ESSAI POLITIQUE SUR LE ROYAUME DE LA nouvelle -ESPAGNE. l’iMPBIÎÏERIE de 3. H. ST^NÉ ESSAI POLITIQUE SUR LE ROYAUME DE LA NOUVELLE -ESPAGNE. PAR AL. DE HUMBOLDT. TOME QUATRIÈME. A PARIS, CuEZ F, SCHOELL, Libraire, rite des Fosses- SAIKT-GEKM.HÎI-I,’AirXERBOIS, K.” 2Q< i8i î. iordy LIVRE IV SÜITE DU CHAPITRE XI. L’intendance de Zacatecas renferme les mines de Fresnillo et celles de Sombrerete : les premières , foiblement travaillées , se trouvent dans un groupe isolé de montagnes qui s’élèvent au-dessus des plaines du plateau central. Ces plaines sont couvertes de for- mations porphyritiques ; mais le groupe mé- tallifère même est composé de grauwakke. D’après l’observation de M. Sonneschmidt, la roche y est traversée par une innombrable quantité de filons riches en argent muriaté gris et vert. Les mines de Sombrerete sont devenues célèbres par l’immense richesse du filon de la veta negra , qui, dans l’espace de quelques mois , a laissé à la famille des Fagoaga (marqués del Apartado) un profit net de plus de 20 millions de livres tournois. La 2 LIVRE IV, plupart de ces filons se trouvent dans une pierre calcaire compacte , qui renferme , comme celle de la Sauceda, du kieselschiefer et de la pierre lydique. C’est surtout dans ce district de mines qu’abonde Vargent rouge sombre : on l’a vu former toute la masse des filons, qui ont plus d’un mètre de puissance. Près de Sombrerete , les montagnes de forr mation calcaire secondaire s’élèvent beau- coup au-dessus des montagnes porpliyritiques. Le Cerro de Papanton paroît avoir plus de 3400 mètres de hauteur au-dessus du niveau de l’Océan. Le gîte de minerai de Catorce occupe auiourd’hui le second ou le troisième rang entre les mines de la Nouvelle-Espagne , en les classant d’après la quantité d’argent qu elles produisent : il n’a été découvert que depuis l’année 1778. Cette découverte et celle des filons de Gualgayoc, au Pérou , appelés vuGairement les filons de Chota , sont es plus intéressantes qu’offre depuis deus siec es l’histoire des mines de l’Amérique espagnole. La petite ville de Catorce, dont le véritable nom est celui de la Purissima Concepcion deAlamos de Catorce, estsituée sur le plateau CHAPITRE XI. 3 calcajre qui s’abaisse vers le nuevo rejno do Leon et vers la province du Nouveau-San- tander. Du sein de ces montagnes ' de calcaire compacte secondaire , s’élèvent, comme dans le Vicentin , des masses de basalte et d’amvg- daloïde poreuse, qui ressemblent à des produits volcaniques, et qui renferment de l’olivine , de la zéolilhe et de 1 obsidienne : un grand nombre de filons, peu puissans et très -va- riables dans leur largeur et leur direction , traversent la pierre calcaire , qui elle-même recouvre un thonschiefer de transition j peut- être ce dernier est-il superposé à la roche sjénitique de la Bujfa del Fraile. Le plus grand nombre de ces filons sont occidentaux {spathgange) ; leur inclinaison est de 25“ ü ôo*^ vers le nord-est fi Les minéraux qui forment la gangue se trouvent généralement dans un état de décomposition : on les attaque avec la pioche , le pic à roc , et avec la poin- trole. La consommation de la poudre est beaucoup moindre qu’à Guanaxuato et à ^ Près de la mine del Padre Flores , et sur le chemin de San ilamon a Catorce. {^Sonneschmidt , p. 27p, ) “ Descripcion del Real de Catorce , per Don José Manuel Gonzales Cueto ; 1800. (Manuscrit.) LIVRE IV , Zacatecas. Ces mines ont aussi le grand avan- tage d’être presque entièrement sèches; de sorte quelles n’ont pas besoin de machines coûteuses pour Y épuisement des eaux. Deux particuliers très-pauvres , Sébastian Coronado et Antonio Llanas, découvrirent , en 1773, des filons dans un site appelé au- jourd’hui Cerro de Catorce Fiejo , à la pente occidentale du de la Fariga de P lata : ils attaquèrent ces filons, qui étoient pauvres etinconstans dans leurs produits. En 177 ? un mineur de YOjo delAgua de Matchuala , Don Barnabè Antonio de Zepeda, parcourut pendant trois mois ce groupe de montagnes calcaires et arides. Après avoir examiné atten- tivement les ravins, il eut le bonheur de trouver la crête ou Y affleurement Ae veta grande , sur laquelle il perça le puits de la Guadalupe : il en retira une immense quan- tité d’argent muriaté, et des colorados meles d’argent natif ; il gagna en peu de temps plus d’un demi-million de piastres. Depuis cette époque , les mines de Catorce furent exploi- tées avec la plus grande activité : celle du Padre Flores seule produisit, dans la pre- mière année, 1,600,000 piastres ; mais le filon CHAPITRE XI. 5 ne montra une grande richesse ” que de- puis 5o jusqu’à i5o mètres de profondeur perpendiculaire. La fameuse mine de la Purissima , appartenant au colonel Obre- gon, n’a presque pas cessé, depuis 1788, de donner annuellement un profit net de 200.000 piastres: son produit a été , en 1796, de 1,200,000 piastres , tandis que les frais d’exploitation ne sont pas montés au delà de 80,000. Le filon de la Purissima , qui n’est que le même que celui du Padre Flores, ac- cjuiert quelquefois la puissance extraordinaire de 4o mètres: il a été travaillé, en 1802, jusqu’à la profondeur de 48o mètres. Depuis l’année 1798, la richesse des minerais de Catorce a singulièrement diminué, l’argent natif se montrant plus rarement, et les me- tales Colorado s , qui sont un mélange intime d’argent muriaté ^ de plomb carbonaté ter- reux et d’ocre rouge, commençant à faire place aux minerais pjriteux et cuivreux. Le produit actuel de ces mines est environ de 400.000 marcs d’argent par an. Les mines de Pachuca, de Real del Monte et de Moran jouissent d’une grande célébrité à cause de leur ancienneté j de leur lâchesse 6 XIVRE IV , et de leur proximité de la capitale. Depuis le commencement du dix-huitième siècle , il ^ (jue le iscttiTid ou de Real del Monte qui ait été travaillé avec activité : l’exploitation des mines de Moran n a été re- prise que depuis peu d’années; et le, gîte de minerais de Pachuca, un des plus riches de toute l’Amérique , se trouve abandonné en- tièrement depuis l’horrible incendie qui eut lieu dans la fameuse mine del Encino , qui , à elle seule , fournissoit annuellement plus de §0,000 marcs d’argent. Le feu consuma la charpente par laquelle étoit étayé le faite des galeries, et le plus grand nombre des mineurs furent suffoqués avant de pouvoir atteindre les puits. C’est un incendie semblable qui a fait abandonner, en 1787 , l’exploitation des mines de BolaHos, dont l’épuisement n a été recommencé qu’en 1792* La vallée de Mexico est séparée du bassin de Totonilco el Grande , par une chaîne de montagnes porphyritiques , dont la plus haute cime' estlepic du Jacal, élevé, d après ma > Voyez mon Nivellement barométrique, p. 4o 42, n. 290-312. CHAPITRE XI. 7 ^lesure à l’aide du baromètre, de 5i24 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ce porphyre sert de base à l’amygdaloïde poreuse qui en- toure les lacs de Tezcuco^ de Zumpango et de San Cristobal : il paroît de la même for- mation que celui qui , dans le chemin de Mexico à Acapulco, recouvre immédiate- ^ ment le granité entre Sopilote et Chilpan- singo, près du village d’Acaguisotla et à l’Alto de los Caxones. Au nord-est du district de Real del Monte , le porphyre se cache d’abord sous le basalte colonnaire de la ferme de Régla , et plus loin , dans la vallée de Toto- nilco y sous des' couches de formation secon- daire. La pierre calcaire alpine ^ d’une couleur gri$-bleuâtre ( alpenkalkstein ) ^ dans laquelle se trouve la fameuse caverne de Danto, appelée aussi la Montagne percée ou le Pont de la mère de Dieu * , paroît reposer immé- diatement sur le porphyre de Moran ; elle renferme, près du Puerto de la Mesa, des filons de galène : on la trouve recouverte de trois autres formations d’une origine moins ancienne, qui, en les nommant selon l’ordre ^ Pu&nte de la Madré de Dio$* 8 LIVRE IV , de leur superposition, sont le calcaire du Jura } près des buins de Totonilco , le gies schisteux d’Amojaque , et w.n gypse de seconde j'onnaüon, mêlé d’argile. Le gisement de ces roches secondaires , que j’ai observé avec soin , est d’autant plus remarquable qu’il est identique avec celui que l’on a reconnu dans l’ancien continent , selon les belles observa- tions de MM. de Buch et Freiesleben. Les montagnes du district des mines de Real del Monte renferment des couches de porphyre , qui , par rapport à leur origine ou à leur ancienneté relative , dilferent beaucoup les unes des autres. La roche qui forme le toit et le mur des filons argentifères , est un por- phyre décomposé dont la base paroît tantôt argileuse, tantôt analogue au hornstein écxA- leux-.la présence de l’amphibole ne s’y annonce souvent que par des taches verdâtres , qui sont entremêlées de feldspath commun et vitreux. A de très -grandes hauteurs, par exemple dans la belle forêt de chênes et de sapins de rOyamel, on trouve des porphyres à base de pierre perlée, enchâssant de l’obsidienne en couches et en rognons. Quel est le rapport qui existe entre ces dernières couches, que CHAPITRE XI. 9 plusieurs minéralogistes distingués regardent comme des produits volcaniques, et ces por- phyres de Pachuca , de Real del Monte et de Moran , dans lesquels la nature a déposé d'énormes masses d’argent sulfuré et de pyiâtes argentifères ? Ce problème , un des plus difficiles de tous ceux qu’olFre la géolo- gie , ne sera résolu que lorsqu’un grand nombre de voyageurs zélés et instruits auront parcouru les Cordillères mexicaines , et étudié avec soin cette immense variété de porphyres qui sont dépourvus de quartz , et qui abondent à la fois en amphibole et en feldspath vitreux. Le district des mines de Real del Monte n’ojfFre pas, comme celui de Freiberg, en Saxe, comme le Derbyshire, en Angleterre, ou comme les montagnes de Zimapan et de Tasco, dans la Nouvelle-Espagne, sur une petite étendue de terrain , un grand nombre de filons riches mais peu puissans : il ressemble plutôt aux montagnes du Harz et de Schem- nitz, en Europe, ou à celles de Guanaxuato et duPotosi, en Amérique, dont les richesses sont contenues dans des gîtes de minerais peu nombreux, mais de dimensions très- lO LIVRE IV, considérables. Les quatre filons de la Biscaina, du Rosario , de Cabrera et de l’Encino , par- courent les districts de Real del Monte , de Moran et de Pacbuca, à des distances extraor- dinaires , sans changer de direction , et presque sans rencontrer d’autres filons qui les traversent ou qui les dérangent. La veta de la Biscaina , moins puissante , mais peut-être plus riche encore que le filon de Guanaxuato , avoit été exploitée , avec beaucoup de succès, depuis le seizième jus- qu’au commencement du dix-huitième siècle. En 1726 et 1727, les deux mines de la Bis- caina et du Xacal ont encore produit en- semble 542,700 marcs d’argent. La grande quantité d’eau qui filtroit à travers les fentes de la roche porphyrique , jointe à l’imperfec- tion des moyens d’épuisement , forcèrent les mineurs d’abandonner les travaux, qui n’a- voient cependant atteint que 120 mètres de profondeur. Un particulier très-entreprenant , Don Joseph Alexandre Bustamente, eut le courage de commencer une galerie d écou- lement près de Moran : il mourut avant d’achever cet ouvrage considérable , qui a 2352 mètres de longueur , depuis son eni- CHAPITRE XI. I I boiichure jusqu’au point où la galerie traverse le filon de la Biscaina. Ce filon est dirigé hor. 6; son inclinaison est de 85^ au midi; sa puissance est de 4 à 6 mètres. Le porphyre de ce district est généralement dirigé hor. 7—8, avec une inclinaison de 60"^ au nord-est, comme on le voit surtout dans le chemin de Pachuca à Real del Monte. La galerie d’écou- lement est d’abord taillée en plein roc [quer^ schlagsweise ), en se dirigeant hor. 7, vers l’ouest : plus loin elle prend sa route sur trois filons differens hor. 11 — 12, dont un seul, la veta de la Soledad\ a fourni assez de mi- nerais d’argent pour payer tous les frais de cette entreprise. La galerie ne fut terminée qu’en 1762 , par le compagnon de Busta- mente , don Pedro Tereros. Ce dernier , connu sous le titre de comte de Régla , comme un des hommes les plus riches de son siècle, avoit déjà retiré, en 1774^ un profit net de ^ On croit que ce filon est identique avec celui que M. d Elhuyar a commencé à exploiter dans le puits de Cabrera, àMoran. Il m’a paru cependant que la veta de Cabrera est plutôt la même que celle de Santa Brigida, et que sa richesse principale se trouve en la suivant vers la mine de Jésus. I a LIVRE ÎV , plus de 25 millions de livres tournois de la mine de la Biscaina. Outre les deux vaisseaux de guerre dont il fit présent au roi.Charles iii, et dont l’un étoit de cent douze canons, il prêta à la cour de Madrid 5 millions de francs , qui ne lui ont pas été rendus jusqu’ici. Il construisit la grande usine de Régla , qui lui a coûté plus de lo millions ; il acheta des terres d’une éten- due immense, et laissa à ses enfans une fortune qui n’a été égalée, au Mexique, que par celle du comte de la Valenciana. La galerie de Moran traverse le filon de la Biscaina dans le puits de San Ramon , à 210 mètres de profondeur au-dessous du niveau du sol sur lequel sont placésles baritels à chevauoc. Depuis l’année lyZ'i’ profit du propriétaire diminua d’année en année. Au lieu de pousser des galeries de recherche pour reconnoître la richesse du filon sur une grande étendue , on continua de s’enfoncer avec les ouvrages exploitation : on travailla jusqu’à 97 mètres de profondeur au-dessous de la galerie d’écoulement. Le filon y con- serva sa grande richesse en argent sulfuré mêlé d’argent natif ; mais 1 abondance des eaux augmenta à tel point que vingt- huit CHAPITRE XU i3 liaritels f dont chacun exigeoit plus de qua- rante chevaux, ne suffisoient pas pour répui- sement de la mine. En 1783, la dépense monta à 4S>ooo francs par semaine. Après la mort du vieux comte de Régla , les travaux furent suspendus jusqu^’en 1791, époque à laquelle on eut le courage de rétablir tous les baritels. Les frais de ces machines, qui retiroient l’eau , non au moyen de pompes ; mais par des sacs suspendus à des cordes, s’éle voient alors à plus de 760^000 francs par an. On parvint elFectivement jusqu’au point le plus profond de la mine , qui, d’après mes mesures % n’est élevé que de 324 mètres au- dessus du niveau du lac de Zumpango ; mais les minerais que l’on retira, ne compensant pas les frais de l’épuisement, la mine fut de nouveau abandonnée en 1801. ' J’ai trouvé la hauteur absolue du lac de Zumpango de 2284 mètres ; celle du puits de Ramon de 2816 mè- tres : or^ le point le plus profond de la mine de la Biscaina est à 307 mètres au-dessous de l’ouverture supérieure de ce puits. J’ai consigné ici ces résultats , parce que dans le pays on croit généralement que les ouvrages d’exploitation du Real del Monte ont déjà atteint le niveau du lac salé de Tezcuco. 1 4 LIVRE IV , On doit être surpris que l’on n’ait pas songé à substituer à ce misérable moyen de retirer l’eau par des sacs, des équipages de pompes, mus par des baritels à chevaux, par desroueshydrauliques, oupar des machines à colonne d’eau. Une galerie d écoulement commencée à Pachuca, ou plus bas , vers Gasave , dans la vallée de Mexico , auroit épuisé la mine de Biscaina, au puits de San Ramon , iusqu’à la profondeur de Syo mètres. Le même but seroit atteint, et à moins de frais, en suivant le projet de M. d’Elhuyar, et en plaçant l’embouchure d’une nouvelle galerie près d’Omitlan , dans le chemin qui conduit de Moran à l’usine d’amalgamation de Régla : cette dernière galerie auroit à peu près 38oo mètres de longueur, lorsqu’elle parviendroit à couper le filon de la Biscama. Le plan très-sage que suit aujourd’hui le comte de Régla est celui de ne pas s’occuper de l’épuisement des anciens travaux , mais de reconnoître le gîte de minerai dans des points où il n’avoit point encore été attaqué . En étudiant à Real del Monte la surface du * In unperfahrenem Fdde, CHAPITRE XI. 15 sol et les ondulations du terrain, on observe que le filon de la Biscaina a fourni, depuis trois siècles, ses plus grandes richesses sur un seul point, c’est-à-dire, dans un enfonce- ment naturel contenu entre les puits de Dolo- res, de la Joya , de San Cayetano , de Santa Teresa et de Guadalupe. Le puits duquel on a retiré le plus de minerais d’argent , est celui de Santa Teresa. A l’est et à l’ouest de ce point central, le filon se trouve étranglé sur une distance de plus de 4oo mètres : il conserve sa direction primitive ; mais dé- pourvu de métaux, il est réduit à une veine presque imperceptible. Pendant long-temps on avoit cru que le filon de la Biscaina se perdoit insensiblement dans la roche ; mais en 1798 on découvrit des métaux très-riches à une distance déplus de 5oo mètres à l’est et à 1 ouest du centre des anciens travaux : on creusa dès lors les puits de San Ramon et de San Pedro ; on reconnut que le filon reprend son ancienne puissance, et qu’un champ im- mense se présente à de nouvelles exploitations. Lorsque je visitai ces mines (au mois de mai i8o3 ), le puits de San Ramon n’avoit encore que 3o mètres de profondeur : il en aura près l6 LIVRE IV, de 240 jusqu’au sol de la galei’ie de Moran , qui elle-même est encore éloignée de 43 mètres du point qui correspond à l’intersection du nouveau puits et du yaite de la galerie. Dans son état actuel, la mine du comte de Régla produit annuellement plus de cinquante à soixante mille marcs d’argent. Le filon de la Biscaina renferme , dans les points où sont les principales exploitations , du quartz laiteux qui passe souvent au horn- stein écailleux , de l’améthyste , du carbonate de chaux , un peu de sulfate de baryte , de l’argent sulfuré mêlé d’argent natif et quel- quefois d’argent noir prismatique {sprôd- glaserz ) , de l’argent rouge sombre , de la galène et des pyrites de fer et de cuivre. Ces mêmes minerais d’argent se trouvent, près de la surfaee du sol , dans un état de décomposition, et mêlés d’oxide de fer, comme les pacos du Pérou. Près du puits de San Pedro, les pyrites sont quelquefois plus riches en argent que la mine d’argent sulfuré.' Les mines de Moran, très-célèbres autre- fois, ont été abandonnées, il y a quarante ans ’, à cause de l’abondance des eaux qu’on ne pouvoit pas épuiser. C’est dans ce district CHAPITRE Xr. *7 de mines, qui est voisin de celui de Real dél Monte , près de rembouchure de la grande galerie d’écoulement de la Biscaina , que l’on a placé, en i8oi , une machine à colonne d’eau, dont le cylindre a 26 centimètres de hauteur sur 16 de diamètre. Cette machine, la première de ce genre que l’on ait construite en Amérique, est bien supérieure à celles qui existent dans les mines de la Hongrie : elle a été exécutée d’après les calculs et les plans de M, del Rio , professeur de minéralogie à Mexico, qui a visité les mines les plus célèbres de l’Europe, et qui réunit les connoissances les plus solides et les plus variées ; l’exéeu- tion en est due à M. Laehaussée , artiste brabançon d’un talent distingué, qui a aussi construit, pour l’école des mines de Mexico, une collection très-remarquable de modèles servant à 1 étude de la méeanique et de l’hy- drodynamique On doit regretter que cette ' belle machine , dans laquelle le régulateur des soupapes est mu par un mécanisme par- ticulier, ait été placée dans un endroit où ^ Voyez Chap. VII, T. II, p. 17. * Delius , d&s mines de Schemnitz , édition de jkT» Schreiher J ^91, f IV, 3 l8 LIVRE IV, l’on a une grande difficulté de trouver l’eaa nécessaire pour la tenir continuellement en mouvement. Lors de mon séjour à Moran, les pompes ne pouvoient jouer que trois heurespar jour. La construction de la machine et celle des aquéducs ont coûté 80,000 piastres : on avoit compté d’abord sur une dépense de moitié plus petite, et sur une masse d’eaux motrices très-considérable ; mais l’année où ces eaux furent mesurées étant très-pluvieuse , on les crut beaucoup plus abondantes qu’elles ne le sont ordinairement. Il faut espérer que le nouveau canal , auquel on travailloit en i8o3, et qui devoit avoir 5ooo mètres de long, aura remédié à ce manque d’eau, et que le filon de Moran (hor. 9 f , incliné de 84® au nord-est) se trouvera, à de grandes profondeurs , aussi riche que les actionnaires de la mine le supposent. M. del Rio , lors de son arrivée à la Nouvelle-Espagne , n’avoit d’autre but que celui de prouver aux mineurs mexicains l’effet de ce genre de machines , et la possibilité de les exécuter dans le pays même : ce but a été rempli en'partie ; il le sera d’une manière plus évidente encore, lorsqu’une machine à colonne d’eau sera placée dans la CHAPITRE XI. 19 mine de Rayas , à Guanaxuato , dans celle du comte de Régla, à Real del Monte, ou dans celles de Bolanos , où M. Sonneschmidt ' a compté près de quatre mille chevaux et mulets servant à mouvoir les baritels. ILes mines du district de Tasco y situées sur la pente occidentale de la Gordillière , ont perdu leur ancienne splendeur depuis la fin du dernier siècle,- car, dans leur état actuel, les filons de Tehuilotepec_, de Sochipala, du Cerro del Limon, de San Estevan et de Guautla, ne fournissent ensemble annuelle- ment que près de 60,000 marcs d^argent. C’est pendant l’année 1762 et les dix années suivantes , que les mines de Tasco ont été exploitées avec le plus d’activité et de succès. Cette activité etoit due à 1 esprit entreprenant d’un François , Joseph de Laborde, qui étoit venu très-pauvre au Mexique, et qui, en 1743, avoit gagné d’immenses richesses dans la mine de la Canada du Real de Tlapujahua. Nous avons parlé dans un autre endroit ° des revers de fortune qu’a éprouvés plusieurs fois cet * Sonneschmidt , p. 241. »Chap. vm, T. Il, p.263. 2* 20 LIVRE IV, homme extraordinaire. Après avoir construit à Tasco une église qui lui coûta 4oo,ooo pias- tres , il fut réduit a la derniere misere , par la décadence rapide de ces mêmes mines dont il avoit retiré annuellement 2 à 3oo,ooo marcs d’argent. L’archevêque lui ayant permis de vendre un soleil d’or enrichi de diamans , dont il avoit orné le tabernacle de l’église de Tasco , il se transporta à Zacatecas avec le produit de cette vente , qui s’élevoit à 100,000 piastres. Le district des mines de Zacatecas étoit alors dans un tel état d’aban- don , qu’il fournissoit à peine annuellement cinquante mille marcs d’argent à la monnoie de Mexico. Laborde entreprit l’épuisement de la fameuse mine de la Quebradilla : il perdit tous les fonds qu’il possédoit, sans atteindre le but de son entreprise; enfin, avec le peu de capitaux qui lui restèrent , il attaqua la veta grande , en creusant le puits de la Esperanza : c’est là qu’il gagna une seconde fois des richesses immenses. Le produit d’argent des mines de Zacatecaà s’éleva dès-lors jusqu’à 3oo,ooo marcs par an ; et quoique l’abondance des métaux ne fût pas long-temps la même , Laborde laissa à sa CHAPITRE XI. mort une fortune de près de trois millions de livres tournois. Il avoit forcé sa fille d’entrer dans un couvent , pour faire passer tout son bien à un fils unique^ qui a embrassé volon- tairement l’état ecclésiastique. Au Mexique , et partout ailleurs dans les colonies espa- gnoles, il est infiniment rare que les enfans prennent l’état de leur père : on ny trouve pas, comme en Suède, en Allemagne et en Ecosse, des familles dans lesquelles le métier de mineur est devenu héréditaire. Les filons de Tasco et du Real de Teliui- lolepec traversent des montagnes arides et sillonnées par des ravins très-profonds. La roche la plus ancienne qui paroît au jour dans ce district de mines, est le schiste primitif ( thons chiefer) , qui passe au schiste micacé : sa direction est hor. 3 — 4 > son inclinaison est de 4o^ au nord-ouest, comme je l’ai ob- servé dans le Gerro de San Ignacio , et à l’ouest de Tehuilotepec , dans le Cerro de la Compana , où Cortez avoit commencé une galerie de recherche. Le schiste micacé repose vraisemblablement sur le granité de Zuni- pango et sur celui de la vallée du Papagallo : il paroît recouvert, près d’Achichintla et 32 LIVRE IV 5 d’ Acamiscla , d’une formation porphyritique qui contient à la fois du feldspath commun et vitreux, et des couches de pechsteinhTun- noirâtre. Dans les alentours de Tasco, de Tehuilotepec et du Limon, le schiste primitif sert de base au calcaire compacte gris-bleuâtre, souvent poreux , et appartenant à la formation alpine. Ce calcaire renferme plusieurs couches subordonnées y les unes de gypse lamelleux, les autres d'argile schisteuse ( scliieferthon ) , chargée de carbone. En montant des bords du lac de Tuspa à la Subida de Tasco el Viejo ^ nous avons trouvé des pétrifications de trochites et d'autres coquilles univalves renfermées dans cette pierre calcaire : la stra- tification en est très-marquée , mais ses bancs suivent par groupes des directions et des in- clinaisons différentes. Sur cette pierre calcaire de Tasco , identique avec celle qui couvre les plaines de Sopilote et le plateau fertile de Chilpansingo , repose un grès à ciment calcaire. Le district de mines de Tasco et du Real de Tehuilotepec renferme un grand nombre de filons qui^ à l’exception du Cerro de la Compana , sont tous dirigés du nord-ouest CHAPITRE XI. 23 au sud-est, hor. 7 — 9. Ces filons, comme ceux de Catorce , traversent à la fois la pierre calcaire et le schiste micacé qui sert de base à la première : ils olFrent les mêmes métaux dans les deux espèces de roches ; cependant ces métaux ont été beaucoup plus abondans dans la pierre calcaire. Les mines se sont extrêmement appauvries depuis qu’on a été forcé d’exploiter les filons dans le schiste micacé. Un mineur très - intelligent et très- actif, Don Vicente de Anza, a donné aux mines de Tehuilotepec la profondeur de 224 mètres : il a creusé deux belles galeries d’écoulement de plus de 1200 mètres de longueur ; mais il a malheureusement trouvé que les mêmes filons , qui près de la surface du sol avoient fourni des richesses considé- rables , étoient , à de grandes profondeurs > aussi pauvres en minerais d’argent rouge qu’abondans en galène , en pyrites et en blende jaune. Un événement extraordinaire, arrivé le 16 février 1802, a achevé la ruine des mineurs de ce district. Les mines de Tehuilotepec, comme celles de Guautla, ont manqué de tout temps de l’eau nécessaire pour le mouvement ^4 LIVRE IV , des bocards et des autres machines qui prépa- rent le minerai pour le procédé de ramalgama- tion. Le ruisseau le plus abondant dont on se servoit dans les usines , sortoit d’une caverne qui se trouve dans la roche calcaire, et que l’on appelle la Cuei>a de San Felipe : ce ruisseau s’est perdu dans la nuit du 1 6 au 17 février, et deux jours plus tard il s’est montré une nouvelle source à cinq lieues de distance de la caverne , près du village du Plantanillo. Il a été prouvé , par des recherches très-inté- ressantes pour la géologie, et dont je parlerai dans un autre endroit, qu’il existé dans cette contrée , entre les villages de Chamacasapa , Plantanillo et Tehuilotepec , dans le sein des montagnes calcaires , une suite de cavernes et de galeries naturelles, et que des rivières souterraines , semblables à celles du comté de Derby^ en Angleterre , traversent ces galeries , qui communiquent les unes aux autres. Les filons de Tehuilotepec sont générale- ment occidentaux ( spatgange) ; il ont deux à trois mètres de puissance séparés de la roche par une lisière de limon argileux , ils ont plusieurs branches latérales qui enrichissent CHAPITRE Xr. le lîlon principal là où ils se traînent avec lui. Leur structure offre la particularité que le minerai métallique est rarement disséminé dans toute la gangue , mais réuni dans une seule bande , qui se trouve tantôt près du toit, tantôt près du mur du filon. En général , les gîtes de minerais de Tasco et de Tehui- lotepec sont extrêmement inconstans dans leur produit : quant à la nature de la masse qui les constitue , j’j ai reconnu quatre j^r- mations de filons très-différentes; savoir : i.^De l’oxide de fer brun, rouge et jaune, dans lequel se trouve disséminé , en parcelles impalpables , de l’argent natif et de l’argent sulfuré ; de la mine de fer brune cellulaire , du fer spéculaire , un peu de galène et de fer magnétique, et du cuivre carbonaté bleu. Cette formation , analogue à celle des pacos de Fuentestiana et de Pasco, au Pérou, est désignée à Tehuilotepec sous le nom de tep'ostel : on la trouve à de petitesprofondeurs, près du jour ( im ausgehenden ) , dans les mines de San Miguel, de San Estevan et de la Compana, près de Tasco, de même qu’au Cerro de Garganta , près de Mescala. Le tepostel est généralement moins riche que le 20 LIVRE IV paco du Pérou : à Tasco , il Test d’autant plus , que l’oxide de fer est plus mêlé d’azur de cuivre ; il n’y contient cependant géné- ralement pas au delà de quatre onces d’argent par quintal. 2. ® Du spath calcaire , un peu de galène et du gypse lamelleux transparent ^ enchâssant des gouttes d’eau avec de l’air et de l’argent natif filiforme. Cette petite formation très- remarquable , qui a aussi été observée dans les montagnes de Saltzbourg , se trouve à la profondeur de plus de cent mètres sur le filon de la Trinidad, qui est la continuation de celui de San Miguel, dans un point où le mur n’est pas de gypse , mais de calcaire compacte. 3. ® L’argent rouge vif, l’argent vitreux aigre ( sprodglaserz ) , beaucoup de blende jaune, de la blende brune, de la galène, fort peu de pyrites de fer , du spath calcaire et du quartz laiteux. Cette formation, la plus riche de toutes , offre le phénomène remar- quable que les minerais les plus abondans en argent forment des boules sphéroïdiques de lo à 12 centimètres de diamètre, dans lesquelles l’argent rouge , mêlé d argent i CHAPITRE XI. 37 vitreux aigre et d argent natif, alterne avec des bandes de quartz. Ces boules, dont la présence n’a été fréquente qu’entre i5 et 6o mètres de profondeur, sont empâtées dans une gangue de spath calcaire et de spath brunissant. On les a observées sur les trois filons de San Ignacio , de Dolores et du Perdon , dont les masses sont remplies de druses y tapissées de beaux cristaux de car- bonate de chaux. 4-^ Beaucoup de galène argentifère, qui est d’autant plus riche en argent, que les pièces séparées sont à plus petits grains ; beaucoup de blende jaune ; peu .de pyrites ; du quartz et du spath calcaire dans les mines du Socabon del Pie et de la Mai;'quesa. Tous ces filons parcourent un plateau qui a dix-sept à dix-huit cents mètres d’éléva- tion au-dessus de la surface de la mer , et qui jouit d’un climat tempéré et très-favo- rable à la culture des céréales de l’ancieîi continent. En jetant un coup d’œil général sur l’ex- ploitation des mines de la Nouvelle-Espagne ; en la comparant avec celle des mines de Freiberg, du Harz et de Schejnnitz, ouest aS LIVRE IV, surpris de trouver encore dans son enfance un art qui est pratiqué en Amérique depuis près de trois siècles, et duquel, d’après un préjugé vulgaire , dépend la prospérité de ces établissemens ultramarins. Les causes de ce phénomène ne peuvent pas échapper à ceux qui, après avoir visité l’Espagne, la France et la partie occidentale de l’Allemagne, ont vu qu’au centre de l’Europe civilisée il existe encore des pays de montagnes dans lesquels les travaux des mines se ressentent de toute la barbarie du moyen âge. L’art du mineur ne peut faire des progrès là où les exploitations sont dispersées sur une grande étendue de terrain, là où le gouvernement laisse aux propriétaires la plaine liberté de diriger les travaux à leur gré , et d’arracher les minerais du sein de la terre sans penser à l’avenir. Depuis l’époque brillante du règne de Charles-Quint, l’Amérique espagnole a été séparée de l’Europe sous le rapport de la communication des découvertes utiles à la société. Le peu de connoissances qu’on pos- sédoit , au seizième siècle , sur 1 art de l’exploitation et sur celui de la fonte , en Allemagne, en Biscaye et dans les provinces CHAPITRE XI. ^9 Belgiqiies, avoit passé rapidement au Mexique et au Pérou , lors de la première colonisation dans ces pays : mais depuis ce temps jusqu’au règne du roi Charles iii , les mineurs améri- cains n’ontpresquerien appris des Européens, à l’exception du üj'age a la poudre * dans les roches qui résistent à la pointrole. Ce roi et son successeur ont montré le désir le plus louable de faire participer les colonies à tous les avantages que retire l’Europe du perfec-- tionnement des machines, des progrès des sciences physico-chimiques , et de leur appli- cation à la métallurgie. Des mineurs allemands ont été envoyés aux frais de la cour , au Mexique , au Pérou , et dans le royaume de la Nouvelle - Grenade ; mais leurs lumières n’ont pu être utiles, parce que les mines du Mexique sont regardées comme une propriété des particuliers qui en dirigent les travaux , sans permettre que le gouvernement y exerce la moindre influence. Nous n’entreprendrons point ici d’indiquer en détail les défauts que nous croyons avoir * Ce tirage à la poudre n’a même été introduit dans les mines d’Europe que vers l’année i6i3. {^Dauhuisson , T. 1, p. gS.) 3o LIVRE IV, observés dans l’adniinistration des mines de la Nouvelle-Espagne : nous nous bornerons à des considérations générales , en faisant remarquer tout ce qui nous paroît digne de fixer l’attention du voyageur européen. Dans la plupart des mines mexicaines, le travail à la pointrole, celui qui demande le plus d’adresse de la part de l’ouvrier, est très-bien exécuté. On pourroit désirer que le maillet fût un peu moins lourd : c’est le même instrument dont les mineurs allemands se servoient du temps de Charles - Quint. De petites forges mobiles sont placées dans l’intérieur des mines pour reforger la pointe des pointroles qui sont mises hors de service. J’ai compté seize de ces forges dans la mine de Valenciana : dans le district de Guanaxuato, les plus petites mines en ont une ou deux. Cet arrangement est surtout très-utile dans des mines qui occupent jusqu’à quinze cents ouvriers, et dans lesquelles, par conséquent , la consommation de l’acier est immense. Je ne saurois louer la pratique suivie dans le tirage a la poudre : les trous qui doivent recevoir les cartouches sont généralement ti’op profonds , et les mineurs CHAPITRE XI. 3 1 ne prennent pas assez de soin en dépouillant la partie de la roche qui doit céder à l’ex- plosion. Il résulte de ces défauts une perte de poudre très - considérable. La mine de Valenciana a consommé depuis 1794 jus- qu’en 1803, pour 673,676 piastre? de poudre, et les mines de la Nouvelle-Espagne en né- cessitent actuellement douze à quatorze mille quintaux. Il est probable que plus du tiers de cette quantité est employé inutilement. A Chapoltepec , près de Mexico , et dans la mine de Rayas, près de Guanaxuato, on a fait des expériences sur la méthode du tirage proposée par M. Bader ; méthode d’après laquelle on laisse un certain volume d’air entre la poudre et le bouchon. Quoique ces essais aient prouvé le grand avantage de la ’ En 1799, pour 65,375 piastres; en i8od, pour 68,493 piastres; en 1801, pour 78, 243 piastres; en 1802, pour 79,903 piastres. On paye au mineur, à Gua- naxualo , pour un trou de i“‘-,5 de profondeur, 12 fr. ; pour un trou de i“-,9 de profondeur, 9 francs, sans compter la poudre et les outils, qui sont fournis à part. Dans la mine de Valenciana, on pratique toutes les vingt-quatre heures près de six cents trous à deux hvmmes^ 32 LIVRE IV, nouvelle méthode , l’ancienne a prévalu à cause du peu d’intérêt que mettent les maîtres mineurs à réformer les abus et à perfectionner l’art de l’exploitation. Le ciwelage ou le revêtement en charpente est peu soigné ; il devroit cependant d’autant plus fixer l’attention des propriétaires que le bois devient d’année en année plus rare sur le plateau du Mexique. La maçonnerie em- ployée dans les puits et dans les galeries ’ ^ surtout le rnuraillement a chaux , mérite beaucoup d’éloges. Les voussoirs sont formés avec le plus grand soin, et sous ce rapport les mines de Guanaxuato peuvent rivaliser avec tout ce que l’on voit de plus parfait à Freiberg et à Schemnitz. Les puits , et plus encore les galeries de la Nouvelle-Espagne, ont généralement le défaut d’être creusés dans des dimensions (ortstosshôhe) beaucoup trop grandes, et de causer par là des dépenses exorbitantes. A Valenciana on trouve des galeries poussées dans le but de reconnoître un filon stérile et qui ont une hauteur de » Surtout dans les mines de Valenciana , de Gua- naisuato et de Real del Monte* » Canon de la Soledad. CHAPITRE XI. 33 8 OU 9 mètres. On imagine à tort que cette o-rancle hauteur facilite le renouvellement O de l’air : Xairage dépend uniquement de l’équilibre et de la différence de température de deux colonnes d’air voisines. On croit encore, et avec tout aussi peu de fondement, que, pour reconnoître la nature d’un filoîi très-puissant , il faut des galeries de recherche très-larges, comme si, sur des gîtes de mi- nerais de douze à quinze mètres de puissance, il ne valoit pas mieux pousser de temps en temps de petites rfe traverse vers le mur et le toit^ pour voir si la masse du filon commence à s’enrichir. C’est cette cou- tume absurde de creuser toutes les galeries dans des dimensions énormes, qui empêche les propriétaires de multiplier les tra^^aux de recherche indispensables pour la conserva- tion d’une mine , et pour la longue durée des exploitations. A Guanaxuato, la largeur des puits obliques et creusés en gradins est de dix à douze mètres : les puits perpendiculaires en ont généralement six , huit ou dix. L’énorme quantité de minerais que l’on tire des mines, et la nécessité d’y faire entrer les cables attachés à six ou huit baritels à che^yaux p 5 IV. 34 LIVRE IV, obligent à donner aux puits du Mexique de plus grandes dimensions qu’à ceux de 1 Alle- magne : mais l’essai qu’on a fait à Bolaues de séparer par une charpente les cables des baritels , a prouvé suffisamment que l’on peut diminuer la largeur des puits sans craindre que les cordages ne s’enlacent dans leur mou- vement oscillatoire. Il seroit en général très- utile de se servir, pour l’extraction des minerais j de tonnes on de caisses paralléli— pipèdes rectangles, au lieu de sacs de cuir suspendus aux cables du tambour. Plusieurs paires de ces tonnes , frottant avec leurs rou- lettes contre des solives de conduit, pourroient monter et descendre dans un même puits. Le plus grand défaut que I on observe dans les mines de la Nouvelle — Espagne, et qui rend l’exploitation infiniment coûteuse, est le manque de communications entre les dif- férens ouvrages : elles ressemblent à des édifiées mal construits , dans lesquels , pour passer d’une piece a la piece voisine , il faut faire le tour de la maison entière. Cette mine de la Valenciana , à cause de sa richesse , de la magnificence de son muraillement et de la facilité avec laquelle on y entre par des^ CHAPITRE XI. 35 escaliers spacieux et commodes, excite une juste admiration : cependant elle n’ofFre tpi’une réunion de petits ouvrages d’une forme trop irrégulière pour qu’on doive les appeler des ouvrages à gradins ; ce sont de "V éi italalcs sacs qui n ont qu une seule ouver** ture par en haut, sans aucune communica- tion latérale. Je cite cette mine , non point comme celle qui présente le plus de défauts dans la distribution de ses travaux, mais parce qu’on devroit la croire mieux organisée que les autres. Comme la géométrie souterraine a été entièrement négligée au Mexique jusqu’à l’établissement de l’école des mines, il n’existe aucun plan des ouvrages déjà faits. Deux exploitations peuvent être très-près l’une de lautie,sans que, dans ce dedaîe de galeries de traverse et de puits intérieurs , on puisse s’en apercevoir.il résulte de là l’impossibilité d’introduire, dans l’état actuel de la plupart des mines du Mexique, le roulage à la brouette ou au chien, et une disposition économique des places d' assemblage. Un mineur élevé dans les mines de Freibero-, accoutumé à voir pratiquer tant de moyens ingénieux de transport, a delà peine à croire 3* 36 LIVRE IV , que dans les colonies espagnoles, oùlâ pau^ vreté des minerais est réunie à une grande abondance, on transporte à dos d’hommes tout le métal qui est arraché au filon. Les Indiens tenateros , que 1 oU' peut considérer comme les bêtes de somme des mines du Mexique , restent chargés d’un poids de 225 à 55o livres pendantFespace de sixheures. Dans les galeries de Valenciana et de Rayas, ils sont exposés , comme nous l’avons observé plus haut en parlant de la santé des mineurs , à une température de 22 à 25” : ils montent et descendent, pendant ce temps , plusieurs milliers de gradins par des puits inclinés de 45”. Ces tenateros portent le minerai dans des sacs (costales) tissus avec du fil de pite. Pour ne pas se blesser le dos ( car les mineurs sont généralement nus jusqu’à la ceiuture ) , ils placent une couverture de laine (fnsada) au-dessous de ce sac. On rencontre dans les mines des files de cinquante à soixante de ces . Voyez Chap. V , T. I , p- 362. A Paris , les/orto de la halle sonl généralement chargés de sacs de farine qui pèsent 325 livres. Pour être reçu dans leur cor- poration , il faut pouvoir porter , pendant l’espace de vingt-cinq minutes , un. poids de 85o livres. CHAPITRE XI. 3? poi'tefaix , parmi lescjiiels il y a des vieillards sexcigéiiciircs et des enfons de dix à douze cins. Eu montant les escaliers, ils jettent le corps en avant , et s’appuient sur un bâton qui n’a que trois décimètres de longueur : ils marchent en zigzag, parce qu’une longue expérience leur a prouvé (à ce qu’ils assurent) que leur respiration est moins gênée lorsqu ils traversent obliquement le courant d’air qui entre du dehors par les puits. On ne peut se lasser d’admirer la force musculaire des tenateros indiens et métis de G uanaxuato, surtout lorsqu’on se sent excédé de fatigue en sortant de la plus grande pro- fondeur de la mine de V alenciana , sans avoir été chargé du poids le plus léger. Les tena- teros coùleuX aux propriétaires de Valenciana plus de 1 5,000 livres tournois par semaine : aussi y compte-t-on trois hommes destinés à transporter le minerai aux places d assem- blage , pour un ouvrier ( barenador) qui fait sauter la gangue au moyen de la poudre. Ces frais énormes de transport diminueroient peut-être de deux tiers , si les ouvrages d' exploitation communiquoient par des puits intérieurs (^roUschàcht) ou par des galeries 38 XIVRE IV, propres an roulage des brouettes et des chiens. Des percemens bien entendus faci- literoient l’extraction des minerais et la cir- culation de l’air, et rendroieut inutile ce grand nombre de tenateros , dont les forces peuvent etre employées d’une manière plus avantageuse pour la société, et moins nuisible à la santé des individus. Des puits intérieurs qui , communiquant d’une galerie à l’autre , servissent à l’extraction des minerais , pour- roient être munis de treuils ( haspel) pour le tirage à bras, ou de baritels mus par des animaux. Depuis très-long- temps ( et cet arrangement mérite sans doute de fixer l’attention des mineurs européens) on se sert de mulets dans l’intérieur des mines du Mexicpie : à Rayas, ces animaux descendent tous les matins, sans guides, et dans l’ob- scurité, sur des gradins pratiqués dans un puits dont l’inclinaison est de 42" — 46'’- Les mulets se distribuent d’eux-mêmes dans les dilFérens endroits où sont placées les ma- chines à godets : leur marche est si sûre, qu’un mineur boiteux avoit coutume , il y a quelques années , d’entrer et de sortir de la mine à dos de mulet. Dans le district des CHA^PITRE XI. 39 mines du Peregriiio, à la Rosa de Castdla j. les mulets couchent dans des écuries sou- terraines , comme les chevaux que j ai vus dans les fameuses mines de sel gemme de Wieliczka, en Gallicie. Les usines de fonte et d amalgamation de Guanaxuato et de Real del Monte sont placées de manière que deux galeries navigables ^ dont les embouchures seroient près de Marfil et d’Omitlan , pourroient servir au transport des minerais , en rendant superflu tout tirage au-dessus du niveau des galeries. En outre , la descente^ de Vaienciana à Giianaxiiato , et celle de Real del Monte à Régla, sont tellement rapides , que Ton pourroit y cons- truire des routes de fer^ sur lesquelles rou- leroient des chariots chargés du minerai qui est destiné à Famalgamation. Nous avons parlé plus haut de la coutume vraiment barbare d'épuiser les eaux des mines les plus profondes, non par des équi- pages ou systèmes de pompes ^ mais au moyen de sacs attachés à des cordes qui roulent sur le tambour d’un baritel a chevaux» Les mêmes sacs servent à volonté pour retirer tantôt l’eau, tantôt le minerai; ils frottent 40 LIVRE IV 5 contre les parois des puits, et leur entretien est extrêmement coûteux. A Real del Monte, par exemple^ un de ces cuirs ne dure que sept à huit jours : il coûte communément six francs /quelquefois huit à dix. Un sac rempli d’eau, suspendu au tambour d’un baritel à huit chevaux ( malacate dohle ) , pèse i25o livres : il est fait de deux cuirs cousus l’im à l’autre. Les sacs dont on se sert pour les baritels appelés simples ^ pour ceux qui sont à quatre chevaux ( malacates sencillos ), n’ont que la moité du volume, et sont faits d’un seul cuir. En général, la cons- truction des baritels est très-imparfaite, et l’on a , en outre , la mauvaise habitude de forcer les chevaux qui les meuvent, à courir avec une vitesse beaucoup trop grande. J’ai trouvé cette vitesse, au puits de San Ramon , à Real del Monte, de dix pieds et demi par seconde / à Guanaxuato^ dans la mine de Valenciana, de treize à quatorze pieds : elle ^ L’eau étant tirée d’une profondeur de 8o métrés. Le malacate dohle avoit quatre bras; l’extrémité de chaque bras porte un timon auquel sont attachés deux chevaux. Le diamètre du cercle que décrivoient les chevaux avoit dix-sep t et demi- le diamètre du CHAPITRE XI. 4i est partout aillein-s au delà de huit pieds. Don Salvador Sein , professeur de phy- sique à Mexico, a prouvé, dans un mémoire très-intéressant sur le mouvement giratoire des machines , que malgré l’extrême légèreté des chevaux mexicains, ils ne produisent le maximum de l’effet dans les haritels , que lorsque, exerçant une force de lyS livres, ils marchent avec une vitesse de cinq à six pieds par seconde. Il faut espérer que l’on introduira à la fin, dans les mines de la Nouvelle-Espagne , des équipages de pompes, mus ou par des baritels a chevaux mieux construits, ou par des roues hydrauliques , ou par des machines a colonnes d’eau. Le bois étant assez rare sur le dos des Cordillères , et le charbon de terre n ayant encore été découvert qu’au Nouveau- Mexique , on ne peut malheureusement pas se servir de pompes a feu, dont l’emploi seroit si désirable dans les mines noyées de Bolanos, comme dans celles de Rayas et de Mellado. C’est dans l’épuisement des eaux que l’on tambour en avoit douze. On cbange les chevaux toutes les quatre heures. • 4^ LIVRE IV 5 sent surtout combien il est indispensable d’avoir des plans levés par des géomètres souterrains. Au lieu d’arrêter les eaux et de les conduire, par le chemin le plus court, vers le puits à machines, on les fait tomber souvent vers le fond de lamine S pour les retirer à grands frais. De plus, dans le district de mines de Guanaxuato , près de deux cent ^ cinquante ouvriers ont péri dans 1 espace de quelques minutes^ le i4 jihn 1780, parce que, sans avoir mesuré la distance qu il y avoit entre les travaux du San Ramon et les anciens ouvrages du Santo Christo de Burgos^ on s’étoit approché imprudemment de cette dernière mine , en poussant vers elle une galerie de recherche. Les eaux dont les ouvrages du Santo Christo etoient l’emplis, se jetèrent impétueusement, par cette nou- velle galerie du San Ramon , dans la mine de Valenciana : beaucoup d’ouvriers périrent par l’elFet de la compression subite de l’air , qui, en cherchant une issue, lança à de » Par exemple à Rayas , où l’on retire, à 358 paras de profondeur , les eaux que l’on pourroit réunir , vers le sud - est , dans un puisard a la profondeur de 180 paras. CHAPITRE XI. ,43 g'randes distances des bois de cuvelage et des quartiers de roches. Cet accident ne seroit point arrivé, si, en ordonnant les travaux, on avoit pu consulter un plan de ces mines. D après le tabjeau que nous venons de tracer de l’état actuel des exploitations et de la mauvaise économie qui règne dans Fad- ministration des mines de la Nouvelle-Es- pagne, on ne doit pas s’étonner de voir que des exploitations qui, pendant long-temps, ont été du jalus grand rapport, ont été aban- données dès qu’elles ont atteint une pro- fondeur considérable, où dès que les filons^ se sont montrés moin^ abondans en métaux Nous avons observé plus haut que, dans la fameuse mine de la Valenciana, les dépenses annuelles se sont élevées, dans l’espace de quinze ans , de 2 millions de francs à 4 niil- lions et demi. S il y avoit bea^icoup d’eau dans cette mine, si elle avoit besoin de haritels a chevaux pour son épuisement, le profit qu’elle laisseroit aux propriétaires seroit vraisemblablement nul. La plupart des \ices d administration que je viens d’indiquer, ont été reconnus depuis long-temps par un corps respectable et éclairé, le Tribunal ch 44 LIVRE IV , mineria du Mexique , par les professeurs dé l’école des mines, et même par quelques mineurs indigènes, qui, sans avoir jamais quitté leur patrie , connoissent 1 imperfec- tion des anciennes méthodes : mais , nous le répétons ici, les changemens ne peuvent être que très-lents chez un peuple qui n aime point les innovations , et dans un pays où le gouvernement a si peu d’influence sur les exploitations, qui appartiennent générale- ment à des individus et non à des sociétés d’actionnaires. C’est d’ailleurs un préjugé que ^.es mines de la Nouvelle-Espagne , à cause de eur richesse , n’exigent pas dans leur admi- nistration cette intelligence et cette économie ^ui sont nécessaires pour la conservation des nines de la Saxe et du Harz. Il ne faut pas confondre l’abondance des minerais avec leur richesse intrinsèque. La plupart des minerais du Mexique étant très-pauvres , comme nous l’avons prouvé plus haut, et comme le savent tous ceux qui ne se laissent pas éblouir par de faux calculs , il faut, pour produire deux mil- lions et demi de marcs d’argent, extraire une masse énorme de gangue imprégnée de mé- taux. Or, il est facile à concevoir que ^ dans CHAPITRE XI. 45 les mines dont les différens ouvrages sont mal disposés et sans communication entr’eux, les frais d’extraction doivent augmenter d’une manière effrayante, à mesure que les puits ( pozos ) augmentent de profondeur , et que les galeries ( canones) sont plus étendues. Le travail du mineur est un travail entière- ment libre dans tout le royaume de la Nom elle - Espagne; aucun Indien, aucun métis ne peut être forcé à se vouer à l’ex- ploitation des mines. Il est absolument faux, quoique cette assertion se trouve répétée dans les ouvrages les plus estimés , que la cour de Madrid envoie des forçats en Amé- rique pour y travailler aux mines d’or et d’argent. Des malfaiteurs russes ont peuplé les mines de Sibérie ; mais dans les colonies espagnoles ce genre de châtiment est heureu- sement inconnu depuis des siècles. Le mineur mexicain est le mieux payé de tous les mi- neurs ; il gagne au moins 25 à 3o francs par semaine de six journées, tandis que la journée des ouvriers qui travaillent à l’air libre , par exemple au labourage , est de 7 livres 16 sous sur le plateau central, et deq livres 1^ sous 46 LIVRE IV , près des côtes *. Les mineurs tenateros çî faeneros y qui sont destinés à transporter minerais aux places d" assemblage {despachos)^ gagnent souvent plus de 6 francs par journée de six heures \ La bonne foi n'est pas aussi commune parmi les mineurs mexicains que parmi les mineurs allemands ou suédois : ils emploient mille ruses pour voler des minerais très-riches. Comme ils sont presque nus, et qu’on les fouille , au sortir de la mine , de la manière la plus indécente, ils cachent de petits morceaux d’argent natif ou d’argent mlfuré rouge et muriaté, dans leurs cheveux, ;ous leurs aisselles et dans leurs bouches ; ils ogent même dans l’anus des cylindres d’argile |ui renferment le métal : ces cylindres s’ap- )ellent longanas , et l’on en trouve de i5 cen- imètres (5 pouces) de long. C’est un spectacle ffligeant que de voir, dans les grandes mines 'u Mexique , des centaines d’ouvriers , parmi îsquels il y en a un grand nombre , de très- onnêles, être tous forcés de se laisser fouiller ^ Voyez T. Il , p. 343 5 T. III, p. io3 et 187. * A Freiberg, en Saxe, le mineur gagne, par maine de cinq journées, 4 livres à 4 livres 10 sous. CHAPITRE XI. 47 en sortant du puits ou de la galerie. On tient reg istre des minerais trouvés dans les cheveux, dans la bouche ou dans d’autres parties du corps des mineurs. A Guanaxuato y dans la seule mine de Valenciana, la valeur de ces minerais volés , dont une grande partie pro- vient des longanas y s’élevoit, depuis 1774 jusqu’en 1787^ à la somme de 900,000 francs. Dans l’intérieur des mines on contrôle avec beaucoup de soin les minerais que trans- portent les tenateros de Y ouvrage d’exploi- tation vers lepuits. A Valenciana, par exemple, on connoît, à peu de livres près, la quantité de gangue métallifère qui sort journellement de la mine; je dis de gangue y car la roche n y est jamais un objet de tirage : on l’emploie pour remplir les vides formés par l’extraction des minerais. A la place d' assemblage des grands puits se trouvent creusées dans le mur deux chambres dans chacune desquelles sont assises, devant une tabje, deux personnes ( despachadores ) qui ont un livre sur lequel est marqué le nom de tous les mineurs employés au transport. Devant eux, près du comptoir, sont suspendues deux balances. Chaque tenadero chargé de minerai se présente 48 LIVRE IV 5 an comptoir ; deux personnes , placées près des balances, jugent du poids de la charge en la soulevant légèrement. Si le tenatero ^ qui, pendant le chemin qu’il vient de faire , a eu le temps d’évaluer sa charge, la croit plus légère que le despachador ^ il ne dit mot, parce que l’erreur lui est profitable : si, au contraire, il croit que le poids du minerai qu’il porte dans son sac est plus grand qu’on ne l’estime, alors il demande qu’on pèse sa charge sur la balance : le poids que l’on trouve est écrit sur le livre du despachador. Ou paye, de quelque endroit de la mine que viennne le tenatero ^ une charge de neuf arrobas J i real de plata j une charge de treize arrohas et demi, i- real par voyage. Il y a des tenateros qui font dans une journée huit à dix voyages ^ et c’est d’après le livre du despachador que se règle leur paye. Ce moyen de comptabilité est sans doute bien digne d’éloge , et l’on admire à la fois la célérité , l’ordre et le calme- avec lesquels on parvient à déterminer le poids de tant de milliers de quintaux de minerais que fournissent dans un seul jour des filons de 12 ou i5 mètres de largeur. CHAPITRE XI. 49 Ces minerais, séparés des roches stériles dans la mine même, par les maîtres mineurs ( (juebmdores ), subissent trois sortes de pré- parations; savoir : aux bancs de triage y où travaillent des femmes; sous les hocards,et sous les tahonas ou arastres. Ces tahonas sont des machines dans lesquelles la g'angue mé- tallifère est triturée sous des pierres très- du res, qui ont un mouvement giratoire, et qui pèsent plus de 7 à 8 quintaux. On ne connoît jusqu’ici ni le lavage à la cuve ( setzwàsche ) , ni celui sur des tables dor- mantes ( liegende heerde ) ou de percussion (stossheerde). La préparation sous les bocards (^niazos^ ou dans les tahonas y auxquels je donnerai le nom de moulins y à cause de leur ressemblance avec quelques moulins à huile et à tabac , diffère selon que le minerai est destiné à la fonte ou à l’amalgamation. Les moulins n’appartiennent proprement qu’à ce dernier procédé; cependant des grains mé- talliques très-riches, appelés polvillos , qui ont passé par la trituration du tahona , sont aussi traités par la fonte. La quantité d’argent extrait des minerais au moyen du mercure, est à celle produite ïv. 4 5o LIVRE IV, par la fonte , en raison de 3 ^ à i. Cette pro- portion résulte du tableau général lormé par les trésoreries provinciales des différens dis- tricts de mines de la Nouvelle-Espagne. Il y a cependant .quelques-uns de ces districts , par exemple ceux de Sombrerete et de Zimapan , dans lesquels le produit de la fonte l’emporte sur celui de l’amalgamation. Argent ( plata quintada ) extrait des mines de la Nouvelle - Espagne , depuis le \ N janvier 1786, jusqu’au 3i décembre i 789- CAISSES PROVINCIALES qui perçoivent le quint. ARG E N T extrait par Famalgamat. {^marcos de azogue) argent extrait par la fonte (jnarcos de fuegv) Mexico 950;185 io4,835 Zacatecas i/)3ï,36o 173,631 Guanaxuato ; 53i,i38 San Luis Potosi 1,491,058 24,465 Durango 536;272 386, 081 1 Gaadaiaxara. : 4o5,357 io3,6i5 356,355 27,614 1 Sombrerete . • • 136,395 i84,2o5 1 Zuiiopan 1,2i5 247,002 1 Pacbuca 269,536 i85,5oo 1 Posario 477, i34 191,368 1 j Total, en marcs . . . 7,572,782 2,159,454 CHAPITRE XI. Je crois qu’on devroit augmenter d’un cinquième les quantités énoncées dans le tableau précédent, pour le réduire à l’état actuel de l’exploitation. Dans les temps de paix , l’amalgamation gagne peu à peu sur la fonte, qui est généralement mauvaise. Le bois devenant , d’année en année , plus rare sur le dos des Cordillères, qui est la partie du pays la plus peuplée, la diminution du produit de la fonte est très-utile pour les fabriques qui nécessitent une grande dépense de combus- tibles. En temps de guerre, le défaut de mercure arrête les progrès de l’amalgamation, et force les mineurs à s’occuper du perfec- tionnement des procédés du fondage. Le directeur général des mines, M. Velasquez, supposoit encore en 1777, conséquent avant la découverte des riches mines de Gatorce, où la fonte est presque nulle, que, de tous les minerais de la Nouvelle-Espagne, passent par la fonte , et -j par l’amalgama- tion. Les limites que nous nous sommes prescrites, dans la rédaction de cet ouvrage ne nous permettent pas d entrer dans le détail des 4* 52 * LIVRE IV, ' procédés d’amalgamation usités au Mexique : il suffira d’en donner un aperçu général, d’examiner les phénomènes chimiques qui se présentent dans la plupart de ces procédés , et de faire sentir les difficultés qui s opposent, ' J dans le nouveau continent , à l’introduction de 1 la méthode inventée en Allemagne en 1786, | par Boni , Ruprecht et Gellert. Ceux qui dé- | sireront connoître à fond la pratique de | l’amalgamation mexicaine, trouveront les ren- | seignemens les plus satisfaisans dans un ouvrage que M. Sonneschmidt se propose de publier. Ce minéralogiste estimable a résidé à la Nouvelle-Espagne pendant 1 es- pace de douze ans : il a eu occasion de sou- j mettre à l’amalgamation une grande variété de ; minerais ; et il a été à même de reconnoitre , : par sa propre expérience , les avantages et les désavantages des différentes méthodes qui sont suivies depuis le seizième siècle dans les mines de l’Amérique. Les anciens connoissoient la propriété qu a le mercure de se combiner avec l’or; ils se servoient de l’amalgamation pour dorer le , cuivre et pour recueilhr 1 or contenu dans des CHAPITRE XI. 53 vêtemens usés , en les réduisant en cendres dans des vaisseaux d’argile Il paroît de même certain qu’avant la découverte de l’Amérique , les mineurs allemands em- plojoient le mereure, non-seulement dans les lavages des teri’es aurifères, mais aussi pour retirer l’or disséminé dans des filons % soit à l’état natif, soit mêlé aux pyrites de fer et à la mine de cuivre gris. Mais l’amalga- mation des minerais d’argent, le procédé ingénieux dont on se sert aujourd’hui dans le Nouveau - Monde , et auquel on doit la majeure partie des métaux précieux qui existent en Europe , ou qui ont reflué d’Europe en Asie, ne date que de l’année ifiéy: » Plin., XXXIII, 6. Vilruv., VII, 8. Bekmann’s Gesclî. der Erfindungen , B. I , p. 44 j B. III , p. 307 ; B. IV, p. 578. ^ Par exemple à Goldcronach , au Ficlitelgebîrge, où l’on montre encore l’emplacement des anciens moulins d’amalgamation (^quichmuhlen) destinés à broyer les minerais aurifères. Des documens précieux trouvés dans les archives de Plassenbourg , et que j’ai eu occasion d’étudier pendant un long séjour dans les montagnes de Steeben et de Wunsiedel, prouvent l’ancienneté des usines d’amalgamation à Gqjdcronacb* 54 LIVRE IV, il a été inventé an Mexique par un mineur de Pachuca , appelé Bartholomè de Médina. Diaprés les documens qui existent dans les archives du Despacho general 4e 'ndias ^ et d’après les recherches de Don Jitan Diaz de la Calle % il ne peut rester aucun doute sur le véritable auteur de cette invention , que l’on a attribuée ^ tantôt au chanoine Henrique Garces^ qui, en i566, commença l’exploita- tion des mines de mercure de Huancavelica ; tantôt à Fernandez de Velasco, qui, en y introduisit l’amalgamation mexicaine au Pérou. Il est moins certain que Médina , qui éloit né en Europe , n’eût pas déjà fait des expériences d’amalo'amation avant de venir à Pachuca. c? Un alcade de carte à Mexico, Berrio de Montalvo % auteur d’un mémoire sur le ^ 3Temorial dirigido al Senor Don Felipe IF (Madrid , iG4f)) , p. 49. Garces , del henejîcio de los inetales , p. 76-82. ® Solorzanoj Politica de las Indias ^ Lib. YI , C. YI, n. 17. Garcilasso , V,l, p. 225. Acosta ^ Lib. lY , C. 11. Lampadius Handhuch der H^dUenhiinde , B. I , p. 4oi. ^ Informe al Fxcellentiss. Senor Conde de Salva'- è terra ^ virey de Mexico ^ sobre el henefeio descubierto CHAPITRE XI. 55 traitement métallurgique des minerais d’ar- gent, assure « que Médina avoit entendu dire en Espagne , que Ton pouvoit retirer Tar- it gent au moyen du mercure et du sel « commun; » mais cette assertion iTest ap- puyée sur aucune preuve convaincante. L’amalgcimation à froid fut trouvée si pro- fitable au Mexique, que cinq ans après la première découverte du procédé de Médina, en 1662, on comptoit déjà à Zacatecas* trente-cinq usines dans lesquelles les minerais étoient traités par le mercure, quoique Zacatecas soit trois fois plus éloigné de Pa- chuca que ne le sont les anciennes mines de Tasco, de Zultepèque et de Tlapujahua. Les mineurs du Mexique ne paroissent pas suivre. des principes bien fixes dans le choix des minerais soumis au fonda^e ou à Tamalg’a- ination : on voit fondre , dans un district dés mines , ces mêmes substances minérales que , dans un autre, on ne croit pouvoir être traitées que par le mercure : les minerais qui con- jjor el capitan Pedro jS'Iendoza 3Ielendez y Pedro Garcia de Tapia (Mexico , i643) , p. 19. ^ Descripcion de la ciudad de Zacatecas , por el Coude de Santiago de la Laguna^ p. 42. 56 LIVRE IV, tiennent du muriate d’argent , par exemple , sont tantôt fondus avec du carbonate le soude (tequesquite ) , tantôt destinés aux pro- cédés de l’amalgamation à froid et par cuisson; souvent ce n’est que l’abondance du mercure et la facilité de s’en procurer qui décident le mineur dans le choix de la méthode qu’il emploie. En général, on trouve nécessaire de traiter par la fonte les minerais maigres très- riches, ceux qui contiennent dix à douze marcs d’argent par quintal , le plomb sulfuré argen- tifère , et les minerais mêlés de blende et de cuivre vitreux. On amalgame au contraire , avec profit, les ysacoi ou colorados' dépourvus d’éclat métallique ; l’argent natif vitreux, rouge, noir et corné; le fahlerz riche en argent, et toutes les mines maigres qui sont disséminées en très-petites parcelles dans la gangue. * A haro Alonzo Barha^ el arte de heneficiar me^ taies J 1659 y ÏI ? C. IV. Felipe de la Torre Barrio y Lima y miner O de San Juan de Lucanas ^ Tratado de azogueria (Lima, 1738). Juan de Ordonez^ Car- tilla sobre el heneficio de azogue (Mexico, 1768). Francisco Xavier de Soria , Ensayo de metalurgia (Mexico, 1784). CHAPITRE XI. 57 Les minerais destinés à ranialgamatioa doivent être triturés ou réduits en poudre très-fine, pour présenter le plus de contact possible au mercure. Cette trituration sous des arastras ou moulins y dont nous avons parlé plus haut, est, de toutes les opérations métallurgiques, celle qui se fait avec le plus de perfection dans la plupart des usines du Mexique. Nulle part en Europe je n’ai vu de farines minérales ou schlich aussi fines et d’un grain aussi égal que dans les grandes haciendas de plata de Guanaxuato , appartenant au comte de la Valenciana , au colonel Rul et au comte Ferez Galvez. Lorsque les minerais sont très-pjriteux , on les grille {quema) ou à l’air libre , en tas sur des lits de bois, comme à Sombrerete, ou en schlich y dans des four- neaux à réverbère {comalillos). J’ai trouvé de ces derniers à Tehuilotepec : ils ont douze mètres de longueur ; ils sont dépourvus de cheminées, mais gouvernés par deux feux dont les flammes traversent le laboratoire. Cette préparation chimique des minerais est cependant en général très-rare ; la grandeur du volume des substances cjui doivent être traitées par l’amalgamation , et le manque de 58 tlVRE IV, ' combustibles sur le plateau de la Nouvelle- Espagne rendent le grillage également dif- ficile et dispendieux. Le bocardage à sec se fait sous des pilons (mazos), dont huit travaillent ensemble et sont mus par des roues hydrauliques ou par des mulets. Le minerai broyé (granza) passe à travers un cuir percé de trôus : on le réduit en farine très-fine sous les amstras ou tahonas y qui s’appellent sencillas on de marco y selon qu’elles sont munies de deux ou de quatre blocs de porphyre ou de basalte [piedras uoladoras ), qui tournent dans un cercle de neuf à douze mètres de circonférence. Douze à quinze de ces arastras ou moulins sont géné- ralement rangés en file sous un meme hangar: ils sont mis en mouvement^ ou par l’eau, ou par des mulets que l’on relève de huit en huit heures. Une de ces machines broyé, dans l’espace de vingt-quatre heures , trois à quatre cents kilogrammes de minerais. Le schlich humide ( lama ) qui sort des arastras se lave quelquefois de nouveau dans des fosses {estanques de deslamar) dont la construction, dans le district des mines de Zacatecas^ a été récemment perfectionnée par M. Garcès, CHAPITrvE Xî. % Lorsque les minerais sont très-riches, comme dans la mine de Rajas à Giianaxiiato, on ne les réduit, sous les pierres des moulins ^ qu'au volume d’un sable grossier (^æalsonte)^ et Ion en sépare, par le lavage, les g'rains mé- talliques les plus riches (^pokùllos^ que l’on destine à la fonte : cette opération, qui est très-éeonomique , s’appelle apartar pohillos. On m’a assuré qu’en destinant à l’amalga- mation des minerais d’argent qui sont très- pauvres en or, on verse du mercure dans lauge sur le fond de laquelle tournent les pierres des arastras : l’amalg^ame aurifère se forme alors à mesure que le minerai est réduit en poudre, et le mouvement giratoire des piedras Doladoras favorise la combinaison des métaux. Je n’ai pas eu occasion de voir cette opération , qui n’est point pratiquée à Guanaxuato. Dans quelques grandes usines de la Nouvelle - Espagne , par exemple à Régla , on ne connoît point encore les aras- tras j on se contenté du bocardage : le scklidi qui sort sous les pilons est passé par des tamis ( cedazos et tohas ). Cette préparation des farines est très-imparfaite : une poudre d’un grain inégal et grossier s’amalgame très-mal , / 6o LIVRE IV 5 et la santé des ouvriers soufFre beaucoup dans des lieux où s’élève perpétuellement un nuage de poussière métallique. Le .schlich humecté est porté des moulins ou arastras y dans la cour d’amalgamation {patio ou galera) , qui généralement est pavée avec des dalles. On range les farines en piles ( montones) qui contiennent quinze à trente- cinq quintaux : quarante ou cinqante de ces montones forment une tourte {torta) \ c’est ainsi que l’on appelle un amas de schlich humide qu’on laisse exposé à l’air libre ^ et qui a souvent vingt à trente mètres de largeur sur cinq à six décimètres d’épaisseur. On emploie pour l’amalgamation en cour pavée ( en patio ) , qui est le procédé le plus géné- ralement usité en Amérique , les matériaux suivans : le muriate de soude ( sal blanca ) , le sulphate de fer et de cuivre ( magistral ) , la chaux et les cendres végétales. Le sel dont on se sert dans la Nouvelle- Espagne est d’une pureté très-inégale , selon qu’il vient des marais salans qui environnent le port de Golima , sur les bords de la mer du Sud ^ ou de la fameuse lagunct \delPehon Blanco y entre San Luis Potosi et Zacatecas. CHAPITRE XI. 6i Ce lac , visité par M. Sonneschmidt ^ est situé au pied d’un rocher de granité , sur la pente de la Cordillère : il se dessèche tous les ans au mois de décembre. Il fournit an- nuellement, au profit du roi, près de deux cent cinquante mille fanegas de sel impur ou terreux ( sal tierra ) , qui sont toutes vendues aux usines d’amalgamation. Sur les lieux mêmes, le prix de la fanega est d’une demi-piastre. Les districts des mines de Tin- tendance de Mexico reçoivent du sel des côtes de Vera-Cruz et des sources de Chautla : à Tasco, le muriate de soude de Vera-Cruz coûte quatre piastres le quintal. Le magistral est un mélange de cuivre pyriteux (kupferkies) et de fer sulfuré , grillé pendant quelques heures dans un fourneau à réverbère et refroidi lentement : si l’on grille plus long-temps , il en résulte un sulfate acide de fer et de cuivre mêlé avec du fer oxidé au maximum. Quelquefois *, quoique rare- ment, les azogueros (c’est le nom des per- sonnes chargées de l’amalgamation ) ajoutent auxpyrites, pendant leur grillage, dumuriate * Garcks, ^, go. 62 LIVRE IV 5 de soude ; de sorte qu'il se forme du sulflite de soude et du muriate de cuivre et de fer. J'ai aussi vu mêler au magistral des terres vitrioliques ou de couperose ( tierras de tinta O de alcaparosa ) ^ qui sont des terres ocreuses renfermant de Foxide de fer au maximum et de>s sulfates de fer. Dans le district des mines de Real de Moran , on emploie^ pour préparer le magistral des pyrites de cuivre de San Juan Sitacora , dont la carga se paye à raison de dix piastres. La chaux s'obtient en calcinant de la pierre à chaux bien pure ^ et en l’étei- gnant dans l'eau : rarement on substitue Faction des cendres alcalines à celle de la chaux. C'est par le contact de ces différentes substances , savoir : de la farine métallique humectée, du mercure, du muriate de soude, des sulfates de fer et de cuivre et de la chaux, que se forme l’amalgame d'argent dans le procédé de l'amalgamation à froid ( de patio J por cruto ). On commence d'abord à mêler le sel à la farine métallique , et on remue irepussd) la tourte. Selon la pureté du sel em- ployé, on donne à chaque quintal de schlich une quantité qui tarse de deux et demi à vingt CHAPITRE XI. 63 livres : si le muriate de soude est d’une pureté médiocre , on en prend trois à quatre pour cent. On appelle metales salîneros ceux que l’on croit exiger beaucoup de sel, et dans lesquels le minerai d’argent se trouve en grains d’un volume considérable : on laisse reposer le minerai mêlé au sel ( métal ensal- morado ) pendant plusieurs jours , afin que ce dernier se dissolve et se répartisse égale- ment. Si Yazoguero juge que les métaux sont chauds ( calientes ) c’est - à - dire dans un état d’oxidation, et chargés naturellement , soit de sulfures de fer et de cuivre qui se décomposent rapidement à l’air , soit de mu- riate d’argent , on ajoute de la chaux pour refroidir la masse : cette opération s’appelle curtir los metales con cal. On empldie , au contraire , du magistral, si les schlich pa- roissent trop froids {frios ) , par exemple s’ils proviennent de minerais qui présentent un grand éclat métallique; s’ils contiennent du sulfure de plomb ( negrillos agalenados) , ou des pyrites difficiles à se décomposer à l’air humide ; cette opération s’appelle curtir con magistral. On attribue au sulfate de fer et de cuivre la propriété Réchauffer la masse ; 64 LIVRE IV J on ne la regarde comme bien préparée que lorsque , humectée et placée sur la main , elie cause une sensation de chaleur. Dans ce cas , l’acide sulfurique, qui est concentré dans le sulfate acide , attire l’eau , et se combine avec elle en dégageant du calorique. Nous venons de décrire deux procédés de préparation chimique déminerais, la salaison ( el ensalmorar) y et la manière, de les tanner i^ciirtir) avec de la chaux ou du magistral. Après quelques jours de repos, on commence à incorporer (incorporai) , c’est-à-dire à mêler le mercure à la farine métallique. La quantité de mercure est déterminée par la quantité d’argent que l’on croit retirer des minerais : généralement on emploie dans rincoi poration ( en el incorpore ) six fois autant de mercure que la tourte contient d’argent. On compte pour un marc d’argent , trois à quatre livres de mercure : avec ce dernier , ou peu de temps après, on ajoute à la masse, du ma- gistral, selon la nature, ou plutôt , pour n’employer que le langage barbare des azo-^ gueros y selon la température des minerais , segun los grados de frialdad. On compte d’une à sept livres de magistral pour chaque CHAPITRE XI. 65 livre de mercure : si le mercure prend une couleur de plomb [color aploTuado)^ c’est une marque que la tourte travaille^ ou que laction chimique a commencé. Pour favoriser cette action et pour augmenter le contact des substances , on repasse ( se da repasso ) ou on remue la masse, soit en forçant une vino-- taine de chevaux et de mulets de courir en cercle pendant plusieurs heures , soit en fai- sant fouler les schlich par des ouvriers qui, pendant des journées entières , marchent pieds nus dans ces boues métalliques. Tous les jours Vazoguero examine l’état des fa- rines ; il fait l’essai ( la tentadura ) dans une petite auge ( ) de bois, c’est-à-dire, il lave une portion de schlich avec de l’eau , et juge , d’après l’aspect du mercure et de l’amalgame , si la masse est trop froide ou trop chaude. Lorsque le mercure prend la couleur cendrée {en lis cenicienta) ; lorsqu’il s’en sépare une poudre grise très - fine qui s’attache aux doigts , on dit que la tourte a trop de chaleur : on la refroidit en ajoutant de la chaux. Si , au contraire , le mercure conserve un éclat métallique; s’il reste blanc, couvert d’une pellicule rougeâtre ou dorée 6 IV. ( telilla roxiza 6 de tornasol morado ou en lis doradd) ; s’il ne paroît pas agir sur la masse, alors on considère Famalgame comme trop froid, et on croit \ échauffer {calentar^ en y mêlant du magislral. C’est ainsi que , pendant l’espace de deux, de trois , et même de cinq mois , on balance la tourte entre \e magistral el la chaux; car les effets sont très-différens , selon la tempé- rature de l’atmosphère , selon la nature des minerais et le mouvement que l’on donne au schlich. Croit-on que l’action est trop forte et que la masse travaille trop? on lui laisse du repos : veut-on , au contraire , accélérer l’amalgamation et augmenter la chaleur? on répète plus souvent les repassos^ en employant soit des hommes, soit des mulets. Si l’amah game se forme trop vite, et qu’il se présente sous la forme de petits globules appelés pa- sillas ou copos ^ on nourrit la tourte ( si ceha la torta) , en ajoutant de nouveau du mer- cure avec un peu de magistral , quelquefois même avec du sel. Lorsque, par des caractères extérieurs , Yazoguero juge que le mercure s’est uni avec tout l’argent contenu dans les minerais, et que la tourte a rendu (ha rendido)^ CHAPITRE XI. Gj on jelle les boues métalliques dans des cua cs, dont les unes sont de bois et les autres de pierre. Des moulinets garnis d’ailes placées perpendiculairement tournent dans ces cuves. Ces machines ( tmas de calj canlo ) , qui sont surtout très -bien exécutées à Guanaxuato , ressemblent à celles établies à Freiberg pour le lavage des résidus de l’amalgamation ‘ : les parties terreuses et oxidées sont emportées par l’eau , tandis que l’amalgame et le mer- cure restent au fond de la cuve. Comme la force du courant entraîne en même temps quelques globules de mercure , on voit, dans les grandes usines , de pauvres femmes in- diennes occupées à retirer ce métal des eaux du lavage. On sépare du mercure l’amalgame réuni au fond des tinas del lavadero , en le pressant à travers des sacs; on le moule en pyramides que l’on recouvre d’un creuset renversé en forme de cloche : l’argent est séparé du mercure au moyen delà distillation. Dans le procédé que je viens de décrire , on perd généralement onze, douze à quatorze onces de mercure sur un marc d’argent que ’ Fragoso de Sequeïra , Description de Famalga- malion de Freiberg, 1800, p. 36. 