K\-^'''^ ■ '\ i'/ V,-, '■ '■ — ■,»',v ■.; . . ■\\ i;< I 11.'.','. ',v''SV ;^ ■i$M:^» THESE IMIl U I.K DOCTOIUT %._ La Faoulté n'entend donner aucune approbation al improbation aux opinions émises rians les thèses : oes opiuions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs. UNiVKKsni: i)i: paijis. - kacultk \m \)\\ovv ESSA L SUR I.KS CONDITIONS DU THAVAIL PKCIIi: MAUITIMK T LA sniAllON ÉCONOMIQUE ET SOCIALE DL MARIN PÊCHEUR BOULONNAIS Jean BOURGAIN THÈSE POUR LE DOCTORAT Présentée et soutenue le Jeudi 11 Juin 1908, à 1 heure Président : M. JAY, professeur C MM. ALGLAVE, professeur Suffraganls ^ ^^^^^^j^^. professeur ^ef-n PARIS (v«) V. GIARD & E. BRIÈRE LIURAiaBS-éDlTBl'RS 16, RUE SOUPPLOT BT 12, RUB TOULtIKB 1908 INTIlODUCTIoN Quelques huiles de pêcheurs groupées au pied de la falaise abruple — fjuelques barques élroiies lirées sur le sable, hors de l'atteinle du Ilot — lel fut, vraisemblablement, dans le principe, le Payiis Gcsuriacus des Morins. Aujonrd'luii, Boulogne est une ville de cin(iuanle mille habitants et le premier port de pêche de France. 11 serait intéressant de suivre à travers les âges le dévelop- pement de celte marine de pêche. Mais cette étude surtirait du cadre limité de cet ouvrage, et nous avons, d'ailleurs, trouvé la matière remplie (1). Quoi qu'il en soit des alternatives de prospérité et de mi- sère qui vinrent tour à tour activer ou retarder la marche ascendante du Port de Boulogne, il nous suffit de noter qu'actuellement le quartier maritime de Boulogne com- prend 5U0 bateaux, dont 100 vapeurs, montés par 6 0UO ma- rins. Et cependant, le pêcheur boulonnais est peu connu. Les profanes, les terriens, se figurent volontiers que, abstraction faite de la morue que de grands trois mâts ou de fines goë- il; Deseillk. — Hislnre de lu pvclie d Boulogne. Boulogne, 1873 Honrgain 1 lettes vont pocher dans les mors lointaines, los poissons qu'ils niangent sont rapportés par de petites l)arques. mon- tées par quelques hommes — très peu — et armées dVnpins grossiers et antédihiviens. Qu'on leur parle de pôclieurs, et lour magination s'envole aussitôt vers los irobertis et les brouillards de Terre-neuve, et les furieuses lempôtes des mers d'Islande. Et Ton n'évoque chez eux que l'idi-e dos souffrances des Terreneuvas ou de la misère des pêcheurs de sardines. Pourtant, la plus grande partie des poissons qui sont ser- vis sur leur table et la presque totalité des harengs dont ils se régalent, ont été péchés par les grands chalutiers et haren- guiers boulonnais. Mais le ?iiatelot boulonnais n'a pas eu son Pierre Loti... et c'est une raison suffisante pour f|u'il soit ignoré. Certes, ce n'est point dans ie but de rehausser le Marin boulonnais dans l'estime de sa clientèle qu'il nous a paru utile d'étudier sa condition économique et sociale. Lui-môme, d'ailleurs, ne souffre nullement de n'ôtre pas classé parmi les héros et les martyrs. 11 vit tranquillement sa vie libre et indé- pendante, goûtant les âpres joies de la lutte contre les vents et la luor — et aussi le doux repos des jours de calme. Knfant, son premier jouet fut un bateau, qu'il tailla gro.s- sièrement dans une planche. Adolescent, il attendit avec im- patience sur les bancs de l'école le jour où il pourrait s'em- barquer comme mou.sse à bord du bateau paternel. Il aime son métier — auquel nul autre ne lui semble comparable — et il se rit des romans et des articles sensationnels des re- — 3 — porters. Pour lui, rien n'est beau que la iner... et le reste n'est que littérature. Si, donc, nous abordons cette étude, c'est qu'elle offre, à l'heure présente, un intérêt particulier. Au contraire des pêcheurs normands on bretons, dont les bateaux sont armés à la part, et qui prélèvent chacun une part du produit de la pèche, après déduction des frais géné- raux, le matelot boulonnais n'est plus un associé, mais un sa- larié. Il touche une mensualité fixe, à laquelle vient s'ajouter, à la fin de Tannée, une gratification proportionnelle au pj-o- duit brut. (11 reste encore quelques bateaux armés à la part, — et nous étudierons le fonctionnement de cette société en participation — mais ils sont l'infime minorité et leur nombre va toujours décroissant . Il y a donc là une situation nouvelle, résultat d'une évolu- tion (|ui débuta il y a quelque quarante ans et dont nous voyons en ce moment s'accomplir le dernier terme. Quelle fut la cause première de cette évolution ? Il ira- porte, pour l'établir, de remonter un peu dans le passé. Autrefois, Its bateaux appartenaient aux patrons de pèche. Le matelot intelligent et expérimenté qui ne possédait pas le capital nécessaire pour la construction et l'armement d'un harengiiier s'adressait à un bailleur de fonds. Il lui rembour- sait ce capital avec le bénéfice des premières années, et sans intérêts. En compensation, le capitaliste devenait son écoreur — c'est lui qui >e chargeait de la vente du produit de la pêche et de la recette, moyennant une commission de 5 0/0 sur le produit brut. Or, dans la seconde moitié du siècle — 4 — dernier, les prcliesse firent plus lointaines. Des patrons liar- dis allèrent chercher le hareng dès son apparition a»i nord de l'Ecosse et le maquereau dans les nuMs d'Irlande. Il fallait pour ces campagnes des bateaux plus ^l'^'^i^ds et un capital plus considérable. Kt les écoreurs hésitaient à avancer de pareilles sommes, car. les fr.ais généraux augmentant dans de grandes jjroportions. le bénéfice de lexploitation devenait plus ahatoire : il pouvait être très important, comme il pou- vait être nul. Et si les premières années étaient mauvaises, le bailleur île fonds courait le risque de perdre, son capital. A ces bateaux plus grands, il fallait en outre un matériel plus coûteux. Or, à cette époque, chaque homme possédait une part des fdets et des cordages nécessaires à la pêche ; et quand les premiers fdets de coton firent leur apj)arition, en 1S(;9, les compagnons durent avoir recours au crédit pour acheter ces engins nouveau.x, plus légers, plus maniables et péchant plus. Mais ces filets coûtaient alors très cher et l'écoreur devait avancer aux marins, pour leur achat, des sommes très lourdes sur le bénéfice éventuel de la campagne suivante. Ici encore, l'écoreur risquait, dans les mauvaises années, de perdre ses avances et il n avait, dans les années heureuses, que la chance de se voir rembourser, sans intérêt, le montant de ses prêts. Aussi, éclairé par l'exemple de l'Angleterre où les pêcheurs étaient déjà salariés, il pensa qu'il serait préférable d'assu- mer les bons comme les mauvais risques. Il réduisit donc le taux des avances et fournit, pour son propre compte, aux bateaux qu'il »'Coraii une certaine quantité de filets, qui lui — 5 — donnaient 'Imii, dans le partage, à la part allérente au maté- riel. Les résultats de cet essai l'incitèrent à aller plus loin dans cette voie : il lit construire des bateaux plus grands et plus rapides (que nos matelots boulonnais baptisèrent vHo- cipi'des), les munit d'un gréement de filets et de cordages, lui appartenant en propre, et ollrit aux matelots un salaire mensuel fixe, quils toucheraient toute l'année, quel que pût être le résultat de la pèche. Le salariat était établi et dès ce jour, les bateaux à la part commencèrent à disparaître. Les jeunes marins de la géné- ration actuelle n'ont jamais, pour la plupart, navigué qu' « au mois )' et ne connaissent guère l'ancien régime que par les récits des anciens, laudatores temporis acti. Au début du vingtième siècle, la pèche à vapeur prit un développement rapide. Cette pèche exige un capital considé- rable, tant pour l'achat des navires et du matériel que pour les fonds de roulement. Aussi, la société en participation qu'était l'armement à la part semble-t-elle avoir fait place définitivement et sans espoir prochain de retour, au régime du salariat. C'est la situation économique et sociale, créée par ce nou- veau mode de répartition, au matelot et à sa famille que nous allons étudier, en même temps que nous décrirons les différents travaux effectués par eux, tant à bord des bateaux que dans les ateliers. PREMIERE PARTIE Ia" I ravail à liord CHAPlTRfc: PREMIKK GÈNÉRALITKS SIR LE CONTRAT DE TRAVAII, DANS LA MARINE DE PECHE Un ouvrier se présente dans un atelier : le patron lui ex- pose les conditions du travail et lui propose un salaire. Si l'ouvrier accepte, le contrat est parfait, puisqu'il y a accord des deux volontés. Souvent même le nouvel arrivant ne con- naîtra que le contremaître qui l'embauchera verbalement aux conditions de l'usine, et le règlement d'atelier, là où il existe, sera le seul acte écrit qui viendra régir les rapports entre le patron et l'ouvrier. Dès qu'il a pris connaissance de ce règlement, l'ouvrier peut se mettre au travail : il est em- bauché. 11 n'en est pas de même dans la marine. Le matelot ne — 8 — peut, h son gr^. contracter un engagement verbal avec le pa- tron «l'un bateau et s'embarquer sans autres formaliti'*s : il doit se soumettre à certaines rrgles dont une administration spéciale est cliarR«'ed'assurrr l'observation : rAdmiiiistration de la Marine. Toute sa vie. le marin est sous la tutelle de cette adminis- tration (}ui intervient chaque fois (luil veut louer ses ser- vices. Kt il n'est nirnit' pas libre de rester à terre, car l'ar- ticle ir» de la loi du 'Ji décembre 1890 ordonna la radiation d'office des inscrits qui sont restés trois ans sans naviguer. L'insci iption maritime suit le pêcheur i)artout où il va : elle sait où le trouver en cas d'appel ou de mobilisation, car la ri'daction du rôle d'équipage a lieu devant l'Administrateur. L'Intérêt supérieur de l'Ktat, qui a besoin d'avoir toujours en réserve des équipages entraînés pour sa flotte, peut seul justifier la rigueur de cette prescription qui constitue une atteinte grave à la liberté. Lorsque l'armateur a choisi un patron et qu'il a fait au bureau de la Marine une déclaration d'armement, il laisse au patron le soin de recruter ses « hommes », comme il l'enlend. Dès que le patron a « fait équij)age » , il se rend avec celui-ci au bureau de marine pour la revue d'armement. L'adminis- trateur lit à haute voix le rôle et les conditions d'armement, et les explique aux matelots. 11 commente clairement les clauses dont il craint qu'ils ne comprennent pas la portée, et si certaines des dispositions insérées dans le contrat sont contraires à l'ordre public, il a le devoir de s'opposer h leur maintien. Le contrat HSt obligatoire d»îs que les hommes ont — 9 — apposé leur signature et que mention des clauses a été faite sur le rôle d'équipage. Le Syndical des Armateurs de Boulogne a rédigé un contrat-type, portant les conditions spéciales d'engagement des équipages. Tn exemplaire en est annexé aux deux origi- naux du rôle. Cet acte mentionne : I" T.a durée du contrat (les hommes sont embarqués à par- tir de ce jour jusqu'au..,) ; 2° Les conditions de salaire des marins, chaulTeurs et sou- tiers ; 3" Le taux des gratifications (qui varie avec chaque pèche) ; 4° Les conditions de paiement de ces gratifications (soit à chaque u marée », soit en totalité à la fin du rùle, cela sui- vant les pêches) ; f)" Cette mention que : » les conditions concernant les gra- tifications constituent une promesse :1e l'armateur pour l'ac- complissement de laquelle l'atlministration de la marine n'aura pas b. intervenir ». C'est un moyen de retenir les équipages jusqu'à la fin du rôle, car un homme qui quitte le bord dans le courant de l'année n'a droii ;i aucune gratifica- tion. Et cette clause s'applique principalement h la pèche du hareng, pour laquelle ks gratifications sont payées en bloc à la fin du rôle ; ()' Knfin, une clause spéciale permet au patron des haren- guiers h vapeur de faire appel au.v chauffeurs pour la con- duite du treuil sur le pont, ou même pour le travail du pois- son. Cette clause était néce.ssaire, eu égard à la rivalité qui I(» — exisff trni^ '"iV-qijeniineiJt entit- k' palroii el le inùcaiiicien en chef A Boulogne, les rôles sont, vn gi'iu^ral, établis pour une aiiiiee, à dater (lu I" Février. A cette époque, les environs du port présentent une animation toute particulière. Les ha- renguiers sont tous dans le bassin à flot, désarnus el per- sonne ne travaille à bord. .Mais, sur les quais stationnent des groui>es de matelots qui attendent, en causant ou en jouant au palet, le patron qui (ioit les rendre h son bord. De temps à autre, un groupe .se déplace et se rend chez l'armateur, où l'on prend note du nom des hommes, ou bien au bureau de l'Inscription maritime pour la revue d'armement. Ces forma- lités accomplies, ce qui demande quelques jours, on procède à l'armement pour la pèche d'Irlande. Le rôle d'équipage est fait en double : un exemplaire en est coDservr au bureau de la Marine et l'autre doit être déposé à bord du bateau. Si un (f homme » qui n'a pas la qualité d'Inscrit mari- time, ou un inscrit ne figurant pas sur le rôle d'équipage, s'embarque à bord d'un bateau pour une « marée >', il faut en faire, au préalable, la déclaration au bureau de l'inscrip- tion maritime, sous peine dune amende de 25 à .")() francs (An. 4 du décret du 19 mars 1852). Si. un marin, ligurant sur le rôle, ne peut prendre part k une sortie, déclaration doit également être faite au bureau de marin*^ L'administrateur peut rayer du rôle, doffice, un homme qui cause du trouble à bord du bateau. Knfin, l'armateur peut demander la résiliation du contrat, — 11 — et c'est le iribuiuil de commerce (jui lixe le taux des dom- mages intérêts dus pour non exécution. Si l'armiiieur refuse de payer les salaires, c'est encore le tribunal de commerce qui est compétent, et l'équipage a une action privilégiée sur le bateau. Si lune ou l'autre des deux parties contractantes vient à mancpicr à ses engagements, l'administration de la marine intervient. Lorsqu'un principe, à la conservation duquel la population maritime est intéressée, paraît avoir été méconnu par un tribunal inférieur, l'administration doit prêter son assistance au pêcheur, pour l'appel et le pourvoi en cassa- tion. Ainsi, le matelot ne peut s'engager comme il lui plait. L'article 65 du décret loi du '^'t mars Ibo^ va même plus loin dans la voie des restiictions à la liberté : il l'ait un délit de désertion, du fait, i)our un inscrit maritime, de quitter son navire sans autorisation. La sanction qu'il édicté est rigou- reuse : (juinze jours à six mois de prison^ et la radiation des listes électorales. Le matelot n'a donc point, en principe, le droit de grève qui est aujourd'hui la base de notre législation ouvrière, et il serait possible à l'armateur de faire arrêter les premiers insoumis. En résumé, restrictions à la liberté des engagements, et à la liberté du travail, telles sont les caractéristiques géné- rales du contrat de travail dans la marine de pêche. Quant aux conditions particulières, salaire, nourriture, gratifications, durée du contrat, nous les étudierons dans le — \2 — chapitre distinct que nous consacrerons h clj.ique genre de pèche. Le paiement des salaires a lieu le 1" et le IT) de chaque mois, par moitiés, ('.e jsont les fennnes qui vont en loucher le montj'.nt au bureau de larmaleur. On les paie sur présenta- lion du Livret que chaque matelot possode, et sur leciuel on fait figurer, outre le salaire fixe, les avances accordées, tant en esj)èces qu'en tabac, et les retenues faites pour leur rem- boursement. CHAPITRI-: Il LES HARENGUIERS A VOILES De toutes les pêches auxquelles se livre le matelot boulon- nais, la plus importante est certainement la pêche du hareng. Quels qu'aient pu être, en effet, dans ces dernières années, le progrJ'S et le développement des chalutiers à vapeur, elle conserve cependant la suprématie à Boulogne, car c'est celle qui procure du travail au plus grand nombre d'individus. Et quand bien même doublerait le nombre des chalutiers, le per- sonnel employé dans les ateliers à la fabrication et à l'entre- tien des chaluts, à l'emballage et à l'expédition du poisson frais, resterait bien inférieur en nombre à relui que nécessitent l'entretien de?; filets pour la pêche du hareng et du maquereau, et la préparation des harengs salés et fumés. C'est pourquoi il a semblé bon de donner à cette pêche la première place dans cette étude, et de décrire, d'abord, la vie et les conditions du travail à bord des grands voiliers qui ne font que la pêche du hareng et du maquereau, et dont la flotte nombreuse faisait la gloire du port de Boulogne avant l'apparition des bateaux de pêche à vapeur. — 1i — a) Les hatcatjr Ces voiliers sont des bateaux en l>ois, de 70 à SO pieds de quille, jaugeant, brut, de !"»() .\ t«; cbevaux de force, est dans la cbambre arrière. Tn levier placé sur le pont, permet de mettre le cabestan en marcbe sans avoir à transmettre les ordres en bas, et celte disposition évite bien des accidents. La macbine elle-même est très simple. Kile est conduite par un matelot qui n'a fait aucun apprentissage ni passé aucun examen. Il lui suffit de savoir nettoyei et graisser sa machine, purger la chaudière et reconnaître si la pression est suffisante ou trop forte. Les logements, dans ces liarenguiers, sont an nonibr^^ de deux. Dans le poste de devant logent généralement 17 à — ir, — 18 hommes, y compris les mousses. Les cadres sont ménagés le lon^' (les j)arois. Chaque homme a le sien propre, que le sort lui a attribué lors de l'armement. Un porle placé au mi- lieu du poste sert à la fois au chaulTage et à la cuisine. Dans la chambre d'arrière logent le patron, le int'rani^ien et un ou deux hommes. Les lilets, les cordages, le sel, les barils, la glace et les caisses sont entassés dans les soutes ménagées au milieu du bateau. b) La pêche du hareng On pêche le hareng aux filets dérivants. Les grands bateaux embarquent 250 à 300 roits (rets). (Par suite d'un accoid intervenu entre les armateurs, et pour éviter la surproduc- tion, ils n'en embarquent plus que 2(J0). Ces filets, en coton tanné et coaltaré, mesurent en long lô brasses de lm,60, et en hauteur (\ brasses. Ils sont munis, à la partie supérieure, d'un chapelet de plaques de liège, de 25 centimètres sur 15, qu'on nonmie à Boulogne les flottes. La bordure inférieure est garnie d'un rouleau de vieux filet, gros comme le pouce, la souiUardure, qui l'entraînera vers le fond. De cette façon, les roits se tiennent verticalement dans l'eau. L'ensemble de ces 200 filets, ainsi tendus sur une même ligne, mesure plus de 0 kilomètres : c'est la tessure. Un cordage, gros comme le poignet, l'aussière, court d'un bout à l'autre de cette tessure à la partie supérieure de laquelle il est relié par des cordages — if. — plus m'iucps, les barsoins. De 2") en *jr» nirtrcs, on lîxc sur l'aus*i«'re un autre corHape, la bandinmic. d'uiu' douzaine de nièlres de longueur, à l'extréunt»' (iiKiiul est attaclié un baril llolleur. le (juarl à poches. I.e niet ainsi tendu forme en (|uelque sorte une niiiraille de 20 à 'M mètres de hauteur : ;\ la surt.ice flottent les barils h poche qui soutiennent tout le système. 