SS RSS = LE r it “ ‘eu. THÈSES PRÉSENTÉES A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR ÈS SCIENCES M. HENRI EMERY Professeur au Lycée de Versailles, Said tr THESE. L éruos SUR LE RÔLE PHYSIQUE DE L'EAU DANS LA NUTRITION DES PLANTES. 2° THÈSE. — PROPOSITIONS DE ZOOLOGIE, DE PHYSIOLOGIE ET DE GÉOLOGIE DONNÉES PAR LA FACULTÉ. Soutepues le juillet 1865 devant la Commission d’Examen. MM. CLAUDE BERNARD, Président. HÉBERT | , i LIBRARY DUCHARTRE, j Fapminateut ds ace )TANICAE >) — PARIS IMPRIMERIE DE E. MARTINET AUE MIGNON, % 1865 siologie. Professeurs honoraires de DE FOURCY DUMAS: er Chimie. DELAFOSSE. . . . . . . . . . Minéralopie. BADARD PRES Chimie. CHASLES,. . . . . . . . . . . Géométrie supérieure. LE VERRIER,. 01. 1e Astronomie. DUHAMEL . . .... .. .. Algèbre supérieure. LAMÉ. . . . ......... Calcul des probabilités, Phy- sique mathématique. DELAUNAT= ES CC Mécanique physique. Professeurs. - - - - +/ CL. BERNARD . . . . . .. Physiologie générale. PADESAINSER CCE Physique. LIOUVILLE. . . . . . . .. Mécanique rationnelle. HÉBERT 4: 20 A Géologie. PUISEUX. . . . . . . . . ; «+ Astronomie. DUCHARTRE RCE Botanique. JAMIN ESC CE CC Physique. SERRE ES Calcul différentiel et intégral. GERVAIS Anatomie, Physiologie com-, parée, Zoologie. Pet HE A Rois | É ÿ s à * {Sciences mathématiques. | PELIGOT LS NE Sciences physiques. Secrétaire. . . . ... E. PREZ-REYNIER. ACADÉMIE DE PARIS. FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS. MILNE EDWARDS, Professeur. Zoologie, Anatomie, Phy- PREMIÈRE THÈSE w PE EEE ET ÉTUDES SUR LE RÔLE PHYSIQUE DE L'EAU DANS LA NUTRITION DES PLANTES , : CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES Le végétal est une individualité multiple dont les différents ter- mes sont représentés par les bourgeons. Cette asso “iation est essen- tiellement fixée au sol, et chacun de ses membres possède une vie propre, tout en participant activement à la vie de l’ensemble. Les caractères essentiels de l’économie végétale résultent de cette attache invariable de la plante au sol qui l'a vu naître. Privée de la faculté de locomotion, elle ne saurait fuir les influen- ces funestes à son organisation, et aller au devant des influences favorables à son existence ; elle est sous la dépendance immédiate et absolue des agents extérieurs. Incapable de pourvoir par elle- même, comme le fait l'animal, à son alimentation, elle ne saurait se créer un régime prepre ; elle doit subir celui qui nait fortuite- ment des hasards qu’elle traverse. Son existence dépend donc des ressources du lieu qu’elle habite, et rien en elle n'est capable de modifier l’ordre de choses établi sans sa participatif 2 AE Dans de telles conditions, il faut à un organisme vivant une force de résistance, très-energique, pour supporter sans périr, les brusques variations du chaud et du froid, de la sécheresse et de l'humidité, de l’extrème abondance et des privations excessives. Le caractère dominant de l’organisation végétale doit donc consister surtout dans une grande force de résistance, dans une puissante vita- lité. C’est ainsi que dans les typesinférieurs de l'animalité, comme les causes de mortalité se mulliplient à mesure que l'organisme se simplifie, nous voyons la vitalité grandir rapidement. Mais cette force conservatrice de l'individu à nécessairement une limite; et quand les chances de la dépasser augmentent, alors s’ac- croit simultanément une autre force protectrice de l'espèce, et qui prend sa source dans la puissance de propagation de l’indi- vidu. Il est encore une conséquence remarquable de ce caractère fon- damental de la plante. Ainsi fixé au sol, et astreint d’ailleurs à une propagation ac- tive en raison même des dangers incessants qui menacent sa vie, l'individu végétal se crée bientôt une famille nombreuse, dont les dvers représentants se succèdent donc très-rapidement dans le même lieu. Par suite le type spécifique, ainsi reproduit des millions de fois au milieu du mème ordre de choses, doit acquérir par là, une fixité, une constance incomparablement plus grande que celle que peut obtenir un type animal, chez lequel les pérégrinations individuelles favorisent les croisements des races, et multiplient les changements climatériques, circonstances toutes deux émi- nemment favorables à la variation des types. La fixité dans le type tend à diminuer la vitalité dans l'individu. Car, si un concours particulier de circonstances parvient à surmon- ter la résistance de la première force, l'organisme végétal devra périr, ou bien subir des transformations susceptibles de le mettre de nouveau en parfaite harmonie avec le monde extérieur. Ces mo- difications, alors devenues nécessaires, seront évidemment entra- Sn vées par la résistance du type à la variation, De cette situation naîtra pour l'individu végétal, une délicatesse de tempérament, si je puis parler ainsi, qu'il n'aurait point sans cela. Maintenant quelle est exactement la grandeur de cette force de résistance ? Et, lorsque l'organisme en action est cafin ‘ominé par les influences extérieures, peut-il se modifier de manière à se mettre en harmonie avec le nouvel état de choses? S'il en est ainsi, entre quelles limites sont renfermées ces métamor- phoses ? Le temps est-il leur indispensable auxiliaire, et faut-il voir se succéder plusieurs générations avant d’en constater les effets ? ; Tels sont les points principaux d’un problème, dont la solution intéresse également et au plus haut degré la philosophie naturelle et une pratique horticole sage et raisonnée. Ce sont des documents pour cette grande question que je me suis efforcé de rassembler dans ces études. Parmi les agents naturels de la végétation, il n’en est aucun de plus influent, et dont l'action amène des effets plus énergiques et plus variés que l'agent aqueux. Aussi est-ce à l'étude de l’eau, con- sidérée comme agent physiologique, que je me suis tout d'abord attaché, Quand on envisage la végétation dans son ensemble, on recon- nait que les plantes peuvent vivre dans trois milieux différents : la terre, l'air et l’eau; mais quel que soit le milieu, il doit renfei- mer une certaine quantité d'humidité, sous peine d'être mor- tel au végétal ou portion de végétal qui l’habite. Les unes, les plantes terrestres, vivent : les racines dans la terre, la tige et ses dépendances dans l'air ; les autres, les plantes aquatiques, végè- tent : les racines dans le sol, et la tige totalement ou partiellement submergée; enfin un bien petit nombre d'espèces n’habitent qu'un seul milieu, comme les truffes-dans le sol et les conferves dans l’eau. J'ai voulu rechercher, dans ce travail, s’il était possible de trans- - 6 former une plantegterresitre en une plante aquatique. Mes études comprennentitrois parties distinctes : PREMIÈRE PARTIE. — Des effets de la submersion totale sur la végétation des plantes terrestres. DeuxiÈèME PARTIE. — Des effets de la submersion de la tige sur la végétation des plantes terrestres. TROISIÈME PARTIE. — Des effets de la submersion de la racine sur la végétation des plantes terrestres. PREMIÈRE PARTIE DES EFFETS DE LA SUBMERSION TOTALE SUR LA VÉGÉTATION DES PLANTES TERRESTRES INTRODUCTION La vie de la plante se partage très-naturellement en trois périe- des principales : la période intra-séminale, la période de La germi- nation et enfin la période de l’état adulte; par eonséquent l’en- semble des effets amenés par la submersion totale se divise également en trois groupes correspondants. Mais c'est seulement dans les deux dernières phases de son existence que la submersion crée à la plante une situation anormale, et doit par conséquent amener dans son économie des perturbations profondes qu'il est de toute nécessité de rechercher, quand on veut se former une opinion exacte du rôle physique de l’eau dans la végétation. Aussi mes observations et mes expériences ne portent-elles que sur €es deux points. Dans la première période, au contraire, la submersion totale est l’état normal, régulier. Par l'influence mystérieuse du tube pollinique sur une vésieule embryonnaire, une nouvelle individualité est eréée. Cette indivi- dualité nouvelle, d’abord confinée et comme emprisonnée dans une seule cellule, ne tarde point à se donner une demeure plus vaste et surtout plus eemplexe. Par les segmentations successives de la cellule primordiale, le yerme se transforme en une masse cellulaire que des évolutions ultérieures amènent ensuite à un état organique plus ou moins élevé. Un jour enfin le nouvel individu ayant parachevé sa première phase de développement, se trouve en possession de l'intégrité de ses organes. Le libre et complel exer- cice de ses fonctions dépend désormais des concours des agents =} exterieurs ; car, pour lui, il possède maintenant lous les organes nécessaires à la vie de nutrition : une racine, une tige, un bour- geon et une masse cotylédonaire. Voilà donc la première période de son existence accomplie ; il lui faudra maintenant attendre, dans une sorle de sommeil léthar- gique, que des circonstances favorables, différentes toutefois de celles qui ont jusqu'ici prêté leur concours à sa force vitale, lui permettent de parcourir la deuxième phase de son existence. Ici se présentent deux questions fort intéressantes à résoudre. Quel est le mode spécial de nutrition de l'embryon, durant cette première période ; el pourquoi ce ralentissement des actes vitaux, cet affaissement général dans l’activité fonctionnelle qui vient toujours, un peu plus tôt ou un peu plus (ard selon les espèces et les individus, rompre cette première chaine de modifications, de changements, de métamorphoses, qui constituent cette phase de la vie végétale? Pendant la période intra-séminale, l'embryon est une sorte de parasite dont l'existence offre une grande analogie avec celle du jeune vivipare durant sa vie intra-utérine. La plante nouvelle baigne alors, par toute sa surface, dans le fluide nourricier élaboré par l’activité propre de la mère. Ainsi, et c’est là un point impor- tant à remarquer, tout individu issu de graine a toujours subi, pendant les premiers temps qui suivent l'apparition du germe, les effets d'une submersion totale. De jeunes tissus des plus délicats, ceux de l'embryon en voie de formation, peuvent donc baigner dans l'eau, sans éprouver néanmoins d’allérations sensibles. Par conséquent, lorsque dans nos expériences nous verrons un tissu se décomposer pendant son séjour sous l’eau, nous ne pourrons regarder ce résullat comme simplement dû au contact du liquide; il est évident que d’autres causes désorganisatrices devront alors intervenir. Nous reconnaitrons en outre que la vie est capable de résiste un certain temps, beaucoup plus long qu'on ne le croit générale- went, aux causes d’altération qui résultent du contact prolongé de l’eau. D'où vient cette force de résistance qui fait que la putréfac- tion ne commence dans un organe, c'est-à-dire que les éléments Sn) ue consliluants ne se dissocient pour adopter un nouveau mode de groupement, pour prendre enfin un nouvel état d'équilibre molé- culaire, qu'au moment précis où la vie l’abandonue? Pourquoi la trame organique vivante a-t-elle cette remarquable stabilité d'équi- libre, et cela malgré son extrême fragilité et sa grande délicatesse ? Celle puissance si remarquable résiderait-elle dans le mouvement putriif, dans cet incessant. renouvellement des particules inté- grantes du tissu, dont l'interruption, même momentanée, amène aussitôt la mort? Ainsi la stabilité de l’œuvre résulterait de l'insta- bilité même des matériaux constituants. Avant que les agents phy- siques, toujours en lutte avec l'organisme vivant, ne soient parve- nus à ébranler l'édifice en quelques-uus deses points, les matériaux de celte règion seraient dissociés et remplacés immédiatement par d’autres dont la stabilité serait parfaite pour un instant, mais seu- lement pour un instant. Je n'insisterai pas davantage sur ces considérations abstraites, pour aborder cette autre question plus étroitement liée à mon sujet. Pourquoi le mode spécial de nutrition de la vie intra-séminale, devient-il impossible au bout d’un certain Lemps? À priori, il n’y a que trois suppositions admissibles : ou la quan- tite de substance assimilatrice que l’embryon reçoit est devenue insuffisante pour ses besoins actuels ; ou l’activité de l’absorption n'est plus en rapport avec les exigences de la nutrition; ou enfin ce phénomène est le résultat de l'effet combiné de ces deux causes. Dans l’état de la science, cette question ne peut êlre, je crois, complétement résolue, Examinons en effet successivement les hypothèses précédentes el lächons d’apprecier leur degré de pro- babilité, En premier lieu doit-on admettre qu’à une certaine période de la végétation, la plante mère est incapable de fournir à l'embryon l'alimentation que celui-ci réclame? On est d’abord tenté de rè- pondre affirmativement en songeant que l’époque de la maturité des graines, que l’époque par conséquent où le nouvel être se sépare spontanément de sa mére est aussi, dans beaucoup d'espèces, le moment de la chute des feuilles, c'est-à-dire des organes essen- üels d'élaboration du flaide nourricier. Remarquons cependant H. KMERY. 2 nd) = qu’une quantité notable de sève reste en reserve dans les tissus de la tige, des branches et des rameaux. C’est ce fluide qui, lors de la végélation suivante, rend possible l'épanouissement des bourgeons, et préside au premier acte de la végétation nouvelle. D'ailleurs deux grands groupes de végétaux font exception à cette règle : ce sont les plantes à floraison anticipée, c’est-à-dire dont les graines tombent précisément à l'époque de la foliation ; et les plantes à feuillage persistant. Que se passe-t-il dans les premières ? Examinons la fructification de l'Orme, du Chimonanthus fragrans, Lindi., du Forsythia viridis- sima, Lindi., et de beaucoup d’autres. Les boutons s'épanouissent, les fruits nouent et même mürissent quelquefois avant l'apparition des feuilles; pour notre Orme en particulier, l’époque de la foliation coïncide avec celle de la chute des fruits. Dans cette catégorie de végétaux le parasite, pour se séparer de sa nourrice, choisit donc précisément le moment où des milliers de nouveaux agents d’éla- boration vont pouvoir entrer en activité. Quant aux sujets à feuilles persistantes, cette suspension, ce emps d'arrêt dans la préparation de la sève ne doit mème plus exister ; et cependant le même arrêt de développement se produit chez leur embryon. Il y a plus: dans un certain nombre d'espèces à feuillage caduque annuellement, les fruits, plus ou moins des- séchés, restent sur l'arbre jusqu’à la végétation nouvelle. L'on as- siste alors à ce singulier spectacle d’une plante portant deux ordres de germes : les uns, les embryons, restant en léthargie au centre des enveloppes séminales ; et les autres, les bourgeons proprement dits, s’'épanouissant et croissant avec vigueur. Pourquoi donc tout développement est-il suspendu dans l'embryon, pendant quelle bourgeon émet un scion portant cinq, six, sept feuilles ? En réfléchissant à ce phénomène, on est conduit à penser que l'arrêt de développement pourrait être dù, non pas à l'absence de nourriture, mais bien à ce que le fluide nourricier ne parvient plus en quantité suffisante à l'embryon; ainsi tout se réduirait à une interruption de communication entre la mère et la plantule. Plusieurs faits donnent un certain degre de probabilité à cette hypothèse. Tri Avecle temps, les organes qui relient la plante inère à l'embryon se modifient, la proportion des matières inorganiques augmente, la trame de ces tissus tend done à s'indurer, et par suite leur per- méabililé doit diminuer dans le même rapport. Bientôt l'absorp- tion ne peut plus combler le déficit d’eau produit par la transpira- tion dans les diverses parties de la graine; cette dernière se dessèche peu à peu, ce qui diminue encore la perméabilité de. ses tissus. Ce sont ces influences qui, à la longue, amèneraient le ra- lentissement d'abord et plus tard l'arrêt complet de la circulation des liquides destinés à nourrir l'embryon. Ainsi il faudrait rappor- ter ce curieux phénomène à l'insuffisance de l'alimentation, et non point à une allération soit dans la qualité, soit dans la quantité des sucs nutritifs que produit le pied-mère. Le fait serait par consé- quent du même ordre, et tout à fait comparabie dans son origine, comme dans ses effets à celui qui amène la chute des feuilles. Il serait très-intéressant de connaitre exactement les causes, sans doute complexes, qui mettent fin à cette première période de la vie végétale. Malheureusement jusqu'ici les physiologistes ont étudié avec soin les phénomènes de la fécondation, de la germina- tion, de la foliation, etc., c'est-à-dire les premicres manifestations . de chacune des phases de la vie végélale; mais ont généralément négligé la recherche des circonstances qui mettent fin à ehacune de ces périodes. Des connaissances précises à cet égard présente- raient cependant un haut intérêt scientifique. CHAPITRE PREMIER DES EFFETS DE LA SUBMERSION TOTALE SUR LA GERMINATION. £S 4. — Historique de la question, Arrivé à maturité, le fruit se détache de la plante, et les em- bryons emprisonnés dans les graines tombent en léthargie. La durée de ce sommeil, quand rien ne vient tirer le germe de sa ter- peur, est variable comme chacun sait, et paraît tenir surtout à la hi) — composition chimique de la graine: car les graines amylacées conservent longtemps leur faculté germinative, que perdent au contraire promptement les graines oléagineuses. La persistance de la faculté germinative semble dépendre tout à la fois : de l’activité respiratoire de l'embryon, et de la rapidité plus où moins grande avec laquelle s'effectue la combustion lente des matières nutritives de la graine. Cette double combustion, l'une physique et l'autre physiologique, aurait pour résultat d’altérer progressivement et de détruire à la longue les substances alimentaires tenues en réserve pour les besoins de la jeune plante. Il semble, en effet, difficile d'admettre à priori que l'embryon, malgré son état léthargique, ne respire point, ne se nourrissé pas; donc il doit consommer sans cesse de nouveaux matériaux. En d’autres termes, le double mouvement nutritif, tout en restant très-faible si l’on veut, doit néanmoins persister chez lui; à moins cependant que dans ce singulier état transitoire, où l'être vivant se rapproche graduellement de la mort, ses conditions vitales changent, et qu'il ne soit plus alors soumis à celte impérieuse exi- gence de la vie ordinaire , savoir : un incessant renouvellement des particules intégrantes du corps organisé. Plusieurs faits tendent à faire repousser cette dernière hypothèse. Ainsi, dans un travail récent, M. [<. Pierre (1), après avoir vérifié que la graine de colza absorbe de l'oxygène et exhale de l'acide carbonique, fait déjà connu, ajoutait : «La proportion d'oxygène absorbée ne parait pas complétement représentée par l'acide ear- bonique exhalé, c'est-à-dire que cette sorte de respiration de la graine aurait quelque analogie, dans ses résultats apparents, avec la respiration des animaux.» Quoi qu'il en soit, dès que la graine est placée dans des condi- tions convenables d'aération, de chaleur et d'humidité, commence pour l'embryon une nouvelle phase de son existence, la période de germination, fort différente par ses conditions physiologiques, de la période suivante. Mais si la graine, pour germer, n'exige que le concours de trois (4) Is. Pierre, Recherches expérimentales sur la composition de la graine de colza (Comptes rendus, 1863, t. LVI, p. 677). AN — agents : chaleur, air et humidité, pourquoi la graine ne gernre-t-elle d - point dans le fruit? Pourquoi ce temps d'arrêt dans la série des évolutions successives de l'être vivant. Pourquoi enfin la germina- tion ne commence-t-elle, généralement, que le jour où le fruit ayant été confié à la terre, la graine, par la destruction du péri- carpe, se trouve directement en contact avec les agents extérieurs? Ces effets doivent résulter tout à la fois de l'insuffisance de l'oxy- gène et de l'humidité. Dans les fruits secs, le desséchement du péricarpe le rend certai- nement moins perméable et, par conséquent, il y a tout à la fois pour la graine mûre manque d’air et d'humidité. Dans les fruits charnus, l'oxygène qui traverse le péricarpe est arrèlé sur sa route pour être employé, au moins en grande partie, à la combustion du parenchyme, d’où résulte pour l'embryon un défaut d'oxygène. Cette opinion n’est pas une pure hypothèse, c'est la conséquence rigoureuse d’un des derniers mémoires de M. A. Cahours (1). Ce savant chimiste s'était proposé d'étudier la composition de l'air confiné dans la pulpe des fruits charnus, durant la période comprise entre l’époque de la maturation et celle de la décompo- silion spontanée du péricarpe. Pour resoudre le problème, il a imaginé une méthode des plus simples et des plus élégantes : il analyse les gaz tenus en dissolution par le jus exprimé des diffe- rents fruits. Voici quelques-uns des résultats obtenus par cet habile expérimentateur. Des oranges, parvenuesaà maturité, ont donné un jus contenant un mélange gazeux forme de 4/5 d'acide carbonique et d'un cinquième d’azote. Des citrons et des grenades fournissaient un mélange gazeux, dans lequel les proportions de l'acide carbo- nique et de l'azote étaient entre elles comme 7 et 3. Enfin, dans des pommes de diverses variétés, le mélange gazeux avait de 40 à 45 pour 100 d'acide carbonique. Quant à l'oxygène, M. Cahours n'en à jamais trouvé de traces appréciables dans tout le cours de ses recherches. Ces faits nous expliquent pourquoi les cas exceptionnels de (4) A. Cahours, Recherches sur la respiration des fruits (Comptes rendus, t. LVII, p«58 et suiv.). M — germination sur le pied-mère, ou tout au moins dans l'intérieur du péricarpe sain et intact, se rencontrent surtout dans deux familles : celle des conifères et celle des graminées, où la disposition et la structure des fruits se prêtent plus aisément que dans les autres familles, à l'admission de l'air et de l'humidité. Il suffit, pour s'en convaincre, de passer en revue les faits de ce genre actuellement connus. Ainsi de Candolle (1), après avoir fait remarquer que les graines de Cuscute, d'Avicennia, etc., germaient dans le péricarpe avant leur séparation de la plante, ajoutait : « On voit souvent les graines de céréales, dans les années plu- vieuses, germer dans leurs glumes, lorsque les épis sont couchés sur la terre humide. Il n’est pas très-rare de rencontrer des fruits de cucurbitacées qui renferment des graines germées. Les Actes des curieux de la Nature ont, en particulier, conserve une obser- vation de ce genresur le Cucurbita melopepo, et Lefébure ditqu’un exemple de cet accident est conservé à Strasbourg, dans le cabinet d'Hermann. M. Wydler a vu, aux Antilles, des graines à cotylédons développés dans des fruits encore clos de Carica papaya. Lefébure a fait germer des graines dans le tissu d'une pomme de terre. » Il y a quelques années, M. Germain de Saint-Pierre a signalé un cas curieux de ces germinations anormales (2). « En ouvrant une tomate (fruit du ZLycopersicum esculentum) mûre, mais très-saine, — raconte ce botaniste, — et dont l’épi- derme ne présentait ni taches ni déchirures, j'ai trouvé (5 janvier) toutes les graines du fruit complétement germées. Les jeunes plantes présentaient leurs deux cotylédons linéaires d’un beau vert, dressés et opprimés, et étaient pourvues d’une longue radi- cule, » Ce fait rapproché des importantes observations de M. A. Ca- hours, nous porte à penser que l'arrêt de germination des graines dans un fruit charnu, ne peut tenir à une action nuisible pro- voquée par le séjour prolongé de ces graines dans l'humidité, (1) De Candolle, Physiologie végétale, t. II, 1832, p. 653. (2) Germain de Saint-Pierre, Note sur divers cas tératologiques da de la Société botanique de France, 1857, t. IV). mais bien plutôt à la privation d'oxygèné. Nous entrevoyons dès lors la possibilité d'obtenir des germinations sous l'eau, si nous parvenons toutefois à écarter l'obstacle né du manque d'oxy- géne. Nous allons done nous proposer de chercher ce qui arrive- rait si la graine, au lieu d'être confiée à la terre, était entièrement submergée , soit dans l’eau pure, soit dans des dissolutions aqueuses. Dans ces circonstances la germination aurait-elle encore lieu ; et l'embryon trouverait-il en lui-même la force nécessaire pour réagir contre l’action désorganisatrice de l’eau? Pourrait-il rencon- trer dans ce milieu anormal la quantité d'oxygène nécessaire à sa respiration ? Ce sont là d'importantes questions que je vais mainte- nant aborder. | Sans doute, l'idée de faire germer des graines en les immergeant dans l’eau n’est pas entièrement neuve dans la science depuis que de Humboldt a prouvé que des graines trempées dans l’eau de chlore germent, et germent mieux que dans les circonstances ordinaires. Mais il parait résulter toutefois des renseignements fournis par les ouvrages spéciaux sur celte célèbre expérience, tant de fois répétée depuis , que la submersion avait été temporaire. Elle était unique- ment destinée, comme le désirait l'illustre expérimentateur, à ré- veiller le germe alors trop profondément endormi, pour être 1m- pressionné par les agents excitateurs ordinaires de la germination. D'ailleurs plusieurs naturalistes et agronomes ont préconisé autre- fois l’usage de tremper les graines, soit dans l’eau pure, soit le plus ordinairement dans des dissolutions de fumier, ou d’autres substances, comme un moyen d’une eflicacité certaine de hâter et de favoriser la germination. Dans le nombre, je rappellerai les noms de : Marcel Malpighi (1), A. de la Pryme (2), Deslandes (à) et Buffon (4). Plus tard plusieurs physiologistes, parini lesquels je (4) Marcel Malpighi, Anatomie des plantes: (2) A. dela Pryme; Expériences sur la végétation des semences, 1702, Abrégée des Transactions Philos. traduct. du docteur Gibelin, 14790. (3) Deslandes, Recueil de differents trailés de physique; 4736. (4) Buffon, Mémoire sur la:conservalion et le rétablissement des foréts (Mémoires de l’Académie des sciences de Paris, 4739). ABS citerai MM. J. Hutstein (1), Ch. Darwin (2) et Ch. Martins (3), ont également fait tremper des graines dans differentes solutions ; mais c'était dans le seul but d'arriver à connaitre l'influence que ce sé- jour dans l’eau pouvait exercer ultérieurement sur les phénomènes de la germination. Ainsi il existe des essais isolés de submersion de graines de plantes terrestres ; mais le but de ces tentatives était tout autre que le mien, et je ne connais aucune recherche faite dans le dessein de savoir si la germination des plantes Lerrestres est pos sible dans l'eau. C'est ce sujet que je me propose d'aborder. $ 3 — Recherches nouvelles. Longtemps j'ai cru que la submersion devait, dans toutes les es- pèces, empêcher la germination ou en suspendre le eours. J'étais entretenu dans cette idée, fausse quand elle est ainsi généralisée, par les faits que je constatais alors journellement sur des graines de Fèves et de Lin. J'étudiais à cette époque la germination de ces plantes, et j'avais sans cesse l’occasion d'observer leurs graines sé- journant sous l’eau, soit avant, soit après le commencement de leur germination. Or, jamais il n'y avait de germination dans le premier cas, tandis que cet acte élait aussitôt suspendu dans le sc- cond, et qu'enfin en loutes circonstances, un peu plus tôt ou un peu plus tard selon les conditions extérieures, la graine tombait en putréfaction. Dans la suite, j'entendis parler d'un procédé de conservation des châtaignes, qui consisterait à les étendre et à les maintenir dans le lit d'un ruisseau d’eau claire et courante, Par là, disait-on, il était (4) J. Hutstein, Germination des graines sous l'influence d'agents chimiques, extrait par le Journal de la Société centrale d’horticulture de Paris, t. 1, 1855. (2) Charles Darwin, Influence de l'eau de mer sur la germination, 1855, extrait par le Journal de la Sociélé centrale d'horticulture de Paris, t. 1, 1855. (3) Charles Martins, Expériences sur la persistance de la vitalité des graines flot- tant à la surface de la mer (Bulletin de la Société botanique de France, 1857, t. IV, p. 324). AE possible de les garder d’une récolte à l’autre en leur conservant toutes leurs qualités comestibles. En outre j'avais été depuis long- temps frappé de voir les conferves se développer en abondance dans ies eaux stagnantes el de n’en trouver que peu ou point dans les eaux courantes. En rapprochant ce renseignement de mes ob- servations personnelles, je fus conduit à penser que le mouvement de l’eau devait être étroitement lié à son mode d'action sur les tissus vivants, et je m'occupai sur le champ de rechercher ce lien; mais plus particulièrement de reconnaître si la submersion pourrait devenir, dans certains cas déterminés, un moyen de con- servation des grains. Ma première expérience sur ce sujet est du 4 novembre 1863; elle avait essentiellement pour objet, dans le principe, d'étudier l'influence de l’eau courante sur la vitalité des grains de blé. Voici l'appareil très-simple que j'imaginai dans ce but. Les grains de blé furent placés au fond d’un flacon de verre or- dinaire, à large goulot, fermé par un bouchon de liége portant deux tubes de verre. L'un de ces tubes, droit et muni d’un enton- noir à sa partie supérieure, s’ouvrait par son extrémité inférieure près du fond du flacon, au milieu de la masse des grains. L'autre, formant la petite branche d’un siphon, débouchait dans la région supérieure du flacon. Ces dispositions prises, on faisait arriver dans l’entonnoir , à l’aide d’un vase de Mariotte, un courant constant d’eau. Le liquide s’introduisait par la partie inférieure du flacon au milieu des grains; puis, son volume augmentant progres- sivement, sa surface libre finissait par atteindre l’orifice inférieur de la petite branche du siphon, et s’y élevait peu à peu. Bientôt, le siphon était amorcé et l’eau de la région supérieure du flacon s'écoulait au dehors. On obtenait par ce moyen un courant inter- mittent ou continu, selon que le débit du siphon était supérieur ou égal à celui du vase de Mariotte, mais traversant toujours de bas en haut la masse des grains. Cet appareil, ainsi monté, offrait une particularité importante à noter pour l’exacte interprétation des résultats qu'il a fournis. Chaque fois que l'écoulement cessait par le siphon, il se produisait en même temps une légère raréfaction dans atmosphère confinée du flacon; ce qui entraînait ordinaire- H. EMERY. 3 — 18 — men£ un appel de quelques bulles d'air que le tube à entonnoir amenait simultanément avec l'eau. Tel est l'appareil qui a fonctionné sans interruption depuis le h novembre 1863, huit heures du matin, alimenté par de l’eau de fontaine ordinaire. Cette expérience portait le n° 27. Je voulus faire la contre-épreuve, et le même jour, à trois heures de l'après-midi, je plaçai à côté du premier appareil un flacon de même capacité, bouché de la même manière et contenant sensible- ment la même quantité de graines, mais rempli d’eau qui n’a ja- mais été renouvelée. Ce fut l'expérience n° 28. Cela posé, résumons brièvement les principales observations fournies par ces deux expériences. Le 16 novembre, le flacon n° 28 exhale déjà une forte odeur de putréfaction, des bulles de gaz se montrent en abondance sur les grains et les entraînent à la surface, puis les bulles dissipées, cha- que grain retombe. Aucun embryon n’a encore rompu les enve- loppes de la graine ; tandis que dans le flacon n° 27, on aperçoit untrès-grand nombre d’embryons dégagés des téguments séminaux eten plein développement. Le but de cette expérience est done at- teint, car elle démontre , ce que j'ai d’ailleurs souvent vérifié de- puis, que, dans une masse d’eau non renouvelée, les grains se pu- tréfient, et se putréfient d'autant plus rapidement que la quantité d'air réservée à chacun d’eux est moindre. Je démontai donc l’ap- pareil n° 28 pour ne plus m'occuper que du premier. Cet appareil fut laissé dans une pièce bien éclairée, mais il était placé de façon àne pouvoir être directement frappé par les rayons solaires. Prévoyant que les grains,en s’imbibant, augmenteraient de volume, j'avais pris la précaution de ne remplir de grains que le quart du flacon environ. Ainsi disposée, l'expérience n'offrit rien de particulier à noter dans les premiers temps. Les grains, après s'être imbibés d’eau, se conservaient parfaitement sains. Bientôt je vis sur ceux d’entre eux placés contre les paroïs du récipient, le petit embryon rompre les téguments de la graine et se montrer au dehors. Mais leur évolution s'arrêta bientôt; et ni les racines, ni la tigelle ne sortirent de cette espèce d’enveloppe générale de la plantule regardée par beaucoup de botanistes comme le cotylédon, — ou tout au moins comme une dépendance immédiate, un appeñdice de ce dernier. Cependant le volume général de la masse des grains augmentait de jour en jour; par deux fois je fus contraint d'en enlever, le Siphon se trouvant obstruë par eux. Enfin, le 19 novembre, un nouvel accident de ce genre s'étant produit, je voulus en con- naître le motif et je démontai l'appareil. En écartant avec précau- tion les grains de la périphérie, je fus fort étonné de troûver dans la région où venait aboutir l'orifice du {ube à entonnoir un certain nombre de grains en pleine germination. C'était leur développement graduel qui avait causé cette augmentation du volume de la masse totale du blé. Chez ces plantes, la première feuille commençait alors à se dégager du cotylédon. Toutes offraient les signes d'un étiolement poussé à ses dernières limites; les cotylédons étaient d'un blanc nacté, la première feuille au contraire présentait une coloration du jaune le plustendre. Jamais je n’avais encore obtenu un étiolément aussi prononcé, en faisant germer des grains à Vair et à l'obscurité. Enfin la surface des plantes était nette et brillante, complétement exempte de végétations parasites ; et cette masse de grains, de tiges et de racines entrélacéës sous l'eau, offrait un aspect des plus étranges. Je retirai les grains dé la péri- phérie, ils n'avaient point gérmé, ainsi que je viens de le dire, et ne Conservai que le noyau central. Je rémontai ensuite l'appareil, la végétation continua. Le 3 décembre, les plantes étaient encore en bonne santé; mais leur développement S'étail arrété depüis le jour où elles avaient élé débarras$ées dés grains qui 185 recouvraient ; seulerhent, depuis leur exposition directe à là lumiéré, lets tissus avaient légèrement verdi. On ärrêta ce jour-là cette expérience. Parlant de cé principe fondamental que la germihätion né sau- rait se produire sähs air, il s'agissait dé Savoir si, dans l’exémple qui nous occupé, l'évélution de l'embryon était due à l'air dissous dans l’eau, ou bien à l'air almoôsphériqué éntrainé mécaniquement par ce liquide. Car, d’après la disposition de l’aphäreil, le tube à entonnoir élait comparable aux trompes des forgés dites éatälanes. Le filet d'eau, en pénélrant dans le tübe, pouvait amener avec i- 199 — lui des bulles d'air, dont le nombre et la grosseur dépendaient du débit du vase de Mariotte et aussi de la largeur du tube à enton- noir. Aussi, avec un peu d'exercice, parvient-on aisément à régler l'écoulement de manière à empêcher l’arrivée de l’air, ou bien à le forcer de pénétrer avec l’eau en quantités très-variables. Cet effet d'aspiration, joint au phénomène de raréfaction que j'ai indiqué plus haut, avait introduit de temps à autre des bulles d'air au milieu du blé. Peut-être ces bulles étaient-elles retenues un certain temps par les graines avant de se dégager, et, dans cette hypothèse, de- vaient former de petites atmosphères confinées autour des graines les plus favorablement placées, S'il en était réellement ainsi, ces grains n'auraient plus gerné dans des conditions exceptionnelles, c'est-à-dire entièrement baignés par l’eau, mais bien dans les cir- constances normales, dans de l’air très-humide. Rien d’ailleurs n’était plus simple que de trancher cette question. Il suffisait pour cela de modifier légèrement l'appareil de manière à conduire l’eau nouvelle à la partie supérieure, en prenant l'eau à changer à la partie inférieure. Il fallait forcer l’eau à couler, non plus de bas en haut comme dans l'expérience n° 27, mais en sens inverse; ce qui était d’une exécution facile, en faisant plonger la petite branche du siphon jusqu’au fond du flacon et en raccourcis- sant au contraire le tube droit. Par ce dispositif, l'air accidentelle- ment introduit dans l'appareil restait toujours à la partie supérieure, et ne se trouvait jamais en contact direct avec les grains. L'appareil fut monté de cette manière le 9 décembre 1863 (expé- rience n° 34). Le 23 décembre plusieurs grains de blé de la sur- face libre, et plus particulièrement ceux placés sur le passage du courant d’eau, c’est-à-dire compris entre le pied du tube droit et la petite branche du siphon, étaient en pleine germination. On voyait leurs racines s’élaler à la surface des autres grains restés dans leur état primitif de torpeur. On arrêla ce jour-là cette expé- rience, elle était suffisamment concluante. [l résulte des trois observations que je viens de rapporter que la germination du blé est possible, malgré la submersion complète du grain, si l’on prend les mesures nécessaires pour fournir à l'em- io bryon des quantités suffisantes d'oxygène. Néanmoins je renouvelai encore plusieurs fois cette expérience, j'oblins loujours les mêmes résultats. Par exemple le blé, ainsi développé sous l'eau, restait maigre et chétif; il arrivait bien à donner sa seconde feuille, mais s'arrêtait réguliérement à ce terme de son évolution. Les grands froids de l'hiver vinrent interrompre ces recherc:e:, mis elles m’avaient confirmé dans la croyance que la submersion n'est pas aussi funeste aux plantes que j'étais porté à le penser au début de ces études. En résumé, arrivé à ce point, je pouvais, je crois, regarder comme suffisamment établi que : 4° Un grain de blé mis dans une petite quantité d’eau non renou- velée se gonfle, l'embryon apparaît hors des enveloppes déchirées de la graine, mais son évolution ne va pas au delà, toute la masse se désorganisant bientôt après sous l'influence des agents exté- rieurs. 