QK 601 .G68 (\ ETUDE SUR LA REPRODUCTION SEXUÉE DE QUELQUES Champignons supérieurs PAR A. DE GRAMONT de LESPARRE Avec 16 Jigîires et j planches. PARIS Librairie des Sciences Naturelles PAUL KLINCKSIECK Eiliteur 3, RUE CORNEILLE, 3 I go2 REPRODUCTION SEXUEE DE QUELQUES Champignons supérieurs ETUDE SUR LA REPRODUCTION SEXUEE DE QUELQUES Champignons supérieurs PAR A. DE GR AMONT de LESPARRE Avec 16 figures et j pla?iches. LÏBRART NEW YORK PARIS Librairie des Sciences Naturelles PAUL KLINCKSIECK Éditour 3, RUIv CORNEILLE, 3 I 902 . (^ (o% NEW YORK BOTAMCAL INTRODUCTION qarden Lorsque nous publiions, il y a quatre ans, le résultat de nos recherches sur la germination des spores de la Truffe, il paraissait vraisemblable que le même mode de reproduction était commun aux autres champignons, tout au moins aux champignons supérieurs. Quelques observations faites dans ce sens faisaient prévoir la similitude des évolutions. Ces prévisions ont été confirmées. Des observations postérieures, que nous résumons dans ce volume, ont montré que la germination sexuée des spores de la Truffe pouvait être prise comme type des germinations des autres espèces étudiées. A vrai dire, dans l'ensemble, le type pourrait être choisi presque au hasard, tant est grande la ressemblance des évolutions au point de vue de la forme comme au point de vue de la durée. ^ Notre première étude sur les spores de la Truffe était, il p faut le reconnaître, quelque peu confuse ; des faits exception- '^ nels ou accessoires y tenaient une place exagérée. Nous . nous efforcerons de remédier à ce défaut qui, peut-être au j^ début, n'était pas tout à fait sans excuse. Lorsqu'on étudie ^ un sujet nouveau, les cas particuliers et anormaux, les détails secondaires jettent dès l'abord le trouble dans l'esprit. On ne '^. discerne pas l'exception de la règle, l'accidentel, du perma- ^ilQ^ nent; c'est à la longue, après de nombreuses recherches, que 05 les grandes lignes s'accentuent, se précisent. C'est ainsi O^ qu'aujourd'hui nous pouvons élaguer, simplifier, et dans cer- cpj tains cas être plus affirmatifs. Est-ce à dire que la lumière est '— complète ; que plus rien n'est douteux dans l'évolution exté- VI rieure des spores et dans les conclusions qui en découlent ? Bien loin de là; les avis peuvent être très différents. J'incline simplement à penser que, des faits observés, de leur constance, de leur caractère, peut être déduite dans ces traits principaux une loi que j'appellerai « Loi de reproduc- tion sexuée de... quelques champignons supérieurs ». Hàtons-nous d'ajouter que si nous pensons connaître le cycle extérieur de l'évolution, comprenant la fécondation, l'autre partie, le cycle souterrain, nous échappe encore. D'après des observations variées mais trop longues à rappor- ter ici, nous serions portés à croire, avec beaucoup d'autres, qu'il s'exécute dans des conditions déterminées en dehors desquelles il n'a pas lieu. Certains aliments seraient indis- pensables et le germe avorte s'il ne les rencontre pas. Le my- célium serait parasite de racines, de racines en général. Il y trouverait de l'humidité dans les grandes sécheresses sans avoir à craindre la corruption parasitaire. Peut-être cer- taines conditions de chaleur et de temps s'imposent- elles également. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas ici la place d'insis- ter sur ces questions qui ne pourront être résolues qu'après de patientes et longues recherches. Constatons seulement qu'un premier pas dans la bonne direction, s'il ne transporte pas au but, en rapproche apparemment. Parler de la reproduction sexuée à propos de champi- gnons supérieurs, c'est, nous le savons, faire acte d'indisci- pline envers les représentants de certaine science officielle et de plus s'aventurer en terrain glissant où la chute est facile. Bien des fois, naguère, on a cru avoir élucidé le problème ; quelques mycologues le tiennent pour résolu. Il y a bientôt trente ans une communication à l'/Vcadémie des sciences, après avoir constaté des anastomoses assez ordinaires entre filaments conidies et bâtonnets, se terminait par cette retentissante déclaration « que le mode de fécondation des basidyomicètes était pleinement démontré ». Quelques mois après, dans une autre communication, le même auteur avouait son erreur et reconnaissait la fausseté de ses conclusions. De — VII — pareilles mésaventures rendent prudent. Nous ne voulons donc rien affirmer et encore moins entreprendre de polé- mique dans le présent ou dans l'avenir. Notre ambition est simplement de placer sous les yeux du lecteur, d'une part, les raisons qui portent à croire que la loi de reproduction sexuée ressort bien des faits observés, et, d'autre part, les arguments que l'on peut invoquer en sens contraire. Chacun établira sa conviction comme il l'entend. Seuls, les résultats pratiques d'une culture scientifique trancheront définitivement la question. Voici nos raisons. a) Différenciation caractérisée des gamètes et forme de ces gamètes. b) Attraction visible des gamètes l'une par l'antre, jus- qu'aiL toucher. c) Dépérissement et destruction rapide du germe mâle. d) Possibilité d 'expliquer par la loi de sexualité certaines anomalies singulières de la reproductioji des