12 à 15 mètres plus bas, s'allonge l'aussière sous laquelle tombent d'aplondj, par la vertu des /lottes et de la sotiillardurc^ les roils dans les- quels les harengs viendront se prendre par les ouïes. Ou conçoit aisément que la mise à I eau de la tessure soit un travail pénible et diflicile. (^luand le bateau a riioi^-i sa place et qu'il juge l'heure propice pour tcndrr (généralenient avant le coucher du soleil , il tinirnr sa voile (rartinion et fait route doucement. Les lilets sortent de leur cale, et l'aus- sière de la sienne, l'n homme attache rapidement sur l'aus- sière le barsoin qui e.st fixé sur chaque lilet, et un autre « frappe » sur l'aussière la hiHKlinijuc qui la reliera au quart à poche. Cette opération doit être ellectuée pendant le temps très court que les filets et l'aussière passent sur le pont avant d'être mis à la mer. Quand la tessure est tendue, ce qui de- mande en moyenne deu.x heures de travail, on amène les voiles de misaine. On démate, c'est-à-dire qu'on abat le mât de misaine sur l'arrière, et on hisse l'artimon. Le bateau, qui est maintenu sur l'avant par l'aussière, se tient ainsi debout au vent et dériv«3 lentement avec ses filets. Dès avant le jour, on commence à « virer avant », c'est-à- dire à baler à bord l'énorme tessure alourdie par l'eau et le — 17 — poids des harengs. Laussière a été tournée deux fois autour du cabestan, et quand celui-ci se met à tourner lentement, des hommes tirent vers la cale l'aussière qui a été ainsi halée. Kt le bateau avance vers ses filets. In homme, à l'avant, dé- tache la bandingue et le quart à poche, qu'il passe à d'autres placés derrière lui. Un autre, ilnnurrc le barsoin qui atta- chait le filet à Taussière. De cette façon, l'aussière seule embarque par l'avant. Les filets passent sur le côté du bateau et sont embarqués par le travers. Tu homme maintient le bdiaoùi (jue son camarade a dé- taché de l'aussière, pour éviter que les filets ne prennent le large, ce qui fatiguerait énnriiu'-MKMif Ihs homines qui halent les roits à bord. Ces roits glissent sur un rouleau fjue uiaintiennent deu.v fourches plantées dans le plat bord et sont secoués par des matelots rangés de chaque côté. Les harengs tombent sur If pont, et les filets, ainsi débarrassés de leur butin, sont des- cendus dans la cale. Pendant ce temps, l'aussière continue également d'embar- quer, tournant autour du cabestan pour glisser ensuite dans la cale où les mousses \a. forn/i/. avec art, c'est-à-dire l'arri- ment en rond pour qu'elle tienne moins de place. Cette opération demande cinq à six heures; parfois bien plus, quand un revirement de marre ou un coup de vent a fait se croiser les tessures de plusieurs bateaux. Il faut alors démêler tous ces filets enchevêtrés ; et lorsque le temps est mauvais, ou est parfois obligé de couper dans le tas et d'embarquer avec un palan une énorme botte de roits. Ce Boiir<îain 2 — iH ~ paquet reste alors sur le pont et il est hissé tel sur le quai en rentrant au pi)rl. Là, les ouvriers de l'armateur vieiuient déinrler la botte, et on remet aux autres armateurs les filets qui peuvent leur appartenir (1 . Quand la lessure est embarqut'e. quand on a le «< Itoul dedans», si la pMie a liiii dans nos mers, dans le Pas de Calais, on redresse le m.it de misaine, on hisse toutes les voiles et on fait roule pour Boulogne, le hareng restant sur le pont, dans des bacs bâtis le long des parois. Quand les lieux de pêche sont plus éloignés, il faut assurer la conservation du poisson. Pour cela, on met les harengs, par 200 environ, dans de grandes caisses remplies de glace. Ou bien on les sale dans des barils qui contiennent environ «JOO poissons. Alors, tout le ujonde travaille, et chacun a sa besogne particuli»»re. L'un jette du sel sur les hareng^s, qu un autre retourne avec uur pelle de bois pour (|ue le sel soit également réparti. Quand les barils sont remplis, un homme jdace le couvercle. D'autres en garnissent les joints avec de l'argile |)Oiir en assurer l'étan- chéité. Knfin on descend les barils dans la cale, où ou les arrime soigneusement pour éviter qu'ils ne s'entrechoquent. Onand les 000 ou 1 000 barils que porte le bateau .sont remplis, on sale en vrac dans une cale le produit des der- Dières j)éches, ou on complète le chargement par quelques centaines de caisses de harengs glacés et on fait route pour Boulogne. (1) Les rdets portent une marque distinctive — généralement les ioiliales de l'armateur — gravée en creux sur les flottes de liège. — 19 - Cette pêche du hareng commence vers la fin d»» Juin. Les voiliers vont chercher les premiers bancs au nord de l'Kcosse, presque jusqu'aux Iles Feroë. Le premier voifntfc dure un mois ou six semaines. Les voyages suivants deviennent de phis en plus courts, le hareng se rapprochant de nos côtes, l^ntre chaque campagne, les bateaux restent trois jours ;\ terre, le temps nécessaire pour débarquer les tonnes et caisses et embaniuer les barils, les caisses vides, la glace et le sel pour la campayne suivante. Ces travaux sont effectués par l'équipage qui travaille à bord de? heures du matin à 7 heures du soir, avec nii repos de 2 heures pour le déjeuner. Vers la lin d'octobre, le hareng est dans /los mers. Alors, la (lotte de pêche s'augmente de tous les petits bateaux de Boulogne, du Portel, d'Kquihen et d'Etaplesqui font la pf^che au chalut ou à cordes pendant le reste de l'année. A cette époque, qu'on nomme la Saison, sans épithète, le poisson n'est plus salé à bord. Les bateaux entrent et sortent chaque jour, Kt c'est certainement le moment où les matelots ont le plus de fatigue, car en plus du travail k la mer, ils ont encore à mesurer et à livrer le hareng dès la rentrée au port. Qi:and la mer est basse, on hisse le hareng dans des paniers que deux hommes remplissent et que les autres se pa.ssent de mains en mains à bord du bateau. .Aussitôt que la livraison est terinmée et que les provisions sont embarquées, un remorqueur s'attelle au bateau et on part' pour la Marée nouvelle. Une partie des hommes peuvent dor- mir pendant que le bateau fait route vers les lieux de pc'^che ; les autres se reposent pendant que le bateau est sur ses fdets. — 20 — Le hareng s'éloigne ensuite dans le Sud. l.cs harenguiers le suivent jusqu'à l'emboucluire de la Seine, où se termine la cauii>agne. au mois de Février. Mais c'est alors un harenp de peu de valeur : il est ijuai, c'est-i-dire qu'il a déposé sa lai- tance ou sa roirue. 11 est aniaipri et sa chair a perdu sa fer- meté. Aussi ne le sale-l-on point : on le conserve dans la glace. c) La pêche du maf/uerrai/ rn Irlande Les mêmes voiliers qui se livrent, de fin Juin à fin Février, à la pêche du hareng, vont pécher, vers la fin de Mars, le maquereau sur les côtes d'Irlande. Les filets qu'ils emploient alors, les ikhiipIs, ont de i)lus grandes mailles et sont plus étroits et plus longs, La tessure complète mesure de 7 à iale^ parce qu'on sale en vrac, d'ailleurs) les premiers maquereaux péchés. Au préalable, on les vide, mais sans his fendre dans toute leur longueur coinme les morues. Ici encore, la division du travail abrège l'opération. Un homme prend les maque- reaux, et leur fait une large incision en travers de la panse, et une autre au-dessous de la tête. Il passe le poisson ainsi — 21 — saigné à un autre qui, d'un coup do pouce i)ien appuyé, glis- sant (lu ventre vers la t»He, fait sortir les entrailles et la rogue. Knlin, le saleur, de sa niain fermée en forme de cornet, remplit de sel la cavité ainsi débarrassée, après que le poisson a él«'' lavé dans une cuve. 11 le dépose ensuite dans un panier qui est passé à l'arrimeur dans la cale. Là le poisson est arrimé soigneusement et chaque lit est couvert de sel. Plu- sieurs équipes travaillent ainsi, en même temps. Quand le bateau est à peu près chargé, on met en caisses, avec de la glace, les dernières pêches et on fait route pour Fécamp, qui est pour les maquereaux salés, un centre de consommation important. Les premiers bateaux qui rentrent à Fécamp vendent par- fois leurs poissons au prix de 80 francs le cent. Le prix baisse ensuite très rapidement et tombe à 5 francs aux derniers voyages. Aussi, très fréquemment, pour profiter de cette prime offerte au premier arrivant, les patrons de bateaux d'une même maison d'armement, d'un môme comptoir, se mettent-ils d'accord pour charger à bord de l'un d'eux le pro duit des i)remiers jpuis de pèche. Dans ce cas, celui-ci vient vendre à Fécamp .ses maquereaux salés, et ses poissons glacés à Boulogne. 11 embarque une nouvelle provision de sel et de glace et repart en hâte. Les voiliers font, en moyenne, deux voyages en Irlande, parfois trois. Cette pêche a donné, dans les premières années, d'excellents résultats. Les maquereaux étaient beaucoup plus abondants, et, surtout, on les péchait beaucoup plus tôt. Aujourd'hui, on ne les prend gurre avant la lin d'Avril, encore en |)i\Mid-on bien peu. Si l'on excepte quelcjnes bateaux par- liculièrement heureux, la niajorii»' couvrent à peine leursfraiï; d'arniemenl et les armateurs se félicitent de ne pas perdre barils de 100 litres Bière 1 i ■ » Pommes de terre 10 » » Biscuits Kî » )> Viande en boîtes lOU boîtes de 1 kilog. Beurre 20 kilogrammes Graisse 20 » Haricots 2.» litres Café 10 kilogrammes Thé A Chicorée 3 » Eau-de-vie h 42° 200 litres. (Ils ne devront consommer qu'une moyenne de 15 centilitres par homme et par jour.) PÊCHE D'IRLANDE Même équipage (B. 2172i Durée probable du voyage : un mois à six semaines Dun-e maxima ; trois mois. Eau 25 tonnes de 100 litres Bière 18 » » Pommes de terre 12 » » Biscuits 18 » » Viande conservée l'K) bottes do 1 kilopr. Hourrr . . :;0 boUrs do 0,S()0 gr. (iraisso . . .... 2!» kilogrammei. Haricot;' _' » litres Caf^'. .... K» kilogrammes. Thé. :i Cbicop . (il» Oignons . Il' Eau-de-Tit< a i2^ -UMilret». ^Môme observation que ci-dessus : 15 centilitres par homme et par jour). (^Kiani à la quantité de nourriture donnée aux bateaux pen- dant la saison, il est très diflicile de l'évaluer exactement, chaq'.;e patron demandant des i)rovisions dilVérentes. On peut admettre, cependant, que chaque bateau embarque 5 à (i kilo- grammes de viande, des légumes pour la soupe et 15 à 20 ki- grammes de pain. Ue plus les matelots embarquent, à leurs frais, un supplé- ment de nourriture : c'est leur avitaillemenf , qui consiste en fromage, œufs, beurre, ligues, oignons, chocolat, etc. La question de l'alcool est très importante : la décision administrative du ^\ décembre 1901 fixait à 20 centilitres par homme et par jour la quantit»- d'alcool à 58" que les bateaux faisant la pt^che avec salai-son à bord pouvaient em- barquer en franchise. Cette décision a été rapportée le 13 jan- vier 1908 par un décret qui en étend le bénéfice à d'autres pêches, sous certaines conditions (les armateurs de Boulogne n'en unt pas encore demandé l'application), et qui ramène à 15 centilitres et à 42° la quantité et le titre de l'alcool accordé — 27 — en franchise. Pendant la /larcnt/ini/soff, l'aiinaleur ne four- nissant pas (i'eau-de-vie, les hommes en embarquent à leurs frais. De plus, les mareyeurs et les saleurs qui achètent des harengs paient, pour fsire activer la livraison, un ou plusieurs litres d'eau-de-vie à l'équipage. C.ette quantité de 20 centilitres dalcoi)! par homme et par jour avait semblé exagérée. Mais il faut considérer que nos matelots, k la différence de certains pécheurs d'Islande, ne lais.seni pas s'accumuler les rations pour s'enivrer à fond un jour sur ({uatreoii cinq : on ne s'enivre pas à bord des bateaux boulonnais. S'il est vrai que l'alcool n'est pas un aliment, il faut recon- naître qu'il est un excitant ])resque indispensable pour nos matelots quand l'abondance du poisson ou des iivaries dans les filets exigent un travail pénible, parfois pendant douze ou quinze heures, sur le pont balayé par les coups de mer. Cet alcool, d'ailleurs, n'est jamais distribué à l'état pur. Le pa- tron, qui règle le nombre des distributions, forçant au besoin les rations, s il faut donner un coup de collier, a soin de faire tenir constamment à sa disposition, une énorme bouilloire remplie de thé ou de café. Et c'est à l'état de boisson chaude, de « bistouille », que l'alcool est absorbé, et cela diminue notablement sa nocivité. Les marins pêcheurs qui font la pêche avec salaison à bord (et, depuis la nouvelle circulaire, ceu.x qui pèchent au chalut, sous certaines conditions), sont e.xemptés des droits sur le tabac jusqu'à concurrence de ôO grammes par homme et par journée effective de présence à la mer. Nos matelots fument - JS — alors (K's labacs hollandais ou lu'I^es. Ces tabacs leur sont livr«^8 par des approvisionneurs de navires qui doivent les en- treposer A la douane jusqu'au jour de leur livraison au bateau. Au retour de ces campagnes, les palacliiers visitent les haren- guiers alin de s'assurer que les matelots ne conservent pas de tabac pour la pêche cAtière. C'est l'armateur qui achète le tabac, chaque homme lui déclarant au préalable la quantité dont il a besoin. Mais ce tabac lui est remboursé par des retenues sur les qtnnzai/ics. riénéralement. quand un bateau est i)arti pour un mois ou six semaines, on lait plusieurs retemies partielles au matelot, pour ne pas grever trop lourdement le budget de la famille. Ce tabac est payé 2 fr. 50 le kilogramme, VA si nous avions à comparer la situation d un matelot à celle d'un ouvrier d'industrie ou d'un ouvrier agricole également fu- meur, nous relèverions; de ce fait, une dilTérence de 30 à 35 centimes par jour en faveur du matelot. Ainsi, quand le pêcheur boulonnais n'a pu faire une provision de tabac de Moravie pendant les premiers voyages, il doit, dès que le bateau se livre à la pêche côtière, acheter du tabac de zone qui est vendu à Boulogne 9 francs le kilogramme, La diffé- rence est sensible ; elle l'est d'autant plus que le tabac n'est plus alors, fourni par l'armateur À charge de retenue, niais que la femme doit l'acheter avec l'argent qu'elle a en poche le jour où elle conduit .son mari à la mer. Kt la charge lui parait d'autant plus lourde, il en est de même, d'ailleurs, de l'eau-de-vie, qu'ils achètent à la même époque, de leurs propres deniers. — 2!» — «') L^s salai rra [" Ij* patron . — Le patron est un simple matelot, que l'ar- mateur a jugé plus intelligent et plus hardi (jue les autres — mais qui n'a passé aucun examen, qui na fait aucune étude spéciale. 11 sait, comme le savent également presque tous ses lioinmes, lire sa carte et tracer sa route. 11 sait — comme le savent tous les Boulonnais, à quelle époque il trouvera le hareng à un endroit donné. Kt s'il a — plus que les autres — de l'initiative et du jugement, il a surtout de la chance. Et cette chance joue un grand rôle dans le njétier de pécheur. Ainsi, quand toutes les tessures, dans )ws mers, sont tendues à de faibles distances l'une de l'autre, il arrive qu'un bateau est rempli de harengs quand ses voisins de tribord et de bâbord n'ont que de faibles pêches ; et lesdits patrons ont la même expérience et les mêmes connaissances que celui qui réussit, mais ils n'ont pas sa chance, cette chance que l'arma- teur achète très cher, puisque les gains du patron sont hors de toute proportion avec ceux de l'équipage. Le patron d'un harenguier à voiles touche un .salaire fixe de.lO<-» francs par mois, plus 4 0 0 sur le produit brut de la pèohe. Oans certaines maisons, ils n'ont pas de mensualité, mais ils reçoivent alors 5 0/0 sur le produit — qui varie de 80000 à 120000 suivant les années, et dans une même année suivant la chance du patron. Si le bateau rapporte plus de 100000 francs de poisson, le patron touche une prime supplé- — M) — nientairo île l'HV» francs — el sa i) Total 773,50 et pour la pêche du hareng : Une aussière et demie (Cf. supra) 10 rnîis à 32 fr 320 10 l)arsoin8 (supra) 10 bandiogues 3ri 10 barils à 2 fr. »0 (3 sont plus haut) . . 17,fiO Total 372,»0 Soil un capital de 1 140 fr. Si nous y ajoutons : 10 rotls de reshange 320 3 manets de rechange ti4 1 ;)20 fr. Nous obtenons : 1520 francs comme première mise de fonds nécessaire pour pouvoir naviguer à bord d'un bateau à la part. Ce, matériel est suffisant pour naviguer pendant trois ou quatre années. Mais pour ne pas avoir à faire une si - 35 — lourde d«^pense tous les trois ans, le matelot entretient soi- gneusement son npplani et en renouvelle une partie à chaque campagne. De telle sorte que si nous laissons de côté l'anior- tissf'ment du capital initial que le compagnon ne compte pas parce que, souvent, ce capital lui a et»'* constitué en dot et qu'il n'a pas eu à le débourser, il doit dépenser, chaque année, au minimum, le quart de ce capital en achats de filets et cor. Déduction faite des susdites fournitures (sur lesquelles le patron louche une remise de 5 à 10 0/0 et même davantage, - 3r. — puisque l'écoreur lui rend I fr. r.o sur les 5 0/0 qu'il prélève), on fait aiusi le partage : Pour le bateau i parts 1/2 Pour \h tnachinp du cabeslnn ... 1 pari Pour le canot 1 ■ Commandement 2 Pour chaque homme i/i pnrl Pour chaque applain 12» La part pleine, lioniine et applain, a rapporté cette année h bord d'un des bateaux du Portel, le 2792 : 22r)(i francs. La moyenne des bateaux oscilla dans cette année exceptionnelle, entre ir)(M>et 1 SOO francs. Mais il ne faut pas se baser sur ces résultats : la moyenne des années précédentes fut de 600 à 0.5O francs pour la campagne des maquereaux et de 600 à 800 francs pour les harengs, soit un total de 1 200 à \ T^()0 francs. ICncore descendit-elle souvent au-dessous de ces limites. Or, si, de cette somme, nous dédui.sons les frais d'achat et de renouvellement du matériel, il ne nous restera dans les bonnes années — qu'un billet de mille à douze cents francs. jjicore ne déduisons-nous point la main-d'œuvre nécessaire à l'entretien de ces filets — main-d'œuvre, qui, bien qu'elle soit fournie par la femme, n'en représente pas moins une valeur. Et le temps qu'elle y consacre pourrait être employé à des travaux rémunérés. CIIAIMTKK 111 LES HARENOUIERS A VAPEUR La pèche du liareng à bord des voiliers exige parfois un travail très pénible. Autrefois, il fallait lialer la tessure à bras d'hommes, et la génération actuelle, qui fut toujours aidée dans son ellbrt par le cabestan à vapeur, ne se rend pas compte des fatigues des anciens. Mais, ce cabestan à vapeur, s'il rend des services, laisse encore une trop grande part à l'effort musculaire, surtout quand il fait mauvais temps et qu'il faut faire avancer le bateau sur ses filets par un violent vent debout. Aussi a-t-on songé depuis longtemps à pousser le bateau au devant de sa tessure, par le moyen d'une hélice. Kn 1872, M. Joseph Huret dont on retrouve le nom chaque fois que l'on a à constater un progrès dans l'industrie de la pêche maritime, avait tenté un premier essai avec un bateau à voiles muni d'un moteur auxiliaire, le St//uri. Ce bateau, qui était destiné uniquement à la pêche du hareng, était muni d'une hélice amovible, qu'une petite machine à vapeur faisait tourner. Pendant la route, si le temps était favorable, et pendant la mi.se à l'eau des filets (qui se fait vers l'arrièrej, l'hélice restait à bord. Mais dès que l'heure était venue de :w — virer , M. (^ourbois arnia Vlîurri/i, encorr un bateau mixte, qui n'eut pas plus de succt-s. Knfin, en i89i, M !.. Houclet lit construire la ]'i//f r«''parer \o poisson .serait du temps perdu et il est inutile d'employer des vapeurs pour ce genre de pèche, que les voiliers font au.ssi bien qu'eux, avec autant de profits, et beaucoup moins de frais. Le vapeur doit aller vile, contre vents et marées. (Test h\ son but, et. sa seub' raison d'exister, .\us.si, pour profiler de cette vitesse, doit-il plutôt faire la p("^che fraîche et multiplier les voyiufcs. Il conserve donc tous ses harengs, sauf ])arfois le produit des premières pêches, dans des caisses qui contiennent environ 200 poissons et une certaine quantité de glace. Il nntre au port quand il a un chargement de 1 000 caisses — parfois moins, lorsqu'il croit Hv^ .seul à vendre ses harengs et avoir ainsi des chances de les vendre très cher. Pendant la harpfufiiaisnu, le vapeur n'a pas de grands avantages sur les voiliers, les lieux de pêche étant trop rap- prochés pour que sa vitesse lui soit utile. Toutefois, les jours de calme plat (et ils ne sont pas rares au mois de novembre;, le voilier est presque immobilisé et doit tendre là oii il se trouve, alors que le vapeur peut choisir sa place d'après les apparences. An 1" janvier, les vapeurs harenguiers désarment. On dé- barque les fdets — on it)Stalle, dans les cales, des casiers pour recevoir le poisson frais et la glace — et dans les pre- miers jours de l'année, ils commencent i\ p«*:;cher au chalut. Us pratiquent cette pêche ju.squ'à la fin du Carême, après lequel ils vont pêcher la morue en Islande. Ces vapeurs qui font, en aoiit, des voyages de 15 à 20 — il — jours, en arrivent, pendant la saiso/i, à rentrer tous les jours à Boulogne. Quand ils font la pèche au chalut, ils rentrent chaque semaine ou tous les 15 jours, suivant qu'ils pèchent dans la Manche ou sur les côtes d'iîlspagne. 1mi Islande, ils restent deux mois, parfois plus. Mais, ces pèches étant com- munes aux chalutiers et aux harenguiers, nous les étudierons plus spécialement dans le chapitre consacré aux chalutiers. Vers le milieu d'avril, quelques vapeurs vont pêcher le ma- quereau en Irlande avec les voiliers. (>omme ceux-ci ils pèchent aux filets dérivants ; et nous rencontrons les mêmes différences que nous avons constatées pour la pêche du hareng. Ici encore, le vapeur ne perd pas de temps à saler le poisson. 