2 On obtient une véritable germination en renouvelant conve- nablement l’eau, mais alors, par suite de l'insuffisance du volume d'eau mise en circulation où pour toute aulre cause, chaque tige de blé émet seulement une ou deux feuilles, auis s'arrête dans son développement. Restait à tenter la contre-épreuve, c’est-à-dire opérer avec une masse d’eau limitée, mais dans laquelle un afflux constant d'oxy- gène expulserait, au fur et à mesure de leur apparition, les gaz nuisibles à la respiration de l'embryon; et plus particulièrement l'acide carbonique provenant surtout de la respiration même de ce dernier, et un peu de la combustion lente éprouvée par les tissus de la graine. Mais comment installer un appareil réalisant cette condition ? Faire passer purement et simplement un courant d'oxygène dans l'eau? Cela exigeait un matériel qui me faisait défaut. Établir un courant électrique permanent à travers l’eau ? Il y a longtemps que je veux essayer celte expérience, qui sera cerlainement fort curieuse à plus d’un titre ; mais jusqu'ici un emplacement favorable m'a manqué. Néanmoins, tout en comptant essayer un jour ce moyen, je ne me dissimule point que la force du courant électrique viendra VIDE probablement contrarier, gèner les plantes dans leur développe- ment. Je continuai done à chercher une méthode qui fût plus en rapport avec les conditions normales de la végétation, un procédé plus simple que le précédent, si cela était possible, mais surtout plus physiologique que celui qui réside dans l'emploi de l’élec- tricité. Après bien des hésitations et des tâtonnements que les jer- sonnes habituées aux recherches expérimentales comprendront aisément, je crois être enfin en possession d’une méthode parfaite- ment sûre. Elle est basée sur le dégagement d'oxygène produit sous l'influence de la lumière solaire, par le travail de nutrition des conferves el des microphytes d’eau douce. Il n’est pas de procédé d’une application plus simple et plus facile. Veut-on produire un dégagement lent d'oxygène dans l'eau d’une cloche, d’un vase quelconque, il suffit d’y faire naître avant tout cette végétation microscopique que Priestley appelait de la matière verte. À cet effet, on mettra dans le liquide quelques fragments de matière organique, et l’on exposera le tout à la radia- tion solaire. J'emploie ordinairement dans ce but des graines quelconques que je place au fond du liquide. Au bout de quelques jours, l'eau est prête pour les expériences ; et, pendant toute la journée, elle est incessamment traversée par des bulles qui se détachent des micrc- phytes et viennent successivement se dégager à la surface du liquide. En acceptant telle quelle la brillante découverte de Priestley, confirmée et développée par les travaux de Bonnet, d'Ingen- Housz, de Senebier, etc., ce gaz est de l'oxygène, et de Poxy- gène à l’état naissant, provenant de la décomposition de l'acide carbonique par les microphytes qui habitent l'eau. L'emploi de cette méthode m'a permis d'obtenir de belles ger- minations de blé ; j’en rapporterai ici deux exemples qui sufliront pour donner une idée suffisante de l'ensemble de ces phénomènes. L'appareil se composait d’une cloche maraichère renversée cl portée sur un trépied de fer. Gette cloche était pleine d’eau dans laquelle se développaient de nombreuses végétations confervoides. Oo On ne renouvyelait jamais le liquide, seulement on en ajoutait de temps à autre pour réparer les pertes amenées par l’évaporation, el maintenir ainsi l’eau toujours au même niveau. Vers le milieu du mois de mai 1864, je déposai trois grains de blé au fond de l’eau de cette cloche. Dés le 3 juin, la germination était déjà trés-avancée, ce qu'il fallait attribuer aux circonstances particulièrement favorables dans lesquelles elle s’accomplissait. L'eau devait être alors fortement oxygénée, car l’on voyait cons- tamment des bulles de gaz se former sur les conferves, puis venir se dégager à la surface. Rien n'était plus étrange que l’as- pect de ces grains ainsi en pleine germination sous l'eau. Sous l'influence d’une submersion prolongée et continue, l’em- bryon émet des racines beaucoup plus longues et plus grèles que dans les conditions ordinaires, c’est-à-dire qu'au sein de la terre. Chacune d’elles, empêchée par la résistance de la paroi du verre de suivre sa route oblique, soulève graduellement sa base au fur et à mesure de l'allongement de sa pointe, ce qui lui permet de repren- dre enfin son orientation naturelle. Mais il est aisé de comprendre que ce n’est pas sans grands efforts que chaque production radi- culaire peut, dans ces circonstances, obéir à sa tendance naturelle; les obstacles à vaincre deviennent même quelquefois insurmonta- bles pour certaines d'entre elles. Aussi, tout en se conformant dans leur ensemble à l'orientation particulière à leur espèce, sont- elles pour la plupart contournées et tordues de mille manières, in- dice caractéristique des obstacles et des difficultés que le milieu, par sa nature spéciale, opposait à leur élongation. J'ajouterai que l’eau, considérée uniquement comme un milieu de résistance particulière et différente de celle du sol, doit influer beaucoup sur les formes affectées par les diverses parties de la masse radiculaire. Car dans un grand nombre d'expériences dans lesquelles les graines soumises à la germination étaient disposées de telle sorte que leurs racines flottaient librement dans l’eau, j’ai vu souvent ces dernières prendre les directions et dessiner les cour- bes les plus bizarres et les plus insolites. Par suite de l’inclinaison des racines tout autour du grain, ce dernier se trouve peu à peu soulevé. Ce mouvement est d’ailleurs "oh tout particulièrement favorisé par la nature du milieu qui, plus dense que l'air, diminue par cela même l'effort à faire pour sup- porter le poids du grain. Aussi ce dernier, progressivement sou- levé, ressemble assez bien à l’une de ces araignées indigènes dites faucheuses. On vit bientôt naître sur les racines secondaires des filaments blanes et grèles, semblables à de fins cheveux blancs, qui s’allon- geaient peu à peu et pendaient de distance en distance, le long des radicelles, Lonstemps tous les organes, tiges et racines, restè- rent parfaitement sains et conservèrent une surface nette et bril- lante ; ils étaient alors dans leur période d'activité. Vers le 27 juin les plantes commencèrent à se recouvrir d’une sorte de fin duvet de filaments confervoides. Cette végétation parasite persista et s’accrut les jours suivants; et à partir de ce moment le blé ne fit plus aucun progrès. Il y avait alors sur chaque pied trois feuilles, indépendamment du cotylédon ; tous ces organes jaunirent peu à peu. Les plantes languirent ainsi quelque temps, puis leurs tissus se décomposérent. On arrèta l'expérience. Ce résultat, confirmé par d’autres essais du même genre, prouve que l'embryon d’un grain de blé submergé s'arrête, dans son évolu- tion, à la mise au jour de la quatrième feuille environ. D'ailleurs l'examen de semis faits en pleine terre apprend, qu’arrivé à cette phase de son développement, le grain est vide ou ne renferme que des traces d’un liquide laiteux, dernier vestige de l'albumen trans- formé. Il faut donc admettre que, dans l’eau, l’existence de l'em- bryon du blé's'arrête à la fin de la période de germination. Je passe maintenant à l'examen de la seconde touffe. Deux grains de blé ent été places le 19 juillet 1864 au fond de la cloche employée dans l'expérience précédente. Le 1° mai chaque embryon, déjà pourvu de trois racines secondaires, avait en outre une tigelle d’un vert pale et d’une longueur égale à celle du grain. Le 3 mai, à deux heures de laprès-midi, chacune des plantes avait dégagé sa première feuille du cotylédon ; mais quelques filaments confervoides se montraient déjà sur les racines. Cette végétation parasite s'accrut les jours suivants; bientôt de nom- breuses bulles de gaz apparurent dans la touffe, puis la soulevérent Er el finalement la portèrent à la surface du liquide où, pendant plu- sieurs jours, les deux pieds enlacés formaient une sorte de radeau flottant entre deux eaux. Mais dès le 30 mai l'extrémité de cha- cune des tiges élait parvenue à se redresser et à sortir du liquide. Depuis lors la végétation, mais une végétation pauvre ct languis- sante, s’est continuée et se continue encore en ce moment, — mai 1865, — dans ces plantes. Cette expérience offre plusieurs particularités curieuses à noter. Les racines secondaires, excessivement longues, blanches et fort grèles, portent de distance en distance de minces filaments radiculaires ; toutes s'étendent d'ailleurs librement dans l’eau. Des conferves vivent en grand nombre sur ces organes ; el, par leur enchevêtrement mutuel, racines et protophytes constituent une sorte de réseau, dont les mailles retiennent quelque temps les bul- les gazeuses exhalées par les conferves ; ce qui diminue suffisam- ment le poids total de la masse et lui permet de flotter à la sur- face de l’eau. Pendant la première année, les tiges ont fait peu de progrès, chacune a développé quelques feuilles étroites el courtes, ce qui lui donnait un certain air de ressemblance avec un pied de poa ovina. L'hiver venu, leur végétation s’est arrêtée. L'appareil est resté monté, contre une fenêtre, dans une pièce où l’on n’a jamais fait de feu, et dont la température s’est abaissée au-dessous de 0°, car, à plusieurs reprises, l’eau s’est recouverte d’une couche de glace; malgré cela les plantes, n'ont point péri. Du reste, tous les habitants de la cloche, microphytes etmicrozoaires indistinctement, ont subi les effets du sommeil hivernal. La mince pellicule de ma- tière organique el organisée qui avait recouvert l’eau de la cloche en été, le soma proligère de M. Pouchet, disparut pendant la mauvaise saison, l'eau s’éclaireit alors, et la végétation des con- ferves parut suspendue, tout au moins le dégagement gazeux cessa. Au retour du printemps la vie reparut dans ce petit monde, un nouveau stroma se forma, le développement des conferves et le dé- gasement gazeux reprirent leur cours ordinaire. Bientôt enfin, les deux tiges de blé commencèrent une seconde végétation qui H. EMERY. h D — parail devoir être plus abondante et plus vigoureuse que celle de l’année dernière. Ainsi voilà une plante annuelle devenue plante vivace ; c’est là un nouveau fait à placer à côté de ceux sur lesquels de Candolle s’appuyait pour dire que (1) : « La production des graines est la cause immédiate de la mort des plantes monocarpiennes. » Toutefois, dans le cas que je rapporte, la transformation de la plante annuelle en plante vivace parait s'être effectuée par des moyens autres que ceux indiqués jusqu'ici. En effet, quand on voulait retarder la mort d’une plante monocarpienne : ou l’on s’ef- forçait de faire doubler les fleurs et de les rendre par là stériles, ou l’on détachait ces dernières au fur et à mesure de leur épanouis- sement. C’élaient là les méthodes les plus ordinairement essayées. On cite cependant quelques cas dans lesquels, par des semis faits à contre-saison, c’est-à-dire à l'entrée de l'hiver, et en soumettant en outre le plant à une température assez basse pour entraver son développement sans le faire pourtant périr de froid, on est quelque- fois parvenu à conserver des plantes annuelles pendant près de deux années. Mais je ne connais point d'exemples d’une transformation de cette nature réalisée par des moyens semblables à ceux que j'indique ici, c’est-à-dire par l'insuffisance seule de lalimenta- tion. Il était important de rechercher si ces phénomènes de germina- tion dans des graines submergées de plantes terrestres étaient généraux, ou restreint à quelques espèces en particulier. J'ai ën- trepris dans ce but quelques essais, mais ils sont encore fort incomplets ; aussi je ne fais qu’indiquer en ce moment la question, ne possédant point encore tous les éléments de sa solution. Ainsi dans les cloches des opérations précédentes, ou dans les appareils analogues, j'ai essayé, mais sans succès jusqu'ici, la ger- mination des fèves. La radicule sortait, il est vrai, des enveloppes de la graine, elle s’allongeait même un peu ; mais dès qu’elle avait atteint une longueur égale à une fois et demie ou deux fois la lon (1) De Candolle, Physiologie végétale, t. IL, p. 972. | = 2%%— gueur du grain, tout accroissement cessait, l'embryon se recou- vrait de parasites et se putréfiait. Dans tous les cas jamais je n'ai vu la tigelle se dégager des téguments de la graine. Ces tentatives réitérées m'ont en outre porté à croire que le suc- cès, dans ce genre d'expériences, doit dépendre en partie de la population végétale qui habite l’eau, population qui m'a paru varier dans ses caractères généraux avec la nature et le mode d’in- troduction des matières organiques destinées à provoquer leur développement. J'ajouterai en terminant que j'ai fait également, mais toujours sans succès, quelques essais de germination dans de l’eau de mer artificielle, mais composée conformément aux indications fournies par les traités de chimie. Exposée à la lumière après avoir reçu les matières organiques de plusieurs graines, cette eau s'est peu- plée de protozoaires et de microphytes ; mais jamais le blé ou les. fèves que j'y ai déposés n’ont germé. La mort des embryons Lenait+ elle à l’action spéciale de l’eau de mer? « L'eau salée, a dit A. Thouin (1), nuit à la végétation de la plu- part des plantes terrestres, Quelques-unes cependant paraissent rechercher le voisinage de la mer, et se trouver bien d’immersions momentanées dans ses eaux, » Ou bien fallait-il, au contraire, l’attribuer à l'insuffisance de l'oxygène ? La cloche qui me servait dans ces expériences contenait en effet fort peu de protophytes, incomparablement moins que la cloche à eau douce dans laquelle les germinations de blé avaient si bien réussi. On pouvait donc à priori attribuer en partie l’insuc- cès au manque ou mieux à l'insuffisance de l'oxygène. Il y avait un moyen bien simple pour arriver à se prononcer en toute connais- sance de cause. Le blé, les fèves germen£ avec la plus grande faci- lité dans une soucoupe contenant un peu d’eau douce; or, comme je l'ai constaté, la germination n’a plus lieu avec l'eau de mer ; done la non-germination des graines plongées dans l’eau de mer ne tenait pas à l'insuffisance de l'oxygène. Voici, du reste, l'expérience que j'ai faite dans ce hut. (1) André Thouin, Cours de culture et de naturalisation àes végélaux, 1827, t. 1, p. 205. no — Le 6 août 1864, à dix heures ei demie du matin, on a pris deux cristallisoirs de verre. On a placé dans l’un vingt graines de fèves, et dans l’autre cinquante grains de blé ; puis on a versé dans chacun d'eux assez d’eau de mer pour baigner les graines sans les noyer complétement. En outre on x recouvert chaque cristallisoir d’une cloche de verre pour favoriser la germination. L’excellence de celte dernière pratique m'a été démontrée par des essais nombreux exécutés dans les circonstances les plus variées. Quand le vase contenant l’eau et les graines est abandonné à l'air libre; à moins d’une surveillance attentive, le semis éprouve de dangereuses alternatives d'extrême humidité el de grande sé- cheresse, par suite de la disparition de l’eau que l’on ne remplace pas toujours au moment convenable. Mais quand bien même on surveillerait avec soin le semis, la germination en atmosphère libre serait encore moins avantageuse que celle en atmosphère limitée, Ee effet, j'ai cru remarquer qu'il était bon d'éviter l'excès d’eau, sa trop grande abondance ayant pour résultat ordinaire de hâter la décomposition ou l’altération des grains. Il faut bien évidemment que l’eau pénètre dans l'embryon, mais il importe que le grain ne soit pas en contact avec elle par une trop large surface. Par suite, on ne doit entretenir autour des graines qu'une faible quantité d'eau, surtout dans les premiers temps de la germination. Plus tard, quand la radicule est sortie, il suffit que cet organe plonge dans l'eau, soit en entier, soit tout au moins par une grande partie de sa région terminale. Quant à la graine, au contraire, il devient alors avantageux de ne plus désormais la mettre en contact qu'avec de l'air humide, et non pas de l’eau. Grâce à cette précau- tion les matières nutritives de l’albumen, ou à son défaut des co- tylédons, se conservent plus longtemps et la plante est plus hâtive, surtout plus vigoureuse. Il est d’ailleurs aisé de reconnaitre que ces conditions, indiquées par l'expérience comme etant les plus favorables à la germination, sont précisément les conditions”naturelles, c’est-à-dire celles qui président à la germination d’une graine placée dans le sol ordinaire. Là en effet elle reçoit peu d’eau à la fois, et c’est le caractère physique essentiel de cet acte, elle transpire (rès-peu, Ron étant alors complétement entourée par de l'air et de la terre humides. Une transpiration abondante lui serait même à cette époque des plus nuisibles, puisque le corps radiculaire ou système absor- bant de l'embryon est en voie de formation, et que la graine tout entière, par suite de la nature deses téguments, est peu perméa- ble aux liquides. Par conséquent, en laissant exposée à l’air libre une graine en germination, on la condamne à une évaporation rela - tivement excessive qui fatigue l'embryon et nuit à son développe- ment; grave inconvénient que l'on évite aisément en recouvrant les graines d’une cloche. Maintenant voici quel était l’état du sernis le 11 août, à onze heures du malin. Une mince pellicule remplie d’infusoires s'était formée à la sur- face du liquide. Tous les grains étaient gonflés il est vrai, mais leur peau restait parfaitement intacte, sans aucune déchirure ni solu- tion de continuité ; et surtout pas un seul micropyle ne s'était en- core dilaté pour laisser passer la radicule. Cependant ils présen- taient un indice, le seul toutefois, d’une germination prochaine ; encore est-ce un indice assez incertain, comme on va le voir. Chez la graine de fève, mûre et sèche, la peau est directement appliquée sur la masse embryonnaire dont la forme est entièrement déterminée par celle des cotylédons. Car, pendant le sommeil qui suit la maturation des graines et précède leur germination, la tigelle reste cachée entre les cotylédons, et la radicule est alors une toute petile éminence conique qui, en raison même de sa pe- titesse, ne fait pas de saillie appréciable sous la peau. Mais quand les graines s’imbibent d’eau, les Lissus se gonflent, la peau se tend davantage, ses rides accidentelles disparaissent, et elle s'applique etse moule plus exactement sur la surface de l'embryon dont elle accuse alors les moindres particularités. A ce moment on voit très- nettement apparaître une saillie sous le; téguments de la graine, sorte de corde tendue dans le sens de la plus grande longueur du hile ; et venant aboutir à l’orilice, encore invisible à l'œil nu, du micropyle. Cette sorte de corde qui soulève ainsi la peau est la radicule grossie. Faut-il considérer ce changement comme une véritable manifes- + ff tation vitale, la premiére qui suit le réveil de Pembryon, ou bien n'est-ce là qu'un simple phénomène physique, un effet d'imbibition. En d’autres termes, ce grossissement de la radicule est-il dû à une multiplication cellulaire, à un accroissement des tissus dans le sens physiologique du mot, ou bien au gonflement des éléments préexis- tants sous l'influence de l’imbibition ? Je n’essayerai pas de trancher la question. Je ferai cependant re- marquer que, sur certaines graines, la protubérance linéaire ne se produit pas; il y a dans ce cas dépression dans la région du hile, où l’on trouve un sillon bien prononcé à la place même occupée sous la peau par la radicule. Cette dernière particularité tient à ce que les cotylédons seuls ont éprouvé une augmentation de volume. Or, j'ai suivi l'évolution ultérieure de plusieurs graines offrant cette anomalie, et jamais aucune d'elles n'a germé. Il semble donc résulter de là que l’absence, après l’imbibition, de cette sorte de cordon dans la région du hile, serait un indice certain de stérilité de la graine. En acceptant ce principe pour vrai dans tous les cas, ce que je ne saurais affirmer, il fournirait une forte présomption en faveur de l'opinion qui regarde le gonflement de la radicule comme un acte physiologique d'accroissement. Car en supposant que ce phéno: mène soit un simple effet physique d'imbibition, il faudrait done admettre, pour justifier l’anomalie précédente, qu'un tissu mort cesse de pouvoir absorber dès que la vie l’abandonne ; supposition qui parait bien étrange à priori. Tels furent les signes observés le 11 août sur les fèves. Ge jour- là on les lava à l’eau douce, et l'on renouvela l'eau de mer ‘après avoir sacrifié l’une d’entre elles par d’autres recherches. Le 16 août, à dix heures du matin, l’eau est de nouveau trouble et nuageuse, la pseudo-membrane qui la recouvre contient un grand nombre d’infusoires. Plusieurs fèves présentent des traces manifestes de germination; chez elles la radicule se montre où passe à travers l'orifice béant du micropyle. Deux d’entre elles, plus avancées que les autres, sont suspendues séparément à la sur- gace de l’eau de mer remplissant une petite éprouvette à pied, dans l’espoir de faciliter leur évolution par cet arrangement nouveau. 1 — Chez l’une de ces graines, marquée n° 3, la radicule sort de 0,005 et chez l’autre, numérotée 4, de 0,001 seulement. Quant aux autres graines, on se contente de les laver à l’eau douce et de renouveler ensuite leur eau. Ce jour-là on examine le blé pour la première fois. Les grains montrent certains indices qui portent à penser que plusieurs d’en- tre eux germeront peut-être. Il en est qui présentent des traces de modifications, d’accroissement même, et sous le rapport de leur développement, on peut les diviser en trois catégories : PREMIÈRE CATÉGORIE. — Dix grains dans l’état suivant : l’em- bryon est sorti complétement des enveloppes de la graine, la ra- cine centrale montresa pointe hors de la coléorrhize ; en outre deux racines latérales se montrent sous la forme de deux petits mamelons, DEUXIÈME cATÉGORIE. — Dix-sept grains ; sur lesquels l’extrémité hbre de la radicelle centrale commence à poindre hors des tégu- ments de la graine, TROISIÈME CATÉGORIE. — Vingt-trois grains n’offrant point de traces apparentes de germination. Ces résultats favorables engagent à poursuivre l'observation ; tous les grains sont lavés à l’eau douce, l’eau de mer renouvelée, et l’on remet en expérience. On examine les semis le 19 août, à neuf heures et demie du matin. Les n° 3 et 4 paraissent souffrir, les embryons n’ont pas fait de progrès depuis la dernière observation. Une nouvelle graine montre une radicule de 0",001 de longueur, on l'isole des autres et on la place dans un appareil semblable à ceux qui servent aux graines n° 3 et A, ce sera l'expérience n° 5. Les autres graines sont cou- vertes de moisissures ; on les lave puis on les remet en place après avoir renouvelé l’eau de mer. Le 22 août, à quatre heures et demie du soir, la germination du blé n’avait fait aucun progrès. Le 27 août, à midi, on examine encore les appareils n°° 3, 4 et 9. Comme les embryons n’ont reçu aucun accroissement nouveau, et que d’ailleurs les graines sont couvertes de moisissures, il devient évident que les germes sont morts ; on arrête donc l’expérience. | —., Les recherches montrent que l'eau de mer est mortelle aux em bryons du blé et de la fève. Par conséquent celte action seule suftit pour expliquer l'absence de germination des graines submergéesdans cette dernière, indépendamment d’ailleurs de l'influence que la proportion d'oxygène qu'elle contenait a pu exercer sur la marche du phénomène. Deux savants, MM. Ch. Darwin et Ch. Martins, avaient déjà étudie l'influence de l’eau salée sur la faculté germinative. Par des procédes différents, ils sont arrivés tous deux au même résultat, el ont reconnu que l’eau de mer exerce sur la vitalité des germes une action des plus nuisibles. M. Ch. Darwin (1) emplovait de l’eau de mer préparée artificiel- lement, mais dont il avait préalablement vérifié la salubrité, en y faisant vivre des algues et des animaux marins. Il plaçait alors les graines dans de petits flacons; les recouvrait de deux à quatre on- ces de liquide, que l’on renouvelait souvent; puis les laissait à l'ombre dans un endroit aéré. M. Ch. Martins (2) se servait de l’appareil suivant : « J'ai fait faire, dit-il, une boîte carrée en tôle, ayant 30 centi- mètres de côté el 3 centimètres d'épaisseur. Cette boîte était divi- sée en cent compartiments égaux. Les grandes parois opposées de la boîte étaient criblées de petits trous qui permettaient à l’eau d'entrer et de sortir librement. Chaque case était occupée par une espèce de graine, La boîte remplie, je fis souder le couvercle, et je pus faire amarrer solidement cette boîte sur une bouée flottante, à l'entrée du port de la douane, à Cette. Le mouvement des va- gues, même par une mer (ranquille, soulevait la bouée, puis la laissait retomber, de façon que la boite était alternalivement plongée dans la mer et élevée au-dessus de sa surface. » Ces deux savants, tout en restant d'accord dans leurs conclu- (4) Ch. Darwin, Influence de l'eau de mer sur la germination, 1855, analysé dans le Journal de la Société centrale d'horliculture de Paris, t. 1, 1855, (2) Charles Martins, Expériences sur la persistance de la vitalité des graines flot- tant à la surface de la mer (Bulletin de la Société botanique de France, 1857, t. IN, Pe 32/4). -2ETaU sions sur l'effet général produit par l’eau de mer, semblent néan- moins différer sur quelques points de détail : Ainsi on lit dans l'analyse du {ravail de M. Ch. Darwin : « Le fait le plus remarquable, c’est que les graines des légu- mineuses ont été les plus sensibles de toutes à l'influence de l'eau salée. » Au contraire, parmi les conclusions du mémoire de M. Ch. Mar- lins on trouve celle-ci : « Les Salsolacées, Polygonées, CUrucifères, Graminées el Léqu- nuneuses sont celles qui semblent supporter le mieux une immer- sion prolongée, » Cette divergence d'opinion tient sans doute à la différence des modes d'expérimentation mis en usage par ces deux savants, RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS, L'eau de mer détruit la vitalité des germes, l’eau douce au con- traire n’a point d'action nuisible si l'aération est suffisante; ct alors l'embryon sort de son sommeil et entre en germination. Dans le blé, la phase de germination tout entière peut s’accom- plir sous l’eau dont on entretient l’aération : soit par des végéta- tions confervoides , soit par un renouvellement suffisant du li- quide. Dans la fève au contraire, l’évolution commencée s’arrète bientôt, et l'embryon meurt, probablement par asphyxie, CHAPITRE II DES EFFETS DE LA SUBMERSION TOTALE SUR LA PLANTE ADULTE Les expériences variées, rapportées dans le chapitre précédent, montrent que la vie du blé submergé dans l’eau douce se termine à la fin de la période de germination. C’est la un résultat constant qu'il faut maintenant essayer d'interpréter. H. EMERY. , 5 _ GS À priori et en considérant les signes extérieurs les plus appa- rents, comme la pelitesse des feuilles, la faible coloration des lis- sus, elc., la mort semble surtout provoquée ici par un défaut d'ali- mentation. Voyons donc quel est le trouble que peut amener dans l'économie du sujet son séjour prolongé dans l’eau. Les exigences de la nutrition augmentent nécessairement avec les progrès du développement. Or, pour accroître sans cesse la masse des matières alimentaires qui doivent pénétrer dans l’économie, pour être ensuite livrées au travail nutritif, on n’entrevoit tout d'abord que l’un des deux moyens suivants. Ou activer l'absorption en multipliant progressivement ses organes spéciaux, et en ne leur fournissant en outre qu'un liquide nourricier d’une faible densité. C'est le procédé mis en pratique dans la végétation de la plante adulte, dont la racine n’absorbe jamais qu’une dissolution aqueuse très-diluée, par des milliers de spongioles qui se renouvellent etse multiplient sans cesse. Ou enfin, fournir à l'absorption, dont l'activité peut alors être beaucoup plus faible, un liquide dont le degré de concentration doit être toujours en raison directe de l’activité de la végétation. C'est là le mode d'alimentation de la plante pendant sa période de germination. Gela posé, pourrait-on intervertir ces lois naturelles, et faire indifféremment accepter à la plante et quel que fût son âge, l’un quelconque de ces deux modes d'alimentation? C’est là une question très-délicate qu’il nous faut maintenant examiner. Je prends comme point de départ ma dernière expérience. J'ai dit que la mort des plantes était survenue pendant l'évolu- üon de la quatrième feuille, au moment où l’albumen était épuisé ou bien près de l'être. Trois explications différentes de cette mort se présentent tout d’abord à l'esprit. On peut l’attribuer à l’'asphyxie, ou bien à l'insuffisance de l'alimentation, soit enfin à ces deux causes réunies. La premiere explication parait la moins probable à priori. Car il semble difficile d'admettre que l'asphyxie ait été la cause unique de la mort des végétaux, quand on réfléchit que ces derniers, une fois parvenus à cette période de dépérissement, se recou- vrent bientôt de plantes parasites qui doivent dégager des quan- NT quantités notables d'oxygène. D'ailleurs, certaines algues attei- gnent quelquefois des dimensions réellement colossales ; et cepen- dant leur respiration n’est entretenue que par l'air dissous dans Peau salée. Toutefois, cette influence ne saurait être évidemment négligée ‘dans ce genre d’études ; et nous allons chercher à en apprécier lexacte valeur, en nous appuyant sur les données scientifiques les plus certaines et les plus récentes. Les milieux différents dans lesquels vivent les divers organes végétaux sont au nombre de quatre : l’air atmosphérique, la terre, l’eau douce et l’eau salée. Comparons-les entre eux au point de vue des proportions variées d'oxygène et d'acide carbonique qu’ils renferment. D’après les traités élémentaires de chimie les plus récents (1), l'air contiendrait normalement de 2 à 3 dix-millièmes de son volume d'acide carbonique, soit en moyenne 25 cent-millièmes. Enfin, débarrasse de ce gaz et de sa vapeur d’eau, l'air atmosphé- rique contient 0,208 de son volume d'oxygène et 0,792 d'azote. De ces données on déduit par le calcul, que l'air atmosphérique parfaitement sec contient par litre : 0cc,25 d’acide carbonique; 207%,948 d'oxygène; 794cc,802 d'azote. MM. Boussingault et Lévy (2) se sont livrés, d'autre part, à de très-nombreuses et très-intéressantes recherches snr la composi- tion de l’air confiné dans le sol. Il résulte des travaux de ces deux savants, que cette atmosphère change tout à la fois et dans son poids et dans sa composition, selon la nature des sols. Dans cette discussion, pour fixer les idées, j'adopterai les résultats fournis par l'un de ces sols en particulier, au lieu de prendre une moyenne générale entre tous. La terre végétale que je considérerai ici avait été prise dans la serre des palmiers du Jardin des plantes de Paris, et appartenait à un sol privé d'engrais depuis dix ans. Elle était formée par un 1) H. Debray, Cours élémentaire de chimie, t.1,1862. 2) Boussingault, Agronomie, chimie agricole et physiologie, t. Il, 4864, p. 76. ( ( — 36 — mélange de terre ordinaire et de terre de bruyère, que l’on n’arro- sait d’ailleurs que fort rarement ; afin de ne point trop activer la végétation. £’étaient là des particularités, comme le fait observer M. Boussingault, toutes défavorables à la production de l'acide carbonique. Cette terre renfermait par litre: 361,8 d’un gaz dont la composition, établie d’après une moyenne de quatre détermina- tions, était, par litre du mélange: 10,7 d'acide carbonique, 492€,9 d'oxygène, et 796,4 d'azote. D'où l’on déduit qu’un litre de cette terre contenait en moyenne: 3cc,87 d’acide carbonique et 69cc,79 d'oxygène. Enfin, M. A. Morren (1) s’est livré, sur l’eau douce et sur de l’eau de mer prise à Saint-Malo, à des recherches du mème ordre qui nous fournissent les indications suivantes. L'eau de mer dissout des proportions de gaz variables entre 1/45 et 1/30 de son volume, soit en moyenne 1/36 de son volume. Ce mélange se compose en volume de 33 pour 100 d'oxygène, de 9 à 10 pour 100 d'acide carbonique, et le restant azote, Par conséquent, un litre d’eau de mer contient : 9cc,16 d'oxygène et 2,63 d'acide carbonique. L'eau douce dissout des proportions de gaz variables entre le 1/30 et le 1/25 de son propre volume, soit en moyenne 11/150 de son volume, c’est-à-dire environ Oft:,07 par litre d’eau. Ce gaz est formé de 32 pour 100 en volume d'oxygène, de 2 à 4 pour 100 d'acide carbonique ; le reste est de l'azote. D'où l'on déduit qu'un litre d'eau douce contient : 41cc,73 d'oxygène et 1°,4 d'acide carbonique. Ces résultats, sur lesquels vont maintenant porter notre discus- sion, je les résume dans le tableau qui suit : (1) A. Morren, Recherches sur les gaz que l’eau de mer peut dissoudre en différents moments de la journée et dans les saisons diverses de l'année (Comptes rendus, t. XIX, 14844, p. 86). COMPOSITION GAZEUSE DES DIVERS MILIEUX, UN LITRE CONTIENT NATURE DU MILIEU. ne Oxygène. Acide carbonique. cc cc Air atmosphérique . . . . . . . . . 207,948 0,25 Terre végétale Push #50 OEM 69,79 3,87 Ka demen. 24% 25. Cent: ce: 9,16 2,63 HautdoUCOs MMM MEN PRE EE 14,73 4,1 On peut comparer ces résultats à deux points de vue différents : sous le rapport de la respiration, en n'ayant égard qu’à l'oxygène, ou obtient alors les équivalents respiratoires des différents milieux; ou bien au point de vue de l'alimentation, en ne tenant compte, par conséquent, que de la proportion d'acide carbonique, ce qui donne les équivalents alimentaires. C'est ainsi que l’on peut dresser le tableau suivant : ÉQUIVALENTS NUTRITIFS. NATURE NATURE DU MILIEU. des L : qe ÉQUIVALENTS. Air atmosphér. [Terre végétale. | Eau douce. | Eau de mer Respiratoires. . Alimentaires . Deux remarques naissent à la vue de ce tableau. En trouvant que 17,89 d’eau douce contiennent autant d'oxy- gène que 221,68 d’eau de mer, on est porté à croire que le premier milieu est plus favorable à la respiration que le second; mais les mouvements plus fréquents, plus réguliers et plus étendus de l'eau salée, doivent annuler cette différence, et même en faire naître peut-être une en sens opposé. Ces agitations de l'océan constituent sans doute une des circonstances les plus favorables à la végéta- tion des plantes marines, et leur permettent ainsi d'atteindre des die proportions bien supéricures à celles des plantes d'eau douce. Une autre particularité vient en outre donner du poids à cette opinion. On est frappé, en eonsultant le Llableau qui précède, de voir l'eau de mer se rapprocher beaucoup, par la proportion d’acide carbonique, de la terre végétale, pauvre, il est vrai, des analyses précédentes; pendant que l’eau douce, au contraire, s’en éloigne beaucoup. Ainsi 1 volume et demi d’eau de mer ou 3 volumes et demi environ d’eau douce, contiennent autant d'acide carbonique qu'un seul volume de terre végétale. Par suite la plante marine trouvera dans l'eau ambiante presque autant d'acide carbonique que les racines de la plante terrestre en rencontrent dans le sol. Resterait à savoir, pour donner à ces déductions une force suffisante, si, dans les deux cas, la pénétration du gaz dans l'organisme est tout aussi facile. Quel que soit le résultat que l’on obtienne, il n’en paraîtra pas moins évident à priori que l’eau de mer, considérée comme milieu nourricier, doit être inférieure au sol proprement dit, toujours for- tement azolé, grâce aux fumiers et aux engrais de diverses sortes. Il serait done de la plus haute importance de déterminer les pro- portions relatives d’eau, de matières minérales et de matières organiques contenues dans les tissus des trois grandes catégories de plantes : {errestres, marines et d’eau douce. Sous ce rapport on trouverait sans doute entre elles de grandes différences. Car, non-seulement l’activité fonctionnelle, en raison de la rareté de l’oxygène, doit être moindre chez là plante submergée ; mais en- core son accroissement est rendu plus difficile par la p:uvreté même du milieu en principes assimilables. Il semble done au pre- mier abord que la plante aquatique doive produire, par ce double : motif, moins de inatière organique que la plante terrestre. C’est là du reste une question fort importante sur laquelle je me propose de revenir dans la troisième partie de ces recherches. Examinons maintenant le degré de probabilité de l'hypothèse qui attribuerait la mort du blé submergé, non plus uniquement à l’as- phyxie, mais surtout à l'insuffisance des aliments. Au point où en sont arrivées nos recherches, il parait naturel de l’attribuer en grande partie à l’inanition et un peu à l’asphyxie. En effet, une fois la période de germination terminée, les matières ON alimentaires doivent provenir dorénavant du milieu environnant, c’est-à-dire de l’atmosphère et du sol dans les conditions normales de végétation des plantes terrestres. Maintenant si l'on veut leur sub- stituer l'eau, il s’agit avant tout de savoir si ce liquide possède, sous le double rapport de l'alimentation et de la respiration, des ressour- ces suffisantes. Le fait de la deuxième louffe de blé, qui vivait alors, et qui vit encore aujourd’hui dans la même cloche, ne prouve évi- demment rien dans cette discussion ; puisque ce blé végète norma- lement, c’est-à-dire la racine dans l’eau et la tige dans l'air. Et l’on comprend que la même eau qui concourt avec l'atmosphère à nourrir une plante dont elle baigne seulement le pied, peut fort bien devenir insuffisante lorsque seule il lui faut alimenter le végé- tal, ainsi que cela se passe dans la submersion totale, Dans le pre- mier ças, non-seulement deux milieux différents contribuent si- multanément à l'alimentation du sujet, mais encore l’atmosphère, par une action spéciale très-puissante exercée sur les feuilles, excile au plus haut point l'absorption radiculaire. Dans le second cas, au contraire, les échanges entre l’eau environnante et les liquides de organisme semblent plus difficiles; et cependant cette eau est alors le seul fluide alimentaire. A ce double titre, et toutes choses égales d’ailleurs, l’eau qui nourrit la plante submergée doit renfermer plus de substances alibiles que celle qui baigne seulé- ment la racine de la plante terrestre. Conclusion parfaitement d’accord du reste avec les résultats fournis par l’analyse directe; puisque nous venons de constater que l’eau de mer, dont la végé- tation est en général plus puissante que celle de l’eau douce, con- lient aussi plus d'acide carbonique que cette dernière. Voyons donc si les conditions que je viens d'indiquer sont rem- plies dans l'expérience précédente; ou si du moins elles pourraient être satisfaites par des modifications convenables apportées à J'ap- pareil. Toutes les fois que l'eau ou un corps solide inerte mais humide, est pourvu de matières organiques, des protophytes de couleur verte se développent rapidement dans la région éclairée. Ceci est un fait coustant el dont nous sommes journellement témoins. Les produc- tions confervoides qui naissent spontanément sur les pierres hu: _f ft mides, dans les eaux stagnantes, el dont on peut à volonté provo- quer l'apparition dans l’eau chargée de matières organiques, ou dans la terre humide que l’on expose à la lumière, n’ont pas d'au- tre origine. À priori, il est à redouter que cette végétation sponta- née ne nuise à celle de la plante terrestre appelée à vivre complé- tement immergée dans cette eau. Sans doute les conferves fourni - ront de Poxygène au liquide et par suite à la plante; mais, à côté de cet effet salutaire, ne s'en produira-t-il point de contraire au végélal soumis à Pexpérience. D'abord les microphytes détour- neront à leur profit une portion des substances alimentaires re- pandues dans l'eau. On répondra peut-être que le tort fait ainsi à la plante supérieure n'estque temporaire; car après leur mort, les protophytes devront restituer, en se décomposant, ce qu'ils avaient enlevé au monde extérieur pendant leur mouvement vital de cons- titution. Et même, en développant l'argument, on fera remarquer que, bien loin de nuire, les conferves favorisent au contraire la vé- gétation de la plante supérieure en lui donnant, leur existence ter- minée, de nouveaux aliments. Car la vie de ces pelits êtres s’est passée à organiser de la matière, c'est-à-dire à élaborer des com= posés organiques, à l’aide des substances brutes du milieu environ- nant. Cette doctrine, qui fait dépendre l'existence de l'être supérieur de l’activité vitale déployée par l'être inférieur, règne depuis long- temps dans la science, Envisagée dans son acception la plus large, elle est vraie; mais peut-elle encore se justifier dans ce cas parti- culier ? C'est à quoi des observations directes seules répondront ; et c'est là un point que je réserve pour des observations ultérieu= res. Cependant, dès maintenant, il faut convenir que les presomp- tions tirées des faits connus ne sont pas en faveur de cette dernière opinion. Ainsi, dans les conditions régulières, la racine est enterréé el par conséquent à l'obscurité ; elle se trouve done, daus l’ordre na turel des choses, dans un milieu privé de toutes végétations con- fervoïdes. Cette circonstance nous porte déjà à penser que ces dernières entravent plutôt qu’elles ne favorisent les fonctions de là racine, Sans doute l'air atmosphérique pénètre et circule dans la —R— terre arable, où il produit une combustion lente des matiéres oxy- dables ; comme l'oxygène exhalé par les conferves brûle les sub- slances organiques contenues dans l’eau qu’elles habitent. La pra- tique nous à même depuis longtemps appris que cette circulation d'air élait une des conditions essentielles de la fertilité d'un sol. Mais 1l y a une grande différence entre cette oxydation lente en- trelenue dans la terre par l'air atmosphérique, et la combustion nécessairement plus rapide provoquée dans l’eau par le gaz dégage des conferves, gaz composé surtout d'oxygène à l’état naissant et par suite doué d’une activité chimique plus énergique que celle de l'air ordinaire. N’est-il pas à craindre que ce dernier ne suroxyde les matières organiques au point de les rendre tout à fait impro- pres à l'assimilation ? Opposera-t-on à ces doutes l'exemple des plantes aquatiques ? alors il importe de bien préciser la nature de la question. Pour un grand nombre de ces dernières, le mode de végétation ne diffère de celui des plantes terrestres que par Ja substitution de l'eau à l'atmosphère ; leurs tiges et leurs rameaux, au lieu d’être entou- rés par l'air, sont baignés par l’eau; voilà tout le changement. Quant à la racine, elle conserve ses rapports ordinaires avec le sol ; mais un sol, ilest vrai, un peu different du sol habituel, puisqu'il est alors submergé, au lieu d’être directement enveloppé par l'at- mosphère. Telle est la situation des plantes d'eau douce les plus élevées en organisation. Chez les plantes marines, on s'accorde généralement à regarder leur fronde comme leur seul organe d'absorption ; les racines deve- nant chez elles de simples crampons destinés à les fixer au rocher. « Plusieurs plantes, dit A. Thouin (1), végètent sous les eaux ; entièrement submergées, elles ne tiennent à la terre que par les racines, qui semblent leur être données plutôt pour les fixer à une place que pour les nourrir. » Cette manière de voir n'est-elle pas trop absolue? Peut-on affir- mer que l’algue n’emprunte absolument rien au sol, au fond ro- (4) André Thouin, Cours de culture et de naturalisation des végétaux, t. M, 4827, p. 288. H. EMERY. 