'fv-'i ■’ ■*Zr. •» a -« ENCYCLOPEDIE D’HISTOIRE NATURELLE TYP0GR.4PHIE FIRMIN-DIDOT. MESNIL (EURE). \ Yack. (Male, I'eme le eljeunc.) Z-B. ENCYCLOPEDIE D’HISTOIRE NAT URELLE TRAITE COMPLET DE CETTE SCIENCE d’apr6s LES TRAVAUX DES NATURALISTES LES PLUS EMINENTS DE TOUS LES PAYS ET DE TOUTES LES EPOQUES BUFFON , DAUBENTON , LACLEDE, G. CUVIER, F. CUVIER, GEOFFROY SAINT-HILAIRE , LATREILLE , OE JUSSIEU, BRONGNIART, etc., etc- Ouvrage resumant les Observations des Auteurs ancieus et comprenant toutes les Decouvertes moderues jusqu’a nos jours PAR LE BR CIIENU CIIIRURGIKN-MAJOR A L’HoPITAL MI LITA1RE DU YAL-DE-GRACE, PROFESSEUR D’HISTOIRE NATURELLE, ETC. PACHYDERMES, RUMINANTS, K RENTES CETAGES MARSUPIAUX et MONOTREMES Avcc la collaboration de M. I£. BtKST. pr6parateur d’Auatomie compar6e au Museum LIBRAIRIE DE FI RMIN-D IDOT ET C"5 IMPRJMEURS DE I.’lNSTITUT, RUE JACOB, 56 1879 Nousterminons l’etude des Mammiferes, et nous croyons que, dans les cinq volumes que nous avons consacres a cette classe importante, nous avons donne l’histoire la plus complete et la plus consciencieuse que Ton ait publiee jusqu’ici en France de ces animaux, que nous avons fait connaitre et par nos descriptions et par nos nombreuses figures. Dans ce volume, nous completons la description de l’ordre des PA- GHYDERMES par l’etude des sous-ordres des Pachydermes ordinaires (famille des Rhinocerides, Hyracides, Paloeotherides , Tapirides et Anoplotherides), et des I^quides (genre Cheval)\ nous etudions les ordres des RUMINANTS (famille des Camelides, Moschides, Camelo- pardalides, Cervides, Antilopides; ■— cette derniere famille divisee en Antilopiens, Oviens et Boviens), des I^DENTES (famille des Brady- podes, Megatherides, Dasypodides, Orycteropodides, Myrmecophagi- des et Manides), et des CETACES; — ce dernier ordre partage en Cetaces ordinaires (genres Lamantin, Halitherium , Dugong et Stellere ), et Ce¬ taces ordinaires (famille des Delphinusides, Physeterides et Baleinides), et nous faisons connaitre les deux sous-classes si curieuses des MARSU- PJAUX (famille des Didelphides, Dasyurides, Perameeides, Tarsipedi- \ des, Phalangides, MaCropodes et Phascolomydes), et des MOjNOTRE- MES, comprenant les deux genres Ornithorhynque et Echidne. Comrne dans les volumes precedents nous indiquons non-seulement lesanimaux actuellement vivants, mais encore ceux que Ton ne retrouve plus qu’a l’etat fossile, nous nous etendons principalement sur les Mam- miferes les plus utiles a l’homme, comme employes dans 1’agriculture ou dans les arts, et c’est pour cela que nous avons consacre dc nomb reuses pages aux genres Cheval, Chevre, Mouton, Boeuf, Baleine, etc. Toutes les planches, aussi bien celles inserees dans le texte que celles tirees separement, se rapportent a des sujets traites dans ce volume, et nous avons cherche a mettre les figures en regard de la description de 1 animal. Un grand nombre de nos dessins ont ete faits d’apres nature, et plusieurs, tels que ceux representant une famille d’Yack, un combat de Nylgau, etc., n’ont pas encore ete donnes ailleurs. E. D. AVIS AU RELIEUR Les planches tirees hors texte sont au nombre de quarante-huit. Chaque planche doit etre placee en regard de la page indiquee. Pages. Pages. 58 29. Dauphin bride. — Delphinorhynque . 282 1 . 2. Tete de l’Hippopotame du Cap. — Id. de 30. Squelelte et animal de Baleinoptere Ror- 67 qual. . . 305 104 31. Lamantin. — Dugong . 265 *. Axis. — Condoma ou Condou . 125 32. Fourmilier Tamanoir. — Squelette deMega- 172 therium de Cuvier . 246 146 33. Squelette de Mylodan rohuste . 226 7. Cerf du Canada. — Buflle du Cap . 185 34. Squelette d’A'i. — Bradype a dos brule _ 217 8. iEgagre (Male, femelle etjeune.) . 160 35. Tatusie apar. — Chlamyphore tronque. . . . 233 9. Cerf roux. — Cerf cochon . 129 36. Orycterope du Cap. — Fourmilier Taman- to. Cerf du Bengale. — Elk fossile . . 130 dua . 240 11. Chevre de Falconier. — Tragelaphus Anga- 37. Pangolin de Guy. — Pangolin tridente . 249 sii (Femelle etjeune) . . . . 153 38. Dauphin plombe. — Marsouin commun _ 286 12. Bouquetin des Alpes. — Antilope Klip- 39. Beluga. — Globiceps . 288 Springer . . • ■ • 135 40. Dauphin du Gange. — Hyperoodon de 13. Chamois. — Chevrotain kanchil . 85 Sowerby . . . 291 14. Antilope tragulus. — Lama alpaca . 81 41. Sarigue de D’Azara. — Sarigue bicolore. . . 316 15. Jungly-Gau. — Boeuf brachycere . 190 42. Dasyure de Mange. — Thylacine a tete de 16. Yacks (Male, femelle etjeune).. . . Frontispice. Chien . . . . 322 17. Chasse du Renne. . . . . . 108 43. Kangaroo geant. — Hypsibrymne murin. — 18 Biche et son Faon. — Bicheen mue . 122 Tete de Kanguroo geant . 343 19. Cerf semblable. — Antilope Anu . 112 44. Phalanger Renard. — Tete de Phalanger Re- 20. Combat de deux Nylgau'males . 151 nard. — Phalanger de Kook . 337 21. Antilope Kevel. — Antilope Combstan. .... 140 45. Phascogale a pieds jaunes. - — Peramele a 22. Antilope Addax. — Antilope Bosbok . 145 nez pointu . . 328 23. Antilope Guib. — Antilope Chitchara . 149 46. Myrmecobie fascie. — Petaure laguanoide. . 340 24. Bouc d’Angora. — Mouflon a manchettes. . . 164 47. Phascolomys Wombat. — Tete de Koala. — 25 308 Phascolartos fauve. .............. . 348 26. Narval — Cachalot. . . 296 48. Ornithorhynque paradoxal. — Squelette 27. Inia. — Hyperoodon . . . 289 d’Ornithorhynque paradoxal. — Fchidne 28. Dauphin ordinaire. — Dauphin grampus. . . . 277 hystrix . 355 PACHYDERMES. (Suite.) DEUXIEME SOUS - ORDRE. PACHYDERMES ORDINAIRES. (Suite.) Parmi les Pachydermes de grande taille, on reniarque un groupe particulier qui se distingue par un caractere tout special, et que Ton ne retrouve chez aucun autre Mammifere, celui d’avoir une ou deux cornes sur le nez. Ce groupe constitue le genre Rhinoceros, qui tire son nom de cette particu¬ larity curieuse, et qui aujourd’hui constitue la famille que Vieq D’Azyr nommait Rhinocerati; Gray, Rhinocerina; Harlan, Rhinoceroides ; M. Ch. Bonaparte, Rhinoccrontina, et que nous designons, d’apres M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire, sous les denominations de RiuNOCEiunEEs, Rhinoceridce. Cette famille renferme des espSces vivantes et des especes fossiles : les premieres, qui ne forment p. 1 DEUXIEME FAMILLE. RHINOCERIDEES. RHINOCERIDJE. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire. 2 HISTOIRE NATURELLE. que le genre Rhinoceros, sont peu nonibreuses et particulieres a l’Afrique et au continent indien, ainsi qu’a ses grandes lies; les secondes, beaucoup plus considerables en nombre, comprennent pour les paleontologistes, outre les Rhinoceros proprement dits, plusieurs groupes particuliers, tels que ceux des Acerotherium, Kaup; Slereocerus, Duvernoy, etc., et se trouvent dans les terrains ter- tiaires miocenes, pliocenes, diluviens, ainsi que dans les cavernes, surtout sur divers points de l’Europe et egalement. dans les grands depots des sous-Himalayas, ainsi que, comme on l’a constate recemment, en Amerique. Pour nous, nous reunirons toutes les especes vivantes et fossiles dans le seul genre Rhinoceros, et nous nous bornerons a indiquer les autres subdivisions plus recentes. GENRE UNIQUE. — RHINOCEROS. RHINOCEROS. Linne, 1735. Pcv, nez; xEpa;, corne. Systems natur®. CARACTERES GENERIQUES. Sysl'eme dentaire : incisives, i, f ou \\ molaires, en totalite vingt-six, vingt-huit, trentc- deux ou trenle-six denis. Incisives tronquees au bout, inegales en grosseur, quoique assez deve- loppees ; molaires superieures formant une ligne continue, un peu convexe en dehors el un peu con¬ cave en dedans : la premiere plus petite que les autres, presque triangulaire ; les cinq suivantes semblables enlre dies pour la forme, mais augmentant progressivement de grosseur, a couronne quadrangulaire, a bord exlerne tranchanl, en forme de colline longitudinale leg'erement festonnee, sur laquelle aboulissent deux collines a peu pres transver sales, tranchanles dans le jeune age el separees par une vallee profonde; la septi'eme presque triangulaire, a colline transverse poste- rieure paraissant continuer le bord externe : inferieures plus etroites que les superieures; la pre¬ miere tr'es-pclite, a coupe quadrilatere; la seconde de meme forme, mais plus grosse; les quatre suivantes grossissant progressivement et offrant sur leur coupe deux croissants a. la suite I’un de l’ autre, agant leur convexite en dehors, et la derniere trois croissants : ces croissants etant plus ou moins obliques et agant quelquefois l' apparence de collines transverses. Tete tres-forte, assez courle, a chanfrein concave et a occiput releve. Yeux petits, places lale- ralement et superieurement . Oreilles allongees, etroites, en cornet, situees tres-liant. Une corne ou deux comes plus ou moins longues, placees I'une a la suite de l' autre sur le nez, attachees aux os propres du nez, qui sont tres-epais et dilates en voiile. Pieds epais, tons termines par trois sabots situes anterieurement. Queue assez courte, ronde a la base, comprimee lateralement vers I’extremite. Deux mamclles inguinales. Peau cxcessivcment epaisse, seche, rugueuse, a peu pres nue, formant dans quelques especes de gros replis persistants stir le cou, sur les epaules, sur la croupe et sur le haul desjambes. Forme lourde, massive. Taille tres-grande. Force considerable. II parait probable, d’apres Scheuchzer et Michaelis, que le Reem, dont il est question au neuvieme verset du vingt-neuvieme ebapitre du livre de Job et dans plusieurs autres passages de la Rible, etait le Rhinoceros; mais on peut assurer positivement que tons les auteurs grecs, avant la eonquete de la Greee par les Romains, etque meme Aristote, n’en parlent pas dans leurs ouvrages. Les premieres notions que nous ayons sur le Rhinoceros se trouvent dans Strabon, qui cite, cependant, pour en avoir parle avant lui, comme d’un animal peu inferieur a l’Elephant par la taille, Artemidore. Pompee, le premier, en fit voir un dans les jeux qu’il donna pour l’inauguration de son tbefitre, et e’est pro- bablement d’apres cet animal que Pline en donne une description. jElien semble n'avoir parle que du Rhinoceros a une corne, et selon lui il paraitrait en avoir vu assez frequemment dans les jeux du cirque donnes a Rome : Martial et Pausanias, de leur cote, citent le Rhinoceros bicorne comme ayant ete expose dans le cirque sous Domitien, qui le fit aussi representer sur un grand nombre de PACHYDERM ES. 3 medailles. Depuis, les empereurs Antonin, Commode, Caracalla, Gordien, Ileliogabale, Ueraclius, c’.c., en montr&renl un assez grand nombre, qui presque tous provcnaient d'Afriqne Le meme animal est figure dans la fameuse mosaique de Palestrine. Chez les modernes, c’est, au conlraire, de 1 hide que- sont venus tous les Rhinoceros qui ont ete vus vivants en Europe, et cela memo aujourd’hui. Le pre¬ mier individu que l’on ait vu fut envoye, en 1515, a Emmanuel, roi de Portugal, et lit p6rir le bitiment qui le transportait en Italie, comme un present fait au pape par ce roi; un second individu fut monlre en Angleterre en 1684; un troisiemc individu, jeune male, parut a Londres en 1759; une femelle fut montree en 1741 dans la meme vide; une autre femelle fut envoyee en Europe par un speeulateur hollandais, Sichterman, et servit, a son passage a Paris en 1749, de modele a la figure donnee par Buffon; un Rhinoceros m&le vecut a la menagerie de Versailles de 1770 jusqu’en 1 795, et son squeletlc estencore conserve dans la galerie d’anatomie comparee du Museum; un autre mourut en Angleterre a son arrivee des Indes, en 1800; un autre fut vu a Paris en 1814 et 1819, et depuis cette epoque les montreurs d’animaux en amenfirent plusieurs en Europe; enfin, pour completer cette liste, nous de- vons encore indiquer celui qui vecut longtemps a la menagerie de Londres, et sur lequel M. Richard Owen a publie d’interessants details anatomiques dans les Transactions of the Linnean Society of London pour 1854, et celui qui, acquis par notre Museum en 1850, y vecut jusqu’3 la fin de 1854. Un grand nombre de naluralistes et de voyageurs se sont oceupes des Rhinoceros, et sous le point de vue de la distinction des especes, et sous ceux de l’anatomie et de l’histoire des mceurs. Buffon et Daubenton n’admettaient qu’une seule espece de Rhinoceros; D. Parson, le premier, demontra qu’il devait y avoir deist especes de ce genre : Pune unicorne, de l’lnde, et 1’autre a deux cor- nes, d’Afrique; Linne indiqua ces especes sous les noms de Rhinoceros unicornis et bicornis, et Blumenbacb, sous ceux de R. Indicus et Africanus; les travaux deP. Camper, de G. Cuvier, etc., prouverent la validite de ces deux especes. Depuis cette epoque, cinq ou six especes particulieres ont ete dislinguees, ainsi que nous le dirons en donnant nos descriptions specifiques. Presque partout oil Ton a rencontre des os fossiles d’Elephants et de Mastodontes, se sont egale- ment trouves des restes de Rhinoceros, et, ce qui est digne d’etonnement, c’est de fort bonne heure que les paleontologistes s’en sont oecupes, et sans commeltre presque aucune erreur a leur sujet. N. Grew, le premier, en 1681, montra qu’une tete fossile, trouvee pres de Cantorbery, n’appartenait pas a l’Hippopotame, comme le pensait W. Sommer, mais au Rhinoceros. Hollmann, en 1751, decri- vit des ossements du meme genre provenant d’Herzberg dans le IJartz. Pallas, dix ou douze ans apr^s, publia des details sur plusieurs ossements fossiles de Rhinoceros trouves en Russie, et donna surtout l’histoire du Rhinoceros decouvert entier avec sa peau sur les bords du Willonji, affluent de la L£na. Collini, en 1782, fit c.onnaitre un crime de Rhinoceros trouve aux environs de Worms. Merc et Camper donnerent des details sur des tetes de Rhinoceros rencontrees en Allemagne et en Siberie. G. Cuvier distingua plus tard le Rhinoceros de Siberie ou R. tichorhinus de Fischer pour la tete fossile decrite par Pallas; depuis cette epoque, gr&ce aux travaux de G. Cuvier, de De Blainville, Nesti, Marcel de Serres, Cortesi, Deveze et Bouillet, Croizet et Jobert, De Christol, Kaup, Jceger, Lar tet, P. Gervais, Duvernoy, etc., pres de vingt especes fossiles, dont le nombre doit tres-probable- ment etre tres-restreint, furent proposees rien que pour l’Europe; Harlan en indiqua une espece ame- ricaine, son R. Alleglianiensis, et plus recemment on en decrivit deux especes plus authentiques; et MM. Boker et Durand, ainsi que MM. Falconer et Cunteley, en decouvrirent au moins une autre, le R. Sivalensis ou angustirictus, dans les vastes depdts fossiliferes des sous-IIimalayas. Quelques especes de Rhinoceros, pour la taille et la force, doivent prendre rang immediatement apres l’Elephant, et doivent en consequence etre rangees,, sous le point de vue de la grandeur, a la tele des Mammiferes terrestres. La tete, en general, relativement au volume du corps, est assez petite, courte, de forme triangulaire : son occiput est tr6s-eleve; le front et le chanfrein sont plats ou legerement concaves. L’ouverlure de la bouche est petite comparativement au volume de ces ani- maux, et elle est close superieurement par une levre pendante, terminee en pointe dans son milieu et douee d’une mobilite assez grande; la langue est lisse; le bout du museau, sans mufle ou partie nue ou muqueuse, est plat et comme tronque perpendiculairement au-dessus de la bouche; les na- rines sont placees sur les cotes et ressemblent assez a cedes du Cheval; les yeux, lateraux et tres- petits, a pupille ronde, sont situes 4 une distance it peu pres egale du bout du museau et des oreilles, qui ont la forme d’un cornet et sont mobiles, egalement comme cedes du Cheval; des replis d’une 4 IIISTOIRE NATURELLE peau rent epaisse, pliwou moins saillants, forment, en arriere de l’occiput, comme line sorte de col¬ lier; le cou est tres-court; le corps est assez eleve sur les jambes, si on le compare surtout A celui de l'Elephant et de 1’Ilippopotame; le ventre est assez gros dans son milieu; le garrot est an peu plus eleve que la croupe, qui est arrondie et terminee par une queue assez mince, qui ne descend pas jusqu’au talon et qui est comprimee; les jambes, moins epaisses et plus longues relativement que dans l’Elephant, ont les angles de leurs articulations plus sentis, e’est-a-dire que le genou et le ta¬ lon font plus de saillie, et les pieds sont plus courts et moins larges; les doigts, qui, dans les es¬ peces vivantes au moins, ne sont qu’au nombre de trois, nesont apparents au dehors de la peau que par leurs ongles, dont la forme est arrondie et la position presque verticale; la peau, assez semblable A celle de l’Elephant par sa nature, presente des plis plus ou moins marques dans certains endroits du corps, et particulierement derriere la tele, sur la region des epaules et sur celle de la croupe; dans l’espece ou la peau est la plus lAche, on en voit encore sous le cou et en travers du bout des membres : dans celles qui ont cette peau tres-serree, les plis des epaules et de la croupe ne sont qu’indiques sur les cotes; enfin, dans le plus petit Rhinoceros, celui des lies de la Sonde, les epaules ont deux plis assez distants 1’un de l’autre, et 1’epiderme de la peau est divise en petits comparti- ments polygonaux qui lui donnent un aspect tout particulier. L’attribut le plus remarquable des Rhi¬ noceros, et qui a valu A ces animaux le nom qu’ils portent, consiste dans la presence d’une corne solide, conique, plus ou moins grande, legerement recourbee en arriere, fixee A la peau sur une vodte rugueuse resultant de la reunion des os propres du nez au-dessus des fosses nasales, et qui est, dans une espece fossile, cousolidee par une cloison perpendiculaire A son plan. Cette corne, dont la nature n’est pas osseuse comme celle des Cerfs, est persistante comme celle des Boeufs, des Moutons, etc.; mais clle n’entoure pas une cheville osseuse; sa structure est fibreuse et parait resul- ter d’une agglutination de poils par la matiere cornee; sa longueur est plus ou moins considerable suivant les especes, et Ton en connait qui ont plus d’un metre de longueur, tandis que d’autres ne forment qu’un tubercule a peine saillant de trois centimetres. Les Rhinoceros d’Asie et des iles de la Sonde ont cette corne simple; mais, dans des especes d'Afrique et de Sumatra, on remarque une seconde corne, beaucoup plus petite et comprimee, placee en arriere de la premiere et sur le com¬ mencement des os du front. Ces animaux habitent les contrees les plus chaudes de l’ancien conti¬ nent, gcneralemcnt dans les memes lieux ou se rencontrent les Elephants. La nature des teguments qui les protegent les porte a rechercher de preference les lieux humides et ombrages, et ils airnent a se vautrer a la maniere des Hippopotames et des Cochons pour assouplir leur cuir. Leur intelli¬ gence parait fort bornAe, etleur naturel est farouche et indomptable. Ils ont pour ennemis principaux les Lions, les Tigres et autres grandes especes du genre Chat; ils se defendent avec leur corne et cherchent surtout a eventrer leurs adversaires, apres quoi ils les foulent aux pieds. Leur nourriture, purement vegetale, consiste en feuilles et en branchages, qu’ils arrachent au moyen de leur levre superieure mobile, et Ton assure aussi qu’ils labourent la terre avec leur corne pour en tirer les racines dont ils se nourrissent egalement. Ces animaux deviennent assez rares, m6me dans les pays qu’ils habitent; on en a eu rarement dans nos menageries; toutefois il y en a eu deux en France ; l’un qui a vecu, de 1770 a 1793, a la menagerie de Versailles, et qui, a l’epoque de la Revolution francaise, a ete envoye au Museum d’Histoire naturelle, et l’autre qui, acquis par le Museum en mai 1850, y est rnort tout recemment le 27 decembre 1854. L’anatomie des Rhinoceros est actuellement assez bien connue, et tout dernierement M. Richard Owen a publie un travail tres-important sur le Rhinoceros Indicus. Nous dirons quelques mots de l’organisation interne de ces animaux d’aprfes les travaux de Daubenton, G. etFr. Cuvier, Vicq D’Azyr, Ilollmann, Pallas, P. Camper, Sparmann, Merc, Blumenbach, Bell, Spix, E. Home, Meckel, Pan¬ der et D’AIton, De Blainville, et de MM. Duvernoy, Richard Owen, etc.; mais nous nous etendrons principalement sur ce qui concerne le squelette etle systeme dentaire. Le squelette du Rhinoceros de Linde, pris pour type, reproduit parfaitement, quand on le consi¬ der en general, l’animal vivant, e’est-a-dire une masse peu elegante, assez allongee dans son tronc, portee sur des membres distants, robustes, assez courts, et dont la tete, un peu plus mediocre, est attachee horizontalement A l’extremite d’un cou gros, peu courbe, mais bien distinct. Les os qui le constituent sont tons solides, denses, pesants, le tissu caverneux etant serrA, et le tissu eburne epais et tres-compact; leurs extremites articulaires sont generalement larges, tr&s-encrohtees de cartilages, PACHYDERMES. 5 et pour la plupart tres-tourment6es A leurs faces d’articulation; leur corps est h^risse d’ apophyses, de cretes tres-marquecs indiquant line tres-grande puissance musculaire. La tete, formee de quatre vertebres jointes tout A fait bout A bout, est allongee, Glargie et pyramidale en arriere par la grande elevation de la crete occipitale, se retrecissant ensuite assez fortement, puis s ensellanl dans la plus grande partie du chanfrein elargi et sans aucun retrecissement postorbitaire, pour se relever et s ar- quer ensuite vers sa terminaison nasale, qui surplombe les os maxillaires et au dela; les cavites que ces os forment sont en general assez petites ou peu etendues : la cavite cerebrale est meme tres- remarquable sous le rapport de sa petitesse comparative, quoiqu’elle paraisse encore bien plus grande qu’elle n est, & cause de 1’epaisseur de ses parois, qui sont partout creusees de sinus consi¬ derables, surtout en avant sous le front, et en arriere dans la crete occipitale, ce qui est un peu comme dans l’EIephant el le Cochon ; la cavite cr&nienne est ronde, un peu deprimee et assez forte- rnent dilatee de chaque cote; l’orbite est tres-peu considerable, et les cavites olfactives, au con- traire, sont tres-grandes, tres-allongees, quoique assez basses ; les cornets qu elles contiennent ne sont cependant pas tres-etendus; les os propres du nez sont d une grosseur et d une epaisseur dont il n’y a nul exemple dans les autres Mammiferes, et cela pour porter les cornes enormes qu’on re- marque chez ces animaux; la m&choire inferieure est assez longue, A branche montante peu elevee. Les sept vertebres cervicales constituent un cou de mediocre longueur, tres-epais et tres-robuste : 1’atlas remarquable par la dilatation et 1’arrondissement des apophyses transverses et 1’axis a apo- physe epineuse mediocrement elevee et assez arrondie. Les vertebres dorsales, au nombre de vingt, ont leurs apophyses epineuses d’abord extremement elevees, assez inelinees en arriere et renflees 1’extremite, tandis que les dernieres ont cette apophyse assez courte, large, presque verticale. Les vertebres lombaires, au nombre de trois seulement, ne different guere des dernieres dorsales que parce que leurs apophyses transverses sont considerables, Le sacrum n’est forme que de quatre ver¬ tebres assez courtes, produisant une crete epineuse, continue, peu elevee, ayant quatre paires de trous de conjugaison assez peu eloignes, et de larges auricules obliques pour l’articulation avec l’os des iles. Les vertebres coccygiennes, au nombre de vingt-deux, sont en general courtes, petites, et depourvues, a I’exception des premieres, d’apophyses un peu marquees. L’os hyo'ide est assez grand. Le sternum, en general peu etendu, n’est forme que de cinq ou six pieces; et le manubrium est assez long, obtus et presque triquetre. Les cdtes, au nombre de vingt paires, dont sept vraies et treize fausses, sont en general tres-longues, assez etroites, fortement courbees de dehors en dedans, et assez peu d’avant en arriere. Le thorax est tres-long, a peu pres cylindrique et d’une grande capa¬ city Les membres sont courts et presque egaux entre eux : aux membres anterieurs, l’omoplate est ovale, etroite, allongee, un peu courbee en arriere dans sa totalite, a crete qui n’est pas lout £ fait mediane et forte, et a cavite glenoide presque ronde. L’humerus est remarquable par sa force, sa 0 HIST01RE NATURELLE. largeur, sa brievete etla torsion de son corps, de maniere que les deux plans de ses extremites sont assez obliques l’un par rapport a l’autre. Le radius est egalement gros, epais et large, proportion- nellement meme a sa longueur, et ses deux tetes sont presque egales. Le cubitus est certainement encore plus robuste que le radius, et presque exactement triquetre dans son corps et assez regu- lieremenl arque dans son bord posterieur, tres-anguleux. Le carpe est en general assez court et forme de ses deux rangees completes : c’est-a-dire la premiere comprenant un scapbo'ide, un semi- lunaire, un pyramidal et un pisiforme; et la seconde un trapeze, un trapezo'ide, un grand os et un unciforme. II n’y a que trois metacarpiens complets, ceux de l’indicateur, du median et de l’annu- lafre, avec un rudiment de 1’auriculaire qui ne consiste qu’en un osselet tuberiforme, articule avec la facette externe de l’uneiforme, mais qui est plus complet dans une espece fossile, B. lebadciclij lus, decrite par M. Lartet : ces trois metacarpiens sont remarquables par leur peu d’epaisseur com- paree & leur largeur. Les doigts sont tres-courts, beaucoup plus meme que le metacarpe, peu epais, presque egaux, a premieres phalanges & peu pres carrees; deuxiemes plus larges que longues, et troi- siemes ou ongueales beaucoup plus larges que longues, de maniere a depasser les autres de dehors comme en dedans. Aux membres posterieurs, Los innomine est considerable, a ileon tres-dilaty, comme partage en deux ailes, it pubis assez court, triangulaire, et a iskion de meme forme, mais encore plus petit. Le bassin, se joignant au tronc sous un angle presque vertical, forme un vaste en- tonnoir peu profond, ouvert largement au detroit superieur, presque circulaire et peu serre au poste¬ rieur, par consequent assez grand. Le femur est court, assez courbe, tr&s-epais dans toute sa lon¬ gueur et surtout 4 ses deux extremites. La jambe est plus courte que la cuisse; le tibia, gros et court, est peu retreci dans son corps, et le perone est complet, assez epais, parfaitement libre, dilate presque egalement en palette peu epaisse a ses deux extremites. Le pied, en totalite, est a peine plus long que la jambe, et le tarse surtout est tres-court. L’astragale est aplati; le calcaneum large et court; le scapho'ide de forme ordinaire; les cuneiformes au nombre de trois, et le cubo'ide meritant assez bien ce nom par sa forme. Les metatarsiens, au nombre de trois, comme les metacarpiens, mais sans os rudimentaires, ressemblent assez a ceux-ci, quoique peut-etre proportionnellement un peu plus longs; il en est a peu pres de meme des phalanges. Parmi les os sesamoides, on remarque que la rotule est tres-epaisse, presque rhombo'idale. Si Ton cherche a etudier les differences osteo- logiques que presentent les diverses especes de Rhinoceros, on peut dire d’une maniere generale qu’elles ne portent ni sur l’ensemble ni sur le nombre des os, mais seulement sur certaines particu¬ larity de quelques-uns d’entre eux, et meme que ces differences, surtout apparentes dans la dispo¬ sition de la tete, sont peu importantes; aussi ne croyons-nous pas devoir nous en occuper. Sans enlrer dans des details, qui ne doivent pas trouver leur place ici, sur l’analomie interne de ces animaux, nous dirons seulement que leur estomac est simple, tres-grand; que leurs intestins sont tres-longs et le coecum tres-vaste; qu’ils manquent de vesicule du fiel, et que le gland de la verge du m£de affecte la forme d’une fleur de lis; nous ajouterons que la capacite de la boite cr&- nienne est petite relativement h l’enorme volume du corps de 1’ animal, et que consequemment le cer- veau est assez peu developpe. Le systeme dentaire des Rhinoceros est dans un certain degre d’anomalie, en ce qu’il est incom- plet par suite de l’absence des canines, ce qui produit une barre plus ou moins etendue, et parce que les incisives elles-memes sont assez variables en nombre, en grandeur et en proportion, au point de pouvoir ne plus exister a l’etat adulte, du moins pour deux especes vivantes et surtout pour le Rhinoceros bicorne; les molaires rentrent assez bien dans la regie generale par le nombre et la disposition generale, avec cette particularity que les inferieures different prodigieusement des supe- rieures, du moins dans la forme; car il n’en est pas ainsi du nombre, qui est toujours le meme, sept de cliaque cbte et a chaque mfichoire. L’odontologie de ces animaux a donne lieu a de nombreux travaux, et presente des particularity remarquables, en ce que, a l’etat adulte, les incisives peuvent exister, comme dans le B. bicornis, ou manquer completement, comme dans le R. unicorne, ou bien que le nombre peut en etre variable, et en ce que, dans le jeune age, les especes a incisives n’en presentent quelquefois pas ; nous ne pouvons entrer dans des details sur ce sujet important, et nous nous bornerons a renvoyer aux importants ouvrages de G. et Fr. Cuvier, de De Blainville, ainsi qu’a celui beaucoup plus recent qu’a public, en 1845, M. Duvernoy dans la premiere livraison du tome. VII des Archives du Museum d'Histoire nalurelle. Qu’il nous soit seulement permis de repro- PACHYDERMES. 7 duire, d’apres Pouvrage de Fr. Cuvier sur les Dents des Mammifcres, la description du svsteme dentaire du Rhinoceros de Java, qni pent etrc pris comme type des esp^ces de ce genre; mais toute- fois faisons observer que c’est A tort que Fr. Cuvier n’a pas fait mention des petites incisives exter- nes superieures et des mitoyennes inferieures, qui manquaient, par exception, dans I’individu qu’il etudiait; dans ce Mammifere, il v a une incisive et sept molaires de chaque cot6, en haut comme en has. A la mAchoire superieure, Fincisive occupe presque tout l’intermaxillaire; c’est une dent large, epaisse, obtuse. La premiere molaire est trfss-petite; la seconde, beaucoup plus grande, est un pen plus petite que la troisieme, qui Test elle-meme plus que la quatriSme; celle-ci et les deux suivantes sont de meme grandeur; et la derniere est plus petite qu’elles : ces molaires se ressemblent par la forme, qui est encore la meme que cellc des Tapirs et des Damans; elles se composent de deux col- lines reunies par une Crete A leur cot6 externe; cette crete se prolonge posterieurement, et la colline posterieure offre la pointe, en forme de crochet, que Foil retrouve aux deux collines des Damans; la derniere molaire paralt etre moins complete : elle a la forme generate d’un triangle, au lieu d’etre A peu pres carree, et semble differer des autres parce qu’elle aurait ete privee de leur portion antero- externe : on y voit encore la colline posterieure avec son crochet; mais l’anterieure ne s’apercoit plus qu’en partie. A la machoire inferieure, Fincisive est une dent conique, droite, pointue, et de la nature des defenses, c’est-a-dire qu’elle n’a pas de racine distincte. Les molaires vont en augmen- tant de grandeur de la premiere, qui est tres-petite, A la derniAre; et toutes sont composees, comme celles des Damans, de deux croissants, dontla concavite est en dedans de la mAchoire, et reunies par une de leurs extremites lorsque la dent est parvenue A un certain degre d’usure, mais separees par une echancrure avant cette epoque : la premiere de ces dents n’estque rudimentaire comparativementaux autres. Dans leur position reciproque, Fincisive superieure est en rapport, par son cote externe, avec le cote interne de Fincisive inferieure, et les molaires sont alternes. A mesure que les dents agissent, les collines transverses des molaires s’usent et offrent d’abord deux simples lignes d’email qui bor- dent un ruban osseux. Plus tard, la detrition a lieu sur la base interne des collines, qui est un peu conique; alors chaque ruban devient plus large en cet endroil qu’au point oil il se joint A la ligne de detrition du bord externe; la grande vallee intermediate diminue de plus en plus. Lorsque les dents sont encore plus usees, il ne reste que des espAces de trous de forme variable, selon le degr6 de detrition. Enlin la couronne n’offre plus qu’une surface carree de substance osseuse entouree d’c- mail. I. ESPECES VIVANTES. \ t. RHINOCEROS DES INDES. RHINOCEROS UNICORNIS. Linne. Caiucteres specifiques. — Formes grossieres et massives; tete raccourcie, triangulaire, ne por- tant qu’une corne sur le nez, et deux fortes incisives A chaque mAchoire; peau seche, dure, tres- epaisse, d’un gris fonce violAtre, avec quelques poils roides et grossiers sur les oreilles et la queue, et remarquable par des plis profonds qu’elle forme en arriere et en travers des epaules, et en avant et en travers des cuisses. Longueur totale, de 2ra,924 a 3m,249; hauteur, de lm,624 A 1",949. Cette espece est le Rhinoceros unicornis, Linne; le R. Indicus, G. Cuvier; R. unicornis, Boddaert, c’est YAbada des Indiens. Quelques auteurs ontpense que c’est uniquement cette espece qui fut plu- sieurs fois montree A Rome dans le cirque; mais De Blainville, s’appuyant sur un vers de Martial, croit que l’on y vit plutot le Rhinoceros bicorne. Ce Rhinoceros a eminemment le caractere triste, brusque, sauvage et indomptable; il vit solitaire- meivt dans les forets les plus desertes des Indes orientales, surtout au delA du Gange, et A proxi- mite des rivieres et des marais, parce que, de meme que le Sanglier, il aime A se vautrer dans la vase. Sa levre superieure, la seule partie de son corps ou il puisse avoir le sens parfait du tact, est allongee, mobile, et il s’en sert avec beaucoup d’adresse pour saisir etarracher les vegetaux dont il se nourrit. La langue est jaune et assez douce dans le jeune age; mais, lorsque l’animal vieillit, elle devient exeessivement rude, ainsi que le dessous des levres. Sa corne lui sert rarement d’arme of¬ fensive, excepte peut-etre A 1 epoque des amours, et elle lui sert m6me rarement d’arme defensive; 8 HISTOIRE NATTJRELLE. car cet animal paisible, quoique tres-farouche, n’atlaque jamais, et sa force redoutable fait que les autres animaux le craignent et ne lui font pas la guerre; il ne l’emploie le plus ordinairement que pour detourner les branches et se frayer un passage dans les epaisses forets qu’il habite, etil estpeu probable que, quoi qu’en aient dit quelques naturalistes, il puisse s’en servir pour fouir la terre afin de deraciner des racines dont il se nourrit; car la position meme de cette corne rendcela a peu pres impossible. Lorsqu’il est paisible, sa voix est faible, sourde, et a quelque analogie avec le grognement du Cochon: mais, quand il est irrite, il jette des cris aigus qui retentissent au loin. Fig. 2. — Rhinoceros des Indes En esclavage, cet animal se nourrit tres-bien de pain, de riz, de sucre et de loutes sortes de ma- tieres vegelales. 11 peut se familiariser jusqu’a un certain point, et il devient assez doux, quoique cependant on doive toujours s’en mefier; car, aussi capricieux questupide, il passe subitement, sans cause et sans transition, du plus grand calme a la plus grande fureur; alors sa lourde paresse fait place a une legerete effrayante; il bondit par des mouvements brusques et d£sordonnes; puis, s’il est libre, il s’elance devant lui avec la rapidite du meilleur Cheval, brisant, renversant, foulant aux pieds tout ce qui se trouve sur son passage, et poussant des cris a faire trembler le plus intrepide chasseur. La faim ne peut le dompter; il s’abandonne a des transports si violenls des qu’il sent le besoin de manger on qu’on lui fait attendre sa nourriture un instant, que ce moyen de l’apprivoiser, qui reussit tres-bien pour des animaux tres-feroces, n’est pas praticable pour lui. Si sa fureur est impuissante contre ses ennemis, il cherche a l’assouvir contre lui-meme, et heurte sa tete contre les obstacles qu’il trouve devant lui; c’est ainsi que le Rhinoceros qu’Emmanuel envoyait au pape fit pe¬ ril' le navire qui le portait, et c’est de meme que celui qu’on montra jadis la foire Saint-Germain de Paris se j eta a la mer et se noya quand on voulut le conduire en ltalie. L’individu male qui a vecu dernierement a la menagerie du Museum etait assez doux et obeissait souvent i ses gardiens; mais il etait presque indomptable a certaines epoques. On assure qu’a l'etat de liberte la femelle du Rhino¬ ceros ne fait qu’un petit a la fois, et que ses port6es sont de neuf mois; en naissant, le jeune est pourvu d’un tres-petit rudiment de corne qui se developpe ensuite avec l’5ge; sa taille, assure-t-on, est a peu pres 6gale & celle d’un de nos Cochons domestiques. La chasse du Rhinoceros des Indes, quoique moins perilleuse que celle du Rhinoceros du Cap, n’est pas sans danger; aussi n’ose-t-on l’attaquer que monte sur des Chevaux tr&s-vifs et tres-legers. Les chasseurs, lorsqu’ils l’ont aper^u, le suiverit de loin et sans bruit jusqu’a ce qu’il soit couclie pour dormir; alors ils 1’approchent sous le vent, et, parvenus 4 la portee du fusil, ils descendent de Cheval, visent l'animal a la tete, font feu et s’elancent sur leurs Chevaux pour fuir avec vitesse s’il n’est que blesse, car alors il se jette avec rage sur ses agressurs. Les Indiens chassent ces animaux pour avoir leur corne et pour manger leur chair, qu’ils estiment beaucoup; on regarde aussi dans ces pays comme un mets tres-delicat une queue de Rhinoceros, ainsi qu’une sorte de gelee faite avec la peau du venire de ces animaux. Pen¬ dant tres-longtemps, a Limitation des anciens, on a attribue a la corne du Rhinoceros un grand nombre de propri6tes merveilleuses; on croyait surtout qu’elle avait la vertu de detruire l’effet des poisons les plus dangereux, et c’est pour cela qu’on en fabriquait des coupes qui avaient une valeur tres-considerable; et encore aujourd’hui cet usage est conserve en Abyssinie. Ces comes sont solides, tres-dures, d’un rouge brun en dehors, d’un jaune dore en dedans, avec le centre noir; elles sont susceptibles de prendre un beau poli, et Lon en fait de magnifiques manches de poignard et quel- PACHYDERMES. 9 ques autres objets de prix, tels que des tabatieres, etc. Dans l’ancienne mAdecine, Ie sang, les dents et les ongles du Rhinoceros passaient pour des remAdes alexipharmaques qui ne le cedaicntpas on bonte A la theriaque. Le Rhinoceros de Camper, admis comme espece par De Blainville, est probablement un jeune in- dividu du R. des lodes dans lequel le systeme dentaire n’etait pas entitlement developpe, etqui n’a- vait qu’une incisive de cbaque cote et A chaque machoire. Les autres especes indiennes seraient au nombre de trois; ce sont : 1° Le Rhinoceros unicorne de Java, ou R. des Iles de la Sonde ( Rhinoceros Javanicus, A. G. Des- marest; R. Sondaicus, G. Cuvier). — Cette espece a une taille moins considerable que celle du Rhi¬ noceros des Indes; sa peau presente de grands plis en arriere des epaules et aux cuisses, et sa surface est couverte de tubercules pentagones; la queue a plus de 0n\35 de longueur; la corne est unique, placee pres des yeux; les incisives sont petites, au nombre de quatre dans le jeune Age et de deux chez les adultes; des poils courts, roides, bruns, sont epars sur la peau, et des poils noni- breux et courts bordent les oreilles et terminent la queue; les formes sont moins massives que dans l’espece precedente; la tete est courte, A chanfrein concave; les yeux sont petits; chaque tubercule de l’epiderme donne naissance A un poil; il n’y a pas de pli dans le sens de Repine, comme on en voit un sur Repaule du Rhinoceros des Indes. — II habile Java et les lies de la Sonde. 2° Rhinoceros de Sumatra [Rhinoceros Sumatrensis, G. Cuvier, Bell, etc.; R. Sumatranns, Raf¬ fles). — Ce Rhinoceros, de petite taille, a la peau rugueuse, couverte de poils roides, bruns, assez rares; les plis de ses epaules et de sa croupe sont peu marques; les incisives sont au nombre de deux en haut comme en has: le nez est surmonte de deux cornes : la premiere arquee en arriere, et la seconde lisse, pyramidale et placee un peu en avant entre les deux yeux; la peau est assez mince et presque sans plis; la tete est assez allongee; les yeux petits, bruns; la levre superieure pointue et recourbee en dessous; les oreilles petites, pointues, bordees de poils noirs, courts; queue aplatie. Taille de lm,60. — Se trouve dans Rile de Sumatra. Sir Raffles cite une autre espece, nommee Teuxon A Sumatra, qui ressemble parfaitement au Rhi¬ noceros de Sumatra, mais qui n’aurait qu’une seule corne au lieu de deux. 3° Rhinoceros inerme (Rhinoceros inermis, Lamarre-Picot, Lesson). — Cette espece, si elle est distincte du R. de Sumatra, en est au moins tres voisine. Son caractere principal consisterait A ne pas presenter de corne sur le nez. — Des iles du Gange. 2. RHINOCEROS D’AFRIQUE. RHINOCEROS DICORNIS. Linne. Caracteres specifiques. — Pas d’incisives, ni deplis A la peau, qui est presque entierement nue, quoi- que presentant cependant quelques soies rudes, noires, longues de deux A trois centimetres, eparses sur le haut des oreilles; nez portant deux cornes qui n’ont aucune proportion entre elles, celle de devant etant toujours la plus grande et ayant quelquefois jusqu'a 0m,65 de longueur : toutes deux coni- ques, legerement recourbees vers le front; yeux petits, enfonces; tete terminee en un museau pointu; levre superieure legerement plus longue que Rinferieure; queue un peu plus aplatie vers son extre- mite, et munie sur ses cotes de quelques poils gros, rudes, et longs de deux centimetres; peau rude, epaisse, mais non impenetrable; pieds arrondis, ayant trois sabots qui ne debordent pas beaucoup, et dont celui du milieu est le plus grand; la sole, comme celle des pieds d’Elephant, couverte d’une peau calleuse, tres-dure, tres-epaisse, fendue au talon. Atteignant de 3™, 60 A 4m de longueur, sur 1 m, 60 A 2m de hauteur. Gette espece, qui etait tres-probablement connue des Romains, puisqu’on en voit la representation sur des medailles A Reffigie de Domitien, est le Cosmus d’Aldrovande et le Taureau d’Etiiiopie de Pausanias : c’est le Nabal des Hottentots, le Rhinoster des colons du Cap, le Macaby des Cafres, le Rhinoceros bicornis , Camper, Linne, et le Rhinoceros Africnnns , G. Cuvier. Comme tous les Rhinoceros, il devient furieux quand il est attaque, et surtout blesse; alors il s’e- lance sur son ennemi, le renverse, le foule aux pieds et le met en pieces avec ses cornes redoutables; rien ne peut l’arreter quand il charge sur son agresseur, pas meme Ie feu et la flamme, qui effrayent tous les animaux feroces; mais ceci n’empeche pas les Cafres de Rattaquer avec la plus grande p. 2 10 HISTOIRE NATURELLE. intrepidite et d’en venir a bout, soit avec leurs fleches empoisonnees, soit simplement avec leurs za- gaies. Ce Rhinoceros frequente de preference les Lords des grandes rivieres, et se retire dans les hois qui ombragent leurs rives : il est encore plus farouche et plus indomptable que le Rhinoceros des Indes. II habile le pays des Hottentots, la Cafrerie et probablement tout l’interieur de 1’Afrique meridionale. Jadis on le trouvait partout aux environs du cap de Bonne-Esperance et jusqu’au pied de la montagne de la Table; mais aujourd’hui les colons sont parvenus 4 le repousser hors des limites de leur territoire. On le trouverait aussi en Abyssinie et en Nubie si, ce qui est probable, le Rhino¬ ceros de Bruce n’en differe pas. On lui fait une guerre acharnee; car sa chair est bonne a manger, et avec son cuir on fabrique de bons manches de fouet et d’excellents ressorts de voiture. On a distingue specifiquement dans ces derniers temps plusieurs Rhinoceros africains qui avaient ete longtemps confondus avec le B. bicornis. Nous indiquerons les suivants : 1° Rhinoceros camds ( Rhinoceros simus, Burchell; B. Burchelii, Lesson). — II differe du prece¬ dent par sa taille beaucoup plus grande, par sa bouche et par son nez qui sont tres-elargis et comme tronques; par sa peau sans poils et sans plis, et par quelques caracteres que fournit la forme du ciAne osseux. Cette espece, qui est bien evidemment distincte du Rhinoceros bicornis, quoique, coniine lui, elle presente deux cornes de longueur differente, habite lesvastes plaines arides de Finterieur du Cap; aime a se vautrer dans la boue, et ne se nourrit que d’herbe tendre. D’apres Delegorgue, qui a donne quelques details sur les moeurs de cet animal, il porterait, chez les Cafres, les noms de Mocouf et de Rhinoceros blanc; la galerie d’anatomie comparee du Museum possede un beau squelette rapporte par ce voyageur. 2° Rhinoceros de Gordon ( Rhinoceros Gordonii , Blainville). — Cet animal, provenant de l’inte- rieur du Cap, plus petit que le precedent, n’en est peut-etre que le jeune Sge, et ne se distingue que parce qu’il ne presente que six molaires de cliaque c6te des deux machoires, au lieu de sept. 5° Rhinoceros de Bruce ( Rhinoceros Brucii, Blainville), caracterise par sa seconde corne plate et droite, parce que les vieux males ont un rudiment de troisieme come, et par sa peau plissee a peu pres comme dans le Rhinoceros des Indes. On le trouve en Abyssinie et en Nubie, oil il porte les noms d'Arwe-Harisli et d ’Auraris, mots qui signifient Grande bete a cornes, ainsique celui de Gir- namgira, ou en frangais corne sur corne, etc. La grande consummation qu’il fait d’arbres et d’eau le retient dans les lieux assez circonscrits oil il peut en trouver; le jour, il se tient cache pour dor- mir dans les buissons les plus fourres et les plus epineux, et il en sort la nuit pour aller chercher sa nourriture, qui consiste uniquement en jeunes rameaux feuilles de toutes sortes d’arbres epineux ou non, et particulierement de Mimosa; il va ensuite se vautrer dans la boue, et il s’y route de ma¬ nure a s’en couvrir d’une couche epaisse qui le garantit des piqures des Taons. Bruce et Chardin ont donne de nombreux details sur les moeurs de ces animaux, qui ne different guere de celles des autres especes, et surtout sur la maniere dont on les chasse. 4° Rhinoceros ketloa (Rhinoceros ketloa, Smith), du sud de l’Afrique, nomme Quetlotra par les Cafres, et caracterise surtout parce que sa seconde corne est aussi longue que la premiere. 5° Rhinoceros a capuchon (Rhinoceros cucullatus, Wagner), des environs du Cap, a deux cornes. Nous pourrions encore citer deux especes vues par Delegorgue dans le Sud-Afrique : Fune, qu’il nomme Lelongonaum d’apres les Cafres, et une autre espece qui n’aurait qu’une seule corne, comme le Rhinoceros des Indes. II. ESPECES FOSS1LES. Les Rhinoceros fossiles se reneontrent en grand nombredans le diluvium et dans le terrain tertiaire. Beaucoup depaleontologistes se sont occupesde ces animaux, et comme de nombreux gisements d’osse- ments fossiles ont ete decouverts dans toute l’Europe, particulierement en France, dans les monts Hima¬ layas, et ass.ez reeemment, d’apres M. Leidy, dans l’Amerique septentrionale, il est resulte des investiga¬ tions des divers naturalistes qui ont travaille sur ces materiaux importants, l’etablissement, outre les especes decrites par G. Cuvier, d’un grand nombre d’especes que De Blainville n’accepte pas et qu’il reduit simplement aux trois grandes de G. Cuvier; mais, d’un cote, De Blainville a porte beaucoup 11 PACHYDERMES. trop loin ces reductions, et, d’un autre, Duvernoy, que la science vient de pcrdre tout recemment, a fait connaitre quelques nouvelles especes. Les dents de ces Mammiferes fossiles sont form6es sur le meme plan que celles des Palseotheriums; seulenient la face externe des superieures est moins Ugii- liere; au lieu de trois aretes verticales, il en exisle quatre : une k chacun des deux angles, une autre peu marquee au milieu, et une quatrieme entre celle-ci et celle de Tangle anterieur. En outre, la col- line posterieure de la couronne produit une saillie ou lobe qui s avance dans la vallee intermediaire et qui se soude quelquefois avee une production semblable de la colline anterieure ou de la paroi longitudinale de la dent. Par Ensure, il se produit alors trois fossettes; les dents inferieures se dis- tinguent de celles des Palseotheriums en ce que leur croissant posterieur n est pas complet, etqu il vient s’arc-bouter contreleflanc du croissant anterieur. Nous ne pouvons decrire toutes les nombreuses especes de Rhinoceros fossiles; nous n’indiquerons que les principals, en suivant en grande partie le savant travail que Duvernoy a publie dans les Archives du Museum d Histoire nuturelle (185o, t. VII, livraison lro). I. ESPECES DES TERRAINS EOCENES SUPERIEURS. M. Leidy vient de signaler, dans ces terrains, deux especes de Rhinoceros , les R. occidental is et nebrosus, qui, outre ce gisement remarquable, offrent cette particularity curieuse, de provenir de TAmerique septentrionale, pays ou on n’en avait pas signale jusqu’ici. II. ESPECES DES TERRAINS MIOCENES. 1° Rhinoceros a incisive (Rhinoceros incisivus, G. Cuvier). — Os du nez larges, epais, courts, replies a leur extremity. rugueux a leur surface; deux fortes incisives a chaque m&choire; deux pe- tites incisives intermediaires a Tinferieure; deux petites incisives en arriere des grandes a la ma- clioire superieure; ses quatre pieds a trois doigts. Cette espece, qui est la meme que les R. Schleyer- macheri, Kaup, et Sansaniensis, Lartet, et probablement que le pachyrhinus, Kaup, provient des vallees du Rhin et de la Garonne. Une espece voisine de celle-ci est le R. Simorrensis, Lartet. 2° Rhinoceros petit (Rhinoceros minutus, G. Cuvier). — Septieme molaire superieure encore plus petite que celle du Pleuroceros, avec sa face externe a peu pres plane et non arquee comme dans cette derniere espece. D’apres quelques dents trouvees i Moissac. 3° Rhinoceros a pieds courts ( Rhinoceros brachypus , Lartet). — Deux fortes incisives a chaque machoire; molaires superieures ayant un fort bourrelet emailleux a la surface interne; pieds courts, epais. — De Simorre. 4° Rhinoceros a cornes raterales ( Rhinoceros pleurocerus, Duvernoy). — Un tubercule osseux; conique, a sommet rugueux, oblique en dehors sur la partie la plus convexe de chaque os nasal; une incisive superieure a couronne usee horizontalement; quatre incisives inferieures; derniere molaire superieure a face externe et posterieure courbee en arc. — De Gannat. 5° Rhinoceros de Randan ( Rhinoceros Randanensis, Duvernoy). — Quatre incisives ^i la machoire inferieure ; deux externes tres-fortes, a alveole circulaire et non ovale, et deux moyennes petites; symphyse longue. D'apres une machoire inferieure provenant de Randan. 6” Rhinoceros a quatre doigts (Rhinoceros lelrudaclylus, Lartet). — Os du nez courts, n’attei- gnant pas les extremites des incisives et ne portant pas de eorne; echancrure naso-incisive h fond resserre; deuxieme, troisieme et quatrieme molaires superieures ayant un bourrelet d’email a leurs faces interne et laterale; deux fortes incisives a Tune et Tautre machoire; un crochet ou un lobule al¬ lant de la colline posterieure a travers le vallon dans la plupart des molaires superieures; pieds an- terieurs a quatre doigts. Cette espece est le type du genre Acerotherium (a, sans; corne; fl«p, grande bete) de Kaup (Isis, 1852), separe des Rhinoceros par son manque de corne et surtout par ses pieds a quatre doigts; e’est le R. Cuvieri, A. G. Desmarest; \'A. incisivum, Kaup; A. typus , 12 HISTOIRE NATURELLE. Duvernoy; et Re Blainville le regardait comme la femelle du R. incisivus de G. Cuvier. — D’ Auver¬ gne et de sabliAres d’Eppelsheim. 7° Rhinoceros de Gannat ( Rhinoceros Gannatense, Duvernoy). — Os du nez longs, droits, etroits; premiere molaire supericure permanente : un bourrelet d’email a la face interne des deuxieme, troisieme et quatrieme molaires superieures, comme dans le precedent; a la machoire inferieure, deux fortes incisives, une courte symphyse et un bourrelet d’email a la face externe des molaires; pieds anterieurs tetradactyles. — D’apres un squelette presque complet decouvert a Gannat en 1850. III. ESPECES DES TERRAINS PLIOCENES. 8° Rhinoceros a nez mince ( Rhinoceros leptorhinus) . — Os du nez assez larges, recourbes en avant, replies sur les c6tes, soyeux A leur surface, non soutenus par une cloison osseuse; machoire inferieure un peu elargie en bee d’aiguiAre a son extremite; deux petites incisives coniques a cou- ronne en forme de bouton arrondi dans les os incisifs : quatre petites incisives A la machoire infe¬ rieure, dont les moyennes sont les plus petites. — Trouve par Cortesi dans une colline du Paisan- tin, puis dans la vallee de l’Arno etdans les fouilles faites dans la ville meme de Montpellier. Cette espece, que Rlumenbach nommait R. antiquitalis, et A. G. Desmarest Paliasii , est le meme que le R. Monspesulanus, Marcel De Serres, et que le R. megarhinus de Christol. On doit probablement y reunir le R. elatus, Croizet. 9° Rhinoceros a narines presque cloisonnees ( Rhinoceros proticliorhinus, Duvernoy). — CrAne se rapprochant de celui du R. tichorhinus, mais A crete occipitale non echancree en forme de coeur, comme dans le R. leptorhinus; il y a une cloison osseuse dans la partie anterieure de la cavile na- sale, qui cesse subitement A la seconde moitie de cette cavite. G’est le meme que le R. leptorhinus, R. Owen. IV. ESPECES DES TERRAINS DILUVIENS ET DES CAVERNES. 10° Rhinoceros a narines cloisonnees (Rhinoceros tichorhinus, G. Cuvier). — Une forte cloison osseuse, s’epaississant d’arriere en avant, separe les narines, et forme A l’extremite du museau une forte paroi osseuse qui se soude avec les os du nez et les os incisifs; septieme molaire superieure A deux collines transverses; molaire inferieure un peu elargie A son extremite; pas d’incisives ni A Tune ni A l’autre mAchoire; une corne nasale et une corne frontale. Cette espece etait tres-repandue dans toutes les latitudes A 1’epoque du diluvium et de la formation des depots osseux dans les cavernes : on l’a rencontree dans les cavernes de France et d’Angleterre, dans les alluvions de nos fleuves et en grande abondance en Siberie. 11° Rhinoceros de Lunel-Viel ( Rhinoceros Lunellensis, P. Gervais). — Cette espece, fondee sur des molaires de lait, parait avoir des rapports avec les Rhinoceros bicornes du Cap el de Sumatra. Quant aux Rhinoceros Golfusii, hijpselorhinus, leptodon, Merckii, Kaup; Kirchbergensis , choe- rocepalus, Steinheimensis, .loeger; minululus, Lock; pggmceus de Munster; medius de Christol, et nariorum, Croizet et Jobert, ils ne sont pas assez complelement connus pour qu'on puisse reelle- ment les regarder comme des especes distinctes. Mais une espece que Ton doit admettre est le Rhi¬ noceros unieorne, decouvert par MM. Falconner et Cautley dans le celebre depot des sous-Hyma- layas, et qu’ils nomment R. Sivalensis. G’est aupres de ces fossilesque vientse ranger le genre Stereoceros (c-epso;, osseux; xepo;, corne) de Duvernoy ( Archiv . du Museum, t. Vll, liv. premiere, 1855). Ce groupe, qui ne comprenait qu'une espece, le S. lypus ou Galli, Duvernoy, se distinguait par I’existence d’une corne osseuse sur le front; sa tete avait des proportions plus larges et moins hautes, A l’occiput, que celles des especes connues de Rhinoceros; elle avait d’ailleurs les memes caracteres dans les ailes masto'ides, les apo¬ physes postauditives, la forme et la disposition des condyles, les tuberosites laterales de la crete oc- PACHYDERMES. 15 oipito parietale, les fosses temporales. C’est d’apres une moitie posterieure de crAne, recueillie par Gall et faisant partie de sa collection crAnioscopique, que ces caracteres ont ete indiques. MM. Kaup <>t Laurillard ont conjecture que ce crAne pouvait avoir appartenu au genre Elasmotherium de Fis¬ cher De Waldheim : ce dernier genre etait etabli sur une branche de mAchoire inlerieure. Pour nous, nous ne croyons pas ce rapprochement naturel; le genre Stcreoceros nous semble bien appartenir a la famille des Rhinocerides, et V Elasmotherium a l’ordre des Edentes. Ne serait-ce pas dans la famille des Rhinocerotides que Ton doit ranger les deux genres fossiles des Harpagmollierium (apwaSw, je saisis; flnp, grande bete) de Fischer De Waldheim ( Zoognos , 1815), et Siderolherium (oiSnpo;, fer A Cheval; Onp, grande bete) de Joeger (Wurtli. foss. Sauglh., 1859)? TROIS1EME FAMILLE. IIYRACIDEES. HYRACIDJE. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Dans Pordre des Pacbydermes, qui comprend presque exclusivement des MammifSres de trSs- grande taille et A peau epaisse, depourvue de poils, le Daman ou Hgrax semble etre tout a fait de¬ place par sa petitesse et par ses poils abondants et assez longs; cependant, lorsqu’on etudie avec soin cet animal, on remarque qu’il a, sauf la taille, de tres-grands rapports avec les Rhinoceros, et que meme son systeme dentaire presente une certaine analogie avec celui de ces animaux. C’est A cause de cela qu’on a d(t retirer les Damans de Pordre des Rongeurs, dans lequel ils etaient jadis places, pour les mettre dans Pordre des Pacbydermes A c6te des Rhinoceros. [/aspect general des Damans et quelques caracteres particuliers, tels que celui de presenter quatre doigts aux pieds de devant et trois seulement A ceux de derriere, ont engage les naturalistes A en for¬ mer une petite famille particuliere, que Wagler nomme IJyraces; M. Ch. Bonaparte, Hyracina , et M. Isidore Geoffroy Saint-llilaire, Ilyracidees, qui ne renferme qu’un seul genre, ne comprenant qu’un petit nombre d’especes. GENRE UNIQUE. — DAMAN. IIYBAX. Hermann, 1704. Tpa?, Musaraigne. Tabula Africse illustrata. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : incisives molaires, en totalite trenle-deux dents. Les incisives supe- neures grandes, arquees , anguleuses a leur base externe, taillees en biseau a I'interne et tris- poinlues; inferieures courbces en a van l, contigues, cylindriques , a couronne coupee obliquemenl; une barre entre les incisives et les molaires a cbaque machoire, et une petite fausse molaire dans la barre superieure desjeunes individus; molaires superieures : I’anlerieure a couronne plate et trian- gulaire, les autres a couronne carree, tin peu.poucavc, et a bord externe releve et trancliant; la seconde et la troisieme offrant une petite cole relevee qui se rend de I’angle interne poslerieur au milieu de la couronne; cole interne des trois dernieres divise par un long replide l' email qui penetre obliquement dans leur substance; inferieures ciyant les cotes interne et externe de leur cou¬ ronne lisses; I’anterieur et le postcrieur releves en trancliant , el une colline transversale qui divise le milieu de la couronne en deux. 14 HTSTOIRE NATURELLE. Tete grouse, terminee far un petit mufle; narines obliques; ycux pclits, a paupi'ere clignotanle trcs-developpee; levre superieure fenclue, formee cle fortes moustaches; langue oblongue, asset elroile, renflee a saparlie poslerieure, lisse, douce; oreilles courtes, larges, arrondies. Membres pen developpes, a paume el planle entierement rues; pieds anlerieurs a qualre doigts courts, dont le second est le plus long; pieds posterieurs a trois doigts, dont I’interrnediaire esl le plus long, et les deux autres egaux; ongles pclits , plats, pouvant a peine couvrir le dessus des doigts : I’interne du pied de derri'ere plus long quc les autres, arrondi , recourbc en goultiere. Pas de queue. Poils de deux sortes : des laineux trcs-fins, asset courts; des soyeux tres-longs, brillants , seals upparenls. Six mamelles : deux pectorales, quatre ventrales. Fig. 3. — Daman de Syrie. Le Daman eonstitue un des genres les plus tranches de toute la classe des Mammiferes, aussi bien pour son organisation exterieure et interieure quo pour ses moeurs et ses habitudes, en contra¬ diction apparente avec sa structure, genre qui appartient sans nul doute plutot aux Pachydennes qu aux Rongeurs, mais qui reellement est intermediaire a ces deux degres d’organisation. En effet, par un certain nombre de caracteres exterieurs, la forme generale, celle du none et des membres, par 1 absence de queue, la nature du pelage, les narines, les yeux, les oreilles, et meme par les moeurs, ce sont des Rongeurs qui ont quelque ressemblance avec les Lagomys, un peu la forme des doigts, a 1 exception de celle des ongles; mais le nombre, et surtout la forme des dents, rapprochent les Damans des Pachydennes et princfpalement des Rhinoceros, avec lesquels l’absence de vesicule du fiel et 1 articulation de 1 apophyse transverse de la derniere lombaire avec le sacrum etablissent encore evidemment quelques rapports. Mais ces animaux n’en conservent pas moins un assez bon nombre de caracteres qui leur sont propres, et c.ela dans plusieurs parties de l’organisa- tion. Dans 1 appareil locomoteur, le grand nombre des vertebres troneales, vingt-neuf, dont huit lom- baires; la singularite de 1 os hyoide et le carpe, la disposition completement plantigrade des pieds, la PAC1IYDERMES. 15 forme singuliere d’un des doigts et celle des ongles; dans 1’appareil intestinal, l’anomalie d’un second estomac au milieu de l’intestin grele, d’une paire de coecums entre la fin de eelui-ci et le commence¬ ment du gros, constitue un ensemble organique tout a fait particular, et doit faire de ces animaux une famille particuliere. Les Grecs etles Romains semblent n’avoirpas connu le Daman. Prosper Alpin, en 1580, et Shaw, qui visiterent successivement la Syrie, ont les premiers parle, sous le nom de Daman , d’un animal connu au mont Sinai : Daman parait etre une alteration du mot Ghannem, par lequel les Arabes indi- quent le mgme animal. Shaw fait surtout attention a cet animal, dont la tai lie ne depasse guere celle de la Marmotte, parce qu’il crut y reconnaitre l’animal dont il est plusieurs fois question dans la Bible sous le nom de Saphan, et cela parait aujourd’hui tout a fait certain. Au chapitre onzieme, verset cinquieme du Levitique, le Saplian est mis au nombre des animaux dont la chair est interdite aux Ilebreux; les Septante avaient traduit le mot Saphan par -/.oip&ypoXXio;, ilerisson; d’un autre cbte, on avait pense que ce pouvait etre le Cunicuhis ou Lapin; Brochart avait eru y reconnaitre la Gerboise; mais, etd’apres 1’opinion d’Ehrenbcrg et de De Blainville, e’est du Daman dont il etait plulot question. Plusieurs points de la cote orientale d’Afrique avaient aussi fourni des animaux de ce genre; Salt et Bruce P avaient signale en Nubie et en Abyssinie sous les noms de Gckc et Askhoki; Ladolf l’avait anterieurenient vu en Abyssinie; les Ilollandais, et surtout Kolbe, le signalerent au Cap. En 1700, Yosmaer en re^ut un exemplaire en Hollande, et Pallas en donna la premiere description. Un peu plus tard, Hermann en fit un genre sous la denomination d’Hi/rax, d’apres le mot upoc.5, employe par Ni- candre, et que Ton pretend avoir designe la Souris cliez les Etoliens, ou peut-etre mieux la Musarai gne. Daubenton decrivit les dents de ce Mammifere dans l’ouvrage de Buffon. En 1804, G. Cuvier recounut que le Daman devait etre range parmi les Pachydermes; depuis, Fr. Cuvier, Ehrenberg, De Blainville (Osteocjrapliie) et M. Jourdan publitirent des details importants sur les animaux de ce groupe naturel. Le Daman est de la taille de la Marmotte, et il lui ressemble assezbien paries proportions; il est cependant plus allonge, mieux dispose pour la marche ou la course, et depourvu de queue & l’exte- rieur; il n’en a pas non plus la tete, et sa physionomie a quelque chose de particul ier, autant par elle- meme que par les longues vibrisses que presente la face. Les pieds anterieurs ont quatre doigts, et les posterieurs seulement trois; tous separes entre eux et termines par de petits ongles en sabots, aplatis, sauf le doigt interne des posterieurs, qui porte un ongle plus allonge et comme subule, bien qu’il s’use a son extremite : les quatre extremites sont plantigrades et a plante et paume nus. Les dents ont ete successivement decrites par Daubenton, par Pallas, par G. etFr. Cuvier, et plus recemment par De Blainville, et, ce qui est tres-remarquable, e’est que les molaires, au nombre de sept paires <4 ehaque michoire chezl’adulte, sont tout a fait conformees comme celles des Rhinoceros, des Lophio- dons et des Palseotheriums. Nous renvoyons i ec que nous avons dit dans nos generalites sur ces dents; toutefois nous devons remarquer que De Blainville n’en donne pas la meme signification que G . Cuvier, que dans les jeunes sujets le nombre des molaires est moindre que dans les adultes, et qu’au contraire il y a plus d’incisives, et enfin qu’a des ages intermediates le nombre des dents peut varier assez considerablement : ce que nous en avons dit dans nos generalites est extrait de Fr. Cuvier. Les dents indiquent un regime herbivore, et l’intestin presente lui-meme plusieurs particularity en rapport avec cette maniere de vivre que Pallas a le premier signalee. L’estomac est simple, quoique volu- mineux, et rien n’indique que l’animal puisse ruminer, comme on Fa dit du Saphan, et des observa¬ tions faites sur des individus vivants prouvent qu’il n’en est rien. L’intestin grele a pres de deux me¬ tres de longueur, et presente au dela du colon un ececum considerable, et i la naissance du rectum une paire d’autres cceeums, comparables aux coecums pairs des Oiseaux, et diriges comme eux vers le colon. La capacite de ce double appareil est considerable; aucun autre Mammifere, excepte le Fourmilier didactyle, ne presente rien de semblable. La vulve des femelles s’ouvre par un orifice assez rapproche de l’anus; dans le male, il n’y a pas de scrotum, etl’organe excitateur est fibre. Le squelette, d’abord etudie par Daubenton, Pallas et G. Cuvier, Fa ete plus completement par De Blain¬ ville. Le squelette du Daman de Syrie, pris pour type, rappelle assez bien, dans sa forme generale, celui du Lagomys par la disposition assez ramassee et la courbure fortement prononcee en sens inverse des regions cervicale et lombaire de la colonne vertebrale, aussi bien que par la disposition des membres: et, quoique la serie dorsale des vertebres soit evidemment bien plus nombreuse que 16 HISTOIRE NATURELLE. dans les Leporides, ce qui ressemble un peu aux Pachydermes, la longueur de la region lombaire et le nombre de ces vertebres est bien mieux comme dans les Lapins, ce qu’on peut egalement dire de la brievete de la queue. Le nombre total des vertebres est de cinquante-trois : quatre cephaliques, sept cervicales, vingt ou meme vingt et une dorsales, huit lombaires, six sacrees et cinq coccy- giennes, combinaison particuliere et qui ne se retrouve guere dans aucun autre genre actuellement vivant. La tete a veritablement quelque chose de celle du Rhinoceros, en arriere surtout, plus que de celle des Leporides, par sa forme assez raccourcie, pyramidale, elargie verticalement en arriere, attennee assez rapidement et comme tronquee en avant; mais elle en differe, au premier'aspect, par la brievete de la face, la position avancee de l’orbite, et surtout par la forme des os du nez, qui sont articules avec les incisifs, et ces derniers ayant un developpement proportionnel a la force des inci- sives. L’hyoide a un corps tres-plat, en forme d’ecaille, bien symetrique, un peu etrangle dans son milieu, et ses cornes out des formes particulieres. Le sternum est assez etendu, s’elargit legerement d’avant en arriere, et rappelle assez bien celui du Cabiai. II y a vingt cotes : sept sternales et treize asternales. Les membres sont tres-eloignes entre eux : les anterieurs tres-avances vers la tete, et les posterieurs assez recules par suite de la longueur des lombes. L’omoplate, par sa forme, rappelle celui des Chevaux. L’humerus est perce, comme celui des Cochons, d’un trou olecr^nien. Le doigt auriculaire existe en rudiment sous la peau, mais aux membres anterieurs seulement. Les membres posterieurs sont un peu plus allonges que les anterieurs. L’os des iles est assez bien de la meme longueur que l’omoplate dans sa partie osseuse. Le femur ne presente qu’un faible rudiment du troi- sieme trochanter des Rhinoceros. Le pied, moins long que la jambe, est cependant plus allonge et surtout beaucoup plus etroit que la main. Quelques differences se remarquent selon lAge et le sexe; mais elles sont surtout beaucoup plus marquees selon les especes admises dans ce genre. Les Damans frequentent de preference les endroits rocailleux, et c’est dans des trous de rocher qu’ils se retirent. C’est la une de leurs habitudes les plus caracleristiques etl’un des traits au rnoyen desquels on est arrive £ la signification du mot Saphcin. Quoique interdite aux Hebreux, peut-etre parce qu’ils la recherchaient trop, la chair des Damans n’a rien de desagreable, et les Arabes, ainsi que les chretiens, la mangent encore frequemment. On les prend avec des pieges formes de pierres, a la maniere de ceux que les enfants preparent chez nous pour prendre les Moineaux; mais la fosse doit etre pavee, parce que les Damans fouissent avec une grande facilite. Leur regime est herbivore dans l’etat de nature. Leur humeur est douce, eton les apprivoise aisement; on peut meme les laisser errer librement dans les habitations, oil ils se nourrissent des debris de la cuisine. On assure qu’ils tuent les Rats. Plusieurs Damans ont ete apportes vivants a la menagerie du Museum et y ont vecu assez longtemps; aussi pourrait-on avoir l’esperance de pouvoir les acclimater et les rendre domestiques chez nous. Fr. Cuvier, dans son Histoire naturelle des Mammiferes du Mu¬ seum, a donne des details auxquels nous renvoyons sur les habitudes d'un individu qu’il avait long- temps observe. On commit aujourd’hui quatre ou cinq especes de Daman; trois ou quatre de ces especes habitent toute la partie sud-est de l’Afrique, et uneseule la partie asiatique, mais limitee a la Syrie, a la Palestine eta l’Arabie; elles sont caracterisees par le systeme dentaire, incisifet molaire, aussi bien que par quelques partieularites du squelette, et entre autres par la forme du crane. Aucun os- sement fossile n’a ete attribue a ce genre; car celui des Hijracolherium, Owen, qu’on en avait rap- proche, est plus voisin des Chceropotames que des Damans. L’espece type est le : DAMAN DE SYRIE. HYRAX STRIACUS. Hemprig et Ehrenberg. Caractehes specifiques. — Poils roides, brun fauve en dessus; pas de bande dorsale; une tache mediane d’un blanc fauve; dessous blancbalre; tete assez grele, ainsi que la mandibule; barre den¬ taire etroite; avant-bras, pattes et omoplates un peu plus greles. Cette espece, qui est le Daman Israel de Buffon, et qui est la plus anciennement connue, habite principalement le mont Sinai. Les autres especes sont, 1° le Daman du Cap (Ilyrax Capensis , G. Cuvier), Maumotte du Cap ( Caviu PACHYDERMES. 17 Capensis, Pallas), du cap de Bonne-Esperance; 2“ Daman du Dongola (. Hyrax ruficeps, Hempr. et Elir.), du Dongola; 5° Daman d’Abyssinie ( Hyrax Habessinicus , Hempr. et Ehr.) ou Aschkoko, Bruce; Mabmotte sans queue, Pennant, propre a I’Abyssinie, dont llliger a lait le type de son genre Lipu- rus; 4° Hyrax arboreus, Smith, qui differe beaucoup des autres, et se rencontre au cap de Bonne- Esperance. QUATRIEME FAMILLE. PAL/EOTHERIDEES. PALjEOTHERIDM. Nobis. Nous comprendrons sous ce nom une petite famille de Pachydermes qui ne renferme qu’un nombre assez restreint d’especes, toutes fossiles, et qui formaient le genre Palceotherium de G. Cuvier. Deux genres seulement, ceux des Palseotheriums et des Anchiteriums, que l’on pourrait peut-etre meme ne considerer que comme en etant une subdivision, forment cette famille, qui semble interme- diaire entre les Rhinoceros et les Tapirs. GENRE. — PAL/EOTHERIUM. PA LJEO T HERIUM. G. Cuvier, 1804. IlaXaios, ancien; nop, animal. Annales du Museum, t. 111. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : incisives, |; canines, molaires, ou f5f; en totalite quarante-deux ou quarante dents. Incisives rangees sur une meme ligne , en forme de coins, mediocremenl fortes; canines coniques, peu longues, s' entre-croisant entre elles; une barre, courte ou longue sui- vant les especes, separant les molaires des canines; molaires superieures de forme carree et a qua- tre racines, a deux collines relevees par leur bord externe et separees l une de l' autre par un val- lon rentrant par le bord interne : inferieures a deux croissants successifs; fciusses molaires plus ou moins differentes des vraies molaires; dernieres molaires superieure et inferieure toujours plus longues que les autres, et V inferieure pourvue d'un troisieme lobe. Tete ayant une forme a peu pres semblable a celle des Tapirs. Os propres du nez tres-courts et minces, surplombant seulement sur la partie posterieure de I’ouverture nasale, et ayant tres-vrai- semblablement dome attache aux muscles d’une petite trompe mobile. Fosses orbitaires et tempo- rales separees superieurement par une saillie bien marquee; la premiere de ces fosses tres-petite et moins haute que la seconde , d'o'u il suit que I'ceil clevait elre petit et bas. Arcades zygomatiques assez saillantes. Crane tres-elroit a la hauteur des fosses temporales, qui sonl enormes. Meat au- ditif tres-petit, non releve, d’ou I’onconclut que I'oreille elait attachee tres-bas. Face occipilale tres-petite. Cretes de I'occiput tres-saillantes . Extremites mediocrement relevees. Cubitus et radius, tibia et perone distincts. Trois doigts a chaque pied, dont celui du milieu est le plus gros : les deux autres presque egaux entre eux. Queue d’une longueur mediocre. Vers la fin du si^cle dernier, la disposition et la composition des roches qui forment le bassin de Paris, etprincipalement celles du gypse de Montmartre, avaient ete etudiees par des geologues d’une reputation justement meritee, comme Manuet, Guettard, Lamanon, Pralon, Nicolas Desmarest, Coupe; r 3 18 HISTOIRE NATURELLE. et plus recemment par A. Rrongniart; mais la presence des ossements fossiles, depuis longtemps indiquee par les ouvriers qui exploitent ce gypse pour le transformer en platre, n’a ete scientifique- ment connue que par les travaux de Pasmont, Guettard, et surtout de Lamanon, qui, le premier, fit assez bien connaitre les animaux qui nous occupent. Mais c’est surtout a G. Cuvier, dans une suite d'ouvrages publies de 1798 a 1825, qu’etait reservee la gloire de faire parfaitement connaitre ces animaux, et, par cette etude approfondie, de creer en quelque sorte la paleontologie, et de donner surtout une impulsion toute nouvelle a cette science, qui chaque jour fait des progres immenses, et qui a si considerablement agrandi le cercle de la zoologie. Comme on doit s’y attendre, il duty avoir, suivant les decouvertes successives, de grands tStonnements dans les travaux de notre grand natu- raliste, et des sa nouvelle creation la science paleontologique ire put pas etre fondee sur les memes bases ou elle repose aujourd’hui. C’est ainsi qu’en creant son genre Palceotherium, G. Cuvier y comprenait des especes qui, mieux etudiees par son createur lui-meme et par ses nombreux succes- seurs, ont dfi servir de types a des genres particuliers qui eux-memes en ont 6te plus ou moins eloignes dans la serie zoologique : les Lophiodons, les Chceropotames, les Anoplotheriums, etaient compris, a l’origine, dans le genre Palseotherium , et en furent separes par G. Cuvier, puis le nom- bre des especes particulieres au genre que nous etudions fut assez considerablement augmente. D’a- bord trouves uniquement aupres de Paris, des Palaeotheriums furent decouverts en Auvergne, 4 Eppelsheim, 4 Sansan, a Montpellier, en Angleterre, etc., et plus recemment meme dans les riches depots des sous-Himalayas. De nombreux auteurs s’occuperent de ces animaux : De Rlainville leur consacra un fascicule de son Osleographie, et un grand nombre de paleontologistes, tels que MM. Kaup, Meyer, Pentland, Lartet, Fischer de Waldheim, Lau rillard , Owen, P. Gervais, Pomel et beaucoup d’autres, publierent d’important memoires sur ces animaux. Quelques coupes generiques ou sous-generiques ont ete formees avec les Palceotherium; nous les indiquerons, d’apres le travail qu’en a publie M. P. Gervais dans sa Zoologie et Paleontologie fr unguises, etnous n’en distrairons qu’un seul genre, celui des Ancliitlierium. Fig. 4. — Paloeolherium aux pieds epais. Le genre Palceotherium , qui est peut-etre, de tous ceux que Ton a decouverts parmi les Mammi- feres fossiles, celui dont. il est le plus question, et qui a excite au plus haut degre la curiosile des personnes etrangeres a l’histoire naturelle, est aussi Fun des plus importants a connaitre pour les zoologistes et surtout pour les paleontologistes. Ces especes, toutes 6teintes, sout assez nombreuses, quoique De Rlainville ait cherche a les restreindre considerablement, et la plupart d’entre elles sont assez faciles a determiner. Elles ont existe, a ce qu’il semble, exclusivement pendant les premiers ages de la periode tertiaire; leurs debris sont principalement enfouis dans les gypses de Montmartre et autres lieux des environs de Paris, tels que Pantin, Grolay, Montmorency, Franconville, Yanvres, Charonne, Villejuif, etc.; en France, on en a trouve dans beaucoup d’autres localites, telles que dans les platrieres de Meaux, dans les gypses d’Aix et dans ceux de Murmaison dans le departement de Vaucluse; dans les lignites de la butte de Perreal, pres Apt et Gargas; a Saint-Gely , pres Montpel¬ lier; aupres de Toulouse; a Graves,. dans le departement de la Dordogne; a Eyrans, dans la Gi- PACHYDERMES. 10 ronde; 3 Saillans, pres Libourne; dans les landes de Bordeaux; a Caslelnaudary, etc.; et, outre toutes ces locality francaises, il en a ete signale en Angleterre, en Allemagne, en Asie, ainsi quo nous Pavons dit. Plusieurs des gisements dont il vient d’etre fail mention fournissenl des esp&ees identi- ques it celles de Paris; quelques-uns d’entre eux cependant presenter^ des especes que 1’on n’a pas pu assimiler k celles de nos environs, et qui semblent en etrc bien distinctes. Les ossements de Palaeotheriums, comme tous ceux que l’on rencontre dans le platre de Paris, quoique assez souvent isoles, se trouvent reunis parfois en portions plus ou moins grandes de sque- lettes, et, pour le plus grand nombre, ils ne sont pas routes; ce qui annonce que les animaux dont ces platrieres ont conserve les restes vivaient non loin des lieux oil on les trouve, et probablement sur les bords du grand lac dans lequel ce terrain d’eau douce est forme. Leurs cadavres efaient en- traines par les cours d’eau qui se jetaient dans ce lac, et, comme il devait exister de l’acide sulfu- rique dans les lieux oil se formait du plittre, on conceit que cet acide dut accelerer la desagregation des squelettes par son action sur les tissus mous. Les Palaeotheriums sont associes avec les Anoplo- theriums, les Choeropotames, les Ilyenodons, et avec des ossements de Crocodiles et de Tortues; et, pour les especes dont on fait le genre Anchitherium, avec des ossements de Mastodontes, de Dino- theriums et de Rhinoceros. La place que l’on doit assignee it ces animaux ne doit pas etre trop eloi- gnee des Rhinoceros et des Tapirs : ils se rattachent aussi k des groupes fossiles, tels que les Lo- phiodons et les Anchitheriums, qui tend, de leur cdt,6, it les reunir aux Tapirs et aux Chevaux. Ce serait sortir de la limite que nous nous sommes tracee que de reproduire ici les caracteres osteologiques et odontologiques des Palaeotheriums; nous nous bornerons done a ce que nous avons dit dans nos generations generiques, et pour plus de, details nous renverrons a l’ouvrage de G. Cu¬ vier sur les Ossements fossiles, a 1’ Osteographie de De Blainville, a la Zoologie et Paleonlologie frangaise de M. Paul Gervais et k Particle Palceotlierium de Laurillard, insere dans le Dictiouiaire universel il’hisloire naturelle, et nous terminons en indiquant les principales especes francaises. Nous ferons observer que le nombre de ces especes, reellement trop considerable, et fondees pour la plupart sur des differences de taille, a ete aussi, en sens inverse, beaucoup trop restreint par De Blainville. I. Propalasotherhjm (irpo, en avant; Palaeotherium), P. Gervais ( Comptes rendus de I’Academie des Sciences, t. XXIX). — Molaires superieures assez semblables a celles des Lophiodons : inferieures ayant une disposition de leurs croissants inlermediaire a celles des Pacliynoloplies et des PaUeo- theriums : la derniere pourvue d'un troisieme lobe portant tine fossette oblonyue sur la couronne. Deux especes : 1° Palceotlierium Isselanum, G. Cuvier, d’Issel (Ande) et de Buschweiller (Bas- Rhin); 2° PropaUeotherium Argentonium, P. Gervais, indique comme Palaeotherium d’Orleans, trouve k Argenton? par G. Cuvier, et rencontre k Argenton (Indre). II. Paljeotherium aurtorum (Pal. commune, De Blainville). — Molaires, : premiere supe- rieure et inferieure seule nolablement plus petite que les autres, et a un seul lobe; les autres a deux lobes, sauf la seplieme inferieure, qui est a trois lobes ou collines; lobes des dents superieures as¬ sez peu differents de ceux des Rhinoceros; lobes des inferieures en forme de croissants, a con- vexite externe ; barre fort courte; canines assez saillantes. Un grand nombre d’ especes, parmi lesquelles nous citerons seulement les Palxeotherium suivants : — P. magnum, G. Cuvier, de la taille du Rhinoceros de Java ou d’un Cheval, mais plus trapu; les doigts tres-courts; le metacarpien medius est long de 0m, 190 et large de 0ra,035 au milieu; de Paris et du Puy en Velay, mais ce dernier constituant probablement une espece (P. Aniciense, P. Gervais); — P. Girondicum , P. Gervais, de la Graves et d’Apt ; — P. crassum, G. Cuvier, plus petit que le precedent, mais a jambes plus courtes; le metacarpien medius long de 0m,I17, large du 0m,023; de Paris, d’Apt, etc.; — P. indeterminatum , G. Cuvier, inlermediaire de taille entre le P. medium et le P. crassum, de Paris; — P. medium, G. Cuvier, de la grandeur d’un Cochon de moyenne taille; les jambes greles; le metacarpien medius long de 0m,l 25, large de 0m,015; de Paris, d’Apt, de Graves; — P. velanum, G. Cuvier, du Puy; — P. latum, G. Cuvier, un peu plus petit que le precedent, mais a pieds plus courts, plus larges; le metacarpien medius long de 0m,085, large de 0m,20; de •20 HISTOIRE NATURELLE. Paris; — P. curtum, G. Cuvier, encore plus petit que le precedent, a pieds tres-courts; longueur du metacarpien externe, 0m,065; large de 0m,018; de Paris. III. — Molaires, j, les trois premieres inferieures a un seul lobe complet, presque triangulaire; le cleuxi'eme lobe remplace par an talon croissant en volume de la premiere a la troisieme dent; la septieme a trois collines ; les intermediates sans boucle en arriere des deux lobes; barre assez longue. Une seule espece, Palteotherium ovinum, Aymard, du Puy (Haute-Loire). IV. Paloplotherium, Owen ( Athceneum , 1847). Plagiolophus, Pomel (Bibl. univ. de Geneve. Archives, t. VII, 1847). — Molaires, f^f? on a cement; les deux av ant-dernier es inferieures pourvues, en arriere du second lobe, d'un petit talon en tubercule qui sc relie, par l usure, au croissant sous forme de boucle; la derniere h trois lobes; barre assez grande; canines faibles. Deux especes : 1° P. minus, G. Cuvier, plus petit qu’un Chevreuil, a jambes greles et legeres; des environs de Paris, d’Apt, de la Grave, etc.; 2° P . anneclens, Owen, dans l’eocene, en Angleterre; de Gargas, dans le departement de Vaucluse. 2™ GENRE. — ANCHITERIUM. ANCH1THERIUM. Meyer, 1845. CARACTERES generiques. Systeme dentaire : incisives, |; canines, molaires, |=2; en tolalite quarante-deux dents. Molaires sans cement; la premiere de cliaque machoire beaucoup plus petite que les aulres : supe- rieures a deux collines obliques, rejoignanl le bord externe qui montre deux echancrures; infe¬ rieures a deux lobes en croissants successifs, avec ou sans vestige d’un tubercule au lieu de troisieme colline a la septieme ; correspondanle superieure egalement plus courte que chez les Palceo- theriums. Troisieme trochanter du femur plus rapproche du second que chez ces derniers. Astragale un peu plus semblable a celui des Chevaux. Doigts au nombre de trois en avant et en arriere, plus longs encore que ceux des Palceotheriums, minces et plus semblables a ceux des Hipparions. Ce genre, que M. De Christo! (Comptes rendus de I’Academie des Sciences, 1847) propose de nommer Hipporitherium, a pour type le Palceolherium Aurelianense de G. Cuvier, et semble eta- blir le passage des PaUeotherium aux Equus. On n’en connait que deux especes : 1° Achitherium Aurelianense, Meyer, G. Cuvier, du calcaire lacustre de Montabuzard, pres Orleans; de Montpellier (P. Monspesulanum , De Blainville) et de Sansan, ou il est indique par M. Lartet sous les noms de P. equinum et hipoides ; 2° A. Dumasii, P. Gervais, dans un calcaire d’eau douce et dans les marnes de l’epoque eocene de Fous, pres Nimes et d’Alais, departement du Gat’d. Le genre CHALICOTHERIUM ( Clialicotherium ) (x.a>4, pierre; 6/ip, animal) de M. Kaup (Ossements fossiles, 1838), ayant pour type le C. anliquus, Kaup; C. Goldfusii, Buckland, d'Eppelsheim, est, seion quelques auteurs, tres-voisin de ces deux genres et de celui des Tapirs; mais, ainsi que nous le dirons, il parait plutot devoir etre range a cote des Anoplotheriiim. PACHYDERMES. ■l\ CINQUIEME FAM1LLE. TAPIRIDES. TAPIRIDAE. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Nous comprendrons dans cette famille, creee par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, et qui corres¬ pond A celles des Tapirii de Vicq D’Azyr et Tapirina de Gray, le genre des Tapirs et les deux groupes fossiles des Lophiodons et des Tapirotheriums, qui ont avec eux de grands rapports. Les Tapirides sont caracterises principalement par leur systeme dentaire, et dans les especes vi- vantes par leur nez prolonge en une petite trompe, par leurs extremites anlerieures a quatre doigts, et les posterieures A trois seulement, par leur taille assez grande, etc. On n’en connait que trois especes vivantes propres A 1’Amerique et aux lies de l’archipel Indien, et un nombre un peu plus considerable d’especes fossiles presque toutes particulieres a l’Europe. 1" GENRE. — TAPIR. TAP1RUS. Brisson, 1750. Nom specifique Iransporte au genre. Ri'gne animal. CARACTERES GENER1QUES. Systeme clentaire : incisives, •§; canines, j-5j; molaires, en totalite quarante-deux dents. Incisives des deux machoires s' opposant en pinces entre dies; intermediates courtes, en biseau, tronquees carrement; lalerales assez semblables a des canines: celles-ci moyennes, coniques , s' entre- croisant comme celles des carnassiers; un espace intermediate entre les canines et les molaires : ces dernier es carrees, a couronne marquee de deux col lines transverses . Nez prolonge en une trompe mobile, assez courte , non prehensile comme celle des Elephants. Yeux petits. Oreilles longues, mobiles. Langue douce. Pieds de devant pourvus de quatre doigts a sabots courts , arrondis; pieds de derriere a trois doigts seulement. Queue tr'es-courte. Taille moyennement grande. Peau dure, couverte de polls clair-semes. Deux mamelles inguinales chez les femelles : celles des males placees sur le fourreau de la verge. Le Tapir etant le plus grand Mammiftre actuelleraent vivant dans l’Araerique meridionale, et de plus etant susceptible d’etre facilement apprivoise, a ete signale d&s les premiers temps de la decou- verte du nouveau monde : aussi en est-il fait mention dans plusieurs des ouvrages qui ont ete ecrits sur l'liistoire de la conquete de l'Amerique meridionale par les Espagnols ; et cependant, ainsi que l’a fait remarquer il y a deja longtemps G. Cuvier, ce n’est que de nos jours, A la fin du siecle dernier, que le systeme dentaire du Tapir a ete suffisamment connu pour le nombre et la forme des parlies qui le composent; alors seulement il a ete possible de caracteriser ce genre autrement que par le nombre des doigts, quatre en avant, trois en arriere, par la particularite de son nez prolonge en une petite trompe mobile, entralnant la levre superieure, ainsi que par la nudite presque complete de la peau, et la forme generale d’un grand Cochon a queue tres-courte : on s’est assure, en effet, aussitOt qu’on a pu avoir la tete osseuse d’un individu adulte, que le Tapir est pourvu de trois paires d’inci- sives et d’une paire de canines, tres-avancees, aux deux mAchoires, outre sept molaires en haut et 22 HISTOIRE NATURELLE. six seulement en bas, facilement caracterisees, en general, par leur forme carree et leur composition de deux collines transverses presque regulieres. Ces dents ont ete etudiees avec beaucoup de soin par suite de la decouverte, dans notre Europe, d’especes fossiles qui en sont trfes-voisines, et qu’on y avait meme rapportees. Comme particularites biologiques, on peut dire que ce sont des animaux as- sez grossiers sans doute, mais doux et faciles k apprivoiser, vivant solitairement de branchages, de fruits, de graines tombes, dans des lieux en general boises et assez aquatiques, ne produisant qu’un & deux petits tout au plus, et dont la vie parait devoir etre assez longue. Le Tapir a d’abord ete introduit dans les catalogues systematiques comme une espece d’Hippopo- tame; Linne le nomme Hippopotamus terrestris : c’est 1’ Hyclrochosrus Tapir d’Erxleben etle Tapirus Americanus de Gmelin. Cette derniere appellation est celle que lui ont conservee les naturalistes. Drisson avait propose, le premier, en 1762, de faire du Tapir le type d’un genre a part; et son genre Tapirus constilue it luiseul le dixieme ordre de sametbode mammalogique. Pendant longtemps on a cru qu’il n’existait qu’une seule espece vivante de Tapir, le Tapirus Ame¬ ricanus; mais assez recemment on en a fait connaitre deux autres, une espece indienne et une se- conde espece americaine. L’histoire zoologique et anatomique de ce genre n’ayant guere ete faite que sur le Tapir d’Amerique, nous allons donner l'historique de cette espece en prenant principale- ment pour guide l’important memoire insere par M. Roulin dans les travaux des savants etrangers de l’Academie des sciences, et ay ant pour titre : Memoire pour servir a Vhistoire du Tapir el des¬ cription d'une espece nouvelle appartenant aux hautes regions de la Cordillere des Andes, et nous dirons ensuite quelques mots des deux autres. Quoique le Tapirus Americanus soit le plus grand Pachyderme actuel de l’Amerique meridio- nale, et, avec le Lama et le Cerf des marais, le plus grand des Mammiferes de ce pays, il n’est ce- pendant pas mentionne dans les recits des premiers conquerants espagnols qui revinrent d’Ameri¬ que, et, toutefois, il est communement repandu sur tous les points de la cote ferme, oil aborderent successivement Christopbe Colomb, Vespuce, Peralonso, Nino, Pinzon et Cabral. Son existence resta ignoree jusqu’a Tepoque des expeditions qui eurent pour resultat la fondation de la colonie de Da¬ rien, dans la mer des Antilles. Les premiers renseignements sur le Tapir arriverent en Europe vers la fin de l’annee 1500, et, l’annee suivante, P. Marlyn en fit usage pour une indication du Tapir, in¬ dication tres-inexacte, il est vrai, mais cependant reconnaissable au trait caracteristique de l’exis- tence de la trompe. Des details beaucoup meilleurs, et destines aux voyageurs eux-memes, se lisent dans le Sommaire de I’Histoire naturelle et generate des Incles , que donna, en 1526, Oviedo, et oil il indiqua le Tapir sous les denominations de Boeri, Anta et Danda. Les ecrivains qui succederent k Oviedo parlent des Tapirs sous differents noms qui sont pour la plupart empruntes aux dialectes indigenes; Gomora, en 1553, le signala, dans la province de Cumana, sous celui de Capa; Thenet (1556), sous celui de Tapchire, et Lery (1578), sous celui de Taperousson ; Tun et l’autre emprun¬ tes a la langue des Indiens de Rio-Janeiro, mais un peu alteres. Claude D’ Abbeville emploie celui de Tapigre, usite pres de l’embouchure de l’Amazone, et Laert celui de Maipouri , vulgaire a Cayenne; Hernandez le cite parmi ses animaux du Mexique et l’appelle Tlacoxolote; c’est encore la Vachc montagnarde de Dampier, le Tapir aguina de Pison et le Mborebi de DAzara. Buffon en a parle sous les noms de Tapir et d 'Anta, et les renseignements qu’il donne sont pour la plupart empruntes a Laborde et & Bojan, medecin fran<;ais qui avait habite Cayenne. Linne en donna la description sous le nom latin de Tapirus Americanus , qui a ete scientifiquement adopte; et les travaux de G. et Fr. Cu¬ vier, de De Blainville et de M. Roulin le firent completement connaitre en France. Ce n’est que dans le dernier siecle qu’on en amena en Europe, et le premier que Ton puisse citer fut montre a Am¬ sterdam, en 1704, sous le nom de Clieval marin. Allamand en vit deux autres en Hollande, mais beaucoup plus tard, vers 1774, un mfde dans la menagerie du prince d’Orange et une femelle dans une menagerie particuliere, et tous deux fort jeunes. Buffon, vers la meme epoque, en observa ega- lement un dans une menagerie particuliere a Paris, oil il vecut peu de temps, et il eut depuis l’occa- sion d’en voir un autre tout nouvellement mort, qui, lui ayant ete envoye de l’Amerique, avait vecu jusqu’4 une vingtaine de lieues de Paris, et dont il fit faire l’anatomie sous ses yeux, au Museum d’Histoire naturelle, par Mertrude : c’est le squelette du meme sujet qui servit aux travaux de G. Cu¬ vier. Depuis ce temps, on a vu, quoique peu frequemment, des Tapirs dans nos menageries oil ils vivent aisement. PACHYDERMES. 25 La seconde espeee est le Pinchaque, qui a ete distingue du Tapirus Amcricanus par M. Roulin, et cela assez recemment; ce nom specifique servait a designer un animal fabuleux dont l’histoire se trouve principalement liee a l’existence des Tapirs dans une haute montagne de la Nouvelle-Grenade, pays d’ou elle a ete rapportee. On n’en connait en France que deux crSnes et une peau montee pour les galeries du Museum. G'est le Tapirus Roulinii, J. B. Fischer; T. pinchaque, De Blainville, et T. villosus , Tschudi. Le Tapir indien, de meme que le Pinchaque, n’a ete veritablement connu en Europe que nouvel- lement. Ainsi que Font fait remarquer, en 1819, Fr. Cuvier, et quelques annees apres, en 1825, son frere, G. Cuvier, Diard vil pour la premiere fois cet animal, qu’il nomme Maiba, a Barokpour, pres de Calcutta, oil il venait d’etre apporte de File de Sumatra au marquis de Hastings, gouverneur general de l’lnde. Les Anglais ni les Ilollandais de la cote n’avaient jamais soupgonne auparavant F existence de cet animal dans cette lie : Diard trouva, quelque temps apres, une tete du meme Mam- mi fere dans le cabinet de la Societe asiatique ; elle avait ete envoyee, en 1806, de la presqu’ile de Malacca par M. Fargaharie, gouverneur des etablissements anglais dans ce pays, oil le Tapir est aussi commun que le Rhinoceros et que l’Elephant. Depuis lors, Diard et Duvaucel ont pris eux- memes de ces animaux dans le bois de File de Sumatra; ils en ont eu de vivants, en ont disseque, et ont envoye au Museum d’Histoire naturelle le squelette et la peau d’une femelle qui a ete montee pour les galeries de zoologie. Ce Tapir n’est pas rare aujourd’hui, et il est aussi connu que celui de FAmerique. Une remarque assez curieuse a ete faite a Foccasion de cette espeee; e’est que depuis Iongtemps cet animal etait connu des Chinois et des Japonais. M. Abel Remusat a fait remarquer a G. Cuvier des gravures d’une espeee d’encyclopedie japonaise et d’autres dessins chinois qui repre- sentaient evidemment un Tapir; seulement la trompe est un peu exageree etle corps est noir, tachete de blanc; mais cette derniere circonstance elle-meme n’est probablement pas une erreur, on Fa meme expliquee, en supposant que dans son premier age le Tapir de FInde porte une livree comme ceux d’Amerique, ce que Fobservation a confirme. M. Roulin, dans son memoire remarquable sur le Tapir, a repris cette question et suppose que le Griffon lui-meme pourrait bien n’avoir pas une autre origine. « Ce n’est pas, dit-il, seulement dans le nouveau monde que l’histoire du Tapir se lie a celle d’animaux fabuleux. Le merveilleux Me des auteurs chinois, cet animal a trompe d’Elephant, aux yeux de Rhinoceros, aux pieds de Tigre, qui ronge le fer, le cuivre et mange les plus gros Ser¬ pents, cet animal est un Tapir; mais je ne vois pas que ce soit un Tapir habitant la Chine. L’histoire du Me me parait fondee sur quelque description incomplete du Tapir de Malacca, et sur quelque re¬ presentation grossiere de cet animal. Les Chinois qui sortent de leur pays appartiennent, sans excep¬ tion, a la classe la moins eclairee; on n’a done point lieu de s’etonner qu’au retour ils melent dans leurs recits des erreurs et meme quelques mensonges. La figure que nous connaissons du Me chi¬ nois nous montre un Maiba marchant et la trompe en Fair; supposons que dans quelque autre image parvenue plus loin encore, au centre de l’Asie, par exemple, l’animal ait ete represente assis et la trompe pendante ; cette figure, pour peu que F execution en soit grossiere, semblera une copie muti- lee du Griffon des sculpteurs grecs... Conclura-t-on de ces conformites que l’image du Maiba indien a servi de modele pour la figure du Griffon grec? Ce serait hasarder beaucoup sans doute; cepen- dant quelques renseignemenis historiques peuvent donner un peu plus de poids a cette conjecture : Fhistoire du Griffon, telle qu’on la trouve dans Jilien et dans quelques autres ecrivains posterieurs au temps de Ctesius, est une fusion de deux traditions : l’une venant de Perse, et ajustee pour servir du¬ plication a une image evidemment symbolique; l’autre, plus ancienne, arrivee par la route de FInde, et qui pourrait bien se rapporter a la figure d’un animal reellement existant, a celle du Tapir malais. » Il existe en Europe des ossements fossiles de Tapir dont les premiers debris ont ete rencontres dans les couches de sables tertiaires d’Auvergne. Dans son cel^bre ouvrage sur les Ossements fossiles, G. Cuvier avait consacre un chapitre aux animaux voisins des Tapirs fossiles decouverts a Montmar¬ tre, dont il fit plus tard son genre Lophiodon. Mais il avait admis pour de grandes dents a collines transverses une espeee de Tapir gigantesque, tout en avertissant qu’il faudrait avoir la preuve de 1’existence des incisives et des canines correspondantes a celles de ce genre pour les y laisser; les dents molaires, qui avaient engage G. Cuvier a etablir des Tapirs gigantesques, presentent, en effet, surtout dans les anterieures, une grande ressemblance avec celles des Tapirs, quoique d’un volume trois ou quatre fois plus grand; mais les decouvertes faites par M. Kaup ont montre que ces animauxj u HISTOIRE NATURELLE. n’ont k la mfichoire inferieure que deux fortes incisives recourbees en bas, et que le nombre des molaires n’est que de cinq paires it chaque machoire, et ces particularity, jointesa quelques autres, l’ont engage a en faire un genre distinct, celui des Dinotherium, que Eon a rapproche a juste raison de celui des Elephants. MM. Deveze et Bouillet sont les premiers qui aient indique, dans VEssai geologique el mineralo- gique sur la montagne de la Boulade, des ossements de vrais Tapirs. Bientdt apres, MM. Croizet et Jobert, dans leurs Recherches sur les ossements fossiles du departement du Puy-de-Ddme, en signa- lerent quelques autres qu’ils publierent sous le nom de Tapirus Arvernensis. Enfin MM. De Laizer et Bravard en ont recueilli un nombre assez considerable en Auvergne, et M. Aymard, en Velai, dans les alluvions volcaniques anciennes oil se trouvent en meme temps des ossements de Mastodontes et de Rhinoceros. Malgre la grande ressemblance de ce Tapir avec les Tapirs vivants, plusieurs parti¬ cularites semblent annoncer que cette espece etait distincte; outre celles qui ont ete signalees par De Blainville dans son Osteographie du genre Tapir, Laurillard, dans le Dictionnaire universel d’Histoire naturelle, indique a la machoire inferieure la position du trou mentonnier, situe a Ea- plomb du bord posterieur de la premiere molaire, tandis que dans les Tapirs vivants il se trouve au- dessous du premier tiers de cette meme dent. M. Marcel De Serre a trouve, dans les sables marins tertiaires de Montpellier, des ossements de Tapirs qu’il a indiques sous le nom de Tapirus minor, et qui proviennent, en effet, d’individus un peu plus petits que ceux du Tapir d’ Auvergne, mais dont la position du trou mentonnier est la meme que dans ce dernier. M. Kaup, dans son ouvrage sur les Ossements fossiles du duche de Darmstadt, a etabli un Tapirus priscus sur des maohoires qui ont ete decouvertes dans les sables tertiaires d’Eppelsheim avec les ossements de Dinotheriums, de Mas¬ todontes et de Rhinoceros; ces michoires sont un peu plus grandes que celles du Tapir d’Auvergne, et la position du trou mentonnier est meme plus en avant que dans les Tapirs vivants. Enfin M Pomel indique un Tapirus Poirieri, qui proviendrait du terrain miocene du Bourbonnais. Mais, ainsi que le fait observer Laurillard, ces legeres differences indiquent-elles des especes diverses? II n’est pas possible, avec les debris que Eon possede actuellement, de donner une reponse precise a cette ques¬ tion. Pour des animaux de genres differents, on peut le plus souvent etablir un genre sur un seul os; mais, pour des especes d’un meme genre, il faut quelquefois posseder un certain nombre d'os, et parmi eux des tetes presque completes pour les differencier; et c’est ce que Eon peut observer dans les trois Tapirs actuellement vivants, etnon positivement dans les especes fossiles. Outre les Tapirs fossiles europeens que nous venous de signaler, on en a decrit des debris ameri- cains. M. Lund a etabli son Tapirus suinus pour des ossements qu’il a rencontres dans des cavernes du Bresil, de la grandeur d’un Cochon de moyenne taille, et M. Harlan, un Tapirus mastodontoides , londe sur une seule dent, qui pourrait bien n’etre, comme De Blainville le pense, que l’une des deux premieres dents de Mastodontes. Les affinites zoologiques des Tapirs seraient difficiles k etablir si Eon ne tenait compte que des animaux actuellement repandus a la surface du globe. Les trois especes vivantes de ce genre sont tres-intimement bees entre elles; cependant elles n’ont d’analogie reelle avec aucune de celles des autres genres du meme ordre; cesont bien des Paehydermes, mais de ceux qui n’appartiennent ni a la famille des Cochons ou des Hippopotames, ni a celle des Chevaux, ni a celle des Rhinoceros et des Damans; leur liaison avec chacun de ces groupes semble de peu de valeur, et celle qui les unit aux Elephants ne parait pas moindre, quoique cependan! ils n’aient point les mamelles disposees comme chez ceux-ci, ni les doigts en meme nombre qu’eux. Mais cetisolement apparent du genre Tapir dans l’ordre des Paehydermes disparait tout a fait si Eon ajoute a la liste des especes que nous connaissons aujourd’hui, non-seulement les animaux eteints du genre Tapir, maissurtout ceux plusanciens encore dans la seriezoologique dont on a fait les genres Tapirotherium , Lartet; Lopliiodon, G. Cuvier, et peut- etre meme celui des PaUeolherium. Le Tapirotherium n’est pas un Tapir, mais il differe encore bien peu des animaux de ce genre; les Laphiodons ne s’en distinguent eux-memes que par quelques nuances dans la forme des molaires, et par quelques autres caracteres indiquant plutot un sous-genre ou un genre de la meme famille qu’une famille a part; les Palaeotheriums ontdeja moins d’affinites avec les Tapirs, quoiqu’ils leur ressemblent plus encore que les Rhinoceros, les Chevaux et les Cochons; leurs canines etaient plus fortes que celles des Tapirs; leurs molaires avaient une autre disposition quant aux collines d’ email, et ils avaient sept paires de ces dents a chaque m&choire; la septieme, en liaut PACHYDERMES. 25 et en bas, ayant, sauf chez le Anchiterium, trois collines au lieu de deux. Quant aux Dinotheriums, qui ont egalement ete consideres comme des Tapirs, il est evident, par ce que 1’on sait aujourd'hui de leur organisation, qu’ils etaient plus semblables aux Proboscidiens; toutefois ils etablissaient le passage de ces derniers aux Tapirs. Pour nous, nous avons cependant cru devoir faire des Palseo- theriums une petite famille distincte que nous avons placee avant les Tapirs, et nous reunirons les Tapirs, Tapirotheriums et Lophiodons dans une famille particuliere Fig. 5. — Tapir d’AmSrique. L'organisation des Tapirs a ete etudiee avec soin par un assez grand nombre de naturalistes. L’os- teologie, d’abord commencee par Buffon en 1782, a ete donnee plus eompletement par G. Cuvier, en 1804, dans les Annates du Museum d' His loir e naturelle , et plus recemment dans ses Recher- ches sur les ossements fossiles. Wiedmann, toutefois, avait decrit auparavant la tete du Tapir d’Ame- rique. Pander et d’Alton ont publie la figure d’un squelette; et dans son Osteographie, De Blainville a etudie, comparativement sous le point de vue qui nous oecupe, les trois especes vivantes de Tapirs, ainsi que quelques debris d’especes fossiles. Le squelette du Tapir d’Amerique, pris comme type, rappelle un peu plus celui du Rhinoceros que celui du Cochon, avec quelque chose cependant de celui du Cheval dans I’encolure, c’est-a-dire dans la maniere dont la tete est soutenue; pour la croupe, c’est au Cochon qu’il ressemble le plus par la maniere dont elle se ravale, quoiqu’elle soit cepen¬ dant toujours bien plus large que dans ce dernier. Les os qui le composent sont pesants et solides par l’epaisseur de la partie eburnee, et leur mode d’assemblable, fort serre, a beaucoup de rapports avec ce qu’il est chez les Rhinoceros. C’est egalement le meme nombre d’os, sauf aux pieds de de- vant, oil un quatrieme doigt en donne necessairement trois de plus. La colonne verlebrale est assez arrondie, et composee de cinquante-trois vertebres : quatre cephaliques, sept cervicales, dix-huit dorsales, cinq lombaires, sept sacrees et douze coccygiennes; mais ce nombre peut legerement va- rier suivant les individus. La tete peut etre plus convenablement comparee a celle du Rhinoceros qu’a celle du Cheval, surtout dans sa partie posterieure ou crSnienne; car, dans la partie faciale, et p 4 26 HISTOIRE NATURELLE. principalement nasale, il y a un peu plus de rapport avec le Cheval : il a ajissi une assez grande res- semblance avec celui des Palaeotheriums. Ce crane est assez long, comprime; les os propres du nez sont releves et presque cordiformes; l’ouverture nasale est considerable, et la partie anterieure des maxillaires tres-prolongee; la partie crAnienne est plus ou raoins comprimee, et la surface limitee par les fosses temporales est etroite ou simplement en arete, niais non aplatie et oblique, comme chez les Sangliers. Les vertebres cervicales constituent un cou assez court, assez robuste, assez for- tement concave en dessus, rappelant tres-bien, quoique plus releve, celui des Rhinoceros. Les ver¬ tebres dorsales out toutes le corps assez petit, arrondi et convexe en avant comme en arriere, avec un trou rond de chaque cote de la racine de bare, derriere l’apophyse transverse, devenue articu- laire, sauf la premiere, oil ce n’est qu’une echancrure profonde; les apophyses epineuses sont tres- elevees, inclinees et mediocrement larges pour les premieres, et, au contraire, plus courtes et plus larges pour les six dernieres. Les vertebres lombaires ressemblent assez bien aux dernieres dor- sales. Le sacrum est long, ovale, un peu arque, assez large et se continuant d’une maniere insensible avec le coccyx. Les vertebres coccygiennes sont en general petites, larges dans leurs apophyses transverses, et decroissent assez rapidement de grandeur. L’hyoide ressemble assez a celui du Rhi¬ noceros. Le sternum, tres-court, n’est compose que de cinq ou six pieces. Les cotes, au nombre de dix-huit, dix-neuf ou vingt, sont en general assez longues et assez greles, surtout les dernieres. La cavite thoracique est tres-grande en hauteur et en longueur; mais elle est assez comprimee, surtout en avant. Les membres sont generalement courts et assez distants entre eux, quoique ceux de cha¬ que paire soient tres-rapproches. Aux membres anterieurs, l’omoplate, plus haute que l’humerus, est en general arrondie, surtout a son bord exterieur, par suite de la grandeur de la fosse sur-epi- neuse, bien plus large que la sous-epineuse. L’humerus, court, presque droit, est assez robuste, son extremite superieure etant fortement elargie et presque trapezo'idale dans son plan terminal. L’avant-bras rappelle presque celui du Rhinoceros par la longueur proportionnelle de ses os et feur mode de convexion. Le carpe est egalement assez semblable a celui du Rhinoceros; lepisiforme estpro- portionnellement plus allonge : la premiere et la seconde rangees du carpe ontchacune quatre os; les os du metacarpe, aussi au nombre de quatre, portant chacun un doigt complet; les phalanges sont un peu moins courtes et moins deprimees que celles des Rhinoceros. Aux membres posterieurs, le bas- sin a une forme particuliere; la forme et les proportions des membres de derriere rappellent parfai- tement ceux des Rhinoceros, encore mieux que ceux de devant, d’autant plus qu’ils ont le meme nombre de doigts : le femur, qui a un troisieme trochanter, est droit, plus long que I’humerus; les deux os de la jambe, le tibia et le perone, sont courts, bien separes, presque droits; le pied est, en petit, dispose comme celui du Rhinoceros. La rotule est tres-epaisse, ovale, un peu irreguliere, et rappelle assez bien celle du Rhinoceros. Des differences assez notables se remarquent dans les tetes des trois especes de Tapirs, et Ton en a meme signale entre les autres parties du squelette du Tapir indien et du Tapir americain. Le systeme dentaire du Tapir, d’abord etudie par Bajon, Allamand, Buffon, etc., n’a ete bien connu qu’apres les travaux de G. et Fr. Cuvier, ainsi que de De Blainville. Ces Pachydermes ont quarante- deux dents lorsqu’ils sont adultes; savoir : trois paires d’incisives it chaque m&choire, une paire de canines; sept paires de molaires a la m&choire superieure et six seulement a l’inferieure. Les inci- sives sont assez faibles, sauf la paire superieure externe, qui croise en avant la canine d’en bas, est aussi grosse ou meme plus grosse qu’ elle, et depasse de plus de moitie en volume la canine supe¬ rieure; Pincisive inferieure externe est, au contraire, la plus petite de toutes. Les canines sont fai¬ bles et tres-rapprochees des incisives, principalement celles d’en bas. Une barre assez longue separe. les canines des molaires, qui sont en serie continue, et la forme de celles-ci est appropriee au re¬ gime vegetal de ces animaux; ces dents rappellent, par les collines transverses dontleur couronne est pourvue, celles de plusieurs genres de Mammiferes, les uns voisins, les autres, au contraire, fort eloignes des Tapirs par le reste de leur organisation. Les molaires sont pourvues d’une double col line transverse : la premiere d’en bas est comprimee et assez differente des autres; il en est de meme pour la premiere de la machoire superieure. Les deux collines de chacune des molaires de cetle derniere miichoire sont jointes par une crete longeant d’avant en arriere le bord externe de la dent. Au contraire, celles d’en bas sont parfaitement separees et sans jonction. Les deux dernieres molaires d’en haut ressemblent a celles-ci : la derniere des inferieures ou la sixieme n’a que deux collines 27 PACHYDERMIA. comme les autres, au lieu de trois, comme chez les Palaeotheriiims, oil les collines sent d'ailleurs en arcs successifs et non transversals: elle manque aussi du talon qui la caracterise, au contraire, chez les Lophiodons. En fin aucune des molaires intermediates des Tapirs, ni cn haut ni en has, n’est a trois collines, ainsi que cela se voit chez les Dinotheriums, qu’on y avait autrefois reunis. La dentition de lait des Tapirs consiste en trente-six dents ainsi reparties : deux paires d’incisives ii chaque inachoire, une paire de canines, trois paires de molaires superieures etdeux seulement d’in- ferieures; et ces dents ont a peu pres la forme de celles qui devront les remplacer. Bajon avait cru que le Tapir etait un animal qui ruminait, et e’est par l’anatomie de son estomac qu’il avait ete conduit ii cette opinion; mais toutefois il montre que cet estomac n’est pas tout a fait dispose comme celui des Ruminants, et qu’il ne presente que trois poches. Buffon a reconnu facile- ment que cette forme d’ estomac devait etre comparee a celle du Pecari et non du Bceuf, et l’on sait en effet que le developpcment des deux culs-de-sac de l’eslomac le fait paraitre triloculaire, et que le Tapir, comme le Pecari et le Daman, que Eon avait signales comme doues de la faculte de rumi- ner, ne la possede reellement pas. L’intestin du Tapir disseque par Mertrude etait long de dix-huit pieds deux pouces, et il presentait un ccecum long de vingt et un pouces. Les parties genitales sent assez semblables a celles des Chevaux, soit dans le male, soit dans la femelle. Les mceurs des Tapirs, et ce que nous allons dire s’applique plus particulierement au Tapirus Americanus, a l’etat sauvage, semblent brutales, sans etre neanmoins feroces. 11s occasionnent peut-etre moins de deg&ts et sont moins dangereux pour les chasseurs que les Sangliers, dont ils n’ont pas les fortes defenses. 11s se tiennent, en general, dans les endroits chauds, et sont plus noc¬ turnes que diurnes; ils passent en effet le jour caches dans des lieux obscurs et fourres, et ce n’est que la nuitqu’ils se mettent en marche. Leur nourriture consiste en vegetaux de plusieurs sortes et en fruits, parmi lesquels on cite les melons d’eau et les courges : selon D’Azara, ils recherchent aussi la terre salee, qu’on appelle au Paraguay barrero; le Pinchaque a des appetits analogues a ceux du Tapir americain. 11s ne sont pas amphibies, comme on Ea pretendu; mais ils aiment assez l’eau, traversent aisement les rivieres et se vautrent avec plaisir dans les marais et les etangs. Dans les forets qu’ils frequentent, ils ont, suivant quelques auteurs, des senders traces par eux; mais, suivant d’autres, ce qui est plus probable, ils cheminent au hasard, ecartant ou brisant tout ce qui leur fait obstacle; ils avancent resolument, la tete baissee, et la forme en carene de leur crane et la durete de leur peau semblent tres-favorables a cette habitude. On rapporte, dit D’Azara, que si le Jaguar se jette sur le Tapir, celui-ci l’entraine a travers les parties les plus epaisses du bois, jusqu’a ce qu’il ait brise son ennemi en le faisant passer paries espaces les plus etroits. Les jeunes Tapirs suivent leurs meres pendant tres-longtemps. En les prenant a cet &ge, il est aise de les habituer a vivre dans nos habitations. Pris jeunes, ils s’apprivoisent des le premier jour, et vont par toute la maison sans en sortir, meme apres etre devenus adultes. Tout le monde peut les approcher, les tou¬ cher et les gratter, ce qu’ils aiment beaucoup, mais sans que pour cela ils preferent qui que ce soit et obeissent a personne. Si Eon vent, dit D’Azara, faire sortir d’un lieu le Tapir ainsi familiarise, il faut presque Pen arracher; il ne mord pas, et, si on l’incommode, il fait entendre un sifflement grele et tres-disproportionne a sa structure. Il boit comme le Cochon, mange de la chair crue ou cuite, des aliments de toute espSce et tout ce qu’il rencontre, sans excepter, dit le meme observatenr, les chif¬ fons de laine, de toile ou de soie. Nos menageries ont possede et possedent assez souvent des Tapirs. Fr. Cuvier, dans son Histoire des Mammiferes, publiee en 1825, donne les details suivants sur les mceurs d’un individu qui vivait au Museum. « L’animal que nous possedons, jeune encore, il est vrai, est d’une douceur et d'une con- fiance remarquables; il n’est pas de Mammifere domestique qui ait une abnegation aussi complete de sa volonte, et cet etat ne depend d’aucune inconstance particuliere; il est le meme partout et avec toutes les personnes. Quoique sa gloutonnerie soit assez grande, il ne defend point sa nourriture, et permet i des Chiens et a des Chevres de la partager avec lui. Lorsque, apres avoir ete renferme quel- que temps, on lui donne sa liberte, il temoigne vivement sa joie en courant autour de l’enceinte qui lui sert de pare, et sa course alors est tres-rapide et tres-prompte. Lorsqu’il veut jouer avec de jeunes Chiens avec lesquels il est eleve, il les saisit par le dos avec ses dents. Sa voix est extreme- ment faible et douce; elle ne consiste qu’en un seul son, et il ne le fait entendre que quand on le contrarie, en le formant a quitter le lieu qui lui plait. Il a facilement appris it connaitre celui ou il 28 IIISTOIRE NATUHELLE. passe la nuit, et, lorsqu’il souffre un peu du froid, il demande a y rentrer ou s’y rend precipitamment de lui-meme. La cbaleur lui est fort agreable; il la recherche, meme en ete; et, durant l’hiver, il se rapprocbe le plus qu’il peut du foyer. Les uns disent que la chair de cette espece est agreable; les autres assurent le contraire. Ce qui est certain, c’est que, si elle pouvait avoir quelque utilite pour nous, il serait tres-facile de la rendre domestique. » Comme les Tapirs sont propres, surtout si on les compare aux Coehons; que, sans etre dociles, ils sont moins turbulents, et que leur taille aussi bien que leur chair doit differer peu de celle de ces derniers, on n’a pas perdu de vue les essais de domestication auxquels ils devaient necessairement donner lieu. Le savant professeur, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, donne, dans ses Essais de zoolo- gie generate, quelques details sur le parti que Ton pourrait tirer des Tapirs si Eon reussissait a les acclimater cbez nous. « Parmi les Pachydermes, dit-il, il est un animal dont la domestication me semble devoir etre immediatement tentee; c’est le Tapir, et plus specialement E espece americaine, qu’il serait si aise de se procurer par la Guyane et par le Bresil. Non moins facile a nourrir que le Cochon, le Tapir m’a semble, par ses instincts naturels, eminemment dispose ala domestication. Au defaut de la societe de ses semblables, je Eai vu recbercber celle de tous les animaux places pres de lui avec un empressement sans exemple chez les autres Mammiferes. L’utilite du Tapir serait double pour Phomme. Sa chair, surtout amelioree par un regime convenable, fourriirait un aliment a la fois sain et agreable. En meme temps, d’une taille bien superieure -A celle du Cochon, le Tapir pourrait rendre d’importants services, comme bete de somme, d’abord aux habitants de l’Europe meridionale, puis, avecle temps, a ceux de tous les pays temperes. » Le Tapir approche assez du Cheval par sa forme generale, et il lui ressemble plus qu’au San- glier. Toutefois sa queue si courte et sanscrins, sa petite trompe, la forme comprimee desa tele, ses doigts plus nombreux, ses proportions plus lourdes et par suite moins elegantes, permetlent aise- ment de Ten distinguer, cependant on lui donne parfois les noms de Mule sauvage, de Cheval ina¬ rm, et c’est sous ces denominations bizarres ou sous d’autres encore que les menageries ambu- lantes l’annoncent au public. Il offre un peu en petit la forme d’un tres-jeune Elephant, sa taille est celle d’un Ane ordinaire. Ses oreilles sont en cornet droit; les yeux sont petits, A pupille ronde; la langue est douce; les narines sont au bout de la trompe, mais eelle-ci est un simple pro- longement nasal de quelques centimetres seulement au boutoir proboscidiforme plutdt qu'une trompe, qui ne sert ni Asaisir ni A burner l’eau comme la trompe de EElephant. Le Tapir prend di- reetement sa nourriture avec sa gueule, et, pour boire, il releve sa trompe de maniere A ne point la mouiller. Cet organe n’inllue pas non plus sur sa voix. Les especes de Tapirs sont les suivantes : 1. TAPIR DAMERIQUE. TAPIltUS AMERICANUS. Gmelin. Caracteres specifiqdes. — Pelage brun, presque uniforme, mais passant au grisatre sur la tete et la gorge; poils courts, peu serres; u.ne petite criniere regnant sur le cou du male. Longueur totale du corps et de la tete mesurant environ 2m; hauteur au garrot un peu plus de lm. Cette espece, la plus anciennement connue, et la seule qui soit encore repandue dans les collec¬ tions, a recu differents noms que nous avons indiques; Eon a autrefois confondu avec elle le Pin¬ ch a que. Les jeunes, qu’A. G. Desmarest avait deceits sous le nom de Cabiat elephantipede dans le Nouveau Dictionnaire d'Histoire naturelle de Deterville, ont le fond du pelage brun fauve, avec des piquetures blanchatres sur la tete et des bandes de meme couleur sur le corps, les parties infe- rieures de celui-ci etant blanches. Cet animal n’est pas propre A toute l’Amerique meridionale, comme on l’a dit; on le trouve seule¬ ment depuis l’Orenoque jusqu’A la Plata, c’est-A-dire depuis le quinzieme degre nord jusqu’au trente- cinquieme degre sud environ; mais il n’y en a pas dans la Patagonie, non plus qu’au Chili. 2. TAPIR PINCHAQUG. Roulin. TAVIRUS P1NCHAQUE. De Blainville. Caracteres specifiques. — Pas de plis lateraux sur la trompe; pas de crete se prolongeant du front PACIIYDERMES. 29 au garrot comme dans FespSce pr6cedente; des poils longs, tres-6pais, sans que ceux de la ligne cer- vicale soient disposes en criniere; couleur noir&tre, sans lisere blanc aux oreilles, et, au contraire, avec une sorte de tache blanche a 1’extremite de la m&choire inferieure, remontant et occupant lc Lord des levres; cr&ne osseux plus semblable £1 celui du Tapir de l’lnde qu’A celui du Tapir ameri- cain, sous certains rapports, tels que la direction et la largeur de front, le defaut de saillie de la crdte biparietale, la dimension des os du nez et la direction plus rectiligne du bord inferieur de la machoire superieure. Taille un peu moindre que celle du precedent. Cette espece, le Tapirus Roulinii, G. B. Fischer, et Tapirus villosus, Tschudi, est particuliere aux Andes colombiennes, se rencontre surtout dans la province de Santa-Fe-de-Bogota, et il parait que les deux especes vivent Tune avec l’autre dans quelques Iocalites. 3. TAPIR INDIEN. TAPIIWS 1NDICVS. G. Cuvier. Caractebes specifiques. — Corps gros, trapu; trompe un peu plus longue que celle du Tapir americain; poil court, ras; tete, cou, epaules, jambes de devant et de derriere, queue, d’une cou¬ leur noire assez foncee; dos, croupe, ventre, tlancs et extremites des oreilles, blancs. Taille comme dans le Tapirus Americanus. Cette espece est le Maiba de Diard et Fr. Cuvier, le Me des Chinois; c’est le Tapirus Indicus de G. Cuvier, A. G. Desmarest, De Blainville, etc., et le Tapirus Malayanus, Horsfield. Le jeune, comme dans les deux autres especes, presente une livree composee de brun et de blanc. II vit dans les forets de la presquTle de Malacca, & Sumatra et a Borneo Pour les especes fossiles du meme genre, nous nous bornerons a ce que nous avons dit prece- demment, et nous completerons leur histoire en faisant celle du genre suivant, celui des Lophio- dons, ou nous dirons quelques mots des Tapirotheriums de M. Lartet, qui sont peut-elre de vrais Tapirs. 2mc GENRE. - L0P11I0D0N. LOPHIODON. G. Cuvier, 1822. Aotpo;, crele; c^tov, dent. Ossements fossiles, t. II. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : incisives, f; canines , molaires, |5|, ou en totalite trente- quatre, trenle-six on irente-huit dents. Incisives et canines plus ou moins fortes; molaires of- frant , comme dans les Tapirs, des collines ou des cretes transversales, mais en different par la plus c/rande obliquite de leurs collines, par /’ absence d'une seconde colline dans les premieres molaires superieures, et par la presence d’une Iroisi'eme a la derniere rnolaire du bus. Les deux collines des molaires superieures reliees par leur bord exlerne ; celles des inferieures bien dislinctes ou rele¬ vees par une petite Crete en diagonal; toujours un talon ou rudiment de iroisi'eme colline a la derniere , sauf dans le Corijpliodon. Ouverhire nasale et nombre des cloigts inconnus. Les Lophiodons, que G. Cuvier ccnsidera dans ses premiers travaux comme une simple subdivi¬ sion des Palaeotheriums, ont ete distingues generiquement pour la premiere fois par De Blainville dans le tome IX du Nouveau Diclionnaire d’LIisloire naturelle, qui leur a donne le nom de Tapi- rotherium pour rappeler leur rapport avec le genre Tapir; ce n’est que plus tard que G. Cuvier, dans ses Ossements fossiles, edition de 1822, oubliant qu’ils etaient deja denommes, les a appeles Lophiodons ; depuis lors, De Blainville les a fait connaitre dans son Osteograpliie sous ce meme HIST01RE NATURELLE. 50 nom de Lophiodons; MM. Paul Gervais et Duvernoy s’en sont egalement servis, et la meme deno¬ mination a aussi ete preferee par les autres naturalistes qui ont parle des Lophiodons; tels sont MM. Lockhart, Laurillard, Richard Owen, etc. Quelques subdivisions generiques ont ete formees dans ce groupe naturel; telles sont celles des Coryphodon, Lophiodon proprement dit ou Tapiro- therium, Pachijnoloplius, Lophiotherium et Tapirutus, dont nous parlerons bientot. Ces animaux ne sont guere connus que par leur systeme dentaire, et on ne les a encore observes que dans un assez petit nombre de localites; ils constituent neanmoins plusieurs especes fossiles a distinguer, quoiqu’on les ait peut-etre trop multipliees, et leur observation est d’un haut interet sous le point de vue geologique. « En effet. rapporte M. Paul Gervais, quoiqu’on ait signale des restes de Lophiodons dans des terrains tertiaires d’fige bien differents les uns des autres, et qu’en general on les cite, dans les ouvrages paleontologiques, comme priucipalement enfouis dans les depots mio- cenes, j’ai ete conduit, par I’etude que j’ai faite de ces animaux, a les considerer comme essentielle- ment caracteristiques de l’epoque eocene moyenne. G’est bien certainement dans les formations eocenes moyennes que les Lophiodons sont enfouis dans le bassin de Paris et a Blaye, et cela d’apres les geologues eux-memes. Suivant moi, les depbls lacustres qui les renferment, a Buschweiller (Bas- Rhin), a Algernon (Indre), ainsi qu’a Issel (Aude), sont aussi des depots eocenes, quoique les geolo¬ gues les rattachent, pour la plupart, aux terrains miocenes de la region sous-pyreneenne, avec les- quels ils n’ont cependant aucune espece de rapport; on les rapporte meme & une epoque plus recente encore, ce qui est la maniere de voir de M. Roulin. J’ai visite le gisement d’Issel, et M. Emilien Du¬ mas, qui l’a vu apres moi et dans le meme but, m’a confirme dans l’idee que je m’en etais faite. L’opinion que je soutiens sur Page reellement eocene des Lophiodons et des Pachynolopes d’Issel, d’Argenton et de Buschweill’er, a ainsi pour elle l’autorite de G. Cuvier et de M. R. Owen, & defaut de l’approbation de quelques geologues qui ont malheureusement confondu en un seul et meme etage les depots a Palseotheriums de Gargas, ceux a Lophiodons qui viennent d’etre cites, ceux a Ilyaeno- dons, Cai'notheriums, Anthracotheriums, etc., de la Limagne et du Puy; ceux a Mastodontes, Rhino¬ ceros, Amphicyons, etc., du Gers et d’ autres lieux encore. » D’apres ce que nous venons de rapporter, les veritables Lophiodons et les animaux qui paraissent s’en rapprocher le plus, comme le Coryphodori, le Lophiotherium etle Tapirule, peuvent etre conside¬ rs comme formant un genre de Pachydermes herbivores dont les especes sont essentiellement carac¬ teristiques des terrains de la periode eocene, et toutes, sauf le Lophiotberium et le Tapirule, parais¬ sent etre anterieurs aux Palaeotheriums. Nous indiquerons les divisions de ce genre et les especes principales qu’il renferme, surtout parmi celles qui se trouvent en France. I. Coryphodon, R. Owen. — Fausses molaires superieures assez differ entes des mates molaires, plus petites et formees de deux cretes curvilignes concentriques; derniere molaire inferieure sans talon apres son second lobe. Une espece, Lopliiodon anthracoideum, De Blainville; Lophiodon de Soissons ou du Laonnais, Coryphodon eocoenus, R. Owen; fossile dans les lignites de l’eocene inferieur aux environs de Sois¬ sons et du Laon, qu’on appelle cendrieres dans ces deux localites, ainsi que dans l’argile de Meu- don, pres Paris. Cette espece, un peu plus grande que les Tapirs aetuels, et dont une dent, trouvee pres de Soissons, avait ete attribuee, a cause de sa taille, au Lophiodon lsselense par G. Cuvier; se trouve principalement en France, et a ete aussi signalee en Angleterre. II. Lophiodon, G. Cuvier; Tapirotherium, De Blainville, Olim. — Molaires superieures peu differentes les lines des autres, sauf la premiere et la derniere. au nombre de six, a deux collines incomp I element relices entre elles pur une Crete diagonale, disposition qui est moins evidenle pour les deux premieres; la derniere pourvue d'un rudiment de troisieme lobe en forme de talon. 1° Lophiodon lsselense, G. Cuvier, ou grand Lophiodon d’Issel el d'Argenton; fossile a Issel et a Argenton. — 2° L. Parisiense, P. Gervais; fossile dans les marnes du calcaire grossier de quelques localites des environs de Paris, telles que Nanterre, Passy, Vaugirard; et peut-etre aussi de Pro- vins, Cuis, pres Epernay, Blaye, etc. — 5° L. tapiroides, G. Cuvier; e’est le grand Lophiodon de Buschweiller, qui etait plus grand qu’un Tapir. — 4° T. tapirotherium, De Blainville; petit Tapir PACHYDERMES. 31 fossilc, G. Cuvier; L. moyen d'Issel, etc.; cette espikee, propre & Issel, parait semblable & la prec6- dente. — 5° L. Buchsowillanum, G. Cuvier, de la grandeur du Tapir des Indes, pourrait bien <5tre reuni aux deux precedentes. — 6° L. medium , G. Cuvier, d’Argenton, et de la taille du Tapir. — 7° L. Occitanicum, G. Cuvier, de petite taille, d'Issel. — 8° L. minutum, Fischer, d’Argenton, ct de deux tiers moindre pour la taille que le Tapir d’Amerique. III. Pachynolophus, Pomel. — Molaires superieures au nombre de sept; les inferieures au nom- bre de six, ayant leurs demi-collines transverses rclevees par une crcte en diagonale; barre plus long ue. 1° Lophiodon Cesserasicus, P. Gervais; ce fossile, que Ton avait pris pour un Anoplotherium, a ete trouve fossile & Cesseras, pres Saint-Chinian (Herault). — 2° L. minimum, Fischer; cette es- pece, qui est le tres-petil Lophiodon d'Argenton, G. Cuvier, a la taille de moitie moindre que cede du Tapir d’Amerique. — 3° L. Duvalii, Pomel; ce fossile, qui porte les noms d ' Hyracolherium de Pussy; L. mastolophus, Pomel; L. lepiognailium, P. Gervais, a ete trouve & Nanterre, a Passy et a Vaugirard, dans les marnes du calcaire grossier moyen, en compagnie du L. Parisiense. — 4° L. par- vulum, Laurillard; ce fossile, d’Argenton, egalait seulement le tiers de la grandeur du Tapir d’Ame¬ rique. IV. Lophiotherium, P. Gervais. • — Molaires superieures inconnues; sept molaires inferieures; les vraies molaires a deux collines relevees enlre elles par une crete en diagonale; la septi'eme pourvue d'un fort talon simulant presque un iroisi'eme lobe. Lophiotherium cervulum, P. Gervais; fossile aupres d’Alais (Gers), dans une marne lacustre & Pa- Iaeotheriums. V. Tapirulus, P. Gervais. — Formule dentaire inconnue; arriere-molaires inferieures pourvues de deux collines transverses tr'es-distinctes , incomp letement reliees par une faible car'ene perpen- diculaire a leur direction au lieu d'etre oblique; un fort talon posterieur; celui de la derniere si¬ mulant une Iroisi'eme colline moins large que les deux autres. Tapirulus hyracinus, P. Gervais; fossile a Perreal, pres Apt; sa taille est semblable a celle du Daman. Un assez grand nombre d’autres fossiles ont ete ranges avec les Lophiodons et doivent en etre eloignes; tels sont le Lophiodon de Montpellier, G. Cuvier; le Lophiodon des Barres, faubourg d’Orleans; le tr'es-grand Lophiodon de Monlabuzard, G. Cuvier (L. giganteum, A. G. Desmarest), d’Orleans, qui est un Rhinoceros; L. moindre de Montabuzaril, G. Cuvier, qui est un Ruminant; tr'es-grand Lophiodon de Gannat, G. Cuvier, qui est un Rhinoceros; Lophiodon d’ Eppelslieim, Kaup, qui est un Tapir, etc. Un genre bien distinct de celui des Lophiodons, quoiqu’il en soit voisin, est celui des Tapirothe- rium de M. Lartet, que M. Meyer, selon M. Pomel, nomme Lyslriodon. Dans ce groupe, les molaires, au nombre de sont formees, a la couronne, de deux collines transverses presque aussi nettement separees aux superieures qu’aux inferieures : la derniere infe- rieure pourvue d’une troisieme colline en forme de talon; canines, j-E}, separees des molaires par une barre et plus fortes que les incisives, qui sont au nombre de f, et en pinces; partie faciale du cr&ne allongee, a ouverture nasale assez petite et paraissant avoir porte un museau plutot qu'unc trompe; nombre des doigts et forme de l’astragale inconnus. L’espece unique de ce genre est celle que M. Lartet a decouverte dans les riches depots des ter¬ rains sous-pyreneens, et qu’il a nominee T apirolherium : e’est le Lophiodon de Sansan et Sus tapi- rotherium de De Blainville; le T apirolherium Larlelii, P. Gervais, et le Listriodon Lartetii, Pomel. Une question que Ton a debattue est cede de savoir si les Tapirotheriums appartiennent a la serie des Pachydermes omnivores ou a cede des herbivores, et leur astragale avait-il la forme de celui des Rhinoceros et des Tapirs ou de celui des Sangliers, Anoplotheriums et Ruminants? De Blainville se decide pour cette seconde opinion, et, d’apres la disposition du sysleme dentaire, M. Paul Gervais croit que la premiere lui semblerait devoir etre prefer^e. 32 II1ST0IRE NATURELLE. SIXIEME FAMILLE. ANOPLOTHERIDEES. ANOPLOTHERIDJE. Nobis. Cette petite famille ne renferme que des Ongules, que Ton ne rencontre plus aujourd’hui qu’A l’etat fossile, et qui sont surtout remarquables en ce que, par l’ensemble de leurs caracteres et par quel- ques particularites specifiques, ils etablissent un passage naturel des Pachydermes au\ Ruminants. Ce n’est que dans l’ancien monde, particulierement en France, et plus rarement dans les monts des sous-Himalayas, qu’on en a decouvert jusqu’ici. Les caracteres des Anoplotheridees sont ceux des anciens Anoplotheriums de G. Cuvier. On pourrait y distinguer une dizaine de coupes generiques, que nous avons reunies dans les trois genres des Anoplotherium , Adapis et Anlhracolherium, dans lesquels nous parlerons principalement des especes frangaises. ier GENRE. — ANOPLOTHERIUM. ANOPLOTHERIUM. G. Cuvier, 1804. A, privatif; oirXov, arme; 6np, grande bete. Annates da Museum, t. III. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : incisives, f; canines, molaires, ^ ou f^f ? en totalize quaranie et plus souvenl quaranle-quatre dents, loutes en series continues. Canines pen differ entes des incisives .it ne saillissanl pas plus qu'elles, ce qui a donne lieu au nom du genre; les trois jnolaires poste- rieures, de chaque cole, carrees et a deux collines transverses en haut, a double et a triple crois¬ sant en has, dont I'anterieure terminee par une pointe, separee par un sillon, et assez semblables a celles des Rhinoceros, des Damans et des Palceotheriums; les trois molaires anterieures etant comprimees; quatrieme molaire ressemblant, en haut, a la moitie posterieure d’une des dents car¬ rees, et, en bas, aux molaires anterieures . Os propres du nez tr.op avances sur la machoire pour avoir pu donner attache aux muscles d'une trompe. Pieds termines par deux grands doigts, ne differant de ceux des Ruminants que par la sepa¬ ration des os du metacarpe et du metalarse, qui ne se soudaient pas en canon. Un ou deux doigts accessoires dans quelques especes. 1'arse compose comme celui du Chameau; carpe a peu pres comme celui du Cochon. Formes generales intermediaires , d’une part, entre celles des Rhinoceros et celles des Chevaux, et de l’ autre, entre celles des Hippopotames, des Cochons et des Chameaux. C’est G. Cuvier qui, en 1804, dans ses importants inemoires sur les Ossements fossiles, a fait con- naitre le genre des Anoplotheriums. Mais ce groupe a subi depuis sa creation, dans sa caracteristi- que et dans ses limites, plusieurs modifications necessities par une connaissance plus complete des especes que son auteur y rapportait, ainsi que par la decouverte de plusieurs espices qui s'en rap- prochent. G. Cuvier lui-meme avait deja distingue les sous-genres Anoplotherium proprement dit, Xiphodon et Dichobune; mais deux especes de ce groupe out do en etre retirees pour etre repor- tees parmi les Ruminants du genre des Chevrotains; c’est au meme groupe des Anoplotheriums PACHYDERMES. 33 qu’appartiennent les genres plus recemment decouverts des Chalicotherium et Cainotlierium, ainsi que celui des Acotherium, etc. : nous indiquerons brievement ces divers animaux, que nous rap- porterons tous au genre des Anoplotheres, en faisant remarquer que plusieurs d’entre eux doivent trAs-probablement former des groupes generiques differents les uns des autres. Ces animaux, qui tous ne se trouvent plus qu’A l’etat fossile, appartiennent presque uniquement aux bancs de chaux sulfatee calcarifere ou pierre A plAtre des environs de Paris, el lours os y soul disperses avec ceux des Palteotheriums, de quelques autres Mammiferes, d’un Trionyx et d'un Cro¬ codile. Les Anoplotheriums, d’apres l’ensemble de leurs caracteres, etablissent un point de contact entre les Pachydermes et les Ruminants, a peu pres de la meine maniere que les Damans en etablis¬ sent un entre ces memes Pachydermes et les Rongeurs. I. Anoplotheriums proprement dits, G. Cuvier. — Molaires, les arriere-molaires supeneures composees de deux collines representees chacune a la couronne , lorsque I'usure les a peu cntamees, par un chevron a sommet interne, se rapprocha.nl plus ou moins d’un pros mamelon interne et se confondant ullerieuremenl avec lui; les molaires inferieures a doubles collines , s usant a peu pres en forme de coeur; la septieme pourvue d’un talon au troisieme lobe; les dents des trois sortes en serie continue et egales entre elles; les canines peu differentes, par leur forme, des incisives exter- nes et de la premiere fausse molaire; pieds didactyles; queue longue, composee de vert'ebres fortes, nombreuses. Les deux especes les mieux connuessont : — 1° V Anoplotherium commune, G. Cuvier. Animal de la grandeur d’un petit Ane, mais plus bas sur jambes, a queue tres-forte et de la longueur du corps, A pieds de devant munis, du cote interne, d’un rudiment de doigt; cet animal etait herbivore et pro- bablement nageur comme la Loutre, dont il avait Failure; il se nourrissait sans doute des tiges et des racines des plantes aquatiques, et avait, selon toute apparence, le poil lisse et les oreilles pe- tites comme l’Hippopotame; c’est le seul Ongule connu chez lequel la queue acquiere un developpe- ment considerable. Trouve fossile dans les platrieres des environs de Paris, ainsi que dans les lignites de la Debruge, pres Apt, et de Vermels, pres Ribaute. — 2° A. secundarium, G. Cuvier; de la taille du Cochon. Fossile dans les platrieres de Paris, et que De Blanville croit n’etre que le jeune Age du precedent. — 3° MM. Falconer et Cauleley ont fait connaitre une espece fossile des monts Himalayas, leur A. Sivalense. II. Chalicotherium (x«>4, chaux; 0r,p, grande bete), Kaup ( Ossements fossiles, t. II, 1838); Anisodon, Lartet. — Molaires, f=f? collines des arriere-molaires superieures se continuant en creles horizontales au del'a du sommet des chevrons formes par la face externe des lobes; un seul gros mamelon interne entre les deux collines; arriere-molaires inferieures en doubles chevrons; la dernier e sans talon au troisieme lobe? L’espece type est le Chalicotherium grande, De Blainville; grand Anoplotherium, Lartet; ce Pa- f 5 54 HISTOIRE NATURELLE. ebyderme approchait, par sa taille, des Rhinoceros, et surpassait V A nop lo thorium commune; il a ete trouve dans le depot lacustre de Sansan. Deux autres especes seraient les C. Goltlfussii et anti¬ quum , Ivaup; fossiles dans le duche de Darmstadt. III. Cainotherium (xaivo?, insolite; Gnp, grande bete), Bravard (Monographic de la colline de Per- rine, 1835). — Molaires, dents en serie continue; quatre doigls , donl les deux medians les plus qros, similaires; les deux autres tr'es-greles. Ce genre, que MM. De Laizer et De Parieu avaient designe sous la denomination d'Oplotherium, et qui est aussi indique quelquefois sous la denomination de Cyclognathum. ne comprend qu'une seule espece, le C. commune, P. Gervais, ou Anoplotherium laticurvatum , Et. Geoffroy; Cainothe- rium, Bravard etDe Blainville. 11 est probable, ainsi que Pont admis presque tous les paleontologistes qui se sont occupes de ces singuliers petits Pacbydermes, que plusieurs especes et non une seule, peuventetre distinguees surles debris tres-nombreuxqu’on en a deja recueillis. CesCainotheriums n’at- leignaient pas tout a fait la taille de nos petits Chevrotains des lies de la Sonde; ils n’etaient guere grands que comme les Damans; mais, quoique Pachydermes par leurs pieds et leurs dents, ils de- vaientse rapprocherbien plus des Chevrotains que des Damans par leurs allures. Leurs canines supe- rieures etaient conformees comme celles des Anoplotheriums. On les a trouves fossiles dans le Bour- bonnais, a Saint-Geraud-le-Puy, dans la Limagne, aupres d’Issoire, de Clermont, etc., au Puy en Velay, dans des marnes calcaires lacustres, ainsi que dans les lignites de la Debruge, pres Apt, etc. IV. Dichorune (Six*, en deux parties; (Jguvo?, sein), G. Cuvier ( Ossemenls fossiles, 1825). — Molai- res, ; les incisives , canines et avanl-molaires un peu ecarlees entre elles, plus diver sifornies epic dans le groupe precedent; deux paires d’av ant-mo I air es settlement d’apres De Blainville; trois doigts, dont un plus grele que les deux autres, qui sont similaires. L’espece type de ce genre est le Dichobune leporinum, G. Cuvier : e’est un petit Pachyderme a forme de Ruminant dont la taille etait analogue a celle de P Antilope de Salt et des Chevrotains, mais qui etait plus robuste que ces derniers animaux. Trouve fossile dans les platrieres des environs de Paris avec les Palaeotheriums et les Anoplotheriums. Une autre espece est le D. Suillum, P. Gervais, rencontree dans les marnes fluviatiles du caleaire grossier moyen avec les Lopliiodon Parisiense et Duvalii, a Passy et & Nanterre. On en a egalement signale des debris a Argenton et a Buschweiler. Quant aux D. marinum et obliquum, G. Cuvie/, on s’est assure que ce sont de vrais Chevrotains. V. Xiphodon (i-icpo;, epee; dent), G. Cuvier ( Ossements fossiles, t. Ill, 1823). — Molaires, yEy; loutes les dents presque egales, en serie continue; les anterieures plus ou moins en palmettes, a bord coronal tranchant et lobe; les arri'ere-molaires a deux collines, formees superieurement de deux poinles chacune, presque arquees et r appelant celles des Ruminants; les inferieures eg ale - ment assez semb tables a celles de ces animaux; la derniere de la merne machoire a trois lobes; pieds didaclyles; metacarpiens et metatarsiens separes dans toule leur longueur; queue courte; proportions assez elancees. L’espece type est le Xiphodon gracile, G. Cuvier. Cet animal devait etre une sorle de Pachy¬ derme a formes elancees comme celles des Antilopes; a en juger par ses metatarsiens, il etait un peu moins eleve sur jainbes que 1’ Antilope dorcas et un peu moins svelte. Fossile dans les platrieres des environs de Paris et dans les lignites de la Debruge. Une autre espece est le X. gelgense, P. Ger¬ vais; fossile a Saint-Gely, pres Montpellier, dans le terrain des lignites dependant des calcaires compactes de conformation lacustre, et probablement identique au Dichobune cervinum de file de Wight. VI. Acotherulcm, P. Gervais (Zoologie et Paleontologic fran^aises, 1850). Groupe peu connu, et principalement caracterise par ses arriere-molaires superieures, a quatre tubercules seulement, rangees par paires sur deux collines, et ne renfermant qu’une seule es¬ pece, l’J. saturninum, P. Gervais, de la taille des Damans, et trouve fossile dans les lignites de la Debruge. Un autre groupe du meme grand genre est celui des Dichodons, R. Owen, 1848, qui ne comprend qu’une espece, le D. cuspidalus, R. Owen, etabli sur deux pieces fossiles recueillies dans une cou- che de sable des parties superieures du terrain tertiaire a Ilordle, en Angleterre. PACHYDERMES. 55 Peut-etre doit-on y joindre aussi les genres des Merycopotamus et Hyppohyus, deceits par MM. Fal¬ coner et Cauleley, et fondes sur des iddces fossiles trouvees dans les riches depots des sous-Uima- layas. 2™ GENRE. — ADAPTS. ADAPIS. G. Cuvier, 1822. Nom propre emprunt6 a Gcsner. Ossements fossiles, t. III. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : incisives, f; canines, ^ ; molaires, |=jj; en totalile trenle-cleux denis; toutcs les dents en serie continue, sans barre enlre les incisives el les fausses molaires; canines supe- rieures assez fortes, coniques; inferieures longues, a poinle un peu obliquement tronquee en biseau; les trois arri'ere-molaires chacune a quatre tubercules obtus, peu eleves ; la derniere inferieure pourvue d’un fort talon en troisieme lobe. Partie angulaire de la machoire inferieure curviligne, arrondie. Ce genre ne renferme qu’une seule espece, \' Adapts Parisiensis, G. Cuvier, qui provient des gypses des environs de Paris et est tres-incompletement connu. C'etail un petit animal de la taille des Damans, mais k systeme dentaire omnivore ayant quelque analogie avec celui des Ilerissons, ainsi que du Microchoerus, autre animal fossile de l’eocene d’Angleterre, decrit par M. Wood. C’est probablement aupres des Adapis que 1’on doit ranger les deux genres des Entelodon, Ay- niard, type E. magnum, Aymard, du caleaire marneux de l’etage a Palaeotheriums de Rouzon, pres le Puy, et PaUeochcerus , Pomel, ayant pour espece unique le P. typus, Pomel, du caleaire a indo- sies de Saint-Geraud-le-Puy, que nous nous bornerons a nommer. 3me GENRE. — ANTHRACOTI1ERIUM . ANTI1RA COTHERIUM. G. Cuvier. 1822. A.v6paJ;, charbon de terre; 6-«p', grande bete. Ossements fossiles, t. III. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : f; canines , molaires, en totalile trente-huit dents. Les trois arri'ere- molaires superieures a couronne carree, composee de quatre grandes pyramides presque quaclran gulaires : l’ angle interne de ces pyramides ctant mousse, ces dents sont plus ou moins convexes du cole du palais; en outre, une pyramide moyenne, triangulairc, est situee entre l’ interne et I’externe de devant, et, de plus, le bord externe de la base de la dent se releve et forme trois pointes ob- tuses; a clemi usees, ces dents onl une grande ressemblance avec cedes des Anoplotheriums et new different que par la face externe creusee de sillons pour former des pointes; quatri'eme molaire & deux pyramides, avec un bourrelet circulaire releve en pointe aux deux angles de la face externe j arri'ere-molaires inferieures plus etroites, egalement formees de quatre pointes, a l' exception de la derniere, qui en a cinq, avec de leg'eres collines de reunion; les anterieures sont a une et a deux pointes comprimees; canines epaisses: inferieures projetees en avant comme dans les Coclions. Ce genre a ete crde par G. Cuvier pour les Mammiftres fossiles de l’ordre des Pachydermes qui tiennent d la fin des Anoplotheriums et des Cheeropotames, et dont les premiers debris ont ete trou- ves dans les lignites ou charbons de Cadibona. M. Paul Gervais a cru devoir reunir les Anlhracothe- riums aux Choeropolames, et il considere ces deux groupes d’animaux, ainsi que celui plus recem- ment etabli des Hyopotames, comme formant des subdivisions d’un iueme genre. En traitant de la famille des Suides, nous avons deja etudie les Cheeropotames, et nous traiterons maintenant des An- thracotheriums et des Hyopotames, qui n’en sont qu’un demembrement. 36 UISTOIRE NATURELLE. I. Anthracotherium, G. Cuvier. — Barre assez courte aux deux machoires; canines fortes, ainsi que les incisives; sillons de separation entre les collines des arriere-molaires peu profonds; mo- laires inferieurcs a tubercules plus emousses. Les principals especes sont : 1° Anthracotherium magnum, G. Cuvier, qui atteignait ou meme surpassait la taille du grand Palaeotherium ou celle d’un Clieval. Fossile aux environs de Moissac, avec les Rhinoceros incisivus etminutus, pres d’Issoire, dans un calcaire lacustre, et a Digoin. — 2° A. onoideum, P. Gervais, ou A. magnum, d’Orleans; de la taille de l’Ane; fossile a Neuville (Loiret) avec le Rhinoceros a grandes incisives. — 3° A. Alsaticum, G. Cuvier, un peu moins grand que le precedent; trouve a Lobsann, pres de Wissembourg (Bas-Rhin). — Deux autres especes plus douteuses sont \'A. minimum, G. Cuvier; de la taille du Chevreuil; fossile a Hautevignes (Lot-et-Ga- ronne), et A. Gergovianum, Croizet; animal se rapprochant des Dichobunes, et auquel on a assigne les noms generiques du Cyclognathus, Croizet; Brachygnathus et Tynophodus, Pomel; fossile dans le calcaire lacustre de l’eocene superieur a Issoire. — On a signale, en outre, quelques autres especes en Auvergne, dans le Bourbonnais, a Digoin, etc. II. Hyofotamus, R. Owen. — Tubercules principaux des arriere-molaires superieures en forme de pyramides; vallon de separation des deux collines tres-profond; bord externe des pyramides externes echancrt; dent intermediaire petite; la premiere avant-molaire tres-distanle des autres, ainsi que la canine. Ce groupe, qui a pour type une ancienne espece d’ Anthracotherium, A. velaunum, G. Cuvier, fossile dans les marnes lacustres du Puy (Haute-Loire), a repu de M. Aymard le nom de Bothriodon, et de M. Pomel celui A’Ancodus. M. Paul Gervais en a fait connaitre une seconde espece, son H. crispus, de la taille du Pecari; fossile k la Debruge, pres Apt (Vaucluse), dans le terrain de li¬ gnites k Palaeotberiums. TROISIEME SOUS-ORDRE. SOLIPEDES. G. Cuvier. Si l’on interpretait rigoureusement l’etymologie de ce nom (solus, seul; pes, pied), il semblerait que les animaux qui le portent n’ont qu’un seul pied, tandis que le caractere distinctif que cette de¬ nomination veut rappeler est l’existence d’un seul doigt apparent, d’un seul sabot i chaque pied. Cette particularity ^’organisation toute caracteristique est propre a un sous-ordre ou famille de Pachydermes qui ne renferme qu’un seule genre, le genre Clieval. Pour donner a cette division un nom dont fetymologie fdt plus conforme a la valeur du caractere principal qui la distingue, Illiger la designa sous celui Solidungula (solus, seul; ungula . sabot); pour la meme raison, Klein avait plus anciennement applique la nomination de Monoclieles (|aovo;, unique; yri\n, sabot) aux animaux qui le composent, et les veterinaires les appellent communement Monodactyles ([xovo;, seul; 5axruXo;, doigt). Tirant le nom de cette famille du nom du genre qu’elle comprend, M. Gray a clioisi le nom plus simple et surtout moins equivoque A'Equida; (equus, Clieval); el M. Isidore Geoffroy Sain t- llilaire a adopte la denomination A'Equidees. Sans isoler les Solipedes des autres Mammiferes de son ordre des Belluce, c’est-Ji-dire des Ongui- mles non ruminants, Linne en faisait un genre qui occupait la tete de cet ordre. Les caracteres tout PACHYDERMES. 37 particuliers des Solipedes engag&rent d’abord G. Cuvier a en former un ordre A part, comme l’a- vaient fait avant lui Storr et llliger. Plus tard, notre illustre naturalistc, reunissant tousles Belluce de Linne dans son ordre des Pachydermes, considera les Solipedes comme la troisieme famille de cet ordre; admettant, en general, cette appreciation des affinites des Solipedes, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire place sa famille des Equities A la fin de l’ordre des Pachydermes, dans lequel elle oc- cupe le septieme rang voisin de l’ordre des Ruminants. Les rapports des Solipedes avec les Pachy- Jermes sont en effet nombreux, et le groupe fossile des Hypothermia etablit encore une sorte de lien de plus entre ces Mammiferes et les Pachydermes ordinaires; cependant la reunion de ces Mam- miftres dans un meme ordre parait un peu forcee; l’organisation des Solipedes semble propre A ca- racteriser un ordre distinct intermediate entre les Pachydermes et les Ruminants; e’est ce qu’ont propose plusieurs zoologistes modernes; pour nous, nous en avons fait un sous-ordre particulier des Pachydermes; les Pachydermes ordinaires et les Proboscidiens formant les deux autres sous- ordres. Ces animaux, dont les representants vivants ne se trouvent qu’en Asie et en Afrique, et les fossiles plus particulierement en Europe, ne renferment qu’un seul genre bien distinct, celui des Ghevaux : e’est en traitant de ces animaux que nous rapporterons les generality quo nous aurions pu donner maintenant. GENRE UNIQUE. — CHEVAL. EQUUS. Linne, 1735. Equus , Cheval. Systema naturse. CARACTERES GENER1QUES. Systeme dentaire : incisives, f; canines, J-E|; molaires, |=f ; en totalite quarante dents. Incisives comprimees d' avant en arriere, ayant tear tranchant marque, dans lajennesse, d’un sillon trans¬ versal, qui disparait ensuite; canines superieures mediocres, de forme conique : la pluparl des fe- melles ne presentent pas de canines, mais les males et quelques femelles en ont; une barre entre les incisives et les molaires au milieu de laquelle sont implantees les canines quand dies existent; mo¬ laires carrees, ayant leurs faces interne et externe sillonnees et leur couronne plane, avec de nom¬ breux revlis cl' email qui dessinent a peu pres quatre croissants divises deux par deux, et en situa¬ tion inverse dans les dents des deux machoires. Pas de mufle; levre superieure tres-developpee et tres-mobile; yeux grands, lateraux; oreilles assez grandes , pointues, mobiles, en forme de cornet. Jambes liautes, assez fines, terminees toutes les quatre par un seul doigt apparent, muni d'un sabot semi-circulaire ; pas d'ongles rudimentaires en arriere ; de cliaque cote clu melacarpe et du metatarse, des stylets osseux representant deux doigts lateraux; des cliataignes ou plaques ova- laires rugueuses placees pres du carpe aux membres anterieurs, et au-dessus du carpe aux mem- bres inferieurs. Queue mediocrement longue, garnie de longs crins dans toute son etendue , ou settlement termi- nee par un flocon de poils. Corps eleve, musculeux et convert de poils. Quatre mamelles inguinales clans les femelles et prepuciales dans les males. Estomac simple, membraneux; intestins extremement cleveloppes; caecum enorme. Les Chevaux forment, parmi les Mammiferes, un groupe tres-naturel, mais tres-isole, compost seulement de six especes; il est impossible, quoique M. Gray ait propose d’en disjoindre les Anes, de les separer les uns des autres pour les diviser en groupes partiels; ils ne constituent qu’un seul genre, et ce genre, par 1’importance de ses caracteres, peut difficilement etre reuni a ceux d’un autre groupe : e’est ce que prouvent peut-etre les diverses places que les Chevaux ont occupees dans le systeme general des Mammiferes. Linne en fait un genre de ses Belluce avec 1’Hippopotame; Erxleben les place entre les Elephants et les Dromadaires; Storr en fait un ordre distinct, qu’il range 38 JIISTOIRE NATURELLE. apr£s les Ruminants; Illiger, en conservant cet ordre, le met a la suite de celui des Pachydermes et avant les Chameaux; G. Cuvier, ainsi que la plupart des zoologistes modernes, n’en fait plus que le type d’une famille parliculiere, celle des Solipedes, de ses Pachydermes, qui est situee apr£s celle des Cochons, des Rhinoceros, des Tapirs, etc., et immediatement avant les Ruminants; enfin M. Isi¬ dore Geoffroy Saint-IIilaire, qui partage les Pachydermes en quatre sections, sous-divisees elles- memes en families, place dans la derniere section et entierement isolee, la famille des Solipedes, composee du seul genre Cheval, attribuant ainsi a cette dewiiere mi degre d’importance superieur a celui de la famille, mais inferieur a celui de l’ordre. Les organes des sens de toutes les especes du genre Cheval semblent assez developpes. Le toucher general est delicat, et, quoique le corps soit en entier recouvert de poils serres, on voit la peau se froncer et se mouvoir au moindre attouchement, surtout lorsqu’il a lieu sur les parties inferieures. La langue est douce. La levre superieure est susceptible de s’allonger et d’executer des mouvemenls assez etendus; aussi peuvent-ils Pemployer pour ramasser leur nourriture, et souvent semblent-ils s’en servir pour reconnaitre et palper certains objets. On connait F extreme delicatesse de leurs levres, et 1’on sait que Ton en a meme profite pour se faire obeir en pressant plus ou moins forte- ment cet organe au moyen de freins. Le sens du goGt est d’ailleurs assez developpe chez ces ani¬ maux, comme chez les autres Herbivores. La conque auditive externe, dont les dimensions varient suivant les especes, est constamment assez grande chez les Chevaux, et l’ou'ie semble tres-deiicate; et, en effet, au moindre bruit, on les voit s’arreter avec attention, en dirigeant l’oreille de ce c&te. Les yeux sont generalement grands, a fleur de tete; la pupille a la forme d’un parallelogramme hori¬ zontal, la vue est excellente, et, bien que ce ne soienl pas des animaux nocturnes, ils distinguent nettement les objets dans l’obscurite. Le sens qui parait etre le plus exquis chez les Solipedes c’est l’odorat, quoique Pappareil olfactif ne presente pas un aussi grand developpement que chez les Car- nassiers. Les narines sont tres-mobiles et separees par un espace nu, mais non glanduleux. Quand 1’animal veut reconnaitre un objet qui lui inspire quelque defiance, on le voit ouvrir largement les naseaux, comme pour ne perdre aucune des emanations qui peuvent s’en exhaler; et Ton assure que, dans l’etat sauvage, ils eventent ainsi leurs ennemis & plus de deux kilometres de distance. Le Cheval, etant si souvent associe aux travaux de l’homme, a dh et a en effet ete etudie avec soin sous tous les points de vue; mais c’est principalement le Cheval proprement dit qui, en raison meme de sa tres-grande utilite, a ete le sujet du plus grand nombre de travaux. L’art veterinaire s’occupe presque uniquementde cet animal; on a etudie avec soin son anatomie et sa physiologie pour arriver a connaitre plus completement ses maladies et a les guerir. Nous ne pourrons entrer ici dans des de¬ tails circonstancies sur l’anatomie des Chevaux, et nous nous verrons force & renvoyer aux ouvrages des veterinaires, et plus speeialement & ceux de Lafosse, Girard , Rigot, Huzard, etc., et de MM . Aehille Lavocat, Collin, etc. L’osteologie de ces animaux presente des partieularites remarquables, parmi les- quelles nous nous bornerons G citer les quatre jambes, terminees par un seul doigt apparent, et les stylets, qui represented des doigts lateraux rudimentaires; enfin la tete osseuse, assez allongee, etc. Les muscles sont forts, puissants, et ceux des membres sont principalement tres-developpes dans leurs parties tendineuses. Le systeme dentaire est caracteristique, et, par le degre d’usure plus ou moins avance des dents, on peut aisement reconnaitre l’Sge de l’animal. La formule dentaire se compose de quarante dents; savoir : incisives, f; canines, [Ej; molaires, g=|. « A la machoire superieure, dit Fr. Cuvier, les deux premieres incisives adultes sont triangulaires, et la seconde est elliptique ; mais, au lieu d’etre tranchante, leur couronne est creusee, de sorte que, jusqu’a un certain age, elles pre- sententdans cette partie un creux circulaire qui diminue de grandeur it mesure que ces dents s’usent. C’est par la premiere que 1’usure commence; la troisieme conserve le plus longtemps les traces des premiers caracteres, et c’est vers sept ans que ces creux aehevent de s’effacer. Les incisives de lait sont minces et larges, et leur bord interne est beaucoup moins eleve que 1’ externe, ce qui en fait en realite des dents tranehantes. Ces incisives sont placees sur un arc de cercle. La canine est conique, comprimee et toujours tres-petite ; c’est une dent rudimentaire qui ne se developpe pas toujours chez les males, et qui le fait rarement chez les femelles. La premiere m&cheliere est une fausse molaire qui tombe bientot, qui n’est pas remplacee et qui fait que Foil admet quel- quefois sept molaires i la m&choire superieure de ces animaux. La seconde est grande et a la forme generate d’un triangle isocele; son angle aigu est en avant, et elle presente a 1 ’ceil, dans PACHYDERMES. 59 tout son contour, une bordure d’email qui fait deux plis principaux, un a sa face interne, assez grand, et l’autre a sa face externe, plus petit; on voit, en outre, dans son milieu, deux crois¬ sants entoures d’email ou dessines par lui, et places sur la meme ligne dans le sens de la longueur de la dent. Les quatre machelieres suivantes sont carrees; mais elles presentent exactement les mo¬ nies figures que la premiere. La sixieme ressemble encore aux precedentes par les dessins que forme l’email, et elle ri’en differe que parce qu’elle est plus etroite a son extremite posterieure qu’a son extremite anterieure. Les dents ne prennent leurs racines qu’A un Age assez avarice. A la machoirc inferieure, les incisives ressemblent a cellos de la m&choire superieure, et il en est de meme de la canine. La premiere et la derniere macheliere out la forme d’un triangle isocele, et leur angle aign est en avanl cliez la premiere et en arriere chez la seconde. Les quatre intermediaires sont de memo grandeur, carrees, un pen plus longues que larges; mais. toutes indistinctement presentent les me- mes figures; 1’email dessine sur chacune d’elles les memes contours, et ces contours sont tels, qu il est beaucoup plus facile de les representer que de les decrire : c’est une suite de plis formant des lobes- arrondis ou anguleux, sortants ou rentrants, sans qu’il y ait interruption dans le ruban qui les presente. En partant du bord antero-externe de chaque dent, et en suivant l’email exterieure- ment, on le voit former un pli anterieur, puis revenir sur le bord antero-externe pour se courber et former un lobe en rentrant, et en formant un pli aigu a la face interne de la dent; de 1A i! ressori, se courbe de nouveau, et forme un second lobe en rentrant dans l’interieur de la dent, et en formant un troisieme pli qui vient presque se reunir a l’extremite du premier. De ce point, l’email forme a peu pres une ligne droite parallele a la longueur de la dent, et revient ensuite sur lui-meme en for¬ mant un quatrieme pli, et en s’arrondissant de maniere a donner naissance a un nouveau lobe; arrive a 1’extremite posterieure, un quatrieme lobe se forme, mais beaucoup plus petit que les autres; enfin il suit une ligne droite sur toute la surface externe et ne presente qu’un pli assez etroit dans le mi¬ lieu de cette ligne. Ces figures, dessinees par l’email sur les molaires, different un peu suivant le degre d’usure de ces dents : ainsi, dans les vieux animaux, les replis diminuent de profondeur et finissentpar s’effacer presque entierement; dans ceux dans lesquels la mastication n’a point encore eu lieu, ces lobes sont represents par des tubercules. Dans leur position reciproque, toutes ces dents sont opposes couronne a couronne. » Les organes de la generation n’offrent rien de bien re- marquable dans le genre Cheval; la verge est grande et contenue dans un fourreau dirige en avant; les testicules sont en dehors; chez les femelles, on trouve quatre mamelles inguinales; la portee est de onze a douze mois, et les meres mettent bas en se tenant debout, ce qui ne s’observe que chez un tres-petit nombre de Mammiferes. L’estomac n’est pas compose; il est petit, simple, membraneux. Les intestins, comme chez tous les animaux qui se nourrissent d’herbe, sont tres-developpes; le cce- cum est enorme; et il nait de cette disposition de l’estomac et des intestins que la digestion, chez ces animaux, doit etre surtout intestinale. On sait que les Chevaux ne vomissent jamais; MM. Magendie et Flourens ont decouvert les causes de ce fait par l’etude de leur tube intestinal et en ont fait con- naitre avec soin le mecanisme; l’oesophage est compose de deux parties distinctes : la partie supe¬ rieure est musculeuse et contractile; la partie inferieure est simplement elastique; elle aboutit a l’estomac et s’y reunit obliquement en formant un cordon que des fibres tres-fortes tiennent eon- stamment ferme, si bien que, meme aprAs la mort de l’animal, il faut employer une grande force pour y introduire le doigt; ceci explique comment les contractions de I’estomac. alors meme qu’elles sont aidees par celles des muscles abdominaux, ne peuvent determiner l’ascension retrograde des aliments; l’ouverture pylorique, au contraire, est toujours largement ouverte el doit laisser tres-faci- lement passer les aliments, et surtout les boissons. Aux jambes de devant, ainsi qu’a celles de der- riere, on voit des parties nues, plus ou moins cornees, qu’on appelle chataignes, et sur lesquelles M. le docteur Emmanuel Rousseau a publie assez recemment, dans la Revue et Magasin de Zoologie pour 1852, un memoire circonstancie : d’apres lui, les chStaignes du Cheval sont de vraies vermes epidermiques naturelles, invariablement au nombre de deux pour chaque membre anterieur et pos- terieur, et plus ou moins developpees suivant son Age et sa finesse, mais existant constamment. La chataigne superieure de la jambe de devant correspond a peu pres au tiers inferieur et in¬ terne du radius; elle est separee de cet os par la masse musculaire du flechisseur interne et par la veine cephalique, qu’elle recouvre a cette partie; dans les Chevaux de forte taille, elle est d’ordinaire tres-developpee, fendillee et de forme variable, souvent ovo'ide. La chAlaigne superieure du membre HISTOIRE NATURELLE. 4P posterieur est plus petite que la precedente, moins large, ovo'ide, et correspond au scaphoide, ainsi qu’au grand et au petit cuneiforme. La chStaigne inferieure ou du fanon, souvent indiquee sous le nom d'erqot, estsituee au-dessus du tendon flechisseur du pied, et occupe la nieme place auxquatre extremites; elle est rugueuse, longue. Ces chAtaignes font partie integrante de la peau, et en sont separees par un tissu cellulaire plus ou moins serre; elles n’ont pas d'odeur, et Fon n’en connait pas les fonctions physiologiques. Res differences se remarquent dans les diverses especes du genre Che- val, etaussi surtout dans les Mulcts; nous ne pouvons que renvoyer a Finteressaot travail de M. Emm. Rousseau. Fig. 7. — Squelelte de Cheval. Les allures naturelles aux Chevaux sont le pas, le trot et le galop. Ces animaux, par leurs formes, leurs proportions, leurs mouvements, donnent l’idee de la force et de l’agilite; ils ont le corps epais sans pesanteur, la croupe arrondie, les epaules separees par un large poitrail, des cuisses muscu- leuses, des jambes seches et elevees, des jarrets pleins de vigueur et de souplesse, une forte eneo- Iure, la tete un peu lourde, mais dont les traits expriment la douceur et la fierte, le courage et la prudence. Nos Chevaux domestiques, de taille moyenne, comme le fait observer Fr. Cuvier, peuvent seuls nous donner une idee des formes, mais non point pour la physionomie, des traits caracteristi- ques des especes de ce genre, qui ne se distinguent les unes des autres que par des couleurs ou par des proportions de quelques parties exterieures des organes des sens ou du mouvement, et par quel- ques dispositions intellectuelles; car ces Chevaux de selle, dont les formes sont si belles, les pro¬ portions si elegantes, les mouvements si legers, la docilite si grande, ou ces Chevaux epais et lourds que nous employons au trait, sont entierement les produits de la domesticate; ils ne se conservent que par les soins de l’homme; abandonnes a eux-memes eta la nature sauvage, ils reproduiraient les formes primitives de leur espece, et perdraient toutes les qualites precieuses qu’ils tiennent de nous. A Fetal de nature, les Chevaux vivent en troupes nombreuses, babitent les pays de plaines et sont uniquement herbivores. Ces troupes sont conduites par des chefs qui les dirigent et qui sont tou- jours a leur tete, dans les voyages comme dans les combats. La force et le courage ont seuls elev6 ceux-ci, et, i mesure que l’3ge les affaiblit, leur autorite passe A celui qui, a son tour, se montre le plus courageux et le plus fort. Cette succession A la puissance occasionne peu de demeles fAcheux. L’individu qui a les qualites'convenables arrive par degres d’un rang inferieur a un rang plus eleve, et PACHYDEKMES. 41 il se Irouve enfin a la t<5te dcs autres par la seule force des choses, sans qu’aucune prerogative, aucune volonte, aient eu part a son elevation ou s’y soient opposees. L’autorite de ces chefs est assez grande; mais elle se renferme tout naturellement dans les interets de la troupe. On les suit constamment et partout. S’il s’agit de chercher des p&turages plus frais ou des contrees moins froides, c’est pour l’avantage oommun, chacun obeit; s’il faut se defendre contre quelques ennemis, ils s’exposent les premiers au danger, et un instinct secret apprend aux Clievaux que leur force est dans leur union : aussi ont-ils bien soin de se reunir, de se serrer les uns contre les autres des qu’une bete feroce les menace, et si l’un d’eux succombe, c’est ordinairement le plus faible, celui qui n’a pu suivre, s’ii etait a propos de fuir, ou celui qui a mis trop de lenteur dans ses mouvements, s’il fallait se former en groupe pour se defendre. Les grandes especes du genre Felts sont, au rcste, les seuls ennemis que les Clievaux aient a craindre, et ils se defendent ordinairement contre eux avec succes; ils frap- pent des pieds, et principalement des pieds de derriere, avec beaucoup de force, et mordent tres- violemment. Cet instinct de reunion en troupes des Clievaux sauvages, bien que restant Ie meme au fond, se manifeste d’une maniere difference dans des Iocalites eloignees; tandis que les Tarpons de la Tartarie vivenl pour ainsi dire par families composees seulement de quelques membres, les sau¬ vages descendants de la race espagnole, repandus dans les pampas de l’Amerique meridionale, for- ment des peuplades exlremement nombreuses, 0(1 les individus se comptent par milliers. Le genre Cheval nous a donne deux especes domestiques, Ie Cheval proprement dit et l’Ane. Les especes de ce groupe s’accouplent et produisent ensemble ce que Ton a appele des Mulcts; mais, malgre cette circonstance et tous les avantages que donne la domesticity pour developper certaines parties de l’organisme et former des varietes, il est a remarquer qu’on n’est pas encore parvenu a transformer les unes dans les autres; car les individus que les especes produisent restent toujours les memes etnepeuvent pas se reproduce, au moins dans la plus grande majority des eas. « Ces fails, dit Fr. Cuvier, sont une preuve bien forte contre le systeme des naturalistes qui pretendent faire driver les traits caracteristiques des especes de quelques circonstances purement accidentelles : ils montrent que ce systeme ne repose que sur de vagues conjectures, et qu’aucun phenomene bien constate n’en fait la base. Dans tout le r6gne animal, en effet, il n’est aucun cas qui puisse offrir des conditions plus favorables a ce systeme que la domesticity des Anes et des Clievaux, et leur accou- plement. L’Ane ne differe du Cheval que dans les proportions d’un petit nombre de ses organes, de ses sabots, de ses oreilles, de sa croupe, de sa queue, et par quelques qualites intellectuelles : il a surlout plus de lenteur dans ses conceptions. Quelle difference, au contraire, n’y a-t-il pas entre Ie Cheval sarde, si petit, si ramasse, si nerveux, et le Cheval hollandais, si grand, si elanc6, si mou; entre le Cheval espagnol, qui joint a l’elegance et it la beaute des formes des mouvements si souples el une intelligence si prompte, et nos gros Clievaux de trait, dont le corps massif et lourd est en si parfaite harmonie avec leur intelligence’? Eh bien, au milieu de toutes ces differences, qui se repro- duisent depuis des siecles, qu’on modifie encore chaque jour, jamais on n’a vu paraitre une race avec les oreilles des Anes, et bien moins encore avec les qualites propres a cette espece, et tout ce que nous venons de dire du Cheval, nous pourrions le dire de l’espece de l’Ane, qui donne aussi nais- sance a un grand nombre de varietes, mais de laquelle jamais aucun Cheval n’est sorti. On croit echapper a la difficulty en repondant qu’il ne se forme plus de varietes; mais, outre que cette asser¬ tion est une erreur, on sent assez qu’il faudrait indiquer au moins quand les varietes existantes se sont fornixes, afin d’avoir un fait positif a avancer en sa faveur : au contraire, tous les exemples sont defavorables a cette hypothese; les squelettes des animaux conserves en momies par les anciens Egyp- tiens, et qui existaient il y a trois ou quatre mille ans, presentent tous les caracteres des especes d’aujourd’hui, et nous n’avons aucun moyen de remonter a de plus anciennes preuves; car les restes lossiles d’animaux qui se sont conserves dans les vieilles couches de la terre annoncent tous des especes qui n’ existent plus aujourd’hui sur notre globe. » Ce dernier fait, cependant, nenoussemble pas entierement prouve; et sans sortir meme du genre Cheval, nous pourrions dire que certains de¬ bris fossiles paraissent tout a fait identiques a ceux des especes suivantes.- Le genre Cheval se compose, de nos jours, de six especes qui presentent de grandes ressem- blances. Chez toutes, on trouve sur le corps un poil court et ras en ete, qui s’allonge pen¬ dant la saison froide. Chez toutes, excepte dans le Cheval proprement dit, ce pelage tend it pre¬ senter des bandes alternativement claires et foncees. Toutefois, cette tendance est peu prononcee 42 I1IST0IRE NATURELLE. dans l’Ane et dans ITlemione; elle est, au contraire, tres-marquee chez les Couagga, le Dauw et surtout le Zebre. A ces differences de pelage correspondent des differences de patrie. Les especes a robe uniforme sont asiatiques; les especes a pelage zebre sont africaines. Ainsi, comme La fait observer M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, la division du genre en groupes secondaires se trouve etre exactement la meme, soit qu’on la fonde sur l’appreciation des caracteres zoologiques, soit qu’on la deduise de leur distribution geographique, telle du moins qu’elle etait avant d’avoir ete al- teree par I’industrie humaine. En effet, les six especes de Chevaux appartiennent en propre a Pan- cien continent, et tous les Chevaux americains, domestiques ou sauvages, proviennent d’individus importes d’Europe. De grandes etendues de terrains separent d’ailleurs les localites d’oii paraissenl etre originaires les especes asiatiques et les especes africaines; il semblerait done qu’il a existe pour le genre Cheval deux centres de creation, un pour chacune de ces deux parties du monde. Quant aux debris fossiles qui se rapportent a ce groupe, ils ne different guere des Chevaux propre- ment dits, quoiqu’on ail voulu faire avec quelques-uns d’entre eux des genres distincts, tels que ceux des Hipparion et des Uippotherium, et ils se rencontrent'en Europe. Du reste, ces fossiles ont etc peu etudies jusqu’ici; le savant paleontologiste , M. Lartet, s’occupe en ce moment de ce sujet dif- licile, et nous avonsl’espoir qu’il l’aura bientot entierement elucide. 1. CHEVAL ORDINAIRE. EQUUS CABALLES. Linne. Caracteres specifiques. — Point de bandes symetriques de couleur foncee ou claire sur le fond du pelage; oreilles moyennes; queue couverte de longs crins dans toute son etendue. Certains animaux sont essentiellement domestiques, qu’on nous pardonne ce mot, e’est-a-dire qu’ils semblent avoir ete destines a accompagner Phomme partout; tel est principalement le Cheval. L’espece tout entiere est soumise; elle est devenue notre propriety, et Ton n’a pas trouve de traces authentiques de cet animal a Petat sauvage. Si quelques individus, echappes a l’empire de Phomme, ont, il est vrai, propage dans les plaines de l’Asie et de l’Amerique des races plus independantes et sauvages, celles-ci n’ont pas encore oublie leur vieille tradition et peuvent facilement etre remises sous notre joug. Aristote indique le Cheval sous le nom d’liriro?; e’est YHopius d’dflian, YEquus domesticus de Klein, le Cheval de Buffon et YEquus caballus de Linne et de tous les auteurs systematiques modernes. Si, malgre les assertions d’Herodote, d’Aristote, de Strabon, de Leon PAfricain, de Pallas, etc., il est bien demontre par les naturalistes modernes que le type du Cheval ne se retrouve plus aujour- d’hui dans la nature, il n’en est pas moins evident que les races sauvages, e’est-a-dire celles qui, provenant d’animaux asservis, ont pu se reproduire en liberte, doivent cependant le plus s’en rap- procher, et e’est pour cela que nous allons immediatement en parler. On trouve des Chevaux vivant en liberte dans les deserts de l’Asie et dans ceux de l’Amerique. Les premiers, dont on ne connait pas bien Porigine, portent le nom de Tarpons, et les autres, ou Alzados, sont evidemment les pnduits d’individus echappes a Phomme. Les Tarpons ont pour caracteres : tete grande proportionnellement au reste du corps; front bombe au-dessus des yeux; ebanfrein droit; oreilles plus grandes que celles de nos Chevaux domestiques, et habituellement couchees en arriere; pourtour de la bouche et naseaux garnis de longs poils; mem- bres plus longs et plus forts; criniere se prolongeant au dela du garrot; poils longs et ondoyants, jamais ras. Les Alzados americains, d’apres les descriptions qu’en donnent les voyageurs, et surtout d’apres celle que D’Azara a publiee sur les Chevaux libres de la Plata, ressemblent, sous tousles rap¬ ports, aux Tarpons. Dans les pampas de PAmerique du Sud comrne dans les steppes de l’Asie, le Cheval, rendu a lui-meme, a perdu une partie des belles formes qu’il doit a l'education. Sa taille a dirninu^; ses jambes et sa tete ont grossi; ses oreilles se sont allongees et rejetees en arriere; son poil est devenu grossier; et, ce qui est remarquable, e’est que l’on retrouve sous Pequateur ces Che¬ vaux, dont le poil est long et floconneux, qui sembleraient devoir etre propres aux climats froids. Deux siecles au plus ont done suffi pour produire en Amerique une race presque entierement semblable celle qu'on regarde en Europe comrne le type sauvage primitif. Quant aux differences presentees par la robe des Chevaux dans l’ancien et le nouveau continent, elles sont presque nulles. En Asie pas PACHYDERMES. 45 plus qu’en Amerique on ne trouve de Cheval pie dans les hordes errantes; les noirs sont tres-rarcs dans les deux localites; mais, en Europe, les couleurs les plus communes sont le brun, l’isabelle et le gris-de-souris, selon Forster; en Amerique, le bai-chAtain, au rapport de D’Azara. Sur l’un ct l’autre continent, on en trouve d’ailleurs de toutes les couleurs, et ce peu de fixite dans les teintcs du pelage serait seul une preuve decisive de regarder ces troupes errantes comme de simples races, car elle est conlraire a ce qu’on observe dans toutes les especes veritablement sauvages. La seule difference reelle qui existe entre les Tarpons et les Alzados se voit dans la maniere dont ils observent l’instinct dissociation qui leur est commun. Les premiers vivent en petites troupes d’une vingtaine d’individus, toujours composees d’un seul mAle, de ses femelles et de Poulains. Les au- tres, au contraire, se reunissent en troupes innombrables, et D’Azara assure meme qu’on en rencontre des troupeaux composes de plus dedix mille individus. Selon M. De Quatrefage, il semble qu’on peut facilement expliquer le motif de ces particularity differentielles; les Tarpons vivent dans un pays oil ils n’ont en general A combattre que des ennemis assez faibles, et les Loups seuls, pendant l'hi- ver, peuvent leur faire eprouver quelque danger; en Amerique, au contraire, les Alzados ont A se de- fendre contre de grandes especes de Chats, bien autrement redoutables, et de la, pour eux, la ne¬ cessity de se reunir en plus grand nombre; et d’ailleurs la nature memo du pays se pretait A la vie en commun de ces peuplades vagabondes par la vaste etendue et la fertility des plaines qu’elles par- courcnt; tandis que, sous ce dernier rapport surtout, les landes du nord de l’Asie laissent beau- coup A desirer. Enfin, les observations de M. Roulin semblent demontrer que ces grandes troupes d’Alzados resultent uniquement de la reunion peut-etre fortuite de families semblables A celles des Tarpons. En Amerique comme en Siberie, chaque etalon possede un certain nombre de juments qu il protege avec courage et surveille avec jalousie; pendant le jour, ces femelles se reunissent et se me- lent pour paitre en commun ; mais tous les soirs les mAles rassemblent leurs femelles, et chaque petite bande, sous la conduite de son chef, gagne sa retraite de nuit, qui est une espece de gite dont elle ne change que par necessity. Tous les Chevaux sauvages mencnt une vie errante au milieu des pAturages ou ils trouvent leur nourriture ; chaque bande occupe un canton d’une etendue proportionnee A ses besoins, le regarde comme son domaine, et en defend l’approche aux hordes etrangeres; le fourrage vient-il A manquer, on se met en route sous la conduite des chefs; precedes par des eclaireurs, ils marchent en colonne serree que rien ne peut rompre; la colonne elle-meme est subdivisee en pelotoris, tous composes d’un mAle et de ses femelles; Favant-garde signale-t-elle une caravane, un gros de cavalerie, aussitot les mAles qui se trouvent en tete se detachent, vont reconnaitre de l'oeil et de l’odorat; puis, au si¬ gnal de 1’un d’eux, la colonne entiere charge l’ennemi, ou bien se detourne et passe A cote, en in- vitantpar des hennissements graves et prolonges les Cbevaux domesliques A les rejoindre; il est rare que cet appel ne soit pas entendu, et, A l’approche de ces Alzados, les voyageurs doivent se hAter d’attacher solidement leurs Chevaux pour les meltre hors d’etat de fair. Ce n’est pas seulement dans I Amerique meridionale que les Chevaux se sont aiusi multiplies A l’etat sauvage; on en trouvait aussi dans la Floride, mais les habitants ont ete obliges de les detruire afin de pouvoir conserver leurs Chevaux domestiques, qui se laissaient trop facilement embaucher par ces individus affranchis. Entre ces races sauvages et les races domestiques proprement dites, on doit placer certaines races qui ne sont pas entierement soumises; telles sont les Chevaux d’lslande, que leurs maitres laissent paitre sur les montagnes, sauf A les reprendre quand le besoin s’en fait sentir ; les troupeaux de Chevaux que les cosaques du Don guident sans les garder dans les deserts de l'Ukraine, et qui obeissent moins A leurs proprietaires qu’aux chefs qu’ils se sont choisis; les Chevaux de la Finlande, qui passent Fete dans une independance absolue, vivent en troupes a la maniere des Tarpons, mais qui reviennent pendant l’hiver aux toits qu’ils connaissent, et meme les Chevaux de la Camargue, qui sont A moitie sauvages. De la domestication complete du Cheval est nee Fextreme difficulty de determiner sa patrie origi- nelle. Pendant longtemps on lui a attribue l’Arabie pour patrie; lluzard est le premier qui se soit eleve contre une opinion consacree par un assentiment universel. Les livres de Mo'ise neparlent quo des Chevaux d’Egypte et nullement de ceux d’Arabie; c’est aussi d’Egypte que, d’apres le livre des Rois, Salomon faisait venir les siens; Ezechiel rapporte que les Syriens tiraient les leurs de la Cap- padoce ou de l’Armenie. Dans les armees des Perses et dans celles plus recentes de Mahomet, il n’est u HISTOIRE NATURELLE. pas question de Chevaux arabes; et intermediairement, Strabon dit, en parlant de l’Arabie, que ce pays produit de tout, excepte des Chevaux. L’erreur combattue par Ruzard vient sans doute de ce fait, que depuis nombre d’annees la race la plus parfaite de Chevaux nous vient d’Arabie; mais, d’apres quelques temoignages historiques, on peut croire que cette race, grace aux soins constants des Arabes, s’est formee avec des Chevaux provenant d’Egypte, de Perse et de Cappadoce. A ces diffe- rentes considerations, on peut, avec M. De Quatrefage, en ajouter quelques-unes puisees dans la na¬ ture meme du Cheval. « Si le Cheval, dit le savant academicien, etait reellement originaire de l’Ara- bie, il devrait, rendu a lui-meme, rechercher de preference les pays chauds; car on sait que tout animal qui echappe a l’influence modifieatrice de fhomme tend a se rapprocher autant que possible de ses premieres conditions d’existence; or il n’en est pas ainsi. Les Chevaux sauvages qui habitent les vastes plaines de la Tartarie remontent, en ete, vers le nord. Ils ne s’avancent jamais a plus de trente degres vers le sud; et en hiver, bien loin de rechercher les vallees, oil ils trouveraient une es- pece d’abri contre la rigueur de la saison, ils s’elevent sur les montagnes dont le vent glacial du nord a balaye la neige. » Qu’il nous soit permis de reproduire ici le tableau queBuffon nous a donne des qualites du Cheval. « La plus noble conquete que Fhomme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal, qui par- tage avec lui les fatigues de la guerre et la gloire des combats. Aussi intrepide que son maitre, le Cheval voit le peril et Faffronte; il se fait au bruit des armes; il l’aime; il le cherche et s’anime de la meme ardeur; il partage aussi ses plaisirs; a la c.hasse, aux tournois, ala course, il brille, il etin- celle. Mais, docile autant que courageux, il ne se laisse point emporter par son feu : il sait reprimer ses mouvements. Non-seulement il flechit sous la main de celui qui le guide, mais il semble consulter ses desirs; et, obeissant toujours aux impressions qu’il en re^oit, il seprecipite, se modere ou s'ar- rete, et n’agit que pour le satisfaire; c’est une creature qui renonce a son etre pour n’exister que par la volonte d’un autre, qui sait meme la prevenir; qui, par la promptitude et la precision de ses mouvements, Fexprime et l’execute; qui sent autant qu’on le desire, et ne rend qu’autant qu’on veut; qui, se livrant sans reserve, ne se refuse a rien, sert de toutes ses forces et meurt pour mieux obeir. » A ce tableau, ne doit-on pas ajouter avec un savant que nous avons deja cite : « Ce n’est pas seulement dans les hasards perilleux de la guerre et de la chasse ou au milieu de brillantes fetes que Fhomme a recours au Cheval. C’est encore lui qui, le premier peut-etre, l’aida a defricher la lerre qui le nourrit. C'est lui qui se charge de transporter ses fardeaux; c’est a sa force et a sa le- gerete que son maitre a du de diminuer les distances, d’etablir au loin des relations qui, sans lui, seraicnt impossibles. Jusqu’a ces derniers temps, il a ete le seul lien entre les peuples eloignes des bords de la mer, et que separaient de vastes plaines ou des chaines montagneuses. Si, de nos jours, le genie inventeur de Fhomme a su trouver dans la vapeur un moyen plus prompt encore pour re- pondre a son impatience, ce n’est lit qu’un auxiliaire applicable a un petit nombre de cas, et jamais les locomotives no feront une concurrence reelle au Cheval, si ce n’est sur un petit nombre de lignes exceptionnelles. » L’epoque des amours du Cheval est le printemps; alors les m files appellent les femelles par des hennissements graves et retentissants, et celles-ci leur repondent d’une voix moins forte: La gesta¬ tion est d’environ un an, et la mere se delivre debout. Le Poulain nait couvert de poils, les yeux ouverts, et deja ses jambes, quoique proportionnellement fort longues, ont assez de force pour le soutenir et lui permettre de marcher. A deux ans et demi ou trois ans, le jeune Cheval peut se re¬ produire, et les femelles sont meme plus precoces que les mfiles. Mais il ne faut pas les laisser se reunir sitot si on veut obtenir de beaux produits et ne pas epuiser les parents; et attendee l’age de quatre a cinq ans pour les Chevaux de trait, et jusqu’a sept et huit pour les etalons fins de l’Espagne et du Limousin. Le Poulain tette environ un an; mais on assure que, pour avoir des Chevaux tres- vigoureux, il est bien de le separer avant qu’il ait atteint cet &ge ; il acquiert son developpementen- ier vers la cinquieme anriee; cependant il est quelques races qui paraissent plus- precoces; d’autres, su contraire, telles que la race limousine, sont beaucoup plus tardives. On estime la duree entire de la vie du Cheval a trente ans environ, terme moyen. Les Chevaux et les Anes peuvent s’accoupler, et produisent des Mulcts qui ne sont ordinairement pas feconds; le produit de la , lament et de l’Ane est le Mulct propremenl (lit ou grand Mulct (Equus inulus), et celui du Cheval et de FAnesse est le Bardeau ou petit Mulct ( Equus liinnus). Les Mulcts PACHYDERMES. 45 propreinent dits sont souvent aussi grands que les Chevaux; mais lour tete est plus grosse et plus r.ourte comparativement; lours jambes sontstches; leurs sabots etroits et hauts; lour queue est presque nue. Ils conservent do la Jument l’encolure, les formes do la poitrine, do la croupe, dos handies, ainsi que l’arrondissement des cbtes, etc. Leur pied est plus nu que celui des Chevaux, et ils sont recherches dans les pays de montagnes, surtout en Espagne. Chez les Bardeaux, la tete est plus lon¬ gue et plus petite, proportions gardees, que celle de l’Ane; les oreilles sont plus courtes; les jambes plus fournies; la queue est plus garnie de crins. Ils sont plus petits que les Mulcts proprement dits; leur encolure est plus mince, leur dos plus tranchant, leur croupe plus declive. Ils sont surtout com- muns en Auvergne. Dans un article important, public, il y a deja longtemps (Diciionnaire d’llisloire nalurdlc de Deter- ville, t. VI, 1817), Huzard donne la description du Cheval eonsidere specialement comme animal do- mestique, et nous croyons utile de rapporter quelques passages de ce travail, tout en y joignant quel- ques autres details. Le Cheval est, de tous les animaux, celui qui, avec une grande taille, reunit les plus exactes pro¬ portions dans toutes ses parties; I'elegance de sa tete et la maniere dont il la porte lui donnent un air de legerete qui est bien soutenu par la beaute de son encolure; ses yeux sont vifs et bien ouverts; ses oreilles gracieuses, et sa criniere flottante augmente la noblesse de son maintien; toutes les au¬ tres parties de son corps concourent, chacune pour ce qui la concerne, a l’embellir; et il n’y a pas jusqu’a sa queue, garnie de longs crins, qui ne lui donne de la grAce. Pour les proportions que doi- vent avoir les diverses parties du Cheval, on a reconnu que son corps devait avoir en longueur, en comptant depuis la pointe du bras jusqu’a la pointe de la fesse, et en hauteur, depuis la sommite du garrot jusqu’au cou, deux tetes et demi; ainsi, des que la tete d’un tel individu donnera plus que cette mesure, elle sera trop longue, et, si elle ne les donne pas, elle sera trop courte; et, la longueur d’une tete bien proportionate ainsi fixee, on pourra la prendre pour terme de comparaison pour toutes les autres parties du corps. On peut diviser le corps du Cheval en tete, corps proprement dit et extremites. 46 HISTOIRE NATURELLE. La tete comprend la nuque, le lonpct, les oreilles, le front , les sailer es, les yeux, les larmiers, le clianfrein, les naseaux , le nez, les levres, le menion , la barbe, les joues, les panaches et 1 auge. Les seuls termes qui ne s’expliquent pas par leur seule enonciation sont les salieres ou enfoncements plus ou nioins profonds que Ton remarque au-dessus des yeux; les larmiers, qui sont de petits enfon¬ cements a Tangle interne de chaque oeil; le chanfrein, qui estla partie qui s’etend depuis le bas du front jusqu’aux naseaux; le menton, qui est cette petite protuberance environnee par la levre infe- rieure; la barbe, qui est immediatement au-dessus du menton et Tendroit oil porte la gourmelte; enfin l’auge, qui est Tespace compris entre les deux ganaches. Le corps comprend la criniere, Yencolure, le poitrail , les ars anterieurs, le parrot , le dos , les reins , les cotes, le passage des sangles, le venire, les flancs, les ars posterieurs, la croupe , la queue, les lianches, les fesses, enfin les organes de la generation, soit du male, soit de la femelle. Les ars anterieurs sont les replis de la peau, qui, de la partie inferieure de la poitrine sous le ster¬ num, gagnent chaque extremite anterieure; le garrot est cette partie elevee, plus ou moins tran- chante, situee au bas de la criniere, former par les apophyses epineuses des cinq ou six premieres vertebres dorsales; les ars posterieurs sont les replis de la peau qui, du ventre, gagnent chaque ex- tremite posterieure, et qui correspondent a la partie appelee aine dans I’homme. Les extremites se divisent en anterieures et posterieures; chacune des anterieures comprend Yepaule, le bras , le coude, Yavant-bras, la chataigne, les genoux, le canon, le boulet, le paluron, la couronne et le sabot, et chacune des extremites posterieures comprend la cuisse, le grasset ou rotule, la jambe, 1 e garret, et, comme dans les extremites anterieures, le canon, le boulet , le patu- ron , la couronne et le sabot. La chataigne est une espece de verrue placee au c6te interne & la partie inferieure de Tavant-bras, et qui se retrouve aussi aux membres de derriere, a la partie superieure et interne de chaque canon au-dessous du jarret. A la partie posterieure et inferieure de chaque bou¬ let, il y a aussi une sorte de petite, chataigne; e’est ce que Ton nomme Yergot, qui est presque re¬ convert par une touffe de longs et forts poils que Ton appelle le fanon ; le sabot ou Tongle est ce qui pose sur le sol; la partie superieure qui touche a la couronne s’appelle le biseau; la partie ante¬ rieure, la pince ; les parties laterales, les quartiers; les parties posterieures, les talons; la sole est toute la partie inferieure et cave du pied, et la fourcliette une elevation en V qui se trouve au milieu de la sole et a la partie posterieure. Des poils couvrent le Cheval presque par tout son corps; ceux du dessus du cou et de la queue sont considerablement plus gros et plus longs que les autres, et s’appellent crins. II y en a encore quel- ques-uns tout aussi forts, mais moins longs, qui sont dissemines autour des yeux, du nez et des levres, et ils sont en plus grand nombre au menton et 4 la barbe; quelques races de Chevaux do- mestiques en ont aussi en touffes epaisses a la partie posterieure de chaque canon, et qui se con- fondent avec ceux du fanon. II est quelques Chevaux qui n'ont point ou presque point de poils sur le corps, quoiqu’ils aient des crins; ce sont les Chevaux ladres; il en est d’autres qui ont le poil trAs-long et frise a peu pres comme les Chameaux: entre ces deux extremes se trouvent toutes les nuances possibles de longueur et de grosseur; mais on estime davantage celui qui est court, fin, egal, et par consequent uni et luisant, a tous les autres. A Tentree de Thiver, il pousse a la plupart des Chevaux un poil long, souvent rude, destine par la nature & les garantir du froid : ce poil, qui altere la beaute de leur robe, tombe ^ la mue du printemps, et est souvent enleve artificiellement aux Chevaux fins a mesure qu’il parait. La couleur naturelle du poil des Chevaux est le gris-rouge de differentes nuances : on dit que le Cheval est alczan si la criniere et la queue sont de la meme couleur; mais, si elles sont noires, alors on dit qu’il est bai. L’etat de domesticite a beaucoup mul¬ tiple les couleurs de cet animal : les uns sont d’une seule couleur, les autres de plusieurs, avec outes les nuances possibles, et la plupart portent des noms particuliers. Les principales couleurs sont le bai, le noir et Talezan; les premieres donnent le bai ou Talezan chatain, dore, brun, miroite; a seconde fournit le mat noir teint, le noir-jai et le miroite; la troisieme presente le gris sale, le gris argentin, le gris sanguin, le gris brun, le gris charbonne, le gris tuile, le gris souris, la soupe au lait, le gris pommele, etc. On nomme rouan celui dont les poils sont meles de blane, de gris et de bai; isabelle, celui qui est jaune et blanc; pie, celui qui est coupe par de grandes taches d’un poil tout a fait different du reste. Beaucoup de Chevaux ont sur la tete, au-dessous du front, une tache blanche plus ou moins grande qui les fait nommer marques en tete. La couleur du poil n'a PACIIYDERMES. 47 aucune action sur les qnalit6s du Cheval; il est cependant un cas oil la couleur du poil annoncc un certain degre d’affaiblissemenl dans lous les organes; c’est lorsqu’ils sont lout blancs; en effet, les Chevaux albinos ne sont pas tres-estimes; ils ont cependanl la faculty de mieux voir pendant la nuit que les autres, et ils ne sont pas tres-rares. G’est par l’inspection des dents qu’on parvient a s’assurer principalement de l’epoque de la nais- sance des Chevaux, e’est-a-dire d’en connaitre Page. Les Poulains, en naissant, apportent quelque- fois des dents; mais souvent ce n’est qu'au bout de quelques jours q u’ il sort a chaque machoire deux dents, qui sont cellos du milieu, et que Eon appelle des pinces. A trois mois et demi ou quatre mois, deux autres dents sortent de chaque c&te des premieres; ce sont les miloyennes, et a six mois et demi ou sept mois, et meme quelquefois a huit mois seulement, les deux dernieres, que l’on nomme les coins. Ces dents sont les dents de lait et se distinguent des dents adultes, parce qu’elles sont ordinairement plus blanches, toujours plus courtes, et plus' retrecies il la base aupres de la gen- cive, et ce retr6cissement est le collet. De treize a seize mois, les pinces rasent, e’est-a-dire que la cavite de la table s’efface; de seize a vingt mois, les mitoyennes rasent a leur tour; enfin, les coins, de vingt a vingt-quatre mois. De deux ans et demi a trois ans, les pinces de lait disparaissent. pour faire place it deux dents d’adultes qui sont beaueoup plus larges; de trois ans et demi it quatre ans, les mitoyennes de lait font place aux mitoyennes adultes; enfin, de quatre ans et demi a cinq ans, les coins tombent et sont remplaces par des coins adultes. A cet Sge, les dents de la mSchoire infe- rieure rasent, e’est-a-dire que la cavite du milieu commence a s’effacer; ce sont les pinces qui les premieres perdent leur cavite; de cinq a six ans, de six it sept ans les mitoyennes, et enfin de sept a huit ans les coins. Les dents de la machoire superieure s’usent bien un peu en meme temps que les dents de la machoire inferieure; mais, corame cette mftchoire est immobile, tandis que l’autre est mobile, les dents ne s’usent que beaueoup plus lentement; ainsi ce n’est que de huit 4 neuf ans que la cavite des pinces s’efface entierement; de neuf a dix ans, celle des mitoyennes disparait, et de dix il onze et a douze, eelle des coins est totalement enlevee. Passe cette epoque, on ne peut plus juger qu’approximativement de l’3ge de l’animal par la forme que prennent les dents. Aussi, une fois qu’un Cheval est hors d’age, lorsqu’il ne marque plus, comme disent les velerinaires, ce ne sont plus les dents qui doivent diriger pour juger des services qu’il peut rendre, ce sont ses extre- mites, et presque toujours celui qui a les meilleures et qui est le moins use, quoique parfois tres- vieux, vaut mieux qu’un plus jeune deja ruine et fatigue. On appelle allures les differents mouvements progresses au moyen desquels le Cheval se trans- porte d’un lieu a un autre : on en compte de trois sortes, les allures naturelles, defectueuses et arti fiddles. Les allures naturelles sont le pas, le trot et le galop. La vitesse a la course de quelques Chevaux est incroyable, et on a pu le constater dans nos courses publiques; la per¬ severance dans la fatigue est encore tres-remarquable dans le Cheval. Les allures defectueuses sont X amble, Xaub'm, le pas releve et 1 ’entre-pas. Quant aux allures artificielles, elles sont le produit d’une education soignee; ce sont des mouvements plus ou moins cadences que Ton force le Cheval a prendre pour le rendre plus leger, plus agreable a manier, plus joli a la vue; en terme de manege, on les appelle airs, et on les a divises en airs bas ou pres de terre; tels que le passage, le piaffer, la galopade, la passade, la pirouette, etc., et en airs releves, comme la pesade, le mezoir, la courbette, la croupade, la ballotade, la cabriole, etc.; ce sont ces divers modes dc progression que 1’on peut voir tous les jours dans nos cirques et nos hippodromes. La voix du Cheval s’appelle son hennissement , et Ton en distingue cinq sortes, celui de l’allegresse, celui du desir, celui de la eolere, celui de la crainte et celui de la douleur. Les Chevaux qui hennis- sent le plus souvent, surtout d’allegresse et de desir, sont les meilleurs et les plus genereux; les Chevaux hongres et les Juments ont la voix plus faible et hennissent moins frequemment que les autres; des la naissance, les males ont la voix plus forte que les femelles. Lorsque le Cheval est passionne d’amour, de desir ou d’appetit, il montre les dents et semble rire; il les montre aussi dans la eolere et quand il veut mordre. 11 tire quelquefois la langue pour lecher son maitre lorsqu’il en est traite avec douceur. 11 se defend par la rapidite de sa course, par les ruades de ses pieds de derriere et par ses morsures. 11 se souvient tres-longtemps des mauvais trai- tements, et on a des exemples de vengeance de sa part qui suppos&nt des combinaisons profondes, Le Cheval est aussi susceptible d’attachement pour l’homme lorsqu’il en est bien traite, et surtout HISTOIRE NATURELLE. 48 quantl il ne change pas souvent de maitre; on a meme rapporte a ce sujet des faits qui tiennent plus du merveilleux que de la realite. On a cherche souvent a indiquer quelles etaient les particularites que devait presenter un Cheval parfait; mais on comprend qu’il ne peut pas y avoir de regies bien fixes a ce sujet; outre que chaque auteur a etabli d’apres ses idees personnelles le type du Cheval parfait, il faut reconnaitre que le Cheval le plus parfait pour un service qu’on lui imposera uniquement ne pourra pas etre egalement parfait pour un service different; ainsi la beaute d’un Cheval de selle ne sera pas celle d’un Clieval de carrosse : tous deux auront une beaute propre qui residera dans les convenances et le rapport de leurs diverses parties, coniine celle de tout edifice. Entrer dans des details sur les particularites que doivent presenter les Chevaux destines a telle ou telle carriere serait trop long a indiquer ici, et nous ne pouvons que dire que les traits qu'il doit presenter devront beaucoup differer s’il s’agil, soil d’un Cheval de manege, soil d’un Cheval de guerre, d’un Cheval de voyage, d'un Cheval de chasse, d’un Cheval de voiture , d’un Cheval de lirage, d’un Cheval destine a porter de lourds fardeaux, etc. Dans le Cheval domestique, le caractere presque inaomptable de la race sauvage est tres-modifie par nos traitements. Le plus grand nombre, au lieu de cette fierte, de cette vivacite naturelle, ne montre qu’une crainle servile, obeit en tremblant au despote qui, toujours le cbStiment a la main, frappe le plus souvent sans aucune raison, et par habitude seule de frapper. Cet animal, que nous devrions plutot considerer comme un serviteur fidele que comme un esclave, et que les peuples no- mades regardent comme un compagnon de leurs travaux, est plonge, dans nos villes et dans nos campagnes, dans le dernier avilissement; mal nourri, maltraite, accable de travaux, avant meme que l’&ge ait developpe ses forces. Heureusement que cet etat de choses se modifie chaque jour, et que des lois protectrices forcent aujourd’hui le maitre, quelquefois plus brute que l’animal qu’il dirige, a respecter un peu plus son esclave. Tous nos Chevaux ne sont cependant pas reduits 4 l’etat d’ avilissement dont nous venons de parler; il en est qui ont conserve une partie de leurs qualites; d’autres, meme, qui en ont acquis que Ton ne rencontre pas parmi les Chevaux sauvages, et cesont ces qualites qui les rendent plus particulierement propres a tous les besoins de la societe. Les races de Chevaux sont nombreuses, et cela devait etre, puisqu’il s’agit d’un animal qui, avec le Chien, a ete asservi par 1’homme des qu’il a commence a s’emparer de la domination du monde. Plusieurs races ont disparu, et, d’un autre c6te, chaque jour on en a cree de nouvelles selon les besoins des pays dans lesquels on eleve les Chevaux; et toutes ces races peuvent se confondre, plus ou moins, les unes dans les autres. De la il resulte qu’il serait impossible de chercher a deerire toutes ces races dans un ouvrage aussi concis que le notre; aussi nous bornerons-nous a dire quelques mots de quelques-unes d’entre elles, et indiquerons-nous seulement les principales. Souvent la beaute des races depend des soins intelligents que l’on a donnes a l’education des Chevaux, et aux traitements justes que 1’on fait subir a ces animaux. La couleur du pelage ne peut guere etre mise au nombre des caracteres essenliels des races; car presque toutes produisent des Chevaux de tous poils; cependant il en est quelques-unes qui semblent affectionner certaines couleurs; ainsi les Chevaux barbes sont generalement gris; les andalous, noirs ou bai marron; les danois ont leur robe pie ou tacbetee, etc- Les variations de la taille sont, au contraire, remarquables dans les races de Chevaux; on peut dire que celles qui viennent des pays temperes l’emportent, sous ce rapport, sur les races des pays froids; les plus grands Chevaux connus se trouvent en France, ou ils servent pour le balage des bateaux, et en Angleterre, oil ils sont connus sous la denomination de Chevaux de brasseurs; les plus petits, au contraire, babitent dans le Nord, en Islande et surtout aux lies Shetland, et au Midi, dans les pro¬ vinces meridionales de la Chine et de l’lnde; mais 1’influence du froid et de la chaleur, tout en dimi- nuant la taille egalement, agit differemment sur la nature de ces animaux, et, tandis que les petits Chevaux irlandais et shetlandais sont robustes, agiles et pleins de feu, ceux de l’lnde et de la Chine sont laibles, chetifs et d’un tres-mauvais service. La nature meme du terrain semble produire des resultats analogues : sous une meme latitude, les Chevaux de montagnes sont de petite taille, mais, comme les Chevaux de Corse et des Pyrenees, compensent presque ce desavantage par leur vigueur, et ceux des plaines, au contraire, comme les Chevaux de la Reauce, par exemple, restent toujours Inches et mous. Une temperature moderee egalement eloignee de l’exees du froid el de celui de la chaleur, une contree oil le jeune. Poulain puisse exercer ses forces naissantes sans se fatiguer outre mesure, une atmosphere pure, un regime nourrissant, mais non stimulant, telles seront les conditions PACIIYDERMES. 49 les plus favorables 4 l’clcvage des Ghevaux . L’education pent modifier tr&s-profond6ment les Che- vaux, et meme dans les points les plus importants de leur organisme; et, pour n’en oiler qu’un soul exemple, nous dirons que, dans les beaux Chevaux anglais propres a la course, les intestins sont devenus beaucoup plus courts que dans les autres races, ce qui leur donne moins de venire et par consequent une legerete plus grande. Nous allons indiquer les principals races de Chevaux, en prenant principalement pour guide les travaux d’Huzard, d’un grand nombre d’auteurs, et surtout de M. De Quatrefage, qui les a tous resu¬ mes dans un article important du Dictionnaire universel d'Hisloire naturelle. Race arabe. — Cette race fournit sans contredit les premiers Chevaux du monde, et pourtant ce Cheval est loin de presenter l’ensemble de Iraits auxquels nous attachons l'idee de beaute; sa tele est presque carree, son chanfrein droit ou creux, son encolure droite et meme quelquefois renversee; mais ses articulations, larges et fortes, servent de point d’attache A des muscles puissants qui se dessinent sous une peau lisse, a poil ras, et que parcourent en tous sens des vaisseaux sanguins tres-apparents; son poitrail est large; ses jambes sont fines et nerveuses; ces tendons nettement de¬ taches du canon; son pied est excellent et termine par un sabot dont la corne est d’une extreme durete. Cet ensemble annonce & la fois la vigueur et l’agilite; aussi aucun Cheval n’egale-t-il le Che¬ val arabe courant sous l’homme, dressant la tete et l’encolure de maniere ft proteger le cavalier, devancant a la course l’Autruche et l’Antilope, ou se precipitant au milieu d’un combat. D’une ex¬ treme sobriete, le Cheval arabe ne demande a son maltre que cinq ou six livres d’orge, et quelque¬ fois un peu de paille hachee; il peut faire au moins quatre-vingts kilometres par jour; tout en lui an¬ nonce la vigueur, la force et la bonte, et ces qualites precieuses qu’il a recues, il les transmet A ses descendants. Toutes les races s’ameliorent en se retreropant A cette race si pure; celles memes qui lui sont superieures pour la taille et dont les formes sont tres-differentes, s’ennoblissent par le me¬ lange de son sang. Eleve dans la tcnte commune, et faisant pour ainsi dire partie de la famille, le Cheval arabe a pour son maltre l’attachement et la fidelite du Ghien, et il se montre quelquefois l’emule de cet animal pour la sArete de son instinct. Ce n’est pas sans peine non plus que les Arabes sont parvenus a produire leurs admirables produils, et ils ontpour eux une amitie semblable a celle qu’ils altachent a leur propre famille; pour eux, leur Jument, qu’ils preferent au Cheval male, est autant que leur enfant. Leur race noble, qu’ils nomment Kochani, Kobcjle ou Kaithan, est pour eux l’objet de soins dont on a peine A se faire une idee; chaque Cheval a sa genealogie des mieux tenue, et les Arabes donnent deux mille ans d’existence A la race Kochlani, qu’ils pretendent avoir pris naissance dans les haras de Salomon; toutes les precautions sont prises pour qu’il n’y ait pas de mesalliance; une education soignee est donnee au jeune animal, et le Poulain eleve en liberte doit faire ses preuves avant d’etre regarde comme un digne successeur de sa race. Il est difficile de se pro¬ curer, en Europe, des Chevaux de la race Kochlani, et presque tous ceux qui ont ete achetes comme lui appartenant se rapportent souvent A des races inferieures, telles que celle des Kadischi, qui repon- dent A nos denri-sang ou sang mele, et sont d’excellents Chevaux, et celle des Atteclii, qui sont des Chevaux tres-ordinaires. On obtient plus facilement des Etalons ; quant aux Juments, elles ne sortent pas de 1’Arabie, et servent a transporter la noblesse du pays. Les Juments seules transmettent la noblesse, et c’est toujours par les meres que se comptent les genealogies; on a grand soin de les preserver de toute mesalliance, et, lorsque cela arrive par hasard, le Poulain est regarde comme appartenant a la race du pere, et, au contraire, si parfois on fait couvrir les femelles de race inferieure par des Etalons Kochlani, le Poulain est repute de la race maternelle. Race barbe. — Cette race, qui provient principalement de Maroc et du pays de Fez, parait des¬ cends de la race arabe, et s’en rapproche peut-etre plus qu’aucune autre par sa vigueur, la lon¬ gueur de son haleine etla rapidite de sa course; ses formes tres-agreables et son encolure, qui flatte les yeux, la font rechercher pour les maneges. Elle est presque aussi recherchee en Europe que la race arabe. Race dongola. — Cette race, qui provient du royaume de Dongola et des pays voisins places entre 1 Egypte et l’Abyssinie, fournit une race presque aussi estimee que les deux precedentes. Ces Clrevaux ont la taille beaucoup moins longue A proportion que les Chevaux arabes; mais ils sont aussi tres- r. 7 50 HISTOIRE NATURELLE. agiles, tres-robustes, intelligents, et tres-attaches a leurs maitres; on les regarde comme descendant d’un des cinq Chevaux sur lesquels Mahomet et ses compagnons s’enfuirent de la Mecque a Medine. Les Etalons sont plus estimes que les Juments, et Bosnian en a vu vendre un au Caire pour le prix de vingt-cinq mille francs. Lace turkomane. — Le Turkestan a ete renomme pources excellentes races de Chevaux, seulement ils ont les jambes trop longues et la tete trop grande; mais ils sont agiles, robustes, et semblent de¬ fier la fatigue; car on assure que ces animaux peuvent parcourir douze cents kilometres dans I’es- pace de onze jours consecutifs, ce qui fait cent vingt mille kilometres par jour. L’education entre pour beaucoup dans cette faculte de supporter les traites les plus longues et quelquefois les plus grandes privations, et les Turkomans les y habituent de bonne heure. Race circassienne. — Les animaux de cette race sont remarquables par leur force et leurlegerete plutot que par la beaute de leurs formes. Chaque grande famille noble en Cireassie eleve une race particuliere de Chevaux qu’on marque sur la fesse, pendant leur jeunesse, d’un signe particulier; et appliquer le signe qui distingue les descendants d’une race illustre & un Cheval d’origine commune est un crime qu’on punit de mort. La famille la plus noble de cette race est celle des Shalokle, et appartient a la famille des sultans de Ton. Race persane. — Avant que Ton parl&t de la race arabe, la race persane avait deja un grand renom, et elle donnait deja les meilleurs Chevaux de la cavalerie del’Orient. Les Chevaux persans de race pure etaient si estimes, que les rois les envoyaient comme cadeaux du plus grand prix, et que, dans les grandes circonstances, pour serendre les dieux favorables, les Parthes immolaient sur l'au- tel un de ces animaux. Cette race n’a pas degenere, et les Chevaux qu’elle renferme se rapprochent beaucoup de ceux de la race arabe, a laquelle ils sont superieurs par la beaute de leurs formes exte. rieures; aussi les Anglais, qui sont plus en rapport avec les Persans que les autres peuples euro- peens, s’en procurent-ils pour ameliorer leurs races indigenes. Race turque. — Elle provient du croisement des Chevaux arabes et persans, et a surtout les qua- lites de la seconde race. Ces animaux, qui ont egalement servi it la formation de la race anglaise, ont le corps plus long que les Chevaux arabes, la croupe plus elevee qu’eux, et portent la t6te de la meme maniere. — La race tarlare s’en rapproche beaucoup. Races europeennes. — Les habitants de PEurope, plus civilises, au moins aussi nombreux, mais rapproches entre eux dans un espace beaucoup plus circonscrit que les peuples qui elevent les races dont nous venons de parler, n’ayantpas d’autres animaux capables de faire le transport comme les Chameaux et les Dromadaires, ayant plus de fourrages pour nourrir leurs Chevaux, n’ont pas eu besoin de trouver dans ces animaux une sobriete et une legerete qui etaient inutiles pour les tra- vaux les plus communs. Ils ont recherche les Chevaux qui, par leur taille plus haute, leur masse plus forte, pouvaient trainer ou porter les fardeaux les plus pesants, et Ton a reserve les plus tins, les plus legers, les plus jobs de ces animaux pour le service de la selle. Bientot on a perdu de vue l’ori- gine de ces animaux; on a neglige les sources premieres d’ou ils etaient venus; on n’a plus considere les regions qui etaient les plus favorables pour leur conserver les formes et la constitution que leur avait donne la nature; on n’a plus fait attention a l’education qu’il etait le plus convenable de leur donner pour remedier aux influences d’un climat moins chaud, moins sec, d’une nourriture plus abondante, mais bien moins stimulante, et qui donne plus de masse au corps sans lui donner plus d’energie; et peu ^ peu le type originel a disparu : les Chevaux se sont changes en Chevaux de trait, et les autres sont devenus extremement rares. Cette degeneration a affecte plus ou moins profond6ment les Chevaux de l’Europe, selon les regions, selon les mesures prises paries gouverne- ments pour y remedier et selon l’esprit des peuples. Toutefois on peut distinguer quelques races de Chevaux europeens; nous indiquerons seulement les principales. Races espagnoles. — Les provinces d’Andalousie, de l’Estramadure et de Grenade fournissent seules des Chevaux d’un grand prix. On y distingue deux races, dont l’une est assez commune, et propre au service de la cavalerie; l’autre, beaucoup plus rare, propre a fournir des Chevaux de 6elle, ne s’est conservee dans toute sa purete que dans la chartreuse de Xeres. PACHYDERMES. 51 Races tartare, transvlvaine, moldave, frisone, iiongroise, polonaise, etc. — Toutes ccs races, qui semblent descendre de Chevaux arabes, out conserve quelque chose de leur origine, et fournis- sent des Chevaux sobres, legers, vigoureux et bons coureurs; on leur rcproche d’avoir la letc carree, de nianquer de corps, d’avoir les sabots etroits et a talon trop baut. Races ali.ehande, hanovrienne, suisse, hollandaise, italienne, etc. — Les Chevaux de ces races, hauts de taille, souples, elegants et solides, proviennent presque tous de .luments du pays croisees avec des Etalons anglais, arabes, barbes on espagnols. Le commerce des Chevaux est IrSs-conside- rable en Allemagne, et e’est dans cette conlree surtout que la France va chercher ce qui lui est ne- cessaire pour remplacer ses races eteintes; un tres-grand nombre de nos Clievaux de cavalerie vien- nent du Holstein et du Mecklemboug, et ce dernier pays nous envoie, en outre, de beaux attelages. — La race danoise , caraeterisee par sa robe tachetee, se rapproehe des diverses races allemandes. Races anglaises. — Le Cheval anglais proprement dit est le Cheval de course; la souche premiere de cette race parait avoir ete un Cheval frangais, the Godolphin Arabian, vendu a vil prix a un An¬ glais, et eroise avec les Juments du pays; rnais depuis on a eu soin de relever de plus en plus la race par des croisements frequents avec des Etalons barbes ou arabes, et les Chevaux dits premier sang sont les fils d’un de ces Etalons joint a une Jument deja croisee d’arabe ou de barbe au pre¬ mier degrA. Les Chevaux de course ressemblent beaucoup a leurs ancetres; mais ils ont la tetc plus forte, les oreilles plus grandes, le corps plus allonge, et sont plus hauts et plus etoffes; ils ont beaucoup de force, de vigueur et de hardiesse, mais manquent de souplesse et de grace; leur course est extremement rapide, et l’on assure que Run de ces Chevaux a pu parcourir jusqu’A quatre- vingts pieds dans une seconde, ce qui suppose une vitesse de pres de neuf myriametres-, ou vingt- trois lieues a l’heure. Ou sait jusqu’oii est porte, en Angleterre, l’amour ou plutot la fureur des courses de Chevaux; la population entiere se porte a ces fetes publiques, surtout a New-Market, a Epsom et A Ascot-Heath, et, outre les prix considerables du gouvernement, des paris enormes sont faits sur le turf par les sportmen pour tel ou tel Cheval. La genealogie de ces heros des races che- valines est tenue au moins avec autant de soin que dans l’Arabie, et le melange des belles races est empeebe par tous les moyens possibles; le nom des Chevaux celebres, ainsi que ceux de leurs ascen¬ dants et descendants, souvent aussi celebres qu’eux, est conserve avec le plus grand soin, et, sans en- trer dans aucun detail A ce sujet, nous citerons seulement quelques-uns d’entre eux, tels que Darbg- Arabian, qui, ne dans les deserts de Palmyre, fut achete A Alep, et devint le pere d’une famille de coureurs renommes, comme Devonshire, Bleeding, Almanzor, etc.; etles deux Childers, qui ser- virentA ameliorer la race meme de Darby-Arabian, et parmi les descendants desquels se trouvent les Blaze, Snap, Sompson, et par-dessus tous le fameux Eclipse, qui battit sur le turf les plus celebres coureurs, tels que Bucephale, Pensioner, et qui ne trouva plus plus tard de concurrent; devenu uni- quement etalon, Eclipse eut un grand nombre d’enfants, parmi lesquel on compte trois cent trerite- quatre Chevaux qui furent couronnes dans diverses occasions, et qui gagnerent A leurs maitres plus de cent soixante mille livres sterling; mais, si Eclipse n’a jamais rencontre de rival pour la rapid ite de sa course, il a ete depasse, sous un autre point de vue, par King-Herod, autre descendant de Darby-Arabian; car il n’a pas laisse moins de quatre cent quatre-vingt-dix-sept enfants, qui, par les prix qu’ils remporterent, valurent A leurs proprietaires plus de deux cent mille livres sterling ou cinq millions de francs. Outre sa race cAlebre de coureurs, l'Angleterre possede trois autres races principales dans les- quelles on reconnait encore le sang arabe, mais qui toutefois s’eloignent de plus en plus de la pre- cedente; ce sont ces races de Chevaux de chasse, de carrosse et de trait. Le Cheval anglais est le meilleur de tous ceux d’Europe; on evalue que l’Angleterre en possede environ un million trois cent mille, representant une valeur d’A peu pres trois cent soixante-sept millions de francs. Race shetlandaise. — Cette race, quoique appartenant A l’Angleterre, puisqu’elle se trouve dans les lies Shetland, situees au nord de l’Ecosse, differe beaucoup des races anglaises dont nous avons parle. Ce sont des Chevaux vigoureux, bons coureurs, mais dont la taille est extremement petite, puisque parmi eux il en est qui egalent A peine en hauteur nos Chiens de Terre-Neuve. Races frangaises. — La France etait anciennement 1’un des pays les plus renommes pour la bonte 52 HISTOIRE NATURELLE. de ses Chevaux; avant meme les conquetes de Cesar, les Domains connaissaientles Clievaux c/autois, qu'ils estimaienl autant que ceux de l'ile de Crete; au moyen 5ge, nos chevaliers chercherent des montures a la fois fortes et agiles, et ils prirent les Clievaux normands; les Clievaux limousins, inlelligents et souples, furent recherches comme nionture de parade; a la meme epoque, le Midi donnait la race navarine ; le Boulonnais, la Franche-Comle, echangerent conlre les races de luxe leurs Clievaux de trait; et 1’ Auvergne, le Poitou, la Bourgogne, produisirent d’excellents Bidets, presque egaux aux forts Chevaux de selle eleves dans le Roussillon, le Forez, le Bugey, etc. Mais, a l'epoque oil les grands vassaux cesserent d’fexister, la degradation en France de la race chevaline apparut, et fut surtout causee par la suppression de nombreux haras que possedaient les riches seigneurs. Deja lors des guerres de Louis XIV, la France fut forcee de payer a l'etran- ger un tri’bu d’environ cent millions pour remonter en parlie sa cavalerie. La Revolution fran^aise, en abolissant nos derniers haras et en detruisant, dans les guerres de la Republique et de l’Empire, presque tous les Chevaux qui restaient dans notre pays, acheva presque completement la destruc¬ tion de nos belles races indigenes. lrig. 9. — Cheval de coarse. Cependant depuis pres de quarante ans on s’occupe beaucoup plus en France de l’eleve des Chevaux; on cherche & retablir nos anciennes races nationales, et & former de bons Chevaux au moyen d’Ela- lons arabes ou barbes; le godt des courses et des steeple-chases nous a ete donne par les Anglais, et tout fait esperer que nos Chevaux reprendront, avant un grand nombre d’annees, leur ancienne renomm^e. « Le gouvernement, dit M. De Quatrefage dans un travail que nous avons deja cite, pa- rait. sentir toute la gravite du deperissement de nos races de Chevaux; il semble reconnaitre que la France ne doit pas dependre, pour la remonte de sa cavalerie, de peuples qui, d’un instant a l’autre, peuvent etre ses ennemis... Les haras ont ete reformes, des courses etablies, des prix fondes. On est alle chercher, en Angleterre et en Arabie, des Etalons propres a renouveler le sang appauvri de nos races. En 1845, le gouvernement frangais est meme parvenu a se procurer un certain nombre de Chevaux de la race Kochlani. Esperons que d’autres mesures viendront completer ce qui manque en¬ core a ces encouragements, et que nous cesserons enfin de payer a Fetranger ce tribu de trente mil- PACHYDERMES. 53 lions que nous cofitent, terme moyen, chaque annee, les Chevaux qu’il nous amene. » Ces esperanccs n’ont pas ete decues; le gouvernement imperial a pris de nouvelles mesnres tres-favorables a la regeneration de nos races, et tout fait esperer que, dans un certain nombre d’annees, nos races che- valines auront repris leur ancienne reputation. Les races que l’on retrouve plus ou moins bien conservees en France sont les races galloise, nor- mande, limousine , navarine, ardennaise, franc-comloise, alsacienne, boulonnaise, de la Camargue, brelonne et de Vile de Corse. Les Chevaux gallois ne se retrouvent guere que dans les lies d’Oues- sant, et sont plus communs en Angleterre qu’en France; les Chevaux normands, quoique quelques-uns d’entre eux disputent avec avantage le prix de la course aux Chevaux anglais, sont devenus aujourd’hui plus principa lenient des Chevaux de trait et de voiture plutot que des Chevaux de bataille comme au¬ trefois; les Chevaux limousins et navarins, et ces derniers surtout, commencent a reparaitre dans nos provinces; il en est de meme des Chevaux des Ardennes* de la Franche-Comte, de l’Alsace et du Boulonnais; les Chevaux de la Camargue, confines dans File de la Camargue et dans les marais pres d’Arles, vivent en liberte et ont conserve leur etat a demi sauvage; les Chevaux bretons, fortement membres, tres-musculeux, pleins d’ardeur et d’energie, sont ceux qui ont peut-etre le moins ete modifies et quel'on pourrait le plus facilement ameliorer au moyen de croisemcnts avec des Chevaux arabes et barbes; enfin les derniers de nos Chevaux dont nous voulions parler sont ceux de File de Corse et des Pyrenees : quoique ces animaux soient de tres-petite taille, ils sont pleins de vigueur, et la surete de leur pied les rend tres-utiles dans les pays de montagnes. — Une race qui apparticnt au nord de FEurope, la race islanclaise, a quelque rapport avec celle-ci. Races indiennes. — Les Anglais ont perfectionne les races de Chevaux dans tous les pays qu’ils possedent, et FInde, aujourd’hui, presente des races chevalines interessantes. On y connait la race des Toorluj, nee du croisement de la race persane avec des Chevaux lurcomans; les races des Ira- nee, Cozaber, Mojinniss, Tozee, qui offrent d’excellentes qualites, et enfin celle des petits Poneys, qui, par la taille et les services qu’ils rendent, se rapprochent de nos Chevaux de Corse. Races oceaniques. — Les races qu’on trouve ft la Nouvelle-Hollande sont et devaient etre les me- mes que cedes de FAngleterre. Races americaines. — Le Cheval, inconnu de l’Americain primitif, y a ete introduit par les conque rants europeens, et il s’y est reproduit ft l’etat sauvage et domestique en tel nombre, qu’aujourd’hui il est beaucoup plus abondant qu’en Europe. Le Cheval du Canada et de la Louisiane est generale- ment d’origine frangaise; le reste deJ'Amerique du Nord, jusqu’a la Floride et au Mexique, ne com- prend que des Chevaux anglais; et enfin, ft partir du Mexique jusqu’au cap Horn, presque tous les Chevaux sont de sang espagnol et portugais. Nous ne decrirons pas loutes ces races plus ou moins modifiees, et nous dirons seulement que les Chevaux amencains les plus estimes sont ceux du Chili. Pour completer cette histoire dejft trop longue du Cheval, il nous resterait ft dire quels sont les meilleurs moyens de le propager, ceux que l'on doit employer pour en faire Feducation, les opera-, tions qu’on lui fait subir pour le rendre plus beau ou pour le mieux conserver, etc.; nous ne pour- rons qu’ft peine effleurer ce trop vaste sujet, qui est plutot du domaine de Fart veterinaire que de l’histoire naturelle, et nous renverrons aux trades speciaux sur ce sujet et au resume qu’Huzard ev a donne dans Particle Cheval du Nouveau Dictionnaire cl' Hisloire naturelle de Delerville. Pour conserver intacles les races de Chevaux, on forme des haras; la maniere de construire ces eta- blissements et d’elever ces animaux est un art particulier qu’il ne nous est pas permis ici de decrire, mais dont les regies cependant doivent se deduire du«naturel des Chevaux; en general, les qualites pro- pres ft chaque race se propagent par la generation, et l’on sent, d’apres cela, que les races ne peu- vent pas etre indifferemment melangees; e’est par gradation, et par les gradations les plus insen- sibles, que toute espece de developpement s’opere avec le plus de succes, soit au physique, soit au moral, et Fart doit laisser la plus entiere liberte ft la nature, dans tous les cas oil clle tendrait au meme but que lui. Ces principes, ends il y a longtemps par Fr. Cuvier, devraient toujours servir de base ft toutes les directions des haras; mais il n’en est malheureusement pas toujours ainsi. Le choix des animaux reproducteurs doit etre fait avec le plus grand soin. L’ftge auquel Fanimal 54 HISTOIRE NATURELEE peut commencer a travailler doit etre observe et strictement ordonne. L’education de l’animal doit etre faite petit a petit, et surtout sans violence autant que possible. Le bien-etre de l’animal, soit dans sa nourriture donnee selon sa nature, soit dans son habitation, doit etre constamment respecte. L’exercice modere, le sommeil necessaire, doivent etre aceordes a l’animal. Tels sont les principaux principes qui doivent presider a l eleve de bons Chevaux. Certaines operations sont f'aites a un grand nombre de Chevaux; telles sont les operations de la queue A l’anglaise, des oreilles, qu’on leur coupe parfois en partie; de la castration et de la marque. Une autre operation, qui est beaucoup plus generate que celles que nous venons de citer, est la pose du fer; le sabot croit pendant toute la vie de l’animal : celui des Chevaux qui sont dans l’etat sauvage ne s’use pas plus vite qu’il ne croit; mais, dans l’elat de domesticate, il est expose a des frottements violents sur les paves, et il est indispensable de le garnir d’une lame de fer, sans quoi il serait bien- tot hors de service. Cette necessity de garantir l’ongle des Chevaux a donne naissance & 1’art de la marechallerie, c’est-a-dire a celui qui a pour but de forger les fers propres aux Chevaux, et de les fixer par des clous. On ne devrait ferrer les Poulains que lorsqu’ils ont quatre ans accomplis; mais on les ferre communement beaucoup plus tot. On sait combien le Cheval est utile a l’homme pendant sa vie; apres sa raort, il lui donne encore sa peau, ses os, son erin et parfois meme sa chair. 2. ANE. EQUVS ASINUS. Linne. Caracteres specifiques. — Pelage gris, plus ou moins rouss&tre, avec la ligne dorsaie et une bande transversale sur les epaules, noires; oreilles tres-grandes; queue terminee par une houppe de grands poils. La longueur moyenne du corps, mesuree en ligne droite depuis l’entre-deux des oreilles jusqu’a l’anus, est de 1”,50; la hauteur au garrot est de lm,12. Beaucoup moins beau, moins brillant, moins intelligent que le Cheval, l’Ane n’estdevenu notreservi- teur que beaucoup plus tard que lui, el son type sauvage, connu sous le nom d'Onngre, habite encore aujourd’hui les deserts de l’Asie, ou lesTartareslui donnent lenom d eKoulan ou Choulan. Le type sau¬ vage de cette espfece etait bien connu des anciens; on le trouve mentionne dans les livres de Moise, et meme ce legislateur, le croyant d’une autre espece que l’Ane domestique, defendit de les accou- pler. Aristote donne a 1’Ane le nom d’Ovo?, et Pline, ainsi que Gesner, ceux d’ylsmrts sylveslris et d’Onager. Cet animal, a son etat sauvage, parut souvent dans les jeux du cirque chez les Romains; d’apres Julius Capitolinus, l’empereur Gordien nourrissait, entre autres animaux rares, trente Anes sauvages, et Philippe en fit paraitre une vingtaine dans les jeux seculaires. Depuis cette epoque, on avait presque entierement perdu de vue cet animal, lorsque Pallas le retrouva et le decrivit avec soin dans son Voyage en Russie, en 1773. L’Onagre est de la grandeur d’un Cheval de moyenne taille, et par consequent est un peu plus grand que l’Ane domestique; sa tete est lourde; ses oreilles ont moins de developpement que celles de nos Baudets communs; son pelage est d’un gris ou d’un jaune brunatre; une longue bande brune s’etend sur la ligne dorsaie d’un bout du corps a 1’autre, et le poil qui la forme est floconneux et ondoyant, meme pendant l’ete; en hiver, cette espece de criniere est moins distincte, parce que le corps entier se couvre d’une toison semblable; une ou deux bandes grises coupent en croix cette ligne longitudinale a la hauteur des epaules; les cotes de l’encolure sont sillonnes de lignes que forment des epis ou bouquets de poils releves a contre-sens. L’Ane semble avoir la meme patrie que le Cheval; mais, partis sans doute d’un meme centre dc creation, Pun fut porte plus au nord, l’autre plus au midi. Dans les migrations periodiques, LOnagre descend jusqu’au golfe Persique, jusqu’a la pointe sud de l’Indoustan; mais, au nord, il ne semble pas depasser le quarante-cinquieme degre. 11 a les memes mceurs que le Cheval; dans leurs voyages, ces animaux sauvages, reunis en troupes innombrables, traversent les deserts de l’Asie sous la con- duite de chefs dont les ordres sont executes avec une admirable ponctualite; s’ils sont attaques par les Loups, ils se rangent en cercle, en plagant au centre les jeunes et les vieux, frappent leurs enne- mis des pieds de devant, les dechirent par de cruelles blessures, et remportent toujours la victoire. Mais 1’homnie est pour eux un ennemi plus redoutable que le Loup; il leur declare une guerre achar- PACHYDERMES. 55 nee pour ameliorer ses races domestiques, pour s’emparer de la peau, avee laquelle il fait des tam¬ bours, et cette espece de maroquin si connu sous la denomination de chagrin, et pour se nourrir de sa chair, qui passe en Tartarie pour un mets des plus delicals. Par la rapidite de sa course, il se derobe assez facilement4 une attaque ouverte; mais il se laisse prendre sans defiance aux pieges, aux noeuds coulants, et donne souvent dans les embuscades que lui tendent les chasseurs. Si Ie Cheval n’existait pas, a dit Buffon, 1’Ane serait pour nous le premier des animaux. C’est la comparaison qui le degrade. L’Ane sauvage et le Cheval redevenu libre sont a peu pr6s de la meme taille; mais l’Onagre est plus fort et plus agile. Pourquoi done Pun est-il Pobjet de tant de sollici- tude, l’autre de tant de dedain? Cette difference tient sans doute a la superiority intellectuelle du Cheval; mais cependant il ne faut pas juger l’espece de l’Ane d’aprfis les individus, abatardis par nos moeurs etun climat trop froid, que nous voyons dans nos campagnes. En Perse, oil on eleve avec soin les Anes domestiques, l’espece s’est remarquablement ennoblie; leur taille egale celle des Che- vaux; leurs formes sont devenues sveltes; leur physionomie animee et intelligente; employes a tous les usages qui, chez nous, sont l’apanage des Chevaux, ils rendent les memes services; et la rapi¬ dite des Anes de selle est si bien connue, que les riches Persans preferent cette monture a toute autre. Chez nous, les Anes ne servent que de botes de somme, et 1’on sail qu’ils peuvent porter de tres-forts fardeaux. L’aneienne medecine prenait divers medicaments dans ces animaux; mais au- jourd’hui on ne se sert plus que du Iait d’Anesse, qui est employe avec succes dans diverses ma¬ ladies. En domesticite, les Anes sont des animaux tr6s-patients, tres-sobres et tres-utiles. 11s servent comme betes de somme et comme monture, et e’est particulierement dans les pays chauds qu’ils sont employes a ce dernier usage. Us ont les yeux bruns, l’odorat admirable, l’ou'ie tres-line; leur go At parait tres-peu delicat, car ils recherchent de preference les plantes epineuses, comme les char- dons et les orties; ils aiment 4 se rouler dans la poussiere; les chemins les plus etroits et les plus secs sont toujours ceux qu’ils choisissent; ils sont tres-susceptibles d’attachement envers leurs mai- tres, quoiqu’ils en soient ordinairement maltraites. La voix de l’Ane, appelee le braire , doit son ton rauque a deux petites cavites particulieres du fond de son larynx. La duree de sa vie parait etre de vingt 4 trente ans; il est trois ou quatre aris 4 croilre, et peut engendrer des Page de deux ans. C’est vers le mois de mai que les Anesses entrent en chaleur; les males se montrent tres-ardents; la gestation dure un an environ, et la femelle ne produit, comme la Jument, qu’un seul, et tres-rare- ment deux petits. Les Anons sont tres-gais et ont de la legerete et de la gentillesse. A deux ans et denn, leurs premieres incisives tombent, et ensuite les autres incisives tombenl aussi, en se renouvelant et s’usant dans le meme temps et dans le meme ordre que celles du Cheval. On admet un assez grand nombre de races d’Anes : les uns different principalement entre eux par la taille, et Ton remarque que ceux qui habitent les contrees les plus rapprochees de la Tartarie, c’est-4-dire de la patrie originaire de ces animaux, sont les plus grands, les plus forts, et qu’ils se rapprochent beaucoup du Chevai par l’elegance de leur taille, le poli de leur poil, la pose de leur tete, la vivacite de leurs yeux, la noblesse et meme la fierte de leur attitude, la grace et Paction de leurs mouvements, la legerete et la prestesse de leurs allures. Dans toutes ces contrees, les Anes qui obtiennent les soins de l’homme conservent ces avantages; mais 14 aussi, comme chez nous, les races negligees sont rapetissees etperdent toute leur energie. Le climat influe aussi considerablement sur ces animaux, et l’on remarque qu’ils sont d’autant plus petits et plus faibles, qu’ils habitent des contrees plus septentrionales. Les Anes arabes et ceux d 'Eggple ont autant de vigueur et de beaute que les Chevaux, et ils sont eleves en grand nombre dans ce dernier pays. Les Anes de Perse, de Nubie, A'Abgssinie et de Barbarie, ont beaucoup de ressemblance avec ceux d’Egypte, ce qui parait dd non-seulement aux soins que Pon a d’eux, mais encore au concours de la grande chaleur et de P extreme secheresse de ces pays. Ceux de Yln.de, de la Nubie, de la Ilaute-Eggpte, de la Chine et .de la Cochinchine, du Senegal, habitant des contrees plus humides que celies que nous avons indi- quees, ou plus voisines de Pequateur, sont de taille mediocre ou petite. Les Anes de la Gr'ece, re- nommes autrefois, sont degeneres depuis l’envahissement de ce pays par les Turcs. L 'Espagnc et le Portugal , Xlialie et les parties meridionals de la France, fournissent les plus grands Anes de l’Eu- rope. Les Anes de Sardaigne sont nombreux, mais plus petits que ceux d’ltalie. Ceux A'Angleterre sont tres-petits, et leur espece n’a ete multipliee dans cet Etat que depuis le regne de la reine Elisa- 56 IIISTOIRE NATURELLE. beth. Les Anes des pays du nord de l’Europe sent de meme stature, et leur introduction dans quel- ques-uns est encore plus recente qu’en Angleterre. !1 n’y avait point d’Anes en Amerique avaut la decouverte de ce continent; mais ils s’y sont multiplies depuis, et e’est Washington qui en a propage Pespece aux Etats-Unis; ils sont nombreux maintenant au Perou et au Paraguay. L’Ane peut s’accoupler avec le Cheval et avec le Zebre, etproduire des Mulets qui sont infeconds. Nous avons deja parle du Mulct , ou produit de l’Ane et de la Jument, et du Bardcau, produit du Cheval et de l’Anesse. Le Mulet provenant de 1’accouplement d’un Ane et d’une femelle de Zebre est gris, avec des bandes noires transversales bien marquees sur la face externe des membres, et d’au- tres tres-etroites et presque effacees sur la tete et les tlancs; il a une raie noire transversale sur chaque epaule qui est aussi apparente que celle de l’Ane; ses formes sont celles du pere. M. Gray ( Annals of Philosophical transactions , t. XXVI, 1825) a cru devoir faire de cette espece et des quatre suivanles un genre particulier auquel il assigne le nom d'Asinus; mais les caracteres donnes a ce groupe sont de trop peu de valeur pour qu’on ait cru devoir l’admettre. D’apres l'auteur anglais, le genre Ane n’a pas, comme celui des Chevaux, les crins partant de la racine de la queue; une ligne dorsale, qui n’existe nullement sur le Cheval, se trouve generalement chez le genre Ane; on rencontre constamment sur le Cheval une plaque epidermique qui n’existe pas a la region tar- sienne de la jambe des Anes. La criniere est longue et flottante chez Pun, courte et herissee chez l’autre; les oreilles de Pun sont bien plus courtes que celles de l’autre; il y a une difference sensi¬ ble dans la forme du sabot, etc. 3. HEMIONE ou DZIGGTAI. EQUVS HEMIONUS. Gmelin. Caracteres specifiques. — Pelage isabelle en dessus; criniere et ligne dorsale noires; queue ter- minee par une houppe noire. Intermediaire pour la taille entre le Cheval et PAne; longueur totale, 1m,65, sur lesquels la queue mesure 0m,66. Aristote et Elien avaient dejA indique ce Pachyderme comme distinct de PAne sauvage et du Mulet metis. Les modernes Pavaient perdu de vue, lorsque Messersehmidt le reconnut et le rapporta au Mulct fecond d’Aristote; mais e’est reellement Pallas qui en donna le premier une bonne descrip¬ tion , depuis enlierement completee par Fr. Cuvier, sous le nom de Equus hemionus Dshigglai dictus. C’est P Equus hemionus, Hemione ou Dziggtai des auteurs modernes, et il peut se pro¬ pager aisement dans nos menageries, oil Pon en possede constamment. L’ Hemione merite tout a fait son nom par la ressemblance qu’il offre a la fois avec le Cheval, par les parties anterieures du corps, et avec PAne, par les posterieures. La tete presente le meme me¬ lange; par sa grosseur, elle rappelle celle de PAne, et celle du Cheval par la forme; on peut en dire autant des oreilles, un peu moins longues que celles de PAne, et se rapprochant de celles du Che¬ val par leur coupe et par leur implantation; chez l’Hemione, les ouvertures des narines simulent deux croissants dont la convexite est tournee en dehors, ce qui ne se retrouve ni chez le Cheval, ni chez PAne. Le pelage est forme d’un poil ras et lustre; la couleur en est presque uniformement blanche pour les parties inferieures et internes, isabelle pour les parties externes et superieures; ces deux couleurs se confondent insensiblement Pune dans Pautre. A la face externe des membres, on observe de longues barres transversales d’une teinte isabelle plus pAle; la criniere, qui commence un peu en avant des oreilles, s’etend jusqu’au garrot en diminuant insensiblement de longueur, et les poils qui la coniposent sont noir&tres; elle semble se continuer en une bande de meme couleur qui regne tout le long de la ligne dorsale, s'elargit d'arriere en avant, se retrecit assez brusquement apres avoir depasse les handles, et vient se terminer en pointe sur le bout de la queue; celle-ci, dans sa plus grande etendue, est couverte de poils aussi ras que le reste du corps, et Pon trouve settlement a l’extremite un bouquet de crins noirfttres. La menagerie du Museum possede depuis longtemps plusieurs Hemiones, et Pon est parvenu a les faire reproduire : des essais out ete faits pour rendre cette espece domestique; mais jusqu'ici le caractere presque indomptable de cet animal n’a pas permis qu’il ait pu reussir; cependant ils reconnaissent leur gardicn, lui obeissent souvent, et les Poulains viennent le flatter quand il leur apporte leur nourriture. Esperons qu’aujourd’hui, qu’on etu die avec tant de zele les condi- PACIIYDE RMES. 57 lions de la domestication dcs animaux, de nouveaux essais seront tenths, et qu’ils auront pour re- sultat de nous donner pour auxiliaire un aussi bel animal qui pourrait probablement nous rendre les memes services que le Cheval et quo l’Ane. Le jeune sujet porte une livree; la teinte isabelle tire sur le rougeAtre A la hauteur des cotes, et partout ailleurs elle cst plus pAle que dans l’adulte; les zebrures des membres semblent remplacees par un reseau isabelle A peine sensible; vers la ligne dorsale, la couleur des flancs passe insensiblement a une teinte blanchAtre, en meme temps que le poil s’allonge et se relevc contre la criniere, qui contient deja de vrais crins, et est noirAtre, melan- gee de poils blancs. Les llemiones se trouvent en grand nombre dans le pays de Cutcb, au nord de Gazarate; ils vont par troupes de vingl a trente, et quelquefois de cent individus dans les plaines decouvertes oil les plantes salees abondent, et qu’ils recherchent. Dussumier assure qu’A Bombay on s’en cst servi comme Ghevaux de selle et de trait, etil ajoute qu’on peut assez facilement les apprivoiscr; cepen- dant les Tartares ne les emploient pas, et ne leur font la chasse que pour en manger la chair, qui leur plait beaucoup. II. ESPECES D’AFRIQUE. i. COUAGGA. EQUUS QUACCHA. Gmelin. Cahactcres sriiciFiQUES. — Tete, cou et epaules brun noirAtre, rayes en travers de blanchfitre; croupe d’un gris roussAlre; queue terminee par une touffe de grands poils. Longueur totale, i m, 30 . 58 HISTOIRE NATURELLE. tete, la brievete des oreilles; mais il a la queue, la bande dorsale et les barres transversales de 1’Ane; quant aux zebrures qui se trouvent sur la partie anlerieure du corps, elles lui sont propres. La taille duCouagga est semblable a celle du Cheval de moyenne grandeur; le fond du pelage, sur la tete et sur le cou, est brun fonce noiratre; le dos. les flancs, le haut des cuisses sont d’un brun clair qui se change en roussatre sur le milieu des cuisses; les parties inferieure et interne sont d’un beau blanc; on voit des raies gris roussAtre variant avec l’Age sur la tele et le cou; une ligne noi- rAtre regne le long de Repine dorsale et descend sur la queue; la criniere est courte et droite, ayant sa couleur generale occupee par des taches blanches correspondantes aux raies du cou. On en a possede un individu mAle au Museum de Paris, et il mourut a environ vingt ans; on n’a pu le faire accoupler avec une Anesse; souvent il repetait le cri de couang, qui a valu a Respece le nom qu’elle porte. Cet animal parait propre aux parties les plus meridionales de RAfrique; on le trouve en grand nombre sur les plateaux de la Cafrerie, oil il se nourrit de plantes grasses et d’une espfece particu- liere d’acacia. 11 vit par families nombreuses qui se melent souvent aux troupes de Zfebres, et c’est le Cheval du Cap des vovageurs. On peut Rapprivoiser aisement, et les colons hollandais ont, dit-on, l’habitude d’en elever avec le betail ordinaire, qu’il defend avec courage contre les animaux feroces, et surtout contre les Hyenes. 