11 conserve tout dans des caisses, avec de la glace, et fait des campagnes plus courtes et plus nombreuses. Mais très peu de vapeurs font cette pêche, qui n'est pas beaucoup plus fructueuse pour eux que pour les voiliers, Kn résumé, pour la p^-che du hareng et du maquereau, le travail du matelot est le même, qu'il navigue sur un voilier ou sur un vapeur. Si le vapeur rentre plus fréquemment au port, il y reste, par contre beaucoup moins de temps — et ainsi les temps de repos se compensent. A bord du vapeur, c'est aussi le repos pendant les longes routes, sauf pour les hommes de quart — et tout l'équipage prend le quart à tour de n'.le. Les conditions de logement sont les mêmes, sauf que le poste est plus spacieux à bord des vapeurs. Le second, les hommes et les mousses couchent dans le poste d'avant, où chacun a son cadre. Le personnel de la machine est logé à l'arrière : le chef mécanicien a sa chambre particulière. Ainsi, — 12 — ce personnel est nettement st'^par^ de l'équipage du pont, et c'est préférable, car il y a tro|> souvent entre eux de l'anti- pathie, l^ patron a sa chambre sur le pont, sous la pas- serelle. l>a nourriture est également fournie par l'armateur. Toute- fois, il faut noter une dillérence en faveur des vapeurs : les voyai/cs étant plus nombreux et plus courts, 1rs vivres sont renouvelés plus souvent et l'équipape est plus rarement ré- duit à manger du biscuit, sauf dans les premiers voyages d'b>:osse, qui durent 15 à 20 jom*s, la provision de pain est suffisante. Les matelots des harenguiers ii vapeur jouissent enfin d'un autre avantage appréciable : Nous avons vu que, lorsque le hareng est (Ja?is nos mers, les matelots des voiliers pèchent les merlans à la ligne, pendant (jue le bateau dérive sur ses lilets. Ils augmentent ainsi leurs fjaînéfi. Mais ils ne peuvent le faire qu'à cette époque, parce que les voyages dans la mer du Nord durent trop longtemps. Les matelots des vapeurs, eux, se livrent à cette pêche supplémentaire dès le début de la pêche du hareng. Ils achètent des caisses et y conservent les merlans avec de la glace. Gomme ils pèchent à tour de rôle, ils partagent le produit de la pêche commune. Ils peuvent ainsi gagner l^X) à 200 francs — parfois plus — (par cam- pagne de 0 mois). Ces mêmes matelots, pendant la pêche du poisson frais au chalut se partagent également le produit intégral de la vente des coquilles Saint-Jacques, Crabes et Homards. — 43 — Knfiu, si le vapeur va pôclier la morue en Islande, chaque homme reçoit, de l'Ktat, une prime de 50 francs. Tels sont les avantages que présente, po ^ul)pIéI^enUires s'il dépasse un certain chiflVe — c'est une situation enviable que celle qui rapporte ainsi de Sl)(H) à rJO(M> francs par an à un homme qui ne risque aucun Ciipital. LK StXoy'D. — Le second pagno, hii •utsi. ISO frtiQcs par mois, soit . f . 1 iiO Tranca Plus une gratification de 2 0()(i sur la pAche au cbalul. -(Hi Kt 0,50 0/0 sur la pAchc du hareng isur 120(K)0 francs) ' Total i04Ulrauc8 Le Second mécanicien gagne 180 francs par mois, 200 francs s'il est breveté de seconde classe i 400 francs Et reçoit une gratilication de 2 0 qq . . 4i() » Total :J^'» au hareng, 0,25 Oy 00 " -^^ » Leur salaire est donc, dès le début, de. 800 francs Toutes proportions gardées, il semble que les mousses ga- gnent plus que les hommes. CIIAPITIIK IV Lks CIIALUTIKRS a VAPEl'R C'est à bord des grands vapeurs qui se livrent uniquement à la pêche au clialul que nous allons suivre maintenant le matelot boulonnais. Le chalut est un vaste filet, en forme de poche, que le bateau trahie sur le f«>nd. Autrefois, on n'employait que des chaluts à bâton : deux patins de fer, quadrangulaires, d'un mètre de hauteur, et qu'un bâton de 1)} à ii nirtres de lon- gueur maintenait écartés, assurait l'ouverture de la poche qui mesurait 20 à 22 mètres de profondeur. Ce chalut reste tou- jours ouvert, même si le bateau n'avance pas ; et c'est le seul qui puisse être utilisé par les chalutiers à voiles auxquels le vent imprime des vitesses trrs variables. Mais il est lourd, encombrant, et la nécessit»'- de le monter sur ce bâton empê- chait de donner au chalut un plus grand développement. Aussi le chalut à planches, l'otter trawl, fut-il vite adopté et c'est celui qu'emploient aujourd'hui exclusivement les vapeurs : deux grands panneaux de bois placés de i)art et d'autre de l'ouverture du chalut maintiennent l'écartement, en hauteur, des deux lèvres de la poche. Ces panneaux — 4'.» — sont luiuiis, sur leur l'ace interne, d'anneaux en ler forgé sur lesquels sont fixrs des cables d'acier qui les tirent ainsi un peu obliquement. De telle sorte que les deux panneaux, ou planches, tendent à s'écarter d'autant plus que la vitesse du bateau est plus grande. Ainsi le ciialut (jui mesure une quarantaine de mètres de profundeur, présente une ouverture béante de 35 mètres sur l,r)() qui engloutit tout ce f{ui se trouve sur son passage. Les poissons qu'on prend avec ce chalut sont, naturellement, ceux qui se tiennent au fojid de l'eau : soles, turbots, raies, merlus, limandes, vives, dorades bref, à peu près tous les poissons, même le maquereau, que nous avons vu prendre la nuit, à fleur d'eau, par les haren- guiers. et qui, dans le jour, regagne le fond où le chalut va le cueillir. L'invention de l'otier trawl a contribué pour une large part au développement de la pèche à vapeur, car elle a per- mis d'aller pêcher sur des fonds où on ne pouvait traîner l'antique chalut à bâton. Aujourd'hui, les chalutiers à vapeur de Boulogne travaillent au Nord-Est jusque sur les côtes de Norvège. .\ l'ouest, ils vont jusqu'en Irlande. Au sud, ils vont couramment pêcher les merlus et les dorades sur les eûtes d'Espagne et de Portugal, ils poussent même plus loin et vont, depuis plusieurs années déjà, sur les côtes du Maroc, au banc d'Erquin. Quand ils travaillent en Manche, de Cherbourg au cap Lizard, leur voyage dure généralement une semaine. Lors- qu'ils vont plus au sud, à Relle-lle, où même en Manche lorsque la pèche n'est pas fructueuse, ils restent 10 ou 1::; jours Bour^'ain 4 — KO — à la mer. Les voyages en Kspagne durent de [2 h li jotirs, car ii faut compter environ 70 heures do mer pour s'y rendre. Knfin. les voyages au Maroc sont do trois semaines, dont deux pour la roule. a) La pfiche ati chalut Ici encore, comme à bord des harenguiers, le travail est irré- gulier, surtout dans les grands bateaux qui font les pêches lointaines — car, en route libre, c'est le repos absolu. A bord des vapeurs de 150 n ?0<) tonneaux qui ne s't'loignent plus guère de la Manche, la durée de ce repos est restreinte car alors en 18 ou 20 heures le vapeur est sur les fonds, et la pêche commence immédiatement et sans répit. Quand le chalut a traîné sur le fond pendant 3 heures, on le vire, on le haie à bord au moyen du treuil à vapeur sur lequel s'enroulent les câbles. (Ces câbles étant beaucoup plus fms et moins longs que les aussières des harenguiers, ne sont pas descendus dans la soute : ils restent toujours sur les bobines du treuil.) Quand on a embarqué les phuiches et l'avant du chalut, on accroche un palan au fond du chalut et on le hisse. Tout le poisson tombe ainsi sur le pont. Si le chalut est en bon état, on le remet aussitôt à la mer, s'il est endommagé, on met à la mer l'autre chalut qui est toujours préparé (un chalutier a toujours deux chaluts couiplètement montés ; l'un est allongé sous le plat-bord, le long des parois à tribord, l'autre à bâbord), et pendant le trait, on répare celui qui est déchiré : si la — 51 — brêcho est petite, on se conienle d'en rapprocher les lèvres, si elle est grande, on coud une bande de filet (un morceau (Calizfi) dont les soutes du chalutier contiennent une réserve. I)«>s que le chalut est reuïis à la mer, une équipe lave le poisson et le descend dans la cale. Là pour éviter que le poisson des premières pêches ne soit écrasé par le poids des p»^ches suivantes, on les place dans des casiers superposés qui sont aménagés sur les côtés de la cale et on les couvre de glace. C'est là la seule préparation que subisse le poisson. Tout au plus enlève-t-on les entrailles des poissons fins, tur- bots, soles, etc. et encore ne le fait-on que dans les premières journées de pêche — cette besogne est vite terminée et les hommes peuvent aller dormir — mais comme les traits ne durent rpie trois heures, ils ne goûtent pas longtemps la dou- ceur du sommeil : on les appelle bientôt pour recevoir les poissons du deuxième trait. Quand le poisson est abondant, on travaille sans relâche — mais lorsque la pêche n'e.«t pas fructueuse, on fait route et l'on va à la recherche du poisson : c'est un temps de repos pour l'équipage qui ne dort, les jours de pèche, que quelques instants entre chaque trait. V.n com- pensation, quand les chalutiers vont au Maroc, il y a deux semaines de repos, pendant la route. Quant à la semaine que les bateaux passent sur les lieux de pêche, elle est toute de travail, assidu et pénible, entre-coupt-e de repos très-courts. ConiMie à bord des harenguiers, les hommes jouent et dorment pendant la route. Les chalutiers à vapeur rentrent gf^nérale- raent au port à la fin de la nuit. Le poisson est vendu le jour même: à 7 heures du matin, on commence à débarquer le jwifison et c'est l'équipage qui est djargé de cette besogne supplémentaire. Quelques hommes, restés dans la cale, placent alé. . Graisse . . beurre. . . l.eguraes frais liO kilogrammet; 80 . 1 pour un II- pas) l.a quantité n<'-cessairp pour faire une ou deux soupes Bière :»00 litres Thé 500 grammes Allumettes .... 20 boites. Et cela, pour un équipage de 18 hommes, y compris le personnel de la machine. Les repas sont pris en commun, comme à bord des haren- guiers. Les mécaniciens et les chauffeurs mangent à part. Les hommes font deux repas par jour : l'un d'eux se com- pose d'une soupe, l'autre de poisson et de pommes de terre bouillies. L'armateur ne fournit pas d'eau-de-vie. Autrefois, le café, le sucre, le tabac et l'eau-de-vie n'étaient exempts de droits que si le bateau se livrait à la pèche avec salaison à bord. Mais, le décret du 13 janvier 1908, qui a diminué la quantité d'eau- de-vie accordée en franchise, a «étendu le bénéfice de ses dis- positions à la pêche du poisson frais et a alloué aux chalutiers, par homme et par jour de mer : 2S grammes de café 70 de sucre 25 » de labac à fumer 2.'» gramme» de tabac à madier ou de cit-ares Itt centiiilrns d'eau-de-vie ;\ M". à 1 exclusion des boissons désignées sous le nom d'apéritifs ; les autres denrées et objets de ravitaillement pouvant être emportées en quantités ne dépassant pas le nécessaire. Mais, des conditions restrictives sont apportées à ce béné- fice : Les bateaux doivent rester à la mer (lu moins 8 jours. Il faut déposer à la douane une déclaration spéciale d'ar- mement indiquant les parages où le navire doit se livrer à la pêche, ainsi que la durée probable du temps qu'il plissera à la mer. Chaque patron doit tenir un manifeste de provisions indi- quant les quantités embarquées et celles rapportées. En cas de retour anticipé non justifié par l'état de la mer ou par des avaries ou autres accidents, les droits doivent être payés sur les quantités consommées. Toutes ces restrictions et ces formalités ont empêché, jus- qu'ici, les armateurs de profiter de ces avantages. En effet, si on donne de l'eau-de-vie aux matelots des chalutiers, il faut leur en donner à tous, et toujours. Or, quand le poisson est abondant dans la Manche, les chalutiers font des marées de 5 à (> jours. Dans ce cas, l'armateur serait obligé de payer les droits sur l'eau-de-vie et les matelots ne pourraient pas acheter de tabac d'exportation. D'autre part, en admettant que les bateaux fassent des marées de 10 jours, si — par suite d'une abondance inat- tendue du poisson — l'un d'eux rentre au port après 5 jours — r.c. — de mer, l'armateur devra j)ayer Ips droits sur l'alcool (jui avait été embarqué en fraucliise sous condition, et les mate- lots devront rapporter les droits sur le tabac. El cela semble- rait certainement plus lourd, aux marins, (jue d'acheter, comme aujourd'hui, du tabac de zôue : luie taxe sur du tabac déjà fumé serait particulièrement vexatoire. Aussi, les chalu- tiers naviguent-ils comme par le passé. Les armateurs ne se font pas détaxer pour le café, le sucre, et autres aliments, — et ils ne donnent pas d'eau-de-vie. Les matelots fument du tabac de zAne et embarquent de l'eau-de-vie à leurs frais (en moyenne, un litre par marée.) De plus, ils emportent un peu de chocolat, du fromage, des figues, c'est leur avilaiilement qui peut représenter, par marée, une dépense totale de A à 5 francs, y compris l'eau-de-vie. A bord de quelques chalutiers à vapeur, très rares d'ailleurs, les hommes ne sont point nourris par l'armateur. Ils touchent une (jainôp plus élevée (2 ou 3 O/oo) et doivent acheter leurs vivres eux-mêmes. Mais ce système ne semble point leur plaire et on l'abandonne de plus en plus. '•) La prrhe on Islando ot n Terre-Neuve La pêche de la morue en Islande qui n'avait jamais été très florissante à Boulogne, était complètement abandonnée dans les dernières années du xix" siècle. 11 appartenait aux chalu- tiers à vapeur de la faire renaître et de lui donner un nouvel essor. Les Anglais, les Allemands et les Hollandais prati- qnaient d»'»jà cette pèche (luand ies premiers rhaluliers bou- lonnais en firent l'expérience en 1003. Kn 190i, 7 vapeurs boulonnais ailèront en Islande, deux d'entre eux firent deux campagnes. Ils rapportèrent un total net de 654.842 kilogs de morues (chiffres de la douane). En 1907, 37 chalutiers se livrèrent à cette pêche et la plupart firent deux voya(jPs. Malheureusement, cette campagne ne fut pas heureuse, et, cette année, le port de Houlogne n'enverra que '.\0 à 35 va- peurs en Islande, en dépit de l'accroissement du nombre des chalutiers. I*our aller en Islande, les chalutiers ont 6 jours de route. Ils restent de quatre à six semaines — parfois deux mois, sur les lieux de pèche. Ils emportent environ 100 tonneaux de sel, ce qui leur permet de rapporter environ 100.000 kilogs de poisson. Les engins sont les mêmes que pour la pêche du poisson frais ; c'est le même chalut à planches, avec, cepen- dant, des mailles un peu plus grandes. Mais, alors qu'à la pêche fraîche on se contente de jeter le poisson dans des casier, il faut, ici, le préparer et le saler — et c'est un travail considérable. L'avant du bateau est divisé, par des planches, en un cer- tain nombre de compartiments dans lesquels le contenu du chalut est vidé, pêle-mêle — à tribord ou à bâbord, selon que c'est le chalut de ce côté qui a travaillé. La première opéra- tion consiste a saigner les morues et à arracher les langues qui sont mises à part et salées. C'est le nombre des langues qui sert de témoin pour l'évaluation de la quantité des mo- rues prises. Donc, des hommes prennent ces morues, les — r>8 — saignent en faisant une large incision à la base de la l«He, et enlèvent la langue. Us jettent ensuite le poisson dans les bacs du ci^té opposa, où un tuyau alimenté par la machine l'arrose copieusement. (Mi laisse ainsi saigner la morue pendant une heure ou deux. Après quoi, des hommes la passent aux trancheurs, . Oeufe 180 La pêche terminée, la livraison de la morue a lieu, le plus souvent, à Boulogne — parfois à Bordeaux ou à Fécamp. C'est l'équipage qui est chargé d'apporter la morue sur la lisse du bateau. Dans la cale, des hommes dégagent le sel avec une pelle. D'autres prennent les morues, par deux, et les passent à ceux qui sont placés sur une échelle, à mi-hau- teur de la cale. Un autre les reçoit sur le pont et les passe, sans les secouer, au trieur (envoyé par l'acheteur) qui accepte ou refuse la morue et la pèse. La pe.sée terminée, l'équipage forme la chaîne et se transmet les morues de mains en mains jusqu'à la lisse,' où elles sont reçues par le personnel de l'ac- quéreur. — (il — dette livraison constitue, pour l'équipage, un travail sinon pénible, du moins fastidieux et elle est faite avec lenteur. Tour les tonnes, le déchargement est beaucoup plus simple et plus rapide : deux hommes dans la cale accrochent la tonne à un palan — deux autres sont au treuil, et quelques uns, à terre, reçoivent les tonnes et les rangent sur le quai. Les chalutiers boulonnais commencent à aller pécher la morue à Terre-Neuve : l'un d'eux, le « Capella », y fut en i90(). Il y retourna l'an dernier et malheureusement s'y perdit. Le «f Gaulois I) fit aussi cette pêche en 1907 — cette année, quatre ou cinq chalutiers iront sur les bancs. Mais le travail des hotnmeset les conditions de nourriture et de salaire étant les mêmes qu'en Islande, il n'y a pas lieu d'insister plus longtemps sur cette pèche. dj Les salaires Les salaires sont les mêmes que sur les harenguiers à vapeur pour le patron, le second, les mécaniciens, les chaulfeurs, les soutiers et les hommes. Ici, les hommes ne peuvent pêcher les merlans, comme à bord des harenguiers, mais ils ont en compensation et toute l'année, comme gainée supplé- mentaire, les coquilles Saint-Jacques, les crabes et les homards. Au retour des voyages d'Islande, ils vendent l'huile de foie de morue et les poissons secs. On peut donc établir ainsi à peu près le budget de leurs recettes : _ r.i _ Salaire et in' r'" Ir. p;ir ini>ii«1. . i lîi2 A «baque maree, 1 0 00. sur ISO à âKO . . 2(M) Qatoée (ventes des coquilles Si-Jaoques, etc.) 1.^0 Prime éveatuelle pour Islanilt* M) Soit au total par an. ... 1 .Srt2 fr. Le capitaine K^^giie 1"'0 francs par mois, pendant la durée de la campagne d'Islande, plus une gratification de 3 0/00. Soit pour une campagne do deux voyages : 4 mois. • . . . . noo Gratillcation. . . . 2iU 840 fr. Les trancheurs ont un salaire fixe de 120 francs par mois, plus une gratification de 1 0/00. IvC produit total de la campagne peut être pour eux de : 560 francs — si le chalutier fait deux voyages. Mais nous n'avons pas à insister sur cette catégorie, car elle est presque uiiifjuemeiil constituée d'étrangers. CHAPITRK V AUTRES PECHES a) Les rhnhilirrs à voiies Le port (le Houlogne possédait naguôre une flottille nom- breuse (le chalutiers à voiles. C'étaient des bateaux de 50 à 60 tonneaux, gréés en 'ketch, élégants et rapides, montés par 7 ou S hommes. On en comptait encore une trentaine en 1906. Il n'en reste plus guère aujourd'hui que di.x; les autres ont disparu : soit ciue, trop vieux pour naviguer, ils aient été vendus au démolisseur, soit qu'ils aient été vendus à des armateurs de la côte bretonne qui les '.mploient à la pêche du thon. Le développement des chalutiers à vapeur a porté à ces traleurs (trawlers) un coup fatal. Aujourd'hui, le poisson est devenu très rare dans les environs immédiats de Boulogne. Les vapeurs vont le chercher là où il se trouve. Mais les cha- lutiers à voiles ne disposent pas des mêmes moyens d'action. Ils ne peuvent guère dépasser, à l'ouest l'île de Wight, et au nord-est l'entrée de la mer du Nord. L'été, par temps calme, ils ne peuvent pas traîner leur chalut, et si, pendant l'hiver, — «4 — W j.u. .>.»•.. r>i rare, ils ne couvrenl plus leurs Irais et lo me- ner ne nourrit plus son homme. Aussi peut-on prévoir le jour — prochain — où ces chalutiers à voiles auront complè- lemenl disparu. Les voiliers ne peuvent, par suite de la vi- tesse irrégulière que le vent leur imprime, se servir du cha- lut à planches. !ls ont conservé l'ancien rli.iliit à hàlon. C'est une poche de 22 mètres de profondeur, pour 1 î mètres d'ouverture horizontale et 1 mètre d'ouverture verticale. Ces bateaux sont niunisd'un treuil à vapeur pour haler le chalut à bord. Naguère, ils se servaient de gros câbles en chanvre qui, comme laussière des harenguiers, faisaient deux tours stir le cabestan et descendaient ensuite dans la cale où il fallait les arrimer. Kl la manipulation de cet enor/ne câble mouillé était pénible. Aujourd'hui les quelques voiliers qui demeurent ont, comme les vapeurs, des câbles d'acier qui s'enroulent sur la bobine du treuil. Les voiliers traînent le chalut pendant (i heures. Quand le patron juge le trait sufli.sant, il appelle tout son équipage sur le pont et on haie le chalut à bord. L'avant du chalut étant embarqué, on hisse le fond en haut du mât avec un i)alan et les poissons tombent sur le pont. La préparation du poisson est la même que sur les chalutiers à vapeur : on le met dans la glace. Quant aux poissons fins, turbots, barbues, soles, etc., on leur fait une incision sous la tête, par ou on relire les en- trailles. Les marées sont de 5 à C jours, et les bateaux restent un jour au port. Les hommes' ne som jn- nourris par l'armateur {(\m est 05 — gén»'raieinent le patron ; dans ce cas, un écoreurse cliargede la vente du poisson et de la recette, moyennant ') o/U). Us n'achètent guère en commun que le pain, la bière et l'épi- cerie. Mais non pas la viande : chaque lioninie apporte ce que bon lui semble et fait sa cuisine particulière. Chaque homme achète ainsi un avituillfinent personnel dont la composition varie, mais qu'on peut ramener à ce type moyen : heurre . . . . . 2.*>0 grammes o.'JO Graisse. . . . . ."iOO » 0,70 Viande . . . . . :ioo .. 1,20 Chocolat . . . . -SM) - 0,90 Eau-de-vie. . . . 1 litre 2,2o Oignons . . 0.20 Soit au lolal, 1rs. 0,15 par marée Ces bateaux sont armés à la part, on retranche d'abord du produit brut les frais de la marée : charbon, glace écorage, pain, épicerie. On divise ensuite ce qui reste en deux parties : l'une pour le bateau, l'autre pour l'équipage. La part de l'équipage se divise ensuite de la sorte : Patron 1 part et demie Hommes 1 part Mécanicien .... 