5* 68 \ LIVRE IV, l’on retire , c’est - à - dire , i ^ à i kilo- gramme de mercure sur un kilogramme d’argent. Dans le procédé d’amalgamation introduit en Saxe par MM. Gellert et Char- pentier , la perte du mercure est de ^ kilo- gramme par kilogramme d’argent, ou huit fois moindre qu’au Mexique '. Nous avons décrit l’amalgamation ( por crudo J de patio ) à froid , sans griller les minerais , et en les exposant dans une cour à l’air libre. Médina ne connut que l’emploi du sel et des sulfates de fer et de cuivre; ^ Année commune , on traite par Famalgamation à l’usine (le Halsbrücke, près de Freiberg, cinquante-huit à soixante mille quintaux de minerais maigres, qui tiennent sept à huit lots d’argent par quintal (deux lots font une once), La perte du mercure, dans l’amalgamation proprement dite {^im anquichen) et dans le lavage des résidus , est de trois quarts d’once (ou d’un lot et un quart) par quintal de minerai. Dans la vaporisation du mercure ( im ausglûhen ) , on perd un quart de lot de mercure pour la quantité d’argent qui correspond à un quintal de minerai j d’où il résulte, d’après M. Héron de Villefosse, que pour 60,000 quintaux de minerais , on perd ou l’on détruit 25 - quintaux de mercure. ( Lampadius ^ B. II, p. 178.) CHAPITRE XT. 69 mais en i586, quinze ans après que son procédé fut introduit au Pérou, un mineur péruvien , Carlos Corso de Leca découvrit le heneficio de hierro : il conseilla de mêler de petites plaques de fer aux fatines métat- liques , assurant que par ce mélange on perdoit neuf dixièmes de mercure de moins. Ce procédé, comme nous le verrons dans la suite, se fonde sur la décomposition du muriate d’argent par le fer , et sur l’attraction de ce métal pour le soufre : il est connu , ^ mais très-peu suivi des azogueros mexicains. En i5go, Alonzo Barba proposa l’amalga-- mation à chaud ou par cuisson dans des cuves de cuivre : on appelle ce procédé le bénéficia de cazo J cocimiento j c’est celui que M. de Born proposa en 1786. La perte du mercure y est beaucoup moindre que dans le bénéficia par patio ^ parce que le cuivre des vaisseaux sert à décomposer le muriate d’argent : la chaleur favorise en même temps l’opération , soit en rendant plus énergique le jeu des affinités , soit en donnant du mouvement à ^ Caria de Don Juan Carhajal y Sandi ^ présidente de la real audiencia de la Plata, alJExcellentiss^ Sénor Conde de Chinchon , virey del Perù^ 1736. 7 O LIVRE IV, la masse liquide qui entre en ébullition. On emploie cette amalgamation par cuisson dans plusieurs mines du Mexique qui abondent en argent corné et en colorados, Juan de Or- doiïez / dont Fouvrage a été cité plus haut, conseilla meme d'amalgamer dans des étuves chauffées par des poêles. En 1676 , Juan de Corrosegarra découvrit un procédé peu usité aujourdliui , que Ton appelle le bénéficie) de la P e lia de plata y et dans lequel on ajoute au mercure dé Famalgame d’argent déjà formé. On prétend que cet amalgame (pclla) favorise l’extraction de l’argent;, et que la perte du mercure est d’autant moindre que l’amalgame se dissémine plus difficilement dans la masse. Une cinquième méthode est_ le benejicio de la colpa , dans lequel, au lieu d’un magistral artificiel, qui contient beaucoup plus de sulfate de cuivre que de sulfate de fer, 011 emploie la colpa y qui est un mélange naturel de sulfate acide de fer et d’oxide de fer au maximum. Ce henefeio de la colpa y préconisé par Don Lorenz^o de la Torre, présente une partie des avantages que nous venons d’indiquer en parlant de l’amalgamation par le fer. CHAPITRE XI. 71^ Le procédé inventé par le mineur de Pa- chiica, est une de ces opérations de çliimie que, depuis des siècles, on pratique avec un certain succès , sans que les personnes qui retirent l’argent de son minerai par le moyen du mercure, aient la moindre connoissance et de la nature des substances employées, et du mode particulier de leur action. Les <2£o- gueros parlent d’un amas de minerais comme d’un corps organisé dont ils augmentent ou diminuent la chaleur naturelle. Semblables aux médecins qui , dans des siècles de bar- barie , divisoient tous les alimens et tous les remèdes en deux classes , de chauds et de froids , les azogueros ne voient dans les mi- nerais que des substances qu’il faut chauffer par des sulfates , si elles sont trop froides ^ ou qu’il faut refroidir par les alcalis , si elles sont trop chaudes. L’usage déjà introduit du temps de Pline, de frotter les métaux avec du sel , avant d’y appliquer l’amalgame d’or , a sans doute donné lieu à l’emploi du muriate de soude dans le procédé de l’amalgamation mexicaine : ce sel , disent les azogueros y sert à nettoyer {^limpiar y castrar) et à décaper {desenzurronar) l’argent qui se trouve en- 72 LIVRE IV, veloppe de soufre , d’arsenic et d’antimoine , comme d’une peau (^telilla ou capuz^ dont la présence empêche le contact immédiat de l’argent avec le mercure. L’action de ce dernier métal est rendue plus énergique par les sulfates qui échauffent la masse : il est même probable que Médina n’a employé simultanément le sulfate de fer et de cuivre et le muriate de soude, que parce qu’il re- connut, dans ces premiers essais, que le sel ne favorisoit le procédé que dans des minerais qui contiennent des pyrites décomposées. Sans avoir aucune idée nette de l’action des sulfates sur le muriate de soude, il tâchoit de refaire les minerais , c’est-à-dire, d’ajouter du magistral à ceux que le mineur regarde comme non vitrioUques. Depuis qu’en Europe on a commencé à pra- tiquer Tamalgamation des minerais d’argent , et que des savans de toutes les nations se sont réunis au congrès métallurgique de Schem- nitz * , la théorie confuse de Barba et des azogueros américains a été remplacée par ^ Proprement de Szkleno ou Glashutte ; près de Schemnitz. CHAPITRE XI. 73 des idées plus saines et mieux adaptées à Tétât actuel de la chimie. On suppose que tout ce qui se passe dansTusine de Freiberg, où Ton amalgame en très-peu d’heures une masse de minerais grillés ^ doit s’opérer peu à peu dans Tamalgamation du Mexique, où les minerais ne sont généralement pas grillés, et où ils restent exposés à Tair libre , au soleil et à la pluie pendant plusieurs mois. On croit que, dans le mélange humecté de minerais d’argent, de mercure, de sel, de chaux et de magistral y ce dernier, qui est un sulfate acide de fer et de cuivre , décompose le mu- riate de soude; qu’il se forme du sulfate de soude et du muriate d’argent , et que le muriate d’argent est décomposé par le mer- cure qui s’unit à l’argent désoxidé. On admet que la chaux ou la potasse sont ajoutées pour empêcher que l’acide sulfurique surabondant n’agisse sur le mercure. D’après cette expli- cation , l’argent qui se trouve dans son minerai à l’état métallique , quoique uni au soufre, à Tantimoine , au fer % au cuivre, ^ Dans Targent noîr prismatique, Klaproth's Bei^- trâge ^ T. I, p. 166. Berghhaukunde, B, I , p. 23g. 74 livre IV, au zinc à I arsenic et au plomb ^ y passe à létal de muriate avant de se combiner avec le mercure. Un auteur mexicain, M. Garces que nous avons eu occasion de citer plusieurs fois , pense, au contraire, qu^il* ne se forme pas de muriate d’argent dans le procédé de l’amal- gamalion : il suppose que l’acide muriatique ne se combine qu’avec les métaux qui se trouvent unis à l’argent ; que l’eau entraîne les muriates solubles de fer et de cuivre ^ et que 1 argent , dégagé de ces substances métalliques , se combine librement avec le mercure. Cette explication , très-simple en apparence , est contraire auxlois des affinités. Si l’acide muriatique, dégagé par l’action des sulfates sur le muriate de soude, agit sur un minerai d’argent quelconque, par exemple, sur la mine d’argent noir prisma- tique qui renferme de l’argent , du fer , de l’antimoine , du soufre , du cuivre et de ^ Dans le falilerz , le weissgültîgerz et le graugûl- ligerz. Klaproth, T. IV, p. 6i. ^ Dans le fahlerz ou cuivre gris argentifère* ^ Dans le weissgiiltigerz. ^ Teorica cLqI héneficioj p. il 2-116. CHAPITRE XI. 7^ larsenic , il se formera nécessairement du muriate d’argent, dès que Facide aura épuisé les autres métaux. La théorie de M. Garces est aussi inapplicable à Famalgamation des minerais d’argent sulfuré , qui sont abon- damment répandus dans la plupart des filons du Mexique. Sans entrer, dans cet ouvrage , dans une discussion approfondie des phénomènes que présente le contact de tant de substances hétérogènes ; sans résoudre la question im- portante si l’on peut amalgamer à froid , sans sel et sans magistral, je me bornerai à citer plusieurs expériences que nous avons faites, M. Gay-Lussac et moi , et cjui peuvent répandre quelque jour sur Famalgamation mexicaine. Il est faux que le mélange de soufre empêche entièrement l’argent de s’unir au mercure, et qu’un sulfure d’argent ne donne de l’amal- game à froid qu’en y ajoutant du muriate de soude et du sulfate de fer : nous avons observé , au contraire , qu’en triturant du mercure et du sulfure d’argent artificiel, le mercure s’éteint promptement , et que l’on obtient un peu d’argent par la distillalipn de 7^ LIVRE IV, 1 amalgame. Nous avons mêlé du mercure à de la mine d’argent vitré réduite en poudre : après un contact de quarante-huit heures , il s est formé un peu d’amalgame d’argent. Dans cette expérience et dans les suivantes, on a agi sur deux ou trois grammes de mi- nerai , la température de l’air étant de dix à douze degrés centigrades, et les mélanges ajant été légèrement humectés. En imitant l’amalgamation de patio , usitée au Mexique , et en mêlant à froid du sulfure d argent naturel, du sullàte delér, du muriate de soude et de la chaux , nous n’avons pas trouvé de vestige de muriate d’argent , quoi- que le mélange soit resté en contact pendant une semaine : on en a obtenu , au contraire , lorsque la masse a été exposée pendant quel- ques heures à une température artificielle de So" à 34® centigrades. Dans la région chaude de la Nouvelle-Espagne, les tortas exposées au soleil s’échauffent davantage ; aussi ob- serve-t-on que l’amalgamation est bien plus lente sur les plateaux où le thermomètre descend jusqu’au point de la congélation , que dans les vallées profondes et dans les plaines voisines des côtes. Il est probable que CHAPITRE XI. 77 le muriate d’argent qui se forme promptement à 34“ de température , se formeroit , dans un long espace de temps , à une température beaucoup moindre. En mêlant du muriate de soude , du sulfate de fer et du mercure à froid , on obtient du muriate de mercure : ce même muriate se présente aussi lorsqu’on triture du mercure avec du muriate d’argent artificiel. On peut croire que , dans le procédé de l’amalgama- tion en grand , une partie du mercure se convertit en muriate par deux voies distinctes, savoir , par la décomposition du muriate d’argent , et par l’action immédiate du ma- gistral et du sel , employés en trop grande abondance. La chaux , qui remédie à ce dernier mode d’action , n’enlève pas à froid le soufre à l’argent ; car en mêlant du sulfure d’argent naturel à la chaux , il ne se forme pas de sulfure de chaux , quoique le mélange ait été trituré pendant plusieurs jours. La chaux s’oppose d’une manière très - remar- quable à la combinaison de l’argent et du mercure : on observe que celui-ci s’éteint difficilement lorsqu’on triture un mélange de chaux, de sulfure d’argent et de mercure. 7^ livre IV, De nieiTie , en formant une pâte de minerai d argent, de sel , de magistral et de mercure , et en triturant les schhch jusqu’à ce que le mer- cure devienne invisible , on voit ce dernier métal se séparer de la farine métallique , et se réunir en masses considérables dès que l’on J ajoute de la chaux : des globules de mercure, qui augmentent peu à peu en grosseur , paroissent partout où des molé- eules de chaux touchent le mélange : c’est à cause de cette action particulière de la chaux que les azogueros disent qu’elle re- froidit le mercure , ou qdeWe empêche la tourte de travailler. L acide muriatique, dégagé du mui'iate de soude par le sulfate de fer, attaque l’argent, quoique ce dernier se trouve dans son mine- rai à l’état métallique. En traitant de l’argent vitreux avec de l’acide muriatique, on obtient du muriate d’argent en abondance : en versant le même acide sur du sulfure d’argent naturel, il se dégage de l’hjdrogène sulfuré. M. Proust a observé que les piastres tombées au fond de la mer, lors du naufrage mémorable du vaisseau San Pedro Alcantara , s’étoient cou- vertes, dans un court espace de temps, d’une CUAPITEE XI. 70 croîile de muriate d’argent d’un demi-mil- limètre d’épaisseur : j’ai fait la même observa- tion pendant mon séjour au Pérou, lors du naufrage de la frégate Santa Leocadia, sur les côtes de la mer du Sud, près du cap de Sainte - Hélène. M. Pallas ' affirme qu’en Sibérie , sur les rives du Jaïk , on a trouvé d’anciennes monnoies tatares converties en muriate d’argent par le contact d’un terrain qui est imprégné de muriate de soude. Tous ces faits tendent à prouver que, dans beau- coup de circonstances, l’acie muriatique exerce de l’action sur l’argent métallique. Nous avons réussi parfaitement, M. Gaj- Lussac et moi , à imiter en petit le heneficio de hierro , procédé ingénieux connu au Pérou depuis la fin du seizième siècle , et introduit par M. Gellert dans les usines de Saxe. Nous avons vu qu’en mêlant à froid du sulfure d’argent naturel, du sel, du magistral, delà chaux et du mercure, l’amalgame se forme plus abondamment , lorsqu’on ajoute à la tourte de la limaille de fer : en ce cas , le fer ne sert pas seulement pour décomposer le ^ Nordichc Beitrage^ B. llï, p. 64. 8o LIVRE IV 5 miiriate d’argent, comme dans le procédé d’amalgamation de Freiberg, mais surtout à séparer le soufre de l’argent minéralisé. En lais- sant en contact, pendant vingt-quatre heures, de l’argent sulfuré et de la limaille de fer, l’argent a été tellement mis à nu , qu’en ajou- tant du mercure, on a obtenu, en peu de minutes, une quantité considérable d’amal- game d’argent. Si l’on verse sur le mélange de l’acide muriatique , il se dégage infiniment plus d’hydrogène sulfuré qu’on n’en obtient en traitant, avec le même acide, l’argent sulfuré seul. Il est probable que l’oxide de fer au maximum qui se trouve dans les colorados ou pacos y et dans des minerais mêlés de pyrites décomposées, agit d’une manière analogue à la limaille de fer. L’énorme perte de mercure que l’on observe dans l’amalgamation américaine, provient de plusieurs causes qui agissent simultanément. Si, dans le procédé p or patio ^ tout l’argent retiré étoit dû à une décomposition de mu- riate d’argent par le mercure, il se perdroiî une quantité de mercure qui seroit à celle de l’argent dans le muriate , à peu près comme 4 : 7,6; car cette proportion est celle des CHAPITRE XI. 8l oxidalions respectives des deux métaux. Une autre partie de mercure, et peut-être la plus considérable , se perd parce qu’elle reste dissé- minée dans une immense masse de schlich humecté, et cette division du métal est si grande , que le lavage le plus soigné ne peut suffire pour réunir les molécules cachées dans les résidus. Une troisième cause de la perte du mercure doit être cherchée dans son contact avec l’eau salée , dans son exposition à l’air libre et aux rayons du soleil pendant l’espace de trois , de quatre et même de cinq mois. Ces amas de mercure et de schlich , qui ren- ferment un grand nombre de substances métalliques hétérogènes et humectées par des solutions salines, sont composés d’une infinité de petites piles galvaniques , dont l’action lente mais prolongée favorise l’oxidation du mercure et le jeu des affinités chimiques. Il résulte de l’ensemble de ces recherches , que l’emploi du fer perfectionneroit sensible- ment le procédé de l’amalgamation. Si les minerais que l’on traite n’étoient que de l’argent vitreux, la limaille de fer seule suf- firoit peut-être pour mettre l’argent à nu et pour le séparer du soufre, qui retarde l’union 82 LIVRE IV, cl« 1 argent avec le mercure. Mais comme dans tous les autres minerais d’arg'ent il y a , outre le soufre, difFérens métaux combinés avec 1 argent , l’emploi simultané du muriate de soude et des sulfates de cuivre et de fer devient nécessaire pour favoriser le dégage- ment de 1 acide muriatique , qui se combine avec le cuivre, le fer , l’antimoine , le plomb et l’argent. Les muriates de fer, de cuivre , de zinc et d’arsenic, même celui de plomb, restent dissous : le muriate d’argent , qui est éminemment insoluble , se décompose par le contact avec le mercure. On a proposé depuis long-temps de couvrir le sol sur lequel reposent les tourtes, de plaques de fer et de cuivre, au lieu de dalles: on a essayé de remuer ( repassar) la masse en la faisant labourer par des charrues dont le soc et le coûtre étoient des deux métaux que nous venons de nommer ; mais les mulets ont trop souffert dans ce labourage , les schlich formant une pâte épaisse et peu ductible. D ailleurs, l’usage de faire fouler les schlich par des mulets , au lieu de se servir des hommes , ne date au Mexique que de 1 année ijSS. Don Juan Cornejo a apporté CHAPITRE XI. 83 du Pérou l’idée de ce procédé : le gouverne- ment lui a accordé un privilège dont il n’a pas joui long-temps, et qui ne lui a rapporté que 000,000 livres tournois ; somme médiocre, si Ton réfléchit que les frais d’amalgamation ont peut-être diminué d’un quart, depuis que l’on n’a plus besoin d’emplojer ce grand nombre d’ouvriers qui se promenoient pieds nus sur des amas de farines métalliques. L’amalgamation , telle que nous l’avons décrite, sert à retirer tout l’argent des mi- nerais qui ont été traités par le mercure, pourvu que Vazogiiero soit expérimenté, et qu’il connoisse bien l’aspect ou les caractères extérieurs du mercure, par lesquels on juge si la tourte a besoin de chaux ou de sulfate de fer. A Guanaxuato , où les usines sont le mieux dirigées , on amalgame avec succès des minerais qui ne renferment que trois quarts d’once d’argent par quintal : IC Sonne- schmidt n’a trouvé que d’once d’argent dans des résidus d’amalgamation qui provenoient de minerais dont le quintal * contenoit cinq à six marcs d’argent. Dans les usines de Régla , ^ Sonneschmidt y Miner. Beschreibung (1er Berg- werks Reviere , p. io3. 6* \ 84 LIVRE IV , au contraire, les schlich sont souvent soumis au lavage avant que le mercure ait extrait tout l’argent qui se trouve dans la tourte j et l’on croit à Mexico, que le père du pro- priétaire actuel de la fameuse mine de la Biscaina a jeté , avec les résidus, une énorme masse d’argent dans la rivière. Le procédé découvert par Médina a le grand avantage de la simplicité; il ne de- mande pas de construction d’édifices, pas de combustibles, pas de machines, presque pas ,de force motrice. Avecdu mercure etquelques mulets pour mouvoir les arastras , on peut , au moyen de l’amalgamation por patio ^ extraire l’argent de tous les minerais maigres, près du puits duquel on les retire, au milieu d’un désert, pourvu que le sol soit assez uni pour établir les tortasj mais ce même procédé a le grand désavantage d’être lent et de causer une énorme perte de mercure. Gomme ce dernier est extrêmement divisé , et que l’on travaille des milliers de quintaux de minerais à la fois, on ne peut pas recueillir l’oxide et le muriate de mercure qui sont emportés par les eaux de lavage. Dans la méthode d’amal- gamation c|ui est suivie en Europe, et que 85 CHAPITRE XI. Ion doit aux savantes recherches de MM. de Boni, Ruprecht, Gellert et Charpentier, Fargent est extrait dans lespace de vingt- quatre heures : on emploie soixante à cent cinquante fois moins de temps que dans les colonies espagnoles, et Ion consomme, comme nous l’avons prouvé plus haut, huit fois moins de mercure. Mais comment introduire, au Mexique ou au Pérou, le procédé de Freibeig, qui se fonde sur le grillage des minerais, et sur le mouvement giratoire des tonneaux? A Freiberg, on amalgame par an soixante mille quintaux de minerais; dans la Nouvelle- Espagne, près de dix millions de quintaux: comment renfermer dans des tonneaux cette énorme masse de minerais? comment trouver des forces motrices pour tourner un million, de ces tonneaux ? comment griller les mine- rais d’un pays qui manqùe de combustibles, et où les mines se trouvent sur des plateaux qui sont dénués de forêts ? Après avoir traité de l’amalgamation usitée en Amérique , il nous reste a aborder un pro- blème très-important, celui de la quantité de mercure que nécessitent annuellement les 86 livre IV, mines de la Nouvelle-Espagne. Le Mexique et le Pérou produisent en général d’autant plus d’argent , qu’ils reçoivent plus abondam- ment j, et à plus bas prix, le mercure. Lorsque ce métal leur manque, comme cela arrive souvent cà l’époque des guerres maritimes, 1 exploitation des mines est suivie avec moins d activité; le minerai s’accumule dans les usines sans que l’on puisse en extraire l’argent. De riches propriétaires, qui possèdent dans leurs magasins pour deux ou trois millions de francs de minerais , manquent souvent de l’argent nécessaire pour faire face aux dépenses jour- nalières de leurs mines. D’un autre côté, plus 1 Amérique espagnole exige de mercure, soit par 1 état florissant de ees mines, soit à cause du procédé d amalgamation qui y est suivi, et plus le prix de ce métal augmente en Eu- rope. Le petit nombre de pays que la nature en a pourvus, l’Espagne, le département du Mont-Tonnerre, la Carniole et la Transil- vanie, gagnent à cette hausse ; mais les districts de mines d argent, dans lesquels lesprogrès de l’amalgamation sont d’autant plus désirables quils manquent du combustible nécessaire CHAPITRE XI. 87 à la fonte, ressentent désavantageusement l’elFet des grandes exportations de mercure en Amérique. La Nouvelle-Espagne consomme par an 16,000 quintaux de mercure. La cour de Madrid setant réservé le droit de vendre elle seule le mercure , soit espagnol , soit étranger, a conclu, depuis l’année 1784, «n contrat avec l’empereur d’Autriche, d’après lequel celui-ci fournit le mercure au prix de 52 piastres : elle envoie annuellement, en temps de paix , par des vaisseaux de la marine rojale, tantôt gooo, tantôt 24,000 quintaux. En i8o3^ on forma le projet très-utile d ap- provisionner le Mexique pour plusieurs années, afin que, dans le cas imprévu dune guerre, l’amalgamation ne fût point entravée par le manque de mercure : mais ce projet ‘y del repuesto ) a partagé le sort de tant d’autres qui n’ont point été exécutés. Avant l’année 1770, où l’exploitation des mines étoit bien moins considérable qu’elle ne l’est aujourd hui , la Nouvelle-Espagne ne reçut d’autre mercure que celui d’Almaden et de Huancavelica. Le mercure d’Allemagne fourni par le gouverne- ment autrichien , et dont la majeure partie est- 88 livre IV, d’Idria, n’a été introduit au Mexique que depuis l’écroulement des travaux souterrains de Huancavelica, et à une époque où la mine d’Almaden inondée dans la plupart de ses travaux, ne donnoit qu’un produit très-foible. Mais en 1800 et 1802, cette dernière mine étoit de nouveau dans un état si florissant , quelle seule fournissoit par an plus de 20,000 quintaux de mercure , et que l’on pouvoit concevoir l’espérance de se passer du mercure allemand pour l’approvisionnement du Mexique et du Pérou. Il j a eu des années où dix à douze mille quintaux de ce dernier mercure ont été importés à la Vera-Cruz. En général, depuis 1 année 1762 jusqu’en 1781 , les usines d’amalgamation de la Nouvelle- Espagne ont détruit la somme énorme de 191,405 quintaux de mercure, dont la valeur a été en Amérique de plus de 60 millions de livres tournois. L exploitation des mines a augmenté à > Sur ces mines et sur celles d’Almadenejos , voyez les recherches intéressantes de M. . Coquebert de Montbret, dans le Journal des mines, n. 17, p. 3g6. Par simple oxidation ou par combinaison chimique avec Facide muriatique. CHAPITRE XI. ^9 Tiiesiirc cjue le prix du mercure n été eu baissant. En i5go, sous le vice-roi Don Luis de Vclasco ii, un quintal de mercure se vendoit à Mexico pour 1 87 piastres. Mais au dix-huitième siècle, la valeur de ce métal avoit déjà tellement diminué, qu’en 1700 la cour le distribua aux mineurs pour 82 piastres. Depuis 1767 jusqu’en iyj6 , son prix étoit de 62 piastres le quintal. En 1777? l’admi- nistration du ministre Galvez, un décret rojal fixa le prix du mercure d’Almaden à 4i piastres 2 réaux, et celui d’Allemagne à 63 piastres. A Guanaxuato , ces deux sortes de mercure augmentent , par le transport dispendieux à dos de mulets, de 2 à 2 4 piastres par quintal. I.e roi gagne sur le mercure d’Idria , à cause de la différence du poids usité en Allemagne et au Mexique > 25 pour cent ; de sorte qu’une sage politique devroit engager la métropole à le donner à meilleur marché. D’après une ancienne coutume, on permet aux mineurs de certains districts de mines , par exemple à ceux de Guanaxuato et de Zacatecas , d’acheter deux tiers de mercure espagnol, et seulement un tiers de mercure allemand. D’autres dis- tricts sont forcés de prendre plus de mercure 9® livre IV , dldria que de celui d’Almaden. Comme le premier est plus clier , on répugne à le prendre, et les mineurs affectent de le trouver impur. La distribution impartiale du mercure ( el repartimiento delazogue) estduplusgrandinté- rêt pour la prospérité desmines delà Nouvelle- Espagne. Aussi long-temps que cette branche de commerce ne sera pas libre / on devroit en abandonner la répartition au Tribunal de mi- neria y qui est seul en état de juger du nombre de •ï’jintaux indispensablement nécessaires aux usines d amalgamation des difFérens districts. Malheureusement les vice-rois et les person- nes qui les entourent de près, sont jaloux du droit d administrer eux -mêmes cette branche du revenu rojal. Ils savent très-bien que dis- tribuer du mercure, surtout celui d’Aîmaden, qui est d’un tiers moins cher que celui d’Idria, c’est accorder une grâce; et dans les colonies, comme partout ailleurs, il est. profitable de favoriser les particuliers les plus riches et les plus puissans. Il résulte de cet état de choses , que les mineurs les plus pauvres , ceux de Tasco, de Temascaltepec ou de Copala, ne peuvent point se procurer de mercure, quand CHAPITRE XI. 91 les grandes usines de Giianaxuato et de Real del Monte en ont en abondance. La surintendance générale des mines en Espagne est chargée de la vente du mercure dans les colonies de FAmérique. Le ministre Don Antonio Valdès conçut le projet bizarre et audacieux de régler lui-même^ et de Madrid, la distribution du mercure aux dilFérentes mines du Mexique. Pour parvenir à ce but, il ordonna au vice-roi, en 1789, de faire dresser des descriptions statistiques de toutes les mines de la Nouvelle-Espagne , et d’envoyer en Europe des échantillons de tous les filons en exploitation. On sentit à Mexico l’impossi- bilité d’exécuter l’ordre donné parle ministre: pas un seul échantillon ne fut envoyé à Madrid, et la distribution du mercure resta, comme auparavant, abandonnée au vice-roi de la N O U vell e-Esp agn e. Le tableau * suivant prouve rinfloence du prix du mercure sur sa consommation : la diminution de ce prix et la liberté du com- merce avec tous les ports de l’Espagne , ont ^ Injluxo del precio del azogue sohre su consumo ^ por Don Antonio del Campo Marin. (Manuscrit. ) 92 livre IV, contribué à la fois aux progrès de l’exploi- tation. EPOQUES, PRIX d’un quintal DE MERCURE, CONSOMMATION totale DU MERCURE. 1 762 — iy66 1767 — 1771 1772—1777 1778—1782 82 piastres. 62 62 4i 35,760 quintaitx. 42.000 53.000 59.000 On sut au Mexique, en 1782 , que la Chine possède des mines de mercure. On crut pouvoir tirer annuellement de Canton , près de i5,ooo quintaux, à 35 piastres le quintal. Le vice-roi Galvez y envoya une cargaison de fourrures de loutres, pour servir d’échange dans l’achat du mercure ; mais ce projet , très-sage en lui-même, fut mal exécuté. Le mercure chinois, tiré de Canton et de Manille, étoit impur : il contenoit beaucoup de plomb, et son prix s’éleva à 80 piastres le quintal ; encore ne pouvoit-on s’en procurer qu’une très-petite quantité. Depuis 1793, cet objet CHAPITRE XI. 9^ important a été totalement perdu de vue : il seroit cependant bien important de s en oc— cuper de nouveau , surtout a une époque on les Mexicains éprouvent une difficulté extrême pour se procurer du mercure du continent de l’Europe. D’après l’ensemble des recherches que j’ai bûtes, toute l’Amérique espagnole, savoir, le Mexique, le Pérou, le Chili et le royaume de Biienos-Ayres ( car les autres parties ne connoissennt pas les procédés de 1 amalga- mation ) , consomment annuellement plus de a5,ooo cjuintaux de mercure, dont le prix s’élève dans les colonies à plus de 6,2oo,oooliv. M. Héron de Villefosse , dans un tableau intéressant qui offre pour chaque métal la quantité exploitée sur le globe entier, évalue le mercure tiré annuellement des mines de l’Europe à 36,ooo quintaux. Il résulte de cette donnée, qu’après le cobalt, le mercure est le métal le plus rare , et même qu il 1 est deux fois plus que l’étain. Quelle est la quantité d’or et d’argent que produisent actuellement les mines de la Nou- velle-Espagne ? Quels sont les trésors que , depuis la découverte de l’Amérique, le com- merce du Mexique a fait refluer en Europe et en Asie ? Les notions détaillées que j’ai puisées, pendant mon séjour dans les colonies espagnoles, dans les registres des monnoies de Mexico , de Lima , de Santa-Fe et de Popajan , m ont mis dans le cas de pouvoir donner, sur le produit des mines, des ren- seignemens plus exacts que ceux qu’on a publiés jusqu’à ce jour. Une partie des ré- sultats qui ont été le fruit de mes recherches se trouvent déjà consig’nés dans les ouvrao’es ' de MM. Bourgoing, Brongniart, Laborde et Héron de Villefosse, auxquels je me suis empressé de les communiquer d’abord après mon retour en Europe. La quantité d argent extrait annuellement des mines de la Nouvelle-Espagne, ne dépend pas autant, comme nous l’avons vu plus haut, de 1 abondance et de la richesse intrinsèque des minerais, que de la facilité avec laquelle ^ Bourgoing J Tableau de l’Espague moderne , 4. eait, , T. 11, p. 2i5. Brongniart ^ Traité de mi- néralogie, T. II, p. 35 1. Laborde^ Itinéraire de TEspagne , i/® édition, T. IV, p. 383 et 5o4. Héron de Fillefosse ^ 'Dq la richesse minérale, T. I, p. 249-255. CHAPITRE XI. 9^ les mineurs se proeurent le mercure néces- saire pour l’amalgamation. On ne doit par conséquent pas être surpris de voir que le nombre de marcs d’argent qui sont convertis en piastres à la monnoie de Mexico , varie assez irrégulièrement. Lorsque , par l’effet d’une guerre maritime, ou par quelque autre accident, le mercure a manqué pendant une année , et que l’année suivante il arrive en abondance , alors un produit d’argent très- considérable succède à une fabrication de monnoie très-modique En Saxe , où l’on se procure avec assez de facilité le peu de mercure nécessaire pour les procédés de l’amalgamation , le produit des mines de Freibergest d’une égalité si admirable, que depuis 1793 jusqu’en 1799, il n’a pas été au-dessous de 48>5oo , et pas au - dessus de 60,700 marcs d’ai’gent : dans ce pajs , les grandes sécheresses qui empêchent le mou- vement des roues hydrauliques , et qui en- travent l’épuisement des eaux , ont la même influence sur la quantité d’argent livré à la monnoie, que la rareté du mercure en exerce en Amérique. Depuis 1777 jusqu’en i8o3, la quantité 9^^ LIVRE IV 5 d’argent extrait des minerais mexicains a été presque constamment au-dessus de deux millions de mares d’argent : elle a été^ depuis 1796 jusqu’en 1799, de 2^700^000 marcs; tandis que, depuis 1800 jusqu’en 1802, elle resta au--dessous de 2,100,000 marcs. On auroit bien tort de conclure de ces données, que Fexploitation des mines du Mexique a été moins florissante dans ces derniers temps. En 1801, on n’a obtenu, en or et en argent, que 16, 568, 000 piastres; tandis qu’en i8o3 le monnoyage s’éleva de nou- veau, à cause de l’abondance du mercure, à 23,166,906 piastres. En faisant abstraction de l’influence des causes accidentelles , on trouve que les mines et les lavages du royaume de la Nouvelle- Espagne produisent actuellement, année com- mune, 7000 mars d’or et 2,600,000 marcs d’argent , elont la valeur moyenne est en- semble de 22 millions de piastres fortes. Il y a vingt ans c|ue ce produit n’étoit que de dix à seize ; il y a trente ans qu’il n’étoit que de onze à douze millions de piastres. Au commencement du dix-huitième siècle , la quantité d’or et d’argent monnoyés à Mexico CHAPITRE XI. 97 n’étoit que de cinq à six millions. L’augmen- lalion énorme que Ton observe dans ces der- niers temps , dans le produit de l’exploitation, doit être attribuée à un grand nombre de causes , qui toutes ont agi à la fois , et parmi lesquelles il faut placer au premier rang l’ac- croissement de la population sur le plateau du Mexique , les progrès des lumières et de l’industrie nationale , la liberté du commerce accordée à l’Amérique en 1778, la facilité de se procurer à meilleur marché le fer et l’acier nécessaires pour les mines, l’abaisse- ment du prix du mercure, la découverte des mines de Catorce et de Valenciana, et l’éta- blissement du Tribunal de mineria. Les deux années où le produit en or et en argent a atteint son maximum y ont été les années 1796 et 1797 : dans la première, on frappa , à la monnoie de Mexico, 2 5,644ooo piastres ; dans la seconde , 26,080,000 piastres. Pour juger de l’effet produit par la liberté du commerce, ou plutôt par la cessation du mono- pole des galions, on n’a qu’à se rappeler quç la valeur de l’or et de l’argent monno jés à Mexico a été, de 1766 à 1778, de 191,689,179 piastres, et de 1779 à de 262,626,412 piastres; gS LIVRE IV 5 de sorte que, depuis l’année 1778, l’augmen- tation a été d’un quart du produit total. On trouve dans les archives de la monnoie de Mexico, des données exactes sur la quan- tité d’or et d’argent monnoyés depuis l’année i6go. Voici deux tableaux formés d’après ces données : le premier indique la valeur de Vor et de F argent ^ exprimée en piastres fortes ; le second présente Idiquajitité de marcs, d^ argent livrés à la monnoie , et convertis en piastres. CHAPITRE XI 99 TABLEAU I. Or et argent extraits des mines du Mexique ^ etmonnoyès à Mexiço depuis 16^0 jusqu^à i8o3. ANNÉES. 1 VALEUR en PIASTRES. CO -w iz: 2: VALEUR en piastres. lÔ M -w ;z: VALEUR en piastp.es. cô "S !z: -î; VALEUR en piastres, i6qo 1691 1692 lOUO i6g4 i6ç)5 1696 ^697 1698 1699 5,285,580 6,213,709 5,252,729 2,802,578 5,84o,529 4,001,293 3,190,618 4,459,947 3,319, 76v5 3,504,787 1720 1721 1722 1723 1724 1725 1726 1727 1728 1729 7,874,323 9,^60,734 8,824,432 8,107,348 7,872,822 7,370,815 8,466,i46 8,i33,o88 9,228,545 8,814,970 1760 ij5i 1762 1755 1764 ijôS 1766 1757 1768 1769 15.209.000 12.631.000 13.627.500 11.694.000 1 1 .694.000 1 2.486. 500 12,299,600 12.629.000 12,76^594 15. 022. 000 1780 1781 1782 17S3 1784 1786 1786 1787 1788 1789 17,614,263 20,335,842 17,681,490 23,716,657 21,037,374 18,576,208 17,267,104 16, iio,34o 2o,i46,365 21,229,911 1700 1701 1702 1705 1704 1706 1706 1707 1708 1709 3,579,122 4,019,093 5,o22,55o 6,079,254 5,627,027 4,747,175 6,172,057 5,735,032 5,735,601 5,2i4,i45 1730 1731 1732 1733 1734 1735 1736 17^7 1738 1739 9.745.870 8.439.871 8,726,465 10,009,795 8,5o6,553 7,922,001 11,016,000 8,122,i4o 9,490,260 8,550,785 1760 1761 1762 1763 1764 1765 1766 1767 1768 1769 11.968.000 11.731.000 10,114,492 1 1,776,041 9,792,675 1 i,6o4,845 11,210 o5o io,4i5 116 12,278,967 11,938,784 1790 1791 1792 1793 1794 1793 1796 1797 1799 1799 18,063,688 21,121,713 24,195,041 24,312,942 22,011,o3i 24,593,481 25,644,566 26,080 o38 24,004,589 22,o53,125 1710 1711 1712 1715 1714 1716 1716 1717 1718 1719 6,710,5^7 5,666, o85 6,6i3,425 6,487,872 6,220,822 6,363,918 6,496,288 6,75o,7§4 7,173,590 7,258,706 1740 1741 1742 1745 1744 1745 1746 1747 1748 1749 9,556,o4o 8.663.000 16,677,00c 9.384.000 10.285.000 10.327.600 11.609.000 12.002.000 11.628.000 11.823.600 1770 1771 1772 1775 1774 1775 1776 1777 1778 1779 15,926,329 13,803,196 16,971,857 18,932,765 12,892,074 14,245,286 16,463,282 21,600,020 16,91 1,462 19.435,457 1800 1801 1802 1803 18,686,674 16,568,000 18,798,600 23,166,906 Total, de 1690 à i8o3, en or et en argent, 1,553,452,020 piastres 7 lOO LIVRE IV, TABLEAU II. Argent extrait des mines du Mexique depuis iBgo jusqu’à 1800. H MAUCS ca -C U 0 !z; i2; d’argent. j once: 1 ochav 1690 621,853 4 0 1760 1,146,573 0 0 1770 1,658,391 5 6 1691 731,02*1 5 2 1731 992,926 0 0 1771 i,5o6,255 2 2 1692 629,732 6 7 1732 1,026,643 0 0 1772 1 ,996,689 1 1 169.5 329,691 4 6 1733 1,177,623 0 0 1773 2,227,442 6 1 1694 687,121 1 0 4734 1,000,771 0 0 1774 i,5i6,7i4 5 5 ^695 470,740 3 2 1735 962,001 1 6 1776 1,676,916 0 7 1696 375,366 7 5 1736 1,296,000 0 0 1776 1^936,856 6 2 1697 .624,699 5 6 1737 955,545 7 2 1777 2,428,613 4 1 iGgd 390,560 5 4 1738 1,1 i6,5oo 0 0 1778 2,334,765 7 2 1699 4i2,327 7 1 1739 1,006,963 0 0 1779 2,199,548 6 6 1700 397,543 6 2 1740 1,124,24ü 0 0 1780 1,994,073 4 7 1701 472,834 4 5 1741 1,016,962 0 0 1781 2,311,062 3 0 1702 590,909 0 1' 1742 962,000 0 0 1782 2,oi4,545 1 1 1705 715,206 5 0 1745 i,oi4,ooo 0 0 17^3 2,709,167 0 3 1704 685,532 5 1 1744 P 0 0 0 0 0 1784 2,402,965 7 7 1706 553,491 2 2 1745 1,2i5,000 0 0 1785 2.,111,263 7 0 1706 726,122 0 5 1746 1,354,000 0 0 1786 1,978,844 5 6 1707 674,709 2 5 1747 i,4i 2,000 0 0 1787 1,819,141 1 3 1708 675,0 12 7 6 1748 1 ,368,000 0 0 1788 2,293,555 5 5 1709 61 5,42 8 4 7 1749 1,391,000 0 0 1789 2,4i 5,821 2 1 1710 7 89, '^80 7 5 1760 1,554,000 0 0 1790 2,045,961 6 6 1711 666,598 2 4 1761 1,486 000 0 0 1791 2,363,867 5 3 1712 783,932 3 2 1762 i,6o3,ooo 0 0 1792 2,724 io5 ' 3: 6 1715 763,279 0 5 1753 1,364,000 0 0 1795 2,747,746 4 3. 1714 731,861 4 1 1754 1,364,000 0 0 1794 2,488,5o4 1 0 1716 749,284 4 1 1755 1 469,000 0 0 1795 2,8o8,58o 1 0 1716 767,969 1 6 1766 1,447,000 0 0 1796 2,854,072 6 4 1717 794,204 0 5 1767 1,474 000 0 0 1797 2,818,248 4, 4 1718 8-43,951 6 3 1768 1 ,600,893 3 4 1798 2,697, o38 2 2 1719 853,963 4 0 1769 1,532,000 0 0 1799 2,473 542 2 7 1720 926,390 7 6 1760 1 ,4o*8,ooo 0 0 1800 2,098,712 5 1 1721 1,113,027 4 7 1761 1,386,000 0 0 1722 1 ,o38, 109 5 7 1769 1,189,940 2 3 1723 953,806 5 5 1765 1,3.85,298 7 4 1724 926,214 3 3 ' 1764 1,1 62,063 6 1726 867,037 1 2 1765 1,365,275 7 7 1726 996,017 1 6 1766 1,318,829 4 1 1727 956,833 7 7 1767 1,225,3o7 6 2 1728 1,085,71 1 1 7 1768 1,444,583 1 6 172g i,o37,o55 7 5 1769 1 ,4o4.564 0 4 Total, de 1690 à 1800, en argent seul, 149,350,721 marcs. CHAPITRE XI. 101 Il résulte de ces tableaux , que les mines de la Nouvelle-Espagne ont produit^ de 1690 à 1800 , la somme énorme de i49)53o,72 1 marcs d’argent ; de 1690 à 1800 , en or et en argent, pour la valeur de i,d53,452,o2o piastres fortes ou 7,100, 623, io5 livres tournois, en évaluant la piastre à io3 sous monnoie de France. Depuis cent treize ans , le produit de l’ex- ploitation des mines a été constamment en augmentant, si l’on en excepte la seule époque de 1760 à 1767. Cette augmentation se ma- nifeste , lorsqu’on compare , de dix à dix ans , la quantité de métaux précieux livrés à la monnoie de Mexico , comme cela est fait dans les tableaux suivans , dont l’un indique la va- leur de l’or et de l’argent en piastres, et l’autre la quantité d’argent , exprimée en marcs. 102 livre IV, PROGRÈS DE L’EXPLOITATION DES MINÉS DU MEXIQUE. Tableau I. , Or et argent. ÉPOQUES. VALEUR Je l’or et DE l’argent, exprimée en piastres. De 1690 à 1699 43,871,355 1700 1709 5i,73i,o34 1710 1719 65,747,027 1720 1729 84,1 53, 223 iy3o 17^9 90,529,730 1 ,1740 1749 111 ,855^o4o i 1750 i7-'’9 125,750,094 1 17G0 1769 112,828,860 1770 Ï779 165,181,729 1780 1789 193,504,554 1790 1799 23i,o8o,2i4 Total, de 1G90 à 1799, ï ,276,232,840 CHAPITRE Xï. / io3 Tableau II. Argent seuL -—H 1 argent. ÉPOQUES. marcs. onces. ocliavas. De 1690 à 5,173,099 2 7 1700 1709 6,109,781 5 2 1710 1719 7,744,525 2 6 1720 1729 9,900,203 7 7 1730 1739 io,65o,546 1 0 1740 1749 12,067,202 0 0 1760 1759 14,793,893 3 4 1760 1769 13,279,863 4 1 1770 1779 19,461,194 6 1 1780 1789 22,o5o,44o 6 7 1790 1799 26,021,257 6 1 Total, de 169a à 1799 , 147,252,008 6 6 En distinguant, parmi les époques, celles dans lesquelles les progrès de 1 exploitation ont été les plus rapides, on trouve les i^é- sultats suivans : 04 LIVRE IV? ÉPOQUES. VALEUR DE l’or et DE l’argent, •innée moyenne, en piastres. AUGMENTATION PROGRESSIVE. 1690 1720 5,458,83o' 1 piastres. ‘ en 27 ans, 3,700,000 1721 1743 9.i77>768 1744 1770 11,854,825 25 2,000^000 1771 — 1782 17,223,916 19 5,3oo,ooo 1783 1790 19,517,081 12 2,3oo,ooo 1791 — 1803 22,325,824 10 2,800,000 Ce tableau , réuni aux tableaux précédens, mines ont augmenté le plus en richesse, ont été celles de ijSô à 1745 , de 1777 à 1783 , et de 1788 à 1798 ; mais Taugmentation a été, en général, si peu proportionnelle au temps écoulé, que le produit total des mines a été : de 4 millions de piastres l’année 1696 ^ ' 1726 1788 1795 CHAPITRE XI. io3 d’où il résulte que le produit a triplé en cinquante-deux ans , et sextuplé en cent ans. Après l’or et l’argent, il nous reste à parler des autres métaux , appelés métaux communs, et dont l’exploitation , comme nous l’avons indiqué au commencement de ce chapitre, est extrêmement négligée. Le ciiivre se trouve à l’état natif, et sous les formes de cuivre vitreux et de cuivre oxidulé , dans les mines de ringaran , un peu au sud du volcan de Jorullo , à San Juan Guetamo , dans l’inten- dance de Valladolid , et dans la province du Nouveau-Mexique. Uétain mexicain est re- tiré, par le lavage^ des terrains d’alluvion de l’intendance deGuanaxuato, près Gigante, San Felipe, Robledal et San Miguel el Grande,' de même que dans l’intendance de Zacatecas, entre les villes de Xeres et de Villa Nueva. Une des mines d’étain les plus communes de la Nouvelle-Espagne est l’étain oxidé con- crétionné, ou le woodtin des minéralogistes anglois. Il paroît que ce minerai se trouve originairement dans des filons qui traversent des porphyres trapéens ; mais les indigènes , au lieu d’attaquer ces filons , préfèrent d’ex- traire l’étain des terrains de rapport qui io6 livre IV, remplissent les ravins. L’intendance de Gua- . dalaxara produisit , en 1802 , à peu près 9200 arrobas de cuivre et 4oo d’étain. Les mines deyiv’sont plus abondantes qu’on ne le croit communément , dans les inten- dances de Valladolid , de Zacatecas et de Guadalaxara , et surtout dans les provincias internas. Nous avons exposé plus haut ‘ les raisons pour lesquelles ces mines , les plus importantes de toutes , ne sont travaillées avec quelque ardeur que pendant que des guerres maritimes empêchent l’importation de l’acier et du fer d’Europe. Nous avons déjà nommé les filons de Tecaiitan , près de Colima , qui ont été exploités avec succès , il y a dix ans, et qu’on a abandonnés de nouveau. Le fer magnétique fibreux se trouve, conjointement avez la pyrite magnétique, dans des filons qui traversent le gneiss , dans le royaume d’Oaxaca. La pente occidentale des montagnes de Mechoacan abofide en mines de fer rouge compacte et en hématite brune. On a aussi observé les premières dans 1 intendance de San Luis Potosi , près de * Voyez T, III, p. 294. ' CTA-PITnE XI. 107 Catorce. J’ai vu du fer micacé cristallisé , remplissant des filons, près du village de Santa-Cruz, à l’est de Celaya, sur le plateau fertile (jui s’étend deQuerctaro àGuanaxuato. Le Cerro del Mercado , situé près de la ville de Lurango*, contient un citncis enorme de mines de fer brun, magnétique et micacé. J’entre dans le détail de ces localités, pour prouver combien est faussé l’opinion énoncée par quelques physiciens modernes , que le fer appartient presque exclusivement aux régions les plus boréales de la zone tempérée. C’est à M. Sonneschmidt que nous sommes redevables de la connoissanee du fer météo- rique ' qui se trouve dans plusieurs endroits de la Nouvelle - Espagne , par exemple à Zacatecas, à Charcas , à Durango , et , si je ^ Sonneschmidt , p. 188 et 192. L® masse de Zaca— teeas pesoit encore, il y a dix ans, près de 2000 livres. "Voyez , sur une pierre météorique tomlree entre Gicuic et Quivira, d’après le témoignage de Cardanus et de Tiîei'cati , un mémoire de M. Chladni , dans le Journal des mines, 1809, n.” i5i, p. 79. On ignore aujour- d’hui la position géographique de Cicuic et de Quivira , noms qui rappellent les fables du Dorado de l’ Amé- rique méridionale. LIVRE IV ^ ne me trompe , dans les environs de la petite ville de Toluca. he plomb ^ assez rare dans TAsie boréale , abonde dans les montagnes de formation calcaire que renferme la partie nord-est de la Nouvelle-Espagne, surtout dans le district de Zimapan, près du Real del Cardonal et de Lomo del Toro ; dans le royaume du Nouveau-Léon , près de Linarès ; et dans la province du Nouveau - Santander , près de Saint-Nicolas de Croix. Les mines de plomb ne sont pas travaillées avec autant de zèle qu’on pourroit le désirer dans un pays où le quart de tous les minerais d argent est soumis à la fonte. Parmi les métaux dont 1 usage est le plus restreint , nous nommerons le zinc ^ qui , sous la forme de blende brune et noire, se trouve dans les filons de Ramos , de Sombre- rete, de Zacatecas et de Tasco ; X antimoine ^ qui est commun à Gatorce et à los Pozuelos , près de Guencamé; \ arsenic ^ combiné avec le soufre comme orpiment, se trouve parmi les minerais de Zimapan. Le cobalt ^ que je sache , n a point encore été reconnu parmi les minerais de la Nouvelle-Espagne , CHAPITRE XI. 1 09 et le manganèse ' , qne M. Ramirez a dé- couvert récemment àl’île de Cuba , me paroît, en général, beaucoup moins abondant dans l’Amérique équinoxiale que sous les climats tempérés de l’ancien continent. Le inercuve ^ très-éloigné de 1 étain , par rapport à son ancienneté relative ou à 1 époque de sa formation , est presque aussi rare que lui dans toutes les parties du globe. Les ba- bitans delaNouvelle-Espagneonttiré, depuis des siècles , le mercure nécessaire pour les procédés de l’amalgamation , en partie du Pérou , en partie de l’Europe : il en est résulté qu’ils se sont accoutumés à regarder leur pays comme dépourvu de ce métal. Cependant , en fixant les yeux sur les recher- ches qui ont été faites sous le règne du roi Charles iv , on est obligé de convenir que peu de contrées olTrent autant d indices de cinabre que le plateau des Cordillères , depuis les 19® jusqu’aux 22" de latitude boréale. Dans les intendances de Guanaxuato et de Mexico , on en trouve presque partout où 1 A l’ouesl de la ville de Cuenca, dans le royaume de Quito, il existe du manganèse gris terreux, qui forme une couche dans le grès. I lO V LIVRE IV 5 l’on perce des puits , entre San Juan de la Chica et la ville de San Felipe ; près du Rincon del Centeno , dans les environs de Gelaya ; et depuis le Durasno et Tierra Nueva jusqu’à San Luis de la Paz, surtout près de Chapin^ Real de Pozos, San Rafael de los Lobos^et la Soledad. On a également découvert du mercure sulfuré à Axuchitlan et an Zapote près de Chirangangueo , dans l’intendance de Valladolid ; à los Pregones, près de Tasco; dans le district des mines du Doctor, et dans la vallee de Tenoclititlan , au sud de Gassavé, dans le chemin qui mène de Mexico à Pachuca. Les travaux par lesquels on s’est proposé de reconnoitre ces divers gîtes de minerai, ont été si souvent interrompus ; on les a conduits avec si peu de zèle , et généralement avec si peu d’intelligence , qu’il seroit très-imprudent d avancer, comme on a osé le faire* plusieurs fois, que les mines de mercure de la Nouvelle- Espagne ne méritent pas d’être exploitées. Il * Dans les mines de San Ignacio del Zapote , où le cinabre est constamment mêlé de cuivre carhonaté hleu , tandis qu’à Schemnitz et à Poratich , en Hon- grie , le cuivre gris antirnonié ( grangültigerz ) contient o,o6 de.mercure. Klaproth,Vf , p. 65. CHAPITRE XI. I I I paroît , au contraire, d’après les notions in- téressantes que l’on doit aux travaux de M. Chovel , que les filons de San Juan de la Cliica , comme ceux du Rincon del Centeno et du Gigante , sont très - dignes de fixer l’attention des mineurs mexicains. Pourroit-on exiger que des travaux superficiels, que des exploitations qui ne font que commencer, laissassent, dès les premières années, du profit net aux actionnaires? Les mines de mercure du Mexique sont de formations très-dilFérentes : les unes se trou- vent en couches dans des terrains secondaires; les autres sur des filons qui traversent des por- phyres trapéens. Au Durasno , entre Tierra Nueva et San Luis de la Paz, le cinabre, mêlé de beaucoup de globules de mercure natif, forme une couche horizontale (rnanto) qui repose sur du porphyre. Ce manto , qu on a percé par des puits à cinq ou six mètres de profondeur, est recouvert de couches d argile schisteuse qui renferme du bois fossile et de la houille. En examinant le toit du manto , on trouve depuis le jour , d’abord une couche de schieferthon , imprégnée de nitrate de potasse, et contenant des débris de végétaux ^ 1 ^ livre IV 5 pétrifiés ; puis un strate de houille schisteuse (schieferkohlé) ^ d un mètre d’épaisseur; enfin du schieferthon , qui recouvre immédiate- ment le minerai de cinabre. On a retiré de cetre mine , il y a huit ans, et en très-peu de mois, près de 700 quintaux de mercure, qui n ont pas suffi pour payer les frais de 1 exploitation , quoique le minerai contienne une livre de mercure par charge de trois quintaux et demi en poids. L’insouciance avec laquelle on a travaillé la mine de Du- rasno a été d autant plus nuisible , qu’à cause du peu de solidité de la roche du toit^ et à cause de sa position horizontale , les ébou- lemens ont été très-fréquens : aujourd’hui la mine est noyée, et il ne seroit pas profitable de reprendre les travaux. Elle a joui cons- tamment d’une grande célébrité dans le pays, non par sa richesse , qui est inférieure à celle des filons de San Juan de la Chica, mais parce qu on a pu la travailler à ciel ouvert , / et que ses produits étoient très-abondans. On a tenté inutilement de découvrir une seconde couche de minerai de mercure au-dessous de celle de Durasno. Le filou de cinabre de San Juan de la CHAPITRE XI. 1 13 Chicaa deux ou trois, quelquefois six mètre» de puissance : il traverse la montagne de los Calzones , et s’étend jusqu’à Chichindara. Ses minerais sont extrêmement richçs , mais peu abondans ; j’y ai vu des masses de mer- cure sulfuré compacte et fibreux, d un rouge vif, de vingt centimètres de longueur , et de trois d’épaisseur : ces échantillons ressem- bloient, par leur pureté, aux produits les plus riches d’Almaden et deWolfstein, en Europe. La mine de la Ghica n a encore ete exploitée que jusqu’à la profondeur de cin- quante mètres : elle se trouve , et ce fait géo- logique est très-remarquable , non dans le grès ou dans le schiste , mais dans un véritable jjechstein-porphyr divisé en boules à couches concentriques , dont l’intérieur est tapissé d’hyalite ‘ mammelonnée. Le cinabre et un peu de menrnre natif s’observent quelquefois au milieu de la roche porphyritique , à une distance assez considérable du filon. Pendant mon séjour à Guanaxuato , on ne travailloit dans tout le Mexique que deux mines, celles de Lomo del Toro , près de San Juan de la * Mullerisch-glass» IV. S *l4 livre IV, Çhica , et de Niiestra Senora de los Dolores, à un quart de lieue au sud-est du Gigante. Dans la première de Ces mines , une charge de minerai donne deux à trois livres de mer- cure . les Frais d exploitation y sont très- modiques. La mine du Gigante, de laquelle on relire jusqu’à six livres de mercure par charge de minerai, fournit par semaine 70 a 80 livres . elle est travaillée pour le compte d’un riche particulier , Don José del Maso , qui a le mérite d’avoir excité le premier ses compatriotes , pendant la derniere guerre , à l’exploitation des mines de mercure et à la fabrication de l’acier. Le cinabre qu’on a retiré des filons de la montagne du Fraile , près de la Villa de San Felipe , se trouve dans un porphyre à base de hornstein , qui, traversé par des filons d’étain , est indubita- blement plus ancien que le pechstein-porphjr de la Chica. L’Amérique , dans son état actuel , est tributaire de l’Europe sous le rapport du mercure. Il est probable que cette dépendance ne sera pas de longue durée , si les liens qui unissent les colonies avec la métropole restent brisés pour long-temps, et si la civilisation CIIAPITKE XI. de l’espèce humaine, dans son mouvement pro^ressiT de 1 est a 1 ouest , se concentre en Amérique. L’esprit d’entreprise et de recher- ches augmentera avec la population; plus le pays sera habité , et plus on apprendra à connoître les richesses naturelles querenferme le sein des montagnes. Si l’on ne découvre pas une seule mine oui égale en richesse celle de Huancavelica , on en exploitera plusieurs à la fois , dont les produits réunis rendront inutile l’importation du mercure de l’Espagne et de la Carniole. Ces changemens s’opéreront d’autaut plus rapidement, que les mineurs mexicains et péruviens se sentiront plus gênés par le manque du métal nécessaire à l’amal- gamation. Mais cherchons ce que deviendroit aujourd’hui l’exploitation des mines d’argent de l’Amérique, si, au milieu des guerres qui désolent l’Europe, on cessoit de tra- vailler les mines de mercure d’Almaden et d’Idria. J’ai nommé les gîtes de minerais de la Nouvelle-Espagne qui, examinés avec soin , exploités avec constance, peuvent produire un jour une quantité de ce mercure très- considérable. L’époque approche où les co- 8* livre IV, lonies, plus unies entr’elles, seront aussi plus attentives sur leurs intérêts communs : il est, par conséquent, important de jeter un coup d œil général sur les indices de mercure ob- servés dans l’Amérique méridionale. Peut-être le Mexique et le Pérou, au lieu de recevoir ce métal de l’Europe, pourront-ils un jour en fournir à l’ancien monde. Je me bornerai aux notions que j’ai pu recueillir sur les lieux raêmes, et surtout pendant mon séjour à Lima ; je ne citerai que les points où le cinabre s est trouvé^ soit en filons^ soit en couches. Dans plusieurs endroits , par exemple à Portobello et à Santa - Fe de Bogota ^ on a recueilli , et à de petites profondeurs, , en construisant des maisons, des quantités considérables de mercure natif. Ce phénomène a souvent fixé lattention du gouvernement. On a oublié que , dans un pays où , depuis trois siècles , des outres remplies de mercure sont trans- portées à dos de mulets ^ de province à pro- vince , il a été nécessairement répandu de ce métal dans les hangars sous lesquels on décharge les bêtes de somme, et dans les magasins de mercure établis dans les villes. En général, les montagnes ne renferment le CHAPITRE XI. ”7 mercure à 1 état natif qu en très-petites por- tions; et lorsque , dans un endroit habité ou sur un grand chemin , on en découvre dans la terre plusieurs kilogrammes réunis ^ il faut croire que ces masses sont dues à des infil- trations accidentelles. Dans le royaume de la Nouvelle-Grenade y on connoît le mercure sulfuré en trois endroits dilFérens, savoir : dans la province d’Aiitioquia, dans le Valle de Santa Rosa ^ à Test du Rio Cauca; dans la montagne de Quindiu ^ au passage de la Cordillère centrale, entre Ibague et Carthago , à l’extrémité du ravin du Ver- mellon ; enfin , entre le village à'Azogue et Cuenca, dans la province de Quito. La dé- couverte du cinabre de Quindiu est due au zèle patriotique du célèbre botaniste Mutis,. qui , aux mois d’août et de septembre de l’année 1786 , a fait examiner à ses Irais , par des mineurs du Sapo , la partie de la Cor- dillère granitique qui se prolonge au sud , depuis le Ne^ado de Tolima vers le Rio Saldaîia. La mine de mercure sulfuré ne se trouve pas seulement en fragment arrondis mêlés à des paillettes d’or, dans le terrain de transport qui remplit le ravin ( quebmda ) ï 1 8 LIVRE IV 5 du Vermellon , au pied du plateau àUbague T^iejoj on coiinoit aussi le filon duquel le choc des eaux paroit avoir détaché ces fragmens , et qui traverse le petit ravin de Santa Ana. Près du village d’Azogue , au nord-ouest dé Cuenca , le mercure se trouve , comme dans le département du Mont - Tonnerre , dans nue formation de grès quartzeux à ciment argileux : ce grès a près de i4oo mètres d'épaisseur , et renferme du bois fossile ' et de 1 asphalîé*\ Dans les montagnes de Guazun et dX'par, situées au nord-est d’Azogue, un filon de cinabre traverse des couches d’argile remplies de spath calcaire , et contenues dans le grès. On j découvre les restes d’une an- cienne galerie de 120 mètres de longueur et de onze puits très-rapprochés les uns des ^ J’en ai trouvé de beaux morceaux de 1 4 décimètres de longueur, à Silcai-Yacu, entre Delec et Cuenca. ^ A Porche et à la pente occidentale de la montagne de Coxitambo. J’ai été singulièrement frappé des rap- ports géologiques qu’offre la formation de grès de Cuenca et d’Azogue avec les grès des mines de Wolf- stein et de Münsterappel , que j’ai visitées en 1790 , et qui renferment aussi du cinabre, du bois fossile et du pétrole* CHAPITRE XI. ”9 aulres. On croit dans le pays que cette mine a été exploitée avant celle de Huancavelica , et que c’est la découverte de cette dernière qui l’a fait abandonner. Les savantes recber- ches de Don Pedro Garcia, et les travaux que l’intendant de Cuenca,M. Vallejos, a fait exécuter en 1792, n’ont pas prouvé que le fdon de cinabre de Guazun puisse être ex- ploité avec succès. Il existe à cinq lieues de distance de la ville de Popayan, au nord-ouest, près de Zeguengue , un ravin qui est appelé le ravin du mercure ( (jiiebrada del azogue^ , sans que l’on sache 1 origine de ce nom. Au Pérou, le cinabre se trouve , près de Vuldivui, dans la province de Pataz, entre la rive orientale du Maranon et les missions de Guailillas ; au pied du grand Nevado de Pelagato , dans la province de Goncliucos , à l’est de Santa ; aux bains de Jésus, dans la province de Giiamalies , au sud - est de Guacaracbuco ; près de Huancavelica , dans l’intendance de ce nom ; et près de Guaraz, dans la province de Guailas. D après ties livres de comptes trouvés dans la trésorerie pro- vinciale de la ville de Chacbapoyas ( entre le Rio Soncbe et le Rio ütcubamba) , il paroît *20 LIVRE IV J qu’au commencement de la conquête, on exploitoit des mines de mercure dans les montagnes peu élevées qui s’étendent depuis le Pongo de Manseriche jusque vers Caxa- marquillo et le Rio Pluallaga : mais d’après les informations qne j’ai prises pendant mon séjour dans la province de Jaen, on ignore aujourd’hui totalement où ces mines ont été situées. Les filons de cinabre de Guaraz furent travaillés avec quelque succès en 1 802 : on y retiroit jusqu’à 84 livres de mercure d’un amas de minerais de i5oo livres de poids. La fameuse mine de Huancavelica , sur l état de laquelle on a répandu tant de fausses notions , se trouve dans la montagne de Santa Barbara , an sud de la ville dé Huancavelica, à une distance horizontale de 2772 vams (ou 23ig mètres). La hauteur de la ville au-dessus du niveau de la mer est, d’après Le Gentil ', * Celte hauteur est calculée d’après la formule de M. La Place , en supposant une température de 10 de- grés centigrades. D’après Le Gentil ( Voyage aux Indes , T. I, p. 76), la hauteur moyenne du baro- mètre, à la ville de Huancavelica, est de i8p“- Dans le manuscrit de M. Molhes, cette hauteur est évaluée a iSp»- 7’* , ce qui ne donueroit que i8i4 toises CHAPITRE XI. I2Ï de 0762 mètres (1925 toises) : en ajoutant à cette hauteur les 802 varas dont le sommet de la montagne de Santa Barbara e$t plus élevé que le niveau des rues de Huancavelica^ on trouve , pour cette montagne , la hauteur absolue de 4422 mètres On attribue géné- ralement la découverte de la grande mine de mercure à l’Indien Gonzalo Abincopa ou Navincopa ; mais il est certain qu’elle remonte à une époque bien antérieure à l’annçe 1567, puisque les Incas se servoieiit déjà du cinabre ou 3535 mètres d’élévalîon absolue. La grande place de la ville de Micuiparàpa , ou j’ai trouvé le baromètre de iSp®- 5 seroit donc de 84 mètres plus élevée que le niveau des rues de Huancavelica. ( Recueil Observations astronomiques , Vol. I, p. 3i6. ) * Cette mesure s’accorde très-bien avec Fassertlon d’Ulloa, qui rapporte avoir vu le baromètre se soutenir, au fond de la mine de HoyoNegro j à 17?° 2^'*, 2; d’ou l’on peut conclure que le fond de la mine étoit alors à 2159 toises ou 42o8 mètres de hauteur au-dessus du niveau de l’Océan. {^TJUoa ^ Noticias americanas y p. 279. ) Voilà un puits ou les mineurs travailloient dans un point qui est de 5oo mètres plus élevé que la cime du pic de Ténériffe ! Dans le Cerro de Hualgayoc, j’ai vu des galeries dont la hauteur absolue ei^cédoit 4o5o mètres. 