6 == cheux sur lequel elle s'attache ? La roche, même la plus résistante, ne tède-t-elle pas à la longue à l’action lente mais continue des agents extérieurs ? et dès lors pourquoi n’abandonnerait-elle pas à la plante marine une partie des produits de sa décomposition ? Longtemps il fut admis sans conteste que les épiphytes fausses parasites, comme un grand nombre d’orchidées, ne vivaient qu'aux dépens de l’eau pure, de l’air et des gaz atmosphériques. Aujour- d'hui on a bien changé de manière de voir à cet égard. Les tra- vaux de M. Payen ont montré tout ce que cette opinion avait d’er- roné, car ce savant chimiste, déterminant la composition de ces végétaux, a prouvé que (1) : « Dans les orchidées aériennes contenant des proportions d'eau variables entre 85 et 94 centièmes, la matière sèche formant 5,6 à 16,8 pour 100, est composée de matières organiqueset de sub- stances minérales, les premières peuvent avoir été formées en grande partie par les gaz atmosphériques, comme cela a lieu pour les plantes terrestres, mais les subsiances minérales ne peuvent avoir la même origine, elles se montrent d’ailleurs «en quantités très-notables, formant pour 100 parues de la matière sèche de 5,8 à 10,7. Les matières minérales, en de telles proportions, — remarque M. Payen dans une autre partie de son mémoire, — ne pourraient évidemment être fournies par l’eau pure, ni par l'air, les vapeurs ou les gaz atmosphériques ; elles se trouvent contenues dans les supports pretendus inertes ; ceux-ci se désagrégent et s’amoindris- sent graduellement sous les étreintes de la végétation parasite. » ‘On manque, il est vrai, de documents semblables sur la végéta- ton des plantes marines ; mais en leur absence, il'est naturél de supposer que lès mêmes phénomènes ou des phénomènes analo- gues doivent se produire dans leur végétation. Ainsi nous sommes conduits à conclure que les algues tirent simultanément leurs principes constituants de deux milieux à la fois : de l'eau et du sous-sol marin. (1) Payen, Sur le mode de mutrilion des Orchidées (Jowrnal de la Sociélé centrale d’horticuluwre, t. 1, 1856), = Er = IL est encore une différence essentielle entre la végétation natu- relle des algues, et la végétation artificielle que je cherchais à prolonger dans le blé submergé. D'ans l'eau de mer on trouve sans doute de l'oxygène à l'état naissant; mais il importe de remar- quer que la fronde seule subit son contact immédiat ; et quant à la racine, soit en s’insinuant dans les fissures du roc, soit en péné- trant dans les débris meubles qui recouvrent le fond, elle se sous- trait, au moins en partie, à son contact immédiat. Au contraire, pendant la végétation du blé dans les cloches, le végétal tout entier se trouve soumis à l'influence de l'oxygène naissant ; et, circonstance importante à noter car elle est en opposition avec les conditions naturelles, la racine elle-même, toute chargée de conferves, se trouve comme la tige exposée directement à l’action de ce gaz. Si la mort des plantes terrestres submergées tient à ce que leurs racines sont plongées dans un milieu trop oxydant; ou si, tout au moins, celte circonstance exerce sur leur organisme une action fu- neste, il semble facile d’écarter cette cause pertubatrice en opérant à l’obscurité. Mais alors on complique les phénomènes de ceux amenés par le défaut de lumière ; et à l’inanition produite au jour, par le fait dela submersion, on ajoute encore l’inanition produite à l’obscurité par l'insuffisance de la transpiration, et l'impossibilité alors absolue pour les feuilles de réduire l'acide carbonique. Pour séparer les uns des autres ces divers phénomènes, et rap- porter chacun d'eux à sa véritable cause, il fallait plusieurs séries d'expériences, offrant chacune un mode de groupement particulier des influences extérieures. J'ai commencé à ce sujet deux catégories d'expériences. Dans l’une la plante ne trempait que par son pied dans de l’eau privée de lumière; dans l’autre, plus éloignée encore des conditions ordi- naires, c'était la plante tout entière que l’on immergeait dans le liquide. J'ai, pour le premier cas, expérimenté sur des fèves, Leurs ra- cines plongeaient dans de l'eau plus ou moins chargée de matières nutritives et toujours maintenue, non pas il est vrai à l’obscurité absolue, mais à une lumière diffuse si faible, que jamais, dans ces circonstances, les protophytes ne se sont montrés. Pour atteindre 2 facilement ce but, on versait l’eau dans des vases naturellement opaques, ou rendus tels, lorsqu'ils étaient de verre ordinaire, par des feuilles de papier noir collées sur leur face externe. En outre, la surface libre du liquide était recouverte, aussi exactement que possible, d’une plaque de liége percée de trous donnant pas- sage aux tiges. La partie aérienne de la plante recevait ainsi libre- ment la lumière, pendant que la racine restait dans l’obseurité. Cette disposition m'a paru favoriser la végétation ; toutefois ces expériences ne sont pas encore assez nombreuses, pour que je puisse me prononcer sur la nature de l'influence que l'éclairage des racines peut exercer sur le développement du sujet tout entier. J'ai fait également quelques essais de submersion totale à l'obs- curité. Certains organes, comme les racines, ou même des ensembles organiques tout entiers, comme les bourgeons, vivent d'une ma- nière permanente ou temporaire à l'obscurité ; mais à la condition toutefois de recevoir, pendant ce temps, une alimentation spéciale préparée ailleurs. Partant de là et pour avoir quelques chances de succès en me rapprochant le plus possible des conditionsnormales, j'ai choisi des jacinthes comme sujets d’expérimentalion. Si l'acti- vilé vitale peut en effet résister à l'influence de l'obscurité, cela doit se présenter surtout chez la plante bulbeuse, dont l'oignon contient des substances alimentaires qui ne sont peut-être point entièrement préparées pour l’assimilation, comme le fluide nour- ricier qui parvient aux bourgeons ou aux racines, mais dont l’éla- boration est certainement plus avancée que celle des matériaux qu’une plante quelconque puise directement dans le monde exté- rieur. J'ai donc submergé des oignons de jacinthe en voie de dévelop- pement, dans de l’eau ordinaire contenue dans des vases ouverts, mais placés à l'obscurité. Au bout de peu de temps, les plantes tombaient en putréfaction et exhalaient alors une odeur insuppor- table ; tandis que dans l’eau éclairée contenant des conferves, jas mais les matières végélales en voie d’altération n’exhalent d’odeur aussi désagréable. Dans ces circonstances les tissus vivants se re- ES couvraient et paraissaient se transformer en une masse incolore et glaireuse. Jamais d’ailleurs il n’y eut de microphytes verts dans cette eau ainsi maintenue à l'obscurité. Ce pouvoir de la lumière solaire de modifier les effets de la pu- -tréfaction des matières végétales, et d'en rendre les conséquences toutes différentes de celles que l'on observe à l'obscurité, n'avait point échappé à J. Senebier, l'un des physiologistes qui se sont occupés avec le plus de succès de l'influence de la radiation so- laire sur la végétation. Ce savant parait même avoir attaché beau- coup de prix à son observation. Non-seulement il indique avec soin la date de sa découverte : « J'avais prévu en 1782 l’antisep- ticité de la lumière » (1), remarque-t-il; mais encore il énumère les différents passages de ses ouvrages où il a parlé de cette action. C'est ainsi qu'il rapporte ce fait précis, au milieu de théories et d’interprétations assez vagues : « J'ai fait voir dans mes expériences sur l'influence de la lu- mière solaire dans la végétation, p. 61, que la lumière retardait longtemps la pourriture des feuilles exposées dans l’eau à son action. » Enfin Senebier termine en essayant d'indiquer la manière dont il conçoit l'influence solaire. Mais son explication est obscure et ambiguë ; il est manifeste qu'il n'a pas complétement saisi la cause du phénomène, l'insuffisance des connaissances physico-chimiques de son époque s’y opposait. Voici en effet textuellement son expli- cation, qui se termine en outre par une erreur grave au sujet de la germination. « Quand on considère les affinités de la lumière avec l'oxygène ; quand on sait que celui-ci enlève aux corps fermentescibles le car- bone qui est éminemment antiseptique ; on conçoit comment la lumière prévient la fermentation, comment elle l’arrète, et com- ment elle ralentit la germination. » On le voit, Senebier était encore fortement imbu des vieilles idées qui faisaient regarder les actes de nutrition comme des fer- mentations. C’est ainsi que la digestion était alors une sorte de (4) Jean Senebier, Physiologie végetale, t. IT, p. 180. — k6 — putréfaction ; et Sénebier, d’après ce passage, semble attacher le même sens à la germination. Ainsi la lumière exerce une influence antiseptique, les faits rap- portés par Senebier suffiraient à eux seuls pour l’établir; on en connaît d'ailleurs d’autres signalés par divers observateurs. Quant à la cause essentielle de cette influence, elle réside dans apparition et le développement des plantes confervoides. Ces végétaux, par l'oxygène qu'ils dégagent à la lumière, font subir aux matières végétales en voie de décomposition une combus- tion plas rapide et tout autre que celles qu’elles subiraient sous la seule influence de l'air, de l'humidité et de la chaleur atmosphériques. Cette combustion plus active rend très-difficile sinon impossible la formation des composés ammoniacaux vola- tils, ainsi que celle de lhydrogène sulluré et autres gaz odo- rants, produits ordinaires de la décomposition putride. Enfin ces protophytes doivent en outre assimiler une partie notable des substances azotées, carburées, éte., contenues dans l’eau ; et par suite tendent à assainir le liquide, en diminuant les causes d'infection qu’il renferme. À ce point de vue il serait curieux d'étudier la composition de ces microphytes ; de rechercher la nature et la proportion relative des matériaux constituants de leur organisme ; et surtout de les comparer, sous ce rapport, aux végétaux supérieurs. La lumière est donc antiseptique parce qu'elle provoque un incessant dégagement d'oxygène ; et, dans le cas précédent, la mort des jacinthes est causée par l'asphyxie, et non point par l'influence spéciale de l'obscurité où l’action particulière exercée par l’eau sur les tissus. J'ai contrôlé cette conclusion en vérifiant que des jacinthes ve- gètent dans l’eau, soit à la lumière, soit à l'obscurité, si on leur donne de l'air en quantité suffisante; mais qu’elles périssent, mème dans l’eau éclairée et en offrant les mêmes particularités qu’à l'obscurité, quand l'oxygène fait défaut dans le liquide. C'est ainsi que, dans la deuxième partie de ce travail, je rapporterai des expé- riences qui prouvent que les jacinthes peuvent végéter et fleurir dans l’eau, à la lumière ou à l'obscurité, pourvu que l'oignon reste = A = hors de l’eau, c’est-à-dire en contact direct avec l'air atmosphé- rique. Au contraire, j'ai vu la suübmersion totale, même à Ja lumière, devenir dans cerlaines circonstances rapidement mortelle pour ces plantes. A cet effet j'ai placé des bulbes de jacinthes au fond de l’eau contenue dans un vase de verre bien éclairé. On renouvelait d’ailleurs le liquide assez souvent pour éviter la formation de la matière verte. En peu de temps les plantes périrent et leurs tissus présentèrent les mêmes signes d’altération putride que j'avais observès dans des bulbes submergés et maintenus à l'obscurité. D'autres faits viennent corroborer cette opinion et montrer qu'une des grandes difficultés que l’on rencontrera en voulant faire végéter sous l’eau des plantes terrestres, sera l'insuffisance de l'oxygène. Il n'est pas rare en effet de voir des plantes terrestres, des plan- tes bulbeuses entre autres, accidentellement enterrées, vivre ainsi quelque temps. Sans doute elles sont étiolées, mais elles vivent, à la condition cependant de n'être point enterrées trop profondé- ment. C’est que, dans ces circonstances, le sol leur fournit assez d'oxygène pour entretenir leur respiration durant les premières phases de la végétation. EL quand elles meurent, ou bien plus généralement quand on enfouit des matières végétales quelconques, jamais les produits de leur décomposition ne sont identiques avec ceux que ces mêmes corps fournissent par leur altération dans l'eau. Qui n'a été frappé, par exemple, de la mauvaise odeur et des caractères tout particuliers que présente un bouquet qu'on a laissé pourrir dans l’eau ? Ainsi tout nous indique qu'il se produit dans l’eau un genre spé- cial de décomposition des substances végétales, genre caractérisé par des produits particuliers qui ne se forment que dans un milieu pauvre en oxygène. Ces prévisions sonteonfirmées par les analyses que j'ai rapportées plus haut; puisque nous savons maintenant qu’un litre de terre végélale, inalgré la combustion lente qui a lieu dans son.sein, st, RE renferme encore 69,79 d'oxygène, landis qu'un litre d'eau douce n’en contient plus que 11,73 environ, À ce titre un litre de terre équivaut done en moyenne à cinq litres d'eau douce. . D'où l’on est conduit à penser que l'un des moyens les plus sim- ples d'entretenir la respiration de la plante serait de la plonger dans de l’eau constamment el rapidement renouvelée. Nous allons voir que ce serait en même temps un des moyens les plus efficaces pour la nourrir. La deuxième grande difficulté que lou doit rencontrer en effet dans l'éducation des plantes terrestres submergees est relative à l'alimentation. Sous ce rapport, les exigences de la plante crois- sent avec les progrès du développement; et, avons-nous déjà fait remarquer, on n'eutrevoit que denx movens de les satisfaire : soit en donnant des dissolutions alimentaires lrès-concentrees, soil eufin en introduisant sans cesse dans son organisme de grandes quantités d'un fluide nutritif très-dilué. Le premier moyen, qui est le moyen régulier pour la plante en germination, semble offrir peu de chances de succes chez la plante adulte dont les épidermes, s'épaisissant chaque jour davantage, ne laissent de voie complétement libre à l'absorption que par un nom- ” bre restreint de surfaces d’ailleurs très-circonscrites elles-mêmes, par les surfaces des spongioles. J'ai essayé de concilier les exigences provenant de celte partieu- larité d'évolution avec celles qui naissent de la combustion respi- raloire, en submergeant de jeunes plantes de blé ou de fèves dans des dissolutions concentrées faites avec lalbumen ou les cotyle- dons de graines de mème espèce en voie de germination, Ces li- quides, renouvelés de temps à autre, étaient placés dans des vases de verre à large surface, et fermés hermétiquemeut par de la bau- druche constamment mouillée par le liquide, ce qui la rendait beaucoup plus perméable aux gaz. Par ces dispositions j'espérais atteindre un double but : offrir à la plante et sous un petit volume une quantité suflisante de matières nutritives déjà élaborées dans une autre graine; et, en second lieu, permettre néanmoins à la plante de respirer tout en l'isolant suffisamment de l'atmosphère pour prevenir les causes les plus apparentes d’altération, en met Te tant obstacle au développement des proto-orgauismes, microphy- tes el microzoaires. Je n’ai point encore oblenu de résultats satisfaisants dans ces tentatives d'allaitement artificiel. J'ai pensé que peut-être l’insuccès tenait au défaut d’une alimentation convenable ; ces dissolutions d’albumen ou de cotylé- dons, nécessaires pour la jeune plante, devenant sans doute insuf- fisantes pour la plante plus âgée. Voici l'expérience que je tentai pour m'éclairer à ce sujet. Le 26 août 1864, on fit choix de trois pieds de fèves qui avaient été élevées dans le même pot et à la lumière. Ces plantes étaient toutes les trois au même degré de développement; chaque tige portait cinq feuilles, el la sixième, déj formée, entourait encore et protégeait le bourgeon terminal. On sépara, par des lavages ménagés, la Lerre des racines, et l’on submergea les plantes dans une cloche contenant une eau de terreau dont j'indiquerai plus loin le mode de préparation. On leur avait en outre attaché dés contre-poids convenablement distribués de manière à les main- tenir dans leur situation normale, c’est-à-dire verticalement, tout en restant entièrement submergées. L'appareil fut placé derrière une des fenêtres du laboratoire, où les plantes pouvaient rece- voir directement les rayons solaires pendant la première partie de Ja journée. Malgré les précautions prises, les portions terminales des tiges étaient dans le prineipe un peu affaissées ; mais le len- demain 27, à midi et demi, elles s'étaient parfaitement dressees et leur extrémité sortait alors du liquide, On ajouta de l'eau de terreau de manière à submerger le pied dit n° 1, pendant que le bourgeon terminal et la dernière feuille des deux autres pieds, numérotés L et 2, émergeaient seuls. Le mercredi 7 septembre, à huit heures du matin, la tige n° 1 ne s élait pas montrée à la surface du liquide, laudis que la tige n° 2 avait développé trois feuilles hors de l'eau, et celle n° 3 deux seu- lement. Comme depuis la veille les parties aériennes se desséchaient et les organes submergés pourrissaient, on suspendit ce jour-là cetle expérience. A . n . Cette observation montre bien nettement loute l'influence exer- H. EMERY. 7 LE cée dans cet ordre de phénomènes, par le libre accès -de l'air atmosphérique. Quant à l’insuccès de cette première tentative, on n’en peut évidemment rien conclure; et je me propose de la répe- ter en variant les conditions relatives à la densité de la dissolution et à ses divers modes de renouvellement, d’aération, etc. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. De cette discussion et de ces diverses tentatives il faut conclure que, dans l’ordre naturel, le plus grand nombre des plantes adultes vivent plongées dans deux milieux à la fois : la terre et l’air pour les plantes terrestres, la terre et l’eau pour les plantes aquatiques. Les végétaux pouvant vivre dans un seul milieu, la terre ou l’eau, sont en bien petit nombre et appartiennent tous aux types orga- niques les plus dégradés; ce sont, par exemple, les truffes dans le premier cas, les plantes confervoides dans le second. Si l’on veut modifier cet ordre naturel et forcer la plante adulte à vivre dans un seul milieu, l’eau, il faut tout à la fois oxygéner cette dernière et augmenter sa puissance nutritive. Je viens d'indiquer trois moyens de satisfaire à la première con- dition. De ces trois procédés, deux seulement : plonger la plante dans l’eau courante, ou l’immerger dans de l’eau stagnante chargée de protophytes verts, ont été appliqués dans mes recherches. Dans l’un et l'autre cas, je n'ai pas réussi à faire vivre une plante adulte maintenue sous l’eau. Mais je ferai observer que jusqu'ici je n'ai pu encore disposer des appareils nécessaires pour appliquer d’une manière profitable le premier procédé. Quant au second, comme chaque jour je m’exerce et me perfectionne dans l’art de faire naître et vivre les végélaux confervoïdes, peut-être arriverai-je enfin par ce moyen à donner à l'eau la quantité d'oxygène néces- saire à la respiration d’un végétal adulte d'organisation plus élevée. Je'ne saurais donc aujourd'hui conclure avec ‘certitude dans un sens ou dans l’autre. Enfin on devra essayer encore la méthode d'aération du liquide : soit par l'introduction directe de bulles d'oxygène, soit par la décomposition de l’eau à l’aide d’un ‘faible courant ‘électrique. Je NI — n’ai jusqu'ici aucune donnée sur les résultats que peuvent fournir ces procédés, que je me propose d’expérimenter dès que je serai en mesure d'installer les appareils qu'exige leur emploi. Si l’on parvient à faire respirer la plante submergée, il faudra ensuite la nourrir. Jusqu'ici le moyen qui me paraît offrir le plus de chance de succès, et qui serait d’ailleurs conforme à ce qui s’observe dans la végétation des plantes naturellement aquatiques, serait de les plaeer dans de l’eau courante peu chargée de matières nutritives. C’est là du moins l'indication que fournit l’étude des végétations confervoïdes. L'eau est-elle pure? ce n’est qu'à la lon- gue et grâce aux poussières apportées par l'atmosphère, qu’elle se peuple de quelques rares microphytes. Mais si l’on jette dans cette eau des fragments d’albumen ou de cotylédons, les protophytes prennent un rapide développement, Le stroma proligère se consti- tue à la surface du liquide et de nombreuses bulles de gaz prennent naissance dans toutes les parties de la masse. Puis cette activité se ralentit et plus tard s'éteint : le stroma disparait, l’eau s’éclair- cit, l'exhalation du gaz cesse, et les conferves flottent inertes sus- pendues aux parois latérales ou enlacées au fond du vase. Alors si l’on verse dans ce milieu devenu stérile un peu d’eau ayant filtré sur du terreau, .la vie et le mouvement renaissent aussitôt. Mais si, croyant activer les phénomènes et accroître leur intensité, on remplissait une cloche exposée à la lumière d’une eau fortement chargée de substances organiques, telle qu'une dissolution concen- trée des matières solubles contenues dans le terreau, on arriverait à des résultats tout autres que ceux que l'an attendait. Dans ce dernier cas, en effet, on n’obtiendrait que peu ou point de proto- phytes verts, mais une décomposition offrant à des degrés divers les traits caractéristiques de la fermentation putride. DEUXIÈME PARTIE DES EFFETS PRODUITS PAR LA SUBMERSION DE LA TIGE SUR LA VÉGÉTATION DES PLANTES TERRESTRES INTRODUCTION. L Un certain nombre d'auteurs, dans des buts très-divers, ont exa- miné les effets produits par l'immersion dans l’eau de diverses parties d’un végétal vivant autres que la racine. Parmi les savants dont les travaux sont les plus importants et les plus variés, je cite- rai : Hales (1), Duhamel (2), Bonnet (3), Priestley (4), Ingen- housz (5), Senebier (6) et A. Thouin (7). Mais les uns, comme Hales, Duhamel et Senebier, avaient uniquement en vue, dans ce genre d'expérience, l'étude des mou- vements de la sève, de l'absorption et de l’exhalalion aqueuse. D'autres comme Priestley, [ngenhousz et Senebier employaient l'immersion dans l'eau comme moyen expérimental pour délermi. ner la nature des échanges gazeux qui s'effectuent, pendant la vie de la plante, entre elle et l'atmosphère. Cependant quelques-uns d'entre eux ont spécialement recherché les influences que pouvait exercer la submersion partielle sur la naissance, le mode d’accrois- sement et en général l'ensemble des caractères d'un organe. Parmi ceux qui ont suivi cette dernière voie il faut mettre au premier rang Bonnet et A. Thouin. Leurs travaux importants nous ont fait (4) Hales, La statique des végétaux, traduction de Buffon, 1724. (2, Duhamel, La physique des arbres. (3) Charles Bonnet, Recherches sur l'usage des feuilles, 1754. (4) Priesiley, Expériences sur différentes branches de la physique, traduction de Gibelin, 1782. (5) Ingenhousz, Expériences sur les végétaux, 1780. (6) Senebier, Physiologie végélale, 1800. (7) André Thouin, Cours de cullure et de naturalisation des végétaux, 1827. — Do — connaitre à peu prés tout ce que lon sait actuellement sur ce genre de phénomènes. $ #4. — Kecherches de Charles Bonnet. Charles Bonnet fut amené par ses études restées justement céle- bres sur l'usage des feuilles, à s'occuper des eflets produits par la submersion partielle de la plante. Ses travaux fort nombreux se rattachent à deux sujets distincts : la nutrition, et l'orientation naturelle des axes. Dans un premier mémoire ayant pour titre : De la nutrition des plantes par leurs feuilles, est conduit à rechercher si, dans le végétal complet, les feuilles peuvent suppléer entièrement les raci- nes dans les actes de la nutrition dévolus à ces dernières. Voici en quels termes il décrit son expérience (4) : « J'ai voulu éprouver si des plantes qui ue se nourrissaient que par leurs feuilles vivraient aussi longtemps, et feraient autant de progrès que de semblables plantes qui se nourriraient par leurs racines. J'ai laissé à chaque plante un ou deux rejetons que j'ai tenus hors de l'eau, et qui n'ont été nourris que par la partie de la plante qui y était plongée. J'ai rendu tous ces rejetons aussi égaux el semblables qu’il m'a été possible. J'ai laissé ces plantes en expe- rience environ cinq à six semaines, au bout desquel! 8 je n'ai point observé de différence considérable entre les rejetons nourris unique- ment par les feuilles, et ceux qui ne l’éfaient que par les racines. J'ai seulement remarqué que les feuilles plongées dans l'eau, ont paru souffrir un peu plus de l'action de ce fluide que les racines. Ces dernières ont été appelées à vivre dans l'humidité : elles ont été rendues capables de la soutenir. » Dans un second mémoire intitulé (2) :« De la direction et duretour- nement des feuilles ; et à cette occusion de la perpendicularité et durepliement des tiges» ; le savant naturaliste se demande si les lois d'orientation qu'il vient de découvrir pour les parties vertes expo- (1) Charles Bonnet, Recherches sur l'usage des feuilles, p. 67. (2) Ibid., p. 77 et suivantes. 104 — sées à l'air et à la lumière sont encore les mêmes daus l’eau suffi- samment éclairée. C’est ainsi qu'il est d’abord amené à submerger des rameaux, sur une étendue variable de leur portion terminale. Mais bientôt son compatriote Calandrini de Genève lui ayant mon- tré des feuilles qui, bien que détachées et placées sous l’eau, exécu- taient encore leurs mouvements ordinaires, il agrandit le champ de ses expériences et les étend non-seulement aux feuilles, mais encore à des portions de feuilles coupées d’une manière quelconque. Toujours et dans tous les cas il reconnut que l’eau n'avait aucune influence sur la nature de ces singuliers mouvements. Des recherches aussi multipliées que les siennes ne pouvaient manquer de le mettre sur la trace de nouveaux phénomènes, étrangers au but qu'il s'était proposé dans le principe. C’est ce qui arrive communément à tous les expérimentateurs ; Charles Bonnet bénéficia ici de la loi commune. En étudiant le mécanisme du retournement des feuilles, l’illustre observateur, pour conserverlaux rameaux leur fraicheur première, trempait dans de l’eau leur extrémité inférieure. A plusieurs repri- ses il vit, non sans surprise, des racines prendre naissance et se développer sur les parties ainsi submergées. Un phénomène si curieux ne pouvait manquer d'exciter l’atten- tion d'un savant comme Charles Bonnet, aussi dans un quatrième mémoire dont voici le titre: « De quelques sinqularités des diffé - rentes parties des plantes, principalement des feuilles »,il revient sur cet important sujet et décrit en détail ses expériences. On y voit qu'en trempant dans l’eau l'extrémité inférieure du pétiole, il est parvenu à bouturer par ce moyen les feuilles du haricot, du chou, de la belle-de-nuit et de la mélisse. «QI y avait lieu de s'attendre, — remarque-t-il (1), — que des feuilles si enracinées vivraient longtemps. Cependant elles ont passé au bout d'environ une semaine. J'ai essayé d’en transplanter dans des vases pleins d’une terre préparée, mais elles n’y ont fait au- cun progrès. » C'est là en effet une particularité physiologique confirmée par (4) Charles Bonnet, Recherches sur l'usage des feuilles, p. 206. Mn tous les expérimentateurs qui se sont depuis occupés de ce genre de boutures. Leur reprise en terre ordinaire demande des précau- tions minutieuses ; et nous verrons bientôt comment André Thouin parvenait à surmonter celte grande difficulté de la pratique, et assu- rait la reprise de ses boutures. Cette particularité que présente le bouturage par l’eau, montre que l’organisation de la racine offre toujours les rapports les plus directs et les plus nombreux avec la nature du milieu dans lequel elle se forme; en sorte que celle qui a pris naissance et vécu un certain temps dans la terre ne saurait vivre dans l’eau et récipro- quement. $ 2. — Recherches d'André Thouin. Le recherches du célèbre directeurdes cultures du Museum avaient un but nettement défini : l’étude du bouturage par submersion. 41 désirait savoir si, au point de vue purement horticole, il y aurait dans certains cas avantage à substituer l’eau ordinaire à la terre dans la pratique du bouturage. Le savant académicien ayant entendu parler de-quelques essais de ce genre, voulut à son tour renouveler ces tentatives. Voici en quels termes il raconte les phases de son expérience, faite sur des bases assez larges pour fournir des conclusions certaines (1). « Nous avons répété ces expériences au Muséum, et elles ont donné des résultats utiles, sinon à la multiplication des végétaux, du moins aux progrès de la physiologie végétale. Vingt - huit es- pèces d'arbres, arbustes et plantes ont été soumises à ces essais, depuis le mois de janvier 1805. Vingt-cinq ont développé compléte- ment leurs gemma, et poussé des bourgeons plus ou moins éten- dus; mais treize d’entre elles sont mortes après avoir épuisé la séve latente qu'elles contenaient et sans avoir poussé de raci- nes (2). Les boutures des douze autres espèces se sont enracinées (4) André Thouin, Cours de culture et de naturalisation des végétaux, p. 563 et suivantes, (2) C’étaient des ramilles bien-constituées, de02,2-à10%; 31delong-etd'un -diamé- tre de 0*,004 à 0®,008 parile-bas,-prises -sur lesSyringa vlilac,-le Cratægus race- mosa, Lam. ,le-Buus sempervirens, le Salviwofficinalis, le Pistacia Chia, le Populus He parfaitement, et ont fourni des bourgeons vigoureux; mais deux d'entre elles sont mortes avant la fin de cette même année (1). Les dix autres ont continué d'exister dans l’eau où elles avaient été mises. La première année, elles ont poussé avec vigueur des bour- geons, des feuilles et des racines, dans une aussi grande abondance qu’en pleine lerre. La seconde année, leur végétation a été plus lente; les pousses ont été plus courtes, les feuilles plus petites, les racines et le chevelu moins nombreux et plus grèles. L'arrivée de l'automne a fait descendre plus tôt la sève dans ces individus que dans ceux qui vivent dans la terre, et leurs feuilles sont tombées avant celles de ces derniers, mais les gemma, quoique petits, élaient bien conformes. L'année suivante, toutes ces boutures ont développé leurs gemma des les premiers jours du printemps ; mais il n'en est résulte que des bourgeons faibles ; elles sont mortes suc- cessivement. Quatre autres (2) auxquelles ont avait supprimé les gemma avec le corculum qui se (trouve inséré dans l'épaisseur de l'écorce, out offert un fait de physiologie assez remarquable. Quoique pri- vées d'yeux, et par conséquent de bourgeons et de feuilles, ces boutures ont cependant poussé des racines du talon de leur extré- mité inférieure, mais en petit nombre et qui sont restées courtes et grêles pendant tout le cours de l’année dernière. Cette aunée-ei, 1808, leur végétation a été plus forte, parce qu'il s'est développé, au printemps, des gemma latents qui ont produit des feuilles. » Cette importante expérience donne lieu à plusieurs remarques, mais je me bornerai à une seule, afin de ne pas m'écarter de mon sujet, Les bouturesles plus vigoureuses n’ont vécu que trois années ; et, aux symplômes signalés par A. Thouin, il est facile de voir qu'elles ont péri d'inanition. Elles ne renfermaient point dans le principe assez de matières organiques pour fournir, avec le concours d'un alba, le Rosa centifolia, le Quercus cerris, le Sambucus racemosa, le Vilis vinifena le Rhus typhina, le Ribes oxyacantha et le Spirœæa sorbifolia. (1) Sambucus nigra, laciniala, el Robinia pseudo-acacia. (2) Piatanus occidentalis, Populus alba, Tamarix gallica, Salix babylonica. 17 — milieu aussi pauvre que l’eau ordinaire, lous les matériaux néces= saires à une végétation vigoureuse. Cette doctrine de la nutrition des organes en voie de formation aux dépens et avec la propre substance des organes antérieure- ment formés, règne depuis longtemps dans la science; et chaque jour des observations nouvelles viennent en consacrer lexacti= tude. « I est des feuilles, a écrit Ch. Bonnet (1), dont les principales fonctions sont moins de pomper l'humidité, et d'aider à l’évapora- tion des humeurs superflues, que de préparer le suc nourricier, et fournir peut-être de leur propre substance, une nourriture conve- nable à la petite tige qu’elles renferment. La pomme du chou en est un exemple extrêmement remarquable. La forme de ses feuilles, leur épaisseur, la manière dont elles sont pressées, et ar- rangées les unes sur les autres, leur dépérissement lorsque la tige qu'elles nourrissaient a achevé de se développer, persuadent faci- lement qu'il en est de cette pomme, comme de certains oignons, qui s'épuisent pour fournir au développement de la tige placée à leur centre. Si l’on met une pomme de chou sur un vase plein d’eau, il sortira du tronçon beaucoup de racines ; la petite tige pa- raîtra bientôt; elle montera et fleurira comme elle aurait fait en pleine terre. » On compreud dès lors la persistance relativement si grande de Ja vitalité des organes séparés des plantes grasses; car leurs feuilles charnues peuvent subvenir presque seules aux exigences de la végétation nouvelle. A. Thouin (2) en signale un exemple tres-curieux et des plus instruclifs. Je le rapporte textuellement, car il peut être considère comme le type de tous les phénomènes de cet ordre décrits depuis par différents auteurs. « Vers 1786, un de mes frères (M. Jean Thouin, premier jardi- nier du Muséum) plaça dans une carafe remplie d'eau commuueet dans une serre chaude une couronne d’ananas (Bromelia ananas). (4) Recherches sur l'usage des feuilles, p. 205. (2) Cours de culture, t. IL, p. 568. H. EMERY. à ee Dans l'espace de trois mois, elle poussa beaucoup de racines, qui, à la fin de l’année, occupèrent toute la capacité du vase; mais les parties de la plante exposées à l’air ne végétèrent pas dans la même proportion : au contraire, elles restèrent petites, et n’étaient pour ainsi dire qu’une miniature. Cette végétation, qui a duré trois ans, s’est terminée, comme à l'ordinaire, par la fructification de la plante. Toutes ses parties étaient à peine d’un dixième de l'étendue de celles des individus cultivés dans de la terre à la ma- nière habituelle. Le fruit surtout était d’une petitesse extrême et la pulpe en était presque nulle. » Cependant le savant académicien n'avait point perdu de vue son but principal, celui de rendre pratique le bouturage dans l'eau. Les nombreux essais auxquels il s’est livré sont venus confirmer de tous points les résultats annoncés par Bonnet. « La translation de l’eau pure à la terre, dit A. Thouin (1), est difficile à faire supporter à ces sortes de boutures, qui se pratiquent pour plus de commodité dans des carafes de verre blane, à l'effet d'observer plus facilement le progrès des mamelons. Il faut opérer ce changement par gradation insensible, sans quoi on manque le but qu’on s'était proposé, » Selon lui, le moyen d'assurer la transplantation des boutures est: « Dès qu'on aperçoit les glandes corticales s'ouvrir un passage à travers l’épiderme des rameaux, les mamelons sortir des ouver- tures et former de petits cônes blancs, qui sont les rudiments des racines; il convient, dis-je, de mettre de la terre dans l’eau et d'en augmenter la quantité de jour en jour, de manière qu’au bout de quelques semaines elle remplace l’eau et forme un corps solide avec elle. » Cette pratique culturale soulève une question d’une grande im- portance scientifique. Il importerait beaucoup, en effet, de savoir si en opérant de la sorte on habitue graduellement les racines qui ont pris naissance dans l’eau, à vivre et à se développer dans un autre milieu, dans la terre. Ou bien si, par ces transitions ménagées, on permet à de nouvelles racines, essentiellement terrestres, de se (4) Cours de culture, t, II, p. 567. AO produire au fur et à mesure que les anciennes, essentiellement aquatiques, dépérissent et meurent dans le nouveau milieu. En d'autres termes, y a-t-il, dans cette opération, substitution véri- table d’un système radiculaire à un autre tout différent ; ou bien adaptation pure et simple d'un même système successivement à deux. milieux distincts ? Quelle que soit d’ailleurs la manière dont les choses se passent réellement, le résultat est toujours le même pour la plante dont l'existence se trouve également assurée dans l’une ou l’autre hypothèse par les intelligentes précautions qe l’on a prises. Malheureusement A. Thouin ne paraît pas s'être préoccupé de cette question, et je n’ai trouvé nulle part dans ses écrits d’indi- cations sur ce difficile problème. Sans entrer ici dans une discussion approfondie sur ce sujet délicat, je ferai dès maintenant remarquer que la première opinion, celle du remplacement, me paraît beaucoup plus probable que celle de l’adaptation. Elle est d’ailleurs conforme à des faits bien con- nus qui présentent la plus grande analogie avec ceux que j’examine en ce moment. On sait, depuis les expériences de Duhamel, que si l’on arrache un arbre et qu’on le replante ensuite dans une situation renversée, c'est-à-dire les racines en l’air et les feuilles enterrées, le végétal reprend dans la plupart des cas. La reprise est surtout assurée quand on a la précaution, comme le faisait Duhamel, d’entourer la masse radiculaire de mousse entretenue humide, afin d'éviter la trop grande sécheresse qui amènerait falalement la mort de ces organes el même, dans cerlains cas, celle de l’arbre tout entier. Dans ces circonstances, les feuilles et le chevelu périssent, et plus tard des rameaux ainsi dénudés, dont les uns sont une dépendance de la tige et les autres du pivot, naissent de nouvelles productions. Mais, fait remarquable, les organes souterrains sont alors des racines el les organes aériens des boutons. Ainsi il n’y a point dans cette situation forcée adaptation des organes au’ nouveau milieu, mais bien remplacement. Enfin, A. Thouin, et c’est par là que je terminerai l'analyse de ses travaux, consigne une observation vérifiée depuis par beaucoup 0 — d'autres expérimentateurs, et sur laquelle je désire fixer un mo ment l'attention. Le savant professeur de culture, en parlant des racines d’une bouture faite dans l’eau, dit (1): « Celles-ci, en s'étendant, ont conservé à leur extrémité un point glanduleux de couleur verdätre, autour duquel se trouve presque toujours une matière de nature à n'être pas dissoute dans l’eau, et qui, lorsqu'elle est devenue trop pesante, se détache et tombe au fond du vase. Cette matière ne peut être le résidu des diverses substances contenues dans le liquide, et dont les glandes terminales des racines auraient opéré le rejet en s’appropriant celles qui con- viennent à leur organisation, puisqu'elle n’est pas soluble dans ‘eau. Il est probable qu’elle n’est autre chose qu'une sécrétion particulière des racines, qui, ainsi que les feuilles, les bourgeons, les tiges et autres parties extérieures des plantes ont les leurs propres. J'ai remarqué cette sécrétion dans les racines de plus de soixante espèces de végétaux d’un grand nombre de familles diffé- rentes que nous avons fait croître dans l’eau. » Cette matière mucilagineuse a été souvent signalée par les auteurs qui ont fait vivre des plantes en maintenant leurs racines dans de l'eau ordinaire, mais ils ont diversement expliqué son origine. Pour la majorité d’entre eux, comme pour A. Thouin, cette ma- tière glaireuse est un produit d’excrétion. Et c’est même là un des principaux arguments présentés en faveur de leur théorie par des physiologistes qui admettent l'existence des excrétions radicu- laires. Dans un écrit récent, M. Cauvet émit l'opinion que : « la matière mucilagineuse observée provenait de la décomposition, sous l'in- fluence de l’eau, d’un tissu préexistant (2). » Les nombreuses observations qu'il m'a été donné de faire à ce sujet, et dans des conditions très-variées, me conduisent égale- ment à celte conclusion que j'appuie d'ailleurs sur les considéra- tions suivantes. (4) Cours de culture, t. IL. p. 581. (2) Docteur Cauvet, Études sur le rôle des racines (thèse de botanique, Stras- bourg, 1861). 