champignons. e) Enfin, difficzilté d'expliquer autrement que par les phases d'tme rénovation sexuelle les faits observés. Les argfuments contraires sont les suivants : y. ) On a obtemi certains champignons des grandes espèces par développement asexué de spore uniqzie sans aucune copiL- lation rappelant de près ou de loin l'acte sexttel. fi) Les diverses phases de la copulation sexuée dans un grand nontbre d'oopiycètes {principalement ceîùx qtci se repro- duisent par iso garnie à la façon des péronosporacés) diffèrent tellement de ce que voîts décrivez qu'il est difficile d'admettre que la nattire ait atteint un but identique par des moyens si différents. Dans les oomycètes la même spore engendre des gamètes de sexes différents ; dans les champignons dont vous parlez, la spore serait unisexuée. y) Vos observations ne s'accordent pas avec les principes de la fécondation sexuelle aujourd'hui admis, ni avec la fé- condation sexuelle même des champignons SîLpérietirs telle que l'auraient découverte certains botanistes contemporains . — VIII — 5 ) Noîis avons cherché à conti'vler vos observations, nous n'avons rien vu. £) Enfin les résultats pratiques manquent , donc, rien de certain. Examinons ces arguments pour et contre avec quelques détails clans l'ordre ci-dessus. a) Différenciation caractérisée des gamètes et forme de ces gamètes. La forme des gamètes est en effet si spéciale qu'elle éveille a première vue l'idée de fécondation. Le type mâle, malgré ses déformations, reste pointu, en forme de flèche. La femelle, nettement ronde en général, n'est pas à vrai dire une gamète puisqu'elle devient souvent l'œuf même et qu'elle paraît susceptible d'être fécondée sans contact immédiat, mais à travers un filament ou dans la spore même. En un mot, la forme, pour l'un et l'autre sexe, surtout dans certaines espèces, comme le Coprin, par exemple, est tout à fait carac- téristique. Assurément le jet secondaire qui sort des gamètes les déforme parfois et pourrait même faire croire a une germi- nation qui serait un exemple de parthénogenèse dans notre système, mais il est aisé de voir que ces jets secondaires se terminent invariablement par une autre gamète plus petite que la première, et cherchant à féconder. Lorsque parfois la ga- mète femelle prend la forme tronconique, elle n'en conserve pas moins, semble-t-il, la faculté de produire un œuf cà son extrémité ou sur son parcours. Les jets secondaires n'ont pas été observés dans toutes les espèces. b) Attractioti externe et visible l'une par l'aiUrejusqu 'atc toîicher. Cette attraction paraît si visible, si nette, qu'il est impos- sible de la comparer à des effets de polarisation, à des rap- prochements végétatifs accidentels , à des anastomoses comme on en voit entre des filaments, ampoules et conidies voisins. Elle est franche, surmonte les obstacles, se fait sentir à travers l'épiderme du limbe, et s'exerce à des distances rela- — IX — tivement considérables, par exemple de plus loin que le champ du microscope à 1X200. Quant au tube de déversement qui servirait au mélang-e des protoplasmes, il faut avouer que nous ne l'avons pas aperçu. Ce qui doit tranquilliser, c'est que, alors même qu'il existerait, il serait impossible de le voir dans l'intérieur des spores et des gamètes ; la couleur de celles-ci empêcherait de le distinguer. C'est le cas, dans toutes les espèces que nous avons étudiées ; pour un grand nombre également l'ex- trême petitesse des spores et sporules femelles et des gamètes mâles rend toute observ^ation de ce genre très aléatoire. Tou- jours est-il que jamais aucune cloison n'a paru exister entre gamètes ou spores comme il s'en voit, paraît-il, entre oo- gone et anthéridie dans certains ascomycètes (Sphœroteca Castagnei) qui accompliraient l'acte sexuel à la façon des Pe- ronosporacés (i). c) Dépérissement et desirtictïon rapide diL germe mâle. Le dépérissement est rapide, surtout en été. Qu'il y ait eu ou non fécondation, la gamète s'effrite bientôt et il n'en reste plus que quelque poussière noire. Cette désorganisa- tion de la gamète mâle, nous a laissé longtemps perplexe dans les débuts ; elle paraissait inexplicable et confondait les prévisions. c) Facilité d'expliquer par la loi de sexualité , telle qii 'elle résulterait de nos recherches , certaines anomalies au- trement incoinpi'éhensibles de la reprodtiction des champi- gnons supérieîirs. On comprend mieux, en admettant la sexualisation sur lit nuptial approprié et non ailleurs, pourquoi les champi- gnons ne se multiplient pas indéfiniment au même endroit ou dans un rayon rapproché, malgré le nombre véritablement immense de spores contenues dans un seul sujet (2); pourquoi l'on voit apparaître à l'improviste des espèces nouvelles, ou 1. Dangeard, 7" série; p. 119, Le Botaniste. 