122 livre IV, ( llimpi) pour se farder, et qu’ils en retiroient des montagnes de Palcas. L’exploitation de la mine du Cerro de Santa Barbara ne commença , d’ailleurs , au profit de la cou- ronne , qu’au mois de septembre 1670, à peu près l’année dans laquelle Fernandez'de Velascqintroduisit l’amalgamation mexicaine au Pérou. Le mercure se trouve , dans les environs de la ville de Huancavelica , de deux manières très-diiTérentes , en coucbes et en filons. Dans la grande mine de Santa Barbara , le cinabre est renfermé dans une couche de grès quar- tzeux , qui a près de quatre cents mètres d épaisseur , et qui est dirigée lior. i o — n de la boussole allemande, avec une incli- naison de 64" vers l’occident. Ce grès , ana- logue à celui des environs de Paris et des montagnes d’Aroma et de Cascas, au Pérou , •ressemble à du quartz pur. La plupart des échantillons que j’ai pu examiner dans le ca- binet géologique du baron de Nordenfljcht, n’ofirent presque pas de ciment argileux. La roche quartzeuse qui contient les minerais de mercure , forme une couche dans une brèche calcaire , dont elle n’est séparée , dans CHAPITRE XI. 123 son rnur et dans son toit, que par un strate ^j.gs-raiîice d’argile schisteuse {schiej/'erthori) , qui a été souvent confondue avec de l’ardoise ou du schiste primitif. La brèche est recou- verte d’une formation de pierre calcaire secondaire , et les fragmens de calcaire com- pacte enchâs.sés dans la brèche paroissent indiquer que toute la masse de la montagne de Santa Barbara repose elle-même sur de la roche calcaire alpine. Cette dernière roche (^alpenkalkstein) se découvre en elFet à la pente orientale de la montagne , près d’Aco- bamba et de Sillacasa : on la rencontre encore à des élévations très-considérables; elle est gris-bleuâtre , et traversée par un grand nombre de petits filons de spath calcaire. Ulloa y a observé, en 1761 , des coquilles pétrifiées à la hauteur de plus de 4^00 mè- tres. M. de Nordenfîycht a également dé- couvert des pectinites et des cardium dans un ' Nous en avons aussi trouvé sur le on a donné à l’exploitation la forme d’un cylindre, dont l’axe est incliné du nord au sud. Vers la surface du sol, au Brocal, la couche métallifère n’a presque pas été attaquée du côté du sud : dans la profondeur, au con- traire , à Gochapata , les galeries ont été très- peu allongées vers le nord. Gette disposition particulière des ouvrages d’exploitation a fait croire que le cinabre se perd vers le fond de la mine : mais si on l’a trouvé moins abon- damment, c’est qu’èn approfondissant tou j ours vers le sud, on est entré insensiblement dans la partie stérile de la couche degrés quartzeux. Malgré la justesse de ces considérations, il paroît peu prudent de conseiller le dé- i33 CHAPITBE XI. blayement de la mine écroulée ; cette opéraüon exigeroit des frais immenses, et les anciens ouvrages sont si mal disposés , qu il est imposr sible d’en tirer pÆirti. La couche métallifère du Cerro de Santa Barbara se prolonge bien au delà de Sillacasa, à plusieurs lieues de distance, iusqu’au dessus du village de Gua- chucalpa : en l’attaquant sur des points qui sont restés intacts jusqu’ici, on seroit presque sûr du succès de l’exploitation ; car rien ne prouve plus la grande abondance du mercure dans cette partie des Cordillères , que le pro- duit des travaux superficiels des Indiens. Si de petits filons de cinabre, mis à découvert dans leurs affleuremens, fournissent, année moyenne , 3ooo quintaux, on ne peut douter que des ouvrages de recherche , àingé& avec intelligence, n’olfrissent un jour plus de mer- cure que n’en exigent les usines du Pérou: il faut même espérer qu’à mesure que les habitans du Nouveau-Monde apprendront à tirer parti des richesses naturelles de leur sol, le perfectionnement des connoissances chi- miques conduira aussi à des procédés d’amal- gamation par lesquels il se perdra moins de mercure. C’est en diminuant la consommation ^^4 tlVEE irj de ce métal et en augmentant le produit des exploitations indigènes , que les mineurs améiicains parviendront insensiblement à se passer du mercure de l’Europe et de la Chine. ■Pour eompléter le tableau des substances minérales de la Nouvelle - Espagne, il me reste à nommer le charbon de terre, le sel et la soude. Le charbon de terre, dont j’ai vu , dans la vallée de Bogota ' , des couches à 25oo mètres de hauteur au-dessus du niveau de 1 Océan, paroît, en général, être assez rare dans les Cordillères. Dans le rojaume de la Nouvelle-Espagne on n’en a encore déeouvert quau Nouveau - Mexique : il est cependant probable qu il s’en trouve dans les terrains secondaires qui s’étendent au nord et au nord- ouest du Rio Colorado, de même que dans les plaines do San Luis Potosi et de Texas. On connoît déjà une mine de houille près des sources du Rio Sabina. En général, le char- bon de terre et le sel gemme abondent à 1 ouest de la Sierra. Verde, près du lae de ' Très de Tausa, Canoas, et au Cerro de Suba dans le chtmin de Sania-Fe de Bogota à la mine de sél gemme de Zi^aquira. / CHAPITRE XI. TLmpanogos; dans la Haute -Louisiane , et dans ees vastes régions boréales contenues entre les montagnes rocheuses (^stony-moun- tains ) de Mackenzie et de la baie de Hudson Dans toute la partie habitée de la Nouvelle- Espagne , il n’existe pas de mine de sel gemme semblable à celle de Zipaquira, dans le royaume de Santa-Fe, ou de Wieliczka , en Pologne. Le muriate de soude ne s y trouve nulle part réuni en bancs ou en masses d un volume considérable ; il n’y est que disséminé dans des terrains argileux qui couvrent le dos des Cordillères. Les plateaux du Mexique ressemblent, sous ce rapport, à ceux du Thibet et de la Tartarie. Nous avons observé plus haut % en donnant la description de la vallée de Ténochtitlan , que les Indiens qui habitent les cavernes du rocher porphyritique * Il y a des sources salées sur les bords du lac Dau- phin et du lac des Esclaves. On connoît des mines de houille , près de la rivière de Mactenzie , sous les 66» de latitude -, et au pied des stony-monntains , par les 52° et 56» de latitude. ^Voyage de Mackenzie, Vol. III , p. 332-334. ) « Voyez Ghap. VIII , T. II , p. 189. i36 livre IV,’ appelé Penon de los Banos, lessivent des terres imprégnées de muriate de soude. C’est une opinion répandue dans le pays, que ce sel se forme, comme le nitrate de potasse, par 1 influence de l’air atmospliérique : il paroît, en effet, que le muriate de soude ne se trouve que dans la couche de terre supé- rieure, jusqu’à huit centimètres de profon- deur. Les Indiens payent aux propriétaires du sol une petite somme pour avoir la permission d’enlever cette première couche muriatifère; ils savent qu’après quelques mois ils retrouvent une croûte d’argile chargée à la fois de muriate de soude et de chaux , de nitrate de potasse et de chaux, et de carbonate de soude. Un chimiste distingué , M. del Rio , s’est proposé de faire des recherches exactes sur ces phénomènes, en lessivant les terres avant qu’elles soient entrées de nouveau en contact avec 1 air atmosphérique. La mine de sel la plus abondante du Mexique est le lac du Penon Blanco ‘ , dans l’intendance de San Luis Potosi, dont le fond offre une couche d’argile qui renferme 12 à i3 pour cent de * Voyez ei-clessusj p. 6o. CHAPITRE XI. i37 inuriate de soude. On doit observer, d ailleurs, que , sans l’amalgamation des minerais d’ar- gent , la consommation du sel ne seroit pas très-considérable au Mexique , parce que les Indiens, qui constituent une grande partie de la population , n’ont point abandonné leur ancienne coutume d’assaisonner les mets, au lieu de sel , avec du chile ’ ou piment. En jetant un coup d’œil général sur le tableau des richesses minérales de la Nouvelle- Espagne, loin d’être frappé de la valeur de l’exploitation actuelle, on est étonné de ce que le produit total des mines n’est pas de beaucoup plus considérable. Il est facile à prévoir que cette branche de l’industrie nationale va augmenter à mesure que le pays sera plus habité, que les propriétaires les moins aisés jouiront plus librement des droits de citoyen , et que les connoissances géolo- giques et chimiques seront plus généralement répandues. Plusieurs entraves ont déjà été ^ Chilli ou ahi. Voyez T. III , p. i34. Si ron estime en Europe la consommation annuelle du murlate de soude à six kilogrammes par tête , on n’ose pas évaluer cette consommation 5 pour la race des hommes cui- vrés, à plus d’un demi-kilogramme. ï38 LIVRE IV ^ levées depuis Tannée 1777, ou 'depuis Téta- i)]issenient d un conseil suprême des mines y qui poiN^e le titre de Real Tribunal general del importante cuerpo de Mineria de Nueva Espana y et qui lient ses séances dans le palais du vice-roi, a Mexico. Jusque-là les pro- priétaires des mines n etoient pas réunis en cor- poration, ou du moins la cour de Madrid ne vouloit point les reconnoître * comme formant un corps établi par un acte constitutionnel. Lajégislation des mines étoit autrefois infi- niment confuse, parce qu'au commencement de la conquête, sous le règne de Charles-Quint, un mélange de lois espagnoles, belgiques et allemandes, avoit passé au Mexique, et que ces lois, d’après le contraste des circonstances locales , etoient inapplicables à ces régions lointaines. L’érection du conseil suprême des mines, dont Je chef porte un nom célèbre dans les annales des sciences chimiques, a été suivie de 1 établissement de Técole des mines ^ Representacion que a nombre de la Mineria de esta ]Sl ueua Rspana Jiacen al Rey ÏS/uestro Senor los Apoderados de ella ^ D. Juan Jucas de Lassaga y T). Joaquin V elasquezde Leon ( Mexico, 1774) , p. 4o. ^ Don Fausto de Elhuyar* CHAPITRE XI. iSg et de la rédaction d’un nouveau code de lois, publié sous le titre de ordonanzas de la mineria de Nueva EspaTia. Le Conseil ou Tvibunal général y est composé d un directeur^ de deux députés du corps des mineurs^ cYun assesseur, de deux consulteurs, et d un juge qui est chef du juzgado decilzadas deiiiineria. Du Tribunal général dépendent les trente- sept 00/25^//^ mines provinciaux o\i dipu- taciones de mineria ^ dont les noms ont été indiqués plus haut. Les propriétaires des mines ( mineros ) envoient leurs représentans aux conseils provinciaux, et les deux députés généraux qui résident à Mexico sont choisis parmi les députés des arrondissemens. Le corps des mineurs de la Nouvelle -Espagne a en outre des apoderados ou fondés de pro- curation à Madrid, pour traiter immédiate- ment avec les ministres , sur les intérêts des colonies en affaires de mines. Les élèves du colegio de mineria^ instruits aux frais de l’état, sont répartis par le Tribunal ^ dans les chefs-lieux des différentes dipiitaciones. On ne sauroit nier que le système représentatif que Ton a suivi dans la nouvelle organisation du corps des mineurs mexicains a de grands 1 4^ livre IV 5 avantages : il entretient l’esprit public dans un. pays où les citoyens ^ épars sur une im- mense étendue de terrain^ ne sentent pas assez qu’ils ont des intérêts communs^ il donne la facilité au conseil suprême de réunir des sommes considérables chaque fois qu’il est question d’une entreprise grande et utilé. Il seroit à désirer cependant que le directeur du Tribunal pût exercer plus d’influence sur les progrès de l’exploitation dans les provinces, et que les propriétaires des mines^ moins jaloux de ce qu’ils appellent leur liberté , fussent plus éclairés sur leurs véritables intérêts. Le conseil suprême a plus d’un million de livres tournois de rentes annuelles. Le roi lui a accordé , dès son établissement , deux tiers du droit régalien de seigneuriage , qui font un real de plata ^ ou la huitième partie d’une piastre forte par marc d’argent livré à la monnoie. Ce million de revenu est destiné aux appointemens * des membres du Tribunaly * Ces appoîntemens s’élèvent à â5,ooo piastres. Le directeur général n’en a que 6000 j le séminaire ou l’école des mines , dans lequel on élève des Espagnols créoles et des Indiens nobles , n’absorbe que 3o,ooo p. par an. CHAPITRE XI. l4t à l’entretien de l’école des mines , et à un fonds de secours ou d’avances (avios) pour les proprietaires des mines. Ces avances, comme nous l’avons observé plus haut, ont été données avec plus de largesse que de discernement : un mineur de Pacbuca a ob- tenu à la fois 170,000 piastres; les action- naires de lu mina de agua de Temascaltepec ont reçu 2i4?ooo piastres; mais ces secours n’ont rien produit Le Trihunal^ pendant les dernières guerres de 1 Lspagne avec la France et l’Angleterre, s’est vu forcé de faire à la cour de Madrid un don gratuit de deux mil- lions et demi de francs, et de lui prêter^ en outre ; quinze millions, dont six n ont pas encore été remboursés. Pour faire face à ces dépenses extraordinaires , il a fallu avoir recours à des emprunts , et aujourd’hui la moitié des revenus du conseil suprême des mines est employée à payer les intérêts de ces capitaux; on a même augmenté de moitié l’impôt du seigneuriage , jusqu’à l’époque de 1 Voyez le compte rendu aux électeurs , publié sous le titre à'Estado gamral que manifiesta a los i>ocal3s los caudales del Tribunal de mineria , desde 1777 hasta 1788. l4^ LIVRE IV, ramortissemerit des dettes contractées par le Irihunal : an lieu de huit grains y les mineurs ^ont obligés d en payer douze ‘ par marc d argent. Dans cet état de choses, le tribunal ne peut plus faire des avances aux mineurs qui, par manque de fonds, se trouvent souvent dans 1 impossibilité de se livrer à des entreprises utiles. De grands capitaux employés jadis dans l’exploitation , ont été destinés aux progrès de l’agriculture, et les propriétaires des mines auroient de nouveau besoin de ces établissemens ( hancos de plata, compàïiias refac don arias ^ ô de hahilitacion J ados), qui avançoient aux mineurs, à gros intérêts , des sommes considérables. Toutes les richesses métalliques des colonies espagnoles se trouvent entre les mains des particuliers : le gouvernement ne possède pas d autre mine que celle de Huancavelica , au ^ Ocho granos de senoreage , y quatro gî'anos tem- poralmentè impuestos, A Lima, le tribunal perçoit un réal par marc. ® Real cedula sobre la compania refaccionarla propuesta por el Genoves Domingo Rehorato , del 12 marzo 1744. — Don Josef Bustamente y Informa sobre la hahilitacion de los minerosy 1748. CHAPITRE XI. 143 Pérou , qui est abandonnée depuis long- temps; il n’est pas même propriétaire dés grandes galeries d’écoulement, comme le sont plusieurs souverains d’Allemagne. Les particuliers reçoivent du roi la concession d’un certain nombre de mesures sur la direc- tion d’un filon ou d’une couche; ils ne sont tenus qu’à payer , sur l’argent retiré des mines, des droits très-modiques, que l’on a évalués , en terme moyen, pour toute l’Amé- rique espagnole, à 11 4 pour cent pour l’argent, et à 3 pour cent pour l’or '. Dans la Nouvelle-Espagne , les propriétaires des mines payent au gouvernement le demi- quint ou la dîme, le droit d’un pour cent ( derecho del uno por ciento ) , et le droit de monnojage , appelé derecho de monedage j sehoreage. Ce dernier droit, établi en i566, par une loi de Philippe ii , et augmenté à la fin du dix-septième siècle”, s’élève au jour- ^ Bourgoiîig , T. II, p. 284. ^ Recopilacion de leyes de Castilla, de 15^8 , Lib. V, Tit. XXI, n 9.— Zej.S, Tit. XXIII, Lib. IV, de Indias. — Real eedula dirigida al virey Cande de 3foct8zuma , y dada en Madrid a 26 de junio de 1698. I'44 LIVRE IV, d’hui à 3 I réaux par marc d’argent ^ 68 réaux étant taillés dans le marc, avec j réal de frais, et le propriétaire de Fargent ne recevant que 64 réaux. De ces 3 1 réaux , 2 | sont comptés dereclio de monedage ^ et i réal dereclio de seîioreage. On évalue * le revenu que le fisc tire, de 200,000 marcs d’argent, qui équi- valent à 1,700,000 piastres : , piastres. En dereclio de diezmo 160,000 En derecho de uno per ciento 16,000 En derecho de monedagejsehoreage, 86,760 Total. ....... 262,760 à peu près 16 f pour cent. En décomptant le profit du gouvernement sur le titre de la monnoie, ou la totalité de la traite ^ on trouve que les droits payés par les propriétaires des mines ne s’élèvent qu’à i3 pour cent. Pour faire connoître dans un plus grand détail les droits que perçoit le fisc, il faut distinguer, d’après les notions que j’ai recueillies pen- dant mon séjour à Guanaxuato, l’argent pur * Representacion de la mineria de ISfueva Espaha , de 1774, p. 53, CHAPITRE XI. 145 e 1754 a 1772, 6,102,159, et 129,080 1772 1791. 8/178,567 80,846 CHA.PITRE XI. T 53 La valeur de l’or et de l’argent ' s’est élevée, dans la première de ces époques, à 68,944)522 piastres; dans la seconde, à 85,434,849 piastres , ce qui fait , année moyenne, en or en argent. De 1754 à 1772, 3,83o,ooo piastres. 1772 179I) 4)496,000 Le produit de l’or a diminué , tandis que celui de l’argent a augmenté considérable- ment. L’année 1790, le produit des mines du Pérou ’ étoit de 534, 000 marcs d’argent et de 638o marcs d’or. Depuis l’année 1797 jusqu’en 1801 ,011 a frappé à Lima, en or et en argent , pour la somme de 26,002,655 piastres. Le tableau suivant indique le produit ^ de rexploitation , année par année. 1 Unanue , Guia politica delPerü^ 1793 , p. 45. ^ Mercurîo peruano J Vol. 1? p* ^9. 3 Razon de lo que se ha acuhado en la real casa ds moneda de Lima* (Manuscrit. } livre IV, Monnayage de VMtel des monnaies, à Lima. années. VALEUK DE l’or, en piastres. VAEEUlt de l’argent, en piastres. VALEUR de l’or et de l’argent , en piastres. 1797 583,724 4,616,206 5,099,960 1798 555,810 4,768,094 5,293,904 ^799 496,486 5,612,345 6,oo8,83i 1800 378,596 4,599,409 4,778,006 1801 328,061 - 4,623,932 4,861,983 ToTAii, en 5 ans. 2,322,667 23,709,986 26,032,653 Dans les cinq années précédentes , le pro- duit a été de trente millions ; de sorte que 1 on pourroit considérer six millions de pias- tres comme le terme moyen pour une année, la production de l’or et de l’argent ayant été moindre en 1800 et 1801 , à cause de la guerre maritime, qui a empêché l’importation du mercure , comme celle du fer et de l’acier de -lUrope. ]\ous nous arrêterons cependant à unesommemoinsgrande;savoir,à545o marcs dor et a 670,000 marcs d’argent, dont la valeur s’élève ensemble à 6,5oo,ooo piastres. CHAPITRE XI. i55 Les endroits du Pérou les plus célèbres par leurs richesses en métaux précieux, ou par la grandeur des exploitations , sont , en sui- vant la chaîne des Andes du nord au sud : dans la province de Caxamarca , le Cerro de Gualgayoc , près de Micuipampa , Fuen- testiana et Pilancones ; dans la province de Chachapoj'as , S. Thomas , las Plajas de Balzas et les Pampas del Sacramento , entre le Rio Guallaga etTUcajalé ; dans la province de Guamachuco , la ville de Guamachuco ( avec les Reales de San Francisco , d’Angas- marca et de la Mina Iledionda ) , Sogon , Sanagoran , San José , et Santiago de Chucu; dans la province de Pataz ^ la villè de Pataz ^ Vuldivuyo , Tayabamba, Soledad et Chilia; dans la province de ConcJiucos y la ville de Conchucos , Signas , Tambillo , Pomapamba, Chacas, Guari, Chavin, Guanta et Rnri- quinchay ; dans la province de Huailas y Requay; dans la province de Hiicinialtes y Giiallanca ; dans la province de Caocatambo y Chanca et la bourgade de Gaxatambo ; dans la province de Tanna y le Cerro de Yauri- cocha ( à deux lieues au nord de Pasco), Chaiipimarca , Arenillapata, Santa Cathalina, livre IV, Caja Grande , Yanacanche , Santa Rosa , et le Cerro de Colquisirca ; dans la province de Huarochiri Gonchapata ; dans la province de Huancavelica , San Juan de Lucanas j enfin , aux confins du désert d’Atacama , Huantajaya. J ai SUIVI , dans cette longue énumération , l’ancienne division du Pérou en provinces : mais depuis que la frontière du royaume de Buenos-Ayres passe à louest du lac de Chu- cuito, entre ce lae et la ville de Cuzco, et depuis que, d’un côté, le royaume de Quito et les provinces de Jaen de Bracamoros et de Maynas; de l’autre, les gouvernemens de la Paz, d’Oruro , de la Plata et du Potosi ont été séparés du Pérou , ce dernier est divise en sept intendances, celles de Truæillo, Tamia y Huancavelica , Lima, Guamanga y ArequipaQi Gwzco, dont chacune comprend plusieurs départemens ou partidos \ On ne ^ Les montagnes de Huarocliiri et de Ganta con- tiennent d^excellent charbon de terre ; mais à cause de la cherté du transport , on ne peut en faire usage à Lima. On a aussi découvert à Huarocliiri du cobalt et de Fanlimoine. ; * Les anciennes provinces de Pataz, de Guama • CHAPITRE XI. 1 5^7 peut arriver qu a de faux résultats, lorsque, connue on l’a feit dans les ouvrages les plus estimés, on compare le produit des mines de l’ancien Pérou avec celui du Pérou actuel , le dernier n’embrassant dans ses limites , depuis l’année 1778, ni le Cerro du Potosi ni les mines d’Oruro et de la Paz. L’or pé- ruvien provient en partie des provinces de Pataz ■ et de Huailas , où on le retire des filons de quartz qui traversent des roches primitives, en partie des lavages {lavaderos) établis sur les rives de l’Alto Maranon, dans le partido de Chachapoyas. chuco et de Chachapoyas sont regardées aujourd’hui comme des partidos de l’intendance de Trusdlo; celles de Caxatamho, de Huailas, de Conchucos et de Huamalies appartiennent à l’intendance de Tarma, Les capitales des sept intendances sont : Lima , avec 52,600 hahitans; Guamanga , avec 26,000; Arequipa, avec 24,000; Truxillo, avec 58oo ; Huancavelica , avec 5200 ; Tarma, avec 56oo, et Cuzco , avec 32, 000. ( Guia poUtica, ecclesiastica y militar del vireynato del Périt, para el ano 17^^ , por Don José HipoUto Unanue, ) . . 7 j X Parmi les cinq districts de mines da partido^ de Pataz , que nous avons nommés plus haut , il n’y a que celui de Chilia qui fournisse de 1 argent. i58 LIVKE IV ^ De même qu’au Mexique presque tout le produit est dû aux mines de Guanaxuato , de Catorce, deZacatecas, de Real del Monte et de la Nouvelle-Biscaye, au Pérou presque tout l’argent est retiré des grandes mines de Yauricocha ou Lauricocha ( appelées com- munément mines de Pasco et du Cerro de Bomhon ■ ) , de celles de Gualgayoc ou de Chota , et de Huantajaja Les mines de Pasco , celles de toute l’Amé- rique espagnole qui sont le plus mal tra- vaillées , ont été découvertes par l’Indien Iluari Capca, en i63o : elles fournissent annuellement près de deux millions de pias- tres. Pour se former une juste idée del’énorme masse d’argent que la nature à déposée dans le sein de ces montagnes calcaires, à la hauteur de plus de quatre mille mètres au-dessus dn ‘ Le haut plateau des Cordillères, sur lequel se trouve le petit lac de los Reyes , au sud du Cerro de Yauricocha , s’appelle la Pamha de Bomhon. Il faut chercher la position de Pasco non sur la carte de La Cruz , mais sur celle du Rio Huallaga , dressée par le père Sobreviela, et publiée, en 179. , par la Sociedad de los Amantes del pais de Lima. ® Prononcez Guanta-ha-ja, CHAPITRE XI. i5g niveau de l’Océan il faut se rappeler que la couche d’oxide de fer argentifère de Yauri- cochaest travaillée, sans interruption, depuis le commencement du dix-septième siècle, et que dans les derniers vingt ans on en a extrait plus de cinq millions de marcs d’ar- gent , sans que la plupart des puits aient plus de trente mètres de profondeur , et sans qu’aucun d’eux ait atteint la profondeur de cent vingt. Les eaux, très-abondantes dans ces mines , sont épuisées , non par des roues hydrauliques ou par des baritels à chevaux , comme au Mexique, mais par des pompes mues à bras d'hommes; aussi, malgré le peu de profondeur de ces misérables excavations, que l’on désigne sous le nom de puits et de galeries, l’épuisement de ces mines est exces- sivement dispendieux : dans la mine de la Luna il a coûté , il y a quelques années , plus de mille piastres par semaine. Les mines de Yauricocha fourniroient la même quantité d’argent que Guanaxuato , si l’on y cons- truisoit des machines hydrauliques ou des pompes à feu , pour lesquelles on pourroit se servir des tourbières du lac de Giluacocha. La couche métalhfère {manto de p lata ) de I l6o ^ LIVRE IV 5 Yauricocha paroît au jour sur une longueur de 4800 mètres et sur une largeur de 2200. Le tableau suivant , tiré des livres de la tré- sorerie provinciale de Pasco , indique le nombre et le poids des lingots d’argent qui ont été fondus à Pasco depuis l’année 1792 jusqu’en 1801. JE xploitation de Yauricocha. EPOQUES. LIN&OTS, j MARCS d’argent. 1792 i,o52 183,598 1795 1,325 234,943 1794 1,621 291,254 1795 i,55o 279,622 1796 i,56i 227, 5i4 1797 1 ,34o 242,949 ' 1798 1,478 271,862 1799 1,237 228,356 1800 1,198 281,481 1801 914 237,435 Total de 10 ans. 13,276 2,479,014 \ ) l CHAPITRE XI. l6t Il résulle de ce tableau , que l’exploitation de Pasco n’a presque jamais été au-dessous de deux cent mille marcs, et cpi elle s’est élevée , en 179/1 1801 , presque à la somme de trois cent mille marcs d’argent. Les mines de Gualgayoc et de Micuipampa, vulgairement appelées de Cliota , et que j’ai eu occasion de visiter dans le plus grand détail, en 1802, n’ont été découvertes que l’année 1771, par un Espagnol européen. Don Rodriguez de Ocano. Du temps des Incas , les Péruviens avoient travaillé des filons d’argent au Gerro de la Lin , près de Cutervo , à Chupiquiyacu , à l’ouest de la petite ville de Micuipampa , où le thermo- mètre descend presque toutesles nuits jusqu’au point de la congélation , et qui est de sept cents mètres plus élevée que la ville de Quito. On a trouvé d’immenses richesses jusqu’à la surface du sol , soit dans la montagne de Gual- gayoc , qui s’élève comme un château-fort au milieu de la plaine , soit à Fuentestiana , à Cormolache , et dans la Pampa de Navar, Dans cette dernière plaine , sur l’étendue de plus d’une demi-lieue carrée , partout où l’on a ôté le gazon , on a retiré de l’argent sulfuré 102 LIVRE ir, et des fîlamens d’argent natif / adhérent aux racines des graminées; Souvent l’argent s’y est rencontré en masses {cla^os et remolinos) , comme si des portions de ce métal fondu avoient été versées sur une argile très-molle. Le produit des mines de Gualgayoc ou de Chota est très - inég^al , d’après l’inconstance des filons , qui traversent , à Fuentestiana et à Cormolache , la pierre calcaire alpine ; à Gualgayoc et au Purgatorio ainsi qu’au Cerro de San José , le hornstein , appelé panizo : ce hornstein forme une couche subordonnée dans la roche calcaire , comme cela a été reconnu clairement en perçant les puits de Choropampa, à l’est du Purgatorio ^ près du ravin de Chiguera. Toutes les mines comprises sous le nom de mines de Gualgayoc , dans le partido de Chota , ont fourni aux caisses provinciales de Truxillo , depuis le mois d’avril 1774 jusqu’au mois d’octobre 1802 , la somme de i^gi2;327 marcs d’argent, ou, année moyenne, 67,193 marcs. CHAPITRE XI. iG3 Produit des mines d'argent de Giialgayoc , de Guamachuco et de Conchucoé ÉPOQUES. K U £ a B DES LINGOTS d’a geût. LEUR POIDS. D R 0 I T b du QUINT. 1774 1775 1776 1777 1778 1779 1780 1781 1782 1783 1784 J 785 1786 1787 1788 1789 1790 1791 1792 1793 1794 1795 I79G 1797 1798 1799 1800 1801 1802 182 5oo 432 3o2 327 324 3o6 5o8 420 329 335 3y7 598 45o 4o4 469 645 5j5 'JOI 4o6 48o 434 428 378 5oi 607 392 255 267 marc 34,4o3 67,894 84,520 6o,oi5 60,062 6 en 29 ans, ii>79i 2^180,470 3 2,i44,i79 Ce tableau, qui a été formé à ma prière, dans les bureaux de l’intendance , offre la , livre IV) quantité d argent livrée à la Cayana dé Truxillo , de même que les droits de dîme et d’un et demi pour cent qui ont été payés au roi. De 1 1 , 7g i lingots , près d’un huitième , ou i45o , sont venus des partidos de Guama- chuco et de Gonchuco. Je n’ai pas pu me procurer le produit dü Cerro de Gualgayoc, depuis la découverte de ces mines en 1771, jusqu’en 1774- Ces premières années ont été sans doute les plus abondantes de toutes ; mais l’argent étant envoyé, à cette époque/ à Lima, les archives de Truxillo n’ont pu fournir aucun renseignement à cet égard. On croit , et avec raison , que sous une ad- ministration plus éclairée , le Cerro de Gual- gayoc deviendroit un second Potosi : en effet, ses minerais sont plus riches que ceux du Potosi; ils sont plus constans dans leur produit que ceux de Huantajaya , et plus faciles à ex- ploiter que ceux de Yauricocha. Les mines de Huantajaya , entourées de couches de sel gemme , sont surtout célèbres à cause des grandes masses d’argent natif qu’elles renferment dans une gangue dé- composée relies fournissent annuellement 70 et 80,000 marcs d’argent. Le muriate d’argent i65 CHAPITRE XI. conchoide, l’argent sulfuré, la galène à petits orains, le quartz et le earbonate de chaux y aecompagnent l’argent natif. Ces mines sont situées dans le partido d’Arica, près du petit port d’Yquique *, dans un désert entièrement dépourvu d’eau. On a formé depuis long- temps le projet d’y amener de l’eau douce à l’usage des hommes et des animaux, et de l’eau de mer pour les usines d’amalgamation. En 1738 et 1789, on découvrit dans la mine du Coronel et dans celle de Loysa , deux pé- pites d’argent massif, l’une de huit , 1 autre de deux quintaux de poids. La petite hauteur à laquelle se trouve la mine de Huantajaya , sur les bords de l’Océan Pacifique , contraste singulièrement avec les masses d’argent vitreux trouvées au sommet duCerro de Gualgayoc, à 4o8o mètres d’élé- vation : elle prouve combien sont vagues les idées systématiques que des géologues célèbres ont avancées sur la distribution des métaux , d’après la variété des elimats et des latitudes. Ulloa, après avoir parcouru une grande partie des Andes , assure qu’en Amérique 1 argent Le long des côtes de Taparaca. i66 livre IV, est propre aux hauts plateaux des Cordillères, appelés Puiias ou Paramos , et que l’or, au contraire, abonde dans les régions les plus basses , et par conséquent les plus chaudes ' : mais ce savant vojageur paroît avoir oublié qu au Pérou les provinces les plus riches en or sont les parüdos de Pataz et de Huailas , qui occupent le dos des Cordillères. Les Incas ont retiré d’immenses quantités d’or des plaines de Cunmajo , au nord-est de la ville de Caxa- marca, à plus de 54oo mètres de hauteur. On en a exploité aussi sur la rive droite du Rio de Micuipampa, entre le Cerro de San José et la plaine appelée par les indigènes Choro- pampa ou Plaine des Cocjuilles , à cause de 1 énorme quantité d’ostrées, de cardium et d’autres pétrifications de coquilles pélagiques renfermées dans la formation de ca/caire alpin de Gualgayoc. C’est là que des masses d’or considérables ont été trouvées disséminées en rameaux et en fîlamens contournés, dans des filons d’argent rouge et vitreux , à plus de 4ooo mètres de hauteur au-dessus du niveau Clcecm» (pliant aux terrains de transport dans lesquels sont établis les lavages d’or du » Ulloa, NoticiasAmericanas, 1772, p. 223 et 236. CHAPITRE XI. 167 Choco , ceux de la Sonora et du Brésil , pourroit-on être surpris de les trouver plutôt au pied que sur la cime des montagnes ? Si l’étain ' paroît faire exception à cette loi de la nature, c’est sans doute parce que les couches granitiques dans lesquelles il étoit renfermé primitivement, ont été décomposées en place. Le procédé de l’amalgamation des minerais d’argent que l’on suit au Pérou depuis l’année 1671 , est le même que celui qui est en usage au Mexique. Dans les deux pays on | traite les schlich d’après les règles prescrites par Médina, Barba, Corso de Leca et Corose- garra : mais en général , l’amalgamation est pratiquée avec plus de soin et plus d intelli- gence par les mineurs mexicains, à Guanaxuato et à Zacatecas , que par ceux du Pérou. Dans la Nouvelle-Espagne, on évalue communément les frais d’amalgamation de cent quintaux de minerais, contenant quatre onces d’argent par quintal , à 87 piastres 4 réaux, dont 20 piastres en perte de mercure. Comme ces cent quintaux produisent cinquante marcs > Par exemple l’étaln de lavage {waschzinn) de la cime du Fichlelgebirge* i68 I^IVRE IV J d argent , qui , selon le prix commun de lar- gent dans les endroits de mines ^ valent 562 piastres, il en résulte que les frais d’amal- gamation s’élèvent à peu près à 24 pourcent de la valeur de l’argent. Au Pérou , où le mercure de Hiiancavelica se vend commu- nément 60 à 70 piastres le quintal =, les frais montent , dans plusieurs districts de mines , à 3o ou 38 pour cent. Au Cerro de Gual~ gajoc , par exemple, où le prix de la main- d’œuvre est de trois à quatre réaux (4oà 5osous) par jour, une charge de schlich contenant deux à trois marcs d’argent, coûte, dans le procédé de l’amalgamation, sept pias- tres , savoir ; 7 piastres 2 réaux. Garces, p. i44. Au com-^ mencement du dix-septième siècle , on ne compte i au Potosi les frais d’amalgamation d’un caxon de minerai pesant 5o quintaux, et renfermant 20 marcs d argent , qu’à 3o piastres , ou 20 pour cent, quoique la livre de mercure coûtât une piastre. Barba, p, ii8. Campomanes , de la Educaeion popular , T II p. i32. e f . X, CHAPITRE XI. 169 ’argenl, j en bois 8 Dans le grillage , | journées. ...... 2 en muriate de soude 6 en chaux en journées pour fouler les schlich. 12 en consomnialion de mercure 24 Total 56 Pendant mon séjour dans la Cordillère des Andes , il n’y avoit que deux districts de mines où la méthode de M. de Born , Y amalgamation en tonneaux , fût suivie avec quelque succès; savoir, le Real de Requay, dans la province de Huailas, et Tallenga, dans la province de Caxatambo Pour juger de la perte consi- dérable d’argent qu’éprouve annuellement le Pérou , par l’ignorance des amalgameurs y il suffit d’énoncer le simple fait qu’il arrive journellement qu’un azoguero retire i5 marcs par caxon du même minerai dont on n’avoit 1 La mine près de P\.equay ^ oii l’on a construit une usine d’amalgamation allemande , s’appelle Tica- pamba , et appartient à Don Juan Ignacio Gamio. L’usine de Tallenga a été établie par Don Juan Bap- tista Arieta. 17® LIVRE IV, pu retirer jusqu’ici que lo ou 12 mares. Dans les premières années qui suivirent la décou- verte des mines de Yauricocha , on n’exploita cjue les pacos ou oxides de fer mêlé d’argent natif et de muriate d’argent. On jeta parmi les débiais la mine d’argent noir prismatique et le cuivre gris argentifère : de même , en construisant la petite ville de Micuipampa , on éleva des murs avec des morceaux de gangue très-ricbes ; on ne reconnut pour minerais d argent que ceux qui étoient d’un brun jaunâtre , ou d’ua aspect terreux comme les/?739 \iko 1741 174^ 1743 1744 1745 1746 1710 174g 1701 1762 1753 85,4io 1 85, 704 159,262 185,295 170,229 179,573 161,970 166, i3i 165,926 i63,i4o 178,080 1 84,1 56 197,022 216,283 233,677 238, 5o2 227,1 35 244,888 1754 1755 1766 1767 1768 1769 1760 1761 1762 1763 1764 1765 1766 1767 1768 1760 1770 1771 244,1 48 221 ,872 249, 5i3 244,760 262,835 263,701 272,069 261 ,58o 257-201 279>64o 263,092 281.985 282,406 5o3,65o 306,674 291,075 292, 2o3 307,765 1772 1773 1774 1775 1776 1777 1778 1779 1780 1781 1782 1783 1784 1785 1786 1787 1788 1789 298,983 306,925 317,703 332,329 5+6.519 390,676 351,991 548,o35 400,062 323,109 350,199 400,^238 371,362 35 1,77 :• 332,607 390,856 38o,6oo 335.468 r/ 1 4.542,684 piastres. Total des 54 années r Il résulte de ces trois tableaux , comme nous l’avons déjà observé ' en comparant le 1 Voyez T. III ^ p. 377. IV. 12 17^ livre IV, produit actuel des mines de Guanaxuato an Mexique , avec le produit de la montagne dePotosi, que pendant l’espace de 235 ans, depuis i556 jusqu en 178g , on a extrait des mines de Potosi , en argent déclaré à la caisse royale, pour la valeur de plus de 788 millions de piastres. Si ces piastres étoient toutes des piastres mexicaines , à huit réaux de plata mexicana *, le produit de ces 233 années sélèveroit à 92,736,294 marcs. Mais nous verrons bientôt que la masse d’argent dont les droits ont été payes , a été plus grande encore. Les livres de comptes conservés dans les’ archives de la trésorerie provinciale de Po- tosi , ne remontent pas au delà de l’année i556. Il nous reste, par conséquent, à dis- cuter quelle est la quantité d’argent fournie * Il ne faut pas confondre trois espèces de réaux de plata; savoir : le real de plata antigua, à 64 inara- védis de vellon ; le real de plata nueva ou provincial, à 68 maravédis ; et le real de plata mexicana , à 85 laa- ravédis : c^est constamment de ce dernier dont il est çuestion dans cet ouvrage. ( Damoreau , Traité des banques, I727,p. ii5. Encyclop. méthodique. Com- merce,T.lll , un.) CHAPITRE XI. 179 jiar les mines du Potosi , avant celle époque. Gel examen est d’autant plus important , que l’on croit , avec raison , que les premières années qui ont suivi la découverte des filons^ ont été celles qui ont offert les plus grandes richesses. Ulloa ' cite un livre publié en i634, par Don Sebastiani Sandoval y Guzman, sous le titre de Prctensiones del Potosi , dans lequel l’auteur indique le quint payé depuis i543 jusqu’en i633. J’ai cherché en vain à me pro* curer cet ouvrage, pendant mon séjour au Pérou. Ne connoissant pas les données par- tielles qu’il renferme , je ne puis soumettre à l’examen que les résultats énoncés par l’astronome espagnol. Ce travail est d’autant pins nécessaire, que les assertions d’CJlloa ont été répétées par Rayhal ^ et par tous les autres écrivains qui traitent de la quantité d’or et d’argent portée d’Amérique en Eu- rope, dans les premières années de la con- quête. D’après Sandoval , le quint payé dans ‘ Noticias artiericanas , Entretenimiento XIF~ t §. XVII, p. 256. ^ Hist. philosophiqu» (édit, de Genève, 1780), T. II , p. 229. ï8o tlVRE IV, la caisse royale du Potosi, a été, année moyenne, de i545 à i564, de quatre millions de piastres de i3 4 reales de plataj de i564 à i585, de i,i66_,ooo piastres; de i585 à 1624, de 1,333,000 piastres ; de 1624 à i633, de 666,000 piastres. Ces nombres , depuis 1 année i564 jusqu’en i633, ne s’accordent pas trop bien avec les sommes annuelles rapportées dans les tableaux précédons : les différences sont tantôt en plus , tantôt en moins ; mais c’est particulièrement sur le quin t de quatre millions appartenant à l’époque qui précède l’année 1 564, que l’on peut élever des doutes très-fondés. Si cette somme étoit exacte, le produit de l’argent extrait des mines du Potosi, et en- registré à la trésorerie royale , auroit été , en dix-neuf ans, depuis jusqu’en i364, de 64i, 200,000 piastres mexicaines, en ré- duisant les piastres de i5 ~ réaux à celles de 8 réaux. D’un autre côté , il conste , par les pièces officielles que je possède , que le produit a été, de i556 à i564, en huit ans, de 28,260,000 de ces mêmes piastres mexi- caines. Il résulteroit, par conséquent, de ces données de Sandoval, que, pendant lespre- CHAPITRE XI. loi mières onze années, depuis i545 jusqu en 1 556, le Cerro del Potosi auroit donné , en argent dont le quint a été payé , 6i3 millions de pias- tres, ou, année commune, 66,726,000 piastres, qui équivalent à 6,556,ooo marcs d’argent. Ce résultat très-extraordinaire , sans doute , n’offre cependant rien que l’on puisse consi- dérer comme impossible. On pourroit être surpris de voir qu’une seule montagne du Pérou ait pu donner deux à trois fois plus d’argent que toutes les mines réunies du Mexique ; mais les idées de richesses ne sont que des idées relatives. Il seroit possible que l’on découvrît un jour > dans le centré de l’Afrique , des montagnes qui , sous le rapport de leur abondance en métaux précieux, seroient aux Cordillères ce que celles-ci sont aux montagnes de l’Europe. La mine de Va- lenciana fournit annueilement six à sept fois plus d’argent que la Saxe entière , et le seul filon de Guanaxuato, travaillé dans toute sa longueur , seroit en état d offrir par an plus de deux millions de marcs d argent. Nous avons observé plus haut que l’on a extrait du filon de la Veta Negra de Sombrerete, sur \me étendue de trente mètres, en cinq mois. LIVHE IV 5 plus de 700,000 marcs. En se rappelant les masses d argent natif, rouge et sulfuré, dé- couvertesdenosjoursà Huantajaya, au Pérou, ainsi qu’à Batopilas et à Real del Monte , au Mexique , ^ on conçoit quelle prodigieuse quantité d’argent peut fournir un gîte de minerai dans les Cordillères des Andes , lorsque 1 abondance des produits se trouve réunie à la richesse intrinsèque. Ce n’est donc pas l’énorme quantité d’argent que l’on sup- pose avoir été retirée pendant les premières onze années , qui me fait révoquer en doute le témoignage de Sandoval ; c’est la contra- diction qui se trouve entre ce témoignage et d autres faits historiques bien avérés. ülloa , Robertson , Rajnal , et les rédac- teurs de l’Encyclopédie méthodique, n’ont pas fait attention à un passage de la Chronique du Pérou , rédigée par Pedro Cieça de Leon. L auteur, qui écrit avec cette admirable naïveté qui caractérise tous les voyageurs du quinzième et du seizième siècle, se propose de donner à ses compatriotes une idée de la prodig'ieuse iichesse delà iiioiitag’ne duPotosi. Use trouve d’autant plus en état de le faire, qu’il a été sur les lieux en par conséquent^ çjuatre ans i83 CHAPITRE XI. après la première découverte de ces mines célèbres. Il rapporte ce qu’il a vu lui-même , tandis que Sandoval parle d’une époque de laquelle il est déjà éloigné de quatre-vingt- neuf ans. Si l’on peut soupçonner d’erreur les nombres énoncés par Cieça , il faut plutôt croire qu’ils péclient pour être trop grands ; car un voyageur qui vise à 1 effet, et qui espère étonner ses lecteurs, est naturel- lement enclin à l’exagération. Examinons maintenant ce que rapporte l’historien du Pérou '. « La richesse du Cerro de Potosi, » dit-il, « est tellement au-dessus de tout ce « que l’on a vu en d’autres temps , que pour « faire connoître quelle est la grandeur de « ces mines , je les décrirai telles que je les « ai vues de mes propres yeux, lorsque je « passai, en i549, Potosi, à l’époque « où le licencié Polo étoit corrégidor de la « ville. C’est dans la maison de ce corrégidor « que se trouvèrent les caisses (royales) à trois « clefs. Sa majesté reçut, tous les samedis « vingt-cinq à trente , et quelquefois jusqu’à « quarante mille piastres. On se plaignoit ‘ deçà, Chronica del Ferh , Cap. CVllI(édit. de l554); p. 261. LIVKE IV 184 ? . «c alors que les mines alloient mal, lorsque « le quint ne selevoit, par mois, qu’à « 120,000 castellanos. Tout cet argent étoit « cependant celui des Chrétiens seuls; car « les Indiens en volèrent beaucoup sans qu’il fût enregistré ; aussi nulle part dans le « monde n’j a-t-il eu de montagne aussi « riche, et nulle part aucun prince ne tira « tant de revenus d’une seule ville; car, « depuis i548 jusqu’en i55i, le quint I « rapporté au roi plus de trois millions de « ducats. » Pour comprendre ce passage, qui renferme trois évaluations distinctes, il faut se rappeler que les pesos ou piastres de ce temps , et au moins jusqu en i58oS étoient unemonnoie imaginaire de 4 80 maravédis, ou à peu près de iS-j reales de plata mexicana. Un marc d’argent contenoit 5 ^ de ces piastres. Cinq piastres formoient un ducat à 1 1- réaux. Il résulte de ces données, qu’en comptant le quint, avec Cieça, de 3o,qoo piastres par semaine, et de 120,000 par mois , » Garcilasso, Cornent. Reales, T. I, Jans la se- conde préfacé, qui porte le titre de Adoertencias (içerca la lengua general del Perù J etX. Il, p. CHAPITRE XI. l85 le proauit total ■ des mines du Potosi etoit (en argent enregistré) , l’année 1649. ou de 1,549,000 ou de 1,440,000 marcs. Le meme produit ne s’élevoit, d’après Cieça, annee moyenne, de i548 à i55i, qu à 7,001,000 piastres mexicaines à huit réaux de plata, qui représentent 827,000 marcs d’argent. Cette somme contraste singulièrement avec le rapport de Sandoval et d’Üiloa; mais elle s’accorde assez bien avec le quint des années par lesquelles commence notre premier ta- bleau. Il pourroit rester douteux si Gieça parle effectivement de la totalité des droits royaux perçus depuis i548 jusqu’en io5i, ou s’il affirme que , pendant cette époque, le quint étoit de trois millions de ducats par an. Dans ce dernier cas, le produit annuel auroit monte à 2 1 ,093^000 piastres mexicaines, ou 2,48i>ooo marcs d’argent, somme très- considérable sans doute , mais bien éloignée encore du calcul d’Ulloa et de Raynal. J in- cline à croire que Thistorien du Pérou n évalue à trois millions de ducats que la somme totale des quints de quatre ans, 1.^ parce que cette évaluation est plus conforme à la valeur du quint de i556; 2^ parce que Cieça, pour i86 livre IV, donner la plus haute idée de la richesse des mines, dit que le quint s’éleva quelquefois à 46,000 piastres, ce qui donneroit, pour le maximum duproduitannuel d’alors, non au de- là de 2,481,000, mais à peine 2,065,000 marcs; 5." parce que Garcilasso ^ rapporte que , vers cette même époque, il entroit dans le Rio Guadalquivir dix à douze millions de piastres par an, en or et en argent du Pérou. En regardant les données de Sandoval comme exactes, et en les combinant à la fois avec celles de Cieça^ de même qu’avec les nombres contenus dans les pièces officielles que j ai publiées, on trouve année moyenne, pour le produit des mines du Potosi, les résultats suivans , qui inspirent peu de con- fiance : De 1545 à i548, 23,284>ooo marcs d’arg. 1648 i55i, 827_,ooo i55i i556, 621,000 i556 i564, 4i3,ooo Voici les fondemens de ce calcul. Sandoval et Ulloa ont évalué le produit du Cerro de Potosi, depuis i545 jusqu’en i564 , année moyenne , à 53,75o, 000 piastres, ou à * Garcilasso, II, p. Sa. CHAPITRE XI. 187 5.970.000 marcs d’argent : or, nous savons, par la Chronique de Cieça, quel a été le produit depuis i548 jusqu’en i55i ; les registres du Potosi offrent le produit depuis 1 556 jusqu’en 1 564 : 6u supposant donc , pour l’époque intermédiaire de i55i à i556, un décroissement en proportion arithmétique , il est facile de trouver ce qui , des 641.250.000 piastres mexicaines, ou des 75.440.000 marcs d’argent que Sandoval admet pour le produit total des premières dix-neuf années, appartient au petit inter- valle de 4545 à i548. Si l’on admet, ce qui paroît tout aussi peu probable , que Cieça ait indiqué le quint de chacune des quatre années contenues dans l’époque de i548 à i55i, on trouve;, par une opération analogue, que le produit annuel des mines du Potosi s’élevoit^ De i545 à i548, à 19,146,000 marcs d’arg. i548 i55i, 2,481,000 i55i 1556, 1,448,000 i556 i564, 4i 5,000 Or, quelle que soit l’interprétation que l’on donne au passage de la Chronique de Cieça, i88 livre IV. il est évident que, dans les deux hypothèses, le produit des premières trois années diffère tellement des années suivantes, que l’on doit se méfier beaucoup du rapport de Sandoval. On le doit d autant plus, qu’en examinant le tableau des quints, depuis 1 556 jusqu’en 1789, on découvre , dans cette long'ue série de nombres, une loi d’après laquelle ils aug- mentent ou décroissent uniformément. Cieça a visité les mines de Potosi à l’époque de leur plus grande splendeur : il dit expres- sément qu’il décrit la montagne telle qu’il la trouva en 1549, " P^rce que cette richesse, « comme toute chose humaine, doit varier « par la suite des temps, soit qu’elle aug- « mente, soit qu’jelle diminue. « Si le produit de 154.9 été réellement huit ou dix fois plus petit que le produit de i546, comment le voyageur auroitûl passé sous silence cette énorme diminution de richesse ! Nous conclurons de l’ensemble de ces dis- cussions, que le produit total de l’argent enregistré pendant les onze années qui man- quent dansles tableaux précédenSj loin d’être de 72 millions de marcs, comme on pourroit le supposer d’après Ulloa et d’après l’auteur CHAPITRE XI. 189 célèbre des Recherches philosophiques , n’a pas été au-dessus de i5 millions de marcs. Nous n’ajouterons pas non plus foi à Solor- zano qui dit vaguement que le Potosi a donné, depuis i545 jusqu’en 1628, et par conséquent en quatre - vingt - trois ans, la somme de 85o millions de livres d’argent , ce qui est presque le (ïouble de ce que la montagne a fourni en deux siècles et demi. On peut être surpris de voir qu’un écrivain qui avoit été long-temps membre de l’au- dience de Lima , ait pu etre si mal informé; car, comment supposer, pendant quatre-vingt-trois ans, un produit annuel de 2,400,000 marcs , lorsque les registres con- servés à la trésorerie de Potosi nous prouvent que, pendant cette époque, le terme moyen du produit s’est élevé rarement à 800,000 marcs? De plus, Acosta % qui a parcouru les deux Amériques, et dont l’ouvrage ne peut être dignement apprécié que par ceux qui ont visité les mêmes lieux, confirme les asser- 1 Solorzano Pereira , de Indiarain jure, T. II , Lib. V, c. I (édit.Lugd. ). 2 Historia natural y moral de las Indias (Barce- lona , lôyi), p. i38. ^90 livre IV, lions de Cieça : il raconte que, « du temps « du licencié Polo » ( par conséquent avant 1 annee 1549 ) , « le quint monta k un million « et demi de piastres par an » H ajoute que , « malgré la confusion qui règne dans « les Iwres de comptes des premières années , on sait par tradition , et par les recherches “ Pûtes par ordre du vice-roi Don Fran- cisco de Toledo, que là quantité d’argent « enregistrée s’éleva, depuis i545 jusqu’en « 1574, à 76 millions de piastres, et de « 1674 a i585 , à 35 millions de piastres « ( à i3 renies et 1 quartillo ) , ce qui fait, en « quarante ans, cent onze millions. .. Ces 111 millions de piastres, monnoie imaginaire {pesos de minas), ne supposent qu’un produit annuel dé 555, 000 marcs, peu différent de celui du filon de Guanaxuato. Il n’est pas douteux qu’Acosta ne parle de toute la quantité d’argent retirée des mines, et déclarée à la trésorerie. Il dit clairement : se ha rnetido a quintar ^ monta lo que se ha quintado. Solorzano traduit ce passage de l’histoire naturelle d’Acosta par les mots " Ce qui suppose un produit de 1,490,000 marcs. \Hmrera , Dscada YIII, L. II, c. XIV. ) CHAPITRE XI. 19* suivtins ; 6X Potosicnsi J^ocIlfici êxtrcicti sunt C6TlttUll et llTld-GClTll niilliotios. Les auteurs dont les ouvrages offrent des évaluations exagérées de la quantité de mé- taux précieux qui ont inondé l’Espagne dès le milieu du seizième siècle , paroissent avoir confondu la valeur du produit des mines avec le quint qui en a été payé. Quoique les pièces officielles que j’ai consignées ici ne leur fussent pas connues , ils ne seroient point tombés dans cette erreur , s’ils avoient lu attentivement les ouvrages d’Acosta , de Cieça et d’Alonzo Barba'. Ce dernier, qui étoit curé d’une paroisse de la ville de Potosi, n’évalue la quantité d’argent retirée du Cerro de Potosi, depuis 1 545 jusqu’en i636, qu’à 45o millions de piastres à huit réaux, somme qui ne suppose qu’un produit de 4,900,000 piastres , ou de 576^000 marcs par an , et qui contraste singulièrement avec les 6i3 millions que l’on admet gratuitement pour les premières époques de i545 à i556. Cependant Alonzo Barba n’avoit pas de motif pour rabaisser le produit total ; au contraire , » Barba, Lib. II, c. I. 1 92 LIVRE IV ) il cherche à prouver qu’une étendue de terrain de soixante lieues èn carré , pourvoit être couverte de la quantité de piastres fa- briquées avec l’argent du Potosi. Le tableau suivant présente l’état de ces mines, depuis l’époque où les quints ont été notés avec exactitude* Exploitation du Cerro de Potosi ( flatun-Potocsi. ) ANNÉE MOYENNE* ÉPOQUES. PRODUIT Marcs (Large ni extraits des niînesi en piastres. En supposant la piastre à i5 7 rëaux. En supposant! la piasE^’e à 8 réaux. | De i556 à i566 2,159,216 428,767 J 585 1595 7,540,620 1,497,380 887,073 3624 1634 5,232,425 6i5,58o 3670 1690 3,234,58o ........ 58o,538 1720 1730 1 ,299,800 *..*...* 132,918 1740 1750 i,85o,25o 217,676 1779 1789 5,676,550 452,5 16 — ! Comme il reste quelque incertitude sur l’époque à laquelle on ne comptoit plus par piastres de i3 |réaux, dont 5 ^ font un marc d’argent, j’ai préféré de donner les deux CHAPITRE XI. 193 évaluations de la piastre jusqu’en iSgS ; on obtient ainsi le maximum de richesse que l’on peut supposer. Un passage des com- mentaires de Garcilasso, que nous avons cité plus haut, pourvoit faire croire cepen- dant que, peu d’années après i58o, on comptoit déjà au Pérou par piastres de huit réaux de plata. Pendant toute la période de 253 ans, de i356 à 1789, l’exploitation du Potosi n’a jamais été à un plus haut degré de splendeur, que de i585 à 1606. Plusieurs années consécutives , le quint fut d’un million et demi de piastres, ce qui suppose un produit de 1,490,000 ou de 882,000 marcs, selon que l’on évalue la piastre à 1 3 7 ou à 8 réaux. Cette richesse est d’autant plus surpo’enante , que, selon Acosta, plus d’un tiers de l’argent ne fut pas enregistré. Après l’année 1606 , le pro- duit a été en diminuant, surtout depuis 1694. De 1606 à 1688, il n’a cependant jamais été au-dessous de 53o,ooo marcs. Depuis la der- nière moitié du dix-huitième siècle, la mon- tagne a généralement fourni trois à quatre cent mille marcs , et ce produit est sans doute trop considérable encore, pour qu’on ÏV. *94 livre IV, puisse avancer, avec un auteur célèbre * , que les mines de Potosi ne valent plus la peine d etre exploitées. Ces mines , dans leur état actuel, n’occupent plus le premier rang' parmi celles du monde connu , mais on peut les ranger immédiatement après les mines de Guanaxuato. Ïjq contenu àes minerais de Potosi a di- minué à mesure que les travaux ont gagné en profondeur. Sous ce rapport, et sous plusieurs autres encore, le Cerro de Potosi offre de grandes analogies avec les mines de Gualgayoc. A la surface du sol, dans leurs affleureinens, les filons de la Rica, de Centeno et de Mendiata , qui traversent le schiste pri- mitif, étoient remplis , dans toute leur puis- sance , d’un mélange d’argent sulfuré, d’argent rouge et d’argent natif. Ces masses métalliques s’élevoient en forme de crête (c/-e5tones)"les roches du mur et du toü ayant été détruites , soit par l’action des eaux , soit par quelque autre cause qui a changé la surface du globe. La veta del Estano, au contraire, n’offroit ‘ RoherUon , History of America, B. IV, n. 33q et 399. CHAPITRE XI. 195 dans son affleurement , que l’étain sulfuré , et les minerais d’argent muriaté ne commen- çoient à se montrer qu’à de grandes profon- deursCe mélange de deux formations sur un même filon , a aussi lieu dans 1 ancien con- tinent, par exemple dans plusieurs mines de Freiberg , en Saxe ^ En 1 545 , les minerais qui contenoient 80 à 90 marcs par quintal , étoient assez communs ; il ne faut cependant pas admettre, avec Ulloa , que le volume entier des minerais extraits de la mine s’élevoit à ce degré de richesse. Acosta dit clairement, quen i574> Jo contenu moyen étoit de 8 à 9 marcs, et que l’on considéroit comme extrêmement riches les minerais qui donnoient 5o marcs par quintal. On voit de plus, par le rapport de Don Francisco Texada sur les mines de Guadalcanal , en Espagne, qu’en 1607, la richesse moyenne des minerais de Potosi n’étoit plus que d’une once et demie. Depuis le commencement du dix-huitième siècle , on ne compte que trois à quatre marcs par caxon , à 5ooo livres de poids , ou -tk à /ot par quintal. Les minerais * Barba, lâb. I, Cap. XXXII, p. 56. * IVerner , Gan gtheorie , p. 248. i3* 196 LIVRE IV, de Potosi sont par conséquent d’une pauvreté extrême , et c’est seulement à cause de leur abondance que l’exploitation se soutient encore dans un état florissant. On doit être surpris de voir que, depuis l’année 1574 jusqu’en 1789, la richesse moyenne des mi- nerais a diminué en raison de 170 à 1 ; tandis que la quantité d’argent extraite des mines de Potosi n’a diminué que comme 4 à 1. Depuis i545 jusqu’en 1571, les minerais d’argent ne furent traités à Potosi que par fondage. Les conquistadores , ayant unique- ment des connoissances militaires, ne savoient pas diriger des procédés métallurgiques. Ils ne réussirent point à fondre le minerai au moyen de soufflets : ils adoptèrent la méthode bizarre que les indigènes employ oient dans les mines voisines de Porco, qui avoient été travaillées au profit de l’Inca, long-temps avant la conquête. On établit sur les montagnes qui environnent la ville de Potosi, partout où le vent soulfloit impétueusement , des four- neaux portatifs, appelés huajres ou guayras dans la langue quichua. Ces fourneaux étoient des tuyaux cylindriques d’argile , très-larges^ CHAPITRE XI. ^97 et percés d’un grand nombre de trous. Les Indiens y jetoient, couche par couche du minerai d’argent, delà galène et du charbon, le courant d’air qui pénétroit par es trous , dans l’intérieur du huajre , vivihoitla flamme et lui donnoit une grande intensité. Lorsqu on s’aperçut que le vent souffloit trop fort et que l’on consommoit trop de combustibles , on porta les lourneaux dans des endroits plus bas. Les premiers voyageurs qui ont yisité les Cordillères, parlent tous avec enthousiasme de l’impression que leur avoit laissée la vue de plus de 6000 feux qui éclairoient la cime des montagnes, autour de la ville de Potosi. Les Indiens retiroient la galène nécessaire à leur fondage , d une pPtite montagne voisine du Cerro de Hatun- Potocsi, et appelée Y Enfant ou Huayna- Potocsi Les mattes argentifères quisortoient 1 Proprement la Montagne- P ère et la Montagne- Fils. Les différentes eimes du volcan de Pichincha portent des dénominations analogues ; et c’est parce que les académiciens françois n’ont pas d.sUng^ dans leurs ouvrages le Rucu-Fichinoha de 1 Enfant ou G»a.^«n-P-/»-nc/i«,qn’ilestsidifficile de retrouver l’endroit de la station académique de Bouguer, de ^9^ livre IV, des huayres établis dans les montagnes etoient refondues dans les cabanes des In- diens en se servant de l’ancien procédé de faire souffler dans le feu par dix ou douze personnes a la fois, à travers des tujaux de cuivre d un ou de deux mètres de long- et perces, à l’extrémité inférieure, d’un trou tres-petit. Il est facile de concevoir quelle énorme quantité d’argent doit être restée dans les scories, sans se combiner avec le plomb. Pedro Fernandez de Velasco m,; ^ le dit clairement le jésuite Acosta * « «voit « vu au Mexique comment l’argent se retiroit « de la mine, au moyen du mercure «, pro- posa au vice-roi du Pérou, Francisco de oledo,d introduire ramalgamation auPotosi. réussit dans ses essais dès l’année 1671 ; et des huit à dix mille quintaux de mercure’ que produisoit la mine de Huancavelica , vers a fin du seizième siècle, plus de six à sept mille furent consommés dans les usines de Potosi On travailla avec profit les minerais qui, dans La Conclamine et d’üiloa. (Voyez mon Recueil d’Oh- seruations astronomiques. Vol. I, p. 3o8.) ^ Acosta, p. i46. CHAPITRE XI. ^99 les premières aimées, avoient été regardés comme trop pauvres pour être fondus dans les huajres. L’abondance de sel gemme que l’on exploite sur le plateau des Cordillères , près de Cura- luiara, de Garangas et de Yocalla, facilite beaucoup l’amalgamation au Potosi. D’après le calcul d’Alonzo Barba » , il y a été con- sommé , depuis i5i5 jusqu’en 1607 , la quan- tité énorme de 234,700 quintaux de mercure. Depuis l’année 1759 jusqu’en 1765, la con- sommation a été de seize à dix-sept cents quintaux ’ par an. Vers la fin du seizième siècle , 1 5,000 Indiens étoient forcés de tra- vailler dans les mines et les usines de Potosi, et l’on conduisoit journellement à la ville plus de i5oo quintaux de sel de Yocalla : aujour- d’hui on n’y compte pas plus de 2000 mineurs, qui sont payés à raison de 5o sous par jour. Quinze mille Hamas et autant d’ânes sont employés à porter le minerai de la montagne (le flatun-PotocsiAux usines d’amalgamation. L’année 1790, on a frappé à la monnoie de Potosi, 4,222,000 piastres, savoir : 299,246 p. 1 Barba J p. 12 et 65. 5 Vlloa, ISoticias americanas ^ p. 242. 200 livre IV, ou 2 2o4 marcs en nr ^ - Cilcs en or, et 0,925,170 piastres ou 462,609 marcs en argent. En réfléchissant sur lliistoire des métaux precieux , et sur l’intérêt qu’elle inspire à ceux qui s’occupent de recherches d’éco- nomie politique, on ne sera pas surpris que noi« ayons exposé avec le plus grand détail les laits qui peuvent jeter quelque jour sur la quantité d argent qui a été extraite pendant deux siècles et demi des mines du Potosi. 11 a fallu comparer les témoignages des auteurs espagnols, qui les premiers, ont visité I Amérique ; il a fallu distinguer entre le produit de l’exportation et le quint payé à la couronne.; entre les piastres, monnoie imagi- naire usitée au commencement de la conquête, et les piastres péruviennes de huit réaux! En négligeant ces recherches, qui n’avoient point ete faites jusqu’ici^ nous aurions couru risque d’augmenter la masse d’argent qui a été importée en Europe depuis l’année 1492 de plus de cinquante-sept millions de marcs, gui équivalent à plus de deux milliards et demi de livres tournois. ly. Le royaume de la Nouvelle-Grenade produit, année moyenne, i8,5oo marcs d’or. CHAPITRE XI. 201 Les tableaux suivans indiquent ce qui en a été frappé, depuis le janvier 1789 jusqu’au 5i décembre lygS, dans la monnoie de Santa-Fe, et depuis 1788 jusqu’en 1794, dans celle de Popajan. I. Or monnoyé à Santa-Fe de Fogotcx» ANNEES. Marcs. fl 0 Ochavas. Il Toraines. H VALEUR DE L’OR. Piastres. | Beaux. jQuartOs. 1789 10,916 2 0 0 1,484,464 0 0 1790 7,343 0 6 0 998,668 5 0 1791 8,3i8 0 1 4 i,i3i,25i 4 11 1792 8,169 6 5 1 1,109,716 6 24 1793 8,659 3 5 1 1^177,681 6 28 1794 7.327 4 3 4 993,827 6 11 1795 9^3io 6 4 4 1^266,272 7 11 Total. 6o,oi3 6 6 2 8,161,862 1 ^ 1 « Année moyenne , 8,673 ( marcs d’or), ou 1,166,980 piastres. 202 livre IV, IL Or monnayé à Popayan. années Marcs. fl î TALEUR DE d’oR. 0 6 Piastres. 1 Réaux. 1788 7,210 4 3 980,634 3 00 5,945 2 4 808,362 4 ' 1790 7,123 2 6 768,745 0 1791 6,437 2 0 875,466 0 1792 7,344 5 0 998,869 0 1793 7,026 6 5 g55,648 5 6,725 1 0 914,617 0 Total. 47,813 “i 2 1 6,5o2,542 4' Année moyenne , 6,85o ( marcs d’or ), ou 928,954 pi as 1res. Depuis 1782 jusqu en 1789, la quantité d’or monnoyée à Santa-Fe étoit, année moyenne, au-dessous de 7000 marcs. Pendant cette époque, l’année la plus abondante a été celle de 1 787 , où le produit fut de 981,655 piastres, ou de 7218 marcs ‘ : en 1778, on monnoya Relacion del govierno del Excellentiss. Senor Don Juse de Espeleta , viirey de el nuevo reyno de Grenada , para entregar el manda al Senor Don Pedro de Mendinueta , elecfo virrey. Cette relation CHAPITRE XI. 7.o3 pour la valeur de 6(^5,458 piastres. A Po-^ payan, la quantité d’or monnoyée ne s’étoit élevée , depuis 1770 jusqu’à 1785, généra- lement pas au-dessus de 58oo marcs : en 1778, la fabrication de l’or n’étoit que de 792,858 piastres; mais en 1787, elle avoit déjà monté à 981,655 piastres. On évalue la valeur des lingots d’or exportés annuellement par le port de Cartliagène , à trois ou quatre cent mille piastres. Pendant mon séjour à Santa-Fe de Bogota, l’année 1801, onestimoit le produit total des mines d’or du royaume de la Nouvelle-Grenade, à 2,5oo,ooo piastres; savoir : 2,100,000 piastres le produit des deux hôtels demonnoie de Santa-Fe et de Popayan, et 4oo,ooo piastres l’exportation en lingots et en objets d’orfèvrerie. Tout l’or que fournit la Nouvelle-Grenade est le produit des lainages établis dans des terrains de rapport. On connoît des filons d’or dans les montagnes de Guamoco et manuscrite , que je possède , renferme les notions statistiques les plus détaillées et les plus exactes : elle est l’ouvrage d’un homme d’un talent très-distingué , Don îgnacio Texada, natif de Santa-Fe , et secrétaire de la vice-royauté. 204 LIVllE IV , d’Antioquia; mais leur exploitation est presque entièrement néglig-ée;les plus grandes richesses en or de lavage sont déposées à l’ouest delà Cordillère centrale dans les provinees d’An- tioquia et du Choeo, dans la vallée du Pdo Cauca, et sur les côtes de la mer du Sud, dans le partido de Barbacoas. En divisant les terrains aurifères en trois régions , on doit compter pour le Choeo, 10,800 marcs d’or, ou plus de la moitié du produit total de la vice-royauté de Santa-Fe; pour la province de Barbacoas et la partie méridionale de la vallée de Cauca (entre CalietPopayan), 46oo; et pour la province d’Antioquia et les mon- tagnes de Guamoco et de Simiti , 54oo marcs d or. On voit, par celte évaluation , que les terrains d’alluvion qui renferment le plus d or en paillettes et en grains disséminés entre des fragmens de grünstcin et de por- phj'rschiefer , s étendent depuis la Cordillère occidentale jusque vers les bords du Grand Océan. Il est très-remarquable aussi que le platine ne se trouve guère dans la vallée de Cauca, * Toyez, sur la division des Andes en plusieurs branches, mes Vues des Cordillères , PI. V. CHAPITRE XI. 2of> OU à l’est de la branche occidentale des Andes, niais unifjuenient dans leChoco etàBarbacoas, à l’ouest des montagnes de grès qui s’élèvent sur la rive occidentale du Cauca. Ces mon- tagnes , dont la hauteur est peu considérable , séparent les fameux lavages d’or de Novita, au Choco , de ceux de Quilichao et de Jelima, situés à quinze lieues au nord de la vdle de Popayan : cependant on n’a jamais rencontré un grain de platine dans ces derniers lavages, que j’ai examinés avec soin lors de mon vmyage à Quito. Au Choco, on trouve quelquefois, avec l’or et le platine, des zircons-hyacmthes et du titane. Ce mélangé rappelle la formation des sables d’Expailly , en Velay. Près du village de Llorè, on a creusé , il y a quelques années, un puits dans un terrain aurifère , pour examiner les couches inférieures : à six mètres de profondeur, on a déeouvert de grands troncs de bois pétrifié, entourés de fragmens de roches trapéennes , et de paillettes d’or et de platine *. La provûnce d’Antioquia, dans laquelle on ne peut entrer qu’à pied, ou porté à dos ‘ Observation de Don Thomas Valencia, à Popayan. 2o6 I-IVRE IV, d’homme, présente des filons d’or dans le schiste micacé, à Buritoca, à S. Pedro et près d Armas; mais ces filons ne sont pas travaillés, faute de bras. L or est recueilli en grande abondance dans les terrains d’alluvion de Santa Rosa, du Valle de los Orsos, et de celui de la Trinidad. Le nombre des esclaves nègres qui font le métier d’orpailleurs {negws mazamoreros) , sélevoit, en 1770, à 1462; en 1 778, à 4896 individus. Cetor d’Antioquia, dont la ville de Mompox peut être considérée comme le marché principal, n’est qu’au titre de 1 g à 20 carats de fin. A Barbacoas , le titre de l’or est généralement de 21 i carats : au Ghoco, les lavages du nord , ceux du district de Zitara , fournissent un or plus fin que celui du district plus méridional de Novita. L’or des mines d’Indipurdu est le seul dont le titre s’élève à 22 carats; car la richesse moyenne de l’or du Ghoco est de 20 à 21 carats. Les produits des dilFérens lavages sont si constans dans leur mélanoe sulht a ceux qui font le commerce de l’or en paillettes, de savoir l’endroit où le métal a été recueilli, pour en connoître le titre. L’or le plus fin de la Nouvelle-Grenade, et CHAPITRE XI. 207 peut-être de l’Amérique entière, est celui de Giron, dont le titre , à ce que l’on assure, est de 2 5 carats et f de grain. On recueille à Marmato , à l’ouest de la rivière de Caiica et au sud des ruines de l’ancienne F^/7/a de Armas y un or blanchâtre qui ne dépasse pas le titre de 12 à i3 carats de fin, et qui est mêlé d’argent : c’est le véritable electrum des anciens. D’ailleurs, quoiqu’au Choco et à Barbacoas le platine accompagne générale- ment l’or , on n’y a jamais vu Yaiirum plati- niferum y qui n’existe peut-être que dans nos systèmes d’oryctognosie. Au Choco, la rivière la plus riche en or est le Rio Andageda, cjui, conjointement avec les rivières de Quito et de Zitara , forme , près du village de Quibdô, le grand Rio Atrato. Tout le terrain entre l’Andageda, le Rio de San Juan , qui passe près du village de Noanama, le Rio Tamana et celui de San Augustin, est un terrain aurifère. Le morceau d’or le plus grand qui ait été trouvé au Choco, pesoit vingt-cinq livres. Le nègre qui en fit la découverte, il y a quinze ans, n’obtint pas même sa liberté. Son maître offrit la pépite au cabinet du roi, dans l’es- 2o8 livre IV, pérance que la cour lui accorderoit pour récompense un titre de Castille, objet des vœux les plus ardens de la part des créoles espagnols : mais à peine réussit-il à se faire pajer au poids la valeur du métal. On assure avoir trouvé au Pérou , près de la Paz, en 1730, un morceau d’or de quarante- cinq livres de poids* Sous le gouvernement de l’archevêque vice-roi Gongora , on fit un dénombrement des negres orpailleurs du Choco Il n’y en avoit , en 1778 , que 3o54. Dans la vallée du Cauca , on en compte 8000. La province du Choco pôurroit produire à elle seule plus de vingt mille marcs d’or de lavage , si, en peuplant cette région, une des plus fertiles du nouveau continent , le gouverne- ment fixoit son attention sur les progrès de l’agriculture. Le pays le plus riche en or est celui où la disette se fait continuellement sentir. Habitée par de malheureux esclaves d’Afrique ou par des Indiens qui gémissent ^ Relacion del estado del nuevo reyno de Grenadcù que hace eL Arzobispo-Ohisjpo de Cordopa a su suc^ cessor , el Rx, Fmy Don Francisco Gily Lemos, 1789, ( Manuscrit. ) CHAPITRE XI. 209 SOUS le despotisme des corrégidors de Zitara, de Novita ou du Taddo, la province du Ghoco est restée ce cju'elle étoit il y a trois siècles, une forêt épaisse , sans trace de culture , sans pâturages et sans chemins. Le prix des denrées y est si exorbitant , qu’un baril de farine des États-Unis y vaut 64 à qo piastres-; la nourriture d’un muletier coûte une piastre ou une piastre et demie par jour : le prix d un quintal de fer s’élève , en temps de paix , à 4o piastres. Cette cherté ne doit point être attribuée à l’accumulation des signes repré- sentatifs, qui est très-petite, mais à l’énorme difficulté du transport et à cet état malheureux des choses dans lequel la population entière consomme sans produire. Le royaume de la Nouvelle -Grenade a des filons d’argent extrêmement riches dans la Vega de Supia ‘ , au nord de Quebraloma , entre le Cerro Tacon et le Cerro de Marmato. Ces mines, qui fournissent de l’or et de l’argent à la fois, n’ont été découvertes que depuis dix ans. Un procès entre les propriétaires a » Mina de los Morenos ou Chachafruta. De Car- thago à la Vega de Supia il n’y a, en ligne droite , que vingt lieues. l4 IV. interrompu les travaux au moment même où l’on avoit trouvé les minerais les plusabondans. L exploitation des anciennes mines d’argent de Pamplona et de Sainte-Anne , près de Mariquita , a été reprise avee zèle à l’époque où la cour de Madrid nomma Don Juan José d’Elhujar directeur des mines de la vice- rojauté de Santa-Fe. Le gîte des minerais argentifères de Sainte- Anne forme une couche dans le gneiss. J’ai visité la mine de la Mantay dont, les produits contiennent, en terme moyen, six onces au quintal. M. d’Elliujar, frère du directeur des mines du Mexique, avoit établi une usine d’amalgamation à quatre barils > semblable à celle de Freiberg. Les travaux y ont été dirigés avec beaucoup d’intelligence ; mais comme la quantité d’argent ne montoit, de 1791 à 1797, qu’à 8700 marcs, tandis que les frais 1 s’élevoient à 216,000 piastres, le vice-roi ordonna d’abandonner la mine. Il faut espérer que, dans des temps plus heureux, le gouvernement tentera de reprendre ces travaux, comme ceux de Santo Christo de las Laxas et du Real de Bocaneme , entre le ^ Frais de travaux souterrains, frais d’amalgamation, et frais de construction d’usine. CHAinTRE XI. 21 I Rio Guali et le Rio Guarinô , qui ont fourni anciennement des quantités d’argent consi- dérables. En résumant maintenant les résultats aux- quels nous sommes parvenus , nous trouvons que le produit total des mines d or et d argent des colonies espagnoles s’élève à la somme de 4o>6oo marcs en or, et .5, 206,000 marcs d’argent , poids de Castille. Ces données different très-peu de celles que j’ai commu- niquées à M. Héron de Villefosse, et qu’il a consignées dans son ouvrage intéressant sur la richesse minérale des principales puissances de l’Europe. J’ai rédigé le tableau qui suit, en profitant des renseignemens précieux que j’ai obtenus plus récemment d’Espagne et du royaume de la Nouvelle-Grenade. 212 LIVRE IV , Produit annuel des mines d’or et d’argent dont le quint a été -payé,, NOMS des GRANDES divisions politiques. OR FIN , marcs de Castille. argent fin, marcs de Castille. VALEUR de Por et de l’argent en piastres. Vice-royauté de la Nou- velle-Espagne 7>ooo 2^25o,ooo 22,170,740 Vice-royauté du Pérou. . 3;400 5 1 3,000 5,317,988 Capitania general du Chili 10, 000 29,700 1,737,380 Vice-royauté de Buenos- Ayres 2,200 4i4,ooo 4,212,4o4 Vice-royauté de la Nou- velle-rGrenade 18,000 peu. , 2,624,760 Total 4o,6oo 3,206,700 36,063,272 Dans ce tableau, l’or est évalué à i46 ^ pias- tres , l’argent à 9 piastres , le marc de Castille. Il offre la quantité de métaux pré- cieux extraite des mines et enregistrée dans les trésoreries royales : il confirme l’assertion du comte de Gampomanes qui, en 1776, évalua déjà l’importation de l’or et de l’argent en Espagne à trente millions de piastres; mais il n’indique que le minimum que l’on peut * Educacion popular , T. II, p. 33i. CHAPITRE XI. 2l3 supposer avoir été fourni par les colonies espagnoles. Examinons ce qu’il faut aiouter pour les métaux qui s’écoulent par contre- bande. On a eu jusqu’ici des idees tres-exa- .érées sur la quantité d’or et d’argent qui ne paye pas de quint : on l’a évaluée a a moitié ou au tiers du produit total ; et on n’a pas réfléchi que le commerce frauduleux est d’une activité bien différente , selon les localités des diverses provinces. Je réunirai ici les renseignemens que j’ai pu prendre sur les lieux , soit .au Mexique , soit à la Nou- Telle-Grenade , soit au Pérou. La Nouvelle-Espagne n’a que deux ports par lesquels s’exportent ses productions. Le mauvais état des côtes y rend la contrebande bien plus difficile que dans les provinces de Cumana, de Caracas et de Guatimala. La quantité d’argent non enregistrée et embar- quée à Vera-Cruz et à Acapulco , soit pour la Havane et la Jamaïque, soit pour les fies Philippines et pour Canton , ne s’élève pro- bablement pas au-dessus de 800,000 piastres: mais ce commerce frauduleux augmentera à mesure que la population des États-Unis s’approchera deS rives du grand Pao del 2^4 livre IV, NoHe , et â mesure que les côtes occiden- tales, celles delaSonora et deGuadalaxara, seront plus fréquemment visitées par des bâtimens anglois ou anglo-américains. Quand le commerce du Mexique avec la Chine et le Japon sera délivré des entraves du mono- pole odieux qui le gêne aujourd’hui, une immense quantité d’argent s’écoulera vers I ouest , en Asie. Les métaux précieux sont des marchandises qu’on transporte dans les lieux où leur prix est le plus élevé. Au Japon ’ , qui abonde en or , ce métal est à l’argent comme 8 ou 9 à i. En Chine, on achète une once d’or avec 12 à i5 onces d’argent Au Mexique, la proportion de4 deux métaux précieux est comme i5jài; d’où il résulte qu’il est bien plus profitable déporter de l’argent que de l’or à Manille, a Canton et à Nagasaki. Je n’ai pas fait men- tion plus haut de l’exportation des objets d^orfévrerie ( plata labrada ) , parce que , d’après les registres de la Vera-Cruz , elle ne s élève pas au delà de vingt à trente mille lîiarcs d’argent. * Voyage au Japon , de Thunberg ( édit, de Lan- T.II, p. 263. CHAPITRE XI. Dans le royaume de la Nouvaie-Grenade l’exportation frauduleuse de lor du Ghoco a beaucoup augmenté depuis que la navi- gation du Rio Atrato a ete declaree libre. De l’or en poudre , et même en lingots , au lieu d’être porté par Gab ou Mompox, au? monnoies dePopayan et de Santa-Pe, prend directement la route de Gartbagène et de Portobelo, d’où il reflue dans les colomes angloises. Les bouches de l’ Atrato et du Rio Sinu; où j’ai été à l’ancre au mois d avril i8ox , servent d’entrepôts aux contrebandiers. Les lois qui permettent de temps en temps l’introduction des nègres d’Afrique et des farines de Philadelphie , par des vaisseaux étranger, favorisent ce commerce fraudur leux. D’après les renseignemens que ] ai pu prendre chez les personnes qui font le com- merce de l’or en poudre (^rescafadores) a Carlhagène des Indes, à Mompox , a Buga et à Popayan , il paroît qu’on peut évaluer la quantité d’or qui est fournie parle Ghoco, par Barbacoas, Antiaquia et Popayan, e que l’on soustrait au quint, à aôoo marcs. Au Pérou, l’exportation de l’argent qm ne paye pas de quint , se fait moins par e- tIVRE IV, jtes de la mer du Sud , qui sont fréquentées par les pécheurs de cachalots qu’à l’est des ndes, par la rivière des Amazones. Cette immense rivière réunit deux pays, où règne une grande disproportion entre la valeur relative de 1 or et de largent. Le Brésil est, pour argent du Pérou , un marché presque aussi profitable que la Chine pour l’argent du Mexique, ün cinquième, peut-être même un quart de tout l’argent extrait des mines de Pasco ( Yauncocha) et de Chota {Gual exporté en contrebande par Lamas et Chachapojas, en descendant la ri- vière des Amazones. Il y a des personnes, à Lima , qui croient qu’en vivifiant le commerce sur cette rivière, on rendroit plus grande encore 1 exportation frauduleuse de l’argent. Le préjugé a été très - pernicieux pour les e es provinces qui s’étendent sur la pente onenlak des Cordillères, el c,„i sont Lti- .seesparle Gnalkfra, rucaple, le Poroz lasol fro saurage et la solitude de ces coiitrées facUitent beaueoop les entrepr^es des contrebandiers. Nous éva- * Voyez T. III, p. 272. CHAPITRE XI. ^'17 luerons l’argent non enregistré du Pérou , à 100,000 marcs. . i • Au Chili , l’or qui paye le quint est a celui qui se soustrait aux droits, d’après Ulloa, en raison de 3 à 2. Nous ne compterons qu’un quart du produit total. En évaluant l’exportation frauduleuse de 1 argent , dans le royaume de Buenos-Ayres , à un sixième ou à 67,000 marcs, et en ajoutant , d’après M. Correa de Serra, pour le produit total du Brésil , où l’on n’exploite encore que des mines d’alluvion, près de 3o,ooo marcs d’or, on pourra présenter, dans le tableau suivant, le produit total de toute l’Amérique , en or et en argent. 