5. DAUW. EQUUS MONTANUS. Burchell. Caracteres specifiques. — Pelage blanc; nuque et dos rayes de bandes alternativement noires et fauves; une ligne noire, bordee de blanc, sur le dos; venire, queue et fesses sans bande comme dans Respece precedente, et tout a fait blancs; criniere rayee de bandes noirAtres et blanches. (Voy. Y Allas, pi. Il, fig. 1.) Cette esp&ce, la derniere connue, et qui a ete longtemps confondue, tantot avec RHemione, tantfit avec le Zebre, tient a la fois de ces deux animaux. C’est YEquus zebroides de Fr. Cuvier, qui en a meme deceit un individu sous le nom de Zebre male; c’est YEquus zebra et montanus de Burchell, et lVlsrims Burchellii de Gray. La taille de cet animal est celle d’un petit Cheval; le fond du pelage est Isabelle sur les parties superieures, blanc aux parties inferieures; tout le dessus du corps est raye de rubans noirs ou bruns, transverses en avant et obliques en arriere, se ramifiant et s’anastomosant, surtout dans le mi¬ lieu du corps; le bout du museau est noir; le dernier ruban du cou se divise, surle bras, en un che¬ vron dans lequel s’en inscrivent trois ou quatre autres; la queue est toute. blanche, raide; la criniere ne retombe pas, comme dans le Cheval, sur les c&tes du cou. Le mAle differe de la femelle en ce qu’il est plus petit, et que ses rubans sont moins teintes de brun. La menagerie du Museum de Paris possede depuis longtemps plusieurs de ces animaux, et ils s’y sont meme reproduits. 11s paraissent recevoir avec plaisir les soins de leur gardien, qu'ils recon- naissent fort bien; cependant ils sont loin d’avoir perdu le souvenir et l’amour de leur ancienne in- dependance, et, dans un acces de colere, Run d’eux a casse la cuisse a Rhomme qui le soignait; mais, comme des accidents semblables arrivent malheureusement quelquefois aux personnes qui soignent des Chevaux, il nefaut pas admettre pour cela qu’ils sont indomptables, etl’on peut encore esperer les rendre domestiques; par la force de leurs membres, on peut meme penser qu’ils ren- draient de grands services comme betes de somme. On le trouve sauvage aux environs du cap de Bonne-Esperance et probablement dans une grande partie des montagnes de RAfrique centrale. Il a les memes moeurs que les autres especes du meme genre. 6. ZEBRE. EQUUS ZEBRA. Linn5. Caracteres specifiques. — Pelage raye partout, tres-symetriquement, de bandes d’un brun plus ou moins noir sur un fond blanc. De la taille d’un Cheval de moyenne grandeur. Fig. 2. — Laie el ses Marcassins. I'l. I * Ate - PACIIYDERMES. 59 Aristote et ses comment;! teurs ne semblent pas avoir connu le Zebre; cependant il a dtii figurer 3! Rome dans les jeux du cirque. Philippe rapporte que Caracalla tua dans un seul jour un Elephant, un Rhinoceros, un Tigre et un Ilippo-Tigre; le meme auteur raconte aussi que Plautius envoya des centurions dans les lies de la mer Erythree pour y enlever les Chevaux du soleil, semb tables a des Tiqres. Ces deux expressions ne peuvent se rapporter qu’au Zebre; et Diodore de Sicile parait aussi avoir parle, sous la denomination d 'Uippotigre, de cet animal dans sa description du pays des Tro¬ glodytes. Les Romains, au reste, ont fini par connaitre cet animal; car, quoique sa veritable patrie soil le cap de Bonne-Esperance, il s’etend dans presque toute I’Afrique orientate, il est commun au Congo et en Abyssinie. Jobson le designe sous le nom de Zebra Indica; Aldrovande, sous celui de Zebra; c’est Y Equus Brasiliensis de Jacob, quoiqu’on ne le rencontre nullement en Amerique, 1 'Equus zebra de Linne, et le Zebre de Buffon. Quoi qu’en ait pu dire Buffon, ainsi que le fait observer M. De Quatrefages, le Zebre n’est nulle¬ ment superieur au Cheval par la beaute des formes; et, sous ce rapport, il ressemble beaucoup a l’Ane domestique; mais sa taille est bien plus elevee, et la richesse de sa robe suffit seule pour le separer nettement de toutes les autres especes du meme genre. Le fond du pelage est blanc, glace de jaun&tre, et cette teinte regne seule sous le ventre et a la partie superieure et interne des cuisses, partout ailleurs elle est rayee de bandes dont la direction est perpendiculaire a l’axe de la partie qu’on observe, excepte sur le chanfrein, oil cette direction est longitudinale; la couleur des bandes est rousse sur le museau, et partout ailleurs d’un brun fonce noirStre; leur nombre parait etre con¬ stant dans certaines parties du corps ; il y en a huit sur le cou, deux sur l’epaule et douze sur le train de devant; chaque cuisse en presente quatre plus larges que les autres, qui en dessinent tres- bien la convexite; le reste des membres, des oreiiles, etc., est irregulierement raye de noir et de blanc, et le tour du museau est tout entier d’un brun noir&tre. Le m&le et la femelle se ressemblent; les jeunes naissent avec les couleurs de l’adulte, seulement le brun est plus p3le. C’est pour la premiere fois, en Angleterre, et par les soins de lord Clive, que Ton parvint a faire accoupler le Zebre et l’Ane, el depuis cette experience a ete renouvelee heureusement au Museum de Paris. L’accouplement d’une femelle de Zebre avec un Ane d’Espagne de forte race futfecond, et, au bout d’un an et quelques jours, elle mit au monde un petit qui vit encore aujourd’hui; plus tard, on essaya de la reunir au Cheval, ce qui se fit sans difficulty mais malheureusement cette femelle mou- rut au huitieme mois de sa grossesse; le fetus, avec les formes du pere, avait une partie de la robe de la mere. Les Zebres sont assez rares dans nos menageries europeennes, quoiqu’on puisse en voir de temps en temps. On a longtemps regarde le Zebre comme un animal indomptahle. Les faits avari¬ ces par Buffon sur des equipages formes par cet animal ont ete dementis; toutefois, le Zebre qui a vecu au Museum avait ete pris jeune, et avait appartenu au gouverneur du cap de Bonne-Esperance, etait tres-doux et se laissait approcher, eonduire et mener presque aussi facilement qu’un Cheval bien dresse. 11 ne semble done pas y avoir de doute que Ton ne puisse rendre aussi cette espece domestique. Dans 1’Afrique australe, les Zebres sauvages vivent par troupes et paissent l’herbe dure et seche qui croit dans les pays de montagnes; ils ont beaucoup de force et se defendent contre les grands animaux sauvages par des ruades vigoureuses; leur caractere est excessivement defiant et farouche, et il semble qu’il est presque impossible de les dompter, a moins qu’on ne les ail pris tres-jeunes. On trouve en tres-grand nombre des ossements fossiles du genre Cheval dans les couches meubles qui recelent des os de Rhinoceros, d’Elephant, de Cerf et de Boeuf, ainsi que dans les cavernes et les breches osseuses; mais il n’a pas ete possible jusqu’iei de les distinguer des especes vivantes. Il est vrai de dire que les squelettes de toutes les especes vivantes de ce genre se ressemblent tellement lorsqu’ils sontde meme taille, qu’on n’a pas encore indique de caracteres bien tranches propres a les differencier; cependant le Cheval etant generalement d’une taille superieure a celle des autres especes, et les ossements que nous avons cites offrant les memes dimensions que les siennes, on peut croire qu’ils appartiennent bien rAellement A cette espece, appelee des lors a tort Equus fossilis. En ce moment M. Lartet s’occupe de l’etude des Chevaux fossiles, et il est probable que d’ici a peu de temps la science saura s’il y a ou non des especes eteintes de ce genre, bien dislinctes des especes vivantes. On rencontre de ces ossements en Europe; mais, ce qui est beaucoup p fus curieux, en Ame- 60 HISTOIRE NATURELLE. rique, entre autres au Texas, melanges avec des os de Roeufs, et li oil il n’existait pas de Chevaux avant l’arrivee des Europeens. S’il parait impossible de distinguer ces Chevaux des terrains de diluvium, il n’en estpas de meme de ceux qu'on trouve dans les sables tertiaires. M. De Christol a decouvert, dans le bassin de Pe- zenas (Herault) et dans la vallee de la Durance, des ossements d’une espece de Cheval dont l’email des molaires superieures, au lieu de. presenter un croissant au milieu du bord interne, montre un cercle qui ne se confond pas avec les croissants du reste de la dent; et, comme les os du squelelle ont offert aussi quelques differences a M. De Christol ( Jahrb . f. Min., 1854), il a fait de cet ani¬ mal un genre auquel il donne Ie nom d 'Hipparion (nnrapio;, petit Cheval). Peu de temps apres, M. Kaup a trouve dans les sablieres d’Eppelsheim, sur les bords du P.hin, meles avec des os de Di- notherium, de Mastodonte et de Rhinoceros, des dents de Chevaux qui offrent le meme caractere que cedes de 1’Hipparion, et il en a fait un genre particular sous le nom d ' Hippotherium (ran;, petit Cheval; 0np, grande bete), et il en distingue deux especes, les FI. cjracile et nnnum, qui reellement ne doivent en former qu’une et etre peut-etre meme reunie au genre de M. De Christol. Fig. II. — Rhinoceros unicorne. Get ortlre cst I’un ties plus uaturels parmi ceux quo los zoologistes ont etablis dans la classe des Mammiferes; car Ton n’observe que des differences peu importantes dans tous les points de l’orga- nisation des animaux qu’il contient, compares entre eux, et les genres que Ton a formes pour les subdiviser nepresententpourla plupart que des caracteres secondaires. Les Ruminants n’ont pasd’in- cisives superieures, a tres-peu d’exceptions pres; le nombre des incisives inferieures est de huit; il n’y a souventpas de canines superieures; le plus ordinairement les molaires out leur couronne mar¬ quee de deux doubles croissants; les pieds ont deux doigts engages dans des sabots et deux rudi¬ ments de doigts laleraux derriere le sabot, et ces pieds servent uniquement a la raarche; ils ont le plus communement des cornes ou des bois, et ceci est le caractere le plus particular de ces Mammi- leres; ils presentent tous quatre estomacs destines & la rumination; le cerveau a des circonvolutions nombreuses; les mamelles sont inguinales; entin ce sont des Mammiferes placentaires, et leur pla¬ centa est cotyledonaire ou diffus. Linne a nomine ces animaux Pecorn , parce que les bestiaux qui composent nos troupeaux en font principalement partie. La forme de leurs pieds leur a fait donner, par Illiger, les noms de Risul- ques, Disulca; par Klein, ceux de Diclules ou Didactyles, et par De Blainville celui d Ongulogp.ades paires. Enfin les anomalies qu’on remarque dans leurs organes de la digestion et dans la maniere dont cette fonction s’execute chez eux ont determine Vicq D’Azyr a les appeler Ruminanies ; Bod- daert, Ruminantia, et G. Cuvier, Ruminants, denomination qui a generalement prevalu. Plusieurs des caracteres priucipaux des Ruminants leur sont commons avec les Pachydermes; l’acte seul de la rumination et quelques particularity de l’estomac destinees i son execution les en distinguent d’une maniere absolue; aussi peut-on dire, avec Duvernoy, M. P. Gervais et d’autres zoologistes, que les Pachydermes et les Ruminants ne sont que des fractions d’un meme groupe de Mammiferes, celui des Onguies, qui est en effet une des grandes subdivisions que Ton doit admettre parmi ces animaux; du reste, 1’etude des Pachydermes fossiles demontre encore ce rapprochement d’une maniere plus Avidente, puisque plusieurs d’entre eux liennent de bien plus pres aux Ruminants que ne le font les especes actuelles; e’est ce que montrent surtout plusieurs groupes voisins des Anoplotlicriums qui tendent a joindre ces animaux aux Chevrolains, qui sont de vrais Ruminants : e’est ainsi que, sous le point de vue du systeme dentaire, on a du, dans ces derniers temps, ranger dans le genre Che- vrotain, et par consequent dans les Ruminants, le Dichobune cervinum, que G. Cuvier placait parmi les Pachydermes. 02 HISTOIRE NATURELLE. Plusieurs animaux de 1’ordre que nous etudions, tels que la Girafe, le Chameau etle Boeuf, sent de tres-grande taille; la plupart des autres, comme les Moutons, Chevres, Cerfs, Antilopes, sont de taille moyenne; enfin un petit nombre, et parmi eux on doit citer les Chevrolaius et quelques Anti¬ lopes, sont de tres-petites dimensions. Excepte les Boeufs, qui ont le corps epais, les membres ro- bustes et la demarche lente, tous les Ruminants ont des formes sveltes, des jambes greles et elevees, et sont doues d’une grande vitesse it la course. Ceux qui ont la force en partage sont d’un naturel farouche, tandis que les plus faibles, et e’est la tres-grande majorite, sont des animaux craintifs, presque uniquement occupes a se soustraire aux poursuites de leurs nombreux ennemis. Les Pachy- derme (Voy. P Atlas, pi. II., fig. 2. la Laie et ses Marcassins), mais cependant nous devons en exclure tout le groupe de Chevaux, ont des formes plus massives que les Ruminants. La tete de ces derniers est allongee et amincie anterieureroent, excepte dans les Boeufs et dans quelques Antilopes, oil le mufle s’elargit et presente quelquefois une surface charnue sur les cotes de laquelle sont perces les naseaux. Les yeux, en general grands, bien fendus et a paupieres bordees de cils, ont la cor- nee saillante, la pupille en parallelogramme transversal ou oblique, et semblent bien conformes pour voir pendant la nuit. Au-dessous et en avant des yeux, on remarque une fente ou plutot un repli de lapeau qu’on appelle larmier, dontles parois secretent une humeur transparente, un peu epaisse et jaunatre, que Ton a regardee dans les Cerfs comme etant leurs larmes, ce qui est faux; car ces ani¬ maux, comme les autres Mammiferes, ont des glandes lacrymales, et par consequent de veritables larmes; les larmiers peuvenl etre tres-profonds ou ne pas exister. Les oreilles, au moins dans les especes sauvages, sont longues, en cornet, tres-mobiles. Un organe particulier, qui existe bien chez quelques autres Mammiferes, mais qui ici est arrive a son maximum de developpement, est celui que Ron a appele organe de Jacobson, sur lequel M. le docteur P. Gratiolet a donne, dans ces derniers temps, de nombreux details, et que Eon suppose destine a leur permettre de reconnaitre les matieres vegetales qui leur conviennent le mieux. Les moustaches ne sont representees que par quelques poils faibles, peu allonges, ou meme n’existent pas. La langue est longue, plate, et tr&s-souvent en des- sus garnie, vers la base, de nombreuses papilles molles, affectant diverses formes, ou, plus rare ment, couverte de papilles corners. Des productions particulieres a beaucoup d’animaux de cet ordre sont celles qui ont re<;u le nom de comes ou de bois, et qui se voient tantbt simultanement sur la tele dans les deux sexes, tantot chez les mSles seulement, ou bien qui, dans un certain nombre d’es- peces, n’existent ni dans Fun ni dans l'autre sexe. Ces cornes ou bois sont toujours paires, etplacees sur les os du front. Les cornes se composent d’un developpement de ces os en forme de cheville simple, coriique, plus ou moins allongee et diversement contournee, lequel est tantot, comme chez les Boeufs, Moutons, Antilopes et Chevres, recouverl d’une enveloppe conique de corne qui en suit la direction anguleuse, comprimee ou ronde, lisse, ridee ou annelee en travel’s, et de couleur assez va¬ riable, depuis le noir jusqu’au gris jaun&tre; tantot seulement, comme dans les Girafes, revetu d’un prolongement persistant de la peau velue de la tete, lequel est termine par une forte touffe de grands poils raides; ces chevilles. osseuses dans les Boeufs et Moutons, sont creuses, et leur cavite, commu- niquant avec les sinus frontaux, peut etre consideree comme un annexe des organes de Fodorat, ou bien, ainsique dans les Antilopes, sont solides et formees d’une substance osseuse tissu tres-serre. Les bois, qui sont, la femelle du Renne seule exceptee, les attributs des m4les dans le grand genre Gerf, sont des productions plus ou moins compliquees, et le plus ordinairement branchues, au moins chez les adultes, qui tombent et se renouvellent, en se compliquant davantage chaque annee, jus- qu’a ce que les animaux qui les portent soient dans la force de l’Sge; ils sont purement de nature osseuse, sans etui corne, el, quand ils se developpent chaque ete, ils sont d’aboi'd cartilagineux et recouverts par une peau sensible et velue, continuation de celle de la tete, et sous laquelle sont des vaisseaux abondants qui, venant a s’obliterer plus tard, laissent leurs traces en forme de sillons sur le bois, auquel ils ont porte originairement la nourriture. La bouche est mediocrement grande, et la levre superieure est plus ou moins fendue dans son milieu. Le systeme dentaire, parfaitement carac- terise, ne permettrait de former dans cet ordre qu’un tres-petit nombre de genres; sa composition generale dans le plus grand nombre des groupes, tels que ceux des Girafe, Cerf, Antilope, Boeuf et Mouton, consiste en huit incisives inferieures, aplaties, elargies et assez tranchantes a leur exlre- mite, s’appuyant obliquement sur un bourrelet charnu qui garnit le Lord avance, aplati et assez mince des os intermaxillaires qui terminent la m&choire superieure, et six molaires seulement, tant RUMINANTS. 63 en haul qu’en bas, ou il n’y a que cette seule sorte dc dents, de chaque cote, dont les trois pre¬ mieres. plus simples que les autres, presentent a lour couronne la corne d’un croissant mal dessine, et dont les trois posterieures ol'frent des ligures de doubles croissants, ayant leur convexite en dedans pour la machoire d’en baut et en dehors pour celle d’en bas. Quelques particularites se remarquent suivant certaines espAces; dans les Chevrotains, le nombre des molaires est de meme, seulement les trois fausses molaires anterieures sont lateralement comprimees, et ont leur bord trancbant et lobe a la maniere des molaires des Carnassiers; les Chameaux se rapprochenl beau- coup des Paehydermes, car ils n’ont que six incisives inferieures au lieu de huit : il y a une in¬ cisive de chaque c6te en haut, et cette dent ressemble, par sa forme, A la canine qui ia suit : la machoire inferieure a encore une canine, et enfin il y a six molaires en haut et cinq en bas; les Lamas ne different des Chameaux qu’en ce qu’il y a une de ces molaires de moins dans les deux mAchoires, ce qui est le moindre nombre de ces dents chez les Ruminants. Les males des Chevro¬ tains et quelques males du genre Cerf, avec le systeme dentaire general que nous avons indique, presentent de plus deux canines superieures, quelquefois trAs-longues, comme dans les Chevrotains, et arquAes en arriAre, ou peu developpees; et un caractere qui semble en correlation avec celui-ci, o’ est que, dans ce cas, les cornes peuvent disparaitre comme dans le Chevrotain, ou etre tres- petites, comme chez le Muntjac. Selon MM. P. Gervais et Owen, on devrait considerer les incisives externes de la quatriAme paire comme des canines, ce qui rendrait plus comparable la formule den¬ taire des Chameaux avec celle des Ruminants A bois ou A cornes, et celle des uns et des autres avec la dentition de certains Paehydermes. La dent molaire des Ruminants, qui est la plus compliquee dans sa forme, est la quatriAme molaire superieure et inferieure, laquelle est la dent principale de ces animaux, et la sixieme molaire d'en bas est A trois divisions comme chez les Paehydermes her¬ bivores des genres fossiles des Anoplotherium et Palceolherium La theorie avait fait admettre a priori que tous les Ruminants, quoique prives d’incisives superieures dans la plus grande majo- rite des especes pendant l’Age adulte, et meme dAs le premier moment de leur naissance, ont nean- moins, pendant une partie de leur vie foetale, les dents qui leur font defaut A une epoque anterieure; MM. Goodsir et Owen ont constate par l’observation qu’il en etait ainsi. Des foetus de Cerf, Roeuf et Mouton ont montre ces dents a la mAchoire superieure, et meme les canines de 1’inferieure; on leur a aussi reconnu quatre paires de molaires en haut et en bas ; toutefois nous devons ajouter que De Blainville ne partagea pas cette maniere de voir. La longueur du cou varie en raison de celle des jambes des Ruminants; la Girafe, le Chameau, le Lama, presentent 1’ extreme de ce double allongement, tandis que le Boeuf en offre le minimum; les Cerfs et les Antilopes, qui sous ce rapport sont intermediates aux premiers et au dernier, par la forme de leur cou, qui est bien degage, par leur corps svelte et leurs jambes legeres, ont une grAce toute particuliere. Le corps est plus ou moins epais, et ses formes sont plus ou moins nettement dessinees, selon l'ampleur de la peau, qui parfois, chez les Boeufs, par exemple, pend sous le cou et forme un fanon. Les Apaules sont assez etroites. La croupe n’est pas tres-musculeuse. La queue varie en longueur, nulle meme dans le Chevrotain muse, tres-courte dans le Chevreuil, un peu plus longue dans les Cerfs, courte et grele dans les ChAvres, enfin, chez les Boeufs et chez quelques Antilopes, elle prend plus de dimension, et est souvent garnie A son extremite par un flocon de grands poils. Les mamelles, toujours ventrales, sont au nombre de deux ou de quatre. Dans les Chameaux, on trouve sur le dos des productions graisseuses qui forment une ou deux bosses modes plus ou moins volumineuses; des bosses de meme nature se voient au garrot des Zebres et sur la partie inferieure de la queue de cer¬ tains Moutons. Les jambes sont ordinairement fines, et les parties tendineuses y sont plus abondantes que les parlies musculeuses; e’est ce qui a lieu dans les Cerfs et les Antilopes, tandis que chez les Boeufs ces extremites prennent plus de force. Chez tous, le bras et la cuisse sont courts, et meme cette derniere partie ne se detache pas bien sensiblement du corps, excepte dans la Girafe et le Chameau; les os qui represented l’avant-bras et celui qui remplace la jambe ne sont pas tres-longs; le cubitus est soude au radius, mais en est cependant distinct, et le perone est reduit A un osselet styloide. Le talon est constamment releve, et les metacarpes et les metatarses ont beaueoup de longueur : ce sont eux qui portent vulgairement chez ces animaux le nom de jambes; ils ne sont formes que d’un seul u IIISTOIRE NATURELLE. os ou canon; mais cet os resulle evidemment de la soudure de deux autres. Il y a A chaque pied deux doigts formes de trois phalanges, dont la derniere entouree en entier d’un sabot de corne qui pose surle sol et a generalementune forme allongee, triangulaire. Derriere les sabots se voient deux petites productions cornees nommees les onglons, et qui represented deux doigts rudimentaires et inutiles. Des particularites curieuses se remarquenl dans la forme des membres du Chameau, et, en outre, dans l’existence de parties nues et calleuses sur les points des articulations. Aux membres anterieurs de quelques Antilopes, il y a une forte touffe de poils raides sur l’articulation du poignet, et qui a repu le nom de brosse. Les poils se presentent sous divers aspects. Chez les especes sauvages, le poil est generalement assez raide, tantot ras, comme dans les Antilopes et les Cerfs, qui habitent les plaines boisees des pays meridionaux et temperes; tantot plus ou moins dur et grossier, comme dans les Bouquetins, le Chamois, les Chevres, etc., qui vivent sur les sommets des montagnes. Dans quelques Ruminants, le poil est laineux el lloconneux, comme cliez le Bison, ou tres-sec, cassant, aplati. comme dans I Elan et le Muse. Dans les races de Moutons domestiques, on observe que tantot le jars ou grand poil disparait et fait place a un poil interne qui se developpe beaucoup etprend la qualite de lame, ou bien que le poil exterieur se raffine et devient soyeux et brillant. Deux Ruminants, le Yak et la Chevre du Thibet, sont les seuls sur lesquels on trouve de vrais crins. Les couleurs du pelage sont assez conslanles dans presque loutes les especes, et le fauve domine dans celles qui ont le poil ras; le brun, le noiratre et le gris appartiennenl plutot a celles qui sont couvertes d une fourrure epaisse, et ce n’est que dans le genre Cerf que les jeunes ou Faons portent une robe tachetee regulierement de blanc, ou une livree; du reste, les couleurs ne sont jamais brillantes, et ce sont certaines especes d’Antilopes qui presentent les plus belles et surtout les plus agreablement distributes. Le caractere commun le plus saillant et le plus general des Ruminants se trouve dans leur mode de nutrition, qui leur a valu le nom qu’ils portent, et dans la structure des organes qui servent a I’exerciee de celle fonction. Les dents ne sont pas aussi bien disposees que cliez les autres Mammi- feres pour la trituration des aliments; mais ces animaux y remedient par la disposition particuliere de divers points de leur organisme. L’articulation des machoires est telle, que les mouvements late- raux sont beaucoup plus faciles chez euxque les mouvements verticaux; el cette disposition leur sert pour la trituration des aliments. Les glandes salivaires sont, avec celles des Chevaux, les plus grosses qu’on observe chez les Mammiferes. L’oesophage renferme dans ses parois deux couches de fibres spirales qui s’etendent dans toute sa longueur, en se contournant en des sens opposes; ces fibres, au maximum de developpement, peuvent se contractor en partie et successivement sur toute la ligne de l’cesophage, de maniere a pousser debas enhautet de hauten basics pelotes de nourriture ou bols aliment air esqmy sont engages. L’estomac est divise en quatrepoches ou estomacs bien distincts; i 0 la pause , aussi appelee rumen, herbier ou double, vaste cul-de-sac correspondent au jabot des Oiseaux, oil arrive d’abord et sont places, en etat de maceration, les aliments secs ou ligneux aussitot qu’ils out ete avales; cette panse occupe une grande partie de 1 abdomen; ses parois, peu epaisses, sont con- tractiles, et sa surface interne contient des papilles larges et plates de grandeur variable; elle com¬ munique directement avec I’oesophage par une seule issue s’ouvrant dans une gouttiere de ce canal, qui aboulit aussi avec le second et troisieme estomac; 2° le bonnet (reticulum), ou second estomac, qui est le plus petit de tous, rond, et qui exterieurement ne parait qu’un appendice du premier; sa membrane interne a des repli? canneles sur les cotes, denteles a leurs bords, formant des mailles polygones herissees de papilles assez tines; cet estomac communique par une partie de sa surface avec la gouttiere de l’oesophage, qui se termine dans le troisieme estomac et n’en est, A proprement parler, que la continuation; 3° celui-ci, ou le fcuillct (omasum), est place au c6te droit de la panse, et n’est que le troisieme pour la grandeur; il est globuleux, separe du second et du quatrieme par des retrecissements tres-sensibles; ses parois sont minces, sa cavite partagee en larges feuillets lon- gitudinaux formes par les replis de la membrane interne, dont la surface est herissee de petites pa¬ pilles semblables a des grains de millet, et il communique par une ouverlure avec le dernier esto¬ mac; 4° celui-ci, ou la caillelle (abomasum), est le plus grand apres la panse chez les animaux qui lont fait usage d’alimenls solides, et le plus volumineux de tous dans les tres-jeunes sujets, et tant qu’ils se bornent a teterleur mere; ses parois sont peu epaisses, excepte vers sa terminaison poste- rieure, qui n’a pas de rebord valvulaire; la membrane in'.erne est muqueuse, et toute sa surface est RUMINANTS. 05 lubrMtec d’abondantes mucosites; cette caillette, qui est Ie veritable estomac, parait sccreter le sue gastrique, ce que prouve l’usage que Ton lait des portions de cet organe desseehe, dans les Yeaux, pour faire prendre ou cailler lelait. Les differences principales quepresentent les differentsestomacs, considerees dans les divers Ruminants, sont relatives au volume ou a la forme extdrieure de chacun d’entre eux, et en general peu importantes; mais, dans les Chameaux, la panse offre des rendements ou culs-de-sac particuliersque Ton liomnie reservoirs, qui sont, pour quelques auteurs, un cinquieme estomac, et qui sont remplis d’un liquide incolore, insipide, que Ton a regarde comme etant de l’eau que ces animaux buvaient a profusion lorsqu’ils rencontraient des sources, afin de la mettre en re¬ serve dans ces cellules pour bumecter plus tard, et a mesure que besoin en etait, les aliments secs ingeres dans la panse. Fig. 12. — Estomac de Ruminant. Les Ruminants sont les Mammiferes dont le tube intestinal a le plus de longueur; dans le Relier, par exemple, ou ilestle plus long, il mesure vingt-sept fois la longueur du corps. Les gros intestins ne sont pas boursoufles. Le ccecum est long, lisse, peu volumineux. Le foie presente trois lobes. La vesicule biliairese trouve dans tous ces animaux, excepts dans ceux des genres Cerfet Chameau. Le pancreas affecte differentes formes. Les reins sont tantot simples, tantot, au contraire, profonde- ment lobes. Les organes genitaux des femelles n’offrent rien de partieulier; dans les males, les tes- licules, toujours apparents au dehors, sont d’ordinaire tres-volumineux. Ces animaux, exclusivement herbivores, out besoin de prendre une quantite d’autant plus con¬ siderable d'aliments, que ceux-ci sont moins nutritifs par leur nature et consistent principalement en feuilles ou tiges de graminees souvent seclies, ligneuses et a Tetat de foin. Ces aliments, au lieu d’etre completement tritures au moment oil ils sont pris et arraches a l’aide des incisives inferieures et du mouvement de torsion que la langue leur imprime, sont d’abord legerement tritures pour etre divises en pelotes grossieres qui descendent dans l’cesophage, et pour lesquelles s’ouvre seulement la partie de la gouttiere cesophagienne qui repond a l’ouverture de la panse, oil elles sont placees en depot, et ou les matures dont elles se composent sont imbibees par les liquides que secretent lesparois de cet estomac; la panse se remplit ainsi d’une quantile plus ou moins grande d’aliments; ceux-ci se ramollissent et entrent dans une fermentation qui quelquefois peut causer la mort des animaux si elle est accompagnee d’un degagement de gaz trop prompt et trop abondant; les ani- raaux, dans ce cas, enflent considerablement et sont dits memorises. Ensuite l’animal se couche un peu sur le c6te, et, par la contraction de la panse, 1’ouverture de la portion de la gouttiere oesoplia- gienne qui correspond a cet estomac, et la contraction successive des differentes parties de l’ceso- phage lui-meme, les aliments remontent par pelotes dans la bouche. Alors, places sous les molaires, ces aliments sont linement broyes par des dents qui agissent circulairement; puis ils sont avales de * a 66 HISTOIRE NATURELLE. nouveau; mais, au has de l’oesophage, l’ouverture de la panse se trouve fermee, et celle du bonnet est ouverte; le bol perfectionne y entre pour etre transmis, un peu plus tard, au troisieme estomac ou feuillet, et de celui-ci il passe a la caillette, oil il s’imbibe des veritables digestifs avant de suivre le reste du trajet du tube intestinal. Tous les aliments deposes dans la panse sont ainsi successive- ment repris, rem&ches, et servent a la nutrition; et cette occupation est tres-longue et occupe la plus grande partie du temps oil les Ruminants restent couches. L’uniformite des formes du squelette dans les nombreux animaux de cet ordre a ete souvent re¬ marquee, et est incontestable; mais cependant on peut facilement, en y regardant de pres, apercevoir des differences assez notables dans les memes os des divers genres et souvent meme des diverses especes. Les os sont generalement durs, solides, pesants,peu poreux, et, au contraire, tres-fistuleux pour ceux des membres. Leur mode d’articulation est en general tres-serre et gynglymoidal, ce qui est encore augmentepar la brievete et la secheresse des ligaments; le ligament cervical est tres-deve- loppe et tres-solide; leur nombre est presque rigoureusement le meme, si ce n’estlorsque les doigts supplementaires existent plus ou moins complets ou n’existent pas du tout. Le coeur pr£sente un ou deux osteides differant un peu de forme et surtout de grandeur, compris dans l'epaisseur de la cloi- son qui separe les deux ventricules du coeur; ces osteides, d’apres De Blainville, existent cliez tous les Ruminants; mais ils varient pour le developpement suivant l’Sge et meme le sexe. Dans leur squelette, ce que les Ruminants presentent de plus remarquable consiste dans la forme des orbites, qui sont complets, tout en communiquant avec la fosse temporale; dans la courbure de l’arcade zygomatique en bas; dans le mode d’articulation tres-lache de la m&choire inferieure, qui permet le mouvement de rotation des molaires les lines sur les autres; dans les vertebres cervicales plus ou moins convexo-concaves; dans le sternum plat; dans 1’absence des ciavic.ules; dans la brie¬ vete de l’humerus et ditf femur; dans le cubitus plus ou moins completement soude au radius; dans le perone rudimentaire dans l’astragale en forme d’osselet; dans la disposition Daire des doigts, et 4 '• S i 5 ’• 1 70^ Fig. I — Tete de I’llippopotame du Cap Fig. 2. Tete d’Hippopolame fossile. I'l. 2. RUMINANTS. G7 c’est surtout ce qui a valu a ces pieds lcs noms de fourchus , bisulques et hi (ides ; dans la longueur des metacarpiens et metatarsiens, au nombre de deux, egaux et soudes cn un seul qui a recu le nom de canon , etc. Ce dernier caractere est general eliez les Ruminants; car il n’offre qu’une seule exception, c’est une espece de Chevrotain d’Afrique, le Moschus aquaticus, oil ces deux os ne sont pas soudes ensemble; chez les Pachydermes, les metatarsiens et les metacarpiens sont toujours iso- les, meme ceux des Dichobunes, si voisins dcs Chevrotains sous tant de rapports; dans les Pecaris, cependant, aux pieds de derriere il y a une disposition assez analogue a celle que presentent les Ruminants. En general, les os de la tete des Ruminants sont plus minces que ceux des Pachydermes, ct produisent une tete dont la forme est plus svelte; comparativement a la tete du squelette de Rumi¬ nant que nous donnons ici, nous avons represente, PI. 1 de V Allas, deux tetes osseuses de Pachy- dermes se rapportant au genre Hippopotame : Pune d’une espice vivante, PH. du Cap (fig. 1), et Pautre d’une espece fossile (fig. 2) du val d’Arno. Les muscles du tronc comme ceux des membres suivent la disposition articulaire des os qui lcs composent, de maniere a ne produire essentiellement que des mouvements de flexion angulaire dans un meme plan, d’oii resulte la locomotion dans une seule direction longitudiriale d’arriere en avant avec une prodigieuse vitesse dans le temps comme dans Pespace on dans le sens vertical de has en haut, aussi bien aux membres anterieurs qu’aux membres posterieurs, ce qui produit le saut si ex¬ traordinaire dans certaines especes, comme dans les Antilopes et les Chevres, par exemple. Le systeme pileux est forme de soies et de laine dans les proportions variables avec le climat et la saison; la coloration est presque constamment uniforme, ainsi que nous Pavons dit. Le cerveau a un volume assez mediocre, et, bien que ses circonvolutions exterieures soient nom- breuses, les Ruminants n’ont pas generalement beaucoup d’intelligence, et Ieurs sens ne paraissent pas doues d’une grande perfection. Ceux en grand nombre que Phomme a soumis, et a leur tete nous devons placer le Mouton, sont les plus abrutis et les plus degeneres de toutes les races domestiques; et si pour nous ces animaux se sont perfectionnes, puisqu’ils nous donnent de meilleurs produits que les types sauvages, et qu’en meme temps ils ne se defendent pas contre nos cruautes continuelles, il ne nous semble pas que Ton puisse dire, avec quelques auteurs, que ces animaux, en profitant de notre civilisation, se perfectionnentet en jouissent proportionnellementa ses progres et suivant sa di¬ rection. Non certes, et le Ruminant sauvage nous semble beaucoup plus intelligent que le Ruminant dont nous avons fait notre esclave, et qui, lui, nous ne craignons pas d’etre dementi, doit etre loin de se feliciter que notre civilisation ait bien voulu s’occuper de lui, car elle a du le faire au point de vue de l’homme et non a celui de Panimal en lui-meme. Dans l’etat de nature, les Ruminants sont naturelle- ment portesavivreen troupe, quoiqu’il y ait aussi parrni eux quelques especes solitaires; la plupart sont timides et fugitifs, et presque tous sont la proie des Carnassiers, qui les guettent surtout aux fontaines ou ils vont s’abreuver. Ce ne sont que les plus grands et les plus robustes, comme les Ruffles sauvages, les Bisons et les Aurochs, qui peuventopposer quelque resistance aux poursuites de Phomme, ou meme 1’attaquer de leur propre mouvement. Tous, sans exception, se nourrissentd’herbes fraiches ou seches, de bourgeons, de baies, d’ecorce, el quelques-uns, par exemple le Renne, preferent a tout autre riour- riture les lichens et autres cryptogames La plupart recherchent les matieres salees et surtout le sel marin. Tous boivent beaucoup, surtout dans les pays chauds. La polygamie parait etre habituelle chez ces animaux; le Chevreuil, cependant, fait exception a cette regie. Les miles les plus robustes conduiserit les troupeaux, qui se composent de femelles et de jeunes, et les defendent courageuse- ment; ils sont ardents en amour, et souvent la possession des femelles est le prix d’un combat opi- niitre et sanglant dans lequel les miles cherchent surtout a briser le crine de leur adversaire en heurtant violemment leur tete contre la sienne, ou A s’eventrer mutuellement avec les pointes de leurs cornes ou de leurs bois. L’accouplement est instantane, presque constamment prolifique, et il peut etre renouvele un grand nombre de fois de suite de la part du mile. Les femelles n’ont liabi- tuellement qu’un ou deux petits par portee, et leur gestation dure plus ou moins de temps suivant les especes; dans l’etat sauvage, elles ont beaucoup de tendresse pour leurs enfants, mais ordinai- rement pas assez pour ne les pas quitter dans le danger; i l’etat domestique, on remarque chez elles, dans le plus grand nombre au moins, et surtout dans la Brebis, un exemple bien marque d’indiffe- rence envers ses petits lorsqu'on les lui enleve. Les meres seules sonf chargees del’education des jeunes. 68 HISTOIRE NATURELLE. Une question importante est celle de savoir si nos especes domestiques descendent r^ellement des types sauvages si differents qu’on leur attribue, si le Boeuf descend de l’Auroch, la Chevre du Bou- quetin ou de l’CEgagre, le Mouton du Mouflon de Corse ou de 1’ Argali; ou si plutbt ces especes, quoique congenercs de certains animaux sauvages, n’en sont simplement que des especes plus ou moins rapprochees, mais non pas leurs varietes transformees par la domestication. Cela est un des points les plus difficiles de la zoologie, et, quoiqu’un grand nombre de naturalistes s’en soient oc- cupes, on n’a aucune solution positive a cet egard, et il est probable que les materiaux manqueront toujours pour en avoir jamais une positive. L’ordre des Ruminants fournit un grand nombre d’animaux utiles & l'homme, et beaucoup d’es- peces, comme le Bceuf, le Ruffle, le Mouton, la Chevre, le Chameau, le Lama, etc., sont devenues do- mesliques et ont ete amenees'presque partout. Nous nous nourrissons avec la chair et le lait de ces animaux; les arts se sont empares de leur graisse ou suif , de leur peau, de leurs cornes ou bois, de leur Iaine, de leurs os, et meme du muse que secretent les glandes prepuciales d’une espece de Che- vrotain; enfin certains d’entre eux, telsque les Boeufs, les Chameaux, les Dromadaires etles Rennes, nous servent de betes de somme et de trait. En domesticite, on ne garde que le nombre de males indispensable h la reproduction de l’espece, et tous les autres sont destines ou plutot sacrifies pour les travaux de l’agriculture et de Falimentation, Fig. 14. — Cerf de Walich. Les Ruminants se trouvent repandus aussi bien dans l’ancien que dans le nouveau continent, et & presque toutes les latitudes et les longitudes; l’Oceanie seule n’en possede pas a l’etat sauvage, et ils y sont rcmplaces par les grands Marsupiaux herbivores, par les Kanguroos. Le plus grand nom¬ bre des especes, comme les Boeufs, les Antilopes et les Chameaux, habitent les contrees chaudes de 1 ancien continent, et les regions temperees en renferment aussi beaucoup d’autres, dans le genre Cerf principalement; 1 Amerique possede des Cerfs, des Boeufs et un groupe particulier, celui des Lamas, qui habitent exclusivement les pays de montagnes; quelques especes seulement sont parti- culieres aux regions polaires arctiques, comme le Renne, 1'Elan, le Buflle musque; ou aux sommites les plus t'levees des autres latitudes terrestres, tels sont le Chamois, le Bouquetin, le Mouflon, la Chevre sauvage, etc. Le nombre des genres admis dans cet ordre est assez peu considerable; mais le nombre des especes que 1 on comprend dans chacun d eux Lest, au contraire, beaucoup. La France RUMINANTS. 6!) necompte quo six espAces habitant naturellementson sol; mais on en rencontre un plus grand nombre a l’etat de domesticite. On connait un nombre assez considerable de Ruminants fossiles; mais ici, comme chez les Paehy- dermes, nous n’aurons pas A signaler de types bien distincts, et le plus souvent ce ne sont que des debris qui semblent devoir se rapporier a nos cspeces encore vivantes, ou tout au moins a des es- peces qui en etaient tres-voisines. Les terrains tertiaires et de diluvium sont les seuls qui nous of- frent des fossiles d’animaux de cet ordre; les terrains eocenes en sont presque entierement depour- vus : les Palseotheriums et surtout les Anoplotheriums sont les Herbivores de 1’ancienne faune dont on retrouve les traces dans ces terrains, et, parmi ces dernieis, quelques-uns approchent tant des Ruminants, que G. Cuvier se demandait si leur estomac n’etait pas conform^ comme le leur. Les Cerfs, les Chevrotains, les Antilopes, apparaissent ensuite, et ils precedent, les Cbameaux, les Mou- tons, les Chevres et les Boeufs, dont les genres, plus utiles A lTioinme, ne semblent pas anterieurs aux formations diluviennes ou tout au plus pliocenes. Beaucoup d’auteurs se sont occupes de la description, de la classification et de l’etude econo- mique des Ruminants; nous ne devons pas traiter ce sujet maintenar.t, nous en dirons quelques mots dans nos articles generiques, et nous allons terminer ces generalites en donnant une idee ge¬ nerate des principales classifications qui ont ete proposees pour les Ruminants. Ces animaux, ainsi que nous 1’avons dit, comprennent Fun des groupes les plus naturels qui exis¬ tent dans toute la zoologie; aussi, dans tous les ouvrages systematiques, depuis celui de Ray jus- qu’a ceux qu’on publie de nos jours, les voit-on reunis en une seule famille sous divers noms qui se rapportent a leur organisation et a leurs habitudes; tels que ceux de Pieds-Fourchus ou Bisulces , de Pecora, de Ruminants ou Ruminantia, d'Ongulo grades paires, etc., qui leur ont ete successi- vement appliques par Ray, Linne, Klein, Daubenton, Storr, Vicq D’Azyr, Blumenbach, G. Cuvier, A. G. Desmarest, Illiger, De Blainviile, Geoffroy Saint-llilaire, etc. Aristote indique ces animaux sous le nom d’ Anampliisodonta ; Pline, quoiqu’il les caracterise in- completement, y forme dejA les genres Chameau, Girafe, Cerf, Chevre, Mouton et Boeuf; mais ils fu- rent bien distingues par les premiers systematistes des temps modernes, tels que Gualt, Charleton, J. Ray, Linne, dans les premieres editions du Systema naturae, Klein, Hill et Brisson. C’est surtout dans Buffon, qui developpe d’une maniere si brillante l'histoire de la plupart de ces animaux, par lesquels meme il commence, que Ton trouve, outre ces divisions generiques, l’indication de cellos qui seront plus lard etablies sous les noms d’Antilope et de Lama. Pallas fit quelques legeres modi¬ fications A ce qu'avait propose Buffon; mais les naturalisles qui les suivirent, comme Erxleben, Pen¬ nant, Blumenbach, Storr, Hermann, Boddaert, Gmelin, Vicq D’Azyr, A. Millin, Et. Geoffroy Saint- llilaire, G. et Fr. Cuvier, A. G. Desmarest, MM. C. Dumeril, Tiedmann, Illiger, Oken, ne firentguere qu’adopter presque completement ce qu’avaient fait Buffon et Pallas. De Blainviile proposa quel¬ ques changemcnts A la classification de ses predecesseurs, et il en fut de meme des methodes plus recentes de MM. Isidore Geoffroy Saint-llilaire, P. Gervais, Duvernoy, etc. D’autres auteurs s’occu- perent aussi des Ruminants; tels sont MM. Goldfuss, Ranzani, Latreille, Lesson, ,1. AVagler, le prince Charles Bonaparte, et surtout MM. Ogilby, Sundeval et Smith, qui proposerent des subdivisions generiques peut-etre trop nombreuses. A cette liste, deja trop longue, nous pourrions ajouter un grand nombre de noms de naturalistes si nous voulions citer tous les auteurs ou voyageurs qui ont decrit des especes nouvelles, et tous ceux qui ont public des monographies de genres de cet ordre; mais nous croyons en avoir dit assez, et nous nous bornerons A indiquer les principales classifica¬ tions qui ont ete proposees pour les animaux de cet ordre. A. G. Desmarest, dans le tableau methodique qui fait partie du XXIVe volume de la premiere edi¬ tion du Dictionnaire d’Histoire naturelle de Deterville, a donne une classification qui se rapporte presque completement A celles qu’ont proposees depuis Illiger et G. Cuvier. D’apres ces classifica¬ tions, les Ruminants se partagenten trois sections : lre Section. — Ruminants sans comes ni bois et pourvus des trois sortes de denis, qui forment trois grands genres distincts : les Cbameaux A dos garni d’une ou deux loupes graisseuses, A pieds A semelle calleuse, pourvus en avant de deux petits onglons; Lamas A pieds pareillement confor- mes, mais sans loupe graisseuse, etles Chevrotains A pieds munis de deux sabots semblables A ceux de tous les autres Ruminants. 70 HiSTOIRE NATURELLE, 2e Section. — Ruminants dont la tele du male, au moins, est munie d'nne paire d’ appendices nommes comes on bois; comprenant deux tribus : — A. Capreoli , Illiger, caracterise par des bois entiereinent de nature osseuse, caduque, et souvent branchus, et ne renfermant que le genre Cerf. — B. Devena, Illiger, qui comprend le genre Girafe, distingue par deux chevilles osseuses aux fron« taux, persistantes, et toujours revetues de peau velue, avec un bouquet terminal de grands poils. 5e Section. — Cavicornii, Illiger, contenant les Ruminants dont les frontaux sont pourvus de chevilles osseuses permanentes, revetues d un etui de come, et renfermant quatre genres assez peu separes les uns des autres, et seulement par les caracteres que presentent les cornes : — A. Anti¬ lope, ayant les cornes a chevilles pleines, rondes, diversement contournees, mais non dirigees latera- lcment, lisses ou ridees en travers; deux ou quatre mamelles. — B. Cli'evre a cornes anguleuses, & nceuds ou rides transversales; ayant un ongle en avant, une barbe au menton, deux mamelles. — C. Mouton ii cornes anguleuses, onduleuses ou ridees en travers, avec une face en avant; point de barbe; deux mamelles. — D. Bceuf a cornes a cheville creuses, lisses, rondes, dirigees lateralement, non ridees ou striees en travers; quatre mamelles. De Blainville ne fait des Ruminants que l’une de ses subdivisions de ses Ongulogrades, qui com- prennent par consequent les Pachydermes et les Ruminants. Cette maniere de voir est assez genera- lement adoptee aujourd’hui. M. P. Gervais, en se servant surtout des considerations importantes que. presentent les fossiles, a montre combien les Ruminants se rapprochaient des Pachydermes, et que Ton pouvait bien reunir ensemble ces deux ordres d’animaux. Duvernoy, de son cote, ainsi que nous l’avons dit ailleurs, admet un ordre des ONGULES, qu’il subdivise en trois sous-ordres, les Proboscidiens, les Pachydermes et les Ruminants : les animaux du troisieme sous-ordre sont ainsi partages par lui en deux sections, celles des Heterodonles et des Ortliodontes : la premiere ne ren- ferme que la famille des Chameaux, genres Chameau et Lama; et la seconde comprend quatre families : 1° les Aceres , genres Chevrotain et Moschus; 2° les Ccrfs, genre Cerf, lui-meme subdivise en plusieurs groupes; 5° les Girafes, genre Girafe; 4° les Keroc'eres, genres Antilope, Catolepus, Chevre, Mouton et Boeuf M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dont nous suivrons presque entierement la classification dans l'etude des animaux de cet ordre, subdivise les Ruminants en deux families, et la deuxieme famille en quatre tribus. Pour le savant professeur de Mammalogie, les Ruminants ont, en resume, des dents dissimilaires, des membres anterieurs termines par des colonnes, un estomac tres-complique, et un cesopbage communiquant a la fois avec trois poches sternales. lre Famille. CAMELIDES. — Semelles calleuses; sabots moyens et de forme symetrique; six inci- sives inferieures et deux superieures. Genres Chameau et Lama. 2e Famille. ANT1LOPIDES. — Sans semelles calleuses; sabots tres-grands, convexes en dehors, aplatis en dedans; liuit incisives en bas et pas en haut. lre Tribu. Moschiens. — Prolongements frontaux nuls. Genres Muse et Chevrotain. 2e Tribu. Cameleopardaliens. — Prolongements frontaux subsistant au moins chez le m51e, et consistant en des bois permanents non ramifies. Genre Girafe. 5e Tribu. Cerviens. — Prolongements frontaux subsistant au moins chez le male, et consistant en des bois caducs ordinairement ramifies. Genres Rcnne, Elan, Cerf, Cervide. 4* Tribu. Antilopiens. — Prolongements frontaux subsistant au moins chez le male, et consistant en des cornes a noyau osseux. Genres Antilope, Gazelle, Alcelaphc, Chamois, Bucelaphe, Boucjuc- lin, Mouflon, Ovibos et Boeuf. La place des Ruminants dans la serie mammalogique a toujours ete apres les Pachydermes; on a differe davantage sur l’ordre qui doit les suivre; nous y placerons, avec M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire, celni des Edentes, tout en faisant remarquer que ces derniers animaux ont aussi beaucoup de rapports avec les Rongeurs, a cote desquels on les range souvent. Les families que nous admettrons sont celles des Camei.ides, Moschides, Cameleopardalides, Cer- vides et Antilopides. RUMINANTS. 71 vAcihivva cWiAroq . RUMINANTS SANS CORNES NI BOIS DANS EES DEUX SEXES. PREMIERE FAMILLE. CAMELIDES. CAMELIDJE. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Cette famille, la plus distincte de toutes celles de l’ordre des Ruminants, a ete indiquee depuis longtemps, surtout sous le nom general de Chameaux et de Cameles, et est en effet tres-bien carac- terisee par ses semetles callouses, ses sabots moyens et cle forme symelrique, cl surtout ses sixinci- sives inferieures et ses deux incisives superieures . M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire lui a donne le nom que nous lui avons conserve. Par l’espece d’ambigu'ite que presentent leurs particularites organiques , les Camelides sont un de res groupes d’animaux qui embarrassent souvent les naturalistes classificateurs. En effet, dans les methodes le plus generalement adoptees aujourd’hui, et dans lesquelles les Mammiferes sont clas¬ ses d’apres des considerations tirees des organes de la locomotion et de la mastication, il est assez difficile de determiner d’une maniere bien positive le rang que ces animaux doivent naturellement occuper. Cependant, par les particularites physiologiques de la rumination (et encore les Chameaux presentent-ils une difference assez notable dans ces renflements de la pause qui forment une sorte de cinquieme estomac), les Camelides doivent evidemment etre rapportes aux Ruminants; mais, en les rattachant A cet ordre, on detruit evidemment en grande partie l’harmonie d’un groupe primordial d’ailleurs tres-naturel; car ils ne presentent presque aucun des caracteres assignes a cet ordre. Leurs pieds sont bifurques, il est vrai, mais leurs doigts ne sont pas revetus de ce sabot qui, dans les Ruminants a cornes, s’aplatit au cote interne, de maniere a leur meriter le nom d’animaux a pieds fourchus; ces doigts sont reunis, en dessous, par une semelle cornee qui garnit la plante posterieu- rement; ils sont separes au bout, et chacun a un ongle assez court et crochu. Le systeme dentaire presente des caracteres encore plus differentiels; deux fortes canines se developpent A l’extremite des maxillaires, et, par une anomalie des plus remarquables, la mAchoire superieure porte deux in¬ cisives dont la forme se rapproche aussi de celle des canines : ce qui fait que ces animaux parais- sent avoir trois de ces dernieres dents a la mAchoire superieure, et deux a l’inferieure si Eon prend la dent qui correspond a la canine superieure pour une canine elle-meme; mais alors, au lieu de. huit incisives a cette derniere mAchoire, comme dans les autres Ruminants, il n’y en aura plus que six. Leurs molaires ont, en general, tous les caracteres de l’ordre; mais elles ne forment pas une serie continue aux deux mAchoires : la premiere est separee des autres et situee A pen pres au mi¬ lieu de l’intervalle qui se trouve entre celle- ci et les os incisifs, et cette dent est en forme de cro¬ chet; en outre, le nombre, qui est ordinairement, dans les Ruminants, de six de chaque cbte aux deux mAchoires, n’est plus le meme : dans les Chameaux, il est de six en haut et cinq en bas, et, dans les Lamas., de cinq vn haut et quatre seulement en bas. 72 HISTOIRE NATURELLE. Les Camelides sont tres-peu nombreux en especes, puisque Ron ne counait que deux especes de Chameaux et trois de Lamas; les premiers originates de l’Asie et de FAfrique, et ies autres de FAme- rique. En outre, on y reunit quelques fossiles, tels qu’un Chameau qui parait identique avec le Camelus Bactrianus, et qui provient des depots des sous-Himalayas, un genre particulier, celui des Mericoth'eres, decouverts en Siberie, et quelques debris de Lama decouverts en Amerique. On sait que ces animaux, rendus domestiques, sont tres-utiles a l’homme, surtout comme betes de somme et pour la laine qu’ils lui donnent. l"r GENRE. — CHAMEAU. CAMELUS. Linne, 1735. Du ktin Camelus, Chameau. Systenia naturae. CARACTERES GENERIQUES. Systemc dentaire : incisives, |; canines, molaires, |5|; en totalite trente-quatre denis. Inci- sives superieures lalerales et en forme de canines; inferieures en coins iranchants; canines coni- ques , droites, fortes; fausses molaires de chaque cote etanl separees des autres, placees an milieu de la barre on de I’espace interdentairc, et ayant la forme de crochet : les autres molaires offranl la forme generate des dents correspondantes des Ruminants. Tete longue; chanfrein busque; point de mufle ni de larmiers; levre superieure clivisee en deux parties qui peuve.nl s'allonger ct se mouvoir separement; narines consislant en deux simples femes susceplibles de se former et de s’ouvrir a volonte; yeux saillanls; oreilles assez petites. Cou tres-allonge. Jambes tres-longues et greles; piecls non fourchus, mais garnis en dessous d’une semelle cornee tres-allongee; deux petits ongles courts et croclius terminant les doigts. Une ou deux loupes graisseuses tres-developpees sur le dos; des callosites au poitrail, aux coudes et aux poignets des jambes de devant, ainsi qu’a la rotule et au talon de celles de der- ri'ere. Corps gros; laille elcvee; queue moyenne. Polls laineux, yrossiers. Mumclles au nombre de quatre. Organe principal male tres-mince, dirige en arriere dans le repos. Pause ayant une sorte d’appendice que I on a considere quelquefois comme un cinquieme cslo- mac , divisee en un grand nombre de cellules membr amuses , et semblanl clestinees a contenir de I'eau. C'est dans les livres des Hebreux que Fon trouve mentionne pour la premiere fois le Chameau, sous le nom de Gliimel ou de Garnet, qui est devenu Forigine de ceux tels que Ka^/iXo; et Camelus, sous lesquels il etait connu cliez les Grecs et les Latins, et depuis lors dans toules les langues mo- dernes, neolatines et meme germaniques; il n’y a que les langues tartares dans lesquelles ces animaux ont un nom tout different, celui de Tjuja. D6s les premiers livres de Moise, c’est-a-dire dans la Gen'ese, le Deuteronome et le Levitique, il est question du Chameau comme d’un animal dont l’usage etait commun, et qui servait aux Juifs comme bete de charge, de trail, et comme leur fournissant du lait et de la laine; mais dont la chair etait defendue pour leur nourriture. On voit aussi, dans Fhistoire de la nation juive laissee par Moise, que tous les peuples avec lesquels elle avait etabli des rela¬ tions possedaienl un grand nombre de ces animaux : par exemple, pour les Egyptiens, nous voyons un Pharaon envoyer des Chameaux pour amener Abraham et sa famille en Egypte, et Dieu menacer de faire perir les troupeaux, y compris les Chameaux. Herodote, le premier, chez les Grecs, fait mention des Chameaux comme d’animaux employes dans les armees, soit comme betes de charge, soil comme servant de montures a des gens armes, et cela principalement a Foccasion de la conquete de la Perse par Cyrus, et dans les guerres de Xerxes contre les Grecs. On pourrait faire remonter, lUJMINANTS. 75 d’aprfes Diodore de Sicile, l’6poque de l’emploi du Ghameau dans les armies des grands potentats de I’Asie occidentale aux guerres de Semiramis contre les Indiens. Xenophon, de son c&t6, nous apprend qu'Agesilas, roi de Laeedemone, tt la suite de ses succes sur les Perses dans l’Asie Mineure, consacra aux dieux le dixieme du butin, et qu’ainsi i) amena dans la Grece des Chameaux pris dans sa cainpagne sur Tissopherne. Mais jusque-li on ne sait s’il est question du Ghameau ou du Droma- daire, et ce que Ton a rapports eorivient d tons les deux. G’est Aristoto qui distingua bien le Chameau ^ deux bosses de la Bactriane, de celui i une seule, d’Arabie, et, d’apres ce qu’il dit, on peut en deduire que ces animaux etaient d e j A devenus domestiques. Les auteurs qui suivircnt, comme Strabon, Diodore de Sicile, Lucien, ajouterent quelques details h ceux qu’on avait deja. A Rome, d’apres Salluste, ce ne fut que soixante-huit ans avant Jesus-Christ que les Chameaux furent mou- tres pour la premiere fois. Pline donne quelques faits nouveaux sur l’histoire de ces animaux, et il en est de meme d’Elien. D’apres Lampridius, Heliogabale se montrait dans un cirque particulier dans un quad rige altele de Chameaux, et meme il en faisait servir sur sa table, aussi bien que de PAutruche; mais seulement des pieds suivant Spartien. Galien rapporte aussi que, de son temps, les chars atteles de Chameaux, qu’il designe sous le nom de Dromadaires, etaient usites a Alexandria. Les encyclopedistes du moyen tige, comme Bartholome et Albert le Grand, ainsi que les naturalistes des quinzieme et seizieme siecles, tels que P. Gilles, Wolton, Scaliger, Gesner, ne firent guere que rapporter ce qu’avaient dit les anciens auteurs. Mais c’est depuis le commencement du dix-seplieme siecle que les systematistes, parmi Iesquels il faut comprendre Aldrovande, Jonston, Charleton, J. Ray, Linne, Klein, Hill, Brisson, ont pu definir le genre Camelus d’une maniere de plus en plus convenable, en en separant d’abord les Lamas, qu’ils y ont ensuite reunis; et ces derniers auteurs y furent surtout aides par la vue de quelques-uns de ces animaux qui furent amenes en Europe; tel est, par exemple, le Chameau a deux bosses qui vecut la menagerie de Louis XIV, a Versailles. Buffon et Daubenton augmenterent les connaissane.es acquises sur les animaux de ce genre; le premier, sous le point de vue de l’histoire naturelle, et le second sous celui de l’anatomie. Depuis cette epoque presque recente, les Chameaux et les Dromadaires sont devenus de plus en plus communs dans les menageries publiques ou part iculieres; un haras de ces animaux fut meme etabli aux environs de Pise; et des observateurs habiles, tels que G. et Fr. Cuvier, Everard Home, Et. Geoffroy Saint-Ili- Iaire, De Blainville, A. Grundler, P. Savi, Mayer, etc., firent parfaitement connaitre les Chameaux zoo- logiquement et anatomiquement. D’apres une opinion assez generale, la lettre gimelon ou gamel de l’alphabet hebreu, correspon- dant au gamma des Grecs, serait tiree de la forme du cou du Chameau, avec lequel, en effet, elle n’est pas sans quelque ressemblance. Selon M. Dureau De La Malle, dans le Memnomium se trouvent des figures de Chameaux. Ker-Porter dit aussi qu’il est represente sur les bas-reliefs de Persepolis les plus anciens. Le Dromadaire est represente sur des medailles de Muscius Scaurus, et il est sou- vent figure sur les monnaies et medailles arabes; il en est de meme pour le Chameau a deux bosses sur des medailles baetriennes et indo-scythiques. Enfin De Blainville signale le Chameau dans la mo- saique de Palestrine, oil il est indique sous la denomination d ' Abrous. Ce n est qu a une epoque assez rapprochee de nous que l’on a signale des debris fossiles de Cha¬ meaux, et cela meme d abord d’une maniere insuffisante. La premiere mention en est due au profes- seurBojanus, a 1 occasion de trois ou quatre arriere-molaires superieures separees qu’un marcliand lui avait procurees sans indication precise de localite, mais qu’il pensa comme lui venir de Sibe- rie, d’ou il a tire le nom de Sibericus, qu’il a donne a l’espece, dont il fait son genre Merycothe- num, qui est au moins tres-voisin de celui des Chameaux, s’il n’est pas meme identique. M. Marcel De Serres rapporte au genre Chameau un femur fossile; et M. Newcold parle d’ossements trouves sur les bords de la mer Rouge, et qui pourraient bien avoir appartenu a un Chameau. Jusqu’ici il n’y a rien de bien positif relativement a ces debris fossiles, si ce n’est pour le Merycotherium, sur lequel nous reviendrons; mais il n en est pas de meme pour des Chameaux trouves dans ces derniers temps, par MM. Durand, Falconner et Cautley, dans lecelebre depbt des sous-Himalayas, en si grand nom- bie, et si caracteristiques, qu’il ne pouvait y avoir le moindre doute sur le genre de ces debris, et dont on a fait une espece particuliere, le Camelus Sivalensis. H est difficile d imaginer une conformation plus desagreable a la vue que celle du Chameau : un corps epais, surmonte d’une ou deux bosses qui en augmentent encore la masse; des membres, et 74 IIISTOIRE NATURELLE. surtout les posterieurs, qui paraissent trop faibles pour le poids qu’ils out & soutenir; un cou tres- long, supportant une tete petite, mais lourde dans ses proportions; une allure, pesante et genee, blessent les yeux au premier regard : c’est que ses traits ne rappellent ni la force, ni la legerete, ni la souplesse, ni aucune des qualites enfin sans lesquelles Fexistence nous semble presque impossi¬ ble au milieu des dangers qui Fenvironnent sans cesse. Mais les Chameaux regagnent cependant par Fintelligence ce qu’ils perdent par leurs formes; leurs sens principaux, la vue, l’ou'ie, l’odorat, sont doues d’une assez grande delicatesse; leur naturel robuste peut se ployer a tout, et ils out beaucoup de memoire : par la, ils se placent dans un rang assez eleve et bien superieur a celui des autres Ru¬ minants. La tete de ces animaux est petite, fortement arquee, et semble terminee par une levre superieure fendue dans son milieu, et dont les deux moities, susceptibles de mouvements tres-varies, peuvent se mouvoir separement. C’est dans cet organe que parait surtout resider le sens du toucher; ils s’en servent evidemment pour palper les objets qu’on leur presente, et les sensations qu’ils acquierent par ce moyen semblent etre assez dedicates. Les yeux, disposes comme tous ceux des Ruminants, sont saillants et ternes, ce qui donne a la physionomie de ces animaux quelque chose de stupide; mais, toutefois, le sens de la vue parait tres-developpe chez les Chameaux; il n’y a pas de larmiers. Quoique les conques de l’oreille soient peu developpees, l’ouie est tres-exercee dans ces Mammi- feres; et, au moindre bruit, ils s’eveillent et ont Fair d’ecouter avec attention. Les narines, percees assez loin de l’extremite du museau, ne forment dans la peau que deux simples fentes que Fanimal ouvre et ferme a volonte; on ne trouve autour d’elles aucune trace de ce corps glanduleux qui forme le mufle des autres Ruminants, et qui est si developpe dans le Boeuf. On n’a pas de notions precises sur l’appareil de Folfaction; mais les sensations dont il est le siege paraissent developpees, car le Chameau leur doit de decouvrir, a des distances souvent tres-considerables, les sources si rares dans les pays qu’il habile. La langue est tres-longue, molle, tres-mobile, recouverte d’une membrane muqueuse, lisse et tres-douce au toucher. Le sens du gout n’est pas aussi obtus qu’on pourrait le croire, etsi cet animal est d’une sobriete devenue proverbiale, s’il sait se contenter, dans les deserts, d’herbages desseches, il n’en recherche pas moins avec avidite, lorsque l’occasion se presente, de frais p&turages. Le cou est long et grele. Le dos presente une ou deux bosses ou excroissances consi¬ derables, qui sont des especes de loupes adipeuses, etdans Finterieur desquelles on ne trouve ni os ni muscles, et qui ne causent aucune deviation de la colonne vertebrale, ainsi qu’on l’avait cru an- ciennement. Les pieds sont bifurques comme ceux des autres Ruminants, c’est-a-dire qu’il ne reste que deux doigts a chacun d’eux; mais ces doigts ne sont pas enveloppes de cornes, et portent seulement, sur la derniere phalange, un ongle assez court et crochu; ce qui distingue surtout ces organes de la locomotion, c’est une espece de semelle de nature cornee, qui, partant de la partie posterieure, pro¬ tege les doigts dans presque toute leur etendue; en sorte que, vus en dessous, ils n’ont Fair d'etre se- pares qu’a leur extremite. Cette semelle leur permet de marcher sans enfoncer dans les sables rnou- vants, et leur donne la facilite de faire de longs voyages dans les deserts de FAsie et de l’Afrique; et clle serait loin de leur permettre une marche facile sur des terrains glissants, dans des prairies ou sur des senders rocailleux. Avec l’Sge, il se developpe, sous le sternum et aux articulations des membres, des callosites assez developpees. L’organisation interieure de ces animaux est aujourd’hui assez bien connue, quoique ce ne soit guere que vers la fin du dix-septieme siecle qu’on ait commence s’en occuper, et encore les tra- vaux des anciens academiciens de Paris et surtout de Duverney, publies en 1676, sont-ils loin d'etre complets; un siecle apres, en 1764, Daubenton, dans VHistoire naturellc de Buffon, donna une anatomie comparee des deux especes de Chameaux; mais c’est surtout dans ces derniers temps que Fon a complete Fhistoire de l’organisation de ces animaux. L’osteologie, en particulier, commeneee ar Daubenton, a surtout ete donnee completement par G. Cuvier et De Blainville. L’ensemble des s du Dromadaire ou Chameau a une bosse, pris pour type, constitue un squelette qui traduit tres- bien la forme disgracieuse de Fanimal par la maniere dont la tete est articulee, a angle droit a l'ex- remite d’un long cou largement soud6 a sa racine, et dont les membres assez greles, surtout les posterieurs, fortement plies dans leurs articulations principales, s’appuient obliquement sur le col plutot par leur face palmaire ou plantaire que sur F extremite des phalanges ongueales. Ces os ont une structure et une solidite assez analogues a ce qui existe dans les autres Ruminants, saufpeut-etre RUMINANTS. 75 dans les articulations moins series. Leur nombre est sensiblement le memo, & l’exception dc ccux qui forment ordinairement les ergots ou faux doigts, dont il n’y a pas do traces. La tete osscusc est peut-etre la partie du squelette qui offre le plus de differences caracteristiques, comparee avec ce qu’elle est chez les autres Ruminants; en effet, sa forme generale, etroite et allongee dans sa par- tie crSnienne, appointie rapidement dans sa partie maxillaire, mais fort elargie dans sa partie inter- mediaire, ou sont les orbites, qui partagent par moitie la longueur totale de la tete. Ini donne bien la physionomie particuliCre a cet animal. Un autre caractere distinctif de cette tete, e’est que les fosses temporales sont trCs-grandes, etendues, qu’elles sont sur une Crete sagittale assez prononcee qui n’existe pas chez les autres Ruminants, et en meme temps tres-profondes, par suite de la grande courbure en dehors de l’arcade zygomatique, ce qui a quelque ressemblance avec ce qu’on observe chez les animaux carnassiers. Quelques-uns des os des extremites des membres, et cela devaitetre, offrent quelques differences avec ceux des Ruminants. Les osteides du cceur sont deux demi-anneaux situes A l’origine de l’aorte du ventricule gauche, correspondant a la valvule semi-lunaire droite. Le Chameau proprement dit ou a deux bosses ne presente pas de differences osteologiques appre- ciables. Le systeme dentaire a peut-etre encore ete etudie plus tard que le squelette; en effet, les anato- mistes de l’ancienne Academie des sciences en ont dit fort peu de chose, et Daubenton ne Fa pas parfaitement interprets. G’est 4 Goethe qu’est due Fobservalion que ces animaux avaient reellement une paire de dents implantee dans le premaxillaire; depuis, Rojanus, G. et Fr. Cuvier, De Rlain- ville, etc., se sont occupes des dents de ces animaux. La formule dentaire generalement adoptee est, de chaque cote des m&choires : incisives, canines, {; molaires, f. En general, la disposition des dents differe notablement de celle qui se remarque chez les autres Ruminants, en ce que, des avant- molaires, les deux premieres d’en haut sont largement espacees, ce qui, avec la canine, fait que chez eux il y a une veritable barre. La premiere et unique incisive d’en haut ne doit etre consideree comme telle que parce qu’elle est implantee dans Fos incisif; car, par sa forme, elle ressemble a une petite canine mousse; en bas, les incisives ont un peu la forme de celles des Cochons, etant assez declives, simples, allongees, un peu en cuiller et decroissantes de la premiere a la troisieme. La ca¬ nine d’en haut ressemble presque completement a Fincisive, dont elle est mediocrement distante : aussi est-ce Fanalogue du crochet chez le Cheval; celle d’en bas est plus petite et moins en crochet. Des molaires superieures, la premiere, inegalement distante de la canine et de la seconde molaire, est encore en crochet, mais bien plus petite et plus aigue que la canine; les cinq autres sont contigues et assez bien comme dans tous les Ruminants; des cinq molaires inferieures, la premiere est comme celle d’en haut, simple, conique et verticalement implantee, et les autres ne p.resentent pas de par- ticularites. On ne sait pas jusqu’ici quelles sont les differences bien tranchees qu’ offre le systeme dentaire des Chameaux suivant les &ges, les sexes et les especes. Plusieurs parties de l’organisme offrent des particularites qui doivent etre notees, ainsi, le foie n’a pas de vSsicuIe du fiel, ce qui, chez les Ruminants, ne se presente que dans ces animaux, chez les Chevrotains et les Cerfs; le placenta, an lieu d’etre decompose en petites pelotes ou cotyledons, con- stitue une masse continue ou une sorte de membrane dense prenant la forme de la corne uterine, et dont la face externe est couverte de villosites vasculaires assez bien comme dans le Cheval, quoi- que l’allanto'ide soit comme dans les autres Ruminants. L’appareil de la digestion ressemble, dans ses dispositions generates, a ce qu’on voit chez les au¬ tres Ruminants : on y retrouve les quatre estomacs caracteristiques; mais la panse presente une par- ticularite de* plus remarqjiables, car elle semble partagee en deux poches bien distinctes : l’une d’elles ne differant en rien de ce quel’on observe chez les Ruminants; l’autre, au contraire, presentant des especes de cellules cubiques disposees d’une maniere assez reguliere, eta laquelle certains ana- toYnistes ont donne le nom de reservoir ou de cinquieme estomae. Cette poche semble toujours conte¬ nd de l’eau, et on a dit que cette eau, que les Chameaux y plagaient dans les jours d’abondance, devait leur servir a etancher leur soif dans les jours de disette; on a meme ete jusqu’a pretendre que, lorsque les voyageurs, tourmentes par une soif ardente, ne pouvaient plus se procurer d’eau, ils ne trouvaient de moyen de salut qu’en tuant leurs Chameaux pour s’emparer du liquide qui se trouvait dans la panse de leurs animaux. Il y a la tres-probablement une grande exageration; le sujet n’a pas encore ete completement etudie; et tandis que certains anatomistes admettent un ’cinquieme 76 HISTOIRE NATURELLE. estomac distinct, d’autres, et surtout De Rlainville, n’y voient qu'une simple partie dela panse; tan- dis que certains auteurs disent que cette poche est destinee uniquement a conserver l’eau que les Chameaux ont bu, d’autres, et nous pouvons citer M. De Quatrefages, pensent que l’eau deces reser¬ voirs est due a une veritable secretion de 1’ animal. La sobriete du Chameau est trAs-grande, mais on doit dire que c’est en grande partie une qualite acquise, et, sous ce rapport, les Chameaux eleves pour vivre dans les deserts de 1’Arabie et de l’A- frique sont bien superieurs a ceux qui habitent des contrees plus favorisees par la nature. Les ele- veurs les dressent de bonne heure; des que leur croissance est achevee, on commence a regler leur repas, qu’on eloignc chaque jour davantage, en meme temps qu’on diminue graduellement la quan¬ tity de leur nourriture; on les habitue surtout 4 se passer de boissons, et, par cette education, on les met a portee de supporter une abstinence vraiment difficile a comprendre; on sait, en effet, d’une manure positive qu’un Chameau charge de huit cents a mille livres, faisant dix a douze iieues par jour sous un soleil brdlant, n’a souvent pour tout aliment qu’une poignee de grains, quelques dattes ou une petite pelote de pAte de mais, et qu’il est souvent huit A dix jours sans boire. Mais, au bout de ce temps, s’il passe dans le voisinage d une source d’eau, il la sent, fht-elle A deux kilometres, et, doublant aussitot le pas, il court se desalterer pour la soif passAe et pour la soif a venir. De Blain- ville rapporte, d’apres M. P. E. Rotta, que les Chameaux des caravanes, lorsqu’ils arrivent enfin a un abreuvoir apres avoir traverse un grand desert, temps pendant lequel ils etaient parvenus A une sorte d’emaciation souvent extreme, changent rapidement d’aspect, d’embonpoint general, apres qu’ils ont setisfait leur soif, au point que Ton ne peut, presque plus les reconnaitre, et cette exten¬ sion de tout le systeme cellulaire ne peut etre due qu’A une absorption immediate de l’eau arrivee dans 1’estomac et propagee par endosmose A tout l’organisme. Fig. 15. — Chameau de la Bactnane Ce n’est. pas seulement d’eau que les Chameaux semblent faire provision pendant leurs heures d’abondance; ils out aussi regu le don de mettre cn reserve une certaine quanlite d’aliments solides RUMINANTS. 77 que l’organisme sait retrouver lorsque le besoin s’en fait sentir. Lcs loupes graisseuses dorsa/es pa* raissent du moins jouer ce r61e important; quand le Chameau est quelque temps prive de sa ration ordinaire, ces eminences diminuent, et apres un long et penible voyage, on ne trouve plus a leur [dace que des especes de poches formees par la peau, et qui retombent le long du dos; en outre, le corps maigrit en meme temps, et les forces diminuent bientot avec rapidite. Pour que ces animaux puissent rendre tous les services qu’on en peut tirer, il leur faut un certain degre d’embonpoint; aussi les marchands qui font le voyage de la Barbarie en Ethiopie partent-ils avec des Chameaux gros et capables de porter de lourdes charges; mais, k leur retour, ces memes animaux sont excessi- vement amaigris et affaiblis. Les marchands les vendent alors a vil prix a des Arabes, qui les en- graissent, et la vigueur leur revient avec l’embonpoint. La force ne semble pas avoir soumis ces animaux a l’espece humaine : malgre 1’ habitude qu’ils ont de 1’obeissance, la violence les revoke; ils ne tardent jamais longtemps a se venger des mauvais trai- tements, et leurs canines, longues et tranchantes, sont pour cela les puissantes armes dont ils se servent. Une grande disposition a la confiance de leur part, une grande douceur de la notre, ont pu seules amener petit a petit ces animaux a s’attacher a nous, et a n’avoir plus que cette volonte pas¬ sive, que cette docilite presque absolue, sans lesquelles, en effet, ils ne nous appartiendraient pas, ou nous echapperaient bientbt. D’apres la plupart des auteurs, ces animaux peuvent se rcproduire des Page de trois ans; la fe- melle porte un an, et le petit, qui nait les yeux ouverts, tette pendant pres d’une annee entiere au moins; mais, lorsqu’on veut obtenirdes animaux vigoureux, on laisse le jeune animal teter et paitre en liberie jusqu’a Page de quatre ans; alors settlement on commence a le charger et a le faire tra- vailler. En agissant autrement, on risque d’abatardir Pespece; et ce fScheux resultat se manifeste en ce moment dans les possessions indiennes des Anglais, ou Pon emploie beaucoup de Chameaux, et surtout ou Ton a voulu s’en servir trop tot. Leur entier developpement n’a lieu que la septieme an¬ nee, et la duree de leur vie est de quarante a cinquante ans. Les callosites qu’on remarque, chez les adultes, aux poignets, aux genoux et sur le sternum, ne se developpent qu’avec l’Sge; on n’en voit pas la moindre trace au Chameau nouveau-ne; mais, comme ces animaux se couchent naturellement sur les parties oil ces callosites naissent, elles ne tardent pas a paraitre. II faut done rejeter l’idee que e’est par l’effet de Part qu’on habitue les Chameaux a se coucher ainsi, et cela pour qu’il fut possible de les charger commodement; il est plus probable que les bommes ont profite de cette dis¬ position et qu’ils ont seulement appris aux Chameaux a se coucher au commandement. Buffon a dit : « L’or et la soie ne sont pas les vraies richesses de l’Orient : e’est le Chameau qui est le tresor de l’Asie. » Et ces paroles sont parfaitement vraies. Get animal, pour les contrAes oil il se multiplie, donne aux habitants une foule de produits ; il les riourrit de son lait, plus abondant et durant plus longtemps que celui de la Vache, et de sa chair, qui chez les jeunes surtout est tres- bonne; il les habille de son poil, plus long et plus moelleux, dans quelques races, que nos laines les plus estimees; il emploie la fiente de cet animal comme litiere pour ses betes de somme, et comme combustible pour preparer ses aliments; il retire de ses excrements le sel ammoniac; enfin il s'en sert comme bete de somme, et surtout pour le transporter rapidement dans les deserts, « C’est surtout, ainsi que le fait observer M. De Quatrefages, comme bete de somme que le Chameau est precieux a son proprietaire. Seul il a pu rendre habitable ces contrees arides oil l’Arabe a de tout temps trouve un asile pour sa farouche independance; seul il a pu rapprocher par le commerce ces peuples que des oceans $e sable separent les uns des autres : aussi les Orientaux l’ont-ils appele, dans leur langage figure, le navire du desert. Il doit ses avantages k deux circonstances particu- lieres : la conformation de ses pieds et l’extraordinaire sobriete a laquelle on l’accoutume. » Les Chameaux appartiennent a l’ancien continent, etse rencontrent surtout en Asie et en Afrique, ou ils occupent une zone de trois a quatre cents lieues de large, et qui s’etend de la Barbarie a la Chine; mais, au sud, ces animaux semblent redouter la zone torride, et s’arretent la ou Ton com¬ mence a trouver l’Elephant. Des deux especes admises dans ce genre, l’une parait preferer les efi- mats temperes, et se trouve jusque sur les bords du lac Baikal; 1’autre habite plutot les pays chauds. Du reste, la patrie originaire de ces Ruminants, de meme que celle du Chien et du Cheval, ne nous est pas connue. Entierement soumis a l’homme, ce genre semble ne se multiplier qu’avec lui; et les Chameaux sauvages que Pallas a signales dans le midi de la Tartarie paraissent descendre d’animaux 78 HISTOIRE NATURELLE. originairement soumis. On comprend que des animaux aussi completement domestiques doivent avoir ete profondement modifies : aussi existe-t-il un grand nombre de races qui varient de taille, de pro¬ portion et de pelage. Les Chameaux du Turquestan ont, assure-t-on, jusqu’a deux metres et demi au garrot, et, en Chine, il s’en trouverait dont la taille n’excederait pas celle de l’Ane. Au milieu de toutes ces races nombreuses, et surtout dans des lieux ou elles se propagent, on est tres-embarrasse pour en trouver la souche ou les souches originaires. Buffon, se fondant sur ce que toutes ces races peuvent se croiser entre elles et donner naissance a des produits feconds, n’admet qu’une seule es¬ pece, et il regarde la production de la bosse ou des deux bosses de ces animaux, ainsi que leurs callosites, comme des stigmates de leur domestication. Mais l’opinion de Buffon n’est generalement pas adoptee, et Eon decrit, avec Linne, deux especes dans ce genre. 1. CHAMEAU PROPREMENT DIT ou A DEUX BOSSES. CAMELUS BACTRIANUS. Linne. Caracteres specifiques. — Pelage d’un brun marron plus ou moms fonce; poils ras sur presque tout le corps, s’allongeant et devenant comme crepu sur les bosses et en dessus du cou; au-dessous de cette partie du corps, ce poil forme de longues meches qui pendent comme autant de fanons et entourent les jambes de devant d’epaisses manchettes; le plus grand des deux; il a de deux metres A deux metres trente centimetres de hauteur au garrot, et meme parfois davantage. Le Chameau etait connu des anciens, qui le nommaient dejA, du temps d’Aristote, Chameau de la Bactriane. On l’eleve principalement dans les climats temperes, et c’est lui qui arrive jusqu’au lac Baikal; et dans le Thibet, la Tartarie et les provinces septentrionales de la Perse, cette espece est pour ainsi dire la seule employee. Elle supporte tres-bien les hivers assez rigoureux, et on en a vu se reproduire jusqu’en Pologne. On sait que le grand-due de Toscane, Leopold, a introduit des Cha¬ meaux dans ses Etats, qu’ils s’y sont multiplies, et qu’aujourd’hui ils servent comme betes de somme a l’exploitation des proprietes de l’Etat. D'apres cela, il n’y a pas de doute que l’espece ne s'accli- matAt facilement dans les provinces meridionales de la France, surtout dans les landes de la Gas¬ cogne, et il serait tres-utile que des essais fussent tentes a ce sujet. Cette espece est plus rare dans les menageries que la suivante. Deux mAles ont vecu assez long- temps au Museum, et Fr. Cuvier presente quelques remarques A leur sujet. « Ces animaux, dit-il, avaient autrefois ete employes en Hollande A trainer un chariot; mais un long repos leur en ayant fait perdre Fhabitude, lorsqu’on voulut les atteler de nouveau, on ne put plus les maitriser, et on ne se donna pas la peine de refaire leur education. A la fin de chaque automne, ils devenaient en rut : cet etat s’annonfait par des sueurs et line odeur tres-forte et tres-desagreable, par la perte de l’ap- petit, par 1 ecoulement plus abondant de l’organe glanduleux du derriere de la tete, etpar le singu- lier besoin, lorsqu’ils urinent, de ramener leur queue entre leurs jambes pour uriner dessus, et de la relever subitement pour jeter Furine sur leur dos. Le rut durait A peu pres quatre mois, pendant lesquels ils cessaient presque absolument de manger : aussi maigrissaient-ils beaucoup; alors leurs bosses fondaient et se reduisaient a un morceau de peau epaisse qui retombait sur lui-meme. Apres le rut venait la mue, qui les depouillait entieremenl de leurs poils, et les rendait tout A fait nus; ce n etait qu’apres deux mois qu'on voyait de nouveaux poils repousser, et leur pelage n’avait entiere- ment reparu que vers le mois de juin. Ces animaux se laissaient conduire; mais il fallait s’en mefier : ils cherehaient a mordre, donnaient de violents coups de pied. Ils mangeaient environ trente livres de foin par jour, et buvaient A peu pres quatre seaux d’eau. » 2. DROMADAIRE ou CHAMEAU A UNE BOSSE. CAMELUS DROMEDARIUS. Linno. Caractep.es specifiques. — Cette espece se distingue facilement de la precedente en ce qu’elle n’a qu’une seule bosse placee au milieu du dos au lieu de deux; le pelage est A peu pres le meme, quoi- que variable pour sa nature et sa couleur; la taille un peu plus petite; les formes plus legeres, moins massives. Le Dromadaire, repandu sur une plus grande surface du globe que le Chameau, et chezdes nations RUMINANTS. 79 dont les moeurs et le genre de vie different davantage, a subi de trAs-nombreuses modifications, ct nous sommes loin de connaitre toutes les varietes de cette espece. Les diverses races dont parlent les voyageurs different considerablement pour la taiile, les proportions, la couleur et la nature du pelage; les unes sont presque nues, d’autres sont entiArement couvertes de poils longs et soyeux; les teirites qu’ils presentent varient depuis le brunatre fence jusqu’au blanc; pour les uns, la mue est complete comme dans le Chameau, et chez d’autres elle ne se fait que peu a peu et d’une maniere partielle. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que ces variations atteignent jusqu’aux fonctions; ainsi le rut s’est manifeste a des epoques tres-diffe rentes chez les individus appartenant a trois races distinctes qui ont vecu a la menagerie du Museum; chez un Dromadaire venu d’Alger, cet etat com¬ mence en fevrier; il se manifeste au mois de mai dans deux aulres individus venus, Tun d’Egypte et Tautre de Turquie. Le Dromadaire habite le midi des contrees oil Ton trouve le Chameau; il semble redouter davan¬ tage le froid et mieux supporter la chaleur. On Temploie presque exclusivement dans les voyages a travers le desert; et, sous ce rapport, on distingue deux races principales qui ne different peut-etre que par suite d’une education qui a commence de tres-bonne heure : dans la premiere, destinee A porter des fardeaux, on recherche surtout la force, et cette qualite est sacrifice a la legerete; dans la seconde, au contraire, on a developpe autant que possible cette derniere qualite. Les Dromadaires coureurs ont des formes plus sveltes; leur taiile est aussi un peu moindre que celle des Dromadaires porteurs; mais la rapidite de leur marche au milieu des sables bridants des deserts a quelque chose de merveilleux; car on assure qu’ils franchissent, sans s’arreter, un espace de quarante ou cinquante lieues en un jour ; pendant ces courses forcees, leurs conducteurs ne cessent de chanter; car ils pre- tendent que les Dromadaires aiment la musique, et que c’est le meilleur moyen de soutenir leur cou¬ rage. Depuis vingt-cinq ans que nous possedons TAlgerie, nous employons quelquefois dans ce pays ces animaux comme betes de somme; mais jusqu’ici, a notre connaissance, aucun essai n’a ete tente pour les acclimater dans le midi de la France. Nous avons deja fait remarquer qu’un petit nombre de debris fossiles de Chameaux avait ete si- gnale par les paleontologistes; TespAce qui en a fourni le plus est le Camelus Sivalensis de MM. Fal¬ coner et Cautley ; cette espece, du reste, ne presente pas de caracteres bien tranches, et est au moins tres-rapprochee, sinon identique, avec le Camelus Bactrianus, et Laurillard est tente de ne la considerer que comme en etant le type sauvage. Quelques molaires, que Ton pense trouvees en Siberie et qui ont un tres-grand rapport avec celles des Chameaux, ont servi A la creation d’un genre particulier de fossiles, celui des filerycotherium (pnpu- x^o), je rumine; Snoiov, animal) de Bojanus (Mem. des curieux de la nature de Bonn., t. XII). Les trois molaires superieures que Ton connait de Merycothere, tout en ayant beaucoup de rapport avec celles des Chameaux, des Moutons et des Chevres, ont pour caractere principal de presenter des aretes entre les colonnes; et A cela se joignent quelques autres particularites differentielles. L’espAce unique de ce groupe est le Merycotherium Sibericum , Bojanus, dont la taiile etait, dit-on, a peu pres semblable A celle de la Girafe. 2,nc GENRE. — LAMA. AUCI1ENIA. llliger, 1811. Prodromus systematicus Mammalium et Avium. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : incisives, f; canines, j-E-j; molaires , |=f; en totalite trente dents. Ces dents, plus petites, mais exactement conformees comme celles des Chameaux. Museau peu renfle, sans mufle; levre superieure fendue; pas de larmiers; ijeux gros; oreilles grandes, pointues. Pieds termines par deux doigts bien sepcires et munis d’ongles petits, crochus, assez separes I’un de l' autre, mais ayant vers le talon tine petite semelle calleuse qui appuie sur le sol. Pas de loupes graisseuses sur le dos. Des callosites a la poitrine et aux genoux settlement. Queue courte. Deux mamelles . HISTOIRE NATURELLE. La connaissance du Lama et des animaux sauvages ou domestiques qui s’en approchent comme espece ou comme variete sous les noms d’Alpaca, de Vigogne, de Paco, etc., est bien loin de remonter aussi baut dans l’histoire des hommes que celle des Chameaux, pour ainsi dire perdue dans la nuit des temps. En effet, appartenant au nouveau monde, nous ne pouvons guere aller au dela de sa de- couverte par les Europeens en 1492 et 1497; nous savons cependant, d’apres les recits des conque- rants du Perou, que les Lamas etaient deja domestiques chez les peuples gouvernes par les Incas, ce qui doit necessairement en faire remonter la connaissance longtemps auparavant. Les historiens de la conquete du Perou par Pizarre, en 1525, et du Chili par Diego Almagno, vers 1554, en parlent sous les noms de Mentions du Perou et du Chili; et Scaliger, qui en vit un en Europe en 1592, le nomine Allo-Camelus . Buffon en parle d’apres les ecrits des voyageurs espagnols, tels que Fernan¬ dez, Frezier, Feuille, J. Ulloa, et, dans ses supplements, il le decrit d’apres des individus qui vivaient a l’ecole veterinaire d’Alfort. Depuis cette epoque, plusieurs essais d’acclimatation ont ete tentes en France, et Ton a eu souvent occasion d’ avoir dans nos menageries des Lamas, des Alpacas et meme des Vigognes, qui s’y reproduisent facilement et qui onl donne lieu 4 des travaux importants, et sur- tout a d’interessantes notices de Fr. Cuvier, de M. Bennett et de M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire; aussi l’histoire naturelle et meme I’orgauisation de ces animaux est-elle, aujourd’hui, assez bien connue. Linne reunissait les animaux de ce groupe aux Chameaux sous le nom general de Camelus; Illiger en fait son genre des Auchenia, et plus tard Fr. Cuvier les designa sous la denomination de Lama, aussi bien en francais qu’en latin. On n’a pas signale, en Europe, de Lamas fossiles; car e’est par suite d’une erreur que M. Bronn a dit qu’il en existait des debris; M. Lund, dans les enumerations qu’il a donnees des ossements fossiles trouves au Bresil, croit pouvoir en attribuer a deux especes de Lamas, Pune de la taille d’un Cheval, l’autre plus petite; mais cependant, dans les descriptions qu’il a donnees plus tard des fos¬ siles du Bresil, il ne parle plus de ces debris. Plus recemment M. Wedell, dans le voyage dans l’A- merique meridionale qu’il a fait avec MM. de Castelnau et Deville, a decouvert quelques ossements de Lamas fossiles, et il les a rapportes au Museum. Les Lamas, dans le nouveau monde, soul les representants des Chameaux de l’ancien continent, et ils en possedent tous les caracteres principaux. Ils s’en distinguent neanmoins d’une maniere sen¬ sible par l’absence de bosses sur le dos et par la separation complete des doigts. D’ailleurs leurs formes sont plus sveltes, et se rapprochent davantage de ces justes proportions, d’ou resulte pour nous un ensemble gracieux. Leur taille est moindre que celle des Chameaux. Leurs mocurs sont les memes que celles des Chameaux, et, comme cux, ils sont essentiellement herbivores. On les emploie de la meme maniere, comme betes de somme et comme coureurs, et, comme eux, ils sont essentiel- lemeut domestiques, mais pas au point neanmoins que l’on ne puisse plus les rencontrer a l’elat sauvage. n \ *" ■} n * H£W£v_ H*.^t y t I Fig. 2. — Lama alpaca. I'l I 1. I RUMINANTS. 81 (/organisation des Lamas n’a eteeludiee qu’assez recemment : c’est G. Cuvier qui, le premier, a parle •le Ieur squelette, et, depuis, De Blainville l’a fait plus complement connaitre dans son Osico/jra- pliie. A la premiere vue, le squelette du Lama se distingue d’une maniere evidente de eelui du Droma- daire, d’abord par une taille beaucoup moindre, mais aussi par des proportions plus greles; du reste, la nature des os, leur mode d’artieulation et leur nombre meme sont absolument comme dans bis Chameaux; seulement, dans la colonne vertebrate, la courbure de la base du cou est bien moins con¬ siderable et la partie caudale bien moins longue, la forme generate de la tete est presque en tout semblable*4 celle des Chameaux, mais nolablement et proportionncllement plus petite, plus etroite, surtout dans sa partie basilaire. De Blainville note encore quelques autres caracteres differentiels, et indique de legeres modifications qu’offre la Vigogne. Le systeme dentaire comprend trente dents, c’est a-dire, de chaque cbte : ~ incisives, | canine et •£ molaires. En haut, l’incisive etla canine sont assez bien comme dans les Chameaux, mais moins coniques, plus comprimees, plus tranchantes et plus en crochet; les molaires, en serie contigue, croissent de la premiere a la derniere, les deux posterieures egalant les trois anterieures, et la cou- ronne de ces dents offre quelques differences avec celle des Chameaux; en bas, les trois incisives normales, decroissantes de l’interne a l’exlerne, sont plus allongees, plus en cuiller, plus declives et un peu plus convergentes; la canine est plus distante dans l’4ge adulte, plus tranchante; les mo¬ laires sont assez semblables a leurs analogues dans les Chameaux, meine dans la proportion des lobes. Pendant longtemps on a pense que leur panse ne presentait pas ce renflement particulier, quel- quefoisnomme reservoir, etqui estsiremarquable chez les Chameaux, et Ton avait meme indique cela comme etant un caractere du genre. Mais Duvernoy, dans V Anatomic comparee dt G. Cuvier, a de- montre le contraire; il a vu le reservoir dans la panse des Lamas, et, de plus, il a reconnu que, meme des leur bas 4ge, cette poche stomacale offrait dej4 une etendue bien superieure A celle des autres estomacs, ce qui, dans les Ruminants ordinaires, ne se manifeste que chez les adultes. Une question importante, et qui a beaucoup occupe les naturalistes et les agriculteurs, surtout dans ces derniers temps, se, rattache a I’histoire naturelle des Lamas, c’est celle qui concerne la possibilite et l’utilite d’acclimater, en Europe, ces Ruminants, qui donneraient 4 l’industrie de ma- gnifiques produits. Des 1765, Buffon disait « J’imagine que ces animaux seraient une excellente acquisition pour 1’Europe, et produiraient plus de bien reel que tout le metal du nouveau monde. » Des essais d’acelimatation furent tentes en France par le marquis de Nesle, soutenu par 1’abbe Be- liardy et par Bixon; puis par M. Leblond, qui entreprit a ce sujet, et par ordre de Louis XVI, un voyage en Amerique en 1792; ensuite a la Malmaison par ordre de l’imperatrice Josephine; quelque temps apres, M. Walton fit quelques essais, et enfin, beaucoup plus tard, le due d’Orleans charges M. le comte de Castelnau de rapporter d’Amerique un troupeau de ces animaux, ce qu’il ne put malheureusement pas faire. M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dans son excellent rapport sur la naturalisation, en France, du Lama, a enonce la precieuse utilile et les avantages que le gouverne- ment pourrait retiree en propageant cette espece chez nous, et c’est par son intervention que, en 1 849, W. Lanjuinais, alors ministre de l’agriculture, fit l’acquisition d’un magnifique troupeau de Lamas nes en Hollande, qui fut plac6 dans les pares de l’institut agronomique de Versailles, mais qui mal¬ heureusement, et peut-etre par la nature du lieu meme que Ton avait choisi pour les placer, ne pro- duisit pas les bons resultats qu’on esperait en tirer. 11 ne faut pas cependantse desesperer pour cela, et il est probable que ces anjmaux pourront un jour se propager sur les Pyrenees, les Alpes, les Vosges, le Jura, les montagnes’de l’Auvergne et surtout en Algerie. En Angleterre, Timportation des Alpacas est devenue une question pratique d’economie agricole; un grand nombre de proprietaires en possedent des troupeaux, encore peu nombreux, il est vrai, mais qui ne tarderont pas 4 s’accroitre par voie de generation. En France, les montagnes sur les- auelles meme on ne peut pas faire de culture leur conviendraient parfaitement, et il est probable que la Societe imperiale zoologique d’acclimatation, qui, quoique n’ayant guere plus d’un an d’exis- rence, a deja rendu tant de services, parviendra a acclimater ces animaux si utiles par leur laine longue, fine, et m£me par leur chair. En Amerique, c’est surtout dans les provinces de la Paz, de Puno et d’Arequipa que l’on en trouve le plus. 11s y sont betes de somme, animal alimentaire et animal industriel, et c’est sous ce dernier rapport qu’ils sont le plus utiles, car l’on fait toute sorte d’etoffes avec leur laine. Le poids le plus p. 11 82 HtSTOIRE NATURELLE. ordinaire que Eon peut faire porter a ces animaux est de quarante a cinquante kilogrammes; mais ils ne peuvent etre charges tous les jours, et il faut mener dans une troupe le double au moins du nombre necessaire. Ils peuvent cependant marcher six jours de suite, mais Eon ne peut leur faire faire plus de trois ft cinq lieues par jour. Ces animaux sont, du reste, conduits, seulement ft de certaines epoques de Eannee, dans les vallees moins eloignees des villes, afin de leur faire porter eux-memes leurs toisons sur les points les plus favorables au chargement. La maigreur des paturages, jointe au climat du Perou, n’est pas tres-favorable ft la croissance de la laine; aussi n’observe-t-on pas des saisons reguliere« pour la tonte de ces animaux; il y a cependant beaucoup de localites ou la tonte en est faite tous les ans et dans d’autres une fois seulement en deux ans. En general, cette operation n’est pas faite avec beau- coup de soin; on observe rarement la separation des couleurs et des qualites de la laine, et la tonte une fois operee, la laine est jetee pele-mele. La toison d’un Alpaca annuellement tondu fournit pres de six ft huit kilogrammes, et peut meme atteindre jusqu’a dix kilogrammes. Sur tout le plateau bolivien, le prix moyen d’un Lama ou Alpaca est d’environ quatre piastres, et, aupres de Lima, de sept ou huit piastres, et Eon estime la valeur de la laine un quart en sus; ce qui prouve que les indi¬ genes du pays ne tondent pas tous ces animaux et qu’ils ne savent meme pas tous la valeur qu’on attache ft cette laine. La laine de EAlpaca reunit ft un tres-grand degre toutes les qualites neces- saires pour entrer dans la confection des etoffes, tant par son elasticity que par sa finesse : deux conditions essentielles pour faire ce genre de fabrication. Une assez grande quantity de ces laines a ety introduite en France et a ete mise en usage dans nos fabriques des environs de Lille, et spe- cialement ft Turcoing, lieu cite par E. Deville, qui a donne, dans les Annates des Sciences natu- relles pour 1852, une note sur l’acclimatation des Lamas. En Angleterre, cette industrie a pris beaucoup plus de developpement que cliez nous, et on fait venir en grande abondance des laines de Lama du Perou. Nous ne nous etendrons pas davantage sur ce sujet, mais tout le monde en comprend Eimportance; aussi a-t-il donne lieu ft la publication d’un grand nombre d’ecrits. Le nombre des especes qui doivent etre rapportees au genre Lama est loin d’etre fixe d’une ma- niere certaine; le desaccord que presentenl la-dessus les naturalistes tient sans doute ft la domestica¬ tion subie depuis bien longtemps par une ou plusieurs de ces especes, et ft la diversity des races qui en a ete le resultat. Nous n’indiquerons que les trois especes qui seules sont bien connues, et nous ne feronsque citer une quatrieme espece, le Guanaco, que M. Tschudi, dans sa Faune du Perou, donne comme tres-distincte des autres, et que Eon reunit souvent au Lama. 1. LAMA PROPREMEiST DIT. AVCHENIA GLAM A. A. G. Desmarest. Caracteres specifiques. — Pelage laineux, grossier, brun vane de taches blanches ou d’un brun uniforme; dos arque; une tache elliptiqne, d’un brun uniforme, placee en dedans du jarret; tete et jambes un peu fournies de poils; queue pendante. Cette espece est leLAMA de Buffon; Camelus cjlama, Linne; C. lama , Erxleben; Auchenia glama, A. G. Desmarest, et Lama Peruviana , Lesson. C’est le Lama domestique par excellence; le Lama sau- vage des voyageurs ou Huanaca d’Ulloa, et Eon y reunit meme E espece indiquee par M. Tschudi sous la denomination de Guanaco. Le Lama etait la seule bete employee par les habitants du Perou lors de la decouverte de l'Ame- rique, et cet animal, comme plusieurs autres, dont Eutilite pour l’homme est de tous les instants, n’y existait plus ft l’etat sauvage; car Eon pense, avec M. De Humboldt, que ceux qu’on rencontre libres et errants dans les gorges des Cordilieres ne sont que les descendants d’individus sounds. Par suite de cet asscrvissement de l’espece entiere, il s’est etabli un assez grand nombre de races distinctes, dont on comprend qu’il devient tres- difficile d’etablir avec precision les caracteres. On peut cependant dire d’une maniere generale que la taille du Lama est ft peu pres celle d’un petit Che- val : il a 1°',53 de hauteur au garrot, et un peu plus de lm,60 de longueur; sa tete est petite et bien placee; il porte des callosites au sternum et aux genoux, et meme parfois au corps; son poil varie de eouleur, d’epaissesr et de longueur; mais les teintes brunes paraissent y dominer, et il est toujours plus long et plus frise sur le corps que sur la tele, le cou et les jambes. La gestation, en Amerique, RUMINANTS. 83 estde dix mois, mais, en Europe, elle semble un peu plus longue; les femelles n’ont ordinaireinent qu’un petit, rarement deux; elles out quatre mamelles. A l’Age de tiois ans, la femelle devient proprc i la generation; ces animaux vivent, en Amerique, de vingt-cinq A trente ans. Cette espece est celle que 1’on a cherche A introduire en France : elle peut produire avec la Vigogne un metis nommA Alpa-Vigogne, qui, dit-on, peut former de bons troupeaux, et que I’on pourrait avoir domestique chez nous. L’emploi du Lama comme bete de somme est beaucoup moins frequent depuis Uin troduction tW Clievaux dans l’Amerique du Nord; cependant il sert encore a transporter des fardeaux dans let senders escarpes des Gordilieres, ou la siirete de son pied le rend tres-propre A cet usage. II ne peut pas porter un poids tres-eleve; sa marche est tres-lente ; et, lorsqu’on veut FaccAlerer, il se couche a terre comme resolu a se laisser assommer sur place. Mais cette espAce est precieuse A plus d’un titre : la chair des jeunes est un excellent manger; leur peau donne un cuir assez eslime, et surtout leur poil sert A fabriquer de nombreuses etoffes. 2. ALPACA. AVCHENIA PACO. A. G. Desmarest. Caracteres srECiFiQUEs. — Pelage compose de poils laineux, tres-longs et fins, de couleur chA- tain clair; les poils des jambes tres-courts, noirAtres, tandis que ceux du corps sont disposes par meches; museau assez brusquement separe du front; taille du Cerf; queue touffue, tombante. C’est le Paco de Button, VOvis Peruana et Pacadicta, Hernandez; Camelus copliis , Linne; le Ca- melus paco, Erxleben; Lama paco, Fp. Cuvier, qui l’a surtout distingue, car on l’a souvent confondu avec l'espece precedente. La laine de l’Alpaca joint A une finesse qui egale presque celle des tissus de Cachemire une lon¬ gueur bien plus considerable; At nul doute que, si on parvenait A naturaliser cet animal, l’industrie ne trouvat dans sa toison une branche importante de commerce. L’Alpaca est, de meme que le Lama, un animal essentiellement del’Amerique du Nord, et il babite les memes localites. 3. VIGOGNE. AUCBENIA VICUGNA. A. G. Desmarest. Caracteres srtfciFiQUEs. — Pelage d’un brun fauve tirantsur la couleur isabelle en dessus et blanc en dessous; poils laineux, tres-fins, longs de trois centimetres sur le corps et de qeuf environ sur la poitrine; tete moyeune; museau s’unissant au front par une legerc courbure; jambes longues et me- nues; plus petit que les precedents. 0 84 HISTOIRE NATURELLE. G’est la Vigogne de Buffon, Ie Camdus aruncanus, Molina; C. vicugna, Lirin6; Lama vicugna, Fr. Cuvier. La Vigogne ressemble beaucoup au Lama; mais elle est plus petite et ses formes generates sont plus sveltes et plus elegantes; sa tete plus courte, avec de grands yeux noirs qui lui donnent un air d’in- telligence et de vivacite remarquable; la plus grande partie du corps est d'un brun legerement vi- neux, et le reste d’une couleur isabelle; la gorge est jaunStre; la poit l ine, le dessous du ventre et le dedans des cuisses sont blancs; il y a des manchettes de longs poils jaune fauve sur les membres anterieurs. Cet animal parait etre moins sociable que le Lama; mais cependant habitue comme lui a vivre en troupes, ayant les memes habitudes, il est bien certain qu’avec quelques efforts on parviendrait a la rendre egalement domestique. C’est ce qui a dejA lieu dans quelques points de l’Amerique; mais, le plus habituellement, on le chasse comme bete fauve. Les Americains, pour s’emparer des peaux de cet animal precieux, qui fait 1’objet d’un commerce assez considerable, le poursuivent jusque sur lies sommets les plus escarpes des Andes, ou il s’est refugie, et le nombre en diminue de jour en jour. DEUX1EME FAM LLE. MOSCI11DLS. MOSCHIDA E. Nobis. Les natu ralistes du siecle dernier, et meme Buffon, avaient confondu sous le nom de Chevrotain un assez grand nombre de Ruminants qui n’avaient guere de commun entre eux que la petitesse de la taille et l’elegance des formes; c’est ainsi que le Guevei du Senegal, qued’on a reconnu depuis etre une Antilope, etait place dans le meme groupe que ces animaux. Ce fut Linne qui etablit v6rita- blement le genre Chevrotain, auquel il assigns la denomination latine de Moschus , et ce fut avec raison qu’il le rapprocha des Cliameaux. En effet, ces animaux semblent etablir le passage des Ca- mAlides aux Ruminants ordinaires; ils manquent, il est vrai, de cet annexe de la panse, auquel on a quelquefois donne Ie nom de reservoir, et que Ton a meme considere comme un cinquieme estomac; mais ils n’ont jamais de cornes, meme chez les males, etils presentent encore, en outre, des canines tr6s-deveIopp6es a la mAchoire superieure. Un caractere remarquable, et qui ne se retrouve dans aucun autre Ruminant, se presente chez eux, et consiste en ce qu’ils ont un perone grele, distinct, et surtout les metacarpiens et metatarsiens des deux doigts principaux separes dans toute leur longueur chez le Mosclms aquaticus. Les Chevrotains, reunis en un seul genre par Linne et G. Cuvier, sont devenus une petite famille distincte partagee en deux genres pour quelques auteurs; M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire en fait sa premiere tribu de la famille des Antilopides et lui donne le nom de Moschiens; Lesson donne A cette famille le nom de Moschisidcce; pour nous, pour nous conformer a notre nomenclature, nous en ferons une fanulie parliculiere sous la denomination de Moschicles. Les deux genres que Ton place dans cette division, ceux des Chevrotains ou Tragulus et des Muse ou Moschus, ne ren/erment qu’un petit nombre d’especes particulieres a l’ancien continent pour les especes vivantes, eta l’Europepour deux ou trois especes fossiles, et ne different entre eux qu’en ce qa’ils portent ou non une poche prepuciale secretant une matiere odorante. #' ■•7* . ■ u. m Fig. 2 — Chevrolain kancbil. FLg. I. — Chamois. RUMINANTS. 85 1" GENRE. — CHEVROTAIN. TBAGULUS. Brisson. Histoire naturelle. CARACl'ERES GENERIQUES. Sgsthne dentaire : chez les males : incisives, f; canines, molaires, ; en tolalile trente- cpialre denis, el chez les femelles : incisives, ■§; molaires, en totalite Irente-deux dents. Inci¬ sives et molaires en tout semblables a celles des Buminanls ordincdres; canines superieures des males longues, verlicales, comprimees, tranchantes et nn peu courbees en arriere , sortant beau- coup de la bouchc. ' Tete legere, sans comes, meme chez les males; tin mufle; pas de larmiers; oreilles assez allon¬ ge cs, pointues. Pas de loupes graisseuses sur le dos. Un perone distinct; pieds a sabots bien separes et entourant les dernieres phalanges, commc dans les Buminanls ordinaires. Formes du corps seches, svelles; taille petite; poils ras, sec, cassanl; queue tres-courte. Pas de poclie prepuciale. Deux mamelles inguinales. Les Chevrotains se distinguent, exterieurement, de tous les autres Ruminants par leur tete nue, c’est- A-dire sans bois ni cornes, et par les deux longues incisives pointues et tranchantes qui descendent de la bouche des m&les au dela de la iMchoire inferieure : ils sont, en outre, les seuls qui aient un perone, et chez Iesquels les melacarpiens et les metatarsiens des deux doigts principaux sont separes dans toute leur longueur. Du reste, ils ressemblent aux autres Ruminants : ils n’ont pas d’incisives a la machoire superieure, mais ils en ont huit a l’inferieure, et leurs molaires sont au nombre de vingt- quatre, six de chaque cbte des deux maehoires. Les yeux n’ont rien de remarquable; ils n’ont point de larmiers comme les Cerfs, mais leurs narines sont separees par un mufle qui ressemble S celui de ces animaux. Les oreilles sont de moyenne grandeur, pointues. Les pieds sont courts, gros, secs. La queue est courte. Les males ont la verge dirigee en avant, et les femelles ont deux mamelles entre les jambes de derri&re. Ge sont des animaux qui paraissent tres-sauvages, et qui, par ce motif, sont encore tr6s-peu con- nus a 1’etat de nature sous le rapport de leurs moeurs Ils ont une petite taille et toute la legerete des Gazelles, dont ils ont aussi vraisemblablement les memes habitudes, et vivent de plantes. Ils sont remarquables par les sauts enormes qu’ils peuvent faire lorsqu’on les poursuit : c’est ainsi que l’on assure que, dans ce cas, le Kranchil peut s’elancer de maniere a s’accrocher aux branches d’un arbre par ses deux longues canines, et qu’il laisse ainsi passer au-dessous de lui les Chiens ou les autres ennemis qui lui donnent la chasse; sa ruse et sa finesse sont passees en proverbe, et les Malais disent d’un habile voleur qu’il est ruse comme un Kranchil. C’est un gibier tres-recherche. Ils paraissent etre, en general, d’une extreme delicatesse, et ne peuvent supporter les voyages de long cours : aussi a-t-on ete tres-longtemps avant de parvenir a en conserver de vivants dans nos menageries. Buffon, tenant compte, d’un cote, de leur petitesse, qui semble annoncer qu’ils ont plusieurs petits a chaque portee, et, d’un autre cote, de leur caractere d’animaux a pieds fourchus, qui devrait faire supposer qu’ils n’ont jamais qu’un ou deux petits a la fois, se demande si la nature n’aurait pas tout concilie en les faisant se reproduce plus souvent. Tous les Chevrotains sont propres a l’ancien continent; car G. Cuvier a demontre que le Mosclnis Americanus de Seba n’est qu’un jeune ou une femelle d’un des Cerfs de la Guyane, et que le M. delicatulus, Shaw, est le faon d’un Cerf americain. Nous avons dit que l’on a distrait de ce groupe, sous le nom generique de Muse, l’une des especes de Chevrotain; malgre cela les zoologistes modernes, surtout d’apres Fr. Cuvier, y rangent encore onze especes, cinq actuellement vivantes et trois a l’etat fossile; mais ce nombre, ainsi que l’a dej a dit, M. Gray, pourra etre assez considerablement reduit. Le type est le : 86 HISTOIRE NATURELLE. CHEVROTAIN PROPREMENT BIT. TRAGULUS PYGMMUS Brisson. Caracteres specifiques. — Pelage d’un brun roux en dessus, fauve sur ies cotes, blane en des- sous. Longueur du corps, mesure depuis le bout du museau jusquA l’origine de la queue, 0m,24; de la queue, 0m,03. Cet animal, qui est le Tragulus Guineensis de Brisson, le Cervus Africanus de Seba, le Chevro¬ tain des Indes orientales de Buffon, et le Mosclius pygmceus de Linne, est le plus petit des Rumi¬ nants; car sa taille ne depasse pas celle du Lievre. Mais toutes ses formes sont d’une elegance et d’une delicatesse admirables; le dessus de son corps est d’un beau roux passant au fauve sur les co¬ tes, et toutes ses parties inferieures sont blanches. Le Chevrotain parait habiter les parties les plus chaudes de l’Afrique et de l’Asie, ou il semble vivre a la maniere des Antilopes. Sa legerete est extraordinaire; il fait des sauts et des bonds prodi- gieux; mais il ne peut continuer longtemps ces violents efforts. On assure que les Indiens le pren- nent a la course, et que les negres le chassent de meme et le tuent a coups de baton ou de petites zagaies C’est un gibier tres-recherche. Fig'. 18. — Chevrotain. Les autres espfices, qui, a l’exception d’une seule, paraissent peu distinctes de celle que nous ve- nons de decrire, sont : 1° le Chevrotain a peau marquee de taches blanches de Buffon ( Tragulus meminna, Boddaert), type du sous-genre Meminna de Lesson, qui liabite file de Ceylan ; 2° le Che¬ vrotain de Java, Buffon, Napu, Fr. Cuvier (M. Javanicus, Raffles), type du sous-genre Napu, Lesson, de Pile de Java; 5° le Kranchil ou Kanciiil (M. kranchil , Raffles), de Pile de Sumatra; 4° le Muse de l’Inde [M. Inclicus), sur lequel Be Blainville a donne quelques details; 5° M. fulviventer Gray, de I’archipel des Malais et des Indes orientales; 6° M. slanleyanus, Gray, dont on ignore au juste la patrie; et 7° M. aquations , Ogilby , peut-etre le plus distinct de tous par ses moeurs; car il semble de preference habiter le bord des fleuves. Relativement aux especes fossiles, on n’a pas encore jusqu’ici de details bien complets et tout a fait positifs. G. Cuvier, tout en pla^ant parmi les Diehobunes ses Anoplotherium murinum et obli- quum, soupconnait deja que e’etaient des Ruminants, et il rapprochait l’un des Chevrotains et l’autre des Cerfs; De Blainville les a rapportes tous deux au genre des Chevrotains, et M. Pomel (Bibl. univ. de Geneve. Archives, t. XII) a propose d’en faire un genre a part sous le nom d’ Ampliimcerix. On n’a encore de ces deux especes que quatre fragments, tous quatre plus ou moins incomplets et ap- partenant a la mSchoire inferieure : un seul os est de Yobliquum; les quatre autres sont regardes comme etant du murinum; mais il n’est pas hors de doute que ces fragments, qui ne sont connus que par les planches de G. Cuvier et de De Blainville, soient tous trois d’une meme espece, et M. P. Gervais ne l’admet pas. Les especes fossiles sont : 1° Mosclius minimis ( Dicliobiine murinum, G. Cuvier), fossile dans les platrieres des environs de Paris, et qui, avee 1’espece suivante, sont les RUMINANTS. 87 seuls Ruminants que Ton ait encore observes dans les terrains tcrtiaires eocenes de Paris, qui, an contraire, sont si riches en Pachydermes; il est de la tail le du M. meminna ; 2° M. obliquus (l)i- chobune obliquam, G. Cuvier), des pl&trieres de Paris, plus svelte que le precedent ct ayant de l’ana- logie avec les Cerfs; 5° M. arnialus, P. Gervais (Moschus? De Blainville), fossile a Sansan (Gers), oil il a 6te decouvert par M. Lartet. 2,ne GENRE. — MUSC. MOSCHUS. Linne, 1755. Systema natuvsc. CARACTERES GENERIQUES. Cnracteres semblables a ceiix des Chevrolains , ct ri en differant qu’en ce que I on trouve chez les Muses unc poche prcpucicde considerable contcnant une matiere odorante, el qu'en ce que les canines superieures des males sont encore plus developpees. On n’a decrit d’une maniere bien positive qu’une seule espece de ce genre, la plus connue de toutes cedes de la famille des Moschides; e’est le : MUSC ou CIIEVROTAIN PORTE-MUSC. MOSCHUS MOSCJUFERUS Linne. Caracteres specifiques. — Pelage d’un gris brun, compose de poils tres-gros et tres-cassants. Taille du Chevreuil; la tete et le corps mesurant environ 0m,70, et la hauteur du train de devant, 0m,56; queue excessivement courte. Le Muse, quoique n’etant pas encore completement connu meme aujourd’hui, a ete indique il y a aeja tres-longtemps. Cependant il parait avoir ete inconnu aux Grecs et aux Romains, et Aristote et Pline n’en font aucune mention, non plus que du parfum qu’il produit. Les auteurs arabes en ont parle.les premiers, et Scrapion a donne, au huitieme .siecle, une description de ret animal. C’est le Moschi capreolus deGesner, P Animal moschiferum de Nieremberg, la Capra moschi d’Aldovrande, le Tragus moschiferus, Klein; le Tragulus moschus , Brisson; le Kabarga, Gmelin; le Moschus moschiferus, Linne, G. Cuvier, De Blainville, A. G Desmarest, etc.; leMusc, Buffon, Daubenton, et le Xe des Chinois. Dans cette espece, le front est legerement bombe et arrondi; le chanfrein droit; les yeux grands, avec l’iris d’un brun roux; le bord des paupieres et les naseaux de couleur noire; les oreilles grandes, larges et tres-mobiles; les canines blanches, tres-apparentes, sortant de la bouche et formant de chaque c6te un renflement a la levre superieure; les extremites posterieures sont beaucoup plus fortes que les anterieures; le poil est tres-gros et cassant, offrant un melange de plusieurs couleurs, et notamment de brun, de fauve et de blanchStre; cette derniere couleur etant a leur base et les autres a leur extremite; le front, le nez et la partie exterieure des oreilles, garnis de poils d’un noir rous- satre mele de gris; les yeux ayant du fauve jaunatre en dessus et en dessous; les epaules et les jam- bes d’un brun noir, ainsi que les pieds; les cuisses et les jambes de derriere de la meme couleur, mais d’une teinte beaucoup moins foncee; quelquefois une tache blanche au milieu du front; les sabots et les ergots sont noirs; la queue est remplacee par un tubercule qui n’a pas tout a fait trois centimetres de saillie; la taille de 1’animal est a peu pres semblable a celle du Chevreuil. Il en existe une variete entierement blanche. Les canines superieures des mAles des Muses sont tres-developpees et deviennent presque de veri- tables defenses; elles sortent de la bouche en s’incurvant d’arriere en avant; leur bord poslerieur est tranchant, et l’animal s’en sert, selon les circonstances, soit pour couper des racines, soit pour se defendre. La poche caracteristique du Muse est placee sous le ventre, en avant du prepuce, et elle a pres de neuf centimetres de diametre. Pendant l’hiver, on peut la distinguer exterieurement; mais durant Fete, et principalement a l’epoque du rut, elle forme une saillie tres-prononcee. La membrane qui tapisse l’interieur de cette poche est, dit-on, seche comme du parchemin, meme a l’epoque oil 88 HISTOIRE NATURELLE. ses fonctions sont le plus actives; en revanche, elle est entouree d’un lacis vasculaire tres-riche. Le muse lui-meme est secrete a l'etat solide; et, lorsque la poche est pleine, il reste toujours, a l’inte- rieur de la sphere produite par la matiere odorante, un vide qui se tasse seulement de la circonfe- rence vers le centre. Cette poche s’ouvre en dehors par un orifice, et Ton assure que, lorsque la matiere odorante gonfle outre mesure son reservoir naturel, l'animal se frotte contre les arbres et les rochers pour se debarrasser de ce trop-plein. Le muse recueilli de cette maniere est le plus pur et le plus estime; mais il est presque impossible d’en trouver dans le commerce. Fig? 19. — Muse. Le Muse habite la Chine, et surtout les provinces de Xiusi, de Suchuen et de Jamar; le Thibet, le Touquin, le Pegu, les royaumes d’Aracan et de Boutan, plusieurs provinces de l’lndoustan, la Tar- tarie chinoise et quelques parties de la Tartarie russe; mais il abonde principalement dans les con- trees montagneuses au dela du Jenissei, pres du lac Baikal, ainsi que dans les montagnes de Konz- netzk, pres du lac Telet-Koi. Cet animal, dit Sonnini, vit solitaire et ne se plait que sur les hautes montagnes et les rochers escarpes; tantot il descend dans les gorges profondes et tenebreuses qui separent les chaines des monts les plus eleves, tantot il grimpe a leur sommet couvert de neige. 11 est tres-leste et tres-agile, et il nage aussi fort bien. Farouche a l’exces, il est tres-difficile de Fap- procher; il Pest egalement de l’apprivoiser, quoique la douceur forme la base de son caractere. 