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LIBRMRIE /LUSTREE
TilesTALLANDIER.Éditeui
8. BUK SAINT-JOSEPH, 8, PARIS (2»)
Fables de la Fontaine
hnicc .1 / oOliffcaiilc aulunsalion de MM. lielin /rares ce recueil complet des l'iiblos de- La Fontaine est entièrement conforme pour le texte, à fédilion Jassique quih ont faite avec le plus minutieux scrupule, remséc tifec le soin le plus parfait, t est dire que notre édition illustrée - qui sadres.se a tous — peut-être mise entre les mains des plus jeunes lecteurs, pour leur profit moral autant que pour leur plaisir
Fables
de
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ILLUSTREES PAR
Benjamin RABIER
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PARIS Librairie illustrée, Jules TALLANDIP2R, Éditeur
8, Rue Saint-Joseph, 8 (2'' arrond.)
Tous droits rcscn'és.
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Fjibles de La Toj^tjiime
LirnB Pl{EMJE7{
La cigale ayant chanté
Tout l'été. Se trouva fort dépourvue Quand la bise fut venue : Pas un seul petit morceau De mouche ou de vermisseau. Elle alla crier famine Chez la fourmi sa voisine, La priant de lui prêter Quelque grain pour subsister Jusqu'à la saison nouvelle. Je vous paierai, lui dit-elle, Avant l'oiit, foi d'animal. Intérêt et principal. La fourmi n'est pas prêteuse : C'est là son moindre défaut. Que faisiez-vous au temps chaud ? Dit-elle à cette emprunteuse. — Nuit et jour à tout venant Je chantais, ne vous déplaise. — Vous chantiez ! j'en suis fort aise. Eh bien ! dansez maintenant.
Tf BITS DE La Foat.iwe
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Lirj{-E VliEMWR
LE CORBEAU ET LE RENARD
Mailre corbeau, sur un arbre perché,
Tenait en son bec un fromage. Mailre renard, par l'odeur alléché, Lui tint à peu près ce langage : Hé ! bonjour monsieur du corbeau ! Que vous êtes joli ! que vous me semblez beau ! Sans mentir, si votre ramage Se rapporte à votre plumage. Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois. A ces mots le corbeau ne se sent pas de joie ;
Et. pour montrer sa belle voix. Il ouvre un large bec, laisse tomber sa proie. Le renard s'en saisit, et dit : Mon bon monsieur, Apprenez que tout flatteur Vil aux dépens de celui qui l'écoute : Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.
Le corbeau, honteux et confus, Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.
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TJIBLBS de Ll TOTiTAmB
IAVRE PJiEMlEJ{ --.-
Deux mulets cheminaient, l'un d'avome chargé.
L'autre portant l'argent de la gabelle. Celui-ci, glorieux d'une charge si belle. N'eut voulu pour beaucoup en être soulagé.
Il marchait d'un pas relevé.
Et faisait sonner sa sonnette ;
Quand l'ennemi se présentant.
Comme il en voulait à l'argent. Sur le mulet du fisc une troupe se jette,
Le saisit au frein et l'arrête.
Le iiiulet, en se défendant. Se sent percer de coups ; il gémit, il soupire. Est-ce donc là, dit-il, ce qu'on m'avait promis ? Ce mulet qui me suit du danger se retire.
Et moi, j'y tombe et je péris !
Ami, lui dit son camarade. Il n'est pas toujours bon d'avoir un haut emploi Si tu n'avais servi qu'un meunier, comme moi.
Tu ne serais pas si malade.
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Tables de L.^ Foat.^ta'E
LirJiE PHHMŒH
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LE LOUP ET LE CHIEN
Un loup n'avait que les os et la peau.
Tant les chiens faisaient bonne garde : Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau, Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégardc.
L'attaquer, le mettre en quartiers.
Sire loup l'eût fait volontiers :
Mais il fallait livrer bataille ;
Et le mâtin était de taille
A se défendre hardiment.
Le loup donc l'aborde humblement. Entre en propos et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
Il ne tiendra qu'à vous, beau sire. D'être aussi gras que moi, lui repartit le chien.
Quittez les bois, vous ferez bien :
Vos pareils y sont misérables.
Cancres, hères, et pauvres diables. Dont la condition est de mourir de faim. Car, quoi ! rien d'assuré ! point de franche lippée !
Tout à la pointe de l'épée ! Suivez-moi, vous aurez un bien meilleur destin.
Le loup reprit : Que me faudra-t-il faire ? Presque rien, dit le chien : donner la chasse aux gens
Portant bâtons, et mendiants ; Flatter ceux du logis, à son maître complaire:
Moyennant quoi votre salaire
Sera force reliefs de toutes les fa(;ons.
Os de poulets, os de pigeons ;
Sans parler de mainte caresse. Le loup déjà se forge une félicité
Qui le fait pleurer de tendresse. Chemin faisant, il vit le col du chien pelé.