2 ï 8 LIVRE IV , Produit annuel des mines du nouveau continent, au commencement du dix-neuvieme siècle. 1 NOMS I OR. AROEIST. VALEUR GRANDES DIVISIONS politiques. Marcs de Cas mie. kilogr. Marcs de CAstilhe. kilogr. de l’or et de Pargein en piastres. Vice -royauté de la Nouvelle-Espagne . Vice - royauté du 7,000 1,609 2,338,220 537,612 23,000,000 Pérou 5,4oo 0% 0 0 140,478 Capitania general du 702 6,24o,ooo Chili 29,700 6,827 2,060,000 Vice “ royauté de Buenos - Ayres .... Vice-royauté de la 2,200 5o6 48i,83o 110,764 4,85o,ooo Nouvelle-Grenade . 2o,5o5 4,714 6,875 2.990.000 4.360.000 1 Brésil 29,900 Total 75,217 17,291 ; 3,46o,84o 795,681 1 43,5oo,ooo Le produit total des mines du Nouveau- Monde s’élève, par conséquent, aujourd’hui à 17,000 kilogrammes en or, et 800,000 ki- logrammes en argent, en comptant que le marc de Castille, d’après lequel on évalue le produit des mines dans les colonies espa- gnoles, est au marc de France ' én raison de 54i à 576, et que le kilogramme pèse Bonneville , Traité des monnoies , 1806; p. , CHAPITRE XI. ï 9 4 marcs 5 gros U, l'S grains , ancien poids de France. L’étain que foumitrEurope entière ne pèse que trois fois autant que la masse d ar- gent que l’on extrait annuellement des mines de l’Amérique. On voit aussi , par le tableau précédent , que c’est à tort qu on attribue au Brésil la majeure partie de l’or que le nouveau continent envoie à 1 ancien. Les co- lonies espagnoles fournissent près de 45j00o marcs d^or , tandis (ju on n en extrait (jne 3o,qoo des terrains d’alluvion du Brésil. Si le gouvernement de Santa -Fe de Bogota commence à s’occuper sérieusement de la population et de l’agriculture du Cboco , l’extraction de l’or, dans là Nouvelle-Gre- nade , rivalisera en très-peu d’années avec ' celle du Brésil. L’auteur de l’immortel ou- vrage sur la Richesse des nations , n évalué la quantité d’or et d’argent importée an- nuellement à Cadix et à Lisbonne , qu à six millions de livres sterlings , en comptant non-seulement ce qui est enregistré , mais ’ T. II, p. 70. D’après Meggens {Post-Scriptum, du Négociant universel, lySÔ, p. i5), l’imporlation cti Espagne et en Portugal étoit , de 1747 à 1753 , année moyenne, de 5,74^,opplivres5terlin.SS. 220 livre IV, aussi ce que l’on peut supposer passer en fraude. Gette évaluation est trop petite de deux cinquièmes. ^ Eu réunissant les résultats que nous venons d’obtenir pour le Nouveau-Mônde, à ceux qui sont le fruit des laborieuses recherches de M. Héron de Villefosse et de M. Georgi on trouve les données suivantes : nnueb aes mines d'or et d argent en Eu l’Asie septentrionale et en Amérique. grandes 131 VISIO NS politiques. OR. VALEUR de Por , en francs. argent. VALEUR de l^argent, en francs. 1 Marcs ■de France. 0^ . ^ 1 Marcs 1 de France, | 0 Europe 5,3oo G297 4,467,444 315,200 52,670 11,704,444 Asie boréale. . , 2,900 538 1,853,111 88,700 21,709 4,824,222 Amérique. . . . 17,291 59,557,889 S, 250,547 795,581 176,795,778 Total. . . . 78,147 19,126! 65,878,444 3,554,447 869,960 193,324,444 25g,202j Dans ce tableau, l’or est évalué à 5444 fr. 44 centimes, et l’argent à 223 fr. 22 cent.. Georgi, Geogr. phys. Beschreibung des Rus- sischen Reichs, 1797, Th. 6, p. 363. L’évaluation de M. Georgi est de l’année 1796. Le produit des mines de Koliwan a doublé, celui des mines de Nertschinsk a diminué de plus d’un tiers, depuis 1 784 jusqu’en 1794. 22 I CHAPITRE XI. le kilogramme. Il indique la quantité de mé- taux précieux qui entre annuellement dans la circulation parmi les nations civilisées de l’Europe. Il est impossible d’évaluer la masse d’or et d’argent qui est maintenant en ex- ploitation sur toute la surface du globe : nous ignorons absolument ce que produisent 1 in- térieur de l’Afrique , l’Asie centrale , le Tunquin , la Chine et le Japon. Le commerce d’or en poudre qui se fait sur les cotes orientales et occidentales de 1 Afrique , et les notions que les anciens nous ont trans- mises sur des contrées avec lesquelles nous ne sommes plus en relation , peuvent faire supposer que les pays au sud du Niger sont très-riches en métaux précieux. On peut faire la même supposition à l’égard de la haute chaîne de montagnes qui se prolonge au nord - est du Paropamisus , vers les fron- tières de la Chine. La quantité de lingots d’or et d’argent que les Hollandois ont jadis ex- portée du Japon , prouve que les mines de Sado , de Sourouma , de Bingo et de Kin- sima , ne eèdent pas en richesse à plusieurs mines de TAmérique. Sur 78,000 marcs d’or;etsur 5,550;000marcs 222 1.1 VKU IV , d argent, poids de France, que l’on retire annuellement, depuis la fin du dix-huitième siede, de toutes les mines de l’Amérique, del E^rope, et de l’Asie boréale , l’Amérique seule fournit 70,000 marcs d’or et 5,260,000 marcs d’argent , par conséquent du pro- duit total de l’or, et ^ du produit total de 1 argent. L’abondance relative des deux mé- taux diffère par conséquent très-peu dans les deux continens. La quantité d’or retirée des minés d’Amérique est à celle de l’ara-ent comme i à 46 ; en Europe, j compris la Russie asiatique , cette proportion ést comme 1 à 4o. Ces résultats peuvent jeter quelque jour sur le grand problème d’économie politique que M. Smith a examiné dans le onzième chapitre du premier livre de son ouvrage , où il traite des causes de la proportion va- riable entre la valeur des métaux précieux Cet auteur célèbre suppose que, pour une once dor, il j aun peu plus de vingt-deux onces d’argent importé en Europe : si cette supposition étoit juste, Fanclen continent ne devroit recevoir du nouveau que i,554,ooo * Richesse dus Nations, T. II, p. 78. CHAPITRE XI. 2 A. J marcs d’argent, au lieu de 3, 260,000 qu’il reçoiteffeclivement.D’ailleurs, plus est grande l’abondance de l’or en raison de l’argent, et plus on doit être porté à admettre, avec M. Smith , que la proportion entre les valeurs respectives des deux métaux ne dépend pas uniquement de la quantité qui s’en trouve sur le marché. Depuis la découverte de l’A- mérique jusqu’à nos jours , la valeur de l’argent a tellement baissé dans les parties occidentales de l’Europe , que la proportion’ de ce métal à l’or, qui , à la Hn^du quinzième siècle , étoit de 1 à 1 1 ou 1 à 1 2 ^ est au- jourd’hui comme 1 à i4i, et même comme là i5f. Ce changement n’auroit pas eu lieu si l’accroissement de la masse respective des deux métaux avoit été de tout temps aussi uniforme “ qu’il l’est aujourd’hui. D’après les recherches dont je viens de rendre compte , il n’est pas exact d’avancer , comme on 1 a ’ Sous Phillppe-le-Bel , un marc d’or avoit cours pour dix marcs d’argent. En Hollande, la proportion fut, en i33G, comme loiài. En France , elleéloit, en i388, comme lof à 1. {Recherches sur le com^ merce , Amsterdam, i77®i T. Il, P. II , P ira. ) 3 De neuf dmèœes. 2^4 livre IV, fait souvent, que les mines d’argent de l’A- mérique surpassent en fécondité celles de 1 ancien continent , dans une proportion beaucoup plus forte que les mines d’or : il est vrai que des 70,000 marcs d’or qu’année moyenne fournit 1 Amérique , cinq sixièmes sont dus aux lavages établis dans des terrains d alluvion ; mais ces lavages sont d’une cons- tance de produit surprenante, et tous ceux qui ont visité les colonies espagnoles ou portugaises savent que l’exportation de l’or de l’Amérique doit augmenter considérable- ment avec les progrès de la population et de l’agriculture. Jusqu à 1 année i545, où commença l’ex- ploitation du Gerro de Potosi , l’Europe paroît avoir reçu du nouveau continent beaucoup plus d’or que d’argent. Les cinq sixièmes du butin que Cortez fit à Ténoch- titlan , les trésors réunis à Caxamarca et au Cuzco, consistoient en or, et les mines d’ar- gent de Porco , au Pérou , de Tasco et de Tlapujahua , au Mexique , ne furent que foiblement travaillées du temps de Cortez et de Pizarro. C’est depuis l’année i545, que 1 Espagne a été inondée de l’argent du Pérou. CHAPITRE XI. 2^5 Cette accumulation produisit un effet d autant plus grand , que la civilisation de l’Europe étoit alors plus concentrée ; que les commu- nications étoient moins fréquentes, et qu’une moindre partie des métaux de 1 Amérique refluoit en Asie. Depuis le milieu du seizième et le commencement du dix-septième siècle , la proportion entre l’or et l’argent changea rapidement , surtout dans le midi de 1 Eu- rope. En Hollande , elle étoit encore , en 1689, comme 11 | à 1 : mais sous le règne de Louis XIII, en i64i , nous la trouvons déjà en Flandre , comme 1 2 4 à i ; en France, comme i3 à 1 4 ; en Espagne , comme i4 à i et même au delà. L’extractipn de 1 or a pro- digieusement augmenté en Amérique , depuis la fin du dix -septième siècle, et quoique les terrains aurifères du Brésil aient été connus en partie depuis , l’exploitation des mines d’alluvion n’a pourtant commencé que depuis le règne du roi Pierre 11. Du temps de Charles-Ouint, une quantité d’or de quarante ou cinquante mille marcs auroit suffi pour changer sensiblement la propor- tion entre l’or et l’argent en Europe. Au contraire , celte influence ne s’est presque i5 IV. livre IV, pas fait sentir au commencement du dix-hur- tieme siecIe, où les relations commerciales s etoientbeaucoup multipliées. L’or du Brésil, reparti sur une vaste étendue de pays, n’a pu produire sur le prix de l’argent l’effet qu’il auroit produit par une accumulation rapide sur un seul point du globe. Nous aborderons maintenant une question tres-importante, et qui a été traitée diver- sement dans les ouvrages d’économie politi- que ; celle de la quantité d’or et d’argent qui a reflue du nouveau continent dans l’ancien , depuis l’année 1492 jusqu’à nos jours. Au len d’examiner le progrès des exploitations e 1 Amérique , et d’évaluer pour chaque colonie le produit des mines à différentes époques, on s est tenu à l’hypothèse d’un certain nombre de millions de piastres que Ion suppose assez arbitrairement avoir été introduites annuellement en Portugal et en Espagne , pendant l’espace de trois siècles. Il etoit facile de prévoir qu’en calculant d’après ce principe, on devoit parvenir à des résultats qui différeroient les uns des autres de plusieurs milliards de livres tournois, selon que l’on sup- poseroit 1 importation annuelle trop grande CH^PITRE XI. ^•^■7 OU trop petite de dix à douze millions seu- lement : il y a plus encore, la plupart des écrivains les plus célèbres ’ , au lieu de se livrer à de nouvelles recherches, ont copie les évaluations de Don Geronimo de Ustariz, comme s’il suffisoit de citer l’opinion parti- culière d’un auteur espagnol pour inspirer de la confiance. Avant d’olFrir les résultats auxquels je suis parvenu , examinons les calculs qui ont été présentés jusqu ici. Ustariz, dans son excellent Traité de com- merce et de marine % fonde ses évaluations sur celles de Don Sancho de Moiicada et de Don Pedro Fernandez de Navarete. Le premier, qui étoit professeur à l’université d’Alcala, affirme vaguement que , « selon une « représentation faite au roi, il est entre en « Espagne, depuis 149^ jusqu en i5g5, en « or et en argent retirés des mines de 1 Amé- » rique, deux milliards de piastres; qu’il en « étoit au moins entré la même quantité sans « être enregistrée, et que, de tant dôr et . Forbonnals , Raynal , Gerhoux , et l’auteur judi- cieux des Recherches sur le commerce (Amst. , i??^). » Édition de Paris, i/SS, p. n. , hleine Schriften, 1791 ? p- 99* 228 XIVIIE IV, « d'argent, il seroit difficile de trouver en « Espagne deux cents millions, cent en mo.>. « noie et cent en meubles. » Ustariz ajoute à ces deux müliards ce qui est venu en Espagne epuis 1 595 jusqu’en 1724, et dont il estime a pâleur a J 006 millions j de sorte que le pro. duit total de 1 Amérique espagnole, en or et en argent, depuis 1492 jusqu’en 1724, a été, daprescetauteur,de5556millionsdepiastres. Il est facile de prouver que ce calcul ne repose pas sur des bases très-solides : quatre milliards répartis sur cent trois ans , depuis 1492 jusqu'en ,59s , supposent , année moyenne, un produit d’exploitation de plus de 38 millions de piastres : or, l’histoire des mines de l’Amérique nous apprend que la quantité d’or et d’argent introduite en Es- pagne depuis 1492 jusqu’en i553, a été très- petite, on peut 1 évaluer au plus à i5o ou i4o millions. Si cependant, pour cette pre- mière époque, on vouloit admettre 12 mil- lions de piastres par an , comme Ustariz le suppose pour la période de iSqS à 1724, on trouveroit que le produit annuel de i535 a 1695, aurait dû être au moins de 58 mil- 10ns. Toutes ces évaluations sont quatre à CHAPITRE XI. 229 cinq fois trop fortes , comme on peut s’en convaincre en jetant les yeux sur les registres du Potosi, et en se rappelant que les mines de la Nouvelle - Espagne n ont pas donné , jusqu’au commencement du dix - huitième siècle , au delà de trois millions de piastres par an. De plus , Garcilasso et Herrera ^ en parlant de la grande richesse des mines du nouveau continent , disent clairement que ^ vers la fin du seizième siècle , il entroit en Espagne, par rembouchure du Guadalquivir ^ dix à douze millions de piastres par an. Les évaluations énoncées en nombres ronds de milliards , loin de pouvoir être considérées comme le fruit de recherches exactes , ne sont que les résultats d’un calcul approximatif; aussi chaque auteur a cru devoir s arrêter à des quantités difFérentes. Solorzano ‘ affirme , d’après l’autorité de Davila , que l’Espagne a reçu de 1 Amérique ^ depuis sa découverte en 1492 jusqu’en 1628, quinze cents millions de piastres enregistrées; somme qui difière presque de la moitié de celle adoptée par Ustariz. D un autre coté y 1 De Indiarum Jure , T. II, p* 846, Jlist, magna Matrii^nsis ^ p. 472. 23o LIVRE IV , nous trouvons dans le Traité politique de Navarete que depuis i5ig jusqu’en 1617, il fut apporté des Indes , par registres, 1 536 mil- lions. Selon cette dernière évaluation , on attribue à la période de g8 ans une somme de piastres moindre que celle que Solorzano et Davila admetlent pour la période de 1 36 ans; contradiction d autant plus grande que l’une de ces périodes fait partie de l’autre. Rajnal, dans les premières éditions de son célèbre ouvrage sur les établissemens dans les Indes , estimoit l’or et l’argent importés d Amérique en Europe , depuis la découverte du Nouveau - Monde , à neuf milliards de piastres; en 1780, il réduisit cette somme à cinq milliards. Il suppose que l’importation annuelle de 1 or et de 1 argent enregistrés pour 1 Espagne, en faisant une année moyenne sur onze, de 1754 à 1764, n’a monté qu’à 13,984,185 piastres, tandis que nous savons , par les registres conservés à l’hôtel des mon- noies de Mexico, qu’à cette même époque la Nouvelle-Espagne seule produisoit, par an, ^ De laconservacion de las Monarquias, Disc. XXI. » Comparez les changemens faits dans le Liv. VIII, 5. XLII; Liy. IX, LIV. CHAPITRE XI. près de douze millions de piastres. J’ignore comment un auteur rempli de sagacité , et qui a généralement puisé à de bonnes sources, s’est laissé induire si fort en erreur sur le com- merce des métaux précieux. Raynal présente des tableaux qui paroissent être le résultat d’un travail très-étendu : il évalue séparé- ment les quantités d’or et d’argent venues de chaque partie des colonies ; et malgré cette apparence d’exactitude , un grand nombre de ses calculs reposent sur des bases peu so- lides. Il affirme ' que « l’Espagne droit depuis « l’année 1780, tous les ans, du continent « de l’Amérique , 89,095,052 livres en or et « en argent, ou 16,970,484 piastres; «parce que, d’après une année moyenne prisé pen- dant l’époque de 1 748 à 1763 , il étoit venu : ^Histoire philosophique, édit, de Genève, *780, T. II, p. 339. 2.32 LIVRE IV, 7 Liv. tournois. Piastres. ’e Ja NouveIleT-£spagnp De CarihagèneoudelaNouveile- 44,196,047 8,418,294 Grenade 2,685,296 4,812,924 Oe Lima ou du Pérou. 1^,007,004 25,267,849 De Buenos-Ajresou du royaume de la Plaia 5,5o4,7o5 De Caracas 1i010,420 239,144 — 45,55i Total , année movenne. . ^9-095,049 i 6, 970,485 On doit être surpris de voir que Raynal confonde le produit d’exploitation de ijSa avec celui de 1 780 : pendant cet espace de trente ans l’exportation de l’argent du Mexi- que a augmenté de près d’un quart, et les mines de l’Amérique méridionale, loin de s épuiser , sont devenues plus abondantes. En 1780, on a frappé, à la seule monnoie de Mexico , la somme de 1 7,614, 263 piastres ; tandis que l’abbé Rajnal n’estime le produit total des mines de l’Amérique espagnole qu’à dix-huit millions. Il auroit dû savoir , par lé témoipage d’un homme d’état profondé- ment instruit sur le commerce de l’Espagne ', * Campomanes, Discurso sobre la educacion popular de los. artesanos , Vol. II, p. 33 u CHAPITRE XI. que déjà en 177^ ce produit total s étoit élevé à trente millions de piastres, ou à 157,600,000 liy res tournois par an. Quant à la quantité de métaux précieux que l’Espagne a reçue de ses colonies , depuis la découverte de l’Amérique , Raynal la fixe à 25,670,279,924 liv. , ou à 4)870,629,609 pias- tres. Ce calcid, qui inspireroit plus de con- fiance si la somme étoit exprimée en nombres ronds , est assez exact : il prouve que , même en partant des données les plus fausses , on peut quelquefois, par d’heureuses compen- sations , parvenir à des résultats qui appro- chent de la vérité. Adam Smith , dans son ouvrage classique sur les causes de la richesse des nations estime l’argent du nouveau continent importé à Cadix et à Lisbonne, à six millions de livres sterlings , ou 26 - millions de piastres par an : cette évaluation étoit trop foible de deux cin- quièmes, même de son temps , en 1776. L au- teur anglois a suivi les calculs de Meggens , d’après lesquels , pendantles années 1748 1753, l’Espagne et le Portugal avoient reçu, ’ Livre I, Cbap. I (édit, de Laris, 1802), T. TI, p, 7^’ ^•^4 LIA^RE IV, année moyenne, en métaux précieux enre-- gistrés, 5,746,000 liv. sterl. ou 25,537,ooo pias- tres. En comptant quatre millions pour l’im- portation de l’or du Brésil, on trouve, d’après Meggens, 21 millions de piastres pour les colonies espagnoles seules , et pour l’année par conséquent, trois millions de plus que Rajnal n’en admet pour l’année 1780. Le savant commentateur de Smith, M. Gar- nier , qui a mis la plus grande exactitude dans ses recherches, estime, en 1802 , le produit des mines d’or et d’argent de l’Amé- rique espagnole à iSg millions de livres tournois , ou cà 3o,285,ooo piastres ; somme qui se rapproche beaucoup plus de la vérité que toutes celles que l’on trouve dans d’autres ouvrages d’économie politique. Robertson, dans l’Histoire de l’Amérique, évalue la quantité de métaux précieux im- portés en Espagne depuis 1492 jusqu’en 1776, à la somme énorme de deux milliards de liv. sterlings , ou à 8800 millions de piastres; et, ce qui plus est, cet auteur justement célèbre regarde son calcul comme fondé- sur des sup- * T. V, p. 137. CHAPITRE XI. 235 positions très-modérées,, cjuoiqu il estime le produit annuel des mines , pendant 283 an- nées consécutives , à quatre millions de livres sterling’s, elle total de la contrebande, pen- dant cette période, à 968 millions Si Ion compare ces données à celles que renferme l'ouvrage d'Üstariz , on voit que 1 auteur espagnol s'arrête à des sommes moins fortes de la moitié. Dans les Recherches mr le commerce, publiées à Amsterdam en 1778 ’ , on es- time l'or et l’argent venus de l'Amérique espagnole, depuis 1674 jusqu'en 1723, à 672 millions de piastres. En comptant sur le même pied , pour les 283 années écoulées depuis 1492 jusqu’en 1775 , et en ajoutant un tiers pour la contrebande , on trouve , pour les métaux importés en Espagne, un total de 6072 millions de piastres. Le même auteur évalue l’or venu du Brésil , depuis la déeouverte de ce pays , à i55o millions , somme qui paroît près du double trop grande, comme nous le prouverons dans la suite de celte discussion. * History of America , Vol. IV , p. 62. ^ Livre I, Cliop. X (T. I, P. Il , p. 124). a36 livre 1T, M. Necker ' , dans ses recherches snr le numéraire existant çn France , estime 1 or et I argent reçus à Cadix et à Lisbonne , depuis 1760 jusqu’en 1777, à 1600 millions de livres tournois^ ou 3o4,8oo,ooo piastres. D’après cette hjpo thèse , l’importation totale des métaux précieux des deux Amériques n’auroit été que de 21 4 millions de piastres par an , tandis qu’elle étoit pour l’Espagne seule ^ tl après des renseignemens certains ^ de plus de 3o millions \ D’un autre côté, M. ,Ger- boux, dans ses Discussions sur les effets de la démonétisation de For *, évalue l’impor- tation de l’or et de l’argent en Europe , en , livres tournois: De 1724 à 1766, à 4ooo millions 1766 1800 , 4ooo 1789 i8o5, i5oo d’où il résulteroit, de 17240 i8o3, une im- portation annuelle de 2 1 millions de piastres» * Sur le Commerce des grains , Liyrell, Chap. V. De V Administration des finances, T. III ^ Chap. VIII p. 71. ^ Encyclop. méthod.. Économie polit., T. Il ^p. 324. ^ Gerhoux , p. 36 , 66 , 6q, 70, CHAPITRE XI. ^37 Kn réunissant les résultats de ces calculs, t|ui ne sont établis que sur de simples con- jectures , on trouve que la masse des métaux précieux qui a réflué de 1 Amérique espa- gnole en Europe , et qui a été enregistrée, est, d’après Pour éviter dans ces recherches , autant que possible , les causes d erreur qui sont très - nombreuses , je prendrai une marche difFérente de celle qui a été suivie par les écrivains que je viens de citer. Je mettrai d’abortl en ligne de compte la quantité d’or et d’argent que , d’après les registres des -200 tlVKE IV, hôtels des monnoies et de la trésorerie royale nous savons avoir été retirée , année par année, des mines du Mexique et de celles du Potosi, } ajouterai, d après les connoissances historiques que j’ai acquises de l’état des ex- ploitations américaines, ce qui , à différentes époques, a été fourni par chaque région metalhfere du Pérou, de Buenos-Ajres et de la Nouvelle -Grenade : je distinguerai ce qui a été enregistré de ce qui s’est écoulé par un commerce frauduleux. Au lieu d’évaluer, comme on l’a fait jusqu’ici, le produit total de ce commerce de contrebande à un tiers ou un quart de 1 ensemble des métaux enregis- trés, je ferai des estimations partielles d’après la position de chaque colonie et d’après ses rapports avec les pays voisins. Lorsqu’on veut juger de la grandeur d’une distance que l’on ne peut pas mesurer avec précision, on est sûr de commettre des erreurs moins graves , si 1 on divise 1 étendue totale en plusieurs parties, et si 1 on compare chacune d’elles à des objets d’une grandeur connue. CHAPITRE XI. 289 Quantité d’or et d’argent enregistrée, retirée des mines de l’Amérique, depuis l’année ikofl jusqu’ en l8o3. A. Colonies espagnoles. PIASTRES. Le royaume <îe la Nouvelle -Espagne a fourni à l’iiôtel des mon noies de Mexieo , depuis 1690 jusqu’en i8o5, d’après les 1,353,452,000 Les mines de Tasco , de Zultepec , de Pa- cliuca et de TIapujahiia , sont presque les seules qui aient été travaillées immédia- tement api ès la destruclion de la ville de Ténochtilan , en 1621 , et depuis cette époque mémorable jusqu’en i548. Comme la quantité d’or et d’argent monnoyée au commencement du dix-buitieme siècle n’a pas excédé cinq millions de piastres par an y je compte , depuis la conquête par Hernan Cortez jusqu’en i548 , pour le produit total du Mexique 4o,5oo,ooo En i548 commença l’exploitation des mines de Zacatecas; en i558 , celle des mines de Guanaxuato-, et, presque à la même époque, l’amalgamation, inventée par Médina. On peut compter, depuis i548 jusqu’en 1600 , au moins deux millions . etdepuis 1600 jusqu’en 1690, trois mil- 374,000,000 Les mines du Potosi ont fourni y depuis leui découverte , en i545 , jusqu’en 1 année 1,767,952,00c livre IV, Repnrt i8o3 pour logSimilhons de niastVe. ou 128,882,000 marcs; savoir : depuis 1 545 jusqu en 1 556, à peu près j De 1559 à 178g , d’après les registres de la trésorerie, donnes ci-dessus,., ..... | En ajoutant , à cause de la valeur du peso de\ Tninas 3 de i556à 1600, Produit du Potosi, de 178g à i8o3, Les mines de Pasco ou de Yauricocha, dé-j couvertes en i63o , ont donné , jusqu’en i8o3, près de 3oo itiillions de piastres , PT AS TRES. ^7^7;952,ooo 127,500,000 788,268,500 1^4,000,000 46^000,000 ^79^^ a 200,000 marcs d’argent par an,. De 1792 à 1801 , d’après les registres,. . . . Produit du Cerro de Yauricocha, depuis 1801 jusqu’en i8o3 274,400,000 2i^5oi,6oo Les mines de Gualgayoc, découvertes en 177I:. ont donné, jusqu’en 1773, à peul près 1 70,000 marcs d’argent par an , . . . . Depuis l’année 1774 jusqu’en 1802, pour les mines de Gualgayoc, de Guamachuco de Conchucos 1 >5,400,000 4,5oo,ooo Ajoutez , pour Tanné i8o3 . , 1 uu .000 5o4,ooo J’évalue Je produit desminesde.Huanlajaya, de Porco , et autres mines péruviennes! moins considérables, depuis le seizième sæcle jusqu’en 1 8o3, à 1 5o,ooo, ou 200,000 marcs d’argent par an. . ^00,000,000 5,706,1 56, odo| CHAPITRE XI. 24 1 PI AS T RES. 3,703, i56,ooo Le Clioco a été peuplé en iSSg; la province d’Antioquia , liabilée par des peuples an- thropophages , a été conquise en i54i. Les mines d’alluvion de la Sonora et du Chili n’ont été exploitées que très-tard Si l’on compte 12,000 marcs d’or pour le produit total des colonies espagnoles, non compris le royaume de la Nouvelle-Es- 332,000,000 1 1 pagne, on peut ajouter , Or et argent enregistrés des colonies espagnoles, de i492ai8o3; 4,o35,i 56,000 B. Colonies portugaises. Baynal suppose, pour les premiers soixante ans , un produit double de celui d’aujour d’hui. Il admet, d’après les registres des flottes, que depuis la découverte des mines du Brésil jusqu'en 1735 , il est venu en Europe , en or , pour la valeur de 480,000.000 Depuis i756}usqu’en i 8o3, en ne comptant qu’un produit annuel de 32,ooo marcs, . 204,544,000 Or enregistré des colonies portugaises . depuis la découverte du Brésil jus- qu’en i8o3 > 684,544,000 IV. 16 ^4^ LIVRE IV, II. Or et argent non enregistrés , retirés des mines du nouveau continent, depuis jusqu' eni^o3. A. CoiiONl£S ESPAGNOI^ES. Je compte pour la Nouvelle-Espague , ou 1 extraction furtive a été assez considé- rable jusqu au milieu du dix-huitième siècle , un septième Pour le Potosi , le quart du produit total a cause de Fénorme contrebande au com- mencement de l’exploitation Pasco , Gualgayoc , et le reste du Pérou , ou l’argent s’écoule par la rivière des A ma zones vers le Brésil , Pour l’or du Chili ^ de la Nouvelle-Grenade, et du royaume de Buenos-Ayres , B. Colonies portugaises. Pour For du Brésil, . Or et argent non enregistrés , de 1492 à 1800 piastres 260.000. 000 2/4,000,000 200.000. 000 82,000,000 1 7 1 .000. 000 987,000,000 CHAPITBE XI. 243 récapitulation. VALEUR DE l’oR e¥ DE L ARGENT retirés des mines de l’Amérique, de 1492 à i8o3. PIASTRES. 1 Enregistrés | Des colonies espagnoles. ^ ^ J ^ 1 Des colonies portugaises. 4,o35,i 56,000 684,544,000 Non enregistrés j Des colonies espagnoles. ( n.® II colonies portugaises. 816.000. 000 17 1.000. 000 Total 5,706,700,00e' Cette somme, à laquelle je crois devoir m’arrêter , dilFère de plus de seize miUiards de francs de celle indiquée par Robertson. Il n’est pas surprenant qu’elle se rapproche de l’évaluation de plusieurs autres écrivains , car il en est des nombres que présente l’économie politique comme des positions fixées par les astronomes : lorsqu’on a le premier observé la longitude d’un endroit, parmi le grand nombre de cartes sur lesquelles tous les points sont placés au hasard , on est sûr d en trouver une qui indique la véritable position. Il résulte de mes recherches , que des 16’ ^44 LIVRE IV, 5,706,^00,000 piastres, OU 29,960,175,000!^. tournois , fournis en or et en argent depuis 1492 jusqu’en i8o3, ou dans l’espace de 3ii ans, on doit : DIVISIONS POLITIQUES. Piastres. livres TOURNOIS. Aux colonies espagnoles. . Ali royaume de la Nouvelle' Espasae 4, 85 1,200,000 2^028,000,000 25^468,800,000 Aux royaumes duPe'rou et de Buenos-Ayres 10,647,000,000 ! Au royaume de la Nouvelle- Grenade . 2,4x0,200,000 12,655,55o,ooc I Au Chili 275,000,000 1^445,760,000 1 Aux colonies portugaises. . 1 <50,000.000 855,5oo,ooo 724,600,000 1 4,491^375,000 1 Total 5,7o5>oo,ooo 29*960, 175,000 . Gomme le Gerro du Potosi appartient, par sa position , aux Cordillères du Pérou , j’ai réuni, dans ce tableau, les mines situées sur le dos de la chaîne des Andes, depuis les 6° jusqu’aux 210 de latitude australe , sur une longueur de 5oo lieues., La partie métallifère du Mexique, comprise entre les 16° et les Sjo-de latitude boréale, fournit aujourd’hui CHAPITl’.E XI. 245 deux fois autant d’argent que les deux vice- royautés du Pérou et de Buenos - Ayres : cette partie n’a cependant aussi que 45o lieues de longueur. Le tableau suivant indique la propozîion entre l’or et l’argent retirés des mines du nouveau continent, depuis leur dé- couverte jusqu en i8o3. divisions POliTIQTJ es. MAE CS , poids de Castille PIASTRES. Or Des colonies portugaises. Des colonies espagnoles. Â.r§ent 9,915,000 6.290.000 3.626.000 512,700,000 i,348,5oo,ooc 855,500,000 493,000,000 4,358,200,000 5,706,700,000 D’après cette évaluation , qui n’est qu ap- proximative, la masse d’argent qu’ont fourme les Cordillères de l’Amérique depuis trois siècles, est d’un poids de 117,804,210 kilo- grammes : elle formeroit une sphère soHde d’un diamètre de 27,8 mètres ou de 85 pieds de Paris. Lorsqu’on se rappelle que le fer retiré des seules mines de la France, s’élève ^46 LIVRE IV, à 225 millions de kilogrammes ' par an , l’on voit que, par rapport à l’abondance relative ou a la distribution des substances dans la croûte extérieure du globe, l’argent est au fer à peu près dans le rapport de la magnésie à la silice, ou de la baryte à l’alumine. Il ne faut cependant pas confondre la quantité de métaux précieux retirée des mines du nouveau continent , avec celle qui a ef- fectivement reflué en Europe depuis l’année 1492. Pour juger de cette dernière somme , il est indispensable d’évaluer, 1.® l’or et I argent trouvés lors de la conquête, parmi les indigènes de l’Amérique , et devenus le butin des conquérans; 2° ce qui est resté en circulation dans le nouveau continent ; et 3.« ce qui a passé directement aux côtes d Afrique et en Asie , sans toucher l’Europe. Les conquérans trouvèrent de l’or , non- seulement dans les régions qui en produisent encore aujourd’hui, comme au Mexique, au Pérou et dans la Nouvelle -Grenade, mais aussi dans des pays dont les rivières nous > Héron de rUlefosse , B e la Richesse minérale , CHAPITRE XI. 247 paroissent actuellement très-pauvres en sables aurifères. Les indigènes de la Floride , de Saint-Domingue et de file de Cuba, ceux du Darien et de la côte de Pana, avoient des bracelets , des anneaux, et des colliers d’or; mais il est probable que la plus grande partie de ce métal n’étoit pas due aux pays dans lesquels on a trouvé ces peuples a la fin du quinzième siècle. Dans l’Amérique mé- ridionale , comme en Afrique , il existait des communications commerciales , mémo parmi les hordes les plus éloignées de la ei- vilisation. On a vu souvent du corail et des perles de coquilles pélagiques , ^ chez des hommes qui vivoient loin des cotes. Nous nous sommes assurés , pendant notre voyage sur rOrénoque, que la fameuse pierre Ma- hagua , le jade des Amazones, parvient, par un échange établi entre différentes tribus de sauvages , depuis le Brésil jusqu’aux rives duGarony, habitées par des Indiens Caraïbes. En outre, il faut remarquer que les peuples que les Espagnols ont trouvés au Darien ou à l’île de Cuba , n’avoient pas toujours ha.- bité ces mêmes contrées ; en Amérique , les c^randes migrations se sont faites du nord- O O 48 livre IV, ouest au sud-est, et souvent des guerres ont forcé des tribus entières à quitter les mon- tagnes et à s’établir dans les plaines. On conçoit que l’or de la Sonora ou de la vallée du Rio Cauca, a pu se rencontrer parmi les sauvages du Darien ou aux bouches de la rivière de la Madeleine. D’ailleurs, plus la population est petite, et plus l’apparence des richesses est trompeuse. L’accumulation de l’or frappe surtout dans des pays où tout le métal que possède le peuple est converti en objets d’ornemens. Il ne faut donc pas juger de cette prétendue richesse des mines du Gibao , de la côte de Cumana et de l’isthme de Panama , d’après le récit des premiers voyageurs . il faut se rappeler que les rivières sont moins aurifères, à mesure que, par la suite des siècles, leur pente devient moins rapide. Une horde de sauv,ages qui s’établit ans une vallée où l’homme n’a jamais pé- nétré, y trouve des grains d’or accumulés depuis des milliers d’années; tandis que, de nos jours, les lavages les plus soignés pro- duisent à peine quelques paillettes éparses. Les considérations, auxquelles je dois me borner ici, serviront à éclaircir le problème CHAPITRE XI. 249 si souvent agité, pourquoi ces mêmes régions, qui, immédiatement après la découverte de l’Amérique, surtout depuis 1/192 jusqu en i5i5 , ont été considérées comme éminem- ment riches en métaux précieux , n’en four- nissent presque plus de nos jours, quoique dans plusieurs d’elles on ait fait des recher- ches laborieuses et assez bien dirigées. Pour fixer nos idées sur le butin , en or et en argent , que les premiers conquérans ont fait passer en Europe avant que les Espagnols aient commencé à exploiter les mines de Tasco, au Mexique, ou celles de Porco , au Pérou , jetons les yeux sur les faits rapportés dans les Instoriens de la con- quête. J ai examiné ces faiis'avec soin, et j’ai tâché de réunir tous les passages où les ri- chesses tombées entre les mains desEuropéens, sont évaluées en pesos eiisayados y ou en cas- tellanos de oro j car ce sont ces données, et non les expressions vagues etsouvent répétées, cc d’énormes quantités d’or, ou de trésors im- €( menses , >3 qui peuvent conduire à des ré- sultats satisfaisans. En i5o2, Ovando envoya en Espagne une flotte de dix - huit vaisseaux , commandée 2 livre IV, par Bovadilla et Roldan, et chargée d’une grande quantité d’or : la plupart de ees vaisseaux périrent dans la fameuse tempête qui faïUit coûter la vie à Christophe Colomb ors de son quatrième vojage dans les atter- ^ ïagesde 1 de de St.-Domingue. Les historiens du temps regardent cette flotte comme une des plus riches; et cependant ils conviennent tous que son chargement en or n’excéda pas 200,000 pesos ■, qui font, en les comptant comme pesos de minas à i4 réaux, la somme modique de 1,750,000 livres tournois, ou 2 O marcs d’or. Les présens que Cortez reçut, lors de son passage par Chalco , ne seleverent qu’à 5ooo pesos de oro % ou à un poids de 58 marcs d’or. Lorsque Montezuma réunit ses vassaux pour prêter le serment de hdehtea l’empereur Charles-Quint , qui, à ce qu’on leur fit croire , descendoit en lio-ne droite de Quetzalcoatl ^ le Bouddha des Aztèques , Cortez demanda un tribut en or : • Herrcra, Decada I , Lîb. I , Cap. I (T. I , p. X26). * Cartas de Hernan CoHez , Caria 1, XVIÎI p. 72. 3 Voyez mes rues des Cordillères, etMonumens de £ Amérique^ PI, YII. CHAPITRE XI. « Je feignis, écrit-il à l’empereur , que votre .. altesse avoit grand besoin de ce métal pour « certains ouvrages qu’elle vouloit faire exe « enter. » Le quint de ce tribut , paye dans la caisse de l’armée , monta à 32,4oo pesos M d’où l’on peut conclure que la quantité d or recueillie par le stratagème du général , s e e voit à 2080 marcs. Lors de la prise de renoch- titlan , le butin tombé entre les mains des Espagnols n’excédoit pas, d’après l’assertion de Gortez , un poids de i3o,ooo castellanos , ou 26GO marcs d’or = : d’après l’autorité de Bernai Diaz , il s’élevoit à 38o,ooo pesos , qui équivalent à 489^ marcs. 1 Carias de Hernan Cortez , Carta I, §. XXlX, - Carta lîl , §• LI, p. 3oi. Uespresslon « sefandro « mas de 1 38,000 castellanos » est douteuse. On ignore si Gortez parle de castellanos comme poids ou comme monnoie imaginaire. J’ai suivi, avec l’abbé Clavigero , la première hypothèse {Storia di Messico , T. in,p. aSa) ; dans la seconde , le butin nauroit été que de 1660 marcs d’or; car Herrera dit expres- sément , que « castellano y peso es uno ; » et , d’apres lui , un peso de minas vaut quatorze reaux j un p^so ensayado, treize féaux (de plata) et un quartillo. Decada VllI, Lib. II, c. 10, T.V,p.4i. 252 livre IV, deux époques de la conquête dg l'eroii auxquelles les Espagnols réunirent le plus de ricLesses, sont celles du procès dAtahualpa et du pillage du Cuzco. La rançon de l’Inca, répartie en i53i entre soixante cavaliers et cent fantassins , s’éleva d apres Garcilasso, à 3,930,000 ducats en or, et a 72,670 ducats en argent. En réduisant ces sommes en marcs , on trouve 4 1,987 marcs or, et ii5,3o8 marcs d’argent; ensemble pour la valeur de5,838,o58 piastres à 8 réaux ée plata mexicana , ou de 20,149,804 liv tournois Ces trésors, que l’on avoit réunis dans une maison dont j’ai encore vu les ruines, lors de mon séjour à Caxamarca, en 1802 , avoient servi d’ornemens aux temples du Soleil de Pachacamac, de Huailas, de Cuzco, de Guamachuco, et de Sicllapampa. Go- mara ’ n évalué la rançon d’Ataliualpa qu’à 52,000 marcs d’argent, et à 1,326,600 pesos deoro, ou à 17,000 marcs d’argent. Lorsqu’il est question de nombres, il est très-rare que les auteurs du seizième siècle se trouvent > Garcilasso, P. II, Lib. I , c. 28 et 38 (T. II, p. 27 etSi). Le père BlasValera compte 4,8oo,ooo ducados. ^ Historia de laa Indias , i553, p. 67. CHAPITRE XI. 2 JO d’accord. Le butin du Cuzco valoit , d’après Herrera plus de deux millions de pesos , ou au delà de 26,700 marcs d’or. Ces données rendent probable que les conquêtes du Mexique et du Pérou n ont pas fait tomber entre les mains des Espagnols au delà de 80,000 marcs d’or. La majeure partie des trésors furent enfouis par les in- digènes , ou jetés dans des lacs : ce qu on en a retrouvé peu à peu , en fouillani des huacas , a payé le quint au roi , et a été confondu avec l’or retiré des raines. Nous ajouterons à ces 80,000 marcs dor, ce qui a été enlevé en petites portions aux îles An- tilles, sur les côtes de Paria et de Sainte- Marthe, sur celles du Darien et de la Floride ; et nous aurons , en comptant deux mille marcs par an, jusqu’au commencement de » Dec. "V , Lib. \’I, c. 3. 3 j)aiis le I0.C de Tezcuco, au IVIexK^uej dans celui de GualavUa , au nord-ouest de Sanla-Fe de Bogota ; dans ceux de Titicàca et de la vallée d’Orcos. C’est ce dernier lac que l’on suppose renfermer la fameuse chaîne d’or que l’Inca Huayna-Capac fit fabriquer lors de la naissance de son fils Huescar , et qui a tant occupé l’imagination des premiers colons du Pérou. 2^4 livre IV, l’exploitation des mines de Tasco et de Po- tosi, une autre somme de 106,000 marcs d’or. La quantité de numéraire qui est aujour- d’hui en circulation dans le Nouveau-Monde, est beaucoup moindre qu’on ne le suppose communément. Pour en jug-er avec quelque exaCtitude , il faut se rappeler que le numé- raire est évalué en F rance ' à deux milliards et demi de livres tournois; en Espagne % a 4^0 millions ; dans la Grande - Bretagne , à 920 millions et que la masse de Foret de 1 argent qui reste en circulation dans Un pajs , loin de suivre le rapport de la po- pulation, dépend plutôt de l’activité du com- » D’après M. Necker, en 1784, à 2,2oomillions de livres; d’après M. Arnould, à deux mililards, en 1791; d’après M. Desrotoars , en 1801, à 2290 millions; d’après MM. Peuchetet Gerboux, en i8o5, à 255o mil’ lions de livres tournois. ^ D apres Uslariz, en 1724, cent millions de piastres; en 1782 , d’après Fasserlion du ministre des finances , M. Musquiz , citée dans Touvrage de M. Bourgoing , 5o millions de piastres. 5 Adam Smith ne l’évalue qu’à 3o millions de ÜTres sterlings au plus , T. III, p. 3i. CHAPITRE XI. 255 merce , du bien-être et de la civilisationjdes habitans , et de la quantité des productions qui doivent être représentées par des signes monétaires. En supposant la valeur des métaux précieux existant soit en numéraire , soit en or et argent ouvragés , lîrres tournois. Aux États-Unis , y compris le Canada anglois, à 180 millions. Aux colonies espagnoles ‘ du continent, à 48o Au Brésil, à 120 Aux Antilles ,à ^5 on trouve une somme totale 8o5 millions livres tournois, ou de 1 53, 5oô,ooo piastres. Une très-petite partie de l’or et de l’argent retirés des mines de l’Amérique , passe im- médiatement en Afrique et en Asie , sans > On a suivi, dans ces évaluations, les principes établis par Adam Smith etNecker, en prenant pour base le nombre des habitans , la masse des impôts payés au gouvernement , la richesse du cierge et l’activité relative du commerce. Ces calculs sont d’autant plus incertains qu’un grand nombre d« Nègres et d’indigènes sont mêlés aux blancs. 256 livre IV , toucher 1 Europe. Nous évaluerons la quantité de métaux précieux qui, depuis la fin du seizième siècle, a reflué d’Acapulco aux îles Efiilippines , à 600,000 piastres par. an ’ Les expéditions de Lima à Manille ont été assez rares , même dans ces derniers temps. Les vaisseaux envojés des Antilles , et jadis des ports des États-Unis, aux côtes occidentales de 1 Afrique, pour la traite des Nègres, en exportant des armes à feu, de l’eau-de-vie, des -objets de quincaillerie, et du drap d’Eu- rope, exportent aussi de l’argent en espèces : mais cette exportation est eompensée par lâchât de l’or en poudre sur les côtes de Guinée , et par le commerce lucratif que les Anglo-Américains font avec plusieurs patries de TEurppe. Maintenant, si nous déduisons des 6706 millions de piastres retirés des mines du Je n ignore pas que lord Anson a trouvé , dans le galion d’Acapulco qui tomba entre ses mains , la somme de 1,357,454 piastres {Anscn’s royage , p. 384); mais on ne sauroit évaluer l’importation annuelle plus de 600,000 piastres , si l’on considère que le galion n’est pas parti tous les ans depuis la lin du seizième siècle. CHAPITRE XI. nouvCclu continent y depuis sa decouverte par Christophe Colomb , jusqu’à nos jours , i53 millions de piastres qui existent, soit en espèces, soit en or et ar- gent ouvragés, dans la partie civilisée de l’Amérique, et i33 millions de piastres qui ont passé des côtes occidentales d’Amé- rique en Asie , 286 millions de piastres , nous trouvons que l’Europe a reçu du Nou- veau-Monde , depuis trois siècles , 3420 mil- lions de piastres : en évaluant, d’un autre côté, les 186,000 marcs d’or qui ont passé comme butin entre les mains des conquerans, à 25 millions , il résulte de l’ensemble de ces calculs , que la quantité d or et d argent importée depuis i49^ jusqu en i8o3 , d Amé- rique en Europe , s’élève à emej mille quatre cent quarante-cinq millions de piastres , ou a vingt-huit milliards cinq cent quatre-vingt-six millions de livres tournois. Ce calcul, comme tous ceux présentés par Eorbonnais , Ustariz^ Necker et Raynal , est 17 IV. a58 livre ly, établi , en partie sur, des faits, en. partie svr de siinples conjectures. Ij est. ajsé de QoncevoiA (jiie les résultats sont d autant plus exacts, que bon a pu emploj,er un plus grand nombre de faits, et que les con jectures sont basées sur une connoissance plus intime de l’histoire et de létat actuel des exploitations du Nouveau- Monde. G est a ceux de mes lecteurs qui ont rbabilude de ce genre de recherches, à juger si les nombres auxquels je suis parvenu , offrent un plus haut, degré de probabilité que ceux que l’on a adoptés jusqu’ici dans les. ouvrages les- plos. estimés, et les, plusi répandus, , En r^arlissant lés 844 Sî millions .de piastres . sur Ifespace de 3ii années eeoulées depuis la découverte du Nouveau-Monde, jusqu’en. i8g3 ., on. trouve j année moyenne;, une im- portation de dix.- sept I millions .el démi dc) piastres.; D’après les reelrercbes ; historiques i que j ai pu faire jnsqu’ici , il me paraît que les . trésors de l’Amérique, ont reflué en .Europe dans la progress^ion suivante. : CHAPITRE XI. 25g ÉPOQUES. IMPORTATION de l’or et de Targent d’Amérique en E«iope, année moyenne. REMARQUES relatives à l’histoire des mines. — i4g2 — i5oo < piastres.! 25o,ooo < Découverte des îles Antilles 5 lavages d’or du Cibao 5 expédition d’AlonzoINino à la cote de Paria ; vo^'age de Cabrai. Les Hottes n'’arrivèreni pas tous les ans en Espagne, et celle d’Ovando lut regar- dée comme immensément riche , quoi- qu’elle ne fût chargée que de 2660 marcs d’argent. i5oo — i545 3,000,000 1 Exploitation des mines mexicaines de Tasco, Zultepèque et Paclmcaj mines Péruviennes de Porco, Carangas , Anda- cava , Oruro , Carabaya et Chaquiapu 1 (ou la Paz)*, butin fait à Ténochiitlan , à Caxamarca et au Cuzco j conquête du t Choco et d’Antioquia. i545 — i6ü« 11,000,000 1 ( Mines de Zacatecas et de Guanaxuato , 1 dans la ]S(ouveIle- Espagne \ Cerro du Potosi , dans les Cordillères du Pérou j |î possession iranqftille du Chili et des l provincias internas du Mexique. 1600 — 1700 16,006,066 / Les mines de Potosi commencent à 1,, s’épuiser , surtout depuis le pii|ieu ^du 1 dix-septième siècle^ mais oii découvre f les mines de Yauricocba.,L’exploitatjon \ de la Nouveiie-Espagnê s’élève dé deux millions à cinq millions de piastres par f an 5 lavages d’or de Barbacoas et du \ Choco 1700 — 1750 22,566,000 ^ Exploitation des mines d’alluvion du Brésil 5 mines mexicaines de la Biscaina, de Xacal , Tlapujahua , Sornbrerete et ^ Batdpîlas ; iih'pdrtalion de For et dè i’ar- geii* en Espàghe , de 1748 à iy55, année moyenne , de 18 millions de piastres. 1760 — i8o5 35,3oo,ooo / I Défniëie période de la splendeur de 1 j Tasco ; exploitation de la mine de V.a- 1 Menciana ; de'coüverte des mines de Ca- < torce et du Cerro de Gualgayoc ; impor 1 talion de l’or et de l’argent en Espagne , 1 vers le commencement du dix neuvième V siècle . 43 1 millions de piastres. LIVRE IV , JNous avons remarqué pins haut que la proportion entre l’or et l’argent, qui, avant la découverte de l’Amérique, étoit de lo à i, est devenue peu à peu comme i6à i. Il seroit important de connoître la quantité d’or et d argent qui, à différentes périodes, a reflué d un continent à l’autre ; mais nous man- quons de données exactes à cet égard , et le peu que nous en savons se réduit aux faits siiivans. Jusqu en 1 année 1626, TEurope n"a reçu du Nouveau-Monde presque que de l’or seul: depuis cette époque jusqu’à la décôuverîe des mines du Brésil, vers la fin du dix-sep- tième siècle , l’argent importé a prévalu en poids sur l’or importé , en raison de 6o ou 65 à 1. C’est dans la première moitié du dix- huitième siècle, que le commerce des métaux précmux a éprouvé une révolution extraor- dinaire . le produit des mines d’argent a peu varié ; mais le Brésil , le Choco , Antioquia , Popajan et le Chili^ ont fourni une quantité dor si considérable, que l’Europe n’a peut- être pas tiré d Amérique 3o marcs d’argent pour 1 marc d or. Dans la seconde moitié du dernier siècle , 1 argent a de nouveau CHAPITRE XI. augmenté au marcKé. Les mines du Mexique on” donné à l’Espa-ne , année moyenne, deux millions et demi de marcs d argent , au lieu de six cent mille qu’elles fournissoient depuis 1700 jusqu’en 1710. Comme le produit de l’or n’a pas continué à augmenter dans la même proportion, il en est résulté qiie, depuis 1750 jusqu’en 1800 , la quantité d or importée en Europe a été a la quantité dai- gent importée ' en raison de 1 à 4o. Les mines de la Nouvelle-Espagne ont pour ainsi dire contrebalancé les effets qu’auroit produits l’abondance de l’or du Brésil. En general, il ne faut pas s’étonner que la proportion entre les valeurs respectives de 1 or et de l’argent n’ait pas toujours varie dune ma nière très-sensible , selon que l’un d eux a prévalu dans la masse des métaux importes d’Amérique en Europe. L’accumulation de l’argent paroît avoir eu tout son effet anté- rieurement à l’année i65o , ou la proportion de l’or et de l’argent étoit déjà , en Espagne et » Meeaens trouva la proporlion entre loi et lai^ gent, de ly^Sà lySS, comme 1 à 22 f ; de 17. 1764 , comme 1 à 26^. M. Gerbouii la supposa , eu i8o3 , de 1 à 29 livre IV, en Italie comme x à i 5. Depuis cette époque, a popu ation et les relations commerciales de 1 Europe ont augpxenté si considérable- ment, que les variations dans la valeur des métaux precxeux ont dépendu d’un grand nombre de causes à la fois , surtou, t d,e 1 exportation de l’argent apx In, des orien- ta es et en Chine , et de sa consommation en vaisselle plate* Si l’Europe produit ffljourd’hui, d’uprés M. Herou de Villefosse , ,.5,ooo marcs dargenl sur Sîoo marcs d’or, ou 4o marcs d argent pour i marc d’or, il pareil, au contraire, qu’au qniueième et au sciàème jecle , cette proportion a été plus en faveur e 1 argenta Le produit des mines et des lavages dor a diminué en Allemagne et en ongrie , en même temps que les mines : argent ont pté exploitées avec plus de succes.Les seules mines deFreiberg, q„i,au seizième siecle , ne fournissoient que i6,ooo marcs par an en donnent aujourd’hui plus a ^«'Ooo. Je serois tenté de croire que, meme sans la découverte de l’Amérique , la a eur e or auroit augmenté en Europe. Examinons, en terminant ce chapitre, ce CHAPITRE XI. 263 que sont devenns ces trésors retires du nou- 4aa continent. Où existent aujourdhiu ces 28 milliards de livres tournois que 1 Europe a reçus , depuis trois siècles , de l’ Amérique espagnole et portugaise ? Forbonnais sup- posolt que, sur 37 4 niiUiards de livres qui, selon lui, avoient reflué d’un continent à l’autre, depuis 1492 moitié avoit été absorbée par le commerce de l’Inde et du Levaiit ; qu’un quart avoft été employé en vaisselle , ou dis. ipe pa fonte et par une extrême division en bijoux , et que le reste avoit été converti en nurne raire. Il estimoit que les métaux précieux qui en 1766 , circuloient eh Europe , etoient de 7^00 millions de livres tournois, sans avoir compris dans cette somme le ptoduit des mines de l’Amérique espagnole depuis 1724, ni le numéraire qui pouvoit existet en Eu- rope avant la découverte du Nouveau-Monde. M. Gerboux , dans un mémoire interfessailt sur la législation monétaire , a tâche de ve rifier et d’étendre les calculs de Forboimais. Il croit que le numéraire actuel de 1 Europe est de 10,600 millions delivres tournois ou de 219 millions de piastres, et qu’avant 1492^ LIVBE IV) il n-a été que de 600 milliom) ou de u4 md- lions de piastres. On est surpris de voir qu’un financier aussi éclairé que M. Necker, ait avancé, en 1775 . que le numéraire de la France formoit près e la moitié de l’argent monnoyé de 1 Europe entière, et que toute l’Europe ne possedoit que 45oo millions de livres tournois en numéraire. M. Demeunier, dansl’Encyclo- pedieméthodique,M.GerbouxetM.Peuchet ont prouvé combien cette assertion est peu’ exacte M. Necker Ca beaucoup modifiée dam son ouvrage de l'Admluistration des nnances. D un autre côté, l’évaluation fie M. Ger- boux, qui admet que le numéraire actuel de Europe s eleve à dix milliards six cent mil- lions de livres, paroît bien forte, lorsqu’on xe ses- regards sur la population de cette partie du monde. On croit généralement que I on connoitavec quelque certitude la quan- ite de métaux précieux qui existait dans ^Demeunier, Économie politique , T. II, p. 325. Gerhoux, p. 75 et 92. Peuchet, Statistique de la p, 474. JSecker, de l’Admin. des Finances , X . lit , p. 75, CHAPITRE XI. 265 l’ancienne France , et que l’on évalue, pour l’année i8o3 , d’après les pertes feites par l’efFet de la loi monétaire du 5o novembre 1785 , et par la ruine du commerce colonial, à i85o millions de livres tournois. Si Ion estime , pour cette époque , la population à 26,363,000 , on trouve , pour chaque habi- tant , 69 livres. Or, l’Europe entière contient, d’après les recherches récentes de M. Hassel, 182,600,000 habitans , dont la Russie , la Suède , la Norwège , le Danemarck , les pays Slavons et Sarmates, renferment plus de 62 millions. En accordant, pour la Grande-= Bretagne , comme pour l’ouest et pour le sud de l’Europe , 53 livres par individu, et pour les autres pays moins avancés en civilisation ', »Oa évalua, ea i8o5 , dans la monarchie autri- chienne , le numéraire effectif à aSo ou 000 mil- lions de florins, en admettant une population de 25,548,000 habitans. {Hassel , Statist. Umnss von Enropa, p. 29.) Comment l’abbé Raynal a-t-il pu admettre que le numéraire du Portugal ne montoH qu’à 1 8 millions de livres tournois , et celui du Brésil à 20 millions? {Hist.phdos., T. II , p. 434et 45o.) liC Brésil a aujourd’hui quatre millions d’habitans , parmi lesquels il y a i,5oo,ooo Nègres ; comment livre IV, 5o livres , on trouve que le numéraire total de 1 Europe ne peut pas être porté au delà de 86o3 millions de livres ( rGS; millions de piastres), somme presque équivalente à la moitié de la dette de UrGrande-Bretagne '• Il en resuite que si la population de la France est actuellement à celle de FEurope en raison de 1 à 5, la quantité de métaux précieuxqu’elle contient est à celle qui est répandue dans l’Europe entière comme i à S '-i. ^ Nous avons vu plus haut que les mines de l’Asie russe et de l’Europe fournissent aujour- d’hui un produit de 21 millions de livres, ou de quatre millions de piastres par an. On apprend, par les renseignemens donnés par les auteurs hollandois , que quatre à cinq mille marcs d’or en poudre viennent an- nuellement des côtes de Guinée en Europe. supposer, dans un pays oii les Indiens mêmes jouissent de plus d’aisance que dans les colonies espagnoles, et où il y a des villes très-populeuses, seulement lo liv. par individu libre , quand dans la partie septentrio - nale de FEurope on en compte 3o à 4o? ^ y Siatistical Breviary ( i 8oi , p* 37). La dette étoiî, en 1802, de 5^2 millions de livres ster- îingsj en 1810, de 64o millions. CHA.PITRE XI. 267 Nous évaluons le produit des mines de l’Eu- rope et l’importation de l’Asie boréale et de l’Afrique , depuis la découverte de l’ Améri- que , seulement à six millions de livres par an ; et il résulte, en supposant le numéraire actuel de l’Europe de 86o5 millions, et, d’après M. Gerboux, celui qui existoit en 600 millions , que , depuis la fin du quin- zième siècle , 22,4^0 millions de livres ont été portés aux Indes Orientales , convertis en vaisselle , et dispersés par les refontes. En répartissant cette somme sur l’espace de 2i3 ans, on trouve, année moyenne, une perte en or et en argent de 72 millions de liv. ( 1 3,700,000 piastres ). Il a été prouvé plus haut que l’importation de l’Amérique étoit , pour cette même période, de 92 millions de livres ( 17 | millions de piastres ) par an. Il y a si peu de temps que l’on a commencé à se livrer à des recherches statistiques, qu il est impossible de connoître en détail la valeur des exportations de l’or et de 1 argent en Asie , dans le seizième et le dix - septième siècle. Nous nous bornerons donc à jeter un coup d’œd sur l’état actuel des choses , et à 268 livre IV, observer le flux elle reflux périodique par lequel les métaux précieux se répandent d’un continent à l’autre. Si l’on se rappelle que, depuis la fin du dix-huitième siècle, l’Europe reçoit de l’Amérique annuellement près de 80,000 marcs d’or et près de 4 millions de mares d’argent, poids de Castille , on sera surpris de ne pas éprouver des effets plus sensibles de l’accumulation des métaux dans raîicien monde. L’or et l’argent de l’Europe refluent en Asie par trois voies principales : 1.» par le commeree avee le Levant, l’Égjpte et la mer Rouge; 2.® par le commerce maritime avec les grandes Indes et la Chine ; 3.o par le commerce des Russes avec la Chine et la Tartarie. Le commerce du Levant et des côtes septentrionales de l’Afrique exige une quan- tité considérable de ducats , de piastres, et déçus d Allemagne, dont l’exportation di- minue le numéraire de l’Europe. On ne croit cependant pas pouvoir évaluer cette perte au delà de 4 millions de piastres par an , parce que la balance du commerce du Levant CHAPITRE XI. 269 est aujourd’hui en faveur de l’Angleterre ' pour la somme de deux millions et demi a trois millions de piastres. D’après les tables publiées par M. Arnould % elle etoit, en 1789 , débivorable à la France de trois a quatre millions. L’Espagne, les nations du Nord, et surtout l’Allemagne, sont obligées de solder en espèces , dans les ports de 1 empire ottoman et sur les cotes barbaresques. On évalue , dans la monarchie autrichienne seule, l’exportation de l’argent en Turquie et au Levant , à un million et demi de piastres. Les Indes orientales et la Chine sont les pays qui absorbent la plus grande partie de l’or et de l’argent extraits des mines de l’Amé- rique. Je ne puisadmettre, avec M.Gerboux, qu’avant l’année 1760 , cette absorption ait été de huit millions de piastres par an, et que , depuis cette époque jusqu’en i,8o3 ,b ' elle ait diminué peu à peu jusqu’à cinq mil- . D’après les tables de M. Pîayfair, la Grande- Bretagne gagnoit en 1800 , dans le commerce avec le Levant, 600,000 livres sterlings ; elle perdoit dans e commerce avec la Turquie , 60,000 livres sterlings. ( Commercial Atlas , 1801 , Pl. XllI- ) * m la balance du Commerce, T. III , «• n* ^70 livre IV, Kbns '. Quoique l’on^se forme communément des idees exagérées de là perlfe qü’éprouve 1 Europe dans la Balance du commerce avec sie J il n en est pas moins certain* qtie l^ex- portation des espèces dépasse de Beaucoup là somme indiquée pàr l’auteur estiUiaBle que nous venons de eiter. ^ 1*6 luxodes Européens exigé aujourd'hui on^e fois plus de tbé qu’en 1721 : mais aussi le commerce avec les pays situés eU deçà du ^ ange a éprouvé des changemens très-consi- derables depuis Pépoqueoù les Anglois ont forme un grand empire dans l’Inde. Les ma- nufactures de la Grande-Brètâgne fournissent actuellement au comiiïerce avec l’Asie aus* trale^pour plus de 1 1,460,000 piastres , de marcbaridises par an ^ D’après* les reiisei- gnemens précieux contenus* dans le ^ vdva<^e de dord iMacartney ^ , les Anglois ont importé * Gerboux, p. 36 et 70. Consultez aussi les re- cherches de M. Garnier^ s«r lé commercé de Tïnde , dans son commentairè sur et , p. 124-1 5o. ^ ^ * Playfair , charte IIP 3 V'oyag^^de^ françoise), T: CHABITRE XI. 271 à Canton , en 179^, en produits de leur in. dustrie manufacturière et en marchandises de l’Lide, pour 4)4in»noo piastres. Ils ont reçu en échange pour 6,6i4,ooo piastres demar- chandises et produits chinois. En supposant: que la balance du commerce de la Chine ait - été plus défavorable, pour, les autres nations de l’Europe que pour les Anglois , il en ré- sulteroit qu’on peut évaluer Timportation des métaux précieux en Chine, par Canton, Macao et Emoui , année commune , à quatre ou cinq millions de piastres. En if766 , elle, n’étoit encore que de 2,688,000 piastres . Examinons de plus près 1 état du com- merce de Canton. Lord Macartney n’estimoit encore , en 1796 , la quantité de thé achetée par toutes les nations de, l’Europe , qu à 34 millions de livres pesant, dont les Anglois seuls exportoient 20 millions. Mais , d après les notions^ intéressantes communiquées par. p. 47 et 58j D’après le tableau présenté., p. 7.?, l’im- portation, de l’argent faite par la compagnie angloise. des Indestorienuks n’auroit.étéj depuis 1776 jus»- qu’en 1795, que dei 3^676,ooodiv. sterl. (J’évalue la. livre sterling 4 ^ipiastresi ou 463 sous .'tournois.) i ^ Haynal , T. I ; p. 67^* ^7^ livre rv, M. de Sainte-Croix il a été importé de Canton : ANNEES. Par toutes les na- tions de l'Eu- rope , et par les Anglo - Améri- cains. Par les Anglois seuls. En i8o4 1805 1806 4ii,i49 pikles. 353, 48o 357,506 279,063 pikles. 245,021 258,185 Armée moyenne. . . . 374,045 260,756 ou ( un pik!e ayant 120 I, poids de Fr. ). 44,885,000 livres. 31,290,900 livres. Ij exportation du thé a donc augmenté , depuis 1795 jusqu’en 1806 , de plus d’un quart. On n’oseroit admettre cependant que * J^oyage commercial et politique aux Indes orien- tales, par M. Félix Renouard de Sainte-Croix , 1810, T. ni, p. i53, 161 et 170. Le prix d’un pic ou piklede thebou est, à Canton, de laà iStaels (à 7 fr. 4i cent, le tael) : d’autres sortes de thés sont beaucoup plus chères ; le cangfou coûte 25 à 27 taels; le saoutchou, 4oà 505 le haysuen, 5o à 60. {Ré Guignés , Voyage àPehin, T. 111, p. 243. Éphémérides géogr. de M.de 17g8,p. I7g-jgi.j CHAPITRE XI* ' 1*, „0,*lc en espèces quépeouve a„.mel\ement rELopc auMiMle dans la ■»«“« pTèP”""” > ® nloTliUon seule des draps « des la.- “ .es d'^ugleteiTe eu Chine s-est elevee de e^Coo pûistres à 5 millions de piètres, depuis 1787 iusqu’eu 1796. D-après M. de Cmgnes, qui a eu le rare bouhe' r de pénétrer dans Chine, la quantité d’argent f à Canton P»' * I „LLs’ eu 1787, au delà de trois millions de piastres Si la Grande-Bretagne ne possédoit pas une partie eousidérable des Grande» Mes. ^ perte en espèces seroit plus que double, car près de quatre millions de piastre» sont pajee» Lnuellemen. aux Chinois par le commerce d’Inde en Inde, c’est-à-dire, parle cotou de Surate et de Bombay^parJ de Malacca , et par 1 opmm - Les Hollando^ solder em l^a^^ La France, depuis i784]usquen 1788, p „ , néral, dans son commerce avec les Grandes ' Ve Gurgiies, UT, p* ao6 . 207 , 210, -i5* 18 TV. ^^4 livre IV, Mnfc mojenne, 6,968,000 livres sui. -- gfnerai auquel nous nous sommes ar n « pl,.s dilBcile d'évaher la per,e qoeproove I Europe daos ses relations avee cap de Bonne-Esperance. La partie de cette perte qm resuite du commerce des An-lois r recherché de M. Plajfaxr ^ de 2,200,000 livres sterlin-s de 9,701,000 piastres. II est vrai qneX deTuuT T exportations et Va V lel ? ' de piastres, depiastrr..t~^^ -Ie«entdanssoneomnrre:Vfr:p^^^^ mais aussi dans celui avec d’autres parties dé lAsie occidentale, et avec les îles qui e„ sont voisines. Tout en reeonnoissantlleer^ de la balance du commerce, T. IIJ, p. 1 ^ndfrom the East Tndies (Atlas , PI. JiJ ^ CHAPITRE XI. 275 titude extrême de ces calculs de balance, de ces comptes ouverts de nation à nation , nous sommes forcés d’y avoir recours pour obtenir des résultats qui approchent de la venté. Il paroît , d’après les renseignemens que nous venons de donner , que l’exportation ae 1 or et de l’argent d’Europe , par la voie du commerce autour du cap de Bonne - Espé- rance , s’élève à plus de dix-sept millions de piastres. On a eu égard, dans ce calcul, à l’état actuel du commerce de Madagascar , de Mokka et de Bassora, de même qu’au cuivre aurifère du Japon, fourni par le com- merce des Hüllandois à Nagasaki et aux trésors que les employés de la compagnie des ïndes rapportent du Bengale en Angle- terre. Ces trésors ont été évalués , par M. Dundas, à plus de quatre millions de piastres par an. Si une partie de la Chine avoit le malheur d’être subjuguée par quelque peuple guerrier, qui fût à la fois maître du Mexique , du Pérou et des îles Philippines, eette conquête feroit refluer en Amérique ou en Europe une » Thunhers , Voyage au Japon, T. Il, p- 8. 18* livre IV, moindre quantité de métaux précieux qu’on n est porte généralement à le croire. Nous voyons , par les relations de Macartney, de Barrow, de M. de Guignes et d’autres voya- geurs instruits , que l’or et l’argent ne sont pas plus communs en Chine que dans la plu- part des pays de l’Europe. Le revenu annuel de 1 état, il est vrai, est évalué à i584 mil- lions ■ de francs ( 301,714,000 piastres ) : mais la majeure partie de cette somme se paye en productions du sol et de l’industrie chinoise ; et, d’après M. Barrow^ il ne rentre annuenement en espèces , à Pékin, que 56 millions d’onces d’argent, que l’on évalue a 52,914,000 piastres. Les Chinois croient que de fortes sommes sont envoyées annuel- lement à Moukden , capitale du pays des artares-Mantchoux : mais cette opinion n’est pas établie sur des faits. Quelques mandarins possèdent des richesses immenses. Le pre- mier ministre de l’empereur Tchienlon- fut dépouillé de 10 millions de taels, ou 74,500,000 livres tournois en espèces son- > D’après lord Macartney; 710 millions, d’après M. de Guignes (T. III, p. 102.). » Voyage de Barrotv (édit, françoise), T. II, p. igg. CHAPITRE XI. 277 liantes , qu’il avoit accumulés par des vexa- tions ' ; mais l’empereur manque souvent d’ai-gent. Ce que l’Europe en perd dans la balance du commerce avec la Clrme, est re- parti sur une grande population ; une quantité considérable d’or et d’argent est convertie en fil et en lames l’accumulation du nu- méraire est très-lente, et à peine commence- t-elle à se faire sentir depuis une vingtaine d’années, par l’augmentation du prix des denrées Il nous reste à considérer une troisième voie d’ei^portation des métaux précieux , de l’Europe en Asie, celle qui se fait ® commerce des Russes. Les tableaux publies par le comte de Romanzof nous apprennent que l’importation de la Chine dans le gou- vernement d’Irkoutsk, a été, depuis 1802 iusqu’en i8o5, année commune, pour la valeur de 2,o35,900 roubles en thé, et pt^r 2,454,400 roubles en toiles de coton. En général , la balance du commerce de la 1 Barrow , T. 11, p* ^ Macartney , Vol. IV , p. 286. 3 Ibid., Vol, III, p. io5; Vol. IV, p. 23i. 7 Ru^ieavec k Chine, la Bonkharie , le pa„ de Wuva « les hordes des Kirghiskaïsaks . a ele au désavantagé de l'empire russe, peu- dantiameme époque, de 4,216,000 roubles par an On voit par ces données, qu’en évaluant la contrebande à un sixième , l’ex- portation des espèces, par la voie de la mer W^enne, du Caucase, d’Orenbourg, de Tobolsk , de Tomsk , d’Irkoutsk et de lac ita , ne peut pas s’élever à plus de quatre millions de piastres. Nous venons de trouver = , en puisant aux sources que l’on doit regarder comme les meilleures^ que des 43,500,000 piastres que l’Europe reçoit au- jourd hui annuellement de l’Amérique , il en reflue à peu près * Tableau du commerce de l’ empire de Russie , tra- duit par M. Pfeiffer, 1808, n.- 9 et 10. Olicarius, le Nord littéraire, 1799, n.» 7, p. 202. ’ Voyez l’esquisse d’une carte qui offre le flux et le reflux des métaux d’un continent à l’autre, PI. XIX ■Atlas du Mexique^ et T.I, p. i83. CHAPITRE XI. 279 43,500,000 d’autre part. f 4)000,000 en Asie , par le commerce du Levant ; ly^SoOjOOO en Asie , par la route autour du 25,5oo,ooo s cap de Bonne- Espérance; 4,000^000 enAsie,parlavoie de Kiachta et de Tobolsk. A -k 18,000,000 or et argent de l’ Amérique, qui restent en Europe. Il faut décompter de ces dix-huit millions de piastres, ou 94,5oo,ooo livres tournois, ce qui est dissipé par les refpntes et par une extrême division en bijoux, de même que ce qui est employé en vaisselle , en galons et en dorures. Il a été constaté à la monnoie de Paris , que , depuis 1709 jusqu’en 1769 , l’accroissement de la vaisselle plate a été dans la proportion de 1 à 7. M. Necker a cru pouvoir évaluer , avant 1789, à quatre mil- lions de piastres ce qui étoit employé an- nuellement en objets d’orfèvrerie , en galons 280 LIVRE IV, et tissus brodés, fabriqués en France i. II est évident qu une partie de ces métaux est due à la refonte de la vieille vaisselle et des galons . cependant la consommation cjue font les orfèvres , de l’argent en lingot , est aussi très - considérable et en ajoutant ce qui disparoit par le transport et par le frottement résultant du service journalier, on pourra estimer, avec Forbonnais et d’autres écri- vains d économie politique, la quantité de métaux précieux qui disparoissent en Europe, ou qui sont convertis en vaisselle et en galons, à un tiers de la masse totale qui n’est point absorbée par le commerce d’Asie, ou à six ou sept millions de piastres par an. D’un autre côté , les mines de l’Europe et de la Sibérie fournissent annuellement près de quatre millions de piastres. D’après ces calculs, qui , par leur nature, ne peuvent être qu’ap- proximatifs , 1 augmentation du numéraire , en or et en argent , ne paroît être en Eu- rope que de quinze millions de piastres, ou livres tournois. Les personnes > Necker, T. III, p. 74. Peuchet , p. 429. * Smith, T. II, p. 69 et 73, CHAPITRE XI. 281 qui ont habité long - temps le nord et Test de l’Europe, et qui ont suivi attentivement les progrès de la civilisation parmi les der- nières classes du peuple en Pologne, en Norwège et en Russie , ne douteront pas c e la réalité de cette accumulation du numéraire. Se.s effets ne peuvent être que très-peu sCn sibles; parce que le capital de l’Europe enliere n’augmente que d’un pour cent par an. Le tableau que nous avons présenté dans ce chapitre , de l’état actuel des mines du Nouveau-monde et de celles du Mexique en particulier , doit faire craindre que la somme des signes représentatifs n’augmente rapide- ment, à mesure que les peuples montagnar iS des deux Amériques sortiront de la léthargie profonde dans laquelle ils ont été plongés si long-temps. Ce seroit nous écarter de 1 objet principal de cet ouvrage, que de discuter si les intérêts des sociétés souffriront effecti- vement de cette accumuktion du numéraire ; il suffit d’observer ici que le danger est moins grand q«’il ne le paroît au premier abord, parce que la quantité des denrées et des marchandises qui entrent dans le commerce, et qui doivent être représentées, augmente 282 UVBE IV, avec le nombre des signes représentatifs U est vrai que le prix des blés a triplé depuis qne les trésors du nouveau continent ont re^flne daiis 1 ancien. Cette hausse, cfui ne siècle^ T*'" i»^q«’au milieu du seizième cle, a eu lieu subitement, entre 1670 et 1595, ou 1 argent du Potosi , celui de Porco e Pasco , de Zacatecas et de Pachuca a conimencé à se répandre dans toutes' les parties de 1 Europe : mais aussi , depuis cette époque mémorable dans l’histoire du com- merce jusqu’en 1636, la découverte des mines de 1 Amérique a achevé tout son effet sur la réduction de la valeur de l’argent. Le prix du ble n’a effectivement plus haussé ]usqu a nos jours, et si quelques auteurs ont avance le contraire , c’est qu’ils ont confondu la valeur nominale des monnoies avec la vé- leTdlnJéeT'*’^**''” existe entre l’argent et Quelle que soit l’opinion que l’on adopte sur les effets futurs de l’accumulation des signes représentatifs , si l’on considère les peuples de la Nouvelle-Espagne sous le ràp- port e leurs relations commerciales avec 1 Europe, ônnesauroit nier que, dans l’état 283 CHAPITRE XI. actuel des choses, l’abondance des métaux précieux n’influe puissamment sur la pros- périté nationale. C’est cette abondance qm met l’Amérique en état de payer avec de l’argent les objets de l’industrie étrangère, et de partager les jouissances des nations les plus civilisées de l’ancien continent. Maigre cet avantage réel, faisons des vœux pour que les Mexicains, éclairés sur leurs propres intérêts, se rappellent que les seuls capitaux dont la valeur s’accroisse avec le temps , sont les produits de l’agriculture, et que les ri- chesses nominales deviennent ülusoires lors- qu’un peuple ne possède pas ces matières premières qui servent à la subsistance de l’homme ou qui exercent son industrie. livre V. Etat des Manufactures et du Corn- JnsTcc de Ici ^uvelle-E spcigne. CHAPITRE XII. Industrie manufacturière. — ToiUs de coton. Lainages.