11 entre en rut dans les mois de novembre et de decembre; cette saison de Famour Test aussi de fureur et de combat entre les males. Bien qu’habitant des contrees aussi eloignees de nous, le Muse semble pouvoir s’acclimater en Europe, et peut-etre pourrait-on l’elever sans de trop grandes diflicultes. Dans le siede dernier, le due De La Yrilliere a eu, pendant trois ans, dans son chateau de l’Plermi- naye, pres de Versailles, un de ces animaux qui avait mis trois ans a lui parvenir; il avait done vecu six ans en captivite, et encore sa mort fut-elle loute accidentelle; car Daubenton, qui en fit Panato- mie, trouva une Agragropile engagee dans la caillette et fermant Porifice du pylore, a peu pres comme aurait pu le faire une soupape a bouchon. Ce Chevrotain etait tres-timide et ne se laissait pas ap¬ prover; sa souplesse et sa vivacite etaient extremes; son train de derriere, plus developpe que celui de devant, en faisait un animal eminemment propre au saut : aussi ne se mouvait-il, pour ainsi dire, que de c.ette manure; il semblait prendre plaisir a bondir contre un mur perpendiculaire, qui lui ser- vait de point d’appui, pour s’elaneer dans une direction opposee. Ce Ruminant est recherche pour sa chair, mais beaucoup plus encore pour la matiere odorau 80 RUMINANTS. qu’il produit, et qui porte Ie mfime nom que lui. Cette substance est solide, en grumeaux de differentes grosseurs, d’un rouge noir, et assez semblable it du sang dessbchb; elle s’ecrase facilement sous le doigt; sa saveur est Sere et legerement amere. Sa composition est tres-complexe : suivant MM. Blon- bleau et Guibourt, qui en ont fait line consciencieuse analyse, on y trouve de la stearine, de Eelaine, de la gelatine, de Ealbumine, de la fibrine, une huile acide unie i l’ammoniaque, une huile volatile, de la cholesterine, une substance tres-carbonatee soluble dans l’eau, des chlorhydrates d’ammonia- que, de potasse et de chaux, un acide particular, en partie sature des memos bases, un acide com¬ bustible, des carbonates, des phosphates de chaux, enfin une petite quantity d’eau. Mais, malgre les soins que ces chimistes ont dil prendre pour se procurer du muse a l’etat de purete, il est probable qu’ils n’y sont pas parvenus; car la presence de la fibrine dans la matiere mise en experience sem- ble prouver qu’elle avait 6te midangee avec du sang de l’animal. On sait, en effet, que e’est avec du sang dess6che du Mosclius moschiferus, ou avec d’autres matieres analogues, que les Chinois, dont nous tirons ordinairement ce produit important, sophistiquent le muse. Cette matiere trfes-odorante est employee chez les Orientaux, surtout dans les parfums; egalement employee autrefois assez fre- quemment dans la parfumerie europeenne, elle ne nous sert plus guere aujourd’hui qu’en pharma- cie, et est un remede violent que la medecine recommande assez souvent. L’odeur que repand le muse est peut-etre la plus forte de toutes les odeurs connues; il n’en faut qu’une tres-petite dose pour parfumer une grande quantite de matiere; 1’odeur se porte a une grande distance; la plus pe¬ tite particule suffit pour le faire sentir dans un espace considerable, et le parfum meme en est si fixe, qu’au bout de plusieurs annees il semble n’avoir pas perdu de son activite. Le muse nous vient, en Europe, principalement du Boutan et de la Chine; Eon remarque que celui que Eon apporte du nord de la Chine n’a pas autant d’odeur que celui de la Chine meme : aussi vend-on les vessies qui le con- tiennent a bas prix. C’est en hiver que Eon prend le plus de ces animaux : on se sert de lacets et d’assommoirs que Eon place dans les ouvertures des haies, formees entre les rochers et les gradins des montagnes oil les Muses cherchent leur nourriture. Leurs peaux sont employees a des fourrures communes pour les voyageurs; on les coud comme des peaux de Chevreuils, et, quand elles sont tannees, elles ont beaucoup plus de moelleux que celle de tous les animaux du meme pays. G^cuximia Zkoidroq. RUMINANTS AYANT DES CORNES CREUSES PERSISTANTES, OU DES BOIS DE NATURE OSSEUSE ET CADUCS, AU MOINS DANS LE SEXE MALE. A. — Des comes ou proeminences de l’ os frontal enveloppees ct’une peau velue, qui se continue avec celle de la tete el qui ne se detruit pas , dans les deux sexes. TROISIEME FAM1LLE, C AMELOPA RDAL1DE S . CAMELOPARDALIDJE . Nobis. Cette famille, qui ne renferme qu’un seul genre, celui des Girafes, est l’une des plus caracterisees de l’ordre des Ruminants et, aujourd’hui, l’une des plus connues. G’est principalement par la taille elev6e, le grand cou, la robe jaun&tre, taclietee de eouleurs plus foncees, et surtout les prolonge- p 12 90 HISTOIRE NATURELLE. merits frontaux, subsistant au moins chez les males et consistent en des bois permanents non rami¬ fies, etc., qu’on peut en quelques mots definir l’espece unique actuellement vivante de ce genre et de cette famille. L’Afrique australe, FAbyssinie et les environs du cap de Bonne-Esperance nourrissent les Girafes; tout recemment on en a decouvert quelques debris fossiles en France par Duvernoy, et dans les monts Himalayas par MM. Falconer et Cautley. GENRE UNIQUE. — GIRAFE. CAMELOPARDALIS. Linne, 1755. Systema naturae. Camelus, Chameau; Pardalis, Panthere. CARACTERES GENER1QUES. Sgst'eme dentaire : incisives, -§•; molaircs, §=§; en totalile trente-deux denis qui ne presenlcni pas de differences bien sensibles avec cedes des Cerfs, Antilopes et Moutons. Tele tres-longue, ayant ..n lubercule osseux au milieu du chanfrein et deux chevilles egalement osseuses sur les frontaux, revetues de peau velue et terminees par une touffe de poils; pas de mufle ; levre snperieure non fendue; pas de larmiers; oreilles assez grandes, pointues; langue garnie de papilles cornees; yeux grands. Cou tres-long. Train de devant assez haut comparativement a cclui de derriere; garrot tr'es-eleve; dos oblique; jambes assez minces , terminees par des sabots semblables a ceux des Ruminants proprement dits. Corps assez svelte. Une callosite au sternum. Mamelles au nombre de quatre. Magnifique dans sa parure, bizarre dans ses formes, singuliere dans sa demarche, colossale par sa taille, inoffensive par caractere, la Girafe a du attirer de bonne heure 1'attention de Fhomme : aussi la voyons-nous representee sur les plus anciens monuments de l’Egypte et de la Nubie. C’est principalement dans les Typhoniums, temples consacres au dieu malfaisant Typhon, que Ton trouve surtout la representation du Camelopardalis; faut-il, comme le pensent MM. Joly et Lavocat, que ce soit par opposition avec le dieu tyran de FEgypte? La Girafe se trouve encore representee dans la mosaique de Palestrine et sur les fresques du Poggio-Cajano, palais des dues de Medicis. Quelques savants pensent que le Zemer, cite dans le Deuteronome comme etant au nombre des animaux dont la chair pouvait servir de nourriture au peuple hebreu, n’etait autre que le Camelopardalis gi- raffa; d’autres savants voient dans cet animal le Chamois de nos montagnes, ce qui semble peu pro bable. Une foule d’auteurs posterieurs & Moise ont mentionne ou decrit la Girafe; nous allons les passer rapidementen revue, en les classant en geographes, voyageurs, historiens, poetes, litterateurs, natu- ralistes, etc. Agatharchides, qui vivait cent quatre ans avant Jesus-Christ, semble etre le premier geographe qui ait signale la Girafe; il dit que cet animal, le KapiAoTtapJaAi? des Grecs, habite le pays des Tro¬ glodytes. Plus tard, Artemidore en dit quelques mots dans sa Description de la terre ; puis Strabon et Solin s’en occuperent 4 leur tour, et enfin Leon FAfricain en donna, dans sa Description de I'Afrique, publiee il y a trois siecles, une assez bonne description. Depuis cette epoque, tous les geographes qui s’ occuperent des pays qu’habite la Girafe la citent; mais aucun d’eux, si on n’en excepte Malte-Brun et Charles Ritter, ne nous apprirent rien de nouveau sur cet animal. Les voyageurs, en grand nombre, ont etudie la Girafe; Cosmos Indicopleustes, cinq cent vingt- cinq ans apres Jesus-Christ, dit qu’elle habite l’Ethiopie, et si ce fait, rapporte egalement par plu- sieurs auteurs, etait vrai ft cette epoque, il n’en est plus de meme aujourd’hui; car l’Ethiopie ne nour- rit plus cet animal. Marco-Polo indique cet animal, qu’il nomme Graffa, comme se trouvant dans RUMINANTS. 01 1’ile de Zanzibar, et il en donne line bonne description. Citons encore parmi los voyageurs qui par- lent de la Girafe, an moyen Age, Bernard de Breydenbach et Baumgarten; a l’epoque de la renais¬ sance, Thevet, Marmal, Bandier, Villamont et Jerome Lobo; enlin, a nne epoque plus rapprochee de nous, Le Vaillant, le capitaine Carteret, Bruce, Busbeck, MM. Belzoni, Mollien, Riippel, Caillaud, Ed. Combes et Tamisier, J. Verreaux, le capitaine Laplace, etc., qui nous donnenl de nombreuses remarques, principalement sur les moeurs de ce magnifique Ruminant. Occupes sans cesse a enregistrer les faits digues d’etre transmis au souvenir des hommes, les liis- toriens ne pouvaient passer sous silence la premiere apparition de la Girafe dans nne eontree diffe- ferente du pays qu’elle habite. Diodore de Sicile, Dion Cassius, EusAbe Pamphile, Ibnocholean. Saint-Jerome, Ladolf, etc., en parlent. Athenee nous apprend que Ptolemee Philadelphe montra pour la premiere fois cet animal aux habitants d’Alexandrie dans cette pompe triomphaledevenue si celebre par sa richesse et sa magnificence. Au rapport de Diodore de Sicile, de Pline et de Dion Cassius, les Romains n’avaient pas encore vu de Girafe, lorsque, dans les jeux du Cirque qui se celebrerent Pan 45 avant Jesus-Christ, Jules Cesar fit paraitre cet animal aux yeux du peuple. Depuis Jules Ce¬ sar jusqu’A Philippe, successeur de Gordien HI, le Camelopardalis reparut de temps en temps a Rome, et, dans les jeux consacres a la celebration du premier millenaire de la fondation de cette ville, dix Girafes se montrerent a la fois dans le cirque. Aurelien, en 274, en fit voir aussi plusieurs. Les empereurs de Constantinople eurent de bonne heure l’occasion de connaitre la Girafe; sept indi- vidus de cette espece furent vus a Constantinople ; le premier a ete decrit par Philostorge; deux au- tres, signales par le comte Marcellin, avaient ete envoyes de l’lnde a Lempereur Anastase; beaucoup plus tard, Michel Paleologue, d’apres Pachymere, en re^ut un en present du roi d’Ethiopie; le cin- quiAme est celui dont Dusbeck etudia les os; le sixieme fut amene a Loccasion des fetes splendides qui furent celebrees lors de la circoncision de Mahomet III; enlin le septieme fut envoye au sultan, en 1822, par le pacha d’Egypte. II est aussi question d’une Girafe dans la Vie de Tamerlan, par Cherefeddin-Ali. Jusqu’en 1827, l’Europe chretienne n’avait pu voir que trois Girafes vivantes : la premiere fut adressee. par le sultan d’Egypte, A Lempereur Frederic II, et e’est cello qui a ete im- parfaitement decrite par Albert le Grand sous les noms d 'Oraflas et d 'Anabala; la deuxieme fut offerte, par le sultan Biba, a Mainfroi, fils nature! du meme Frederic II; enlin la troisieme, dont on voit encore aujourd’hui l’image dans les fresques qui ornent le palais de Poggio Cajano, fut donnee, en 1486, a Laurent de Medicis par le soudan d’Egypte, et elle a ete indiquee par Ange Politien et par Ie poete Antonio Costanzi. En 1826, Ismael-Pacha envoya en Europe trois Girafes ; il offrit 1’une a Charles X, l’autre a Lempereur d’Autriche et la troisieme au roi d’Angleterre : le premier de ces animaux a pu seul arriver en Europe, et, apres avoir passe l’hiver A Marseille, est parvenu a Paris au mois de juin 1827; e’est celui que Lon a vu pendant pres de vingt ans attirer une foule de curieux A la menagerie du Museum d’Histoire naturelle, et qui y est mort au mois de janvier 1845. En 1856, apres avoir essuye de grandes fatigues et eprouve bien des perils, M. Thibaut fut assez heureux pour ramener en Angleterre cinq Girafes, qu’il avait prises dans le Darfour et le Kordofan : deux d’entre elles se sont accouplees A Londr^s, et ont produit le plus petit individu, qui vivait encore il y a quel- ques annees dans les jardins de la Societe zoologique. et sur lequel nous reviendrons bientot. De¬ puis cette epoque, plusieurs autres Camelopardalis giraffa ont ete amenees dans differentes parties de l’Europe, et, pour ne citer que celles que Lon a vues en France, nous dirons qu’en 1846 le doc- teur Clot-Bey a fait don au Museum d’un beau male, et que, l’annee suivante, M. Bourdon-Gramont, gouverneur du Senegal, a Agalement envoye au meme etablissement une jeune femelle, mais que tous deux sont morts; enfin qu’en 1855, M. Delaporte, Consul de France au Caire, a donne au memo Museum trois autres males et une femelle, provenant de l’interieur de LAfrique ; deux de ces der- niers animaux, un mAle et une femelle, existent encore aujourd’hui, et nous avons Lesperance qu’ils pourront reproduire l’espece chez nous. Nous ne terminerons pas cette longue enumeration sans dire qu’une Girafe vivante fut amenee en France en 1844, et que, montree dans les foires par des bate- leurs, elle mourut A Toulouse : e’est qu’en effet les restes de cet animal, acquis par le conseil muni¬ cipal de cette ville, sont devenus pour MM. Joly et Lavocat un sujet d’etudes aussi curieuses qu’im- portantes sous le point de vue anatomique. Un animal aussi extraordinaire que la Girafe ne pouvait manquer d’inspirer les poetes. Aussi, dans une de ses epitres, Horace, reprochant A ses compatriotes l’espece de delire qui les entraine aux 92 HISTOIRE NATURELLE. jeux du Cirque, a tres-heureusement paraphrase le nom de Camelopardalis; Oppien Im-meme a cru devoir invoquer sa muse pour decrire cet animal d une maniere digue de son sujet; enfin, comme nous l’apprend Aldrovande, Herricus l’a egalement chante. Plusieurs litterateurs et polygraphes ont egalement parle du Camelopardalis . Heliodore, dans le quatrieme siecle de notre ere, l’a parfaitement decrit dans son roman des Etliiopiques ou des Amours de Theagene et de Cliariclee, et il indique Ramble comme etant son allure naturelle. Cas¬ sius Bassus en parle aussi. Isidore de Seville et Albert le Grand s’en occuperent, mais d'une maniere erronde. Ange Politien, J. Ludolf, Antonio Costanzi, plus connu sous le nom de Constantius, Bo- chart, Clusius, Varron, Vincent De Beauvais, et plus recemment Schneider, MM. Jomard et Mongez ont dit quelques mots de ce bel animal. Des zoologistes en tres-grand nombre ont etudie le Camelopardalis et nous Pont fait connaitre d’une maniere complete. Aristote semble l’avoir connu et le mentionne sous les noms de rtao^tov et d’linrapJt&v, dans son iiepi rmv Smwv lotopiac; mais cette assertion, soutenue par Allaman et Pallas, et qui semble tres-probable d’apres les descriptions qu’en donne le pere immortel de VHistoire des animaux , est niee cependant par Bochart, Jonston, Buffon, Mongez et G. Cuvier. Pline n’a laisse qu’une description incomplete de la Girafe, quoiqu’il l’ait vue en nature. Au moyen age, nous re- trouvons quelques compilateurs qui parlent d’une maniere plus ou moins satisfaisante de cet ani¬ mal; tels sont Cazurini, Ibnocholion, Damir, Gualterus Charletonus et quelques autres, et plus recem¬ ment Ambroise Pare; Pierre Gilles, en 1550. donne une description qui semble faite d’apres 1’animal vivant; Gesner n’en dit que quelques mots; Belon et Prosper Alpin rapportent quelques faits qui ne manquent pas d’exactitude. Aldrovande et Johston ont longuement parle de la Girafe, mais ils n’ont guere ajoute que des fables & son histoire naturelle. Allaman, Brisson, Klein, Zimmermann, ont dd egalement s’en occuper. Linne n’en a donne qu’une tr&s-courte description, et il la range parmi les Cerfs; celle de Housselquist est trop longue et trop seche scion Buffon, qui lui-meme n’en a peut-etre pas dit tout ce qu’il devait en dire. Pallas, Pennant, Blumenbach, C. Dumeril, A. G. Des- marest, Fr. Cuvier pere et fils, MM. Salze, Schnitz, Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, Owen, P. Gervais, .Toly et Lavocat, etc., ont decrit plus ou moins brievement, plus ou moins eompletement la Girafe dans des travaux speciaux ou dans dners recueils encyclopediques. Etienne Geoffroy Saint-Hilaire a donne quelques considerations philosophiques pour expliquer le pourquoi des singularity que pre¬ sente 1’organisation exterieure de la Girafe. Parmi les anatomistes qui ont etudie la Girafe, et nous ne parlerons que des modernes, nous de- vons signaler quelques considerations de MM. Geoffroy Saint-Hilaire pere et fils, inserees dans la Pliilosophie anatomique et dans le Dictionnaire classique d’ Histoire naturelle; quelques faits inte- ressanls relatifs au squelette indique par G. Cuvier, par Carus, Goethe, et par M. P. Gervais; de belles planches du squelette et de tetes de divers pays de la Girafe, dessinees sous les yeux de De Blain- ville, qui devaient faire partie de YOsteographie, et qui, encore inedites, doivent bientht paraitre; quelques details sur la langue et l’estomac par sir Edward Home; un grand travail anatomique de M. Richard Owen, dans les Transactions of zoological Society of London, 1858-1859, fait d’apres deux Girafes mortes, l’une dans les jardins de Regent’s Park et l’autre dans ceux de la Societe zoolo- gique; enfin et surtout le memoire de MM. Joly et Lavocat, intitule. Becherclies hisloriques , zoologi- ques, anatomiques et paleontologiques sur la Girafe, et insere, en 1845, dans les Mcmoires de la Societe du Museum d' Histoire naturelle de Strasbourg, travail consciencieux fait d’apres un individu mile mort A Toulouse, et auquel nous empruntons plusieurs passages de ce que nous disons dans cet ouvrage. Des paleontologistes, mais seulement dans ces derniers temps, ont signale la presence de la Gi¬ rafe dans le sein de la terre. Duvernoy, le premier, et d’une maniere positive, a revele l’antique exis¬ tence de la Girafe dans nos propres contrees, dans le Berry, et il en a decrit une mAehoire infe- rieure. Presque a la meme epoque, MM. Falconer et Cautley ont fait une decouverte analogue dans les monts Himalayas. On peut, en outre, citer une dent rapportee a ce genre par M. Agassiz, et de¬ couverte en Suisse, dans un terrain de molasse, par M. Nicolet, et rapprocher de ce groupe d’ani- maux le celebre Sivatherium de MM. Falconer et Cautley, trouve dans les Himalayas. II ne nous sera pas possible d’entrer, dans cette encyclopedie, dans de grands details sur 1’ana- tomie de la Girafe; loutefois nous croyods devoir en donner une idee generale, rapporter les faits RUMINANTS. 93 principaux que prfisente son histoire, et nous renverrons, pour la faire connaitrc completement, aux auteurs que nous avons deja cites, et plus particulierement aux ouvrages de M. Owen et de MM. Joly et Lavocat, qui, outre les fails nouveaux qu’ils ont rapportes, ont resume ce qu’avaient dit leurs devanciers. L’osteologie est assez bien connue. Le crane est prolonge, au devant; des molaires, en un long prisme triangulaire; la region frontale est tres-large et tr^s-haute, relevee sur la ligne mediane en unesorte de pyramide qui forme un os distinct, terminee plus en arriere par deux longues eminences osseuses : derriere celles-ci, le crane se retrecit et s’incline en arriere, limite de chaque cote par des cretes temporales qui ne se rapprochent pas dans la tete vue en dessus; le developpement de la re¬ gion frontale ne laisse rien apercevoir des arcades, qui sont petites, droites et, de plus, tres-rele- vees au-dessus de l’arcade dentaire. La machoire inferieure se distingue par la gracilite et la longueur de ses branches horizontales, et par la grande etendue de sa symphyse. Deux cornes parti- culieres, recouvertes par la peau, se trouvent sur le crSne, et un rudiment d’une troisieme sur la ligne mediane. La colonne vertebrale se compose de cinquante vertebres, dont sept cervicales, quatorze dorsales, cinq lombaires, quatre sacrees et vingt coccygiennes. Les vertebres cervicales forment a elles seules, par leur longueur, pres de la moilie du rachis. Le sternum est peu ossifie et compose de sept os spongieux, unis entre eux par des cartilages. Les cotes sont au nombre de qua¬ torze paires, sept vraies etsept fausses. Aux membres anterieurs, l’omoplate est triangulaire, longue par rapport a sa largeur; l’humerus est assez court; le cubitus, au contraire, est tres-long et parfaite- menl distinct du radius, qui a lui seul forme tout Favant-bras et surpasse de beaucoup en longueur l’humerus lui-meme; le carpe est forme de six os, disposes sur deux rangs; il n’existe qu’un metacar- pien principal, qui est presque aussi long que le radius; enfin la premiere phalange est tres-longue et la derniere grosse. Aux membres posterieurs, le bassin offre de la ressemblance avec celui du Cheval; le femur se distingue par son grand volume proportionnel et par la grande dimension d’a- vant en arriere de sa tete inferieure; le tibia ne presente rien de remarquable; la rotule a la forme d'un cone renverse et legerement courbe en arc; le tarse offre, a la premiere rangee, le calca- neum, Fastragale et un autre os; et a la seconde, independamment de bunion du scaphoide et du cubo'ide en un os unique, on voit aussi les deux cuneiformes se souder non-seulement entre eux mais aussi avec la piece scaphoido-cubo'idienne; le’metatarse est grele; les phalanges n’offrent rien de bien partieulier. Fig. 20. — TSte de Girafe. MM. Joly et Lavocat ont fait connaitre pour la premiere fois l’appareil ligamenteux de la Girafe. Les fibro-cartilages intervertebraux, etsurtout ceux de la region cervicale, sontremarquables par leur epaisseur et leur souplesse, gages de mobilite; tons les ligaments interepineux sont formes de tissu jaune elastique. Les autres ligaments sont remarquables par leur force, et surtout celui du cou. Le systeme musculaire presente, en general, un grand developpement; les fibres des muscles sont 94 HISTOIRE NATURELLE. grosses et serrees; 4 ces premieres conditions d’energie viennent s’ajouler des dispositions tres- favorables : ainsi le renflement des eminences osseuses, sur lesquelles les muscles s’implantent ou glissent, ecarte ces forces du centre de mouvement, detruitleur parallelisme avec les rayons osseux, et rend leur action plus efficace. Ailleurs, et dans le sens de levier inter-puissant, c’estle point d’in- sertion qui s’eloigne du centre de mouvement et allonge d’autant le bras du levier de la puissance musculaire. D’autres fois la disposition est telle, que ce n’est pas Taction contractile du muscle qui est favorisee, mais son resultat; c’est le mouvement produit qui regagne la rapidite. On rencontre au con des muscles longs pour lesquels la lenteur des contractions etendues est evitee par des inter¬ ruptions tendineuses qui diminuent la longueur des fibres musculaires, sans prejudice pour 1’inten- site de leur action. Dans d’autres cas, certains muscles de la meme region, au lieu d’etre simplement etendus d’une extremite a l’autre de la colonne mobile, se subdivisent en digitations et s’attachent a ces differentes pieces pour plus de variete et de precision dans les mouvements. Souvent, surtout aux membres, on rencontre des muscles qui s’unissent pour agir en meme temps, soit dans le meme rayon, soit sur des rayons differents, inversement mobiles. En outre, presque tous les muscles sont enveloppes de fortes membranes aponevrotiques qui en assurent la position et en rendent la contrac¬ tion plus energique; plusieurs de ces aponevroses donnent attache a des muscles qui augmentent leur tension et leurs effets; beaucoup de tenseurs, surtout ceux des membres, glissent dans desgaines fibreuses adherentes aux os, coulisses completes, parfois tres-prolongees, qui s’opposent a tout de¬ placement. En plusieurs points, Tappareil musculaire est recouvert de couches de tissu fibreux jaune; ces lames sont tres-adherentes aux muscles et se remarquent surtout la ou de puissants efforts s’exe- eutent, 4 la base laterale du cou, a la croupe, a la fesse, au c6te externe dela cuisse. La tunique jaune abdominale est tres-developpee; et enfin le ligament jaune surepineux cervical est une immense produc¬ tion, soutien de la tete et du cou. Une particularity bien remarquable est 1’absence presque complete de muscles peaussiers ; ils sont remplaces par une grande et forte aponevrose salinee enveloppant tout le corps, unie d’une maniere assez lache a la peau, et confondue, en quelques regions, avec des couches fibreuses jaunes; cette large aponevrose, tendue, bridee sur tout Tappareil musculaire, fa- vorise singulierement Tenergie de contraction. Nous n’entrerons pas dans la description particu- liere des muscles, car nous en avons dit assez pour faire comprendre que toutes ces dispositions musculaires expliquent la force, la souplesse et la rapidite des mouvements de Tanimal que nous etu- dions. Les descriptions publiees par MM. Joly etLavocat sont completes, et M. Werner a donne dans la collection des velins du Museum des dessins de myologie d’une Girafe preparee au Museum, en 1847, sous la direction de De Rlainville. L’odontologie de la Girafe, sans presenter des caracteres bien differents de ceux que Ton remar- que en general ehez tous les Ruminants, nous offre cependant quelques particularity assez remar- quables. Ses dents sont au nombre de trente-deux; il n'y a pas de canines ni a Tune ni a Taulre des machoires; les incisives, au nombre de liuit, se trouvent seulement inferieurement, et Ton compte six molaires de chaque cote, aussi bien a la machoire superieure qu’a la mandibule. Les dents, en gene¬ ral, sont fortes; les incisives grandes, presque egales, tranchantes, courbees en avant et ailant en s’ecartant un peu en dehors de la ligne moyenne, avec Texterne la plus large de toutes et bilobee, ce qui ne se remarque chez aucun autre Ruminant; les molaires ressemblent assez a celles des Cerfs, et surtout des Elans; les deux premieres fausses molaires sont simples; la troisieme a un talon a sa partie posterieure, et les trois autres ne different pas plus que celles de la machoire inferieure des molaires analogues des Chameaux. G. et Fr. Cuvier, Duvernoy, MM. Owen, Joly et Lavocat ont donne quelques details importants sur le systeme dentaire des Girafes tant dans le jeune age que dans l’age adulte; nous renvoyons aux ouvrages de ces auteurs, ne pouvant les resumer ici; faisant seulement remarquer que, comme dans les molaires des Cerfs, ces dents portent, dans la Girafe, entre leurs piliers, de petits cones pointus que l’usure n’atteint que fort tard, et que Cincisive mitoyenne, comme chez les Cerfs, est tres-large a sa partie coronaire; mais n’oublions pas que chez la Girafe, et chez la Girafe seule, Tincisive externe Test encore davantage; rappelons aussi que la Girafe manque de ca¬ nines et que celles-ci existent, au contraire, chez un grand nombre de Cerfs; notons enfin que les canines atteignent leur plus grand developpement chez les especes de Cervus, dont le foie se reduit a de tres-faibles dimensions, et qu’elles deviennent plus fortes encore chez les Chameaux, les Lamas et les Chevrotains, dont la tete n’est pas armee de bois, et que, des lors, il semblerait que la Girafe, RUMINANTS. 05 avec ses dagues si petites etsi faibles, devrait avoir de trAs-fortes canines, comme dans le Muntjac; il n’en est pourlant rien, et, sous ce rapport comme sous tant d’autres, le Camelopardalis giraffa forme un etre A part, une exception presque continuelle aux lois, si souvent mensongAres, que creent les vues bornees de notre esprit. On a voulu trouvcr des caracteres differentiels dans les dents de Gi- rafes provenant de pays differents, et de 1A en tirer la consequence qu’il y aurait plusieurs espAccs de ce genre; mais Ton n’est parvenu A rien de positif A cet egard. La forme de la bouche de la Girafe differe de celle que cet organe offre chez tous les autres Rumi¬ nants; la levre superieure est beaucoup plus extensible; l’interieur de la cavite buccale presente des papilles tres-nombreuses et tres-developpees, et qui abondent surtout A 1’ angle des levres, ainsi que sur la face interne des joues. Les dents sont exclusivement, disposees pour une nourriture vegAtale. La langue est trAs-remarquable par son extensibility, sa grande flexibility, et elle sert tout A la fois d’instrument de prehension, de degustation et de deglutition ; sa structure anatomique a Ate etudiee avec soin et offre des particularites assez singulieres. La cavite buccale, au lieu de prendre A sa par- tie posterieure la forme d’un entonnoir, se termine, au contraire, par une fente transversale, au-dessus de laquelle fait saillie un rebord vulvaire forme par la marge superieure etelargiede 1’epiglotte, repliee sur elle-meme en cet endroit. La surface du pharynx est ridee par des saillies et des depressions trAs- prononcees. Les amygdales sont ovales, aplaties. Les glandes salivaires ressemblent A celles des au¬ tres Ruminants. Comme toutes les parties situees le long du cou, l’oesophage se fait remarquer par sa grande longueur; d’un diametre A pen pres uniforme partout, il se compose de deux fortes cou¬ ches de fibres musculaires. L’estomac, forme sur le type de celui des Ruminants A comes pleines et caduques, offre les quatre divisions principals admises pour ces derniers. A l’interieur de la panse, qui est enorme el bifide A son extrAmite inferieure, on trouve une foule de papilles longues, aplaties, arrondies, bilobees ou trilobees A leur extremity superieure, ou elles offrent plus de largeur que dans le reste de leur Atendue, ce qui leur donne plus de ressemblance avec les papilles du Renne qu’avec celles de la panse du Boeuf. Sous le rapport de la forme et du peu de profondeur des cel¬ lules, le bonnet presente encore plus d’analogie avec le Renne qu’avec tout autre Ruminant; chez le Renne, en effet, ces cellules sont peu profondes, et il en est de meme chez la Girafe, ou elles sont formees par des prolongements de la membrane interne A peine saillants au-dessus de la surface, et supportant une rangee de papilles coniques plus grosses que celles qui garnissent les espaces cir- conscrits par ces prolongements. Le troisieme estomac ressemble presque entierement A celui du Boeuf, c’est-A-dire qu’entre deux feuillets etroits on en trouve deux autres beaucoup moins etroils, de largeur inegale, et que ces lamelles sont revetues de papilles pyriformes. La caillette enlin offre des plis longitudinaux peu dAveloppAs. Le duodenum, trAs-dilatA A son origine, regoit les sues pan- creatique et biliaire A un decimetre environ de l’ouverture pylorique. L’intestin grele se distingue par sa longueur et par son faible diamAtre, et la valvule ileo-ccecale est formee par une simple levre renflee et circulaire. Le coecum n’offre rien de particulier, si ce n’est son volume, assez peu conside¬ rable, quand on le compare A celui des autres Ruminants. Le c61on, presque sans bosselures, est remarquable par sa grande longueur; sa disposition ressemble A celle qu’il affecte chez les Cerfs, et il se termine sans rien de particulier au rectum. En totality, la longueur du canal intestinal est reellement extraordinaire, meme comparativement avec celle deja considerable du meme organe chez les autres Ruminants, le Mouton, toutefois, excepte; en effet, dans l’individu dissequA par MM. Joly et Lavocat, il mesurait 62™, 25, et si l’on y ajoute lm,40, longueur de l’oesophage; 0m,80, longueur de la panse A partir du sac gauche jusqu’A 1’ouverture oesophagienne, et 0m,80, longueur de la panse A partir de cette ouverture jusqu’au pylore, on aura 65m,25 pour la longueur totale de l’intestin. Le pancreas, trAs-analogue A celui du Bceuf, en differe en ce qu’il est un peu plus large, plus mince, et plus irregulier dans sa conformation. Le foie est petit, aplati, presque elliptique, de cou- leur bleu grisAtre, et ne consiste qu’en un seul lobe, auquel s’ajoute une eminence de Spigel peu prononcee : au bord posterieur, il y a une echancrure prononcee pour loger la veine cave, qui ne perfore pas le foie. La vAsicule biliaire existe dans quelques sujets, mais ne se trouve pas chez tons, et dans quelques-uns le sue biliaire est verse directement par un large canal hepatique dans le duo¬ denum. La rate, presque orbiculaire, est mince, d’un tissu mou et remarquable par les nombreuses sinuosites que presente son contour. Les reins, de couleur brun foncA, unis et lisses A l’exterieur et presentant A l’interieur une teinte legArement jaunAtre, ne sont pas lobes comme ceux du Bceuf. Les 96 HIST01RE NATURELLE. capsules surrenales n’offrent rien de particulier. Le grand epiploon s’etend, comme chez les autres Ruminants, depuis la panse jusqu’au Lord du bassin. Les ventricules et les cordes vocales du larynx sont presque a l’etat rudimentaire. La irachee-artere est remarquable par sa grande longueur et par le tres-grand nombre, plus de deux cents, de cer- ceaux cartilagineux dont elle se compose. Les poumons n’offrent rien de bien particulier; toutefois ils sont petits relativement au volume des animaux auxquels ils appartiennent. Le coeur est de forme tres-allongee et conique, situe vers la region mediane de la poitrine; les oreillettes sont petites, comparativement aux ventricules. M. Owen a constate dans cet organe, tout pres de la naissance de l’aorte, un os recourbe, long de 0m,16 et loge dans le cercle tendineux qui donne attache aux fibres musculaires du ventrieule. Les vaisseaux ont en general un assez grand calibre, remarquable surtout par les principaux troncs, comme Faorte et les veines caves, dont le vo¬ lume et l’epaisseur sont bien plus considerables que dans d’autres animaux, tels que le Boeuf et le Cheval, dont le corps est cependant a peu pres de memes dimensions; quant aux dispositions essen- tielles, au mode de distribution general et au trajet de l’appareil vasculaire, on remarque a peu pres les dispositions ordinaires des autres Ruminants. Le cerveau differe peu de celui des autres Ruminants, surtout pour la forme des circonvolutions; son volume, cependant, est un peu plus considerable, ainsi que son poids; il n’y a pas de particules pierreuses dans la glande pineale, dont la substance est ferme et solide. Le cervelet, place tout a fait en arriere du cerveau, n’offre rien de particulier. La moelle epiniere se distingue surtout par l’extreme longueur de sa portion cervicale et par la singuliere origine des nerfs de cette meme re¬ gion. Quant aux nerfs, ils presentent des dispositions 4 peu pr6s analogues a celles des autres Ru¬ minants. Les organes males principaux sont loges dans un court scrotum, et, de chaque cote de ce dernier, on voit le rudiment de deux glandes mammaires; les testicules eux-memes sont allonges, ovales. La prostate est formee de deux corps glanduleux separes, allonges, situes au cote exteneur des canaux deferents. A la base du bulbe de Furetre sontsituees deux glandes de Cowper, chacune aussi grosses qu’une noix muscade, et environnees d’une epaisse capsule formee par des fibres musculaires. Le tissu caverneux du penis n'est pas divis6 par une cloison mediane. Dans la femelle, les ovaires sont de forme ovale, places dans un vaste sac peritoneal forme par une expansion du ligament large de l’ute- rus. Ce dernier organe est petit. La vulve, le clitoris et Furetre ressemblent a ces memes parlies cliez les Ruminants & cornes. L’oeuf est de forme spherique; il a un douzieme de ligne de diametre, est enveloppe par un chorion gelatineux et transparent, et est loge dans une masse de granules ellip- tiques. La Girafe constitue un genre particulier de Ruminants, ne renfermant qu’une seule esp&ce, et qui est principalement caracterise par 1’existence permanente, et dans les deux sexes, de cornes coni- ques, petites, toujours recouvertes par une peau velue et continue avec celle de la tete : ces cornes offrant, dans les jeunes individus, une noyau osseux tout a fait distinct des autres os du crane; au milieu du chanfrein est un tubercule ou troisi^me corne plus courte, mais plus large que les deux autres, et, comme elles, simplement articulee, dans le jeune Sge, avec les os du front. Outre ces caracteres principanx, ce genre presente encore les suivants : trente-deux dents; une tete allongee, & levre et langue tres-mobiles, sans mufle ou espace nu autour des narines; cou tres-long; tronc releve en avant et tres-eleve sur jambes; deux doigts a chaque pied, sans ergots meme rudimen- taires, etc. Le pelage est d’un blanc griscUre parseme d’une grande quantite de taches rhombo'idales, plus ou moins irreguli&res, d’un brun fauve. Habitant les confins du desert dans les sables de l’Afrique et sous Taction d’un soleil brdlant, la Girafe avait besoin d’avoir des moyens particulars de protection pour ses organes de la vision. C’est ce qui a lieu. L’ceil, grand et noir, place tres-haut, et par consequent pouvant voir de tres-loin, est place au fond d’un orbite saillanl et profond, et est encore protege par une membrane clignotante tres-developpee ; et, en outre, la pupille est transversalement fendue. Les narines sont etroites, obliquement percees, defendues par des poils sur leurs bords et environnees de fibres musculaires qui leur permettent de se fermer entierement et garantissent ainsi la membrane delicate qui les ta- pisse contre Faction suffocante des nuages de sable que souleve le vent du desert. La levre supe- rieure, tres-prolongee au-dessus de l’inferieure, concourtavec la langue, tr&s-flexible, trts-allongee, RUMINANTS. 97 5 former un instrument de prehension ties plus precieux : tics papilles nombreuses garnissent le palais, Finterieu-r ties joues el la langue, et, tout en empeohant les aliments soumis A la mastication de devier de la route qu’ils doivent suivre, elles les dirigent vers le pharynx. Les orcilles sont lon¬ gues, tres-mobiles, et forment des especes tie cornels acousliques propres A recueillir tous les bruits que l’animal a interet de connaltre ou d’eviter. Fig. 21. — Girafe. On s’est demantle A quoi peuvent servir A la Girafe ce cou si eleve et ces jambes d’une longueur si d&nesuree, et l’on a pu repondre que, destinee A vivre non pas de l’herbe des prairies, mais bien A brouter les feuilles des grands arbres qui croissent dans les terres arrosecs et fertiles dont le desert se trouve environne, elle devait etre conformee de maniere A pouvoir atteindre le but pour lequel elle a ete creee. De la un train anlerieur plus eleve que le posterieur; de la un tres-long cou; tie la enfin une taille de 5‘n,50 a 6m. Bien plus, comme si cette taille gigantesque n’etait pas suffisante pour que la Girafe put se procurer toujours et partout un abondant feuijlage, la nature a voulu que cet animal ptit encore, au besoin, augmenter sa hauteur dejA si colossale : au moyen d’une disposition particuliere, aussi simple qu'ingenieuse, elle lui a permis tie lever assez la tete pour que le museau fut sur la meme ligne que le cou, et elle a place A l’extremite tie cette longue colonne une langue rugueuse, allongee et flexible, sorte de main dont elle se sert pour attirer les branches que, sans elle, elle ne saurait atteindre. Exagerant outre mesure la disproportion qui existe entre le train anterieur et le train posterieur de la Girafe, Buffon et laplupart ties auteurs qui font precede ou suivi en ont conclu que cet animal doit etre tres-lent dans ses inouvements, et ils out ete jusqu’A dire que la course lui etait totalement impossible. Cette assertion manque completement d’exactitude. D’abord il n’est pas vrai que les jambes de devant soient quatre ou cinq Ibis, comme Fa pretendu Bouder, ni meme une fois, comme Fa dit Buffon, plus longues que les jambes posterieures. Un examen attentif du squelette montre que le bras est sensiblement egal A la cuisse, et que le pied de devant seulement est plus 98 HISTOIRE NATURELLE. court que celui de derriere. L’avant-bras seul surpasse la jambe d’un decimetre environ; mais, d la verite, l’omoplale est plus longue et moins obliquement placee dans la Girafe que chez tous les autres Mammiferes; la poitrine est aussi plus profonde; mais ces deux circonstances ne sauraient excuser l’exageration dans laquelle sont tombes la plupart des naturalistes. Quarante’ a cinquante centimetres de plus au garrot qu’i la croupe, telles sont les differences de hauteur que presentent ordinairement les deux trains de la Girafe adulte; et, d'apres cette conformation, Eon pouvait dire a priori que cet animal n’etait pas propre a sauter; mais on n’etait pas en droit de lui refuser l’agi- lite dans les mouvements, la vitesse dans la course. La Girafe marche 1 'amble, c’est-a-dire que, au lieu de lever alternativementle pied droit d’un cote et le pied gauche de 1’autre, elle leve presque en meme temps les deux pieds du meme c&'te. L’ amble est une consequence necessaire de la conformation exterieure du Camelopardalis girafa ; en effet, la grande longueur des membres et le court espace qui separe les pieds anterieurs des posterieurs ne permettent pas le mode de progression par paires diagonales qui a lieu chez la plupart des Mammi¬ feres a corps moins court : a chaque instant le pied de derriere eut frappe le membre anterieur late- ralement correspondant si les extremites n’eussent ete mises en mouvement par paires laterales. La vitesse de ce genre d’allure peut etre tres-grande, puisque, a chaque pas, le poids du corps, seul centre de gravite, supporte seulement par deux membres lateraux, se trouve en equilibre tres-insta- ble : l’imminence de la chute determine Ranimal a ramener les extremites aux soutiens d’autant plus rapidement qu’elles ont ete soulevees; dans ce cas, la succession des membres sera rapide et la pro¬ gression tr6s-acceleree, tandis que si les extremites ont ete moins soulevees, la marche sera moins vive en raison du meme principe; Einstabilite de l’equilibre dans les allures est done la mesure de leur vitesse. D’autres partieularites organiques venant encore se joindre a cedes que nous avons si- gnalees, il en resulte que le mode de progression de la Girafe, contrairement a ce qui a ete souvent rapporte, est assez grand, et e’est ce que rapportent en general les voyageurs; car ils disent qu’a la course cet animal va au moins aussi vite que le Cheval; toutefois ils ajoutent que, lorsque ce Rumi¬ nant court, sa demarche semble ridicule, ettout le monde a ete a meme de conslater ce fait dans notre menagerie du Museum lorsqu’on voit nos Girafes se poursuivre. Quand elles se reposent, elles se couchent sur le ventre, ce qui leur donne quelquefois des callosites i la poitrine et aux jointures des jambes. Ainsi que nous Ravens dit, la Girafe se nourrit. presque exclusivement du feuillage des arbres, et, en Europe, les feuilles et les fruits qu’elle semble preferer sont ceux des abricotiers sauvages, de 1’Acacia commun, et, en general, de toutes les especes de Mimosa. Comme nous Ravons fait remar- quer, la haute taille de cet animal et plusieurs partieularites semblent bien indiquer qu’il doit neces- sairement prendre une telle nourriture. « Et ce qui prouve, dit Et. Geoffroy Saint-Hilaire, que la Girafe est decidement appelee a brouter les hautes branches des arbres, e’est sa maniere genee de prendre sa nourriture a terre. Elle s’y decide en faveur d’une branche de Mimosa; mais on voit, a la gaucherie de ses mouvements, au temps qu’elle emploie, aux precautions qu’elle est forcee de pren¬ dre, qu’elle agit vraiment contre les allures naturelles a sa conformation. Ainsi elle ecarte d’abord d’une petite quantite un de ses pieds de devant, puis Rautre, pour recommencer plusieurs fois le meme manege; et ce n’est qu’apres de telles tentatives, qui font baisser le tronc, qu’elle se deter¬ mine a flechir le cou et a porter ses levres et sa langue sur la chose qui lui est offerte. » En outre, on a pu remarquer que, dans les pares ou elles sont placees dans nos menageries, les Girafes sem¬ blent mepriser les vegetaux qu’elles ont a leurs pieds pour aller depouiller, au contraire, les bran¬ ches des arbres le plus haut qu’elles le peuvent. En captivile, on les nourrit avec du fourrage que Ron met dans des mangeoires placees assez haut; on leur donne aussi, dans leur jeunesse, du bait de Vache ou de Chamelle, avec un melange de grains de mais, d’orge et de feves de marais brises au moulin, et meme, ce qui a lieu dans la plupart des cas, avec des pommes de terre, des carottes et autres legumes frais. Nous avons deja signale la petitesse de la tete par rapport au cou qui la supporte, et la brievete remarquable du tronc comparativement a la longueur des membres destines a lui servir de soutiens. Et. Geoffroy Saint-Hilaire et Goethe ont explique ces partieularites, qui viennent donner une ecla- tante confirmation a la loi du Ralancement des organes etabli par le celebre professeur de mammalo- gie du Museum. RUMINANTS. 90 A tous ces caract6res zoologiques, on peut ajouter que la poitrine est tellement large relativement au train posterieur, que, vue par devant, elle cache presque totalement ce dernier. Enfin la queue, assez grele et peu longue proportionnellement a la taille de 1’ animal, est terming par une touffe de gros poils ou crins noirs. Quant aux cornes que porte la tete, nous ne reviendrons pas sur ce que nous en avons dit; nous ferons seulement observer qu’elles sont placees trop haut et trop peu soli- dement etablies sur les os du crane, au moins dans le jeune age, pour pouvoir servir d’armes vrai- nient defensives a 1’animal qui en est pourvu. Aussi n’en fait-il que tres-rarement usage pour se defendre; peu confiant dans cette armure, il a plus souvent recours a la force de ses jarrets nerveux, soit pour chercher son salut dans la fuite, soit pour lancer au Lion et aux autres animaux carnas- siers, ses ennemis naturels, des ruades vigoureuses et multiplies; et il parait meme que, sous ce dernier rapport, ses jambes de devant lui rendent beaucoup plus de services que ses jambes de derriere. D’apres tout ce qui precede, on a peine a comprendre pourquoi Ambroise Pare a cru devoir rele- guer la Girafe parmi les monstres, et comment Buffon a pu tracer de ce beau Ruminant un portrait aussi peu ressemblant. « La Girafe, dit-il, est un des premiers, des plus beaux, des plus grands ani¬ maux, et qui, sans etre nuisible, est en meme temps Tun des plus inutiles. La disproportion enorme de ses jambes, dont cedes de devant sont une fois plus longues que cedes de derriere, fait obstacle a l’exercice de ses forces. Son corps n’a point d’assiette; sa demarche est vacillante; ses mouvements sont lents et contraints; elle ne peut ni fuir ses ennemis dans 1’etat de liberte, ni servir ses maitres dans Uetat de domesticite : aussi l’espece en est peu nombreuse, et a toujours ete confinee dans les deserts de i’Ethiopie et de quelques autres provinces de l’Afrique meridionale. » Plusieurs naturalistes se sont demande quelle etait l’utilite de la Girafe dans l’harmonie zoologi- que, pour quel but, en un mot, avait ete cree cet animal; Buffon lui-meme s’est adresse cette ques¬ tion, et il en parle sans y repondre d’une maniere satisfaisante; Et. Geoffroy Saint-Hilaire semble avoir mieux resolu ce probleme. « Comme les vues intentionnelles sont, dit-il, toujours restees dans le domaine des impenetrates desseins de la Providence, il vaut. mieux demander dans quels rap¬ ports nos efforts de domination sur les etres ont place a noire egard la Girafe. Or ce que Lon en sait, c’est que les peuples des parties centrales de l’Afrique disputent au Lion la Girafe; qu’ils trou- vent it sa poursuite le meme avantage, a sa possession la meme utilite; qu’ils la considerent comme un excellent et surtout comme un tres-abondant gibier. Elle est pour les noirs africains ce que sont pour les Europeens les betes fauves de nos forets. Buffon a dit des Cerfs qu’ils peuplent, embel- lissent, animent nos bocages; qu’ils servent aux delassements et aux plaisirs des grands de la terre. Pourquoi n’en dirait-on pas autant de la Girafe? 11 y a parfaite analogic entre les uns et les autres, sauf que ce sont les bois qui deviennent les lieux de refuge de nos betes fauves et que ce sont les deserts potir les Girafes et les Antilopes. Il est sans doute inutile d’expliquer comment et pourquoi la nature des choses en a ainsi decide. » Douces et craintives, les Girafes vont par petites troupes composees de cinq, six ou sept indivi- dus, quelquefois de dix ou douze, et rarement d’un plus grand nombre. On ignore si les miles et les femelles forment des couples au moment des amours, ou si les miles possedent plusieurs femel- les a la fois; ce qui est, dit-on, plus probable. Quoi qu’il en soit, il parait que, semblables sous ce rapport a presque toutes les especes de Cerfs, avec lesquels, du reste, ils ont de nombreux rapports, les miles se livrent des combats furieux, et se disputent i coups de cornes, dit-on, la possession des femelles, ce que Ton a pu surtout observer dans la menagerie de Londres, et ce qui, tres-pro- bablement, doit avoir lieu a l’etat de liberte. L’accouplement se fait au printemps. On ignore la duree de la vie du Camelopardalis giraffa; mais il est a presumer qu’elle doit etre assez considerable, d’autant plus que la Girafe qui a produit, a Londres, deux petits avait encore quelques-unes de ses denis de premier ige i cette epoque, et que Ton peut voir dans notre galerie d’anatomie comparee des crines qui, par leur ossification presque en une seule piece, semblent avoir appartenu a des animaux qui auraient vecu tres-longtemps. Toutefois l’aceroissement, dont la duree est ordinairement proportionnelle a celle de 1’existence, est extremement rapide; en effet, huit jours apres sa naissance, le faon de la Girafe Zaida etait haut de i m,85; a la fin du troisieme mois, sa taille s'etait accrue de plus de 0m,50, et, A neuf mois, elle atteignait 2m,74 : il aiait done, dans ce court espace de temps, grandi de plus d’un metre. 100 HISTOIRE NATURELLE. On trouve des Girafes, principalement dans les plaines et sur les lisieres des vastes forets arrosees de cours d’eau, dans line grande partie de l’Afrique, depuis le Kordofan, entre l'Abyssinie et la llaute-Egypte, jusqu’au Senegal et en Cafrerie : il semble probable qu’elles ont habite jadis le Saide; mais ee fait n’est eependant pas completement demontre, et M. Jomard pense meme qu’il n’est pas exact. Quoi qu’il en soit, la Girafe se rencontre actuellement dans les forets de la Nubie, de l’Abys- sinie, de la Senegambie, du pays des grands Namaquois et aux environs du cap de Bonne-Espe- rance. C’est a tort que Buffon a indique la Girafe comme se trouvant dans les Indes. Les Hottentots chassent la Girafe etla tuent, dit-on, avec des fleches empoisonnees; eependant ils niangent sa chair et font grand cas de la moelle de ses os. Avec la peau, qui est tres-epaisse, ils fa- briquent des vases a conserver de l’eau. Les cavaliers abyssins l’emploient a faire des housses et meme des boucliers. Enfin les negres se servent des crins de sa queue pour Her les anneaux de fer ou de cuivre dont. ils se font une parure et meme un talisman. La chair de plusieurs des Girafes mortes en Europe a ete mangee; et nous avons pu constater, comme MM. Joly et Lavocat, qu’elle est plus tendre que celle du Bceuf, et plus agreable au gout que celle du Yeau. Les Girafes fuient des qu’elles aper^oivent 1’homme; aussi ne peut-on guere prendre en vie que les jeunes, surtout cedes qui lettent encore; et il arrive souvent qu’en voulant se defaire de leurs liens, dies se cassent quelques membres ou se rompent le cou. Dans nos menageries, dies n’aiment pas etre attachees, et leur douceur fait qu’on peut leur donner une liberte presque complete. On en prend souvent, et, comme nous l’avons dit, on en envoie de temps en temps quelques-unes en Eu¬ rope. Nous ne parlerons pas de la vogue extraordinaire qu’eut celle qui arriva a Paris en 1827; on sait quelle affluence innombrable elle attira au Museum pendant pres de vingt ans; disons seulement que cet animal, qui etait une femelle, provenait du desert au sud de la ville de Sennar; qu’il a vecu dix-huit ans a riotre Menagerie, et que, mort en 1845, sa depouille a ete mont6e pour nos galeries de zoologie, ou Eon peut la voir aujourd’hui, tandis que plusieurs points de son organisme ont ete etudies avec soin par De Blainville; pour plus de details, nous renvoyons a un memoire special publie par M. Salze, et nous nous bornerons a rapporter les mots suivants qu’il ecrivait sous une premiere impression, et qui sont encore vrais vingt ans apres : « Cette Girafe n’est peut-etre qu’extraordinaire en opposition avec tous les animaux que nous connaissons; mais il est bien remarquable, eependant, qu’apres Pavoir consideree attentivement on ne conserve de ses formes et de son port qu’un souvenir incertain; aussi aime-t-on, en general, a la revoir souvent, et chaque fois elle donne lieu a quelque nouvelle remar- que. # En 1845, une autre Girafe femelle a ete envoyee au Museum par le docteur Clot-Bey, et a pre¬ sente les memes mceurs que la c^lebre Girafe de 1827; en 1847, un jeune male, qui n’a vecu que peu d’annees, a ete envoye des forets de la Senegambie; enfin, en 1853, trois Girafes, deux mSles et une femelle, ont ete offertes au Museum par M. Delaporte, consul de France au Caire : deux d’entre dies vivent encore aujourd’hui, se portent tres-bien; elles se sont deja accouplees, et tout nous fait esperer que, dans un temps plus ou moins recule, nous pourrons obtenir des petits a notre menagerie, mais, nos deux Girafes etant probablement trop jeunes encore, ce ne sera que dans quelques annees que cette esperance pourra etre realisee. Nous avons deja dit qu’une Girafe, montree par des bateleurs dans plusieurs contrees de l’Europe, etqui est venue mourir a Toulouse en 1844, a donne lieu a un travail zoologique et anatomique com- plet de MM. Joly et Lavocat, travail qui nous a servi de guide dans cet ouvrage, et auquel nous avons emprunt6 divers passages. Il nous reste a parler des Girafes qui ont ete amenees en Angleterre, et nous le ferons d'apres un memoire publie par M. Richard Owen dans le tome 11 des Transactions of tlic Zoological Society of London. En 1836, on voyait a Londres sept Girafes : trois chez M. Cross, au jardin zoologique de Surrey; quatre dans la menagerie de la Societe zoologique, a Regent’s Park, el entin, recemment, on en peut voir dans le palais de cristal de Sydenham. Des quatre Girafes de la Societe zoologique, une d’entre elles etait une femelle et les trois autres etaient des mSles : elles avaient re?u les noms de Zaida,Malborough, Selim et Guib-Allah. Ce dernier, Tun des males, et Zaida , la femelle, s'accouplerent une premiere fois le 18 mars 1858, et une secondefois le 1 er avril de la meme an nee; le rapprochement des sexes a lieu, dans cette espfice, de la meme manierc que chez les Cerfs : le male fait aussi en¬ tendre un faible cri d’un timbre tout a fait guttural. Plusieurs mois s’ etant ecoules sans que la fe- RUMINANTS. 101 melle donnftt aucun signede grossesse, on doutait quo la f6con dation eut eu lieu; mais, au bout d’un temps assez long, le ventre se gonlla un peu, el Ton apereut, du rote gauche, les mouvements du fcctus, qui occupait la corne gauche de l’uterus. Cependant, eomme un an apres le dernier rappro¬ chement la parturition n’avait pas encore eu lieu, et que le developpement dc l’ahdomcn n’avait pas continue d’une maniere hien sensible, on doutait de nouveau, lorsque des signes exterieurs d’une prochaine parturition se manifesterent dans l’un des premiers jours de juin 1839. Enfin, le 9 du meme mois, c’est-A-dire aprAs quatre cent quarante-quatre jours de gestation, ou quinze moislunaires trois semaines et trois jours apres le dernier accouplement, Za'ida mit has un petit. C’etait un mile. Au bout d’une minute, il fit une premiere inspiration, accompagnee d’un fremissement spasmodique de tout Ie corps; il prit une pose volontaire, continua A respirer d’une manure reguliere, et, une demi-heure aprAs sa naissance, il fit des efforts pour se relever, se mit d’abord sur ses genoux de derriere, et, marchant bientot, quoique en vacillant, il tourna autourde sa mSre. Celle-ci ne l’accueil- lit pas : tout ce qu’on obtint d’elle fut un regard d’etonnement pour lejeune importun, qui des lors lui resta tout a fait etranger; aussi ne tarda-t-il pas a devenir malade, et, le 28 juin, il mourut. A sa naissance, la jeune Girafe mesurait deja 6 pieds 10 pouces anglais depuis le haut du museau jusqu’A l’origine de la queue; elle avait plus de 5 pieds de hauteur; sa queue avait 1 pied 5 pouces; ses proportions differaient, sur quelques points, de celles des adnltes; son cou etait comparativement moins long, sa tete moins effilee, et quant a ses couleurs, elles etaient A peu pres les memes : e’est, du reste, A peu pres ce que nous avons ete a meme d’observer dans 1’un des jeunes sujets envoyes au Museum. Les soins trop empresses dont on avait entoure la femelle lors de la naissance de son petit furent consideres comme la cause de son indifference pour ce dernier; on pensa qu’ils l’avaient em- pechee de donner un libre cours A ses instincts; et, comme dans les phenomenes instinctifs tous les actes se suivent et s’enchainent d’une maniere pour ainsi dire necessaire, la femelle, qui n’avait pas accompli librement le premier, fut aussi detournee de ceux qui en eussent ete la consequence natu- relle. On se promit bien des lors de l’abandonner A elle-meme si pareil cas se representait, et plus tard on eut lieu de constater toute la justesse de ces reflexions. En effet, Guib-Allah et Za'ida ayant ete rapproches, un nouvel accouplement eut lieu le 30 mars 1840; la femelle entra de nou¬ veau en gestation, et le 2G mai 1841, c’est-A-dire quatre cent trente et un jours, ou quinze mois lunaires et sept jours apres, une seconde Girafe naquit A la menagerie de Regent’s Park. C’etait un male, comme le precedent. La mere, A laquelle on laissa supporter, sans la tourmenter, tout le tra¬ vail de 1’accouchement, eut pour son petit la tendresse qu’on esperait d’elle; ce jeune animal prit bientfit des forces; il continua A vivre, grandit rapidement; a trois semaines, il mangeait les memes aliments que sa mere, et il ruminait avec une egale facilite, et, an bout de quelques annees, il attei- gnit la meme taille qu’elle. Agee d’un mois A peine, cette Girafe avait ses quatre incisives mitoyennes bien apparentes; les couronnes des deux molaires anterieures de chaque cote etaient sorties de la gencive des deux m&choires, et deja servaient A la mastication. A deux mois, la troisieme incisive avait paru sur chacune des branches de la maehoire inferieure. A quatre mois, la troisieme et la quatrieme molaires etaient en place, et les incisives exterieures avaient perce la gencive. A neuf mois, la jeune Girafe avait acquis toutes ses dents de lait. Les dents de remplacement sont bien plus long- temps A paraitre; en effet, au moment ou naquit le second faon, Za'ida perdait A peine ses incisives de lait exterieures, et celles qui devaient leur succeder n’avaient pas encore pris leur position natu- relle dans la serie des incisives de remplacement. Des figures de Girafes ont ete donnees par les naturalistes les plus anciens; mais elles representent mal l’animal. La figure de Buffon, et e’est le defaut de la plupart des autres figures, est mauvaise : le cou de 1’animal est trop gros, et la disproportion des membres est de beaucoup exageree. Ce n’est que dans ces derniers temps qu’on en a donne des figures satisfaisantes; celles qui ont le plus attire l’attention sont la figure de la Girafe arrivee A Paris en 1827, et dessinee per M. Meunier pour le Buffon publie par les soins d’A. G. Desmarest; la belle planche publiee A Londres et representant Guib-Allah, Za'ida et leur petit, et due A l’habile crayon de M. Robert Hills; la planche du Diclion- nairc universe! d’Histoire naturelle, etc. Quelques auteurs, surtout Et. Geoffroy Saint-Hilaire et Duvernoy, ont suppose qu’il existait plusieurs especes, au moins deux, de Girafes actuellement vivantes ; mais cela est loin d’etre demontre. Il semble que les particularity que Ton a pu remarquer dans les individus pris dans di- 102 HISTOIRE NATURELLE verses regions de 1’ Afrique ne presentent entre eux que de Iegeres differences individuelles et pro- duites probablement meme par l’Age, et qu’il n’y a reellement qu’une espece de Camelopardalis. Pour la position qu’occupe ce genre dans la serie des Ruminants, on peut dire qu’il doit etre rap- proche des groupes naturels des Elans et des Cerfs, et qu’il a aussi quelques rapports avec le genre des Antilopes. Nous avons dit que l’on avait trouve des Girafes fossiles. Ainsi il y a une dizaine d’annees, MM. Falconer et Caut'ey ont decouvert, dans les terrains tertiaires des collines Siva, des monts Hi¬ malayas de I’lnde, des debris de Girafes qu’ils rapportent 4 deux especes particulieres auxquelles ils donnent les noms de Camelopardalis Sivalensis et affinis. L’Europe presente au moins une espece bien constatee et distincte de Girafe : c’est a Duvernoy que Ton en doit la decouverte; elle provient des environs d’Issoudun, et a re?u le nom de C. Biturigum; elle est fondee sur un fragment assez complet de machoire inferieure, qui fait aujourd’hui partie de la riche collection paleontologique du Museum de Paris M. Nicolet, d’apres ce que rapporte M. Agassiz, a trouve, en Suisse, dans un ter¬ rain de molasse, une dent fossile que Ton rapporte egalement au meme genre. Enfin le Sivatherium giganteum de MM. Falconer et Cautley, provenant aussi de l’lnde, a ete place, par Et. Geoffroy Saint-Hilaire, dans le genre Girafe, sous la denomination de Camelopardalis primigenius ; mais il est bien demontre aujourd’hui qu’il doit former un genre distinct voisin de celui des Antilopes. Pour terminer ce que nous avons a dire sur les Girafes, il nous reste a donner en quelques mots la description de l’espece actuellement vivante. GIRAFE. CAMELOPARDALIS GIRAFFA. Gmelin. Cxiucteres specifiques. — Tete ayant beaucoup de rapport avec celle du Cheval et de l’Elan par la forme du museau et des narines; levre superieure depassant l’inferieure et n’etant pas fendue; front ayant dans son milieu un tubercule de nature osseuse, de trois centimetres de diametre et de cinq a six centimetres de hauteur; cornes droites, legerement coniques, dirigees a peu pres parallelement et en arriere, couvertes d’une peau garnie de pelits poils noirs, et terminees par une sorte de touffe ou pinceau de longs poils; oreilles longues, pointues; yeux grands, A pau- pieres garnies de cils ; pas de larmiers; cou tres-long, comprime, garni d’une criniere en dessus, depuis la tete jusqu'au garrot dans les adultes, et jusqu’au milieu du dos dans les jeunes individus; garrot tres-eleve et soutenu par les apophyses epineuses des vertebres, qui sont demesurement lon¬ gues; queue mince, ayant son troncon long de 0m , 66 et son extremite garnie d’une touffe de poils noirs aplatis, tres-forts, et aussi longs de 0m,66: poil du corps ras; fond du pelage d’un blanc sale et partout marque de taches generalement anguleuses, plus ou moins brunes ou ferrugineuses, grandes et rapprochees les unes des autres. Femelles plus petites que les males et presentant des couleurs plus claires; jeunes males ne different des adultes que par ce dernier caractere. Hauteur, mesuree en ligne droite depuis la plante des pieds de devant jusqu’au-dessus du tubercule qui est sur la tete lorsque l’animal a le cou dresse perpendiculairement, 5m; longueur totale du corps, depuis le bout du museau jusqu’a l’origine de la queue, en suivant la courbure, 4m,53; hauteur du garrot, au-dessus du sol, 4m. La synonymie de cette espece est assez compliquee, ainsi que nous l'avons deja dit, et nous croyons inutile de revenir maintenant sur les noms sous lesquels la Girafe a ete indiquee ou decrite par les auteurs anciens etmodernes. Nous ne reviendrons pas non plus sur les details que nous avons donnes assez longuement, dans nos generalites sur les moeurs de la Girafe, et nous dirons seule- ment qu’elle se trouve principalement aux environs du cap de Bonne-Esperance, mais qu’on la ren¬ contre aussi au Senegal et en Abyssinie. RUMINANTS. 103 B. — Des bois osseux ordinairement branchus, cadues, repoussanl chaque a mice plus grands quc I'annee precedente , loujours sur la tele dcs males, et quelquefois aussi exislant sur la tele des fondles. QUATRIEME FAMILLE. CERVIDES. CERVID/E. H. Smith. Pour les naluralistes modernes, le genre linneen des Cerfs on Ccrvus est devenu une division ou famille particuliere qui elle-meme, sous les noms de Capreoli, llliger; Cervidu, H. Smith ; Cervina, Wiegmann; Cervisidce , Lesson; Cerviens, Isid. Geoffroy Saint-Hilaire; Cervides , etc., comprend un nombre plus ou moins considerable de genres, que cependant quelques auteurs ne regardent que comme de simples subdivisions sous-generiques. D’une maniere tres-generale, on peut, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, caracteriser les Cer¬ vides par ce peu de mots : Ruminants a prolongements frontaux subsistant au moins chez le male, et consistant en des bois caducs ordinairement ramifies. Les Cerfs de nos forets sont les types des Cervides, et on les connait trop pour que nous ayons a les decrire maintenant d’une maniere plus complete que nous ne l’avons fait; on sait seulement que ce sont des Ruminants de taille assez considerable, a corps assez svelte, quoique moins toutefois que les Antilopes, et qui habitent les forets de toutes les parties du monde, excepte de I’Oceanie. On en connait un assez grand nombre d’especes actuellement vivantes, el la faune antediluvienne en est encore plus riche. On a cherc.be, surtout dans ces derniers temps, et particulierement M. H. Smith, qui, au reste, n’a fait que donner des- noms particulars^ aux subdivisions du genre Cerf proposees par De Blainville et indiquees par A. G. Desmarest, on a cherche ii former de nombreux genres avec les Cervus de Linne : nous ferons connaitre ces divers groupes; mais, a l’exemple de M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire et de M. le docteur Pucheran, nous n’aaopterons que les seuls genres des Elans ou Alecs, des Rennes ou Rangifer, des Cerfs ou Cervus, et des Muntjacs ou Cervulus; et nous decrirons les principals especes, tant vivantes que fossiles. 1" GENRE. — ELAN. ALCES. H. Smith, 1827. Alee, nom latin de l’espece type. In Griflith animal kingdom. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : incisives. |; molaires, |=|; en totalite trenle-deux dents en tout semblablcs a celles des Cerfs. Tete moins oblongue que celle des Cervus, assez allongee, etroite en avant; des larmiers sous les yciix ; pas de mu fie ; oreilles mediocres; museau renfle. Bois plus ou moins subdivises, sans andouillers basilaires ni medians, termines, chez les indi- vidus adultes , par une vaste empaumure digitee a son bord exlerne. Cou tres-court et d'une bri'evete beaucoup plus grande que celle des Cerfs. 104 ttlSTOIRE NATURELLE. Corps assez svelte, mats moins que celui des Cervus. Jambes assez minces; celles de devant plus longues que celles de derriere. Queue excessivement courte. L’Elan, ou I’espece unique actuellement vivante du genre Alces, a ete longtemps reuni aux es- peces du grand genre linneen des Gerfs, dont elle ne differe guere que par ses formes un peu plus massives, par son cou remarquablement court, par la preeminence de son train de devant sur celui de derriere, et surtout par la disposition de ses bois, qui toutefois le rapprochent assez du Daim et du Renne, dont on a fait le type du genre Tarandus. M. Hamilton Smith, le premier, a distingue le genre Alces; et depuis ce groupe generique a ete adopte par M. Ogilby en Angleterre, et en France par M. Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, par M. le docteur Pucheran dans son travail sur le genre Gerf insere dans les Archives du Museum, ainsi que par nous dans notre article Elan du Diclionnaire universel d'Histoire naturelle; cependant quel- ques auteurs modernes, et notamment Lesson, ne Pont regarde que comme une simple division du genre Cervus. La seule espece vivante de ce genre, I’Elan, se trouve dans les regions septentrionales voisines du pole, tant en Europe et en Asie qu’en Amerique; on a decouvert aussi quelques Alces fossiles, et jusqu’ici toujours en Europe. L’espece vivante est : ELAN. ALCES MACH US. Ogilby. Caracteres specifiques. — Museau renfle, et ayant de 1’analogie avec celui du Cheval; bois con- sistant en une tres-large empaumure garnie d’andouillers ou de digitations nombreuses A son bord externe; couleur generale du pelage d’un brun fauve sur le dos et sur la croupe, et d’un brun plus ou moins fonce en dessous en general; queue excessivement courte. Longueur totale de la tete et du corps, environ 2m; hauteur, a peu pres de lm. (Voy. 1 'Atlas, pi. III.) Les Grecs ne connaissaient pas ce Ruminant, car Aristote n’en fait aucune mention dans ses ou- vrages. Chez les Latins, Jules-Cesar semble etre le premier qui ait employe le nom d'Alce, et, de son cbte, Pausanias est le premier auteur dans lequel on trouve, mais en greG, la meme denomi¬ nation d’AXx-fl. Enlin Pline, a peu pres a la meme epoque que Pausanias, indique assez obscurement l’Elan sous les noms d'Alce et de Machlis, qui ont ete depuis assez souvent employes. Le nom Alee, ou Alces, a ete tire de la langue celtique, dans laquelle cet animal est nomme Elcli, Elk, Eig, jEIij et Elend, d’oii Ton a fait la denomination, aujourd’hui employee generalement, d’ELAN. Les Slaves nomment cet animal Loss ou Los; et enlin, dans P Amerique du Nord, il porte les noms d 'Orignal et de Moose-Beer. C’est le Cervus alces de Linne et de tous les zoologistes qui n’adoptent pas le genre Alces et ['Alces maclilis d’Ogilby. L’Elan est un animal qui atteintet depasse meme un peu la taille du Cheval; le maleseul porte des bois, et la femelle en est privee : ces bois, qui, comme nous l’avons dit, dans les individus adultes, consistent en une simple et tres-large empaumure garnie d’andonillers nombreux sur son bord exterieur, avec un grand andouiller isole sur le merrain, pesentpres de vingt-cinq kilogrammes a l’Jge adulte, etcelatient plus encore a la densite du tissu de ces bois, entierement compacte, qu’A leur etendue. Ces bois ont, dans la premiere annee, la forme d’une dague, puis ils sont divises en grandes lanieres dans la troi- sieme et la quatrieme, et ont A cinq ans la forme d’une vaste empaumure garnie de quinze a vingt- huit pointes supportees par un pedoncule court et tres-epais, pourvu lui-meme d’un grand andouiller separe et dirige en avant. Ces bois tombent vers la fin de septembre et se renouvellent au printemps. La tete est longue, forte, etroite en avant des yeux, renflee vers le museau; le chanfrein est droit dans la plus grande parlie de sa longueur et mentonne au-dessus de la bouche; la levre superieure est tres-epaisse et plus developpee que celle des Cerfs, et disposee un peu comme celle des Tapirs; il n’y a pas de mufle; les narines laterales sont en fente, plus ouvertes anterieurement qu’en arriere; il y a de petits larmiers; les yeux sont tres-petits et rapproches de la base des bois, qui elle-meme est A peu de distance des oreilles; celles-ci sont tres-longues; le cou, tres-court et tres-robuste, est Elan. 1>I. r» iVi - , * j y- • ■■•.. . *-• ■' -• • •• RUMINANTS. 105 dispose dc maniere a supporter un aussi grand poids que celui des bois : cette disposition du cou donne ft l’Elan un air beaucoup rnoins elance et beaueoup moins noble qu’aux Cerfs; il en est uri pen de meme pour le corps, qui est plus gros et moins svelte que celui des Cervus. On remarque une touffe de longs pods en forme de barbe sous la gorge, dans les deux sexes, et une protuberance ft la meme place, et, en outre, dans les nifties, il y a une saillie tr6s-marquee sur le garrot. Lc dos est trfts-droit depuis ce point jusqu’ft la queue, qui est excessivement courte. Les jambes sont tres-haules et minces, cedes du membre anterieur etant un peu plus allongees que cedes du membre posterieur; le metatarse est surtout tres-long comparativement aux metacarpes; les pieds sont longs et posent tres-obliquement sur le sol. Les poils sont tres-gros et prismatiques, trfts-cassants : ceux de la nuquc et du garrot beaucoup plus longs que les autres et fonnent une veritable criniere. La couleur gene- rale du pelage est generalement d’un brun fauve sur le liaut de la tete, le dos et la croupe; d’un brun plus fonce sous la mftchoire inferieure et le cou, sur les epaules et le bras jusqu’au poignet, sur les ilancs, les cuisses et le liaut des jambes de derriere; il est d’un brun encore plus obscur sur le dc- vant des jambes anterieures, au-dessus du poignet et sur le devant des pieds de derriere; les oreilles sont d’un gris brun en dehors et d’un gris blanchatre en dedans; dessous de la queue blanchfttre. Le faon est d’un brun rougefttre, sans taches. On assure qu’il y a des varieles ft peu pres noires de la meme espeee qui peuvent atteindre pres de 5™ de longueur. Fig. 22. — Flan du Canada. (Jeune.) L’filan se trouve, dans les contrees septentrionales, au delft du cercle polaire en Europe et en Asie; et, en Amerique, il s’etend encore plus loin. En Europe, il se rencontre depuis le cinquante-troisieme degre de latitude jusqu’au soixante-troisieme degre, dans une partie de la Prusse, de la Pologne, de la Suftde, dans la Finlande, la Russie, la Livonie et l’lngrie. En Asie, il descend plus bas, depuis le quarante-cinquieme degre jusqu’au cinquante et unieme degre, et est surtout assez commun enTar- tarie; enfin, en Amerique, depuis le quarante-quatrieme jusqu’au cinquante-troisieme degre, au- tour des grands lacs jusqu’ft l’Ohio, la Nouvelle-Ecosse et le nord des Etats-Unis. Buffon pensait que ce Ruminant habitait autrefois les forets de la Gaule, et il croyait que, chasse de nos pays par suite de 1’elevation de la temperature, qu’il attribue au defrichement des terrains marecageux et au deboisement des forets, il s’etait vu force de se retirer vers les pays moins habites du Nord. Maisil semble aujourd’hui demontre que 1’Elan n’a jamais habite la France, et on doit probablement sup- poser avec Albert le Grand que sa patrie ne s’est jamais prolongee plus ft 1’ouest que la Prusse. Cet animal habite, en general, les forets basses et humides, ainsi que les lieux marecageux : dans Fete, il se preserve des Taons en restant souvent plonge, et pendant le jour et pendant la nuit, dans des marftcages d’ou il ne sort que la tete, et, dans cette attitude, il broute 1’herbe sous l’eau, en soufflant avec bruit par les narines. Depuis septembre jusqu’en avril, il se tient dans les lieux eleves, ft l’abri des inondations; l’6te, au conlraire, il descend dans les bas-fouds, 1ft oil il y a de l’eau. 11 t 14 106 HISTOIRE NATURELLE. mange les rejetons des arbres, et fait ainsi beaucoup de mal aux forets; il recherche, dit-on, Ie bois puant (. Anycjris fceticla), et detruit les bles verts et les lins. Pour exister 4 terre, il faut, a cause de la brievete de son cou, ou qu’il ecarte les pieds de devant, ou qu’il se mette a genoux. Il fuit 1’homme et ses cultures, et disparait 1& oil la population s’etend. Par la disposition de son train de devant, plus eleve que celui de derriere, il ne galope pas aisement et ne saute pas; mais sa marche est un trot plus ou moins rapide et prolonge souvent pendant assez longtemps. La marche est accompagnee d’un craquement tres-extraordinaire, attribue, par Gilbert, au peu de synovie de ses articulations, qu’affermissent pourtant des ligaments extremement forts et serres, mais que Fr. Cuvier explique d’une maniere plus probable par le choc de ses sabots. 11 eleve beaucoup les pieds anterieurs en trottant; et en courant dans les forets, il tient la tete horizontalement. L’Elan vit en famille, composee, dit-on, d’une vieille femelle, de deux femelles adultes, de deux jeunes femelles et de deux jeunes males; et quelquefois plusieurs families se tiennent ensemble. Au temps du rut, dans le mois de septembre, on voit des reunions de quinze a vingt individus : les vieux males rassemblent les femelles, et les jeunes qui n’entrent pas en chaleur s’ecartent pour ce temps seulement. Les femelles commencent a mettre bas au milieu du mois de mai, et le part est fini un mois apres. La premiere fois, elles ne font qu’un seul petit, ensuite presque constamment deux et exceptionnellement trois. Les faons sont d’un brun rougeatre; les dagues de la premiere annee ont 0m,03 de haut; cedes de la seconde annee, 0m,33; a la troisieme annee, elles deviennent fourchues; a la quatrieme, elles prennent six andouillers et s’aplatissent un peu; enfin a la cinquieme annee, ce sont de petites lames, et elles croissent ensuite toujours. C'est en janvier et fevrier que les vieux Elans deposent leurs bois; les plus jeunes en avril et mai; les plus vieux ont refait le leur vers la fin de juin , et les autres seulement au mois d’aoOit. Un Elan tue en Suede, sous Charles XI, pesait douze cent quatre-vingt-neuf livres; un autre, des monts Altai, avait 8 pieds 10 pouces du nez a la queue, et 5 pieds 9 pouces de hauteur au garrot. Plusieurs voyageurs assurent qu'en Amerique ils ont mesure plusieurs Orignals qui avaient 12 pieds; mais il ne faut probablement pas ajouter une grande foi a leurs assertions. Le male est plus grand que la femelle. L’Elan vit environ vingt ans. Son ou'ie est excellente; il fuit devant l’homme lorsqu’il l’apercoit. On le chasse a peu pres de la meme maniere que les Cerfs de nos forets, a force d’hommes et de Chiens. On assure que, lorsqu’il est lance ou poursuivi, il lui arrive souvent de tomber tout a coup sans avoir ete ni tire, ni blesse; de la on presume qu’il est sujet a l’epilepsie, et, de cette presomp- tion, on a lire cette consequence absurde, que la corne de ces animaux devrait guerir l’epilepsie, et meme en preserver ceux qui craignaient , d’en etre atteints. Les sauvages de FAmerique du Nord suivent les Orignals a la piste, et ils les attaquent avec des dards formes d’un long baton au bout duquel est emmanche un os pointu qui perce comme une epee, et ils parviennent assez aisement a les tuer. En hiver, cette chasse est plus facile pour les Americains qu’en ete, parce qu’ ils placent sous leurs pieds des especes de grandes raquettes qui les empechent d’enfoncer dans la neige, tandis que l’Elan s’y enfonce, ne peut plus fuir aisement et est assez facilement atteint. Plusieurs animaux sont des ennemis redoutables pour l’Elan; quelquefois, surtout en hiver, les Loups reunisen troupes viennent l’attaquer; mais il est rare qu’un Loup vienne assaillir un Elan, a moins que ce ne soit un jeune individu; l’Ours les poursuit, mais il trouve de la resistance et regoit souvent de son adver- saire des coups de pied de devant qui le mettent hors de combat; enfin Fennemi le plus terrible pour l’Elan, quoique par sa taille il ne semble pas trop i craindre, c’est Ie Glouton : cet animal, en effet, se place sur un arbre et guette sa victime; des qu’elle passe k sa portee, il s’elance sur elle, s’attache a son dos en y enfon^ant ses ongles; il lui attaque la tete et le cou avec ses dents, et ne Fabandonne qu’apres l’avoir tuee et mangee en partie. La chair de l’Elan passe pour legere et nourrissante. Les Americains du Nord disent qu’elle les soutient plus longtemps que celle de tout autre animal; au Canada, son nez passe pour un des meil- leurs morceaux, et en Russie on fait des langues fourrees d’Elan. Sa peau est excellente pour la buflleterie, et son bois s’emploie comme celui des Cerfs. Ces Ruminants peuvent s’apprivoiser, mais ils n’arrivent pas au meme degr£ de domesticity que les Rennes : on s’en servait cependant, assure-t-on, autrefois en Suede pour tirer les traineaux; mais on ne les emploie plus aujourd’hui a cet usage. On ne voyait autrefois que rarement des Elans vi- vants dans notre pays; Buffon cite un individu male qu’il a etudie a la foire Saint-Germain en 1784, RUMINANTS. 107 et qui lui a servi de module pour la planche de son IHstoire nalurelle generate ct particuli'ere. De- puis cette epoque, nos menageries, et specialement celle du Museum, en ont possede un assez grand nombre d’individus. On a decouvert, dans le sein de la terre, plusieurs especes d'Alces fossiles; tels sorit les Cervus coronarius, Et. Geoffroy Saint-Ililaire, A. G. Desmarest; Cervus de Pezenas et le Cervus eurgeer os, Aid. (C. megaceros , Hart.), qui doit seul nous arreter quelques instants. Cette espece (Voy. V Allas, pi. 10), qui est connue sous les denominations de Cerf a bois gigantesqoes ( Cervus giganteus, Goldfuss), et surtout d’EuAN fossile d’Islande, semble intermediate entre les Alces et les Cervus ; elle tient des seconds par ses proportions generates et par la forme de son erAne, et des premiers par sa taille, peut-etre plus considerable, et par ses bois. Touiefois les palmes presque horizontales de ceux-ci different des palmes de l’Klan par des andouillers de leur bord posterieur, par le moindre nombre et Pextreme grandeur de leurs andouillers anterieurs, et par leur elargissement progressif. Ces bois ont, dans le fossile, uneenvergure de plus de 5ra; leur merrain est cylindrique, etimmedia- tement au-dessus de la couronne nait un andouillier quelquefois bifurque qui se porte en avanteten haut. On a trouve des depouilles de ces animaux dans les lies Britanniques, en France, en Allemagne en Pologne et en Italic, dans les terrains meubles qui recelent des os d’Elephants et de Rhinoceros tichorhinus. En Islande, ou ils sont surtout tres-communs, on les deterre ordinairement sous des lits de tourbe et dans des couches de marne. Comme on n’a jamais vu de tete de cette espece de- pourvue de bois, il est probable que, comme chez le Renne, les deux sexes en portaient. Enfin peut-etre doit-on signaler le Cerf d’Ameriqoe ( Cervus Americanus , Harlan), decouvert dans une mo- lasse pres des chutes de l’Ohio, et dont la tete osseuse cependant a beaucoup de rapport avec celle du Cervus Canadensis, comme se rapportant a ce genre. 2me GENRE. — RENNE. RANGIFER. H. Smith, 1827. Rangifer, l’un des norns lalins de 1’espice typique transports au genre. In Griffith animal kingdom. CARACTERES GENERIQUES. Sgsteme dentaire semblable a celui des Cerfs et des Elans , et compose de : - incisives, f; mo- laires, jj=|; en lotalite trente-deux dents. Tete forte, mediocrement allongee, mais ne presentant pas un mufle comme dans les Cerfs; na- rines percees a l extremite de la tete. Bois sessiles plus ou moins divises, pourvus d' andouillers basilaires, medians et aplatis; les fe- melles portant des bois qui ne different de ceux des males que par leur moindre elendue. Sabots, au lieu de correspondre a leur face interne par une surface plane comme dans les Cer¬ vus, se correspondant par une surface convexe, comme cela se remarque cliez les Chameaux. Queue tres-courte. Tels sont les seuls caracteres qui, d’une maniere generate, distinguent les Rennes des Cerfs pro- prement dits, avec lesquels ils ont ete longtemps confondus. Ce n’est qu’en 1827 que M. Hamilton Smith a cree le genre qui nous occupe sous la denomination latine de Rangifer, que nous lui con- servons; depuis, MM. Ogilby, Isidore Geoffroy Saint-Ililaire, le docteur Pucheran, etc., Font adopte, mais lui ont applique le nom de Tarandus : quelques auteurs, et parmi eux nous pouvons citer Les¬ son, n’ont considere ce groupe generique que comme une simple division des Cerfs. Une seule espece actuellement vivante, et propre aux regions polaires de l’Europe, de l’Asie et de PAmerique, le Renne, entre dans le genre Rangifer; et Ton y a joint quelques debris fossiles qui se rapportent au Renne Iui-meme et A une autre espece bien distincte, le Cervus Guetlardi, decouverte aux environs d’Etampes. 408 HISTOIRE NATURELLE. RENNE RAKGIFER TARANDUS. Smith, Linne. Cabacteres specifiques. — Rois composes d’andouillers palmes et denteles, excessivement deve- loppes, supportes par un merrain tres-long, mince et comprime; poil de deux sorles : l’un laineux, abondant pendant 1’hiver, et l’autre soyeux et tres-cassarit, plus long sur le cou qu’ailleurs; pelage varie suivant les saisons : de brun fonce qu’il est au printemps, il passe successivement au gris-brun, an gris-blanc et meme au blanchitre dans 1’ete. A peu pres de la taille du Cerf. Aristote ne parle pas du Renne dans ses ecrits, et cela se conpoit facilement lorsque Eon reflechit que les Grecs n’avaientque tres-peu de notions sur les animaux des pays septentrionaux oil ils n’a- vaient pas penetre. Chez les Romains memes, ce n’est qu'assez tard que Ton connut cet animal; Pline, toutefois, semble le citer, et Ton croit que c’est de ce Ruminant qu’il parle sous le nom de Tarandus; mais ce n’est qu’un certain nombre d’annees apres que Ton trouve, dans les Commentaires de Jules Cesar, une premiere et bonne description du Renne, qui semblait alors habiter les forets de laGermanie. Quinze siecles aprSs, Gaston Phoebus, due de Foix, designele Renne sous les deno¬ minations de Rangier , de Ranglier et de Rentliier, et pendant longtemps, a l'exemple de Ruffon, on a dit que Gaston Phoebus indiquait cet animal comme se trouvant dans les Pyrenees et dans les Alpes, tandis que, comme l’a demontre G. Cuvier d’une maniere complete, le due de Foix disait seulement qu’il etait propre a la Norwege : ce qui est vrai; car, ainsi que nous le disons, on n’a jamais trouve le Renne que dans le Nord. Le nom de Ranglier a ete souvent applique a cet animal; et pendant longtemps on a cru distinct de ce Ruminant un animal particulier a l’Amerique septentrionale nomme Caribou, mais qui doit bien reellement lui elre reuni. Plusieurs varietes ont ete indiquees dans cette espece; telles sont particulierement celles que M. Richardson a nominees arctica et sglvestris. Se- lon G. Cuvier, l’espece qui a ete designee sous le nom de Cervus coronatus doit etre egalement rapportee au Renne. Le Renne sauvagae est a peu pres de la taille de notre Cerf; tandis que celui eleve en domesticite est plus petit el n’est guere plus grand que le Daim. Son corps est trapu, et c’est avec raison qu’on a dit qu’il avait plus le facies d’un Veau que celui d’un Cerf. La tete se rapproche egalement de celle du Roeuf : elle est tres-elargie; ses narines ne sont pas percees dans un mufle, mais dans un museau couvert de poils; le tour des yeux est constamment noiritre, et celui de la bouche est blanc, ainsi que la queue, le perinee et un anneau hu-dessus de chaque sabot. Les pieds sont aplatis et les doigts recouverts de grosses touffes de poils; la jambe est moins grele que celle des Cerfs, mais elle ne repond cependant pas i l’epaisseur du pied. Les sabots se correspondent par une surface qui est convexe. Les poils sont serres, plus longs en hiver et meles d’un duvet laineux qui parait moins abondant pen¬ dant la saison chaude; ils sont grossiers et tres-developpes aux pieds et sous la gorge. Leur couleur, d’un brun fauve pendant l’ete, devient blanche pendant le temps des froids; le dessous du corps est toujours d’une teinte plus claire que le dessus. Le faon n’a pas de livree : il est brun en dessus, roux en dessous et aux pieds. Chez le Renne, les bois existent dans les deux sexes, et sont seulement un peu moins developpes chez les femelles que chez les miles : ces bois offrent, a leur extremite, de larges empau- mures; le bois de droite, ordinairement plus grand que celui de gauche, envoie en avant une bran- che qui longe le front i la hauteur de six centimetres environ, et se termine au-dessus du nez par one large dilatation en forme de palette. Les femelles st6riles perdent leurs bois, de meme que les males, dans le courarit d’oetobre; lorsqu’elles sont pleines, elles les gardent jusqu’au mois de mai, epoque a laquelle elles mettentbas; cinq mois leur suffisent pour les refaire entitlement; mais les males, qui les ont plus considerables, en emploient huit. On assure que les faons ont des bosse- lettes en naissant, et qu’a quinze jours il leur vient deji des dagues de 0m,02 a 0m,5. Les bois de la premiere annee, dans les Rennes femelles de Russie, ont, dit-on, plus de 0m,50 de longueur et O^JO aux andouillers; tandis que dans des Rennes de Su6de egalement femelles, il n’y a encore, :\ la meme epoque, que de simples fourches. Le bois des miles adultes estparfois tres-grand; et 1’on en a mesure qui avaient pres de d’envergure. La direction, le nombre et la position des andouil¬ lers varient beaucoup, comme l’a montre G. Cuvier, et ne peuvent par consequent servir de carac- t6res d’espece. Chasse du Renne /V ^'SH - “ft. 0 ^ 1- RUMINANTS. 109 On a donne quelques details generaux sur I’anatomic du Renne; mais nous ne croyons pas devoir nous etendre sur ce sujet, parce qu’ils ne different pas tres-notablement de cc qu’ils presentent cliez les Cerfs, dont nous allons bientAt nous occuper. C’est surtout son osteologie, qui resseml)le b-eau- coup a celle des Ccrvus et qui a ete etudiee par G. Cuvier dans son ouvrage sur les Ossements fos- silcs. Chez cet animal, il y a une paupiAre nictitante qui peut voder toute la cornee en se prolon- geant jusqu’au petit angle de l’ceil. La trachee-artere est trAs-large. La glotte, selon Camper, se prolonge par une fente ouverle entre 1’hyo'ide et le thyro'ide dans une poche analogue, pour le meca- nisme, au tambour des Alonates; cette poche, qui s’eidle quand 1c Renne crie et renforce sa voix, est soutenue par deux muscles ruba'nes d un centimetre de large, fixes a la base de 1 hyoide et qui s’epaississent sur la tunique exterieure. Fig. 25. — Renne, Encore plus loin que l’Elan, c’est au dela du cercle polaire, en Europe et en Asie, et en Amerique a de moindres latitudes, que Ton rencontre le Renne : on le trouve au Spitzberg, dans le Groenland, en Laponie, dans les parties les plus meridionales de l’Asie, et surtout au Canada, en Amerique, oil d est tres-commun. Plus au sud, on voit des Rennes dans le prolongement des monts Ourals qui s’avancent entre leDon et le Volga jusqu’au quarante-sixieme degre, et ils parviennent ainsi au pied du Caucase, sur les bords de la Kouma, on il ne se passe pas d’hiver que les Kalmoucks n’en tuent quelques-uns sous une latitude plus meridionale de pres de deux degres qu’Astracan. Cet animal se trouve au Spitzberg; et les champs de glace Iui ouvrent laccAs de toutes les lies de l'Ocean polaire, comme ils ont du lui ouvrir la route de I’Amerique, on il se voit jusqu’au quarante-cinquieme degre. En Laponie, les Rennes sontdevenus des animaux domestiques indispensables a la vie des hommes; on s’en sert comme du Cheval pour tirer lestralneaux et les voitures; il marche meme avec bien plus de vitesse et de legerete, fait aisement trente lieues par jour et court avec autant d’assurance sur la neige gelee qu’il pourrait le faire dans une pelouse bien unie. La femelle donne du lait. plus substan- tiel que celui de la Vaclie, et d’oii I on peut tirer du beurre et surtout un fromage particulier tres- bon et tres-riche en caseum. La chair de cet animal est aussi tres-bonne a manger. Son poil fait une excellente fourrure, et sa peau passee devient un cuir tres-souple et tres-durable. Ainsi Ton voit que, pour le Lapon, le Renne a lui seul donne tout ce que nous tirons du Cheval, du Boeuf et de la Brebis : il rend la vie possible a ces malheureux peuples septentrionaux, qui, sans lui, manqueraient HO HISTOIRE NATURELLE. de tout et ne tarderaient pas a perir. De cela faut-il conclure avec Buffon que les peuples meridio- naux devraient etablir de grands troupeaux de Cerfs domestiques? Comine la plupart des zoologistes, nous ne le croyons pas; car ces peuples possedent deja des animaux domestiques qui suppleent am- plement au Renne; et, pour dresser des troupeaux de Cerfs domestiques, il leur faudrait employer un temps enortne que Fagriculture reclame chaque jour, et peut-etre meme ne parviendraient-ils pas a un bon resultat; car si le Renne a pu s'habituer a l'homme dans un pays peu habite, oil son asso¬ ciation avec lui donne A l’animal un bien-etre qu’il n’auraitpas sans cela, en serait-il de meme dans nos pays tres-habites, oil les Cerfs sont dans un meilleur milieu et oil ils recherchent une solitude qui leur donne une securite qu’ils n’auraient pas dans la compagnie de l’homme? Les Rennes n’ont pu etre amenes facilement hors de leur pays natal; car, lorsqu'on les fait changer de climat, ils meurent ordinairement en peu de temps, et les essais que Eon a tentes pour les introduce dans les forets des pays plus meridionaux que la Laponie n’ont pu reussir, car les Rennes n'y vivent que quelques annees et ne s’y reproduisent pas. La meme difficulty s’est presentee lorsqu’on a voulu en amerier dans nos menageries, et pendant tres-longtemps on n’en a pas vu de vivants A Paris. Au mo¬ ment ou Buffon ecrivait son immortel ouvrage, on n’avait pas encore eu de Rennes vivants dans nos climats, et ce n’est que dans ses supplements qu’il parle d’une jeune femelle qu'il a vue, A Chantilly, chez M. le prince de Conde, et de trois individus, de sexes differents, qu’un de ses parents put etu- dier, et qui etaient A Lille entre les mains d’un bateleur. Depuis une soixantaine d’annees, avec des soins plus perseverants, onest parvenu a transporter des Rennes dans des pays eloignes, et aujour- d’hui presque toutes les menageries d’Europe et d’Ameriqife en possedent quelques individus. 11 y a une quinzaine d’annees, uu commenjant du Havre, M. Lefrancois, en amena plusieurs de Laponie, il essaya de les faire voir a Paris pour une modique retribution, et, n’ayant pas reussi dans son entreprise, il les deposa au Museum, oil on put voir pendant tres-longtemps quelques-uns des indivi- du qu’il avait rapportes. Dans leur pays originaire, les Rennes, qui portent le nom vulgaire de Reens, se nourrissent d’un lichen particulier, le Lichen rangiferinus, qui pousse sur les arbres des forets et parfois sur les ro- chers, et qu’ils savent trouver sous les neiges epaisses en les fouillant avec leur bois et en les detour- nant avec leurs pieds : en ete, ils vivent de boutons et de feuilles d’arbres plutot que d’herbes, que les rameaux de leur bois ne leur permettraient pas de brouter aisement . Dans nos menageries, il faut les nourriravec du fourrageet en partie aussi avec des lichens, et, quoiqu’ilsse contentent de ceux des pays oil ils se trouvent, on comprend la difficulty enorme qu’il y a pour se procurer une telle nourriture. Ces animaux, A leur etatde Iiberte,changent de siteselon les saisons: en hiver, il descendent dans les plaines et les vallees; l’ete, ils se refugient sur les montagnes, oil les individus sauvages gagnent les plus ele¬ vens pour mieux se derober aux poursuites incessantes de l’homme et aussi aux piqhres de divers In- sectes, des Cousins, des Taons et surtout d’une espece particuliere d’CEstre qui leur nuit beaucoup, car la femelle de ce Diptere vient deposer ses ceufs, a l’epoque de la mue du Renne, au-dessous de ses poils, et les larves, en naissant, penetrent assez profondement dans la peau de l’animal et lui causent des douleurs insupportables. Ces animaux sont tres-doux, et, dans leur pays natal, Ton parvient facilement A en faire des troupeaux qui rapportent beaucoup de profit a leurs maitres : le lait, la peau, les nerfs, les os, les cornes des pieds, les bois, le poil, la chair, les excrements eux- memes, qu’ils dessechent et produisent des especes de mottes a brCiler, tout chez le Renne est bon et utile. Les plus riches Lapons ont des troi [ eaux de quatre ou cinq cents Rennes, quelque- fois de mille, et les plus pauvres en ont dix ou douze, ou parfois deux ou trois couples seulement. On les mene au paturage, on le ramene A l’etable, qui quelquefois est l’habitation elle-meme du pau- vre Lapon, ou bien on les renferme dans les pares pendant la nuit pour les mettre A 1’abri de l’insulte des Loups. On les dresse assez facilement, et 1’on parvient aisement A les attacher au chariot de voyage ou A la charrue. 11 y a encore, en Laponie, quelques Rennes sauvages, mais on y remarque surtout un nombre immense de Rennes domestiques; dans le temps de la chaleur, on lache les fe- melles domestiques dans les bois, et on les laisse rechercher les males sauvages; et, comme ces der- niers sont plus robustes et plus forts que les individus domestiques, on prefere ceux qui sont issus de ce melange pour les atteler aux traineaux. Cependant ces Rennes sont nioins doux que les autres, car non-seulement ils refusent parfois d’obeir A celui qui les guide, mais encore ils se retournent brusquement oontre lui, l’attaquent A coups de pied et avec violence, de sorte qu’il n’a d’aulre res- RUMINANTS. Hi source que de se couvrir de son traineau jusqu’a ce que la colfere de la b6te soit passee ; du reste, cette voiture est si leg^re, qu’on la inanie et la retourne aisement sur soi : elle est garnie, par-des- sous, de peaux de jeunes Rennes, le poil tourne contre la neige et couche en arriere pour que le traineau glisse plus facilement en avant et uecule rnoins aisement sur les chemins en pente. Le Renne attele n’a pour collier qu’un morceau de peau oil le poil est reste, d’ou descend sur le poitrail un trait qui lui passe sous le ventre et va s’attacher a un trou qui est sur le devant du traineau. Le Lapon n’a pour guide qu’une seule corde, attachee & la racine du bois de l’animal, qu’il jette diversement sur le dos de la bete, tantot d’un cote, tantbt d’un autre, selon qu’il veut la diriger & droite ou k gau¬ che. On peut ainsi faire quatre ou cinq lieues a 1’heure; mais si cette maniere de voyager est prompte, elle est aussi tres-incommode, et il faut y etre habitue et travailler continuellement pour maintenir son traineau en equilibre et l’empecher de verser. De meme que l’Elan, le Renne, en courant, fait entendre un craquement assez fort, quo Ruffon croit egalement produit par le jeu de lours articulations, mais que les naturalistes modernes attri- buent, avec plus de raison, aux pieces de leurs pieds qui se heurlent entre elles, ou contre les sabots des autres pieds. Quoi qu’il en soit, ce bruit parliculier, assez fort, previent leurs ennemis naturels, le Glouton et surtout les Loups, qui les attaquent souvent pour s’en repaitre, et contre lesquels ils ne peuvent se defendre que par la fuite, ou, lorsqu’ils sont atteints, en faisant mouvoir avec force leurs pattes de devant, et en dirigeant vivement de haut en bas les empaumures de leurs bois. Souvent l’accouplement des Rennes a lieu entre les animaux domestiques et dans des endroits pre¬ pares pour recevoir les troupeaux. On a essaye de faire accoupler le Renne avec la Daine et la Ri¬ che; mais jamais on n’a pu y parvenir. Pendant le rut, les males se conduisent comme nos Cerfs; ils repandent alors une forte odeur de Roue; ce n’est que pendant la nuit que les males couvrent leurs femelles. Celles-ci, pour pouvoir produire, doivent, en general, avoir quatre ans; mais on en a vu s’accoupler et produire beaucoup plus tot. Les femelles mettent bas au mois de mai, et leur porlee est de deux petits; elles aiment beaucoup leurs jeunes faons, leur prodiguent de grands soins, et, quand elles les ontperdus, elles les cherchent partout en faisant entendre un grognement semblable a cel u i des Cochons, tandis que le cri habituel a ces animaux est assez rauque. Ce n’est que vers l’Sge de quatre ans que le Renne a acquis toute sa croissance, et c’est aussi a cet age qu’on com¬ mence & les dresser et a les exercer au travail; et, pour la plupart, afin de les rendre plus dociles, on leur fait subir la castration, et c’est, dit-on, avec les dents que les Lapons font cette operation. Malgre cette cruelle operation, ces animaux n’en conservent pas moins leurs bois, ce qui n’a pas. lieu dans les especes du genre Cerf; seulement ils tombent plus tfit que cela n’aurait dti avoir lieu si l’on avait laisse l’animal dans toute son integrite. Parmi ces Ruminants ainsi chatres, les plus vifs et les plus legers sont destines a courir au traineau; les plus pesarits servent 4 voiturer les provi¬ sions et les bagages, en attendant qu’on les emploie pour se nourrir. Les troupeaux de Rennes de- mandent beaucoup de soins; ces animaux sont sujets & s’ecarter et reprennent volontiers leur liberte premiere; il faut done les suivre et les veiller de pres; on ne peut les mener pailre que dans des lieux decouverts, et, pour peu que le troupeau soit nombreux, on a besoin de plusieurs personnes pour les garder, pour les contenir, pour les rappeler, pour courir apr£s ceux qui s’eloignent, etc. En outre, ils sont tous marques, afin qu’on puisse reconnaitre a qui ils appartiennent; car il arrive souvent qu’ils s’egarent dans les bois ou qu'ils passent a un autre troupeau. Diverses maladies, et particulierement celles qui attaquent nos Cerfs dans nos pares et nos Moutons dans nos etables, sevissent souvent parmi les Rennes domestiques. La duree de la vie de cet animal soumis k l’homme est de quinze a seize ans; mais on doit presumer que, a l’etat de liberte, elle est plus considerable; et, dit Ruffon, d’apres les lois observees chez un grand nombre d’animaux, le Renne etant quatre ans a croitre doit vivre vingt-huit a trente ans lorsqu’il est dans son etat de nature. Les Lapons chassent les Rennes sauvages de diverses fagons, suivant les differentes saisons; ils se servent des femelles domestiques pour attirer les males sauvages dans le temps du rut; ils les tuent a coups de fusil, ou les tirent avec Fare ; et decochent leurs fleches avec tant de raideur, que, mal¬ gre la prodigieuse epaisseur du poil et la fermete du cuir, il n’en faut souvent qu’une pour tuer la bete. Quelques debris fossiles qui se rapportent au genre des Rennes out ete decrits par les paleonto- logistes. C’est ainsi que, dans les eboulements sablonneux des rives de l’Obnia, ruisseau qui se jette H2 HISTOIRE NATURELLE. dans le Volga, on a trouve des bois qui doivent etre rapportes au Rangifer tarandus. D’un autre cote, on a distingue, sous les denominations de Renne d’Etampes, de Cervus tarandus prisons, G. Cuvier, et do Cervus Guetlardi, quelques debris fossiles decouverts dans le sable entre des blocs de gres a Etampes, et dans la caverne de Brengues (departement du Lot), et qui se rapportent a une espece qui etait tres-voisine du Renne actuellement vivant. 5me GENRE. — GERE. CERVUS. Linne, 1735. Cervus, nom lalin de l’espece lypique du genre. , Systema naturae. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : incisives, f; canines, ^ on ^ ; molaires, |=|; en totalite trente-deux on irente-quatre dents. Incisives et molaires disposees, (Rune maniere generate, comme celles de tous les Ruminants; pas de canines dans le plus grand nombre des cas; des canines suph'ieures dans les males de quelques especes, ordinairement comprimees et arquees en arriere, comme cedes des Chevrolains Tete longue, terminee le plus souvenl par un mufle; yeux grands, a pupilles adongees transver- salement; souvent des larmiers; oreilles grandes, simples, pointues; langue douce. Bois plus ou moins developpes, selon les especes et les ages, d’abord cartilagineux et revelus cl’ une peau tendre, velue et sensible, ensuite nus et converts de tuberosites (perlures), etant places sur deux tuberosites de l’ os frontal (pivots), et se composant cl’ une tige principals (merrain), de branches diver sement dirigees (andouillers), de parlies elargies on aplalies (empaumures), d’un bourrelet (meule) qui entoure la base du merrain, el qui est forme de grains irreguliers (pierruresj; ces bois commengant toujour s par une tige simple et clroite (dague), et se compliquant souvenl d’an- douillers et cl’ empaumures . Pas de bois, mais tres-rarement , chez cerlaines femelles. Corps svelte; jambes fines, nerveuses. Poils habituellement secs, cassants, offrant une coloration variant seulement du blanc sale au ronx plus ou moins fonce et semblablemenl disposee dans toutes les especes; jeunes individus agant souvent une livree, ou des series de taches blanches sur un fond fauve ou brun. Qualre mamelles inguinales; teslicules visibles a I’exterieur; pas de vesicule du f.el. Le nom generique de Cerf provient de la denomination latine de Cervus, qui servait, chez les an- cieris, a distinguer notre Cerf commun, le Cervus elaphus. Longtemps applique & un tres-grand nom¬ bre de Ruminants, lels que les Chevres, les Moutons et les Bceufs, ce groupe renfermait encore pour Linne les especes qu’on y range de nos jours, et aussi les groupes des Girafes, qui en sont si dis- tinctes, et celui des Antilopes, qui s’en differencie en ce que, chez lui, les bois n’ont pas la pro- priete de se renouveler, ce qui, toutefois, aurait egalement lieu dans deux especes de Cerfs ameri- cains i dagues, e’est-a-dire a bois non ramifies. Dans ces derniers temps, comme nous le dirons, le genre Cervus a ete lui-meme partage en plusieurs subdivisions, dont on a fait meme des genres, et parmi lesquels nous n'adopterons, avec les zoologistes de nos jours, que ceux des Elans, Rennes et Cervules ou Muntjacs. Les Cerfs sont, en general, ainsi que le dit Fr. Cuvier, des animaux remarquables par la legerele de leurs formes, l’elegance de leurs proportions, l’aisance de leurs mouvements; leurs jambes min¬ ces et elevees, sans etre faibles; leur corps svelte et arroadi, leur cou allonge, qui leur permet de prendre facilement leur nourriture sur le sol, portant avec grace une tete fine, un regard doux, mais penetrant et hardi, un air demi-sauvage, oil Ton semble demeler autant de confiance que de crainte, un pelage propre, brillant, et d’une couleur qui ne deplait point a la vue, ont toujours fait placer les Cerfs au nombre des animaux les plus favorises de la nature, et que les hommes recherchent da- vantage. Chez ces animaux, le train posterieur l’emporte en longueur sur l’anterieur; chacun des membres est termine par deux sabots situes en avant et se correspondant par une surface plane : en Fig. 1 — Cerf semblable. Fig. 2. — Antilope Ann PI. 19 RUMINANTS. 113 arritire, se trouvent deux ergots impropres a la marche, et l’etendue, ainsi que le dtiveloppement de res organes, est en raison directe de la taille des esptices. Par cet ensemble de caracttires, les Cerfs ressemblent beaueoup aux Antilopes, et cette analogie d’organisation se retrouve aussi dans la formule dentaire, porn le nombre et la disposition des mo- laires et des incisives; ces dernieres etant egalement absentes a la m&choire superieure. Quant aun canines, de meme que dans les Antilopes, elles °xistent dans cerlaines especes et manquent chez d'autres; dans quelques Cerfs, elles se presentent chez le male et sont absentes chez la femelle, et, quand elles existent, c’est toujours a la m&choire superieure. On est, du reste, fortement porte a croire que les germes de ces dents existent dans l’alveole, et que leur absence tient a leur etat rudimen- taire et a la facilite avec laquelle elles abandonnent la partie des gencives dans laquelle elles devraient e Cerf-Cochon habite le continent indien; on Pengraisse et on le mange comme l’Axis; de meme RUMINANTS. 127 que ce dernier, quoique moms frequemment, ll s’est reproduit dans noire menagerie, ct tout fait esperer qu’on pourrait le rendre domestique dans nos pays : c’est une question, parmi tant d’aulrcs, que doit eludier la Societe imperiale zoologique d’acclimatation, et que nous avons I’espoir qu’elle pourra pratiquement mener a bien. Le Cervus pumilio, H. Smith, s’il constilue une esp6ce clistincte, est voisin du Cerf-Cochon § 5. — Especes dont le bois fournit en arriere I’andouiller superieur. 11. CERF DES MARIANNES. CERVUS MARI ANNUS. A. G. Desmaresl Caracteres specifiques. — Toils rudes,, ondules, d’un gris brunStre; fesses et poils du dessous de la queue, qui est assez courte, blancs; quelques poils blancs en dedans des oreilles; bois gros, de couleur cendree; I’andouiller inferieur moins dirig6 en dehors que dans les autres Cerfs indiens, et tres-eleve: le superieur dirige en arriere et naissant presque de la face posterieure du merrain. De taille moyenne. Ce Cerf provient des lies Mariannes. Faut-il y r6unir le Cervus Philippensis, II. Smith, qui enlre dans le genre Styloceros de cet auteur? Ce point n’est pas demontre, car les materiaux manquent pour resoudre ce probleme. C’est au meme groupe que Ton doit rapporter le Cerf-Cheval, Cervus equinus, G. Cuvier, qui liabite Tarchipel Indien, le Cerf de Kuhl, Cervus Kulilii, S. Muller et Schlegell, de file Bawian, situee entre Java et Borneo; et le Cerf du Bengale, Cervus Benyalensis, A. G. Desmarest. (Voy. Allas, pi. X, fig. 1.) Parmi les fossiles, Lesson signale les Cervus de Gibraltar , de Pise etde Nice de G. Cuvier. § 4. — Espece dont I'andouiller superieur, conslituant une veritable branche de bifurcation, nait en dehors el un peu en arriere. Une seule espece est dans ce groupe; c’est le 12. CERF D’ARISTOTE. CERVUS ARISTOTE11S. G. Cuvier. Caracteres specifiques. — Taille tres-grande; pelage brun noirStre, avec une tache fauve sur la croupe; queue allongee, coloree superieurement comme le dessus du corps, et fauve en dessous; parties inferieures brun noirStre jusqu’au tiers posterieur, dont la teinte est blanc fauve; bois de grandeur moyenne, bifurque superieurement, la branche interne de bifurcation etant un peu poste¬ rieure, l’externe anterieure. Cette espece, que G. Cuvier a fait connaitre le premier sous les noms de Cerf d’Aristote et de Cervus Aristotelis, a ete aussi decrite par le meme auteur sous la denomination de C. Leschenaulii. On doit y reunir le Cerf noir du Bengale ou Hippelaphe et la Biche de Malacca de Fr. Cuvier; T Axis de Sumatra de De Blainville, le Cerf noir d’A. G. Desmarest, etc. Ce Cerf, qu’on retrouve egalement a Java et a Sumatra, liabite le Bengale, et il est commun A Sylhet, dans le Nepaul et vers lTndus. § 5. — Especes dont I'andouiller superieur, constituant une bifurcation du bois, se trouve silue dans le meme plan antero-posterieur que la perche. a. — Especes avec prolongement caudal tres-rudimentaire. 13. CHEVREUIL. CERVUS CAPREOLUS. Linne. Caracteres specifiques. — Pelage d’et6 fauve dor6 ou rouss&tre, plus grisatre sur la tete et le 128 HISTOIRE NATURELLE. devant du cou, plus blancMtre sous le corps; c6te des fesses avec une bande fauve qui disparait par- fois; pelage d’hiver plus fauve brunStre, avec une bande transversale blanche sur les fesses; tete privee delarmiers, a bout du museau brun, avec l’extremile de la levre inferieure et la tache du bout de la levre superieure blanches; queue remplacee par un simple tubercule; bois assez petits, cylindriques, rarneux et rugueux, ayant un andouiller dirige en avant, assez long, sur le milieu de la perche, et un second plus haut, dirige en arriere. Longueur totale de la tete et du corps, mesuree en ligne droite, ln,,15; hauteur du train de devant, 0“,70; de celui de derriere, 0m,76. Fig. 28. — Chevreuil de Tartane. Cette espfece, plus petite que le Daim et le Cerf, a la meme forme generate; c’est le Caprea de Pline, le Caprea, Capreolus et Dorcas de Gesner, le Cervus capreolus de Linne, le Chevredil de Buffon; enfin M. H. Smith en fait le type de son sous-genre Capreolus, et M. Ogilby le separe des Cerfs sous la denomination de Caprcea. Le Chevreuil habite les regions temperas du continent europeen, et il parait qu’on le trouve ega- lement sur le continent asiatique. On en connait plusieurs variety : une noirStre, indiquee par A. G. Desmarest; une albine, signalee par Pallas et decrite avec soin par M. Pucheran; une variete est rousse, une autre brune, propre au duche de. Lunebourg. Enfin, selon quelques auteurs, l’Axis de Gmelin, que Ton rapporte au Cervus pygargus de Pallas et Schreber, n’en serait encore qu’une variete d’assez grande taille; mais, toutefois, les observations assez recentes de M. Brandt donnent a penser qu’il differe specifiquement du Chevreuil. Les femelles ou Chrevreltes ne different des males que par 1' absence des bois; le Faons ont une livree comme celle des Cerfs ordinaires. Cet animal est monogame, et l’amour semble pour lui exis- ter dans un attachement tendre et durable. 11 vit dans les pays secs et eleves, en petites families composees du m&Ie, de la femelle et des petits de l’annee. II perd son bois A la fin de l'automne, le refait en hiver, et entre en rut dans les quinze premiers jours de novembre. La femelle porte cinq mois et demi, et met bas au mois d’avril deux petits, presque constamment mile et femelle, qui, dans ce cas, s’attachent Pun a l’autre pour la vie, et qui ne quittent leurs parents qu’a huit ou neuf mois. On sait que la chasse de ces Cerfs est tres en usage en Europe. L’Ahu ou Cervus pygargus, Pallas, serait une seconde espece du meme groupe. n. — Especes avec prolong ement caudal assez allonge. 14. CFRF DES MARAIS. CERVUS PALUDOSUS. A. G. Desmarest. Caracteres specifiques. — Pelage fauve, un peu rougeStre; couleur noire sur les canons jus- N vS I Fig'. 1. — Cevl roux. (Jeune.) Fig. 2 — Cerf coclion. BUMINANTS. 120 qu’aux sabots; bois de grandeur moyenne, dirige en baut et en arriere, avec maitre-andouiller puis¬ sant en avant de la perche, superieurcment bifurque. Taille grande. Ce Cerf est le Guaza-Pucu D’Azara; c’est le Guazoupoucotj de Fr. Cuvier et de la plupart des au¬ teurs, qui lui ont, avec A. G. Desmaresl, applique la denomination latine de Cervus paludosus. On sait, en outre, que G. Cuvier a propose de rapporter les bois du Cervus Mexicanus, Linne, a uu mdividu de cette espece. Enfin M. Wagner en distingue le Cervus comosus, qui n’en est reellement qu’une simple variete. 11 habite la Patagonie, la republique argentine, le Bresil, le Paraguay et la Bolivie. II frequente les lieux marccageux; mais, lorsque arrivent degrandes inondations, on le rencontre dans les forets plus elevees ou dans les champs; et, dans ce dernier cas, il se tient le plus pres possible de 1’eau et la suit a mesure qu’elle se retire. Pendant la majeure partie de l’annee, ce Cerf vit en petites troupes de trois & cinq individus, composes le plus frequemment d’un male adulte, de deux femelles et d’un jeune. Pendant le refait, le male va seul; la femelle s’isole a son tour lorsque approche le moment de la parturition, de sorte que, pendant plusieurs semaines, on ne la voit qu’en compagnie du nou- veau-ne. 11 a les habitudes d’un animal nocturne ou crepusculaire; il cherche sa nourriture, soit pen¬ dant la nuit, soit des le matin, soit le soir aprfis le coucher du soleil. Pendant la journee, il se refu- gie au milieu des herbes elevees ou dans les roseaux des marais. Il mange les plantes grasses des marais, et, comme quelques especes americaines, recherche beaucoup les argiles salees. 11 a, du reste, a peu pres les memes moeurs que le Chevreuil; il est plus circonspect que lui et se laisse moins approcber par Phomme, et, excellent nageur, il peut fuir aisement. La femelle porte huit 4 neuf mois et ne produit qu’un seul petit, qui n’a pas de livree et presente en naissant le pelage de ses parents; jeune, il peut facilement se familiariser, et est tres-utile aux habitants du Paraguay, pai¬ sa chair, qui est tres-bonne, et par sa peau, qui peut servir a faire des couvertures. Une autre espece de la meme subdivision est le Guazati D’Azara, Cervus campestris, Fr. Cuvier, qui habite les memes pays que l’espece precedente, mais s’en distingue facilement par sa taille moyenne, son pelage fauve, un peu gris4tre en dessus, blanch4tre en dessous, et par ses bois greles et minces, fournissant en avant un maitre-andouiller et se divisant superieurcment en deux : il habite particulierement les champs cultives. Un Cervus nanus, du Bresil, decrit par M. Lund, et deux especes fossiles du meme auteur doi- vent peut-etre etre jointes 4 celles de ce groupe. § 6. — Especes a perche bifurquee des la couronne. 55. CERF D’ANTIN. CERVUS ANTUVIENSIS. Al. D’Orbigny. Caracteres specifiques. — Poil sec, dur, cassant; pelage brim, tiquete de blanc jaunatre; region thoraco-abdominale brune; region ano-genitale blanche; perche bifurquee, a peu de distance de la couronne, en deux branches, l’une anterieure, l’autre posterieure. Taille moyenne. (Voy. Allas, pi. VI, fig. 2.) Ce Cerf, propre aux regions de montagnes, habite la Bolivie et le Perou : on ne le rencontre guere qu’4 quatre ou ciuq mille metres au-dessus du niveau de la mer. Il va par troupes, en tete desquelles se trouve un vieux m4le; se couche pendant le jour et va chercher sa nourriture le matin ou le soir; lorsqu’il est poursuivi, il fuit avec une grande vitesse et se refugie dans les rochers. Une espece qui a quelques rapports avec celle-ci, quoique ce soit avec doute que nous la placions dans la meme subdivision, est le Cerf du Chiu, Cervus Chilensis, P. Gervais et Gay; ou C. Andi- cus, Lesson; ou Equus bisulcus, Molina : c’est le type du groupe des Cerviquus, Lesson. § 7. — Especes dont les prolongements frontaux consistent en de simples dagues (daguets). 16. CERF ROUX. CERVUS RUFUS. Fr. Cuvier. Caracteres specifiques. — Pelage roux vif en dessus, brun rouge&tre dans la region thoraco-abdo- r 17 150 H1STOIRE NATURELLE. minale; pas de tache sur la tete; queue de longueur moyenne, presentant superieurement la meme coloration que le dessus du corps, blanchatre en dessous; bois tres-petit, rudimentaire. Taille varia¬ ble, mais generalement assez petite. Cette espece, le Guazouhta de D’Azara, est vulgairement designee sous le nom de Pita ; c’est le Cervus rufus de Fr. Cuvier, le C. rufus et dolicliurus , Schreber, le Subulo rufus de Jardine, et le type du genre Coassus de M. J. E. Gray. On en connait de grands et de petits individus dont on a cherche a tort a faire des especes distinctes : c’est A une de ces dernieres que doit se rapporter le C. simplicicornis de M. H. Smith. (Yoy. Atlas, pi. IX, fig. 1.) Cette espece, propre A l’Amerique du Sud, et principalement aux Guyanes, au Bresil, au Paraguay et au Perou, habite, comme les Gouazoupoucou et Guazouti, les regions montagneuses elevees; mais elle frequente les bois traverses par des broussailles epaisses dans des terrains secs ou humides; on la trouve rarement dans les champs decouverts; toutefois elle visite souvent, la nuit, les planta¬ tions et rentre dans les bois des la pointe du jour. On la trouve seule ou par paire, mais jamais en troupe. La femelle met bas, en decembre ou en avril, un ou deux petits. Ce Cerf est tres-craintif et tres-circonspect; sa course est rapide des le premier moment; mais il se lasse bientot, en sorte que, dans un bois qui n’est pas trop epais, un bon Chien peut le joindre dans l’espace d’une demi-heure. On peut l’apprivoiser comme le Chevreuil; mais il n’est pas aussi doux que ce dernier. La chair des jeunes est de bon gout; celle des adultes, quoique un peu coriace, peut etre mangee. Les grandes especes de Chats et les Chiens americains lui font une guerre acharnee. Une autre espece du meme groupe est le Guazoobira de D’Azara, Bira ou Cere des boiS, Cervus ne- morivagus, Fr. Cuvier; il est de petite taille, son pelage est brun grisAtre, tiquete de fauve; le des¬ sous du corps lave de cette derniere couleur; les Faons sont tachetes de blanc. Enfin une troisieme espece, propre A la republique de l’Equateur, est le Cervus rufinus, Bourcier et Pucheran, que ce dernier auteur a decrit et figure avec soin. Peut-etre doit-on y joindre le Cervus humilis, Bennett, de Pile de Cbiloe. Ces diverses especes se distinguent trAs-nettement de toutes les autres par l’etat rudimentaire de leur bois, qui realise, A s’y meprendre, les condilionsde forme du premier bois des autres Cerfs; de plus, leur tete est plus acuminee, plus pointue, et, dans leur crAne, les os incisifs, ainsi que la portion du maxillaire superieur qui lui fait suite en arriere, sont plus verticalement diriges, moins dejetes en dehors; leurs larmiers sont plus rudimentaires, et la partie nue et glanduleuse de leurs narines plus etendue que dans tous leurs congeneres; ils semblent tous susceptibles de domestication. Une espece de Cerf qui n’est pas encore assez bien connue pour que M. Pucheran ait pu la placer dans aucune des divisions qu’il a proposees dans ce genre est le Cerf padu, Cervus paclu, P. Ger- vais et Gay, du Chili, que nous nous bornerons a citer. Nous avons indique a peu pres toutes les especes proposees par les auteurs, en faisant connaitre les groupes auxquels elles se rapportent, et nous avons cherche, principalement avec M. le docteur Pucheran, A reunir ensemble les especes qui en avaient ete separees a tort. Nous avons indique ega- lement quelques especes fossiles, et il ne nous reste plus qu’A ajouter quelques mots sur ce dernier sujet. On connait au moins cinquante especes de Cerfs fossiles, deceits ou simplement mentionnes; :1 est probable que quelques-unes ont encore echappe aux paleontologistes; mais aussi il est trAs- probable que beaucoup de doubles emplois ont ete faits. C’est principalement le centre de l’Europe qui en a fourni le plus. G. Cuvier a fait connaitre les Ceres a bois gigantesques ou Elk (Voy. Atlas, pi. X, fig. 2.) de France et d Allemagne, qui se rapportent au genre Elan, le Cervus tarandus priscus, de Toscane, du genre Renne; le C. dama giganteus d’ Abbeville et des sables du bord de la Somme; le C. primi- genius, Kaup, des sablonnieres et cavernes a ossements d’Europe; le C. capreolus fossilis, des tour- bieres et des sables d’alluvion; quelques especes des breches osseuses de Gibraltar, de Cette et d Antibes, de Pise, etc. Mais, depuis les travaux de G. Cuvier, on a decouvert et 1’on decouvre tous les jours des ossements de Ceris enregistres dans les recueils academiques, dans les journaux scien- tifiques, comme les Annates des sciences naturelles, le Journal mineralogique et zooloqique de Leonard et Bronn, dans des memoires particuliers et dans des ouvrages geologiques et paleontolo- giques, tels que 1 Essai des environs d’Issoire, par MM. Deveze et Bouillet; les Ossements fossiles du l'"ig. 2. — Elk lossiio. P>. iO. RUMINANTS. 131 Puy-de-Ddme, par MM. Croizet et Jobert; les Ossemcnls des environs de Liege, par M. Smerling; les Mammi feres fossiles du Wurlemberg, par M. Jceger; ceux de la contree de Georgensgmiind, en Ba- viAre, par M. Hermann De Meyer; les Recherches snr les ossemenls humatides des cavernes de Lunel- Vieil, par MM. Marcel De Serres, Dubreuil et Jean-Jean; les Ossements du cabinet de Darmstadt, par M. Kaup; la Description des fossiles de Pezenas et de Montpellier, par M. De Christol; la Zoologie et paleontologie frangaises de M. P. Gervais, etc.; a tous ces ouvrages, on devrait encore joindre les catalogues inedits de quelques paleontologistes, et principalement celui de M. Lartet. M. De Christol a trouve, dans la caverne de SallAle, departement de l’Aude, les Cervus elaphus Reboulii, C. capreolus Tournalii et Lenfroyi; dans la caverne de Pezenas, les C. capreolus Cu- vierii et Talozani, etc.' M. Felix Robert a fait connaitre quelques Cerfs d’Auvergne, tels que le C. salilliacus, de la division des Axis; le C. dania polignacus, etc. MM. Marcel De Serres, Dubreuil et Jean-Jean, ont dAcrit, comine trouves dans la caverne de Lunel-Vieil, les C. intermedins, coro- natus, antiquus et pseudo- Virginianus. MM. Croizet et Jobert, dans les cavernes a ossements du Puy-de-D6me, ont decouvert de trAs-nombreux debris de Cerfs, et ont cru devoir en faire un grand nombre d’ espAces, telles que les suivantes : Cervus Eluevariurn , pardinensis, Arvernensis, Cusa- nus, Ardeus, ramosus, Issiodorensis , Pierrieri, Gergovianus, Borbonicus, Neschersensis, Croi- zeti, Dama giganteus, Cerfs du Regard , de Vialette, de Privat, etc. M. Kaup, dans les alluvions tertiaires des bords du Rhin, a decouvert les Cervus auxquels il ap¬ plique les noins de Bertholdi, nanus, Porlsehii, anocerus, dicranocerus, cartocerus, primigenius, elaplius prisons, etc. M. Lartet a trouve son Dicrocere , qui se rapproche des Muntjacs, et dont nous parlerons bientAt. On a aussi signale des Cerfs fossiles dans les monts Himalayas. Enfin le calcaire d’eau douce de Montabuzard a donne a G. Cuvier un Cerf dont il fait son Cervus capreolus Aurelianensis. Cette espAce, par la disposition particuliere de ses molaires, a donne lieu A la creation d’un genre particulier, celui des Dorcatherium de M. Kaup, qui, outre 1’espAce de G. Cu¬ vier, y place une autre espAce des sables d’Eppelsheim, son D. navi. En outre, le genre Palceo- meryx de M. H. De Meyer est identique a celui des Dorcatheriums; et ce dernier renferme cinq es¬ pAces, toutes decrites par M. De Meyer : ce sont les P. Bojani, Kaupii et pygmeeus, des terrains lacustres de Georgensgmiind; P. minor, de la molasse d’Aran, et P. Schenchzeri, de la molasse de Suisse et des bords du Rhin. 4™ GENRE. — MUNTJAC. CERVULUS. De Blainville, 1822. Diminutif de Cervus . Mammalogie d’A. G. Desmarest. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire semblable a celui des Cerfs; mais avec deux longues canines caracterisliques h la nictchoire superieure chez les males et manquant chez les femelles. Bois tres-courts et portes sur deux pedoncules assez longs. Taille moyenne. Queue courte. Autres caract'eres semblables a ceux des Cerfs. L’espece type de ce genre, le Muntjac, a ete longtemps reunie aux especes du genre Cervus; De Blainville, dAs 1816, et plus completement en 1821, dans la Mammalogie d’A. G. Desmarest, a, le premier, propose de Ten separer sous le nom de Cervule, Cervulus; depuis, ce genre, regarde par Lesson et par quelques auteurs comme une' simple subdivision des Cerfs, celle des Cerfs a longues canines ou Slylocerus, a ete adopte par M. Gray sous la denomination de Muntjacus, parM. Ogilby sous celle de Prox, et par M. le docteur Pucberan, qui lui a restitue le nom de son veritable crea- teur, et comprend six ou sept espAces toutes propres a l’Asie. On doit probablement aussi y joindre quelques espAces fossiles. 