2. On évalue à plusieurs milliards le nombre des spores contenues dans un seul T.ycoperdon, Vesce de Loup géante! — X — du moins absentes jusque-là dans des localités ou sous des bois où elles n'avaient jamais été vues ; pourquoi l'on n'a jamais pu faire g-ermer, jusqu'à présent, certaines spores, dans les milieux nutritifs les plus appropriés en apparence et les plus fournis des éléments chimiques nécessaires à la nu- trition. On comprend mieux pourquoi diverses variétés nais- sent de préférence sous tel ou tel arbre, surtout lorsque, comme pour la Truffe, cet arbre est presque le seul à garder des feuilles à l'époque de l'année oii, le tubercule étant mûr, la dissémination des spores est plus facile et leur germination plus énergique. Enfin, et ce n'est là qu'une pure supposition probablement sans valeur, le rôle obscur de certaines conidïes, de ces cel- lules de formes variées, sortes de spores de seconde généra- tion s'éclaircirait d'un jour nouveau. Les conidies que l'on rencontre en nombre immense dans les champignons infé- rieurs et plus rarement dans les champignons supérieurs de grande taille naissent, comme on sait, tantôt sur le thalle, comme pour le Coprin, l'Agaric velutipes, l'Agaric tendre, le Cyatre ; tantôt sur les filaments de l'appareil basidifère, comme pour la Fistuline, le Polypore sulfureux, l'Hydre hé- risson ; tantôt enfin dans des cavités de formes variées comme pour les Pyrenomycètes, les Discomycètes, les Ce- nanges. Chez la plupart des g-rands champignons supérieurs, elles sont infertiles, ne continuent pas la plante ; beaucoup n'ont jamais germé dans les milieux nutritifs en apparence les plus favorables. Ne pourrait-on, dès lors, les considérer comme des sous- spores, des états de repos de filament, attendant les circons- tances favorables à leur développement sexué) comme une sorte de bulbille sexuée incapable dans beaucoup d'es- pèces de continuer agamiquement la plante, mais capable de produire une j)lante nouvelle en se sexualisant, lorsque les circonstances sont favorables et sur lit nuptial approprié? Il est assez difficile de se procurer des conidies de grands champignons et plus difficile encore de les observer sur feuille XI avec quelque certitude à cause de leur petitesse et de leur transparence. Mais d'après la théorie que nous venons d'énoncer , les spores de champignons obtenus par agamie, pourraient être physiologiquement assimilées à des conidies. Nous avons ensemencé sur feuilles quelques-unes de ces spores de psalliotes champêtres cultivés, elles ont paru engendrer des gamètes sexués se fécondant suivant la règle ordinaire ; quant aux conidies transparentes d'autres cham- pignons, l'observation sur feuille est, comme je l'ai dit, d'une telle difficulté que l'on ne peut rien conclure avec certitude. C'est le cas pour les conidies formées par les filaments de Morille, par agamie, dans les conditions difficiles à réaliser développées plus loin (v. p. 55)- Ce qui est certain, c'est que ces conidies mise en terre préparée, par conséquent dans un milieu nutritif, n'ont rien produit après huit ans, e) Impossibilité d'expliqtter auireinentqîie par les phases d'une rénovation sextielle les faits observés. Cette preuve bien que frisant la reductio ad absjtrdum, raisonnement si mal vu des mathématiciens et à juste titre, n'en conserve pas moins ici une certaine valeur. A quoi serait bon, en effet, que pourrait bien signifier cette évolution singulière et bizarre des spores sur feuille, si elle ne résumait pas les phases de la rénovation sexuée de l'espèce ? On se le demande en vérité ! Après le pour, voici le contre, c'est-à-dire la série des argu- ments contraires énuraérés page VII, et sur lesquels se basent ceux qui se refusent à reconnaître une germination sexuée ou même, le croirait-on, une germination quelconque dans les faits observés. Ces arguments sont loin d'être sans valeur ; il en est auxquels il est difficile de répondre. D'autres ne méritent pas qu'on s'y arrête ; de ce nombre est le suivant : a) On a obtenu certains champignons des grandes espèces XII par développement asexué de spore -unique sans aticune copzi- lation rappelant de près oti de loin l'acte sexuel. Témoins (par exemple) le champig-non de couche qui vient de spores ou de blanc; le Polypore tuberastre produit par amas solide de mycélium et de calcaire appelé Pietra fungaia^ et le Tricholome nu récolté dans les conditions suivantes (i). « Les cultures ont été obtenues dans des pots à fleur ou « dans des meules découvertes formées d'un mélançe de « feuilles, fumier, etc., de consistance terreuse. Les fructifi- « cations sont nombreuses, mais restent le plus souvent à « l'état d'ébauche ; elles sont comme atrophiées ; seules « les meules fournissent quelques sujets comparables comme « aspect et comme dimension au Tricholome nu naturel. On « n'a obtenu ni conidies ni sclérotes. » Ainsi les champignons se reproduisent sans fécondation nécessaire, donc, etc., etc. Il est à peine utile de répondre. Beaucoup de plantes se multiplient par bouture comme les peupliers, saules et platanes ; par racines ou rhizomes comme l'Olivier et le Nénuphar ; par feuilles comme le Bégonia Gloxinia ; par cayeux ou bulbilles comme certaines Liliacées, les Aulx, les Hyacinthes, la Tulipe ; d'autres sont réfractaires à ces modes de propagation et ne se reproduisent que de semences. Il en va ainsi des champignons supérieurs. Les uns naissent facilement de spores non fécondées, de blanc ou de débris de substance, comme ceux que l'on vient de nommer auxquels il convient d'ajouter le Mousseron, etc., etc., et paraît-il, la Truffe même, s'il faut en croire les expériences de M. Kiefer (v. page 39) ; expériences qui malheureusement n'ont jamais été recommencées avec succès, mais qu'un heureux chercheur fera peut-être aboutir un jour. Les autres champignons, et c'est le plus grand nombre, ne I. Comptes-rcn'lu<;, Arnilémie des sciences, 14 mars 189S. XIII peuvent pas être obtenus par ces procédés dans l'état actuel de nos connaissances ; ils viendraient de semence seulement. De toutes façons, la reproduction ou plutôt la conti- nuation de la plante par agamie pour quelques espèces, pour toutes mêmes, si cela était, n'aurait aucune importance dans le point en litige. 