— Cigares. Soude et scwon. — Poudre. — Monnoie. — Échange des productions. — Commerce intérieur. Chemins. — Commerce extérieur par Verai Cruz et Acapulco. — Entraves de ce corn- merce, — Fièvre jaune. Si I on considère le peu de progrès que les manufactures ont faits en Espagne, malgré les encouragemens nombreux qu elles ont reçus depuis le ministère du marquis de la Ensenada , on ne sera pas surpris que tout ce qui tient à la fabrication et à Findustrie CHAPITRE XII. 280 manufacturière soit encore moins avance au Mexique. La politique inquiète et soupçon- neuse des peuples de l’Europe, la législation et le système colonial des modernes , qui ne ressemble guère à ceux des Phéniciens et des Grecs, ont mis des entraves insurmon- tables aux établissemens qui pourroient as- surer à ces possessions lointaines une grande prospérité, une existence indépendante de la métropole. Des principes d’apres lesquels on arrache la vigne et l’olivier , ne sont pas propres à favoriser les manufactures. Une colonie , pendant des siècles , n a été regardée comme utile à la métropole qu’autant qu elle fournissoit un grand nombre de matières premières , et qu’elle consommoit beaucoup de denrées et de marchandises qui lui étoient portées par les vaisseaux de la mère-patrie. Il a été facile aux dilFérentes nations com- merçantes d’adapter leur système colonial à des îles d’une petite étendue , ou à des fac- toreries établies sur les côtes d’un continent. Les habitans de la Barbade , de St.-Thomas ou de la Jamaïque , ne sont pas assez nom- breux pour offrir un grand nombre de bras à la fabrication des toiles de coton ; déplus. 286 LIVKE V, la position de ces îles facilite en tout temps 1 échangé des produits de leur agriculture contre des objets de l’industrie manufactu- rière de 1 .Europe. Il n’en est point ainsi des possessions continentales de l’Espagne dans les deux Amériques, Le Mexique , au delà des 280 de latitude boréale, présente une largeur de 55o lieues. Le plateau delà Nouvelle-Grenade communique avec le port de Garthagène, par le mojeii d’une grande rivière difficile à remonter. L industrie se réveille , lorsque des villes de cinquante à soixante mille ha- bitans se trouvent situées sur le dos des montapes et à de grandes distances des côtes; lorsqu’une population de plusieurs millions ne peut recevoir les marchandises de l’Eu- rope , qu’en les transportant à dos de mulets, pendant 1 espace de cinq à six mois, à travers des forêts et des déserts. Les nouvelles colo- nies ne furent pas établies chez des peuples entièrement barbares. Déjà avant l’arrivée des Espagnols, les indigènes étoient vêtus dans les Cordillères du Mexique , dans celles du Pérou et de Quito. Des hommes qui savoient tisser des toiles de coton ou filer le CHAPITRE XII. 287 poil (les Hamas et des vigognes , apprirent facilement à fabriquer des draps ; aussi, cette fabrication fut-elle établie au Pérou à Guzco , et au Mexique à Tezcuco , peu d’années après la conquête de ces pays, dès qu on eut in- troduit des brebis d’Europe en Amérique. Les rois d’Espagne, en prenant le titre de rois des Indes , ont considéré ces possessions lointaines plutôt comme des parties inté- grantes de leur monarchie , comme des provinces dépendantes de la couronne de Castille , que comme des colonies , dans le sens attaché à ce mot , depuis le seizième siècle , par les peuples commerçans de l’Eu- rope. On a senti de bonne heure que ces vastes contrées , dont le littoral est généra- lement moins habité que l’intérieur , ne peuvent pas être gouvernées comme des îlots épars dans la mer des Antilles. Ces circons- tances ont forcé la cour de Madrid d adopter un système moins prohibitif, et de tolérer ce qu’elle s’est vue dans l’impossibilité d’em- pêcher par la force. Il en est résulté une légis- lation plus équitable que celle qui gouverne la plupart des autres colonies du nouveau continent. Dans ces dernières , par exemple. 288 LIVKE V, il n est pas permis de raffiner le sucre brut : le propriétaire d’une plantation est obligé de racheter les productions de son propre sol au ffibricant de la métropole. Aucune loi ne defend 1 élabiissement des raffineries de sucre dans les possessions de l’Amérique espagnole. Si le gouvernement n’j encourage pas 'les manufactures, s’il emploie même.des movens indirects pour empêcher l’établissement de celles de soie , de papier et de cristal; d’un autre côté, aucun arrêté de \ audience, aucune ceduleàu roi ne déclarent que ces manufac- tures ne dpivent pas exister au delà des mers. Dans ces colonies, comme partout ailleurs , il ne faut pas confondre l’esprit des lois avec la politique de ceux qui les exercent. Il n y a qu un demi-siècle que deux citoyens, animés du zèle patriotique le plus pur , le comte de Gijon et le marquis de Maenza , conçurent le projet de conduire à Quito une colonie d’ouvriers et d’artisans de l’Europè : le ministère espagnol feignant d’applaudir à leur zèle, ne crut pas devoir leur refuser la permission de monter* des ateliers ; mais il sut tellement entraver les démarches de ces deux hommes entreprenans, que s’étant CHAPITRE XII. 289 aperçus à la fin cjiie des ordres secrets avoient été donnés au vice-roi et a 1 (ludience y pour faire échouer leur entreprise , ils y renon- cèrent volontairement. J’aime à croire qu un événement semblable n auroit pu avoir lieu à l’époque où ]^ai résidé dans ces contrées } car on ne sauroit nier que depuis vingt ans les colonies espagnoles n aient été admi- nistrées d’après des principes plus équitables. De temps en temps des hommes vertueux ont élevé leur voix pour éclairer le gouver - nement sur ses véritables intérêts : ils ont fait sentir qu’il seroit plus utile à la métropole de faire fleurir l’industrie manufacturière des colonies , que de laisser écouler les trésors du Pérou et du Mexique pour l’achat de marchandises étrangères. Ces conseils auroient été écoutés, si le ministère n’eùt trop souvent sacrifié les intérêts des peuples d’un grand continent aux intérêts de quelques villes ma- ritimes de l’Espagne : car ce ne sont pas les fabricans de la péninsule, hommes laboiieux et peu remuans, qui ont empêché les progrès des manufactures dans les colonies ; ce sont plutôt les négocians monopolistes , dont l’in- fluence politique est favorisée par une grande 19 lY. ^9^ livre V , richesse , et soutenue par une connoissance intime de 1 intrigue et des besoins momen- tanés de la cour. Malgré toutes les entraves , ces manufac- tures n ont pas laissé de prendre quelque essor depuis trois siècles , pendant lesquels les Biscayens, les Catalans, les Asturiens et les Valenciens se sont établis dans le Nouveau- Monde , et y ont porté l’industrie de leurs provinces. Les fabriques d ouvrages grossiers ont pu travailler à un prix très-bas partout où les matières premières se trouvent en abondance, et où le transport renchérit les mai chaiidises de 1 Europe et de l’Asie orien- tale. En temps de guerre , le manque de communication avec la métropole , et les réglemens prohibitifs du commerce avec les neutres, ont favorisé rétablissement des ma- nufactures de toiles peintes, de draps fins, et de tout ce qui tient a un luxe plus rahné. On estime la valeur du produit de Fin- dustrie manufacturière de la Nouvelle - Es- pagne à sept ou huit millions de piastres par an. Dans Fintendance de Guadalaxara , le coton et la lame ont été exportés jusqu/en 1766 , pour entretenir Factivité des fabriques CHA.PITIVE XII. 291 de Puebla , de Queretaro et de San Miguel el Grande : depuis cette époque , on en a établi à Guadalaxara, à Lagos et dans les villes voisines. L’intendance entière , qui a plus de GSojOoo babitans ^ et dont les cotes sont baignées par les eaux de la mer du Sud , a fourni ‘ en 1802 , en toiles de coton et tissus de laine , pour la valeur de 1,601,200 piastres; en cuirs tannés, pour 418,900 piastres ; et en savon, pour 268,400 piastres. Nous avons prouvé plus haut , en parlant des dilFérentes variétés de gossjpium cultivées dans les régions chaudes et tempérées, de quelle importance les manufactures indi- gènes de coton pourroient etre pour le M^exique. Celles de l intendance delà Puebla fournissent annuellement , en temps de paix, au commerce intérieur, un produit dont la valeur s’élève à i,5oo,ooo piastres : ce pro- duit n’est cependant pas dû à des manufac- tures réunies, mais au grand nombre de métiers ( telares de algodon) dispersés dans » Estado de la intendencia de Guadalaxara , corn- municado en xiioi , parti senor intendante al consulado de Vera-Cruz. (Pièce officielle manuscrite. ) 292 LIVKE V , les villes de Puebla de los Angeles, deCIio- lula , de Huexocingo eî, de TIascala. A Que- retaro , ville considérable située sur la route de Mexico à Guanaxuato , on consomme par an 200,000 livres de coton , dans la fabrication des inantas et rehozos : la fabri- cation des niantas ou toiles de coton s’élève par an , à 2o,ooq pièces de Sa vares chacune. A la Puebla, on comptoit^ en 1802, plus de 1200 tisserands ’ en toiles de coton et en cotonnades rajées. C’est dans cette même ville , ainsi qu’à Mexico , que depuis peu d’années l’impression des toiles peintes ^ tant de celles que l’on importe de Manille que de celles que l’on fabrique dans la Nouvelle- Espagne , a fait quelques progrès. Au port de Tehuantepec , dans la province d’Oaxaca , les indigènes teignent en pourpre le coton en laine , en le frottant contre le manteau d’un murex qui se trouve attaché à des ro- chers granitiques. D’après une coutume an- tique , pour aviver la couleur du coton, on le lave dans l’eau de mer , qui , dans ces * Informa del inUndente Don Manuel de Flon , conde de la Cadena, ( Manuscrit. ) CHAPITRE XII. ‘^9^ nara-es, est très-riche en niuriale de soude. L^s manufactures de draps les plus an- ciennes du Mexique , sont celles de Tezcuco : elles furent établies en grande ])arlie en 1592, par le vice-roi Don Louis de V clasco n , fds du célèbre connétable de Castille , le second vice-roi de la Nouvelle-Espagne. Peu à peu cette branche de l’industrie nationale a en- tièrement passé entre les mains des indiens et des métis de Queretaro et de Puebla. J ai visité les manufactures de Queretaro au mois d’août de l’année i8o5 ; on y distingue les grandes manufactures, que l’on appelle obrajes , des petites , désignées par le nom de trapiches : on comptoit alors 20 obrajes et plus de 3oo trapiches , qui ensemble employoïent par an 63,000 arrobes de laine de brebis mexi- caines. D’après des états exacts dressés en 1793 , il y avoit à cette époque , à Queretaro , dans obrajes seuls, 21 5 méûers et i5o<- ouvriers, c|ui av oient fabriqué 60,42 piece ou 226,022 vares de draps {paTios)-, 28^ pièces ou 39,718 vares de lainages ordinaire {xerguetillas)-, 207 pièces ou 15,560 var. de bayettes ( bajetas ) , et 161 pièces cr^ 17,960 vares de serges ( xergas). Dans celle ^ 94 livre V , fabrication, on avoit consommé 46,270 ar- robes de laine , dont le prix ne s’élevoit qu’à ^61,946 piastres. On compte communément 7 ai robes de laine pour une pièce de drap et de bajeta j 6 arrobes pour une pièce de xerguetilla , et 5 arrobes pour une pièce de xerga. La valeur des draperies et lainages des obrajes et trapiches de Queretaro s’élève au- jourd hui à plus de 600,000 piastres ou trois millions de francs par an. En visitant ces ateliers, un voyageur est désagréablement frappé , non-seulement de l’extrême imperfection des procédés techni- ques dans 1 apprêt de la teinture, mais surtout de 1 insalubrité du local et du mauvais traite- ment auquel les ouvriers y sont exposés. Des hommes libres. Indiens et gens de couleur, y sont confondus avec des forçats que la jus- tice distribue dans les fabriques pour les faire travailler à la journée. Les uns et les autres sont à demi nus , couverts de haillons, maigres et défaits. Chaque atelier ressemble à une prison obseure : les portes, qui sont doubles , restent constamment fermées , et l’on ne permet pas aux ouvriers de quitter la maison ; ceux qui sont mariés ne peuvent voir leur CHAPITRE XII. 29J famille que les dimanches. Tous sont fouettes impitoyablement, s’ils commettent le moindre délit contre l’ordre établi dans la manu- facture. On a de la peine à concevoir comment les propriétaires des obmjcs peuvent en agir ainsi avec des hommes libres ; comment l’ouvrier indien peut endurer le même trai- tement que le forçat : aussi ces prétendus droits ne s’acquièrent que par la ruse. Les fabricans de Queretaro emploient le même stratagème dont on se sert dans plusieurs ma- nufactures de draperies de Quito et dans les fermes où, par manque d’esclaves, la mam- d’œuvre est excessivement rare. On choisit parmi les indigènes ceux qui sont les plus misérables, mais qui annoncent de l’aptitude au travail ; on leur avance une petite somme d’argent : l’Indien , qui aime à s’enivrer , la dépense en peu de jours; devenu le de- biteur du maître , il est enfermé dans l’atelier, sous prétexte de solder la dette par le travail de ses mains. On ne lui compte la journée qu’à un réal et demi, ou à vingt sous tournois.; au lieu de le payer argent comptant , on a soin de lui fournir la nourriture , de l’eau- ^9^ livre V, de\ie et des hai’des, sur le prix desquelles le manufacturier gagne cinquante à soixante pour cent : de cette manière , Touvrier le plus laborieux reste toujours endetté , et ion exerce sur lui les mêmes droits que l’on croit acquérir sur un esclave qu’on achète. ai connu beaucoup de personnes à Quere- taro quigémissoient avec moi sur ces énormes abus. Espérons qu’un gouvernement protec- teur du peuple fixera les jeux sur des vexations aussi contraires à l’humanité, aux lois du pajs, et aux progrès de l’industrie mexicaine. Al exception de quelques étoffes de colon inelees de soie , la fabrication des soieries est aujourd’hui presque nulle au Mexique. Du temps du voyage d’Acosta, vers la fin du seizième siècle, on cultivoit , près de Panuco, et dans la Misteca , les vers à soie apportés d Europe; on fabriquoit même alors d’ex- cellens taffetas ' avec la soie mexicaine. Nous avons déjà observé plus haut que ce n’est pas le lomârœ mari, mais une chenille indigène , qui fournit la matière première pou” les Chap. X, T. p. 236 de cet ouvrage. CHAPITRE XII. ^97 mouchoirs de soie qui sont l’ouvrage des In- diens de la Mistecci et de ceux du village de Tistla , près de Chilpansiiigo. La Nouvelle-Espagne n’a pas de manulac- tures de lin et de chanvre : on n’y connoit pas non plus la fabrication du papier. Celle du tabac est un droit régalien : les frais de la fabrication des cigares et du tabac en poudre s’élèvent , année commune , a plus de 6,200,000 livres tournois. Les fabriques de Mexico et de Queretaro sont les plus considérables. Voici l’état de la fabrication totale pendant les années 1801 et 1802 . TABAC FABRIQ C B dans la Nouvelle - Espagne. EN 1801. Piastres. en 1802. Piastres. Valeur du tabac Fabriqué ^dV près le prix de la vente Dépenses pour la fabrication. . Pensions des employés. ..•••• 7,825,913 1,299,411 626,319 7,686,854 1,285,199 794,586 Prix du tabac acheté aux la- 594,229 ü(HllCurS U.U iTl.CAlv^uc» . • • • • Revenu net ( liquida ) de la couronne , sur la vente du 3,993,834 4,092,629 1 A mon passage par Queretaro , j’ai visite ^9^ lia^ke V, la grrancle manufacture de cigares {fabrica dépuras J cigarros), qui emploie trois mille ouvriers, parmi lesquels on compte iqoo femmes : les salles sont propres, mais mal aerees , très-petites , et par conséquent ex- cessivement chaudes. On consomme par jour dans celte nM„„ractare, i3o r«,„es e papier, et 2770 livres pesant de tabac en teuilles. Dans le courant du mois de juillet iboô, on fabriqua pour 185,288 piastres; savoir : 2,654,820 petites caisses ( cna/Z/as ) de cigares, dont le prix de vente est de 165,926 piastres, et 289,79g caisses de /mros ou cigares qui ne sont pas enveloppées dans U papier. Les frais de fabrication de ce seul mois de juillet s’élevoient ix 31,78g pias- tres. Il paroît que la manufacture royale de Queretaro produit par an pour plus de 2,200,000 piastres en paras et cigarros. La fabrication du savon solide est un objet de commerce considérable à Puebla, à Mexico et à Guadalaxara : la première de ces villes en produit près de 200,000 arrobes par an ,• dans 1 intendance de Guadalaxara, on en compte pour la valeur de i,3oo,ooo livres tournois. L abondance de soude, qu’à deux CHAPITRE XII. mille ou deux nulle cin, ceols mètres de hauteur on trouve presque partout sur e plateau intérieur du Mexique, favorise beau- coup cette fabrication. Le te q ue s qiato dont nous avons eu occasion de parler plusieurs fois *, couvre la surface du sol, surtout mois d’octobre, dans la vallée de Mexico , aux bords deslacs de Tczcuco, de Zumpango et de San Cliristobal ; dans les piames qui environnent la ville de la Puebla ; dans celles qui s’étendent de Zelaya à Guadalaxara; dans la vallée de San Francisco, près de San Luis Potosi, entre Durango etChihuagua, et «ns les neuf lacs qui sont épars dans 1 intenf «nce de Zacatecas. Nous ignorons s’il doit son origine à la décomposition des roebes vol- caniques qui en contiennent , ou à I action lente de la chaux sur le muriate de soude. A Mexico, on achète i5oo arrobes de tierra tequesquitosa , c’est-à-dire , d’une terre argi- leuse imprégnée de beaucoup de carbonate et d’un peu de muriate de soude , pour 62 piastres. Ces i5oo arrobes, purifiées dans 1 Voyez T. U, p. 3i5; Del Rio, Ekmentos de Oryctognosia ^ p. i54. 3oo livre V, les fabriques de savon , fournissent 5oo ar- robes de carbonate de soude pur : il en résulté que le quintal, dans l’état actuel des manufactures, revient à 5o sous tournois. - . Uarcès , qui emploie avec succès le car- bonate de soude dans la fonte des muriates d argent, a prouvé, dans un mémoire par- , ticulier, qu’en perfectionnant les procédés techniques , on pourroit fournir dans les raffineries de soude de Mexico , appelées tequesquiteras , le carbonate de soude à moins de 3o sous tournois le quintal. Le prix des carbonates de soude de l’Espagne étant communément, en France, pendant la paix, de 20 à 25 livres le quintal, on conçoit que , malgré les difficultés du trans- port, l’Europe pourra un jour tirer de la soude du Mexique , comme elle tire depuis long - temps de la potasse des Etats-Unis de 1 Amérique septentrionale. La ville de la Puebla étoit jadis célèbre par ses belles fabriques de faïence ( loza ) et de chapeaux. Nous avons observé plus haut que , jusqu’au commencement du dix- huitième sièclç , ces deux branches d’industrie vivifioient le commerce entre Acapulco et le ' CHA.PITRE XII. •JO* Pérou. Aujourd’hui les communications entre la Puebla et Lima sont presque nulles , et les fabriques de faïence ont diminué tellement, à cause du bas prix de la poterie et de la porcelaine d’Europe , introduites parle port de Vera-Cruz, que de quarante-six fabriques que l’on comptoit encore en 1790 , il n’y en avoitplus, en 1802, que seize en faïence et deux en verre. A la Nouvelle - Espagne, comme dans la plupart des pays d’Europe, la fabrication de la poudre est un droit régalien. Pour se former une idée de l’énorme quantité de poudre fabriquée et vendue en contrebande, on n’a qu’à se rappeler que , maigre letat florissant des mines , le roi n’a jamais vendu aux mineurs plus de trois à quatre mille quintaux de poudre par an ', tandis qu’une seule mine, celle de la Valenciana , en exige quinze à seize cents. Il paroît , d après les recherches que j’ai faites, que la quantité de poudre fabriquée aux frais du roi, est, à celle vendue par fraude , en raison de 1 à 4* 1 En 1801 , seulement pour 255,455 liv. ; en 180Q, pour 339,921 livres. Voyez T. UI, p. 4ii ; et p 3i de ce volume. 3o2 livre V , Comme dans l’intérieur de la Nouvelle - Es- pagne , le nitrate de potasse et le soufre se trouvent presque partout en abondance , et que le fabricant contrebandier peut vendre la poudre au mineur à i8 sous tournois la livre, le gouvernement devroit ou diminuer les prix du produit de la fabrique, ou laisser le commerce de la poudre entièrement libre. Comment empêcher la fraude dans un pays d’une étendue immense , dans des mines éloignées des villes , et dispersées sur le dos des Cordillères , au milieu des sites les plus sauvages et les plus solitaires? La manufacture royale des poudres , la seule c|ui existe au Mexique, se trouve près de Santa-Fe , dans la vallée de Mexico, à trois lieues de la capitale, entourée de col- lines de brèches argileuses qui enchâssent des fragmens de porphyre trapéen. Les édifices sont très-beaux ; ils ont été construits en 1780, d’après les plans de M. Constanzo , chef du corps des ingénieurs , dans une vallée étroite, qui fournit abondamment l’eau nécessaire pour le mouvement des roues hydrauliques , et à travers laquelle passe l’aquéduc de Santa- J e ; toutes les parties des machines , princi- CHAPITRE XII. 3o3 paiement les roues, dont les axes reposent sur des poulies à frottement, ainsi que les épicycloïdes en bronze qui servent au jeu des hatteries a pilon , sont disposées avec beau- coup d’intelligence. On dcsireroit que les cribles destinés à faire le gram ^ fussent aussi mus par l’eau ou par la force des chevaux : quatre-vingts garçons métis, dont la journée se paye à raison de 26 sous tournois , sont employés à celte manœuvre. Les édifices de l’ancienne fabrique de pondre , établie près du château de Chapultepec , ne servent au- jourd’hui qu’au raffinage du nitrate de po- tasse. Le soufre , qui abonde dans les volcans d’Orizaba et de la Puebla , dans la province de San Luis, près de Colima , et surtout dans l’intendance de Guadalaxara , où les rivières en charrient des masses considérables, mêlées de fragmens de pierre ponce , vient tout pu- rifié de la ville de San Luis Potosi. On a fabriqué dans la manufacture royale de poudre de Santa-Fe , en 1801 , plus de 786,000 liv. , dont une partie est exportée pour la Havane. Il est à regretter que ce bel édifice, où Ion conserve généralement plusd un demi-million de livres de poudre , ne soit pas garni d’ua 3o4 livre V , conducteur électrique. Pendant mon séjour à la Nouvelle-Espagne , il n’existoit dans ce vaste pays que deux conducteurs, qu’un ad- ministrateur éclairé , le comte de la Cadena, avoit fait construire àlaPuebla, malgré les imprecaüons des Indiens et de quelques moines ignorans. En parlant de la manufaeture de poudre de Santa-Fe, je rie dois pas passer sous si- lence un fait historique que l’on trouve répété dans beaucoup d’ouvrages , quoiqu’il ne re- pose pas sur des Ibndemens très-solides. On rapporte que le valeureux Diego Ordaz étoit parvenu cà pénétrer dans le cratère du volcan de Popocatepetl , pour en retirer du soufre , et que par là il avoit mis les Espagnols en état de fabriquer la poudre nécessaire pour le siège de la ville de Mexico. La fausseté de cette assertion est prouvée par les lettres mêmes que le général en chef adressoit à l’empereur Charles - Quint. Lorsqu’au mois d’oetobre de l’année iSiq, le corps d’armée des Espagnols et des Tlascaltèques marchoit de Cholula à ïénochtitlan , il traversa la Cordillère d’Ahualco , qui réunit la Sierra Nevada ou l’Iztaccihuatl à la cime volcanique CHAPITRE XII. 3o5 du Popocatepetl Les Espagnols suivirent à peu près le même chemin que prend le cour- rier de Mexico pour aller à la Puebla par Mecameca , et qui se trouve tracé sur la carte de la vallée de Ténochtitlan. L’armée souffrit à la fois du froid et de l’extrême impé- tuosité des vents qui régnent constamment sur ce plateau. Voici comment s’exprime Cortez • en parlant de cette marche à l’em- pereur : « Voyant sortir la fumée d’une « montagne très-élevée, et désirant pouvoir « faire à votre excellence royale un rapport « détaillé de tout ce que ce pays renferme « de merveilleux , je choisis entre mes com- « pagnons d’armes dix des plus courageux , « et je leur ordonnai de monter à cette cime, « et de découvrir le secret de la fumée ( el « secreto de acjuel humo ) , pour me dire « comment et d’où elle sortoit. » Bernai Diaz affirme que Diego Ordaz fut de cette expédition , et que ce capitaine parvint jusqu’au bord du cratère. Il se peut qu’il s’en soit vanté dans la suite , car d’autres historiens rapportent que l’empereur lui 1 Loreazana , p. 70. Clamgsro , T. 111, p. 68. 3o6 livre V, permit de placer un volcan dans ses armes. Lopez de Gomara % qui a composé son ou- vrage d après les récits des conquistadores et des religieux missionnaires , ne nomme pas Ordaz comme chef de rexpédiiion; mais il assure vaguement que deux Espagnols mesurèrent , à vue d œil ^ la grandeur du cratère. Cependant Cortez dit expressément , “ que les siens montèrent très-haut; qu’ils « virent sortir beaucoup de fumée; mais « qu aucun d’eux ne put parvenir au sommet K du volcan , à cause de l’énorme quantité « de neige qui le couvroit , de la rigueur du « froid , et des tourbillons de cendres qui « enveloppoient les voyageurs. » Un fracas épouvantable qu ils entendirent en s’appro- chant de la cime , les engagea surtout à re- brousser chemin. On voit par le récit de Cortez , que l’expédition d’Ordaz n’eut au- cunement pour but de retirer du soufre du volcan, et que ni lui ni ses compagnons n’ont vu le cratère en iSig. « Ils ne rapportèrent, » dit Cortez , « que de la neige et des morceaux ^ Gomara , Conqulsta de Mexico ( Mcdina deî Carapo; i553)^ fol. CHAPITRE XII. 3o7 « de glace , dont l’aspect nous étonna beau- « coup , parce que ce pays est -sous les 20“ « de latitude , dans le parallèle de l’île Es- t( paùola ( Saint - Domingue ) , et que par « conséquent , selon l’opinion des pilotes , « il devroit y faire très-chaud. « On voit , par la troisième et la quatrième lettre de Cortez à l’empereur , que c^ gé- néral, après la prise de Mexico, fit faire d’autres tentatives pour reconnoître la cime du volcan , qui paroissoit fixer d'autant plus son attention , que les indigènes lui assuroient qu’il n était permis à aucun mortel de s ap- procher de ce site des mauvais esprits. Après deux essais infructueux , les Espagnols réus- sirent enfin, l’année 1622, à voir le cratère du Popocatepetl : il leur parut avoir trois quarts de lieue de circonférence , et ils trou- vèrent sur les bords du précipice un peu de soufre qui avoit été déposé par les vapeurs. En parlant de l’étain de Tasco , dont on se ■servit pour fondre les premiers canons , Cortez ‘ rapporte « qu’il ne manque point » De alli ( de la Sierra que da humo ) entrando un Espanol setenta y ochsnta hrazas , atado a la bocca 20* 3o8 LIVRE V, « de soufre pour fabriquer de la poudre , « parce qu’un Espagnol en a tiré d’une « montagne , de laquelle sort perpétuelle- « ment de la fumée , en descendant , lié à « une corde, à la profondeur de 70 à 80 « brasses. » Il ajoute que cette manière de se procurer du soufre est très -dangereuse, et que par cette raison il sera plus prudent de le faire venir de Séville. Un document conservé dans la famille des Montanos, et que le cardinal Lorenzana assure avoir eu entre ses mains, prouve que l’Espagnol dont parle Cortez , s’appeloit Fran- cisco Montano. Cet homme intrépide est-il effectivement entré dans le cratère même du Popocatepetl , ou a-t-il retiré le soufre , comme le supposent quelques personnes à Mexico , d’une crevasse latérale du volcan ? Voilà ce que nous aurons occasion de discuter dans un autre ouvrage , en donnant la des- cription géologique de la Nouvelle-Espagne. M. Alzate ‘affirme avec peu de fondement, ahajo se ha sacadü (^el azufre) que hasta aliora nQ& hemos sustenido, ( Lorenzana , p. 38o. ) ^ Gazeta de Literatuj'a de Mexico , ^7^9? p- 5^* CHAPITRE XU. crue Diego Ordaz a retiré le soufre du cra- tère de f ancien volcan de Tuctli, à l’est du lac de Clialco, près du village indien de Tuliahualco. Il est vrai que les contrebandiers y cherchent du soufre , employé pour la fa- brication de la poudre ; mais Gortez désigné clairement le Popocatepetl par le mot de « la « montagne qui fume constamment. » Quoi-* qu’il en soit, il est certain qu’après la re- construction de la ville de Ténochtillan, et non pendant le siège, comme l’affirme Sohs des soldats de l’armée de Gortez sont montés au sommet du Popocatepetl % où personne n’a été après eux. Si La Gondamine avoit connu l’élévation absolue de ce volcan, que j’ai trouvée de 54oo mètres, il n’auroit pas cru être le premier qui , sur le dos des Gor- dillères de l’Amérique, fût parvenu jusqu’à 4800 mètres de hauteur au-dessus du niveau de l’Océan. D’ailleurs , les expéditions d’Ordaz et de Montano rappellent le trait d intrépi- 1 Solis ^ Conquis ta de Mexico j p. i42. ^ Lorenz ana , p. 3i8* * Bouguer , Mesure deia Terre, 16 J. La Couda- mine, Voyagé , p. 58. 3iQ livre Vy dite d’un religieux dominicain , Blas de Inen^v qui , renfermé dans un panier d’osier , et armé d’une cuillère et d’un seau de fer, se fit des- cendre par une chaîne , à i4o brasses de pi’cifondeur , dans le cratere du volcan de Granada, appelé le Cerro de Massaya, et situé près du lac de Nicaragua , pour en retirer la lave, qu’il croy oit être de l’or : il perdit son seau de fer, qui fut fondu par l’excès de la chaleur , et il eut bien de la peine à se sauver; mais en iSoi, le doyen du chapitre de la ville de Leon , Juan Alvarez, obtint formellement la pernaission ' de la cour de Madrid « d’ouvrir le volcan, et de re- « cueillirl’or qu’il renferme. « Il faut convenir que de nos, jours aucun naturaliste voyageur ne s est engagé, par zèle pour les sciences, dans des entreprises aussi hasardeuses que celles c|ue 1 on tenta , au commencement du seizième siècle, pour retirer du soufre ou de l’or de la bouche des volcans enflammés. Nous terminerons l’article des manufac- tures de la Nouvelle-Espagne , en parlant de l’orfévrerie et de la fabrication des monnoies , * Gomara, Historia de las India s ^ fol. iix CHAPITRE XII. qui. considérées seulement sous lè rapport de l’industrie et de la perfection de la main- d’œuvre , sont des objets très-dignes d’atten- tion. Il y a peu de pays dans lesquels on exécute annuellement un nombre plus con- sidérable de grandes pièces d’orfèvrerie, de vases et d’ornemens d’église , qu’au Mexique : les villes les plus petites ;ont des orfèvres , dont les ateliers occupent des ouvriers de toutes les castes , blancs > métis et Indiens. L’Académie des beaux arts , et les Écoles de dessin de Mexico et de Xalapa , ont beaucoup contribué à répan dre le goût des belles formes antiques. On a febriqué dans ces -derniers temps , à Mexico, des services d’argent du prix de cent cinquante à deux cent mille francs, qui, pour l’élégance et le fini de L’exécution , peuvent lûvaliser avec tout ce qu’on a fait de plus beau en ce genre dans les parties les plus civilisées de l’Europe. La quantité de. métaux précieux qui, depuis 1798 jusqu ^n 1802, a été convertie en vaisselle à Mexico, s’est élevée , année moyenne , à 385 marcs; en or, et à 26,8o3 marcs* en argent. Ornai , •> V. > Poids de Castille. Il sera utile d’observer que ^ '■ ^ livre V , déclaré à l’hôtel des monnoies, en objet» d orfèvrerie , dont on exige le quint : A NNÉES. Or. Marcs. ARGENT. Marcs. 1798 4o2 19,823 1799 . 484 tt 26,762 3800 4i2 50,887 57g 30,860 1 1802 r24g 25,692 1; 'l'OTAL .... 1926 1 ; i54,024 L’hôtel des monnoies de Mexico , le plus grand et le plus riche du rnonde entier, est un édifice d^une architecture très - simple , attenant au palais des vice-rois. Cet établis- sement , dirigé par un administrateur éclairé et ami des arts, le marquis de San Roman n’offre presque rien de remarquable sons le rapport de la perfection des machines ou chaque fois que le contraire n’est pas expressément indiqué, le mot de marc désigne dans cet ouvrage le marc de Castille. ■ - liiez superintendente de la renl casa de modedcK CUAriTllE xit. 3i3 des procédés chiniicfues ; mais il esl tres-digne de fixer l’attention des voyageurs, par l’ordre, l’activité et l’économie qui régnent dans toutes les opérations du monnoyage. Cet intérêt est rehaussé par d’autres considérations qui se présentent même à ceux qui ne se livrent aucunement à des spéculations d’administra- tion politique. En effet, il est impossible de parcourir cet édifice peu spacieux , sans se rappeler que plus de dix milliards de livres tournois ensont sortis, dans l’espace de moins de trois cents ans , et sans réfléidiir sur l’m- fluence puissante que ces trésors ont exercée sur les destinées des peuples de l’Europe. L’hôtel des monnoies de Mexico a été établi quatorze ans après la destruction de l’ancien Ténochtitlan , sous le premier vice- roi de la Nouvelle - Espagne , Antonio de Mendoza , par une cédule royale du 1 1 mai i535. Le monnoyage se fit d’abord à l’en- treprise , aux frais de quelques particuliers auxquels le gouvernement 1 avoit affermé. Leur bail ne fut point renouvelé en lySS. Depuis cette époque , tous les travaux sont dirigés par des officiers royaux, et pour le compte du roi. Le nombre des ouvriers qui ■^^4 livre V, sont employés dans cet hôtel des monnoies, s élève à 35o ou 4oo : celui des machines est si grand , qu on peut j fcapper , dans l’espace d’une année, et sans déployer une activité extraordinaire, plus de trente mil- lions de piastres, c’est-à-dire, environ trois fois autant qu on en fabrique généralement dans les seize hôtels desmonnoies qui existent en France. A Mexico, on a moanoyé , dans le seul mois d avril de l’^innée 1796 , la somme de 2,922,185 piastres; dans le mois de décembre 1793, plus de 3,o65,ooo pias- tres. A Paris, dans l’année 1810 , le plus fôrt mois de fabrication a été le mois de mars , ou Ion a frappé, en pièces de cinq francs, pour la valeur de 1,271,000 piastres. Depuis 1 année 1726 jusqu en 1780, la fabrication s est montée , en pièces d’or et d’argent : DANS LES SEIZE HÔTELS des monnoies DE DA FRANCE^ A l’hôtel des monnoies DE MEXICO. 2,446,000,700 liv. . 3,364,138,060 liv. * Necter, de l’Admin. des Finances, T. III, p. Sg. CHAPITRE XII. Pour donner une idée de Faclivilé de riiôtel des monnoies de Mexico , nous pré- senterons ici un des tableaux que le gou- vernement fait imprimep tous les ans pour instruire le public de l’état des mines , que l’on regarde comme le régulateur de la pros- périté publique. Je choisirai l’année 1796, où Icmonnovage fut de 2 5, 644'000 piastres , quoiqu’il eût été de 24,^93,000 piastres en 1795, et de 20,080,000 piastres en 1797. 1 MOIS 1 1 l’aünéeivgô. OK. Piastres. ABGEHT. OR ET argent. I Piastres. Piastres. | ^ 1 1 Janvier. .. -1 Février. .. 2,078,958 7 2,078,958 7 Mars 246,578 2,071,001 ot 2,317,579 07 -A-V ril 2,922,185 1 2,922,185 1 Mai 202,240 2,538,847 2,791,087 : 4i . Jitirv - • . 1,907,980 3 1,907,980 3 Juillet. . . . 117,008 2,028,327 6 2,i45,335 6 Aovit i,55i,i43 2 i,55i,i45 2 Septembre 161, 3i2 2,257*5900 34 2,419,212 34 i 6 Octobre.. 2,455,057 3 2,455,057 3 1 Novembr 110,112 2, 685, 903 1 7 2,796,015 1 7 1 Décembre 4i0j544 1,849,467 oi 2,260,011 ! 1 Total... *,297,794 24,346,772 0 T 1 25 ,644,^ 66 07 ^ 1 1) LIVRE V , Les ateliers de la monnoie de Mexico r^- fermenl dix laminoirs, mus par soixante mulets, cinquante-deux coiipoirs^ neuf bancs d’ajustage, vingt machines à créneler, vingt balanciers et cinq moulins pour «'imalgamerles lavures et limailles appelées mer mas. Gomme un balancier peut frapper en dix heures plus de 1 5,000 piastres, il ne faut pas s’étonner qu avec un si g’rand nombre de machines on parvienne cà fabriquer par jour quatorze ou quinze inille marcs d’argent : le travail ordi- naire ne s’élève cependant pas au delà de onze a douze mille marcs. Il résulte de ces données , qui se fondent sur des pièces offi- cielles, que l’argent que produisent toutes les mines de 1 Europe ensemble, ne suffiroit pas à donner de l’occupation à l’hôtel des monnoies de Mexico pour plus de quinze jours. Les frais de monnoyage , y compris les pensions des employés et la perte causée par les lavures ^ montent à un real de plata, ou i3 sous tournois par marc. Cette perte des mermas , que l’on comptoit jadis d’un tiers pour cent^ est aujourd’hui réduite à la moitié; car, au lieu de trois marcs, on ne \ CHAPITKE XII. 3i7 perd plus qu’un marc et trois onces pour chaque millier de marcs réduits en monnoie. Quant au profit que le roi tire de la labrica- tion , on l’évalue de la manière suivante : si le inonnoyage ne dépasse pas quinze millions de piastres par an, le bénéfice n’est que de six pour cent de la quantité d’or et d’argent rnonnoyée : on l’estime, au contraire, à six et demi pour cent, lorsque la fabrication s’élève à dix-huit millions de piastres ; et à sept pour cent, lorsque le produit des mines est encore plus grand, comme c’est le cas des derniers vingt ans. Nous verrons, en effet, plus bas, que l’hôtel des moniioies de Mexico , réuni à la maison du départ ^ travaille avec un profit annuel de près de huit millions de francs. La maison du départ ( casa del apartado ) , dans laquelle s’opère la séparation de 1 or et de l’argent provenant des lingots d argent aurifère , appartenoit jadis à la famille du marquis de Fagoaga. Cet établissement im- portant n’a été réuni à la couronne qu’en 1779. L’édifice est très -petit et très-ancien : dans ces derniers temps on 1 a reconstruit p^r partie , ce qui a causé plus de frais au gou- 3i8 livre V, vernernent que si on Tavoit remplacé par une maison nouvelle qui ne seroit point située au milieu de la ville , et dans laquelle les vapeurs acides seroient mieux dirigées. Plu- sieurs personnes intéressées à ce que les ateliers du départ restent dans leur empla- cement actuel , avancent ■ que les vapeurs d’acide nitreux qui se répandent dans un des quartiers les plus peuplés de la ville, servent à décomposer les miasmes qui s’élè- vent des lacs et des marais environnans. Ces idées ont trouvé faveur depuis que les fumi- gations acides ont été pratiquées dans les iiopitaux de la Havane et de la "Vera-Gruz. La casa del ap artado renferme trois espèces d’ateliers, qui sont destinés, i à la fabrica- tion du verre; 2.“ à la préparation de l’acide nitrique ; et 3.o an départ de l’or et de l’argent. Les procédés que l’on suit dans ces différens ateliers sont aussi imparfaits que la construc- tion des fours de verrerie et des galères que l’on emploie pour la fabrication des cornues et pour la distillation des eaux-fortes, "hÿ, fritte du verre {pasteladura) se compose de o,46 de quartz retiré des filons de Tlapujahua , et de 0,54 de soude, que les Indiens de Xal- CHAPITRE XII. 3 19 tocan et du Peùol retirent de rineinératioii du Sesuvium portulacastrum , de plusieurs nouvelles espèces de Chenopodium d’Atri- plex et de Gratiola , qui seront décrites dans la Flora mexicana de MM. Sesse et Cervantes , et du Salsola soda d’Europe, que l’on cultive dans la vallée de Mexico , soit pour le manger eomine légume soit pour le réduire en cendre. Cette soude de Xaltocan est mêlée de beaucoup de sulfate de potasse et de chaux ; de sorte que le carbonate de soude qui se trouve presque partout en efflorescence dans les terrains argileux, seroit bien plus propre à la fabrication du verre. On ne fond pas la fritte dans des pots d’argile, comme en Europe , mais dans des creusets d’une roche porphyritique très - réfractaire , tirée d’une, 'carrière voisine de Pachuca. On consomme dans les fours de verrerie pour plus de i5,ooo francs de bois par an : une cornue coûte à la fabrique près de i4 sous, et l’on en brise annuellement plus de cinquante mille. L’acide nitrique dont on se sert pour le départ , se fabrique en décomposant du sal- pêtre brut au moyen d’une terre vitriolique ( colpa ) qui, contient un mélange d’alumine , 320 LIVÎtE V , (îc sulfate (le fer et ci oxicle de fer rou^e* Cette coïpa vient des environs de Tula , où une mine est travaillée aux frais de la ferme lies couleurs . Ce salpêtre de première cuite est fourni a la mciisoti- du depcirt par la manu“ facture l'oyale des poudres. On charge chaque cornue de huit livres de colpa et d’autant de livres de nitrate de potasse impure : la distilla- tion dure trente-six à quarante heures. Les fours sont ronds et dépourvus de grilles. L’acide nitrique qui résulte de la décompo- sition d’un salpêtre surchargé de muriate, contient nécessairement beaucoup d’acide muriatique , que l’on enlève en ajoutant du nitrate d’argent. On peut juger de l’énorme quantité de muriate d’argent que l’on obtient dans cet établissement, sil’on se rappelle qu’on y purifie une quantité d’acide nitricjue suffi- sante pour faire le départ de sept mille marcs d’or par an. On décompose le muriate d’ar- gent par le feu, en le fondant avec de la grenaille de plomb. Il seroit sans doute plus profitable d’employer pour la distillation des eaux-fortes, am lieu de salpêtre de première * Æstanco real de tintes y colores. CHAPITRE XII. Sai culte, le salpêtre raffiné. On a suivi jusqu’ici la méthode lente et pénible de la purification de l’acide par le nitrate d’argent, parce que Y établissement royal de Fapartado se voit forcé d’acheter le salpêtre à la fabrique royale des poudres et salpêtres ^ qui ne veut livrer le salpêtre raffiné qu’à raison de 126 francs le quintal. Le départ de l’or et de l’argent réduits en grenaille pour multiplier les points de contact, se fait dans des cornues de verre, placées en longues files sur des cerceaux de galères de cinq à six mètres de longueur. Ces galères ne sont pas chauffées par un meme feu , mais deux à trois matras forment , pouT ainsi dire, un four séparé. Lot qui reste au fond des matras est fondu en lingots d’un poids de cinquante marcs , tandis que le nitrate d ar-^ gent est décomposé par le feu pendant la distillation dans des cornues. Cette disldla- tion , par laquelle on regagne 1 acide nitrique j se pratique aussi dans une galère, et dure 84 à 90 heures. On est obligé de casser les rconues pour obtenir l’argent réduit et cris- tallisé : on les conserveroil, sans doute, en pré.- cipitantil’argent par le cuivre, mais il faudroit IV. 21 322 LIVUE V, une autre opération pour décomposer le ni- trate de cuivre qui remplaceroit le nitrate d’argent. On compte à. Mexico, en frais de départ, deux à trois réaux de plata (26 à 09 sous tournois ) par marc d’or. On est surpris de ne pas voir employés jusqu’ici, ni dans l’hôtel des mounoies, ni dans la maison du départ, des élèves de 1 Ecole des mines; cependant ces deux grands établissemensdoivents’attendre à des réformes utiles, en profitant des lumières de la méca- nique et de la chimie. En outre, la monnoie se trouve dans un quartier de la ville où il seroit facile de se servir des eaux courantes pour mouvoir les laminoirs par des roues hydrauliques. Toutes les machines sont bien éloignées de la perféction qu’on leur a donnée récemment en Angleterre et en Praace. Les améliorations seront d’autant plus avanta- geuses que la fabrication embrasse une énorme quantùé d’or et d’argent; car les ; piastres frappées à Mexico peuvent être considérées comnie les matières.premières qui entretien- nent lactivité de la plupart des hôtels des monnoies de l’Eurùpe. Non-seulement on' a perfectionné aù Mexi- CHAPITRE XII. 323 que les ouvrages d’orfèvrerie dont nous avons parlé plus haut; on y a lait aussi des progrès sensibles dans d’autres branches d’industrie qui dépendent du luxe et de la richesse. On a exécuté récemment, en bronze doré , des candélabres et d’autres ornemens d’un grand prix, pour la nouvelle cathédrale de la Puebla , dont l’évêque a plus de 65o,ooo livres de rentes. Quoique les voitures les plus élégantes qui roulent dans les rues de Mexico et de Santa-Fe de Bogota, à aSoo et 2700 mètres de hauteur au-dessuâ de la sur- face des mers , soient venues de Londres, on en fait aussi d’assez belles à la Nouvelle-Es- pagne. Les ébénistes y exécutent des meubles remarquables par leur forme et par la coulent et le poli des bois que l’on tire de la régioèà ^qmjioxiale voisine des cotes, surtout des forêts d’Orizaba , de San Blas et de Gohma. On ne lit pas sans intérêt, dans la gazette de Mexico ' , que jusque dans les provincias in- ternas, ^kv exemple à Durango , à deux cents lieues au nord de la capitale , on fa- brique des clavecins et des pianos. Les indi- % Gazeta de Mexico ^ T. V , p* 389. ^^4 livre V, gènes montrent une patience inflitigabie dans la fabrication de petits ouvragés de bimbelo^ terie qn bois ,; en os et én cire. Dans un pays ou la végétation offre les productions les plus precieuses ’ et où l’ouvrier peut, choisir à spn gré les accidens de couleur et de forme parmi les racines , les prplongeniens médullaires ,du bois et les noyaux des fruits, ces petits ou- vrages des Indiens pourroient dévenir un article important d’exportation pour l’Europe. On sait quelles sommes considérables ce genre d’industrie rapporte aux habitans de Nurem- berg, et aux peuples montagnards de Berch- tolsgaden et du Tyrcd , qyi cependant ne peuvent employer, pour la fabrication des boîtes, des cuillères et des jouets d’enfans, que des bois de pin, de cerisier et de noyer. Les Américains des États-Unis envoient à l’ile de Cuba , et à d’autres îles Antilles , de fortes cargaisons de meubles, dont le bois est tiré en grande partie des colonies e,q>ag,noleç, .iCette branche d industrie passera entre Jes .mains des Alexicains , dès. que, excités par une ‘Des bois de Si^etema, de Cedrela et de CæsaÉ pinia; des troncs de Desmanthus et de Mimosa , dont le cœur est d’un rouge tirant sur ICiBoir. CHAPITRE XII. -J 2 J noble émulation , ils commenceront à mettre à profit les productions de leur propre sol. Nous avons parlé jusqu’ici de l’agnculture , des mines et des manufactures, comme des trois sources principales du commerce de la Nouvelle-Espagne : il nous reste à présenter le tableau des échanges qui se font, soit dans l’intérieur, soit avec la métropole, et avec d’autres parties du nouveau continent. Ainsi nous traiterons successivement du commerce intérieur, qui transmet le produit superflu d’une province mexicaine à 1 autre ; du comi* merce extérieur avec l’Amérique, l’Europe et l’Asie , et de l’influence de çes trois branches . - de commerce sur la prospérité publique etsur l’augmentation de la richesse nationale. Nous ne renouvellerons pas les justes plaintes sur la gêne du commerce et le système prohibitif qui servent de base à la législation coloniale des Européens : il seroit difficile d ajouter à ce qui a été dit sur cet objet, dans un temps où les grands problèmes de l’économie poli- tique occupoient tous les esprits. Au lieu d’attaquer des principes dont la fausseté et l’injustice ont été également reconnues , nous nous bornerons à recueillir des faits, et à lIVRE V, prouver combien les relations commerciales du Mexique avec l’Europe pourront devenir importantes, lorsqu’elles seront délivrées des entraves d’un monopole odieux et désavan- tag’eux pour la métropole même. Le commerce intérieur comprend à la fois le transport des prbductions et des marchan- dises dans l’intérieur des terres , et le cabotage lelong des côtes de la mer des Antilles et de 1 OceanPacifique. Cecommercen’estpas vivifié par une navigation intérieure sur desfleuves ou sur des canaux artificiels : semblable à la Perse , la majeure partie de la Nouvelle - Espagne manque de rivières navigables. Le Rio del Norte, qui, par sa largeur, ne le cède presque pas au Mississipi, arrose des terrains suscep- tibles d’une belle culture , mais qui n’offrent, dans leur état actuel, qu’un vaste désert. Cette grande rivière n’entretient pas plus l’activité du commerce intérieur que le font le Mis- souri, le Cassiquiare et l’Ucajale, qui par- courent les savanes et les forêts inhabitées de 1 Amérique méridionale. Au Mexique, entre les i6 et les 23 degrés de latitude, dans la partie du pajs où la population est le plus concentrée, il n’j a que le Rio de Santiago chapitre xn. 327 nui, à peu de frais, pourroit être rendu na^ Labié. La longueur de son eours égalé celle de l’Elbe et du Rhône ; il fertilise les plateaux de Lerina, de Salamanca et de Celaya, et il pourroit servir pour le trans port des farines des intendances de Mexico et de Gnanaxuato vers les côtes occidentales. Nous avons prouvé plus haut ’ , que, si un côté il faut renoncer au projet d’établir une navic^ation intérieure entre la capitale et le port de Tampico, de l’autre il seroit très, facile de creuser des canaux dans la vallee de Mexico, depuis le point le plus septen- trional, le village de Huehuetoca, )«squa son extrémité méridionale, la petite ville de Chalco. , . . Les communications avec l’Europe et 1 Asie ne se faisant que par les deux ports de Vera- Cruz et d’Acapulco , tous les objets d’impor- tation et d’exportation passent nécessairement par la capitale , et cette dernière est devenue 1 Le Rio Santiago, l’ancien Rio Tololotlan, a une longueur de plus de 170 lieues. » Voyez Chap. III, T. I, p- Chap. VIH', T. II, p. 251-260. livre V, parla le point central du commerce intérieur. Mexmo, snué sur le dos des CordillèJ donunant pour ainsi dire les deux mers, est elo^^ne, en hgne droite, de 69 lieues de la Vera-Cru^, de 66 lieues d’Acapulco Sa Pp et de Uo lieues de’ Santa-Fe du Nouveau-Mexique. Il résulte de cette posumn de la capitale, que les routes les plus fréquentées et les plus importantes pour le commerce sont, 1.0 celle de Mexico a la Vera-Cruz, par la Puebla et Xalapa - 2. ce e de Mexico à Acapulco, par Chil- panzmgo; 3.o celle de Mexico à Guatimala par Oaxaca , 4.0 celle de Mexico à Durango et a Santa-Fe du Nouveau-AIexique , appelée vulgairement el camino de tierra dentro. On ^ut regarder les chemins qui conduisent de exico soit à San LuisPotosi et à Monterev, soit a Valladolid et à Guadalaxara, comme des ramifications du grand chemin des pro- i>incias internas. En jetant les jeux sur la constitution physique du pays, on voit que, quels que soient un jour les progrès de la civilisation , ces routes ne pourront jamais etre remplacées par des navigations naturelles ou artificielles, telles qu’en présente la Russie, CHAPITRE XII. 329 depuis Saint-Pétersbotirg jusqu’au fond de la Sibérie. Les chemins du Mexique sont ou tracés sur le plateau central même , depuis Oaxaca à Santa-Fe , ou ils conduisent de ce jîlateau vers les côtes. Les premiers entretiennent la com- munication entre les villes placées sur le dos des montagnes , dans la région la plus froide et la plus peuplée du royaume; les seconds sont destinés au commerce avec l’étranger, aux relations qui subsistent entre 1 intérieur et les ports de Vera-Gruz et d’Acapulco ; ils facilitent en outre l’échange des productions entre le plateau et les plaines brûlantes du littoral. Les routes du plateau , dirigées du S. S. E. au N. N. O. , et que, d’après la confi- guration totale du pays, on pourroit nommer longitudinales , sont d’un entretien très-facile. Nous ne répéterons point ici ce c|ue nous avons rapporté ‘ dans les chapitres précédons, sur l’étendue et la continuité des hautes plaines d’Anahuac, où l’on ne trouve ni cre- vasses ni ravins, etsur l’abaissement progressif 1 Introduction, p. 162; Chap. III, T. 1 , p. 264; Chap. Vin, T. II, p. 3i4, 382, 4o2 et 4i2. 33o livre V, du plateau, depuis aSoo jusqu’à 800 mètres de hauteur absolue. Des voitures peuvent rouler de Mexico à Santa-Fe , dans une étendue qui excède la longueur qu’auroit la chaîne des Alpes, si elle étoit prolongée sans discoütmuité depuis Genève jusqu’aux cotes de la mer Noire. On voyage, en elFet, en voitures à quatre roues sur le plateau centol , dans toutes les directions , depuis la capitale à Guanaxuato , à Durango, à Chi- huahuq_, à Vailadolid , à Guadalaxara et à Perote; mais dans le mauvais état actuel des routes, le roulage n’est pas établi pour le transport des marchandises : on préfère 1 emploi des bêtes de somme; et des milliers de chevaux et de mulets couvrent, en longuet files {^requas'), les chemins du Mexique •. Un nombre considérable de métis et d’indiens sont employés à conduire ces caravanes : pré- férant la vie vagabonde à toute occupation sédentaire, ils passent la nuit en plein air ou sous des hangars ( tanihos ou casas de communidad) qui sont construits au milieu * Voyez Chap. VII, T. II, p. 5(); Cliap.X, T. III, p. 327. CHAPITRE XII. 33 1 des villages pour la coiiiniodité des voyageurs* Les mulets paissent librement dans les savanes ; mais quand les grandes séeheresses ont fait disparoître les graminées j on leur donne du maïs, soit en herbe ( zacate^y soit en grains. Les routes qui conduisent du plateau in- térieur vers les côtes, et que j appelle trans- versales y sont les plus pénibles , et méritent surtout Fattention du gouvernement. G est à cette classe de routes qu’appartiennent celles de Mexico à la Vera-Cruz et a Acapulco, de Zacatecas au Nouveau-Santander , de Gua- dalaxara à San Blas , de Valladolid au port de Golima, et de Durango à Mazatlan, en passant par la branche occidentale de la Sierra Madré. Les chemins par lesquels la capitale communique avec les ports de la Vera-Gruz et d’Acapulco , sont naturellement les plus fréquentés. La valeur des métaux précieux, des productions de l’agriculture et des marchandises d’Europe et dAsie, qui refluent par ces deux voies , s’élève à la somme totale de 320 millions de francs par an. Ges trésors passent par une route qui ressemble à celle d’Airolo à Fhospice du Saint-Golhard. 332 livre V, Depuis le village des Vigas jusqu’à l’Encero le chemin de la Vera-Cruz n’est souvent qu’un sentier étroit et tortueux, et dans toute 1 Amérique on en trouve à peine de plus pénible, si l’on excepte celui par lequel les marchandises d’Europe parviennent d’Honda à Santa-Fe de Bogota, et de Guayaquil à Quito. G est par la route de Mexico à Acapulco, qu’arrivent les productions des Philippines et du Pérou : elle est tracée sur une pente des Cordillères moins rapide que le chemin qui conduit delà capitale au port de la Vera-Cruz. Le plus léger coup-d’œil jeté sur les coupes que renferme l’Atlas mexicain, suffît pour prouver la justesse de cette assertion. Dans la route d’Europe, comme nous l’avons observé plus haut ', on reste, dépuis la vallée de Mexico jusqu’au delà de Perote , sur le plateau central, à 25oo mètres d’élévation au-dessus du niveau de l’Océan; depuis ce dernier village, on descend avec une ra- pidité extrême jusqu’au rïivin du Plan det Rio y à 1 ouest de la Rinconada. Dans le * Voyez Chap. III, T. I , p. 279. 333 CHAPITRE XII- chemin d’Acapulco , au contraire , que nous désignons sous le nom de chemin d’Asie , la descente commence déjà à huit lieues de Mexico, sur la pente méridionale de la mon- tagne basaltique du Guarda. A l’exception de la partie qui passe par la forêt de Guchilaque, il seroit facile de rendre cettè route propre au charriage , même sans beaucoup de travail : elle est large et assez bien entretenue depuis Acapulco jusqu’au plateau de Chilpanzingo ; elle devient étroite et extrêmement mauvaise en avançant vers la capitale , surtout depuis Cuernavaca à Guchilaque , et de là au sommet; de la haute montagne appelée la Cruz del Marquès. Les difficultés qui entra vent le plus les communications entre la capitale et le. port d’Acapulco , naissent dé la crue subite, des eaux de deux rivières , le Papag^allo et le Rio de Mescala. Ces torrens ^ qui , dans des temps de sécheresse, n’ont pas 60 mètres, de largeur, en ont 260 à 5oo dans lâisaisom des pluies. C’est à cette époque des gTandesj crues que les charges sont souvent arrêtées, pendant sept à huit jours au bord du Papa-^ gallo , sans que les muletiers osent tenter, Ip gué. ,J’ai encore vu les restes de plusieurs 334 tXVRE V, ■ piliers construits avec d’-énormes pierres de taille, et que le courant avoit emportés avant que les arches fussent achevées. On avoit le projet, en i8o5, de faire une nouvelle ten- tative pour jeter un grand pont de pierre sur le Rio Papagallo, et le gouvérnemeHt avoit destiné près dun demi -million de francs â cette entreprise infiniment importante pour le commerce de Mexico avec les îles Philip- pines. Le Rio de MesCala, qui , plus à 1 ouest, prend le nom de Rio de Zacatula , est presque aussi dangéreux que le Papagallo : je l’ai ^assé sur un radeau formé, d’après l’ancien usage mexicain , par des fruits secs de courge, sur lesquels sont liés des roseaux : deux Indiens dirigent le radeau en le soutenant d’une main , et en nageant de l’autre. La construction et rembellissement d’une novelle route qui conduit de Mexico au port delà Vera-Cruz, sont devenus dans ces derniers temps l’objet de la sollicitude de l’admiUis- tration. Unè heureuse rivalité sè manifesté entre îè noûvèaü conseil de commerce établi à la Vera-Cruz > sous le nom de real tribunal del consttlado , et l’ancien consulado de la capitale; et çe dernier commence peu à peu CHAPITRE XII. 335 à sortir de l’inactivité dont ou l’a accusé pen- dant long-temps. Les uégocians de Mexico , après avoir construit à leurs frais une belle chaussée sur les hauteurs du Tiangillo et de las Cruzes , qui séparent le bassin de Toluca de celui de Mexico , ont voulu que la route de laVera-Gruz passât par Orizaba : ceux delà Vera-Cruz, au contraire , qui ont des maisons de campagne àXalapa, et qui entre- tiennent de nombreuses relations commer- ciales avec cette ville , ont insisté à ce que le nouveau chemin, propre au charriage ( mino carretero) , fût dirigé par Perote et Xalapa. Aprèsdes discussionsqui ont duré plu-“ sieurs aimées ‘ , le consulado de la Vera-Cruz;; a profité de l’arrivée du vice-roi Don Josef di}' yturigarray, qui a reconnu l’utilité du chemin de Xalapa , et qui en a donné la directîbn à un ingénieur actif et instruit,' M. Garcia Conde. , L’ancienne route de Mexico à Xalapa et ài la Vera-Cruz, passoit par le;l plaines élevées^ d’Apa, sans toucher la grande ville de laî Puebla de los Angeles : c’est le chemin décrit’ > Voyez Cbap. VIII, T. II, p. 35ÿ. 336 livre V, par 1 abbé Chappe, dans son voyage en Californie, et dont ce savant a déterminé plusieurs points par des mesures baromé- triques *. Les marchandises et les productions indigènes étoient alors dirigées de Mexico à Perote et à Xalapa, par la digue qui sépare les lacs de Tezcuco et de San Christobal ; par Totolcingo et Téotihuacan ; par l’ancien champ de bataille d’Otumba, l’hôtellerie d’Irolo, Apa, Piedras Negras, S. Diego, Hongito, Virejes et Tepeyacualco : oncomp- toit, par ce chemin, 43 lieues de Mexico à Pe- rote, et 74 de Mexico à la Vera-Gruz. A celte époque, et jusqu’en 1 795,011 mettoit deux jours pour venir de la capitale à Pu ebla , en faisant un grand détour vers le nord-est, par Otumba et Irolo , et en inclinant de là vers le sud-est ^ par Poziielos , Tumbacaretas et San Martin^ Enhn, sous radministration du vice-roi mar- quis de Branciforte , on a ouvert une route nouvelle, très - courte ,i par la A'enla de Chalco , la petite thaîne de montagnes por- phjritiques de Gordova Tesmelucos eV Ocotlan. Il sera faèile de réconnoître les ^ T^oyagede Çhapp ep publié par Bd. de Cassini^ p, 107. CHAPITRE XII. 337 avantages de ces communications plus directes entre la cîipitale, la ville de la iPuebla et la forteresse de Perote, si l’on examine la troi- sième et la neuvième carte de mon Atlas de la Nouvelle-Espagne. Le nouveau cliemin de Mexico à laPuebla offre encore la petite difficnlté du passage des montagnes qui séparent le bassin de Ténochlitlande celui de Cholula ;au contraire, le plateau qui se prolonge depuis le pied des volcans de Mexico jusqu’aux montagnes d’Orizaba et du Coffre, est une plaine unie, aride et couverte de sables, de fragmens de pierre perlée, et d’efflorescences salines. La route qui conduit dePuebla à la Vera-Cruz, par Xalapa , passe par Cocosingo , Acaxete et Perote. On croit voyager sur un sol nivelé par un long séjour des eaux. Lorsque ces plaines sont échauffées par les rayons solaires, elles offrent, à la hauteur du passage du Saint-Bernard, ces mêmes phénomènes dé suspension et de réfraction exti’aordinaire que l’on n’observe généralement que près des côtes de l’Océan. La route superbe cpie le consulado de la Vera-Cruz fait construire depuis Perote 22 IV. 338 livre V, jusqu a la Vera-Cruz, pourra rivaliser avec celles du Sunplon et du Mont-Cenis : elle est large, solide, et d une pente très-douce'. On n’a pas suivi la trace de l’ancien chemin, qui étoit étroit et pavé en porphyre basal- tique, et qui paroît avoir été construit vers le milieu du dix -huitième siècle : on a évité avec soin les montées rapides; et le reproche que l’on fait à l’ingénieur d’allonger trop le chemin , cessera dès que le charriage sera substitué au transport des marchandises à dos de mulets. La construction de ce chemin coûtera probablement plus de quinze millions de francs, mais il faut espérer qu’un travail aussi beau et aussi utile ne sera pas interrompu : cest un objet d’une haute importance pour les parties du Mexique les plus éloignées de la capitale et du port de la Vera-Cruz; car dès que la route sera achevée, le prix du fer, du mercure , des eaux-de-vie, du papier et de toutes les autres marchandises d’Europe, di- minuera sensiblement; les farines mexicaines, qui étoient jusqu’à présent plus chères à la Havane que les farines de Philadelphie, seront préférées a ces dernières; l’exporta- tion du sucre et des cuirs du pays sera plus CHAPITRE XII. ^^9 considérable, et le transport des productions sur des chariots , exigera un moindre nombre de mulets et de chevaux qu’on en emploie aujourd’hui. Ces changemens produiront un double effet sur les subsistances, et les disettes qui jusqu’ici ont désolé presque périodique- ment le Mexique, seront plus rares, non- seulement parce que la consommation du maïs sera moins grande , mais surtout parce aue l’agriculteur, stimulé par 1 espoir de vendre ses farines à la Vera-Gruz , destinera plus de terrain à la culture du froment. Pendant mon séjour à Xalapa, au mois de février de l’année i8o4, la nouvelle route, construite sous la direction de M. Garcia Conde, avoit été commencée sur.les points qui présentent les plus grandes difficultés , savoir, au ravin appelé Ig Plein del Rio ^ et à la Cuesta del Soldado. On a le projet de placer , le long du chemin , des colonnes de porphyre, pour indiquer , outre les distances, la hauteur du sol au-dessus du niveau de l’Océan. Ces inscriptions , que l’on ne trouve nulle part en Europe, offriront un intérêt particulier au voyageur qui gravit la pente orientale de la Cordillère; elles serviront à livre V , le rassurer, en lui annonçant qu’il approche de cette région heureuse et élevée à laquelle il n’a plus à craindre les fléaux du vomisse- ment noir et de la fièvre jaune. Le chemin ancien de Xalapa se dirige de la Rinconada, à l’est, sur l’ancienne Vera- Cruz , appelée vulgairement U Antigua. Après avoir passé, au-dessous de ce village, la rivière du même nom, qui après de 200 mètres de largeur, on suit la plage, par Punta Gorda et \ergara, ou, si la marée est haute, on prend le chemin de la Manga de Clavo, qui ne rejoint la côte qu’au port même de la Vera-Gruz. Il seroit avantageux de construire un pont sur le Rio de la Antigua, près de la Ventilla, Q.ùle lit dufleuven’a que 107 mètres de largeur : alors la route de Xalapa seroit raccourcie de plus de six lieues, et, sans toucher l’ancienne Vera-Cruz, elle se diri- geroit immédiatement, du Plan del Rio, par le pont de la Ventilla, Passo de Ovejas’ Cienega de Olocuatla et Loma de San Juan , sur la Vera-Cruz. Ce changement est d’autant plus à désirer, que c’est le trajet del’Encero à la cote qui est le plus dangereux pour la santé des hahitans de l’intérieur du Mexique , CHAPITRE XII. ' 341 lorsqu’ils descendent du plateau de Perote et des hauteurs de Xalapa. La chaleur étouf- fante qui règne dans cette plaine aride et dénuée de végétation , agit puissamment sui- des individus dont le système nerveux n’est pas accoutumé à une irritation si violente. Cette chaleur , jointe aux fatigues du voyage, dispose les organes à recevoir plus facilement les miasmes délétères de la lièvre jaune , et ce seroit diminuer les ravages de cette maladie pestilentielle, que de raccourcir la partie du chemin qui traverse les plaines arides du littoral. La route de Mexico àla Vera-Cruz , dirigée par Orizaba, est la moins fréquentée : elle passe par Nopaluca , San Andres , Orizaba , Cordova et Cotastla. Le groupe de monta- gnes porphyritiques qui réunit les sommets du pic d’Orizaba et du ColFre de Perote, empêche l’ingénieur de tracer en ligne droite un chemin de la capitale au port de la Vera- Cruz. Sur celui de Xalapa, on tourne la grande montagne du ColFre par son revers septentrional ; sur celui d’Orizaba et de Cor- dova, on tourne le pic d’Orizaba par sa pente méridionale ; 1 une de ces routes devie au 342 LIVRE V , nord, 1 autre au sudj le détour le plus grand est celui cpi on fait par Orizaba. Cette der^ nière route seroit abrégée considérablement, si, au lieu d aller à la Vera-Cruz par Cotastla et la Venta de Xamapa , on passoit par le pays montueux connu sous le nom de la Sierra de Atojaque. D’après un devis fait par les regidores de la Villa de Cordova, la cons- truction de ce nouveau chemin coûteroit 1,4 16,800 piastres. Les objets principaux du commerce in- térieur de la Nouvelle-Espagne sont, i.® les productions et les marchandises importées ou exportées par les deux ports de la Vera-Cruz et d Acapulco , et dont nous parlerons dans la suite; 2.® les échanges qui se font entre les différentes provinces, surtout entre le Mexique proprement dit et les provincias internas j S." quelques productions du Pérou, de Quito et de Guatimala, qui traversent le pays pour être exportées, par la Vera-Cruz, en Europe. Sans une grande eonsommation de denrées qui se fait dans les mines , le commeree inté- rieur ne pourroit être que très - peu actif entre des provinees qui jouissent en grande partie du même climat, et qui ont par con- CHAPITRE XII. 'J'+'J séqiient les mêmes productions. L élévation du sol donne aux régions méridionales du Mexique cette température mojenne qui est nécessaire pour la culture des plantes de l’Europe. Aussi avons-nous vu plus haut que la même latitude produit le bananier et le pommier, la canne à sucre et le froment, le manioc et la pomme de terre. Les graminées nourrissantes qui végètent dans les fnraats de la Norwège et de la Sibérie , couvrent les champs mexicans de la zone torride : il en résulte que les provinces situées sous les 17 et 20 degrés delatitute, ont rarement besoin de farines de la Nouvelle-Biscaye. Heureuse- ment la culture du maïs anime le commerce intérieur bien plus que celle des céréales de l’Europe. Gomme il arrive rarement que la récolte du mais soit également bonne sur un grand espace de terrain, une partie du Mexique en manque , tandis qu’une autre en abonde, et le prix de la Janègue différé, dans deux intendances voisines, souvent de neuf à vingt-deux livres tournois ‘ : en effet, le commerce du mais est un objet de grande ^ VoyGz Chap» T. lïl i p* ^9* ^44 livre V, importance pour les provinces de Güada- laxara, Valladolid, Giianaxuato , Mexico, ^an Lms Potosi, Vera-Cruz, Puebla et Des milliers de mulets qui arrivent toutes les semâmes de Chihuahua et de Durano-o à Mexico, portent, outre des barres d ’argrat, du çmr, du suif, un peu de vin de Passo del JNorte , et des farines : ils prennent en retour des lainages des manufactures de Puebla et de Queretaro, des marchandises d’Europe et des îles Philippines , du fer, de acier et du mercure. Nous avons observé , en parlant des communications entre les côtes de la mer du Sud et celles de l’Océan Atlan- tique combien l’introduction des chameaux seroit utile au Mexique. Les plateaux sur lesquels passent les grandes routes , ne sont pas assez élevés pour que le froid puisse être nuisible à ces animaux : ils soiiffriroient moins que les chevaux et les mulets, de l’aridité du sol, du manque d’eau et de pâturages auquel les bêtes de somme sont exposées au nord de Guanaxuato, surtout dans le désert ‘ VoyezChap. Il, T. I, p. a5i. CHAPITRE XII. 345 qui sépare la Nouvelle-Biscaye du Nouveau- Mexique. Les chameaux , dont l’usage étoit encore commun en Espagne , meme quelque temps après la destruction de l’empire des Blaures, avoient été introduits ' au Pérou, vers la fin du seizième siècle, par un Biscayen, Juan de Reinaga : il paroît qu’ils ne s’y sont pas propagés. En outre , le gouvernement , dans des temps de barbarie, n a pas favorisé l’introduction de ces animaux utiles : il a cédé aux instances des conquérans (encomendores) , qui prétendoient que la multiplication des bêtes de somme les empêcheroit de louer les indigènes aux voyageurs et aux négocians, pour servir dans l’intérieur du pays au trans- port des provisions et des marchandises. En temps de guerre, lorsque la navigation autour du cap de Horn est dangereuse, une grande partie des 80,000 charges " {cargas ) de cacao exportées annuellement du port de Guayaquil , passe par l’isthme de Panama et par le Mexique. Les frais de transport d’Aca- pulco à la Vera-Gruz s’élèvent ordinairement * Garcilasso , T. II, p. 326. “ Une (te ces cargas a 8i livres ; wïq fanega pese 1 lo livres , poids de Castille. ^4^ livre V, à deux piastres par carga , et cette route est préférée chaque fois que le cacao de Guaya- quil coûte à la Havane an delà de 20 piastres la fanègue. Le prix d’achat sur les côtes de Quito est généralement de quatre à cinq piastres : le prix de vente, à Cadix, varie de 25 à 55 piastres, et, malgré l’extrême longueur de la navigation autour du cap de Hoi-n, le fret de Guajaquil en Espagne ne monte pas au delà de 7 à 8 piastres la fanègue. Souvent le cuivre de Guasco , connu sous le nom de cuivre de Coquimbo , prend la même route que le cacao de Guayaqùil : ce cuivre ne conte âu Cîiili c|iie G ou ^ piastres le quintal; à Cadix, son prix ordinaire est de 20 piastres : jnais comine en temps de g‘uerre- il s élève à ^5 ou 4o , les nég*ocians de Lima qui font le commerce des productions du Chili ^ trouvent de 1 avantage à envoyer les cuivres en Espagne, par Guajaquil, Acapulco, 1^ ^^era-Gruz et la Havane» (3n verra cesser ces communications^ qui sont peu naturelles , dès qu un gouvernement actif et protecteur du commerce fera construire une belle route de Panama à Portobelo, et dès que l’islhme pourra fournir le nombre de bêtes de somme CHAPITRE XII. 347 nécessaire au transport des productions de Quito , du Pérou et du Chili. Les mêmes raisons qui forcent les habitans de Guayaquil à foire passer leur cacao, eu temps de guerre , par le royaume du Mexique, engagent aussi les négocians de Guatimala à envoyer les indigos de leur pays , qui sur- passent en richesse de couleur tous les indigos connus, par la voie de Pehuantepec et du Rio Huasacualco, à la Vera-Cruz. C’est icile lieu de parler plus amplement que nous ne l’avons fait plus haut ’ , du projet d’un canal qui doit réunir les deux mers dans 1 inten- dance d’Oaxaca , et qui mérite de fixer l’at- tention du gouvernement. Déjà Cortez, lors de son séjour à Ténoch- titlan , avoit reconnu la haute importance de la rivière de Huasacualco % comme le prouve sa troisième lettre à l’empereur Charles- Quint, datée de la Villa Segura de la 1 Yoyez Chap. II , T. I , p. 225 et 232 ; Chap. VIII , T. II, p. 325. 