152 IIISTOIRE NATURELLE. Le type des Cervulus est le : 1. MUNTJAC. CERVUS MUNTJAC. Linne. Caracteres specifiques. — Pelage assez ras, luisant, d’un marron tirant sur le roux, tres-brillant; museau et dessus des yeuxplus bruns; cot6 interne des supports des bois presque noir; face externe de l’oreille brune, et l’interne blanchitre; dessus du cou plus brun que le dos; extremite des pieds brune; poitrine plus claire que lc dessus du cou; ventre, face anterieure des cuisses et dessous de la queue blancs; bois extremement courts, simples, recourbes Pun vers l’autre, ayant un petit andouil- ler rudimentaire a la base, et portes sur deux longs pedoncules qui se prolongent beaucoup sur les c6tes du chanfrein. Longueur de la tete et du corps, 0m,86; hauteur du train de devant, 0m,45; de celui de derriere, 0m,50, de la queue, 0m,09. Fig. 29. — Muntjac. Le Mointjac on Cervus Dlunljac de Gmelin semble, scion la pin part des auteurs, devoir etre reuni au Chevreuil des Indes d’Allamand et de Buffon, ou Cervus vaginalis de Boddaert; c’est le Cervu¬ lus Muntjac de De Blainville, et le type des genres Muntjacus, Gray; Prox, Ogilby, et de la division des Stylocerus de Lesson. Dans cette espeee, la tete est pointue, le chanfrein droit, encadre de chaque c6te par une ligne saillante, droite, qui se prolonge pour constituer le support des bois: ceux-ci forment un angle assez aigu bt d’environ quarante degres entre eux, minces, s’elevant, y compris les supports, au-dessus du front d’une hauteur egale a celle de la moitie de la tete; ces bois n’ayant que les deux tiers de la longueur de leurs supports, en forme d’andouillers simples, recourbes Run vers l’autre et un peu en arriere, garnis i leur base et un peu en avant du c6te interne d’un prolongement ou tubercule, qui n’est lui-meme qu’un tres-petit andouiller; les yeux sont grands; il y a des larmiers et un mufle; les m^les sont pourvus de deux grandes canines superieures, comprimees, arquees en arriere et legere- ment projetees en dehors; les oreilles sont assez larges, mais pas plus longues que les supports des bois; il y a deux petits sillons longitudinaux sur le chanfrein; la queue est eourte, aplatie en des¬ sus. La femelle a le meme pelage que le mile; mais elle est depourvue de bois et de canines. Cette espeee provient de Sumatra; on ne connait pas ses habitudes a l’etat de nature; on sait seu- lement que 1’individu qui a vecu en Hollande, et qu’Allamand a etudie, etait leste, eveille et d'un uaiurel tres doux. RUMINANTS. 333 Parmi lcs autrcs Cervules, nous indiquerons les : 2. CEBVUEE MUSC. CERVULUS MOSCUATUS. Dc Blainvillc. Caracteres specifiques. — Bois tres-courts, un peu courbes en dehors et en arriere, sans aucuii andouiller, et supportes par des pedoncules tres-Iongs, sans mcules & leur base; deux longues cani¬ nes a la m&choire superieure du male. Celte espece, qui est le Ccrvus moschatus, De Blainville, II. Smith, et le Cervus moschus, A. G. Desmarest, n’est encore connue que par une tete osseuse provenant de Sumatra, d’apres Fau- teur de la Mammalogie, et du Nepaul selon Lesson, et faisant partie de la collection du college des chirurgiens de Londres. 3. CERVULE A TETITS BOIS. CERVULUS SUBCORNUTUS. Dc Blainvillc. Caracteres specifiques. — Bois tr6s-petit, ayant une meule bien formee, un petit andouiller a la base, et la pointe brusquement recourbee en arriere; pedoncules mediocrement allonges, peu pro- longes sur les cotes du chanfrein. Ce Ruminant, le Cervus subcornulus de De Blainville, n’est egalement fonde speciliquement que sur une tete osseuse qui provenait de l’lnde, et il ne se rapporte peut-etre pas ii ce genre. Les autres especes du meme groupe seraicnt les Cervus labipes, Fr. Cuvier, de l’lnde; C. Philip- pinus, H. Smith, des lies Philippines; C. Recvesi, Ogilby, de Chine; C. aureus, II. Smith, de Su¬ matra, etc. C’est du meme groupe que Ton doit rapprocher les especes de Cerfs fossiles indiques par M. Kaup sous le nom de Dicranocerus, et qui .proviennent de l’Allemagne, ainsi que celle decouverte dans un d£pot tertiaire de Sansan par M. Lartet, et qu’il nomine Dicroc'ere : les premiers ayant de tres- grandes canines superieures. et le dernier n’ayant ces memes dents que mediocrement developpees. mais cependant manifestes. En terminant la description des especes qui faisaient partie de I’ancien genre des Cerfs de Linne, nous nous occuperons du genre fossile, si remarquable et malheureusement encore si imparfaitement connu des Sivatherium, quoique nous soyons loin d’assurer que nous lui donnons ici le veritable rang qu’il doit occuper dans la serie des animaux, ainsi que nousallons I’expliquer en copiant pres- que textuellement Particle que Laurillard a consacre a ses fossiles dans le Dictionnairc universel d’Histoire naturelle; il nous semble toutefois que ce genre pourra rester a peu pres a la place que nous lui avons assignee, soit qu’on le rapproche des Cerfs, a la fin desquels nous le rangeons, soit qu’on le mette avec les Antilopes qui vont constituer la famille suivante. MM. Hugh, Falconer et Cautelay, dans le Journal de la Societe asiatique du Bengale, tome XIX, janvier 1836, ont donne le nom generique de Sivatherium. (Siva, nom d’un dieu indien, transports depuis A Pun des monts des sous-Ilimalayas, Gnpwv, animal), et specifiquement celui de S. gigna-, team, a une tete de Ruminant trouvee dans le terrain tertiaire des monts Sivaliks, pres de la riviere Markanda. Cette tete, presque aussi grande que celle de l’EIephant. a des formes tellement singu- lieres qu’elles approchent du grotesque, disent les auteurs que nous avons cites. Elle se fait remar- quer par la proeminence de la crete occipitale, surtout i ses angles externes; par la brievete et la saillie des os nasaux, releves en arc, par la concavite du chanfrein; par la petitesse de Porbite, Pe- paisseur de Parcade zygomatique; par la grande hauteur des maxillaires et par deux fortes emi¬ nences osseuses, coniques et obtuses, un peu divergentes, placees moitie au-dessus et moitie en arriSre des orbites. Les molaires sont au nombre de six a la m&choire superieure, la seule connue; dies ont la forme generate de celles des Ruminants; les os intermaxillaires etant brises, on ne con- nait pas leur longueur. Laplace que le Sivatherium doit occuper parmi les Ruminants fossiles a donne lieu a diverses opinions. MM. Falconer et Cautelay ont pens6 que les eminences osseuses du frontal etaient reve* 134 HISTOIRE NATURELLE. tues d’une enveloppe cornee et representaient les noyaux osseux des Ruminants 4 cornes creuses, et its semblent meme croire qu’il pouvait y avoir eu deux paires de cornes, dont la posterieure aurait 6te placee sur les proeminences laterales de la crete occipitale, comme dans le Boeuf domestique; mais, toutefois, dans l’Antilope a quatre cornes, le seul animal auquel, dans ce cas, il faudrait le comparer, les cornes posterieures ne sont pas aussi reculees, et les anterieures sont situees en avarit de Eorbite. De Blainville partage celle opinion et dit que c’est un animal a deux ou peut-etre quatre cornes creuses. Et. Geoffroy Saint-Hilaire a pense, au contraire, que ces cornes devaient etre regar- dees comme des cornes de Girafe, se fondant sur une fissure qui se remarque sur la gravure a la base de la corne droite, et qu’il a consideree comme une trace de la suture qui separe, en effet, dans le jeune Sge, les cPnes osseux constituant les cornes de la Girafe des os frontaux sur lesquels ils se soudent plus lard; mais les dents du Sivatherium montrent qu’il etail adulte, et que, par consequent, une pareille suture aurait disparu depuis longtemps. Enfin Laurillard, en considerant la maniere dont ces productions osseuses se continuent en crete jusque sur les maxillaires, ainsi que la concavite du ehanfrein et le peu d’etendue des os du nez, est tente de croire que cet animal appartenait a la fa- mille des Cerfs, et qu’il avait, comme l’Elan, un mufle preeminent. D’apres ce savant paleontolo- giste, les productions osseuses du frontal seraient les futs osseux qui supporteraient les bois caducs chez tous les Cerfs, futs plus ou moins allonges, et qui, 4 la verite, sont rarement coniques, comme ils paraissent l’etre ici. Quant aux cornes posterieures, leur existence n’est pas bien demontree; mais, d’ailleurs, rien n’empecherait qu’il n’y eut des Cerfs & quatre bois, comme il y a des Antilopes & quatre cornes. Cependant, d’apres les pieces assez nombreuses, tant de la tete que des autres par¬ ties du corps, et specialement des membres que possedent les musees de Londres, M. Richard Owen affirme que le Sivatherium conslitue un groupe de la famille des Antilopes, dont la tete devait etre ornee de quatre cornes; on croit qu’il en existait deux especes. C. — Proeminences de I’os frontal revetues d’un etui de corne compose de fibres agglulinees, qui croit par couches et pendant toute la vie. CINQUIEME FAMILLE. ANTILOPIDES. ANTILOP1D/E. Nobis. Un certain nombre de Ruminants, que nous pouvons, avec M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, qui les distingue sous la denomination d ' Anlilopiens, caracteriser par ce peu de mots : especes a proton- gements frontaux subsislant au moins chez les males et consistant en des cornes a noyau osseux, composent cette famille. Un Antilope, une Chevre ou un Mouton, et un Boeuf, tels sont les types de ce groupe naturel. 11 semblerait qu’il y a de grandes differences entre les types que nous avons cites avec intention; mais, si l’on etudie avec soin les especes trSs-nombreuses qui viennent lier intimement ces animaux les uns avec les autres, on s’assurera promptement qu’on doit reellement les reunir en une seule et meme division primaire. Cette famille renferme un grand nombre d’espSces r6parties sur toutes les parties du globe, 1’Ocea- nie exceptee; presque toutes nous sont utiles par la chair qu’elles nous donnent et par d’autres pro- duits de la plus grande utilite pour l’homme, et quelques-unes, le Mouton et le Boeuf, par exemple, sont devenues nos animaux domesliques par excellence. Nous formerons trois tribus dans cette famille, et ses divisions correspondront aux grands genres des Antilope, Capra, Ovis et Dos. 9 ^ \r\ -rtd « k-Wi.ffTC >•' PI. 12 RUMINANTS. 155 PREMIERE TRIRU. ANT1L0P1ENS. ANTIL0P1I. Nobis. Cette tribu ne renfermera que le grand genre Antilope de Pallas, qui lui-meme comprend un grand nombre de groupes, et surtout d'espAces particulieres, et qui a pour caracteres distinctifs des cornes creuses, rondes, marquees d’anneaux saillants ou d’aretes en spirale, et dont les chevilles osseuses sont solides int^rieurement. . GENRE UNIQUE. — ANTILOPE. ANTILOPE. Pallas, 17G7. JJom specifique transports au genre Spicilegia zoologica, t. II. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : incisives, f; molaires , £e|; en totalite trente-deux dents. Incisives souvent h peu pres egales enlre dies et conligues par leurs bords; quelquefois les deux intermediaires tres- larges, un peu separees entre dies, s’appuyant sur les laterales par leur face posterieure, et ces dernieres etant aussi disposers a recouvrement les unes a I’egard des aulres.. Molaires assez sent- blables a celles de tous les Ruminants , el noffranl rien de particulier. Clianfrein plus ou moins droit; un mufle ou un demi-mufle dans la plupart des especes et par- fois pas de mufle; souvent des larmiers ou des sillons sous-orbitaires nus, secretant une humeur particuliere; oreilles grandes , pointues, mobiles; yeux souvent tres-ouverls, langue douce. Des cornes dans les deux sexes ou dans le male seulement, revetant une cheville osseuse du front habituellement solide et sans cavile au centre, rondes, diversement contournees, souvent marquees d’anneaux transversaux ou d’une Crete spirale saillante; quelquefois, mais rarement, bifurquees. Corps generalement svelte comme celui des Cerfs; jambes fines et deliees, celles de devant moins longues que celles de derriere ; ongles Ires-petits, presque rudimentaires; queue courte ou moyenne; taille petite, moyenne dans beaucoup d’ especes ou grande dans quelques-unes. Pelage ordinairement ras et orne de couleurs assez vives el agreablement disposees; mais cepen- dant le systeme de coloration etant d’tin brun roux, et plus rarement noiratre ou blanchdtre; quel¬ quefois des pores inguinaux ou des replis de la peau assez profonds dans les aines ou de chaque cote ; des brosses ou touffes de polls plus longs que les autres sur les poignets dans quelques especes; chez presque toutcs, il ny a pas de barbe au menton. Deux ou quatre mamelles; quelquefois meme I’un de ces nombres s observant dans le male et I’autre dans la femelle; une vesicule du fiel. Les caracteres que nous venons d’indiquer, et meme le meilleur de tous, celui que nous presen- tent les cornes, sont assez fugitifs et ne se rencontrent meme pas tous dans chaque espece d’ Anti¬ lope, et sont neanmoins les seuls que 1’on ait pu trouver jusqu’A present pour distinguer ce genre; car l’ordre des Ruminants, l’un des mieux determines et des plus naturels de la classe des Mammi- feres, est en meme temps, comme nous l’avons deja fait remarquer, l’un des plus difficiles A diviser generiquement. Tous ces animaux, A Uexception des Chameaux, des Lamas, et des Girafes, ont Pair d’etre formes sur un meme plan : c’est done, comme Pobserve tres-judicieusement Laurillard, plutbt par intuition ou par sentiment, plutot par des caracteres negatifs que par des caracteres positifs, que 1 on peut reconnaitre le genre d’un animal de cet ordre, et nous verrons bientot que ces raisonne- ments, applicables au genre Antilope, le sont peut-etre encore plus lorsqu’il s’agit de distinguer les Chevres des Moutons. H1ST0IRE NATURELLE. 136 Les Antilopes onl presque toutes des cornes creuses, rondes, avec des anneaux saillants ou des cretes en spirale, et dont les chevilles osseuses sont solides A Linterieur; cependantle Gnou, le Nyl- gau et le Chamois ont des cornes lisses dont les chevilles commencent meme A etre celluleuses dans les deux premieres, et, dans des especes americaines, ces cornes sont meme bifurquees; ce sont, en general, des animaux fails pour la course : ils ne sautent etne bondissent point en courant, mais cou- rent uniformement, ayant plus de facilite a se mouvoir en montantqu’en descendant. La plupartdes especes sont fauves sur le dos et blanches sous le ventre, avec une bande brune qui separe ces deux couleurs au bas des Danes; a taille plus elevee et plus legere que celle des Cerfs; elles ont auss1 moins de force, mais plus de legerete dansleurs mouvements. Les Antilopes ont le plus souvent des larmiers comme les Cerfs, des brosses ou touffes de poils plus longs aux genoux, des pores ingui- naux ou digitaux, e’est-a-dire des enfoncements de la peau aux aines et entre les doigts; la queue courte, garnie de longs poils; le muscle contracteur de la peau est tres-fort chez les Antilopes, aussi froncent-ils la peau et secouent-ils les poils, plus rudes meme que ceux des Cerfs, avec une espece d’horripilation habituelle chez quelques especes, ce qui ne les debarrasse pas toujours des Hippo- bosques et autres Insectes qui vivent sur eux; les oreilles sont droites et assez longues; mais ces circonstances manquent quelquefois, et si le plus grand nombre ont la legerete des Cerfs, quel- ques-unes ont failure des Chevres, et d'autres presque la demarche grave des Bceufs. Les unes ont le museau effile, mais d’autres ont un muDe assez preeminent. Un caractere assez constant de ce genre, caractere indique par Ant. Desmoulins, est tire de l’os- teologie de la tete ; le sphenoide et le parietal ne s’articulent pas, ou ne se rencontrent que par une pointe aigue dans les Antilopes, tandis que, dans les Cerfs et les Chevres, l’articulation de ces deux os est constante, et se fait par un bord de huit A onze lignes d’6tendue. Les Antilopes appartiennent presque toutes A l’ancien continent; l’Afrique et 1’Asie en renferment surfout un grand nombre, car l’Europe n’en possedeque deux seules, le Sainga et le Chamois; dans l’ancien monde, on n’en a encore signale que deux especes dont on a fait le groupe des Dicranoce- rus, 1’ Antilope Americana, Ord, du Missouri, dans le nord del’Amerique, et YA. hamata, Lesson, du Mexique; il n’en existe pas A la Nouvelle-IIollande. Le nombre des especes connues est tres-consi- derable, car on en a decrit plus de quatre-vingts; en outre, on en a signale une dizaine d’especes fossiles qui n’ont ete rencontrees que dans divers terrains de l’Europe. Ces Ruminants supportent les chaleurs de la zone torride, et un seul, au contraire, le Chamois, semble confine dans la region des neiges de nos montagnes alpines. La plupart des especes vivent en troupes, souvent nombreuses; mais quelques-unes sont solitaires et monogames; elles ne produisent qu’un ou deux petits seule- ment par portee. Elles sont confinees, comme, au reste, presque toutes les especes d’animaux, dans certaines limites plus ou moins etendues, qu’elles franchissent rarement, et e’est a tort que Ton a dit que certaines especes, en se transportant dans un pays different de leur patrie naturelle, ont pu se transformer assez pour qu’on les ait prises pour des especes parliculieres. Quelques-unes habi- tent les plaines arides, sablonneuses et rocailleuses, et ne se nourrissent que de plantes aromati- ques ou salees; d’autres se tiennent de preference sur les bords des lleuves, et ne vivent que d’her- bes donees; enfin il en est qui se plaisent vers les cimes des plus hautes montagnes. Ce sont, en general, des animaux doux et sociables, qui ont les yeux grands et vifs, Louie tres-fine, et qui sont doues d’une grande legerete. On peut aisement les conserver dans nos menageries, oil on les appri- voise facilement, de manure A esperer qu’on pourra un jour en former des troupeaux domestiques. A l’etat de la nature, les Carnassiers et l’homme les recherchent pour s’emparer de leur chair. Quoique le nom d'Antilope ait une tournure grecque, et que, selon M. Agassiz, il provienne du mot grec avOoXotp, il semble n’avoir pas ete employe par les anciens : on trouve seulement dans l’ouvrage des Six jours, a ttribue a Eustathius, qui vivait sous Constantin, le nom d’Antolopos, pour signifier un animal a longues cornes dentelees en scie. Albert le Grand a designe depuis le meme animal par le nom de Calopus, et d’autres ecrivains du meme temps par ceux d 'Analopus, d'Antaplus et d’^4p- talus. Gesner croit que e’est le meme dont parle la lettre non authentique d’ Alexandre A Aristote sur les merveilles de l’Inde, dont les longues cornes pointues et dentelees pergaient les boucliers des Macedoniens. G. Cuvier rapporte que, quoique les descriptions que les anciens aient donne de la Lieorne contiennent quelques faits fabuleux, il est facile de voir qu’elles tiraient leur origine d’un animal reel, de l’espece appelee aujourd'hui Pasan, Antilope oriix, ou peut-etre de LAlgazel. Bochard RUMINANTS. 157 croit que cc mot Antolopus vient du copte, Panthalops, qui signilie Licornc : or, commc lc Pasan est tres-vraisemblablement I’animal qui a donne lieu au r6cit fabuleux dc la Licornc et de l’Oryx, la conjecture de Bochard s’accorderait assez bien avec celle de G. Cuvier. Quoi qu’il en soit, c’est Ray qui a, le premier, employe le nom A'Anlilope, depuis longtemps en usage dans Part heraldique, pour designer une des especes qui le portent aujourd’hui, Y Antilope des Indes; ct c’esl Pallas qui, il n’y a pas un siecle, en 1707, dans le tome 1 de ses Spitegia zoologica, en a rendu l’acception gene- rique lorsqu’il a separe ee genre de celui des Chevres, avec lequel Linn6 le confondait. L’histoire des Antilopes etait tres-embrouillee autrefois; Buffon a commence 4 y mettre de l’ordre, Allamand, Forster et Pallas ont ajoute plusieurs especes 4 celles que Buffon avait d6termin6es; Pallas a fait, le premier, un examen general des especes et en a considerablement rectifie la synonymie; G. Cuvier, A. G. Desmarest, Antoine Desmoulins, H. Smith, et beaucoup plus recemment Laurillard, ont fait des travaux semblables; enfin des zoologistes et des voyageurs en grand nombre ont fait connaitre plusieurs nouvelles especes. Fig. 30. — Nylgau. (Male.) Le nombre meme de ces especes etant assez considerable, et les formes des Antilopes variant d’une maniere assez notable, il n’est pas etonnant que plusieurs zoologistes, surtout dans ces derniers temps, aient cherche 4 les separer, soit en groupes particulars, soit en sous-genres. Dej4 Daubenton, dans le grand ouvrage de Buffon, propose de former six groupes distincts avec les Antilopes. G. Cu¬ vier, en 1804, dansle tome II du Dictionnaire des Sciences nalurelles , 4 l’exemple de Pennant etd’Erx- leben, divise les especes de ce genre, d’apres la forme de leurs cornes, en six divisions partieulieres; savoir: 1° celles a cornes 4 double courbure, la pointe en avant (Gazelle, Kob, etc.); 2° celles 4 cour- bure simple ou nulle, pointe en arriere ou en dedans (Pasan, Grimme, etc.); 3° celles 4 double cour¬ bure, pointe en arriere (Bubale, Caama); 4° celle 4 simple courbure, pointe en avant (Nanguer, Nagor, etc.); 5° celles 4 cornes 4 arete en spirale (Canna, Guib, etc.); 6° celles a cornes lisses (Gnou, Nylgau, Chamois). Lichstenstein, en 1812, dans le Magazin der gesellscliaft naturferschenden Freunde, sixieme annee, les divisa en quatre tribus, qu’il nomma Bubalides, Connechoetes, Antilopce et Gazellce. De Blainville, en 1816, dans le Nouveau Bulletin de la Societe philomatique de Paris, reunit tous les Ruminants 4 cornes creuses en un seul genre sous le nom de Ceropliore, et le par- tagea en douze sous-genres, dont huit se rapportent au genre Antilope : ce sont les sous-genres Antilope , Gazella, Cervicapra, Alcelaphus, Tragelaphus , Boselaphus, Oryx et Bupicapra , qui pour la plupart ont ete depuis adoptes comme genres particuliers par un assez grand nombre de zoologistes. En 1821 , A. G. Desmarest, dans sa Mammalogie faisant partie de 1 'Encyclopedic me- thodique, ajouta deux sous-genres a ceux de De Blainville, les Oreas et les Aigoeeres, et adopta, en outre celui d 'Antilocapra de M. Ord. Antoine Desmoulins, en 1822, dans le Dictionnaire classique d'Histoire naturelle, les subdivisa en huit groupes, ceux des Gazelles, Bubales, Oryx, Acuticornes, Tseiran, Strepsic'eres, Leioceres et Ramiceres. Hamilton Smith, dans la traduction anglaise de la r 18 158 1IIST0IRE NATURELLE. premiere edition du Regne an'imai de G. Cuvier (In Griffith Animal kindom, 1827), divisa les An¬ tilopes en trois genres et vingt-deux groupes particuliers : le genre Anlilope, comprenant dix-sept groupes, a savoir : Dicranocerus (£i/.pavo;, double; /.soa ;, corne); Aigocerus (ai^, Chevre; /.spa;, eorne); Oryx (opu?, Oryx); Gazella (nom de 1’espece typiaue); Antilopa (du nom de l’espece type de tout le genre); Redunca ( redunca , nom specifique); Oreotragas (cpso;, de montagne; rpayo;, Bouc), Tra- gulus (xpcqo?, nom propre); Raphicerus (pawn, suture; xepa;, corne); Telracerus (xsrpa, quatre; /.spa;, corne); Cephalophus (xstpaXv), tete ; Xolus ou moins abondant, et I'exlerne long ou ires-long, lisse, surtout developpe au front, a la nuque, le long de I’echine et vers les epaules. Males repandant une odeur tres-forte, Vr'es-desagr cable . Le groupe des Chevres ou des Capra, indique deja dans des ouvrages tres-anciens, a beaucoup varie de valeur suivant les temps, e’est-a-dire qu’il n’a pas toujours ete applique aux memes espe¬ ces. Cependant on peut dire, en general, que depuis Aristote jusqu’i Pallas on s’en est servi pour lous les Ruminants cavicornes, qui semblaient ne pouvoir etre assimiles, a cause de leur taille, aux i' 20 HISTOIRE NATURELLE. 154 Bceufs, et, a cause de la nature de leur pelage, aux Moulons. Mais les auteurs modernes ont demontre lacilement que ce genre pourrait etre facilement distingue dc tous les groupes naturels de l’ordre des Ruminants, it l’exception d’un seul, celui des Moutons, qui, zoologiquement, et sous le rapport des mocurs, differe a peine des Chevres et ne peut guere s’en distinguer que par des caracteres qui sem- blent avoir a peine la valeur de caracteres specifiques. Quoi qu’il en soit, on- s’accorde cependant, en general, a separer ces deux genres, et nous indiquons avec le plus grand soin les differences par- ticulieres des uns et des autres dans nos caracteres generiques. Nous repeterons seulement niainle- nant que chez les Chevres le noyau des cornes est creuse de cellules eommuniquant avec les sinus frontaux, comme chez les Moutons et les Boeufs; mais que leur chanfrein, droit et meme concave, leurmenton barbu, au moins dans tous les mSles, et fare unique de leurs cornes courbees en haut et en arriere, caracteres reunis a leurs deux mamelles inguinales separees par un raphe velu, les distinguent des especes sauvages de Moutons, qui leur ressemblent, d’ailleurs, pour le naturel. Tous ces animaux ont la figure fine, l’ceil vif, l’oreille mobile; sans etre neanmoins sveltes comme les Antilopes et les Cerfs, leur attitude est gracieuse et leur demarche surtout fiere et assuree. L’odorat et la vue sont les deux plus actifs de leurs sens; et le fond de leur oeil est tapisse d'un reservoir refracteur, comme l’a demontre Desmoulins. Lorsqu’ils fuient a travers les precipices, leur coup d’oeil, aussi prompt que juste, dirige des mouvements rapides comme Ceclair, mais d’une vigueur si souple qu’ils peuvent rompre par un repos soudain les elans rectilignes ou paraboliques dont ils effleurent les cretes les plus aigues du granit et meme des glaciers. Bondissant d’un pic a l’autre, il leur suffit d’une pointe ou se puissent ramasser leurs quatre pieds pour y tomber d’aplomb d’une hauteur de vingt a trente metres, y rester en equilibre, ou s’en elancer au meme instant vers d’ autres pointes, soit inferieures, soit plus culminantes. Ils eventent le chasseur bien avant de lui etre en vue. Une fois lances, leur resolution est aussi rapide que leur coup d’oeil. Si une tactique calculee d’apres 1’experience de leur poursuite et la connaissance des lieux les a cernes sur quel- que rampe de precipice d’oii il n’y ait a leur portee ni une pointe de glace, ni une crete de roc, ils se jettent dans l’abime, la tete entre les jambes pour amortir la chute avec leurs cornes ; d’au- tres fois, jugeant l’audace plus profitable a se defendre qu’a fuir, la Chevre sauvage fait volte-face, s’elance et, en passant comme la fleche, jelte le chasseur dans le precipice. Ils vivent en petites families, ordinairement suspendus aux pics voisins des glaciers et des neiges perpetuelles. Les saules alpestres, le bouleau noir, les rhododendrons, les saxifrages, les epilobes et autres plantes ameres sont leur p&ture de predilection; en hiver, ils sont reduits a manger les jeunes pousses des arbres et surtout des lichens. La femelle ou Elague n’a, de chaque portee, qu’un petit, qui marche au moment oil il vient de naitre, et qui, une heure apres, sait se cacher a l’approche d’un danger. « L’Elague, dit Berthaut, n’abandonne jamais son petit, a moins qu’elle ne soit chassee; alors, s’il ne peut la suivre, il va se cacher dans des trous de rochers ou des terriers de Marmottes, quelquefois a une toise de profondeur. Le danger passe, la mere vient appeler son petit; mais, si elle tarde trop longtemps, e’est au contraire le Chevreau qui vient la chercher; il sort de son trou, l’ap- pelle, puis rentre dans un autre trou. S’il la voit, il accourt a elle; mais, si elle est blessee et couchee, des qu’il sent son sang, il fuit, puis revient une seconde fois et fuit encore pour la meme raison. 11 se console difficilement de la perte de sa mere. » Oppien dit aussi que les petits, lorsque leur mere a ele prise dans des rets, au lieu de fuir, s’approchent d’ elle, meme le chasseur etant present. Le jeune Bouquetin n’est pas moins gai que le Chevreau, et il a les memes jeux; mais ces jeux, qui, dans l’a- nimal domestique, paraissent dictes par un pur caprice, se reconnaissent, chez l’autre, comme une utile gymnastique par laquclle l’animal se prepare, sans en avoir conscience, & des actes que plus tard il lui faudra, sous peine de vie, executer avec une parfaite precision. On a rendu plusieurs especes domestiques, qui eomprennent aujourd’hui un assez grand nombre de races, et Eon sait les services qu’elles rendent, surtout dans nos campagnes, par leur chair et principalement par leur lait : seuls des animaux domestiques, ils ont conserve pur leur gout pour Eindependance; ils sont plutbt les hotes de Ehomme que ses esclaves. Dociles seulement aux caresses et aux bons traite- ments, la force ne peut rien sur eux; mais leur affection est intelligente comme celle duChien. Aussi les poetes bucoliques de tous les ages les ont-ils associes a la moralite des sentiments de Ehomme par une juste distinction de leur superiority intellectuelle surles autres Ruminants. (Voy. Atlas, pi. XI, fig. 1, representant une variete de Capra ou Clievre de Falconier.) RUMINANTS. 155 Les femelles ont habituellement ties cornes, mais, quand ils existent, ces organes sont beaucoup moins developpes que ceux des males. Les impressions dont ces animaux sont susceptibles paraissent etre tris-vives et tres-neltes; mais dies semblent nc pas laisser do profondes traces : lcurs determi¬ nations varient a chaque instant; rien ne les arrete, un dessein succede a un autre sans intervalle, sans repos, et cette mobilite de sentiment se remarque au dehors par la petulance des mouvemerits; cependant, malgre cette apparente Iegerete, quelle que soit la vivacite de leurs sauts et l’inegalite du terrain que ces animaux parcourent, ils arrivent toujours avec la plus exacte precision au point ou ils tendaient. Les males, dans toutes les especes, exhalent, surtout au temps du rut, une odeur tres- forte, tres-desagreable, qui, quoi qu’on en aitdit, ne disparait jamais completcment, meme par le fait de la domesticite : dans les combats qu’ils se livrent cette epoque, ils se dressent sur les jambes de derriire, et, en retombant, se beurtent obliquement du front. Ces deux caracteres peuvent, aussi bien que tous ceux que nous avons indiques dans notre caracteristique generiquc, distinguer les Chevres ties Moutons. Un fait curieux a noter, c’est que les Chevres, a l’etat de nature, recherchent les lieux eleves, et par consequent froids, plus que les Moutons; et cependant, A l’etat de domesticite. ces derniers supportent mieux les rigueurs de l’hiver, tandis que les premieres ont plus de peine a s’acclimater dans les pays tres-chauds. Les Chivres se tiennent sur les sommets des grandes chaines de montagnes : les Bouquetins ne descendent meme pas dans les vallees alpines. II semble que c’est par une predilection instinctive, et non pour fuir l’homme, qu’elles habitent sur la limite des glaciers et des neiges perpetuelles, au* dessus des regions boisees dans les Pyrenees, les Alpes, les grandes chaines du Taurus, du Cau- case et de l’Altai jusqu’au Kamtchatka; comme les sommets de ces montagnes ne forment pas des lignes continues lelong desquelles les diverses especes ou les individus d’une meme espece aient pu se disperser, mais, au contraire, sontgroupes en un grand nombre de contrees ou d’axes, isoles les uns des autres, soit par des mers, soit par d’immenses plaines, barrieres egalement infranchissa- bles pour ces animaux; et comme, d’autre part, il est evident que ces especes, dont plusieurs ne sont connues que depuis un nombre assez restraint d’annees, n’ont pas ete transporters par l’bomme dans leurs sites actuels, il est clair qu’elles en sont aborigines. On doit en dire autant des individus d’une meme espece disperses par groupes sur des sommets non continus. La necessity de leur tempera¬ ment et leurs preferences alimentaires les encbainent tous irresistiblement a leur site naturel. La zone boisee des montagnes les separe la oil il existe du Mouflon, qui n’y entre meme pas. Ils habi¬ tent ou ont habite, ainsi que le montrent les especes encore actuellement vivantes ou les debris fos- siles qu’on en rencontre dans quelques contrees, d’une exlremite a l’autre de notre continent. Le Bouquetin se trouve encore dans les Pyrenees, les Alpes et leurs chaines vandaliques et carpathi- ques, dans les montagnes de la Crete, dans toutes les grandes chaines de l’Asie, depuis la mer Cas- pienne a travers la Perse jusqu’A l’lnde au sud et jusqu’au Kamtchatka au nord. L’iEgagre a habite on habite encore tous ces sommets, excepte la grande chaine des Altai, oit il n’y a de Chevres que le 156 IIISTOIRE NATURELLE Bouquetin Ibex. Varron dit que l’espece sauvage de la Chevre, appelee Bota par les Latins, existait de son temps en Ttalie et dans la Samothrace; il est probable qu’il en existe encore dans les Alpes et les Pyrenees, car les zEgagres decrits par G. Cuvier semblent etre des metis; on manquait d’ailleurs de renseignements sur leur origine. L’digagre babite les sommets des montagnes de Tile de Crete, avec Ylbex, et ceux du Caucase avec le Bouquetin caucasique. Les Capra Nubiana, Fr. Cuvier, et Wa¬ lk, Riippell, se trouvenl en Abyssinie, etle premier aussi en Nubie; le Capra jemlabica, H. Smith, se rencontre dans les monts Himalayas. Polybe a constate, il y a plus de deux mille ans, un fait impor¬ tant pour la distribution geographique des especes de ce genre et des Ruminants en general; il dit que la Corse ne possede ni Chevre sauvage, ni Boeuf, ni Cerf (une espece particuliere ou plutot une variete de notre Cerf commun y a cependant ete constatee, rnais elle semble y avoir ete importee), et il mentionne, au contraire, l’existence de la Brebis sauvage ou Mouflon, qui s'y trouve encore de nos jours. Quelques particularites anatomiqnes out ete constatees cbez les Chevres; leur squelette ne presente rien de bien different de celui des autres Ruminants; toutefois, d’apres Desmoulins, il n’y aurait que cinq vertfebres lombaires; nous avons signale les seules particularites odontologiques qu’on remar- que chez ces animaux : nous avons dit, d’apres M. Roulin, que le nombre des molaires variait sui- vant les especes, et nous ajouterons que, dans le Capra Nubiana, des huit incisives, les deux ex- ternes paraissent n’etre pas remplacees a la seconde dentition, de sorte que, si Ton n’avait observe que des adultes, on aurait pu citer cette espece comme offrant une exception a la regie generale, qui donne huit incisives inferieures a toutes les especes de Chevres; il y a deux mamelles inguinales separees par un interstice des poils; la vulve est separee de l'anus par un perinee etroit et nu; les organes principaux de la generation des miles sont volumineux, contenus dans un scrotum libre, allonge dans le sens vertical. Le rut vient en automne, mais les Chevres domestiques s’accouplent toute I’annee; la femelle porle cinq mois et produit un ou deux petils; la duree de la vie est a peu pres de quinze ans. L’histoire des especes de ce genre a ete singulierement embrouillee par Buffon, qui pretend ra- mener a un seul type primitif non-seulement les especes alors connues de ce genre, mais la plupart des Antilopes, entre autres le Chamois et toutes les especes de Moutons. Supposant faussement que les cornes de la femelle des Bouquetins ressemblent aux cornes du Chamois, il imagine le principe qu’on zoologie l’immutabilite de la forme des femelles constitue l’espece; qu’au contraire les males, sujets i toutes sortes de degradations, peuvent engendrer une infinite de races et de varietes; qu’ainsi, dans l’espece de la Chevre, le Bouquetin represente la variete mile, rendue permanente, on ne sait comment, et le Chamois, la variete femelle; et de chacune de ces varietes derivent, selon lui, plu- sieurs races. II en donne pour preuve que la Brebis domestique engendre, avec le Bouc ou le Belier indifferemment, une race feconde, ce qui n’arrive pas aux Chevres avec le Belier; argument tout a fait inintelligible si Ton oubliait qu’il considere nos Moutons comme une race tres-eloignee du Cha¬ mois. « Pour arriver a de pareilles combinaisons, Buffon, ainsi que le fait remarquer Desmoulins, a tout a fait meconnu la valeur des moyens dont, par une contradiction singuliere, il a vante l’excel- lence pour la distinction des Cerfs. Or les Cerfs sont precisement les seuls Ruminants oil ce carac- tere devient incertain a cause du renouvellement annuel des bois, dont les rameaux peuvent avorter ou se deformer par beaucoup d’influences. Li ou les cornes sont persistantes, au contraire, leur figure reste par la meme immuable; et comme elles sont composees de deux parties, le noyau osseux et la gaine cornee, on trouve, dans la fixite de la figure et dans la couleur de cette game, de nou- veaux caracteres etrangers aux Cerfs : tels sont la direction des cornes, le poli ou les reliefs de leur substance, leur substance et leur couleur. Ainsi, par exemple, les cornes du Mouflon, comme celles de nos Beliers, sont jaunatres, circonstance qui, avec leurs larmiers, leurspoches inguinales nues, les distingue de nos Chevres i cornes rioires, et surtout du Bouquetin, qui de plus a un sinus glanduleux entre l’anus et la queue. Pallas a refute lous ces paradoxes de Buffon, qu’egarerent a la fois etson igno¬ rance sur les especes sauvages de ce genre, et son pretendu principe de l’unite des especes quand elles produisent ensemble des Mulets feconds. Le celebr.e conseiller d’Etat russe reconnatt pour condition determinee la possibility de ces metis feconds d’especes reellement differentes. Apres avoir trace la separation des Chevres d'avec les Antilopes d’une part et les Moutons de P autre, il etablit trois especes dans ce genre et prouve que la souche de nos Chevres domestiques n’est pas le Bouquetin, mais l’espece RUMINANTS. 157 appelee yEgagre : avouant toutefois que, s’il n’avait eu la faculle d’en examiner le crane et plusieurs cornes, il aurait, conime Buffon, rapporte nos Chevres domestiques au Bouquetin, lant cclui-ci res- semble a 1’jEgagre. D’ailleurs, il lui parait vraisemblable que nos Chevres domestiques ne sont pas une variete pure dc 1’yEgagre; qu’elles se sont croisees avec Ie Bouquetin ou Ibex et avec le Bouque¬ tin du Caucase; que neanmoins l’empreinte de I’yEgagre n’a pas ete efface par ces adulteres et est restee dominantc; que les emigrations lointaines de la Chevre domestique a la suite de lTiomme, ces croisements successifs suivant les regions, soit avec l’lbex, soit avec le Bouquetin du Caucase, soit meme avec sa propre souche, enfin 1’ extreme difference entre le site nature! de lLEgagre ou Cbevre sauvage et les climats oil se propagent la plupart de ces variates expliquent les degradations plus profondes et plus nombreuses dans ce type que dans celui du Mention, dont le climat naturel, comme celui de ses congeneres, se trouve dans les etages inferieurs des montagnes, tandis que celui du genre Chevre touche aux glaciers et a la limite des neiges perpetuelles. Enfin Pallas soupconne meme quelques races d’etre metis de Cbevre el de Mouton, celui d’ Angora entre autres. » Nous avons dit que les naturalistes les plus anciens se sont occupes des Chevres; Aristote, Pline et une foule d’autres auteurs en ont parle dans leurs ouvrages. Ray, Brisson, Klein, Linne lui-memc parlerent des Chevres dans leurs diverses classifications, mais ne les distinguerent pas generique- ment des autres Ruminants, dont ils sont le plus rapproches; Daubenton et Buffon, et ce dernier malgre la confusion qu’il introduisit dans les differences specifiques de ces animaux, commencerent it mieux faire connaitre la classilication de ces Mammiferes; mais e’est surtout Pallas qui, en creant le genre Antilope, circonscrivit mieux le groupe des Chevres, qu’il rapprocha a juste raison de celui des Moutons; depuis, la methode naturelle, A l’aide de laquelle ces animaux devaient etre disposes, fut de plus en plus perfectionnee par les travaux d’Uliger, de Goldfuss, de Fischer, de G. et Fr. Cuvier, d’A. G. Desmarest, de Desmoulins et surtout de M. Roulin dans les articles si importanls et si con- sciencieux sur la Chevre et le Daim, publies dans le Dictionnaire universel d'Histoire naturelle. Une question plus difficile encore que celle de la caracteristique du genre Chevre, celle de la dis¬ tinction des diverses especes qui doivent y rentrer, et qui presque toutes se ressemblent par l’ensem- ble de leurs caracteres exterieurs, a ete longtemps debattue. Pallas, le premier, avec toute la force qu’on lui connait, a commence A elucider cette question, qui, reprise plusieurs fois par la plupart des zoologistes modernes, est aujourd’hui A peu pres resolue, etil nous semble, avec M. Roulin, que huit especes de Chevres peuvent etre distinguees d’une maniere A peu pres complete, quoique quatre ou cinq autres aient egalement ete indiquees plus ou moins conipletement. Un point qui n’a pas en¬ core etA traite d’une maniere aussi complete est celui de la distinction des races de notre Chevre commune, et cela se concoit lorsqu’on refleehit, ainsi que nous l’avons dit, aux nombreux croisements qui les ont produits : nous ne pourrons nous etendre longuement sur ce sujet, et nous nous borne- rons A indiquer les races les plus connues. 1. BOUQUETIN DES ALPES. CAPRA IBEX. Linne. Caracteres specifiques. — Molaires au nombre de six A chaque mAchoire; cornes des males tres- fortes, noirAtres, avec deux aretes longitudinales et des cotes saillantes transversales : celles des fe- melles plus petites, triangulaires; pelage d’hiver compose de poil long et rude, recouvrant un poil doux, fin, touffu, persistant seul pendant Fete, d’un gris fauve en dessus, blanc en dessous, avec une bande dorsale noire et une ligne brune qui traverse les flancs; fesses blanches; une barbe noire et rude pendant au menton des mAles, et pas de barbe dans la femelle; longueur de la tete et du corps, lm,40. (Voy. Atlas, pi. XII, fig. 1.) Cette espece est Ylbcx de Pline, de Gesner et de Johston; le Bone estain et YHircus Ibex de Brisson et de Boddaert; le Capra Ibex de Linne; le Bouquetin de Buffon; e’est V Agrimia des Grecs' modernes, le Steinbock des Allemands, le Capra silvalica des Italiens; une variete distinguee par Pallas a reeu le nom d 'Ibex Alpiurn Sibericarum. La femelle porte la denomination d’ Blague. Chez les males, les cornes, qui peuvent atfeindre plus de lm de longueur, sont comprimees late- ralement, et presque deux fois moins epaisses de dedans en dehors que d’avant en arriere; elles presentent de vingt A trente bourrelets; les cornes de la femelle sont tres-courtes, car elles atteignent 158 HISTOIRE NATURELLE. ^ peine 0m,14 a 0m,15; elles sont triangulaires et paraissent beaucoup plus tard que dans Ies miles. Sous le rapport de la taille, il y a aussi entre le mile et la femelle une difference tres-notable, et beau- coup plus grande que celle qui existe entre nos Roues et nos Chevres domestiques : la femelle est, dit-on, d’un tiers plus petite que le mile; en outre, les femelles sont depourvues de l’enorme barbe au menton que les miles portent en hiver. Le rut a lieu en janvier et la naissance des petits dans les derniers jours de juin ou les premiers jours de juillet. Ce que nous avons dit relativement aux mceurs des especes sauvages de Chevres s’applique au Bouquetin. Pris jeune, cet animal s’apprivoise aisement et vit tres-bien au milieu des Chevres; il s’unit meme avec elles, et les petits qui en naissent sont fertiles. Le Bouquetin Ibex, qui semble aujourd’hui confine dans un petit canton des Alpes piemontaises, se trouvait autrefois dans toutes les parties elevees de la chaine comprise entre le mont Blanc et le mont Eissenhut, en Styrie; etpeut-etre meme i une epoque plus ancienne, ainsi que le fait croire un passage de Varron, habitait-il aussi une parlie de la chaine des Apennins. 2. BOUQUETIN DES PYRENEES. CAPRA PYRENAICA. Schinz. Caracteres specifiques. — Cornes ressemblant beaucoup a celles du Bouc domestique, d’un brun noiritre; pelage d’un brun cendre en dessus et d’un brun sale en dessous; cotes de la tete brun fonce; poitrine, jambes, une ligne dorsale et une autre s’etendant sur les flancs, ainsi que le dessus de la queue et la barbe des vieux miles, noiritres; de la taille du precedent. Cette esphee, qui n’a ete jusqu’ici trouvee que dans les Pyrenees et sur les versants espagnols, semble aM. Boitard n’etre qu’une variete du Bouquetin des Alpes, tandis que M. Roulin l’adopte spe- cifiquement. Fig. 57 — Bouquetin des Pyrenees. 5. BOUQUETIN DE SIBERIE. CAPRA PALLASII. Roulin. Caracteres specifiques. — Meme nombre de molaires que dans le Bouquetin Ibex; cornes des males a angles plus emousses; femelles ayant un peu de barbe; meme taille que \'Ibex. Cette Chevre, a laquelle M. Boitard reunit le Bouquetin de l’Himalaya (Caprajemlabica, II. Smith), ne differe guere de l’lbex, et n’en est peut-etre qu’une simple variete. Les petits naissent au mois de mai; les montagnards de l’Asie, pour regenerer leurs troupeaux de Chevres, prennent de jeunes Bouquetins qu’ils apprivoisent facilement et qu’ils unissent avec leurs Chevres, et les petits qui en proviennent sont tres-fertiles et tres-estimes. La distribution geographique de cette espece n’est pas encore bien connue; on sait qu’elle se rencontre sur divers points de la grande chaine de mon- tagnes qui separe la Siberie de la Tartarie orientale, surtout dans cette portion oil sont les sources du Jeniser, riviere dont les eaux transportent quelquefois bien loin dans l'interieur du pays plat des cornes des Bouquetins qui ont peri sur les monts Sayansk et sur le petit Altai. RUMINANTS. 159 4. BOUQUETIN DU CAUCASE. CAPRA CAUCAS1CA. Guldcstaiid. Caracteres specifiques. — Molaires au nombre dc liuil dc chaque cbte a la mAchoire superieure et de sept a Tinferieure; chanfrein droit, large, de niveau avec le front, qui est aussi remarquable- ment large; cornes du mAle triangulaires, ayant 0m,G5 de longueur : cellos dcs femelles de memo forme, mais tres-courtes; pelage d’un brun fauve fonce en dessus et blanchAtre en dessous, avec une ligne dorsale brune et une bande blanche sur les canons; nez, poitrine et pieds noirs; tele grise; de la taille des precedents. Cet animal est le Zebodon ou le Hack; et Ton doit peut-etre lui rapporter ce que Belon dit de son Bouc sauvage de l’Ile de Crete. II se trouve dans la chaine du Caucase, surtout prAs des sources du Terek et du Kouban, dans le pays des Ossetes et dans la Kakhetie : il occupe les parties les plus elc- vees des montagnes de formation primitive; on ne le rencontre pas dans les montagnes calcaires qui sont moins elevees, el ou Ton trouve, au contraire, 1’dGgagre ; aussi les deux especes, quoique habi¬ tant la meme chaine de montagnes, ne sont point exp'osees a se meler. Les Tartares et les Georgiens disent que sa chair est delicieuse, et ils font des verres A Loire avec ses cornes. 5. BEDDEN. CAPRA SINA1TICA. Hempring et Ehrenberg. Caracteres specifiques. — Molaires au nombre de cinq de chaque cote aux deux mAchoires; cornes plus greles que cellos du Bouquetin ordinaire, comprimees du cote interne, d’un noir de suie, avec une douzaine de renflements saillants : cclles des males depassent quelquefois lm, tandis que celles des femelles n’ayant que 0m, 18 a 0m, 20; pelage d’un fauve grisAtre mele debrun, avec une ligne dorsale noiratre; epaules, flancs, devant des jambes bruns; des taches blanches aux talons et aux poi- gnets; un peu plus svelte que le Bouquetin Ibex ; la femelle d’un quart plus petite que le male et ayant beaucoup de rapport de formes avec notre Chevre commune. Cette espece est le Beddein ou Bedein des voyageurs; le Bouc sauvage de la IIaute-Egypte (Capra Nubiana, Fr. Cuvier), denomination qui, quoique ayant l’anteriorite sur celle de Capra Sinailtca de MM. Hempring et Ehrenberg, n’a pas ete adoptee par M. Roulin, car elle propagerait une erreur, cette espece ne se trouvant pas en Nubie; elle. liabite la Syrie et l’Afrique, mais elle ne semble pas s’avancer, au sud, au delA du vingt-quatrieme degre de latitude. 6. BOUQUETIN WALIE. CAPRA WALIE. Ruppell. Caracteres specifiques. — Cornes du mAle grandes, fortes, tout A fait semblables A celles de I'lbex : celles des femelles beaucoup plus petites; pelage d’un beau brun chatain en dessus, d’un blanc sale en dessous : ces deux couleurs se fondant Tune dans l’autre au has des flancs, au lieu de trancher brusquement comme dans les aulres especes; nez, une tache en virgule sur la joue, cotes du cou, devant de l’epaule et partie moyenne des flancs d’un brun terre d’ombre. Cette espece a beaucoup d’analogie avec le Bouquetin des Alpes; mais son nez est plus busque, et il porte A la partie moyenne du front une eminence elliptique toute particuliere. Elle liabite les halites montagnes neigeuse de TAbyssinie. 7. JHARAL. CAPRA JUARAL. Hodgson. Caracteres specifiques. — Tete amincie en descendant vers le museau; chanfrein droit; cornes no- tablement plus courtes que la tete, comprimees lateralement etportant une crete saillanle qui regne tout le long de la convexite; barbe manquant completement; cou muni d’une criniere assez longue, tombant de chaque cote, d’un brun grisatre; ventre fauve; membres de la meme couleur, avec une bande noire qui descend des joues en s’elargissant jusque sur les sabots; devant et cotes de ia tete, UlSTOIRE NATURELLE. 160 ainsi que le dos, d’un brun noiratre; une tache longitudinale, d’un fauve pale, s’etendant sur les joues, et une autre de la meme couleur, plus petite, placee au devant de chaque ceil; levres et men- ton gris&tres; bout de la queue, oreilles, une tache pres de la commissure des levres et l’entre-deux des ntfrines noirs; taille du Roue. Cet elegant animal, tout en offrant la plupart des caracteres propres aux Capra, presente un assez grand nombre de particularity qui l’en distinguent, surtout dans la forme de sa tete, dans la hauteur de ses jambes, dans son garrol plus eleve que sa croupe, qui est assez grele, comme tout le membre posterieur; aussi a-t-on a bon droit propose d’en faire un genre particulier auquel M. Ogilbv a applique le nom de Kemas, et que l’on adoptera probablement lorsque ce Ruminant sera plus com- pletement connu. Le. Jliaral habite principalement la province de Kalcar, sur le versant austral de l’Himalaya, et ne descend guere du voisinage des neiges perpetuelles. M. Ogilby place dans le meme genre Kemas ses K. hylocrius du Nilgherry, et ghoral du Nepaul et de LHimalaya, qui sont loin d’avoir ete suffisamment decrits pour etre specifiquement adoptes. 8 iEGAGRE ou CHEVRE SAUVAGE. CAPRA EGAGRVS. Pallas. Caracteres specifiques. — Molaires au nombre de six de chaque cote aux deux m&choires; comes des males tres-grandes, a face anterieure comprimee et a face posterieure arrondie, ridees de sim¬ ples ondees qui, d’espace en espace, se montrent un peu plus grosses et rapprochees en faisceaux, et les renflements qui resultent de cette disposition etant plus ou moins marques et surtout plus ou moins nombreux; ces cornes se portent, a leur naissance, un peu en avant de la ligne du chanfrein, et decrivent a partir de ce point une courbe formant un arc de cercle bien marque : celles des femelles A peu pres de meme forme, mais excessivement plus courtes ou meme nulles; barbe brun&tre, exis- tant dans les deux sexes; tete noire en avant, rousse sur les cotes; corps d’un gris rouss&tre, avec une ligne dorsale noire, ainsi que la queue; de la taille du Roue domestique, mais plus bas sur jam¬ bes que lui. (Voy. Allas, pi.- VIII, qui represente des iEgagres male, femelle et jeune.) L’iEgagre est le Paseag des Persans; la Chevre du Rezoard des voyageurs; le Capra cegagras ferus des naturalisles. D’apres Pallas, cet animal serait la souche de toutes nos Chevres domestiques, avec lesquelles il a de grands rapports, mais qui cependant, en Asie surtout, semblent avoir ete croisees avec presque toutes les autres especes du meme genre. LVEgagre ne parait pas etre aussi in¬ different au froid que les autres Rouquetins; Guldenstaedt Pa vu, dans le Caucase, occuper une sta¬ tion moins elevee que Pespece congenere qui vit dans la meme chaine de montagnes; toutefois Gmelin nous dit qu’en Perse il se trouve sur les points culminants des plus hautes montagnes, oil on le rencontre par troupes, souvent dans des parages que frequentent egalement les Moutlons. C’est un animal tres-defiant et tres-agile. L’ habitat de ce. Ruminant n’est pas tres-exaclement determine; il semble toutefois qu’il habite toute la chaine de montagnes qui horde la Perse du cote de la mer Cas- pienne, aussi bien que celle qui la horde du cote du golfe Persique; Pallas dit qu’il se trouve dans un beaucoup plus grand nombre de pays; il lui assigne, par exemple, pour patrie, les Alpes helveti- ques et les Pyrenees, ce qui est tout -A fait faux. La Chevre domestique ( Capra hircus, Linne), dont il nous reste a parler, parait avoir eu pour origine principale PjEgagre. Pendant tres-longtemps on a pense que ce Ruminant descendait de Y Ibex, et quelques anciens naturalistes ne regardaient meme 1’zEgagre que comme etant une variete de l’lbex ou meme uii metis de ce dernier et de la Chevre domestique. Mais Pallas a bien demontre, il y a plus d’un siecle, et beaucoup plus recemment M. Roulin a de nouveau prouve que e’etait de l'yEgagre, espece bien distincte, que notre Chevre descendait; mais qu’en meme temps on peut re- connaitre qu’il y a quelques autres croisements. La Chevre varie beaucoup dans ses formes et dans la couleur de son pelage, et produit ainsi di- verses races qui different entre elles beaucoup plus peut-etre que ne different quelques especes de Chevres sauvages ou Rouquetins. Les unes ont les poils ras et secs, les autres longs et soyeux. Quel¬ ques races manquent absolument de cornes; il en est qui portent sous le cou de singulieres pende- loques dont on ignore completement l’usage physiologique, etc. Quoi qu’il en soit, la Chevre domes- Egagre ( male, I'emelle et jeune ). RUMINANTS. 161 tique a conserve une bonne partie du caractere independant de son type originel, et surtout elle a son goftt pour grimper et son humeur vagabonde. Son affection est intelligente; elle suit la vieille femme qui en prend soin, l’aime, soulage sa misere de sou lait, allaite meme ses petits enfants au berceau et accourt a leurs cris pour satisfaire leur besoin de nourriture en leur tendant sa mamclle gonflee d’un excellent breuvage; mais elle n’est docile que par amitie, n’obeit qu’aux caresses et se revolte contre les mauvais traitements. Le Bouc, qui repand une odeur forte et fetide, devient meme tres-mechant s’il est habituellement maltraite, et, dans tous les cas, il se defend avec courage quand on l’attaque. « La Chevre, dit M. Boitard, celte consolation de la misere, a ete calomniee par la plu- part des economistes, sur la denonciation des riches proprietaires, et souvent on a voulu enlever aux pauvres habitants des campagnes cette dernidre et precieuse ressource. On l’accuse d’avoir la dent venimeuse, de faire perir les arbres et arbrisseaux qu’elle ronge, et, par consequent, d’etre tres-nuisible aux bois, aux vergers, aux taillis, etc. Le vrai est que sa dent n’est pas plus venimeuse que celle de la Vache et de la Brebis; mais, comme elle a l’instinct de se dresser sur ses picds de derriere, elle atteint les bourgeons a une plus grande elevation que ces animaux. Si on obligeait les pauvres femmes a conduire leurs Chevres-a la laisse ou a leur faire porter une entrave qui les em- peche de se redresser, leurs degSts deviendraient moindres que ceux de toute autre espfece de betail, et Ton conserverait sans inconvenient un animal extremement utile par son produit de Chevreaux, de lait, de suif et de cuir. » Les Chevres n’etaient pas aussi dedaignees des agronomes anciens qu’elles le sont des modernes, etilparait que, recherchees dans les contrees les plus eloignees par les Grecs et les Latins, etudiees sous tous les points de vue, elles etaient, dans certains pays, l’objet de soins fort intelligents, et destinees A propager les meilleures races et a les perfectionner par tous les moyens possibles; il est loin d’en etrede meme aujourd’hui, et nos agriculteurs actuels se sont beaucoup moins occupes des races des Chevres qu’ils ne Font fait de celles des Moutons, et cependant l’etude de ces races serail importante a donner : c’est avec des materiaux incomplets que les naturalistes depuis Linne ont tente de le faire. Buffon, le premier, fit connaitre cinq de ces races; Fr. Cuvier semble en indiquer quel- ques autres; A. C. Desmarest, dans sa Mammalogie , en decrivit neuf; puis Desmoulins les reduisit a six; enfin, un zoologiste etranger a la France, M. Wagner, en a fait connaitre un plus grand nombre, et M. Roulin, dans le tome IV (1844) du Dictionnaire universel d’Histoire nalurelle, a repris ce sujet avec beaucoup de soin et une erudition des plus grandes. D’apres ce dernier auteur, le nombre des races, dont nous allons indiquer les principales, est tres-considerable, mais peuvent, d’apres la forme des oreilles et la nature du pelage, etre reparties en quatre groupes. § 1. Chevres a oreilles courtbs et droites A. Cli'evre commune. — On connait, en France surtout, un nombre infini de varietes de celte race, et Ton sait que les individus qui en font partie se distinguent les uns des autres par leur taille plus ou moins forte, par les couleurs variables et la nature de leurs poils, et par quelques autres par- ticularites. D’apres Anderson, l’Angleterre en possede deux races presque egalement repandues, dont l’une a le poil court, assez lisse, noirStre, et l'autre une robe ordinairement d’un gris mole, avec des poils soyeux, longs et touffus places sous un duvet tres-abondant; d’apres H. Smith, le pays de Galles en a une variete de tres-forte taille. En Russie et dans beaucoup de parties de l’Allemagne, la couleur de la robe, suivant Wagner, est surtout un brun tirant sur le roux ou le jaunatre, avec une ra'ie dorsale et frequemment une raie scapulaire noires, reproduisant ainsi, a tres-peu pres, les cou¬ leurs de 1’jFgagre. Brunnich dit que les Chevres dalmates ressemblent beaucoup a l’lbex : celles des Canaries ont ete aussi, a cause de leur taille et peut-etre de leur couleur, rapprochees de l’lbex, et elles paraissent ressembler beaucoup a cedes que l’on trouve dans divers cantons montagneux de I’Europe. Chez les Chevres de Perse, le poil est long, grossier, d’un brun cendre, avec la pointe rousse; une longue touffe se trouve placee au devant des cornes, qui se rapprochent beaucoup par la forme de cedes de 1’jEgagre, mais sont plus petites. Les Chevres de Colombie ressemblent assez a cedes de l’Allemagne; dans d’autres parties du continent americain, ces animaux offrent des carac- teres particuliers et qui se rapportent a ceux des varietes importees de ces Chevres, et qui se sont p 21 162 IIISTOIRE NATURELLE. conserves avec plus ou moins de purete. Nous ne nous etendrons pas davantage sur cette race, ou plut&t ces races, qui offrent un tres-grand nombre de varietes. B. Chevre name. — Cette race, originaire de la c&te de la Guinee, remarquable par sa petite taille, comprend trois variates d’apres M. Roulin. La premiere, le Capra recurva, Linne, est la plus commune partout, et a surtout ete introduite en Amerique, oil elle s’est considerablement propagee. On la trouve aussi 4 Bourbon, a l’ile Maurice, a Madagascar et probablement aussi, suivant Fr. Cu¬ vier, 4 Calcutta. La seconde variete, peu connue, le C. depressa , Linne, provient originairement de l’Afrique. La troisieme, qu’A. G. Desmarest a confondue avec la Chevre de Juda , ressemble a la Chevre sans cornes, se trouve dans le golfe de Guinee et sur divers autres points de l’Afrique, tant sur l’Atlantique que sur la Mediterranee : on la trouve dans 1’Egypte moderne; c’est elle qui fournit probablement les poils longs et fins qu’on eraploie dans la brosserie sous le nom de poll du Bone blanc. C. Chevre sans cornes, Fr. Cuvier. — Elle est tres-remarquable, semble originaire de l’Espagne, et quelquefois sa chair, qui a peu d’odeur, est vendue pour celle du Mouton. § 2. Chevre a oreilles plates, pendantes, longues au moins comme la tete. Cette division, qui comprend des races tres-differentes par la forme des cornes, par celle duclian- frein, par les proportions des membres et par la nature du pelage, peut se diviser en deux groupes principaux. A. Chevres de Stjrie. — Propres toutes aux pays chauds, tels que la Syrie et les pays voisins, ainsi que diverses parties de l’Afrique continentale ou insulaire dans laquelle les Arabes ontpenetre. Pennant en decrit deux varietes chez lesquelles les sexes varient beaucoup, et qui se trouvent aux environs d’Alep, oil elles servent 4 la consommation considerable de lait que font le» habitants. La Ch6vre de Syrie, Chevre membrine de Sonnini, a le poil ras, habituellement d’un roux clair; la tete allongee et un peu moutonnee, les oreilles tres-longues; elle se trouve aussi dans la Basse-Egypte, M. Hamilton Smith, qui ne considere pas separement les Chevres de la Basse-Egypte de celle* de PEgypte moyenne, les rapporte 4 trois races bien distinctes, sur la distinction desquelles nous ne pouvons entrer. B. Chevres de la Ilaate-Egypte. — Races 4 longues jambes, dont le cou, egalement tres-long, porte une tete petite et difforme; chanfrein tres-eleve 4 la partie superieure, s’abaissant brusque- ment vers le museau; nez camard; m4choire inferieure depassant souvent la superieure; oreilles a peu prfes de la longueur de la tete; pas de barbe; corps couvert de poils de couleur rousse et trop courts pour dissimuler le peu d’elegance des formes. C’est probablement 4 cette race que se rap* RUMINANTS. 1(53 portent Jes nombreux individus amends au Museum, en 1853, avec le premier Ilippopotame, qui lui ont servi de nourrices pendant la traversee d’Afrique en Europe, et dont quelques exemplaires se trouvent encore a notre menagerie. Les Ch&vres a oreilles tombantes sont propres A des climals tern- peres ou froids : & 1'exception d’une seule race, la Chevre du Nepaul , Fr. Cuvier, elles sont asset mal connues. § 3. Chevres a oreilles tombantes, mais non aplaties, a toison frisee. Le type ou race principale est la Chevre d’Angora (voy. Atlas, pi. XXXIV, lig. 1), dont la toison, facilement distincte de celle des autres races, se compose entierement de poils d’une blancheur ecla- tante, fins, souples, brillants, qui se reuuissent en longues mAches ondees ou frisees, et qui n’offrent & leur baseaucun duvet; ces poils couvrent tout le corps et cachent a moitielesjambes; ils s’avancent sur le front et entourent la base des cornes, qui sont de couleur jaunAtre; les cornes des mAles sonl longues, contournees en spirale, et celles des femelles sont plus petites; la barbe existe dans les deux sexes; la taille est petite et les formes Elegantes. Cette race, originate d’Angora, n’a pas ete intro¬ duce en aussi grand nombre que la Chevre du Thibet; elle fournit la laine pour les belles etofies asiatiques. — Quelques autres races sont propres A la Perse. § 4. Chevres a oreilles larges, demi-tombantes, a duvet abondant. Dans les divisions precedents, les races, quoique d’origine etrangere, conservent, dans les pays ou elles sonl introduites, leurs caracteres naturels, surtout pour la longueur et la beaute de leur toison; mais dans celle-ci la race typique se presente A nous comme une race formee dans le pays natal, et pour lui seul, car elle ne se reproduit pas de la meme maniere en Europe. La race type, ou Clievre de Lhussa, Roulin, abonde et est tres-belle dans les environs de Lhussa par les quatre- vingt-dix degres de longitude est, et se presente d’autant plus belle qu’on va plus loin A I’est; elle est petite, de couleurs variables, telles que le blanc, le gris, le bleuAtre, le chamois clair et le noir; c’est la couleur des poils soyeux, car le duvet abondant qui se trouve A la base est grisAtre; les cornes sont droites, tordues en vis, divergentes; les oreilles assez grandes, mobiles, et retombant en avant. D’autres varietes se trouvent chez les Kirghis, et les habitants en ont de tres-grands troupeaux. Vers 1’Anatolie, on a trouve des Chevres A duvet encore plus abondant, telles que celles qui donnent le ckuron ou poil de Cliameau d'Alep. La Chevre du Thibet {Capra Tibetana, A. G. Desmarest; C. vil- losa, Wagner) est brusquement limitee du cbte de l’lnde par les nronts Himalayas, et les Chevres que Ton rencontre des qu’on commence Adescendre le versant austral appartiennent A d’autres races tres-distinctes. La race thibetaine a un poil soyeux tres-long, mais presque depourvu de duvet; elle peut facilement supporter le froid, est tres-adroite pour gravir les montagnes les plus escarpees, et est employee comme bete de somme pour transporter les marchandises; se trouvant en contact avec des races lanigeres, elle ne tarde pas A s’abAtardir. Plusieurs des races de cette division, el surtout celle designee sous la denomination de Chevre de Cachemire, fournissent ces poils fins, lai- neux, doux et souples, qui servent A la fabrication de ces beaux chAles connus sous le nom de ca- chemires. Nous ne nous etendrons pas davantage sur l’histoire des races de nos Chevres; nous ne dirons rien des debris fossiles qui ont ete decouverts dans certaines parties de l’Europe, parce qu’on n’a pu jusqu’ici les rapporter avec certitude A aucune espece distincte. 164 HISTOIRE NATURELLE. 2™ GENRE. — MOUTON. OVIS. Linne, 1755. Out's, provenant du grec Oi?, nom latin de la race lypique. Systema naturae. CARACTERES GENERIQUES. Systeme denlaire : incisives, f; molaires, |^|; en totality trente-deux dents. Incisives formant un arc entier, se toucliant toules regulierement par leurs bords, lesdeux moyennes etant les plus larges et les deux lalerales les plus pelites; molaires a couronne marquee de doubles croissants d' email, dont trois fausses et trois vraies a chaque cote et aux deux mdchoires : les vraies molaires superieures ayant la convexite des doubles croissants de leur couronne tournee en dedans, et les in- ferieures l' ayant en dehors. Comes grosses, creuses, persislantes , anguleuses, ridees en tracers, contournees lateralemenl enspirale et se dheloppant sur un axe osseux, celluleux, qui a la meme direction. Chanfrein arque; museau termine par des narines de forme allongee, oblique, sans mufle on par- tie nue et muqueuse. Pas de larmiers; pas de barbe au menton. Oreilles mediocres, poinlues. Corps de stature moyenne, couvert d'un poil assez variable par sa nature, et souvent laineux. Jambes assez greles, sans brosses aux poignels; pas de pores inguinaux; un appareil de secre¬ tion particulier occupant sur chaque pied le niveau de l' articulation superieure des phalanges mitoyennes, et s’ouvrant a I'exlerieur par un trou circulaire tres- petit : ce qui n’a pas lieu chez les Chevres. Deux mamelles inguinales. Queue, au moins dans les races sauvages , plus ou moins courte, inflechie ou pendante. Assez mal distingue par les naturalistes anciens et du moyen &ge, c’est a Linne que Ton doit la creation du genre Mouton ou Ovis, et, d’apreslui, un grand nombre de zoologistes, Brisson, Erxle- ben, Boddaert, Gmelin, G. et Fr. Cuvier, Et. et Isid. Geoffroy Saint-llilaire, A. G. Desmarest, Les¬ son, etc., ont adopte ce groupe generique, tandis que d’autres, et nous citerons parmi eux Leske, Illiger, Pallas, Blumenbach, Ranzani, etc., remarquant le peu, on pourrait presque dire le manque de caracteres propres a separer d’une maniere bien tranchee les Chevres des Moutons, les ont reunis dans un meme groupe. Quoi qu’il en soit, les Moutons ne peuvent etre confondus avee les Ruminants sans cornes et pourvus de canines, comme les Chameaux, les Lamas et les Chrevrotains, ni avec ceux dont la tete est ornee de bois ramifies et caducs, tels que les Cerfs, ou de productions osseuses cou- vertes de peau, comme les Girafes; et des lors on ne peut les rappocher que des Boeufs, des Anti- lopes et surtout des Chevres; mais les Boeufs se distinguent des Moutons par leur corps trapu, leurs membres courts et robustes, leur fanon l&che et pendant sous le cou, leurs cornes lisses; leur mufle large, etc.; les chevilles des cornes totalement solides, sans pores ni sinus dans le plus grand nom¬ bre des Antilopes; le nombre de leurs mamelles, qui est souvent de quatre; la presence de larmiers, de pores inguinaux; les cornes non anguleuses, souvent meme tres-lisses, leur fournissent un en¬ semble de caracteres qui ne se rapportent jamais entierement a ceux qu’on observe chez les Moutons; enfin le chanfrein droit ou concave, la direction des cornes d’abord en liaut et ensuite en arriere, la presence assez constante, au moins chez les males, d’une barbe sous le menton, et enfin l’absence de cet appareil de secretion de l'articulation superieure des phalanges mitoyennes du pied, observee par Gene, sont les traits distinctifs qui separent les Chevres des Moutons, qui, & l’etat de nature, ont a peu pres la meme taille, le meme aspect general et les memes habitudes. L’organisation des Moutons, quoique etudiee par un certain nombre d’anatomistes et de v6teri- naires, n’est pas completement connue. On possede cependant quelques details sur leurs squelettes et sur leur myologie, qui ne pr^sentent pas de caracteres bien differents de ceux qu’offrent les autres l ig- 2 — Mouflon a manchellcs PI. 24 RUMINANTS. 165 Ruminants; sur leurs organes digestifs, dont le tube alimentaire, excessivement d6velopp6, est peut- etre, proportionnellement a leur taille, plus long que celui des autres Ruminants; sur leurs organes de la generation, dans lesquels on peut noter quelques particularity, etc. On a cherche dans leur anatomie des caract6res qui pussent les distinguer des Chores, avec lesquelles ils ont tanl de rap¬ ports; mais on n’a pu decouvrir que des differences que Ton pourrait appeler spccifiques, c’est-4-dire de meme valeur que celles que l’on rencontre entre des especes d’un meme groupe generique. Ce qui montre que les deux genres Capra et Ovis sont excessivement voisins, c’est que la Ch6vre pro- duit avec le Mouflon, et la Rrebis avec le Roue, et que les metis qui en proviennent sont quelquefois feconds; ce qui, si on suivait strictement la definition generalement donnee de l’espSce, devrait meme, comme l’ont dit certains auteurs, et Buffon A leur tete, faire admettre que la Chevre com¬ mune ou son type originel, I’digagre, ne differe pas du Mouton ou du Mouflon, dont ilprovient. Fig. 40. — Mouflon d’Euro^*. Les Moutons, qui sont de taille assez grande, se nourrissent de vegetaux bas, et principalement de graminees; ils viverit en families ou en troupes plus ou moins nombreuses; les pays eleves, les som- mites des hautes ch allies de montagnes sont les contrees qu’ils habitent de preference, et on les trouve dans les zones inferieures a celles habitees par les Chevres; leurs habitudes sont les memes que celles de ces derniers Ruminants; c’est ainsi qu’4 l’etat sauvage on les voit sauter de rocher en rocher avec une vitesse presque incroyable, que leur souplesse est extreme, leur force musculairt prodigieuse, leurs bonds tres-eleves et leur course excessivement rapide, et Ton ne pourrait meme pas les atteindre, s’ils ne s’arretaient frequemment au milieu de leur course pour regarder le chas¬ seur d’un air stupide et pour attendee que celui-ci soit 4 leur portee pour recommencer leur course. A l’etat domestique, les moeurs des Moutons sont tout a fait modifiees, comme nous le dirons ; au lieu de leur fierte naturelle et de leur caractere indomptable, ils sont souples et soumis, et ce n’est qu’a l’epoque des amours que les males reprennent leurs moeurs originelles et qu’ils se livrent entre eux des combats furieux. On sait tous les avantages que 1’homme retire du Mouton , l’on connalt tous les produits qu’il lui donne, et Ton n’ignore pas que Ton cherche 4 modifier les races uivant es avantages qu’on veut en tirer. Ces animaux habitent plusieurs regions de l’ancien et du nouveau continent; la Corse, la Sardai- gne et quelques autres lies de la Mediterranee sont les lieux oil Ton trouve l’esp4ce la plus ancien- nement connue, le Mouflon, qui est regarde comme la souche primitive de nos Moutons domesliques 166 HISTOIRE NATURELLE. d’Europe; les autres especes se rencontrent dans la chaine de 1’ Atlas, dans les montagnes de la Sibe- rie et du Kamtchatka, da s cedes du Canada, etc. On ne connait d’une nianiere complete qu’un assez petit nombre d’especes de ce genre; quatre surtout, les seules que nous decrirons, ont ete etudiees avec assez de soin; mais on en indique, dans les catalogues mammalogiques actuels, une vingtaine d’especes, et Lesson, en 1842, en signalait deja quatorze. 1. MOUTON BARBU ou MOUFLON D’AFRIQUE. OVIS TUAGELAPUVS. G. Cuvier. Caracteres specifiques. — Poils de la region inferieure des joues et de la partie superieure des m&choires tres-longs et formant une sorte de barbe double ou divisee : ceux du cote du corps courts; ceux du dessus du cou plus longs, assez droits; ceux du dessous du cou et des epaules grossiers, au moins longs de Om,ll, et pourvus a leur base d'une laine tres-courte et serree; cou, dos et flancs d’un ferrugineux p5le; queue tres-courte; cornes ayant 25 pouces anglais de longueur et 11 pouces de circonference a leur base, divergentes, dirigees en arriere et en dehors, ecartees l'une de l’autre: les pointes d’environ 0m, 25; taille du Mouflon ordinaire. Ce Mouton habile les lieux deserts et escarpes de la Barbarie et les chaines de montagnes du nord de l’Afrique; c’est le Tragdaphus et 1 ' Hirco-Cervus de Caius, et le Barded-Sheep de Pennant, dont nous avons reproduit la description malheureusement incomplete, et que Shaw regarde comme se rapportant a une simple variete de 1’ Argali, ce qui est pen probable, tandis qu’un veterinaire instruit, M. Delafond, le considere, peut-etre avec plus de raison, comme se rapportant a une variete du Mou- tlon d’Europe. G. Cuvier, et d’apres lui la plupart des zoologistes modernes, se basant sur le peu de details que Ton a jusqu’ici sur cette espece, reunissent au Mouton barbu le Mouton a manchette (Ovis ornala ), decrit par Et. Geoffroy Saint-Hilaire dans le grand ouvrage sur l’Egypte, et qui est adopte par M. le professeur Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Cet animal est de la taille du Mouton ordinaire; son chanfrein est assez peu arque; ses cornes mediocres, un peu plus longues que la tete, se tou- chant A leur base, s’elevant droites, puis se couchant de nouveau en arriere et un peu en dedans vers leurs extremites; a face anterieure plus large que la posterieure, et etant toutes entierement ri- dees transversalement; pelage generalement d’un fauve roussatre, assez court partout, si ce n’est sous le cou, oil il existe une longue criniere pendante, composee de poils longs, assez grossiers; les poignets et les jambes anterieures ont aussi chacun une sorte de manchette composee de poils tres- longs et non frises. Trouv6 aux portes du Caire, mais n’habitant probablement pas cette partie de l’Egypte. (Voy. Atlas , pi. XXIV, fig. 2.) 2. BELIER DE MONTAGNE ou MOUFLON D’AMERIQUE. OVIS MONTANA. Et. Geoffroy. Caracteres specifiques. — Tete courte; chanfrein presque droit; cornes, chez les mSles, grandes, larges, ramenees au devant des yeux, en decrivant a peu pr6s un tour de spirale, comprimees comme chez le Bdier domestique, a surface striee transversalement : chez les femelles, beaucoup plus cour- tes et sans courbure sensible; poil court, raide, grossier et comme desseche, ayant une coloration generate d’un brun marron; fesses blanch&tres; museau et chanfrein blancs; joues d’un marron clair; queue tres-courte, noire; ayant environ 5 pieds anglais de longueur, et les jambes, mesurees en ligne droite, en ayant 3. Ce Mouton est remarquable par les formes sveltes de son corps, qui est porte sur de tr&s-longues jambes. G. Cuvier avait emis l’opinion que le Mouflon am^ricain et l’Argali pourraient bien ne former qu’une seule espSce, etM. Harlan affirme meme qu’il n’y apas la plus legere difference entreces deux especes animates ; mais ces Moutons, surtout celui que nous decrivons, sont encore trop imparfaite- ment connus des naturalistes europeens pour qu’on puisse se decider A admettre l’opinion de M. Har¬ lan; cependant quelques caracteres donnes par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire semblent bien d6- montrer que ce sont deux especes distinctes. RUMINANTS. 167 (Test vers le cinquantieme degre de latitude nord et le cent quinzifeme degr6 de longitude ouest, auprAs de la riviere d’Elk, dans l’Amerique du Nord, que le Belier de montagne a ete decouvert, cn 1800, par Gillevray, qui le rencontra par troupes de vingt A trente individus, ayant A leur tete un vieux male, sur les sommets des plus hautes montagnes, et particuliArement sur les pentes arides et les moins accessibles, mais descendant de temps A autre pour paitre dans les valines; il les vit sau- ter de roeher en rocher avec une vitesse et une precision qui rappellent celles des Bouquetins de nos Alpes, et il affirme qu’il serail impossible de les atteindre s’il ne leur arrivait assez souvent de s’arreter dans leur fuite pour fixer celui qui les poursuit. Selon le rapport du voyageur anglais que nous venons de eiter, plusieurs peuplades americaines font une ehasse active A ces Moutons, qu’ils nomment Mi-Attic, et dont ils estiment beaucoup la chair, surtout celle des femelles et des jeunes. 3. ARGALI ou MOUFLON D’ASIE. OV1S AMMON. LinriA Caracteres specifiques. — Tete un peu allongee; chanfrein moins droit; comes, chez les mAles, tres-grosses, tres-Iongues, naissant pres des yeux, devant les oreilles, se coucbant d’abord en ar- riere et en dessous, puis en avant, avec la pointe dirigee en haut et en dehors, triangulaires a leur base, avec une large face en avant; surface ridee en travers, depuis leur naissance jusqu’a moitie de leur longueur, puis A extremite plus lisse, sans 6tre toutefois tout a fait unie; cornes des femelles tr6s-minces, A peu pres droites, presque sans rides et assez semblables a celles de nos Chevres do- mestiques; oreilles assez larges, tr6s-droites, terminees en pointe; cou ayant quelques plis pendants; queue trAs-courte; corps couvert de poils courts, en hiver, d’un gris fauve, avec une raie jaune rous- sAtre le long du dos et une large tache de la meme couleur sur les fesses; face interne des quatre mernbres et ventre d’un rougeAtre encore plus pale; chanfrein, museau et gorge blancbAtres, et, en ete, en general plus roussAtre, mais, en tout temps, la tache jaunAtre ou roussAtre des fesses restant la meme; de la taille du Daim. C’est A Gmelin et A Pallas que Ton doit presque tout ce que l’on sait sur cette espece, que le pre¬ mier de ces auteurs nommait Stepnie baranni, tandis que le second lui a applique la denomination d'Ovis fera Sibirica, vulgo Argali dicta. Li-nnd l’avait d’abord designee sous le nom de Capra Ammon, avant de la ranger dans le genre Ovis, qu’il crea plus tard. Cette espece habite les regions fraiches et temperees de 1’Asie, et n’est pas rare dans les monta¬ gnes de la Mongolie, de la Sougarie et meme de la Tartarie; elle se trouve aussi repandue dans le Kamtchatka; et il semblerait que ce serait d’elle que descendraient la plupart des races de Moutons domestiques de l’Asie. Les Argalis sont tres-forts et tres-agiles; leur Ieg6ret6, lorsqu’ils sautent de rocher en rocher, est remarquable. Les mAles, dans leurs combats pour la possession des femelles, perdent quelquefois leurs cornes, quelque grosses et solides qu’elles soient. Plus vigoureux que les Mouflons ordinaires, les Argalis s’accouplent deux fois par an, au printemps et en automne; et chaque portee est d’un ou deux petits. Quand les femelles orit mis bas, elles s’isolent de la troupe et restent seules avec leurs Agneaux. La chair de ces animaux et surtout leur graisse sont recherch^es par les habitants des lieux ou ils vivent. 4. MOUFLON PROPREMENT DIT. OVIS ARIES FERA. Linne. Caracteres specifiques. — Chanfrein busque, surtout chez les males; cornes de ces derniers tres- grandes, grosses, ridees surtout A leur base, d’un gris jaunAtre, atteignant jusqu’a 0m,66 de lon¬ gueur ; celles des femelles plus petites ou manquant meme souvent; oreilles mediocres, droites, pointues, mobiles; cou assez gros; corps epais, musculeux, A formes arrondies; jambes assez robus- tes; sabots courts; queue courte, inflechie et nue A la face i n ferieure; corps couvert de deux sortes de poils. un poil laineux, gris, 6pais, ayant ses filaments en tire-bouchon, et un poil soyeux, assez peu long, raide, seul apparent au dehors; tete ne presentant que ces derniers poils; pelage d’un HISTOIRE NATURELLE. 168 f;iuve terne, mele de quelques poils noirs sur la tete, le cou, les epaules, le dos, les flancs et la face exterieure des cuisses, avec la ligne dorsale plus foncee; dessous du cou jusqu’a la poitrine, base anterieure des jambes de devant, bords des flancs et queue noir&tres; dessus et c6tes de la fesse, ainsi qu’une ligne qui nait de la commissure des levres et se porte en arriere au-dessus de l'ceil pour se reunir a celle du c6te oppose, egalement de couleur noire, partie anterieure de la face, des¬ sous des yeux, dedans des oreilles, canons des jambes, ventre, fesses et bord de la queue, blancs; face interne des membres d’un gris sale; une tache d’un jaune p4le apparente au milieu de chaque flanc; interieur de la bouche, langue et narines noirs; en hiver, le pelage est plus fourni, presente plus de noir, etles poils du dessous du cou forment une espece de cravate; pelage des femelles of- frant moins d’epaisseur; jeunes d’un fauve plus pur que les adultes, avec les fesses d'un fauve bru- natre; cornes ayant deja de 0m,15 a 0m,20 au bout d’un an; un peu plus grand que le Mouton do- mestique, ayant environ lm,15 de longueur totale, et sa hauteur, prise & la partie du dos la plus elevee au-dessus du sol, mesurant CT,75. (Voy. page 165.) Le Mouflon etait bien connu des anciens; il parait avoir ete designe par les Grecs sous le nom d’otpiov, et il est clairement indique dans les ecrits de Pline et de Strabon sous les denominations de Mosuon et d’OpHiON : Pline le rapproche avec raison de la Brebis domestique, et ajoute qu’il produit avec ce dernier animal des metis connus sous la denomination d'Umbri. C’est le Musmon et le Mu- simon de Gesner; le Tragelaphus de Belon; le Mouflon de Buffon, Fr. Cuvier; YOvis argali, Bod- daert, Shaw; l’Ouis ammon, Linne, Gmelin; la Capra ammon, Linne; YOvis musimon, Goldfuss; le Musione de Sardaigne; le Muffole de Corse, etc. Cet animal se trouve dans les parties les plus 6le- vees de la Corse et de la Sardaigne, sur les montagnes occidentals de la Turquie d’Europe, dans Pile de Chypre et vraisemblablement dans quelques autres iles de l’archipel grec; et, a moins que F Argali ne doive lui etre rapporte, il semblerait qu’il ne s’eleve pas plus au nord. Selon Pline, l’es- pece habitait autrefois la Corse et l’Espagne; et il semblerait meme, de nos jours, selon le temoi- gnage de Bory De Saint-Vincent, que quelques individus sauvages auraient ete pris dans la penin- sule iberique. Dans l’etat de nature, les Mouflons ne quittent jamais les sommites des montagnes; ils marchent par troupes, qui se composent d’une centaine d’individus, et a la tete desquels se trouve toujours un vieux male. En decembre et janvier, epoque du rut, ces troupes se divisent eu bandes plus petites, formees chacune de quelques femelles et d’un seul male; lorsque ces bandes se rencontrent, les males se battent a coups de cornes : souvent Pun d’eux perit, et, dans ce cas, les femelles qui l’ac- compagnaient sejoignent au troupeau du vainqueur. Les femelles portent cinq mois, et mettent bas, en avril ou mai, deux pelits qui peuvent marcher d&s le moment de leur naissance, et dont les yeux sont ouverts; elles ont pour eux beaucoup de tendresse, et les defendent avec courage. Ce n’est qu'a la troisieme annee que les petits ont atteint tout leur d£veloppement, quoiqu'ils montremt, d&s la fin de la premiere annee, le desir de s'accoupler. La menagerie du Museum a possede des Mouflons, Fr. Cuvier a publie a ce sujet d’interessantes remarques. La domesticite n’a aucune influence sur le developpement de l’etat intellectuel dans ceux de ces animaux qui ont vecu 4 notre menagerie; ils claient mechants, presque indomptables, et ne se sont pas familiarises, n’ont jamais montre aucune confiance, aucune affection, aucune docilite, bien differents en cela des animaux carnassiers, que l’on parvient presque toujours it captiver par la douceur et par de bons traitements. C’est du Mouflon et peut-etre aussi de l’Argali que sont descendus nos Moutons domestiques et leurs races ou varietes innombrables dont il nous reste ^ parler. La plupart de ces races, quoique leur organisation soit presque identique avec celle du type sauvage, semble, au premier coup d’oeil, s’eloigner considerablement de ces Ruminants et appartenir meme a un genre tout different. Les formes sveltes et gracieuses, la rapidite et la legerete des mouvements qui caracterisent les Mou¬ flons, ont fait place, chez les Moutons, a des formes plus ou moins lourdes, a une lenteur, 4 une indo¬ lence qui sont presque devenues proverbiales; en outre, le poil rude et cassant, dont l’aspect a fait comparer les Mouflons auxDaims et aux Chevreuils, est remplacepar une laine moelleuse. Cette der- niere modification a principalement semble bien remarquable, et il devait en etre ainsi; car elle suf- fisait seule pour changer entierement l’aspect de l’animal; aussi les naturalistes ont-ils de bonne heure tente de Pexpliquer, et leurs recherches ont donne pour resullat qu’il n’y a pas la, comme on RUMINANTS. 1G9 aurait pu etre port6 A Ie croire, une sorte de metamorphose ou meme de creation nouvelle, mais un developpement de ces poils laineux qui existent chez tous les Mammiftres des pays froids, et qui sc trouvent meme avoir deja chez les Mouflons une forme et une disposition analogues A celles de la laine de nos Moutons domestiques. Mais comment et par quelles causes s’est oper6 ce changement des poils laineux en une veritable laine? Comment s’est operee la disparition des poils soyeux que Ton observe en meme temps? Toutefois la nature du pelage n’a pas subi, dans toutes les races do¬ mestiques, la modification dont nous venons de parler, et quelques-unes d’entre elles ont encore, sous ce rapport, conserve les caractAres du type primitif. Plusieurs races out un vrai poil court, sec et soyeux comme celui du Mouflon; d’autres ne conservent ces poils que sur la tete et sur les mem- bres, et chez eux le corps est couvert seulement par les poils interieurs plus ou moins fins, plus ou moins abondants, et qui constituent la laine. La queue courte du Mouflon se voit encore dans quel- ques Moutons du Nord, tandis que dans ceux des regions lemperees elle s’allonge, et que, dans plu¬ sieurs varietes des regions chaudes du globe, cette queue se charge d’une loupe graisseuse qui acquiert souvent un enorme developpement; enfin les couleurs du pelage des Moutons couverls de vrais poils sont presque toujours rapprochees du fauve et regulierement disposees, tandis que ceux qui n’ont que de la laine sont le plus ordinairement blancs ou bruns. Toutes les races de Moutons domestiques produisent entre elles, et leurs metis presentent tou¬ jours des caracteres mixtes relativement a ceux de ces races : chez toutes, d semble y avoir un de- faut complet d’intelligence, ce qui tient peut-etre a Tentiere et antique domination de Thomme. L’espece, d^generee au dernier point, est peut-etre, comme le fait remarquer Fr. Cuvier, la seule parmi celles des animaux domestiques qui ne pourrait pas revenir a l’etat de nature si elle se trou- vait placee dans les conditions memes les plus favorables A son existence; il semble qu’une fois abandonnee par Thomme, elle ne tarderait pas a disparaitre. Ce n’est qu’a Tepoque des amours que les Moutons entiers ou Beliers montrent quelque ardeur, quelque courage; alors seulement un senti¬ ment de jalousie irreflechie les porte a se battre entre eux, ce qu’ils font en s’elangant les uns contre les autres et en se frappant a grands coups de tete; hors ce temps, ils sont dans un etat complet d’ in¬ dolence et de stupidite. Les femelles, ou Brebis, ne semblent avoir qu’un faible atlachement pour Ieur progeniture, et elles se la voient enlever sans chercher a la retenir. Les jeunes, qui a leur nais- sance portent le nom d 'Anlennois, et qui plus tard, pendant un an, ont re?u celui d 'Acjneaux, pa- raissent doues d’un sentiment un peu plus fin; car il est certain qu’ils reconnaissent parfaitement leur mere au milieu d’un troupeau, ce qu’ils ne doivent peut-etre qua une lueur d’instinct qu’ils ne (ardent pas a perdre. Ils sont de la plus parfaite indifference les uns pour les autres; ils se rappro- chent et se serrent lorsqu’ils eprouvent quelque frayeur, ce qui leur arrive souvent; et toujours, dans leur marche ou dans leur fuite, la determination d’un seul, le plus avance, ou plutot le hasard qui dirige la marche de celui-ci, devient la regie de conduite de tous les autres; ils ne savent eviter au- cun danger, et meme ils sont incapables de chercher aucun abri contre les intemperies de Tatrno- sphere. Ils savent A peine trouver leur nourriture dans les terrains peu abondants en vegetaux, et en cela ils sont loin de montrer un diseernement comparable a celui des Chevres. Leur constitution est tres-faible, et leur conservation demande des soins constants. Un grand nombre d’agriculteurs et de veterinaires ont publie des travaux importants sur Teduca- tion, la conservation et le perfectionnement des Moutons; nous allons indiquer sur ce sujet quelques notions tres-generales, d’apres le resume qu’en a donne A. G. Desmarest dans le Dictionnaire des Sciences naturelles, et, pour plus de detail, nous renvoyons aux traites speciaux. Les Brebis sont en etat d’engendrer A un an, et les Beliers a dix-huit mois; mais on ne fait produire les premieres qu’a deux ans, et Ton ne permet au Belier de couvrir ses femelles qu’A trois ans, epoques auxquelles ils ont acquis toute leur croissance. C’est entre le commencement de novembre et la fin d’avril que les Bre¬ bis sont disposees A s’accoupler; neanmoins une nourriture abondante et un peu echauffante peut les mettre en etat de concevoir dans les autres mois; c’est principalement septembre, octobre et novembre que Ton choisit pour la monte, afin d’avoir des petits en fevrier, mars et avril, saison oil Therbe tendre et abondante convient le plus a la nourriture des jeunes animaux. L’accouple- ment se fait tres-vite; un Belier bien constitue peut servir, sans s’epuiser, une trentaine de Biebis. Ces dernieres, une fois couvertes, doivent recevoir de grands soins : dans nos pays, elles ne font qu’un petit, et ne produisent qu’une fois par an; mais, dans quelques conlrees des pays chauds, cer- p. ■ 22 170 HISTOIRE NATURELLE. taines races ont deux Agneaux par portee, et ces portees se renouvellent deux fois par an. Les Bre- bis conservent leur lait sept ou huit mois apres la naissanee des petits; mais on ne laisse ceux-ci teter que deux ou trois mois. Comme le nombre des males qui naissent est aussi considerable que celui des femelles, et qu’il n’est necessaire de garder qu’un petit nombre de ces males pour la re¬ production, les autres sont en general destines pour la boucherie, ou conserves, apres la castration, pour en recueillir la laine pendant plusieurs annees : ces animaux ainsi castres portent le nom spe¬ cial de Mentions. La chair des Agneaux se mange lorsqu’ils ont de trois semaines a deux mois au plus. L’epoque a laquelle on engraisse les Moutons pour la boucherie est trAs-variable : si l’on veut se procurer une chair tendre et de bon gout, il faut les engraisser entre deux et trois ans; mais si Ton desire obtenir tous les produits en laine qu’on peut esperer de ces animaux, on attend jusqu’A six, sept et meme dix ans, lorsque Ton est dans un pays oh les Moutons peuvent vivre jusqu'a cet Age; alors il faut les engraisser un an ou quinze mois avant le temps oil ils commencent a deperir. Une fois engraisses, il faut se hAter de tuer les Moutons; car ils ne vivraient pas longtemps dans cet etat. C’est vers le mois de mai que Ton fait la tonte des Moutons; on lave parfois la laine sur le dos meme de l’animal; mais le plus habituellement on la detache telle qu’elle est, remplie d’une sueur grasse qu’on appelle snint, laquelle est un preservatif merveilleux pour Acarter les Insectes destructeurs de la laine. Les troupeaux de Moutons sont ordinairement composes de cent A deux cents betes de tous Ages. Dans nos climats, on les loge dans des etables qui doivent etre bien aerees, et on les conduit chaque jour paitre dans la campagne. La fiente des Moutons Atant un engrais actif et que Ton em- ploie trAs-utilement, on a imagine, pour perdre le moins possible d’excrements, le parcage des Mou¬ tons, pour lequel on doit suivre des regies assez compliquees. Les maladies des betes A laine sont nombreuses; les unes, ou les Apizootiques, se repandent sur un grand nombre d’animaux sans dis¬ tinction de pays, et dans tous les temps : telles sont le claveau ou la clavelee et la gale ; d’autres, ou les enzootiques, sont attachees A certaines contrees et reviennent chaque annee a la meme epoque : telles sont la fal'ere, la pourrilure, etc.; d’autres encore, les sporadiques, surviennent sans regula- rite, indistinctement, partout, A quelques individus seulement : telles sont, par exemple, le tournis, le pietain, le fourchet, etc. Plusieurs de ces maladies sont contagieuses, soit par contact immediat, soit par des intermediaires, tels que le charbon, le claveau et la gale. Outre ces maladies, on doit ajouter que les Moutons sont souvent attaques par un grand nombre de Vers intestinaux des genres Tricocephale, Stronyle, Douve, Cysticerque, Echinocoque, etc.; qu’un Insecte diptAre, l’CEstre, atta- que des parties importantes de leur organisme et produit le tournis; et qu’enfin, lorsqu’ils ont mange trop de certaines plantes un peu aqueuses, comme le trefle, la luzerne, le seigle vert, etc., ils eprou- vent un accident singulier qu’on appelle meteorisation, enflure, ecouflure, etc., et qui peut sou¬ vent, lorsqu’on n’y porte pas un prompt remede, etre mortel. La duree de la vie des Moutons est habituellement de douze a quinze ans; l’Age de ces animaux, au moins pendant les premieres annees, se reconnait par l’existence ou l’absence des incisives de lait, et par l’etat de destruction plus ou moins assure de leurs dents de remplacement; a un an, les deux intermediaires de lait tombent et sont remplacees, et a trois ans elles sont toutes renouvelees; elles sont alors Agales et blanches, mais ensuite elles se dechaussent, s’emoussent et deviennent inAgales et unies. Les produits des Moutons dont l’homme tire les plus grands avantages sont leur chair et leur lait, dont il se nourrit; leur peau et surtout leur laine, qui lui fournissent des vetements; leur graisse, dure et solide, designAe sous le nom particulier de suif , qu’il emploie a s’Aclairer pendant la nuit et a plusieurs autres usages; leurs os, dont il tire divers produits; enfin leurs excrAments mernes, qui, donnant un engrais trAs-chaud, contribuent puissamment A augmenter la fertilite des terres. La domestieite du Mouton remonte aux temps les plus recules. L’Ecriture sainte rappelle son exis¬ tence en meme temps que celle des premiers habitants de la terre. Les Moutons Ataient tres-estimes des Grecs; leur introduction en Italie n’eut lieu cependant qu’assez tard, mais ils y donnArent lieu A de nombreux travaux. Les Moutons d’Espagne sont renommes depuis la plus haute antiquitA; mais on ne sait pas si ces animaux ont Ate importAs dans ce pays, soit de l’Afrique, soit de l’Orient. On pense generalement que ce ne fut qu’A des epoques moins AloignAes que les troupeaux ont pu etre introduits dans les autres parties de l’Europe, alors tres-boisAes et tres-humides, et ou 1’Aducation du Boeuf devait etre preferee. AprAs la decouverte du nouveau monde, les Espagnols introduisirent, dil-on, le Mouton domestique en AraArique, et ce n’est qu’A une Apoque encore peu AloignAe que les RUMINANTS. 171 Merinos fnrent importes en grand nombre dans l’Australie. Bien quo I’education dos betes A laine ail ete tres-perfectionnee dans un grand nombre de conlrees de l’Europe et de I’Asie, on voit encore en Perse, au voisinage de la mer Caspienne et dans certaines parties de 1'lndoustan, lieiix pen favo- rables A la perfection des formes et A Paffmage de la laine, des Moulons se rapprochant jusqu’A un certain point de l’etat de nature. D’apres l’ancienne domesticite du Mouton, on comprend qu’il doit y avoir une tres-grande quan- tite de races et de varietes de cette espece, et e’est ce qui a lieu en effet. Un tres-grand nombre de naturalistes et d’agrieulteurs se sont occupes de ce sujet important et ont propose plusieurs classifi¬ cations differentes; il ne nous est pas possible d’entrer dans de grands details A ce sujet : aussi n’in- diquerons-nous que les races principales, et nous suivrons dans ce travail la methode donnee par M. le professeur Delafond dans son article Mouton de V Encyclopedic du dix-neuvi'eme siccle, tome XVI (trente-deuxieme volume), 1 851 . Parmi toutes les races de Moutons domestiques, trois grandes divisions doivent etre etablies : § 1. Races a grosse queue (Ovis aries laticaudata, Rai). — Elle a la taille des races communes francaises : chanfrein tres-arque; oreilles pendantes; comes n’existant pas ou ayant des formes tres- variees; laine longue, A meches grosses et epaisses; queue descendant jusqu’auxj arrets, grosse, large, tres-rentlee par l’accumulation d’une grande quantite de graisse douce, oleagineuse, et employee dans certaines contrees a la place du beurre et de l’huile; graisse accumulee quelquefois aussi en grosse masse A l’origine de la queue. Le Mouton a grosse queue, Fr. Cuvier, ou Mouton de Barbarie, est I’Oi; Apagto; d’iElian et de Gesner, 1 0. cauda obesn de Ludolf, l’O. turcica de Charlton; O. la¬ ticaudata, Rai; O. aries stelopyga, Pallas, etc.; habite l’Afrique, l'Asie et la partie de l’Europe voisine de cette derniere. On peut y distinguer quatre races. — A. Une premiere, des steppes du midi de la Russie, de la Perse et de la Chine, signalee par Pallas, ayant une queue excessivement courte et dont la loupe graisseuse est composee de deux grosses masses plus ou moins arrondies, ramies superi'eurement, mais separees A leur partie inferieure. — R. Une race de la Haute-Egypte, figuree par Fr. Cuvier, a queue qui descend tres-bas, surpasse le corps en largeur dans les deux 172 HISTOIRE NATURELLE. premiers tiers; le dernier etant beaucoup moins large. — C. Une troisieme, le Belter du cap de Bonne-Esperance, de Pennant, remarquable par ses longues oreilles pendantes et par ses grosses loupes caudales remplies de graisse. — D. Une quatrieme, ou le Mouton d'Astracati, Fr. Cuvier, dont les jeunes Agneaux fournissent les fourrures connues dans le commerce sous le nom d’astra- can, qui n’a constamment pas de cornes, et dont la queue n’offre quun renflement assezleger. § 2. Races a longue queue ( Ovis aries dolichura, Pallas). — Taille ordinaire; tete noire; cornes de grosseur moyenne et contournees en spirale sur les cotes de la tete; queue tres-longue, trainaut quelquefois a terre, mais sans aucune tendance a Felargissement par la graisse; laine longue, grasse, quelquefois ondulee. Cette race, qui est designee sous les noms de Tscherkessica par Pallas, d'Ouis Arabica, Jonhston, etc., liabite la Russie meridionale et parliculierement les bords du Danube et du Dniester, la Moldavie, la Bessarabie, laValachie, la Transylvanie, la llongrie, et vers l’ouest jus- qu’a Vienne. § 3. Races a longues jambes, Fr. Cuvier (Ovis aries longipes, Linne). — Grande taille; forme efflanquee; corps tr&s-allonge; jambes tres-hautes; tete prolongee et fortement arquee, se rappro- cliant de celle du Mouflon; oreilles grandes et pendantes; cornes de longueur moyenne; queue lon¬ gue. Quelques races ou variety ont au-dessous du cou une longue laine formant un epais fanon; d’autres portent une espece de criniere qui se prolonge jusqu’aux epaules, & poil court et n’ayant rien de laineux. Cette division est originaire d’Afrique, et particulierement de la cote de Guinee et du cap de Eonne-Esperance. Elle est, assure-t-on, tres-repandue dans l'lnde. Les Hollandais Font, dit-on, transporter des c6tes de la Guinee etde l'lnde dans File Texel. De ce lieu, elle aurait ete in- troduite dans la Frise, la Flandre o.rientale, le Holstein, le Schleswig, le pays de Marsh, la partie orientate du nord de FAngleterre, et entin dans le nord de la France, oil elle aurait donn6 naissance k des races particulieres ayant quelque chose du type et connues aujourd’hui sous les noms de races du Texel, hollandaises, anglaises, frisonnes, flandrines ou flamandes, artesiennes, picardes, cau- choises, etc. C’est le type originel de ces races que Margrave et Jonhston ont nommees Aries Guineensis ou Angalensis; c’esl le Relier et Rrebis des Indes et le Morvan de Ruffon, Ovis Adimain, Bod- daert, etc. Fig. 42 — Mouton commun. Presque toules nos races de Moutons d’Europe, les seules dont nous voulions parler, semblent Fig. 2. — Vaclie. I'l RUMINANTS. 175 descendre de cette division, et cependant nous devons faire observer que quelques-unes d’entre dies peuvent bien etre le produit, soit de diverses races des deux autres divisions, soit de races des Mou- tons asiatiques, qui eux-memes semblent provenir plutot de l’Argali que du Mouflon. A. Races du nord. — Nous en citerons particulierement deux : 1° le Moutonvalachien (Ovis aries strepsiceros, Pline; Oi; So.vS'o?, Oppian), chez lequel les cornes sont tres-longues, avec une arete tres- marquee, dont la laine est tres-abondante, ondulee, grossiere, propre A faire des fourrures, la queue tres-longue et tres-touffue, et se trouve dans File de Crete, la Valachie el la llongrie; 2° 1 eMouton d'lslande ( Ovis aries polycerata, Linne; O. Gotliica, Pallas; Belier d’Islande et Brebis a plu- sieurs cornes, Buflon), de petite laille, a cornes irregulieres, assez grandes, variant en nombre de- puis deux jusqu’A six et plus, a simple courbure dirigee en arriAre, ayant un pelage generalement court, d’un brun noirAtre, et qui habite Fislande, les lies Feroe, la Norwege etle Gothland. B. Races itai.iennes. — On ne trouve plus aujourd’hui en Italie qu’un petit nombre de Moutons a laine fine; mais ces animaux sont deformes, greles et defectueux, et Fon peut difficilement y recon- naitre les descendants de ces belles races d’Apulie, du Bratiane, de la Sieile, etc., qui donnaient, au temps de la splendeur de Rome, ces belles laines fines et si recherchees pour la confection des vetements. C. Races espagnoles. — Les Moutons d’Espagne ont dil etre ameliores par les diverses races ame- nees de FAsie par les premieres colonies pheniciennes, de FAfrique par les Carthaginois, de l’lta- lie par les Romains, et enlin une derniere fois de FAfrique par les Maures, et ainsi il est probable que ces derniers n’ont pas apporte d’Afrique, comme la plupart des auteurs Font pense, la race Merinos ou Merine, mais qu’ils ont seulement contribue a perfectionner les races qu’ils out trouvees dans le pays. Cette race Merinos ( Ovis aries Hispania, Linne), est de taille, moyenne, a corps ramasse et arrondi, a croupe fournie et courte, A tete grosse, large, plate ou legerement arquee au ebanfrein, a cornes volumineuses et en spirales, pourvues de nombreux et profonds sillons et pouvant quelquefois manquer; A jambes courtes; peau rose, tres-mince, a laine fine, douce, plus ou moins ondulee, elastique, assez courte, tassee, fortement chargee de suint, recouvrantla tete jusqu'au bout du nez et formant A son sommet, dans les animaux sans cornes surtout, un toupet marque; quelques individus, les Merinos plisses, ayant la peau produisant un fanon marque et formant au cou, aux epaules et aux fesses de nombreux plis qui augmentent beaucoup son etendue. On distingue deux types dans cette race : le type voyageur ou transhumant et le type sedentaire ou estant; le premier comprenant les Merinos leones du royaume de Leon, les plus recherches A cause de leur belle con¬ formation et de la finesse de leur laine, et les Merinos sorians, eleves dans les environs de Soria et de Segovie, et qui l’hiver habitent les confins de FEstramadure, de FAndalousie et les pAturages de la Navarre et des Pyrenees; le second type descend des betes sorianes, et les Moutons qu’il comprend sejournent constamment, hiver et ete, aux environs de Segovie; ils sont moins estimes que les au¬ tres, et le prix de leur laine est d’un quart ou deux tiers moindre. Les Merinos, a cause de la beaute de Ieurs formes, et surtout du poids et de la finesse de leur toison, ont ete importes en Suede, en Saxe, en France, en Prusse, en Autriche, en Hongrie, en Angleterre, en Amerique, au cap de Bonne- Esperance, en Australie, etc.; partout, si ce n’est en Angleterre, ces animaux ont prosper^ et sont devenusla source d’une grande richesse agricole, et aujourd’hui meme FAustralie rivalise en quelque sorte, pour la beaute de ses laines, avec les plus belles productions de FEspagne, et Femporte par leur abondance. D. Races allemandes. — L’Allemagne a importe, bien plus que la France, les Merinos leones pro- venant de Perales, de Flnfantado et de Negrette; aujourd’hui la Baviere, la Saxe, la BohSme, le Ha- novre, la Prusse, F Autriche, la Hongrie, la Russie et les petits Etats allemands possedent des trou- peaux de Merinos trAs-recberches et donnant une quantite de laines superfines : on cite particulere- ment la race electorate de Sasce. Parmi les races allemandes proprement dites, on indique surtout la race de Mark ou de Frise, A corps gros, long, A jambes longues, A tete legerement busquee, A oreilles pendantes, A laine longue, droite et lisse, qui habite les contrees les plus fertiles de l’Alle- magne, du Hanovre, du Holstein et du Schleswig; ces Moutons, dont les Brebis sont tres-fecondes, HISTOIRE NATURELLE. m s’engraissent facilement dans ]es bons pAturages; ils sont amenes sur les bords du Rbin et alimen¬ ted souvent nos marches fran^ais et en particulier ceux de Poissy et de Sceaux. line autre race al- lemande est la race des bruy'eres , qui est tres-rustique, donne une viande recherchee, mais dont la iaine est courte, grise ou jaunAtre, tres-rude. E. Races anglaises. — Quoiqu’on ait donne des noms particuliers, ceux de Ovis aries Anglica et d 'Ovis Anglicana. Linne, au Mouton anglais, il est tres-facile de reconnaitre qu’il y a plusieurs races distinctes en Angleterre; quelques-unes sont trAs-remarquables sous le rapport de leur confor¬ mation, de leur nature, de leur precocite et de la beaute de leur laine longue et propre au peigne plusieurs ont ete introduites en France a differentes epoques, vantees depuis une vingtaine d'annees surtout et entretenues dans nos bergeries nationales, et principalement a Alfort, oil elles ont ete in¬ troduites par les soins de M. Yvart. Parmi ces races, on doit principalement citer les suivantes : 1° Races a longue laine ou longwods, comprenant : — a. Race dite Dishley, New-Leicesler ou de Rakewcll : taille moyenne, corps rond, flanc court; cou, garrot et croupe formant une ligne droite; epaules fortes; reins larges; tete petite; front large; oreilles petites; yeux gros; pas de cornes; laine assez fine, blanche, brillante, de 0m,15, 0m,20 et mcme 0,25 de longueur, et propre au peigne; cette race parait descendre de la souche primitive des Longwods, existant depuis un temps immemorial dans les contrees du centre de l’Angleterre, et on s’accorde a penser que le grand perfectionnement auquel Bakewell Fa portee resulte d’un choix habile parmi les plus beaux individus du comte de Lei¬ cester; ce n’est ni dans le volume, ni dans le poids de son corps et de sa toison, ni dans la longueur, la finesse et le brillant du brin de la laine, que consiste son merite principal et reel; mais sa valeur et sa superiorite incontestables sur les autres races a longue laine de PAngleterre proviennent de sa conformation parfaite, de sa nature excellente, de son extreme precocite et de la haute faculte qu’elle possAde de bien approprier la matiere alimentaire, et de la convertir, des le tres-jeune Age, en chair et en graisse; les Dishleys, qui reussissent dans nos departements du Nord et de l’Ouest, peuvent, dans l’economie d’une ferme bien cultivee, etre engraisses et vendus pour la boucherie des l’Age de quinze mois ou deux ans; les Reliers sont tres-prolifiques et peuvent, dit-on, couvrir quarante, cin- quante et meme cent Rrehis : celles-ci sont fecondes et ont souvent des portees doubles. — b. Race Romney-Marsh, tres-ancienne en Angleterre, originate des plaines d’alluvion ou des marais du comte de Kent, A tete grosse, avec un toupet de laine, A encolure allongee et forte, A jambes lon¬ gues et grosses, A abdomen et flanc tres-developpes; tres-rustiques, lestes, supportant facilement les rigueurs des fortes rafales de la mer et l’humidite des pAturages, mais s’engraissant lentement. — c. Race New-Kcnt : c’est un produit de la precedente et des Dishleys, ayant des caracteres des deux, et etant aujourd’hui assez repandu en France. — d. Race Colswold, du comte de Gloucester, A taille un peu elevee; chanfreiri legerement busque chez les mAles; pas de cornes, corps bien fait; jambes assez longues et assez fortes, laine tassee, meche de 0m,15 a 0“,20 de longueur, d’un bril¬ lant argentin, douce : animaux rustiques et d'une constitution parfaite, introduits en Suisse et dans le midi de la France, etc. 2° Races a laine courte, parmi lesquelles on prefere : — a. Race Soutli- Down, des petites collines calcaires formant les dunes du comte de Sussex; animaux a face noire encadree par la Iaine blanche formant une espece de toupet surle front; jambes noires ou d’un gris noirAtre; corps trapu; tete courte, assez forte; to;son bien tassee, pesant environ un A deux kilo¬ grammes lavee A dos, et dont la mAche a 0m,06 A Um,10 de longueur, un peu rude, jamais bien blan¬ che; eleve surtout pour sa viande, qui a constamment joui d’une grande reputation, etpour sa Iaine, qui est excellente pour la fabrication des draps tres-resistants A la pluie; ont ete introduits en France. — b. Race Cheviot, originaire du nord du Northumberland dans un pays de montagnes : tete et pattes brunes ou noires; pas de cornes; corps plus ou moins long; membres minces; toison epaisse; chair assez bonne; tres-rustiques et s’accommodant des pAturages les plus grossiers; transports dans tous les pays de montagnes de l’Angleterre, et reussissant dans nos Alpes et nos Pyrenees. — c. Race dupays de Galles ou des bruyeres, ne se distingue guerede la precedente que par la presence de cornes, et vivant dans la chaine de montagnes qui separent l’Angleterre de I’Ecosse, etc. F. Races FRANf aises. — On pensait jadis qu’il n’existait qu’une seule race fran^aise plus ou moins modifiee, el A laquelle on appliquait la denomination d’Ouis aries Gallica; mais aujourd’hui tous les agriculteurs sont d accord pour y reconnaitre un assez grand nombre de races differentes tant in- RUMINANTS. 175 digSnes qu’introduites ou modifies. 1° Grandes races a longue laine. — a. Race flandrine ou (lamande, a corps long; jambes hautes; tele petite ct sans cornes; llancs allonges; queue longue; marche degagee; laine longue de0m,20 4 0m,25, douce, brillante, nerveuse, dispos6e par mfeches pen- dantes et pointues. Cette race, qui est tres-bonne pour la boucherie, exige une nourriturc abondante et substantielle, se rencontre en Ilollande, en Belgique, dans les provinces rhenanes, et, en France, dans les departements du Nord, ainsi que dans la Vendee et dans la Charente-Inferieure. — b. Race artesienne , qui ne semble qu’une variete, A formes plus ramassees, de la precedente, dont la laine estde belle qualite, et qui habite l’ancienne province de l’Artois. — c. Race picarde, un peu moins ele¬ vee sur jambes et moins lourde que la precedente, 4 laine grosse, moins longue que celle de la race flan¬ drine, dont elle semble descendre; sa toison, longue et propre au peigne, alimente les fabriques de lurcoing, Roubaix, Lille, Amiens, Abbeville, etc. — d. Race cauchoise ou normande ; de taille assez elevee, a tete longue et assez grosse, 4 corps long, rond, ample, 4 toison disposee en meches droites, pointues, douces et assez brillantes, et dont le pays originaire est compris entre Rouen, le Havre, Dieppe et Neuchatel; a, comme la precedente, ete croisee, avec avantage, avec les races anglaises. — e. Race du Rouergue ou du Causse, 4 taille elevee; corps long; tete busquee; laine longue, trfis- commune, pouvant etre peignee, mais laissant beaucoup de dechet; cette race est tr4s-robuste et donne une bonne viande. A ces diverses races on peut ajouter les races anglaises, soit pures, soit m6langees aux nbtres. 2° Races elrangeres de moyenne taille et a laine fine introduces et acclima- tees en France : les deux principales de ces races sont la race Merinos d’Espagne, deja introduite depuis longtemps dans plusieurs parties de notre pays, et qui y donne de bons resultats, et la race anglaise South-Down, qui se reproduit 4 Fetat de puret6 a la ferme de Montcavrel, oil, ainsi qu’4 Alfort, une vente en est faite chaque annee, et qui a ete croisee avec quelques-unes de nos races in¬ digenes. 3° Races frangaises a laine fine. Les trois principales sont : — a. Race du Roussillon, 4 taille moins elevee que les Merinos, 4 corps moins trapu; cornes contournees en spirale et dans les deux sexes; laine fine, plus ou moins ondulee, elastique, tr&s-nerveuse, mais moins impregnee de suint et moins tassee que la laine merinos; chair estimee. — b. Race du Berry ou Brione: taille pe¬ tite; corps rond; tete petite; pas de cornes; membres assez courts, greles, droits, sans poils; laine egale, blanche, fine, douce, tassee, legerement frisee; chair excellente; des plaines calcaires du liaut Berry, mais surtout des environs d’Issoudun. — c. Race de Larzac; taille petite; corps bien fait; tete droite, petite, legerement busquee; queue courte; membres greles; laine blanche, fine, fri- s6e, trfes-onctueuse; race tres-rustique, d’une bonne nature, d’une grande finesse et excellente lai- tiere : en effet elle donne le lait qui sert 4 la fabrication du fromage de Roquefort, si estime dans le commerce, et dont la consommation est si considerable : se trouve dans FAveyron, et surtout dans les arrondissements de Saint-Affrique et de Milban. 4° Races frangaises a laine commune : ces races, repandues sur presque tous les points de notre territoire, et propres exclusivement 4 la boucherie, sont beaucoup trop nombreuses pour que nous les indiquions toutes; ainsi ne signalerons-nous que les principales. — a. Race gatine, des departements de la Vienne et des Deux-Sevres; elevee dans les plaines presque incultes nominees gatines; remarquable en ce que sa tete, son ventre et ses jam¬ bes sont depourvus de laine; donnant une chair exquise, et ne devant pas etre confondue avec les Moutons vendeens, nantais, marchais et gatinais. — b. Race solognote. encore pure, de petite taille, 4 membres roux non garnis de laine, assez trapue, propre 4 Fancienne Sologne ou dans le territoire compris entre Romorantin, Bourges, Orleans et Gien : est rarement elevee dans son pays natal, mais est surtout en faveur parmi les engraisseurs du val de la Loire, du Berry, de la Beauce, du Gatinais et des environs de Paris. — c. Race provengale, petite, a corps bien fait; jambes peu ele- vees; laine commune; tres-abondante dans les departements des Bouches-du-Rhone, du Var et de la Vaucluse; nourrie dans le pays pendant Fhiver et envoyee Fete dans les montagnes de la Dr6me, de l’lsere, des Hautes et Basses-Alpes. — d. Race ardennaise, petite, 4 tete et jambes rousses; s’en- graissant facilement, pouvant etre entretenue dans des p4turages maigres; tres-robuste et donnant une viande excellente; du departement des Ardennes. — e. Race champenoise : cette race, remar¬ quable par sa laine et qui etait tres-estimee, a presque entierement disparu aujourd’hui, par suite de Fintroduction des Merinos. — Le Berry, la basse Normandie, le pays de Cholet, V Anjou, le Per- che, etc., poss^dent encore quelques races pures, mais generalement peu estimees, dont nous ne croyons pas devoir parler. HISTOIRE NATURELLE. 170 Apres avoir faitconnaitre Ies quatre especes principales deMoutons et avoir indiqueles races nom- breuses qui descendent de 1’uoe d’entre elles au moins, il nous reste & indiquer les noms des autres especes admises par les auteurs, tout en faisant observer que quelques-unes d’entre elles ne sontque de simples varietes de l’Argali et du Mouflon; telles sont les Ovis opkion, Blyth, de Tile de Chypre; 0. stcatopygos, Pallas, d’Abyssinie; 0. cylindr icornis, Rlytb, du Caucase; 0. Gmelini, Blytb, de l’Armenie et de la Perse; O. Palii, Blytb, de Pamir en Asie; 0. nahoor, Hodgson, de Thibet et de 1’Himalaya; O. Burrhel, Blyth, du kamtchalka; 0. Californiana, Douglas, de la Californie; 0. Vig- nei, Blyth, du petit Thibet, etc. En outre, on a signale quelques ossements fossiles, mais ils sont trop peu connus pour qu’on puisse les distinguer specifiquement. TROISIEME TRIBU. BOVIENS. B0V1I. Nobis. Le mot Bceuf, dit G. Cuvier, designe proprement le Taureau chAtre; dans un sens plus etendu, il designe 1’espece entiere, dont le Taureau, la Vache, le Veau, la Genisse et le Bceuf ne sont que dif- ferents etats; enfin, dans un sens plus etendu encore, il s’applique au genre entier, qui comprend les especes du Bocuf, du Bul’fle, du Bison, de l’Yack, etc. Dans ce dernier sens, le genre Bceuf est compose de Ruminants a pieds fourchus et a cornes creuses, qui se distinguent des autres genres de cette famille, tels que les Chevres, les Moutons et les Antilopes, par un corps trapu, par des mem- bres courts et robustes, par un cou garni en dessous d’une peau ltiche qu’on appelle fanon, par des cornes qui se courbent d’abord en has el en dehors, dont l’axe osseux est creux interieurement et communique avec les sinus frontaux. Le genre Bceuf, quoique ne renfermant qu’une dizaine d’especes, est devenu pour les zoologistes modernes une famille particuliere qui a recu les noms de Bovidce, II. Smith; Bovina, Gray; Bovides, Duvernoy; Bovesidce, Lesson, etc., que, pour nous conformer a notre nomenclature, nous avons designe sous la denomination de Boviens (Bovii), et qui ne comprend qu’un seul genre, celui des Bceufs ou Bos, qui a 6te partage en quatre groupes distincts, ceux des Boeufs proprement dits, Bisons, Buffles, Yacks et Ovibos, dont on a meme fait des genres, mais que nous ne conside- rons que comme de simples sous-genres. On a parfois dispose autrement cette division, et c’est ainsi que les Bovesidm de Lesson, outre les Bos, renferment le genre Bibos, Hodgson, qui ne comprend que le B. frontalis et le genre Catoblepas, dont nous avons regards les especes comme n’etant que des Antilopes, et que pour lui les Ovibos ne se rapportent pas a la tribu des Ovesidce. Nous entrerons dans plus de details sur cette tribu en decrivant le genre si important des Boeufs; nous ajouterons seulement que Ton rencontre k l’etat de nature des Boviens partout, excepte en Oceanie, et qu’il en existe des especes fossiles. GENRE UNIQUE. — BOEUF. BOS. Linne, 1735. Bos, nom latin de l’espece typique. Systema naturse. CARACTERES GENERIQUES. Systenie dentaire : incisives, molaires, jbqj; en tolalite trente-deux dents. Incisives infe- rieures rangees regulierement, larges et en forme de palette; molaires ne presentant ri&n de par- ticulier et disposers comme dans les Buminants en general. RUMINANTS. 