1 part plus u francs Mousses 1 2 ou 3/4 Machine 1 part. Ainsi, en plus de la part du bateau, soit la moitié du pro- duit net, l'armateur touche une part égale à celle des hommes pour la machine. S'il ne commande pas lui-môme son ba- Boursain 5 . — r.C) — leau. u ajdtnr un»- ilfiiii-part, de sou chof, aux gaina du pa- tron \Ji part, qui pouvait rapporter, autrefois, de 1 200 à 1S(K» francs, ne donne plus guère que SOO ou 000 francs. Kncore tous les bateaux n'arrivent-ils point ;\ ce chiffre Kt l'on conçoit qu'ils ne trouvent plus d'hoinines pour composer leur l'quipape. On peut fairo. ici, une remarque intéressante : il y a quelque trente ou quarante ans, au temps où tous les bateaux étaient encore armés à la part, les matelots qui s'embau- chaient à bord des chalutiers étaient considérés, par ceux qui faisaient part«e de l'équipage d'un harenguier, comme des gens de basse condition. La raison en est que, pour être en- rôlé à bord d'un harenguier, il fallait posséder un apfiloin, qui représentait un capital assez élevé, alors que, pour em- barquer sur un chalutier, il suffisait d'apporter ses bras. h) J.cs Cordicrs a rujicur iiriitt' bateaux de 50 à 70 tonneaux. iiiu> par des ma- chines de 80 à 150 chevaux, pèchent toute l'année le merlan et le congre avec des lignes de fond : ce sont les cordiers à vapeur. Ils appartiennent tous à des armateurs du Portel et sont montés par des équipages Portelois. Pour pécher les congres, raies, chiens de mer, ils ont 8 ou 10 kilomètres de lignes portant 2500 hameçons. Pour la pêche des merlans, ils ont des cordes beaucoup plus fines, — r.7 — de 10 à 20 kilomètres de longueur portant environ 20(X)O hameçons. Les congres sont vendus à Ijoulog... ci .xij. )>!.«, mu le carreau de la halle. Quant aux merlan-;, ils sont emballés, U bord du bateau, dans de petites caisses qui sont expédi/'es sur Paris dès l'arrivée au port, sans passer par l'intermé- diaire des mareyeurs. Ces bateaux ne travaillent que 0 jours par semaine : le sa- medi soir, les équipages remontent chez eux jusqu'au len- demain. Certains d'entre eux sont armés à la nemahie. Les hommes, dans ce cas, touchent 20 francs pour 6 jours de travail — et 2.") francs quand le produit brut a dépassé 2000 francs — plus 0 fr. 50 par murée. Les engins sont alors fournis par l'armateur. Mais, les bateaux ainsi armés à la semaine restent beau- coup plus souvent à terre que les autres. L'équipage, n'étant que peu intéressé à l'augmentation du produit, saisit le moindre prétexte pour ne pas aller à la mer. Aussi, mainte- nant arment-ils presque tous à la part. Le matelot, pour avoir droit à sa part pleine, doit fournir chaque jour deux califels. (Le califet est une ligne d'une certaine longueur, qu'on enroule dans le fond d'un panier pour la transporter). Pour éviter les pertes de- temps, il importe que chaque homme possède au moins six califets, ce qui représente un capital de 180 francs, (l'est la femme du matelot qui amorce cette ligne avec des vers de sable qui lui .sont fournis par l'ar- mateur. Celui-ci en retiendra le prix sur le produit brut de — os — là marée. Si elle ne peut faire elle-même cv\ ouvrage, elle le confie À une voisine qui parc (c'est-à-dire remplace les ha- meçons et les pelles ou avançons qui ont pu l'ire détériorés) et arque (esclie^ moyennant deux fnincs. (iClle besogne l'occupe toute une jourmH'. Si un homme est trop pauvre pmn acheter ses califets, ceux-ci lui sont fournis par l'armateur. Cet honinu' ne reçoit alors qu'une demi-part, ri rarmatcnr prend l'autre pour l'amorlissement et l'entretien de son matériel. Pour la répartition, on retire d'abord du produit brut : les frais de charbon, de glace, d'écorage, de nourriture, damorces et le salaire du mécanicien i20<> francs par mois). On divise ensuite le reste en autant de parties qu'il e.-t né- cessaire. L'armateur, pour le bateau, prend 5 parts. A la pêche du merlan, le bateau est monté par lu hommes, soit : lO parts. Quant au patron, il ne touche dans la répartition que sa demi-part de travail et sa demi-part de matériel. L'armateur lui donne, en supplément, une part sur les .") qu'il a j)rises pour le bateau. Il est malai.sé d'évaluer le gain moyen des hommes qui montent lescordiers. Les bénéfices, on ellet, au- dessus d'un certain chiffre de produit* brut deviennent rapide- ment considérables ; mais les frais sont énormes — et dans les mauvaises années les hommes gagnent peu. L'ann»'e courante est particulièrement heureuse. On cite un bateau où l'équipage a gagné, du s au 21 mars, en lO jours de mer, UO francs à la part pleine. Une .saison commecelle-ci — m — peut donc permettre d'en supporter ensuite une mauvaise, si le marin est économe et prévoyant, et le Portelois possède gé- néralement du moins, ces qualités. Quoi qu'il en soit, on ne peut se baser sur ce chidre de ilo francs, qui est excep- tionnel et qui est pris, d'ailleurs, à la meilleure époque d'une saison très favorable. La moyenne des autres bateaux fut, dans ce même laps de temps, de 300 francs. Kn additionnant les produits des bonnes comme des mauvaises semaines, on arrive à un total de 2 iOO à .3000 francs par homme selon les bateaux. Il ne faut pas se laisser fasciner par l'impor- tance du chiffre. De cette somme, en effet, il faut déduire : raïuortissement du capital cordes, les réparations des agrès (hameçons, etc.) et surtout la main d'œuvre de ces répara- tions et de l'amorçage qui est de 2 francs par califety soit, pour chaque homme, 4 francs par jour de mer. Et ce travail de réparations et d'amorçage serait-il fait dans la propre mai- son du matelot et pa)- les siens, qu'il ne faudrait pas moins en déduire le prix, car il représenterait un revenu distinct de celui f|ue rapporte l'industrie du chef de famille. On peut estimer à i 200 francs au moins la somme qu'il faut ainsi dé- duire. IlI la situation des matelots des cordiers reste cer- tainement la plus belle de toutes celles que nous avons passées en revue. c) Lea petites poches Le port de Boulogne possède encore une soixantaine de petits bateaux, de 3 à 0 tonneaux, qui se livrent l'été à la — 7(1 — pèche des crevettes au chalut, ou à la poche tles bars ou des maquereaux à la ligno. Beaucoup de ces bateaux sont désar- més pendaiu riiiver, les plus grands, seuls, continuent de navif^uer. Ceux-ci changent alors leur gn'emeiit et font la p(>che coiière du hareng, en octobre, novembre et décembre. Naguère encore, dans les premiers jours d'octobre, ces ba- teaux, qui prenaient les premiers harengs a;i bord de la cAle, gagnaient en quelques jours plusieurs milliers de francs, car les premiers harengs frais étaient vendus très cher. Mais, actuellement, dès le mois d'août, les vapeurs rapportent d" Ecosse des harengs conservés dans la glace qui enlèvent auï premiers harengs pris dans nos parages l'énorme plus- value que la primeur leur donnait. Kes petits bateaux disparaissent donc, car ils ne gagnent plus de quoi nourrir leur équipage. Ils sont tous aruiés à la part. L'été, leur équipage se compose de deux hommes — trois au plus — mais pendant la saison du hareng, il en com- prend i ou T). Les parts sont bien minimes. Mais, le plus souvent, l'équipage est composé de vieux matelots qui tou- chent leur pension des Invalides. Les jeunes gens ne s'em- bauchent pas à bord de ces barques, d'autant moins, qu'on manque d'hommes pour les grands bateaux, l'n homme en- core jeune considérerait comme une deminutio capitu le fait de s'inscrire sur un semblable rôle. Nous ne citerons qu'a titre documentaire les 17 bateaux d' Equihen, ce sont des barques larges et plates, construites pour échouer, -au besoin, sur la plage. Llles jaugent de 12 à \o tonneaux, sont montées par 8 à 12 hommes et font altep-. — 71 — Hâtivement la prche à cordes et la pêche du hareng aux fdets dérivants. (Cette dernière, seulement pendant la période d'abondance). Ces bateaux sont armés à la part... et le gain des hommes y est bien minime. Nous n'étudierons point dans cette ouvrage la vie et les mœurs des Equihennois : cela nous entraînerait trop loin de notre sujet. Cependant, il nous faut dire ici qu'iU sont d'une race robuste et encore fruste. Ambitieux, les jeunes gens de ce village, apprennent volontiers, au service militaire, le mé- tier de chanlTeurs, et toute cette jeune génération vient s'em- baucher à bord des vapeurs boulonnais, à 125 francs par mois. C'est deux fois. — sinon trois — ce qu'ils gagneraient à risquer leur vie dans leurs petits bateaux. Ainsi font également les jeunes gens de Wissant, dAu- dresselles et d'Ambleteuse. Ils naviguent — on peut dire tous — à bord des chalutiers boulonnais — le plus souvent comme siniples matelots. Et l'on ne tardera probablement point à voir les marins d'Etaples (quartier maritime de Bou- logne) suivre cet exemple. Il y a, dans ce port, 90 lougres de 30 à 4U tonneaux. Ces bateaux qui sont munis d'un treuil à vapeur, font la pèche au chalut pendant 8 ou 9 mois et la pêche du hareng [)endant la saison. Mais si l'on en excepte quelques-uns qui gagnent à peu près de quoi vivre, on peut affirmer que la majorité des marins étaplois ne rapportent guère de quoi nourrir leur famille. La dernière harenijuaison a été absolument désastreuse pour la plupart d'entre eux, à cause des pertes de filets qu'ils ont faites. Et les sommes par- tagées aux équipages furent dérisoires. f/) l.n prc/ir ù pirti Il nous reste enfin à dire quelques mots de l.i pOcho à pied, qui est pratiquée surtout — on pourrait presque dire : uni- quement, — par de vieux marins, des femmes et des en- fanta. L? cueillette des moules est faite par des femmes sur tous les rochers de la côte, depuis le cap Gris Nez jusqu'à Kqui- hen. L'administration de la marine a divisé celte partie de la cAle en plusieurs zAnes, et, tous les ans, elle interdit la ré- colte dans une de ces zones, afin de protéger la reproduction de ces mollusques. Quand le garde-pêche voit une p»klieuse travailler dans une de ces réserves, il lui fait reporter sa charge là où elle l'a prise et lui fait vider son filet. La .sanc- tion est efficace, lie plus, des pénalit»''S sont édictées contre les gens qui détachent les moules du rocher avec une pelle de fer, car cette manière d'opérer détruit inutilement des milliers de petites moules. Les motilu'res rapportent généralement une soixantaine de kilogs de moules. Mouillées, à peine vêtues, les pieds nus, elles font ainsi plusieurs kilom«'trés. Elles vendent leur charge environ ?* francs. Mais dans les marées de morte-eau elles ne peuvent guère exercer leur industrie. La pêche des crevettes est également piatiquée par des femmes. .X. ba.sse mer, elles entrent dans l'eau jusqu'à la ceinture — parfois jusqu'aux épaules, poussant devant elles — 73 — leur ri'ts (le mot, ici, a conservé sa forme, alors qu'il est de- venu roits pour les filets aux harengs). C'est une sorte de petit chalut, que tient ouvert une arma- ture de bois en forme de T. Quand la mer monte, leur pêche est terminée, car les cre- vettent restent au large. Les femmes démontent alors leur filet et rentrent en ville, les pieds nus, le corps à peine cou- vert de minces vêtements qui ruissellent d'eau de mer, et elles vont par les rues, offrant leur pêche et annonçant leur marchandise par un cri guttural. Quelques vieux marins tendent à basse mer, des lignes de fond sur la plage et le long des rochers. Ils prennent ainsi, parfois, des congres, des petites morues, voire des bars, qu'ils viennent recueillir à la marée suivante. A certaines époques, ils établissent des parr>< : ce sont des filets que maintiennent des bâtons plantés dans le sable en demi-cercle. 11 arrive que quelques poissons s'y laissent prendre, quand la mer se re- tire. C'est cette pêche qui fournit, presque chaque année, les premiers harengs de la côte. Bref, ce métier ne nourrit pas son homme. C'est une occu- pation, une distraction plutôt, pour quelques vieux invalides qui en retirent assez d'argent pour acheter leur tabac et payer leur goutte. Ils ne lui en demandent pas davantage. DKUXIEMi: PAUTII l.e traivail à terre CHAPITRK PHKMIEK LR TRAVAIL DES HOMMES DANS LES ATELIERS Le matelot boulonnais travaille peu à terre. Nous entendons que le travail de l'atelier ne lui convient pas. Habitué à la vie libre et indépendante du bord, il préfère les efforts brusques — coupés d'ailleurs de longs repos — que nécessite la pêche dans les mers lointaines, au travail assidu et monotone des usines. 11 ne se plierait que très difficilement à la discipline des grands ateliers ; il s'accoutumerait avec peine à obéir en silence aux ordres d'un contre-maitre — et, surtout, il souffrirait d'être enfermé. Donc, on rencontre très peu de mate- lots valides dans les ateliers, même chez les armateurs et les saleurs. Le travail y est^ d'ailleurs, en majeure partie exécuté — ,{\ — par (les femmes — et les charretiers, les aaleurs, les tonne- liers, les voiliers sont presque tous des bourgeois. Les seuls marins qu'on emploie À terre sont des hommes Agés, qui touchent, depuis un certain temps déjà, leur pension de la Caisse des Invalides, ils travaillent le plus souvent au gre- nier. Le etites mannes plates, d'une dimension régle- mentaire, lesquelles mannes étaient également alignées sur les CArrés. Mais, aujourd'hui, ce système serait impraticabh-, eu égard à la quantité énorme de poissons que rapportent les chahiliors à vapeur. On place donc les mannes, par trente, sur des balladeuses qui passent simplement dans la halle, d'une porte à l'autre. Ces balladeuses, tirées par un vieux matelot, sont gén«'ralement poussées par une femme — autant pour aider l'homme que pour éviter les vols. Les mareyeurs, debout sur les trottoirs que forment les anciens carrés supprimés, achètent aux enchères le contenu de la balladeuse qui passe. Des crieurs jurés l'adjugent. I^ balladeuse vendue sort. Les employés de l'acheteur vident à la hâte le.i mannes dans des tonneaux et replacent les mannes vides sur la balladeuse. Celle-ci retourne à son point de départ, sur la place qui s'allonge devant la halle. Là , les voitures de l'armateur apportent constamment des mannes pleines qui seront à leur tour vendues au passage... Ce travail dure généralement toute la matinée, et les jours d'abondance, se prolonge jusque dans l'après-midi. Certaines maisons d'armement, qui ont in ou IT) chalutiers, emploient leurs hnmmfSj pendant quatre ou cinq niatinées sur six, à t traîner les balladeuses. — 71» — Telles sont, ù peu près, les seules occupations des matelots dans les maisons d'armement. De ce bref examen, on peut conclure que le marin boulonnais n'aime pas le travail à terre : tout au plus s'y résigne-t-il quand il est trop âgé pour navi- guer. Le travail qu'il fait n'est qu'une préparation à celui des femmes — lesquelles forment la majeure partie du personnel dans les ateliers. Dans un grenier, le nombre des hommes employés se trouve, par rapport à celui des femmes, dans la proportion de un sur dix. On emploie aussi les vieux marins à ralinguer les chaluts que les femmes ont laci;s. Tout ces hommes sont payés, en général, trois francs par journée de 10 heures. Beaucoup de maisons leur donnent cent francs par mois. Les heures supplémentaires leur sont payées à raison de 0,40 centimes. Un certain nombre de vieux pêcheurs trouvent encore de l'ouvrage à domicile. On leur donne des briques de liège pour pour qu'ils en fassent des flottes. Ils en arrondissent les angles, font une encoche à chaque extrémité pour que les l'uicelles ne gli.ssent point, et gravent les initiales de l'arma- teur — (mesure utile, si les filets perdus à la mer sont retrou- vés par un autre bateau). Cet ouvrage est payé 1^50 pour cent (lottes^ et il n'est pas besoin d'être très habile pour faire deux cents flottes dans la journée. Reste enfin, comme ressources des vieux matelots, le ijar- diennage. Quand les bateaux sont à terre — soit qu'ils demeurent quelques jours entre deux marées, soit qu'ils restent désarmés pendant deux mois, ce n'est pas un homme — so — de l'équipage qui veille à bord du bateau : c'est un gardien, un maleloi titulaire de sa pension des invalides et qui ne navigue plus qui est chargé de ce rôle, moyennant une in- demnité de 3 francs par nuit et de "2 francs par jour; soit au total ; r> francs par journée de 24 heures. CIIAPITUK 11 LE TRAVAIL DES FEMMRS a) P/'f'pai'uli'ffft (li's filets Nous n'avons pu présenter isolément le travail des hommes dans les fjrcnicrs. Les besognes respectives des éléments masculins et féminins y sont trop intimement liées, se coni- mandent trop étroitement, selon les lois de la division du travail, pour qu'on ait pu faire abstraction de la contri- bution apportée par les femmes à cette œuvre coinniune, la préparation des filets. Cependant, il faut noter que si la mise en état des filets neufs est pour les hommes la plus grande occupation, la réparation des lilets endommagés est — de toutes les besognes qui incombent aux fe.nmes dans les (jrc- îiiers — celle qui absorbe la majeure partie de leur temps. A chaque voyage, les harenguiers débarquent une certaine quantité de filets qu'ils remplacent par d'autres, nouvelle- ment tannés et réparés. Les filets qu'ils envoient ainsi à l'atelier sont le plus souvent déchirés, et les femmes doivent en former de nouveau les mailles rompues : cette opération porte le nom de nuni'nilacjr. Bourgain 6 Les ramenUetises sont occ[i[iées louic liimit'c. La journée de 10 heures leur est payée deux francs. On peut ranger dans celle m«Mne catégorie les hccuses qui fabriijuenl les clialuts. La journée leur esl payée deux francs cinquante. Ces femmes travaillent, en moyenne, 250 à 2(î0 jours i)ar au. Il faut excepter, en effet, les dimanches. De plus, quand le n)ari est a terre^ entre deux voj/ayes, la femme ne vient pas à l'atelier. Il est bien certain qu'elle ne perd ainsi sa jour- née que lorsque les voyages du mari sont assez longs — et non point quand, pendant la harenguaison. les bateaux ren- trent au port chaque jour. Une maison d'armement qui possède cinq bateaux haran- guiers, occupe cinquante femmes et six hommes. .