11 est même à remarquer que souvent le champignon, comme d'autres plantes, dégénère assez rapidement, même dans les milieux les plus favorables, lorsqu'il est obtenu de spores non fécondées ou de blanc. C'est le cas par exemple des Tricholomes nus et des Tricholomes terreux (voir ci- dessus) et des Coprins stercoraires, et autres du même genre (i). Ce dépérissement n'est-il pas un argument en faveur d'un rajeunissement sexuel nécessaire de loin en loin et ne prouve- t-il pas ou ne fait-il pas présumer que la fécondation n'a pas lieu au sein du champignon même, dans les asques ou les basides, comme le prétendent d'éminents botanistes contem- porains? p) Les diverses phases de la copiUation sexîiée dans lui grand nombre d'oomycètes, principalemejit dans ceitx qni se reproduisent par isogamie à la façon des péronosporace's , diffèrent tellement de ce qiLe vous décrivez, qtt 'il est difficile d'admettre qiie la nature ait atteint un seul et même but par des moyens si différents. Dans les ooinycètes, la m.êtne spore engendre des gamètes de sexes différents ; dans les chatn- pignons dont vous parlez, la spore serait unisexuée. On sait en effet que dans une catégorie entière de champi- gnons inférieurs, Tordre des oomycètes, les modes de propa- gation sexués et asexués coexistent simultanément ; c'est-à- dire que tantôt la plante se continue par le thalle simple issu d'une spore, d'une oospore ou d'une conidie, tantôt elle sort I. La spore d'un Coprin stercoraire mesurant dix cent, de haut et cinq à six de large, ensemencée dans une infusion de crottin sur porte-objets, produit un autre Coprin de un ou deux cent, de haut et un demi de large; et il en est souvent ainsi, par degrés suivant les milieux, avec tendance cons- tante à la dégénérescence. — XIV — d'un œuf engendré par la rencontre, la fusion de filaments 0 OU g-amètes hétérogames et isogames (i). Or il n'est pas douteux que si la fécondation hétéroga- mique par anthéridie présente un certain degré de ressem- blance avec ce qui a été observé dans les fécondations sur feuille, par contre la production d'œufs par isogamie, fusions, conjugaisons en diffère singulièrement. En outre, dans les deux cas, il résulterait des recherches faites à ce sujet par les botanistes allemands, que la même spore ou la même conidie contient naturellement les deux sexes, puisque ceux- ci ne se différencient qu'après la germination, sur le thalle même issu de spore unique. On arrive ainsi à cette double conclusion, peu conforme à l'idée d'uniformité,que la fécondation dans les champignons revêt, suivant les espèces, des formes très différentes, que pour les uns, la spore n'a qu'un sexe, pour les autres, elle en a deux. La première de ces constatations n'a rien qui doive effrayer, puisqu'il était d'ores et déjà aisé de la faire en comparant entre eux les modes de fécondation admis pour les oomy- cètes mêmes, et que la théorie de fécondation sexuée admise pour ces champignons n'en a subi aucun accroc et subsiste quand même. Si l'on admet en effet que les fusions nucléaires ou simple- ment protoplasmiques constatées dans les oomycètes à gamètes isog^ames, tels que mucorinés, chytridiacés, etc., représentent un acte sexuel, il faut reconnaître tjue cet acte diffère morphologiquement de ce qui se passe chez les oomycètes à gamètes hétérogames se copulant à la façon des péronosporacés, tout autant que de la copulation sur feuille des gamètes de certains basidiomycètes et ascomycètes. Ainsi l'objection se résoud d'elle-même. Il est plus difficile d'accorder l'unisexualité des spores I. Nous prenons ici, comme base de discussion, l'opinion admise que les fusions et conjugaisons nucléaires dans les oomycètes sont des copulations sexuelles, mais sous bénéfice bien entendu, des observations et des réserves faites à ce- sujet dans les pajj^es qui suivent (v. p. xvii). d'un côté, avec, de l'autre, la bisexualité virtuelle telle qu'elle apparaît dans les dessins et les descriptions qui nous repré- sentent la fécondation des oomycètes, tout au moins des oomycètes à gamètes isogames. Nous savons pourtant que dans les organismes rudimen- taires tels que les thallophytes en général, les gamètes différenciées ou non, issues demème spore, sont parfois abso- lument voisines dès l'origine, comme par exemple dans les Cladophores, l'Ulotriche, les Œdogones, la Spirogire, le Basidiobolus Ranarum, où elles sortent ensemble de la même spore et se copulent immédiatement. C'est une propriété de ces végétaux imparfliits que ce voisinage, cette confusion des germes ; mais comme cette confusion originelle fréquente chez les végétaux imparfaits devient plus rare au fur et à mesure de leur perfectionnement, elle