0 Quand des matières végétales, comme des graines, des frag- ments de bois, ete., sont abandonnées dans l’eau, à l'influence de la lumière, le liquide se recouvre, au bout de quelques jours, d’une couche glaireuse, sorte de gelée incolore et transparente, c'est la couche proligère de M. Pouchet. Plus tard, apparaissent des pro- tophytes et des protozoaires, et cette couche finit par disparaître en se transformant. Lorsqu'un organe appartenant à une plante vivante s’altère par suile de son séjour dans l’eau, deux cas peuvent se présenter : si le liquide est éclairé et suffisamment aéré, des conferves se montrent bientôt sur l'organe en voie de décomposition, qui disparaît en se fondant en quelque sorte dans la masse commune. Mais si l’eau est maintenue à l'obscurité; ou bien si, tout en restant à la lumière, elle n'est pas suffisamment aérée, les protophytes verts ne se montrent point, et la décomposition est alors caractérisée par la naissance et le développement de la matière glaireuse. Enfin, quand on astreint les végétaux à vivre les racines submer- gées, si l’eau est stagnante et éclairée, des conferves y naissent et végétent fixées sur les diverses radicelles; alors on n’aperçoit point de matière glaireuse sur les organes submergés. Au contraire, renouvelle-t-on l’eau assez souvent pour s'opposer au développe- ment des prolophytes, on voit bientôt poindre des gouttelettes mucilagineuses vers les extrémités radiculaires. Ces observations me seinblent suffisantes pour établir que la matière glaireuse qui, dans ce dernier cas, s'attache à la pointe des racines, est le produit direct de la décomposition d'un tissu sous l'influence d’un excès d’eau et d’un défaut d'oxygène. Nos connaissances sur les effets du séjour prolongé des tiges et de leurs dépendances dans l’eau peuvent donc se résumer dans trois faits essentiels : orientation des tissus herbacés dans l’eau comme dans l'air; production des racines par les organes submer- gés suffisamment nourris ; et enfin, mort du sujet dans un temps relativement fort court. Les recherches que j'ai entreprises sur ce point important de la = — physiologie des plantes se subdivisent naturellement en deux parlies. 1° Effets produits par la submersion (les tiges herbacces ; 2° Effets produits par la submersion des tiges ligneuses. CHAPITRE PREMIER EFFETS PRODUITS PAR LA SUBMERSION DES TIGES HERBACÉES. Je commencerai par bien préciser les conditions dans lesquelles j'ai opéré, pour ne pas faire naître l’idée de conclusions qui pour- raient devenir inexactes par suite de fausses interprétations ou de genéralisations prématurées. Quand après avoir déraciné une plante herbacée, en ménageant les organes souterrains, on la renverse el on la maintient suspen- due verticalement, de inanière à plonger sa tige dans l’eau et à laisser ses racines dans l'atmosphère; ces dernières se flétrissent et meurent au bout de quelqne temps. Pour empêcher, dans ces circonstances, la prompte dessiccation des raeines et, par cousé- quent leur mort, on peut avoir recours à divers moyens. Duhamel, comme je l'ai dit plus haut, les entourait de mousse humide. Jai pensé qu'on arriverait au même résultat, Loul en se rapprochant davantage des conditions naturelles de la végétation, en. laissant les racines dans la terre où elles sont nées, et en mouillant cette dernière chaque fois qu’elle deviendrait trop sèche. Partant de cette idée, la disposition que j'ai adoptée dans toutes ces expérien ces est des plus simples. Dans une cloche de verre pleine d’eau et de dimensions variables selon le cas, ou plongeait la tige d’une plante enracinée dansla terre d’un pot soutenu lui-même au-dessus de l’eau, par deux planchettes reposant sur le bord libre du vase. Par là, tout en submergeant la tige, on ne changeait pas le mode de végétation de la racine. Celte dernière continuait à rester dans la terre, qu’on pouvait rendre à volonté plus ou moins humide, el par l'intermédiaire de laquelle elle se mettait en communication avec y. l'atmosphère, absolument comme dans les circonstances ordinaires. Une première série d'expériences a élé exécutée sur des pieds de fèves provenant d’un même semis, Le 26 juillet 1864, à neuf heures du matin, on a rempli six pots de moyennes dimensions avec du terreau consommé, puis on a enterré 3 grains de fèves dans chacun d'eux. Dés le 2 août, à quatre heures du soir, c’est-à-dire au bout de sept jours, les tigelles sortaient de terre et commençaient à se re- dresser et à verdir. A partir du 6 août, on soumit successivement les plantes aux épreuves suivantes. On détermina d’abord l’action de l’eau ordinaire sur la végétation. ExPÉRIENCE N° 66.— Le 6 août, à neuf heures du matin, on prend l'un des pots : il contient trois plantes d'une végétation saine et vigoureuse; les Lissus ont une coloration verte bien franche. L'un de ces pieds a développé ses trois premières feuilles; les deux autres en présentent seulement deux complétement séparées et distinctes du bourgeon terminal. Enfin ces tiges ont, à partir du sol des hauteurs, de 0",175, — 0%,105, — 0",10. On renverse le pot de manière à plonger la partie aérienne dans de l’eau ordi- naire, puis on place l'appareil derrière et contre une fenêtre où il peut recevoir, pendant la première moitié de la journée, les rayons directs du soleil. Le 7 aoûl, à cinq heures du soir, on note l’état des plantes. Les parties submergées se sont montrées aussi sensibles à l’ac- tion de la lumière, que si elles étaient restées à l’air. Toutes les feuilles se sont retournées sur leur pétiole de manière à présenter en haut leur face supérieure et les trois tiges, complétement re- courbées, sont maintenant verticales et ascendantes, de verticales et descendantes qu’elles étaient au début de l'observation. On laissé en expérience sans changer l’eau. Le 13 août, à quatre heures du soir, ces plantes offrent les parlicu- larités suivantes. Les tiges et les feuilles sont très-saines et vertes a l'exception d’une feuille qui noireil sur ses bords. L'eau est d’ail- leurs restée limpide, et ni elle ni les fèves n’ont de mauvaise odeur. Deux tiges formeut leur cinquième feuille et le troisième pied sa sixième. En outre, sur un premier pied le bourgeon axillaire des == he deux feuilles inférieures s’est épanoui; landis que sur un second, c'est seulement le deuxième bourgeon axillaire, compté à partir du sol, qui s’est ainsi développé et épanouit déjà sa seconde feuille, Seulement cette dernière pousse, s'étant recourbée comme toutes les autres pour reprendre son orientation naturelle, son bourgeon terminal a rencontré la planchetle qui supporte le pot, et depuis lors elle continua de végéter horizontalement. Ainsi des tissus herbacés ont pu rester sept jours environs au con- tact de la même eau sans éprouver d’altération sensible, La végé- tation à continué et présente comme je l'ai vérifié le même degré d'avancement que les sujets laissés à l’air libre ou en toute liberté. Cette particularité est due, très-probablement, à l'air que les tiges absorbaient par leurs régions revenues dans l’atmosphère, après leur retournement. Cependant l'activité végétative a dû se ralentir notablement dans leur portion terminale; et, soit par l'unique effet du séjour dans l'eau, soit par suite de la courbure des tiges vers la terre du pot, la séve a été en partie rabattue, comme le prouve le développement prématuré des bourgeons axillaires infé- rieurs. Expérience N° 61. — Le 13 août, à trois heures du soir, on prend un second pot contenant, comme le premier, trois pieds vigoureux qui forinent en ce moment leur sixième feuille. Pour éviter, comme cela s’est présenté dans l’expérience précédente, que les axes en se redressant ne sortent en grande partie de l’eau, on les fixe a un tuteur de fer; puis on achève de disposer l'appareil comme pour le n° 66. Le 24 août, à trois heures de l'après-midi, c'est-à-dire onze jours après le commencement de l’expérience, l’eau n'ayant pas été re- nouvelée, ni la terre du pot arrosée pendant tout ce temps, on note l’état des plantes. Les tiges se sont redressées toutes les trois, mais gènées par le tuteur, elles n’ont pas accompli une évolution aussi complète que dans le cas précédent. Chaque pied a continué son élongation sous l’eau, et la portion terminale nouvelle, n'étant plus fixée au fil de fer, a pu obeir à son orientation naturelle et se recourber peu à peu. Au moment où on les examine la pointe de la première tige — OR — émerge, son bourgeon terminal et la feuile qui le suit immédiate ment sont hors de l’eau. Sur le deuxième pied, c'est seulement le bourgeon terminal qui affleure à la surface du liquide. Quant à la troisième tige, plus courte que les deux autres,-elle est restée complétement submergée, aussi une de ses feuilles est-elle déjà alteree, noircie. Enfin, l’eau est recouverte d’une mince. pellicule ‘translucide dans laquelle se meut une multitude d’infusoires ciliés, des vorti- celles entre autres, au milieu des cadavres agglomérés de proto - zoaires : vibrions et bactéries, Les plantes ont continué à rester en expérience dans la cloche dont l’eau n’a pas été renouvelée. La putréfaction a peu à peu envahi la tige complétement sub- mergée ; et le 15 septembre elle était entièrement décomposée. Mais les deux autres pieds ont vécu pendant plus longtemps, leur partie terminale redressée et devenue aérienne leur permettant de respirer. Cependant la mort à fini par les atteindre à leur tour, et le 15 septembre ils avaient lotalemeat péri. Une de ces deux plantes avail épanoui le bourgeon axillaire de sa première feuille. I en était résulté un rameau aérien qui portait déjà trois feuilles sépa- rées et distinctes du bourgeon terminal, lorsque le 14 septembre il commença de se faner. Enfin le 145 du même mois il était mort ainsi que toutes les autres parties foliacées des trois pieds. Ce jour-là on arrêta l'expérience et l’on fit, en examinant les racines, les remarques suivantes. Les cotylédons avaient disparu sans laisser de traces ; il res- tait bien les enveloppes de la graine, mais cette graine était vide. Ce n’est plus comme dans le cas de la végétation normale où avec le temps les cotylédons s’'atrophient, s’amincissent et finis- sent par devenir membraneux ; mais persistent et se retrouvent assez longtemps après la germination, même à l’époque de la flo- raison. Ici ils ont complétement, et pour ainsi dire brusquement disparu. Eufin les racines étaient blanches et saines, un peu parche- minées, moins cassanles el moins turgides que dans l’état normal. Ces premiers essais montraient que les tissus herbacés peuvent subir le contact de l’eau pendant dix à douze jours sans en éprou- H. EMERY. 9 EN. ver de notables altérations. Il était en outre établi par là que le développement continue malgré les circonstances défavorables, et qu’il offre d’autant plus d’activité que la portion des tissus émergée est plus considérable. En présence de cette remarquable innocuité de l’eau ordinaire, il yavait lieu de se demander si elle n’appartenait qu’à elle seule, ou bien si elle la partageait avec d’autres liquides. Deux expériences ont été faites dans le but d’éclairer cette question : l’une avec de l’eau de mer composée artificiellement, et l’autre avec une dissolution de perchlorure de fer. On à vu, d’après des faits indiqués plus haut, que l’eau salée devient rapidement mortelle pour les plantes terrestres dont elle baigne les racines. Tout porte à penser, au contraire, que la disso- lution de perchlorure doit être, dans les mêmes circonstances, plutôt favorable que nuisible au végétal, Il est facile de citer des faits à l'appui de cette opinion. D'abord il est des plantes qui vivent naturellement dans des sols très-ferrugineux ; et, dans certains cas particuliers, la pratique horticole a même su tirer un parti avantageux de l’emploi des sels de fer. Je rappellerai que l’Hortensia japonica donne des fleurs bleues quand il est élevé dans un sol très-ferrugineux ; et, à part ce changement si remarquable dans la coloris des fleurs, le fer ne parait pas exercer une influence bien caractérisée sur l’ensemble de la végétation (1). On sait encore, depuis les travaux d’Eusèbe Gris que l’on peut combattre avec succès la chlorose dans certaines plantes, par l’emploi de composts ferrugineux (2). J'ajouterai, enfin, qu’il m'est arrivé à diverses reprises dé faire végéter des jacinthes en posant les oignons sur l’orifice d’éprou- vettes remplies d’une dissolution étendue de perchlorure de fer, sans que le liquide ait paru exercer d'action sensible sur les plantes. (1) André Leroy, Sur l'Hortensia bleu (Annales de la Société d'horticulture de Paris, t. XXXII, 1843). (2) Eusèbe Gris, De l’action du sulfate de fer sur la végétation (Annales de la Société d'horticullure de: Paris, t. XXXI, 1842; et Ad. Brongniart, Rapport-sur les expériences de M. Gris, concernant l’action des sels de fer sur la végétation (Bulletin des séances de la Société centrale d'agriculture, L. V, 1845). —N67 — Ainsi, d’après l’ensemble des faits connus, la dissolution de sel marin nuirait rapidement à la plante qu’elle attaque par ses raci- nes; tandis que dans les mêmes circonstances, la dissolution ferru- gineuse produirait plus ordinairement des effets favorables ou tout au moins à péine nuisibles. Il était intéressant de s'assurer si l’on parviendrait au même ré- sultat en agissant sur les parties aériennes des plantes, sur la tige et ses dépendances. Dans ce but j'instituai les deux expériences que je vais rapporter. EXPÉRIENCE N° 63.— Le 6 août à dix heures du matin, on prend un pot faisant partie du groupe dont j'ai parlé plus haut. Il ren- ferme deux plantes vigoureuses, bien vertes, mais un peu moins avancées que celles du n° 66. Les tiges ont 0",145 et 0,09 de hauteur. On plonge les tiges dans l’eau de mer en se conformant aux indications que j'ai données précédemment. Le lendemain 7 août à cinq heures dusoir les feuilles se sont re- tournées et les tiges redressées absolument comme dans l’expé- rience n° 66, Le mercredi 40 août à neuf heures du matin, l’eau est sans odeur et offre une teinte noirâtre très-appréciable ; mais les plantes sont manifestement malades. Toutes les feuilles sont couvertes de taches noires et dégagent cetle odeur particulière, caractéristique de la décomposition qui résulte, pour les parties vertes, de leur macéra- tion dans l’eau. Sur le plus petit des deux pieds, chaque bourgeon cotylédonaire s’est allongé sans donner encore de feuilles, l’un a 0° ,045 de longueur et l’autre 0",035 seulement. Les bourgeons cotylédonaires de l’autre plante n'ont pas végétlé, peut-être parce que ces organes étaient trop profondément enterrés; mais le bour- geon axillaire de la première feuille est en plein développement et présente déjà une longueur de 0,057. Ainsi un contact de quatre jours avec l’eau salée a suffi pour altérer gravement les plantes. Expérience N° 65, — Le 11 août à dix heures et demie du matin, on choisit un nouveau pot contenant trois pieds en bon état. Chaque tige, de 0®,18 environ, porte deux feuilles épanouies et séparées du bourgeon terminal. On leur met un tuteur pour s'opposer à leur =Fés redressement el on les plonge dans une dissolution étendue de pérchlorure de fer. Le lendemain 42, à sept heures et demie du matin, on retirele pot, eton lave les fèves. Les plantes sont en très-mauvais état, et beau- coup plus malades que celles du n° 63 après quatre jours d’immer- sion dans l’eau salée. Les feuilles ont noirei et les parties termi- nales des tiges sontflétries. On remet en expérience dans les mêmes conditions. Vingt-quatre heures ont done suffi dans ce cas pour amener des désordres beaucoup plus graves que ceux que l’eau de mer ne produit qu'au bout de quatre jours. Le 13 août, à une heure et demie de l'après-midi, les extrémités des trois tiges sont noircies, flétries et desséchées. Après les avoir lavées avec soin dans de l’eau ordinaire, on les coupe, on les broie dans un mortier avec un peu d’eau distillée, puis on filtre le tout. Le liquide ainsi obtenu ne précipite point par le prussiate jaune de potasse ; ce qui montre que le fer, où n’a point pénétré dans les tissus, ou bien à formé un composé insolubie. Quoiqu'il en soit, il ressort neltement de l'expérience 65 que le perchlorure de fer exerce sur la végétation une action notablement différente selon qu’elle se produit sur la racine ou sur la tige. Cette dissolution saline amène un effet utile quand elle agit sur la racine et devient au contraire promptement mortelle quand elle est en contact avec les tiges. Ces faits nous prouvent qu’il existe entre la tige et la racine d’unemême plante un antagonisme de propriétés qui doit évidem- ment coïncider avec un antagonisme tout aussi prononcé dans la nature des fonctions dévolues à ces deux groupes d’organes. Les recherches qui précèdent sont susceptibles d’une application importante. Nous venons de voir que les tissus herbacés vivants peuvent séjourner plusieurs jours dans Peau sans éprouver d’alté- ration sensible, I en résulte un procédé expérimental nouveau pour l'étude de certaines questions physiologiques ; puisque désormais on pourra plonger pendant quelques jours les parties aériennes dans de l’eau diversement colorée par des substances inoffensives, sans avoir à redouter les effets de la décomposition. Les circon- slances dans lesquelles il peut être avantageux d’avoir recours à T0 cette méthode sont de deux sortes : pour la recherche des excré- tions, ou pour l'étude de facon de la lumière sur les parties vertes. J'ai entrepris sur ces deux sujets quelques expériences que je vais rapporter. La question de l’origine et de la nature des excrétions, est l’une des plus obscures et des plus délicates de la physiologie végétale. En assimilant à priori l’organisation de la plante à celle de l’ani- mal, on fut conduit à rechercher si la première n’expulserait point comme le second, par certaines régions de la surface du corps, les matières liquides devenues inutiles ou nuisibles à l'entretien de la vie. On possède déjà plusieurs travaux sur ce sujet, mais quel- quefois les conclusions, d’un auteur à l'autre, sont contradictoires. J'ai essayé d’élucider un des points de ce problème complexe, et je me suis proposé de rechercher si, pendant la végétation chez les plantes saines et bien portantes, les feuilles sont le siége d’une ex- crétion. ExPÉRIENCE N° 64. — Le 7 août, à cinq heures du soir, on a pris un des deux derniers pots du semis utilisé dans les expériences précédentes. Il contenait trois plantes vertes, vigoureuses, dont les tiges avaient toutes sensiblement une hauteur de 0",10 environ. Chaque pied possédait ses deux feuilles inférieures qui, dans la fève, sont normalement bractéiformes ; mais quant aux feuilles or- dinaires, aucune d’entre elles n’était encore séparée du bourgeon . terminal. On renversa le pot de manière à plonger les tiges dans de la teinture bleue de tournesol, et l'on plaça près de l'appareil un verre à expérience plein du même liquide; dont la coloration devait servir de terme de comparaison. Le lendemain, 8 août, à neuf heures du matin, la teinture en con- (act avec les tissus végélaux n'avait éprouvé aucun changement de couleur, On retira le pot el on le plaça à l'air libre et à la lu- mière, afin de laisser reposer les plantes. On remit en expérience le 10 août, àneuf heures du matin; et le 43 août, à trois heures et demie de l’après-midi, on arrèta expérience. Les tiges étaient saines et sans odeur, la coloration verte des feuilles semblait avoir un peu pâlie; mais la teinture de (tournesol n'avait point changé de = 70 couleur. Si donc les feuiiles excrètent, le produit d’excrétion ne peut être que neutre ou basique. Exréruwnce N° 63.—Le 13 août à quatre heures de l’après-midi,on prend le dernier pot du semis de fèves. Il renferme trois pieds vi- goureux, dont le plus avancé forme sa sixième feuille et le moins avancé sa troisième feuille seulement. On leur met des tuteurs, puis on les plonge dans de la teinture de tournesol colorée en rouge bien franc par la plus petite quantité possible d'acide sulfu- rique. À côté.el pour servir de point de comparaison , est un verre à expérience contenant un peu de ce même liquide. Le 16 août à neuf heures du matin, la teinture n’ayant point changé de couleur, on arrête l’expérience. Il résulte de ces deux observations que les feuilles submergées n’excrètent point de substances acides ou basiques. Depuis le mémoire de Tessier, publié en 1783, plusieurs savants ont étudié l’influence exercée sur les parties vertes par les diverses radiations solaires. Nous connaissons jusqu'ici deux effets produits par cette influence : la formation de la chlorophylle, et l'inflexion des tiges. C’est de ce dernier phénomène dont je vais m'occuper. En se plaçant à ce point de vue, on s'était demandé quelle état la radiation active par excellence. Il régnait à cet égard beaucoup de divergences dans les opinions, lorsque mon ami, le docteur C. M. Guillemin fil sur ce sujet ne série d'expériences exécutées avec toute l'habileté et toute la rigueur que ce savant physicien apporte toujours dans ses travaux (1). Il parvint à démontrer que : « 1° Les jeunes plantes étiolées se courbent sous l'influence de tous les rayons du spectre; les rayons calorifiques les moins réfran- gibles, ou les rayons de basse température, paraissent seuls faire exception. » 2° Les rayons calorifiques moins réfrangibles que le rouge et les rayons chimiques plus réfrangibles que le violet présentent deux maxima d'action pour la flexion des tiges végétales; les rayons (4) G. M. Guillemin, Production de la chlorophylle et direction des tiges (Annales des sciences naturelles, AN® série, BOTANIQUE, t. VII, 1897, p. 154 et suiv.). 7h colorés intermédiaires déterminent au contraire, plus activement que les précédents, la formation de la chlorophylle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 0 . . . . . . . «6° Ces deux maxima sont séparés par le minimum qui est’ situé dans les rayons bleus, près de la raie F. de Fraunhofer: » Ces importants résultals avaient été obtenus en analysant là lumière à l’aide de prismes de sel gemme, de quartz et de fint. Il était utile de rechercher si l’on arriverait aux mêmes conclusions en soumettant la radiation solaire à un autre mode d'analyse, à celui qui résulte de l’usage de liquides diversement colorés; procédé déjà appliqué par plusieurs physiciens dans des recherches d'opti- que pure, mais qui n’a point encore été employé, que je sache, dans des études physiologiques. Les expériences que je vais rapporter ont été faites sur les plantes des expériences n° 64 et 62. ExPÉRIENCE N° 64. — Le 7 août, à cinq heures de l'après-midi, avons-nous dit plus haut, les trois tiges de fèves furent plongées dans la teinture bleue dé tournesol. Étant alors fort peu avancées dans leur développement, elles devaient être très-impressionnablés à la lumière, comme on pouvait le prévoir d’après les faits connus, Aussi le lendemain, 8 août, dès neuf heures du malin, les tiges étaient complétement recourbées et leur bourgeon terminal venait s'appuyer sur la surface de la terre contenue dans le pot. Alors on suspendit momentanément l'expérience ; et replaçant le pot dans sa situation naturelle, on abandonna les végétaux à la lumière et'a l'air libre. Dès dix heures du matin lés rayons solaires vinrent frap- per les plantes jusqu’à la fin de l'observation. À onze heures, les tiges étaient notablement redressées, mais néanmoins la portion précédemment recourbée n’était pas encore horizontalé. A onze heure et demie une des tiges avait attéint cette dernière situation ; enfin à quatre heures et demie les trois tiges étaient de nouveau droites et ascendantes. Le 10 août, à neuf heures du matin, on remet en expérience, dans de la teinture de tournesol, les plantes alors revenues à leur état normal. On avait eu l’attention de placer un tuteur à chaque LR pied, afin de gêner, d’entraver le plus possible le retournement des tiges. Le 13 août à trois heures et demie quand on examina les plantes, on trouva encore les feuilles et les tiges orientées naturellement, c’est-à-dire comme elles le sont à l’air libre et à la lumière solaire. Pour apprécier ce résultat à sa juste valeur, il faut savoir que la teinture de tournesol sous l’épaisseur qu’elle présentait dans le vase qui servait à l’immersion, éteignait complétement toutes les radiations colorées autre que le rouge et un peu de violet. Ainsi la teinture de tournesol réfléchit les rayons colorés les plus réfrangi- bles, el transmet au contraire principalement les rayons colorés les moins réfrangibles; ou la lumière réfléchie par le tournesol est bleue, tandis que la lumière transmise est rouge. Voici comment J'ai constate le fait. Dans la chambre obscure, j'ai fait passer un faisceau de lumière blanche à travers le vase plein de teinture de tournesol qui servait a submerger les plantes. En recevant ensuite la lumière transmise par le liquide sur un prisme de quartz, j'ai reconnu que le spectre renferme seulement deux couleurs : beaucoup de rouge et une quantité variable de violet dont la proportion dépend du degré de concentration du liquide; car, en analysant, par ce procéde, la lumière transmise à travers la teinture de tournesol suffisam- ment concentrée, j'ai obtenu des spectres monochromes rouges. Il résulte de là que les organes foliacés sont sensibles sous l'eau à l’action de la lumière rouge. Cette conclusion est d’ailleurs con- firmée par l'expérience suivante. ExPÉRIENCE N° 62. — Le 13 août, à quatre heures de l'après- midi, on avait submergé des tiges dans la teinture de tournesol rougie par l'acide sulfurique. Le 16 août à neuf heures du malin, les plantes avaient une légère odeur qui n’était ni l'odeur propre à cette espèce, ni l'odeur de putréfaction. Les tiges s'étaient d'ail- leurs recourbées, mais elles avaient noirci à leur extrémité libre, effet que j'attribue en grande partie à l’action de l'acide sulfurique. Quoi qu'il en soit, cette derniére observation était un nouvel exemple de la sensibilité des parties herbacées pour la lumière rouge, = ss Les expériences et les observations contenues dans ce chapitre montrent que l'eau ordinaire n’exerce point d'action toxique, délétère, sur les parties vertes des plantes herbacces, Toujours il est vrai, au bout d’un temps de durée variable avec les circonstan- ces dans lesquelles on opère, la tige se flétrit, s’altère el se putre- fie ; mais la mort paraît survenir par le double effet une priva- tion d'air et d'aliments; il n’y a pas empoisonnement mais bien inanition et asphyxie. Une des causes principales de Ja mort du sujet dans ces circonstances, linanition, était particulièrement accrue, dans les cas précédents, par le mode de végétation. La plante soumise à l’expérience était adulte et par conséquent devait puiser sa nourriture dans le sol et dans l'air. Or, par l'effet même de sa situation, sa tige submergée el ses racines enterrés, ces deux actes devaient être considérablement atténués et entravés. Ne pourrait- on trouver des sujets moins défavorablement disposés que ces plantes pour des tentatives de cette nature? oui évidemment en prenant des plantes encore en germination, ou bien des plantes bulbeuses. Je n’ai point encore fait d'observations suivies sur les plantes en germination et immergées dans l’eau par leur tige, c’est un point que je réserve pour des recherches ultérieures. Je ne m'oceuperai donc ici que des plantes bulbeuses. Depuis la jolieexpérience du marquis de Gouflier (4), il n’est point d’horticulteur ou simplement d’amateur qui n'ait fait végéter et fleurir des oignons de jacinthes en les renversant sur le goulot d’une carafe ; de manière à plonger seulement dans l’eau la pointe de l’oignon. Dans ce cas la vie s’entretient plus longtemps que dans les pieds de fèves des expériences précédentes ; et, en outre, la végétation est beaucoup plus active. Ce double résultat tient à ce que la jacinthe, reçoit, par son bulbe, de l'air et des aliments en quantité suffisante. Mais il faut bien le remarquer, en raison des ressources alimentaires que le bulbe contient, c’est surtout de Pair qu’il importe de donner au végétal pour entretenir son existence. On retrouve ici des circonstances et des conditions fort analouues à (4) Journal de physique de l'abbé Rozier, mai 1778, H. EMERY, 10 — Th — celles que nous avons signalées précédemment, dans motre étude de la germination des plantes submergées. Cette vue-théorique se trouve pleinement confirmée par les ré- sultats fournis par une expérience dont jai publié les détails il y a quelques années (1). J'avais résolu à cette époque de répéter, en la variant, l'expé- rience du marquis de Goulier. J'ai choisi un vase de grès à large goulot, de ceux qui servent dans les laboratoires à renfermer certains produits chimiques so- lides. Après lavoir rempli d’eau ordinaire, j'ai placé sur son ori- fice un oignon de jacinthe dans une situation renversée, la pointe du bourgéon terminal plongeant dans l’eau et le corps du bulbe restant au contraire exposé à l'air libre. En opérant ainsi, je contrariais le cours normal de la végétation : 1° En obligeant la plante à changer l'orientation de son axe; 2 En submergeant la région que devait ultérieurement occuper . la tige, et en privant au contraire d'humidité l’organe d’où naîtraien les racines ; 3° En maintenant à l’obscurité la tige ‘et ses dépendances, et laissant au jour la racine. Malgré ces changements, la végétation eut lieu, les feuilles se développérent successivement, puis les fleurs s’épanouirent à leur ne (our. Voici quel était l’état de la jacinthe au moment de sa floraison. La base du plateau est privé de racines, et nulle part du reste on ne rencontre de ces organes. La partie foliacée est complétement étiolée; les feuilles possé- dent bien leurs dimensions et leur consistance ordinaires, maïs elles sont toutes d'un blanc légèrement jaunâtre. De plus, la hampe, avant de fleurir, a recourbé son extrémité libre en forme-de cro- chet, et la pointe a repris ainsi son orientation ordinaire. Six boutons se sont épanouis; les autres commencent à s'altérer sans s'ouvrir. Les fleurs ont une coloration rouge solferino et le parfum ordinaire. (1) Henri Emery, De l'influence de l'obscurité sur la végétation (Adansonia, t, I, juin 4863, p. 267 et suiv). Une autre jacinthe élevée de la même manière a présenté les mêmes particularités ; ses fleurs étaient d’un bleu très-franc. Les feuilles de la première plante ont des stomates qui présen- tent tous les caractères qu’on observe dans ceux qui se montrent sur les feuilles de jacinthes développées dans les conditions ordi- naires. Au contraire, les racines d’une autre plante de la même espèce, mais qui a végété la base posée sur le goulot d’un vase de verre, n’en offrent pas de traces. En outre, les sépales de la plante étiolée ont également des stomates. Enfin, en examinant une de ces fleurs épanouie depuis une dizaine de jours environ, j'ai été frappé de trouver le pollen parfai- tement constitué et intact, au moins en apparence, dans des an- thères dont les parois étaient décomposées et comme réduites en bouillie. L’ovaire renfermait un grand nombre d'ovules ; je n’ai pas trouvé de boyaux polliniques; et d’ailleurs la durée anormale de ces fleurs ne donnerait-elle pas à penser que la fécondation n'a pas eu lieu? Après être restés en fleurs pendant un certain temps, les tissus jusqu'alors parfaitement sains et nets dans les deux plantes ont commencé à se recouvrir de cette matière incolore glaireuse dont j'ai déjà parlé ; puis la décomposition a fait de rapides progrès, et les jacinthes sont mortes en présentant toutes les particularités caractéristiques de la putréfaction, sous l’eau et à l'obscurité, des matières végétales. Ces phénomènes produits par l'immersion des tiges de jacinthes sont très-propres à montrer toute l'influence que l’air exerce sur ce genre de manifestation. En effet, comme je l’ai annoncé plus haut, j'ai répété à diverses reprises ces expériences en submergeant complétement les oignons ; et, soit à la lumière, soit à l'obscurité, toujours les plantes sont mortes rapidement sans avoir végété. Cependant lé mode d'alimentation était le même dans les deux cas, le mode de respiration seul différait et entrainail rapidement l’as- phyxie pour les végétaux entièrement submergés. RÊSUMÉ ET CONCLUSIONS L'eau n'est pointun agent toxique pour les organes foliacés dans laquelle ils plongent. Dans ce nouveau milieu les tiges et les racines s'orientent de la même manière que dans l’air, ainsi que Bonnet l'a observé le premier. Leur accroissement se continue tant qu'ils reçoivent de Pair et des aliments en quantité suflisante; et la mort du sujet, qui survient toujours dans un espace de temps de durée variable, est le résultat d’une double influence : l'asphyxie et l’inanition. Certains liquides colorés, comme la teinture bleue de tournesol, partagent sous ce rapport l'innocuité de l'eau ordinaire; Landis que d'autres liquides, comme l’eau de mer et la dissolution de perchlo- rure de fer, exercent sur les plantes une action toxique d'énergie variable. Certaines substances, comme le perchlorure de fer, peuvent être favorables à la végétation quand ils agissent sur les racines; et au contraire très-nuisibles lorsque leur action immédiate se porte sur les tiges. CHAPITRE II EFFETS PRODUITS PAR LA SUBMERSION DES TIGES LIGNEUSES. Quand on plonge dans l’eau une portion de rameau, la partie inférieure d’un pétiole, ete., les tissus submergés émettent sou- vent des racines, ainsi qu'il est très-facile de s’en assurer. Ces organes pourraient-ils dans les mêmes circonstances produire des bourgeons? Ces derniers sont-ils capables de naitre et de se dévelop- per sous l'eau ? Telle est la question que je vais examiner. li m'est arrivé plusieurs fois d'immerger dans l'eau la portion in- féricure de rameaux de lilas ; et de voir les bourgeons ainsi noyés s'épanouir néanmoins, développer quelques entre-nœuds, puis ape s'arrêter bientôt dans leur développement et leurs tissus se dé- composer, Mais on peut objecter que ces bourgeons étant déjà constitués au début de l’expérience, la petite quantité de ma- lières nutritives qu'ils ont trouvée dans le rameau qui les portait, suflisait à la rigueur pour rendre possible la production de quel- ques entre-nœuds. Senebier (1) dit avoir vu des tiges de menthe végétant sous l'eau produire à la fois des racines et des rameaux. Le même physiologiste a répété la célèbre expérience de Duhamel sur la plantation des arbres en sens inverse, mais en la modifiant. Il ar- rachait de jeunes saules, submergeait les tiges et laissait les ra- cines à l’air libre. IL vit alors des racines se former sur les tiges et des rameaux au contraire sur les racines; mais, observe-t-il, « ils sortirent de boutons nouveaux, et il n’y eut réellement aucune mé- tamorphose » (2). L'expérience si souvent répétée, et dont j'ai parlé plus haut, de l'oignon de jacinthe qui développe des feuilles et des fleurs au mi- lieu de l’eau d'une carafe, n’est point suffisante pour résoudre la question. Dans le cas de ces plantes bulbeuses en effet, comme le bourgeon destiné à donner la pousse aérienne de l'année est déjà fort avancé en organisation à la fin de la période précédente de végétation, qu'il est alors en miniature une copie assez exacte et assez complète de la hampe future, la végétation actuelle a donc uniquement pour but d'achever l’œuvre commencée antérieure- ment. Ainsi la tige dont on va contrarier les conditions ordinaires de développement, que l’on va contraindre à s'étendre sous l'eau, au lieu de croître à l'air libre, est déjà en grande partie formée au début de l'expérience. D'ailleurs, fait important à noter, cette tige est alors renfermée dans un bourgeon régu'iérement conforme, puisqu'il s’est constitué dans les conditions propres à ce genre de productions. Mais qu'arriverait-il aux plantes dont les bourgeons se forment pendant la saison même qui voit leur épanouissement ; dans ces (1) Senebier, Physiologie végétale, t. 1, p. 294. (2) Id., ibid. TR espèces dont les bourgeons, latents pendant le sommeil hivernal. apparaissent sur bois et par suite naissent seulement au moment précis où ils doivent croître et s'épanouir ? Pour résoudre cette question, je fis choix de deux pieds : l’un de fuchsia (Marguerite Wagner), l’autre de véronique (V. Ander- sont), provenant de boutures faites, la première en février et la seconde en mars 1863. Lorsque je les mis en expérience, ces plan- tes, d’ailleurs vigoureuses et en bon équilibre de végétation, al- laient sortir de leur repos hivernal. L'appareil dont je me suis servi dans cette circonstance est très- analogue à ceux que j'ai décrits plus haut. Il se composait d’une cloche maraichère ordinaire, renversée sur une sorte de trépied en fer qui lui servait de support. Cette cloche élait remplie d'eau que l’on pouvait renouveler aisément au besoin à l’aide d’un réservoir et d’un siphon. Le pot placé dans une situa- tion renversée, reposait par son bord sur deux petites traverses de bois soutenues elles-mêmes par le bord libre de la cloche. Par cette disposition très-simple, le pot restait dans l’air au-dessus de leäu, tandis que la tige et les rameaux, dans une situalion ren- versée, pongleaient entièrement dans le liquide. L'expérience fut commencée le 23 mars 1863, et voici quel était l’état du fuchsia le 1°* mai. La plante avait d’abord végété assez bien, des bourgeons s'étaient montrés, puis épanouis. À cette date du 4° mai, le bois était sain, et sans odeur sensible de décomposition; cependant l'écorce sem- blait altéree, en tous cas elle montrait une tendance manifeste à s’effeuiller. Ce fuchsia portait un certain nombre de rameaux, dont les plus développés avaient de un centimètre à un centimètre el demi de longueur, ét contenaient de deux à trois entre-nœuds. Les feuilles de un centimètre en moyenne de longueur, sur un quart à un demi centimètre de largeur, étaient d’un vert tendre et gai. Examinées au microscope le 5 mai, et comparativement avec des feuilles de la même variété, mais développées à l'air libre sur un autre sujeu, ces organes n’ont présenté aucune particularité spéciale. De nom- breux stomates existaient sur la face inférieure; je n’en ai point 70 rencontré sur la face supérieure, pas plus du reste que sur la face supérieure des feuilles aériennes normales de fuchsia. Ces stomates avaient en outre les mêmes apparences et les mêmes dimensions que ceux qui naissent dans les conditions régulières de la végéta- Lion. C'était là un point que j'avais eu hâte de vérifier. Les stomates, dit-on, existent uniquement sur les organes aériens ; et quant à moi, jen’ai pas souvenir d'en avoir jamais ob- servé sur des racines. En outre, on a fait remarquer depuis long- temps que dans les feuilles flottantes des végétaux aquatiques, des nymphæa par exemple, il n’y a point de stomates sur la face infe- rieure toujours baignée par l’eau; tandis qu’on les trouve au con- traire sur la face supérieure restée seule aérienne. Ces faits, et quelques autres de même ordre, ont conduit les botanistes à penser que les stomates sont les orifices de conduits, sans parois propres il est vrai, mais parenchymateux, résultant si l'on aime mieux de la continuité des vides, des interstices du tissu cellulaire, et par lesquels l'air pourrait plus librement circuler dans toutes les parties de l'organisme. Ainsi pour eux, la feuille, selon l’ex- pression devenue classique, serait le poumon de la plante; et par conséquent ajouterai-je, les stomates seraient les glottes de cet ap- pareil respiratoire mulliple ou plutôt diffus. Or, voilà des feuilles de fuchsia qui ont pris naissance et se sont développées dans l’eau, manqueront-elles de stomates, comme cela s’observe sur la face in- férieure des feuilles du nymphæa? il n’en est rien, ces feuilles de fuchsia ont des stomates, comme du reste les feuilles et le périanthe des jacinthes developpées dans l’eau et à l'obscurité, dont j'ai parlé dans le chapitre précédent. La véronique, au 1% mai, était également en végétation, mais cependant un peu moins avancée que le fuchsia; ses scions, moins nombreux, se réduisaient à de petites rosettes de feuilles. On n’a point du reste soumis ces dernières à l'observation inicroscopique. Au bout d’un mois de séjour dans l’eau, le 25 avril pour le