\utrefois, au temps des bateaux à lu pnrf, cette ])répara- lion et cet entretien des filets se faisait à domicile — chaque homme possédant son « applain », la femtne travaillait chez elle à le remettre en état. Et c'était peut-être là un des prin- cipaux avantages du système, car la femme pouvait faire cette besogne sans cesser de s'occuper de son ménage. Pour le tannage et le coaltarage, qui exigeaient un matériel spécial, on les faisait exécuter jiar un tanneur qui percevait un prix proportionnel au nombre des fdets. Et on faisait sécher les filets dans la rue, sur des bâtons qui sortaient de la fenêtre d'une mansarde. Aujourdhui, les femmes travaillent dans de grands ateliers. Le plus souvent, elles sont rangées sur une seule ligne face aux fenêtres. Elles accrochent le filet auquel elles travaillent à un taquet de bois fixé dans le mur à environ un mètre cin - — 83 — qiiante du sol — et à côté de ce taquet elles placent souvent une petite Rlace qui leur permettra de remettre un peu d'ordre dans leur loilette avant de sortir de l'atelier. Kn ramendant, elles chantent en cœur, en allongeant le plus possible les finales — ce qui donnent à toutes leurs chansons une môme allure de complainte. Leur répertoire est tiès étendu, et sur- tout très éclectique — et elles se reposent du dernier refrain de café-concert en chantant un cantique. Quand midi sonne, elles regagnent le quartier de Saint- Pierre, qu'elles habitent toutes. Elles vont par bandes de six ou huit, parfois plus, se tenant par le bras, parlant liant, et faisant claquer fièrement sur le pavé les semelles de bois de leurs />r/////\. h f.f irurnil dans les ateliers de salaison et de marée L'industrie des salaisons occupe, du mois d'août au mois d'avril, un grand nombre de matelotes. On peut diviser le travail qui s'accomplit dans ces ateliers en deux moments distincts : le travail « aux blancs » et le travail « aux saurs ». Les femmes qui travaillent « aux blancs » ont pour fonc- tion, non seulement de trier et de mettre en barils les harengs salés qui seront expédiés tels, mais encore de préparer l'ou- vrage de celles qui travaillent dans la « saurinerie ». Ce sont là deux équipes distinctes. Leur mode de rémunération n'est pas le même. II importe donc d'étudier les deux métiers sépa- rément et en détail. Quand les premiers harengs, salés en barils, sont rapportés par les harenguiers boulonnais, ils ne peuvent être expédiés, — S4 — ni^ine ceux qui seront vendus hlanrs, sans subir une mani- pulation. Kn cflet, dans ces barils, les barengs soni entassés pOie-niùle, gros et |)etits. Il faut donc procéder ;\ un triage — car les harengs seront revendus plus ou moins cher, sui- vant qu'ihsonl//AM//\ ou — l fr. HO de l'heure. Le ramassage du hareng à terre est particulièrement bien rémunéré : les femmes reçoivent 10 francs pour 100 mesures (double décalitre^ ou un last de hareng, et quand la pèche est abondante, elles tirent de ce travail des bénéfices considé- rables. Dans la maison A. P., S femmes ont gagné, de ce fait, 522 francs pendant le mois de novembre, soit, à chacune, 65 fr. 25. Or, ces mêmes femmes travaillent « aux blancs » et à la marée — et elles ont gagné, au total, environ 130 francs dans leur mois. Pour le règlement, on procède ainsi : la contre-clum» {%n style boulonnais, féminin de contre-maître) qui a reçu les ordres du patron pour trier ou par/uer un certain nombre de barils, se rend au bureau, dès que la besogne est terminée, et rend compte de son travail. Le patron lui donne alors la — 8s — somme totale qui a été gajfiiée par l'équipe dans la journée, sans avoir à s'occupcM- du travail »]ui a i)u Mrc fourni jiar chaque femme. La conire-dauie divise cette somme en parts égales et la distribue elle-même aux ouvrières (les appren- ties reçoivent une demi-part, et la contre-dame prend une part éijale à celle des autres .. Cette égalité dans le partage du produit de la besogne commune amène une surveillance mutuelle très efficace. Suivant l'abondance des harengs, et suivant aussi qu'elles .sont plus ou moins nombreuses dans l'atelier, les femmes qui travaillent « aux blancs » peuvent gap^nerde 300 à (iOO francs dans leur saison de six ou sept mois. I.e travail « ati.r sai/rs », — Nous avons laissé, plus haut, les harengs pendus dans la cheminée. Dès que tous les r?irfs sont en place, on allume un feu de bois sec, deux ou trois foyers formés de trois bûches de hêtre. Il faut en prendre grand soin, car une trop forte chaleur cuirait les harengs. Oe feu est entretenu plus ou moins longtemps, suivant que le hareng doit èlre saur ou doux. Pour lui donner la dernière coloration, le vernis doré qui le fera remarquer du client, on brûle dans la cheminée des copeaux et des sciures de hêtre. Cela produit une fumée intense qu'il ne faudrait même pas prolonger trop longtemps, sous peine de voir noircir lespois- sonsl Après ce finuranagCy on dépend les harengs. Les saii- rinf'i/sfis se passent les énets de main en main et font glisser les harengs sur une grande table, autour de laquelle elles .s'installent ensuite, pour les mettre en caisses de 25, 50 ou 100. — s,) — (^ctle besogne est cerlainetnent moins pénible que celle des « fe»nmes ciii blanc ». Aussi est-elle payée moins cher. Les femmes qui laccomplissent reçoivent 30 centimes par lieure. Ici encore, elles |ne sont pas payées individuellement, c'est la vmitri'-damp qui perçoit — chaque soir — le total et qui fait la répartition. C'est au/isi un travail irrégulier, qui comporte une morte- saison, d'avril à juillet. Les femmes peuvent y gagner, selon les années, de 250 à 450 francs par an. Pendant la morte- saison, elles ne restent pas inactives. Beaucoup vont laver le linge dans les liAtels, qui voient doubler leur clientèle à cette époque qui rst celle des bains de mer. Klles gagnent alors deux francs j)ar jour, et sont nourries. D'autres parcourent les rues pour vendre des fruits, ou bien travaillent dans les fabriques de plumes métalliques. Les ouvrières à la marée. — Les ouvrières à la marée, les rourrières, nous arrêteront moins longtemps, car elles ne sont pas, pour la plupart, de familles de pêcheurs : ce sont des a hoi/rfjpoises ». Leur langage, certes, est le même que celui des mntelntea, mais plus violent. Klles habitent U- même quartier, mais non pas les mêmes rues. Elles sont gé- néralement mariées avec des ouvriers — charretiers, tonne- liers ou saleurs, mais rarement avec des matelots. Elles travaillent au.\ pièces. Leur ouvrage, qui consiste uni- quement à laver le poisson et à l'emballer avec de la glace, leur est payé à raison de cinq, dix ou vingt centimes par caisse, selon le poids. Ainsi, elles reçoivent dix centimes pour une caisse de cent harengs frais, et quinze centimes pour un _ \U) — panier. Pour ce prix, elle^ doivent metlre en caisses et faire l'expédition à la gare. Elles accompagnent la voiture, et, dans la gare, chargent les caisses sur des chariots, les passent à la bascule, les conduisent au wagon, et se font délivirr les récépissés par les enij>loyés. Ce travail dure toute rann«'e. L'élc on ne travaille pas le dimanche, mais, l'hiver, et princij)alement pendant hiharcn- ytiaisnn, on ouvre les magasins ce jour-là. Mais, le vendredi, il n y a guère d'expédition de man-e : c'est le repos absolu. L'ouvrage diminue l'été : il n'y a pas de harengs frais et la moitié des chalutiers pèchent la morue en Islande. Mais, cependant, on na pas à déplorer de morte-saison complète. Les femmes gagnent parfois cinq ou six francs dans leur jour- née. Mais on peut compter sur une moyenne de trois francs par jour, pendant cinq jours de la semaine, soit un gain — approximatif — par an, de sept ou huit cents francs. Aujourd'hui, presque tous les saleurs préparent des (ilets de harengs saurs, au naïunl, sans huile. Certaines maisons .s'en sont fait une spécialité, et fabriquent en même temps des conserves de harengs et de maquereaux au vin blanc ou à Ihuile, en boîtes soudées. Cette industrie — florissante, encore que nécessairement limitée — emploie une grande quantité de femmes j)our le nettoyage des poissons, le découpage des filets, la mise en boîtes, etc. Ces femmes" sont, pour la plu- part des matelotes. Elles gagnent, suivant leur degré d'habi- leté, de deux à trois francs par jour, d'août à fin avril. — Ul c) L'sines et métiers divers L'n certain nombre de matelotes travaillent dans les fabri- ques de plumes métalliques. Elles y sont employées toute l'année. Leur travail est payé aux pièces, et une ouvrière peut gagner, selon son habileté, de un Iranc à deux francs par jour. Les meilleures ouvrières, dont une longue pratique a exercé les doigts, atteignent deux francs vingt-cinq. Parmi les femmes qui travaillent dans les ateliers de salaison, quelques-unes trouvent à s'embaucher dans ces usines pen- dant la saison d'été. Enfin, les tmitelotes exercent cent petits métiers qui les nourrissent bien. Les unes vont par les rues, offrant du pois- son, déporte en porte. Celles qui font ce métier toute l'an- née ont leur clientèle attitrée. Intelligentes, âpres au gain, éloquentes et — pourquoi pas ? — psychologues, elles devi- nent bientôt quel est l'argument qui décidera la cliente à ache- ter la dorade ou le Jean doré dont un séjour prolongé dans la glace a terni les yeux. Ce métier, dont il est impossible d'évaluer les bénéfices, doit être très rémunérateur. D'autres vendent des fruits, des pommes ou des poires cuites, de la vaisselle, des étolTes, qu'elles vont ainsi offrir à domicile. Parmi celles qui sont couturières, très peu travaillent dans les grands ateliers. Elles aiment mieux travailler une jour- née chez les gens qui ont besoin de leurs services — et de — !•!> — préft'rence chez des matelotes, dont elles font les robes neuves el n-pai-enl les vieilles. La couturière arrive à 9 heures du matin pour le petit déjoùner et pari à '• heures du soir, après le diner. Klle est nourrie, el elle Test bien. Car, dans *a marine, le jour où vient la coulurière est presque un jour de fôte et le menu est particuliôremenl soigné. La couturière gagne deux francs pour sa journée. Si elle amène une ap- prentie, elles touchent alors deux francs cinquante pour elles deux. Il faut enfin citer les matelotes qui ne vont pas travailler à l'atelier et qui soignent pendant ce tenips les enfants des autres, les loni-petits qui n'ont pas encore atteint l'âge où l'on peut les envoyer à l'asile. 11 existe, cependant, dans le quartier une crache communale ; mais elle est insuflisante. D'ailleurs, beaucoup de mères préfèrent confier leur enfant à une voisine qui leur demande un franc pour la journée — plus vingt centimes de lait. C'est encore là un métier lucratif qu'elles peuvent exercer sans sortir de chez elles, en soignant leurs propres enfants et en s'occupant de leur ménage. TROISIEME PAHTIi: Pensions vt u>ii\r<'s d'nssislHiK'c CHAP1TUI-: l'RKMlEK PENSIONS ET œUVRES GÉNÉRALES a) La Caisse des Invalides de la munnr. Uuand Colbert voulut assurer le recrutement des équipages de la flotte, il substitua à la Presse le système des classes. t]n compensation de cet impôt très lourd, il accorda aux marins des avantages : il leur donna le monopole de la pêche mari- time et, moyennant une retenue de f) deniers par livre sur leurs gains, leur assura une retraite. En 1689, cette retraite fut fixée à la moitié de la solde que les marins touchaient pendant leur service, et en 1700 la marine de pêche fut assi- milée à la marine de guerre. L'Etat fit à la Caisse des Invalides de fréquents emprunts : — 94 — en 1703, les fonds de la caisse furent intégralement versés au Tr»'Sor. A peine larrélé du 27 nivAse, an XI, iMil-il redonné l'aulononiie à la caisse que le gouvernement impérial, en ISIO. y puisait 70 millions. Si bien qu'en Î88.~) l'Ktat lui était redevable de '2!)r> millions, et la subvention de 10 millions qu'il lui versait annuellement ne représentait guère (juc les arrérages de la dette. Il fallait enrayer ce déficit Pour ce faire, on voulut réprimer la navigation fictive. Beaucoup de marins, ou de fds de marins abandonnant leur métier poui une profession sédentaire, s'inscrivaient en edet sur le rôle d'une barque quelconque, qui ne sortait jamais du port, et, moyennant une prime infime, touchaient, après 25 ans, une pension de demi-solde. C'était là, pour la caisse des invalides, une charge écrasante. On proposa donc d'exiger une navigation active et profes- sionnelle et (le ne faire compter pour leur durée entière que la pèche hauturière et la pêche côtière exercée au moins un jour sur trois et dans le but de vendre le poisson. Ce projet est devenu la loi du 21 juillet 1898 dont nous ne citerons que l'article 0. u La navigation exercée à titre professionnel... ne comptera que pour la moitié de sa durée elTective dans l'évaluation des services donnant droit à la demi-solde, lorsqu'elle aura été exercée exclusivement dans l'intérieur des ports, fleuves, rivières, bassins, lacs et étangs .salés ». Cette loi provoqua des protestations très vives, .surtout sur la côte méditerranéenne. Mais les matelots boulonnais ne s'en plaignirent pas, car ils n'entraient point dans cette catégorie. — «JS — La Chambre de commerce de Boulogne approuva ce projet dans sa séance du 17 juillet IS'HI, et elle le fit d'autant plus volontiers que les pêcheurs de ce port qui ne pratiquent guère que la prche hauturière et la pêche entière active et pro- fessionnelle, étaient assurés de leur pension à 50 ans d'âge et 2ô ans de navigation. Les matelots subissent, en vue de cette pension, une rete- nue de 3 O/o sur leur salaire — soit à bord des bateaux de pèche à vapeur 2 fr, 40 par mois, et à bord des harenguiers à voiles, 2 fr. 10. Quant aux matelots qui naviguent à la part, ils paient une taxe fixe (loi du 11 avril 1881; : les paj trons versent 1 tV. 50 par mois, les matelots 0 fr. 75, les no- vices 0 fr. 50 et les mousses 0 fr. 25. Le tau.\ de cette pension varie de 204 à 1068 francs par an. Mais peu de Boulonnais entrent dans les catégories supé- rieures <\n\ impliquent un grade élevé dans la marine de l'Etat. Ils sortent généralement du service militaire comme ils y sont entrés, simples matelots. Ils touchent donc 20 i, 252, 324 ou 384 francs, selon la paie qu'ils recevaient pendant leur service : 25, 40, 55 ou 70 francs par mois. De plus, dans chaque catégorie peut venir s'ajouter un supplément : Si le matelot a accompli la totalité de ses cinq années de service (la durée effective du service est fixée par décret — elle oscille entre 40 et 50 mois — mais la libération est facul- tative et les marins peuvent rester pour profiter de l'augmen- tation de demi-solde), il louche un supplément de pension. Il en peut toucher un autre s'il est invalide, ou s'il a soixante — «M) — ans d'âge, ou s'il a contracté des infirmités au service de rKtAt. Kt cela porte le niaxiniuin de la pension, pour les (jualret^atéfiories qui nous intéressent, à 'As't, ou \'A2, ou 51(1, ou enlln 7ûi\ francs. KoHn. à cette deuu-solde vient s'ajouter une somme de *Ji francs par enfant Agé de moins de 10 ans. Les veuves et les orphelins oui droit à une pension égale à la moitié du maximum allèrent à la catégorie à laquelle appar- tenait le défunt. Cette pension s'augmente, le cas échéant, de l'allocation de 24 francs aux mineurs de 10 ans. La loi du 1 i avril llH)i a apporté une heureuse innovation : dorénavant, les inscrits louchent leur pension h partir du jour où leurs 3(Mi mois de navigation sont terminés, s'ils ont 50 ans d'âge, et ils la touchent à partir du jour où ils ont Ôd ans d'âge, si leurs 300 mois étaient terminés auparavant. Avant celle loi, ils ne louchaient leur pension qu'à partir du l^"" jan- vier de l'année suivante. b) La Caisse de prévoyance. La loi du 0 avril 18y''S,sur les accidents du travail, qui met le risque professionnel 'it ;"i la niônif jifiislon les veuves des participants - 101 — morts en possession d'une des pensions déterminées par l'ar- ticle 5, si le mariage est antérieur à l'accident ou à la mala- die (jui a déterminé l'octroi de cette pension. L'article 7 statue sur le sort des orphelins : après le décès du père et de la mère, les orphelins des participants décédés dans les conditions sus-définies, ou en possession d'une pen- sion d'infirmité, reçoivent, quel que soit leur nombre et jus- qu'à ce que le plus jeune ait atteint IVige de seize ans, un secours annuel unique de taux égal à celui de la pension que la mère avait obtenue. Les enfants naturels, reconnus avant l'origine de la blessure ou de la maladie d'où procède le droit, participent au secours dans la même mesure que les enfants légitimes. A mesure que les aines atteignent l'âge de seize ans, leur part est reversée sur les plus jeunes. L'article S alloue aux participants et aux veuves titulaires de pensions et indemnités accordées en vertu des articles précédents, et pour chacun de leurs enfants âgés de moins de seize ans, un supplément annuel fixe de 50 francs. Kn vertu de l'article U, lorsque les participants ne laissent derrière eux ni veuves ni orphelins, un secours annuel et viager dont le taux est fixé par le tarif annexé à la loi, est accordé à chacun de leurs ascendants au premier degré. L'article 10 est ainsi conçu : les pensions et allocations accordées en vertu des articles précédents sont indépendantes — des pensions dites de demi-solde ainsi que des secours d'orphelins accordés — sur les fonds de la caisse des Invalides de la Marine. Le titulaire d'une pension d'infirmité du second degré qui, — Iti2 — lyam continué à naviguer professionnel lenient. n'aura pu arriver à réunir, à l'âge de 55 ans accomplis, le lenjps de navigation exigé par la loi du 11 avril 1881 pour avoir droit à une |>ension dite de demi-solde sur la caisse des Invalides de la Marine, aura droit à la transformation de sa i)ension du second degré en une pension d'infirmité du premier degré. On peut résumer ainsi les articles suivants : Les dispositions de la présente loi ne font pas obstacle à ce que les participants, leurs ayants cause ou la caisse de pré- voyance subrogée à leurs droits poursuivent les personnes responsables, aux termes de la loi, de l'accident ou de la ma- ladie. Par dérogation aux articles 138-4 du Code civil et '^iô du Code de commerce, l'armateur ou le propriétaire du navire est affranchi de la responsabilité civile des fautes du capi- taine ou de l'équipage. Il ne répond que de sa faute person- nelle, intentionnelle ou inexcusable, et sous déduction des indemnités et pensions dues par la Caisse de prévoyance. Les indemnités dues par les tiers viennent, au contraire, en dé- duction des sommes à payer par la Caisse de prévoyance. Les pensions et autres allocations accordées en vertu de la présente loi sont incessibles et insaisissables. Le contrôle financier de l'institution appartient à la Commission supé- rieure de rétablissement des Invalides de la Marine. Pour faire valoir ses droits à lune des allocations prévues à l'article 5, le participant doit, à peine de déchéance, adres- ser à l'administrateur de rin.scription maritime, dans le délai de six mois qui suit .son débarquement ou son retour en France, une demande écrite ou verbale dont il lui est délivré — 1U3 — récépissé. La même demande doit, sous peine de déchéance, être adressée dans le délai d'un an à partir du jour de la mort du participant, ou dans le délai de deux ans à partir du jour de ses drrnières nouvelles, par les veuves, orphelins, ascen- dants ou tuteurs. L'indemnité journalière est accordée sans délai par déci- sion de l'administrateur du Quartier maritime, sauf recours au ministre, après enquête administrative elï'ectuée d'urgence et pour une durée qui ne pourra excéder 4 mois. Au delà de ce terme, elle peut être transformée, par décision du ministre, en une indemnité renouvelable de G mois en (i mois. Trois ans après la décision ministérielle, cette indemnité renouve- lable est supprimée ou convertie, après nouvelle visite, en pension d'infirmité. Les arrérages des pensions viagères et des secours annuels de la Caisse de prévoyance sont payés par trimestre sur la production d'un certiticat de vie. Un décret portant règlement d'administration publique (14 avril 1906) détermine les justifications à produire pour l'établissement du droit ainsi que les délais dans lesquels ces justifications devront être présentées. KnÛn deux instructions ministérielles, l'une du 2<» avril 1906, l'autre du 20 oc- tobre 1907, sont venues apporter les indications nécessaires pour l'application de la nouvelle loi et régler minutieusement les plus petits détails. Telles sont les principales dispositions de cette loi du 29 décembre 1905. On voit combien fut amélioré le sort du — 104 — malelot rendu inlirine par accident ou le sort de sa veuve et de ses enfants en cas de mort. Mais cette situation est encore loin do celle qui lut faite aux ouvriers par la loi du î> avril INDS sur les accidents du travail dans Tindustrie. Pour les ouvriers de l'industrie, si i'incapacitfï permanente de travail est absolue, l'indemnité est une rente égale aux deux tiers du salaire annuel. Si l'incapacité n'est que partielle, la rente est égale à la moitié de la réduction que l'accident fait subir au salaire. Si l'incapacité est temporaire, l'indemnité est égale à la moitié du salaire journalier, et en cas d'accident suivi de mort, une rente viagère est payée au conjoint survivant, aux enfants ou aux ascendants. L'ouvrier, par suite de ce trans- fert du risque professionnel, touche une rente dans des cas où, précédemment, il ne touchait rien. Mais, lorsqu'il pou- vait prouver la faute du patron, il touchait davantage qu'au- jourd'hui — où il lui est interdit de se prévaloir d'aucune autre disposition que celles de la loi du 0 avril. C'est la con- séquence du caractère forfaitaire attribué aux indemnités dues en vertu de la loi nouvelle. Le marin, au contraire, ou ses ayants cause, conserve le bénéfice des articles 1.'582 et suivants du Code civil et. de l'ar- ticle 202 du Code de commerce article 1 1 de la loi du 29 dé- cembre 1905). VA en cas de maladie, il continue de recevoir son salaire plein et des soins de l'armateur pendant quatre mois. Ce n'est qu'à l'expiration de ce délai que la Caisse de prévoyance lui verse un secours ou une pension d'infirmité. — ior. — S c o ? •'5 s O o Oi o >-i V W) 2! ** o w g u ? 'y. n "ÎJ •< !0 a >* î^ Oi O A, c^» > S •1 ce a ■m C^ .»^ ^ Cd ■2 Û « ff ■■y u: r* en ■<: o ;A >— < < ■w 1) U -<4} ce h c: «> o S Q') R. 84 ^ ^« o •* s o 8S 8 o o 3 o . • »«««'• — X> r-i e O o o Si % I « «8 a oc o a< CI .^ tfl ta ;^ — 3 =r o '^ " 9 5 O) «-' 1* ^^ " te OJ 03 « S O S c — _ "-^ « c , — « 3 T-, ■= > -3 G- a = - > ? S «= m o a 3 3 G. O 3 ._ .ï -a 33 a o "- J= " t£ -^ 3 O a «K te _ 3 O) t- § S - ._«._iJtnij}a303;_ Q._3 Q, 'û — c .-r: p ~ ^ a> n3 tn a>.