pourrait ne pas exister dans les grands champignons supérieurs, sans que les règles de probabilité ou de similitude s'en trouvent violées. Entre l'Amanite et la Truffe par exemple et une moisissure, ou une levure, il n'y a de ressemblance que le thalle présent et la chlorophylle absente. Ces particularités étant prises comme bases de classification, on a réuni dans la même classe des végétaux différents, non seulement de forme et d'aspect, mais aussi sans doute à beaucoup d'autres points de vue. Cela serait donc attribuer à la nomenclature un rôle exagéré que d'en conclure que les spores des uns doivent être de nature identique à celle des autres, d'autant plus que nous connaissons des végétaux moins dissemblables entre eux que les champignons, et qui cependant, sans cause apparente sont les uns monoïques comme les Pins, Sapins, Cyprès, les autres dioïques comme l'If, le Saule, le Chanvre ; tantôt mâles, tantôt femelles, tantôt hermaphrodite comme leFrêne, et avec fleurs, les uns unisexuées, les autres bisexuées. Ceci dit pour constater la possibilité des variations phy- siologiques, reconnaissons que rien ne prouve l'unisexualité de la spore dans les espèces que nous avons étudiées. Certaines observations sur les spores de la Truffe tendraient — XVI — même à laisser le doute subsister(fig-. 8). Toutefois comme on ne saurait regarder comme certain, pour la Truffe spécia- lement, à cause des débris qui couvrent le limbe, ce qui n'a pas été vu un grand nombre de fois, il paraît sage de ne pas se prononcer sur cette question de bisexualité ou d'unisexua- lité de la spore. Y ) Vos observations ne s 'accordent pas avec les principes de la fécondation sexnée aîijourd'hîii admis^ ni avec la fécon- dation sexuelle même telle que l'auraient découverte des bota- nistes contemporains. La formule de la fécondation sexuée serait la suivante : « Toujours et partout la rénovation sexuelle est précédée a d'une fusion en un seul de deux noyaux accompagnés de a leur protoplasme ; le noyau sexuel qui en résulte fournira « en se divisant le noyau de l'embryon ou des embryons. » C'est en ces termes que l'a établie M. Dangeard,à la suite de ses études sur la fécondation sexuée, tant des champignons que des autres végétaux. L'éminent professeur, que ses savantes et originales re- cherches ont placé dans les tout premiers rangs des bota- nistes modernes, croit trouver l'application de cette loi dans l'acte sexuel des champignons supérieurs qui s'accomplirait, selon lui, à l'intérieur des asques oudesbasides. L'unetl'autre feraient 2imsifonct\on de g-ametano^e, en ce qu'ils renferment des noyaux sexués, des gamètes, (|ui fusionnant ensemble en- gendrent ou plutôt deviennent l'œuf d'où sortira la spore sur la baside ou dans l'asque. Il est clair que cette théorie est en contradiction avec celle que nous proposons. Les deux ne peuvent se concilier. Comment admettre que, dans la vie d'une même plante, il y ait deux actes sexuels consécutifs résultant, l'un d'une fusion nucléaire, l'autre d'un accouplement sur substance appropriée dans les formes que nous décrivons. Il est tout aussi difficile de concevoir que l'un puisse suppléer à l'autre. Il y aurait alors pour les champignons, même en s'en tenant aux espèces (jui se ressemblent, trois formes de copulations différentes, — XVII l'une par fusion nucléaire, l'autre par anthéridie et ascogone, le troisième par accouplement sur substance appropriée. Cela serait beaucoup ; il semble que deux, c'est déjà trop. Si donc, l'on reconnaît dans les accouplements sur feuille les phases d'une évolution sexuelle, il faut alors conclure que les fusions nucléaires ne sont que des phénomènes d'ordre végétatif, des anastomoses fortifiantes, un rajeunissement cytoplasmique.Etalors le plus simple n'est-il pasde se ranger à l'avis déjà exprimé par des botanistes dissidents et dépenser avec eux « que la fusion nucléaire est un phénomène d'impor- tance considérable dans la vie deschampig^nons, mais non un acte sexuel ». Bien entendu nos observations n'ayant porté que sur certains ascomycètes et basidiomycètes proprement dits, d'autres basidiomycètes ou ascomycètes, les ustilaginés et urédinés, les champignons inférieurs peuvent être rangés à part. Pour ceux-là, on peut dire que la fusion nucléaire est le seul acte sexuel nécessaire. Malheureusement il existe une ressemblance complète, à tous les points de vue, entre les fusions nucléaires qui s'opè- rent dans les « gametanges » des champignons que nous avons étudiés (coprins, truffes, etc.) et les fusions nucléaires que l'on observe dans les urédinés, ustilaginés, protobasidio- mycètes, etc , si bien qu'il est difficile de reconnaître aux unes une portée physiologique que l'on n'admet pas chez les autres. Je vais plus loin. En voyant la grande ressemblance qui existe également entre les fusions nucléaires des soi-disant a gamètes », dans les gametanges (asques et basides) des basidiomycètes et ascomycètes et celles de certains oomy- cètes se copulant à la façon des mucorinés, un doute vient à l'esprit, et l'on se demande si, pour ces dernières familles également, on n'a pas abusé des mots gamètes, œufs, fécon- dation. Evidemment ces questions ne sont pas définitivement résolues et