fuch- sa, et quelques jours plus tard pour la véronique, des conferves de couleur verte et semblables à des cheveux très-fins, se mon- trérent sur les deux plantes et bientôt enveloppèrent lige, rameaux sh et feuilles, mais plus particulièrement ces dernières. L'apparition des conferves avait été précédée el comme annoncée par un phéno- mène d’un autre ordre, mais qui en est, dans l’économie vivante, un des avant-coureurs ordinaires. Pendant les quelques jours qui ont précédé la naissance des microphytes, la végétation fut très- languissante; même sensiblement arrêtée, el comme toujours cet affaiblissement de l'être vivant a précédé de très-près l'apparition des végétaux d'ordre inférieur. Il est aisé, ce me semble, d'indiquer les causes qui ont amené l'arrêt de développement dans le fuchsia et la véronique. Ce dépé- rissement doit être attribué, comme dans les expériences anté- rieures, au manque de nourriture d’une part et à l'insuffisance de l'oxygène de l’autre. Il est probable en effet que la racine, pen- dant le cours de cette observation, ne pouvait fonctionner comme organe d'absorption. Néanmoins j'avais eu le soin d'entretenir jus- que-là, par quelques rares et faibles arrosages, un peu d'humidite autour des racines ; et, si faible qu’elle füt, cette humidité suffisait probablement à la conservalion de la vie de ces organes. Ce qui me confirme dans cette opinion c'est que, durant celte première phase de l'expérience, un œil s’est développé sur la partie souterraine, el sa pousse s’est même montrée au-dessus de la terre du pot. Mais si les racines sont restées physiologiquement in tactes peu- ‘dant l'expérience, ont-elles pu reniplir leur office? Est-ce que les parties aériennes, alors submergées, étaient encore capables d'appeler la séve, comme elles le font dans les conditions ordi- naires? Je l’ignore; cependant les expériences et les observations de graines germant, quoique submergées, que j'ai rapportées plus haut, semblent indiquer que les mouvements des liquides nutritifs peuvent encore se produire avec une intensité notable et dans une direction déterminée, même dans une plante entièrement submer- gée. D'ailleurs, dans les circonstances ordinaires, la plante recoit- elle plus particulièrement sa nourriture du sol par ses racines, ou de l'atmosphère par ses feuilles. En d'autres Lermes, un végétal supportera-t-il plus aisément la privation du sol que celle de l'at- mospbère, ou réciproquement, la quantité d'oxygène absolument nécessaire à l'entretien de la vie, étant, bien entendu, également to — fournie dans les deux cas ? C’est là une question importante que je ue fais qu'indiquer incidemment,. Le but principal de mon expérience sur le fuchsia el ia veronique était alteint, puisque je venais de constater que des bourgeons nus peuvent s'organiser, s'épanouir, puis séjourner pendant un certain temps sous l’eau, sans altération notable. Ainsi, voilà des organes certainement tres-délicats, des bourgeons naissauts, qui possedent cependant à l'égard de l’eau une assez grande force de résistance. À parlir du jour où les conferves ont commence à se moutrer, on wa plus renouvele l'eau de la cloche; ou s'est borné à en ajouter un peu de temps à autre, pour compenser les pertes amenées par l'évaporalion, cl maintenir le niveau du liquide à une hauteur sen- siblement invariable, A un cerlain moment, un bourgeon adventif s'est montre sur le bois de la tige, dans l’espace compris entre la surface de la terre du pot et la surface de leau de la cloche; ce bourgeon s’est d'abord développé assez bien, mais sa vigueur a été promptement épuisée, I a maintenant trois verlicilles de feuilles, et semble arrêté depuis assez longtemps dans son élongatiou. Je ne puis même mieux le comparer, sous le rapport de son mode d'évolution el sa manière d'être, qu'a ces pousses, à ces rejets rares et chetifs que l’on rencontre sur les troncs d'arbres récemment abattus ; fréles rejetons nès sous Fiufluence d’un peu de seve restée dans l'arbre au moment de l'abatage, mais dont là vie s'éteint bientôt par suite de l'épuisement rapide de leur nourrice. Quoi qu'il en soit, alors que ce scion était en pleine vigueur, il est sorti de la region submergée de la tige trois pousses nouvelles; si lon peut toutefois donuer ce nom à trois pelits axes de 1 à 2 centimètres de longueur environ, blancs et mous, terminés chacun par deux très- petites feuilles vertes. À part la couleur et leurs dimensions beau- coup plus petites, ces pousses ressemblaient à celles qu'a donne un fuchsia de même variété, élevé à l'air libre mais à l’obseurite. Un fait digne d’être noté, c’est que cette petile végétation aqua- tique u’est pas allée au delà de ce premier verticille de feuilles, et qu'elle à paru régler son accroissement sur celui de la pousse adventive aërienne. Ainsi, dès que celte dernière s’est arrêtée dans H. EMERY, 41 — 89 — son développement, a commencé de languir, il en a été de même des rameaux submergés, qui se sont alors couverts de conferves comme leurs voisins. Enfin, je ferai remarquer encore que ces trois bourgeons aqualiques étaient précisément situés au-dessous du rameau adventif aérien. Est-ce là une coïncidence fortuite ou bien un fait constant? C’est là une question à laquelle on ne saurait répondre après une seule et unique observation. Si l’on voulait absolument expliquer ce petit incident de mon expérience, et remonter à la cause probable de ces productions rabougries, ne pourrait-on point dire : la pousse aérienne ayant élaboré de la séve, la partie de ce liquide nourricier, mise en réserve dans la tige, est allée réveiller des centres de végétation encore endormis, mais leur a bientôt fait défaut, après avoir pourvu à leurs premières exigences. Enfin, un peu plus tard, un nouveau bourgeon aérien s’est montré dans le voisinage du premier, et a commencé à se développer. J’abandonnerai pour un moment le fuchsia, pour signaler ce qui se passait, pendant ce temps, dans le liquide. Quand les premières conferves se furent montrées, et que l'on eut cessé de renouveler l’eau ; la surface de cette dernière se couvrit bientôt, sur toute son étendue, d'une couche continue d’une ma- tüière semblable à une gelée incolore, parfaitement transparente. On aurait dit une sorte de dissolution gommeuse fort épaisse, s'at- tachant en grumeaux hyalins aux baguettes de verre que l'on plongeait dans le liquide. Cette gelée, vue au microscope, fourmil- lait de protozoaires, principalement de vibrions. Plus tard, cette matière disparut pour faire place à d’autres produits de décompo- sition ; la populalion primitive, c’est-à-dire les vibrions moururent et furent remplacés par des êtres, animaux el végétaux, plus élevés en organisation. Après la disparition de la matière grmmeuse, le fuchsia et la paroi interne de la cloche se recouvrirent de micro phytes verts. Seulement, les protophytes du fuchsia étaient filamen- teux et ceux de la cloche pulvérulents. Plus tard enfin, apparurent et se développèrent, dans cette dernière, des filaments con- fervoïdes, en tout semblables à ceux qui avaient pris naissante sur les ramifications da fuchsia. Plusieurs populations, animales ét x "ie végétales, se succédèrent ainsi dans l’appareil. Chaque âge, chaque époque furent caractérisés par un certain nombre de types, de formes organiques faciles à distinguer les unes des autres: leur description serait très-certainement fort curieuse, mais je la passe sous silence, afin de rester dans les limites déjà bien étendues de mon sujet. Depuis le moment où la matière verte s’est trouvée en quantité notable dans la eloche, de nombreuses bulles de gaz n'ont cessé de se montrer au milieu des amas de conferves, et de se dégager en- suite au dehors, en traversant la masse de l’eau. L'automne arrivé, peu à peu cette activité s’est ralentie, l’eau s’est éclaircie, le stroma développé à sa surface s’est dissipé, et les protophytes ont péri ou sont entrés en hibernation. Voyons ce qu'étaient devenus pendant ce temps le fuchsia of la véronique. Le 26 juillet, à neuf heures du matin, on enleva cette in de l'appareil. A cette époque, la tige et ses rameaux étaient com- plétement dépouillés de leurs feuilles, et portaient uniquement des conferves. Sous la moindre pression des doigts, l'écorce se dé= tachait par grandes plaques formant comme des les d'étui. Enfin la terre du pot était très-sèche. Ou laissa, au contraire, le fuchsia en expérience. J'ai dit qu'à un certain moment, un premier bourgeon puis, un peu plus tard, un second s’élaient montrés sur la portion de la tige comprise entre la surface de la terre du pot et celle de l'eau. Ces bourgeons, effet ou non du hasard, sont tous les deux situés du côte le plus éclairé. Dans les premiers temps qui suivirent leur apparition, ils végélèrent avec assez de vigueur; mais leur activité se ralentit bientôt, après avoir produit un petit nombre de verticilles de feuilles. Plus tard, je vis apparaître sur la tige, mais du côté le moins éclairé et, par conséquent. dans la région opposée à celle: des rameaux adventifs, de grêles filaments radieulaires blanchâtres. Les uns prirent naissance un peu au-dessus de leau, dans une parlie de la tige, aérienne il est vrai, mais restant toujours humide, ce furent les premiers ; puis peu à peu de nouvelles racines se montrérent sous l’eau et de plus en plus bas. En sorte qu'en ce: 61 — inoméut, fin du mois de mai 1865, on en voit plusieurs, de di- iensions variées, disséminées sur la lige à diverses hauteurs. Leur nombre va en décroissant rapidement avec la profondeur. et l’on n'en rencontre aucune sur les anciens rameaux. Depuis la naissance des racines, les pousses adventives ont re- pris de la vigueur. Le 24 août 1854, la plus ancienne complait déjà sept entre-nœuds et la plus jeune quatre seulement. Enfin, la pre- miére était ligneuse à sa base, tandis que la seconde restait entiè- rement herbacée et fort grêle; différence que j'attribue surtout à ce que le dernier rameau flotte en partie sur l’eau par suite de sa situation. Parvenue à ce point, la plante est devenue une véritable mar- colte dans l'eau, et voici comment on peut résumer les phases de celte évolution. La tige, plongée presque entièrement dans le liquide, à donné dans sa région aérienne, deux bourgeons qu’elle à d’abord nourris avec le peu de seve qui avait échappé à la voracité des bourgeons épanouis sous l'eau. Cette nourriture insuflisante, a seulement per- mis à la pousse de développer quelques feailles qui sont immédiate - ment entrées en fonction, et ont élaboré de la séve dont l'afflux, à la partie inférieure de l'axe, a provoqué la naissance et la formation de racines nouvelles. Une fois l'appareil radiculaire constitue, la pousse a pu reprendre de la vigueur et s'accroitre de nouveau. L'hiver élant survenu, la végétation s’est arrêtée. Comme le rameau le plus jeune ne s'était pas encore lignifié, il a péri et s’est detaché de la tige. Le plus vigoureux à persisté au contraire ; il avait alors dix entre-nœuds. Son bourgeon terminal est resté her- bace, et le verticille qui le précède a conservé ses deux feuilles pendant toute la mauvaise saison. Quant aux racines, demeurées blanches. grêles et chargées de conferves, elles sont restées fixées à l’axe. . Pendant l'hiver, la couche superficielle de l’eau est restée gelée pendant plusieurs jours. Le 27 janvier 1865, les bourgeons axillaires de la pousse de l'an dernier se sont réveillés; simultanément un nouveau stroma s’est formé à la surface de l’eau qui n'avait jamais été renouvelee, mais x: ft simplement maintenue à son niveau primitif; enfin les bulles de gaz ont reparu. Cependant tous ces phénomènes qui annoncent el accompagnent la végétation des protophytes diminuèrent graduellement ; et dans la seconde semaine du mois de mai, l’eau de la cloche s'était de nouveau éclaircie, le stroma avait disparu et le dégageiner.i presque entièrement cessé. Aitribuant ces effets à l’appauvrissement du liquide, jai versé dans la cloche quelques éprouvettes d’une eau que j'avais filtrée à diverses reprises sur du terreau bien consommé. Bientôt la végétation des conferves s’est ranimée, le stroma re- formé et les bulles gazeuses ont reparu. Depuis ce moment j'entretiens ces phénomènes dans toute leur activité, en versant dans la cloche, lorsqu'il y a lieu, un peu de l’eau filtrée sur le terreau. Ceci montre bien toute l'influence que les matières nutritives contenues dans l’eau exerce sur la produc- lion de ces phénomènes. Mais si des substances organiques sont absolument nécessaires, un excès de ces matières est d'ailleurs fort nuisible. Ainsi, l’année dernière, j'ai mis en observation une eloche remplie d'eau fortement chargée des principes solubles du terreau ; le liquide se troubiait, dégageait une odeur désagréable, se putré- fiait, mais il ne s’y est développé aucun protophyte vert. Le 26 mai 1865, le fuchsia présentait les particularités sui- vantes. Sur la pousse de l’année dernière, les bourgeons axillaires des deux entre-nœuds termiraux se sont épanouis; el ils venaient alors de former leur deuxième verlicille de feuilles. Les bourgeons axil- laires situés plus bas ne se sont pas épanouis, ou leur développe- ment à été incomplet; ce que j'attribue surtout à ce que dans cette région, le rameau plonge dans l’eau ou flotte à sa surface. Cette parlie submergée n'a point d'ailleurs émis de racines adventives. La pousse de l’année à déjà sept verticilles de feuilles et son déve- loppement se poursuit; mais tout l’ensemble du rameau est ce que les jardiniers appellent tiré, signe certain d'une alimentation mau- vaise où insuffisante. Enfin les racines nées l'asinée dernière continuent de vivre et de s’accroître; et je n'ai point observé qu'elles aient perdu, pendant — 60 — le repos hivernal, leur chevelu d'ailleurs (rés-rare et réduit à quel- ques minces filaments. D'ailleurs de nouvelles racines sont venues cette année s'ajouter à eelles de l’année dernière. La végélalion se continue dans ces eonditions; jamais on n'a arrosé la terre du pat, à part deux ou trois mouillures données dans les débuts de eette longue expérience. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS Les plantes ligneuses à bourgeons latents pendant le repos hiver- nal peuvent, le printemps venu, aceomplir sous Peau leur premier bourgeonnement. Cette évolution terminée , les bourgeons s’épa- nouissent et les feuilles qui en proviennent, à part leurs dimensions plus réduites, présentent les caraetères ordinaires. Ces organes et les pousses nouvelles s’orientent comme dans V'air, puis périssent prématurément par asphyxie et inanilion. Si pendant ce temps des bourgeons parviennent à naître sur la partie émergée de l'axe, et peuvent trouver dans la tige assez de séve pour atteindre un certain aceroissement, la végétation de la partie submergée prend alers une activité nouvelle qui se révèle bientôt, soit par la paissanee suivie promptement de l’atrophie et de la mort de quelques nouveaux bourgeons, soil plutôt par l’appari- tion et le développement de racines longues, blanches et grèles, portant quelques rares ramifications semblables à des cheveux. Ces derniers organes paraissent successivement dans les diverses parties de l'axe, en procédant de la région superfieielle à la région profonde. Les bourgeons aériens se montrent du côté le plus éclairé, et les racines au contraire sur la face la moins éclairée de l'axe. Le développement de ees raeines adventives favorise la végéta- tion des rameaux aériens dont la eroissanee est en raison directe de la masse des racines. Ces dernières persistent, sans modifications apparentes, d'une période de végétation à l’autre; mais les feuilles, dans le fuchsia, tombent toutes à l'entrée de l'hiver, à l'exception de celles qui terminent la pousse. = 8 = Ces phénomènes présentés par des espèces végétales d'ordre su- perieur sont étroitement liés à l'existence des protophytes; et ces deux sortes de végétation s’accompagnent toujours et subissent simultanément des variations de même nature. La naissance et le développement des plantes confervoides est en rapport direct avec les qualités nutritives du liquide. On peut régler en quelque sorte à volonté le mouvement d'organisation des protophytes en introduisant dans l’eau, en temps utile, des doses convenables de matières alimentaires. TROISIÈME PARTIE DES EFFETS PRODUITS PAR LA SUBMERSION DE LA RACINE. ABSORPTION ET EXCRÉTION RADICULAIRES. INTRODUCTION. Tous les tissus vivants, soit des animaux, soit des végétaux, son perméables aux substances liquides ou gazeuses ; au contraire, les corps étrangers à l’état solide ne sauraient être absorbés. L'on à pu quelquefois observer des cas de pénétration des lissus par un corps solide, mais l'introduction de ce dernier était toujours le résultat d’une lesion, d’une rupture de la trame du Ussu et jamais l'effet de l'absorption proprement dite. Les matières solides, en effet, même les plus finement pulveri- sees, ne peuvent traverser les Lissus sans les déchirer ou les divi- ser; et l’action mécanique seule est impuissante à les réduire dans l’état d'extrême ténuité indispensable pour leur permettre de cir- culer sans les léser à travers les diverses trames organiques. Aussi ne connaît-on que deux moyens différents d'introduire une sub- stance étrangère dans la profondeur de l'organisme : c’est en la liquéfiant par voie de dissolution, ou bien en la réduisant en vapeur, Mais entre un organisme quelconque et le monde exterieur, il est loujours une sorte de voile qui les sépare et dontile rôle est d'isoler plus où moins complétement l'être vivant du milieu envi- ronnant. En un mot, la surface libre du corps d'une plante est recouverce dun épiderme destiné à ralentir, à entraver les échanges — 89 — entre l'être vivant et le monde extérieur. Dès lors se présente à notre examen les deux questions suivantes : 1° De la perméabilité du lissu radiculaire pour les fluides 6las- tiques ; 2° De la perméabilité du tissu radiculaire pour l'ean. PREMIÈRE SECTION DE LA PERMÉABILITÉ DE LA RACINE POUR LES FLUIDES ÉLASTIQUES Au point de vue physique, on distingue les fluides élastiques en deux catégories : les fluides élastiques permanents ou gaz, et les fluides élastiques non permanents ou vapeurs. Nous adopterons ici celle distinction, quoiqu'elle soit au fond plus apparente que réelle. Il n'entre pas dans mon sujet de traiter la question de la perméa- bilité des tissus pour les fluides permanents. Je me bornerai à rap- peler, avant de passer outre , que l’épiderme de tous les organes, soit aériens, soil souterrains, sont perméables aux gaz, mais à des degrés différents. Quant aux vapeurs en général et, en particulier, quant à la va- peur d’eau, l'existence bien démontrée d'une exhalation aqueuse dans le règne végétal suppose implicitemen! la perméabilité des épidermes pour cette même vapeur d'eau. Mais cela ne suffit point, et il nous faut maintenant rechercher les particularités essentielles que cette propriété présente selon les divers organes. Ce serait sortir du cadre que je me suis tracé, si j'essayais de traiter celle importante question dans loute sa généralité, je m'ef- forcerai donc de l’étudier uniquement dans la racine et par con- séquent j'aurai à examiner successivement la déperdition et l'ab- sorption de la vapeur d'eau par l'appareil radiculaire. ’ M. EMERY. 42 CHAPITRE PREMIER DÉPERDITION DE LA VAPEUR D'EAU PAR L'APPAREIL RADICULAIRE. $ 4. — Historique. La plante entière, déracinée puis abandonnée à l'air libre, se dessèche au bout d’un certain temps. La déperdition d’eau a-t-elle lieu dans ce cas par toute la surface du végétal indistinetement, ou bien est-elle plus particulièrement localisée dans certaines régions déterminées, dans les feuilles, par exemple ? C’est là un des points les plus obscurs et les plus délicats de la physiologie végétale, et beaucoup d'opinions contradictoires règnent à ce sujet dans la science. Il importe de remarquer avant tout que les premières oberva- tions que l’on est à même de faire ordinairement sur ce sujet ne sont point suffisamment concluantes. Ainsi, tout le monde sait que de lous les organes, ce sont les radicelles qui se fanent tout d’abord dans un végétal déraciné. J’ajouterai que la dessiccation est d’ailleurs plus ou moins rapide selon la région considérée. Rien de plus facile à vérifier, surtout si l’on a l'attention de se procurer des plantes intactes, dont les spongioles soient saines, telles qu’on les obtient enfin en faisant le semis dans Peau et non plus dans le sol. En retirant alors la plante du liquide pour l’abandonner à l'air libre, on voit aisément les spongioles s’altérer et se dessécher rapidement. Enfin si, après l'avoir laissé suffisamment longtemps à l’air, on remet la plante en végétation en submergeant de nouveau le pied, toutes les ramifi- cations dont la spongiole a éprouvé cette altération cessent de s’al- longer, mais continuent pourtant à se ramifier ; ce qui montre que le tissu seul de la spongiole a péri. Gette mort ne peut être évi- demment attribuée qu'à une trop grande perte d'eau,qu’ àune dessiccation. Mais de ce fait général que dans une plante déracinée c’est la réglon.inférieure qui se dessèche la première, on ne peuten con- 25088 — clure que l'appareil radiculaire exhale plus activement que l'appa- reil aérien ; car le phénomène est susceptible de plusieurs interpré- tations que je vais successivement examiner et discuter. D'abord, quand il s’agit d’une plante qu'on laisse {aner après lavoir déracinée, la question se complique ou plutôt se partieula- rise; et la mutilation des organes radiculaires, conséquence inévi- table de l'arrachage doit modifier notablement la nature du phéno- mène. Dans ce cas particulier il semble probable à priori que les lésions de la racine permettent aux liquides intérieurs de s’écouler librement au dehors, et par suite, il ne peut plus être question ici d’exhalation proprement dite. Pour résoudre la question, il faudrait donc étudier la fanaison des plantes ayant conservé leur complète intégrité, c’est-à-dire dont les lissus en général et particulièrement le tissu radiculaire ne présenterait aucune solution de continuité, comme cela arrive pour les plantes élevées dans l'eau. C’est ce cas particulier seul qu’il importe d'étudier. Or, avons-nous remarqué plus haut, quand une plante végétant le pied dans l’eau en est retirée pour être ensuite abandonnée à une dessiccation spontanée, c’est encore la racine qui se flétrit la première. [ci l'on a bien affaire à une véritable exhalation puisque les tissus n'ont plus de plaies ni de blessures pouvant livrer pas- sage à la sève. Cependant cette observation unique ne suffit point pour nous fournir des données définitives sur l’exhalation des raci- nes; car le phénomène est susceptible au moins de deux interpré- tations différentes. Admettons en effet pour un moment comme un fait rigoureuse- ment démontré que la racine n’exhale point sensiblement et que la fonction de transpiration soit localisée dans la partie aérienne et plus particulièrement dans les feuilles. Dans une telle hypothèse la fa- naison d'une plante exposée à la dessiccation spontanée pourrait en- core commencer par les radicelles et le chevelu ; puisque la trans- piration des organes foliacés continuerait d'attirer la séve vers les sommités de la plante, comme pendant le cours régulier de la végé- tation. Le degré de dessiccation des différents tissus augmente- rail donc de haut en bas; comme pendant la vie, ainsi que je NT) l'établirai plus loin, le degré d'imbibition augmente dans le même sens. On en conçoit d’ailleurs aisément la raison, et ces deux faits sont en concordance parfaite avec les inductions théoriques. Pen- dant la végétation, l'introduction de l’eau dans la plante s’effec- tuant par la racine, la proportion d’eau contenue dans lesdifférents tissus diminue de la base au sommet. Au contraire, pendant la fa- naison, la déperdition d’eau s’effectuant par les feuilles, la propor- tion d’eau diminue de la partie supérieure à la partie inférieure. Je rapporterai plus loin les expériences qui n’ont permis de dé- terminer le mode de répartition de l'eau dans les tissus, pendant la période de végétation, c’est un point qui m'a tout particulièrement occupé. Quant à la loi analogue relative à la période de fanaison que je viens dénoncer également, je ne l'ai pas encore étudiée expé- rimentalement, C'est là un sujet que je réserve, mais je puis dès maintenant citer des faits et des opinions qui paraissent lui donner un certain degré de probabilité. Dans un travail récent (1), M. P. Duchartre a démontré que les parties aériennes, lorsque leurs tissus sont sains, intacts et sans blessures ou déchirures, ne peuvent absorber l’eau, pourvu toute- fois que l’on place la plante dans les conditions normales de végé- tation. Voici, sur ce point important, les conclusions de ce savant physiologiste. « En dernière analyse les parties des végétaux qui se trouvent hors de terre ne sucent pas la rosée qui les couvre, contrairement à ce que disait Hales, et à ce que Lout lemonde a pensé avant comme après lui; mais cette eau déposée à leur surface par l'effet de la radiation nocturne supprime ou à peu près en elles la transpiration, donne même, dans les cas où la production en est considérable, une sorte de pluie locale qui peut devenir abondante ; enfin la terre absorbant pour sa part l'humidité de l'air, ajoute son action aux deux premières au profit des végétaux. » Antérieurement à la publication de cet important travail, le même savant avait aflirmé, comme conclusion générale d'expé- (4) Rapport des plantes avec la rosée et les brouillards (Annales des sciences natu- relles, 4° série, Botanique, t. XV, 1861). 29930 riences nombreuses et variées, que les plantes n'absorbent pas l'eau à l’état de vapeur (1). En s'appuyant sur ces résultats ct en admettant de plus, comme un fait avéré, que les racines n’exhalent point sensiblement de va- peur d’eau, on serait conduit à formuler l'opinion suivante relati- vement aux rôles respectifs des parties aériennes et souterraines pendant le cours normal de la végétation. A la racine serait réservée l'absorption de l'eau nécessaire à la plante ; et le soin de débarrasser l’économie de l’excédant de ce liquide appartiendrait au contraire à la partie aérienne en général et plus particulièrement aux feuilles. Cette conclusion est-elle adoptée par la science? Sur ce point les avis sont partagés. Plusieurs physiologistes, de Mirbel entre autres, pensent que les parties aériennes et souterraines sont, tour à tour et suivant les cas, des organes d'absorption et d’évaporation, d’autres botanistes parmi lesquels je citerai le docteur H. Schacht admettent au contraire très-explicitement la loi citée plus haut. De Mirbel dit en effet (2) : « Comme la terre est ordinairement plus humide que l'air, la succion s'opère ordinairement par les racines et la transpiration par les feuilles ; mais quand les chaleurs ont desséché la terre, et que l'atmosphère est chargée d'humidité, les feuilles absorbent. et il est très-probable que les racines transpirent. » Mais, dans ce passage, l’éminent physiologiste ne fait que repro- duire d'anciennes assertions sans apporter de preuves nouvelles à l'appui de sa théorie. En effet, l'opinion professée par de Mirbel n'est que le résumé, à de légères variantes près, d’une théorie des mouvements de la séve qu'avait proposé Mustel à la fin du siècle dernier. Selon ce dernier observateur la séve serait douée de deux mouvements alter- natifs : l’un diurne et dirigé de bas en haut, l’autre nocturne effec- tué de haut en bas. Voici comment Mustel explique le premier mouvement (3). (1) Société botanigne de France, séance du 18 octobre, 1857. (2) Article SÉVE, Encyclopédie moderne, 1. XXV, 1851. (3) Mustel, Trailé de la végétation, t. I, 1781, p. 164 et suivantes. 59 Bt « La lumière et la chaleur du soleil opèrent sur toutes les parties de l'arbre, et surtout sur les feuilles, une grande force de sue- cion, cette force de succion agissant sur les orifices supérieurs des conduits de la séve doit nécessairement la faire monter des racines aux branches. » Da reste, en lisant attentivement tout ce qu’il écrit à ce sujet, on voit que, dans son opinion, l'ascension diurne de la séve est due uniquement à deux causes : 1° L’abondante transpiration des parties foliacées, la succion des feuilles, selon son expression ; 2° La pression qui serait exercée sur le liquide souterrain par l’eau vaporisée par la chaleur solaire, et restée emprisonnée dans les interstices du sol comme dans de petites marmites de Papin. Cette dernière influence serait donc de même nature que celle “qui fait jaillir l’eau dans le petit instrument de physique si connu sous le nom de fontaine de compression. Enfin, voici toujours d’après le même observateur, quelle se- rait la cause du mouvement nocturne dé descente de la séve : « Lorsque la fraicheur de la nuit commence, la condensation succède à la raréfaction: : . . . « La transpiration cesse; les par- ties du tronc ét des branches; et surtout les feuilles qui en étaient les principaux organes, deviennent ceux de l'inspiration de la séve (1). » A ce sujet Mustel fait observer que, peu après le coucher du 0- leil, il se dépose sur les feuilles de l'humidité provenant, soit de la rosée, soit de la condensation partielle de la vapeur d'eau atmo- sphérique ; et que ce liquide pénètre ensuite dans les tissus. Puis il sé demande comment l’eau absorbée par les feuilles peut descen- dre jusqu'à l'extrémité des racines. [n'y a pas d'apparence, dit-il, que ce soit par son propre poids ; en raison de l'énorme difficulté qu’elle doit éprouver à se mouvoir dans des canaux aussi [énus que le sont les conduits de la sève. « Quel est done cet agent se demande-t-il alors ? L'expérience nous le fait connaître, et nous démontre que les racines qui, pen- (1) Mustel, Traité de la végétation, t. 11, 1781, p. 165 et suivante. RL dant la chaleur du jour, étaient des ‘organes de remplacement et de nutrition, deviennent pendant la fraîcheur de la nuit des or- ganes d'aspiration et de dissipation ; elles ont fourni pendant le jour à l'entretien des parties extérieures et des feuilles, et ces mêmes parties fournissent à leur tour à leur entretien pendant Ja nuit. » On le voit, Mustel raisonne ici sans preuves à lappui, et je n'ai point trouvé, non-seulement dans le traité de la végétation, mais encore dans les écrits des auteurs qui, à ma connaissance, ont adopté les mêmes idées, d'expériences propres à justifier leurs théories. J'ai dit plus haut que d’autres botanistes admettent au contraire que, dans les circonstances normales, les racines sont chargées d’absorber le fluide nutritif à l’état liquide pendant que les feuilles, par évaporation, débarrassent l’économie de son excédant d’eau. Voici à cet égard, deux allégations très-explicites du docteur H. Schacht (1). On lit en effet, page 200 : « La racine, en vertu de son organisation anatomique, ne sau- rait guère excréter que des quantités très-faibles de matière; son écorce meurt très-rapidement et en se subérifiant constitue un 6b- stacle insurmontable à l’excrétion comme à l'absorption. » Et plus loin, page 340, le même auteur ajoute : «Tandis que la surface des jeunes racines est à peu près exelu- sivement affectée à l’absorption de la nourriture terréstre, la sur- face des feuilles et, en général, tous les organes verts des plantés, ont, en outre, une autre fonction très-importante à remplir, à savoir l’exhalation des gaz et des vapeurs aériformes. Cette conclusion, il est vrai, est en partie basée sur un fait en- core conjectural, hypothétique : une évaporation nulle ou tout au moins (rés-lente et très-difficile par l'appareil souterrdin. Maïs il faut convenir que cette derniére opinion présente en sa faveur des particularités anatomiques d’une certaine importance. Les phytotomistes nous ent appris-en-effet.que-la:surface.des or- (1) Les arbres, par le docteur H. Schacht, traduction d’E. Morren, 1862. — 96 — ganes souterrains ou sans cesse submergés élait, ainsi que la face inférieure des feuilles flottant sur l’eau, constamment privée de stomates ; tandis que ces pores corticaux se montraient toujours en grand nombre sur les surfaces libres des organes aériens et particulièrement des feuilles. On en a conclu naturellement que les stomates sont destinés à faciliter, à activer les échanges entre la plante et l'atmosphère ; et, en particulier, que ce sont les organes principaux de l’évaporation. La majorité des botanistes partage cette manière de voir. Ainsi, au dire de Senebier (1) : « Hedwig croit que la transpiration se fait au travers de ces pores et quelquefois par de petits canaux prolongés qui ressemblent à des poils plus ou moins longs et roides. » Hedwig en effet, se préoccupa le premier des fonctions des sto- mates. Dès 1793, il annonçait que ces organes n'’absorbent point la vapeur d'eau contenue dans l'atmosphère, mais sont des petites bouches par lesquelles s’exhale constamment, sous forme de va- peur, l’eau renfermée dans le végétal. Pour ce célèbre botaniste, cet acte constituait la véritable transpiration du végétal considéré comme être vivant; et il distinguait ce phénomène de la simple évaporation physique qui se produit à la surface des organes végé- taux comme à celle de tous les corps inertes imbibés d’eau. Depuis, de Candolle, Sprengel, Link et Rodolphi, ont adopte cette théorie en lui donnant quelque extension. Et aux botanistes qui, de son temps, professaient encore l’idée de l'absorption de la vapeur d'eau par les stomates, Guillemin (2) faisait remarquer que : « Cette opinion est contradictoire aux observations les plus gé- nérales, savoir : que les plantes qui absorbent le plus facilement l'humidité, comme les plantes grasses et les algues sont dépour- vues de stomates. » De Candolle (3), comme nous venons de le dire, distinguait deux modes d’évaporation : la déperdition insensible et l'exhalation (1) Senebier, Physiologie végétale, t. IV, p. 82. (2) Guillemin, Ann. de Fromont, t. 1, 1830. (3) De Candolle, Physiologie végétule, t. 1, p. 407 et suivantes, NE — aqueuse. Il entendait par déperdition insensible, le phénomène physique d’évaporation qui se produit dans tout corps vivant ou inerte, plus humide que l'air environnant. Par les termes d'exhalation aqueuse, il distinguait au contraire un mode d'évaporation qui n'avait jamais lieu que dans les êtres vivants, el qui était par conséquent un acte essentiellement vital, que beaucoup d'autres physiologistes désignent par le mot de transprration. Or, dans l’opinion de ce savant : « L'émanation ou exbhalation aqueuse s'exerce evidemment par les stomates, » — mais — « les racines, les graines, el en général tous les organes sans stomates, ne sont soumis qu’à la déperdition insensible. » « Tous ces faits, remarque de Candolle, résultent d'expériences faites par Guéttard , Saint-Martin, Bonnet et Senebier ayant même qu'on connüt l'existence des stomates. M. Knight les con- firme en montrant qu'une feuille de vigne n’exhale de goutelettes d'eau que du côté inférieur, c’est-à-dire, celui où elle a des sto- mates, et non du côté supérieur. » Depuis, on à continué à pro- fesser la même doctrine. Aïnsi on lit dans le traité de botanique d’A. de Jussieu : « L'évaporation ou exhalaison aqueuse se fait presque entière- ment par la voie des stomates. » MM. J. Decaisne et Ch. Naudin (1) disent, qu'arrivée dans les feuilles l’eau : « Qui n’est séparée de l'air extérieur que par la faible épaisseur des parois cellulaires, les traverse et se dissipe dans l'atmosphère sous forme de vapeur invisible à laquelle les stomates donnent issue. » Il serait facile de multiplier les citations à cet égard. Par exemple on lit à la page 36 de l'ouvrage indiqué plus haut : Les Arbres: « L'absorption des vapeurs et des gaz, ainsi que leur expulsion, s'effectuent par l'ouverture des stomates. » (4) Manuel de l'amateur des jardins, t. 1, p. 146. H. EMERY. 15 Or — Je terminerai cette analyse , en rappelant les résultats obtenus par un des-expérimentateurs qui se sont, dans ces derniers temps, le plus spécialement occupés de cette question. Dans un mémoire ayant pour titre : Recherches sur l'absorption et l'exhalation des surfaces aériennes des plantes (4), le docteur Garreau pose, entre autres, les conclusions suivantes : 1° Les quantités d’eau exhalée par les faces supérieure et infé- rieure des feuilles sont le plus ordinairement comme 4 ‘à 2, 4 à 3et plus rarement 1 à 5 et au delà; ces quantités rela- tives ne tiennent pas à la position respective des faces, puisque les feuilles renversées donnent les mêmes résultats que dans leur posi- tion naturelle ; 2° Il existe quelques rapports entre la quantité d’eau exhalée et le nombre de stomates, comme on l'avait admis, mais la transpira- tion insensible a pour effet de provoquer l’exhalation d’une-forte proportion de-ce fluide. $ 2. — Recherches nouvelles. Il résulte de la revue rapide que je viens de faire des opinions et des travaux des physiologistes, que la partie souterraine d'un végé- tal transpire moins que la partie aérienne. Toutefois, arrivé à-ee point, le problème de la transpiration des racines est loin d’être complétement résolu. J'ai montré plus haut de quelle manière on peut expliquer comment, dans l'hypothèse d’une :transpi- ration nulle ou très-faible des organes radiculaires, la racine doit néanmoins se déssécher plus rapidement que la tige, lorsque la plante est soumise à la dessiccation spontanée due à l'influence de l'atmosphère. Mais il est évident que le même fait est susceptible, à priori, d’une autre interprétalion. Gar bien que la:racine. trans- pire fort peu, selon toutes les données de la science, néanmoins celle transpiration existe, el l’on conçoit que cétle évaporation lo- cale pourrait à elle seule amener une prompte dessiceation de Por- (4) Annales des sciences naturelles, 3° série, botanique, t.. XIII, 4849. 