177 Tele forte; chanfrein droll ; un large mu fie lerminant le museau, mats manquant dans I'Ovl- bos; oreilles en general grarules, cn cornet, mobiles; yeux grands; langue longue, douce on cou- verte de papilles cornees; pas de larmiers, de pores inguinaux, ni de brosses de poils aux poignets. Comes simples, coniques , lisses, -h coupe ronde, prenant differenles inflexions, mais souvent di- rigees laleralement, avec la poinle relevee. Un fanon on repli de la peau inferieure du coa plus ou moins luche. Corps epais, de grande taille, supporte par des membres epais. Queue mediocre ou assez longue, terminee par un flocon de grands poils. Pelage compose de poils assez rudes, generalement courts, el longs, au conlraire, dans (Yack. Qualre mamelles dans le plus grand nombre des cas; deux s’atrophiant presque complelcment dans quelques especes . Les Bceufs sont des animaux de grande taille, essentiellement herbivores; A l’Atat sauvage, ils vont en troupeaux plus ou moins nombreux selon les espeices, et se tiennent dans les bois et les plaines qui leur offrent une nourriture aboridante; loin d’etre timides comme les Antilopes, ils sedefendent avec avantage contre les animaux carnassiers de la plus grande taille a l'aide de leurs comes robus- tes. L’homme est cependant venu k bout de les asservir; il est parvenu k en faire des animaux do- mestiques, dont on connait un tres-grand nombre de races, et qui lui donnent beaucoup de produits, et particulierement leur chair, leur lait, leur cuir, etc., et qui, en outre, leur servent comme betes de somme, et, dans un grand nombre de pays, sont tres-utiles pour tirer la charrue. Les pays chauds et temperes du globe sont les endroits ou ils se trouvent principalement ; on les rencontre surtout, k l’etat sauvage, dans l’Europe orientale, dans les monlagnes du Thibet, l’lnde, l’extremite meridionale de l’Afrique, les territoires occidentaux des Etats-Unis d’Amerique Le Bceuf domestique d’Europe, dont la souche primitive semble perdue, a ete transport^ dans toutes les con- trees oil les Europeens ont fonde des colonies, et c’est ainsi que cet animal est aujourd’hui tres- abondant en Amerique, ainsi qu’en Oceanie’, ou il n’y a pas de type sauvage du genre Bos. On con¬ nait une dizaine d’especes de Boeufs aetuellement vivants, et on en a signale a peu pr£s autant A l’etat fossile : ces dernieres semblent exclusivement appartenir a l’ancien continent, et plus parti- culiArement k l’Europe; toutefois M. Harlan a signale une espece fossile comme propre aux fitats- Unis d’Amerique, son Bos latifrons. Nous avons indique les seuls caracteres qui peuvent distinguer generiquement les Boeufs, et, dans les quelques mots que nous avons dits sur la tribu de Boviens, nous avons rapportela caracteristique qu’en donnait, il y a quarante ans, G. Cuvier; et, malgre l’espece d’elasticite de cette definition, nous pensons avec M. Roulin qu’on ne peut pas en donner une autre aujourd’hui; car, de meme qu’il n’y a rien eu a retrancher a l’ensemble des caracteres qu’elle enonce pour faire entrer dans ce genre plusieurs especes nouvellement decouvertes, de meme il n’y a rien eu a y ajouter apres la separation d’une espece, l’Ovibos, que l’on a voulu en distraire, et qui ne differe reellement que par un mufle nu, ce qui se remarque aussi chez 1’Yack, par les mamelles, autrement disposees, cc qu’on voit en partie deja chez les Bullies, et par la structure des molaires, qui donnerait peut-etre un meilleur caractere. On comprend done que cette homogeneite des caracteres dans le groupe qui nous occupe n’a pas permis facilement de former de nouvelles coupes generiques aux depens de ce groupe, et que ce n’est qu’a des caracteres de peu de valeur, et presque exclusivement artiliciels, qu’on a du avoir recours pour y parvenir. De Blainville, le premier, en 1816, a forme le genre Ovi- bos avec le Bos moschalus, et c’est peut-etre la meilleure de toutes les subdivisions, et ce qui le orouve, c’est qu’elle a ete assez generalement adoptee. Cependant, en 1824, dans son Ilistoire nalu- relle des Marnmiferes, Fr. Cuvier a propose d’y former deux groupes : « Ces Ruminants a cornes creuses, dit-il, a jambes courles, A corps epais et lourd, qui portent le nom generique de Boeuf, se divisent en deux families bien distinctes par le naturel et par les organes : l’une est celle qui ren- ferme les Buffles, animaux en quelque sorte aquatiques, qui vivent dans les marais aupres des ri¬ vieres, dans lesquels ils restent plonges une partie du jour, et qui ont des cornes a base large, cou- vrant une partie du front, aplatie A leur c6te interne et arrondies k leur c6te externe; dont la langue 178 HISTOIRE NATURELLE. est douce, etc.; 1’autre est celle des Boeufs proprement dits, qui se distinguent des premiers parce qu’ils vivent davantage dans les prairies elevees et dans le voisinage des forets; que leurs cornes sont lisses, arrondies, sans elargissement a leur base; que leur langue est couverle de papilles ai- gues et cornees, etc., et qui comprend le Bison d’Amerique, l’Auroch, le Yack et notre Boeuf domes- tique avec ses varietes, ainsi que le Jungly-Gau. » D'autres zoologistes distiibuent les especes de Boeufs en deux sous-genres sous les noms de Tanein et de Bisontin; mais, dans ce dernier groupe, les uns font entrer avec le Bison et l’Auroch, le Yack, le Goyal etle Gour, et d’autres rapprochent ces deux derniers animaux de notre Boeuf commun. G. Cuvier, dans ses Ossements fossiles, avait in¬ dique avec sa precision accoutumee les caracteres osteologiques par lesquels se distinguent les Boeufs, dont il avait pu se procurer le squelette, en totalite ou en partie; c’est de ces caracteres, qu’il ne considerait que comme specifiques, que M. Hamilton Smith, dans son appendice joint a la traduction anglaise du Regne animal, a fait usage pour sa repartition en sous-genre, repartition dont M. Hogd- son a admis les bases, mais qu’il a modifiees dans l’applieation d’apres une connaissance plus com¬ plete du Gour et du Goyal, justement detaches par lui du groupe Bisontin de M. II. Smith. Plus re- cemment, en 1842, dans le tome 11 du Dictionnaire universe I cl’Hisloire naturelle, M. Boulin, apres avoir fait avec YOvibus de De Blainville un genre particulier et distinct de celui des Boeufs, a propose d’autres subdivisions du genre des Boeufs qui semblent plus naturelles que celles de ses devanciers : d’apres lui, on peut y former quatre groupes particuliers, ceux des Taureaux, des Bonuses ou Bisons, des Yacks et des Baffles; il donne avec soin la caracteristique de chacun de ces groupes, caracteristique que nous ferons bientot connaitre, et il indique les principaux caracteres qui peuvent servir a la distinction des especes que chacun de ces groupe renferme. Plusieurs autres methodes ont encore ete proposees, et le Yack principalement a tantot ete place dans un groupe, tantot dans un autre. Tout dernierement, Duvernoy a ete plus loin que ses devanciers; car ce ne sont plus des groupes qu’il forme parmi les Boeufs, mais des genres, qu’il distingue au nombre de quatre; et, en outre, il parle des especes fossiles de cette division naturelle; c’est dans une note in- seree dans le t. XXXIII (1851, deuxieme semestre) des Comples rendus de I’Academie cles sciences el plus recemment dans le Bulletin de la Societe zoologique d’ acclimatation (1854), que Duvernoy dit quelques mots de la classification qu’il adopte pour les Boeufs, qu’il a suivie dans l’arrangement de la galerie d’anatomie comparee du Museum, et indique les especes fossiles qui en ont 6te decrites. Pour lui, le genre ou plutot la famille des Boeufs, qui se distingue des autres Ruminants si cornes creuses par ses formes trapues, ses jambes robusles, son large mufle, son fanon plus ou moins pro¬ nonce et ses comes en forme de croissant ou a peine courbees & leur extremite (Amis), ou contour- nees en spirale (Ovibos), etc.*, se compose de quatre genres ; ceux des Bceofs proprement dits (Bos), des Bisons ou Bonases (Bison), des Buffles (Bubalus) et des Ovibos (Ovibos); et chacun de ces groupes renferme au moins une espece fossile qui se distingue des especes vivantes par des caracteres plus ou moins prononces. Au genre Boeuf proprement dit appartient le Bceuf des tourbieres de G. Cuvier (Bos primigenius, Bojanus), remarquable par les faces frontale etoccipitale de la tete se reunissant ii angle tres-aigu et formant, par leur reunion, un bourrelet tres-saillant entre les cornes. Le genre Bison se compose de deux especes fossiles qui correspondent aux deux especes vivantes : l’un d’Eu- rope, Bos priscus; T autre d’Amerique, et se distinguant par leurs grandes proportions et par celles de leurs preeminences osseuses. On ne connait bien que deux especes de Buffles fossiles; et 1’une d’elles est l’espece de Buffle de la section des Arnis, decouverte pres de Setif dans un terrain diluvien, que Duvernoy a fait connaitre sous la denomination de Bubalus (Ami) antiquus dans Tune des no¬ tes que nous citons : cette tete fossile est de grande taille, a bords orbitaires plus rapproches des noyaux osseux que dans aucune autre espece de Buffle, a face superieure aplatie, a front un peu bombe, etc. Quant au genre Ovibos, G. Cuvier y rapporte trois tetes decouvertes en Siberie, dont les deux premieres ont ete signalees par Pallas, et M. Dekay en a fait connaitre une quatrieme decou¬ verte en Ameriqup sur les bords du Mississipi, qu’il rapporte a la meme espece, et qu’il designe sous le nom de Bos Pallasii. En outre, les breches osseuses et les terrains tertiaires ont fourni d’assez nombreux debris d’ossements fossiles, mais de nouvelles recherches sont necessaires avant d’admet- tre celles proposees par MM. Harlan, Hermann de Meyer, Jobert et Croizet, etc. Quoique nous n’adoptions pas completement la classification de Duvernoy, nous la suivrons en grande partie en donnant les descriptions des principales especes de Boeufs; seulement nous ne con- RUMINANTS. 479 sid6rerons les genres de cet auteur que comme des sous-genres, Ies caracteres qui les distinguenl ne nous paraissant pas avoir une valour assoz forte pour la creation de groupcs gen6riques, nous trans- poserons l’ordre de ces divisions atin de mettre les Ovibos le plus pr6s qu’il nous est possible des Moutons, avec lesquels ils ont de nombreux rapports, et nous ferons, i> l’exemple de M. Roulin, un groupe particulier avec l’Yack. l”r SOUS-GENRE. — OVIBOS. OVIBOS. De Blainville, 1810. Ovis, Moulon; Bos, Boeuf. Bulletin de la SocietG philomalhique de Paris. CARACTERES DISTINCT1FS. Comes clargics a la base, recouvrant le front et conlournees cn spirale comme cellos du Belter. Orbites tres-rapproches ties comes el tres-saillants sur les cotes de la tele, au point qu’ils depas- sent beaucoup cn deltors les arcades zggomatiques. Molaires plus elroites aux deux mdchoires que dans les Boeufs propremenl dils; email encore moins complique, moins festonne a la surface triturante; derni'ere molaire proporlionnellement tres-longue a la machoire inferieure, tandis que les deux premieres sont plus pelilcs; email clessi- nant un petit anneau interieur enlre les deux collines de la surface triturante, comme dans les Baffles; plus en dehors on ne trouve quun ou deux rudiments tres-peu reconnaissablcs, de. la co¬ lonnette qui figure, a Vinterieur , les dcmi-cglindres des arriere-molaires dans toutes les esp'eces de Boviens. Ce groupe a ete cree parDe Blainville comme genre et adopte par M. Hamilton Smith, ainsi que par la plupartdes zoologistes, qui le regardent comme constituant un genre distinct de celui des Boeufs. Nous avons, d’apres Duvernoy , indique les caracteres qui le distinguent des autres divisions de l’ancien genre linneen des Boeufs; on peut, en outre, lui assignee les particularites suivantes : corps epais, trapu; jambes fortes; tete courte; front tres-eleve; chanfrein long et assez fortement busque, comme celui des Moutons; cornes tres-fortes, tres-elargies, non anguleuses ni noueuses, se touchant a leur base, s’appliquant ensuite sur les cotes de la tete et se relevant brusquement en arriere et de cote; pas de mufle ni de barbe au menton; oreilles courtes, tres-rec.ulees; yeux petits; pas de sillon a la levre su- perieure, ni de larmier, ni de barbe; pas de pores inguinaux; poils tres-touffus, longs; queue tres- courte. De tous ces caracteres, ceux qui sont les plus remarquables sont le manque de mufle, qui existe tres-developpe dans les Boeufs, et la forme busquee du chanfrein, qui rappelle celle du Mou- ton. Ces caracteres sont sans doute peu importants, mais ils le sont neanmoins autant, pour le moins, que ceux que Ton a admis jusqu’a present pour separer generiquement les Chevres des Moutons; tou- tefois nous n’avons cru devoir regarder les Ovibos que comme subdivision des Boeufs, tout en con- venant qu’ils ont peut-etre un peu plus d’importance que ceux indiques pour distinguer les Boeufs proprement dits, les Bisons, les Yacks et les Buffles, que nous avons admis egalement comme sub¬ divisions sous-generiques. On ne connait qu’une seule espece vivante de ce groupe, qui habile l’Amerique du Nord; e’est : OVIBOS MUSQUE. OVIBOS MOSCHATUS. A. G. Desmarest. Cabacteres specifiques. — Pelage compose de grands poils laineux de couleur brun fonce; cornes naissant sur le sommet de la tete, tres-pres l’une de l’autre, tres-larges A leur base, se recourbant d’abord en has pour se relever lateralement a la pointe; pas de mufle; taille d’une jeune Genisse. Ce Ruminant est le Musk ox de Pennant, le Bos moschalus de Gmelin, le Bceuf jiusque de Buffon, TOvibos de De Blainville et de G. Cuvier, le Buffle musque des voyageurs, etc. L’aspect general du mAle est plutbt celui d’un gros Mouton que celui d’un Boeuf, ce qui a probablement engage Lesson a ranger ce genre dans sa famille des Ovesidce; le corps et la t6te sont allonges; le front tres-eleve et orne d’une 180 HISTOIRE NATURELLE. sorte de criniere de longs poils divergents d’un centre commun el couvrant la racine des cornes; celles-ci toules noires, lisses, elargies, se touchent & leur base, se courbent ensuite en avant et un peu en bas, en s’appliquant sur les c6tes de la tele, puis se relevant brusqueraent en liaut et en arriere; les oreilles sont courtes, tr&s-reculees et toutes couvertes de poils doux et epais; les yeux sont tres-petits, tres-dis- tants entre eux, trfes-eloignes du bout du museau, compris dans le premier arc forme par les cornes; le chanfrein est tres-allonge, busque comme dans un Belier; les narines sont laterales, petites, plus rappro- chees entre elles que celles du Bceuf, mais moins que celles du Belier; il n’y-a pas de mufle; la bouche est tfes-petite; les levres tres-epaisses, la superieure n’offrant pas de sillon median; les membres sont forts et courts; les sabots plus grands aux pieds de devant qu'a ceux de derriere, d’un brun fence, convergents l’un vers l’autre & chaque pied; la queue est tres-courte et entierement cachee par les -soils de la croupe; le cou, le tronc et l’origine des membres sont revetus de poils de deux sortes : une bourre ou laine tres-longue et epaisse, et des soies tres-fines qui la traversent; les extremites depuis la moitie de 1’avant-bras en avant et le commencement des jambes en arriere sont garnies de poils courts et tr6s-serres contre la peau; le dessous du cou et la ganache sont fournis de poils tres-Iongs, de la nfeme nature que ceux du dos; les poils de la face sont d’autant plus courts qu’ils s’avancent davantage versle bout du museau, qui en est entierement couvert. La couleur generate est le brun rouss&tre, avec du brun presque noir en quelques endroits; le tour des narines, la levre su¬ perieure et l’extremite de la levre inferieure sont blancs. La femelle ne differe du nfele que par une taille un peu moindre et par des cornes moins fortes. Les Ovibos vont par troupes de vingt ou trente, se plaisent surtout sur les montagnes steriles, et frequentent rarement les parties boisees; ils sont legers a la course et grimpent facilement sur les rochers. Leur chair a un goflt musque. L’espece est tifes-nombreuse entre le soixante-sixieme degre et le soixante-treiziemc degr6 de lati¬ tude septentrionale en Amerique, et les premiers iudividus que Ton rencontre, en se portant vers le nord des Etats-Unis, sont entre la riviere Charcill et celle des Veaux-Marins, sur le cote occidental de la baie d’Hudson. Deux cranes, qu’on rapporte a cette espece, trouves en Siberie, l’un sur les bords de l’Ob, pres de I’Obdor, et l’autre pres de Tundra, ontete decrits par Pallas et par G. Cuvier; ces ciAnes ont surtout du rapport avec la t6le osseuse du Buflle du Cap; mais ils en different en ce que les cornes se rap- prochent de maniere que leurs bases se regardent par des lignes droites paralleles, au lieu de former RUMINANTS, 181 un angle aigt*, dont la pointe est dirigee vers le sommet de la tete, parce que le museau est plus large A proportion et en ce que les orbites formentdes tubes saillants, tandis que dans le Ruffle du Cap ils ne sont pas proeminents. On presume que les cranes trouves en Siberie y ont etc apportes par les glaces, si toutefois ce« crftnes appartiennent if cette esp6ce; ce qui n’est pas tout a fait hors de doute. Lesson les indique sous la denomination d 'Ovibos moscliatns fossilis. 2*° SOUS-GENRE. — BISON. BISON. Duvernoy, 1854. Bison, nom specifique de l’espece typique. Bulletin de la Socidtd zoologique d’acclimatation. caractEres DISTINCTIFS. Tele plus carree que les Boeufs; front plus large relativement a sa hauteur , un pen bombe cnlre les comes et s'elevanl au-dessus et en arriere de celles-ci, en s'inclinanl vers l1 occiput; la portion qui depasse les comes en arriere appartient au parietal, limitee par la crete occipitale , el, sur les coles, par les fosses temporales qui se prolongent ainsi plus en arriere et en haut que dans les Boeufs; la face occipitale se reunissant a la face frontale par un angle obtus. Noijaux osseux cles comes coniques. Orbites tres-saillants de cliaque cole, surtout dans les vieux males, et rapproches de la base des comes : ce qui est une consequence de la brievete du front. Ce groupe comprend deux especes vivantes, l’unedu nord de l’Europe et peut-etre du nord-ouest de l’Asie, l’aulre de l’Amerique septen trionale. II y a egalement, d’apres Duvernoy, deux especes fossiles : l’une d’Europe et l’autre d’Amerique. Les deux especes vivantes de Risons ou de Bonases se ressemblent beaucoup plus entre elles que les especes des autres sous-genres du genre Boeuf; elles sont surtout caracterisees par la charpente osseuse par les proportions plus greles des membres, par le nombre des cotes, qui est de plus de treize, par la disposition des apophyses epineuses des vertebres dorsales, par les formes generales de la tete, qui est plus courte pour sa grosseur. La tete differe de celle des autres Bos, 1° par les proportions du front, qui est plus large que haut, a peu pres dans le rapport de deux if trois; 2° par la saillie des orbites; 5° par la forme du front, qui est bombe, ce qui ne tientpas tant au renflement de la partie moyenne qu’it la fente de la partie superieure; 4° par le mode de rencontre de cette par- tie avec la face occipitale, qui se fait sous un angle droit ou meme obtus, et sans etre indiquee par une crete saillante, tandis que dans les Boeufs proprement dits les deux plans se rencontrent sous un angle aigu, et sont separes par un bourrelet tres-prononce; 5° par la position des cornes, qui, au lieu de s’attacher tout a fait au sommet du front, s’inserent notablement plus bas et plus pres des orbites. Ces ariimaux se distinguent, en outre, au premier coup d’ceil, de tous les autres Boeufs, par la disproportion qui semble exister entre les parties anterieures et les parties posterieures de leur corps, par leur dos bossu, par la criniere qui couvre leurs epaules et retombe jusque sur les jambes de derriere, par la longue barbe qui pend de leur menton et par l’epaisse touffe de poils dont leur front est garni. L’apparence de bosses tient a l’enorme developpement des premieres apophyses du dos, qui, au moins aussi saillantes que dans le Gour et le Goyal, mais decroissant plus rapidement & mesure qu’elles se portent en arriere, sont flanquees de deux masses charnues et forment ainsi, au lieu d’une crete etroite, une protuberance arrondie dont le volume est encore exagere par l’epais- seur des poils dans cette region. Les poils des Bisons sont de deux sortes : les uns sont laineux, tres-abondants en hiver, tombant en partie en ete; les autres sont soyeux, constituent principale- ment la criniere, la barbe et les manchettes, dont les jambes de devant sont ornees, et se renouvel- lent aussi, mais de maniere A ne laisser jamais completement degarnies ces parties, ou, chez les vieux males, elles offrent une tres-grande longueur; ces poils, principalement ceux du front, sont impregnes d’une odeur de muse tres-forte, surtout dans le temps du rut; l’epaisse toison qui revet toute la partie anterieure du corps concourt encore a faire paraitre plus grele la partie posterieure. 182 HISTOIRE NATURELLE. qui, d’ailleurs, absolument parlant, est beaucoup moins massive que dans les autres especes de Bceufs. La patrie a< tuelle de l’Aurochs est la Lithuanie et la Moldavie, car les individus trouves dans le Caucase constituent peut-etre une espece distincte; celle du Bison proprement dit est le nord de l’A- merique, et principalement la province du Missouri; mais il est probable qu’a une epoque eloignee de nous ces animaux ne se trouvaient pas dans les rnemes contrees. « Dans les pays, dit M. Boulin, oil l’liomme vit a un certain degre de civilisation, il peut, dans le cours des temps, modifier la ma- niere d’etre non-seulemerit des races domestiques, mais encore des especes sauvages. Ainsi il a repousse rAurochs, d’un cole, dans les montagnes de la Moldavie et du Caucase, de l’autre, dans les forets marecageuses des pays slaves. Par 1’introduction des armes E feu dans le nouveau monde, il a inquiete le Bison dans ses prairies natales et l’a pousse a tenter a travers les montagnes Rocbeuses, dorit il ignorait le chemin, des Emigrations partielles sur les bords de l’ocean Pacifique. Si la region des prairies pouvait devenir le sejour d’une population nombreuse, si la Californie et les regions voi- sines du littoral se peuplaient Egalement, bientot sans doute la grande chaine qui divise les deux pays deviendrait la patrie des Bisons, et ce serait seulement dans l’histoire des temps passes qu’on le rencontrerait com me un habitant des plaines. » Quant aux especes fossiles, l’une est le Bos urus prisons, Seklet, qui a ete trouvee en Italie et dans la Siberie orientale; etl’autre, suivant Duvernoy, est propre a l’Amerique du Nord, et differe des Bisons vivants d’une maniere assez notable. 1. AUROCHS. BOS URUS. Linne. Cabacteres specifiques. — Cornes grosses, rondes, laterales; front bombe, quoique un peu moins que celui du Buffle, beaucoup plus large que haut; Crete occipitale situee a environ cinq centimetres en arriere de la base des cornes; quatorze paires de cotes; mamelles disposees en carre comme dans les Boeufs, et non sur une seule ligne transversale comme dans le Buffle; queue tres-longue; avant- train du corps jusqu’aux Epaules herisse de poils bruns, longs de 0m,35, doux et laineux pres de la peau, mais rudes et grossiers a l’exterieur; partie laineuse de cette fourrure et poibdu sommet de la tete grisatres; dessous de la gorge jusqu’au poitrail garni d’une barbe pendante de plus de 0m,55; tronc, depuis les epaules et les quatre jambes, reconvert d’un poil tres-court, lisse, d’un brun noi- rStre. Femelle ayant les poils de la partie anterieure du corps moins longs que ceux du mitle, la tete moins grosse et la couleur moins foncee. Taille a peu pres Egale a celle du Rhinoceros mEle; longueur totale, depuis le bout du museau jusqu'a l’anus, 10 pieds 3 pouces anglais; hauteur des trains de devanl et de derriEre environ 6 pieds. Ce Bceuf est le Bovaccc; on Taureau de Pcenie d’Aristote et des Grecs; c’est le Bonasus de Pline; ['Urus de CEsar, de Gesner, etc., d’ou Boddaert, Linne, Pallas, G. et Fr. Cuvier, etc., ont tirE la denomination specifique de Bos urus ; 1’ Aver ochs, d’ou Ton a fait Aurochs de Jonston, de Rai, de Brisson, etc.; le Bison jubalus de Pline; le Bukovs; d’Oppian; 1 'Aurochs, Bonasus et Bison de I'an- cien continent de Buffon; le Bos taurus, var. urus, Bos bonasus et Bos bison de Linne et d’ErxIe- ben; le Bos taurus, var. ferus, subvar. urus, bonasus et bison, Gmelin; ['Aver oclis de Riddenger, ['Aver ochs, Aurochs des Allemands, c’est-a-dire Boeuf sauvage, Boeuf des montagnes; source du mot Urus-Zubr des Polonais, etc. L’existence des Aurochs a bosse au garrot n’estpas constatEe d’une maniere positive, et G. Cuvier presume que les animaux qui auront prEsentE l’apparence de cette Eminence Etaient simplement de vieux individus chez lesquels le poil du garrot avait pris une longueur considErable : c’est a cette prEtendue race a bosse que Buffon a appliquE le nom de Bison qu’on trouve dans les anciens a cotE de celui de Yurus, et que Ton pense etre dErivE de l’allemand bisam (musquE), parce que les vieux Aurochs rEpandent en effet une forte odeur de muse. On n’a aucun renseignement positif sur les moeurs de 1’ Aurochs; on sait seulement qu’il vit dans les grandes forets et qu’il est assez farouche; sa voix, dit-on, est plutot un grognement, comme celle de l’Yack, qu’un mugissement, comme celle du Boeuf ou du Buffle. On ne l’a pas aujourd’hui A l’Etat domestique, meme dans son pays natal, et Ton ne sait pas si les anciens l’avaient sounds a la do¬ mestication. Quelques auteurs ont admis que cette espece Etait le type de toutes nos races de Bceufs RUMINANTS. 183 ordinaires; mais cc!a ne semble pas probable, et la meilleure preuve qu’on puisse en donner, c’est qu’il y a entre ces deux animaux des differences organiques tres-importantes, et que le nombrc des cotes est de quatorze paires dans l’Auroclis et de treize seulement dans le Boouf ordinaire : la do¬ mestication peut certainement plus ou moins modifier la nature des animaux, et principalement les caractAres exterieurs, maisellene peut transformer les organes interieurs. Fig. 44. — Aurochs. L’Aurochs est beaucoup moins nombreux et moins repandu qu’il ne l’etait autrefois; il a vecu longtemps dans toutes les forets de l’Europe temperee, et il se trouvait encore en Allemagne du temps de Cesar : aujourd’hui il est confine dans les forets de la Lithuanie et de la Moldavie, et dans les bois des monts Crapacks et du Caucase : encore les individus de cette derniere contree ne sont- ils pas assez bien connus pour que Ton puisse affirmer qu'ils se rapportent a la meme espece, ou s’ils n’en differaient pas specifiquement. On en a vu un individu a la Menagerie de Berlin , et le Musee de Paris en possede un squelelte. 2. BISON. DOS AMERICANUS. Linne. Caracteres specifiques. — Formes trapues; tete courte et grosse; cornes petites, naissant Iiori- zontalement des cotes de la tete et se relevant ensuite presque verticalement, tres-distantes entre elies; yeux assez petits; garrot tres-eleve; train de derriere assez grele; queue ne descendant pas jusqu’aux talons; un poil laineux, tres-epais, couvrant le sommet de la tete, les joues, le chanfrein, le cou et les epaules; de grands poils longs et non frises formant une barbe epaisse, pendante sous le menton, et de larges manchettes vers le bout des jambes de devant; flancs, croupe, cuisses et jambes de derriere revetus de poils tres-courts et serres-. queue couverte de poils ras, et terminee par un flocon de longs crins; couleur generate noire A la tete, marron sur les epaules, et d’un brun fonce sur le dos, les cAtes, le ventre et le train de derriere; poils d’hiver ne differant de ceux d’etA que parce qu’ils sont plus longs, surtout aux parties posterieures du corps. Femelle moins forte que le male. Longueur totale, mesuree en suivant la ligne dorsale depuis le bout du nez jusqu’a Forigine de la queue, 2m ,40 ; hauteur au garrot, lm,40; a la croupe, 1”,30. Lors de la decouverte du nouveau monde, on vit d’immenses troupeaux d’une espece de Boeuf m HISTOIRE NATURELLE. que Ton rapportait ft l’ancienne espece sauvage de l’Europe, a l’Aurochs, qui en effet lui ressemble beaucoup; et le Bison a ete assez longtemps confondu avec l'Aurocbs. Aujourd’hui, quoiqu’on n’ait peut-etre pas encore des donnees suffisantes, on s’accorde generalement a separer specifique- mentces deux especes, et le meilleur caractere que Ton puisse donner pour les distinguer, c’est que dans l’espece europeenne il y a quatorze paires de cotes, tandis que dans l’espece americaine il y en a quinze paires; et a cela on peut joindre quelques particularity de moindre valeur. Ce Boeuf est le Taurus Mexicanus d’Hernandez; le Tauri vaccceque Quinirce regionis de Fer¬ nandez; the Buffalo de Lawson; the Buffalo de Catesby; Wilde ochsen nod Kiihe, Kalm; le Bceuf sauvage de la Louisiane de Du Pratz; X Americana bull de Pennant; le Buffala de Shaw; le Bos bi¬ son d’Erxleben et de Linne; le Bos Americanus de Gmelin; le Bos urus varietas de Boddaert; le Bison de Buffon, de Fr. Cuvier, d’A. G. Desmarest, de Warden, etc., et de tous les naturalistes et voyageurs modernes. Les Bisons vivent dans les forets en hiver et dans les prairies en ete; ils forment souvent des trou- peaux si considerables, qu’on a evalue le nombre des individus qui les composent a dix mille au moins. Ils sont d’assez grande taille, et les individus les plus ftges acquierent des dimensions assez considerables; les vieux mftles pesent jusqu’a mille six cents a deux mille livres anglaises. A l’epo- que du rut, vers la moitie du mois de juin, les mftles se livrent des combats furieux pour se disputer les femelles. A l’ftge d’un an, ces animaux sont d’un caractere assez docile pour etre facilement ren- dus domestiques et employes a la culture des terres, et pour leur chair, qui est a peu pres sembla- ble a celle de notre Boeuf. Les vieux individus montrent un caractere timide et evitent l’approche de i’homme; mais lorsqu’ils sont blesses, ou bien ft l’epoque du rut, ils deviennent tres-farouches; on leur fait une guerre tres-acharnee : aussi Pespece sauvage en est-elle considerablement diminuee en Amerique. Notre menagerie du Museum a souvent possede et possede encore aujourd’hui des Bisons qui s’y sont meme reproduits : Warden a essaye de doter l’Europe de cette espece, mais les essais d’acclimatation n’ont pas ete suivis avec assez de soin : esperons qu’aujourd’hui que les questions d’inlroduction de nouvelles especes animates sont a l’ordre du jour, on tentera de nouveaux essais qui seront plus heureux. En attendant, deja plusieurs parties de l’Europe sont nourries avec les viandes salees de Bison que l’Amerique nous adresse, et nous employons egalement beaucoup le cuir que produit cet animal. Fig. 45. — Bison. Les parties tempdrees de I’Amerique septentrionale sont les contrees oil 1’on rencontre les Bisons. Cette espece a ete vue dans les deux Carolines peu de temps apres 1’arrivee des premiers colons, ft Fig. 1 — Cerf da Canada. \S v-'.i /v Fig. 2. — Duille du Gao. ri BUMINANTS. 185 l’est des monts Apalaches, sur les parlies elevees dc la riviere da cap Fear; elle exisle encore dans les contrees les plus occidentales do la Pensylvanie. Des troupeaux de plusieurs ccntaines d’individus ontet6 fr^quemment rencontrAs, jusqu’en 1766, dans le Kentucky; raais ces animaux se sont retires par degr6s devant la population blanche, et on les voit maintenant raremenl au sud dc 1’Ohio et a i’est du Mississipi; le terriloire du Missouri est celui oil l’espfece a semblA pendant longtemps s’etre concentree; mais aujourd’bui elle s’eloigne encore et tend a traverser les montagncs Rocbeuses; il est probable qu’elle s’eloignerait encore davantage si elle rencontrait des prairies ou elle pClt abon- damment se nourrir. 3"s SOUS-GENBE. — BUFFLE. BUBALUS. Duvernoy, 1834. Bubalus , nom latin de l’espece typique. Bulletin de la Society zoologique d’acclimatalion. CARACTERES DISTINCTIFS. Front bombe dans tons les sens, moins large a la base quenlre les comes; face dc prime e au-des- sous du front; faces occipilale el frontale sc partes par une surface inlermediaire appurtenant au parietal , depassant les comes en arriere d'une longueur sensible selon les especes, el differanl en¬ core dans sa largeur el son degre d'inclinalion vers /’ occiput : de sorle qu’elle semble en faire par- tie ou apparlenir au front, suivanl cette inclination. Comes de forme prismatique ou pyramidale , ayant au moins leur face superieure aplatie, sabaissant plus ou moins des leur base en se portant en dehors et en arriere, puis se courbanl un peu en dedans et vers le haul, pres de leur extremile. Orbiles tres-rapproches de la base des comes, descendant tres-obliquement en dedans. Email des arri'ere-molaires monlrant, dans la face trilurante, une plus grande complication et plus de festonnement que dans les aulres groupes : outre le pli qu’il presente entre les demi-cylin- dres des arri'ere-molaires, il dessine plus en dedans un petit anneau qui ncxiste pas dans les Bceufs ni dans les Bisons. Coles beaucoup plus larges et plus aplalies que dans les autres divisions sous-generiques. Ce sous-genre, ainsi que l’indique Duvernoy, peut etre sous-divise en trois petils groupes : les Duffles proprement dits, les Arnis et les Braciiyceres, et coniprend probablement un assez grand nombre d’especes ou de races; mais nos connaissances actuelles a ce sujet tie permettent cependant de n’en admettre encore definitivement qu’un petit nombre; nous avons dej A dit que l’on en connais- sait deux especes fossiles. Parmi les caracteres que Ton peut surtout assigner au groupe des Duffles, ou plut&t a quelques- unes des especes, telles que le Duffle de Plnde et le Duffle brachycere, nous devons principalement signaler les suivants. La langue est douce et depourvue de papilles cornees; ce qui a lieu egalement chez P Yack; mais la face interne des joues est, au contraire, abondamment garnie de papilles cor¬ nees. Ce caraclere, malgrA un passage du voyage de Sparmann, qui semble indiquer le contraire, se rapporte aussi au Buffle duCap. Les mameltes, dans le m;de, se trouvent sur une seule ligne, et dans la femelle elles forment un trapeze dont le c6te posterieur est moins long que Fanterieur, tandis que cliez la Vache elles representent la figure d’un quadrilatere rectangulaire. A ces caracteres les plus importants A noter, viennent s’en joindre quelques autres que nous avons deja signales etqui se trou¬ vent principalement dans la disposition de leur tete, dont toute la partie superieure est tres-legere, dans la disposition deleurs cornes, etc. Quoique les especes connues de Duffles soient originaires des pays chauds, toutes paraissent re- douter extremement la chaleur et cherchent a y echapper en se refugiant dans Feau. Le Buffle afri- cain comme le Buffle asiatique, s’il a un marais ou un lac a sa portee, y reste plonge tout le temps que le soleil est un peu eleve sur Fhorizon, ne laissant A decouvert que les naseaux et les yeux; les cornes elles-memes etant presque entierement cachees : comme le Buffle emploie une partie de la p. 24 186 HISTOIRE NATURELLE. nuit a paitre, c’est surtout dans le bain qu’il dort, et il n’a presque pas d’efforts a faire pour mainte- nir ses naseaux 4 fleur d’eau; car, en raison du grand developpement des sinus frontaux qui se pro¬ longed jusque dans les cornes, toute la partie superieure de la tete est legere proportionnellement au poids total. Ces animaux n’aiment pas seulement a se plonger dans l’eau, ils ontun gout decide pour se vautrer dans la fange, et ce godt leur est, ainsi que nous l’avons deja fait remarquer, com- mun avec la plupart des Mammiferes qui ont comme eux la peau tres-epaisse et tres-peu garnie de poils. Quelques-unes des especes de ce groupe, 4 certaines epoques de l'annee, se reunissent en troupes nombreuses, tandis que d’autres vivent constamment en families isolees. Dans l’etat sauvage, les Ruffles, 4 quelque espece qu’ils appartiennent etquoique exclusivement herbivores, sont des ani¬ maux tres-redoutables, doues d’une force prodigieuse, et beaucoup plus agiles que ne sembleraient l’annoncer leurs formes lourdes et massives; ils s’irritent aisement, et, une fois qu’ils ont commence i’attaque, les blessures les plus graves ne les determined pas 4 prendre la fuite. On doit surtout se garder des m4les qui vivent solitaires et des femelles qui ont des petits : meme dans l’etat de domes- ticite, les Bullies sod des animaux auxquels on ne peutpas trop se fier, et qui sont loin d’etre aussi obeissants que nosBoeufs. Cependant ce naturel farouche, qu’ils conserved toujours, devientquelque- fois pour leurs gardiens une cause de securite, et dans I’lnde ii met ces hommes 4 l’abri de l’atta- que des betes feroces. Les Ruminants, en general, sont peu susceptibles d’altachement, et Eon ne pcut guere s’attendre 4 trouver dans les Buffles ce sentiment 4 l’egard de leurs gardiens, pour les- quels ils ne sont pas meme toujours tres-dociles; cependant le fait suivant. rapporte par Johnson, semble ne pas trouver son explication seulement dans l’antipathie qu’ont les Buffles pour lesTigres: « Deux biparies (conducteurs de Boeufs) conduisaient de Chittrah 4 Palamow une troupe de Boeufs charges, lorsque, 4 peu de distance de leur point de depart, l’homme qui marchait derriere le con- voi fut saisi par un Tigre. Un guallah (berger) qui faisait paitre ses Buffles pres de ce lieu fut temoin du fait, et, courant aussitot au secours du malheureux, il attaqua hardiment le Tigre 4 coups de sabre : l’apmal blesse 14cha le biparie et saisitle berger; mais alors les Buffles, se precipitant sur lui, l’obligerent 4 abandonner sa proie, et, se le rejetant les uns aux autres, ils finirent par le tuer : c’est du moins ce que je crois me rappeler. Les deux blesses me furent apportes : le biparie guerit, mais le brave p4tre mourut. » Un Buffle seul, s’il faut en croire Williamson, n’hesite pas 4 attaquer un Tigre; aussi, meme dans les pays ou ces Carnassiers abondent le plus, un p4tre, monte sur son Bul'fle, peut sans danger passer la nuit dans la foret. C’est en effet la coutume au Bengale de mener pendant l’el6 les troupeaux 4 la pature, seulement aux approches de la nuit : le son d’une closhette placee au cou de Tun de ces Ruminants et la voix de leur gardien aident 4 les maintenir reunis pen¬ dant l’obscurite. Au point du jour, on les conduit vers les marais, ou ils restent jusqu’au soir 4 ru- miner ou 4 dormir, plonges dans l’eau jusqu’aux yeux. Quant ils doivent traverser une riviere, ils forment en nageant un bataillon 4 rangs tr4s-presses : de sorte que le patre qui les accompagne, s’il a besoin de passer en tete du troupeau, peut aisement, assure-t-on, enjamber d’un dos 4 1’ autre. 11 parait que l’Arni a des habitudes encore plus aquatiques que le Buffle commun : on dit qu’il n’est pas rare de le voir plonger pour detacher du fond des lacs avec ses cornes certaines racines fecu- lentes dontil estfriand; quand les chaleurs de Tete, dessechant les parages que l’inondation prece- dente avait convertis en marais, obligent l’animal 4 aller chercher de nouveaux p4turages, s’il lui est possible de s’y rendre par eau, c’est toujours cette voie qu’il choisit : les barques qui remontent le Gange se trouvent quelquefois au milieu d’un troupeau d’Arnis qui descendent la riviere en nageant, ou plutot en se laissant Hotter, car ils ne font pas de mouvements, et souvent ils paraissent en- dormis. Les Buffles, 4 1’etat sauvage, habitent les endroits boises et humides d’une partie de l’Asie et de l’Afrique, et on les trouve en troupes plus ou moins nombreuses et parfois composees de plus de cent individus. En Asie, c’est plus particulierement dans l’lndoustan et dans les Indes qu’on les ren¬ contre; en Afrique, c’est aupres du cap de Bonne-Esperance, du Congo et de l’Abyssinie. Depuis un temps assez recule, quoique moins eloigne de nous cependant que celui ou le Boeuf ordinaire a etd reduit, les Buffles, ou tout au moins les races indiennes, car le Buffle du Cap n’est pas encore as- servi, sont devenus des animaux domestiques et rendent 4 l’homme de grands services, et comme betes de somme et par les produits assez abondants qu’ils lui donnent ; 4 l’etat domestique, ils sont surtout assez communs dans les Indes et en Chine, ainsi que dans diverses contrees de l’Afrique; RUMINANTS. 187 mais on en trouve aussi en Europe et principal. nent cn Italic, ct dgalement dans lcs provinces sep- tentrionales, comme la Russie et FAllemagne : on connait cinq on six espoces distinctes de ce sous- genre, et, surtout dans ces dernicrs temps, on a cherchA a en distinguerun plus grand nombre; mais les seules dont nous voulions nous occuper specialement sont le Buffle indicn, l’Arni, le Buffle du Cap et le Buffle brachycAre. En outre, conimc nous I’avons deja dit d’apres Duvernoy, on en a d6cri t plus ou moins completcmcnt diverses especes trouvees a l’etat fossile, et dont la principale, deja con- nue de G. Cuvier, et trouvee en Siberie, est le grand Buffle fossile. 1. BUFFLE ORDINAIRE ou INDIEN. ISOS DUD ALUS. LinnS. Caracteres specifiques. — Front eleve, arrondi, plus long que large, tellement saillant que le chanfrein parait concave; cornes noires, grosses a la base, tres-ecartees l’une de I’autre, d’abord couchees le long de la tete, se dirigeant en arriere et un peu en dehors, pour se rclever ensuite lors- qu’elles sont parvenues sur les cotes du cou : leur face anterieure etant marquee d une arete sail- lante qui les rend comme anguleuses; oreilles en forme de cornets, mediocrement developpees, non pendantes; queue longue, pendante; peau seche; poils durs trAs-rares, sans duvet ou bourre inle- rieure de couleur noire. Longueur totale du corps entier mesure en ligne droite depuis le bout du museau jusqu’A l’origine de la queue atteignant pres de 5“; longueur de la queue, lm. Ce Boeuf est le Bubalus de Gesner etde Johnson; le Taurelephantus de Ludolf; le Bosbubalus de Linne, de Brisson, d’Erxleben, de Gmelin et de tous les zoologistes modernes; c’est le Buffle de Buffon, de Fr. Cuvier, etc. (Voy. Atlas, t. II, pi. 12, representant des Baffles alleles.) « Le Buffle, dit M. Roulin, a les membres gros et courts, le front bombe, le chanfrein droit et etroit, le mufle tres-court. Les cornes, has placees, sont triangulaires et marquees a intervalles re- guliers d’empreintes peu profondes; elles se dirigent d’abord obliquement en dehors et en arriere, puis se relevent vers la pointe. Elles sont de couleur noire, et cette couleur est aussi celle des sa¬ bots, des ergots, des poils et de la peau. Les poils sont rares sur le corps et assez epais sur le front, ou ils forment une sorte de touffe; les genoux sont aussi d’ordinaire assez velus, et le bas des jam- bes meme est quelquefois garni de poils longs et frises. A la partie inferieure du cou et anterieure de la poitrine, la peau forme un fanon de grandeur variable suivant les races et memo les individus. Le port du Buffle est lourd, et ses allures sont gauches : en courant, il allonge le cou et tend le mu¬ seau comme pour flairer; il semble en effet se guider principalrment par le sens de 1’odorat. Malgre la lenteur de sa marche, il est precieux comme bete de trait, car sa force est tres-grande, compara- tivement meme A celle du Boeuf. En Asie, on l’emploie quelquefois comme bete de somme, mais seu- lement pour transporter des objets qui peuvent etre mouilles impunement; car si un convoi de Buffles charges rencontre une riviere ou un etang, chaque animal, dedaignant les cris du conducteur, court aussitbt se plonger dans l’eau. « La domestication du Buffle est d’une date assez recente. Les plus anciens livres chinois parlent du Boeuf et ne disent rien du Buffle; mais, dans le Pcu-Tsao, il en est fait mention a plusieurs re¬ prises, et la variete albine y est meme indiquee. Dans les anciens poemes indiens, oil toutes les ex¬ pressions qui se rapportent au Boeuf indiquent le respect et la reconnaissance, le Buffle n’apparait que comme un animal redoutable et malfaisant. Au temps de 1’expedition d’Alexandre, il n’avait pas encore ete soumis; car Aristote, qui signale son existence dans les provinces du nord, dans l’Ara- chasie, c’est-a-dire dans un canton du Belontchistan, en parle comme d’une espece sauvage qui serait au Boeuf commun a peu pres ce que le Sanglier est au Cochon domestique... Suivant Paul Warne- fried ou Paul Diacre, comme on l’appelle communemept, ce fut en 596, sous le regne d’Agiluf, roi des Lombards, que les premiers Buffles parurent en Italie; il semble d’ailleurs qu’ils etaient deja de¬ puis quelque temps dans d’autres parties de l’Europe, etnotamment en certains cantons de la vallee du Danube, d’ouils se repandirent bientot assez loin vers leNord. Du temps d’Albert le Grand, qui les decrit d’une maniere parfaitement reconnaissable, il y en avait non-seulement en Hongrie, ou on les voit encore aujourd’hui, mais dans tous les pays slaves et dans les provinces allemandes qui en sont voisines. LesArabes les trouverent en Perse, lorsque, dans la premiere moitie du septieme siecle, ils firent la conquete de ce royaume; ils les introduisirent bientot dans leur propre pays, oil ils etaient 188 HISTOIRE NATURELLE. assez communs dans le siecle suivant, ainsi que cela est prouve par les relations de certains pAlerins qui en parlent sous le nom de Bufflus. La conquete musulmane les introduisit aussi tres-promptement diez les Egyptiens, qui ne les connaissaient pas au temps de la conquete romaine. On pourrait croire encore que ce sont les missionnaires musulmans qui les ont portes dans l’archipel des Moluques, car on ne les trouve que dans les lies oil 1’islamisme domine; mais on sait qu’ils y existaient plus anciennement. La coincidence, d’ailleurs, s’explique d’une maniere fort naturelle : dans de petites ■les ou Ton n’a pour animal domestique que le Cochon, les naturels ne se convertirent point a la nouvelle religion, parce qu’elle les aurait obliges a renoncer a la viande de Pore; il leur semblait trop dur de se contenter d’un regime purement vegetal, sans y pouvoir meme ajouter, comme les hommes du continent, le ghee ou beurre fondu, qui est un ingredient si essentiel dans la cuisine in- dienne. Sur le continent indien, les Ruffles, une fois adoptes par les tribus nomades, ont du bientdt se reproduire fort loin dans Einterieur, et etre sounds a l’influence de circonstances exterieures tres-differentes de celles qui agissaient sur eux dans leur pays natal; cela n’a pu manquer de pro¬ duce cliez eux quelques modifications qu’il serait interessant de constater; mais jusqu'a present nous manquons absolument de renseignements a cet egard. En comparant la race italienne a la race hongroise, on croit apercevoir quelques differences qui dependraient du climat : les Ruffles de Hon- grie, plus exposes au froid, paraissent etre un peu plus velus, et cependant on les tient pendant l’hiver a Eetable, oil on leur donne, entre autres nourritures, du marc de raisin; recevant plus de soin de la part de Ehomme, ils semblent etre devenus un peu moins farouches. » Le Ruffle sauvage existe dans les contrees de l’Jnde qui sont arrosees par de grandes rivieres et oil il existe de grandes prairies; on a dit aussi, mais sans preuves bien positives, que Ton en trouve egalement en Afrique, ce qui n’est nullement probable, car les animaux de ce pays, voisins de ceux-ci, semblent plutot provenir d’individus anciennement transports dans ce pays et redevenus sauvages, de meme que cela a lieu pour les Ruffles que Eon trouve, assure-t-on, en liberte dans les environs de Naples. En domesticite, Eespece se rencontre a la Chine, a la Cochinchine, dans les lies de Ear- chipel Indien, 4 Celebes, a Ceylan, dans les royaumes de la seconde presqu’ile de EInde, dans l’ln- doustan, en Perse, au cap de' Ronne-Esperance, en Arabie, en Egypte, sur les bords de la mer Cas- pienne et de la mer Noire, en Abyssinie, oil elle acquiert une assez grande taille, ainsi qu’en Grece et en Italie, dans les marais Pontins, oil son introduction date du sixieme siecle, etc. Cet animal, quoique sujet a varier un peu en grandeur suivant le climat, la disposition des lieux, l’abondance de la nourriture, etc., parait n’atteindre jamais a la taille de nos plus grandes races de Rceufs, et reste aussi a cet egard toujours notablement au-dessus des plus petites. Du reste, le type domestique se rapproche beaucoup du type sauvage; et Eon pouvait s’attendre A ce tsultat, puisqu’il etait question d’une espece dont la domestication etait assez recente, et dont, des lors, les variations devaient etre peu sensibles; tandis qu’il ne devait pas en etre de meme pour des types qui, comme pour le Mouton, par exemple, ontete sounds par Ehomme depuis la plus haute antiquite. Le Ruffle, A l’etat sauvage, vit en troupes plus ou moins nombreuses et recherche les lieux humides et marecageux; son naturel est farouche; son intelligence est moins bornee que celle du Rceuf, et il fait souvent preuve d’une assez bonne memoire; le son de sa voix est beaucoup plus grave que le mugis- sement du Taureau; le mAle, tres-ardent en amour, combat avec fureur pour la femelle : celle-ci porte dix mois, c’est-A-dire un peu plus longtemps que la Vache, et ne fait ordinairement qu’un seul petit, qui nait les yeux ouverts; sa fecondite commence a l’age de quatre ans et finit a douze; le terme de la vie du Ruffle est de dix-huit a vingt-cinq ans. Cette espece peut produire avec celle du Roeuf ordinaire; mais les metis perissent le plus souvent. En servitude, ce ruminant rend a Ehomme presque tous les memes services que le Roeuf, mais surtout comme bete de somme, et par le lait de la femelle, dont on fait une sorte de beurre trfes-recherche des peuples de l’Asie. 2. ARM ou ARM A CORNES EN CROISSANT. BOS ARM. Shaw. Caracteres specifiques. — Formes du corps et de la tete osseuse semblables A celles du Ruffle commun; cornes dans la meme direction que les siennes, egalement noires, mais demesurement lon¬ gues, un peu aplaties en avantet ridees sur leur concavite; pas de bosse ni de criniere; pelage et couleur generate noirs. De la taille du Ruffle. RUMINANTS. 180 Ce Boeuf, connu d6s 1790 sous le nom cI’Arnee, et que Shaw nommait Bos arnee, d'ou Ton a fait Bos ami, est indique sous les denominations d’AiiNi, d’Amsi a comes en croissant, et quelquefois sous celle de Bos selijniceros . A. G. Desmarest, Fr. Cuvier, et d’autres zoologistes Font reuni au Buffle indien, tandis que la plupart des naturalistes en font au moins une espece particuliere, si meme ils ne croient devoir ydistinguer parmi les diverses races plusieurs espSces, ou encore, comme Duvernoy, s’ils n’en font le type d’un groupe sous-generique. D’apres les squelettes conserves dans notre galerie d’anatomie comparee du Museum, on serait, au reste, assez tente d’admettre qu’il existe plusieurs especes d’Arnis; en effet, sur les trois squelettes qu’on peut y voir et qui tous sont adultes, deux, provenant du Bengale et de Macassar, sont de grande taille, et un autre, de Timor, est, au contraire, assez petit. A l’etat sauvage, 1'Arni est particulier aux contrees elevees de FIndoustan, mais dans les parties boisees et marecageuses. Les caracteres qui distinguent l’Arni du Buffle ne sont pas, comme nous l’avons dit, tres-mar- ques : cependant il parait que, dans les races domestiques issues de Fun et de l’autre, ces caracteres distinctifs se sont encore conservees d’une manure sensible. Les races provenant de 1’Arni a cornes en croissant, repandues, dit-on, principalement dans les pays situes vers FOrient, dans l’lnde au dela du Gange, dans Farcliipel Indien, la presqu’ile de Malaca, le Tonquin et la Chine, semblent avoir subi plus profondement l’influence de la domestication. Dans certains cantons, la couleur du pelage a change; dans d’autres est apparu un albinisme qui se transmet par voie de generation, al- binisme incomplet d’ailleurs, car, bien que la peau ait perdu sa couleur noire, le mufle et le con¬ tour des levres Font encore conservee. Le meme pays a souvent des Buffles blancs et des noirs, et Fon a remarque que si les premiers paraissent plus dociles, les autres sont constamment plus grands et plus robustes. Les habitudes de cette espece sont a peu pres semblables a celles de Fespece precedente; tou- tefois il parait que l’Arni recherche encore l’eau avec plus d’avidite que le Buffle indien. L’Arni a cornes en croissant a et6 generalement confondu avec 1’Arni geant, et cependant, d’apres M. Hamilton Smith, ces deux animaux se ressemblent tres-peu : le dernier ne se distingue pas seule- ment parsa haute taille et par les enormes dimensions de ses cornes, il a encore un port tout diffe¬ rent : il ne tend pas le cou et ne porte pas le mufle en avant; l’autre Arni, quoique n’elant guere moins corpulent, a les jambes beaucoup plus courtes et la tete beaucoup plus petite; il a aussi la queue notablement plus longue; enfin il n’a que peu de poils sur le corps, tandis que l’Arni geant est tres-velu. 3. BUFFLE DU CAP. DOS CAFF Ell. SpaFmann. Caracteres specifiqoes. — Stature tres-grande; corps tres-massif; jambes courtes et epaisses; fanon assez vaste et pendant; cornes noires, enormes, extremement larges et aplaties a leur base, couvrant presque tout le front, se portant d’abord de cote et en bas, puis se relevant a la pointe; leur base etant raboteuse et leur extremite assez lisse; oreilles un peu pendantes et couvertes par les cornes; yeux enhances et places pres de celles-ci; pelage d’un brun fonce, compose de poils longs de trois centimetres environ, tres-serres, surtout aux cotes du ventre vers le milieu du corps, dans les males avances en age, et leur formant une sorte de ceinture. Longueur du corps environ 2m,66; hauteur, lm,80; longueur des jambes, 0m,80. Cette espece a ete decrite et figuree pour la premiere fois, en 1779, par Sparmann, dans les Me- moires de l' Academic royale des sciences de Stockholm, et indiquee des lors sous le nom de Bos caffer, qui a ete adopte par tous les naturalistes modernes, tandis que Pennant lui donna le nom de Cajie ox. Le caractere, surtout dans les vieux males, qui distingue principalement ce Buffle des autres especes non-seulement du meme sous-genre, mais aussi de celles du genre tout entier, se trouve dans la forme, la structure et la disposition des cornes; mais, dans le jeune Age, les cornes ne s’avancent nullement surle front, elles se portent obliquemeut en dehors et en haut, etdiminuent uniformement de la pointe a la base, et dans les individus d’un Age moyen on peut naturellenient femarquer quelque chose d’intermediaire entre ce qui se presente dans le jeune Age et dans l’Age adulte. Les proportions du Buffle du Cap sont moins lourdes que celles du Buffle sauvage de l’lnde. 190 HISTOIRE NATURELLE. Le pelage des jeunes differe de celui des adultes en ce que les poils sont uniformement de meme grandeur partout et assez longs, tandis que, comme nous l’avons dit, les poils de quelques parties du corps des adultes sont beaucoup plus longs que ceux d’autres parties. Les orbites de ce Buffle sont tres-saillants; les yeux y sont ench&sses profondement, et cette disposition est necessaire pour les mettre a l’abri des chocs auxquels ils sont exposes quand Fanimal court au milieu desforets. « 11 se precipite, dit Sparmann, dans des fourres oil nos Boeufs ne sauraient penetrer, et sa force est telle, qu’il s’y fraye un chemin avec autant de facilite qu’il le ferait dans un champ de ble. II est vrai que dans cette circonstance ces cornes forment, en avant de la tete, comme une sorte de bou- clier qui repousse les branches a droite et a gauche, et concourt ainsi a proteger les yeux... Cette habitude de porter la tete basse concourt, avec la disposition des yeux, qui sont tres-enfonces dans leur orbite, et de plus ombrages par la partie superieure des cornes, it donner a Fanimal une physio- nomie sinistre, quelque chose de feroce et de perfide a la fois. On peut en effet le taxer de perlidie, car il se tient cache dans les fourres, et laisse approcher les gens pour les attaquer ensuite a l'irn- proviste; on peut aussi tout justement Faccuser de ferocite, car il ne se contente pas d’avoir tue un ennemi, il reste pres du cadavre et revient a plusieurs reprises pour le fouler de ses pieds et Fecra- ser de ses genoux; meme apres l’avoir broye, il ne Fabandonne pas encore; mais, en le lechant, il lui enleve de grands lambeaux de peau. » D’autres voyageurs, et particulierement Thunberg, signa- lent egalement des faits qui demontrent la cruaute de cet animal. Les rivieres de I’Afrique australe paraissent etre moins frequences par les Buffles du Cap que les rivieres de FInde ne le sont par le Buffle indien, ce qui tient probablement, ainsi que le fait re- marquerM. Roulin, a ce que leurs bords n’offrent pas, en general, des paturages aussi bien appro- pries aux goftts de ces ruminants. D’ailleurs Fespece du Cap, comme celles de FInde, fuit la cha- leur, recherche les lieux humides, et se tient de preference, pendant le jour, dans les parties les plus fraiches des forets etdans le voisinage des lacs. Sparmann retnarque que, lorsqu’on a chasse ces animaux, on les voit habituellement se diriger vers les lieux marecageux et se rafraichir de leur course parun bain parfois tres-prolongA. M. Harris, qui assez recemment a eu de nombreuses occasions d’observer leurs habitudes, les a vus, lorsque rien ne les inquietait, faire la sieste au milieu d'un etang, oil l’on apercevait entre les joncs leurs teles enormes qui seules paraissaient au-dessus des eaux. A Fepoque oil les Hollandais vinrent s’etablir au Cap, les Buffles etaient assez communs, mais le bruit des armes a feu ne tarda pas k les eloigner, et depuis bien des annees ils ont disparu des environs de la ville du Cap. Du temps de Sparmann et de Thunberg, il fallait dejA s’avancer assez loin vers Best pour en rencontrer, et aujourd’hui ils commencent a devenir rares dans les lieux oti ces deux voyageurs les trouverent par troupeaux de cinq a six cents tetes; toutefois on en a vu encore recemment jusqu’au cap Logullos, le point le plus austral du continent; et Delegorgue, dans son interessant Voyage dans I’Afrique australe, donne de nombreux details sur la chasse et les mceurs de ces animaux. Du c&te oppose au cap Logullos, on les connait jusqu’aux tropiques, et il est possi¬ ble qu’ils s’avancent beaucoup plus loin; mais jusqu’4 present on manque de renseignements posi- tifs 4 cet egard; car ce que disent les anciens voyageurs des Buffles de la cote de Guinee est ordi- nairement si vague, qu’il n’y a pas de raison pour les rapporter A Fespece du Cap plutot qu’au Boeuf brachycere. Le Buffle du Cap ne semble pas jusqu’ici avoir ete reduit ^ l’etat de domesticite; il est cependant excessivement probable qu’on pourrait le soumeltre comme celui des Indes, et qu’il ren- drait les memes services, tandis que jusqu’ici on ne le chasse que pour sa chair, qui est d’une grande ressource pour les habitants des pays qu’il babite. 4. BUFFLE A QUEUE COURTE. BOS BRACHYCEROS. Gray. Caiiacteiies srEciFiQUEs. — Front plus ou moins large, plat; cornes courtes, fortes, aplaties ante- rieuremcnt a la base, arrondies posterieurcment, divergentes de chaque cote et a peine inclinees en arriere, un peu recourbees vers la pointe, qui se dirige en avant; pelage roux. Un peu plus petit que le Buffle du Cap. L’existence de cette seconde espece africaine de Buffle n’est bien etablie que depuis le voyage de Denham et Clapperton, qui rapporterent du Bournou quelques depouilles de cet animal, qu’or, Fig. J. — Jungly-Gau. v PI. 15. RUMINANTS. VJi leur avait d£sign6 dans le pays sousle nom de Zamouse. En 1837, M. Gray, le premier, lit conn ai Ire cette espSce et en donna la phrase caracteristique que nous avons reproduite, et, en 1838, le memo auteur lit connaitre plus complelement une femelle de la meme espece. Depuis, en 1842, M. Roulin, dans le Dictionnaire universel d’Histoire naturelle, a decrit avec soin la meme femelle plus adulte et qui avait ete cedee par M. Gross a la menagerie du Museum de Paris, ou elle a vecu de 1842 a 1844, et dont le squelette se trouve dans la galerie d’anatomie comparee, et presente quelques par- ticularites dans le groupe des Boeufs. Cetindividu avait ete amene de Sierra-Leone, ou les Anglais le designaient sous le nom de Bosli-cow ou Vache cles bois; et l’espece semble elre assez commune dans les bois du voisinage de cette colonie. II est probable que c’est du meme animal dont Thomas Can- dish et Bosnian ont parle, a moins que ce qu’ils ontdit, le dernier surtout, ne se rapporte a une troi- sieme espece de Buffle africain, ce qui ne paraitpas improbable it M. Roulin; etl’on a meme signale sous le nom de Bos pegasus, H. Smith, une espece propre au Congo et a Angola. Le Bos brachgccros qui a vecu a la menagerie du Museum, etait, d’apres M. Roulin, auquel nous allons emprunter quelques lignes, de la taille d’une Vache bretonne, mais beaucoup plus compacte de forme : les epaules etaient tres-charnues; le cou tres-fort, sans fanon; les llancs d6veloppes; les cuisses rebondies presque comme celles des Zebus; les jambes lines; les pieds bien faits; la queue terminee par un petit bouquet de poils, courte; la tete petite, large a sa partie superieure, mais moins renversee au-dessous des yeux que dans le Buffle indien ; le museau assez large; les yeux pe- tits, it pupille ronde; le regard n’ayant rien de farouche, et 1’animal, en effet, n’ayant montre qu’un nature! assez doux, ce qui, du reste, tient peut-etre k son §ge avanee; les cornes tr^s-courtes, pla- cees pres des yeux, se portant en dehors et en haut, presque dans la continuation du front, puis se recourbantde maniere a former, par leur ensemble, un croissant, a courbure assez uniforme, trian- gulaires it leur base, k face frontale rencontrant la face temporale sous un angle droit : ces corne etant sans aucune empreinte marquee a leur surface; les oreilles tres-grandes, presque nues; lapeau noir brunatre, d’une grande epaisseur, les poils, roux sur le dos et la tete, brunatres au cou et sur les flancs, un pen plus fonces sur les jambes; le bout du museau brun noiratre. A ces diverses especes de Buftles, peut-etre, selon M. Roulin, doit-on joindre un Yack a cornes de Buffle, signale par M. YVitsen comme trouve en Daourie, et surtout le Linicou ou Boeuf suuvage de la Chine , signale par des auteurs chinois traduits par M. Stanislas Julien, et qui parait elre aussi une sorte d’Yack a cornes de Buffle. 4“° SOUS-OENRE, — YACK. YACK. Roulin, 1842. Yack, nom de l’espece unique du groupe. Dictionnaire universel d’Histoire naturelle. CARACTERES DISTINCTIFS. Front legerement bombe a la partie moyenne , fuyant a la partie superieure comme dans les Bisons, et rencontrant de meme le plan occipital sous un angle oblus sans former de bourrelcl le long de la ligne de jonction : ce front plus etroit que celui des Bisons et n’ etant gu'ere plus large que haut. Cornes arrondies vers la base, altachees un peu moins haut que dans les Boeufs proprement clits et plus haut que dans les Bisons. Orbites peu saillants, moins dislants de la base des cornes que ceux des Boeufs : au-dessous des orbiles, la face se retrecit a peu pres uniformement jusqua son extremite, et cette diminution est moins rapide que dans les Bisons, plus que dans les Boeufs et surtout que dans les Baffles, oil elle est a peine sensible. La seule espece qui entre dans ce sous-genre, l’Yack, est des plus remarquables eta ete successi- vement rapprochee des Buffles, des Bisons et surtout, dans ces derniers temps, des Bceufs propre¬ ment dits, avec lesquels on peut assez naturellement les reunir, quoique, par quelques-uns de ses 192 IIIST01RE NATURELLE. caracleres, elle puisse, ainsi que l’a propose M. Roulin, former un groupe distinct et assez naturel. Tout le corps est couvert d’une epaisse toison, comme il convient a un Ruminant dont le sejour habituel touche presque au niveau des neiges perpetuelles. Les poils sont principalement tres-longs vers la region des epaules, ceux du ventre ne le sont guere moins, et descendent presque jusqu’a terre, ce qui fait paraitre l’animal encore plus bas sur jambes qu’il ne Test reellement. Les membres, en effet, sont assez courts; les sabots sont pinces, rapproches l’un de l'autre, et leur configuration suffirait seule pour indiquer que le Yack appartient a un pays de montagnes et est habile A en gravir les pentes. Ce qui donne surtout A cet animal un aspect tout particular, c’est sa queue, garnie, de- puis l’origine, de crins plus longs et plus fins que ceux du Cheval. Le front est couvert d’une grosse touffe de poils crepus; sur le reste de la face, les poils ont moins de longueur, et diminuent surtout a mesure qu’on approche du museau, qui d’ailleurs en est presque entierement couvert, la partie nue etant bornee a l’etroit espace qui separe les narines. Chez ces animaux, il y a quatorze paires de c&tes; comme dans l’Aurochs, les apophyses epineuses des premieres vertebres dorsales sont tres- longues; mais, dans les suivantes, le decroissement est plus rapide; en revanche, celles des dernieres vertebres cervicales paraissent atteindre une dimension qu’elles n’ont dans aucune autre espece de Bceuf. La langue est couverte de papilles cornees. La seule espece de ce sous-genre, particuliere aux montagnes du Thibet, est : 5. YACK. BOS GRUNNIENS. Linne. Caracteres specifiques. — Assez semblable, pour la forme et le port de la tete, au Ruffle ordi¬ naire; museau plus court, plus convexe et plus gros par le bout que celui du Bceuf domestique; oreilles grandes et larges, peu relevees; yeux tres-gros; mufle petit, arque; naseaux peu ouverts, presque transversaux; levres epaisses, pendantes; sominet de la tete eleve en bosse entre les oreilles, tout couvert d’une touffe de gros poils crepus; encolure des males beaucoup plus grosse que celle des femelles; une saillie bien marquee sur le garrot; quatre mamelles placees sur une ligne transver- sale; poils du front assez courts, disposes en rayonnant sur son milieu : ceux du garrot tres-grands et crepus, augmentant en apparence la saillie de cette partie : une sorte de criniere sur la ligne moyenne du cou, qui cesse assez pres de la nuque; reste du dos et cotes du cou revetus de poils assez courts, lisses en ete, plus fournis et herisses en hiver; une ligne dorsale grise ou meme blanche, depuis le garrot jusqu’au sacrum, composee de poils diriges en avant; dessous du tronc et base des quatre jambes couverts de crins exlremement touffus, tres-longs, pendants jusqu’a mi-jambes et for¬ mant une espece de barbe sous le cou; tronoon de la queue, qui n’est visible qu’A la base, recouvert de crins soyeux, droits, qui ont plus de 0m,60 de longueur, et qui composent une houppe bien plus grosse et plus touffue que la queue des Chevaux la mieux garnie, car cette queue, avec ces poils, a parfois, assure-t-on, plus de 1“,50 de longueur; comes rondes, unies, aigues, croissant sur les cbtes de la tete, formant le demi-cercle en avant, avec la pointe un peu recourbee en arrive; couleur variable, ordinairement noire, avec la queue en tout ou en partie blanche, ou presque entierement blanchAtre; ou bien souvent les epaules, l’epine dorsale, la queue, la touffe de la poitrine et la moi- tie des jambes, de couleur blanche, et le reste du corps d’un noir de jais. Petits, en naissant, ayant le poil crepu, rude et un peu semblable a celui d’un Chien barbet : les longs poils ne venant a la barbe, A la queue et sous le corps, que vers trois mois. Longueur totale de la tete et du corps, 2m,30, c’est-A-dire ayant la taille d’une petite Vache ordinaire. L’Yack, ou Vache, Bceuf grognant ou Bceuf a queue de Cheval ou a queue touffue du Thibet, etait deja connu d’vElien, qui vivait dans le troisieme siecle de notre ere, et il le nommait Poeplia- gus, nom specifique que lui a restitue Pallas. A part quelques renseignements que Ton trouve sur cette espece chez Marc-Polo et d’autres voyageurs du moyen Age, on est oblige de descendre jusqu’a la seconde moitie du dix-huitieme siecle et aux recits incomplets de J. G. Gmelin et de Pallas pour trouver quelques observations caracterisant cette espece. Celles de Gmelin, qui le nomme Vacca granniens, villosa, caiula Equina, sont plus exactes; il avait vu, a Tobolsk, une femelle de Yack qui avait ete amenee du pays des Kalmouks, ou cette espece n’est pas indigene, mais bien du royaume de Tangot, au Thibet, et il juge que ses comes sont analogues A celles du Bceuf vulgaire. Buffon, qui RUMINANTS. 107. rapporte inlegralement la description de Gmelin, en conclut que le Yack n’est autre qu’un Bison ct ne forme pas line espece partieuliere; mais cette manure de voir n’a pas ete adoptee. Pallas, qui nonime 1’Y'ack Baffle a queue de Cheval, eut aussi I’occasion d'observer, en 1772, cinq Yacks de la variete sans cornes, deux miles et trois femelles, a Irboulsk, en Siberie; il dil que ces animaux provenaient d’un chef mongol sujet de l’empire cbinois, et il ajoute que ces Yacks se plongeaient volontiers, coniine les Ruffles, dans des mares d’eau a leur portee, ce qui leur a probablement valu le nom cbinois de Si-nijou (Vache qui se iave); que les deux sexes n’avaient d’autre voix que le gro- gnement du Cochon, mais grave et monotone, et que leur poil 6tait long, abondant, plus long en dessous, comme chez les Buffles, et enfin que leur queue de Cheval, tres-longue, etait couverte par- tout de longs poils soyeux, souvent blancs comme tout le corps; et, de tous ces caracteres, il conclut que les Yacks doivent etre rapproches des Buffles. Turner, dans le recit de son ambassade au Thibet et au Boutou, qui eut lieu en 1783, compare le Yack A un Taureau de race anglaise, et dit qu’il vit dans les plus froides parties du Thibet, oil il pait l’herbe courte qui croit sur les montagnes et dans les plaines. G. Cuvier rapproche cet animal du Zebu pour ce qui regarde la race sans cornes, et montre que les intermaxillaires ne remontent pas jusqu’aux os du nez comme dans le Bceuf. De- puis l’epoque oil ecrivaitG. Cuvier, ce n’est guere qu’en 1854 que 1’on a pu connaitre, en France, le Yack. En effet, a cette epoque, M. De Montigny a ramene un troupeau nombreux de ces Bceufs, que Du- vernoy a pu etudier avec soin, dont quatre individus ont ete conserves dans la menagerie du Museum, oil ils se sont deja reproduits (vov. Atlas, pi. 18), tandis que les autres, appartenant A la Societe imperiale zoologique d’acclimatation, ont ete envoyes dans diverses fermes des pays de montagnes de la France, oil sans nul doute ils pourront se propager et devenir domestiques. Duvernoy (Bull, de la Soc. zool. d'acclim., juillet 1854) a signale les prineipaux caracteres dis- linctifs de l’Yack. Dans la tete osseuse, le parietal penetre comme un coin entre les deux frontaux et remplit un petit espace triangulaire dans la face frontale; les crines des Zebus, qui ont pour ainsi dire toutes les proportions de ceux des Yacks, montrent aussi ce caractere, mais A un degre moin- dre, et on ne les voit pas dans notre Boeuf domestique. Les dents de l’Yack ne presentent aucune difference saisissable avec celles du Bceuf et du Zebu. Son caractere specifique le plus frappant, avec sa longue fourrure, est son grognement; en effet, les cornes, qui sont peu developpees, ne fournissent pas de caracteres particulars, et peuvent manquer dans le mile comme dans la femelle. Les Yacks habitent le revers sud de l’Himalaya, entre le vingt-septieme et le vingt-huitieme degre de latitude nord, ets’6tendent de la dans le petit Thibet, le Ladac, le grand Thibet ou le Thibet pro- prement dit, et le nord de la Chine; ils deviennent rares en Mongolie, et ceux qui ont ete vus en Siberie s’y trouvaient comme un objet de curiosite. Ils vivent dans ces diverses contrees a l’etat sauvage et a ce- lui d’animal domestique. Us s’y contentent de l’herbela plus courte, qu’ils coupent tout pres du sol avec une grande dexterite, et ils peuvent encore se nourrir des arbrisseaux qui vegetent dans les froides S>. 25 HISTOIRE NATURELLE, 194 montagnes, qui sont leur sejour de predilection. Dans les revcrs de l’Himalaya, le Yack ne descend guere plus bas que dix mille pieds au-dessus du niveau de la mer; lorsque, en 1812, Moorcroft en- treprit de traverser le col de Rit, il trouva des Yacks pour lui servir de monture dans le village de ce nom, qui est eleve de dix mille ou onze mille pieds au-dessus du niveau de la mer; il put gravir, par leur moyen, cette montagne escarpee et tellement froide, que l’air, par sa basse temperature et par sa vivacite, lui produisit des fissures a la peau du visage et des mains qui se changerent en plaies, et que le sang jaillissait de ses levres. Al. Gerard a vu, pres de Nako, a une hauteur de onze mille huit cent cinquante pieds anglais, de forts Yacks trainer lacharrue; car Forge et le froment donnent en¬ core, A cette hauteur, de riches moissons; il avait rencontre, pres de Schipke, a dix mille pieds de hauteur, les plus beaux Yacks paissant avec des Chevres de Cachemire et des Moutons a laine fine-, dans un autre voyage, execute, en 1829, A travers le col de Para-Laba, au dela des frontieres meri- dionales du royaume de Ladak, parvenu A une hauteur de seize mille pieds, le meme Al. Gerard vit des troupeaux de Yacks et des Chevres de Cachemire qui trouvaient encore le moyen de se nour- rir dans les maigres pAturages de ces contrees elevees, tout pres des limites des neiges eternelles. Ainsi, dans ces regions glacees, oil le Cheval et le Mulet ne peuvent plus se nourrir, le Yack avec la Chevre et le Moulon parviennent a s’alimenter de Fherbecourle qui y vegAle. C’est surtout en Chine oil le Yack est domestique et rend de grands services comme bete de somme, et pour la chair qu'il fournit. Cet animal pourra facilement s’acclimater en Europe, et avantpeu d’annees il se sera tres- probablement propage considerablement dans les pays de montagnes, ou il se plait surtout. A l’etat sauvage, les voyageurs rapportent que les Yacks ont le caractere farouche du Buffle; que leur coup d’oeil est sombre et que leur naturel est defiant et tres-irascible. Ils se jettent, dit-on, avec fureur sur les etrangers qui les approchent, surtout si leurs vetements ont une couleur eclatante; mais, auparavant, ils manifestent leur colere par l’agitation de leur queue et de leur tete, ainsi que par leur regard menacant. 11s ont des mouvements brusques, et leur course est rapide. Au lieu de mugir, ils font entendre un cri qui ressemble assez au grognement du Cochon, mais grave, mono¬ tone et bas. Ils recherchent les lieux ombrages et aiment A se vautrer dans les mares qui sont A leur portee. Ils nagent aussi bien que les Buffles, et, lorsqu’ils sortent de l’eau, ils aiment A se frot- ter et a se secouer a plusieurs reprises. A Fetat de domesticite, ainsi qu’on peut en juger a notre menagerie, les Yacks sont assez doux, et se reproduisent facilement. La couleur de leur pelage peut un peu varier, et il en est de meme de leur taille. Le climat qui leur convient doit etre froid, et ils degenerent dans les pays trop cbauds. Partout ou les voyageurs ont tente d’escalader les rochers escarpes du revers meridional de l’Hima- laya, c’est au moyen des Yacks domestiques qu’ils y sont parvenus. 11s en ont rencontre de nom- breux troupeaux servant, dans les villages les plus eleves de ces contrees montagneuses, pour le trait et la monture. Leur pied est si stir, qu’ils ne glissent pas en traversant les rochers les plus escarpes et les plus declares, et meme les neiges glacees a leur surface Suivant Pallas, la viande des vieux Yacks serait dure et de mauvais gout, comme celle des vieux Buffles, et celle des jeunes serait seule mangeable. Mais le missionnaire francais Hue, dans les Souvenirs d’un voyage en Tarlarie, au Thibet et en Chine, execute de 1844 A 1846, assure, au contraire, que la chair de l’Yack est excel- lente, comme Best d’ailleurs, en general, celle des Moutons et des Lievres qui paissent les pAturages aromatiques des montagnes. Le meme missionnaire confirme ce qu’avait dit Turner des bonnes quali- tes du lait et du beurre de l’Yack. Ce lait est tres-abondant et charge de beurre que l’on peut, as- sure-t-on, conserver, dans les climats froids qu’habite l’Yack, pendant une annee entiere, enferme dans des peaux ou dans des vessies, et qui est l’objet d’un commerce important. Au Thibet, on fabri- que avec ses poils un drap a Fepreuve de l’eau. Les poils blancs et surtout les crins de la queue sont recherches par les Chinois, qui les teignent en un rouge eclatant ou en bleu pour toutes sortes d’or- nements. La queue sert, depuis un temps immemorial, de chasse-mouche dans les Indes, et c’est l’e- tendard de plusieurs nations de FOrient. M. De Montigny a publie quelques remarques interessantes sur les Yacks, et nous croyons devoir reproduce ici quelques passages de la note que Duvernoy a donnee d’aprAs ce savant voyageur : « L’Yack, dit-il, originairedu Thibet, mais repandu aussi dans les provinces chinoises du Kansoux, froctiere du Thibet, et dans le Koukonnou, partie de la Tartarie mongole, est essentiellement un ani¬ mal de montagne. Son extreme legerete semblerait deja l’indiquer. 11 franchit facilement des distan- 195 RUMINANTS? ces considerables et pour ainsi dire d’un bond. D’uri caractere farouche & 1’etat sauvage, il s’appri- voise facilement, recommit la main qui le nourrit et s’attache A celui qui le soigne. Lorsqu’il vague librement dans de grands espaces, il revient aux memes beures A 1’endroit oil il regoit son eau et sa nourriture; ce qui demontre son intelligence pour contracter des habitudes reglees, comme les trou- peaux de nos animaux domestiques. Sa force est prodigieuse. J’ai vu leTaureau noir qui fait partie des Yacks transports en France, renverser, dans ses fureurs amoureuses, un Buffle presque du double de sa taille, et atteindre un Cheval au galop, qu’il aurait renverse avec son cavalier si je n’etais heu- reusement survenu. Les Yacks sont loin de montrer l’instinct pour l’eau des marais qui caracterise les Buffles; mais ils se rafraichissent volontiers dans I’eau pure d’une riviere lorsqu’ils sont tour- mentes par la chaleur et les Insectes qu’elle anime. L’acclimatation du Yack peut etre consideree comme un fait accompli. Les premiers que j’ai re^us avaient port leurs conducteurs et leurs ba- gages a travers tout la Chine et me sont arrives le dos entierement pele. Je poss^de ceux que j’amene depuis pres de quatre annees, et je les ai conserves et fait produire dans un elimat beaucoup moins convenable a leur nature que le department de la Seine. Mais il serait urgent, pour conserver a leur laine toute sa richesse et ses utiles qualites, de dirigersans retard vers nos departments mon- tagneux ceux que Ton destine a la propagation de leur espece, qui est tres-feconde. » Aujourd’hui les Yacks rapports par M. De Montigny ont ete distribues dans des fermes de nos pays de montagnes, et deja ils s’y sont reproduits. Ceux qui sont rests au Museum y vivent tres-bien et ne semblent pas souffrir de la chaleur relative de notre elimat; et tout fait esperer qu’ils pourront facilement s’acclimater chez nous. Aussi croyons-nous devoir reproduire une partie de l’appreciation des qualites physiques du Yack et de ses facultes comme bete de somme, qu’a donnee Duvernoy, prin- cipalement d’apres M Richard, du Cantal. « Le dos et les reins du Yack sont conformes de maniere A donner a cc Ruminant une aptitude toute particuliere pour le service de la selle et de la somme. Le garrot. de cet animal est tres-eleve; cette saillie s’abaisse insensiblement jusque vers les lombes. Il ressemble a celui des Chevaux de race orientale et A celui de la race anglaise qui en derive. Cette forme particuliere vient de la longueur des apophyses epineuses des sept premieres vertebres dorsales et de la grande proportion, et conse- quemment de la grande force des muscles qui s’y attachent. Elle contribue A rendre ces animaux plus propres a la course, soil en elevant le garrot pour le saut, soit en ramenant avec energie les lombes en avant. Cette proportion dans la longueur des apophyses epineuses des vertebres dorsales et des muscles qui s’y attachent lournit aussi aux ligaments une plus grande surface d’attache; elle donne a cette region plus de solidite et A I’animal plus de resistance ou de puissance pour supporter les fardeaux dont on le charge. Les reins du Yack sont courts, elargis, bien muscles, bien soudes a la croupe. Ils offrent tous les caraeteres de force, de solidite et de resistance que Ton recherche dans les betes de somme. Ce n'est pas seulement par la conformation de son dos et de ses reins que l’Yack offre de l’analogie avec les betes de somme ou de selle. Sa croupe, relativement longue, ar- rondie, horizontal, ressemble a celle du Cheval. La queue s’y attache de la meme maniere, et, lors- que l’animal marche ou qu’il court, il la relAve comme le fait un Cheval arabe. En resume, l’Y’ack ressemble au Cheval par son garrot, son dos, sa croupe. Ses grandes epaules. le developpement en hauteur de sa poitrine, ses membres courts, bien muscles, ses cuisses bien emboitees, ses larges jarrets, son corps trapu, le caracterisent, au premier coup d’oeil, comme un animal rustique et vi- goureux; ses sabots, eleves verticalement, arrondis, de petite proportion, montrent, par leur dispo¬ sition, qu’ils recoivent avec fermele le poids du corps dans cette direction, et non obliquement; ce qui explique, en partie, la demarche sdre de ces animaux. » D’apres ce que nous venons de dire, on voit que les Yacks peuvent rendre de grands services comme betes de somme et de trait, surtout dans les regions montagneuses. En outre, leur chair, mais surtout leur lait, doivent etre tres-recherches. El enfin, comme le montre Duvernoy dans des details dans lesquels nous ne pouvons entrer, leur laine peut tres-bien etre ulilisee et servir chez nous, comme en Orient, A la confection de gros draps et d’autres etoffes. 196 HISTOIRE NATURELLE. 5“' SOUS-GENRE. - BOEUF. BOS. Linne, 1735. Bos, nom latin de l’espece typique. Systema naturae. CARACTERES DISTINCTIFS. Front allonge , plat, parfois un pen releve en bosse on creux dans une partie de sa surface, ter - mine, en arri'ere el en haut. par une saillie transversale plus ou moms anguleuse et arrondie, o'u viennent aboutir les faces frontale et occipitale, en formant un angle droit ou plus ou moins aigu , ce bourrelel anguleux dessinant une ligne droite ou un arc, ou se relevant settlement dans la par- tie moyenne, ou bien encore devenant concave dans cette partie avec deux saillies laterales. Noyaux osseux des comes de forme conique, naissant aux extremites de la Crete frontale. Orbites peu saillants, tres-distants de la base des comes, el caracterisant par cette position, suite de l' allongement du front, les especes de ce groupe. Email des arriere-molaires ne presentant pas, dans la face triturante, un repli entre les demi- cylindres, comme cela se voit chez les Baffles; toutefois les arriere-molaires superieures du Ben- tiny et du Gour offrent ce repli, ce qui, joint a d’autres caracteres , tend a unir les Boeufs aux Baffles. Cinq ou six especes originates de l’Asie et de I’Europe, et qui aujourd’hui presque toutes reduites a l’etat de domesticite se reneon trent dans toutes les parties du globe, entrent dans ce sous-genre, et, pour indiquer le rapport qu’elles ont entre elles, nous ne croyons devoir mieux faire que d’em- prunter le passage suivant sur ces animaux, donne par M. Roulin : « A cote du Bceuf eommun, au- quel se ratlache le petit Boeuf sauvage des pares d’Ecosse, qu’on s’accorde generalement a faire descendre de la meme souche que notre betail domestique, le Zebu, pour lequel je ne suis pas bien certain qu’il n’y ait eu au moins croisement avec quelque espece eteiute ou encore a decouvrir, et le Boeuf a fesses blanches de Java, que je ne vois pas de raison pour considerer autrement que comme une simple variete, viennent se placer les especes suivantes : le Gour, le Goyal, auquel il faut ralta- cher le Goyal domestique ou Goyal des plaines, dont quelques individus, repasses a l’etat indepen¬ dant, ont propage, dans les forets du Thibet, une race qui parait conserver les caracteres acquis sous 1’influence de l’liomme, et le Jungly-Gau, qui, comme i’a fait remarquer Hardwicke, se distingue bien du Gobah-Goyal, et pourrait etre le resultat d’un croisement avec le Boeuf eommun. Enfin je placerai encore a cote de ces Boeufs le B. bentiger de Java, dont notre cabinet d’anatomie comparee possede un squelette complet; toutefois, en supposant que ce soit reellement une espece distincte et non pas le resultat d’un croisement entre notre Boeuf domestique et Ie Gour, ce dernier, en effet, vivant aussi a Java. » A ces especes, sur la plupart desquelles nous allons bientot revenir, nous pouvons ajouter le Bos frontalis, et des especes decouvertes a Fetal fossile et qui ne sont malheureusement pas com- plelement connues. Les caracteres communs de toutes ces esp&ces sont, pour ce qui concerne la tete osseuse, le front plat ou meme un peu concave, a peu pres aussi large que haut (en ne tenant pas compte toutefois du relevement que peut offrir, dans sa partie moyenne, la crete occipilo-frontale); la face occipitale offrant de meme des dimensions a peu pres egales en hauteur et en largeur (en comptant toujours la hauteur a partir des cotes de la crete saillante et non de sa partie moyenne); les cornes attachees aux deux extremites de cette crete; enfin la moitie superieure de cette face occipitale tout a fait lisse, et ne presentant pas d’empreintes musculaires. 11 n’y a chez tous les Boeufs que treize paires de cotes, qui, a partir de la sixieme, s’ecartent lateralement, et elargissent ainsi la cage thoraeique. Les membres sont constamment robustes, moins massifs cependant que ceux des Buftles, mais beau- coup plus que dans les sous-genres Bison et Yack. Chez ces animaux, observes a Fetat sauvage, la tete presente, en arriere des cornes, un bourrelet saillant, reconvert seulement par la peau. La langue est herissee de papdles cornees. Le corps entier est recouvert de poils courts, excepte a la partie RUMINANTS. 197 superieure du front, oil il peut acquerir un pcu plus de longueur, mais jamais assez pour faire une touffe pendante comme dans les Bisons. 1. BLEUF ORDINAIRE ou TAUREAU. DOS TAURUS. LinnA. Caracteres specifiques. — Mufle large el epais; yeux assez grands, gros, mediocrement ecartes run de l’autre; oreilles basses, en forme de cornet, dans une situation horizontale; front vaste, plat ou legArement concave, A peu pres aussi haut que large, garni vers le haut d’un poil plus ou moins crepu, et portant un epi dans son milieu; cornes grandes, moyennes, petites ou nulles, rondes, la¬ terals, arquees, avec la pointe rejetee en dehors, ordinairement dirigees lateralement en haut, et figurant un peu les branches de lyre; Crete occipitale sur la meme ligne que la base des cornes et les reunissant; cou gros, court; un fanon ou pli de la peau lAche sous la poitrine; corps massif; dos souvent un peu creux; eminences osseuses du bassin saillantes; handles plates, larges; queue lon¬ gue, prenant naissance tres-haut et dans un enfoneement que laissent entre eux les os du bassin; cotes au nombre de treize paires; quatre mamelles disposees en carre; poil des parties anterieures n’etant pas sensiblement plus grand que celui des posterieures, d'une coloration variant entre le fauve rouge, le fauve clair, le noir et le brun : ces differentes teintes etant quelquefois distributes irregulierement par grandes places sur un fond blanc. Longueur totale, mesuree depuis le bout du mufle jusqu’A l’anus, 2m,50; hauteur au garrot, lm,35. Indique depuis l’antiquite la plus reculte et rendu immediatement domestique, on comprend faeile- ment que le type sauvage du Taureau ne soit pas connu et que ce soil en vain qu’on ait voulu le re- trouver dans nos temps modernes; en effet, on a cru successivement que Ton devait le rapporter, soit a l’Aurochs, soit a 1’ Yack; mais cela, loin de se confirmer, a tte bientdt reconnu faux, et, en effet, pour ne citer qu’une des differences fondamentales qu’il y a entre ces animaux et le Taureau, on a remarque que les deux premiers avaient quatorze paires de chtes, tandis que le Taureau n’en presentait que treize; en outre, la position plus avancee de la Crete occipitale eloigne le Boeuf de l’Au- rochs, de meme que la position des mamelles du male, en carre, le difference de l’Yack. Les Grecs et Aristote designaient cet animal sous le nom de Bou;; e’est le Bos des Romains et le Bos taurus de Pline, de Gesner et d’Aldrovande; le Bos domeslicns de Johnston, de Rai, de Linne. de Brisson; le Bos taurus de Linne dans sa Fauna suecica; le Bos taurus , var. domesticus d’Erxleben et de Gme- iin; le Bos urus, var. europceus de Boddaert; le Bceuf ou Taureau de Buffon et de tous les auteurs modernes pour les mSles, la Vache pour la femelle et le Veau pour les jeunes. Chez le Boeuf, le mufle est large et epais; les machoires ont chacune douze molaires de chaque c6te, el a la machoire inferieure seule il y a des incisives au nombre de huit, et dont celles du milieu, plus grandes que les autres, sont minces et tranchantes; de grosses eminences couvrent en parlie les yeux; les oreilles sont basses et dans une direction horizontale; le front, vaste et plat, est garni d'un poil crepu, et porte un epi a son milieu; le cou est gros et court; le fanon pend sous le cou et des¬ cend jusqu’aux genoux entre les jambes anterieures; le corps est massif, et les jambes sont courtes, si on les compare a la grosseur du corps : chacune a deux ergots, et les pieds ont leurs dernieres phalanges enveloppees de deux ongles formes de la meme matiere que la corne, mais moins epaisse et moins dure que celle du Cheval : on voit aux pieds une couronne de poil semblable a celle qui est en bas du paturon du Cheval; la croupe n’est pas arrondie; les hanches sont plates, larges et ter¬ minus par de grosses elevations. Il y a quatre estomacs : le premier, ou panse, le plus ample de tous, est tapisse par une membrane brune et mince; le second, ou bonnet, qui ne semble que la con¬ tinuation du premier et est forme par des cloisons minces et cannelees qui s’y croisent en tous sens comme un reseau; une gouttiere qui continue l’cesophage et qui est susceptible de contraction s’etend sur la partie interne et superieure du deuxitme estomac jusqu’a 1’origine du troisieme, ou feuillet, qui est divise par des lames de differentes longueurs et largeurs en forme de croissant, et qu’on a corn- parees aux feuillets d’un livre; enfin le quatrieme, ou veritable estomac, appele caillette, a aussi dans son interieur des replis sinueux, de grandeur inegale, mais en moindre quantite que ceux du feuillet, et presente une membrane veloutee dont toute la capacite en est revetue et qu’humecte une liqueur onctueuse qui suinte de toutes ses parties. Le canal intestinal est d’une longueur considerable; le 198 HISTOIRE NATURELLE. colon et le ccecum ont surtout une grande capacite. Le foie est partage en trois lobes, deux grands et un petit, tous de couleur noiratre. Une longue poche forme la vesicule, qui contient beaucoup de fiel d'un jaune fonce. Les deux extremites de la rate sont arrondies et & peu pres egales, grise a l’ex- terieur et d’un rouge noiratre interieurement. La langue est entierement herissee de petits crochets plus ou moins fermes, pointus, diriges en arriere, et qui la rendent tres-dure. La verge du Taureau est aplatie sur sa longueur; les testicules sont ovo'ides, et la vessie a une forme ovale; il y a quatre mamelons correspondants aux mamelles de la Vache. Celle-ci ala vessie presque ronde, le clitoris peu saillant, la matrice peu ample, arrondie a son orifice et assez large a son col. II parait que la couleur naturelle a l’espece du Bceuf est le fauve; c’est encore la plus commune parmi les Boeufs do- mestiques; mais elle a pris differenles nuances plus ou moins vives : il y a des Boeufs rouges et bais; il en a aussi de noirs, de bruns, de blancs, de gris, de pommeles et de pies. Mais les races de Boeufs domestiques varient considerablement, depuis celles qui, comme les Zebus, ont une ou deux loupes graisseuses sur le garrot, jusqu’a celles plus grosses de nos climats, et qui n’ont pas d’apparence de loupes graisseuses; les formes varient aussi tellement, que differentes races de l’lnde ont tout au plus cent kilogrammes en poids, tandis que d’autres de nos contrees pesent constamment entre cinq et six cents kilogrammes. Les cornes, courbees et dirigees de diverses manures, sont tantot tres-lon- gues et tres-fortes, et d’autres fois comme rudimentaires; parfois meme, assure-t-on, les cornes ne tiennent qu’a la peau et sont mobiles avec elle. La couleur ne peut non plus fournir un caractere susceptible d’etre recueilli : les Boeufs variant beaucoup, comme tous les animaux domestiques. Les vegetaux servent exclusivement a Ealimentation des Boeufs, ces animaux mangent vite, et pren- nent en assez peu de temps toute la nourriture qu’il leur faut; apres quoi ils cessent de manger, et se couchent pour ruminer et digerer a loisir. Ils se couchent ordinairement sur le cote gauche; ils dorment peu et d’un sommeil court et leger; ils se reveillent au moindre bruit; de meme que lesChevaux, ils boivent en humant l’eau. On appelle mugissement la voix de ces Ruminants. Ces mugissements sont plus forts dans les males entiers ou Taureaux que dans les autres individus de l’espece. « Le Tau¬ reau, dit Buffon, ne mugit que d’amour; la Vache mugit plus souvent de peur et d’horreur que d’a- mour, et le Veau mugit de douleur, de besoin de nourriture et du desir de sa mere. » Dans nos cli¬ mats, la chaleur de la Vache commence au printemps; mais elle n’a pas d’epoque constante, et 1’on voit des Vaclies dont la chaleur tardive n’a lieu qu’en juillet. Toutes sont en etat de produire a 1’age de dix-huit mois, au lieu que le Taureau ne peut guere engendrer qu’a deux ans. La violence de leurs desirs est extreme au temps de la chaleur; alors leurs mugissements repetes annoncent les feux de l’amour. La femelle saute sur les autres femelles, sur les Boeufs ou meme sur les Taureaux; sa vulve est gonflee et proeminente; les males se battent avec fureur; le vainqueur devient aussi l’amant heu- reux. Des que la Vache est pleine, le Taureau refuse de la couvrir, et elle cesse presque toujours elle-meme de le rechercher; elle porte neuf mois, et met has au commencement du dixieme. La plus grande force des Boeufs est de cinq a neuf ans, et les Taureaux, comme les Vaches, vivent comrnu- nement quinze ans. On reconnait. l’age des Boeufs par la disposition des dents et par celle des cor¬ nes; les premieres dents de devant tombent a dix mois, et sont remplacees par d’autres qui sont moins blanches et plus larges : a seize mois, les dents voisines de celles du milieu tombent, et sont egalement remplacees par d’autres, et a trois ans toutes les incisives sont renouvelees et se presen- tent alors egales, longues et assez blanches; mais, a mesure que le Boeuf avarice en age, elles s’usent et deviennent inegales et noires. Les cornes croissent tant que l’animal vit; on y distingue aisement des bourrelets ou noeuds annulaires qui indiquent les annees de croissance, et par lesquels Bilge se peut compter en prenant pour trois ans la pointe de la corne jusqu’au premier noeud, et pour un an de plus chacun des intervalles eritre les autres noeuds. Du resle, les cornes du Boeuf, dont la couleur est ordinairement livide ou noiratre, sont permanentes; elles ne tombent jamais, et si elles se cas- sent par quelque accident, ou tombent a la suite d’une tumeur survenue a leur racine, elles ne crois¬ sent jamais plus. Elles ne sont pas remplacees par d’aulres, comme font ecrit plusieurs naluralistes; mais, comme l’a observe Forster, 4 1’age de trois ans, une lame tres-mince se separe de la corne; cette lame, qui n’a que tres-peu d’epaisseur, se gerce dans toute sa longueur, et, au moindre frot- tement, elle tombe; la corne subsiste, ne tombe pas en entier, et n’est pas remplacee par uno autre; c’est une simple exfoliation, d’ou se forme cette espece de bourrelet qui se trouve depuis l'age de trois ans au has des cornes des Taureaux, des Boeufs et des Vaclies; et chaque annee suivante un RUMINANTS. 190 nouveau bourrelet est produitpar l’accroissement et l’addition d’une nouvelle lame conique de corne, formee dans l’inlerieur meme de la corne, irnmediatement sur l’os qu’elle enveloppe, et qui pousse !a c6ne de trois ans un peu plus en avant; le premier bourrelet formA, les lames interieures suivent d’annee en annee, et poussent toujours la corne triennale encore plus en avant. Les Boeufs aiment A frotter leurs cornes sur les corps durs, et c’est sans doute en se frottant ainsi qu’ils font tomber la petite lame de corne qui se detache A l’Age de trois ans. Les cornes des Boeufs sont pour ces ani- maux des armes puissantes et redoutables; lorsqu’ils veulent en faire usage, ils baissent la t6te, presententA leur adversaire la pointe de leurs cornes, le dechirent, et, s’il n’est pas de trop grande taille, le lancent en l'air apres 1’avoir perce de part en part. Ces animaux donnent aussi de violents coups de pied. Ils ont une grande force dans la tete et dans les epaules; ils sont courageux, et leur colere est furieuse. Parmi les Taureaux domestiques, il en est quelques-uns qui ne laissent pas d’etre a craindre. Si un Loup ou quelque autre Carnassier vient A rbder autour d’un troupeau de Vaches paissant dans quelque lieu ecarte, elles forment une enceinte, au dedans de laquelle se tiennent les Veaux et les Genisses dont la tete n’est pas encore armee; l’animal feroce n’ose s’approcher de ce rempart herisse de cornes, et, s’il ne s’eloigne pas, on voit souvent un Taureau sortir des rangs, lui donner la chasse et le poursuivre longtemps. Quoique massifs, les Boeufs courent assez vite; ils na- gent aussi, mais moins bien que les Buffles. Leur naturel grossier ne les empeche pas d’etre suscep- tibles d’une sorte d’attachement; ils reconnaissent tres-bien leur habitation et les personnes qui en prennent soin. Ces Ruminants sont tres-sujets a se lecher; ils enlevent leur poil avec la langue, et l’avalent en grande quantite. Ce poil forme dans leur panse des pelotes rondes que Ton appelle egacjroplriles; elles se revetent, avec le temps, d’une crotite brune assez solide, qui n’est cependant qu’un mucilage epaissi, mais qui, par le frottement et la coction, devient dur et brillant. Comme l’on croit que ces egagrophiles empechent les Boeufs d’engraisser, on laisse, aux endroits de leur corps ou ils peuvent atteindre, la fienle qui s’y attache quand ils sont couches; mais ce remede est assurement plus nui- sible que le mal : cette couche de fiente dessechee, arretant la transpiration, peut devenir tres-pre- judiciable aux animaux, et le vrai moyen de les empecher de se lecher est de les entretenir tres-pro- pres, parce qu’alors ils n’eprouvent plus de demangeaisons. Peu d’individus sont conserves a l’etat de Taureau, c’est-A-dire propres a propager l’espece; pres- que tous ont ete mutiles dans leur jeunesse, et ce sont ceux-lA qui portent plus particulierement le nom de Bceuf, qui, par extension, est devenu generique. Une espece animale qui a ete transports sous tous les climats, que Ton a cherche a multiplier sur les montagnes comme dans les plaines, dans les lieux secs comme au bord des eaux et sur un sol humide, dans des contrees fertiles comme sur des terres ingrates, et dont 1’ education et la nour- riture ne sont pas les memes dans tous les pays; cette espece a dO eprouver des changements remar- quables, soit dans la grandeur et dans quelques-unes de ses formes, soit dans les couleurs, suit encore dans les qualites. Aussi peut-on dire que les races ou varietes de Boeufs sont innombrables, et devons-nous nous borner a ne parler que des plus saillantes. Nous chercherons cependant a donner une idee generale des races des pays etrangers; nous entrerons dans plus de details sur les races fran^aises, et nous terminerons en donnant quelques notions tres-geuerales sur l’eleve de ces ani¬ maux et sur les produits qu’ils procurent a l’homme. Ainsi que nous l’avons dit, les varietes du Boeuf commun, dont on ne connait pas le type A I’etat sauvage, sont excessiveme.nt nombreuses. On y distingue deux varietes principals : 1° les Boeufs a bosses, 2° les Boeufs ordinaires. I. — Bceufs a bosses ou Zebus. \ Cette variete, dont on a voulu faire une espece particuliere, se distingue, au premier coup d’oeil, de nos varietes ordinaires par la bosse graisseuse ou les deux bosses tres-saillantes qu’elle porte sur le garrot. Les Zebus, dont on distingue plusieurs races par leurs dispositions organiques princi- pales, peuvent encore presenter quelques variations dans la couleur du pelage, quelquefois rouge ou tachetee; ils ont a peu prAs les memes moeurs que les Boeufs domestiques, neanmoins ils sont beau- 200 HISTOIRE NATURELLE. coup plus alertes, et, au lieu de mugir comme nos BcEufs, ils font entendre un grognement un peu analogue k celui de l’Yack. On les emploie comme betes de trait. Cette variete constitue le Zebu de Buffon, Bos Inclicus, Erxleben; mais, comme nous l’avons dit, il est bien demontre que c’est sim- plement une varied particuliere du Bos tuurus domestique. Le Zebu, ses varietes et ses sous-varie- tes composent en presque totalite le betail des Indes, de la partie orientale de la Perse, de l’Arabie, des contrees de l’Afrique situeesau midi de l’Atlas jusqu’au cap de Bonne-Esperance et de la grande ile de Madagascar. Ces animaux, quoique originaires de pays tres-ckauds, peuvent vivre et multi¬ plier dans nos climats temperes; ils ont propage dans plusieurs pares de l’Angleterre, et ne sont pas rares dans nos menageries; aussi pourrait-on facilement les acelimater chez nous, oil ils rendraient de grands services, surtout comme betes de trait. On y distingue plusieurs races dont les princi- pales sont les suivantes : A. Ra.ce grande a une bosse et a cornes (Great Indina ox, Pennant; Bos urns Indicus Boddaert). — Taille egalant ou surpassant celle de nos plus forts taureaux; loupe graisseuse du garrot ayant jusqu’ii vingt-cinq kilogrammes de poids. De l’lnde. B. Race moyenne a une bosse et pourvue de cornes. — Taille et proportions d’une Vache moyenne, cornes recourbees en avant; couleur generalement d’un blanc grisStre; poil entierement soyeux, tres-ras, de la meme nature que celui des Vaches. Cet animal, qui vient de l’lnde, s’accouple avec les races de Boeufs, et produit des individus feconds. C. Race petite a une bosse, sans cornes (Bos urus inermis, Pennant). — Surpassant k peine la taille d’un Cochon mediocre; pelage generalement gris sur les parties superieures et blanc sur les inferieures; queue terminee par une touffe de poils noirs; loupe assez elevee; cornes remplacees par une petite plaque non adherente au crane, faisant a peine une legere saillie et quis’exfolie de temps en temps. De Linde. G. Cuvier en a decrit, en 1788, un individu provenant de l’lnde, et qui avait 6t6 apporte par les ambassadeurs de Tippoo-Sa'ib. D. Race a deux bosses. — Les bosses, dans cette variete, sont placees a la suite 1’une de l’autre : la premiere, sur le garrot, est plus grosse que la seconde. Elle habite les environs de Surate. On peut encore reconnaitre quelques varietes parmi les Zebus de Madagascar, de Macassar, de Timor, etc.; mais nous ne pouvons pas entrer dans plus de details a ce sujet. II. — Bceufs sans bosses ou Bceufs ordinaires. Les varietes du Boeuf ordinaire sont innombrables; nous indiquerons les principales, et plus par- liculierement celles propres a notre pays. RACES FRANQAlSES. — On trouve en differents cantons des races plus ou moins distinctement separees, et que ceux qui font le commerce des Boeufs savent bien reconnaitre et denommer. On ap- pelle Boeuf de haul cm ceux dont le cuir est plus fort, la forme plus considerable, et qui donnent moins de suif. On donne le nom de Boeufs de nature a ceux qui ont la propriete de s’engraisser faci¬ lement etabondamment, et cette propriete se distingue par la blancheur et l’homogeneite des cornes, par le potele de la tete et de toutes les parties du corps, par la souplesse et le moelleux du poil, par la finesse des narines et des oreilles, par la douceur du regard, etc. Les races francaises, comme nous allons le dire, sont tres-nombreuses; autrefois elles etaient assez distinctes selon les anciennes provinces de notre pays; mais ces races tendent, d’un cote, a se fondre les unes dans les autres, et, d’un autre cote, par leur melange avec des races etrangeres, elles se sont plus ou moins multiplies. Nous allons cependant indiquer, d’apres la Mammalogie d’A. G. Desmarest, les principales d’entre elles. § 1. Boeuf de haut cru. A. Race limousine ( Bos taunts domesticus Lemosicensis) . — Taille moyenne; forme allongee; poids de trois cents a quatre cent vingt-cinq kilogrammes; conformation forte; tete grosse; cornes RUMINANTS. 201 grosses, longues, pointues, relev^es 6galement ou descendant la pointc en bas; epaules 6paisses; garrot pen saillant; poil blond ou jaune de paille. Ces Rceufs, auxquels on joint les angouinois et les saintongeais, qui ifen different guere que par leur taille, travaillent, dans leur jeunesse, dans les provinces auxquelles ils appartiennent; on les engraisse ensuite en Normandie et dans le Limousin, et ils servent a la consommation de Paris. B. Race de la Marche (B. taurus domesl. Bituricensis). — Taille moyenne ou petite; poids, deux cents it trois cent cinquante kilogrammes; plus court que les precedents; cornes grosses, longues, verd&tres, relevees en pointe; poil du front tres-gros, tres-long, tr6s-dur, blanc p&le et sale. Les Boeufs berrichons appartiennent a la meme race. La majeure partie des Bceufs de cette race est en- graissee dans les herbages de la Normandie. C. Race gasconne ( B . taurus domest. Aquitanicus). — Taille considerable; poids moyen, de trois cent cinquante 4 quatre cents kilogrammes; conformation plus longue que celle des Boeufs sain¬ tongeais, dont elle se rapproche le plus; tete et cornes beaucoup plus grosses; ventre peu volumi- neux; cuir plus fort; couleur d’un blanc sale, plus ou moins rembrunie. Cette race est consommee, en general, 4 Bordeaux ou emportee pour la marine. D. Race auvergnate ou des Bodrrets (B. taurus domest. Arvernus). — Taille petite; poids, de trois cent soixante-quinze a quatre cent trente-cinq kilogrammes; conformation courte, large; os tres- gros; formes pesantes; tete courte, large; mufle gros; cornes courtes, blanches, relevees en pointe, un peu torses; ventre descendant beaucoup; ordinairement rouge vif, avec quelques taches plus ou moins grandes, blanches sur la tete, la queue ou le dos. Ces Bceufs naissent dans les montagnes d’Auvergne, en descendent a Cage de trois ans pour travailler dans les plaines du haut Poitou, et passent ensuite aux paturages de la Normandie. E. Race bourbonnaise (B. taurus domest. Borbonicus). — Taille petite; tete et cou menus; cor¬ nes longues, pointues; couleur d’un rouge vif, avec plus ou moins de blanc. Boeufs engraisses au foin dans l’ancien Bourbonnais. F. Race charolaise ( B . taurus domest. Carolesiensis). — Taille moyenne; poids, trois cents a quatre cent trente-cinq kilogrammes; conformation courte, large, massive; tete bien proportionnee; cornes courtes, fines, un peu verdures; dos et reins presque droits; ventre volumineux; pelage d’un beau blanc, parfois avec des taches rouges. Cette race est engraissee, apres avoir travaille trois ans, dans les p&turages du Charolais; elle fournita la consommation de Lyon et de Paris. G. Race niverhaise (B. taurus domest. Nivernensis) . — Taille petite ou moyenne; poids pouvant s’elever jusqu’a quatre cents ou quatre cent cinquante kilogrammes; moins massive que la race au- vergnate; cuir mince. Ces Boeufs se repandent hors du Nivernais, soit pour travailler, soit pour etre engraisses; les plus beaux passent dans le Morvan et se font remarquer ensuite dans les marches. H. Race bodrguignokne (B. taurus domest. Burgundiacus). — Taille petite; poids s’elevant trois cents kilogrammes; formes assez semblables & celles des Boeufs berrichons; couleur blanche. Race peu estimee et d’une nature assez rude; elle fait peu de cuir et de suif, etla qualite de sa viande est inferieure. § 2. Boeufs de nature. I. Race ciiolette ( B . taurus domest. Pictonicus). — Taille variable; poids egalement variable et pouvant s’elever a quatre cent cinquante kilogrammes; proportions remarquables; tete large, courte; cornes longues, blanches contre la tete et brunissant peu a peu jusqu’a la pointe, qui finit par etre noire; poitrine tres-etendue; queue enfoncee; poilgris, noir, brun ou marron. Ces Boeufs naissent dans le bas Poitou; les uns restent dans le pays, ou on les engraisse avec du foin et des choux jusqu’4 six ou sept ans, et ils sont consommes dans plusieurs departements, et surtout 4 Paris; les autres, dits nantais, passent dans les environs de Nantes, servent ik la culture et sont engraisses en Norman¬ die. On rapproche de cette race une sous-race nantaise qui est plus petite, et une race angevine qui est plus dure au travail. p. 26 202 HISTOIRE NATURELLE. I{. Race maraichaise (B. taurus domest. paludosus). — Taille assez considerable; poids, trois cent cinquante a cinq cents kilogrammes; conformation parfaite; tete assez longue; cornes grandes; cuir epais; graisse abondante, huileuse. Ces Roeufs presentent plusieurs varietes qui paissent, travaillent, et sont engraissees dans l’espace assez etroit qui s’etend dans le voisinage de la cole de l’Ocean de- puis Machenal jusqu’ft Rochefort, et qui portent des noms differents, tels que ceux de Bceufdu grand marais, de fontenagon, callot, flandrin et Boeuf batard. L. Race bretonne {B. taurus domest. Armoricus). — Taille petite; poids de trois cents a quatre cent cinquante kilogrammes; tete et membres menus; cornes tres-longues, noires par le bout; cou- leur rouge et blanche, noire ou blanche. Cette race, peu estimee, et qui donne peu de cuir et de suif, nait, travaille, s’engraisse et est debitee dans la basse Bretagne. M. Race du Maine ( B . taurus domest. Cenomanensis). — Taille moyenne; poids, deux cent cin¬ quante a trois cent cinquante kilogrammes; tete et cou menus; cornes courtes, fines, blanches; fa- non manquant presque totalement dans beaucoup d’individus; cimier plat; queue enfoncee; couleur blonde ou blanche et rouge. Cette race, dont la nature est la plus douce qui soit connue parmi les Roeufs de France, est tres-abondante et tres-estimee; elle ne travaille qu’a six ou sept ans, etne sort guere de son pays natal que pour passer dans les puturages de la Normandie. N. Race du pays d’Auge, Bceuf hollandais ou Bceuf de pays ( B . taurus domest. Viducossensis). — Taille tres-grande; poids de cinq cents a six cents kilogrammes; proportions tres-belles; tete courte, large; cornes blanches, grosses, courtes et rondes par le bout; queue enfoncee; poil gros; couleur de la tete blanche ou variee de rouge et de blanc; quelques individus noirs ou bruns, mais melanges de blanc; graisse abondante, un peu jaune; cuir epais. Cette race, originaire de Hollande, a ete in- troduite en France, oil elle a bien reussi, surtout dans le pays d’Auge; on la vend pour la boucherie ft trois ou quatre ans. O. Race du Cotentin (B. taurus domest. Uneliensis). — Taille forte; poids pouvant atteindre six cents ft sept cents kilogrammes; tete longue, peu grosse; cornes longues, menues, pointues; dos eleve en cime; fesses minces; ventre volumineux; membres menus; queue enfoncee; graisse abondante, jaune; peu de cuir; couleur ordinairement bronzee. Le volume prodigieux qu’acquiert cette race provient du croisement qu’on est dans l’usage de faire, depuis pr6s d’un siecle, de la race du Cotentin avec la race hollandaise du pays d’Auge. Ce sont ft peu pres les seuls Boeufs normands eleves et engraisses sur le lieu natal. P. Race comtoise (B. taurus domest. Sequanicus). — Taille petite; poids environ trois cent soixante-quinze kilogrammes; conformation exterieure analogue ft celle des Boeufs cotentins; cornes plus torses; couleur ordinairement blonde ou brune, avec la tete blanche. Race peu estimee pour ses produits. Q. Race de la Camargue (B. taurus domest. Arelatensis) . — Taille moyenne; corps epais; ventre descendant tres-bas; cornes courtes, formant un croissant parfait, dont les pointes se rapprochent; cuir tres-qpais, recouvert d’un poil de couleur noire. Cette race, qui est presque ft l’etat demi-sau- vage, habite seulement les lies de la Camargue, formees par l’embouchure du Rhone, un peu au-des- sous d’Arles. On la dit originaire de Boeufs d’ltalie. Ses moeurs farouches, la couleur noire de son poil, la grosseur et l’abaissement de son ventre, lui donnent plusieurs rapports de ressemblance avec le Buftle. C’est elle qui fournit les Taureaux qui servaient dans les combats qui avaient lieu ja- dis ft Nirnes et ft Tarascon, ft l’instar de ceux de l’Espagne. RACES ETRANG&RKS A LA FRANCE. — Apres avoir passe ainsi en revue les principales races fran- caises, qui, nous le repetons, sont beaucoup plus nombreuses que celles que nous avons decrites; car plusieurs autres ont une origine etrangere, nous devons donner une idee generale des autres races des differentes contrees. On peut dire que chaque pays possede autant de races particulieres que la France; nous ne voulons et nous ne pourrions pas les decrire toutes : aussi nous bornerons-nous ft parler seulement de quelques-unes d’entreelles, qui, commeles races suisse, franconienne, flamande et hollandaise, sont annuellement importees dans notre pays et contribuent meme ft la consommation RUMINANTS. ‘203 de Paris, et ne dirons-nous que quelques mots des autres races europdennes dtrangeres k la par i ie du monde que nous habitons. Race suisse (Bos- taurus domeslicus Helvelicus) . — Race de haut cru; laille moyenne ou assez grande; quelques iridividus atteignant jusquht cinq cents kilogrammes de poids; conformation tres- semblable A celle de la race auvergnate, mais dans une plus grande proportion; fanon plus grand; cuir beaucoup plus epais; nature plus rude; couleur generale rouge dans la moitie des individus a peu pres, et brune dans 1’autre moitie; presque tous ayant la tete blanche. Ces Yaches suisses sont tres-renommees par leur grande taille, l’abondance du lait qu’elles fournissent, et la beaute des Vcaux qu’elles produisent; mais il ne sul'fit pas, pour obtenir dans notre pays de beaux individus, de les tirer de Suisse, il faut, une fois acclimates chez nous, leur procurer des p&turages k peu pres analogues k ceux de leur -pays natal. Race franconienne (B. taurus domest. Noricus). — Boeufde nature; taille moyenne; poids variant de deux cent einquanle a trois cent cinquante kilogrammes; conformation assez svelte; cuisses min¬ ces; membres menus; flancs un peu deseendus; cornes blanches, lines, relevees et pointues; couleur d’un rouge tres-vif, avec la tete blanche; suif et cuir peu abondants. La viande que produit ces ani- maux a une grande apparence, mais peu de poids et de saveur, et ce defaut vient apparemment de la maniere dont on les engraisse; car on les nourrit toujours au sec avec l'avoine, et ils travaillent pendant le temps de l’engraissement. Les races allemandes sont a peu pres semblables aux races franconiennes. Race flamande ou hollandaise (B. taurus domest. Batavicus). — Bceuf de nature; laille moyenne; poids moyen de trois cents a quatre cents kilogrammes; corps tres-long et haut sur jambes, tres- mince et peu pourvu de ventre; tete longue; cornes noires, tres-grandes; cuir assez fort; Vaches tou¬ jours maigres, donnant beaucoup de lait. Cette race, transports dans le pays d'Auge, en Norman¬ die, c’est-a-dire dans le canton situe non loin du bord de la mer, entre Dives, Pont-l’Eveque et CrSecceur, y ayant trouve des paturages excellents, a change un peu de conformation, acquis de la taille et de l’embonpoint, et est devenue la plus remarquable de notre pays sous ces deux derniers rapports. Les Bceufs flamands que Ton envoie en France apres avoir ete engraisses n’ont pas plus de quatre a cinq ans; leur chair est assez lourde, ce qui est ordinaire quand on tue ces aniinaux jeunes; mais, quoique grasse, elle a peu de qualite; leurs cuirs sont assez forts. Parmi les races europeennes qui ne se trouvent pas sur les marches franeais, nous ne consacre- rons quelques lignes qu aux suivantes : Races anglaises. — On remarque pour la taille ceux du Suffolk, du Herefordshire etdu Wiltshire, dont le caractere commun le plus apparent consiste dans la petitesse de la tete, la brievete du cou et I’liorizontalite parfaite du dos. Ce sont peut-etre, de tous les Boeufs, sinon les plus grands, au moins ceux dont le poids est le plus considerable; car on cite un Yeau du Suffolk qui, a quatre mois et demi, pesait deux cent quarante kilogrammes, et un Bceuf du meme comte dont les cornes n’avaient pas moins de 1 m, 60, et qui pesait pres de deux mille kilogrammes. Les Boeufs du Norfolk, quoique petits, sont generalement les plus estimes pour la qualite de leur chair. Ceux du Devonshire et du Sussex, tres-semblables entre eux, si ce n’est que les premiers ont la tete et le cou plus petits que les derniers, sont le resultat du croisement des races normandes avec des races primitives anglaises. Du reste, on sait que, dans ces derniers temps surtout, tous les points de Pagriculture ont fait, en Angleterre, de grands progres, surtout en ce qui concerne l’eleve des animaux domestiques : aussi comprend-on qu’aujourd’hui on connait un assez grand nombre d'excellentes races anglaises, les unes recommandees par la chair, le suif ou le cuir qu’elles donnent, et les autres par leur lait. Races ecossaises. — Le Taureau sans cornes, d’Ecosse, tres-multiplie aussi dans le comte de Suf¬ folk, ou il prend une forte taille et la couleur blanche, est encore a moitie sauvage dans les pares du premier de ees pays, et est de petite taille. C’est sans doute le Bison albus Scolicus ou Calydonicus d’Aldrovande, que Ton a rapporte a l’espece de l’Aurochs, mais qui, comme l’a montre G. Cuvier, presente tous les caracteres osteologiques du Bceuf ordinaire. Races irlandaises. — Ces Bceufs, des contrees meridionales et maritimes de l’lrlande, manquent de cornes; et il en est de meme dans les races de l’Islande, qui, en outre, sont de petite taille. 204 HISTOIRE NATURELLE. Races dd nord de l’Europe. — Le Danemark a une race trf'S-grande, dent quelques Vaches, qui viennent s’engraisser en Hollande, foumissent jusqu’a vingt pintes de lait par jour. En Norwege, au contraire, selon Pontoppidam, les Bceufs sont de tres-petite taille, generalenient de couleur jaune, ei les Vaches donnent tres-peu de lait. Les ties qui bordent les cotes presentent des individus un peu plus grands. Les Bceufs de la Podalie, de la Tartarie qu'habitent les Calmouks, de l’Ukraine et de la Hongrie, passent pour les plus grands du monde. On a vu a Paris, en effet, des Boeufs hongrois qui etaient de taille tres-elevee, 4 cornes tres-grandes, dirigees lateralement avec la pointe relevee, bien placees sur le front et & pelage gris cendre, distribue par petites meches, ce qui semble indiquer qu’ils etaient de haut cru. Parmi les Bceufs de la Bussie, on cite ceux des Kirghises comme etant les plus gros. Races du midi de l’Europe. — L’Espagne, principalement la province de Salamanque, et l’ltalie, out de trfis-belles races de Boeufs. La Romagne a surtout un tres-grand Bceufa cornes longues, late- rales, relevees au bout, a poil de couleur gris fonce, passant au brun sur la tete et au milieu du dos, et cette race a assez de rapport avec celle de la Hongrie. Dans d’autres cantons, la couleur grise se retrouve aussi, mais la tete est blanche. On n’ignore pas que chez les anciens Romains les cultiva- teurs s’occupaient beaucoup de I’eleve des Boeufs; on connait les fetes qu’ils donnaient annuelle- ment & l’occasion de ces animaux, et dont notre promenade du Bceuf gras est encore aujourd’hui un vestige. Les Boeufs siciliens ont des cornes remarquables par leur grandeur et la regularite de leur figure ; elles sont tres-peu courbees; leur longueur ordinaire, mesuree en ligne droite, est de 1”, et quelquefois un peu plus considerable. Les ties de Malte et de Lipari ont des races beaucoup moins belles, et la race sicilienne y degenere meme au point d’y devenir meconnaissable. Enfin les Boeufs de la Sardaigne et de la Corse sont petits et maigres, mais tres-nombreux. Les p&turages de la Turquie sont peuples de beaux et tres-nombreux troupeaux de Boeufs. Les anciens distinguaient, parmi les Boeufs de l’Epire, ceux que l’on appelait pyrrhiques. Les Vaches pyrrhiques, suivant Aristote, n’etaient qu’au nombre de quatre cents environ; elles etaient reservees pour le roi, et ce n’etait que lorsqu’elles avaient trois ans accomplis qu’on permettait au Taureau de les approcher; tant qu’elles prenaient de l’accroissement, on les appelait vierges. « Nous les de- vons, dit Pline, aux soins du roi Pyrrhus : ce prince reussit a en perfectionner 1’espece en ne leur permettant pas de s’accoupler avant la quatrieme annee; par ce moyen, il obtint des Boeufs de la plus riche taille, et dont la race est encore subsistante. » Les betes & cornes sont plus petites dans les plaines de la Crimee que dans PUkraine; elles ressemblent ^ celles de la Hongrie, et ont aussi sou- vent la meme robe grise ou noire, et rarement brune; elles sont plus lentes, et d’une marche plus pesante que dans les montagnes, oil la race, quoique petite, est forte et a une allure plus vive. Dans le nombre des Boeufs de montagne, rapporte Pallas, on en voit beaucoup qui ont la couleur des Ga¬ zelles; et ceux-li ont communement les membres et une forme plus agreables. Races asiatiques. — Outre les quelques races propres a la Turquie, dont nous avons d6jii parle, les collines et les plaines de l’immense etendue de l’Asie sont animees de nombreux troupeaux da Boeufs bossus ou non bossus; et ils ne sont pas etrangers aux Spres regions qui avoisinent la mer Glaeiale. L’espece se multiplie a mesure que la temperature est plus douce; elle propage vers le midi jusqu’4 la pointe de la presqu'ile de Malacca, et en longitude depuis PArabie jusqu’aux iles du Japon. Races africaines. — Dans la plupart des parties de l’Afrique, principalement dans cedes oil les homines s’adonnent a la culture des terres, les betes a cornes ne sont pas rares. Elle sont en nombre assez considerable en Egypte; mais, quoiqu’elles y soient encore assez belles, elles y ont beaucoup degenere de la perfection qui les faisait admirer autrefois comme une des races les plus distinguees. Leur couleur est generalenient d’un fauve plus ou moins fonce, et leurs cornes sont petites; on voit sur le garrot des Bceufs d’Egypte une grosseur moins elevee que cede des Zebus, mais qui, si elle est naturelle, les rapproche de ces animaux. On sait que les anciens Egyptiens avaient voue un culte & ces animaux, et Ton connait les ceremonies religieuses du dieu Apis. On voit en Abyssinie d’in- nombrables troupeaux de Bceufs : les uns different par la taille, les autres par la grandeur ou par la conformation de leurs cornes; d’antres n'ont pas du tout de cornes; et tous enfin sont de couleur di¬ verse, et ont le poil long et ras, suivant le climat oil ils paissent. Aux environs du Sennaar, en Nubie, RUMINANTS. 