de nouvelles recherches s'imposent. û) Nous avons cherché à contrôler vos observations et iioîis n'avons rien vu. XVIII Rien vu ! C'est beaucoup dire. Sans doute, robservation n'est pas toujours facile, pour la Truffe spécialement, et il faut patience et habitude pour se reconnaître au milieu des spores, pseudo-spores, débris de tégument ou d'asque. Après avoir aperçu pour la première fois une spore germant en janvier, l'auteur est resté onze mois dans l'incertitude et absolument dérouté, malgré des observations presque quoti- diennes. Ce n'est qu'en décembre suivant que la lumière s'est faite grâce à un concours exceptionnel de circonstances. Pour le Coprin, malgré le grand nombre de manquants , l'observa- tion est facilitée par la propreté du limbe et l'absence de débris. La qualité du champignon et surtout de la feuille a pour l'observation une importance capitale. On se heurte à des insuccès complets sans savoir pourquoi. Il n'y a qu'à recom- mencer. Les feuilles jaunies, desséchées, sont difficiles à exa- miner; ces dernières surtout sur les arbres un peu forts. Les nervures apparaissent trop ; la chlorophylle en se condensant forme des contours imperméables à la lumière. La feuille petite, verte, à limbe plat, permet seule de bien voir; on la trouve sur les chênes pubescents jeunes jusqu'en février. La feuille de sapin argenté est aussi assez commode, lors(]u'elle réussit. Quelquefois les ensemencements n'ont pas été faits avec les garanties voulues. Un honorable correspondant se plai- gnait de ne rien apercevoir. Un peu pressé, il finit par re- connaître qu'il avait employé des truffes conservées en boîtes de métal d'après un procédé secret, c'est-à-dire des truffes passées à la vapeur et stérilisées ! D'autres fois, le sentiment domine. Un ancien forestier, M. Grimblot, devant le Congrès international de sylviculture, s'est vivement élevé contre nos prétendues découvertes. 11 n'a d'ailleurs jamais cherché à contrôler l'exactitude de nos observations. Cela n'a pas lieu de surprendre. M. Grimblot a écrit autrefois sur la Truffe, et, par l'audace de ses affirma- tions, il montre bien (jue les révélations du microscope sont pour lui lettre morte. Ne va t-il pas jusqu'à dire, dansîtne bro- — XIX — chiLve publiée en i8']8, que la Truffe est « une excrétion radi- culaire, d'abord liquide, puis gélatineuse, sorte de latex albu- mineux qui s'organiserait bientôt en Truffe (i) », et cela alors que les spores de ce champignon avaient été vues et dessi- nées, depuis cent cinquante ans, par Tournefort, Geoffroy, Micheli; que, depuis ce même temps, la nature fungique du tubercule ne faisait aucun doute pour les botanistes sérieux ; alors enfin qu'un examen de trois minutes, avec un micros- cope d'enfant, convaincrait les plus incrédules! N'insistons pas et constatons seulement, sur un autre terrain, l'intérêt des expériences entreprises sous la direction de l'honorable forestier par le transport du mycélium truffier, M. Kiefer aurait autrefois réussi de cette façon dans une certaine me- sure (voir p. 39); il serait à désirer que l'on connût une méthode scientifique pour user de ce procédé qui restera peut-être en fin de compte, pour les autres champignons comme pour la Truffe, le plus rapide et le plus sûr. £.) Les résultats pratiques uianquent, donc rien défait. Malheureusement, dans ces sortes d'essais, les jours et les heures qui suffisent en chimie, physique et en bactériologie deviennent des années. Quant à la Truffe, il semble bien qu'avec un tour de main spécial, peut-être connu, peut-être in- connu, le succès n'est pas improbable; pour les autres cham- pignons, le cycle de l'évolution souterraine paraît dépendre de conditions particulières incomplètement approfondies. Il eût été plus sage, afin d'éviter la critique, de ne publier ce livre qu'après avoir obtenu des résultats concluants ; je le reconnais; d'autre part, ces résultats peuvent être longs à venir et le meilleur moyen de les hâter n'est-il pas de mettre les Trufficulteurs en mesure de les provoquer eux-mêmes. Les longs et minutieux détails de l'ensemencement sur feuilles contenus au chapitre V, ont été précisément donnes afin de faciliter les expériences; c'est d'ailleurs le but du livre tout entier. I. Etudes sur les Truffières du Vaucluse ; Grimblot (1878). XX — Remarquons-le, en terminant, la nécessité d'une germi- nation sexuée pour les thallophites a toujours été si bien admise en principe, cjue la discussion entre les botanistes porte non sur son existence, mais sur la manière dont elle se pro- duit. Sans parler des oomycèies qui doivent leur nom à ce fait que l'œuf s'y formerait à la suite de ce qu'on a appelé une copulation, on a cru successivement apercevoir les phases de l'acte sexuel sur le thalle de certains Pezises et de quelques Erysiphes, dans les spermaties d'espèces à spermogonies comme les Coprins, dans les scolecistes des Ascoboles, dans les cystides des Hymenomycètes, dans les raacrocystes à glo- bules qui se développent sur le thalle d'Agaricinées, enfin dans la fusion des noyaux contenus dans les basides et asques (ou gametanges) des Basidiomycètes et Ascomycètes ; mais presque toujours les trois caractères de la fécondation, con- fusion de protoplasmes, permanence