutefois que les Antilopes, et qui habitent les forêts de toutes les parties du monde, excepté de l'Océanie. On en connaît un assez grand nombre d'espèces actuellement vivantes, et la faune antédiluvienne en est encore plus riche. On a cherché, surtout dans ces derniers temps, et particulièrement M. H. Smith, qui, au reste, n’a fait que donner des noms particuliers aux subdivisions du genre Cerf proposées par De Blainville et indiquées par À. G. Desmarest, on a cherché à former de nombreux genres avec les Cervus de Linné : nous ferons connaître ces divers groupes; mais, à l'exemple de M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire et de M. le docteur Pucheran, nous n'adopterons que les seuls genres des ÉLans ou Alces, des Rennes où Rangifer, des Cerrs ou Cervus, et des Munryacs ou Cervulus; et nous décrirons les principales espèces, tant vivantes que fossiles. 17 GENRE. — ÉLAN. ALCES. H. Smith, 18927. Alce, nom latin de l'espèce type. In Griffith animal kingdom, CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ?; molaires, Ê; en totalité trente-deux dents en tout semblables à celles des Cerfs. 0 Tête moins oblongue que celle des Gervus, assez allongée, étroite en avant; des larmiers sous les yeux; pas de mufle; oreilles médiocres; museau renflé. Bois plus ou moins subdivisés, sans andouillers basilaires ni médians, terminés, chez les indi- vidus adultes, par une vaste empaumure digitée à son bord externe. Cou très-court et d'une brièveté beaucoup plus grande que celle des Gerfs. 104 HISTOIRE NATURELLE. Corps assez svelle, mais moins que celui des Cervus. Jambes assez minces; celles de devant plus longues que celles de derrière. Queue excessivement courte. L'Élan, ou l'espèce unique actuellement vivante du genre Alces, a été longtemps réuni aux es- pèces du grand genre linnéen des Cerfs, dont elle ne diffère guère que par ses formes un peu plus massives, par son cou remarquablement court, par la proéminence de son train de devant sur celui de derrière, et surtout par la disposition de ses bois, qui toutefois le DRPISREN assez du Daim et du Renne, dont on a fait le type du genre T'arandus. M. Hamilton Smith, le premier, a distingué le genre Alces; et depuis ce groupe générique a été adopté par M. Ogilby en Angleterre, et en France par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, par M. le docteur Pucheran dans son travail sur le genre Cerf inséré dans les Archives du Muséum, ainsi que par nous dans notre article Élan du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle; cependant quel- ques auteurs modernes, et notamment Lesson, ne l'ont regardé que comme une simple division du genre Cervus. La seule espèce vivante de ce genre, l'Élan, se trouve dans les régions septentrionales voisines du pôle, tant en Europe et en Asie qu'en Amérique; on a découvert aussi quelques Alces fossiles, et jusqu'ici toujours en Europe. L'espèce vivante est : ÉLAN. ALCES MACHLIS. Ogilby CaracTÈRES SPÉCIFIQUES. — Museau renflé, et ayant de l’analogie avec celui du Cheval; bois con- sistant en une très-large empaumure garnie d’andouillers ou de digitations nombreuses à son bord externe; couleur générale du pelage d’un brun fauve sur le dos et sur la croupe, et d'un brun plus ou moins foncé en dessous en général; queue excessivement courte. Longueur totale de la tête et du corps, environ 2"; hauteur, à peu près de 1". (Voy. l'Atlas, pl. III.) Les Grecs ne connaissaient pas ce Ruminant, car Aristote n’en fait aucune mention dans ses ou- vrages. Chez les Latins, Jules-César semble être le premier qui ait employé le nom d’Alce, et, de son côté, Pausanias est le premier auteur dans lequel on trouve, mais en grec, la même dénomi- nation d'Aïxn. Enfin Pline, à peu près à la même époque que Pausanias, indique assez obscurément l'Élan sous les noms d’Alce et de Machlis, qui ont été depuis assez souvent employés Le nom Alce, ou Alces, a été tiré de la langue celtique, dans laquelle cet animal est nommé Æleh, Elk, Ely, Æly et Elend, d'où l’on a fait la dénomination, aujourd’hui employée généralement, d'Évan. Les Slaves nomment cet animal Loss ou Los; et enfin, dans l'Amérique du Nord, il porte les noms d'Orignal et de Moose-Deer. C'est le Cervus alces de Linné et de tous les zoologistes qui n l'adoptent pas le genre Alces et l’Alces machlis d'Ogilby. L'Élan est un animal qui atteint et dépasse même un peu la taille du Cheval; le mâle seul porte des bois, et la femelle en est privée : ces bois, qui. comme nous l'avons dit, dans les individus adultes, consistent en une simple et très-large empaumure garnie d'andouillers nombreux sur son bord extérieur, avec un grand andouiller isolé sur le merrain, pèsent près de vingt-cinq kilogrammes à l'âge adulte, et cela tient plus encore à la densité du tissu de ces bois, entièrement compacte, qu’à leur étendue. Ces bois ont. dans la première année, la forme d'une dague, puis ils sont divisés en grandes lanières dans la troi- sième et la quatrième, et ont à cinq ans la forme d’une vaste empaumure garnie de quinze à vingt- huit pointes supportées par un pédoncule court et très-épais, pourvu lui-même d'un grand andouiller séparé et dirigé en avant. Ges bois tombent vers la fin de septembre et se renouvellent au printemps. La tête est longue, forte, étroite en avant des yeux, renflée vers le museau; le chanfrein est droit dans la plus grande partie de sa longueur et mentonné au-dessus de la bouche; la lèvre supérieure est très-épaisse et plus développée que celle des Cerfs, et disposée un peu comme celle des Tapirs; il n'y a pas de mufle; les narines latérales sont en fente, plus ouvertes antérieurement qu'en arrière; il y a de petits larmiers; les yeux sont très-petits et rapprochés de la base des bois, qui elle-même est à peu de distance des oreilles; celles-ci sont très-longues; le cou, très-court et très-robuste, est Ca” Élan. RUMINANTS, 105 disposé de manière à supporter un aussi grand poids que celui des bois : cette disposition du cou donne à l'Élan un air beaucoup moins élancé et beaucoup moins noble qu'aux Cerfs; il en est un peu de même pour le corps, qui est plus gros et moins svelte que celui des Cervus. On remarque une touffe de longs poils en forme de barbe sous la gorge, dans les deux sexes, et une protubérance à la même place, et, en outre, dans les mâles, il y a une saillie très-marquée sur le garrot. Le dos est très-droit depuis ce point jusqu'à la queue, qui est excessivement courte. Les jambes sont très-hautes et minces, celles du membre antérieur étant un peu plus allongées que celles du membre postérieur; le métatarse est surtout très-long comparativement aux métacarpes; les pieds sont longs et posent très-obliquement sur le sol. Les poils sont très-gros et prismatiques, très-cassants : ceux de la nuque et du garrot beaucoup plus longs que les autres et forment une véritable crinière. La couleur géné- rale du pelage est généralement d'un brun fauve sur le haut de la tête, Le dos et la croupe; d’un brun plus foncé sous la mâchoire inférieure et le cou, sur les épaules et le bras jusqu'au poignet, sur les flancs, les cuisses et le haut des jambes de derrière; il est d'un brun encore plus obscur sur le de- vant des jambes antérieures, au-dessus du poignet et sur le devant des pieds de derrière; les oreilles sont d'un gris brun en dehors et d’un gris blanchâtre en dedans; dessous de la queue blanchâtre. Le faon est d’un brun rougeâtre, sans taches. On assure qu'il y a des variétés à peu près noires de la même espèce qui peuvent atteindre près de 3" de longueur. Fig. 29. — Elan du Canada. (Jeune.) L'Élan se trouve, dans les contrées septentrionales, au delà du cercle polaire en Europe et en Asie; et, en Amérique, il s'étend encore plus loin. En Europe, il se rencontre depuis le cinquante-troisième degré de latitude jusqu'au soixante-troisième degré, dans une partie de la Prusse, de la Pologne, de la Suède, dans la Finlande, la Russie, la Livonie et l’Ingrie. En Asie, il descend plus bas, depuis le quarante-cinquième degré jusqu'au cinquante et unième degré, et est surtout assez commun en Tar- tarie; enfin, en Amérique, depuis le quarante-quatrième jusqu'au cinquante-troisième degré, au- tour des grands lacs jusqu'à l'Ohio, la Nouvelle-Écosse et le nord des États-Unis. Buffon pensait que ce Ruminant habitait autrefois les forêts de la Gaule, et il croyait que, chassé de nos pays par suite de l'élévation de la température, qu'il attribue au défrichement des terrains marécageux et au déboisement des forêts, il s'était vu forcé de se retirer vers les pays moins habités du Nord. Maisil semble aujourd'hui démontré que l'Élan n’a jamais habité la France, et on doit probablement sup- poser avec Albert le Grand que sa patrie ne s’est jamais prolongée plus à l'ouest que la Prusse. Cet animal habite, en général, les forêts basses et humides, ainsi que les lieux marécageux : dans l'été, il se préserve des Taons en restant souvent plongé, et pendant le jour et pendant la nuit, dans des marécages d’où il ne sort que la tête, et, dans cette attitude, il broute l'herbe sous l’eau, en soufflant avec bruit par les narines. Depuis septembre jusqu’en avril, il se tient dans les lieux élevés, à l'abri des inondations; l'été, au contraire, il descend dans les bas-fonds, là où il y a de l'eau. Il pr 44 106 HISTOIRE NATURELLE. mange les rejetons des arbres, et fait ainsi beaucoup de mal aux forêts; il recherche, dit-on, le bois puant (Anygris fœtida), et détruit les blés verts et les lins. Pour exister à terre, il faut, à cause de la brièveté de son cou, ou qu'il écarte les pieds de devant, ou qu’il se mette à genoux. Il fuit l'homme et ses cultures, et disparait là où la population s'étend. Par la disposition de son train de devant, plus élevé que celui de derrière, il ne galope pas aisément et ne saute pas; mais sa marche est un trot plus ou moins rapide et prolongé souvent pendant assez longtemps. La marche est accompagnée d'un craquement très-extraordinaire, attribué, par Gilbert, au peu de synovie de ses articulations, qu'affermissent pourtant des ligaments extrêmement forts et serrés, mais que Fr. Cuvier explique d'une mauière plus probable par le choc de ses sabots. Il élève beaucoup les pieds antérieurs en trottant; et en courant dans les forêts, il tient la tête horizontalement. L'Élan vit en famille, composée, dit-on, d'une vieille femelle, de deux femelles adultes, de deux jeunes femelles et de deux jeunes mâles; et quelquefois plusieurs familles se tiennent ensemble. Au temps du rut, dans le mois de septembre, on voit des réunions de quinze à vingt individus : les vieux mâles rassemblent les femelles, et les jeunes qui n’entrent pas en chaleur s'écartent pour ce temps seulement. Les femelles commencent à mettre bas au milieu du mois de mai, et le part est fini un mois après. La première fois, elles ne font qu'un seul petit, ensuite presque constamment deux et exceptionnellement trois. Les faons sont d’un brun rougeätre; les dagues de la première année ont 0",03 de haut; celles de la seconde année, 0,53; à la troisième année, elles deviennent fourchues; à la quatrième, elles prennent six andouillers et s’aplatissent un peu; eufin à la cinquième anuée, ce sont de petites lames, et elles croissent ensuite toujours. C'est en janvier et février que ies vieux Élans déposent leurs bois; les plus jeunes en avril et mai; les plus vieux ont refait le leur vers la fin de juin, et les autres seulement au mois d'août. Un Élan tué en Suède, sous Charles XI, pesait douze cent quatre-vingt-neuf livres; un autre, des monts Altaï, avait 8 pieds 10 pouces du nez à la queue, et 5 pieds 9 pouces de hauteur au garrot. Plusieurs voyageurs assurent qu'en Amérique ils ont mesuré plusieurs Orignals qui avaient 12 pieds; mais il ne faut probablement pas ajouter une grande foi à leurs assertions. Le mâle est plus grand que la femelle. L'Élan vit environ vingt ans. Son ouïe est. excellente; il fuit devant l'homme lorsqu'il l’aperçoit. Ou le chasse à peu près de la même manière que les Gerfs de nos forêts, à force d'hommes et de Chiens. On assure que, lorsqu'il est lancé ou poursuivi, il lui arrive souvent de tomber tout à coup sans avoir été ni tiré, ni blessé; de là on présume qu'il est sujet à l’épilepsie, et, de cette présomp- tion, on à tiré cette conséquence absurde, que la corne de ces animaux devrait guérir l'épilepsie, et même en préserver ceux qui craignaient d’en être atteints. Les sauvages de l'Amérique du Nord suivent les Orignals à la piste, et ils les attaquent avec des dards formés d’un long bâton au bout duquel est emmanché un os pointu qui perce comme une épée, et ils parviennent assez aisément à les tuer. En hiver, cette chasse est plus facile pour les Américains qu’en été, parce qu'ils placent sous leurs pieds des espèces de grandes raquettes qui les empêchent d’enfoncer dans la neige, tandis que l'Élan s’y enfonce, ne peut plus fuir aisément et est assez facilement atteint. Plusieurs animaux sont des ennemis redoutables pour l'Élan; quelquefois, surtout en hiver, les Loups réunis en troupes viennent l'attaquer; mais il est rare qu'un Loup vienne assaillir un Élan, à moins que ce ne soit un jeune individu; l'Ours les poursuit, mais il trouve de la ré‘istance et reçoit souvent de son adyer- saire des coups de pied de devant qui le mettent hors de combat; enfin l'ennemi le plus terrible pour l'Élan, quoique par sa taille il ne semble pas trop à craindre, c’est le Glouton : cet animal, en effet, se place sur un arbre et guette sa victime; dès qu'elle passe à sa portée, il s’élance sur elle, s'attache à son dos en y enfonçant ses ongles; il lui attaque la tête et le cou avec ses dents, et ne l'abandonne qu'après l'avoir tuée et mangée en partie. La chair de l'Élan passe pour légère et nourrissante. Les Américains du Nord disent qu'elle les soutient plus longtemps que celle de tout autre animal; au Canada, son nez passe pour un des meil- leurs morceaux, et en Russie on fait des langues fourrées d'Élan. Sa peau est excellente pour la buffleterie, et son bois s'emploie comme celui des Cerfs. Ces Ruminants peuvent s’apprivoiser, mais ils n'arrivent pas au même degré de domesticité que les Rennes : on s’en servait cependant, assure-t-on, autrefois en Suède pour tirer les traineaux; mais on ne les emploie plus aujourd'hui à cet usage. On ne voyait autrefois que rarement des Élans vi- vants dans notre pays; Buffon cite un individu mâle qu'il a étudié à la foire Saint-Germain en 1784, RUMINANTS. 107 et qui lui a servi de modèle pour la planche de son Histoire naturelle générale et particulière. De- puis cette époque, nos ménageries, et spécialement celle du Muséum, en ont possédé un assez grand nombre d'individus. Ou à découvert, dans le sein de la terre, plusieurs espèces d’Alces fossiles: tels sont les Cervus coronarius, Et. Geoffroy Saint-Hilaire, A. G. Desmarest; Cervus de Péxenas et le Cervus euryceros, Ald. (C. megaceros, Hart.), qui doit seul nous arrêter quelques instants. Cette espèce (Voy. l'Atlas, pl. 10), qui est connue sous les dénominations de Cerr À rois Gicanresques (Cervus giganteus, Goldfuss), et surtout d'ÉLan rossise p'IsLaxve, semble intermédiaire entre les Alces et les Cervus; elle tient des seconds par ses proportions générales et par la forme de son crâne, et des premiers par sa taille, peut-être plus considérable, et par ses bois. Toutefois les palmes presque horizontales de ceux-ci diffèrent des palmes de l'Élan par des ardouillers de leur bord postérieur, par le moindre nombre et l'extrême grandeur de leurs andouillers antérieurs, et par leur élargissement progressif. Ces bois ont, dans le fossile, une envergure de plus de 3®; leur mérrain est cylindrique, et immédia- tement au-dessus de la couronne naît un andouiller quelquefois bifurqué qui se porte en avant et en haut. On a trouvé des dépouilles de ces animaux dans les [les Britanniques, en France, en Allemagne en Pologne et en Italie, dans les terrains meubles qui recèlent des os d'Éléphants et de Rhinoceros tichorhinus. En Islande, où ils sont surtout très-communs, on les déterre ordinairement sous des lits de tourbe et dans des couches de marne. Comme.on n'a jamais vu de tête de cette espèce dé- pourvue de bois, il est probable que, comme chez le Renne, les deux sexes en portaient. Enfin peut-être doit-on signaler le Cenr D'AMÉRIQUE (Cervus Americanus, Iarlan), découvert dans une mo- lasse près des chutes de l'Ohio, et dont la tête osseuse cependant à beaucoup de rapport avec celle du Cervus Canadensis, comme se rapportant à ce genre. me GENRE. — RENNE. RANGIFER. H. Smith, 1827. , Rangifer, l'un des noms latius de l'espèce typique transporté au geure. In Griflith animal Kingdom. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire semblab'e à celui des Cerfs et des Élans, et composé cle : incisives, ?; mo- laires, ; en totalité trente-deux dents. Tête forte, médiocrement allongée, mais ne présentant pas un mufle comme dans les Cerfs; na- rines percées à l'extrémité de La tête. Bois sessiles plus ou moins divisés, pourvus d'andouillers basilaires, médians ct aplatis; Les fe- melles portant des bois qui ne diffèrent de ceux des mâles que par leur moindre étendue. Sabots, au lieu de correspondre à leur face interne par une surfuce plane comme dans les Cer- vus, se correspondant par une surface convexe, conune cela se remarque chez les Chameaux. Queue très-courte. Tels sont les seuls caractères qui, d'une manière générale, distinguent les Rennes des Cerfs pro- prement dits, avec lesquels ils ont été longtemps confondus. Ce n’est qu'en 1827 que M. Hamilton Smith a créé le genre qui nous occupe sous la dénomination latine de Rangifer, que nous lui con- servons; depuis, MM. Ogilby, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, le docteur Pucheran, etc., l'ont adopté, mais lui ont appliqué le nom de T'arandus : quelques auteurs, et parmi eux nous pouvons citer Les- son, n'ont considéré ce groupe générique que comme une simple division des Cerfs. Une seule espèce actuellement vivante, et propre aux régions polaires de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique, le Renne, entre dans le genre Rangifer; et l'on y a joint quelques débris fossiles qui se rapportent au Renne Ini-même et à une autre espèce bien distincte, le Cervus Guettardi, découverte aux environs d'Etampes. 108 HISTOIRE NATURELLE. RENNE. RANGIFER TARANDUS. Smith, Linné. Caracrènes sréciriques. — Bois composés d’andouillers palmés et dentelés, excessivement déve- loppés, supportés par un merrain très-long, mince et comprimé; poil de deux sortes : l’un laineux, abondant pendant l'hiver, et l’autre soyeux et très-cassant, plus long sur le cou qu'ailleurs; pelage varié suivant les saisons : de brun foncé qu'il est au printemps, il passe successivement au gris-brun, au gris-blanc et même au blanchâtre dans l'été. À peu près de la taille du Gerf. Aristote ne parle pas du Renne dans ses écrits, et cela se conçoit facilement lorsque l’on réfléchit que les Grecs n'avaient que très-peu de notions sur les animaux des pays septentrionaux où ils n'a- vaient pas pénétré. Chez les Romains mêmes, ce n’est qu'assez tard que l’on connut cet animal; Pline, toutefois, semble le citer, ‘et lon croit que c’est de ce Ruminant qu'il parle sous le nom de Tarandus; mais ce n'est qu'un certain nombre d'années après que l'on trouve, dans les Commentaires de Jules César, une première et bonne description du Renne, qui semblait alors habiter les forêts de la Germanie. Quinze siècles après, Gaston Phœbus, duc de Foix, désigne le Renne sous les déno- minations de Rangier, de Ranglier et de Renthier, et pendant longtemps, à l'exemple de Buffon, on a dit que Gaston Phæbus indiquait cet animal comme se trouvant dans les Pyrénées et dans les Alpes, tandis que, comme l’a démontré G. Cuvier d’une manière complète, le due de Foix disait seulement qu'il était propre à la Norwège : ce qui est vrai; car, ainsi que nous le disons, on n’a jamais trouvé le Renne que dans le Nord. Le nom de Ranglier a été souvent appliqué à cet animal; et pendant longtemps on a eru distinct de ce Ruminant un animal particulier à l'Amérique septentrionale nommé Caribou, mais qui doit bien réellement lui être réuni. Plusieurs variétés ont été indiquées dans cette espèce; telles sont particulièrement celles que M. Richardson a nommées arclica et sylvestris. Se- lon G. Cuvier, l'espèce qui a été désignée sous le nom de Cervus coronatus doit être également rapportée au Renne. Le Renne sauvage est à peu près de la taille de notre Cerf, tandis que celui élevé en domesticité est plus petit et n’est guère plus grand que le Daim. Son corps est trapu, et c’est avec raison qu’on a dit qu'il avait plus le faciès d'un Veau que celui d’un Cerf. La tête se rapproche également de celle du Bœuf : elle est très-élargie; ses narines ne sont pas percées dans un mufle, mais dans un museau couvert de poils; le tour des yeux est constamment noirâtre, et celui de la bouche est blanc, ainsi que la queue, le périnée et un anneau au-dessus de chaque sabot. Les pieds sont aplatis et les doigts recouverts de grosses touffes de poils; la jambe est moins grêle que celle des Cerfs, mais elle ne répond cependant pas à l'épaisseur du pied. Les sabots se correspondent par une surface qui est convexe, Les poils sont serrés, plus longs en hiver et mêlés d'un duvet laineux qui paraît moins abondant pen- dant la saison chaude; ils sont grossiers et très-développés aux pieds ét sous la gorge. Leur couleur, d'un brun fauve pendant l'été, devient blanche pendant le temps des froids; le dessous du corps est toujours d’une teinte plus claire que le dessus. Le faon n’a pas de livrée : il est brun en dessus, roux en dessous et aux pieds. Chez le Renne, les bois existent dans les deux sexes, et sont seulement un peu moins développés chez les femelles que chez les mâles : ces bois offrent, à leur extrémité, de larges empau- mures; le bois de droite, ordinairement plus grand que celui de gauche, envoie en avant une bran- che qui longe le front à la hauteur de six centimètres environ, et se termine au-dessus du nez par une large dilatation en forme de palette. Les femelles stériles perdent leurs bois, de même que les mäles, dans le courant d'octobre; lorsqu'elles sont pleines, elles les gardent jusqu'au mois de mai, époque à laquelle elles mettent bas; cinq mois leur suffisent pour les refaire entièrement; mais les mâles, qui les ent plus considérables, en emploient huit. On assure que les faons ont des bosse- lettes en naissant, et qu’à quinze jours il leur vient déjà des dagues de 0",02 à 0,3. Les bois de la première année, dans les Rennes femelles de Russie, ont, dit-on, plus de 0°,30 de longueur et 0°,10 aux andouillers; tandis que dans des Rennes de Suède également femelles, il n’y a encore, à la même époque, que de simples fourches. Le bois des mâles adultes est parfois très-grand; et l’on en a mesuré qui avaient près de 1°,40 d'envergure. La direction, le nombre et la position des andouil- lers varient beaucoup, comme l’a montré G. Cuvier, ec ne peuvent par conséquent servir de carac- tères d'espèce. | LOTS ; V4 QUE 1erd L° r#f ET 4, jé 4 4 noté LA Strat hr date y pins tri Li 8 PAITTT ste À »s vd je ( dou (ACTE CET (l L'Art min D url se mdibp . mn tre 17 DUT E vtr: > hé VE DUR tte SU ve EL bb ane or Ye: pans La Eau be A au *b Le pts LL 7 6e VE 2 PUR Men c qui tte dl æ3vr +10 LE th mer”, CA LL 0 Drm ie AW 1 QT tidé * Jabl CNT tr ire EU “JQs Htbren té M D LIONTEN MS a sell he art DOECCNIOTES sb rt | dant TT ER VU CRT) Met dd al pr" Pr . 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Ss% à ff o 49 mr |) UT PI. 147 Chasse du Renne RUMINANTS. : 109 On a donné quelques détails généraux sur Lanatomie du Renne; mais nous ne croyons pas devoir nous étendre sur ce sujet, parce qu'ils ne diffèrent pas très-notablement de ce qu'ils présentent chez les Cerfs, dont nous allons bientôt nous occuper. C’est surtout son ostéologie, qui ressemble beau- coup à celle des Cervus et qui a été étudiée par G. Cuvier dans son ouvrage sur les Ossements fos- siles. Chez eet animal, il y a une paupière nictitante qui peut voiler toute la cornée en se prolon- geant jusqu'au petit angle de l'œil. La trachée-artère est très-large. La glotte, selon Camper, se prolonge par une fente ouverte entre l'hyoïde et le thyroïde dans une poche analogue, pour le méca- nisme, au tambour des Alonates; cette poche, qui s’enfle quand le Renne crie et renforce sa voix, est soutenue par deux muscles rubanés d'un centimètre de large, fixés à la base de l'hyoïde et qui s'épaississent sur la tunique extérieure. Fig. 23. — Renne. Encore plus loin que l'Élan, c'est au delà du cercle polaite, en Europe et en Asie, et en Amérique à de moindres latitudes, que l'on rencontre le Renne : on le trouve au Spitzberg, dans le Groënland, en Laponie, dans les parties les plus méridionales de l’Asie, et surtout au Canada, en Amérique, où il est très-commun. Plus au sud, on voit des Rennes dans le prolongement des monts Ourals qui s’avancent entre le Don et le Volga jusqu’au quarante-sixième degré, et ils parviennent ainsi au pied du Caucase, sur les bords de la Kouma, où il ne se passe pas d'hiver que les Kalmoucks n’en tuent quelques-uns sous une latitude plus méridionale de près de deux degrés qu'Astracan. Cet animal se trouve au Spitberg; et les champs de glace lui ouvrent l'accès de toutes les iles de l'Océan polaire, comme ils ont dù lui ouvrir la route de l'Amérique, où il se voit jusqu'au quarante-cinquième degré. En Laponie, les Rennes sont devenus des animaux domestiques indispensables à la vie des hommes; on s’en sert comme du Cheval pour tirer les traineaux et les voitures; il marche même avec bien plus de vitesse et de légèreté, fait aisément trente lieues par jour et court avec autant d'assurance sur la neige gelée qu'il pourrait le faire dans une pelouse bien unie. La femelle donne du lait plus substan- tiel que celui de la Vache, et d’où l'on peut tirer du beurre et surtout un fromage particulier très- bon et très-riche en caséum. La chair de cet animal est aussi très-bonne à manger. Son poil fait une excellente fourrure, et sa peau passée devient un euir très-souple et très-durable. Ainsi l'on voit que, pour le Lapon, le Renne à lui seul donne tout ce que nous tirons du Cheval, du Bœuf et de la Brebis : il rend la vie possible à ces malheureux peuples septentrionaux, qui, sans lui, manqueraient 110 HISTOIRE NATURELLE. de tout et ne tarderaient pas à périr. De cela faut-il conclure avec Buffon que les peuples méridio- naux devraient établir de grands troupeaux de Cerfs domestiques? Comme la plupart des zoologistes, nous ne le croyons pas; car ces peuples possèdent déjà des animaux domestiques qui suppléent am- plement au Renne; et, pour dresser des troupeaux de Cerfs domestiques, il leur faudrait employer un temps énorme que l’agriculture réclame chaque jour, et peut-être même ne parviendraient-ils pas à un bon résultat; car si le Renne a pu s'habituer à l’homme dans un pays peu habité, où son asso- ciation avec lui donne à l’animal un bien-être qu'il n'aurait pas sans cela, en serait-il de même dans nos pays très-habités, où les Cerfs sont dans un meilleur milieu et où ils recherchent une solitude qui leur donne une sécurité qu'ils n'auraient pas dans la compagnie de l'homme? Les Rennes n’ont pu être amenés facilement hors de leur pays natal; car, lorsqu'on les fait changer de climat, ils meurent ordinairement en peu de temps, et les essais que l'on a tentés pour les introduire dans les forêts des pays plus méridionaux que la Laponie n'ont pu réussir, car les Rennes n’y vivent que quelques années et ne s'y reproduisent pas. La même difficulté s'est présentée lorsqu'on a voulu en amener dans nos ménageries, et pendant très-longtemps on n’en a pas vu de vivants à Paris. Au mo- ment où Buffon écrivait son immortel ouvrage, on n'avait pas encore eu de Rennes vivants dans nos climats, et ce n’est que dans ses suppléments qu'il parle d’une jeune femelle qu'il a vue, à Chantilly, chez M. le prince de Condé, et de trois individus, de sexes différents, qu’un de ses parents put étu- dier, et qui étaient à Lille entre les mains d’un bateleur. Depnis une soixantaine d'années, avec des soins plus persévérants, on est parvenu à transporter des Rennes dans des pays éloignés, et aujour- d'hui presque toutes les ménageries d Europe et d'Amérique en possèdent quelques individus. Il y a une quinzaine d'années, un commerçant du Havre, M. Lefrançois, en amena plusieurs de Laponie: il essaya de les faire voir à Paris pour une modique rétribution, et, n'ayant pas réussi dans son entreprise, il les déposa au Muséum, où on put voir pendant très-longtemps quelques-uns des indivi- du qu'il avait rapportés. Dans leur pays originaire, les Rennes, qui portent le nom vulgaire de Reens, se nourrissent d’un lichen particulier, le Lichen rangiferinus, qui pousse sur les arbres des forêts et parfois sur les ro- chers, et qu'ils savent trouver sous les neiges épaisses en les fouillant avec leur bois et en les détour- nant avec leurs pieds : en été, ils vivent de boutons et de feuilles d'arbres plutôt que d'herbes, que les rameaux de leur bois ne leur permettraient pas de brouter aisément. Dans nos ménageries, il faut les nourrir avec du fourrage et en partie aussi avec des lichens, et, quoiqu'ils se contentent de ceux des pays où ils se trouvent, on comprend la difficulté énorme qu'il y a pour se procurer une telle nourriture. Ces animaux, à leur état de liberté, changent de site selon les saisons: en hiver, il descendent dansles plaines et les vallées; l'été, ils se réfugient sur les montagnes, où les individus sauvages gagnent les plus éle- vées pour mieux se dérober aux poursuites incessantes de l'homme et aussi aux piqûres de divers In- sectes, des Cousins, des Taons et surtout d’une espèce particulière d'Œstre qui leur nuit beaucoup, car la femelle de ce Diptère vient déposér ses œufs, à l’époque de la mue du Renne, au-dessous de ses poils, et les larves, en naissant, pénètrent assez profondément dans la peau de l'animal et lui causent des douleurs insupportables. Ces animaux sont très-doux, et, dans leur pays natal, l’on parvient facilement à en faire des troupeaux qui rapportent beaucoup de profit à leurs maîtres : le lait, la peau, les nerfs, les os, les cornes des pieds, les bois, le poil, la chair, les excréments eux- mêmes, qu'ils dessèchent et produisent des espèces de mottes à brûler, tout chez le Renne est bon et utile. Les plus riches Lapons ont des troupeaux de quatre ou cinq cents Rennes, quelque- fois de mille, et les plus pauvres en ont dix ou douze, ou parfois deux ou trois couples seulement. On les mène au pâturage, on le ramène à l’étable, qui quelquefois est l'habitation elle-même du pau- vre Lapon, ou bien on les renferme dans les parcs pendant la nuit pour les mettre à l'abri de l’insulte des Loups. On les dresse assez facilement, et l’on parvient aisément à les attacher au chariot de voyage où à la charrue. Il ÿ a encore, en Laponie, quelques Rennes sauvages, mais on y remarque surtout un nombre immense de Rennes domestiques; dans le temps de la chaleur, on lâche les fe- melles domestiques dans les bois, et on les laisse rechercher les mâles sauvages; et, comme ces der- niers sont plus robustes et plus forts que les individus domestiques, on préfère ceux qui sont issus * de ce mélange pour les atteler aux traïîneaux. Cependant ces Rennes sont moins doux que les autres, car non-seulement ils refusent parfois d’obéir à celui qui les guide, mais encore ils se retournent brusquement contre lui, l'attaquent à coups de pied et avec violence, de.sorte qu'il n'a d'autre res- RUMINANTS. ait source que de se couvrir de son traîneau jusqu'à ce que la colère de la bête soit passée; du reste, cette voiture est si légère, qu'on la manie et la retourne aisément sur soi : elle est garnie, par-des- sous, de peaux de jeunes Rennes, le poil tourné contre la neige et couché en arrière pour que le traineau glisse plus facilement en avant et recule moins aisément sur les chemins en pente. Le Renne attelé n'a pour collier qu'un morceau de peau où le poil est resté, d'où descend sur le poitrail un trait qui lui passe sous le ventre et va s'attacher à un trou qui est sur le devant du traineau. Le Lapon n'a pour guide qu'une seule corde, attachée à la racine du bois de l'animal, qu'il jette diversement sur le dos de la bête, tantôt d’un côté, tantôt d'un autre, selon qu'il veut la diriger à droite ou à gau- che. On peut ainsi faire quatre ou cinq lieues à l'heure; mais si cette manière de voyager est prompte, elle est aussi très-incommode, et il faut y être habitué et travailler continuellement pour maintenir son traineau en équilibre et l'empêcher de verser. De même que l'Élan, le Renne, en courant, fait entendre un craquement assez fort, que Buffon croit également produit par le jeu de leurs articulations, mais que les naturalistes modernes attri- buent, avec plus de raison, aux pièces de leurs pieds qui se heurient entre elles, ou contre les sabots des autres pieds. Quoi qu’il en soit, ce bruit particulier, assez fort, prévient leurs ennemis naturels, le Glouton et surtout les Loups, qui les attaquent souvent pour s’en repaître, et contre lesquels ils ne peuvent se défendre que par la fuite, ou, lorsqu'ils sont atteints, en faisant mouvoir avec force leurs pattes de devant, et en dirigeant vivement de haut en bas les empaumures de leurs bois. Souvent l’accouplement des Rennes a lieu entre les animaux domestiques et dans des endroits pré- parés pour recevoir les troupeaux. On a essayé de faire accoupler le Renne avec la Daine et la Bi che; mais jamais on n’a pu y parvenir. Pendant le rut, les mâles se conduisent comme nos Cerfs; ils répandent alors une forte odeur de Bouc; ce n’est que pendant la nuit que les mâles couvrent leurs femelles. Celles-ci, pour pouvoir produire, doivent, en général, avoir quatre ans; mais on en à vu s’accoupler et produire beaucoup plus tôt. Les femelles mettent bas au mois de mai, et leur portée est de deux petits; elles aiment beaucoup leurs jeunes faons, leur prodiguent de grands soins, et, quand elles les ont perdus, elles les cherchent partout en faisant entendre un grognement semblable à celui des Cochons, tandis que le cri habituel à ces animaux est assez rauque. Ce n’est que vers l'âge de quatre ans que le Reune a acquis toute sa croissance, et c’est aussi à cet âge qu'on com- mence à les dresser et à les exercer au travail; et, pour la plupart, afin de les rendre plus dociles, on leur fait subir la castration, et c’est, dit-on, avec les dents que les Lapons font cette opération. Malgré cette cruelle opération, ces animaux n'en conservent pas moins leurs bois, ce qui n’a pas lieu dans les espèces du genre Cerf, seulement ils tombent plus tôt que cela n'aurait dù avoir lieu si l'on avait laissé l'animal dans toute son intégrité. Parmi ces Ruminants ainsi châtrés, les plus vifs et les plus légers sont destinés à courir au traineau; les plus pesants servent à voiturer les provi- sions et les bagages, en attendant qu’on les emploie pour se nourrir. Les troupeaux de Rennes de- mandent beaucoup de soins; ces animaux sont sujets à s'écarter et reprennent volontiers leur liberté première; il faut donc les suivre et les veiller de près; on ne peut les mener paître que dans des lieux découverts, et, pour peu que le troupeau soit nombreux, on a besoin de plusieurs personnes pour les garder, pour les contenir, pour les rappeler, pour courir après ceux qui s’éloignent, ete. En outre, ils sont tous marqués, afin qu'on puisse reconnaître à qui ils appartiennent; ear il arrive souvent qu'ils s’égarent dans les bois ou qu'ils passent à un autre troupeau. Diverses maladies, et particulièrement celles qui attaquent nos Cerfs dans nos pares et nos Moutons dans nos étables, sévissent souvent parmi les Rennes domestiques. La durée de la vie de cet animal soumis à l'homme est de quinze à seize ans; mais on doit présumer que, à l’état de liberté, elle est plus considérable; et, dit Buffon, d’après les lois observées chez un grand nombre d'animaux, le Renne étant quatre ans à croître doit vivre vingt huit à trente ans lorsqu'il est dans son état de nature. Les Lapons chassent les Rennes sauvages de diverses façons, suivant les différentes saisons; ils se servent des femelles domestiques pour attirer les mâles sauvages dans le temps du rut; ils les tuent à coups de fusil, ou les tirent avec l'arc; et décochent leurs flèches avec tant de raideur, que, mal- gré la prodigieuse épaisseur du poil et la fermeté du cuir, il n’en faut souvent qu’une pour tuer la bête. Quelques débris fossiles qui se rapportent au genre des Rennes ont été décrits par les paléonto- logistes. C’est ainsi que, dans les éboulements sablonneux des rives de l'Obnia, ruisseau qui se jette 112 IISTOIRE NATURELLE. dans le Volga, on a trouvé des bois qui doivent être rapportés au ARangifer tarandus. D'un autre côté, on à distingué, sous les dénominations de RENNE n'Éraupes, de Cervus tarandus priscus, G. Cuvier, et de Cervus Guëttardi, quelques débris fossiles découverts dans le sable entre des blocs de grès à Étampes, et dans la caverne de Brengues (département du Lot) set qui se rapportent à une espèce qui était très-voisine du Renne actuellement vivant. 5me GENRE. — GERF. CERVUS. Linné, 1735. Cervus, nom latin de l'espèce typique du genre. Systema naluræ. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, %; canines, = où =; molaires, $; en totalité trente-deux ou Lrente-quatre dents. {ncisives et molaires disposées, d'une manière générale, conume celles de tous les Ruminants; pas de canines dans le plus grand nombre des cas; des canines supérieures dans les mâles de quelques espèces, ordinairement comprimées el arquées en arrière, comme celles des Chevrotains. Tête longue, terminée le plus souvent par un mufle; yeux grands, à pupilles allongées transrer- salement; souvent des larmiers; oreilles grandes, sunples, pointues; langue douce. Bois plus ou moins développés, selon les espèces et les âges, d'abord cartilagineux et revêtus d'une peau tendre, velue et sensible, ensuite nus et couverts de tubérosités (perlures), étant placés sur deux tubérosités de l'os frontal (pivots), et se composant d'une tige principale (merrain), de branches diversement dirigées (andouillers), de parties élargies ou aplaties (empaumures), d'un bourrelet (meule) qui entoure la base du merrain, el qui est formé de grains irréguliers (pierrures); ces bois commençant loujours par une tige simple et droite (dague), et se compliquant souvent d'an- douillers et d'empaumures. Pas de bois, mais très-rarement, chez certaines femelles. Corps svelte; jambes fines, nerveuses Poils habituellement secs, cassants, offrant une coloration variant seulement du blanc sale au roux plus eu moins foncé et semblablement disposée dans toutes les espèces; jeunes individus ayant souvent une livrée, ou des séries de taches blanches sur un fond fauve ou brun. Quatre mamelles inguinales; tesheules visibles à l'extérieur; pas de vésicule du fiel. Le nom générique de Cerr provient de la dénomination latine de Cervus, qui servait, chez les an- cieus, à distinguer notre Gerf commun, le Cervus elaphus. Longtemps appliqué à un très-grand nom- bre de Rummants, tels que les Chèvres, les Moutons et les Bœufs, ce groupe renfermait encore pour Linné les espèces qu'on y range de nos jours, et aussi les groupes des Girafes, qui en sont si dis- tinetes, et celui des Antlopes, qui s'en diflérencie en ce que, chez lui, les bois n’ont pas la pro- prieté de se renouveler, ce qui, toutefois, aurait également lieu dans deux espèces de Cerfs améri- cains à dagues, c’est-à-dire à bois non ramifiés. Dans ces derniers temps, comme nous le dirons, le genre Cervus a été lui-même partagé en plusieurs subdivisions, dont on a fait même des genres, et parmi lesquels nous n’adopterons, avec les zoologistes de nos jours, que ceux des Élans, Rennes et Cervules ou Munfjacs. Les Cerfs sont, en général, ainsi que le dit Fr. Guvier, des animaux remarquables par la légèreté de leurs formes, l'élégance de leurs proportions, l’aisance de leurs mouvements: leurs jambes min- ces et élevées, sans être faibles; leur corps svelte et arrondi, leur cou allongé, qui leur permet de preudre facilement leur nourriture sur le sol, portant avec grâce une tête fine, un regard doux, mais pénétrant et hardi, un air demi-sauvage, où l’on semble démêler autant de confiance que de crainte, un pelage propre, brillant, et d’une couleur qui ne déplait point à la vue, ont toujours fait placer les Cerfs au nombre des animaux les plus favorisés de la nature, et que les hommes recherchent da- vantagé. Chez ces animaux, le train postérieur l'emporte en longueur sur l'antérieur; chacun des membres est terminé par deux sabots situés en avant et se correspondant par une surface plane : en erf semblable. — C 9, — Antilope Anu. Fig. P1. 19. RUMINANTS. 113 arrière, se trouvent deux ergots impropres à la marche, et l'étendue, ainsi que le développement de ces organes, est en raison directe de la taille des espèces. Par cèt ensemble de caractères, les Cerfs ressemblent beaucoup aux Antilopes, et cette analogie d'organisation se retrouve aussi dans la formule dentaire, pour le nombre et la disposition des mo- laires et des incisives; ces dernières étant également absentes à la mâchoire supérieure. Quant aux canines, de même que dans les Antilopes, elles existent dans certaines espèces et manquent chez d'autres; dans quelques Cerfs, elles se présentent chez le mâle et sont absentes chez la femelle, et, quand elles existent, c’est toujours à la mâchoire supérieure. On est, du reste, fortement porté à croire que les germes de ces dents existent dans l’alvéole, et que leur absence tient à leur état rudimen- taire et à la facilité avec laquelle elles abandonnent la partie des gencives dans laquelle elles devraient être fixées. « Ce qui nous confirme dans cette opinion, dit M. le docteur Pucheran dans un ouvrage que nous aurons plusieurs fois l'occasion de citer, ce sont les faits rapportés par des auteurs dignes de foi, et qui ont trait à l'observation de canines trouvées dans les gencives d'individus appartenant à des espèces qui passent normalement, aux yeux des zoologistes, comme en étant dépourvues, ou comme n’en présentant point dans les deux sexes. C’est ainsi que Pallas nous dit avoir vu des canines chez une vieille femelle de Cerf d'Europe; il en a même donné une figure. Dans ce cas, l’éruption avait eu normalement lieu, ainsi que dans un Cerf de Virginie et dans deux Biches de l'Amérique méridionale observées par nous-même. D'autres fois, c’est dans la gencive que se trouvent de tels rudiments dentaires : M. Martin a communiqué un fait de ce genre à la Société zoologique de Lon- dres; il en avait fait l'observation sur une Biche de l'Amérique méridionale. Nous ne doutons pas que ces faits ne se généralisent plus tard, si des circonstances favorables peuvent donner lieu à un examen convenable. La formule dentaire des Cerfs aura alors, sous ce point de vue, plus d'unifor- mité que ne se plaisent à lui en accorder les zoologistes de notre époque. » Le squelette des Cervus n'ofle pas de grandes différences avec celui des autres Ruminauts: aussi ne nous arrêlerons-nous pas sur ce sujet. Ce qui caractérise particulièrement le groupe des Cerfs, ainsi que les genres Élan, Renne et Cer- vule, c'est la structure de leurs bois et la propriété qu'ont ces prolongements frontaux de tomber et de se reproduire. Ces bois, au reste, n’existent habituellement que dans les mâles. Ils sont de struc- ture osseuse, enveloppés de peau dans les premiers moments du refait, et, quand la croissance an- nuelle est opérée, cette peau se détache par grands lambeaux, soit naturellement, soit par suite des efforts multipliés que fait l'animal pour s'en débarrasser en se frottant contre la terre, les troncs d’ar- bres ou autres objets qui s'offrent à sa vue. Le bois est tout à fait formé lorsque arrive le moment de sa chute, et, celle-ci une fois opérée, un nouveau bois se forme, soit plus compliqué, soit sembla- ble à celui auquel il succède. La chute de l'ancien bois est toujours accompagnée d'une hémorra- gie plus ou moins abondante, produite par la rupture des vaisseaux sanguins par lesquels la commu- nication avait lieu avec la circulation générale; mais la nouvelle formation osseuse oblitère bien vite ses capillaires, et, par Suite de la nouvelle voie qui lui est ouverte, le sang se trouve en entier des- tiné à l’alimeutation du refait. Il existe des rapports frappants entre le bois des Cerfs et les organes de la génération, absolument pour nous servir d'une phrase empruntée à Et. Geoffroy Saint-Hilaire, comme chez l'homme, entre les organes de la génération et la barbe. C’est ainsi que dans les cli- mats où l'animal n’a pas de crise violente et limitée, comme l’a fait remarquer Desmoulins, les cornes persistent pendant plus d’une année; effet qui est également produit par la castration. Comme der- nier exemple de cette influence des organes générateurs, on peut citer l'observation que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire à publiée d’un Cerf adulte, chez lequel, à la suite d'une maladie des testi- cules, les bois, arrêtés daus leur développement, ne consistaient qu’en de simple dagues, de forme cylindrique et remarquables à l'intérieur par l’état très-compacte et éburné du système osseux. Ces rapports entre les organes génitaux et la reproduction des bois se retrouvent, mais autrement influencés, entre les espèces et leur habitat plus ou moins élevé en température. « Ce qu’il y a de sûr, rapporte M. le docteur Pucherau, c'est que, si les régions boréales sont peu riches en espèces de ce genre, en revanche, soit par la taille de leurs bois, soit par leur complication, les espèces qui en sont originaires l'emportent sur leurs congénères des régions australes. Étant donné, en effet, le continent américain, c'est dans les parties australes que se trouvent les types à bois les plus réduits : les Gerfs daguets en sont des exemples frappants, tandis que les autres espèces ressemblent à nos P 15 114 HISTOIRE NATURELLE. Chevreuils.… Dans l'ancien continent, le même rapport se présente. L'Inde a bien quelques types à bois compliqués, mais ces types sont moins multipliés que ceux dont le bois n'offre que deux an- douillers..… Dans notre Europe, c’est le contraire qui a lieu, un seul tÿpe peut se comparer aux es- pèces à bois réduits : c’est le Chevreuil; les deux autres ont peu de représentants sur le continent indien, et pour en trouver de plus ou moins analogues, c’est aux zones boréales du continent améri- cain qu'il faut les demander. Cette influence du milieu habité par les espèces sur la plus ou moins grande complication des prolongements frontaux devient plus évidente encore si l'on tient compte, pour la constater où l'infirmer, des exemples fournis par les trois genres Élan, Renne et Cervule. Qui ne sait que dans le premier d'entre eux les bois offrent des dimensions très-étendues, et que la partie palmée qui les termine est remarquablement étalée. Dans le second, se présente, en outre. une anomalie frappante produite par la présence de prolongements frontaux chez la femelle. C'est tout à fait l'inverse dans les Cervules : leur bois est d'une simplicité très-grande. Or les Cervules sont des espèces à habitat spécialement borné au continent indien et aux iles qui l’avoisinent; et l'Élan, ainsi que le Renne, se trouvent, sous ce point de vue, dans des conditions totalement opposées. La paléontologie appliquera, sans nul doute, ces divers faits à l'explication de phénomènes climatéri- ques qui ont accompagné l'existence de la grande quantité de Cerfs qui peuplent les diverses cou- ches dont l’ensemble forme l'écorce du globe. » Fig. 24 — Cerf commun jeune. Fig. 25. — Cerf conmun adultc. Après les influences qu'exercent sur les divers états physiques du bois les maladies et l'exercice régulier des organes de la génération, d'une part; les différences variées de latitude des zones d'ha- bitation des espèces, d'autre part, viennent en troisième lieu celles qui sont relatives à l’âge des in- dividus, et qui ont une influence bien constatée. Les zoologistes modernes, surtout G. Cuvier, ont étudié ce point avec soin, et ils ont d'autant plus scruté ce sujet, qu'ils peuvent espérer d'éviter par ce moyen de faire les doubles emplois spécifiques, auxquels ils étaient exposés par le penchant des observations à créer de nouvelles espèces par le seul examen des bois. C’est en observant le mode de formation de ces mêmes bois qu’on a pu constater que primitivement toutes les espèces se res- semblent sous ce point de vue, et que les différences que l’âge adulte présente sont acquises et nul- lement congéniales. En second lieu, dans les bois les plus complexes se trouve reproduit, mais. transitoirement et d'une manière générale, le nombre d’andouillers qui se trouvent permanents dans d’autres espèces à l'état adulte. Ainsi, et nous empruntons encore textuellement ce passage au tra- vail de M. le docteur Pucheran, primitivement les jeunes Cerfs sont totalement dépourvus de bois : c'est la reproduction d’une condition organique présentée par les femelles durant leur vie entière, et même par les mâles du genre peu connu des Zxulon de M. Ogilby; c'est, en second lieu, la repro- duction exacte des conditions semblables présentées par les espèces des genres Ghameau, Lama, Muse et Chevrotain. Au bout d'un an; les bois poussent revêtus de peau, sur de simples dagues sans ramilication aucune. Les Cerfs daguets de l'Amérique méridionale s'arrêtent à cette forme si peu RUMINANTS. 115 compliquée. Vient ensuite le maître andouiller, et c'est la forme où s'arrête le Cerf d’Antis. Puis le bois porte deux andouillers, comme cela a lieu chez tant de Cerfs semblables à l'Axis. Ce n'est, en un mot, que par des progrès de l’âge que les différences entre les espèces se manifestent, même dans la forme; car l’aplatissement du bois dans le Daim et dans le Cerf de Virginie ne se produit qu'après un certain laps de temps. Cet accroissement, au reste, s’opère de deux manières : tantôt, par l’ad- dition de nouveaux andouillers sur la perche, comme dans les espèces à ramifications multiples; tantôt, par l'élongation de la perche seule, le nombre des andouillers étant très-limité, ainsi que cela se voit dans les Cerfs de l'Inde. Il n'est pas jusqu'à la condition de l'enveloppe cutanée du refait que lon n'ait comparée, avec juste raison, d'après M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, à l’état permanent des cornes de la Girafe. Le pelage des Cerfs est uniquement composé de poils soyeux plus ou moins abondants, suivant les pays qu'habitent ces animaux, et suivant même les saisons. Cette dernière cause influe également beaucoup sur la coloration des poils : en hiver, les teintes du pelage sont beancoup plus uniformes et moins brillantes, et c'est aussi à cette époque de l’année qu’il est plus facile de distinguer les espèces les unes des autres. Toutefois ces changements de couleur n’ont pas lieu sur toutes les par- ties de l'animal, et rien de plus fréquent que de voir les taches de la tête, du pourtour des fesses et de la queue conserver intactes, à quelque époque que ce soit, les couleurs qui les caractérisent. L'Axis, parmi les Cerfs de l’ancien continent et les Cerfs de l'Amérique méridionale, sont les seuls animaux qui jusqu'ici aient paru se soustraire à ces mutations régulières. Quant à ce qui concerne l'influence de l'âge sur la coloration du pelage des Cerfs, on sait que la presque totalité des jeunes Faons, sinon même la totalité, ont une livrée bien marquée : c’est-à-dire que des taches blanchâtres se remarquent sur le fond uniforme de leur pelage; car, quoique D’Azara ait dit que le jeune Guazoupoucou est unicolore, ce fait n’est pas bien démontré. L’empreinte de ces mouchetures dure très-longtemps chez certaines espèces, comme dans notre Cerf d'Europe; et disparait, au contraire, rapidement dans d’autres, comme dans le Cerf d’Aristote et dans le Cerf-Cochon, chez lequel, même dans des individus qui viennent de naître, c’est à peine même si l'on aperçoit quelques par- ties présentant çà et là quelques mouchetures éparses sur un fond de coloration uniforme. En outre, la coloration tachetée n’est pas répandue sur tout le corps : la tête, les membres, la région caudale, sont intacts sous ce rapport, et c’est ainsi que chez notre Cerf d'Europe, comme dans celui de Vir- ginie, la croupe est entièrement dépourvue de taches. Par suite des divers actes physiologiques que nous avons indiqués, la vie des espèces de ce genre est une succession nou interrompue de crises diverses relatives aux mues des divers âges, au refait, au dépouillement des bois, à la gestation, à la parturition; et tous ces actes se suivent, se substituent les uns aux autres, de telle sorte qu'à peine l’un d’eux est-il consommé que l'autre lui succède. Les femelles, qui sont plus petites que les mâles et qui n’ont pas de bois, ont une gestation dont l’éten- due est toujours au moins de sept mois, dans un grand nombre d'espèces au moins. Les jeunes on laons naissent en état de force assez avancé pour marcher et remplir, presque aussitôt après leur naissance, leurs diverses fonctions, et cela, au reste, est le cas de la plupart des Ruminants. A l’âge adulte, ce sont des animaux de taille grande ou moyenne, paisibles, assez timides et tota- lement herbivores; assez intelligents, vivant, soit en troupes ou hordes plus ou moins nombreuses, soit isolément et par paires; habitant les grandes forêts, les pays de plaines ou les contrées inon- dées et marécageuses; ne faisant qu'un ou deux petits par portée, au printemps, dans les pays tempé- rés, et dans toute autre saison dans les pays chauds, parce que, dans le premier cas, le rut a lieu en automne, tandis que, dans le second, ces animaux sont toujours dans les dispositions convena- bles pour s’accoupler. Le naturel des Cerfs se ploie aisément aux circonstances qui dépendent des climats et de la température; ceux des pays chauds se propagent sans peine dans les régions tempé- rées et réciproquement; c’est ainsi que le Cerf d'Europe a pu se naturaliser à l'ile de France. Les Cerfs ne manquent pas d'intelligence : ils savent trouver dans leur jugement, ou, si l'on veut, dans leur instinct de nombreuses ressources contre les dangers; et la chasse du Cerf commun est, sous ce rapport, une des plus curieuses. Les espèces dont les individus vivent isolés sont susceptibles de s’apprivoiser jusqu'à un certain point, les femelles surtout; mais leur confiance est rarement abso- lue; au contraire, les espèces qui vivent en troupe, au moins les Rennes, qui ont les mêmes mœurs que les Cerfs, se soumettent jusqu'à devenir des animaux tout à fait domestiques. 116 HISTOIRE NATURELLE. Partout la bonté de la chair de ces animaux les a fait rechercher pour la nourriture de l'homme; et partout aussi on les chasse avec tant d'ardeur et si continuellement, que, dans nos pays civilisés, on a été obligé de restreindre cetté chasse par des lois qui ont empêché la destruction des espèces, que l'avidité humaine aurait complétement consommée dans un nombre d'années plus ou moins restreint. Les organes du mouvement n’offrent rien qui ne soit commun à la plupart des autres Ruminants, etilen est à peu près de même des organes des sens. Leurs pieds sont complétement fourchus; leur pupille est allongée horizontalement, et ils paraissent avoir la vue très-bonne; ils ont l'oreille grande ec l’ouie très-délicate; leur langue est douce, et ils sont plus recherchés dans leur nourriture que le Bœuf, ils semblent avoir l’odorat très-bon, ils le consultent toujours, et la plupart d’entre eux ont les narines environnées d'un mufle, tandis que d’autres ont cette partie de la tête couronnée de poils. Plusieurs Cerfs ont des larmiers; mais, si chez les uns eet organe a la forme d'une poche, il ne se montre chez d’aütres que comme un léger pli de la peau, et quelques espèces en sont même tout à fait privées. La voix est en général un braiement désagréable. La distribution géographique des Cerfs de la faune actuelle est des plus étendues : on en trouve, en effet, dans l’ancien et le nouveau monde, en Europe, en Asie, en Amérique; ear la Nouvelle-Hollande, les archipels qui l’environnent, les îles de la Polynésie, en sont totalement dépourvus, et il en est de même de la grande île de Madagascar. Quant à l'Afrique, ce n’est que dans sa partie la plus sep- tentrionale que l’on en a jusqu'ici rencontré; partout ailleurs, les Cerfs paraissent être-remplacés par les Antilopes. L’Asie et les îles Malaises sont les plus riches parties du monde sous le point de vue du nombre des Cerfs, quoique les régions boréales du continent asiatique soient bien pauvres à ce sujet. En Amérique, il en existe depuis le Canada jusqu'aux zones les plus méridionales de la Patagonie; mais, sur le versant occidental des Cordilières, les types sont moins nombreux que sur le versant oriental. Quant à la faune antédiluvienne, elle semble presque aussi riche que celle de l'époque actuelle, et c’est principalement en Europe que l'on a découvert le plus grand nombre d'espèces. En comparant entre elles les diverses espèces qui sont répandues actuellement sur la surface du globe, M. le docteur Pucheran signale principalement trois points de vue des plus remarquables : 41° en premier lieu, les parallélismes déjà signalés dans d'autres groupes de la mammalogie entre certains types de l’ancien et d’autres du nouveau continent : c’est ainsi que notre Cerf d'Europe est représeuté en Amérique par le Cervus Canadensis, et que le Chevreuil l’est dans la partie du nou- veau monde par le Guazouti et le Guazoupoucou: 2° en second lieu, le mode suivant lequel les es- pèces paraissent se convertir en d'autres par l'influence d'une habitation différente : e’est ainsi que dans les zones australes des deux hémisphères il y a des types à bois Le plus réduit; l'on voit, en Amérique, cette modification s’opérer par la comparaison du Cerf cariacou avec le Cerf de Virgi- nie, etu.; 5° la présence si fréquente des types de transition dans les régions australes : c’est en effet dans l'Amérique du Sud que l’on trouve les Cerfs Daguets, qui, sur la simplicité de leurs bois, lient ce genre à celui des Antilopes; puis, entre les Cerfs à bois couronnés et les Chèvres, se trouvent les Cerfs de l'Inde à empaumures si minimes, et des faits semblables se remarquent dans les espèces fossiles. Ces dernières ont été signalées il y a déjà longtemps, et un assez grand nombre d’espèces en ont été indiquées; nous décrirons les principales plus tard, et nous allons immédiatement rapporter quelques-unes des généralités qu'a données Laurillard dans son article Cerfs fossiles du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle. Dans les lieux où se rencontrent des ossements fossiles de Bœufs, c’est-à-dire dans les terrains meubles, les tourbières, les cavernes et les brèvhes osseuses, on trouve diverses espèces de Cerfs fossiles, dont tous les naturalistes regardent quelques-unes comme étein- tes, tandis que les autres se rapportent aux espèces actuellement vivantes. Les dépôts!tertiaires qui contiennent des os de Mastodontes, de Rhinocéros et de Dinothériums, en offrent également plusieurs différentes de celles qui vivent aujourd’hui, mais il n'est guère possible de se prononcer sur le rejet ou l'admission de toutes celles qu'on a établies depuis quelques années, parce que les difficultés inhérentes à la détermination des os fossiles sont augmentées, pour ce genre, par la singulière pro- priété qu’elles offrent de perdre et de reproduire annueltement un bois qui varie presque toujours de forme dans les premières et les dernières années de la vie de l'animal. Avec quelque son, on peut se procurer, en un petit nombre d'années, une série de perches des espèces vivantes, prises RUMINANTS. 117 dans les différents âges, et avoir ainsi sous les yeux les transformations que ces exeroissances su- bissent avant d'arriver à leur état parfait. Quant aux espèces fossiles, cette opération offre de très- grandes difficultés; elle demande une longue suite d'observations que le temps seul peut amener; ear on trouve souvent des perches de différents âges détachées de leur erne, et par conséquent sans aucune indication que leur forme pour la distinction des espèces; et, tant qu'on ne possédera pas la série des bois de chacune, on courra risque de se tromper. C'est surtout dans les alluvions auciennes d'Eppelsheim et dans celles de l'Auvergne, ainsi que dans les salines tertiaires subapen- uines, qu'on en a découvert de tout à fait nouvelles; mais il paraît que les terrains meubles et les cavernes en ont offert aussi quelques-unes qui différent de celles que G. Cuvier à décrites. « En ré- sumé, dit Laurillard, nous comptons environ cinquante espèces de Cerfs fossiles, décrits ou simple- ment mentionnés, et il nous en a probablement échappé quelques-unes. On trouvera peut-être que ce nombre est bien grand par le peu d’étendue des contrées qui leur sont assignées, et quelques per- sonnes, seront sans doute par [à même disposées à croire que plusieurs doubles emplois se révéle- ront par la suite. Tout en étant persuadé que quelques-unes de ces espèces sont à effacer, nous croyons cependant que les espèces réelles sont encore nombreuses, et qu'on doit, sous ce rapport, comparer le centre de l'Europe, au temps où vivaient ces Cerfs, à quelques contrées de l'Afrique, les environs du cap de Bonne-Espérance, par exemple, où l'on trouve un nombre d'espèces d’Antilopes non moins considérable. On doit, d’ailleurs, considérer que toutes ces espèces n'ont pas vécu en- semble, mais qu'elles étaient réparties entre deux populations ou deux faunes : celle qui a laissé des débris dans les terrains tertiaires, et celle dont on trouve les restes dans les terrains d’alluvion ou le diluvium. » On comprend que lorsqu'il s’agit d’un groupe d'animaux aussi commun que celui des Cerfs, et qui se rencontre partout, on trouve un très-grand nombre d'auteurs zoologistes, anatomistes, litté- rateurs, géographes, amateurs de chasses, ete., qui s’en sont occupés : aussi ne chercherons- nous pas à indiquer les noms de ces divers auteurs. Nous nous bornerons à dire actuellement que es Cerfs sont mentionnés dans les plus anciens livres d'histoïie naturelle que nous ayons; qu’Aristote, ainsi que Pline ‘et plusieurs autres auteurs anciens, s'en sont occupés, et que dans les temps" modernes les espèces vivantes ont été le sujet des travaux de classifications et de des- criptions de G. et Fr. Cuvier, de De Blainville, d A. G. Desmarest, d'Ét. et d'Isid. Geoffroy Saint- Ililaire, de Desmoulins, de NN. Hamilton Smith, Ogilby, du docteur Pucheran, qui, surtout daus le tome VI des Archives du Muséum, à publié une exceilente monographie du genre Cerf, à laquelle nous emprunterons plusieurs passages de notre travail, et d'un grand nombre d’autres zoologistes, tandis que les espèces fossiles ont été. étudiées par G. Guvier, par MM. Devèze et Bouillet, l'abbé Croizet et Jobert, Smerling, Jœger, Herman de Meyer, Marcel de Serres, Dubreuil et Jean-Jean, Kaup, De Christol, Robert, Lartet, Laurillard, P. Gervais, etc., etc On a cherchè dans les caractères qui distinguent les Cerfs les moyens de subdiviser naturellement ce genre, déjà composé d'un grand nombre d'espèces; mais la difficulté d’établir entre ces caractères un ordre de subordination, de décider lesquels sont les plus importants, a empêché que ces recher- ches ne fussent heureuses. En effet, prendra-t-on, pour caractériser ces subdivisions, la longueur des proéminences qui portent les bois, ou les dents canines, ou les larmiers, ou les muñles, etc.? Les groupes ne seront point naturels: si l’on adopte les proéminences, on réunira des Cerfs qui auront des canines êt d’autres qui n’en auront pas; les uns seront pourvus de larmiers, les autres en seront privés, ete.; el le même inconvénient aura lieu, quel que soit le caractère auquel on s'arrête, et quelle que soit même la manière dont on réunisse ces caractères : si l’on veut gouper ensemble les Cerfs pourvus de canines et de larmiers, on en séparera ceux qui se rapprochent par le mufle et par les proéminences, et réciproquement. Un autre genre de subdivision basée syr la patrie des espèces ne sera pas meilleur; car, si-dans quelques cas on trouve par cet artifice quelques rapprochements na- turels, on sera aussi amené à éloigner les unes des autres les espèces qui ont entre elles de grands tapports. On voit que la difficulté est des plus grandes, et c'est ce qui fait que, malgré les classifica- tions proposées par De Blainville, par M. Hamilton Snuth et par Fr. Cuvier, on est encore obligé au- Jourd'hui, ainsi qu'en convient M. le docteur Pucheran, de ne mettre en usage qne des subdivisions artificielles. C'est sur ja disposition particulière des bois du Cerf, sur leur conformation et sur leur complica- 118 HISTOIRE NATURELLE. tion plus ou momns considérables que sont fondées les subdivisions proposées par De Blainville, en 1899, dans une note de la Mammalogie d'A. G. Desmarest, et qu'ont aussi été donnés les groupes que M. Hamilton Smith a publiés dans l'ouvrage de M. Jardine. La concordance des sections de De Blainville avee celles établies par M. Smith est telle, que, comme M. Pucheran, nous n’hésiterons pas à dire que ce dernier zoologiste n’a fait autre chose que leur donner des noms particuliers. Nous croyons devoir faire connaître ici la classification de De Blainville, et indiquer comparativement aussi celle de M. Smith. Nous ferons seulement observer que ces auteurs y comprennent trois groupes dont nous ferons des genres distincts : Cerfs à bois sessiles ou subsessiles. _À. Divisés. -4. Sans andouillers basilaire ni médian; les supérieurs ‘plus 0 ou moins réunis et élargis en une vaste empaumure digitée à son bord externe seulement. Espèce Élan (groupe des Alces, Smith). Avec andouillers. + Basilaire et médian. * Aplatis. Esp. Renne (gr. des Tarandus, Smith). ** Coniques. ° Les supérieurs aplatis, formant par leur réunion une empaumure dentelée sur les deux bords. Esp. Duim (gr. des Platycères, Smith). °0 Les supérieurs également coniques. Esp. Cerf ordinaire, Wapiti, Cerf du Ca- nada (gr. des Elaphes, Smith). + Basilaire sans médians. ° Espèces tachetées : Axis, Cerf Cochon (gr. des Axis, Smith). °% Espèces non tachetées : Hippelaphe, Cerf des Marianes, Cerf noir, etc. (gr. des Rufa, Smith). +++ Médian sans basilaire; une bande noir oblique en arrière du mufle. ° De l’ancien continent. Esp. Chevreuil (gr. des Chevreuils, Smith). 20 Du nouveau continent, à queue plus ou moins longue. Cerf de Virginie, Gua- zoupoucou, Cerf du Mexique, ete. (gr. des Mazames, Smith). B. Bois simples à tous les âges. Daguets (gr. des Subulo, H. Smith). IL. Bois longuement pédonculés. Genre Cervule où Muntjac (gr. des Stylocères, H. Smith). La plupart de ses groupes ne semblent pas devoir être adoptés, la base sur laquelle ils sont établis étant trop restreinte; car les indications qu'on en déduit ne sont applicables qu'aux individus mâles. Quant à ce qui concerne l'absence ou lexistence des canines dans ces divers groupes, il y a très-peu d'importance à y attacher. Cependant l'Élan, le Renne et le Muntjac semblent devoir être séparés génériquement dés Cerfs. Pour l'Élan, il suffit de l’examiner pour reconnaitre que les formes particulières de sa tête, de son museau et de son crâne, la brièveté de son cou, la prédomi- nance de son train de derrière, le séparent tout à fait des Cervus. Le Renne présente aussi des ca- ractères très-distinctifs, surtout en ce que les sabots, au lieu de se correspondre à leur face interne par une surface plane, se répondent par une face convexe, comme chez les Chameaux. Enfin le Cervule, distingué dès 1816 par De Blainville sous le nom.que nous lui conservons, et que M. Ogilby indique sous la dénomination de Prox, diffère considérablement des Cerfs par ses bois simples et très-peu développés et par la grandeur de ses dents de devant. Quoique le plus généralement les types de formes des prolongements frontaux qui servent de base aux distinetions établies entre les diverses espèces de Cerfs paraissent en rapport avec leur habitat spécial, il faut, ainsi que nous l'avons démontré, convenir que, dans les deux mondes, il existe des RUMINANTS. 119 types de formes réellement analogues; et c’est ce motif qui n’a pas fait adopter généralement la clas- sification proposée par Fr. Cuvier, suivie depuis par Desmoulins, et basée sur la géographie des différentes espèces de ce genre. La méthode indiquée déjà par G. Cuvier et par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, mais surtout heureusement appliquée par M. le docteur Pucheran et basée sur la forme des cornes et sur leur complication, semble devoir être plutôt suivie. À coup sûr, nous devons en convenir, cette base sur laquelle se fonde cette division est bien artificielle; mais, comme elle repose sur l'existence de carac- tères assez faciles à saisir, et partant très-faciles à appliquer, elle semble préférable à celle qui exige préalablement la connaissance du lieu d'origine des espèces. D’après la classification des Cerfs de M. Pucheran, que nous suivrons, ces animaux seront partagés en deux sections : celle des Cerfs qui ont les bois en partie plats, et celle des Cerfs qui ont les bois ronds dans toute leur étendue, et qui seront eux-mêmes subdivisés selon le nombre des andouillers. & 1e SECTION. — DAMA, Il. Surtn. — CERFS A BOtS PLATS EN PARTIE. Si, comme nous l'avons fait, on range l'Élan et le Benne dans deux genres particuliers, on ne comprendra plus qu'une seule espèce vivante dans cette section; mais on peut aussi y ranger un certain nombre d'espèces fossiles. 1. DAIM. CERVUS DAMA. Linné. CaracrÈres sréciriques. — Pelage d'été fauve, avec des taches blanches sur le corps et deux raies également blanches : l’une longitudinale sur les flancs, l’autre verticale sur la cuisse; face externe fauve sans taches; ligne médiane du dos jusqu'à l'origine de la queue ayant une ligne de couleur plus foncée que le reste du pelage, et, sur les côtés de cette ligne, quelques taches blanches éparpillées symétriquement; taches des fesses blanches, entamées d'une raie blanche demi-elliptique; queue descendant jusqu'au repli de la jambe, noire en dessus, blanche en dessous; pelage d'hiver d'un brun noirâtre uniforme : les taches du pourtour des fesses et la queue conservant toujours leur même couleur; tête gris fauve, un peu plus foncée sur la ligne médiane du chanfrein, un peu plus pâle au pourtour des yeux; dessous de la mâchoire inférieure et du cou, poitrine et abdomen blancs, sans aucune tache. Bois divergents, ayant leur partie supérieure aplatie d'avant en arrière, et den- telée profondément sur les deux bords, mais davantage sur l’externe, avec deux andouillers à la face antérieure du bas du merrain. Longueur totale mesurée en ligne droite du bout du museau jusqu'à l'origine de la queue, 4,60; hauteur du train de devant, 0,78; du train de derrière, 0",85. C'est le Plalycerus de Pline, l'Exzges evpuxeges d'Opian; Dama vulgaris, Gesner, Dama cervus, Jonston; la Biche de Sardaigne, Perrault; Cervus platycerus, Raï; Dama vulgaris, Brisson; Cervus dama, Linné; le Du de Buffon et de tous les zoologistes modernes, et il constitue la subdivision des Dama de M. Hamilton Smith. Il parait intermédiaire pour la taille entre le Cerf et le Chevreuil, et a des formes à peu près sem- blables: il a des larmiers, et semble ne pas présenter de canines ni dans l’un ni dans l’autre sexe. La femelle où Daine ne diffère du mâle que par l'absence des bois; les Faons sont tachetés de blane sur un fond fauve. Les cas d’albinisme et de mélanisme sont assez fréquents dans cette espèce et se propagent par la génération: aussia-t-on distingué, 4° un Darm BLaxc, Cervus dama albus, Fr. Cuvier, qui est tout blane, avec les yeux, la peau du corps et des bois de couleur rose; et 2° un Dam xon, Cervus dama Mauritanicus, Fr. Guvier, qui est habituellement plus petit que le type, à bois à empau- mure moins large, à robe d’un brun presque noir en dessus et un peu moins foncé en dessous, avec quelques très-légères indications de taches sur les jambes; les fesses et le dessous de la queue noirs; les petits sont sans livrée; cette variété paraît originaire du nord de l'Europe, et a été trans- portée dans plusieurs parties de la France, et notamment dans le pare de Rainey. Le premier bois ne parait que la seconde année sous la forme d'une dague; les deux autres an- 120 HISTOIRE NATURELLE, douillers et un vestige d’empaumure existant dès la troisième année; l'empaumure s'étendant ensuite avec l’âge et ayant un nombre croissant de divisions sur le bord externe. Ce bois est composé, dans les vieux mâles de plus de trois ans, d'une perche ronde, munie à sa base de deux andouillers an térieurs, et terminée par une très-longue empaumure dentelée au côté extérieur et un peu moins au bord interne. La mue et le rut sont de quinze jours plus tardifs dans le Daim que dans le Cerf ordit naire. Cet animal préfère aux grandes forêts, séjour habituel de cette dernière espèce, les bois coupés de champs et de collines. La Daine porte huit mois et quelques jours : elle ne prodnit ordi- nairement qu'un ou deux petits; à quinze ou seize ans, ces animaux cessent d'engendrer, et la durée de leur vie ne dépasse guère vingt ans. Le Daim est plus domestique que le Cerf de nos:climats, pour lequel il semble montrer une certaine antipathie. Lorsqu'on le chasse, il emploie les mêmes ruses que le Cerf; mais il les répète-plus fréquemment que ce derniér: * Fig. 26. — Daim commun. Les régions tempérées du continent européen paraissent posséder surtout cette espèce, et l'on ignore complétement si elle a toujours été indigène en France et en Espagne. Mais l'époque de son introduction dans diverses parties de l'Allemagne semble beaucoup mieux déterminée, et, d’après De Mellin, il paraît que c'est le grand électeur qu'il l'a donné au Brandebourg, et le roi Frédéric- Guillaume à la Poméranie; les zones boréales ne possèdent guère que des Daims aborigènes; ceux qui existent en Angleterre se trouvent dans les mêmes conditions. On en rencontre, en oütre, depuis la Pologne jusqu'en Perse. Le nord de l'Afrique ne semble pas non plus être dépourvu de Daims; et G. Cuvier rapporte qu'il a vu un Daim sauvage qui ayait été tué dans les bois au sud de Tunis. Les espèces du groupe des Daims ont été trouvées à l'état fossile et en assez grand nombre; le Cervus dama lui-même a été rencontré plusieurs fois, et plusieurs espèces voisines en ont été signa- lées. Telles sont les suivantes, que nous nous bornerons à citer, parce qu'elles sont loin d'être com- #3 RUMINANTS. 121 plétement connues : Cervus hibernicus, G. Cuvier, d'Islande; C. Somonensis, G. Cuvier, d'Ab- beville; C. paleo Dama, G. Cuvier, de Scanie; C. Dama polignacus, Jobert et Croizet, d'Auvergne: C. Cussacii et Vialetii, Jobert et Croizet, de Cussae et de Polignac, dans la Haute-Loire, etc. 9me SECTION. — CERVUS, Nomis. — CERrS À ROIS RONDS. Sauf le Paim, toutes les autres espèces en grand nombre du genre Cerf entrent dans cette subdi- vision; aussi a-t-on cherché à y former plusieurs groupes. D’après M. Pucheran, ces divisions, toutes artificielles, sont tirées de la forme et de la disposition des bois, ainsi que du nombre des an- douillers. A. — Cerfs dont les bois ont plus de deux andouillers. (Elaphus, H. Smith; Cervus, Ogilby.) Une dizaine d'espèces entrent dans ce groupe, daas lequel se trouvent le Cerf de Virginie et notre Cerf commun, et elles appartiennent à l’ancien et au nouveau continent. 2. CERF DE VIRGINIE. CERVUS VIRGINIANUS. Gmelin. Caracrères sréciriques. — Pelage roux fauve doré en été. blanc dans la plus grande étendue des parues inférieures; queue allongée, noire avant sa pointe, blanche au bout et en dessous; bois de grandeur moyenne, très-courbé en avant, s’aplatissant, avec son maître-andouiller interne, les autres naissant sur la convexité des perches. Taille du Daim. Ce Cerf, qui constitue le genre Cariacus de M. J.E. Gray, a reçu de la plupart des auteurs les * noms de Cerr pe ViraitE, Cervus Virginianus; mais a aussi été nommé Cervus stronygloceros par Schreber, ramosicornis par De Blainville, clavatus par H. Smith et Fischer, etc. Comme toutes les espèces de ce geure, le Cerf de Virginie est susceptible d’albinisme, et M. Pu- cheran a décrit une variété qui présentait beaucoup de poils blancs. Il habite l'Amérique du Nord, depuis la Louisiane jusqu'à l'État de Vermont; ses habitudes sont peu connues. Selon A. G. Des- marest, les individus qui ont véeu à la ménagerie du Muséum prenaient leur pelage d'hiver en octo- bre, et celui d'été au mois de mars ou d'avril; leurs bois se découvraient en septembre et tombaient en février; ils entraient en rut en novembre et décembre; la durée de la gestation de la femelle est de neuf mois, et les petits, qui naissent en juillet ou en août, avec une livrée et un petit bouquet de poils noirs sur le milieu du pied de devant, ne changent de robe qu'au bout d’un an; la voix du mâle est analogue à celle du Cerf commun, mais moins forte, et ne se fait guère entendre que pendant le rut. à On a rapproché de ce Cerf l'espèce fossile indiquée par M. Marcel De Serres sous la dénomination de Cervus pseudo-Virginiunus. 5. CERF LEUCURE. CERVUS LEUCURUS. Douglas. CanacrÈnEs sPéciriques. — Forme, bois, pelage, très-semblables au Cerf de Virginie; mais la queue plus allongée. Cette espèce, que Rafinesque indique sous le nom de Cervus macrurus, habite l'Amérique du Nord, dans les régions canadiennes et à l’ouest des montagnes Rocheuses. Les animaux de cette espèce, qui est très-voisine de la précédente, vont en troupes depuis novem- bre jusqu'en avril et mai, et c’est alors que la femelle s'isole pour mettre bas. Les jeunes sont tache- tés de blanc jusqu’au milieu du premier hiver, époque à laquelle ils prennent la coloration des plus âgés. , ° 1 16 122 HISTOIRE NATURELLE. Cinq espèces différentes semblent remplacer les deux précédentes, particulières au nord de l'A- mérique, dans les latitudes situées au sud des Etats-Unis. Ce sont les suivantes, que nous nous bor- nerous à citer : 1° Gene semecagce, Cervus similis, Pucheran, de l'Amérique du Sud, mais sans indication posi- tive de patrie, décrit d’après une femelle rapportée à tort par Schreber au Cervus leucurus. 2 Cerr pu Mexique, Cervus Mexicanus, Gmelin, où Guevreuiz p'Awérique de Buffon, propre aux montagnes boisées du Mexique. 8° Cariacou, Cervus Pucherani, Nobis, qui provient de Cayenne; c’est le Canracou de Buffon et le Mazawe de Fr. Cuvier; M. Pucheran l’a adopté comme espèce distincte sans lui donner de nom la- Un; nous avons cru devoir le dédier à notre savant collègue, qui a publié, ainsi que nous l'avons dit, une excellente monographie des Cerfs. 4 Cerr pes Bois, Cervus nemoralis, Smith, des environs de Honduras au Mexique et peut-être aussi de Virginie. 5° Cerr 6xmnore, Cervus gymnolis, Wiegman, ou CErr nranc, CERF DES paLéruviERs de G. Cuvier, qui habite Cayenne, la côte Ferme, les parties basses du plateau de Santa-Fé de Bogota, les rives du Méta et de l'Orénoque. Le CERF À GRANDES OREILLES, Cervus macrotis, Say, de l'Amérique septentrionale, se rapproche beau- coup de ceux-ci; il en est peut-être de même du Cerr pe LA Louisiane. (Voy. Atlas, pl. VI, fig. 1.) 4. CERF DE DUVANCEL. CERVUS DUVANCELH. G. Cuvier. CaRACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage rouge-brun; bois dirigé en haut, un peu courbé en avant, avec son maitre-andouiller dirigé en avant, les autres naissant des parties supérieures et postérieures des perches. Cette espèce habite le Népaul; elle n'entre jamais dans les montagnes et ue pénètre qu'acciden- tellement dans la profondeur des forêts : son gîte est sur la lisière des grands bois, au milieu des clairières herbeuses et marécageuses qui abondent dans un tel voisinage. Les Cervus Bahrainja et elaphoides, Hodgson, n'en sont pas distincts : c’est le type du groupe Bucerus de l’auteur que nous venons de citer. Une espèce assez voisine de celle-ci est le Cerr Fronraz, Cervus frontalis, Clelland; Cervus lyra- tus, Schintz, qui provient de la vallée de Mexeypore, dans l'Inde. 5. CERF COMMUN. CERVUS ELAPHUS. Linné Caracrènes spéciriques. — Pelage d'été d’un fauve plus ou moins clair, avec une ligne brune plus foncée sur la région médiane du dos, et sur les côtés de laquelle sont éparpillées des taches de cou- leur fauve pâle; croupe et queue offrant des teintes plus affaiblies, pelage d'hiver gris-brun, sans aucune tache; tête allongée, avec des canines obtuses dans les deux sexes, de couleur grise, plus ou moins brune ou jaunâtre, plus foncée au chanfrein et plus pâle autour de l'œil; deux taches de cou- leur blanche, l’une à l'extrémité de la lèvre inférieure, et l'autre sous le bout du nez; une tache noi- râtre de chaque côté, comme dans la plupart des espèces de Cerfs, en avant de la commissure des lèvres; dessous du corps, côtés, dedans des cuisses et pieds de la même couleur que la tête; queue moyenne; bois ronds, branchus, s’écartant d'abord l’un de l'autre, puis se rapprochant un peu vers l'extrémité; trois andouillers tournés en avant ou un peu en dehors, et une empaumure terminale ou couronne formée de deux à cinq dagues. Longueur du corps et de la tête, mesurée en ligne droite, environ 5%; hauteur du train de devant, 1",18; du train de derrière, 1",26. Connu depuis la plus haute antiquité, le Cerf est l'Exzgc d'Aristote et d’Ælian; les Latins, ainsi qu'on peut le voir dans les ouvrages de Pline, lui ont appliqué le nom de Cervus, qu'on lui a conservé dépuis. C’est le Cervus nubilis, Klein; le Cervus vulgaris et elaphus de Linné. (Voy. Atlas, pl.XVIE, fig. 1.) Fig. 1. — Biche et son Faon. Fig. 2. — Biche en mue. PI. 18. sb LUN ET RUMINANTS. 195 Dans cette espèce, les couleurs varient plus ou moins; les vieux mâles ont en général des teintes plus obscures que les jeunes; quelques différences se remarquent aussi suivant les âges et les sexes : c’est ainsi que les femelles ou Biches, avec des couleurs analogues à celles du mâle selon les sai- sous, sont dépourvues de bois et de canines supérieures; que les Faons mâles, depuis la naissance jusqu'à six mois, sans bois comme la Biche, sont d'un brun fauve, avec les fesses plus pâles; le par- ties su périeures du corps parsemées de taches blanches en général disposées par petites séries lon- gitudinales; le dessous du corps blanc. On a signalé plusieurs variétés du Cerf commun. Telles sont le Cerr DE Corse, Cervus elaphus Corsicus, Gmelin, qui est plus petit que le Cerf, à corps trapu; jambes courtes; pelage brun; habite exclusivement l'ile de Corse, et dont l'on a cherché à faire une espèce particulière, est en effet le C. Mediterraneus, De Blainville, P. Gervais, et le C. Corsicus, Ch. Bonaparte; mais il nous paraît, avec M. Pucheran, que est une simple variété du Cerf ordinaire, qui, ainsi que le dit Polybe, aurait jadis été importée en Corse, et qui, se trouvant dans des circonstances particulières, aurait acquis une moindre taille que le type; le Gerr pes ArDENNEs, Cervus elaphus Germanicus, Brisson, plus grand, au contraire, que le Cerf commun, à pelage plus foncé, avec des poils plus longs sur le cou et les épaules; le Cerr RLanc, Cervus elaphus albus. À. G. Desmarest, résultat de la maladie albine; le Cerr 4 vÊTE riANGuE, Pucheran; pelage ordinaire; tête blanchâtre; commun à Chantilly. Quant au Cerr » AuGéRE, que l’on rencontre principalement dans la province de Constantine, entre Oran et la Calle, que l'on a longtemps regardé comme une simple variété du Cervus elaphus, il semble bien démontré aujourd'hui, d'après les travaux de MM. Gray et Bennett, que c’est bien une espèce particulière dans laquelle surtout on remarque des taches blanchâtres permanentes sur les flancs, ce qui tend à lier par cet espèce le Cerf commun au Daim. -# La forme des bois fournit un des meilleurs caractères que l’on puisse employer pour distinguer le Cerf commun. Ges prolongements sont ronds, branchus, s’écartant d’abord l'un de l’autre, de façon que leur concavité regarde un peu en dedans avec trois andouillers tournés en avant, et un peu en dehors, et une empaumure terminale ou couronne formée de deux à cinq dagues. Le premier bois est simplement une dague; le second n'a le plus fréquemment qu'un andouiller; le troi- sième. trois ou quatre, etc. Enfin, pour la septième année, le nombre des andouillers croit sans règle fixe; mais cependant les plus vieux Cerfs n’en ont d'ordinaire que dix ou douze en totalité. C’est au printemps que les bois tombent, et ils se refont au mois d'août : leur chute est plus hâtive de deux mois dans les vieux Cerfs. Suivant Buffon, la mue de la tête des Cerfs avauce si l'hiver est doux, et retarde s’il est rude et de longue durée. Quand ce bois est repoussé et qu'il a pris un peu de solidité, les animaux qui le portent se frottent contre les arbres pour le dépouiller de la peau dont il est revêtu. Le rut, qui suit l'époque à loquelie les Gerfs ont bruni leur tête, et qui est chez eux une véritable fureur, donnant lieu à de fréquentes luttes, le rut vient en septembre pour les jeunes, et trois semaines ou un mois plus tôt pour les vieux. La Biche, qui porte huit mois et quel- ques jours, met bas à la fin de mai, et le Faon, qui est unique, est fanve, tacheté de blanc, avec sa croupe dénuée de taches et offrant déjà la coloration fauve pâle des adultes. Cet animal est propre aux contrées tempérées et boréales de l’ancien continent, et plus particu- lièrement à l'Europe, dont il habite les grandes forêts, qu'il quitte en hiver pour aller et venir dans les pays plus découverts, dans les petits taillis et même dans les terres ensemencées. Il va par trou- pes dès le mois de décembre, et se met à l'abri du froid dans les endroits bien fourrés. À la fin de l'hiver, il gagne le bord des forêts, et, après qu'il a refait son bois, il se sépare de ses compagnons. Les jeunes restent ensemble. Il n’est sorte de ruses que le Cerf n’invente pour échapper à ses enne- mis, le Loup, par exemple, et l'homme surtout. « La chasse du Cerf, dit Fr. Cuvier, a fait de tout temps l'exercice des guerriers et l’amnsement des hommes puissants; elle est parvenue au point de constituer un art très-étendu, qui fait la principale partie de celui de la vénerie. Le veneur doit con- naître les lieux où le Cerf se tient dans chaque saison, afin de pouvoir l'y chercher; il doit connaître, par l'empreinte des pieds, l’âge et le sexe de l'individu qu'il poursuit; les fumées ou excréments, les portées, C'est-à-dire la hauteur à laquelle le bois atteint les branches des arbres, aident aussi le ve- neur dans son jugement. Il faut encore qu'il connaisse et prévoie toutes les ruses de l'animal, comme celles de passer et de repasser sur la voie; de se faire accompagner d’autres bêtes pour donner le change, de faire un grand sant pour se jeter à l'écart, de se coucher sur le ventre et laisser passer 194 HISTOIRE NATURELLE. « les Chiens devant lui: enfin de se jeter dans l’eau, soit pour traverser quelque cours d'eau, soit pour se plonger presque en entier dans l'eau, ne laissant sortir que le bout du nez. Mais cette res- source est ordinairement la dernière; le Cerf est alors bientôt aux abois, et ne cherche plus qu'à vendre chèrement sa vie. » Op sait que le Cerf est surtout recherché par l'homme par suite de la bonté de sa chair, et nous ne croyons pas utile de nous étendre sur ce point. Nous dirons seulement que l’ancienne médecine avait cru trouver plusieurs remèdes dans diverses parties de cet animal : c’est ainsi qu'ayant remar- qué que parfois les Cerfs, sans aucun motif apparent, tombent subitement à terre, on avait supposé qu'ils étaient sujets à l’épilepsie, et que, partant de cette donnée, on en avait conclu que leur bois, réduit en poudre, pourrait bien être un bon remède pour ceux qui sont atteints de cette terrible maladie : nous n'avons pas besoin d'ajouter que ces remèdes ne sont plus en usage aujourd'hui. 6. CERF WAPITI. CERVUS CANADENSIS. Brisson. Caracrères spéciriques. — D'un quart plus grand que le Cerf commun; queue réduite à un simple moignon; corps et flancs couverts de poils gris blanchâtres, légèrement teintés de fauve en été, fauve- brun en hiver; tête allongée, obtuse, ornée de canines, brune, teinte que partagent les longs poils qui se trouvent à la partie inférieure du cou; tache de la croupe plus pâle et plus grande que dans le Cerf d'Europe, et entourée d’une raie noirâtre de forme semi-elliptique qui s'étend jusqu'au jarret, le long de la face postérieure du membre de derrière; membres de devant de même couleur que le corps ; bois très-grand, ayant à peu près la même forme que celui du Cervus elaphus, avec le pre- mier andouiller très-long et abaissé dans la direction du chanfrein; andouillers du sommet du bois ne formant jamais la couronne comme dans cette espèce. L'absence de taches sur les parties latérales de la ligne médiane du dos, la brièveté plus grande de la queue, l'augmentation et la teinte plus pâle des taches de la croupe distinguent cette espèce de toutes les autres. Fig. 27. — Cerf du Canada. Ce Cerf, qui represente notre espèce d'Europe en Amérique, est propre aux régions boréales du nouveau continent, ne se porte pas autant au nord que l'Élan, et se trouve assez abondamment en Virginie. Plusieurs espèces ont été confondues avec le Wapiti; c’est le Cervus Canadensis, Brisson; le Cervus elaphus Canadensis, Erxleben; le Cervus Canadensis et strongyloceras, Schreber; C. Ca- nadensis et major, À. G. Desmarest; Cerr pu Ganana où Wapiri, Fr. Cuvier; C. Occidentalis, Smith, etc. (Voy. la fig. de Adulte, pl. Vi, fig. 1.) Enfin une dernière espèce du même groupe est le : " vb c A1 ÉTAT AM fe" one = rate CANIN: | vVEraat 1 OS + | de v RUMINANTS. l 19 Cr 7. CERF DE WALLICH. CERVUS WALLICHIT. G. Cuvier. CaRaGTÈRES sPÉGIFIQUES, — Pelage gris-brun foncé; queue très-courte, blanche; bois s'écartant dès la base, de manière à dépasser les côtés de la tête, et portant près de la meule deux andouillers dirigés en avant, avec un troisième situé aux deux tiers de la hauteur des perches et naissant un peu en avant. Cette espèce, type du groupe des Pseudocervus de M. J. E. Gray, habite le Népaul, le Sylhet et le Cachemyr. (Voy. dans ce volume, p. 115.) Un grand nombre de Gerfs fossiles doivent être rapportés à la division des Elaphus. D'après Lesson, on devrait y grouper les suivants : Cervus elaphus et hippelaphus. C. rupefortensis, Lesson, de la prairie de Rosne; €. de Pexenas, C. intermedia, coronalus et antiquus, Marcel De Serres, de Lunel- Viel; C. œnocerus, brachycerus, curtocerus, dicranocerus, trigonocerus, Kaup, d'Eppelsheim; C. Arvernensis, casanus, Ardei, ramosus, eluariorium, Perrieri, Issiodorensis, pardinensis, Borbonicus, Boladi, palmatus, Verrieri, solilbacus, Jobert et Croizet, du Velay; mais nous devons ajouter que l’existence de toutes ces espèces est loin d’être bien démontrée. B. — Cerfs dont les prolongements frontaux portent seulement deux andouillers. Presque toutes les espèces assez nombreuses de ce groupe habitent les pays méridionaux. $ 1. — Espèce dont le bois fournit en dehors l'andouiller supérieur. 8. CERF HIPPÉLAPHE. CERVUS HIPPELAPHUS. G. Cuvier. CaracrÈRES spÉciriQues. — Taille au moins égale à celle du Gerf d'Europe; pelage, en hiver, gris foncé; en été, d’un brun doré; région abdominale fauve sur les côtés, avec une tache brune au milieu de la moitié postérieure; bois très-grand, dirigé en arrière, en dehors et en haut, avec andouiller supérieur naissant au bord externe, et à peu près à la partie médiane. D'après G. Cuvier, ce serait à cette espèce que l'on devrait rapporter l’Irroavc:, où Cerr-Cnevar d'Aristote, dénomination que l’on aurait à tort attribuée à une variété de notre Cerf commun. Le Granp Axis de Pennant, dont M. Gray fait son Axis Pennantüi, est quelquefois indiqué comme étant la même espèce. C’est le Cervus russa de S. Müller; le C. hippelaphus et Bengalensis de M. Schintz, et le type du genre Rusa de M. H. Smith, etc. Le Cervus maximus de De Blainville ne doit-il pas se rapporter à la même espèce? Il habite l'archipel Indien, et se rencontre surtout assez communément à Java et à Bornéo : on le trouve par troupe de cinquante à cent individus, et les mâles adultes vont isolément. Il se tient de préférence dans les lieux découverts où naissent des Aunées, surtout dans les localités coupées par des halliers profonds; leur chair passe pour un morceau friand. Parmi les autres espèces du même groupe, nous citerons : 1° le Cenr ne Pérow, Cervus Peronii, G. Cuvier, auquel on doit probablement réunir les Cervus Timorensis, De Blainville, et Moluccen- sis, Quoy et Gaimard, et qui habite Timor, Bournu, Amboine, Palu-Samaon, Rottie et Palu-Kambing, et peut-être le C. unicolor, H. Smith; 2° le Cerr Faux Axis, Cervus pseudaxis, Eydoux, Gervais et Souleyet, qui établit un lien intime entre le Daim et l'Axis, et qui provient probablement des iles Philippines. $ 2. — Espèces dont le bois fournit en dedans l'andouiller supérieur. 9. AXIS. CERVUS AXIS. Erxleben. CarAcTÈRES sPÉCIFIQUES. — Pelage fauve brunâtre, tacheté de blanc à toutes les époques de la vie 426 HISTOIRE NATURELLE. sur la ligne médiane du dos, une ligne brune beaucoup plus foncée depuis la partie inférieure du cou jusqu'à la racine de la queue; le long de cette ligne, et assez bien disposées aussi en lignes, deux rangées de taches blanches, l’une à droite et l’autre à gauche; queue aussi longue que dans le Daim et s'étendant jusqu'aux jarrets, de la couleur de l'animal en dessus et blanche en dessous: fesses blanches; tête fauve grisâtre; un chevron brun noirâtre étendu d'un œil à l'autre; au-dessus du mu- seau, une bande brune, quelquelois peu marquée; bout du museau noir; côtés dû cou avec une teinte plus claire que celle du corps; dessous de la mâchoire inférieure blanc; abdomen de même couleur; face externe des membres brune, sans taches; de petits larmiers; un mufle; pas de canines supé- rieures dans les mäles; bois ronds, peu rugueux, à deux andouillers dirigés l'un en avant et l’autre en dedans, et une seule pointe terminale, sans couronne. Longueur totale, 1",65; hauteur du train de devant, 0,80; du train de derrière, 0",86. Buffon a déerit cet animal sous les noms d'Axis et de Cerr pu Gance. C’est le Cervus axis de Linné, et il paraît que le C. nudipalpebra de M. Ogilby n'en est qu’une variété chez laquelle la teinte du pelage est devenue assez foncée pour donner lieu à un cas de mélanisme assez complet. (Voy. Atlas, pl. IV, fig. 1.) - L'Axis est originaire du continent indien : on le trouve dans cette partie australe de l'Asie jus- qu'aux régions inférieures et aux forêts basses de la chaîne de l'Himalaya; il habite également Cey- lan, l'ile de Java et celle de Sumatra. Il peu: facilement se reproduire en Europe; on en a souvent des produits dans la ménagerie du Muséum. et, au dix-huitième siècle, on en possédait des trou- peaux à la ménagerie de Versailles; de nos jours, il s’est propagé en Angleterre dans les parcs de Knowsley. Tous ces faits font penser qu'on pourrait facilement, en Europe, non-seulement en obte- nir l'acclimatation, mais même la domestication; pour obtenir un semblable résultat, il ne faut pas oublier, comme la fécondation peut être opérée en tout temps, que l'on doit, comme Fr. Cuvier l’a conseillé, avoir soin de ne mettre les sexes en rapport qu'à une époque qui procurera la parturi- tion des jeunes dans la saison chaude. Par ce moyen, leur naissance sera moins environnée de dan- gers, et l'alimentation des mères plus assurée et plus facile. À l’appui de l'avantage qu'il y aurait à avoir l'Axis en domesticité chez nous, nous ajouterons qu’au Bengale cet animal est à peu près réduit à cet état, et qu’on l'engraisse pour le manzer. ; Le rut ne semble pas avoir d'époque fixe, et les femelles peuvent produire dans toutes les saisons; elles portent neuf mois à peu près. Les petits naissent tachetés comme les adultes, et les bois des Jeunes mâles ne commencent à paraître que dans leur deuxième année. Dès le premier bois, un tuber- cule annonce le premier andouiller; sur le second bois, qui commence à pousser à la troisième année, les deux andouillers se montrent, et, depuis cette époque, le nombre des andouillers étant fixé, ceux- ci, comme les merrains qui les portent, ne font qu'acquérir plus de volume. Leur eri est un petit aboiement, et les femelles ont l'habitude de tordre leur cou de manière que la gorge regarde le ciel. L 10. CERF- COCHON. CERVUS PORCINUS. Zimmermann, Canacrères spéciriques. — Pelage gris fauve brun, plus fauve sur la croupe, plus foncé sur les membres, et surtout sur ceux de devant; côtés de la tête blanchâtres; chanfrein brun, ainsi que le front, qui est cependant jaunâtre autour des meules; tête offrant des taches à peu près semblables à celles qui se voient dans les mêmes régions chez les autres Cerfs; pourtour des fesses blane, ainsi que le dessous de la queue, qui est fauve en dessus; abdomen blanc dans la partie médiane; bois grêle, dirigé en dehors, en arrière et en haut, avec andouiller supérieur naissant sur le dernier tiers de la perche. Taille petite. Cette espèce, le Porcine deer, Pennant, et le Cenr-Cocnox de Buffon, présente une variété décrite avec soin par M. Pucheran sous le nom de variété tachetée de blanc, et qui, par les taches qu'elle porte sur le fond de son pelage, ressemble assez à l’Axis. Les formes de ce Cerf sont lourdes et massives ; sa tête est assez grosse; ses bois sont portés sur des meules beaucoup plus hautes que chez les autres espèces, et l'andouiller naissant du bord interne du merrain est petit, et se dirige en arrière-et en dedans. (Voy. Atlas, pl. IX, fig. 2.) Le Cerf-Cochon habite le conti rent indien; on l'engraisse et on le mange comme l'Axis, de même RUMINANTS. 127 que ce dernier, quoique moins fréquemment, il s’est reproduit dans notre ménagerie, et tout fait espérer qu'on pourrait le rendre domestique dans nos pays : c’est une question, parmi tant d’autres, que doit étudier la Société impériale zoologique d’acclimatation, et que nous avons l'espoir qu'elle pourra pratiquement mener à bien. Le Cervus pumilio, H. Smith, s'il constitue une espèce distincte, est voisin du Gerf-CGochon $ 3. — Espèces dont le bois fournit en arrière l’'andouiller supérieur. 11. CERF DES MARIANNES. CERVUS MARIANNUS. À. G. Desmarest CaracTÈRES sPéciriques. — Poils rudes, ondulés, d'un gris brunâtre; fesses et poils du dessous de la queue, qui est assez courte, blancs; quelques poils blancs en dedans des oreilles; bois gros, de couleur cendrée; l’andouiller inférieur moins dirigé en dehors que dans les autres Gerfs indiens, et très-élevé : le supérieur dirigé en arrière et naissant presque de la face postérieure du merrain. De taille moyenne. Ce Cerf provient des îles Mariannes. Faut-il y réunir le Cervus Philippensis, H. Smith, qui entre dans le genre Styloceros de cet auteur? Ce point n'est pas démontré, car les matériaux manquent pour résoudre ce problème. C'est au même 2roupe que l’on doit rapporter le Cerr-Cuevaz, Cervus equinus, G. Cuvier, qui habite l'archipel Indien, le Cerr De Kuur, Cervus Kuhlii, S. Muller et Schlegell, de l'île Bawian, située entre Java et Bornéo; et le Cerr pu Bencare, Cervus Bengalensis, À. G. Desmarest. (Voy. Atlas, pl. X, fig. 1.) Parmi les fossiles, Lesson signale les Cervus de Gibraltar, de Pise et de Nice de G. Cuvier. $ 4. — Espèce dont l'andouiller supérieur, constituant une véritable branche de bifurcaton, naît en dehors et un peu en arrière. Une seule espèce est dans ce groupe; c’est le 12. CERF D'ARISTOTE. CERVUS ARISTOTELIS G. Cuvier. Caracrères spéciriques. — Taille très-grande; pelage brun noirâtre, avec une tache fauve sur la croupe; queue allongée, colorée supérieurement comme le dessus du corps, et fauve en dessous; parties inférieures brun noirâtre jusqu'au tiers postérieur, dont la teinte est blanc fauve; bois de grandeur moyenne, bifurqué supérieurement, la branche interne de bifarcation étant un peu posté- rieure, l'externe antérieure. Cette espèce, que G. Cuvier a fait connaître Le premier sous les noms de Cerr p'Amsrote et de Cervus Aristotelis, à été aussi décrite par le même auteur sous la dénomination de €. Leschenaulii. On doit y réunir le Cerr Noir pu BençaLe ou Hirpécapue et la Bioug pe Maracca de Fr. Cuvier; l'Axis de Sumatra de De Blainville, le Cerr Norr d'A. G. Desmarest, etc. Ce Cerf, qu'on retrouve également à Java et à Sumatra, habite le Bengale, et il est commun à Sylhet, dans le Népaul et vers l'Indus. $ 5. — Espèces dont l'andouiller supérieur, constituant une bifurcation du bois, se trouve situé dans le méme plan antéro-postérieur que la perche. a. — Espèces avec prolongement caudal très-rudimentaire. 13. CHEVREUIL. CERVUS CAPREOLUS. Linnc. CaracrÈRES sPÉCIFIQUES. — Pelage d'été fauve doré ou roussâtre, plus grisâtre sur la tête et le 128 HISTOIRE NATURELLE. devant du cou, plus blanchâtre sous le corps; côté des fesses avec une bande fauve qui disparait par- fois; pelage d'hiver plus fauve brunâtre, avec une bande transversale blanche sur les fesses; tête privée de larmiers, à bout du museau brun, avec l'extrémité de la lèvre inférieure et la tache du bout de la lèvre supérieure blanches; queue remplacée par un simple tubercule; bois assez petits, cylindriques, rameux et rugueux, ayant un andouiller dirigé en avant, assez long, sur le milieu de la perche, et un second plus haut, dirigé en arrière. Longueur totale de la tête et du corps, mesurée en ligne droite, 1”,15; hauteur du train de devant, 0",70; de celui de derrière, 0,76. = —— IC Fig. 28. — Chevreuil de Tartarie. Cette espèce, plus petite que le Daim et le Cerf, a la même forme générale; c’est le Caprea de Pline, le Caprea, Capreolus et Dorcas de Gesner, le Cervus capreolus de Linné, le Cuevreur de Buffon; enfin M. H. Smith en fait le type de son sous-genre Capreolus, et M. Ogilby le sépare des Cerfs sous la dénomination de Capræa. Le Chevreuil habite les régions tempérées du continent européen, et il paraît qu'on le trouve éga- lement sur le continent asiatique. On en connaît plusieurs variétés : une noirâtre, indiquée par A. G. Desmarest; une albine, signalée par Pallas et décrite avec soin par M. Pucheran; une variété est rousse, une autre brune, propre au duché de Lunebourg. Enfin, selon quelques auteurs, lAxis de Gmelin, que l’on rapporte au Cervus pygargus de Pallas et Schreber, n’en serait encore qu'une variété d'assez grande taille; mais, toutefois, les observations assez récentes de M. Brandt donnent à penser qu'il diffère spécifiquement du Chevreuil. Les femelles ou Chrevretlles ne diffèrent des mâles que par l'absence des bois: le Faons ont une livrée comme celle des Cerfs ordinaires. Cet animal est monogame, et l'amour semble pour lui exis- ter dans un attachement tendre et durable. Il vit dans les pays secs et élevés, en petites familles composées du mâle, de la femelle et des petits de l'année. Il perd son bois à la fin de l’automne, le refait en hiver, et entre en rut dans les quinze premiers jours de novembre. La femelle porte cinq mois et demi, et met bas au mois d'avril deux petits, presque constamment màle et femelle, qui, dans ce cas, s’attachent lun à l’autre pour la vie, et qui ne quittent leurs parents qu’à huit ou neuf mois. On sait que la chasse de ces Gerfs est très en usage en Europe. L'Auu ou Cervus pygargus, Pallas, serait une seconde espèce du même groupe. B. — Espèces avec prolongement caudal assez allongé. 14, CERF DES MARAIS. CERVUS PALUDOSUS. À. G. Desmarest. CaracrÈnes spéciriques, — Pelage fauve, un peu rougeâtre; couleur noire sur les canons jus- RUMINANTS. 129 qu'aux sabots; bois de grandeur moyenne, dirigé en haut et en arrière, avec maître-andouiller nais- sant en avant de la perche, supérieurement bifurqué. Taille grande. Ce Cerf est le Guaza-Pucu D’Azara; c’est le Guazouroucou de Fr. Cuvier et de la plupart des au- teurs, qui lui ont, avec A. G. Desmarest, appliqué la dénomination latine de Cervus paludosus. On sait, en outre, que G. Cuvier à proposé de rapporter les bois du Cervus Mexicanus, Linné, à un individu de cette espèce. Enfin M. Wagner en distingue le Cervus comosus, qui n'en est réellement qu'une simple variété, Il habite la Patagonie, la république argentine, le Brésil, le Paraguay et la Bolivie. Il fréquente les lieux marécageux; mais, lorsque arrivent de grandes inondations, on le rencontre dans les forêts plus élevées ou dans les champs; et, dans ce dernier cas, il se tient le plus près possible de l’eau et la suit à mesure qu'elle se retire. Pendant la majeure partie de l'année, ce Cerf vit en petites troupes de trois à cinq individus, composées le plus fréquemment d'un mâle adulte, de deux femelles et d’un jeune. Pendant le refait, le mâle va seul; la femelle s'isole à son tour lorsque approche le moment de la parturition, de sorte que, pendant plusieurs semaines, on ne la voit qu'en compagnie du nou- veau-né. Il a les habitudes d'un animal nocturne ou crépusculaire; il cherche sa nourriture, soit pen- dant la nuit, soit dès le matin, soit le soir après le coucher du soleil. Pendant la journée, il se réfu- gie au milieu des herbes élevées ou dans les roseaux des marais. Il mange les plautes grasses des marais, et, comme quelques espèces américaines, recherche beaucoup les argiles salées. IL a, du reste, à peu près les mêmes mœurs que le Chevreuil; il est plus circonspect que lui et se laisse moins approcher par l'homme, et, excellent nageur, il peut fuir aisément. La femelle porte huit à neuf mois et ne produit qu'un seul petit, qui n'a pas de livrée et présente en naissant le pelage de ses parents; jeune, il peut facilement se familiariser, et est très-utile aux habitants du Paraguay, par sa chair, qui est très-boune, et par sa peau, qui peut servir à faire des couvertures. Une autre espèce de la même subdivision est le Guazari D'Azara, Cervus campestris, Fr. Cuvier, qui habite les mêmes pays que l'espèce précédente, mais s'en distingue facilement par sa taille moyenne, son pelage fauve, un peu grisâtre en dessus, blanchâtre en dessous, et par ses bois grêles et minces, fournissant en avant un maître-andouiller et se divisant supérieurement en deux : il habite particulièrement les champs cultivés. Un Cervus nanus, du Brésil, décrit par M. Lund, et deux espèces fossiles du même auteur doi- vent peut-être être jointes à celles de ce groupe. $ 6. — Espèces à perche bifurquée dès la couronne. 15. CERF D’ANTIN. CERVUS ANTINIENSIS. Al. D'Orbigny. CaRAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Poil sec, dur, cassant; pelage brun, tiqueté de blanc jaunâtre; région thoraco-abdominale brune; région ano-génitale blanche; perche bifurquée, à peu de distaace de la couronne, en deux branches, l’une antérieure, l’autre postérieure. Taille moyenne. (Voy. Atlas, pl. VI, fig. 2.) Ce Cerf, propre aux régions de montagnes, habite la Bolivie et le Pérou : on ne le rencontre guère qu'à quatre où cinq mille mètres au-dessus du niveau de la mer. Il va par troupes, en tête desquelles se trouve un vienx mâle; se couche pendant le jour et va chercher sa nourriture le matin ou le soir; lorsqu'il est poursuivi, il fuit avec une grande vitesse et se réfugie dans les rochers. Une espèce qui a quelques rapports avec celle-ci, quoique ce soit avec doute que nous la placions dans la même subdivision, est le Cenr pu Cuir, Cervus Chilensis, P. Gervais et Gay; ou C. Andi- cus, Lesson; ou Equus bisuleus, Molina : c'est le type du groupe des Cerviquus, Lesson." $ 7. — Espèces dont les prolongements frontaux consistent en de simples dagues (daguets), 16. CERF ROUX. CERKUS RUFUS. Fr. Cuvier. CaracTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage roux vif en dessus, brun rougeûtre dans la région thoraco-abdo- r 17 130 HISTOIRE NATURELLE. minale; pas de tache sur la tête; queue de longueur moyenne, présentant supérieurement la même coloration que le dessus du corps, blanchâtre en dessous; bois très-petit, rudimentaire. Taille varia- ble, mais généralement assez petite. Cette espèce, le Guazourrra de D'Azara, est vulgairement désignée sous le nom de Pira ; c'est le Cervus rufus de Fr. Cuvier, le C. rufus et dolichurus, Schreber, le Subulo rufus de Jardine, et le type du genre Coassus de M. J. E. Gray. On en connaît de grands et de petits individus dont on a cherché à tort à faire des espèces distinctes : c’est à une de ces dernières que doit se rapporter le C. simplicicornis de M. I. Smith. (Voy. Atlas, pl. IX, fig. 1.) Cette espèce, propre à l'Amérique du Sud, et principalement aux Guyanes, au Brésil, au Paraguay et au Pérou, habite, comme les Gouazoupoucou et Guazouti, les régions montagneuses élevées; mais elle fréquente les bois traversés par des broussailles épaisses dans des terrains secs ou humides; on la trouve rarement dans les champs découverts; toutefois elle visite souvent, la nuit, les planta- tions et rentre dans les bois dès la pointe du jour. On la trouve seule ou par paire, mais jamais en troupe. La femelle met bas, en décembre ou en avril, un ou deux petits. Ce Cerf est très-craintif et très-circonspect: sa course est rapide dès le premier moment; mais il se lasse bientôt, en sorte que, dans un bois qui n’est pas trop épais, un bon Chien peut le joindre dans l’espace d'une demi-heure. On peut l'apprivoiser comme le Chevreuil: mais il n'est pas aussi doux que ce dernier. La chair des jeunes est de bon goût; celle des adultes, quoique un peu coriace, peut être mangée. Les grandes espèces de Chats et les Chiens américains lui font une guerre acharnée. Une autre espèce du même groupe est le Guazourima de D'Azara, Bina ou CErr pes pots, Cervus ne- morivagus, Fr. Cuvier; il est de petite taille, son pelage est brun grisâtre, tiqueté de fauve; le des- sous du corps lavé de cette dernière couleur; les Faons sont tachetés de blanc. Enfin une troisième espèce, propre à la république de l'Équateur, est le Cervus rufinus, Bourcier et Pucheran, que ce dernier auteur a décrit et figuré avec soin. Peut-être doit-on y joindre le Cervus humils, Bennett, de l'île de Chiloé. c Ces diverses espèces se distinguent très-nettement de toutes les autres par l’état rudimentaire de leur bois, qui réalise, à s’y méprendre, les conditions de forme du premier bois des autres Cerfs; de plus, leur tête est plus acuminée, plus pointue, et, dans leur crâne, les os incisifs, ainsi que la portion du maxillaire supérieur qui lui fait suite en arrière, sont plus verticalement dirigés, moins déjetés en dehors; leurs larmiers sont plus rudimentaires, et la partie nue et glanduleuse de leurs narines plus étendue que dans tous leurs congénères; ils semblent tous susceptibles de domestication. Une espèce de Cerf qui n'est pas encore assez bien connue pour:que M. Pucheran ait pu la placer dans aucune des divisions qu'il a proposées dans ce genre est le Gerr panu, Cervus padu, P. Ger- vais et Gay, du Chili, que nous nous bornerons à citer. Nous avons indiqué à peu près toutes les espèces proposées par les auteurs, en faisant connaître les groupes auxquels elles se rapportent, et nous avons cherché, principalement avec M. le docteur Pucheran, à réunir ensemble les espèces qui en avaient été séparées à tort. Nous avons indiqué éga- lement quelques espèces fossiles, et il ne nous reste plus qu'à ajouter quelques mots sur ce dernier sujet. On connaît au moins cinquante espèces de Cerfs fossiles, décrits ou simplement mentionnés; il est probable que quelques-unes ont encore échappé aux paléontologistes; mais aussi il est très- probable que beaucoup de doubles emplois ont été faits. C’est principalement le centre de l'Europe qui en a fourni le plus. G. Cuvier a fait connaitre les CERFs À Bots ccanresques ou Ezx (Voy. Atlas, pl. X, fig. 2.) de France et d'Allemagne, qui se rapportent au genre Élan, le Cervus tarandus priscus. de Toscane, du genre Renne; le C. dama giganteus d'Abbeville et des sables du bord de la Somme; le C. prümi- genius, Kaup, des sablonnières et cavernes à ossements d'Europe; le C. capreolus fossilis, des tour- bières et des sables d’alluvion; quelques espèces des brèches osseuses de Gibraltar, de Cette et d'Antibes, de Pise, etc. Mais, depuis les travaux de G. Cuvier, on a découvert et l'on découvre tous les jours des ossements de Cerfs enregistrés dans les recueils académiques, dans les journaux scien- tifiques, comme les Annales des sciences naturelles, le Journal minéralogique et zoologique de Léonard et Bronn, dans des mémoires particuliers et dans des ouvrages géologiques et paléontolo- giques, tels que l'Essai des environs d'Issoire, par MM. Devèze et Bouillet: les Ossements fossiles du Fig. 1. — Cerf du Bengale Fix. 2, — Elk fossile. PI, 10. | | 1 RUMINANTS. 151 Puy-de-Dôme, par MM. Croizet et Jobert; les Ossements des environs de Liége, par M. Smerling; les Manumifères fossiles du Wurtemberg, par M. Jœger; ceux de la contrée de Georgensgmünd, en Ba- vière, par M. Hermann De Meyer; lès Lecherches sur Les ossements humatices des cavernes de Lunel- Vieil, par MM. Marcel De Serres, Dubreuil et Jean-Jean: les Ossements du cabinet de Darmstat, par M. Kaup; la Description des fossiles de Pézenas et de Montpellier, par M. De Christol; la Zoologie et paléontologie françaises de M. P. Gervais, ete.; à tous ces ouvrages, on devrait encore joindre les catalogues inédits de quelques paléontologistes, et principalement celui de M. Lartet. M. De Christol a trouvé, dans la caverne de Sallèle, département de l'Aude, les Cervus elaphus Reboulii, C. capreolus Towrnalii et Lenfroyi; dans la caverne de Pézenas, les C. capreolus Cu- vierii et Talozani, etc. M. Félix Robert a fait counaitre quelques Cerfs d'Auvergne, tels que le C. salilhacus, de la division des Axis; le C. dama polignacus. ete. MM. Marcel De Serres, Dubreuil et Jean-Jean ont décrit, comme trouvés dans la caverne de Lunel-Vieil, les C. intermedius, coro- natus, antiquus et pseudo-Virginianus. MM. Croizet et Jobert, dans les cavernes à ossements du Puy-de-Dôme, ont découvert de très-nombreux débris de Cerfs, et ont cru devoir en faire un grand nombre d'espèces, telles que les suivantes : Cervus Etuevarium, pardinensis, Arvernensis, Cusa- nus. Ardeus, ramosus, Issiodorensis, Picrrieri, Gergovianus, Borbonicus, Neschersensis, Croi- zeli, Dama giganteus, Cerfs du Regard, de Vialette, de Privat, ete. M. Kaup, dans les alluvions tertiaires des bords du Rhin, a découvert les Cervus auxquels il ap- plique les noms de Bertholdi, nanus, Portschü, anocerus, dicranocerus, cartocerus, primigenius, elaplus priscus, etc. M. Lartet a trouvé son Dicrocère, qui se rapproche des Muntjacs, et dont nous parlerons bientôt. On à aussi signalé des Gerfs fossiles dans les monts Himalayas. Enfin le calcaire d’eau douce de Montabuzard a donné à G. Cuvier un Cerf dont il fait son Cervus capreolus Aurelianensis. Cette espèce, par la disposition particulière de ses molaires, a donné lieu à la création d'un genre particulier, celui des Dorcatherium de M. Kaup, qui, outre l'espèce de G. Cu- vier, y place une autre espèce des sables d'Eppelsheim, son D. navi. En outre, le genre Palæo- meryx de M. I. De Meyer est identique à celui des Dorcathériums: et ce dernier renferme cinq es- pèces, toutes décrites par M. De Meyer : ce sont les P. Bojan, Kaupü et pygmeæus, des terrains lacustres de Georgensgmünd; P. minor, de la molasse d'Aran, et P. Schenchxeri, de la molasse de Suisse et des bords du Rhin. Ame GENRE. — MUNTJAC. CERVULUS. De Blainville, 4822. Diminutif de Cervus. Mammalogie d'A. G. Desmarest. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire semblable à celui des Cerfs; mais avec deux longues canines caractéristiques à la mâchoire supérieure chez les mâles et manquant chez les femelles. Bois très-courts et portés sur deux pédoncules assez tongs. Taille moyenne. Queue courte. Autres caractères semblables à ceux des Cenfs. L'espèce type de ce genre, le Muntjac, à été longtemps rénnie aux espèces du genre Cervus; De Blainville, dès 1816, et plus complétement en 1821, dans la Mammalogie d'A. G. Desmarest, a, le premier, proposé de l'en séparer sous le nom de Cervoce, Cervulus; depuis, ce genre, regardé par Lesson et par quelques auteurs comme une simple subdivision des Cerfs, celle des Cerfs à longues canines où Stylocerus, a été adopté par M. Gray sous la dénomination de Muntjacus, par M. Ogilby sous celle de Prox, et par M. le docteur Pucheran, qui lui a restitué le nom de son véritable créa- teur, et comprend six ou sept espèces toutes propres à l'Asie. On doit probablement aussi y joindre quelques espèces fossiles 1 4152 HISTOIRE NATURELLE. Le type des Cervulus est le : 1. MUNTJAC. CERVUS MUNTIJAC. Linné. CaracTÈènes sréciriques. — Pelage assez ras, luisant, d’un marron tirant sur le roux, très-briliant; museau et dessus des yeux plus bruns; côté interne des supports des bois presque noir; face externe de l'oreille brune, et l'interne blanchâtre; dessus du cou plus brun que le dos; extrémité des pieds brune; poitrine plus claire que le dessus du cou; ventre, face antérieure des cuisses et dessous de la queue blancs; bois extrêmement courts, simples, recourbés l’un vers l’autre, ayant un petit andouil- ler rudimentaire à la base, et portés sur deux longs pédoncules qui se prolongent beaucoup sur les côtés du chanfrein. Longueur de la tête et du corps, 0,86; hauteur du train de devant, 0",45; de celui de derrière, 0°,50, de la queue, 0°,09. Fig. 29. — Muntjac. Le Munrsac ou Cervus Muntjac de Gmelin semble, selon la plupart des auteurs, devoir être réuni au Cuevreuiz DES Inpes d’'Allamand et de Buffon, ou Cervus vaginalis de Boddaert; c'est le Cervu- lus Muntjac de De Blainville, et le type des genres Muntjacus, Gray; Proæ, Ogilby, et de la division des Stylocerus de Lesson. Dans cette espèce, la tête est pointue, le chanfrein droit, encadré de chaque côté par une ligne saillante, droite, qui se prolonge pour constituer le support des bois: ceux-ci forment un angle assez aigu et d'environ quarante degrés entre eux, minces, s'élevant, y compris les supports, au-dessus du front d’une hauteur égale à celle de la moitié de la tête; ces bois n'ayant que les deux tiers de la longueur de leurs supports, en forme d’andouillers simples, recourbés l’un vers l’autre et un peu en arrière, garnis à leur base et un peu en avant du côté interne d'un prolongement ou tubereule, qui u'est lui-même qu'un très-petit andouiller; les yeux sont grands; il y a des larmiers et un mufle; les mäles sont pourvus de deux grandes canines supérieures, comprimées, arquées en arrière et légère- ment projetées en dehors; les oreilles sont assez larges, mais pas plus longues que les supports des bois; il y a deux petits sillons longitudinaux sur le chanfrein; la queue est courte, aplatie en des- sus. La femelle a le même pelage que le mâle; mais elle est dépourvue de bois et de canines. Cette espèce provient de Sumatra; on ne connaît pas ses habitudes à l’état de nature; on sait seu- lement que l'individu qui a vécu en Hollande, et qu'Allamand a étudié, était leste, éveillé et d'un ualurel très -doux. FH, Van | ie MO TUR L'PRETENT [TE PR SEP ARLES LES : ÿ NAT * je h ] Fig. 2. — Tragelaphus Angasii. (Femelle et jeune.) FIM RUMINANTS. 13 ca C1 Parmi les autres Cervules, nous indiquerons les : 2. CERVULE MUSC. CERVULUS MOSCHATUS. De Ehinville, CanacrÈères spéciriques. — Bois très-courts, un peu courbés en dehors et en arrière, sans aucun andouiller, et supportés par des pédoncules très-longs, sans meules à leur base; deux longues cani- nes à la mâchoire supérieure du mâle. Cette espèce, qui est le Cervus moschatus, De Blainville, I. Smith, et le Cervus moschus, A. (r. Desmarest, n’est encore connue que par une tête osseuse provenant de Sumatra, d'après l’au- teur de la Mammalogie, et du Népaul selon Lesson, et faisant partie de la collection du collége des chirurgiens de Londres. 5. CERVULE A PETITS BOIS. CERVULUS SUBCORNUTUS. De Blainville. CanacrTères spéciriques. — Bois très-petit, ayant une meule bien formée, un petit andouiller à la base, et la pointe brusquement recourbée en arrière; pédoncules médiocrement allongés, peu pro- longés sur les côtés du chanfrein. Ce Ruminant, le Cervus subcornutus de De Blainville, n’est également fondé spécifiquement que sur une tête osseuse qui provenait de l'Inde, et il ne se rapporte peut-être pas à ce genre. Les autres espèces du même groupe seraient les Cervus labipes, Fr. Cuvier, de l'Inde; C. Philip- pinus, U. Smith, des îles Philippines; C. Recvesi, Ogilby, de Chine; C. aureus, IL. Smith, de Su- malra, etc. C’est du même groupe que l’on doit rapprocher les espèces de Cerfs fossiles indiqués par M. Kaup sous le nom de Dicranocerus, et qui proviennent de l’Allemagne, ainsi que celle découverte dans un dépôt tertiaire de Sansan par M. Lartet, et qu'il nomme Dicrocère : les premiers ayant de très- grandes canines supérieures, et le dernier n’ayant ces mêmes dents que médiocrement développées. mais cependant manifestes. En terminant la description des espèces qui faisaient partie de l'ancien genre des Gerfs de Linné, nous nous occuperons du genre fossile, si remarquable et malheureusement encore si imparfaitement connu des Sivatherium, quoique nous soyons loin d'assurer que nous lui donnons ici Le véritable rang qu'il doit occuper dans la série des animaux, ainsi que nous allons l'expliquer en copiant pres- que textuellement l’article que Laurillard a consacré à ses fossiles dans le Dictionnaire universel d'Histoire naturelle; il nous semble toutefois que ce genre pourra rester à peu près à la place que nous lui avons assignée, soit qu'on le rapproche des Gerfs, à la fin desquels nous le rangeons, soit qu'on le mette avec les Antilopes qui vont constituer la famille suivante. MM. Hugh, Falconer et Cautelay, dans le Journal de la Société asiatique du Bengale, tome XIX, janvier 1856, ont donné le nom générique de Sivatherium (Siva, nom d’un dieu indien, transporté depuis à l'un des monts des sous-Himalayas, ôgxv, animal), et spécifiquement celui de S. gigna- teum, à une tête de Ruminant trouvée dans le terrain tertiaire des monts Sivaliks, près de la rivière Markanda. Cette tête, presque aussi grande que celle de l'Éléphant. a des formes tellement singu- lières qu'elles approchent du grotesque, disent les auteurs que nous avons cités. Elle se fait remar- quer par la proéminence de la crête occipitale, surtout à ses angles externes; par la brièveté et la saillie des os nasaux, relevés en are, par la concavité du chanfrein; par la petitesse de l'orbite, l’é- paisseur de l’arcade zygomatique; par la grande hauteur des maxillaires et par deux fortes émi- nences osseuses, coniques et obtuses, un peu divergentes, placées moitié au-dessus et moitié en arrière des orbites. Les molaires sont au nombre de six à la mâchoire supérieure, la seule connue; elles ont la forme générale de celles des Ruminants; les os intermaxillaires étant brisés, on ne con- nait pas leur longueur. La place que le Sivatherium doit occuper parmi les Ruminants fossiles a donné lieu à diverses opinions. MM. Falconer et Cautelay ont pensé que les éminences osseuses du frontal étaient revé- 154 HISTOIRE NATURELLE. tues d'une enveloppe cornée et représentaient les noyaux osseux des Ruminants à cornes creuses, et ils semblent même croire qu'il pouvait y avoir eu deux paires de cornes, dont la postérieure aurait été placée sur les proéminences latérales de la crête occipitale, comme dans le Bœuf domestique; mais, toutefois, dans l'Antilope à quatre cornes, le seul animal auquel, dans ce cas, il faudrait le comparer, les cornes postérieures ne sont pas aussi reculées, et les antérieures sont situées en avant de l'orbite. De Blainville partage cette opinion et dit que c'est un animal à deux ou peut-être quatre cornes creuses. Et. Geoffroy Saint-Hilaire a pensé, au contraire, que ces cornes devaient être regar- dées comme des cornes de Girafe, se fondant sur une fissure qui se remarque sur la gravure à la base de la corne droite, et qu'il à considérée comme une trace de la suture qui sépare, en effet, dans le jeune fige, les cônes osseux constituant les cornes de la Girafe des os frontaux sur lesquels ils se soudent plus vard; maisles dents du Sivatherium montrent qu'il était adulte, et que, par conséquent, une pareille suture aurait disparu depuis longtemps. Enfin Laurillard, en considérant la manière dont ces productions osseuses se continuent en crête jusque sur les maxillaires, ainsi que la concavité du chanfrein et le peu d'étendue des os du nez, est tenté de croire que cet animal appartenait à la fa- mille des Cerfs, et qu'il avait, comme l'Élan, un mufle proéminent. D'après ce savant paléontolo- aiste, les productions osseuses du frontal seraient les fûts osseux qui supporteraient les bois caducs chez tous les Cerfs, fûts plus ou moins allongés, et qui, à la vérité, sont rarement coniques, comme ils paraissent l'être ici. Quant aux cornes postérieures, leur existence n’est pas bien démontrée; mais. d'ailleurs, rien n'empécherait qu'il n’y eût des Cerfs à quatre bois, comme il y a des Antilopes à quatre cornes. Cependant, d’après les pièces assez nombreuses, tant de la tête que des autres par- ties du corps, et spécialement des membres que possèdent les musées de Londres, M. Richard Owen affirme que le Sivatherium constitue un groupe de la famille des Antilopes, dont la tête devait être ornée de quatre cornes; on croit qu’il en existait deux espèces. C. — Proéminences de l'os frontal revétues d’un étui de corne composé de fibres agglutinées, qui croît par couches et pendant toute la vie. CINQUIÈME FAMILLE. ANTILOPIDÉS. ANTILOPIDÆ. Nobis. Un certain nombre de Ruminants, que nous pouvons, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui les distingue sous la dénomination d'Antilopiens, caractériser par ce peu de mots : espèces à prolon- gements frontaux subsistant au moins chez les mâles et consistant en des cornes à noyau osseux, composent cette famille. Un Antilope, une Chèvre où un Mouton, et un Bœuf, tels sont les types de ce groupe naturel. Il semblerait qu'il y a de grandes différences entre les types que nous avons cités avec intention; mais, si l'on étudie avec soin les espèces très-nombreuses qui viennent lier intimement ces animaux les uns avec les autres, on s’assurera promptement qu'on doit réellement les réunir en une seule et même division primaire. Cette famille renferme un grand nombre d'espèces réparties sur toutes les parties du globe, l'Océa- nie exceptée; presque toutes nous sont utiles par la chair qu'elles nous donnent et par d'autres pro- duits de la plus grande utilité pour l'homme, et quelques-unes, le Mouton et le Bœuf, par exemple, sont devenues nos animaux domestiques par excellence. Nous formerons trois tribus dans cette famille, et ses divisions correspondront aux grands genres des Antilope, Capra, Ovis et Bos. CMS arts br A0 Lx > Han Teri MORT T Ÿ Mau TTIER =. = N i\ \ NA ) Lai A / $ At 2 S LPO Ke à AN MESA Fig. 2. — Antilope Klip springer. RUMINANTS. 105 PREMIÈRE TRIBU. ANTILOPIENS. ANTILOPIT. Nobis. Cette tribu ne renfermera que le grand genre Antilope de Pallas, qui lui-même comprend un grand nombre de groupes, et surtout d'espèces particulières, et qui a pour caractères distinctifs des cornes creuses, rondes, marquées d’anneaux saillants ou d’arêtes en spirale, et dont les chevilles osseuses sont solides intérieurement. GENRE UNIQUE. — ANTILOPE. ANTILOPE. Pallas, 1767. Nom spécifique transporté au genre Spicilegia zoologica, t. IN. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, % molaires, ©; en totalité trente-deux dents. Incisives souvent à peu près égales entre elles et contiquës par leurs bords; quelquefois les deux intermédiaires très- larges, un peu séparées entre elles, s'appuyant sur les latérales par leur face postérieure, et ces dernières étant aussi disposées à recouvrement les unes à l'égard des autres. Molaires assez sem- blables à celles de tous les Ruminants, et n'offrant rien de particulier. Chanfrein plus où moins droit; un nufle ou un demi-mufle dans ‘la plupart des espèces el par- fois pas de mufle; souvent des larnuiers ou des sillons sous-orbitaires nus, sécrétant une humeur particulière; oreilles grandes, pointues, mobiles; yeux souvent très-ouverts; langue douce. Des cornes dans les deux sexes ou dans le mûle seulement, revétant une cheville osseuse du front habituellement solide et sans cavité au centre, rondes, diversement contournées, souvent marquées d'anneaux transversaux ou d'une crête spirale saillante; quelquefois, mais rarement, bifurquées. Corps généralement svelte conune celui des Cerfs; jambes fines et délices, celles de devant moins * longues que celles de derrière; ongles très-petils, presque rudimentaires; queue courte où moyenne; taille petite, moyenne dans beaucoup d'espèces ou grande dans quelques-unes. Pelage ordinnirement ras et orné de couleurs assez vives et agréablement disposées; mais cepen- dant le système de coloration étant d'un brun roux, et plus rarement noirâtre ou blanchätre; quel- quefois des pores inquinaux ou des replis de la peau assez profonds dans les aines où «le chaque côté; des brosses ou touffes de poils plus longs que les autres sur les poignets dans quelques espèces; chez presque toutes, il n'y a pas de barbe au menton. Deux ou quatre mamelles; quelquefois même l'un de ces nombres s'observant dans le mâle et l'autre dans la femelle; une vésicule du fiel. Les caractères que nous venons d'indiquer, et même le meilleur de tous, celui que nous présen- tent les cornes, sont assez fugitifs et ne se rencontrent même pas tous dans chaque espèce d'Anti- lope, et sont néanmoins les seuls que l’on ait pu trouver jusqu'à présent pour distinguer ce genre; car l'ordre des Ruminants, l’un des mieux déterminés et des plus naturels de la classe des Mammi- fères, est en même temps, comme nous l'avons déjà fait remarquer, l'un des plus difficiles à diviser génériquement. Tous ces animaux, à l’exception des Chameaux, des Lamas, et des Girafes, ont l'air d'être formés sur un même plan : c'est done, comme l’observe très-judicieusement Laurillard, plutôt par intuition ou par sentiment, plutôt par des caractères négatifs que par des caractères positifs, que l'on peut reconnaitre le genre d'un animal de cet ordre, et nous verrons bientôt que ces raisonne- ments, applicables au genre Antilope, le sont peut-être encore plus lorsqu'il s’agit de distinguer les Chèvres des Moutons. 136 [HISTOIRE NATURELLE. Les Antilopes ont presque toutes des cornes creuses, rondes, avec des anneaux saillants ou des crêtes en spirale, et dont les chevilles osseuses sont solides à l’intérieur; cependant le Gnou, le Nyl- gau et le Chamois ont des cornes lisses dont les chevilles commencent même à être celluleuses dans les deux premièr es, et, dans des espèces américaines, ces cornes sont même bifurquées; ce sont, en général, des animaux faits pour la course : ils ne sautent etne bondissent point en courant, mais COU- rent uniformément, ayant plus de facilité à se mouvoir en montant qu'en descendant. La plupart des espèces sont fauves sur le dos et blanches sous le ventre, avec une bande brune qui sépare ces deux couleurs au bas des flancs; à taille plus élevée et plus légère que celle des Cerfs; elles ont aussi moins de force, mais plus de légèreté dans leurs mouvements. Les Antilopes ont le plus souvent des larmiers comme les Cerfs, des brosses ou touffes de poils plus longs aux genoux, des pores ingui- naux ou digitaux, c'est-à-dire des enfoncements de la peau aux aines et entre les doigts; la queue courte, garnie de longs poils; le muscle contracteur de la peau est très-fort chez les Antilopes, aussi froncent-ils la peau et secouent-ils les poils, plus rudes même que ceux des Cerfs, avec une espèce d'horripilation habituelle chez quelques espèces, ce qui ne les débarrasse pas toujours des Hippo- bosques eu autres Insectes qui vivent sur eux; les oreilles sont droites et assez longues; mais ces circonstances manquent quelquefois, et si le plus grand nombre ont la légèreté des Cerfs, quel-# ques-unes ont l'allure des Chèvres, et d’autres presque la démarche grave des Bœufs. Les unes ont le museau effilé, mais d'autres ont un mufle assez proéminent. Un caractère assez constant de ce genre, caractère indiqué par Ant. Desmoulins, est tiré de l’os- téologie de la tête : le sphénoïde et le pariétal ne s'articulent pas, ou ne se rencontrent que par une pointe aiguë dans les Antilopes, tandis que, dans les Cerfs et les Chèvres, l'articulation de ces deux os est constante, et se fait par un bord de huit à onze lignes d’étendue. Les Antilopes appartiennent presque toutes à l’ancien continent, l'Afrique et l'Asie en renferment surtout un grand nombre, car l’Europe n’en possède que deux seules, le Sainga et le Chamois; dans l'ancien monde, on n’en a encore signalé que deux espèces dont on a fait le groupe des Dicranoce- rus, l'Antilope Americana, Ord, du Missouri, dans le nord de l'Amérique, et l'A. hamata, Lesson, du Mexique; il n’en existe pas à la Nouvelle-Hollande. Le nombre des espèces connues est très-consi- dérable, car on en a décrit plus de quatre-vingts; en outre, on en a signalé une dizaine d'espèces fossiles qui n'ont été rencontrées que dans divers terrains de FEurope. Ces Ruminants supportent les chaleurs de la zone torride, et un seul, au contraire, le Chamoiïis, semble confiné dans la région des neiges de nos montagnes alpines. La plupart des espèces vivent en troupes, souvent nombreuses; mais quelques-unes sont solitaires et monogames; elles ne produisent qu'un ou deux petits seule- went par portée. Elles sont confinées, comme, au reste, presque toutes les espèces d'animaux, dans certaines limites plus ou moins étendues, qu'elles franchissent rarement, et c'est à tort que l’on a dit que certaines espèces, en se transportant dans un pays différent de leur patrie naturelle, ont pu se transformer assez pour qu'on les ait prises pour des espèces particulières. Quelques-unes habi- tent les plaines arides, sablonneuses et rocailleuses, et ne se nourrissent que de plantes aromati- ques ou salées; d'autres se tiennent de préférence sur les bords des fleuves, et ne vivent que d’her- bes douces; enfin il en est qui se plaisent vers les cimes des plus hautes montagnes. Ce sont, en général, des animaux doux et sociables, qui ont les yeux grands et vifs, l'ouïe très-fine, et qui sont doués d'une grande légèreté. On peut aisément les conserver dans nos ménageries, où on les appri- voise facilement, de manière à espérer qu'on pourra un jour en former des troupeaux domestiques. A l’état de la nature, les Carnassiers et l'homme les recherchent pour s'emparer de leur chair. Quoique le nom d'Antilope ait une tournure grecque, et que, selon M. Agassiz, il provienne du mot grec 202%, il semble n'avoir pas été employé par les anciens : on trouve seulement dans l'ouvrage des Six jours, attribué à Eustathius, qui vivait sous Constantin, le nom d’Antolopos, pour signifier un animal à longues cornes dentelées en scie. Albert le Grand a désigné depuis le même animal par le nom de Calopus, et d'autres écrivains du même temps par ceux d'Analopus, d'Antaplus et d'Ap- talus. Gesner croit que c'est le même dont parle la lettre non authentique d'Alexandre à Aristote sur les merveilles de l a dont les longues cornes pointues et dentelées perçaient les boucliers des Macédoniens. G. Cuvier rapporte que, quoique les descriptions que les anciens aient donné de la Licorne contiennent quelques faits fabuleux, il est facile de voir qu'elles tiraient leur origine d'un animal réel, de l'espèce appelée aujourd'hui Pasan, Antilope oryæ, ou peut-être de l'Algazel. Boch: ud RUMINANTS. 137 croit que ce mot Antolopus vient du copte, Panthalops, qui signilie Licorne : or, comme le Pasan est très-vraisemblablement l'animal qui a donné lieu au récit fabuleux de la Licorne et de l'Oryx, la conjecture de Bochard s'accorderait assez bien avec celle de G. Cuvier. Quoi qu'il en soit, c'est Ray qui a, le premier, employé le nom d'Antilope, depuis longtemps en usage dans l’art héraldique, pour désigner une des espèces qui le portent aujourd'hui, l’'Antilope des Indes; et c’est Pallas qui, il n'y a pas un siècle, en 4767, dans le tome I de ses Spilegia zoologica, en a rendu l’acception géné- rique lorsqu'il a séparé ce genre de celui des Chèvres, avec lequel Linné le confondait. L'histoire des Antilopes était très-embrouillée autrefois; Buffon a commencé à y mettre de l’ordre; Aïlamand, Forster et Pallas ont ajouté plusieurs espèces à celles que Buffon avait déterminées; Pallas a fait, le premier, un examen général des espèces et en a considérablement rectifié la synonymie; G. Cuvier, A. G. Desmarest, Antoine Desmoulins, H. Smith, et beaucoup plus récemment Laurillard, ont fait des travaux semblables; enfin des zoologistes et des voyageurs en grand nombre ont fait connaitre plusieurs nouvelles espèces. Fig. 30. — Nylgau. (Mâle. Le nombre même de ces espèces étant assez considérable, et les formes des Antilopes variant d'une manière assez notable, il n’est pas étonnant que plusieurs zoologistes, surtout dans ces derniers temps, aient cherché à les séparer, soit en groupes particuliers, soit en sous-genres. Déjà Daubenton, dans le grand ouvrage de Buffon, propose de former six groupes distinets avec les Antilopes. G. Cu- vier, en 4804, dansle tome II du Dictionnaireules Sciences naturelles, à l'exemple de Pennant et d'Erx- leben, divise les espèces de ce genre, d’après la forme de leurs cornes, en six divisions particulières; savoir: 1° celles à cornes à double courbure, la pointe en avant (Gazelle, Kob, etc.); 2° celles à cour- bure simple ou nulle, pointe en arrière ou en dedans (Pasan, Grimme, etc.); 5° celles à double cour- bure, pointe en arrière (Bubale, Caama): 4° celle à simple courbure, pointe en avant (Nanguer, Nagor, etc.); 5° celles à cornes à arête en spirale (Canna, Guib, etc.); 6° celles à cornes lisses (Gnou, Nylgau, Chamois). Lichstenstein, en 1812, dans le Magazin der gesellschaft naturferschenden Freunite, sixiém@année, les divisa en quatre tribus, qu'il nomma Bubalides, Connechæœtes, Antilopæ et Gazellæ. De Blainville, en 4816, dans le Nouveau Bulletin de la Société philomatique de Paris, réunit tous les Ruminants à cornes creuses en un seul genre sous le nom de Cérophore,.et le par- tagea en douze sous-genres, dont huit se rapportent au genre Antilope : ce sont les sous-genres Antilope, Gazella, Cer vicapra, Alcelaphus, ÿ dr n Boselaphus, Oryx et Rapicapré, qui pour la plupart ont été ne adoptés comme genres particuliers par un assez grand nombre de zoologistes. En 1821, A. G. Desmarest, dans sa Manimalogie faisant partie de l’ Encyclopédie mé- thodique, ajouta deux sous-genres à ceux de De Blafnville, les Oreus et les Ægocères, et adopta, en outre celui d'Antilocapra de M. Ord. Antoine Desmoulins, en 1822, dans le-Dictionnaire classique d'Histoire naturelle, les subdivisa en huit groupes, ceux des Gazelles, Bubales, Oryx, Acuticornes, Tseiran, Strepsicères, Léiocères et Ramicères. Hamilton Smith, dans la traduction anglaise de la F É 18 158 HISTOIRE NATURELLE. première édition du Règne animai de G. Cuvier (1x Griffith Animal kindont, 1897), divisa les An- tilopes en trois genres et vingt-deux groupes particuliers : le genre Antilope, comprenant dix-sept groupes, à savoir : Dicranocerus (Sezpav:, double; xeexe, corne); Aigocerus (x, Chèvre; xesu<, Corne); Oryæ (oo5£, Oryx); Gazella (nom de l'espèce typique); Antilopa (du nom de l'espèce type de tout le genre); Redunca (redunca, nom spécifique); Oreotragus (205, de montagne; rozy°:, Bouc), Tra- gulus (zexye, nom propre); Raphicerus (guen, Suture; xeçus, corne); T'etracerus (r:r92, quatre; xo2e, corne); Cephalophus (reg, tête; 09e, crête); Neotragus (ww, je nage; reves, Bouc); Tragela- phus, Le Blainville (rpayss, Bouc; azpes, Cerf); Aæmorhedus , Rupicapra (rupes, rocher; capra, Chèvre); Aplocerus (arrevs, simple; #co2c, corne), et Anoa; le genre Damalis (dayaus, petit Veau), renfermant les quatre groupes des Acronolus (a20:, pointu; vorce, dos); Boselaphus (bos, Bœuf; chagce, Cerf); Strepsicerus (ozszgw, je tors; za, corne), et Portax, et le genre Catoblepas (zaro, en dessus; zero, je pousse), qui ne comprend qu'un seul groupe. Dans la premère édition du Aègne animal, en 1817, G. Cuvier partage les Autilopes en sept groupes particuliers; mais, en 4827, dans la seconde édition du même ouvrage, ne trouvant probablement pas que les tentatives faites pour établir des divisions naturelles dans ce grand genre eussent complétement réussi, il ne les réunit plus qu’en plusieurs groupes, au nombre de onze, d’après la forme des cornes, ct il n'assigna pas de noms à ces diverses divisions. Depuis, M. Ogilby, dans les Proceedings of xoological Society of London pour 1836, a divisé les Rumi- nants en cinq familles, et les Antilopes se trouvent réparties dans deux de ces familles, celles des Capridées et des Bovidæ, et forment douze genres; savoir : Mazama (nom propre), type Antilope mazama; Madogna, type A. saltiana; Antilopa, type À. cervicapra; Gazella, type À. dorcas; Tragulus, type À. pygmeæa; Sylvicapra (sylvis, bois; capra, Chèvre), type A. mergens; Tragelu- phus, type À. picta; Calliope (nom mythologique), type À. strepsicerus; Kermas, type À. goral; Capricornis (capra, Chèvre; cornis, corne), type A. thar; Bubalus (nom spécifique), type A. bu- balus, et Oryx, type A. oryæ. Dans ses diverses classifications, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire donne le nom d'Antilopidés à une famille de Ruminants qui renferme les tribus des Moschiens, Ca- mélopardaliens, Cerviens et Antilopiens : cette dernière tribu comprend les grands genres Antilope, Mouton, Chèvre, Ovibos et Bœuf, et le genre Antilope de Pallas est lui même partagé en six genres, ceux des Antilope, Gazelle, Alcélaphe, Chamois, Bosélaphe et Bouquetin. M. Bennett, de son côté, a aussi donné quelques détails sur diverses espèces d’Antilopes. Enfin Laurillard, dans le tome [° du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, publié en 1841, a proposé une autre classifica- tion que nous adopterons dans et ouvrage, et sur laquelle nous allons donner quelques détails d'après l’auteur lui-même. « Tout en prétendant, dit:il, que la forme des cornes, adoptée par G. Cu- vier pour caractériser ses groupes, est un moyen artificiel, c'est cependant sur cette forme que la plupart des auteurs fondent principalement leurs divisions. Et en effet, quoique l'on ignore les rap- ports qui existent entre les cornes et le reste de l’organisation, il n’en est pas moins certain qu'elles donnent une physionomie particulière à la tête, et que, la tête fournissant les caractères les plus essentiels, ceux que l'on tire de sa forme sont peut-être les plus sûrs que l'on puisse employer pour subdiviser les familles à espèces nombreuses comme celle-ci. Il est également vrai de dire que, mal- gré la variété de formes des diverses espèces d’Antilopes, il y a entre elles un air de famille qui les fait distinguer par tout le monde, et qui a déterminé Pallas à les réunir en un seul genre. quoique quelques-unes se rapprochent évidemment ou des Cheyrotains, ou des Ghèvres, ou des Bœufs, ou enfin des Cerfs. Acceptant donc cet air de famille des Antilopes comme un fait, et troyvant également nécessaire d'établir des coupes dans ce genre, mais moins multipliées qu'on ne l’a fait dans ces der- niers, nous proposerons de les subdiviser en huit sous-genres d’après la forme et la position relative des cornes. en avertissant toutefois le lecteur qu'ici, comme dans tout le règne animal, faute de ca- ractères absolus, les espèces qui se trouvent sur la limite d’un sous-genre sont fort voisines de celes d'un second où même de plusieurs autres. Cette absence de caractères absolus nous a engagé à n’em- ployer pour nos sous-cenres que des noms sans signification, comme se prétaut mieux aux modi- fications de chaque type que ceux qui signifient ûne chose ou une propriété que ne possède pas l'être que l’on est cependant forcé d'y comprendre par un ensemble d’autres caractères. Quelques-uns de ces noms, tels que ceux d'Oryæ et de Bubale, ont été employés par tout le monde, mais pas tou- jours dans le même sens et avec les mêmes limites. » Nous ne donnerons pas d'autres développe- SSL ee re Eu Dan RUMINANTS. 139 ments à cette classification, puisque nous allons la suivre en décrivant les diverses espèces d’Anti- lope, et que nous l'adopterons presque complètement, en n’y faisant que de légers changements. Plus récemment que Laurillard, Lesson, en 1842, dans son Nouveau Tableau du Règne animal, Mammifères, forme dans ce grand genre vingt-trois groupes, qu'il adopte d'après ceux créés par les zoologistes modernes; ce sont les groupes des Antilope, De Blainville; Gazella, De Blamville (Dor- cas, Laurillard); Dama, Bennett; Redunca, H. Smith (Nagor, Laurillard; Cervichèvres, De Blain- ville); Tragulus, A. Smith; Raphicerus, H. Smith; Tetracerus, Leach; Cephalophus, H. Smith (Syl- vicapra, Ogilby; Grimmia, Laurillard); Spinigera, Lesson, pour l'A. spinigera de Temminck; Neotragus, H. Smith (Tragulus et Madogna, Ogilby); Nemorheda, H. Smith; Rupicapra, De Blain- ville; Capricornis, Ogilby; Dicranocerus, I. Smith (Mazuma, Ogilby); Pantholops, Hodgson; Anoa, H. Smith; Ægocerus. À. G. Desmarest; Oryx, De Blainville; Alcelaphus, De Blainville (Bu- balides, Lichstenstein; Acronotus, H. Smith; Damalis, G. Guvier; Bubalus, Ogilby; Addax, Lauril- lard); Tragelaphus, De Blainville (Addaæ, Laurillard; Calliope, Ogilby); Boselaphus, De Blain- ville (Risia, Laurillard; Portax, H. Smh); Oreas, À. G. Desmarest, et Antilopes fossiles, Lesson, groupe des plus indigestes, et qui comprend des espèces qui doivent rentrer dans plusieurs des groupes déjà indiqués. Le genre Antilope, en prenant l'acception la plus large de cette dénomination, étant devenu pour la plupart des auteurs modernes une tribu ou famille distincte, a dà recevoir et a reçu des noms par- ticuliers; De Blainville les nomme Antilopæ; Swainson, Antilopidæ; Ch. Bonaparte et Hodgson, Antilopina; Lesson, Antilopeæ; enfin M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire leur assigne le nom d'Anti- lopiens. 1°" SOUS-GENRE. — DORCAS. Cornes à double courbure, soit de face, soit de profil, plus ou moins lyrées, presque toujours de la longueur de la tête, implantées au-dessus des orbites où au moins à leur angle postérieur. Tête et flancs presque toujours marqués de bandes longitudinales de couleurs foncées. Deux mamelles. Cette division de Laurillard, qui renferme une vingtaine d'espèces propres à l'Europe, à l'Afrique et surtout à l'Asie, comprend le premier et le second groupe de G. Cuvier et les Antilope, Gazella et Dama de De Blainville et d'Hamilton Smith. Les espèces principales sont : 4. GAZELLE ou DORCAS. Buffon. ANTILOPE DOBCAS. Pallas, Linné, CaracrÈèREs srécriques. — Cou, dos, face externe des membres d’un fauve clair; face interne de ces derniers, ventre, fesses d’un beau blanc; une bande brune le long de chaque flanc; tête fauve, à l'exception du sommet, qui est gris clair, et d’une bande blanchâtre de chaque côté qui embrasse le tour de l'œil; quelques individus ayant la tête marquée de trois bandes séparées par deux lignes blanches; cornes noirâtres, assez grosses, marquées de douze à quatorze anneaux saillants; de la grandeur, de l'élégance ct de la légèreté du Chevreuil. La Gazelle, qu'Élien a décrite sous le nom de Dorcas, dénomination anciennement employée pour le Chevreuil, est le même animal que l'A. cora d'H. Smith, le Dorcas antiquorum de Shaw, proba- blement l’Algazel des Arabes, et la dénomination de Gazelle leur a été également donnée par les mêmes peuples. On en connaît plusieurs variétés, mais elles passent tellement de l'une à l’autre qu'il est difficile de les décrire, et tout à fait impossible d’en faire des espèces particulières, comme on l'a cependant tenté, tant on se plait à augmenter, même à tort, le catalogue zoologique. Ces Antilopes, qui portent des larmiers, des brosses aux genoux, et à chaque aine une poche pro- fonde remplie d'une matière fétide, vivent dans tout le nord de l'Afrique, dans la [laute-Égypte, dans l'Arabie et dans le centre de l'Asie, en troupes nombreuses. On les chasse avec soin, car leur chair est d'un goût agréable et assez semblable à celui du Chevreuil. Quoique timides, les Gazelles forment un cerele quand on les attaque, et présentent à l'ennemi leurs cornes de tous côtés; mais 140 HISTOIRE NATURELLE. cependant elles ne peuvent résister aux Lions et aux Panthères, qui en font leur proie ordinaire : on les chasse avec le Chien, l'Once et le Faucon; on en prend aussi en lächant des individus apprivoi- sés dont les cornes sont garnies de nœuds coulants, auxquels les Gazelles sauvages viennent se prendre. La chasse au Faucon est le principal amusement des riches en Syrie ; l'oiseau saisit la Ga- zelle à la gorge, et la lui déchire avec son bec et ses ongles. La beauté de leurs yeux (et en effet de beaux yeux, en Orient, se nomment yeux de Gaxelle), la douceur de leur regard, l'élégance de leur taille, la grâce de leurs mouvements, leur légèreté, ete., ont fourni de tout temps des comparaisons et des images à la poésie orientale. Fig. 51. — Corinne. La Corine, Buffon (Antilope corinna, Gmelin); le Kevez, Buffon (A. kevella, Gmelin), (voy. Atlas, pl. XXI, fig. 1); l'A. Arabica, Hempring et Ehremberg, ne différent de la Gazelle que par des cornes plus grêles dans la première, plus comprimées à leur base et à anneaux plus nombreux dans la se- conde, et par une taille un peu plus forte et des teintes un peu plus foncées dans la troisième. Le Kevel gris, Fr. Cuvier, et l'A. subgutturosa, Schreber, s'ils ne sont de simples variétés de la Ga- zelle, en sont au moins des espèces très-rapprochées. 2. ANTILOPE GOITREUSE ou DSEREN. ANTILOPE GUTTUROSA. Pallas. CaracTères spÉCIFIQUES. — Ayant à peu près le même système de coloration et les mêmes cornes que la Gazelle; mais à corps plus trapu, et d’une taille un peu plus considérable, car elle atteint celle du Daim. Dans cette espèce, la Chèvre jaune des Chinois, le larynx du mâle est très-volumineux, et fait saillie en dehors, ce qui lui a valu le nom qu’elle porte; les larmiers sont petits, les brosses courtes etles poches inguinales grandes; le mâle porte, en outre, sous le ventre, un sac au même endroit que le Muse, et dont le cérumen a l'odeur du Bouc; la femelle n’a pas de cornes. L’Antilope goîtreuse se rencontre dans les déserts de la Mongolie, entre la Chine et le Thibet, et dans quelques contrées de la Sibérie orientale; elle est surtout abondante dans le désert sablonneux de Cobri. Elle habite les lieux arides et découverts, et semble s'éloigner des forêts et du bord des Caux; sa nourriture se compose de végétaux doux. En hiver, des troupes nombreuses de ces Rumi- nants S'approchent parfois des habitations et se mélent avec le bétail domestique. Quand on les chasse, ils font, dit-on, des sauts énormes; leur horreur pour les bois est telle, assure-t-on, qu'ils se heur- tent la tête contre les arbres plutôt que d'y pénétrer, ils ne craignent pas moins l’eau, et se lais- sent prendre et tuer sur place plutôt que de se résoudre à s’y jeter; toutefois ils nagent très-bien lorsqu'ils y sont précipités par hasard; les femelles mettent bas au milieu de juin, et les petits s'ap- privoisent aisément. ÿ Fig. 1. — Antilope Kevel. PI. 21, RUMINANTS. 14 3. ANTILOPE A BOURSE. ANTILOPE EUCIORE. Vorster. CanacrèREs SPÉGIFIQUES. — Pelage se distinguant de celui des Gazelles par une raie blanche à la partie postérieure du dos, dont les longs poils s’écartent quand elle saute, et qui sont logés dans un repli de la peau, que le panicule charnu développe en se contractant par l'effort du saut; queue grande, blanche et terminée par un flocon noir; tête presque toute blanche, avec une ligne latérale noire; des larmiers; pas de brosses aux genoux; cornes plus lyrées que dans la Corinne : celles des mâles plus grosses que celles des femelles; taille un peu plus trapue. Cette belle espèce vit par troupes nombreuses dans les environs du cap de Bonne-Espérance. Ces animaux voyagent au temps de la sécheresse, et, les premiers rangs de la troupe ayant tout brouté, les derniers sont obligés d’arracher les racines pour vivre. Ces immenses troupeaux sont escortés de Lions, de Panthères et d'Hyènes, qui en dévorent un grand nombre, quoique les individus don ils se composent se défendent à la manière des Gazelles. Elles s'apprivoisent aisément en captivité. On assure qu'elles présagent les mauvais temps par des sauts et des bonds plus fréquents. 4. SAIGA. ANTILOPE SAIGA. Pallas. CaracTÈnes spÉciriQuEs. — Pelage fauve sur le dos et les flancs, blanc sous le ventre en été, gris blanchâtre en hiver; cornes semblables à celles de la Gazelle, mais jaunâtres et transparentes; de la taille du Daim. Le Saïga est l’une des deux espèces d’Antilopes qui habitent l'Europe; il se trouve dans les landes de la Pologne et de la Russie jusqu’à l'Irtich et les monts Altaï et en Sibérie, il se nourrit d'absinthe, d’armoise, d’arroches et autres plantes âcres qui abondent dans ce pays sablonneux et salé. Son museau est cartilagineux et tellement saillant, que l'animal ne peut paître qu’en reculant ou en sai- sissant l'herbe par le côté; pour boire, il plonge entièrement son museau dans l'eau, et c'est par les narines qu'il respire la plus grande partie du liquide, comme l’a dit Strabon, mais sans pouvoir y en garder, comme l’a prétendu cet auteur. Ges Antilopes ont la vue courte; mais leur odorat est si fin, qu’elles éventent l'ennemi de très-loin; elles se rassemblent pour voyager par troupes de plusieurs milliers d'individus; on assure que, pendant que le troupeau dort, quelques-uns des mâles font la garde, et que ce sont aussi les mâles qui défendent les petits contre les attaques des Loups et des Renards. Dans la saison du rut, au mois de novembre, les mâles sentent fortement le musc; les fe- melles mettent bas un seul petit au printemps, après une gestation d'environ cinq mois. La chair du Saïga se mange en hiver; mais elle est rejetée en été, parce qu'alors on trouve sous la peau de cet animal une quantité considérable de larves d'Œstres. On élève assez aisément les Saïgas en domesti- cité lorsqu'on les prend jeunes; ceux qui ont été ainsi apprivoisés courent librement au dehors sans se joindre aux individus sauvages, et viennent à la voix de leur maître, auquel ils ne manquent pas de faire quelques caresses. - L'Antilope colus d'H. Smith ne diffère pas du Saïga, et c’est sous cette même dénomination que cet animal était connu chez les anciens. 5. NANGUER. ANTILOPE DAMA. Pallas. Canracrères spéciriques. — Pelage d'un brun fauve en dessus; face blanche, avec trois bandes grises; fesses, queue, ventre et membres blancs; face externe de ces derniers fauve dans le jeune; une tache blanche à la région moyenne du corps; cornes, dans les deux sexes, à cinq ou six anneaux peu marqués à la base, dont la pointe se courbe fortement en avant; taille du Daim. Les jeunes Nanguers n'ayant encore que la partie supérieure de Icurs cornes, celle qui est sim- plement courbée en avant, Buffon, qui n’en avait connu que de tels, appliqua à cette espèce le nom du Dama de Pline, qui ne convient pas aux individus adultes, quoique, dans ces derniers temps, M. Bennett ait conservé ce nom à l'espèce d’Antilope qui nous occupe, tandis qu'il a laissé celui de 142 HISTOIRE NATURELLE. A. nanguer à une autre espèce qu'il croit devoir en distinguer. C’est probablement aussi à des va- riétés de Nanguer qu'on doit rapporter les À. ruficollis, molorr et addra, Bennett. C’est l’Antilope dama, Pallas, et le type du genre Cervicapra de De Blainville. Le Nanguer a la légèreté du Daim; son caractère est doux et sa chair est très-bonne à manger. Il habite la Nubie et le Sénégal. TSCHIRU. ANTILOPE HODGSONII. Abel. Caracrères sPéciriques. — Pelage gris-bleu; épaules de couleur plus claire; canons marqués d'une ligne noire en avant; front noir; un mufle; une touffe de poils sous le nez, de chaque côté du mu- seau, près de la marge externe des narines, une tumeur de la grandeur d’une moitié d'œuf de poule; bouche et nez entourés de poils ras nombreux; cornes deux fois de la longueur de la tête, compri- mées en bas, arrondies en haut, à vingt anneaux; première courbure en arrière peu sensible, se- conde en avant ässez forte; presque de la grandeur du Cerf. Cette Antilope, type du sous-genre Pantholops de M. Hodgson, et, selon M. H. Smith, l'A. £omas d'Élien, vit par troupes de plusieurs centaines d'individus dans les plaines élevées du Thibet, sans jamais approcher des montagnes. Au moment du repos, des sentinelles sont placées dans toutes les directions; et, si l’une d'elles vient donner l'alarme au camp, toute la troupe fuit avec la plus grande vitesse. Du reste, cette espèce est très-sauvage, et, comme tous les animaux du Thibet, elle a deux sortes de poils. Parmi les autres espèces du même sous-genre, nous nous bornerons à citer les suivantes : le Kos, Buffon (A. kob, Laurillard), du Sénégal; le Kosa, Buffon (4. Senegalensis, Pennant), du même pays; l'A. De Sormwenine (A. Soemmeringii. Gretzschmar), d'Abyssinie; l'A. 4 piens NoiRs où Parran (A. melampus Lichstenstein), de Cafrerie; PA. rourpne (A. pygarga, Pallas), dont le jeune âge a reçu le nom d'A. personata, Wood, du cap de Bonne-Espérance; l'A. À NEZ TAGHÉ (A. naxo-macu- lala, De Blainville, ou À. mytilopes, I. Smith), de l'Afrique occidentale; VA. ne Bexneir (A. Ben- neltii, Sykes), du pays des Mahrattes; et nous pourrions probablement aussi y joindre les Antilope dorsata de Lacépède, de l'Afrique australe; forfeæ, H. Smith, de Gambie; korrigum, Dhen, de lA- frique centrale; &ebra, Gray (dorca, Ogilby; zebrata, Robert), de la côte occidentale d'Afrique, qui ne sont peut-être pas toutes spécifiquement différentes. 9gn€ SOUS-GENRE. --- ORYX. Laurillard. Cornes plus ou mois arquées en arrière comme celles des Chèvres, ordinairement très-lonques, implantées à l'angle postérieur des orbites; tête presque toujours marquée de bandes de couleur foncée. 7. PASAN. Buffon. ANTILOPE ORYX. Pallas Canacrères srècrriques. — Pelage gris bleuâtre en dessus, blanc en dessous; une ligne brune sur les flancs; une bande noire formée de poils dirigés vers la nuque sur l'échine; tête blanche, avec une ligne d'un brun noir allant de chaque côté de la corne à la bouche et passant sur l'œil, le haut du front et une bande traversant le chanfrein; queue moyenne, couverte de longs poils; cornes rondes, de deux fois la longueur de la tête, plus petites dans les femelles que dans les mâles, presque droites annelées au tiers inférieur; plus grand que le Cerf commun. Cette espèce se rapproche beaucoup du Tschiru, et par ses cornes quoique droites, ayant une rès-légère double inflexion, pourrait peut-être rentrer dans le sous-genre des Dorcas. Elle se rouve au nord du cap de Bonne-Espérance et dans le centre de l'Afrique, où elle vit par paires. Ses ongs sabots lui permettent de grimper sur les rochers; aussi assure-t-on qu’elle fréquente de préfe- rence les contrées montagneuses : elle est très-courageuse et combat souvent avec succès contre les . RUMINANTS. 145 Carnassiers qui l'attaquent; ses cornes, très-dures, servent d'armes aux habitants des contrées qu’elle habite; comme nourriture, elle passe pour la meilleure des Antilopes. À côté de cette espèce vient se ranger l'A. beira, Rüppell, de Nubie, d'Abyssinie et de Massana, dont le pelage, en dessus du corps, est d'une belle couleur isabelle. 8. ALGAZEL. ANTILOPE LEUCORYX. Licshtenstein. CaracTÈres sPÉciriQues. — Pelage blanchâtre, teinté de fauve clair sur le dos et les flancs; cou et poitrail fauve plus gu moins foncé; des taches sur la tête de couleur blanchâtre; de petits larmiers; des brosses aux genoux; cornes grêles, annelées dans leur moitié inférieure, un peu courbées en are de cercle, et ayant deux fois la longueur de la tête; taille d’un petit Ane. De l'Afrique septentrionale, depuis la Nubie jusqu'au Sénégal. D’après M. Lichstenstein, cette es- pèce est probablement l'Oryæ des anciens; car celui indiqué sous ce nom, ne vivant que dans le nord de l'Afrique, n’a probablement pas été connu dans l'antiquité. Quoi qu’il en soit, comme l’Algazel est souvent représenté sur les monuments de l'Egypte, de profil et avec une seule corne, la seconde étant comprise dans le même plan, on pense que ce sont ces figures mal interprétées qui ont donné lieu à la fable de la Licorne. L'Antilope gazella, Pallas, appartient vraisemblablement à la même espèce. Les quatre espèces que nous venons de citer entrent dans le sous-genre Oryx de De Blainville; Laurillard réunit dans son sous-genre Oryx quelques autres espèces qui étaient placées dans le groupe des Ægocerus d'A. G. Desmarest et dans ceux des X'ænorhedus, IL. Smith, et Capricornis, Ogilby; telles sont les espèces suivantes : 9. ANTILOPE CHEVALINE ou OSANNE. ANTILOPE EQUINA. Ét. Gcolfroy Saint-Hilaire. CaracrÈres spéGiriQUES. — Pelage gris blanchâtre; épaules, dos, evoupe, face externe des membres nuancés d'oranger; tête bruue, avec le chanfrein blanchâtre; une mèche de grands poils blancs au- devant de chaque œil; une crinière sur le cou; poils plus longs sous le cou; cornes arquées en ar- rière, ridées à leur base, marquées de vingt-cinq à trente anneaux, d une fois et demie la longueur de la tête; de la grandeur d’un petit Cheval. Cette belle espèce, l’une des plus remarquables du genre, se trouve dans l'Afrique méridionale, et son habitat s'étend peut-être même jusqu'au Sénégal. L'Anrizore BLEUE (Antilope leucophæa, Gmelin), vulgairement connue sous la dénomination de Chi- vre bleue, chez laquelle la femelle a de très-petites cornes ou même en manque parfois; des environs du cap de Bonne-Espérance. L'AnTiLore Note (A. niger, Harris), des hautes montagnes de l’intérieur du Cap, et qui, d’après Laurillard, serait peut-être l’Antilope chevaline en pelage d'été; et probable- ment les À. leroia, Pallas, et barbata, H. Smith, du sud de l'Afrique : tous cinq entrant dans le groupe des Ægocères. Le Cammine ouraxG où Comssran (A. Sumatrensis, À. G. Desmarest}, de Sumatra (voy. Atlas, pl. XXI, fig. 2), qui, avec les À. crispa et lanigera, Temminck, du Japon et du nord de l'Asie, constituent la division des Xænorhedus d'H. Smith. L’Antilope thar, Hodgson, du Népaul, type du genre Capricornis, Ogilby; enfin Le Goraz ou Bouquerin pu NérauL (A. goral, Hardwich), constituent, avec les espèces que nous avons décrites, le sous-genre Oryx de Laurillard. 3°° SOUS-GENRE. — RUPICAPRA. De Blainville. Cornes un peu arquées en arrière, implantées tout à fait sur l'orbite; distribution des couleurs à peu près comme dans les Dorcus. Nous conserverons ce sous-genre de De Blainville, que n’adopte pas Laurillard; car il place la seule espèce qui y entre dans son groupe des Oryx. 144 HISTOIRE NATURELLE, - 40. CIAMOIS ou ISARD. ANTILOPE RUPICAPRA. Pallas. CaracrÈènes sréciriques. — Pelage long, grossier, gris cendré au printemps, fauve clair en été et brun en hiver, une bande obscure oblique sur chaque œil; cornes de 0",12 à 0°,13 de longueur, et de 0,02 à 0",03 d'épaisseur à leur base, marquées de stries longitudinales et d'anneaux transver- saux peu apparents, dirigées d’abord verticalement, puis subitement recourbées en arrière en forme de crochets; une cavité de la peau, peu profonde, située à la base du côté interne de chaque corne; un peu plus petit que le Cerf. (Voy. Atlas, pl. XIE, fig. 1.) C’est le Rupicapra de Pline, de Gesner et de Jonston; le Cnamors de Perrault, de Wagner, de Buf- fon, de Fr. Cuvier, etc., et parfois il porte aussi la dénomination d'Isarp ou d'ANTILOPE DES ROCHERS: Brisson le nomme Hirsus rupicapra; Klein, Tragus dorcas rupicapra; Linné, Capra rupicapra; enfin Pallas et tous les auteurs modernes en font leur Antilope rupicapra, avec lequel De Blain- ville a créé son sous-genre Rupicapra. Par quelques-uns de ses caractères importants, tels que l'absence des larmiers, par ses jambes courtes et son corps plus gros que dans les autres Antilopes, le Chamois se rapproche beaucoup des Chèvres et des Bouquetins, et tellement, que Buffon même n’a considéré ces trois espèces que comme des variétés constantes. Son poil est plus court en été qu’en hiver, et, dans cette dernière saison, sous les longs poils ordinaires, se trouve un poil laineux très-abondant; en tout temps une bande brune ou noire naît de chaque côté au coin de la bouche, et vient finir en embrassant l'œil à la base des cornes et se détache sur le pelage, qui est en général fauve en été et d’un brun vineux en hiver: la queue est noire; le tour de l'anus, les fesses et l’intérieur des oreilles sont blancs; derrière cha- que oreille existe une petite poche contournée en spirale, que l’on trouve toujours vide, circonstance qui, mal indiquée, parait avoir fait croire aux anciens que les Chèvres respirent par les oreilles. Le Chamois est le seul animal du genre Antilope de l’Europe occidentale; on le trouve dans les pays de montagnes, dans les Pyrénées, les Alpes, les montagnes de la Grèce et les îles de l'Archipel; mais partout il devient de plus rare en plus rare. Il est d’une très-grande agilité, et se tient en pe- tites troupes dans les régions moyennes des montagnes. On le voit franchir les précipices, bondir de rocher en rocher et s'arrêter tout court sur la pointe d’un roc offrant à peine l'espace suflisant pour y placer les pieds rapprochés les uns des autres. Ses sens sont très-délicats; il entend et voir de très-loin. Sa voix ordinaire est un bêlement court; mais, quand il est effrayé par quelque danger, surtout quand il est averti par son odorat ou par son ouie de la présence d’un homme qu'il ne voit pas, il fait retentir les montagues d’un sifflement aigu rendu par les narines. Il se nourrit de fleurs, de bourgeons tenûres et des herbes les plus aromatiques, ce qui sans doute a fait croire à la vertu curative de son sang dans quelques maladies, et surtout dans la pleurésie. 11 s’accouple en automne: le temps de la gestation est de six mois, et les petits naissent couverts de poil et les yeux ouverts. La chasse du Chamoiïs est l'une des plus pénibles et des plus dangereuses, le chasseur étant obligé | de le suivre sur les bords des précipices, au risque d'y tomber, comme il arrive quelquefois lorsque, ne trouvant plus de moyen d'échapper, l'animal se jette sur lui avec violence. Sa chair est bonne à manger, et son suif est d'une qualité supérieure à celui de la Chèvre; enfin sa peau, ferme et sou- ple, est encore, dans quelques cas, en usage aujourd’hui, et était autrefois beaucoup employée pour les vêtements. 47° SOUS-GENRE. — ADDAX. Laurillard. Cornes contournées en spirale, implantées à l'angle postérieur où même tout à fait en arrière de l'orbite. 11. ANTILOPE DES INDES. ANTILOPE CERVICAPRA. Pallas. L2 CanacTÈRES sPÉGIFIQUES. — Pelage, en dessus, d'un brun fauve, blanchâtre en dessous; nez, Lè- Co a) NE « e a" FPS M C mio " ELA IL A Ê ' ER ; APTE jou ui ° CO Abu ar Probe D o v ne ne CNRS 4 | ñ prite CRE CNT | mé PQ ur INR "1406 APTE DICO ON POTR À : nt AE TUNAAQN E00 0 à a Ag Pa LMI ru: Libul le nu Lake wii Later re | viT AUX INT Bal RILLUTITA r Lt Lu Mb ni Er dpt) 4 .Pn Lib: : " NAT CITTTCL ce “ DR pt tn FA CE PO PO AP BARS A MR RUN UOTE PR. EM Lt PA in du ee ON lun sr are se NN M Fi TA 1°} AUDE | Prul és met ad nl | 5 CUT TEE EEE LOT En AN OR ETE ORP AT INTEL 7 l'E LINE V1" CPI IL j ———— Fig. 1. — Antilope Addax. Fig. 2. — Antilope Bosbok. P12227 RUMINANTS. 145 vres, tour des yeux et dessous de la quene, blancs: museau un peu renflé; de grands larmiers: des brosses aux genoux; cornes noires, à triples courbures, tordues en spirale, à anneaux nombreux; de la taille d'un petit Daim. Fig. 52.— Antilope des Indes, Cette espèce, qui entre dans le sous-genre Antilope de De Blainville, est très-voisine des Ga- zelles; la femelle ne porte pas de cornes, et acquiert, à l’âge de six ans, une bande blanche de chaque côté de l’épine dorsale : elle porte neuf mois, et ne fait qu'un seul petit. Ces animaux sont si rapides à la course, que les Chiens ne peuvent les atteindre, à moins qu'ils ne soient surpris dans une embuscade. On assure qu'ils peuvent sauter à la hauteur de quatre mètres, et qu'ils franchissent d'un bond un espace de douze mètres. Ils habitent les plaines couvertes de l'Inde, évitant les forêts, et se tenant toujours dans les lieux d’où l’on peut voir au loin dans toutes les directions; ils vivent . en familles, composées de dix jusqu'à soixante femelles pour un mâle adulte; forsqu'ils paissent ou qu'ilsguminent, ils détachent, dit-on, de tous côtés les jeunes mäles à une distance de deux cents ou trois cents mètres et les chargent de veiller à la sûreté commune; ceux-ci examinent attentivement les buissons et les touffes d'herbes qui leur paraissent suspects, et, à la première alarme, tout le troupeau prend la fuite, en suivant pas à pas le vieux mâle. Les fakirs indiens font, avec leurs cornes, en les joignant par leur base, une arme qu’ils portent à la ceinture en guise de poignard. 42. ADDAX. Fr. Cuvier. ANTILOPE ADDAX. Lichsteintein. Caracrères spéciriques. — Tête et cou brun clair; dos jaunâtre; reste du pelage blanc; front brun chocolat ou noir, entouré de blanc descendant sur la joue au devant de l'œil; une petite crinière brunâtre sur le cou; bout de la queue brun; cornes noires dans les deux sexes, plus petites que celles du Condou, aplaties, sans arête sensible, à anneaux complets jusqu'aux trois quarts de leur longueur, à triple courbure spirale; de Ja taille du Daim. (Voy. Atlas, pl. XXIT, fig. 1.) Cette espèce habite les déserts de la Nubie, principalement le Kordofan et le Sennaar. Elle varie un peu de pelage selon les saisons : l'A. suturosa d'Otto doit très-probablement lui être réuni. P. 19 {46 HISTOIRE NATURELLE. 15. CONDOU. ANTILOPE STREPSICEROS. Pallas. Caracrères spéciriques. — Pelage gris-brun, avec quelques raies blanches sur le corps; une cri- nière brune sur et sous le cou; un mufle; oreilles larges: cornes ayant deux fois la longueur de la tête, demi-transparentes, à triple courbure spirale, avec une arête longitudinale, lisses à leur moitié supérieure, portant environ vingt-deux anneaux peu saillants à leur moitié inférieure; de la taille du Cerf commun. (Voy. Atlas, pl. IV, fig. 2.) Le Condou, ou Condoma, qui a reçu d'Hermann le nom d’À. torticornis, habite la Cafrerie, où il vit par familles de cinq ou six individus, principalement dans les prairies boisées, sur les bords des rivières, qu'il traverse à la nage lorsqu'il est poursuivi. On ne le trouve jamais dans les plaines dé- couvertes ni dans les montagnes: il est extrêmement rapide à la course, et saute avec tant d’agilité qu'on l’a vu franchir un obstacle de trois mètres de hauteur. Les mâles montrent beaucoup de cou- rage lorsqu'ils sont poussés à bout. Pris jeunes, ils s'apprivoisent aisément, et ne cherchent jamais à recouvrer leur liberté. Une espèce assez voisine de celle-ci est le Canna ou Imrooko (A. oreas, Pallas), du cap de Bonne- Espérance. (Voy. Atlas, pl. VI, fig. 2) 14. GUIB. Buffon. ANTILOPE SCRIPTA. Pallas. CanracTÈREs sPÉCIFIQUES. — Pelage fauve marron, marqué de lignes sur les flancs et, sur les cuisses, de taches de couleur blanche; front et chanfrein noirâtres; faces antérieure de la cuisse et interne des canons, blanches; un petit mufle; pas de larmier; cornes triangulaires, contournées par des arêtes spirales dans le mâle seulement; de taille moyenne. (Voy. Atlas, pl. XXII, fig. 1.) Cette espèce vit par troupes dans les plaines et les bois de la côte ouest de l'Afrique, et a été rap- portée pour la première fois du Sénégal en Europe par Adanson. On a rapproché du Guib, et on a même été tenté d’y réunir les Bos-Bocx (A: sylvatica, Sparmann et Gmelin), (Voy. Atlas, pl. XXIL, fig. 2.) du cap de Bonne-Espérance, et l'Anricove D'Ocicex (4. Ogilby, Waterhouse), de Fernando-Po. Une autre espèce du même groupe est l’Antilope euryceros, Ogilby, du sud de l'Afrique; on doit peut-être aussi y ranger les À. decala, Rüppell, d'Abyssinie, et phale- rata, I. Smith, du Congo. b®° SOUS-GENRE. — NAGOR. Laurillard. 3 . . » , , d » Cornes divergentes, plus ou moins recourbées en avant, implantées à l'angle postérieur des orbites. 15. NAGOR. Buffon. ANTILOPE REDUNCA. Pallas. CARAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage gris-brun, plus clair en dessous; intérieur des canons brun; bout du nez noir; queue moyenne, touffue; oreilles longues; cornes du mâle rondes, de la longueur de la tête, courbées en are, la pointe en avant; de la grandeur du Daim. Cette Antilope habite une partie de l'Afrique, et surtout le Sénégal et l'Abyssinie. C’est le type du groupe des Redunca de M. H. Smith, et des Cervichèvres de De Blainville. 16. ANTILOPE ONCTUEUSE. ANTILOPE UNCTUOSA. Laurillard. CARACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Poil long, brun jaunâtre; bout du museau blanc; narines noires; une 6 Larr1 éd APE nat tr fie tr "2 EL L'OTAN UE LME | ETES CETTE RTS TT MC ee Lt a L VS mo DUREE * 1 Sgath fl: u MMA Wt MEL |” LOPEITT ] " 6 Sue (rubis so tie ADAM cours Li dun fl LE CS REX | antivol dA = es Tr ” #,) 0] LLEE SALE + à ani EU RUT L Er dt 02 pal : k ce "RTE id A One) AE sil j nt RTE DER H d'u 1! [la K vai 04 4 " Es v sx A hi nus) 4% TT 2 NO 5 1. È = À ll (l ‘ 1 | en TR > 1 L 4} RENAN ‘ OC LU eee te 191 ru : 4 LL | ” kubre Y utred Ph (an lé Staui ne : : ÿ tt d vbs net y ra LOU Ti : | Ch uw Nbr gui ‘ré Hi iré er [à : ; | ‘a h# } FA) ndiae PS t : TH Wél EC: : EU Géumrent lé OR L DEC EE) LUN centre RU | Lure CE TL DR, EE dont AGO sénat) à ‘ ot tr; + ME nubtastr à ‘ AL a UT: 07 2 AËT CR REL QUE CT RCE AUOT ORALE A PET À tra 6 st f a é Ê (10e AE PDT NCA AN 72) RUMINANTS. 147 tache blanche sous la gorge; pas de bandes blanches aux fesses; tête courte; cornes presque droites, très-légèrement infléchies en avant; taille du Daim. (Voy. Atlas, Mamm., t. IN, pl. VIN.) Cette espèce, assez voisine de l'A. clipsiprymna, Ogilby, et que Lesson place dans le groupe des Neotragus avec l'A. saltiana, à été créée par Laurillard pour une Antilope rapportée du Sénégal par M. Malassis, et qui a vécu plusieurs années à la ménagerie du Muséum. Pendant l'hiver, cet ani- mal suintait une humeur grasse d'une odeur très-désagréable, qui tombait en gouttelettes de chacun de ses poils ; il se roulait par terre, et, cette huile s’épaississant, le poil s'agglomérait en mèches qui prenaient toutes les directions. D'autres espèces de ce sous-genre sont les Rir-Bocx (4. eleotragus, Schreber), de Cafrerie; l'An- more DE Decazanre (A. Lalandii, À. G. Desmarest), du Cap; l'A. defossa, Rüppell, d'Abyssinie; l'A. ellipsiprymna, Ogilby et H. Smith, de l'Afrique méridionale; l'A. villosa, Burchell, du même pays; et enfin une espèce indiquée par Laurillard (Dict. univ. d'Hist. nat., 1. 1, p. 622), sous le nom de Maize, d'après un squelette provenant du Sénégal, d'où il avait été envoyé par M. le géné- ral Jubelin, et à laquelle nous proposerons d'appliquer la dénomination latine d'Antilope Lauril- lardii. . Ge SOUS-GENRE. — OUREBIA. Cornes courtes, perallèles, droites ou légèrement courbées en avant, implantées à l'angle posté- rieur des orbites; quatre mamelles. 17. KLIP-SPRINGER ou SAUTEUR DES ROCHERS. ANTILOPE OLEOTRAGUS. Forster. CaracTÈRES sPéciriQuES. — Pelage formé de poils roides, cassants, de couleur gris verdätre; tour des yeux noirâtre; queue très-courte; cornes du mâle minces, coniques, presque droites, écartées l’une de l’autre; la femelle n'ayant pas de cornes; de petite taille. (Voy. Atlas, pl. XIT, fig. 2.) Cet animal, type du groupe des Tragulus, H. Smith, vit par petites troupes de quatre à cinq in- dividus; il habite les hautes montagnes voisines du Cap, et saute, comme le Chamoiïs, de rochers en rochers, avec une vigueur et une précision remarquables. Selon M. Jules Verreaux, sa pose sur les rochers est des plus curieuses : ses quatre pieds, rapprochés les uns des autres, ne portent que sur l'extrémité des sabots, un peu à la manière des Chèvres sauvages. Il court mal en plaine. Sa chair est très-délicate, et sa peau estimée par les colons pour en faire des garnitures de selle. 48. OUREBI. ANTILOPE SCOPARIA. Schreber. Canacrères sréciriques. — Tête et dessus du corps jaune d’ocre un peu foncé; ventre et interienr des cuisses blancs; oreilles grises, bordées de brun en dehors, blanches en dedans; du blanc aux sourcils, au museau et sous la gorge; des larmiers, des brosses; queue très-courte; cornes du mäle à cinq ou six anneaux; un peu plus grand que le précédent. Cette Antilope se trouve dans les plaines couvertes de quelques petits buissons ; quoique ne vivant pas en familles, on en voit assez souvent plusieurs à peu de distance les uns des autres. Parmi les autres jolies espèces de ce petit groupe, nous citerons l'AnriLore DE Saut (Antilope saltiana, De Blainville), d'Abyssinie, où il porte le nom de Madoka ou Madoga, et qui a reçu de quelques zoologistes la dénomination sous-générique de Cervichèvre; le Sreex-Bocx (4. tragulus, Lichstenstein), du sud de l'Afrique (Voy. Atlas, pl. XIV, fig. 1.); le Gnis-Bocx (A. melanotis), du Cap; l'ANTILOPE DE MONTAGNES (A. montana, Rüppell), du Cap, remarquable en ce que les jeunes mâles portent des canines à la mâchoire supérieure, comme les Muscs et les Muntjacs; l'ANTILOPE rAI- NEUSE (A. lanata, À. G. Desmarest; A. capreolus, Lichstenstein), du Cap; et probablement aussi les 148 HISTOIRE NATURELLE. À. saltatrix, Boddaert, vediotragus, Afzelius; rufescens, Burchell, et grisea, Fr. Cuvier, de l'Afrique méridionale. Fig. 55. — Antilope de Saltz. 7 SOUS-GENRE. — GRIMMIA. Laurillard. Cornes petites, droites ou peu courbées, naissant loin des orbites au milieu du front. Cette division, qui renferme les plus petites espèces du genre Antilope, correspond au groupe des Cephalophus d'H. Smith, et en partie à celui des Sylvicapra d'Ogilby, et renferme nne douzaine d'espèces, parmi lesquelles nous ne décrirans que la suivante : 49 GRIMME. Fr. Cuvier. — ANTILOPE GRIMMIA. Pallas. Caracrères spécIFIQGES. — Pelage d'un brun blanchâtre; chanfrein et ligne dorsale noirâtres; mufle assez grand; une tache noire, sans poils, entre les yeux et le mufle, sécrétani une humeur inodore; queue noire au bout; cornes très-courtes, coniques, droites, à anneaux gris fauve; taille du Lapin: Cette petite espèce, dont le train de devant a environ 0,15 de hauteur, habite la côte de Guinée; chez elle les poils du front au devant des cornes se relèvent en toupet. Il y a quatre mamelles. Les autres espèces de ce sous-genre sont le Gusvet (A. pygmea, Pallas), du cap de Bonne-Espé- rance; l’AnniLore pe Frépéric (A. Frederici, Laurillard), du Sénégal, décrite sous le nom de variété du Guever par Fr. Cuvier; l'AnnLore Des Burssons (A. sylvicatrix, Alzelius), de Sierra-Léone, où sa chair est estimée; l'ANTILOPE PLONGEANTE où Duiner-Bocr (A. mergens, Allamand), de Cafrerie et du cap de Bonne-Espérance; et les A. quadriscopa, H. Smith, de l'Afrique occidentale, et A. Bur- chelii, ptox, Moxwelli, cœrulea, perpusilla et philotomba, H. Smith, du sud de l'Afrique. On doit ranger auprès de ce sous-genre le groupe des Srinicera, Lesson, qui ne renferme qu'une seule espèce d'Antilope, l'A. spinigera, Temminck, propre à la côte orientale d'Afrique. S®° SOUS-GENRE. — TETRACERUS. Leach. Deux paires de cornes placées au-devant l'une de l'autre, les postérieures étant situées presque comme dans les Grimmia, vers le milieu du front. NUL PUIT LE LR IQ DATE ©10S LU RETTLTEEN CL Lun nf 45 TEE = x A [ eue .AIMMINN DS, UTS DIET IR LITERIE CAT P | we D. LE tien ais Bel amine en Moment tn e0h spnemh ue bare: ere db me à _ Mfietieibe un noutolout 2 UN arte ce mbs Oued Me A: 1ÉANNIES (HE tache à 4 purs iue nb ds br ie mA ho Q sibisguent vitrtert esp b Nul cALRMIAN 4 réA VIA Pur repère di n rare 1 hide cotiharat vom au ln ju! l Anse STATE. 1 ONITAE na llobet let Lit RU > 14 Ihwñi #} trot elite AMEL EREe rot CEE PTT, DOTE Da POP alter 4h arr nmeunuE 4 \ TA nine nos Ta UE CIN SUEDE, LAITTEFEL h 1 } [à , ‘ | VONAE IT, LAS QUI PLU A | . L ilnienn rieur wivot de Lnirr wrti us rabat dootk nl ag a ls ils : UT IDR LPET ni 17. ungung À î | 1125 evlue al CT EUR 1 L2v0 tés wi wl "1 in) VITAE À LRNNEE PONT P Lam to tt h rio al } ni | ' ' ontal E sur) Lrriy remet TEA dre he hbnenanlie own M * QUE eus 11 ve), Be fui TU er No | eau QE 4 1 l J i ' 27) LE [LL te l ' n nl e thitet lle GAP “oil es He sig LA pe "4 ‘ VU NE Nat af le Wii ANA F'HEVU ) xls Ya rh viens l'a TS DAT Le À LUE Fig. L. — Antilope Guib. CARO LES PI. 93. dpt 2 æ RUMINANTS. genre; c’est : 149 Une espèce remarquable d'Antilope, que Laurillard range parmi les Grimmia, constitue ce sous- 20. CHITCHARA. ANTILOPE QUADRICORNIS. De Blainville CaRAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage formé de poils assez épais, assez longs, entièrement d’un fauve uniforme; oreilles grandes; larmiers médiocres; queue courte; cornes postérieures plus longues que les antérieures, annelées à leur base, légèrement courbées en avant : antérieures plus rapprochées l’une de l’autre, naissant entre les yeux, et n'ayant pas au delà de 0",20 de hauteur; de la taille d'une petite Chèvre. (Voy. Atlas, pl. XXI, fig. 2.) Cette espèce curieuse, l'A. Chicarra, Hardwich, dont plusieurs individus ont vécu à notre ména- gerie, habite le Népaul et l'Indoustan. Lesson place auprès du Chitchara le groupe des Raphicerus d'Il. Smith, qui ÉrreS les Anti- lope acuticornis, De Blainville, et subulata, I. Smith, de l'Inde 9ve SOUS-GENRE. — BUBALUS. Laurillard. Cornes grandes, implantées loin des yeux, vers le milieu du front, comme chez les Buffles Laurillard réunit dans ce sous-genre les espèces d’Antilopes rangées par De Blainville dans son groupe des Algelaphus, celle qui est le type du genre Anoa, H. Smith, et celles dont, à l'exemple He : ait, , 4 ? de M. H. Smith, on a fait, le genre Catoblepas, qui a été quelquefois rangé dans la division des Bœufs, avec lesquels il a, en effet, quelques rapports de formes extérieures Fig ct FSI — Bubale, — Espèces d'Algelaphus, Ve Blainville (Bubalides, Lichstenstein Acronotus, I. Smith; Da- malis, G. Cuvier; Bubalus, Ogiby). 150 HISTOIRE NATURELLE. 21. BUBALE. ANTILOPE BUBALUS. Linné. CaracrÈREs sPÉciriQues. — Pelage fauve, excepté le bout de la queue, qui est terminé par un flo- con noir; tête longue, étroite, terminée par un demi-mufle; cornes grosses, dont la racine est dans le prolongement du front, se touchant presque à la base, s’écartant plus haut latéralement, puis se rapprochant pour se courber ensuite de manière à porter la pointe en arrière; de la taille d’un petit Bœuf. Cet animal, désigné vulgairement sous les noms de Bupaze et de Vacue pe Barganes, était bien connu des anciens et se trouve représenté sur les monuments égyptiens. Il vit par troupes nom- breuses dans tout le nord-ouest de l'Afrique, entre les terres cultivées et les déserts, et combat à la manière du Taureau, en baissant la tête. Shaw assure que, fréquemment, les jeunes Bubales se mê- lent aux troupeaux de Bœufs domestiques, et ne les abandonnent plus; ce qui prouverait que cette es- pèce d’Antilope, de même que plusieurs autres, pourrait être rendue domestique et qu'elle serait à même de rendre de grands services, soit comme bête de somme, soit comme bête alimentaire, car sa chair est très-bonne à manger. Les autres espèces de la même subdivision sont le Caama, vulgairement Cerr pu Car (Antilope caama, G. Cuvicr), du sud et du centre de l'Afrique, qui se distingue surtout du précédent par les cornes à courbures plus anguleuses; et des espèces bien moins connues, telles que les À. tendal, chora, danunah, Rüppell, du nord-est de l'Afrique, et lanata, H. Smith, de l'Afrique du Sud. PR. — Espèces du groupe des Anou. 22. ANTILOPE A CORNES APLATIES. ANTILOPE DEPRESSICORNIS. Quoy et Gaimard. CAPAGTÈRES SPÉGIFIQUES. — Pelage brun-cannelle en dessus, plus clair en dessous; cornes droites, un peu plus longues que la tête, peu divergentes, dirigées tout à fait en arrière dans la direction du front, aplaties intérieurement à leurs deux tiers inférieurs, de manière à former un bord interne comme chez les Buffles : la partie aplatie annelée irrégulièrement, et le reste rond et lisse; de la grandeur d’une Chèvre, à port lourd. (Voy. Atlas, Mamm., t. 1. pl. XXX, fig. 1.) De l'ile Célèbes, où elle est appelée Vacne Des Bois. C. — Espèces du groupe des Catoblepas. 23. GNOU. ANTILOPE GNU. Gmélin. CanacTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage brun: une crinière redressée sur le euu, blanche à sa base, une barbe; un fanon avec crinière; le reste du corps semblable à celui d’un Cheval à jambes fines; mufle large, aplati, entouré d’un cercle de poils; queue garnie de longs poils blancs; cornes, dans les deux sexes, élargies et rapprochées à leur base comme celles du Buffle du Cap, descendant d’abord obliquement en devant et se redressant ensuite brusquement; de la taille du Bœuf. Le Gnou, qui, avec quelques espèces qui en sont voisines, établit d’une manière complète Le pas- sage des Antilopes aux Bœufs, parait avoir été connu des anciens, qui le nommaient Catoblepas, dénomination qui, récemment, a été prise pour faire un nom générique. Pline dit que cet animal tient toujours sa tête penchée vers la terre, afin de ne pas détruire la race humaine, car tous ceux qui voient ses yeux expirent aussitôt. Le fait de la tête penchée. vers la terre est vrai jusqu’à un certain point, et le Gnou, comme tous les Ruminants dont les cornes sont dirigées en arrière, met, pour combattre, la tête entre les jambes, afin de présenter à l’ennemi la pointe de ses cornes. Ces animaux vivent dans les montagnes, au nord du cap de Bonne-Espérance, en troupes nom- breuses; ils sont sauvages et se laissent difficilement approcher; lorsqu'ils sont blessés, ils se re- ne È— Combat de deux Nylgau mâles. PI. 20. RUMINANTS. 151 tournent contre le chasseur et le poursuivent tant qu'il leur reste assez de force pour se soutenir; au commencement de leur frayeur, ils frappent du pied comme un Cheval rétif, et vont heurter leur tête contre les taupinières ou autres petites saillies du terrain; mais, bientôt après, ils prennent la fuite avec une si grande vitesse, qu'en un instant ils sont hors de danger; ils ne courent pas confu- sément comme les Moutons ou les Bœufs, mais sur une seule file, en suivant un conducteur. On as- sure qu’en certaines saisons de l'année ils sont sujets à une éruption cutanée qui est souvent mor- telle. Fig. 55. — Gnou. Les autres Catoblepas, moins connus que le Gnou, sont le Gorcon (À. gorgon, H. Smith), du Cap; le Kokoox (4. taurina, H. Smith), de Cafrerie, et l'A. Brooksi, H. Smith, du Cap. Après ces dernières espèces d'Antilopes, qui doivent probablement former un genre distinct, qui lient intimement ce grand genre à celui des Bos, il nous reste à parler de trois autres espèces qui, mieux étudiées, serviront sans nul doute aussi à la création de deux groupes génériques particu- liers, et qui tendent à unir les Antilopes à un autre genre naturel de Ruminants, celui des Cerfs. En effet, ces animaux, par leurs cornes bifurquées et leur aspect général, se rapprochent assez des Cer- vus, avec lesquels le public les confond mème dans nos ménageries. 10% SOUS-GENRE. — RISIA. Laurillard. Cornes plus ou moins bifurquées, implantées à l'angle postérieur des orbites. 24. NYLGAU. ANTILOPE PICTA. Linné. CaRACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage gris cendré dans le mâle, gris fauve dans la femelle; de dou- bles anneaux noirs et blancs aux pieds au-dessus des sabots; bords de la lèvre supérieure, mâchoire inférieure, gorge, bas-ventre, fesses et dessous de lx queue blancs; un flocon de poils sous le mi- lieu du cou; une crinière sous le cou et le milieu du dos; des larmiers; queue longue, terminée par de lougs poils; cornes du mâle très-courtes, un peu recourbées en avant; ayant un prolongement triangulaire et tuberculeux à leur base, que l’on peut considérer comme un rudiment d’andouiller; de la taille du Cerf, ou un peu plus grand. Cette Antilope, décrite par Buffon sous le nom de Nyzeau, est désignée, selon M. H. Smith, en sanserit, sous la dénomination de Risia, que Laurillard a prise pour la transporter à ce sous-genre, que précédemment De Blainville avait nommé Bucephalus, et H. Smith, Portax. 152 HISTOIRE NATURELLE. M Le Nylgau habite le bassin de l’Indus et les montagnes du Cachemir, et se tient dans les forêts les plus épaisses, d’où il fait des excursions le matin, et même pendant la nuit, sur les champs cultivés du voisinage. C'est un animal d’un caractère indomptable et d’un grand courage; quand il veut atta- quer ses ennemis, il se jette sur ses genoux et s’avance, dans cette position, jusqu’à une certaine distance; puis, se redressant, il s'élance en avant avec la rapidité d’une flèche et avec une force irré- sistible pour l'homme et pour les animaux qui cherchent à en faire leur proie. (Voy. Atlas, pl. XX, représentant deux mâles qui se battent.) Depuis quelques années, la ménagerie du Museum possède deux individus, un mäle et une femelle, de cette espèce; ils sont assez farouches, mais moins cependant que les récits donnés par les voya- geurs sur leurs mœurs auraient pu le faire supposer. 25. ANTILOPE A FOURCHES. ANTILOPE FURCIFER ET BIFURCATA. H. Smith. CaracrÈres sréciriQues. — Pelage brun-rouge en dessus, plus pâle sur les flancs, les lèvres, le menton; deux taches sous la gorge, une sur le Sommet de la tête et une autre au bas de chaque oreille; celles-ci moyennes; poitrine et ventre blanc jaunâtre; croupe et queue d'un blane pur; une touffe de poils rougeâtres au chignon; cornes de la longueur de la tête, rugueuses, recourbées en arrière comme celles du Chamois, mais portant au commencement dé cette courbure un andouiller comprimé, projeté en avant; aspect du Chamois, quoique un peg plus grand et plus élégant. Cette espèce habite les plaines des bords du Missouri, aux États-Unis d'Amérique. L'Annicope À FOuRCHE et l'ANTILOPE PaLMÉE (Antilope palmata. H. Smith), du Mexique; et peut- être même les Antilope Americana, Ord, du Missouri, et À. hamata, Lesson, ou Cervus hamatus, De Blainville, du Mexique, dont H. Smith fait sa division des Dicranocerus, et M. Ogilby celle des Mazama, constituent très-probablement une division générique particulière et voisine, mais dis- tincte, de celle que devra former le Nylgau. Nous avons cherché à parler de toutes les espèces vivantes du genre Antilope, et l'importance du sujet nous a peut-être entrainé au delà des limites que nous nous étions tracées; il nous reste, pour terminer, à dire quelques mots des espèces fossiles. Les brèches osseuses ont offert à G. Cuvier, les faluns de la Touraine à M. J. Desnoyers, et les cavernes du département de l'Aude à M. Marcel de Serres, des ossements de Ruminants qui peuvent appartenir à quelques espèces de ce genre. M. Croizet, dans les terrains tertiaires de l'Auvergne, et M. Lartet, dans ceux du Gers, en ont signalé chacun deux espèces. Enfin M. Lund en a trouvé dans les cavernes du Brésil. Mais, comme le fait remarquer Laurillard, tous ces ossements n'ont pas été décrits avec assez de détails pour qu'il soit possible de les rapporter d’une manière certaine au genre Antilope, et moins encore pour que l’on puisse les rapprocher ou les éloigner des espèces actuellement vivantes. DEUXIÈME TRIBU. OVIENS. OVII. Nobis. Nous ne comprendrons dans cette tribu que les deux genres linnéens, si voisins des Chèvres et des Moutons; et conséquemment cette division sera moins considérable que celle des Ovesideæ de Lesson (Nouveau Tableau du Règne atimal, Mawwirères, 1842), qui lui correspond en partie. En effet, l'auteur que nous venons de citer place dans sa famille des Ovesideæ non-seulement les Capra et les Ovis, mais encore les Kemas, Ogilby, comprenant les K. jharal, Hogdson, et hylocrius, Ogilby, de Nilgberry, et K. ghoral, Ogilby, du Népaul et de l'Himalaya; les Antilocapra, Ord et De Blainville (Aplocerus, H. Smith), renfermant les À. montana, Lesson, de l'Amérique du Nord, et À. pudu, De Blainville, de la Colombie, et le genre si peu connu des fæalus, Ogilby (espèce uni- RUMINANTS. 153 que, L. probaton, Ogilby); et toutes ces espèces, à l'exception des Kemas, que nous laissons avec les Chèvres, nous semblent devoir rentrer dans le grand genre Antilope; tandis que le genre Ovibos, De Blainville (type A. moschatus, De Blainville), des régions polaires arctiques, que Lesson y place également, peut naturellement rentrer dans la division des Bœufs, sinon même dans le genre Bos lui-même. Les Oviens ont des cornes celluleuses, plus ou moins développées, dirigées en arrière; leur chan- frein est un peu concave, et d'autres fois, au contraire, convexe; il n'y a pas de mufle: on remarque deux onglons derrière les grands sabots; la queue varie de grandeur. Ces Ruminants, de taille moyenne, habitent en général les pays montagneux en Europe, en Asie, en Afrique, et, pour un pe- tit nombre, en Amérique. On n’en a décrit qu'une vingtaine d'espèces, et c'est parmi elles que nous trouverons deux de nos animaux domestiques par excellence, la Chèvre et le Mouton. Nous avons dit que nous n'y comprendrons que deux genres, ceux des Cuëvres (Capra) et des Mouroxs (Owis). 4er GENRE. — CHÈVRE. CAPRA. Linné, 1755. Capra, nom de l'espèce typique transporté au genre. Systema nature. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, Ÿ; molaires. = ou 5, et dans une espèce, +; en totalité vingt- huit, trente-deux ou trente-huit dents. Incisives à peu près d'égale dimension, rangées réquli- rement et se touchant bord à bord; molaires ne présentant rien de particulier et conformées comme celles de la plupart des Ruminants et surtout des Moutons. Cornes ne manquant que dans un petit nombre de femelles, prismaliques, très fortes chez les mâles, dirigées en haut et en arrière. comprimées, ridées transversalement, ayant souvent à la partie antérieure des bourrelets saillants très épais, de couleur brune plus ou moins foncée, jamais complélement noires. Chanfrein droit ou même un peu concave dans les races sauvages. Mufle rudimentaire, figurant une sorte d'Y, dont le corps occupe l'espace étroit qui sépare les narines, tandis que les branches se prolongent le long de leur bord supérieur. Intervalle des narines nu; pas de larmiers, ni de sillons sous-orbitaires. Oreilles pointues, droites et mobiles, n'étant pendantes que dans quelques races domestiques. Langue douce. Menton le plus souvent garni d'une barbe assez lonque et assez épaisse; parfois de deux appen- dices cutanés ou de sortes de glandes pendant au-dessous du cou. Joues hérissées, à l'intérieur, de papilles cornées. Cou court. Corps assez svelte, quoique un peu ramassé; Laille moyenne. Jambes robustes, surtout au membre antérieur; pas de brosses aux poignets, ni de pores interdi- gilaux; ergots petits, servant chacun d'enveloppe à un corps élastique, comparables à ceux que présentent, chez Les animaux onquiculés, des parties du pied qui appuient sur le sol, et un petit os- selet, vestige du doigt latéral. Deux mamelles séparées par un raphé velu. Queue en général redressée verticalement, courte, presque nue inférieurement. Pelage composé de deux sortes de poils : l'interne très-fin et très-doux, plus ou moins abondant, et l'externe long ou très-long, lisse, surtout développé au front, à la nuque, le long de l'échine et vers les épaules. Mûles répandant une oceur très-[orte, très-désagréable. Le groupe des Chèvres ou des Capra, indiqué déjà dans des ouvrages très-anciens, a beaucoup varié de valeur suivant les temps, c'est-à-dire qu'il n’a pas toujours été appliqué aux mêmes espè- ces. Cependant on peut dire, en général, que depuis Aristote jusqu’à Pallas on s’en est servi pour tous les Ruminants cavicornes, qui semblaient ne pouvoir être assimilés, à cause de leur taille, aux [ 20 154 HISTOIRE NATURELLE. Bœufs, et, à cause de la nature de leur pelage, aux Moutons. Mais les auteurs modernes ont démontré facilement que ce genre pourrait être facilement distingué de tous les groupes naturels de l'ordre des Ruminauts, à l'exception d'un seul, celui des Moutons, qui, zoologiquement, et sous le rapport des mœurs, diffère à peine des Chèvres et ne peut guère s'en distinguer que par des caractères qui sem- blent avoir à peine la valeur de caractères spécifiques. Quoi qu'il en soit, on s'accorde cependant, en général, à séparer ces deux genres, et nous indiquons avec le plus grand soin les différences par- ticulières des uns et des autres dans nos caractères génériques, Nous répéterons seulement mainte- nant que chez les Chèvres le noyau des cornes est creusé de cellules communiquant avec les sinus frontaux, comme chez les Moutons et les Bœufs; mais que leur chanfrein, droit et même concave, leur menton barbu, au moins dans tous les mâles, et l'arc unique de leurs cornes courbées en haut eten arrière, caractères réunis à leurs deux mamelles inguinales séparées par un raphé velu, les distinguent des espèces sauvages de Moutons, qui leur ressemblent, d'ailleurs, pour le naturel. Tous ces animaux ont la figure fine, l'œil vif, l'oreille mobile; sans être néanmoins sveltes comme les Antilopes et les Cerfs, leur attitude est gracieuse et leur démarche surtout fière et assurée. L'odorat et la vue-sont les deux plus actifs de leurs sens: et le fond de leur œil est tapissé d'un réservoir réfracteur, comme l'a démontré Desmoulins. Lorsqu'ils fuient à travers les précipices, leur coup d'œil, aussi prompt que juste, dirige des mouvements rapides comme l'éclair, mais d’une vigueur si souple qu'ils peuvent rompre par un repos soudain les élans rectilignes ou paraboliques dont ils effleurent les erêtes les plus aiguës du granit et même des glaciers. Bondissant d’un pic à l’autre, il leur suffit d’une pointe où se puissent ramasser leurs quatre pieds pour y tomber d’aplomb d'une hauteur de vingt à trente mètres, y rester en équilibre, ou s’en élancer au même instant vers d’autres pointes, soit inférieures, soit plus culminantes. Ils éventent le chasseur bien avant de lui être en vue. Une fois lancés, leur résolution est aussi rapide que leur coup d'œil. Si une tactique caleulée d’après l'expérience de leur poursuite et la connaissance des lieux les a cernés sur quel- que rampe de précipice d’où il n’y ait à leur portée ni une pointe de glace, ni une crête de roc, ils se jettent dans l'abime, la tête entre les jambes pour amortir la chute avec leurs cornes ; d’au- tres fois, jugeant l'audace plus profitable à se défendre qu'à fuir, la Chèvre sauvage fait volte-face, s'élance et, en passant comme la flèche, jette le chasseur dans le précipice. [ls vivent en petites familles, ordinairement suspendus aux pics voisins des glaciers et des neiges perpétuelles. Les saules alpestres, le bouleau noir, les rhododendrens, les saxifrases, les épilobes et autres plantes amères sont leur pâture de prédilection; en hiver, ils sont réduits à manger les jeunes pousses des arbres et surtout des lichens. La femelle ou Élagque n'a, de chaque portée, qu'un petit, qui marche au moment où il vient de naître, et qui, une heure après, sait se cacher à l'approche d’un danger. « L'Élague, dit Berthaut, n'abandonne jamais son petit, à moins qu'elle ne soit chassée; alors, s'il ne peut la suivre, il va se cacher dans des trous de rochers ou des terriers de Marmottes; quelquefois à une toise de profondeur. Le danger passé, la mère vient appeler son petit; mais, si elle tarde trop longtemps, c’est au contraire le Chevreau qui vient la chercher; il sort de son trou, l'ap- pelle, puis rentre dans un autre trou. S'il la voit, il accourt à elle: mais, si elle est blessée et couchée, dès qu'il sent son sang, il fuit, puis revient une seconde fois et fuit encore pour la même raison. IL se console difficilement de la perte de sa mère. » Oppien dit aussi que les petits, lorsque leur mère a été prise dans des rêts, au lieu de fuir, s’'approchent d'elle, même le chasseur étant présent. Le jeune Bouquetin n'est pas moins gai que le Chevreau, et il a les mêmes jeux; mais ces jeux, qui, dans l’a- nimal domestique, paraissent dictés par un pur caprice, se reconnaissent, chez l'autre, comme une utile gymnastique par laquelle l'animal se prépare, sans en avoir conscience, à des actes que plus tard il lui faudra, sous peine de vie, exécuter avec une parfaite précision. On a rendu plusieurs espèces domestiques, qui comprennent aujourd'hui un assez grand nombre de races, et l'on sait les Services qu'elles rendent, surtout dans nos campagnes, par leur chair et principalement par leur lait : seuls des animaux domestiques, ils ont conservé pur leur goût pour l'indépendance; ils sont plutôt les hôtes de l'homme que ses esclaves. Dociles seulement aux caresses et aux bons traite- ments, la force ne peut rien sur eux; mais leur affection est intelligente comme celle du Chien. Aussi les poëtes bucoliques de tous les âges les ont-ils associés à la moralité des sentiments de l’homme par une juste distinction de leur supériorité intellectuelle sur les autres Ruminants. (Voy. Atlas, pl. XL, lig. 1, représentant une variété de Capra ou Chèvre de Falconier.) RUMINANTS. 155 Les femelles ont habituellement des cornes, mais, quand ils existent, ces organes sont beaucoup moins développés que ceux des mäles. Les impressions dont ces animaux sont susceptibles paraissent être très-vives et frès-nettes; mais elles semblent ne pas laisser de profondes traces : leurs détermi- nations varient à chaque instant; rien ne les arrête, un dessein succède à un autre sans intervalle, sans repos, et cette mobilité de sentiment se remarque au dehors par la pétulance des mouvements; cependant, malgré cette apparente légèreté, quelle que soit la vivacité de leurs sauts et l'inégalité du terrain que ces animaux parcourent, ils arrivent toujours avec la plus exacte précision au point où ils tendaient. Les mäles, dans toutes les espèces, exhalent, surtout au temps du rut, une odeur très- forte, très-désagréable, qui, quoi qu'on en ait dit, ne disparaît jamais complétement, même par le fait de la domesticité : dans les combats qu'ils se livrent à cette époque, ils se dressent sur les jambes de derrière, et, en retombant, se heurtent obliquement du front. Ces deux caractères peuvent, aussi bien que tous ceux que nous avons indiqués dans notre caractéristique générique, distinguer les Chèvres des Moutons. Un fait curieux à noter, c’est que les Chèvres, à l’état de nature, recherchent les lieux élevés, et par conséquent froids, plus que les Moutons; et cependant, à l'état de domesticité, ces derniers supportent mieux les rigueurs de l'hiver, vandis que les premières ont plus de peine à s'acclimater dans les pays très-chauds. Fig. 56. — Bouc de Cachemir. Les Chèvres se tiennent sur les sommets des grandes chaînes de montagnes : les Bouquetins ne descendent même pas dans les vallées alpines. Il semble que c’est par une prédilection instinctive, et non pour fuir l’homme, qu'elles habitent sur la limite des glaciers et des neiges perpétuelles, au- dessus des régions boisées dans les Pyrénées, les Alpes, les grandes chaînes du Taurus, du Cau- case et de l'Altaï jusqu'au Kamtchatka; comme les sommets de ces montagnes ne forment pas des lignes continues le long desquelles les diverses espèces ou les individus d’une même espèce aient pu se disperser, mais, au contraire, sont groupés en un grand nombre de contrées ou d’axes, isolés les uns des autres, soit pay des mers, soit par d'immenses plaines, barrières également infranchissa- bles pour ces animaux; et comme, d'autre part, il est évident que ces espèces, dont plusieurs ne sont connues que depuis un nombre assez restreint d'années, n’ont pas été transportées par l'homme dans leurs sites actuels, il est clair qu’elles en sont aborigènes. On doit en dire autant des individus d'une même espèce dispersés par groupes sur des sommets non continus. La nécessité de leur tempéra- ment et leurs préférences alimentaires les enchaînent tous irrésistiblement à leur site naturel. La zone boisée des montagnes les sépare là où il existe du Mouflon, qui n’y entre même pas. Ils habi- tent ou ont habité, ainsi que le montrent les espèces encore actuellement vivantes ou les débris fos- siles qu’on en rencontre dans quelques contrées, d’une extrémité à l'autre de notre continent. Le Bouquetin se trouve encore dans les Pyrénées, les Alpes et leurs chaînes vandaliques et carpathi- ques, dans les montagnes de la Crète, dans toutes les grandes chaînes de l'Asie, depuis la mer Cas- pienne à travers la Perse jusqu'à l'Inde au sud et jusqu'au Kamtcbatka au nord. L’Ægagre a habité ou habite encore tous ces sommets, excepté la grande chaîne des Altaï, où il n’y a de Chèvres que le 156 HISTOIRE NATURELLE. Bouquetin Ibex. Varron dit que l'espèce sauvage de la Chèvre, appelée Rota par les Latins, existait de son temps en ltalie et dans la Samothrace: il est probable qu'il en existe encore dans les Alpes et les Pyrénées. car les Ægagres décrits par G. Cuvier semblent être des métis; on manquait d’ailleurs de renseignements sur leur origine. L’Ægagre habite les sommets des montagnes de l'ile de Crète, avec l'Ibex, et ceux du Caucase avec le Bouquetin caucasique. Les Capra Nubiana, Fr. Cuvier, et Wa- lie, Rüppell, se trouvent en Abyssinie, et le premier aussi en Nubie; le Capra jemlabica, H. Smith, se rencontre dans les monts Himalayas. Polybe a constaté, il y a plus de deux mille ans, un fait impor- tant pour la distribution géographique des espèces de ce genre et des Ruminants en général : il dit que la Corse ne possède ni Chèvre sauvage, ni Bœuf, ni Cerf (une espèce particulière ou plutôt une variété de notre Cerf commun y a cependant été constatée, mais elle semble y avoir été importée), et il mentionne, au contraire, l'existence de la Brebis sauvage ou Mouflon, qui s’y trouve encore de nos jours. Quelques particularités anatomiqnes ont été constatées chez les Chèvres; leur squelette ne présente rien de bien différent de celui des autres Ruminants; toutefois, d’après Desmoulins, il n°y aurait que cinq vertèbres lombaires; nous avons signalé les seules particularités odontologiques qu'on remar- que chez ces animaux : nous avons dit, d'après M. Roulin, que le nombre des molaires variait sui- vant les espèces, et nous ajouterons que, dans le Capra Nubiana, des huit incisives, les deux ex- ternes paraissent n'être pas remplacées à la seconde dentition, de sorte que, si l’on n'avait observé que des adultes, on aurait pu citer cette espèce comme offrant une exception à la règle générale, qui donne huit incisives inférieures à toutes les espèces de Ghèvres; il y a deux mamelles inguinales séparées par un interstice des poils; la vulve est séparée de l'anus par un périnée étroit et nu; les organes principaux de la génération des mäles sont volumineux, contenus dans un Serotum libre, allongé dans le sens vertical. Le rut vient en automne, mais les Chèvres domestiques s'accouplent toute l'année; la femelle porte cinq mois et produit un ou deux petits; la durée de la vie est à peu près de quinze ans. L'histoire des espèces de ce genre a été singulièrement embrouillée par Buffon, qui prétend ra- mener à un seul type primitif non-seulement les espèces alors connues de ce genre, mais la plupart des Antilopes, entre autres le Chamois et toutes les espèces de Moutons. Supposant faussement que les cornes de la femelle des Bouquetins ressemblent aux cornes du Chamoïs, il imagine le principe qu'en zoologie l'immutabilité de la forme des femelles constitue l'espèce; qu’au contraire les mâles, sujets à toutes sortes de dégradations, peuvent engendrer une infinité de races et de variétés; qu'ainsi, dans l'espèce de la Chèvre, le Bouquetin représente la variété mâle, rendue permanente, on ne sait comment, et le Chamois, la variété femelle; et de chacune de ces variétés dérivent, selon lui, plu- sieurs races. Il en donne pour preuve que la Brebis domestique engendre, avec le Bouc ou le Bélier indifféremment, une race féconde. ce qui n'arrive pas aux Chèvres avec le Bélier; argument tout à fait inintelligible si l'on oubliait qu'il considère nos Moutons comme une race très-éloignée du Cha- mois. « Pour arriver à de pareilles combinaisons, Buffon, ainsi que le fait remarquer Desmoulins, a tout à fait méconnu la valeur des moyens dont, par une contradiction singulière, il a vanté l'excel- lence pour la distinction des Cerfs. Or les Gerfs sont précisement les seuls Ruminants où ce carac- tère devient incertain à cause du renouvellement anvuel des bois, dont les rameaux peuvent avorter ou se déformer par beaucoup d'influences. Là où les cornes sont persistaptes, au contraire, leur figure reste par là même immuable; et comme elles sont composées de deux parties, le noyau osseux et la gaine cornée, on trouve, dans la fixité de la figure et dans la couleur de cette gaine, de nou- veaux caractères étrangers aux Cerfs : tels sont la direction des cornes, le poli ou les reliefs de leur substance, leur substance et leur couleur. Ainsi, par exemple, les cornes du Mouflon, comme celles de nos Béliers, sont jaunâtres, circonstance qui, avec leurs larmiers, leurs poches inguinales nues, les distingue de nos Chèvres à cornes noires, et surtout du Bouquetin, qui de plus a un sinus glanduleux entre l'anus et la queue. Pallas a réfuté tous ces paradoxes de Buffon, qu'égarèrent à la fois et son igno- rance sur les espèces sauvages de ce genre, et son prétendu principe de l'unité des espèces quand elles produisent ensemble des Mulets féconds. Le célèbre conseiller d'État russe reconnait pour condition déterminée la possibilité de ces métis féconds d'espèces réellement différentes. Après avoir tracé la séparation des Chèvres d’avec les Antilopes d'une part et les Moutons de l’autre, il établit trois espèces dans ce genre et prouve que la souche de nos Chèvres domestiques n’est pas le Bouquetin, mais l'espèce : er: CPE. TN ETS T RUMINANTS, 157 appelée Ægagre : avouant toutefois que, S'il n'avait eu la faculté d'en examiner le crâne ct plusieurs cornes, il aurait, comme Buffon, rapporté nos Chèvres domestiques au Bouquetin, tant celui-ci res- semble à l'Ægagre. D'ailleurs, il lui parait vraisemblable que nos Chèvres domestiques ne sont pas une variété pure de l'Ægagre; qu'elles se sont croisées avec le Bouquetin ou Zbex et avec le Bouque- tin du Caucase; que néanmoins l'empreinte de l'Ægagre n'a pas été effacée par ces adultères et est restée dominante; que les émigrations lointaines de la Chèvre domestique à la suite de l'homme, ces croisements successifs suivant les régions, soit avec l'Ibex, soit avec le Bouquetin du Caucase, soit même avec sa propre souche, enfin l'extrême différence entre le site naturel de l’Ægagre ou Chèvre | sauvage et les climats où se propagent la plupart de ces variétés expliquent les dégradations plus profondes et plus nombreuses dans ce type que dans celui du Mouflon, dont le climat naturel, comme celui de ses congénères, se trouve dans les étages inférieurs des montagnes, tandis que celui du genre Chèvre touche aux glaciers et à la limite des neiges perpétuelles. Enfin Pallas soupçonne même quelques races d’être métis de Chèvre et de Mouton, celui d'Angora entre autres. » Nous avons dit que les naturalistes les plus anciens se sont oceupés des Chèvres; Aristote, Pline et une foule d’autres auteurs en ont parlé dans leurs ouvrages. Ray, Brisson, Klein, Linné lui-même parlèrent des Chèvres dans leurs diverses classifications, mais ne les distinguèrent pas générique- ment des autres Ruminants, dont ils sont le plus rapprochés; Daubenton et Buffon, et ce dernier malgré la confusion qu'il introduisit dans les différences spécifiques de ces animaux, commencèrent à mieux faire connaître la classification de ces Mammifères; mais c'est surtout Pallas qui, en créant le genre Antilope, circonserivit mieux le groupe des Chèvres, qu'il rapprocha à juste raison de celui des Moutons; depuis, la méthode naturelle, à l’aide de laquelle ces animaux devaient être disposés, fut de plus en plus perfectionnée par les travaux d'Illiger, de Goldfuss, de Fischer, de G. et Fr. Cuvier, d'A. G. Desmarest, de Desmoulins et surtout de M. Roulin dans les articles si importants et si con- sciencieux sur la Chèvre et Le Daim, publiés dans le Dictionnaire universel d'Histoire naturelle. Une question plus difficile encore que celle de la caractéristique du genre Chèvre, celle de la dis- tinction des diverses espèces qui doivent y rentrer, et qui presque toutes se ressemblent par l’ensem- ble de leurs caractères extérieurs, a été longtemps débattue. Pallas, le premier, avec toute la force qu'on lui connait, a commencé à élucider cette question, qui, reprise plusieurs fois par la plupart des zoologistes modernes, est aujourd hui à peu près résolue, et il nous semble, avec M. Roulin, que huit espèces de Chèvres peuvent être distinguées d'une manière à peu près complète, quuique quatre ou cinq autres aient également été indiquées plus ou moins complétement. Un point qui n’a pas en- core été traité d’une manière aussi complète est celui de la distinction des races de notre Chèvre commune, et cela se conçoit lorsqu'on réfléchit, ainsi que nous l'avans dit, aux nombreux croisements qui les ont produits : nous ne pourrons nous étendre longuement sur ce sujet, et nous nous borne- rons à indiquer les races les plus connues. 1. BOUQUETIN DES ALPES. CAPRA IBEX. Linné. CaracrÈnes sréciriques. — Molaires au nombre de six à chaque mâchoire; cornes des mâles très- fortes, noirâtres, avec deux arêtes longitudinales et des côtes saillantes transversales : celles des fe- melles plus petites, triangulaires; pelage d'hiver composé de poil long et rude, recouvrant un poil doux, fin, touffu, persistant seul pendant l'été, d'un gris fauve en dessus, blanc en dessous, avec une bande dorsale noire et une ligne brune qui traverse les flancs; fesses blanches; une barbe noire et rude pendant au menton des mâles, et pas de barbe dans la femelle; longueur de la tête et du corps, 1,40. (Voy. Atlas, pl. XIE, fig. 1.) Cette espèce est l'Ibeæ de Pline, de Gesner et de Johston; le Bouc estain et l'Hircus Ibex de Prisson et de Boddaërt; le Capra 1bex de Linné; le Bouquenin de Buffon; c’est l’Agrimia des Grecs modernes, le Steinbock des Allemands, le Capra silvatica des Italiens; une variété distinguée par Pallas a reçu le nom d'Jbex Alpium Sibericarum. La femelle porte la dénomination d'Élaque. Chez les mâles, les cornes, qui peuvent at'eindre plus de 1" de longueur, sont comprimées laté- ralement, et presque deux fois moins épaisses de dedans en dehors que d'avant en arrière; elles présentent de vingt à trente bourrelets; les cornes de la femelle sont très-courtes, car elles atteignent 158 HISTOIRE NATURELLE. à peine 0",4% à 0°,15; elles sont triangulaires et paraissent beaucoup plus tard que dans les mâles. Sous le rapport de la taille, il y a aussi entre le mâle et la femelle une différence très-notable, et beau- coup plus grande que celle qui existe entre nos Boucs et nos Chèvres domestiques : la femelle est, dit-on, d'un tiers plus petite que le mâle; en outre, les femelles sont dépourvues de l'énorme barbe au menton que les mâles portent en hiver. Le rut a lieu en janvier et la naissance des petits dans les derniers jours de juin ou les premiers jours de juillet. Ce que nous avons dit relativement aux mœurs des espèces sauvages de Chèvres s'applique au Bouquetin. Pris jeune, cet animal s’apprivoise aisément et vit très-bien au milieu des Chèvres; il s'unit même avec elles, et les petits qui en naissent sont fertiles. Le Bouquetin Ibex, qui semble aujourd'hui confiné dans un petit canton des Alpes piémontaises, se trouvait autrefois dans toutes les parties élevées de la chaîne comprise entre le mont Blane et le mont Eissenhut, en Styrie; et peut-être même à une époque plus ancienne, ainsi que le fait croire un passage de Varron, habitait-il aussi une partie de la chaîne des Apennins. 2. BOUQUETIN DES PYRÉNÉES. CAPRA PYRENAICA. Schinz. CaRaGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Cornes ressemblant beaucoup à celles du Bouc domestique, d’un brun noirâtre; pelage d’un brun cendré en dessus et d'un brun sale en dessous; côtés de la tête brun foncé; poitrine, jambes, une ligne dorsale et une autre s'étendant sur les flancs, ainsi que le dessus de Ja queue et la barbe des vieux mâles, noirâtres; de la taille du précédent. Cette espèce, qui n'a été jusqu'ici trouvée que dans les Pyrénées et sur les versants espagnols, semble à M. Boitard n’être qu'une variété du Bouquetin des Alpes, tandis que M. Roulin l'adopte spé- cifiquement. Fig. 57 — Bouquetin des Pyrénées. 5. BOUQUETIN DE SIBÉRIE. CAPRA PALLASII. Roulin. Canacrènes sréciriques. — Même nombre de molaires que dans le Bouquetin Ibex; cornes des mäles à angles plus émoussés; femelles ayant un peu de barbe; même taille que l’Ibex. Cette Chèvre, à laquelle M. Boitard réunit le Bouquerix pe L'Himazaya (Capra jemlabica, H. Smith}, ne diffère guère de l'Ibex, et n’en est peut-être qu'une simple variété. Les petits naissent au mois de mai; les montagnards de l'Asie, pour régénérer leurs troupeaux de Chèvres, prennent de jeunes Bouquetins qu'ils apprivoisent facilement et qu'ils unissent avec leurs Chèvres, et les petits qui en proviennent sont très-fertiles et très-estimés. La distribution géographique de cette espèce n’est pas encore bien connue; on sait qu’elle se rencontre sur divers points de la grande chaîne de mon- tagnes qui sépare la Sibérie de la Tartarie orientale, surtout dans cette portion où sont les sources du Jeniser, rivière don! les eaux transportent quelquefois bien loin dans l'intérieur du pays plat des cornes des Bouquetins qui ont péri sur les monts Sayansk et sur le petit Altaï. 84 RUMINANTS. 159 4. BOUQUETIN DU CAUCASE. CAPRA CAUCASICA. Guldestaëd. Caracrères sréctriQuEs. — Molaires au nombre de huit de chaque côté à la mâchoire supérieure et de sept à l'inferieure: chanfrein droit, large. de niveau avec le front, qui est aussi remarquable- ment large; cornes du mâle triangulaires, ayant 0,65 de longueur : celles des femelles de même forme, mais très-courtes; pelage d’un brun fauve foncé en dessus et blanchâtre en dessous, avec une ligne dorsale brune et une bande blanche sur les canons; nez, poitrine et pieds noirs; tête grise; de la taille des précédents. Cet animal est le Zesonox ou le Hach; et l'on doit peut-être lui rapporter ce que Belon dit de son Bouc sauvace 0e L'ILE pe Crère. Il se trouve dans la chaîne du Caucase, surtout près des sources du Tèrek et du Kouban, dans le pays des Ossètes et dans la Kakhétie : il occupe les parties les plus ële- vées des montagnes de formation primitive; on ne le rencontre pas dans les montagnes calcaires qui sont moins élevées, et où l’on trouve, au contraire, l’Æzagre : aussi les deux espèces, quoique habi- tant la même chaine de montagnes, ne sont point exposées à se mêler. Les Tartares et les Géorgieas disent que sa chair est délicieuse, et ils font des verres à boire avec ses cornes. > BEDDEN. CAPRA SINAITICA. Hempring et Ehrenberg. CaRaGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Molaires au nombre de cinq de chaque côté aux deux mâchoires; cornes plus grèles que celles du Bouquetin ordinaire, comprimées du côté interne, d’un noir de suie, avec une douzaine de renflements saillants : celles des mâles dépassent quelquefois 1", tandis que celles des femelles n'ayant que 0",18 à 0",20; pelage d’un fauve grisätre mêlé de brun, avec une ligne dorsale noirâtre; épaules, flancs, devant des jambes bruns; des taches blanches aux talons et aux poi- gnets; un peu plus svelte que le Bouquetin Ibex ; la femelle d’un quart plus petite que le mäle et ayant beaucoup de rapport de formes avec notre Chèvre commune. Cette espèce est le Bennen ou Bépex des voyageurs; le Bouc SAUVAGE DE LA Uaure-Écyere (Capra Nubiana, Fr. Cuvier), dénomination qui, quoique ayant l'antériorité sur celle de Capra Sinaitica de MM. Hempring et Ehrenberg, n’a pas été adoptée par M. Roulin, car elle propagerait une erreur, celte espèce ne se trouvant pas en Nubie; elle habite la Syrie et l'Afrique, mais elle ne semble pas s'avancer, au sud, au delà du vingt-quatrième degré de latitude. G. BOUQUETIN WALIE. CAPRA WALIE. Rüppell. CaracTÈRES spéciriques. — Cornes du mâle grandes, fortes, tout à fait semblables à celles de l'Ibex : celles des femelles beaucoup plus petites; pelage d'un beau brun châtain en dessus, d'un blanc sale en dessous : ces deux couleurs se fondant l'une dans l’autre au bas des flancs, au lieu de trancher brusquement comme dans les autres espèces; nez, une tache en virgule sur la joue, côtés du cou, devant de l'épaule et partie moyenne des flancs d'un brun terre d'ombre. Cette espèce a beaucoup d'analogie avec le Bouquetin des Alpes; mais son nez est plus busqué, et il porte à la partie moyenne du front une éminence elliptique toute particulière. Elle habite Les hautes montagnes neigeuse de l'Abyssinie. 7. JHARAL. CAPRA JIHARAL. Holeson CanacTÈRÉs spéciriQues. — Tête amincie en descendant vers le museau; chanfrein droit; cornés no- tablement plus courtes que la tête, comprimées latéralement et portant une crête saillante qui règne tout le long de la convexité; barbe manquant complétement; cou muni d'une crinière assez longue. tombant de chaque côté, d'un brun grisätre; ventre fauve; membres de la même couleur, avec une bande noire qui descend des joues en s'élargissant jusque sur les sabots; devant et côtés de la tête, 160 HISTOIRE NATURELLE. ainsi que le dos, d'un brun noirâtre; une tache longitudinale, d'un fauve pâle, s'étendant sur les joues, et une autre de la même couleur, plus petite, placée au devant de chaque œil; lèvres et men- ton grisätres; bout de la queue, oreilles, une tache près de la commissure des lèvres et l'entre-deux des narines noirs; taille du Bouc. Cet élégant animal, tout en offrant la plupart des caractères propres aux Capra, présente un assez grand nombre de particularités qui l'en distinguent, surtout dans la forme de sa tête, dans la hauteur de ses jambes, dans son garrot plus élevé que sa croupe, qui est assez grêle, comme tout le membre postérieur; aussi a-t-on à bon droit proposé d'en faire un genre particulier auquel M. Ogilby a appliqué le nom de Kemas, et que l'on adoptera probablement lorsque ce Ruminant sera plus com- plétement connu. Le Jharal habite principalement la province de Kalear, sur le versant austral de l'Himalaya, et ne descend guère du voisinage des neiges perpétuelles. M. Ogilby place dans le même genre Xemas ses K. hylocrius du Nilgherry, et ghoral du Népaul et de l'Himalaya, qui sont loin d’avoir été suflisamment décrits pour être spécifiquement adoptés. S. ÆGAGRE ou CIIÈVRE SAUVAGE, CAPRA ÆGAGRUS. Pallas. Caracrères spÉCIFIQUES. — Molaires au nombre de six de chaque côté aux deux mâchoires; cornes des mäles très-grandes, à face antérieure comprimée et à face postérieure arrondie, ridées de sim- ples ondées qui, d'espace en espace, se montrent un peu plus grosses et rapprochées en faisceaux, et les renflements qui résultent de cette disposition étant plus ou moins marqués et surtout plus ou moins nombreux; ces cornes se portent, à leur naissance, un peu en avant de la ligne du chanfrein, et décrivent à parür de ce point une courbe formant un arc de cercle bien marqué : celles des femelles à peu près de même forme, mais excessivement plus courtes ou même nulles; barbe brunâtre, exis- tant dans les deux sexes; tête noire en avant, rousse sur les côtés; corps d’un gris roussâtre, avec une ligne dorsale noire, ainsi que la queue; de la taille du Bouc domestique, mais plus bas sur jam- bes que lui. (Voy. Atlas, pl. VIE, qui représente des Ægagres mâle, femelle et jeune.) L’Ægagre est le Pasrac des Persans; la Cnèvre pu Bezoar des voyageurs; le Capra æqgaqgrus ferus des naturalistes. D’après Pallas, cet animal serait la souche de toutes nos Chèvres domestiques, avec lesquelles il a de grands rapports, mais qui cependant, en Asie surtout, semblent avoir été croisées avec presque toutes les autres espèces du même genre. L'Ægagre ne paraît pas être aussi in- différent au froid que les autres Bouquetins; Guldenstædt l’a vu, dans le Caucase, occuper une sta- tion moins élevée que l'espèce congénère qui vit dans la même chaîne de montagnes; toutefois Gmelin nous dit qu'en Perse il se trouve sur les points eulminants des plus hautes montagnes, où on le rencontre par troupes, souvent dans des parages que fréquentent également les Mouflons. C’est un animal très-défiant et très-agile. L’habitat de ce Ruminant n’est pas très-exactement déterminé; il semble toutefois qu'il habite toute la chaine de montagnes qui borde la Perse du côté de la mer Cas- pieune, aussi bien que celle qui la borde du côté du golfe Persique; Pallas dit qu'il se trouve dans un beaucoup plus grand nombre de pays; il lui assigne, par exemple, pour patrie, les Alpes helvéti- ques et les Pyrénées, ce qui est tout à fait faux. La Cuèvre pomesrique (Capra hireus, Linné), dont il nous reste à parler, paraît avoir eu pour origine principale l'Ægagre. Pendant très-longtemps on a pensé que ce Ruminant descendait de l'Ibex, et quelques anciens naturalistes ne regardaient même l'Ægagre que comme étant une variété de l'Ibex où même un métis de ce dernier et de la Chèvre domestique. Mais Pallas a bien démontré, il y a plus d'un siècle, et beaucoup plus récemment M. Roulin a de nouveau prouvé que c'était de l'Ægagre, espèce bien distincte, que notre Chèvre descendait; mais qu'en même temps on peut re- connaitre qu'il y a quelques autres croisements. La Chèvre varie beaucoup dans ses formes et dans la couleur de son pelage, et produit ainsi di- verses races qui différent entre elles beaucoup plus peut-être que ne différent quelques espèces de Chèvres sauvages on Bouquetins. Les unes ont les poils ras et secs, les autres longs et soyeux. Quel- ques races manquent absolument de cornes; il en est qui portent sous le cou de singulières pende- loques dont on ignore complétement l'usage physiologique, ete. Quoi qu'il en soit, la Chèvre domes- 'S -[ounaf jo ofjotoy ‘ojem ) RUMINANTS. 161 tique à conservé une bonne partie du caractère indépendant de son type originel, et surtout elle a son goût pour grimper et son humeur vagabonde. Son affection est intelligente; elle suit la vieille femme qui en prend soin, l'aime, soulage sa misère de son lait, allaite même ses petits enfants au berceau et accourt à leurs cris pour satisfaire leur besoin de nourriture en leur tendant sa mamelle gonflée d’un excellent breuvage; mais elle n'est docile que par amitié, n'obéit qu'aux caresses et se révolte contre les mauvais traitements. Le Bouc, qui répand une odeur forte et fétide, devient même très-méchant s’il est habituellement maltraité, et, dans tous les cas, il se défend avec courage quand on l'attaque. « La Chèvre, dit M. Boitard, cette consolation de la misère, a été calomniée par la plu- part des économistes, sur la dénonciation des riches propriétaires, et souvent on a voulu enlever aux pauvres habitants des campagnes cette dernière et précieuse ressource. On l'accuse d’avoir la dent venimeuse, de faire périr les arbres et arbrisseaux qu'elle ronge, et, par conséquent, d’être très-nuisible aux bois, aux vergers, aux taillis, ete. Le vrai est que sa dent n’est pas plus venimeuse que celle de la Vache et de la Brebis; mais, comme elle a l'instinet de se dresser sur ses pieds de derrière, elle atteint les bourgeons à une plus grande élévation que ces animaux. Si on obligeait les pauvres femmes à conduire leurs Chèvres à la laisse ou à leur faire porter une entrave qui les em- pêche de se redresser, leurs dégâts deviendraient moindres que ceux de toute autre espèce de bétail, et l'on conserverait sans inconvénient un animal extrêmement utile par son produit de Chevreaux, de lait, de suif et de cuir. » Les Chèvres n'étaient pas aussi dédaignées des agronomes anciens qu'elles le sont des modernes, et il paraît que, recherchées dans les contrées les plus éloignées par les Grecs et les Latins, étudiées sous tous les points de vue, elles étaient, dans certains pays, l'objet de soins fort intelligents, et destinées à propager les meilleures races et à les perfectionner par tous les moyens possibles: il est loin d'en être de même aujourd’hui, et nos agriculteurs actuels se sont beaucoup moins occupés des races des Chèvres qu’ils ne l'ont fait de celles des Moutons, et cependant l'étude de ces races serait importante à donner : e’est avec des matériaux incomplets que les naturalistes depuis Linné ont tenté de le faire. Buffon, le premier, fit connaître cinq de ces races; Fr. Cuvier semble en indiquer quel- ques autres; À. G. Desmarest, dans sa Manunalogie, en déerivit neuf; puis Desmoulins les réduisit à six; enfin, un zoologiste étranger à la France, M. Wagner, en a fait connaître un plus grand nombre, et M. Roulin, dans le tome IV (1844) du Dictionnaire universel &’ Histoire naturelle, à repris ce sujet avec beaucoup de soin et une érudition des plus grandes. D'après ce dernier auteur, le nombre des races, dont nous allons indiquer les principales, est très-considérable, mais peuvent, d’après la forme des oreilles et la nature du pelage, être réparties en quatre groupes. $ 4. CnÈvRES A OREILLES COURTES ET DROITES À. Chèvre commune. — On connaît, en France surtout, un nombre infini de variétés de cette race, et l'on sait que les individus qui-en font partie se distinguent les uns des autres par leur taille plus ou moins forte, par les couleurs variables et la nature de leurs poils, et par quelques autres par- ticularités. D'après Anderson, l'Angleterre en possède deux races presque également répandues, dont l’une a le poil court, assez lisse, noirâtre, et l'autre une robe ordinairement d'un gris mêlé, avec des poils soyeux, longs et touffus placés sous un duvet très-abondant; d’après I. Smith, le pays de Galles en a une variété de très-forte taille. En Russie et dans beaucoup de parties de l'Allemagne, la couleur de la robe, suivant Wagner, est surtout un brun tirant sur le roux ou le jaunâtre, avec une raie dorsale et fréquemment une raie scapulaire noires, reproduisant ainsi, à très-peu près, les cou- leurs de l'Ægagre. Brunnich dit que les Chèvres dalmates ressemblent beaucoup à l'Ibex : celles des Canaries ont été aussi, à cause de leur taille et peut-être de leur couleur, rapprochées de l'Ibex, et elles paraissent ressembler beaucoup à celles que l'on trouve dans divers cantons montagneux de l'Europe. Chez les Chèvres de Perse, le poil est long, grossier, d’un brun cendré, avee la pointe rousse; une longue touffe se trouve placée au devant des cornes, qui se rapprochent beaucoup par la forme de celles de l'Ægagre, mais sont plus petites. Les Chèvres de Colombie ressemblent assez à celles de Allemagne; dans d’autres parties du continent américain, ces animaux offrent des carac- tères particuliers et qui se rapportent à ceux des variétés importées de ces Chèvres, et qui se sont P 21 162 HISTOIRE NATURELLE. conservés avec plus ou moins de pureté. Nous ne nous étendrons pas davantage sur cette race, ou plutôt ces races, qui offrent un très-grand nombre de variétés. B. Chèvre naine. — Cette race, originaire de la côte de la Guinée, remarquable par sa petite taille, comprend trois variétés d'après M. Roulin. La première, le Capra recurva, Linné, est la plus commune partout, et a surtout été introduite en Amérique, où elle s’est considérablement propagée. On la trouve aussi à Bourbon, à l'ile Maurice, à Madagascar et probablement aussi, suivant Fr, Cu- vier, à Calcutta. La seconde variété, peu connue, le C. depressa, Linné, provient originairement de l'Afrique. La troisième, qu'A. G. Desmarest a confondue avec la Chèvre de Juda, ressemble à la Chèvre sans cornes, se trouve dans le golfe de Guinée et sur divers autres points de l'Afrique, tant sur l'Atlantique que sur la Méditerranée : on la trouve dans l'Égypte moderne; c’est elle qui fournit probablement les poils longs ét fins qu'on emploie dans la brosserie sous le nom de poil du Bouc blanc. Fig. 40. — Mouflon d'Europe. Les Moutons, qui sont de taille assez grande, se nourrissent de végétaux bas, et principalement de graminées; ils vivent en familles ou en troupes plus ou moins nombreuses; les pays élevés, les som- mités des hautes chaînes de montagnes sont les contrées qu’ils habitent de préférence, et on les trouve dans les zones inférieures à celles habitées par les Chèvres; leurs habitudes sont les mêmes que celles de ces derniers Ruminants; c’est ainsi qu’à l'état sauvage on les voit sauter de rocher en rocher avec une vitesse presque incroyable, que leur souplesse est extrême, leur force musculaire prodigieuse, leurs bonds très-élevés et leur course excessivement rapide, et l’on ne pourrait même pas les atteindre, s'ils ne s’arrêtaient fréquemment au milieu de leur course pour regarder le chas- seur d’un air stupide et pour attendre que celui-ci soit à leur portée pour recommencer leur course. A l'état domestique, les mœurs des Moutons sont tout à fait modifiées, comme nous le dirons ; au lieu de leur fierté naturelle et de leur caractère indomptable, ils sont souples et soumis, et ce n’est qu'à l'époque des amours que les mäles reprennent leurs mœurs originelles et qu'ils se livrent entre eux des combats furieux. On sait tous les avantages que l’homme retire du Mouton, l’on connait tous les produits qu'il lui donne, et l'on n'ignore pas que l'on cherche à modifier les races suivant les avantages qu’on veut en tirer. Ces animaux habitent plusieurs régions de l’ancien et du nouveau continent; la Corse, la Sardai- gne et quelques autres îles de la Méditerranée sont les lieux où l'on trouve l'espèce la plus ancien- nement connue, le Mouflon, qui est regardé comme la souche primitive de nos Moutons domestiques RUMINANTS. 