205 les Boeufs sont, les plus gros, les plus gras et les plus beaux du monde enlier. Quelques-uns de ces Boeufs de Nubie et d’Abyssiuie out des cornes d’uue grandeur demesuree, quoiqu’ils soient eux-memes d’une assez petite taille; mais cette croissance vraiment monstrueuse des cornes est, dit-on, l’effet d’une maladie qui devient toujours fatale aux animaux qui en sont atteints. Toutes les colonies euro- peennes ont regu des Boeufs de diverses contrees de l’Europe, et ces animaux ont subi, dans leur nature et leur constitution, des changements relatifs aux nouveaux elimats sous I’influence desquels ils se sont trouves places : toutes les races de Boeufs connues paraissent exister en plus ou moins grand nombre dans les diverses contrees de l’Afrique, depuis la Barbarie jusqu’au cap de Bonne- Esperance. Vers le point meridional de cette partie du monde, vit un peuple pasteur, doux et cou- rageux, qui fait sa principale occupation de l’education des bestiaux. Les Cafres ont beaucoup de soin de leurs Boeufs, en general plus petits que les nbtres, et ils rdussissent parfaitement a s’en faire comprendre. Ils ddcoupent en larges pieces circulaires le fanon de ceux qu’ils affectionnent le plus, ou ils le fagonnent en petites laniAres comme une frange. Ils soumettent aussi les cornes a differentes formes. Cette operation se fait en les chauffant avec un feu ardent, jusqu’a ce que la cbaleur les ait assez amollies pour se preter a la direction qu’on veut leur donner : on en voit qui sont courbees des deux c&tes sur le cou du Bceuf, et aboutissent precisement aux epaules; d’autres, dont les poin- tes se rencontrenl sous la gorge, ou bien se prolongent horizontalement, etc. Les Cafres, au rapport de Levaillant, ne se contentent pas de faire prendre aux cornes de leurs Boeufs une infinite de con¬ tours differents, ils ont encore Part de multiplier en quelque sorte ces cornes, de sorte qu’elles ont I’aspect des zoophytes marins, connus sous le nom de bois de Cerf. Le procede qu’ils emploient con- siste a donner, sur la corne qui commence a se montrer, un ou plusieurs petits traits de scie ou d’un autre outil; ces cornes, qui sont encore tendres, s’isolent d’elles-memes : de fagon qu’avec le temps, l’animal porte autant de cornes bien distinctes; dans d’autres cas, ils savent, par des proce- des particuliers, forcer la corne entiere, ou l’une de ces divisions, a former un cercle parfait. Une remarque tres-curieuse, si elle se confirmait, que Ton doit & Barrow, et dont on ignore la cause, c’est qu’en general les Boeufs de la colonie du Cap et de plusieurs autres parties de l’Afrique ont l’ha- leine infecte, tandis que celle des Boeufs d’Europe est fort douce. Races ameiucaines. L’espece du Boeuf ordinaire etait inconnue dans 1’Amerique meridionale avant la conquete qu’en firent les Europeens; mais les contrees du nord de ce continent etaient habitees par une grande quantite de Bisons; cependant la race du Bceuf sans bosse y 6tait etrangere, et ce sont les Europeens qui l’y ont transports . Sa nature s’est tres-bien pretee A cette transmigration, et elle s’est extremement multipliee dans plusieurs contrees meridionales du nouveau monde. On nourrit de gros betail au Perou, au Bresil, au Paraguay et dans toutes les colonies europeennes; ce betail couvre de vastes plaines. et vit en plusieurs endroits dans une entiere liberte; et ces Boeufs ont meme forme des races distinctes et qui se perpetuent. C'est ainsi que les Boeufs de Montevideo sont plus grands que ceux d’Espagne, d’ou ils sont originates; que ceux de Corientes, au Paraguay, sont, au contraire, tres-bas sur jambes, et que l’on en voit qui sont entierement depourvus de cor¬ nes. Le Bceuf de Fernambouc est habituellement rouge, c’est-a-dire bai clair et tache de noir; il y en a aussi qui ont des taches jaunes et couleur marron; ce Bceuf, a en juger par les depouilles que le commerce apporte en Europe, doit ressembler au Boeuf nantais pour la taille et pour la qualite des peaux qu’il fournit A la tannerie. Les peaux de Fernambouc nous viennent d’Amerique salees et alu- nees, ce qui en rend le premier travail difficile; elles produisent un cuir de premiere qualite, parce qu’il est egalement fort et serre dans toutes ses parties, et qu’il prend bien les apprets; on sail qu’il arrive aussi dans notre Europe une assez grande quantie de viande salee provenant de ces Boeufs. Pour faire la chasse aux Boeufs devenus sauvages en Amerique, on leur jette une corde formant un noeud coulant, et on les enlace par les cornes ou par la tete; d’autres fois on leur coupe les jarrets avec un fer taille en croissant, bien aiguise et attache A un long bAton. Cette chasse, qui n’est pas sans danger, se fait avec beaucoup de legerete et d’adresse par les habitants du Perou et des autres pays voisins : elle n’a la plupart du temps pour but que de se procurer les cuirs et le suif, qui font une branche considerable de commerce; les chasseurs abandonnent souvent les Boeufs tues aux ani¬ maux carnassiers, aprds en avoir pris seulement la langue, qui est tres-bonne a manger. Races oceaniennes. — Les Boeufs de race anglaise qui ont 6te transports A Botany-Bay et dans 206 HISTOIRE NATURELLE. d’autres points de la Nouvelle-Hollande ont parfaitement reussi, et aujourd’bui on en possede un assez grand nombre de races plus ou moins distinctes. Parmentier a publie, il y a plus d’un demi-siecle, dansle Nouveau Victionnaire d’Histoire natu relle edite par Deterville, un article sur le Boeuf considere sous le rapport de l’agriculture, du com¬ merce et des arts, et nous croyons utile d’emprunter quelques passages de cet important travail, qui, aujourd’hui encore, peut etre consulte avec avantage. Habitub a ne juger des animaux qui vivent autour de lui sur la surface du globe que sous les rap¬ ports de I’utilite qu’il peut en retirer, l’homme a place le Boeuf au premier rang, et cette sorte de preeminence est meritee, car les services qu’il rend sont d’une telle importance, que la subsistance et la prosperite des nations en dependent; sans ce precieux animal, les campagnes les plus fertiles seraient frappees de sterilite, la disette des aliments se ferait ressentir de toutes parts, une population miserable et sans vigueur trainerait une chetive existence, sans esperance de se relever par les efforts de son industrie, puisqu’elle manquerait des matieres indispensables aux arts de premiere necessity comme a ceux de simple agrement. Aussi, chez les peuples qui ont porte leur attention vers l’agri- culture, tous les soins ont ete reserves 4 l’espece du Boeuf. On sait combien elle etait honoree dans 1’ancienne Egypte; on 1’avait mise sous la sauvegarde des lois civiles et religieuses; et, afin de lui attirer plus de management et de l’environner de plus de respect, on plagait un Boeuf au rang des divinites les plus reverees; on faisait des funerailles aux autres Boeufs lorsqu’ils venaient a mourir; car, a l’exception de ceux que Ton sacrifiait aux dieux, on n’en tuait que tres-rarement, et il etait defendu de mettre a mort ceux qui avaient deja travaille. Il en etait de meme chez les Romains. Dans la presqu’ile de l’lnde, le Boeuf a joui, de temps immemorial, d’une consideration qui tenail du culte; aujourd’hui encore, il y a des individus de cette espece consacres, et que Ton nomme Boeufs bra- mines. Chez les brames, les femmes, pour se procurer en abondance du lait et du beurre, invoquent une Vache par excellence, cherie du roi des cieux, type, mere etpatronne de toutes les Vaches. L’es¬ pece entiere jouit des plus grands egards; on lui prodigue tous les temoignages de la reconnaissance, et il est un jour dans l’anuee destine a en consacrer l’expression, Chez les peuples civilises de notre epoque actuelle, sans avoir les memes egards pour l’espece bovine, on ne laisse pas que d’en avoir grand soin, et cela uniquement parce qu’elle est d’une grande utilite. Le choix du mtde et de la femelle pour la propagation de l’espece doit etre fait avec discernement, Rien n’est plus rare, dans quelques cantons de France, qu’un beau Taureau; il n’y en a pas meme dans tous les villages, et les proprietaires sont parfois forces de faire conduire leurs Vaches au loin pour les faire saillir par un Taureau chetif, tantbt tropjeune, tant&t epuise, et souvent affaibli par le travail et la faim, et il ne peut resulter de semblables unions que des produits miserables et le deperissement de l'espece. Le Taureau doit etre choisi parmi les plus beaux de son espece; il doit avoir de trois a neuf ans; il doit etre gros, bien fait et en bonne chair; il doit avoir l'ceil noir, le regard fier, le front ouvert, la tbte courte, les cornes grosses, courtes et noires; les oreilles longues, velues; le mufle grand, le nez court et droit, le cou charnu etgros, les epaules et la poitrine larges, les reins fermes, le dos droit, les jambes grosses et charnues; la queue longue et couverte de poil; failure ferme et shre; le poil luisant, epais, doux au toucher. Il ne pourra servir que trente ou qua- rante Vaches, et devra etre nourri largement. La Vache doit avoir la taille haute, les cornes bien etendues, claires, polies: le front large, uni; le corps long; le ventre gros, ample, a tetines blanches, non charnues, mais deliees; en outre, elle doit etre forte et docile. Quoique l’on puisse soumettre le Taureau au travail, on est moins shr de son obeissance, et il faut etre en garde contre l’usage qu’il peut faire de sa force; il est souvent indocile, fougueux, et, au temps du rut, il devient furieux et indomptable; mais par la castration on delimit la source de ces mouvements irapetueux; il devient plus traitable, plus patient, sans rien perdre de sa force, et il acquiert plus de grosseur et de disposition H s’engraisser. C’est ordinairement a dix-huit mois ou deux ans, et au printemps ou a 1’automne, que l’on soumet le jeune Taureau a la castration, et cette operation se fait de differentes manieres suivant les pays. Un bon Boeuf pour la charrue ne doit etre id trop gros ni trop maigre : il doit avoir la tete courte et ramassee; les oreilles grandes, bien velues bien et unies; les cornes fortes, luisantes et de moyenne grandeur; lb front large; les yeux grands, vifs, luisants; le mufle gros, cannis; les naseaux bien RUMINANTS. 207 ouverts; les dents blanches, egales; les lAvres noires; le cou charnu; les 6paules grosses; la poitrine large: le fanon pendant jusque sur les genoux; les reins trAs-larges; le ventre tombant; les flancs grands; la croupe bien 6paisse; les jambes et les cuisses grosses, nerveuses; le dos droit, plein; la queue tres-longue, garnie de poils touffus, lins; les pieds fermes; 1’ongle court, large, luisant; les muscles eleves; le cuir epais, mais souple. II doit etre obeissam a la voix et bien dressG; mais ce n’est que peu a peu, et en s’y prenant de bonne heure, qu’on peut accoutumer le Bceuf a porter le joug volontiers et A se laisser conduire aisement; toutefois, ce n’est qu’A l’Age de deux ans et demi ou de trois ans qu’il faut commencer a l’apprivoiser et A le subjuguer, car on 1’enerverait si Ton s’y prc- nait plus tOt, et, si Ton attendait plus tard, il ne serait plus susceptible d’education. La patience, la douceur et meme les caresses sont les meilleurs moyens pour dompter le Bceuf; la force et les mau- vais traitements ne serviraient qu’A le rebuter pour toujours. N’en exigez done d’abord qu’un exer- cice modern, et, apres 1’avoir habitue A avoir les comes li6es A l’etable et A etre attache au meme joug avec un Bceuf tout dresse et de la meme taille, attelez-les ensemble A une charrue que vous leur ferez trainer; servez-vous d’abord d’un joug leger, et accoutumez-le peu A peu a un travail plus fort. Si un Bceuf se montre furieux et ne veut pas se laisser dompter, faites en sorte de lui Her les quatre jambes et de le terrasser lorsqu’il est dans son acces de fureur; faites-le jeuner pendant quelquc temps, et il deviendra bientbt doux et docile. Les cultivateurs ne sont pas d’accord sur la meilleure maniere d’atteler les Boeufs Des le regne des premiers empereurs romains, l’on avait deja eleve des discussions A ce sujet; et Columelle blame avec force l’usage qui commengait A s’etablir de son temps, de faire tirer les Boeufs par les cornes; car jusqu’A cette epoque on les avait toujours atteles par le cou et les epaules. Quoi qu’il en soit, il est incontestable que le Bceuf attele avec un collier conserve plus d’aisance dans ses mouve- ments et dans son allure, au lieu que si sa tete est retenue et rendue immobile par le joug, il n’est pas difficile de s’apercevoir combien il souffre de cet etat de gene et de contrainte, qui peut aussi s’opposer au developpement de l’animal et l’empecher d’acquerir toute sa grandeur et toute sa force; d’ailleurs le Bceuf parait tirer avec plus d’avantage par le poitrail, et cette methode est suivie dans plusieurs cantons de la France et de l’Angleterre, en Suisse et dans d’autres contrees de UEurope. L’attelage doit se composer, autant que possible, d’animaux de meme taille et de meme force. Plusieurs experiences ont ete faites en France et en Angleterre sur le travail comparatif des Boeufs et des Chevaux pour la culture des terres, et l’avantage est reste aux premiers. Outre le travail de la charrue, les Boeufs sont tres-propres A trainer de lourds fardeaux. Atteles A des chars, ils servent au laboureur A transporter les recoltes dans les granges; dans plusieurs villes maritimes, ils conduisent sur des traineaux les ballots qui forment la cargaison des navires. Mais on les emploie rarement A de longs transports, A cause de la lenteur de leur marche; toutefois, dans quelques pays, et surtout dans les colonies du cap de Bonne-Esperance, on a pu faire aller plus vite ces animaux, et les voyageurs dans l’interieur des terres en Afrique ne se font transporter qu’avec des attelages de Boeufs qui peuvent parcourir en un jour ce qu’on appelle un skoff , et cette distance depend des circonstances qui la determinent, et varie de cinq A quinze heures de chemin : on y eva- lue habituellement la vitesse d’un Bceuf, sur un sol ferme et uni, A trois milles a I’heure, et il peut continuer ainsi pendant dix ou douze heures sans s’arreter. Dans l'lnde et en Afrique, le Boeuf sert aussi de monture et de bete de somme. Quelques peuplades du midi du continent africain elevent aussi des Boeufs pour la garde de leurs troupeaux et meme pour la guerre. En Espagne et dans quel¬ ques autres pays, A 1’instar de ce qui avait lieu jadis chez les Romains, les Taureaux servent A l’a- musement du peuple, et on les fait combattre dans les arenes : ces especes de fetes, qui ont encore lieu de temps en temps dans le midi de la France, ne sont plus d’accord avec nos moeurs, et tout fait esperer qu’elles disparaitront bientot completement. Le Bceuf, enfin, rend A la terre tout autant qu’il en tire, et meme il ameliore le fonds sur lequel il vit; il engraisse son pAturage; sans lui, les campagnes seraient seches et infecondes, et les terrains arides resteraient condamnes A une perpe- tuelle sterilite; car l’engrais qu’il foirrnit est le plus gras et le plus abondant de tous les engrais. On sait aussi que la fiente de ces animaux peut etre brfilee et qu’elle donne une chaleur propre A faire cuire les aliments et A quelques autres usages. Si l’on destine les Boeufs A faire de longues routes, atteles A des voitures, A trainer des fardeaux 208 HISTOIRE NATURELLE. sur le pave, enfin a marcher longtemps dans des chemins pierreux, leurs pieds doivent etre garantis par des fers a peu pres semblables a ceux des Chevaux. La duree du travail auquel on peut assujettir le Boeuf de labour depend de la nature du sol qu’on lui fait dechirer en sillons. Si la terre est legere, l’animal se fatigue moins que si elle est dure et compacte, et il peut y travailler plus longtemps sans trop se fatiguer. Pour qu’un Boeuf rende de bons services, il suffit qu’il soit bien en chair; s’il a trop d’embonpoint, il se fatigue promptement. 11 peut, en general, conduire, en ete, une charrue pendant onze heures, c’est-a-dire depuis trois heures du matin jusqu’a neuf, et le soir depuis trois heures jusqu’a huit. En hiver, il peut rester at- tele depuis sept & huit heures du matin jusqu’y trois ou quatre heures du soir. Les etables des Bceufs doivent etre d’une salubrite complete; car la mauvaise construction des eta- bles est presque toujours la source de la plupart des maladies du betail. Nous ne pouvons entrer dans des details sur la construction de ces etables, et nous nous bornerons a dire que Pair doit y circuler librement. La nourriture du Boeuf a la campagne est en general la meilleure et la plus saine lorsqu’elle est prise dans un bon terrain, et la Panimal trouve une grande variete de plantes qui sont tr6s-bonnes a son alimentation. Cependant la nature, la force et la continuity des travaux de cet animal, et le besoin qu’il a, en consequence, d’une nourriture plus substantielle et plus restaurante a l’etable, in- dependamment de quelques autres raisons, forcent parfois le cultivateur qui veut l’avoir toujours en bon etat i soigner davantage sa nourriture et 4 la lui donner a l’ecurie. Pour les Bceufs, toutes les eaux ne sont pas egalement bonnes : l’eau battue est bien preferable a celle qui dort; celle des grandes rivieres it celle des sources; celle des etangs a celle des mares, et celle-ci souvent a l’eau de puits; et la meilleure est sans contredit la plus pure. On doit regulierement abreuver le Boeuf au moins deux fois par jour, surtout quand on le nourrit au sec; et l’eau qu’il prend doit n’etre ni chaude, ni tiede, mais toujours a la temperature de Pair. Le sel est tr6 s-utile a ces animaux et doit etre melange a leurs aliments. L’age le plus favorable a Pengrais des Bceufs est sept ans; cependant la plupart ont dix a douze ans lorsque, pour les y soumettre, on les tire de la charrue. Le printemps est la saison qu’il faut preferer; on les conduit a la prairie de bon matin, et on les ramene & l’etable quand la chaleur com¬ mence a se faire sentir, et, des qu’elle est passee, on les reconduit au p&turage pour le reste du jour. Le commerce auquel Pespece du Boeuf donne lieu est des plus considerables de Peconomie publi- que : c’est une des principals nchesses territoriales. La consummation de viande de Boeuf qui se fait en Europe est vraiment prodigieuse; l’on en peut juger par celle de Paris seul ; son approvision- nement annuel, il y a cinquante ans, et qui depuis est presque double, etait de centquatre-vingt-treize mille deux cent soixante et onze betes, dont soixante-quinze mille Boeufs, quinze mille Vaches et cent trois mille deux cent soixante et onze Veaux, qui donnaient un total de trente-six millions cent cinquante-cinq mille trois cent vingt kilogrammes de viande. Nous la mangeons appretee de plu- sieurs manieres ; bouillie, elle fait la premiere et principale piece de nos repas; les Anglais Paiment a demi cuite et presque saignante; en Irlande, en Angleterre, en Ilollande, en Suisse, dans le Nord, et surtout actuellement en Amerique, on sale et on fume la chair du Boeuf en grande quantity, soit pour Pusage de la marine, soit pour le commerce. Les cuirs forment une partie importante de la depouille du gros betail; il entre chaque annee dans les tanneries de la France au moins sept cent cinquante mille peaux de Boeufs, trois cent cinquante mille de Vaches, et quatre millions de peaux de Veaux; mais cette quantity est loin de suffire pour nos besoins, et nous tirons des cuirs de l’etranger, surtout de PAmerique et des provinces du nord de PEurope. La graisse, melangee avec le suif du Mouton, est transformee en chandelles et employee de differentes autres manieres. Le poil donne la bourre qui entre dans Pindustrie du bourrelier, du tapissier et du macon pour la con¬ fection des plafonds et du crepis. Les cornes se faconnent en peignes, en boites qui imitent l’e- caille, etc.; on en fait des fanaux pour la marine. On tire de 1’huile des pieds, aussi bien qu’une espece de colle-forte des cartilages, des nerfs, des rognures de peaux, etc. Les os donnent plusieurs produits. Le sang entre dans plusieurs combinaisons chimiques, et sert dans les raffineries de sucre. La Vache, outre un grand nombre de produits qu’elle nous donne de meme que le Boeuf, nous offre une immense ressource dans son lait et ses Veaux. La Vache, pour etre bonne productrice, doit presenter plusieurs qualites particulieres. Lorsqu’on veut la faire produire, il faut la prendre non- RUMINANTS. 209 seulement dans certaines circonstances, mais encore assez jeune; car, pass6 dix ans, elle ne domic plus que de mauvais produits. Le printemps est ordinairement la saison oil lcs Vaclies sont en cha- leur; alors dies mugissent tres-frequemment; dies sautent indifferemment sur les Vaclies, sur lcs Boeufs et sur les Taureaux; il faut profiter de ce moment pour leur donner le mile, sans quoi elles se rebuteraient. La Vache est dans sa force depuis trois jusqu’a neuf ans, et elle ne vit gu6re plus de vingt ans. Lcs vacheries doivent etre entretenues propres et aerees; c’est principalement en Suisse et en Au¬ vergne oil il y en a le plus. Les betes restent, l’hiver, a la vacherie, et, pendant les quatre ou cinq mois d’ete, on les mene au pAturage dans la montagne et on les y parque. Le vacher doit prendre les plus grands soins des animaux qui lui sont confies. Avant que les Vaches ne vdent, mais surtout apres, on doit prendre des precautions particuliAres qu’il serait trop long d’enumerer. Les jeunes Veaux doivent etre retires de bonne heure d’aupres de leur mere. Les Veaux sont des¬ tines, soit a etre livres plus ou moins jeunes aux bouchers, soit a perpetuer l’espece; et, selon l’usage auquel ils sont destines, on doit les elever differemment; dans le premier cas, par exemple, on doit chereher a les engraisser le plus promptement possible. Des precautions particulieres sont aussi em¬ ployees pour l’eleve des Genisses, et pour les habituer, des qu’elles sont pleines pour la premiere fois, a se laisser traire facilement plus tard. L’extreme economie dans la nourriture des Vaches est nuisible A la sante de ces animaux et aux interets meme du fermier : l’etat particular oil elles se trouvent, le travail qu’elles font, le lait qu’elles fournissent, le pays qu’on habite, doivent seulement en regler l’espece et les proportions : tout pro- prietaire qui manque de prairies naturelles ou artificielles ne pourra jamais tirer un grand parti des Vaclies. Les premieres herbes ne leur valent rien; ce n’est que vers la lin d’avril qu’il faut leur per- mettre d’aller paitre, jusqu’au mois d’octobre, en observant surtout de ne pas les faire passer brus- quement du sec au vert et du vert au sec, et d’en moderer la quantite, parce que, si elles s’engrais- saient, elles donneraient moins de lait, et demanderaient plus tot le Taureau. Le sainfoin, la luzerne et le trefle, auxquels toutefois sont jointes plusieurs autres plantes, composent ce qu’on nomme vul- gairement les prairies artificielles, et forment, en vert ou en sec, leur nourriture la plus recherchee. G’estun abus de mener les Vaches dans les chaumes, parce que les terrains oil ils sont se dessAchcnt trop promptement, et que leur aridite ne procure qu’une nourriture pen succulente; il est aussi dan- gereux de les envoyer paitre dans les regains de luzerne et de trefle, surtout a la rosee. Du reste, quelques precautions sont a prendre pour le pAturage ou le parcage de ces animaux. Lorsque les Vaches ont atteint 1’Age oil elles cessent de venir en chaleur et de donner par conse¬ quent des Veaux et du laitage, il faut songer a les engraisser pour la boucherie, en les laissant quel¬ ques mois dans de bons pres, en les nourrissant abondamment a l’6table de foin, de paille, de ra- cines potageres cuites, de pommes de terre, etc. Parmi les Veaux qui doivent aller a la boucherie, les uns, et c’est le plus grand nombre, y sont transports apres avoir tete leur mere seulement un mois ou six semaines, quelquefois moins quand on est presse de laitage; ces Veaux peuvent etre en chair, mais ne sont pas gras; on eleve les autres avec un soin tout particulier, et vers trois mois ils sont portes au marche. Les maladies des Boeufs et des Vaches sont nombreuses : nous ne pouvons en parler ici, et nous renvoyons aux trades speciaux des veterinaires sur ce sujet. Les Veaux femelles prennent, a I’Age de dix mois, le nom de Genisse , celui de Vache quand elles ont vele, et de Vaches laitieres lorsque le produit du lait devient l’objet principal de leur entretien. Ce n’est pas toujours a la beaute et a la regularite des formes qu’on doit s’attacher pour le choix des Vaches laitieres; les meilleures sont souvent les plus mal tournees et les plus petites : le volume de leurs mamelles n’en constitue pas non plus la beaute; car quelquefois les pis n’ont une certaine grosseur que parce qu’ils sont charnus; la couleur du poil n’est pas non plus le signe auquel on puisse s’en rapporter. Les qualites que doivent surtout presenter ces Vaches sont un beau cou, un petit fanon, la tete un peu allongee, la corne fine et pointue, 1’ceil vif, un poil fin, les jambes courtes et deliees, les cotes elevees et rondes, le corps gros, les reins forts, les handles carrees et egales, la queue haute etpendante au-dessous du jarret, la mamelle fine, ample, bien faite, peu charnue et pas trop blanche; la peau douce et moelleuse, les veines bien prononcees aux deux cotes du venire, et *7 P. 210 (IIST01RE NATURELLE. faciles & sentir sous les doigts. Ajoutons, en outre, que tout recemment un p4tre, nomme Guenon, a decouvert sur le pis de la Vache des signes particuliers au moyen desquels on peut facilement re- connaitre la bonte d’une Vache laitiere, et que, d’apres cette remarque importante, beaucoup de Iravaux ont ete faits depuis six a huit ans, et que plusieurs classifications des Vaclies, disposees d’a¬ pres la quantite de leur lait, ont ete tentees. Du reste, le caractere individuel de l’animal influe beau- coup sur la nature et la qualite du produit du lait : telle Vache de race semblable en donneplus que telle autre, et meme differe en qualite, quoiqu’elle soit nourrie avec les memes herbages. II ne suffit pas d’avoir fait choix de Vaches de bonne race, il y a des soins a employer pour les rendre propres a 1’objet qu’on a en vue : ils consistent principalement dans les moyens de subsistance et dans l'at- tention de la leur distribuer avec management, c’est-a-dire peu et souvent; en outre, elles doivent etre tenues avec la plus grande proprete possible : ce qui, malheureusement, n’a pas toujours lieu. On croit assez gtineralement qu’il est plus avantageux de nourrir les Vaches a l’etable plutot que de les envoyer dans les paturages. Les Vaches, selon l’age, la race, la saison, le climat, la nourriture et l’etat physique de l’animal, donnent plus ou moins de lait; les unes le donnent bon toute l’annee, a l’exception des quinze jours qui precedent et suivent le velage, tandis que d’autres, quoique soignees de la meme maniere, taris- sent des le septieme mois de la gestation, qui est de neuf mois. Le nombre des traites influe encore sur la qualite du lait; il est prouve que plus on les repete, plus le lait est abondant et sereux, et vice versa. Le trop grand chaud comme le trop grand froid exercent aussi une influence marquee sur la proportion et la qualite du lait. Plus une Vache fournit de lait, moins il est riche en substance. Une autre observation assez conslante, c’est que le lait est d’autant plus abondant, que les cantons sont naturellement humides, d’une temperature moderee, et couverts de paturages composes de gra- minees et de trefles. Communement on trait les Vaches deux fois par jour, le matin a cinq heures et le soir a la meme heure; dans cet intervalle de douze heures, le lait a eu le temps d’arriver aux ma- melles et de s’y perfectionner; mais on remarque que celui du matin a plus de qualite, parce que, vraisemblablement, l’animal a ete moins tourmenle pendant la nuit par la chaleur, par les Insectes, et que le sommeil donne a ses organes plus de moyens pour elaborer le lait. L’operation de la traite demande une attention et des soins tout particuliers. L’endroit dans lequel on place les vases destines 4 recevoir le lait, et dans lequel ce liquide se- journe jusqu’au moment oil il s’agit d’en retirer le beurre et le fromage, porte le nom de laiterie, et doit etre dispose de telle sorte qu’il offre une assez grande fraicheur et beaucoup de proprete. Une laiterie bien conditionnee doit comprendre un assez grand nombre d’ustensiles particuliers, que Ton peut diviser en cinq classes; savoir, ceux servant : 1° a traire les Vaches; 2° a couler, a contenir et a transporter le lait; 3° a battre la creme et & debiter le beurre; 4° a saler et a fondre le beurre; 5° a cailler le lait, & chauffer et 4 cuire les frontages. Les divers produits que nous donne la Vache forment plusieurs branches Ires-importantes de com¬ merce. Le lait est tres-recherche, et, aujourd’hui, grace aux chemins de fer, il est transport^ de tres- loin dans nos grandes villes : il sert non-seulement 4 l’alimentation journaliere de 1’homme, mais il est egalement employe en medecine. Plusieurs produits sont extraits du lait, et sont egalement livres au commerce; tels sont la creme, le beurre, qui peut etre frais, ranee, fondu et sale, et les diverses especes de fromage. Apres avoir donne avec autant de soin et de details l’histoire du Taureau ( Bos taarus) et des races domestiques qui en proviennent, il ne nous reste plus, pour terminer ce que nous avons a dire sur le genre naturel des Boeufs, qu’a donner la description succincte des autres especes que l’on place dans le sous-genre Bos proprement dit. 2 GOUR. BOS GOURUS. Traillard. Caracteres specifiques. — Crete occipito-frontale se relevant en formant un quart de cercle, et se portant en avant de maniere 4 faire paraitre le front tres-concaye de haut en bas; apophyses epi- neuses des vertebres dorsales, au lieu de decroitre uniformement de la troisieme vertebre 4 la neu- RUMINANTS. 211 vieme, ne s’abaissant que trSs-peu jusque vers la region lombaire, oil dies se raccourcissent brus- quement, et n’etant pas flanquees vers le garrot, comme dans le Bison, de deux masses musculaires charnues, de sorte que leur saillie forme, dans plus de la moitie du dos, un crete tres-remarquable et tres-developpee. Plus grand que le Taureau. Le Gour ou Gaour, des parties septentrionales et interieures de I’Inde, d’abord range avec les Bisons, a ete place par M. Hodgson dans un genre particular, celui des Bibos, et l’espece a re$u de lui la denomination de B. concavifrons . Une autre esphce, le B. frontalis, Lambert, de Mysore et de Birmanie, entre aussi dans ce genre Bibos, qui n’a gdieralemenl pas ete adopte. Cet animal, encore incompletement connu, est principalement remarquable par 1’allongement des apophyses epineuses de ses vertebres, qui forment, comme l’a fait observer E. Geoffroy Saint-Hilaire, une saillie considerable le long de 1’eehine, et donnent a cette partie la forme dentelee d’un peigne. 3. GOYAL. BOS GAVQEUS. Hodgson. Caracteres specifiques. — Crete dorsale encore tres-prononeee, ce qui le distingue du Bceuf or¬ dinaire, tandis que la crete occipito-frontale, qui est rectiligne et de niveau avec le front, comme dans cette derniere espece, lesepare nettement du Gour, oil la crete se porte en avant et se termine par un arc triss-prononce. De grande taille. Cette espece, particuliere a diverses parties de l’Asie, pr^sente plusieurs varietes ou races parli- euiieres; c’est ainsi qu’on doit y rattacher le Goijal domeslique, Goballc cjoijal ou Goyal des plaines, dont quelques individus, repasses a l’etat independant, ont propage, dans les forets du Thibet, une race qui parait conserver les caracteres acquis sous l’influence de l’homme, et le Jungly-Gau de Fr. Cuvier, qui se distingue bien du Gobatk goyal, et pourrait etre le resultat d’un croisement avec le Boeuf commun. Ce Jckgly-Gau ( Bos Sylethanus, Fr. Cuvier), comme l’indique son nom, se trouve, S 1’etat de li¬ berty et en grand nombre, au pied des montagnes du Sylet, dans l’lnde, differe principalement du Bceuf domestique par ses cornes, qui sont implantees au bout de la crete occipitale, et separees entre elles par un espace d’autant plus petit, que l’animal est plus age; il presente une legere proe¬ minence graisseuse comme dans le Zebu, sa queue est terminee par un pinceau de longs poils. Le male et la femelle se distinguent Tun de l’autre par la grosseur de leurs cornes; quant a la couleur, elle est la meme pour tous deux, c’est-a-dire noiiAtre, avec les jarnbes blanches; le front d’un gris cendre, ainsi qu’une bande longitudinale placee sur le garrot; le dedans des oreilles et le dessous du corps sont garnis de poils blanchatres. 4. BCEUF BENTIGER. BOS BENTIGER Hogdson. Caracteres specifiques. — Saillies des apophyses epineuses, en arriere du garrot, beaucoup moins sensibles que dans le Gour et que dans le Goyal; front sensiblement plat, avec la crete qui le termine superieurement, au lieu d’etre rectiligne, comme dans le Boeuf, ou uniformement arquee, comme dans le Gour, presentant une triple courbure, descendant de chaque cote a partir de la base des cornes, et se relevant a la partie moyenne, oil elle forme une eminence arrondie qui occupe A peu pres le tiers de la distance totale. De meme taille que les deux especes precedentes. Ce Boeuf provient de Java; on n’en connait guere qu’un squelette, qui se trouve dans la galerie d’anatomie comparee du Museum. 11 serait possible que cet animal ne constiluat pas une espece par¬ ticuliere, mais bien un simple croisement du Boeuf ordinaire et du Gour. M. Roulin fait observer que, dans toutes les especes du sous-genre Boeuf, les cornes, situees aux extremites de la crete occipito-frontale, se portent d’abord en dehors et un peu en haut; leur direc¬ tion, dans le reste de la longueur, parait varier par une foule de causes; mais la forme de leur sec¬ tion transversale doit etre remarquee. Cette forme, a peu pres circulaire dans le Boeuf commun, est ovale dans le Gour et le Goyal, et, dans le Bentiger, ces trois depressions sont a peine sensibles. Quant m HISTOIRE NATURELLE. — RUMINANTS. 4 l’etui corn6 qui est sensiblement lisse dans le Boeuf, il presente, dans le Gour, de tres-fortes ru- gosit^s vers la base; dans le Goyal, ces rugosites sont moins arretees, mais elles se prolongent sur une plus grande longueur, et il n’y a guere de lisse que le tiers le plus voisin de la pointe. Le front, dans ces Bceufs, occupe a peu pres la moitie de la longueur de la face : cependant, chez le Goyal, I’autre partie est un peu plus courte, et par cette raison, comme pour le rapprochement des maxil- laires superieurs vers la symphyse, il y a un retrecissement rapide a la face a partir du bord infe- rieur des orbites : dans cette espece, les os du nez sont aussi proportionnellement plus courts que dans le Boeuf commun, et dans le Gour, au contraire, ils sont beaucoup plus longs, et sont, en ou¬ tre, fortement arques dans le sens transversal. Le B(ecf a fesses blanches, Bos leucoprymnus, Quoy et Gaimard, dont on n’a vu qu’un nombre assez restreint d’individus, provient de Java : il offre plusieurs caracteres qui lui sont communs avec le B. taunts, et nous sommes de l’avis de M. Roulin, qui ne le regarde que comme une variete de cette espece. C’est du moins ce que Ton peut admettre jusqu'4 ce que des observations nouvelles viennent confirmer s’il doit reellement former une espece particuli&re. Apr&s avoir ainsi passe en revue les differentes especes actuellement vivantes du sous-genre des Bceufs, il nous reste a completer ce que nous avons deja rapporte relativement aux especes fossiles. Des trois especes admises par G. Cuvier, une seule est restee dans ce sous-genre, c’est le Bos pri- migenius, Bojanus, que notre savant naturaliste regarde comme la souche de nos Bceufs domestiques, dont la civilisation aurait fait disparaitre les traces. Cette espece, plus grande d’un tiers que nos Bceufs, a jambes fortes, a front plat, carre, et a cornes implantees aux extremites de la ligne sail- lante formee par le plan de l’occiput et celui du front, a ete trouvee dans les tourbieres en Allema- gne, et en Auvergne dans des couches sous-volcaniques. Parmi les autres fossiles que l’on rapporte a ce groupe et qui proviennent des terrains meubles dils d’alluvion, des tourbieres, de cavernes, de breches osseuses, de couches cretacees sous-volcaniques de l’Europe et de l’Amerique, on trouve des debris d’os qui ont appartenu, sinon a des especes identiques a nos Boeufs actuels, au moins a des especes qui en sont tres-voisines. Parmi ces especes ou pretendues especes, nous nous borne- rons a citer les suivantes : Bos taurus fossUis, Marcel De Serres, des cavernes de Lunel-Viel; B. Ar- vernensis major et minor, Jobert et Croizet, d’Issoire; B. Velaunus, Robert, de Cussac; B. ferus, B. intermedins, Marcel De Serres, de Lunel-Viel; B. elatus et giganteus, d’Auvergne; B. bombi- frons, Harlan, du Kentucky et de l’Ohio, espSce tres-voisine de l’Auroehs, et lei>. lalifrons, Harlan, des Etats-Unis, qui n’esl pas suffisamment connu. EDENTES. Si Ton prenait le nom d 'Edentes dans sa veritable acccption francaise, on ne devrait ranger dans l’ordre des Mammiferes qui le porte que des animaux tout a fait prives de dents; mais il ifen est pas ainsi, et l’ordre des Edentes de G. Cuvier, le cinquieme de son Regne animal, comprend des Mam¬ miferes qui, d’une maniere generate, peuvent etre caracterises par leur systeme dentaire, non pas toujours prive entierement de dents, mais qui offre certaines particularites remarquables, et qui, sur- tout, ne presente jamais a la fois que deux sortes de dents. D’apres eela, on voit que le nom d’Eden- tes, que l’habitude a fait prevaloir, n’est pas bien exact, et que celui de Maldentes, donne a ces ani¬ maux par De Blainville dans 1’une de ses classifications, etait plus exact. Quoi qu’il en soit, l’ordre des Edentes, l’un des moins naturels de ceux des Mammiferes, et qui par cela meme nous presentera des genres que Ton pourra facilement distinguer les uns des autres, au contraire de ce qui a lieu dans les ordres tres-naturels, comme celui de Ruminants, que nous venons d’etudier; l’ordre des Edentes, disons-nous, renferme des animaux caracterises par leur man¬ que de dents ou tout au moins d’incisives ou de canines, par leurs ongles gros, embrassant l’extre- mite des doigts et se rapprochant plus ou moins de la nature des sabots, par leurs membres disposes de telle sorte, qu’ils manquent d'agilite, et par leurs mouvements assez lents, et leur pouce non oppo¬ sable aux autres doigts, etc. Les Edentes sont assez rares dans notre faune actuelle; mais ils semblaient plus abondants dans les faunes antediluviennes, ainsi que le montrent les debris fossiles abondants qu’on en a recueillis; et, tandis que les premiers sont des Mammiferes de taille moyenne, les autres etaient souvent de grande taille. Nous pourrons prendre pour exemple des especes vivantes, le Tatou, le Fourmilier, le Pangolin, le Paresseux, etc.; et pour exemple des especes actuellement eteintes, le Megatherium, le Mylodon, le Scelidotherium, et line foule d’autres animaux. Les especes vivantes habitent l'Ameri- que meridionale, oil elles sont plus ou moins nombreuses, le midi de l’Afrique et les ‘lies de Parchipel des lndes, et meme la Nouvelle-Hollande, si, a l’exemple de G. Cuvier, on y reunissait l’Ornitho- rhynque et l’Echidne, qui, d’apres des particularites organiques des plus importantes, doivent en etre separes; il n’y en a pas en Europe, ni dans les regions froides et temperees de l’Amerique septentrionale, ni du nord de l’Asie; et les especes fossiles se trouvent dans les couches de ter¬ rains de l’Amerique, de l’Afrique et de l’Asie, aussi bien dans le sud que dans le nord, maisse ren- contrent egalement dans notre Europe. Chaque groupe generique de l’ordre des Edentes offre des particularites differentielles bien tran- chees; aussi serait-il long et difficile de donner une caracteristique detaillee de Pordre entier, et faudrait-il indiquer des details sur lesquels on serait oblige de revenir en s'occupant de cliacun des 214 HISTOIRE NATURELLE. genres. Depuis les travaux publies par G. Cuvier dans ses Ossemenls fossiles, 1’osteologie des Eden¬ tes est la partie la mieux connue de leur organisme; on sait avec quelle singuliere fidelite le sque- lette, essentiellement inerte, represente pourtant, par ses formes et par l’arrangement des differentes parties qui le composent, les modifications survenues dans les organes actifs des animaux, c’est-A-dire dans leur systeme nerveux, sensitif et digestif, et, relativement a toutes les notions qui dement de ces systemes, l’ordre des Edentes estun de ceux dans Iequel les genres s’ecartcnt le plus des autres Mammiferes, et celui dans Iequel les genres s’ecartent egalement le plus les uns des autres. Toute- fois, quelques points de leur osteologie sont les memes dans tous les groupes, et nous verrons que la disposition de leurs membres, celle de leur bassin et quelques autres particularites, les font distin- guer au premier coup d’oeil, aussi bien dans les especes vivantes que dans celles actuellement a l’e- tat fossile. Les dents, comme nous l’avons dit, presentent des caracteres variables : tantot il y a des incisives a l'une eta l’autre mAchoire et des molaires; tantot on trouve des canines et des molaires; lantSf des molaires seulement, et alors ces dents prennent une disposition particuliere; tantot enfin, el cela est le cas le plus general, il n’y a pas de dents du tout. Les Pangolins et les Fourmiliers man- quenl completement de dents; les Tatous n’ont habituellement bien qu’une seule sorte de dents, qui sont assezsimilaires, uniradiculees, et qui presentent la particularity remarquable d’etre en tres-grand nombre; car, dans le Tatou geant, on peut en compter une centaine. Quant au regime alimentaire des Edentes, il consiste, pour les uns, en vegetaux, et pour les autres en Insertes ou en chair putrefiee. Ces animaux manifestent une grande inferiorite par rapport aux autres Mammiferes sous le point de vue de I’inlelligence, el ce sont des etres plutdt instinctifs qu’intelligents; ils sontle plus habituellement tres-lents dans leurs mouvements, et leur demarche est embarrassee; les uns, et cela semble le cas de grandes especes fossiles, telles que les Mylodons, destines a grimper sur les arbres; les autres a foujr la terre, ou, ce qui est le cas le plus rare, A vivre sur le sol ; dans les premiers, tels que les Bradypes, l’estomac a une certaine analogic avec celui des Ruminants, et dans les autres, qui se nour- rissent presque exelusivement de Fourmis, la langue est tres-longue, fdiforme, et le museau est ex- cessivement allonge. Leur physionomie est generalement bizarre, et tout en eux, jusqu’A leurs orga¬ nes de la reproduction, participe a cette inferiorite organique qui se traduit par leur habitus exterieur L’Orycterope, le Tamanoir et le Tatou geant sont les plus grands de tous les Edentes acluels, et Ton peut dire que ce sont des Mammiferes de taille moyenne; les autres sont un peu plus petits, et les moindre de tous, comme certains Tatous et le Fourmilier didactyle, sont A peu pres de la taille de notre Herisson. Les especes actuellement eteintes atteignaient une grande taille, et, pour ne citer qu’un groupe de ces animaux, nous indiquerons celui des Megatheriums, dont le volume etait un peu plus considerable que celui du Rhinoceros. Les Edentes etaient A peu pres inconnus des anciens, A l’exception de quelques especes afri- caines, sur lesquelles on n’avait que quelques vagues notions. Linne appelait Bruta Fun des ordres qu’il a etablis parmi les Mammiferes, et dont les caracteres consistent dans la presence d’ongles au lieu de sabots, et dans l’absence d’incisives ; en tete de ses Bruta sont les Bradypes ou Paresseux, dont il fait d’abord un genre de Primates; viennent ensuite les Myrmecophaga ou Fourmiliers, les Mauls ou Pangolins, les Dasypus ou Tatous, et les Rhinoceros, Elephants, Dugongs et Morses. Mais les caracteres des Bruta , ainsi etablis, avaient quelque chose d’artificiel ; aussi reunissait-il A de veritables Edentes des animaux qu’on en separa bientot; c’est ainsi que Blumenbach, dans son Ma¬ nuel d'Histoire naturelle , en retira A juste raison les genres Rhinoceros, Elephant, Dugong el Morse, et les seuls genres qu’il laissa dans ses Fissipedes-Eclentes sont ceux de Bradypus, Myrme¬ cophaga, Manis et Dasypus. Par suite des principes alors admis pour la classification mammalogi- que, et dont le sejour particulier, terrestre, aquatique, etc., auquel les especes sont soumises, four- nissait les donnees de premier ordre, Blumenbach, qui venait de faire connaitre le singulier animal de la Nouvelle-Hollande, qu’il a nomme Ornithorhynque, reunit ce dernier aux Mammiferes palmi¬ pedes, en l’appelant neanmoins Palmip'ede-Edente . De lA A la reunion de l’Ornithorhynque aux Edentes proprement dits, il n’y avait qu’un pas, et Shaw fit pour ainsi dire ce pas en decrivant l’E- chidne, si voisin de l’Ornithorhynque, comme une espece de Myrmecophaga ; et d’ailleurs Everard Hume mit bientot les affinites des Edentes australasiens et des Edentes americains hors de doute en faisanl connaitre les faits principaux de leur anatomie. Et. Geoft’roy Saint-Hilaire, et depuis G. Cu¬ vier, en les reunissant aux Edentes, les y distingua par la denomination de Manotremes. Mais De 215 EDENTES Blainville, un peu plus tard, tout en reconnaissant qu’ils out beaucoup dc rapports avec lesEdent6s, montra quo de tons les Mammiferes ce sont ceux qui out le plus do tendance a l'oviparit6; il fit voir que ce sont les derniers des Mammiferes, les plus voisins des Ovipares, non-seulement dans leur mode de reproduction mais aussi dans la maniere donl toute leur organisation est etablie, et princi- palement parce que leurs organes de la reproduction et de la digestion ont un orifice unique : diis lors, et cela semble generalement admis aujourd’hui, les Ornithorhynques et les Echidnes formeront une sous-classeparticuliere des Mammiferes, celle des Ornithodelphes, dont nous nous occuperons a la fin de cet ouvrage. De Blainville, qui alongtempssoutenu 1’ opinion ancienne deLinne, que les Bradypes sont des Primates, a, dans les derniers temps de sa vie, regarde ces animaux comme de veritables Edentes; enfin le m6me naturaliste avait cru devoir reunir & ces animaux certains groupes de fordre des Cetaces, qui, par quelques points de leur organisation, ressemblent assez a ces derniers Mammi¬ feres; mais cette opinion n’a pas ete adoptee et est tout ^ fait rejetee aujourd’hui. Enfin, dans sa clas¬ sification plus rScente, M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire a egalement presente quelques modifications, comme nous allons le dire. G. Cuvier, dont nous croyons devoir rapporter la classification, quoique nous ne l’adoptions pas completement, subdivise son ordre des Edentes en trois tribus de la maniere suivante, que nous croyons devoir indiquer . 1° Les Tardigrades, dont on a quelquefois fait un ordre distinct, qui ont la face courte, la tete arrondie, le poil rude, les bras longs, la queue courte et presque nulle, dont le nom vient de leur excessive lenteur, suite d’une structure vraiment heteroclite, oil la nature semble avoir voulu s’amu- ser a produire quelque chose d’imparfait et de grotesque : genre Paresseux ou Bradype. 2° Les Edentes ordinaires, a museau pointu; partages en . — A. Focisseurs, pourvus de molaires plus ou moins nombreuses, ii pattes courtes, armees, a presque tous les doigts, d’ongles puissants; a corps allonge et termine par une queue plus ou moins longue; subdivises en Tatous et Onjcte- ropes, et — B. Myrmecophages, absolunrent prives de dents, a bouche prolongee en tube, tres-etroi- tement ouverte el laissant sortir, pour la prehension de la nourriture, une langue longue et filiforme avec laquetle ces animaux engluent les Fourmis et les Thermites, qui leur servent d’aliment; tels sont les Fourmiliers et les Pangolins. 3° Les Mohotremes, qui n’ont qu’une seule ouverture pour les organes de la generation, de l’urine 216 HISTOIRE NATURELLE. et des autres excrements; ayant des os marsupiaux et presentant un os coracoldien, etc., comme rOrnithoi'hynque et l’Echidne. M. Isidore Geofi'roy Saint-Hilaire, qui ne range pas les Paresseux parmi les Edentes, les divise ainsi : Edentes, Mammiferes ^ dents similaires ou nulles : lre Famille. Dasypodes. — Corps couvert de plaques cornees, disposees parbandes transversales : genres Apar, Cachicame. Tatou, Tatusie, Priodonte, Chlamyphore. 2' Famille. Myrmecophagides. — Corps couvert de poil : genres Orycterope, lUijrmecophage , Ta- mandua , Dionyx. 3e Famille. Manides. — Corps couvert d’ecailles imbriquees : genre Pangolin. Dans cet ouvrage, nous nous servirons des deux dernieres classifications que nous venons d’indiquer, et nous profiterons des travaux de nos devanciers pour exposer les caracteres des Edentes, ordre dont la position dans la serie a assez souvent varie, et qui a ete tantot rapproche des Rongeurs, tantot des Ruminants, et qui doit etre place vers la fin des Mammiferes ordinaires, autres que les Cetaces, par Fensemble de leur organisme, et principalement de leur systeme dentaire. Outre les genres compre- nant les especes vivantes que nous venons d’enumerer en partie, nous dirons quelques mots des grou- pes fossiles, tels que ceux des Megatherium , Megalonyx, Mylodon , Scelidotherium, Toxodon , Macrotherium, etc., qui sont les plus remarquables de ceux que nous ont fait connaitre les pa'.eon- lologistes, et nous diviserons ces divers genres en plusieurs families particulieres. PREMIERE FAMILLE. BRADYPODIDES. BRADYPODll. Nobis. Pas d’incisives; tantot des canines et des molaires aux deuxmachoires, tantot des molaires sett¬ lement. Tele petite, ronde, a museau court. Extremites des membres tres-greles : les anterieures beaucoup plus longues que les poste- rieures. Un petit nombre de doigts comme soudes entre eux. Ongles tres-longs, arques en gout- tier e en dessous. La famille d’Edentes que nous indiquons sous les noms fie Bradyfodides, Bradypodii, et que M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire nomme Bradypiens, correspond aux families des Tardigrades de G. Cuvier Bradypidce , Gray, et Bradypoda, Blumenbach et au genre Bradypus de Linne. On ne connait qu’un petit nombre d’especes de cette division, et toutes habitent exclusivement l’Amerique meridionale, et se font remarquer par une extreme lenteur dans leurs mouvements. II n’y a que des especes vivantes de Bradypes; car quelques groupes fossiles, qui presentent avec eux une certaine analogie, doivent former une famille particuliere que nous nommerons, du nom du genre principal, Megatherides. Dans ces derniers temps, le seul genre qui constitue cette famille, le genre Brady pe, a ete partage en deux genres particuliers que nous ne croyons pas devoir adopter ici, et que nous ne considere- rons que comme de simples sous-gcnres. * I ‘’Qyj- hist Fig. 1. — Squelette d’A'i. Fig, 2. — Bradype a dos brule. PI. 34. EDENTES. 21? GENRE UNIQUE. — PARESSEUX. BRADYPUS. Linne, 1735. lent; irous, pied. Systema naturae. • CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : molaires on canines, molaires, en lotalite dix-huit dents, d’apres Fr. Cuvier. Canines plus hautes que les molaires, pyramidales , aigues; molaires coniques dans le jeune age, mais cylindriques, rases el a couronne creuse dans les adultes. Tele petite, arrondie; museau court, comme tronque; yeux eloignes I’un de i autre, diriges en avant; narines un peu ecarlees, placees h I'extremite clu museau; oreilles tres-courtes; cou court. Extremites anterieures plus longues que les posterieures, tres-greles, terminees par deux ou trois doigts soudes ensemble par la peau jusqu’h la base des ongles, qui soul tr'es-robustes el tr'es- longs, comprimes, argues et creuses en gouttiere en dessous. Trois doigts semblables aux pieds dn derriere, armes d’ongles pareils. Pas de queue a I’exlerieur, mais un petit nombre de vertebres coccygiennes. Polls epais, abondants, secs : ceux des avant-bras aijant leur pointe dirigee vers le coucle. Deux mamelles pectorales; estomac membraneux, partage par des brides en plusieurs sacs ou lobes, mais non propre a la rumination ; intestins Ires- courts; pas de ccecum; un cloaque. Arcades zygomaliques interrompues; neuf vertebres cervicales dans une esp'ece; bassin tres-large, cavite cotyloide ires en arriere; tarse articule obliquement sur la jambe; phalanges des quatre extremites peu nombreuses, ne pouvant executer que peu de mouvements, quelques-unes soudees entre elles, d’oii il suit que tous les doigts ont la meme direction; cotes tres-epaisses. Des que les Europeens penetrerent en Amerique, ils eurent occasion de voir les singuliers ani- maux auxquels, par suite de leur lenteur, ils appliquerent la denomination de Paresseux; l’une des especes au moins a ete signalee pour la premiere 1'ois par Oviedo, en 1547; elle a ete decrite un peu scientifiquement et meme figuree passablement par l’Ecluse en 1605, et designee sous une denomi¬ nation systeraatique indiquant ses rapports supposes, sous la denomination d ’ Arctopilhecus, par C. Gesner, en 1551. Les deux especes, PUnau et l’A'i, ont ete indiquees nettement, et surtout assez bien figurees par Seba en 1734; elles ont ete reunies dans un genre positivement nomme, defini et place parmi les Primates, par Linne, des 1735, puis separees en deux genres distincts par Klein en 1751, par suite de la consideration rigoureuse du nombre des doigts, ce qui depuis a ete repris par Fr. Cuvier; elles ont ete rapprochees des Edentes proprement dits, quoique dans un ordre distinct, par Brisson, en 1756, d’apres la consideration rigoureuse du systeme dentaire. En 1765, discutees et decrites par Buffon et par Daubenton dans le XI 11° vol. de leur Histoire nalurelle generate et par- ticuliere; l’une d’apres un individu vivant, l’autre d’apres des exemplaires conserves dans l’alcool, completement a l’exterieur et en partie a l’interieur. En 1780, elks ont ete reunies, par Storr, avec les Edentes veritables, dans un ordre commun place a la fin des Mammiferes onguicules, avant les Pachydermes, sous le nom commun de Malici, change en Edentati, en 1785, par Boddaert. En 1782, elles ont ete considerees par Blumenbach comme devant former un ordre distinct sous une denomination partieuliere, celle de Braclypoda. L’une ou l’autre de ces deuxmanieres ont ete alter- nativement acceptees et reprises par les zoologistes fran^ais, depuis Daubenton jusqu’i A. G. Des- marest, qui a donne le plus d’extension a l’ordre des Edentes. G. Cuvier, dans son Regne animal, les pla^a dans l’ordre des Edentes. En 1817, De Blainville proposa d’en revenir aux premieres idees de Gesner et de Linne, c’est-a-dire de separer nettement les Bradypes des Edentes, et de les repor¬ ter dans l’ordre des Primates, dont ils formeraient les especes anomales pour grimper; maniere de voir h laquelle M. Oken avait ete en partie conduit de son cote, et que Wagler a encore plus netle- ment acceptee en 1830, en intercalant les especes de Paresseux distribuees en deux genres entre les Sapajous et les Ouistitis; mais ce classement n’a generalement pas ete adopte, et De Blainville lui- meme, dans son Osteograpliie, fait des Paresseux un groupe d’Edentes, ou plutot une division qui i'. 28 218 HISTOIRE NATURELLE. en estplus voisine que de l’ordre des Primates. Aux deux especes, l’Unau et PAi, decrites ancienne- ment, les naturalistes modernes en ont ajoute une ou deux autres qui ne sont pas completement connues, a 1’exception dune peut-etre. Les veritables Bradypes sont exclusivement limites au nouveau continent, A sa partie meridionale et A son versant oriental, depuis la baie de Honduras au nord jusqu’A Rio-Jarieiro au sud. Aucun voyageur, aucun naturaliste n’a en effet parle de Paresseux au Perou ni dans aucun des deux ver- sanls du Mexique, et sur le versant A 1’oeean Atlantique, au delA de la baie de Honduras; et D’Azara, qui a decrit avec tant d’ exactitude les Quadrupedes du Paraguay, n’a fait aucune mention de Bra¬ dypes dans cette grande etendue de pays. 11 parait meme que la contree oil ils se trouvent en plus grande abondance, le centre de leur sejour, est dans les vastes forets qui bordent POrenoque, le grand fleuve des Amazones el leurs nombreux affluents. Quant aux animaux de l’archipel Indien ou de la c6te occidentale d’Afrique, auxquels on a applique le nom de Paresseux, et qui comme eux sont remarquables par la lenteur de leurs mouvements, ce ne sont pas des Bradypes, mais des Le- muriens. On ne connait pas de Paresseux proprement dits A l’etat fossile; d’apres M. Lund, cepen- dant, il y aurait dans les cavernes du Bresil des animaux intermediaires entre eux et les Megathe¬ riums, et ces derniers, ainsi que les Megalonyx, Mylodons, Scelidotheriums, etc., auraient avec eux quelques rapports. Les Paresseux sont des animaux de moyennetaille, A poils assez longs, tres-rudes; Amembres dispro- portionnes, et dont la tournure est tout exceptionnelle. C’est A tort que Buffon a dit que ces animaux etaient des monstres par defaut; ils offrent, au contraire, un exces de parties surnumeraires dans le nombre des cotes, des vertebres cervicales, et dans 1’existence des clavicules chez une des especes; celui qui a le moins de doigts en a deux complets, et, A cote, les rudiments de deux autres : le pied des Chevaux est done bien moins complet; on n a pas eu plus de raison de parler de leur imperfec¬ tion, et les modifications de leur organisme, tres-eloigne du mecanisme des autres Mammiferes, sont, au contraire, en harmonie parfaite avec leur destination. Ils sont assez lents dans leurs mouvements; mais cependant les anciens naturalistes s’elaient fait une idee tout A fait fausse de ces animaux : stupides, informes et paradoxaux, telles sont les epithetes qui ont servi A les qualifier; mais les ob¬ servations des voyageurs modernes et les remarques que Ton a pu faire dans nos menageries ont montre que ces animaux etaient loin d’avoir des moeurs aussi differentes des autres Mammiferes, et que leur lenteur etait loin d’etre aussi grande qu’on le croyait. C’est ainsi que tous les marins A bord de YUranie, pendant une expedition de circumnavigation, ont vu un Ai dos brdle partir du pont et arriver, en vingt minutes, par les cordages au bout d’un mAt de cent vingt pieds; et qu’un jour le meme animal se jeta volontairement A la mer, et qu’on eut occasion de remarquer qu’il nageait tres- bien, portait la tete haute, et avec acceleration de mouvement beaucoup plus considerable que dans Paction de grimper. Bans nos menageries, les Bradypes dorment pendant le jour, et c’est le soir el la nuit qu’ils se meuvent. Ces animaux sont essentiellement herbivores, et leurs dents ne leur per- mettent guere que de ronger les feuilles des arbres, sur lesquels ils grimpent constamment : dans leur pays natal, ils semblent se nourrir exclusivement des feuilles du Cecropia peltata; mais en do- mesticite ils mangenl plusieurs vegelaux, et semblent preferer le celeri et d’autres plantes un peu molles. Chez ces Edentes, l’exces de longueur des membres anterieurs sur les posterieurs, qui se retrouvent dans les Gibbons, la direction en arriere des cavites cotyloides, qui dans Paction de grim¬ per rend perpendiculaire P application de la force, sont deux circonstances aussi favorables au grim- pement qu’incommodes pour la marche sur le sol. Leur anatomie, qui est des plus curieuses, a ete etudiee avec soin, et nous en dirons quelques mots. Le systeme dentaire est aussi anomal que le squelette, et les dents, qui sont en forme de cylindre osseux enveloppA d’email et creux aux deux bouts, impuissant pour broyer des tiges ou des racines, sont parfaitement suffisantes pour broyer les feuilles dont ils se nourrissent. Toutes les dents sont implantees dans le maxillaire en haut; elles sont, en outre, simples, e’est-a-dire qu’elles n’ont qu’une racine et qu’une couronne indivises, et bien plus, que ces deux parties ne sont distinguees entre elles par aucun renflement ni collet; la dent tout entiere, de forme plus ou moins cylindrique, Atant d’une seule venue, sans etre attenuee en pointe, si ce n’est dans le tres-jeune Age et seulement A la couronne. La partie radicale, bien plus longue que l’autre, est toujours entierement creuse et touchant au bord de sa cavite; la partie coronale, par suite de l’usure, est aussi assez profonde- EDENTES. 219 merit encavee k la couronne, avec les bords plus ou moins sieves et irreguliers, mais seulement par suite de la detrition. La substance interne des dents, ou l’ivoire, paratt comme medullaire, d’untissu peu serre, et, park dessiccation, elle se fendille assez irregulfercmerit; la substance corticate, ou email, est notablement plus dure, formee de deux couches qui s’emboitent. G’est k la difference con¬ siderable de durete de ces deux substances qu’est due la maniere dont la dent des Bradypes s’use en s’encavant au centre, les bords restant plus ou moins saillants et irregulierement denticules. Ces dents ne se touchent jamais, et les series qu’elles ferment sont en lignes droites, divergentes leg6- rement d’arriere en avant. Dans toutes les especes de ce genFe, le nombre total des dents est tou- jou'rs le meme : cinq en haut et quatre en bas de chaque c6te; il n’y a pas d’incisives, mais toutes ces dents sont-elles des molaires, comme on le dit generalement, ou ne pourrait-on pas admettre avec De Blainville qu’il y a une canine en haut et pas en bas, pas d’avant-molaires; une principale aux deux nkchoires et trois arriere-molaires partout? ou bien, comme le dit Fr. Cuvier, qu’il y a des canines et des molaires en haut comme en bas? Si le nombre des dents est le meme chez tous les Paresseux, il n’en est pas de meme de la forme et de la disposition, qui varient dans les deux especes principales. Dans l’Unau, la premiere des cinq dents superieures et 'celle des quatre inferieures sont bien plus grosses, plus saillantes que les autres, dont elles sont separees par un intervalie assez considerable; elles sont triquetres, se correspondant ets’usant l’une contre F autre par la face la plus large. La seconde dent superieure est ovale, la plus petite de toutes; les troisieme et quatrieme ont un double biseau produisant le tranchant, et la cinquieme, k peu pres de la grosseur de la deuxieme, n’en a qu’un peu marque et anterieur. A la m&choire superieure, les trois dents qui suivent la premiere sont presque egales, i coupe ovale, a double biseau, et formant un tranchant plus ou moins median. Le systeme dentaire de l’Ai est peut-etre encore moins normal que celui de I’Unau, en ce que, quoique exclusivement implante dans le maxillaire, la serie com¬ mence en haut par la dent la plus petite de toutes, de forme triquetre, le grand c6te obliquement en avant; la deuxieme est la plus grande, trigone; la troisieme plus petite que la precedente; la qua trieme aussi petite que la premiere, et la cinqufeme egale en grosseur a la troisieme, el n’en diffe- rant qu’en ce qu’elle est un peu plus courbee, et que sa coupe est a peu pres quadrilatere. A la nk- choire inferieure, la premiere dent est la plus forte, la plus grande, triquetre, arquee, el les trois autres, correspondantes aux superieures, se ressemblent aussi assez bien, chacune a chacune, pour la forme et la grosseur. Les alveoles sont en general grandes pour les dents qu’elles portent. Le sys¬ teme dentaire du jeuno fige n’a pas ete etudie d’une maniere complete. Dans ses Ossements fossiles, G. Cuvier, et plus tard, dans l’un des premiers fascicules de son Os- teograplne, De Blainville, ont donne la description complete du squelette des Paresseux, en prenant pour type I’Unau ou Bradijpus didactylus Linne. Les os, d’une maniere generale, sont sans cavite medullaire et entierement spongieux, comme chez les Cetaces; ils sont assez greles, droits, peu acei- dentes d’apophyses, de cretes et de rugosites. La forme generale du squelette (Voyez Atlas, pi. XXXIV, fig. 1.) rappelle assez bien celle de celui du Gibbon, en ce que le tronc est comme tronque en arriere par absence plus ou moins complete de queue, large et deprime a la poitrine, et porte sur des membres greles, disproportionnes : les anterieurs beaucoup plus longs que les pos- terieurs; tous quatre termines par des extremites presque semblables, et offraut dans la composition des doigts la disposition prehensile en crochet la plus complete qui existe chez les Mammiferes. Le nombre des os est moins considerable que celui des Primates, par suite de 1’etat incomplet des mains et des pieds, et quoiqu’il y ait une certaine compensation dans le nombre plus grand des os du tronc. La tete est une des parties de leur organisme qui presente le plus de singularity par sa petitesse re¬ lative, la forme raccourcie de la face, et par un assez grand nombre de particularites; elle est en ge¬ neral tres-courte et comme tronquee en avant, ses deux orifices £tant tout a fait terminaux, la face entierement dans le prolongement du crfine; elle forme une petite masse arrondie, subglobuleuse, tres-bombee en dessus et arquee, peu comprimee sur les c6tes, un peu encavee cependant par des fosses temporales assez prononcees, confondues avec les orbites, mais sans cretes sagittales, l’occi- pital etant seul un peu releve. La colonne vertebrale, quoique tronquee par la petitesse de la portion coccygienne, est cependant plus longue que chez la plupart des Mammiferes; mais cette grande lon¬ gueur ne porte evidemment que sur la region thoracique, le nombre total des vertebres etant de qua rante-sept dans l’Unau, dont sept cervicales, vingt-quatre dorsales, trois lombaires, sept sacr£es, el 220 HISTOIRE NATURELLE. cinq et six coccygiennes presque rudimenlaires. L’ensemble de la colonne qu’elles forraent ne . pre¬ sente qu’une seule courbure en dessous, depuis la tete jusqu’a I’extremile du coccyx, d’abord assez legere, et se prononcant beaucoup plus vers les lombes jusqu’a la lin de la queue. La region cervi- cale, qui est la plus mobile, constitue un cou tres-court par suite de l’aplatissement de chacune des vertebres. Les vertebres dorsales, en plus grand nombre que dans les autres Mammiferes, sont remar- quables par leur corps arrondi, croissant tres-lentement en epaisseur et en longueur de la premiere a la derniere, et par leurs apophyses epineuses tres-basses. Les trois vertebres lombaires ont la meme forme que les dorsales. Le sacrum est particulier par sa grande etendue, sa grande largeur, sa forme un peu voittee, tres-aplatie, en tout tres-allongee, et parl’absence decretes et de tuberositea la face posterieure. Les vertebres coccygiennes sont assez larges et plates dans leur corps; en dessous, il n’y a que de faibles traces d’os en V, et le coccyx qui en resulte a quelque chose de celui de 1’homme, etant tres-court, de forme triangulaire, et legerement recourbe en dessous. L’os hyo'ide est remar- quable par sa force et sa solidite. Le sternum, compose de treize pieces, est tres-etroit. 11 y a vingt- quatre cbtes. La cavite thoracique est extremement etendue, peu comprimee sur les c&tes. Les mem- bres son-t assez disproportionnes : les posterieurs notablement plus longs que les anterieurs. Dans les anterieurs, l’omoplate est petite, assez large; la clavicule mediocre, costiforme; Lhumerus al¬ longe, assez fort, surtout comparativement a celui de l’A'i; le radius et le cubitus, longs, greles, sont tres-rapproches, de maniere que l’espace interosseux est presque nul. La main, dans sa totalite, egale la longueur du bras, la plus grande partie de cette longueur etant prise par les deux dernieres phalanges, et elle est surtout remarquable par son etroitesse extraordinaire, et n’est formee que de deux doigts complets. Les membres posterieurs, notablement plus longs que les anterieurs, ont, au contraire, leur ceinture d’attache proportionnellement beaucoup plus developpee, ce qui donne au bassin un aspect particulier, a cause de sa largeur, de son evasement, de l’obliquite du detroit supe- rieur, de la grandeur du posterieur, et cela parce qu’il est joint a la colonne vertebrale non-seule- ment par I’ileon, mais aussi par l’iskion. Le femur, presque egal a I’humerus, parait toutefois plus court, parce qu’il est plus large, etant deprime dans toute son etendue et presque carene au bord externe. La jambe, il peu pres de'la longueur de la cuisse, est fortement elargie dans son milieu par la grande courbure en sens inverse des deux os qui la constituent; aussi l’espace interosseux est-il tres-considerable et longuement ovalaire. Le tibia est notablement plus court que le perone. Le pied a la plus grande ressemblance avec la main, sauf plus de largeur, a cause du nombre des doigts, plus complets. L’astragale a la forme ordinaire; le calcaneum est peu developpe et comprime en to¬ tality Quelques particularity osteologiques doivent etre marquees dans les autres especes du meme genre. L’ensemble du squelette de l’A'i (Bradypus iridaclylus) indique un animal encore plus dispro- portionne dans ses parties que l’Unau : la tete etant proportionnellement encore plus petite, le col plus long et compose de neuf vertebres, ce qui est une exception 4 ce qui se pifesente dans les Mam¬ miferes; le tronc, au contraire, plus court; il n’y a pas de clavicules; le nombre des cotes est diffe¬ rent; les membres beaucoup plus greles, plus arachno'ides et bien plus disproportionnes : les ante¬ rieurs etant d’un tiers plus longs que les posterieurs; les os, en particulier, sont aussi beaucoup moins tourmentes, plus lisses, par absence de cretes, de lignes et de rugosites d’insertion. Quelques particularity se voient aussi dans une troisieme espece, l’A'i a dos brule ou A'i du Bresil, et, pour n’en citer qu’une seule, nous dirons que le cou presente huit vertebres dans un individu rapporte au Museum par MM. Quoy et Gaimard. Les os sesamo'ides sont peu nombreux, ce que Ton pouvait penser par suite du peu de mouvements que se donne l’animal; la rotule, toujours distincte, est tres-pelite, et Ton trouve a la meme articulation du genou deux autres tres-petits sesamo'ides. MM. Quoy et Gaimard, dans un individu qu’ils ont ete 4 meme de dissequer, ont constate un exces proporlionnel de volume et de force des muscles flechisseurs sur les extenseurs bien superieur 4 ce qui existe cliez tons les autres animaux, et il en resulte la facilite de perpetuer pour ainsi dire les mouvements et les attitudes de flexions indispensables 4 des animaux toujours suspendus ou accro- ches aux arbres. La reflexion des ongles sous la main et sous le pied dans l’etat de repos, qui se- rait un inconvenient 4 terre, est justement le mecanisme le plus commode pour le Paresseux : sans aucun effort et pai la seule elasticite de ligaments jaunes, ces memes phalanges sont toujours fle- chies; elles ne s’etendent que quand l’elasticite de ces ligaments est surmonlee par la contraction des musciec caienseurs; et, si Lon ajoute 4 cela l’exces des muscles flechisseurs, il n’y a rien d’elon- 221 EDENTES. nant A les voir s’aecrocher aux branches par ies quatre pattes rapproch^es pour reposer et dormir. On voit aussi que la soudure des os des pieds et le defaul de mobilite separant les doigts sont par- faitement combines pour ce r£sultat. Les viscAres de ces animaux offrent, comme nous l’avons dit, des differences assez grandes avec ceux des autres Edentes, et qui sont assorties A leur mode d'existence. Sans etre ruminants, ils ont en quelque sorte quatre estomacs, mais sans fcuillets ni autres lames saillantes A l’interieur, tandis que le canal intestinal est court et sans coecum. Les feuilles sont leur aliment exclusif; contenant beaucoup moins de parties membraneuses proportionnellement que les tiges herbacees dont se nourrissent les Ruminants, les Bradypes n’ont pas besoin d’ingerer une aussi grande quantity d’aliments. L’organe reproducteur principal du male est seul ext£rieur, car les testicules sont places dans l’abdomen. La vulve, surmontee d’un clitoris, est anterieure d’environ un centim&tre de l’anus; l’uretre, tres-eourt, s’ouvre dans le vagin, long de cinq a six centimetres. Le foetus a presente a MM. Quoy et Gaimard quelques particularites. On ne connait que quatre espAces de ce genre, et encore deux seulement, l’Unau et l’A'i, ont etA suffisamment decrites : loutefois quelques naluralistes ont cru devoir en faire deux genres que nous indiquons comme simples divisions d’un meme groupe. Fig. 49. — Unau l”r SOUS-GENRE. — UNAU. CMOLOEPUS. Uliger, 1811. XwXo;, boiteux; uou;, pied. Prodronnis systematis Mammalium et Avium. CARACTFRKS DISTINCTIFS. Canines aigues , assez longues. Molaires an nombre de quatre superieurement et de trois infericurenient, ciilindriques. HIST01RE NATURELLE. 2 22 Doigts anlerieurs au nombre de deux settlement, reunis et termines pur deux fortes griffes en forme de crochets ; trois doigts aux pieds de derri'ere, egalement armes d’ongles forts. Ce sous-genre, auquel Fr. Cuvier a propose de laisser en propre la denomination de Bradype, Bradtjpus, ne renferme qu’une seule espece. UNAU. BIIADYPUS DIDACTYLUS. Linne. Caracteres specifiques. — Tete un peu allongee, surtout en comparaison avec celle de 1’AI; face un peu oblique; front peu saillant; canines assez fortes, dont les superieures s’usent par leur face posterieure surla face anlerieure des canines d’en bas, d’oii il resulte que ces faces sont planes, et que lcurs bords sont tranchants; membres moins disproportionnes et ayant des mouvements plus libres que ceux de l’A'i; deux doigts seulement, armes de grands ongles a ceux de devant et trois a ceux de derriere; poils tres-secs, la plupart d’un brun grisStre : les autres d’un blanchatre sale; ceux du front assez courts et jaunatres; ceux du dessus de la tete et de la nuque tres-Iongs et plus bruns que les autres: ceux des extremites des pieds egalement bruns; ceux de la croupe etant releves et dans une direction opposee aux poils du dos; pas de feutre a la base des grands poils; face interieure des mains et des pieds, et tubercule caudal nus; des elavicules completes, mais greles, sept verte- bres cervicales; macboire inferieure avancee en pointe ou en gouttiere. Longueur totale, 0m,70. L’Unau estla premiere espece de Paresseux qu’on ait d^crite; c’est le Tardigradus Ceglonicus ca- tulus de Seba, qui le croyait propre A Ceylan; c’est le Silenus ou Simia personala de Klein, enfui depuis Linne on l’indique scientifiquement sous la denomination de Bradypus didaclijlus. C’est Respece la plus active du genre, quoiqu’elle ne marche que rarement sur la terre et que sa veritable locomotion consiste a grimper. Sa voix estfaible et plaintive-, son odorat presque nul; elle voit mal pendant le jour. La femelle ne fait qu’un seul petit, qu’elle porte accroche sur son dos. Quand on approche ces animaux, cequi est rare, ils s’assoient, les jambes etendues sur une meme ligne, et levant Pun apres 1’autre les bras, qu’ils etendent et ramenent sur la poitrine pour accrocherce qu’on leur presente; s’ils le saisissent, on ne peul leur faire l&cher prise, dit-on, qu’apres la mort, et il faut attendre longtemps, car ils ont la vie excessivement dure. On ne les decroche des arbres qu’a¬ pres plusieurs coups de fusil; et les voyageurs, en particulier Pison, citenl plusieurs faits qui mon- trent que ces animaux ne peuvent pas etre tues facilement, et qu’une fois aecroches a une branche il faut employer une grande force pour les en arracher. Ils craignent beaucoup le froid et la pluie, ce qui se comprend facilement puisqu’ils habitent le Bresil et d’autres provinces de l’Amerique du Sud. Ils se tiennent toujours sur les arbres, principalement sur l’Ambo'iba (Cecropia peltata)\ ils ne viennent a terre, ou Ron dit qu’ils se laissent choir du haul des arbres, que iorsqu’ils en ont epuis6 le feuillage. Cependant ils peuvent descendre assez aisemenl; mais la position la plus fatigante pour eux c’est d’etre sur le sol; leur repos, c’est d’etre accroche; leur sommeil est assez long, et Buffon cite un individu qu’il a observe et qui dormait quelquefois dix-huit heures de suite. 2“ SOUS-GENRE. - AI. ACHOEUS. Fr. Cuvier, 1825. L’un des noms appliques a l’espece typique. Dents des Maramifires. CARACTEHES DISTJNCTIFS. Pas de canines. Molaires cylindriques , au nombre de cinq en haut et de quatre en bas. Membres anlerieurs beaucoup plus grands que les posterieurs. Doigts au nombre de trois a chaque extremite des membres et termines par des ongles Ires- fiDENTRS. 223 Une seule esp6ce de ce groupe est bien conmie; les deux on trois autres qu’on y admet n’ont etc que superficiellement Atudiees ; a l’exception, peut-Atre, de FA'i dos brtile. AI. BRADYPUS TR1DACTYLUS. Linne. Caracteres specifiques. — Tete arrondie, garnie en dessus de poils raides et bruns; face peu pro^minente, de couleur jaun&tre, avec les yeux entoures de brun; pelage varie par place de poils gris-brun et de poils blanchAtres; une place de forme ovale entre les deux epaules, ou les poils sent courts et soyeux, d’un orange plus ou moins vif, avec une bande longitudinale d’un beau noir au milieu; gorge souvent jaunStre; poils de deux sortes, les uns tres-fins, pr6s du corps; les autres tr£s- longs, gros, secs comme du foin, et aplatis dans les trois quarts de leur longueur; ceux du sommet de la tete disposes en rayons divergents; clavicules rudimentaires; neuf vertebres cervicales; trois doigts garnis d’ongles forts aux pieds et aux mains. Longueur totale n’atteignant pas plus de 0"\40, c’est-A-dire que PA'i est de pres de moitie plus petit que l’Unau. Cet animal a re GENRE. — MEGALONYX. MEGALONYX. Jefferson, 1797. grand ; ovui-, ongle. Transactions of Philosophical Society. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : molaires, f-Ef; sans incisives ni canines : les dents allant en grandissanl d’avant en arriere ; les deuxi'eme et troisieme infiricures ayant leur couronne a peu pres pyri- forme, le gros bout dirige en avant. Pieds tres- longs; tibia et phone petits; calcaneum long , comprime; phalanges ongueales Ires - grandes, comprimees. ^DENIES. 225 Jefferson, le premier, a fait connaitre quelques ossemenls de cel animal, qu’il prenaitpour ceux d’un grand Carnassier de pres de 2m de haut; rnais le docteur Whiston donna une description et des figures de ces os, en indiquant leur analogie avee les os des Paresseux. Peu de temps apres, G. Cu¬ vier prouva cette analogie par la disposition des facettes des deux dernieres phalanges, qui empe- chent l’ongle de porter sa pointe en haut, et ne leur permettent que de le flechir en dessous, et par la forme generale des os, qui presentent en grand tous les details d’organisation que les Paresseux offrent en petit. L’espece unique de ce groupe generique est le Megalonyx Jeffersonii, G. Cuvier, qui a quelque- fois ete place dans le genre Megatherium , qui a re$u le nom de Megalonyx loquealus, et qui etait de la taille d’un tres-grand Boeuf. Les ossements mentionnes par Jefferson venaient d’une caverne de I’ouest de la Virginie; mais il s’en trouve aussi dans le bassin de la Plata. 2me GENRE. — MEGATHERE. MEGATHERIUM. G. Cuvier, 1796. M grand; 9'flp, animal. Magasin encyclopediq,ue. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : motaires, |^|, contigues, quadrangulaires, et offrant une composition trks- compliquee. Membres tres-robustes, surlout en arriere; femur tres-elargi, a tele entiere, tibia et perone reu¬ nis aux deux extremites; aslragale excave a la face anterienre; calcaneum long , epais; mains a quatre doigts , donl trois avec des angles grands, peu comp rimes ; pieds probablemenl a trois doigts, un seul arme d' angles. Fig. 50. — Tete de Megatherium de Cuvier. Ce genre a ete etabli par G. Cuvier pour un animal des plus remarquables, de la taille des plus- grands Rhinoceros, et dont le squelette presque complet a ete trouve, en 1789, sur les bords de la riviere de Lutjan, h seize kilometres environ de Buenos-Ayres, dans l’Amerique meridionale. Ce sque- lette, qui appartient au cabinet d’histoire naturelle de Madrid, mais dont il y a, dans la plupart des musees europeens des reproductions en pl&tre; ce squelette a ete decrit pour la premiere fois par t 20 226 HISTOlRE NATURELLE. jean-Baptiste Bru, puis par G. Cuvier, d’abord sur les figures de ce dernier, publiees par don Joseph Garriga, ensuite sur cedes de Pander et d’ Alton, qui font de cet animal un Paresseux fossile sous la denomination de Bradypus giganteus. M. Clift a complete la description des parties qui manquaient au squelette de Madrid, telles que la queue et une portion du bassin. Aujourd'hui le Museum d’his- toire naturelle de Paris possede un grand nombre de pieces naturelles de Megatherium; les unes, assez nombreuses, prises aux environs de Buenos-Ayres, qui lui ont ele donnees par Rosas, president de la republique Argentine, et qui ont ete rapportees par l’amiral Dupotet, et les autres rapportees, par M. Weddell, de divers points de PAmerique meridionale, et qui, par leur taille et quelques autres particularites, sembleraient demontrer qu’il y aurait eu deux especes dans ce groupe. On a fait beaucoup de conjectures sur la nature organique des parties externes du Megatherium; pendant longtemps on lui a attribue des portions de derme ossifie qu’on avait trouvees avec les de¬ bris du squelette qui est actuellement a Madrid; aussi, aujourd’hui, il est bien demontre que ces pla¬ ques dermiques doivent etre rapportees a une grande espece de Tatou. On a cherche a deviner quelle devait 6tre sa nourriture, et laplupart des naturalistes pensent qu’elle devait etre purement vegetale comme celle des Bradypes; mais que, ainsi qu'on peut en juger par la disposition de leurs dents, ils pouvaient manger des substances plus dures que des feuilles, telles que des tiges et des racines. De Blainviile, qui rapproche ces animaux plus des Tatous que des Paresseux, pense que, comme les premiers, ils se nourrissaient egalement de chair. Quelques particularites doivent etre etudiees dans la seule espece, le Megatherium Cuvieri A. G. Desmarest, admise dans ce genre. L’apophyse descendante du jugal est tres-grande; la ma- choire inferieure tres-renfl^e en dessous des molaires, a cause de la profondeur des alveoles, se ter- mine en une sorte de bee; les dents sont au nombre de cinq de chaque cote en haut et de quatre sett¬ lement en bas, tres-longues, quadrangulaires; lorsqu’on pratique une coupe longitudinale d’une de ces dents dans un plan antero-posterieur, on voit que la cavite de la pulpe est tres-grande, et qu’elle se prolonge en pointe presque jusqu’au niveau du bord alveolaire; le milieu de la dent est forme d’un ivoire blanc, grossier et tendre; de chaque cdte de cette substance existe pour un quart un ce¬ ment jaunatre; mais, entre lui et l’ivoire, on voit un ruban de substance plus dure, forme lui-meme de trois lignes grises et de deux blanches; ce ruban de substance dure correspond a deux cretes transversales de la couronne de la dent, separees par une vallee profonde; sur les cotes lateraux de la dent, cette substance, plus dure, est tres-mince; le tout est enveloppe d'une couche peu epaisse, fort semblable a de I’email; la derniere dent est de moitie plus petite que les autres, qui sont a peu pres egales entre elles; le diametre antero-posterieur d’une dent du cabinet de Paris a 0m,05o, et le diametre lateral 0m,040; la mesure de la plus longue figuree par M. Owen a 0m,240. Cet animal avait des membres tres-robustes, surtout ceux de derriere; le femur, d’un quart moins long que celui d’un Elephant de pres de 5” de haut, quadrilatere; >st plus de deux fois plus large; le bassin, d’un tiers. Les vertebres sont au nombre de sept cervicales, seize dorsales, trois lombaires, cinq sacrees et quinze caudales. 11 y a quatre doigts si la main, dont trois armes d’ongles grands, peu comprimes; le pied n’avait que trois doigts, dont deux portant des ongles un peu moins forts que ceux de devant. (Voyez la figure du squelette, Allas, pi. XXXII, fig. 2.) 5™ GENRE. — MYLODON. MYLODON. Owen, 1859. Mu'/.c-c, molaire; o$ou;, dent. Zoological of H. M. S. Beagle. CARACTERES GENERIQUES. Sysleme dentaire : molaires, |=|, separees les lines des autres; premiere supericure presque el- liptique, un peu eloignee des autres ; seconde elliptique; les autres trigones, avec un sillon a leur face interne; premiere inferieure elliptique; avant-derni'ere telragone; derniere tres-grande, bilobec. Membres d’egale grandeur; femur a tele marquee d’un fort sillon pour le passage d’un gros li¬ gament; tibia el perone separes I'un de l’ autre; aslraaale a bord anterieur comprime en dessus; . «v.Uwgy. • A > EDENTES. 227 calcaneum lour/, epais; mains a cinq doigls; pieds a qualrc settlement; dans les tins el les autres les deux doigls exlernes ne portent pas d’ongles; ccs dernier s, qui se irouvent aux doigls medians, grands, semi-cornes, inegaux en longueur, recourbes. Fig. 51. — Tete de Mylodon robualu*. Le genre Mylodon a ete cre6 par M. Owen pour une «sp6ce dont il avait un grand nombre d’os- semenls a sa disposition, pour une autre espece dont il ne possedait qu’un petit nombre d’os, et pour une espece anterieurement placee par M. Harlan dans le genre Megalongx. Toutes ces especes proviennent de l’Amerique meridionale. Un squelette presque complet du Mylodon robustus se voit au cabinet des chirurgiens de Londres, et e’est ce squelette que M. Owen, en 1842, a decrit avec le plus grand soin et de grands details dans le magnifique ouvrage, orne d’un grand noinbre de planches, dont nous avons cite le titre dans nos generalites sur la famille des Megatherides (voyez notre Atlas, pi. XXXIII) : dans cet ouvrage, 1’auteur fait ressortir non-seulement les affinites du Mylodon robustus avec les Paresseux, mais aussi celles des autres genres de Megatherides : e’est, d’apres M. Owen et d’apres Laurillard, qui a donne un extrait de l’ouvrage du savant paleontologiste anglais, dans le Dictionnaire universel d’Histoire naturelle, que nous avons rapporte la plupart de ce que nous avons dit sur cette importante famille d’animaux fossiles. Les especes du genre Mylodon sont les suivantes : 1° Mylodon robustus, Owen, St mflehoire infe- rieure ayanl sa symphyse courte et large, a seconde molaire inferieure a peu pres trigone, derniere a trois sillons, deux internes et un externe; taille ii peu pres semblable a celle du Mouton,- 2° Mylo- don Danvinii, Owen, a m^choire inferieure ayant sa symphyse plus longue; seconde molaire presque elliptique; derniere a deux sillons, 1’interne angulaire; 3° Mylodon flarlani, Owen, Megalongx la- quatus et Orycterotherium Missouriense, Harlan, a symphyse de la m&choire inferieure courte, arge; k seconde molaire presque carree; derniere a trois sillons, dont l’interne est biangulaire. 4'ue GENRE. — SCEL1D0THERIUM. SCEL1DOTHERWM. Owen, 1839. 2»aXn;, femur; 0«p, animal. Zoological of H. M. S. Beagle. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire: molaires, |=|, contigues on separees par des intervalles egaux; superieures trigones, aussi bien que la premiere des inferieures; deuxieme et troisieme inferieures legereinent comprimees, k face externe sillonnee ; derniere tres-grande, bilobee. 228 HISTOIRE NATURELLE. Tete du femur marquee d’un sillon mince ; tibia et perone minces; astragale avec deux excava¬ tions en avant; calcaneum long, assez epais ; ongles grands, semi-cornes. Ce genre a ete cree par M. Owen pour des especes fossiles assez voisines de celle du groupe des Megalomjx, avec lequel quelques-unes ont ete rangees. Le type est le Scelidotherium leptocephalum Owen, du Bresil. Dans cetle espece, la tete est al- longee, de meme forme a peu pres que celle de l'Orycterope, mais au moins deux fois plus grande; la symphyse de la machoire inferieure, longue d’un decimetre, est concave interieurement. Les os naseaux, retrecis dans leur milieu et plus larges en avant qu’en arriere, sont echancres a leur bord anterieur; les intermaxillaires n’attfeignent pas les os du nez, de sorte que les maxillaires bordent l’ouverture nasale en arriere, comme dans les Paresseux, et probablement comme dans les Mega theriums. La cloison des narines est osseuse et se prolonge jusqu’a l’extremite anterieure des na¬ seaux. Les autres especes sont les Megalomjx Cuvieri, Bucklandi et minutus Lund, decouverts dans les cavernes du Bresil. Fig. 52. — Tete de Scelidotherium TROISlfiME FAMILLE. DASYPOD1DES. DASYPODIDJE. Ch„ Bonaparte. Dents faibles, simples, cylindriques, sans replis d’ email dans leur intcrieur, et paraissant s’en- tre-croiser quand les mdchoires sont fermees. Corps non convert de poil, mats presentant un test osseux divise en ecailles polygonates rangees par bandes transver sales, forme dans I’interieur de la peau et consistent: 1° en une plaque sur le front; 2° en un vaste bouclier sur les epaules; 3° en un second bouclier sur la croupe; 4° en ban¬ des mobiles transverses, plus on moins nombreuses, siluees enlre les deux boucliers; 5° en anneaux d’ ecailles ou en tubercules ranges en quinconce sur la queue • 229 EDENTES. Cette famille de Mammiferes renferme des especes exclusivement de l’Amerique m6ridionale. Ces animaux, connus sous les noms de Tatous et d’AiuiADiLnos, out de bonne heure ete places dans un genre particular que Linne nomine Dasypus; Brisson, Armadillo; Klein etBlumenbach, Tatu ; Storr, Cataphractus, et Illiger, Tolypeutes; et que, dans ces derniers temps, Fr. Cuvier a divise cn trois groupesgeneriques, ceux des Dasypus, Tatusia et Prionodonles, auxquels on a ajoute le genre Uila- myphorus de Harlan. Ce sont les Tatou ou Tatu des Bresiliens, les Eucuberto des Porlugais et les Armadillo des Espagriols, denomination qui est quelquefois encore scientifiquement employee. Peu d’auteurs se sont oecupes des Tatous; nous devons surtout citer Buffon, D’Azara et A. G. Desmarest, qui est celui qui a donne l’histoire la plus complete que nous ayons de ces animaux. Pendant longtemps on a cru que ces Mammiferes ctaient depourvus d’incisives; mais Fr. Cuvier a montre que Pune des especes, au moins, avait des incisives et des molaires, tandis que toutes les autres, au moins cedes qu’on a pu etudier, n’offraient qu’une sorte de dents. Fig. 53. — Encouberf. Les Dasypodid^s, c’est-a-dire, d’une maniere plus generale le genre des Tatous, tel que le eom- prenaient il y a peu d’annees tous les zoologistes, varient en grandeur depuis la taille d’un Blaireau jusqu’a celle du Herisson. Ce sont des animaux epais de corps, bas sur jambes, dontles pieds ant£- rieurs surtout sont robustes et munis d’un nombre variable de doigts (quatre ou cinq), tous armes d’ongles tres-forts et obtus, tres-propres a fouir la terre. 11s ont la tete assez petite, dont le museau est plus ou moins brusquement prolonge et le dessus du crane un peu plat; leurs yeux sont petits et places lateralement; leurs oreilles assez longues, en cornet, pointues et mobiles; leurbouche a une ouverture tres-petite; leurs dents, qu’il y ait des incisives ou que ces dents manquent, sont a peu pr6s toutes semblables entreelles, c’est-a-dire qu’elles sont faibles, cylindriques, sans replis interieurs d’email, plus ou moins obliquement tronquees au sommet, distantes entre elles, et paraissant pouvoir un peu s’entre-croiser de iMchoire a mficboire lorsque celles-ci sont rapprochees. Leur vertex est recouvert d’une sorte de mosa'ique formee par des plaques de derme endurci et ossifie, de forme polyedrique, qui s’avance plus ou moins au-dessus des orbites des yeux, et qui quelquefois fournit une petite garniture pour chaque paupiere; Tocciput est souvent garni d’une ou deux bandes transversales de plaques sem¬ blables, mais de forme allongee, qui y forment comme une espece de bordure. Le cou est toujours etroit, et porte quelquefois des rangees de plaques; les epaules sont larges et plus ou moins arron- dies, selon que l’animal deprime plus ou moins son corps, ce qu’il execute au dela de ce qu’on pour- rait imaginer en le voyant revetu d’une cuirasse en apparence aussi solide que la sienne. Les epaules sont revetues d’une vaste plaque ou bouclier, tronquee en demi-cercle anterieurement, et figurant une sorte de collet derriere le cou, tronquee egalement posterieurement dans toute la largeur du dos, et arrondie sur les cotes : elle est formee d’une multitude de plaques de nature cornee, syme- triques dans leurs formes et la disposition, revetues d’une enveloppe epidermique generale, et dont ehacune est evidemment la base d’un poil qui ne tarde pas a etre use et a disparaitre : gen^ralement 230 HISTOIRE NATURELLE, elles sont disposees par rangees transversales. Sur la region du dos et au dela du bouclier des epau- les se voient d’autres plaques rangees egalement par bandes transverses, et ces bandes sont sepa- rees les unes des autres par de courts intervalles de peau nue et flexible qui donnent au corps une grande mobilite dans cette partie pour se rouler en boule lorsque quelque danger effraye l'animal Le nombre de ces bandes mobiles varie de trois a douze, et n’est pas toujours constant dans tous les individus d’une meme espece. Les lombes, la croupe et le haut des cuisses supportent un second grand bouclier analogue & celui des epaules et forme, comme lui, de pieces intimement jointes entre elles et symetriquement disposees. Le bord anterieur du bouclier est le plus grand, droit, transver¬ sal a l’axe du corps : sur les e6tes, il s’arrondit, et, en arriere, on voit une echancrure arrondie et posterieure au centre de laquelle est placee la queue, qui est plus ou moins longue et recouverte de plaques osseuses diposees le plus souvent en anneaux ou verticilles. Cette queue, le plus habituelle- ment longue et conique, affecte neanmoins une forme particuliere dans une espece, le Chlamyphore ironque. La peau du ventre est tres-epaisse, mais sans plaques ni ecailles, et elle est recouverte de poils rares, longs et durs comme des soies de Pore. II en est de meme des cuisses, des jambes et des extremites anterieures; et ce caractere d’avoir des poils principalement sur ces parties est l’ori- gine du nom de Dasijpus, du grec poilu; «ou?, pied, que Linne a impost 4 ces animaux. Le nombre des doigts armes d’ongles plus ou moins robustes, et a l’exces dans quelques especes, est toujours de cinq aux pieds de derriere, et tantot de quatre, tantot de cinq aux pieds de devant. Les mamelles sont au nombre de deux ou de quatre, dont les deux anterieures sont placees sous les ais selles. L’estomac est simple, et il n’y a pas de ccecum. La verge des males est tres-apparente, mais les testicules sont interieurs. G. Cuvier a donne quelques details sur l’osteologie des Tatous dans ses Recherches sur les osse- ments fossiles, eta montre que le squelette de ces animaux offre des particularity assez curieuses : nous renvoyons a l’ouvrage de notre illustre naturaliste sur ce sujet, etnous nous bornerons a dire que la lete osseuse est petite, que certaines vertebres presentent en dessous des os particuliers que Ton nomine os en V, et que ce squelette, d’une maniere generale, n’est pas aussi anomal qu’on aurait pu le supposer d’un animal qui, a l’exterieur, est aussi different des autres Mammiferes. On n’a encore rencontre les Tatous que dans les contrees chaudes et temperees de l’Amerique me- ridionale, telles que la Nouvelle-Espagne, les Guyanes, le Bresil, le Paraguay et Ie Chili. Ils viven en petites troupes, les uns dans les bois, les autres dans les plaines ou pampas, et se nourrissent de cadavres d’animaux, de Vers de terre, de Limacons, d’lnsectes, d’oeufs, etc., et meme, dit-on, de matieres vegetales, telles que de racines de manioc, de patates, de mais, etc. C’est principalement de chair qu’on les nourrit dans nos menageries, ou quelques-uns d’entre eux ont ete amenes et vi- vent tres-bien. Presque tous sont nocturnes, et Ton remarque que ce sont ceux qui ont le plus d’agi- lite dans leurs mouvements; le soir ou la nuit, ils se mettent en mouvement et vont 4 la recherche de leur nourriture. De meme, en captivite, ils dorment presque constamment pendant toute la journee, et ce n’est guere que la nuit qu’ils sont en mouvement. Leurs ennemis naturels sont nombreux et se eomposent principalement des grandes especes de Felis, qui habitent les memes contrees qu'eux. Ils n’ont guere de moyens de defense que dans les grands ongles qui garnissent les doigts de leurs pieds de devant, et ils s’en servent rarement. Mais ces ongles, assez pointus, sont disposes pour leur permettre de fouir la terre et pour se creuser des terriers, parfois assez grands. D’apres D’Azara, ces terriers sont d’abord diriges constamment sous un angle de quarante-cinq degres, puis ils sont de- tournes tout a coup et ont une longueur de deux a trois metres. Quand ils sont poursuivis, ils cher- chent immediatement a gagner leurs retraites souterraines, et, s’ils n’en ont pas le temps, ils replient leur tete, leurs pieds el leur queue sous le ventre, et se roulent en boule a peu pres & la maniere des Herissons, mais sans s’envelopper, comme ceux-ci, dans l’espece de bourse que forme sur leur dos leurpanicule charnu. Les Tatous ne font qu'une seule portee par an; mais on ne sait pas combien ils ont de petits a la fois; cependant D’Azara rapporte d’une maniere certaine que le Dasijpus hybridus produit de sept a douze petits. Les especes actuellement vivantes de cette famillc sont peu nombreuses; Linne et Buffon avaient cberche a les distinguer d’apres le nombre des bandes mobiles situees entre le bouclier des epaules et celui de la croupe; mais ils sont parvenus ainsi i creer un assez grand nombre d’especes factices, et D’Azara a demontre que dans les especes de Tatous non-seulement le nombre des bandes mobiles EDENTfiS. *231 varie entre les individus d’une meme esp6ce, mais encore qu’il y a des individus d’ especes diff6- rentes qui en ont la meme quantite. On admet quatre genres dans ccttc famille. Les especes fossiles, 6galement propres d l’Amerique meridionale, sont nombreuses, mais encore bien imparfaitement connues; ce qui fait que, pour quelques-unes d’entre dies au moins, le rappro¬ chement qu’on en a fait des Tatous ne sera peutetre pas conserve. Le celebre genre des Megathe¬ rium, dont on croyait jadis l'animal recouvert de plaques osseuses, avait ele rapporte dans la famille des Tatous; mais il est plus voisin de cello des Bradypodes, et l’animal ne portait pas une cuirasse osseuse. Parmi les genres fossiles admis provisoirement dans cette famille, outre les especes qui peu- vent etre rangees dans les genres encore vivants, nous citerons les suivants, et nous ne dirons quel- ques mots, apr6s avoir decrit les especes vivantes, que de deux des principaux groupes, que nous indiquons. fc 1° Glyptodon (yXuTTTo;, sculpte; oftou-, dent), Owen ( Transactions de la Societe zoologique de Lon- dres, 1839); G. clavipes, Owen, du Pviodel-Sauce, de San Pedro du Sol et de Buenos-Ayres. 2° Lepitherium (itm;, ecaille; 6vip, grande bete); Et. Geoffroy Saint-Hilaire; L. fossilis; Carapace, de Megalonyx ou Megatherium a carapace , du Paraguay. 3° Clhamidotherium (xgapuc, cuirasse; 6?ip, grande bete), Lund ( Annates des sciences nalurelles, 1839); C. Brasiliensis, Lund, du Bresil. 4° Hoplopiiorus (cTrXotpopo?, tout arme), Lund ( Annales des sciences nalurelles, 1859); II. euplirac- tus, Sellcei et minor , Lund, du Bresil. 5° Pachytherium (toxu?, epais; dna, grande bete); P. Brasiliensis , Lund, du Bresil. 6° Xejsurus ordinaire; oupa, queue), Wagler ( Sgsi . d. Amph., 1830); X. nudicaulis, Lund, du Bresil. 7° Eoryodon (supu?, large; oJouc, dent), Lund ( Annales des sciences natur cites, 1839); E. Brasi¬ liensis, Lund, du Bresil. 8° Heterodon (srspo?, differente; dent); Lund (Annales des sciences natur elles , 1839); II. Bra¬ siliensis, Lund, du Bresil. 9° Toxodon (to^ov, arc; oJou;, dent), Owen ( Zoologie du Voyage au Beagle, 1841); T. Platensis, Owen, de la Plata. Espece des plus curieuses, et dont la place dans la serie des Mammiferes est loin d’etre determinee d’une maniere positive. p 10° Elasmatherium (sXaajia, en lame; 9np, grande bete), G. Fischer De Valdheim (Zoogn., 1814); ce genre, des plus singuliers, et que nous ne ferons que citer, est fonde sur une seule mandibule. On ne sait trop ou ranger les Elasmotheres dans la serie des Mammiferes; on a voulu les rapprocher des Bhinoceros, comme nous 1’avons deja dit, mais, par la forme, la disposition et la structure de Ieurs dents, ce sont bien plut6t des Edentes : mais dans cet ordre? dans quelle famille faut-il les ranger? C’est un point qu’on ne peut encore eclaircir, et ce n’est que provisoirement que nous les citons a la suite des Tatous. 1" GENBE. — TATOU. DASYPUS. Linne, 1740. Aaau?, poilu; tcou;, pied. Systema natur®. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : incisives, molaires , |e|; en totalite trente-huit dents; toutes les dents sans racines et ayant une structure particuliere. Corps convert d un test ecailleux, dur , compose de compartiments semblables a de petits paves, qui se trouve sur la tele, le corps et la queue ; carapace formee de trois parlies, un bouclier arrondi 232 IIISTOIRE NATURELLE. sur les epaules, un semblable sur la croupe, el des bandes mobiles transversales plus ou moins now breuses entre eux. Cinq doigts a lous les membres; ongles robustes. Langue pea extensible. Ce genre, qui pour Linne comprenait toute la famille des Tatous ou Dasypodides, ne renferme plus, selon Fr. Cuvier, que l’Encoubert, dans lequel il a reconnu Fexistence de dents dans les os intermaxillaires. Le systeme dentaire se compose de trente-huit dents; savoir : deux incisives supe- rieures et quatre inferieures, pas de canines, et huit molaires a chaque c6te des deux niachoires. A la mftchoire superieure, l’incisive est obtuse, petite, comprimee lateralement et sur la meme ligne que les molaires, aussi doit-elle remplir les memes fonctions que celle-'ci. Les molaires vont en aug- mentant de grandeur de la premiere ft la cinquieme, et en diminuant de la sixieme a la huitieme; la cinquieme est la plus grande, et la premiere la plus petite; sous ce rapport, celle-cr differe peu de Fincisive; elle en differe egalement tres-peu, ainsi que la seconde, sous le rapport de la forme; tou- tes les autres molaires sont plus ou moins cylindriques et out leur couronne usee plus ou moins obli- quement a leur partie anterieure ou a leur partie posterieure, et quelquefois a toutes deux, de ma- niere ft devenir anguleuses; on voit, au centre de ces dents, un point brun, et le reste de leur sub¬ stance est tres-homogene, assez dur, et elles paraissent entourees d’email. Ala machoire inferieure, Fr. Cuvier a considere comme incisives les deux premieres dents de chaque cote du maxillaire infe- rieur, parce qu’elles ne sont en rapport qu’avec Fintermaxillaire en avant de Fincisive superieure; ces dents sont petites, obtuses, comprimees sur les chtes, et de peu d’usage a Fanimal, d’autant plus qu’elles sont sur la meme ligne que les molaires; celles-ci vont en augmentant de grandeur de la premiere a Favant-derniere, qui est petite, et elles presentent toutes les memes formes que celles qui leur correspondent a l’autre machoire. Dans leur position reciproque, les incisives inferieures ne sont en rapport qu’avec Fintermaxillaire; Fincisive superieure communique avec la seconde inci¬ sive opposee et la premiere molaire; ces dents sont alternes comme toutes les autres molaires les unes a l’egard des autres, ce qui explique la forme anguleuse qu’elles prennent par l’effet de Fu- sure. Toutes les dents des Tatous sont petites et sans racines. La seule espece de ce genre est le : TATOU ENCOUBE&T. DASTPUS ENCOVBERT. A. G. Desmarest. Caracteres specifiques. — Queue ronde, ayant a peu pres la moitie de la longueur du corps, an- nelee seulement A sa base; six ou sept bandes mobiles ft la cuirasse du cou, formees de pieces gran des, rectangulaires, lisses, plus longues que larges; oreilles assez longues; t6te plate sur le front; museau assez court; des ecailles au-dessous des yeux; cinq doigts a chaque pied; ongles rnedio- cres. Longueur totale depuis le bout du museau jusqu’a Forigine de la queue, 0m,50; de la queue, 0m,24. Ce Tatou varie beaucoup par le nombre des bandes de sa carapace, que l’on avait prises jadis comme caracteres d’espece; aussi avait-on cru devoir former avec lui plusieurs especes qni n’existent rtellement pas. Linne en faisait ses Dasypus sexcinctus et octodecinicinctus; et Ruffon le designait sous les noms d’EncouBERT, de Cirquincou et de Tatou a bix-huit bandes. Trouve peu de temps apres la decouverte de FAmerique, D’Azara le nommait Tatou poyou. M. Wied avait cherche a distinguer spec'ifiquement sous le nom de Dasypus setosus une simple variete de cette espece. Plusieurs individus de cette espece ont vecu ft la menagerie du Museum. Us etaient craintifs, noc¬ turnes, cherchaient toujours ft se cacher, et, pour cela, aplatissaient leur corps eontre le sol, de fa- con a presenter presque trois fois plus de largeur que de hauteur. Us couraient avec beaucoup de vitesse, surtout le soir. (Voyez notre figure, p. 229.) On trouve FEncoubert au Paraguay, oil il creuse des terriers, et vit principalement de cadavres; sa voix est une sorte de grognement qu'il fait entendre surtout quand on le contrarie. Sa chair, grasse, de mauvaise odeur et de mauvais goht, estcependant mangee par les naturels du pays. Tig. 1 . — Tatusie apar Fig. 2. — Chlamyphore tronque. PI. 55 EDENTES. 233 2m0 GENRE. — TATUSIE. T ATI] SI A. Fr. Cuvier, 1825. Talu, l’un des noms vulgaires du Tatou. Dents des Mammifferes. CARACTERES GENERIQUES. Systkme dentaire : molaires, fEf; en totalitc trente-quatre dents dans le plus grand nombrc des cas, el quelquefois seulement ; on en tolalile trente dents : jamais d’incisives, ce qui differcncie ce genre de celui des Talons proprement dits. Doigts au nombre de cinq par tout ou de quatre seulement antericuremeni . Mamelles au nombre de deux ou de quatre. Tous les autres caracteres semblables a ceux des Dasypus. Fr. Cuvier comprend dans le genre Tatusie tous les Tatous anciennement connus autres que l’Eri- coubert et le Tatou geant. Chez ces animaux, on compte generalement neuf molaires superieures et huit inferieures de chaque cote des deux m&choires, ce qui porte le nombre total des dents a trente- quatre, qui sont toutes d’une meme sorte et constitutes, dans leur forme et dans Ieur structure, comme cedes des Dasypus. A la macboire superieure, les dents vont en augmentant de grandeur de la premiere a l’avant-derniere; la derniere est plus petite que toutes les autres. A la machoire infe- rieure, les molaires vont aussi en augmentant de grandeur de la premiere a l’avant-derniere; la der¬ niere est la plus petite, mais elle est plus grande cependant que cede de la m&choire opposee; toutes ces dents inferieures out la forme et la structure de cedes qui leur correspondent superieurement. Dans leur position reciproque, ces dents sont alternes, et il n’y en a pas, comme chez les Dasypus, a la m5choire inferieure, qui soient anterieures aux premieres de la machoire superieure. Toutes ces dents sont sans racines proprement dites. On connait une dizaine d’especes de ce genre actuellement vivantes et une ou deux esp&ces fos- siles,sans y comprendre quelques groupes qui en sont tres-voisins : toutes se trouvent dans l’Ame- rique meridionale, et peuvent etre distinguees en deux groupes. § 1 . — EsPECES AYANT QUATRE DOIGTS SEULEMENT AUX PIEDS DE DEVANT : DEUX OU QUATRE MAMELLES. 1. CACHICAME ou TATOU PEBA. *TATUSIA PEBA A. G. Desmarest. Caracteres specifiques. — Tete tres-allongee, plus petite, comparativement au volume du corps, que cede des autres especes; front couvert de plaques arrondies, se prolongeant jusqu’a l’extremite du museau; les deux boucliers des epaules et de la croupe formes d’une sorte de mosa'ique reguliere de pieces petites et bombees en dessus et a contour hexagonal; bandes mobiles en nombre variable de sept, de huit, mais plus habituellement de neuf, et formees d’ecailles rectangulaires allongees, avec une double impression lineaire, formant sur cbacune une sorte de triangle allonge, d’ou i! re- sulte pour la bande entiere une ligne enfoncee en zigzag qui la pareourt dans toute son etendue; queue longue, conique, couverte d’anneaux formes de deux ou trois rangs de plaques; ventre et membres presentant aussi quelques rangees d’ecailles d’ou partent ordinairement quelques poils blancs; ecailles des extremites des pattes plus fortes que les autres; couleur de toutes les pieces du test noiratre, ce qui est du a la teinte propre de 1’epiderme qui les revet, car dans les endroits ou cet epiderme est enleve, le test ou la partie osseuse de la peau qui se trouve a decouvert est de cou¬ leur jaunatre. Longueur totale depuis le boutdu museau jusqu’a l’origine dela queue, 0m,40; cede-ci ayant environ 0ra,25. Cette espece a regu un grand nombre de noms, et, se basantsur le nombre des bandes du test, on p * 30 234 HISTOIP.E NATURELLE. a souvent voulu y distinguer plusieurs especes; le Tatou peba est le Tatu peba Brasiliensis de Marc- grave, V Armadillo Brasiliensis de Brisson, les Dasypus septemcinclus, octocinclus et novemcinc- tus de Linne, le Cachicame de Buffon, le Dasypus octodecimcinclus de Linne ou Cirquinfon de Buffon, le Tatou noir, Dasypus et Tatusia peba d’A. G. Desmarest, le Quinquinebo noir des Es- pagnols, etc. Le Cachicame est le plus commun de tous les Tatous dans nos collections d’histoire naturelle; c’est aussi dans PAmerique du Sud P espece qui occupe le plus d’espace, et qu’on trouve egale- ment A la Guiane, au Bresil et au Paraguay. Elle n’habite pas la province de Buenos-Ayres, qui est la patrie de l’Apar. line espece fossile, qui en est au moins voisine, est le Dasypus affinis octocincto, Lund, des ca- vernes du Bresil. Les autres especes sont : l°le Tatou apar, Buffon (Tatu apara, Marcgrave; Armadillo Orienta- Us, Brisson; Dasypus tricinclus, Linne, etc.), type du genre Polypeutes d’llliger, qui a la tete pres- que pyramidale, le museau pointu, la queue courte, les oreilles mediocres, trois bandes mobiles a la cuirasse; test et cuirasse ayant beaucoup d’epaisseur et de solidite, etc.; il se roule en boule avec plus de facilite que les autres especes; par la faiblesse de ses membres et de ses ongles, il doit dif- ficilement se creuser des terriers; on le trouve dans le Tucuman et dans les campagnes decouvertes de Buenos-Ayres, a compter du trente-sixieme degre de latitude sud (Voy. Atlas, pi. XXXV, fig. 1 .); 2° le Tatou mulet, D’Azara (D. hybridus, A. G. Desmarest), qui se rapproche du Peba, dont il dif- fere par la queue arrondie, longue de la moitie du corps a peu pres; le museau allonge, les jambes courtes, et les bandes mobiles de la carapace au nombre de cinq, six ou sept; habite les pampas de Buenos-Ayres et est assez commun dans le Paraguay, etc. § 2. Especes a cinq doigts aux pieds de devant; ayant deux mamelles. 2. KABASSOU. Buffon. TATOUAY. DASYPUS TATUAY A. G. Desmarest. Caracteres specifiques. — Tete un peu bombee sur le front, museau assez pointu; oreilles gran- des, rondes, presque aussi larges que hautes; dents au nombre de huit de chaque cote en haut et de sept seulement en bas; bouclier des epaules forme de sept rangees de plaques, dont la figure est celle d’un carre long; bandes mobiles du dos au nombre de douze ou treize, formees de plaques pres¬ que carrees; bouclier de la croupe compose de dix rangs de plaques; deux mamelles pectorales seulement; eouleur du corps generalement d’un plombe obscur. Longueur totale, 0m,55; queue, 0m,20. Cet animal est designe sous les noms de Tatou a douze bandes, de Kabassou et de Tatouay, par D’Azara; c’est V Armadillo Africanus de Seba, le Dasypus unicinctus et duodecimcinctus, Linne; D. tatuay, A. G. Desmarest; D. multicinctus, Thunberg. Cette espece, propre A Cayenne et au Bresil, est rare au Paraguay. Les autres especes de cette section sont : 1° le Tatou velu, D’Azara ( Dasypus villosus, A. G. Des¬ marest), qui est plus petit que le precedent, dont les bandes mobiles sont au nombre de six ou de sept, et qui est tres-commun dans les pampas situees au sud de la riviere de la Plata, entre les trente-cinquieme et trente-sixieme degres de latitude australe, oil il se creuse des terriers; 2° Tatou Pitciiiy, d’Azara ( Dasypus minutus, A. G. Desmarest), la plus petite espece du genre qui vit dans tout le sud de PAmerique, depuis Buenos-Ayres jusqu’au dctroit de Magellan; 3° Tatou mataco, Beagle (Tatusia mataco, Lesson), de Bahia-Blanca; 4° Tatou mirim, Lund ( Tatusia mirim, Lesson) du Brasil, etc. M. Lund a rapproche de cette division des Tatusies son Dasypus punclalus , trouve a Petal fossile dans les cavernes du Bresil. EDENTfiS. 255 5“e GENRE. - PRIODONTE. PBIODONTES. Fr. Cuvier, 1825. ITpuov, scie ; oSmv, dent. Dents des Mammiffcres. CARACTERES GENERIQUES. Systbne dcntaire : molaires en general au nombre (le quatre-vingt-dix-huit, ainsi distri¬ butes, : ces dents touies comprimees later alement, surlont les anterieures, divisees longitu- dinalement dans leur milieu par une parlie plus ctaire qui les enloure. Cinq doigts aux pieds de devant. Deux mamelles peclorales. Autres caract'eres comme dans les Talons. Fig. 54. — Tatou geant. Ce genre ne renferme qu’une seule espece, le Tatou geant, qui presente un syst&me dentaire trSs- singulier, compose de dents en tres-grand nombre qui pent quelquefois varier. A la mAchoire supe- rieure, les molaires sont pen differentes pour la grandeur, et Unites sont plus ou moins compri¬ mees lateralement; les anterieures sont celles qui le sont le plus, et elles ressemblent tout a fait A des lames terminees par une ligne droite; les posterieures se rapprocbent un peu plus de la forme cylindrique; mais les unes et les autres sont divisees dans toute leur longueur et dans leur milieu par une partie de leur substance plus claire que les autres, et demi-transparente. A la mAcboire in- ferieure, les dents vont egalement en diminuant un peu de grandeur de la premiere A la derniere; mais toutes indislinctement ont la forme de lames, et sont divisees comme les superieures. Dans leur position reciproque, les molaires inferieures sont opposees par leur face externe A la face interne des superieures; et comme l’artieulation des mAchoires est analogue A cede des Rongeurs, et que la mAchoire inferieure n’a qu’un mouvement horizontal, il en resulte que leur action a de la ressem- blance avec cede d’une scie, ce qui a determine Fr. Cuvier a donner a ce genre le nom de Priodonte. Leur capsule est libre a la base. L’espece unique de ce genre est le : TATOU GEANT. G. Cuvier. PRtOhONTES GtGANTEUS. Lesson. CaracteRes specifiques. — T6te proportionnellement plus petite que cede des Tatous, bombee UlSTOIRE NATURELLE. 256 sur le front et cylindrique depuis les yeux jusqu’au bout du museau; oreilles mediocres, pointues, courbees obliquement en arriere; bouclier des epaules compose, dans son milieu, de neut rangs de plaques, et celui des lombes de dix-sept ou dix-huit; les bandes mobiles du dos au nombre de douze a treize, formees do bandes rectangulaires; queue tres-grosse a la base, pointue, reeouverte d’ecail- les disposees en anneaux pres de son origine et en lignes spirales croisees ou en quinconce dans le reste; pieds remarquables par leur conformation et a ongles robustes; couleur generate du test noi- r&tre dans toutes les parlies ou l’epiderme a dte conserve. Longueur de la tete et du corps environ, 5“; de la queue, 0m,50. Cet animal est le plus grand de la famille des Tatous; c’est le Tatou geant; Dasypus gigas, G. Cu¬ vier; le deuxieme Kabassod, Buffon; le grand Tatou ou Tatou premier, D’Azara; Dasypus giganteus, A. G. Desmarest, etc. II vit dans les parties boisees les plus septentrionales du Paraguay, oil il porte la denomination de Tatou noir des bois. II recherche les cadavres, et meme les deterre en fouissant avec une grande rapidite; aussi, dans les contrees qu’il habite, a-t-on le soin d’enlourer les corps morts de planches et d’epines pour les preserver de ses attaques. 4™ GENRE. — CHLAMYPHORE. CHLAM Y PI10R US. Harlan, 1825. XAap.o;, bouclier; cp&poc, porleur. Annals M. V. Lyceum. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : molaires, |^|; en totalite trente-deux dents, qui sont tr'es-rapprocliees; cou- ronne des premieres pointue; les six autres presque aplaties et consistant en un cylindre d’ email qui entoure un pilier osseux; pas de collet a ces dents, dont la moitie inferieure est creusee d'une cavite en forme de cone allonge; dents inferieures dirigees en avanl et en haut, et les superieures en avant et en bas , de telle sorte qu’elles se rencontrenl obliquement. Test osseux forme de nombreuses bandes mobiles transverses depuis la tele jusqu’a la queue, et non divise en deux boucliers pour les epaules el les reins, comme dans les genres Tatou, Tatusie el Priodonle ; test tronque posterieurement . Membres anterieurs et posterieurs a cinq doigts. Queue mince , exactement appliquee sur le corps. Ce genre, des plus remarquables par sa conformation, offre de grands rapports avec les prece¬ dents; Harlan lui trouvait, dans quelques points de son organisation, quelque analogie avec les Taupes, et avec le Megatherium par la disposition de la carapace, que Ton attribuait a tort a cet animal. La seule esp^ce de ce genre est le : CHLAMYPHORE TRONQUE. CULAMYPIlonVS TRIWCATUS. Harlan. Caracteres specifiques. — Tete conique, un peu aplatie en dessus, couverte de plaques de forme carree; ceil petit; corps recouvert en dessus d’un test coriace, verticalement tronque a sa partie posterieure, et forme d’ecailles rhombo'idales, disposees par rangees transversales et lisses; le des- sous garni de poils longs, soyeux, de la douceur de ceux de la Taupe; le test du dos s’avancant sur la tete; queue ferme, eollee sur le corps; extremites anlerieures beaucoup plus fortes que les posterieures; plantes des pieds nues; ongles de devant tres-forts et tres-comprimes. Longueur de la tete el du corps, 0m,15; partie libre de la queue ne depassantpas 0m,04. (Voy. Atlas , pi. XXXV, tig. 2.) On ne connait encore qu’un seul individu de cette espeee, qui existe dans le musee d’histoire na- lurelle de Philadelphie. Harlan dit qu’il provienl de Medoza, au Chili, a Test de la chaine des Cor- EDENTES. m dill&res, par le trenle-cinquieme degre vingt-cinq minutes latitude sud, et par le soixante-septieme degre quarante-sept minutes de longitude, dans la province de Cugo; qu’il vit sous terre la plus grande partie du temps, et que ses habitudes ont beaucoup de ressemblance avec relies de la Taupe; qu’il porte ses petits sous le manteau ecailleux dont il est revetu, et que sa queue n’a point ou n’a que tres-peu de mouvement. C’est la plus petite espece connue de la famille des Tatous. 5“e GENRE. — GLYPTODON. GLYPTODON. Owen, 1854. rXuTTTo;, sculpte; oSoo?, dent. Transactions de la Socidld gdologique de Londres. CARACTERES GENER1QUES. Systeme dcntaire : molaires , en totalite trente-deux dents. Pontes semblables, plus compli- quees quecelles des Tatous el rappelant celles de certains Rongeurs. Corps convert d'une epaisse cuirasse osseuse , formee de plaques irregulieres. Picds robustes, a cinq doigts, armes d’ongles aplatis, assez semblables a ceux des Elephants. Fig. 55. — Glyptodon clavipes. Ce genre a ete fonde par M. Owen pour une espece de grande taille, le Glyptodon clavipes, dont les ossements fossiles ont ete rencontres dans les vastes pampas sablonneux qui forment le bassin de la Plata. Les dents de cet animal sont au nombre de liuit molaires, toutes semblables de chaque cotA de 1 une et de l’autre m&choire, et sans incisives ni canines. La structure de ces dents estplus eompliquee que celle des autres Edentes, et rappelle celle de plusieurs dents de Rongueurs. Chacune d’elles offre, dans toute sa longueur, a son cote externe et A son cote interne, deux fortes cannelures qui s avan- cent jusqu’a environ un tiers du diametre de la dent et divisent sa surface en trois presqu lies reu- nies par deux isthmes, resultant de deux cannelures opposees, disposition qui a donne lieu a ce nom de Glyptodon ou dent sculptee. Elies sont sans racines, recouvertes d’un email peu different de la HISTOIRE NATURELLE. 238 mati&re osseuse, et le milieu de celles-ci est occupe, aussi bien dans les isthmes que dans les pres- qu’iles, par une substance plus tendre que le reste de la dent. La machoire inferieure est d’une forme singuliere; son angle s’eleve au niveau de la surface triturante des dents; sa branche montante est tr6s-haute, et son condyle aussi eleve que l’apopbyse corono'ide. Les pieds sont tres-courts, et por¬ tent cinq doigts, dont quatre sont garnis de grands ongles aplatis, presque en tout semblables a ceux des Elephants; le doigt interne, du moins au pied de derriere, est petit. Une epaisse cuirasse osseuse, formee de plaques irregulieres, recouvre le corps; ces plaques n’etaient pas disposees, sur le tronc, en zone, com me dans la plupart des Tatous; mais celles de la queue, au contraire, verticillees, et chaque verticille composee d’une rangee de petites plaques epaisses, coniques, dont les cdnes s’ele- vent d’autant plus qu’ils sont plus sup^rieurs. Cet animal etait d’une tr6s-grande taille, et Ton a cru pendant quelque temps que la cuirasse dont il etait revetu appartenait au Megatherium; mais il est biendemontre que ce dernier Mammifere etait couvert de poils proprement dits. Au Glgptodon clavipes de M. Owen on devra probablement join- dre d’autres especes; c’est ce que montre l’etude de diverses queues conservees dans les galeries du Museum etde l’Ecole normale, et que De Blainville avait reproduites dans une planche de son Osteo- graphie, qui va enfin paraltre. 6,ne GENRE. — TOXODON. TOXODON. Owen, 4 841 . To£ovf arc; dent. Zoology of Beagle. CAUACTERES GENERIQUES. Syslhme dentaire : incisives, \ . molaires, en totalile trenteet une dents, qui sont toutessans racines. Incisives arqudes, assez grandes ; molaires, quelques-unes egalement tin pen arquees, ayant la conformation de celles des Edentes. Crane peu eleve; arcades zygomatiques tres-epaisses. Il n’existe peut-etre pas de Mammifere, comme le fait observer Laurillard, plus difficile a classer quo l’espece unique de ce genre, le Toxodon Platensis, Owen. Cet animal a ete place dans l’ordre des Pachydermes; mais il a aussi des affinites nombreuses avec les Rongeurs, les Cetaces herbivores, et surtout avec les Edentes, dans l’ordre desquels il doitreellemententrer; mais a cote de quel genre doit-on le mettre? cela est difficile & dire dans l’etat actuel de nos connaissances sur ce fossile, et c’est avec beaudoup de doute que nous l’avons rapproche des Tatous. Le type de ce genre, le Toxodon Platensis, Owen, a ete trouve dans le Sarandis, petite riviere qui se jette dans le Rio Negro, h cent vingt milles nord-ouest de Montevideo. Les dents, sans racines, tiennent de celles des Edentes par leur forme et leur composition; mais par leur nombre et leur position, elles se rapprochent de celles des Pachydermes. Les molaires su- perieures sont au nombre de sept de chaque cote, et augmentent de grandeur de la premiere a la sixieme; elles sont arquees exterieurement et placees dans les maxillaires, de manure que lours ba ses se rencontrent presque sur la ligne mediane avec celles du c6te oppose; la premiere est cylin- drique, les autres sont triangulaires, montrent un pli profond a leur face interne, et sont revetues d’email, excepte aux trois angles, dont l’ivoire n’est souvent que d’une lame corticale tres-mince. Les incisives superieures sont au nombre de deux de chaque cote, une interne, assez petite, et une ex- terne tr6s-grande ; celle-ci est arquee, triangulaire, revetue exterieurement d’email et interieurement de cortical. Les molaires de la machoire inferieure, au nombre de six de chaque cbte, sont quadran- gulaires, comprimees lateralement, de telle sorte que leur diametre transverse n’est que le tiers du longitudinal; elles presentent un pli a leur face externe et trois a leur face interne : elles sont pres¬ que droites et revetues d’email, excepte aux deux angles internes, qui n’ont que du cortical; les in¬ cisives, au nombre de. trois de chaque cote, sont triangulaires et revetues d’email ^ leurs cOtes ex, terne et interne, et de cortical a leur cote posterieur. 23!) EDENTES. Le crflne est peu Sieve; les arcades zygomatiques sont tres-epaisses; les maxillaires allonges et retrecis a l’endroit de la base des denis; I’articulation de la m&choire se fait par un condyle trans¬ verse. La tete a 0m,67 de longueur et 0“,42 de largeur a la partie la plus saillante des arcades zygo¬ matiques. D’apres I’etude des os longs, on peut voir que cet animal etait bas sur jambes; l’omoplate a un acromion en crochet recurrent; le femur a une assez grande ressemblance avec celui de I’Hippopo- tame; I’astragale a une forme speciale, a partie tibiale un peu creuse, et l’apophyse scaphoidienne est excessivement faible. QUATRIEME FAMILLE. ORYCTEROPODIDES. ORYCTEROPOD1D7E. Nobis. Molaires, }=$, composees cTun tres-gramlnombre de petits cylindres creux, de substance email- leuse, a structure rappelant un peu cclle dujonc en cunne, sans racines. Tete un peu plus allongee que celle des Tatous. Peau epaissc. Corps couverl de polls ras , grossiers. Exlremites des membres terminees par quatre doigts anterieurement et cinq posterieurement. Ongles plats, propres a fouir la terre el non tranchants. Queue et oreilles longues. Langue extensible. Le genre Onjcteropus d’Et. Geoffroy Saint-Hilaire forme seul cette petite famille, it laquelle M. Gray a assigne le nom d 'Orycteropina, et le prince Charles Bonaparte celui d'Orycteropodina , et qui ne comprend qu’un seul genre, lui-meme compose seulement de deux ou trois especes particu- lieres au continent africain. Les Orycteropes, les Fourmiliers et les Pangolins, qu'il nous reste a etudier, sont tous des ani- maux myrmecophages, e’est-it-dire qui se nourrissent de Fourmis, et ils ont dans leur organisation quelques dispositions en rapport avec ce genre devie. G’est 4 cause de ces divers points de ressem¬ blance que beaucoup de naturalistes sont convenus de les placer dans un meme groupe sous le nom de Myrmecophagiens; mais Fr. Cuvier dil, au contraire, que I on doit repartir ces animaux dans trois families differentes; en effet, si l’on remarque que les Orycteropes ont des dents et que les 240 HISTOIRE NATURELLE. autres en sont tout i fait depourvus, on reconnaitra que des animaux aussi differents ne peuvent rentrer dans une merne famille naturelle; de plus, les Fourmiliers, Myrmecophaga, ou Myrmeco- phages, ont le corps couvert de poils, tandis que les Pangolins ou Lepidophores ont des ecailles, que l’anatomie pbilosophique demontre, il est vrai, ne constituer que des poils agglutines, mais qui, zoologiquement parlant, n’en constituent pas moins un caractere important. Nous adopterons, avec presque tous les auteurs modernes, ces trois groupes primaires, que nous indiquerons sous les de nominations A'Orycteropodides, Myrmecophagides et Manides, du mot Manis, nom latin des Pan¬ golins. GENRE UNIQUE. - ORYCTEROPE. ORYCTEROPUS. Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, 1792. Opuxrnp, fouisseur; no u;, pied. Bulletin de la Societe philomathique de Paris. CARACTERES GENERIQUES. Sysl'cme dentaire : molaires, en totalite vingt-six dents, qui sont espacees ou distantes enlrc elles, sans racine ni couronne distincte, etant d’une substance osseuse, iraversees longitudinal ement par une multitude de pelils lubes creux, droits, paralt'eles entre eux : la premiere molaire tr'es- petite, la deuxi'eme un peu plus grosse, formee de deux cylindres accoles; la troisieme et la qua- tri'eme de meme forme, mais plus grosses; la cinqui'eme la plus grande de toutes, et la sixieme seu- lement un peu plus grosse que la troisieme. Tele tres-allongee; museau mcdiocrement pointu, mais beaucoup plus toutefois que celui des Ta- tous. Oreilles tr'es-grandes , poinlues. Langue un peu extensible. Yeux moyens. Pieds de devant a quatre doigts; ceux cle derri'ere plantigrades et a cinq doigts : tous pourvus d’ongles tres-epais , plats, propres a fouir et se rapprochant leger ement des vrais sabots. Compo¬ sition des os du tarse et du metalarse assez semblable a celle des Pachydermes. Queue longue, arrondie. Peau tres-epaisse, comme celle des Pachydermes, recouverle de poils roides el rares. Le genre Orycterope a ete etabli, a la fin du siecle dernier, par Et. Geoffroy Saint-Hilaire, pour une seule espece qui liabite l’extremite sud de l’Afrique, et que les Hollandais du cap de Bonne- Esperance appellent Cochon de lerre, sans doute a cause de son long museau en forme de groin, et de l’habitude qu’il a de creuser, sinou avec son groin, du moins avec les ongles puissants de ses pieds de devant, un terrier dans lequel il se retire pendant le jour; peut-etre aussi a cause de ses poils roides, qui ont quelque analogie avec les soies du Sanglier. Pallas, Vosmaer, Pennant, Schreber, Zimmermann, Allamand, Gmelin, etc., regard^rent FOrycterope comme une espece de Fourmilier En 1777, P. Camper en publia une description assez detaillee, et montra la veritable composition de ses dents, qui l’eloigne beaucoup des Myrmecophaga; Et. Geoffroy Saint-Hilaire etudia mieux I'or- ganisation de ces dents, qui sont uniquement des molaires, et montra defmitivement qu’on devait se- parer ses Edentes des Fourmiliers. Lesson, en 1840, dans un ouvrage intitule : Des Mammi feres quadrumanes, suivi d’un memoire stir les Orycteropes, en a signale une nouvelle espece qui habite les contrees sablonneuses du Senegal. Enfin M. J. Sundewall, dans les Memoires de I’Academie royale des sciences de Stockholm pour 1841, a fait connaitre une troisieme esp&ce qui avait ete decouverte en Abyssinie, et, plus recemment, dans les Comptes rendus de I'Academie des sciences de France, et surtoutdans les Annales des sciences naturclles pour 1852, le professeur Duvernoy sem- ble avoir demontre que cette derniere espece est bien distincte, et qu’elle se trouve non-seulement en Abyssinie, mais encore sur les bords du Nil-Blanc. Le systeme dentaire des Orycteropes est aujourd'hui assez bien connu. D’apres Fr. Cuvier, il se compose de vingt-six dents, toutes d’une seule sorte ou des molaires. Ces dents ont une structure qui Ieur est tout a fait particuliere; leurs racines ne different nullement de leur couronne, mais elles Fig. 1 . — Orycterope. PI. 36 EDENTES. 241 ne presentent pas de capsule dentaire, conime danstoutes les espficesde dents des antres Mammiferes; elles semblent offrir un mode particulier de developpement pour ces organes. Comme toutes les dents depourvues de racines proprement dites, elles paraissent croltre constamment; mais, au lieu d’etre formees de couches successives et toujours renaissantes, elles le sont, en apparence du moins, de fibres longitudinales, pentagones, et dont le centre serait perc6 ou rempli d’une substance de couleur plus foncee que ces fibres. A la machoire superieure, la premiere molaire est un point rudi- mentaire qui ne paralt pas sortir des gencives, ce qui fait que tres-souvent, dans la formule dentaire de ces animaux, on n’a compte que six molaires superieures de cbaque c6te; la seconde est une tres- petite dent comprimee, obtuse; la troisieme commence dejA it servir a la mastication, elle est ellipti- que; la quatrieme, plus grande que la troisieme, a la meme forme generale qu’elle; la cinquieme et la sixieme sont de meme grandeur, l’une et l’autre out une depression longitudinale 4 leurs cotes interne et externe qui les partage en deux parties egales et leur donne la forme de deux portions de cylindres reunies; la septieme est simple et a peu pres de la forme de la quatrieme. Toutes ces dents ont la surface de leur couronne a peu pres unie. A la mfichoire inferieure, la premiere molaire est petite, comprimee, obtuse, et semblable a la seconde de la maclioire opposee, la deuxifime et la troi¬ sieme ressemblent a la troisieme et a la quatrieme de cette derniere mfichoire; la quatrieme est plus petite que la cinquieme, mais toutes deux ont la meme forme et se composent de deux cylindres reunis; enfin la derniere est semblable a T analogue d’en haut. Dans leur position reeiproque, la pre¬ miere dent de la maclioire superieure n’en a pas qui lui soit opposee; les trois suivantes sont a peu pres alternes a celles qui leur correspondent; les autres le sont moins ; les superieures sont, ante- rieurement des trois quarts de leur couronne, en rapport avec une portion posterieure analogue des inferieures, ce qui fait que le quart reslant des unes et des autres presente un leger biseau* Duver- noy, dans le memoire que nous avons cite, decrit avec grand soin et figure la structure microscopi- que de ces dents, et il les divise, dans les trois especes, d’apres leur forme et leur grandeur rela¬ tives, en arriere-molaires et en avant-molaires. L’osteologie des Orycteropes a occupe plusieurs anatomistes; nous en dirons seulement quelques mots d’apres le travail de Duvernoy, qui a cherche a comparer sous ce point de vue les deux especes du Cap et de 1’Abyssinie. La forme du museau et celle de la face different sensiblement; 1’espece du Cap a leprofil plus droit, et dans celui d’Abyssinie le museau parait bombe a sa base, s’abaisse, et se retrecit sensiblement dans le milieu de sa longueur; enfin dans celui du Senegal le front est encore plus bombe, avec une forte depression mediane au fond de laquelle se trouve la suture des deux frontaux. Les parietaux, qui s’etendent en arriere jusqu’6 la crete occipitale, sont plus longs dans I’espece du Cap; les frontaux de meme. Le trou occipital est rond dans l’espece d’Abyssinie, plus transversal, plus large que long, et plus grand a proportion dans celle du Cap, dont toute la face occipitale du crane est aussi plus large. Un petit condyle supplementaire plus en dedans et plus bas que le condyle principal, et qui en est un peu separe par une echancrure, se remarque dans les deux especes; ce qui presente quelque analogic avec ce que Ton voit dans le Priodonte geant. Quelques caracteres differentiels importants doivent etre notes relativement a la mandibule; les branches de la machoire inferieure sont plus longues dans l’Orycterope du Cap; sa partie montante est a la fois plus large et plus haute depuis son angle arrondijusqu’a l’apophyse posterieure qui la termine; cette apo- physe est placee plus bas dans f’Orycterope d’Abyssinie, ainsi que l’echancrure qui la separe de l’apo- physe condylo'ide : de sorte que la surface d’attache du muscle masseter est triangulaire, et montre de profondes impressions musculaires : dans l’Orycterope du Senegal, la forme de la branche mon¬ tante de la mSchoire inferieure a encore plus les caracteres carnassiers; l’apophyse cotylo'ide etant encore plus bas, et l’echancrure qui la separe de l’apophyse corono'ide plus courte. « Cette forme de la branche montante de la machoire, dit Duvernoy, rapproche un peu davantage cette espece des Mammiferes carnivores, et les impressions musculaires, qui indiquent des muscles plus forts, sem- bleraient montrer, dans l’Orycterope d’Abyssinie, des habitudes plus carnassiferes, ainsi que l’indi- quentles renseignements recueillis par M. D’Abbadie sur les moeurs de cet animal. Le nom de Deter- reur de cadavres que lui donnent les Abyssins fait preuve qu’il est loin de se contenter de Fourmis, et qu’il recherche les chairs decomposees. # 11 y a six vertebres sacrees dans l’espece du Cap, et cinq seulement dans celle d’Abyssinie; dans cette derniere, le premier des quatre doigts de devant est le plus grand, et dans la premiere c’est le second. P. 7A m I1IST0IRE NATURELLE. Les Orycteropes, qui ont beaucoup de rapports avec les Tatous et les Foiiriniliers, s’en distinguent bien aisement en ce que leur corps est couvert de poils semblables a ceux de la plupart des Mammi- f£res, quoique assez rares et assez roides, et par l’existence, quoique imparfaite, d’un systeme den- taire. Leur tete est tres-allongee, de forme generalement cordque, et lerminee par une sorte de bou- toir; les oreilles sont membraneuses, longues, pointues; le corps est assez long; la queue renflee a la base et de forme conique; les membres robustes, assez courts : les posterieurs plantigrades, penta- dactyles, et les anterieurs digitigrades, tetradactyles; les ongles sont tres-forts, tres-epais, tres- comprimes, entourant presque toute la phalange ongueale; la peau, dure et tres-epaisse, est presque nue sur les oreilles et sur le ventre, garnie de poils ras sur la tete, sur les trois quarts posterieurs de la queue et sur la partie posterieure de l’avant-bras; le reste du corps, des membres et de la queue est couvert de poils soyeux, rudes, peu abondants et de grandeur moyenne. L’espece type est : ORYCTEUOPE DU CAP. ORYCTEItOPUS CAPENSIS. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Caracteres specifiques. — Corps epais, ayant quelque rapport eloigne avec celui du Cochon, bas surjambes; tete tres-longue, agrandes oreilles, et yeux plus rapproches de celles-ci que du bout du museau; langue mince, plate, longue de plus de 0m,40, et enduite d une matiere visqueuse; queue tres-forte des son origine, et diminuant jusqu’aut bout; ongles robustes, arrondis : ceux des pieds de derriere beaucoup plus gros que ceux des pieds de devant; poils de la tete, du corps et de la queue assez courts : ceux du dos et des flancs plus longs, d’un gris sale, un peu roussatres sur les flancs et sous le ventre, et d’un brun obscur vers les extremites des pieds. A peu pres de la meme taille que le Tamanoir, ayant environ lra,015 de longueur depuis le bout du museau jusqu’a l’origine de la queue : celle-ci ayant 0m,055. (Voy. Atlas, pi. XXXVI, fig. 1.) Cette espece a ete indiquee par Kolbe sous la denomination de Cochon de terre; elle a tres- longtemps porte, dans les catalogues mammalogiques, d'apres Pallas, le nom de Myrmecophaga Capensis. L’Orycterope, qui etait jadis tr6s-commun aux environs du cap de Bonne-Esperance, mais qui chaque jour y devient de plus rare en plus rare, est un animal fouisseur et nocturne qui se creuse des terriers qui lui servent de demeure; sa nourriture ordinaire consiste en Fourmis, qu’il engloutit au moyen de sa langue longue, ce qui donne A sa chair un gotit tres-prononce d’acide formique. C’est cependant un gibier assez recherche des Europeens et des Hottentots. Kolbe a donne quelques de¬ tails interessants sur ses moeurs. « La terre, dit-il, sert de demeure a l’Orycterope; il s’y creuse une grotte, ouvrage qu’il fait avec beaucoup de vivacite et de promptitude; et, s’il a seulement la tete et les pieds de devant dans la terre, il s’y cramponne si bien, que l’homme le plus robuste ne saurait Pen detacher. Lorsqu’il a faim, il va chercher une fourmiliere. Des qu’il a fait cette bonne trouvaille, il regarde tout autour de lui pour voir si tout est tranquille, et s’il n’y a pas de danger. Il ne mange jamais sans avoir pris cette precaution; alors il se couche en pla^ant son groin tout pres de la four¬ miliere, etire la langue. taut qu’il peut, les Fourmis courent dessus en foule, et, des qu’elle en est bien couverte, il la retire et les gobe toutes. Ce jeu recommence plusieurs fois et jusqu’a ce qu’il soit rassasie. Afin de lui procurer plus aisement cette nourriture, la nature a fait en sorte que la partie superieure de cette langue qui doit recevoir les Fourmis est toujours couverte et comme enduite d’une matiere visqueuse et gluante qui emptiche ces faibles animaux de s’e.n retourner'lors- qu’une fois leurs pattes y sont empetrees; c’est la sa maniere de manger. Il a la chair de fort bon goCit et tres-saine; les Europeens et les Hottentots vont souvenl a la chasse de ces animaux. Rien n’est plus facile que de les tuer. Il ne faut que leur donner un petit coup de baton sur la tete. » Les deux autres especes, dont nous avons indique quelques caracteres distinctifs dans leur osteo- logie, sont : 1° Y Orycteropus Senegalensis, Lesson, du Senegal, dont le pelage est d’un jaune clair sur le dos et d’une nuance plus doree sur la croupe, et qui provient du Senegal, oil il se nourritprin- cipalement de Thermites, d’autres Insectes et peut-etre de chair putrefiee; 2° Y Orycteropus jEthio- picus, Sandewall, chez lequel les poils sont peu fournis, grisatres, entremeles de quelques poils roides, noirs et blancs; tete blanchatre, avec un peu de poils blancs sur le front , oreilles sans poils; 243 EDENTES. des poils noirs abondants sur les cuisses et les avant-bras, en dehors seulement; onglcs noir&lres en entier aux pieds de devant, ce qui les fait ressorlir sur le blanc sale des autres : cct Orycterope provient de l’Abyssinie, et Duvernoy y reunit des individus envoyes du Nil-Blanc par M. D’Abbadie, qui fait remarquer que ce Mammifere recherche principalement les cadavres des animaux et est assez carnassier. CINQUIEME EAM1LLE. MYRMECOPHAGIDES. MYRMECOPHA GID/E. Ch. Bonaparte. Machoire inferieure reduite a fetal rudimentaire, non arliculee d'une maniere distincte avec la tele. Pas de traces de dents. Langue tres- extensible. Oreillcs courtes. Doigts tantdt an nombre de quatre devant et cinq derriere, tantdt de deux devant el quatre derriere. Ongles tres-robustes, surtout ceux de devanl. Queue longue, couverte de longs poils laches, ou bien des polls ras ou prehensiles au bout selon les especes. Cette petite famille, l’une des plus interessantes de la classe des Mammiferes, ne se compose qut du seul genre Fourmilier, Myrmecophaga de Linne, qui ne comprend que trois especes bien posi¬ tives, et cependant les zoologistes modernes sont parvenus a y creer trois genres, un pour chaque espece, ceux des Myrmecophaga, Tamandua et Didactyla, que nous n’adopterons que coraine divisions tres-secondaires. Tous les Myrmecophagides, que le prince Charles Bonaparte nomine Myrmecop hag iclce, etM. Gray Myrrnecophagina, proviennent de l’Amerique du Sud. GENRE UNIQUE. — FOURMIL1ER. MYRMECOPUAGA. Linne, 1740. Fourmi; mement solide et tres-epais, compose de fibres ou tubes serves et perpendiculaires au derme. Eslomac simple; intestins tres-longs; coecum enorme; colon tres-vaste et divise en grandes bour- souflures; deux mamelles pectorales. Ce genre a ete cree par G. Cuvier, en 1809, dans le tome XIII des Annates du Museum, sous la denomination francaise de Stei.leue, en l’honneur de Steller, qui, en 1751, dans les Acta Pctrop. Nov. Comm., t. II, en a fait connailre, comme une espece de Lamantin, le type. Illiger, en 1811, a donne au meme groupe le nom latin de Rylina, qui rappelle la structure ridee de la peau de ces CETACKS. 275 C6taces herbivores. Steller est le premier, et jusqu’ici le scul naturaliste, qui nous ait donn6 des (16- lails anatomiques, zoologiques et d’hisfoire naturelle sur l’espece unique de ce groupe; aussi n’est-ce que d’apr^s son important travail, que Fr. Cuvier a traduit en entier, en 1836, dans son Ilisloire naturelle des Celaces, que Ton connait le Bylina Borealis. Nous ne dirons seulement que quelques mots, d’apres Steller, relativement £> son systeme osseux et a ses plaques dentaires. Les os de la tete, pour la solidite et la force, ressemblent a ceux du Che- val; mais tous les autres os, sous ces mernes rapports, surpassent ceux de tous lesanimaux terrestres. Le crAne, trAs-robuste, a une petite cavite cerebrate; il n’y a pas de traces de suture; les os du nez sont reunis par une suture grossiere; jl n’y aurait pas de bulbe auditif. Le nombre des vert^bres est de soixante : six cervicales, dix-huit dorsales, trente-cinq terminales, divisees en neuf lombaires, une sacree et vingt-cinq coccygiennes. Le sternum est cartilagineux dans la partie superieure. li y a dix-neuf cotes. Les os du bras finissenl, dit Steller, avec le metatarse et le tarse, et il n’y aurait aucune trace de doigts non plus que d’ongles, etle metatarse etle tarse seraient formes d’unegraisse solide, enveloppes de tendons et de ligaments, de maniere a ressembler a un membre d’humerus ampute qu’entourerait un epiderme beaucoup plus epais, plus dur, formant pour ainsi dire un sabot de Cheval avec une sorte de sole, mais plus pointu et plus propre & fo’uiller. Aux membres poste- rieurs, les os innomines, de la grandeur et de la forme du cubitus de l homme, sont reunis par de forts ligaments a la trente-cinquieme vertebre, et de l’autre cdte a l’os pubis, ce qui fait supposer que cet animal a deux paires d’os au bassin comme le Dugong. Dans ce genre, il n’y aurait, toujours selon Steller, que deux seules dents en forme d’os plats, Fun superieur et l’autre inftrieur; mais M. Brandt ayant demontre que ces plaques ne sont pas des dents mais des plaques corneo-calcaires qui garnissent, 1’une la partie anterieure du palais et l’autre le disque symphysaire de la mandibule, il en resulte qu’il n’y aurait pas de dents du tout. L’espece unique de ce genre est le : STEELERE. RYTWA BOREALIS Illiger. Cajracteres specifiques. — Tete ronde, confondue avec le cou et le corps; pas de defenses; Lou¬ che petite, placee au-dessous du museau et ayant ses levres doubles, spongieuses, epaisses et tres- gonflees, garnies A l’exterieur de soies blanches, recourbees, longues de 0m,03 a 0m,04, formant des moustaches; m&choire inferieure depassant la superieure; ouverture des narines placee vers l’extre- mite du museau, ayant autant de largeur que de longueur; yeux sans sourcils, mais ayant a leur grand angle une membrane cartilagineuse en forme de Crete qui peutles couvrir a la volonte de l’ani- mal; extremites anterieures n’ayant ni doigts, ni phalanges, ni ongles; nageoire caudale de nature analogue A celle des fanons de Baleine, en croissant et pourvue d’une grande pointe a chaque lobe; peau nue, excessivement epaisse, de nature fibreuse comme cede de la corne, noire. Longueur totale, environ 4“ a 5m; poids atteignant parfois trois mille kilogrammes. Les Stelleres, que Linne indique sous le nom de Triehecus manalus, var. Borealis; Shaw, sous cede de Triehecus Borealis; G. Cuvier, de Stellerus Borealis, et Illiger, d e Bylina Borealis, habitent les mers qui baignent la presqu’ile du Kamtchatka; on les trouve surtout en abondance dans lesbaies de la c6te nord de l’Amerique et aux environs des lies Kurides et Aleoutiennes. Othon Fabricius assure meme en avoir rencontre un cr&ne sur les cotes du Groenland. Ces animaux aiment les parties bas¬ ses et sablonneuses du rivage, et principalement les embouchures des rivieres, oil ils sont attires par la douceur de l’eau courante. Us sont toujours en troupes; ils conduisent devant eux les petits et les individus non adultes; mais ils les environnent en arriere et sur les cdtes, et les laissent toujours dans le milieu du troupeau : a la maree haute, ils s’approchent tellement du rivage, qu’on peut non- seulement les frapper avec un baton, mais m6me leur toucher le dos avec la main. Ils semblent mo¬ nogames, ne produire qu’un petit a la fois, et la duree de leur gestation parait etre de pres d’une annee. Ils sont sans cesse occupes a manger; leur avidite "fait qu’ils ont toujours la tete sous l’eau, et leur stirete les occupe si peu, que l’on peut, dit Steller, sur un bateau ou a la nage, aller au mi¬ lieu d’eux, choisir en toute securite, et frapper du grappin au milieu du troupeau celui qui convient le mieux. Lorsqu’ils paissent, toutes les quatre ou cinq minutes, ils sortenl les nageoires hors de 276 HISTONE NATURELLE. 1’eau et en chassent l’air et un peu d’eau avec un bruit semblable au hennissement du Cheval; tantot ils nagent tranquillement, tantot ils marchent au fond de l’eau en quelque sorte, et placent leute- ment un pied devant I’autre, comrae le font en paissant sur la terre les Boeufs et les Brebis. La moi- tie du corps de l’animal, c’est-a-dire le dos et les flancs, sont toujours au-dessus de l’eau, et les Mouettes ont coutume de s’y reposer pour se nourrir des Insectes parasites qui se trouvent dans Pepiderme. Les Stelleres ne mangent pas indistinctement tous les fucus, mais semblent choisir cer- taines especes, et recherchent les feuilles plutot que les tiges et les racines. Souvent en hiver ils sont suffoques par les glaces qui flottent pres des cotes, et ils sont rejetes morts sur le rivage; ce qui arrive aussi lorsque, etant surpris par les vents, les flots agites les jettent contre les roehers. En hi- ver, ces animaux sont maigres au point qu’on leur voit 1’epLne dorsale et toutes les cotes. La chasse de ces animaux se fait comme celle des Lamantins, dont nous avons dit quelques mots; et de meme on voit ces Cetaces chercher a se porter secours lorsqu’ils sont blesses. Le Stellere est muet, il ne fait entendre aucune voix; il souffle seulement fortement et pousse, quand il est blesse, une espece de soupir. La peau de ces animaux est employee, par les Americains, pour faire des semelles et des ceintures; on assure aussi que les Tschaktschis se servent de cette peau pour faire des nacelles, en l’etendant au moyen de batons et en la fagonnant de la meme maniere que le font les Coreens pour les peaux des grands Phoques. La graisse sous-cutanee, qui est tres-epaisse, a une odeur et une saveur tres-agreables; elle peut se conserver tres-longtemps et est une tres-grande ressource pour la nourriture et pour Peclairage des peuples du Nord; la chair, qui fait la nourriture presque exclusive des habitants du Kamtchatka, a besoin d’une cuisson prolongee et a une saveur tres-agreable, assez semblable a celle du Bceuf. La graisse des jeunes ressemble tellement au lard frais du Cochon, qu’on Pen distingue & peine : leur chair ne differe pas de celle du Veau; elle se ramollit par la cuisson, et elle s’y gonfle A tel point, qu’elle occupe un espace double de celui qu'elle occupait avant. DEUXIEME SOUS-ORDRE. CETACES PRQPREMENT PITS. CET/E. Unite. Chez les Cetaces proprement dits, la tete n’est pas separee du tronc par un cou distinct; les mem- bres anterieurs sont disposes en nageoires simples, et les posterieurs sont rentplaces dans leurs fonc- tions par une nageoire cartilagineuse horizontale qui se confond avec la queue : tous ces membres sont entitlement prives d’ongles; quelques-uns ont sur le dos une nageoire verticale de substance tendineuse, mais non soutenue par des os; les dents sont osseuses, coniques et d’une seule forme, attachees aux deux mAchoires ou a Pune d’elles, ou bien ces dents sont remplacees par des fibres particulieres qui portent le nom de fanons; leur respiration est aerienne et aqueuse, et leur voix a p^u pres nulle, ou ne se compose que de simples mugissements. Ce sont des Mammiferes essentielle- ment pisciformes et aquatiques, a foetus expulses vivants d’une matrice simple et a une seule ouver- ture, a mamelles distinctes et situees pr6s de Panus, a mode de lactation peu connu et a respiration par des spiracules ou events. Leur corps est reconvert d’une peau nue et lisse, et, en dessous de cette peau, on trouve une epaisse couche de graisse ou de lard qui est le principal objet pour lequel on les recherche. L’habitation de ces animaux est exclusivement au sein des eaux. 1*1. ‘28 CETACES. 277 Les Cetaces ordinaires se distinguent des CetacAs herbivores par 1’appareil singulier qui leur a valu le nom common de Souffleurs. Engloutissant, avec leur proie, dans leur gucule tres-fendue, de grands volumes d’eau, il leur fallait une voie pour s’en debarrasser; elle passe au travers des narines an moyen d’une disposition particuliere du voile du palais, et s’amasse dans un sac place a l’orifice exterieur de la cavite du nez, d’ou elle est chassee avec violence, par la compression de muscles puissants, par une ouverture etroite percee au-dessus de la tete. G’est ainsi qu’ils produi- sent ces jets d’eau qui les font remarquer de loin par les navigateurs. Leurs narines, sans cesse traversees par des flots d’eau salee, ne pouvaient etre tapissees d’une membrane assez delicate pour percevoir les odeurs; aussi n’y ont-ils aucune de ces lames saillantes des autres animaux; le nerf olfactif manque a plusieurs, et, s’il en est qui jouissent du sens de l’odorat, ils doivent l’avoir tres-oblitere. Leur larynx, en forme de pyramide, penetre dans les arri^re-narines pour recevoir Fair et le conduire aux poumons sans que l’animal ait besoin de sortir sa tete et sa gueule hors de l’eau. Deux petits os, suspendus dans les chairs pres de 1’anus, sont les restes du bassin et les seuls vestiges d’extremites posterieures qui leur restent. Ces Cetaces se nourrissent de matiere animale. Leurs dents ne sont pas disposees de maniere qu’ils puissent saisir et dechirer leur proie; ils ne la m&chent pas et l’avalent rapidement. Leur estomac est complexe et offre, d’apres G. Cuvier, de cinq a sept poches distinctes; les intestins ont plus de dix fois la longueur du corps. II n’y a pas une seule rate comme dans la plupart des autres Mammiferes, mais plusieurs petites rates globuleuses. Plusieurs classifications ont ete proposees par les zoologistes; nous adopterons en grande partie celle de Fr. Cuvier, qui divise les Cetaces en trois families, celles des Dauphins, Cachalots et Baleines, que nous nommerons Delpiiijsusides, Physeterides et Bal/enides. PREMIERE FAMILLE. DELPH1NUSIDES. DELPHINUS1DJE. Lesson. La famille que nous comprenons sous ces noms correspond a Pancien genre des Dauphins, et est Lune des plus naturelles do l’ordre des Cetaces. Les Delphinusides sont des animaux pisciformes, qui semblent tout a fait prives de cou, dont l’extremite anterieure se termine par un museau plus ou moins allonge, et Textremite posterieure ou la queue par une nageoire horizontale. Leur tete est sans disproportion par sa grandeur avec celle du corps; ils ont des dents aux deux m&choires, ou peu- vent en avoir i Pune ou a 1’ autre; outre la queue et sa nageoire, ils ont pour organe du mouvement deux nageoires pectorales, et souvent vers le milieu du dos un pli de la peau qui a une apparence de nageoire; 1’ceil est tres-petit et garni de paupieres etroites denuees de cils, et a pupille en forme de coeur; l’oreille ne se montre au dehors que par une ouverture a peine visible, mais, interieure- ment, elle est assez complexe et composee comme celle des autres Mammiferes; la langue est epaisse, douce, courte, peu mobile/la peau, tout a fait depourvue de poils, excepte quelquefois au menton, recouvre une epaisse couche de lard qui rend le toucher tout a fait obtus; on ne sail pas positive- ment oil est situe le siege de l’odorat. Le crane des Delphinusides varie plus ou moins dans la forme des os qui le composent et par conse¬ quent dans son ensemble. En general, il est triangulaire, plus ou moins allonge, plus ou moins eleve en avantet bombe en arriere La m^choire inferieure, dont la symphyse occupe plus ou moins d’espace sur sa longueur, est plus simple quf dans les autres Mammiferes. Les vertebres cervicales, au nombre de sept, sont d’une tres-grande minceur ; souvent l’atlas et Taxis sont soudes ensemble, tandis que les cinq autres sont libres. Les vertebres dorsales varient en nombre de douze h quatorze, et leurs apo¬ physes articulaires s’effacent avec Tage. Les vertebres lombaires varient de onze a dix-huit. Il n’y a 278 HISTOIRE NATURELLE. qu’une vertebre sacree. Enfin les coccygiennes, nombreuses, puisqu'on en com pie jusqu’a trente- quatre, sont remarquables par Ieurs apophyses epineuses et transverses tres-longues, et par leurs os en V nombreux et tres-developpes. Le sternum tres-court est compose de quatre pieces. Les cotes, assez minces, varient en nombre comme les vertebres dorsales. Aux membres anterieurs, Fepaule n’est composee que de l’omoplate, dans laquelle le cote spinal egale en longueur le plus court des deux autres cotes; le bras ou la nageoire pectorale est forme d’un humerus extremement court, d un radius et d’un cubitus comprimes, plats; d’un carpe compose de cinq ou six os aplatis, de figure hexagone et serres les uns contre les autres; d’un metacarpe forme aussi de cinq os egalement aplatis et tout a fait semblables aux phalanges comprimees et souvent cartilagineuses qu’ils suppor¬ ted, et dont le nombre est variable et plus grand que celui des phalanges d’aucun Mammifere ter- restre. Les muscles qui meuvent cette nageoire ne sont pas tres-forts, et la grande agilite de ces animaux, qui leur permet de se mouvoir si facilement dans les eaux, reside principalement dans les muscles de leur puissante queue. Les membres posterieurs ne sont represents que par des ischions peu d^veloppes et places dans les chairs; toutefois M. Baer pense que chez ces animaux le bassin est complet, mais que les ischions seuls sont ossifies, les autres pouvant etre reconnus dans un tissu fibreux auquel ils tiennent. Le siege de l’odorat, chez les Dauphins, est encore une question pour les naturalistes. Les analo¬ gies conduiraient toutefois a le chercher dans les premieres parties du conduit aerien, dans les na- rines; mais ces premieres voies de la respiration ne servent pas seulement de passage a Fair, car, quoique quelques auteurs aient pense le contraire, il parait certain que les narines, chez ces ani¬ maux, offrent un passage a 1’eau qu’ils peuvent avoir besoin de faire sortir de leur arriere-bouche. Le nombre des dents est susceptible de beaucoup de variations; eri general, elles sont simples, plus ou moins coniques ou comprimees; elles se developpent au bord des maxillaires, et, chez quel¬ ques especes, dans une rainure de I’alveole plutot que dans des alveoles particulieres pour chacune d’elles; il resulte de cette disposition des dents qu’elles ont peu de fixite, et qu’un effort meme leger les deplace. Les Dauphins ne paraissent pas pouvoir faire usage de dents pour saisir et retenir leur proie; en effet, ils avalent cette derniere tout entiere : ce qu’on a pu souvent oonstater en ouvrant l’estomac de ces animaux. L’estomac, en general, presente trois renflements essentiels, separes Fun de l’autre par des sortes de valvules; un quatrieme renflement, qui a aussi ete considere comme un estomac ou comme une dependance de cet organe, ne serait, pour plusieurs auteurs, que le duode¬ num, par la raison que le canal chaledoque y debouche. La longueur du canal intestinal est onze a douze fois plus grande que celle du corps dans les Dauphins et dans les Marsouins; il est sans irre¬ gularis dans son diametre, qui ne va en diminuant que tres-peu du pylore a Fanus, et il manque tout fait de coecum. Leur nourriture est animale, et il est rare que les Dauphins y joigneut des matieres vegetales. La respiration se fait au moyen de Fair exterieur, qui penetre par les events et la trachee-artere dans les poumons, dont la capacite pour Inspiration ou F expiration est agrandie ou diminuee, comme chez les autres Mammiferes, par les mouvements des poumons, du diaphragme, des cotes et de Fab- domen. L’obligation oil la nature parait avoir ete de donner aux Dauphins le moyen d’aspirer Fair sans changer leur situation naturelle, qui est l’horizontale, Fa conduite a ramener chez ces animaux, vers la partie superieure de la tete, l’ouverture des narines, qui, dans les Mammiferes terrestres, se trouve generalement plus ou moins rapprochee du bout du museau. C’est la seule partie de l’appareil respiratoire qui, dans l’organisation des Dauphins, pr6sente des modifications d’autant plus impor- tantes, que c’est a travers cette partie de l’organisme que doivent sortir les jets d'eau que ces ani¬ maux rejettent au dehors. Ces Cetaces ne sont pas prives de voix; presque tous ceux qui sont venus echouer vivants sur le rivage, et qui ont pu alors etre observes, jetaient des cris plainlifs, que les uns comparaient a un faible beuglement, et que d’autres trouvaient plus semblables aux gemissements arraches par la douleur. Le syst^me general de la circulation est le meme chez les Dauphfns que chez les autres Mammi- ftres : il est double. Les organes de la reproduction ne presentent aucune modification importante, et ils sont au fond les memes que chez les autres Mammiferes. 279 CETACES. Le cerveau, clans le Dauphin commun, cst tres-d6veloppd et d’une forme irAs-remarquable; ses hemispheres, 6pais, arrondis de toutes parts, ne recouvrent le cervelet qu’en partie; il est presque du double plus large que long, et, comme sa partie la plus anterieure est aussi la plus 6levee, il en resulte une face speciale; les cireonvolutions sont exlremement. multipliees; le cervelet a un volume considerable. Le grand developpement du cerveau des Dauphins semble ddmontrer que cliez eux 1 'intelligence est assez prononcee. Chez les modernes, on n’a pas etc a mfime de le verifier; mais les anciens rapportent des faits qui, tout en tenant compte d’une grande exageration, montrent que ces animaux sont tres-intelligents, ainsi que nous le dirons en decrivant le genre Dauphin proprement dit, auquel se rapporte plus specialement ce que les Grecs et les Romains ont ecrit au sujet de ces animaux. Les Delphinusides ont d’abord ete sounds aux principes de classification qui avaient prdsidd a l’e- tablissement des rapports des autres Mammiferes entre eux : les modifications des organes du mou- vement combine avec celles des dents avaient fait le fondement de ces principes; et ce sont eux qui guiderent Ray, Artedi, Linne, Rrisson, Gmelin, Erxleben, Bonnaterre, et les porterent A ne former des Dauphins qu’un seul genre, dont ils separerent le Narval sous le nom generique de Monodon. De Lacepede separa, en outre, des Dauphins les Anarnaks, les Delpliinapteres et les Uyperoodons. G. Cuvier n’admit pas le genre Anarnak, mais il en forma un des Marsouins. A. G. Desmarest et De Blainville admirent toutes les divisions formees precedemment, y ajouterent celle des Dclphinorfujn - ques, et reunirent sous la denomination commune d 'Heterodon les Anarnaks et les Hyperoodons, ainsi que quelques autres especes. Mais precedemment Rafinesque avait forme le genre Oxypt'ere d’un Dauphin a deux nageoires dorsales. Lesson a partage les Dauphins en deux families, qu’il a divisees elles-memes en genres nombreux : la premiere, ou Heterodons, comprend les genres Nar¬ val, Anarnak, Diodon, Hyperoodon, Ziphius, Aodon ; etlaseconde, ou Dauphins, les genres Beluga, Delphinapi'ere, Delphinorhijnque, Sousous, Dauphin, Oxyptere, Marsouins et Globiceps. Fr. Cuvier, cherchant ses caracteres dans l’ensemble des particularites que nous offrent ces ani¬ maux, ne crut devoir y admettre que sept genres ou sous-genres, ceux des Delpliinorhynques, Dau¬ phins, Inias, Marsouins, Narvals, Uyperoodons et Sousous. lei GENRE. — DAUPHIN. DELPIIINUS. Linne, 1735. AeXcpiv, nom grec du Dauphin ordinaire. Systema naturs. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : dents d’une meme sorte, de forme canine, quelquefois comprimees et dente- lees sur leurs bords tranchants, en nombre tres-variable, depuis jusqua l^f, et peut-elre moins : ce qui fait qu’il peut y en avoir deux eents ou settlement trente-six, ou meme moins; le nombre ne semblant meme pas constant dans la meme espece. Mdchoires plus ou moins avancees en forme de bee, non pourvues de defenses. Pas de fanons de come dans la bouche. Tantol une nageoire dor sale adipeuse, tantol un simple repli longitudinal de la peau sur le dos. Queue aplatie, formant une nageoire horizontale et presque constamment bifurquee. Corps sans cou distinct, pisciforme. Pas de caecum. Depuis la plus haute antiquite, les noms de As\ Fr. Cuvier), de la Mediterranee, et D. intermediate (D. intermedins, Harlan), trouve dans le havre de Salem, au Massachussets, et qui rie differe peut-etre pas du D. conducteur. 8me SOUS-GENRE. — BELUGA. BELUGA. Gray, 1830. Nom de l’espece unique du sous-genre. Spicelegia zoologica, t. II. CARACTERES DISTINCTIFS. Corps plus court, plus massif que celui des autres Dauphins; pas de nageoire dorsale comme dans les Delphinapteres, mais le rnuseau n'elanl pas separe du front par un sillon comme clans ces derniers. DAUPHIN BELUGA. DELPHINUS LEUCAS. LinnS. Caracteres specu iques. — Corps cylindrique, un peu gibbeux au milieu du dos; tete lerminee par HISTOIRE NATURELLE. 288 un uec obtus, arque; neuf denis coniques, aigues, de chaque cbte a la mSchoire superieure, hull ou neuf obtuses de chaque cote de la m&choire inferieure; yeux petits; nageoires pectorales proportion- nellement petites, ovales, trapezo'idales; caudale bilobee, a lobes rapproches, triangulaires, tres- etendus par leur pointe; d’un blanc d’ivoire en entier quand l’animal est adulte, brun dans l’enfance, et blanc tachete.de gris et de brun dans la jeunesse. Longueur totale, 3m, sur un diametre de lm. Des mers Arctiques. (Voyez Atlas, pi. XXXIX, fig. 1.) Aux nombreuses especes de Dauphins que nous avons decrites ou signalees, nous pourrions en¬ core en joindre au moins une vingtaine d’autres; niais ces especes sont encore plus douteuses que piusieurs de celles que nous avoDs designees; nous n’en parlerons done pas, et nous renvoyons, pour plus de details, aux ouvrages speciaux de Lesson et de Fr. Cuvier. Nous ne nous occuperons pas des especes fossiles, car elles sont tres-imparfaitement connues, mais nous dirons plus tard quelques mots des Ziphius, qui, selon des remarquos recentes, pour- raient bien se rencontrer encore aujourd’hui dans la faune actuelle. 2mc GENRE. — INIA. INI A. Fr. Cuvier, 1836. Inia, nom donne par les Guarayas a l’espece unique du genre. Histoire naturelle des Cetaces. CARACTERES GENER1QUES. Formes exterieures assez semblables a celles des Dauphins. Museau plus allonge-, crane deprime. Denis au nombre de cent trente a cent trente-quatre, rugueuses, mamelonnees . e’est-a-dire mar¬ quees de sillons profonds et interrompus, de forme variable suivant leur position aux deux ma- choires. Nageoires pectorales plus larges que chez les Dauphins; nageoire dorsale netant representee que par une simple elevation de la peau. Les Inia , comme on le voit, pourraient n’etre consideres que comme formant un simple sous- genre des Delphinus; mais les caracteres particuliers de leur crane et surtout ceux que presentent leurs dents tendent a les en eloigner. La seule espece de ce genre est : INIA DE BOLIVIE. INIA B0LIVIENS1S. Fr. Cuvier. Caracteres specifiques. — Corps gros et court compare a celui des Dauphins; museau en forme de bee prolonge, tres-mince, presque cylindrique, obtus a son extremite; bouche fendue jus- qu’aux yeux; narines tellement obliques d’avant en arriere, que son orifice est place presque au- desssus des nageoires pectorales; orifice du canal auditif plus sensible qu’il n’est habituellement; nageoires pectorales larges, longues obtuses; peau du dos representant une nageoire dorsale; par- tie posterieure du corps legerement comprimee ; nageoire caudale grande, bien divisee dans son milieu; dents rugueuses, mamelonnees; soixante-six a soixante-huit a la m&choire superieure, sur lesquelles les premieres sont arquees, coniques; les autres elargies a leur bord interne, et les der- nieres a peine coniques : a la m&choire inferieure, les dix-huit ou dix-neuf premieres seulement co¬ niques, arquees; les autres semblables aux posterieures de l’autre mSchoire; peau lisse ; quelques poils gros, crepus, rares, garnissant le museau; couleur variable ; communement le dessus du corps bleuatre p^le, passant au rose en dessous; queue et nageoires bleu&tres; quelques individus ayant des teintes tout a fait rouge^tres, d'autres noirStres. Longueur totale, 2m,04. Cette espfece se rencontre dans toutes les rivieres qui traversent les immenses pleines de la pro- I'ig'. ‘2. — Dauphin globiceps. I’l 59, PI 27. CETACES. 289 vince de Moxas, et vont former les rios Marmore et Guapor6, qui constituent plus loin la riviere de Madeiras, un des premiers bras des Amazones; elle remonte jusqu’au pied des derni^res monlagnes du versant est de la Cordiliere orientate, i plus de sept cents lieues de distance dc la mer, oil elle ne parait pas descendre; il est meme tres-vraisemblable qu’elle ne depasse jamais les cascades du Rio-Madeiras, et qu’elle se trouve renfermee entre les dixieme et dix-septieme degres de latitude, et les soixante-quatrieme et soixante-cinquieme degres de longitude ouest. (Voyez Allas, pi. XXVII, fig. 1.) D’aprSs les rapports des naturalistes, ce Cetac6 ne fait qu’un petit & la fois, et la mere a pour son enfant, comme celui-ci a pour sa mere, une affection qui va jusqu’A leur faire meconnaUre les dan¬ gers les plus grands, et qui leur causeraient le plus d’effroi s’ils n’avaient A veiller qu’a leur propre conservation. Ils viennent plus frequemment que les esp&ces marines respirer a la surface de l’eau; mais leurs mouvements n’ont ni la vivacite, ni l’impetuosite des mouvements de celles-ci. Ils se reu- nissent habituellement en petites troupes de trois ou qualre individus, et on les voit quelquefois elever leur museau au-dessus des flots pour manger leur proie. 3“-“ GENRE. — HYPEROODON. HYPEROODON. De Lacep6de, 1803. Y-irepwa, palais; o^ou;, dent. Tableaux dlementaires des Mamraiferes. CARACTERES GENERKJUES. Deux ou quatre dents au plus, developpees et alveolaires, a la machoire inferieure; aucune den alveolaire et developpee a la machoire superieure. Tele remarquable par une singuliere Crete verticale developpee aux muxillaires superieurs. Pour les autres caracteres, voir les divers sous-genres. Pendant longtemps, le nom d 'Helerodon a ete donne par les auteurs A un groupe particulier de Cetaces incompletement decrits par les auteurs, et dont l’un des mieux connus a re?u la denomi¬ nation generique d ' Hyperoodon. D’un autre cflte, on en a rapproche a juste raison le genre indique par G. Cuvier sous le nom de Ziphius, et Ton y a joint quelques especes placees dans des groupes voisins. Plusieurs naturalistes se sont occupes de ces animaux, et tout recemment M. P. Gervais ( Annales des sciences naturelles, 1 850, et Zoologie et Paleonlologie frangaises) les a tons reunis dans le genre Ziphius , dans lequel ils forment plusieurs sous-genres, et Duvernoy, egalement dans les An¬ nales des sciences naturelles pour 1851, en a fait une famille particuliere A laquelle il applique le nom d’HETERODONTEs, qu’il range entre les Cachalots et les Narvals, et qu’il partage en cinq genres distincts. Pour nous, tout en suivant en partie le travail de Duvernoy, nous croyons ne devoir regar- der ces genres que comme des sous-genres, et sa famille comme un genre, auquel nous laisserons le nom d’ Hyperoodon, qui a l’anteriorite sur les autres denominations. On connait des especes vivantes et fossiles de ce genre; la mieux connue est V Hyperoodon de Baussard, sur lequel nous nous etendrons le plus, et qui doit etre pris pour type de ce groupe. fr SOUS-GENRE. — HYPEROODON. HYPEROODON . De Lacepede, 1803. Y-rcepcoa, palais; o^ou;, dent. Tableaux elementaires des Mammiftres. CARACTERES DIST1NCTIFS. Dents rudimentaires, adherentes sculemenl aux gencives a I'une ou a l' autre machoire, ou h loules les deux; deux dents coniques developpees a la derniere extremite de la machoire inferieure, e 37 290 HISTOIRE NATURELLE. implantees dans des alveoles dirigees en avanl; bnmedialemenl derri'ere dies , il y en a quelquefois deux autres beaucoup plus pelites, eg airmen t implantees dans des alveoles loujours recouverles par les gencives. landis que les deux premieres onl leur poinle decouverte dans les indivulus ages; une racine alveolaire commencant derri'ere les alveoles des premieres dents, el se prolongeant en arriere le long du bord superieur des branches mandibulaires , dans I'etendue clu premier tiers ou de la moitie de ce bord, selon les esp'eces. 11 y a une rainure correspondanle a la face inferieure et later ale des os maxillaires . Quelquefois on trouve des dents rudimentaires aux deux mdchoires fixees dans cette rainure a la peau des jgencives. Narines et os intermaxillaires tres-asymetriques. Ce groupe, qui, apres avoir ete considere tantot comme devant rentrer dans le genre Baleine, parce qu’aucune dent ne se voyait aux gencives, et tantot comme plus rapproche des Dauphins, parce qu’il etait pnve de fanon, a ete cree par De Lacepede d’apres deux individus echoues pres de Honfleur en 1788, dont Baussard avait donne la description dans le Journal de physique, et auxquels il at- tribuait a tort de petites pointes dures et inegales ou sortes de dents au palais, d’ou a ete tiree la denomination d ’Hyperoodon, A laquelle M. Eschricht, en 1844, avait d’abord substitue le nom de Choenodelpliinus, et adopte plus tard, en 1849, celle de Choenocetus. On ne eonnait qu’une espece bien authentique de cette subdivision, car les autres ne sont pas suffisamment connues, ou l’une d’eiles doit rentrer dans le sous-genre Xiphius. HYPEROODON DE BAUSSARD ou de BUTSKOPF. De Lacepede. HYPEROODON ROSTRATUS. Duvernoy. Caracteres specifiques. — Corps fusiforme plus conique que celui des Dauphins; museau aplati, large, surmonte par une apparence de front tres-eleve et de forme arrondie; nageoires, surtout les pectorales et la dorsale, petites; parties superieures du corps d’un brun noir; parties inferieures blanchfitres par le melange d’une teinte brune a la couleur blanche. Longueur totale de 9,n a 10”. On rapporte avec raison a cette espece le Dauphin de Dale, dont deux individus echouerent suc- cessivement sur les cotes d’Angleterre au commencement du dix-huilieme siecle, et furent decrits par Dale. (Voyez Atlas, pi. XXVII, fig 1.) Hunter, le premier, en 1787, a donne d’importants details anatomiques sur un Hyperoodon, qu'il nomme Bolth-noze-whale, et qui etait venu echouer dans la Tamise, pres du pont de Londres (Trans., phil., t. V, p. 77, pi. XIX); ce Cetace avait trente et un pieds anglais de longueur; sa tete osseuse, conservee dans le cabinet des chirurgiens a Londres, a servi a la description de G. Cuvier (Recherches sur les ossemenls fossiles, t. V, quatrieme partie). En 1788, le lieutenant de fregate Baussard, se trouvant a Honfleur, lorsque deux Cetaces de ce groupe, une femelle adulte et un jeune, vinrent echouer pres du rivage, fit dessiner ces animaux, et en publia une description ( Journ . de phys., mars 1789, t. XXXI, 10-11) qui servit a la creation du genre par De Lacepede. On a ega- lement rapporte, mais avec quelques doutes, a l’Hyperoodon un Cetace deerit par Chemnitz (Res- choetigungen der ges. naturf. fr., t. IV) sous les noms de Balcena rostrata et de Butzkopf, et qui fut pris dans le voisinage de Spitzberg, en 1777. Camper represente sous le meme nom de Balcena rostrata (Obs. anat., pi. XIII) une tete d Hyperoodon; mais il n’avait pas eu connaissance de 1’ani- mal duquel on Eavait tiree. En decembre 1801, un Hyperoodon femelle vint echouer dans la baie de Kief, et M. C. 0. Woigts en a donne une figure coloriee, accompagnee d’une description sommaire. Depuis cette epoque, trois Ilyperoodons sont encpre venus echouer sur les cotes de France. En 1810, un de ces animaux perit sur les cotes de la Gironde. Le 15 novembre 1840, un male, dont la taille depassait 7m,50, a ete trouve sur la plage de Longrunes, a deux myriametres au nord de Caen; ce Cetace a ete etudie avec soin par M. Eudes Deslongchamps, qui a publie des details zoologiques et anatomiques importants sur cet animal [Mem. de la Soc. linneenne de Normandie, t. VII, 1842, pi. I), et le squeletle fait partie des collections de la Faculte des sciences de Caen. Un autre Hype- roodori femelle echoua, le 22 septembre 1842, sur les cotes de la Normandie, a peu de distance de Sablenelle, aupres de Caen : le squelette, que l’on peut voir dans la galerie d’anatomie comparee du Museum, en a ete recueilli par les soins de M. le docteur Senechal, parfaitement monte par lui, etDu- ' N Fig. 1 . — Dauphin du Gauge. Fig. 2. — Hyperodon de Sowerbi. PI. 40 291 CETACES. vernoy en a donn6 une courte description. Enfin nous devons citer un autre de ces animaux echou6 en juillet 1846 Si Zandvort, non loin de Harlem, qui a donne l’occasion a M. W. Vrolick de publier une anatomie tres-instructive de plusieurs parties molles de cet animal, et une description detaillee de son squelette. Pour completer cet historique, nous ajouterons que M. Escjhricht, dans son grand ouvrage sur les Cetaces des mers du !Sord, a consacre un memoire a l’histoire zoologique, anatomi- que et physiologique de cette espece, qu’il nomme Choenocelus rostralus. La synonymic de cette es¬ pece est des plus embrouillees; nous nous bornons & ce que nous en avons dit, et nous renvoyons pour plus de details k ce sujet aux ouvrages speciaux, et particulierement a celui de Fr. Cuvier ( Suites h Buffon de Roret, Cetaces, 1836). Les Ilyperoodons ont une nageoire dorsale; ils presentent une sorte de bee, comme chez les Dau¬ phins; le palais est h^risse de petits tubercules que Ton a compares a tort & des dents; deux dents, quelquefois visibles a Fexterieur, souvent cachees dans l’alveole, se voient a la machoire inferieure; leur tete sort tout a fait des formes ordinaires; les maxillaires, pointus en avant, elargis vers la base du museau, elevent de chaque c6te de leurs bords lateraux une grande Crete verticale, arrondie dans le haut, descendant obliquement en avant et plus rapidement en arriere, oil elle retombe a peu pres au-dessus de Fapophyse post-orbitaire; plus en arriere encore, ce maxillaire, continuant de couvrir le frontal, remonte verticalement vers lui et avec l’occipital, pour former sur le derriere de la tete une cr6te occipitale transverse tres-elevee et tres-epaisse; en sorte que, sur la tete de cet animal, il y a trois grandes cretes : la crete occipitale en arriere et les deux cretes maxillaires sur les c6tes, qui sont separees de la premiere par une large et profonde eehancrure, et ces cretes ne se reunissent pas en dessus pour former une vobte comme dans le Dauphin du Gauge. Dans le squelette du Museum, il y a sept vertebres cervicales soudees, mais de maniere k ce qu’il y a cependant deux apophyses epineuses distinctes; neuf vertebres dorsales et neuf paires de cotes, dix vertebres lombaires et dix-neuf coccvgiennes; la tete presente des particularites que nous avons brievement indiquees et que Duvernoy decrit avec soin. (Ann. des sc. nat., 1851.) Les Ilyperoodons paraissent habiter les hautes mers du Nord; tous ceux qui ont ete vus sur nos cbtes semblent n’y avoir ete amenes que par hasard. Ce n’est que par un accident qu’ils nous ont 6te livres, tandis que celui dont parle Chemnitz, trouv6 dans les mers du Nord, avait ete pris nageant librement en pleine mer. D’apres Fauteur que nous venons de citer, il paraitrait que ces Cetaces vi- vent en troupes. On avait indique un Hyperoodon femelle comme ayant ete trouve echoue, en 1835, dans la Mtsditerranee, pres de Pietri, sur la cOte de Toscane; mais ce fait n’a pas ete confirme d’une manure assez certaine pour qu’on le regarde comme prouve, et Fanimal que Ton a observe se rap- portait probablement a une espece d’un groupe voisin, comme nous le dirons. Les moeurs des Hype- roodons ne nous sont pas connues; elles doivent se rapprocher beaucoup cependant de celles des Baleines. Dans l’estomac de l’Hyperoodon echoue en 1842, on a trouve, comme me Fa affirme M. le docteur Senechal, une grande quantite de bees de Cephalopodes, et particulierement de Calmars. Duvernoy decrit sous la denomination d’ Hyperoodon Gervaisii le Cetace echoue au mois de mai 1850 sur la plage des Aresquiers, non loin de Frontignan, departement de l’Herault, et que M. P. Gervais rapporte avec raison selon nous au Ziphius cavirostris. C’est aussi probablement 4 cette derniere espece que l’on doit peut-etre rapporter l’tlyperoodon observe sur les cotes de la Corse parM. Doumet, le Delpliinus Desmarestii, Risso, de la mer de Nice, et le Delphinus Philippii , Gocco, du detroit de Messine. 2™ SOUS-GENRE. - BERARDIUS. BERARD1US. Duvernoy. 1851. Du nom de l’amiral Berard. Annates des Sciences naturelles. CARACTERES DTSTINCTIFS. Deux fortes dents de forme triangulaire , comprimees, implantees verticalement h l’ extremite de la machoire inferieure; deux dents de meme forme, moins grandes, un peu plus en arriere; une rainure denlaire se prolongeant de celles-ci le long d’une partie du bord superieur de chaque 292 IIISTOIRE NATURELLE. branche mandibulaire, et reponclant a une rainure avec une cannelure qui se voit au cote externe inferieur; maxillaires, os intermaxillaires , os du nez et narines symelriques. La seule espece de ce groupe est le Berardius Arnuxii, Duvernoy, fondee sur la tete d’un indi- vidu qui vint echouer sur la c6te, dans le port d’Akaroa, presqu’ile de Bancks, dans la Nouvelle-Ze- lande, et qui a ete rapporte au Museum par les soins de MM. l’amiral Berard, alors capitaine de la corvette le Rliin, et par M. Arnoux, chirurgien-major de la marine de 1'Etat. 5”' SOUS-GENRE. - MESODIODON. MESODIODON. Duvernoy, 1851. Metro;, milieu, intermediaire ; S'tcoS'ov, Narval. Annales des Sciences naturelles. CARACTERES DISTINCTIFS. Deux fortes dents , une de chaque cote, implantees verticalement au commencement du second tiers de chaque branche mandibulaire ; aucune dent a leur extremite ni a la machoire superieure, sauf celles qui pourraient exister a I'etat ruclimentaire, et seulement altachees aux gencives; os du nez, maxillaires, intermaxillaires ct narines externcs a peu pres symelriques. Ce groupe comprendrait quatre especes distinctes pour Duvernoy : 1° le Mesodiodon Sowcrbyi, Duvernoy (voyez Allas, pi. XL, fig. 2), qui a ete successivement place dans les genres suivants par les auteurs : Plujseter [bideus), Sowerby; Delpliinus et Helerodon, A. G. Desmarest; Diodon, Jar- dine et Bell; Ziphius, Gray, et Dioplodon, P. Gervais, et qui est vulgairement connu sous la deno¬ mination frangaise de Dauphin de Sowekby, fonde d’apres un individu male echoue sur les cotes de 1’Elquishire, en Angleterre, et dont Brody et Sowerby se sont surtout occupes; 2° Mesodiodon mi- cropterum, Duvernoy, connu sous le nom de Dauphin de Dale, De Blainville, place avec les Delphino- rhynques parFr. Cuvier, et fonde sur un individu echoue, en 1825, a fembouchure de la Seine, pres du Havre; 5° Mesodiodon densirostre, Duvernoy, d’apres une tete d’un individu rapporte, en 1839, de la mer des Sechelles, par M. Leduc, et place par De Blainville avec les Ziphius; 4° Mesodiodon longirostris, Duvernoy, pour le Ziphius, auquel G. Cuvier a donne la meme denomination speci- lique et qui a ete cree sur une mandibule fossile d’origine inconnue, et de laquelle M. Van Beneden a rapproche une autre mandibule egalement fossile decouverte pendant le creusement, en 1809, du bassin d’Anvers. 4m° SOUS-GENRE. — ClIONEZIPIlt ('S. CHONEZIP1I1US. Duvernoy, 1851. Xwvfl, enlonnoir; Ziphius, Ziphius. Annales des Sciences naturelles. CARACTERES DISTINCTIFS. Intermaxillaires tres-inegaux a la base du rostre, le droit etant beaucoup plus large que le gau¬ che, y sont creuses d'une cavite en forme cl' entonnoir, qui va en se relrecissant d'arriere en avanl; les memes, symetriques dans les premiers quatre cinquiemes du museau, se relevent, se joignent et forment une large cannelure arrondie , tres-saillante qui occupc en dessus presque toutc I’exlre- mile du rostre. * Duvernoy ne range dans ce groupe que le Ziphius planirostris de G. Cuvier, fonde sur deux teles fossiles incompletes, decouvertes, en 1809, en creusant le bassin d’Anvers, et remarquables en ce tjue le rostre est large, que les os maxillaires presentent une surface plate et tres-rugueuse a la base el dont les cavites en entonnoir aboutissent dans un sillon anterieur. CETACES. 293 5“ SOUS-GENRE. — ZIPHIUS. ZIPIIIUS. G. Cuvier. Zicpio;, 6p<5e. Ossements fossiles, t. III. CARACTERES DISTINCTIFS. Une cavile considerable a la base du rostre, au fond de laquelle les narines communiquent en ar- riere, el que le vomer borne en avant; inlermaxiUaires tres-asymdtriques h partir dc la base da rostre jusquaux os du nez, quits encadrent, le droit etanl beaucoup plus grand que le gauche . leur bord externe courbe en S dans ce trajet; narines el os du nez asynielriques, dejetes de droite a gauche. Fig, 63. — Tete de Ziphius. La seule esp&ce laissee dans ce groupe par Duvernoy est le Ziphius cavirostris de G. Cuvier. Cette espece a ete etablie d’apres une tete, presumee fossile, decouverte en 1804, par M. Raymon Gorsse, sur la cote de Provence, non loin de 1’ embouchure du Galegeon. M. P. Gervais y rapporte, et donne A ce sujet ( Comptes rendus de I'Academie des sciences, 1850, et Zoologie et Paleontologie fran- gaises) des preuves qui nous paraissent concluantes, un Cetace actuellement vivant qui est venu s’e- chouer aupres de Frontignan; toutefois Duvernoy regarde cette espece eomme distincte du Z. cavi¬ rostris et la place dans le groupe propre des Hyperoodons sous le nom d 'll. Gervaisii. 4™ GENRE. — NARVAL. MONODON. Linn6, 1735. Movo?, une seule; o^ou;, dent. Systema naturae. CARACTERES GENERIQUES. Une el plus rarement deux granites defenses implantees clans l' os incisif, droites, longues et poin- tues, dirigees dans le sens de I’axe du corps; pas d’autres dents. Orifices des events reunis el situes au plus haul de la partie posterieure de la tete. Nageoire dorsale remplacee par une simple saillie de la peau oil crete longitudinale; nageoires des flancs de forme ovale. Formes generates analogues a celles des Dauphins; taille considerable. Les Narvals, dont on ne connait qu’une seule espece, qui etait anciennemenl reunie avec les Dau- HISTOIRE NATURELLE. 294 phins, ressemblent assez k de grands Marsouins par la forme de leur corps et par leur tete spheri- que, ainsi que le Beluga, ils manquent de nageoire dorsale : ce qui, en outre, les distingue principalement des Dauphins, ce sont leurs defenses, qui peuvent atteindre plus de 3m de longueur; mais il est excessivement rare que les deux defenses se developpent en meme temps, quoiqu’on en cite des exemples ; le plus ordinairement Tune d’elles reste rudimentaire et cachee dans l’alveole, et c’est la defense gauche qui le plus souvent s’allonge et se termine en pointe emoussee. Elle est le plus communement sillonnee en spirale;- neanmoins on en trouve assez frequemment dans les mu- sees qui sont entierement lisses, et Ton croit que ces demises ont ete travaillees par l’art du tour- neur. Si la seconde defense ne se developpe pas, c’est, selon G. Cuvier, parce que sa cavite inte- rieure est trop promptement remplie par la matiere de Eivoire, et que son noyau gelatineux se trouve ainsi oblitere. A quoi peut servir au Narval cette arme terrible en apparence? On a dit que ce Cetace s’en servait pour attaquer la Baleine et la tuer en la lui enfon^ant dans le ventre; mais cela parait d’autant moins probable, que le Narval n’a aucun motif pour combattre la Baleine; les matieres dont s’alimentent ces deux Cetaces ne sont pas les memes : le premier se nourrit de Crustaces et de Mol- lusques a coquille, et l’autre de Mollusques nus, de Vers et de petits Poissons : des lors il ne peut y avoir entre eux de motifs de rivalites; et la conformation de leurs bouches ne leur permet pas de se servir mutuellement de nourriture: tout au plus si les Cachalots pourraienl attaquer les jeunes Nar- vals, qui alors pourraient bien se defendre avec leur longue dent. On a dit encore qu'il arrive par- fois au Narval de prendre un vaisseau pour une Baleine et d’enfoncer si profondement sa defense dans le bordage, qu’il ne peut plus l’en retirer, et qu’il reste pris s’il ne parvient a la briser pour s’echapper. Ceci ne parait pas exact non plus : il peut arriver cependant que cet animal, effraye et cherchant a fuir avec vitesse, se heurte par hasard contre un vaisseau et y laisse un fragment de sa dent; mais ceci n’est qu’un accident et non une habitude. « Lorsque l’on prend ce Cetace, rap- porte M. Boitard dans le Bictionnaire imiversel d’Hisioire naturelle, on remarque que sa dent est le plus souvent enveloppee dans une sorte de fourreau calcareux, forme par des coquillages et des or¬ dures qui s’y attachent, et que la pointe seule est emoussee. De ce fait, je conclus que sa dent n’est point une arme, mais simplement un instrument dont il se sert. pour detacher des rochers et du fond rocailleux de la mer des Huitres et autres Mollusques a coquilles dont il se nourrit. » Nous ajoute- rons en terminant que cet instrument, par sa longueur meme, seraitau moins tres-incommode pour cet usage, et nous en conclurons que de nouvellos remarques doivent etre faites pour pouvoir bien reconnaitre l’ulilite de ses defenses. Ce genre a regu de Linne le nom latin de Monodon, par allusion a la defense presque constam- ment unique qui termine sa tete; Brisson et llliger lui appliquent la denomination de Ceratodon (*s- pa?, corne; oJou;, dent); Storr, celle de Diodon (Si;, deux; 0S0 u;, dent), et De Lacepede, celle de Nar- vnlus. Ce dernier zoologiste, induit en erreur par de mauvaises descriptions et par des gravures plus mauvaises encore, avait etabli trois especes dans ce groupe generique : ses Narvahis vulgaris, mi- crocephalus et Andersonianus; mais aujourd’hui, que l’histoire de ce si ngulier animal est un peu mieux connue, on sait qu’il n’en existe reellement qu’une seule, qui est le : NARVAL. MONODON MONOCEUOS. Linne. Cahacteres srEciFiQUEs . — Forme generale du corps ovoide un peu allongee; longueur de la tete egalant a peu pres le quart de celle de l’animal; defense gauche ordinairement unique; la droite ne se developpant pas, sillonnee en spirale, de moitie moins longue que le corps; peau d’un gris noi- rfitre, marquete de taehes plus noires tres-nombreuses, souvent confondues chez les jeunes sujets, et d’un blanc jaunatre avec des taehes plus prononcees dans les vieux; ventre blanc; flancs, marques de laches noires moins nombreuses, blancs, ainsi que le dessous du corps; nageoires grises bordees de noir. Longueur de la tete et du corps environ 7m; de la defense, 5m,50. Ce Celac6 est le Narwhal, Narwal, Narhwal et Narval des peuples du Nord; VUnicorna mari- num de Wormius, 1 'Einbora ou Licorne de mer, V Eenbiorning d’Eggede, le Monodon d’Artedi, Monodon narval, Othon Fabricius; Monodon monoceros, Linne; Monodon narvahis, Boitard; eufin Duvernoy en fait, sous le nom de Monodontcs, une famille particuliere, qu’il place entre les 205 CETACES. Hyperoodons et les Dauphins. Pendant longtemps on ne connut que les defenses de cet animal, que I on nommait comes de Licorne, et I’ori faisait une foule de contes sur 1’animal auquel dies apparte- naient. Tulpius, en 1 648, ayanl eu occasion de voir un Narval echoue pres de 1 ilo Maja, fut vraisem. blablemcnt un des premiers savants qui purent acquerir par eux-memes quelques idees do la nature de ce Cetace. Wormius de Copenhague parvint A s’en procurer une tete complete vers 1655. Roche¬ fort en dit quelques mots. Martins n’en parle que d’apres les recits des habitants du Spitzberg, et n’eut pas occasion d’observer cet animal en nature. Eggede en publie une mauvaise figure. Klein el surtout Anderson, en 1736, donnerent d’assez bons details sur le Narval. Enlin dans ces derniers temps De Lacepede, Fleming, Scoresby, Lesson et Fr. Cuvier, ces deux derniers qui rAsument tout ce qu’avaient dit ces devanciers, le firent mieux connaitre. (Voyez Allas, pi. XXVI, fig. 1.) Le Narval, si Ton s’en rapportait a De Lacepede, atteiudrait jusqu’A 20m de longueur; mais, d’a¬ pres G. Cuvier, il n’en aurait pas beaucoup plus de 5. II y a probablement exageration des deux cotes, et cet animal, en y comprenant sa defense pour un tiers, a, selon toute probability, une lon¬ gueur de 10m, sur laquelle la tete et le corps en mesurent environ 6, et c’esl ce qui est confirme par les voyageurs, principalement par Martins, Fleming et Scoresby. La plus grande epaisseur qui se trouve derriere les nageoires pectorales n’a pas plus de lm de diametre; a partir de lA, le corps va toujours en diminuant et se reduit A 0m,25 de diametre a la base de la nageoire caudale. Celle-ci est tres-longue et tres-large; mais les nageoires pectorales sont petites. La peau du dos forme une tres- lAgAre saillie qui ressemble assez au premier rudiment d’une nageoire dorsale. La tete, peu grande, a sa mAchoire inferieure un peu plus courte que la superieure. L’oeil est tres-petil, a pupille noire et iris d’un brun chAtain. L’orifice de I’oreille, place a lniit ou dix centimetres de l’oeil, est extreme- ment petit. L’event, legerement saillant, simple, en croissant, est place verticalement au-dessus de l’oeil. La langue est arrondie et attachee a la mAchoire. La peau est nue, lisse, brillante, et recouvre une epaisse couche de lard. Ce Cetace se rencontre surtout vers le quatre-vingtiAme degre de latitude boreale, et principale¬ ment sur les cotes d’Islande et du detroit de Davis, ainsi que dans les mers du Greenland et du Spitzberg, et sur les rivages de l'Amerique septentrionale. II vit en troupes quelquefois assez nom- breuses. Ses monuments sont pleins de vivacite, et il nage avec une incroyable vitesse. Le nom qu’il porte, et qui lui a ete donne par les habitants du Greenland, signifie mangeur de Baleine, et de la on en a deduit qu’il se nourrissait de la chair putrefiee de ces grands Cetaces; mais l’authenticite de ce fait est attaquee par presque tous les voyageurs. Scoresby a rapporte quelques details inte- ressants sur ces Cetaces. « Nous vimes, dit-il, un jour un grand nombre deNarvals qui nageaient pres de nous en bande de quinze ou vingt; la plus grande partie etaient des animaux mAles et avaient de loagues defenses; ils etaient tres-gais, elevant leurs defenses au-dessus de 1’eau et les faisant croi- ser comme pour faire des armes. Pendant leurs jeux, ils faisaient entendre un bruit tout A fait ex¬ traordinaire, et qui ressemblait au glou-glou que fait l’eau dans la gorge; et il est probable que ce n’etait pas autre chose, car le bruit ne se faisait entendre que lorsque, en etendant leurs defenses, ils avaient la bouche hors de l’eau; la plupart, suivant le vaisseau, semblaient attires par un motif de curiosite; comme Peau etait transparente, on put parfaitement les voir descendre presque A la quille etjouer avec le gouverriail. Au bout de quelque temps, ils s’eloignerent pour respirer... Mon pere, ajoute Scoresby, m’envoya le contenu de l’estomac d’un Narval tue A quelques lieues de nous, et qui me parut extraordinaire; il consistait en quelques Poissons A demi digeres, avec d’autres dont il ne restait que les aretes. Outre les bees et autres debris de Seelies, qui semblent constituer le fonds general de sa nourriture, il y avait une partie de l’epine d’un Pleuronecte, probablement un petit Turbbt; des fragments de l’epine d’un Gade, espece deMdrue; la colonne vertebrale d’une Raie, avec une autre Raie du meme genre, evidemment la Raya balls, presque entiere, et de grande taille... II parait remarquable que le Narval, animal depourvu de dents, ayant une petite bouche, des levres non flexibles et une langue qui ne semble pas pouvoir sortir de la bouche, soit capable de saisir et d’avaler un si grand Poisson, dont la largeur est troia fois aussi grande que sa propre bouche. Comme 1’animal dans lequel ces restes extraordinaires furent trouves etait un mAle, avec une de¬ fense de sept pieds, je pense que cette arme a ete employee A prendre le Poisson dont il avait fait precedemment sa proie. » Les Islandais ne mangent pas la chair du Narval, par superstition, et parce qu’ils croient qu’il se 296 HISTOIRE NATURELLE. nourrit de cadavres : il n’en est pas de meme des Groenlandais et autres habitants du Nord, qui la regardent comme excellente. On assure que son liuile est preferable a celle de Raleine. Leurs de¬ fenses ont perdu la celebrite que leur accordait la credulite du moyen 4ge, et elles ne servent plus que dans l’art du tourneur : encore sont-elles assez rares dans le commerce. DEUXIEME FAMILLE. PHYSETER1DES. PHYSETER1DJE. Ch. Bonaparte. Cette famille de Cetaces, que le prince Charles Bonaparte nomme Physeteridce, M. Gray, Physe- terina, et que Duvernoy indiquait dans un ouvrage recent sous la denomination vulgaire de Cacha¬ lots, renferme avec celle des Balenides les plus grands Mammiferes connus, et est principalement caracterisee par sa tete enorme, brusquement tronquee en avant, formant le tiers ou le quart de la longueur totale du corps, et par ses dents rudimentaires ou nulles a la machoire superieure, tandis que les dents sont bien developpees et en nombre variable a la machoire inferieure. Les Cetaces de cette famille, aises a distinguer d’une maniere generate, ne le sont plus autant lorsque Eon cherche a les caracteriser specifiquement; c’est ainsi qu’apres avoir admis huit a neuf especes de Cachalots partagees en trois sous-genres, les zoologistes modernes ont ete amenes a n’y admettre qu’une espece unique. GENRE UNIQUE. — CACHALOT. PIIYSETEP,. Linne, 1748. uonryip, nom grec de l’espeee type. Systema naturae. CARACTERES GENER1QUES. Dents inferieures au nombre de dix-huit a trenle-deux de chaque cole de la machoire. Tele enorme, brusquement tronquee en avant, formant le tiers ou le quart de la longueur totale du corps; machoire superieure large, elevee, sans fanons comes, sans dents ou garnie de denis courtes et cachees presque enti'eremenl par la gencive; machoire inferieure allongee , etroile, repon- dant a un sillon de la superieure et armee de dents grosses et coniques, entrant dans des caviles correspondanles de la machoire opposee. De grandes cavites a parois carlilagineuses situees dans la region superieure de la tele, com¬ municant avec diverses parties ibu corps par des canaux particuliers et remplis d’une liuile qui se fige et se cristallise en refroidissant. * Lorsqu’il s’agit d’animaux d’aussi grande taille que les Cachalots et les Baleines, donl il est im¬ possible de saisir l’ensemble d’un seulcoup d’oeil, la distinction des especes est difficile, sinon impos¬ sible, surtout si & cette grande difficult^ viennent se joindre, comme pour ces animaux, l’eloigne- ment des lieux oil Eon peut les observer et l’etat dans lequel on les etudie presque toujours; car c’est presque exclusivement lorsqu’ils sont echoues et que leur masse enorme, plus ou moins pu- trefiee, s’affaisse sur le sol et est en partie cachee par le sable du rivage, qu’on les observe. Le naturaliste n’a done que tres-rarement occasion de les eludier par lui-meme dans leur etat normal Fig. 1 . — Narva I . Fig. 2. — Cachalot . 1>I. 20 CETACES. 297 et les figures, assez nombreuses, que lui ont donn^es les voyageurs, sont trop inexactcs pour qu’il puisse s’y fier completement. Aussi est-il peu d’animaux qui offrent une aussi grande dissidence d’opinions dans les Merits des auteurs les plus estimes : il en est peu egalement oil il soit aussi difficile de demider la verite au milieu des observations inexactes et contradictoires qui composent la masse de nos oonnaissances ii leur egard. Les anciens paraissent avoir eu des notions assez positives sur les Cachalots, car on en trouve dans les mers dont les productions leur 6taient le plus connues, et, en particulier, dans la Mediterranee, et c’est probablement le ^uantYip des Grecs. h’Orca des Latins ap- partenait probablement a ce genre, et c’est & un Cachalot qu’il faut rapporter ce que Pline dit d’un enorme Poisson qui, attaque ii Ostie par des galeres romaines, submergea plusieurs de ces embar- cations; c’esl probablement aussi des memes animaux qu’il veut parler quand il raconte qu’on trouve, dans la mer des Gaules, des Physeter qui se dressent 5i la surface des flots, de manure it s’elever & la hauteur des voiles des vaisseaux, en faisant jaillir de grandes masses d’eau. Ce n’est neanmoins qu’a l’epoque de la renaissance des lettres que Ton trouve quelques documents serieux sur ces Ceta- ces. Ambroise Pare, le premier, figura assez grossierement un Cachalot de i9m de long, pris, en 1577, pres d’Anvers. Vingt ans apres environ, Clusius figura et decrivit un de ces Cetaces eclioue sur les c&tes de Hollande. Johnston, Sibbald, Hasceus, Dudley, Bayer, ajouterent, a ce qu’on con- naissait sur ce sujet, quelques renseignements recueillis, soit par eux-memes, soit aupres des pe- cheurs de Baleines. Dans les premieres annees du dix-huitieme siecle, Anderson eut occasion d’ob- server personnellement plusieurs Cachalots echou^s a l’embouchure de l’Elbe, et publia a ce sujet des notions assez precises : malheureusement il y joignit d’autres details qui lui furent fournis par diverses personnes, et qui sont evidemment errones. Depuis, Despelellet, Pennant, Robertson, Olhon Fabricius, Schreber, Camper, Alderson, firent encore diverses observations presque loujourssur des individus qui venaient echouer sur les cotes. Enfin quelques voyageurs, entre autres MM. De Cha- misso, Quoy etGaimard, Beale, etc., ajouterent quelques faits nouveaux aux renseignements deja obte- nus; mais il est a regretter que souvent ils n’aient pu juger par eux-memes, et qu’ils aient ete forces de s’en rapporter au temoignage de gens dont l’exactitude laisse beaucoup ft desirer; c’est ainsi que le Cachalot bossele, figure dans 1 'Atlas du voyage de VAstrolabe, a ete dessine d’apres le seul rap¬ port d’un marin, et que M. De Chamisso a publie ses descriptions nombreuses et donne ses dessins d’apres les sculptures en bois qu’il s’etait fait faire par les pecheurs des Aleoutes. De renseignements aussi peu complets que ceux que nous venons d’indiquer, il a dil resulter que les auteurs systematiques ont beaucoup varie pour la fixation des especes. Sibbald, le premier, eut 1’idee de reunir ensemble les Cetaces dont la m&choire inferieure est seule armee de dents, et il en decrivit quatre especes, dont une n’a evidemment aucun des caracteres du genre Cachalot, et est sans doute un Beluga. Ray, Artedi, ne firent que copier Sibbald. Brisson reconnut sept especes de Cachalots, et donna a ce groupe le nom de Cetus. Linne en admit quatre dans son genre Physeter. Bonnaterre crut pouvoir en caracteriser six. De Lacepede en admit huit, auxquelles A. G. Desmarest en ajouta une neuvieme, etablie d’apres des dessins chinois : ces deux derniers auteurs diviserent le genre Cachalot en trois sous-genres : 1° les Cachalots proprement dits ( Calodon ) (especes Phy¬ seter macrocephalus, trumpo et svineval ou calodon)-, 2° les Physales ( Physalus ) (espece P. cy- lindricus)-, 3° les Physeteres ( Physeter ) (especes Physeter microps, orthodon, mular et sulcatus) : ces pretendues especes, fondees chacune en general sur l’observation d’un seul individu, ne sont probablement que des Sges differents d’une seule et meme espece. G. Cuvier, dans ses Recherches sur les ossements fossiles, fut amene a faire une etude severe de tous les materiaux epars que nous venons d’indiquer; et le resultat de son examen fut que toutes les especes admises jusque-la se redui- saient a une seule bien constatee, le Cachalot macrocephale, qui parait se trouver dans toutes les mers arctiques. Quelques differences que presenterent a ce savant des m&choires provenant de Ca¬ chalots pris dans les mers antarctiques le conduisirent cependant 4 soupeonner que ceux-ci pour- raient bien former une espece particuliere; mais il ne crut pas pouvoir la caracteriser suffisamment. Fr. Cuvier et Lesson, dans leurs travaux speciaux sur les Cetaces, admirent entierement les conclu¬ sions de G. Cuvier, cfue nous adopterons aussi, quoique nous pensions qu’il existe probablement plusieurs especes de Cachalots; mais que les caracteres qui les differencient sont loin d’etre assez suffisamment connus pour qu’on puisse les admettre des aujourd’hui. C’est en decrivant 1’espece type que nous completerons les details que nous devons donner sur ce genre. p 38 298 HISTOIRE NATURELLE. CACHALOT A GROSSE TETE. PHYSETER MACROCEPHALUS. Bonnaterre. Caracteres specifiques. — Dents inferieures au nombre de vingtA vingt-trois de chaque cote, re- courbees et un pea poinlues A l’extremite; de petites dents coniques cachees dans les gencives a la mAchoire superieure; une eminence longitudinale tres-marquee ou fausse nageoire situee sur le dos; dessus du corps noiratre ou d’un bleu d’ardoise un peu tachete de blanc, avec des reflets grisAtres ou verdAtres; ventre blanchAlre. Taille enorme : la longueur totale de la tete et du corps variant entre 15“ et 20”, et quelquefois meme plus. D’apres ce que nous avons dit precedemment, on comprend que la synonymie de cette espece est trAs-compliquee, puisqu’on reunit en une seule les huit ou neuf especes admises par De Lacepede et par A. G. Desraarest. Du reste, c’est elle qui, chezles anciens, portait les noms de er et de Balcena glacialis, Klein, De Lacepede, une esp&ce que Martins seul a decrite, qui habiterait les mers situees entre le Spitzberg et la Norwege, qui vient parfois sur les c&tes d’Islande, et qui n’est tr&s-probablement que le jeune 5ge de la Baleine franche. 5. BALEINE DU CAP ou NORD-CAPER AUSTRAL. BA LIEN A AUSTRALIS. Klein. Caracteres specifiques. — Corps plus allonge que celui de la Baleine franche; tete en forme d’o- vale tronque par derriere; m&choire inferieure tres-arrondie, tres-haute et plus large de beaucoup que la superieure; bout du museau paraissant un peu echancre; fanons bien moins longs que ceux de la Baleine franche; events un peu separes Fun de l’autre, ayant la forme de deux petits croissants, dont les convexites se regardent; face inferieure de chaque fanon garnie de crins noirs, et Fexterne sans crins et tres-noire; yeux tres-petits, obliques; nageoires pectorales situees au delA du premier tiers de la longueur totale de Fanimal, excedant le cinquieme de cette longueur; queue tr&s-mince> tres-deliee, terminee par une nageoire echancree et festonnee, dont les lobes, mesures du bout de Fun a l’extremite de l’autre, ont environ les trois septiemes de la longueur du corps; pas de bosse sur le dos; couleur generale d'un gris plus ou moins clair; dessous de la tete presentant une vaste surface ovale d’un blaqc eclatant, avec quelques taches noir&tres et grises au pourtour et au centre. Plus grande que la Baleine franche, et pouvant atteindre jusqu’a 27m de longueur. Cette espece, admise par Fr. Cuvier sous le nom de Balcena antarctica, differe anatomiquement de la Baleine franche par la soudure des sept vertebres cervicales, par deux paires de c6tes de plus et par un crane plus deprime. Delalande, a qui Fon doit la connaissance de ce Cetace, et qui en a envoye deux squelettes au Museum d’llistoire naturelle, et dont Fun est monte dans lagalerie d’ana- tomie coinparee de cet etablissement, rapporte que, chassee par la violence des vents du nord- ouest, elle se rapproche des c&tes et penetre dans les baies voisines du cap de Bonne-Esperance vers le milieu de juin; et, apres y avoir mis bas un Baleineau de 4m a 5m de longueur, elle en sort et gagne la haute mer aux mois d’aofit etde septembre : les femelles sont, dit-on, beaucoup plus nom- breuses que les m&les, ce qui est le contraire dans la Baleine franche, dont, au reste, elle a absolu- ment les memes habitudes. Plusieurs zoologistes, et surtout De Lacepede et Bonnaterre, ont admis un assez grand nombre d’autres especes de Baleines; les unes porteraient sur le dos une ou plusieurs bosses; telles sont la Baleine noueuse ( Balcena noclosa), observee sur les c&tes de la Nouvelle-Angleterre par Dudley; la B. a bosses ( B . gibbosa ), qui, d’apres le meme Dudley, aurait cinq ou six bosses dorsales, et n’est probablement qu’un Rorqual; la B. lunulee ( B . lunulata ), des mers du Japon, qui n’est probable- ment qu’un Dauphin, et la B. japonaise (B. Japonica), des mers du Japon, creee d’apres un dessin chinois; les autres, encore plus douteuses que les precedentes, provenant toutes des lies Aleou- tiennes, ont 6te decrites par Pallas et indiquees de nouveau par M. De Chamisso d’apres des statues en bois faites et peintes par les pecheurs de leur pays : ce sont les Kuliomoch, Culummak ou Kn- liomagadach , Abugulich, Unugulie ou Amgolin, Maugidach ou Mogula, Agamuchtchich, Atio- moch ou Atlanta et Tschikogluch ou Tschickagiiok. L’osteologie des diverses especes de Baleines vivantes etant tres-peu ou meme pas connue, il en r&sulte que la determination des especes fossiles est extremement difficile a faire. Cependant beau¬ coup d’os de Baleines ont ete trouves dans divers pays et dans divers terrains; mais ils ont ete si mal decrits et surtout si mal figures, qu’il est jusqu’A present impossible de decider quelque chose de simplement probable sur les animaux dont ils sont la depouille; aussi ne dirons-nous quelques mots que d’une espece qui semble assez bien connue. HISTOIRE NATURELLE. — CETACES 310 C’est la Baleine de Lamanon ( Balcena Lamanonii, G. Cuvier), qui a ete trouvee, en 1779, dans la cave d’un marchand de vin de la rue Dauphine, a Paris, qui ne permit pas de faire des fouilles suffisantes dans sa propriete, de maniere qu’on ne put recueillir qu’un enorme fragment d’os deterre par les masons qui travaillaient a uue reparation. Lamanon en donna une premiere description, Daubenton s’en occupa ensuite, et plus recemment G. Cuvier la fit connaitre plus completement. Cette Baleine devait avoir environ 18m de longueur, sans compter la nageoire caudale ni Tepaisseur des levres; elle devait differer de la Baleine franche par son temporal moins oblique; la face arti- culaire, pour la mandibule, s’y etend moins; Tangle saillant du bord externe n’a au-dessus de lui aucun arc rentrant. Ce fossile fait actuellement partie du cabinet de Teyler, a Harlem. Deux autres espsces fossiles, egalement fondees sur des tetes, ont ete signalees : Tune est la Ba¬ leine a cuosse tete [Balcena macrocephala, Desmoulins), trouvee sur la plage de Sas, dans le d6par- tement des Bouches-du-Rhone, et la Baleine a bec arque ( Balcena arcuata), decouverte a Anvers en creusant le bassin. Fi" 65. — Baleine frandic. MARSUPIAUX. Les Marsupiaux (Mgrsupium, bourse), ou animaux a bourse, aussi appel6s plus justemeut Didel- phes (Sis, double; Mipus, matrice), forment, dans la classe des Mammiferes, un groupe tres-impor- tant et tout a fait distinct des autres par la distribution geographique, les habitudes, les caracteres exterieurs et surtout le mode de generation des espeees qu’on y remarque. Etudies sous le point de vue de leurs organes de la reproduction, les Marsupiaux ont dti former une sous-classe distincte; ils rappellent a quelques egards certains animaux inferieurs chez lesquels les ceufs, echappes de bonne heure aux conduits genitaux, passent a I’exterieur et sont re*D SOUS-GENRE. — ECHYMIPERE. ECHYM1PERA. Lesson, 1842. Nouveaux tableaux du Regne animal, Mammilferes. Une seule espfice : 4. PERAMfil.E KALUBU. PERAMELES DORErAMJS. Quoy el Gaimard. Caracteres specifiques. — Pelage d’un gris fauve; queue presque nue. Taille petite, ne d^passant pas celle du Mulot. Cet animal, auquel Lesson applique le nom d’ Ecliymipera kalubu, a ete trouve d’abord aux lies Waigiou, etdepuis a la Nouvelle-Guinee. SOUS-GENRE. — ISOODON. ISOODON. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. 1817. Isos, egal; oSovs, dent. Cours du Museum. Les Isoodons, indiques par Et. Geoffroy Saint-Hilaire dans son Cours de Mammalogie du Museum pour 1817, et caracterises par A. G. Desmarest, la meme annee, dans le Dictionnaire d’Histoire naturelle de Deterville, presentent les parlicularites suivantes : dix incisives superieures egales entre elles; deux canines a chaque mftchoire; huit molaires de chaque cote a la superieure et six i l’infe- rieure, ce qui fait en tout cinquante dents; cinq doigts aux pieds de devant; l’ongle du doigt exte- rieur etant le plus court, quatre doigts aux pieds de derriere; les deux internes etant reunis sous la peau jusqu’aux ongles, qui sont enveloppes. D’apres l’enseinble de ces caracteres, on voit que les Isoodons se rapprochent beaucoup des Pe¬ rameles, et que, s’ils n’entrent pas dans ce groupe, ils doivent etablir le passage de ces animaux aux Potoroos. On n’en connait qu’une seule espece : 5. ISOODON OBESU1.E. ISOODON OBESULA. Et. Geoffroy Saint-Hilaire. Caracteres specifiques. — Pelage d’un ferrugineux jaunStre en dessus et blanchatre en dessous, Taille petite, semblable i celle du Rat ordinaire. L’lsoodon est le Didelphis obesida de Shaw, le Perameles et YIsoodon obesula d’Et. Geoffroy Saint- Hilaire, de G. Cuvier, etc., dont la description a ete donnee d’apres un individu conserve dans la collection de Hunter, et qui provenait de port Jackson dans la Nouvelle-Ilollande. 332 H1ST0IRE NATURELLE. QUATR1EME FAMILLE. TARSIPED1DES. TARSIPEDIDJE. P. Gervais. Cette famille ne renferme qu’un seul genre, celui des Tarsipes, qui lui-meme ne comprend qu’une seule espece des plus remarquables par l’ensemble de ses caracteres, principalement par la dispo¬ sition de ses membres, qui rappellent a la fois ceux de plusieurs genres assez eloignes les uns des autres dans la sous-classe des Marsupiaux, et qui ne peut cependant etre place a cote d’aucun d’eux. M. Isidore Geoffroy Sain t-Hilaire caracterise ainsi, d’une maniere generale, cette famille : point de grandes canines de forme ordinaire; dents en tres-petit nombre; pieds posterieurs penta- dactyles, a pouces opposables. GENRE UNIQUE. — TARSIPEDE. TARSIPES. P. Gervais et J. Verreaux, 1842. Tarsius, Tarsier; pes, pied. Proceedings of zoological Society of London, et Magasin de zoologie. CARACTERES GENERIQUES.- Systeme dentaire paraissant particulier, anomal; pas de grandes canines; denis en tres-pelit nombre. Tete allongee; mufle nu; oreilles courtes, presque arrondies. Membres plantigrades : posterieurs un pen plus longs que les anterieurs; pieds de devant a cinq doigts libres, assez courts : le medias le plus grand de tons, Vannulaire et I'index a peu pres egaux, le pouce plus court que I’auriculaire, tous onguicules; pieds de derriere a cinq doigts : in- dicateur el medius tres-petits, reunis jusqu’ a leur phalange ongueale; pouce opposable aux autres doigts, epate en pelote a sa phalange ongueale , inonguicule. Queue analogue a celle des Rats. Le genre Tarsipede a des caracteres qu’on n’aurait guere soupQonnes reunis dans une seule es¬ pece : ses doigts sont ceux d’un Mammifere assez eleve en organisation et presque ceux du Tarsier; la disposition singuliere des dents et surtout l'analogie du cr&ne avec celui des Edentes monodel- phes et monotremes sont autant de traits, pour ainsi dire contradictoires, qui rendent plus difficile de lui assigner une place convenable dans les classifications mammalogiques, puisque le systeme digital tendait a le faire mettre a la tete des Marsupiaux syndactyles ou des Didelphes, tandis que la degradation de son appareil dentaire et surtout la nature de son articulation maxillaire semblent la rejeter aux degres inferieurs du meme groupe; enfln, de deux autres cotes, le genre Tarsipes a de l’affinite avec les Phalangers, Myrmecobies et les Perameles, a cote desquels nous le placons. TARSIPEDE A NEZ. TARSIPES ROSTRATUS. P. Gervais et J. Verreaux. Caracteres specifiques. — Pelage assez fonce, compose de poils soyeux un peu rudes, assez courts, couches en arriere, gris plombe A la base et fauves a la pointe, ce qui donne au dos une teinte brun fauve; une raie medio-dorsale noir&tre, bordee de fauve; un indice de bande roussAtre MARSUPIAUX. 333 sur les c6t6s du dos; tlancs et certaines parties du dos glacis de gris; dessus du museau et de la tete de la meme couleur que le dos; dessous du corps et face interne des membres fauve clair; mous¬ taches brunes, assez longues; poils de la queue en general courts. Longueur de la tele et du corps, 0ra,12; de la queue, 0IU,093. Ce Marsupial ressemble, jusqu’4 un certain point, 4 l’exterieur, 4 une Musaraigne; mais sa t£te est plus longue, sans que son nez soit aussi allonge. Un mufle termine le museau, et les narines y sont percees lateralement en fente virguliforme. La queue est assez semblable & celle des Rats. Les oreilles sont courtes, presque arrondies, non velues. Get animal est plantigrade, et ses membres posterieurs sont un peu plus longs que les anterieurs. La paume des mains, ainsi que la plante des pieds, est nue. Les pattes de devant ont cinq doigts libres, assez courts, denudes en dessous et en partie, en dessus, a leur phalange ongueale, dont la pulpe est elargie et forme un petit epatement comme aux doigts des Tarsiers : le medius est le plus grand des doigts; l’annulaire et l’index sont 4 peu pres egaux; enfin le pouce est un peu plus court que l’auriculaire et offre un petit ongle aplati, beaucoup moins grand que l’epatement de la partie palmaire. La principale particularity des mem¬ bres de derriere est la petitesse de l’indicateur et du medius, qui sont reunis jusqu’a leur phalange ongueale, pourvus d’un ongle aigu, assez semblable 4 un petit sabot; le pouce est opposable aux autres doigts, epate en pelote 4 sa phalange ongueale et inonguicule; les autres doigts ont des ongles petits, aigus; le quatrieme doigt est le plus grand, et depasse un peu en longueur les autres doigts. Les Phalangers presentent quelque analogie sousces derniers rapports avec le Tarsipede; de meme il n’y a pas d’ongle an pouce des pieds de derriere; mais tous les autres doigts, aussi bien en avant qu’en arriere, sont armes d’ongles aigus; les Tarsiers ont des caracteres encore plus analogues. Quelques details ont ete donnes sur la tete osseuse du Tarsipes roslratus. Le crane est assez allonge, surtout dans la partie faciale, et se rapproche de celui des Fourmiliers; les os du nez sont allonges; il n’y a pas de cavite gleno'ide distincte pour l’articulation de la m4choire inferieure, et cette m4choire ressemble 4 celle du Myrmecopliaga jubata par sa forme, et a aussi une grande ana¬ logie, dans ses caracteres essentiels principalement, avec celle des Monotremes : son condyle, au lieu d’etre transverse comme dans les Didelphes, est, 4 l’extremite posterieure de la petite courbure decrite par toule la portion masceterienne de la mandibule, comme celui du Tamanoir et des Mo¬ notremes. Le systtime dentaire est tout particulier, et nous transcrivons ce que disent 4 ce sujet MM. P. Gervais et J. Verreaux. « La m4choire inferieure presente, en avant, une paire de dents cul- riformes dirigees dans le meme sens que cette m4choire. Ces dents sont assez aigues, relrecies au collet et profondement enfoncees dans le maxillaire par leur racine; elles sont appliquees l’une con- tre l’autre par leur cote interne. Vers le tiers posterieur du bord dentaire de la meme machoire est une petite dent gemmiforme hyaline et qui represente une petite saillie recourbee angulairement, en dehors, dans une portion de son etendue. La m4choire superieure, du c6te gauche, ne nous a mon- tre, dans son tiers superieur, que trois petites dents. La premiere, qui est dans 1’incisif et 4 la hau¬ teur des trous de ce nom, a la forme d’un petit tubercule simple; la troisieme, qui est 4 la fin du premier tiers du bord dentaire, est egalement gemmiforme, moins epaisse, plus longue etun peu in- clinee en avant. Entre elle et la precedente dtait une autre dent, plus petite que Tune et que I’autre, et beaucoup plus rapprochee de la troisieme que de la premiere. Ces dents, ainsi que celles de la m4choire inferieure, sont de nature cristalline, 4 une seule racine. Sont-elles les seules que pre¬ sente le Tarsipes? L’inspection de nouveaux individus en decidera, et c’est alors seulement qu’on etablira convenablement la formule dentaire de cet animal. Ainsi, nous soupconnons l’existence, en avant de la premiere paire de dents decrites ici, d’une autre dent dont la racine existerait seule sur le cr4ne que nous avons observe. Il y aurait alors trois paires d’incisives superieures de grosseur inegale, et la plus grande des dents que nous venons de signaler deviendrait une canine. Ce sys- teme dentaire parait ne devoir pas etre moins curieux que celui du Protele. » Cette espece provient de la Nouvelle-Hollande. M. J. E. Gray a indique, sous la denomination de Tarsipes Spenserce, un autre Tarsipede, que MM. Gervais et Verreaux regardent comme identique avec leur espece. Ce dernier animal a ete rapporte par le capitaine Gray, qui dit que, par ses formes generales et par ses habitudes, il ressemble a une Musaraigne, et qu’il habite les endroits garnis de petits buissons scmblables a des bruyeres, aupres du detroit do Roi-Georges. 33?. HISTOIRE NATURELLE. C1NQUIEME FAMILLE. PHALANGIDES. PHALANG1DAE. Waterhouse. Les quatre families que nous avons precedemment etudiees constituent, pour M. Isidore Geof¬ froy Saint-IIilaire, son premier ordre des Marsupiaux, celui des Carnassiers, que Ton pent placer parallelement avec les Carnassiers monodelphes; les autres families qu’il nous reste a indiquer for- ment son second ordre, celui des Frugivores, parallele aux Rongeurs monodelphes, et qui peuvent etre subdivisees en deux sections : 1° les semi-Rongeurs, comprenant les families des Phalangides et Phascolaretides, que nous reunirons en une seule, et les Macropodes; 2° les Rongeurs, ou la seule famille des Phascolomydcs. Les Phalangistes, ou l’ancien genre Phalangista d’Et. Geoffroy Saint-Hilaire, partage dans ces derniers temps en plusieurs groupes generiques, Plialangistidce, Waterhouse; Phalangistbia, Gray; Phalangislidea, Phalangistte et Petaurusideve, Lesson, etc., comprennent des Marsupiaux de taille moyenne ou petite, ayant pour caracteres communs ; six incisives & la mSchoire superieure; pouces posterieurs bien developpes, opposables; pas de queue dans les uns, une queue longue dans le plus grand nombre. Us sont tous de la Malaisie, et comprennent les genres Phascolarclos , Phalanger et Petauriste : ces deux derniers partages en un assez grand nombre de subdivisions sous-gene- riques. 1" GENRE. — PHASCOLARCTOS ou KOALA. PHASCOLARCTOS. De Blainville, 1816. ^> MARSUPIAUX. 341 Cette esp6ce est le Sugar squinel des colons de la Nouvelle-Galles du Sud, oil il n'est pas rare; il parait qu’on la rencontre aussi dans l’ile de Norfolk, situee par cent soixante et onze degres de lon¬ gitude orientale et trente degres de latitude meridionale. Les autres Belideus sont : 1° le Petaurus Australis, Shaw, auquel appartiennent aussi les Di- delpliis macroura , ShaW, ou Piialanger volant a grande queue, G. Cuvier, et le Peluuras fla- viventer, A. G. Desmarest; 2° le B. breviceps, Waterhouse; 3° P. aral, Gould; tousdela Nouvelle- llollande. 3me SOUS-GENRE. — ACROBATE. ACROBATA. A. G. Desmarest. Molaires, |=| , disposees de la meme mani'ere que dans les deux autres sous-genres : les trois fausses molaires tres-pointues ; les arriere-molaires a quatre pointcs ct a collines non contournees en croissant; de tres-petiles canines inferieures; queue a polls disliques. L’espece unique du sous-genre Acrobata (axpo?, sommet; {Savio>, je marche) est le : 3. PETA.URISTE PYGMEE. PETAURUS PYGMMUS. Shaw. Caracteres specifiques. — Pelage d’un gris de souris uniforme, legerement lave de roussStre en dessus, et d’un blanc pur en dessous; poils de la queue d’un gris roussatre, parfaitement distiques. Longueur de la tete et du corps, Qm,07; queue ayant la meme longueur. De la Nouvelle-Hollande. Enfin Lesson designe sous la denomination de Schoinobates un autre sous-genre pour une seule espece, le Petaurista leucogengs, Temminck, propre au Japon, et qui est loin d’etre suffisamment connu. SIXIEME FAMILLE. MOCPrOPODIDES. MOCROPODIDJE. Isidore Geoffrey Saint-Hilaire. Le genre Kanguroo des anciens zoologistes, partag6 lui-meme en plusieurs groupes particuliers, dont les principaux sont ceux des Kanguroos, Heteropes et Potoroos ou Hgpsiprymnus, est devenu une famille particuliere, a laquelle MM. Isidore Geoffroy Saint-llilaire et Richard Owen appliquent les noms que nous lui conservons, et qui sont tires de la denomination latine de Macropus du genre principal. Les Macropodides sont surtout caracterises dans la sous-classe des Marsupiaux par le grand developpement de leurs membres posterieurs, par l’absence de pouces en arriere, et par leur systeme dentaire n’offrant pas de canines, excepte dans les Potoroos, et ayant deux incisives superieures et six inferieures. ler GENRE. — POTOROO. I1YPSIPBYMNUS. Illiger, 18H. eleve; 7rpup.va, train de derriere. Prodromus systematicus Mammalium et Avium. CARACTERES GENER1QUES. Sqsteme dentaire : incisives, |; canines, J-Ej; molaires, |^|; en totalite trente dents. Incisivei HISTOIRE NATURELLE. 542 superieures mitoyennes plus longues que les autres, pointues : inferieures couehees en avant. Cani¬ nes superieures gratifies, aplaties lateralement, pointues; quatre molaires poslerieures a droile et a qauclie aux deux machoires, a tubercules mousses : I’anterieure longue, tranchante, dentelee. Tete longue , pointue; oreilles longues; levre superieure fendue. Panes anlerieures tres-courtes, a cinq cloigts armes d’ongles crochus : poslerieures tres-longues , velues, terminees par quatre cloigts, dont deux tres-pelits, internes et sondes I’un a l' autre jusqu a la premiere phalange; un troisi'eme extrememenl fort et muni d’un ongle tr'es-epais, et un qua- trihne externe, moyen pour la grosseur entre les deux premiers et le troisi'eme. Queue longue, assez robuste. Poil doux el laineux. Fig. 72. — Potoroo. Une espbce de Marsupiaux anciennement placee dans le genre Kanguroo, le Macropus minor, Shaw, est devenue, pour Vicq-D’Azyr et pour G. Cuvier, le type d’un groupe distinct qui, designe par ces auteurs sous le nom de Kanguroo-Rat, a re?u d’A. G. Desmarest les denominations de Po- touoo et de Polorous, et d’Uliger cede d'Hypsiprymnus. Les Potoroos ont de grands rapports avec les Kanguroos par la forme et la disposition de leurs dents; mais toutefois ils ont encore des canines superieures, que Ton ne retrouve plus dans les Ma¬ cropus, et cette particularity importante sert a etablir le passage de ces derniers animaux aux Pha- langers. Le systeme dentaire a ete etudie par Fr. Cuvier et se compose de trente dents : superieure- ment, la premiere incisive est forte, plus longue que les autres; la seconde, petite, est analogue a celle des Plialangista; la troisieme est tranchante; apres un petit intervalle vide, vient une petite dent mince, comprimee, crochue, qui est la canine; un long espace suit, et les molaires, qui offrent moins de tubercules que dans les Kanguroos, viennent ensuite; inferieurement, les incisives ressem- blent a cedes des Phalangers; il n’y a pas de canines, et les molaires sont disposees comme cedes d’en haut. Le squelette n’est pas encore completement connu. L’estomac est grand, divise en deux poches, muni de plusieurs boursouflures; le coecum est mediocre et arrondi; les intestins sont plus courts relativement que dans les Kanguroos, et n’offrent pas de boursouflures. Les Potoroos se tiennent caches dans les broussailles et dans les buissons; ils sont de taille moyenne, sautent avec beaucoup de facilite, en raison de la grande disproportion de leurs deux paires de membres; ils sont eminemment herbivores, et la disposition de leur systeme dentaire mon- tre meme que leur nourriture doit etre encore plus vegetale que celle des Kanguroos; ils font entendre parfois un petit cri assez semblable 4 celui des Rats. Pendant longtemps on n’a place qu’une seule espece dans ce genre, le Kanguroo-Rat; mais MM. Quoy etGaimard en ont indique deux autres; MM. Gould et Ogilby en ont fait egalement con- naitre d’autres; on en decrit aujourd’hui une douzaine qui toutes sont propres & l'Oceanie, et parti- culierement aux cotes occidentales et meridiot.ales de la Nouvelle-Ilollande : on en a signals des de¬ bris fossiles dans Wellington’s valley. Le type estle : KANGUROO-RAT. nYPSIPRTMNUS MURINUS. fit. Geoifroy Saint-Hilaire. Caractbres specifiqdes. — Pelage uniformement d’un gris roux; gorge, poitrine, ventre et int£- rieur des membres blanc sale; dessus de la tete, dos, partie des flancs et des cuisses d’un gris brun; bout de la queue brun. Longueur de la tete et du corps, O'0, 54; de la queue 0,ua33. *> 1*1. 45. MARSUPIAUX. 545 Cette espAce est le KaNguhoo-Rat, Philippi, White, G. Cuvier; V Hypsiprymnus murinus , Potoi.ou de White ( II . Whitei, Quoy etGaimard); Polorous murinus et Kangurus Gaimardi, A. G. Desma- rest; Macropus minor, Shaw, etc. Ses poils sont de deux sortes : les plus profonds, courts, doux, moelleux et un peu floconneux, presentent une teinte gris de souris quand on les 6carte, et les exte- rieurs plus longs, roides, rudes au toucher, plus rares. Les tarses sont recouverts de poils longs, fauves, diriges d'arriAre en avant, et s’etendant jusqu’A l’extremite des ongles : ceux des pattes ante- rieures plus doux et recouvrant les ongles. (Voyez Atlas, pi. XLIII, fig. 1 .) Le Kanguroo-Rat, qui porte, dit-on, ce nom parce que son cou est assez renfle et ressemble un peu a celui d’un Rat, a des mceurs tres-douces et moins timides que celles des Macropus : il est tres- agile, et fait des bonds considerables lorsqu’on l’inquiete. On le trouve communement A la Nouvelle- Uollande, principalement dans les rochers de la Werra-Gambia. Les autres especes, toutes de la Nouvelle-IIolIande, sont les Hypsiprymnus Lesuerii, Quoy et Gaimard; Peronii, Quoy et Gaimard; setosus et Grayii, Gould, myosurus, melanotis , forniosus, cu- niculus et Philippi , Ogilby, etc. 2me GENRE. — KANGUROO. MACROPUS. Shaw, 1800. Mcotpo;, grand; irouc, pied. General zoology. CARACTERES GENERIQUES. Systeme dentaire : incisivcs, |; molaires, £=5 ou |E| ; en totalite vingt-quatre ou vingt-huil dents. Incisives superieures larges, ordinairement de me me longueur, aplaties, disposers en fer a clieval et dirigees verlicalement : inferieures couchees en avant, longues, pointues, correspondanl par leur tranchant exterieur au bord inferieur des six incisives d’en haul; pas de canines, mats une lon¬ gue barre enlre les incisives et les molaires : celles-ci en nombre variable selon L'dge, de trois a cinq, les plus vieux en ayant moins que les jeunes, a couronne marquee de deux collines transverses, poussant d'arriere en avant comme celles de l' Elephant. Tete allongee; oreilles grandes, droites, assez pointues; yeux grands; levre fendue en avant ; moustaches faibles, rares. Extremiles tres-disproportionnees : anterieures tres-courtes, terminees par cinq doigts a peu pres egaux , armes d’ ongles longs et en gouttieres; posterieures tres-longues et tres-robustes , sans pouce, ayant les deux doigts internes tres-petits et reunis jusqu a la base de leurs ongles, I'annu- laire ires- fort et le plus grand de tons, muni d un ongle epais, triangulaire et pouvant ctre com¬ pare a un sabot, I’externe mediocre ; metalarse surlout tr'es-allonge, grele ; plante el paume des pieds et des mains reposant en enlier sur le sol; radius permettant a /’ avant-bras une rotation complete. Queue longue, extremement forte, rnunie de muscles puissants, non prenante, servant a la loco¬ motion. Poils laineux et soyeux, aborulants. Les habitants de l’Australie donnent le nom de Kanguroo a des Marsupiaux qui se distinguent principalement par leur museau allonge, leurs grandes oreilles, et surtout par l’enorme dispropor¬ tion que Ton remarque entre la longueur de leurs membres : les naturalistes ont forme avec ces animaux, confondus par Zimmermann avec les Jerboa, et que Gmelin rangeait avec les Didelphes, un groupe tres-distinct qui a recu plusieurs noms latins, celui de Macropus, donne par Shaw, et qui doit etre adopte comme ayant l’anteriorite; celui d’ Ilalmaturus {alga., saut; oupa, queue), par llliger, et enfm celui de Kangurus, propose par El. Geoffroy Saint-Hilaire. Valentyn et Lebruyn sont les premiers auteurs qui aient fait mention des Kanguroos; depuis, un grand nombre de voyageurs an¬ glais et fran<;ais, et parmi eux nous devons citer Cook, Dampier, Peron et Lesueur, Lesson et Gar- not, MM. Quoy etGaimard, J. Verreaux, etc., decouvrirent de nouvelles especes de ce genre, etle nombre en devenant assez considerable, plusieurs zoologistes classificateurs crurent devoir en faire 544 HlSTOlRE NATURELLE. une famille particuli6re, celle des Macropodides, ety former plusieurs divisions generiques; te(s sant les genres des Potoroos, A. G. Desmarest, ou fhjpsiprymnus, Illiger; celui des Heteropus de M. Jourdan, etc., qui sont generalement adoptes par tous les auteurs; ceux des Macropus et Hal- maturus, Fr. Cuvier, qu’on reunit le plus habituellement sous la denomination commune de Kangd- roo, et que nous indiquerons comme sous-genre ; enfin-, dans son Nouveau 1'ableau du Regne animal , Lesson adopte non-seulement comme genre les deux subdivisions de Fr. Cuvier, mais sub¬ divise encore le genre Kanguroo en quatre groupes qu’il indique sous les noms de Macropus , Se- tonyx, Pelrogale , Gray, et Conoyces, etM. Temminck y forme la nouvelle subdivision des Dendro- lagus, adoptee par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Le systeme dentaire des Kanguroos est surtout remarquable par l’absence des canines et par la disposition des incisives inferieures, qui sont tres-longues, tres-fortes, horizontales, au nombre de deux seulement, tandis que les superieures, au nombre de six, sont larges, verticales; les molaires peu fortes, montrant que ces animaux doivent prendre une viourriture vegetale, sont au nombre de cinq des deux cbtes de chaque machoire dans les Macropus, et de quatre seulement dans les Hal- maturus. Le membre posterieur ne ressemble nullement a l’anterieur : ce dernier est tres-petit, et I’autre, au contraire, est tres-developpe, compose des os de la jambe, deux fois aussi longs que ceux de Favant-bras, epais, et devant presque constamment supporter tout le poids du corps; le pied est aussi tres-allonge, tres-solide. La queue est excessivement developpee et sert 4 ces animaux comme d’un veritable membre, surtout dans Faction du saut : le nombre des vertebres caudales est conside¬ rable et depasse souvent celui de vingt; elles ont des dimensions tres-fortes, sont herissees de larges et longues apophyses, et donnent attache a des muscles tres-puissants. Le corps des Kanguroos est beaucoup plus gros vers la region inferieure que vers la superieure; chez eux le train de devant semble tout a fait sacrifie pour celui de derriere, et Fanimal a une forme conique. La conformation generale de ces Marsupiaux leur permet une station lotalement verticale, et leur queue forme alors, avec les pieds posterieurs, un trepied solide, dont la pesanteur des parties superieures ne pent de- truire Fequilibre; dans cette position, ces animaux se tiennent appuyes sur leurs longs metatarses, qui ajoutent encore a leur stabilite. Leur pelage est compose de deux sortes de poils, des soyeux et des laineux : les premiers ne se trouvent qu’aux membres, a la tete et a la queue; les autres couvrent tout le reste du corps; quelques soies noires assez roides, courtes et peu nombreuses, se voient a la levre superieure, aux sourcils, sous l’ceil et sous la gorge. Les femelles, comme celles de tous les Marsupiaux, presentent une bourse dans laquelle sont places les petits; les testicules des males sont tres-developpes, et Forgane principal n’est pas fourchu comme cela a lieu dans les Sarigues. Les os marsupiaux sont aplatis, assez longs. L’estomac est forme de deux longues poches divisees en bour- souflures comme un colon; le ccecum est egalement grand et boursoufle. L’anatomie complete de ces animaux n’a pas encore ete faite; cependant M. Morgan a publie un travail sur les glahdes mam- maires des Kanguroos; M. Richard Owen a donne des details interessants sur Faccouplement et la parturition de ces animaux; le docteur Laurent, en France, a egalement fait connaitre quelques points de Forganisation de ces animaux. Par leur forme generale, les Kanguroos represented en grand les Gerboises; ils sont generalement de taille moyenne; mais quelques especes sont tres-grandes et ont plus de 2‘“ de longueur depuis le bout du museau jusqu’a Fextremite de la queue. A I’etat sauvage, ces animaux sont exclusivement herbivores, ils viverit en troupes composees d’une douzaine d’individus, etconduites, dit-on, par les vieux m3les; ils se trouvent dans les endroits boises et paraissent suivre des senders qu'ils se sont traces. Les femelles font ordinairement un ou deux petits qui naissent presque a Fetat de foetus et sont places dans leur poche ventrale; rarement elles produisent trois ou quatre petits. Les Kanguroos ont deux sortes de progression : le saut et la marche; celle-ci est rampante et genee; les quatre pattes sur le sol, ils enlevent leur partie posterieure en se servant de leur queue, appuyee sur la terre, comme d’un ressort, et, ramenant les jambes de derriere pres de celles de devant, ils portent celles-ci en avant : continuant cet exercice, ils avancent avec assez de vitesse. Dans d’autres cas, ils font des sauts de sept a dix metres d’etendue et de deux it trois metres de hauteur, en se servant aussi de leur queue comme d’un ressort puissant. Toutefois, d’apres la remarque des voyageurs, il parait que, lorsqu’ils sont poursuivis, ils se bornent a marcher, ce qu’ils font avec une grande vitesse, et qu'ils ne sautent que quand quelque obstacle vient a se presenter sur leur passage. Leur queue leur sert, MARSUPIAUX. 34.1 en outre, d’arme defensive et offensive. Et. Geoffroy Saint-llilaire dit queces animaux, pour eorn- baltre et eventrer leurs ennemis, se servent du doigt annulaire de leur pied de derriere, doigt qui est tres-fort et tr6s-developpe; comme ils meuvent toujours ti la l’ois chaque paire de membres, ils sont obliges, dans le combat, de se soutenir sur leur queue; mais alors ils ont recours A un point d’appui, afin de se tenir en equilibre; et pour cela ils chassent leurs ennemis contre un arbre ou quel- que autre obstacle le long duquel ils se dressent et se tiennent avec leurs pattes de devant; ou bien, quand deux Kanguroos combattent 1’un contre l’aulre, ils appuient leurs pattes de devant contre leur poitrine, et, uniquement soutenus sur leur queue, ils se battent avec leurs jambes posterieures. La chair des Kanguroos est un excellent manger; leur peau fournit une fourrure recherchee des habi¬ tants des pays qu’ils habitent, aussi les chasse-t-on avec ardeur et a-t-on dresse des Chiens pour les combaltre. Heureusement qu’ils sont tres-abondants en Australie, et qu’ils se reproduisent facilement, car, sans cela, d’apres la grande destruction qu’on en fait, il est probable que l’espece en dispa- raitrait bientot. On possede un assez grand nombre d’individus et meme d'especes de Kanguroos dans nos menageries europeennes, surtout en Angleterre et en France. En domesticite, ces animaux sont nourris avec des matieres vegetales; cependant, suivant MM. Quoy et Gaimard, ils ne refusent pas de la viande fraiche et salee et en general presque toutes les substances qu’on leur presente. Plusieurs fois on a vu les Kanguroos se reproduire dans nos menageries : aussi serait-il a desirer qu’on cherchSt, ainsi qu’on a commence a le faire en Angleterre, a les acclimater d’une maniere de¬ finitive et a les multiplier, leur introduction en Europe pouvant etre une nouvelle source de richesse. Ces Marsupiaux appartiennent exclusivement a l’Oceanie; ce sont les plus grands Mammiferes qu’on y rencontre. 11s habitent surtout la Nouvelle-Ilollande, Van-Diemen et les grandes lies voisi- nes; une espece, le Kangaroo d’Aroe, se trouve a la Nouvelle-Guin^e et dans les lies de la Sonde. Fig. 73. — Kanguroo ile Bennett. 1" SOUS-GENRE. — KANGUROOS PROPREMENT PITS. MACROPUS. F. Cuvier. Molaires au nombre de |=J; queue entierement velue. \ y 1. KANGUROO GEANT. MACROPUS GIGANTEUS. Sbaw. Caracteres specifiques. — Pelage d’un bran roux cannelle, plus pile en dessous, plus fonc6 en dessus; bout du museau, derriere des oreilles, pieds et mains, derriere du coude et du talon, des- HISTOIRE NATURELLE. 346 sus et bout du dessous de la queue d’un brun noir tres-fonce; gorge grisatre. Ayant environ lm de longueur pour la tete et le corps; la queue atteignant la meme longueur a peu pres. Cette espece, l’une des plus anciennement connues, est de grande taille, car elle peut atteindre la grandeur d’un Mouton; elle vit <4 la Nouvelle-Galles du Sud, et on la chasse aux environs de Bo¬ tany-Bay. (Voyez Allas , pi. XL1I1, fig. 2 et 5.) i 2. KANGUROO D’AROE. MACROPUS BRUNII. Gmelin. Caracteres specifiques. — Pelage d’un roux noir; dessous du corps et interieur des membres d’un blanc roussatre sale; gorge grise; museau, doigts, queue, bout des oreilles d’un brun noir tres- fonce. De la taille d’un Chien de chasse. Cette espece, anciennement connue et rangee par Gmelin dans le genre Dulelpkis, est remarqua- ble en ce que sa queue est moins longue que le corps, et constitue le groupe des Conoyces, Lesson. On la trouve aux lies Moluques et a la Nouvelle-Guinee. Les autres especes, toutes propres a l’Australie, et que nous nous bornerons a citer, sont, 1° pour les Macropus de Lesson, les M. laniger, Quoy et Gaimard; fuliginosus, Et. Geoffroy Saint-Hilaire; Bancksianus, Lesson; rufo-griseus, Et. Geoffroy Saint-Hilaire; Eugenii. A. G. Desmarest; nolabatus. Lesson; ruficoUis, Et. Geoffroy Saint-Hilaire; Billardicrii , A. G. Desmarest; elegans, Lambert; Bernetlii, Waterhouse (l’espece la plus commune dans nos menageries); rufiventer , Ogilby; frcena- tus, unguifer, lunalus et leporides, Gould; 2° pour les Setongx, une seule espece, le Macropus brachyurus, Quoy et Gaimard; 3° pour les Petrogale de Gray, les M. Parryii, Bennett, et bra- chyolis , Gould, etc. 2me SOUS-GENRE. — HALMATURE. HALMATURUS. Fr. Cuvier. Molaires au nombre de |5f ; queue en partie denudee. 3. KANGUROO A BANDES. MACROPUS FASCIATUS. Teron et Lesueur. Caracteres specifiques. — Pelage d’un gris roussatre, avec la moitie inferieure du corps ray6e transversalement, en dessus, de roux et de noir. Taille petite. Ce Marsupial provient de File Bernier, et il se rencontre egalement dans les lies voisines. Les autres especes de ce groupe sont le Macropus Thetis , Fr. Cuvier, et les Halmalurus Irma Ogilby; striatus, Fr. Cuvier, et municalus, Gould. On doit y joindre quelques debris fossiles decouverts dans la vallee de Wellington, et on en a rap- proche le genre fossile de Chirotlierium de Kaup, decouvert en France et en Angleterre. 3™ GENRE. - HETEROPE. HETEROPUS. Jourdan, 1857. Erspo?, different; ttou;, pied. Complo renclus de l'Academie des sciences. CARACTERES GENERIQUES. Sy steme dentaire semblable a celui des Kangaroos. Jambes mediocrement longues; tarses courts, epais, converts de longs polls touffus, a surface planlaire. largement denudee , avec un grand nombre de papilles aplaties; troisieme et quatrieme orteils non emboites par les ongles : ccux-ci petits, courts, oblus, legerement courbes. Les Heteropus, que M. Gray laisse dans son groupe des Petrogale, division des Kanguroos, coniine on a pu le voir, ne different guere des Macropus que par quelques particularites que pre- sentent leurs membres : on n’en commit qu’une seule espece : MARSUPIAUX. 547 IIETLrOPE A GORGE BLANCHE. IIETEROPUS ALB0GULAR1S. .Tourdan. Caracteres specifiques. — Tete marquee d une ligne brune longitudinale; joues blanch&tres; oreilles noires en dehors, jaunes en dedans; gorge blanche; poitrine et ventre roux; cou et panic su- p'erieure du dos gris; fesses d’un fauve rouge&tre; extremite des membres et queue d’un brun foiled; cette derniere terminea de blanc. De taille moyenne. Ce Marsupial marche plutdt qu’il ne saute : vit dans les moritagnes au sud-ouest de Sydney. SEPTIEME FAMILLE. PHASCOIOMYDES. PHASCOLOMYDJE. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire. Cette petite famille de Marsupiaux, que les zoologistes anglais, a Pexemple de M. J. E. Gray, nom- ment Pliascolomyna , ne renferme qu’un seul genre, celui des Phascolomys , qui comprend des ani- matix essentiellement rongeurs, el ayant pour caractere principal de n’ofirir que deux sortes de dents, des incisives et des molaires. On n’en connait qu’une ou deux especes. GENRE UNIQUE. — PIIASCOLOME. PHASCOLOMYS. Etienne Geoffroy Saint-Hilaire, 1820. aaxuAc?, bourse; g-us, Rat. Annates du Museum, t. III. CARACTERES GEHERIQUES. Sijsteme dentairc : incisives, molaires , |Ef; en totalite vingt-quatre dents. Incisives tr'es- forles, Ires-epaisses, moins longues que cellos des Rongeurs; cedes d’en hunt convergenles, cou- pees droit, un peu obliquement a leur extremite, comnie tordues dans leur milieu , et cannelces duns toute leur super fide ; cedes d’en bas deprimees et egalement tronquees a leur extremite. Pas de canines, mdis une barre assez longue enlre les incisives et les molaires : celles-ri composecs, a couronne ovale , plane, separee en deux par un sillon un peu plus profond a leur face interne dans cedes de la machoire superieure, et a leur face externe dans cedes de la mdchoire inferieure. Corps epais, raccourci; tele grosse, plate; oreilles courtes; yeux peu ouverls , tr'es-ecartes. Pieds a cinq doigts : anterieurs mines d'ongles crochus , robusles, propres a fouir; poucc des pieds de derriere tr'es-petit, sans angle. Queue tres-courte, a peine visible a I’exterieur. Bass, ehirurgien de 1’ expedition aux terres australes, commandee par Flinders, a, le premier, si¬ gnals un Marsupial assez commun sur les cotes ou dans les lies du detroit. qui porte son nom, detroit qui separe la Nouvelle-Hollande de la Tasmanie; c’est ce Mammifere qui est devenu le type du genre curieux qu’Et. Geoffroy Saint-Hilaire, d’apres des individus rapportes vivants au Museum par Peron et Lesueur, a d’abord appele Wombatus, et dont il a bientot apres remplace le nom par celui de Phascolomys. Illiger, en 1811, lui donna le nom generique d 'Amblotys avorte). Les Phascolomes presentent une reunion de caracteres remarquables; ce sont des Marsupiaux, ef its out dans le squelette aussi bien que dans leurs organes de la generation les particularity distinc- Gves des amroaux de cette sous-classe : des clavicules, des os marsupiaux, une poche mammaire, etc.; leur corps esttrapu, presque sans queue, etpourvu de quatre pattes assez courtes, plantigrades, et A 348 HISTOIRE NATURELLE. — MARSUPIAUX. . * . <* cinq doigts armes d’ongles fouisseurs; leurs deuxieme et troisieme doigts de derriere ne sont pas plus courts que les autres; et ils ne sont pas reunis comme ceux des Phalangers et des Kanguroos; leur pouce n’est pas non plus opposable comme celui des Phalangers; ils ont la tete large, aplatie; les oreilles courtes; les yeux mediocrement ouverts et tres-eoartes; les narines percees dans un mufle: le pelage epais; leurs dents, qui ne comprennent que des incisives et des molaires, sont au nombre de vingt-quatre. Malgr6 cette analogie dans la formule dentaire avec les Rongeurs, les Phascolomes ont, comme les autres Marsupiaux, la mAchoire inferieure articulee avec la superieure par un condyle transverse; leurs dents ne sont pas comparables, pour la forme, a celles des Rongeurs; ainsi leurs incisives ressemblent plutdt, les superieures a la paire mediane de certains Phalangers et les infe- rieures A leurs correspondantes chez les memes animaux; leurs molaires sont entourees d’email et partagees en deux parties egales par un pli de leur face externe, et un autre de leur face interne, sauf la premiere, qui est simple. L’estomac presente, a son orifice cardiaque, un appareil succen- turier comme celui des Castors; leur coecum est court et pourvu d’un appendice vermiforme. WOMBAT. PHASCOLOMYS WOMBAT. Peron et Lesueur. CaractEres specifiques. — Pelage grossier, d’un brun gris uniforme plus ou moins fonce; chaque poil en particulier etant d’un brun clair A la base, ensuite marque d’un petit anneau roussAtre, puis d'un long anneau blanc sale, apres lequel vient un second anneau roussAtre aussi etroit que le pre¬ mier, et la pointe Atant brune; poitrine d’une teinte un peu moins foncee que le dos. Taille sembla- ble A celle du RIaireau. (Voyez Atlas, pi. XLVI1, fig. 1.) Fig. 74. — Wombat. Get animal est le Phascolomys Wombat de Peron et Lesueur, le Phascolome brun d’A. G. Desma* rest, le Wombatus fusca , d’Et. Geoffroy Saint-llilaire, le W. fusca, Itassei et urstnn's de quelques zoologistes, le Badger, c’est-A-dire Blaireau des colons de 1’Australie. II a en effet les allures du RIaireau, mais il devient souvent plus fort; il a la tete aussi grosse et ses habitudes sont tres-diffe- rentes, car il est herbivore ou frugivore; son naturel est timide et intelligent, et il se creuse des ter¬ riers oil il se cache pendant le jour, ne commencant A aller chercher sa nourriture qu’au crepuscule ou A la nuit. La femelle fait trois ou quatre petits par portee, et elle en a le plus grand so in. Le Wombat habite Pile King, dans le detroit de Bass; les lies des Fourneaux, les monlagnes voi- sines de Port-Jackson, etc. Plusieurs individus ont ete apportes vivants en Europe et ont vecu quel- que temps dans nos menageries. Leur fourrure est susceptible d’etre utilisee, etleurchaii est bonne A manger, particularity qui devraient engager les Europeens A l’acclimater dans nos con rees. M. Owen a ete conduit, par l’inspection d’un crAne, A supposer l’existence d’une seconde espece, le Pbascoloings lalifrons. On doit aussi au meme anatomiste d’avoir reconnu pour ceux d’un autre Phascolomys {P. Milchellii) des ossements fossiles trouves dans les cavernes de la vallee de Wel¬ lington. ♦ Fig. 2. — Tele osseuse de Koala. "i 47. V monotremes. On inclique sous le nom de Monotremes (p.ovo;, unique, rp^a, trou, orifice) et sous celui d’Orni- thodelphes (opviTo;, Oiseau; &eX