2100 — gane, dans le cas où ce dernier ne contiendrait qu'une faible pro- portion d’eau. Dans ces cireonstances, la détermination du rapport entre les proportions d’eau contenues dans les tissus de la racine et de la tige d’une plante vivante, offrait ainsi un grand intérêt, et c'est à ce point de vue particulier que je me suis placé dans l'étude de ’exhalation aqueuse des racines. Pour faire connaître en détail mes recherches, je dois indiquer successivement : I. — Le nom des plantes soumises à l’expérience, leurs carac- tères de végétation et leur mode de culture; IL — Le procédé de dessiccation employé à leur égard ; HE. — Les résultats obtenus. NOMS DES PLANTES, LEURS CARACTÈRES DE VÉGÉTATION ET LEUR MODE DE CULTURE. J'ai opéré sur deux espèces différentes : une monocotylédone, le froment; une dicotylédone, la fève de marais (Faba major): mais j'ai plus spécialement expérimenté sur cette dernière. En second lieu, relativement aux particularités caractéristiques que présente la végétation de la fève, voici les seules indications nécessaires à connaître et que je rappellerai brièveinent. Les feuilles, que je distinguerai par desnuméros d’ordre1,2, 3, ete., — en eommençant loujours par la feuille la plus voisine des coty- lédons, sont, sur le même sujet, de formes et de dimensions différen- tes selon leur situation, c'est-à-dire selon leur âge; ce qui est con- forme à la loi générale d'évolution de cette catégorie d'organes. Les deux premières feuilles sont toujours très-réduites et ressem- blent plutôt à des bractées qu’à des feuilles véritables ; néanmoius, dans toutes ces récherches, je les compterai loujours comme des feuilles. Ainsi, en disant tel pied a six feuilles par exemple, j'en- tendrai par là qu’il porte à sa base deux feuilles bractéiformes et — 100 — plus haut quatre feuilles ordinaires, c’est-à-dire respectivement mu- nies d’un limbe et d’un pétiole. Des bourgeons naissent à l’aisselle de toutes ces feuilles, puis s’'épanouissent successivement de la base au sommet. On en trouve souvent deux et quelquefois trois réunis à l’aisselle de chacune des deux feuilles inférieures. Dans ce cas, ces bourgeons supplémen- taires s’épanouissent toujours après le bourgeon principal, et leur développement est constamment moins avancé que celui de ces derniers. Les boutons sont axillaires et naissent ordinairement dès la septième feuille. Toutefois, toujours plus où moins avortés à lais- selle des premières feuilles florifères, ils n'atteignent leur complet développement et ne s'épanouissent.que plus haut sur la tige, lors- qu'ils naissent à la neuvième et à la dixième feuille, plus ou moins du reste selon les sujets e{ surtout selon les modes de culture. Un point des plus importants serait de fixer avec précision dans tous les cas l’état de développement d'une plante, afin d'arriver à établir ainsi sur des bases certaines et à rendre possible la compa- raison physiologique des divers végétaux. Malheureusement c’est là une question bien difficile à résoudre. Sans doute la durée de la végélation, c’est-à-dire l’âge de la plante, est une donnée dont on doit tenir grand compte dans ce cas; attendu que les caractères physiques et chimiques des tissus se modifient avec le temps, comme nous le verrons fréquemment dans la suite de ces recher- ches. Mais ce n'est point là bien évidemment l'unique donnée du problème, puisqu'il n'existe peint de rapport constant peur toutes les plantes d’une même espèce entre leur âge et leur degré de dé- veloppement. On sait, en effet, par maints exemples, que Paccrois- sement d'un organe est subordonné à un certain nombre d’influences variées. Il dépend des caractères physiques et de la nature chimique du sol, de l'état hygrométrique de l'air et de sa température, du mode d'exposition de la plante, et enfin eten grande partie de lidio- syncrasie même du sujet soumis à l'observation. Et ces inégalités de développement, non-seulement se produisent d’une plante à l’autré, mais encore se manifestent dans les diverses régions d’un — 101 — même sujet. Ainsi, pour ne citer que l'exemple le plus frappant, les deux systèmes organiques opposés : l'appareil souterrain d'un côté, et l'appareil aérien de l’autre, ne présentent point constam- ment le même mode d'évolution. Dans les conditions normales, c'est la racine qui s'organise tout d’abord, et la formation du sys- tème aérien est postérieure et surtout subordonnée aux progrès du système souterrain. Mais combien de dérogations individuelles à celle règle générale sont produites par des causes très-difficiles à discerner, et que l’on rattache alors indistinctement, ne pouvant faire mieux, à l'idiosynerasie du sujet, mot vague destiné à mas- quer notre ignorance. Ainsi, bien souvent la lige prend dès sa sortie des enveloppes séminales, un accroissement rapide; tandis que le pivot tombe en léthargie dès que sa pointe a franchi lorifice béant et dilaté du micropyle. Toutefois cette anomalie n’est que temporaire, et lorsqu'elle se présente : ou bien la plante meurt prématurément, ou bien, ce qui est le cas le plus ordinaire, au bout d’un certain temps la végétation de la partie aérienne se ralentit comme dans les plantes dites bisannuelles, tandis que si- multanément la partie souterraine se réveille et se met à végéter avec vigueur. Bientôt, grâce à cette double modification, la pro- portionnalité normale entre le développement de la racine et celui de la tige se rétablit ; et, à partir de ce moment, les deux systè- mes organiques reprennent simultanément et parallèlement leur évolution. Ce sont là des effets qu'il est facile de produire artificiellement et en quelque sorte à volonté, soit en modifiant les milieux, soit en gênant, en entravant plus ou moins par des obstacles matériels le développement de telle ou telle partie de la plante. On voit dès lors combien sont nombreuses les causes dont il faut tenir compte lorsqu'il s'agit de comparer l'état physiologique de deux plantes de même espèce; ou bien lorsqu'on veut caracté- riser et indiquer avec précision la phase d'évolution du sujet sur lequel on opère. Comme terme de comparaison, tout en tenant compte de l’âge, j'ai eu recours au nombre de feuilles développées et distinctes du bourgeon terminal, c’est-à-dire j'ai compté les entre-nœuds, sans — 102 — oublier toutefois combien ce moyen appliqué rigoureusement et isolément serait défectueux. Car deux plantes ayant le même nom- bre dé rnérithallés, peuvént néanmoins considérablement différer Vüne de l’autre. Par exemple, l’ane sera souffrante, languissante, présentera une tige grêle, aux entre-nœuds largement espacés, et ne portera qué des feuilles décolorées et rabougries. Ce sera ce que les järdiniérs appellent une plante tirée. L'autre, au contraire, vigouretise et fortement constituée, à tige grosse el courte, à mérithalles rapprochés, trapue pour ainsi dire, donnéra des féuiltés ltrgément dévéloppées et colorées d’un beau vert foncé. Cés deux plantes pourront avoir le même nombre d’entre- rlœuds, lé même âge, et pourtant quelle différence entre elles deux ! ’ést évidemment l'œilseul qui peut faire toutes ces distinctions et apprécier toutes ces nuances, dont lensemble constitue l’état physiologique du Sujet. Je me suis toujours efforcé de donner à cet égard les indications nécessaires. J'ârrive éüfin äu mode de culture. Îl m'a paru intéressant de vérifier si lé mode de culture n’influe- räit point Sur la fiâture de là loi que je recherchais. Aussi ai-je expérimenté sur dés filañtes élevées de trois manières différentes, et formiarit pat Coriséquent trois groupes bien distincts. 4° crouPe. — Les plantes furent élevées dans l’eau ordinaire. A l’aide de flotieurs et par l'emploi de divers modes de suspension, dônt j'äürai l'occasion par la suite d'indiquer les principaux, chaque sujet était fixe de telle sorte que sa racine plongeait tout entière dans l’eau et pouvait librement s’y développer, pendant que sa partie aérienne végélait dans l'atmosphère. 2 cnoure. — Ces plantes étaient disposées comme les prété- dentes, mais on avait remplacé l’eau pure employée dans le pre- mier cas, par ce que j'appellerai à l'avenir de l’eau ile terreau. Voici quel a été le mode de préparation de ce liquide. On a pris du terreau provenant de fumier consommé de chevaux entiers, puis en le soumettant à des lavages méthodiques on a ob- — 403 — lenu un liquide jaune brun, rougeâtre, rougissant faiblement le papier de tournesol. 150% de cette dissolution, évaporés à sec au bain-marie, ont laissé un résidu de 0%,312, soit exactement 0:",00208 par centim. cube, ou très-approximativement ‘05,002. Æelle est la teneur moyenne de l’eau de terreau qui m'a servi dans mes expériences ; comme on le voit, c’est une solution aux 2:millièmes.environ. 3° GROUPE. — Îl comprend les plantes élevées dans un sol nor- mal, dans la terre. Afin de mieux fixer:les caractères de la loi que je recherchais, j'ai fait en outre varier le mode d’évolution des plantes, à l’aide de certaines mutilations exercées sur elles et qui avaient pour résultat de retarder plus ou moins leur accroisse- ment. Enfin, je compléterai ces détails par une remarque importante. Tout le monde connaît la grande influence exercée par l'air libre sur la végétation, et lon sait depuis longtemps qu’une plante quel- conque pousse avec plus de vigueur à l'air libre que dans l'air con- finé d’une serre, d’un appartement. ‘Par exemple, deux plantes aussi semblables que possible, placées l’une sur le rebord exté- rieur et l’autre sur le rebord'intérieur d’une fenêtre fermée, et qui ne seront donc séparées l’une de Pautre que par l'épaisseur du vitrage, présenteront bientôt néanmoins de notables différences. La plante vivant à l'extérieur, à l’air libre, sera toujours plus forte, plus vigoureuse, mieux portante que la plante maintenue-en dedans de la fenêtre. Cette différence tient sans doute -à des causes mul- tiples, parmi lesquelles il faut probablement ranger l’absorption exercée par le verre à vitre des radiations chimiques extrêmes du spectre solaire. Mais sans prétendre rechercher la cause du phéno- mène, j'ai voulu m'assurer s’il pouvait exercer une influence dans la question que je traite, et pour les deux premiers groupes de plantes, j'ai ordinairement opéré sur deux séries : l’une ayant vé- gêté à l’air libre, et l’autre dans l’air confiné derrière, mais contre une fenêtre du laboratoire. — 4104 — Il PROCÉDÉ. LE DESSICCATION ADOPTÉ. Une fois la plante parvenue à l’état de développement désiré, on arrêtait la végétation. Pour les sujets appartenant aux deux pre- miéres catégories, il suîisait d’un simple lavage pour obtenir le végétal intact et prêt pour la dessiccation. Quant aux plantes de la troisième catégorie, c’est-à-dire élevées dans de la terre, la prépa- ration était plus longue, plus délicate, car il était important de dé- gager les racines sans les briser. On exposait la plante sous un filet d’eau qui la débarrassait à la longue de toutes les matières solides et étrangères. Néanmoins, et malgré toutes les précautions prises, un cerlain nombre de ramifications radiculaires élaient toujours brisées et entrainées avec la terre par les lavages. C'est là une particularité qu'il ne faudra point perdre de vue lors de la compa- raison et de l'interprétation des résultats obtenus. Surtout on ne devra pas oublier que ces mutilations portent le plus ordinaire- ment sur les parties terminales des ramifications, c'est-à-dire sur les parties les plus jeunes. Les lavages terminés et la plante égouttée, on séparait les diflé- rents organes, racine, tige, cotylédons, puis on pesait chacun d'eux à l’état frais. Alors, après les avoir divisés en pelits fragments, ces différents organes étaient isolément desséchés dans une éluve chauffée à l’eau bouillante, pour être finalement pesés de nouveau après dessiccation complète. — 105 — III RÉSULTATS OBTENUS PREMIER GROUPE PLANTES AYANT VÉGÉTÉ DANS L'EAU ORDINAIRE. PREMIÈRE SÉRIE FÈVES EXPOSÉES A LA LUMIÈRE DANS L'INTÉRIEUR DU LABORATOIRE. Tableau n° #. NUMÉRO | NATURE de de POIDS. |FRAIS.| EAU. | SEC. ÉTAT DE LA VÉGÉTATION., L'EXPÉR. |L'ORGANE. | 25 aout 1864. | gr. gr. gr. À A Une feuille séparée, les autres réu- 100—1 | racine bee 0,57010,52410,046 nies dans 10 bourgeon. calculé ll 0,91 9 0,084 Longueur de la tige : 0",075. Id. pivot : Ur,085, Plusieurs racines secondaires à la base du pivot. ._ fobservé 0,82 |0,783|0,077 DS Use a 1 |8/906/0,095 29 aout 1868. FACE) ER (observé [1,12 |1,045 0,075 h [ 5 feuilles distinctes, les autres réu- | calculé 1 0,933,0,067| nies dans le bourgeon. : observé|3,28513,048 0,237 Longu ur de la tige : 0,265. 111—3| tige | calculé i 0,928 0,072 Id. pivot : 0,182. 29 aout 48684. post | raci observé |2,82712,66410,463 pd PLEBU ON PTE 4 |0,922/0,058 : feuilles distinctes. bp 2-3 ge Lobservé|7,733]7,250 10,483] "Fi TER 8% }calculé | 4 |0,938/0,062 5 SEPTEMBRE 4 864. : observé |2,96 |2,77410,186|. en 4119—1| racine À éaleale n 0937/0063 G feuilles distinctes et séparées du Fear 1 0,587 À observé |10,6719,94810,722 |Longueur de la tige : 0",587. = p ÿ . QUES 45. DER nee R 1 |0,93210,068 SD CRAN EACS ER Remarque. — En s'appuyant sur ics indications concordantes fournies par le poids des organes frais, par le nombre des entre- nœuds et par la longueur des axes, tige et pivot, ou peut ranger les H. EMERY, 14 — 106 — quatre plantes par ordre croissant de développement, et alors on reconnaît que : | 1° La proportion d’eau contenue dans un organe déterminé aug- mente avec les progrès du développement ; elle est successivement : NUMÉRO D'ORDRE DE LA PLANTE. NATURE DE L'ORGANE. : : L À à 0,933 0,937 Reis 0,928 0,932 2° La proportion d’eau est plus grande dans la racine que dans la tige ; 3° La différence entre les proportions d’eau de la-raeine et de la tige sur un même pied, diminue avec les progrès du développement, car elle est successivement égale à | 0,043 0,005 0,006 0,004 Tabliéau n° 2. NUMÉRO | NATURE de de FRAIS. | EAU. | SEC, , ÉTAT DE LA VÉGÉTATION. L'EXPÉR, | L'ORGANE. a | —_— 20 sEéPTEMBRE 4864. ] gr. gr. gr. observé |1,43511,34210,093 calculé 1 0.93510,065|Deux feuilles distinctes du bourgeon Basla/sagls? terminal, quelques grandes racines ,29812,09310,205| secondaires à la base du pivot. dl 0,941/0,089 observé |2 calculé 20 sepremsre 1864. observé [1,68 |1,58510,095 calculé 1 |0,94310,057 observé |2,147 |114,99710,473 calculé 1 [0,920/0,080 422—1| racine Même: état, 122—3| tige | 20 serremBre 4864. observé |2,25612,12910,427 calculé A |0,944/0,056 observé 11,55511,423,0,122 calculé 1 |0,92210,078 | 120—1 | racine Même état, 4120—3| tige NUMÉRO de L'EXPÉR. 1924—1 124—3 123—1 23—3 125—4 126—1 127—A 127—3 NATURE de L'ORGANE, racine tige racine tige racine racine racine tige — 107 — Tableau n° æ (Suite). POIDS. | FRAIS. SEC. EAU, ÉTAT DE LA VÉGÉTATION. 20 serremere 1864, calculé  observé |3,52 calculé 1 | gr. gr. gr. observé |2,10512,003,0,102 0,951 10,049 \rrois feuilles distinctes et séparées du 3,278|0,242| bourgeon terminal, 0,931/0,069 20 serremsre 1864. observé |2,433 calculé 1 { observé |3,98213,67510,307 {calculé | 1 2,31610,117 ! 4 MER LI MERE Même état. 0,92310,077 2 sertTEMBRE 1864, observé |2,597 calculé il observé 15,093 calculé | 4 2,465|0,132 0,94510,055 Quatre feuilles distinctes et séparées 4,718 0,376 du bourgeon terminal. 0,926[0,074 24 -serTEMBRE 1864. observé [2,795 calculé 1 observé |5,37 calculé (| 2,663[0,132 0,95310,047 5,042/0,358 0,933[0,067 Même état. 21 septemBre 1864. observé |2,693 calculé 1 observé [7,337 calculé 1 2,553|0,14 0,948 0,052 | cinq feuilles distinctes et séparées du 6,80310,534 bourgeon terminal. 0,92710,073 24 SEPTEMBRE 1864. 128—1 128—3 429—1 129—3 racine tige racine tige | observé [2,95 calculé  observé |7,33 calculé A 2,796 0,948 6,81 0,929) 0,154 0,082 0,52 0,071 Même état, 24 SEPTEMBRE A 864. observé [2,9 calculé (| observé |[7,577 calculé 4 2,694 0,929 7,01 0,925 0,206 0,071 Six feuilles distinctes et séparées du 0 ; 567| bourgeon terminal, 0,075 — 108 — Pour interpréter convenablement ce tableau, il convient de re- marquer Lout d'abord que ces plantes faisaient partie de deux se- mis d’âges différents; l'un, le plus ancien, comprenait les plantes n°s 427, 198 et 1299. Ceci posé, sous le rapport du développement, on peut répartir les végétaux en cinq catégories: A Plantes portant 2 feuilles séparées et distinctes du bourgeon terminal. B — 3 —= ne C — 4 _ — D — 5 _ — E — 6 — — En calculant la quantité moyenne d'eau contenue dans les plan- tes de chaque catégorie, on obtient les résultats suivants : CATÉGORIE. NATURE DE L'ORGANE. nn A B C D E | racine | 0,941 | 0,952 | 0,951 | 0,948 | 0,929 Eau contenuedans la tige | 0,917 | 0,927 | 0,930 | 0,928 | 0,925 On en conclut que : 1° La proportion d'eau contenue dans un même organe croit d’abord, atteint un maximum, puis au delà décroit avec le temps ; 2° Pour chaque plante en particulier, cette proportion d’eau est toujours plus grande dans la racine que dans la tige ; 3° La différence entre les proportions d’eau de la racine et de la üge, sur un même pied, diminue quand l’âge du sujet augmente, puisqu'elle a été successivement égale à 0,024 0,025 0,021 0,020 0,004 L'interprétation physiologique de la première loi me semble dé- couler naturellement des circonstances spéciales de la végétation des plantes soumises à l'expérience. — 109 — En premier lieu, le semis a été fait très-lard, et le plant émet- tait ses premières feuilles à l'époque de l’année où, dans les condi- tions normales, il doit déjà avoir achevé de mürir ses graines ; il s’est donc trouvé dans des conditions climatériques particulières et anormales. En outre, le semis avait été fait dans l’eau d’un cristal- lisoir ; et les plantes, dépourvues de tuteurs et de supports, pen- daient hors du vase, ce qui rendit bientôt la végétation dillieile et languissante. En ayant égard à ces considérations, on est conduit à penser, ce me semble, que la proportion d’eau contenue dans un organe doit aller en croissant tant que la plante est dans sa période d'activité physiologique, puis qu’elle décroît ensuite pour atteindre son mini- mum jors de la mort du sujet. DEUXIÈME SÉRIE FÈVES AYANT VÉGÊÉTÉ A L’AIR LIBRE ET A LA LUMIÈRE. Le ?2 septembre 1864, on choisit dans le cristallisoir où lon avait déjà pris les sujets de la catégorie n° 120 quatre pieds aussi semblables que possible. Ces végétaux s'étaient librement développés jusqu'alors, sans supports ni luteurs. Chacun d'eux portait alors quatre feuilles distinctes et séparées du bourgeon terminal, et possédait en outre d’excellentes racines et des cotylé- dons parfaitement sains. Il fallait maintenant redresser les tiges pour favoriser la végétation. Pour cela on prit un vase cylindri- que de verre, dont l’orifice libre était entouré d’un collier de liége. Ce dernier portait quatre tiges de fer régulièrement espacées et sur chacune desquelles on avait fixé une des plantes. Pendant Loute la durée de l'expérience, oneut le soin de maintenir le niveau de l'eau dans le vase de manière à submerger les racines qui se trou- vaient librement suspendues dans le liquide, sans jamais atteindre les cotylédons. Enfin l'appareil était placé sur le rebord extérieur d'une fenêtre et pouvait recevoir le soleil durant les premières — 110 — heures de la matinée. On arrêta l'expérience le 2 décembre 4864. Aucune des plautes n'avait fleuri, la végétation des tiges paraissait se continuer, mais le développement des racines était arrêté. Enfin les divers pieds, rangés par ordre décroissant de vigueur, étaient ainsi placés : 130 —4#4 130 —1 130 —3 430 — 2 Les trois premières seules furent soumises à la dessiccation et donnèrent les résultats suivants. | NUMÉRO | NATURE de de POIDS. | FRAIS. EAU. SEC. | ÉTAT DE LA VÉGÉTATION. L'EXPÉR. | L'ORGANE. 2 péceumne 1864. | gr. gr. gr. 1s024lt0me rt 6,242| 5,88 10,362 calculé (| 094210 058 /12 feuilles séparées et distincte k j du bourgeon terminal les feuilles 130—4 tige us 19,524 17,65 |1,874 3, 4 et 5 sont tombées. calculé 1 0,90410,096 2 DÉCEMBRE 1864. {observé | 5,135| 4,832|0,303 a é * 13 feuilles séparées et distinctes Fcaleulé | 0,94 110,059 du Res ll feuilles 3, : observé 117,063 15,513,1,52 5, 6, 7, 8, sont tomhées. calculé 1 0,91110,089 2 DÉCEMBRE À 64. 130—1| racine observé | 5,732| 5,39410,338 calculé 1 0,94110,059/19 feuilles séparées et distincles observé |14,647|13,340) 4,307): du hourgeon terminal les feuilles calenlé = 4. [60:98 1 ln os aMér 2r272n0 "OR MCE 130—3| racine 130—3| tige Ces nombres donnent lieu aux remarques suivantes : Dans ces trois plantes, deux seulement, les n° 4 et 3 sont phy- siologiquement comparables, et fournissent d'ailleurs'des résultats d'une remarquable concordance. Ces deux plantes, en effet, sont parvenues sensiblement à la même phase d'évolution : la première à treize feuilles, et la seconde douze ; dans la première, les six pre- mières feuilles du bas sont tombées ; dans la seconde, ce sont seule- — A — ment les cinq premières, en exceptant bien entendu, les deux feuilles bractéiformes, qui persistent sur les deux sujets. Quant à la premièré planté, elle offre, relativement aux deux autres, une anomalie de composition qui me parait tenir surtout à ce que sur douze feuilles elle n’en a encore perdu que trois, ce qui dénote chez elle un état d’affaiblissement et de dépérissement moins avance. Enfin, on remarquera que la proportion d’eau est sensiblement la même pour les trois racines. 0,942 0,941 0,941, Ce résullat s'explique aisément, puisqu’aäu moment de la dessic- cation, les trois racines, comme je m’én suis assuré, étaient dans le même état physiologique. Il résulte de cette discussion que l’on doit adopter lés nombres suivants, pour les proportions d’eau contenues dans les plantes, à cette période de leur existence : Pour la racine, 0,9%14 Pour la tige, 0,941. Cette conclusion montre que : 1° Ces plantes ont dépassé la période du maximum d'imbibition el par conséquent du maximum d'activité végétalive, et qu'elles sont entrées dans la phase de dépérissement signalée, entre-autres particularités, par une dimiiulion graduelle dans la quautité d'eau; résultat en tout conforme à celui qui résulte de l'examen physielo- gique des sujets ; 2° Mème arrivée à cette période de la vie végétale, la raëine contient encore une plus forte proportion d’eau que la tige. — 112 — DEUXIÈME GROUPE PLANTES AYANT VÉGÉTÉ DANS L'EAU DE TERREAU. PREMIÈRE SÉRIE ‘FÈVES EXPOSÉES A LA LUMIÈRE DANS L'INTÉRIEUR DU LABORATOIRE. Voici l’histoire succincte des plantes decette série, Chacune des graines a d’abord été placée sur un flotteur de liège, percé dans sa région centrale et posé sur l'eau de terreau. Dans ces conditions, l'embryon a pu librement se développer. Le 23 septembre on les achangées de situation et on leur a donné un numéro d'ordre. Chacune des plantes a été disposée dans un appareil composé d'une éprouvelte à pied, munie à son orifice libre d’un collier de liége supportant une tige de fer. Cette tige de fer était le tuteur auquel on fixait la plante de manière que toute sa racine fût constamment subinergée, tandis que sa tige et ses cotylédons res- taient hors de l'eau. Ce jour-là, 23 septembre, la végétation offrait les caractères suivant(s : N° 138. — Pivot tronqué à une certaine distance de la base, racines saines, peau de la graine couverte de moisissures, six feuilles développées et distinctes. N° 439. — Pivot entier, racines el cotylédons sains, plante vigoureuse, six feuilles développées. N° 142. — Pivot entier, racines et co‘yl ons sains, plante assez vigoureuse, six feuilles développées. N° 146. — Pivot entier, racines et cotylédons sains, plante assez vigoureuse, six feuilles développées. A partir du 15 novembre 1864, on les a soumis successivement à la dessiceation, et voici les résultats que l'on a obtenus. — 113 — NUMÉRO | NATURE de de POIDS, | FRAIS. EAU. SEC. ÉTAT DE LA VÉGÉTATION. L'EXPÉR. | L'ORGANE. A5 novemBre 1864. gr. gr. gr. observé | 5,63 | 5,25310,377|19 feuilles distinctes. À partir de | 142—1| racine ct 1 0.93310.067| la 8", boutons avortés. La ? 4 plante a toutes ses feuilles; le: : observé |19,625117,64 |2,015| fouilles 3, 4 et 5 commencent 142—2| tige et | 1 0,89710,103| à se dessécher. A8 novemBre 1864. ë observé | 5,98 5. 49310,487|10 feuilles, dont 5 sont tombées, 138—1| racine { 3 ? 2 le bourgeon axillaire inférieur calculé 1 9,91910,081| est ta oureux : il a 7 feuil- 138—2| tige joe 24,935/49;818)2 7417), l6s,.etxon bourgéon de ranplse | cement a À centimètre 4 calculé 1 0,90310,097 longueur. À A8 noveusre 1864. : observé | 3,875] 3,54310,332 ru Ms dus a | 0,914 10,086 … (observé [45,275/13,670 4,605 162) uée on 4 | 0,895 0,105 41 feuilles, dont 3 sont tombées. A8 noveupre 4864. : observé! 6,12 | 5,77810,342 hp > 2 > 42 feuilles, d 6 bées. Lnetech Mia { 2 A a PO 2 CRC re re vom) gs fobeené (20,3 U9,7BONGET Garages Pour juger les résultats contenus dans ce tableau, il importe, je crois, de faire les remarques suivantes : Cés quatre plantes forment en réalité deux groupes bien distincts. Dans le premier, composé des pieds n° 142 et 146, le sujet issu de la graine à vécu sans se propager, puisque aucun des deux n’a fleuri, ni développé de bourgeons ; l’on n’a donc affaire ici qu’à un centre unique d'activité végétative. L'examen de ces plantes mon- tre en outre qu’elles sont entrées toutes deux dans la période de dépérissement ; mais la première est plus éloignée que la seconde du terme de la végétation, puisque la plante n° 142 a encore toutes ses feuilles, bien que trois d’entre elles commencent à se faner, tandis que la plante n° 146 en a déjà perdu trois. Le deuxième groupe comprend les n° 138 et 139. Ces deux H. EMERY. 15 — 114 — plantes sont entrées dans une autre phase de la vie végétale, L'individu issu de la graine cest près d'atteindre, il est vrai, le terme de sa végétation, car le n° 138 sur dix feuilles en a perdu cinq, et le n° 439 sur douze feuilles en a perdu six. Mais chacun de ces individus a émis de son pied un bourgeon vigoureux qui croit avec rapidité; et l’un de ces rameaux a déjà sept feuilles et l’autre six. Ainsi une seconde génération s'élève, aux dépens de la première qui va bientôt périr. Par conséquent, si l’on veut disposer les quatre plantes dans l’ordre croissant des évolutions successives, on les placera de la manière suivante : 142 146 138 439 et dés lors, les nombres obtenus sont très-significatifs. En effet, le tableau précédent peut se résumer ainsi : NUMÉRO DE L'EXPÉRIENCE. NATURE DE L'ORGANE. EE racine | 0,933 0,944 0,919 0,944 Eau contenue dans . tige 0,897 | 0,895 | 0,903 | 0,927 Ainsi se trouvent vérifiées, dans un nouveau cas, les deux pre- miéres lois énoncées plus haut. Quant à la troisième, elle est égale- ment confirmée, puisque les différences entre les quantités d’eau contenues dans la racine et dans la tige d’un même pied sont suc- cessivement : 0,036 0,049 0,016 0,017 DEUXIÈME SÉRIE FÈVES AYANT VÉGÉTÉ A LA LUMIÈRE ET A L'AIR LIBRE. Ces plantes proviennent du semis qui a fourni les sujets de la sé- rie précédente. Le 23 septembre, on a mis chacune d'elles dans l'appareil de suspension que j'ai décrit plus haut; puis on a posé les vases sur lé rebord extérieur d’une fenêtre. Ainsi placées, ==. MO = elles sont restées jour et nuit exposées à Pair et ont pu recevoir directement les rayons solaires pendant les premières heures de la matinée. À partir du 11 novembre, on les a successivement soumises à la dessiccation ; ce qui a permis de dresser le tableau suivant : NUMÉRO | NATURE de de POIDS. | FRAIS EAU. SEC. ÉTAT DE LA VÉGÉTATION. L'EXPÉR. | L'ORGANE. —————— —— A1 noveusre A 864, r. \ observé 6° 095 5° 613 0, 92 11 feuilles, boutons avortés à par- à li: de la 8° feuille ; le bourgeon | calculé 1 0,92110,924| axillaire inférieuc a 4 feuilles. 132—2| tige 132—1| racine observé |21,400119,43 [2,27 [Faible végétation du chevelu, calculé 1 0,89410,106 Rlapte nir TIGOUEnsS , ? AA novemsre 1864. {observé | 6,871 6,54810,323 [19 fouilles, boutons avortés à par- {calculé | 1 | 0,953/0,047] dr de à à feuille bouge 135—2 ti { ob-ervé 28,852 26,48 ! 2,37 Û point de végétation du chevelu, re | calculé 1 0,918 0,082 plante assez vigoureuse. 135—1| racine o Al novemere 1864. {observé | 4,62 4,32210,298 44 fouilles, 1 est tombée; 6 feuilles du bas, quoique desséchées, | calculé 1 0,93510,065 tiennent encore à la tige ; fleurs \ observé 17,95 |16,045/1,905| avortées | calculé 1 0,89410,106| végétation du chevelu. | 136—1) racine 136—2| tige 13 novemBre 1864. c : observé | 3,805] 3,56310,242/|13 fouilles, quelques-unes com- 133—1| racine calculé 1 0,93610.064| mencent a noircir;_ boutons \ ; à à avortés à partir de la 7* feuille; : { observé 118,630 16,606,2,02%| très-faible végélation du che- 133—2 ug l calculé 1 0,89410,409 velu, plante assez vigoureuse 13 novemBre 1864. PU 6 È À 9 { obser ve 3,965] 8,71110,2 ‘Plante chétive, 43 feuilles, 2 tom- { calculé cm 0.94010,06 ë bées, 4 en partie flétries mais ( observé [15 ,776 14,024 755 encre attachées à la tige ; point | lculé 1 0.889l0,14 U “e végétalion du chevelu. calcule 137—1| racine 137—2| tige 45 noveusre 1 864. ( observé 10 085! 9,492 0,593 A1 feuilles, 1 tombée, 4 fances et séchées en partie, mais en- { calculé 1 0,941 0,059! core fixées à la tige ; 4 fouilles : observé |(23.920121,51712,403| au bourgeon axillaire inférieur, 134—2| tige : 3 ‘ | 134 —1A| racine , e suivant à une longueur de calculé 1 0,90010,1 0=,02, mais n'est pas encore épanoui. — 116 — Le groupement physiologique des six plantes offre de grandes difficultés; car il faut tenir compte ici d’une influence nouvelle, dont il semble cependant impossible d'isoler complétement les effets de ceux amenés par le cours régulier de la végétation. Tous les sujets compris dans le tableau précédent ont subi l’action de la gelée; et, pendant plusieurs jours, l'eau de terreau des appareils est restée couverte d’une couche de glace. Cet abaissement de température a dû se faire sentir plus ou moins vivement, selon le tempérament des divers sujets ; et, par suite, le nombre des feuilles desséchées sur chaque pied par la gelée a nécessairement varié, d’une plante à l’autre, en raison directe de leur sensibilité indivi- duelle au froid. Ainsi, daus cette série, la chute des feuilles a été provoquée par deux causes distinctes : 1° la gelée ; 2° le dépérissement amené par l’âge des organes. Par conséquent, dans nos appréciations, nous devrons sans doute tenir compte de l'état des feuilles, mais ne point oublier cependant que dans ces circonstances ce genre de consi- dérations ne donne que des indications incertaines sur le degré d'évolution des sujets soumis à notre examen. L'état des racines m’a paru devoir fournir, dans ce cas, des ren- seignements plus positifs; et c’est principalement à cet ordre d'indications que je me suis arrêté, sans lui accorder néanmoins une valeur absolue. En appliquant ces nouveaux caractères de classification, con- jointement à ceux dont je me suis servi antérieurement, on est amené à diviser ces plantes en deux catégories. La première com- prend les sujets qui n’ont pas développé de bourgeons axillaires ; elle se compose des numéros 133, 136, 137. La deuxième renferme, au contraire, toutes les plantes qui ont produit des rameaux ; elle renferme les numéros 485, 132, 134. Résumant sur ces bases les données du calcul, on trouve les nombres suivants : — 117 — PREMIÈRE CATÉGORIE. NUMÉRO DE L'EXPÉRIENCE. NATURE DE L'ORGANE. racine | 0,935 | 0,940 Eau contenue dans. . . | | tige \ 0,894 : 0,889 DEUXIÈME CATÉGORIE. NUMÉRO DE L'EXPÉRIENCE. NATURE DE L'ORGANE. — 135 132 | 434 a — racine 0,953 0,921 0,941 Eau contenue dans. . . tige 0,948 0,894 : 0,900 Ces deux tableaux montrent que la proportion d’eau contenue dans la racine est plus grande que celle renfermée dans la tige. Quant aux deux autres lois énoncées antérieurement, elles ne se vérifient point ici : soit que la classification physiologique des plantes offre des inexactitudes, soit enfin que ces deux lois comportent des exceptions accidentelles. TROISIÈME GROUPE PLANTES AYANT VÉGÉTÉ DANS LA TERRE. PREMIÈRE SÉRIE FÈVES EXPOSÉES À LA LUMIÈRE DANS L'INTERIEUR DU LABORATOIRE. Le 22 août 1864, à quatre heures de l'après-midi, on met en germination trois fèves dans un pot à fleurs de dimensions moyennes — 118 — et contenant un mélange à parties égales de terre franche de jardin, et du terreau dont je me suis servi dans toutes mes expériences. Le 2 septembre suivant, on arrète la végétation, et l’on soumet les deux plantes à la dessiccation. Tableau n° 1, NUMÉRO | NATURE de de POIDS. | FRAIS, | EA ÉTAT DE LA VÉGÉTATION. L'EXPÉR, | L'ORGANE. PREMIÈRE PLANTE, gr: gr. l'obeenré 0,5641|0, “17 0,047|La gemmule n'est pas encore épa- | calculé |1 0,91710,083| 1 ne . { observé [0,65 [0,57610,074 [16m de la tige SU | calculé 1 0,88610,114 Point ‘de racines secondaires. 99—1| racine 99—3| tige DEUXIÈME PLANTE. { observé |0,51110,47110,0£ [Même état de développement ; la base | calculé 1 0,922 0. ,078| du pivot =. trois rudiments de ? : racines secondaires. { observé 0,622 0 5210,07 Longueur de latige, 07,05. {calculé | 4 [0,8 87/0,413| KL. dupivoi, 0,012. [ 99—4| racine 99—6| tige Prenant la moyenne des résultats fournis par ces deux plantes, toutes deux très-sensiblement dans le même état de développe- ment, on a : N° 99. E : qu { racine, 0,949. ue dan ï ET à | tige, 0,887. Le 6 août 1864, à quatre heures de l'après-midi, on meten ger- mination trois fèves dans un pot préparé comme le précédent. Le 6 septembre, à dix heures du man, on arrèle la végétation et l’on dessèche les trois plantes. — 119 — Tableau n° 2. L'EXPÉR. | L'ORGANE. NUMÉRO | NATURE de de POIDS, |FRAIS.| EAU. | SEC. ÉTAT DE LA VÉGÉTATION. a | | — PREMIÈRE PLANTE, | cn gr. gr. gr. : observé |4,06513,81910,246 Den? Êr 1 0,93910,061 |6 feuilles psc et séparées du : observé |9,92219,46510,757| bourgeon terminal. EC) rt 1 |0,924/0,076 DEUXIÈME PLANTE. (observé [3,73513,51310,222 884} racine nest a |o/94110,059 es_6l ugo fobservé|9,575]8,884 10,694 DES 82 À calculé | 4 |0,928/0,072 TROISIÈME PLANTE. a :_. fobservé|4,33 |[4,11310,247 88—7| racine oienté | 4 |0,980/0,050!. Même (tat { observé 19,22 |8,54210,678 | calculé 4 10,92610.074 [l 88—9| tige En prenant la moyenne des résultats fournis par ces trois plantes, toutes dans le même état, on obtient : N° 88. racine, 0,964. Eau contenue dans ; tige, 0,926. Ces deux tableaux peuvent donc se résumer ainsi : NUMÉRO DE L'EXPÉRIENCE. NATURE DE L'ORGANE. TT À 99 88 racine 0,949 0,948 Eau contenue dans. . . . . — 120 — Donc : 4° La proportion d’eau contenue dans un même organe croit avec les progrès du développement ; 2 Pour chaque plante, la proportion d’eau est moindre dans la tige que dans la racine; és 3 La différence entre les proportions d’eau contenues dans la racine et dans la tige d’un même pied diminue progressivement, puisqu'elle est successivement : 0,032 0,048 DEUXIÈME SÉRIE FÈVES EXPOSÉES A LEA LUMIÈRE ET A L'AIR LIBRE. Le 2 août 1864, à quatre heures de l’après-midi, on met vingt graines de fèves en germination dans une terrine de grès conte- nant un mélange à parties égales de terre franélié de jardin et de terreau. La terrine est placée à l'air libre et à l'exposition du sud. Le 40 août, à cinq heures de l'après-midi, on fait choix de quälre de ces plantes au même degré de développement : sur chacune d’elles la tigelle est dressée, mais la gemmule n’est pas encore épa- nouie. On leur enlève les cotylédoiis sans dépiquer les plantes, et on laisse en végétation. Le 43 août, à quatre heures et demie de l'après-midi, on eoupe les cotylédons sûr Cinq nouveaux pieds parvenus à l’état de développement des premiers ; puis enfin, le 18 août, à neuf heures du matii, on enlève encore les colylédons de cinq plantes ayant respectivement quatre feuilles complétement développées et distinetes du bourgeon terminal. Le 12 septembré, à dix béures du mätiñ, on arrète la végétation ; et l'on répartit lés plantes en trois catégories : Catécorie À.— Plantes amputées dans le jeune âge et rabougries. Carécorie B. — Plantes armputées plus tard et vigoureuses. Caréconie G. — Plantes eñtières. — 121 — CATÉGORIE A. FRAIS.| EAU. SEC: ÉTAT DE LA VÉGÉTATION., observé 0537 0, 5037 calculé 0,93610,064|3 feuilles distinctes et séparées du observé 0, 874 0, 070! bourgeon terminal. tige calculé 0,926|0.074 racine À calculé 0,941[0,059 observé |0,78710,73110,056 calculé 0,92910,074 4 feuilles, id., id. tige Fobaeré calculé observé En racine 7 4 feuilles, id. tige NUMÉRO | NATURE de L'EXPÉR. das racine 5 © 0, y 0,54710,034 L Oeeré \ 1,286 | | AN A FE RTS FN ES NA RL RE 0,94510,055 Q observé |1,99111,84810,143 UN ON EE 0,928/0,072 | 5 feuilles, id. En prenant la moyenne des indications données par les plantes 2 et 8, qui sont de même àge, on peut résumer ainsi le tableau précédent : ee PLANTES À NATURE DE L'ORGANE. D CE 3 feuilles, 4 feuilles. 5 feuilles. RE —————— " ———— —————…—— | ———— racine 0,936 0,936 0,945 Eau contenue dans. . . . tige 0,926 0,927 0,928 REMARQUE. — Les deux premières lois se vérifient encore, mais non la troisième, puisque les différences sont : 0,040 0,009 0,047 H. EMERY. 46 = 25) — CATÉGORIE B. POIDS. | PRAIS. | EAU. | SEC. ÉTAT DE LA VÉGÉTATION. L'EXPÉR. | L'ORGANE. NUMÉRO | NATURE EEE observé Fe r84e 3 ,589 ! ,260 7 feuilles, boutons naissants dans calculé 0,93210,068| je hourgeon terminal; le bour- 67—21 ti observé 12, A 11 ,059 (] ,046 . axillaire inférieur a trois 188 calculé | 4 | 0,928/0,086| | ——_—_— —_—_—_—_— À 67—1 racine observé k, 421] 4,1 17 0,304 8 feuilles, boutons verts maïs visi+ calculé | 0,93110, 069| ‘bles danse bourgeon terminal; les deux bourgeons axillaires observé |11,550/10,475|1,075) inf té ; le prè= 67—2 | tige oaleulé 1 | 0:90710.093 nier tarde uno fonte coperée: ————— | Hi 3, Se 3,703|0,250 67—20 racine | 67—22| racine calculé 0,93710,063{8 féuilles, boutons à peine visi- observé | 9, so 9,02310,847 bles dans le bourgeon terminal, calculé | (] 0,914 0,086 observé | 7,204| 6,75110,450 le) EG = 1 0,937|0,063 67—23| tige Comme le précédent. observé [14,545/13,24311,332 67—A4| tige À eaieuté | 4 | 0,908/0,092 L (teeeee 8,165| 7,70810,457 67—41| racine À jculé | 1 | 0,944/0,056 observé |[17,862116,202|1,660 calculé 1 0,90710,093 l ———————— ————_—_—_—_———————— | Léeulé 3,780| 3,47410,306 9 feuilles ; les boutons ne sont pas | 8 feuilles, commence à fleurir. 67—18| racine 5 calculé | 0,91910,081| encore ‘épanouis ; le bourgeon nue, ti observé |14,750143,41911,331 Den inférieur porte trois 19) 088 éaloulé | 4 | 0,910! 0,09! 1 meer tue rate eo EEE — | observé | 5,122! 4,77710,545 calculé 1 0,93310,067{9 feuilles, la plante est prête à 67—4 ti observé [16,824115,14214,682| fleurir. 8e À calculé | 4 | 0,90010,1 ; 67—3 | racine e7=eël racine {observé| 7,022) 6,569 0,453 IE calculé | 4 | 0,935/0,065 ae ; { observé 116,683 15,18311,5 67—25| tige ejetétl 4 | 09010,09 | 9 feuilles, commence à fleurir, — 193), — Il semble naturel de répartir ces plantes en trois groupes, d’après le nombre de feuilles ; et, en outre, de distinguer la plante en fleurs de celle qui ne l’est pas. En suivant ces indications, et pre- nant des moyennes pour les plantes de même développement, on peut résumer de la manière suivante les résultats qui précèdent : PLANTES A TT _ “ NATURE DE L'ORGANE. 7 feuilles 8 feuilles 9 feuilles TR, CR. flor. nulle|flor. nulle| floraison|flor. nulle 1 plante, |3 plantes .| 4 plante.|[2 floraison 2 plantes. | 4 plante. | ——— | | ————— | —— racine | 0,932 | 0,936 | 0,944 | 0,927 | 0,935 Eau contenue dans. . tige 10,914 | 0,940 | 0.907 | 0,904 | 0,910 Ces résultats montrent que la proportion d’eau contenue dans la racine est plus grande que celle renfermée dans la tige; mais les variations, tantôt dans un sens et tantôt en sens opposé, de ces quantités d’eau sembleraient indiquer, si ce n’est par l'effet d’une erreur expérimentale, que ces plantes sont parvenues dans le voi- sinage du point où la proportion d’eau atteint son maximum. CATÉGORIE C. NUMÉRO | NATURE de de POIDS. | FRAIS. KAU. | SEC. | ÉTAT DE LA VÉGÉTATION. L'EXPÉR, | L'ORGANE. 0,930|0,070 {observé |18,103/16,467/4,636| D ar épanqui, "029" Mais Lenenié 1 0,940/0,090 observé | 8,608] 7,96610,642 calculé 1 0, 925/0,075 40 feuilles, un bouton est près de ge läire inférieur a 2 feuilles. calculé | 0 ,916) ,084 ( = observé |22, Fi 20,836) 1,923 te cop ad |) | + ( observé |1 0,587 accident accident | calculé 1 » PP PE TUE Ne { SEBrTE 24,946 23.051 1 .898 euilles, plante en floraison. { calculé 1 0,92410,076 | racine tige — 124 — Ce que donne en résume : PLANTES A NATURE DE L'ORGANE. 9 feuilles. 40 feuilles. ————— |__| floraison nulle. [floraison nulle. floraison. racine 0,930 0,925 Eau contenue dans. . tige 0,910 0,916 0,924 Cette catégorie provoque les mêmes remarques que la catégorie B. Je rapporterai encore une expérience faite sur des fèves. Le lundi 22 août, on a rempli des pots à fleurs de dimensions moyennes d’un mélange à parties égales de terre franche de jardin et de terreau. On a mis dans chacun d’eux trois fèves. Les pots ont été laissés à l'air, à l'exposition du midi, et, à partir du 22 novem- bre, on a soumis successivement ces plantes à la dessiccation. Le tableau suivant contient les résultats obtenus. à 0 NUMÉRO | NATURE de de POIDS. | FRAIS. EAU. SEC. ÉTAT DE LA VÉGÉTATION, L'EXPÉR. | L'ORGANE. 92 NOVEMBRE À 864. -—— RACINES RÉUNIRS DES TROIS PLANTES. | observé |215773|20:270|1%503 _ pe observé |21, ; » 92—41 | racine eue 1 | 0,93410,061 PREMIÈRE PLANTE. PREMIÉREMELANTE 44 feuilles, 2 sont tombées; n’a 92 3 | uge ! chéanté Met he 1iG Métiaus PLANTE M 5» l I # à . calculé ! 0,902/0,098 16 feuilles, 9 tue tombées ; le : bourgeon axillaire inférieur a DELRIP ES PRRTES 6 feuilles, HOT 4 sont tombées. go 4 | ve observé |22,185/20,048/2,137 TROISIÈME PLANTE. #7" | .E Jealculé 1 | 0,904/0,096/16 feuilles, 8 sont tombées. TROISIÈME PLANTE, 23,345124,153/2,192 4 | 0,906[0,094 \ observé 8% } calculé — 125 — (Suite). NUMÉRO | NATURE de de POIDS, | FRAIS. | EAU. SEC. ÉTAT DE LA VÉGÉTATION. L'EXPÉR, | L'ORGANE, À | ——————— | | —————— 22 NOVEMBRE 4864. — PREMIÈRE PLANTE. ] gr. gr. gr. ( observé [13,644112,684|10,96 Calculé 1 0,93010,070 PREMIÈRE PLANTE. ( observé 26,897 24,082 2,845 16 feuilles, 3 98—1 | racine 98—9 tige ! ; sont tombées ; la { calculé 4 0,97010,030| plante a un peu fleuri, mais pas fructifié. DEUXIÈME PLANTE. DEUXIÈME PLANTE. { observé 13,231112,34110,89 17 ER sont tombées; elle { calculé 10140:93310:067| mn er ( observé |[25,505123,01812,487 { calculé 1 0,902/0,098 29 NOVEMBRE À 864. — RACINES RÉUNIES DES TROIS PLANTES. 98—3 | racine 98—4 tige ee __ observé [23,96 [22,094|1,866 “à HO À né 4 | 0,922/0,078 RE LÈGE PREMIÈRE PLANTE, " 16 feuilles, dont 5 sont tombées. 954 tige { observé |18,295116,17912,146 DEUXIÈME PLANTE. 8 ( calculé 1 0,88410,046/12 feuilles, 4 manquent; le bour- xillaire inférieur _ 4 SL AREA Filles. aire inferieur a 92 observé [14,6 |13,109/1,491 FAEMerANEE PE | tige Éealenté 1 | dos Wen men D TROISIÈME PLANTE. ; : observé [15,825/14,084|1,741 Fm | tee a 4 | 0,890/0,440 ae elfe mesÿt nl metal A0 DÉCEMBRE.—— RACINES RÉUNIES DES TROIS PLANTES. : observé |26,005123,868|2,137 == r 5 TE | Age sens 1 | 0,948/0,082 à PREMIÈRE PLANTE. PREMIÈRE PLANTE, 8 feuilles, 5 manquent, : observé | 7.19 6,58810.602 DEUXIÈME PLANTE. 97—1 | tige | , % g % 10 feuilles, T manquent; à l'ais- { calculé 1 0,916/0,084 selle de la Rte féuille il y : a trois bourgeons, dont un DEUXIÈME PLANTE. 