163 portent les nombreux individus amenés au Muséum, en 1853, avec le premier Ilippopotame, qui lui ont servi de nourrices pendant la traversée d'Afrique en Europe, et dont quelques exemplaires se trouvent encore à notre ménagerie. Les Chèvres à oreilles tombantes sont propres à des climats tem- pérés ou froids : à l’exception d'une seule race, la Chèvre du Népaul, Fr. Cuvier, elles sont assez mal connues. $ 3. CHÈVRES À OREILLES TOMBANTES, MAIS NON APLATIES, A TOISON FRISÉE. Le type ou race principale est la Cnèvre p’Ancora (voy. Atlas, pl. XXXIV, fig. 1), dont la toison, facilement distincte de celle des autres races, se compose entièrement de poils d’une blancheur éela- tante, fins, souples, brillants, qui se réunissent en longues mèches ondées ou frisées, et qui n’offrent à leur base aucun duvet; ces poils couvrent tout le corps et cachent à moitié les jambes; ils s’avancent sur le front et entourent la base des cornes, qui sont de couleur jaunâtre; les cornes des mâles sont longues, contournées en spirale, et celles des femelles sont plus petites; la barbe existe dans les deux sexes; la taille est petite et les formes élégantes. Cette race, originaire d'Angora, n’a pas été intro- duite en aussi grand nombre que la Chèvre du Thibet; elle fournit la laine pour les belles étofies asiatiques, — Quelques autres races sont propres à la Perse. $ 4. CHÈVRES À OREILLES LARGES, DEMI-TOMBANTES, A DUVET ABONDANT. Dans les divisions précédentes, les races, quoique d’origine étrangère, conservent, dans les pays nù elles sont introduites, leurs caractères naturels, surtout pour la longueur et la beauté de leur joison; mais dans celle-ci la race typique se présente à nous comme une race formée dans le pays natal, et pour lui seul, car elle ne se reproduit pas de la même manière en Europe. La race tyve, ou Chèvre de Lhussa, Roulin, abonde et est très-belle dans les environs de Lhussa par les quatre- vingt-dix degrés de longitude est, et se présente d'autant plus belle qu’on va plus loin à l’est; elle est petite, de couleurs variables, telles que le blane, le gris, le bleuâtre, le chamois clair et le noir; c’est la couleur des poils soyeux, car le duvet abondant qui se trouve à la base est grisâtre: les cornes sont droites, tordues en vis, divergentes; les oreilles assez grandes, mobiles, et retombant en avant. D'autres variétés se trouvent chez les Kirghis, et les habitants en ont de très-grands troupeaux. Vers l'Anatolie, on a trouvé des Chèvres à duvet encore plus abondant, telles que celles qui donnent le churon ou poil de Chameau d'Alep. La Chèvre du Thibet(Capra Tibetana, À. G. Desmarest; C. vit- losa, Wagner) est brusquement limitée du côté de l'Inde par les monts Iimalayas, et les Chèvres que l’on rencontre dès qu'on commence à descendre le versant austral appartiennent à d’autres races très-distinctes. La race thibétaine a un poil soyeux très-long, mais presque dépourvu de duvet; elle peut facilement supporter le froid, est très-adroite pour gravir les montagnes les plus escarpées. et est employée comme bête de somme pour transporter les marchandises; se trouvant en contact avec des races lanigères, elle ne tarde pas à s’abâtardir. Plusieurs des races de cette division, et surtout celle désignée sous la dénomination de Chèvre de Cachemire, fournissent ces poils fins, lai- neux, doux et souples, qui servent à la fabrication de ces beaux chäles connus sous le nom de ca- chemires. Nous ne nous étendrons pas davantage sur l'histoire des races de nos Chèvres; nous ne dirons rien des débris fossiles qui ont été découverts dans certaines parties de l'Europe, parce qu'on n'a pu jusqu'ici les rapporter avec certitude à aucune espèce distincte. 164 HISTOIRE NATURELLE. Ome GENRE. — MOUTON. OVIS. Linné, 1755. Ovis, provenant du grec Ot, nom latin de la race (pique. Systema naturæ. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES, Système dentaire : incisives, +; molaires, Ê; en totalité trente-deux dents. Incisives formant un are entier, se touchant toutes régulièrement par leurs bords, les deux moyennes étant les plus larges et les deux latérales les plus petites; molaires à couronne marquée de doubles croissants d'émail, dont trois fausses et trois vraies à chaque côté et aux deux mâchoires : les vraies molaires supérieures ayant la convexité des doubles croissants de leur couronne tournée en dellans, et les in- féricures l'ayant en dehors. Cornes grosses, creuses, persistantes, anguleuses, ridées en travers, contournées latéralement en spirale et se développant sur un axe osseux, celluleux, qui a la même direction. Chanfrein arqué; museau terminé par des narines de forme allongée, oblique, sans mufle ou par- lie nue el muqueuse. Pas de larniers; pas de barbe au menton. Oreilles médiocres, pointues. Corps de stature moyenne, couvert d'un poil assez variable par sa nature, et souvent laineux. Jambes assez grèles, sans brosses aux poignets; pas de pores inquinaux; un appareil de sécré- tion particulier occupant sur chaque pied le niveau de l'articulation supérieure des phalanges miloyennes, et s'ouvrant à l'extérieur par un trou circulaire très-pelit : ce qui n'a pas lieu chez les Chèvres. Deux mamelles inquinales. Queue, au moins dans les races sauvages, plus où moins courte, infléchie ou pendante. Assez mal distingué par les naturalistes anciens et du moyen âge, c’est à Linné que l’on doit la création du genre Mouton ou Ovis, et, d’après lui, un grand nombre de zoologistes, Brisson, Erxle- ben, Boddaërt, Gmelin, G. et Fr. Cuvier, Et. et Isid. Geoffroy Saiut-Ililaire, A. G. Desmarest. Les- son, etc., ont adopté ce groupe générique, tandis que d’autres, et nous citerons parmi eux Leske, Iliger, Pallas, Blumenbach, Ranzani, ete., remarquant le peu, on pourrait presque dire le manque de caractères propres à séparer d’une manière bien tranchée les Chèvres des Moutons, les ont réunis dans un même groupe. Quoi qu'il en soit, les Moutons ne peuvent être confondus avec les Ruminants sans cornes et pourvus de canines, comme les Chameaux, les Lamas et les Ghrevrotains, ni avec ceux dont la tête est ornée de bois ramifiés et caducs, tels que les Cerfs, ou de productions osseuses cou- vertes de peau, comme les Girafes; et dès lors on ne peut les rappocher que des Bœufs, des Anti- lopes et surtout des Chèvres; mais les Bœufs se distinguent des Moutons par leur corps trapu, leurs membres courts et robustes, leur fanon lâche et pendant sous le cou, leurs cornes lisses; leur muñle large, ete.; les chevilles des cornes totalement solides, sans pores ni sinus dans le plus grand nom- bre des Antilopes; le nombre de leurs mamelles, qui est souvent de quatre; la présence de larmiers, de pores inguinaux; les cornes non anguleuses, souvent même très-lisses, leur fourrissent un en- semble de caractères qui ne se rapportent jamais entièrement à ceux qu’on observe chez les Moutons; enfin le chanfrein droit ou concave, la direction des cornes d’abord en haut ‘et ensuite en arrière, la présence assez constante, au moins chez les mâles, d’une barbe sous le menton, et enfin l'absence de cet appareil de sécrétion de l'articulation supérieure des phalanges mitoyennes du pied, observée par Géné, sont les traits distinctifs qui séparent les Chèvres des Moutons, qui, à l’état de nature, ont à peu près la même taille, le même aspect général et les mêmes habitudes. L'organisation des Moutons, quoique étudiée par un certain nombre d’anatomistes et de vétéri- naires, n’est pas complétement connue. On possède cependant quelques détails sur leurs squelettes et sur leur myologie, qui ne présentent pas de caractères bien différents de ceux qu'offrent les autres "PL. 24. RE rihsis D. RUMINANTS. 165 Ruminants; sur leurs organes digestifs, dont le tube alimentaire, excessivement développé, est peut- être, proportionnellement à leur taille, plus long que celui des autres Ruminants; sur leurs organes de la génération, dans lesquels on peut noter quelques particularités, etc. On a cherché dans leur anatomie des caractères qui pussent les distinguer des Chèvres, avec lesquelles ils ont tant de rap- ports; mais on n’a pu découvrir que des différences que l'on pourrait appeler spécifiques, c’est-à-dire de même valeur que celles que l’on rencontre entre des espèces d’un même groupe générique. Ce qui montre que les deux genres Capra et Ovis sont excessivement voisins, c’est que la Chèvre pro- duit avec le Mouflon, et la Brebis avec le Bouc, et que les métis qui en proviennent sont quelquefois féconds; ee qui, si on suivait strictement la définition généralement donnée de l'espèce, devrait même, comme l'ont dit certains auteurs, et Buffon à leur tête, faire admettre que la Chèvre com- mune ou son type originel, l'Ægagre, ne diffère pas du Mouton où du Mouflon, dont il provient. Fig. 58. — Bouc nain. Fig. 59 — Chèvre naine. C. Chevre sans cornes, Fr. Cuvier. — Elle est très-remarquable, semble originaire de l'Espagne, et quelquefois sa chair, qui a peu d’odeur, est vendue pour celle du Mouton. $ 2. CHÈVRE A OREILLES PLATES, PENDANTES, LONGUES AU MOINS COMME LA TÊTE. Cette division, qui comprend des races très-différentes par la forme des cornes, par celle du chan- frein, par les proportions des membres et par la nature du pelage, peut se diviser en’deux groupes principaux. A. Chèvres de Syrie. — Propres toutes aux pays chauds, tels que la Syrie et les pays voisins, ainsi que diverses parties de l'Afrique continentale ou msulaire dans laquelle les Arabes ont pénétré. Pennant en décrit deux variétés chez lesquelles les sexes varient beaucoup, et qui se trouvent aux environs d'Alep, où elles servent à la consommation considérable de lait que font les habitants. La Chèvre de Syrie, Chèvre membrine de Sonnini, a le poil ras, habituellement d'un roux clair; la tête allongée et un peu moutonnée, les oreilles très-longues; elle se trouve aussi dans la Basse-Égypte, M. Hamilton Smith, qui ne considère pas séparément les Chèvres de la Basse-Égypte de celles de l'Égypte moyenne, les rapporte à trois races bien distinctes, sur la distinction desquelles nous ne pouvons entrer. B. Chèvres de la Haute-Égypte. — Races à longues jambes, dont le cou, également très-long, porte une tête petite et difforme; chanfrein très-élevé à la partie supérieure, s’abaissant brusque- ment vers le museau; nez camard; mächoire inférieure dépassant souvent la supérieure; oreilles à peu près de la longueur de la tête; pas de barbe; corps couvert de poils de couleur rousse et trop courts pour dissimuler le peu d'élégance des formes. C'est probablement à cette race que se rap- 166 " HISTOIRE NATURELLE. d'Europe; les autres espèces se rencontrent dans la chaîne de l'Atlas, dans les montagnes de la Sibé- rie et du Kamtehatka, da s celles du Canada, etc. On ne connaît d'une manière complète qu'un assez petit nombre d’espèces de ce genre; quatre surtout, les seules que nous décrirons, ont été étudiées avec assez de soin; mais on en indique, dans les catalogues mammalogiques actuels, une vingtaine d'espèces, et Lesson, en 1849, en signalait déjà quatorze. 1. MOUTON BARBU ou MOUFLON D'AFRIQUE. OVIS TRAGELAPHUS. G. Cuvier. Canacrères SPÉGIFIQUES. —— Poils de la région inférieure des joues et de la partie supérieure des mâchoires très-longs et formant une sorte de barbe double ou divisée : ceux du côté du corps courts; ceux du dessus du cou plus longs, assez droits; ceux du dessous du cou et des épaules grossiers, au moins longs de 0,11, et pourvus à leur base d'une laine très-courte et serrée; cou, dos et flancs d'un ferrugineux pâle; queue très-courte; cornes ayant 25 pouces anglais de longueur et 41 pouces de circonférence à leur base, divergentes, dirigées cu arrière et en dehors, écartées l’une de l’autre : les pointes d'environ 0°,25; taille du Mouflon ordinaire. Ce Mouton habite les lieux déserts et escarpés de la Barbarie et les chaines de montagnes du nord de l'Afrique; c’est le Tragelaphus et l Hirco-Cervus de Caius, et le Barded-Sheep de Pennant, dont nous avons reproduit la description malheureusement incomplète, et que Shaw regarde comme se rapportant à une simple variété de l'Argali, ce qui est peu probable, tandis qu’un vétérinaire instruit, M. Delafond, le considère, peut-être avec plus de raison, comme se rapportant à une variété du Mou- flon d'Europe. G. Cuvier, et d’après lui la plupart des zoologistes modernes, se basant sur le peu de détails que l’on a jusqu'ici sur cette espèce, réunissent au Mouton barbu le Mourox À Mancuerre (Ovis ornala), décrit par Er. Geoffroy Saint-Hilaire dans le grand ouvrage sur l'Égypte, et qui est adopté par M. le professeur Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Cet animal est de la taille du Mouton ordinaire; son chanfrein est assez peu arqué; ses cornes médiocres, un peu plus longues que la tête, se tou- cbant à leur base, s'élevant droites, puis se couchant de nouveau en arrière et un peu en dedans vers leurs extrémités; à face antérieure plus large que la postérieure, et étant toutes entièrement ri- dées transversalement; pelage généralement d'un fauve roussâtre, assez court partout, si ce n’est sous le cou, où il existe une longue crinière pendante, composée de poils longs, assez grossiers; les poignets et les jambes antérieures ont aussi chacun une sorte de manchette composée de poils très- longs et non frisés. Trouvé aux portes du Caire, mais n'habitant probablement pas cette partie de l'Égypte. (Voy. Atlas, pl. XXIV, fig. 2.) 2. BÉLIER DE MONTAGNE ou MOUFLON D'AMÉRIQUE. OVIS MONTANA. Et. Geolfroy. CaRACTÈRES SPÉCIFIQUES. — Tête courte; chanfrein presque droit; cornes, chez les mâles, grandes, larges, ramenées au devant des yeux, en décrivant à peu près un tour de spirale, comprimées comme chez le Bélier domestique, à surface striée transversalement : chez les femelles, beaucoup plus cour- tes et sans courbure sensible; poil court, raide, grossier et comme desséché, ayant une coloration générale d'un brun marron; fesses blanchâtres; museau et chanfrein blancs; joues d’un marron clair: queue très-courte, noire; ayant environ 5 pieds anglais de longueur, et les jambes, mesurées en ligne droite, en ayant 3. Ce Mouton est remarquable par les formes sveltes de son corps, qui est porté sur de très-longues jambes. G. Cuvier avait émis l'opinion que le Mouflon américain et l’Argali pourraient bien ne former qu'une seule espèce, etM. Harlan affirme même qu’il n’y a pas la plus légère différence entre ces deux espèces animales; mais ces Moutons, surtout celui que nous décrivons, sont encore trop imparfaite- ment connus des naturalistes européens pour qu'on puisse se décider à admettre l'opinion de M. Har- lan; cependant quelques caractères donnés par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire semblent bien dé- montrer que ce sont deux espèces distinctes. | ; RUMINANTS. | 167 C’est vers le cinquantième degré de latitude nord et le cent quiuzième degré de longitude ouest, auprès de la rivière d'EIKk, dans l'Amérique du Nord, que le Bélier de montague a été découvert, en 1800, par Gillevray, qui le rencontra par troupes de vingt à trente individus, ayant à leur tête un vieux mâle, sur les sommets des plus hautes montagnes, et particulièrement sur les pentes arides et les moins accessibles, mais descendant de temps à autre pour paître dans les vallées; il les vit sau- ter de rocher en rocher avec une vitesse et une précision qui rappellent celles des Bouquetins de nos Alpes, et il affirme qu'il serait impossible de les atteindre s'il ne leur arrivait assez souvent de s'arrêter dans leur fuite pour fixer celui qui les poursuit. Selon le rapport du voyageur anglais que nous venons de citer, plusieurs peuplades américaines font une chasse active à ces Moutons, . qu'ils nomment Mi-Auice, et dont ils estiment beaucoup la chair, surtout celle des femelles et des jeunes. 5. ARGALI ou MOUFLON D’ASIE. OVIS AMMON. Linné. Caractères spéciriQues. — Tête un peu allongée; chanfrein moins droit; cornes, chez les mâles, très-grosses, très-longues, naissant près des yeux, devant les oreilles, se couchant d’abord en ar- rière et en dessous, puis en avant, avec la pointe dirigée en haut et en dehors, triangulaires à leur base, avec une large face en avant; surface ridée en travers, depuis leur naissance jusqu'à moitié de leur longueur, puis à extrémité plus lisse, sans être toutefois tout à fait unie; cornes des femelles tès-minces, à peu près droites, presque sans rides et assez semblables à celles de nos Chèvres do- mestiques; oreilles assez larges, très-droites, terminées en pointe; cou ayant quelques plis pendants; queue très-courte; corps couvert de poils courts, en hiver, d’un gris fauve, avec une raie jaune rous- sâtre le long du dos et une large tache de la même couleur sur les fesses; face interne des quatre membres et ventre d'un rougeâtre encore plus pâle; chanfrein, museau et gorge blanchâtres, et, en été, en général plus roussâtre, mais, en tout temps, la tache jaunätre ou roussâtre des fesses restant la même; de la taille du Daim. C'est à Gmelin et à Pallas que l'on doit presque tout ce que l’on sait sur cette espèce, que le pre- mier de ces auteurs nommait Stepnie baranni, tandis que le second lui a appliqué la dénomination d'Ovis fera Sibirica, vulgo Argali dicta. Linné l'avait d’abord désignée sous le nom de Cupra Ammon, avant de la ranger dans le genre Ovis, qu'il créa plus tard. Cette espèce habite les régions fraîches et tempérées de l'Asie, et n'est pas rare dans les monta- gnes de la Mongolie, de la Sougarie et même de la Tartarie; elle se trouve aussi répandue dans le Kamtchatka; et il semblerait que ce serait d'elle que descendraient la plupart des races de Moutons domestiques de l'Asie. Les Argalis sont très-forts et très-agiles; leur légèreté, lorsqu'ils sautent de rocher en rocher, est remarquable. Les mâles, dans leurs combats pour la possession des femelles, perdent quelquefois leurs cornes, quelque grosses et solides qu’elles soient. Plus vigoureux que les Mouflons ordinaires, les Argalis s’accouplent deux fois par an, au printemps et en automne; et chaque portée est d’un ou deux petits. Quand les femelles ont mis bas, elles s’isolent de la troupe et restent seules avec leurs Agneaux. La chair de ces animaux et surtout leur graisse sont recherchées par les habitants des lieux où ils vivent. 4. MOUFLON PROPREMENT DIT. OVIS ARIES FERA. Linnc. CaracrTÈres spéciriQues. — Chanfrein busqué, surtout chez les mäles; cornes de ces derniers très- grandes, grosses, ridées surtout à leur base, d’un gris jaunâtre, atteignant jusqu’à 0",66 de lon- gueur : celles des femelles plus petites ou manquant même souvent; oreilles médiocres, droites, pointues, mobiles; cou assez gros; corps épais, musculeux, à formes arrondies; jambes assez robus- tes; sabots courts; queue courte, infléchie et nue à la face inférieure; corps couvert de deux sortes de poils. un poil laineux, gris, épais, ayant ses filaments en tire-bouchon, et un poil soyeux, assez peu long, raide, seul apparent au dehors; tête ne présentant que ces derniers poils; pelage d’un 168 HISTOIRE NATURELLE. fauve terne, mêlé de quelques poils noirs sur la tête, le cou, les épaules, le dos, les flancs et la face extérieure des cuisses, avec la ligne dorsale plus foncée; dessous du cou jusqu'à la poitrine, base antérieure des jambes de devant, bords des flancs et queue noirâtres; dessus et côtés de la fesse, ainsi qu'une ligne qui nait de la commissure des lèvres et se porte en arrière au-dessus de l'œil pour se réunir à celle du côté opposé, également de couleur noire; partie antérieure de la face, des- sous des yeux, dedans des oreilles, canons des jambes, ventre, fesses et bord de la queue, blancs; face interne des membres d'un gris sale; une tache d’un jaune pâle apparente au milieu de chaque flanc; intérieur de la bouche, langue et narines noirs; en hiver, le pelage est plus fourni, présente plus de noir, etles poils du dessous du cou forment une espèce de cravate; pelage des femelles of- frant moins d'épaisseur; jeunes d’un fauve plus pur que les adultes, avec les fesses d’un fauve bru- nâtre; cornes ayant dejà de 0°,15 à 0,29 au bout d’un an; un peu plus grand que le Mouton do- mestique, ayant environ 1°,15 de longueur totale, et sa hauteur, prise à la partie du dos la plus élevée au-dessus du sol, mesurant 0",75. (Voy. page 165.) Le Mouflon était bien conuu des anciens; il paraît avoir été désigné par les Grecs sous le nom d'og, et il est clairement indiqué dans les écrits de Pline et de Strabon sous les dénominations de Moswox et d'Opurox : Pline le rapproche avec raison de la Brebis domestique, et ajoute qu'il produit avec ce dernier animal des métis connus sous la dénomination d'Umbri. C’est le Musmon et le Mn- simon de Gesner; le Tragelaphus de Belon; le Mourcon de Buffon, Fr. Cuvier; l'Ovis argali, Bod- daërt, Shaw; l'Ovis ammon, Linné, Gmelin: la Capra amumon, Linné:; L'Ovis musimon, Goldtuss; le Musione de Sardaigne; le Muffole de Corse, ete. Cet animal se trouve dans les parties les plus éle- vées de la Corse et de la Sardaigne, sur les montagnes occidentales de la Turquie d'Europe, dans l'île de Chypre et vraisemblablement dans quelques autres îles de l'archipel grec; et, à moins que l'Argali ne doive lui être rapporté, il semblerait qu'il ne s'élève pas plus au nord. Selon Pline, l'es- pèce habitait autrefois la Corse et l'Espagne; et il semblerait même, de nos jours, selon le témoi- gnage de Bory De Saint-Vincent, que quelques individus sauvages auraient été pris dans la pénin- sule ibérique. Dans l'état de nature, les Mouflons ne quittent jamais les sommités des montagnes; ils marchent par troupes, qui se composent d’une centaine d'individus, et à la tête desquels se trouve toujours un vieux mâle. En décembre et janvier, époque du rut, ces troupes se divisent en bandes plus petites, formées chacune de quelques femelles et d'un seul mâle; lorsque ces bandes se rencontrent, les mâles se battent à coups de cornes : souvent l’un d'eux périt, et, dans ce cas, les femelles qui l'ac- compagnaient se joignent au troupeau du vainqueur. Les femelles portent cinq mois, et mettent bas, en avril ou mai, deux petits qui peuvent marcher dès le moment de leur naissance, et dont les yeux sont ouverts; elles ont pour eux beaucoup de tendresse, et les défendent avec courage. Ce n’est qu'à la troisième année que les petits ont atteint tout leur développement, quoiqu'ils montrent, dès la fin de la première année, le désir de s'accoupler. La ménagerie du Muséum a possédé des Mouflons, Fr. Cuvier a publié à ce sujet d'intéressantes remarques. La domesticité n’a aucune influence sur le développement de l’état intellectuel dans ceux de ces animaux qui ont vécu à notre ménagerie; ils étaient méchants, presque indomptables, et ne se sont pas familiarisés, n'ont jamais montré aucune confiance, aucune affection, aucune docilité, bien différents en cela des animaux carnassiers, que l'on parvient presque toujours à captiver par la douceur et par de bons traitements. C'est du Mouflon et peut-être aussi de l’Argali que sont descendus nos Mourons pomesriques et leurs races ou variétés innombrables dont il nous reste à parler. La plupart de ces races, quoique leur organisation soit presque identique avec celle du type sauvage, semble, au premier coup d'œil, s'éloigner considérablement de ces Ruminants et appartenir même à un genre tout différent. Les formes sveltes et gracieuses, la rapidité et la légèreté des mouvements qui caractérisent les Mou- flons, ont fait place, chez les Moutons, à des formes plus ou moins lourdes, à une lenteur, à une indo- lence qui sont presque devenues proverbiales; en outre, le poil rude et cassant, dont l'aspect a fait comparer les Mouflons aux Daims et aux Chevreuils, est remplacé par une laine moelleuse. Gette der- nière modification à principalement semblé bien remarquable, et il devait en être ainsi; car elle suf- fisait seule pour changer entièrement l'aspect de l'animal: aussi les naturalistes ont-ils de bonne heure tenté de l'expliquer, et leurs recherches ont donné pour résultat qu'il n’y a pas là, comme on . RUMINANTS. 169 aurait pu être porté à le croire, une sorte de métamorphose ou même de création nouvelle, mais un développement de ces poils laineux qui existent chez tous les Mammifères des pays froids, et qui se trouvent même avoir déjà chez les Mouflons une forme et une disposition analogues à celles de le laine de nos Moutons domestiques. Mais comment et par quelles causes s’est opéré ce changement des poils laineux en une véritable laine? Comment s'est opérée la disparition des poils soyeux que l'on observe en même temps? Toutefois la nature du pelage n'a pas subi, dans toutes les races do- mestiques, la modification dout nous venons de parler, et quelques-unes d’entre elles ont encore, sous ce rapport, conservé les caractères du type primitif. Plusieurs races ont un vrai poil court, see et soyeux comme celui du Mouflon; d’autres ne conservent ces poils que sur la tête et sur les mem- bres, et chez eux le corps est couvert seulement par les poils intérieurs plus ou moins fins, plus ou moins abondants, et qui constituent la laine. La queue courte du Mouflon se voit encore dans quel- ques Moutons du Nord, tandis que dans ceux des régions tempérées elle s’allonge, et que, dans plu- sieurs variétés des régions chaudes du globe, cette queue se charge d’une loupe graisseuse qui acquiert souvent un énorme développement; enfin les couleurs du pelage des Moutons couverts de vrais poils sont presque toujours rapprochées du fauve et régulièrement disposées, tandis que ceux qui n’ont que de la laine sont le plus ordinairement blancs ou bruns. Toutes les races de Moutons domestiques produisent entre elles, et leurs métis présentent tou- jours des caractères mixtes relativement à ceux de ces races : chez toutes, il semble y avoir un dé- faut complet d intelligence, ce qui tient peut-être à l'entière et antique domination de l'homme. L'espèce, dégénérée au dernier point, est peut-être, comme le fait remarquer Fr. Cuvier, la seule parmi celles des animaux domestiques qui ne pourrait pas revenir à l'état de nature si elle se trou- vait placée dans les conditions mêmes les plus favorables à son existence; il semble qu’une fois abandonnée par l'homme, elle ne tarderait pas à disparaître. Ce n’est qu'à l'époque des amours que les Moutons entiers ou Béliers montrent quelque ardeur, quelque courage; alors seulement un senti- ment de jalousie irréfiéchie les porte à se battre entre eux, ce qu'ils font en s’élançant les uns contre les autres et en se frappant à grands coups de tête; hors ce temps, ils sont dans un état complet d'in- dolence et de stupidité. Les femelles, ou Brebis, ne semblent avoir qu'un faible attachement pour leur progéniture, et elles se la voient enlever sans chercher à la retenir. Les jeunes, qui à leur nais- sance portent le nom d'Antennois, et qui plus tard, pendant un an, ont reçu celui d'Agneaux, pa- raissent doués d’un sentiment un peu plus fin; car il est certain qu'ils reconnaissent parfaitement leur mère au milieu d'un troupeau, ce qu'ils ne doivent peut-être qu'à une lueur d'instinet qu'ils ne tardent pas à perdre. Ils sont de la plus parfaite indifférence les uns pour les autres; ils se rappro- chent et se serrent lorsqu'ils éprouvent quelque frayeur, ce qui leur arrive souvent; et toujours, dans leur marche ou dans leur fuite, la détermination d'un seul, le plus avancé, ou plutôt le hasard qui dirige la marche de celui ci, devient la règle de conduite de tous les autres; ils ne savent éviter au- eun danger, et même ils sont incapables de chercher aucun abri contre les intempéries de l'atmo- sphère. Ils savent à peine trouver leur nourriture dans les terrains peu abondants en végétaux, et en cela ils sont loin de montrer un discernement comparable à celui des Chèvres. Leur constitution est très faible, et leur conservation demande des soins constants. Un grand nombre d'agriculteurs et de vétérinaires ont publié des travaux importants sur l'éduca- tion, la conservation et le perfectionnement des Moutons; nous allons indiquer sur ce sujet quelques notions très-générales, d'après le résumé qu'en a donné A. G. Desmarest dans le Dictionnaire des Sciences naturelles, et, pour plus de détail, nous renvoyons aux traités spéciaux. Les Brebis sont en état d'engendrer à un an, et les Béliers à dix-huit mois; mais on ne fait produire les premières qu'à deux ans, et l'on ne permet au Bélier de couvrir ses femelles qu’à trois ans, époques auxquelles ils ont acquis toute leur croissance. C'est entre le commencement de novembre et la fin d'avril que les Bre- bis sont disposées à s’accoupler; néanmoins une nourriture abondante et un peu échauffante peut les mettre en état de concevoir dans les autres mois; c’est principalement septembre, octobre et novembre que l'on choisit pour la monte, afin d’avoir des petits en février, mars et avril, saison où l'herbe tendre et abondante convient le plus à la nourriture des jeunes animaux. L'accouple- ment se fait très-vite; un Bélier bien constitué peut servir, sans s’épuiser, une trentaine de Brebis. Ces dernières, une fois couvertes, doivent recevoir de grands soins : dans nos pays, elles ne font qu'un petit, et ne produisent qu'une fois par an; mais, dans quelques contrées des pays chauds, cer- P. 22 170 HISTOIRE NATURELLE. taines races ont deux Agneaux par portée, et ces portées se renouvellent deux fois par an. Les Bre- bis conservent leur lait sept ou huit mois après la naissance des petits; mais on ne laisse ceux-ci teter que deux où trois mois. Comme le nombre des mäles qui naissent est aussi considérable que celui des femelles, et qu'il n’est nécessaire de garder qu'un petit nombre de ces mâles pour la re- production, les autres sont en général destinés pour la boucherie, ou conservés, après la castration, pour en recueillir la laine pendant plusieurs années : ces animaux ainsi castrés portent le nom spé- cial de Moutons. La chair des Agneaux se mange lorsqu'ils ont de trois semaines à deux mois au plus. L'époque à laquelle on engraisse les Moutons pour la boucherie est très-variable : si lon veut se procurer une chair tendre et de bon goût, il faut les engraisser entre deux et trois ans; mais si l'on désire obtenir tous les produits en laine qu'on peut espérer de ces animaux, on attend jusqu'à six, sept et même dix ans, lorsque l’on est dans un pays où les Moutons peuvent vivre jusqu à cet âge; alors il faut les engraisser un an où quinze mois avant le temps où ils commencent à dépérir. Une fois engraissés, il faut se hâter de tuer les Moutons; car ils ne vivraient pas longtemps dans cet état. C’est vers le mois de mai que l’on fait la tonte des Moutons; on lave parfois la laine sur le dos même de l'animal; mais le plus habituellement on la détache telle qu’elle est, remplie d’une sueur grasse qu'on appelle suint, laquelle est un préservatif merveilleux pour écarter les Insectes destructeurs de la laine. Les troupeaux de Moutons sont ordinairement composés de cent à deux cents bêtes de tous âges. Dans nos climats, on les loge dans des étables qui doivent être bien aërées, et on les conduit chaque jour paître dans la campagne. La fiente des Moutons étant un engrais actif et que l'on em- ploie très-utilement, on a imaginé, pour perdre le moins possible d'excréments, le parcage des Mou- tons, pour lequel on doit suivre des règles assez compliquées. Les maladies des bêtes à laine sont nombreuses; les unes, ou les épizootiques, se répandent sur un grand nombre d'animaux sans dis- tinction de pays, et dans tous les temps : telles sont le claveau ou la clavelée et la gale; d'autres, ou les enzootiques, sont attachées à certaines contrées et reviennent chaque année à la même époque : telles sont la falèxe, la pourriture, etc.; d’autres encore, les sporadiques, surviennent sans régula- rité, indistinetement, partout, à quelques individus seulement : telles sont, par exemple, le tournis,. le piétain, le fourchet, ete. Plusieurs de ces maladies sont contagieuses, soit par contact immédiat, soit par des intermédiaires, tels que le charbon, le claveau et la gale. Outre ces maladies, on doit ajouter que les Moutons sont souvent attaqués par uu grand nombre de Vers intestinaux des genres Tricocéphale, Strônyle, Douve, Cysticerque, Échinocoque, etc.; qu'un Insecte diptère, l'Œstre, atta- que des parties importantes de leur organisme et produit le touruis; et qu'enfin, lorsqu'ils ont mangé trop de certaines plantes un peu aqueuses, comme le trèfle, la luzerne, le seigle vert, etc. ils éprou- vent un accident singulier qu'on appelle météorisation, enflure, écouflure, etc., et qui peut sou- vent, lorsqu'on n’y porte pas un prompt remède, être mortel. La durée de la vie des Moutons est habituellement de douze à quinze ans; l'âge de ces animaux, au moins pendant les premières années, se reconnaît par l'existence ou l'absence des incisives de lait, et par l'état de destruction plus ou moins assuré de leurs dents de remplacement; à un an, les deux intermédiaires de lait tombent et sont remplacées, et à trois ans elles sont toutes renouvelées; elles sont alors égales et blanches, mais ensuite elles se déchaussent, s’émoussent et deviennent inégales et unies. Les produits des Moutons dont l'homme tire les plus grands avantages sont leur chair et leur lait, dont il se nourrit; leur peau et surtout leur laine, qui lui fournissent des vêtements; leur graisse, dure et solide, désignée sous le nom particulier de suif, qu'il emploie à s’éclairer pendant la nuit et à plusieurs autres usages; leurs os, dont il tire divers produits; enfin leurs excréments mêmes, qui, donnant un engrais très-chaud, contribuent puissamment à augmenter la fertilité des terres. La domesticité du Mouton remonte aux temps les plus reculés. L'Écriture sainte rappelle son exis- tence en même temps que celle des premiers habitants de la terre. Les Moutons étaient très-estimés des Grecs; leur introduction en Italie n'eut lieu cependant qu’assez tard, mais ils y donnèrent lieu à de nombreux travaux. Les Moutons d'Espagne sont renommés depuis la plus haute antiquité; mais on ne sait pas si ces animaux ont été importés dans ce pays, soit de l'Afrique, soit de l'Orient. On pense généralement que ce ne fut qu'à des époques moins éloignées que les troupeaux ont pu être introduits dans les autres parties de l'Europe, alors très-boisées et très-humides, et où l'éducation du Bœuf devait être préférée. Après la découverte du nouveau monde, les Espagnols introduisirent, dit-on, le Mouton domestique en Amérique, et ce n'est qu'à une époque encore peu éloignée que les M UT Ne STI TE, ns RUMINANTS. 171 Mérinos furent importés en grand nombre dans l'Australie. Bien que l'éducation des bêtes à laine ait été très-perfectionnée dans un grand nombre de contrées de l'Europe et de l'Asie, on voit encore en Perse, au voisinage de la mer Caspienne et dans certaines parties de l'Indoustan, lieux peu favo- rables à la perfection des formes et à l’affinage de la laine, des Moutons se rapprochant jusqu'à un certain point de l’état de nature. Fig. 1. — Mouton de Perse. D'après l'ancienne domesticité du Mouton, on comprend qu'il doit y avoir une très-grande quan- tité de races et de variétés de cette espèce, et c’est ce qui a lieu en effet. Un très-grand nombre de naturalistes et d'agriculteurs se sont occupés de ce sujet important et ont proposé plusieurs classifi- cations différentes; il ne nous est pas possible d’entrer dans de grands détails à ce sujet : aussi n'in- diquerons-nous que les races principales, et nous suivrons dans ce travail la méthode donnée par M. le professeur Delafond dans son article Mouton de l'Encyclopédie du dix-neuvième siècle, tome XVI (trente-deuxième volume), 1851. Parmi toutes les races de Moutons domestiques, trois grandes divisions doivent être établies : $ 1. Races À GROSSE QUEUE (Ovis aries laticaudata, Raï). — Elle à la taille des races communes françaises : chanfrein très-arqué; oreilles pendantes; cornes n’existant pas ou ayant des formes très- variées; laine longue, à mèches grosses et épaisses; queue descendant jusqu'aux jarrets, grosse, large, très-renflée par l'accumulation d'une grande quantité de graisse douce, oléagineuse, et employée dans certaines contrées à la place du beurre et de l'huile: graisse accumulée quelquefois aussi en grosse masse à l'origine de la queue. Le MouToN À GROSSE QUEUE, Fr. Cuvier, ou Mouron pe BARBARIE, est lors Aga@es d'Ælian et de Gesner, l'O. cauda obesa de Ludolf, l'O. turcica de Charlton; O. la- ticaudata, Rai; O. aries stelopyga, Pallas, ete.; habite l'Afrique, l'Asie et la partie de l'Europe voisine de cette dernière. On peut y distinguer quatre races. — A. Une première, des steppes du midi de la Russie, de la Perse et de la Chine, signalée par Pallas, ayant une queue excessivement courte et dont la loupe graisseuse est composée de deux grosses masses plus on moins arrondies, réunies supérieurement, mais séparées à leur partie inférieure. — B. Une race de la Haute-Ésypte, figurée par Fr. Cuvier, à queue qui descend très-bas, surpasse le corps en largeur dans les deux 172 HISTOIRE NATURELLE. premiers tiers; le dernier étant beaucoup moins large. — C. Une troisième, le Bélier du cap de Bonne-Espérance, de Pennant, remarquable par ses longues oreilles pendantes et par ses grosses loupes caudales remplies de graisse. — D. Une quatrième, ou le Mouton d'Astracan, Fr. Cuvier, dont les jeunes Agneaux fournissent les fourrures connues dans le commerce sous le nom d'astra- can, qui n'a constamment pas de cornes, et dont la queue n'offre qu'un renflement assez léger. $ 2. Races A LONGUE QUEUE (Ovis aries dolichura, Pallas). — Taille ordinaire; tête noire; cornes de grosseur moyenne et contournées en spirale sur les côtés de la tête; queue très-longue, traînant quelquefois à terre, mais sans aucune tendance à l'élargissement far la graisse; laine longue, grasse, quelquefois ondulée. Cette race, qui est désignée sous les noms de T'scherkessica par Pallas, d'Ovis Arabica, Jonhston, etc., habite la Russie méridionale et particulièrement les bords du Danube et du Dniester, la Moldavie, la Bessarabie, la Valachie, la Transylvanie, la Hongrie, et vers l'ouest Jus- qu'à Vienne. $ 3. Races À LONGUES JamBes, Fr. Cuvier (Ovis aries longipes, Linné). — Grande taille; forme efflanquée; corps très-allongé; jambes très-hautes; tête prolongée et fortement arquée, se rappro- chant de celle du Monflon; oreilles grandes et pendantes; cornes de longueur moyenne; queue lon- gue. Quelques races ou variétés ont au-dessous du cou une longue laine formant un épais fanon; d’autres portent une espèce de crinière qui se prolonge jusqu'aux épaules, à poil court et n’ayant rien de laineux. Cette division est originaire d'Afrique, et particulièrement de la côte de Guinée et dun cap de Bonne-Espérance. Elle est, assure-t-on, très-répandue dans l'Inde. Les Hollandais l'ont, dit-on, transportée des côtes de la Guinée et de l'Inde dans l'île Texel. De ce lieu, elle aurait été in- troduite dans la Frise, la Flandre orientale, le Holstein, le Schleswig, le pays de Marsh, la partie orientale du nord de l'Angleterre, et enfin dans le nord de la France, où elle aurait donné naissance à des races particnlières ayant quelque chose du type et connues aujourd’hui sous les noms de races du Texel, hollandaises, anglaises, frisonnes, flandrines ou flamandes, artésiennes, picardes, cau- choises, ete. C’est Le type originel de ces races que Margrave et Jonhston ont nommées Arices Guincensis ou Angalensis; c'est le Bécrer er Bremis pes Ines et le Monvan de Buffon, Ovis Adimain, Bod- daërt, ete. Fig. 42. — Mouton commun. Presque toutes nos races de Moutons d'Europe, les seules dont nous voulions parler, semblent sache 5 Ca: SE ER Fig 1 — Mouton à crosse queue. RUMINANTS. 173 descendre de cette division, et cependant nous devons faire observer que quelques-unes d’entre elles peuvent bien être le produit, soit de diverses races des deux autres divisions, soit de races des Mou- tons asiatiques, qui eux-mêmes semblent provenir plutôt de l'Argali que du Mouflon. A. Races ou nonp. — Nous en citerons particulièrement deux : 4° le Mouton valachien (Ovis aries strepsiceros, Pline; Où Exvdes, Oppian), chez lequel les cornes sont très-longues, avec une arête très- marquée, dont la laine est très-abondante, ondulée, grossière, propre à faire des fourrures, la queue très-longue et très-touffue, et se trouve dans l'ile de Crète, la Valachie et la Hongrie; 2° le Mouton d'Islande (Ovis aries polycerata, Linné; O. Gothica, Pallas; Bévier p'Iscaxne et Brénis À rLu- SIEURS cornes, Buffon), de petite taille, à cornes irrégulières, assez grandes, variant en nombre de- puis deux jusqu’à six et plus, à simple courbure dirigée en arrière, ayant un pelage généralement court, d’un brun noirâtre, et qui habite l'islande, les îles Féroë, la Norwége et le Gothland. B. Races 1ratiexxes. — On ne trouve plus aujourd'hui en Italie qu'un petit nombre de Moutons à laine fine; mais ces animaux sont déformés, grêles et défectueux, et l’on peut difficilement y recon- naître les descendants de ces belles races d'Apulie, du Bratiane, de la Sicile, ete., qui donnaient, au temps de la splendeur de Rome, ces belles laines fines et si recherchées pour la confection des vêtements. C. Races EspAGNOLEs. — Les Moutons d'Espagne ont dù être améliorés par les diverses races amt- nées de l'Asie par les premières colonies phéniciennes, de l'Afrique par les Carthaginoiïs, de lfta- lie par les Romains, et enfin une dernière fois de l'Afrique par les Maures, et ainsi il est probable que ces derniers n'ont pas apporté d'Afrique, comme la plupart des auteurs l'ont pensé, la race Mérinos ou Mérine, mais qu'ils ont seulement contribué à perfectionner les races qu'ils out trouvées dans le pays. Cette race Mérinos (Ovis aries Hispania, Linné), est de taille moyenne, à corps ramassé et arrondi, à croupe fournie et courte, à tête grosse, large, plate ou légèrement arquéce au chanfrein, à cornes volumineuses et en spirales, pourvues de nombreux et profonds sillons et pouvant quelquefois manquer; à jambes courtes; peau rose, très-mince, à laine fine, douce, plus ou moins ondulée, élastique, assez courte, tassée, fortement chargée de suint, recouvrant la tête jusqu’au bout du nez et formant à son sommet, dans les animaux sans cornes surtout, un toupet marqué; quelques individus, les Mérinos plissés, ayant la peau produisant un fanon marqué et formant au cou, aux épaules et aux fesses de nombreux plis qui augmentent beaucoup son étendue. On distingue deux types dans cette race : le type voyageur où transhumant et le type sédentaire ou estant; le premier comprenant les Mérinos léonés du royaume de Léon, les plus recherchés à cause de leur belle con- formation et de la finesse de leur laine, et les Mérinos sorians, élevés dans les environs de Soria et de Ségovie, et qui l'hiver habitent les confins de l'Estramadure, de l'Andalousie et les pâturages de la Navarre et des Pyrénées; le second type descend des bêtes sorianes, et les Moutons qu'il comprend séjournent constamment, hiver et été, aux environs de Ségovie; ils sont moins estimés que les au- tres, et le prix de leur laine est d'un quart ou deux tiers moindre. Les Mérinos, à cause de la beauté- de leurs formes, et surtout du poids et de la finesse de leur toison, ont été importés en Suède, en Saxe, en France, en Prusse, en Autriche, en Hongrie, eu Angleterre, en Amérique, au cap de Bonne- Espérance, en Australie, etc.; partout, si ce n’est eu Angleterre, ces animaux ont prospéré et sont devenus Ja source d'une grande richesse agricole, et aujourd’hui même l'Australie rivalise en quelque sorte, pour la beauté de ses laines, avec les plus belles productions de l'Espagne, et l'emporte par leur abondance. D. Races azLEMANDES. — L'Allemagne a importé, bien plus que la France, les Mérinos léonés pro- venant de Péralès, de l'Infantado et de Negrette; aujourd'hui la Bavière, la Saxe, la Bohême, le [la- novre, la Prusse, l'Autriche, la Hongrie, la Russie et les petits États allemands possèdent des trou- peaux de Mérinos très-recherchés et donnant une quantité de laines superfines : on cite particulère- ment la race électorale de Saxe. Parmi les races allemandes proprement dites, on indique surtout la race de Mark ou de Frise, à corps gros, long, à jambes longues, à tête légèrement busquée, à oreilles pendantes, à laine longue, droite et lisse, qui habite les contrées les plus fertiles de l'Alle- magne, du Hanovre, du Holstein et du Schleswig; ces Moutons, dont les Brebis sont très-fécondes, 474 HISTOIRE NATURELLE. s’engraissent facilement dans les bons pâturages; ils sont amenés sur les bords du Rhin et alimen- tenf souvent nos marchés français et en particulier ceux de Poissy et de Sceaux. Une autre race al- lemande est la race des bruyères, qui est très-rustique, donne une siande recherchée, mais dont la Jaine est courte, grise ou jaunâtre, très-rude. E. Races anGratses. — Quoiqu'on ait donné des noms particuliers, ceux de Ovis aries Anglica et d'Ovis Anglicana, Linné, au Mouton anglais, il est très-facile de reconnaître qu’il y a plusieurs races distinctes en Angleterre; quelques-unes sont très-remarquables sous le rapport de leur confor- mation, de leur nature, de leur précocité et de la beauté de leur laine longue et propre au peigne; plusieurs ont été introduites en France à différentes époques, vantées depuis une vingtaine d'années surtout et entretenues dans nos bergeries nationales, et principalement à Alfort, où elles ont été in- troduites par les soins de M. Yvart. Parmi ces races, on doit principalement citer les suivantes : 4° Races à longue laine ou longwouds, comprenant : — 4. Race dite Dishley, New-Leicester ou de Bakewell : taille moyenne, corps rond, flanc court; cou, garrot et croupe formant une ligne droite; épaules fortes: reins larges; tête petite; front large: oreilles petites; yeux gros; pas de cornes; laine assez fine, blanche, brillante, de 0,15, 0",20 et même 0,25 de longueur, et propre au peigne; cette race paraît descendre de la souche primitive des Longwods, existant depuis un temps immémorial dans les contrées du centre de l’Angleterre, et on s'accorde à penser que le grand perfectionnement auquel Bakewell l’a portée résulte d'un choix habile parmi les plus beaux individus du comté de Lei- cester; ce n'est ni dans le volume, ni dans le poids de son corps et de sa toison, ni dans la longueur. la finesse et le brillant du brin de la laine, que consiste son mérite principal et réel; mais sa valeur et sa supériorité incontestables sur les autres races à longue laine de l'Angleterre proviennent de sa conformation parfaite, de sa nature excellente, de son extrême précocité et de la haute faculté qu'elle possède de bien approprier la matière alimentaire, et de la convertir, dès le très-jeune âge, en chair et en graisse; les Dishleys, qui réussissent dans nos départements du Nord et de l'Ouest, peuvent, dans l'économie d’une ferme bien cultivée, être engraissés et vendus pour la boucherie dès l’âge de quinze mois ou deux ans; les Béliers sont très-prolifiques et peuvent, dit-on, couvrir quarante, cin- quante et même cent Brebis : celles-ci sont fécondes et ont souvent des portées doubles. — r. Race Ronney-Marsh, très-ancienne en Angleterre, originaire des plaines d’alluvion ou des marais du comté de Kent, à tête grosse, avec un toupet de laine, à encolure allongée et forte, à jambes lon- gues et grosses, à tbdomen et flanc très-développés: très-rustiques, lestes, supportant facilement les rigueurs des fortes rafales de la mer et l'humidité des pâturages, mais s’engraissant lentement. — c. Race New-Kent : c'est un produit de la précédente et des Dishleys, ayant des caractères des deux, et étant aujourd’hui assez répandu en France. — n. Race Cotswold, du comté de Gloucester, à taille un peu élevée; chanfrein légèrement busqué chez les mâles; pas de cornes, corps bien fait; jambes assez longues et assez fortes, laine tassée, mèche de 0m,15 à 0,20 de longueur, d’un bril- lant argentin, douce : animaux rustiques et d’une constitution parfaite, introduits en Suisse et dans le midi de la France, etc. 2° Races à laine courte, parmi lesquelles on préfère : — a. Race Southi- Down, des petites collines calcaires formant les dunes du comté de Sussex; animaux à face noire encadrée par la laine blanche formant une espèce de toupet sur le front; jambes noires ou d'un gris noirâtre; corps trapu; tête courte, assez forte; toison bien tassée, pesant environ un à deux kilo- grammes lavée à dos, et dont la mèche a 0",06 à 0,10 de longueur, un peu rude, jamais bien blan- che; élevé surtout pour sa viande, qui a constamment joui d’une grande réputation, et pour sa laine, qui estexcellente pour la fabrication des draps très-résistants à la pluie; ont été introduits en France. — 8. Race Cheviot, originaire du nord du Nortkumberland dans un pays de montagnes : tête et pattes brunes ou noires; pas de cornes; corps plus ou moins long; membres minces; toison épaisse; chair assez bonne; très-rustiques et s’accommodant des pâturages les plus grossiers; transportés dans tous les pays de montagnes de l'Angleterre, et réussissant dans nos Alpes et nos Pyrénées. — c. Race du pays de Galles ou des bruyères, ne se distingue guère de la précédente que par la présence de cornes, et vivant dans la chaîne de montagnes qui séparent l'Angleterre de l'Écosse, etc. F. Races FRANÇAISES. — On pensait jadis qu'il n'existait qu’une seule race française plus ou moins modifiée, et à laquelle on appliquait la dénomination d'Ovis aries Gallica; mais aujourd'hui tous les agriculteurs sont d'accord pour y reconnaître un assez grand nombre de races différentes tant in- RUMINANTS. 175 digènes qu'introduites ou modifiées. 1° Grandes races à longue laine. — a. Race flandrine ou flamande, à corps long; jambes hautes; tête petite et sans cornes; flancs allongés; queue longue; marche dégagée: laine longue de 0,20 à 0,25, douce, brillante, nerveuse, disposée par mèches pen- dantes et pointues. Cette race, qui est très-bonne pour la boucherie, exige une nourriture abondante et substantielle, se rencontre en Hollande, en Belgique, dans les provinces rhénanes, et, en France, dans les départements du Nord, ainsi que dans la Vendée et dans la Charente-Inférieure. — 8. Race artésienne, qui ne semble qu'une variété, à formes plus ramassées, de la précédente, dont la laine est de belle qualité, et qui habite l’ancienne province de l'Artois. — c. Race picarde, un peu moins éle- vée sur jambes et moins lourde que la précédente, à laine grosse, moins longue que celle de la race flan- drine, dont elle semble descendre; sa toison, longue et propre au peigne, alimente les fabriques de Turcoing, Roubaix, Bille, Amiens, Abbeville, ete. — p. face cauchoise ou normande; de taille assez élevée, à tête longue et assez grosse, à corps long, rond, ample, à toison disposée en mèches droites, pointues, douces et assez brillantes, et dont le pays originaire est compris entre Rouen, le Havre, Dieppe et Neuchatel; a, comme la précédente, été croisée, avec avantage, avec les races anglaises. — &. Race du Rouerque où du Causse, à taille élevée; corps long; tête busquée; laine longue, très- commune, pouvant être peignée, mais laissant beaucoup de déchet; cette race est très-robuste et donne une bonne viande. À ces diverses races on peut ajouter les races anglaises, soit pures, soit mélangées aux nôtres. 2° Races étrangères de moyenne taille et à laine fine introduites et acclima- tées en France : les deux principales de ces races sont la race Mérinos d'Espagne, déjà introduite depuis longtemps dans plusieurs parties de notre pays, et qui y donne de bons résultats, et la race - anglaise South-Down, qui se reproduit à l'état de pureté à la ferme de Montcavrel, où, ainsi qu'à Alfort, une vente en est faite chaque année, et qui a été croisée avec quelques-unes de nos races in- digènes. 5° Races françaises à laine fine. Les trois principales sont : — a. Race du Roussillon, à taille moins élevée que les Mérinos, à corps moins trapu; cornes contournées en spirale et dans les deux sexes; laine fine, plus ou moins ondulée, élastique, très-nerveuse, mais moins imprégnée de suint et moins tassée que la laine mérinos; chair estimée. — 8. Race du Berry ou Brione : taille pe- tite; corps rond; tête petite; pas de cornes; membres assez courts, grèles, droits, sans poils; laine égale, blanche, fine, douce, tassée, légèrement frisée; chair excellente; des plaines calcaires du haut Berry, mais surtout des environs d'Issoudun. — c. Race de Larzac; taille petite; corps bien fait; tête droite, petite, légèrement busquée; queue courte; membres grêles; laine blanche, fine, fri- sée, très-onctueuse; race très-rustique, d’une bonne nature, d'une grande finesse et excellente lai- tière : en effet elle donne le lait qui sert à la fabrication du fromage de Roquefort, si estimé dans le commerce, et dont la consommation est si considérable : se trouve dans l'Aveyron, et surtout dans les arrondissements de Saint-Affrique et de Milban. 4 Races françaises à laine commune : ces races, répandues sur presque tous les points de notre territoire, et propres exclusivement à la boucherie, sont beaucoup trop nombreuses pour que nous les indiquions toutes; ainsi ne signalerons-nous que les principales. — a. Race gatine, des départements de la Vienne et des Deux-Sèvres; élevée dans les plaines presque incultes nommées gatines; remarquable en ce que sa tête, son ventre et ses jam- bes sont dépourvus de laine; donnant une chair exquise, et ne devant pas être confondue avec les Moutons vendéens, nantais, marchais et gatinais. — ». Race solognote. encore pure, de petite taille, à membres roux non garnis de laine, assez trapue, propre à l’ancienne Sologne ou dans le territoire compris entre Romorantin, Bourges, Orléans et Gien : est rarement élevée dans son pays natal, mais est surtout en faveur parmi les engraisseurs du val de la Loire, du Berry, de la Beauce, du Gatinais et des environs de Paris. — c. Race provençale, petite, à corps bien fait; jambes peu éle- vées; laine commune; très-abondante dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et de la Vaucluse; nourrie dans le pays pendant l'hiver et envoyée l'été dans les montagnes de la Drôme, de l'Isère, des Hautes et Basses-Alpes. — n. Race ardennaise, petite, à tète et jambes rousses; s’en- graissant facilement, pouvant être entretenue dans des pâturages maigres; très-robuste et donnant une viande excellente; du département des Ardennes. — e. face champenoïse : cette race, remar- quable par sa laine et qui était très-estimée, a presque entièrement disparu aujourd’hui, par suite de l'introduction des Mérinos. — Le Berry, la basse Normandie, le pays de Cholet, V Anjou, le Per- che, ete., possèdent encore quelques races pures, mais généralement peu estimées, dont nous ne croyons pas devoir parler. 176 HISTOIRE NATURELLE. Après avoir fait connaître les quatre espèces principales de Moutons et avoir indiqué les races nom- breuses qui descendent de l'uue d'entre elles au moins, il nous reste à indiquer les noms des autres espèces admises par les auteurs, tout en faisant observer que quelques-unes d’entre elles ne sont que de simples variétés de l'Argali et du Mouflon; telles sont les Ovis ophion, BIyth, de l'ile de Chypre; ©. steatopygos, Pallas, d'Abyssinie; O. cylindricornis, Blyth, du Caucase; O. Gmelini, Plyth, de l'Arménie et de la Perse; O. Palii, Blyth, de Pamir en Asie; O. nahoor, Hodgson, de Thibet et de l'Himalaya: O. Burrhel, Blyth, du Kamtchatka; O. Californiana, Douglas, de la Caïifornie; O. Vig- nei, Blyth, du petit Thibet, etc. En outre, on a signalé quelques ossements fossiles, mais ils sont trop peu connus pour qu'on puisse les distinguer spécifiquement. TROISIÈME TRIBU. BOVIENS. BOVII. Nobis. Le mot Bœuf, dit G. Cuvier, désigne proprement le Taureau châtré; dans un sens plus étendu, il désigne l'espèce entière, dont le Taureau, la Vache, le Veau, la Génisse et le Bœuf ne sont que dif- férents états; enfin, dans un sens plus étendu encore, il s'applique au genre entier, qui comprend les espèces du Bœuf, du Buffle, du Bison, de l'Yack, etc. Dans ce dernier sens, le genre Bœuf est composé de Ruminants à pieds fourchus et à cornes creuses, qui se distinguent des autres genres de cette famille, tels que les Chèvres, les Moutons et les Antilopes, par un corps trapu, par des mem- bres courts et robustes, par un cou garni en dessous d’une peau lâche qu’on appelle fanon, par des cornes qui se courbent d’abord en bas et en dehors, dont l'axe osseux est creux intérieurement et communique avec les sinus frontaux. Le genre Bœuf, quoique ne renfermant qu’une dizaine d'espèces, est devenu pour les zoologistes modernes une famille particulière qui a reçu les noms de Boridæ, H. Smith; Hovina, Gray: Bovinés, Duvernoy; Bovesidæ, Lesson, etc., que, pour nous conformer à notre nomenclature, nous avons désigné sous la dénomination de Boviens (Bovii), et qui ne comprend qu'un seul genre, celuisdes Bœurs ou Bos, qui a été partagé en quatre groupes distinets, ceux des Bœufs proprement dits, Bisons, Buffles, Yacks et Ovibos, dont on a même fait des genres, mais que nous ne considé- rons que comme de simples sous-genres. On a parfois disposé autrement cette division, et c’est ainsi que les Bovesidæ de Lesson, outre les Bos, renferment le genre Bibos, Hodgson, qui ne comprend que le B. frontalis et le genre Catoblepas, dont nous avons regardé les espèces comme n'étant que des Antilopes, et que pour lui les Ovibos ne se rapportent pas à la tribu des Ovesidæ. Nous entrerons dans plus de détails sur cette tribu en décrivant le genre si important des Bœufs; nous ajouterons seulement que lon rencontre à l'état de nature des Boviens partout, excepté en Océanie, et qu'il en existe des espèces fossiles. GENRE UNIQUE. — BOEUF. BOS. Linné, 1735. Bos, nom latin de l'espèce typique. Systema naturæ. CARACTERES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, {; moluires, 55; en totalité trente-deux dents. Incisives infé- rieures rangées régulièrement, larges et en forme de palette; molaires ne présentant rien de par- liculier et disposées comme dans les Ruminants en général. à Maire Les US, PET, LI RPRILES à Ê RUMINANTS. 117 Tête forte; chanfrein droit; un large mufle terminant le museau, mais manquant dans l'Ovi- bos; oreilles en général grandes, en cornet, mobiles; yeux grands; langue longue, douce ow cou- verte de papilles cornées; pas de larmicrs, de pores inguinaux, ni de brosses de poils aux poignets. Cornes simples, coniques, lisses, à coupe ronde, prenant différentes inflexions. mais souvent di- rigées latéralement, avec la pointe relevée. Un fanon ou repli de la peau inférieure du con plus ou moins lâche. Corps épais, de grande taille, supporté par des membres épais. Queue médiocre ou assez longue, terminée par un flocon de grands poils. Pelage composé de poils assez rudes, généralement courts, et longs, au contraire, dans l'Yack. Quatre mamelles dans le plus grand nombre des cas: deux s'atrophiant presque complétement dans quelques espèces. Les Bœufs sont des animaux de grande taille, essentiellement herbivores: à l'état sauvage, ils vont en troupeaux plus ou moins nombreux selon les espèces, et se tiennent dans les bois et les plaines qui leur offrent une nourriture abondante; loin d'être timides comme les Antilopes, ils se défendent avec avantage contre les auimaux carnassiers de la plus grande taille à l'aide de leurs cornes robus- tes. L'homme est cependant venu à bout de les asservir; il est parvenu à en faire des animaux do- mestiques, dont on connaît un très-grand nombre de races, et qui lui donnent beaucoup de produits, et particulièrement leur chair, leur lait, leur cuir, ete., et qui, en outre, leur servent comme bêtes de somme, et, dans un grand nombre de pays, sont très-utiles pour tirer la charrue. Les pays chauds et tempérés du globe sont les endroits où ils se trouvent principalement; on les rencontre surtout, à l’état sauvage, dans l'Europe orientale, dans les montagnes du Thibet, l'Inde, l'extrémité méridionale de l'Afrique, les territoires occidentaux des États-Unis d'Amérique. Le Bœuf domestique d'Europe, dont la souche primitive semble perdue, a été transporté dans toutes les con- trées où les Européens ont fondé des colonies, et c’est ainsi que cet animal est aujourd'hui très- abondant en Amérique, ainsi qu’en Océanie, où il n'y a pas de type sauvage du genre Bos. On con- naît une dizaine d'espèces de Bœufs actuellement vivants, et on en a signalé à peu près autant à l’état fossile : ces dernières semblent exclusivement appartenir à l’ancien continent, et plus parti- culièrement à l'Europe: toutefois M. Harlan a signalé une espèce fossile comme propre aux États- Unis d'Amérique, son Los latifrons. Nous avons indiqué les seuls caractères qui peuvent distinguer génériquement les Bœufs, et, dans les quelques mots que nous avons dits sur la tribu de Boviens, nous avons rapporté la caractéristique qu’en donnait, il y a quarante ans, G. Cuvier; et, malgré l’espèce d’élastieité de cette définition, nous pensons avec M. Roulin qu'on ne peut pas en donner une autre aujourd'hui; car, de même qu'il n'y a rien eu à retrancher à l'ensemble des caractères qu'elle énonce pour faire entrer dans ce genre plusieurs espèces nouvellement découvertes, de même il n’y a rien eu à y ajouter après la séparation d’une espèce, l'Ovibos, que l’on a voulu en distraire, et qui ne diffère réellement que par un mufle nu, ce qui se remarque aussi chez l'Yack, par les mamelles, autrement disposées, ce qu'on voit en partie déjà chez les Buffles, et par la structure des molaires, qui donnerait peut-être un meilleur caractère. On comprend donc que cette homogéneité des caractères dans le groupe qui nous occupe n’a pas permis facilement de former de nouvelles coupes génériques aux dépens de ce groupe, et que ce n'est qu'à des caractères de peu de valeur, et presque exclusivement artificiels, qu'on a dû avoir recours pour y parvenir. De Blainville, le premier, en 1816, a formé le genre Owi- bos avec le Bos moschatus, et c'est peut-être la meilleure de toutes les subdivisions, et ce qui le vrouve, c'est qu'elle a été assez généralement adoptée. Cependant, en 1824, dans son Histoire natu- relle des Mammifères, Fr. Cuvier a proposé d’y former deux groupes : « Ces Ruminants à cornes creuses, dit-il, à jambes courtes, à corps épais et lourd, qui portent le nom générique de Bœuf, se divisent en deux familles bien distinctes par le naturel et par les organes : l’une est celle qui ren- ferme les Buffles, animaux en quelque sorte aquatiques, qui vivent dans les marais auprès des ri- vières, dans lesquels ils restent plongés une partie du jour, et qui ont des cornes à base large, cou- vrant une partie du front, aplatie à leur côté interne et arrondies à leur côté externe; dont la langue P. 23 LE) HISTOIRE NATURELLE. est douce, etc.; l'autre est celle des Bœufs proprement dits, qui se distinguent des premiers parce qu'ils vivent davantage dans les prairies élevées et dans le voisinage des forêts; que leurs cornes sont lisses, arrondies, sans élargissement à leur base; que leur langue est couverte de papilles aï- guës et cornées, etc., et qui comprend le Bison d'Amérique, l'Auroch, le Yack et notre Bœuf domes- tique avec ses variétés, ainsi que le Jungly-Gau. » D'autres zoologistes distribuent les espèces de Bœufs en deux sous-genres sous les noms de T'anein et de Bisontin; mais, dans ce dernier groupe, les uns font entrer avec le Bison et l’Auroch, le Yack, le Goyal et le Gour, et d’autres rapprochent ces deux derniers animaux de notre Bœuf commun. G. Cuvier, dans ses Ossements fossiles, avait in- diqué avec sa précision accoutumée les caractères ostéologiques par lesquels se distinguent les Bœufs, dont il avait pu se procurer le squelette, en totalité ou en partie; c’est de ces caractères, qu'il ne considérait que comme spécifiques, que M. Hamilton Smith, dans son appendice joint à la traduction anglaise du Règne animal, a fait usage pour sa répartition en sous-genre, répartition dont M. Hogd- son a admis les bases, mais qu'il a modifiées dans l'application d’après une connaissance plus com- plète du Gour et du Goyal, justement détachés par lui du groupe Bisontin de M. Il. Smith. Plus ré- cemment, en 1849, dans le tome Il du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, M. Roulin, après avoir fait avec l'Ovibus de De Blainville un genre particulier et distinct de celui des Bœufs, a proposé d’autres subdivisions du genre des Bœufs qui semblent plus naturelles que celles de ses devanciers : d’après lui, on peut y former quatre groupes particuliers, ceux des T'aureaux, des Bonases ou Bisons, des Yacks et des Buffles; il donne avec soin la caractéristique de chacun de ces groupes, caractéristique que nous ferons bientôt connaître, et il indique les principaux caractères qui peuvent servir à la distinction des espèces que chacun de ces groupe renferme. Plusieurs autres méthodes ont encore été proposées, et le Yark principalement à tantôt été placé dans un groupe, tantôt dans un autre. Tout derrièrement, Duvernoy a été plus loin que ses devanciers; car ce ne sont plus des groupes qu'il forme parmi les Bœufs, mais des genres, qu'il distingue au nombre de quatre; et, en outre, il parle des espèces fossiles de cette division naturelle; c'est dans une note in- sérée dans Le t. XXXIIE (1851, deuxième semestre) des Comptes rendus de l’Académie des sciences et plus récemment dans le Bulletin de la Société xoologique d'acclimatation (4854), que Duvernoy dit quelques mots de la classification qu'il adopte pour les Bœufs, qu'il a suivie dans l’arrangement de la galerie d'anatomie comparée du Muséum, et indique les espèces fossiles qui en ont été décrites. Pour lui, le genre ou plutôt la famille des Bœufs, qui se distingue des autres Ruminants à cornes creuses par ses formes trapues, ses jambes robustes, son large mufle, son fanon plus ou moins pro- noncé et ses cornes en forme de croissant ou à peine courbées à leur extrémité (Arnis), ou contour- nées en spirale (Ovibos), etc., se compose de quatre genres : ceux des Pœurs PRoPReMENT pire (Bos), des B sons ou Boxases (Bison), des Bureces (Bubalus) et des Ovisos (Qvibos); et chacun de ces groupes renferme au moins une espèce fossile qui se distingue des espèces vivantes par des caractères plus ou moins prononcés. Au genre Bœuf proprement dit appartient le Bœur pes rourrières de G. Cuvier (Bos primigenius, Bojanus), remarquable par les faces frontale et occipitale de la tête se réunissant à angle très-aigu et formant, par leur réunion, un bourrelet très-saillant entre les cornes. Le genre Bison se compose de deux espèces fossiles qui correspondent aux deux espèces vivantes : l’un d'Eu- rope, Bos priseus; l'autre d'Amérique, et se distinguant par leurs grandes proportions et par celles de leurs proéminences osseuses. On ne connaît bien que deux espèces de Buffles fossiles; et l’une d'elles est l'espèce de Buffle de la section des Arnis, découverte près de Setif dans un terrain diluvien, que Duvernoy a fait connaître sous la dénomination de Bubalus (Arni) antiquus dans l’une des no- tes que nous citons : cette tête fossile est de grande taille, à bords orbitaires plus rapprochés des noyaux osseux que dans aucune autre espèce de Buffle, à face supérieure aplatie, à front un peu bombé, etc. Quant au genre Ovibos, G. Cuvier y rapporte trois têtes découvertes en Sibérie, dont les deux premières ont été signalées par Pallas, et M. Dekay en a fait connaître une quatrième décou- verte en Amérique sur les bords du Mississipi, qu'il rapporte à la même espèce, et qu'il désigne sous le nom de Bos Pallasu. En outre, les brèches osseuses et les terrains tertiaires ont fourni d’assez nombreux débris d’ossements fossiles, mais de nouvelles recherches sont nécessaires avant d'admet- tre celles proposées par MM. Harlan, Hermann de Meyer, Jobert et Croizet, etc. Quoique nous n'adoptions pas complétement la classification de Duvernoy, nous la suivrons en grande partie en donnant les descriptions des principales espèces de Bœufs; seulement nous ne con- pee Eire À rs ch bts SEE ET “# RUMINANTS, 179 sidérerons les genres de cet auteur que comme des sous-genres, les caractères qui les distinguent ne nous paraissant pas avoir une valeur assez forte pour la création de groupes génériques, nous trans- poserons l'ordre de ces divisions afin de mettre les Ovibos le plus près qu’il nous est possible des Moutons, avec lesquels ils ont de nombreux rapports, et nous ferons, à l'exemple de M. Roulin, un groupe particulier avee l'Yack. 4: SOUS-GENRE. — OVIBOS. OVIBOS. De Blainville, 1816. Ovis, Mouton; Bos, Bœuf. Bulletin de la Société philomathique de Paris. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Cornes élargies à la base, recouvrant le front et contournées en spirale comme celles du Bélier. Orbites très-rapprochés des cornes el très-saillants sur les côtés de la tête, au point qu'ils dépas- sent beaucoup en dehors les arcades zyqomatiques. Molaires plus étroites aux deux mâchoires que dans les Bœufs proprement dits; émail encore moins compliqué, moins festonné à la surface trilurante; dernière molaire proportionnellement très-lonque à la mâchoire inférieure, tandis que les deux premières sont plus petites; émail dessi- nant un petit anneau intérieur entre les deux collines de la surface triturante, comme dans les Buffles; plus en dehors on ne trouve qu'un ou deux rudiments très-peu reconnaissables, de la co- lonnette qui fiqure, à l'intérieur, les demi cylindres des arrière-molaires dans toutes les espèces de Bovicns. Ce groupe a été créé par De Blainville comme genre et adopté par M. Hamilton Smith, ainsi que par la plupart des zoologistes, qui le regardent comme constituant un genre distinct de celui des Bœufs. Nous avons, d’après Duvernoy, indiquéles caractères qui le distinguent des autres divisions de l’ancien genre linnéen des Bœufs; on peut, en outre, lui assigner les particularités suivantes : corps épais, trapu; jambes fortes; tête courte; front très-élevé; chanfrein long et assez fortement busque, comme celui des Moutons; cornes très-fortes, très-élargies, non anguleuses ni noueuses, se touchant à leur base, s'appliquant ensuite sur les côtés de la tête et se relevant brusquement en arrière et de côté; pas de mufle ni de barbe au menton; oreilles courtes, très-reculées; yeux petits; pas de sillon à la lèvre su- périeure, ni de larmier, ni de barbe; pas de pores inguinaux; poils très-touffus, longs; queue très- courte. De tous ces caractères, ceux qui sont les plus remarquables sont le manque de mufle, qui existe très-développé dans les Bœufs, et la forme busquée du chanfrein, qui rappelle celle du Mou- ton. Ces caractères sont sans doute peu importants, mais ils le sont néanmoins autant, pour le moins, que ceux que l'on a admis jusqu’à présent pour séparer génériquement les Chèvres des Moutons; tou- tefois nous n'avons cru devoir regarder les Ovibos que comme subdivision des Bœufs, tout en con- venant qu’ils ont peut-être un peu plus d'importance que ceux indiqués pour distinguer les Bœufs proprement dits, les Bisons, les Yacks et les Buffles, que nous avons admis également comme sub- divisions sous-génériques. On ne connaît qu'une seule espèce vivante de ce groupe, qui habite l'Amérique du Nord; c'est : OYIBOS MUSQUÉ. OVIBOS MOSCHATUS. A. G. Desmarest. CaracrÈènEs spéciFiques. — Pelage composé de grands poils laineux de couleur brun foncé; cornes naissant sur le sommet de la tête, très-près l'une de l’autre, très-larges à leur base, se reconrbant d'abord en bas pour se relever latéralement à la pointe; pas de muñle; taille d'une jeune Génisse. Ce Ruminant est le Musk ox de Pennant, le Bos moschatus de Gmelin, le Bœur susqué de Buffon, l'Ovisos de De Blainville et de G. Cuvier, le Burrce musqué des voyageurs, etc. L'aspect général du mâle est plutôt celui d’un gros Mouton que celui d’un Bœuf, ce qui a probablement engagé Lesson à ranger ce genre dans sa famille des Ovesidæe; le corps et la tête sont allongés; le front très-élevé et orné d’une 180 HISTOIRE NATURELLE. sorte de crinière de longs poils divergents d'un centre commun et couvrant la racine des cornes; celles-c1 toutes noires, lisses, élargies, se touchent à leur base, se courbent ensuite en avant et un peu en bas, en s'appliquant sur les côtés de la tête, puis se relevant brusquement en haut et en arrière; les oreilles sont courtes, très-reculées et toutes couvertes de poils doux et épais; les yeux sont très-petits, très-dis- tants entre eux, très-éloignés du bout du museau, compris dans le premier arc formé par les cornes; le chanfrein est très-allongé, busqué comme dans un Bélier; les narines sont latérales, petites, plus rappro- chées entre elles que celles du Bœuf, mais moins que celles du Bélier, il n’y a pas de mufle: la bouche est très-petite; les lèvres très-épaisses, la supérieure n’offrant pas de sillon médian; les membres sont forts et courts; les sabots plus grands aux pieds de devant qu'à ceux de derrière, d'un brun foncé, convergents lun vers l'autre à chaque pied; la queue est très-courte et entièrement cachée par les poils de la croupe; le cou, le tronc et l'origine des membres sont revêtus de poils de deux sortes : une bourre ou laine très-longue et épaisse, et des soies très-fines qui la traversent; les extrémités depuis la moitié de l'avant-bras en avant et le commencement des jambes en arrière sont garnies de poils courts et très-serrés contre la peau; le dessous du cou et la ganache sont fournis de poils très-longs, de la même nature que ceux du dos; les poils de la face sont d'autant plus courts qu’ils s'avancent davantage vers le bout du museau, qui en est entièrement couvert. La couleur générale est le brun roussâtre, avec du brun presque noir en quelques endroits; le tour des narines, la lèvre su- périeure et l'extrémité de la lèvre inférieure sont blancs. La femelle ne diffère du mâle que par une taille un peu moindre et par des cornes moins fortes. Fig. 45. — Bœuf musqué. Les Ovibos vont par troupes de vingt ou trente, se plaisent surtout sur les montagnes stériles, et fréquentent rarement les parties boisées; ils sont légers à la course et grimpent facilement sur les rochers. Leur chair a un goût musqué. L'espèce est très-nombreuse entre le soixante-sixième degré et le soixante-treizième degré de lati- tude septentrionale en Amérique. et les premiers individus que l’on rencontre, en se portant vers le nord des États-Unis, sont entre la rivière Charcill et celle des Veaux-Marins, sur le côté occidental de la baie d'Hudson. Deux crânes, qu'on rapporte à cette espèce, trouvés en Sibérie, l'un sur les bords de l'Ob, près de l'Obdor, et l’autre près de Tundra, ont été décrits par Pallas et par G. Cuvier; ces crânes ont surtout du rapport avec la tête osseuse du Buffle du Cap; mais ils en différent en ce que les cornes se rap- prochent de manière que leurs bases se regardent par des lignes droites parallèles, au lieu de former RUMINANTS, 181 un angle aigu, dont la pointe est dirigée vers le sommet de la tête, parce que le museau est plus large à proportion et en ce que les orbites forment des tubes saillants, tandis que dans le Puffle du Cap ils ne sont pas proéminents. ù On présume que les crânes trouvés en Sibérie y ont été apportés par les glaces, si toutefois ces crânes appartiennent à cette espèce; ce qui n’est pas tout à fait hors de doute. Lesson Les indique sous la dénomination d'Ovibos moschatus fossilis. 2#e SOUS-GENRE. — BISON. BISON. Duvernoy, 1854. Bison, nom spécifique de l'espèce typique. Bulletin de la Société zoologique d'acelimatation., CARACTÈRES DISTINCTIFS. Tête plus carrée que les Bœufs; front plus large relativement à sa hauteur, un peu bombé entre les cornes et s'élevant au-dessus et en arrière de celles-ci, en s’inclinant vers l'occiput; la portion qui dépasse les cornes en arrière appartient au pariétal, limitée par la crête occipitale, et, sur les côtés, par les fosses temporales qui se prolongent ainsi plus en arrière et en haut que dans les Bœufs; la face occipitale se réunissant à la face frontale par un angle obtus. Noyaux osseux des cornes coniques. Orbites très-saillants de chaque côté, surtout dans les vieux mâles, et rapprochés de la base des cornes : ce qui est une conséquence de la brièveté du front. Ce groupe comprend deux espèces vivantes, l’une du nord de l'Europe et peut-être du nord-ouest de PAsie, l’autre de l'Amérique septentrionale. Il y a également, d’après Duvernoy, deux espèces fossiles : l’une d'Europe et l’autre d'Amérique. Les deux espèces vivantes de Bisons ou de Bonases se ressemblent beaucoup plus entre elles que les espèces des autres sous-genres du genre Bœuf; elles sont surtout caractérisées par la charpente osseuse, par les proportions plus grêles des membres, par le nombre des côtes, qui est de plus de treize, par la disposition des apophyses épineuses des vertèbres dorsales, par les formes générales de la tête, qui est plus courte pour sa grosseur. La tête diffère de celle des autres Bos, 1° par les proportions du front, qui est plus large que haut, à peu près dans le rapport de deux à trois; 2° par la saillie des orbites; 3° par la forme du front, qui est bombé, ce qui ne tient pas tant au renflement de la partie moyenne qu'à la fente de la partie supérieure; 4° par le mode de rencontre de cette par- tie avec la face occipitale, qui se fait sous un angle droit ou même obtus, et sans être indiquée par une crête saillante, tandis que dans les Bœufs proprement dits les deux plans se rencontrent sous un angle aigu, et sont séparés par un bourrelet très-prononcé; 5° par la position des cornes, qui, au lieu de s'attacher tout à fait au sommet du front, s’insèrent notablement plus bas et plus près des orbites. Ces animaux se distinguent, en outre, au premier coup d'œil, de tous les autres Bœufs, par la disproportion qui semble exister entre les parties antérieures et les parties postérieures de leur corps, par leur dos bossu, par la crinière qui couvre leurs épaules et retombe jusque sur les jambes de derrière, par la longue barbe qui pend de leur menton et par l'épaisse touffe de poils dont leur front est garni. L’apparence de bosses tient à l'énorme développement des premières apophyses du dos, qui, au moins aussi saillantes que dans le Gour et le Goyal, mais décroissant plus rapidement à mesure qu’elles se portent en arrière, sont flanquées de deux masses charnues et forment ainsi, au lieu d'une crête étroite, une protubérance arrondie dont le volume est encore exagéré par Pépais- seur des poils dans cette région. Les poils des Bisons sont de deux sortes : les uns sont laineux, très-abondants en hiver, tombant en partie en été; les autres sont soyeux, constituent principale- ment la crinière, la barbe et les manchettes, dont les jambes de devant sont ornées, et se renouvel- lent aussi, mais de manière à ne laisser jamais complétement dégarnies ces parties, où, chez les vieux mâles, elles offrent une très-grande longueur; ces poils, principalement ceux du front, sont imprégnés d'une odeur de musc très-forte, surtout dans le temps du rut; l’épaisse toison qui revêt toute la partie antérieure du corps concourt encore à faire paraître plus gréle la partie postérieure, 182 HISTOIRE NATURELLE. qui, d'ailleurs, absolument parlant, est beaucoup moins massive que dans les autres espèces de Bœufs. La patrie actuelle de l’Aurochs est la Lithuanie et la Moldavie, car les individus trouvés dans le Caucase constituent peut-être une espèce distincte; celle du Bison proprement dit est le nord de l’A- mérique, et principalement la province du Missouri; mais il ést probable qu'à une époque éloignée de nous ces animaux ne se trouvaient pas dans les mêmes contrées. « Dans les pays, dit M. Roulin, où l'homme vit à un certain degré de civilisation, il peut, dans le cours des temps, modifier la ma- nière d'être non-seulement des races domestiques, mais encore des espèces sauvages. Ainsi il a repoussé l'Aurochs, d’un côté, dans les montagnes de la Moldavie et du Caucase, de l'autre, dans les forêts marécageuses des pays slaves. Par l'introduction des armes à feu dans le nouveau monde, il a inquiété le Bison dans ses prairies natales et l’a poussé à tenter à travers les montagnes Rocheuses, dont il ignorait le chemin, des émigrations partielles sur les bords de l'océan Pacifique. Si la région des prairies pouvait devenir le séjour d’une population nombreuse, si la Californie et les régions voi- sines du littoral se peuplaient également, bientôt sans doute la grande chaîne qui divise les deux pays deviendrait la patrie des Bisons, et ce serait seulement dans l'histoire des temps passés qu'on le rencontrerait comme un habitant des plaines. » Quant aux espèces fossiles, l’une est le Bos urus priseus, Scklet, qui a été trouvée en Italie et dans la Sibérie orientale; et l'autre, suivant Duvernoy, est propre à l'Amérique du Nord, et diffère des Bisons vivants d'une manière assez notable. 1. AUROCHS. BOS URUS. Linné. CanacrÈènes spécriques. — Cornes grosses, rondes, latérales; front bombé, quoique un peu moins que celui du Buffle, beaucoup plus large que haut; crête occipitale située à environ cinq centimètres en arrière de la base des cornes; quatorze paires de côtes: mamelles disposées en carré comme dans les Bœufs, et non sur une seule ligne transversale comme dans le Buffle; queue très-longue; avant- train du corps jusqu'aux épaules hérissé de poils bruns, longs de 0,35, doux et laineux près de la peau, mais rudes et grossiers à l'extérieur; partie laineuse de cette fourrure et poil du sommet de la tête grisätres; dessous de la gorge jusqu'au poitrail garni d’une barbe pendaute de plus de 0",33; tronc, depuis les épaules et les quatre jambes, recouvert d’un poil très-court, lisse, d'un brun noi- râtre. Femelle ayant les pois de la partie antérieure du corps moins longs que ceux du mâle, la tête moins grosse et la couleur moins foncée. Taille à peu près égale à celle du Rhinocéros mâle; longueur totale, depuis le bout du museau jusqu à l'anus, 10 pieds 3 pouces anglais; hauteur des trains de devant et de derrière environ 6 pieds. Ce Bœuf est le Bevacoce on Taureau de Pænie d’Aristote et des Grecs; c’est le Bonasus de Pline; l'Urus de César, de Gesner, etc., d’où Boddaërt, Linné, Pallas, G. et Fr. Cuvier, etc., ont tiré la dénomination spécifique de Bos wrus; l'Aver ochs, d'où l’on a fait Aurochs de Jonston, de Raï, de Brisson, ete.; le Bison jubatus de Pline; le Biomve d'Oppian; l'Aurochs, Bonasus et Bison de l'an- cien continent de Buffon; le Los taurus, var. urus, Bos bonusus et Bos bison de Linné et d’Erxle- ben; le Bos taurus, var. ferus, subvar. urus, bonasus et bison, Gmelin; l'Aver ochs de Riddenger; l'Aver ochs, Aurochs des Allemands, c’est-à-dire Bœuf sauvage, Bœuf des montagnes; source du mot Urus-Zubr des Polonais, ete. L'existence des Aurochs à bosse au garrot n’est pas constatée d’une manière positive, et G. Cuvier présume que les animaux qui auront présenté l'apparence de cette éminence étaient simplement de vieux individus chez lesquels le poil du garrot avait pris une longueur considérable : c’est à cette prétendue race à bosse que Buffon a appliqué le nom de Bison qu’on trouve dans les anciens à côté de celui de l'urus, et que l'on pense être dérivé de l'allemand bisam (musqué), parce que les vieux Aurochs répandent en effet une forte odeur de muse. On n'a aucun renseignement positif sur les mœurs de l’Aurochs; on sait seulement qu'il vit dans les grandes forêts et qu'il est assez farouche; sa voix, dit-on, est plutôt un grognement, comme celle de l'Yack, qu'un mugissement, comme celle du Bœuf ou du Buffle. On ne l'a pas aujourd'hui à l’état domestique, même dans son pays natal, et l'on ne sait pas si les anciens l'avaient soumis à la do- mestication. Quelques auteurs ont admis que cette espèce était le type de toutes nos races de Bœufs RUMINANTS. 183 ordinaires; mais cela ne semble pas probable, et la meilleure preuve qu'on puisse en donner, c’est qu'il y a entre ces deux animaux des différences organiques très-importantes, et que le nombre des côtes est de quatorze paires dans l'Aurochs et de treize seulement dans le Bœuf ordinaire : la do- mestication peut certainement plus ou moins modifier la nature des animaux, et principalement les caractères extérieurs, mais elle ne peut transformer les organes intérieurs. ; Fig. 44. — Aurochs. L’Aurochs est beaucoup moins nombreux et moins répandu qu’il ne l'était autrefois; il a vécu longtemps dans toutes les forêts de l'Europe tempérée, et il se trouvait encore en Allemagne du temps de César : aujourd'hui il est confiné dans les forêts de la Lithuanie et de la Moldavie, et dans les bois des monts Crapacks et du Caucase : encore les individus de cette dernière contrée ne sont- ils pas assez bien connus pour que l’on puisse affirmer qu'ils se rapportent à la même espèce, ou s'ils n’en différaient pas spécifiquement. On en a vu un individu à la Ménagerie de Berlin, et le Musée de Paris en possède un squelette. 2. BISON. BOS AMERICANUS. Linné. CaracTères spéctriQues. — lormes trapues; tête courte et grosse; cornes petites, naissant hori- zontalement des côtés de la tête et se relevant ensuite presque verticalement, très-distantes entre elles; yeux assez petits; garrot très-élevé; train de derrière assez grêle; queue ne descendant pas jusqu'aux talons; un poil laineux, très-épais, couvrant le sommet de la tête, les joues, le chanfrein, le cou et les épaules; de grands poils longs et non frisés formant une barbe épaisse, pendante sous le menton, et de larges manchettes vers le bout des jambes de devant; flancs, croupe, cuisses ét jambes de derrière revêtus de poils très-courts et serrés: queue couverte de poils ras, et terminée par un flocon de longs crins; couleur générale noire à la tête, marron sur les épanles, et d’un brun foncé sur le dos, les côtés, le ventre et le train de derrière; poils d’hiver ne différant de ceux d'été que parce qu'ils sont plus longs, surtout aux parties postérieures du corps. Femelle moius forte que le mâle. Longueur totale, mesurée en suivant la ligne dorsale depuis le bout du nez jusqu’à l'origine de la queue, 2,40; hauteur au garrot, 1°,40; à la croupe, 12230: Lors de la découverte du nouveau monde, on vit d'immenses troupeaux d’une espèce de Bœuf 184 HISTOIRE NATURELLE. que l'on rapportait à l’ancienne espèce sauvage de l'Europe, à l'Aurochs, qui en effet lui ressemble beaucoup; et le Bison a été assez longtemps confondu avec l'Aurochs. Aujourd'hui, quoiqu'on n'ait peut-être pas encore des données suffisantes, on s'accorde généralement à séparer spécifique- ment ces deux espèces, et le meilleur caractère que l’on puisse donner pour les distinguer, c'est que dans l'espèce européenne il y a quatorze paires de côtes, tandis que dans l'espèce américaine il y en a quinze paires; et à cela on peut joindre quelques particularités de moindre valeur. Ce Bœuf est le Taurus Meæicanus d'Hernandez; le Tauri vaccæque Quiniræ regionis de Fer- nandez; the Buffalo de Lawson; the Buffalo de Catesby; Wilde ochsen nod Kühe, Kalm; le Bœur sauvace pe La Louisaxe de Du Pratz; l'Americana bull de Pennant; le Buffala de Shaw; le Bos bi- son d'Erxleben et de Linné: le Bos Americanus de Gmelin; le Bos urus varielas de Boddaërt; le son de Buffon, de Fr. Cuvier, d'A. G. Desmarest, de Warden, etc., et de tous les naturalistes et voyageurs modernes. Les Bisons vivent dans les forêts en hiver et dans les prairies en été; ils forment souvent des trou- peaux si considérables, qu'on a évalué le nombre des individus qui les composent à dix mille au moins. Ils sont d'assez grande taille, et les individus les plus âgés acquièrent des dimensions assez considérables; les vieux mâles pèsent jusqu'à mille six cents à deux mille livres anglaises. A l'épo- que du rut, vers la moitié du mois de juif, les mâles se livrent des combats furieux. pour se disputer les femelles. À l'âge d'un an, ces animaux sont d’un caractère assez docile pour être facilement ren- dus domestiques et employés à la culture des terres, et pour leur chair, qui est à peu près sembla- ble à celle de notre Bœuf. Les vieux individus montrent un caractère timide et évitent l'approche de l'homme; mais lorsqu'ils sont blessés, ou bien à l’époque du rut, ils deviennert très-farouches; on leur fait une guerre trés-acharnée : aussi l'espèce sauvage en est-elle considérablement diminuée en Amérique. Notre ménagerie du Muséum a souvent possédé et possède encore aujourd'hui des Bisons qui s'y sont même reproduits : Warden a essayé de doter l'Europe de cette espèce, mais les essais d'acelimatation n'ont pas été suivis avec assez de soin : espérons qu'aujourd'hui que les questions d'introduction de nouvelles espèces animales sont à l’ordre du jour, on tentera de nouveaux essais qui seront plus heureux. En attendant, déjà plusieurs parties de l'Europe sont nourries avec les viandes salées de Bison que l'Amérique nous adresse, et nous employons également beaucoup le cuir que produit cet animal. =—— EE — Fig. 45, — Bison. Les parties tempérées de l'Amérique septentrionale sont les contrées où l'on rencontre les Bisons. Lette espèce a été vue dans les deux Carolines peu de temps après l'arrivée des premiers colons, à % a} 34 3 Enr. SE à nf pti tx NE LA Me Ab A : var A 4 RAT =. u URL LS To 18 POUPEE D v? x | u FAT 4 > ve AMAR “a PE ef nibezren 6 UT dr t Fe EU O7 L G fs 12h Navi: Me De { AIS DETA 1nÿ Qu x À ; PME ee SERBE dit, ne 2 Em CTI nil CAL AT Aou de snent. Are à Ne PI HSE. À TB Eu à FORTS « A he 3 NT l Lt 4 dr re : MANS “VTT 2° Es e Ce 0 %e Ait it * 1 UE 1e A r.. DNA p ' Fis. 2. — Pu‘lle du Cap BUMINANTS. : 185 l'est des monts Apalaches, sur les parties élevées de la rivière du cap Féar; elle existe encore dans les contrées les plus occidentales de la Pensylvanie. Des troupeaux de plusieurs centaines d'individus ont été fréquemment rencontrés, jusqu'en 1766, dans le Kentucky; mais ces animaux se sont retirés pär degrés devant la population blanche, et on les voit maintenant rarement au sud de l'Ohio et à l'est du Mississipi, le territoire du Missouri est celui où l’espèce a semblé pendant longtemps s'être concentrée; mais aujourd'hui elle s'éloigne encore et tend à traverser les montagnes Rocheuses; il est probable qu’elle s'éloignerait encore davantage si elle rencontrait des prairies où elle pût abon- damment se nourrir. 3% SOUS-GENRE. — BUFFLE. BUBALUS. Duvernoy, 1854. Lubalus, nom latin de l'espèce typique. Bulletin de la Société zoologique d’acchwatation. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Front bombé dans tous les sens, moins large à la base qu'entre les cornes; face déprimée au-des- sous du front; faces occipitale el frontale séparées par une surface intermédiaire appartenant au pariétal, dépassant les cornes en arrière d’une longueur sensible selon les espèces, et différant en- core dans sa largeur et son degré d'inclination vers l'occiput : de sorte qu'elle semble en faire par- tie ou appartenir au front, suivant cette inclination. Cornes de forme prismatique ou pyramidale, ayant au moins leur face supérieure aplatie, s'abaissant plus où moins dès leur base en se portant en dehors et en arrière, puis se courbant un peu en dedans ec vers le haut, près de leur extrémité. Orbites très-rapprochés de la base des cornes, descendant rès-obliquement en dedans. Email des arrière-molaires montrant, dans la face triturante, une plus grande complication et plus de festonnement que dans les autres groupes : outre le pli qu'il présente entre les demi-cylin- dres des arrière-molaires, il dessine plus en dedans un petit anneau qui n'existe pas dans les Bœufs ni dans les Bisons. Côtes beaucoup plus larges et plus aplaties que dans les autres divisions sous-génériques. Ce sous-genre, ainsi que l'indique Duvernoy, peut être sous-divisé en trois petits groupes : les PurFLES PROPREMENT p1rs, les Annis et les Bracuycères, et comprend probablement un assez grand nombre d'espèces ou de races; mais nos connaissances actuelles à ce sujet ue permettent cependant de n’en admettre encore définitivement qu’un petit nombre; nous avons déjà dit que l'on en connais- sait deux espèces fossiles. Parmi les caractères que l’on peut surtout assigner au groupe des Buffles, ou plutôt à quelques- unes des espèces, telles que le Buffle de l'Inde et le Buffle brachycère, nous devons principalement signaler les suivants. La langue est douce et dépourvue de papilles cornées; ce qui a lieu également chez l'Yack; mais la face interne des joues est, au contraire, abondamment garnie de papilles cor- nées. Ce caractère, malgré un passage du voyage de Sparmann, qui semble indiquer le contraire, se rapporte aussi au Buffle du Cap. Les mamelles, dans le mâle, se trouvent sur une seule ligne, et dans la femelle elles forment un trapèze dont le côté postérieur est moins long que l'antérieur, tandis que chez la Vache elles représentent la figure d'un quadrilatère rectangulaire. A ces caractères les plus importants à noter, viennent s’en joindre quelques autres que nous avons déjà signalés et qui se trou- vent principalement dans la disposition de leur tête, dont toute la partie supérieure est très-légère, dans la disposition de leurs cornes, etc. Quoique les espèces connues de Buffles soient originaires des pays chauds, toutes paraissent re- douter extrêmement la chaleur et cherchent à y échapper en se réfugiant dans l’eau. Le Buffle afri- cain comme le Buffle asiatique, s’il a un marais ou un lac à sa portée, y reste plongé tout le temps que le soleil est un peu élevé sur l'horizon, ne laissant à découvert que les naseaux et les yeux; les cornes elles-mêmes étant presque entièrement cachées : comme le Buffle emploie une partie de la P. 9% 186 HISTOIRE NATURELLE. nuit à paitre, c’est surtout dans le bain qu'il dort, et il n'a presque pas d’efforts à faire pour mainte- nir ses naseaux à fleur d’eau; car, en raison du grand développement des sinus frontaux qui se pro- longent jusque dans les cornes, toute la partie supérieure de la tête est légère proportionnellement au poids total. Ces animaux n'aiment pas seulement à se plonger dans l'eau, ils ont un goût décidé pour se vautrer dans la fange, et ce goût leur est, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, COm- mun avec la plupart des Mammifères qui ont comme eux la peau très-épaisse et très-peu garnie de poils. Quelques-unes des espèces de ce groupe, à certaines époques de l’année, se réunissent en troupes nombreuses, tandis que d’autres vivent constamment en familles isolées. Dans l’état sauvage, les Buffles, à quelque espèce qu'ils appartiennent et quoique exclusivement herbivores, sont des ani- maux très-redoutables, doués d'une force prodigieuse, et beaucoup plus agiles que ne sembleraient l'annoncer leurs formes lourdes et massives: ils s’irritent aisément, et, une fois qu'ils ont commencé attaque, les blessures les plus graves ne les déterminent pas à prendre la fuite. On doit surtout se garder des mâles qui vivent solitaires et des femelles qui ont des petits : même dans l’état de domes- ticité, les Bulfles sont des animaux auxquels on ne peut pas trop se fier, et qui sont loin d'être aussi obéissants que nos Bœufs. Cependant ce naturel farouche, qu'ils conservent toujours, devient quelque- fois pour leurs gardiens une cause de sécurité, et dans l'Inde ii met ces hommes à l'abri de l’atta- que des bêtes féroces. Les Ruminants, en général, sont peu susceptibles d’attachement, et l’on ne peut guère s'attendre à trouver dans les Buffles ce sentiment à l'égard de leurs gardiens, pour les- quels ils ne sont pas même toujours très-dociles; cependant le fait suivant, rapporté par Johnson, semble ne pas trouver son explication seulement dans l’antipathie qu'ont les Buffles pour les Tigres : € Deux biparies (conducteurs de Bœufs) conduisaient de Chittrah à Palamow une troupe de Bœufs chargés, lorsque, à peu de distance de leur point de départ, l'homme qui marchait derrière le con- voi fut saisi par un Tigre. Un guallah (berger) qui faisait paitre ses Buffles près de ce lieu fut témoin du fait, et. courant aussitôt au secours du malheureux, il attaqua bardiment le Tigre à coups de sabre : l'animal blessé lâcha le biparie et saisit le berger; mais alors les Buffles, se précipitant sur lui, l'obligèrent à abandonner sa proie, et, se le rejetant les uns aux autres, ils finirent par le tuer : c'est du moins ce que je crois me rappeler. Les deux blessés me furent apportés : le biparie guérit, mais le brave pâtre mourut. » Un Buffle seul, s’il faut en croire Williamson, n'hésite pas à attaquer un Tigre; aussi, même dans les pays où ces Carnassiers abondent le plus, un pâtre, monté sur son Buffle, peut sans danger passer la nuit dans la forêt. C’est en effet la coutume au Bengale de mener pendant l'été les troupeaux à la pâture, seulement aux approches de la nuit : le son d’une clochette placée au cou de l’un de ces Ruminants et la voix de leur gardien aident à les maintenir réunis pen- dant l'obscurité. Au point du jour, on les conduit vers les marais, où ils restent jusqu’au soir à ru- miner où à dormir, plongés dans l’eau jusqu'aux yeux. Quant ils doivent traverser une rivière, ils forment en nageant un bataillon à rangs très-pressés : de sorte que le pâtre qui les accompagne, s’il a besoin de passer en tête du troupeau, peut aisément, assure-t-on, enjamber d’un dos à l'autre. I parait que l’Arni à des habitudes encore plus aquatiques que le Puffle commun : on dit qu'il n’est pas rare de le voir plonger pour détacher du fond des lacs avec ses cornes certaines racines fécu- lentes dont il est friand; quand les chaleurs de l'été, desséchant les parages que l’inondation précé- dente avait convertis en marais, obligent l'animal à aller chercher de nouveaux pâturages, s’il lui est possible de s’y rendre par eau, c’est toujours cette voie qu'il choisit : les barques qui remontent le Gange se trouvent quelquefois au milieu d'un troupeau d’Arnis qui descendent la rivière en nageant, ou plutôt en se laissant flotter, car ils ne font pas de mouvements, et souvent ils paraissent en- dormis. Les Buffles, à l’état sauvage, habitent les endroits boisés et humides d’une partie de l'Asie et de l'Afrique, et on les trouve en troupes plus ou moins nombreuses et parfois composées de plus de cent individus. En Asie, c’est plus particulièrement dans-l'Indoustan et dans les Indes qu'on les ren- contre; en Afrique, c’est auprès du cap de Bonne-Espérance, du Congo et de l'Abyssinie. Depuis un temps assez reculé, quoique moins éloigné de nous cependant que celui où le Bœuf ordinaire a été réduit, les Buffles, ou tout au moins les races indiennes, car le Buffle du Cap n’est pas encore as- servi, sont devenus des animaux domestiques et rendent à l'homme de grands services, et comme bêtes de somme et par les produits assez abondants qu'ils lui donnent : à l’état domestique, ils sont Surtout assez communs dans les Indes et en Chine, ainsi que dans diverses contrées de l'Afrique; RUMINANTS. 187 mais on en trouve aussi en Europe et principale nent en Italie, et également dans les provinces sep- tentrionales, comme la Russie et l'Allemagne : on connaît cinq ou six espèces distinctes de ce sous- genre, et, surtout dans ces derniers temps, on a cherché à en distinguer un plus grand nombre; mais les seules dont nous voulions nous oceuper spécialement sont le Buffle indien, l'Arni, le Bufle du Cap et le Buffle brachycère. En outre, comme nous l'avons déjà dit d'après Duvernoy, on en a décrit plus où moins complétement diverses espèces trouvées à l’état fossile, et dont la principale, déjà con- nue de G. Cuvier, et trouvée en Sibérie, est le grand Buffle fossile. 4. BUFFLE ORDINAIRE ou INDIEN. B0S BUBALUS. Linné. Canacrères spécrriques. — Front élevé, arrondi, plus long que large, tellement saillant que le chanfrein paraît concave; cornes noires, grosses à la base, très-écartées l’une de l’autre, d’abord couchées le long de la tête, se dirigeant en arrière et un peu en dehors, pour se relever ensuite lors- qu'elles sont parvenues sur les côtés du cou : leur face antérieure étant marquée d’une arête sail- lante qui les rend comme anguleuses; oreilles en forme de cornets, médiocrement développées, non pendantes; queue longue, pendante; peau sèche; poils durs très-rares, sans duvet ou bourre inté- rieure de couleur noire. Longueur totale du corps entier mesuré en ligne droite depuis le bout du museau jusqu'à l’origine de la queue atteignant près de 3"; longueur de la queue, 1°. Ce Bœuf est le Bubalus de Gesner et de Johnson; le T'aurelephantus de Ludolf; le Bos bubalus de Linné, de Brisson, d'Erxleben, de Gmelin et de tous les zoologistes modernes; c’est le Burrce de Buffon, de Fr. Cuvier, ete. (Voy. Atlas, t. IL, pl. 19, représentant des Bu/fles attelés.) « Le Buffle, dit M. Roulin, a les membres gros et courts, le front bombé, le chanfrein droit et étroit, le mufle très-court. Les cornes, bas placées, sont triangulaires et marquées à intervalles ré- guliers d'empreintes peu profondes; elles se dirigent d’abord obliquement en dehors et en arrière, puis se relèvent vers la pointe. Elles sont de couleur noire, et cette couleur est aussi celle des sa- bots, des ergots, des poils et de la peau. Les poils sont rares sur le corps et assez épais sur le front, où ils forment une sorte de touffe; les genoux sont aussi d'ordinaire assez velus, et le bas des jam- bes même est quelquefois garni de poils longs et frisés. A la partie inférieure du cou et antérieure de la poitrine, la peau forme un fanon de grandeur variable suivant les races et même les individus. Le port du Buffle est lourd, et ses allures sont gauches : en courant, il allonge le cou et tend le mu- seau comme pour flairer; il semble en effet se guider principalement par le sens de l’odorat. Malgré la lenteur de sa marche, il est précieux comme bête de trait, car sa force est très-grande, compara- tivement même à celle du Bœuf. En Asie, on l'emploie quelquefois comme bête de somme, mais seu- lement pour transporter des objets qui peuvent être mouillés impunément; car si un convoi de Buffles chargés rencontre une rivière ou un étang, chaque animal, dédaignant les eris du conducteur, court aussitôt se plonger dans l’eau. + « La domestication du Buffle est d’une date assez récente. Les plus anciens livres chinoïs parlent du Bœuf et ne disent rien du Buffle: mais, dans le Peu-Tsao, il en est fait mention à plusieurs re- prises, et la variété albine y est même indiquée. Dans les anciens poëmes indiens, où toutes les ex- pressions qui se rapportent au Bœuf indiquent le respect et la reconnaissance, le Buffle n'apparaît que comme un animal redoutable et malfaisant. Au temps de l'expédition d'Alexandre, il n’avait pas encore été soumis; car Aristote, qui signale son existence dans les provinces du nord, dans l’Ara- chasie, c’est-à-dire dans un canton du Belontchistan, en parle comme d’une espèce sauvage qui serait au Bœuf commun à peu près ce que le Sanglier est au Cochon domestique. Suivant Paul Warne- fried ou Paul Diacre, comme on l'appelle communément, ce fut en 596, sous le règne d’Agiluf, roi des Lombards, que les premiers Puffles parurent en Italie; il semble d’ailleurs qu'ils étaient déjà de- puis quelque temps dans d’autres parties de l'Europe, etnotamment en certains cantons de la vallée du Danube, d'où ils se répandirent bientôt assez loin vers le Nord. Du temps d'Albert le Grand, qui les décrit d'une manière parfaitement reconnaissable, il y en avait non-seulement en Hongrie, où on les voit encore aujourd'hui, mais dans tous les pays slaves et dans les provinces allemandes qui en sont voisines. Les Arabes les trouvèrent en Perse, lorsque, dans la première moitié du septième siècle, ils firent la conquête de ce royaume; ils les introduisirent bientôt dans leur propre pays, où ils étaient 185 HISTOIRE NATURELLE, assez communs dans le siècle suivant, ainsi que cela est prouvé par les relations de certains pélerins qui en parlent sous le nom de Bufflus. La conquête musulmane les introduisit aussi très-promptement chez les Égyptiens, qui ne les connaissaient pas au temps de la conquête romaine. On pourrait croire encore que ce sont les missionnaires musulmans qui les ont portés dans l'archipel des Moluques, car on ne les trouve que dans les îles où l'islamisme domine; mais on sait qu'ils y existaient plus anciennement. La coïncidence, d'ailleurs, s'explique d’une manière fort naturelle : dans de petites les où l’on n’a pour animal domestique que le Cochon, les naturels ne se convertirent point à la aouvelle religion, parce qu’elle les aurait obligés à renoncer à la viande de Porc; il leur semblait trop dur de se contenter d'un régime purement végétal, sans y pouvoir même ajouter, comme les hommes du continent, le ghec ou beurre fondu, qui est un ingrédient si essentiel dans la cuisine in- dienne. Sur le continent indien, les Buffles, une fois adoptés par les tribus nomades, ont dû bientôt se reproduire fort loin dans l’intérieur, et être soumis à l'influence de circonstances extérieures très-différentes de celles qui agissaient sur eux dans leur pays natal; cela n’a pu manquer de pro- duire chez eux quelques modifications qu'il serait intéressant de constater; mais jusqu'à présent nous manquons absolument de renseignements à cet égard. En comparant la race italienne à la race hongroise, on croit apercevoir quelques différences qui dépendraient du climat : les Buffles de Hon- grie, plus exposés au froid, paraissent être un peu plus velus, et cependant on les tient pendant l'hiver à l'étable, où on leur donne, entre autres nourritures, du mare de raisin; recevant plus de soin de la part de l'homme, ils semblent être devenus un peu moins farouches. » Le Buffle sauvage existe dans les contrées de l'Inde qui sont arrosées par de grandes rivières et où il existe de grandes prairies; on a dit aussi, mais sans preuves bien positives, que l’on en trouve également en Afrique, ce qui n’est nullement probable, car les animaux de ce pays, voisins de ceux-ci, semblent plutôt provenir d'individus anciennement transportés dans ce pays et redevenus sauvages, de même que cela a lieu pour les Buffles que l’on trouve, assure-t-on, en liberté dans les environs de Naples. En domesticité, l'espèce se rencontre à la Chine, à la Cochinchine, dans les îles de l’ar- chipel Indien, à Célèbes, à Ceylan, dans les royaumes de la seconde presqu'’ile de l'Inde, dans l’In- doustan, en Perse, au cap de Bonne-Espérance, en Arabie, en Égypte, sur les bords de la mer Cas- pienne et de la mer Noire, en Abyssinie, où elle acquiert une assez grande taille, ainsi qu'en Grèce et en [talie, dans les marais Pontins, où son introduction date du sixième siècle, ete. Cet animal, quoique sujet à varier un peu en grandeur suivant le climat, la disposition des lieux, l'abondance de la nourriture, etc., parait n’atteindre jamais à la taille de nos plus grandes races de Bœufs, et reste aussi à cet égard toujours notablement au-dessus des plus petites. Du reste, le type domestique se rapproche beaucoup du type sauvage; et l’on pouvait s'attendre à ce résultat, puisqu'il était question d’une espèce dont la domestication était assez récente, et dont, dès lors, les variations devaient être peu sensibles; tandis qu'il ne devait pas en être de même pour des types qui, comme pour le Mouton, par exemple, ont été soumis par l'homme depuis la plus haute antiquité. Le Buffle, à l’état sauvage, vit en troupes plus ou moins nombreuses et recherche les lieux humides et marécageux; son naturel est farouche; son intelligence est moins bornée que celle du Bœuf, et il fait souvent preuve d'une assez bonne mémoire; le son de sa voix est beaucoup plus grave que le mugis- sement du Taureau; le mâle, très-ardent en amour, combat avec fureur pour la femelle : celle-ci porte dix mois, c’est-à-dire un peu plus longtemps que la Vache, et ne fait ordinairement qu'un seul petit, qui naît les yeux ouverts; sa fécondité commence à l’âge de quatre ans et finit à douze; le terme de la vie du Buffle est de dix-huit à vingt-cinq ans. Cette espèce peut produire avec celle du Bœuf ordinaire; mais les métis périssent le plus souvent. En servitude, ce ruminant rend à l'homme presque Lous les mêmes services que le Bœuf, mais surtout comme bête de somme, et par le lait de la femelle, dont on fait une sorte de beurre très-recherché des peuples de l'Asie. 2. ARNI ou ARNI À CORNES EN CROISSANT. BOS ARNI. Shaw. CARACYÈRES SPÉGIFIQUES. — Formes du corps et de la tête osseuse semblables à celles du Buffle commun; cornes dans la même direction que les siennes, également noires, mais démesurément lou- gues, un peu aplaties en avant et ridées sur leur concavité; pas de bosse ni de crinière; pelage et couleur générale noirs. De la taille du Buffle. RUMINANTS. 189 Ce Bœuf, connu dès 1790 sous Le nom d'Anxée, et que Shaw nommait Bos année, d'où l'on à fait Bos arni, est indiqué sous les dénominations d’Anxr, d'Anxt À coRNES EN croissanr, et quelquefois sous celle de Bos selyniceros. À. G. Desmarest, Fr. Cuvier, et d’autres zoologistes l'ont réuni au Buffle indien, tandis que la plupart des naturalistes en font au moins une espèce particulière, si même ils ne croient devoir y distinguer parmi les diverses races plusieurs espèces, ou encore, comme Duvernoy, s'ils n’en font le type d’un groupe sous-générique. D'après les squelettes conservés dans notre galerie d'anatomie comparée du Muséum, on serait, au reste, assez tenté d'admettre qu’il existe plusieurs espèces d’Arnis: en effet, sur les trois squelettes qu'on peut y voir et qui tous sont adultes, deux, provenant du Bengale et de Macassar, sont de grande taille, et un autre, de Timor, est, au contraire, assez petit. À l'état sauvage, l'Arni est particulier aux contrées élevées de l’Indoustan, mais dans les parties boisées et marécageuses. Les caractères qui distinguent l’Arni du Buffle ne sont pas, comme nous l'avons dit, très-mar- qués : cependant il paraît que, dans les races domestiques issues de l’un et de l’autre, ces caractères distinetifs se sont encore conservées d’une manière sensible. Les races provenant de l’Arni à cornes en croissant, répandues, dit-on, principalement dans les pays situés vers l'Orient, dans l'Inde au delà du Gange, dans l’archipel Indien, la presqu'ile de Malaca, le Tonquin et la Chine, semblent avoir subi plus profondément l'influence de la domestication. Dans certains cantons, la couleur du “pelage a changé; dans d’autres est apparu un albinisme qui se transmet par voie de génération, al- binisme incomplet d’ailleurs, car, bien que la peau ait perdu sa couleur noire, le mufle et le con- tour des lèvres l'ont encore conservée. Le mème pays a souvent des Buffles blancs et des noirs, et l'on a remarqué que si les premiers paraissent plus dociles, les autres sont constamment plus grands et plus robustes. Les habitudes de cette espèce sont à peu près semblables à celles de l'espèce précédente; tou- tefois il paraît que l'Arni recherche encore l’eau avec plus d’avidité que le Buffle indien. L’Arni à cornes en croissant a été généralement confondu avec l’Arnr GÉanr, et cependant, d’après M. Hamilton Smith, ces deux animaux se ressemblent très-peu : le dernier ne se distingue pas seule- ment par sa haute taille et par les énormes dimensions de ses cornes, il a encore un port tout diffé- rent : il ne tend pas le cou et ne porte pas le mufle en avant; l’autre Arni, quoique n'étant guère moins corpulent, a les jambes beaucoup plus courtes et la tête beaucoup plus petite; il a aussi la queue notablement plus longue; enfin il n’a que peu de poils sur le corps, tandis que l'Arni géant est très-velu. 5. BUFFLE DU CAP. BOS CAFFER. Sparmann. CanacrÈREs spécrriquEs. — Stature très-grande; corps très-massif; jambes courtes et épaisses; fanon assez vaste et pendant; cornes noires, énormes, extrêmement larges et aplaties à leur base, couvrant presque tout le front, se portant d’abord de côté et en bas, puis se relevant à la pointe; leur base étant raboteuse et leur extrémité assez lisse; oreilles un peu pendantes et couvertes par les cornes; yeux enfoncés et placés près de celles-ci; pelage d’un brun foncé, composé de poils longs de trois centimètres environ, très-serrés, surtout aux côtés du ventre vers le milieu du corps, dans les mâles avancés en âge, et leur formant une sorte de ceinture. Longueur du corps environ 2°,66; hauteur, 1°,80; longueur des jambes, 0",80. Cette espèce a été décrite et figurée pour la première fois, en 1779, par Sparmann, daus les Meé- moires de l'Académie royale des sciences de Stockholm, et indiquée dès lors sous le nom de Bos caffer, qui a été adopté par tous les naturalistes modernes, tandis que Pennant lui donna le nom de Cape ox. Le caractère, surtout dans les vieux mâles, qui distingue principalement ce Buffle des autres espèces non-seulement du même sous-genre, mais aussi de celles du genre tout entier, se trouve dans la forme, la structure et la disposition des cornes: mais, dans le jeune âge, les cornes ne s’avancent nullement sur le front, elles se portent obliquemeut en dehors et en haut, et diminuent uniformément de la pointe à la base, et dans les individus d’un âge moyen on peut naturellement remarquer quelque chose d'intermédiaire entre ce qui se présente dans le jeune âge et dans l'âge adulte. Les proportions du Buffle du Cap sont moins lourdes que celles du Buffle sauvage de l'Inde. 190 HISTOIRE NATURELLE. Le pelage des jeunes diffère de celui des adultes en ce que les poils sont uniformément de même grandeur partout et assez longs, tandis que, comme nous l'avons dit, les poils de quelques parties du corps des adultes sont beaucoup plus longs que ceux d’autres parties. Les orbites de ce Buffle sont très-saillants; les yeux y sont enchâssés profondément, et cette disposition est nécessaire pour les mettre à l'abri des chocs auxquels ils sont exposés quand l’animal court au milieu des forêts. «Il se précipite, dit Sparmann, dans des fourrés où nos Bœufs ne sauraient pénétrer, et sa force est telle, qu'il s’y fraye un chemin avec autant de facilité qu'il le ferait dans un champ de blé. Il est vrai que dans cette circonstance ces cornes forment, en avant de la tête, comme une sorte de bou- clier qui repousse les branches à droite et à gauche, et concourt ainsi à protéger les yeux. Cette habitude de porter la tête basse concourt, avec la disposition des yeux, qui sont très-enfoncés dans leur orbite, et de plus ombragés par la partie supérieure des cornes, à donner à l'animal une physio- nomie sinistre, quelque chose de féroce et de perfide à la fois. On peut en effet le taxer de perfidie, car il se tient caché dans les fourrés, et laisse approcher les gens pour les attaquer ensuite à l'im- proviste; on peut aussi tout justement l’accuser de férocité, car il ne se contente pas d’avoir tué un ennemi, il reste près du cadavre et revient à plusieurs reprises pour le fouler de ses pieds et l'écra- ser de ses genoux; même après l'avoir broyé, il ne l’abandonne pas encore; mais, en le léchant, il lui enlève de grands lambeaux de peau. » D'autres voyageurs, et particulièrement Thunberg, signa lent également des faits qui démontrent la cruauté de cet animal. Les rivières de l'Afrique australe paraissent être moins fréquentées par les Buffles du Cap que les rivières de l’Inde ne le sont par le Buffle indien, ce qui tient probablement, ainsi que le fait re- marquer M. Roulin, à ce que leurs bords n’offrent pas, en général, des pâturages aussi bien appro- priés aux goûts de ces ruminants. D'ailleurs l’espèce du Cap, comme celles de l'Inde, fuit la cha- leur, recherche les lieux humides, et se tient de préférence, pendant le jour, dans les parties les plus fraîches des forêts et dans le voisinage des lacs. Sparmann remarque que, lorsqu'on a chassé ces animaux, on les voit habituellement se diriger vers les lieux marécageux et se rafraîchir de leur course par un bain parfois très-prolongé. M. Harris, qui assez récemment a eu de nombreuses occasions d'observer leurs habitudes, les a vus, lorsque rien ne les inquiétait, faire la sieste au milieu d'un étang, où l’on apercevait entre les joncs leurs têtes énormes qui seules paraissaient au-dessus des eaux. À l’époque où les Hollandais vinrent s’établir au Cap, les Buffles étaient assez communs, mais le bruit des armes à feu ne tarda pas à les éloigner, et depuis bien des années ils ont disparu des environs de la ville du Cap. Du temps de Sparmann et de Thunberg, il fallait déjà s’avancer assez loin vers l'est pour en rencontrer, et aujourd’hui ils commencent à devenir rares dans les lieux où ces deux voyageurs les trouvèrent par troupeaux de cinq à six cents têtes; toutefois on en a vu encore récemment jusqu'au cap Logullos, le point le plus austral du continent; et Delegorgue, dans son intéressant Voyage dans l'Afrique australe, donne de nombreux détails sur la chasse et les mœurs de ces animaux. Du côté opposé au cap Logullos, on les connait jusqu'aux tropiques, et il est possi- ble qu'ils s'avancent beaucoup plus loin; mais jusqu'à présent on manque de renseignements posi- tifs à cet égard; car ce que disent les anciens voyageurs des Buffles de la côte de Guinée est ordi- airement si vague, qu'il n'y a pas de raison pour les rapporter à l'espèce du Cap plutôt qu’au Bœuf brachycère. Le Buffle du Cap ne semble pas jusqu'ici avoir été réduit à l’état de domesticité; il est cependant excessivement probable qu'on pourrait le soumettre comme celui des Indes, et qu'il ren- drait les mêmes services, tandis que jusqu'ici on ne le chasse que pour sa chair, qui est d’une grande ressource pour les habitants des pays qu'il habite. 