2 On écrit indistinctement, au Mexique, Huasa- cualco , Guasacualco et G-oazacoalcos. Cortez , qui corrompt tous les noms mexicains, nomme la riviere Quacalco. LIVRE V, Frontem,\e 3o octobre i52o. Vivement in- téressé à découvrir un port plus sûr que celui delà Verà-Cruz, ouïe passage d’un Océan à 1 autre , qu il appelle le secret (T un détroit, le general espagnol demanda à Montezuma « des renseignemens sur l’état et la configu- « ration des côtes orientales de l’empire « d Anahuac. Le monarque répondit qu’il ne «< connoissoit pas ces côtes lui-même, mais « quil feroit peindre tout le littoral, avec « ses baies et ses rivières, et qu’il fourniroit « des guides nécessaires pour accompagner les Espagnols destinés à l’examen de ces « contrées. Le lendemain on porta à Cortez “ le dessin de toute la cote , figurée sur une « toile. Les pilotes reconnurent dans cette « carte , 1 embouchure d’une grande rivière, « qu’ils supposoient être identique avec l’ou- verture qu’ils avoient aperçue dans la côte « (lors de leur arrivée à la Yera-Gruz), près « des montagnes de Sanmyn ', dans lapro- > Peut-être ces montagnes sont- elles la chaîne de San Martin et du volcan de Tustla. Voyez Chap. VIII, X. II, p. 344, et Carias de Hernan Cortez ^ p, 92 et S5i. J’ai déjà indiqué ailleurs qu’il existe à Mexico, dans la collection des manuscrits hférogîyphiques ] CHAPITRE XU. - 349 « vince de Mazamalco. « Guidé par ces renseignemens , Corltz envoya en 1620, sous les ordres de Diego Ordaz, un petit déta- chement de dix hommes, pour reconnoîlre cette rivière. Les pilotes ne trouvèrent à l’embouchure que deux brasses et demie de fond ; mais en remontant douze lieues contre le courant , ils virent que le fleuve avoit partout cinq à six brasses de profondeur. Les rives du Huasacualco étoient alors beau- coup plus peuplées qu’aujourd’hui. Après la prise de Mexico, Gonzalo de Sandoval fit la conquête de la province de Tehuantepec , en ir)2i; et quoique le pilote André Niïïo ' eût constaté qu’il n’existoit conservés au palais des vice -rois, des cartes de la vallée et des lacs de Ténoclilitlan , peintes sur des toiles de coton par les Aztèques. On m’a assuré aussi que les habitans du village de Tetlama , près de Cuer- navaca , de même que ceux de Xlascala, possèdent des plans topographiques faits avant la conquête. Gomara cite une carte de route de Xicalaneo à Nicaragua , dressée par les habitans de Tabasco, et présentée à Cortez. Conquieta de Mexico , îo\. 100. * Gomara J Historia , fol. ii3; et Conquis ta , fol. 87. 35io LIVRE V, aucun détroit depuis les côtes de Niearagua ji^qu à l’isthme de Tehuantepec, cet isthme u’en étoit pas moins regardé comme très- important, parce que la proximité des deux mers et la rivière de Huasacualco offroient aux premiers conquérans espagnols la facilité de faire passer, de la Vera-Gruz aux côtes de l’Oeéan Pacifique, les matériaux nécessaires pour la construction des vaisseaux. L’expé- dition de Hernando de Grixalva , qui fit voile pour la Californie , en i554, sortit de Te- huantepec : de même les navires sur lesquels Cortez s’embarqua àChametla', avoient été construits à l’embouchure du Rio Chimalapa, avec des matériaux conduits par le Rio Huasacualco. Un de ces navires se perdit en traversant la barre de St.-François, au sortir de la Laguna de Santa Teresa. Depuis la fin du seizième siècle , le port de Tehuantepec, qui mérite à peine le nom de rade , a été peu fréquenté ; le commerce de la mer du Sud s est concentre à Acapulco , et les embarcations dont on se sert pour les communications avec les îles Philippines > ‘ Voyeï Chap. TIÎI, T. II, p. 4i6. CHAPITRE XII. 35 f ont toutes été construites ou à Manille ou au port (le San Blas t avec cela la mer se retire journellement des côtes de Tehuantepec; l’ancrage devient, d’année en année, plus mauvais, et les saisies que charrie la rivière de Chimalapa augmentent la hauteur et l’étendue de la barre. Il y a aujourd’hui quatre lieues de la Villa de Tehuantepec à la mer , en allant par la Hacienda de la Zoleta : le meilleur ancrage est au Morro del Carbon , aux salines et dans la Laguna de Santa Teresa. Un heureux hasard a fait que, vers la fin du dernier siècle, les deux vice-rois Buccareli et Revillag'ig'edo ont fixé de nouveau l’intérêt du gouvernement sur risthme de Tehuantepec et sur le Rio de Huasacuçilço. On découvrit, en 1771 , à la Vera-Gruz, parmi Tartillerie du château de Saint-Jean d’Ülua, quelques ca- nons fondus à Manille. Gomme on savoit qu’avant Tannée 1767 , les Espagnols ne remontoient ni le cap de Bonne-Espérance ni celui de Horn , pour aller aux îles Phi- lippines , et que depuis les premières expé- ditions de Magellan et de Loysa, qui étoient partis d’Espagne , tout le commerce avec 3^2 LIVRE V, l’Asie se faisoit par le galion d’Acapiilco , on ne pouvoit concevoir comment ces canons avoient traversé le continent du Mexique , pour être conduits de Manille au château d’Ulua. L’extrême difficulté du chemin d’Aca- pulco à Mexico , et de là à Xalapa et à la V era-Cruz , ne rendoit guère probable qu’ils fussent venus par cette voie. A force de recherches, on apprit, tant par la Chronique ' de Tehuantepec, écrite par le père Burgoa, que par les traditions conservées parmi les habitans de l’isthme de Huasacualco , que ces canons , fondu§ à l’île dé Luzon, et débarqués à la barre de San Francisco , avoient remonté la baie de Santa Teresa et le Rio Ghinialapa; que par la ferme de Ghivela et la forêt de Tarifa on les avoit transportés au Rio del Malpasso; et qu’après les avoir embarqués de nouveau , on les avoit fait descendre le Rio Huasacualco, jusqu’à son embouchure dans le golfe dù Mexique. On observa dès-lors, avec raison, que ce même chemin, fréquenté au commencement ^ Burgoa ^ Palestra hîstorial o Cronica de la Villa de Tehuantepec» Mexico , 16*74* CHAPITRE XII. 353 de la conquête , pouvoit encore devenir très- utile pour ouvrir une communication directe entre les deux mers. Le vice-roi Don Antonio Bucareli donna ordre à deux ingénieui-s habiles, Don Augustin Cramer et Don Miguel del Gorral , d’examiner , dans le plus grand détail, le terrain contenu entre la barre de Huasacualco et la rade de Tehuantepec : il les chargea de vérifier en meme temps si, comme on le supposoit vaguement, parmi les petites rivières d’Ostùta, de Chicapa ou de Chima- lapa , il y en avoit une qui , par ses embran- chemens, communiquât avec les deux mers. C’est sur les journaux de route de ces deux ingénieurs, dont le premier étoit lieutenant de roi au château d’ülua, que j’ai dressé ma carte de l’isthme de Tehuantepec. Ils avoient trouvé qu’aucun fleuve ne donnoit à laTois des eaux au Grand Océan et à l’Océan Atlantique ; que le Rio Huasacualco ne prenoit pas naissance, comme on l’avoit assuré au vice-roi, tout près de la ville de Tehuantepec; mais qu’en le remontant au delà de la cata- racte, même jusqu’à l’ancien desembarcadero de Malpasso , on restoit encore éloigné des côtes de la mer du Sud de plus de 26 lieyes. 2.5 IV. Ils observèrent qu’une chaîne de montagnes , d une hauteur peu considérable , partage les eaux entre la mer des Antilles et le golfe de Tehuantepec. Cette petite Cordillère se pro- longe , de l’est à l’ouest, des Cerros de los Mixes, habités jadis par un peuple sauvage et guerrier ■, vers le plateau élevé du Portillo ' de Petapa. L’ingénieur Cramer affirme ce- ^ pendant qu’au sud du village de Santa Maria deChimalapa, les montagnes forment plutôt un groupe qu’une chaîne non interrompue, et « qu’il J existe une vallée transversale dans laquelle on pourroit creuser un canal de « communication entre les deux mers. Ce canal , qui réuniroit les eaux .dn Rio de Chimalapa à celles du Rio del Passo ( ou Malpasso ) , n’auroit que six lieues de long- : les bateaux remonteroient le Rio Chimalapa , qui offre une navigation très -facile, depuis Tehuantepec jusqu’au village de San Miguel ; de Icà ils passeroient par le canal projeté du temps du comte Revillagigedo , au Rio del Passo. Cette dernière rivière se jette dans le Rio de Huasacualco , près des Bodegas de ^ Cartas de Cortez , p. 372. CHAPITRE XII. 355 la Fabricaj sa navigalion est extrêmement pénible, à cause de sept pyramides {raudales) que l’ou compte entre ses sources et l’em- boucliure du Rio de Saravia. Il seroit infiniment important de faire exa- miner de nouveau ce terrain par des ingénieurs instruits , pour décider si , comme 1 a cru M. Cramer , le canal des deux mers peut s’exécuter sans écluses ou sxüSi plans inclinés ^ et si , en faisant sauter les roches avec de la poudre , on peut approfondir le lit des ri- vières du Passo et de Chimalapa. L’isthme , riche en bétail , pourvoit , par son extrême fertilité , offrir des productions précieuses au commerce de la Vera-Cruz. Les belles plaines de Tehuantepec seroient susceptibles d’être arrosées par des saignées faites au Rio de Chimalapa : ces plaines , dans leur état actuel , produisent déjà un peu d indigo et de la co- chenille d’une qualité supérieure. Avant qu’on eût établi, dans lîle de Cuba et dans celle de Pinos , les coupes de bois de cèdre et d’acajou ( Cedrela odorata et Swietenia inahagony ) , les chantiers de la Havane tiroient les bois de construction de la forêt épaisse qui couvre la pente septen- 356 LIVRE V, triQnale des Cerros de Petapa et de Tarifa^ C’est alors cjue l’isthme de Tehuantepec étoit très - fréquenté , et les ruines de plusieurs maisons que l’on voit encore sur les deux rives du fleuve Huasacualco, datent de la même époque. Les bois de cèdre et d’acajou furent embarqués aux Bodegas de Malpasso Pour éviter les sept rapides du Rio del Passo, on a établi, en 1798, un nouveau port ( desembarca4ero ) à l’embouchure du Rio Saravia : les viandes salées ( tasajo ) de Tehuantepec , 1 indigo de Guatimala , et la cochenille d’Oaxaca , ont été conduits par cette voie à la Vera-Cruz et à la Havane. On a ouvert une route depuis Tehuantepec, par Ghihuitan , Llano Grande , Santa Maria Petapa et Guchicovi , au nouveau port de la Cruz. On compte , par ce chemin , trente- quatre lieues. Les productions destinées pour la Havane ne descendent pas jusqu’à l’em- bouchure du Rio Huasacualco ou jusqu’au petit fort de ce nom, parce que l’on craint d’exposer les canots aux vents du nord pendant la traversée assez longue de la barre de Huasacualco au port de la Vera-Cruz : on débarque les marchandises au Passo de CHAPITRE XU. ^^7 la Fabrica ; de là on les conduit , à dos dé mulets , par le village d’Acayucan , aux rives du fleuve San Juan , où , embarquées de nouveau dans de très-grandes pirogues , elles sont transportées, parlabarredeTlaeotalpan, au port de la Vera-Gruz. Depuis quelques années , les chemins de Tarifa et de Pelapa sont encombrés détrônes de Cedrela , qui ont été coupés inutilement , par ordre de quelques commissaires de la marine royale. Ces troncs , les plus beaux de la forêt, pourrissent sans qu’on pense a les transporter à la Havane. Les habitans des colonies espagnoles sont accoutumés à ces mesures , qui n’ont point de résultat : ils les attribuent à la légèreté avec laquelle les projets sont accueillis et abandonnés par le ministère. Peu de temps avant mon séjour sur les rives de l’Orénoque , des comissio- nados del rej remontèrent le fleuve jusqu’à l’embouchure du Bio Carony, pour compter tous les arbres qui pouvoient être utiles dans les constructions navales. On en mesura le diamètre et la hauteur , et on marqua uh si grand nombre de troncs de Cedrela, de Laurus et de Cæsalpinia , que tous les chan- 358 livre V. tiers réunis de l’Europe n’auroient pas pu les employer en dix ans. Aucun arbre ne fut coupé; et ce travail, long et pénible, n’eut d’autre elFet que celui de causer des frais au gouvernement. Si de nouvelles recherches prouvoient que la construction d’un canal dans l’isthme de Tehuantepec ne fut pas avantageux , le gou- vernement devroit du moins encourager les habitans de cette province à améliorer la route par le Portillo de Petapa au nouveau port de la Cruz. Une partie des productions du royaume de Guatimala , celles de l’inten- dance d Oaxaca et de Tehuantepec, pour- voient venir en tout temps, par cette voie, à la Vera-Gruz. En i8o4., à mon départ de la Nouvelle-Espagne , le transport des mar- chandises à dos de mulets , de Tehuantepec à la Vera - Cruz , par Oaxaca , s’élevoit à 5o piastres par charge : les muletiers em- ployoient trois mois à faire un chemin qui , en ligne droite, n’est pas de 75 lieues. En conduisant les productions par la voie de I isthme et par la rivière de Huasacualco , la charge ne coûte que 16 piastres de trans- port ; et comme on n’emploie que dix jours CH.VPITRE XII. 359 depuis le Passo de la Fabrica iusqu’à la Vera- Triiz on ffa«ne environ soixante-dix jours s^'ktrajet entier. Le consulado delà Vera- Cruz, qui a déployé le zèle le plus louable pour ouvrir cette nouvelle route au com- merce intérieur, a aboli, en 1800, le droit de cinq pour cent auquel étoient sujettes les marchandises embarquées sur le Rio Huasa- cualco. Ce droit étoit connu sous la dénomi- nation absurde de droit de pajs chaud [derecho de tierra caliente). J’ai pensé qml seroit important de publier , dans le plus grand détail , tout ce qui a rapport aux communications projetées entre les deux mers. La topographie de l’isthme de Lehuan- tepec est tout-à-fait inconnue en Europe ; et d’après les renseignemens que je viens de donner , on ne sauroit douter que ce point du globe ne mérite pas moins l’attention du gouvernement que le Rio Ghamaluzon , le lac de Nicaragua , l’isthme de Panama , la baie de Cupica , et le ravin de la Raspadura , au Choco. Le commerce extérieur de la Nouvelle-Es- pagne se compose naturellement, d’apres la position des côi-', d- commerce de la mer l I ' »rJ S ' ■fl ( 1- livre V, A Sud , et de celui qui se fait par l'Océan Atlantique. Le.s ports des côtes orientale, sont : Campeche .^uasacnalco , Vora-Cruz , Tamptco et Nnevo Santander; si toutefois Ion peut nommer port, des rades environnée, de bas-fonds , ou des embouchures de rivières ermées par des barres , et oiFrant un foible abri contre la fureur des vents du nord. Nous avons développé plus haut dans le troisième é apitre , les causes physiques qui donnent un caractère particulier aux côtes. mexicain es opposées à l’Europe. Nous avons de même déjà parlé des tentatives inutiles faites , depuis 1024, pour découvrir un port plus sûr que celui de la Vera-Cruz. Le vaste littoral qui se prolonge depuis Nuevo Santander, au nord et au nord-ouest, est encore très-peu connu , et l’on pourroit répéter de nos jours ce que Cortez écrivit à l’empereur Charles- Quint , trois ans après la prise de Ténoch- titlan : « qu ü reste à découvrir le secret de la « côte qui s’étend depuis le Rio de Panuco « jusqu’à la Floride ^ » * T. I, p. 3o5-3i4. * Cartas de Cortez, p. 34o et 382. CHAPITRE Xir. 36 1 Depuis des siècles , presque tout le com- merce maritime de la Nouvelle-Espagne est concentré à la Vera-Cruz. En jetant les yeux sur la onzième planche de notre Atlas mexi- cain, on voit que les pilotes de l’escadre de Cortez ont eu raison de comparer le port de la Vera-Cruz à une poche percée. L’île des Sacrifices , auprès de laquelle les vaisseaux sont mis en quarantaine , et les bas - fonds d’Jrecife del Medio , Ma Ferde, Anegada de Dentro , Blanquilla , Gaüegidlla et Gal- le ga , forment avec la terre-ferme , entre la Punta Gorda et le petit cap Mocomho , une sorte d’anse qui est ouverte au nord-ouest. Il arrive que lorsque les vents du nord ( los nortes^ soufflent dans toute leur force, les bâtimens mouillés au pied du chateau de San Juan d’ülua perdent leurs ancres , et dérivent à l’est : sortis par le canal qui sépare l’île des Sacrifices de l’Isla Verde, ils sont, en vingt-quatre heures , poussés par les vents au port de Gampeche. U y a dix-huit ans que le vaisseau de ligne la Castilla , amarré par neuf eables au bastion du château d ülua , arracha, dans une tempête, les anneaux de bronze fixés au mur du bastion : il échoua 362 LIVRE V , sur la côte, dans le port même, près du bas-l'ond de /o5 Hornos , à l’ouest de la Punta Mocambo. C’est dans ce vaisseau que, par une fatalité extraordinaire , se perdit le grand quart de cercie quiavoit servi aux observa- tions de l’infortuné Ghappe, et que l’Aca- démie des sciences de Paris avoit redemandé, pour en faire vérifier les divisions. Le bon mouillage dans le port de la Vera-Cruz est , entre le château d’ülua , la ville et les bas- fonds de la Lavaudera. Près du château on trouve jusqu’à six brasses de fond; mais le canal par lequel on entre dans le port , offre à peine quatre brasses de profondeur et 58o mètres de large. Les objets principaux 'de Y exportation de la T^era-Cruz sont, d’après les déclarations faites à la douane, et en prenant la moyenne de plusieurs a.anées de paix ; Or et argent en lingots , ou convertis en monnoies et objets d’orfèvrerie, dix-sept millions de piastre». > Comparez T. Il, p. 338; T. III, p. 89, iSg, i84, 210, 2i3, 220, 226 , 243, ; et p. 212 et 297 de ce volume. 363 CHAPITRE XII- Coclienille ( graria , granilla et pohos de grand ) , à peu près quatre mille zuvrones , ou quatre cent mille kilogrammes , pour la valeur de deux millions quatre cent nulle piastres. Sucre , cinq millions et demi de kilo- grammes , un million et trois cent mille piastres. Farines , pour la valeur de trois cent mille piastres. Indigo mexicain , quatre-vingt mille kilo- grammes, pour la valeur de deux cent quatre-vingt mille piastres. Viandes salées, légumes secs et autres comes- tibles , cent mille piastres. Cuirs tannés , quatre-vingt mille piastres. Salsepareille, pour la valeur de quatre-vingt- dix nulle piastres. Vanille , soixante mille piastres. Jalap, cent vingt mille kilogram^ies , soixante mille piastres. Savon J cinquante nulle piastres. Bois de Campeche , quarante mille piastres. Piment de Tabasco , trente mille piastres. L’indigo de Guatimala et le cacao de livre V , Guayaquil sont , en temps de guerre ^ des objets très - imporlans du commerce de la Vera-Cruz. Nous ne les nommons cependant pas dans ce tableau , parce que nous avons voulu le restreindre aux productions indi- gènes de la Nouvelle-Espagne, ^importation de la Vera-Cruz embrasse " les articles suivans : Tissus ( ropas ) , toiles de lin et de coton , draps et soieries , pour la valeur de neuf millions deux cent mille piastres. Papier, trois cent mille rames, un million de piastres. Eau-de-vie, trente mille barriques, un mil- lion de piastres. Cacao, vingt-quatre mille fanègues, un mit- lion de piastres. Mercure, huit cent mille kilogrammes , six cent cinquante mille piastres. Fer, deux millions et demi de kilogrammes, six cent mille piastres. Acier , six cent mille kilogrammes, deux cent mille piastres. Vin , quarante mille barriques , sept cent nulle piastres. CHAPITRE XII. 365 Cire, deux cent cinquante mille kilogrammes, trois cent mille piustres* Nous évaluerons', en général, année moyenne, en piastres. millions. L’exportation par la Vera-Cruz , à . . 22 L’importation par la Vera-Cruz , à . . l5 Mouvement du commerce . 37 Nous présenterons ici les états du com- merce de la Vera-Cruz, publiés par le consu- lado , à la fin des années 1802 et i8o3. 366 LIVPxE tableau J. Balance de commerce de la Vera-Cruz en 1802. A. Importation d'Espagne au Mexique , en produits d’agriculture et d'industrie nationale. DÉNOMINATION DES MARCHANDISES ^ quantités. ■ VA L E U R en et des denrées. piastres fortes. Eau-de-vie Vin blanc 29,695 barr. 1,283,914 683,079 331,882 8,642 48, 149 27,417 81,545 Vin rouge “±0,000 la. Id- en bouteilles 2 1 j65y Id. i3,i59 bout. Vinaigre Raisins secs OCÙTTm 2,5oi quint. Amandes Olives 2,690 Id. 9,619 jarres t 62,099 ar robes. Huile 22,2o5 96,297 99,765 Sa Iran Plantes aromatiques 5,187 livres. i85 quint. 202 barils. Câpres 2,009 1 2,714 3,24o 2,491 Noisettes 227 quint. Figues Origan V/I2.U J.Ctf Cumin 2,45o livres. 242 avrohes. 3o6 Raisins frais « 1,170 cruches. 1,992 o,5io 1.347 Sardines Anchois 96 barils. 10 arrohes. Papier blanc 274,21 1 r aines. 5o QftC QO/ Pajjier brouillard n qo6 7V7 000, oo4 4,577 ii,45i Fil 1.(1, B76 quint. 699 milliers. 409. Bouchons de liépe. . . . Cantines [frasqueras } . . . 5,177 20,583 i,38o 11,766 ‘ 1,785 4.65i Jambons i42 arrobes. Liqueurs fines 86î Id. 119 quint. "I T / Savon Faïence Bièr» ClOllZ* Cidre / A ju /U OOllt. L920 Id. 3,368 livres. 233 quint. 6 13 45,779 968 Saucissons Vermicelle 1,684 Pierres à aiguiser 4,020 1,282 Fer blanc ^^9 caisses. Fer en barres 42,44o quint. 4,792 Id. 7.020 Tri io,ii5 Fer manufacturé J TOO 78,882 Acier Cordage J la. 45 Q f/J 1 02 ,692 n A A r. ftercios... Toiles , lainages , cn~ | caxones. . tonnades , soieries, / haules. . . gazes , en | caxones \ toscos. . / a. 5,65i .. . 3,2q3 899 3,4i5 0,442 2,210,552 , 3,889,891 606, i3o 620,182 Valeur totale , en piastres. 11,539,219 f' Xll. 367 B. Importation c!. Espagne au Mexique , en pro duits d'^ agî'lcullure et d industrie etraiigeie. \ livre V, C. Importation cT Amérique ( des colonies espagnoles ) au Mexique» dénomination DER MARCHANDISES 1 » et des denrées. QU A NTITÉs. { VA L E U R en ; ; pilastres fortes. Cire ’iOybqi .arro-bes.. 322,359 6,06^0 f 106,2341 687,928 3i5,902 Café Cacao de Caracas. . 344 quint. 18,709 Id. f\ /V7 Id. de Maracaybo. . Id. de Tabasco Amidon -fcl* Bois de Campecfae 1,746 arrohes, 28,019 quint. 2,55o 38,958 : Indigo Poisson salé 4,gio livres. ^ •«-••A Z. M 4,910 i5,i85v Écaille de tortue 0,000 dlTOuBS * 670 livres. i3o /^Of» Sel Sacs ( costales ) 33,5i6 42,388 7,048 6,o65 : 2,842 - 2,379 [ Chapeaux de paille .. . . 3,084 douz . Ficelle ( heniqiien ) 1,9^4 arrobes . Cordages 25g pièces. 1,057 tir robes. Harpons ( tiburoneras) Couvertures Hamacs 7ÏO ’S ■ 5,i5o ' Ouinquina Souliers. Articles divers 62 7 douz. 3o2 ' k nr./, }■ 1,224 1 Valeur tolale , en piastres. 1,607,729 I CHAPITRE XII. 369 D. Exportation du Mexique pour l’Espagne. dénomination DBS MARCHANDISES et des denrées. QUANTITÉ.S. VA L E U R en piastres fortes. 43,277 arrobes, 2,355 Id. 1,322 £d. 1,480,670 livres. 1,795 nulLiers. 431^667 arrobes. 106 Id. 8,228 Id. 2.920 quint. 17,589 id, 1,72^ livres. 272 quint. 46i Id. 2.921 Id. 48 arrobes. 700 livres. 3,3o3,47o^ 50,472 i4,6i5 3,229,796. 65,076 1,454,240 1,419 28,644 16.622 23,116 1,078 4,3oo 2,988 68,760 1,200 612 14,626 2.290 5,5i6 16,745 62,663 62.622 26,449,289 ( Folvas de grana. . . Poivre de Tshnsco Ao l’nmnprlip. . ........ • . . DOIS UC Vydiiipccuc Oâcno de Soconuzco. Salsepareille. 459 Id. Articles divers 670 quint. Valeur totale, en piastres 53, 866,219 » IV. 24 370 LIVRE V, E. Exportation du, Mexique 1 pour d’autres parties de V Amérique espagnole. DÉNOM INÀTION DES MARCHANDISES et des denrées. QUANTITÉS. VA L E U R en piastres fortes. Farines 22,858 ter dos, 7,265 arrobes. 63 1 fané gués 368 arrobes. 6,219 quint. 2,3oo 4o4,o5i 22 , ! g5 15,821 6/126 7^773 2,4o3 6,711 100,46 J 9,062 1,012 2,4i9 2,019 7,o4i 55,832 9,5o4 82,353 66,912 20,542 5,844 2.779 i5,4i7 3,730,171 4,4oo Sucre Cacao de Guavaquii. . . Ci»^e Bois de Carapeche Cuirs en poils S,ijf * • • • Comestibles Lainages 1,675 arrobes. Goudron Sacs 4o3 barils. Faïence ordinaire Or en feuilles 259 caisses. Savon Pile 1,946 Id. 1,235 arrobes. Cuirs tannés Articles divers Planches de cuivre.. . Cuivre ouvragé Plomb ° . . . ^95 quint. livres. 53o quint. Argent ouvragé Argent monnové , Valeur totale , en piastres 4 58i i48 s f CHAPITKE XII. 371 résultats. Balance dc commerce de la Vera-Cruz en 1802. Importation / en productions natioi de l’Espagne.. 1 en productions éiranj Exportation pour l’Espagne » . • Différence en faveur de l’exporiatiou Commerce de la métropole avec la Ve piastres. piastres, jl aales. 11,539,2191 wgSg 1 zères. 8,85i,64oJ 1 .... 53,866,219 1 . , 13,476,360 1 ;ra-Craz 54,257,078 1 piastres. 1 „ . , . 1,607,729 1 , Importation d Amérique. 4 58i i48 | Exportation pour 1 .o-iucimuc. Différence en faveur de l’exporiatioi Commerce de l’Amérique avec la Ver piastres. Il 1 . 21,998,688 11 j Importation 58.447,567 11 i Exportation totale * - — | 1 Mouvement total du commerce de la Vera-Cmz 6o, 445,955 | j Il Le commerce de la Vera-Cruz a emp 1 ( d’Espagne i48 1 1 d Amérique.... 1 Arrivés au port de laVera Cruz, 291 loyé , eh i8oi , 668 bâtitnens , dont 1 1 pour VEspagne. 1 Destinés ^ pour l’Ainérique. Partis de la Vera-Cruz . . . , 3?- livre V, OBSERVATIONS. »• « Le --*“/-rforfeI«re..-C™efaitpublieran„„eIleme„t . c« étais da commerce, pom- éclairer les négocians s«r la « consommation de la Nouvelle -Espagne, et pour les guider « dans leurs spéculations : il regrette de ne pas pouvoir « .nd.quer dans le plus grand détail la valeur des toiles, des « lamages, des md.ennes et des soieries contenus dans des . caisses (cabanes et hautes) qui ne sont pas ouvertes à la « douane On peut observer, en général, .j„e les cn.o,i« 9 65g 260 Vin rouge Vin en bouteilles Vinaigre. Eau-de-vie Huile d’olive 1 2 ,47 9 arrobes. livres, 255-: /rf. 21.611 arres Safran Amandes Noisettes Olives Câpres. 193 arils. 68 uint. 126 fd. 1,107 ^d. 63 1 ^d Herbes aromatiques. Huile de lin Raisins secs. 12,749 Figues » Prunes. . 36 ^d. ' 2,004 Fruits confits s.5g {robes. 147 d. 175 cuz. 797 Jambons. OoO i,34i Saucissons Épiceries 000 1,287 3oo Fruits conservés dans de Feau-de- vie. 600 citines. Valeur totale , en piastres. .. . 2,010,423 CHAPITRE XII S'] Si B. Importation d’Espagne au Mexique, en produits d’industrie nationale. DiNOMINAflON VALEUR DES MARCHANDISES et des denrées. quantités. en piastres fortes. 137,958 rames. 6,644 Ici. 502,8i2 3,171 rr;/ \\i~ quint. 3,029 1,192 milliers. 11,482 douz. 5,912 Bouchon de lie^e 11,126 2.55 arrobes. 4,916 77 2,626 673 arrobes. 4,400 Xjicjuetirs fines. i4,i34 bout. 12,o55 746 quint. 12,532 5,006 6,3o7 ...... 4,857 4oo 1,100 4,o52t quint. 75,769 45,640 Id. 564, 816 3,o64 Id. 53,995 1427 Id. i,i85 ' tercios arpil- 4,4o5 2,5i3,868 Toiles, lainages, soieries, mousse-' Unes et bas, en caxones ar~- pillados. .. caxones los- 2,570 i,5i3 3,685,524 552,116 ' ï?(iules 937 ....r. 783,578 ^ Valeur totale , en piastres . 8^6o4,38o ^7^ LIVRE V, C. Importation d’Espagne au Mexique, en produits cia gri- culture et d/ industrie étrangères* DEN OMINATION DES MARCHANDISES et des denrées. Beurre Fromage Saucissons Morue Bière Grosse toile. Cantines {frasqueras ): Faïence Fer. Canelle Clous de girofle. . .,. Piment Papier blanc.. .... Papier grand-aigle. Acier Fer blanc. .... Dalles de Gênes. , , , Toiles , lainages soieries , mousse- lines et bas tèrcTOs ar-- pillados. . caxones ar~ pillados, . caxones tos- cos. ..... hautes. .... QUANTITES. 3,660 livres. 52j quint. 884 ivres. 200 quint. 1,455 bout. 48 pièces. ' 273 loo quint. 2o,5i2 livrés. 6,176 Id. 58o rd. 18,182 rames. 24 Id. hyÇ\^Ç^quint. 555 caisses, i,5oo 13,348 470 5,260 loi Valeur totale I piastres. VAL E U K en piastres fortes. 2,747 i,84o 1 ,295 5,000 85o 1,536 i3,25o 66,256 700 68,713 i8,4iq 38o 64,! 63 528 iü8,56i i4,742 1,125 5,884,467 570,461 971,908 81,545 7,878,486 CHAPITRE .xn. ^77 D. Importation d’Amérique, {des cotonies espagnoles) au Mexique. . D É N 0 M I NAT I O N DES MARCHANDISES et des denrées. QUANTITES. VA LEUR en piastres fortes. 7,g65 fanegues 12,55i 7 Id. 235, o46 l(.l. de Tcibasco 470,229 Café 474 quint. 26,470 arrobes. bS^lïd 10,720 Cire de In 455,760 Id, de Ccinî 6,281 Bois de Ocimpcche# 58,444 quint. 57,o45 Amidon. i),q\\ arrobes. 4,079 Ï\.|Z. 619! Id. ’è'ôh) bar ri q. 466 Jji'âi 2,028 2,760 Goudron 548 Id. i O/TT/'/^O 1 2i-,6g7 . . . . i . . 5,421 T r! ( â'* n cf /I J £9 Q 1 - . - i32,8ii 35,45o Cbnpeniix de pnille 3,082 douz. 2,4i3 Ficelle 3^5297 arrohes 442j Jd. 7,685 IVIêcbes 2,187 883 ....... 1,490 Sel 3 J ,785 fanegues 47,037 PoivSson snlé 4,000 arrobes. i4,o5o ------ 4,260 Écaille de tortue. .............. 826 Hures. 3,i5o 5,887 Veleur totale , ei 1 piastres. .•••••«•• 1,575,428 ^7^ tIVRE V, E. Exportation du Mexique pour t Espagne, DENOMINATION DES marchandises et des denrées. QUANTITES. VA L E Ü R en piastres fortes. ( Grana Cochenille, l Granilla. . . . . K Polvo de grana. . , Indi20 27,251 arrohes. 1,573 Id. 786 Id, 149,069 livres. ^^0 J milliers. 483,944 .arrohes. 480 7 Id 1,739-^ fd. 3,959 livres. 26,635 \ quint. 2,191,399 4o,226 7,o48 263,729 31,625 1, 495,066 98,794 17,298 53,936 2,599 49,019 22,549 36,981 35,910 3,838 1 4,545 86,980 5,000 7,356,53o 142,229 Vanille Sucre Cacao de Guavaquil Id. de (Caracas. . Id. de Maracavbo Id. de Soconuzco Bois de Campeche Pelleteries Piment de Tabasco Colon en graine Roncon. 5,755-^ \ld. 17,327 ïd. 5-jlk arrohes. Bois de meubles Salsepareille Jalap ^.^ii^quinf, 2,281 T Id. Baumes Argent Or 1 Valeur totale , en piastres 12,017,072 CHAPITRE XII. 379 F. Exportation du Mexique pour d’autres parties de V Amérique espagnole. DENOMINATION DES M ARCUAND ISE8 et 9^5 11,397 44,35o i,65o 4,705 1,802 2,220 1,67-3 40,496 85.267 8,849 1,483 900 1,834,1 46 21,730 Valeur totale , en piastres. 2,465,846 38o LIVRE V, RÉSULTATS. Balancb du commerce de DA Veea-Crüz en i8o3. y . piastres. piastres. Jmportation | en productions nationales. io,6i4,8o3) d’Espagne 1 en productions étrangères. 7,878,486/ ^^^^93^289 Exportation pour l’Espagne ; 12,017,072 Différence en faveur de Vimportation 6,476,217 Commerce total de la métropole avec la Vera-Cruz 3o,5io,36i piastres. importation d’Amérique .... 1,373 428 Exportation pour l’Amérique. . . . 2,465 846 Différence en faveur de l’exportation i,og2,4i8 Commerce total de l’Amérique avec la Vera-Cruz. 3,839,274 piastres. Importation totale... 19,866,717 Exportation totale _ 14,482,917 Mouvement total du commerce de la Vera-Cruz.. 34,349,63i Le com merce de la Vera-Cruza été fait, en i8o3,;par4i9 bâtimens, dont ^ f l’Espagne.. 82 Destines pour / Venant f d’Amérique. . . 111 2i4 l l’Amérique. 123 205 CHAPITRE XII. 38 I OBSERVATIONS. 1. « Le tableau de la balance dresse par le consullado de la « Vera Criiz ayant obtenu rapjirobation de la cour et de tous « les corps de Tetat , on continue h donner la plus grande « publicité h tout ce qui a rapport au comnierce de la Nou- « velie-Espagne. On n'a pas conipiis paririi les objets d'Iui « portation et d'exportation 5o,ooo quintaux de mercure , « ^Sojooo rames de papier destinées pour la fabrique de tabac, (I 4000 quintaux de fer embarque's dans des vaisseaux de « guerre, r2,3oo quintaux de planches de cuivre , et cinq « millions de piastres envoyées en E^pagne 5 de même que 1, '200, 000 piastres qui ont passe aux îles Antilles , pour 1 en- « tretien des places fortes , parce que tous ces articles ont été « exportes et importes pour le compte du gouvernement. » - 3. « Il y a eu trois naufrages cette année dans Tile de Cancun tantôt au nord, tantôt au sud. Il arrive quel- quefois que des bâtimens venant du Chili ou de Lima , se placent dans des long'itudes trop occidentales, de peur d’atterrer à l’est d Acapulco N ils y attendent en vain le vent nord-ouest, qui ne souffle que près des côtes; le nord-est les force de s’élever jusqu’au pa- rallèle de 20'^, piour s’approcher du continent, qui se prolonge dans la direction du sud-est au nord-ouest : c’est là , seulement, qu’à quarante lieues de terre ils trouvent le vent _ nord - ouest qui les conduit au port. Ces mêmes vents de l’ouest forcent le galion d Acapulco , lorsqu’il retourne à Manille, de faire route au sud jusqu’aux 1 2“ ou 14" de lati- tude. Sur ees parallèles, par les io3" de longi- tude, et par conséquent à plus de deux cents lieues à l’ouest des côtes de Guatimala, le galion trouve les vents alizés ( est et est-nord-est)^ qui 1 accompagnent jusqu’aux îles Marianes. CHAPITRE XII. 395 Le coniinerce d’Acapulco avec les ports de Guayaquil et de Lima est très-peu actif: ses objets principaux sont du cuivre, de l’huile èt un peu devin du Chili, une très- petite quantité de sucre et de quinquina du Pérou ; enfin du cacao de Guayaquil , qui est destiné soit pour la consommation intérieure de la Nouvelle-Espagne, soit pour Fappro- visionnement de la Havane et des îles Phi- lippines, soit enfin , en temps de guerre, à être envoyé en Europe. Le chargement des vaisseaux qui retournent à Guayaquil et à Lima est presque nul, et se borne à quelques lainages des manufactures de Queretaro , à un peu de cochenille , et à des marchandises des Grandes Indes , exportées en contrebande. C’est la longueur et l’extrême difficulté de la navigation d’Àcapulco à Lima qui met les plus grands obstacles aux échanges entre les babitans du Mexique et ceux du Pérou. On navigue aisément, dans 1 espace de six ou huit jours , du Callao de Lima à Guayaquil ; on met trois, quatre ou cinq semaines pour aller de Guayaquil à Acapulco : au contraire , pour parvenir de l’hémisphère boréal à 1 hémis-^ phère austral , des côtes du Mexique à celles ■^9^ livre V , de Quito et du Pérou , il faut lutter à la fois contre les courans et les vents. Il n j a de Guajaquil au Callao, que 210 lieues marines, et très -souvent il faut deux fois autant de temps pour faire cette traversée dans la direc- tion du nord au sud , que pour aller d’Aca- pulco à Manille par une route de plus de 2S00 lieues marines : if arrive souvent que l’on emploie autant de semaines pour aller de Guajaquil au Callao, qu’il faut de jours pour revenir du Callao à Guajaquil. On a trois choses à craindre dans la tra- versée des côtes du Pérou à celles de la Nou- velle-Espagne : les câlines plats , qui régnent surtout aux environs de la ligne ; les vents furieux connus sous le nom de papagallos , dont nous avons parié à la fin du troisième chapitre ^ et le danger d’atterrer à l’est d’Aca- pulco. Les calmes sont d’autant plus redou- tables , que pendant leur durée les courans exercent toiiie leur loflueiice. D^^iilleurs^ les bâtimens espagnols employés pour le com- merce de la mer du Sud sontsi'mal construits , que déjà par des vents foibles ils sont le jouet de ces courans. Les parages où ces derniers se font sentir avec la plus grande force , sont CHAPITRE XII. 397 les îles Galapagos, que M. Collnet a examinées le premier avec quelque exactitude. Il y a des exemples que des bâtimens construits à Guayaquil , obéissant très-mal au gouvernail, ont croisé entre ces îles pendant deux mois, sans pouvoir s’en éloigner, et risquant à chaque instant , au milieu d’un calme plat, d’être portés par les courans' sur le rivage, qui est entouré d’écueils. Les pilotes péruviens cherchent à couper la ligne à sept ou huit degrés à l’est du groupe des îles Galapagos. Les Anglois et les Anglo-Américains “ que la pêche du cachalot appelle en ces parages , redoutent cet archipel bien moins que les Espagnols : ils y relâchent assez souvent tant pour recueillir des tortues qui offrent aux marins une nourriture agréable et salutaire , que pour mettre à terre des matelots malades. Comme les bâtimens pêcheurs {whalers ) sont d’une construction très-fine , ils éprouvent moins de dérive par les vents foibles et mous. Après avoir échappé aux calmes qui régnent sous l’équateur, entre le çap dç. Saint-François Vancous^er J lil, p. 2 Voyez Chap. X, T. ïll; p. ^ 398 livr|: V, et 1 archipel des Galapagos, les bâtiraens péruviens trouvent , par les oo' et i5® de latitude boréale, et les io3« et io,6« de longi- tude occidentale, une autre région également redoutable par les calmes qui sont fréquens aux mois de février et de mars. L’année qui précéda celle où nous visitâmes ces parages , un calme plat de vingt-huit jours , joint au manque d’eau qui en fut la suite, av oit forcé l’équipage d’un navire nouvellement construit à Guajaquil , d abandonner un riche charge- ment de cacao , et de se sauver dans la chaloupe pour chercher la terre, qui étoit éloignée de 8o lieues. Des- accidens sem^ blables ne sont pas rares dans la mer du Sud, où les pilotes ont l’habitude blâmable d’embarquer un très-petit nombre de bar- riques deau, pour gagner de l’espace pour les marchandises. Les calmes qui régnent dans le parallèle de i4‘> nord, et que l’on ne sauroit comparer qu’à ceux du golfe de Guinée, sont d autant plus à craindre qu’on les éprouvé a la fin de la traversée. Dans la navigation du Callao et de Gua- yaquil à Acapulco, on cherche à atterrer à 1 ouest du port, à cause des vents et des CHAPITRE XII. 399 courans , dont la direction est très-régulière près des côtes. On cherche généralement à jneltre le cap sur les farallons de Siguan- tanejo , situés à plus de 4o üeues de distance , à l’ouest-nord-ouest d’Acapulco, un peu à l’occident du Morro de Petatlan. Ces faral- lons étant très-blancs , on les voit en mer dans un éloignement de quatre lieues. Après les avoir l'clevés , on range la cote , en gou- vernant au sud-est , vers la pointe de Sàtlan et les belles plages dé Sitiala et de Goyuca , qui sont couvertes de palmiers. On n’a con- noissance du port d’Acapulco que par les mamelons {tétas ) de Goyuca et par le grand Cerro delà Brea ou Siclata. Cette mohtagriè visible au large, à trente-huit milles de dis- tance du port , est situee a 1 ouest de 1 Alto del Peregrino , et sert de signal aux navigateurs , comme le pic d’Orizàbt», la Campana de Truxillo et la Silla de Payta. Depuis lès côtes de la Californie et de Ginaloa jusqu’à Aca- pulco , ét le plus souvent meiïie juseju ô. Tehuantepec , le courant porte , du mois de l ‘Y'oyez ma carte de route d Acapulco a Meiico. ( Atlas du Mexique , PI. V. ) 4oO livre V , décembre au mois d’avril, dans la saison que l’on est convenu d’appeler été, du nord- ouest au sud-est; en hiver, depuis le mois de mai jusqu’au mois de décembre, le cou- rant porte au nord-ouest, le plus souvent ouest-nord-ouest. C’est à cause de ce mou- vement des eaux de l’Océan, qui ne se fait sentir qu à quarante lieues de distance des cotes, qu en été une traversée d’Acapulco à San Blas dure vingt à trente jours , tandis qu’au retour, en hiver, elle ne dure que cinq à six jours. Sur les côtes occidentales du nouveau continent, entre les 16** et les 27“ de latitude boréale , un navigateur dépourvu de moyens de trouver sa longitude, peut être assez sûr qye, si l’observation de latitude le place plus au nord que le loch, son bâtiment a été entraîné par les courans vers l’ouest : au contraire, sa longitude sera plus orientale que celle qui résulte de sida latitude observée est moindre que la latitude estimée. Mais au sud du parallèle de nord , .et dans tout l’hémi.sphère austral, ces règles devien- nent très-incertaines, comme je m’en suis convaincu, en comparant soigneusement. CHAPITRE XII. 4oi dans la partie orientale du Grand Océan , jour^ le "poiïtt (^*GStiîii6 avec la Ion™ gitude chronométrique et les distances prises entre la lune et le soleil. D’énormes erreurs en longitude , causées par la force des courans, rendent les navigations, dans ces parages, aussi longues que dispendieuses des erreurs s’ac- cumulent dans des traversées de 2000 lieues, et nulle part l’usage des garde-temps et l’emploi de la méthode des distances lunaires ne devien- nent plus indispensables que dans un bassin de mer d’une etendue si vaste : aussi, depuis quelques années, les pilotes les moins instruits commencent-ils à sentir l’utilité extrême des observations astronomiques. J’ai connu à Lima des négocians espagnols qui avoient acheté des garde-temps six à huit mille francs, dans le dessein de les embarquer sur des bâtimens nouvellement construits. J’ai même appris avec satisfaction que plusieurs bâtimens anglois et anglo — américains , qui doublent le cap de Horn pour faire la pêche de la baleine et pour visiter la cote du nord-ouest de 1 Amé- rique, sont pourvus de chronomètres. Souvent la traversée d’Acapulco â Lima est plus pénible et plus longue qu une navi- 26 IV. 4 02 livre V, galion de Lima en Europe : on rexécnte, en hiver, en remontant jusqu’aux 28° ou 5o«'de latitude australe ^ avant de s approcliêr des cotes du 'Chili ; quelquefois on est forcé de gouverner au sud-'-sud-ouest, au delà de l’île de Juan Fernandez. Cette navigation por al- tura , dont le premier exemple a été donné en i54o , par Diego de Ocampo , sous le vice- roi du Mexique , Antonio de Mendoza, dure communément trois à quatre mois: mais il y a peu d années que le navire le Neptune , appartenant au commerce de Guayaquil, a mis sept mois pour aller des côtes du Mexi- que au port du Callao. En été , depuis le mois de décembre jus- qu’au mois de mai, on remonte de la pointe Purina ■ ( lat. 4« 35' sud; long. 83« 45') à Lima , à la feveur du terrai. Cette dernière route est désignée par le nom de navigacion porel meridiano , parce qu’au lieu de s’éloi- gner de trois ou quatre cents lieues à l’ouest des cotes, qn tache de changer très-peu de longitude. Au Pérou, entre Paita elle Callao, au Mexique , entre Sonzonate et Acapulco , ‘Voyez mon Recueil d’ Observ. astronom. , rédigé par M, Oltmanns, Vol II, p. 45o. CHAPITKE XII. 4o3 et en générül sur lu plupurt des cotes sous lu zone torride, le vent de terre est très-frais pendant la nuit; il varie du sud-est au sud- est J à l’est : au contraire , entre le cap Blanc et Guayaquil , le vent souffle , de nuit, de la mer vers la terre. Les pilotes savent profiter de cette circonstance dès qu ils ont atterré sur la Punta Farina : ils rendent de jour , pendant dix-huit heures, des bordées au large vers le sud-sud-ouest ; de nuit, lorsque le vent de terre fraîchit , ils mettent le cap sur la côte pendant six autres heures , en louvoyant avec un bon corps de voiles , à cause des courans. Dans cette navigation par le méridien , on ne doit pas s’éloigner de plus de 6o à 70 lieues de terre. Un pilote portugais a prouvé ré- cemment que la méthode des bordées peut s’exécuter même pendant 1 hiver , si toute- fois le navire obéit bien au gouvernail. Cette méthode a, en outre, le grand avantage de raccourcir le chemin : en la suivant , on évité les tempêtes qui régnent aux mois d août, de septembre et d’octobre, entre les 28» et 33» de latitude sud. J’ai cru devoir consigner ’ Moraleda Verotero de la mer del Sur. (Manuscrit trës-précîeux. ) 26* livre V , ici ces notions détaillées sur la navigation dans la partie orientale du Grand Océan, noii- seulenient parce qu elles intéressent le com- merce du nouveau continent, mais surtout parce qu elles prouvent un principe qui de- vroit influer puissamment sur tous les calculs de la politique ; savoir , que la nature a mis d énormes obstacles aux communications ma- ritimes entre les peuples du Pérou et ceux du Mexique. En effet , ces deux colonies, qui, d’après leur position, sont assez rapprochées, se regardent presque comme aussi étrangères entre elles qu’aux habilans des États-Unis et à ceux de l’Europe. '/■ ^ La branche de commerce la plus ancienne etiaplus importante d’Acapulco, est l’échange des marchandises des Grandes Indes et de la Chine contre les métaux précieux du Mexique. Ce commerce,limitéàunseulgalion, est d’une simplicité extrême ; et quoique j’aie été sur les lieux où se fait \a jhire\A plus renommée du monde, j’aurai peu' à ajouter aux notions qui en ont été données jusqu’à ce jour '. ' ^nson^s Voyage, Vol. II, Cliap.X, p, 63-73. Le Gentil , 11 , p. 2 1 6. Raynal , Il , p. 90. De Guignes , III, p. 407. Renouard de St. - Croix , II, p. 357. CHAPITRE XII. Le galion , qui a généralement douze ou quinze cents tonneaux, et c|ui est conini«inde par un officier de la marine royale , met à la voile à Manille, à la mi-juillet ou au com- mencement d’août , lorsque la mousson du sud-ouest est déjà parfaitement établie. Son cliars'ement consiste en mousselines , toiles O peintes, chemises de cotonnades grossières, soies écrues , bas de soie de Chine , ouvrages d’orfèvrerie faits à Canton ou à Manille, par des Chinois ; épiceries et aromates. Le voyage se fait, ou par le détroit de Saint-Bernardin , ou par le cap Bajador , qui est la pointe la plus septentrionale de l’île de Luçon : il duroit jadis cinq à six mois; mais depuis que Fart de la navigation a été perfectionné’, le trajet de Manille à Acapulco n’est que de trois ou quatre mois. Des vents du nord-ouest et du sud-ouest régnent dans le Grand Océan, comme géné- ralement dansgtoutes les mers, au delà des limites naturelles des vents alizés , au nord et au sud du parallèle des 28° et 3o«. Opposés, dans leur direction, aux vents alizés, ils peuvent être regardés comme des contre -courans atmosphériques. C’est à la faveur des vents du sud-ouest que, pendant mon séjour au 4o6 LIVRE V, Pcrou f dçs ÎDcitiiiicns tin^Iois y r lu venté excellens voiliers, sont venus du cap de Bonne- Espérance à Valparaiso , au Chili, en quatre- vingt-dix jours , quoiqu’ils eussent eu à par- courir, de l’ouest à l’est, près de deux tiers de la circonférence du globe. Dans l’hémis- phère boréal , le vent nord-ouest facilite la traversée des côtes du Canada en Europe, de même que celle de l’Asie orientale aux côtes occidentales du Mexique. Jadis le galion s’élevoit jusqu’au delà des 55” de latitude nord pour atterrer dans la Nouvelle-Californie , sur les hautes montagnes de Santa Lucia , qui s’élèvent à l’est du canal de Santa Barbara. Depuis une vingtaine d’années , l’atterrage se fait beaucoup plus au sud; car après avoir eu connoissance de 1 de de la Guadalupe (kit. 28” 53'), les pilotes gouvernent au sud-est , en évitant les dangers de l’écueil appelé J treojos ,eües deux faral- lons de los J lises. C’est une circonstance lâ- cheuse que, dans cette longue traversée, le galion ne trouve pas , depuis Manille jusqu’à l’île de la Guadalupe et aux côtes de la Cal^-r fonde, un seul point de relâche. Il eût été à désirer qu’au nord des îles de Sandwich CHAPITRE XII. 407 on eût découvert quelque autre archipel qui , situé entre l’ancien et le nouveau continent, pût offrir des raffraîchissemens et un bon mouillage. La valeur des marchandises du galion ne devroit être , d’après la loi , que d un demi- miilion de piastres ; mais elle s élève géné- ralement à un million et demi ou à deux millions de piastres. Après les négocians de Manille, ce sont les corporations écclésias- tiques qui prennent la plus grande part à ce commerce lucratif : ces corporations y em- ploient près du tiers de leurs capitaux , et cet emploi de l’argent est désigné par la phrase impropre dar a corresponde!-. Dès que la nouvelle arrive à Mexico que le galion a été vu sur les côtes, les routes de Chilpan- singo et d’Acapulco se couvrent de voyageurs : les négocians s’empressent à être les premiers à traiter avec les subrécargues qui arrivent de Manille. Généralement , quelques maisons puissantes de Mexico se réunissent pour ache- ter ensemble des marchandises , et il est arrivé que la cargaison a été vendue avant que la nouvelle de l’arrivée du galion fût connue à laVera-Cruz. Cet achat se fait presque sans 4o8 LIVRE V , ouvrir les balles; et quoiqua Acapulco on accuse les marchands de Manille de ce qu’on appelle trampas de la China ou fraude chinoise, il faut convenir que ce commerce entre deux pays éloignés l’un de l’autre de trois mille lieues, se fait avec assez de bonne foi , peut-être même avec plus de loyauté que le commerce entre quelques nations de l’Eu- rope civilisée, qui n’ont jamais eu aucun rap- port avec les négocians chinois. Tandis que les marchandises des Grandes Indes sont transportées d’Acapulco à la ca- pitale du Mexique , pour être distribuées dans tout le royaume de la Nouvelle-Espagne , on fait descendre, de l’intérieur vers la côte, les barres d’argent et les piastres qui doivent former la cargaison de retour. Le galion part généralement au mois de février ou de mars : il va alors presque sur son lest, car son chargement ne consiste, pour le voya^^e d’Acapulco à Manille, qu’en argent {plat2) , en une très-pedte quantité de cochenille d Oaxaca , en cacao de Guayaquil et de Ca- racas, en vin, huile et lainages d’Espagne. La quantité de métaux précieux exportée aux îles Philippines, y compris ce qui n’est pas CHAPITRE XII. 409 enregistré, s’élève, année moyenne, à un million, souvent à 1,000,000 piastres. Le nombre des passagers est généralement Ires- considérable , et augmenté de temps en temps par des colonies de moines que l’Espagne et le Mexique l’ont passer aux Philippines. Le galion de l’année i8o4 en conduisit soixante- quinze , ce qui fait dire aux Mexicains que la Nao de China, à son retour, charge />/« te frajles. La navigation d’Acapulco à Manille s’exé- cute à la faveur des vents alizés : c’est la plus^ longue que l’on puisse faire dans la région équinoxiale des mers ; elle est presque triple du trajet des côtes d’Afrique aux îles Antilles. Le galion, comme il a été observé plus haut, fait d’abord route au sud, en profitant des vents de nord-ouest qui régnent sur les côtes septentrionales du Mexique. Parvenu au pa- rallèle de Manille , il court à toutes voiles à l’ouest , trouvant constamment une mer tranquille et un joli frais de la partie qui est entre l’est et l’est-nord-est '. Rien n’in- * Plus ati nord , surtout entre les 20“ et le tropique du Cancer , les vents alizés sont moins constans dans le Grand Océan que dans l’Océan Atlantique. 4*^^ livre V, terrompt la sérénité du ciel dans ces régions, SI ce n’est quelquefois un petit grain qui se fait sentir lorsqu’il arrive au zénith. Aussi le pilote Don Francisco Maurelli a-t-il eu l’audace de traverser tout le Grand Océan, sur une lon- gueur de près de trois mille lieues marines, dans une chaloupe pontée plancha de navio) : cette chaloupe, appelée la Souora, fut expédiée de San Blas , pour porter à Manille la nou- velle de la dernière rup! ure entre l’Espagne et 1 Angleterre : on l’a conservée au port de Gavite , comme on auroit dû conserver à Timor le bateau dans lequel le malheureux capitaine Bligh fit sa mémorable navigation des îles de la Société aux îles Moluquesf. Autant que la traversée de Manille aux côtes du Mexique est longue et pénible , autant celle d Acapulco aux îles Philippines est courte et agréable : cette dernière ne dure généralement que cinquante cà soixante jours. Il arrive de temps en temps, depuis quelques années , que le galion touche aux îles Sand- wich pour J prendre des provisions et pour y fciire de 1 eau, si les prêtres du pajs n’ont pas taboueX aiguade. Comme la traversée n’est pas longue, et que les chefs de ces îles n’ont CHAPITRE XII- 4 ^ ^ pas toujours des dispositions amicales envers les blancs , cette relâche , rarement nécessaire, est souvent dangereuse. A mesure que le galion avance vers l’ouest, les brises devien- nent plus fraîches, mais aussi plus inconstantes : on commence à sentir de fortes rafales. Le galion touche à l’île de Guahan ou Guam , où réside , dans la ville d Aganu ' , le gouver- neur des îles Marianes. On a observé avec raison, que cette île est le seul point qui, dans la vaste étendue de la mer du Sud, parsemée d’îles innombrables , présente une ville bâtie à l’européenne, une église et un ouvrage de fortification. D’ailleurs , ce pajs délicieux, que la nature a enrichi des pro- ductions les plus variées, est une de ces nom- breuses possessions dont la cour d Espagne n’a jamais su tirer aucun parti. Le fanatisme des moines et l’avarice sordide des gouver- neurs ont conspiré jadis pour dépeupler cet Æirchipel. Le commandant du fort dAgana est un des employés du roi d Espagne qui peut le plus impunément exercer un pouvoir arbitraire ; il n’a des rapports avec 1 Europe ‘ Siirville , Nouveau Voyage à la mer du Sud, p. 176. livre V, ei les îles Philippines qu’une seule fois par an; si la nao est intereeptée, ou si elle se perd dans une tempête, il reste plusieurs années dans un isolement parfait. Quoiqu’il y ait, en ligne droite par l’est, 4ooo lieues de Madrid à Agana, on assure qu’un gou- verneur de Guahan, voyant arriver le galion deux années de suite, témoigna le désir de résider dans une île moins rapprochée de I Espagne , pour être moins exposé à la surveillance des ministres. Le galion porte à la eolonie des îles Ma- nanes {islas de los Ladrones) , outrele situado , c’est-à-dire l’argent destiné à payer la solde des troupes et les appointemens des officiers royaux, des lainages, des toiles et des cha-i peaux , pour l’habillement du petit nombre de blancs qui habitent cet archipel. Le gou- verneur fournit au galion des provisions fraîches , surtout du porc et de la viande de bœuf. Les bêtes à cornes se sont singulière- ment multipliées dans ces îles , où existe une belle race de bœufs qui tous sont blancs avec des oreilles noires. Le commodore Byron ' prétend avoir vu, à l’île de Saypan, ^ Hawkesworth’ s Compilation, Vol.I, p. 121. CHAPITRE XII. /| l3 située au nord de Tiiiian, et ayant des mon- tagnes peu élevées , des semblables à ceux du Pérou : cette observation mériteroit d’être vérifiée par des naturalistes. Les Espa- gnols n’ayant introduit au Mexique ou au royaume de la Nouvelle-Grenade ni Hamas y ni huanacos y ni alpacas , il paroît peu pro- bable qu’ils en ont transporté dans un groupe d’îles voisin de l’Asie Outre le galion d’Acapulco , on expédie aussi , de temps en temps , un vaisseau de Manille à Lima. Cette navigation ^ une des plus longues et des plus difficiles^ se fait ordinairement par la même route du nord que la traversée des îles Philippines aux côtes de Californie. Le galion destiné pour Lima , après avoir reconnu la côte du Mexique ^ fait route au sud jusqu’aux 28^ et 3o® de latitude australe, où règne le vent sud-ouest. Lorsque le Pérou , alFranchi du joug que lui impose le monopole de la compagnie des Philippines, pourra faire librement le commerce avec les Grandes Indes , on préférera peut-être, pour le retour de Canton à Lima, une route qui va au sud de la Nouvelle-Hollande, par des ^ Voyage de Marchand , T. I, p. 436. 4^4 LIVRE V, mers dans lesquelles ont est sûr de trouver des vents favorables. Peu d années avant mon séjour à Lima > Don Josef Arosbide a eonduit le galion el Filippino, en quatre-vingt-dix ]oms,parune route directe de V ouest a l’est, de Manille au Callao. Favorisé par les petits vents variables qui soufflent 3 surtout de nuit 3 dans le voisi- nage des îles de la mer du Sud 3 il a remonté, entre les parallèles de 6“ et io« sud3 contre le counxïit de rotutiou» La crainte de tomber entre les mains des corsaires anglois lui fit choisir une route si extraordinaire3 et opposée à la direction des vents alizés. Oubliant que le hasard avoit eu beaucoup de part au succès d un vojage pendant lequel des calmes avoient été interrompus par des grains du sud et du sud-sud-ouest ^ M. Arosbide voulut tenter une seconde fois la route de l’ouest à l’est: * Un savant navigateur, M. de Fleurieu, a déjà- observé , avec raison , qu’il n’est pas rare de voir régner, dans la région équinoxiale du Grand Océan, surtout par les i5° et i8°de latitude australe, et les ii4“ et 118® de longitude occidentale, pendant plusieurs jours, des vents sud-sud-ouest, et même nord-ouest. ( Fcyage de ^Marchand , T- II , p. 269. ) CHAPITRE Xn. 4l5 api’ès avoir lutté long-temps contre les vents alizés, il fut obligé de s’élever à de hautes latitudes, et de suivre l’ancienne méthode de navigation ; le manque de vivres le fit relâcher au port de San Blas, où il mourut excédé de fiitigues et de chagrins. On a demandé comment, depuis le seizième siècle, des vaisseaux espagnols ont pu tra^ verser le Grand Océan , des côtes occiden- tales dunouveau continent aux îles Philippines, sans découvrir les îlots dont est parsemé ce vaste bassin de mer ? Ce problème est facile à résoudre, si l’on considère que peu de navigations se soiit faites de Lima à Manille , et que les archipels dont nous devons la connoissance aux travaux de ’Wallis, de Bougainville et de Cook, sont presque tous contenus entre l’équateur et le tropique du Capricorne. Depuis près de trois cents ans , les pilotes du galion d’Acapulco ont eu la prudence de courir constamment le même parallèle , pour venir des côtes du Mexique aux îles Philippines : il leur paroissoit d’autant plus indispensable de suivre cette route, qu’ils se figuroient rencontrer des bas-fonds et des écueils dès qu’ils dévioient vers le nord LIVRE V, OU vers le sud. A une époque où Tusage des distances lunaires et celui des g’arde— temps étoient inconnus aux navigateurs , on tâchoit de corriger la longitude déduite de l’estime par l’observation de la déclinaison magné- tique. On avoit remarqué très-anciennement que la variation étoit à peu près zéro au détroit de San Bernardino , et déjà en ’iBSS, Juan layme avoit navigué avee Francisco Gali , de ]\Ianille à Acapulco , pour éprouver un instrument de son invention, propre à trouver la déclinaison de l’aiguille aimantée * Cette méthode de corriger l’estime pouvoit avoir quelque intérêt à une époque où un pilote ne connoissoit souventpas sa longitude à 8*^ ou lo*’ près : des observations très- précises ont prouvé de nos jours que le changement de déclinaison magnétique est extrêmement lent dans ces parages , même en approchant du détroit de San Bernardino. ^ Viage al estrecho de Fuca^ p. 46. Voyage de Lapérouse ^ T. 11, p. 3o6. J’ai trouvé, au mois de décembre i8o5, la variation magnétique à Mexico ( lat, iq® 25 45 nord ; long. occ. loi*? 25' ) , de 8" 8' à Pest; et dans la mer du Sud, par les 5o' de latitude nord et les io6® 26' de longitude , de 6® 54'. CHAPITRE XII. 417 D’ailleurs, on ne doit pas être surpris que des galions portant des cargaisons de six à sept millions de francs, n’aient pas été tentés d’abandonner la route qui leur étoit prescrite. De véritables expéditions de découvertes ne peuvent être faites qu’aux frais d’un gouver- nement ; et l’on ne sauroit nier que , sous les règnes de Charles-Quint, de Philippe, u et de Philippe iii, le^ vice-rois du Mexique et du Péx'ou n’aient encouragé un grand nombre d’entreprises propres à illustrer le nom espa^ gnol. Cabrillo visita, en 1642, les côtes de la Nouvelle-Californie ou de la Nouvelle- Albion, jusqu’aux 37*’ de latitude. Gali , s’égarant au nord, dans son retour de la Chine aux côtes du Mexique , découvrit , en 1682, les montagnes de la Nouvelle-Cor- nouaille, couvertes de glaces éternelles, et situées par les 67*^ 3o' nord. L’expédition de Sébastien Viscajno reconnut les côtes entre le cap Saint-Sébastien et le cap Mendocino. Déjà en i542 , Gaetano avoit trouvé quelques îles éparses rapprochées du groupe des îles Sandwich : on ne peut révoquer en doute que même ce dernier groupe n’ait été connu IV. 27 4l8 LIVRE V, aux Espagnols plus d’un siècle avant les voyages de Cook ; car l’ile de la Mesa^ indiquée sur une ancienne carie du galion d’Acapulco, est identique avec l’île Owlijbée, sur laquelle s élève la haute montagne de la labié ou Mowna-Roa ' . Mendatia y accom- pagné de Quiros% découvrit, en iSgS, le groupe d’îles connu sous le nom des Mar- quesas de Mendoça ou d’îles de Mendana , qui comprend San Pedro ou O-Nateja, Santa Christina ou Wahitaho, la Dominicà ou O-Hivahoa , et la Madalena. Nous devons à ces mêmes navigateurs intrépides la con- hoisssnce dés îles de Santa-Cruz de Mendana, que Garteret a nommées îles de la reine Charlotte ; l’archipel del Espiritu - Santo de ^ Yoyage de Marchand, T. J , p. 4id. ^ Alvaro Mendana de Neyra et Pedro Fernandez de Quiros. Voyez Successos de las islas Filippinas ( Mexico , 1 1)99 ) ) VI, Hechos de Don Garcia Hartado de Mendoza. , marques de Canete , virey del Péril , los escrlho el doctor Don C fuis tohàl Suarez de Figueroa^ p. s38. Après la mort de Mendana , son épouse , Doha îsabelîa Baretos, célèbre par la force de son esprit et par un courage extraordinaire , prit le commandement de Fexpédllion , qui fut terminée en 1596. CHAPITRE XII. 419 Quiros', qui sont les Nouvelles-Cjclades de Bougainville et les Nouvelles -Hébrides de Cook; l’archipel des îles de Salomon de Mendana , que Surville ^ a appelées les Arsa- cides; les îles Dezena ( Maitea ), Pelegrino ( Scylly-Island de Wallis), et probablement aussi O-Taïti (la Sagittaria de Quiros), qui toutes trois font partie du groupe des îles de la Société. Est-il juste de dire que les Espagnols ont traversé le Grand Océan sans reconnoître aucune terre , lorsqu’on se rap- pelle la masse des découvertes que nous venons de citer ^ et qui ont été faites à une époque où l’art de la navigation et l’astronomie nau- ^ Fleurieu, Découvertes des François dans le sud-est de la Nouvelle- Guinée , p. 85. * La Nouvelle-Géorgie de Shortland. ( Foyage de Marchand , T. VI , p. 63. ) l 2 J’aurois pu ajouter au tableau des découvertes des Espagnols dans la mer du Sud, celles de Garcia Jofre de Loaisa ( Fiage al estrecho de Magellanes , p, 206), «le Grixalva, Gallego, Juan Fernandez , Luis Vaez de Torrës et de Sejavedra Cedron , qui reconnurent les premiers la côte septentrionale de la Nouvelle- Guinée. Voyez la belle carte de la partie méridionale de la mer du Sud, dressée d’après les savantes re- «cherches de M. Dalrymple. 27 4^0 LIVRE V, tique ëtoient bien’ loin du degré de perfection auquel ils se sont élevés de nos jours? Les noms de Viscayno, de Mendana, de Quiros et de Sarmiento , méritent sans doute d’être placés à côté des noms des plus illustres navigateurs du dix-huitième siècle. Nous avons déjà observé plus haut que l’archipel des îles Sandwich olFre un point de relâche aux bâtimens qui vont d’Acapulco, ou de la côte nord-ouest de l’Amérique, aux Philippines et en Chine ; de même que les îles du marquis de Mendoza ou celles de la Société fournissent un eicellent mouillage et une grande abondanee de vivres aux bâtimens qui opt passé le eap de Horn pour chercher des fourrures à Noutka et dans la baie de Norfolk. Malgré ces avantages, les habitans du Mexique , intéressés dans le commerce avecl’Asië', désirèrôientijue les îles Sandwich ne se trouvassent pas sur la route d’Acapuleo à Manille : ils craignent que quelque puissance européenne n’j fasse des établisseniens , ou qwe les insulaires , naturellement: actifs çt entreprenans , ne commencent à exercer la piraterie dans ces mers. Il est vrai que le traité de Karahakooa , dans lequel Tamaah-* CHAPITRE Xn. maali, roi crOwliyhée, .a lait, en 1794 , «aè cession libre et volontaire de son empire au roi de la Grande-Bretagne, n’a pas des elFets plus durables qiie tant d’autres traités conclus entre les peuples civilisés del Burope. Les chefs, constamment en guerre entre eux; donnent la préférence à la nation ' cpû leur cède le plus d’armés à feu et de munitionsi Ces armes, peu de temps après, sont dirigées contre ceux même qui ont eu 1 imprudence de les fournir. Beaucoup d’Européens > la plu^ part mauvais sujets et déserteurs des batimens anglois ou anglo-américains, se sont établis parmi les insulaii’esi C’est par leur secours qu’une puissance entreprenante de l’Europe parviendra àssea facilement à se rendre maîtresse dès des Sandwich, et à y former une colonie. Ces insulaires sont excellens marins ; déjà plu- sieurs d’entre eux, embarqués sur 'des bàti- mens européen'S , ont été aux États-Unis , à la côte nord-ouest de l’Amérique éf en Chine; ils ont tenté de construire des gQqleftes, et même des vaisseaux armés , avec lesquels ils projettent de faire des expéditions^ loin-^ taines. Lescourans du nord-ouest leur portent 422 LIVRE V, de grands troncs de pins de la côte septen- trionale du continent de l’Amérique. Toutes ces circonstances faciliteront singulièrement 1 etablissement d une colonie dans cet archipel^ Les natifs des îles Sandwich, plus que tous les autres insulaires du Grand Océan , ont profité de leurs communications avec les Luropéens. La sphère de leurs idées s’est étendue ; on leur a fait naître des besoins quils ne connoissoient pas; et, depuis vingt ans , ils ont fait des progrès sensibles vers cet état social que 1 on désigne assez impropre- ment par le mot de civilisation Ces progrès, qui seroient très-lents si les insulaires étoient abandonnés à eux-mêmes , deviendront très- rapides sous la domination européenne, et peut-etre ces peuples se feront-ils craindre un C’est par les effets de celte prétendue civilisation, que les kabitans d’O-Taïti , accoutumés aux outils et aux étoffes de fabrique européenne, oublient peu à peu de faire des outils en pierre et en os, et qu’ils négligent la culture du mûrier à papier. Voyez les réflexions tres-sages de M. Vancouver, sur l’état de ces insulaires depuis leurs communications fréquentes avec les Européens. ( Voyage autour du monde ^ T. I, P‘ 179) CHAPITRE XII. 4^3 jour dans le Grand Océan, comme les cor- saires des îles Bermudes , ceux des îles Bahames et les Barbaresques sont craints dans l’Océan Atlantique et dans la Méditer- ranée. Une escadre stationnée dans la baie de Karakakooa, et dirigeant sa croisière vers le sud et vers l’est , se rendroit 'redoutable aux bâtimens qui font route pour les îles Philippines ou pour la Chine , soit d’Acapulco et de San Blas, soit de la côte nord -ouest de l’Amérique. Le cabotage sur les côtes occidentales de la Nouvelle-Espagne est moins considérable que celui qui a eu lieu entre Campeche, l’embouchure du Rio Huasacualco , appelée nouvellement le Bourbon Vera-Gruz et. Tampico. En suivant les côtes du sud-est au nord-ouest , on trouve les ports suivans : Tehuantepec, los Angeles, Acapulco, Siguan- tanejo , Zacatula, Colima ', Guatîan , Navidad, Puerto Escondido , Xalisco , Ghiametla , Ma- zatlan , Santa Maria Aorne, Santa -Cruz de Mayo, Guaimas, Puerto de la Paz (oudel Marquès del V aile ) * , Monterey , San Fran- Carias de Hernan Cariez, p. 348. => Voyez Chap. VllI , T. II, p. 417. 4^4 LIVKE V, Cisco, et Puerto de Bodega. Cette longue liste des ports , dont la majeure partie offre "im excellent mouillage , justifie ce que nous avons dit plus haut, sur le contraste que l’on remarque entre les côtes orientales et les côtes occidentales du Mexique. La force des courans , la constance des moussons et les tempêtes de l’hiver^ rendent très-difficile le cabotage. Des côtes de Guatimala à la mer de Cortez , les traversées sont si pénibles et si longues , que les corvettes commandées par Malaspina, deux batimens excellens voi* liers, mirent, en 1791, cinquante-huit jours pour venir de Realexo à Acapulco ; la même année, le navire de commerce la Galga, favorisé par les courans et les vents, eut connoissance des îles Açores soixante jours après avoir quitté le port de Lima : le premier trajet est de 5oo lieues marines j le second de 4fioo lieues. Les ports d’Acapulco, San Blas, Monterey et de San Francisco , offrent la position la plus heureuse pour la pêche du cachalot et pour le commerce des fourrures de loutres, que l’on trouve partout entre les 280 et 60» de latitude boréale. Nous avons déjà traité CHAPITRE XII. 42.5 de ces objets dans le dixième chapitre , en parlant des animaux marins des côtes du Grand Océan. Les Anglo-Américains, pour venir dans les parages habités par les sari- coviennes , sont oblig’és de faire tout le tour du nouveau continent : dès 4o“ ou 45° de latitude nord, ils s’élèvent jusqu’aux SS» et 60” sud ; après avoir doublé le cap de Horn , ils remontent dans la mer du Sud jusqu aux mêmes latitudes boréales dont ils sont partis. Pendant le court séjour que je fis aux Etats- Unis en i8o4, il y avoit, sur les côtes nord- ouest , quinze à vingt bâtimens américains ' , la plupart appartenant à des armateurs de Nantucket et de Boston : ces bâtiméns, apres avoir échangé leurs fourrures à Canton et a Macao, contre du thé, de la soie écrue et du nankin, font le tour du globe en reve- nant par le cap de Bonne - Espérance. Les Espagnols - Mexicains , dont les possessions s’étendent jusqu’aux 38" nord, peuvent se rendre dans l’espace de vingt jours sur ces mêmes côtes , sur lesquelles les Anglo- Amé- ricains et les nations de l’Europe ne peuvent 1 L’année 1792 on n’y en comptoit que sept. Vancouver y III, p. 519. 4^6 LIVRE V, atterrer qu’après une navigation de six ou sept mois. Le littoral de la Nouvelle-Gali- Idrme , surtout les environs de ^^îonterey ^ présentent cette superbe oreille de mer dont la nacre est du plus bel orient , et à laquelle les insulaires do File de Quadra et ceux de la Nouvelle - Cornouaille attachent autant de prix qu’à YHaliothis iris et à VHaliothis aus- iralis de la Nouvelle-Zéeiande D’un autre côté le commerce du Chili fournit le cuivre de Coquimbo , recherché par les sauvages de la côte nord-ouest. Après les colons de 1 Amérique russe , aucune autre nation n’est placée plus avantageusement pour la traite des fourrures de loutres , que les Espagnols- Mexicains. Cette fourrure, qui varie de couleur et de finesse avec l’âge, la saison et le sexe, est d un noir de jais : elle est si estimée en Chine, qu avant 1780 une peau de loutre étoitpajée à raison de quarante, de soixante, et meme de cent à cent vingt piastres. Jusqu’en 1787, le prix se conserva jusqu’à » Fiage al estrecho de Faca , p. CX.LV11I, p. lai et 161. Voyage de Lapérome , T. II, p. 276-282- T. IV, p. 276. CHAPITRE XII. 427 soixante-dix piastres, pour les peaux de première qualité: mais depuis celte époque, les importations ont excédé de beaucoup les besoins du commerce, et la valeur de cette four- rure a tellement baissé, qu’en 1790^ la plus belle peau de Noutka se vendoit à Canton à raison de quinze piastres. Dans ces derniers temps , le gouvernement chinois a quelquefois pro- hibé l’importation des fourrures par les ports du sud : cette prohibition n’a cependant été que momentanée. On voit, par la liste des importations faites à Canton depuis i8o4 iusc[u’en 1806, qu’on a importé , dans 1 espace de trois ans, 54,i44 pièces ‘ de peaux de loutres, dont près de cinq sixièmes sont venues sur des bâtimens anglo- américains. Pendant cette période, le pi-ix moyen d’une ^ Imporlatiou eu i8o4 11,17^ pièces. 1805 ^2jiSo 1806 788 34^1 44 D’après les tableaux du commerce de la Russie y publiés par M. le comte de Romanzow , la Chine a reçu par Kiachta, en toutes sortes de fourrures d’ani- maux marins et terrestres, année moyenne , de 1802 à i8o5, pour la valeur de i,45o,ooo roubles. 