7 feuilles déTelote al + ais | gg fire 17,36 op HU SRE UT 4 4 9 1819 feuilles, 3 manquent ; 3 bour- calculé 1 0,882/0,148/" ons à l'aisselle de la feuille h inférieure, l'un a 10 feuilles et TROISIÈME PLANTE. le deuxième 2. = : observé |20,667118,65412,043 97—3 tige , 2 calculé À 0,903/0,097 2 — 126 — (Suite.) "NUMÉRO | NATURE de POIDS, | FRAIS, EAU. ; ÉTAT DE LA VÉGÉTATION. 13 pécemsre 1864.-— PREMIÈRE PLANTE. gr. gr. 32.088|13.368 13 feuilles, 8 manquent ; 41 feuilles ‘4 y au rameau axillaire inférieur, 0,905|0,095| dont 6 manquent. DÉUXIÈME PLANTE. 16 feuilles, 9 manquent; le 2° ra- 51=5 | tive observé|30,847127,9021/2,915| meau axibaire a 1 feuilles, 4 © | calculé 1 0,905[0,095| gr. observé [35,456 calculé [ PREMIÈRE PLANTE. 91—1 | tige | DEUXIÈME PLANTE. En prenant les moyennes des nombres fournis par les plantes d'un même pot, on a : : 5 NUMÉROS DE L'EXPÉRIENCE. NATURE DE L'ORGANE. 97 91 racine | 0,934 | 0,931 0,918 |aétehminé. Eau contenue dans tige | 0,904 | 0,899 0,897 | 0,905 Ce tableau confirme les résultats antérieurement obtenus , et fournit plus spécialement quelques nouvelles remarques. Les différences entre les quantités d'eau conteñtiés dans la racine ét dans la tige d’un même pied sont successivement : 0,027 0,032 0,032 0,021 Ce qui est parfaitement conforme à ce que nous avons dit pré- cédemment : les différences décroissent pendant la période d’acti- vité végétative, et croissent, au contraire, pendant la période de rhlentissement. Dans les trois premières expériences, n° 92, 98 et 95, le dépé- rlssement des individus issus de graines est de plus en plus pro- noncé; et l’on voit en même temps la proportion d’eau contenue dans un même orgañe diminuer graduellement. Au contraire, dans lés deux dernières expériences, n° 97 et 91, les bourgeons axil- — 127 — laires sont en pleme végétation, et l’on voit la proportion d’eau contenue dans la tige augmenter progressivement. TROISIÈME SÉRIE BLÉ EXPOSÉ A L'AIR LIBRE ET A LA LUMIÈRE. Le 29 septembre 1863, on sème du blé dans des pots ordinaires, remplis de terre franche de jardin. A partir du 25 octobre suivant, on arrête successivement la végétation et l’on procède aux dessic- calions, en réunissant toujours ensemble les plantes d'un même pot. NUMÉRO | NATURE de de POIDS, | FRAIS, EAU. ‘| SEG. | ÉTAT DE LA VÉGÉTATION. ! L'EXPÉR, | L'ORGANE. 25 ocroBre 4863. | [ gr. gr. gr. a 4 racines | en 0,737| 0,43510,302 un 1 :}-0,590|0,410|45 plantes, chacune a 3 feuilles. ; € { observé 10,295] 9,055/1,240 2 | feuilles) oué | ‘1 | 0/80/0420 22 ocroBre 1863. eu ci observé| 41,759] 1,53510,224 acines} à lculé | 4 |‘0,873/0,427), un à Fous 229 |'fouilegt 2PServé 140,599! ,9,499)4,10 07 F7 PR DER PUS calculé | 4 | 0,896|0,404 29 ocropre À 863, observé | -4,875| 4,58810,287, calculé l 0,941 |0,059/40 plantes, quelques-unes ont observé | 6,186! 5,015/11,474| #4 feuilles. calculé | ll 0. 81110,189 23—1 racines } 23—2 | feuilles A2 NOVEMBRE À 863. KE 47 { observé | 6,47 | 5,82 [0,35 TU [ ACMES calculé | 1 | 0,943/0,087 j - observé |16,603114,38212,221 49 plañtes, chacune a 4 feuilles. 30—2 | feuilles! roue | 1 | 0866/0134 | En resumant ce tableau, on a : NUMÉROS DE L'EXPÉRIENCE. NATURE DE L'ORGANE. racines! 0,590 0,873 0,941 0,943 Eau contenue dans] | feuilles 0,880 0,896 0,811 0,866 Remarque. — Les n° 21 et 22 présentent une exception, la seule que j'ai rencontrée jusqu'ici à cette loi que la racine renferme toujours plus d’eau que la tige. Gette exception est-elle réelle, lient-elle bien à une particularité de végétation de ces plantes? ou bien est-elle le résultat d'une erreur de manipulation? c’est ce que je ne saurais décider. Dans le doule, j'ai inscrit ici les résultats tels que je les ai obtenus. Mais les deux dernières expériences confir- ment de tous points les résultats précédemment acquis. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. Il résulte des recherches précédentes que : 4° La quantité d'eau contenue dans la racine d'un pied de fève est inférieure à celle renfermée dans la tige, quelles que soient d'ail- leurs les conditions de la végétation. Comme l’on savait déjà que l’évaporation est moins active à la surface des racines qu’à la sur- face des feuilles, voici comment on peut expliquer maintenant que, dans une plante entière exposée à l'air, la racine se dessèche plus rapidement que la tige. Après sa séparation du sol, la végétation ne s'arrête point aussi tôt, etla mort ne survient pas sur le champ. Le mouvement ascensionnel des sucs nutritifs se continue donc encore pendant un certain temps; et, par suite, la dessiccation des tissus doit procéder de la base au sommet; 2 La quantité d’eau contenue dans un même organe croit avec l’âge, pendant la période d'activité physiologique; et décroit au contraire avec le temps, pendant la période de dépérissement. CHAPITRE I. ABSORPTION DE LA VAPEUR D'EAU PAR L'APPAREIL RADICULAIRE. $S 4. — Historique, A ma connaissance, les recherches les plus anciennes sur ce sujet sont dues à W. Edwards ct Colin (1). Dans leur mémoire, ces deux savants étudient l’action de la vapeur d’eau sur la germi- nation. Leurs expériences, faites sur des graines de céréales : ble, orge, avoine cet seigle, les amènent aux conclusions suivantes : « Il y a deux conditions nécessaires pour que la germination ait lieu dans la vapeur; la première, c'est qu'il y ait une certaine pro- portiou d'eau dans la graine; la deuxième, que Pair qui les entoure soit tres-près de l'humidité extrême. Dans l'air, à cette limite extrême, la graine commence par absorber de l'eau, et, quand elle en a absorbé une quantité suffisante, si la température est constante ou à peu près, l'air qui est saturé de vapeur, lient la membrane externe dans un état d'humidité parfaite ; ce qui favorise tellement les fonctions, que la germination a lieu. Si, au contraire, la température s'élève et que l'air s'éloigne de l'humidité extrême, l'absorption est augmentée, mais la membrane externe n'étant pas assez humectée, ses fonctions sont ou gênées ou paralysées, et la germination est relardée ou arrêtée. Ainsi ces deux savants sont parvenus à faire germer des graines de céréales dans l'air très-humide, dans l'air saturée ou tout au moins (rès-près de son point de saturation. À plusieurs reprises, j'ai essayé de reproduire ces expériences, J'ai toujours échoue. J'ai opéré, il est vrai, sur des fèves, ce qui semble démontrer que le phénomène décrit par W. Edwards et Colin n’est pas général. Quoi qu’il en soit, voici comment je disposais l'experience : Dans un flacon de verre à large goulet et bouché à l’émeri, Je (4) Edwards et Colin, sur Les effets de la vapeur d'eau dans toute les périodes des a végétalion (Comptes rendus, t. IV,1837). H. EMERY. 17 — 130 — versais un peu d’eau. Puis je collais, avec de la cire à empreinte, les graines à l'extrémité d’un fil dont l’autre extrémité était fixée, par le même moyen, à la face inférieure du bouchen. Ce dernier étant mis en place et, par conséquent, l'appareil étant fermé, la graine se trouvait suspendue dans une atmosphère très-humide, sinon complétement saturée: Or, jamais, dans ces conditions, je n'ai vu la germination se produire, non-seulement dans les graines normales, c’est-à-dire relativement sèches et telles que les four- nissent les fruits mûrs; mais encore dans des graines préalable- ment imbibées par une submersion de vingt-quatre heures. Dans més expériences, la peau des graines se recouvrait peu à peu de moisissures, elles pourrissaient, mais jamais les radicules ne se sont montrées. Du reste, pour que des expériences de cette nature soient con- cluantes, il faut, de toute nécessité, que l’expérimentateur se tienne toujours en garde contre l'intervention de l’eau à l’état liquide. Dans ces appareils hermétiquement clos, dont l'air intérieur est toujours säturé ou bien près de l’être, le refroidissement nocturne doit amener, chaque soir, la précipitation en gouttelettes très-fines d’une portion de la vapeur ambiante. Or, on admettra aisément à priori, que cétte sorte de pluie périodique, en s’attachant aux grains, pourrait suffire à elle seule pour fournir au fur et à mesure à l'embryon, la quantité d’eau nécessaire à sa germination. Cette remarque nous explique en outre pourquoi l’on pourrait réussir avec certaines graines et échouer complétement au contraire avec d’autres; comment, par exemple, le grain de blé recueillerait jour- nellement, par ce moyen, une provision d’eau suffisante pour lui ; tandis qu'une graine de plus grandes dimensions, ayant par conséquent de plus larges besoins à satisfaire, ne pourrait ainsi trouver la possibilité de s’approvisionner de l’eau néces- saire. Cependant les observateurs, dont je viens de rappeler les tra- vaux,disent que la réussite était d'autant plus incertaine que l’atmo- sphère confinée, dans laquelle s'opérait la germination, était plus grande. Il semble cependant, d’après l'explication précédente, que c'est le contraire qui aurait dû arriver; puisque-plus le volame — 131 — d'air est grand, et plus le poids d’eau condensée par un certain abaissement de température est considérable. D'ailleurs la note publiée dans les Comptes rendus est très- concise, bien des points importants sont passés sous silence, et cet intéressant sujet appelle de nouveau l'attention des physiologistes. Laissons donc de côté la question de l'absorption de la vapeur d’eau par les téguments de la graine; et passons immédiatement à l'examen des opinions et à la revue des recherches les plus impor- tantes faites sur l'absorption de la vapeur d’eau par les racines. Je commencerai cette revue en citant textuellement l’analyse faite par M. Duchartre d’un mémoire publié en Allemagne sur ce sujet. Voici comment s’exprime M. Duchartre (L). « L'un des botanistes les plus distingués de l'Allemagne, M. Un- ger, a fait deux expériences par lesquelles’ il croit avoir démontré non-seulement que les racines aériennes absorbent la vapeur d’eau répandue dans l'air, mais encore qu’elles en absorbent une grande quantité. Dans sa première expérience, il a vu, dit-il, une racine aérienne d'Epidendrum elongatum longue de dix-sept pouces, placée dans un air saturé de vapeur d’eau, absorber en vingt-qua- tre heures plus de 1/4 de son poids. Sa seconde expérience a porté sur une épiphyte de la famille des Commélynées, le Spironema fra- grans (Lindl). Un pied de cette plante, simplement fixé eontre un morceau de bois, a été suspendu dans l’atmosphére humide d'une serre. Dans l’espace d’un an, dit le savant allemand, il.a double de poids, grâce uniquement à la vapeur d’eau répandue dans l'air, qu'il a pu-absorber au moyen de ses racines aériennes. » M. Duchartre repousse les conelusions du botaniste allemand, et dans un travail des plus intéressants par la nouveauté et l’impor- tance des résultats, il a été conduit à la doctrine suivante, après une étude minutieuse et attentive de la question (2). « Des expériences en grand nombre n'ont prouvé que les épiphy- (1) Journal de la Saciélé impériale et centrale d'horticulture, vol. IT, janvier 4856, p. 70. (2) Expériences sur la végétation des plantes épiphytes, Journal de la Société impériale et centrale d'horticulbure. er 1856, p. 67-et suivantes. — 132 — tes n’absorbent l’hamiditéen vapeur répandue dans l'air ni par leurs feuilles ni par leurs racines, d'où il résulte que l'atmosphère humide desserresne leur fournit rien, ne les nourrit pas, et ne peutintervenir dans leur végétation qu’en diminuant la transpiration abondante dont leur surface serait le siége, si l’air qui les entoure était plus sec. Pour qu'elles absorbent l'eau nécessaire à leur nutrition, il faut qu’elle leur arrive à l'etat liquide. Dès lors, dans leur pays natal, les pluies et les rosées, dans nos serres, les seringuages et les arrosages ont pour elles toute l'importance qu’on avait attribuée à tort à la vapeur aqueuse. » Les recherches de M. Duchartre se subdivisent en trois parties ; le savant botaniste étudie successivement les relations de l'humi- dité atmosphérique avec : 4e la tige et les feuilles, 2° les racines, 8° enfin la plante épiphyte toute entière. : Pour élucider le premier point, M, Duchartre détache des tiges d'Epidendrum elongatum et de Spironema fragrans, recouvre la plaie avec du collodion et prouve, avec la balance, que ces tiges ainsi préparées perdent progressivement de leur poids, quand onles maintient suspendues dans l'atmosphère, toujours cependant très- humide de la serre à orchidées du muséum de Paris. Mais l’habile expérimentateur dont j'analyse le travail ne se berne point à ce premier résultat, et donne une plus grande aulo- rilé à sa conclusion en montrant qu’une tige de Dendrobium mos- chatum et une feuille d'Angræcum eburneum placées sous des cloches de verre reposant sur des assiettes pleines d'eau, conti- nuent à diminuer de poids, bien que maintenues dans ce cas dans des atmosphères saturées d'humidité. Donc il n’y a pas eu absorp- tion notable de vapeur d’eau, car, selon la remarque de M. Du- chartre : « Evidemment les feuilles ou les racines ne peuvent absorber de l'eau sans que le poids de la plante entière en soit augmenté, tan- dis qu'une diminution de poids indique sur le champ ou bien que l'absorption a été nulle, ou tout au moins, et dans la supposition la plus défavorable, qu'elle a été insignifiante comparativement à la déperdition. » L'auteur étudie ensuite l'absorption radiculaire. Le dispositif — 133 — qu'il adopte pour ses nouvelles expériences est le suivant : une cloche de verre tubulée repose par son bord libre, sur le fond d’une assiette pleine d’eau; on fait passer la plante par cette tubulure et on la fixe, dans son orientalion normale, avec un bouchon de liége qui la saisit vers le bas de sa tige. Par cette disposition très- simple, la racine toute entière reste seule constamment plongée dans de l'air saturé d'humidité, pendant que la tige et les feuilles sont exposées à l'air libre. Dans ces conditions un Dendrobium moschatum, mis en expé- rience le 6 octobre 1855, avait perdu 1/5 environ de son poids primitif dès le 26 du mème mois. Parvenu à cette phase de l'expé- rience, on a mouillé les racines en secouant un peu d’eau dans la cloche une ou deux fois par jour, et, dans l’espace de cinq jours, fait remarquer l'auteur : «la plante avait réparé ses pertes, elle avait repris sa fraicheur. » Enfin, dans la troisième série d'expériences, M. Duchartre a sus- pendu des plantes entières dans air humide, et toujours il a cou- staté une diminution de poids. Bien plus, fait très-important, ces plantes qui dépérissaient graduellement quand elles baignaient simplement dans l’air humide, augmentaient aussitôt et progres- sivement de poids quand on se déterminait à les mouiller une fois par jour à l’aide d’un léger seringuage. La comparaison et la discussion de ses expériences amènent l'au- teur à cette conclusion : « Ilest, je crois, démontré par les expériences dont on vient de voir les résultats, que les plantes vraiment épiphytes, Orchidées, Broméliacées et autres, ne tirent de l'atmosphère, ni par leurs feuilles, ni par leurs racines, l'humidité qui s'y trouve répandue, quelque forte que puisse en être la proportion. C’est là, si je ne me trompe, un fait inattendu, contraire même aux idées qui avaient eu cours jusqu’à ce jour. Mais comment ces plantes se nourrissent-elles puisque leur situation est telle qu'elles ne peuvent rien recevoir de l'atmosphère, seul milieu dans lequel elles vivent ? C’est unique- ment en absorbant l’eau liquide qui mouille leur surface et parti- culièrement celle de leurs racines, organe principal de cette ah- sorption. » — 134 — Quelques années plus tard, en 1860, cette question était soulevée et débattue par la Société botanique de France, à la séance du 24 février 1860, à propos d’une étude de M. Duchartre sur ce point si controversé et si délicat. « L'eau de la pluie qui mouille et lave les organes extérieurs des plantes est-elle absorbée directement?» A ce sujet M. Decaisne exprimait le désir de voir M. Duchartre se livrer à des expériences sur l'absorption, par les racines, de l’eau à l'état de vapeur, et ajoutait en outre (1) : « Les racines absorbent probablement l’eau sous forme de va- peur, à travers les fissures du sol. La partie supérieure de l’ancien labyrinthe du Jardin des plantes était plantée de Lycium, et ces arbrisseaux y croissaient avec vigueur, quand on remua la terre pour y planter des ifs, on la trouva aussi sèche et aussi friable que de la cendre. On sait, d’ailleurs, qu’une plante végète d'autant mieux que son sol est plus poreux, et l’on connaît par expérience les bons effets du binage et du drainage. » M. Duchartre répondit : « Qu'il partage l'opinion de M. Decaisne sur l'importance des fonctions des racines, qui lui semblent être organe essentielle- ment absorbant des plantes. Il croit que, dans les faits rapportés par M. Decaisne, il faut tenir grand compte de l'hygroscopicité du sol et de son état de corps poreux qui le rend éminemment propre à absorber l'humidité de l’air, pour la transmettre ensuite aux ra- cines. C’est là, comme onle sait, le motif pour lequel lameublisse- ment par les labours est extrêmement avantageux aux plantes, et peut même diminuer beaucoup les fâcheux effets de la séche- resse. » Le sol en effet possède un pouvoir hygroscopique des plus éner- gique, mais variable avec sa composition chimique et ses qualités physiques. C’est là un résultat mis en pleine lumière par les re- cherches des chimistes, et par les expériences des agronomes. Cette propriété physique spéciale des sols se traduit par trois phénomènes différents : 4° par la quantité d'eau absorbée, 2° par La quantité d'humidité condensée, 3° par l'énergie plus ou moins (4) Bulletin de la Société botanique de France, t. VII, p. 95, année 1860. — 135 — grande avec laquelle le sol retient l'humidité dont il est imprégné. En plaçant différents échantillons de terre arable dans des ey- lindres dont le fond était percé de trous, puis versant sur la sur- face de la terre de l’eau distillée jusqu’à refus, M. Meister.(4) a constaté qu'un kilogramme de terre provenant de marais retenait 1051 grammes d’eau, tandis qu'un échantillon du sol sablonneux de Nuremberg ne retenait que 302 grammes dans les mêmes cir- constances. Mais indépendamment des eaux pluviales qui l'imbibent, la terre végétale tire encore du sous-sol, par un effet de capil- larité, une portion de Peau qu’elle livre ensuite aux plantes. Cet effet d'aspiration se produit dans tous les sols, mais avec des in- tensités variables. Pour mesurer ces variations M. Meister a em- ployé deux méthodes différentes : dans l’une il déterminait l’ac- croissement de poids éprouvé par une quantité déterminée de terre absorbant l’eau par sa partie inférieure ; et, dans l’autre, il mesu- rait la hauteur à laquelle l’eau peut s’élever dans ces circonstan- ces. L'auteur a reconnu que la terre des marais gagne 219 parlies d’eau landis que le terrain sablonneux n’en absorbe que 88; en outre dans l’espace de 21 heures, l'eau a pu s'élever à 0m,90 dans une terre riche en humus, et seulement à 0m,22 dans un sol crayeux. M. Meister a également examiné le pouvoir absorbant du sol pour la vapeur d’eau répandue dans l'air. Voici les curieux résul- tals auxquels il est parvenu : « La faculté d’absorber l'humidité de l'air peut s'étudier en exposant un poids déterminé de matière au contact d'un air saturé d'humidité renferme dans une cloche. Mais ces conditions sont trop loin de celles qui se réalisent dans la nature pour qu'on puisse en lirer des résultats réellement utiles. Un procédé plus rationnel consiste à exposer à l'humidité atmosphérique les diffé- rents échantillons renfermés dans des tubes pendant un laps de temps parfaitement déterminé. En opérant de cette manière M. Meister a trouvé que de la terre grasse contenant 36 parties (1) D’après un extrait publié dans le Journal d'agriculture pratique, nouvelle période, 1861, t. I, p. 142 et suivantes. — 136 — de sable et 45 parties de matières organiques, absorbait 572 grains par pied carre en 3 nuits de la fin de juin. Le terrain sablonneux de Nuremberg n’en absorbe que 69, et du sable quartzeux mélangé de mica, moins encore, 34 seulement. » 572 grains par pied carré donnent environ ? à 3 Lonnes métri- ques par hectare, 34 grains donnent 2 hectolitres. Quelle prodi- gieuse quantité d'humidité est done soutirée chaque nuit de l’at- mosphère par la surface d’un vaste pays dont la puissance absor- bante varierait entre ces deux termes extrêmes. En novembre la précipitation est encore plus abondante, une seule nuit a donné 392 grains par pied carré de sol gypseux. 314 pour la même sur- face de terre grasse, 327 pour la terre des marais » Enfin, pour compléter ses recherches, le même auteur a mesuré la force avec laquelle les différents sols retiennent l'eau. De la terre des marais, exposée à la lumière diffuse, ne perdait que 34 pour 400 de son eau, pendant que la terre sablonneuse en perdait 73 pour 100. Comme on le voit, la nature du sol influe d’une ma- nière aussi sensible sur la facilité de déperdition que sur sa-puis- sance d'absorption de l'eau. $ 2. — Recherches nouvelles. Ces faits et beaucoup d’autres que je pourrais citer, montrent l'extrème importance du rôle que le sol, par sa nature spéciale, remplit dans l’acte important de l’approvisionnement d’eau des plantes. Mais si l’on est d'accord sur ce point, les opinions que je viens de rapporter montrent aussi combien l’on diffère de manière de voir, quand il s’agit de savoir sous quelle forme l'eau du sol s'introduit dans le végétal. Est-ce uniquement et exclusivement sous forme liquide ? ou bien sous forme de vapeur ? ou entin, et selon les cas, tantôt à l’état liquide et tantôt à l'état de vapeur ? C'est là une question fort délicate et fort complexe; et en pre- sence des conclusions contradictoires, des divergences d'opinions, des suggestions bypothétiques el des doutes formulés par les expe- rimentateurs, il est prudent, avant de se prononcer, de multiplier et de varier encore les expériences. — 137 — Ce sont ces considérations qui me déterminent à rapporter ici es recherches, fort incomplètes du reste, que j'ai faites sur ce su- jet, et que je reproduis simplement ici à litre de documents pour une solution ultérieure définitive. Mais avant tout, je désire alier au-devant des objections et des restrictions que l’on pourrait opposer à mes expériences ; et pour cela je vais bien préciser les conditions dans lesquelles je me suis placé. En physiologie, un fait n’a de valeur que dans les circonstances où il s’est produit ; hors de ses limites naturelles il n’a plus du tout la même signification. C'est là un principe tellement évident qu'il semble inutile de le rappeler ; et cependant, dans maintes circonstances, nous sommes involontairement tentés de tirer d’un fait des conclusions beaucoup plus générales qu'il ne con- vient. C’est une faute que l’on commet plus fréquemment en physiolo- gie végétale qu'en physiologie animale ; et pourtant c’est surtout dans la première de ces deux sciences que celte erreur peut avoir de graves conséquences. La plante en effet, par suite de son individualisme multiple et par l'absence d'appareil propre à liquéfier préalablement les matières alimentaires, est sous une étroile dépendance des agents exté- rieurs. Dès lors, sous peine de mort, elle doit pouvoir et peut en effet, bien plus aisément que ne le fait l'animal, modifier le jeu de son organisme de manière à le maintenir dans une parfaite harmonie avec les conditions extérieures. C'est ce qui explique les résultats tres-différents que l'on peut obtenir dans un même ordre d'expériences exécutées cependant sur les mêmes végétaux, quand on fait varier les circonstances ex- térieures. Aussi le caractère essentiel de expérimentation réelle- ment physiologique est, dans l'étude d'un acte vital, de chercher a reunir une suite de déterminations exécutées au milieu de con- ditions graduellement modifiées pour se rapprocher de plus en plus des conditions normales, des conditions naturelles. En procé- dant ainsi d’un cas simple mais artificiel, au cas complexe mais réel, on a plus de chance d’arriver à déméler la vérite, H. EMERY. 18 — 138 — A ce pomt de vue, le phénomène dont je vais parler est plus éloigné du phénomène naturel ou spontané analogue, que ne l'est celui provoqué par l’expérimentation de M. Duchartre sur la végé- tation des plantes épiphytes; et cela pour deux motifs. En premier lieu, M. Duchartre a opéré sur des plantes aériennes par excellence, sur des épiphytes ; tandis que j'ai choisi des plantes essentiellement terrestres, des pieds de blé dont je changeais ainsi brusquement les habitudes spécifiques en les forçant de vivre en- racinées non plus dans le sol, mais dans l’atmosphère si je puis parler ainsi. En second lieu, le blé de mes expériences avait germé au fond d’un cristallisoir de verre contenant assez d’eau pour mouiller suf- fisamment les grains sans les submerger. En sorte que le système radiculaire appelé brusquement à exercer son pouvoir absorbant dans l’air, s'était développé dans l’eau, c'est-à-dire dans un milieu fort différent à la fois et de l'atmosphère et du sol proprement dit. Ainsi, j'ai expérimentée sur des racines aquatiques, pendant qu'il aurait fallu prendre des racines aériennes ou tout au moins, en respectant un peu plus les conditions normales de la végétation, des racines souterraines. d’insiste beaucoup sur cette distinction que je crois très-impor- tante ; trop d’expérimentateurs la négligent dans leurs recherches. L'observation attentive et suivie des divers actes de la végétation m'a prouvé qu'on était bien loin de connaitre tous les modes d’in- fluence que la nature du milieu exerce sur l’ensemble de carac- tères d’un organe. D'ailleurs depuis que ces recherches sont terminées, j'ai appris qu'un savant botaniste, M. Julius Sachs, avait signalé dans un mé- moire spécial les faits que j'avais moi-même observés; et je me félicite de partager l'opinion d'un observateur aussi habile. Voici une des conclusions du savant allemand, c’est identiquement celle que me donnait mes expériences et mes observations (1). « Les racines ont la faculté de s'accommoder au milieu dans le- (4) Julius Sachs, sur la Culture dans l’eau des plantes terrestres, 1860, analysé par le Bulletin de la Société botanique de France, t. VII, 1860, p. 283 et suivante. — 1439 — quel elles croissent et de se développer de telle sorte qu'elles puis- sentremplir leurs fonctions sans entraves uniquement dans ce milieu. Celles qui se sont produites dans la terre ne peuvent plus végéter dans l’eau; elles ne tardent pas à y périr, et elles sont remplacées par d’autres qui, produites dans ce liquide, peuvent y végéter pendant longtemps. Il en est de même pour les racines for- mées dans l’eau et que l’on transporte ensuite dans la terre. Il ré- sulte de là que toutes les expériences qu’on fait avec des plantes qui sont mises dans l’eau après avoir été arrachées de la terre où ellesvégétaient, ne sont pas concluantes; pour qu’elles le soient, il faut que les plantes soient élevées dans l’eau dès l'origine, Il faut ajouter l'impossibilité d’arracher des racines sans en rompre, et la différence complète qui existe entre des racines rompues et celles qui sont entières. » Ceci n’expliquerait-il point l'effet funeste de l’eau stagnanté sur les racines? Les agriculteurs savent que dans les terrains forte: ment argileux, les flaques d’eau souterraines altérent, désorga- nisent, pourrissent les racines qui viennent y tremper momenta- nément. Au contraire, le fait si connu de la formation de ces masses: de chevelue dites queues de renard, à l’intérieur des conduits d’eau dans lesquels les racines parviennent accidentellement à périé- trer, montrent que ces organes peuvent vivre et même s’accroîlré et se multiplier bien qu’entièrement submergés: Dans le premier cas-la racine était une racine souterraine, voilà pourquoi elle est morte dès qu’il lui a fallu vivre dans l’eau, c’est-à-dire dans un milieu bien différent. Dans le second cas au contraire l'organe sub- mergé est né là même où il était appelé à vivre, son organisation a dû se conformer aux exigences de ce même milieu, et dès lors rien ne compromet son existence. Quoi qu'il en soit et ces réserves faites, voici la disposition que j'ai adoptée, L'appareil se compose d’un flacon én verre ordinaire, et à large goulot, fermé par un bouchon de liége. On avait préparé une mince plaque de liége, dont le diamètre était assez petit pour qu'elle pût passer à travers le goulot du flacon. Enfin on avait prati- qué sur la circonférence de cette plaque un certain nombre d’entail- les au fond desquelles on pouvait ffxer-lés grains en germination. + — 1h10 — Il s'agissait ensuite de suspendre la plaque de liége dans l'inté- rieur du flacon, en s’arrangeant de manière à pouvoir aisément faire varier sa distance au fond du récipient. A cet effet des bouts de fil traversent la plaque de liége, et sont arrêtés à sa face inférieure par un simple nœud; par leur autre extrémité ils traversent le bouchon du flacon et s’y trouvent fixés par leur seule force de frot- tement. Par cette disposition très-simple, il suffit de tirer succes- sivement sur chacun des fils pour faire monter la plaque de liége au niveau désiré, tout en la maintenant horizontale. Enfin le bou- chon du flacon portait deux tubes de verre respectivement ouverts à leurs deux extrémités : l'in était spécialement affecté à l'appro- visiounement d’eau ; el tous deux conjointement servaient en outre à renouveler facilement l'air dans l’intérieur de l'appareil. Voici maintenant les détails des expériences. N° 43. — Le lundi 4 avril 4864, à midi, on dispose sur la pla- que de liége de l’un des appareils que je viens de décrire quatre grains de blé pris dans un cristallisoir, où ils germaient à l’aide d'un peu d’eau. Au moment où l’on met ces grains en expé- rience , la tigelle n’est point encore sortie de la gaîne ou cotylédon, et l'appareil radiculaire se réduit à trois racines. On verse de l’eau dans l'appareil, de manière que son niveau soit à 3 centimètres environ de la plaque de liège; quant aux racines, aucune ne touche l’eau, mais leur extrémité libre en est très- rapprochée. Enfin, le flacon est placé dans une pièce éclairée, mais de façon toutefois à n'être point directement frappé par les rayons du soleil. N° 4h. — C'est la contre-épreuve de l'expérience précédente. Le mardi 5 avril 1864, à trois heures, on monte un appareil identique au précédent; sauf que, dans ce dernier, le liège flottant sur l’eau du flacon, les racines sont toujours et tota- lement submergées. Il est bon de remarquer en outre que les grains de blé employés dans les deux appareils, faisaient partie de la même germination, et présentaient sensiblement le même dé- veloppement. Résumons maintenant les principales observations fournies par ces deux expériences simultanées. — 111 — Le mercredi 6 avril, à huit heures du matin, chacune des tigelles du flacon n° 44 porte une gouttelette d’eau à sa pointe terminale ; aucune plante du flacon n° 43 n'offre cette particularité. Je ne veux point m'occuper ici du mécanisme de l’apparition des gouttelettes d’eau à la pointe de la première feuille de chacune des plantes du flacon n° 44. Ce phénomène si curieux s’observe communément dans le blé, l'orge, le seigle, le maïs et plusieurs autres graminées ; il a été, d’ailleurs, l’objet des observations et des études de plusieurs botanistes. J’ai moi-même consacré beau- coup de temps à cet objet, et je me propose d’en parler dans une autre circonstance. Mais il est pourtant une particularité de ce singulier phénomène que je veux faire remarquer ici, ear elle se rattache étroitement au sujet que je traite en ce moment. On sait, depuis Mussenbroeck, que ces gouttelettes d’eau ne proviennent point d’un dépôt de rosée ; puisque, comme cet habile physicien l'a fait observer le premier, le phénomène se manifeste également chez les plantes abritées dans: l'intérieur des serres et des appartements. C’est donc un résultat direct de l’action vitale; c’est un acte physiologique lié bien manifestement au degré d'énergie de l'absorption. J’ajouterai, pour ne rien omettre des conditions essentielles du phénomène que Bénédict Prévost et, aprés lui mais beaucoup plus tard, en 1851, M. Gasparini (1) ont annoncé, ce qu'il est, du reste, très-aisé à chacun de vérifier, que cette excrétion aqueuse cesse après le complet développement des premières feuilles. Eu s'appuyant sur ces notions, il semble naturel d'attribuer les différences d'effet signalées plus haut entre les plantes des deux flacons, à une inégalité dans l’activité de l'absorption. Les plantes du n° 44 ont dû beaucoup absorber, leurs racines étant submer- gées; tandis que les racines des plantes du n° 43, uniquement plongées dans l'air humide, n’ont dû absorber que peu ou point. Cette conclusion s'accorde avec celte loi, que j'ai maintes fois vérifiée, à savoir que les gouttelettes sont d'autant plus grosses que la terre est plus humide. Je dis dans la terre humide, mais non pas (4) Membre de l’Académie Pontana. — 142 — dans l’eau; car, dans ce dernier milieu, les phénomènes sont bien loin de présenter le caractère de simplicité qu’ils possèdent dans les végélations normales. Dans une végétation en sol ordinaire, en effet, après un copieux arrosage, on voit bientôt de grosses gouttes se montrer à la pointe de chacune des tiges. Enlève-t-on ce liquide, une nouvelle goutte se forme rapidement ; et l'on peut renouveler plusieurs fois l'expérience et obtenir le même résultat. Mais les gouttes d'eau qui apparaissent successivement sur la même feuille diminuent peu à peu de volume, se forment de plus en plus lentement et difficilement. Ainsi, sans aucun doute, il existe une étroite connexion entre l'apparition des gouttelettes d’eau et l’activité de l'absorption radiculaire. Le vendredi 8 avril, à huit heures du matin, voici quelle était la situation de chacun des deux flacons : Dans le flacon n° 44, la végétation est belle et vigoureuse : la première feuille est déjà sortie du cotylédon, mais elle est encore enroulée sur elle-même; sur les quatre plantes, une grosse goutte d’eau se montre à la pointe terminale de cette feuille. Dans le flacon n° 43, au contraire, la végétation est languissante ; sur une seule des quatre plantes, la première feuille est sortie du cotylédon, mais aucune des quatre tigelles ne porte de goutte d'eau. J'ajouterai une remarque importante au point de vue du rôle que remplit l’eau dans l'économie générale de la plante. Comme je l'ai dit plus haut, les huit pieds de blé provenaient d’un semis fait dans l’eau d’un cristallisoir. Or, ayant eu la précaution de laisser ce vase à côté des flacons n°* 43 el 44, j'avais ainsi des plantes de mème espèce et de même âge, vivant dans des conditions diffé- rentes, qu’il était facile de déterminer. Dans les deux appareils, les plantes végétaient au milieu d’une atmosphère chargée d’humi - dité; dans le cristallisoir, au contraire, elles se développaient à l'air libre. Eh bien, sous le rapport de leur vigueur de végétation, les plantes du cristallisoir étaient intermédiaires entre celles des deux flacons; et; de plus, on ne voyait que sur quelques-unes d’entre elles seulement, quelques goutteleltes beaucoup plus petites que celles que portaient les plantes du n° 44. Ces deux différences s'expliquent aisément. Gelle qui a rapport — 113 — à la vigueur du plant est une conséquence directe du mode de nutrition des plantes phanérogames, pendant leur période de germi- nation. Ailleurs, je me suis longuement étendu sur ce sujet, que je crois avoir suffisamment développé. Enfin, quant à la différence entre le nombre #1 la grosseur des gouttes d’eau, l’infériorité sous ce rapport des plantes tenues à l'air libre, montre bien manifes- tement, ce me semble, l'influence qu’un air saturé d'humidité doit exercer sur le moment d'apparition et la grandeur de ces gouttes. Je poursuis maintenant l’examen des particularités de végétation offertes par les plantes du flacon n° 43. ® Le samedi 9 avril, la végétation était de plus en plus languis- sante et ne faisait plus aucun progrès sensible. Chaque spongiole était jaunâtre et tranchait ainsi très-nettement sur la colora- tion blanche du corps de la radicelle. Les jeunes tiges offraient, en outre, des traces manifestes de décoloration, et leur teinte vert- pâle indiquait clairement leur état de souffrance; d’ailleurs, aucune d’entre elles n’avait de gouttelette d’eau à sa pointe. Dans ces circonstances on crut le moment favorable pour faire la contre-épreuve. On tira donc les fils de manière à maintenir la plaque de liège assez près de la surface de l’eau, pour que chacune des radicelles pût plonger son extrémité libre, sur une longueur de 4 centimètre environ, dans l’eau du flacon. Dès le lundi 44 avril, à huit heures du matin, les effets de ce changement dans la siluation des plantes étaient des plus mani- festes. Les tissus étaient redevenus verts, les spongioles avaient perdu leur coloration jaunâtre et maladive pour reprendre leur couleur blanche naturelle ; et, enfin, la pointe de chaque tigelle portait une gouttelette d’eau. Les conclusions qui ressortent de ces faits sont maintenant fa- ciles à tirer. Dans ce cas, il est de toute évidence que l'absorption de la vapeur d’eau par l'appareil radiculaire a éte tout à fait insuf- fisante pour entretenir le jeu régulier des organes. Et qu’on ne vienne pas objecter à cette conclusion que le blé du flacon n° 43 étant plongé complétement, tiges el racines, dans une atmosphère saturée d'humidité et ne se renouvelant que très-difficilement, la transpiration par les feuilleset par suite les mouvements du liquide — 14k — putritifdevaient se trouver notablement ralentis.Que par conséquent, comme l'absorption et l’éva poration sont deux actes solidaires, ce qui nuisait à l’un devait entraver l’accomplissement de l'autre. Cette objection n'aurait ici aucune valeur, puisque les parties aé- riennes des plantes du n° hh se sont trouvées dans les mêmes con- ditions, et cependant, non-seulement leur végétation à suivi son cours régulier, mais encore elle a été plus vigoureuse qu'à l'air libre. Ainsi, sans aucun doute, l'absorption de la vapeur d’eau, en ad- mettant qu'elle eût lieu, est toujours restée insuffisante pour satis- faire tous les besoins du végétal. Et pourtant, pendant la période de germination, la plante n’exige qu’une très-faible quantité d’eau, bien moins grande, toutes proportions gardées, que celle qui lui est indispensable quand elle est adulte. Qu'on mette en effet une graine dans un flacon hermétiquement bouché; après lui avoir fourni toutefois toute l’eau nécéssaire à sa complète imbibition ; ce qui est une condition préliminaire indispensable et sans laquelle il n’est point de germination possible. Il suffira désormais que la ra- dicule baigne partiellement dans quelques gouttes d'eau pour que l’évolution du germe se produise, | C'est qu’en effet, dans cette phase de son existence, l'embryon se nourrit surtout aux dépens des matériaux déposés dans l’albu- men et les cotylédons. Or ces substances ne sont point ordinaire- ment séparées par des membranes spéciales, par des épidermes, des tissus à nourrir ; ou tout au moins quand ces barrières existent, elles sont alors si faibles qu’on peut dire avec vérité que, pendant celte période de la vie végétale, tous les tissus sont eux-mêmes des spongioles. Par conséquent ces matières, une fois élaborées pas des agents extérieurs, peuvent aisément circuler même à l’état de dissulution concentrée; et par suite sous un faible volume relatif fournir, à chaque tissu, une proportion très-notable de prineipes alibiles. D'ailleurs, la masse totale de l'organisme est alors rela- vivement si faible, que la consommation alimentaire doit être bien peu de chose. Pour ce double motif, la quantité d’eau employée comme véhicule des éléments réparateurs, durant les premiers temps de la germination, doit être bien petite ; et malgré cela, nous — 145 — venons de voir que l'absorption de la vapeur d'eau seule, est inca- pable de suffire à l'approvisionnement de la plante. Je rapporterai, en terminant, une observation qui est d'accord avec les conclusions que je viens de Lirer de l'expérience précé- dente. Dans une série de recherches qui fait le sujet d’un autre travail, les plantes en végétation plongeaient par leurs racines dans l'eau d’un flacon de verre dont le bouchon servait en même temps à les maintenir dans celte position. Par l'effet du travail physiologique d’exhalation de la partie ac- rienne, l’eau baissait peu à peu dans le flacon, et l’on était de temps à autre forcé d’en ajouter de nouvelles quantités. Dés lors, et