>j CLCuCUcn «S ^ >^ — lOfi — c) Jm société de secours aux familles des Aîarins français naufrage Avant rélablissemeni de l.i Caisse de prévoyance, les fa- milles des nialeiols naufragés se trouvaient souvent dans le plus complet dénuement, tiertes, la charité pui)iique ne man- quait point de s'exercer largement. Mais il fallait parfois at- tendre longtemps après ces fonds. Le produit des quêtes et des souscriptions ne parvenait aux intéressés qu'après un laps de temps très long et la douleur des veuves et des orphe- lins s'aggravait de la crainte de manquer des choses les plus nécessaires. C'est pour remédier à cette situation que M. Alfred de Courcy fonda le i Juillet 187U la société de secours aux fa- milles des marins français naufragés. Klle fut aussitôt recon- nue d'utilité publique, par le décret du 12 mars 1880, rendu en conseil d'Etat. Le but de cette société est de « secourir l'indigence des veuves, enfants et ascendants des marins fran- çais naviguant sur les barques de pêche, bateaux pilotes et autres embarcations, et morts par suite de naufrage ou de tout autre accident de mer ». Les assureurs maritimes fran- «^, ou opérant en France, apportèrent leur concours à cette société. L'objectif des fondateurs étant de donner un premier ise- cours qui permettrait aux familles éprouvées de parer aux éventualités et- de subvenir à leurs premiers besoins, on ne fixa point de minimum et le taux des subventions ne fut pas — 107 — limité par un tarif. Les situations, en ellet, dilïèrent d'un port à un autre, et. dans un même port, diffèrent suivant les cas. La société garda donc toute latitude quant à l'importance des secours à envoyer. Quant aux renseignements nécessaires pour apprécier équitablement la somme qui pourra apporter une aide efficace, ils sont fournis à la Société par le commis- saire de l'Inscription maritime. Cette intervention gracieuse des commissaires de la marine a d'immenses avantages : aucune infortune, si obscure qu'elle soit, ne leur échappe. Ils sont les meilleurs appréciateurs des besoins et des moyens de les soulager, ils sont autorisés à diriger l'emploi des secours qui pourraient être dissipés. Ils veillent donc avec sollicitude au paiement des loyers et autres dettes, à l'achat de vêtements pour les enfants, et, le cas échéant, à l'achat de filets et d'autres instruments de travail. Ce n'est pas seulement l'au- mône : c'est l'assistance opportune. Ainsi donc, dans le principe, la Société, qu'on désigne gé- néralement, pour plus de simplicité, sous le nom de Société de Courcy, donnait un premier secours, et là se bornait son rùle. Aujourd'hui, elle possède des fonds de réserve considé- rables, grâce aux dons et legs qu'elle peut recueillir comme Etablissement reconnu d'utilité publique. Aussi a-t-elle élargi le domaine de son assistance. Tous les ans, elle met à la dis- position des commissaires de l'Inscription maritime une cer- taine somme pour apporter un soulagement aux infortunes, même d'ancienne date, qui ne bénéficient pas des dispositions de la loi du 21 avril 18U8 ou de la loi du 29 décembre 1905. los _ Cetic soc H i<- iiu accueillie avec sympalliie dans les ports de mer. Aid«'e des siibveniions des ("liainbrcs de Commerce, et d'un grand nombre de municipalités, elle a constamment augmenté ses moyens d'action. CIIAl'ITKt: II (KUVRES LOCALES a) Sociètt' de secours mutuels entre les marins La a société (le secours mutuels de Notre Dame de Boulogne entre les marins embarqués sur les navires, bateaux et canots de la circonscription du quartier de Boulogne » a pour but : 1° De subvenir aux premiers besoins, soit des femmes et enfants, soit du père ou de la mère, soit des ascendants, soit enfin des orphelins des marins péris à la mer ou dans le port ou bien victimes d'accidents provenant immédiatement du service du bord ; 2° De procurer les soins du médecin et les médicaments aux marins sociétaires et à leurs femmes et enfants au-dessous de dix ans, quand les ressources de la Société le permettront. Les participants sont tous les marins de la circonscription de Boulogne, (non compris Etaples), inscrits définitifs ou pro- visoires, âgés de 10 à C)0 ans, qui demandent à faire partie de la société et y sont admis par le conseil d'administration. Ne sont admis que les marins appartenant à des équipages — 110 — «îonl les annateurs, écoreurs ou patrons consenleni à recueil- lir le montant des cotisations des iiouunes etubarqués et à les verser aux ««poquos ronvenues dans l;i caisse de la Société. Toutefois, sont admis à litre de membres participants libres, tous les inscrits du quartier qui consentent ^ verser à l'avance entre les mains du trésorier le montant d'une cotisation semes- trielle. La participation des marins embarqués prend fin de droit à l'époque de leur débarquement, ou bien de la clôture des rôles par suite de sinistres, ventes ou démolition. Pendant leur séjour sur des bateaux de Boulogne, les marins des autres ports sont admis et traités dans les mr'mes conditions que les inscrits boulonnais. La Société admet comme membres honoraires toutes les personnes qui, sans participer aux avantages de la Société, paient une cotisation annuelle ou font des dons à la Société. La cotisation des membres participants est de 1 fr. r)0 par mois pour les capitaines, maîtres et patrons ; de 0 fr. 75 pour les matelots et novices ; de 0 fr. 50 pour les inou.sses. Les armateurs qui désirent laisser h la Société le soin de traiter leurs équipages tant pour les maladies que pour les blessures contractées à bord, paient une rétribution mensuelle de 0 fr. 25 par matelot, novice et mousse. L'exemption de la cotisation, avec maintient du traitement gratuit, est accordée à tout membre participant âgé de 00 ans et ayant fait partie de la Société au moins pendant 10 ans. Les cotisations sont versées semestriellement entre les mains du Trésorier |)ar les armateurs ou écoreurs. Pour les — 111 - hommes engaRt-s à la part, le montant des cotisations dues par les marins sociétaires est compris dans les avaries com- munes afférentes aux équipages. Tout membre participant condamné on cour d'assises ou en police correctionnelle pour crime ou délit est imm«''diatement rayé du contrôle de l'asso- ciation. La sociétfî s'engage fi payer : Un secours à la veuve de tout marin sociétaire noyé en mer ou dans le port, ou victime d'accident provenant immédiate- ment du service du bord, à moins de cas exceptionnels que le bureau se réserve d'apprécier. Les enfants non encore âgés de fo ans (y compris les enfants posthumes) ont droit à un secours à la mort de leur auteur sociétaire. Ce secours est également accordé à chacun des orphelins (âgés de moins de 15 ans"^ d'un sociétaire veuf, noyé ou tué dans les circonstances ci-dessus décrites. Il est accordé aussi soit au père, soit à la more, soit au grand-père ou à la grand'mère d'un marin célibataire ou veuf sans enfants, vi- vant avec ses parents ou ascendants et qui aurait été noyé ou tué comme il est dit plus haut. Les marins qui, dans le cours de la navigation, auraient contracté des maladies graves ou reçu des blessures dont la suite rendrait impossible l'exercice de leur profession, peuvent, pourvu que le fait de leur invalidité ait été régulièrement constaté dès leur arrivée, obtenir, lorsqu'ils ont cessé de faire partie des équipages des navires sur lesquels ils étaient embarqués, une indemnité journalière de maladie qui est fixée — 112 — par la Commission et ne peut en lous cas excéder la somme loiale de cent francs. La Soci»Hé accorde aux membres parlicipanls la gratuité des soins médicaux et des renn'des pour le traitement des maladies ou blessures contractées à terre ou à la mer. Elle ne doit pas le traitement des maladies provenant de l'intempé- rance ou de la débauche et des blessures reçues dans une rixe où le sociétaire a été l'agresseur, ou dans les troubles publics auxquels le socir'iaire aurait volontairement pris part. La gratuité des soins médicaux et des médicaments n'est pas accordée seulement au sociétaire, mais aussi à sa femme et à ses enfants juqu'à l'âge de dix ans. Kt c'est là un des principaux avantages oMerls par cette société. De même, les femmes de sociétaire ont droit, lorsqu'elles accouchent, à un secours en argent dont le montant est fixé à 20 francs. Les membres participants reçoivent les soins du médecin de la société désigné pour leur quartier et peuvent choisir leur pharmacien parmi ceux» désignés par le bureau. Les ressources de la société se composent : 1° Du capital. 2° Des versements des membres participants, 3' Des cotisations des membres lionoraires, 4" Des intérêts du capital, 5" Des subventions accordées par l'Etat, le Département et les Communes, (j" Des dons et legs particuliers dont l'acceptation aura été approuvée par l'autorité compétente (art. 910 du Code civil et \j8 du Décret organique), — 113 — 7** Du produit des amendes prononcées par les statuts. Un Tond commun de retraites a été créé, conformément à la loi du 1" avril 180S et placé à la caisse des dépôts et con- signations, ce fonds se compose : l" De prélèvements faits sur les excédents de recettes, •^° Des subventions accordées par l'Etat, le Département ou la Commune en faveur du fonds de retraite, '.]" Des dons et legs faits en faveur du fonds de retraite et de ceux faits sans affectation spéciale. Toutefois, l'autorisation de l'autorité compétente est nécessaire pour leur acceptation. Les arrérages du fond commun servent à la création de pensions viagères dont la quotité est fixée sur la proposition du conseil d'administration. Ces pensions ne pourront être inférieures à 27 francs ni excéder le décuple de la cotisation annuelle soit ISO francs pour un patron ou î)0 francs pour un matelot. Pour être présenté comme candidat à la pension, le membre participant doit ?,voir au moins 60 ans d âge et avoir acquitté sa cotisation sociale pendant 20 ans. Néanmoins, l'assemblée générale peut abai.sser ces limites, mais les candidats devront au moins être âgés de 50 ans et avoir payé leur cotisation pendant 15 ans. Le nombre des pensions est fixé chaque année par l'Assem- blée générale et ne peut e.xcéder les arrérages du fonds commun. linfin, en dehors des pensions viagères, la société accorde à certains de ses membres des allocations annuelles prises sur les ressources disponibles ou les arrérages du fonds commun. Bourgain 8 — 114 ~ Les litulaires en sont désignés parmi les inombres âgés de plus de (iO ans et ayant acquitté la cotisation sociale pendant :*()ans. Cette société de secours mutuels est actuellement tr«'s llo- rissante, mais tous les armateurs n'y font point inscrire leurs hommes. Ils préfèrent les faire soigner à leurs frais. h) Sociéié boulofmaviP de secours aux faynillcs des mariifi français naufrar/cs. La Société boulonnaise de secours aux familles des marins français naufragés, fondée en 1894 par des armateurs et négociants de Houlogne, et reconnue d'utilité publique; par décret du 2G novembre 1S97, a pour but de secourir 1" indi- gence des veuves, enfants et ascendants des marins français appartenant au quartier maritime de Ooulogne-sur-Mer, qui, embarqués sur des navires, barques de pèche, bateaux-pilotes, ou autres embarcations, auront péri par suite de naufrage ou de tout autre accident de mer. Ouoi qu'il en soit de la similitude de dénomination, cette société n'est pas une fdiale de la société de Courcy. Kt, bien qu'elle poursuive le môme but, à savoir l'octroi de premiers secours — et même de secours ultérieurs aux familles parii- culi«'rement intéressantes — les raisons qui en amenèrent la fondation sont diflérentes de celles qui incitèrent M. de Courcy à fonder la Société française de secours. Ceux qui s'intéressent au sort du marin et de sa famille - 115 — avaient constaté, en effet, que la cliarité privée, pour louable que soit la contribution spontanée qu'elle apporte au soulage- ment des familles des iiaufragés, est incapable de faire une répartition juste et équitable entre ces familles. D'autre part, (juaiid un bateau se perd corps et bien, et que 2U ou 25 hommes disparaissent à la fois, laissant dans la misère de nombreuses familles, les plus imlilïérents s'émeuvent. C'est alors un mouvement irrésistible de sympathie et de charité. La presse, tant locale que nationale, i'nh appel aux riches et les dons afduent. Les sommes qu'on réunit ainsi sont parfois considérables. Lors de la tempête, tristement fameuse à Bou- logne, du 14 octobre 1881, où tant d'hommes disparurent à la fois, on fit partout des quêtes : des listes de souscription circulèrent de tous côtés ; et des veuves touchèrent dix et douze mille francs. Certes, il serait malséant de prétendre que cette somme fut trop élevée, la perte que les malheu- reuses venaient de faire étant, par sa nature, inestimable. Et on doit admirer ce résultat. Mais à côté de ces accidents retentissants, il en est d'autres qui font moins de bruit parce que le nombre des naufragés est plus restreint. Ainsi, de temps à autre, un homme est élingué par un cou[) de mer , ces malheurs sont assez fréquents, et la pénible situation qu'ils créent à la veuve et au.\ orphelins du disparu n'est pas moins digne d'intérêt. Cependant, dans ces cas, la charité ne vient apporter qu'une assistance insuffisante. Et c'est pour remédier à cette inégalité dans la répartition que fut créée la Société boulonnaise de secours aux marins naufragés. Certes, quand un accident collectif se produit, elle donne son obole ; — H6 — muselle réserve ses faveurs aux cas isolés, où les situations particulières, pour n'avoir point l'aspect de catastrophes, n'en sont pas moins pitoyables. Les ressources de la Société se composent : 1" Des cotisations et des souscriptions de ses membres ; 2" Des subventions qui pourront lui être accordées ; 3" Du produit des ressources créées à titre exceptionnel et, s'il y a lieu, avec l'agn'Mnent de l'autorité compétente : 4® Enfin, du revenu de ses biens et valeurs de toute nature. Parmi les ressources exceptionnelles, on peut ranger les quêtes, les loteries, les concerts et représentations théâtrales, les fêtes de toute sorte auxquelles les sociétés similaires ont recours pour accroître leurs ressources. ("lénéralement, la société prend soin d'organiser ces fêtes de bienlaisance et ces loteries peu après les grandes catastrophes, au moment où l'opinion publique est émue par un malheur encore récent. En conformité de ses principes, la société ne donne qu'une part des bénéfices ainsi réalisés à ceux qui viennent d'être secourus par tant d'autres œuvres d'assistance, et en conserve la majeure partie pour les misères moins connues. Certes, l'établissement de la Caisse de prévoyance a heu- reusement modifié la situation des familles de marins naufra- gés. .Mais la société n'a pas j)erdu son utilitô ; la liquidation des pensions ne se fait pas instantanément ; elle exige une foule de formalités et de démarches qui retardent considéra- blement le paiement des premiers arrérages, et le secoure — 117 — imniôdial que la société vient verser aux veuves et aux orphe- lins est toujours le bienvenu. La Sociét»* boulonnaise, à l'instar de la Société de Courcy, n'a pas fixé un tarif ne varielur pour les secours qu'elle donne : son comité est forme, en majeure partie de boulon- nais, de gens connaissant la marine, vivant avec les matelots, et capables d'apprécier justement le secours immédiatement nécessaire. On peut cependant prendre, comme moyenne, le chiffre de cent francs alloués à la veuve, auxquels s'ajoute une soujuje de cinquante francs par orphelin. Tous les ans, la Société boulonnaise distribue une partie de ses fonds disponibles — à moins que le nombre des acci- dents n'ait épuisé ses ressources — aux veuves et aux orphelins créés par les accidents des années précédentes et dont la situation lui a été signalée comme particulièrement malheureuse. La société possède aujourd'hui un fonds de réserve de 40000 francs, et une somme de 20000 francs est immédiate- ment disponible. c) V Orphelinat des marins. M. Camille Pelletan, ministre de la Marine, inaugura à Boulogne, en 1904, l'Urphelinat b^ugène Pelletan, destiné à recevoir les fils des marins décédés en mer. Cet orphelinat fut ouvert la même année et reçut huit enfants. — 118 — Artuelleir.ent. trentn-deiix lits sont occuprs, Pt l'an pro- rlmin on atteindra vraispmblableinent le niaxiiiiiim j)r<''vu, soit quarante lits. Ive bâtiment. <\\n routa SOOOO francs, fut construit grâce à, une subvention de l'Ktat, prélevée sur les fonds du pari- mutuel. La Société- de l'Orphelinat des marins, |)r<'3si(li'(' par M. Pi^ron. maire de Boulogne, fut créée pour recueillir les fonds nécessaires au fonctionnement de l'oMure. Comme les sommes ainsi recueillies étaient insuffisantes, la sociét('; fit appel, de nouveau, à l'Etat, l.e Ministère du (Commerce lui accorda une subvention et le Ministère de la Marine lui remit une pari des retenues de 2 O/o sur les prinies h la marine marchande. Le montant total des subventions ainsi reçues s'éleva, pour l'année 1907, ii 2i 000 francs. L'orphelinat reçoit les fils de marins perdus en mer, du moins ceux du premier arrondis.sement maritime, qui com- prend tous les ports, depuis DunUerque jusqu'au Havre, l'ît c'est la conséquence des subventions de llXat : l'iruvre n'a pu conserver un caractère purement local. Au reste, peu de Boulonnais en ont ])rofité jusqu'ici ; une sorte d'amour-propre — absolument déplacé d'ailleurs — empêche les veuves de marins boulonnais d'y envoyer leurs enfants. (Cependant, elles commencent à revenir de leur prévention et, dès cette année, plusieurs enfants dont la famille habite la localité ont leur lit dans les dortoirs de l'Orphelinat Pelletan. L'orphelinat ne reçoit que les enfants Agés de plus de huit ans. On les classe, suivant leur âge, en deux catégories, qui — iV.) — ont leur ilortoir. leur lavabo et leur salle d'études respectifs. Ils ne rei.iolvent pas l'instruction à l'orphelinat : les petits, de huit à treize ans, sont conduits i\ l'école primaire par un sur- veillant. Les grands se rendent à l'Ecole pratique d'Industrie sous la conduite du Directeur de l'orphelinat qui est lui-même professeur à cette école. Ils acquièrent là, en même temps qu'ils complètent leur instruction générale, des connaissances techniques : mécanique, électricité, dessin industriel, etc., el ils apprennent aussi à manier l'outil. Jls en sortent munis d'une solide instruction et sont aptes à devenir d'excellents contremaîtres d'industrie, ou de très bons mécaniciens pour la marine. (Chaque jeudi, les grands font une sortie en mer à bord de la « Manche », bateau mixte_, ii voiles et à vapeur, attaché à la station aquicole. Pendant les vacances, ceux qui se destinent à la profession de mécanicien dans la marine marchande font une ou deux marées à bord de grands chalu- tiers à vapeur. L'admission des enfants est absolument gratuite. On leur donne, dès leur arrivée, un trousseau complet qu'ils rangent dans la petite armoire placée à la tête de chaque lit. Le mobilier est très simple : chaque enfant a un lit de fer, uno armoire, une table de nuit en fer, dans le tiroir de laquelle il range ses ustensiles de toilette, et une descente de lit. Le service de nettoyage est assuré par les enfants, qui vident eux-mêmes leurs eaux, font leur lit et lavent le plan- cher à tour de rôle. Ces travaux sont accomplis avec soin et la propreté des locaux est parfaite. — 120 — L'Absence de cours et de classes dans l'établissement a per- mis d'eu réduire le personnel au strict minimum : il n'y a qu'un directeur et un surveillant. Kn l'absence de lun d'eux, un des plus anciens élèves surveille ses camarades. Kl le directeur a su si bien — sans jamais infliger de puni- lions — donner à chacun le sentiment de ses devoirs envers les aulres el envers lui-même, (jue l'ordre régne, parfait, en dépit desdillerences d'origine et de l'esprit de clocher qui au- raient pu amener bien souvent la discorde dans ce petit monde. Bien conduits, bien logés, et bien nourris, les enfants de l'Orphelinat des marins sont heureux et bien portants, et tous sont parmi les Uiieux notés des écoles qu'ils fréquentent. Il y a là une organisation excellente, très peu coûteuse, et qui pourrait être un modèle pour les villes qui se proposent de créer des établissements similaires. QlJAÏUIEMi: PAUilK l.v \liiloloi lioiiloiinaiN cnAPiTiŒ piu':mii:r LE MATELOT ET SA FAMILLE a) Le matelot ù terre La situation est très différente, selon que le inaiiii est à terre pour un jour ou deux, entre deux voijaijes, ou pour deux semaines ou même pour deux mois, quand les bateaux sont désarmt-s ou bien en réparations. Quand le matelot est à terre pour un jour ou deux, sa femme, s'il est occupé à bord au déchargement du poisson, va lui porter, vers neuf heures du matin, son petit déjeuner. A midi, ou plus tard quand le débarquement a duré long- temps, il va manger chez lui — le plus souvent la soupe et le — \2i — Ixriif. Si les temps sont diiis. la min* c\ los t'iifaiils man^^onl comme les .lutros jours quelque ragoût substantiel. Quant à l'homme, il a droit à un morceau de viande qui réparera ses forces. L'après-midi, on envoie les enfants h Ircole — les plus jeunes sont confiés h. une voisine — et les parents vont en promenade. Le plus souvent, la femme s'est fait remettre la gainée du mari, et c'est elle qui règle toutes les dépenses. Quand la femme ne peut ou ne veut pas l'accompagner, le matelot va faire une promenade sur les quais. Sa gainée en poche, il va au cabaret avec les camarades. Aussi, dans ce cas. la femme emploie-t-elle toute son habileté à se faire donner la plus grande partie de la (/aînée avant que son mari ne sorte de la maison. Le lendemain matin, — les bateaux sortant généralement du port dans la matinée, — la femme ne va pas à l'atelier : elle fait Vavilai/lcmeul de .son mari, lui achète les vivres et la boisson supplémentaires et les lui porte à bord. Dès qu'elle arrive le long du bateau, Vfiomme lui prend sa manne, va la vider dans sa couchette, et remonte sur le quai où il reste près de sa femme, jusqu'à l'heure du départ. Quand l'homme embarque, la femme se dirige vers la jetée et accompagne ainsi le bateau à .sa sortie du port.