4^8 LIVRE V, peau a été de i8 à 25 piastres On voit par ces renseignemens , que le bénéfice du com- merce de pelleterie a énormément diminué depuis le séjour du lieutenant King et du capitaine Hauna en Chine; on reconnoît aussi combien sont exagérés les calculs de quelques écrivains d’économie politique , qui ont pensé que quarante-quatre millions dé livres de thé que consomment les Européens , pourroient se payer en grande partie avec les fourrures de la côte nord-ouest de l’Amérique. Il paroît que les marchés de Canton et de Macao sont abondamment fournis avec trente ou trente - cinq mille peaux de loutres par an , et la valeur totale de eette importation ne s’élèveroit pas à six cent mille piastres. Le prix des fourrures en Chine baissera sans doute encore davantage, si les Américains des États-Unis profitent des lumières qu’ils ont acquises par l’expédition du capitaine Lewis, et s’ils ouvrent un com- merce direct entre la baie de Hudson, le * Comparez Coxe_, JR-Ussian Discoperies ^ p. i3, et Bixoris Voyage round tJie World, p. 3i6v avec Renouard de Saint - Croix , V oyage commercial , Vol. III, p. 162. CHAPITRE XII. 4^9 Canada et l’embouchure de la rivière Co- lombia. Lorsque, par la relation du troisième voyage de Cook , l’Europe apprit à connoître les avantages qu’offre le commerce des peaux de louti’es marines, les Espagnols firent aussi quelques foibîes tentatives pour prendre part à ce commerce. Un commissaire fut envoyé à Monterey en 1786 , pour rassembler toutes les peaux de loutres des presidios et des missions delà ouvelle-Calilornie : on croyoit alors pouvoir réunir jusqu à vingt mille peaux. Le gouvernement se réserva d abord exclusivement le commerce des fourrures; mais voyant que cette mesure étoit trop odieuse, il donna à quelques négocians du Mexique la permission d’envoyer des car- gaisons de peaux aux Philippines. Le profit des armateurs a été presque nul, parce que le gouvernement espagnol a chargé d’impôts exorbitans cette branche naissante de l’in- dustrie nationale ; parce que les fqurrures ont passé par les mains des négocians de Manille , et parce qu’on ne s’est livré à cès spéculations que lorsque le prix des fourrures avoit déjà baissé considérablement. De quel immense 43 O LIVRE V, profit ce commerce n’auroit-il pas été pour les Mexicains , si , lors des expéditions de Ferez, de Heceta et de Quadra en 1774» en 1775 et en 1779’ cour de Madrid avoit établi des factoreries à la rade de Noutka {Puerto de San Lorenzo) , au port de Bu- careli, ou à l’île Hinchinbrook , dans ces régions septentrionales où les loutres ont le pelage plus fin, plus lustré et plus touffu qu’au sud du parallèle de 48 degrés? A cette époque, les chasseurs du Kamtschatka étoient encore seuls maîtres du commerce de la pelleterie sur la cote nord - ouest du nouveau con- tinent. En présentant les tableaux du commerce d’Acapulco et de la Vera - Gruz , j’ai dû m’astreindre aux objets d’exportation etd’im- portation qui ont été enregistrés ^ c’est-à-dire pour lesquels ont été pajés les droits d’entrée et de sortie prescrits par les lois espagnoles : ces droits ( derechos reales ) se payent en Amérique , d’après les réglemens “ de 1778 * Voyez Chap. VIII, T. Il,, p. 468-475. ^ jirancel general de los derechos reales de aduanas de los anos 1778 j 1782. Calendario mercantil de CHAPITRE XII. 43 I et 1782 , dans lesquels on a fixé , d'une manière assez arbitraire , le prix de toutes les marchandises qui peuvent être introduites dans les colonies, depuis le cuir et les toiles peintes jusqu’aux appareils chimiques et aux instrumens d’astronomie. C’est en raison de cette valeur supposée que chaque article paye un impôt fixé à tant pour cent. On distingue dans les colonies espagnoles entre les droits royaux et les droits munici- paux .-cette distinction a lieu dans tous les ports , depuis Goquimbo jusqu’à Monterey. Les puertos majores payent les deux genres d’impositions à la fois ; dans les puertos minores on n’exige que les droits municipaux seuls. D’ailleurs le système des douanes n’est rien moins qu’uniforme dans les différentes parties de l’Amérique. JJ alca^ala ^ qui se paye à l’entrée et non à la sortie des marchandises , est, à Garthagène des Indes ^ de 2 pour cent , à Guayaquil de 3, à la Vera-Cruz et à Caracas de 4> à Lima de 6 pour cent. JJalmoxari- fazgo d’entrée est généralementv pour Les Espana y Indias , 1 8o4. Espiriùu de los mejot'es dia~ rios, 1789 , n. 170, p. gSS-, n. 172, p. 987 j n. 173, p. ioi3. 4'^ 2 LIVRE V, productions espagnoles, de 5 pour cent; on en exige 7 pour les marchandises étran- gères : 1 altnoxarijazgo de sortie est de 2 à 3 pour cent. Parmi les droits municipaux , on distingue le derecho del consulado , de I à 1 pour cent ; le derecho del fiel executor , et le derecho del cahildo. A l’entrée des mar- chandises dans les colonies espagnoles , la douane exige, des effets libres ou produits de l’agriculture et des manufactures espa- gnoles, 9 7 pour cent; des effets contribuables ou produits du sol étranger, manufacturé^ en Espagne, 12 ^ pour cent; des effets étrangers, 7 pour cent : il faut observer que ces derniers effets, avant d’entrer dans les ports de l’Amérique, ont déjà pajé 22 pour cent; savoir, 7 à la sortie d’Espagne , et i5 à leur première entrée en Espagne. Je puis renvoyer le lecteur, pour le détail du système des douanes , à l’ouvrage instructif que M. Pons a donné sur la statistique de' la province de Caracas '. Occupant la place d’agent commercial , cet écrivain a été dans * V oyage à la Terre-Ferme , T. 11, p. 35/ , 36o et 44i ; T. lîl , p. i). CHAPITRE XII. 43S les circonstances les plus favorables pour étudier tout ce qui a rapport aux imposi- tions , aux tarifs et aux douanes de l’Espagne. Le mauvais état des côtes orientales, le manque déports, la difficulté d’atterrer et là crainte des clvcivws y rendent le commerce frauduleux plus difficile au Mexique que sur les côtes de la Terre-Ferme. La contrebande se fait presque uniquemen t par les ports de la Vera-Cruz et de Campe che ; on emploie de petits bàtimens expédiés de ces derniers ports, pour aller chercher des marchandises à la Jamaïque, et pour entretenir ce que, à la Vera-Cruz, on désigne sous le nom de t'oies télégraphiques. En temps de guerre on a vu souvent les frégates qui bloquent la rade , débarquer la contrebande a la petite île des Sacrifices. En général, le commerce des colonies est extrêmement vivifié pendant les guerres maritimes ; c’est le moment où ces contrées jouissent , jusqu à un certain point , des avantages de l’indépendance. Aussi long- temps que les communications avec la métro- pole restent interrompues, le gouvernement se voit forcé de se relâcher de son système prohibitif, et de permettre de temps en IV. ^■^4 - LIVKE V, temps le commerce avec les neutres. Comme les douaniers ne sont pas trop sévères dans 1 examen des papiers , la contrebande se fait alors avec la plus grande facilité, et, s’il est probable qu’en temps de paix elle absorbe quatre à cinq milbons de piastres par an , en temps de guerre elle s’élève sans doute à six ou sept millions. Pendant la dernière rupture avec l’Angleterre , la métropole n’a pu intro- duire, de 1796 à i8oi , année commune, plus de 2,604,000 piastres » en marchandises nationales et étrangères. Cependant au Mexi- que les magasins étoient encombrés de mousse- lines des Indes et de produits des manufactures angloises. Depuis un demi - siècle , le ministère de Madrid demande régulièrement tous les ans, tantôt aux vice-rois, tantôt à la junte suprême d^s finances, tantôt aux intendans de pro- vinces , des rapports sur les moyens de di- minuer la contrebande. En i8o5, il a tenté une voie plus directe j il s’est adtessé au eonsulado de la Vera-Cruz, composé des * Reflexiones acerca del comercio de Vera-Cruz y dt la influencia que ha tenido la guerra. ( Mém. manus- erît lrès-int«ressant , de D. JosefDonato de Austria. ) CHAPITRE XII. 435 principaux nëgocians de la ville. On conçoit facilement que tous ces rapports n’ont pas conduit à la solution d’un problème qui intéresse autant les mœurs publiques que le fisc. Malgré les garde-cotes et une multitude de douaniers dont l’entretien est très-dispen- dieux; malgré la sévérité extrême du code pénal, le commerce frauduleux subsistera nécessairement aussi long- temps que l’appât du gain ne sera pas diminué pa,r un chan- gement total dans le système des douanes. Aujourd’hui les droits sont si énormes, qu’ils augmentent de 35 à 4o pour cent le prix des marchandises étrangères importées par lés bâtimens espagnols. Après avoir fait connoître , d’après des renseignemens pris sur les lieux , l’importance du commerce intérieur et extérieur du Mexique , l’ét at des routes et des ports, la possibilité des canaux , les difficultés qu’op- posent les courans et les moussons à la navi- gation dans la mer du Sud , il nous reste à jeter un coup d’œil général sur Y augmenta- tion annuelle de la richesse nationalç. Nous ne retracerons point ici l’histoire du commerce de l’Amérique ^ depuis le temps où il étoit 28^ 4^^ LIVKE V, restreint aux galions .de Portobelo et à la flotte de la Yerai-Cruz, jusqu’à l’époque Heureuse ou le. roi ILHarles m l’a débarrassé, en glande partie, des entraves .qui l’ont géné pendant trois . siècles, M;, Bourgoing a traité cette matière avec la sagesse et la clarté qui caraçtérisent 1 ouvrage, dans lequel il a le premier fait connpître à l’Europe l’Espagne moderne i. Sans répéter ce qui a été sufHsam-. ment développé par plusieurs auteurs d’éco- nomie politique, nous poursuivrons la route que nous nous sommes tracée jusqu’ici, en recueillant des faits , et en conduisant le lecteur, à l’appui de ces faits, à des résultats généraux. Lorsqu’on réfléchit sur letat des colonies avant le règne du roi Charles iii, et au monopole odieux que Séville et Cadix ont exerce depuis des siècles, dans le commerce de 1 Amérique , on ne sauroit être surpris que le fameux réglement du 12 octobre 1778 ^ Bourgoing , Tableau V Espagne moderne , 4.® édit. , T. II, Chap. YII , YIII et IX , p. 188-29^. Lahorde , Itinéraire descriptif de V Espagne , T. IV , p. 373-384. Encyclop, méthod, , Économie politique^ T. II, p. 3i9’^324. CHAPITRE Xll. 437 ait été désigné par le noiia de 4 édit dit corn^ nterce libre. En matière de commerce, comme en politique , le mot de liberté n exprime qu’une idée relative y Pt de l’oppression sous laquelle gémissoient les colons du temps dès galions , des registres et Aés>Jlottes , à cet état de choses dans lequel quatorze ports sont ouverts presque à la fois aux productions de l’Amérique : le passage est le même que celui du despotisme le plus arbitraire à une liberté sanctionnée par la loi.- Il est vrai qüè , sans adopter en entier la théorie des économistes ) on pourvoit ^être tenté de croire que là métropole et les colonies auroient gàgné a la fois , si la loi du commerce libre àvoit été suivie de l’àbolisSement d un tarij" dès-droits contraire h l’agriculture et à l’industrie des Américains : niais deVoit - on S'attendre à ce que rÈspügnê- se détachât la prénrièrë dun système colonihl qui , malgré les plus cruelles expériences pour le bonheur individuel êt pour la tranquillité publique, a été suivi si long-temps par les nations les plus éclairées de l’Europe ? A l’époque où tout le commerce de la Nouvelle-Espagne se faisoit par des vaisseaux 4^^ LIVRE V, de registres réunis dans une flotte qui arnvoit tous les trois ou quatre ans de Cadix à la era-Cruz , les achats et les ventes étoienl entre les mains de huit ou- dix maisons de commerce de Mexico, qui exercoient un monopole exclusif. Il j avoit alors une foire {fena ) a Xalapa , èt rapprovisionnement d un vaste empire sè traitoit comme celui dune, place bloquée : la concurrence étant presque nulle , on faisoit monter à volonté le prix du fer, de racier, et de tous les objets indispensables aux mines. C’est le célèbre vojageur Don Antonio ülloa qui commanda la dernière flotte arrivée à la Vera-Cruz au mois de janvier de l’année 1778. Le tableau suivant offre la Valeur des .marchandises exportées dans cette flotte , comparée à la valeur de l’exportation de la Vera-Cruz pen- dant les quatre années de 1787, 1788, 1789 179^» qui sont contenues dans la période désignée sous la dénomination de, commerce 44o LIVRE. V, Comme la flotte de Don Antonio ÜJIoa etoit chargée du produit de l’agriculture mexicaine depim 1774 jusqu’en 1778, on voit, par Je tableau précédent, quelle in- fluence puissante le commerce libre a eue sur les progrès de l’industrie. Année mojenne, la valeur de l’exportation enregistrée a été , avant 1778, de 61 7,000 piastres : pendant la période qui commence en 1787 et qui finit en ^790,1 exportation enregistrée s’est élevée à 2,840,000 piastres. Quoique la flotte de l’année 1778 ait été la dernière qui soit venue à la Nouvelle- Espagne , ce pays n’a cependant joui pleine- ment du privilège accordé dans le réglement du 12 octobre 1778 que depuis l’année 1786, ou beaucoup de maisons de commerce se sont établies à la Vera-Cruz, et j ont pros- péré. Les négocians qui habitent les villes.de 1 intérieur, et qui se pourvojoient jadis à Mexico des marchandises d’Europe , ont pris I habitude d aller directement à la Vera- Cruz pour y faire leurs achats (paraemplear). Ce changement dans la marche du commerce a été contraire aux intérêts des habitans de la capitale; mais raccroissement que Ton CHAPITRE XII. 44i observe depuis Tannée 1778, dans toutes les il branches du revenu public , prouve suffisam- 1 ment que ce qui a été nuisible à quelques particuliers a été utile à la prospérité natio-- nale. Les trois tableaux suivans ont été i dressés pour mettre dans le plus grand jour cette importante vérité. î 1 I 44® livre V, tableau I. Produit brut du revenu public de la Nouvelle- Espagne, AVANT LA. DicLARATION DU COMMERCE LIBRE. APRES LA BÉOLARATION DU COMMERCE LIBRE. ANNÉES. 1 VALEUR j EN PIASTRES. ANNÉES. VALEUR en piastres. 1765 6,i3o,5i4 1778 15,277,054 I7G6 7,841,457 1779 _ 15,544,574 1767 8,i5o,i47 1780 15,010,974 1768 ^,622,145 1781 18,091,639 1769 8,465,432 1782 19.594,490 1770 9,694,583 1783 00 1771 9^56o,74o 1784 19,605,574 1772 io,8o5,532 -1785 18,770,056 1773 12,216, 117 1786 16,826,416 ijyti ii,ii6,638 1787 17,98^.'^48 1775 ii,845,i3o 1788 18,573,561 1776 12,588,292 00 19,o44,84o 1777 14,118,759 1790 19,400,213 Total. i3i, 135,286 Total. 233,302,557 Effet total du commerce libre \ piastres! sur le revenu brut, pendant treize ans > 102,167,271 V CHAPITRE XII. 443 TABLEAU IL A. Tailleur des métaux précieux envoyés, pour le compte du roi , de la Vera-Cruz en Espagne AVANT LA DÉCLARATION DU COMMEIWCC LIBRE. APRÈS LA DÉCLARATION DU COMMERCE LIBRE. ANNÉES. i V ALEU R EN PIASTRES. ANNÉES. VA LEUR EN PIASTRES. 1766 90,387 1779 6,795 1767 2,923 1780 3,096,696 1768 '623,855 1781 1760 1782 1770 1,858,784 1783 691,756 1771 922,306 1784 2^473,866 xTTi 1785 2,980,332 1773 3,11 4, o46 1786 3,544,489 1774 1787 3,920,680 1775 1,903,649 1 788 3,605,719 1776 1,724,907 1789 3,612,623 1777 . 2,542,086 1790 2,152,961 1778 2,244,129 1791 3,496,065 Total. 15,027,072 Total. 29,581,982 Effet du commerce libre suri piasires, ^ le revenu net qu’on fait passer) i4,554;9io en Espagne 444 LIVRE V , B. Quaiiiités de piastres envoyées , pour le compte du roi, de la K era-Cruz à Cadix et aux îles Antilles. DESTlI'iATIOîs'. AVANT la déclaration du commerce libre , APRÈS la déclaraiion du commerce libre , EXPORTATION TOTALE pour le compte du de 1766 à 1.778. de 1779 à 1.791. Trésor public. Espagne 16,027,072 29,681,982 44,609,0614 Isles Antilles ^ . 36,269,608 78,846^96 •ii5,io6,2o5 Total 61,286,680 108,428,677 169,716,267 G. Exportation des métaux précieux ^ de la Vera-Cruz ,, à la Hamne^ à Portorico et à là Louisiane, tant pour le compte du roi (comme siUiados) -, que pour celui de particuliers . dî H P cy 0 ' j VAiiEüR ÈIS avant la dcc I liberté du p.*^ le compte DU ROI. r PIASTRES 5 laraliotl de la commerce. p.^ le compte de particuliers. <ô ta ]a dénominaîlon siluaâ os para las islas, l'argent envoyé à ia Havane, à la Lou'rsiane, à Portorico, et quel- queFois à Caracas , '|)our subvenir aux frais d'adminislralion de ces colonies, et à la solde des troupes. CHAPITRE XII. 44^ résultats. P I A s r R K s EXPORTÉES de la vera-cruz aux colonies espagnoles D E 1766 à 1778. PE 1779 à 1791. niFFÉRPJ^CE. Pour le comptGj du roi et de particuliers...! } 43,8o5,585 84,627,928 40,822^343 TABLEAU III. Quantités de piastres exportées de la V era-Cruz en Espagne et aux colonies espagnoles > tant pour le compte du roi que pour celui de particuliers, j DEST IN ATION. AYANT la DÉCLARATION de la liberté du coijamerce, de 1766 à 1778. APRES LA déclaration de la liberté du commerce, de 1779 à 1791 . ' Espagne , pour le compte | du roi , d’après le Ta- , bleau II ( A } j 1 15,027,072 29,581,982 Havane, Portorico et Loui- j siane , pour le compte 1 du roi , d’après le Ta-* bleau JI ( C ) J 1 36,259,508 78,846,695 Espagne et îles Antilles , j pour le compte de par- ticuliers 1 103,873,984 11 5, 623, 348 Total i55,i6o,564 224,052,025 1 44^ LIVRE V , Comparons maintenant le produit annuel des mines de la Nouvelle -Espagne avec la perte en numéraire qu’éprouve ce pays , par la balance défavorable de son commerce. Préparés paroles notions que nous venons d’acquérir sur les exportations de la Vera- Cruz et d’Acapulco , nous serons en état de résoudre la question importante si les métaux précieux s accumulent dans une région qui renferme les mines d’argent les plus abon- dantes du monde connu. On a avancé , dans plusieurs mémoires présentés à la cour de Madrid , qu’en temps de paix, avant l’année 1796^ la balance du commerce de la Vera-Cruz avoit été, en faisant abstraction du commerce frauduleux , telle que la présente le tableau suivant : CHAPITRE XII. 447 IMPORTATION. \ piastriifi. loiportalion d’Espagne 11,100,000 Importation de l’Amérique espagnole ... 1 ,3oo,ooo 12.400.000 piastres, 3,4oo,ooo 9,000,000 12.400.000 Cette balance offre un état d’exportation défavorable en apparence pour le royaume de la Nouvelle-Espagne. Si, dans le tableau précédent , on fait entrer en ligne de compte les espèces exportées pour le compte des négocians, il n’y a pas de raison pour ne pas ajouter la quantité de piastres envoyées annuellement pour le compte du gouverne- ment, soit en Europe, soit aux colonies espagnoles. Ces derniers envois s’élèvent , année commune, à huit ou neuf millions de piastres. Nous avons vu plus haut que , depuis 1779 jusqu’en 1791 , l’exportation de l’or et de l’argent du Mexique par le port de la Vera-Cruz_, pour le compte du roi et pour celui de particuliers, s’élevoit à plu» EXPORTATION. En produits de l’agriculture mexicaiue . , En métaux précieux 448 LIVRE y y de deux cent vingt-quatre millions de piastres, ce qui fait, année moyenne, la somme de dix-huit millions et demi. On trouve en général, que, conformé- ment aux tableaux consignés ci-dessus, de 1766 à 1791 , l’exportation des métaux précieux, par le port de la Vera-Gruz, a été de. . 579,000,000p. La quantité de métaux pré- cieux extraits des mines du Mexique a été , pendant la même époque, de 460,000,000 Différence 81,000,000 Il résulte de ces données, que, pendant une période de vingt-cinq ans, raccumula- tion annuelle du numéraire n’a pas excédé la somme d’un million de piastres ; car , quoique la consommation des objets de luxe , avant l’année 1778, ait été considérablement moindre quelle ne l’est aujourd’hui, il seroit difficile de ne pas évaluer à deux millions et demi de piastres la valeur de la contrebande, dont une grande partie est soldée en espèces son- nantes. CHAPITRE XII. 449 L’état du commerce de la Nouvelle-Espagne abeaucoup changé depuis douze ou quinze ans. La quantité de marchandises étrangères que le commerce frauduleux introduit sur les côtes orientales et occidentales du Mexique, a aug- menté , non en volume, mais en valeur intrin- sèque. Il n’y a pas un plus grand nombre de bâtimens employés dans le commerce {smug~ glingtrade) avec la Jamaïque , mais les objets d’importation ont changé avec l’accroissement du luxe et de la richesse nationale. Le Mexique a besoin aujourd’hui de draps plus fins , d’une quantité plus considérable de mousselines , de gazes, de soieries, de vins et de liqueurs , qu’avant l’année 1791. Quoiqu’on évalue la contrebande à quatre ou cinq millions de piastres par an, il ne faut pas en conclure qu’une somme égale ‘ de piastres non enre^ gistrées reflue en Asie et aux îles Antilles angloises : une partie de cette importation frauduleuse est changée contre des produits de l’agriculture mexicaine ou péruvienne ; une autre partie est soldée, soit en Amérique, soit à Cadix, à Pdalaga et à Barcelonne. ‘ Voyez plus haut, Chap. XI , p. ai3. IV. 39 . jt... 4 Lrv'RE V , Si, d’un côté, depuis quinze ans, l’aug- mentation du luxe a rendu le Mexique plus dépendant de l’Europe et de l’Asie, d’un autre côté, le produit des mines a augmenté considérablement..D’après des renseignemens fournis par le consulado, l’importation de la Vera-Cruz, en ne calculant que d’après les registres des douanes, étoit, avant 1791, de onze millions de piastres; aujourd’hui elle est, année commune, déplus de quatorze mil- lions. Dans les dix années qui ont précédé celle de 1791, le produit moyen desminesdela Nouvelle-Espagne ■ a été de i9,3oo,ooopiastres par an, tandis que , de 1791 à 1801 , ce pro- duit s’est élevé annuellement à 25 millions de piastres. Dans cette dernière période , les fabriques indigènes ont singulièrement pros- péré; mais comme, en même temps, le bas peuple indien et les gens de couleur vont moins nus, ces progrès des fabriques mexi- caines n’ontpas eu d’influence sensible sur l’im- portation des lainages d’Europe, des toiles de 1 Inde , et d autres tissus de fabrication étran- gère. Le produit de l’agriculture s’est accru ‘ Voyea plus haut, Chap. XI, p, Io2-io3. CHAPITRE XII. 45i dans une plus grande proportion que celui de l’industrie manufacturière. Nous avons vu plus haut avec quel zèle les habitans du Mexique se sont adonnés à la culture de la canne à sucre. La quantité de sucre exportée à la Vera-Criiz s’élève déjà à six millions de kilo- grammes, et en peu d’années la valeur de cette denrée égalera celle de la coehenille de rintendance d’Oaxaca. En réunissant maintenant sous un même point de vue les données que j’ai pu recueillir sur le commerce d’Acapulco et de la Vera- Cruz, il en résulte qu’au commencement du dix-neuvième siècle., U importation des productions et des mar- chandises étrangères dans le royaume de la Nouvelle-Espagne, y compris la con- trebande sur les côtes orientales et occi- dentales, est de vingt millions de piastres, JJ exportation de la Nouvelle-Espagne, en productions de son agriculture et de son industrie manufacturière , est de six millions de piastres. Or, les mines produisent pour vingt-trois 29’ ” 4^2 I-IA^RE V, millions de piastres en or et en argent , dont huit à neuf sont exportés pour le compte du roi, tant pour l’Espagne que pour d’autres colonies espagnoles : par conséquent , si l’on ^^duit des (quinze millions de piastres restans quatorze millions pour solder l’excès de l’importation sur l’exportation , on trouve à peine un million de piastres ; la richesse nationale , ou pour mieux dire le numéraire du Mexique augmente donc annuellement. Ce calcul , fonde sur des données exactes, explique pourquoi le pajs dont les mines sont les plus riches et les plus constantes dans leur produit, ne possède pas une grande masse de numéraire, et pourquoi la main- d œuvre s’y soutient toujours à un prix assez bas. Des sommes énormes sont accumulées entre les mains de quelques particuliers ', mais l’indigence du peuple frappe les Européens qui parcourent la campagne et les villes de l’intérieur du Mexique. Je suis tenté de croire que des quatre-vingt-onze millions de piastres ^ que nous avons supposé exister en numéraire * Voyez Chap. VII, T. Il, p. 29. ' Voyez plus haut, Chap. XI, p. -255. CHAPITRE XII. 4'^^ pciriiii Ips tr6iZ6 ou c[Ucitor7G niillioiis il liübi- tans des colonies espagnoles de 1 Amérique continentale, il y en a, au Mexique, à peu près cinquante -cinq ou soixante millions. Quoique la population de ce royaume ne soit pas tout à fait dans le rapport de i à 2 à la population des autres colonies continen- tales , sa richesse nationale est à celle des autres colonies presque 4h^is le rapport de 2 à 3. L’évaluation de soixante millions de piastres ne donne que dix piastres par tête ; mais cette somme doit déjà paroitre ass^z forte, lorsqu’on réfléchit qu’en Espagne ôn compte , par chaque habitant , sept , et en France quatorze piastres, üâns la capitania general de Caracas, on n’estima, en i8oi , le numéraire qui circule parmi une population de sept à huit cent mille habitans ^ qu A trois millions de piastres * : mais aussi quelle difîerence entre un empire riche en min^^ comme le Mexique, et un autre qui en e^t entièrement dépourvu , et dont les produc- lions exportées équivalent à peine à la yalcur des importations! Plusieurs écrivain? 454 livre V, nomie politique supposent que le numéraire d’un pajs est généralement, à son revenu brut^ clans la proportion de 4 à i . Or , le revenu du royaume delà Nouvelle-Espagne, en décomptant ce que le gouvernement tire des mines, est de seize millions de piastres. D après cette donnée, la masse du numéraire seroit de soixante -quatre ' millions, ce qui s’écarte très-peifde notre première évaluation. Nous avons vu plus haut que le ministère d Espagne n’a pas toujours eu des idées exactes de la richesse nationale du Mexique. Occupée, en r8o4 , de l’amortissement des vales ou de la dette publique , la métropole a cru pouvoir arracher tout d’un coup à la Nouvelle-Espagne une somme de quarante- quatre millions et demi de piastres apparte- nant à des corporations ecclésiastiques '. II étoit cependant facile de prévoir que les propriétaires entre les mains desquels cette somme a passé, et qui l’ont utilement em- ployée pour améliorer leurs terres, ne seroient pas en état de la rendre en espèces son- nantes : aussi cette opération du fisc a-t-elle totalement manqué. • Voyez Chap. X, T. IH^ p. a86. CHAPITRE Xll. 455 On ne sauroit disconvenir que, depuis la guerre qui a éclaté entre l’Espagne et la France en lygS , le Mexique n’ait souffert de temps en temps de grandes pertes en numéraire. Outre les situados , le revenu net du roi et les fonds des particuliers, plusieurs millions ont passé annuellement en Europe , en dons gratuits destinés à subvenir aux frais d'une guerre que le bas peuple regardoit comme une guerre de religion. Ces largesses n'étoient pas toujours reflet de l’enthousiasme entretenu par les sermons des moines et les proclamations des vice-rois ; souvent l’auto- rité des magistrats est intervenue pour forcer les communes à offrir le don gratuit^ et pour en prescrire la valeur. En 1797 j, long-temps après la paix de Bâle , on a ouvert à Mexico un emprunt extraordinaire, dont le produit a été de dix-sept millions de piastres : cette somme considérable fut envoyée à Madrid, et l’on assigna aux créanciers mexicains , comme hypothèque , la rente de la ferme royale ( renia de tabaco ) ^ qui donne com- munément un produit de trois millions et demi de piastres. Ges faits suffisent pour démontrer que l’exportation du numéraire , 4^6 livre V , par la Vera-Ci’iiz et par Acapulco, excède quelquefois le prpduit du nionnoyage , et que les dernières opérations du ministère d Espagne ont contribué à appauvrir le Mexique. En effet, cette diminution du numéraire deviendroit extrêmement sensible si , pendant plusieurs années consécutives, Thotel des monnoies de Mexico fournissoit moins de piastres , soit à cause d une diminution dans la quantité de mercure nécessaire pour les usines d’amalgamation, soit à cause d’une mauvaise administration des mines qui sont aujourd’hui les plus abondantes. C’est une position assez critique que celle d’une popu- lation de cinq à six millions d’habitans , qui, par la balance défavorable de son commerce, se trouveroit exposée à voir diminuer son capital de plus de quatorze millions de piastres par an, si jamais elle é toit privée de ses ri- chesses inétalliques j car aujourd’hui vingt millions de piastres de marchandises étran- gères importées au Mexique , sont échangées Contre six millions de piastres, produit de 1 agriculture indigène , et contre quatorze milhons de piastres en espèces , que l’on peut CHAI'ITKE XII. 4^7 considérer comme retirées des entrailles de la terre. D’un autre côté , si les rois d’Espagne avoient fait gouverner le Mexique par des princes de leur maison , résidant dans le pays même , ou si, à la suite de ces événe- mens dont l’histoire de tous les temps offre des exemples , les colonies s’étoient séparées de la métropole, le Mexique auroit perdu annuellement de moins, en numéraire , neuf millions de piastres, qui étoient versées en partie dans le trésor royal de Madrid , en partie sous la dénornination impropre de situados , dans les caisses provinciales de la Havane , de Porlorico ^ de Pensacola et de Manille. En laissant un libre essor cà l’indus- trie nationale , en vivifiant l’agriculture et les manufactures, l’importation diminuera d’elle- même I dès lors il sera facile aux M^exicains de payer la valeur des marchandises étran- gères avec des productions qui viennent à la surface de leur propre sol. La culture libre du vin et de l’olivier sur lé plateau de la Nouvelle-Espagne; la distillation libre des eaux-de-vie de sucre , de riz et de raisin ; l’exportation des farines , favorisée par la 458 LIVRE V J construction de routes nouvelles; l’aei'randis- sement des plantations de canne à sucre , de coton et de tabac; l’exploitation des mines de 1er et de mercure; la labrication de l’acier, deviendront peut-être un jour des sources de richesses plus inépuisables que tous les filons d’or et d’argent réunis. Sous des circonstances extérieures plus heureuses, la balance du commerce pourra être favorable cà la Non velle- Espape, sans que le compte ouvert depuis des siècles, entre les deux continents, soit soWé entièrement avec des piastres mexi- caines. Dans 1 état actuel du commerce delà Vera- Cruz et d’Acapulco , la valeur totale des produits de l’agriculture exportés , égale à peine la valeur du sucre que fournit l’île de Cuba : cette dernière quantité s’élève à 7,520,000 piastres, en n’admettant qu’une exportation de i88,ooo caisses de sucre à seize arrobes chacune , et en évaluant le prix de la caisse de sucre à quarante piastres. Mais 1 importation du Mexique, que nous calcu- lons, année commune, à vingt millions de piastres, est un objet de la plus haute im- portance pour les peuples commerçans de CHAPITRE Xn. 459 l’Europe qui cherchent un débouché pour leurs manufactures. Nous rappellerons à cette occasion, 1.” que les États-Unis de l’Amé- rique , dont l’exportation ‘ s’est élevée , en 1802, à 71,957,144 dollars, n’exporloient, en 1791, que pour la valeur de 19,000,000 de dollars; 2." que l’Angleterre , au moment de la plus grande activité de son commerce avec la France, en 1790, n’y a importé en mar- chandises que pour la valeur de 6,700,000 pias- tres ; et 3.'* que les exportations de l’Angle- terre pour le Portugal et l’Allemagne, en 1 800, n’ontpasexcédé, les unes 7,600,000 pias- tres, les autres 12,400,000 piastres \ Ces données expliquent suffisamment pourquoi, depuis la fin du dernier siècle, la Grande- Bretagne a fait tant d’efforts pour prendre part au commerce de la péninsule avec le Mexique. En classant les ports de l’Amérique espa- gnole d’après l’importance de leur commerce, la Vera-Cruzet la Havane occupent le premier rang : on y a fait une énorme masse d’affaires • Voyez la note G , au cinquième volume. * Play fait , Commercial Atlas , 1801 , PI. V , VIII et X. ‘V LIVRE V y pendant la dernière guerre , dans le court espace de temps cjuela cour de Madrid permit aux bâtimensneutres rentrée dans les colonies. On peut ranger les autres ports dans Tordre suivant: Lima, Carthagène des Indes, Ruenos- Ayres , la Giiayra , Guayaquil, Portorico^ Cumana , Santa Marta, Panama etPortobelo* Pour mettre le lecteur à même de juger de 1 activité relative du commerce des colonies espagnoles de TAmérique , j’indiquerai suc- sinétement la valeur des exportations et des importations de plusieurs des ports que je viens de nommer. Il ne s’agit ici que des résultats généraux dont la connoissance inté- resse l’économie politique et la science du commerce : tous les détails minutieux sont réservés pour des notes qui accompagneront la Relation historique de mon voyage aux régions équinoxiales. J^era-Cruz. Importation, i5 millions de piastres. Exportation (non compris les mé- taux précieux), 5 millions de piastres. Havane. Exportation en productions indi- gènes, 8 millions de piastres, dont en sucre, CHAPITRE Xll. 46 I 3 1 ,6oo,ooolnlograra mes, ou 6, 3 2 0,000 piastres (en évaluant la caisse de sucre à 4o piastr.) ; en cire, 523, 000 kilogrammes, ou 7 2 0,000 piastres (larrobeà iSpiastres); en café, 626,000 kilo- grammes, ou 260,000 piastres ( larrobe à 6 piastres). L’exportation du sucre, presque nulle avant 1760, a été, en 1792 , de 1 4.600.000 kilogrammes; en 1796, de 24 millions de kilogrammes; et, de 1799^ i8o3, année moyenne, de 55, 200,000 kilogrammes. En 1802 , la récolte du sucre avoit été si abondante , que l’exportation s’éleva à 40.880.000 kilogrammes ; cette branche du commerce a donc presque triplé en dix ans. Le revenu de la douane royale de la Havane s’est élevé, de 179;) à i8o3 , année moyenne, à 2,047,000 piastres; en 1802, il excédoit 2.400.000 piastres. Mouvement total du com- merce de la Havane, 20 millions de piastres. Lima. Importation , 5 millions de piastres. Exportation (y compris les métaux précieux), 7 millions de piastres. Carthagène des Indes , y compris les petits pocts voisins de Rio Hacha, Santa Marta et Por- tobelo , don lies liaisons commei’ciales sont les 4^2 LIVRE V , plus rapprochées. Exportation des produe- tions de l’agriculture indigène, sans compter les métaux précieux, 1,200,000 piastres, dont i,5oo,ooo kilogrammes de coton , 100,000 ki- logrammes de sucre, 10,000 kilogrammes d indigo^ 4oo,ooo kilogrammes de hois de Brésil, ,00,000 kilogrammes de quinquina de la Nou\ elle-Grenade , 1000 kilogrammes de baume de Tolu, et 6000 kilogrammes d’ipéeacuana Importation , 4 ndliions de piastres. La Guajra, le port principal de la pro- vince de Caracas. De 1796 à 1800, année moyenne % l’exportation a été de 1,600,000 piastres, dont 2,98.5,000 kilogrammes de ca- cao, 99,000 kilogrammes d’indigo, 354,ooo * La Raicilla ou Tipécacuana , qui vient en Europe par les ports espagnols et par le commerce de contre- bande de la Jamaïque, est la racine du Psychotria emetica, et non celle d’un Calicocca de Brotero, ou du riola emetica de Mutis, comme quelques botanistes Pont avancé. Nous avons examiné ce Psychotria , M. Bonpland et moi , en remontant la rivière de la Magdeleine , près de Badillas. Il ne faut pas con- fondre l’ipécacuana espagnol avec celui du Brésil. » Depons , II , p. 43q. CHAPITRE XII. 4^3 kilogrammes de coton, et 192,000 kilo- grammes de café. Mais de 1789 à 1796, on a pu évaluer , année moyenne ' , rimportation à 2,362,000 piastres; l’exportation en pro-- ductions indigènes à 2,739,000 piastres , dont 4.776.000 kilogrammes de cacao ^ 386, 000 ki- logrammes d’indigo, 2o4,ooo kilogrammes de coton, 166,000 kilogrammes de café, et 70.000 pièces de cuirs. GuajaquiL Exportation en productions indigènes, 55o, 000 piastres, dont 3 millions de kilogrammes de cacao. Importation , 1.200.000 piastres. Cuinana ( y compris le petit port voisin de Nueva Barcelona). Importation, 1 million de piastres. Exportation, 1,200,000 piastres , dont 1 ,1 00,000 kilogrammes de cacao, 5oo,ooo kilogrammes de coton, 6000 mulets 1 ,200,000 kilogrammes de tasajo ou de viandes salées. Ces évaluations sont fondées sur des ren- seignemens que j’ai pris pendant le cours de * D’après des notes officielles que je publierai dans le premier volume de la Relation historique de mon voyage. 4^4 LIVRE V 5 mon vojage en Amérique. Les balances ont été formées d’après les déclarations faites dans les douanes : on n’a tenu compte de la contrebande que dans les tableaux du com- merce de Carthagène et de Gumana. L’en- semble de ces données nous mettra en état de jeter un coup-d’œil général sur la balance du commerce de toute l’Amérique espagnole. Ce n’est qu’en comparant le commerce du Mexique avec celui des autres colonies^ que l’on pourra juger de l’importance politique du pays que j’ai tâché de faire connoître dans cet ouvrage. Je commence d’abord à réunir dans un même tableau , ce que les registres des douanes d’Espagne nous ont appris sur la balance du commerce de la métropole avec ses colonies , avant et apres Je fameux régle- ment de 1778. 465 CHAPITRE X^I. § -5 O a P § S w W P Capitania general de la >1 1,000,000 9,000,000 j Dans l’île de Cuba : hommes libres, 324, 000, dont 254,000 blancs. Les gens de couleur libres consomment plus qu’au Mexique. Pas (Flndiens. Havane et de Portorico. . . . i j Vice-rojautéi de la Nou-f velle-Espagnel et Capitania /^^.ooo^ooo general de i Guatiraala . . 1 9,000,000 22,5oo,ooo Populaison totale , 7 ,800,000. Dans la Nou- vel le-E.spag. : 3,337,000 blancs et castes, de sang mêlé. Le nombre de- natifs ou Indiens, qui [ ne consommen t presque pas de marchandises étrangères , s'élève 2 7 millions ; celui des blancs seuls à 1,1 00, 000. Vice-royauté' de la Nou- velle-Grenade 5,700^000 2,000,000 / Population, 1,800,000. I £01778 on trouva parun I dénombrement exact, 5,000, ooo( l’audience de San-j Ua -Fe , 747,641 ; dans Icelle de Quito, 53i ,799: I total , 1,279,440 indi- l vidus. Capitania j general de Ca- ] cas { 5,5oo,ooo 4,000,000 Population totale des sept provinces de Cara- jcas, Marac iybo , Vari- /nas , Coro , Nouveiîe- \Andalousïi; , Nouvelie- iBarceJoune et Guayane 1 900,000 , dont 54,000 ‘esclaves. j 44|20o,oooÎ24,ooo,ooo|25,5oo,ooo 1 CHAPITRE XII 473 DIVISIONS POLITIQUES. Report. Vice-royaulé da Pérou et Capitania ge- neral du Chili* S - *» C g « a s O ïï s g 44,200,000 >ï 1,5OO,O0O Vice-royau<é de Buenos - Ayres 5,5oo,ooo Tôt piasir r AL, en) >5q, 200,0 les ..... j exportation des colonies. REMARQUES sur la consommation. valeur des produits de l’agriculture. VALEUR des produits des mines d’or et d’argent. 24,000,000 25,5oo,ooo ) 4,000,000 1 1 8,oüo,oooJ ^Population, 1,800,000. 1 Au Pérou seul , le dé- nombrement donna , en |i7gi .blancs, i3o,ooo; [métis, qui consomment ^ beaucoup lorsqu’ils jouissent d’un certain degré d’aisance, 24o, 000 Au Chili , beaucoup de blancs, mais en général grande simplicité devie. 0 2,000,000 1 5,000,000 ( Je n’ai pas encore pu 1 me procurer des notions 1 satisfaisantes sur la po- Ipulation de cette vice- ; royauté , qui est tiès- considérable dans les provinces occident, ap- pelées de la Sierra. 0 5o, 000, 00c » 38,5oo,ooo '/ Total de l’exportation îen produits de l’agri- {culture et des mines , ^69 millions de piastres. tableau , se fondent sur mes propres recher- ches > Je suis surpris de voir qu’un auteur estimable et 474 LIVRE V , Le même tableau démontre que, si l’Asie ne prenoit aucime part au commerce de J Amérique j les nations manufacturières de FEurope trouveroient actuellement dans les colon nies espagnoles un débit annuel de mar- chandises pour la valeur de 3io_,8oo,ooo livres tournois, ou de 5g, 200,000 piastres. Cette importation énorme n’est balancée que par 160,125,000 livres *, ou 3o millions et demi d ailleurs très -exact, M. Depons, ait avancé qu’en 1802 la Capitania general de Caracas renferinoit 218, 4oo noirs. {Voyage à la Terre - Ferme , T. I, p. 178 et 24 1.) Il s’arrête à ce nombre, parce que , dans le commencement de son ouvrage, il a supposé que les esclaves font troié dixièmes de la population totale, qu’il évalue à 728,000 âmes. Comment M. De- pons , qui a résidé plusieurs années dans ce beau pays , a-t-il pu admettre que sur trois babîtans on trouvoit un Nègre ? L’île de Cuba même n’avoit pas, en i8o3, la moitié du nombre d’esclaves que cet auteur suppose exister dans la Capitania general de Caracas. Je me propose de prouver ailleurs que , dans la province de Venezuela, le nombre des esclaves noirs et mulâtres ne dépasse pas ^ de la population entière. Il sera important d’entrer dans le détail de ce fait, parce qu’il intéresse le bonheur et la tranquillité politique des colonies. ^ En comparant les exportations de marchandises CHAPITRE XII. 475 de piastres , valeur des produits de l agri- culture coloniale. L’excédant de 1 impor- tation , qui s’élève à 160,675,000 livres, ou à 28,700,000 piastres, est soldé en or et en argent tirés des mines de l’Amérique. Mainte- nant nous savons , par ce qui a été développé plus haut, que la valeur des métaux précieux qui refluent annuellement d’Amérique en Europe , est de 38 millions et demi de piastres, ou de 202,125,000 livres: si l’on déduit de cette somme les 28,700,000 piastres destinées à payer l’excédant des importations sur les exportations, il reste g,8oo,ooo piastres, ou 5i,45o,ooo livres , qui équivalent à peu près aux rentes des propriétaires américains établis espagnoles et étrangères , évaluées d’après les registres des douanes d’Espagne, avec les importations de ces mêmes marchandises , évaluées dans les ports de l Ame rique , il ne faut pas oublier que ces dernières excèdent les premières, i." parce que les marchandises arrivées en Amérique ont payé les droits de sortie en Espagne ; 2." parce que leur prix augmente à cause du fret, de la différence du cours de la monuoie , et des droits d’entrée. Plusieurs auteurs ont négligé ces considé- rations, et, en réunissant des nombres qui ne sont pas comparables , ils sont parvenus à des résultats conlradictoires. 47^ livre V , dans la péninsnle , jointes à la quantité d oret d argent qui entre annuellement dans letrésor du roi d’Espagne , comme revenu net des colonies. De rensémble de ces données, il résulte le principe suivant, dont la connais- sance est très-importante pour leconomie politique , savoir : qu’au commencement du dix-neuvième siècle, la valeur des importa- tions de l’Amérique espagnole est presque ‘ égale au produit des mines, en en retranchant la valeur de l’exportation en objets d’agricul- ture coloniale, les piastres qui refluent dans les caisses royales à Madrid, et les sommes peu considérables que retirent d’Amérique les colons qui séjournent en Europe. • Lorsqu’on examine, d’après ce principe, les états d’importation de l’or et de l’argent en Espagne , et qu’on les compare au produit des hôtels des monnoies d’Amérique , on re- eonnoît facilement combien la plupart des auteurs qui ont traité du commerce espagnol, ont exagéré le produit de la contrebande angloise et le gain des négocians de la Jamaï- que. On lit dans des ouvrages très-répandus, que les Anglois, avant l’année 1765, ga- gnoient, par lè commerce frauduleux, plus CHAPITRE XII. 477 de Adngt millions de piastres par an : en ajoutant cette somme à la quantité d’or et d’argent qui, à la même époque , a été enregistrée à Cadix , comme arrivant des colonies , soit pour le compte du roi , soit pour solder la valeur des marchandises espagnoles, on trouve une masse d’argent qui excède de beaucoup le produit réel des mines. Malgré la contrebande qui se fait sur les côtes de Caracas , depuis que les Anglois sont maîtres des îles de la Tri- nité et de Curaçao, il paroît que, dans toute l’Amérique espagnole , l’importation fraudu^ leuse des marchandises ne s’est |>as élevée , pendant les dernières années de paix^ au delà du quart de l’importation totale. Il nous reste à parler, à la fin de ce cha- pitre , de l’épidémie qui règne sur les côtes orientales de la Nouvelle-Espagne, et qui, pendant une grande parfîe de 1 année , met des entraves, non -seulement au commerce avec l’Europe, mais encore aux communica- tions intérieures entre le littoral et le plateau d’Anahuac. Le port de la Vera-Cruz est consi- déré comme le siège principal de la fics^re jaune i^vomito piicto ou negro ). Des milliers d’Européens abordant aux côtes du Mexique 47^ livre V, à l’époque des grandes chaleurs, périssent victimes de cette cruelle épidémie. Quelques vaisseaux aiment mieux arriver à laVera-Gruz à l’entrée de l’hiver , lorsque les tempêtes de las nortes commencent à sévir, que de s’ex- poser à perdre, en été, la majeure partie de leur équipage par les effets du ^)omito , et à subir, à leur retour en Europe , une longue quarantaine. Ces circonstances ont souvent une influence sensible sur l’approvi- sionnement du Mexique et sur le prix des marchandises. Le fléau de la fièvre jaune a des suites plus graves encore pour le commerce intérieur : les mines manquent de fer , d’acier et de mercure^ lorsque les communications sont interrompues entre Xalapa et la Vera- Cruz. Nous avons vu plus haut que le com- merce de province à province se fait par des caravanes de mulets : or, les muletiers , de même que les négocians qui habitent les régions froides et tempérées de l’intérieur de la Nouvelle-Espagne, craignent de descendre vers les côtes , aussi long-temps que le vomito règne à la Vera-Cruz. A mesure que le commerce de ce port est devenu plus considérable , et que le CHAPITRE Xll. 479 Mexique a senti le besoin d’une communi- cation plus active avec l’Europe, les désa- vantages qui naissent de l’insalubrité de l’air du littoral se sont aussi fait sentir plus grave- ment. L’épidémie quia régnéen 1801 et 1802, a fait naître une question politique qui n’avoit pas été agitée avec la même vivacité en 1762, ou à des époques antérieures , lorsque la fièvre jaune faisoit des ravages encore plus elFrayans. Des mémoires ont été présentés au gouvernement , pour discuter le problème s’il valoit mieux raser la ville de la Vera-Gruz et forcer les habitans de s’établir à Xalapa ou sur quelque autre point de la Cordillère, ou bien tenter de nouveaux moyens pour assainir le port. Ce dernier parti paroîtroit préférable , les fortifications ayant conte plus de cinquante millions de piastres , et le port , quelque mauvais qu’il soit, étant le seul qui, sur les côtes orientales, puisse offrir quelque abri aux vaisseaux de guerre. Deux partis se sont formés dans le pays, dont 1 un désire la destruction, l’antre l’agrandisse- ment de la Vera-Gruz. Quoique le gouver- nement ait paru pencher pendant quelque temps pour le premier de ces partis , il est 4^0 LIVRE V 5 probable que ce grand procès , dans lequel il s agit de la propriété de seize mille indi- vidus et de la fortune d’un grand nombre de familles puissantes par leur richesse , sera tour à tour suspendu et renouvelé , sans être jamais terminé. A mon passage par la Vera-Cruz, je vis le cabildo entreprendre la construction d’un nouveau théâtre , tandis qu’à Mexico l’assesseur du vice-roi compo- soit un long informe pour prouver la nécessité de détruire la ville , comme le fojer d’un mal pestilentiel. Nous venons de voir qu’à la Nouvelle- Espagne , comme aux États-Unis , la fièvre jaune n’attaque pas seulement la santé des habitans, mais qu’elle mine aussi leur for- tune , soit par la stagnation qu’elle cause dans le commerce intérieur, soit par les entraves qu’elle met à l’échange des productions avec l’étranger. Il en résulte que tout ce qui a rapport à ce fléau , intéresse l’homme d’état autant que le physicien observateur. L’insa- lubrité des côtes, qui gêne le commerce, facilite d’ailleurs la défense militaire du pays contre l’invasion d’un ennemi européen ; et pour compléter le tableau politique de la CHAPITRE XII. 48 I Nouvelle-Espagne , il nous reste à examiner la nature du mal qui rend le séjour de la Vera-Cruz si redoutable aux habitans des régions froides et tempérées. Je n’entrerai point ici dans les détails d’une description' nosographique du vomilo prieto : un grand nombre d’observations que j’ai recueillies pendant mon séjour dans les deux hémi- sphères , est réservé pour la Relation histo- rique de mon voyage -, je me bornerai ici à indiquer les faits les plus marquans , en distinguant avec soin les résultats incontes- tables de l’observation , de tout ce qui tient au domaine des conjectures physiologiques. Le typhus que les Espagnols désignentpar le nom de vo missemen t noir [vomito prieto) , règn e depuis très-long-temps entre l’embouchure du Rio Antigua et le port actuel de la Vera- Cruz. L’abbé Clavigero ’ et d’aiUres écrivains, affirment que cette maladie s’est montrée la première fois en 1725. Nous ignorons sur quoi se fonde une assertion si contraire aux traditions conservées parmi les habitans de la Vera-Cruz : aucun document ancien ne ^ Storia di 3fessico j T. I; p. 117* 3i IV. nous instruit de la première apparition de ce fléau ; car dans toute la partie chaude de l’Amérique équinoxiale , où abondent les ter- mites et d’autres insectes destructeurs , il est infiniment rare de trouver des pièces qui datent de cinquante ou soixante ans, On croit d’ailleurs à Mexico, comme à la Vera-Gruz, que l’ancienne ville, qui n’est plus qu’un village connu sous le nom de la Antigua ^ a été abandonnée à la fin du seizième siècle à cause des maladies qui y moissonnoient déjà les Européens. Longrtemps avant l’arrivée de Gortez , il a régné presque périodiquement àla Nouvelle- Espagne un mal épidémique que les naturels appellent matlazahuatl ^ et que quelques au- teurs ^ ont confondu avec levoinito ou la fièvre jaune. Gette peste est probablement la même que celle qui, dans le onzième siècle, força les Toltèques à continuer leur migration vers le sud : elle fit de grands ravages parmi les Mexicains en i545, 1676, 1736, 1737, 1761 et 1762; mais, comme nous l’avons déjà ^ Voyez Chap. Vm, T. Il, p. 35i. * Lettre d’Alzale , dans le Voyagé de C happe , p. 55. CHAPITRE XII. 483 indiqué plus haut elle offrit deux caractères par lesquels elle se distingue essentiellement du voinilo de la Vera - Criiz : elle attaqua presque uniquement les indigènes ou la race cuivrée , et elle sévit dans l’intérieur du pays , sur le plateau central , à douze ou treize cents toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer. Il est vrai que les Indiens de la vallée de Mexico , qui , en 1 761 , périrent par milliers , victimes du niatlazahuatl , vomis- soient du sang par le nez et par la bouche; mais ces hématémèses se présentent fréquem- ment sous les tropiques, accompagnant les fièvres ataxiques bilieuses : on les a également observées dans la maladie épidémique qui , en a parcouru toute l’Amérique mé- ridionale, depuis Potosi et Oruro iusqu’à Quito et Popayan, et qui, d’après la descrip- tion incomplète d’ülloa étoit un typhus propre aux régions élevées des Cordillères. Les médecins des Etats-Unis, qui adoptent l’opinion que la fièvre jaune a pris son origine dans le pays même , ont cru recon- 3i* » Voyez Chap, V, T. I, p. 352. ^ Notlcias Americanas , p. 2 >0. 484 LIVRE V, noître celte maladie dans les pestes qui régnèrent, en i555 et 1612 parmi les hommes rouges du Canada et de la Nouvelle- Angleterre. D’après le peu que nous savons du maüazahuatl des Mexicains , on pourvoit être porté à croire que , dans les deux Amériques , depuis les temps les plus reculés, la race cuivrée est sujette à une maladie qui , dans ses complications, offre plusieurs rap- ports avec la fièvre jaune de la Vera-Cruz et de Philadelphie, mais qui eii différé essentiellement par la facilité avec laquelle elle se propage dans une zone froide , où , pendant le jour, le thermomètre se soutient à dix ou douze degrés centigrades. Il est certain que le voinito , qui est endé- mique â la Vera-Cruz, à Cai;thagène des Indes et à la Havane, est la même maladie que la fièvre jaune qui, depuis fiannée lygS, n’a pas cessé d’accabler les habitans des États- Unis.Cette identité, contre laquelle en Europe * Stubhins^Ffirth on malignantfever , i864, p. 12. Gookiti rapporte lé fait remarqualfie que, dans là l)este qui régnoit, en 1612 , parmi les Pawkun- nawhults , près- de New - Piymoutli , les ïnuieiis malades avoient la peau teinte ep jaune. CHAPITRE XII. 48.^ vin très-|ietit nombre de médecins ont élevé des doutes ' , est généralement reconnue et par les hommes de l’art qui ont visité à la fois l’île de Cuba, la Vera-Cruz et les cotes des États-Unis , et par ceux qui ont étudié avec soin les excellentes descriptions noso logiques de MM. Makittrick , Rush, Valentin et Luzuriaga. Nous ne déciderons pas si 1 on reconnoît la fièvre jaune dans le causus d’Hippocrate , qui est suivi, comme plusieurs fièvres bilieuses rémittentes, d un vomisse- ment de matières noires ; mais nous pensons que la fièvre jaune a été sporadique dans les deux continens , depuis que des hommes nés sous une zone froide se sont exposes , dans les régions basses de la zone torride , à un air infecté par des miasmes, karlout où les causes excitantes et 1 irritabilité des organes sont les mêmes, les maladies qui naissent d un désordre dans les fonctions vitales doivent prendre les mêmes formes. On ne sauroit être surpris qu’à une époque où les communications entre 1 ancien et le Arejula ^ de la fiehre amarilla de Cadiz , p. i43. 486 LIVRE V, nouveau continent étoient peu multipliées, et où le nombre des Européens qui fréquen- toient annuellement les îles Antilles étoit encore très-petit , une fièvre qui n’attaque que les individus non acclimatés , ait si peu fixé l’attention des médecins de l’Europe. Au seizième et au dix-septième siècle, la mortalité devoit être moindre , i,« parce qu’à cette époque les régions équinoxiales de l’Amérique n’étoient visitées que par des Espagnols et des Portugais, deux peuples de l’Europe australe moins exposés, par leur constitution, à sentir les effets funestes d’un climat excessi- vement chaud, que les Anglois, les Danois et d’autres habitans de l’Europe boréale qui fréquentent aujourd’hui les îles Antilles; 2.® parce qu’à l’île de Cuba, à la Jamaïque et à Haïty , les premiers colons n’étoient point réunis dansdesvillesaussipopuleusesque celles qu’on a construites depuis ; 5.® parce que , lors de la découverte de l’Amérique conti- nentale, les Espagnols étoient moins attirés par le commerce vers le littoral , qui est gé- néralement chaud et humide, et iqu’ils se fixoient de préférence dans l’intérieur des terres, sur des plateaux élevés où ils trouvoient CHAPITRE \n. 487 line tempér£uture analogue à celle de leur pays natal. En elFet, au commencement de la conquête , les ports de Panama et de Nombre de Dios ' étoient les seuls où , à de certaines époques de l’année, il y eut un grand concours d’étrangers ; mais aussi , dès i53r>, le séjour’ de Panama étoit redouté par les Européens , comme l’est de notre temps le séjour de la Vera-Gruz, d’Omoa ou de Partocabello. On ne sauroit nier , d’après les faits rapportés par Sydenham et d’autres excellens observateurs, que, sous de certaines circonstances, il ne puisse se développer des germes de nouvelles maladies’; mais rien ne prouve que lafièvre jaune n’a pas existé depuis plusieurs siècles dans les régions équinoxiales. Il ne faut pas confondre l’époque à laquelle une maladie a été décrite pour la première fois, parce quelle a fait de grands » Nombre de Dios, situé à l’est de Portobelo, fut abandonné en i584. 2» Pedro de deçà, c. 2 , p. 5. 3 Voyez , sur une alFection du larynx , qui règne .épidémiquement à Otabiti, depuis l’arrivée d’un vaisseau espagnol, V ancouver , T. I, p. 17^' 488 LIVRE V, ravages dans un court espace de temps , avec Tépoque de sa première apparition. La plus ancienne description de la fièvre jaune est celle du médecin portugais Jean Ferrejra de Rosa * : il observa Fépidémie qui régna à Oîinda, au Brésil, depuis 1687 jusqu’en 1694, peu de temps après qu’une armée portugaise eût fait la conquête de Fernambuco. Nous savons de même avec certitude , que 1 année i6aj , la fièvre jaune se manifesta à l’île de la Barbade, où on la désigna sous le nom de fièvre de kendal y sans qu il soit aucunement prouvé que cette maladie j fut apportée par des vaisseaux tenant de Fernambuco. ülloa en parlant des chapetonadas ou fièvres auxquelles les Européens sont exposés à leur arrivée aux Indes Occidentales , rapporte que , d’après l’opinion des gens du pays, le vomito prieto étoit inconnu à Sainte-Marthe et à Cartha- gène avant 1729 et 1730, à Guajaquil avant 1740. La première épidémie de Sainte- Marthe fut décrite par un médecin espagnol, ^ Trattado da constituiçam pestikncial de Pernàm- huco , per Joam Ferreyra da em Lishoa ^ i6^4. * T. I, p. 4i et 149. CIIAPITKE XII. 489 Juan Josef de Gastelbondo Depuis cette épocpe, la fièvre jaune a régné à plusieurs reprises , hors des Antilles et de l’Amérique espagnole, au Sénégal, aux États-Unis % à Malaga, à Cadix à Livourne, et, d’après l’excellent ouvrage de Cleghorn , même à l’île de Minorque Nous avons cru devoir rapporter ces faits, dont plusieurs ne sont pas assez généralement connus , parce qu’ils ré- pandent quelcpies lumières sur la nature et sur la cause de cette cruelle maladie. D ailleurs l’opinion que les épidémies qui, depuis 1793, ont désolé presque tous les ans l’Amérique septentrionale, diffèrent essentiellement de celles qui se sont manifestées depuis des siècles à la Vera-Gruz, et que la fièvre jaune a été importée des côtes d’Afrique à la Gre- nade , et de là à Philadelphie , est tout aussi dénuée de l'ondement que l’hypothèse très- * Luzuriaga , de la celentura hiliosa , T. p. 7. 2 En 1741 , 1747 , 1762. 3 A Cadix, en 1731, 1733 , 1734, 1744, 1746, 1764^ à Malaga, en 1741. ^ De 1744-1749# Tommasini aulla fehhre di Livorno del i8o4, p. 65.) 49^ LIVRE V, accréditée jadis , qu’une escadre venant de Siam a introduit le vornito en Amérique *. Sous tous les climats , les homme» croient trouver quelque consolation tlans Tidée qu’une maladie que Ton regarde comme peslilentielle, est d’une origine étrangère. Comme des fièvres malignes naissent facilement parmi un équi- page nombreux , entassé dans des vaisseaux malpropres, le commencement d’une épi- démie date assez souvent de l’arrivée d’une escadre : alors, au lieu d’attribuer le mal ou à l’air vicié que renferment des vaisseaux privés de ventilation , ou à l’elFet d’un climat ardent et malsain sur des matelots nouvellement débarqués, on affirme qu’il a été importé d’un port voisin clans lequel l’escadre ou le convoi a touché pendant sa navigation d’Europe en Amérique. C’est ainsi que l’on entend sou- vent dire à Mexico que le vaisseau de guerre qui a conduit tel ou tel vice-roi à la Vera- Cruz , a introduit la fièvre jaune qui avoit ^ Labat , Voy age aux Isles ^ T. 1 , p. 73. Sur la peste <îe Boullam, en Afrique, voyez Chisholm ^ on pestilential feoer , p. 615 et Miller, Histoire de la fieore de Isfetp - Yorck ^ p. 61 Volney , Tableau du sol de Amérique , T. II, p. 334. CHAPITHE XII. 491 cessé (le rég'ner depuis plusieurs luinees ] c’est ainsi que , pendant la saison des grandes chaleurs , la Havane , la Vera - Cruz et les ports des États-Unis; s’accusent mutuellement de recevoir Tun de l’autre le germe de la contagion. Il en est de la fièvre jaune comme du tjphus mortel connu sous le nom de peste d’Orient , que les habitans de l’Egypte attri- buent à l’arrivée des vaisseaux grecs, tandis qu’en Grèce et à Constantinople on regarde cette même peste comme venant de Rosette ou d’Alexandrie *. Pringle , Lind , et d’autres médecins dis- tingués , considèrent nos affections bilieuses estivales et autouinal^s , comme le premier degré de la fièvre jaune. Une foible analogie se manifeste aussi dans les fièvres pernicieuses intermittentes qui régnent en Italie, et qui ont été décrites par Lancisi, Torti, et récem- ment par le célèbre Franck ^ dans son Traité ^ Pugnet y sur les fièvres du Levant et des Antilles j p. 97 et 33i. * Lind , sur les maladies des Européens dans les pays chauds , p. i4. Eerthe , Précis historique de la maladie qui a régné en Andalousie en 1800, p* 17* ^ Petrus Franck, de curandis hominum morhis , 49^ LIVRE V, de nosographie générale. On affirme avoir vu de temps en temps, dans la Campagne de Rome , des individus mourir avec presque tous les signes pathognomoniques de la fièvre jaune ,rictère, le vomissement et les hémor- rhagies. Malgré ces rapports , qui ne sont pas accidentels , on peut regarder la fièvre jaune, partout où elle prend le caractère d’une maladie épidémique, comme un typhus sui generis qui participe à la fois des fièvres gastriques et des fièvres ataxo-adynamiques '. Nous distinguerons par conséquent les fièvres stationnaires bilieuses et les fièvres perni- cieuses intermittentes qui régnent sur les bords de l’Orçnoque, sur la côte qui s’étend de Cumana au cap Codera, dans la vallée du Rio de la Magdalena, à Acapulco et dans un grand nombre d’autres endroits humides T. ï y p. i5o. L’analogie qu’on o}3serve entre le choiera morhus , la fièvre bilieuse et îa lièvre gaslro- aJjnamique, a été indiquée avec beaucoup de sagacité dans le bel ouvrage de M. Pinel , Nosog^'aphie philo- sophique (3.® édit. ) , T. I, p. 46 et 55. ^ Nosographie y T. I, p. i39-i52, et p. 2og. M. Franck désigne la fièvre jaune sous le nom de fehris gastrico-nèroosa. CHAPITRE XII. 49^ et malsains que nous avons visités, ànvomilo prieto ou de la fièvre jaune qui exerce ses ravages aux Antilles , à la Nouvelle-Orléans et à la Vera-Cruz. IjC l’oniito prieto ne s est point montre jusqu’ici sur les côtes occidentales de la Nouvelle-Espagne. Les habitans du littoral qui s’étend depuis l’embouchure du Rio Papagallo, par Zacatula et Golima, jusqu’à San Blas, sont sujets à des fièvres gastriques qui dégénèrent souvent en fièvres adjna- miques, et l’on pourroit dire qu’une cons- titution bilieuse règne presque continuelle- ment dans ces plaines arides et brûlantes, mais entrecoupées de petites mares d eau qui servent de repaires aux crocodiles '. A Acapulco , les fièvres bilieuses et . le choiera morbus sont assez fréqu eus, et tes Mexicains qui descendent du plateau pour faire des achats de marchandises lors de. l’arrivée àxi, galion, n’en sont que trop sôu^. vent les victimes. Nous i avons dépeint; pfe. haut la position de cette ville , dont les iital- heureux habitans, tourmentés par des tRCOî-j » Crocodilus aquitus. Cuv, 494 livre V , blemens de terre et des ouragans respirent un air embrasé, rempli d’insectes et vicié par des émanations putrides : pendant une grande partie de 1 année , ils n’aperçoivent le soleil qu’à travers une couche de vapeurs d une teinte olivâtre et qui n’alFectent point rhjgromètre placé dans les basses régions de l’atmosphère. En comparant les plans des deux ports ,qüe j’ai donnés ■ dans mon Atlas de la Nouvelle-Espagne , on devine facile- ment que la chaleur doit être encore plus accablante , 1 air plus stagnant , l’existence de 1 homme plus pénible à Acapulco qu’à la Vera-Cruz. Dans le premier dé ces deux endroits , de meme qu’à la Guayra et à Sainte-Croix de Ténériffe , les maisons sont appliquées contre un mur de rocher qui échauffe l’air par réverbération. Le bassin du port est tellement entouré de montagnes, que pour donner , pendant les ardeurs de 1 etc , quelque accès au vent de mer^ le côïonel Doii Josef Barriero , càstellano ou gouverneur du château d’Acapulco , a fait pratiquer au nord - ouest une coupure de • PI. IX et XVIII. CHAPITRE XII. 49^ montagne : cet ouvrage hardi, que l’on dé- signe dans le pays sous le nom de la Abra de San Nicolas, n’a pas été sans utilité. Obligé, pendant mon séjour à Acapulco , de passer plusieurs nuits en plein air pour faire des observations astronomiques , j ai senti CO ns ta mm eut , deux ou trois heures avant le lever du soleil , lorsque la température de la mer étoit très-dilFérente de celle du con- tinent, un petit courant d’air qui s’établissoit par la brèche de San Nicolas. Ce courant est d’autant plus salutaire que l’atmosphère d’Acapulco est empestée par les miasmes qui s’élèvent d’une mare appelée la cienega del eastillo, située à l’est de la ville : les eaux croupissantes de cette mare disparoissent tous les ans, ce qui fait périr une innombrable quantité de petits poissons thorachiques, à peau mucilagineuse, que lès Indiens désignent sousle nom de popojote ou d’^xo/oï/', quoique le véritable axolotl des lacs de Mexico ( Siren pisciformls de Shavv ) en diffère essen- 1 L*ax.olotl d’Acapulco n’a de commim avec celui de la vallée de Mexico que sa couleur : c’est un poisson écailleux, à deux nageoires dorsales^ d’un brun ol - vâtre parsemé de petites taebes jaunes et bleues. 49^ livre V , tiellement, et ne soit, d’après M. Cuvier, que la larve d’une grande salamandre. Ces pois- sons , qui pourrissent par monceaux , répan- dent dans, l’air voisin des émanations que l’on considère avec raison comme la cause principale des fièvres bilioso -putrides qui régnent sur cette côte. Entre la ville • et la cienega sont placés des fours à cbaux dans lesquels on calcine de grandes masses de madrépores retirés de la mer. Malgré les théories spécieuses de M. Mitchill ‘ , sur ^D’après cet auteur, Foxicle d’azote , regardé comme la cause des fiè'vres malignes et des fièvres, intermittentes , est absorbé par la cbaux , et par cette raison les parties les plus saines de la France, de l’Angleterre et de la Sicile sont calcaires, rican medical Repos, , Yol. II , p. 46.) L’influencé des roches sur le grand océan aérien et sur la consti- tution physique .de Fhomrae, rappelle les rêves de l’abbé Giraud Soulavie , d’après le£|uel « les bçtsal KiS: « et les amjgdaloïdes augmentent la charge électrique (( de l’atmosphère , et influent sur le moral des habi- <( tans, en les rendant légers, révolutionnaires, et « enclins à abandonner la religion de leurs ancêtres. » Quelque idée que l’on se forme des miasmes qui causent rinsalubrilé de; l’air, il paroit peu probable , d’après l’état actuel de nos connoîssances chimiques , CHAPITRE XII. 497 Toxide d’azote, Acapulco est un des endroits les plus malsains du nouveau continent. Peut- être même si ce port, au lieu d’être fréquenté par des bâtimens de Manille, de Guayaquil et d’autres endroits situés sous la zone torride , recevoit des bâtimens du Chili et de la côte nord-ouest de l’Amérique , et si la ville étoit visitée à la fois par un plus grand nombre d’Européens, ou d’habitans du plateau mexi- cain , les fièvres bilieuses y dégénéreroient bientôt en fièvre jaune, et le germe de cette que des combinaisons ternaires ou quarteruaires de phosphore, d’hydrogène, d^azote et de soufre puissent être absorbées parla chaux , et surtout par le carbonate de chaux. Telle a été cependant TinfLuence politique des théories de M. Mitchlll, dans un pays oii Ton admire avec raison la sagesse des magistrats , que me trouvant en quarantaine dans le Delaware , en arrivant des Antilles à Philadelphie , j’ai vu des officiers du comité de santé faire peindre gravement, avec de l’eau de chaux , l’ouverture de l’écoutille , afin que le septon ou miasme de la fièvre jaune de la Havane , que l’on supposoit exister dans notre bâtiment , vînt se fixer sur une bande de chaux de trois décimètres de lar- geur. Doit-on être surpris que nos matelots espagnols crussent reconnoître quelque chose de magiquç dans ce prétendu moyen de désinfection? XV. 498 LIVRE V5 dernière maladie se dé velopperoit à Acapulco d’une manière encore plus funeste qu’à la Vera-Cruz. Sur les côtes orientales du Mexique , les vents du nord rafraîchissent l’air de manière que le thermomètre baisse jusqu’à 17^ cen- tigrades : à la fin du mois de février je l’ai vu se soutenir des journées entières au-des- sous de 21^; tandis qu’à la même époque , l’air étant calme, il est , à Acapulco , à 28® ou 5o^. La latitude de ce dernier port est de 5® plus méridionale que celle de la Vera- Cruz : les hautes Cordillères du Mexique le mettent à l’abri des courans d’air froid qui refluent du Canada vers les côtes de Tabasco. La température de l’air s’y soutient en été , pendant le jour , presque constamment entre 3o® et du thermomètre centigrade. J’ai observé que , sur toutes les côtes , la température de la mer a une grande influence sur celle du continent voisin : or, la chaleur de la mer ne varie pas seulement selon la latitude , mais aussi selon le nombre des bas-fonds et la rapidité des courans qui amènent des eaux de dilFérens climats. Sur les côtes du Pérou, sous les 8"^ et 12"^ de CHAPITRE XII. 499 latitude australe , j"ai trouvé la température de la mer du Sud, à sa surface, de i5® à iG^ centigrades y tandis que y hors du courant qui porte avec force du détroit de Magellan vers le cap Farina, le Grand Océan équinoxial a une température de 26^ k 26^ : aussi le ther- momètre a baissé à Lima, en 1801, aux mois de juillet et d’août, à i5^6 , et les orangers y viennent à peine. De même , dans le port de la Vera-Cruz, j’ai observé que la chaleur de la mer, en février i8o4, n’étoit que de 20^ à 22^, tandis que, dans les atter- rages d’Acapulco , je l’avois trouvée , en mars i8o3, de 28^ à 29^ La réunion de ces circonstances augmente l’ardeur du climat sur les côtes occidentales : les chaleurs sont moins interrompues à Acapulco qu’à la Vera- Cruz y et ;il est à croire que si jamais la fièvre jaune commence à régner dans le premier de ces ports, elle y durera pendant toute l’année, comme à l’île de la Trinité, à Sainte-Lucie, à la Guayra, et partout où les températures ^ Voyez mon Recueil Observations astronomiques^ T. I , p. 317 (n. 256 et 259). 