4. BUFFLE A QUEUE COURTE. BOS BRACHYCEROS. Gray. Canacrènes spéciriques. — Front plus ou moins large, plat; cornes courtes, fortes, aplaties anté- rieurement à la base, arrondies postérieurement, divergentes de chaque côté et à peine inclinées en arrière, un peu recourbées vers la pointe, qui se dirige en avant; pelage roux. Un peu plus petit que le Buffle du Cap. L'existence de cette seconde espèce africaine de Buffle n’est bien établie que depuis le voyage de Denham et Clapperton, qui rapportèrent du Bournou quelques dépouilles de cet animal, qu'on oo RE Ve PA Fig. 1. — Jungly-Gau. Pi F Eu vil Au Ta 4 À Lu UT IS os DE A! FRA La He à A Sir 0 a) ré PS v. TE 1e 1 CL n “a x ee 4 ” MATE +” è L " RUMINANTS. 191 leur avait désigné dans le pays sous le nom de Zamouse. En 4837, M. Gray, le premier, fit connaitre cette espèce et en donna la phrase caractéristique que nous avons reproduite, et, en 1838, le même auteur fit connaître plus complétement une femelle de la même espèce. Depuis, en 1842, M. Roulin, dans le Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, a décrit avec soin la même femelle plus adulte et qui avait été cédée par M. Cross à la ménagerie du Muséum de Paris, où elle a vécu de 1849 à 184%, et dont le squelette se trouve dans la galerie d'anatomie comparée, et présente quelques par- ticularités dans le groupe des Bœufs. Cet individu avait été amené de Sierra-Leone, où les Anglais le désignaient sous le nom de Bosh-cow ou Vache des bois; et l'espèce semble être assez commune dans les bois du voisinage de cette colonie. Il est probable que c’est du même animal dont Thomas Can- dish et Bosman ont parlé, à moins que ce qu'ils ont dit, Le dernier surtout, ne se rapporte à une troi- sième espèce de Buffle africain, ce qui ne paraît pas improbable à M. Roulin; et l'on a même Dr sous le nom de Bos pegasus, H. Smith, une espèce propre au Congo et à Angola. Le Bos brachyceros qui a vécu à la ménagerie du Muséum, était, d'après M. Roulin, auquel nous allons emprunter quelques lignes, de la taille d’une Vache bretonne, mais beaucoup plus compacte de forme : les épaules étaient très-charnues; le cou très-fort, sans fanon; les flancs développés; les cuisses rebondies presque comme celles des Zébus; les jambes fines; les pieds bien faits; la queue terminée par un petit bouquet de poils, courte; la tête petite, large à sa partie supérieure, mais moins renversée au-dessous des yeux que dans le Buffle indien; le museau assez large; les yeux pe- tits, à pupille ronde; le regard n'ayant rien de farouche, et l’animal, en effet, n'ayant montré qu'un naturel assez doux, ce qui, du reste, tient peut-être à son âge avancé; les cornes très-courtes. pla- cées près des yeux, se portant en dehors et en haut, presque dans la continuation du front, puis se recourbant de manière à former, par leur ensemble, un croissant, à courbure assez uniforme, trian- gulaires à leur base, à face frontale rencontrant la face temporale sous un angle droit : ces corne étant sans aucune empreinte marquée à leur surface; les oreilles très-grandes, presque nues; la peau noir brunâtre, d’une grande épaisseur, les poils, roux sur le dos et la tête, brunâtres au cou et sur les flancs, un peu plus foncés sur les jambes; le bout du museau brun noirâtre. À ces diverses espèces de Buffles, peut-être, selon M. Roulin, doit-on joindre un Yack à cornes de Buffle, signalé par M. Witsen comme trouvé en Daourie, et surtout le Li-nicou ou Bœuf sauvage de la Chine, signalé par des auteurs chinois traduits par M. Stanislas Julien, et qui paraît être aussi une sorte d'Yack à cornes de Buffle, 4° SOUS-GENRE, -— VACK. YACK. Roulin, 1842. - Yack, nom de l'espèce unique du groupe, Dictiounaire universel d'Ilistoire naturelle. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Front légèrement bombé à la partie moyenne, fuyant à la partie supérieure comme dans les Disons, et rencontrant de même le plan occipital sous un angle obtus sans former de bourrelet le long de la ligne de jonction : ce front plus étroit que celui des Bisons et n'étant guère plus large que haut. Cornes arrondies vers la base, attachées un peu moins haut que dans les Bœufs proprement dits et plus haut que dans les Bisons. Orbites peu saillants, moins distants de la base des cornes que ceux des Bœufs : au-dessous des orbites, la face se rétrécit à peu près uniformément jusqu'à son extrémité, et cette diminution est moins rapide que daus les Bisons, plus que dans les Bœufs et surtout que dans les Buffles, où elle est à peine sensible. . La seule espèce qui entre dans ce sous-genre, l'Yack, est des plus remarquables et a été successi- vement rapprochée des Buffles, des Bisons et surtout, dans ces derniers temps, des Bœufs propre- ment dits, avec lesquels on peut assez naturellement les réunir, quoique, par quelques-uns de ses 192 HISTOIRE NATURELLE. caractères, elle puisse, ainsi que l'a proposé M. Roulin, former un groupe distinet et assez naturel. Tout le corps est couvert d'une épaisse toison, comme il convient à un Ruminant dont le séjour habituel touche presque au niveau des neiges perpétuelles. Les poils sont principalement très-longs vers la région des épaules, ceux du ventre ne le sont guère moins, et descendent presque jusqu'à terre, ce qui fait paraître l'animal encore plus bas sur jambes qu'il ne l’est réellement. Les membres, en effet, sont assez courts; les sabots sont pincés, rapprochés l’un de l’autre, et leur configuration suffirait seule pour indiquer que le Yack appartient à un pays de montagnes et est habile à en gravir les pentes. Ce qui donne surtout à cet animal un aspect tout particulier, c’est sa queue, garnie, de- puis l'origine, de crins plus longs et plus fins que ceux du Cheval. Le front est couvert d’une grosse touffe de poils crépus; sur le reste de la face, les poils ont moins de longueur, et diminuent surtout à mesure qu'on approche du museau, qui d’ailleurs en est presque entièrement couvert, la partie nue étant bornée à l'étroit espace qui sépare les narines. Chez ces animaux, il y a quatorze paires de côtes; comme dans lAurochs, les apophyses épineuses des premières vertèbres dorsales sont très- longues; mais, dans les suivantes, le décroissement est plus rapide; en revanche, celles des dernières vertèbres cervicales paraissent atteindre une dimension qu’elles n’ont dans aucune autre espèce de Bœuf. La langue est couverte de papilles cornées. La seule espèce de ce sous-genre, particulière aux montagnes du Thibet, est : 5. YACK. BOS GRUNNIENS. Linné. CanaGTÈRES sPÉCIFIQUES. — Assez semblable, pour la forme et le port de la tête, au Buflle ordi- naire; museau plus court, plus convexe et plus gros par le bout que celui du Bœuf domestique; oreilles grandes et larges, peu relevées; yeux très-gros; mufle petit, arqué; naseaux peu ouverts, presque transversaux; lèvres épaisses, pendantes; sommet de la tête élevé en bosse entre les oreilles, tout couvert d’une touffe de gros poils crépus; encolure des mâles beaucoup plus grosse que celle des femelles; une saillie bien marquée sur le garrot: quatre mamelles placées sur une ligne transver- sale; poils du front assez courts, disposés en rayonnant sur son milieu : ceux du garrot très-grands et crépus, augmentant en apparence la saillie de cette partie : une sorte de crinière sur la ligne moyenne du cou, qui cesse assez près de la nuque; reste du dos et côtés du cou revêtus de poils assez courts, lisses en été, plus fournis et hérissés en hiver; une ligne dorsale grise ou même blanche, depuis le garrot jusqu’au sacrum, composée de poils dirigés en avant; dessous du tronc et base des quatre jambes couverts de crins extrêmement touffus, très-longs, pendants jusqu'à mi-jambes et for- mant une espèce de barbe sous le cou; tronçon de la queue, qui n’est visible qu’à la base, recouvert de crins soyeux, droits, qui ont plus de 0",60 de longueur, et qui composent une houppe bien plus grosse et plus touffue que là queue des Chevaux la mieux garnie, car célte queue, avec ces poils, a parfois, assure-t-on, plus de 1",50 de longueur; cornes rondes, unies, aiguës, croissant sur les côtés de la tête, formant le demi-cerele en avant, avec la pointe un peu recourbée en arrière; couleur variable, ordinairement noire, avec la queue en tout ou en partie blanche, ou presque entièrement blanchâtre; ou bien souvent les épaules, l'épine dorsale, la queue, la touffe de la poitrine et la moi- tié des jambes, de couleur blanche, et le reste du corps d'un noir de jais. Petits, en naissant, ayant le poil crépu, rude et un peu semblable à celui d'un Chien barhet : les longs poils ne venant à la barbe, à la queue et sous le corps, que vers trois mois. Lougueur totale de la tête et du corps, 2°,50, c'est-à-dire ayant la taille d’une petite Vache ordinaire. L'Yack, ou Vacue, Bœur eroGNANT ou Bœur 4 QUEUE DE CHEVAL OU A QUEUE TOUFFUE DU THiBer, était déjà connu d'Ælien, qui vivait dans le troisième siècle de notre ère, et il le nommait Pocpha- gus, nom spécifique que lui a restitué Pallas. À part quelques renseignements que l’on trouve sur cette espèce chez Marc-Polo et d’autres voyageurs du moyen âge, on est obligé de descendre jusqu’à la seconde moitié du dix-huitième siècle et aux récits incomplets de J. G. Gmelin et de Pallas pour trouver quelques observations caractérisant cette espèce. Celles de Gmelin, qui le nomme Vacca granniens, villosa, cauda Equina, sont plus exactes; il avait vu, à Tobolsk, une femelle de Yack qui avait été amenée du pays des Kalmouks, où cette espèce n’est pas indigène, mais bien du royaume de Tangot, au Thibet, et il juge que ses cornes sont analogues à celles du Bœuf vulgaire. Buffon, qui RUMINANTS. 193 rapporte intégralement la description de Gmelin, en conclut que le Yack n’est autre qu'un Bison cet ne forme pas une espèce particulière; mais cette manière de voir n'a pas été adoptée. Pallas, qui nomme l'Yack Buffle à queue de Cheval, eut aussi l'occasion d'observer, en 1772, cinq Yacks de la variété sans cornes, deux mâles et trois femelles, à Irboutsk, en Sibérie; il dit que ces animaux provenaient d’un chef mongol sujet de l'empire chinois, et il ajoute que ces Yacks se plongeaient volontiers, comme les Buffles, dans des mares d’eau à leur portée, ce qui leur a probablement valu le nom chinois de Si-nijou (Vache qui se lave); que les deux sexes n’avaient d’autre voix que le gro- gnement du Cochon, mais grave et monotone, et que leur poil était long, abondant, plus long en dessous, comme chez les Buffles, et enfin que leur queue de Cheval, très-longue, était couverte par- tout de longs poils soyeux, souvent blancs comme tout le corps; et, de tous ces caractères, il conclut que les Yacks doivent être rapprochés des Buffles. Turner, dans le récit de son ambassade au Thibet 2t au Boutou, qui eut lieu en 1783, compare le Yack à un Taureau de race anglaise, et dit qu'il vit dans les plus froides parties du Thibet, où il pait l'herbe courte qui croît sur les montagnes ct dans les plaines. G. Cuvier rapproche cet animal du Zébu pour ce qui regarde la race sans cornes, et montre que les intermaxillaires ne remontent pas jusqu'aux os du nez comme dans le Bœuf. De- puis l’époque où écrivait G. Cuvier, ce n’est guère qu'en 4854 que l’on a pu connaître, en France, le Yack. En effet, à cette époque, M. De Montigny a ramené un troupeau nombreux de ces Bœufs, que Du- Yernoy à pu étudier avec soin, dont quatre individus ont été conservés dans la ménagerie du Muséum, où ils se sont déjà reproduits (voy. Atlas, pl. 18), tandis que les autres, appartenant à la Société impériale zoologique d’acelimatation, ont été envoyés dans diverses fermes des pays de montagnes de la France, où sans nul doute ils pourront se propager et devenir domestiques. Duvernoy (Bull. de la Soc. zool. d'ucclim., juillet 1854) a signalé les principaux caractères dis- tinctifs de l'Yack. Dañs la tête osseuse, le pariétal pénètre comme un coin entre les deux frontaux et remplit un petit espace triangulaire dans la face frontale; les crânes des Zébus, qui ont pour ainsi dire toutes les proportions de ceux des Yacks, montrent aussi ce caractère, mais à un degré moin- dre, et on ne les voit pas dans notre Bœuf domestique. Les dents de l'Yack ne présentent aucune différence saisissable avec celles du Bœuf et du Zébu. Son caractère spécifique le plus frappant, avec sa longue fourrure, est son grognement; en effet, les cornes, qui sont peu développées, ne fournissent pas de caractères particuliers, et peuvent manquer dans le mâle comme dans la femelle. Les Yacks habitent le revers sud de l'Himalaya, entre le vingt-septième et le vingt-huitième degré de latitude nord, et s’étendent de là dans le petit Thibet, le Ladac, le grand Thibet ou le Thibet pro- prement dit, et le nord de la Chine; ils deviennent rares en Mongolie, et ceux qui ont été vus en Sibérie s’y trouvaient comme un objet de curiosité. Ils vivent dans ces diverses contrées à l’état sauvage et à ce- lui d'animal domestique. Ils s’y contentent de l'herbe la plus courte, qu'ils coupent tout près du sol avec une grande dextérité, et ils peuvent encore se nourrir des arbrisseaux qui végètent dans les froides ». 25 194 HISTOIRE NATURELLE. montagnes, qui sont leur séjour de prédilection. Dans les revers de l'Himalaya, le Yack ne descend guère plus bas que dix mille pieds au-dessus du niveau de la mer; lorsque, en 1812, Moorcroft en- treprit de traverser le col de Rit, il trouva des Yacks pour lui servir de monture dans le village de ce nom, qui est élevé de dix mille ou onze mille pieds au-dessus du niveau de la mer; il put gravir, par leur moyen, cette montagne escarpée et tellement froide, que l'air, par sa basse température et par sa vivacité, lui produisit des fissures à la peau du visage et des mains qui se changèrent en plaies, et que le sang jaillissait de ses lèvres. AL. Gérard a vu, près de Nako, à une hauteur de onze mille huit cent cinquante pieds anglais, de forts Yacks traîner la charrue; car l’orge et le froment donnent en- core, à cette hauteur, de riches moissons; il avait rencontré, près de Schipke, à dix mille pieds de hauteur, les plus beaux Yacks paissant avec des Chèvres de Cachemire et des Moutons à laine fine; dans un autre voyage, exécuté, en 1829, à travers le col de Para-Laba, au delà des frontières méri- dionales du royaume de Ladak, parvenu à une hauteur de seize mille pieds, le même Al. Gérard vit des troupeaux de Yacks et des Chèvres de Cachemire qui trouvaient encore le moyen de se nour- rir dans les maigres pâturages de ces contrées élevées, tout près des limites des neiges éternelles. Ainsi, dans ces régions glacées, où le Cheval et le Mulet ne peuvent plus se nourrir, Le Yack avec la Chèvre et le Mouton parviennent à s’alimenter de l'herbe courte qui y végète. C’est surtout en Chine où le Yack est domestique et rend de grands services comme bête de somme, et pour la chair qu'il fournit. Cet animal pourra facilement s’acclimater en Europe, et avant peu d'années il se sera très- probablement propagé considérablement dans les pays de montagnes, où il se plait surtout. A l’état sauvage, les voyageurs rapportent que les Yacks ont le caractère farouche du Buffle; que leur coup d'œil est sombre et que leur naturel est défiant et très-irascible. Ils se jettent, dit-on, avec fureur sur les étrangers qui les approchent, surtout si leurs vêtements ont une couleur éclatante; mais, auparavant, ils manifestent leur colère par l'agitation de leur queue et de leur tête, ainsi que par leur regard menaçant. Ils ont des mouvements brusques, et leur course est rapide. Au lieu de mugir, ils font entendre un cri qui ressemble assez au grognement du Cochon, mais grave, mono- tone et bas. Ils recherchent les lieux ombragés et aiment à se vautrer dans les mares qui sont à leur portée. Ils nagent aussi bien que les Buffles, et, lorsqu'ils sortent de l'eau, ils aiment à se frot- ter et à se secouer à plusieurs reprises. A l’état de domesticité, ainsi qu'on peut en juger à notre ménagerie, Les Yacks sont assez doux, et se reproduisent facilement. La couleur de leur pelage peut un peu varier, et il en est de même de leur taille. Le climat qui leur convient doit être froid, et ils dégénèrent dans les pays trop chauds. Partout où les voyageurs ont tenté d’escalader les rochers escarpés du revers méridional de l'Hima- laya, c'est au moyen des Yacks domestiques qu'ils y sont parvenus. Ils en ont rencontré de nom- breux troupeaux servant, dans les villages les plus élevés de ces contrées montagneuses, pour le trait et la monture. Leur pied est si sûr, qu'ils ne glissent pas en traversant les rochers les plus escarpés et les plus déchirés, et même les neiges glacées à leur surface Suivant Pallas, la viande des vieux Yacks serait dure et de mauvais goût, comme celle des vieux Buffles, et celle des jeunes serait seule mangeable. Mais le missionnaire français Huc, dans les Souvenirs d'un voyage en Tartarie, au” Thibet et en Chine, exécuté de 184% à 1846, assure, au contraire, que la chair de l'Yack est excel- lente, comme l’est d’ailleurs, en général, celle des Moutons et des Lièvres qui paissent les pâturages aromatiques des montagnes. Le même missionnaire confirme ce qu'avait dit Turner des bonnes quali- tés du lait et du beurre de l'Yack. Ce lait est très-abondant et chargé de beurre que l’on peut, as- sure-t-on, conserver, dans les climats froids qu'habite l'Yack, pendant une année entière, enfermé dans des peaux ou dans des vessies, et qui est l’objet d’un commerce important. Au Thibet, on fabri- que avec ses poils un drap à l’épreuve de l’eau. Les poils blancs et surtout les crins de la queue sont recherchés par les Chinois, qui les teignent en un rouge éclatant ou en bleu pour toutes sortes d'or- nements. La queue sert, depuis un temps immémorial, de chasse-mouche dans les Indes, et c’est l'é- tendard de plusieurs nations de l'Orient. M. De Montigny a publié quelques remarques intéressantes sur les Yacks, et nous croyons devoir reproduire ici quelques passages de la note que Duvernoy a donnée d’après ce savant voyageur : « L’Yack, dit-il, originaire du Thibet, mais répandu aussi dans les provinces chinoises du Kansoux, frontière du Thibet, et dans le Koukonnou, partie de la Tartarie mongole, est essentiellement un ani- mal de montagne. Son extrême légèreté semblerait déjà l'indiquer. Il franchit facilement des distan- RUMINANTS. 195 ces considérables et pour ainsi dire d'un bond. D'un caractère farouche à l'état sauvage, il s’appri- voise facilement, reconuaît la main qui le nourrit et s'attache à celui qui le ‘oigne. Lorsqu'il vague librement dans de grands espaces, il revient aux mêmes heures à l'endroit où il reçoit son eau et sa nourriture; ce qui démontre son intelligence pour contracter des habitudes réglées, comme les trou- peaux de nos animaux domestiques. Sa force est prodigieuse. J'ai vu le Taureau noir qui fait partie des Yacks transportés en France, renverser, dans ses fureurs amoureuses, un Puffle presque du double de sa taille, et atteindre un Cheval au galop, qu'il aurait renversé avec son cavalier si je n'étais heu- reusement survenu. Les Yacks sont loin de montrer l'instinct pour l’eau des marais qui caractérise les Buffles; mais ils se rafraichissent volontiers dans l’eau pure d’une rivière lorsqu'ils sont tour- mentés par la chaleur et les Insectes qu'elle anime. L'acclimatation du Yack peut être considérée comme un fait accompli. Les premiers que j'ai reçus avaient porté leurs conducteurs et leurs ba- gages à travers toute la Chine et me sont arrivés le dos entièrement pelé. Je possède ceux que j’amène depuis près de quatre années, et je les ai conservés et fait produire dans un elimat beaucoup moins convenable à leur nature que le département de la Seine. Mais il serait urgent, pour conserver à leur laine toute sa richesse et ses utiles qualités, de diriger sans retard vers nos départements mon- tagneux ceux que l’on destine à la propagation de leur espèce, qui est très-féconde. » Aujourd'hui les Yacks rapportés par M. De Montigny ont été distribués dans des fermes de nos pays de montagnes, et déjà ils s’y sont reproduits. Ceux qui sont restés au Muséum y vivent très-bien et ne semblent pas souffrir de la chaleur relative de notre climat; et tout fait espérer qu'ils pourront facilement s'acclimater chez nous. Aussi croyons-nous devoir reproduire une partie de l'appréciation des qualités physiques du Yack et de ses facultés comme bête de somme, qu'a donnée Duvernoy, prin- cipalement d'après M. Richard, du Cantal. « Le dos et les reins du Yack sont conformés de manière à donner à ce Ruminant une aptitude toute particulière pour le service de la selle et de la somme. Le garrot de cet animal est très-élevé; cette saillie s’abaisse insensiblement jusque vers les lombes. Il ressemble à celui des Chevaux de race orientale et à celui de la race anglaise qui en dérive. Cette forme particulière vient de la longueur des apophyses épineuses des sept premières vertèbres dorsales et de la grande proportion, et consé- quemment de la grande force des muscles qui s’y attachent. Elle contribue à rendre ces animaux plus propres à la course, soit en élevant le garrot pour le saut, soit en ramenant avec énergie les lombes en avant. Cette proportion dans la longueur des apophyses épineuses des vertèbres dorseles et des muscles qui s’y attachent fournit aussi aux ligaments une plus grande surface d'attache; elle donne à cette région plus de solidité et à l'animal plus de résistance ou de puissance pour supporter les fardeaux dont on le charge. Les reins du Yack sont courts, élargis, bien musclés, bien soudés à la croupe. Ils offrent tous les caractères de force, de solidité et de résistance que l’on recherche dans les bêtes de somme. Ce n'est pas seulement par la conformation de son dos et de ses reins que l'Yack offre de l’analogie avec les bêtes de somme ou de selle. Sa croupe, relativement longue, ar- roudie, horizontale, ressemble à celle du Cheval. La queue s’y attache de la même manière, et, lors- que l'animal marche ou qu'il court, il la relève comme le fait un Cheval arabe. En résumé, l'Yack ressemble au Cheval par son garrot, son dos, sa croupe. Ses grandes épaules, le développement en hauteur de sa poitrine, ses membres courts, bien musclés, ses cuisses bien emboîtées, ses larges jarrets, son corps trapu, le caractérisent, au premier coup d'œil, comme un animal rustique et vi- goureux; ses sabots, élevés verticalement, arrondis, de petite proportion, montrent, par leur dispo- sition, qu'ils reçoivent avec fermeté le poids du corps dans cette direction, et non obliquement; ce qui explique, en partie, la démarche sûre de ces animaux. » D'après ce que nous venons de dire, on voit que les Yacks peuvent rendre de grands services comme bêtes de somme et de trait, surtout dans les régions montagneuses. En outre, leur chair, mais surtout leur Jait, doivent être très-recherchés. Et enfin, comme le montre Duvernoy dans des détails dans lesquels nous ne pouvons entrer, leur laine peut très-bien être utilisée et servir chez nous, comme en Orient, à la confection de gros draps et d’autres étoffes. 196 HISTOIRE NATURELLE. 5we SOUS-GENRE. — BOLUF. BOS. Linné, 1735. Bos, nom latin de l'espèce typique. Systema naturæ. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Front allongé, plat, parfois un peu relevé en bosse ou creux dans une partie de sa surface, ter- miné, en arrière ct en haut. par une saillie transversale plus où moins anguleuse et arrondie, où viennent aboutir les faces frontale et occipitale, en formant un angle droit ou plus ou moins aïqu , ce bourrelet anguleux dessinant une ligne droite ou un are, ou se relevant seulement dans la par- tie moyenne, ou bien encore devenant concave dans cette partie avec deux saillies latérales. Noyaux osseux des cornes de forme conique, naissant aux extrémités de la crête frontale. Orbites peu saillants, très-distants de la buse des cornes, et caractérisant par celte position, suite de l'allongement du front, les espèces de ce groupe. Émail des arrière-molaires ne présentant pas, dans la fuce triturante, un repli entre les demi- cylindres, comme cela se voit chez les Buffles; toutefois les arrière-molaires supéricures du Ben- tiny et du Gour offrent ce repli, ce qui, joint à d'autres caractères, tend à unir les Bœufs aux Buffles. Cinq ou six espèces originaires de l'Asie et de l'Europe, et qui aujourd’hui presque toutes réduites à l’état de domesticité se rencontrent dans toutes les parties du globe, entrent dans ce sous-genre, et, pour indiquer le rapport qu’elles ont entre elles, nous ne croyons devoir mieux faire que d'em- prunter le passage suivant sur ces animaux, donné par M. Roulin : « À côte du Bœuf commun, au- quel se rattache le petit Bœuf sauvage des pares d'Écosse, qu'on s'accorde généralement à faire descendre de la même souche que notre bétail domestique, le Zébu, pour lequel je ne suis pas bien certain qu'il n’y ait eu au moins croisement avec quelque espèce éteinte ou encore à découvrir, et le Bœuf à fesses blanches de Java, que je ne vois pas de raison pour considérer autrement que comme une simple variété, viennent se placer les espèces suivantes : le Gour, le Goyal, auquel il faut ratta- cher le Goyal domestique ou Goyal des plaines, dont quelques individus, repassés à l'état indépen- dant, ont propagé, dans les forêts du Thibet, une race qui paraît conserver les caractères acquis sous l'influence de l'homme, et le Jungly-Gau, qui, comme l'a fait remarquer Hardwicke, se distingue bien du Gobah-Goyal, et pourrait être le résultat d’un croisement avec le Bœuf commun. Enfin je placerai encore à côté de ces Bœufs le B. bentiger de Java, dont notre cabinet d'anatomie comparée possède un squelette complet; toutefois, en supposant que ce soit réellement une espèce distincte et non pas le résultat d’un croisement entre notre Bœuf domestique et le Gour, ce dernier, en effet, vivant aussi à Java. » À ces espèces, sur la plupart desquelles nous allons bientôt revenir, nous pouvons ajouter le Bos frontalis, et des espèces découvertes à l'état fossile et qui ne sont malheureusement pas com- plétement connues. Les caractères communs de toutes ces espèces sont, pour ce qui concerne la tête osseuse, le front plat ou même un peu concave, à peu près aussi large que haut (en ne tenant pas compte toutefois du relèvement que peut offrir, dans sa partie moyenne, la crête occipito-frontale); la face occipitale offrant de même des dimensions à peu près égales en hauteur et en largeur (en comptant toujours la hauteur à partir des côtés de la crête saillante et non de sa partie moyenne); les cornes attachées aux deux extrémités de cette crête; enfin la moitié supérieure de cette face occipitale tout à fait lisse, et ne présentant pas d'empreintes musculaires. Il n’y a chez tous les Bœufs que treize paires de côtes, qui, à partir de la sixième, s'écartent latéralement, et élargissent ainsi la cage thoracique. Les membres sont constamment robustes, moins massifs cependant que ceux des Buffles, mais beau- coup plus que dans les sous-genres Bison et Yack. Chez ces animaux, observés à l’état sauvage, la tête présente, en arrière des cornes, un bourrelet saillant, recouvert seulement par la peau. La langue est hérissée de papilles cornées. Le corps entier est recouvert de poils courts, excepté à la partie Fig. 2, — Cachalot. PI. 26: r RE Les La LEO (h bat que PUMINANTS. 197 supérieure du front, où il peut acquérir un peu plus de longueur, mais jamais assez pour faire une touffe pendante comme dans les Bisons. 4. BŒUF ORDINAIRE ou TAUREAU. BOS TAURUS. Linné. CaracrÈres srÉGiFIQuES. — Mufle large et épais: yeux assez grands, gros, médiocrement écartés l’un de l’autre; oreilles basses, en forme de cornet, dans une situation horizontale; front vaste, plat ou lésèrement concave, à peu près aussi haut que large, garni vers le haut d’un poil plus où moins crépu, et portant un épi dans son milieu; cornes grandes, moyennes, petites ou nulles, rondes, la- térales, arquées, avec la pointe rejetée en dehors, ordinairement dirigées latéralement en haut, et figurant un peu les branches de lyre; crête occipitale sur la même ligne que la base des cornes et les réunissant; cou gros, court; un fanon ou pli de la peau lâche sous la poitrine; corps massif; dos souvent un peu creux; éminences osseuses du bassin saillantes; hanches plates, larges; queue lon- gue, prenant naissance très-haut et dans un enfoncement que laissent entre eux les os du bassin; côtes au nombre de treize paires; quatre mamelles disposées en carré; poil des parties antérieures n'étant pas sensiblement plus grand que celui des postérieures, d'une coloration variant entre le fauve rouge, le fauve clair, le noir et le brun : ces différentes teintes étant quelquefois distribuées irrégulièrement par grandes places sur un fond blanc. Longueur totale, mesurée depuis le bout du mufle jusqu’à l'anus, 2,50; hauteur au garrot, 1,55. Indiqué depuis l'antiquité la plus reculée et rendu immédiatement domestique, on comprend facile- ment que le type sauvage du Taureau ne soit pas connu et que ce soit en vain qu'on ait voulu le re- trouver dans nos temps modernes; en effet, on a cru successivement que l’on devait le rapporter, soit à l'Aurochs, soit à l'Yack: mais cela, loin de se confirmer, a été bientôt reconnu feux, et, en effet, pour ne citer qu'une des différences fondamentales qu'il y a entre ces animaux et le Taureau, où a remarqué que les deux premiers avaient quatorze paires de côtes, tandis que le Taureau n’en présentait que treize; en outre, la position plus avancée de la crête occipitale éloigne le Bœuf de l’Au- rochs, de même que la position des mamelles du mäle, en carré, le différencie de l'Yack. Les Grecs et Aristote désignaient cet animal sous le nom de B:; c'est le Bos des Romains et le Bos taurus de Pline. de Gesuer et d’Aldrovande; le Bos domesticus de Johnston, de Rai, de Linné. de Brisson; le Bos taurus de Linné dans sa Fauna suecica; le Bos taurus, var. domesticus d'Erxleben et de Gme- lin; le Bos urus, var. europæœus de Boddaërt; le Bœur ou Taureau de Buffon et de tous les auteurs modernes pour les mäles, la Vacne pour la femelle et le Veau pour les jeunes. Chez le Bœuf, le mufle est large et épais; les mächoires ont chacune douze molaires de chaque côté, et à la mâchoire inférieure seule il y a des incisives au nombre de huit, et dont celles du milieu, plus grandes que les autres, sont minces et tranchantes; de grosses éminences couvrent en partie les yeux; les oreilles sont basses et dans une direction horizontale; le front, vaste et plat, est garni d'un poil crépu, et porte un épi à son milieu; le cou est gros et court; le fanon pend sous le cou et des- cend jusqu'aux genoux entre les jambes antérieures; le corps est massif, et les jambes sont courtes, si on les compare à la grosseur du corps : chacune a deux ergots, et les pieds ont leurs dernières phalanges enveloppées de deux ongles formés de la même matière que la corne, mais moins épaisse et moins dure que celle du Cheval : on voit aux pieds une couronne de poil semblable à celle qui est en bas du paturon du Cheval; la croupe n’est pas arrondie; les hanches sont plates, larges et ter- minées par de grosses élévations. Il y a quatre estomaes : le premier, ou panse, le plus ample de tous, est tapissé par une membrane brune et mince; le second, ou bonnet, qui ne semble que la con- tinuation du premier et est formé par des cloisons minces et cannelées qui s’y croisent en tous sens comme un réseau; une gouttière qui continue l’œsophage et qui est susceptible de contraction s'étend sur la partie interne et supérieure du deuxième estomac jusqu’à l’origine du troisième, ou feuillet, qui est divisé par des lames de différentes longueurs et largeurs en forme de croissant, et qu'on a com- parées aux feuillets d'un livre; enfin le quatrième, ou véritable estomac, appelé caillette, a aussi dans son intérieur des replis sinueux, de grandeur inégale, mais en moindre quantité que ceux du feuillet, et présente une membrane veloutée dont toute la capacité en est revêtue et qu'humecte une liqueur onctueuse qui suinte de toutes ses parties. Le canal intestinal est d’une longueur considérable; le UISTOIRE NATURELLE. côlon et le cœcum ont surtout une grande capacité. Le foie est partagé en trois lobes, deux grands et un petit, tous de couleur noirâtre. Une longue poche forme la vésicule, qui contient beaucoup de iel d'un jaune foncé. Les deux extrémités de la rate sont arrondies et à peu près égales, grise à l’ex- térieur et d’un rouge noirâtre intérieurement. La langue est entièrement hérissée de petits crochets plus ou moins fermes, pointus, dirigés en arrière, et qui la rendent très-dure. La verge du Taureau est aplatie sur sa longueur, les testicules sont ovoïdes, et la vessie a une forme ovale; il y a quatre mamelons correspondants aux mamelles de la Vache. Celle-ci a la vessie presque ronde, le clitoris peu saillant, la matrice peu ample, arrondie à son orifice et assez large à son col. Il paraît que la couleur naturelle à l'espèce du Bœuf est le fauve; c'est encore la plus commune parmi les Bœufs do- mestiques; mais elle a pris différentes nuances plus ou moins vives : il y a des Bœufs rouges et bais; il en a aussi de noirs, de bruns, de blancs, de gris, de pommelés et de pies. Mais les races de Bœufs domestiques varient considérablement, depuis celles qui, comme les Zébus, ont une ou deux loupes graisseuses sur le garrot, jusqu'à celles plus grosses de nos climats, et qui n’ont pas d'apparence de loupes graisseuses; les formes varient aussi tellement, que différentes races de l'Inde ont tout au plus cent kilogrammes en poids, tandis que d’autres de nos contrées pèsent constamment entre cinq et six cents kilogrammes. Les cornes, courbées et dirigées de diverses manières, sont tantôt très-lon- gues et très-fortes, et d’autres fois comme rudimentaires; parfois même, assure-t-on, les cornes ne tiennent qu’à la peau et sont mobiles avec elle. La couleur ne peut non plus fournir un caractère susceptible d’être recueilli : les Bœufs variant beaucoup, comme tous les animaux domestiques. Les végétaux servent exclusivement à l'alimentation des Bœufs; ces animaux mangent vite, et pren- nent en assez peu de temps toute la nourriture qu'il leur faut; après quoi ils cessent de manger, et se couchent pour ruminer et digérer à loisir. [ls se couchent ordinairement sur le côté gauche; ils dorment peu et d’un sommeil court et léger; ils se réveillent au moindre bruit; de même que les Chevaux, ils boivent en humant l'eau. On appelle mugissement la voix de ces Ruminants. Ces mugissements sont plus forts dans les mâles entiers ou Taureaux que dans les autres individus de l'espèce. « Le Tau- reau, dit Buffon, ne mugit que d'amour; la Vache mugit plus souvent de peur et d'horreur que d’a- mour, et le Veau mugit de douleur, de besoin de nourriture et du désir de sa mère.» Dans nos cli- mats, la chaleur de la Vache commence au printemps; mais elle n’a pas d'époque constante, et l'on voit des Vaches dont la chaleur tardive n'a lieu qu’en juillet. Toutes sont en état de produire à l’âge de dix-huit mois, au lieu que le Taureau ne peut guère engendrer qu’à deux ans. La violence de leurs désirs est extrême au temps de la chaleur; alors leurs mugissements répétés annoncent les feux de l'amour. La femelle saute sur les autres femelles, sur les Bœufs ou même sur les Taureaux; sa vulve est gonflée et proéminente; les mâles se battent avec fureur, le vainqueur devient aussi l'amant heu- reux. Dès que la Vache est pleine, le Taureau refuse de la couvrir, et elle cesse presque toujours elle-même de le rechercher; elle porte neuf mois, et met bas au commencement du dixième. La plus grande force des Bœufs est de cinq à neuf ans, et les Taureaux, comme les Vaches, vivent commu- nément quinze ans. On reconnaît Fâge des Bœufs par la disposition des dents et par celle des cor- nes; les premières dents de devant tombent à dix mois, et sont remplacées par d'autres qui sont moins blanches et plus larges : à seize mois, les dents voisines de celles du milieu tombent, et sont également remplacées par d'autres, et à trois ans toutes les incisives sont renouvelées et se présen- tent alors égales, longues et assez blanches; mais, à mesure que le Bœuf avance en âge, elles s’usent et deviennent inégales et noires. Les cornes croissent tant que l'animal vit; on y distingue aisément des bourrelets ou nœuds annulaires qui indiquent les années de croissance, et par lesquels l’âge se peut compter en prenant pour trois ans la pointe de la corne jusqu'au premier nœud, et pour un an de plus chacun des intervalles entre les autres nœuds. Du reste, les cornes du Pœuf, dont la couleur est ordinairement livide ou noirâtre, sont permanentes; elles ne tombent jamais, et si elles se cas- sent par quelque accident, ou tombent à la suite d'une tumeur survenue à leur racine, elles ne crois- sent jamais plus. Elles ne sont pas remplacées par d'autres, comme l'ont écrit plusieurs naturalistes; mais, comme l'a observé Forster, à l'âge de trois ans, une lame très-mince se sépare de la corne; cette lame, qui n’a que très-peu d'épaisseur, se gerce dans toute sa longueur, et, au moindre frot- tement, elle tombe; la corne subsiste, ne tombe pas en entier, et n’est pas remplacée par une autre; c'est une simple exfoliation, d'où se forme cette espèce de bourrelet qui se trouve depuis l'âge de trois ans au bas des cornes des Taureaux, des Bœufs et des Vaches; et‘chaque année suivante un 198 4 2 RUMINANTS. 199 nouveau bourrelet est produit par l'accroissement et l'addition d’une nouvelle lame conique de corne, formée dans l'intérieur même de la corne, immédiatement sur l'os qu’elle enveloppe, et qui pousse la cône de trois ans un peu plus en avant; le premier bourrelet formé, les lames intérieures suivent d'année en année, et poussent toujours la corne triennale encore plus en avant. Les Bœufs aiment à frotter leurs cornes sur les corps durs, et c'est sans doute en se frottant ainsi qu'ils font tomber la petite lame de corne qui se détache à l’âge de trois ans. Les cornes des Bœufs sont pour ces ani- maux des armes puissantes et redoutables; lorsqu'ils veulent en faire usage, ils baissent la tête, présentent à leur adversaire la pointe de leurs cornes, le déchirent, et, s'il n'est pas de trop grande taille, le lancent en l’air après l'avoir percé de part en part. Ces animaux donnent aussi de violents coups de pied. Ils ont une grande force dans la tête et dans les épaules; ils sont courageux, et leur colère est furieuse. Parmi les Taureaux domestiques, il en est quelques-uns qui ne laissent pas d’être à craindre. Si un Loup ou quelque autre Carnassier vient à rôder autour d’un troupeau de Vaches paissant dans quelque lieu écarté, elles forment une enceinte, au dedans de laquelle se tiennent les Veaux et les Génisses dont la tête n’est pas encore armée; l’animal féroce n'ose s'approcher de ce rempart hérissé de cornes, et, s’il ne s’éloigne pas, on voit souvent un Taureau sortir des rangs, lui donner la chasse et le poursuivre longtemps. Quoique massifs, les Bœufs courent assez vite; ils na- gent aussi, mais moins bien que les Buffles. Leur naturel grossier ne les empêche pas d’être suscep- tibles d’une sorte d’attachement; ils reconnaissent très-bien leur habitation et les personnes qui en prennent soin. Ces Ruminants sont très-sujets à se lécher; ils enlèvent leur poil avec la langue, et l’avalent en grande quantité. Ce poil forme dans leur panse des pelotes rondes que l’on appelle égagrophiles; elles se revêtent, avec le temps, d'une croûte brune assez solide, qui n’est cependant qu'un mucilage épaissi, mais qui, par le frottement et la coction, devient dur et brillant. Comme l'on croit que ces égagrophiles empêchent les Bœufs d'engraisser, on laisse, aux endroits de leur corps où ils peuvent atteindre, la fiente qui s'y attache quand ils sont couchés; mais ce remède est assurément plus nui- sible que le mal : cette couche de fiente desséchée, arrêtant la transpiration, peut devenir très-pré- judiciable aux animaux, et le vrai moyen de les empêcher de se lécher est de les entretenir très-pro- pres, parce qu'alors ils n’éprouvent plus de démangeaisons. Peu d'individus sont conservés à l’état de Taureau, c’est-à-dire propres à propager l'espèce; pres- que tous ont été mutilés dans leur jeunesse, et ce sont ceux-là qui portent plus particulièrement le nom de Bœuf, qui, par extension, est devenu générique. Une espèce animale qui a été transportée sous tous les climats, que l’on a cherché à multiplier sur les montagnes comme dans les plaines, dans les lieux secs comme au bord des eaux et sur un sol humide, dans des contrées fertiles comme sur des terres ingrates, et dont l'éducation et la nour- riture ne sont pas les mêmes dans tous les pays: cette espèce a dû éprouver des changements remar- quables, soit dans la grandeur et dans quelques-unes. de ses formes, soit dans les couleurs, soit encore dans les qualités. Aussi peut-on dire que les races ou variétés de Bœufs sont innombrables, et devons-nous nous borner à ne parler que des plus saillantes. Nous chercherons cependant à donner une idée générale des races des pays étrangers; nous entrerons dans plus de détails sur les races françaises, et nous terminerons en donnant quelques notions très-génerales sur l'élève de ces ani- maux et sur les produits qu'ils procurent à l'homme. Ainsi que nous l'avons dit, les variétés du Bœuf commun, dont on ne connaît pas le type à l’état sauvage, sont excessivement nombreuses. On y distingue deux variétés principales : 1° les Bœufs à bosses, 2° les Bœufs ordinaires. I. — Dœvurs À Bosses ou Zéeus. Cette variété, dont on a voulu faire une espèce particulière, se distingue, au premier conp d'œil, de nos variétés ordinaires par la bosse graisseuse ou les deux bosses très-saillantes qu’elle porte sur le garrot. Les Zébus, dont on distingue plusieurs races par leurs dispositions organiques princi- pales, peuvent encore présenter quelques variations dans la couleur du pelage, quelquefois ronge ou tachetée; ils ont à peu près les mêmes mœurs que les Bœufs domestiques, néanmoins ils sont beau- 200 HISTOIRE NATURELLE. coup plus alertes, ct, au lieu de mugir comme nos Bœufs, ils font entendre un grognement un peu analogue à celui de l'Yack. On les emploie comme bêtes de trait. Cette variété constitue le Zérv de Buffon, Bos Indicus, Erxleben; mais, comme nous l'avons dit, il est bien démontré que c’est sim- plement une variété particulière du Bos taurus domestique. Le Zébu, ses variétés et ses sous-varié- tés composent en presque totalité le bétail des Indes, de la partie orientale de la Perse, de l'Arabie, des contrées de l'Afrique situées au midi de l'Atlas jusqu’au cap de Bonne- Espérance et de la grande île de Madagascar. Ces animaux, quoique originaires de pays très-chauds, peuvent vivre et multi- plier dans nos climats tempérés; ils ont propagé dans plusieurs pares de l'Angleterre, et ne sont pas rares dans nos ménageries; aussi pourrait-on facilement les acclimater chez nous, où ils rendraient de grands services, surtout comme bêtes de trait. On y distingue plusieurs races dont les princi- pales sont les suivantes : À. RACE GRANDE À UNE nossE ET à CORNES (Great Indina ox, Penvanit: Bos urus Indicus Boddaërt). — Taille égalant ou surpassant celle de nos plus forts taureaux; loupe graisseuse du garrot ayant jusqu’à vingt-cinq kilogrammes de poids. De l'Inde. B. RAGE MOYENNE À CNE BOSSE ET POURVUE DE CORNES. — Taille et proportions d’une Vache moyenne, cornes recourbées en avant; couleur généralement d'un blanc grisâtre; poil entièrement soyeux, très-ras, de la même nature que celui des Vaches. Cet animal, qui vient de l'Inde, s'accouple avec les races de Bœufs, et produit des individus féconds GC. RAGE PETITE A UNE BOSSE, SANS conEs (Bos urus inermis, Pennant). — Surpassant à peine la taille d’un Cochon médiocre; pelage généralement gris sur les parties supérieures et blanc sur les inférieures; queue terminée par une touffe de poils noirs; loupe assez élevée; cornes remplacées par une petite plaque non adhérente au crâne, faisant à peine une légère saillie et qui s’exfolie de temps en temps. De l'Inde. G. Cuvier en a décrit, en 1788, un individu provenant de l'Inde, et qui avait êté apporté par les ambassadeurs de Tippoo Saib. D. Race 4 Eux Bosses. — Les bosses, dans cette variété, sont placées à la suite l’une de l’autre : la première, sur le garrot, est plus grosse que la seconde. Elle habite les environs de Surate. On peut encore reconnaître quelques variétés parmi les Zébus de Madagascar, de Macassar, de Timor, cte.; mais nous ne pouvons pas entrer dans plus de détails à ce sujet. II. — LDœurs sans Bossrs ou Bœurs onpiNainrs. Les variétés du Bœuf ordinaire sont innombrables; nous indiquerons les principales, et plus par- ticulièrement celles propres à notre pays. RACES FRANÇAISES, — On trouve en différents cantons des races plus ou moins distinctement séparées, et que ceux qui font le commerce des Bœufs savent bien reconnaître et dénommer. On ap- pelle Bœuf de haut cru ceux dont le cuir est plus fort, la forme plus considérable, et qui donnent moins de suif. On donne le nom de Bœufs de nature à ceux qui ont la propriété de s’engraisser faci- lement et abondamment, et cette propriété se distingue par la blancheur et l'homogénéité des cornes, par le potelé de la tête et de toutes les parties du corps, par la souplesse et le moelleux du poil, par la finesse des narines et des oreilles, par la douceur du regard, etc. Les races françaises, comme nous allons le dire, sont très-nombreuses: autrefois elles étaient assez distinctes selon les anciennes provinces de notre pays; mais ces races tendent, d'un côté, à se fondre les unes dans les autres, et, d’un autre côté, par leur mélange avec des races étrangères, elles se sont plus ou moins multipliées. NE allons cependant indiquer, d'après la Manmalogie d'A. G. Desmarest, les principales d’entre elles. $ 1. Bœuf de haut cru. À. Race rimousine (Bos taurus domesticus Lemosicensis). — Taille moyenne; forme allongée; poids de trois cents à quatre cent vingt-cinq kilogrammes; conformation forte; tête grosse; cornes #3 RUMINANTS. 201 grosses, longues, pointues, relevées également ou descendant la pointe en bas; épaules épaisses; garrot peu saillant; poil blond ou jaune de paille. Ces Bœufs, auxquels on joint les angoumois et les saintongeais, qui n’en différent guère que par leur taille, travaillent, dans leur jeunesse, dans les provinces auxquelles ils appartiennent; on les engraisse ensuite en Normandie et dans le Limousin, et ils servent à la consommation de Paris. B. Race ve La Mancue (B. taurus domest. Bituricensis). — Taille moyenne ou petite; poids, deux cents à trois cent cinquante kilogrammes; plus court que les précédents; cornes grosses, longues, verdâtres, relevées en pointe; poil du front très-gros, très-long, très-dur, blanc pâle et sale. Les Bœufs berrichons appartiennent à la même race. La majeure partie des Bœufs de cette race est en- graissée dans les herbages de la Normandie. C. Race casconne (B. taurus domest. Aquitanicus). — Taille considérable, poids moyen, de trois cent cinquante à quatre cents kilogrammes; conformation plus longue que celle des Bœufs sain- tongeais, dont elle se rapproche le plus; tête et cornes beaucoup plus grosses; ventre peu volumi- | neux; euir plus fort; couleur d'un blanc sale, plus ou moins rembrunie. Cette race est consommée, en général, à Bordeaux ou emportée pour la marine. D. Race Auvercnare ou pes Bourrers (B. taurus domest. Arvernus). — Taille petite; poids, de trois cent soixante-quinze à quatre cent trente-cinq kilogrammes; conformation courte, large; os très- gros; formes pesantes; tête courte, large; mufle gros; cornes courtes, blanches, relevées en pointe, un peu torses; ventre descendant beaucoup: ordinairement rouge vif, avec quelques taches plus ou moins grandes, blanches sur la tête, la queue ou le dos. Ces Bœufs naissent dans les montagnes d'Auvergne, en descendent à l’âge de trois ans pour travailler dans les plaines du haut Poitou, et passent ensuite aux pâturages de la Normandie. E. Race soursonnaise (PB, taurus domest. Borbonicus). — Taille petite; tète et cou menus; cor- nes longues, pointues; couleur d'un rouge vif, avec plus ou moins de blanc. Bœufs engraissés au foin dans l’ancien Bourbonnais. F. Race cuarozaise (B. taurus domest. Carolesiensis). — Taille moyenne; poids, trois cents à quatre cent trente-cinq kilogrammes; conformation courte, large, massive; tête bien proportionnée; cornes courtes, fines, un peu verdâtres; dos et reins presque droits; ventre volumineux; pelage d'un beau blanc, parfois avec des taches rouges. Cette race est engraissée, après avoir travaillé trois ans, dans les pâturages du Charolais; elle fournit à la consommation de Lyon et de Paris. G. Race mvennaise (B. taurus domest. Nivernensis). — Taille petite ou moyenne; poids pouvant s'élever jusqu'à quatre cents ou quatre cent cinquante kilogrammes; moins massive que la race au- vergnate; cuir mince. Ces Bœufs se répandent hors du Nivernais, soit pour travailler, soit pour être engraissés; les plus beaux passent dans le Morvan et se font remarquer ensuite dans les marchés. H. Race rourGu eNoNNE (B. taurus domest. Burgundiacus). — Taille petite; poids s’élevant à trois cents kilogrammes; formes assez semblables à celles des Bœufs berrichons; couleur blanche. Race peu estimée et d’une nature assez rude; elle fait peu de cuir et de suif, et la qualité de sa viande est inférieure. $S 2. Bœufs de nature. 1. Race cuoLerre (B. taurus domest. Pictonicus). — Taille variable; poids également variable et pouvant s'élever à quatre cent cinquante kilogrammes; proportions remarquables; tête large, courte; cornes longues, blanches contre la tête et brunissant peu à peu jusqu’à la pointe, qui finit par être noire; poitrine très-étendue; queue enfoncée; poil gris, noir, brun ou marron. Ces Bœufs naissent dans le bas Poitou; les uns restent dans le pays, où on les engraisse avec du foin et des ehoux jusqu'à six ou sept ans, et ils sont consommés dans plusieurs départements, et surtout à Paris; les autres, dits nantais, passent dans les environs de Nantes, servent à la culture et sont engraissés en Norman- die. On rapproche de cette race une sous-race nantaise qui est plus petite, et une race angevine qui est plus dure au travail. P. 26 202 HISTOIRE NATURELLE. K. Pace maraenaise (B. taurus domest. paludosus). — Taille assez considérable; poids, trois cent cinquante à cinq cents kilogrammes; conformation parfaite; tête assez longue; cornes grandes; cuir épais; graisse abondante, huileuse. Ces Bœufs présentent plusieurs variétés qui paissent, travaillent, et sont engraissées dans l’espace assez étroit qui s'étend dans le voisinage de la côte de l'Océan de- puis Machenal jusqu'à Rochefort, et qui portent des noms différents, tels que ceux de Bœuf du grand marais, de fontenagon, callot, flandrin et Bœuf bâtard. L. Pace sreronne (B. taurus domest. Armoricus). — Taille petite; poids de trois cents à quatre cent cinquante kilogrammes; tête et membres menus; cornes très-longues, noires par le bout; cou- leur rouge et blanche, noire ou blanche. Cette race, peu estimée, et qui donne peu de cuir et de suif, naît, travaille, s’engraisse et est débitée dans la basse Bretagne. M. Race o0 Mae (B. taurus domest. Cenomanensis). — Taille moyenne; poids, deux cent cin- quante à trois cent cinquante kilogrammes; tête et cou menus; cornes courtes, fines, blanches; fa- non manquant presque totalement dans beaucoup d'individus; cimier plat; queue enfoncée; couleur blonde ou blanche et rouge. Cette race, dont la nature est la plus douce qui soit connue parmi les Pœufs de France, est très-abondante et très-estimée; elle ne travaille qu’à six ou sept ans, et ne sort guère de son pays natal que pour passer dans les pâturages de la Normandie. N. Pacs ou pays p'Auce, Bœvr nogcanpais ou Bœvur pe pays (B. taurus domest. Viducossensis). — Taille très-grande; poids de cinq cents à six cents kilogrammes; proportions très-belles; tête courte, large; cornes blanches, grosses, courtes et rondes par le bout; queue enfoncée; poil gros; couleur de la tête blanche ou variée de rouge et de blanc; quelques individus noirs ou bruns, mais mélangés de blanc; graisse abondante, un peu jaune; cuir épais. Cette race. originaire de Hollande, a été In- troduite en France, où elle a bien réussi, surtout dans le pays d’Ange; on la vend pour la boucherie à trois ou quatre ans. O0. Race ou Corenrin (B. taurus domest. Uneliensis). —Taille forte; poids pouvant atteindre six cents à sept cents kilogrammes; tête longue, peu grosse; cornes longues, menues, pointues; dos élevé en cime; fesses minces; ventre volumineux; membres menus; queue enfoncée; graisse abondante, jaune; peu de cuir; couleur ordinairement bronzée. Le volume prodigieux qu'acquiert cette race provient du eroisement qu'on est dans l'usage de faire, depuis près d’un siècle, de la race du Cotentin avec la race hollandaise du pays d'Auge. Ce sont à peu près les seuls Bœufs normands élevés et engraissés sur le lieu natal. P. Race comroise (D. faurus domest. Sequanicus). — Taille petite; poids environ trois cent soixante-quinze kilogrammes: conformation extérieure analogue à celle des Bœufs cotentins; cornes plus torses; couleur ordinairement blonde ou brune, avec la tête blanche. Race peu estimée pour sés produits. Q. Race pe La Camanoue (B. taurus domest. Arelutensis). — Taille moyenne; corps épais; ventre descendant très-bas; cornes courtes, formant un croissant parfait, dont les pointes se rapprochent; cuir très-épais, recouvert d’un poil de couleur noire. Cette race, qui est presque à l'état demi-sau- vage, habite seulement les îles de la Camargue, formées par l'embouchure du Rhône, un peu au-des- sous d'Arles. On la dit originaire de Bœufs d'Italie. Ses mœurs farouches, la couleur noire de son poil, la grosseur et l’abaissement de son ventre, lui donnent plusieurs rapports de ressemblance avec le Buffle. C'est elle qui fournit les Taureaux qui servaient dans les combats qui avaient lieu ja- dis à Nimes et à Tarascon, à l'instar de ceux de l'Espagne. XACES ÉTRANGÈRES À LA FRANCE. — Après avoir passé ainsi en revue les principales races fran- çaises, qui, nous le répétons, sont beaucoup plus nombreuses que celles que nous avons décrites; car plusieurs autres ont une origine étrangère, nous devons donner une idée générale des autres races des différentes contrées. On peut dire que chaque pays possède autant de races particulières que la France ; nous ne voulons et nous ne pourrions pas les décrire toutes : aussi nous bornerons-nous à parler seulement de quelques-unes d’entre elles, qui, comme les races suisse, franconienne, flamande et hollandaise, sont annuellement importées dans notre pays et contribuent même à la consommation RUMINANTS. 203 de Parigt et ne dirons-nous que quelques mots des autres races européennes étrangères à la partie du monde que nous habitons. Race suisse (Bos taurus domesticus Helveticus), — Race de haut cru; taille moyenne ou assez grande; quelques individus atteignant jusqu’à cinq cents kilogrammes de poids; conformation très- semblable à celle de la race auvergnate, mais dans une plus grande proportion; fanon plus grand: cuir beaucoup plus épais; nature plus rude; couleur générale rouge dans la moitié des individus à peu près, et brune dans l’autre moitié; presque tous ayant la tête blanche. Ges Vaches suisses sont très-renommées par leur grande taille, l'abondance du lait qu'elles fournissent, et la beauté des Veaux qu'elles produisent; mais il ne suffit pas, pour obtenir dans notre pays de beaux individus, de les tirer de Suisse, il faut, une fois acclimatés chez nous, leur procurer des pâturages à peu près analogues à ceux de leur pays natal. RacE FRANCONENNE (B. taurus domest. Noricus). — Bœuf de nature; taille moyenne; poids variant de deux cent cinquante à trois cent cinquante kilogrammes; conformation assez svelte; cuisses min- ces; membres menus; flanes un peu descendus; cornes blanches, fines, relevées et pointues: couleur d’un rouge très-vif, avec la tête blanche; suif et cuir peu abondants. La viande que produit ces ani- maux à une grande apparence, mais peu de poids et de saveur, et ce défaut vient apparemment de la manière dont on les engraisse; car on les nourrit toujours au sec avec l’avoine, et ils travaillent pendant le temps de l’engraissement. Les races allemandes sont à peu près semblables aux races franconiennes. RACE FLAMANDE OU HOLLANDAISE (B. taurus domest. Batavicus). — Bœuf de nature; taille moyenne; poids moyen de trois cents à quatre cents kilogrammes; corps très-long et haut sur jambes, très- mince et peu pourvu de ventre; tête longue; cornes noires, très-grandes; cuir assez fort; Vaches tou- jours maigres, donnant beaucoup de lait. Cette race, transportée dans le pays d’Auge, en Norman- die, c'est-à-dire dans le canton situé non loin du bord de la mer, entre Dives, Pont-l'Évêque et Crèvecœur, y ayant trouvé des pâturages excellents, a changé un peu de conformation, acquis de la taille et de l’embonpoint, et est devenue la plus remarquable de notre pays sous ces deux derniers rapports. Les Bœufs flamands que l’on envoie en France après avoir été engraissés n’ont pas plus de : quatre à cinq ans; leur chair est assez lourde, ce qui est ordinaire quand on tue ces animaux jeunes: mais, quoique grasse, elle a peu de qualité; leurs cuirs sont assez forts. Parmi les races européennes qui ne se trouvent pas sur les marchés français, nous ne consacre- rons quelques lignes qu'aux suivantes : Races aNGLAISES. — On remarque pour la taille ceux du Suffolk, du Herefordshire et du Wiltshire, dont le caractère commun le plus apparent consiste dans la petitesse de la tête, la brièveté du cou et l'horizontalité parfaite du dos. Ce sont peut-être, de tous les Bœufs, sinon les plus grands, au moins ceux dont le poids est le plus considérable; car on cite un Veau du Suffolk qui, à quatre mois et demi, pesait deux cent quarante kilogrammes, et un Bœuf du même comté dont les cornes n'avaient pas moins de 1,60, et qui pesait près de deux mille kilogrammes. Les Bœufs du Norfolk, quoique petits, sont généralement les plus estimés pour la qualité de leur chair. Ceux du Devonshire et du Sussex, très-semblables entre eux, si ce n’est que les premiers ont la tête et le cou plus petits que les derniers, sont le résultat du croisement des races normandes avec des races primitives anglaises. Du reste, on sait que, dans ces derniers temps surtout, tous les points de l’agriculture ont fait, en Angleterre, de grands progrès, surtout en ce qui concerne l'élève de animaux domestiques : aussi comprend-on qu'aujourd'hui on connaît un assez grand nombre d'excellentes races anglaises, les unes recommandées par la chair, le suif ou le cuir qu'elles donnent, et les autres par leur lait. Races Écossaises. — Le Taureau sans cornes, d'Écosse, très-multiplié aussi dans le comté de Suf- folk, où il prend une forte taille et la couleur blanche, est encore à moitié sanvage dans les pares du premier de ees pays, et est de petite taille. C’est sans doute le Bison albus Scoticus ou Calydonicus d'Aldrovande, que l'on a rapporté à l'espèce de l'Aurochs, mais qui, comme l’a montré G. Cuvier, présente tous les caractères ostéologiques dn Bœuf ordinaire. Races imLanpaises. — Ces Bœufs, des contrées méridionales et maritimes de l’Irlande, manquent de cornes; et il en est de mème dans les races DE L'ISLANDE, qui, en outre, sont de petite taille. 20% HISTOIRE NATURELLE. Paces ou norD pe L'Europe. — Le Danemark a une race très-grande, dont quelques Vaches, qui viennent s’engraisser en Hollande, fournissent jusqu'à vingt pintes de lait par jour. En Norwége, au contraire, selon Pontoppidam, les Bœufs sont de très-petite taille, généralement de couleur jaune, et les Vaches donnent très-peu de lait. Les îles qui bordent les côtes présentent des individus un peu plus grands. Les Bœufs de la Podalie, de la Tartarie qu'habitent les Calmouks, de l'Ukraine et de la Hongrie, passent pour les plus grands du monde. On a vu à Paris, en effet, des Bœufs hongrois qui étaient de taille très-élevée, à cornes très-grandes, dirigées latéralement avec la pointe relevée, bien placées sur le front et à pelage gris cendré, distribué par petites mèches, ce qui semble indiquer qu'ils étaient de haut cru. Parmi les Bœufs de la Russie, on cite ceux des Kirghises comme étant les plus gros. Races ou mini DE L'Europe. — L'Espagne, principalement la province de Salamanque, et l'Italie, ont de très-belles races de Bœufs. La Romagne a surtout un très-grand Bœuf à cornes longues, laté- rales, relevées au bout, à poil de couleur gris foncé, passant au brun sur la tête et au milieu du dos, et cette race a assez de rapport avec celle de la Hongrie. Dans d’autres cantons, Ja couleur grise se retrouve aussi, mais la tête est blanche. On n’ignore pas que chez les anciens Romains les cultiva- teurs s'occupaient beaucoup de l'élève des Bœufs; on connaît les fêtes qu'ils donnaient annuelle- ment à l'occasion de ces animaux, et dont notre promenade du Bœuf gras est encore aujourd'hui un vestige. Les Bœufs siciliens ont des cornes remarquables par leur grandeur et la régularité de leur figure ; elles sont très-peu courbées ; leur longueur ordinaire, mesurée en ligne droite, est de 1”, et quelquefois un peu plus considérable. Les îles de Malte et de Lipari ont des races beaucoup moins belles, et la race sicilienne y dégénère même au point d'y devenir méconnaissable. Enfin les Bœufs de la Sardaigne et de la Corse sont petits et maigres, mais très-nombreux. Les pâturases de la Turquie sont peuplés de beaux et très-nombreux troupeaux de Bœufs. Les anciens distinsuaient, parmi les Bœufs de l'Épire, ceux que l'on appelait pyrrhiques. Les Vaches pyrrhiques, suivant Aristote, n'étaient qu'au nombre de quatre cents environ; elles étaient réservées pour le roi, et ce n’était que lorsqu'elles avaient trois ans accomplis qu'on permettait au Taureau de les approcher; tant qu'elles prenaient de l'accroissement, on les appelait vierges. « Nous les de- vons, dit Pline, aux soins du roi Pyrrhus : ce prince réussit à en perfectionner l'espèce en ne leur permettant pas de s'accoupler avant la quatrième année; par ce moyen, il obtint des Bœufs de la plus riche taille, et dont la race est encore subsistante. » Les bêtes à cornes sont plus petites dans les plaines de la Crimée que dans l'Ukraine; elles ressemblent à celles de la Ilongrie, et ont aussi sou- vent la mème robe grise ou noire, et rarement brune; elles sont plus lentes, et d’une marche plus pesante que dans les montagnes, où la race, quoique petite, est forte et a une allure plus vive. Dans le nombre des Bœufs de montagne, rapporte Pallas, on en voit beaucoup qui ont la couleur des Ga. zelles; et ceux-là ont communément les membres et une forme plus agréables. Daces astariques. — Outre les quelques races propres à la Turquie, dont nous avons déjà parlé, les collines et les plaines de l'immense étendue de l'Asie sont animées de nombreux troupeaux de ‘œufs bossus ou non bossus; et ils ne sont pas étrangers aux âpres régions qui avoisinent la mer Glaciale. L'espèce se multiplie à mesure que la température est plus douce; elle propage vers le midi jusqu’à la pointe de la presqu'ile de Malacca, et en longitude depuis l'Arabie jusqu'aux iles du Japon. Races arricanes. — Dansala plupart des parties de l'Afrique, principalement dans celles où les hommes s’adonnent à la culture des terres, les bêtes à cornes ne sont pas rares. Elle sont en nombre assez considérable en Égypte; mais, quoiqu'elles y soient encore assez belles, elles y ont beaucoup dégénéré de la perfection qui les faisait admirer autrefois comme une des races les plus distinguées. Leur couleur est généralement d'un fauve plus ou moins foncé, et leurs cornes sont petites; on voit sur le garrot des Bœufs d'Égypte une grosseur moins élevée que celle des Zébus, mais qui, si elle est naturelle, les rapproche de ces animaux. On sait que les anciens Égyptiens avaient voué un culte à ces animaux, et l'on connaît les cérémonies religieuses du dieu Apis. On voit en Abyssinie d'in- nombrables troupeaux de Bœufs : les uns diffèrent par la taille, les autres par la grandeur ou par la conformation de leurs cornes; d’autres n'ont pas du tout de cornes; et tous enfin sont de couleur di- verse, ct ont le poil long et ras, suivant Le climat où ils paissent. Aux environs du Sennaar, en Nubie, RUMINANTS. 205 les Bœufs sont les plus gros, les plus gras et les plus beaux du monde entier. Quelques-uns de ces Bœufs de Nubie et d’Abyssinie ont des cornes d’une grandeur démesurée, quoiqu'ils soient eux-mêmes d’une assez petite taille; mais cette croissance vraiment monstrueuse des cornes est, dit-on, l'effet d'une maladie qui devient toujours fatale aux animaux qui en sont atteints. Toutes les colonies euro- péennes ont reçu des Bœufs de diverses contrées de l'Europe, et ces animaux ont subi, dans leur nature et leur constitution, des changements relatifs aux nouveaux climats sous l'influence desquels ils se sont trouvés placés : toutes les races de Bœufs connues paraissent exister en plus ou moins grand nombre dans les diverses contrées de l'Afrique, depuis la Barbarie jusqu’au cap de Bonne- Espérance. Vers le point méridional de cette partie du monde, vit un peuple pasteur, doux et cou- rageux, qui fait sa principale occupation de l'éducation des bestiaux. Les Cafres ont beaucoup de soin de leurs Bœufs, en général plus petits que les nôtres, et ils réussissent parfaitement à s’en faire comprendre. Ils découpent en larges pièces circulaires le fanon de ceux qu’ils affectionnent le plus, ou ils le façonnent en petites lanières comme une frange. Ils soumettent aussi les cornes à différentes formes. Cette opération se fait en les chauffant avec un feu ardent, jusqu’à ce que la chaleur les ait assez amollies pour se prêter à la direction qu’on veut leur donner : on en voit qui sont courbées des deux côtés sur le cou du Bœuf, et aboutissent précisément aux épaules; d’autres, dont les poin- tes se rencontrent sous la gorge, ou bien se prolongent horizontalement, etc. Les Cafres, au rapport de Levaillant, ne se contentent pas de faire prendre aux cornes de leurs Bœufs une infinité de con- tours différents, ils ont encore l’art de multiplier en quelque sorte ces cornes, de sorte qu'elles ont l'aspect des zoophytes marins, conuus sous le nom de bois de Cerf. Le procédé qu'ils emploient con- siste à donner, sur la corne qui commence à se montrer, un ou plusieurs petits traits de scie ou d’un autre outil; ces cornes, qui sont encore tendres, s’isolent d’elles-mêmes : de façon qu'avec le temps, l'animal porte autant de cornes bien distinctes; dans d'autres cas, ils savent, par des procé- dés particuliers, forcer la corne entière, ou l’une de ces divisions, à former un cercle parfait. Une remarque très-curieuse, si elle se confirmait, que l'on doit à Barrow, et dont on ignore la cause, c’est qu’en général les Bœufs de la colonie du Cap et de plusieurs autres parties de l'Afrique ont l'ha- leine infecte, tandis que celle des Bœufs d'Europe est fort douce. Races amEnicaines. L'espèce du Bœuf ordinaire était inconnue dans l'Amérique méridionale avant la conquête qu'en firent les Européens; mais les contrées du nord de ce continent étaient habitées par une grande quantité de Bisons; cependant la race du Bœuf sans bosse y était étrangère, et ce sont les Européens qui l'y ont transportée. Sa nature s’est très-bien prêtée à cette transmigration, et elle s’est extrêmement multipliée dans plusieurs contrées méridionales du nouveau monde. On nourrit de gros bétail au Pérou, au Brésil, au Paraguay et dans toutes les colonies européennes; ce bétail couvre de vastes plaines, et vit en plusieurs endroits dans une entière liberté; et ces Bœufs ont même formé des races distinctes et qui se perpétuent. C'est ainsi que les Bœufs de Montévidéo sont plus grands que ceux d'Espagne, d’où ils sont originaires; que ceux de Corientes, au Paraguay, sont, au contraire, très-bas sur jambes, et que l’on en voit qui sont entièrement dépourvus de cor- nes. Le Bœuf de Fernambouc est habituellement rouge, c’est-à-dire bai clair et taché de noir; il y en a aussi qui ont des taches jaunes et couleur marron; ce Pœuf, à en juger par les dépouilles que le commerce apporte en Europe, doit ressembler au Bœuf nantais pour la taille et pour la qualité des peaux qu'il fournit à la tannerie. Les peaux de Fernambouc nous viennent d'Amérique salées et alu- nées, ce qui en rend le premier travail difficile; elles produisent un cuir de première qualité, parce qu'il est également fort et serré dans toutes ses parties, et qu’il prend bien les apprèts; on sait qu'il arrive aussi dans notre Europe une assez grande quantié de viande salée provenant de ces Bœufs. Pour faire la chasse aux Bœufs devenus sauvages en Amérique, on leur jette une corde formant un nœud coulant, et on les enlace par les cornes ou par la tête; d’autres fois on leur coupe les jarrets avec un fer taillé en croissant, bien aiguisé et attaché à un long bâton. Cette chasse, qui n’est pas sans danger, se fait avec beaucoup de légèreté et d'adresse par les habitants du Pérou et des autres pays voisins : elle n’a la plupart du temps pour but que de se procurer les cuirs et le suif, qui fout une branche considérable de commerce; les chasseurs abandonnent souvent les Bœufs tués aux ani- maux carnassiers, après en avoir pris seulement la langue, qui est très-bonne à manger. a Races OCÉANIENNES. — Les Bœufs de race anglaise qui ont été transportés à Botany-Day et dans 206 HISTOIRE NATURELLE. d’autres points de la Nouvelle-Hollande ont parfaitement réussi, et aujourd'hui on en possède un assez grand nombre de races plus ou moins distinctes. Parmentier a publié, il y a plus d’un demi-siècle, dans le Nouveau Dictionnaire d'Histoire natu relle édité par Deterville, un article sur le Bœuf considéré sous le rapport de l’agriculture, du com- merce et des arts, et nous croyons utile d'emprunter quelques passages de cet important travail, qui, aujourd'hui encore, peut être consulté avec avantage. Habitué à ne juger des animaux qui vivent autour de lui sur la surface du globe que sous les rap- ports de l'utilité qu'il peut en retirer, l’homme a placé le Bœuf au premier rang, et cette sorte de prééminence est méritée, car les services qu'il rend sont d’une telle importance, que la subsistance et la prospérité des nations en dépendent; sans ce précieux animal, les campagnes les plus fertiles seraient frappées de stérilité, la disette des aliments se ferait ressentir de toutes parts, une population misérable et sans vigueur trainerait une chétive existence, sans espérance de se relever par les efforts de son industrie, puisqu'elle manquerait des matières indispensables aux arts de première nécessité comme à ceux de simple agrément. Aussi, chez les peuples qui ont porté leur attention vers l'agri- culture, tous les soins ont été réservés à l'espèce du Bœuf. On sait combien elle était honorée dans l'ancienne Égypte; on l'avait mise sous la sauvegarde des lois civiles et religieuses; et, afin de lui attirer plus de ménagement et de l'environner de plus de respect, on plaçait un Bœuf au rang des divinités les plus révérées; on faisait des funérailles aux autres Bœufs lorsqu'ils venaient à mourir; car, à l'exception de ceux que l'on sacrifiait aux dieux, on n’en tuait que très-rarement, et il était défendu de mettre à mort ceux qui avaient déjà travaillé. Il en était de même chez les Romains. Dans la presqu'île de l'Inde, le Bœuf a joui, de temps immémorial, d'une considération qui tenait du culte; aujourd'hui encore, il y a des individus de cette espèce consacrés, et que l’on nomme Bœufs bra- mines. Chez les brames, les femmes, pour se procurer en abondance du lait et du beurre, invoquent une Vache par excellence, chérie du roi des cieux, type, mère et patronne de toutes les Vaches. L’es- pèce entière jouit des plus grands égards; on lui prodigue tous les témoignages de la reconnaissance, etil est un jour dans l’année destiné à en consacrer l'expression. Chez les peuples civilisés de notre époque actuelle, sans avoir les mêmes égards pour l'espèce bovine, on ne laisse pas que d’en avoir grand soin, et cela uniquement parce qu’elle est d'une grande utilité. Le choix du mâle et de la femelle pour la propagation de l'espèce doit être fait avec discernement. Rien n'est plus rare, dans quelques cantons de France, qu'un beau Taureau; il n'y en a pas même dans tous les villages, et les propriétaires sont parfois forcés de faire conduire leurs Vaches au loin pour les faire saillir par un Taureau chétif, tantôt trop jeune, tantôt épuisé, et souvent affaibli par le travail et la faim, et il ne peut résulter de semblables unions que des produits misérables et le dépérissement de l'espèce. Le Taureau doit être choisi parmi les plus beaux de son espèce; il doit avoir de trois à neuf ans; il doit être gros, bien fait et en bonne chair; il doit avoir l'œil noir, le regard fier, le front ouvert, la tête courte, les cornes grosses, courtes et noires; les oreilles longues, velues; le mufle grand, le nez court et droit, le cou charnu et gros, les épaules et la poitrine larges, les reins fermes, le dos droit, les jambes grosses et charnues; la queue longue et couverte de poil: l'allure ferme et sûre; le poil luisant, épais, doux au toucher. Il ne pourra servir que trente ou qua- rante Vaches, et devra être nourri largement. La Vache doit avoir la taille haute, les cornes bien étendues, claires, polies: le front large, uni; le corps long; le ventre gros, ample, à tétines blanches, non charnues, mais déliées; en outre, elle doit être forte et docile. Quoique l’on puisse soumettre le Taureau au travail, on est moins sûr de son obéissance, et il faut être en garde contre l'usage qu'il peut faire de sa force; il est souvent indocile, fougueux, et, au temps du rut, il devient furieux et indomptable; mais par la castration on détruit la source de ces mouvements impétueux; il devient plus traitable, plus patient, sans rien perdre de sa force, et il acquiert plus de grosseur et de disposition à s’engraisser. C’est ordinairement à dix-huit mois ou deux ans, et au printemps ou à l'automne, que l’on soumet le jeune Taureau à la castration, et cette Opération se fait de différentes manières suivant les pays. Un bon Bœuf pour la charrue ne doit être ni trop gros ni trop maigre : il doit avoir la tête courte et ramassée; les oreilles grandes, bien velues bien et unies; les cornes fortes, luisantes et de moyenne grandeur; le front large; les yeux grands, vifs, luisants; le mufle gros, camus; les naseaux bien Li RUMINANTS. 207 ouverts; les dents blanches, égales; les lèvres noires; le cou charnu; les épaules grosses; la poitrine large: le fanon pendant jusque sur les genoux; les reins très-larges; le ventre tombant; les flancs grauds; la croupe bien épaisse; les jambes et les cuisses grosses, nerveuses; le dos droit, plein; la queue très-longue, garnie de poils touffus, fins; les pieds fermes; l'ongle court, large, luisant; les muscles élevés; le cuir épais, mais souple. Il doit être obéissant à la voix et bien dressé; mais ce n’est que peu à peu, et en s’y prenant de bonne heure, qu'on peut accoutumer le Bœuf à porter le joug volontiers et à se laisser conduire aisément; toutefois, ce n’est qu’à l’âge de deux ans et demi ou de trois angqu'il faut commencer à l’apprivoiser et à le subjuguer, car on l'énerverait si l'on s'y pre- nait plus tôt, et, si l'on attendait plus tard, il ne serait plus susceptible d'éducation. La patience, la douceur et même les caresses sont les meilleurs moyens pour dompter le Bœuf; la force et les mau- vais traitements ne serviraient qu'à le rebuter pour toujours. N’en exigez done d'abord qu'un exer- cice modéré, et, après l'avoir habitué à avoir les cornes liées à l’étable et à être attaché au même joug avec un Bœuf tout dressé et de la même taille, attelez-les ensemble à une charrue que vous leur fevez trainer; servez-vous d’abord d’un joug léger, et accoutumez-le peu à peu à un travail plus fort. Si un Bœuf se montre furieux et ne veut pas se laisser dompter, faites en sorte de lui lier les quatre jambes et de le terrasser lorsqu'il est dans son accès de fureur; faites-le jeuner pendant quelque temps, et il deviendra bientôt doux et docile. Les cultivateurs ne sont pas d'accord sur la meilleure manière d’atteler les Bœufs. Dès le règne des premiers empereurs romains, l'on avait déjà élevé des discussions à ce sujet; et Columelle blâme avec force l'usage qui commençait à s'établir de son temps, de faire tirer les Bœufs par les cornes; car jusqu'à cette époque on les avait toujours attelés par le cou et les épaules. Quoi qu'il en soit, il est incontestable que le Bœuf attelé avec un collier conserve plus d’aisance dans ses mouve- ments et dans son allure, au lieu que si sa tête est retenue et rendue immobile par le joug, il n’est pas difficile de S’apercevoir combien il souffre de cet état de gène et de contrainte, qui peut aussi s'opposer au développement de l'animal et l'empêcher d'acquérir toute sa grandeur et toute sa force; d’ailleurs le Bœuf parait tirer avec plus d'avantage par le poitrail, et cette méthode est suivie dans plusieurs cantons de la France et de Angleterre, en Suisse et dans d’autres contrées de l'Europe. E L’attelage doit se composer, autant que possible, d'animaux de même taille et de même force. Plusieurs expériences ont été faites en France et en Angleterre sur le travail comparatif des Bœufs et des Chevaux pour la culture des terres, et l'avantage est resté aux premiers. Outre le travail de la charrue, les Bœufs sont très-propres à traîner de lourds fardeaux. Attelés à des chars, ils servent au laboureur à transporter les récoltes dans les granges; dans plusieurs villes maritimes, ils conduisent sur des traineaux les ballots qui forment la cargaison des navires. Mais on les emploie rarement à de longs transports, à cause de la lenteur de leur marche; toutefois, dans quelques pays, et surtout dans les colonies du cap de Bonne-Espérance, on a pu faire aller plus vite ces animaux, et les voyageurs dans l’intérieur des terres en Afrique ne se font transporter qu'avec des attelages de Bœufs qui peuvent parcourir en un jour ce qu’on appelle un skoff, et cette distance dépend des circonstances qui la déterminent, et varie de cinq à quinze heures de chemin : on y éva- lue habituellement la vitesse d’un Bœuf, sur un sol ferme et uni, à trois milles à l'heure, et il peut continuer ainsi pendant dix ou douze heures sans s'arrêter. Dans l'Inde et en Afrique, le Bœuf sert aussi de monture et de bête de somme. Quelques peuplades du midi du conünent africain élèvent aussi des Bœufs pour la garde de leurs troupeaux et même pour la guerre. En Espagne et dans quel- ques autres pays, à l'instar de ce qui avait lieu jadis chez les Romains, les Taureaux servent à l'a- musement du peuple, et on les fait combattre dans les arènes : ces espèces de fêtes, qui ont encore lieu de temps en temps dans le midi de la France, ne sont plus d'accord avec nos mœurs, et tout fait espérer qu'elles disparaîtront bientôt complétement. Le Bœuf, enfin, rend à la terre tout autant qu'il en tire, et même il améliore le fonds sur lequel il vit; il engraisse son pâturage; sans lui, les campagnes seraient sèches et infécondes, et les terrains arides resteraient condamnés à une perpé- tüelle stérilité; car l'engrais qu’il fournit est le plus gras et le plus abondant de tous les engrais. On sait aussi que la fiente de ces animaux peut être brülée et qu’elle donne une chaleur propre à faire cuire les aliments et à quelques autres usages. Si l’on destine les Bœufs à faire de longues routes, attelés à des voitures, à trainer des fardeaux 208 HISTOIRE NATURELLE. sur le pavé, enfin à marcher longtemps dans des chemins pierreux, leurs pieds doivent être garantis par des fers à peu près semblables à ceux des Chevaux. La durée du travail auquel on peut assujettir le Bœuf de labour dépend de la nature du sol qu'on lui fait déchirer en sillons. Si la terre est légère, l'animal se fatigue moins que si elle est dure et compacte, et il peut y travailler plus longtemps sans trop se fatiguer. Pour qu'un Bœuf rende de bons services, il suffit qu'il soit bien en chair; s’il a trop d’embonpoint, il se fatigue promptement. Il peut, en général, conduire, en été, une charrue pendant onze heures, c’est-à-dire depuis trois heures du matin jusqu’à neuf, et le soir depuis trois heures jusqu'à huit. En hiver, il peut gester at- telé depuis sept à huit heures du matin jusqu'à trois ou quatre beures du soir. Les étables des Bœufs doivent être d’une salubrité complète; car la mauvaise construction des éta- bles est presque toujours la source de la plupart des maladies du bétail. Nous ne pouvons entrer dans des détails sur la construction de ces étables, et nous nous bornerons à dire que l'air doit y cireuler librement. La nourriture du Bœuf à la campagne est en général la meilleure et la plus saine lorsqu'elle est prise dans un bon terrain, et là l'animal trouve une grande variété de plantes qui sont très-bonnes à sou alimentation. Cependant la nature, la force et la continuité des travaux de cet animal, et le besoin qu'il a, en conséquence, d'une nourriture plus substantielle et plus restaurante à l’étable, in- dépendamment de quelques autres raisons, forcent parfois le cultivateur qui veut l'avoir toujours en bon état à soigner davantage sa nourriture et à la lui donner à l'écurie. Pour les Bœufs, toutes les eaux ne sont pas également bonnes : l’eau battue est bien préférable à celle qui dort; celle des grandes rivières à celle des sources; celle des étangs à celle des mares, et celle-ci souvent à l'eau de puits; et la meilleure est sans contredit la plus pure. On doit régulièrement abreuver le Bœuf au moins deux fois par jour, surtout quand on le nourrit au sec; et l’eau qu'il prend doit n'être ni chaude, ni tiède, mais toujours à la température de l'air. Le sel est très-utile à ces animaux et doit être mélangé à leurs aliments. L'âge le plus favorable à l’engrais des Bœufs est sept ans; cependant la plupart ont dix à douze ans lorsque, pour les y soumettre, on les tire de la charrue. Le printemps est la saison qu’il faut préférer; on les conduit à la prairie de bon matin, et on les ramène à l’étable quand la chaleur com- mence à se faire sentir, et, dès qu’elle est passée, on les reconduit au pâturage pour le reste du jour. Le commerce auquel l'espèce du Bœuf donne lieu est des plus considérables de l’économie publi- que : c’est une des principales richesses territoriales. La consommation de viande de Bœuf qui se fait en Europe est vraiment prodigieuse; l’on en peut juger par celle de Paris seul : son approvision- nement annuel, il y a cinquante ans, et qui depuis est presque doublé, était de cent quatre-vingt-treize mille deux cent soixante et onze bêtes, dont soixante-quinze mille Bœufs, quinze mille Vaches et cent trois mille deux cent soixante et onze Veaux, qui donnaient un total de trente-six millions cent cinquante-cinq mille trois cent vingt kilogrammes de viande. Nous la mangeons apprêtée de plu- sieurs manières : bouillie, elle fait la première et principale pièce de nos repas; les Anglais l’aiment à demi cuite et presque saignante; en frlande, en Angleterre, en Hollande, en Suisse, dans le Nord, et surtout actuellement en Amérique, on sale et on fume la chair du Bœuf en grande quantité, soit pour l'usage de la marine, soit pour le commerce. Les cuirs forment une partie importante de la dépouille du gros bétail; il entre chaque année dans les tanneries de la France au moins sept cent cinquante mille peaux de Bœufs, trois cent cinquante mille de Vaches, et quatre millions de peaux de Veaux; mais cette quantité est loin de suffire pour nos besoins, et nous tirons des cuirs de l'étranger, surtout de l'Amérique et des provinces du nord de l’Europe. La graisse, mélangée avec le suif du Mouton, est transformée en chandelles et employée de différentes autres manières. Le poil donne la bourre qui entre dans l’industrie du bourrelier, du tapissier et du maçon pour la con- fection des plafonds et du crépis. Les cornes se façonnent en peignes, en boîtes qui imitent l’é- caille, ete.; on en fait des fanaux pour la marine. On tire de l'huile des pieds, aussi bien qu’une espèce de colle-forte des cartilages, des nerfs, des rognures de peaux, ete. Les os donnent plusieurs produits. Le sang entre dans plusieurs combinaisons chimiques, et sert dans les raffineries de sucre. La Vache, outre un grand nombre de produits qu'elle nous donne de même que le Bœuf, nous offre une immense ressource dans son lait et ses Veaux. La Vache, pour être bonne productrice, doit présenter plusieurs qualités particulières. Lorsqu'on veut la faire produire, il faut la prendre non- ÿ RUMINANTS. 209 seulement dans certaines circonstances, majs encore assez jeune; car, passé dix ans, elle ne donne plus que de mauvais produits. Le printemps est ordinairement la saison où les Vaches sont en cha- leur; alors elles mugissent très-fréquemment; elles sautent indifféremment sur les Vaches, sur les Bœufs et sur les Taureaux; il faut profiter de ce moment pour leur donner le mâle, sans quoi elles se rebuteraient. La Vache est dans sa force depuis trois jusqu’à neuf ans, et elle ne vit guère plus de vingt ans. * Les vacheries doivent être entretenues propres et aérées; c’est principalement en Suisse et en Au- vergne où il y en a le plus. Les bêtes restent, l'hiver, à la vacherie, et, pendant les quatre ou cinq mois d’été, on les mène au pâturage dans la montagne et on les y parque. Le vacher doit prendre les plus grands soins des animaux qui lui sont confiés. Avant que les Vaches ne vêlent, mais surtout après, on doit prendre des précautions particulières qu'il serait trop long d’énumérer. Les jeunes Veaux doivent être retirés de bonne heure d’auprès de leur mère. Les Veaux sont des- tinés, soit à être livrés plus ou moins jeunes aux bouchers, soit à perpétuer l’espèce; et, selon l'usage auquel ils sont destinés, on doit les élever différemment; dans le premier cas, par exemple, on doit chercher à les engraisser le plus promptement possible. Des précautions particulières sont aussi em- ployées pour l'élève des Génisses, et pour les habituer, dès qu’elles sont pleines pour la première fois, à se laisser traire facilement plus tard. L'extrême économie dans la nourriture des Vaches est nuisible à la santé de ces animaux et aux intérêts même du fermier : l'état particulier où elles se trouvent, le travail qu’elles font, le lait qu'etles fournissent, le pays qu’on habite, doivent seulement en régler l'espèce et les proportions : tout pro- priétaire qui manque de prairies naturelles ou artificielles ne pourra jamais tirer un grand parti des Vaches. Les premières herbes ne leur valent rien; ce n’est que vers la fin d'avril qu'il faut leur per- mettre d'aller paître, jusqu’au mois d'octobre, en observant surtout de ne pas les faire passer brus- quement du sec au vert et du vert au sec, et d’en modérer la quantité, parce que, si elles s’engrais- saient, elles donneraient moins de lait, et demanderaient plus tôt le Taureau. Le sainfoin, la luzerne et le trèfle, auxquels toutefois sont jointes plusieurs autres plantes, composent ce qu'on nomme vul- gairement les prairies artificielles, et forment, en vert ou en sec, leur nourriture la plus recherchée. C’est un abus de mener les Vaches daus les chaumes, parce que les terrains où ils sont se dessèchent trop promptement, et que leur aridité ne procure qu'une nourriture peu succulente; il est aussi dan- gereux de les envoyer paître dans les regains de luzerne et de trèfle, surtout à la rosée. Du reste, quelques précautions sont à prendre pour le pâturage ou le parcage de ces animaux. Lorsque les Vaches ont atteint l’âge où elles cessent de venir en chaleur et de donner par consé- quent des Veaux et du laitage, il faut songer à les engraisser pour la boucherie, en les laissant quel- ques mois dans de bons prés, en les nourrissant abondamment à l'étable de foin, de paille, de ra- cines potagères cuites, de pommes de terre, efc. Parmi les Veaux qui doivent aller à la boucherie, les uns, et c’est le plus grand nombre, y sont transportés après avoir teté leur mère seulement un mois ou six semaines, quelquefois moins quand on est pressé de laitage; ces Veaux peuvent être en chair, mais ne sont pas gras; on élève les autres avec un soin tout particulier, et vers trois mois ils sont portés au marché. Les maladies des Bœufs et des Vaches sont nombreuses : nous ne pouvons en parler ici, et nous renvoyons aux traités spéciaux des vétérinaires sur ce sujet. Les Veaux femelles prennent, à l'âge de dix mois, le nom de Génisse, celui de Vache quand elles ont vêlé, et de Vaches laitières lorsque le produit du lait devient l'objet principal de leur entretien. Ce n’est pas toujours à la beauté et à la régularité des formes qu'on doit s’attacher pour le choix des Vaches laitières; les meilleures sont souvent les plus mal tournées et les plus petites : le volume de leurs mamelles n’en constitue pas non plus la beauté; car quelquefois les pis n’ont une certaine grosseur que parce qu'ils sont charnus; la couleur du poil n’est pas non plus le signe auquel on puisse s’en rapporter. Les qualités que doivent surtout présenter ces Vathes sont un beau cou, un petit fanon, la tête un peu allongée, la corne fine et pointue, l'œil vif, un poil fin, les jambes courtes et déliées, les côtes élevées et rondes, le corps gros, les reins forts, les hanches carrées et égales, la queue haute et pendante au-dessous du jarret, la mamelle fine, ample, bien faite, peu charnue et pas trop blanche; la peau douce et moelleuse, les veines bien prononcées aux deux côtés du ventre, et P, 27 210 HISTOIRE NATURELLE. faciles à sentir sous les doigts. Ajoutons, en outre, quegtout récemment un pâtre, nommé Guénon, à découvert sur le pis de la Vache des signes particuliers au moyen desquels on peut facilement re- connaître la bonté d’une Vache laitière, et que, d’après cette remarque importante, beaucoup de travaux ont été faits depuis six à huit ans, et que plusieurs classifications des Vaches, disposées d’a- près la quantité de leur lait, ont été tentées. Du reste, le caractère individuel de l” animal influe beau- coup sur la nature et la qualité du produit du lait : telle Vache de race semblable en donne plus que telle autre, et même diffère en qualité, quoiqu’elle soit nourrie avec les mêmes herbages. Il ne suffit pas d'avoir fait choix de Vaches de bonne race, il ÿ a des soins à employer pour les rendre propres à l'objet qu'on a en vue : ils consistent principalement dans les moyens de subsistance et dans l'at- teution de la leur distribuer avec ménagement, c’est-à-dire peu et souvent; en outre, elles doivent être tenues avec la plus grande propreté possible : ce qui, malheureusement, n’a pas toujours lieu. On croit assez généralement qu'il est plus avantageux de nourrir les Vaches à l’étable plutôt que de les envoyer dans les päturages. Les Vaches, selon l'âge, la race, la saison, le climat, la nourriture et l’état physique de l'animal, donnent plus ou moins de lait; les unes le donnent bon toute l’année, à l'exception des quinze jours qui précèdent et suivent le vêlage, tandis que d’autres, quoique soignées de la même manière, taris- sent dès le septième mois de la gestation, qui est de neuf mois. Le nombre des traites influe encore sur la qualité du lait; il est prouvé que plus on les répète, plus le lait est abondant et séreux, et vice versa. Le trop grand chaud comme le trop grand froid exercent aussi une influence marquée sur la proportion et la qualité du lait. Plus une Vache fournit de lait, moins il est riche en substance. Une autre observation assez constante, c'est que le lait est d'autant plus abondant, que les cantons sont naturellement humides, d’une température modérée, et couverts de pâturages composés de gra- minées et de trèfles. Communément on trait les Vaches deux fois par jour, le matin à cinq heures et Le soir à la même lieure; dans cet intervalle de douze heures, le lait a eu le temps d'arriver aux ma- melles et de s'y perfectionner; mais on remarque que celui du matin a plus de qualité, parce que, “raisemblablement, l'animal a été moins tourmenté pendant la nuit par la chaleur, par les Insectes, et que le sommeil donue à ses organes plus de moyens pour élaborer le lait. L'opération de la traite demande une attention et des soins tout PRADA L'endroit dans lequel on place les vases destinés à recevoir le lait, et dans lequel ce liquide sé- journe jusqu’au moment où il s'agit d'en retirer le beurre et le fromage, porte le nom de laiterie, et doit être disposé de telle sorte qu'il offre une assez grande fraicheur et beaucoup de propreté. Une laiterie bien conditionnée doit comprendre un assez grand nombre d’ustensiles particuliers, que l'on peut diviser en cinq classes; savoir, ceux servant : 1° à traire les Vaches; 2° à couler, à contenir et à transporter le lait; 5° à battre la crème et à débiter le beurre; 4° à saler et à fondre le beurre; 5° à cailler le lait, à chauffer et à cuire les fromages. Les divers produits que nous donne la Vache forment plusieurs branches très-importantes de com- merce. Le lait est très-recherché, et, aujourd'hui, grâce aux chemins de fer, il est transporté de très- loir dans nos grandes villes : il sert non-seulement à l'alimentation journalière de l’homme, mais il est également employé en médecine. Plusieurs produits sont extraits du lait, et sont également livrés au commerce; tels sont la crème, le beurre, qui peut être frais, rance, fondu et salé, et les diverses espèces de fromage. Après avoir donné avec autant de soin et de détails l'histoire du Taureau (Bos taurus) et des races domestiques qui en proviennent, il ne nous reste plus, pour terminer ce que nous avons à dire sur le genre naturel des Bœufs, qu'à donner la description succincte des autres espèces que l'on place dans le sous-senre Bos proprement dit. » 2. GOUR. BOS GOURUS. Traillard. GañactÈRES sréciriQues. — Crête occipito-frontale se relevant en formant un quart de cercle, et se portant en avant de manière à faire paraître le front très-concave de haut en bas; apophyses épi- neuses (les vertèbres dorsales, au lieu de décroître uniformément de la troisième vertèbre à la neu- a RUMINANTS. 241 vième, ne s’abaissant que très-peu jusque vers la région lombaire, où elles se raccourcissent brus- quement, et n’étant pas flanquées vers le garrot, comme dans le Bison, de deux masses musculaires cbarnues, de sorte que leur saillie forme, dans plus de la moitié du dos, un crête très-remarquable et très-développée. Plus grand que le Taureau. Le Gourfou Gaour, des parties septentrionales et intérieures de l'Inde, d’abord rangé avec les Disons, a été placé par M. Hodgson dans un genre particulier, celui des Bibos, et l'espèce a reçu de lui la dénomination de B. concavifrons. Une autre espèce, le B. frontalis. Lambert, de Mysore et de Birmanie, entre aussi dans ce genre Bibos, qui n'a généralement pas été adopté. Cet animal, encore incomplétement connu, est principalement remarquable par l'allongement des apophyses épineuses de ses vertèbres, qui forment, comme l’a fait observer E. Geoffroy Saint-Hilaire, une saillie considérable le long de l’échine, et donnent à cette partie la forme dentelée d’un peigne. 5. GOYAL. BOS GAVŒUS. Hodgson. CanacrÈnes spéciriques. — Crête dorsale encore très-prononcée, ce qui le distingue du Bœuf or- dinaire, tandis que la crête occipito-frontale, qui est rectiligne et de niveau avec le front, comme dans cette dernière espèce, le sépare nettement du Gour, où la crête se porte en avant et se termine par un are très-prononcé. De grande taille. Cette espèce, particulière à diverses parties de l'Asie, présente plusieurs variétés ou races parti- culières; c’est ainsi qu'on doit y rattacher le Goyal domestique, Gobatk goyal ou Goyal des plaines, dont quelques individus, repassés à l’état indépendant, ont propagé, dans les forêts du Thibet, une race qui paraît conserver les caractères acquis sous l'influence de l'homme, et le Jungly-Gau de Fr. Cuvier, qui se distingue bien du Gobatk goyal, et pourrait être le résultat d’un croisement avec le Pœuf commun. Ce Juxcux-Gau (Bos Sylethanus, Fr. Cuvier), comme l'indique son nom, se trouve, à l'état de li- berté et en grand nombre, au pied des montagnes du Sylet, dans l'Inde, diffère principalement du Pœuf domestique par ses cornes, qui sont implantées an bout de la crête occipitale, et séparées entre elles par un espace d'autant plus petit, que l'animal est plus àgé; 1l présente une légère proé- minence graisseuse comme dans le Zébu, sa queue est terminée par un pinceau de longs poils. Le mâle et la femelle se distinguent l'un de l’autre par la grosseur de leurs cornes; quant à la couleur, elle est la même pour tous deux, c’est-à-dire noirâtre, avec les jambes blanches; le front d'un gris cendré, ainsi qu'une bande longitudinale placée sur le garrot; le dedans des oreilles et le dessous du corps sont garnis de poils blanchâtres. 4. BŒUF BENTIGER. BOS DENTIGER Hogdson. Canacrères sréciriQues. — Saillies des apophyses épineuses, en arrière du garrot, beaucoup moins sensibles que dans le Gour et que dans le Goyal; front sensiblement plat, avec la crête qui le termine supérieurement, au lieu d’être rectiligne, comme dans le Bœuf, ou uniformément arquée, comme dans le Gour, présentant une triple courbure, descendant de chaque côté à partir de la base des cornes, et se relevant à la partie moyenne, où elle forme une éminence arrondie qui occupe à peu près le tiers de la distance totale. De même taille que les deux espèces précédentes. Ce Bœufprovient de Java; on n’en connaît guère qu'un squelette, qui se trouve dans la galerie d'anatomie comparée du Muséum. Il serait possible que cet animal ne constituât pas une espèce par- ticulière, mais bien un simple croisement du Bœuf ordinaire et du Gour. M. Roulin fait observer que, dans toutes les espèces du sous-genre Bœuf, les cornes, situées aux extrémités de la crête occipito-frontaie, se portent d’abord en dehors et un peu en haut; leur direc- tion, dans le reste de la longueur, paraît varier par une foule de causes; mais la forme de leur sec- tion transversale doit être remarquée. Cette forme, à peu près circulaire dans le Bœuf commun, est ovale dans le Gour et le Goyal, et, dans le Bentiger, ces trois dépressions sontà peine sensibles. Quant 212 IISTOIRE NATURELLE. — RUMINANTS. à l'étui corné qui est sensiblement lisse dans le Bœuf, il présente, dans le Gour, de très-fortes ru- gosités vers la base; dans le Goyal, ces rugosités sont moins arrêtées, mais elles se prolongent sur une plus grande longueur, et il n'y a guère de lisse que le tiers le plus voisin de la pointe. Le front, dans ces Pœufs, occupe à peu près la moitié de la longueur de la face : cependant, chez le Goyal, l'autre partie est un peu plus courte, et par cette raison, comme pour le rapprochement des maxil- laires supérieurs vers la symphyse, il y a un rétrécissement rapide à la face à partir du bord infé- rieur des orbites : dans cette espèce, les os du nez sont aussi proportionnellement plus courts que dans le Bœuf commun, et dans le Gour, au contraire, ils sont beaucoup plus longs, et sont, en ou- tre, fortement arqués dans le sens transversal. Le Bœur a Fesses BLancuEs, Bos leucoprymnus, Quoy et Gaimard, dont on n’a vu qu’un nombre assez restreint d'individus, provient de Java : il offre plusieurs caractères qui lui sont communs avec le B. taurus, et nous sommes de l'avis de M. Roulin, qui ne le regarde que comme une variété de cette espèce. C’est du moins ce que l'on peut admettre jusqu'à ce que des observations nouvelles viennent confirmer s’il doit réellement former une espèce particulière. Après avoir ainsi passé en revue les différentes espèces actuellement vivantes du sous-genre des Bœufs, il nous reste à compléter ce que nous avons déjà rapporté relativement aux espèces fossiles. Des trois espèces admises par G. Cuvier, une seule est restée dans ce sous-genre, c'est le Bos pri- migenius, Bojanus, que notre savant naturaliste regarde comme la souche de nos Bœufs domestiques, dont la civilisation aurait fait disparaître les traces. Cette espèce, plus grande d’un tiers que nos Bœufs, à jambes fortes, à front plat, carré, et à cornes implantées aux extrémités de la ligne sail- lante formée par le plan de l’occiput et celui du front, a été trouvée dans les tourbières en Allema- gne, et en Auvergne dans des couches sous-volcaniques. Parmi les autres fossiles que l’on rapporte à ce groupe et qui proviennent des terrains meubles dits d’alluvion, des tourbières, de cavernes, de brèches osseuses, de couches crétacées sous-volcaniques de l'Europe et de l'Amérique, on trouve des débris d’os qui ont appartenu, sinon à des espèces identiques à nos Bœufs actuels, au moins à des espèces qui en sont très-voisines. Parmi ces espèces ou prétendues espèces, nous nous borne- rons à citer les suivantes : Bos taurus fossilis, Marcel De Serres, des cavernes de Lunel-Viel; B. Ar- vernensis major et minor, Jobert et Croizet, d'Issoire; B. Velaunus, Robert, de Cussac; B. ferus, B. intermedius, Marcel De Serres, de Lunel-Viel; B. elatus et giganteus, d'Auvergne; B. bombi- frons, Harlan, du Kentucky et de l'Ohio, espèce très-voisine de l'Aurochs, et le B. latifrons, Harlan, des États-Unis, qui n’est pas suffisamment connu. Fig. 47. — Jlan du Canada ÉDENTÉS. Si l'on prenait le nom d'Édentés dans sa véritable acception française, on ne devrait ranger dans l'ordre des Mammifères qui le porte que des animaux tout à fait privés de dents; mais il n’en est pas ainsi, et l’ordre des Édentés de G. Guvier, le cinquième de son Règne animal, comprend des Mam- mifères qui, d'une mamère générale, peuvent être caractérisés par leur système dentaire, non pas toujours privé entièrement de dents, mais qui offre certaines particularités remarquables, et qui, sur- tout, ne présente jamais à la fois que deux sortes de dents. D'après cela, on voit que le nom d'Éden- tés, que l'habitude a fait prévaloir, n’est pas bien exact, et que celui de Maldentés, donné à ces ani- maux par De Blainville dans l’une de ses classifications, était plus exact. Quoi qu'il en soit, l'ordre des Édentés, l’un des moins naturels de ceux des Mammifères, et.qui par cela même nous présentera des genres que l’on pourra facilement distinguer les uns des autres, au contraire de ce qui a lieu dans les ordres très-naturels, comme celui de Ruminants, que nous venons d'étudier; l’ordre des Édentés, disons-nous, renferme des animaux caractérisés par leur man- que de dents ou tout au moins d’incisives ou de canines, par leurs ongles gros, embrassant l’extré- mité des doigts et se rapprochant plus ou moins de la nature des sabots. par leurs membres disposés de telle sorte, qu'ils manquent d'agilité, et par leurs mouvements assez lents, et leur pouce non oppo- sable aux autres doigts, etc. Les Édentés sont assez rares dans notre faune actuelle; mais ils semblaient plus abondants dans Les faunes antédiluviennes, ainsi que le montrent les débris fossiles abondants qu'on en a recueillis; et, tandis que les premiers sont des Mammifères de taille moyenne, les autres étaient souvent de grande taille. Nous pourrons prendre pour exemple des espèces vivantes, le Tatou, le Fourmilier, le Pangolin, le Paresseux, etc.; et pour exemple des espèces actuellement éteintes, le Mégathérium. le Mylodon, le Scélidothérium, et une foule d’autres animaux. Les espèces vivantes habitent l'Améri- que méridionale, où elles sont plus ou moins nonibreuses, le midi de l'Afrique et les îles de l'archipel des Indes, et même la Nouvelle-Hollande, si, à l'exemple de G. Cuvier, on y réunissait l'Ornitho- rhynque et l'Échidné, qui, d'après des particularités organiques des plus importantes, doivent en être séparés; il w'y en a pas en Europe, ni dans les régions froides et tempérées de l'Amérique septentrionale, ni du nord de l'Asie; et les espèces fossiles se trouvent dans les couches de ter- rains de l'Amérique, de l'Afrique et de l'Asie, aussi bien dans le sud que dans le nord, mais se ren- contrent également dans notre Europe. Chaque groupe générique de l'ordre des Édentés offre des particularités différentielles bien tran- chées; aussi serait-il long et difficile de donner une caractéristique détaillée de l’ordre entier, et faudrait-il indiquer des détails sur lesquels on serait obligé de revenir en s'occupant de chacun des 214 HISTOIRE NATURELLE. genres. Depuis les travaux publiés par G. Cuvier dans ses Ossements fossiles, l'ostéologie des Éden- tés est la partie la mieux connue de leur organisme; on sait avec quelle singulière fidélité le sque lette, essentiellement inerte, représente pourtant, par ses formes et par l’arrangement des différentes parties qui le composent, les modifications survenues dans les organes actifs des animaux, c’est-à-dire dans leur système nerveux, sensitif et digestif, et, relativement à toutes les notions qui dérivent de ces systèmes, l'ordre des Édentés est un de ceux dans lequel les genres s’écartent le plus des autres Mammifères, et celui dans lequel les genres s’écartent également le plus les uns des autres. Toute- fois, quelques points de leur ostéologie sont les mêmes dans tous les groupes, et nous verrons que la disposition de leurs membres, celle de leur bassin et quelques autres particularités, les font distin- guer au premier coup d'œil, aussi bien dans les espèces vivantes que dans celles actuellement à l'é- tat fossile. Les dents, comme nous l'avons dit, présentent des caractères variables : tantôt il y a des incisives à l’une et à l’autre mâchoire et des molaires; tantôt on trouve des canines et des molaires; tantôt des molaires seulement, et alors ces dents prennent une disposition particulière; tantôt enfin, et cela est le cas le plus général, il n’y a pas de dents du tout. Les Pangolins et les Fourmiliers man- quent complétement de dents; les Tatous n’ont habituellement bien qu’une seule sorte de dents, qui sont assez similaires, uniradiculées, et qui présentent la particularité remarquable d'être en très-grand nombre; car, dans le Tatou géant, on peut en compter une centaine. Quant au régime alimentaire des Édentés, il consiste, pour les uns, en végétaux, et pour les autres en Insectes ou en chair putréfiée. Ces animaux manifestent une grande infériorité par rapport aux autres Mammifères sous le point de vue de l'intelligence, et ce sont des êtres plutôt instinctifs qu'intelligents; ils sont le plus habituellement très-lents dans leurs mouvements, et leur démarche est embarrassée: les uns, et cela semble le cas de graudes espèces fossiles, telles que les Mylodons, destinés à grimper eur les arbres; les autres à four la terre, ou, ce qui est le cas Le plus rare, à vivre sur le sol : dans les premiers, tels que les Bradypes, l'estomac a une certaine analogie avec celui des Ruminants, et dans les autres, qui se nour- rissent presque exclusivement de Fourmis, la langue est très-longue, filiforme, et le museau est ex- cessivement a longé. Leur physionomie est généralement bizarre, et tout en eux, jusqu’à leurs orga- nes de la reproduction, participe à cette infériorité organique qui se traduit par leur habitus extérieur. L'Oryetérope, le Tamanoir et le Tatou géant sont les plus grands de tous les Édentés actuels, et l'on peut dire que ce sont des Mammifères de taille moyenne; les autres sont un peu plus petits, et les moindre de tous, comme certains Tatous et le Fourmilier didactyle, sont à peu près de la taille de notre Hérisson. Les espèces actuellement éteintes atteignaient une grande taille, et, pour ne citer qu'uu groupe de ces animaux, nous indiquerons celui des Mégathériums, dont le volume était un peu plus considérable que celui du Rhinocéros. Les Édentés étaient à peu près inconnus des anciens, à l'exception de quelques espèces afri- caines, sur lesquelles on n'avait que quelques vagues notions. Linné appelait Bruta l'un des ordres qu'il a établis parmi les Mammifères, et dont les caractères consistent dans la présence d'ongles au lieu de sabots, et dans l'absence d'incisives : en tête de ses Bruta sont les Bradypes ou Paresseux, dont il fait d’abord un genre de Primates; viennent ensuite les Myrmecophaga où Fourmiliers, les Manis où Pangolins, les Dasypus ou Tatous, et les Rhinocéros, Éléphants, Dugongs et Morses. Mais les caractères des Bruta, aiñsi établis, avaient quelque chose d'artificiel : aussi réunissait-il à de véritables Edentés des animaux qu'on en sépara bientôt; c’est ainsi que Blumenbach, dans son HMa- nuel d'Histoire naturelle, en retira à juste raison les genres Rhinocéros, Éléphant, Dugong et Morse, et les seuls genres qu'il laissa dans ses Fissipèdes-Édentés sont ceux de Bradypus, Myrme- cophaga, Manis et Dasypus. Par suite des principes alors admis pour la classification mammalogi- que, et dont le séjour particulier, terrestre, aquatique, etc., auquel les espèces sont soumises, four- nissait les données de premier ordre, Blumenbach, qui venait de faire connaître le singulier animal de la Nouvelle-Hollande, qu'il a nommé Ornithorhynque, réunit ce dernier aux Mammifères palmi- pèdes, en l'appelant néanmoirs Palmipède-Édenté. De là à la réunion de l'Ornithorhynque aux Edentés proprement dits, il n’y avait qu'un pas, et Shaw fit pour ainsi dire ce pas en décrivant l'É- chidné, si voisin de l'Ornithorhynque, comme une espèce de Myrmecophaga; et d'ailleurs Everard Hume mit bientôt les affinités des Édentés australasiens et des Édentés américains hors de doute en faisant connaître les faits principaux de leur anatomie. Et. Gcoffroy Saint-Hilaire, et depuis G. Cu- vier, en les réunissant aux Édentés, les y distingua par la dénomination de Manotrèmes. Mais De ÉDENTÉS. "Ads Blainville, un peu plus tard, tout en reconnaissant qu'ils ont beaucoup de rapports avec les Édentés, montra que de tous les Mammifères ce sont ceux qui ont le plus de tendance à l'oviparité; il fit voir que ce sont les derniers des Mammifères, les plus voisins des Ovipares, non-seulement dans leur mode de reproduction mais aussi dans la manière dont toute leur organisation est établie, et princi- palement parce que leurs organes de la reproduction et de la digestion ont un orifice unique : dès lors, et cela semble généralement admis aujourd'hui, les Ornithorhynques et les Échidnés formeront une sous-classe particulière des Mammifères, celle des Ornithodelphes, dont nous nous occuperons à la fin de cet ouvrage. De Blainville, qui a longtemps soutenu l'opinion ancienne de Linné, que les Bradypes sont des Primates, a, dans les derniers temps de sa vie, regardé ces animaux comme de véritables Edentés; enfin le même naturaliste avait eru devoir réunir à ces animaux certains groupes de l’ordre des Cétacés, qui, par quelques points de leur organisation, ressemblent assez à ces derniers Mammi- fères; mais cette opinion n’a pas été adoptée et est tout à fait rejetée aujourd'hui. Enfin, dans sa clas- sification plus récente, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire a également présenté quelques modifications, comme nous allons le dire. Fig. 48. — Squelette du Fourmilier Tamandua. G. Cuvier, dont nous croyons devoir rapporter la classification, quoique nous ne l’adoptions pas complétement, subdivise son ordre des Édentés en trois tribus de la manière suivante, que nous croyons devoir indiquer . 