de l'œuf, dépérissement du germe mâle ne se trouvaient pas réunis, ou bien l'unifor- mité, la généralité et la constance des phénomènes faisaient défaut. Pour ces raisons et pour d'autres, un éminent profes- seur, après avoir plusieurs fois changé d'avis sur la matière, écrivait en 1891 (i ) : « Ou bien ces plantes ont toujours été incapables de pro- duire des œufs, elles sont agames de leur nature. Ou bien, douées autrefois de sexualité, elles ont perdu sans retour la faculté de produire des œufs. Ou bien elles sont douées de sexualité, mais ne forment leurs œufs qu'à de rares intervalles, dans des conditions de milieu toutes spéciales; il en résulte que ces œaifs ont échappé auX' observations, et leur décou- verte est réservée aux efforts de l'avenir. » (Van TiEGHEM, Traité de Botanique.) Ainsi, proposer une théorie pour la fécondation sexuée des champignons, c'est chercher à combler une lacune, ce n'est pas introduire une nouveauté. I. Van TiliGHEM, Traité de Botanique. CHAPITRE PREMIER LA TRUFFE Origines attribuées à la Truffe dans les temps anciens et modernes. Temps anciens, de 350 avant Jésus-Christ au milieu du xv^ siècle; temps modernes, du milieu du xV siècle à nos jours. A tout seigneur tout honneur. Nous commencerons donc par la Truffe, le premier, sans contredit, dans l'espèce fungique. On m'excusera de consacrer au début quelques pages aux opinions qui ont eu cours à différentes époques sur l'origine de ce champignon ; cet aperçu historique rentre en quelque sorte dans notre sujet, en ce qu'il permet de mesurer la voie parcourue et les progrès accomplis. Théophraste, disciple d'Aristote, parle pour la pre- mière fois des truffes, 350 ans avant J.-C, et les appelle « des végétaux privés de racines qu'engendrent les pluies d'automne accompagnées de coups de tonnerre ». Quatre siècles plus tard, Dioscoride les qualifie de « racines tubéreuses que la terre produit et arrondit en soi par une vertu secrète » . Athénée, puis Cicéron les regardent comme des « enfants de la terre, production spontanée du sol ». Pour Porphyre, elles sont des « enfants des Dieux » ; pour le naturaliste Pline, « des callosités de la terre, miracles de la nature ». Juvénal, Plutarque, les considèrent comme a un produit de la foudre et des orages », opinion évidemment fausse mais basée sur une observation exacte, car il est constant 2 — que les pluies d'orage, surtout en juillet, favorisent la production des truffières. Néandre écrit en 1499 « qu'elles sont faites du limon de la terre modifié par la chaleur centrale ». Encelius, qu'elles sont formées « de la pituite des arbres ». Ceccarelli pense qu'elles naissent dans le sol à la suite de la chaleur putride développée par les orages. Ce lettré, l'un des plus illustres du XVI® siècle, s'exprime ainsi : 0 La propriété de la terre, préparée par la chaleur du « soleil, mise en action par les tonnerres et les pluies qui « déterminent une chaleur putride, donne naissance aux « Truffes. Par la raison des contraires, lorsque la chaleur « cuit la matière froide, humide et tenue, il en résulte des « germes sans racines, c'est ce que nous appelons des « champignons. » Et plus loin : « Il existe cinq éléments dans la Trufte : l'écorce, la « pulpe, l'humidité, l'odeur et la couleur. L'écorce est formée « par la terre puisqu'elle provient du froid et du sec ; la pulpe « a deux parties, l'une crasse, l'autre ténue : la crasse vient « de la terre, la ténue de l'air; l'humidité vient de l'eau; « l'odeur et la couleur du feu. L'ensemble concourt à la « génération des Truffes (i). » Dans tous ces cas il s'agit, sans doute, non de la Truffe du Périgord, ou Ttiber inelanospoi'unt, mais des variétés diverses que l'on récolte en Italie et en Grèce. Du XVI" siècle au commencement du XVIH'', c'est-à-dire, pendant un intervalle d'environ cent ans, il n'est rien écrit de nouveau sur l'origine des Truffes : et, cependant, leur succès gastronomique va grandissant et se généralisant. C'est en 17 11, avec le botaniste Tournefort, que recom- mencent les recherches scientifiques sur la nature de ces tuber- cules, recherches dès lors conduites avec méthode et préci- sion, mais néanmoins délicates et sujettes à caution, I. Conférence sur la Trufficulturc, i)ar A. de Bosredon. — 3 — puisqu'elles sont faites avec l'aide d'une simple loupe très imparfaite et de faible grossissement. Le microscope apparaît alors, et avec lui, nous entrons dans ce qu'on peut appeler, pour notre sujet, la période mo- derne. A l'aide de cet instrument, Geoffroy, Micheli et d'autres, reprenant les recherches antérieures, ne tardent pas à décou- vrir, à décrire et à dessiner les vésicules ou asques, conte- nant chacun de une à quatre spores improprement appelées Truffmelles, dont la réunion en masse forme la presque tota- lité de la pulpe trufhère. La semence est trouvée ; la Truffe est un végétal, un champignon. Temps modernes du milieu du XIX" siècle à nos jours. — Il semble qu'à la suite de ces constatations la na- ture fungique de la Truffe ne devrait faire doute pour per- sonne. Il est loin d'en être ainsi cependant. Beaucoup de trufficulteurs continuent à nier, et leurs arguments, il faut le reconnaître, ne sont pas sans valeur. « Si la Truffe est un