au seul point de vue de leurs relations avec l'ean, on pouvait répartir en plusieurs catégories les différentes radicelles d’un même pied. Les unes, et c'était le plus grand nombre, grâce à leur longueur, plongeaient toujours dans l’eau, au moins par leur ex- trémité. Dans ce cas, la spongiole se conservait intacte, l'absorp- tion suivait son cours ordinaire et la vitalité des radicelles persis- tait pendant toute la durée de l'expérience. Les autres, beaucoup trop courtes, restaient hors de l’eau pendant un certain temps; et bientôt se présentait l'une des deux particularités suivantes. Ou bien a partie terminale de la radicelle avait puatteindre la paroi du fla- con avant que la baisse de l’eau n'eût fait émerger la spongiole toute entière ; ou bien la radicelle, par l'effet de sa position, restait dans l'air sans toucher les parois. Dans le premier cas, la spon- giole gardait son intégrité, la radicelle son activité; et quand on la submergeail de nouveau, elle continuait à s’allonger et à se ramt- fier. Dans le deuxième cas au contraire, la spongiole s’altérait; peu à peu cette altération gagnait les tissus voisins jusqu'à une certaine hauteur; en sorte qu'une portion de l'extrémité radiculaire se mortifiait. Aussi lorsqu'on remplissait de nouveau le flacon, la ra- dicelle ainsi tronquée et mutilée continuait bien de se ranuier, mais ne prenait aucun accroissement en longueur. Pourquoi cette différence? En examinant le flacon on reconnait que toutes les pointes de radicelles qui s'appuient sur le verre con- servent toujours une goutte d'eau retenue la, malgre la pesanteur H. EMERY, 19 — 116 — par les attractions mutuelles du verre, du liquide et de la racine. Quant au liquide, il provient lui-même de la vapeur d’eau périodi- quement condensée sur la paroi, à chaque refroidissement noc- turne. On s'explique maintenant la conservation de la pointe de la radicelle dans un cas, et sa destruction dans l’autre. Quand la spongiole reste baignée par l’eau, les conditions ordinaires de son existence n’ont point changé, son allongement peut et doit donc continuer. Mais quand au contraire la spongiole n’est plus entourée que par l’air humide, alors les conditions de son développement changent ; et ce brusque changement entraîne la mort et par con- séquent l’atrophie de la portion la plus délicate de la spongiole. Je terminerai cette étude en rappelant une particularité bien connue de la végétatien des plantes bulbeuses; qui ne suffit point à elle seule pour établir la non absorption de la vapeur d’eau par les racines des plantes lerrestres ; mais qui vient ajouter une pro- babilité nouvelle en faveur de cette opinion. Quand on pose la base du plateau d’un bulbe quelconque, d’un bulbe de jacinthe par exemple, à la surface de l'eau; on en voit, au bout de quelques jours, sortir quantité de radicelles qui pendent attachées à la périphérie de l'organe, sur l'espèce de bourrelet cir- culaire qui le circonscrit latéralement. Mais si on renverse l’oignon de manière à plonger uniquement sa pointe ou bourgeon terminal dans l’eau, le corps entier du bulbe restant à l'air; les racines ou ne se développent point ou restent de simples protubérances mame- lonnées. Dira-t-on que dans ce ca, la partie feuillée demeurant sub- mergée, l'absorption aqueuse doit alors se faire par cette région et l’absorption gazeuse par le corps du bulbe? Peut-on affirmer qu'en renversant ainsi les conditions ordinaires de la végétation, chan- geant le milieu naturel des organes, forçant la tige à vivre comme une racine et la racine comme une tige, on oblige par celales orga- nes à changer aussitôt la nature de leurs fonctions pour qu'ils puis- sent rester en parfaite harmonie avec le milieu environnant ? Ce phénomène serait donc une conséquence du principe de l'adaptation des fonctions aux milieux habités par les organes. En supposant, ce qui n'est pas d’ailleurs, cette loi générale et applicable en tou- — 147 — tes circonstances, il ressort déjà de l’expérience précédente que, en. temps ordinaire, les racines ne doivent prêter aux parties aériennes qu'un faibleconcours pour l'absorption des gaz; puisque ces organes ne se sont point développés dans le cas où elles au- raient été pour la plante d’un si grand secours, s’ils étaient réel- lement des agents de l'absorption gazeuse. Mais il est une troisième observation qui jette un nouveau jour sur la question. On sait qu’au printemps les plantes bulbeuses déposées sur les tablettes d’une armoire, entrent néanmoins en végétation, lan- guissent quelque temps, puis retombent en léthargie. Or, dans ce cas, on ne voit point de racines se former ; et cependant, c’est sur- tout dans ces circonstances que la végétation des racines devrait se manifester et surtout l’emporter sur celle du bourgeon terminal, si les racines étaient réellement capables d'absorber l'humidité atmosphérique. Car toutes les fois qu’une substance destinée à pénétrer dans l’organisme, se raréfie dans le milieu qui la contient; nous voyons l'organe plus spécialement chargé de l’absorber se modifier de manière à multiplier ses points de contact avec cette substance. La feuille, l’organe par excellence de l'absorption aérienne, nous en fournit une preuve convaincante. Petite, rabou- grie, écailleuse quand elle est souterraine; souvent réduite à ses nervures principales quand elle est aquatique; son parenchyme se développe en abondance dès qu’elle devient aérienne. La racine, l'organe d'absorption des liquides, subit des variations de même ordre. À mesure que le fluide nourricier qui lui parvient s’appau- vrit, le chevelu se multiplie ; et dans l’eau courante, un desliquides les plus pauvres en matières étrangères, il atteint son maximum de développement. Tel est, je crois, le principal motif de cette hypertrophie singulière des racines si connues sous le nom de queues de renard, Or j'ai répété plusieurs fois la dernière expé- rience, elle m'a toujours donné le même résultat : jamais je n'ai vu l'oignon simplement posé sur le bois ou la pierre nus émettre des, racines. J'ai, par exemple, conservé pendant plusieurs années des caïeux de tulipe dans un tiroir toujours maintenu fermé. Chaque printemps les caïeux donnaient une pousse étiolée de 1 à 2 centi- — 118 — mètres de longueur, puis s’arrêtaient pour recommencer l’année suivante ; mais jamais ils n’ont donné de racines. Or, je le répète, si la racine pouvait absorber directement la vapeur d’eau, il semble qu’elle aurait dû subir, dans ces dernières circonstances, des mo- difications propres à étendre sa surface libre pour augmenter par ce moyen sa puissance d'absorption. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. EL. — Dans le blé et les fèves en germination, les racines qui ont pris naissance el ont d’abord vécu dans l’eau, ne sauraient puiser dans l'air, même saturé d'humidité, assez de vapeur d’eau pour entretenir la végétation. I. — L'interprétation rationnelle de la monstruosité végétale connue sous le nom de queue de renard, ainsi queles particularités offertes dans le développement incomplet des plantes bulbeuses que l’on prive d’eau conduit à la même conclusion. La racine est par excellence l'organe d'absorption des substances liquides. DEUXIÈME SECTION DE LA PERMÉABILLITÉ DE LA RACINE POUR L'EAU. Cette question comprend deux sujets bien distincts : l'étude de la sortie des liquides contenus dans les tissus ou excrétion radi- eulaire, et celle de la pénétration dans l'organisme des liquides étrangers où absorption radiculaire. — 449 — CHAPITRE PREMIER EXCRÊTION RADICULAIRE. Je n'ai pas l'intention de faire ici l’histoire des opinions sueces- sivement émises au sujet des excrétions radiculaires ; encore moins de prendre parti dans le débat et de proposer une nouvelle théorie. Tous les points principaux de cet intéressant sujet se trouvent con- signés et discutés avec beaucoup de soin dans la thèse inaugurale de M. Cauvet. Je désire simplement rapporter ici quelques faits dus à mes observations personnelles et susceptibles de jeter un peu de jour sur la question. Dans mes longues recherches sur le rôle physique de l’eau dans la végétation, j’ai été amené à faire plusieurs remarques utiles pour cette partie de la physiologie des plantes. Depuis qu'Ewards et Colin, MM. Becquerel et Matteuci, ete., ont montré que les graines de céréales dégagent de l'acide acétique pendant la germination ; un certain nombre d’expérimentateurs ont puisé dans cette particularité l’idée d’une méthode d'investigation qui a bientôt été appliquée, avec des variantes diverses, à un assez grand nombre de végétaux, dans le but d'étudier l’excrétion radi- culaire. Cette méthode consiste à faire germer les graines : soit dans une petite quantité de teinture bleue de tournesol, soit mieux sur des fragments bleuis par le tournesol et maintenus constam- ment humides. J'ai employé ce procédé pendant le printemps de 1860. J'opérais sur de la graine de lin. Je rapporterai seulement deux séries d’ex- périences, car elles ont toutes présenté les mêmes particularités. PREMIÈRE SÉRIE, PROCÉDÉ EXPÉRIMENTAL. — Au fond d’un verre à boire ordinaire on place du coton, au-dessus des découpures de papier coloré en bleu par le tournesol, puis les graines de lin que l’on recouvre de — 450 — nouvelles découpures. Par des arrosages à l’eau distillée, on entre- tient autour des graines l'humidité nécessaire à leur germination. ExPéRIENCE N° 1. — Le 9 avril 4860, à quatre heures de l'après- midi, on place ainsi des graines de lin sur du papier bleu de tourne- sol, À côté est un second verre, chargé comme le précédent, mais ne contenant point de graines; il est destiné à servir de terme de comparaison. Le 17 avril, à cinq heures de l'après-midi, les plantes sont en pleine germination, et le papier a rougi précisément dans ses points de contact avec les racines. La coloration du papier de l’autre verre n'a pas sensiblement changé de nuance. EXPÉRIENCE N° 2. — Comparativement avec l'expérience précé dente, on fait un essai de germination sur du papier de tournesol rougi. La couleur n’ayant pas changé, on en conclutqu’il y a forma- tion et expulsion d’une substance acide pendant la germination des graines dans l'air. Mais la constatation de ce fait n’est pas la preuve de l'existence d’une véritable excrétion. Sans doute ces graines sont dépourvues d’albumen, mais on peut attribuer cette matière acide à l’altération de leurs enveloppes. Cependant je répondrai à cette objection que l’on pouvait suivre le trajet des racines, par là trace rougeâtre qu’elles avaient laissée sur le papier. Quoi {qu’il en soit, et que l’on admette après cela l’excrétion ra- diculaire, ou qu’on la repousse ; que l’on explique les résultats de cette dernière expérience par l’action d’un liquide exsudé de la racine ou par l’effet d’une décomposition des enveloppes séminales ; j'ajouterai que dans tous les cas, rien ne prouve que le fait soit général et que dans toutes les germinalions, il ÿ ait toujours appa- rition à l'extérieur d’un liquide acide. Car la dernière observation porte sur une graine essentiellement oléagineuse, dont la matièré grasse a dû s’acidifier très-promptement au contact de l’air; et cette transformation peut très-certainement se produire sans le con- cours de l'influence vitale. — 151 — DEUXIÈME SÉRIE. On remplit le fond d’un grand cristallisoir en verre avec du co- ton ; au-dessus on étend une feuille de papier bleuie par le tour- nesol et percée de trous, sur laquelle on dispose des graines de lin ; puis on recouvre le tout d’un second lit de coton, et on arrose avec de l'eau distillée. A côté on place un vase témoin devant fonc- tionner à blanc. L'expérience commence le 47 avril 1860, à six heures du soir. Le 49 avril, à six heures du soir, les radicules ne se montrent point encore ; mais le papier a rougi dans les points où se trouvent les graines. Ce fait vient appuyer l'opinion qui regarderait la matière acide comme issue des enveloppes séminales et non point de l'embryon. Le 21 avril, à cinq heures et demie du soir, les radicules sont alors sorties et ont en moyenne la longueur du grain ; mais l’inten- sité de la coloration rouge que l’on observe autour des grains ne parait pas avoir augmenté depuis la derniére observation. Plusieurs expérimentateurs ont appliqué cette méthode d’inves- tigation à des plantes adultes, et ils opéraient dans ce cas de la manière suivante : La plante était arrachée du sol, ses racines lavées avec soin et débarrassées de la terre, puis on les plongeait dans la teinture de tournesol. Pendant l’année 1859 j'ai répété cette expérience sur des plantes de différentes espèces. Expérience N° 18. — Le 11 mai, à trois heures après midi, on prépare, comme il vient d'être dit, deux pieds de Senecio vulgaris, puis on suspend chacun d'eux de façon que les racines de l’un, n° 18 a, plongent dans la teinture bleue de tournesol, et celles de l’autre, n° 18 d, dans de la teinture rougie. Deux verres contenant des échantillons des deux liquides sont placés à côté, afin d'agir par comparaison. Le lendemain, 12 mai, à quatre heures et demie de l'après-midi, on examine les plantes : 48-a, sujet bien portant, liquide d'un — 152 — rouge vineux ; donc les racines du séneçon ont donné une matière acide; car le changement de couleur, surlout quand il est produit si promptement etsur une aussi grande quantité de liquide, par une plante d’ailleurs parfaitement saine, ne saurait être regardé comme un effet de putrefaction. 18-6 : la dissolution, hier d’un rouge vineux, est maintenant d'un rouge pelure d’oignon, ce qui confirme le résultat précédent. On laisse les deux plantes dans la teinture de tournesol, jusqu'au 7 mai, et la coloration rouge persiste. EXxPÉRIENCE N° 24. — Le 13 mai, à trois heures el demie de l'après-midi, on met en expérience deux pieds femelles de Wercu- rialis annua, plongeant, par leurs racines, dans de la teinture bleue de tournesol. ExPÉRIENCE N° 25. — Le même jour, à quatre heures de l’après- midi, on dispose de la même manière deux pieds de Sonchus oleraceus et un pied d'Euphorbia he lioscopia. Le lendemain, 44 mai, les plantes sont en très-bon état, et la teinture de tournesol a fortement rougi. En outre, cette coloration se conserve la même durant les jours qui suivent. Ainsi les résultats sont identiques, toujours il y a apparition d’une substance manifestement acide; et l’on ne saurait attribuer cet effet à l'acide carbonique exhalé par la racine, car la teinture rougie par le séjour d’une racine n’est point ramenée au bleu par l’ébullition. Le fait est donc constant, reste maintenant à l’interpréter. Au premier abord, on serait porté à l’attribuer à une excrétion, et à voir même dans cette simple expérience une démonstration satisfaisante de l'existence de celte dernière. Mais si l’on réfléchit que les rameaux coupés, comme ceux de lilas, de sureau rougissent également la teinture de lournesol dans laquelle ils plongent par leur bout coupé, on penchera pour une autre explica- lion. On sera porté à voir, dans le changement de couleur, l'ae- tion de la sève, toujours acide dans le végétal sain, el extravasée par les plaies nombreuses faites aux racines par l'opération même de l’arrachage. Jai voulu soumettre cette manière de voir au contrôle de l'expé- 459 — rience en trempant, dans la teinture de tournesol, les racines rigoureusement intactes d'une plante adulle ; et les faits sont venus confirmer mes prévisions. Pour satisfaire à la condition fondamentale de l'expérience, un moyen simple s’offrait à l'esprit : opérer sur des plantes ayant germe dans l’eau et vécu depuis les racines constamment submer- gées. Le 29 août 1864, à trois heures de l'après-midi, on suspendit un pied de fève de manière que, restant vertical, ses racines plongeaient entièrement dans de la teinture bleue de tournesol. La plante provenait d'une graine ayant germé dans l’eau et pos- sédait, au début de l'expérience, quatre feuilles séparées et dis- tinctes du bourgeon terminal. Elle resta exposée, pendant toute la durée de l'observation, derrière une fenêtre où elle pouvait rece- voir les rayons du soleil pendant la seconde moitié de la journée. Or jamais la teinture de tournesol n’éprouva le moindre change- ment de coloration. La plante continua de vivre et de se déve- lopper pendant un certain lemps, puis elle mourut sans avoir fleuri ; alors les portions immergées se putréfiérent, et néanmoins la teinture de tournesol conserva sa coloration primitive. RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. Pendant la germination des graines de lin, il y a production et apparition hors de la graine d'une matière acide; toutefois les expériences rapportées dans ce chapitre ne sauraient suflire pour décider si ce produit est le résultat d’une véritable excrétion, ou simplement l'effet d’une altération éprouvée par quelque portion de la graine. Les racines de pieds de fèves adultes, élevés dans l’eau, n'ex-- crètent point de matières acides; au moins en quantité sufisante pour colorer la teinture de tournesol dans laquelle elles plongent. Ce qui porte à penser que la coloration en rouge de la teinture de tournesol produite par les racines de certaines plantes, et présentée par divers auteurs comme une preuve de l'existence d'une excré- H. EMERY. 20 — 4154 — tion acide, est due à ce que des radicelles blessées et partiellement déchirées laissent couler de la séve au-dehors. CHAPITRE II ABSORPTION RADICULAIRE, L'étude de l'absorption radiculaire est un sujet vaste et com- plexe qui offre bien des problèmes divers à traiter. Je me suis attaché uniquement à celui-ci : quels sont les changements appor- tés à l’économie végétale par la substitution de l’eau plus ou moins chargée de matières nutritives au sol ordinaire ? Pour arriver à quelques données sur ce point, j'ai opéré com- parativement sur trois sols différents : la terre, l’eau chargée de matières nutritives et l’eau ordinaire. Dans chacun de ces genres d'éducation j'ai pu en outre modifier les conditions générales de la nutrition, en variant le mode d'exposition et le degré de lumière; c'est-a-dire en opérant : tantôt à l’air libre et tantôt dans une atmosphère limitée, tantôt à la lumière et tantôt à l'obscurité. Les effets obtenus dans ces diverses circonstances peuvent se répartir en deux groupes comprenant : l’un les phénomènes exté- térieurs, apparents, physiques en un mot, portant sur des varia- tions de couleur, de consistance, de dimensions, etc.; l’autre les phénomènes plus intimes et portant sur des changements dans la constitution même des tissus. 5 4. — Modifications extérieures de la plante dues à la nature du sol. Mes observations ont porté sur les fèves et sur le blé. Les plantes que l’on fait vivre les racines constamment sub- mergées, ont des tissus plus mous, plus délicats que les plantes de même espèce élevées dans les conditions ordinaires. Leurs tiges sont lirées, c'est-à-dire ont les nœuds beaucoup plus espacés. Dans les fèves, un grand nombre de fleurs avortent avant leur — 155 — épanouissement; el parmi celles qui s’épanouissent, bien peu nouent leurs fruits. Ces derniers, déjà en si petit nombre, parais- sent d’ailleurs ne devoir arriver que très-difficilement à maturité. Voici du reste, comme exemple, le récit détaillé de l’une de ces #ducations faites sur des fèves. Préparation des expériences. N° 50.— Le 1° mai 1864, à six heures du soir, on met en germination dix graines de fèves dans de l’eau ordinaire contenue dans un grand cristallisoir de verre. Chaque graine est posée sur un petit flotteur de liége percé d’un trou central pour laisser passer la radicule. ? N° 54. — Le 8 mai 4864, à six heures du soir, on met également en germination et de la même manière, une seconde série de dix fèves. Ainsi le premier semis a huit jours d'avance sur le second. Appareil de végétation. Le pot à fleurs des éducations ordinaires est ici remplacé par un grand cristallisoir de verre qui est rempli avec de l’eau ordinaire pour le n° 50, et avec de l’eau de terreau pour le n° 51. On découpe deux planches de liége de façon à leur donner un diamètre un peu plus petit que celui du cristallisoir, pour leur laisser du jeu et leur permettre de s’élever ou de s’enfoncer à volonté dans le vase. Chacune des planches est supportée par quatre gros fils de fer qui la traversent de part en part ; grâce à cette disposition, on peut soulever ou abaisser à volonté le ra- deau, en le faisant glisser le long des tiges de fer. Les frottements suffisent d’ailleurs pour l’ärrêter d'elle-même au point précis où on l'amène, Dans chacun des deux appareils on fait en sorte que la planche de liége s'arrête à fleur d’eau. Restait maintenant à fixer les plantes. A cet effet sur le pourtour du disque de liége on pratique dix en- tailles en forme de coin ; et dans chacune d’elles on place et l'on maintient une graine avee des fils convenablement tendus, de façon que loute la masse des racines plonge toujours dans l'eau, tandis 2 66e que la tige et les cotylédons restent à l'air libre. Enfin, chaque tige est elle-même soutenue par un fil de fer implanté dans la plaque de liége, et auquel on l’attache avec quelques brins de fil ordi- naire. Je passe maintenant à l'examen des particularités de végétation présentées par ces deux groupes de plantes. Ayant été désireux de savoir si le développement apparent, c’est- à-dire celui qui se traduit par le nombre, les dimensions et la cou- leur des feuilles, par la grosseur et la longueur du pivot, par l'abondance ou la rareté du chevelu ete., etc., était toujours en rapport direct avec les augmentations de poids du sujet; j'ai saisi l'occasion de cette expértence pour faire quelques observations à cet égard. On a commencé par donner à chacune des dix graines du n° 50, prises d'ailleurs au hasard, un numéro d'ordre; puis on a pesé chacune d’elles : une première fois, le 1° mai, lors de leur mise en germination, et une seconde fois le 10 mai, à quatre heures du soir, avant de les placer sur le radeau. La différence entre ces deux pe- sées a donné l'accroissement total pour cette période de temps; d’où l’on a déduit par le calcul l'accroissement éprouvé par chaque gramme primitif des divers sujets. Ces déterminations ont permis de dresser le tableau suivant : NUMÉROS ACCROISSEMENT ACCROISSEMENT POIDS PRIMITIF. POIDS FINAL. pour d'ordre, total. 1 gramme. gr. gr. gr. 2,312 3,803 1,645 2,365 5,920 2,503 2,185 4452 1,900 2,090 5,969 2,856 2,509 7,474 2,979 2,536 5,837 2,302 2,100 3,728 1,775 2,340 4,359 1,863 2,363 6,028 2,551 2,365 4,864 2,057 1 2 3 4 5 6 7 8 9 0 = — 157 — En disposant ces plantes de manière que les augmentations de poids décroissent de lune à l’autre, on a: NUMÉROS ACCROISSEMENT NUMÉROS ACCROISSEMENT d'ordre. de poids. d'ordre, de poids, ÉL 4 ATEN 2,302 SR me au (NE RS ns tete TORRES QUE PONTAN 10 184000 OS dc (1158 CHATS 2,554 SOA 8 63 DD Led rte 2,503 FAMER ONE ERTE MA 778 6 Patti 20802 AT PS LAS 1,645 D'autre part si on les envisage seulement sous leurs caractères extérieurs, elles se rangent ainsi: Les plus avancées sont les n° 5 et 4, leur tige a une hauteur de 13 à centimètres; puis vient le n° 2 qui a sensiblement la même hauteur, mais dont la foliation est un peu en retard. Au (roisième rang se placent les n°* 6 et9 dont la hauteur de tige est de 9 centi- mètres ; ensuite vient ie n° 10 qui n'a plus que A centimètres de hauteur ; puis les n° 3, 8, 1 dont la tigelle commence à se débar- rasser des enveloppes de la graine ; et enfin le n° 7 dont la radicule seule est sortie. L Les résultats précédents prouvent donc que le développement est assez exactement proportionnel à l’augmentation de poids du sujet. Ces déterminations montrent en outre que l'augmentation de poids a varié entre des limites assez écartées et représentées par les nombres 2,302 et 1,645. Ces constatations terminées, les fèves furent placées sur un ra- deau qui baignait dans de l’eau ordinaire ; et l'appareil fut posé sur le rebord d’une croisée où il pouvait recevoir les rayons du soleil pendant la première moitié de la journée. Le 27 juin, à trois heures de l'aprés-midi, on dispose les dix fèves de la seconde série sur un radeau en tout semblable au pré- cédent, mais baigné par l’eau de terreau. — 15 juin. N° 50. — Les plantes 5, 4, 9, 2, 6 sont en pleine floraison ; ce qui montre que les inégalités de développement des divers sujets de ce semis se sont maintenues dans le même sens. Aucune plante & — 158 — du n° 54 ne montre de fleurs, mais tous les pieds sont plus vigou- reux que ceux de la première série. — 17 juin, quatre heures du soir. Une fleur de l’une des plantes du n° 54 est prête à s'épanouir. — 18 juin, cinq heures du soir. La floraison commence sur deux pieds du n° 51. Cette observation montre que les boutons, pourse former et s’épa- nouir, ont mis le même temps dans les deux séries. Ainsi la qualité de l’eau ne semble modifier en rien l'époque de la floraison. A partir du 48 juin, la floraison poursuivit son cours ordinaire dans les deux séries; mais quelques gousses seulement se formè- rent, autant d'un côté que de l’autre ; chacune ne contenait d’ail- leurs qu’un nombre très-restreint de graines, une, deux, trois tout au plus. Après avoir grossi pendant quelque temps, les fruits ne tardèrent point à être arrêtés dans leur évolution par la mort des tiges qui se desséchèrent brusquement, comme grillées par un coup de soleil. C’est là un des effets les plus ordinaires des éducations dans l'eau, soit pure, soit additionnée de diverses matières nutrilives. Cette dernière, quoique donnant lieu à une végétation moins pauvre et moins chétive, ne paraît point cependant suffisamment nourrissante ; et dans les deux cas les tiges meurent comme grillées par le soleil, conime je viens de le dire, sans avoir pu màrir leurs fruits. Cependant ce n’est pas la radiation solaire qui est la cause première de cette mort prématurée, car des sujets de même espèce, élevés en pots el à la même exposition, supportent au contraire parfaitement la chaleur solaire. Toutefois je ferai remarquer que ce n’est pas toute la plante qui meurt, c’est uniquement la tige, c’est-à-dire l'individu primaire, l'individu originairement contenu dans la graine; et il meurt non point sous la rigueur du climat, mais bien de vieillesse, d’une vieil- lesse anticipée. Mal nourri, il n’a pu accomplir toutes les phases de son évolution, il s’est arrêté au dernier acte, au plus important, à celui de la maturation des graines. Il à péri d’épuisement, mais les bourgeons auxquels il a donné naissance ont conservé leur vita- lité, Aussi, dans ce genre d'expériences, quand le dessèchement des — 169 — tiges commence, voit-on encore plusieurs des bourgeons axillaires de la base s'épanouir alors et croître avec vigueur. Ils se nourrissent avec les débris laissés par le pied-mère, auxquels ils ajoutent les matériaux qu'ils parviennent à puiser dans les milieux environ- nants. Cette alimentation leur suffit d’abord, comme elle avait sufli dans le principe au piéd-mère; aussi dans les premiers temps leur végétation est-elle vigoureuse. Mais bientôt elle se ralentit, et Les rameaux périssent à leur tour, après avoir été moins loin que leurs devanciers dans la série des évolutions de la vie individuelle. Ces bourgeons en effet donnent naissance à des rameaux courts, trapus qui se couvrent hâtivement de boutons. Ces derniers s'épanouissent ilest vrai, mais leurs fruits ne nouent pas; et les dernières traces de vitalité s’éteignent successivement sur les divers pieds. 8 2. — Modifications produites dans la constitution des plantes par la nature du sol. Les tissus végétaux comprennent deux ordres de composés : des matières organiques d’une part, des matières inorganiques de l’au- tre; el toutes indistinctement sont élendues ou imbibées d’une certaine quantité d’eau indispensable à l'accomplissement des phé- nomènes vitaux. Dés lors trois sujets d'études s'offrent à nous : l’eau, les matières organiques et les matières inorganiques de l’é- conomie végétale. On possède déjà de nombreuses recherches sur la proportion d’eau contenue dans les tissus ; elles prouvent que non-seulement ces proportions varient d'un végétal à l’autre, mais encore sur le même individu selon l'organe considéré, Cependant ces détermina- tions ne sont point encore assez multipliées pour répondre à loules les exigences de la science. L’on s'explique d’ailleurs la rareté re- lative de ce genre de travaux, quand on songe à la longueur fasti- dieuse, rebutante des manipulations qu'ils exigent. Deux savants auxquels on doit un des mémoires les plus importants qui aient jusqu'ici paru sur la constitution des tissus végétaux, écrivaient : « Les chimistes savent combien il est long et difficile d'amener à un degré complet de dessiccation une certaine quantité de matière — 160 — végétale, surtout lorsque ce sont des herbes, dont le tissu présente une quantité plus ou moins forte de parenchyme (1). » Jai repris celte question, mais en l'étudiant à un point de vue que je crois nouveau ; je me suis borné uniquement à chercher de quelle manière variait la proportion d’eau dans un même organe avec l’âge de ce dernier. Des nombreuses déterminations rapportées plus haut, et de celles que je possède encore sur ce point, j'ai pu déduire cette loi qui me paraît rigoureusement démontrée pour deux espèces : le blé et la fève. La proportion d’eau contenue dans un organe, tige, feuille, ra- cine, où dans la plante entière, augmente depuis la germination, atteint son maximum pendant la période d'activité fonctionnelle du tissu, puis décroît ensuite progressivement jusqu’à la mort de l’or- gane. C’est là une loi que je crois nouvelle. A priori, et moi-même j'ai partagé longtemps cette manière de voir, on est porté à penser que plus un organe est jeune, plus ses lissus sont aqueux ; l'analyse ce- pendant prouve le contraire. Ce résultat inattendu est néanmoins facile à interprèter pour quiconque connaît les caractères essentiels de l’économie végétale. En effet, plus un organe est jeune, plus il transpire; c’est là un résultat acquis par l’expérimentation directe et complétement in- dépendant des vues et des théories préconçues. La raison en est facile à saisir d’ailleurs, car l’épiderme ne se constitue et sur- tout ne s’épaissit qu'avec le temps, donc l'obstacle opposé à la tran- spiration grandit à la longue. Dès lors, puisque le tissu reçoit sans cesse par le pied une quantité d’eau sensiblement constante, et que d’autre part il en exhale une portion de plus en plus faible, il doit s’acheminer peu à peu vers cet état d'équilibre que l’on peut appeler son état de saturation. Plus tard l'activité vitale se ralentit, les fonctions se dépriment, l'énergie de l'absorption décroit et la quantité d’eau qui pénètre à chaque instant dans l'organe diminue de plus en plus. Mais comme par la déperdition insensible, il petr (1) Malaguti et Durocher, Recherches sur la répartition des éléments inorganiques dans les principales familles du régnevégélal (Annales des sciences naturelles, 4° série, Botanique, t. IX, 1858, p.233). — 161 — à chaque instant, sous forme de vapeur, une portion à peu près constante de cette eau, les tissus doivent devenir de moins en moins aqueux. Voilà pourquoi, dans la période de dépérissement de la plante, la proportion d’eau contenue dans les différents or- ganes diminue graduellement. Quelle que soit du reste la valeur que l’on attachera à cette explication, la loi n’en existe pas moins ; elle me parait sûrement établie par les deux espèces que j'ai indiquées ; et je considère la mise en lumière de cette loi comme un des principaux résultats acquis par mes longs travaux. Jusqu'ici, comme je viens de le faire remarquer, les analystes n'avaient point dirigé leurs efforts de ce côté. Ainsi, on lit à la page 233 du mémoire déjà cité de MM. Ma- laguti et Durocher : « Nous commencerons par faire observer que, si nous avons négligé de déterminer le rapport entre le poids de la plante et celui de sa cendre, c’est en considération du retard qui en serait résulté, vu que nous avions à faire plus de cent incinéra- tions. » Pour moi j'ai exécuté plus de deux cents incinérations dans le cours de l’année 1864, et à la fin de l’année 1863 ; elles me con- duisent toutes, malgré les conditions variées dans lesquelles à dessein j'ai fait vivre les plantes, à la loi formulée plus haut ; cette dernière peut donc être regardée comme rigoureusement démon- trée. | Les recherches sur la matière organique des tissus végétaux n'ont pas été ordinairement entreprises dans un but physiologique; mais bien en vue des applications industrielles, agricoles, écono- miques. On voulait surtout déterminer le rendement de telle ou telle espèce dans des conditions déterminées de végétation. Or la plante, si je puis m’exprimer ainsi, est une véritable fabrique de matière organique, dont la feuille est, selon les idées généralement reçues aujourd’hui, l'agent essentiel. Il était done très-important d'étudier cette production en elle-même, de voir comment elle variait selon les conditions d'âge, de lempérature, d'humidité, de lumière, etc. Enfin, parmi les questions que soulève l'étude des matières H. EMERY. 21 — 162 — inorganiques des tissus, il en est une qui a plus particulièrement fixée mon attention. Ces substances proviennent du sol, sont introduites dans l’orga- nisme par l’eau absorbée par les racines et qui, en $’évaporant, les dépose dans les diverses parties de l’économie. De là résulte que pour des plantes différentes élevées dans les mêmes conditions, la proportion des matières minérales peut servir de mesure à la vitesse de circulation de la séve ; et, pour un organe en particulier on peut dire que : 4° son incrustation est d'autant plus prompte que le mouvement de la séve est plus actif; 2° le dépôt est d’au- tant plus abondant que le tissu est plus âgé. Ce sont là des consé- quences importantes du mode spécial d'alimentation de la plante sur lesquelles de Saussure (1), le premier je crois, a appelé l’atten- tion des physiologistes. Tel est l’ordre d'idées auquel je me suis attaché dans mes études sur la constitution des tissus végétaux vivants. Mais la discussion de plus de deux cents observations ne saurait trouver placeici sans être réduite à de si petites proportions, qu’elle perdrait {out l’inté- rêt qu’elle peut avoir. Le sujet est trop important pour être traité d’une manière incidente et accessoire ; il sera l’objet d’un mémoire spécial, dont ces Études forment l'introduction. (4) De Saussure, Recherches chimiques sur la végétation. g - RÉSUMÉ GÉNÉRAL ET CONCLUSIONS Parvenu au terme de ce long travail, je vais essayer de réunir les faits les plus saillants qui résultent de mes observations et de mes expériences personnelles, 4° La vitalité des germes, dans le blé et dans la fève, est dé- truite par la submersion des graines dans l’eau de mer; l’eau douce, dans les mêmes circonstances, n’ainène pas d’effet sensible si l’aération est suffisante, et la germination commence aussitôt, 2% Dans le blé, la phase de germination tout entière peut s’ae- complir sous leau dont on entretient l'aération par la pré- sence de microphytes verts, ou par un renouvellement convenable du liquide. 3° Dans la fève, l’évolution commencée s'arrête bientôt, et l'embryon meurt, probablement par asphyxie. h° Les végétaux adultes de ces deux espèces périssent prompte- ment quand ils sont totalement submergés. Leur mort est produite tout à la fois par l'asphyxie et par l'inanition; mais le défaut d'oxygène paraît être la cause principale de leur fin prématurée. 5° L'eau n'est point un agent toxique pour les organes foliacés qu’elle baigne ; et leur accroissement se continue tant qu’ils peu- vent recevoir de leurs racines,ou de l’eau même qui lesenvironne, de l'oxygène et des aliments en quantité suffisante. 6° Les parties herbacées ainsi immergées s’orientent dans la lumière rouge comme dans la lumière blanche. 7° Certains liquides colorés, comme la teinture bleue de tour- — 164. — nesol, partagent l’innocuité de l’eau douce; tandis que d’autres liquides, comme l’eau salée et le perchlorure de fer, exercent sur es lissus une action toxique d'énergie variable. 8° L'action du perchlorure de fer est favorable à la végétation quand elle s'exerce sur la racine, et nuisible, au contraire, quand elle s'exerce sur les organes foliacés. 9 Les plantes ligneuses, à bourgeons latents pendant l'hiver, comme le fuchsia et la véronique, peuvent effectuer sous l’eau leur premier boureeonnement ; mais les rameaux périssent bientôt d’asphyxie et d’inanilion. 40° A la mort de ces derniers, des racines tendent à se former dans la région submergée, et des bourgeons, au contraire, à se développer sur la partie émergée, c’est-à-dire sur l’ancienne racine. 11° Dans le blé et la fève, les racines qui ont pris naissance et vécu d'abord dans l’eau, ne sauraient ensuite puiser dans l'air, même saturé d'humidité, assez de vapeur d’eau pour entretenir la végétation. 120 La racine est, par excellence, l'organe d'absorption des substances liquides, et les feuilles les organes d’exhalation de la japeur d’eau. 13° Pendant la germination des graines de lin, il y a produc- aon et apparition au dehors d’une matière acide; 14" Les racines des pieds adultes de fèves élevés dans l’eau n'excrètent point de matières acides, il en est de même des parties aériennes des sujets de la même espèce développés dans les condi- tions normales de la végétation. 45° L'eau douce, plus ou moins chargée de matières solubles, est un sol désavantageux pour les plantes terrestres ; parce que les matières nutritives n’y subissent pas complétement cette élaboration préparatoire qu’elles éprouvent dans la terre, et qui paraît indis- pensable à la nutrition ultérieure de la plante. 16° Cette infériorité de l’eau comme sol parait surtout tenir à l'insuffisance de l'oxygène; et, en grande partie, à un effet nuisible résullant de la naissance et du développement des proto-organis- mes ; microphytes et microzoaires. 17° Le blé et les fèves qui végètent le pied dans l’eau offrent — 165 — des traces d’étiolement d'autant plus prononcées que l’eau est plus pure; et les plants de fèves, en particulier, périssent préma- Lurément, sans avoir pu mürir leurs graines. 18° Dans ces conditions, le blé peut vivre au moins deux ans sans fleurir ; et subir, dans l'intervalle des deux végétations, les effets de l’hivernage, absolument comme les plantes vivaces. 19° Dans le blé et la fève, la quantité d'eau contenue dans la racine est inférieure à celle renfermée dans la tige. 20° Dans ces deux espèces, la proportion d'eau d'un organe, tige, feuille, racine, ou dans la plante entière, augmente depuis la germination, atteint son maximum pendant la période d’activité fonctionnelle du tissu, puis décroit progressivement jusqu'à la mort de ce dernier. Vu et approuvé, le 24 juin 1865, LE DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES, MILNE EDWARDS. Vu et permis d'imprimer, LE VICE-RECTEUR DE L’ACADÉMIE DE PARIS, A. MOURIER, DFE g ina ag a PCR 2 pulgé : " rptérds meer it sl mnéanelienail vues néb ua le rotbsogonqrah otsquies: ET 5 dub ambatin aréilren sel, af enab ui saisur ci à ÉTIUTE NT AU DER ‘mt Job -utmivéns montrer fau Ed où PRE cr à sie ytteats. ali bee] L x: En Lg . “in 1 3 ent. fir re ct > LE a F «et Totu led rare ur er Er à I EE A CS étune Tale 1 an ulile LE ee der tpedr D'ent Bot é L.4 he + a er RES “qui Perd : | où don pros ap où +9 N LP Sin PE _ Mrs dé "LE" ee; LE > = CUS . er > 11 , / F \ É ” mi et EN SAP Da rasage % EN » LR ; HAN A: tac À DES LE pére tués F 1 à tés # ia Houot-nhe nn : DL TE LL ? * nihiiratn ! he mn ONCE TL pu rt Set, v: FL FPE x, Er RM LT 10 « doths dnidis de l'oba. conti EE Le rares où, 4e chadnle. |: sel FA TA th, oct 16 un ol RE à En Deer \ Û + En ll - sta re er ve: ét iMeE rt Fi, . nl da et ‘tu, Cm ON Luis D'le géo 1 taie l'ami 0 ” | L : 4 LT0f. : 12 ke h Du : D Ê 1 DENTS re) è = Lustdte à % .® F | “ » A CD 4 É Li L « | u np ’ DEUXIÈME THÈSE PROPOSITIONS DONNÉES PAR LA FACULTÉ ZOOLOGIE ET PHYSIOLOGIE I. — FONCTIONS DU SYSTÈME NERVEUX CHEZ LES VERTÉBRÉS. IL — DE L’INANITION CHEZ LES ANIMAUX. LA I. — ORIGINE DES MASSES MINÉRALES NON STRATIFIÉES. IT. — CARACTÈRES DE LA FAUNE DE LA PÉRIODE CRÉTACÉE. Vu et approuvé, le 24 juin 1865, LE DOYEN DE LA FACULTÉ DES SCIENCES, MILNE EDWARDS. Vu et permis d'imprimer, LE VICE-RECTEUR DE L'ACADÉMIE DE PARIS, A. MOURIER. Paris, Imprimerie de E, MARTINET, rue Mignon, 2 us ù ea Hire A1 siof RRTAU PRET 4 1 AO » = So Die HANTAIO Ha o1nNS t2 Hf HAUAT. “ha su en rranaD F uso ut. Gas ui, je ah sal ( EI AAA hs ad ML han dre ri ts vw 2F ‘su AUS STAR ae mt TRE t LL * LEURS Ë sis M de Ni Re t LT * * MN 3 5185 00077 5302 NS NK NS NS N NS KRKE NS NŸ NN À à N NN N