- Mais cette coutume tend à disparaître, depuis que les chalutiers à vapeur rentrent à des intervalles rapprochés et fixés d'avance. On ne l'observe plus guère que lors des départs pour les longs voyages. Quand le matelot est à terre pour quelque temps, c'est une charge écrasante pour le budget du ménage. La femme — 123 — et les enfants continuent à vivre de soupes, de charcuterie, ou de ragoûts, ou bien encore de tartines beurrées trempées dans du thé au lait. Mais il faut toujours, au moins à l'un des repas, un morceau de viande pour l'homme. D'autre part, quoiqu'il n«» touche pas, à cette époque, de gawâe^ il lui faut quand même sa ration d'eau-de-vie et de tabac. Un ma- telot, sans être pour cela un ivrogne, prend volontiers un café à l'eau-de-vie le matin, un autre après le déjeuner, et un peu d'alcool dans son thé le soir. Si on y ajoute le tabac, c'est bien un minimum de 50 centimes par jour qui se trouve ainsi dépen.Sf. Kt on peut évaluer à un franc la dépense sup- plémentaire de nourriture. Soit, par quinzaine, une dépense au moins égale h 22 fr. .50. Si le mari navigue à bord d'un voilier (et seuls les voiliers harenguiers désarment ainsi pendant deux mois), il gagne, dans cette même quinzaine, 42 fr. 90. 11 reste donc 20 fr. -40 pour nourrir, habiller, loger et chaufler la femme et les en- fants. Quelles que soient les vertus du en-dit, il ne peut suffire à suppléer au déficit. Il faut donc que la femme tra- vaille pendant ce temps. Si l'on fixe à deux francs le salaire moyen de la femme, et si l'on suppose qu'elle travaille 12 jours dans sa quinzaine, on a un budget de recettes utiles de 44 fr. 40 par quinzaine ou 88 fr. 80 par mois, sur lequel il faudra prélever 15 à 20 francs de loyer, les frais de garde des enfants pendant le travail de la mère, etc.. Ce chilTre est évidemment très faible, eu égard au prix élevé des denrées ; et c'est là le grand désavantage des voi- liers : non seulement les hommes y gagnent moins, mais ils — li-4 — sont, pendant deux mois, à la charge du ménage. Aussi, au- jourd'hui, les mafins s'embauchent- ils de préférence à Imrd des vapeurs où ils gagnent plus, Siins avoir :\ subir un pareil chômage. Les chilTres de dépense «jue nous citons plus haut ne sont nullement exagérés : ils sont plutôt au-dessous de la réalité. Kt ces dépenses .supplémentaires arrivent au niomeni le plus pénible, celui où l'homme n'a pas de gainée, et celui où il ne rapporte pas de poisson pour nourrir sa famille. yVussi la fennne, quels que puissent être ses sentiments à l'égard de son mari, aspire-t-elle avec ifn patience au jour du départ. Kncore, ce jour-là, faut-il qu'elle lui donne un avi- tailicinint supplémentaire! Kniin, quand il est parti, elle peut penser à faire quelques économies pour donner un acompte aux fournisseurs (jui lui ont fait crédit. Et voilà bien le principal défaut de l'organisation : le crédit. Comme les grandes maisons ne l'accordent pas, on s'adresse à de petits boutiquiers du quartier qui livrent à crédit l'épi- cerie, la bière, les légumes, le beurre, et par petites quan- tités. La matelote (nous parlons en général, en réservant les exceptions) envoie un de ses enfants chercher : un sou de thé, deux sous de sucre, ou deux sous de café. Aurait-elle de l'argent dans sa poche, que, par habitude, elle ne paie pas au comptant : l'épicier marque la vente sur son livre. Avec ce système, elle paie toutes ces marchandises deux fois plus cher qu'elles ne valent — et elle est toujours en retard d'une quinzaine chez l'épicier. Le matelot ne s'inquiète guère de ces détails de ménage. — lis — Il n'a jamais manqué de rien : il n'a pas soudert, lui qui a si lourdement obéré le budget familial, de la pénurie d'argent : il a toujours vu, d'autre part, sa femme et, auparavant, sa mère, s'occuper seule de régler ces questions d'économie domestique. Ausssi a-t-il l'esprit parfaitement tranquille. Il admet très bien que sa femme et ses enfants vivent chiche- ment en son absence pour combler, à j^rand peine, le déficit causé par sa trop longue présence. Mais il ne faut pas lui en vouloir : il ne se rend pas compte exactement de l'étendue du sacrifice qu'il leur impose, Vm l'absence du mari, dans presque tous les ménages, on vit de soupes ou de ragoûts. Le soir, on dîne de thé au lait et de pain beurré. Souvent, quand la mère travaille dans un atelier, elle envoie, dès qu'elle rentre, chercher par un des enfants des pommes de terre frites et de la charcuterie. Pour éviter les discussions sur la grosseur des parts, autant que pour supprimer la vaisselle, elle fait prendre chez le mar- chand de frites autant de paquets d'un sou qu'il y a de tètes. De même chez le charcutier. Ou bien encore, si elle est en bons termes avec sa voisine, celle-ci se charge de nourrir la femme et les enfants moyennant un prix fixé. Dans ce cas, la femme qui travaille à latelier ne s'occupe de rien. A son retour, elle prend son pain chez elle et s'en va avec toute sa famille chez la voisine qui calcule scrupuleuseuient, au cen- time près, le prix de revient de la soupe ou du ragoût. Le dîner terminé, elle remporte chez elle ce qui lui reste de pain. — lifi — b) Economie liomestùjue Nous avons vu qu'un des grands défauts de la matelote, c'est d'acheter .\ crédit tout ce dont elle a besoin. Le mar- chand, dans ct>s conditions, a une tendance à diminuer soit la (juantilé, soit la qualilo de la marchandise pour retrouver, d'abord, rinl»'*rèt de son argent et ensuite cette raison est peut-être la meilleure des deux) pour compenser ses risques de perte. Trop souvent, en effet, (|uand une matelote doit de l'argent à un épicier, elle change de quartier et tout est dit : l'épicier ne verra jamais rentrer un sou de cette créance. Or, elle a été amenée par sa propre faute à cette situation déplo- rable : le crédit est devenu chez elle un véritable besoin. Teik' famille qui, il y a trois ans, était en /Wrt/v/ d'une quin- zaine chez l'épicier, est encore dans la môme situation, sans qu'elle se soit endettée davantage. Or, il est certain que si un gain inattendu, une gratification supplémentaire élevée, était venue lui fournir les moyens d'en sortir, il y a deux ans, elle n'en serait pas moins revenue aujourd'liui au même point. Peut-être même n'aurait-elle pas seuleujent tenté déteindre sa dette : il est très probable que cette somme se serait évanouie en dépenses futiles, théâtre ou bijoux. La boulonnaise croit avoir fait tout son devoir, quand sur sa quinzaine, elle a versé a ses fournisseurs les a-compte habituels. Elle ne peut comprendre que le meilleur placement qu'on puis.se faire c'est de payer les dettes contractées précé- demment. Elle préfère garder un peu d'argent chez elle « en cas de besoin », et cet argent se trouvera dépensé iniitiieuient. KWe achètera un coupon de soie — dont elle na nullement besoin — mais qui constitue une occasion superbe, ou un corset, ou des souliers vernis, (^ar voilà bien le défaut capital delà boulonnaise : la coquetterie. Kl non j)oint tant la coquet- terie que l'orgueil ; non point tant le désir, en soi louable, de paraître belle, fjue celui d'écraser sa voisine par un luxe plus grand, non point cette coquetterie (jui se pare d'un rien, mais l'orgueil des objets coûteux, des bijou.\ pesants dont on (lira bien haut le prix élevé. Et cet orgueil ne s'arrête point au costume, mais se porte aussi sur le mobilier. On ne trouve plus guère, à Houlogne, de ces vieux meubles massifs que se transmettaient les gé- nérations successives, mais des meubles modernes, .sans au- cune valeur artistique, et qui n'en coûtent pas moins fort cher. Si ce mobilier leur était donné en mariage, ou que le jeune ménage l'achetât à deniers comptants, il n'y aurait que demi- mal. .Mais nous retombons ici dans un défaut du même ordre que celui que nous avons constaté j)!us haut : ces meubles sont achetés à tempérament, dans de grandes maisons de crédit. Kt alors, là où un mobilier de deux cents francs sufii- rait, on en achète un de huit cents francs puisqu'on n'a pas à le payer immédiatement. C'est une véritable plaie pour le prolétariat que le développement de ces maisons de crédit qui sont d'autant plus dangereuses pour notre prolétariat maritime qu'il a le ^oût du luxe, sinon du confortable, et qu'il veut, avant tout, paraître. — 128 — La femme est iivs coquette. Son rostniiv dn cérémonie coûte irùs cher. Si Ton adiliiionne les prix du bonnet, qui peut coûter jusqu'à lôO francs si l;i coilVe est de vraie den- telle, du chàle de soie, de la robe de inftine à .")(«» francs le prix total de h grande toilette d'une matelote. Kncore ne comptona-nous point les bijoux : les bapues. qu'on rougirait de ne point avoir, la longue chaîne d'or et les lourdes boucles d'oreilles. Ici, il est préfé- rable de ne point citer de cbilFres, le prix de ces bijoux pou- vant croître jusqu'à d'invraisemblables limites. Le matelot boulonnais, dans les grandes cérémonies, porte le chapeau liant de forme, la redingote et les .souliers vernis. Pour la promenade, il porte le chapeau rond et le veston : sa figure, complètement ra.sée, seule le différencie du hottrf/eots. Quand son bateau est à terre et qu'il a de l'ouvrage à bord, il part de chez lui, vêtu d'une petite vareuse en coton tanné, et d'un pantalon de drap bleu qui tombe sur les petites hottes. Arrivé à bord, il plie très soigneusement sa vareuse propre, la pose sur sa couchette, avec sa casciuette, passe une culotte de toile par dessus son pantalon, endosse une vieille vareuse, coiffe un vieux chapeau, et il est prêt pour le travail. Par beau temps, ou pour sortir du port, il reste générale- ment dans cette tenue. Ce n'est qu'au large — ou même à terre, pendant la harenguaison — qu'il se couvre de ses véritables vêtements de travail : le soroit, en toile huilée, le ciréy longue vareuse en colon également liuilé, qui lui des- cend jusqu'aux genoux, le cotillon, culotte de grosse toile qui recouvre les grandes bottes, jusqu'à mi-jambes. (Vest la — 129 - tenue des longues et les jeunes lilles ne sont pas aus.si libres. (/) !j' tiKurtier Les marins boulonnais habitent tous le même quartier, si l'on peut donner ce nom à l'énorme agglomération qui s'en- tasse au flanc de la falaise. C'est plutôt une ville distincto, très différente de celle que peuplent les ouvriers d'industrie, et qui comprend plusieurs quartiers nettement sépar/'s, La majeure par lie de l'aristocratie maritime habite près du port, dans une rue parallèle, la rue de Boston. Demeurer à Boston, c'est un titre, et une raison suffisante pour dédaigner un peu — <32 — les pens de la lienrrit^re. De cette rue do Boston s'élancent des escaliers à pic, qui grimpent jusqu'au liaui de In falaise. Ces escaliers sont bordés de maisons précédées chacune d'une petite cour. La tintrrirre, c'est un cAtô adjacent de la colline, en pente plus douce, qui vient aboutir comme les escaliers au iMirt — ainsi dénommé en souvenir dun fort aujourdliui démoli. L'K^^lise .Saint- Pierre se trouve à proximit»'. Au-delà, les maisons s'entassent encore, sur la pente qui continue, raide. Avant d'arriver aux champs, à l'Kst, tout un quartier est peuplé, non plus de matelots, mais d'ouvriers saleurs, mareveurs, tonneliers, etc. La vie, les mœurs n'y sont donc pas les mômes. Le langage qu'on y parle se rapproche beaucoup de celui des matelots, mais on sent nettement que c'est plutAt du français déformt' qu'un dialecte. Au reste, il faut reconnaître que le patois des matelots évolue également. 11 perd sa pureté, et on n'y retrouve plus ces latinismes qui faisaient le régal des lettrés. Le quartier des marins présente uni; physionomie très pit- toresque. Mais, bien que l'intérieur des maisons soit générale- ment très propre, certaines rues sont plutôt .sales. Les maisons ne possédant pas, pour la plupart, de commodités, les ména- gères jettent à la rue tout ce qui les embarrasse. On s'étonne de la quantité d'eaux de savon qui coulent dans les ruis- seaux. Dans ce quartier, on lave, toujours et encore, et on vide à la rue d'immenses baquets d'eaux de lessive. Ces eaux s'arrêtent parfois et s'accumulent jusqu'à former des mares sur lesquelles les enfants font voguer des bouts de planche qu'ils ont vaguement façonnées en forme de bateau. 1.H3 — Les enfants fourmillent dans ces rues. Les maisons, petites, abritent plusieurs familles, et les petits n'ont guère de place pour jouer. La m«»re, qui craint de les voir salir le plancher quelle a lavé et frotté jusqu'à l'usure, les envoie jouer de- hors. Kux, d'ailleurs, préfèrent aussi le grand air où l'on peut jouer et crier à son aise. Les boutiques y sont nombreuses, particulièrement les épiceries — en même temps buvettes — qui ont pour spé- cialité la vente au dt'tail et à crédit. Le quartier, malgré la trop grande agglomération, est sain. Presque toutes les rues sont en pente — souvent ra- pide — et l'écoulement des eaux y est aisément assuré. D'autre part, le quartier, accroché au liane de la falaise, face à l'ouest, est battu par les vents du large qui viennent chasser les odeurs désagréables et renouveler l'indispensable oxygène. e) Les maisons Les maisons sont petites et ne comportent guère qu'une pièce en façade. Elles ont généralement un étage et un gre- nier ir.ansardé. La façade est peinte fréquemment, et de cou- leur claire. Ces maisons sont louées par pièces. Aussi beaucoup de rez- de-chaussée ont-ils une porte d'entrée directe, le couloir étant réservé aux locataires des étages. 11 y a souvent une seconde maison dans le fond de la cour. — i:u — iJle esl louée, comme l'autre, par parties. Les caves sont (parfois habitées, surtout l'été, ({uand un dos locataires de la Miaison loue sa chambre ou son appartement garni pour la saison des bains de mer. Dans ce cas, pour ne pas s'éloigner, il loge dans la cave. 11 gagne ainsi, en deux mois, de quoi payer sou loyer de l'année, ou presque. Si kvs maisons sont entassées dans le quartier, (jue dire de l'agglomération des habitants dans la maison? butant donné le taux des loyers, une famille, fùt-elle composée de 7 ou s |)ersonne8, ne peut s'offrir le luxe d'un appartement de plus de deux pièces. .Autrefois, les lits-armoires étaient d'une grande ressource, mais ils disparaissent. On place des lits tout autour de la chambre : un lit pour les parents, un pour les garçons, et un autre pour les fdles. Il y aurait là de quoi renverser toutes les théories de l'hygiène moderne sur le cube minimum des chambres, si ces gens là ne respiraient pas tant d'air pur dans la journée. Les maisons, intérieurement, sont très propres. C'est en- core une des coquetteries de la niatoUtio. Le |)lancher est brossé et lavé jusqu'à ce qu'il ait la blancheur du marbre. <>n y jette ensuite quelques poignées de sable sec. Les meubles sont cirés. Les globes qui recouvrent la pendule et les candélabres dorés sont essuyés avec précaution. Le pla- fond est blanchi à la chaux chaque année. Kt s'il y a une grande fête, communion ou mariage, la femme va chercher de la peinture chez le droguiste et peint elle-même toutes les — <.sr> - boiseries. C'est elle aussi qui, dans ces occasions, colle du papier neuf, toujours de couleur claire. Les maisons sont louées très cher. Une chambre au pre- mier l'tage, en façade, coûte de douze à vingt francs par mois. La chauibre sur la cour, de liuit à quinze francs. La mansarde est louée de quatre à huit francs, et la cave de quatre à six francs. Au Port cl 11 importe de dire quelques mots de la inai.son du marin Porlelois. Le bourg est assez étendu. Les maisons sont pe- tites; chaque famille habite la sienne. Le Portelois, qui est généralement économe, n'a qu'un désir : posséder sa maison. De fait, il le réalise souvent et seuls les plus pauvres paient un loyer : les autres sont propriétaires de leur demeure. Ici, la maison n'a pas, le plus souvent, d'étage. Le grenier sert h ranger les filets, quand le mari navigue à la pari. Des deux pièces du rez-de-chaussée, celle de façade est vide et ne contient qu'une armoire, une garniture de che- minée et deux ou trois chaises. Le tout méticuleusement frotté : c'est la salle d'honneur. L'autre pièce sert à la fois de cuisine, de salle à manger et de chambre ;\ coucher les lits- armoires sont encore fréquents au Portel) c'est dans cette même salle qu'on prépare et qu'on amorce les lignes à mer- lan : il y tlotte alors parfois des odeurs peu agréables. Presque tous les Portelois louent leur maison garnie — — 130 — assez cher d'ailleurs — pendant la saison de» bains de mer. Ils vivent alors au grenier ou, plus rareujcnt. à la cave. /■) Monof/iup/itcs Nous allons tracer, à titre documentaire, deux monogra- phies de familles inégales. Fnnnllc l'cslrrinte Le mari a 'i(i ans. la femme :^4Î ans. L'enfaiil a un an. Le mari a une bonne conduite. 1! donne à sa femme tous ses bé- néfices supplémentaires. Il navigue à bord d'un voilier ha- renguier. La femme travaille aux filets dans un atelier. Klle travaille régulièrement 0 jours par semaine, sauf les jours où son mari est à terre. Klle fait soigner son enfant par une voisine, qui lui demande un (ranc par jour. Klle donne, de plus, 0 fr. 2(> pour le lait. liudffet des recettes : Le mari gagne, net, par mois, 85 fr. 80, soit pour l'année. 1 02Î),G0 «. ratification : 1 0/0() aur 100 000 francs 100 Gratifications eupplemenlairps, environ '10 Sa part dans le produit de la vente dee merlans .... 2!» 1 20(J,60 — 137 — La femme a travaillé, déduction faite des dimanches, jours de fôte, et jours où le mari est à terre, 2G0 jours à 2 fr?. î>20 Soil une recelte totale de frs 1 720,00 Budget des dépenses : Mari. — Une paire de grandes bottes .... 30 Une paire de petites bottes 18 Réparations O.fiO Un ciré (grande vareuse) 14,fj0 Deu.x c/io/arti.t (petites vareuses) ... 11 Un tablier. 4,î>0 Un soroit 3,50 Une paire de co/(7/o».^ 3,7'i Laine feutrée pour halouans (gants) . . -i lU2,7ri Avilaillemenl supplémentaire (environ G francs par grand voyage) 42 Tabac pour ces voyages 18 Avitaiilement pendant la harenguaison. 40 Tabac pendant la harenguaison ... 15 Deux mois à terre (février, mars) nour- riture et tabac, 1 fr. îJO par Jour . . 90 Entre les grands voyages î>0 Pendant la harenguaison 30 170 Enfant. - Soins pendant 200 jours 260 Lait, médicaments, etc 90 350 — 138 — f/fjiMir.— Nourriture, par jour 1 fr .'I6"i Ménage. — Loyer : 17 fr. par moia 201 Charbon : (G fr. par mois d'hiver et .1 fr. par mois l'été) 54 Pétrole, savou, peinture, de ... . 4îi 323 Ira. Le budget total des d»''penses s'élôve donc l 420 fr. T.") pour une recette de 1720 fr. GO, soit un excédent de recettes de 204 fr. ans. 11 navigue à bord d'un voilier liaren- guier. (iOurageux, mais s'attarde assez volontiers au cabaret. La mère, 39 ans, ne va pas à l'atelier. Llle fait son ménage. Le fils aine, 11) ans, gagne sa part à bord d'un vapeur. A chaque marée, il garde sa gainée supplémentaire (vente des palourdes et des crabes pour s'amuser un peu. La fille ainée, 16 ans, est rame?ideuse apprentie, et gagne 1 fr. 50 par jour. Le second fils a 14 ans. Il est mousse et gagne 48 francs net par mois. Un gamin de 12 ans et une fille de 7 ans ne travaillent pas. Le père de la femme vit avec la famille. Il a 60 ans et reçoit sa pension de la Caisse des Invalides. De plus, il fait, de temps à autre, des gardiennages : c'est-à- - \-M) — dire qu'il passe la nuit à bord des [bateaux dans le port moyennant un salaire de 3 francs. Budget (tes recettes de la famille 1 02'J,60 Le père gagne 85 fr. 80 par mois, soit par an Gratificalion : 1 0/00 sur 100000 fr. . 100 Gratificalions supplémentaires ... 40 1 169,60 Le /ils aine gagne 96 fr. net par mois, soit . . 1 152 GratiQcation : 1 0/00 sur 200000 fr . 200 1 332 fr. Le second fils gagne 18 fr. net par mois, soit . 576 Gratification : 0,50 0 00 sur 200 (XK) . 100 Lu fiile travaille 300 jours à 1 fr. 50 . . 676 fr. 450 450 fr. Le grand père reçoit une pension annuelle de . 204 Ses gardiennayes lui rapportent environ 300 504 fr. Le budget total des recettes de la famille s'élève donc à 4 151 fr. (iO. Budget des dépejises : Pire. — Vêtements de mer ilO fr. Avitaillement et tabac pour la mer . . 