champignon, disent-ils, si les points « noirs que vous avez découverts sont des semences, mon- « trez-nous une germination, faites-voir le mycélium, le blanc « ou système radiculaire d'où sort le champignon. » Or jamais, malgré d'innombrables essais, on n'avait vu 'germer une spore de truffe. Quant au mycélium, quelques botanistes ont cru l'apercevoir, mais rien de sûr à cet égard. Pour les uns, il serait incolore ; pour les autres, brun. Pour les uns, il adhérerait aux racines; pour les autres, il en serait complètement indépendant, etc., etc. En réalité ce sont là des hypothèses. A part quelques fibrilles longues de trois ou quatre millimètres et adhérentes au péridium, on n'a rien vu en terre ou sur racines qui puisse être qualifié, avec apparence de certitude, de mycélium truf- fier (i), I. Si l'on en juge par la germination de l'œuf, le mycélium truffier serait d'une ténuité telle qu'il est impossible de l'apercevoir. — 4 — Il faudrait donc admettre que le mycélium disparaît avant la maturité du tubercule. « La TrufFette arrivée à la grosseur « d'un pois, c'est-à-dire trois mois avant d'être mûre, se « dépouille de tout feutrage mycélien et grossit par ses .' seules forces, d'après un mécanisme inconnu. » Cette opi- nion compte de nombreux adhérents. « Mais alors, objecte-t-on, vous supposez que la nature, « après avoir mis en œuvre une organisation mycélienne « étendue et compliquée, la Truffière en un mot, pour pro- « duire un embryon gros comme un pois, l'abandonne en ce « moment, nu et sans organes d'absorption ; alors qu'il doit « en trois mois centupler de volume (i)! C'est bien invrai- « semblable! » Devant ces doutes et ces difficultés, faut-il s'étonner si, jusque dans ces derniers temps, d'habiles trufficulteurs, vivant en plein pays truffier, ont cherché à la formation des truffes d'autres explications que celles de la reproduction par spores. Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, la question paraît résolue et les diverses hypothèses admises depuis Tournefort et Geof- froy n'ont plus qu'un intérêt historique. Nous les résumerons donc brièvement par ordre chronologique. 1740-1800. — BuUiard et Walson : les truffes seraient des végétaux vivipares; les spores sont vivantes et animées. 1833-1857. — MM. Et. Bonnet et Martin-Ravel pro- fessent la théorie de la mouche truffière. Piquée par une de ces mouches, au printemps, la racine excrète un suc laiteux qui se concrète, se solidifie et devient truffe. 1867-18C)8. — Pour M. de Bressy, les truffes sont cham- pignons parasites des racines. La lune aurait une grande influence sur leur évolution qui serait de trente jours, comme I. L';inatomic ne montre dans le péridium de la Truffe ni pores corti- cales ni vaisseaux servant à la circulation. — 5 — la période lunaire. A la pleine lune la maturité serait à son apogée. 1862-1871. — L'abbé Charvat, curé de Réauville, l'un des fondateurs de la Trufficulture dans la Drôme, pense que la Truffe est produite « par une sorte d'exsudation des rameaux et des feuilles tombant sur le sol», conclusion fausse assurément, mais tirée d'observations rigoureusement exactes et précises. Nous ne pouvons nous dispenser de citer en entier le pas- sage dans lequel l'abbé Charvat explique et justifie son opi- nion ; on le dirait écrit après coup et simplement à l'appui de nos propres constatations sur l'origine des Truffières. « J"ai observé, écrit l'abbé Charvat, j'ai interrogé beau- <■( coup de monde, tout ce que j'ai vu et entendu m'a fait « rejeter la théorie de la mouche, du mycélium, des sémi- « nules et des racines, et m'a conduit forcément à conclure « que le principe générateur de la Truffe vient des bi'anches. « Un gros arbre truffier produit des Truffes à une distance it. Av. d* CUâtiUon* PLANCHE I. Fig-. a. — Spores de la Truffe. Germination sexuée extérieure (dé- cembre). Fig-. b. — Id. Germination mâle, visible à travers l'épiderme (juillet) rare. Fig-. c. — Id. Autre exemple de germination sexuée (décembre). Fig. d. — Id. Germination mâle; près de la pseudo-spore apparaît la sporule femelle d'une autre spore (décembre). Fig-. e. — Id. Germination partiellement extérieure et colorée (juillet) rare. Pl.l ^ ■c* I -.../ / i l/l 8^3<:;.-., : 4 PLANCHE II. Fig. a. — Spores de la Truffe. Germination avec sporules en chapelet (printemps, septembre) rare. F'ig-. b. — Id. Germination femelle extérieure (décembre). Fig. c. — Id. Germination mâle avec fécondation apparente par jet secondaire (décembre). Fig. d. — Id. Pseudo-spores émettant un jet secondaire extérieur et fécondant une sporule femelle (décembre). Fig. e. — Id. Germination mâle avec subdivision du filament principal (décembre). I PLU bessm, Del. £ War^iiri»: 'mp. PLANCHE III. Fig. a. — Spore (le truffe du Piémont {tuber magnatum) produisant un œuf très gros qui paraît germer (novembre). Fig. b. — Spore de Morille germant. Fig. d. — Autre aspect d'une germination de spore de Morille. Fig. e. — Spore de Morille mâle fécondant une spore femelle (novembre). Fig. c. — Fécondation d'une spore de Bolet comestible. 1 PI. m &essin. De L.MarcliiZBt. Imp. ■ >< New York Botanical Garden Library QK601 .G68 gen Gramont, Armand/Etude sur la reproductio 3 5185 00124 4514 \ IV A - 4\m-~#-':>&-''^-'