32 5oo LIVRE V, moyennes * des dilFérens mois ne varient que de 2^ à 3^. Dans les régions basses du Mexique, comme en Europe , la suppression subite de la transpiration est une des principales causes occasionnelles des fièvres gastriques ou bi- lieuses, surtout du choiera morbus ^ qui s’annonce par des symptômes si effrayans. Le climat d’Acapulco, dont la température est uniforme dans les differentes parties de Fannée, donne lieu à ces suppressions de transpiration , par la fraîcheur extraordi- naire qui règne quelques heures avant le lever du soleil. Sur ces côtes , les personnes non acclimatées courent de grands risques lorsque, * Les difî’érences des températures moyennes du mois le plus froid et du mois le plus cliaud^ sont^ en Suède, sous Ip 63® 5o' de latitude, de 28^,5; en Allemagne, sous les 5o® 5' de latitude, de 23®, 2 ; en France, sous les 48® 5o' de latitude, de 21®, 4 ; en Italie, sous les 4i®54' de latitude, de 20® ,6; et dans l’Amérique méridionale , sous les 10® 27' de lati- tude, de 2®, 7. Voyez mes tableaux comparatifs dans les additions à la Chimie de Thomson (traduction de M. Riffault), T.I, p. 106. CHAPITRE XTI. Soi peu vêtues, elles voyagent la nuit, ou qu elles dorment à l’air libre. A Cumana, et dans d’autres endroits de l’Amérique équinoxiale, la température de l’air ne diminue, vers le lever du soleil, que de ou 2^^ centigrades: le jour, le thermomètre y est à 28^ ou 29^, et la nuit à 23"^ ou 24^. A Acapulco, j’ai trouvé la chaleur de l’air, le jour, à 29^^ ou : pendant la nuit elle se soutint à 26^ ; mais depuis trois heures du malin jusque vers le lever du soleil , elle diminua brusquement jusqu’à ou 18°. Ce changement fait la plus vive impression sur les organes. Nulle part ailleurs, sous les tropiques, je n’ai senti une si grande fraîcheur pendant la dernière partie de la nuit : on croit passer subitement de l’été à l’automne ; et à peine le soleil est-il levé qu’on commence déjà à se plaindre de la chaleur. Dans un climat où la santé dépend principalement des fonc- tions de la peau , et où les organes sont affectés des moindres changemens de tempé- rature *, un refroidissement de 1 air de 10^ ^ La température de Fair à Guayaquil se maintient si uniformément entre 29^ et 32 centigrades , que 5o2 LIVRE V, à 12° , cause des suppressions de transpiration très-dangereuses pour les Européens non acclimatés. On a affirme a tort (jue le vomito n^avoit jamais régné dans aucune partie Se l’hémi- sphère austral, et l’on a cherché la cause de ce phénomène dans le froid que l’on croit propre à cet hémisphère. J’aurai occa- sion de faire voir, dans un antre endroit, combien on a exagéré les différences de température des pays situés au nord et an sud de l’équateur. La partie tempérée de l’Amérique méridionale a le climat d’une presqu’île qui se rétrécit vers le sud : les étés y sont moins chauds et les hivers moins rudes que dans les pays qui , sous la même latitude, dans l’hémisphère boréal ', s’élar- gissentvers le nord. La température moyenne de Buenos-Ayres ne diffère guère de celle les habilans se plaignent du froid lorsque le thermo- mètre baisse subitement jusqu’à 23° ou 24*. Ces phénomènes sont très-remarquables en les considé- rant sous un point de vue physiologique : ils prouvent que l’excitabilité des organes augmente par l’unifor- mité et l’action prolongée des stimulus habituels. » Voyez Cbap. VITI, T. Il, p. 507. CHAPITRE XII. 5o3 de Cadix, et l’influence des glaces, dont l’accumulation est sans doute plus grande au pôle austral qu’au pôle boréal, ne se fait presque pas sentir au-dessous des 4^® de latitude sud. Nous avons vu plus haut que c’est justement dans l’hémisphère austral, à Olinda , au Brésil , que la fièvre jaune a sévi , pour la première fois , sur un grand nombre d’Europeens. La meme maladie a régné à Guayaquil , en 1740» premières années de ce siècle , à Montevideo , port d’ailleurs si célèbre par la salubrité dé son climat. Depuis une cinquantaine d’années, le vonutô ne s’est manifesté presque sur aucun point des côtes du Grand Océan, à l’exception de la ville de Panama. Dans ce dernier port, comme au Callao ' , le commencement des grandes épidémies est le plus souvent marqué pjji> l’arrivée de quelques batimens venant du Chili; non que ce pays, un des plus heureux et des plus sains de la terre , puisse transmettre en mal qui n’y existe point, mais parce que ses habitans, transplantés dans la » Leblond, Observations sur la fievre jaune, p. 2o4. 5o4 LIVKE V, zone torride, éprouvent, avec la même force que les habilans du nord , les effets funestes d’un air excessivement chaud et vicié par le mélange d’émanations putrides. La ville de Panama est située sur une langue de terre aride et dénuée de végétation ; mais la marée, lorsqu’elle descend, laisse à découvert, bien avant dans la baie , une grande étendue de terrain couverte de fucus, d’ulves et de méduses. Ces amas de plantes marines et de mollusques gélatineux restent sur la plage , exposés à l’ardeur du soleil. L’air est infecté par la décomposition de tant de substances organiques ; et des miasmes qui n’affectent presque pas les organes des indigènes , agissent puissamment sur des individus nés dans les régions froides de l’Europe , ou dans celles des deux Amériques. Les causes de l’insalubrité de l’air sont très-différentes des deux côtés de l’isthme. A Panama, où le vomito est endémique, et où les marées sont très-fortes , on regarde la plage comme le foyer de rinfection. A Portobelo, où régnent des fièvres bilieuses rémittentes , et où les marées sont à peine sensibles, les émanations putrides naissent de CHAPITRE XII. 5o5 la force de la végétation même. Il y a peu d’années, encore que les forêts qui couvrent l’intérieur de risthme ^ s’étendoient jusqu’aux portes de la ville, et que les singes entroient par bandes dans les jardins de Portobelo , pour y recueillir des fruits. La salubrité de l’air a augmenté considérablement , depuis qu’un excellent administrateur, le gouverneur Don Vicente Emparan, a fait abattre les bois d’alentour. La position de la Vera - Cruz a plus d’ana- logie avec celles de Panama et de Carthagène des Indes , q^u’avec les positions de Portobelo et d’Omoa. Les forêts qui couvrent la pente orientale de la Cordillère , s’étendent à peine jusqu’à la ferme de l’Encero : là commence un bois moins touffu , composé de Mimosa cornigera , de Varronia et de Capparis breynia, et se perdant progressivement à cinq ou six lieues de distance des côtes de la mer. Les environs de la Vera -Cruz sont d’une aridité affreuse : en arrivant par le chemin de Xalapa , on trouve , près de la Antigua^ quelques pieds de cocotiers qui ornent les jardins de ce village ; ce sont les derniers grands arbres que Ton découvre 5o6 LIVRE V5 dans le désert. L'excessive chaleur qui règne à la Vera-Gruz est augmentée par les collines de sables mouva ns {ineganos) qui son t formées par l'impétuosité des vents du nord , et qui entourent la ville du côté du sud et du sud- ouest. Ces dunes , de forme conique , ont jusqu’à quinze mètres de hauteur : fortement échauffées en raison de leur masse, elles conservent, pendant la nuit, la température qu’elles ont acquise pendant le jour. C'est par une accumulation progressive d^ chaleur que le thermomètre centigrade , plongé dans le sable au mois de juillet, s’élèveà 48^ C)U 5o^^ tandis que le même instrument, à l'air libre et à l’ombre, se soutient à 5o^. Les meganos peuvent être considérés comme autant de fours qui échauffent l'air ambiant : ils n'a- gissent pas seulement parce qu’ils rajonnent du calorique dans tous les sens, mais aussi parce qu'ils empêchent, par leur agroupé- ment , la libre circulation de l'air. La même cause qui les a fait naître les détruit facile- ment : des dunes changent de place tous les ans, comme on le remarque surtout dans la partie du désert appelée Meganos de Cathalina y Meganos del Cojleel V mtorillos. Mais malheureusement pour ceux des habi- tans de la Vera-'Cruz qui ne sont point acclimatés, les plaines sablonneuses dont la ville est environnée, loin d’étre entièrement arides, sont entrecoupées de terrains marécageux, danslesqnelsseréunissentles eaux de pluie qui s'infiltrent à travers les dunes. Ces réservoirs d’eaux bourbeuses et dormantes sont consi- dérés, par MM. Comoto, Ximenez, Mociho, et par d’autres médecins instruits qui ont examin é avant moi les causes de l’insalubrité de la Vera-Cruz, comme autant de foyers d’infec- tion. Je ne nommerai ici que les mares connues sous le nom de la Cienega Boticariay derrière le magasin à poudre , la Laguna de la Hormiga y YEspartaly la Cienega de Ar- jona y et le marécage de la Temhladera y situé entre le chemin du Rebenton et les Callejones de Agitas - Largas. Au pied des dunes, on ne trouve que de petits arbustes de Croton et deDesmanthus, l’Euphorbia tithymaloïdes, le Capraria biflora , le Jatropha à feuilles de cotonnier, et des Ipomoea dont la tige et les fleurs sortent à peine du sable aride qui les couvre : partout ou ce sable est baigné par l’eau des mares qui débordent dans la SI 5o8 LIVRE V , saison des pluies , la végétation devient plus vig’oureuse. Le Rhizophora mangle , le Coc- coloba , des Pothos, des Arum et d’autres plantes qui se plaisent dans un sol humide et chargé de parties salines , forment des touffes éparses. Ces endroits bas et maréca- geux sont d’autant plus à craindre qu’ils ne restent pas constamment couverts d’eau. Une couche de feuilles mortes , entremêlée de fruits , de racines , de larves d’insectes aqua- tiques et d’autres débris de matières ani- males J entre en fermentation ^ à mesure qu’elle est échauffée par les rayons d’un soleil brûlant. J’exposerai dans un autre endroit les expériences que j’ai faites , pendant mon séjour à Cumana, sur l’action que les racines du manglier exercent sur l’air ambiant , aussi long-temps que , légèrement humectées , elles restent exposées à la lumière : ces expériences répandront quelque jour sur le phénomène remarquable et anciennement observé dans les deux Indes , que de tous les endroits où végètent avec force le mancenillier et le manglier , les plus malsains sont ceux où les racines de ces arbres ne sont pas constam- ment couvertes d’eau. En général , la putré- CHAPITRE Xn. 5o9 faction des matières végétales est d’autant plus à craindre sous les tropifjues , que le nombre des plantes astringentes y est très-considé- rable, et que ces plantes contiennent, dans leur écorce et dans leurs racines , beaucoup de matière animale, combinée avec du tannin S’il existe incontestablement, dans le terrain qui environne la Vera-Cruz, des causes clin- salubrité de l’air , on ne sauroit nier aussi qu’il ne s’en trouve d’autres dans l’enceinte de la ville même. La population de la Vera- Cruz est trop considérable pour la petite étendue de terrain qu’occupe la ville : seize mille habitans sont renfermés dans un espace de 5oo,ooo mètres carrés ; car la Vera-Cruz forme un demi-cercle dont le rayon n a pas six cents mètres. Comme la plupart des mai- sons n’ont qu’un étage au-dessus du rez-de- chaussée, il en résulte que, panrd le bas peuple , le nombre des personnes qui habitent le même appartement est très-considérable. Les rues sont larges, droites et dirigées, les plus longues, du nord-ouest au sud-est; les * Vauquelin, sur le tannate de gélatine et d’albu- mine. Annales du Muséum, T. XV ^ p. 77. Si O LIVRE V, moins longues, ou rues transversales, du sud-oneslau nord-est: mais comme la ville est entourée d’une haute muraille , la circulation de l’air est presque nulle. La brise qui souffle foiblement pendant l’été , du sud-est et de l’est-sud-est , ne se fait sentir que sur les terrasses des maisons, et les habitans, que pendant l’hiver le vent du nord empêche souvent de traverser les rues , respirent , dans la saison des grandes chaleurs, un air stagnant et embrasé. Les étrangers qui fréquentent la Vera-Cruz ont beaucoup exagéré ' la malpropreté des habitans. Depuis quelques temps la police a pris des mesures pour maintenir la salubrité de l’air. La Vera-Cruz est déjà moins mal- propre que beaucoup de villes de l’Europe australe : mais fréquentée par des milliers d’Européens non acclimatés , placée sous un ciel brûlant , entourée de petites mares dont les émanations infectent l’air environnant, elle ne verra diminuer les suites funestes des ^ Tliorne , dans V American med. Repos. , T. XXX, p. 46. Luzuriaga^ de la calentura hiliosa ^ T. I, p. 65 ( traduction de Fourrage de Benjamin Rush, enrichi des observations de M. Luzuriaga ). CHAPITRE XII. épidémies que lorsque la police aura con- tinué de déployer son activité pendant une longue suite d’années. On observe , sur les côtes du Mexique , une liaison intime entre la marche des ma- ladies et les variations de la température de l’atmosphère. A la Vera-Gruz on ne connoît que deux saisons, celle des tempêtes du nord ( los aortes) , depuis l’équinoxe de l’automne jusqu’à l’équinoxe du printemps , et celle des brises ou vents sud-est ( hrizas ) , qui soufflent assez régulièrement depuis mars jusqu’en septembre. Le mois de janvier est le plus froid de l’année , parce qu’il est le plus éloigné des deux époques auxquelles le soleil passe par le zénith de la Vera-Cruz \ Le voniito ne commence généralement à sévir dans cette ville, que lorsque la tem- pérature moyenne des mois atteint les 24“ du thermomètre centigrade : en décembre, en janvier et en février , les chaleurs restent au-dessous de cette limite ; aussi est-il infini- ment rare que la fièvre jaune ne disparoisse pas entièrement dans cette saison , où h’on * Le i6 mai et le 27 juillet. 5i2 LIVRE V 5 éprouve souvent un froid assez sensible. Les fortes chaleurs commencent au mois de mars, et avec elles le fléau de l’épidémie. Quoique mai soit plus chaud que septembre et octobre , c’est cependant dans ces deux derniers mois que le vomito fait le plus de ravages; car, dans toutes les épidémies, il faut un certain temps pour que le germe se développe dans toute son énergie , et les pluies qui durent depuis le mois de juin jusqu’au mois de septembre , influent sans doute aussi sur la production des miasmes qui se forment dans les environs de la Vera-Cruz. C’est l’entrée et la fin dé da saison des pluies que Ton redoute le plus sous les tro- piques , parce qu’une trop grande humidité arrête , presque autant qu’une grande séche- resse , les progrès de la putréfaction des substances végétales et animales qui se trouvent accumulées dans les endroits marécageux. Il tombe à la Vera-Cruz, par an, plus de 1870 millimètres d’eau de pluie : dans le seul mois de juillet de l’année i8o3, un observa- teur exact, M. de Constanzo , colonel du corps ingénieurs^ en a recueilli plus de CHAPITRE Xn. 5i3 38o millimètres, ce qui n’est qu’un tiers de moins qu’on n’en recueille à Londres pendant une année entière. C’est dans l’évaporation de ces eaux de pluie qu’il faut chercher la cause pour laquelle le calorique n’est pas plus accumulé dans l’air , au second qu’au premier passage du soleil par le zénith de la Vera-Cruz. Les Européens qui craignent de succomber à l’épidémie du voinito ^ con- sidèrent comme très-heureuses les années où le vent du nord souffle avec force jusqu’au mois de mars , et où il se fait déjà sentir depuis le mois de septembre. Pour constater l’influence de la température sur les progrès de la fièvre jaune , j’ai examiné avec le plus grand soin, pendant mon séjour à la Vera- Cruz, des tableaux de plus de 21,000 ob- servations, que le capitaine du port. Don Bernardo de Orta, j a faites pendant les quatorze ani^ qui ont précédé celle de i8o3. Les thermomètres de cet infatigable obser- vateur ont été comparés à ceux qui m’ont servi dans le cours de mon expédition. Je présente , dans le tableau suivant , les températures moyennes des mois, déduites des tableaux météorologiques de M. Orta : di4 livre V, j’ai ajouté le nombre des malades morts de la fièvre jaune en i8o3, à l’hôpital de Saint- Sébastien. J’aurois désiré connoître l’état des autres hôpitaux , surtout de celui des religieux de Saint-Jean-de-Dieu (San Juan de Dios ). Les personnes instruites qui ha- bitent la Vera-Cruz rempliront un jour le cadre que je n’ai fait qu’ébaucher : j’ai indiqué seulement les individus dont le genre de maladie n’est pas resté douteux, à eause des fréquens vomissemens de matières noires. Comme en i8o3 le concours des étrangers a été uniforme dans les difîerentes parties de l’année , le nombre des lualades désigne assez bien les progrès de l’épidémie du ■vomito. Le même tableau présente les va- riations des climats de Mexico et de Paris ^ La température moyenne de Mexico se fonde sur les observations de M. Alzate. ( Obsen^'aciones rneteo- rologicas de los ultimos nueve meses del aho 176g, Mexico J 1770. ) Comme des observations faites dans l’enceinte de la ville de Paris indiquent une tempé- rature un peu plus élevée que celle qui correspond à la latitude de 48^ 5o', on a préféré les nombres qui résultent du calendrier de Montmorency ^ calculé par M. Coite pour les années 1765 - 1808. ( Journal de Pbÿsique , 1809 , p. 382. ) CHAPITRE XII. 5i5 dont la température moyenne contraste sin- gulièrement avec celle des cotes orientales de la Nouvelle-Espagne. A Rome, à Naples, à Cadix , à Séville et à Malaga , la chaleur moyenne du mois d’août dépasse 24“ , et diffère par conséquent très-peu de la chaleur de la Vera-Gruz. 5l6 LIVRE V, Tableau météorologique et nosographique de la Vera^Cruz (lat. 19° 11' 52*') thermomètre centigrade DIVISION de l’ ANN £e. TEMPERATURE moyenne à la Vera-Cruz. PROGRÈS DU VOMITO. État de Vhôpitul ie St.— Sébastien.') REMARQUES. TEMPÉRATURE MOYENNE Entrés. Morts. k Mexico. Paris. 1 Vents du nord. Janvier., 210^7 7 1 A la Guajra, à Cu- (iiana , sur le paral- ièle delà Vera-Cruz aux îles Antilles orientales,jet partout où le vent du nordjne souffle pas , la tem- pérature moyenne du mois de janvier n^est jamais au-dessous de 25®. J'eînpéiaLiive moyenne douteuse. Le tliermoniètre descend en jan- vier jusqu'à 5® ou 6°, et même au-dessous. 1«,2 Février.. 22^6 6 2 4^3 Mars,. . . 23^5 19 5 8^0 3 / 1 Avril . . . 25«,7 20 4 Quelquefois le vent du nordsouffleencore iS°,6 io‘’,5 lu- dessus de LO. 1 Mai 27^,6 73 11 Premier passage du soleil par le zénith de la Vera-Cruz. i8«,8 i4o,i |] nia. . . . 27^5 ^*9 6 Commencement de la saison des pluies. x6»,9 i8'^,o 1 Bri^e , température moyenne a i Saison du vomil riaillet . . 27^,5 5i 11 Second passage du soleil par le zénith de la Vera-Cruz. i7> i9«,4 Août. . . . 27^,6 94 16 Température moyenne du mois tl’aoùt, à Rome , de î6”;àUpsal, de i5®,6 i7«,o """i — :■ 20'’52 Septemb, 27^,4 68 8 Fia delà saison des pluies. i5«,8 i6o,4 Octobre.. 1 29 5 Quelquefois le veut du nord commence déjà à alterner avec la brivse i6®,4 12°,0 1 i 0 i ° i i i g ^ U ^ INovemb. 1 1 ^ 2 Ces deux mois sont si secs, qp’en i8o3 la quantité d’eau de pluie ne s’éîevoit pas à i4miilimèlres, tan uisque le 18 août ei le i5 septembre il eu éîoit tombé en vingt quatre heures plus ■de 70 millimètres. i4”,4 6«,5 iDéceniD. 1 5 0 i3“,7 3«,8l ;1 ... .....Ll— «A’ La température moyenne de Ja Vera-Cruz est de 25^,4 ; celle de Mexico, ’ de 17°; celle de Pans, de n^,5. J’aurois ajouté à tableau la marche du ' ' f thermomètre à Philadelphie , et le nombre des individus qui y sont morts de la fièvre jaune dans chaque mois , si j'avois pu me procurer des observations propres à donner la tem^ pérature moyenne des dilFérens mois de Tannée i8o3. Dans les climats tempérés, les résultats tirés des plus grandes et des plus petites élévations que le thermomètre a atteintes à de certaines époques, ne nous ap- prennent rien sur les températures moyennes. Cette observation très-simple et très-ancienne paroît avoir échappé au grand nombre des médecins qui ont agité le problème, si les dernières épidémies d’Espagne ont été causées par des chaleurs que Ton pourroit regarder comme extraordinaires dans l’Europe australe. On a affirmé dans beaucoup d ouvrages, que Tannée 1790 avoit été de deux degrés plus chaude que les années 3 799 1800 , parce que, dans ces deux dernières années, le thermomètre n’étoit monté à Cadix que jus- qu’à 28^ et 3o‘^,5 , tandis qu’en 1790 il s’étoit élevé jusqu’à 32^. Les belles observations mé- téorologiques du chevalier Chacon , publiées par M. Arejiila, pourront jeter le plus grand 5i8 LIVRE Vj Jour sur cette matière importante , si on se donne la peine d’en déduire les moyennes des mois. La médecine ne trouvera du^ secours dans la physique qu’autant qu’on adoptera des méthodes exactes pour examiner les influences de la chaleur, de l’humidité et de la tension électrique de l’air, sur le progrès des ma- ladies. Nous venons de tracer la marche que suit généralement la fièvre jaune à la Vera-Gruz : nous avons vu, qu’année commune, l’épidé- mie cesse de sévir lorsque, à l’entrée des tempêtes du nord,da température moyenne du mois s’abaisse au-dessous de \ Les phéno- mènes de la vie sont sans don te assùjétis à des lois immuables ; mais nous connaissons si peu l’ensemble des conditions sous lesquelles le désordre s’introduit dans les fonctions des organes, que les phénomènes pathologiques nous paroissent offrir , dans leur succession , ^ Le senliment de la chaleur et rinfluence de la température sur les organes dépendant dh degré ^excitation habituelle , le même air que fon désigne a la Vera-Cruz comme froid, pourroit encore, sous la zone tempérée , favoriser le développement d’une épidémie. CHAPITRE XII. 5i9 les irrégularités les plus bizarres. Lorsque y à la Vera-Cruz, le voinito débute pendant Tété avec beaucoup de violence , on le voit régner pendant tout Thiver : l’abaissement de température diminue alors le mal , mais il ne parvient pas à l’éteindre entièrement. L’année i8o3, dans laquelle la mortalité fut assez petite y présente un exemple frappant de ce genre. On voit, par le tableau que nous avons donné plus haut , que chaque mois il y eut quelques individus attaqués du voniitoj mais aussi, pendant l’hiver de i8o5 , la Vera- Cruz se ressentit encore de répidémie qui , l’été précédent, avoit sévi avec une force extraordinaire. Le vomito n’ayant pas été très-fréquent pendant l’été de i8o3, la ma- ladie cessa entièrement au commencement de l’année i8o4. Lorsque, dans les derniers jours du mois de février , nous descendîmes , M. Bonpland et moi , de Xalapa à la Vera- Gruz, la ville ne renfermoit aucun malade de fièvre jaune; et peu de jours après , dans une saison où le vent du nord souffloit encore impétueusement , et où le thermomètre ne s’élevoit pas à 19^? M. Commoto nous con- duisit à l’hôpital de Saint-Sébastien , au lit 520 LIVRE Vj d/un mourant : c’étoit un muletier , métis mexicain très-basané, qui venoit du plateau de Perote , et qui avoit été attaqué du vomito en traversant la plaine qui sépare la Antigua de la Vera-Gruz. Ces cas , où la maladie est sporadique en hiver, sont heureusement très-rares, et une véritable épidémie ne se développe à la Vera-Cruz que lorsque les chaleurs de Tété commencent à se faire sentir, et que le thermomètre s’élève fréquemment au-dessus de 24^. La même marche de la fièvre jaune s’observe aux Etats - Unis : à la vérité , M. Carej * a observé que les semaines où la température a été le plus élevée à Phila- delphie, n’ont pas toujours été celles où la mortalité a été la plus forte ; mais cette obser- vation prouve seulement que les effets de la température et de l’humidité de l’atmosphère sur la production des miasmes et sur l’état d’irritabilité des organes, ne sont, pas tou- jours instantanés. Je suis loin de regarder une chaleur extrême comme la seule et véri- ^ Carey ^ ' Description of the mctUgnant fepêt of Philadelphia^ 179"^; p. 38. CHAPITRE XII. Sai table cause du vomito j mais comment nier qu’il exisie, dans les endroits où le mal est endémique, une liaison intime entre l’état de l’atmosphère et la marche de l’épidémie? Il est incontestable que le vomito n’est pas contagieux à la Vera-Cruz. Dans la plupart des pays, le peuple regarde comme conta- gieuses des maladies qui n’ont point ce ca- ractère ; mais au Mexique , aucune opinion populaire n’interdit à l’étranger non acclimaté l’approche du lit des malades attaqués du vomito. On ne cite aucun fait qui rende probable que le contact immédiat , ou l’ha- leine du mourant , soit dangereux pour les personnes non acclimatées qui soignent le malade. Sur le continent de l’Amérique équinoxiale , la fièvre jaune n’est pas plus contagieuse que ne le sont les fièvres inter- mittentes en Europe. D’après les renseignemens que j’ai pu prendre pendant un long séjour en Amé- rique , et d’après les observations de MM. Mac- is itrick , Walker , Rush , V alentin , Miller , et de presque tous les médecins qui ont pratiqué à la fois aux îles Antilles et aux Etats-Unis, j’incline à croire que cette maladie n’est con- 522 LIVRE V , tagieiise par sa nature , ni sous la zone tempérée * , ni dans les régions équinoxiales du nouveau continent : je dis par sa nature , car il n’est pas contraire à Tanalogie que présentent d’autres phénomènes patholo- giques, qu’une maladie qui n’est pas essen- tiellement contagieuse , puisse , sous une certaine influence du climat et des saisons, par l’accumulation des malades et par leur disposition individuelle, prendre un caractère contagieux. Il paroît que ces exceptions , infiniment rares sous la zone torride % s’olFrent plus particulièrement sous la zone tempérée. En Espagne , oii, en 1800, plus de 47^000, en i8o4, plus de 64,000 individus ont péri victimes de la fièvre jaune , « cette maladie « a été contagieuse , mais seulement dans « les lieux où elle exerçoit ses ravages ; ff car il a été prouvé par des faits nom- cc breux, observés surtout à Malaga, à Ali- ^ Voyez deux excellens Mémoires de M‘. Stuhhins Ffirth f de New- Jersey , et de M. Edward Miller ^ de New-Yorck , sur îe caractère non contagieux de la lièvre jaune des Etats-Unis. ^ Fledler y über das gdhe Fieber nach eigeften Beohachtungen , p* 15/, Pugnet^ p. 3g3. CHAPITRE XII. 523 « cante * et à Carthagène , que des personnes « affectées n’avoient pas communiqué la ma- « ladie dans les villages où elles s’étoient « retirées, quoique le climat y fût le meme « que celui des villes contagiées. « Cette opinion est le résultat des observations faites par la commission éclairée cpie le gouver- nement François a envoyée en Espagne en 1 8o5, pour y étudier le développement de l’épi- démie. En fixant successivement les yeux sur les régions équinoxiales de l’Amérique, sur les Etats-Unis, et sur les parties de l’Europe où la fièvre jaune a exercé ses ravagés, on voit * Bally J Opinion sur la contagion de la fièvre jaune , 1810, p. 4o. 2 MM. Dumeril, Ballj et Nysten. Il n’est d’ailleurs aucunement constaté que la fièvre jaune ait été intro- duite en Espagne par la polacra le Jupiter , expédiée de la Vera-Cruz, ou par la corvette le Dauphin, construite à Baltimore , sur laquelle étoient embarqués l’intendant de la Havane Don Pablo Valîente et le médecin Don Josef Caro. {^Arejula, p. 25i.) Trois médecins distingués de Cadix , MM. Ammeller , Delon et Gonzales, croient que la fièvre jaune s’est déve- loppée spontanément en Espagne meme : une maladie peut être contagieuse sans être importée. 524 LIVRE V, que, malgré l’égalité de température qui règne pendant plusieurs mois de l’été sous ces zones très-éloiornées les unes des autres , O la maladie se présente sous un aspect diffé- rent. Entre les tropiques , son caractère non contagieux est presque universellement re- connu. Aux États-Unis , ce caractère est déjà vivement contesté par la faculté de méde- cine de l’université de Philadelphie , de même que par MM. Wistar, Blane, Cathral, et d’autres médecins distingués. Enfin, en avan- çant au nord-est> en Espagne, nous trouvons la fièvre jaune indubitablement contagieuse, comme le prouvent les exemples des per- sonnes qui s’en sont préservées par l’isole- ment , quoiqu’elles fussent au milieu du foyer du mal. Près de la Vera-Cruz, la ferme de VEncero^ que j’ai trouvée élevée de 928 mètres au- dessus du niveau de l’Océan, est la limite supérieure du Domito, Nous avons déjà ob- servé plus haut, que c’est jusque-là seulement que descendent les chênes mexicains, qui ne peuvent plus végéter dans une chaleur propre à développer le germe de la fièvre jaune. Les individus nés et élevés à la Vera-Cruz ne CHAPITRE XII. 525 sont pas sujets à cette maladie : il en est de même des habitans de la Havane qui ne quittent pas leur patrie ; mais il arrive que des négocians qui sont nés à l’île de Cuba , et qui rhabitent depuis un grand nombre d’années, sont attaqués du vomito prieto, lorsque leurs affaires les obligent à visiter le port de la Vera-Cruz pendant les mois d’août et de septembre , où l’épidémie sévit avec le plus de force. On a vu de même des Espa- gnols-Américains, natifs delà Vera-Cruz, périr victimes du vomito à la Havane , à la Jamaïque ou aux Etats-Unis. Ces faits sont sans doute très-remarquables, si on les con- sidère sous le rapport des modifications que présente l’irritabilité des organes. Malgré la grande analogie qu’a le climat de la Vera- Cruz avec celui de l’île de Cuba, l’habitant de la côte mexicaine, insensible aux miasmes que renferme l’air de son pays natal , suc- combe aux causes excitantes et pathogéniques qui agissent sur lui à la Jamaïque ou à la Pavane. Il est probable que , sous le même parallèle, les émanations gazeuses qui pro- duisent les mêmes maladies, sont presque identiques ) cependant une légère différence 5^6 LIVRE V 5 suffit pour jeter le désordre dans les fonctions vitales, et pour déterminer cette suite parti- culière de phénomènes qui caractérisent la fièvre jaune. C’est ainsi^ comme je l’ai fait voir par une longue série d’expériences ‘ , dans lesquelles l’excitation galvanique sert à mesurer l’état d’irritabilité des organes , que les agens chimiques excitent les nerfs, non- seuleinent par les qualités qui leur sont propres , mais aussi par l’ordre dans lequel on les applique les uns après les autres. Sous la zone torride, où la pression baro- métrique et la température de l’air sont presque les mêmes pendant toute l’année , et où les marées électriques, la direction du vent et toutes les autres variations météoro- logiques se succèdent avec une immuable uniformité , les organes de l’homme habitué dès sa naissance dans le climat natal aux mêmes impressions, deviennent sensibles aux moindres changemens de l’atmosphère envi- ronnante. C’est par cette sensibilité extrême ^ Expériences sur V irritation de la fibre musculaire et nerveuse (en allemand) , T. II , p. 14/. Le second volume de cet ouvrage , qui a paru après mon départ d^Europe, n’a pas été traduit en françois. CHAPITRE XII. 527 que l’habitant de la Havane, transporté à la Vera-Cruz pendant que le voniito y fait les ravages les plus cruels , y court quelquefois la chance des personnes non acclimatées * : je dis quelquefois, car en général les exemples que des colons nés aux Antilles soient attaqués de la fièvre jaune à la Vera-Cruz , aux Etats- Unis ou à Cadix, sont aussi rares que les exemples de Nègres ^ qui succombent à cette maladie. C’est, d’ailleurs , un phénomène bien frap- pant, que, dans des régions équinoxiales, à la Vera-Cruz, à la Havane, et à Portoca- bello , les indigènes n’ont pas à craindre le fléau de la fièvre jaune, tandis que, dans la zone tempérée, aux Etats-Unis et en Espagne, les indigènes y sont aussi exposés que les étrangers. Ne faut-il pas chercher là cause de cette différence dans l’uniformité des impressions qu’éprouvent les organes de * M. Pugnet [sur les fièvres de mauvais caractère, p. 346) a fait la même observation sur les natifs de Sainte-Lucie qui visitent les îles voisines. ^ Luzuriaga , T. I , p. i35. MM. Blane et Carey citent quinze Nègres et Négresses morts de la fièvre jaune à l’île de la Barbade et à Philadelphie. 5^8 LIVRE V 5 l’habitant des tropiques , environné d’une atmosphère qui ne varie que très-peu dans sa température et dans sa tension électrique ? Peut-être aussi le mélange des émanations putrides est-il toujours le même sur un sol constamment échauffé par les rayons du soleil* et couvert de débris organiques. L’habitant de Philadelphie voit succéder un hiver «em- blable à celui de la Prusse , à un été dont les chaleurs égalent celles de Naples; et malgré l’extrême flexibilité que l’on observe dans l’organisation des peuples du nord, il ne parvient pas , pour ainsi dire , à s’acclimater dans le pays natal. Les blancs et les métis qui habitent le plateau intérieur du Mexique , dont la tem- pérature moyenne est de i6^ ou 17^, et où le thermomètre baisse quelquefois jusqu’au- dessous du point de la congélation, con- tractent plus facilement le vomito lorsqu’ils descendent de l’Encero au Plan del Rio et de là à la Antigua et au port de la Vera-Gruz, que les Européens ou les habitans des Etats- Unis qui arrivent par mer. Ces derniers, -iL en passant par degrés aux latitudes australes , se préparent peu à peu aux grandes chaleurs CHAPITRE XII. 5^9 qu’ils éprouvent à leur atterrage : les Espa- gnols - Mexicains , au contraire , changent brusquement de climat , lorsque , dans l’es- pace de quelques heures , ils se transportent de la région tempérée à la zone torride. La mortalité est surtout très-grande parmi deux classes d’hommes très-différentes dans leurs habitudes et dans leur manière de vivre ; savoir ; les muletiers ( arrieros ) , qui sont exposés à des fatigues extraordinaires en descendant avec leurs bêtes de somme par des chemins tortueux semblables à ceux du Saint-Gothard , et les soldats de recrue des- tinés à compléter la garnison de la Vera- Cruz. On a prodigué , dans ces derniers temps , tous les soins imaginables à ces malheureux jeunes gens nés sur le plateau mexicain , à Guanaxuato, àToluca ouàPuebla, sans avoir réussi à les préserver de l’influence des miasmes délétères de la côte : on les a laissés pendant plusieurs semaines à Xalapa, pour les accli- mater peu à peu à une température plus élevée ; on les a fait descendre à cheval et la nuit à la Vera-Cruz, afin qu’ils ne fussent point exposés au soleil en traversant les plaines IV. 34 530 LI VRE V , arides de la Antigua ; on les a logés à la Vera- Gruz , dans des appartemens bien aérés ; mais jamais on n’a observé qu’ils fussent atteints de la fièvre jaune avec moins de rapidité et de violence que les militaires pour lesquels on n’avait pas pris ces précautions. Il y a peu d’années que, par une réunion de circons- tances extraordinaires , sur trois cents soldats mexicains , tous de 1 âge de dix-huit à vingt- cinq ans , on en a vu périr en trois mois deux cent soixante-douze : aussi, à mon départ du Mexique, le gouvernement comp- toit-il enfin exécuter le projet de confier la défense de la ville et du chtâteau de San Juand’Ulua à des compagnies de Nègres et d’hommes de couleur acclimatés. Dans la saison où le vornito sévit avec beau- coup de violence, le plus court séjour à la Vera-Gruz , ou dans l’atmosphère qui entoure la ville, suffit pour faire contracter le mal aux personnes non acclimatées. Des habitans de la ville de Mexico, qui se proposent de faire le voyage d’Europe , et qui craignent l’insa- lubrité des côtes, séjournent ordinairement à Xalapa, jusqu’au moment du départ de leur vaisseau : ils se mettent en route pendant CHAPITRE XII. 53 1 la fraîcheur de la nuit, et traversent la Vera- Gruz en litière, pour s’embarquer dans la chaloupe qui les attend au môle : ces pré- cautions sont quelquefois inutiles, et il arrive que ces mêmes personnes sont les seuls passa- gers qui succombent au vomito pendant les pi'emiers jours de la traversée. On pourroit admettre que , dans ce cas , la maladie a été contractée a bord du vaisseau qui a séjourné dans le port de la Vera-Cruz , et qui renferme des miasmes délétères ; mais la célérité de l’infection est plus incontestablement prouvée par les exemples fréquens d’Européens aisés , morts du vomito , quoiqu’on arrivant au môle de la Vera-Cruz ils eussent trouvé des litières préparées pour entreprendre de suite le voyage de Perote. Ces faits paroissent, au premier abord , parler en faveur du système d’après lequel on regarde la fièvre jaune comme contagieuse sous toutes les zones. Mais comment concevoir qu’une maladie se communique à de grandes distances ', tandis qu’à la Vera-C''uz elle n’est décidément pa? contagieuse par contact immédiat ’ ? N’est-il ^ Contagium per intimum contactum^ ® Contagium in disfans. ♦ 54 532 LIVRE V, pas plus facile d’admettre que l’atmosphère de la Vera-Cruz contient des émanations pu- trides qui, respirées pendant le plus court espace de temps, portent le désordre dans les fonctions vitales ? La plupart des Européens nouvellement débarqués sentent, pendant leur séjour à la Vera-Cruz , les premiers symptômes du vo- mito, qui s’annonce par une douleur dans la région lombaire , par la coloration de la con- jonctive en jaune, et par des signes de conges- tion vers la tête. Dans plusieurs individus , la maladie ne se déclare que lorsqu’ils sont déjà arrivés à Xalapa , ou sur les montagnes de la Pileta , dans la région des pinsot des chênes , à seize ou dix-huit cents mètres au-dessus du niveau de l’Océan. Les personnes qui ont séjourné long-temps à Xalapa , croient de- viner, aux traits des voyageurs qui montent dés côtes au plateau de l’intérieur , si , sans s’en apercevoir eux -mêmes, ils renferment déjà le germe delà maladie. L’abattement de l’ame et la crainte augmentent la prédisposi- tion des organes pour recevoir l’impression des miasmes ; et ces mêmes causes rendent jie début de la fièvre jaune plus violent , lors- CHAPITRE XII. 536 <]^u’on annonce imprudemment * au malade le danger dans lequel il se trouve. Nous venons de voir que les personnes nées a la Vera-Cruz ne sont pas exposées à contrac- ^ Je puis citer , à cet égard, un trait d’autant plus curieux qu’il peint en même temps le flegme et la froideur des indigènes de la race cuivrée. Une per- sonne avec laquelle ]’ai eu des liaisons d amitié pendant mon séjour à Mexico, n’avoit passe que Ires-peu de temps à la Vera-Cruz, lors de son premier voyage d’Europe en Amérique : elle arriva à Xalapa sans éprouver aucun sentiment qui put lui faire connsoitre le danger dans lequel elle se Irouveroit bientôt. « Vous aurez le vomito ce soir» , lui dit gravement un barbier indien en lui savonnant le visage , « le « savon sècbe à mesure que je l’applique , c est uû « signe qui ne trompe jamais , et voilà vingt ans que « je rase les chapetons qui passent par cette ville en remontant à Mexico ; sur cinq il en meurt trois. » Cette sentence de mort fit une forte impression sur l’esprit du voyageur : il eut beau représenter à l’Indien combien son calcul étoit exagéré , et qu’une grande ardeur de la peau ne prouve pas l’infection ; le barbier persista dans son pronostic. En effet , la jnaladie se déclara peu d’heures après, et le voyageur, déjà en route pour Perote , fut obligé de se faire transporter à Xalapa , où il manqua de succomber à k violence du vomito. 534 LIVRE ter le vomito dans leur pays nalal , et qu'elles ont en cela un grand avantage sur les babitans des Etats-Unis , qui se ressentent de l’insalu- brité de leur propre climat. Un autre avan- tage qu’offre la zone torride, c’est que les Européens , et en général tous les individus nés dans des pays tempérés, n’y sont pas attaqués deux fois de la fièvre jaune. On a observé , dans les îles Antilles, quelques exemples très-rares d’une seconde invasion , et ces exemples sont très-communs aux États- Unis; mais à la Vera-Cruz, une personne qui a été une fois attaquée de la maladie, ne craint pas les épidémies subséquentes. Les femmes qui débarquent sur les côtes du Mexique, ou qui descendent du plateau central , courent moins de risque que les hommes. Cette pré- rogative du sexe se manifeste même sous la zone tempérée. En 1800, il est mort à Cadix 1677 femmes sur 58io hommes, et à Séville, 3672 femmes sur 11,01 3 hommes. On a cru long-temps que les individus attaqués de la goutte^ de fièvres intermittentes ou de ma- ladies syphilitiques ne contractoient pas le vomito^ mais cette opinion est contraire à un grand nombre de faits observés à la Vera- CHAPITRE XII. 535 Cruz : on y éprouve d’ailleurs ce qui a été observé dans la plupart des épidémies' , qu aussi long-temps que la fièvre jaune sévit avec violence, les autres maladies inter-currente^ sont sensiblement plus rares. Les exemples d’individus morts , trente à quarante heures après la première invasion du vomito , sont plus rares sous la zone torride que dans les régions tempérées. En Espagne , on a vu passer des malades de 1 état de santé à la mort en six ou sept heures Dans ce cas, la maladie se montre dans toute sa simplicité , en ne paroissant agir que sur le système nerveux. A l’excitation de ce système , succède une prostration totale des forces ; le principe de vie s’éteint avec une rapidité effrayante : alors les complications bilieuses ne peuvent pas se manifester , et le malade meurt en éprouvant de fortes hémorragies , mais sans que sa peau se teigne de jaune * , et sans 1 Schnurrer , Materialien zu einer allgemeinen Naturlelire der Epidemien und Contagien , 1810, p. 4o ; ouvrage qui renferme des matériaux précieux pour la zoonomie pathologique, ^ Berthe, p. 79. 3 M. Rush observa qu’à Philadelphie, pendant 536 LIVRE V, qii^il vomisse ces matières que Ton désigne sous le nom de bile noire. Généralement, à la Vera-Cruz, la fièvre jaune dure au delà de six à sept jours , et ce temps suffit pour que Tirritation du système digestif puisse masquer, pour ainsi dire , le véritable caractère de la lièvre adjnamique. Comme \e\vomito n^attaque, dans la région équinoxiale, que des individus nés dans les pays froids, et jamais les indigènes , la mor- talité de la Vera-Cruzest moins grande qu’on ne devroit le supposer, en considérant la chaleur du climat et l’extrême irritabilité des organes qui en est la suite. Les grandes épidémies n’ont moissonné, dans lenceinte de la ville , qu’à peu près quinze cents indi- vidus par an. Je possède des tableaux qui indiquent l’état des hôpitaux pendant les quinze dernières années; mais comme ces tableaux ne désignent pas expressément les malades morts du vomito y ils ne nous ap- prennent presque rien sur les progrès qu’a Fépidémie de 1793, les personnes qui jouissoient de la meilleure santé , les Nègres mêmes avoient la conjonctive teinte en jaune et le pouls extraordi- nairement accéléré. CHAPITRE XII. 537 faits l’art pour diminuer le nombre des vic- times. Dans rhôpital confié aux soins des religieux de Saint-Jean-de-Dieu ( Hospital de San Juan de Bios), la mortalité est excessivç, : depuis 1786 jusqu’en 1802 , il y est entré 27,922 ma- lades, dont il est mort 5667 , ou plus d’un cinquième. Ce nombre de morts doit être considéré comme d’autant plus grand que le vomito n ’a pas r égn é depuis 1 7 86 j usqu e n 1 794 , et que, parmi les malades entrés dans l’hôpital, il s’en est trouvé plus du tiers affecté de fièvres intermittentes ou d’autres maladies non épidémiques. A l’hôpital Notre - Dame de Loreto y la mortalité a été beaucoup moindre. Depuis 1795 jusqu’en 1802 , il y est entré 2820 individus, dont il est mort 689 , ou un septième. L’hôpital le mieux soigné à la Vera- Cruz est celui de Saint-Sébastien , administré aux frais des négocians ( Hospital del consu- lado ) , et soigné par un médecin * qui s’est acquis une juste réputation par ses connois- sances, son désintéressement et sa grande activité. 4’^oici l’état de ce petit établissement en j8o3. ‘ Do?2 Florencio Ferez y Comoto. 538 LIVRE V , DECEDES, TOTAL. -• CSIOCO r-i 00 09 ÎS oj il ^ s, • • • • . . ... . , , • CS . ^ M . . CS CS M • • • . • . • • • • . . • • • . , en VOMITO. (H CS^'Cj^ ihCO oo'to CS • Ci CO cô iH S ^ O w — N TOTAL. csc£)to cs*^çr! CS 0^ iHto cl M ^o Autres p\Taîaclies, • • - 00 OlOCO • • . rH bo CS rH bO fH VOMITO. Cûv^v^ i>.esbO Ooo OÇ£> ts-to H rtC£5.<£> CS O CO te ENTRÉS. TOTAL. i>>.ç£5 ai-4bo^oinc5o cn p-tco es r**^ 0^*0 ODï>'‘o CS CS 553 Autres Maladies. . . ^ Q ^ ^ ^ ^ • • • CS to CS ^ CS iH j VOMITO. t^ci: o^^<}-qo CTiCic^ PH CS <7>t£) CS 00 CS MOIS, Janvier Février Mars Avril Mai Juin Juillet Août Septembre .... Octobre l?^ovembre Décembre à < H O H CHAPITRE XII. 539 D’après ce tableau , la mortalité mojemie a été d’un septième, ou de quatorze pour cent. Le vomito seul n’en a enlevé que seize pour cent, et encore faut-il observer que plus du tiers de ceux qui ont péri avoient été reçus à l’hôpital lorsque le mal avoit déjà fait des progrès alarmans. En général, d’après les tableaux du commerce , publiés par le consulado y il n’est mort à la Vera - Gruz ^ en i8o3, soit de diverses maladies, soit de vieillesse, que gSg personnes. En supposant la population de seize à dix-sept mille âmes , on trouve que la mortalité totale est de six pour cent ; or, sur g5g décès, il y en a au moins la moitié qui sont dus au vomito j par conséquent, à la Vera-Cruz , le nombre des morts est à celui des habitans acclimatés , à peu près en raison de 1 à 3o , ce qui confirme l’opinion très - répandue * dans le pays , que les individus habitués, dès leur enfance, aux grandes chaleurs des côtes mexicaines et aux miasmes que renferme l’atmosphère , parvien- nent à une heureuse vieillesse. En 1800 , les hôpitaux de la Vera-Cruz ont reçu 4^71 naa- lades , dont SGyi sont sortis guéris : le nombre • Voyez Cliap. IV, T. I, p. 334. 5^0 LIVRE V, des morts h’a donc été que de douze pour cent, quoique, comme nous venons de le voir par l’état de l’hôpital de Saint-Sébastien , il y ait toujours eu, lors même que les vents du nord rafraîchissoient l’air , quelques malades atteints de la fièvre jaune. Nous avons donné jusqu’ici des renseigne- mens détaillés sur les ravages que le vomito a faits dans les murs de la Vera-Cruz même, pendant une année dans laquelle l’épidémie a sévi avec moins de violence qu’à l’ordi- naire; mais un grand nombre de muletiers mexicains, de matelots et de jeunes gens {polizones) , qui s’embarquent dans les ports d’Espagne pour chercher for tu ne au Mexique périssent victimes du vomito ^ au village de la Antigua , à la ferme du Muerto , à la Rin- conada, à Gerro Gordo, même à Xalapa , lorsque l’invasion de la maladie est trop prompte pour qu’on puisse les transporter dans les hôpitaux de la Vera-Griiz, ou lors-* qu’ils ne se sentent attaqués qu’en montant la Gordillère. La mortalité est surtout extrême- ment forte , quand il arrive à la fois dans le port , pendant les mois d’été , plusieurs vais- seaux de guerre et un grand nombre de CHAPITRE XII. 541 bâtimens marchands. Il est des années où le nombre des morts, dans Tenceinte de la ville et dans les environs , s’élève à dix-huit cents ou deux mille. Cette perte est d’autant plus affligeante qu’elle porte sur une classe d’hommes laborieux , d’une constitution forte , et qui se trouvent presque tous à la fleur de l’âge. Il résulte des tristes expé- riences que présente le grand hôpital des reliaieux de San Juan da Dios'^, dans les derniers quinze ans, que partout où les malades accumulés sur un petit espace, ne sont pas traités avec soin , la mortalité s’élève, dans les grandes épidémies, à 00 ou 35 pour cent ; tandis que là où tous les soins peuvent être prodigués, et où le médecin varie le ^ On étoit occupé, en i8o4, de supprimer cet hôpital , et de le remplacer par un autre , qui devoit porter le nom de maison de bienfaisance {^casa de beneficiencia). Dans toute T Amérique espagnole , les gens éclairés se plaignent des méthodes curatives qui sont employées parles religieux àe Saint-Jean-de-Dieu. La tâche que cette congrégation s’est imposée est jdes plus nobles : je pourrois citer plusieurs exemples du désintéressement et du courage de ces religieux; mais au lit du malade, la charité ne supplée pas à l’igno-- ranee d« l’art. 54 2 LIVRE V, traitement d’après les dilFérentes formes soiis« lesquelles se présente la maladie dans telle ou telle saison^ la mortalité n’excède pas 12 ou i 5 pour cent. Ce dernier nombre nous a été fourni par les listes de l’hôpital du consulado^ dirigé par M. Gomoto : il paroît sans doute bien petit , lorsqu’on le compare aux ravages qu’a faits récemment la fièvre jaune en Espagne ^ ; mais tout en rapprochant ces faits, ' On peut juger de la mortalité moyenne observée enEspague dans les épidémies de 1800 , i8oi et i8o4, par le tableau suivant, qui se fonde sur des données que je dois à Tobligeante bonté de M. Duméril. ANNÉES. VILLES. MALADES. MORTS. MORTALITÉ xaojeniie. j Cadix. . 48,520 9^977 20P(^ar cent. 1800 \ Séville * . 76,000 20,000 26 [ Xeres. . . i 3o^ooo 12,000 4o 1801 Séville. . 4,100 660 60 i8o4 1 l'Alicante [.Cadix . . i 9.000 5.000 2,472 2,000 27 4o M, Arejula nous apprend que , sur 100 malades, il CHAPITRE XÏI. 543 il ne faut pas oublier que la maladie ne sévit pas tous les ans et sur tous les individus avec la même violence. Pour obtenir des résultats exacts sur la proportion des morts aux ma- lades , il faudroit distinguer les difFérens degrés ài exacerbation qu’atteint le vomito dans son développement progressif. D’après Russel, la peste même se présente quelquefois à Alep sous des influences atmosphériques si bénignes , que plusieurs des pestiférés ne sont pas alités pendant tout le cours de l’épidémie. Dans les environs de la Vera-Cruz, le vomito ne s’est fait sentir dans l’intérieur des terres, qu’à dix lieues de distance de la côte. Comme à mesure que l’on avance vers l’ouest, le terrain s’élève rapidement , et comme cette en est mort, en 1800, à Séville, 19; en i8o4, à Alicante, 26 *, à Malaga , en i8o5, près de 4o , et en i8o4, plus de 60. Il affirme qu’en Espagne les médecins peuvent se vanter d’avoir guéri trois cin- quièmes des malades qui vomissoient déjà des matières noires. [pelaFehre^ p. i48 , 433-444.) Cette assertion d’un célèbre praticien indiquer oit, dans le cas d’une grande exacerbation de la maladie , une mortalité de 4o pour cent. 544 LIVRE V , élévation du sol influe sur la température de l’air, la Nouvelle-Espagne ne peut pas nous éclairer sur ce problème important, si la fièvre jaune se développe dans des endroits qui sont très-éloignés de la mer. Un excellent observateur, M. Volney S rapporte qu’une maladie épidémique qui offroit de grands rapports avec la fièvre jaune , a régné à l’est des monts Alleghanys , dans les terrains maré- cageux qui entourent le fort Miami, près du lac Érié : M. Ellicot a lait des observations analogues sur les bords de l’Ohio ; mais il ne faut point oublier que les fièvres rémittentes bilieuses prennent quelquefois le caractère adynamique de la fièvre jaune. En Espagne, comme aux États-Unis, l’épidémie a suivi les côtes maritimes et le cours des grandes rivières : on a mis en doute si effectivement elle a régné à Cordoue ; mais il paroît certain qu’elle a exercé ses ravages à la Carlota, à cinq lieues au sud de Cordoue, bourg très- sain, placé sur une colline élevée , et ouvert aux vents les plus salubres °. ^ Tableau du sol de l^ Amérique ^ Vol, ÎI , p. 3 lO. * Berthej p. i6. Xi y a ; en ligue droite , 26 lieues de la Carlota à la mer. CHAPITRE XII. 545 Le système de Browa n’a pas excité autant d’enthousiasme à Edimbourg, à Milan et à Vienne, qu’il en a excité au Mexique. Les personnes instruites qui ont pu observer avec impartialité le bien et le mal qu’a produits la méthode stimulante, pensent qu’en général la médecine américaine a gagné à celte ré- volution. L’abus des saignées, des purgatifs et de tous les remèdes débilitans , étoit extrêmement gçand dans les colonies espa- gnoles et françoises. Cet abus n’augmentoit pas seulement la mortalité parmi les malades, il étoit aussi sensible aux Européens nouvel- lement débarqués, que l’on saignoit tandis qu’ils jouissoient encore de la meilleure santé : chez ces derniers, le traitement prophylac- tique devint une cause prédisposante ‘ de maladie. Pourroit-on s’étonner que , malgré ses imperfections et sa trompeuse simplicité , la méthode de Brown ait produit du bien dans un pays où l’on traitoit une fièvre adynamique comme une fièvre inflamma- toire ; où l’on craignoit d’administrer le quinquina, l’opium et l’éther j où , dans la » Pinel, T. I, p. 207. Gilbert , Maladies de Saint- Domiiigue y p* 91* IV. 55 X 546 LIVRE V , plus grande prostration des forces , on atten- doit patiemment des crises , en prescrivant du nitre , de l’eau de guimauve et des infu- sions de Scoparia dulcis? La lecture des ouvrages qui ont paru sur le système de Brown, a engagé les médecins espagnols et mexicains à raisonner sur les causes et les formes dés maladies : des idées énoncées depuis long-temps par Sydenham, par l’école de Leyde, par Stoll et par Franck, ont trouvé accès en Amérique, et l’on attribue aujourd’hui au système de Brown une réforme qui est due au réveil de l’esprit observateur, et au progrès général des lumières. Quoique le vomito s’annonce par une diathèse sthénique, les saignées recommandées avec tant de chaleur par Rush, et employées fréquemment par les médecins mexicains dans la grande épidémie de 1762 , sont regardées comme dangereuses à la Vera-Cruz, Sous les tropiques , le passage de la synoque au typhus, de l’état inflammatoire à l’état de langueur , est si rapide , que la perte du sang que l’on dit faussement en dissolution , accélère la prostration générale des forces. Dans la première période du vomito , on CHAPITRE XII. 547 préfère les minoratifs , les bains , l’eau à la glace , l’usage des sorbets et d’autres remèdes débilitans. Lorsque , pour parler le langage de l’école d’Edimbourg , la débilité indirecte se fait sentir, on emploie les excitans les plus énergiques, en commençant par de fortes doses et en diminuant peu à peu la puissance des stimulans. M. Comoto a obtenu de grands succès en donnant par heure plus de cent gouttes d’étber sulfurique et soixante à soixante - dix gouttes de teinture d’opium. Ce traitement contraste singulièrement avec celui qui est en usage parmi le peuple, et qui consiste à ne pas relever les forces vitales par des excitans, mais à employer simple- ment des boissons tièdes et mucilagineuses, des infusions de tamarin , et des fomentations sur la région épigastrique , pour calmer l’irritation du système abdominal. Les expériences que l’on a faites à la Vera- Cruz jusqu’en i.8o4, sur l’usage du quinquina dans la fièvre jaune , n’ont pas eu de succès ’ , quoique cette écorce ait produit souvent les * D’après l’observaliou de MM. Rusli et Woodliouse , elles n’ont pas eu plus de succès à PhiladeJptiie, dans l’épidémie de 1797. Luzuriaga, T. lî, p. 218. 548 LIVRE V 5 effets les plus salutaires aux îles Antilles en Espagne ^ Il seroit possible que cette différence d’action tînt à la variété des formes que prend la maladie , selon que la rémission est plus ou moins marquée , ou que les symptômes gastriques prédominent sur les symptômes adynamiques. Les préparations mercurielles, surtout le calomel ou muriale de mercure doux, associé au jalap, oiit été fréquemment employées à la Vera-Cruz; mais ces remèdes, tant vantés à Philadelphie et à la Jamaïque , et déjà prescrits dans les fièvres ataxiques par les médecins espagnols du seizième siècle ^ , ont été assez généralement abandonnés par les médecins mexicains. On a été plus heureux dans l’emploi des frictions d’huile d’olive, dont l’utilité avoit été recon- nue par M. Ximenez à la Havane, par Don ^ Pugnet ^ p. 367. Arejula , p. i5i et 209. MM. Cliîslîolm et Seamen ont préféré le Cortex Angusturœ ( fécorce du Bonplandia trifoliata) à l’usage du quinquina. Luis Lohera de Avila , Ver gel de sanidad , i53o. Andrès de Laguna , sohre la cura de la pestilencia ^ i566. Francisco Franco 3 de las enfermedades conta-- giosas p 1569. CHAPITRE XII. 549 Juan de Arias à Garlhagène des Indes % et surtout par mon ami M. Keutsch, médecin distingué de l’île de Sainte - Croix, qui a recueilli beaucoup d’observations intéres- santes sur la fièvre jaune des Antilles. On a regardé pendant quelques temps àlaVera- Cruz, les sorbets, le jus d’ananas {xugo de piha ) et l’infusion du palo mulato ^ végétal du genre amyris, comme des remèdes spéci- fiques contre le vomito j mais une longue et triste expérience a décrédité peu à peu ces remèdes, même chez le peuple mexicain. S’ils doivent être rangés parmi les meilleurs moyens prophylactiques, ils ne sauroient être la base d’un traitement curatif. Comme une chaleur excessive augmente l’action du système bilieux, l’usage de la glace ne peut être que très-bienfaisant sous la zone torride. On a établi des relais pour porter la neige avec la plus grande célérité, à dos de mulets , de la pente du volcan d’Orizaba au port de la Vera-Cruz. La longueur du chemin que parcourt la poste aux neiges ^ ( posta de nie\^e ) est de vingt- ^ Luzuriaga , T. II, p. 218. ^ Voyez PI. JX de mon Atlas mexicain. 55o LIVRE V, huit lieues. Les Indiens choisissent des mor- ceaux de neige qui sont mêlés de grains de grêle agglutinés. D'après un ancien usage, ils enveloppent ces masses avec de l’herbe sèche, quelquefois même avec de la cendre > deux substances que l’on sait être de mauvais conducteurs du calorique. Quoique les mulets chargés des neiges d’Orizaba, arrivent en plein trot àUa Vera-Cruz, plus de la moitié de la neige se fond pendant la route , la température de l’atmosphère étant, en été, constamment de 29 à 3o degrés du ther- momètre centigrade. Malgré ces obstacles, les ha bilans de la côte peuvent se procurer journellement des sorbets et de Teau à la glace. Cet avantage , dont on ne jouit pas aux îles Antilles , à Carthagène et à Panama, est infiniment précieux pour une ville qui est habituellement fréquentée par des hommes nés en Europe et sur le plateau central de la Nouvelle-Espagne. Quoiqu’à la Vera-Cruz, la fièvre jaune ne soit pas contagieuse par contact immédiat, et qu’il ne soit aucunement probable qu'elle J ait jamais été introduite du dehors * , il ^ (( La Vera-Cruz n’a reçu le germe de celte cruelle CHAPITRE XII. 55i n’en est pas moins certain qu’elle ne se montre cju’à de certaines epoqnes, sans cjne ]us(]ii à ce jour on ait pu découvrir quelles sont les modifications de ratmosphère qui , sous la zone torride , produisent ces changemens périodiques. Il est à regretter que Thistoire des épidémies ne remonte pas au delà d’un demi-siècle. Le grand hôpital militaire de la Vera-Cruz a été établi en décembre 1764, mais aucun document conservé dans les ar- chives de cet hôpital ne fait mention des maladies qui ont précédé le vomito de 1762. Cette dernière épidémie , qui commença sous le vice-roi marquis de Croix, continua à faire ses ravages jusqu'en 1775, où, après avoir pavé les rues de la Vera-Cruz, on employa quelques foibles moyens de police, tendant à diminuer rextrême malpropreté de la ville. « maladie ni de Slam , ni de l’Afrique , ni des îles « Antilles, ni de Carlliagëne des Indes, ni desEtats- {{ Unis : ce germe a été produit [engejidrado) dana (( son territoire meme ; il y existe sans cesse , mais il « ne se développe que sous T influence de certaines « circonstances climatiques. » Comoto , dans son Informe al pi'ior del consulado de la I era-Cruz j del mes de junio i8o3. (Manuscrit.) 652 LIVRE V, Les habitans imaginèrent d’abord que le pavé augmenteroit rinsalubrité de l’air en aug- mentant J par la réverbération des rayons solaires, la chaleur insupportable qui règne dans l’enceinte de la ville ; mais lorsqu’ils virent que le voinito n’avoit point reparu depuis 1776 jusqu’en 1794? ils crurent que ce pavé les en avoit garantis pour toujours, sans se rappeler que les mares d’eau stag- nante situées au sud et à l’est de la ville, continuoient à verser dans l’atmosphère les émanations putrides que , de tout temps , on a regardées à la Vera-Cruz conàme le foyer principal des miasmes délétères. C’est un fait très -remarquable que, pendant les huit ans qui précédèrent l’année il n’y eut pas un seul exemple de vomito ^ quoique le concours des .Européens et des Mexicains de l’intérieur fût extrêmement grand , que les matelots non acclimatés se livrassent aux mêmes excès qu’on leur rC'- proche aujourd’hui , et que la ville fût moins propre qu’elle ne l’est depuis l’année 1800, L’épidémie cruelle qui se manifesta en 1 794? date de l’arrivée de trois bâtimens de guerre, le vaisseau el Mino ^ la frégate V émis ^ et CHAPITRE XII. 553 Thoiirque Santa Vihiana^ qui avoient touché à Pôrtorico. Gomme ces bâlimens renfer- moient un grand nombre de jeunes marins non acclimatés, le vomito débuta alors à la Vera-Cruz avec une violence extrême. Depuis 1794 jusqu’en 1804? la maladie a reparu tous les ans, lorsque les vents du nord ont cessé de souffler. Aussi voyons-nous que de 1787 à i794;> l’hôpital royal militaire^ ^ Cet hôpital reçoit tous les malades qui arrivent par mer. Il y a eu , ANNiÉES. TRAI TES. DÉCÉDÉS. en 1792 2,887 71 1793 2,907 77 1794 4,195 453 1793 3,596 421 1796 3,181 176 1797’ 4,727 478 1793 5,186 195 1799 14,672 891 1800 9>29'^ 5o5 1801 7,120 226 1802 5,242 44i Avant le commencement de l’épidémie de 1794, la 5o4 LIVRE V, n’avoit reçu que i6^835 malades, tandis que de 1795 à 1802, leur nombre s’est élevé à 67,2 1 5. La mortalité a été surtout très-grande en 1799, vice-roi, marquis de Branci- forte, craignant un débarquement des An- glois sur les côtes orientales, fit cantonner beaucoup de troupes dans un endroit très- malsain, à Arojo Morenoy à deux lieues et demie de la Vera-Cruz. Il faut observer que dans la période qui a précédé l’épidémie de 1794? I21 fièvre jaune n’a pas cessé de sévir à la Havane et dans les autres îles Antilles avec lesquelles les négocians de la Vera-Cruz ont entretenu constamment des relations de commerce : plusieurs centaines de batimens sont venus mortalité n’éloit que de deux et demi pour cent; aujourd’hui elle est de six à sept pour cent, et elle seroit plus grande encore , si cet hôpital ne recevoit , comme tous les hôpitaux militaires , beaucoup de marins dont la maladie n’est pas grave. Dans les hôpitaux civils de Paris , sur cent malades , il en meurt en général quatorze à dix-huit ; mais il ne faut pas oublier que ces hôpitaux admettent un grand nombre de malades presque mourans ou d’un âge très-avancé. TravaiVx du bureau central admission , 1809, p. 5. CHAPITRE XII. 555 annuellement de ces endroits infectés sans qu’on les ait mis en quarantaine, et jamais le vomito ne s’est manifesté à la Vera-Cruz, parmi les Européens. J’ai examiné, dans les registres météorologiques de M. Orta, mois par mois, la température de l’année 1794- loin d’être plus élevée, elle a été moindre que celle des années précédentes, comme le prouve le tableau suivant. 556 LIVBE V, Température moyenne de la V'era-Cruz ( thermomètre centigrade ). MOIS. PAS DE VOMITO PRIETO ÉPIDÉMIES DU VOMITO PRIETO. 1792. 1793. 1794- 1795. Janvier. . , 21,5 20,8 20,6 20,7 Février. . . 21,5 22,3 22,8 21,0 Mars ..... 23,7 22,8 22,6 22,5 Avril 24,2 26,1 25,3 24,0 Mai 27,3 ^7;9 25,3 26,3 Juin 28,5 27,8 27,5 , 27,2 Juillet. . . . 27,5 26,9 27,8 ^lyj Août 28,3 28,1 28,3 27,8 Septembre 27,5 28,1 27,1 26,1 Octobre . . 26,3 25,5 26,1 25,0 Novembre. 24,7 24,4 23,0 24,3 Décembre. 21,9 22,1 21,7 21,9 j Température 1 moyenne de V. :2!5;2 25,2 24,8 24,5 Tannée ’ : P 1 La chaleur et l’humidité de l’air peuvent influer de deux manières très -différentes ■ \ CHAPITRE XII. sur le développement des épidémies ; elles peuvent favoriser la production des miasmes, ou augmenter simplement l’irritabilité des organes, et agir comme des causes prédis- posantes. D’après les faits que nous avons rapportés plus haut, on ne sauroit nier l’in- fluenee de la température sur les progrès du 'voinito à la Vera-Cruz; mais rien ne prouve que, lorsque la maladie a cessé de régner depuis plusieurs années, un été très-chaud et très-humide suffise pour la faire renaître : aussi la chaleur ne produit-elle pas seule ce que l’on désigne assez vaguement par le nom de constitution bilieuse. Malgré la couleur jaune que prend la peau des malades, il n’est aucunement probable que la bile passe dans le sang ', et que le foie et le système de la veine-porte jouent dans la fièvre jaune le rôle principal, comme on l’a supposé. Les matières noires, rendues dans le vomito prieto, offrent une foible analogie avec la bile : elles * La bile humaine abonde en albumine : sur iioo parties, elle contient 42 d’albumine, 58 de résine, de matière jaune, de soude et de sel, et looo d’eau. Thénard, Aa.ns les Mémoires d’ Arcueil , T. I, p. 57. 558 LIVRE V, ressemblent à du marc de cale, et j’ai vu qu’elles laissent quelquefois, sur le linge et sur les murs, des taches indélébiles. Il s’en dégage de l’hjdrogène sulfuré, lorsqu’on les chaulFe légèrement. D’après les expé- riences de M. Flîrth ', elles ne contiennent pas d’albumine , mais une résine, une matière huileuse , des phosphates et des muriates de ^ D’après des expériences faites avec beaucoup de soin , par M. Tbenard , il n’existe pas de bile dans le sang des personnes attaquées de Fictère. M. Magendie, qui a enrichi la physiologie par des expériences ingé- nieuses sur l’action des poisons , a observé qu’un chien, d’un volume médiocre , meurt si l’on injecte dans ses veines plus de 7 grammes de bile : dans ce cas, le sérum ne prend pas de couleur jaune , et la conjonc- tive de l’animal reste blanche. Immédiatement après l’injection , on ne reconiioît pas la bile dans le sang par la saveur, quoique de plus petites quantités de bile donnent un goût amer à une masse d’eau con- sidérable. M. Autenrieth a observé que chez l’homme le sérum du sang devient jaune dans des maladies qui p’annoncent pas de complications bilieuses. [Physio- logie ^ B. II, p. 93. Grimaud, second Mémoire sur la nutrition, p. 78.) On sait aussi que la peau jaunit, dans l’état de santé, chez les vieillards, et qu’elle prend une teinte jaunâtre dans les contusions , et partout oii il y a du sang extravasé. CHAPITRE XIT. chaux et de soude. Ce même anatomiste a prouvé , par Fouverture des cadavres dans lesquels le pylore étoit totalement obstrué, que la matière du 7)omito iFest pas fournie par les canaux hépatiques, mais qu’elle est | versée dans l’estomac par les artères qui se répandent dans la membrane muqueuse : il assure, et cette assertion est très-frappante, que l’on trouve après la mort la matière noire encore contenue dans ces mêmes vais- seaux*. Quelques médecins de la Nouvelle-Es- pagne admettent que les épidémies du vo- mito, comme celle de la petite-vérole, sont périodiques dans la zone torride , et que déjà approche le temps heureux où les Eu- ropéens pourront débarquer sur les côtes de la Vera-Cruz, sans y courir plus de risque qu’à Tampico, à Coro, à Cumana, ou partout où le climat est excessivement chaud, mais d’une grande salubrité. Si cet espoir se réalise, il sera de la plus haute importance d’examiner soigneusement les modifications de l’atmosphère, les change*- ^ SfMhhins Fftrth, p. Zj et 47. fl S6o UTKE mens qnî pourront avoir lien à la surface dn sol^ le dessÀriieïneat des mares, en nn mot tons les phénomènes qoi coïncideront avec la fin de répidémie. Je ne serois point surpris cependant qne ces recherdies ne con- dmæsent à aacon résultat poâlif. Les belles expériences de 3I3L Thénard et Dnpn vtren noos ont ensei^é qne des qaandlés extrême- ment petites dlijdroçOTe snlfiiré, mêlées à Fair atmosphérique, snf&sent pour produire des asphvxies*- Les phénomènes de la vie sont modifiés par im grand nombre de causes, dont les pins puisantes éduappent à nos sens*, ^ons Toyoi^ naître des maladies partout où des sufc^ances organisées, împr^nées d^nn certain desrê dLnmîdiîé, et échauffées par le soleil, sont en contact avec Fair atmo- ^hêriqce. So-m la zone torride, les petites mar^ deviennent dantant pins dangereuses qn'dles sont entourées, comme à la Vera- Crmz et k Carthagène des Indes, dnn terrain aride et saMonneox , qui eleve la température ^ Ubl dda est a^&ysîe àuffis tul aîr qui ren&noe BQLilLèBœéS ^^jésQ^hsjs; mlfuré- I JBnjJLhG-Ldà ^ Esrp. wiF les prime ^ csnÆînSELOJLi de faitnm^kkire ^ p, 25 et 2*S, CHAPITRE XII. 56 1 de l’air ambiant. Nous devinons quelques- unes des conditions sous lesquelles se forment les émanations gazeuses, que l’on désigne par le nom de miasmes, mais nous ignorons leur composition chimique. U n’est plus permis d’attribuer les fièvres intermittentes aThydro- gène accumulé dans les endroits chauds et humides; les fièvres ataxiques à des émana- tions ammoniacales; les maladies inflamma- toires à une augmentation d’oxygène dans Tair atmosphérique. La nouvelle chimie^ à laquelle nous devons tant de vérités positives, nous a appris aussi que nous ignorons beau- coup de choses que nous nous sommes flattés long-temps de savoir avec certitude. Quelle que soit notre ignorance sur la nature des miasmes, qui sont peut être des combinaisons ternaires ou quaternaires, il n’en est pas moins certain que l’insalubrité de l’air de la Vera-Cruz diminueroit sensi- blement, si l’on parvenoit à dessécher les mares qui entourent la ville; si l’on four- nissoit de f eau potable aux habitans ; si l’on éloignoit d’eux les hôpitaux et les cime- tières*; si l’on faisoit de fréquentes fumi- * Ea i8o4, les négocians les plus riches de la ville 36 IV. 562 LIVRE V , gâtions d’acide muriatique oxjgéné dans les salles des malades, dans les églises, et surtout à bord des vaisseaux ; enfin , si l’on abattoit les murs de la ville , qui forcent la population de se concentrer dans un petit espace de terrain, et qui empêchent la circulation de l’air sans empêcher le commerce frauduleux. Si , au contraire, le gouvernement emploie le moyen extrême de détruire une ville dont la construction a coûté tant de mil- lions; s’il force les négocians de s’établir à Xalapa, la mortalité de la Vera-Cruz ne diminuera pas autant qu’on pourroit le croire au premier abord. Il e^t vrai que les muletiers nègres ou natifs de la côte , pourroient porter les marchandises jusqu’à la ferme de l’Encero, qui est la limite supérieure du vomito y et que les habitans de Queretaro et de Puebla n’auroient plus besoin de descendre jusqu’au port, pour faire leurs achats ; mais les gens de mer, parmi lesquels le fait les ravages les plus cruels, seroient toujours obligés de croyant vaincre , par leur exemple, les préjugés du bas-peuple , ont fait la déclaration formelle qu’eux et leurs familles ne se feront pas enterrer dans l’enceinte de la ville. CHAPITRE XII. 563 rester dans le port. Les personnes que Ton Ibrceroit de demeurer à Xalapa, seroient justement celles qui sont habituées au climat de la Vera-Cruz, parce que depuis long- temps des intérêts de commerce les ont fixées sur les côtes. Nous n’examinerons pas ici l’extrême difficulté avec laquelle des affaires qui embrassent annuellement un capital de 260 millions de livres tournois, pourroient être faites à une si grande dis- tance du port et des magasins; car cette belle ville de Xalapa, où l’on jouit d’un printemps perpétuel , est éloignée de la mer de plus de vingt lieues. Si l’on détruit la Vera-Gruz, et que l’on établisse une foire à Xalapa, le commerce tombera de nouveau entre les mains de quelques familles mexi- caines qui gagneront des richesses immenses: le petit négociant ne pourra subvenir aux dépenses qu’exigeront les voyages fréquens de Xalapa à la Vera-Cruz, etle double établisse- ment sur les montagnes et sur la côte. Des personnes éclairées ont fait sentir au vice-roi les inconvéniens qui résulteroient de la destruction de la Vera-Cruz; mais elles ont en même temps proposé de fermer 564 LIVRE V ^ CHAPITRE XII. le port pendant les mois où régnent les grandes chaleurs, et de ne laisser entrer les bâtimens que pendant Thiver, lorsque les Européens ne risquent presque pas d’y contracter la fièvre jaune. Cette mesure paroît très-sage, en ne considérant que le danger que courent les gens de mer déjà arrivés dans le port; mais il ne faut point oublier que ces mêmes vents du nord qui refroidissent l’atmosphère, et qui étouffent le germe de rinfection, rendent aussi très-dange- reuse la navigation dans le golfe du Mexique. Si les bâtimens qui entrent annuellement dans le port delà Vera-Cruzarriv oient tous pendant Fhiver, les naufrages seroient extrêmement fréquens, tant sur les côtes de l’Amérique que sur celles de l’Europe. Il résulte de ces considérations, qu’avant d’avoir recours à des mesures si extraordinaires , il faut tenter tous les moyens propres à diminuer rinsalubrité dune ville dont la conservation n’est pas seulement liée au bonheur individuel de ses citoyens, mais à la prospérité publique de la Nouvelle - Espagne. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME, Ijivre IV. Suite. ^ Chap. XI. Suite. 1 Livre V . Etat des Manufactures et du Commerce de la Noui^elle-Espagne, Chap, XII. Industrie manufacturière. — Toües^ de coton. — Lainages. — Cigares. — Soude et savon . — Poudre. — Monnoie . — É change des productions. — Commerce intérieur. — Che- mins.— Commerce extérieur par Vera-Cruz et Acapulco. — Entraves de ce commerce.— Fièvre jaune. 284 riN DU QUATRIÈME VOLUME.