120 Nourriture à terre 1^0 Frais supplémentaires au cabaret. . . ^ 450 fr. — liO — Fils aine. — VéicmenU de mer Aviiailletnenl et Ubac pour la tunr . . Nourriture à terre Frais «upplomentaires (cabaret et tabac) .Sc<('«ii /jii. — ViHementB de mer Avilaiilcmcul Nourriture à terre On lui donne 1 tr. de prêt par marée il) ;{(;<) fr. IH) 285 40 325 fr. La fille garde 50 centimes par journée de travail pour acheter son trousseau Le grand pcrc conserve 50 centimes par jour pour son tabac et «es frais de cabaret Loyer. — (2i francs par mois). . . . Vêtements. — Linge pour les hommes . Vêtements d'hommes autres que tements de mer Chaussures pour les hommes . Linge des femmes Vêlements Chaussures les vô Total des vêlements" . Nourriture. — Le grand père, par an, environ Deux femmes à 200 francs environ . Deux enfants à 0,50 par jour . . . i:;o 182,50 288 100 200 100 «;o 150 60 CwO fr. 300 iOO 3fi:i 1 005 fr. — lil — Linge de maison. — (Draps, torchons, elc ) . . (lu Frais de ménage. — Charbon, savon, peinture, ustensiles divers so 200 fr. Nous obtenons ainsi un budget de dépenses de 3700 fr. 50, soit un excédent de recettes de 451 fr. 10 qui se trouve presque entièrement dépensé chaque anut-e pour les diffé- rentes fêtes, ou pour des achats imprévus. CHAPITIIK 1 LK MATFLOT KOULONNAIS DANS LA SOCIl^TI^ (i Lp matelot et te sterrice nnlituirr Les marins ont été les premiers à connaître le service mili- taire oblipatoire. Aujourd'hui encore la durée de leur service est de .") ans et la loi de liX).") ne leur est pas applicable. En fait, les marins ne restent pas .") années entières au service. 11 n'y a guère qu'au moment des affaires de Fachoda qu'on les retint 60 mois. Kn général, le temps de leur service actif varie de 42 à 48 mois. Ils peuvent, d'ailleurs, demander à terminer leurs 5 années, et le taux de leur pension en est augmenté. Mais on ne doit pas trouver, dans les bureaux de l'amirauté, beaucoup de demandes de ce genre signées de noms boulonnais. Car le matelot l)Oulonnais n'a pas l'amour du métier. Il n'en a pas non plus la haine; il n'est pas anti- militariste : il ignore le mot et la chose. Mais il ne va, comme il dit, au fjouveniemcîit, que parce qu'il y est contraint, et, dès le jour du départ, il pense à celui, lointain, hélas! du retour, car il regrette la vie libre et indépendante qu'il cou- — 14.3 — lait à bord de son harenguier, et aussi — surtout — il laisse à Boulogne une fiancée qui l'attendra pendant ces .") années. Le jour ou s'achève sa vingti^-ine année, il reçoit une feuille de route et gagne imn)édiatement (llierbourg. Sa famille tout entière, sa fiancée, ses beaux parents futurs, ses camarades, tous ceux qui lui sont chers, l'accompagnent à la gare. Les adieux sont touchants : on s'embrasse à la ronde et les larmes coulent. Mai.s il faut bien avouer que celles du conscrit coulent plus facilement qu'il a souvent le cœur attendri par de trop nombreuses libations. Au service, il se trouve avec des camarades Boulonnais, des Fécampois, des Bretons, Il dédaigne profondément ces derniers, qui, peu après, seront ses supérieurs : car ceu,x d'entre les Bretons qui possèdent queUpie instruction cher- chent à monter en grade le plus tôt possible, tant pour tou- cher dès leur service un supplément de paye, que pour voir s'augmenter — et cela, quel que soit plus tard le montant de leur cotisation — leur pension des Invalides, Mais, notre Boulonnais se soucie bien peu de sa pension : c'est si loin encore! Ll il passe ses 48 mois au service, bien tranquille- ment, travaillant le moins possible — juste assez pour n'être pas puni — et revient fusilier de 2" classe. Et sa réputation est si bien établie que de tout temps, au service, on a désigné les Boulonnais sous le sobriquet générique de « fume s'plpe >», entendant par là qu'ils n'ont point coutume de pécher par excès de zèle. Ce n'est pas qu'il soit mauvais soldat : 11 s'incline sans révolte devant les ordres des officiers dont il reconnaît volon- IVl — tiei-s la su])t'rioril<ï, en qui il a contiance au inouient du dan- ger. H a le senliineni de la hiiTarchie : il a été habitué, dès sa tendre jeunesse, à obéir au niaitre, et il se laisse conduire sans résistance par l'ofliciei- (|uil respecte. Mais, en revanche, quel profond dédain il professe à l'égard du .sous-officier ren- gaj^é, de celui qui est arrivé au service conune lui, ignorant ou presque, et qui a prrféré rester toute sa vie (tu (jouver- nement, que de retourner dans son pays pour y mener la rude mais libre vie du pêcheur! A) /' iHdtolot et les yr/'iiniiiK socin/rs Ces dernières années furent fécondes en lois .sociales qui vinrent améliorer le sort des ouvriers. Mais il semble que le matelot ne fasse point partie de la grande famille du proléta- riat, car la nouvelle législation ouvrière ne trouve point son application dans les conditions du travail maritime. Nous avons vu plus haut que la loi du î) avril ISObl sur les accidents du travail ne régit point les rapports des matelots et des armateurs ou patrons : le marin conserve le bénéfice éventuel des articles 1382 et suivants du Code civil, et, en tout état de cause, de l'article 262- du Code de commerce. D'autre part, la Caisse de prévoyance, organisée par la loi du 21 avril 189?^, modifiée elle-même par la loi du 29 décembre 1005, lui assure une pension d'infirmité. Il en est de même des lois qui fixent ia durée maxima du travail. Le décret-loi des 9-14 septembre 1848, qui ramenait — ii") — à douze heures la durée du travail, non plus que la loi Mille- rand du '.iO mars lUOO. n'ont pu être appliqués «lans la ma- rine de pèche. Il en est de môme de la loi des il -40 avril 1007, loi concer- nant la sêcuriié de la navigation et la réglementation du tra- vail à bord des navires de commerce. Dans son titre H, cette loi fixe à douze heures au maximum la durée du ti-avail des matelots de pont et à huit heures la durée du travail du personnel mécanicien, sauf les cas, (lais- sés d'ailleurs à l'appréciation du capitaine), où il y a force majeure et ceux où le salul du navire, des personnes embar- quées, ou de la cargaison est en jeu. Sauf dans ces derniers cas, les heures supplémentaires doivent être payées. Km rade ou dans les ports, la durée du travail ne pourra excéder (li.\ heures. Ces articles ne s'appliquent qu'aux navires qui font le long- cours ou le grand cabotage, et toutes les dispositions relatives à la réglementation du travail ne sont pas applicables aux na- vires armés à la pêche, et cela, quel que soit leur tonnage et leur genre de pèche. Cependant, nous avons vu que les n)atelois boulonnais ne travaillent que dix heures lorsque leur bateau est dans le poit. Les armateurs avaient adopte celte règle, sponte sua, avant même que cette loi n'ait été discutée. Certains articles de la loi s'appliquent aux bateaux de pêche : l'article 29 fixant à treize ans révolus l'âge minimum pour l'embarquement des mou.sses ; l'article ."ÎO qui interdit l'embarquement des mousses n'ayant pas quinze ans révolus Bourgain Iq - Mr. sur les navires armés pour Terre-Neuve et rislaudo. et qui li- n)iie la proportion à un mousse ou novice i)Our (juinze hom- mes d'équipage ; enfin l'arlicle 'M relatif à la nourriture du personnel : les aliments doivent ôtre sains, de bonne qualité, et en «pianlilé suffisante et appropriée au voyage entrepris, (c'est le règlement dadniinistralion publique du l:i janvier iîHlS qui en a réglé l'application). La loi. enlin, édicté des amendes (pouvant s'élever jusqu'à 40(X> frs.) pour les propriétaires et armateurs qui n'observent pas ses dispositions. Lors de la discussion au Sénat. M. Uichard Waddington af- firmait que cette loi ne serait pas appliquée, faute d'inspec- teurs. 11 disait se souvenir que la loi de 1S41 sur le travail des enfants n'avait été appli(juée qu'en LS<)2, quand le légis- lateur a créé les inspecteurs du travail. On ne pourrait donc appliquer celte loi que dans les ports. Il est vrai que c'est là une grave difficulté pour la régle- mentation du travail à bord des navires en général. Mais il en est d'autres, plus graves, pour la réglementation à bord des bateaux de pèche. Une commission, composée de parlementaires, de fonction- naires, d'armateurs et de délégués des syndicats d'inscrits maritimes, les matelots de Boulogne, non syndiqués, n'y sont pas représentés), se réunit de temps à autre à Paris et cherche une solution — qu'elle n'a, d'ailleurs, pas encore trouvée. Et sa tàche,est ardue : 11 suffit de se rappeler les conditions — t'.T - du travail, que nous avons exposées plus haut, pour se rendre compte (|ue l'application de ces lois est inatériellenient impos- sible. La pôclie est une industrie irrégulit're parce qu'aléatoire. Parfois, pendant plusieurs jours, les bateaut ne pourront ten- dre leurs filets — ou s'ils les tendent, la pt*che sera nulle et qut'lques heures de travail suffiront. D'autres fois, si la pêche est nlxiiidante, ou si le veiu. souffle en tempête, augmentant les diflicultés de l'opération, les hommes devront rester quinze ou dix-huit heures stir le pont. 11 en est de môme à bord des chalutiers, qui doivent traîner leur chalut nuit et jour. Il est impossible d'arrêter com[)lètement le travail : quand le hasard leur fait rencontrer un banc de poissons, il leur faut profiter en hâte de cette chance, car il se pourrait que/le lendemain, le poisson ait déserté les fonds sur lesquels ils pèchent. Dans ce cas, les hommes prennent leur nipos par fraction d'une heure et demie ou deux heures, pendant que le chalut est à la mer. l.a môme raison vient enrayer à bord des bateaux de pèche l'application de la loi du 1:5 juillet 1900 sur !e repos hebdo- madaire : il est impossible d'arrêter la pêche à jour fixe; et le repos par roulement n"a pas plus praticable. Dans les jours d'abondance, le patron n'a pas trop de tout son équi- page pour travailler le poisson. D'ailleurs, les jours de repos, pour ne pas se présenter à intervalles réguliers, n'en sont pas moins nombreux. Nous avons vu que les harenguiers ou cha- lutiers se rendant sur les lieux de pêche font parfois route pendant .S ou 10 jours, et c'est là une longue période d'oisi- veté pour l'équipage. - 148 - Kn ùludiant, au début de cet ouvrage, le «outrai de Iravail en usage dans la marine de pr'che, nous avons C(Mu^taté épale- menl que la libertr du travail uy est pas absolue. Alors (jue louvrier d'industrie est libre de quitter Tusine. poniMi (luil respecte les conditions de délai exigées par les usages locaux, le marin pécheur est tenu de demeurer jusquà la lin du lùie, qui est généralement établi pour un an. S'il refuse (rcinbar- «juer, il est traité comme déserteur et appréhendé p;u- les gendarmes. Il y a là une anomalie, qui est la néf^ation même des principes qui ont inspiré le législateur depuis quarante ans. Kn résumé, les lois sociales existantes ne peuvent regii- h condition du marin pécheur, qui est trop dilléi cnl de la masse du prolétariat pour lequel ces lois ont été écrites. Il laiidrait, pour réglementer les conditions du travail dans la pêche mari- lime, des lois spéciales, et qui fussent souples, et qui pussent s'adapter aux divers modes de pêche pratiqués dans chaque port. Certes, la situation des marins pêcheurs est remplie damtî- lioration. Mais il importe que le Parlement ne légif«ke point en hâte, dans la fièvre des séances d'interpellation. C'est ici, surtout, qu'il sera utile de consulter une commission extra- parlementaire, composée d'hommes compétents. VA si à côté des amiraux, on fait siéger des marins pêcheurs intelligents, des patrons de pêche et des armateurs, on y fera de la besogne utile. 14!i — r) Les opinions politiques et relitjieuses (lu nuitolot houlonnais Le matelot boulonnais pratique la religion catholique. Quand il est à terre, il assiste à la messe le dimanche. Lorsque les bateaux sortent du port, tous les hommes se découvrent et prient. Ainsi le Boulonnais est, comme presque tous les marins, un croyant sincère. Mais sa religion est douce et calme : il serait volontiers tolérant et il ne fait point de pro- sélytisme. La femme est, en général, plus combative. Le Portelois est beauci)up plus violent. 11 est d'une intran- sigeance absolue : celui qui n'est pas avec lui est contre lui ; têtu, douô, le plus souvent, d'une facilité remarquable d'élo- cution, émaillanl au besoin son discours de citations latines retenues des sermons, il cherche à convertir et se complait dans la dispute. Quelles sont les opinions politiques des pêcheurs boulon- nais? Beaucoup n'en ont point. Et sur quelles données — vraies ou fausses — les étaieraient-ils, ces gens qui ne lisent guère de journaux et qui ne causent entre eux que du temps qu'il fait et de leurs marées de merl On peut cependant aflirnier que le matelot n'aime pas la République qui est en désaccord avec l'Eglise. Est-il royaliste ou iuipérialiste ? on peut essayer de recher- cher s'il a une raison de préférence. L'Empire ne lui rappelle pas grand chose, que les guerres et les pontons anglais sur lesquels ses ancêtres furent parqués, étant prisonniers de - 150 _ guerre. Aussi est-il improbable qu'il ait une sympathie parti- culière pour ce régime. 11 pencherait bien plutôt vers la Royauté. Cet Hre encore fruste esttratlilionnaliste, el il n'a pas, jwur détester l'ancien régime, les mêmes raisons que les ouvriers continentaux : de tout temps, le matelot fut dune classe à part el jouit d'une certaine liberté. 11 n était jias astreint aux mêmes cor\'ées que les serfs ; et les récits des aïeux, transmis de bouche en bouche, ne lui ont pas appris qu'il dût quelque reconnaissance à la Révolution. Au reste, il ne vote pas. A l'époque des élections générales, il est parti à la pêche d'Islande, ou d'Irlande — ou môme, s'il navigue à bord d'uu chalutiei , il est rare qu'il sotl à (erre le dimanche. Seraif-il ù lerre^ qu'il s'absticndraii soiiv* nt par indifférence. Il n'en est pas de môme des Portelois qui font de la po- litique comme ils pratiquent leur religion, avec passion. Quand un bateau portelois rentre à Boulogne un jour d'élec- tions, il n'est point rare de voir l'équipage prendre d'assaut le premier tramway, ou même embarquer en voiture, pour arriver au Portel avant la fermeture du scrutin. Le matelot boulonnais passera-t-il au socialisme .' nous ne le croyons pas ; ou, du moins, l'évolution .sera lente, car il est trop traditionnaliste pour songer à saper les bases de la Société en socialisant la propriété individuelle. Si, parfois, il se plaint de son sort, il ne songe pas à renverser les institutions. 11 n'a pas, d'ailleurs, l'esprit de .solidarité. Non point qu'il ne se dévoue volontiers pour les autres : la liste des sauvetages — ini — accomplis par des matelots boulonnais en est une preuve; Mais il ne versera pas de bon cœur une cotisation k un syn- dicat : dont il ne comprend pas bien le rôle. Au reste, son éducation ne le |)répare pas à cette association. 11 ne sait pas exactement ce qu'est le socialisme. Cela évoque chez lui l'idée de parla^^e^ une fois pour toutes, des biens actuellement existants, et l'idée de pronriété collective et sociale est trop haute pour lui. Le mot a socialisme » est trop souvent accolé, dans les conversations qu'il entend ou dans les rares journaux qu'il lit, au gouvernement de la Répu- blique, pour avoir ses sympathies. Le l'ortelois serait encore plus rebelle au socialisme : il a plus de tradition encore et surtout, il possède, très développé, l'instinct de la propriété individuelle. Ses premières écono- mies — et il en fait — sont employées à l'achat d'une maison, et seules les très pauvres familles ont à payer un loyer. Aussi conçoit-on que les Portelois ne soient point enclins aux idées nouvelles. ('.(EXCLUSION Nous avons essayé, au cours de cet ouvrage, de faire, grâce à des documents précis et certains, un tableau exact de la situation économique et sociale du marin pêcheur boulonnais. Le sort de ce marin paraît s'être amélioré dans ces der- nières années. Cependant, même si l'on se garde de toute sensiblerie romanesque et qu'on se place au point de vue delà stricte humanité, il semble qu'il y ait encore beaucoup à faire pour l'amélioration de sa condition. Car, si telle famille, dont tous les membres travaillent, est presque dans l'aisance, telle autre (en particulier, celles où le père gagne seul, les enfants étant encore trop jeunes pour travailler), ne peut équilibrer son budget que grâce à la charité publique ou privée. Kst-ce à dire que l'on doive en revenir aux bateaux armés à la part ? Nous ne pensons pas que ce retour à l'ancienne société en participation soit possible, eu égard aux capitaux énormes qu'exige actuellement l'industrie de la pêche à vapeur et aux risques considérables que comporte cette exploi- tation. Autrefois, les frais étaient minimes, et si, dans cer- taines années, les gains riaient faibles, on ne faisait au bateau, aux voiles, et au matériel que des réparations indispensables et on pouvait encore partager quelques sous pour donner un à compte aux fournisseurs impatients. Mais aujourd'hui il — 15i — n'en est point ili* ini^me : il faudrait amortir, bon ;ui, mal an, ce capital de 2r)(.»000 à 30i»0()0 francs ; il faudrait payer sans retard les SOOOO francs de charbon que brûle la machine, et toutes les autres fournitures. La part allcrente au travail, qui était en une grande proportion dans le |)roduit brut des an- ciens bateaux à la part, est, à bord des bateaux modernes, dans une proportion inûme vis-à-vis de la part alVérente au matériel. Kt le résultat, pour certains bateaux, pourrait être une perte sèche — et l'on se demande dans «pielle situation ce damnum emvrgeiis mettrait le matelot vis-à-vis de ses fournisseur», alors que le simple lucrum cessaits du temps jadis était déjà si dur à supporter. 11 semble donc que le salariat soit définitivement établi. Mais, le salaire, pour être (ixe, ne doit pas être absolument invariable ni, surtout insuffisant. Déjà, les matelots ont droit, comme nous l'avons vu, à une gratification proportion Jielle au produit brut ; peut-être faudrait-il aller plus loin dans cette voie et leur accorder une participation aux bénéfices : Vu : Le l'résident. RAOUL J.W. Vu : Le Doyen, CH. LYON CAKN. Vu: et permis d'imprimer. Le vice-recteur de C Académie de Paris. C. Ll.MlD. BIBLIOGRAPHIE Ernest Deseille. — Histoire de la pâcbe à Boulogne. Boulogne, 1873. Etude sur les origines de la pêcbe à Boulogne. Boulogne, 1874. L. Boaclet. — Boulogne port de mer. Conférence, 1904. Leclercq. — L'industrie de la pèche maritime à Boulogne. Lille, 1905. Cuny. — Essai sur la condition des marins pt";clieurs. Rennes, 1904. Romel. — Etude sur la situation économique et sociale des marins pécheurs. Caen, 1901. TABLE DES MATIÈRES I. lalroduction 1 Première Partie. — Le travail à bord Chapitre I. — r.énéraiilés sur le contrat de travail dans la ma- rine de poche 7 Chapitre II. — Les harenguiers à voiles 13 a) les bateaux 14 b) la p^che du hareng l.'i c) la pèche du maquereau en Irlande 20 d) la nourriture des homnoes 2i e) les salaires 29 f) les harenguiers armes à la part -VA Chapitre 111. — Les harenguiers à vapeur 37 a) la pêche du hareng 39 b) les salaires i3 Chapitre IV. — Les chalutiers à vapeur 48 a) la pêche au chalut •iO b) la nourriture «les hommes 33 c) la poche en Islande et à Terre-Neuve 30 (I) les salaires 01 Chapitre V. — Autres pêches 03 — ir.s - a) les chalutiers .'à voiles 03 h) les cordiers à vapeur (JO c) les peliles pèehes li!) d) la pt^che .\ pied "- Deuiième Pautie. — Le travail A terre Chapitre I. — Li> travail des hiimines dans les ateliers ... 7îi Chapitre 11. — Le travail des femmes SI a- préparation des filets • SI 6) salaisons, marée et conserves s;{ c) usines et métiers divers Ul Troisième Partir. — Pensions et œuvres d'assistance Chapitre 1. - Pensions et œuvres générales *Xi a] la caisse des Invalides de la Marine *.)3 6) la caisse de prévoyance '.•'• f) la société de secours aux familles des marins fran çais naufragés KM» Chapitre M. — Œuvres locales 10!> a) société de secours mutuels entre les marins . . . 10!l b) sociélé boulonnaise de secours aux familles des marins naufrat^és 114 r) l'orphelinat des marins 117 QcATBif-.MK Partie. — Le matelot boulonnais Chapitre I. — Le matelot et sa famille 121 a) le matelot à terre 121 b) économie domestique 120 e) les moeurs l'{" d) le quartier ^- l'fJ 1 :;i> e) les maisons 131 f) monopraphies t.'Jfî Chapitre II. — Le matelot honlonnaia dans la société .... I i2 a) le malelot et le service militaire 142 b) le matelot et les réformes sociales lii c) ses opinions, politiques et religieuses 149 CONCLISION J'J3 ST-AMAND, CHER. — I.MPIUMKRIE HUSSlfcUE •; ^!^X^^^^Vv^v^^v,^Jl- ';v;^^'