1° Les Tarpicranes, dont on a quelquefois fait un: ordre distinct, qui ont la face courte, la tête arrondie, le poil rude, les bras longs, la queue courte et presque nulle, dont le nom vient de leur excessive lenteur, suite d'une structure vraiment hétéroclite, où la nature semble avoir voulu s'amu- ser à produire quelque chose d’imparfait et de grotesque : genre Paresseux ou Bradype. 9° Les ÉnenTÉs oRDINAIRES, à museau pointu; partagés en . — A. Foursseurs, pourvus de molaires plus ou moins nombreuses, à pattes courtes, armées, à presque tous les doigts, d'ongles puissants; à corps allongé et terminé par une queue plus ou moins longue; subdivisés en Tatous et Orycté- ropes, et — B. Myruécormaces, absolument privés de dents, à bouche prolongée en tube, très-étroi- tement ouverte et laissant sortir, pour la préhension de la nourriture, uue langue longue et filiforme avec laquelle ces animaux engluent les Fourmis et les Thermites, qui leur servent d’aliment; tels sont les Fourmiliers et les Pangolins. 9° Les Monorrèues, qui n’ont qu'une seule ouverture pour les organes de la génération, de l'urine 216 \ HISTOIRE NATURELLE. . et des autres excréments; ayant des os marsupiaux et présentant un os coracoïdien, etc., comme l'Ornithorhynque et l'Échidné. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui ne range pas les Paresseux parmi les Édentés, les divise ainsi : Énenrés, Mammifères à dents similaires ou nulles : 4% Famille. Dasyropes. — Corps couvert de plaques cornées, disposées par bandes transversales : genres Apar, Cachicame, Tatou, T'atusie, Priodonte, Chlamyphore. 2° Famille. MyrmÉcoPuaGipÉés. — Corps couvert de poil : genres Oryctérope, Myrmécophage, Ta- mandua, Dionyx. 3° Famille. Maninés. — Corps convert d'écailles imbriquées : genre Pangolin. Dans cet ouvrage, nous nous servirons des deux dernières classifications que nous venons d'indiquer, et nous profiterons des travaux de nos devanciers pour exposer les caractères des Édentés, ordre dont la position dans la série a assez souvent varié, et qui a été tantôt rapproché des Rongeurs, tantôt des Ruminants, et qui doit être placé vers la fin des Mammifères ordinaires, autres que les Cétacés, par l'ensemble de leur organisme, et principalement de leur système dentaire. Outre les genres compre- nant les espèces vivantes que nous venons d’énumérer en partie, nous dirons quelques mots des grou- pes fossiles, tels que ceux des Megatherium, Megalonyx, Mylodon, Scelidotherium, Toxodon, Macrotherium, ete., qui sont les plus remarquables de ceux que nous ont fait connaître les paléon- tologistes, et nous diviserons ces divers genres en plusieurs familles particulières. PREMIÈRE FAMILLE. PBRADYPODIDES. BRADYPODII. Nobis. Pas d’incisives; tantôt des canines et des molaires aux deux mâchoires, tantôt des molaires seu- lement. Tête petite, ronde, à museau court. Extrémités des membres très-grêles : les antérieures beaucoup plus lonques que les posté- rieures. Un petit nombre de doigts comme soudés entre eux. Ongles très-longs, arqués en gout- tière en dessous. La famille d'Édentés que nous indiquons sous les noms de Brapyroninés, Bradypodii, et que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire nomme Brapypiens, correspond aux familles des Tarpicraes de G. Cuvier Bradypidæ, Gray, et Bradypoda, Blumenbach et au genre Bradypus de Linné. On ne connaît qu'un petit nombre d'espèces de cette division, et toutes habitent exclusivement l'Amérique méridionale, et se font remarquer par nne extrême lenteur dans leurs mouvements. Il n’y a que des espèces vivantes de Bradypes; car quelques groupes fossiles, qui présentent avec eux une certaine analogie, doivent former une famille particulière que nous nommerons, du nom du genre principal, Mécarnéripés. Dans ces derniers temps, le seul genre qui constitue cette famille, le genre Bradype, a été partagé en deux genres particuliers que nous ne croyons pas devoir adopter ici, et que nous ne considére- rons que comme de simples sous-genres. bed ei 2e po 2e gd 0 CR RE I AP: MER PS Es ; SEL L'est semi Lu hésennet 34 ra Atravan de. da dlà sr we tue EN sin puik AE enr arr: At: 5 in fal: tint “1 Vauéui anlaulluny #phiaqoule ,a 10 CT tar ALES Là h CIC CUS EN Re prit me aie TR ut naistommet niet 4 A te di i }\ deu œtri : others (Rene R pere) rie . L y» ; Re CONTE PLL EE LIEN TA Er éshree rt - son DIN EUR Aer tt FA lb amour hot ddéie ha (à) TIC raeraite primes TNT poil 4 | ; PL TIETRA i jt sl Au vau el artts}itéet ADEME LIN) UT A € idtés al vo & (aix 4 ñ ele orrtéc] ff a) d 4 À : # | d j ) ORALE TM AB AUTANT diiqi 400! [T'ON LA , ; , L'T: | y} bovin mi DS AR EH UC Fig. 1. — Squelette d’Aï. Fig. 2. — Bradype à dos brûlé rS 11 ÉDENTÉS. 217 GENRE UNIQUE. — PARESSEUX. BRADYPUS. Linné, 1735. Boadue, lent: mous, pied. Systema nature. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : molaires =, ou canines, 17}; molaires, #5; en totalité dix-huit dents, d'après Fr. Cuvier. Canines plus hautes que les molaires, pyramidales, aiguës; molaires coniques dans le jeune âge, mais cylindriques, rases el à couronne creuse dans les adultes. Tête petite, arrondie; museau court, comme tronqué; yeux éloignés l'un de l'autre, dirigés en avant: narines un peu écarlées, placées à l'extrémité du museau; oreilles très-courtes; cou court. Extrémités antérieures plus longues que les postérieures, très-grèles, terminées par deux ou trois doigts soudés ensemble par la peau jusqu'à la base des ongles, qui sont très-robustes el très- longs, comprimés, arqués et creusés en gouttière en dessous. Trois doigts semblables aux pieis de derrière, armés d'ongles pareils. Pas de queue à l'extérieur, mais un pelit nombre de vertèbres coccygiennes. Poils épais, abondants, secs: ceux des avant-bras ayant leur pointe dirigée vers le coude. Deux mamelles pectorales; estomac membraneux, partagé par des brides en plusieurs sacs ou lobes, mais non propre à la rumination; intestins très-courts; pas de cœcium; un cloaque. Arcades zygomatiques interrompues; neuf vertèbres cervicales dans une espèce; bassin très-large, cavilé cotyloide très en arrière; tarse articulé obliquement sur la jambe; phalanges des quatre extrémilés peu nombreuses, ne pouvant eæéculer que peu de mouvements, quelques-unes soudées entre elles, d'où àl suit que tous les doigts ont la même direction; côtes très-épaisses. Dès que les Européens pénétrèrent en Amérique, ils eurent occasion de voir les singuliers ani- maux auxquels, par suite de leur lenteur, ils appliquèrent la dénomination de Paresseux; l'une des espèces au moins a été signalée pour la première fois par Oviedo, en 1547; elle a été décrite un peu scientifiquement et même figurée passablement par l'Ecluse en 1605, et désignée sous une dénomi- nation systématique indiquant ses rapports supposés, sous la dénomination d'Arctopithecus, par C. Gesner, en 1551. Les deux espèces, l'Unau et l’Aï, ont été indiquées nettement, et surtont assez bien figurées par Seba en 1754; elles ont été réunies dans un genre positivement nommé, défini et placé parmi les Primates, par Linné, dès 1735, puis séparées en deux genres distincts par Klein en 4751, par suite de la considération rigoureuse du nombre des dcigts, ce qui depuis a été repris par Fr. Cuvier; elles ont été rapprochées des Édentés proprement dits, quoique dans un ordre distinct, par Brisson, en 1756, d’après la considération rigoureuse du système dentaire. En 1765, discutées et décrites par Buffon et par Daubenton dans le XI° vol. de leur Histoire naturelle générale et par- ticulière; Vune d’après un individu vivant, l’autre d’après des exemplaires conservés dans l'alcool, complétement à l'extérieur et en partie à l'intérieur. En 1780, elles ont été réunies, par Storr, avec les Édentés véritables, dans un ordre commun placé à la fin des Mammifères onguiculés, avant les Pachydermes, sous le nom commun de Matici, changé en Edentati, en 1785, par Boddaërt. En 4782. elles ont été considérées par Blumenbach comme devant former ‘un ordre distinct sous une dénomination particulière, celle de Bradypoda. L'une ou l'autre de ces deux manières ont été alter- nativement acceptées et reprises par les zoologistes français, depuis Daubenton jusqu'à À. G. Des- marest, qui a donné le plus d'extension à l'ordre des Édentés. G. Cuvier, dans son Hiègne animal, les plaça dans l'ordre des Édentés. En 1817, De Blainville proposa d’en revenir aux premières idées de Gesner et de Linné, c’est-à-dire de séparer nettement les Bradypes des Édentés, et de les repor- ter dans l'ordre des Primates, dont ils formeraient les espèces anomales pour grimper; manière de voir à laquelle M. Oken avait été en partie conduit de son côté, et que Wagler a encore plus nette- ment acceptée en 1830, en intercalant les espèces de Paresseux distribuées en deux genres entre les Sapajous et les Ouistitis; mais ce classement n’a généralement pas été adopté, et De Blainville lui- même, dans son Ostéographie, fait des Paresseux un groupe d'Édentés, ou plutôt une division qui DE 25 218 HISTOIRE NATURELLE. en est plus voisine que de l’ordre des Primates. Aux deux espèces, l’Unau et l’Aï, décrites ancienne- ment, les naturalistes modernes en ont ajouté une ou deux autres qui ne sont pas complétement connues, à l'exception d’une peut-être. Les véritables Bradypes sont exclusivement limités au nouveau continent, à sa partie méridionale et à son versant oriental, depuis la baie de Honduras au nord jusqu’à Rio-Janeiro au sud. Aucun voyageur, aucun naturaliste n’a en effet parlé de Paresseux au Pérou ni dans aucun des deux ver- sants du Mexique, et sur le versant à l'océan Atlantique, au delà de la baie de Honduras: et D'Azara, qui a décrit avec tant d'exactitude les Quadrupèdes du Paraguay, n’a fait aucune mention de Bra- dypes dans cette grande étendue de pays. Il parait même que la contrée où ils se trouvent en plus grande abondance, le centre de leur séjour, est dans les vastes forêts qui bordent l'Orénoque, le grand fleuve des Amazones et leurs nombreux affluents. Quant aux animaux de l'archipel Indien ou de la côte occidentale d'Afrique, auxquels on a appliqué le nom de Paresseux, et qui comme eux sont remarquables par la lenteur de leurs mouvements, ce ne sont pas des Bradypes, mais des Lé- muriens. On ne connait pas de Paresseux proprement dits à l’état fossile; d'après M. Lund, cepen- dant, il y aurait dans les cavernes du Brésil des animaux intermédiaires entre eux et les Mégathé- riums, et ces derniers, ainsi que les Mégalonyx, Mylodons, Scélidothériums, etc., auraient avec eux quelques rapports. Les Paresseux sont des animaux de moyenne taille, à poils assez longs, très-rudes; à membres dispro- portionnés, et dont la tournure est tout exceptionnelle. C’est à tort que Buffon a dit que ces animaux étaient des monstres par défaut; ils offrent, au contraire, un excès de parties surnuméraires dans le nombre des côtes, des vertèbres cervicales, et dans l'existence des clavicules chez une des espèces; celui qui a le moins de doigts en a deux complets, et, à côté, les rudiments de deux autres : le pied des Chevaux est done bien moins complet; on n a pas eu plus de raison de parler de leur imperfec- tion, et les modifications de leur organisme, très-éloigné du mécanisme des autres Mammifères, sont, au contraire, en harmonie parfaite avec far destination. Ils sont assez lents dans leurs mouvements; mais cependant les anciens naturalistes s'étaient fait une idée tout à fait fausse de ces animaux : stupides, informes et paradoxaux, telles sont les épithètes qui ont servi à les qualifier; mais les ob- servations des voyageurs modernes et les remarques que l’on a pu faire dans nos ménageries ont montré que ces animaux étaient loin d’avoir des mœurs aussi différentes des autres Mammifères, et que leur lenteur était loin d’être aussi grande qu'on le croyait. C’est ainsi que tous les marins à bord de l'Uranie, pendant une expédition de cireumnavigation, ont vu un Aï dos brûlé partir du pont et arriver, en vingt minutes, par les cordages au bout d’un mât de cent vingt pieds; et qu'un jour le même animal se jeta volontairement à la mer, et qu’on eut occasion de remarquer qu'il nageait très- bien, portait la tête haute, et avec accélération de mouvement beaucoup plus considérable que dans Paction de grimper. Dans nos ménageries, les Bradypes dorment pendant le jour, et c’est le soir et la nuit qu'ils se meuvent. Ces animaux sont essentiellement herbivores, et leurs dents ne leur per- mettent guère que de ronger les feuilles des arbres, sur lesquels ils grimpent constamment : dans leur pays natal, ils semblent se nourrir exclusivement des feuilles du Cecropia peltata; mais en do- mesticité ils mangent plusieurs végétaux, et semblent préférer le céleri et d’autres plantes un peu molles. Chez ces Édentés, l'excès de longueur des membres antérieurs sur les postérieurs, qui se retrouvent dans les Gibbons, la direction en arrière des cavités cotyloïdes, qui dans l’action de grim- per rend perpendiculaire l'application de la force, sont deux circonstances aussi favorables au grim- pement qu'incommodes pour la marche sur le sol. Leur anatomie, qui est des plus curieuses, a été étudiée avec soin, et nous en dirons quelques mots. Le système dentaire est aussi anomal que le squelette, et les dents, qui sont en forme de cylindre osseux enveloppé d’émail et creux aux deux bouts, impuissant pour broyer des tiges ou des racines, sont parfaitement suffisantes pour broyer les feuilles dont ils se nourrissent. Toutes les dents sont implantées dans le maxillaire en haut; elles sont, en outre, simples, c'est-à-dire qu’elles n'ont qu'une racine et qu'une couronne indivises, et bien plus, que ces deux parties ne sont distinguées entre elles par aucun renflement ni collet; la dent tout entière, de forme plus ou moins cylindrique, étant d'une seule venue, sans être atténuée en pointe, si ce n’est dans le très-jeune âge et seulement à la couronne. La partie radicale, bien plus longue que l’autre, est toujours entièrement creuse et touchant au bord de sa cavité; la partie coronale, par suite de l'usure, est aussi assez profondé- ÊDENTÉS. 919 ment encavée à la couronne, avec les bords plus ou moins élevés et irréguliers, mais seulement par suite de la détrition. La substance interne des dents, ou l’ivoire, paraît comme médullaire, d'un tissu peu serré, et, par la dessiceation, elle se fendille assez irrégulièrement; la substance corticale, ou émail, est notablement plus dure. formée de deux couches qui s’emboîtent. C'est à la différence con- sidérable de dureté de ces deux substances qu'est due la manière dont la dent des Bradypes s’use en s'encayant au centre, les bords restant plus ou moins saillants et irrégulièrement denticulés. Ces dents ne se touchent jamais, et les séries qu’elles forment sont en lignes droites, divergentes légè- rement d'arrière en avant. Dans toutes les espèces de ce genre, le nombre total des dents est tou- jours le même : cinq en haut et quatre en bas de chaque côté; il n’y a pas d'incisives, mais toutes ces dents sont-elles des molaires, comme on le dit généralement, ou ne pourrait-on pas admettre avec De Blainville qu'il y a une canine en haut et pas en bas, pas d’avant-molaires; une principale aux deux mâchoires et trois arrière-molaires partout? ou bien, comme le dit Fr. Cuvier, qu'il y a des canines et des molaires en haut comme en bas? Si le nombre des dents est le même chez tous les Paresseux, il n'en est pas de même de la forme et de la disposition, qui varient dans les deux espèces principales. Dans l'Unau, la première des cinq dents supérieures et celle des quatre inférieures sont bien plus grosses, plus saillantes que les autres, dont elles gont séparées par un intervalle assez considérable; elles sont triquètres, se correspondant et s’usant l'une contre l'autre par la face la plus large. La seconde dent supérieure est ovale, la plus petite de toutes; les troisième et quatrième ont un double biseau produisant le tranchant, et la cinquième, à peu près de la grosseur de la deuxième, n’en a qu'un peu marqué et antérieur. À la mâchoire supérieure, les trois dents qui suivent la première sont presque égales, à coupe ovale, à double biseau, et formant un tranchant plus ou moins médian. Le système dentaire de l’Aï est peut-être encore moins normal que celui de l'Unau, en ce que, quoique exclusivement implanté dans le maxillaire, la série com- mence en haut par la dent la plus petite de toutes, de forme triquètre, le grand côté obliquement en avant; la deuxième est la plus grande, trigone; la troisième plus petite que la précédente; la qua- trième aussi petite que la première, et la cinquième égale en grosseur à la troisième, et n’en diffé- rant qu'en ce qu'elle est un peu plus courbée, et que sa coupe est à peu près quadrilatère. À la mà- choire inférieure, la première dent est la plus forte, la plus grande, triquètre, arquée, et les trois autres, correspondantes aux supérieures, se ressemblent aussi assez bien, chacune à chacune, pour la forme et la grosseur. Les alvéoles sont en général grandes pour les dents qu’elles portent. Le sys- tème dentaire du jeune âge n’a pas été étudié d’une manière complète. Dans ses Ossements fossiles, G. Cuvier, et plus tard, dans l’un des premiers fascicules de son Os- téographie, De Blainville, ont donné la description complète du squelette des Paresseux, en prenant pour type l'Unau ou Bradupus didactylus Linné. Les os, d’une manière générale, sont sans cavité médullaire et entièrement spongieux, comme chez les Cétacés; ils sont assez grêles, droits, peu acci- dentés d'apophyses, de crêtes et de rugosités. La forme générale du squelette {Voyez Atlas, pl. XXXIV, fig. 1.) rappelle assez bien celle de celui du Gibbon, en ce que le tronc est comme tronqué en arrière par absence plus ou moins complète de queue, large et déprimé à la poitrine, et porté sur des membres grêles, disproportionnés : les antérieurs beaucoup plus longs que les pos- térieurs; tous quatre terminés par des extrémités presque semblables, et offrant dans la composition des doigts la disposition préhensile en crochet la plus complète qui existe chez les Mammifères. Le nombre des os est moins considérable que celui des Primates, par suite de l’état incomplet des mains et des pieds, et quoiqu'il y ait une certaine compensation dans le nombre plus grand des os du tronc. La tête est une des parties de leur organisme qui présente le plus de singularité par sa petitesse re- lative, la forme raccourcie de la face, et par un assez grand nombre de particularités; elle est en gé- néral très-courte et comme tronquée en avant, ses deux orifices étant tout à fait terminaux, la face entièrement dans le prolongement du crâne; elle forme une petite masse arrondie, subglobuleuse, très-bombée en dessus et arquée, peu comprimée sur les côtés, un peu encavée cependant par des fosses temporales assez prononcées, confondues avec les orbites, mais sans crêtes sagittales, l’occi- pital étant seul un peu relevé. La colonne vertébrale, quoique tronquée par la petitesse de la portion coccygienne, est cependant plus longue que chez la plupart des Mammifères; mais cette grande lon- gueur ne porte évidemment que sur la région thoracique, le nombre total des vertèbres étant de qua- rante-sept dans l'Unau, dont sept cervicales, vingt-quatre dorsales, trois lombaires, sept sacrées, et 9290 HISTOIRE NATURELLE, cinq ét six coccygiennes presque rudimentaires. L'ensemble de la colonne qu'elles forment ne pré- sente qu'une seule courbure en dessous, depuis la tête jusqu'à l'extrémité du coccyx, d’abord assez légère, et se prononçant beaucoup plus vers les lombes jusqu'à la fin de la queue. La région cervi- cale, qui est la plus mobile, constitue un cou très-court par suite de l'aplatissement de chacune des vertèbres. Les vertèbres dorsales, en plus grand nombre que dans les autres Mammifères, sont remar- quables par leur corps arrondi, croissant très-lentement en épaisseur et en longueur de la première à la dernière, et par leurs apophyses épineuses très-basses. Les trois vertèbres lombaires ont la même forme que les dorsales. Le sacrum est particulier par sa grande étendue, sa grande largeur, sa forme un peu voûtée, très-aplatie, en tout très-allongée, et par l'absence de crêtes et de tubérosité à la face postérieure. Les vertèbres coccygiennes sont assez larges et plates dans leur corps; en dessous, il n°y a que de faibles traces d'os en V, et le coccyx qui en résulte a quelque chose de celui de l'homme, étant très-court, de forme triangulaire, et légèrement recourbé en dessous. L'os hyoïde est remar- quable par sa force et sa solidité. Le sternum, composé de treize pièces, est très-étroit. Il y a vingt- quatre côtes. La cavité thoracique est extrêmement étendue, peu comprimée sur les côtés. Les mem- bres sont assez disproportionnés : les postérieurs notablement plus longs que les antérieurs. Dans les antérieurs, l'omoplate est petite, assez large; la clavicule médiocre, costiforme; l'humérus al- longé, assez fort, surtout comparativement à celui de l’Aï; le radius et le cubitus, longs, grêles, sont très-rapprochés, de manière que l'espace interosseux est presque nul. La main, dans sa totalité, égale la longueur du bras, la plus grande partie de cette longueur étant prise par les deux dernières phalanges, et elle est surtout remarquable par son étroitesse extraordinaire, et n’est formée que de deux doigts complets. Les membres postérieurs, notablement plus longs que les antérieurs, ont, au contraire, leur ceinture d'attache proportionnellement beaucoup plus développée, ce qui donne au bassin un aspect particulier, à cause de sa largeur, de son évasement, de l'obliquité du détroit supé- rieur, de la grandeur du postérieur, et cela parce qu’il est joint à la colonne vertébrale non-seule- ment par l'iléon, mais aussi par l'iskion. Le fémur, presque égal à l'humérus, paraît tontefois plus court, parce qu'il est plus large, étant déprimé dans toute son étendue et presque caréné au bord externe. La jambe, à peu près de la longueur de la cuisse, est fortement élargie dans son milieu par la grande courbure en sens inverse des deux os qui la constituent; aussi l’espace interosseux est-il très-considérable et longuement ovalaire. Le tibia est notablement plus court que le péroné. Le pied a la plus grande ressemblance avec la main, sauf plus de largeur, à cause du nombre des doigts, plus complets. L’astragale a la forme ordinaire; le calcanéum est peu développé et comprimé en to- talité. Quelques particularités ostéologiques doivent être marquées dans les autres espèces du même genre. L'ensemble du squelette de l'Aï (Bradypus tridactylus) indique un animal encore plus dispro- portionné dans ses parties que l'Unau : la tête étant proportionnellement encore plus petite, le col plus long et composé de neuf vertèbres, ce qui est une exception à ce qui se présente dans les Mam- mifères; le tronc, au contraire, plus court; il n’y a pas de clavicules; le nombre des côtes est diffe- rent; les membres beaucoup plus grêles, plus arachnoïdes et bien plus disproportionnés : les anté- rieurs étant d'un tiers plus longs que les postérieurs; les os, en particulier, sont aussi beaucoup moins tourmentés, plus lisses, par absence de crêtes, de lignes et de rugosités d'insertion. Quelques particularités se voient aussi dans une troisième espèce, l'Aï à dos bràlé ou Aï du Brésil, et, pour n'en citer qu'une seule, nous dirons que le cou présente huit vertèbres dans un individu rapporté au Muséum par MM. Quoy et Gaimard. Les os sésamoïdes sont peu nombreux, ce que l’on pouvait penser par suite du peu de mouvements que se donne l'animal; la rotule, toujours distincte, est très-petite, et l'on trouve à la même articulation du genou deux autres très-petits sésamoïdes. MM. Quoy et Gaimard, dans un individu qu'ils ont été à même de disséquer, ont constaté un excès proportionnel de volume et de force des muscles fléchisseurs sur les extenseurs bien supérieur à ce qui existe chez tous les autres animaux, et il en résulte la facilité de perpétuer pour ainsi dire les mouvements et les attitudes de flexions indispensables à des animaux toujours suspendus ou accro- chés aux arbres. La réflexion des ongles sous la main et sous le pied dans l'état de repos, qui se- rait un inconvénient à terre, est justement le mécanisme le plus commode pour le Paresseux : sans aucun effort et par la seule élasticité de ligaments jaunes, ces mêmes phalanges sont toujours flé- chies; elles ne s'étendent que quand l’élasticité de ces ligaments est surmontée par la contraction des muscles extenseurs; et, si l'on ajoute à cela l'excès des muscles fléchisseurs, il n'y à rien d’éton- ss ÉDENTES. 224 nant à les voir s’accrocher aux branches par les quatre pattes rapprochées pour reposer et dormir. On voit aussi que la soudure des os des pieds et le défaut de mobilité séparant les doigts sont par- faitement combinés pour ce résultat. Les viscères de ces animaux offrent, comme nous l'avons dit, des différences assez grandes avec ceux des autres Édentés, et qui sont assorties à leur mode d'existence. Sans être ruminants, ils ont en quelque sorte quatre estomacs, mais sans feuillets ni autres lames saillantes à l’intérieur, tandis que le canal intestinal est court et sans cœcum. Les feuilles sont leur aliment exclusif; contenant beaucoup moins de parties membraneuses proportionnellement que les tiges herbacées dont se nourrissent les Ruminants, les Bradypes n’ont pas besoin d’ingérer une aussi grande quantité d'aliments. L'organe reproducteur principal du mâle est seul extérieur, car les testicules sont placés dans l'abdomen. La vulve, surmontée d’un elitoris, est antérieure d'environ un centimètre de l’anus; l'urètre, très-court, s'ouvre dans le vagin, long de cinq à six centimètres. Le fœtus a présenté à MM. Quoy et Gaimard quelques particularités. On ne connaît que quatre espèces de ce genre, et encore deux seulement, l'Unau et l'Aï, ont été suffisamment décrites : toutefois quelques D AEUUstES ont cru devoir en faire deux genres que nous indiquons comme simples divisions d'un même groupe. Fig. 49. — Unau 4: SOUS-GENRE. — UNAU. CHOLOEPUS, Wliger, 1811. Xw0:, boileux; mov:, pied. Prodromus systematis Mammalium et Avium. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Canines aiguës, assez longues. Molaires au nombre de quatre supérieurement et de trois inférieurement, cylindriques. 299 HISTOIRE NATURELLE. Doigts antérieurs au nombre de deux seulement, réunis et terminés par deux fortes griffes en forme de crochets; trois doigts aux pieds de derrière, également armés d'ongles forts. Ce sous-genre, auquel Fr. Cuvier a proposé de laisser en propre la dénomination de Bravyrr, Bradypus, ne renferme qu'une seule espèce. UNAU. BRADYPUS DIDACTYLUS. Linné. CaracrÈREs sPÉCIFIQUES. — Tête un peu allongée, surtout en comparaison avec celle de l’Aï; face un peu oblique; front peu saillant; canines assez fortes, dont les supérieures s’usent par leur face postérieure sur la face antérieure des canines d'en bas, d'où il résulte que ces faces sont planes, et que leurs bords sont tranchants; membres moins disproportionnés et ayant des mouvements plus libres que ceux de l'Aï; deux doigts seulement, armés de grands ongles à ceux de devant et trois à ceux de derrière; poils très-secs, la plupart d’un brun grisâtre : les autres d’un blanchtre sale; ceux du front assez courts et jaunätres; ceux du dessus de la tête et de la nuque très-longs et plus bruns que les autres: ceux des extrémités des pieds également bruns; ceux de la croupe étant relevés et dans une direction opposée aux poils du dos; pas de feutre à la base des grands poils: face intérieure des mains et des pieds, et tubercule caudal nus; des clavicules complètes, mais grêles, sept vertè- bres cervicales; mâchoire inférieure avancée en pointe ou en gouttière. Longueur totale, 0,70. L'Uxav est la première espèce de Paresseux qu'on ait décrite; c’est le Tardigradus Ceylonicus ca- tulus de Seba, qui le croyait propre à Ceylan; c'est le Silenus ou Simia personata de Klein; enfin depuis Linné on l'indique scientifiquement sous la dénomination de Bradypus didactylus. C’est l'espèce la plus active du genre, quoiqu'elle ne marche que rarement sur la terre et que sa véritable locomotion consiste à grimper. Sa voix est faible et plaintive; son odorat presque mul; elle voit mal pendant le jour. La femelle ne fait qu'un seul petit, qu'elle porte accroché sur son dos. Quand on approche ces animaux, ce qui est rare, ils s’assoient, les jambes étendues sur une même ligne, et levant lun après l’autre les bras, qu'ils étendent et ramènent sur la poitrine pour accrocher ce qu'on leur présente; s'ils le saisissent, on ne peut leur faire lâcher prise, dit-on, qu'après la mort, et il faut attendre longtemps, car ils ont la vie excessivement dure. On ne les décroche des arbres qu’a- près plusieurs coups de fusil; et les voyageurs, en particulier Pison, citent plusieurs faits qui mon- trent que ces animaux ne peuvent pas être tués facilement, et qu'une fois accrochés à une branche il faut employer une grande force pour les en arracher. Ils craignent beaucoup le froid et la pluie, ce qui se comprend facilement puisqu'ils habitent le Brésil et d'autres provinces de l'Amérique du Sud. Ils se tiennent toujours sur les arbres, principalement sur l'Amboïba (Cecropia peltata); ils ne viennent à terre, où l'on dit qu’ils se laissent choir du haut des arbres, que lorsqu'ils en ont épuisé le feuillage. Cependant ils peuvent descendre assez aisément; mais la position la plus fatigante pour eux c'est d’être sur le sol; leur repos, c’est d'être accroché; leur sommeil est assez long, et Buffon cite un individu qu'il a observé et qui dormait quelquefois dix-huit heures de suite. 2% SOUS-GENRE. — AÏ. ACHOEUS. Fr. Cuvier, 1895. L'un des noms appliqués à l'espèce typique. Dents des Mammifères. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Pas de canines. Molaires cylindriques, au nombre de cinq en haut et de quatre en bas. Membres antérieurs beaucoup plus grands que les postérieurs. Doigts au nombre de vrois à chaque extrémité des membres et terminés par des ongles très- forts ÉDENTES. + 225 Une seule espèce de ce groupe est bien connue; les deux ou trois autres qu'on ÿ admet n’ont été que superficiellement étudiées ; à l'exception, peut-être, de l'Aï dos brülé. AÏ. BRADYPUS TRIDACTYLUS. Linné. Canacrères srécrriques. — Tête arrondie, garnie en dessus de poils raides et bruns; face peu proéminente, de couleur jaunâtre, avec les yeux entourés de brun; pelage varié par place de poils gris-brun et de poils blanchâtres; une place de forme ovale entre les deux épaules, où les poils sont courts et soyeux, d'un orangé plus ou moins vif, avec une bande longitudinale d’un beau noir au milieu; gorge souvent jaunâtre; poils de deux sortes, les uns très-fins, près du corps; les autres très- longs, gros, secs comme du foin, et aplatis dans les trois quarts de leur longueur; ceux du sommet de la tête disposés en rayons divergents; clavicules rudimentaires; neuf vertèbres cervicales; trois doigts garnis d'ongles forts aux pieds et aux mains. Longueur totale n’atteignant pas plus de 0",40, c'est-à-dire que l’Aï est de près de moitié plus petit que l'Unau. Cet animal a reçu de Gesner le nom d'Zgnavus arctopithecus; de Niéremberg, celui d’Animal pigritia; de Papia, Johnston; de Bradypus tridactylus, Linné; Tardigradus, Brisson; Aï, Buffon, et c’est lui qui par excellence porte la dénomination de PARESSEUx. On en connaît un assez grand nombre de variétés; telles sont les suivantes, indiquées dans la Mammalogie : Bradype à dos sans tache, à face jaune, gris de nacre uniforme, à dos brülé et à collier : on a même cherché à faire des espèces de ces variétés, et les deux dernières ont reçu les dénominations de Bradypus ustus, Lesson, et de B. collaris, À. G. Desmarest; toutes ces variétés, comme le type, habitent toutes les contrées de l'Amérique méridionale, depuis le Brésil jusqu’au Mexique, et, quand elles seront mieux connues, il est possible que l’on puisse les distinguer spécifi- quement; déjà même on a donné une assez bonne description et des détails de mœurs du B. ustus. (Voy. Atlas, pl. XXXIV, fig. 2.) L'Aï a les mêmes mœurs que l’Unau; il est peut-être cependant encore plus indolent et plus lent dans ses mouvements: son cri plaintif lui a fais donner le nom qu'il porte. DEUXIÈME FAMILLE. MÉGATHERIDÉS. MEGATHERIDÆ. Owen. Système dentaire : molaires, +, et dans un genre ?=, ayant une composition particulière. Pieds courts, très-forts, égaux ou presque égaux; mains à cinq ou quatre doigls; pieds à quatre ou trois doigts : premiers et quelquefois seconds doigts sans ongles; les autres terminés par de grands ongles recourbés en dessous. Des clavicules. M. Richard Owen, dans sa description du squelette du Mylodon robustus (Description of the skeleton of an extinct gigantic sloth, Mylodon robustus Owen, with observations on the osteology, natural affinities, and probable habits of the Megatherioid Quadrupeds in general ; by Richard Owen, London, 1842), désigne sous les noms de Gravigradu, Megatheridæ et de Eradicatoria une famille d'animaux fossiles ayant pour type le Megatherium, dont l'organisation offre sur une grande échelle un composé de celle des Paresseux, des Tatous et des Fourmiliers actuels. Cette famille se compose 924 HISTOIRE NATURELLE. déjà de plusieurs genres qui se rencontrent tous, hors un seul peut-être, dans l'Amérique, et princi- palement dans les parties méridionales de ce continent, c’est-à-dire dans les régions qui nourris- sent encore aujourd'hui la plupart des genres de l’ordre des Édentés. On trouve surtout un grand nombre d’ossements de Mégathéridés ire les sables argileux du bassin de la Plata; mais on en ren- contre aussi beaucoup dans les nombreuses cavernes du Brésil et dans celles de l'Amérique septen_ trionale. Les os y sont même parfois si bien conservés, qu'il n’est pas rare de trouver des phalanges onguéales encore recouvertes de leur partie cornée à demi décomposée; ce qui indique que ces cavernes sont dans des conditions favorables à une longue conservation des matières animales, ear il est pro- bable que les animaux qui portaient ces ongles ont disparu depuis le soulèvement de la chaîne des Andes. La taille de ces animaux était très-considérable; leurs dents sont d'une seule venue, sans collets ni racines, et se composent, de même que celles des Bradypes, d’un ivoire peu dense au milieu, entouré d'un ivoire plus dense (dentine vasculaire et dentine dure de M. Owen), le tout enveloppé de cément, recouvert lui-même d’une couche mince de substance osseuse plus dure. Le pied est arti- culé de telle sorte, que son mouvement sur la jambe est oblique, ce qui tient à ce que le bord in- terne de la poulie de l'astragale est presque entièrement effacé, et que le bord externe est oblique de dehors en dedans. La composition de la tête, qui est petite, relativement à la grandeur de l'ani- mal, est à peu près celle des Paresseux; le jugal fournit une apophyse montante qui cerue en partie la fosse orbitaire, et une grande apophyse descendante qui dounait sans doute de fortes attaches aux muscles des lèvres. Comme dans l'Unau, l’apophyse acromion de l’omoplate se joint à l’apophyse coracoïde. La tête supérieure du radius est tout à fait circulaire, ce qui annonce un mouvement de pronation et de supination bien déterminé. Le bassin est très-large et l’extrémité postérieure d’une force extrême. Ils ont tous un ou deux doigts externes sans ongles, propres à la sustension ou à la marche; les autres doigts portent des ongles forts qui ne pouvaient se ployer qu’en dessous. La queue était médiocrement longue, très-épaisse. Les Mégathéridés ne sont pas encore complétement connus; Owen est le paléontologiste qui s’en est le plus occupé; G. Cuvier n’en connaissait qu'un petit nombre d’ossements; De Blainville avait préparé, pour son Ostéographie, un travail important sur ces animaux : les planches seules de ce travail pourront être publiées. Les genres qui entrent dans cette famille sont assez nombreux; les plus importants, et les seuls sur lesquels nous dirons quelques mots, sont ceux des Megalonyx, Me- gatherium, Mylodon et Scelidotherium. Parmi les autres groupes génériques, nous citerons seule- ment ceux des Cœlodon (ysos, creusé; «dus, dent), qui n'auraient que = molaires, et ayant pour espèce unique le C. maquinense et Sphænodon (son, en coin; cd, dent) : type S. Brasiliensis; tous deux trouvés dans les cavernes du Brésil par M. Lund; et probablement le genre Lepitherium (er, écaille; 6x9, grande bête), Et. Geoffroy Saint-Hilaire (type L. fossilis, Et. Geoffroy Saint-Hi- laire, ou Done de Megatherium ou de Megalonyx des auteurs), provenant du Paraguay, et Ma- crotherium (uaxpcs, long; Onguv, grande bête), Lartet, qui provient des terrains tertiaires supérieurs de l'Europe, dont les os assez nombreux n’ont pas encore été décrits, et dont la phalange onguéale fendue rappelle celle du genre Pangolin. 4 GENRE. — MÉGALONYX. MEGALONYX. Jefferson, 1797. Méy2<, grand; ovvË, ongle. Transactions of Philosophieal Society. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : molaires, =; sans incisives ni canines : les dents allant en grandissant d'avant en arrière; les harpe el troisième inférieures ayant leur couronne à PE près pyri- forme, le gros bout dirigé en avant. Pieds très-longs; tibia et péroné petits; calcanéum long, comprimé; phalanges onguéales très- grandes, comprimées. ÉDENTES, 995 Jefferson, le premier, a fait connaître quelques ossements de cet animal, qu'il prenait pour ceux d'un grand Carnassier de près de 2" de haut; mais le docteur Whiston donna une description et des figures de ces os, en indiquant leur analogie avec les os des Paresseux. Peu de temps après, G. Cu- vier prouva cette analogie par la disposition des facettes des deux dernières phalanges, qui empé- chent l’ongle de porter sa pointe en haut, et ne leur permettent que de le fléchir en dessous, et par la forme générale des os, qui présentent en grand tous les détails d'organisation que les Paresseux offrent en petit. L'espèce unique de ce groupe générique est le Megalonyæ Jeffersonii, G. Cuvier, qui a quelque- fois été placé dans le genre Megatherium, qui a reçu le nom de Megalonyx loqueatus, et qui était de la taille d'un très-grand Pœuf. Les ossements mentionnés par Jefferson venaient d'une caverne de l’ouest de la Virginie; mais il s'en trouve aussi dans le bassin de la Plata. Que GENRE. — MÉGATHÈRE. MEGATHERIUM. G. Cuvier, 4796. M:Y2<, orand; Ôn9, animal. Le] ee Magasin encyclopédique. . CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : molaires, =, contiquës, quadrangulaires, et offrant une composition très- y Eu ques, 4 P compliquée. Membres très-robustes, surtout en arrière; fénatr très-élargi, à tête entière, tibia et péroné réu- nis aux deux extrémités; astragale excavé à la fuce antérieure; calcanéum long, épais; mains à quatre doigts, dont trois avec des ongles granis, peu comprimés; pieds probablement à trois doigts, un seul armé d'ongles. Fig. 50. — Tête de Megatherium de Cuvier. Ce genre à été établi par G. Cuvier pour un animal des plus remarquables, de la taille des plus grands Rhinocéros, et dont le squelette presque complet a été trouvé, en 1789, sur les bords de la rivière de Lutjan, à seize kilomètres environ de Buénos-Ayres, dans l'Amérique méridionale. Ce sque- lette, qui appartient au cabinet d'histoire naturelle de Madrid, mais dont il y a, dans la plupart des musées européens des reproductions en plâtre; ce squelette a été décrit pour la première fois par P 29 226 HISTOIRE NATURELLE. Jean-Baptiste Bru, puis par G. Cuvier, d’abord sur les figures de ce dernier, publiées par don Joseph Garriga, ensuite sur celles de Pander et d’Alton, qui font de cet animal un Paresseux fossile sous la dénomination de Bradypus giganteus. M. Clift a complété la description des parties qui manquaient au squelette de Madrid, telles que la queue et une portion du bassin. Aujourd'hui le Muséum d'his- toire naturelle de Paris possède un grand nombre de pièces naturelles de Mégathérium; les unes, assez nombreuses, prises aux environs de Buénos-Ayres, qui lui ont été données par Rosas, président de la république Argentine, et qui ont été rapportées par l'amiral Dupotet, et les autres rapportées, par M. Weddell, de divers points de l'Amérique méridionale, et qui, par leur taille et quelques autres particularités, sembleraient démontrer qu'il y aurait eu deux espèces dans ce groupe. On a fait beaucoup de conjectures sur la nature organique des parties externes du Mégathérium; pendant longtemps on lui a attribué des portions de derme ossifié qu'on avait trouvées avec les dé- bris du squelette qui est actuellement à Madrid; aussi, aujourd’hui, il est bien démontré que ces pla- ques dermiques doivent être rapportées à une grande espèce de Tatou. On a cherché à deviner quelle devait être sa nourriture, et la plupart des naturalistes pensent qu’elle devait être purement végétale comme celle des Bradypes; mais que, ainsi qu'on peut en juger par la disposition de leurs dents, ils pouvaient manger des substances plus dures que des feuilles, telles que des tiges et des racines. De Blaigville, qui rapproche ces animaux plus des Tatous que des Paresseux, pense que, comme les premiers, js se nourrissaient également de chair. Quelques particularités doivent être étudiées dans la seule espèce, le Megatherium Cuvieri A. G. Desmarest, admise dans ce genre. L'apophyse descendante du jugal est très-grande; la mä- choire inférieure très-renflée en dessous des molaires, à cause de la profondeur des alvéoles, se ter- mine en une sorte de bec; les dents sont au nombre de cinq de chaque côté en haut et de quatre seu- lement en bas, très-longues, quadrangulaires; lorsqu'on pratique une coupe longitudinale d'une de ces dents dans un plan antéro-postérieur, on voit que la cavité de la pulpe est très-grande, et qu'elle se prolonge en pointe presque jusqu’au niveau du bord alvéolaire; le milieu de la dent est formé d’un ivoire blanc, grossier et tendre; de chaque côté de cette substance existe pour un quart un cé- ment jaunâtre; mais, entre lui et l’ivoire, on voit un ruban de substance plus dure, formé lui-même de trois lignes grises et de deux blanches; ce ruban de substance dure correspond à deux crêtes transversales de la couronne de la dent, séparées par une vallée profonde; sur les côtés latéraux de la dent, cette substance, plus dure, est très-mince; le tout est enveloppé d'une couche peu épaisse, fort semblable à de l'émail; la dernière dent est de moitié plus petite que les autres, qui sont à peu près égales entre elles; le diamètre antéro-postérieur d’une dent du cabinet de Paris a 0,055, et le diamètre latéral 0",040; la mesure de la plus longue figurée par M. Owen a 0,240. Cet animal avait des membres très-robustes, surtout ceux de derrière; le fémur, d’un quart moins long que cetui d'un Éléphant de près de 3" de haut, quadrilatère; est plus de deux fois plus large; le bassin, d’un tiers. Les vertèbres sont au nombre de sept cervicales, seize dorsales, trois lombaires, cinq sacrées et quinze caudales. Il ÿ a quatre doigts à la main, dont trois armés d'ongles grands, peu comprimés: le pied n'avait que trois doigts, dont deux portant des ongles un peu moins forts que ceux de devant. (Voyez la figure du squelette, Atlas, pl. XXXIL, fig. 2.) ge GENRE. — MYLODON. HMYLODON. Owen, 1839. Muo:, molaire; cdovs, dent. Zoological of H. M. S. Beagle. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : molaires, —, séparées les unes des autres; première supérieure presque el- liplüique, un peu éloignée des autres; seconde elliptique; les autres trigones, avec un sillon à leur face interne; première inférieure elliptique; avant-dernière tétragone; dernière très-grande, bilobée. Membres d'égale grandeur; fémur à tête marquée d'un fort sillon pour le passage d'un gros li- gament; Gbia ct péroné séparés l'un de l'autre; astraaale à bord antérieur comprimé en dessus; A: nn É dite OR) aie il : Émeclqnl Loan in RAILS Lu ee mm ones suingÀ ” mu ice ts sshatonhrsm sapéén gb avg anti sb, a . a d vs eau mésemes aus ao louer € Il up tavtadmafs à x en ab soccer 6Ù truc itéreproi a TR ES Juve aie ren sh euined és srdtshé. if no FLE] mil td rc éd :bisbelé- € trame flame res ii aon 4 é spots ri) Sat Mrondqh alouf Atrii Asp où 26070) evil AUS 3 ws Auiéannten ele méculg el mue ser) } sk 5 EURE ter 30 pe (pus mirhée 27464010 al 11169 ma ” aédl, Êr et ; here 1 BP ah . 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PI. 35. ÉDENTÉS. 997 calcanéum long, épais; mains à cinq doigts; pieds à quatre seulement; dans les uns et les autres les deux doigts externes ne portent pas d'ongles; ces derniers, qui se trouvent aux doigts médians, grands, semi-cornés, inégaux en longueur, recourbés. Fig. 51. — Tête de Mylodon robustus. Le genre Mylodon a été créé par M. Gwen pour une espèce dont il avait un grand nombre d’os-* sements à sa disposition, pour une autre espèce dont il ne possédait qu'un petit nombre d'os, et pour une espèce antérieurement placée par M. Harlan dans le genre Megalonyx. Toutes ces espèces proviennent de l'Amérique méridionale. Un squelette presque complet du Mylodon robustus se voit au cabinet des chirurgiens de Londres, et c’est ce squelette que M. Owen, en 1842, a décrit avec le plus grand soin et de grands détails dans le magnifique ouvrage, orné d’un grand nombre de planches, dont nous avons cité le titre dans nos généralités sur la famille des Mégathéridés (voyez notre Aulas, pl. XXXIIT): dans cet ouvrage, l'auteur fait ressortir non-seulement les afinités du Mylodon robustus avec les Paresseux, mais aussi celles des autres genres de Mégathéridés : c’est, d'après M. Owen et d’après Laurillard, qui a donné un extrait de l'ouvrage du savant paléontologiste anglais, dans le Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, que nous avons rapporté la plupart de ce que nous avons dit sur cette importante famille d'animaux fossiles. Les espèces du genre Mylodon sont les suivantes : 4° Mylodon robustus, Owen, à mâchoire infé- rieure ayant sa symphyse courte et large, à seconde molaire inférieure à peu près trigone, dernière à trois sillons, deux internes et un externe; taille à peu près semblable à celle du Mouton: 2° Mylo- don Darwinii, Owen, à mâchoire inférieure ayant sa symphyse plus longue; seconde molaire presque elliptique; dernière à deux sillons, l'interne angulaire; 3° Mylodon Harlani, Owen, Megalonyx la- quatus et Orycterotherium Missouriense, Harlan, à symphyse de la mâchoire inférieure courte, large; à seconde molaire presque carrée; dernière à trois sillons, dont l'interne est biangulaire. &ue GENRE. — SCÉLIDOTHÉRIUM. SCELIDOTHERIUM. Owen, 1839. Exakns, fémur; 0np, animal. Zoological of H. M. $. Beagle. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : molaires, }=, contiqués ou séparées par des intervalles équux; supérieures trigones, aussi bien que la première des inférieures; deuxième et troisième inférieures légèrement comprimées, à face externe sillonnée; dernière très-grande, bilobée. 228 HISTOIRE NATURELLE. Tête du fémur marquée d'un sillon mince; üibiu et péroné minces; astragale avec deux excava- tions en avant; calcanéun long, assez épais; ongles grands, semi-cornés. Ce genre a éte créé par M. Owen pour des espèces fossiles assez voisines de celle du groupe dés Megalonyx, avec lequel quelques-unes ont été rangées. Le type est le Scelidotherium leptocephalum Owen, du Brésil. Dans cette espèce, la tête est al- longée, de même forme à peu près que celle de l'Oryctérope, mais au moins deux fois plus grande; la symphyse de la mâchoire inférieure, longue d'un décimètre, est concave intérieurement. Les os naseaux, rétrécis dans leur milieu et plus larges en avant qu’en arrière, sont échancrés à leur bord antérieur, les intermaxillaires n'atteignent pas les os du nez, de sorte que les maxillaires bordent l'ouverture nasale en arrière, comme dans les Paresseux, et probablement comme dans les Méga thériums. La cloison des narines est osseuse et se prolonge jusqu’à l'extrémité antérieure des na- seaux. Les autres espèces sont les Megalonyx Cuvieri, Bucklandi et minutus Lund, découverts dans les cavernes du Brésil. Fig. 52. — Tête de Scelidotherium TROISIÈME FAMILLE. DASYPODIDÉS. DASYPODIDÆ. Ch. Bonaparte. Dents faibles, simples, cylindriques, sans replis d'émail dans leur intérieur, et paraissant s’en- tre-croiser quand les mâchoires sont fermées. Corps non couvert de poil, mais présentant un test osseux divisé en écailles polygonales rangées par bandes transversales, formé dans l'intérieur de la peau et consistant : 1° en une plaque sur le front; 2 en un vaste bouclier sur les épaules; 3° en un second bouclier sur la croupe; # en ban- des mobiles transverses, plus où moins nombreuses, situées entre Les deux boucliers; 5° en anneaux d’écailles ou en tubercules rangés en quinconce sur la queue. ÉDENTÉS. 229 Cette famille de Mammifères renferme des espèces exelusivement de l'Amérique méridionale. Ces animaux, connus sous les noms de Tarous et d’Armavizros, ont de bonne heure été placés dans un genre particulier que Linné nomme Dasypus; Brisson, Armadillo ; Klein et Blumenbach, Tatu; Storr, Cataphractus, et Iliger, Tolypeutes; et que, dans ces derniers temps, Fr. Cuvier à divisé en trois groupes génériques, ceux des Dasypus, T'atusia et Prionodontes, auxquels on à ajouté le genre Chla- myphorus de Harlan. Ce sont les Tatou ou Tatu des Brésiliens, les Eucuberto des Portugais ei les Armadillo des Espagnols, dénomination qui est quelquefois encore scientifiquement employée. Peu d'auteurs se sont occupés des Tatous; nous devons surtout citer Buffon, D'Azara et À. G. Desmarest, qui est celui qui a donné l'histoire la plus complète que nous ayons de ces animaux. Pendant longtemps on a cru que ces Mammifères étaient dépourvus d'incisives; mais Fr. Guvier a montré que l'une des espèces, au moins, avait des incisives et des molaires, tandis que toutes les autres, au moins celles qu'on a pu étudier, n'offraient qu'une sorte de dents. SES Ë ESÉÉÉE ÉSSSÉ lÉ à Fig. 53. — Encoubert. Les Dasypodidés, c’est à-dire, d'une manière plus générale le genre des Tatous, tel que le com- prenaient il y a peu d'années tous les zoologistes, varient en grandeur depuis la taille d’un Blaireau jusqu'à celle du Hérisson. Ce sont des animaux épais de corps, bas sur jambes, dont les pieds anté- rieurs surtout sont robustes et munis d'un nombre variable de doigts (quatre ou cinq), tous armés d'ongles très-forts et obtus, très-propres à fonir la terre. Ils ont la tête assez petite, dont le museau est plus ou moins brusquement prolongé et le dessus du erâne un peu plat; leurs yeux sont petits et placés latéralement; leurs oreilles assez longues, en cornet, pointues et mobiles; leur bouche a une ouverture très-petite; leurs dents, qu'il y ait des incisives ou que ces dents manquent, sont à peu près toutes semblables entre elles, c’est-à-dire qu’elles sont faibles, cylindriques, sans replis intérieurs d'émail, plus où moins obliquement tronquées au sommet, distantes entre elles, et paraissant pouvoir un peu s'entre-croiser de mâchoire à mâchoire lorsque celles-ci sont rapprochées. Leur vertex est recouvert d’une sorte de mosaïque formée par des plaques de derme endurci etossifié, de forme polyédrique, qui s’avance plus ou moins au-dessus des orbites des yeux, et qui quelquefois fournit une petite garniture pour chaque paupière; l’occiput est souvent garni d'une ou deux bandes transversales de plaques sem- blables, mais de forme allongée, qui y forment comme une espèce de bordure. Le cou est toujours étroit, et porte quelquefois des rangées de plaques: les épaules sont larges et plus ou moins arron- dies, selon que l'animal déprime plus ou moins son corps, ce qu’il exécute au delà de ce qu’on pour- rait imaginer en le voyant revêtu d'une cuirasse en apparence aussi solide que la sienne. Les épaules sont revêtues d’une vaste plaque ou bouclier, tronquée en demi-cercle antérieurement, et figurant une sorte de collet derrière le cou, tronquée également postérieurement dans toute la largeur du dos, et arrondie sur les côtés : elle est formée d’une multitude de plaques de nature cornée, symé- triques dans leurs formes et la disposition, revêtues d'une enveloppe épidermique générale, et dont chacune est évidemment la base d'un poil qui ne tarde pas à être usé et à disparaître : généralement 230 HISTOIRE NATURELLE. elles sont disposées par rangées transversales. Sur la région du dos et au delà du bouclier des épau- les se voient d'autres plaques rangées également par bandes transverses, et ces bandes sont sépa- rées les unes des autres par de courts intervalles de peau nue et flexible qui donnent an corps une grande mobilité dans cette partie pour se rouler en boule lorsque quelque danger effraye l'animal Le nombre de ces bandes mobiles varie de trois à douze, et n'est pas toujours constant dans tous les individus d'une même espèce. Les lombes, la croupe et le haut des cuisses supportent un second grand bouclier analogue à celui des épaules et formé, comme lui, de pièces intimement jointes entre elles et symétriquement disposées. Le bord antérieur du bouclier est le plus grand, droit, transver- sal à l'axe du corps : sur les côtés, il s’arrondit, et, en arrière, on voit une échancrure arrondie et postérieure au centre de laquelle est placée la queue, qui est plus ou moins longue et recouverte de plaques osseuses diposées le plus souvent en anneaux ou verticilles. Gette queue, le plus habituelle- ment longue et conique, affecte néanmoins une forme particulière dans une espèce, le Chlamyphore tronqué. La peau du ventre est très-épaisse, mais sans plaques ni écailles, et elle est recouverte de poils rares, longs et durs comme des soies de Porc. Il en est de même des cuisses, des jambes et des extrémités antérieures; et ce caractère d’avoir des poils principalement sur ces parties est l'ori- gine du nom de Dasypus, du grec Jaovs, poilu; rw, pied, que Linné a imposé à ces animaux. Le nombre des doigts armés d'ongles plus ou moins robustes, et à l'excès dans quelques espèces, est toujours de cinq aux pieds de derrière, et tantôt de quatre, tantôt de cinq aux pieds de devant. Les mamelles sont au nombre de deux ou de quatre, dont les deux antérieures sont placées sous les ais: selles. L'estomac est simple, et il n'y a pas de cœcum. La verge des mâles est très-apparente, mais les testicules sont intérieurs. G. Cuvier a donné quelques détails sur l'ostéologie des Tatous dans ses Recherches sur les ossc- ments fossiles, eta montré que le squelette de ces animaux offre des particularités assez curieuses : nous renvoyons à l'ouvrage de notre illustre naturaliste sur ce sujet, et nous nous bornerons à dire que la tête osseuse est petite, que certaines vertèbres présentent en dessous des os particuliers que l'on nomme os en V, et que ce squelette, d'une manière générale, n’est pas aussi anomal qu'on aurait pu le supposer d’un animal qui, à l'extérieur, est aussi different des autres Mammifères. On n’a encore rencontré les Tatous que dans les contrées chaudes et tempérées de l'Amérique mé- ridionale, telles que la Nouvelle-Espagne, les Guyanes, le Brésil, le Paraguay et le Chili. ils vivent en petites troupes, les uns dans les bois, les autres dans les plaines où pampas, et se nourrissent de cadavres d'animaux, de Vers de terre, de Limacons, d'Insectes, d'œufs, ete., et même, dit-on, de matières végétales, telles que de racines de manioc, de patates, de maïs, etc. C’est principalement de chair qu'on les nourrit dans nos ménageries, où quelques-uns d’entre eux ont été amenés et vi- vent très-bien. Presque tous sont nocturnes, et l’on remarque que ce sont ceux qui ont le plus d’agi- lité dans leurs mouvements: le soir ou la nuit, ils se mettent en mouvement et vont à la recherche de leur nourriture. De même, en captivité, ils dorment presque constamment pendant toute la journée, et ce n’est guère que la nuit qu’ils sont en mouvement. Leurs ennemis naturels sont nombreux et se composent principalement des grandes espèces de Felis, qui habitent les mêmes contrées qu'eux. Ils n’ont guère de moyens de défense que dans les grands ongles qui garnissent les doigts de leurs pieds de devant, et ils s’en servent rarement. Mais ces ongles, assez pointus, sont disposés pour leur permettre de fouir la terre et pour se creuser des terriers, parfois assez grands. D'après D'Azara, ces terriers sont d’abord dirigés constamment sous un angle de quarante-cinq degrés, puis ils sont dé- tournés tout à coup et ont une longueur de deux à trois mètres. Quand ils sont poursuivis, ils cher- chent immédiatement à gagner leurs retraites souterraines, et, s’ils n’en ont pas le temps, ils replient leur tête, leurs pieds et leur queue sous le ventre, et se roulent en boule à peu près à la manière des Hérissons, mais sans s’envelopper, comme ceux-ci, dans l'espèce de bourse que forme sur leur dos leur panicule charnu. Les Tatous ne font qu'une seule portée par an; mais on ne sait pas combien ils ont de petits à la fois; cependant D'Azara rapporte d’une manière certaine que le Dasypus hybridus produit de sept à douze petits. Les espèces actuellement vivantes de cette famille sont peu nombreuses; Linné et Buffon avaient cherché à les distinguer d’après le nombre des bandes mobiles situées entre le bouclier des épaules et celui de la croupe; mais ils sont parvenus ainsi à créer un assez grand nombre d'espèces factices, et D'Azara a démontré que dans les espèces de Tatous non-seulement le nombre des bandes mobiles ÉDENTÉS. 231 varie entre les individus d’une même espèce, mais encore qu’il y a des individus d'espèces diffé- rentes qui en ont la même quantité. On admet quatre genres dans cette famille. Les espèces fossiles, également propres à l'Amérique méridionale, sont nombreuses, mais encore bien imparfaitement connues; ce qui fait que, pour quelques-unes d’entre elles au moins, le rappro- chement qu'on en a fait des Tatous ne sera peut être pas conservé. Le célèbre genre des Megathe- rium, dont on croyait jadis l'animal recouvert de plaques osseuses, avait été rapporté dans la famille des Tatous; mais il est plus voisin de celle des Bradypodés, et l'animal ne portait pas une cuirasse osseuse. Parmi les genres fossiles admis provisoirement dans cette famille, outre les espèces qui peu- vent être rangées dans les genres encore «vivants, nous citerons les suivants, et nous ne dirons quel- ques mots, après avoir décrit les espèces vivantes, que de deux des principaux groupes, que nous indiquons. 4° Guypronon (@urze:, sculpté; eus, dent), Owen (Transactions de la Société zoologique de Lon- res, 1839); G. clavipes, Owen, du Riodel-Sauce, de San Pedro du Sol et de Buénos-Ayres. 2° Léerrnériu (2er, écaille: 69, grande bête); Et. Geoffroy Saint-Hilaire; L. fossilis; Carapace de Mégalonyx où Mégathérium à carapace, du Paraguay. 3° CLnamDorHÉRUM (yrapxs, Cuirasse; 69, grande bête), Lund (Annales des sciences naturelles, 1839); C. Brasiliensis, Lund, du Brésil. 4° HorLornonvs (cxcgogcs, tout armé), Lund (Annales des sciences naturelles, 1859); H. euphrac- tus, Sellæi et minor, Lund, du Brésil. D0 PACHYTHÉRIUN (rayv<, épais; 09, grande bête); P. Brasiliensis, Lund, du Brésil. G° XéxuRuS (£:ves, ordinaire; cvsz, queue), Wagler (Syst. d. Amph., 4850); X. nudicaulis, Lund, du Brésil. 7° Eurxopon (seu, large; «dus, dent), Lund (Annales des sciences naturelles, 1859); E. Brasi- liensis, Lund, du Brésil. 8° Hérénopon (2-220:, différente; cd:, dent); Lund (Annales des sciences naturelles, 1859); 11. Bra- siliensis, Lund, du Brésil. 9° Toxonon (+c£v, are; des, dent), Owen (Zoologie du Voyage au Beagle, A8); T. Platensis. Owen, de la Plata. Espèce des plus curieuses, et dont la place dans la série des Mammifères est lom d'être déterminée d’une manière positive. 40° ÉLASMATHÉRIUN (x20p2, en lame; ôn9, grande bête), G. Fischer De Valdheim (Zoogn., 1814); ce genre, des plus singuliers, et que nous ne ferons que citer, est fondé sur une seule mandibule. On ue sait trop où ranger les Élasmothères dans la série des Mammifères; on a voulu les rapprocher des Rhinocéros, comme nous l'avons déjà dit, mais, par la forme, la disposition et la structure de leurs dents, ce sont bien plutôt des Édentés : mais dans cet ordre? dans quelle famille faut-il les ranger? C'est un point qu’on ne peut encore éclaircir, et ce n’est que provisoirement que nous les citons à la suite des Tatous. Ac GENRE. — TATOU. DASYPUS. Linné, 1740. AaGu;, poilu; 7ov:, pied. Systema nature. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, +; molaires, =; en totalité trente-huit dents; toutes les dents sans racines et ayant une structure particulière. Corps couvert d'un test écailleux, dur. composé de compartiments semblables à de petits pavés, qui se trouve sur la tête, le corps et La queuc; carapace formée de trois parües, un bouclier arrondi 232 HISTOIRE NATURELLE. sur les épaules, un semblable sur la croupe, et des bandes mobiles transversales plus où moins nem- breuses entre eux. Cinq doigts à tous les membres; ongles robustes. Langue peu extensible. Ce genre, qui pour Linné comprenait toute la famille des Tatous ou Dasypodidés, ne renferme plus, selon Fr. Cuvier, que l'Encoubert, dans lequel il a reconnu l'existence de dents dans les os intermaxillaires. Le système dentaire se compose de trente-huit dents; savoir : deux incisives supé- rieures et quatre inférieures, pas de canines, et huit molaires à chaque côté des deux mâchoires. À la mâchoire supérieure, l’incisive est obtuse, petite, comprimée latéralement et sur la même ligne que ies molaires, aussi doit-elle remplir les mêmes fonctions que celle-ci. Les molaires vont en aug- mentant de grandeur de la première à la cinquième, et en diminuant de la sixième à fa huitième; la cinquième est la plus grande, et la première la plus petite; sous ce rapport, celle-ci diffère peu de l'incisive; elle en diffère également très-peu, ainsi que la seconde, sous le rapport de la forme; tou- tes les autres molaires sont plus ou moins cylindriques et ont leur couronne usée plus ou moins obli- quement à leur partie antérieure ou à leur partie postérieure, et quelquefois à toutes deux, de ma- nière à devenir anguleuses; on voit, au centre de ces dents, un point brun, et le reste de leur sub- stance est très-homogène, assez dur, et elles paraissent entourées d'émail. À la mâchoire inférieure, Fr. Cuvier a considéré comme incisives les deux premières dents de chaque côté du maxillaire infé- rieur, parce qu'elles ne sont en rapport qu'avec l’intermaxillaire en avant de l'incisive supérieure; ces dents sont petites, obtuses, comprimées sur les côtés, et de peu d'usage à l'animal, d'autant plus qu'elles sont sur la même ligne que les molaires; celles-ci vont en augmentant de grandeur de la première à l’avant-dernière, qui est petite, et elles présentent toutes les mêmes formes que celles qui leur correspondent à l’autre mâchoire. Dans leur position réciproque, les incisives inférieures ne sont en rapport qu'avec l’intermaxillaire; l’incisive supérieure communique avec la seconde inci- sive opposée et la première molaire; ces dents sont alternes comme toutes les autres molaires les unes à l'égard des autres, ce qui explique la forme anguleuse qu’elles prennent par l'effet de l'u- sure. Toutes les dents des Tatous sont petites et sans racines. La seule espèce de ce genre est le : TATOU ENCOUBERT. DASFPUS ENCOUBERT. À. G. Desmarest. CanacrÈRES sPÉCIFIQUES. — Queue ronde, ayant à peu près la moitié de la longueur du corps, an- nelée seulement à sa base; six on sept bandes mobiles à la cuirasse du cou, formées de pièces gran- des, rectangulaires, lisses, plus longues que larges; oreilles assez longues; tête plate sur le front; museau assez court; des écailles au-dessous des yeux; cinq doigts à chaque pied; ongles médio- cres. Longueur totale depuis le bout du museau jusqu’à l’origine de la queue, 0",50; de la queue, 0°,24. Ce Tatou varie beaucoup par le nombre des bandes de sa carapace, que l’on avait prises jadis comme caractères d'espèce; aussi avait-on cru devoir former avec lui plusieurs espèces qui n’existent réellement pas. Linné en faisait ses Dasypus sexcinctus et octodecimeinctus; et Buffon le désignait sous les noms d'Encouserr, de Cirquincou et de Tarou À pix-nuir BANDES. Trouvé peu de temps après la découverte de l'Amérique, D'Azara le nommait Tarou Poyou. M. Wied avait cherché à distinguer spécifiquement sous le nom de Dasypus setosus une simple variété de cette espèce. Plusieurs individus de cette espèce ont vécu à la ménagerie du Muséum. Ils étaient craintifs, noc- turnes, cherchaient toujours à se cacher, et, pour cela, aplatissaient leur corps contre le sol, de fa- çon à présenter presque trois fois plus de largeur que de hauteur. Ils couraient avec beaucoup de vitesse, surtout le soir. (Voyez notre figure, p. 229.) On trouve l'Encoubert au Paraguay, où il creuse des terriers, et vit principalement de cadavres; sa voix est une sorte de grognement qu'il fait entendre surtout quand on le contrarie. Sa chair, grasse, de mauvaise odeur et de mauvais goût, est cependant mangée par les naturels du pays. Mt va en 48e Dh, }1:L8S nt net Mis, An CRUE 14 un Ci al She 10 rite og nl, AMEN s FAHMELL D: lig. 1. — Tatusie apar = Ÿ J=— F == = ee — D a — C ae Fig. 2. — Chlamyphore tronqué. EDENTES. ; 235 Que GENRE. — TATUSIE. T'ATUSIA. Fr. Cuvier, 1825. L Tatu, l'un des noms vulgaires du Tatou. Dents des Mammifères. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : molaires, <; en totalité trente-quatre dents dans le plus grand nombre «es cas, et quelquefois seulement 5; ou en totalité trente dents : jamais d'incisives, ce qui différencie ce genre de celui des Tatous proprement dits. Doigts au nombre de cinq partout ou de quatre seulement antérieurement. Mamelles au nombre de deux ou de quatre. Tous les autres caractères semblables à ceux des Dasypus. Fr. Cuvier comprend dans le genre Tatusie tous les Tatous anciennement connus autres que l'En- coubert et le Tatou géant. Chez ces animaux, on compte généralement neuf molaires supérieures et huit inférieures de chaque côté des deux mâchoires, ce qui porte le nombre total des dents à trente- quatre, qui sont toutes d’une même sorte et constituées, dans leur forme et dans leur structure, comme celles des Dasypus. À la mâchoire supérieure, les dents vont en augmentant de grandeur de la première à l’avant-dernière; la dernière est plus petite que toutes les autres, À la mâchoire infé- rieure, les molaires vont aussi en augmentant de grandeur de la première à l’avant-dernière: la der- nière est la plus petite, mais elle est plus grande cependant que celle de la mâchoire opposée; toutes ces dents inférieures out la forme et la structure de celles qui leur correspondent supérieurement. Dans leur position réciproque, ces dents sont alternes, et il n’y en a pas, comme chez les Dasypus, à la mâchoire inférieure, qui soient antérieures aux premières de la mâchoire supérieure. Toutes ces dents sont sans racines proprement dites. On connaît une dizaine d'espèces de ce genre actuellement vivantes et une ou deux espèces fos- siles, sans y comprendre quelques groupes qui en sont très-voisins : tuutes se trouvent dans l’Amé- rique méridionale, et peuvent être distinguées en deux groupes. $ 1. — Espèces AYANT QUATRE DOIGTS SEULEMENT AUX PIEDS DE DEVANT : DEUX OU QUATRE MAMELLES. 1. CACHICAME ou TATOU PEBA. TATUSIA PEBA. À. G. Desmarest. CaracrÈres spÉciriques. — Tête très-allongée, plus petite, comparativement au volume du corps, que celle des autres espèces; front couvert de plaques arrondies, se prolongeant jusqu'à l'extrémité du museau; les deux boucliers des épaules et de la croupe formés d’une sorte de mosaïque régulière de pièces petites et bombées en dessus et à contour hexagonal; bandes mobiles en nombre variable de sept, de huit, mais plus habituellement de neuf, et formées d'écailles rectangulaires allongées, avec une double impression linéaire, formant sur chacune une sorte de triangle allongé, d’où il ré- sulte pour la bande entière une ligne enfoncée en zigzag qui la parcourt dans toute son étendue; queue longye, conique, couverte d’anneaux formés de deux ou trois rangs de plaques; ventre et membres présentant aussi quelques rangées d'écailles d’où partent ordinairement quelques poils blancs; écailles des extrémités des pattes plus fortes que les autres; couleur de toutes les pièces du test noirâtre, ce qui est dù à la teinte propre de l'épiderme qui les revêt, car dans les endroits où cet épiderme est enlevé, le test ou la partie osseuse de la peau qui se trouve à découvert est de cou- leur jaunâtre. Longueur totale depuis le bout du museau jusqu’à l'origine de la queue, 0,40; celle-ci ayant environ 0,25. Cette espèce à reçu un grand nombre de noms, et, se basant sur le nombre des bandes du test, on P 50 254 HISTOIRE NATURELLE. a souvent voulu y distinguer plusieurs espèces; le Tarou PÉga est le T'atu peba Brasiliensis de Marc- grave, l’Armadillo Brasiliensis de Brisson, les Dasypus seplemcinctus, octocinctus et novemcinc- tus de Linné, le Cacuicame de Buffon, le Dasypus octodecimcinctus de Linné ou Cirquinçon de Buffon, le Tarou noir, Dasypus et Tatusia peba d'A. G. Desmarest, le Quinquixego noir des Es- pagnols, etc. . Le Cachicame est le plus commun de tous les Tatous dans nos collections d'histoire naturelle; c'est aussi dans l'Amérique du Sud l'espèce qui occupe le plus d'espace, et qu'on trouve égale- ment à la Guiane, au Brésil et au Paraguay. Elle n'habite pas la province de Buénos-Ayres, qui est la patrie de l’Apar. Une espèce fossile, qui en est au moins voisine, est le Dasypus affinis octocincto, Lund, des-ca- vernes du Brésil. L Les autres espèces sont : 1° le Tarou apar, Buffon (T'atu apara, Marcgrave; Armadillo Orienta- lis, Brisson; Dasypus tricinctus, Linné, etc.), type du genre Polypeutes d'Illiger, qui a la tête pres- que pyramidale, le museau pointu, la queue courte, les oreilles médiocres, trois bandes mobiles à la cuirasse; test et cuirasse ayant beaucoup d'épaisseur et de solidité, etc.; il se roule en boule avec plus de facilité que les autres espèces; par la faiblesse de ses membres et de ses ongles, il doit dif- ficilement se creuser des terriers; on le trouve dans le Tucuman et dans les campagnes découvertes de Buénos-Ayres, à compter du trente-sixième degré de latitude sud (Voy. Atlas, pl. XXXV, fig. 1.); 2 le Tarou murer, D'Azara (D. hybridus, À. G. Desmarest), qui se rapproche du Péba, dont il dif: fère par la queue arrondie, longue de la moitié du corps à peu près; le museau allongé, les jambes courtes, et les bandes mobiles de la carapace au nombre de cinq, six ou sept; habite les pampas de Buénos-Ayres et est assez commun dans le Paraguay, etc. & 2. Espèces A CINQ DOIGTS AUX PIEDS DE DEVANT; AYANT DEUX MAMELLES. 2. KABASSOU. Buffon. TATOUAY. DASYPUS TATUAY. À. G. Desmarest. Caracrères spéciriques. — Tête un peu bombée sur le front; museau assez pointu; oreilles gran- des, rondes, presque aussi larges que hautes; dents au nombre de huit de chaque côté en haut et de sept seulement en bas; bouclier des épaules formé de sept rangées de plaques, dont la figure est celle d’un carré long; bandes mobiles du dos au nombre de douze ou treize, formées de plaques pres- . que carrées; bouclier de la croupe composé de dix rangs de plaques; deux mamelles pectorales seulement; couleur du eorps généralement d'un plombé obscur. Longueur totale, 0,53; queue, 0,20. Cet animal est désigné sous les noms de Tarou À nouze ganpes, de Kapassou et de Tarouay, par D’Azara; c’est l'Armadillo Africanus de Seba, le Dasypus unicinctus et duodecimcinctus, Linné; D. tatuay, À. G. Desmarest; D. multicinctus, Thunberg. Cette espèce, propre à Cayenne et au Brésil, est rare au Paraguay. Les autres espèces de cette section sont : 4° le Tatou vecu, D'Azara (Dasypus villosus, A. G. Des- marest), qui est plus petit que le précédent, dont les bandes mobiles sont au nombre de six ou de sept, et qui est très-commun dans les pampas situées au sud de la rivière de la Plata, entre les trente-cinquième et trente-sixième degrés de latitude australe, où il se creuse des terriers; 2° Tarou Pireuiy, d'Azara (Dasypus minutus, À. G. Desmarest), la plus petite espèce du genre qui vit dans tout le sud de l'Amérique, depuis Buénos-Ayres jusqu’au détroit de Magellan; 3° Tarou maraco, Beagle (Tatusia mataco, Lesson), de Bahia-Blanca; 4° Tarou mmim, Lund (T'utusia mirim, Lesson), du Brésil, etc. M. Lund à rapproché de cette division des Tatusies son Dasypus punctalus, trouvé à l'état fossile dans les cavernes du Brésil. ÉDENTÉS. 25û gme GENRE. — PRIODONTE. PRIODONTES. Fr. Cuvier, 1895. Hptwv, scie; oJov, dent. Dents des Mammifères. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : molaires en général au nombre de quatre-vingt-dix-huit, ainsi distri- buées, 2=%5 : ces dents toutes comprimées latéralement, surtout les antérieures, divisées longitu- dinalement dans leur milieu par une partie plus claire qui les entoure. Cinq doigts aux pieds de devant. Deux mamelles pectorales. Autres caractères conne dans les Tatous. Fig. 54. — Tatou géant. Ce genre ne renferme qu'une seule espèce, le Tarou Géanr, qui présente un système dentaire très- singulier, composé de dents en très-grand nombre qui peut quelquefois varier. A la mâchoire supé- rieure, les molaires sont peu différentes pour la grandeur, et toutes sont plus ou moins compri- mées latéralement; les antérieures sont celles qui le sont le plus, et elles ressemblent tout à fait à des lames terminées par une ligne droite; les postérieures se rapprochent un peu plus de la forme cylindrique; mais les unes et les autres sont divisées dans toute leur longueur et dans leur milieu par une partie de leur substance plus claire que les autres, et demi-transparente. À la mâchoire in- férieure, les dents vont également en diminuant un peu de grandeur de la première à la dernière; mais toutes indistinctement ont la forme de lames, et sont divisées comme les supérieures. Dans leur position réciproque, les molaires inférieures sont opposées par leur face externe à la face interne des supérieures; et comme l'articulation des mâchoires est analogue à celle des Rongeurs, et que la mâchoire inférieure n'a qu'un mouvement horizontal, il en résulte que leur action a de la ressem- blance avec celle d'une scie, ce qui a déterminé Fr. Cuvier à donner à ce genre le nom de Priodonte. Leur capsule est libre à la base. L'espèce unique de ce genre est le : TATOU GÉANT. G. Cuvier. PRIODONTES GIGANTEUS. Lesson. CARAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Tête proportionnellement plus petite que celle des Tatous, bombée 256 HISTOIRE NATURELLE. sur le front et cylindrique depuis les yeux jusqu’au bout du museau; oreilles médiocres, pointues, courbées obliquement en arrière; bouclier des épaules composé, dans son milieu, de neuf rangs de plaques, et celui des lombes de dix-sept ou dix-huit; les bandes mobiles du dos au nombre de douze à treize, formées de bandes rectangulaires; queue très-grosse à la base, pointue, recouverte d’écail- les disposées en anneaux près de son origine et en lignes spirales croisées ou en quinconce dans le reste; pieds remarquables par leur conformation et à ongles robustes; couleur générale du test noi- râtre dans toutes les parties où l’épiderme a été conservé. Longueur de la tête et du corps environ, 3"; de la queue, 0",50. Cet animal est le plus grand de la famille des Tatous; c'est le Tarou céanr; Dasypus gigas, G. Cu- vier; le peuxiÈME Kapassou, Buffon; le éranp Tarou ou Tarou vremiER, D'Azara; Dasypus giganteus, A. G. Desmarest, ete. Il vit dans les parties boisées les plus septentrionales du Paraguay, où il porte la dénomination de Tarou nom pes sois. Il recherche les cadavres, et même les déterre en fouissant avec une grande rapidité; aussi, dans les contrées qu’il habite, a-t-on le soin d’entourer les corps anorts de planches et d’épines pour les préserver de ses attaques. que GENRE. — CHLAMYPHORE. CHLAMYPHORUS. Harlan, 1825. XAau0s, bouclier; 6925, porteur. ü Anrals M. V. Lyceum. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. ; Système dentaire : molaires, À; en totalité trente-deux dents, qui sont très-rapprochées; cou- ronne des premières pointue; les six autres presque aplalies et consistant en un cylindre d'émail qui entoure un pilier osseux; pas de collet à ces dents, dont la moitié inférieure est creusée d'une cavité en forme de cône allongé; dents inférieures dirigées en avant el en haut, et les supérieures en avant et en bas, de telle sorte qu'elles se rencontrent obliquement. Test osseux formé de nombreuses bandes mobiles transverses depuis la tête jusqu'à la queue, et non divisé en deux boucliers pour les épaules et les reins, comme dans les genres Tatou, Tatusie et Priodonte; test tronqué postérieurement. Membres antérieurs et postérieurs à cinq doigts. Queue mince, exactement appliquée sur le corps. Ce genre, des plus remarquables par sa conformation, offre de grands rapports avec les précé- dents; Harlan lui trouvait, dans quelques points de son organisation, quelque analogie avec les Taupes, et avec le Mégathérium par la disposition de la carapace, que l’on attribuait à tort à cet animal. . La seule espèce de ce genre est le : CHLAMYPHORE TRONQUÉ. CHLAMYPHORUS TRUNCATUS. Harlan. CaRACTÈRES sPÉCIFIQUES. — Tête conique, un péu aplatie en dessus, couverte de plaques de forme carrée; œil petit; corps recouvert en dessus d’un test coriace, verticalement tronqué à sa partie postérieure, et formé d écailles rhomboïdales, disposées par rangées transversales et lisses; le des- sous garni de poils longs, soyeux, de la douceur de ceux de la Taupe; le test du dos s’avançant sur la tête; queue ferme, collée sur le corps; extrémités antérieures beaucoup plus fortes que les postérieures; plantes des pieds nues; ongles de devant très-forts et très-comprimés. Longueur de la tête et du corps, 0",15; partie libre de la queue ne dépassant pas (,04. (Voy. Atlas, pl. XXXV, fig. 2.) On ne connait encore qu'un seul individu de cette espèce, qui existe dans le musée d'histoire na- turelle de Philadelphie. Harlan dit qu'il provient de Médoza, au Chili, à l'est de la chaîne des Cor- ÉDENTÉS. 237 dillères, par le trente-cinquième degré vingt-cinq minutes latitude sud, et par le soixante-septième degré quarante-sept minutes de longitude, dans la province de Cugo; qu'il vit sous terre la plus grande partie du temps, et que ses habitudes ont beaucoup de ressemblance avec celles de la Taupe; qu'il porte ses petits sous le manteau écailleux dont il est revêtu, et que sa queue n’a point où n’a que très-peu de mouvement. C’est la plus petite espèce connue de la famille des Tatous. ÿm GENRE. — GLYPTODON. GLYPTODON. Owen, 1854. Dumres, seulplé; odous, dent. Transactions de la Société géologique de Londres. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. " Système dentaire : molaires, 5; en totalité trente-deux dents. Toutes semblables, plus compli- quées que celles des Tatous et rappelant celles de certains Rongeurs. Corps couvert d'une épaisse cuirasse osseuse, formée de plaques irrégulières. Pieds robustes, à cinq doigts, armés d'ongles aplatis, assez semblables à ceux des Eléphants. OX (o) ; ES Ya ro a RL Fig. 55. — Glyptodon clavipes. Ce genre à été fondé par M. Owen pour une espèce de grande taille, le Glyptodon clavipes, dont les ossements fossiles ont été rencontrés dans les vastes pampas sablonneux qui forment le bassin de la Plata. Les dents de cet animal sont au nombre de huit molaires, toutes semblables de chaque côté de l’une et de l’autre mâchoire, et sans incisives ni canines. La structure de ces dents estplus compliquée que celle des autres Édentés, et rappelle celle de plusieurs dents de Rongueurs. Chacune d elles offre, dans toute sa longueur, à son côté externe et à son côté interne, deux fortes cannelures qui s avan- cent jusqu'à environ un tiers du diamètre de la dent et divisent sa surface en trois presqu'iles réu- nies par deux isthmes, résultant de deux cannelures opposées, disposition qui a donné lieu à ce nom de Glyptodon ou dent sculptée. Elles sont sans racines, recouvertes d’un émail peu différent de la 238 HISTOIRE NATURELLE. matière osseuse, et le milieu de celles-ci est occupé, aussi bien dans les isthmes que dans les pres- qu'iles, par une substance plus tendre que le reste de la dent. La mâchoire inférieure est d’une forme singulière; son angle s'élève au niveau de la surface triturante des dents; sa branche montante est très-haute, et son condyle aussi élevé que l'apophyse coronoïde. Les pieds sont très-courts, et por- tent cinq doigts, dont quatre sont garnis de grands ongles aplatis, presque en tout semblables à ceux des Éléphants: le doigt interne, du moins au pied de derrière, est petit. Une épaisse cuirasse osseuse, formée de plaques irrégulières, recouvre le corps; ces plaques n'étaient pas disposées, sur le tronc, en zone, comme dans la plupart des Tatous; mais celles de la queue, au contraire, verticillées, et chaque verticille composée d'une rangée de petites plaques épaisses, coniques, dont les cônes s’élè- vent d'autant plus qu'ils sont plus supérieurs. Cet animal était d’une très-grande taille, et l’on a cru pendant quelque temps que la cuirasse dont il était revêtu appartenait au Megatherium; mais il est bien démontré que ce dernier Mammifère était couvert de poils proprement dits. Au Glyptodon clavipes de M. Owen on devra probablement join- dre d’autres espèces; c’est ce que montre l'étude de diverses queues conservées dans les galeries du Muséum et de l'Écgle normale, et que De Blainville avait reproduites dans une planche de son Ostéo- graphie, qui va enfin paraître. 6% GENRE. — TOXODON. TOXODON. Owen, 1841. ToËcv, are; od ou, dent. Zoology of Beagle. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ?; molaires, TT; en totalité trente et une dents, qui sont toutes sans racines. Incisives arquées, assez grandes; molaires, quelques-unes également un peu arquées, ayant la conformation de celles des Édentés. Cräne peu élevé; arcades xygomatiques très-épaisses. Il n'existe peut-être pas de Mammifère, comme le fait observer Laurillard, plus difficile à classer que l'espèce unique de ce genre, le Toxodon Platensis, Owen. Cet animal a été placé dans l’ordre des Pachydermes; mais il a aussi des affinités nombreuses avec les Rongeurs, les Cétacés herbivores, et surtout avec les Édentés, dans l’ordre desquels il doit réellement entrer; mais à côté de quel genre | doit-on le mettre? cela est difficile à dire dans l’état actuel de nos connaissances sur ce fossile, et c’est avec beaucoup de doute que nous l'avons rapproché des Tatous. Le type de ce genre, le Toxodon Platensis, Owen, a été trouvé dans le Sarandis, petite rivière qui se jette dans le Rio-Negro, à cent vingt milles nord-ouest de Montevideo. Les dents, sans racines, tiennent de celles des Édentés par leur forme et leur composition; mais par leur nombre et leur position, elles se rapprochent de celles des Pachydermes. Les molaires su- périeures sont au nombre de sept de chaque côté, et augmentent de grandeur de la première à la sixième; elles sont arquées extérieurement et placées dans les maxillaires, de manière que leurs bases se rencontrent presque sur la ligne médiane avec celles du côté opposé; la première est eylin- drique, les autres sont triangulaires, montrent un pli profond à leur face interne, et sont revêtues d’émail, excepté aux trois angles, dont l'ivoire n’est souvent que d'une lame corticale très-mince. Les incisives supérieures sont au nombre de deux de chaque côté, une interne, assez petite, et une ex- terne très-grande : celle-ci est arquée, triangulaire, revêtue extérieurement d’émail et intérieurement de cortical. Les molaires de la mâchoire inférieure, au nombre de six de chaque côté, sont quadran- gulaires, comprimées latéralement, de telle sorte que leur diamètre transverse n’est que le tiers du longitudinal; elles présentent un pli à leur face externe et trois à leur face interne : elles sont pres- que droites et revêtues d'émail, excepté aux deux angles internes, qui n’ont que du cortical; les in- cisives, au nombre de trois de chaque côté, sont triangulaires et revêtues d'émail à leurs côtés ex, terne et interne, et de cortical à leur côté postérieur. ÉDENTÉS. 239 Le crâne est peu élevé; les arcades zygomatiques sont très-épaisses: les maxillaires allongés et rétrécis à l'endroit de la base des dents; l'articulation de la mâchoire se fait par un condyle trans- verse. La tête a 0",67 de longueur et 0®,42 de largeur à la partie la plus saillante des arcades zygo- matiques. D'après l'étude des os longs, on peut voir que cet animal était bas sur jambes; l’omoplate a un acromion en crochet récurrent; le fémur a une assez grande ressemblance avec celui de l'Hippopo- tame; l’astragale a une forme spéciale, à partie tibiale un peu creuse, et l'apophyse scaphoïdienne est excessivement faible. Fig. 56. — Toxodon de la Plata. QUATRIÈME FAMILLE. ORYCTÉROPODIDES. ORYCTEROPODIDÆ. Nobis. Molaires, =, composées d'un très-grand nombre de petits cylindres creux, de substance émail- leuse, à structure rappelant un peu celle du jonc en cunne, sans racines. Tête un peu plus allongée que celle des T'atous. Peau épaisse, Corps couvert de poils ras, grossiers. Extrémités des membres terminées par quatre doigts antérieurement et cinq postérieurement. Ongles plats, propres à fouir la terre et non tranchants. Queue et oreilles longues. Langue extensible. Le genre Orycteropus d'Et. Geoffroy Saint-Hilaire forme seul cette petite famille, à laquelle M. Gray a assigné le nom d'Orycteropina, et le prince Charles Bonaparte celui d'Orycteropodina, ct qui ne comprend qu'un seul genre, lui-même composé seulement de deux ou trois espèces particu- lières au continent africain. Les Oryctéropes, les Fourmiliers et les Pangolins, qu'il nous reste à étudier, sont tous des ani- maux myrmécophages, c’est-à-dire qui se nourrissent de Fourmis, et ils ont dans leur organisation quelques dispositions en rapport avec ce genre de vie. Cest à cause de ces divers points de ressem- blance que beaucoup de naturalistes sont convenus de les placer dans un même groupe sous le nom de Myrmecophagiens; mais Fr. Cuvier dit, au contraire, que l’on doit répartir ces animaux dans trois familles différentes; en effet, si l’on remarque que les Oryctéropes ont des dents et que les 240 HISTOIRE NATURELLE. autres en sont tout à fait dépourvus, on recongaîtra que des animaux aussi différents ne peuvent rentrer dans une même famille naturelle; de plus, les Fourmiliers, Myrmecophaga, où Myrméco- phages, ont le corps couvert de poils, tandis que les Pangolins ou Lépidophores ont des écailles, que l'anatomie philosophique démontre, il est vrai, ne constituer que des poils agglutinés,-mais qui, zoologiquement parlant, n'en constituent pas moins un caractère important. Nous adopterons, avec presque tous les auteurs modernes, ces trois groupes primaires, que nous indiquerons sous les dé nominations d'Oryciéropodidés, Myrmécophagyidés et Manidés, du mot Manis, nom latin des Pan- golins. GENRE UNIQUE. — ORYCTÉROPE. ORYCTEROPUS. Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, 1792. Ogvxrno, fouisseur; cvs, pied. Bulletin de la Société philomathique de Paris. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : molaires, 1=7; en totalité vingt-six dents, qui sont espacées ou distantes entre elles, sans racine ni couronne distincte, étant d’une substance osseuse, traversées longitudinalement par une multitude de petits tubes creux, droits, parallèles entre eux : la première molaire très- pelile, la deuxième un peu plus grosse, formée de deux cylindres accolés; la troisième et la qua- trième de même forme, mais plus grosses; la cinquième la plus grande de toutes, et la sixième seu- lement un peu plus grosse que La troisième. Tête très-allongée; museau médiocrement pointu, mais beaucoup plus toutefois que celui des Ta- tous. Oreilles très-grandes, pointues. Langue un peu extensible. Yeux moyens. Pieds de devant à quatre doigts; ceux de derrière plantigrades et à cinq doigts : tous pourvus d'ongles très-épais, plats, propres à fouir et se rapprochant légèrement des vrais sahots. Compo- sition des os du tarse et du métatarse assez sëmblable à celle des Pachydermes. Queue longue, arrondie. Peau très-épaisse, comme celle des Pachydermes, recouverte de poils roides et rares. Le genre Oryctérope a été établi, à la fin du siècle dergier, par Et. Geoffroy Saint-Hilaire, pour une seulé espèce qui habite l'extrémité sud de l'Afrique, et que les Hollandais du cap de Bonne- Espérance appellent Cochon de terre, sans doute à cause de son long museau en forme de groin, et de l'habitude qu'il a de creuser, sinon avec son groin, du moins avec les ongles puissants de ses pieds de devant, un terrier dans lequel il se retire pendant le jour; peut-être aussi à cause de ses poils roides, qui ont quelque analogie avec les soies du Sanglier. Pallas, Vosmaër, Pennant, Schreber, Zimmermann, Allamand, Gmelin, etc., regardèrent l'Oryctérope comme une espèce de Fourmilier. En 1777, P. Camper en publia une description assez détaillée, et montra la véritable composition de ses dents, qui l’éloigne beaucoup des Myrmecophaga; Et. Geoffroy Saint-Hilaire étudia mieux l'or- ganisation de ces dents, qui sont uniquement des molaires, et montra définitivement qu'on devait sé- parer ses Édentés des Fourmiliers. Lesson, en 1840, dans un ouvrage intitulé : Des Mammifères quadrumanes, suivi d’un mémoire sur les Oryctéropes, en a signalé une nouvelle espèce qui habite les contrées sablonneuses du Sénégal. Enfin M. J. Sundewall, dans les Mémoires de l'Académie royale des sciences de Stockholm pour 1841, a fait connaître une troisième espèce qui avait été découverte en Abyssinie, et, plus récemment, dans les Comptes rendus de l Académie des sciences de France, et surtout dans les Annales des sciences naturelles pour 1859, le professeur Duvernoy sem- ble avoir démontré que cette dernière espèce est bien distincte, et qu’elle se trouve non-seulement en Abyssinie, mais encore sur les bords du Nil-Blanc. Le système dentaire des Oryctéropes est aujourd'hui assez bien connu. D’après Fr. Cuvier, il se compose de vingt-six dents, toutes d'une seule sorte ou des molaires. Ces dents ont une structure qui leur est tout à fait particulière; leurs racines ne diffèrent nullement de leur couronne, mais elles # ñ LE a Fig. 1. — Oryctérope. Fig. 2. — Tamandua. PL. 5G. ÉDENTES. 241 ne présentent pas de capsule dentaire, comme dans toutes les espèces de dents des autres Mammifères; elles semblent offrir un mode particulier de développement pour ces organes. Comme toutes les dents dépourvues de racines proprement dites, elles paraissent croître constamment; mais, au lieu d'être formées de couches successives et toujours renaissantes, elles le sont, en apparence du moins, de fibres longitudinales, pentagones, et dont le centre serait percé ou rempli d’une substance de couleur plus foncée que ces fibres. À la mâchoire supérieure, la première molaire est un point rudi- mentaire qui ne paraît pas sortir des gencives, ce qui fait que très-souvent, dans la formule dentaire de ces animaux, on n’a compté que six molaires supérieures de chaque côté; la seconde est une très- petite dent comprimée, obtuse; la troisième commence déjà à servir à la mastication, elle est ellipti- Que; la quatrième, plus grande que la troisième, a la même forme générale qu'elle; la cinquième et la sixième sont de même grandeur, l’une et l’autre ont une dépression longitudinale à leurs côtés interne et externe qui les partage en deux parties égales et leur donne la forme de deux portions de cylindres réunies; la septième est simple et à peu près de la forme de la quatrième. Toutes ces dents ont la surface de leur couronne à peu près unie. A la mâchoire inférieure, la première molaire est petite, comprimée, obtuse, et semblable à la seconde de la mâchoire opposée; la deuxième et la troi- sième ressemblent à la troisième et à la quatrième de cette dernière mâchoire; la quatrième est plus petite que la cinquième, mais toutes deux ont la même forme et se composent de deux cylindres réunis; enfin la dernière est semblable à l’analogue d’en haut. Dans leur position réciproque, la pre- mière dent de la mâchoire supérieure n’en a pas qui lui soit opposée; les trois suivantes sont à peu près alternes à celles qui leur correspondent; les autres le sont moins : les supérieures sont, anté- rieurement des trois quarts de leur couronne, en rapport avec une portion postérieure analogue des inférieures, ce qui fait que le quart restant des unes et des antres présente un léger biseau. Duver- noy, dans le mémoire que nous avons cité, décrit avec grand soin et figure la structure microscopi- que de ces dents, et il les divise, dans les trois espèces, d’après leur forme et leur grandeur rela- Lives, en arrière-molaires et en avant-molaires. L'ostéologie des Oryctéropes a occupé plusieurs anatomistes: nous en dirons seulement quelques mots d'après le travail de Duvernoy, qui a cherché à comparer sous ce point de vue les deux espèces du Cap et de l'Abyssinie. La forme du museau et celle de la face diffèrent sensiblement; l'espèce du Cap a le profil plus droit, et dans celui d’Abyssinie le museau paraît bombé à sa base, s'abaisse, et se rétrécit sensiblement dans le milieu de sa longueur; enfin dans celui du Sénégal le front est encore plus bombé, avec une forte dépression médiane au fond de laquelle se trouve la suture des deux frontaux. Les pariétaux, qui s'étendent en arrière jusqu'à la crête occipitale, sont plus longs dans l'espèce du Cap; les frontaux de même. Le trou occipital est rond dans l'espèce d'Abyssinie, plus transversal, plus large que long, et plus grand à proportion dans celle du Cap, dont toute la face occipitale du crâne est aussi plus large. Un petit condyle supplémentaire plus en dedans et plus bas que le condyle principal, et qui en est un peu séparé par une échancrure, se remarque dans les deux espèces; ce qui présente quelque analogie avec ce que l'on voit dans le Priodonte géant. Quelques caractères différentiels importants doivent être notés relativement à la mandibule; les branches de la mâchoire inférieure sont plus longues dans l'Oryctérope du Cap; sa partie montante est à la fois plus large et plus haute depuis son angle arrondi jusqu'à l’apophyse postérieure qui la termine; cette apo- physe est placée plus bas dans l'Oryctérope d’Abyssinie, ainsi que l'échancrure qui la sépare de l'apo- physe condyloïde : de sorte que la surface d'attache du muscle masséter est triangulaire, et montre de profondes impressions musculaires : dans l'Oryetérope du Sénégal, la forme de la branche mon- tante de la mâchoire inférieure a encore plus les caractères carnassiers; l’apophyse cotyloïde étant encore plus bas, et l’échancrure qui la sépare de l’apophyse coronoïde plus courte. « Gette forme de la branche montante de la mâchoire, dit Duvernoy, rapproche un peu davantage cette espèce des Mammifères carnivores, et les impressions musculaires, qui indiquent des museles plus forts, sem- bleraient montrer, dans l'Oryctérope d'Abyssinie, des habitudes plus carnassières, ainsi que l’indi- quent les renseignements recueillis par M. D'Abbadie sur les mœurs de cet animal. Le nom de Déter- reur de cadavres que lui donnent les Abyssins fait preuve qu'il est loin de se contenter de Fourmis, et qu'il recherche les chairs décomposées. » 11 y a six vertèbres sacrées dans l'espèce du Cap, et cinq seulement dans celle d’Abyssinie; dans cette dernière, le premier des quatre doigts de devant est le plus grand, et dans la première c’est le second. P 31 249 HISTOIRE NATURELLE. Les Oryctéropes, qui ont beaucoup de rapports avec les Tatous et les Fourmiliers, s’en distinguent bien aisément en ce que leur corps est couvert de poils semblables à ceux de la plupart des Mammi- fères, quoique assez rares et assez roides, et par l'existence, quoique imparfaite, d’un système den- taire. Leur tête est très-allongée, de forme généralement conique, et terminée par une sorte de bou- toir; les oreilles sont membraneuses, longues, pointues; le corps est assez long; la queue renflée à la base et de forme conique; les membres robustes, assez courts : les postérieurs plantigrades, penta- dactyles, et les antérieurs digitigrades, tétradactyles; les ongles sont très-forts, très-épais, très- comprimés, entourant presque toute la phalange onguéale; la peau, dure et très-épaisse, est presque aue sur les oreilles et sur le ventre, garnie de poils ras sur la tête, sur les trois quarts postérieugs de la queue et sur la partie postérieure de l’avant-bras; le reste du corps, des membres et de la queue est couvert de poils soyeux, rudes, peu abondants et de grandeur moyenne. L'espèce type est : ORYCTÉROPE DU CAP. ORYCTEROPUS CAPENSIS. Ët. Geoffroy Saint-Hilaire. CaRACTÈRES sPÉCIFIQUES. — Corps épais, ayant quelque rapport éloigné avec celui du Cochon, bas sur jambes; tête très-longue, à grandes oreilles, et yeux plus rapprochés de celles-ci que du bout du museau; langue mince, plate, longue de plus de 0",40, et enduite d'une matière visqueuse; queue très-forte dès son origine, et diminuant jusqu’aut bout; ongles robustes, arrondis : ceux des pieds de derrière beaucoup plus gros que ceux des pieds de devant; poils de la tête, du corps et de la queue assez courts : ceux du dos et des flancs plus longs, d’un gris sale, un peu roussâtres sur les flancs et sous le ventre, et d’un brun obscur vers les extrémités des pieds. À peu près de la même taille que le Tamanoir, ayant environ 1°,015 de longueur depuis le bout du museau jusqu’à l'origine de la queue : celle-ci ayant 0°,055. (Voy. Atlas, pl. XXXVI, fig. 1.) Cette espèce a été indiquée par Kolbe sous la dénomination de Cocnon pe verre; elle a très- longtemps porté, dans les catalogues mammalogiques, d’après Pallas, le nom de Myrmecophaga Capensis. L'Oryctérope, qui était jadis très-commun aux environs du cap de Bonne-Espérance, mais qui chaque jour y devient de plus rare en plus rare, est un animal fouisseur et nocturne qui se creuse des terriers qui lui servent de demeure; sa nourriture ordinaire consiste en Fourmis, qu'il engloutit au moyen de sa langue longue, ce qui donne à sa chair un goût très-prononcé d’acide formique. C’est cependant un gibier assez recherché des Européens et des Hottentots. Kolbe a donné quelques dé- tails intéressants sur ses mœurs. « La terre, dit-il, sert de demeure à l'Oryctérope; il s’y creuse une grotte, ouvrage qu'il fait avec beaucoup de vivacité et de promptitude; et, s’il a seulement la tête et les pieds de devant dans la terre, il s'y cramponne si bien, que l’homme le plus robuste ne saurait l'en détacher. Lorsqu'il a faim, il va chercher une fourmilière. Dès qu'il a fait cette bonne trouvaille, il regarde tout autour de lui pour voir si tout est tranquille, et s’il n’y a pas de danger. Il ne mange jamais sans avoir pris cette précaution; alors il se couche en plaçant son groin tout près de la four- milière, étire la langue tant qu'il peut, les Fourmis courent dessus en foule, et, dès qu'elle en est bien couverte, il la retire et les gobe toutes. Ce jeu recommence plusieurs fois et jusqu'à ce qu'il soit rassasié. Afin de lui procurer plus aisément cette nourriture, la nature a fait en sorte que la partie supérieure de cette langue qui doit recevoir les Fourmis est toujours couverte et comme enduite d’une matière visqueuse et gluante qui empèche ces faibles animaux de s’en retourner lors- qu'une fois leurs pattes y sont empêtrées; c'est là sa manière de manger. Il a la chair de fort bon goût et très-saine; les Européens et les Hottentots vont souvent à la chasse de ces animaux. Rien n'est plus facile que de les tuer. IT ne faut que leur donner un petit coup de bâton sur la tête. » Les deux autres espèces, dont nous avons indiqué quelques caractères distinctifs dans leur ostéo- logie, sont : 1° l'Orycteropus Senegalensis, Lesson, du Sénégal, dont le pelage est d’un jaune clair sur le dos et d’une nuance plus dorée sur la croupe, et qui provient du Sénégal, où il se nourrit prin- cipalement de Thermites, d'autres Insectes et peut-être de chair putréfiée; 2° l'Orycteropus Æthio- picus, Sandewall, chez lequel les poils sont peu fournis, grisätres, entremélés de quelques poils roides, noirs et blanes; tête blanchâtre, avec un peu de poils blanes sur le front; oreilles sans poils; ÉDENTÉS. 243 des poils noirs abondants sur les cuisses et les avant-bras, en dehors seulement; ongles noirâtres en entier aux pieds de devant, ce qui les fait ressortir sur le blanc sale des autres : cet Oryetérope provient de l'Abyssinie, et Duvernoy y réunit des individus envoyés du Nil-Blanc par M. D’Abbadie, qui fait remarquer que ce Mammifère recherche principalement les cadavres des animaux et est assez carnassier. CINQUIÈME FAMILLE. MYRMÉCOPHAGIDÉS. MYRMECOPHAGIDÆ. Ch. Bonaparte. Mâchoire inférieure réduite à l'état rudimentaire, non articulée d'une manière distincte avec la tête. Pas de traces de dents. Langue très-extensible. Oreilles courtes. Doigts tantôt au nombre de quatre devant et cinq derrière, tantôt de deux devant et quatre derrière. Ongles très-robustes, surtout ceux de devant. Queue longue, couverte de longs poils lâches, ou bien des poils ras ou préhensiles au bout selon les espèces. Cette petite famille, l'une des plus intéressantes de la classe des Mammifères, ne se compose que du seul genre Fourmiuier, Myrmecophaga de Linné, qui ne comprend que trois espèces bien posi- tives, et cependant les zoologistes modernes sont parvenus à y créer trois genres, un pour chaque espèce, ceux des Myrmecophaga, Tamandua et Didactyla, que nous n'adopterons que comme divisions très-secondaires. Tous les Myrmécophagidés, que le prince Charles Bonaparte nomme Myrmecophagidæ, et M. Gray Myrmecophagina, proviennent de l'Amérique du Sud. GENRE UNIQUE. — FOURMILIER. MYRMECOPHAGA. Linné, 1740. Mvpuré, Fourmi; gæyw, je mange. Systema naturæ. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Pas de dents d'aucune sorte. Tête plus ou moins allongée, terminée par un museau très-mince. Mâchoire inférieure très- grêle, sans branches montantes, et à peine mobile. Pas d'arcades zygomatiques. Oreilles petites, arrondies; yeux petits; langue très-longue, cylindrique, protractile. Corps allongé, couvert de poils; clavicules complètes, au moins dans le Didactyle. Pieds plus ou moins épais, pourvus d'ongles très-robustes, tantôt au nombre de quatre à ceux de devant et de cinq à ceux de derrière, tantôt au nombre de deux seulement en avant et de quatre en arrière; doigts toujours réunis jusqu'à la base des ongles. Queue très-longue, tantôt prenante, tantôt en panache. Estomac simple et musculeux vers l'orifice pylorique. Canal intestinal d'une médiocre étendue. Séparation de l'intestin en intestin grêle el en gros intestin, dans le Fourmilier didactyle, mar- quée par deux petits cœcums assez analogues aux cœcums pairs des Oiseaux. Connus peu de temps après la découverte du nouveau monde, les Fourmiliers, exclusivement pro- 244 HISTOIRE NATURELLE. pres au nouveau continent, sont devenus pour Linné, sous la dénomination de Myrmecophaga, un genre particulier qui entrait dans la division des Bruta, et qui a servi de type naturel à l'ordre des Édentés de Linné. Mais bientôt la connaissance de l'organisation tant externe qu'interne de quelques- unes des espèces de Fozrmiliers a montré la nécessité de former pour elles quelques groupes géné- riques distincts : c’est ainsi que Linné lui-même a créé le genre Wanis pour le Pangolin, et qu'Et. Geof- froy Saint-Hilaire a fondé celui des Orycteropus : de sorte que les Fourmiliers proprement dits sont américains, tandis que les Oryctéropes et les Pangolins appartiennent à l'ancien continent. Les na- turalistes modernes, et particulièrement M. Gray, ont été beaucoup plus loin, et pour eux le genre Fourmilier, qui ne renferme cependant que trois espèces bien authentiques, et déjà plus ou moius complétement indiquées par Buffon et par D'Azara, a été partagé en trois genres séparés, ceux des Myrmecophaga pour le Tamanoir, T'amandua pour le Tamandua, et Didactyla, pour le Fourmilier didactyle ou Fourmilier proprement dit, et encore ce dernier groupe a-t-il reçu différents noms sui- vant les auteurs : Dionyx pour M. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, Didactyla pour Fr. Cuvier, Myrmi- don pour M. Wagler, Cyclothurus pour Gray, ete. Pour nous, nous ne croyons pas devoir adopter ces Lrois genres, et nous ne les considérerons que comme des divisions secondaires du grand groupe naturel des Miyrmecophaga de Linné, quoique nous devions avouer que les différences qu’ils pré- sentent résident dans des organes importants, et que ce n’est guère que par leur faciès général qu’on peut les laisser dans un groupe unique. Les Fourmiliers sont des animaux d’une taille moyenne, dont les formes sont épaisses, les allures très-lentes, et les facultés de l'intelligence très-bornées. Leur museau extrêmement long; leur bou- che, qui ne consiste que dans une ouverture de quelques lignes, leurs yeux petits, donnent à leur physionomie un air si particulier, qu'on les distingue aisément de tous les autres Mammifères. Ce qui, au premier aspect, différencie surtout les Fourmiliers des autres Mammifères, c’est la forme de leur tête très-allongée et effilée en un long tuyau cylindrique. Les parois de ce tuyau, sur la grande partie de son étendue, sont formées par les mâchoires, dont les proportions, sur le squelette, rappellent celles de certains Oiseaux, ou est même plus long; en effet, dans le Tamanoir, la mâchoire supérieure est deux fois aussi longue que le crâne, et la voûte palatine occupe les onze douzièmes de la longueur de la tête; et cet excès énorme de longueur de la bouche dépend de ce que les palatins s'unissent sur la ligne médiane par tout leur bord interne en continuant ainsi le tube des narines. L’articulation du condyle maxillaire se trouve dans un plan vertical. Ces mâchoires ne jouissent pas d'une grande mobilité, et l’on peut dire que leur plus grand écartement n'excède jamais le douzième de leur longueur; elles sont bordées, sur les côtés, par la peau; l'ouverture de la bouche, ou plutôt la fente des lèvres, n’égale pas le quinzième de leur étendue. Les muscles qui meuvent la mâchoire inférieure sont plus faibles encore à proportion que dans certains Oiseaux, tels que les Bécasses, qui, tout en se nourrissant de proies molles, doivent cependant encore les saisir et les comprimer avec leur bec; aussi les Fourmiliers ne saisissent et ne compriment rien avec leurs mâchoires. Une langue tellement extensible, qu’elle excède deux ou trois fois la longueur de leur si longue tête, est projetée, toute couverte de glu, par l'ouverture terminale; l'animal la plie et la replie autour des Fourmis et des Thermites dont il a découvert et éparpillé les habitations avec son museau et ses pattes; il la retire couverte de ces Insectes, qui sont immédiatement avalés. I n°y a donc ici pas plus de mastication que dans les Poissons et la plupart des Oiseaux, et de plus il n’y a aucun serrement de la peau par les mâchoires; c’est un peu comme chez les Crapauds et les Grenouilles. Leurs yeux sont petits, et les oreilles, peu étendues, sont arrondies. Les os du nez occupent presque la moitié de la longueur du dessus de la tête. Les narines, déjà immenses, sont encore agrandies par deux grandes cellules de chaque côté. Le lobe olfactif et ses nerfs sont presque aussi développés que chez les Chauve-Souris. Le sens du goût est aussi très-actif, à en juger par la dimension du maxil- laire inférieur, triple du supérieur. I n'y*a aucune trace de dents ni à l’une ni à l’autre mâchoire. On a prétendu que les six dernières vertèbres cervicales étaient soudées ensemble, mais cela n’est pas exact. et la mobilité seule du cou du Fourmilier le démontre. Tous les détails de la construc- tion du tronc des Fourmiliers sont relatifs à la solidité de la poitrine et du dos pour servir de point d'appui à des membres antérieurs de beaucoup plus vigoureux que ceux de derrière. L'omoplate est creusée de trois fosses profondes; l'humérus, le radius et le cubitus sont hérissés de crêtes forte- ment prononcées séparant les faces rugueuses : l'humérus est proportionnellement plus large à son ÉDENTÉS. 245 extrémité inférieure que dans la plupart des autres Mammifères, ce qui tient à la saillie du condyle interne, laquelle est déterminée elle-même par la nécessité de fortes attaches pour les muscles flé- chisseurs des ongles, qui sont très-puissants. Il y a une forte clavicule dans le Didactyle, et il n’en existe que des traces dans les deux autres espèces de Fourmiliers. Les mains offrent des particularités remarquables : les phalanges onguéales sont disposées comme celles des Paresseux, de manière à ne pouvoir se réfléchir qu'en dessous, et y sont retenues à l’état de repos par de forts ligaments; leur base y est garnie, excepté sur le côté dorsal, d’une énorme gaîne osseuse dans laquelle l'ongle est enchâssé. Les ongles de ces animaux, tant en avant qu’en arrière, sont puissants et constituent leurs principaux moyens de défense. Le Tamanoir et le Tamandua ont une main à cinq doigts, mais à quatre ongles seulement, le doigt externe n'ayant pas de phalange onguéale et ne pouvant se voir que sur le squelette; dans le Fourmilier didactyle, il n'y a que deux doigts, l'index et le médius; les os sont plus gros en proportion que dans les autres espèces, et la première phalange se soude de bonne heure à la deuxième : le pouce et le petit doigt, dont on trouve les rudiments dans le sque- lette, consistent l’un et l’autre en un petit os mince, et qui n’apparaît point à l'extérieur. Les os des membres postérieurs sont loin d’avoir la solidité et surtout ces éminences si saillantes qui, dans les membres antérieurs, servent à la fois et de bras de levier, et de point d'appui à des muscles si vi- goureux. Aussi la progression de ces animaux est-elle très-lente; leur plus grande vitesse ne sur- passe pas celle d’un homme marchant à grands pas : ce qui ne dépend pas seulement de la faiblesse musculaire du train de derriere, mais aussi de la construction même et du poids des membres anté- rieurs, et surtout de la longueur de la réflexion des ongles couchés sous la main. Du reste, les os des membres postérieurs ne présentent rien de bien particulier, seulement il y a au tarse un os sur- numéraire articulé sur le cunéiforme interne, et qui, très-petit dans le Tamanoir et le Tamandua, s’allonge dans le petit Fourmilier et s’élargit de manière à former une sorte de talon, et les doigts postérieurs, ainsi que les ongles, sont au nombre de cinq. Les côtes ont une largeur telle, que leurs intervalles sont presque nuls, et que même, dans le Didactyle, elles se recouvrent comme des pièces de cuirasse. Les cartilages costaux sont ossifiés, et toutes les apophyses épineuses, lombaires et sacrées, sont presque égales. Le sternum a ses pièces particulières aussi bien ossifiées que dans les Oiseaux. Il y a trente vertèbres à la queue du Tamanoir, plus de trente à celle du Tamandua, et au moins trente-six à celle du Didactyle; dans tous, ces vertèbres offrent une difference très-remar- quable avec leurs homologues dans les Pangolins, car elles n’ont pas d’apophyses transverses, tan- dis qu’au contraire, chez ces derniers, ces apophyses sont si larges et si longues, que la longueur de chacune est double du diamètre du corps de la vertèbre. Ces vertèbres ont, en outre, des os en V très- développés. La queue du Tamanoir est lâche et ne peut lui être d'aucune utilité pour se mouvoir : celle du Tamandua et du Fourmilier didactyle est préhensile et leur sert en quelque sorte de cin- quième membre pour s’accrocher aux branches des arbres. La protaction de la langue des Fourmiliers est produite par la composition musculaire de cet or- gane, par une disposition spéciale de muscles qui ont leur point d'appui au sternum, et par la disposition de l’hyoïde. Le foie du Didaètyle, d’après Daubenton, est aussi étendu dans le flanc gau- che que dans le flane droit. Le grand cul-de-sac de l’estomac y représente au moins les. deux tiers de la capacité stomacale complète. Toute la longueur du canal intestinal n’est que de dix à douze fois celle de l'estomac. Sur toute cette longueur, l'intestin est bosselé et bridé comme le côlon de l’homme. Le voile du palais y est plus long que dans tous les autres animaux; l’épiglotte fourchu; le cerveau sans circonvolutions. Tous les Fourmiliers sont couverts de poils, en quoi ils diffèrent beaucoup des Myrmécophages de l'ancien continent, qui leur ressemblent d’ailleurs le plus pour tous les détails de la construction osseuse, le défaut absolu de dents et le régime alimentaire. Car les Pangolins sont entièrement cou- verts de fortes écailles cornées, plus solides que celles d'aucun autre animal. La nature du poil n’est pas la même d’une espèce de Fourmilier à l’autre. En marchant, ces Édentés ne portent à terre que le bord externe du pied; les ongles étant alors réfléchis en dedans et appuyés sur une large cal- losité du poignet. La queue du Tamanoir, garnie d'une grosse houppe de crins longs et roïdes, forme un grand panache, comme une queue de Cheval; au contraire, celle du Tamandua et du Didactyle est couverte de poils ras, elle est nue et préhensile à son extrémité. Les trois espèces placées dans ce groupe, comme les Bradypes, sont de l'Amérique méridionale, 246 HISTOIRE NATURELLE. dans cette région comprise entre la Plata au sud-ouest de l'Orénoque au nord. Presque aussi lourds et aussi peu capables de se défendre que les Paresseux, leur existence sur une aussi grande surface de l'Amérique, à travers laquelle de grands fleuves et surtout leurs débordements opposent à des animaux ainsi organisés des obstacles insurmontables, est une preuve manifeste que, dans chaque contrée, ceux qui y habitent sont autochthones, et n’y sont pas venus par émigration. Leur nourriture exclusive paraît consister uniquement en Fourmis et en Thermites. Le Tamanoir est essentiellement terrestre; le Tamandua monte parfois sur les arbres, et le Fourmilier didactyle est essentiellement arboricole. 1°" SOUS-GENRE. — TAMANOIR. MYRMECOPHAGA. Fr. Cuvier. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Quatre ongles aux pieds de devant, cinq à ceux de derrière. Queue longue, lâche, à poils dis- posés en forme de panache. Taille assez grande. Deux mamelles. L'espèce unique de ce groupe est le : 1. TAMANOIR. MYRMECOPHAGA JUBATA. Linné. CaRAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Corps très-long, assez bas sur jambes; tête très-mince, allongée, termi- née par une très-petite bouche et par des narines très-étroites et très-rapprochées l’une de l’autre; yeux assez petits, enfoncés et sans poils aux paupières; oreilles petites, rondes; cou assez dégagé; pieds épais, ronds, dont les doigts ne sont extérieurement distincts que par les grands ongles cour- bés et tranchants dont ils sont munis, et qui sont repliés en dessous et obliquement en dehors dans le repos; articulations peu flexibles; deux mamelles pectorales; poils de la tête très-courts : ceux du corps généralement longs de 0,006 à 0,008, très-grossiers et durs comme des soies de Sanglier; une sorte de crinière de poils longs de 0°,015 à 0°,095 sur la ligne dorsale; queue non prenante, ronde, garnie de poils nombreux, très-gros, très-secs, aplatis, ayant de 0",055 à 0,040 de lon- gueur, et tombant verticalement en forme de panache à droite et à gauche; couleur générale de la tête gris et brun, poils des parties supérieures du corps et de la queue mêlés de brun foncé et de blanc sale; une bande oblique, noire et bordée de blanc, commençant de chaque côté sur le poitrail, passant sur l'épaule et se dirigeant, en diminuant insensiblement de largeur, vers les Idmbes, où elle finit; jambes de devant d’un gris sale, mêlé de brun, avec deux taches noires, l’une sur les doigts et l’autre sur le tarse; jambes de derrière presque noires; poitrine et ventre d'un brun foncé tirant sur le noir. Longueur totale de la tête et du corps, 1",030. (Voy. Atlas, pl. XXXIL, fig. 4.) Cette belle espèce est connue vulgairement sous le nom de Tamanom, que Buffon lui a conservé; c'est le Tamandua de Laërt, de Maregrave et de Johston; l'Ours qui vir pe Fourmis, de Dampierre; le Guouroumy ou Fogoni de D'Azara; et zoologiquement Linné a voulu en faire deux espèces, ses Myrmecophaga tridactyla et jubata; mais on a reconnu qu’elles devaient être réunies, et le dernier nom a prévalu. Le Fourmilier habite une grande partie de l'Amérique méridionale; on le trouve surtout à la Guyane, au Brésil et au Pérou, et il est beaucoup plus rare depuis le Paraguay jusqu’à la rivière de la Plata. Il vit solitaire et se nourrit, ainsi que nous l'avons dit, exclusivement de Fourmis, dont il détruit un très-grand nombre de fourmilières. Sa démarche est lente, et il aime beaucoup à dormir. Il nage bien et monte aux arbres, si l’on en croit certains voyageurs, tandis que, selon D'Azara, et cette assertion semble tout à fait en rapport avec son organisme, il se tient constamment à terre. La fe- melle ne fait qu'un seul petit, et elle le transporte souvent sur son dos. On assure qu’à l’aide de ses fortes griffes il peut se défendre contre de grandes espèces de Felis, telles que le Jaguar et le Cou- guar : il a la vie très-dure, et on ne peut le tuer aisément. D’après le genre de vie de cette espèce, et cela peut s'appliquer aux autres espèces du même groupe, elle est destinée à disparaître un jour; ne Fig. 1. — Fourmilier Tamanoir PI. 32 ÉDENTÉS. 241 et plus la civilisation humaine prendra de développement dans l'Amérique méridionale, plus tôt la disparition aura lieu. | 9ve SOUS-GENRE. — TAMANDUA. TAMANDUA. Fr. Cuvier. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Quatre ongles aux pieds de devant. Queue prenante. Taille moyenne. Deux mamelles. Le type et espèce unique de ce groupe est le : 2. TAMANDUA. MYRMECOPHAGA TAMANDUA. A. G. Desmarest. CaracrÈREs spÉciriques. — Tête cylindrique, allongée, formant avec le cou un cône un peu re- courbé en dessous; bouche peu ouverte; yeux très-petits; oreilles arrondies; corps allongé, cylindri- que: jambes moyennes, assez robustes; pieds de devant à cinq doigts, dont quatre seulement sont visibles à l'extérieur, et dont l’interne est le plus petit, le troisième très-robuste et armé d’un ongle long de 0",006, et les deux autres intermédiaires pour la force entre celui-ci et le premier; pieds de derrière à cinq doigts, presque égaux en longueur et en force, mais décroissant néanmoins de dedans en dehors; queue ronde, très-forte, prenante, sans poils longs, et même nue dans le tiers de sa longueur, à partir de son extrémité; poil assez soyeux, luisant, ayant 0",007 dans sa plus grande longueur, sans sorte de crinière comme chez le Tamanoir, variant en coloration du gris sale au noir foncé, et ayant souvent une bande oblique d’une autre couleur sur chaque épaule, et diffé- rant suivant les variétés. Longueur totale de la tête et de la queue, 0°,70; la queue mesure envi- ron 0,40. (Voy. la figure du squelette, p. 215, et Atlas, pl. XXXVI, fig. 2.) Cette espèce est vulgairement connue sous les noms de Tamanpua, Buffon; de FourmiLiER À LONGUES OREILLES et de CaGuané, D'Azara; c'est le Tamandua Brasiliensis, Marcgrave; le Myrmecophaga tetradactyla et tridactyla, Linné; M. tamandua, À. G. Desmarest. Les variétés qu'il présente ont reçu des noms particuliers, tels que ceux de T'amandua jaunâtre, à œil taché, à deux bandes, à ventre brun, brunâtre, noir : et cette dernière, le M. nigra, Et. Geoffroy Saint-Hilaire, qui est en- tièrement noire, a quelquefois été décrite comme espèce particulière. Les jeunes sont d’un blanc nuancé de cannelle; ils sont très-laids, se tiennent sur le dos de leur mère, et s’accrochent souvent à sa queue, ils ne prennent pas la livrée de l'espèce avant leur seconde année, et, comme dans ce état ils ne dépassent pas encore en taille le Fourmilier didactyle, ils lui ressemblent assez pour que D’Azara, qui n’eut pas occasion de voir ce dernier, crût que la description qu’en avait donnée Buffon reposait sur un jeune Tamandua incomplet. Il habite la Guyane, le Paraguay et le Brésil, et vit de la même manière que le Tamanoir; mais il peut monter sur les arbres, et sa queue lui sert de moyen de préhension. Il se nourrit de Four- mis; mais D'Azara pense qu'il y joint le miel des Abeilles sauvages. Il répand une odeur de muse. 3° SOUS-GENRE. — DIDACTYLE. DIDACTYLA. Fr. Cuvier. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Deux ongles seulement aux pieds de devant. Queue prenante. Taille petite. Quatre mamelles. Une seule espèce, le : 3. FOURMILIER A DEUX DOIGTS. MYRMECOPHAGA DIDACTYLA. Linné. Canacrères spéciriques. — Museau proportionnellement moins allongé que dans les deux premières 248 HISTOIRE NATURELLE. espèces; tête arquée; langue étroite, un peu aplatie et peu allongée; yeux placés bas et peu éloignés des coins de la bouche; oreilles petites, cachées dans le poil; corps ramassé; cou court: queue très- longue, très-épaisse à la base, ayant son extrémité nue en dessous et aplatie, fortement prenante; jambes courtes, dirigées l’une vers l’autre, un peu comme celles des Écureuils; mains armées de deux ongles accolés l’un à l’autre, arqués, dont l'externe est beaucoup plus gros et plus long que l'interne; pieds ayant quatre ongles à peu près égaux; les paumes et les plantes obliques, nues et arquées sur elles-mêmes pour saisir les petites branches d'arbres; poil très-fin, long d'environ 0",002 sur le corps, très-doux au toucher, d’une couleur brillante, d'un blanc jaunâtre, teinté de roux clair; une ligne rousse assez prononcée sur le milieu du dos, dans la plupart des individus, et man- quant dans les autres, constituant alors le Myrmecophaga unicolor d'Et. Geoffroy Saint-Hilaire; quatre mamelles : deux pectorales et deux ventrales. Tête et corps ne dépassant pas 0°,018; queue ayant près de 0,025. Le FourMiLtER DIDACTYLE ou 4 DEUx polGrs est, de toutes les espèces de ce genre, celle que l’on a le plus souvent désignée sous le nom de Fourwurer, d'après Buffon; c’est le T'amandua minor flavescens oouatirioiiaca de Barrère, le Myrmecophaga minima de Brisson, le M. didactyla de Linné. On lui a réuni les espèces qu'on a voulu en distinguer : Et. Geoffroy, sous la dénomination de M. unicolor, et A. G. Desmarest, sous celle de M. annulata, d'après une figure donnée par Krusenstern, et qui n’en diffèrent que par le système de coloration. Ainsi que nous l'avons déjà dit, plusieurs zoologistes ont proposé de faire avec cet Édenté un genre particulier; pour M. Gray, c’est celui des Cyclothurus (aux, cercle; ous, queue); Didactyla (de, deux; duxruxes, doigt), Fr. Guvier; Dionyæ (d:, deux; ë, ongle), Isid. Geoffroy Saint-Hilaire; Myrmydon (nom mythologique), Wagler. Le Fourmilier didactyle se trouve dans la Guyane et le Brésil. Il se tient habituellement sur les arbres, qu'il ne quitte que très-rarement, où il attaque les nids de certains Thermites, et où il re- cherche également des Insectes sous les écorces mortes. Il se suspend aux branches à l’aide de sa queue prenante, ainsi que de ses pattes, dont la partie nue est disposée de manière à saisir fortement. Sa démarche est lente et silencieuse. Il ne fait, assure-t-on, qu'un seul petit par portée, sur des feuilles ou dans un creux d'arbre; et ce petit aime à s’accrocher sur le dos de sa mère, de la même manière que plusieurs espèces de Marsupiaux. Fig. 57. — Fourmilier didactyle. . 4 * # . st "ne. w si si iv br 4 ne ed: cape 1° nt | L rap ins Hd ronde Th borne dostempint nt LLLLE ri rte rl sue sutté réal bi mie : | dater sénat derni su en a DAME ET (LUE gras Lois “acrapenor ST abrite tr met MA i ag an Lepnale dr dateir ss msian eines éd'éessautt J eye ist ss A ag mue dr re Fos à Ÿ ML, hotateit 7h doter AT PTT mtnoe Mi bois mi svee ;yo{frer NT romandiian demie ter 1 ES | GR My Gand ex sn ardt Loribanenr UE 160) art MF MORE IR € ce N Leger Job RAR drone" rit eg le di A nos erio er 5 detre ot Shot PIN te 7 aies A7 US CT AURAS, ELUUL EC CUT SE ET PAS RENTE. 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Gray nomme Manina, et qui ne comprend que le genre si curieux des Pancorns ou Manis de Linné, représen- tant dans le nouveau continent le genre Fourmilier du nouveau monde. Par la nature des téguments qui recouvrent le corps de ces Édentés, on les a quelquefois réunis aux Tatous; mais il y a une très- grande différence entre les uns et les autres; car, tandis que dans les Tatous les écailles sont formées dans l'intérieur même de la peau, celles que nous offrent les Pangolins sont produites par des poils agglutinés. Ce groupe d'animaux, dont nous donnerons les caractères détaillés en décrivant le genre Pangolin, présente beaucoup de rapport avec celui des Fourmiliers, avec lequel il était jadis réuni. En effet, ils ont des formes analogues, une organisation à peu près semblable, leurs mœurs sont les mêmes, et tous deux sont myrmécophages. GENRE UNIQUE. — PANGOLIN. MANIS. Linné, 1748. Manis, uom propre. Systema naluræ. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Pas de dents d'aucune sorte. Museau très-prolongé; bouche petite, terminale; langue très-longue, roïde, protractyle: yeux pe- tits; pas d'oreilles externes; méat auditif très-rapproché des yeux. Mächoire inférieure très-grêle, sans branches montantes; arcades zygomatiques incomplètes. Corps très-allongé, très-bas sur jambes, recouvert de fortes écailles cornées, triangulaires, tran- chantes par leurs bords et imbriquées. Pieds à cinq doigts, armés d'ongles robustes, crochus. Phalanges onguéales bifurquées. Queue en général très-longue, excédant de beaucoup la longueur du corps, ou bien lui étant égale ou même inférieure, aussi large que la croupe à sa base, et en faisant la continuation, dé- primée, très-légèrement bombée en dessus, plane en dessous et recouverte d’écailles comme le corps. Deux mamelles pectorales. Estomac légèrement divisé dans le milieu; pas de cœcum. Le nom de Paxcoui, adopté par les auteurs français pour ce groupe, des plus curieux, vient du ne 52 250 HISTOIRE NATURELLE. mot Pangoclling où Pangulling, qui est en usage dans l'Inde pour désigner l'espèce la plus connue de ce genre. Linné, qui d'abord le réunissait à ses Fourmisiers où Myrmecophaga, lui a appliqué la dénomination latine de Manis, qui a été adopte par Schreber et par tous les zoologistes, à l’ex- ception de Brisson, qui a proposé celle de Pholidotus, et de Storr, ainsi que de quelques naturalistes allemands et anglais, qui l'ont adoptée. En outre, Rafinesque a cru devoir former deux genres dis- tincts dans ce groupe naturel, ceux des Pancouins, Pangolinus et des Praracins, Phataginus, que nous ne considérons que comme de simples subdivisions génériques. Les espèces de Pangolins, toutes propres à l'Asie et à l'Afrique, sont peu nombreuses, car on n’en a guère fait connaître qu’une dizaine, caractérisées principalement par les proportions de la queue et le nombre et la disposition des écailles. On ne connait que des espèces vivantes de ce genre; toutefois, G. Cuvier signale une phalange onguéale, bifurquée, fossile, que l'on a cru pouvoir rapporter à une espèce gigantesque du même groupe, mais qui appartient plutôt à un genre de Mégathéridés. Fig. 58. — Pangolin à grosse queue. Une espèce de ce genre, le Pancouin, Manis pentadactylus, Linné, qui habite l'Inde, est signalée depuis longtemps. Élien l'a indiquée sous le nom de Phattagen, et certains voyageurs l’ont désignée sous celui de Lézard écailleux; les autres espèces ont été décrites par Buffon, par A. G. Desma- rest, et beaucoûp plus récemment par MM. Sundewall, en 1842, dans les Mémoires de l'Académie de Stockholm; Wagner, en 1844, dans les Suppléments aux Mammifères de Schreber, et Focillon, en 4850, dans la Revue et Magasin de z00!ogie, qui en ont publié soit des monographies, soit des des- criptions d'espèces nouvelles. Ces Édentés sont, par le défaut absolu de dents et par leur genre de nourriture, les représentants des Fourmiliers d'Amérique dans l’ancien continent. Leur singulier appareil dermique leur donne aussi quelque analogie avec les Tatous, quoique cet appareil présente des différences organiques im- portantes, ainsi que nous l'avous dit. Les Pangolins sont des animaux très-remarquables par leur forme générale et par les écailles fortes et nombreuses qui recouvrent leur corps en dessus. Ils sont de forme allongée, demi-cylin- drique; leur tête est amincie vers le haut; leur queue très-grosse et très-longue; leurs membres sont robustes et armés de fortes griffes; en un mot, ils ressemblent assez à des Sauriens, dont les écailles seraient imbriquées, et il n'y a pas lieu d'être surpris que des personnes peu versées dans l'histoire naturelle les aient désignés par le nom de Lezards. Leur tête est un cône plus ou moins allongé, à base arrondie de toute part; leur museau est par conséquent plus ou moins prolongé; leur bouche est petite, terminale, tout à fait dépourvue de dents de quelque nature que ce soit. Leur langue est très-longue, ronde, susceptible de sortir de la bou- che comme celle des Fourmiliers, et ayant la même organisation. Leurs yeux sont petits, ronds, pla- PTT ve ÉDENTÉS. 254 cés à peu près à moitié de la longueur de la tête, vers le bas de ses côtés. Il n’y a pas d'oreilles externes, et le méat auditif est très-rapproché des yeux. Leurs pieds sont tous pourvus de cinq doigts armés d'ongles robustes et crochus. Leur queue, très-longue, mais variant-sous ce rapport suivant les espèces, est aussi large que la croupe à sa base, et en fait la continuation; comme le corps, elle est bombée en dessus, plane en dessous, et couverte de larges écailles cornées, triangulaires, imbri- quées en quinconce, attachées à la peau par leur base, et ayant leur surface supérieure plus ou moins striée en long. G. Cuvier, dans ses Ossements fossiles, a décrit avec soin le squelette des Manis pentadactylus et brachyurus. Dans la tête, les orbites sont ronds, petits, placés vers le bas des côtés de la tête, et consèquemment très-éloignés l’un de l’autre; les arcades zygomatiques sont incomplètes, et les deux apophyses qui les forment ne se joignent que par un ligament; il n’y a pas d'os jugal; les os du nez sont échancrés à leur bord inférieur, et entrent par le haut dans une échancrure commune des os du front; l’os maxillaire n'entre pas dans l'orbite, il finit au point où il donne son apophyse zygomati- que, qui est courte et pointue; il n°y a pas d'os lacrymal, ou, s'il y en a un, il est excessivement pe- tit; la surface fronto-pariétale est à peine anguleuse en arrière entre les bords postérieurs des parié- taux. Il n'y a pas d’interpariétal. La caisse du tympan ne doit s'ossifier que très-tard, et, dans le jeune âge, elle a l'aspect d’un anneau vésiculeux. Les intermaxillaires sont assez longs, et montent obliquement jusqu’à la moitié de la hauteur des os du nez; il n'y a pas de dents; le maxillaire et le palatin sont renflés le long de leur côté, en sorte que le milieu du palais forme un long demi-canal; il n'y a pas d’apophyses ptérygoides externe ou sphénoïdal; le trou sous-orbitaire est petit; le trou optique est médiocre; le sphéno-orbitaire rond, grand: le condyloïdien, large; le déchiré postérieur et le carotidien sont très-petits. La mañdibule est assez faible et sans branches montantes. Dans le Pha- tagin (Manis brachyurus), la tête est plus grêle, et surtout on doit remarquer qu’à la place où de- vrait être l'os lacrymal il y a une grande pièce ovale, sans aucun trou, que G. Cuvier regarde comme appartenant à l'ethmoiïde; mais il n’y a nulle trace du trou lacrymal. L’omoplate, comme dans les Fourmiliers, est très-large d'avant en arrière; son arête est saillante et placée à peu près au milieu de la face externe, et son bord spinal est arrondi; l'humérus est gros, court et surtout très-large dans le bas; les deux os de l’avant-bras sont distincts; l'articulation du radius se fait en ginglyme et cor- respond à la fois aux deux portions saillantes de la partie qui termine l'humérus; le radius est d'ail leurs aplati et élargi dans le bas; le cubitus est aussi très-robuste, concave en dehors, et pourvu d'un olécrâne assez fort. Les phalanges onguéales sont disposées de manière à ne pouvoir se recour-: ber qu’en dessous; ct y sont en effet retenues à l'état de repos par de forts ligaments : leur pointe est fourchue, tandis que dans les Fourmiliers elle est simplement sillonnée en dessus; le doigt du milieu est de beaucoup plus fort que les autres, et les externes sont les plus petits; le scaphoïde et le semi-lunaire du carpe ne font qu’un seul os, comme dans les Carnassiers. Dans le bassin, il n'y a pas d’échancrure ischiatique, mais un trou ovalaire, parce que l’ischion vient s'unir à la dernière vertèbre sacrée, qui a des apophyses pour le recevoir; l'os des îles, de forme prismatique, est ter- miné, en avant, par un renflement. Le fémur tout entier est large et plat d'avant en arrière, et la tête inférieure est aussi large que longue; le tibia et le péroné sont bien distincts; le péroné est bien complet vers le bas, et le tibia arrondi en avant : l'articulation de l’astragale avec le tibia n’a pas l'obliquité qu'on remarque dans les Paresseux : aussi le pied des Pangolins, comme celui des Fourmiliers, est aussi solide que celui d'aucun animal; le pied de derrière est assez semblable à ce- lui de devant par le nombre et la proportion des doigts; seulement ils sont un peu plus forts. Quant aux os du tronc, les Pangolins se font surtout remarquer par la force de leurs vertèbres caudales et par l'étendue en largeur de leurs apophyses transverses. On compte quarante-sept vertèbres dans la queue du Phatagin, et vingt-six seulement dans celle du Pangolin proprement dit, qui a de plus trois vertèbres sacrées, six lombaires, quinze dorsales et sept cervicales; enfin, dans le Phatagin, on ne trouve que treize vertèbres dorsales et cinq lombaires. Les apophyses épineuses du dos de ces deux animaux sont carrées et se touchent presque comme dans le Tamanoir. Les côtes sont, dans le Pan- solin, au nombre de quinze paires, et l'on remarque un petit vestige de la seizième, tandis que dans le Phatagin il n’y en a que treize. Les pièces du sternum sont au nombre de huit, et de forme aplatie; les trois avant-dernières sont placées transversalement, et la dernière de toutes très-longue, ey- lindrique et fourchue dans le Pangolin, aplatie dans le Phatagin, vont jusqu'au bassin et aident 252 HISTOIRE NATURELLE. beaucoup ces animaux à se ployer en boule à la manière des Hérissons. Depuis les travaux de G. Cu- vier, quelques particularités anatomiques ont été signalées par divers auteurs; nous ne pouvons ana- lyser ces divers travaux, et nous nous bornerons à indiquer une note publiée à ce sujet, avec des descriptions d'espèces nouvelles, par M. Focillon, dans le volume de 1850 de la Revue et Magasin de Zoologie. Chez ces animaux, les organes de la reproduction sont séparés de l'anus comme dans les Mammi- fères ordinaires. L’estomac est légèrement divisé dans le milieu; il n'y a pas de cœcum. Les ma- melles ne sont qu'au nombre de deux. Quoique l'on ait souvent recueilli des Pangolins, et que les dépouilles de ces animaux ne soient pas rares dans nos musées, on ne connaît qu'assez peu leurs mœurs. On sait seulement qu'ils se nourrissent de Termites, comme le font les Fourmiliers d'Amérique, en plongeant leur langue vis- queuse dans les débris des habitations de ces Insectes, habitations qu'ils ont préalablement détruites avec leurs ongles puissants; lorsque leur langue est couverte de Termites, ils la font rentrer subite- ment dans leur bouche pour avaler cette proie, ne tardant pas à la faire sortir de nouveau pour saisir de nouveaux Insectes. Ils mangent aussi des Vers, de petits animaux et peut-être des matières ani- males molles et à l’état de putréfaction. Ils marchent avec lenteur, et n'échappent à leurs ennemis qu'en se roulant en boule sur eux-mêmes, position qui relève les pointes de leurs écailles et les rend assez difficiles à aborder. On dit qu’ils se creusent des terriers, et, si on pouvait, par l’analogie des formes extérieures, déduire la similitude des mœurs, on devrait le penser; car on sait que les Four- miliers, qui ont, par leur organisme, tant interne qu’externe, tant de rapports avec les Pangolins, se font des terriers où ils se réfugient au moindre danger. 4 SOUS-GENRE. — PANGOLIN. PANGOLINUS. Rafinesyque. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Queue de la longueur du corps ou plus courte que lui. Tous les pieds entièrement écailleux en dehors. Ongle interne de chaque piedl à peu près égal à l'externe et au même niveau que lui. Ecailles du corps plus ou moins arrondies, avec des stries plus ou moins marquées. Cette division, indiquée par Rafinesque pour deux ou trois espèces ayant pour type le Pangolin pro- prement dit, a été mieux définie dans ces derniers temps par M. Sundewall, et adoptée par MM. Wag- ner et Focillon. On y range aujourd’hui six espèces. A. Séries d’écailles dorsales au nombre de vingt et une. Une seule espèce : 1. PANGOLIN DE GUY. MANIS GUY. Focillon CARAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Queue moins longue que le corps et la tête réunis, large à son origine et se rétrécissant progressivement; trente et une séries longitudinales d’écailles d’un flanc à l'autre: vingt-cinq écailles à la série médio-dorsale ; écailles larges, courtes, obtuses, avec quatre stries, amincies à la pointe, jaunâtres; ongles médians assez forts, faiblement courbés au bord supérieur : le bord inférieur presque droit. Longueur totale, 0",510; la queue mesure 0,255. Cette espèce a été fondée sur un jeune individu (voyez Atlas, pl. XXXV, fig. 4) provenant d’A- frique. B. Séries d'écailles dorsales au nombre de dix-sept. Trois espèces : * ÉDENTÉS. 293 9, PANGOLIN DE JAVA. MANIS JAVANICA. À. G. Desmarest Caracrères srécrriques. — Tête pointue, couverte d'écailles moyennes jusque sur le bout du mu- seau en dessus et en dessous; écailles dorsales formant dix-sept ou dix-neuf séries petites, très-nom- breuses; queue plus courte que le corps, déprimée; dessous de la tête, ventre et pattes dénués de poils; écailles dorsales minces, striées, brunes, plus claires sur les bords; ongles disposés comme dans l'espèce précédente, mais plus forts. Longueur totale, 0",510; de la queue, 0,234. Cette espèce avait été confondue par Schreber avec le Manis pentadactyla, et par Buffon avec le Pangolin; c’est le Paxcorun pes Inpes de G. Cuvier, le PANGOELING de Valentyn, le Lacertus Indicus et Diable de T'ajoan de Bontius, et le Pançorn pe Java (Manis Javanica) d'A. G. Desmarest. On le trouve à Java, Sumatra, Bornéo et même aux Célèbes; il habite les bois et les montagnes, et gîte dans les ereux des arbres et sous les racines. Il fouit, attaque les nids des Termites et des Fourmis, et se nourrit de ces Insectes: il mange aussi des Coléoptères et des Vers. Sa chair est recherchée, ses écailles, enfilées en collier, se portent comme un préservatif contre diverses maladies. Les deux autres espèces du même groupe sont : 40 le PancouiN DE Dacmanx (Manis Dalmanni), Sundevall, décrit pour la première fois par Dalmanh, qui est court, épais, à ongles presque droits, presque trigones : les antérieurs deux fois plus longs que les postérieurs, et qui se trouve en Chine auprès de Canton; 2 le Manis aspera, Sundevall, à ongles antérieurs et postérieurs égaux, recour- bés, à écailles des flancs et des pattes fortement carénées; de Java; et qui est quelquefois réuni au Manis Javanicu. G. Séries d'écailles dorsales au nombre de onze à douxe . Deux espèces, la plus commune du genre est : 5. PANGOLIN. MANIS LATICAUDATA. Illiger. CaracrÈères sréciriques. — Tête petite, pontue, conique; museau allongé, étroit; corps assez gros; queue plus courte et très-large à la base; écailles dorsales disposées en séries longitudinales au nombre de onze à treize, striées à la base; série d’écailles médianes complètes; dessous du corps, de la tête et des pieds nus; quelques soies très-longues naissant sous les écailles, dont la couleur est blanche. Plus grand que les espèces précédentes. Cette espèce, la plus anciennement connue de toutes celles du genre, a reçu un assez grand nom- bre de noms différents; sa synonymie, d'après M. Focillon, est la suivante : Manis laticaudata, Iliger, Wagner; laticauda, Sundevall; pentadactyla, Linné; crassicaudata, Et. Geoffroy Saint- Hilaire; macroura, À. G. Desmarest; brachyura, Erxleben; alanga, Schreber; Vadjra-cita, Leslie; Short-tailed et Broad-tailed, Pennant:; PancouiN, Buffon; Paxcoumn à queue courte, Fr. Cuvier. Il habite l'Inde, Madras, Pondichéry, le Bengale, et probablement Assam. La dernière espèce de ce sous-genre est le Pancoun ne Temmincx (Manis Temminchü), Smuts, qui habite l'Afrique tropicale, aux environs des colonies du Cap et de Port-Natal, et qui a été pris éga- lement dans le Sennaar. Ses caractères principaux sont : écailles dorsales très-fortement striées; la série médiane de la queue interrompue, de cinquante-six écailles; queue très-épaisse, arrondie et tronquée à son extrémité. 2° SOUS-GENRE. — PHATAGIN. PHATAGINUS. Rafinesque. CARACTÈRES DISTINCTIFS. LÀ Queue beaucoup plus longue que le corps. Pieds antérieurs écai!leux seulement à la base et en dehors : le reste couvert d'un poil rude; 254 HISTOIRE NATURELLE. — ÉDENTÉS ongles comprimés : premier ou interne très-pelit aux quatre membres, reculé en arrière du cin- quième ou externe. Écailles du corps étroites, allongées, ornées de stries parallèles. Cette division, jadis fondée pour le Phatagin seulement, comprend aujourd’hui trois espèces. A. Séries d'écailles dorsales au nombre de onze. 4. PHATAGIN. Buffon, PANGOLIN D'AFRIQUE. MANIS LONGICAUDATA. Shaw CarACTÈRES srÉCtFIQuEs. — Tête petite, corps allongé; queue très-grande, aplatie, presque double de la longueur du corps; écailles formant onze séries longitudinales sur le dos, oblongues, non trans- veñfsales : celles de la queue plus larges, un peu transversales; celles des côtés très-carénées, toutes noirâtres, avec une bordure jaune; des soïes brunes sur les parties internes et inférieures du corps. C'est le Lézann ve CLusius, le Manis longicauda de Sundevall, le M. tetradactylus de Linné, M. ma- croura, Erxleben; M. Africana, À. G. Desmarest; Pholidotus longicaudatus, Brisson; PancoziN À LONGUE QUEUE, Fr. Cuvier. Il habite l'Afrique occidentale, mais dans une partie difficile à déterminer, les auteurs qui citent le Sénégal et Sierra-Leone ayant confondu cette espèce avec les suivantes. B. Séries d’écailles dorsales au nombre de dix-neuf à vingt et une. 2. PANGOLIN TRIDENTÉ. MANIS TRIDENTATA. Focillon. CARACTÈRES sPÉCIFIQUES. — Queue dépassant en longueur la cinquième partie du corps; toutes les écailles tridentées, allongées, légèrement striées, brunâtres. Cette espèce, que nous représentons (Atlas. pl. XXXV, fig. 2), provient de la côte de Mozambique et est caractérisée par la forme de ses écailles, différentes de celles de toutes les autres espèces. Enfin la dernière espèce de Pangolin est le Manis tricuspis, Sundevall, ou Manis multiscutata, Gray, anciennement confondu avec le Phatagin, et qui s’en distingue en ce que quelques-unes de ses écailles présentent trois pointes, ce qui en même temps le rapproche du Manis tridentata. Provient de l'Afrique orientale. À hi = Apte 4 Fourmiher Tamanoir. (Voy page 21 [=7] | ce (EN Qt Le] CÉTACÉS. L'ordre des Cétacés comprend des animaux de très-grande taille, et qui, par plusieurs de leurs caractères extérieurs et intérieurs, semblent, lorsqu'on ne les étudie pas profondément, s'éloigner le plus des autres Mammifères, avec lesquels ils n’ont pas toujours été réunis. Ce sont des ani- maux sans pieds de derrière, à tronc se continuant avec une queue épaisse que termine une vageoire cartilagineuse horizontale, à tête se joignant au tronc par un cou si court et si gros, qu'on n'y aperçoit aucun rétrécissement, et composé de vertèbres cervicales très“minces et en partie sou- dées entre elles, enfin à extrémités antérieures ayant les premiers os raccourcis et les suivants apla- tis et enveloppés dans une membrane tendineuse qui les réduit à de véritables nageoires. D'après ce que nous venons de dire, on voit que Les Cétacés ont presque en tout la forme extérieure des Pois- sons, excepté que ceux-ci ont la nageoire de la queue verticale; aussi ces animaux se tiennent-ils constamment dans les eaux, où ils nagent avec une très-grande facilité; mais, comme ils respirent par des poumons, ils sont obligés de revenir souvent à la surface de l’eau pour prendre de l'air, ce que la forme de leur queue, qu'ils fléchissent de haut en bas dans le mouvement de progression, leur permet de faire facilement; et quelques-uns d’entre eux, les moins cétacés, si nous pouvons nous servir de cette expression, peuvent même, dit-on, se traîner sur le sol au bord de la mer. Comme nous l'avons déjà dit, pendant très-longtemps les naturalistes, et encore même aujourd'hui le vulgaire, ont regardé les Cétacés, c’est-à-dire les Dauphins, les Baleines, les Cachalots, ete., comme des Poissons, et cela par suite de la forme de ces animaux, qui nécessite le milieu dans lequel ils vivent. Brisson et surtout Bernard de‘ Jussieu ont démontré, les premiers, qu'ils appar- tiennent réellement à la classe des Mammifères, parce qu'ils ont une double circulation complète et parce qu'ils nourrissent leurs petits du lait de leurs mamelles. Toutefois les différents groupes génériques de l’ordre des Cétacés ne se rapprochent pas les uns des autres par de nombreux points communs d'organisation; ils sont loin de former un ordre bien naturel : aussi certains naturalistes, et principalement De Blainville, ont-ils cherché à en distraire les espèces dont le geure de vie est plus aérien que les autres, et les ont-ils, peut-être à juste raison, rapprochés des Éléphants, tandis que ceux qu'ils ont laissés dans cette grande division primaire ont alors formé un ordre plus homogène. Ge qui établit leurs rapports les plus intimes, ce sont leurs organes du mou- vement; car tous, sans exception, sont dépourvus de membres postérieurs articulés au bassin; ces membres étant remplacés pour la locomotion par la queue, que termine toujours une nageoire hori- 256 HISTOIRE NATURELLE. zontale. Ce qui, en outre achève de leur donner une physionomie particulière et caractéristique, cest leur grande taille, plus considérable que dans tous les autres Mammifères, et qui parfois surpasse dix fois celle des plus grandes espèces : tous sont aussi presque entièrement privés de cou, et le sont com- plétement de conque auditive. Leur mode principal de progression est la natation; toutefois les es- pèces herbivores semblent, d’après Fr. Cuvier, avoir la faculté, pour paître les herbes maritimes, de se traîner au fond de la mer à l’aide de leurs membres de devant, qui ne sont jamais pour les autres que des organes natatoires. Enfin un caractère commun à tout l'ordre, c’est que la tête a si peu de mobilité, que son axe ne peut changer sans que celui du corps ne change en mème temps. L'anatomie de ces animaux a été étudiée par plusieurs zoologistes, et principalement par (. et Fr. Cu- vier, auxquels nous emprunterons en grande partie ce que nous allons en dire; et, comme cette par- tie de leur histoire nous présente des particularités remarquables et que nous n'avons pas observées dans la plupart des autres Mammifères, nous croyons devoir nous y arrêter quelque temps. fau Squelette de Dauphin. — Fig. 60. La colonne vertébrale est modifiée par leur genre particulier de vie. Les vertèbres cervicales, au nombre de sept, à l'exception du Lamantin, qui n’en a que six, sont d'une extrême minceur; et si dans un petit nombre d'espèces, telles que celles qui constituent les Cétacés herbivores et les Ror- quals, elles sont libres, chez les autres plusieurs d’entre elles sont soudées ensemble : chez les Dau- phins, les deux premières sont ankylosées, et, dans les Baleines, elles le sont toutes les sept. Les vertèbres dorsales, dont le nombre varie suivant les espèces, sont remarquables par leurs apophyses épineuses penchées en arrière, s'allongeant de la première à la dernière, et égalées en longueur par les apophyses transverses. Les vertèbres lombaires ont leurs apophyses épineuses et transverses très- longues. Les vertèbres sacrées se confondent avec les lombaires et les coccygiennes : dans ces der- nières, variables en nombre, les pophyses disparaissent, et les os en V se montrent nombreux et forts. Le sternum est court et large, composé d’un nombre variable de pièces : cinq dans le Dugong, quatre dans le Dauphin, une seule dans la Baleine. Les côtes sont remarquables par leur grande courbure; elles sont épaisses chez certaines espèces et grêles dans d’autres. Les os des membres antérieurs sont les mêmes que dans les autres Mammifères; mais toutefois ils ont éprouvé de pro- fondes modifications. Il n’y a pas de clavicules. L'omoplate est très-large, à épine peu saillante, à fosse sus-épineuse réduite à un simple sillon ou même disparaissant. L'humérus est très-court. Le cubitus et le radius, également très-courts, sont soudés l’un à l’autre par leur tête chez le Lamantin etle Dugong, mais conservent les contours arrondis qui leur sont propres dans les autres Mammi- fères. Dans les Cétacés souffleurs, ils sont comprimés, et s'unissent au moyen d'un cartilage avec l'humérus et le carpe. Ce dernier est formé d'os très-aplatis, hexagonaux, en nombre variable : six dans le Lamantin, cinq dans le Dauphin et sept dans la Baleine. Il ÿ a cinq métacarpiens très-apla- us, phalangiformes. Les phalanges, en nombre variable, quelques-unes cartilagineuses, sont égale- ment aplaties. Il n'y à pas de membres postérieurs; ce qui en reste sont des vestiges du bassin. Ces rudiments de bassin sont, chez le Dugong, composés de deux paires d'os réunis deux à deux et bout à bout par un cartilage, et attachés aussi à l’une des vertèbres par un cartilage; dans les Dauphins, ils consistent en deux petits os longs et minces qui sont perdus dans les chairs; chez les Baleines, à l'extrémité de chacun de ces os, qu’on regarde comme des iléons, s’en trouve articulé un second D, 2) à, LEONE CETACÉS. 257 plus petit, courbé, dont la convexité est externe, et qui pourrait représenter un pubis ou un ischion. Une particularité que nous devons noter, c’est que, dans le Lamantin, il y a des ongles aux bords de la nageoïre pectorale qui correspondent aux doigts dont elle est en partie composée. Le système musculaire offre quelques particularités que l’on pouvait en partie prévoir d’après la disposition du squelette. En effet, à des os si peu mobiles et si rudimentaires que les vertèbres du cou devaient correspondre des muscles proportionnellement peu développés, et c’est ce qui a lieu Ces muscles sont en même nombre que chez les autres Mammifères; mais leur maigreur, leur brièveté, principalement pour ceux qui s’attachent aux deux premières vertèbres cervicales, sont extrêmes; ceux des autres vertèbres sont un peu mieux caractérisés, mais cependant leur action n’est pas beau- coup plus étendue. Les muscles dorsaux sont, au contraire, très-développés et prolongés jusque sur les vertèbres coceygiennes : c’est ainsi que le long dorsal et le sacro-lombaire tiennent antérieure- ment au crâne, et postérieurement portent leurs tendons, le premier jusqu’au bout de la queue, et le second à toutes les apophyses transverses de cette partie de l’épine. Pour les muscles propres de la queue, outre ceux qui appartiennent à cet organe chez tous les Mammifères, il ÿ a de plus chez les Cétacés, selon G. et Fr. Cuvier, 1° l’antagoniste du sacro-lombaire en dessous des apophyses trans- verses; 2 un lombo-sus-caudien; 3° un lombo-sous-caudien d'une très-grande épaisseur qui va sur- tout en dessous aux os en V des deux tiers postérieurs de la queue; 4° un muscle qui, venant des os rudimentaires du bassin, s'insère aux os en V de la moitié antérieure de la queue; 5° le grand droit et l’oblique ascendant, qui, de l'abdomen, vont s'attacher en arrière aux côtés de la base de la queue. C’est par cette réunion de muscles, développés dans des proportions sans exemple chez les autres Mammifères, que la queue des Cétacés acquiert la force prodigieuse qu'elle possède, et au moyen de laquelle ils se meuvent avec une grande aisance. Les muscles abaisseur et releveur des côtes ne sem- blent avoir rien de particulier, et il en est de même du diaphragme et des muscles abdominaux. Si - l’on en juge d’après le Dauphin, les muscles du membre antérieur présentent quelques modifications; le grand dentelé s'arrête aux côtes; le petit pectoral se dirige vers l'extrémité antérieure du ster- aum, le rhomboïde s'étend tout le long du bord supérieur de l’omoplate; le trapèze couvre l'omo- plate, ete. Les muscles du bras offrent aussi quelques légères modifications, et il en est de même de ceux de l’avant-bras et de la main, qui n’ont guère qu'à l’état rudimentaire les parties qu'on voit plus développées chez les autres Mammifères. On à quelquefois regardé comme des espèces de nageoires propres à la locomotion des protubé- rances ou gibbosités ressemblant assez bien à des nageoires qui se remarquent sur le dos de quel- ques Cétacés souffleurs; mais, quand on les étudie avec soin, on voit que ce sont de simples prolon- gements de la peau. d L'appareil de l'alimentation présente d'importantes modifications, et diffère notablement dans les principaux groupes de l'ordre des Cétacés. Dans les Cétacés herbivores, on voit que chez les Laman- tins il y a des molaires à double ou triple colline et à racines distinctes de la couronne; chez les Du- gongs, les mêmes dents sont simples, elliptiques, à couronne ayant deux légers sillons s’effaçant avec l’âge, sans racines distinctes, et il se développe à la mâchoire supérieure deux Iéngues défenses: enfin, dans les Stellères, il n'y a pas de molaires, et ces dents sont remplacées par une plaque cor- née au milieu de chaque mâchoire, qui semble rattacher ces animaux aux Cétacés à fanons. La langue est courte, presque privée de mouvement. Les glandes salivaires peu nombreuses. L’estomac est divisé en deux portions, l'une cardiaque et l’autre pylorique. Le cœeum peut être simple, cordiforme (Du- gong) ou irrégulier (Lamantin). Le Stellère a également un estomac divisé en deux parties, et le cœcum est séparé en nombreuses cellules sur la face interne. Tous ces animaux, essentiellement herbivores, semblent ne se nourrir que de fucus. Dans les Cétacés à évents, il y a encore de plus grandes différences; chez les Dauphins, les dents, aux deux mâchoires, sont simples et coniques ou comprimées, varient beaucoup pour le nombre, et restent souvent cachées dans les gencives à l’état rudimentaire; chez les Cachalots, elles ne se développent qu'à la mâchoire inférieure, sont simples, oviformes, en nombre qui ne paraît pas avoir de fixité; enfin, chez les Baleines, il n'y a plus de dents, mais de chaque côté du palais naissent transversalement des lames cornées, nommées fa- nons, garnies à leur bord interne de barbes et de franges entre lesquelles, comme sur les mailles d'un filet, sont retenus les animaux souvent très-petits dont se nourrissent ces Cétacés. La forme et la structure de l’estomac, chez ces animaux, sont très-compliquées, et l'on est loin de les avoir étu- r. 29 258 HISTOIRE NATURELLE. diées avec tout le soin qu'elles exigeraient. Il est hors de doute, ainsi que le fait observer Fr. Cuvier, que ces estomacs sont très-compliqués, et, comme il est probable qu'ils ne se ressemblent pas dans leur composition, il est à présumer que c’est à leur complication qu'il faut, eu grande partie, attribuer les opinions essentiellement différentes qui ont été émises à ce sujet. Cet organe, dans le Dauphin, à ne juger que par l'extérieur, présente trois ou quatre estomacs; mais quelques au- teurs en comptent cinq ou six, en regardant comme distinctes des parties plus ou moins tubuleuses que l’on peut ne considérer que comme de simples conduits d’un estomac à l'autre; mais, si l'on étu- die ces estomacs intérieurement, on voit que plusieurs d’entre eux ont une organisation spéciale et sont séparés l’un de l'autre par des ouvertures étroites qui n'établissent pas constamment entre eux une communication directe; dès lors les parties tubuleuses ne peuvent plus être considérées comme de simples conduits, on est forcé de les admettre comme des parties essentielles de l'estomac, qui ont aussi sur les aliments leur action spéciale. Dans la plupart des espèces, il y a cinq estomacs, et ce fait est d'autant plus curieux par sa complication, que ces animaux se nourrissent constamment de matière animale, et que, dès lors, on aurait pu supposer que, comme dans les autres animaux, ils devaient présenter un estomac simple. En général, il n’y a pas de cœcum dans les Cétacés à évents; les intestins ne sout pas très-longs, et tous se nourrissent de proie vivante : les Dauphins et les Ca- chalots recherchent de grands Mollusques et des Poissons; les Baleines font leur proie des nombreux petits animäux articulés, principalement de Crustacés, de Mollusques et de Vers, qui abondent dans les mers du Nord; toutefois on dit que les Rorquals y joignent aussi des Poissons. Le système circulatoire a dû éprouver des modifications qui tiennent aux modifications mêmes de l'organisation générale des Cétacés : leur sang est chaud comme celui de tous les autres Mam- mifères, et il n’est pas froid comme celui des Poissons, dont on a voulu à tort rapprocher ces animaux. Le DÂgong et le Stellère ont un cœur devenu fourchu par la séparation profonde des deux ventricules; et il n’en est pas de même dans les Dauphins et les Baleines, chez lesquels le cœur n’a pas éprouvé de modifications notables. Le système artériel est profondément modifié; on y remarque des circonvolutions infinies d'artères, et surtout un vaste plexus de vaisseaux remplis de sang oxy- géné qui se trouve principalement sous la plèvre, entre les côtes, de chaque côté de l'épine. Les vais- seaux qui se rendent à la queue sont très-développés. La quantité de sang contenue dans le système vasculaire paraît être proportionnellement beaucoup plus grande que chez les autres Mammifères. Les poumons ne présentent que de légères modifications; il n’en est pas de même des narines, qui servent d’intermédiaire pour le passage de l'air entre l'atmosphère et l'organe respiratoire, et c’est à ces différences qu'est due la distinction extérieure des Cétacés herbivores et souffleurs. « Le méca- nisme au moyen duquel se produit le phénomène du soufflage a nécessité, dit Fr. Cuvier, dans la structure des narines des changements qui, d'une part, paraissent en avoir exelu le siége de l’odo- rat, et, de l’autre, en font un organe nouveau tout à fait spécial à cet ordre de Mammifères; il est permis de penser que cet organe est essentiellement le même chez les Dauphins, les Cachalots et les Baleines; mais il n'a cependant encore été étudié avec quelques détails que chez les Dauphins, et ses parties principles consistent dans le larynx, qui remonte jusque dans les arrière-narines; dans la disposition des muscles du pharynx, qui ont la faculté d’étreindre la partie antérieure de l'appareil respiratoire, et dans les poches membraneuses et charnues placées à la partie supérieure des nari- nes. » L'orifice de l’évent, simple chez les Dauphins, est situé vers le sommet de la tête; dans les Ca- chalots, cet orifice, également simple, est situé à l'extrémité supérieure du museau; cet organe est double chez les Baleines et s'ouvre vers le sommet de la tête sous forme d’un croissant dont la con- vexité est tantôt en avant, tantôt en arrière; enfin, chez les Herbivores, cet orifice se trouve au bout antérieur ou à la partie moyenne supérieure du museau. On sait que, chez les Souffleurs, c'est de ces orifices que sortent ces jets d'eau, parfois très-élevés, qui dénotent la présence de ces animaux. Le système nerveux a suivi les diverses modifications que nous offrent les organes particuliers de ces animaux. Le cerveau, chez les Dauphins, où il a été principalement étudié, est grand, et ses hé- misphères présentent des circonvolutions nombreuses, et, d’après le grand développement du crâne dans la plupart des Cétacés, il est probable qu'il en est de même dans les autres espèces chez les- quelles on n’a pu jusqu'ici étudier cet organe. L'œil est généralement dépourvu de paupières; toutefois les Herbivores en ont une latérale; l'orealle n'a pas de conque externe, quoiqu’elle présente à l'extérieur un trou apparent fermé par un sphinc- CÉTACES. 250 ter musculaire, et le rocher, ou partie du crâne qui contient l'oreille interne, est séparé du reste de la tête et n’y adhère que par des ligaments : toutefois, malgré l’infériorité apparente de ces deux organes, ils sont cependant doués d'une grande délicatesse. Les Baleines voient et entendent de très- loin, et il faut de grandes précautions pour pouvoir s’en approcher. Le goût existe, chez les Ierbi- vores, dans l’érganisation de la langue, qui est compliquée; mais ce sens at-il un organe spécial chez les Souffleurs? Il en est probablement de même de l'organe de l’odorat. L'organe général du toucher, la peau, à été étudié avec soin chez les Souffleurs, et on l’a trouvée composée : 1° du derme; 2° de corps papillaires; 5° d'un appareil sudorifique; 4° d'un appareil d'inhalation; 5° d’un appareil blen- nogène; 6° d’un appareil chromatogène. Gette peau ne présente jamais de poils; elle est très-épaisse - et noirâtre. Les organes de la génération offrent des modifications assez nombreuses; mais constamment ces animaux sont vivipares, ce qui, joint à tous les autres caractères que nous avons déjà indiqués, dif- férencie les Cétacés des Poissons, qui, on le sait, sont exclusivement ovipares. Les Ierbivores ont des mamelles pectorales, et les Souffleurs les ont inguinales, ou plutôt elles sont situées de chaque côté de la vulve, et chez tous elles ne sont pas au delà de deux. L'organe principal des mâles est attaché aux os rudimentaires du bassin, et les testicules sont cachés dans l'abdomen; il n°y à pas de vésicules séminales. On ignore le mode d’accouplement des Souffleurs, car personne n’en a encore été témoin; mais l'opinion la plus probable, c’est qu’ils s'unissent couchés tous deux sur le côté. On ignore aussi la durée de la gestation, que quelques auteurs portent à dix mois pour la Baleme, et dont le jeune, en naissant, aurait environ 7" de longueur. La portée n’est probablement que d'un seul petit. Le lait, que les glandes mammaires produisent abondamment, a un goût agréable et est très gras; les petits tettent; etles mamelles, pour permettre cette action dans l’eau, ont dù présenter quelques modifications particulières, quoique cela ait été nié par quelques auteurs. Un profond instinet de sociabilité semble être un des traits caractéristiques de tous les Cétacés, et cet instinet naît, dit-on, d'une affection non moins constante que vive des mères et des petits les uns pour les autres; les mâles et les femelles ont également un attachement réciproque et durable qui se manifeste souvent d'une manière touchante, et, à en juger par ce qu'on rapporte, cet instinct social conduit ces animaux à former ou des troupes très-nombreuses, ou simplement des unions de familles. Les Stellères, d’après Fr. Cuvier, semblent réunir ce double penchant : leurs troupes paraissent for- mées d’un assemblage de familles, et il en serait de même pour le Lamantin de l'Amérique méridio- nale. Pour les Dugongs, leurs troupes ne paraissent jamais consister qu'en un mâle, une femelle et les petits. En général, les Herbivores ont une intelligence assez prononcée; l'on cn cite de nombreux exemples, et l'on sait qu'ils trouvent dans cet organe des moyens de conservation pour l'espèce. Il n’en est plus de même des Souffleurs, et il semble que la conservation de ces derniers animaux a été confiée par la nature plutôt à leurs forces, à la puissance de vie qu'ils ont reçue, qu’à l’in- stinet dont ils ont été départis. Tous vivent rassemblés en troupes, parfois très-grandes; les mères et les petits sont unis par la tendresse la plus passionnée; tous se défendent mutuellement, et il est hors de doute qu'ils se souviennent des.dangers qu'ils ont courus, qu'ils en reconnaissent l'appro- che et qu'ils les fuient. On a dit que les Cachalots s’avertissent à la distance de six à sept milles de la présence d'un ennemi; quant à ce qui les distingue génériquement, tout semble annoncer que les Cachalots, plus confiants dans leurs forces et plus susceptibles d'emportement que les Baleines, se défendent avec fureur lorsqu'on les attaque, tandis que celles-ci, plus timides, trouvent des res- sources plus assurées dans la fuite que dans la résistance; et ce caractère semble être plus sensible- ment marqué chez les Baléines proprement dites que chez les Rorquals. Nous avons indiqué d'une manière très-générale les caractères communs que présente l'organisa- tion des Cétacés; nous devons dire quelques mois des différences principales qu’offrent leurs formes intérieures et extérieures. C'est surtout dans les rapports des diverses parties de la tête que nous trouverons les plus marquées, et l'ostéologie de cette partie du corps montrera surtout ces différences. Toutefois, dans chaque grand groupe de l’ordre que nous étudions, on pourra retrouver le même type particulier. « Chez le Lamantia et le Dugong, dit Fr. Cuvier, les convexions des os de la tête, leur coupe générale, ete., sont à peu près les mêmes, et l'on sait que, pour changer une tête de La- mantin en une tête de Dugong, il suffirait de renfler et d'allonger les os intermaxillaires pour y placer les défenses, et de courber vers Le bas la symphyse de la mâchoire inférieure pour la confor- 260 HISTOIRE NATURELLE. mer à l'inflexion de la supérieure, Le museau alors prendrait la forme qu'il a dans le Dugong, et les narines se relèveraient comme elles le sont dans cet amimal. » On pourrait suivre le même mode de comparaison pour établir les profondes analogies qui existent entre les têtes des diverses espèces de Dauphins, chez lesquelles les différences reposent principalement sur les formes et les propor- tions des maxillaires et des intermaxillaires, et qu'il suffit d’allonger ou de raccourcir ces os, de les restreindre ou de les étendre en arrière en crêtes, en apaphyses, en protubérances pour les ramener tous à un même type. Les Cachalots offrent aussi, dans les parties osseuses de la tête, un type qui leur est propre et qui cousiste dans le développement des parties postérieures des maxillaires, au- quel se joint celui de l’occipital pour former la cavité où la cétine est contenue. Chez les lorquals et les Baleines, les maxillaires et les intermaxillaires suivent, dans les premiers, une ligne très-droite, et, dans les seconds, une ligne très-courbe, et le type de cette tête est assez particulier. Les dents, chez les Cétacés, présentent quelques particularités génériques qui doivent être également notées Dans les Herbivores, les incisives ne semblent être que rudimentaires et tombent de bonne heure; mais le Dugong a, dans chacun de ses intermaxillaires, une longue et forte défense qu'il conserve toute la vie. Les molaires, très-différentes de structure, pourvues de racines chez le Lamantin et sans racines chez le Dugong, se développent de l'arrière à l'avant des mâchoires, d'où il résulte que leur nombre est susceptible de varier; les dernières apparaissent avant la chute des premières. Dans les Souffleurs, le nombre des dents, qui sont d'une seule sorte, est très-variable, même dans les indi- vidus d'une même espèce; souvent elles ne sont que rudimentaires, et, dans quelques Dauphins, elles n'ont pas d'alvéoles et ne sont retenues que faiblement par les gencives dans la racine alvéolaire où elles ont pris naissance; on ignore si ces dents tombent naturellement et si elles sont remplacées par le développement de nouveaux germes. Les dents des Dauphins peuvent se développer aux deux mâchoires, et les inférieures ne diffèrent pas des supérieures. Chez les Cachalots, elles ne se déve- loppent normalement qu'à la mâchoire inférieure; mais quelques auteurs assurent en avoir vu de fort petites à l'autre mâchoire : ce qui, au reste, n’a pas lieu le plus habituellement. Enfin, dans les Baleines, elles sont remplacées par les fanons, dont les formes varient aussi. Malgré les travaux assez importants qui ont été faits sur ces Cétacés, ces animaux sont loin d'être aussi connus que les autres Mammifères; toutefois de leurs caractères principaux on peut conclure les rapports qu'ils présentent soit avec les autres Mammifères, soit entre eux. Les Ierbivores se rat- tachent aux Pachydermes par les Lamantins, et, par les Stellères, semblent se rapprocher des Ror- quals et des Baleines. Il n’en est pas de même des Dauphins, qui forment bien un groupe homogène, mais qui semblent s'éloigner des uns et des autres. Le Cachalot, toutefois,-ne s’isole pas com- plétement des Dauphins : mais les Rorquals et les Baleines, aussi intimement unis que les genres les plus rapprochés des Dauphins, se séparent de tous les Cétacés à évent beaucoup plus que ceux-ci ne se séparent entre eux, et forment un groupe isolé qui a ses conditions particulières d'existence. La géographie zoologique des Cétacés est un des points importants à étudier de leur histoire. Les Merbivores, qui vivent de fucus et qui ne se trouvent que dans les bas-fonds, se tiennent dans les par- ties où la mer a peu de profondeur, près des îles, dans les détroits qu’elles forment entre elles, sur les côtes favorables à la végétation sous-marine, et dès lors ont un habitat assez restreint: les La- mantins se trouvent, les uns sur les côtes de l'Afrique, et les autres sur celles de l'Amérique; les Stellères, parmi les îles Aloutiennes, et les Dugongs dans les Moluques. Les mêmes raisons ne peuvent être applicables aux Souffleurs, qui vivent dans les grandes mers: cependant ils ont des demeures circonscrites dont l'étendue paraît proportionnée à la grandeur et à la puissance de chaque espèce. Les Souflleurs fluviatiles ne s’avancent pas dans la mer; la Baleine franche est confinée dans les mers boréales, comme la Baleine du Cap dans l'hémisphère austral; les Rorquals semblent habiter des mers crconscrites; le Cachalot-seul se trouverait indistinctement dans toutes les mers, s'il n'existe réellement qu'une seule espèce de ce genre; les Dauphins et les groupes qui en sont voisins ont chacun un habitat distinct, soit dans l'Atlantique au nord ou au sud, soit dans la Méditerranée, dans le grand Océan, dans les mers qui baignent l'Amérique ou l'Océanie, etc. Quoique répandus daus toutes les mers, les Cétacés actuellement vivants sont peu nombreux, car on n’en connaît guère, d’une manière bien authentique, qu'une cinquantaine d'espèces. Quelques espèces trouvées à l’état fossile ont été signalées par les auteurs, quelques-unes d’entre elles ont été découvertes dans cer- CÉTACÉS. 261 taines parties de FEurope; et si plusieurs ont d'assez nombreux rapports avec les espèces vivantes, d’autres en diffèrent notablement. L'industrie humaine tire un grand parti de ces animaux, qui lui fournissent de la graisse en grande quantité, de la baleine, des os et quelques autres produits; dès lors comprend-on que toutes les populations maritimes ont dû se livrer avec plus où moins d’ardeur et de succès à la pêche des Céta- cés. La taille de ces animaux variant de 2° à 40", les pêcheurs ont donné la chasse aux espèces qu'ils pouvaient attaquer avec succès et qu'ils pouvaient vaincre par les moyens qu'ils avaient su se créer. De là il résulte que les peuples chez lesquels l’industrie n’a fait que peu de progrès n’atta- quent que les petites espèces, tandis que les plus grandes seules sont devenues le but des efforts des nations modernes, qui, avec le secours de la science, ont pu centupler leurs forces. Les avantages qu'on retire de la pêche de ces animaux déterminent aussi ke choix des espèces qu'on poursuit; par- tout où la nourriture de l'homme est peu abondante, les petites espèces sont recherchées : pendant très-longtemps lé Dauphin ordinaire et le Marsouin ont été pris pour nos tables riches; mais au- jourd'hui ce n'est plus qu’une proie à peine appréciée des populations maritimes les plus pauvres; et les Cétacés, c’est-à-dire les Cachalots et les Baleines exclusivement, n’excitent guère plus notre intérêt que par leur graisse et leurs fanons. « Nous sommes donc pour ces animaux, dit Fr. Cuvier dans un ouvrage que nous aurons plusieurs fois encore occasion de citer, de très-dangereux ennemis qui les perséeutons avec persévérance par de nombreux et de puissants moyens. L'influence de l'espèce hu- maine sur les Cétacés n’a conséquemment guère dû produire d’autres effets que de les rendre craintifs, de les mettre en grande défiance contre nous, de les rendre attentifs aux signes qui annonceraient notre approche, de graver ces signes dans leur mémoire, de les leur faire distinguer de tous les au- tres, de les porter à fuir dès qu'ils en aperçoivent les traces, et même d'abandonner les parages où ces signes se reproduisent fréquemment. Il est certain, en effet, que les grands Cétacés, les seuls qui aient donné lieu à des observations régulières, se sont éloignés des lieux où ils étaient les plus abondants autrefois, et qu'ils continuent à abandonner les mers où les pêcheurs les poursuivent pour se réfugier dans celles que les glaces rendent presque inaccessibles à nos vaisseaux. C’est du moins ce qui paraît être pour la Baleine franche et le Rorqual jubarte; aussi celle-là étant plus vivement recherchée que celui-ci, s’est-elle éloignée beaucoup plus que lui. Les Cachalots eux-mêmes sont devenus très-rares dans les mers que nous fréquentons le plus; et, dans le grand Océan équinoxial, où la chasse en est plus lucrative aujourd'hui que partout ailleurs, on remarque qu'ils sont devenus plus sauvages, et qu'il faut plus de prudence pour les approcher qu'il n’en fallait autrefois. Ainsi, chez les Cétacés comme chez tous les autres animaux, les besoins ont développé l'intelligence; et l'exercice paraît même avoir transformé en habitudes durables, en dispositions naturelles, ce qui n'était d'abord que modifications accidentelles et passagères. Si les conditions difficiles où la pour- suite de l'homme plaçait les Cétacés ont fait subir à ces animaux d'importantes modifications, ont contribué au développement de quelques-unes de leurs facultés, les conditions où l'homme s’est trouvé vis-à-vis des Cétacés ont exercé sur lui, ou du moins sur les individus qui le représentaient, une in- fluence cent fois plus puissante. Aux difficultés qui, pour les pêcheurs, résultèrent des Cétacés eux- mêmes, de leurs tentatives pour échapper, de leurs efforts pour se défendre, se sont jointes toutes celles qu'il fallait affronter pour arriver Jusqu'à eux, c’est-à-dire les mers les plus orageuses du globe et l'inclémence du ciel le plus impitoyable. » On comprend facilement que la recherche des Céta- cés a dù faire faire de nombreux progrès à la navigation et aider à la découverte de nouvelles terres et à la connaissance plus parfaite des mers; d'un autre côté, les périls que courent continuellement les pêcheurs, etles moyens plus où moins variés qui doivent être employés pour s'emparer des grands Cétacés, ont dù développer considérablement l'intelligence des populations maritimes qui se livrent à leur recherche : ce sont les Basques qui sont les plus anciens et les plus habiles harponneurs de Baleines; et ce sont eux qui, selon Pennant et tous les auteurs qui ont écrit sur ce sujet, sem- blent avoir fait l'éducation des autres peuples; avant le douzième siècle de notre ère, ils se li- vrèrent à cette industrie, et ils l'ont continuée seuls jusqu'au seizième siècle; d'abord ils se bornè- rent aux mers voisines, puis, entraînés par l'éloignement des Baleines, ces hardis pêcheurs s’élevè- rent au nord jusque dans les parages de l'Islande, et s'étendirent à l'ouest jusque dans le voisinage de l'ile de Terre-Neuve. Le Groënland, le détroit de Davis et le Spitzberg, mieux connus où découverts à l'époque où l'on se livrait à la recherche d'un passage aux Indes par le nord, ayant fait connaitre 269 HISTOIRE NATURELLE. l'existence d’un grand nombre de Baleines qui s'étaient réfugiées dans ces parages, devinrent, dès le commencemënt du dix-septième siècle, le but de tentatives rivales de la part des Anglais et des Hollandais, et ces derniers, dans une seule année, équipèrent jusqu'à trois cents vaisseaux . montés par dix-huit mille matelots; mais les Anglais, vers la fin du dix-septième siècle, l'emportè- rent sur leurs rivaux et ont conservé une supériorité qu'ils ne partagent aujourd'hui qu'avec les Américains. Ce n'est qu'assez tard que les Français se livrèrent à la pêche de ces animaux, et cette industrie, sans être complétement abandonnée, n’est pas trop étendue même de nos jours. Les Ba- leines, vivement poursuivies, se retirent toujours de plus en plus vers le nord ou vers l'est; leur nombre décroit de plus en plus, et cela se conçoit, puisque, en moins de cent ans, les Hollandais seuls en ont détruit soixante mille. Jadis ces dernières seules étaient recherchées pour l'huile qu'elles nous donnent; aussi alors les Cachalots n'étaient-ils pas rares, même dans nos mers; mais il n’en est plus de même, aujourd’hui que la cétine de ces animaux a reçu un emploi plus étendu qu'aupara- vant : ces Cétacés se sont également éloignés de nous; les Anglais et les Américains les poursuivent dans tout le grand Océan, dans le canal Mozambique, aux Séchelles, sur les côtes de la Nouvelle- Hollande et de la Nouvelle-Zélande, aux Moluques, dans la Polynésie, sur les côtes du Mexique, du Pérou, du Chili, ete. Quoique les Cachalots soient beaucoup plus dangereux à chasser que la Ba- leine, la diminution de leur nombre, sinon leur destruction complète, n’en sera pas moins le résultat des immenses profits qu'ils donnent; en effet, l'Angleterre seule a expédié pour cette pêche, en dix ans, quatre cent quatre-vingt-dix navires, du port de cent quarante-six mille trois cent cinquante-neuf tonneaux, et montés par treize mille hommes. De nombreux détails ont été publiés sur la manière de pêcher ces animaux, sur les dangers que l’homme peut courir dans ces expéditions, ainsi que sur les moyens les meilleurs à employer pour en retirer des produits plus abondants. Plusieurs auteurs, tels que Duhamel, Bernard De Reste, Sco- resby, Beale, etc., ont écrit spécialement sur ce sujet, il en est de même de quelques voyageurs, comme Pagès, Colnett, ete.; enfin certains naturalistes, et De Lacépède à leur tête, ont consacré quel- ques passages de leurs travaux à ce sujet important. Nous ne pouvons entrer dans de nombreux détails à ce sujet; qu’il nous soit seulement permis de transcrire le passage suivant que Fr. Cuvier (Histoire naturelle des Cétacés des Suites à Buffon de Roret, 1856) consacre à la pêche de ces grands Cétacés : « Il n’y a point de différences essentielles quant aux procédés entre la pêche ou la chasse des Baleines et celle des Cachalots; et, si la fureur de ces derniers est à redouter pour ceux qui les attaquent entre les tropiques, les dangers de la mer et les glaces flottantes ne le sont pas moins pour ceux qui poursuivent les Baleines dans l'océan Glacial. Ainsi, dans ces expéditions contre les grands Cétacés, les dangers sont à peu près égaux sans être les mêmes, et le courage comme la pru- dence ne sont pas moins nécessaires dans la direction des unes que dans celle des autres. Lorsque les ennemis de ces grands animaux n'étaient encore qu'en petit nombre, qu'on ne les attaquait que de loin en loin et dans les occasions favorables, on ne paraît pas avoir eu besoin de grandes pré- cautions pour les observer; ils n'avaient point appris à reconnaître de loin l'approche du danger, et ne fuyaient pas. Le Basque se dirigeait immédiatement sur eux et les frappait en les touchant. Plus de précautions sont nécessaires aujourd'hui. Lorsqu'un bâtiment est arrivé dans les parages où il a compté rencontrer des Paleines ou des Cachalots, une vigie attentive au plus haut d'un mât recon- nait de loin la présence de ces animaux aux jets d’eau qu'ils lancent au-dessus des flots, et qui se répètent à des intervalles très-réguliers. Au premier avertissement qu'elle donne, les canots, montés d'un timonier, d'un harponneur et des rameurs, sont mis en mer; l’un d’entre eux se dirige vers le point qu'a désigné la vigie, avec rapidité s'il est sous le vent, avec plus de prudence s'il est moins favorablement placé. Arrivé à la distance convenable, le harponneur lance de la main droite son harpon, auquel est attachée une corde longue et très-flexible. Ordinairement, dès que l'animal a été frappé, il fuit, entraînant avec lui l'arme qui l’a blessé et la corde qui la suit. Cette fuite se fait tan- 1ôt horizontalement, tantôt en descendant dans les profondeurs de la mer, et avec une telle force et une telle rapidité, que la corde, qui glisse sur l'avant de la chaloupe, s'entlammerait par le frotte- ment si le harponneur n'avait pas soin de la mouiller sans cesse, et que l'embarcation serait englou- tie si quelque obstacle, empêchant la corde de glisser librement, la fixait d’une manière quelconque à la chaloupe. Quelquefois, cependant, au lieu de fuir, les Cachalots, emportés par une terreur aveu- gle, se débattent au premier coup qu'on leur porte, et frappent de la tête et de la queue avec une CÉTACES. 263 violence telle, que les embareations sont mises en pièces, lancées en l'air et abimées dans les flots avec tout ce qu'elles contiennent, si l'équipage n'a pas su manœuvrer avec assez d'habileté. Après un certain temps, l'animal est ramené à la surface des flots par le besoin de respirer. On en est averti par le relâchement de la corde, et on se prépare à une lutte nouvelle non moins dangereuse que la première. Un second et même un troisième harpon sont lancés; et, quand l'animal commence à s’affaiblir par la perte de son sang ou par la violence des mouvements auxquels il s’est livré, on l'attaque à coups de lance, en. se tenant aussi loin de lui qu'il est possible; car il continue à se dé- fendre avec fureur jusqu'à ce qu’il meure profondément blessé. Alors on l’entraîne au vaisseau, où il est fixé, et où on le dépouille des différentes substances pour lesquelles cette cruelle et dangereuse guerre est entreprise. » L'histoire naturelle des Cétacés a occupé plusieurs auteurs célèbres : nous ne parlerons que des auteurs français qui ont publié des travaux généraux sur ces animaux. Duhamel, le premier, a com- mencé ce difficile travail; mais il s'est principalement occupé de la pêche de ces animaux. Puis Bon- naterre, dans l'Encyclopédie méthodique, donna la description plus spéciale des espèces; mais de nombreuses erreurs s’y sont glissées et tiennent surtout à l'époque où il écrivait. Aussi De Lacépède, dans son Histoire naturelle faisant suite à l'Histoire naturelle générale et particulière de Buffon, reprit-il le même sujet, compléta-t-il plusieurs passages et fit-il de nombreuses rectifications à l'ouvrage de Bonnaterre, et il en est de même dans la Mammalogie d'A. G. Desmarest. Beaucoup plus tard Les- son, dans ses Compléments à Buffon, reprit le même sujet et fit surtout connaître les découvertes faites sur ces animaux depuis 1788 jusqu’en 1828. Enfin, en 1836, Fr. Cuvier, dans les Suites à Buffon de l'éditeur Roret, réforma tous les travaux de ses devanciers, les discuta et publia le meilleur traité que nous ayons sur l’ordre des Mammifères que nous étudions actuellement. Sans y comprendre les fossiles, dont se sont occupés G. Cuvier et les paléontologistes modernes, parmi lesquels nous ne citerons que Duvernoy, M. P. Gervais, etc., sans y comprendre les fossiles, Fr. Cuvier décrit une quarantaine d'espèces, et il dit qu'on en a bien signalé près de soixante, mais que les matériaux re- cueillis par les voyageurs ne sont pas assez complets pour que l’on puisse les admettre toutes. L'ordre des Cétacés, comme nous le comprendrons avec la plupart des zoologistes modernes, ren- ferme les grands genres Lamantin, Dugong, Stellère, Dauphin et toutes ses importantes subdivi- sions, Cachalot et Baleine. Plusieurs auteurs ont proposé d’y former des divisions primaires plus ou moins nombreuses; mais nous ne croyons pas devoir entrer actuellement dans des détails à ce sujet, devant y revenir en faisant l’histoire particulière des espèces : nous dirons seulement que Fr. Cuvier les partage en quatre familles, celles des Céracés HerBivores, des Daupmins, des CacuaLors et des Bareines, et que, pour nous, à l'exemple des anciens naturalistes, nous croyons devoir les diviser en deux groupes primaires, ceux des GÉracés HERBIVORES ou Sirenia, et des CÉracÉs oRDINAIRES ou Cetæ, et, comme ces deux groupes présentent entre eux de nombreuses et profondes différences, nous ne les indiquerons pas comme des familles d'un même ordre, mais comme des sous-ordres. Tète de Dauphin. — Fig. 61, 264 HISTOIRE NATURELLE. PREMIER SOUS-ORDRE. CETACÉS HERBIVORES. SIRENIA. A. G. Desmarest. Les Cétacés compris dans ce sous-ordre ont des caractères particuliers, et surtout un aspect géné- ral qui les distingue au premier coup d'œil des autres espèces du même ordre : on peut, d’une ma- nière très-générale, leur assigner pour caractéristique des molaires à couronne plate, quelquefois des défenses supérieures; deux mamelles pectorales; des poils aux moustaches; des narines propre- ment dites placées au bout du museau: ouvertures nasales, dans la tête osseuse, situées supérieure- ment, corps très-massif, taille moyenne, habitudes moins aquatiques que dans les Cétaeës propre- ment dits; nourriture végétale. Les animaux placés dans ce sous-ordre, ou plus spécialement les Lamantins et les Dugongs, ont été connus depuis la plus haute antiquité. Mais la fable et la mythologie leur ont prêté des formes particulières, tenant à la fois de la femme et du Poisson, d'où il est résulté qu'on a eu de la peine à les reconnaitre en réalité lorsqu’à la renaissance des sciences on a pules étudier sur la nature. En effet, les animaux qui nous oceupent semblent n'être autres que les Sirènes et les Tritons de l'antiquité. On a été très-longtemps avant de vouloir reconnaître pour modèles de ces êtres fantastiques nos Lamantins et nos Dugongs actuels; des hommes éclairés, tels que Kircher, De Maillet, Luchenay-Des-Bois, etc. , # ont cherché à démontrer la réalité des Sirènes, et il a fallu des preuves convaincantes pour que la réalité prévalût. Le nom de Sirène, cependant, resta quelque temps aux animaux qui avaient donné lieu à la création de ces êtres fabuleux, même après que leur véritable nature fut reconnue; Dupper, Merolla, ete., donnent sous ce nom la description du Lamantin d'Afrique, et Artedi en fait un nom de genre. Depuis, il n'a pas continué d’être appliqué aux Mammifères de ce groupe; cependant, à l'exemple de Harlan, d'A. G. Desmarest, de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, ete., nous laisserons la dénomination latine de Sirenia au sous-ordre des Cétacés herbivores. Quand tous les doutes furent levés et qu'il fut bien démontré qu’il n'y avait pas d'animaux marins moitié femme moitié Poisson, et que les Sirènes étaient probablement des Lamantins et des Dugongs qui avaient pu faire illusion à des hommes prévenus par leur tête arrondie et les grosses mamelles qu'ils ont sur la poitrine à l'époque de allaitement, on ne reconnut pas encore la véritable nature de ces animaux, et il y eut plusieurs tâtonnements chez les naturalistes. Clusius réunit son Lamantin d'Amé- rique aux Phoques, quoique son animal fût entièrement privé de membres postérieurs. Linné en fit le genre Trichecus de son ordre des Bruta, le plaça entre l'Éléphant et les Paresseux, et n'en dis- tingua pas le Morse. Pennant, réunissant ce Morse au Dugong, en fit le genre Walrus, qu’il sépara de celui du Lamantin par celui des Phoques; mais les naturalistes qui vinrent ensuite jusqu'à Shaw inclusivement rétablirent le genre tel que Linné l'avait formé. Pendant ce temps, l'anatomie du La- mantin et la description de la tête osseuse du Dugong furent données par Daubenton et par Camper. De Lacépède fit des genres distincts du Morse, du Dugong et du Lamantin, et il les réunit à celui des Phoques dans une sous-division de ses Mammifères marins; seulement :l les fit précéder mmmédia- tement des Cétacés. G. Cuvier sépara d’une manière définitive les Phoques et le Horse du Lamantin et du Dugong, pour faire des premiers le groupe des Amphibies à la suite des Carnassiers, et des seconds celui des Cétacés herbivores, immédiatement avant les Dauphins; classification qui a été as- sez généralement admise et que nous suivrons à l'exemple de Fr. Cuvier, notre guide dans cêfte matière, tout en convenant qu'il y a une grande différence des Cétacés herbivores aux Cétacés à évents ou Cétacés ordinaires. MAGNO-2IUZ NUM An ir il +! CAEN LR fa VU! ral Fay Nota VE er tint À) d'A MURS NOUS NTM man! Hit Hal afiri AN] AU teR 2114 (L névé L 46 ml: AR mr 7 x uAba n°1 H MEITLS 1h NAT ID ARS HTIANAT À PUR ATEN eu ste 4 nul sn . LANTTTRET: Pa He UT « (f Û Ç | tite | Pan 4 14 ENT 1 di! Le y CÉTACÉS. 265 De Blainville range ces animaux à côté des Éléphants et des Dinothériums, il en fait ses Gravi- grades aquatiques, en remarquant qu'ils sont peut-être plus éloignés des Cétacés que des Pho- ques; et cette manière de voir, qui semble naturelle, est adoptée par quelques zoologistes modernes. La forme générale des Lamantins et genre voisin est moins pisciforme que celle des Cétacés propre- ment dits; les membres de derrière sont moins empêtrés, plus larges, plus digités, servant non-seu- ment à nager, mais aussi à marcher à uue petite profondeur dans l'eau; la peau, au lieu d’être lisse, est plus ou moins rugueuse et couverte de poils durs et rares; les organes des sens sont bien p us développés; les mamelles, au lieu d’être cachées, sont largement à découvert sur les côtés de la pr i- trine; les membres antérieurs sont moins transformés en nageoires; la bouche est petite dans ls Lamantins et largement fendue dans les Cétacés; l'anus est notablement plus grand; le système os seux des Lamantins tend à devenir éburné et pesant, tandis que celui des Cétacés est toujours poreux et léger; des différences se remarquent aussi dans les diverses parties du squelette; les dents sont de deux sortes, peu nombreuses, et, dans les Cétacés, d’une seule sorte, nombreuses; quelques au- . tres particularités qu'il serait trop long d’énumérer se remarquent encore dans l'organisme et démon- trent à De Blainville que les Lamantins, Dugongs et Stellères doivent former un groupe distinet de celui des Cétacés, et qui en est même assez éloigné. Lesson, sans adopter tout à fait les idées de De Blainville, fait des animaux qui nous occupent un groupe qu'il place à la fin des Édentés, et avant les Pachydermes, dans lesquels les Éléphants sont placés les premiers, et met les Cétacés à la fin des Mammifères, après les Ornithorhynques. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire place ces animaux à la fin de la série des Mammifères, même après les Monotrèmes, dans sa division des Mamwrrères BIPèDEs, et il en fait son ordre des SIRÉNIDES, partagé en trois familles, les Manatidés, Halicoridés et Rhytinidés, tandis que son second ordre est celui des CÉracÉs. La distinction des espèces n'a pas été faite de suite : Dampier, Leguat, Artedi, Linné, Prisson, réunissent le Dugong au Lamantin, et n’en font même quelquefois qu'une seule espèce. Buffon dis- tingue le Dugong des Lamantins, mais il fait un trop grand nombre d'espèces dans ce dernier groupe et mêle l'histoire des deux genres. Steller fait connaître son Manati, qui est devenu le type d’un genre qui porte son nom. Il résulte de toutes les recherches des naturalistes que ces animaux se par- tagent en trois genres: 4° les Lamantins, comprenant deux ou trois espèces; 2° les Dugongs et 3° les Stellères, qui n’en renferment qu'une chacun; et, en outre, à ces espèces vivantes on peut joindre quelques espèces fossiles formant même des groupes génériques distincts. Nous avons, en quelques mots, donné déjà les caractères particuliers au moyen desquels on peut distinguer les Cétacés her- bivores; nous ne parlerons pas actuellement de leur organisation, car nous aurons occasion d'y re venir en décrivant les Lamantins et les Dugongs; pour les Stellères, ils sont trop peu connus pour que l’on ait à en parler sous ce pont de vue. 1° GENRE. — LAMANTIN. MANATUS. Rondelet, 1554. Du nom vulgaire Manati. Libri de Piscibus. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, +; molaires, =; en totalité trente-huit dents; mais les incisives, qui sont excessivement petites, n’exislant que dans les fœtus, et les adultes présentant un nombre assez variable de dents, parce que des molaires tombent dans le jeune âge. Molaires offrant sur leur couronne deux collines transversales comme celles des Tapirs: les supérieures à coupe carrée, les inférieures à coupe plus longue que large. Tête non distincte du corps; yeux très-pelits, placés supérieurement entre le bout du museau et les trous auditifs, qui sont à peine apparents; langue ovale. Partie postérieure du corps très-grosse, déprimée et arrondie au bout, sans nageoire caudule proprement dite; des vestiges d'ongles sur les bords des nageoires pectorales. P. a rs 266 HISTOIRE NATURELLE. | 1 Des moustaches composées d'un faisceau d'énormes pes dirigés en dessus de la lèvre et formant F de chaque côté des sortes de défenses cornées. : Peau nue, très-épaisse, rugueuse. j | “ Verge du male terminée par un gland élargi en forme de champignon comme celui du Cheval. Six vertèbres cervicales apparentes, la septième incomplète; seize paires de côtes singulièrement grosses el épaisses, dont les deux premières seulement s'unissent au sternum. Esiomac divisé en plusieurs poches; cœcum bifurqué; côlon boursouflé. : : À Presque tous les naturalistes, Comme nous l'avons dit, reconnaissent dans les Lamantins les Tri- | tons, les Sirènes, les Néréides et les Hommes marins des Grecs et des Romains; mais cette opinion | : ‘est pas adoptée par tous les auteurs; De Bläinville nie positivement que cela puisse être, et M. Boitard | fait observer qu'il ne doit pas en être ainsi, et que les Lamantins, qui ne se trouvent que dans l'Amé- 3 rique et dans l Afrique méridionale, à partir du Sénégal, ne pouvaient être connus des anciens, et j qu'on ne peut leur rapporter des animaux propres aux plages de l'archipel grec. Dès lors il conclut ï ou que les Sirènes étaient des êtres tout à fait fabuleux, ou que leurs modèles étaient quelques es- | pèces de Phoques. Quant à la place que les’ Lamantins doivent occuper dans la série des êtres, nous | avons déjà xu qu'elle varie dans presque chacune des classifications des naturalistes : ajoutons seu- lement que Lesson les range entre les Pangolins et les Éléphants, et M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire entre les Echidnés et les Marsouins. ; Ces animaux, comme tous les Cétacés herbivores, ont les dents à couronne plate, ce qui, selon G. Cuvier, détermine leur genre de vie, lequel les engage parfois, dit-on, à sortir de l'eau pour venir ramper et paîitre Sur la rive; cependant, d’après les récits de voyageurs véridiques, ils ne sortiraient jamais de l’eau et prendraïent parfois une nourriture animale composée de Poissons et de Mollusques. Is ont deux mamelles sur la poitrine et des poils aux moustaches. Quoique dans le crâne les narines osseuses s'ouvrent vers le haut, elles ne sont percées dans la peau qu'au bout du museau, et par con- séquent ils n'ont pas d'évents. Leur corps est oblong, terminé par une nageoire bifurquée, mais ; simple ét ovale allongée. Leurs nageoires antérieures, quoique aplaties et en apparence membra- neuses, se composent de cinq doigts formés chacun de trois phalanges, et dont quelques-uns au moins sont munis d'ongles plats et arrondis, ayant une grossière analogie avec ceux d’un homme. Il n’y à pas de membres postérieurs, et le bassin n'existe pas même en vestige. La tête approche de la forme conique ; l'œil est très-petit, muni d’une prunelle; la lèvre supérieure est échancrée au milieu et garnie d'une moustache de poils roides; l'oreille externe manque, et le trou auriculaire est très- petit; la langue est courte, ovale et étroite. Enfin les mamelles, peu apparentes dans les temps ordi- naires, deviennent grosses et un peu arrondies pendant la gestation et l'allaitement, et, comme elles sont placées sur l'estomac, c'est pour cette raison que‘les Espagnols et les Portugais ont nommé ces animaux Poissons-Femmes ou Pazzi-Mouller. La peau est à peu près nue. Quelques points de leur organisation, ou plutôt de celle du Lamantin d'Amérique, ont été donnés par Daubenton, Everard Home, G. Cuvier, De Blainville, ete. La nature des os est remarquable par sa densité, véritablement éburnée, l'absence complète de diploë au centre même dans les os longs. leur grand poids et leur nombre considérablement réduit. La tête a une forme un peu allongée et présente des particularités que nous noterons en décrivant les espèces. Le nombre des vertèbres est ÿ de cinquante et une, en comprenant la tête pour quatre vertèbres; le cou en a sept très-minces, et dont la dernière n'a plus de corps, et les ares, libres dans les chairs, ne se retrouvent plus sur le squelette monté; le dos en a seize, à corps et arcs larges et à apophyses transverses très-fortes, très- larges, arrondies; les lombes trois, à apophyses transverses très-longues et très-larges; le sacrum une seulement, et la queue vingt et une; les côtes sont en même nombre que les vertèbres dorsales, rrondies, très-épaisses, courbées fortement; les onze premières vertèbres caudales ont sous leur srueulation los en V qui se trouve sous toutes les vertèbres des queues destinées aux forts mouve- ments, et les apophyses transverses sont très-grandes, tandis qu’au contraire les apophyses épi- ‘euses sont très-petites, ce que nécessite le mouvement en sens vertical de la queue. Les côtes, très er et très-épaisses, sont arrondieS sur leurs bords, et aussi convexes au dedans qu'au de- hors; les deux premières seules s’attachent au sternum, qui est rudimentaire et composé seulement de de pièces. L'hyoïde n’est formé que de trois pièces. Les membres antérieurs ont, quant au | è # CÉTACÉS. 267 nombre des os principaux, la structure de ceux des autres Mammifères, sauf la clavicule, qui man- que complétement. L'omoplate est assez large. un peu arquée sur son plan, à tête articulaire épaisse; l'humérus est assez long, non déformé, à extrémité supérieure très-épaisse; les deux os de l'avant- bras conservent leur forme normale, quoiqu'ils soient plus courts que l'humérus et solidement sou- dés entre eux aux points de contact de leurs extrémités, laissant, au contraire, au milieu une simple poulie oblique et presque symétrique; daus le carpe, le pisiforme manque et le trapèze est uni au trapézoïde, ce qui réduit les petits os de cette partie à six; les doigts sont au nombre de cinq, mais le pouce n'est représenté que par son métacarpien; les quatre autres doigts, qui ont chacun trois phalanges, sont terminés pen des ongles plats. Les os du métacarpe sont en général longs, inégaux, croissant sensiblement du premier au cinquième, qui est le plus large, le plus déprimé; le quatrième est le plus grèle, et le premier est incomplet, obtus, et constitue à lui seul le pouce; les phalanges présentent aus$i quelques particularités, et de tout cela résultent des mains bien plus lon- gues que chacune des deux autres parties du membre. On a dit qu'il n’y avait aucun vestige de bas- sin; toutefois De Blainville assure qu'il existe une seule paire d’os ischions. Dans le Lamantin du Sénégal, il y a une vertèbre dorsale et deux caudales de plus; il y a une paire de côtes de plus; les membres sont plus courts, et la tête présente de notables différences. Le système dentaire est anomal. A l’âge adulte, il n’y a que des molaires, qui forment des séries parallèles et rectilignes de chaque côté de la bouche en haut comme en bas, et fortement implantées et retenues dans les mâchoires. Le nombre de ces dents semble varier suivant l’âge de l'animal et en raison de ce que la série dentaire pousse d’arrière en avant. Dans un individu d'Amérique, De Blain- ville a pu constater douze dents supérieures et dix inférieures, et, dans un Lamantin du Sénégal, dix en haut comme en bas; etil en serait de même dans celui du Sénégal : le nombre varie dans le Jeune âge. Selon Fr. Cuvier, les dents incisives ne sont que rudimentaires et tombent avant l’âge adulte; les canines manquent complétement; les molaires, au nombre de trente-deux à trente-six, sont à peu près carrées, mais les inférieures sqnt légèrement allongées; toutes ont la couronne car- rée, plate, marquée plus ou moins, selon l’âge, de deux collines transversales qui représentent trois mamelons s'usant très-promptement. Dans le jeune âge, elles ont chacune deux petits talons à peu près d’égale grandeur à la mâchoire supérieure, et le postérieur beaucoup plus long à la mâchoire inférieure. Les molaires antérieures tombent peu de temps après que l'animal a atteint l'âge adulte. Ces dents ont quelque analogie avec celles des Tapirs. Le canal intestinal paraît être assez long; l’estomac est divisé en deux poches principales, et le cœcum, très-grand et de forme irrégulière, se termine par deux appendices en forme de doigts. Les poumons paraissent s'étendre jusqu'aux dernières côtes; mais, d'après Daubenton, le diaphragme remonterait du côté du dos pour faire place au foie et à l’estomac, de sorte que les poumons n'occu- peraient que la partie antérieure circonscrite par les côtes. Le cœur est sous le sternum. On indique trois espèces de ce genre, deux américaines et une africaine; mais deux seulement sont bien authentiques. 1. LAMANTIN DE L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE. MANATUS AMERICANUS. A. G. Desmarest, Caractères sréciriques. — Forme générale ellipsoïde, allongée, rappelant assez bien celle d'une outre; tête formant l'extrémité antérieure, et l'extrémité postérieure, après un léger étranglement, s'aplatissant pour former la queue, dont la figure est oblongue et le bout large, mince et comme tronqué; cette queue formant à peu près le quart de la longueur de l'animal; distance du museau aux nageoires ayant un peu moins du quart de cette longueur; pas de rétrécissement pour marquer la place du cou; tête ayant la forme d'un simple cône tronqué; museau gros, charnu, à extrémité of- frant un demi-cercle dans le haut duquel sont percées deux petites narines semi-lunaires dirigées en avant; bord de la lèvre supérieure renflé, échancré dans son milieu et garni de deux faisceaux de poils gros et roides; lèvre inférieure plus courte et plus étroite que la supérieure; bouche peu fen- due; yeux petits, placés vers le haut de la tête, à la même distance du museau que l'angle des lèvres; oreilles n'étant que des trous presque imperceptibles, aussi distants de l'œil que celui-ci du bout du museau, nageoires portées sur un avant-bras plus dégagé que celni du Dauphin; doigts plus distants à travers la queue que ceux de ce même Cétacé, bords de la nageoire garnis de quatre ongles plats 268 HISTOIRE NATURELLE. et arrondis qui n’en dépassent pas la membrane : pouce n’en ayant pas, celui de l'index étant au bord radial, celui du médius à l'extrémité de la nageoire, et le quatrième étant fort petit; anus sé- paré de l'issue des organes génitaux par un assez petit intervalle; peau grise, légèrement chagrinée, presque nue, quoique présentant quelques poils isolés, qui sont plus nombreux qu'ailleurs vers la commissure des lèvres et à la face palmaire des nageoires. Longueur totale d'environ 6". (Voyez pl. XXXI,fig. 1'e.) C’est l'espèce du genre qui a été le plus anciennement découverte, et, quoiqu'un grand nombre d'auteurs en aient parlé, elle n'est pas encore aujourd'hui complétement connue. Parmi les voya- geurs ou les naturalistes qui s’en sont occupés, on doit citer Oviédo, Rondelet, Lopès De Gomara, Thenet, Clusius, Aldroyande, Laërt, Jonston, Dutertre, OExmélin, Dampier, Labat, Gumilla, La Con- damine, Duhamel, Buffon, Daubenton, Everard Home, G. et Fr. Cuvier et quelques auteurs modernes; mais la plupart des naturalistes n’ont fait que se copier les uns les autres, ‘et la description que nous en avons donnée d’après G. Cuvier n’a été faite que sur un jeune animal; il y a une dizaine d'années, deux voyageurs, Émile Deville et M. De Castelneau, ont pu observer de nouveau ces animaux dans leur pays natal; mais malheureusement la narration de leur voyage, aujourd’hui en cours de publi- cation, n’a pas encore été donnée. Cet animal est le Trichecus manatus de Linné, le Manatus Americanus d'A. G. Desmarest et de Fr. Cuvier, le Manatus Australis de Tilesius; le Manati de l'Orénoque de De Humboldt, le Manati américain et le grand Lamantin des Antilles de Buffon, le Bœuf marin, la Vache marine, la Si- rene de quelques voyageurs; les anciens voyageurs le nomment presque tous Manati, et Rochefort est le premier qui lui ait appliqué la dénomination, aujourd’hui généralement admise, de Lamantin. Ce nom de Lamantin parait être, suivant Fr. Cnvier, un composé de l’article La et du mot Manat, Manate, Manati, contracté, qui fut, comme nous venons de le dire, le premier nom de cette espèce; quant à ce nom lui-même de Aanate, en supposant qu'il ne soit pas primitif, ce qui n'est pas dé- montré, on lui a donné pour étymologie le mot mana, qui, en espagnol, signifie main, ces animaux n'ayant que des membres antérieurs qui ne se montrent guère au dehors que par leurs doigts. Le Lamantin se trouve à l'embouchure de l’Orénoque, de la rivière des Amazones et de toutes les grandes rivières de l'Amérique méridionale; il est assez commun à la Guyane. Longtemps on a cru qu'il n'existait qu'une seule espèce de ce genre, et que cette espèce habitait toutes les parties chau- des du globe; cette erreur venait de ce que les voyageurs Dampier et Leguat ont pris, dans les Grandes Indes, des Dugongs pour des Lamantins, et qu'on ne savait pas encore que le Lamantin d'Afrique, décrit par Adanson, fût une autre espèce que ceux qui se trouvent en Amérique. Cet ani- mal atteint quelquefois jusqu’à 6,50 de longueur, et pèse huit milliers; mais il n’atteint que rare- ment cette énorme dimension, et ceux que l’on pêche habituellement ne dépassent guère 5". Les Lamantins vivent également dans l’eau salée et dans l'eau douce; ils aiment à remonter à plu- sieurs lieues les grands fleuves aruéricains, et l’on en trouve dans les lacs de l'Orénoque:; ils s’éloi= gnent peu des rivages et ne vont pas dans la haute mer, quoique Duhamel ait rapporté qu'à la suite d'un coup de vent un Lamantin femelle, avec son petit, fut jeté à la côte près de Dieppe. Ils vivent en familles, et ces familles se réunissent pour former des troupes quelquefois immenses. Leur carac- tère est très-doux, affectueux, et ils possèdent à un haut degré l'instinct de la sociabilité; leur intel- ligence semble très-développée, et l'expérience sert à rectifier leurs premières impressions; en effet, dans les contrées où ils n'ont pas trop été harcelés par les hommes, ils se.laissent approcher, tou- cher même sans aucune crainte, et il faut les frapper assez rudement pour qu'ils aient la prévision du danger et qu'ils prennent le parti de s'éloigner, tandis que, dans les endroits où on-les chasse hâbituellement, ils fuient dès qu'ils aperçoivent l'homme. Il paraît qu'ils sont monogames, et que le mâle ne quitte jamais sa femelle; il l'aime avec tendresse, la défend avec courage et l’aide à soigner et à élever ses petits : si elle meurt, il reste auprès du cadavre et ne l'abandonne qu'à la dermière extrémité. Les petits ont la même tendresse pour leur mère; aussi les pêcheurs savent-ils mettre à profit l’affection qu'ils ont les uns pour les autres, et, autant que la chose est possible, tächent-ils de barponner une femelle, bien sûrs qu'ils sont de s'emparer ensuite facilement du mäle et des petits. Pour cette pêche, ils s'embarquent sur un léger canot, et vont chercher les Lamantins sur les plages peu profondes et herbeuses, autour des iles et à l'embouchure des fleuves, où ils viennent paiîlre les fucus et autres plantes marines dont ils se nourrissent presque exclusivement. Quelquefois, pour les CÉTACÉS. 269 harponner, ils attendent qu'ils viennent respirer à la surface de l’eau; d’autres fois ils les surpren- nent dans le sommeil, et ces animaux se laissent alors flotter sur les eaux, n'ayant que le museau au-dessus de leur surface. Il arrive encore, surtout dans les lues et dans les fleuves, quand l’eau n’a pas une très-grande profondeur, qu'on les aperçoit paissant sur les bas-fonds, et, dans ce cas, les Indiens se servent volontiers de trains de bois flottants en guise de canot, et d’une flèche fixée au bout d'une lance pour remplacer le harpon. Lorsque le Cétacé, blessé et de plus en plus épuisé par la perte de son sang, fuit avec vitesse, les autres Lamantins cherchent en vain à porter secours à l’ani- mal, qui cherche à gagner les bas-fonds pour pouvoir porter la tête au-dessus de l’eau afin de res- piver, alors le pêcheur peut aisément l’achever, tuer le mâle ou la femelle qui le suit, et s'emparer des petits vivants. Il est assez facile d'observer les mœurs des Lamantins sur le bord des fleuves en- caissés; si la profondeur des eaux le leur permet, on les voit s’approcher jusque contre les rives et élever la moitié du corps au-dessus des ondes pour atteindre et brouter les herbes et les arbrisseaux du rivage; mais, quoi qu'on en ait dit, ils ne quittent jamais leur élément pour venir ramper sur la terre; pour allaiter son petit, la mère le A avec une de ses nageoires et Le presse sur sa poitrine, elle le suit avec la plus grande sollicitude, le guide, lui apprend à connaître les herbes dont il doit se nourrir, et ne l’abandonne que quand il est tout à fait adulte; il en résulte qu'on la voit souvent suivie de deux petits, mais cependant elle n'en a réellement qu'un seul par portée; du reste, la ma- nière dont se fait l’accouplement et le temps de la gestation sont absolument inconnus. Quand ces animaux quittent la mer pour remonter les fleuves, ils se réunissent en grande troupe et gardent un certain ordre dans leur marche; les mâles les plus vieux et les plus fie se placent à la tête, les fe- melles suivent en veillant sur leurs petits, et les jeunes sont placés au milieu du troupeau. Selon te récit de quelques Indiens, il n’est pas toujours sans danger de les attaquer pendant qu'ils sont ainsi réunis; car, pour porter secours à celui que l’on a harpouné et laissé dans l’embarcation, ils se pré- cipitent en si grand nombre autour du canot, qu'ils font submerger. Les Lamantins peuvent, dit- on, s’apprivoiser facilement; Lopès De Gomara rapporte qu'un jeune animal de cette espèce ayant été pris jeune fut transporté à Saint-Domingue, où on le plaça dans un petit lac; il ÿ vécut plusieurs années et devint aussi familier qu un Chien; il accourait au nom de Malo, recevait la nourriture des mains de son maître, aimait à jouer avec les personnes qu'il connaissait, et les transportait même sur son dos d’une rive à l’autre. Leur chair passe pour excellente; elle a, selon les uns, le goût du meilleur Bœuf, et celui du Veau ou du Pore selon d’autres. Leur graisse est très-douce, et a la pré- cieuse qualité de se conserver longtemps sans s'altérer ni rancir. Le lait que l'on sort des mamelles des mères pendant l'allaitement est, dit-on, d'une saveur très-agréable. Une seconde espèce américaine de ce genre est le Lamanrix 4 LARGE museau (Manatus latirostris), qui est assez douteuse, et que M. Harlan a fondée sur quelques os de la tête, trouvés en Amérique sur le rivage de la mer, où les flots les avaient jetés, et qui ont plus de rapports avec ceux du La- mantin du Sénégal qu'avec ceux du Lamantin d'Amérique. Cette espèce habiterait le golfe du Mexique et la mer des Antilles. $ L'espèce africaine est : 2. LAMANTIN DU SÉNÉGAL. MANATUS SENÉGALENSIS. A. G. Desmarest. Caracrères spéciriques. — Tête conique, d’une grosseur médiocre; yeux ronds, à iris d'un bleu foncé et à prunelle noire; lèvres charnues, épaisses; langue ovale; quatre ongles d'un rouge brun, luisants; cuir épais, d’un cendré noirâtre; graisse blanche; chair rouge pâle; tête osseuse, assez courte relativement à sa largeur, surtout dans la partie du museau et des narines, tandis qu'elle est assez allongée dans l'espèce de l'Amérique; fosses nasales égales en largeur aux trois quarts de leur longueur, Sat de l’autre espèce étant trois fois plus longues que larges: apophyse zygomatique du temporal médiocrement élevée, et très-haute dans l'espèce américaine; bord inférieur de la mandi- bule courbé dans l'espèce africaine, et droit dans l'autre. Longueur totale n’atteignant pas 3%, et le poids quatre cents kilogrammes. Cette espèce n’est guêre connue que par la description qu’en a donnée Adanson. C'est le Léréon des nègres Yolofes, le Pazzi-Mouller des Portugais, l’Ambisiangulo et le Pasiengoui des nègres 270 HISTOIRE NATURELLE. de quelques côtes; c’est le Lamanrin pu SénéGaz d'Adanson, de Dapper, de Buffon, etc.; le Trichecus Australis de Shaw; le Manatus Senegalensis d'A. G. Desmarest, de Fr. Cuvier, etc. Ce Lamantin se trouve non-seulement à l'embouchure du Sénégal, mais encore sur toute la côte occidentale de l'Afrique ‘depuis ce fleuve jusqu'à la Guinée méridionale. On ne connaît que très-peu de choses sur les mœurs de cet animal; tout ce qu'on en sait, c’est que non-seulement il se trouve à l'embouchure des fleuves, mais encore le long de leurs cours, à une très-grande distance de la mer, dans les lacs, ete. Selon Dapper, il pousserait des eris effrayants lorsqu'il serait blessé, et sa chair, très-grasse et fort bonne, ressemblerait à celle du Cochon; on la salerait pour la conserver, mais quelquefois cette nourriture ne serait pas sans inconvénient pour les marins; d’un autre côté, l'abbé Damannet dit, au contraire, que cette chair est très-saine, et que les nègres l’aiment avec passion, ce qui est cause qu'ils font une guerre continue à ces animaux. Que GENRE. — HALITHÉRIUM. HALITHERIUM."Kaup, 1858. AXs, de mer; Degtov, animal. In Leonhard und Bronn neues Jahrbuch für Mineralogie, ete. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, À; molaires, =; en totalité vingt-six dents, et dans quelques es- pèces un plus grand nombre. Incisives supérieures en forme de défenses presque aussi développées que celles des Dugongs : à la mâchoire inférieure, cinq paires d'alvéoles mentonaires au lieu de quatre; molaires comme dans les Dugongs, mais à tubercules mastodontiformes disposés en collines presque transverses et ayant quelque analogie avec celles des Lamantins : les postérieures à deux collines avec un talon, et celui-ci plus considérable aux infériewres qu'aux supérieures; dents: su- périeures à trois racines, inférieures à deux seulement. Crûâne et squelette peu différents de ceux du Dugong. Côtes pleines, comme pierreuses, sans cavités spongieuses dans leur intérieur. Les débris osseux des Mammifères de ce genre, lorsqu'on a reconnu l'ordre auquel ils appartien- nent, ont été tour à tour considérés comme provenant d'animaux voisins des Lamantins ou plus rap- prochés, au contraire, des Dugongs. En France, G. Cuvier a été conduit à soutenir la première de ces opinions dans ses Recherches sur les ossements fossiles, et M. De Christol, la seconde, dans un mémoire spécial qui a-paru, en 4854, dans les Annales des sciences naturelles. MM. De Christol et Marcel De Serres ont aussi admis, d'après beaucoup d'os recueillis par eux à Montpellier, l’exis- tence simultanée d'un Dugong et d'un Lamantin. Depuis lors, M. De Christol a jeté le plus grand jour sur l'histoire difficile des Cétacés herbivores fossiles en démontrant que le Lamantin fossile de Douai, décrit par G. Cuvier, le moyen Hippopotame d'Angers, l' Hippopotame douteux de Blaye, et même le Phoque de Douai du même auteur, appartenaient au même animal déjà nommé Lamantin fossile par ce grand naturaliste, ou du moins au même genre. M. De Christol donna, dès lors, à ces curieux animaux le nom de Dugong ou Halicore Cuvieri; mais bientôt après il les regarda comme le type d’un genre nouveau, qu'il appela Metaæytherium (u:zaëv, intermédiaire; 6ngxy, animal) dans le journal l'Ansticut pour 4840. Fr. Cuvier, dans le rapport qu'il fit à l'Académie des sciences de Pa- ris sur le premier mémoire de M. De Christol, avait en effet indiqué la nécessité de fonder un genre à part pour les prétendus Dugongs fossiles. Mais malheureusement le nom qu'imagina M. De Christol, nom qui est quelquefois adopté, n’est pas le premier que l’on ait proposé. M. Kaup l'avait devancé à cet égard en faisant connaître, en 1838, quelques fossiles analogues à ceux observés dans le Maine et en bas Languedoc, et il en avait fait deux genres distincts sous les dénominations d'Halitherium et de Pygmeodon (rvyun, mamelonné; «ds, dent). De son côté, M. H. De Meyer avait fait usage du mot {lalianasa (3:, de mer; av2602, maîtresse), et M. Bruno employa celui de Cheirotherium (yet, main; Gnpuv, animal). Depuis lors, De Blainville a donné, dans son Ostéographie des Manatus, de nombreux et importants détails sur les Halithériums, qu'il réunit aux Lamantins; M. P. Gervais s'en CÉTACÉS. 271 est occupé dans les Annales des sciences naturelles pour 1845, et dans sa Zoologie et Paléontologie françaises, et tout récemment M. Kaup en a publié une monographie complète. On connaît une dizaine d'espèces d'Halithériums; mais plusieurs d’entre elles ne sont fondées que sur des débris peu considérables, et principalement d’après des côtes qui, par leur grande épaisseur, ont pu être plus facilement conservées que les autres os. Nous ne citerons que les principales, telles que : 4° Halitherium Serresii, P. Gervais (Lamantin, Dugong et petit Hippopotame, G. Cuvier; Metaxæytherium Cuvieri, De Christol, etc.), commun dans les sables marins pliocènes de Montpellier, et dont le Muséum possède une belle tête qui a été recueillie par M. P. Gervais; 2° H. fossile (Ma- natus fossilis, Hippopotamus medius, Phoca fossilis, Morse fossile, G. Cuvier; M. Cuvieri, Lauril- lard), de la molasse miocène et des faluns à Douai, à Angers, à Rennes, etc.; 3° 1. Beaumont, P. Gervais, De Christol, fossile à Beaucaire dans la molasse miocène; 4° AT. Guettardi, De Blain- ville, P. Gervais, trouvé dans un terrain marin supérieur au gypse et inférieur aux molasses du midi à Jeune; à Étrechy, près Étampes, à Longjumeau, et peut-être même à Belleville, près Paris, et dont le Muséum possède un squelette presque complet provenant d'Étrechy, et étudié avec soin par De Blainville, etc. Un genre probablement voisin de celui-ci est celui des Trachytherium (type T. Roulinüi), fondé par M. P. Gervais pour une dent inférieure trouvée dans le calcaire marin-à la Réole (Gironde). Quant au genre Diprotodon de M. Owen, qu'on en a rapproché, il appartient plutôt à l'ordre des Marsupiaux; le Basilosaurus de Harlan ou Zeuglodon, Owen, que l'on a aussi rapproché de ces ani- maux, semble bien réellement être un Reptile. 3%e GENRE. — DUGONG. HALICORE. Iliger, 1811. Ac, mer; xopn, fille. Prodromus systematicus Mammalium et Avium. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire, souvent dans les adultes : incisives, 2; molaires, =4, ou quatorze dents, et chez les jeunes : incisives, #; molaires, À, outrente-deux dents. Quatre incisives supérieures, dont deux très-fortes, cylindriques, droites, formant de véritables défenses, et deux très-petites, situées en ar- rière de celles-ci, el qui ne se trouvent que dans les jeunes sujets; face antérieure de la mâchoire infé- rieure tronquée obliquement, el présentant sur deux lignes huit alvéoles contenant des dents à l'état de germe, et ne prenant jamais plus de développement; molaires au nombre de cinq de chaque côté de l'une et de l'autre mâchoire dans les jeunes, et ordinairement de trois dans les adultes : la pre- mère étant cylindrique, mais usée obliquement et en creux à la pointe; la seconde cylindrique, à couronne plale, et lu troisième formée de deux cylindres réunis, et aussi tronquée au sommet. Tête non distincte du corps, à museau très-gros, tronqué et mobile, garni de gros poils épincux sur le bord des lèvres, qui sont très-grosses; narines très-petites, séparées l'une de l'auire, situées en avant des yeux : ceux-ci petits; langue molle, douce, en partie fixée, très-épaisse. Corps pisiforme, terminé par une n@&geoire horizontale à deux lobes. Membres antérieurs transformés en nageoires courtes, sans doigts distincts ni ongles. Si le nom de Sirène, ou quelque autre dénomination plus où moins fabuleuse appliquée par les Grecs et les Romains à ces êtres moitié femme et moitié Poisson, peut être appliqué à un Mammifère, c'est plus spécialement au Dugong qu'on doit le faire, puisque c'est le seul des Cétacés herbivores qui habite l'ancien monde. Mais, comme nous l'avons déjà dit, cela est au moins très-douteux; ce qui est plus probable, c’est que le Dugong est nommé dans le livre de Moïse, et que les anciens ont pu le citer également. Longtemps réuni aux Lamantins, le Dugong en fut génériquement distingué par De Lacé- pède, en 1804, dans son Histoire naturelle des Cétacés sous le nom de Dugungus, qu'illiger, en 1811, changea en celui de Halicore, qui est généralement adopté aujourd'hui, et qui rappelle ( (as, de mer; zopr, fille) son analogie vraie ou fausse avec les antiques Sirènes. 279 HISTOIRE NATURELLE. Les Dugongs, avec une organisation générale qui les rapproche beaucoup des Lamantins, en dif- fèrent toutefois par des caractères importants, par des particularités qui modifient leur nature et en font des animaux qui n’ont plus avec les Bamantins des analogies suffisantes pour qu'il soit possible de ne plus voir entre les uns et les autres que des différences spécifiques. Ce sont des animaux en- core plus herbivores que les Lamantins : leurs molaires, qui ne présentent bientôt plus qu'un plan uniforme bordé d'émail, n’ont jamais de racines proprement dites; ces dents ne cessent pas de croître tant qu'elles sont en situation d’être utiles à l'animal, et leur nombre est toujours moindre que celui des Lamantins. D'un autre côté, si ceux-ci sont pourvus d’incisives, ce sont des dents rudimen- taires dont ils ne font aucun usage, et non pas des dents puissantes à l’usage desquelles est attachée une destination, un but. Les modifications des organes du mouvement sont de même assez notables; les nageoires pectorales ne montrent déjà plus, par des ongles, la division des doigts; et la nageoire caudale est devenue semblable à celle des Cétacés proprement dits, des Dauphins et des Baleines. Le Dugong se rapproche donc par là de ces animaux plus que des Lamantins; et il semble s’en rap- procher encore par la situation de ses narines, qui s'ouvrent à la partie supérieure du museau et assez loin de son extrémité. On pourrait donc, selon Fr. Cuvier, considérer les Dugongs comme des animaux qui commencent à remplir le vide assez grand qui existe entre les Cétacès herbivores et les Cétacés proprement dits; à moins que, par les raisons que nous avons déjà dennées, on ne les rap- proche, comme De Blainville le fait, des Éléphants, avec lesquels ils ont quelques rapports. Quelques points de l’organisation intérieure de ces animaux ont été étudiés avec soin, et nous allons surtout dire quelques mots de leurs os et de leurs dents. L’ostéologie du Dugong a été com- mencée il y a longtemps. Daubenton, en 1765, en a décrit la tête; Everard Home, G. Cuvier, ont parlé du squelette, figuré par MM. Pander et D'Alton; enfin De Blainville s’en est occupé de nouveau dans son Ostéographie. La tête est plus large que celle du Lamantin; les os du nez un peu plus distincts, quoique soudés de bonne heure; les sept vertèbres cervicales sont complètes dans leur corps et dans leurs ares; il y a dix-neuf vertèbres dorsales, les huit ou neuf premières seulement donnant articula- tion à deux paires de côtes; il n’y a que trois vertèbres lombaires; une seule sacrée; vingt-neuf coc- cygiennes petites, déprimées, avéc des os en V; l’'hyoïde est plus compliqué que celui du Lamantin; le sternum n’est aussi composé que de deux pièces; les côtes, à l'exception des deux premières, qui sont larges, sont assez grêles; les membres antérieurs offrent quelques différences : l'omoplate est plus étroite, plus courbée; l'humérus est plus court; le radius plus déprimé; le cubitus proportion nellement plus robuste; au carpe, les deux os de la première rangée sont soudés ensemble; le méta- carpe et les phalanges sont assez comme dans le Lamantin; les membres postérieurs sont plus com- pliqués en ce qu'il y a un rudiment manifeste de bassin composé de deux os, un ischion et un pubis. Quelques différences ont été remarquées dans les têtes de nombreux individus. Dans le Dugong, selon De Blainville, il y a, à tout âge, et par conséquent chez l'adulte, une paire de fortes incisives plus ou moins exsertes à la mâchoire supérieure; ces dents, variables pour la longueur, pour la grosseur et même un peu pour la forme, sont en général coniques, allongées, quelquefois un peu trièdres, irrégulièrement cannelées au sommet, peu pointues, finement sillonnées dans le reste de leur étendue et jusqu'à la base, qui est en général tranchante au bord d’une cavité alvéolaire plus ou moins profonde. Cette défense, qui est le plus souvent cachée dans l’alvéole qu’elle remplit en entier, n'offre alors aucune trace d’usure, mais elle paraît être quelquefois exserte; elle est légèrement courbée en dehors et un peu en avant, très-difre et susceptible d’un grand poli. Au delà de cette défense est une barre tranchante, et après elle cinq molaires croissant de la première à la dernière, presque cylindriques, ou un peu évasées à la base, sans racines proprement dites, et dont la couronne, sans doute par l'usure, est comme tronquée à sa surface. La première dent est petite, cylindrique; les autres deviennent plus ovales, et la dernière est presque didyme. Par suite de l’âge sans doute et de l'usure, ces cinq dents disparaissent d'avant en arrière, de manière à n'être plus qu'au nombre de quatre, de trois, et enfin de deux seulement. À la mâchoire inférieure, il n’y a pas de défense; mais on doit considérer comme des incisives les petites dents qui occupent la première paire de trous du disque perforé de la symphyse que l’on voit dans le jeune âge; les trois autres paires de trous ou de fossettes dont cet espace est creusé renferment autant de dents, également assez petites, allongées, biconiques, qui sont immergées dans la gencive, qu'elles ne paraissent jamais percer, et que l’on ne voit que dans le jeune âge: ces dents sont considérées comme des incisives, *CÉTACÉS. + 213 et dès lors il ÿ en aurait cinq paires. Au delà de l'angle, et après une barre plus courte qu'en haut, vieunent cinq molaires pouvant être réduites aux deux dernières, comme supérieurement, par suite de leur avancement et de leur chute successifs, mais ensgénéral plus larges, plus comprimées et plus verticalement implantées. . Quelques autres points de leur organisme ont aussi donné lieu à des travaux importants; nous ne pouvons entrer dans des détails à ce sujet, et nous nous bornerons à dire que leur estomac est divisé en deux poches par un étranglement particulier; et que cet organe est pourvu de deux appen- dices cœcals. Leur iutestin est très-long, et cela doit se comprendre, puisque ces animaux sont es- sentiellement herbivores : cet intestin a quatorze fois la longueur de l'animal. La trachée-artère très-courte; le thymus fort développé; les poumons sont très-allongés. Leur cœur est bifurqué à sa pointe, et chaque ventricule forme un lobe particulier. Les Dugongs, comme les Lamantins et les Stellères, ne s’écartent guère des côtes, se tiennent sur- tout sur les bas-fonds et ne vont jamais à terre. Ils habitent les mers de l'Inde. On n'en connait qu'une seule espèces, le : DUGONG. HALICORE INDICUS. Fr. Cuvier. CaracrÈres spÉciriques. — Tête assez semblable, au premier aspect, à celle d’un jeune Éléphant dont la trompe aurait été coupée: deux nageoires sans aucune division, tenant la place de membres antérieurs; deux défenses supérieures assez courtes, droites et dirigées obliquement en bas; partie postérieure du corps terminée par une nageoire horizontale semblable à celle des Dauphins; corps revêtu d'un cuir épais, d'un bleu clair uniforme, excepté aux parties inférieures, où il est blanchà- tre, et aux côtés du corps, où l’on observe quelques taches irrégulières et plus foncées; museau mobile sur la mâchoire supérieure, recouvrant latéralement une partie de celle de dessous, et ter- miné par une portion horizontale un peu élargie et bombée, parsemée de poils ou plutôt de petites épines cornées, très-courtes, partout ailleurs que sur les lèvres, où elles”n’ont cependant pas plus de 0",005 de longueur; cette portion ayant la forme d’un large croissant, parce qu'elle est échancrée au milieu pour recevoir l'extrémité de la mâchoire supérieure, au-dessus de Jaquelle on aperçoit de chaque côté la pointe des défenses; des verrues cornées garnissant les parties verticales de l'inté- rieur des deux mâchoires; langue courte, étroite, en grande partie adhérente, garnie à sa pointe de papilles cornées, et à sa base de deux glandes salivaires; des gencives très-épaisses à la base des dents; intérieur des joues entièrement garni de poils; narines ouvertes au sommet de la mâchoire supérieure par deux fentes paraboliques rapprochées de l’extrémité supérieure du museau, ayant leurs bords semi-lunaires en forme de valvules, et pouvant se fermer à la volonté de l'animal; yeux très-petits, très-convexes et pourvus d'une troisième paupière; oreilles placées en arrière des yeux, ne se montrant que par une petite fente à peine perceptible; membres de devant enveloppés par la peau, sans doigts ni ongles, ayant leurs bords calleux; queue divisée en deux lobes. Longueur to- tale, 2,50 à 2,60; circonférence du corps à la partie moyenne mesurant plus de 1”. Le Dugong a été figuré pour la première fois, mais d’une manière presque inintelligible, par Re- nard; Pierre Camper est le premier auteur qui en ait donné une assez bonne description; depuis, un, grand nombre de naturalistes et de voyageurs s’en sont occupés, en le désignant soit sous le nom de Lamantin, soit sous celui plus spécial de Dugong; parmi ces auteurs, nous citerons Leguat, Brisson, Linné, Buffon, Daubenton, Barchewitz, Pierre et Adrien Camper, G. Cuvier d’après les recherches de MM. Diard et Duvaucel, Raffles, Everard Home, De Blainville d’après les individus ou plutôt les squelettes et têtes rapportés en assez grand nombre des voyages autour du monde de MM. Quoy et Gaimard, et Hombron, Leguillou et Jacquinot, Fr. Cuvier, qui a résumé les travaux de tous ses de- vanciers, etc. D’après tous les travaux de ces divers auteurs, on comprend que ces animaux sont aujourd'hui assez bien connus, et sous le rapport zoologique, et surtout sous le rapport anatomique. Cet animal est indiqué sous le nom de Ducoxc par Renard, Buffon, Fr. Cuvier, ete.; c'est le The Indian Walrus de Pennant, le Trichecus Dugong d'Erxleben, de Gmelin, de Linné, de Camper, ds Paffles, de Home, etc.; le Rosmarus Indicus de Boddaert, l'Halicore cetacea d'Iliger, et l'A. le. dicus de Fr. Cuvier et de tous les zoologistes modernes. fs ct ot 27% HISTOIRE NATERELLE. On trouve le Dugong dans les mers de la Malaisie, du nord de l'Australie et dans la mer Rouge; mais il paraît qu'autrefois on le rencoutrait aussi dans quelques autres parties du globe d’où il a dis- paru. Tout à fait herbivore, il recherche les plages peu profondes, couvertes de varechs et autres plantes marines dont il fait sa nourriture. Il atteint une très-grande’taille; mais ceux qui ont été pris jusqu’à ce jour ne dépassent guère 3" de longueur, parce que, dit-on, il serait dangereux pour les pêcheurs d'attaquer des individus plus grands. Les deux dents incisives externes forment des dé- fenses fortes, tranchantes, qui lui servent d'armes très-dangereuses pour ceux qui l'attaquent: en outre, ces animaux, qui vivent en troupes, se défendent mutuellement, et poussent quelquefois l’'au- dace jusqu'à essayer de monter dans les petites embarcations dont on se sert pour la pêche. Ils se portent entre eux une si grande affection, que, si l'on prend une femelle, on est à peu près sûr que le mâle et les petits viendront se livrer eux-mêmes au harpon. On dit qu'ils sont susceptibles d'une certaine éducation, et même d'affection pour leurs maîtres; mais ce fait est loin d'être dé- montré. Peut-être existe-t-il deux espèces de Dugongs dans les mers de la Sonde; car les Malais nomment Bamban un de ces animaux à corps mince et allongé, et Buatal un autre qui est proportionnellement plus court et plus épais. Quant au Dugoug des tabernacles, que Rüppel a vu dans la mer Rouge après Hemprich et Ehrenberg, il a été parfaitement démontré par Sæmmering qu'il ne diffère en rien de celui des Moluques. Les Malais regardent la chair de cet animal comme délicieuse, et la ré- servent pour la table de leurs chefs; mais ce luxe gastronomique devient de plus en plus rare, et tout annonce que, dans un siècle peut-être, le Dugong, poursuivi trop vivement par l'homme, aura entiè- rement disparu de dessus le globe. Leurs défenses, d’une texture très-dure, et pouvant se polir Faci- lement, servent quelquefois dans les arts à la fabrication de petits objets d'art. Ame GENRE. — STELLÈRE. RYTINA. Illiger, 1811. Porte, ridé. Prodromus systematicus Mammalium et Avium. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Pas de dents proprement dites, mais une plaque cornée de chaque côté des deux mâchoires, pla- que attachée non par des racines, mais par une infinité de vaisseaux et de nerfs, un peu comme chez l'Oryctérope et l'Ornithorhynque; surface triturale de cette plaque inégale, creusée de xig- æugs ou de chevrons brisés. Tête obtuse, sans cou distinct; pas d'oreilles externes ni de trou auditif apparent; lèvres supé- rieure et infgrieure doubles; yeux munis d'une membrane curtilagineuse en forme de crête qui peut les recouvrir; narines placées vers l'extrémité du museau. Extrémités antérieures en forme de nageoires palmées, comme celles des Tortues de mer, sans apparence d'ongles comme chez les Lamantins, où elles sont terminées par une callosité ayant l'as- pect d'un ongle. Corps renflé au milieu, diminuant insensiblement jusque vers la nageoire caudale: celle-ci très- large, peu longue, en forme de croissant, terminée de chaque côté par une grande pointe, et de nature cornée. Peau sans poil, mais revêtue d’une sorte d’épiderme extrêmement solide et très-épais, composé de fibres ou tubes serrés et perpendiculaires au derme. Estomac simple; intestins très-longs; cœcum énorme; côlon très-vaste et divisé en grandes bour- souflures; deux mamelles pectorales. Ce genre a été créé par G. Cuvier, en 1809, dans le tome XII des Annales du Muséum, sous la dénomination française de Srecrère, en l'honneur de Steller, qui, en 1751, dans les Acta Petrop. Von. Comm., t. If, en a fait connaître, comme une espèce de Lamantin, le type. liliger, en 1811, a donné au même-.groupe le nom latin de Æytina, qui rappelle la structure ridée de Ja peau de ces er CÉTACES. 275 Cétacés herbivores. Steller est le premier, et jusqu'ici Le seul naturaliste, qui nous ait donné des dé- tails anatomiques, z0ologiques et d'histoire naturelle sur l'espèce unique de ce groupe; aussi n'est-ce que d’après son important travail, que Fr. Cuvier a træduit en entier, en 1856, dans son Histoire naturelle des Cétacés, que on connaît le Rytina Borealis. Nous ne dirons seulement que quelques mots, d'après Steller, relativement à son système osseux et à ses plaques dentaires. Les os de la tête, pour la solidité et la force, ressemblent à ceux du Che- val; mais tous les autres os, sous ces mêmes rapports, surpassent ceux de tous les animaux terrestres. Le crâne, très-robuste, a une petite cavité cérébrale; il n'y a pas de traces de suture; les os du nez sont réunis par une suture grossière; il n°y aurait pas de bulbe auditif. Le nombre des vertèbres est de soixante : six cervicales, "dix-huit dorsales, trente-cinq terminales, divisées en neuf lombaires, une sacrée et vingt-cinq coccygiennes. Le sternum est cartilagineux dans la partie supérieure. Il y a dix-neuf côtes. Les os du bras finissent, dit Steller, avec le métatarse et le tarse, et il n’y aurait aucune trace de doigts non plus que d'ongles, et le métatarse et le tarse seraient formés d’une graisse solide, enveloppés de tendons et de ligaments, de manière à ressembler à un membre d'humérus amputé qu'entourerait un épiderme beaucoup plus épais, plus dur, formant pour ainsi dire un sabot de Cheval avec une sorte de sole, mais plus pointu et plus propre à fouiller. Aux membres posté- rieurs, les os innominés, de la grandeur et de la forme du cubitus de l'homme, sont réunis par de forts ligaments à la trente-cinquième vertèbre, et de l’autre côté à l'os pubis, ce qui fait supposer que cet animal a deux paites d'os au bassin comme le Dugong. Dans ce genre, il n’y aurait, toujours selon Steller, que deux seules dents en forme d'os plats, lun supérieur et l'autre inférieur; mais M. Brandt ayant démontré que ces plaques ne sont pas des dents mais des plaques cornéo-calcaires qui garnissent, l’une la partie antérieure du palais et l'autre le disque symphysaire de la mandibule, il en résulte qu'il n'y aurait pas de dents du tout. L'espèce unique de ce genre est le : x STELLÈRE. RYTINA BOREALIS. Iliger Caracrènes sréciriques. — Tête ronde, confondue avec le cou et Le corps; pas de défenses; bou- che petite, placée au-dessous du museau et ayant ses lèvres doubles, spongieuses, épaisses et très- gonflées, garnies à l'extérieur de soies blanches, recourbées, longues de 0,03 à 0,04, formant des moustaches; mâchoire inférieure dépassant la supérieure; ouverture des narines placée vers l'extré- mité du museau, ayant autant de largeur que de longueur; yeux sans sourcils, mais ayant à leur grand angle une meæbrane cartilagineuse en forme de crête qui peut les couvrir à la volonté de l'ani- mal; extrémités antérieures n'ayant ni doigts, ni phalanges, ni ongles; nageoire caudale de nature analogue à celle des fanons de Baleine, en croissant et pourvue d’une grande pointe à chaque lobe; peau nue, exc essivement épaisse, de nature fibreuse comme celle de la corne, noire. Longueur totale, environ 4% à 5%; poids atteignant parfois tÿpis mille kilogrammes. Les Stellères, que Linné indique sous le nom de Trichecus manatus, var. Borealis; Shaw, sous celle de Trichecus Borealis; G.Cuvier, de Stellerus Borealis, et Niger, de Rytina Borealis, habitent les mers qui baignent la presqu'ile du Kamtcbatka; on les trouve surtout en abondance dans les baies de la côté nord de l'Amérique et aux environs des îles Kurides et Aléoutiennes. Othon Fabricius assure même en avoir rencontré un crâne sur les côtes du Groënland, Ces animaux aiment les parties bas- ses et sablonneuses du rivage, et principalement les embouchures des rivières, où ils sont attirés par la douceur de l’eau courante. Ils sont toujours en troupes; ils conduisent devant eux les petits et les individus non adultes: mais ils les environnent en arrière et sur les côtés, et les laissent toujours dans le milieu du troupeau : à la marée haute, ils s'approchent tellement du rivage, qu'on peut non- seulement les frapper avec un bâton, mais même leur toucher le dos avec la main. lis semblent mo- nogames, ne produire qu'un petit à la fois, et la durée de leur gestation parait être de près d'une année. Ils sont sans cesse occupés à manger; leur avidité fait qu’ils ont toujours la tête sous l’eau, et leur sûreté les occupe si peu, que l'on peut, dit Steller, sur un bateau ou à la nage, aller au mi- lieu d'eux, choisir en toute sécurité, et frapper du grappin au milieu du troupeau celui qui convient le mieux. Lorsqu'ils peissent, toutes les quatre ou cinq minutes, ils sortent les nageoires hors de 976 HISTOIRE NATÜRELLE. l'eau et en chassent l'air et un peu d'eau avec un bruit semblable au hennissement du Cheval; tantôt ils nagent tranquillement, tantôt ils marchent au fond de l'eau en quelque sorte, et placent lente- ment un pied devant l’autre, comme le font"ên paissant sur la terre les Bœufs et les Brebis. La moi- tié du corps de l'animal, c’est-à dire le dos et les flanes, sont toujours au-dessus de l’eau, et les Mouettes ont coutume de s'y reposer pour se nourrir des Insectes parasites qui se trouvent dans l’épiderme. Les Stellères ne mangent pas indistinctement tous les fucus, mais semblent choisir cer- taines espèces, et recherchent les feuilles plutôt que les tiges et les racines. Sonvent en hiver ils sont suffoqués par les glaces qui flottent près des côtes, et ils sont rejetés morts sur le rivage; ce qui arrive aussi lorsque, étant surpris par Les vents, les flots agités les jettent contre les rochers. En hi- ver, ces animaux sont maigres au point qu'on leur voit l'épine dorsale et toutes les côtes. Ea chasse de ces animaux se fait comme celle des Lamantins, dont nous avons dit quelques mots; et de même on voit ces Cétacés chercher à se porter secours lorsqu'ils sont blessés. Le Stellère est muet, il ne fait entendre aucune voix; il souffle seulement fortement et pousse, quand il est blessé, une espèce de soupir. La peau de ces animaux est employée, par les Américains, pour faire des semelles et des ceintures; on assure aussi que les Tschaktschis se servent de cette peau pour faire des nacelles, en l’étendant au moyen de bâtons et en la façonnant de la même manière que le font les Coréens pour les peaux des grands Phoques. La graisse sous-cutanée, qui est très-épaisse, a une odeur et une saveur très-agréables; elle peut se conserver très-longtemps et est une très-grande ressource pour la nourriture et pour l'éclairage des peuples du Nord; la chair, qui fait la nourriture presque exclusive des habitants du Kamtchatka, a besoin d’une cuisson prolongée et a une saveur très-agréable, assez semblable à celle du Bœuf. La graisse des jeunes ressemble tellement au lard frais du Cochon, qu'on l'en distingue à peine : leur chair ne diffère pas de celle du Veau; elle se ramollit par la cuisson, et elle s’y gonfle à tel point, qu'elle occupe un espace double de celui qu'elle occupait avant. DEUXIEME SOUS-ORDRE. CÉTACÉS PROPREMENT DIS8S. CETÆ. Linné. Chez les Cétacés proprement dits, la tête n’est pas séparée du tronc par un cou distinet; les memi- bres antérieurs sont disposés en nageoires simples, et les postérieurs sont remplacés dans leurs fonc- tions par une nageoire cartilagmeuse horizontale qui se confond avec la queue : tous ces membres sont entièrement privés d'ongles; quelques-uns ont sur le dos une nageoire verticale de substance tendineuse, mais non soutenue par des os; les dents sont osseuses, coniques et d’une seule forme, attachées aux deux mâchoires ou à l'une d'elles, ou bien ces dents sont remplacées par des fibres particulières qui portent le nom de fanons; leur respiration est aérienne et aqueuse, et leur voix à peu près nulle, ou ne se compose que de simples mugissements. Ce sont des Mammifères essentielle- ment pisciformes et aquatiques, à fœtus expulsés vivants d’une matrice simple et à une seule ouver- ture, à mamelles distinctes et situées près de l'anus, à mode de lactation peu connu et à respiration par des spiracules ou évents. Leur corps est recouvert d’une peau nue et lisse, et, en dessous de cette peau, on trouve une épaisse couche de graisse on de lard qui est le principal objet pour lequel on les recherche. L'habitation de ces animaux est exclusivement au sein des eaux. si 0h LINIUT ETS deu M no! écatntiethat 7 ME sn rl dé ergitest a a ES le Grip rat DOTE RER LE LU nd Ph, à » pion este) ul mie 2100 il cer ENT MERE TER TT ; Ris el yes 2: els not f Uov sul 00 Cp Amon eutébenr Es LÉ | Ab: noyé suc Hoi stbnrnie.) 258 fes sminospet sa, ii bte ai npénet centres roland softs Sa 29h restos D frotte frvras ie SUtiée 1 rio Baie À AAA au srdliss 15 2eme en be ? quo 5h . en Gien nb pride en RENTE Syplune “ref pv F n ea ar GE et Do ann uit 27 6h 1eanave 2h ne je snif “ti 43 oi de tcbassst ANT 2 Mein. tee up eat 2tioe ARS LR TS EL CITE ESS Dre cher PT AU 08 #7 ete cGN-PATE à ns brune DITES D rire) At pr vi aline eabs ÉCOLE 4 niet F4 OT ON nt rie art 2: 24 TE arhetiedte elfes tieimnlul est Cioetà sr ef [EL ES ut true Ut ENS sie PET AUTRE rail nh siber & dla Mes alto #ilhnfes AË Su : à DE | CL Der : sh) €" DUPITCUX LEE nére topo une seule bien constatée, le Cachalot macrocéphale, qui paraît se trouver dans toutes les mers arctiques. Quelques différences que préseutèrent à ce savant des mâchoires provenant de Ca- chalots pris dans les mers antarctiques le conduisirent cependant à soupçonner que ceux-ci pour- raient bien former une espèce particulière; mais il ne crut pas pouvoir la caractériser suffisamment. Fr. Cuvier et Lesson, dans leurs travaux spéciaux sur les Cétacés, admirent entièrement les conclu- sions de G. Cuvier, que nous adopterons aussi, quoique nous peusions qu'il existe probablement plusieurs espèces de Cachalots; mais que les caractères qui les différencient sont loin d'être assez suffisamment connus pour qu'on puisse les admettre dès aujourd'hui. C’est en décrivant l'espèce type que nous compléterons les détails que nous devons douner sur ce geure. P 53 298 HISTOIRE NATURELLE. CACHALOT A GROSSE TÊTE. PIYSETER MACROCEPHALUS. Bonnaterre. CaracTÈRES sréciriques. — Dents inférieures au nombre de vingt à vingt-truis de chaque côté, re- courbées et un peu pointues à l'extrémité; de petites dents coniques cachées dans les gencives à Ja mâchoire supérieure; une éminence longitudinale très-marquée ou fausse nageoire située sur le dos: dessus du corps noirâtre ou d’un bleu d'ardoise un peu tacheté de blane, avec des reflets grisâtres ou verdâtres; ventre blanchâtre. Taille énorme : la longueur totale de la tête et du Corps variant entre 15" et 20%, et quelquefois même plus. ; . D'après ce que nous avons dit précédemment, on comprend que la synonymie de cette espèce est très-compliquée, puisqu'on réunit en une seule les huit ou neuf espèces admises par De Lacépède et par À. G. Desmarest. Du reste, c’est elle qui, chez les anciens, portait les noms de œuor-ns et de Phhj- seler, que l'on à appelée plus tard Cachalot, et qui est indiquée par tous les zoologistes sous le nom de Physeter macrocephalus ou de Cacnauot à erosse rêre. (Voyez Aulas, pl: XXVI, fig. 2) Le Cachalot et les Baleines sont les plus gros des Mammifères dont la masse énornie avait besoin d'être soutenue dans un lieu d'une densité considérable pour que leur$ mouvements ne devinssent pas trop difficiles. Gn a rencontré des Cachalots qui avaient jusqu'à 28" de longueur, et il n'est pas rare d'en voir de 24" de long, dont le maximum de circonférence est de 47"; ils ont une tête énorme, dont la longueur fait à peu près le tiers de celle du corps. Cette tête ressemble à un gros cylindre un peu comprimé et brusquement tronqué en avant; à la partie inférieure se trouve la bouche, et Ia mâchoire inférieure est presque entièrement cachée par la supérieure, qui déborde de tous côtés. La tête se joint, sans aucune apparence de cou, à un corps massif, conique, terminé par une large nageoire caudale. Sur le dos se trouve un nombre variable de protubérances charnues représentant la pageoire dorsale. Les nageoires pectorales ou bras sont très-étendues, et, quoique considérables, ne paraissent pas être eu proportion avec la masse qu'elles doivent aider à mettre en mouvement. La peau est douce au toucher comme de la soie, peu épaisse relativement à l'énorme masse du corps qu'elle circonserit. Le toucher est rendu très-obtus par la couche épaisse de lard que recouvre la peau, et qui comprend surtout la matière huileuse qu'on recherche dans ces animaux. Les yeux, proportionnelle- ment très-petits, sont placés très en arrière du museau sur une saillie légère; leur couleur est jau- nâtre, et ils sont entourés de quelques poils roides-et courts. L’orcille ne se distingue à l'extérieur que par une ouverture très-étroite qui sert d'orifice externe au conduit auditif, et elle est assez déve- loppée intérieurement. Les narines, réunies en une seule ouverture semi-cireulaire, percée à la par- tie supérieure et antérieure du museau, remplissent le rôle d'évents et servent surtout d'orifice ex- terne à l'appareil respiratoire. La langue, épaisse, charnue, recouverte de téguments délicats et susceptible de mouvements d'extension et de contraction très-étendus, paraît être le siége d’une fonction bien développée. Les deux mâchoires sont armées de dents; mais, à la supérieure, ces organes restent rudimentaires ou disparaissent complétement, et à l'inférieure, au contraire, elles acquièrent un développement assez considérable. Leur nombre et leur forme sont d’ailleurs varia- bles; dans le jeune âge, ces dents sont sans racines, coniques, légèrement recourbées en arrière: plus tard, elles prennent une racine, deviennent ovoïdes et se redressent presque entièrement; le plus grand nombre qu’on ait eu occasion d'observer est de cinquante-six, et elles servent uni- quement à retenir la proie qu’elles ont saisie, et, lorsque la bouche se referme, elles sont reçues dans des cavités creusées dans les gencives de la mâchoire supérieure. L'anatomie de ces Cétacés est peu connue, et se rapporte en général à celle de presque tous les animaux du même ordre dont nous avons déjà dit quelques mots; nous parlerons principalement de leur squelette, qui offre quelques particularités spéciales. La tête, osseuse relativement au reste du corps, est assez grande, terminée en arrière par un mur à pie, formé en grande partie d'une espèce de crête occipitale entièrement élevée au-dessus du niveau du crâne, et dont la base cache presque entièrement les pariétaux en se contournant pour s'unir aux maxillaires. Ceux-ci, en se portant fort en arrière, complètent cette espèce d'enceinte semi-cireulaire, et leurs bords, très-élevés en dessus, achèvent de former une grande cavité dont les parois latérales vont en diminuant de hauteur d’ar- rière en avant; le plancher de ce bassin est composé des intermaxillaires et du vomer, qui occupent la ligne médiane, Un fait très-remarquable, c'est que ces os ne sont pas symétriques : ceux du côté ph F3 2e + FOR CÉTACES. 999 droit ont toujours un développement plus considérable que ceux du côté gauche, et ce défaut de symétrie se traduit extérieurement par la position de l'évent, qui est toujours placé de ce côté, Ces différentes circonstances semblent venir à l'appui de l’assertion de quelques voyageurs, qui assurent que les yeux sont constamment inégaux, et que le gauche est quelquefois presque entièrement atro- phié. La cavité céphalique est complétée en dessus et en avant par une voûte cartilagineuse qui pa- raît pouvoir s'ossifier avec l'âge. Une cloison membraneuse, horizontale, la partage en deux cavités, l'une supérieure, l'autre inférieure. C'est dans les vastes cavernes résultant de cet ensemble de dis- positions que se trouve la substance longtemps appelée très-improprement sperma ceti, et connue aujourd'hui sous les noms de blanc de Baleine ou de céline, et qui est très-recherchée dans le com- merce; elle est renfermée dans des espèces de cellules formées par l'entrecroisement des cloisons membraneuses; ce réservoir communique, en outre, avec une espèce de grand trou vasculaire rempli de la même substance qui règne, assure-t-on, le long du dos, et se ramifie dans toute l'étendue de la couche graisseuse sous-cutanée. Ce réservoir de matière grasse, aussi recherchée pour les arts, est traversé obliquement, d’arrière en avant, par la prolongation membraneuse du canal nasal. Le reste du squelette, que l’on peut voir en entier dans l'une des cours du Muséum, où G. Cuvier l'a fait placer il y a déjà près d'un demi-sièclé, ne présente rien de bien particulier; les vertèbres ecr- vicales sont au nombre de sept, sur lesquelles l'atlas seul est libre; les autres, qui sont très-minces, étant toutes soudées ensemble: il y a quatorze ou quinze vertèbres dorsales, et chacune d’elles porte une côte dont les apophyses sont remarquables par leur grosseur; les autres vertèbres sont nom- breuses, et quelques-unes d’entre elles portent en dessus des os en V très-forts et très-dévelop- pés. Les membres antérieurs sont courts; il n’y à que de très-faibles débris de bassins placés dans les chairs. Les autres parties de l'organisation sont peu connues; les muscles doivent être puissants, surtout ceux qui font mouvoir la quene. Les intestins sont assez développés. Le systeme nerveux n'a guère été étudié; on sait seulement que le cerveau n’est pas volumineux. Ces animaux parcourent ordinairement les mers, réunis en troupes quelquefois nombreuses, qui reconnaissent, dit-on, pour chef un mâle qui nage en avant, prêt à donner le signal du combat ou de la fuite, et dont le cri, fort et très-retentissant, ressemble, assure-t-on, au son des cloches. Ils habitent principalement les océans arctiques, mais se rencontrent un peu partout; cependant, d'a- près De Blainville, quelques-uns de ceux que l’on a trouvés dans les mers des environs du cap de Bonne-Espérance devraient constituer une espèce particulière, qu'il nomme Phiyseter breviceps. Par suite de circonstances particulières, à la suite de tempêtes ou de forts coups de vent, des Cachalots sont venus assez souvent s’échouer sur les rivages de presque toutes les parties du monde. Toute- fois, sur les côtes de France, on prend moins souvent des Cachalots que des Rorquals, et, quoiqu'il y en ait eu dans la Méditerranée, on ignore les localités où ils ont pu être rejetés; on en cite, au con- traire, plusieurs pour l'Océan : c’est ainsi qu'en 1741 il en vint un à l'embouchure de l’Adour, près Bayonne; que, le 19 janvier 1769, un autre fut pris dans la baie de la Somme, près Saint-Valery, et qu'en 1782, trente-deux animaux de la même espèce échouèrent en même temps, en basse Bretagne, près de la baie d’Audierne, sur le rivage de la commune de Primelin, dans le département actuel du Finistère. On ne sait rien de bien positif sur la proportion des mâles et des femelles qui composent leurs hordes errantes, non plus que sur le mode d’accouplement des deux sexes et sur la durée de la ges- tation. Le nombre des petits paraît être de un et quelquefois, assure-t-on, deux par portée, et, en venant au monde, ils ont déjà acquis le quart de la grandeur qu’ils doivent atteindre. Les mères sem- blent être très-attachées à leurs enfants, et au moindre péril elles se hâtent de les entraîner avec elles ou de les défendre avec le plus grand courage. Les Cachalots sont très-voraces; tout leur est bon, Poissons, Mollusques, Crustacés; ils poursuivent, dit-on, les Requins et les jeunes Baleines avec un tel acharnement, qu'ils les forcent à se jeter sur la plage, où quelquefois ils échouent eux-mêmes, entraînés qu'ils sont par l'ardeur de la chasse; les Phoques sont aussi exposés à leurs attaques. L'homme lui-même n'en est pas à l'abri; les pêcheurs islandais assurent que souvent ces animaux saisissent avec la gueule les légers bateaux dont se servent les peuples du Nord, les ren- versent et dévorent l'équipage qui les monte. M. Beale dit qu'il a souvent rencontré dans ses voyages des bandes de deux cents à trois cents Cachalots; il les a vus se battre entre eux avec fureur, 300 HISTOIRE NATURELLE. s’élancer les uns contre les autres en cherchant à se saisir par la mâchoire inférieure. Dans l'état de repos, leur respiration, ajoute le mème voyageur, est très-régulière, et le jet d'eau qui sort par lévent n'est presque que de la vapeur; lorsque l'animal est agité, ce jet est projeté violemment en avant, et les aspirations se succèdent à des intervalles plus rapprochés. Le Cachalot peut, dit-on, se passer de respirer pendant une heure vingt minutes; en temps ordinaire, il fait huit kilomètres à l'heure, mais il peut doubler cette vitesse; on le voit alors élever et abaisser rapidement sa queue immense, et le corps, suivant son mouvement, se découvre et se plonge alternativement dans les flots: à chaque impulsion, il s'élève ainsi de huit à dix mètres au-dessus de l’eau, et quelquefois même s’élance tout entier hors de la mer. La pêche des Cachalots a longtemps été négligée; car ces Cétacés sont plus difficiles à capturer que les Baleinés, et il paraît que ce n'est pas sans danger qu'on les attaque. On les rencontre presque toujours réunis en troupe, et, lorsqu'il s’en trouve quelqu'un de pris ou de blessé, les autres accou- rent à son secours. Un navire même considérable n’est pas alors en sûreté au milieu de ces colonnes, dont les mouvements précipités par la fureur semblent capables de briser ou d’engloutir tout ce qui se trouve autour d'eux : aussi les pêcheurs ont-ils longtemps porté uniquement leur attention sur la Baleine, dont le lard, bien plus épais et moins fibreux, semblait d'ailleurs plus propre à les récom- penser de leurs fatigues. Mais depuis que la cétine a été employée dans l'industrie, et depuis aussi que les Baleines sont devenues beaucoup plus rares qu'autrefois, ils ont également déclaré la guerre aux Cachalots, les ont presque entièrement chassés de nos mers, et sont obligés de les poursuivre jusque dans les-grandes mers antarctiques. C'est de là que nous viennent principalement aujour- d'hui l'huile du Cachalot, la cétine et l'ambre gris, parfum en usage comme cosmétique, et qui entre dans certains médicaments. Cette dernière substance, sur laquelle nous croyons devoir dire quelques mots, et qu’on trouve flottant à la surface de la mer ou rejetée sur les côtes de Madagascar, des Mo- luques, du Japon, etc., se présente en mousses opaques et légères, plus ou moins volumineuses, irrégulières, arrondies, formées par couches et entremélées quelquefois de débris de Poissons et de becs de Seiches. L'ambre gris est d’une couleur gris nuancé de noir et de jaune, se ramollit facile- ment à la chaleur de la main, se liquéfie dans l'eau bouillante et à l'humidité prolongée, est d'une cassure écailleuse. et brûle avec une vive clarté, en répandant une odeur pénétrante qui rappelle celle du muse. On a longtemps discuté sur l'origine de l'ambre gris; on l’a regardé comme formé d'excré- ments d'Oiseaux ou comme des masses de résine végétale, modifiée par l’action de l’eau de mer, de l'aiy et du soleil, puis comme un produit bitumineux. Ensuite on à adopté l'opinion de Swediam, qui en faisait des excréments résultant d'aliments mal digérés du Cachalot; plus tard, Pelletier et Caventon pensèrent que ces matières pouvaient bien être un produit de la matière biliaire qui en constituerait des calculs chez certains Cétacés; et enfin, opinion généralement admise aujourd'hui, De Blainville considère cette substance comme le résultat d'une sécrétion analogue à celle qui produit, dans d'autres Mammifères, le muse et le castoréum, et qui proviendrait du Cachalot: On a signalé des débris fossiles de quelques Cachalots; mais la seule espèce qui soit à peu près bien connue est le Cachalot fossile de M. De Christol (Physeter antiquus, P. Gervais), dont on a trouvé des dents dans les sables marins pliocènes des environs de Montpellier, ainsi que dans ceux du dé- partement de la Gironde TROISIÈME FAMILLE, PALEINIDÉS. BALÆNIDÆ. Gray. Les Baleines des anciens auteurs, ©’est-à-dire le genre Balcæna de Linné, forment pour les auteurs modernes, tels que Gray, Fr. Cuvier, Lesson, Duvernoy, ete., une famille particulière de Cétacés, caractérisés, d’une manière très-générale, par la présence de fanons remplaçant les dents à la mâ- CÉTACÉS. 301 choire supérieure dans toutes les espèces qui y entrent. Cette famille ne comprend qu'un seul genre, qui.est lui-même partagé en deux sous-genres : 1° celui des Baleinoptères ou Rorquals, qui ont une nageoire dorsale adipeuse; 2° celui des Baleines proprement dites, qui n'ont pas de nageoires sur le dos, mais quelquefois, assure-t-on, une ou plusieurs protubérances. L'histoire des Baleinidés a été fort embrouillée par les voyageurs, faute d'observations bien faites, et les anciens naturalistes, en s’emparant de ces matériaux incomplets, ont encore augmenté la con- fusion : Fr. Cuvier lui-même n'a pas complétement élueidé ce difficile sujet, et il est besoin de nouvelles études pour arriver à une connaissance suffisante de ces animaux. GENRE UNIQUE. — BALEINE. BALÆNA. Linné, 1855. Balæna, nom latin de l'espèce typique. Systema nalturæ, CARACTÈRES GÉNÉRIQUES Pas de dents proprement dites. Mächoire supérieure en forme de carène ou de loit renversé, garnie «de chaque côté de fanons ou lames de corne transverses, minces, serrés el effilées à leurs bords; mâchoire inférieure droite, allongée, tout à fait nue et sans dents. Deux évents distincts dont les orifices sont séparés et placés vers le milieu de la partie supé- rieure de la tête. Une nageoire dorsale adipeuse, des nodosités sur le dos, ou bien celle partie du corps lisse. Intestins assez allongés; cœcum court. Selon Bochart, le nom de Baleine dérive du phénicien Baal nun ou Roi de la mer, d'où il conclut que la pêche en était faite par les Tyriens. Les livres hébreux parlent aussi de Baleines; mais quel était l'animal ainsi nommé? G. Cuvier pense que le Mysticetus ou plutôt Muszwezes d'Aristote, carac- térisé par des soies dans ia bouche, est une des petites Baleines de la Méditerranée, appelée Mus- culus par Pline, et qui serait le Rorqual. Si l'on en croyait Ælien, on aurait, de son temps, pêché la Baleine dans les eaux de Cythère; mais, chez les anciens, la dénomination de x:z1 et de Cetes se donnait à tous les grands animaux marins, comme celui de Whal chez les nations du nord de l'Eu- rope. Plusieurs sagas norwégiennes prouvent qu'avant les rêches des Basques, qui passent pour les peuples qui ont été les premiers à se Hvrer à la recherche de ces Cétacés, les nations scandinaves chassaient déjà les Baleines, et qu’oû s’en nourrissait en Islande. Dans le périple entrepris autour de la Scandinavie, au neuvième siècle, le navigateur norwégien Other dit avoir assisté à la pêche des Baleines près du cap Nord. D’après les recherches de Noël De La Morinière, äans les chro- piques du moyen âge, les Norwégiens et les Islandais distinguaient, au treizième siècle, vingt-trois espèces de Baleines, parmi lesquelles on reconnait la plupart de celles qui se voient aujourd'hui dans les mêmes mers : les auteurs contemporains de France et d'Allemagne, Albert le Grand, Vin- cent de Beauvais, Sainte-Hildegardès, ont décrit cette pêche fort exactement, d'après les renseigne- ments qu'ils s'étaient procurés : à cette époque, on harponnait de deux manières, à la main et par la projection d'une forte baliste. C’est encore les mêmes moyens qu’on emploie aujourd’hui; en effet, le harpon à la main est l'arme ordinaire qu'on met en usage le plus généralement, et, dans quelques cas, les Anglais harponnent aussi les Baleines avec des fusées à la Congrève qui remplacent la baliste des anciens peuples. Dans nos généralités sur les Gétacés, nous avons dit quelques mots de la pêche de ces animaux, et nous n’y reviendrons pas, car les moyens employés pour s’emparer des diverses espèces d'animaux de cet ordre ne diffèrent pas de ceux que l’on met en usage pour s'emparer des Baleines, et spécialement de la Baleine franche, qu'on recherche surtout. Quant à l’histoire zoologique des Baleines, nous avons déjà fait observer qu'elle n’est pas complé- tement connue, même aujourd'hui; nous ne citerons pas la longue liste des auteurs qui s’en sont occupés, et nous nous bornerons à dire que les uns, et De Lacépède à leur tête, sans preuves suffi- santes, ont cru devoir y former un assez grand nombre d'espèces, tandis que les autres, comme 302 HISTOIRE NATURELLE. Fr. Cuvier, n’en ont, au contraire, admis qu'un nombre peut être trop restreint. Nous diviserons ces Cétacés en deux sous-genres, ceux des Baleinoptères et des Baleines proprement dites; car nous ne pensons pas que ces animaux différent assez les uns des autres pour former deux genres distincts: avant de passer à la description des principales espèces et à l'indication de quelques-unes des au- tres, nous dirons encore quelques mots de leur organisation. Les Baleines sont des animaux essentiellement aquatiques, et leur taille est plus considérable qu'aucune de celles des autres Mammifères. On assure qu'avant qu'on ne leur ait fait une guerre aussi active qu'on la leur fait aujourd'hui, ces Cétacés pouvaient atteindre une longueur de près de 100%, et que leur poids excédait plus de cent cinquante mille kilogrammes. Cependant les individus que l'on atteint ordinairement n'ont que de 20" à 40" de longueur, et leur circonférence, dans l'endroit le plus gros du corps, surpasse le quart de leur longueur totale. La Baleine franche seule peut at- teindre une aussi grande dimension, et plusieurs des autres espèces n’ont que 8" à 9® de long. L'ensemble de la forme du corps de la Baleine est en général une ellipse plus où moins parfaite; mais la forme varie selon les espèces; les unes présentent l'image d'une sorte de cylindre immense et irrégulier, dont le diamètre est à peu près égal au tiers de la longueur totale; les autres offrent une forme plus épaisse à l'endroit seulement de l'insertion de la tèté avec la queue, et enfin il y en a d’autres dont le corps ne paraît être autre chose que deux cônes accolés par leurs bases. Fig. 64. — Tûte osseuse de Baleine franche montrant Jes tanons. Les deux mâchoires ne sont pas conformées de la même manière dans toutes les espèces : dans certaines espèces, elles sont à peu près de la même longueur; dans les autres, tantôt c’est la mà- choire supérieure qui dépasse l’inférieure, tantôt c'est l'inférieure qui est la plus longue : il y en a qui se terminent en pointe, tandis que les autres ont leurs bords arrondis et comme festonnés. L’ou- verture de la bouche est immense; dans une Baleine franche, échouée en 4726 dans la baie de la Somme, et qui n'avait que 24" de longueur, elle était si grande, que deux hommes pouvaient y en- trer sans se baisser; on assure, d’après Sibbald, que, dans une bouche de Rorqual. quatorze hom- mes peuvent se tenir debout dans son intérieur. I n°y a pas de dents à l’état adulte; l’on rapporte que l'on en a vu des germes dans de très-jeunes fœtus. D'après la plupart des naturalistes, ces dents seraient remplacées à la mâchoire supérieure par des lames cornées que l'on a désignées sous le nom de fanons. Chacun de ces fanons est composé de crins très-forts placés les uns à côté des au- tres, dans le sens de leur longueur; ils sont très-rapprochés, réunis et comme collés ensemble par une substance glutineuse qui, en se séchant, donne à la surface de chacun d’eux une couche noire, luisante et à peu près semblable à celle de l’écaille ou de la corne. Ces fanons sont allongés et ont la forme d'une lame de faux : ils se courbent un peu dans leur longueur, diminuent insensiblement en hauteur et en épaisseur de la base à la pointe; leur bord, inférieurement tranchant, est un peu concave, et même ce bord est garni, de bas en haut, d'espèces de crins désunis qui offrent à la vue CÉTACES. 305 une sorte de frange, d'autant plus toufiue et plus longue, qu’elle approche davantage de l'extrémité du fanon. Leur couleur ordinaire est d'un noir marbré par des nuances moins foncées, quelquefois grisâtres. C’est le long de la gencive, qui s'étend du bout du museau jusqu'à l'entrée du gosier, que semblent s'attacher ces fanons. Ces fanons vont se terminer à la mâchoire inférieure, et très- probablement à l'extérieur de lose de la mandibule; ils peuvent avoir jusqu'à 5" de longueur : du reste, l'épaisseur et la longueur des fanons varient beaucoup selon les espèces, depuis la Baleine franche, où ils sont le plus développés, jusqu'à de petites espèces, où ils sont très-courts et très-peu touffus. La langue est habituellement épaisse, charnue, grosse, molle et spongieuse : sa longueur surpasse parfois 9%, et sa largeur 3" ou 4"; elle est couverte d'une peau mince ou offrant des aspérités, blan- châtre, tachetée de noir sur les côtés; elle adhère à la mâchoire inférieure et a peu de mobilité. Le gosier est assez étroit; l'œsophage, qui est intérieurement revêtu d’une membrane glanduleuse et plissée, à néanmoins plus de 5° de longueur. L'estomac est assez vaste; il offre une conformation particulière et présente cinq cavités bien distinctes et bien séparées. Les intestins sont allongés : il y a un cœcum. Le foie est très-volumineux ; la rate peu étendue; le pancréas est très-long. L'œil, en général à égale distance des évents et de l'extrémité du museau, est placé sur une sorte de petite convexité qui s'élève au-dessus de la surface des lèvres et qui permet à l'animal de diriger cet orgaue de manière à pouvoir considérer un objet un peu éloigné et de levcir de ses deux yeux à la fois: ces yeux sont très-petits. Il n’y a pas d'oreille externe: mais, à l'intérieur, cet organe est très- développé et même très-compliqué. Vers le milieu de la grande voûte de la tête se trouvent deux canaux qui portent le nom d'évents; ils partent du fond de la bouche, parcourent obliquement, et en se courbant, l’intérieur de la tête et aboutissent vers le milieu de la-partie supérieure; leur forme varie selon les espèces : ils servent à rejeter l’eau qui pénètre dans l'intérieur de la gueule et en même temps à introduire jusqu’au larynx, et par conséquent jusqu'aux poumons, l'air nécessaire à la respiration de l’animal, lorsque, nageant entre deux eaux, il n'a pu respirer l'air sans aspirer en même temps par la bouche une trop grande quantité de fluide. La Baleine fait sortir par ses évents un volume d'eau si considérable, qu'il suffit, dit-on, pour remplir en un instant un canot; elle lance ce fluide avec tant de rapidité, surtout lorsqu'elle est agitée par des affections violentes, telle que la douleur occasionnée par quelques blessures, que le bruit s'en répand très-loin, et qu'il effraye ceux qui l’entendent pour la première fois : on prétend que l’eau que la Baleine franche fait jaillir de ses deux évents s'élève à plus de treize mètres de hauteur, et qu'elle communique à la surface de la mer un mouvement que l’on aperçoit à une distance de plus de deux mille mètres. L'organe par lequel là Baleine fait ainsi jaillir l'eau au-dessus de sa tête, par ses évents, consiste dans deux grandes poches membraneuses couchées sous la peau, au devant de ces orifices, avec lesquels elles communiquent : des fibres charnues, très-fortes, partant de la circonférence du crâne, se réunis- sant au-dessous de ces poches, les compriment violemment à la volonté de l'animal. Lorsque le Cétacé veut se débarrasser de la quantité d’eau superflue ‘qu'il a dans la bouche, il l'avale; mais comme il ferme en même temps son pharyux, il force ce fluide à remonter dans les évents, où il soulève, par le mouvement qu'il lui imprime, une valvule cliarnue placée dans l'évent même : l'eau pénètre dans les poches, la valvule se referme alors et empêche que le liquide ne reutre dans la bouche lorsque l'animal, en comprimant-ces mêmes poches avec violence, le fait jaillir dans l'air. Les bras sont transformés en de véritables nageoires pectorales qui sont formées d'os. de mus- cles, de vaisseaux, de nerfs, et sont recouvertes par une peau épaisse, et ne sont pas composées de rayons comme celles des Poissons. Ces nageoires sont plus ou moins longues, plus on moins larges suivant les espèces, mais ayant dans toutes assez d'étendue pour faire l'office de rames très-agiles et très-fortes : ces organes servent, en outre, à l'animal pour se battre ou pour soigner ses petits, et alors ils font plutôt l'office de bras que celui de nageoires. Indépendamment de ces deux nageoires pectorales, la plupart des espèces ont une nageoire dorsale qui aifecte différentes formes et qui est située plus ou moins près de l’orifice des évents ou bien près de l'extrémité du corps. La queue, longue, forte, flexible et rapide dans ses mouvements, élargie à son extrémité, forme une large nageoire horizontale, composée de deux lobes ovales qui, par leur réunion, produisent un erois- sant échancré, et dont chacun peut offrir un mouvement très-rapide et indépendant de l'autre : c'est ette queue, si puissante pour leur natation, si redoutable dans leurs combats, qui semble remplacer 30% HISTOIRE NATURELLE, les membres postérieurs; toutefois on n'y retrouve aucune trace des diverses parties des extrémités postérieures. Les organes génitaux sont composés à peu prés de la même manière que ceux des autres Mammi- fères. La durée de la gestation n’est pas bien connue; on croit qu'elle n’est que de neuf à dix mois : la femelle ne produit qu'un seul petit. Dans les organes urinaires, la vessie est de grandeur médio- cre et de forme allongée. La peau, dénuée d'écailles, de tubercules et même de poils, est très-forte, quoiqu'elle soit percée d’une multitude de grands pores : elle peut avoir, dans certaines espèces, plus de deux décimètres d'épaisseur, et, dans d’autres, elle est très-mince. L'épiderme qui la recouvre est très-lisse, très- poreux, imprégné d'huile et luisant. La couleur de la peau varie selon l'âge et l'espèce; elle est quelquefois d’un noir pur et profond, d’autres fois nuancée de gris, brune ou blanche, jaspée de noir et de jaunätre, ete. Les muscles sont rougeâtres, grossiers, durs, secs, coriaces et peu agréa- bles au goût, en ce qu'ils exhalent une odeur rebutante. Entre la chair et la peau, on trouve un lard parfois épais de plus de trois décimètres, et une partie de cette graisse est si liquide, que souvent elle s'écoule et forme une huile qui flue, même sans expression. C’est cette huite que l'on recherche et pour la conquête de laquelle on fait une chasse si active à ces Cétacés. La quantité de sang qui cireule dans les vaisseaux de la Baleine est plus considérable à proportion que celle qui coule dans les veines des autres Mammifères : le diamètre de l'aorte excède souvent 4 décimètres. Le cœur est large et aplati. Le squelette des Baleines, par lequel nous terminerons cet examen rapide des divers organes exté- rieurs et intérieurs de ces animaux, présente quelqués particularités remarquables. Tous les os of- frent une compacité, un tissu particulier et surtout une sorte d'apparence onctueuse qu'ils ne doivent qu'à la substance huileuse dont ils sont pénétrés pendant qu'ils sont encore frais. Pendant que l’ani- mal est encore très-jeune, les pariétaux se soudent avec les temporaux et avec l'occiput, et ces cinq os réunis forment dans la tête une voûte de plusieurs mètres de long, sur une largeur égale à plus de la moitié de sa longueur totale. Si on ouvre le crâne, on voit que l'intérieur de sa base est presque de niveau : si on en considère le dehors, on remarque que les deux ouvertures que l'on nomme trous orbitaires internes, antérieurs, qui font communiquer la cavité de l'orbite dé l'œil avec le creux nommé fosse nasale, sont, dans la Baleine franche, très-petites et recouvertes par des lames osseu- ses. Trois ou quatre trous servent à la communication de la cavité de l'orbite avec l'intérieur de l'os maxillaire supérieur. Les deux os de la mâchoire inférieure forment, par leur réunion, une portion de cercle ou d’ellipse qui a communément plus de huit à neuf mètres d'étendue. L'occiput arrondi, s'articule, à son extrémité postérieure, avec l’épine dorsale, par de larges condyles. Les sept vertè- bres cervicales sont très-minces : l’atlas souvent soudé à l'axis. On compte en tout soixante-trois vertèbres dorsales, dont la réunion, dans une Baleine de 24" de longueur, peut être comparée à une grosse poutre de quatorze à quinze mètres d'étendue, et dont la dernière a près de 0",50 de dia- mètre. Il y a quinze côtes, dont chacune à parfois 5" de longueur. Le sternum est large, surtout en avant, peu épais. L'omoplate est grande et peut présenter une longueur de 3°. L'humérus est très- court, eu égard à la masse énorme de l'animal, arrondi vers le haut, et comme marqué par une petite tubérosité. Le cubitus et le radius sont très-comprimés ou aplatis latéralementLa main, ou le carpe, est composée de cinq os très-aplatis ou presque tous hexagones, qui sont disposés sur deux rangées, l’une de trois et l'autre de deux pièces, et les cinq doigts n’ont pas le même nômbre de pha- langes. Tous ces os, qui concourent à former les bras ou nageoires pectorales de la Baleine, sont articulés de telle sorte, qu'ils ne peuvent se mouvoir les uns sur les autres, comme ceux des extré- mités antérieures de la plupart des autres Mammifères; car, outre qu'il n'y a aucuns muscles propres à faire tourner l'avant-bras, ces os sont réunis entre eux par des cartilages très-longs qui quelque- fois recouvrent la moitié des os qu'ils joignent l’un à l'autre, et ne laissent que peu de souplesse à l'eñsemble qu'ils contribuent à former. Tout concourt donc à ce que les bras de la Baleine soient plutôt de véritables rames puissantes et élastiques que des organes propres à palper, saisir ou rete- nir les objets. Toutefois, comme nous l'avons dit, ces organes servent non-seulement à la locomo- tion comme les nageoires des plus forts Poissons, mais sont employés aussi par les femelles à retenir rapprochés de leur corps leurs petits lorsqu'elles les allaitent. Ces animaux ont beaucoup plus d'intelligence que les espèces qui, comme eux, vivent exclusive- 2; bre 41 E à el ID 1 RSA BA MBA BEL ATE Fi ns Mn EE h Srite sl 1 HÈE Barr LUE) PTE hr sh SE LL in ÿ | sh ahige RARE 49 A PANEAA cha héqalises sushi ah Had. 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P PI. 30. CÉTACÉS. 305 ment dans la mer : leur cerveau n’est cependant pas aussi développé que pourrait le faire supposer l'énormité de leur boîte crânienne. Leurs mœurs sont assez douces; ils vivent en troupes ou au moins par famille. Le mâle et la femelle ont beaucoup d'affection l'un pour l’autre, et la femelle soigne avec beaucoup de prévenance son petit. Ils se défendent contre leurs ennemis; et l'affection qu'ils ont les uns pour les autres fait que, lorsqu'on a harponné un jeune, on est presque toujours sûr de pouvoir s'emparer de la mère, qui vient bientôt à sa recherche. Leur nourriture est exclusivement animale; ils mangent des Poissons, des Vers, des Mollusques, de petits animaux articulés, qu'ils engloutissent en immense quantité dans leur énorme gueule, et après les avoir fait entrer dans leur pharynx, ils rejettent en dehors l'eau qu'ils ont avalée avec eux. : 1 SOUS-GENRE. — BALÉINOPTÈRE. BALÆNOPTERA. De Lacépède, 1804. Balæna, Baleine; mrepoy, nagcoire. Histoire des Cétacés. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Une nageoire adipeuse dorsale, dépourvue de rayons osseux, et dont la position diffère suivant les espèces; des plis longitudinaux sous la gorge et sous le ventre, excepté chez le Gibbar; 1les fa- nons en général peu développés. On a surtout donné de bonnes descriptions de deux espèces de ce sous-genre; mais on en connaît aussi quelques autres vivantes ou fossiles. \ 1. BALÉINOPTÈRE JUBARTE. BALÆNOPTERA JUBARTIS. De Lacépède © GanacrÈnes sréciriques. — Nuque élevée et arrondie; museau avancé, large, un peu arrondi; des tubérosités presque demi-sphériques au devant des évents; nageoire dorsale courbée en arrière; évents s'ouvrant vers le milieu de la tête, au milieu d’un tubercule élevé; mâchoire inférieure plus courte et plus étroite que la supérieure; noire en dessus; gorge et nageoires, en dessous, blanches; partie interne des plis d’un rouge de sang. Plus mince que la Baleine franche, elle atteint une plus grande longueur, qui dépasse souvent 27%. Cette espèce, connue depuis longtemps sous le nom de BaLeine JuBaRTE, est la Balwna boops, Linné; le Balcænoptera jubartis, De Lacépède, et le Rorquaz süearte, Rorqualus boops, Fr. Cuvier. Elle habite les deux océans, mais elle se rencontre plus communément dans les mers du Groënland. Les pêcheurs la redoutent à cause de ses mouvements prompts et impétueux lorsqu'elle est irritée ou blessée; aussi ne l'attaquent-ils qu'avec précaution. Ces Cétacés vivent en famille et ont beaucoup d’attachement les uns pour les autres; ils font particulièrement la guerre aux Harengs, et les suivent parfois très au delà des limites de leur demeure habituelle; c’est ainsi qu'on en a vu plusieurs échouer sur les côtes de France, et l’une d'elles, entre autres, était d’une si grande taille, qu'on construisit un salon de société dans l'intérieur de son squelette, apporté à Paris et montré comme objet de curiosité il y a une vingtaine d'années. Si l’on juge de la quantité d'aliments nécessaire à ces animaux par l'énorme grandeur de leur gueule, elle doit être considérable; car, si l'on en croit Sibbald, une chaloupe avec son équipage entra tout entière dans la bouche béante d'une Jubarte échouée sur le rivage. Ce Baléinoptère donne peu d'huile comparativement aux autres Baleines et à sa taille, et ses fanons sont de peu de valeur. 2. RORQUAL. BALÆNOPTERA RORQUAL. l'e Lacépède. Canacrères srécriques. — Mâchoire inférieure arrondie, plus avancée et beaucoup plus large que celle d'en haut; tête courte proportionnellement au corps et à la queue; toutes les parties supérieures P, 59 506 HISTOIRE NATURELLE. noires, à reflets grisâtres; le reste entièrement blane, et la mâchoire inférieure avec des teintes ro- sées; nageoires pectorales entièrement noires. Plus petit que la Jubarte. ({Voy. Atlas, pl. XXX, fig. 1, squelette, fig. 2, l'animal échoué.) Le Rorqual diffère peu de l’espèce précédente; c’est la Balæna musculus de Linné, la Balæna antiquorum, Fischer; Aragous, Farines et Carcassonne; le Rorqualus musculus de Ex. Cuvier, et probablement le Muorwxeros d’Aristote et le Musculus de Pline. I n'est pas rare dans l'océan Atlanti- que; il fait la chasse aux Harengs, et pénètre, en les poursuivant, jusque dans la Méditerranée. Ses mœurs ne diffèrent guère de celles de la Jubarte, à cela près que sa pêche offre moins de danger, et qu’elle donne une quantité plus considérable d'huile, puisque un seul individu peut produire plus de cinquante tonnes. , 3. BALÉINOPTÈRE A BEC. BALÆNOPTERA ACUTOROSTRATA. De Lacépède. Caractères sPÉcIFIQUES. — Les deux mâchoires pointues : celle d’en haut plus courte et beaucoup plus étroite que celle d’en bas; fanons courts, blanchâtres; dessus du corps d’un noir foncé; dessous d’un blanc nuancé de noirâtre. Beaucoup moins grand que la précédente, mais pouvant atteindre cependant jusqu'à 17" de longueur. Ce Baléinoptère est la Balæna rostrata de Hunter, le Rorqualus antarcticus de Fr. Cuvier, la Balæna rostrala australis de Desmoulins, qui avait été observée à la baie des îles Malouines par MM. Quoy et Gaimard, et qu'on avait voulu en distinguer spécifiquement. Il a été étudié au cap de Bonne-Espérance par Delalande, et aux îles Malouines par MM. Quoy et Gaimard; on ne connaît pas ses A Un point important de son organisation a été remarqué : sous l’œsophage et entre les branches de la mâchoire inférieure, elle a une grande poche vésiculeuse dont on ignore l'usage, et qui probablement peut être gonflée à la volonté de l'animal. Une autre espèce, qui se distingue par sa nageoire dorsale placée à peu près au-dessous des pec- torales, est le BacéiNopTÈRE voesxop (Balænoptera Capersis, Fr. Guvier), qui se trouve aux environs du cap de Bonne-Espérance. Ajoutons encore une autre espèce assez célèbre, et qui se distinguerait facilement par l’absence de plis sous la gorge et sous le ventre, et par son museau aplati; c’est le Gigrar nes Basques où Barér- NOPTÈRE A VENTRE LISSE (Balcænoptera gibbar, De Lacépède; Balæna physalus, Linné; Balæna vera, Rondelet), qui est insuffisamment connu, que M Baillon dit avoir vu échoué près de la pointe de Saint-Quentin (Somme) en 1819, et que Fr. Cuvier n'admet pas. Martins, qui la nomme Wäne-Visch, est le premier auteur qui en ait parlé; depuis, Anderson et Rondelet en ont dit quelques mots, et Adrien Camper, qui rapporte que le Gibbar n’a que onze paires de côtes, semble avoir eu des détails particuliers sur cet animal. Quatre autres espèces, excessivement douteuses, ont été créées par De Lacépède d’après des dessins chinois; ce sont les Balænoptera cœrulescens, nigra et maculata, des mers du Japon, et punetata, de l'océan Pacifique. On pourrait même y joindre les Balænoptera borealis, de océan Atlantique; australis, des mers australes, et le leucopteron, des hautes latitudes sud, dénommées par Lesson dans son Nouveau Tableau du Règne animal, Mamwirères. Enfin nous devons dire que G. Cuvier a indiqué sous le nom de Rorqual fossile un Baléinoptère trouvé à l’état fossile, à Monte-Polynacco, par Cortési, que les paléontologistes indiquent aujour- d'hui sous la dénomination de Balwnoptera Cuvieri, ainsi que sous celles de Ronrquaz pe ConrÉsr et B. Cortesii; d’autres débris fossiles découverts près d'un petit ruisseau qui se jette dans la Chia- venna, l'un des affluents du Pô; et enfin que M. P. Gervais a signalé des débris trouvés à Mont- pellier, dans les sables marins pliocènes; d’autres à Saint-Didier (Vaucluse), dans la molasse; à Salles (Gironde), dans le falun, etc. ob et CR SC S | CÉTACES. 507 2e SOUS-GENRE. — BALEINE. BALÆNA. Linné, 1735. Balæna, nom latin de l'espèce typique. Systema nalturæ. CARACTÈRES DISTINCTIFS. Dos sans nageoires, lisse et sans bosse dans le plus grand nombre de cas, ou avec une ou plu- sieurs bosses; des fanons très-développés. On ne connaît à peu près complétement que deux espèces de ce sous-genre; mais, outre les espèces fossiles, on en distingue plusieurs autres vivantes qui sont trop peu connues pour qu'on puisse les admettre dans nos catalogues mammalogiques. 4. BALEINE FRANCHE. BALÆNA MYSTICETUS. Linné. CaracrÈRES spÉciFIQuES. — Corps proportionnellement court et gros, ayant son plus grand dia- mètre un peu en arrière des nageoires pectorales : à ce point, il est cylindrique et peut avoir 8® à 40% de circonférence, et va ensuite en diminuant de grosseur, affectant de plus en plus une forme un peu carrée jusqu'à la naissance de la nageoire caudale, et là son diamètre n’est plus que de 4" ou 1,50; tronc distingué de la tête par une légère dépression qui indique le cou; tête d’une gros- seur énorme, égale à celle du corps, et faisant à peu près le tiers de la longueur totale de l'animal, obtuse en avant, presque aussi large que longue; gueule d'une grandeur prodigieuse, de 2% à 3" de largeur sur 3" à 4" de hauteur intérieurement, portant à la mâchoire supérieure environ sep! cents lames transverses de fanons, dont les bords effilés servent à retenir les Mollusques, les Crus- tacés, les Vers et autres petits animaux dont la Baleine se nourrit; œil proportionnellement très- petit, situé un peu au-dessus de la bouche et de la commissure des lèvres; dos lisse, sans nageoire ni bosse; couleur de toutes les parties supérieures variant du noir au gris plus ou moins foncé : quelquefois le fond est noir, varié de gris; parties inférieures du corps d’un gris blanchâtre dans les jeunes, grises ou blanches dans les adultes. Longueur totale semblant varier entre 20® et 23", le poids total étant d'environ soixante-quinze mille kilogrammes. (Voy. notre Atlas, pl. XXXV.) Cette espèce est la Bazeine rranoue de Bonnaterre et de De Lacépède, la Balæna major de Sibbald, la Balæna vulgaris Groenlandica de Brisson et d'Othon Fabricius, et la Balæna mysticetus de Linné. Si l’on s’en rapportait aux anciens voyageurs, cette Baleine atteindrait jusqu'à 55" de longueur : mais il est à croire que ce chiffre est exagéré, car les plus grandes qu'on ait vues de nos jours ne dépassent pas 23", et les pêcheurs en rencontrent rarement qui dépassent 20". Quand la Baleine ouvre la bouche pour aspirer sa proie, les Crustacés, les Mollusques et autres petits animaux ma- rins qui vivent dans les mêmes parages qu'elle y sont précipités avec la masse d’eau qui les con- tient; le Cétacé alors ferme la bouche, et l’eau, tamisée à travers les filets des fanons, y laisse pris ces petits animaux, qui sont en très-grand nombre et qu'elle avale aussitôt pour recommencer bien- tôt la même manœuvre. Une partie de cette eau contenue dans la bouche est-elle lancée au dehors par les évents? c'est ce qui parait encore douteux, malgré l'assertion de plusieurs naturalistes et de la plapart des voyageurs. En effet, Scoresby, habile observateur, qui a vu prendre sous ses yeux plus de trois cents Baleines franches, assure n'avoir jamais vu sortir de ces conduits de la respiration qu'une vapeur plus ou moins épaisse, qui se condense par le contact de l'air froid, retombe en forme de pluie, et ne forme aucun jet. Les évents sont non-seulement le conduit de la respiration, mais, comme l'ont démontré Hunter, Albert et Delalande, renferment aussi les organes de l’odorat, qu'on a vainement cherchés dans les autres Cétacés; ces évents sont placés à peu près au sommet de la tête et à cinq mètres ou cinq mètres cinquante centimètres de son extrémité. Les nageoires pectorales sont longues de 2%,50 à 3", et larges de 1" ou 2". La nageoïire caudale s’étend horizontalement et affecte une forme à peu près triangulaire; elle n'a pas moins de 6" à 7° de largeur d’une pointe à l'autre. 308 HISTOIRE NATURELLE. Malgré sa taille énorme et sa force prodigieuse, la Baleine franche est un des animaux les plus timides et les plus inoffensifs. Ses mœurs ont été étudiées avec soin, et nous croyons devoir transcrire ici le résumé qu'en donne M. Boitard dans son intéressant article Baleine du Dictionnaire universel d'Histoire naturelle : « Le moindre bruit, la moindre agitation de l’eau effraye et met en fuite la Baleine; sans cesse elle est aux aguets pour découvrir la présence d’un ennemi, et l’éviter en s’en- fonçant rapidement dans la profondeur des mers, où, grâce à son organisation, elle peut rester un quart d'heure et plus sans venir respirer à la surface, lorsqu'elle se croit menacée d’un danger pres- sant. Dans les circonstances ordinaires, et surtout lorsqu'elle joue, elle reparaît après huit ou dix mi- putes; enfin, lorsqu'elle est en repos ou qu'elle dort, sa respiration a lieu assez fréquemment. Elle nage avec une rapidité qu'on a beaucoup exagérée; dans sa plus grande vitesse, elle ne peut faire que trois lieues marines à l’heure; et, dans les circonstances ordinaires, elle n’en fait que deux. Sa queue seule est l'organe moteur avec lequel elle pousse en avant, et ses nageoires pectorales, qu'elle tient constamment étendues horizontalement, ne lui servent qu'à se maintenir en équilibre et à ne pas tomber sur les côtés. Elle plonge à une grande profondeur avec la plus grande facilité et une telle vitesse, que, quand elle est très-effrayée, il lui arrive de se blesser et même de s’assommer contre les rochers du fond de la mer. Scoresby rapporte qu'une Baleine, atteinte par le harpon, s’est précipitée à quatre cents brasses de profondeur avec une vitesse de quatre lieues à l'heure. Le même auteur ajoute que parfois on retire du fond de la mer, au moyen du harpon qu'elles ont entrainé, des Ba- leines qui, dans la précipitation de leurs mouvements, se sont brisé les mâchoires et la tête en se heurtant contre les rochers du fond. La fin de l'été paraît être la saison des amours pour ces animaux, et ils mettent bas au commencement du printemps; mais de combien de temps est la gestation? c'est ce qu'on ne sait pas encore. Le rapprochement des deux époques que je viens de citer a fait penser à la plupart des auteurs que la Baleine ne porte que huit à neuf mois; mais si l’on en juge par ana- logie, la durée de la gestation ne peut être moindre de dix-huit ou dix-neuf mois. La portée n’est qu'un seul Baleineau, qui, en naissant, est de la grosseur d’un Bœuf, et a jusqu’à 3% et 4" de longueur. La mère le nourrit de son lait et a pour lui le plus grand attachement; elle le suit dans ses jeux, le sur- veille, ne le perd pas de vue un seul instant, le protége contre tous les dangers en le couvrant de son corps, le défend avec un courage furieux, ne l'abandonne pas même après sa mort, et devient elle- même victime de l'amour maternel, en se laissaut harponner sur le cadavre de son enfant... On dit que, pour allaiter son petit, elle se renverse sur le côté, et présente tour à tour les deux mamelles : celles-ci sont placées sur la poitrine. La Baleine ne se défend guère que par la fuite contre ses nom- breux ennemis. Après l'homme, le plus dangereux et le plus cruel est le Dauphin gladiateur. Plu- sieurs de ces animaux l’entourent, la harcèlent, la fatiguent, et, la mordant sans cesse, ils la forcent ainsi à ouvrir une gueule de 4% à 5" de diamètre. Alors ils se jettent sur sa langue, qui est épaisse et molle, la lui déchirent en lambeaux, la dévorent, et l'énorme animal meurt de douleur dans un dés- espoir impuissant. On dit encore que le Narval et la Scie de mer la percent avec leurs longues défenses; mais ce fait parait douteux... On peut encore mettre au nombre des ennemis de la Ba- leine franche quelques Mollusques et Crustacés qui s’attachent à sa peau et y multiplient comme sur un rocher; mais, quoi qu'on en ait dit, cette espèce n’est jamais attaquée par les Balanes, coquillage qui perce la peau de la plupart des autres Cétacés à fanons et pénètre dans leurs chairs ou du moins dans leur lard. Presque toujours les Baleines vont en troupes, ou au moins réunies par paires; de temps en temps, elles plongent en jouant entre elles : mais ordinairement elles nagent à la surface, ayant hors de l'eau une partie du dos et de la tête, et dorment dans cette attitude. La Baleine fran- che habite toutes les mers du globe, mais particulièrement celles des deux pôles, où elle est beau- coup plus commune que partout ailleurs. Le nombre en est considérablement diminué depuis que les pêcheurs leur font annuellement la guerre, et elles se sont réfugiées maintenant dans les glaces du Groënland, du Spitzberg, dans le détroit de Davis, la baie de Baffin, etc. Elles ne descendent que très-rarement, aujourd'hui, au-dessous du cercle polaire, et ce n’est que par accident qu'on en a vu des individus près des tropiques. » Toutefois nous pouvons ajouter que quelquefois, quoique rare- ment, certains individus ont été pris sur nos côtes, et que certains même ont échoué sur le rivage. En ce moment, M. le professeur Serres fait monter, dans l’une des cours du Muséum, le squelette d’une Baleine franche, qui avait été rapportée des mers arctiques par l'amiral Bérard. La pêche de la Baleine franche est l'une des branches importantes du commerce des Européens et “youti} OU] Fe EE ONE DATES D VU de he nant Laetpn ester ti 4h ce à uÿ Pur | Pot admirer dir ai ni eo y NC rune ot LAN éhs Fr FU EME Eu y ï Mtictirer ñ ETRT (TH ner. ni he Min # Ni RROITE eat ue dr. ja il: Lee 44f: féria", déni sh … nr Mist menus RU eff anse ou DUO AU Ne PARLE DUO SET Cr n°0 pt * H 1E PELRUS TSX MOD EMAO.E EN UE ee EPA UNSS At MT [LI NES PET) ul res Je "1 111 VAT i MES e RATE #1 N ‘ Î dl CS ETAT A hr PS FE £ =J | UC EL HE Er RARE d d t p “ =" LI Ke . L ll tr est ET n Fe be NI RE ÿ 1 ARTS ETT AL ET QU At tdi Fu nie tr St ; L sito ol nee PTE AR PE AT EURE NE | RPrLE M4 ab NE HE N- dl ap Mr T5 sn) F QE FEU F ES : #1 QE À asie D en + reiques 5e Per RTC M TT € nel 84 r s Ê 20 " 3 2 CRE Suns Ad éue aff 10 La à pacs) Me À nf td CÉTACÉS. 309 des Américains. C’est l'huile que donne leur lard que l’on recherche principalement; leurs fancns don- nent aussi ces lames qui, dans le commerce, portent le nom de baleines, et sont employés à faire des baguettes de fusil, des buses de corsets, ete. Leur chair, très-grossière, ne convient pas du tout au goût délicat des habitants du midi de l'Europe; mais les peuples du nord la mangent très-bien, et quelques-uns de ceux bordant les rives de la mer en font même, dit-on, leur principale nourriture. Quelques auteurs en ont distingué, sous les noms de Nonp-Carer et de Balæna glacialis, Klein, De Lacépède, une espèce que Martins seul a décrite, qui habiterait les mers situées entre le Spitzberg et la Norwege, qui vient parfois sur les côtes d'Islande, et qui n’est très-probablement que le jeune âge de la Baleine franche. 5 BALEINE DU CAP ou NORD-CAPER AUSTRAL. BALÆNA AUSTRALIS. Klein. CaracTÈRES spÉCIFIQUES. — Corps plus allongé que celui de la Baleine franche; tête en forme d’o- vale tronqué par derrière; mâchoire inférieure très-arrondie, très-baute et plus large de beaucoup que la supérieure; bout du museau paraissant un peu échancré; fanons bieu moins longs que ceux de la Baleine franche; évents un peu séparés l'un de l’autre, ayant la forme de deux petits croissants, dont les convexités se regardent; face inférieure de chaque fanon garnie de crins noirs, et l’externe sans crins et trés-noire; yeux très-petits, obliques; nageoires pectorales situées au delà du premier tiers de la longueur totale de l'animal, excédant le cinquième de cette longueur; queue très-mince, très-déliée, terminée par une nageoire échancrée et festonnée, dont les lobes, mesurés du bout de l'un à l'extrémité de l’autre, ont environ les trois septièmes de la longueur du corps; pas de bosse sur le dos; couleur générale d'un gris plus ou moins clair; dessous de la tête présentant une vaste surface ovale d’un blanc éclatant, avec quelques taches noirâtres et grises au pourtour et au centre. Plus grande que la Baleine franche, et pouvant atteindre jusqu’à 27" de longueur. Cette espèce, admise par Fr. Cuvier sous le nom de Balæna antarctica, diffère anatomiquement de la Baleine franche par la soudure des sept vertèbres cervicales, par deux paires de côtes de plus et par un crâne plus déprimé. Delalande, à qui l’on doit la connaissance de ce Cétacé, et qui en a envoyé deux squelettes au Muséum d'Histoire naturelle, et dont l’un est monté dans la galerie d'ana- tomie comparée de cet établissement, rapporte que, chassée par la violence des vents du nord- ouest, elle se rapproche des côtes et pénètre dans les baïes voisines du cap de Bonne-Espérance vers le milieu de juin; et, après y avoir mis bas un Baleineau de 4" à 5 de longueur, elle en sort et gagne la haute mer aux mois d'août et de septembre : les femelles sont, dit-on, beaucoup plus nom- breuses que les mâles, ce qui est le contraire dans la Baleine RARE dont, au reste, elle a absolu- ment les mêmes habitudes. Plusieurs zoologistes. et surtout De Lacépède et Bonnaterre, ont admis un assez grand nombre d’autres espèces de Baleines; les unes porteraient sur le dos une ou plusieurs bosses; telles sont la BaLEINE NouEusE (Balcæna nodosa), observée sur les côtes de Ja Nouvelle-Angleterre par Dudley; la B. à posses (B. gibbosa), qui, d’après le même Dudley, aurait cinq ou six bosses dorsales, et n’est probablement qu'un Rorqual; la B. cunucée (B. lunulata), des mers du Japon, qui n’est probable- ment qu'un Dauphin, et la B. saronaise (B. Japonica), des mers du Japon, créée d’après un dessin chinois; les autres, encore plus douteuses que les précédentes, provenant toutes des iles Aléou- tiennes, ont été décrites par Pallas et indiquées de nouveau par M. De Chamisso d'après des statues eu bois faites et peintes par les pêcheurs de leur pays : ce sont les Kuliomoch, Culummak ou Ku- liomagadach, Abugulich, Unugulie où Amgolin, Maugidach où Mogula, Agamuchtchich, Atio- moch où Allama et Tschikogluch où T'schickagliok. L'ostéologie des diverses espèces de Baleines vivantes étant Lrès-peu où mème pas connue, il en résulte que a détermination des espèces fossiles est extrêmement difficile à faire. Cependant beau- coup d'os de Baleines ont été trouvés dans divers pays et dans divers terrains; mais ils ont.été si mal décrits et surtout si mal figurés, qu'il est jusqu'à présent impossible de décider quelque chose de simplement probable sur les animaux dont ils sont la dépouille; aussi ne dirons-nous quelques mots que d'une espèce qui semble assez bien connue. 310 HISTOIRE NATURELLE. — CÉTACES. C'est la Bazin pe Lamaxon (Balæna Lamanonü, G. Cuvier), qui à été trouvée, en 1779, dans la cave d’un marchand de vin de la rue Dauphine, à Paris, qui ne permit pas de faire des fouilles suffisantes dans sa propriété, de manière qu'on ne put recueillir qu'un énorme fragment d'os déterré par les maçons qui travaillaient à une réparation. Lamanon en donna une première description, Daubenton s'en occupa ensuite, et plus récemment G. Guvier la fit connaître plus complétement. Cette Baleine devait avoir environ 18" de longueur, sans compter la nageoire caudale ni l'épaisseur des lèvres; elle devait différer de la Baleine franche par son temporal moins oblique; la face arti- culaire, pour la mandibule, s’y étend moins; l'angle saillant du bord externe n’a au-dessus de lui aucun arc rentrant. Ce fossile fait actuellement partie du cabinet de Tevler, à Harlem. Deux autres espèces fossiles, également fondées sur des têtes, ont été signalées : l’une est la Ba- LEINE À GROSSE TÊTE (Balrena macrocephala, Desmoulins), trouvée sur la plage de Sas, dans le dépar- tement des Bouches-du-Rhône, et la Baceme À Bec arqué (Balæna arcuata), découverte à Anvers en creusant le bassin. : Fig. 65. — Baleine franche. MARSUPIAUX. Les Marsupiaux (Marsupium, bourse), ou animaux à bourse, aussi appelés plus justement Didel- phes (de, double; dexgu:, matrice), forment, dans 4 classe des Mammifères, un groupe très-impor- tant et tout à fait distinct des autres par la distribution géographique, les habitudes, les caractères extérieurs et surtout le mode de génération des espèces qu'on y remarque. Étudiés sous le point de vue de leurs organes de la reproduction, les Marsupiaux ont dû former une sous-classe distincte; ils rappellent à quelques égards certains animaux inférieurs chez lesquels les œufs, échappés de bonne heure aux conduits génitaux, passent à l'extérieur et sont reçus dans des organes protecteurs parti- culiers que les parois de l'abdomen concourent le plus souvent à former; chez les Marsupiaux, en effet, les germes ou ovules ne séjournent que très-peu de temps dans l'utérus et ses annexes; il se fait une sorte d'avortement, et les embryons viennent, par un mécanisme particulier, se bouter aux mamelles, lesquelles sont toujours abdominales et ordinairement placées dans une bourse ou poche formée par un repli de la peau : il se passe là comme une seconde gestation qu'on pourrait appeler une gestation mammaire, et pendant laquelle se succèdent toutes les phases de la vie fœtale. Aucun Mammifère étranger au groupe des Marsupiaux n'offre la moindre apparence de conditions analo- gues; les Mammifères ordinaires ou Monodelphes, qui comprennent tous les ordres que nous avons successivement étudiés, mettent toujours bas des petits pourvus de tous leurs organes, et les Hono- trèmes où Ornithodelphes, qu'on rapproche cependant quelquefois des Marsupiaux dans un même groupe primordial, sont ovovivipares. c’est-à-dire que leurs ovules manquent de placenta, et que les petits qui en naissent rompent probablement, dès qu'ils viennent au monde, leurs membranes adven- tives, et, lorsqu'ils apparaissent, ils ont déjà pris un développement analogue à celui des jeunes Mammifères monodelphes. Les organes des sens ne présentent pas de grandes différences entre les animaux des diverses fa- milles : on peut les comparer, ainsi que pour l'intelligence, à ce que nous offre Le plus grand nombre des Carnassiers; mais souvent, comme dans les Kanguroos, par exemple, ils sont moins perfectionnés et ne paraissent pas supérieurs à ceux des Rongeurs. La conque auditive externe ne manque jamais : elle est de taille moyenne chez les Kanguroos, ou très-courte, comme dans les Sarigues. L'œil, dans le plus grand nombre des cas, semble modifié pour observer à une lumière peu intense, et la pupille est très-dilatée et verticale. L'odorat est très-développé : les narines sont toujours percées dans un petit mufle qui, dans les Péramèles, s'allonge assez. Le toucher réside principalement dans le mufle et aussi dans le pied, et quelquefois dans la queue; parfois les pieds de derrière ont des pouces opposables aux autres doigts. 312 HISTOIRE NATURELLE. Les dents sont au moins de deux sortes : incisives et molaires, mais, dans certains cas, il y à aussi des canines. Des modifications analogues à celles que l’on remarque dans divers ordres de Monodelphes se trouvent dans le système dentaire des Marsupiaux : il ÿ a des Insectivores, tels que les Péramèles, Sarigues, Dasyures; des Carnivores, comme les Thylacines, et des Rongeurs ou Frugi- vores, tels que les Phalangers, Kanguroos et Phascolomes. Les poils sont constamment laineux ou soyeux; ils existent sur tout le corps; mais la queue, les pattes et le mufle sont les seules parties qui puissent en manquer; il n’y en à aucune trace chez les fœtus naissants. Ils sont, sur les joues des adultes, transformés en moustaches. L'organisation des membres fournit aussi des caractères importants; leurs doigts sont libres à tous les pieds dans les Marsupiaux éleuthérodactyles, ou bien ils ont deux des doigts postérieurs soudés ensemble jusqu'à l’ongle comme dans les Marsupiaux syndactyles; dans ces derniers, le pouce est nul ou non opposable s’il existe, ou bien il est parfaitement formé, dépourvu d'ongle et opposable aux autres doigts, de manière à constituer une main; de là le nom de Pedimanes donné à ces espèces. Parmi les Syndactyles, les uns ont les membres postérieurs plus longs que les anté- rieurs (Péramèles, Kanguroos), tandis que les autres ont les quatre extrémités égales ou à peu près égales. La queue offre aussi des particularités caractéristiques : elle peut être courte ou longue, grêle ou très-forte, lâche ou prenante. Enfin dans certaines espèces il y a des expansions de la peau des flancs semblables à celles des Écureuils volants, et de toutes ces modifications il résulte cinq modifications principales des organes de la progression, comme la possibilité de marcher, de fouir, de grimper, de voltiger, de sauter et de nager. La taille des Marsupiaux varie dans des limites assez étendues; toutefois la plus grande différence que l'on puisse constater est celle qu'offre le Sarigue nain, qui n’a en tout que 0",016 de long, et le Kanguroo laineux ou géant, qui a près de 3° : ce sont là les points les plus distants l'un de l’au- tre; mais on peut établir en principe que ce sont des Mammifères de taille moyenne. Quant aux mœurs de ces animaux, les uns sont frugivores ou herbivores; d'autres sont insecti- vores; enfin il en est qui ont des appétits plus carnassiers, et qui, à la manière des Fouines, des Renards et des Loups, chassent des proies assez volumineuses : la plupart d’entre eux ont coutume de s'approcher des habitations; ils se glissent dans les basses-cours, et attaquent les troupeaux. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons dit relativement aux organes génitaux; nous di- rons seulement que les mamelles sont toujours abdominales, le plus souvent nombreuses, et qu'elles sont recouvertes et protégées par la bourse. Celle-ci, qui n'existe que chez les femelles, s'observe dans le plus grand nombre des espèces : mais il en est quelques-unes qui en manquent, et alors il y à des rides longitudinales sur la peau de l'abdomen. Le squelette ne présente pas de particularités bien différentielles; seulement deux os paraissent particuliers aux femelles de ces animaux et ne se retrouvent bien distincts, dans la classe des Mammifères, que dans la sous-classe des Manotrèmes : ces deux os, appelés marsupiaux, ne sont pas, comme pourrait le faire croire leur nom, en rapport immédiat avec la poche; ils constituent deux appendices articulés en avant du pubis et dirigés de dedans en dehors au milieu des muscles de l'abdomen. On a cherché à trouver des analogues de cet os'dans les Monodelphes; et certains anatomistes ont cru y reconnaître le représentant du pilier in- terne du muscle grand oblique. Quant aux fonctions de ces muscles, .on ne les connaît pas bien; on a dit cependant qu’ils sont destinés à fournir aux muscles de l'abdomen un point d'attache plus so- lide, parce que ces muscles sont incessamment tirés vers le sol par le poids des petits suspendus aux mamelles, et doivent être doués d'une résistance plus grande; mais cette explication ne pent être complétement adoptée lorsque l'on voit que ces os se retrouvent dans les Monotrèmes qui n'ont pas de bourse. On trouve les Marsupiaux dans l'Amérique, principalement dans l'Amérique du Sud; ils existent aussi dans les îles de l'archipel des Indes, et surtout à la Nouvelle-Hollande; mais ces diverses con- trées sont les seules qui les possèdent. Dans l'Amérique, ils ne sont pas très-nombreux et se rap- portent tous au groupe des Pédimanes, et presque exclusivement au genre des Sarigues : dans l’Aus- tralie, ce sont presque les seuls Mammifères; à la Nouvelle-Hollande, les Monodelphes qu'on a trouvés avec eux sont, outre les animaux qui accompagnent l'homme partout, une ou deux Rousseltes, une Gerboise, etc., ainsi que des Monotrèmes, qui se rencontrent aussi à Van-Diémen; mais de plus, dans quelques iles voisines de cette terre, on a pris les Hydromys; dans les îles de l'immense archipel MARSUPIAUX. # 313 Océanien les plus voisines de la Nouvelle-Hollande, les Marsupiaux sont presque partout les seuls Mammifères que l'on rencontre, encore y sont-ils très-peu nombreux, et bientôt ils semblent dispa- raître. Leur rapport avec la quantité des Monodelphes qu’on y trouve est en raison inverse de ce qu'il était dans l'Inde : on voit apparaître successivement les Cerfs, les Cochons et les Babiroussas, les Paradoxures, les Écureuils et les Chauves-Souris, qui sont de plus en plus fréquentes et se rap- portent même à plusieurs groupes. A Timor, Java, Sumatra, Bornéo, etc., on ne voit plus de Marsu- piaux : il ne parait pas non plus en exister dans le continent de l'Inde. Fig. 66. — Sarigue de Virginie. Les Marsupiaux n’ont pas été trouvés uniquement dans la faune de notre époque actuelle, on en a également rencontré à l’état fossile; et cela non-seulement en Océanie, mais encore auprès de Paris et dans d’autres régions européennes. Pour ne pas scinder ce que nous avons à dire de ces animaux perdus, nous allons douner un court résumé de ce qu'on a observé à ce sujet. Les grottes de la val- lée de Wellington, dans la Nouvelle-Hollande, renferment une grande quautité d’ossements encroû- tés d'un sédiment rougeätre semblable aux brèches osseuses du littoral de la Méditerranée; le major Mitchell, qui les a découverts, y a reconnu des os des genres Phascolome, Potoroo, Phalanger, Kanguroo et Dasyure. Depuis, on en à trouvé en divers lieux de ce continent, dans le terrain tertiaire récent ou post-pliocène, qui se rapportent toujours à ces mêmes genres : plusieurs de ces espèces paraissent être des espèces actuellement vivantes sur le même sol, mais on en rencontre aussi d’es- pèces perdues, comme les Macropus Titan et Atlas, le Dasyurus laniarius Owen, etc.; on y trouve aussi un autre Thylacinus; un nouveau genre de la famille des Phascolomides, auquel M. Owen à donné le nom de Diprotodon, dont l'espèce qu'il décrit (C. Australis) était un animal de la taille du Bœuf;.un nouveau genre de Pachyderme marsupial, celui des Nototherium (espèces N. Müchelli et inerme), du même auteur, dans lequel la forme de la mâchoire inférieure tient le milieu entre celle des Éléphants et des Mastodontes, qui n’a pas d’incisives, et dont les molaires sont formées chacune de deux collines transverses comme dans les Kanguroos, de la taille du Cheval, ete. G. Cuvier a dé- couvert, dans les plâtres des environs de Paris ou terrain éocène, une petite espèce de Didelphis (D. Cuvieri, Laurillard), qui avait la taille de la Marmotte, mais avec des proportions relatives diffé- rentes; on en a plus récemment découvert une autre espèce en Auvergne. Enfin, dans les schistes oolithiques de Stronesfield, qui sont de l’époque jurassique, il a été trouvé de petites mâchoires in- févieures que G. Cuvier, d’après un examen rapide qu'il en fit à Oxford, déclara devoir être de quel- P. 40 514 - HISTOIRE NATURELLE. que Sarigue, et il en nomma même une dont M. Constant P évost lui envoya le dessin (Dédelphis Prevostii); M. Broderip en publia une autre espèce, à laquelle il donna le nom de D. Bucklandüi; De Blainville ne crut pas que ces fossiles étaient des Marsupiaux, et il leur assigna la dénomination de Amphitherium; mais M. Valenciennes et un peu plus tard M. Owen ont établi que ce sont réelle- ment des mâchoires de Marsupiaux, et le premier créa un genre qu ‘il nomma Thylacotherium pour les deux espèces de mächoires, et il y eut ainsi les 7°. Prevostüi et Bucklandii; M. Owen alla plus loin, il adopta le genre Thylacotherium, et il en décrivit deux espèces (T. Prevostii et Broderipü), et il fit un second genre de l'espèce nommée par M. Valenciennes 7°. Bucklandii sous le nom de Phasco- lotherium : dans les Thylacothères, les dents sont au nombre de seize de chaque côté; savoir : trois incisives, une canine, six fausses molaires et six molaires tricuspides; chez les Phascolothères, les dents ne sont qu'au nombre de onze; savoir : trois incisives, une canine, trois fausses molaires lobées et quatre molaires également à plusieurs pointes. Quoi qu’on en ait dit, les anciens semblent eux-mêmes avoir eu connaissance de quelques Marsu- piaux propressaux Indes. En effet, Plutarque, dans son Traité de l'amour des parents pour leurs enfants, dit : « Fixez votre attention sur rs Chats qui, après avoir produit leurs petits vivants, les cachent de nouveau dans leur ventre, d'où ils les laissent sortir pour aller chercher leur nourriture, et les y reprennent ensuite pour qu'ils dorment en repos. » Ces mots de l’auteur grec ne peuvent en effet s'appliquer qu'à quelque Marsupial. Clusius, de son côté, parle plus positivement d'un Phalan- ger d'Amboine qu'il nomma Cusa, et qui avait été observé par l’amiral Vanderkagen; plus tard, Va- lentyn décrivit sous le nome Philander un Sarigue du même pays. Lors de la découverte du nou- veau monde, on fit connaître plusieurs Marsupiaux américains, et Buffon voulait que ces animaux appartinssent exclusivement à ce pays. Mais peu de temps après la publication de l'immortel ouvrage de notre célèbre naturaliste, la connaissance de l’Australie montra que c'était surtout dans cette par- tie du monde que cette sous-classe de Mammifères était la plus commune. L'étude anatomique de ees animaux, anciennement si peu connue, a fait dans ces derniers temps de grands progès, grâce surtout aux importants travaux d'Et. Geoffroy Saint-Hilaire, de De Blainville, de Laurent et des natu- ralistes modernes. D'un autre côté, dans le dix-neuvième siècle, les rapports des voyageurs donnèrent aux zoologistes, surtout en Angleterre, de nombreux matériaux pour l'histoire de ces animaux, et prin- cipalement pour les descriptions spécifiques. Nous ne pouvons citer les noms des naturalistes qui, en grand nombre, se sont occupés de ces intéressants Mammifères, et nous terminerons ces généralités en esquissant les principales classifications qui ont été proposées pour l’arrangement systématique des Marsupiaux, dont on connaît aujourd'hui plus de cent espèces vivantes. Les Marsupiaux ont été, suivant les divers naturalistes, considérés comme formant un simple genre, une famille, un ordre et une sous-classe. Brisson, Linné et quelques autres en ont fait le genre Di- delphis, nom qui est devenu celui de toute la famille et s’applique encore au groupe générique des Sarigues : le nom de Marsupiaux, par lequel on a voulu le remplacer, et que nous avons conservé pour nous conformer à l'usage général, ne paraît pas aussi heureux, puisque, s’il veut dire que les animaux auxquels il s'étend ont une bourse, il ne saurait comprendre tous les Didelphes, et que, d’un autre côté, il laisse confondus avec eux les Monotrèmes, s’il peut indiquer la présence de l'os mar- supial. G. Cuvier, dans la classification qu'il a proposée avec Et. Geoffroy Saint-Hilaire, a élevé le genre Didelphis au rang de famille, et l'a placé parmi les Carnassiers; puis, dans la deuxième édition du Règne animal (1829), il l'a considéré comme formant un ordre à part, placé entre ceux des Carnas- siers et des Rongeurs, en indiquant toutefois qu'il pourrait également constituer une sous-classe, et il y place les grands genres Sarigue, Thylacine, Phascogale, Dasyure, Péramèle, Phalanger, Potoroo, Kanguroo, Koala et Phascolome. De Blainville, de son côté, a proposé, dès 1816. dans son Prodrome d’une classification des Mam- müfères, de réunir en une seule classe à part les Marsupiaux et les Monotrèmes, ces derniers ne com- prevant que les Ornithorhynques et les Échidnés; mais depuis, dans son cours de 1834 de la Faculté des sciences, il a modifié sa classification et fait des Monotrèmes, qu’il appelle Ornithodelphes, une troisième sous-classe de Mammifères, et, en effet, ii paraissait assez peu rationnel de réunir dans un groupe commun, par cela seul qu'ils sont pourvus d'os marsupiaux, des animaux dont la génération et en général tout le système organique est si différent. Selon De Blainville, les DIDELPHES MAR SUPIAUX 315 sont des animaux mammifères embryopares, à gestation mammaire, pourvus le plus souvent d’une poche abdominale et toujours d'os marsupiaux; on peut avec M. P. Gervais les subdiviser en ÉLEU- THÉRODACTYLES et SYNDACTYLES : Éleuthérodactyles à membres postérieurs ayant les doigts tous séparés, palmés et non palmés, partagés en : 1° Pénmanes, à pouce développé, opposable (Di- delphes, Chironectes); 20 PaascocaLes, à pouce nul ou rudimentaire, jamais opposable (Dasyures, Phascogales, Thylacines) : Syndactyles, à membres postérieurs, à doigts indicateur et médian sou- dés jusqu'à l'ongle : jamais palmés, divisés eux-mêmes en : — A. Queue longue, * non utile à la marche, où PHazancers, à membres postérieurs les plus longs (Péramèles) et à membres égaux ou à peu près (Phalangers, Couscous, Pétauristes, Acrobates), et ** utile à la marche, à membres posté- rieurs toujours plus longs, ou Saureurs (Potoruos, Kanguroos, Halmatures). — B. Queue courte ou nulle, Fouisseurs (Phascolarctos, Phascolomes). Desmoulins, Lesson, et surtout Duvernoy, dans ses cours de Strasbourg et de Paris au Collége de France et au Muséum, ont proposé des classifications des Marsupiaux; mais ils n’ont guère indiqué que de légères modifications à introduire dans la méthode de De Blainville, et Duvernoy s’est égale- ment servi des travaux des naturalistes anglais et de ceux de G. Cuvier et d'Ét. Geoffroy. Fr. Cuvier, dans son ouvrage sur les Dents des Mammifères et dans l'article Zoologie du Diction- naire «les sciences naturelles, a été conduit à suivre une tout autre marche; plaçant en première ligne les caractères fournis par le système dentaire, il a dà répartir Jes divers genres de Marsupiaux dans différents ordres de la classe des Mammifères ordinaires : ceux qui ont des molaires épineuses ont été rapportés par ce naturaliste à son ordre des Insectivores; les Thylacines sont placés parmi les Carnivores; les Pétauristes, Phalangers, Kanguroos, Phascolomes, etc., forment cependant un ordre distinct sous ia dénomination de Marsupiaux frugivores. Enfin la dernière classification française dont nous voulions parler, et que nous exposerons en détail, parce que nous la suivrons en partie dans cet ouvrage, sans adopter cependant ja réunion des Didelpbhes et des Ornithodelphes, et en ne formant que des familles dans cette sous-classe, est celle de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Le savant professeur de mammalogie du Muséum place ses QUADRUPÈDES AVEC OS MARSUPIAUX, chez lesquels le bassin est bien développé et pré- sente des os marsupiaux, entre l'ordre des Édentés et celui des Mammifères bipèdes renfermant les Syrénides (Lamantin, Dugong, ete.) et les Cétacés, et il les subdivise en trois ordres : — 1° MAR- SUPIAUX CARNASSIERS, parallèles aux Carnassiers des Mammifères ordinaires. Cinq familles. — 1" Section. CARNASSIERS. A. Dasrunipés, ayant de grandes canines, entre lesquelles sont huit in- cisives supérieures et six inférieures ; pouces postérieurs médiocres ou rudimentaires (g. T'hyla- cine, Sarcophile, Dasyure, Phascogale). B. Dinecpninés, ayant de grandes canines, entre lesquelles sont dix incisives supérieures et huit inférieures; pouces postérieurs très-développés et bien oppo- sables (g. Didelphe, Micouré, Hémiure, Chironecte). C. PÉRAMÉLIDÉS, ayant aussi de grandes canines, entre lesquelles sont également dix incisives supérieures et six inférieures seulement; mem- bres postérieurs très-développés, à pouces courts (g. Péramèle). — 9° Section. SEMI-CARNAS- SIERS. D. MyrmécorInés, n'ayant pas de grandes canines de forme ordinaire; dents nombreuses; pieds postérieurs tétradactyles (g. Myrmécobie). E. Tarsipéninés, n'ayant pas de grandes canines de forme crdinaire; dents en très-petit nombre; pieds postérieurs pentadactyles, à pouces opposables (g. Tarsipède). — 2° MARSUPIAUX FRUGIVORES, parallèles aux Rongeurs des Mammifères ordi- naires. Quatre familles. — 1'° Section. SEMI-RONGEURS. A. PuazanGinés, ayant six incisives supé- rieurement; pouces postérieurs bien développés et opposables; une longue queue (g. Couscous, Phu- langer, Acrobate, Acropète, Pétauriste). B. Puascoarcrinés, offrant six incisives à la mâchoire supérieure; pouces postérieurs bien développés et opposables; point de queue (g. Phascolarctos). CG. Macroponés, ayant six incisives à la mâchoire supérieure; pouces postérieurs non existants; membres postérieurs très-développés (g. Dendrolague, Potoroo, Hétérope, Kanguroo).— 2: Section. RONGEURS. D. Paascoromnés, offrant à chaque mâchoire deux grandes dents antérieures suivies d'une barre (g. Phascolome). — 3° MONOTRÈMES, parallèles aux Édentés des Mammifères ordi- paires. Deux familles. A. Ornirnonuynenmés, bec corné, élargi; quelques dents (g. Ornithorhyn- que). B. Écuwxnés, bec corné, allongé; pas de dents (g. Echidné): Les auteurs étrangers à la France ont également proposé diverses classifications des Marsupiaux: mais l'espace nous manque pour les exposer actuellement : nous dirons seulement quelques mots de Ca 516 HISTOIRE NATURELLE. celle de M. Richard Owen, dans laquelle l'auteur a cherché à indiquer le genre de vie de ces animaux d’une manière plus complète qu'on ne l'avait fait avant lui. M. Owen subdivise ces animaux en cinq tribus : — 1° SARCOPHAGES (Carnivores). Trois espèces de dents; canines longues partout; esto- mac simple; pas de cœcum (famille Dasyunipés). — 92° ENTOMOPHAGES (Insectivores). Trois espèces de dents; estomac simple; cœæcum de grandeur médiocre (fam. Marcaeurs, Saureurs et GRIMPEURS). — 3° CARPOPHAGES (Frugivores). Incisives antérieures, grandes et longues à chaque mâchoire; ca- nines inconstantes; estomac simple ou accompagné d'une glande particulière; cœcum très-long (fam. PHALANGISTIDÉS, PHascozarcrIbés). — 4° POÉPHAGES ( Herbivores). Incisives antérieures grandes et longues à chaque mâchoire; canines existant à la mâchoire supérieure seulement ou manquant; esto- mac complexe; cæcum long (fam. Macroronmés). — 5° RHIZOPHAGES (Rongeurs). Deux incises en biseau à chaque mâchoire; pas de canines; estomac accompagné d'une glande spéciale; cœcum court, large, avec un appendice vermiforme (fam. Paascoconypés). PREMIÈRE FAMILLE. DIDELPHIDÉS. DIDELPHIDÆ Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. L'ancien genre des Sarigues ou Didelphis de Linné est devenu une famille particulière que l’on peut caractériser, d’une manière très-générale, par ses grandes canines, entre lesquelles sont pla- cées dix incisives supérieures et huit inférieures, et par de pouces de ses pieds de derrière, étant très-développés et bien opposables aux autres doigts, et qui a reçu les noms de Didelphide, Water- house; Didelphidea et Didelphina, Gray; Didelphydes, Wagler;, Didelphisideæ, Lesson, etc. Les Didelphidés n’ont pas tous de bourses; ils habitent exclusivement le continent américain, et, par ces deux particularités, ils semblent en quelque sorte servir de lien entre les Mammifères mono- delphes et les Marsupiaux australasiens. Deux genres principaux entrent dans cette famille : ce sont ceux de Sarigue ou Didelphe et Chiro- necte. En décrivant les premiers, nous donnerons les caractères qui se rapportent à la famille, et nous exposerons les mœurs de ces animaux. 4er GENRE. — SARIGUE. DIDELPHIS. Linné, 1735. Au, deux; dexqu:, matrice. Systema naturæ. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, À; canines, =; molaires, = ou 5; en totalité quarante-huit où cinquante dents. Incisives supér icures petite s, les deux bte étant un peu plus longues el séparées des autres : inférieures très-pelites; presque égales, un peu comprimées, obtuses; canines fortes, comprimées et légèrement déjetées en dehors : supérieures plus grosses que les inférieures; molaires : supérieures les trois premières, fausses molaires, triangulaires, comprimées, l'inté- rieure étant beaucoup plus petite et séparée des autres, et les postérieures à couronne garnie de dentelures et de pointes aiguës : inférieures Les quatre premières des fausses molaires et les trois autres à couronne garnie de pointes. Tête longue, conique; museau très-pointu; gueule très-fendue; yeux placés très-haut, obliques; SPP éme 2e Fig. 2. — Sarigue bicolore, .] L e "A RE LAS want : 07 fie 7 fée: NOR ##+ 00h me MN: he 7 | be de à tie RL IE art TEL Lara nnlteN eh LE AU trés n LL er FA GR La = ! È © (l ” $ 2 fl + ; à r à Par N DES $ ë We Û j \ L - MARSUPIAUX. 317 oreilles grandes, très-minces, presque nues, arrondies dans leurs contours; langue ciliée sur les bords et hérissée de papilles cornées; moustaches longues, nombreuses. Cinq doigts séparés à tous les pieds : pouce de ceux de derrière (qui sont plantigrades) fort, assez long, opposable et sans ongle; ongles des autres doigts crochus. Queue assez longue, ronde, écailleuse et dépourvue de poils dans la plus grande partie de son étendue. Poil qui couvre le corps assez serré, souvent de deux sortes. Fig. 67. — Tête de Sarigue de Virginie. Il semble qu'une espèce de ce genre était connue des anciens et indiquée déjà par Plutarque; plus tard Clusius et Valentyn en firent connaître d’autres, et lors de la découverte de l'Amérique, leur véritable patrie, on en décrivit beaucoup d’autres. Linné avait rangé dans le genre Didelphis tous les Marsupiaux où animaux à bourse qu'il connaissait; mais pendant très-longtemps les nombreuses espèces de ce groupe restèrent confondues, soit entre elles, soit avec les Phalangers. Buffon entre- prit de débrouiller la confusion qui régnait parmi les Sarigues; mais il ne parvint guère qu'à l’aug- menter davantage, et ce n’est qu'assez récemment que l’on a pu donner d'assez bonnes descriptions de ces animaux, et qu'on a cherché à y former des groupes particuliers, parmi lesquels celui des Chironectes d'Illiger est un des plus distincts, tandis que les autres, tels que ceux des Micoureus, Lesson: Hemiurus, Isid. Geoffroy, ou Peramys, Lesson, etc., ne sont pas indispensables. Le nom latin de Didelphis, Linné, est généralement adopté pour désigner les animaux de ce genre; Brisson leur appliquait la dénomination de Philander, et Fischer celle de Sipulus. De tous les animaux terrestres, ce sont ceux qui ont Le plus grand nombre de dents, et leur sys- tème dentaire est normal. Leurs membres sont tous terminés par cinq doigts; ceux de derrière for- ment une véritable main de Singe, d’où leur est venu le nom de Pédinanes, qu'ils partageaient avec les Phalangers dans les premiers ouvrages de G. Cuvier. Mais, chez les Phalangers, le pouce, égale- ment dépourvu dongle, comme chez les Sarigues, est tout à fait dirigé en arrière, de même que dans les Oiseaux, et, en outre, les deux doigts suivants sont réunis par la peau jusqu’à l’ongle, ce qui n’a pas lieu dans les Sarigues. Tous les autres doigts des Didelphes sont armés d'ongles assez crochus qui servent à fouir et à s'accrocher en grimpant. En marchant, ils appuient à terre la plante du pied, qui est ronde, grande et lisse à ceux de devant : la brièveté et l'épaisseur des jambes en font des animaux d’une marche lente. Leur langue est ciliée au bord et hérissée vers la pointe de papilles cornées comme celle des Carnassiers. L'œil a sa pupille verticale et l'iris jaunâtre, très-sail- lant, petit et bordé de rouge et de noir. La gueule est fendue jusqu'au delà des yeux. Les oreilles sont assez grandes, transparentes comme celles des Chauves-Souris, et à teinte rougeâtre ou vio- lâtre. Les moustaches sont noires ou blanches, composées de soies roides et très-longues, se déta- chant fortement du rose ou blanc livide du museau, dont la longueur démesurée n’est bornée que très-loin en arrière par les yeux. Le corps paraît toujours sale, parce que le poil, qui n'est ni frisé ni lisse, est terne et assez semblable à celui d'un animal malade : leur peau est d’un rose livide et d’un aspect dartreux, et se montre nue autour de la bouche, des yeux, des pieds et de la queue. La queue est le plus souvent longue, prenante, en grande partie nue et écailleuse, quelquefois, au contraire, très-courte. 918 HISTOIRE NATURELLE. Ces Marsupiaux, de taille petite ou moyenne, puisqu'il en est de la taille d’un Campagnol, et que les plus gros ne dépassent pas celle d’un Chat, ont une odeur fétide et urineuse provenant d’un cha- pelet demi-circulaire de glandes situées dans l'intérieur du pourtour de la fente où s'ouvrent les ca- naux de la digestion, de l'urine et de la génération : en outre, cette mauvaise odeur est encore ren- forcée par l'habitude qu'ont toutes les espèces de se mouiller de leur urine, qu'elles lächent quand elles sont effrayés. Cette mauvaise odeur est tout extérieure, car leur chair, bonne à manger, est recher- chée par les habitants du Paraguay et passe pour avoir la propriété de guérir plusieurs maladies. Toutes les espèces de Sarigues sont nocturnes; elles ne sont pas plus vives que les Souris; leur stu- pidité est extrême. Mais toutefois, la nuit, ils grimpent sur les arbres pour y surprendre les Oiseaux et les Insectes, et surtout pour y manger des fruits; c’est le seul exercice où ils montrent un peu d’agilité, vu l’aisance que leur donne pour cela leur main de derrière, dont les ongles crochus des quatre doigts opposés au pouce font une pince à crochets; leurs mains de devant sont également bien armées, et comme tous leurs ongles, quoique déliés, sont aigus et courbés, ils peuvent aussi mon- ter sur les murs : les grandes espèces s’introduisent, la nuit, dans les habitations et tuent la volaille pour lui sucer Je sang; car elles ne mangent la chair que par détresse; le jour, elles dorment dans leurs trous, roulés sur elles-mêmes. Ces animaux sont célèbres par les romans qu’on a imaginés sur leur génération avant qu'on ne l'ait connue anatomiquement, ainsi que nous l'avons dit dans nos généralités sur les Marsupiaux. Ce sont les premiers Marsupiaux dont on ait connu le mode de génération; la naissance prématurée de leurs petits et la fixation de ceux-ci à la mamelle habituellement dans une bourse de la partie anté- rieure de l'abdomen ont frappé tous les observateurs qui ont visité l'Amérique; les voyageurs en ont parlé dans leurs ouvrages, et la notion en est pour ainsi dire vulgaire depuis longtemps : témoin la fable de Florian, intitulée la Surigue et ses petits. Le gland de l'organe principal de la reproduction des mäles et le clitoris des femelles sont divisés en deux comme le fond du vagin de celles-ci, et le nom de Didelphe, que l'on peut traduire par double matrice, indique cette particularité remarquable, Tous présentent des os marsupiaux assez développés; le plus grand nombre des femelles, mais pas toutes cependant, ont des poches abdominales dans lesquelles se réfugient leurs jeunes petits aussi- tôt après leur naissance. Le nombre des tetines varie d’une espèce à l’autre; il n'y a qu'un orifice commun pour les organes digestifs et génito-urinaires. Les Didelphes sont tous américains; l'on en trouve dans l'Amérique septentrionale depuis les États- Unis jusqu'en Patagonie, et, dans l'Amérique méridionale, ils sont surtout assez communs et parais- sent remplacer les Insectivores. On connaît environ une vingtaine d'espèces de ce groupe, que l’ab- sence ou la présence d’une poche abdominale, la forme et la longueur de la queue, la disposition palmée des pieds de derrière, ont fait partager en plusieurs sections qu'on regarde parfois comme autant de genres, et parmi lesquels un principalement, celui des Chironectes, doit être adopté. On a décrit quelques débris fossiles qui se rapportent, soit au genre Sarigue, soit à un groupe qui en est voisin, et qui ont été trouvés en Europe et en Amérique : nous en dirons bientôt quelques mots. Parmi les espèces vivantes du genre Didelphis, Lesson, que l'on peut regarder comme un peti groupe particulier, nous ne décrirons que les deux suivants : 1. SARIGUE DE VIRGINIE ou SARIGUE A OREILLES BICOLORES. DIDELPHIS VIRGINIANA. Pennant. CanacrÈres spÉcIFIQUES.— Corps assez épais; tête très-pointue, blanchâtre; chanfrein droit; oreilles mi-parties de noir et de blanc; narines séparées par une rainure verticale; pelage composé de poils laineux et feutrés, d'un blanc sale près de la peau, bruns à l'extrémité, et traversé par des poils plus longs et le plus souvent blancs; teinte générale plus foncée au dos qu'ailleurs; tête blanche, tour des yeux et oreilles, à leur base, d’une couleur brune : ces dernières blanchätres à l'extrémité; pattes brunes; ventre blanc; queue velue dans son premier quart, blanchâtre et couverte d’écailles dans le reste de sa longueur; mamelles des femelles au nombre de treize; douze disposées en cercle et une centrale. Taille d’un Chat : le corps et la tête mesurant 0,40; la queue environ 0",30. Cette espèce est l'Opossum des Américains, le Manicou de Bonnaterre, le Surigue des Illinois et MARSUPIAUX. 319 Sarique à long poil de Buffon, le Didelphe virginien de Lacépède, le Micouré premier de D'Azara, le SARIGUE À OREILLES BICOLORES Où SaniGue DE Vite, Didelphis Virginiana, de tous les zoolo- gistes modernes. Elle habite toute PAmérique basse et orientale, depuis le Paraguay jusqu’au pays des Illinois; on la trouve aussi au Mexique et dans les États-Unis méridionaux. Elle se tient dans les bois etles champs, pénètre pendant la nuit dans les habitations et y tue les volailles; sa démarche est très- lente; ses petits, en naissant, ne pèsent, dit-on, qu'un grain; ils restent dans la poche de leur mère jusqu'à ce qu’ils aient atteint la taille d’une Souris, et qu'ils soient recouverts de poils; quand ils se hasardent à en sortir, ils ne s'éloignent pas, y rentrent au premier danger, ou viennent se placer sur le dos de leur mère, leur queue les retenant au même organe de celle-ci; ces petits sont au nombre de quatorze à seize par portée; la gestation dure vingt-six jours; les petits restent dans la poche environ dix jours après leur naissance, et ce n’est qu'au bout de ce temps que leurs yeux s’ou- vrent. (Voyez l'Atlas, pl. XLI, fig. 2.) 2. DIDELPHE CRABIER. DIDELPHIS CANCRIVORA. Linné. CARAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Très-semblable au précédent par la grosseur du corps, la longueur et la forme de la tête, mais en différaut par les couleurs du pelage, qui a cependant cela d'analogue, qu'il est laineux et traversé de grands poils roides : les poils laineux étant d’un jaune sale à leur pointe, tandis que les soyeux sont bruns : ces derniers étant plus nombreux sur les cuisses et l’é- pine du dos que partout ailleurs, et longs de 0",06 à 0®,08; pattes brunes: une ligne longitudinale de la même couleur sur le chanfrein; oreilles d’un blanc jaunâtre uniforme, un peu mêlé de brun vers la base; queue brune dans le premier tiers de sa longueur, blanche et nue dans le reste. De taille plus grande que le précédent. Cette espèce est le crann PmizanDer or1ENTaL de Séha, le Crarter pe Burron, vulgairement le cRAND Cragier pu Brésiz et pe Cayenne; le Didelphis carcinophaga, Boddaert; D. cancrivora et marsu- pialis, Linné. Ses mœurs sont semblables à celles du Sarigue de Virginie: toutefois on assure qu'il habite de préférence les palétuviers et autres endroits marécageux, et qu'il se nourrit de petits Oi- seaux, de Reptiles et d’Insectes; mais que les Crabes sont sa principale nourriture, et c’est ce qui lui a valu le nom qu’il porte le plus habituellement. Pris jeune, cet animal s’apprivoise facilement, et on le nourrit avec toutes sortes d'aliments. La femelle n’a, assure-t-on, que huit mamelles disposées en ellipse. Il est commun à Cayenne et à Surinam. Les autres espèces du même groupe sont : 1° le Dineupue DE D’Azara, Didelphis Azaræ, Tem- minck, du Brésil et de Maldonado, anciennement confondu avec le D. carnivorus, et que nous avons représenté dans la Perse XLI, figure 1°, de notre Atlas; 2 D. quica, Natterer, du Brésil, quieu est également voisin; 3° D. quarre-æœi, Pnicanper de Séba, Opossux de Buffon, D opossum, Linné, du Paraguay, rsiréiaie par une tache jaune pâle qui semble simuler un œil et qu'on voit au-des- sus de cet organe; 4° D. À queue nur, D. nudicaudata, Et. Geoffroy, du Brésil et de la Guyane, qui a une queue plus longue que le corps et nue dans toute son étendue; 5° D. philander, Linné, de la Guyane et du Mexique; 6° D. grisea, À. G. Desmarest, du Paraguay, etc. Parmi les espèces du genre Micoureus, Lesson, nous décrirons le : 5. SARIGUE MORMOSE. DIDELPHIS MURINA. Linné. CaracTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage d’un gris fauve en dessus, d'un jaunâtre pâle, presque blanc, en dessous; yeux placés dans le milieu d’un trait brun; queue d'une seule couleur, longue comme le corps, entièrement nue. La longueur de la tête et du corps n’est que d'environ 0,17. Ce joli petit Sarigue est le Mormose de Buffon, le Tarer des Brésiliens, le Rar pes Bors de Cayenne, le Mus sylvestris Americanus, Séba; Philander Americanus, Brisson; Didelphis murina, Linné. Le nom de Mormose, qu'il porte vulgairement, n’est qu'une altération du mot Marmotte, qu'on lui à parfois appliqué. Il se trouve à Cayenne et à Surinam, où il vit dans les bois et recherche une proie vivante. Ses petits, dont le nombre est de dix à quatorze, s’attachent aux mamelles aussitôt après 320 HISTOIRE NATURELLE. leur naissance, et y restent suspendus "en grappe jusqu'à ce qu'ils soient un peu développés : et alors ils montent sur le dos de leur mère, qui les transporte ainsi ayant la queue enroulée avec la: leur. Les autres espèces sont les SariGue Laineux, Didelphis lanigera, À. G. Desmarest, du Paraguay, un peu plus grand que le précédent; D. cinerea, du Brésil; dorsigera, de la Guyane hollandaise; tricolor, du Brésil et de la Guyane; elegans, du Chili, ete., et deux espèces nouvellement décrites; les D. Californicus et breviceps, qui toutes deux proviennent de la Californie. Comme type du genre Peramys, Lesson, groupe qui est caractérisé par la forme de ses dents, au, nombre de quarante-buit, nous ferons connaître le : 4. SARIGUE NAIN. DIDELPHIS PUSILLA. À. G. Desmarest. Canacrères sPéciriques. — Pelage gris de souris, obseur en dessus, blanchâtre en dessous; queue plus longue que le corps, toute nue et très-mince, de couleur blanchätre. Longueur de la tête et du corps environ 02,09; la queue ayant la même longueur. Cette espèce, la plus petite du genre, a les mêmes mœurs que ses congénères et habite le Pa- raguay. Les autres espèces du même groupe sont les D. crassicaudata et brachyura, Gmelin, de la Plata et de Maldonado, caractérisés par la disposition de leur queue, et le Peramys tristriatu, Lesson, du Brésil. Quant aux espèces fossiles de Sarigues, nous rappellerons que G. Cuvier a fait connaître, sous la dénomination de Didelphis Parisiensis, quelquefois changée en celle de D. Cuvieri, Laurillard, des débris de mâchoires trouvés à Montmartre, et que M. Charlesworth a indiqué sous la dénomination de D. Colchesteri, un fragment de mächoire inférieure découvert dans le dépôt tertiaire éocène du comté de Suffolk, en Angleterre, que M. Owen ne regarde pas comme se rapportant à un Didelphe. Enfin c’est auprès de ce genre que l’on doit ranger les Didelphis Prevostüi et Bucklandüi, dort nous ayons déjà dit quelques mots, ainsi que le D. Lundi, Lesson, des cavernes du Brésil, qui ont servi de types aux genres Phascolotherium, Owen; Thylacotherium, Valenciennes; Amphigonum, Agassiz, et Heterotherium et Amphitherium, De Blainville. Qme GENRE. — CHIRONECTE. CHIRONECTES. Illiger, 1811. Xeto, main; VEXTNs, nageur, Prodromus systematieus Mammalium et Avium. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES-: Système dentaire semblable à celui des Didelphes; les canines un peu plus fortes; les molaires antérieures pointues, tranchantes. Museau pointu; yeux latéraux; oreilles nues, membraneuses, arrondies. Pieds à cinq doigts : les postérieurs plantigraues, palmés, avec le pouce sans ongle : tous les autres doigts armés d'ongles aigus, recourbés. Queue longue, cylindrique, nue, écailleuse, prenante. Ce genre, longtemps confondu avec celui dés Sarigues, s'en distingue facilement par les carac- tères importants des pieds postérieurs palmés et de ceux de devaut, remarquables par le développe- ment extraordinaire de l'os pisiforme, qui fait une saillie comparable à un rudiment de sixième doigt. Du reste, toutes les autres particularités organiques des Chironectes sont semblables à celles des Didelphis; leurs mœurs sont un peu différentes en ce qu'ils recherchent presque exclusivement les rivières; mais déjà, dans les autres Sarigues, on trouve des passages des espèces proprement terrestres aux espèces qui recherchent les marais. La seule espèce est le : MA RSUPIAUX. 321 YAPOCK. CHIRONECTES FAPOCK. À. G. Desmarest. CaracrèREs sPÉGIFIQUES. — Tête pointue; museau assez fin; oreilles grandes, nues; pieds courts : les antérieurs à doigts séparés et les postérieurs à doigts palmés; quéfie écailleuse, ronde, nue, si ce n’est à la face supérieure, et surfout à la base, où l’on voit des poils; pelage, en dessus, d’un brun noirâtre, marqué de chaque côté de trois grandes taches transversales, grises, qui semblent former autant de lignes interrompues par la couleur du milieu du dos; tête brune en dessus, avec une tache blanchâtre derrière chaque œil; moustaches ayant 0",03 de longueur, ainsi que les grands poils du dessus des yeux et ceux du tarse; poils de deux sortes : les uns courts, doux, laineux, et les plus grands soyeux. Longueur de la tête et du corps, 0",20; de la queue, 0,18. Cette espèce est l'Yarocx de G. Cuvier, et cette dénomination, qui lui est généralement appliquée, provient de ce qu’il se trouve communément dans l'Yapock, grande rivière de la Guyane. C’est la Lutra minima de Boddaert et de Zimmermann, la Pemre Lourre pe LA Guyane de Buffon, et ce mot de Loutre lui a été appliqué en raison des caractères assez semblables, produits par le même genre de vie, des Lutra et des Chironectes; mais, malgré cette analogie éloignée, ces derniers Mar- supiaux n’en ont pas moins l'ensemble des particularités que présentent les Didelphes. A. G. Des- marest a donné à cette espèce le nom de Chironectes yapock, que Lesson à changé inutilement en celui de Chironectes palmatu. On n’a pas de détails précis sur les habitudes de l'Yapock; mais il est probable qu'il est insecti- vore comme les autres Sarigues, avec cette seule différence que c’est d'Insectes aquatiques, et peut- être aussi de Poissons, qu'il doit préférablement se nourrir : ses caractères peuvent faire supposer qu'il est en même temps grimpeur, et qu'il jouit d'une égale agilité dans l'eau, à terre et sur les arbres. Il habite les fleuves de la Guyane et du Brésil. ? Il est probable que l'on reconnaîtra plusieurs espèces de Chironectes; l'on en a déjà cité au Bré- sil, à la Guyane et au Pérou, dont les caractères ne paraissent pas toujours les mêmes. Fig 68.,— Chionectes Yapock. 322 HISTOIRE NATURELLE, «+ DEUXIÈME FAMILLE DASYURIDES. DASYURIDÆ. Owen. Le système dentaire comprenant les trois sortes de dents en nombre variable : quarante-deux ou quarante-six en totalité; molaires indiquant des animaux carnivores, plus ou moins carnassiers ou insectivores. La tête est plus ou moins conique; le museau assez pointu; les yeux moyens; la gueule très-fendue; le corps est plus ou moins svelte, allongé; la taille grande, moyenne ou petite; les pieds antérieurs sont à cinq doigts, et les postérieurs rarement à cinq doigts, le plus souvent à quatre doigts, avec un simple vestige de pouce ou mème sans rudiment de pouce; ongles aigus; la queue est longue ou courte, toujours velue dans toute son étendue, à poils souvent très-fournis et rarement un peu prenante. Buffon et Linné ne connaissaient pas les Dasyuridés, et les premiers qu’on ait apportés en Europe l'ont été par les expéditions françaises et anglaises anx terres australes, exécutées à la fin du siècle dernier, Et. Geoffroy Saint-Hilaire a, le premier, reconnu la nécessité de séparer génériquement ces animaux des Sarigues, et c’est lui qui, en 1804, a créé le genre particulier des Dasyurus; mais plus récemment la plupart des zoologistes ont cru devoir former des Dasyures une famille ou une tribu distinete sous les noms de Dasyurins, Dasyuriens, Dasyuridés, Isid. Geoffroy Saint-Hilaire; Dasyu- ridæ, Owen; Dasyurinæ, Gray, etc.: et ils y ont créé plusieurs genres fondés d’après quelques par- ticularités secondaires de l’organisation. Six genres ont été proposés, ce sont ceux des TayLacines, Temminck (Peracyon, Gray, et Lycaon, Wagler); Sarcopuises, Fr. Cuvier (Diabolus, Gray); Dasvu- Res, Et. Geoffroy Saint-Hilaire; Puascocaues, Temminck; Anrécuixes, Mac-Leay, et Mynuécomies, Waterhouse. Parmi ces genres, les quatre premiers doivent être adoptés; le cinquième, celui des Antechinus, ne diffère pas assez des Phascogales pour en être séparé, et enfin celui des Myrmeco- bius, par ses affinités avec les Édentés et par quelques autres particularités organiques, devrait pro- bablement être séparé des Dasyuridés, ainsi que cela a été proposé : nous les laisserons toutefois dans la même famille pour ne pas trop multiplier les grandes divisions. À ces genres on doit encore peut-être ajouter le groupe fossile des Hyénodons. Les Dasyuridés sont, dans Australie, des Mammifères qui remplissent le rôle des Loups, des Fouines et des Belettes de l'ancien monde; ils sont carnassiers autant qu'eux, vivent également de rapines, et souvent ils ont reçu des Européens des noms que ceux-ci portent chez nous. On en con- nait une vingtaine d'espèces, toutes de taille différente, et dont les habitudes présentent quel- ques différences plus ou moins marquées. Leur estomac est semblable à celui des Carnivores, et il n'y a pas de cœcum sur le trajet de #intestin. Toutes les femelles ont une poche abdominale; et tous ont des os marsupiaux assez développés. Leurs habitudes sont plus ou moins nocturnes; ils vivent dans les rochers au bord du rivage, se trouvent sur les arbres, etc. On en a signalé quelques débris fossiles; les uns à la Nouvelle-Hollande et bien authentiquement de cette famille, et les autres propres à l'Europe, et qui ne s’y rapportent peut-être pas. 47 GENRE. — THYLACINE. THYLACINUS. Temminck, 1822. Toïaxce, marsupial. Troisième Monographie de Mammalogie. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. 8 1 TT, Système dentaire : incisives, %; canines, 5; molaires, =; en totalité quarante-six dents. In- =— | TE Fig, 1. — Dasyure de Maugé. Fig. 2 — Thylacme à tête de Chien n P1 42; : naphng aquorgel 2nçb snetqhiefs isaariet xs shlintih rstisfont LE sers ss si SR de Ut ROIS * | ji 0 éredeans Ésnee ir ss = ? UL d LS ssbneos ancrée AnsiaulE ù 3h aûtanos Hdi So sms HE 5 sé des aie son sh 35 Et son E 6 100 | FPE à < % > F L 2 ; ss 3 c A ue ser lee poto p a Et PE NATAIUA ES AAA AIAUSAIOALO SÉIIAIRT SPL. 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Taille considérable. Os marsupiaux très-petits. Autres caractères semblables à ceux des Dasyures. Pendant longtemps la seule espèce qui entre dans ce genre était placée dans le groupe générique des Dasyurus Et. Geoffroy Saint-Hilaire, avec lesquels elle a plusieurs caractères communs; M. Temminck l'en a distinguée, et le prince Charles Bonaparte en a fait une petite tribu sous les dé- nominations de 7 hylacinidæ et de Thylacinina. Ces Marsupiaux diffèrent surtout des Dasyures en ce que ces derniers n'ont que cinq molaires de chaque côté des deux mächoires au lieu de sept, et des Phascogales, qui ont le même nombre de dents qu'eux, en ce qu’elles ne sont pas divisées de la même manière en fausses et vraies. Le nom de Thylacinus ayant l'antériorité sur ceux de Peracyon, Gray, et de Lycaon, Wagler, a dû être assez généralement adopté. THYLACINE CYNOCÉPIHALE. THYLACINUS CYNOCEPHALUS. Ét. Geoffroy Saint-Hilaire. CaracrÈèrEs srÉciriQues. — Pelage en général court, doux, tirant sur le brun jaune obscur, plus pâle en dessous et d'un gris foncé sur le dos; seize bandes transversales, d’un noir de jais, couvrant toute la croupe, parmi lesquelles deux se prolongent sur les cuisses et sont conséquemment plus longues; queue non prenante, comprimée latéralement à la base, couverte, en dessus, d'un poil doux et court, avec les côtés et la face inférieure nus. Longueur du corps et de la tête environ 4": longueur de la queue, 0",65. Cet animal (voy. Atlas, pl. XLI, fig. 2), qui, par la forme de sa tête et mème de son éorps, rap- pelle un peu le Loup, mais qui est légèrement inférieur en taille et en puissance, a été décrit pour la première fois, par Harris, sous le nom de Didelphis cynocephalus, et a successivement reçu les dénominations de Dasyurus cynocephalus, Thylacinus cynocephaius, et de T. Harris, que lui a appliquée M. Temminck. Il est commun en Tasmanie, principalement sur le littoral, et l'on assure qu'il se nourrit surtout de la chair des Cétacés et des Phoques que la mer jette sur le rivage; il chasse aussi plusieurs Mammifères, les Crabes et autres petits animaux : c'est le plus grand et le plus terrible des Carnivores de l'Australie, et souvent il vient attaquer les nombreux troupeaux de Mou- tons des agriculteurs. La forme aplatie de sa queue semblerait indiquer, suivant la remarque d'Ét. Geoffroy Saint-Hilaire, qu'il nage avec facilité. I fait sa retraite ordinaire dans les creux des rochers qui bordent la mer. On a distingué dans ces derniers temps, sous le nom de Thylacinus de Wellington’s valley, des débris fossiles d’un Marsupial découverts dans la Nouvelle-Galles du Sud. Le genre fossile des Hyéxopoxs (vue, Hyène; «dev, dent), propre à l'Europe, créé eh 1839 par MM. De Laizer et De Parieu dans leur ouvrage sur les Ossements fossiles d'Auvergne, dont on ne connaît pas bien la place dans la série des êtres, a quelquefois été regardé comme devant être placé auprès des Thylacines, et d’autres fois les trois espèces qui y entrent ont été rangées, pour deux d’entre elles, avec les Carnassiers ordinaires, et pour une seulement avec, les petits Ours. Mais dans aucun des Carnassiers ordinaires actuels on ne trouve le système de plusieurs dents molaires car- nassières grandissant d'avant en arrière qu’offrent les Hyénodons, et ce n’est que dans les Marsupiaux, et en particulier dans le Thylacine, que l’on voit quelque chose de semblable; mais, d’un autre côté, l'Hyenodon brachyrhynchus, Dujardin, établi sur une tête presque complète, trouvée dans une marne tertiaire sablonneuse, d’un gris verdâtre, sur les bords du Tarn, près de Rabenstein, n’a que six incisives à la mâchoire supérieure, tandis que le Thylacine en a sept; l'A. leptorkynchus, De Lai- zer et De Parieu, fondé sur une mâchoire inférieure provenant du calcaire tertiaire de Cournon, département du Puy-de-Dôme, n'a pas l'angle de sa mandibule reployé en dedans comme cela a lieu chez les Sarigues, et l'A. Parisiensis, G. Cuvier, indiqué d'après une mächoire supérieure et un morceau de palais découverts dans les couches du plâtre à Sanois, près Paris, semble avoir de nom- 24 HISTOIRE NATURELLE. breux rapports avec les Carnassiers ordinaires. De Blainville a placé, dans son Ostéographie, mais avec quelque hésitation, les deux premières espèces dans le genre Chien; et la troisième, qu'il re- garde comme créée sur des’ morceaux fossiles, une mâchoire supérieure et un débris de palais, ap- partenant à deux espèces et même à deux groupes génériques particuliers, ceux des T'oxotherium et des Pterodon, dans ses petits Ours, avec le Coati, le Raton, le Blaireau, etc., et en cela il leur assi- gne à peu près la même place que G. Guvier leur avait donnée avant d'avoir cherché à en faire une espèce de Thylacine. Enfin Laurillard, dans le Dictionnaire universel d'Hstoire naturelle, prenant en cousidération l’analogie de la dentition des Hyénodons avec celle des Thylacines (analogie plus marquée, comme il le fait remarquer, depuis que M. Mae-Leay a fait connaître un Carnassier didel- phe, l’Antechinus, animal qui offre une grande ressemblance avec les Phascogales, auxquels nous le réunirons, mais qui-n'a que six incisives en haut aussi bien qu’en bas), pense qu'ils constituent pro- bablement un genre de Marsupiaux, et que, dans le cas contraire, ils doivent former un chaînon in- termédiaire aux Carnassiers ordinaires, et aux Carnassiers marsupiaux pour ceux qui intercalent les fossiles des terrains tertiaires dans les animaux actuellement vivants, et qui réunissent les Monodel- phes aux Marsupiaux. o Que GENRE. — SARCOPHILE. SARCOPHILUS. Fr. Cuvier, 1838. Z206, chair; Queo, j'aime, Mammifères de la ménagerie du Muséum. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. 8 6—6. Système dentaire : incisives, À; canines, 1=;; molaires, =; en lotalité quarante-deux dents comme dans les Dasyures proprement dits, mais ayant de l'analogie avec celles des Thylacines, si ce west qu'elles sont plus serrées, et qu'il y a deux fausses molaires au lieu de trois. Corps plus trapu que dans les Thytacinus et les Dasyurus. Tête plus räccourcie, très-élargie aux arcades zygomatiques et dans la partie faciale. Queue plus courte. $ Ce genre n’est fondé que sur une seule espèce, précédemment placée avec les Sarigues, puis avec les Dasyures, mais ayant une forme un peu différente de ces derniers, et s’en distinguant surtout par le squelette, principalement de la tête osseuse, et par la disposition du système de dentition. Ce genre ne devrait probablement être adopté que comme division sous-générique des Dasyures; toutefois le nom de Sarcophilus de Fr. Cuvier doit être préféré à celui de Diabolus (Diabolus, diable), pos- térieurement proposé par M. Gray pour distinguer la même division. SARCOPHILE OURSON. SARCOPHILUS URSINUS. Fr. Cuvier. L2 CARAGTÈRES SPÉGIFIQUES. — Yeux petits, gris-brun, bouche large; talons calleux, longs: oreilles assez grandes, très-peu velues; moustaches fortes; museau obtus; queue velue en dessus, légèrement prenante, et nue en dessous; pelage formé de longs poils noirs, grossiers, irrégulièrement marqué d’une où deux taches blanchâtres, répandues tantôt sur les épaules, tantôt sur le gosier et la croupe, et formant habituellement un demi-collier en avant du cou et des épaules. Longueur totale de la tête et du corps, 0,50; de la queue, environ 0,20. L'Ourson est un animal de la taille du Blaireau, mais plus ramassé, bien mieux musclé et d’un naturel aussi farouche que cruel. Les colon$ anglais de la Tasmanie l'appellent Devil, c'est-à-dire Diable. À en juger d’après celui qui a véeu à la ménagerie du Muséum de Paris, comme Je fait remar- quer M. P. Gervais, il est, en effet, difficile de supposer un animal moins traitable que celui-ci : son instinct dominant est une férocité aussi stupide que constante, irréfléchie, presque sans intelligence et parfaitement en rapport avec la petitesse et l'imperfection du cerveau. Dans les contrées qu'il ha- bite, c’est-à-dire à Van-Diémen, on le redoute autant et peut-être plus que le Thylacine; en effet, il MARSUPIAUX. 325 ne quitte le bord de la mer, où il dévore les cadavres rejetés sur la rive, que pour aller dévorer les animaux domestiques des habitations des colons : il aime à se tenir debout ou sur son train de der- rière, et emploie-ses mains pour porter sa nourriture à sa gueule. Fig. 69. — Sarcophile ourson. 3me GENRE. — DASYURE. DASYURUS. Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, 1804. e Asovs, fournie, «24, queue Annales du Muséum, t. HI, CARACTÈRES GÉNÉRIQUES.  Système dentaire : incisives, À; canines, =; molaires, Ê=; en totalité quarante-deux dents. Incisives petites, bien rangées; canines assez grandes; molaires grandissant d'avant en arrière; les deux premières comprimées, tranchantes, et les quatre autres hérissées de pointes aussi bien à la mâchoire supérieure qu'à la mâchoire inférieure. Tête conique; museau pointu; queule très-fendue; yeux moyens, vifs; oreilles courtes. velues. Pieds de devant à cinq doigts armés d'ongles crochus; pieds de derrière ayant quatre doigts on- guiculés et un pouce sans ongle très-court, très-cloigné des autres doigts, et ne formant pour ainsi dire qu'un simple tubercule. Une touffe de Longs poils recouvrant la dernière phalange aux pieds de derrière, el se prolongeant au delà des ongles. Queue longue, couverte de poils laches, non préhensile. Une poche abdominale dans toutes les espèces. Corps svelte, allongé; taille moyenne ou assez grande. " Confondus avecles Sarigues, les Dasyures en ont été génériquement distingués par Ét. Geoffroy Saint-Hilaire, et, dans ces derniers temps, ils sont devenus le type d'une famille; is sont surtout caractérisés par leurs molaires, un peu plus épineuses que chez les autres groupes, mais serrées, divisées en deux paires d’avant-molaires et trois d’arrière-molaires, par leur pouce de derrière plus ou moins visible, etleur queue non préhensile, ete. Le défaut de pouce proprement dit au pied de derrière, puisqu'il n’y en a qu'un vestige, contrastant avec le pouce si complet, si facilement oppo- sable des Didelphes, annonce une difference très-grande dans les habitudes de ces deux groupes; en effet, les Dasyures ne peuvent rien saïsir d’une seule patte; ils ne peuvent pas non plus monter aux arbres dont les cimes font l'habitation des Sarigues. Leur poil est doux et laineux, et non par- semé de soies comme celui de la plupart des Didelphes, enfin par l'ensemble de leur organisme ex- terne, par leurs proportions, par leur taille et par leurs habitudes, ils rappellent plutôt les Martes, les Putois et les Genettes, que la plupart des Marsupiaux. Les Dasyures, tous exclusivement austra- liens, et qui se rencontrent surtout assez abondamment aux environs de Botany-Bay, de Port-Jackson et au delà des montagnes Bleues-qui entourent le comté de Cumberland, se tiengent cachés pendant le jour dans le creux des rochers, chassant la nuit les petits Mammifères, Oiseaux et même, dit-on, les Insectes vivants, et ils y joignent les cadavres d'animaux qu'ils rencontrent principalement sur le 326 HISTOIRE NATURELLE. bord de la mer; ils sont très-voraces, et ils s’introduisent souvent dans les habitations, où ils font dans les poulaillers les mêmes dégâts que les Fouines dans notre pays. On a quelquefois des Dasyures dans nos ménageries européennes; et le Muséum a possédé longtemps le Dasyurus Maugei. On en - connaît bien quatre cspèces actuellement vivantes, et l'on en a sigualé une à l’état fossile. 4. DASYURE A LONGUE QUEUE. DASFURUS MACRURUS. Ét. Geoffroy Saint-Hilaire. CanaCTÈRES SPÉCIFIQUES. — Museau assez fin, allongé; oreilles courtes; poil assez court, peu doux au toucher, d'un brun marron, parsemé de taches d’un blane pur, variant de grandeur; ventre d'un blanc sale; tête’ d'un roux marron, plus clair que le dos; pattes antérieures jaunâtres; queue moins touffue que celle des autres Dasyures, mouchetée de blanc comme les côtés du corps. Longueur de la tête et du corps, 0,50; celle de la queue étant égale. Cette espèce, la Fouine racuerée de Philippi et le Viverra maculata de Shaw, habite sur les bords de la mer, principalement aux environs du Port-Jackson, et se nourrit de la chair des cadavres de Phoques que la mer jette sur la rive. 2. DASYURE DE MAUGÉ. DASYURUS MAUGEI. Ét. Geoffroy Saint-Hilaire. Canacrères spéciriques. — Museau plus allongé, plus délié que dans l'espèce précédente; oreilles plus grandes: pieds plus profondément divisés; poil plus long, plus doux au toucher; pelage oli- vâtre, moucheté de blanc; queue sans taches. De la taille du précédent. Ce Marsupial (voy. Atlas, pl. XLIT, fig. 1), qu'A. G. Desmarest a distingué, le premier, sous la dénomination de Dasvore eurté, habite le même pays que le Dasyure à longue queue. Les deux autres espèces de ce genre sont le Dasyurus viverrinus, Ét. Geoffroy Saint-Hilaire (Di- delphis viverrina, Shaw), de Port-Jackson, et le D. Geoffroy, Gould, de Liverpool-Planis, assez récemment décrit : quant au Dasyurus tapoa de John White, c’est très-probablement un Phasco- gale. Enfin l'espèce fossile, qui n’a pas reçu de nom scientifique, et qui n’est distinguée que sous la dénomination de Dasyurus de Wellington's valley, provient également de la Nouvelle-Galles du Sud. 4e GENRE. — PHASCOGALE. PHASCOGALE. Temminck, 1827. Dacxw)cs, marsupial; yæAn, belctte, Monographie de Mammalogie, t. I. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. E Système dentaire : incisives, £ ou À; canines, =1; molaires, TZ; en totalité quarante-quatre ou quarante-six dents comme dans les Thylacines, mais avec une disposition plutôt insectivore que carnassière. Incisives mitoyennes plus longues que les autres; canines petites; molaires garnies de pointes petites, aiguës; les arrière-molaires plus hérissées que les autres, ce qui indique une dis- posilion plus insectivore. Tête arrondie; oreilles plus ou moins grandes, peu garnies de poils. Pates pentadactyles aussi bien antérieurement que postérieurement. Taille très-peute. Les plus petites espèces de Dasyures, dont les habitudes sont plus ou moins arboricales, et qui ne vivent guère que d'Insectes et de très-petits animaux, sont devenues les Phascogales de M. Temminck et des zoologistes modernes. On a même cherché récemment à former une nouvelle coupe générique aux dépens de ce pelit groupe naturel : en effet, M. Mac-Leay a proposé la création du genre Ante- chinus, qui compretdrait non-seulement une petite espèce de Phascogale prise d'abord par le même MARSUPTAUX. 327 naturaliste pour un Mammifère de l’ordre des Insectivores et décrite comme telle dans le Journal and Magazin of natural History, mais encore pour une espèce anciennement décrite, le Phascogale minima : et ces deux espèces se distingueraient des autres en ce qu’il n’y aurait que six incisives aussi bien en haut qu'en bas, au lieu de huit supérieures et six-inférieures, comme dans les vrais Phascogales. On ne connait que quatre ou cinq espèces de Phascogales : les deux qui ont été le mieux décrites sont : 1. PHASCOGALE A PINCEAU. PHASCOGALE PENICILLATA: Termminck. CaracTÈRES sPÉGIFIQUES. — Tête assez arrondie; front élevé; oreilles grandes et assez dégarnies de poils; queue revêtue de poils devenant plus gros, plus longs et plus roides à mesure qu'ils se rappro- chent de l'extrémité; poil du corps touffu, laineux, gris cendré en dessus et blanc sous le ventre, couvrant le corps en entier; oies de la queue d’un noir foncé. Longueur de la tête et du corps, envi- ron 0%,20; queue assez courte. Ce Marsupial, qui est un peu plus gros que le Surmulot, se trouve dans les provinces d’Adélaïde et de la Nouvelle-Galles du Sud. Il vit sur les arbres et recherche principalement les Insectes. C'est le Didelphis penicillata de Shaw, le Dasyurus penicillata d'Ét. Geoffroy Saint-[ilaire, et l'on doit probablement y réunir le T'apoa tafa de John White, dont Lesson avait cependant cru devoir faire un genre particulier sous la dénomination de T'apoa. 2. PHASCOGALE NAIN. PHASCOGALE MINIMA. Temminck. CARAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Museau assez exactement conique; oreilles assez courtes, larges, arron- dies; queue d’un tiers plus courte que le corps, couverte de quelques poils; pouce des pieds de derrière plus long que dans le précédent; pelage très-épais, doux au toucher, formé de poils roux à la pointe, d'un cendré noirâtre à la base, et produisant un pelage roux, non moucheté; queue de même couleur. Longueur de la tête et du corps ne dépassant pas 0,15; de la queue, envi- ron 0m,05. Cette espèce, à peu près de la taille du Lérot, est le Dasyurus minimus d'Ét. Geoffroy Saint- Hilaire, et l'on doit y réunir le Phascogale Swainsonii, Waterhouse. Il a été découvert en Tas- manie. Les deux autres espèces sont les Phascogales flavipes (voy. Atlas, pl. XLV, fig. 1) et murinus, Waterhouse, de Hunter rivier. 5m GENRE. — MYRMÉCOBIE. MYRMECOBIUS. Waterhouse, 1854. Mueur£, Fourmi; Gtcc, vie. Proceedings of the zoological Society of London. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES Système dentaire : incisives, ?; canines, =; molaires, —; en totalité quarante-huit dents. Mo- laires hérissées de petites pointes et SE un animal essentiellement insectivore. Tête allongée; oreilles droites, médiocres. : Pieds antérieurs à cinq doigts : les trois médians plus longs que les externes; pieds postérieurs n'ayant que quatre doigts bien marqués et un simple vestige -de pouce. Taille petite; queue de médiocre grandeur. . Ce genre, créé récemment par M. Waterhouse et ne renfermant que deux espèces, est réuni par 328 HISTOIRE NATURELLE. M. Gray à ceux de la famille des Dasyuridés; mais il en diffère par quelques caractères particuliers, principalement par le nombre et la disposition des dents; aussi, à l'exemple de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, a-t-on cru devoir en faire une petite famille distincte, celle des Myrmecobideæ. Le type est le : { MYRMÉCOBIE FASCIÉ. MYRMECOBIUS FASCIATUS. Waterhouse. CaracTèREs spéciriQues. — Pelage, en dessus, de la couleur d’ocre rougeâtre, entremélé de poils blancs; partie postérieure du corps avec des bandes transverses, alternativement noires et blanches, disposées d'une manière à peu près analogue à ce qu'on voit chez le Thylacinus cynocephalus; par- ties inférieures d'un blanc jaunâtre; pattes de devant de la même couleur à leur face interne et d’un jaune pâle à la face externe; pattes postérieures jaune pâle, avec la partie interne des tibias blanchä- tre et la plante des pieds nue; poils de la queue mélangés de blanc, de noir et d’ocre. Longueur de la tête et du corps, 0,26; de la queue, (0,17. Cet animal habite la Nouvelle-Hollande, rivière des Cygnes: il se nourrit principalement de Four- mis, et recherche aussi les autres Insectes. (Voy. Atlas, pl. XLVI, fig. 1.) Une seconde espèce, décrite également par M. Waterhouse, et désignée sous la dénomination de D. Diemensis, se trouve, comme l'indique son nom, à la terre de Van-Diémen. TROISIÈME FAMILLE. PÉRAMÉLIDÉES. PERAMELIDÆ. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. « Chez les Péramélidés, lé système dentaire est composé de trois sortes de dents, le plus habituelle- ment au nombre de quarante-huil; la tête est allongée avec le museau pointu; les pieds de devant sont à cinq doigts : ceux de derrière, doubles en grandeur des autres, à quatre doigts; et la queue est non prenante, courte ou presque nulle. Cette famille, indiquée par M. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire sous la dénomination que nous lui con- servons, a reçu les dénominations de Peramelidæ, Waterhouse, et de Peramelina, Gray; elle ne ‘comprend qu’un petit nombre d'espèces exclusivement propres à l'Océanie, et que l’on a partagées en quatre genres, ceux des Chœropus, Perameles, Echymipeda et Isoodon, que nous ne regarderons que comme de simples sous-genres du groupe des Pérameles, dont les espèces principales étaient anciennement confondues avec les Sarigues. GENRE UNIQUE. — PÉRAMÈLE. PERAMELES. Ét. Geoffroy Saint-Hilaire, 1804. Irez, poche, meles, Blaireiu. Annales du Muséum, t. IV. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives, ©; canines =; molaires, =; en Lotalité quarante-huit dents. d Incisives assez petites, tranchantes; canines pointues, crochues; molaires subdivisées en trois fausses et quatre vraies de chaque côté des deux mâchoires, et hérissées de pointes comme les mé- mes dents des Insectivores. Fig. 1: — Phascogale à pieds jaunes. Fig. 2. — Péramèle à nez poiutu. PI. 45. RAT NU Me MP a+ « Es MUTER s Onde nu A : AMftOS % de RE tds Lan t GENTTEÉ lis sibreite tab slUs rnehifllt LRO IENTT EL Sdtsrltelft + #ME sente lon verdure ot! né rad A6 rveérrettl utieod ho got INTER : Emngia it di gi à asie FH CC HET 1 FUIT HPTUTE rer to eur PAtne NE dt uh É ce ns momie artounlinnt We ep 27 ture none ei pro nn fo hu d Eh ee eur ere ie ré n 2e ut W TATTA LEE CUT gente dtémiilonés , An tone Se tqu xd PE ru te oem fhnlel rt DURE Gi Abe el 1e Fuel += ver el: fret 4 | pd Rrorrélegre den opel ed) art tr Mrs E, min ee DIHATUR #3 nus nuit : free all Séprentfétite 2 TTTEUTT de HAE see He vectra eNtIEn 1 AU fins be tfel cinsit JANINE mutrél trs vi ; tnt Oil ortlil Hire | Agtrien 4f$ AU mi in et | Pnmetls sr il I enyetiter , ten LUE hu pd ht brel ; nr L'EAU tune A 7 à tés 6 ditue | uen bre nu mu rite nine sex an din 4 Cu at prenne Me RCE rt On over cote ES Mieenese NT tot Mt: ire het eg mr tré brin , "t Î (TRE UT RL 2707 TIC LIÉE | BEAUTE ELA l be treti FR Mn tue rime #pial Streitl Le : Li NE UM HU TR | DT A TIE ob (normal Rise — Myrmécobie fascié MARSUPIAUX. 357 opposable aux autres, et onguiculé ou non; les femelles ont une poche abdominale assez ample, et, chez les mâles, les organes de la reproduction sont disposés comme ceux des autres Marsupiaux. Les dents, que nous avons déjà décrites dans nos généralités, ont, dans leur disposition générale, quel- que chose qui rappelle la dentition des Musaraignes; mais elles sont moins épineuses et en rapport avec un régime’ plus frugivore; aussi les vraies molaires ont-elles des collines transverses à leur cou- ronne comme celles des Semnopithèques et des Indris; les incisives, quoique plus petites, ressem- blent à celles des Kanguroos. Les Phalangers sont des animaux crépusculaires qui vivent dans les forêts épaisses et se nourris- sent essentiellement de fruits; il est probable qu'ils y ajoutent aussi des œufs et des Insectes; leurs intestins sont développés, et pourvus d’un cœcum assez long. Ils n’ont pas l'intelligence très-déve- loppée; ils sont très-nombreux et se laissent assez aisément prendre. Presque partout ils servent de nourriture à l'homme; quoique cependant ils répandent une odeur désagréable. 1° SOUS-GENRE. — COUSCOUS. CUSCUS. Lesson. Tête rappelant celle des Loris; oreilles courtes, plus ou moins cachées dans les poils; pupille verticale; molaires au nombre de ©; queue velue à sa base seulement, dénudée, au contraire, écail- leuse et prenante dans la plus grande purtie de son étendue. Les Couscous, que De Lacépède indiquait déjà, en 1803, sous le nom de Coës-Coës, et dont M. Temminck a fait son genre Ceonyx, sont au nombre de cinq ou six espèces propres aux îles de l'archipel Indien, Célèbes, Amboine, Banda, Timor et Waigiou, ainsi qu'à la Nouvelle-Guinée et à la Nouvelle-Irlande. Ils vivent dans les forêts boisées, et sont nombreux en beaucoup d'endroits; ils sont frugivores et un peu insectivores à l’état sauvage. G. Guvier rapporte que, quand ils voient un homme, ils se suspendent par la queue, et que l'on parvient, en les fixant, à les faire tomber de las- situde; Lesson dit, de son côté, que ce fait est très-probable, car les nègres du port Praslin, à la Nouvelle-Irlande, en apportaient un si grand nombre à bord de la corvette la Coquille, qu'ils ne devaient pas avoir beaucoup de peine à s'en emparer; ils leur passaient cependant un moréeau de bois dans la bouche, afin sans doute de les empêcher de mordre. Lesson rapporte que, quoique les Couscous aient une mauvaise odeur, les Papous les recherchent comme aliment; que, avec leurs dents, ils ornent leurs ceintures, et que leur abondance est telle, que l'on peut voir des cordons de plu- sieurs brasses de longueur qui attestent la grande destruction que l’on fait de ces Mammifères. Comme type, nous indiquerons le : 4. PHALANGER TACHETÉ. PHALANGISTA MACULATA Ét. Geoffroy Saint-Hilaire. CaracrÈRES spÉCIFIQUES. — Pelage d’un gris jaunâtre clair, avec des taches irrégulières brunes; dessous du corps entièrement d'un gris jaunâtre tirant sur le blanc. Tête et corps ayant environ 0,35 de longueur; queue mesurant seulement 0®,25. Cette espèce, la première connue, est le Phalanger male de Buffon; et M. Waterhouse lui réunit, comme formant double emploi, les Phalangista Papuensis, À. G.-Desmarest; P. Quoyi, Quoy et Gaimard, et Cuscus macrurus, Lesson; on la trouve à Amboine, Waigiou, à Banda et à la Nouvelle- Guinée. Les autres espèces sont : 4° le Pxazancer omenTAL (P. Orientalis, Pallas; P. alba et rufa, Et. Geoffroy Saint-Hilaire; P. cavifrons, Temminck, qui est le Coès-Coès, Nalentyn; Phalanger femelle, Buffon), qui est propre à Amboine, Timor et à la Nouvelle-frlande; 2° le Couscous oursix (P. ursina, Temminck), des iles Célèbes; 3° le PnaLanGer À cnourion Doré (P. chrysorrhus, Tem- minck), des iles Moluques, etc. 9% SOUS-GENRE. — PHALANGER. PHALANGISTA. Êt. Geoffroy Saint-Hilaire. Oreilles assez grandes, en cornets membraneux; yeux à pupille ronde; doigts antérieurs non P. 45 358 HISTOIRE NATURELLE. divisés en deux faisceaux; queue abondamment velue, seulement dénudée en dessous dans sa par- tie terminale, comme celle de certains Singes américains. M. Temminck avait fait de ces animaux une section des Phalangers sous le nom que nous leur conservons; Lesson les avait, dans le Dictionnaire classique, indiqués sous la dénomination de Trichusurus (62%, poil; cup, queue), adoptée par les zoologistes anglais. et qu’il a depuis rapportés (Nouveau Tableau du Règne animal, 1842) à un autre groupe de Phalangistidés. Ces Marsupiaux habitent l'Australie, la Nouvelle-Hollande et Van-Diémen. Ils vivent dans des ter- riers, sont plus diurnes que les Couscous; c'est à tort, d’après Lesson, que Cook suppose qu'ils vi- vent de fruits : on ne conuaît, dit-il, pas un arbre qui en produise, car on sait que la Nouvelle-Hol- lande ne possède que des fruits secs et coriaces, et qu'aucun n’est bon à manger, excepté la baie maigre et rare du Leptomeria Billardieri. La seule espèce assez bien connue de ce sous-genre est le : 2. PHALANGER RENARD. PHALANGISTA VULPINA. Shaw. Caracrëres sréciriques. — Pelage brun roussâtre en dessus, plus gris en dessous, jaunâtre sous la gorge et aux joues. Tète et corps ayant environ 0%,55; queue égalant le corps en longueur. Cette espèce, qui se trouve dans plusieurs parties de la Nouvelle-Hollande, et qui n’est surtout pas rare à Port-Jackson, a dans ses mœurs, dans ses habitudes de chasse, et même dans sa physio- nomie, quelque analogie avec le Renard, et c’est de là que lui est venu le nom spécifique qu'elle porte. (Voyez Atlas, pl. XLIV, fig. 1, et 2.) C’est le Bruno, Didelphis peregrinus, de Vicq-D'Azyr; et M. Waterhouse considère comme n’en différant pas les Didelphis lemurina, Shaw; Phalangista melanura, Wagner; P. fuliginosa, Ogilby; P. Cuvieri, Gray, et P. selma, Wagner. Les autres espèces plus authentiques sont : P. xanthopus, Ogilby, de la Nouvelle-Hollande; P. canina, Ogilby, de la Nouvelle-Galles; et enfin des débris fossiles découverts dans la vallée de Wellington. 5% SOUS-GENRE. — PSEUDOCHÉIRE. PSEUDOCHIRUS. Ogilby. Sept paires de molaires à la mâchoire supérieure, dont six en série continue, plus grosses; doigts de devant partagés en deux groupes presque opposables, l'un, ou l'interne, composé de deux doigts (pouce et index), et l'autre, ou l'externe, des trois autres doigts; queue comme dans le sous- genre précédent, mais garnie de très-petits poils dans la partie où elle est dénuclée dans celui-ci. Le genre des Pseudochirus (4:96, faux; ya, main), Ogilby, 1836, correspond à celui des He- poona, J. E. Gray, et à celui des Trichusurus du dernier ouvrage de Lesson. Les mœurs de ces animaux sont semblables à celles des autres Phalangers, et ils sont propres à la Nouvelle-llollande et aux contrées voisines. F 3. PHALANGER DE COUK. PHALANGER COOKII. À. G. Desmarest. CaracrÈREs spéciriQuEs. — Pelage brun cendré en dessus, -blane en dessous, roussätre à la face externe des membres et à la région oculaire; tiers terminal de la queue blanc. Taille semblable à celle du Chat domestique; longueur de la tête et du corps ayant 0",55 : celle de la queue presque semblable. {Voy. Atlas, pl. XLIV, fig. 3.) Cette espèce est le New-Hozzanp opossun de Pennant, le Ringtailed opossum des Australasiens. On le trouve principalement à la Nouvelle-Galles; mais il habite aussi la Nouvelle-Hollande, et princi- palement Port-Jackson. M. Waterhouse y réunit le Pnacancer vivernin (Phalangista viverrina, Ogilby), de Van-Diémen, et P. Bougainvilli, G Guvier, de Port-Jackson. Mad si. MARSUPTAUX. 539 Une espèce plus distincte est le PnaLANGER GRISONNANT (Phalangista canescens, Hombron et Jac- quinot), de l'Australie. i 4%° SOUS-GENRE. — DROMICIE. DROMICIA. J. E. Grav. Molaires, 7-7; oreilles médiocres, en partie nues et pliées; ongles petits; queue garnie de petits poils, sauf à lu base, où sa fourrure est semblable à celle du corps, tout à fait nue à son extrémité en dessous. Le groupe des Dromicia (Socuuxe, coureur), J. E. Gray, comprend des animaux qui ont quelques caractères dans le crâne et dans les dents qui semblent en faire un acheminement des Phalangers aux Tarsipèdes; leur physionomie est celle des Loirs et des petites espèces de Sarigues; ils ha- bitent la Nouvelle-Hollande. Le type est le : 4 PHALANGER NAIN. PHALANGISTA NANA. Ét. Geoffroy Saint-Hilaire. CaracrÈREs spéciriques. — Pelage doux, en général gris lavé de roux pâle, blane en dessous, avec un peu de jaunâtre. Taille moindre que celle du Lérot. Cette jolie espèce, qui habite Van-Diémen et quelques-unes des îles voisines, est, selon M. Water. house, la même que le P. glhriformis, Bell. Deux autres espèces du même groupe sont les PaaLanGer 6raGieux (Phalangista concinna, Gould) et P. oe Ne (P. Neillii, Waterhouse), toutes deux de la Nouvelle-Hollande. Sue GENRE. — PÉTAURISTE. PETAURUS. Schaw, 1800. Terovpcy, volliseur. General zoologx. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. LA = 6 Système dentaire: incisives, 5; canines, 14 ou 1; moluires, 5 où =; en Lotalité trente-deux ou trente-quatre dents. Encisives : supérieures disposées en fer à cheval, un peu comprimées, pla- cées verticalement; les deux intermédiaires pouutues, les plus longues, écartées l'une de l'autre à la base et convergentes à la pointe; les deux suivantes largés, à couronne plate, et la dernière de chaque côté plus petite que la seconde, mais aussi longue et contiqué à la canine : inférieures for- Les, proclives, à bord externe tranchant, et s'appuyant sur les incisives d'en haut. Canines supé- rieures longues, coniques, crochues : inférieures tantôt nulles, tantôt remplacées par deux très- petites dents obluses, cylindriques, à peine saillantes. Une barre entre les canines ou les incisives, et les molaires aux deux mâchoires. Molaires : supérieures, quatre vraies à couronne garnie de pointes triquètres, obLuses, et deux ou trois fausses : inférieures, quatre vraies et deux fausses. Tête médiocrement allongée; oreilles moyennes, arrondies; yeux gros. Peau des flancs très étendue, et réunissant les extrémités antérieures aux postérieures, servant de parachute plutôt que d’aile. Pieds assez courts, pentadactyles : postérieurs ayant le pouce grand, sans ongle, opposable, e les deux premiers doigts beaucoup plus courts que les autres, et réunis par une peau commune; ongles arqués, comprimés, très-forts. Queue très-longue, non prenante, tantôt ronde, Lantôt aplatie et distique. D'abord réunis aux Sarigues, puis aux Phalangers, les Pétauristes, dans ces derniers temps, ont eux-mêmes été divisés en plusieurs groupes d'après quelques particularités odontologiques. Ces 340 HISTOIRE NATURELLE. Marsupiaux jouissent de la possibilité de s’élancer d’un arbre à l’autre comme les Écureuils volants, et leurs membranes leur servent, de même qu'à ceux-ci, de parachutes; ils ont une grande analogie avec ces Rongeurs dans leur extérieur, mais leurs vrais caractères en font des Marsupiaux chez les- quels la poche ventrale des femelles est très-vaste, et les rapproche" beaucoup des Phalangers. Un fait remarquable et qui est en rapport avec la légèreté de leurs mouvements et la propriété de vol- tiger, c’est la disposition celluleuse de leur crâne dans la région temporo-zygomatique : cette dis- position est très-évidente dans le Petaurus sciureus. Leur régime est plus insectivore que celui des Phalangers. Ces animaux sont de la Nouvelle-Hollande; l'on en connaît de taille moyenne et petite. 17 SOUS-GENRE. — PÉTAURISTE PROPREMENT DIT. PETAURISTA. A. G. Desmarest. . ,- _- » . . . . “ DOTE . Molaires, =, en série continue : vraies molaires garnies, à leur couronne, de saillies en forme de pyramides. Le type ou plutôt l'espèce unique de cette division est le : 1. PÉTAURISTE TAGUANOIDE. PETAURUS TAGUANOIDES. Shaw. CanacrÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage très-doux, gris-brun et brun luisant en dessus; gorge et poi- trine blanches: queue brune dans toute sa longueur, brun fauve à la base. Longueur de la tête et du corps, 0,93; de la queue, 0,56. (Voyez Atlas, pl. XLVI, fig, 2.) Cet animal.est le crañn Puasancer vocanr de G. Cuvier, l’'Hepoona roo des Australiens; l'on doit y réunir, selon M. Waterhouse, le Petaurus Peronii d'A. G. Desmarest. On le trouve dans la Nou- velle-Galles du Sud. 9v SOUS-GENRE. — BÉLIDÉ. BELIDEUS. Waterhouse. LD Molaires, =, en série continue : les vraies molaires garnies, à leur couronne, de saillies en forme de pyramides. Le groupe des Belideus (Bacs, dard) a été créé assez récemment par M. Waterhouse pour un petit nombre d'espèces, dont la plus anciennement connue est le : . 2 PÉTAURISTE SCIURIEN. PETAURUS SCIUREUS. À. G. Desmarest, CaracTèREs SPÉCIFIQUES. — Dessus du corps d’un gris cendré; bords des membranes et ligne dor- sale d’un brun foncé; parties inférieures blanches; tête d'un gris jaunâtre; queue d’un gris rous- sâtre à la base et d’un brun noirâtre à l'extrémité. Longueur de la tête et du corps, 0,20; de la queue, 0,25. Fig. 71. — Pélauriste sciurign, | sions ë 1 dal rdpérauout BTAIAYATE 1 rs ai in nai BATTILIE “ai sgalq tabnuire A n°) ë avt) Mol uitanal ea tire 1 et onuad Dir sel Pr Te NS Est IA AURNA IT agent DEA ere buis Ha LT LUS _. ” ' et cor hinoogiy NTIC TN AURTE réritr. PARU T mûr sf. 15 disnine Li Ve at ARR rm abs re A Ps Lntof Lo je ne 'aobe AU 2 E . ATTA shestlad-alfsr Re Le » Re i . LEE D'EARRS 2 du: Fe ï NES à è ÿ (AS . 7 2 é £ | CET di Le Heat ATEN AIS = AAA 10-400 MR eV | 12 Se À & ET nain sb rtéruos à aSanog avilout vis EU naisseos alt 1 LE Let oh à d » | he Fe, LIFE - | Name à AN Fr Alrt'are \ | eq nai un sub 4 54 fndunaiauns sais G0f 5 (Din ;2008) ann dia aude qe af. , ah Jeanne Htc roro eat RE re PS qe ta siduto : Ci PU : +1,70 | l # | | + 6: ci lertanml] : 4, APOR AM ANA SSL ILE) PE ATAANETEN £ ao : t “rulh stà Si 1e Aocrinmer 200 all! buse ei mb agomaliaseaslt aspire te airs ù = abrot etrg nur "D asp étui] eg 00 oh feubiell avt) agit Bad wird era lt Ale oh OPUS L'ILE pb ày »1hÿ; 6E al dos LE Miotyrést t TRE dirai “ob ie smt it t oufte ë de 4} Ds 1e A Û + r Le" \ "SRE re) à ; É ÿ “ | Û | : > . EN A fn : P à 4 à = Ki va Ll 1 À à [en Û y \ È Es D dl en 4 DRE te Fe d +0) : u L 2 ] SE - LS \ NOTES AM (LATTES et K\ D ON pl VD RS } ] Fig. 1. — Phalanger renard. = ES a - Fig. 5. — Phalanger de Cook. MARSUPIAUX. 341 Cette espèce est le Sagar squinel des colons de la Nouvelle-Galles du Sud, où ilæ’est pas rare; il parait qu'on la rencontre aussi dans l'ile de Norfolk, située par cent soixante et onze degrés de lon- gitude orientale et trente degrés de latitude méridionale. Les autres Belideus sont : 4° le Petaurus Australis, Shaw, auquel appartiennent aussi les Di- delphis macroura, Shaw, où PaaranGen voranr à GRANDE queue, G. Cuvier, et le Petaurus fla- viventer, À. G. Desmarest; 2° le B. breviceps, Waterhouse: %° PL. aral, Gould: tous de la Nouvelle- Hollande. 3° SOUS-GENRE. — ACROBATE. ACROBATA. A. G. Desmarest. Molaires, , disposées de la même manière que dans les deux autres sous-genres : les trois . fausses molaires très-pointues; les arrière-molaires à quatre pointes et à collines non contournées en croissant; de très-peliles canines inférieures; queue à poils distiques. L'espèce unique du sous-genre Acrobata (arpce, Sommet; Gao, je marche) est le : 5. PÉTAURISTE PYGMÉE. PETAURUS PYGMÆUS. Shaw. CarAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Pelage d'un gris de souris uniforme, légèrement lavé de roussâtre en Ç . D . dessus, et d'un blane pur en dessous; poils de la queue d’un gris roussätre, parfaitement distiques. Longueur de la tête et du corps, 0®,07; queue ayant la même longueur. De la Nouvelle-Hollande. Enfin Lesson désigne sous la dénomination de Schoinobates un autre sous-genre pour une seule espèce, le Petaurista leucogenys, Temminck, propre au Japon, et qui est loin d’être suffisamment connu. SIXIÈME FAMILLE. MOCROPODIDÉS. MOCROPODIDÆ. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Le genre Kancuroo des anciens zoologistes, partagé lui-même en plusieurs groupes particuliers, dont les principaux sont ceux des Kanguroos, Hétéropes et Potoroos où Hypsiprymmus, est devenu une famille particulière, à laquelle MM. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire et Richard Owen appliquent les noms que nous lui conservons, et qui sont tirés de la dénomination latine de Macropus du genre principal. Les Macropodidés sont surtout caractérisés dans la sous-classe des Marsupiaux par le grand développement de leurs membres postérieurs, par l'absence de pouces en arrière, et par leur système dentaire n'offrant pas de canines, excepté dans les Potoroos, et ayant deux incisives supérieures et six inférieures. ; 47 GENRE. — POTOROO. AY PSIPRYMNUS. Iliger, 1811. Ydos, élevé; reuuvæ, train de derrière. Prodromus systematicus Mammalium et Avium. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : incisives. ©; canines, {=}; molaires, =; en lotulité trente dents Incisives 5—% 342 HISTOIRE NATURELLE. supérieures miloyennes plus longues que les autres, pointues : inférieures couchées en avant. Cani- nes supérieures grandes, aplaties latéralement, pointues; quatre molaires postérieures à droite et à gauche aux deux mâchoires, à tubercules mousses : l'antérieure longue, tranchante, dentelée. Tête longue, pointue; oreilles longues; lèvre supérieure fendue. Pattes antérieures très-courtes, à cinq doigts armés d'ongles crochus : postérieures très-longues, velues, terminées par quatre doigts, dont deux très-petits, internes et soudés l'un à l'autre jusqu'à la première phalange; un troisième extrêmement fort et muni d'un ongle très-épais, el un quu- trième externe, moyen pour la grosseur entre les deux premiers et le troisième. Queue longue, assez robuste. Poil doux et laincux. Fig. 72, — Potoroo. Une espèce de Marsupiaux anciennement placée dans le genre Kanguroo, le Macropus minor, Shaw, est devenue, pour Vicq-D'Azyr et pour G. Cuvier, le type d’un groupe distinct qui, désigné par ces auteurs sous le nom de Æanguroo-Rat, a reçu d'A. G. Desmarest les dénominations de Po- ror0o et de Potorous, et d'Illiger celle d'Hypsiprymnus. Les Potoroos ont de grands rapports avec les Kanguroos par la forme et la disposition de leurs dents; mais toutefois ils ont encore des canines supérieures, que l’on ne retrouve plus dans les Ma- cropus, et cette particularité importante sert à établir le passage de ces derniers animaux aux Pha- langers. Le système dentaire a été étudié par Fr. Guvier et se compose dg trente dents : supérieure- ment, la première incisive est forte, plus longue que les autres; la seconde, petite, est analogue à celle des Phalangista; la troisième est tranchante; après un petit intervalle vide, vient une petite dent mince, comprimée, crochue, qui est la canine; un long espace suit, et les molaires, qui offrent moins de tubereules que dans les Kanguroos, viennent ensuite; inférieurement, les incisives ressem- blent à celles des Phalangers; il n'y a pas dé canines, et les molaires sont disposées comme celles d'en haut. Le squelette n’est pas encore complétement connu. L'estomac est grand, divisé en deux poches, muni de plusieurs boursouflures; le cœæcum est médiocre et arrondi; les intestins sont plus courts relativement que dans les Kanguroos, et n’offrent pas de boursouflures. Les Potoroos se tiennent cachés dans les broussailles et dans les buissons; ils sont de taille moyenne, sautent avec beaucoup de facilité, en raison de la grande disproportion de leurs deux paires de membres; ils sont éminemment herbivores, et la disposition de leur système dentaire mon- tre même que leur nourriture doit être encore plus végétale que celle des Kanguroos; ils font entendre parfois un petit eri assez semblable à celui des Rats. Pendant longtemps on n’a placé qu'une seule espèce dans ce genre, Île Kanguroo-Rat; mais MM. Quoy et Gaimard en ont indiqué deux autres; MM. Gould et Ogilby en ont fait également con- naître d’autres; on en décrit aujourd'hui une douzaine qui toutes sont propres à l'Océanie, et parti- culièrement aux côtes occidentales et méridionales de la Nouvelle-Hollande : on en a signalé des dé- bris fossiles dans Wellington’s valley. Le type est le : KANGUROO-RAT. HFPSIPRYMNUS MURINUS. Ét. Geotfroy Saint-Hilaire. Caracrènes srécriques. — Pelage uniformément d'un gris roux; gorge, poitrine, ventre et inté- rieur des membres blanc sale; dessus de la tête, dos, partie des flancs et des cuisses d'un gris brun; bout de la queue brun. Longueur de la tête et du corps, 0",54; de la queue 0,33. p Fig. 5. — Kanguroo géant usb eos L bo diirre l vai sui Len cit M sb.russ Féhhates 5 auraient p frite Mot act cul. ist dm Li £a tré La :: 41 BA 1 dE 4 rés coneroainitut Hrigrtentl A4 eonivi be -pnnit oi À Horse hit En ne Sert ones #7 mobatip #0 æsnel slioyerh mov ne nd es M catblt dot =olyn font à Jrneteimint ta gone how net AGE Ha sup M EFRONENE dates à ROUEN Eur ne 4 en LE Le É rt _ oi es io, PA sage __ sr “ÿ AT [T4 ee pes Le Me : es Jen en 700 Den DUETER nes de SR sa ÿ AE rot na eve LE HaVa à À L 4% à Fe Fa ET en Tres hr UNS ji LL A pi ALES sl Y rar Ro a ne ASS LCR CN LL TE KE iw F slot Au + En M ue vi En VAS 0 ci d # #4 Mu As LOF ANT AULRT Le à L'ATS A +3 NES TU we LES [a STI RUN mi POV S L ER MSC DATANT PAL ITOME A È ss PAL air 8 k Ua } Ly CET TETE ie 1e ss au Ha 1 Vas Lite LURE DIRAIT re PET ER bas wlisrnz MAR NDP PE Lt 0 ADO AU AUS LEA + : Most À 11 SA. MI EU DATUr al tune LA th AE TS " Es nY se LEE) à “0 & sq - 444063 MIT PLAT D LE fl De Y NO LUI CET 1AS'x, ER mFeé de MATE PALETTE QUE M MY L'AUX nul Lui 1 ne I ll MES TE JP Re: LT ' ARE L'l APS MALE MW) (EUR vue: L'4 L JAN NPA fn MARSUPIAUX. 343 Cette espèce est Le Kaxcuroo-Rar, Philippi, White, G. Cuvier; l'Hypsiprymnus murinus, Poronou De Ware (A. White, Quoy et Gaimard); Potorous murinus et Kangurus Gaimardi, À. G. Desma- rest; Macropus minor, Shaw, ete. Ses poils sont de deux sortes : les plus profonds, courts, doux, moelleux et un peu floconneux, présentent une teinte gris de souris quand on les écarte, et les exté- rieurs plus longs, roides, rudes au toucher, plus rares. Les tarses sont recouverts de poils longs, fauves, dirigés d’arrière en avant, et s'étendant jusqu'à l'extrémité des ongles : ceux des pattes anté- rieures plus doux et recouvrant les ongles. (Voyez Atlas, pl. XLIIL. fig. 1.) Le Kanguroo-Rat, qui porte, dit-on, ce nom parce que son cou est assez renflé et ressemble un peu à celui d’un Rat, a des mœurs très-douces et moins timides que celles des Macropus : il est très- agile, et fait des bonds considérables lorsqu'on l'inquiète. On le trouve communément à la Nouvelle- Hollande, principalement dans les rochers de la Werra-Gambia. Les autres espèces, toutes de la Nouvelle-Hollande, sont les Hy ypsiprymnus Lesuerii, Quoy et Gaimard; Peronii, Quoy et Gaimard; setosus et Grayii, Gould, myosurus, melanotis, formosus, cu- niculus et Philippi, Ogilby; etc. Que GENRE. — KANGUROO. MACROPUS. Shaw, 1800. Maxoce, grand; eve, pied. General zoology. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. = pair Système dentaire : incisives, 5; molaires, = ou : en totalité vingt-quatre ou vinqgt-huit dents. Incisives supérieures larges, ordinarrement de même | longueur , aplaties, disposées en fer à cheval ei dirigées verticalement : inférieures couchées en avant, longues, pointues, correspondant par leur tranchant extérieur au bord inférieur des six incisives d'en haut; pas de canines, mais une lon- que barre entre les incisives et les molaires : celles-ci en nombre variable selon l'âge, de trois à cinq, les plus vieux en ayant moins que les jeunes, à couronne marquée de deux collines transverses, poussant d'arrière en avant comme celles de l É léphant. Tête allongée; oreilles grandes, droites, assez pointues; yeux grands; lèvre fendue en avant; moustaches faibles, rares. Extrémités très-disproportionnées : antérieures très-courtes, lerminées par cinq doigts à à peu près égaux, armés d'ongles longs et en gouttières; postérieures très-lonques el très-robustes, sans pouce, ayant les deux doigts internes très-petits et réunis jusqu'à la base de leurs ongles, l'annu- laire très-fort et le plus grand de tous, muni d'un ongle épais, triangulaire et pouvant être com- paré à un sabot, l’externe médiocre; métatarse surtout très-allongé, grêle; plante et paume des pieds et des mains reposant en entier sur le sol; radius permettant à l'avant-bras une rotation complète. Queue longue, extrêmement forte, munie de muscles puissants, non prenante, servant à la loco- moLion.. Poils laineux el soyeux, abondants. Les habitants de l'Australie donnent le nom de Kanguroo à des Marsupiaux qui se distinguent principalement par leur museau allongé, leurs grandes oreilles, et surtout par l'énorme dispropor- tion que l'on remarque entre la longueur de leurs membres : les naturalistes ont formé avec ces animaux, confondus par Zimmermann avec les Jerboa, et que Gmelin rangeait avec les Didelphes, un groupe très-distinct qui a reçu plusieurs noms latins, celui de Macropus, donné par Shaw, et qui doit être adopté comme ayant l'antériorité; celui d’Halmaturus (au, Saut; vez, queue), par Iiliger, et enfin celui de Kangurus, proposé par Ét. Geoffloy Saint-Hilaire. Valentyn et Lebruyn sont les premiers auteurs qui aient fait mention des Kanguroos; depuis, un grand nombre de voyageurs an- glais et français, et parmi eux nous devons citer Cook, Dampier, Péron et Lesueur, Lesson et Gar- not, MM. Quoy et Gaimard, J. Verreaux, etc., découvrirent de nouvelles espèces de ce genre, et le nombre en devenant assez considérable, plusieurs zoologistes classificateurs crurent devoir en faire 544 HISTOIRE NATURELLE. une famille particulière, celle des Macropodidés, et y former plusieurs divisions génériques; tels sont les genres des Potoroos, A. G. Desmarest, ou Hypsiprymnus, Illiger; celui des Heteropus de M. Jourdan, etc., qui sont généralement adoptés par tous les auteurs; ceux des Macropus et Hal maturus, Fr. Cuvier, qu'on réunit le plus habituellement sous la dénomination commune de Kaneu- roo, et que nous indiquerons comme sous-genre; enfin, dans son Nouveau Tableau du Règne animal, Lesson adopte non-seulement comme genre les deux subdivisions de Fr. Cuvier, mais sub- divise encore le genre Kanguroo en quatre groupes qu'il indique sous les noms de Macropus, Se- tonyæ, Petrogale, Gray, et Conoyces, etM. Temminck y forme la nouvelle subdivision des Dendro- lagus, adoptée par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Le système dentaire des Kanguroos est surtout remarquable par l'absence des canines et par la disposition des incisives inférieures, qui sont très-longues, très-fortes, horizontales, au nombre de deux seulement, tandis que les supérieures, au nombre de six, sont larges, verticales; les molaires peu fortes, montrant que ces animaux doivent prendre une nourriture végétale, sont au nombre de cinq des deux côtés de chaque mâchoire dans les Macropus, et de quatre seulement dans les Hal- maturus. Le membre postérieur ne ressemble nullement à l'antérieur : ce dernier est très-petit, el l'autre, au contraire, est très-développé, composé des os de Ja jambe, deux fois aussi longs que ceux de l'avant-bras, épais, et devant presque constamment supporter tout le poids du corps; le pied est aussi très-allongé, très-solide. La queue est excessivement développée et sert à ces animaux comme d’un véritable membre, surtout dans l’action du saut : le nombre des vertèbres caudales est considé- rable et dépasse souvent celui de vingt; elles ont des dimensions très-fortes, sont hérissées de larges et longues apophyses, et donnent attache à des muscles très-puissants. Le corps des Kanguroos est beaucoup plus gros vers la région inférieure que vers la supérieure; chez eux le train de devant semble tout à fait sacrifié pour celui de derrière, et l'animal a une forme conique. La conformation générale de ces Marsupiaux leur permet une station totalement verticale, et leur queue forme alors, avec les pieds postérieurs, un trépied solide, dont la pesanteur des parties supérieures ne peut dé- truire l'équilibre; dans cette position, ces animaux se tiennent appuyés sur leurs longs métatarses, qui ajoutent encore à leur stabilité. Leur pelage est composé de deux sortes de poils, des soyeux et des laineux : les premiers ne se trouvent qu'aux membres, à la tête et à la queue; les autres couvrent tout le reste du corps; quelques soies noires assez roides, courtes et peu nombreuses, se voient à la lèvre supérieure, aux sourcils, sous l'œil et sous la gorge. Les femelles, comme celles de tous les Marsupiaux, présentent une bourse dans laquelle sont placés les petits; les testicules des mâles sont très-développés, et l'organe principal n’est pas fourchu comme cela a lieu dans les Sarigues. Les os marsupiaux+sont aplatis, assez longs. L'estomac est formé de deux longues poches divisées en bour- souflures comme un côlon; le cœæcum est également grand et boursouflé. L'anatomie complète de ces animaux n'a pas encore été faite; cependant M. Morgan à publié un travail sur les glandes mam- maires des Kanguroos; M. Richard Owen a donné des détails intéressants sur l'accouplement et la parturition de ces animaux; le docteur Laurent, en France, a également fait connaître quelques points de l’organisation de ces animaux. Par leur forme générale, les Kanguroos représentent en grand les Gerboises: ils sont généralement de taille moyenne; mais quelques espèces sont très-grandes et ont plus de 2® de longueur depuis le bout du museau jusqu'à l'extrémité de la queue. A l’état sauvage, ces animaux sont exclusivement herbivores; ils vivent en troupes composées d’une douzaine d'individus, et conduites, dit-on, par les vieux mâles; ils se trouvent dans les endroits boisés et paraissent suivre des sentiers qu'ils se sont tracés. Les femelles font ordinairement un ou deux petits qui naissent presque à l’état de fœtus et sont placés dans leur poche ventrale; rarement elles produisent trois ou quatre petits. Les Kanguroos ont deux sortes de progression : le saut et la marche; celle-ci est rampante et gènée; les quatre pattes sur le sol, ils enlèvent leur partie postérieure en se servant de leur queue, appuyée sur la terre, comme d’un ressort, et, ramenant les jambes de derrière près de celles de devant, ils portent celles-ci en avant : continuant cet exercice, ils avancent avec assez de vitesse. Dans d’autres cas, ils font des sauts de sept à dix mètres détendue et de deux à trois mètres de hauteur, en se servant aussi de leur queue comme d'un ressort puissant. Toutefois, d'après la remarque des voyageurs, il parait que, lorsqu'ils sont poursuivis, ils se bornent à marcher, ce qu'ils font avec une grande viesse, et qu'ils ne sautent que quand quelque obstacle vient à se présenter sur leur passage. Leur œueue leur sert, MARSUPTAUX. 545 en outre, d'arme défensive et offensive. Ét. Geoffroy Saint Hilaire dit que ces animaux, pour coni- battre et éventrer leurs ennemis, se servent du doigt annulaire de leur pied de derrière, doigt qui est très-fort et très-développé; comme ils meuvent toujours à la fois chaque paire de membres, ils sont obligés, dans le combat, de se soutenir sur leur queue; mais alors ils ont recours à un pou d'appui, afin de se tenir en équilibre; et pour cela ils chassent leurs ennemis contre un arbre ou quel- que autre obstacle le long duquel ils se dressent et se tiennent avec leurs pattes de devant; ou bien, quand deux Kanguroos combattent l’un contre l’autre, ils appuient leurs pattes de devant contre leur poitrine, et, uniquement soutenus sur leur queue, ils se battent avec leurs jambes postérieures, La chair des Kanguroos est un excellent manger; leur peau fournit nne fourrure recherchée des habi- tants des pays qu'ils habitent, aussi les chasse-t-on avec ardeur et a-t-on dressé des Chiens pour les combattre. [leureusement qu'ils sont très-abondants en Australie, et qu'ils se reproduisent facilement, car, sans cela, d'après la grande destrnction qu'on en fait, il est probable que l'espèce en dispa- raîtrait bientôt. On possède un assez grand nombre d'individus et même d'espèces de Kanguroos dans nos ménageries européennes, surtout en Angleterre et en France. En domesticité, ces animaux sont nourris avec des matières végétales; cependant, suivant MM. Quoy et Gaimard, ils ne refusent pas de la viande fraîche et salée et en général presque toutes les substances qu'on leur présente. Plusieurs fois on a vu les Kanguroos se reproduire dans nos ménageries : aussi serait-il à désirer qu'on cherchât, ainsi qu’on a commencé à le faire en Angleterre, à les acclimater d'une manière dé- finitive et à les multiplier, leur introduetion en Europe pouvant être une nouvelle source de richesse. Ces Marsupiaux appartiennent exclusivement à l'Océanie; ce sont les plus grands Mammifères qu'on y rencontre. Ils habitent surtout la Nouvelle-Hollande, Van-Diémen et les grandes: îles voisi- nes; une espèce, Le Kanguroo d’Aroé, se trouve à la Nouvelle-Guinée et dans les îles de la Sonde. Fig. 73. — Kanguroo de Bennett. 4 SOUS-GENRE. — KANGUROOS PROPREMENT DITS. MACROPUS. F. Cuvier. Molaires au nombre de {=*; queue entièrement velue. 1. KANGUROO GÉANT. MACROPUS GIGANTEUS. Shaw. CaracrÈnes sréciriques. — Pelage d’un brun roux cannelle, plus pâle en dessous, plus foncé en dessus; bout du museau, derrière des oreilles, pieds et mains, derrière du ceude et du talon, des- P 4% 346 HISTOIRE NATURELLE. sus et bout du dessous de la queue d’un brun noir très-foncé; gorge grisätre. Ayant environ {" de longueur pour la tête et le corps; la queue atteignant la même longueur à peu près. Cette espèce, l'une des plus anciennement connues, est de grande taille, car elle peut atteindre là grandeur d'un Mouton; elle vit à la Nouvelle-Galles du Sud, et on la chasse aux environs de Bo- tany-Bay. (Voyez Atlas, pl. XLIIT, fig. 2 et 5.) 2. KANGUROO D'AROË. MACROPUS BRUNII. Gmelin. CaracTÈREs SPÉGIFIQUES. — Pelage d’un roux noir; dessous du corps et intérieur des membres d'un blane roussätre sale; gorge grise; museau, doigts, queue, bout des oreilles d'un brun noir très- foncé. De la taille d’un Chien de chasse. Cette espèce, anciennement connue et rangée par Gmelin dans le genre Didelphis, est remarqua- ble en ce que sa queue est moins longue que le corps, et constitue le groupe des Conoyces, Lesson. Un la trouve aux îles Moluques et à la Nouvelle-Guinée. Les autres espèces, toutes propres à l'Australie, et que nous nous bornerons à citer, sont, 1° pour les Macropus de Lesson, les A. laniger, Quoy et Gaimard; fuliginosus, Êt. Geoffroy Saint-Hilaire; Bancksianus, Lesson; rufo-griseus, Êt. Geoffroy Saint-Hilaire; Eugenii. À. G. Desmarest; nolabatus, Lesson; ruficollis, Êt. Geoffroy Saint-Hilaire; Billardierii, À. G. Desmarest; elegans, Lambert: Berneltii, Waterhouse (l'espèce la plus commune dans nos ménageries); rufiventer, Ogilby; fræna- tus, unguifer, lunatus et leporides, Gould; 2° pour les Setonyæ, une seule espèce, le Macropus brachyurus, Quoy et Gaimard; 3° pour les Petrogale de Gray, les M. Parryii, Beunett, et bra- chyolis, Gould, etc. 9e SOUS-GENRE. — HALMATURE. HALMATURUS. Fr. Cuvier. Moluires au nombre de 5; queue en partie dénudée. 5. KANGUROO A BANDES. MACROPUS FASCIATUS. Péron et Lesueur. Caractères sréciriQuEs. — Pelage d'un gris roussâtre, avec la moitié inférieure du corps rayée transversalement, en dessus, de roux et de noir. Taille petite. Ce Marsupial provient de l'ile Bernier, et il se rencontre également dans les îles voisines. Les autres espèces de ce groupe sont le Macropus T'hetis, Fr. Cuvier, et les Halmaturus Irma, Ogilby; striatus, Fr. Cuvier, et municatus, Gould. On doit y joindre quelques débris fossiles découverts dans la vallée de Wellington, et on en a rap- proché le genre fossile de Chirotherium de Kaup, découvert en France et en Angleterre. 5° GENRE. — HÉTÉROPE. HETEROPUS. Jourdan, 1837. Ex:5,, dillérent; movs, pied. Compte rendus de l'Académie des sciences. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire semblable à celui des Kanguroos. Jambes médiocrement longues; tarses courts, épais, couverts de longs poils touffus, à surface plantaire largement dénudée, avec un grand nombre de papilles aplaties; troisième et quatrième orteils non emboîtés par les ongles : ceux-ci petits, courts, oblus, légèrement courbes. ù Les Ileteropus, que M. Gray laisse dans son groupe des Petrogule, division dés Kanguroos, - comme on a pu le voir, ne diffèrent guère des Macropus que par quelques particularités que pré- sentent leurs membres : on n’en connait qu'une seule espèce : MARSUPIAUX. 947 HÉTÉROPE A GORGE BLANCHE. HETEROPUS ALBOGULARIS. Jourdan. Canacrènes svécriques. — Tête marquée d'une ligne brune longitudinale; joues blanchätres; oreilles noires en dehors, jaunes en dedans; gorge blanche; poitrine et ventre roux; cou et partie su- périeure du dos gris; fesses d’un fauve rougeñtre; extrémité des membres et queue d’un brun foncé; celte dernière terminée de blanc. De taille moyenne. Ce Marsupial marche plutôt qu'il ne saute : vit dans les montagnes au sud-ouest de Sydney. SEPTIÈME FAMILLE. PHASCOLOMYDES. PHASCOLOMYDÆ. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Cette petite famille de Marsupiaux, que les zoologistes anglais, à l'exemple de M. J.E. Gray, nom- ment Phascolomyna. ne renferme qu'un seul genre, celui des Phascolomys, qui comprend des ani- maux essentiellement rongeurs, et ayant pour caractère principal de n’offrir que deux sortes de dents, des incisives et des molaires. On n’en connaît qu'une ou deux espèces. GENRE UNIQUE. — PHASCOLOME. PHASCOLOMYS. Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, 1820. Pacxwkcz, bourse; pus, Rat. Annales du Muséum, t. HT. CARACTÈRES GÉNURIQUES. Système dentaire : incisives, 2; molaires, =; en totalité vingt-quatre dents. Incisives très- fortes, très-épaisses, moins lonques que celles des Rongeurs; celles d'en haut convergentes, cou- pées droit, un peu obliquement à leur extrémité, comme tordues dans leur milieu, et cannelées dans Loute leur superficie; celles d’en bas déprimées et également tronquées à leur extrémité. Pas de canines, mais une barre assez longue entre les incisives et les molaires : celles-ci composées, à couronne ovale, plane, séparée en deux par un sillon un peu plus profond à leur face interne dans celles de la mâchoire supérieure, et à leur face externe dans celles de la mâchoire inférieure. Corps épais, raccourci; têle grosse, plate; oreilles courtes; yeux peu ouverts, très-écartés. Pieds à cinq doigts : antérieurs armés d'ongles crochus, robustes, propres à fouir; pouce des pieds de derrière très-petit, sans ongle. Queue très-courte, à peine visible à l'extérieur. Bass, chirurgien de l'expédition aux terres australes, commandée par Flinders, a, le premier, si- gnalé un Marsupial assez commun sur les côtes ou dans les îles du détroit qui porte son nom, détroit qui sépare la Nouvelle-Hollande de la Tasmanie; c'est ce Mammifère qui est devenu le type du genre curieux qu'Ec. Geoffroy Saint-Hilaire, d'après des individus rapportés vivants au Muséum par Péron et Lesueur, a d'abord appelé Wombatus, et dont il a bientôt après remplacé lé nom par celui de Phascolomys. Wiger, en 4814, lui donna le nom générique d’Amblotys (2#£%%, avorté). Les Phascolomes présentent une réunion de caractères remarquables; ce sont des Marsupiaux, et ils ont dans le squelette aussi bien que dans leurs organes de la génération les particularités distinc- tives des animaux de cette sous-classe : des clavicules, des os marsupiaux, une poche mammaire, ete.; leur corps est trapu, presque sans queue, et pourvu de quatre pattes assez courtes, plantigrades, et à 348 HISTOIRE NATURELLE. — MARSUPIAUX. cinq doigts armés d'ongles fouisseurs; leurs deuxième et troisième doigts de derrière ne sont pas plus courts que les autres; et ils ne sont pas réunis comme ceux des Phalangers et des Kanguroos; leur pouce n'est pas non plus opposable comme celui des Phalangers; ils ont la tête large, aplatie; les oreilles courtes; les yeux médiocrement ouverts et très-écartés; les narines percées dans un mufle; le pelage épais; leurs dents, qui ne comprennent que des incisives et des molaires, sont au nombre de vingt-quatre. Malgré cette analogie dans la formule dentaire avec les Rongeurs, les Phascolomes ont, comme les autres Marsupiaux, la mâchoire inférieure articulée avec la supérieure par un condyle trausverse; leurs dents ne sont pas comparables, pour la forme, à celles des Rongeurs; ainsi leurs incisives ressemblent plutôt, les supérieures à la paire médiane de certains Phalangers et les infé- rieures à leurs correspondantes chez les mêmes animaux; leurs molaires sont entourées d'émail et partagées en deux parties égales par un pli de leur face externe, et un autre de leur face interne, sauf la première, qui est simple L’estomac présente, à son orifice cardiaque, un appareil succen- turier comme celui des Castors; leur cæcum est court et pourvu d’un appendice vermiforme. WOMBAT. PHASCOLOMYS WOMBAT. Péron et Lesueur. Canacrènes seéciriques. — Pelage grossier, d'un brun gris uniforme plus où moins foncé; chaque poil en particulier étant d'un brun clair à la base, ensuite marqué d'un petit anneau roussâtre, puis d’un long anneau blane sale, après lequel vient un second anneau roussâtre aussi étroit que le pre- mier, et la pointe étant brune; poitrine d’une teinte un peu moins foncée que le dos. Taille sembla- ble à celle du Blaireau. (Voyez Atlas, pl. XLVII, fig. 1.) Fig. 74. — Wombat. Cet animal est le Phascolomys Wombat de Péron et Lesueur, le PaascoLone Brun d’A. G. Desma- rest, le Wombatus fusca, d'Ét. Geoffroy Saint-Ililaire, le W. fusca, Bassei et ursinus de quelques zoologistes, le Badger, c'est-à-dire Blaireau des colons de l'Australie. Il a en effet les allures du Blaireau, mais il devient souvent plus fort; il a la tête aussi grosse et ses habitudes sont très-diffé- rentes, car il est herbivore ou frugivore; son naturel est timide et intelligent, et il se creuse des ter- riers où il se cache pendant le jour, ne commençant à aller chercher sa nourriture qu'au crépuscule ou à la nuit. La femelle fait trois ou quatre petits par portée, et elle en a le plus grand soin. Le Wombat habite l'ile King, dans le détroit de Bass; les îles des Fourneaux, les montagnes voi- sines de Port-Jackson, ete. Plusieurs individus ont été apportés vivants en Europe et ont vécu quel- que temps dans nos ménageries. Leur fourrure est susceptible d’être ntilisée, et leur chair est bonne à manger, particularités qui devraient engager les Européens à l'acclimater dans nos contrées. M. Owen a été conduit, par l'inspection d'un crâne, à supposer l'existence d'une seconde espèce, le Phascolomys latifrons. On doit aussi au même anatomiste d'avoir reconnu pour ceux d’un autre Phascolomys (P. Mitchellii) des ossements fossiles trouvés dans les cavernes de la vallée de Wel- lington. Fig. 5. — Phascolartos fauve. 4, r LATE LE nf mon al atta'e FA À dre AE Ÿ LI uni RTS liée RAT ETS 2notur til ay "Sa so enéono ob art sl cie Ho teeu for 98 Mirétahoie 136 ILE cionentese * dupili an l'an! 1 BIS CR 4 FT dy supra" Enr à stages fi GATE AU 04 àrro ra aël RE 4 e li alspprue orei ra nos afrdhasr' eh sMar any us À Pope LÉ d SMimE) Ve en Ù DS PAT NS REUT erDsé sen:i4 LEUR HA. RL ENL ‘epsrale, : ro n ul HO L'HfEEE Hate ? naftgen el Août fr Sshiersen taltes % Mo a shit on ÉTONRIUETTAE EL seb Motel % ‘à he JT 25 0e PES x vo pal Qu eat mn paf sos LUE ; | Ju EN hotel \r4t5t} MAN 0 ES NERE tant otre n°1 " ARIANE nee 1 An” + titre arf ci des 9 ‘lt mil est Te I droites pri ; jetant arm Lys P laval ul nr rate L'ethtthon MONOTRÈMES. On indique sous le nom de Monotrèmes (uovez, unique, rom, trou, orifice) et sous celui d'Orni- thodelphes (zouzes, Oiseau; desc:, orifice, matrice) la troisième sous-classe des Mammifères qui ne comprend que l'Ornithorhynque et l'Échidné, animaux de la Nouvelle-Hollande, célèbres par les nombreuses observations auxquelles ils ont donné liex depuis le commencement de ce siècle, et dont les rapports avec les animaux terrestres n’ont pas toujours été envisagés de la même manière par les uaturalistes. Le nom de Monotrèmes, proposé par Ét. Geoffroy Saint-Hilaire, rappelle que, chez les Mammifères auxquels il s'applique, les organes de la défécation, de l'urine et de la-génération abou- tissent en une sorte de vestibule commun ou cloaque, et communiquent à l'extérieur par ce seul ori- lice; mais, comme on l'a remarqué, ce caractère, qui rapproche les Monotrèmes des Ovipares, chez lesquels il est constant, se voit aussi chez certains autres Mammiferes, tels que tous les Marsupiaux, plusieurs Rongeurs, le Bradype et certains Édentés; aussi ne saurait-il distinguer à lui seul les aui- maux auxquels on l’applique : c’est ce qui a engagé De Blainville à remplacer ce mot par celui d'Or- nithodelphes. qui a pour but d'indiquer que les Ornithorhynques et les Échidnés ont, dans leur fonc- tion génératrice et dans les organes qui y président, différents traits rappelant ce qui se passe dans les Oiseaux. D'une manière générale, cette sous-classe peut être caractérisée ainsi : animaux à corps ovale, déprimé, couvert de poils nombreux plus ou mains roides, et porté sur des membres courts, écartés, terminés par deux doigts presque égaux, fortement onguiculés, et pourvus, dans le mâle, d'un ergot venimeux; bouche sans dents chez les Échidnés, ou pourvue de dents simplement rudi- mentaires dans les Ornithorhynques; un seul orifice terminal postérieur; épaule osseuse des Ovi- pares; bassin des Marsupiaux. Pécouverts à la Nouvelle-Hollande, et envoyés à Banks en 1792, les deux genres de cette grande division furent bien souvent changés de place dans le système zoologique. En 1792, Shaw fait con- uaître l'Echidné, et il le considère comme une espèce de Fourmilier sous le nom de Myrmecoyhaga aculeata, et, quatre ans après, Blumenbach, en 1796, ayant observé une peau d'un curieux animal que Baaks lui avait envoyée, est frappé de l’analogie que l'espèce de bec qui la termine offre avec celui des Canards, et il en fait le type d'un nouveau genre, qu’il appelle à cause de cela même du nom d'Ornithorhynque, en français bec d'Oiseau (cubes, euyyes); il applique aussi heureusement à l'espèce la dénomination de paradoxale, et il le range dans ses Palmipèdes édentés. Shaw, ne con- naissant pas le travail de Blumenbach, fait du même animal son Platypus anatinus. Éverard Home montre le rapport qu'il ÿ a eutre les deux genres Échidné et Ornithorhynque, les place dans le même 290 HISTOIRE NATURELLE. groupe et fait de l'Échidné son O. hystriæ. G. Cuvier et Ét. Geoffroy Saint-Hilaire font connaître, en France, les recherches de l’anatomiste anglais sur ces animaux : le premier en fait une division de ses Édentés et regarde l'Ornithorhynchus hystrix comme le type d’un nouveau genre, celui des Échidnés. Les caractères qui distinguent les Ornithorhynques des Échidnés sont très-nombreux et très-importants, et Latreille a cru devoir établir pour chacun de ces genres un groupe particulier : les premiers constituent la tribu des Pinnipèdes, et les autres celles des Macroglosses. Et. Geoffroy Saint-Hilaire établit dès lors, en 1803, son groupe des Monotrèmes, dont il fait un ordre particu- \ier, qui fut adopté par À. G. Desmarest, tandis que De Lamarck peusait qu'il devait être élevé à Ia dignité de classe, et former parmi les Vertébrés une cinquième division intermédiaire aux Mammi- fères et aux Oiseaux. Depuis lors l'opinion des naturalistes n’a pas moins varié, et les Monotrèmes ont été successivement considérés comme des Mammifères de divers ordres, comme des Reptiles ou même comme des Oiseaux, ainsi que l’a proposé un instant Lesson dans son Manuel d'Ornithologie. De Lamarck et De Blainville firent peu de temps après une longue dissertation et prouvèrent d’une manière positive que les Monotrèmes étaient bien des Mammifères, ce qui est actuellement surabon- damment démontré depuis que nos connaissances sont devenues à peu près complètes relativement à l'organisation de l'Ornithorhynque et de l'Échidné. Mais une question plus difficile à résoudre était celle de savoir quelle place ces animaux devaient occuper dans la série des Mammifères. Un très- grand nombre de leurs caractères les rapprochant des Marsupiaux, ainsi que l'a fait remarquer De Blainville; d’autres semblant les lier aux Édentés, auxquels ils avaient en effet été joints par les pre- miers auteurs, ainsi que par G. Cuvier, tandis qu'A. G. Desmarest les rangeait entre les Rongeurs et les Édentés, et quelques autres caractères rappelant en effet certains traits des Rongeurs; mais c'est avec les Marsupiaux que les Monotrèmes présentent les plus frappantes analogies, et leurs autres caractères tendent plutôt à en faire des êtres intermédiaires à ceux-ci et aux Vertébrés ovipares qu'aux Marsupiaux et aux Mammifères ordinaires ou Monodelphes; c’est pourquoi ils sont aujour- d'hui, surtout d’après De Blainville (Thèse pour le concours à une place de professeur à la Faculté des sciences, 1819, et Cours de la Sorbonne), assez généralement considérés, non pas comme un groupe anomal hétéroclite, ainsi qu'on l'a dit, mais comme formant une troisième sous-elasse parmi les Mammifères, prenant le troisième rang parmi eux, et établissant le passage des Mammifères aux Oiseaux. - L'organisation si remarquable des Monotrèmes sera étudiée en détail quand nous ferons connaître les deux genres qui y entrent; nous ne dirons maintenant que quelques mots relativement à diverses particularités importantes qui s’y rapportent. Une question longtemps débattue est celle de savoir si les Monotrèmes sont ovipares, ovovivipares ou vivipares; De Lamarck, Vander-Hæœven, Latreille, Et. Geoffroy Saint-Hilaire, ont admis la première opinion; la seconde a été émise tout d’abord par Éverard Home, et la troisième par De Blainville, Spix, Ockn, Knox, Meckel, Richard Owen, ete.; les preuves de cette dernière résident principalement dans la présence des mamelles, caractère qui ne se trouve que chez les animaux vivipares, dans divers points de l'organisme et aussi dans les or- ganes de la génération, qui sont plus analogues à ce qu'on connaît chez ces mêmes animaux qu’à ceux d'aucun autre; d’ailleurs on n’a jamais vu les prétendus œufs des Oraithorhynques, et on est en droit d'en conclure que ces animaux ne sont pas ovipares, ce que les nouvelles observations de M. J. Verreaux tendent encore à prouver. Toutefois, si l'étude des organes génitaux des Monotrèmes montrent la non-oviparité de ces animaux, on doit reconnaître néanmoins qu'ils sont moins fran- chement vivipares que les autres Mammifères, et qu'ils sont inférieurs, sous ce rapport, aux Marsu- piaux eux-mêmes; ils sont ovovivipares, ou mieux subovivipares, à peu près à la manière des Vipères et des Squales : c'est-à-dire que le développement utérin est, chez ces animaux, très-prolongé à l'état d'ovule, mais nul à celui de fœtus proprement dit, puisqu'il n'y a sans doute pas de placenta, et quil se termine par la nutrition lactée, caractère qui les éloigne des Ovipares, pour les rapprocher des Vivipares. On à constaté chez ces animaux la présence d’ergots dépendant du membre postérieur, et que con- stitue un petit appareil corné par lequel un système sécrétoire complet, dont la glande est placée à la cuisse, déverse une liqueur que l’on suppose venimeuse. On trouve ces ergots très-développés chez les mâles, et, d'après MM. Knox, Quoy et Gaimard, les Monotrèmes femelles en ont aussi, mais à l'état rudimentaire. Un fait publié en 1827 par sir Jemeson semblerait attester que la blessure que MONOTRÈMES. ao l'Ornithorhynque fait avec ses ergots peut être venimeuse à la manière de celle des Serpents à cro: chets, quoique d’une manière moins grave; cet ergot est d'ailleurs une arme à laquelle ces Mammifères ont rarement recours, même si on les irrite. D'un autre côté, plusieurs voyageurs, et en particulier MM. Bennett et J. Verreaux, en qui on peut avoir toute confiance, assurent que cette arme est tout à fait inoffensive : M. J. Verreaux dit que les crochets de l'Ornithorhynque n'ont, selon lui, d'autres destinations que de maintenir la femelle pendant l'acte de la reproduction; il ajoute que des expé- riences souvent répétées à diverses époques lui ont montré que ces crochets n'ont'rien de nuisible, et il a même observé qu’en tracassant l'animal, il ne tentait jamais de s’en servir comme moyen de défense. On ne cite pour l'Échidné aucun accident; si cet ap pareil propre à l'Échidné mâle, disent MM. Quoy et Gaimard, après en avoir décrit la structure, n’acquiert pas plus de développement à certaines époques de l’année, au temps des amours, par exemple, il faut le considérer comme rudi- mentaire et incapable de léser en aucune manière. Quoi qu'il en soit, ces ergots laissent suinter une liqueur légèrement colorée; mais à quel usage est-elle destinée? c'est un problème que de nouvelles observations directes pourront seules résoudre. Ce n’est qu'à la Nouvelle-Hollande et à Van-Diémen que l’on trouve des Monotrèmes : ces animaux longtemps rares dans nos collections européennes y sont actuellement plus fréquemment apportés, et l'on en a même de vivants, surtout en Angleterre. Ces Mammifères se rapportent aux deux genres Ornithorhynque et Échidné, qui sont assez différents entre eux, puisque les animaux du premier sont organisés pour vivre dans les sables, où ils se creusent des terriers; et ceux du second sur le bord des eaux, qu'ils fréquentent pour y ramasser les Vers dont ils se nourrissent; la taille des uns et des autres*est moyenne, et égale à peu près celle des Pores-Épies, avec lesquels l'Échidné offre: quelque analogie dans son système tégumentaire, tandis que l'Ornithorhynque est couvert de poils SOyeux. Plusieurs auteurs ont formé deux divisions primaires parmi les Monotrèmes : Lesson en fait son troisième ordre, qu'il nomme ORNITHODELPHIE, place entre les Marsupiaux et les Cétacés, et qu'il partage en deux tribus : 4° Insecrivora (Macroglosses, Latreille; Tachyglossa, Ch. Bonaparte), con- stituant la famille des Ecmxez ou le genre Echidna; 2° Venmivora (Pinnipèdes, Latreille; Orni- thorhynchi, Wagler; Ornithorhynchidæ, Ch. Bonaparte, et Ornithorhynchina, Gray), renfermant la famille des Paranoxiez ou le genre Ornithorhynchus. Enfin M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire indi- que les MONOTRÈMES comme constituant le troisième ordre des Quadrupèdes avec os marsupiaux; il les place immédiatement avant les Cétacés ou Bipèdes, et les subdivise en deux familles : 1° les OnxrronmyNcminés, ayant un bec élargi, aplati, et quelques dents (genre Ornithorhynque); 2° les Écmmiés, offrant un bec corné, allongé; pas de dents (genre Échidné). Nous croyons inutile d'adopter ces deux familles, puisque-chacune d'elles ne comprend qu'un seul groupe générique, et nous décrirons successivement les deux genres Ornithorhynchus et Echidna. 4e GENRE. — ORNITHORHYNQUE. ORNITHORHYNCHUS. Blumenbach; 1800. Ogvts, oiseau; pvc, bec. Voigl's Magazin, t. II. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Système dentaire : molaires, =; en totalité huit dents fibreuses, placées au fond des mächoires, sur les gencives seulement, aplaties et quadrilatères à leur couronne, d'une substance fibreuse, cornée, assez tendre, n'ayant ni émail ni substance osseuse, se racornissant par le desséchement, ec se renflant par l'immersion dans un liquide. Corps allongé; tête petite, ronde; une sorte de bec corné, saillant, fort en avant de la tête, très- semblable à celui d'un Canard par sa forme générale, et ayant une plaque de corne à sa base, sur le front et sous le menton : ses bords présentent, dans toute leur étendue, une rainure à La mà- choire supérieure et une lame saillante à l'inférieure, qui entre dans cette rainure lorsque la bou- che est fermée : cette lame saillante étant elle-même divisée, par de petits sillons transverses et obli- 352 HISTOIRE NATURELLE. ques, en une vingtaine de petites denticules; narines rondes, très-rapprochées l'une de l'autre, situées vers l'extrémité de la mandibule supérieure du bec corné; pas d'oreille externe; yeux petits, latéraux; langue grande, large, molle, charnue dans toute son étendue, garnie sur ses bords de papilles assez fortes, cornées, noirätres, luisantes; des abajoues. Pattes très-courtes, très-éloignées entre elles, dirigées plutôt latéralement qu'en dessous, toutes terminées par cinq doigts; doigts des pattes de devant minces, presque égaux, écartés, munis d'on- gles étroits, aplatis, S'appuyant sur une large membrane qui les dépasse, et qui n’est autre que la peau cle la paume de la main, très-dilutée et irrégulière dans ses bords; doigts des pieds de derrière réunis jusqu'aux ongles, et ayant tous la même direction. Un fort ergot pointu, creux el communiquant avec une vésicule à venin, siluë œu côté interne ct postérieur du métatarse des mâles. Queue assez courte, aussi large que le corps à sa base, déprimée, de forme ovale, velue. Poils soyeux sur tout le corps, à l'exception du bec et des membranes des pattes de devant. Fig. 75. — Tête de l’'Oruithorhynque. Comme nous l’avons dit dans nos généralités sur les Monotrèmes, le genre Ornithorhynque «-êté créé, en 1800, par Blumenbach; ce nom, lun des plus heureusement trouvés puisqu'il rappelle ur des meilleurs caractères de l'espèce quil comprend, a cependant été changé par quelques z0olo- gistes : e’est ainsi qu'à peu près à la même époque que Blumenbach, Shaw (Natural Miscellanea) lui donuait le nom de Platypus (27:, large; x, pied), et que Wiedmann (Zoological Archives, t. l) l'indiqua sous celui de Dermipus (Jesus, peau; res, pied}; mais celui d'Ornithorhynchus a généra- lement prévalu. Le corps de ces animaux est déprimé, et la tête ainsi que la queue le sont comparativement beau- eoup plus, la tête, le corps et la queue sont entièrement couverts de poils, quoique cependant le dessus de la queue est habituellement dénudé dans une étendue qui varie selon l’âge des individus; les màchoires représentent assez bien le bec d’un Cygne où d'un Canard : elles sont enveloppées d'une membrane cornée : la supérieure est d’une couleur noir grisâtre, sale et pâle, couvert d'une grande quantité de petits points, et l'inférieure est blanche, et variée d’autres teintes dans les adul- tes. : toutes deux à l'intérieur sont de couleur de chair; les yeux sont très-petits, brillants, d'un brun clair, l'orifice extérieur de l'oreille se voit facilement dans les sujets vivants, mais il n'y à pas de conque externe, et l'animal peut à volonté Fouvrir ou ta fermer; les pieds sont courts, écartés, diri- gés latéralement, et garnis en dessous de palmatures qui dépassent les doigts et même les ongles, quoique ceux-ci soient très-puissants : les antérieurs sont plus forts que les postérieurs, et de même qu'eux ils ont cinq doigts; mais ceux-ci présentent de plus un ergot acéré, percé d’un trou, et cor- respondant par un canal à une glande placée entre les muscles de la cuisse. Les Ornithorhynques n’ont pas de véritables dents, seulement leurs 6$ maxillaires supportent des espèces de tubercules déprimés et de nature fibro-cornée qui tiennent la place des dents : il yen a deux de chaque côté et à chaque mâchoire. Les os du squelette, sur lesquels nous ne pouvons dire que quelques mots, ont été étudiés par Éverard Home, Meckel, Tiedmann, Et. Geoffroy Saint-Ili- laire, G. Cuvier, De Blainville, Carus, Oken, Rudolphi, Knox, Vander Hæven, etc., et tous ces ana- tomistes ne sont pas d'accord sur leur signification. Les vertèbres céphaliques forment une tête assez allongée; les os maxillaires supérieurs et incisifs sont trés-prolongés en avant et aplatis pour soutenir le bec corné, les derniers divergents et laissant un grand intervalle entre eux; les orbites sont petites Dre MR NES 1e T . té iqixs Fl'agsehe ALES 5 ei É | x F chan dlsoy ton ‘rte Le PT, 3 ape merite ent af À ren AE Vrtl: «22 2; LL. ind , 4, ie, Mr, art ACT ere és rats fai AVE 4 ENT ai Lis AË 4 NS t ou DEC AL PAS - 5 LPS UL:S à RENE du u sv RE ad | * É sr re à er son "7 rd] r Le SOFT mé £ > ( 73 : Le 24 _ é L y D TR TT ds \ 1 . # & 2 + 0) DR RTE “ ’ ; ; F ré 2 eo ET € Œs> ” - { L y e 0 ! . Pr . : L” Y H . . Fig. 2. — Squelette d Ornithorhynque paradoxal. Fig. 5. — Échidné hystrix MONOTRÈMES, etrondes, presque latérales; les arcades zygomatiques sont assez fortes, larges, longues, toutes droites et fort serrées contre le crâne; la mâchoire inférieure est assez forte, ayant des condyles articu- laires très-développés, mais pas d’apophyses coronoïdes; les autres vertèbres, peu différentes de celles des Monodelphes, sont au nombre de quarante-neuf : sept cervicales, dix-sept dorsales, deux lombaires, deux sacrées et vingt et une caudales, et elles sont toutes assez fortes. Les côtes, très- remarquables par l'ossification de leur partie sternale, sont au nombre de dix-sept paires, dont six vraies et onze fausses. Il y a une sorte de clavicule commune aux deux épaules, placée avant la clavi- cule ordinaire, et assez analogue à la fourchette des Oiseaux; l'omoplate est allongée; l'humérus est court, contourné, rappelant celui de la Taupe. Aux membres postérieurs, le bassin est complet, muni en avant, sur le pubis, d'os analogues aux os marsupiaux des Didelphes; l'articulation fémoro-crurale se fait par le tibia et le péroné, qui sont l’un et l'autre, de même que dans les Marsupiaux et les Ovipares, en rapport avec la tête inférieure du fémur. Les os des extrémités ne présentent rien de particulier. Meckel a donné de nombreux détails anatomiques sur la myologie, le système vasculaire, la névrologie et les organes de la digestion de ces animaux; nous renvoyons au travail spécial que ce savant naturaliste a publié sous le titre de Ornithorhynchi paradoxi descriplio anatomica ; nous nous bornerons à dire que l’estomac est très-petit, comparable à une sorte de poche élargie vers le fond, ayant ses deux issues très-rapprochées l’une de l'autre; que l'intestin est assez long, et que le cœcum est petit. Les organes génito-urinaires et excrémentiels de l'Ornithorhynque femelle ne s'ouvrent à l’exté- rieur que par un seul orifice, une sorte de cloaque unique. Éverard Home lui a donné le nom de ves- tibule. Blumenbach pensait que cet animal n’avait pas de mamelles, et cette opinion a été fortement soutenue par Ét. Geoffroy Saint-Hilaire, qui pensait que les glandes mammaires admises par quel- ques auteurs n'étaient que des amas de cryptes analogues à ceux que l’on voit sur les flancs des Marsupiaux; mais un grand nombre de zoologistes, MM. De Blainville, Richard Owen, Meckel, G. Ben- nett, Maule, J. Verreaux, etc., ont démontré, au contraire, que ces animaux avaient des mamelles véritables, c'est-à-dire produisant un liquide particulier, ou lait, propre à nourrir les petits pendant les premiers temps de leur vie. Ces mamelles sont situées entre le panicule charou, fort épais, et le muscle grand oblique, à peu près au milieu du ventre, et assez rapprochées de la ligne médiane; elles se composent d'un nombre assez considérable de gros cryptes intestiniformes assez longs, flexueux, convergents d'avant en arrière et surtout de dehors en dedans; ces espèces de cœcums viennent se terminer tantôt individuellement, tantôt après s'être réunis deux ou trois, vers leur em- bouchure, dans un petit renflement ovale fort surbaissé et percé à l'extérieur d’un assez grand nom- bre de pores fort gros et dépourvus de poils. L’ovaire a ses ovules contenus, comme chez les autres Mammifères, dans de véritables vésicules de Graaf, et, après qu'un de ces œufs s’en est échappé pour passer dans la trompe, les vésicules se cicatrisent de la même manière. Il n'y a pas de matrice pro- prement dite, ni de placenta. Les organes reproducteurs du mâle n'offrent pas de différences bien marquées avec ceux des Mammifères ordinaires. Une question qui se rapporte au mode de repro- duction de l'Ornithorhynque a été longtemps débattue, c’est celle de savoir si les femelles produisent des œufs ou des petits vivants : en résumé on peut affirmer aujourd'hui, malgré lassertion de quel- ques voyageurs qui assurent avoir vu des œufs d'Ornithorhynques, que ces animaux sont ovovivi- pares, ainsi qu'ont pu le constater maintes et maintes fois MM. J. Verreaux et Bennett. Ce dernier ayant capturé, dans un terrier, deux petits avec leur mère, on ne put, en prenant les glandes abdo- minales de la femelle, en extraire qu'une très-faible quantité de lait, tout à fait insuffisante pour des petits aussi avancés en âge : ceux-ci ayant été conservés pendant quelque temps permirent de faire quelques observations sur leurs mœurs. Ces jeunes animaux furent abandonnés dans une chambre, mais la mère était difficile à contenir, et l'on fut obligé de la renfermer dans une boite. Pendant le jour, elle était tranquille ou jouait avec ses petits; mais, la nuit’ elle devenait très-nquiète, et fai- sait tous ses efforts pour s'échapper. Les jeunes étaient aussi folâtres et aussi avides de jouer que les jeunes Chats; pendant le jour, ils se tenaient habituellement dans un coin obseur de la chambre, qu'ils quittaient néanmoins au premier caprice; ils n’aimaient pas l'eau profonde; un grand plat rempli d'eau et d'une touffe d'herbe leur plaisait davantage, et en général ils n’y restaient pas plus de douze à quinze minutes. Quoique nocturnes en apparence, ou au moins préférant l'obscurité, leurs mœurs, Sous ce rapport, ont paru si peu régulières, qu'il n’a pas été possible de résoudre nettement P 45 21 D3 354 HISTOIRE NATURELLE. celte question : ils dormaient beaucoup, et souvent l’un d'eux était assoupi pendant que l’autre sor- tait, et cela à toutes les heures de la journée; leur nourriture consistait en pain trempé dans l’eau, en œufs durs et en viande hachée très-mince. M. Jules Verreaux, l'un des plus savants et des plus zélés de tous nos zoologistes voyageurs, a été à même, pendant quinze mois, d'étudier, en Tasmanie, les mœurs si curieuses et si peu connues en- core de l'Ornithorhynque; il a publié à ce sujet une note importante dans la Revue zoologique pour 1848; nous croyons devoir en transcrire plusieurs pages, car l'auteur donne des détails qui n'a- vaient pas encore été publiés, et rectifie quelques faits erronés avancés par ses devanciers. L'Or- nithorhynque est un animal bizarre de structare, et offre de nombreuses analogies avec une foule d'espèces et même de classes différentes; son organisation extérieure le rapprocherait en quel- que sorte de la Taupe par le corps, du Castor par la queue et du Canard par le bec; par son orga- nisation intérieure, il ressemblerait à certains Reptiles, et paraîtrait former un chaïnon entre les Mammifères et les Sauriens. Quoique assez abondant dans diverses localités de la Tasmanie, il est surtout commun sur les bords de la rivière de New-Norfolk, et ne semble se rendre dans les monta- gnes qu'à l'époque des amours. Il habite de préférence les lieux marécageux; il se creuse des terriers profonds, c’est-à-dire d’une grande étendue, à trente-cinq ou quarante centimètres du sol tout au plus. Ces terriers comptent deux ou trois issues, et se subdivisent ordinairement en douze ou quinze branches, le plus souvent une de ces issues communique en dessous ou sur le bord de l’eau, afin de faciliter une retraite en cas de danger; il n'y a qu’un seul nid, composé de débris de roseaux et d’autres plantes aquatiques desséchées, dans ces terriers, et ce nid est placé tout à fait à l'extrémité la plus éloignée de l’eau, et dans un espace assez grand, pouvant contenir trois ou quatre de ces ani- maux. L'Ornithorhynque, qui semble au premier aspect destiné à une vie entièrement aquatique, est cependant un excellent fouisseur : en moins de dix minutes il peut se creuser un trou de plus de soixante centimètres : pour cette opération, ses membres antérieurs, si développés lors de la na- tation, subissent une curieuse transformation, disparaissent en quelque sorte, et ne laissent à dé- couvert que les ongles ‘puissants, qui peuvent également servir à grimper lorsqu'il s'agit de franchir un obstacle; dans les terrains vaseux, que cet animal préfère, le bec sert d'abord à fouir la terre, puis les ongles manœuvrent ensemble. Une remarque digne d'intérêt, et qui rapprocherait l'Ornitho- rhynque du Castor, c’est qu'à mesure qu'il creuse, il se sert de sa queue pour battre la terre, afin de la consolider dans tous les sens. Ce Monotrème nage et plonge avec une facilité extrême. Sa nourriture se compose d'Insectes aqua- tiques, de larves et de petites coquilles fluviatiles, qu'il cherche parmi les herbes qui croissent en abondance sur les rives et parmi les roseaux ; c'est surtout dans la vase qu'il recherche des larves, et c’est ainsi que l’on peut expliquer la présence de vase dans leur estomac, ce qui avait fait supposer à tort qu'il se nourrit avec cette substance. Pendant les froids de l’hiver, il reste parfois plusieurs jours sans sortir de sa retraite, et sa graisse seule peut lui suffire à supporter la faim pendant toute cette période. Deux petites glandes se trouvent placées de chaque côté de l'anus, et contiennent une matière graisseuse légèrement PE ces glandes servent-elles à éloigner leurs ennemis ou à d’autres usages? Il n’est pas entièrement nocturne comme on l’a longtemps supposé; quand il a des petits, il chasse pendant les plus fortes chaleurs du jour; mais il semble prendre plus de vivacité lorsque la nuit survient : rien alors n'égale sa vivacité, soit dans l’eau, soit sur terre. Quoique fréquentant les riviè- res, il paraît préférer les vases, où les eaux, refoulées par les courants, sont plus tranquilles; là il se plaît à barboter parmi les plantes ou à plonger pour aller chercher dans la vase ses aliments; mais il ne peut rester longtemps sans venir respirer l'air en nature. L'accouplement se fait à peu près de la mênie manière que chez les autres animaux : la femelle ne pond pas d'œufs et est réellement ovovivipare. Les petits, dès leur naissance, tettent directement le lait de leur mère; mais il paraîtrait, en outre, selon les remarques de M. J. Verreaux, que les ma- melles de la femelle, pressées par les obstacles qu’elle rencontre en nageant, laisseraient couler le lait dans l’eau, et que les petits, lorsqu'ils peuvent nager, s’en saisiraient presque immédiatement par des mouvements très-vifs de leur bec. Ces petits, dépourvus de poils lors de leur naissance, ont déjà une grande vigueur, et leur bec offre une assez grande épaisseur; à quinze ou vingt jours, ils sont déjà couverts d’un poil soyeux et peuvent nager. MONOTRÈMES. 399 Le sens de l'odorat paraît excessivement développé chez l'Ornithorhynque; aussi les riarines sont- elles.continuellement en mouvement, et il ne prend jamais le moindre objet sans le flairer d'avance. Les organes de la vue et de l’ouie semblent moins prononcés que dans beaucoup d’autres animaux, ce que l’on comprend d'après leur genre de vie. Endormi, cet animal prend une pose des plus bizarres; les pattes sont repliées sur elles-mêmes; la tête, ou plutôt le bec, vient joindre la partie postérieure, et le tout se trouve recouvert par la queue large et velue, ce qui lui donne l'apparence d'une boule tronquée un peu en arrière. Quand cet animal n’est pas effrayé et qu'il se trouve sur le sol, il lui arrive souvent de se dresser; alors les pattes de devant sont pendantes, et la queue sert de point d'appui; Ja tête tourne dans tous les sens, et les reins paraissent courbés en demi-cerele. L'Ornithorhynque, qui, par sa structure informe, paraîtrait ne posséder aucune intelligence, est cependant susceptible de recevoir une certaine éducation. Plusieurs individus, que M. J. Verreaux avait acquis vivants, étaient devenus tellement familiers, que, la nuit, l’un d’eux cherchait parfois un asile jusque dans son lit lorsqu'il pouvait y grimper en s’adossant au mur. En domesticité, il mange volontiers du riz crevé, mélangé de jaune d'œuf, et semble même préférer cette nourriture aux Insectes ou aux larves qu’on met à sa portée; il mange surtout la nuit. Malgré la grande différence qui existe dans la plupart des Ornithorbynques, il paraît, d’après M. J. Verreaux, qu'il n’y a qu'une seule et même espèce en Tasmanie; le même zoologiste s’est as- suré que des spéculateurs les dénaturaient en les peignant de différentes manières, et en extrayaient les longs poils du corps, afin d'en fabriquer trois ou quatre espèces différentes pour tromper les acheteurs. Quant aux jeunes, les poils sont toujours plus longs, plus soyeux et plus clairs de ton, tandis que chez les adultes ils varient suivant les saisons. La seule espèce bien authentique est : ORNITHORHYNQUE PARADOXAL. ORNITHORHYNCHUS PARADOXUS. Blumenbach. CARAGTÈRES SPÉCIFIQUES. — Entièrement couvert de poils courts, très-serrés, lisses, de deux sortes : les intérieurs très-fins, ardoisés, d’un gris clair; les autres, ou extérieurs, plus longs, d’une couleur générale d’un brun roussâtre en dessus et blanc argenté en dessous. Longueur totale, envi- ron 0,35. (Voyez Atlas, pl. XLNIIT, fig. 1 et 2.) Cette espèce a reçu de Shaw le nom de Platypus anatinus; mais le nom d'Ornithorhynchus pa- radoæus de Blumenbach ayant l’antériorité, a dû être préféré. Le système de coloration de cet ani- mal varie assez notablement suivant les individus et peut-être même suivant les saisons auxquelles on les observe; ce qui fait que l'on à formé quelquefois avec de simples variétés des espèces nominales qui ont reçu les dénominations d'Ornithorhynchus rufus et fuscus, Péron et Lesueur; crispus et brevirostris, Macgillivray. î L'Ornithorhynque paradoxal habite la Tasmanie et la Nouvelle-Hollande; on le trouve sur le bord des rivières et des marécages des environs de Port-Jackson, et particulièrement auprès de la rivière du Népeau; on l'a aussi signalé au delà des montagnes Bleues, au bord des rivières de Campbell et de Maquarie; mais il est possible que les individus de ces dernières localités, que l'on dit plus grands que ceux du Port-Jackson, constituent une espèce distinete. Qme GENRE. — ÉCHIDNÉ. ECHIDNA. G. Cuvier, 4797. Ey1dvz, vipère. Tableaux élémentaires des Animaux. CARACTÈRES GÉNÉRIQUES. Pas de dents ni de corps csseuæ, infibreux, implantés sur les gencives. Corps raccourci, arrondi, bas sur jambes; tête petite, conique, terminée par un museau très-pro- longé, cylindrique, au bout duquel sont de très-petites nurines et la bouche, qui a très-peu d'ou- 356 Ce HISTOIRE NATURELLE. verture; yeux très-pelèts, placés sur les côtés de la tête; oreilles cæternes nulles; lançgue très-longue, extensible, un peu aplatie, ayant à la base des papilles molles, coniques, disposées en quinconce et dirigées en arrière; palais pourvu de semblables papilles. Pattes courtes, à cinq doigts; la main étant large et pourvue de cinq ongles très-longs, épais, peu courbés, coupés carrément à leur extrémité : le plus grand étant celui du milieu; piet de der- rière ayant l'ongle interne le plus petit, arrondi et dirigé en avant; le second très-fort, canaliculé en dessus et recourbé en arrière et en dedans; le troisième ct le quatrième de même forme, mas plus petits; le cinquième, le moindre de tous, arrondi comme le premier. Un ergot corné, mobile, creux et percé à sa pointe d'un petit trou, silué au côté interne et posté- rieur du pied dans les mâles au moins, et paraissant situé sur une glande qui sécrète une matière âcre destinée à sortir par l'ouverture de la pointe de cet ongle acéré. Queue très-courte, conique. De fortes épines sur le corps, tantôt seules, tantôt entremêlées de poils fins. Fig. 76. — Tête de l'Echidné épineux. Shaw, le premier, décrivit l'Échidné, et il en fit une espèce de Fourmilier sous la dénomination de Myrmecophaga aculeata; Éverard Home montra la grande analogie de cet animal avec l'Orni- thorhynque paradoxal, et il l’indiqua comme une seconde espèce d'Ornithorkhynchus; G. Cuvier, le premier, le désigna comme devant former un genre particulier qu'il nomma Echidna, dénomination qui est généralement adoptée, quoique Illiger (Prodromus systematicus Mammalium et Avium, 1811) ait proposé de la changer en celle de T'achyglossus (rayue, prompte; 654, langue). Les Échidnés sont totalement dépourvus de dents comme les Fourmiliers; leur langue est très-lon- gue, filiforme; leur museau allongé en bec, et la bouche très-étroit-ment ouverte et entourée de lè- vres cornées ; ils vivent dans les endroits sablonneux, fouissent la terre à l’aide de leurs pattes ro- bustes et armées d'ongles puissants, et présentent, outre les poils dont leur corps est recouvert, un nombre plus ou moins considérable de piquants bien plus durs que ceux que l’on voit chez les Porcs- Epics du groupe des Ursons; leur corps est ramassé, bas sur pattes, et leur queue courte. L'organisation de ces animaux a été étudiée par un assez grand nombre d’anatomistes, et nous devons surtout citer les travaux d'Éverard Home, de G. Cuvier, de De Blainville, du docteur Laurent et d'Eydoux, ete. Le squelette présente plusieurs particularités qui doiveut être notées. La tête est allongée et le crâne très-étroit; mais le volume apparent de celui ci est considérablement augmenté par l’ossification des voûtes temporales ou plutôt de l’aponévrose des muscles crotaphytes, et ce fait est un nouveau point de ressemblance entre les Echidnés et certains Reptiles. Contrairement à ce que nous offrent les autres Mammifères, la surface externe de l’omoplate est concave, et la partie ar- ticulaire du même os, au lieu d’être terminée par une seule facette, se renfle de manière à en fournir trois, séparées entre elles par des arêtes : la première de ces pièces, en forme de T, peut être comparée-à la fourchette des Oiseaux, et l’une de ses subdivisions représente les clavicules. L’hu- mérus, comme dans l'Ornithorhynque, et pour le même motif, a beaucoup d’analogie avec celui de la Taupe: il en est à peu près de même de l’avant-bras et des pattes: les ongles sont très-grands et émoussés, et ils emboitent la phalange presque jusqu'à sa tête articulaire. Aux membres postérieurs il existe à la partie antérieure du pubis de véritables os marsupiaux très-grands, occupant presque tout le bord antérieur du bassin, analogues à ceux des Didelphes, et le tarse, à peu près disposé MONOTRÈMES. 357 comme celui des autres Mammifères, présente deux os surnuméraires, dont l’un est articulé avec l'astragale, et porte, chez les mâles au moins, l’'éperon cornu qui se trouve à cette partie; l’autre est situé entre l’astragale et le seuphoïde; les doigts sont, comme aux membres de devant, au nombre de cinq, et leurs ongles sont également très-puissants. Il y a quinze paires de côtes et par consé- quent quinze vertèbres dorsales; les vertèbres lombaires sont au nombre de trois, et les cervicales au nombre de sept comme dans la très-grande majorité des cas chez les Mammifères. Les mâchoires sont privées de dents à toutes les époques de la vie, et le palais est hérissé de lames cornées beau- coup plus dures que chez les Oiseaux. Les organes génitaux, ainsi que le mode de reproduction, sont des plus remarquables, et très-analogues à ce qui a lieu dans les Ornithorhynques. L'estomac est très-ample, ovoïde, à parois amincies près du pylore; le canal intestinal est sept fois plus long que le corps; il y a un cœcum très-petit. On ignore presque complétement les mœurs de l'Échidné à l’état sauvage; on sait seulement qu'il a la faculté de se creuser avec une grande facilité de longs terriers, et qu’il peut se rouler en boule comme les Hérissons; on sait aussi que pendant la sécheresse il se tient caché dans sa retraite, qu'il ne se place pas au bord de l’eau comme le fait l'Ornithorhynque, et qu'il n’en sort que lors des temps humides; enfin on sait qu'il vit d'Insectes, qu'il saisit, comme le font les Fourmiliers, à l’aide de sa langue allongée, extensible et visqueuse. Ses mœurs, en captivité, ont été mieux étudiées; car pres- que tous les naturalistes des expéditions modernes, et en particulier, en France, ceux de l'Astrolabe, de la Coquille et de la Favorite, ont pu se procurer des Échidnés vivants et-les conserver à bord pendant quelque temps: mais tous les ont perdus avant de revenir en Europe; toutefois, dans ces derniers temps, on a pu en apporter en Angleterre, de même que l'Ornithorhynque, qui y a été amené plus souvent. L'individu que MM. Quoy et Gaimard ont observé ne prit pas de nourriture pendant le premier mois de sa captivité; aussi maigrit-il sensiblement sans paraître en souffrir; c'était un ani- mal apathique, stupide, recherchant l'obscurité, qui se cachait constamment au grand jour; il se ramassait en portant la tête entre les pattes, mais sans pouvoir se rouler tout à fait en boule comme le Hérisson, et il présentait ainsi de toutes parts une masse de piquants à ses ennemis. Malgré le peu de mouvement que paraissait se donner cet Échidné, il semblait cependant aimer la liberté, car il faisait toujours des efforts pour sortir de la cage dans laquelle il était renfermé; il fouissait avec une rapidité vraiment étonnante quand on le mettait sur une grande caisse pleine de terre qui conte- nait des plantes; en moins de deux minutes, il parvenait au fond de la caisse; son museau, quoique d'une sensibilité très-vive, aide, dans ce travail, ses pieds, qui sont très-robustes. Après un mois d'abstinence, il se mit d’abord à lécher, puis à manger un mélange liquide d'eau, de farine et de sucre, dont il consommait à peu près un demi-verre par jour; il mourut après avoir été lavé trop fortement. Fortuné Eydoux à également observé un Échidné vivant que M. Scott, de qui il le tenait, possédait depuis environ deux mois, et qu'il conservait dans une grande cage qui contenait une cou- che de terre. Cet Échidné passait une grande partie de son temps dans une espèce d'engourdisse- ment, blotti et enroulé à la manière des Hérissons. Lorsqu'il se promenait dans sou étroit réduit, il grattait fortement la terre avec ses deux pattes de devant, et paraissait éprouver un vif sentiment de plaisir dans cet exercice; mais il s’en dégoûtait bientôt, sans doute parce que le peu de profondeur de la terre sur laquelle il opérait ne satisfaisait pas son goût impatient de creuser un terrier conve- nable. En l'inquiétant avec une baguette, on lui faisait jeter un eri faible qui tenait beaucoup du grognement. Cependant il se laissait caresser avec complaisance, et manifestæit mème une sorte de plaisir. Lorsqu'on lui présentait quelque objet, son premier mouvement était de se retirer, puis il avançait un long museau, paraissant flairer et chercher à reconnaître ce corps en le touchant avee l'extrémité de son nez. qui est molle et flexible, et doit jouer le rôle d’un organe du toucher. On le nourrissait avec du bouillon de gélatine, auquel on ajoutait du hachis très-fin de viande, et quel- quefois des Insectes vivants, tels que des Blattes et des Scolopendres, que l'on trouve parfois abon- damment dans les navires. La seule espèce admise aujourd'hui dans ce genre est : ÉCHIDNÉ ÉPINEUX. ECHIDNA HYSTRIX. G. Cuvicr. Caracrènes sréciriques. — Corps couvert, en dessus, de fortes épines coniques, longues de 0",05 558 HISTOIRE NATURELLE. — MONOTRÈMES. à 07,4, d'un blanc sale dans la plus grande partie de leur longueur, noires à l'extrémité, toutes di- rigées en arrière, à l’exception de celles de la queue, qui sont très-courtes et relevées perpendicu- laivement; dessous du corps parsemé de quelques poils roides, plus longs sur les côtés que sous le ventre; dessous de la tête revêtu de poils courts et rudes; quelques petits poils de couleur roussâtre à la base des grands piquants du dos, et visibles seulement quand on écarte ceux-ci; ongles très- grands, noirs. Longueur totale environ 0",35. (Voyez Atlas, pl. XLVHT, fig. 5.) On réunit généralement aujourd’hui à cette espèce l'Echidna setosa de G. Guvier, ou Alter Orni- thorhynchus hystrix A'Everard Home; en effet, il paraît démontré que ce dernier n’est que le jeune àäge de celui que nous avons décrit; dans l'E. selosa, le corps est couvert de poils longs, doux, soyeux, et les piquants sont rares et disséminés sur diverses parties du corps : avec l'âge, le nom- bre des piquants augmente considérablement, et c’est lorsque ces armes sont développées à leur maxi- mum que l'animal prend la dénomination d'E. hystrix. Lesson, qui, dans son dernier ouvrage, indique ces deux animaux comme formant des espèces distinctes, les réunissait dans une publica- tion précédente, et leur assignait la dénomination d'E. Australiensis. C’est principalement en Tasmanie que l'on rencontre le plus habituellement cet animal; mais on en a aussi constaté la présence dans diverses parties de l’Australasie. On dit que les sauvages des îles du détroit de Bass se font des casques avec les dépouilles de cet animal. Fig. 77. — Peramèle nasuta. — Voir p. 350. TABLE DES MATIÈRES. Acrobate. Acrobata. . . . « + » + » Acrotherulum. . . . . . . Ægocère. Ægocerus. . . . . « » « AUADIS PA AMIE 0 2 fe Meet Addax: Addaæ. . . .,: =: «be AAC BUSS A co = aleile els Amblotys. Amblotys. . . . . . . < . Amphigone. Amphigonum.. . . . « « Amplithère. Amphitherium. . . . . . Acrothérule, Anchithère. Anchitherium.. . . . . AUBIN TRS el sen Ue «sde Anisodon Anisodon.. . . . . + « ANoriorTuémibés. Anoplotheridæ. . . . Anoplothère. Anoplotherium. . . . . Anlechine. Antechinus. . . . . a aus Antilope. Antilope…. ANTILOmIDÉS. Antilopidæ.. . . . . ANTiLoriens. Antilopii. . . . « . . Anthracothère. Anthracotherium.. . . ADS PATES ee en Den = lee es Balantie. Balantia.. . . . . . . . Baleine. Balæna. BaLÉINIDÉS. Balænidæ. . . . . . . . Biléinoptère. Balænoptera. . . , . . BEdéMBERAEUS AU TU: CU BelUC A BE TIQR 2. lee eh ie Bérardie. Berardius. . : . . . . - BISOR = BASON TE Le 5 le 2x ou a cel ete Bisulques. Bisulca.. . . . . « . . . . Bœuf. Bos.. . . RTS à BORNE Le ML 2 Le Bradype. Bradypus. . . . . . . . . Bradypodes. Dons ADO EN Bubale: Bubalus. … . .… . . . . ... Balle Bubalus. 50e Gachalot. Physeter.… . . - . . .:. . Cainothère. Cainotherium. . . . . Camécinés. Camelidæ.. . . . . . CAMÉLOPARDALIDÉS. Camelopardalidæ. . Catoblepas. Catoblepas. . . . . . . Ceonyæ. Ceonyæ . . . OEM EE Céphalophe. Crnhilous ue. Tige Cerf. Cervus. Cérophore. Cerophorus. . . . . . . . Cervichèvre Cervicapra.. . . . . . . GERVIDÉS. Cérvidæ. 0... . 7 Cerviquus. Cerviquus.. . . . . . . CÉTACÉS. CÉTACÉS HE RBIVORES. Sirefia. ae CÉTACES PROPREMENT DITS. Cet. Chærope. Chæropus. . . . . . . . . Chalicothère. Chalicotherium. . . Chameau. Camelus, . . . . , . 530 53 72 Gheval Rquus se. nee Ghèvre-(Capra. 1er Chevrotain. Tragw/us. . . à: . : . Chironecte. Chironecles.. . . . ... Ghlamyphore. Cklamyphorus. Chonéziphie. Choneziphius. . Coryphodon. GOUsCOUS- CUSCUS 0. NE Dane Das eo 2 à eMIdie Daman HyTACN.0 0 enr 2e Dasyronnés. Dasypodidæ., . . . . . Dasype. Dasypus. . . . . . . 1. Dasyure. Dasyurus. . . . . . . . Dasvuribés. Dasyuridæ. . . . . . . Dauphin. Delphinus. . . « . . . . Delphinaptère. Delphinaptera. . . . Delphinorhynque. Delphinorhynchus. . Decrnnusinés. Delphinusidæ.. . . . Dermipe. Dermipus. . . . . . . . Dichobune. Dichobune, . . « , . . Dicranocerus. Dicranocerus. . . . . Dicrocère. Dicrocerus. , . . . . . Didactyle. Didactylus . - . . . . Didactyles. Dichiles.…. . . We. Didelphe. Didelphis. . . . . . . . Dinerpuinés. Didelphidæ. … . DorcasADOncas. la cite Ariel 0h Dromicie. Dromicia. . . . . . . . Dugong. Halicore. . . . . . . . Échidné. ÉCRAN EE DEC Echymipère. Echymipera. . . . . ÉDENTÉS Edentati. . . . . . Élan. Alces.. . . . BU eme rhore Len oDierurn PRE TS ÉqQuinés. EQUiA ES eveiredee Fourmilier. Myrmecophaga.. Gazelle. Gazella.. . . . . . . . . Girafe. Camelopardalis. . . . . . . Globicéphale. Globicephalus.. . . Glyptodon. Glyptodon. . . . . . . Grampus. Grampus. , , . . . Gravigrades. Gravigrada. . . Grimmie. Grimmia. . . . . . . - Halithère. Halitherium. . . . . . Halmature. Halmaturus. . . . : arpagmothère. Harpagmotherium . . Hemiure. Hemiurus. . . . . . . . Hétérothère. Heterotherium . . . . Hétérodon. Heterodon. . . . . . « Hétérope. Heteropus. . She Hipparion. Hipparion. . . . . . Hipporithère. Hipporitherium. . Iippothère. Hippotherium. . Coryphodon. . . . .- 289 546 60 20 60 A 360 Hyénodon. Hyenodon . . . , - Hypsiprymne. Hypsiprymnus. . . Iypéroodon. Hyperoodon.. . . . Hyppohyus. Hyppohyus . Hyopotame Hyopolamus. . . Hyracivés. Hyracidæ.. . , et TON CV OMS ME Isoodon. Isoodon. Kanguroo. Macropus.. . . . . . Koala. Phoscolarctos.. . . . . . Lama. Anchenia. PASS Lamantin. Manatus. . . . . Lipure. LApUrUS UN Lépithère. Lepitherium. . . . Lophiothère. Lophiotherium.. . . EycaonLYCAON.. NN Lystriodon. Lystriodon.. . . . . Macroponinés. Macropodidæ. … . Macrothère. Macrotherium. . . Maldentés. Maledentatæ. . . . Mamoés. Manidæ. . . . . . . . Marsouin. Phocæna. . . . . . . MARSUPIAUX. EE Mégalonyx. Megalonyæ.. . . . Mégathère. Megatherium. . . . . Mécaruérinés. Megatheridæ. . . . Mérycopotame. Merycopotamus. Méricothère. Merycotherium. Mésodiodon. Mesodiodon. : . . . Micoure. Micoureus. . . . . . Monochiles. Monochiles.. . . . . Monodactyles. Monodactyles.. . . Monodon. Monodon. . MONOTRÈMES. . . . . ... Moscupés. Mosthidæ., . . . . . Montqn\Ovis. 1.0. Muntjac. Cervulus. 5"... Muse. Moschus. . . . . . . Mylodon. Mylodon. . Myrmécobie. Myrmecobius . Myrmécophage. Myrmecophaga. Mynuécopnacinés. Myrmecophagidæ. . Nasors Nage ee et Narval. Monodon. Neue Ongulogrades. Ongulogr Adi Ornithodelphes. Ornithodelphes.. Ornithorhynque. Ornithorhynchus. Oryctérope. Orycteropus. . . . . Oryeréroponmés. Orycteropodideæ. ONYXAOTYDAE ONCE MU OMbos NO bor es Re Oviexs. Ovi. 3 Oryctère. Orycterus. . PACHYDERMES PARLE mi... Pazæornémpés. Palæotheridæ. . Palæothère. Palæotherium Paloplothère. Paloplotherium. . Pangolin. Manis, YO Paresseux. Bradype. + . . + . Pécora. Pecora.. . . Peracyon. Peracyon. . . . . . . Péramèle. Perameles. . . . PénRanÉLiIDÉS. Peramelidæ. . Peramys. Peramys.. . . . , . Pétauriste, Petaurus,. . , . . . HISTOIRE NATURELLE. 323 54 289 55 56 135 288 331 545 534 79 265 534 231 51 223 51 341 929% 913 249 2N6 511 294 295 293 3o 79 292 317 36 56 293 549 84 164 131 87 296 327 243 243 146 205 ôü! 549 5ol 240 958 142 179 152 285 1 17 17 20 252 217 61 523 550 528 517 55 Pétrogb PELTAQUIE REV Ne - Phalanger. Phalangista. . . . . PuaLANGIDÉS. Phalangidæ. . . . . . . Phalagin. Phataginus. . . . . . . . Phascogale. Phascogale.. . . . . Phascolaretos. Phascolarctos. . . . . Phascolome, Phascolomys.. . . . : PuascoLonypés. Phascolomydæ.. . . , . Phascolothère. Phascolotherium. . . . . Duyserémnés. Physeteridæ, . . . . . . Phaurste D'or RSS EE ee PlatypePlatypus. "2. Sn. Potoroo. Hypsiprymnus . . . . . . . . Priodonte. Priodontus. . . . . . . . . Propalothère. Propalotherium.. . . , . Pseudocheire. Pseudochirus . . . . . Renne- Rangifer. RarnocémDés. Rhinoceridæ. . Rhinocéros. Rhinoceros.. . . . . . . . Risia. Risia. . . SE HT, 0 RUMINANTS. Fan Te GT oO Rupicapra. Rupicapra. . . Rusa. Rusa.. . . ME TE CC Sarcophile. Bee M 45 ME ao DITS PP DITEn ES. PNR. CRUE Scélidothère. Scelidotherium, . . . . . Setonyx. Setonyx. . . . rod Siderotherium. Sen Tac 0 Sipulus. Sipulus. É Sivathère. Sivatherium. . . . . . . Solhidungula. Solidungula.. . . . . SOLIPÈDES. Sohpedes: . . . . . . + . Sousous. Planisiæ..… +. à à: . à : .. Sphænodon. Sphænodon. . . . . . . SPUIGÉL, SDINIQETG. een … © + ee SLeNeTE RUN NTeneeun Stéréocéros. Stereoceros. . . . . , . . Stylocéros. Styloceros. . . , . . . . . Syrenia. Syrenia . . ED at te tne Tachyglosse. Tachyglessus: bob ec Tamandua. Tamandua.. . . . . , . . Tamanoir. Myrmecophaga. . . . . . . Tapir. Tapirus. . AIT RENTE MAPTRIDÉS TAPIE de ee LU Tapirothère. Tapirotherium.. . : . , . Tapirule. Tapirulus M TÜpoU-eTAPOR SE EP NENSR EE CT Marandus. Tarandus. Tardigrades. Tardigrades.. . , . « . Tarsipède. Tarsipes. +. : à: : . Tansivéninés. Tarsipedidæ.… . Tatou. Dasypus.. Matusie LTuiusir. RO SU RUN Tétracère. Tetracerus. . . . . . Trichusure. Trichusurus. . . . . Thylacine. Thylacinus. . . . : Tylacothère. Thylacotherium. Toxodon. Toæodon. . . . . + Eau CHOEUR NEC ES Wombat. Wombatus.. , . . . . . Xiphodon. Xiphodon. . Xenorhède. Xenorhedus. Yack. Yack.…. MISE TÉDUS- ZE bus NE NE PROC CN IPB ZA AUS TS NOTE RCE 526 107 216 352 352 251 953 149 558 522 520 958 291 548 54 445 191 199 295 ATEN Lente) à + = Dh (Pen enge re LE ANT L rue rphripnes te À # phéretY A de CARPE ELITE Et } pe TPE ANT. : À Le bete un Re es ‘4 Pau unes 2 CIPETA sobre 1277 DNRUNPER je Font 1 — CRD Heures ne 4! ds + mare NL di \Lnhf : is | ne MP EURE LT tp GNT ET ON pe hr dite pr + 9 MERE A ' V2 ge ré be D Frais f} Fe 14 Lit pa + de où Sins pre tet # 4 4 1 # pp 109 Corel il hr es $ ni Law 1 var ; nt api de Che , 2e x DEN 2e BSE TENTE MAT \ BCP RUR à une 1# AN NT AE \ re eur Ath Hire] l'AS vp : ne Jeu Né) Fm Ü n OH et d DNS , «h gris FA TLER PA ITIPEN CITÉRLESS À VA A tort 1 ee QUAUN He + ALT si ! 41 re DA sit 4: t 8) Lire ref) de et te n ue À g | ne tp rLare = API Ve Mar thé A À ALTER vi } # ; Ci Ve LEE APE e on Eau As ER Het ARTE “rs SAN 14 LH De Sels NAT AE a à re Fe gs 1 C0 Le, | NF Lt rer ngte à bed er Caen LAN EU \ ea ss nr “s er ver NAPCMES ELLE | A: qui: 4 Li LA né en 0 rydh pass % Cire VAE 04 re pevrih HIEUTE CRT sfr ae , Ven fre: Lace Lab ours AU 5 QTS PATES sgh le ae 2, JL \ pu don 9 ps he 8 je re dt Dee ee DE) "1 rép had à pu) ie tele Lys perd Le nb ip a aa DE ve vd ce 2 taie _ pote SM ler LOU his bre Air den HRAREET, et EU … Te CAR I12721 DEL CR PRET # 1 PA a pi 1 CE N k on ne sn M RME CEA VE var LD rate ed rm ik Den k MARTEL ec mesh rhainens : à + 1 AE er 6e Pier dE GA bete 107 de N nue eg pied à Ca de bé sa ar et per EL DS 1 r ne” nr - vi ue m7 Ah à « 4 FA RL LES A En 0 ee 4 V eu di PTE # ùr eee LA 27 ef. gi 2 CE Mon Du à LR has 12 392 CRE LORS Me he À à 746 die ES 9 PRET ELITE Amar À CORNE EC T D Ah nie 84 . 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