Qu'est-ce la ? lui dit-il. — Rien. — Quoi ! rien ! - - Peu de Mais encor ? — Le collier dont je suis attaché [chose. — ■
De ce que vous voyez est peut-être la cause. — Attaché ! dit le loup : vous ne courez donc pas
Où vous voulez ? — Pas toujours ; mais qu'importe } — 11 importe si bien, que de tous vos repas
Je ne veux en aucune sorte. Et ne voudrais pas même à ce prix un trésor. Cela dit, maître loup s'enfuit, et court encor.
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LA GÉNISSE, LA CHÈVRE ET LA BREBIS EN SOCIÉTÉ AVEC LE LION
La génisse, la chèvre et leur sœur la brebis, Avec un fier lion, seigneur du voisinage. Firent société, dit-on, au temps jadis. Et mirent en commun le gain et le dommage. Dans les lacs de la chèvre un cerf se trouva pris. Vers ses associés aussitôt elle envoie. Eux venus, le lion par ses ongles compta, Et dit : Nous sommes quatre à partager la proie. Puis en autant de parts le cerf il dépeça ; Prit pour lui la première en qualité de sire. ■ Elle doit être à moi, dit-il : et la raison. C'est que je m'appelle lion : A cela l'on n'a rien à dire. La seconde, par droit, me doit échoir encor : Ce droit, vous le savez, c'est le droit du plus fort Comme le plus vaillant, je prétends la troisième. SI quelqu'une de vous touche à la quatrième, Je l'étranglerai tout d'abord.
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T.^BLES DE Ll FOAT.fl/A'E
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LA BESACE
Jupilcr dit un jour : Que tout ce qui respire
S'en vienne comparaître aux pieds de ma grandeur :
Si dans son composé quelqu'un trouve à redire.
Il peut le déclarer sans peur ;
Je mettrai remède a la chose. Venez, singe ; parlez le premier, et pour cause : Voyez ces anmiaux, faites comparaison
De leurs beautés avec les vôtres. Eles-vous satisfait ? Moi, dit-il, pourquoi non ? N'ai-je pas quatre pieds aussi bien que les autres P Mon portrait jusqu'ici ne m'a rien reproché : Mais pour mon frère l'ours, on ne l'a qu'ébauché ; Jamais, s'il veut me croire, il ne se fera peindre. L'ours venant là-dessus, on crut qu'il s'allait plaindre. Tant s'en faut : de sa forme 11 se loua très fort ; Glosa sur I éléphant, dit qu'on jjourrait encor Ajouter à sa queue, ôter à ses oreilles ; Que c'était une masse informe et sans beauté.
L'élcphant étant écouté. Tout sage qu'il était, dit des choses pareilles :
Il jugea qu'à son appétit
Dame baleine était trop grosse. Dame fourmi trouva le ciron trop petit.
Se croyant, pour elle, un colosse. Jupin les renvoya s'étant censurés tous. Du reste, contents d'eux. Mais parmi les plus fous Notre espèce excella ; car tout ce que nous sommes. Lynx envers nos pareils, et taupes envers nous. Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes. On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain.
Le fabricateur souverain Nous créa besaciers tous de même manière. Tant ceux du temps passé que du temps d'aujourd'hui : Il fit pour nos défauts la poche de derrière, Lt celle de devant pour les défauts d'autrui.
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TJIBLES de LJJ FOMTAIME
Lirn.E Pj{EMœn
LE RAT DE VILLE
ET LE RAT DES CHAMPS
Autrefois le rat de ville
Invita le rat des champs.
D'une façon fort civile,
A des reliefs d'ortolans.
Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
Le régal fut fort honnête,
Rien ne manquait au festin ;
Mais quelqu'un troubla la fête
Pendant qu'ils étaient en train.
A la porte de la salle
Us entendirent du bruit :
Le rat de ville détale ;
Son camarade le suit.
Le bruit cesse, on se retire :
Rats en campagne aussitôt ;
Et le citadin de dire :
Achevons tout notre rot.
C'est assez, dit le rustique ;
Demain vous viendrez chez moi.
Ce n'est pas que je me pique
De tous vos festins de roi.
Mais rien ne vient m'interrompre ;
Je mange tout a loisir.
Adieu donc. Fi du plaisir
Que la crainte peut corrompre
T.lBLF.'i DE 1j\ TOMTAINE
Lirj^E Pj{EM1EJi
Une hirondelle, en ses voyages. Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu
Peut avoir beaucoup retenu. Celle-ci prévoyait jusqu'aux moindres orages.
Et, devant qu'ils fussent éclos.
Les annonçait aux matelots. 11 arriva qu au temps que le chanvre se sème, Lllc vit un manant en couvrir maints sillons. Ceci ne me plaît pas, dit-elle aux oisillons : Je vous plains; car, pour moi, dans ce péril extrême Je saurai m'eloigner ou vivre en quelque coin. \ oyez-vous cette main <]ui par les airs chemine !
Un jour viendra, qui n'est pas loin, Que ce qu'elle répand sera votre ruine. De là naîtront engins à vous envelopper.
Et lacets pour vous attraper.
Enfin mainte et mainte machiné
Qui causera dans la saison
Votre mort ou votre prison :
Gare la cage ou le chaudron !
C'est pourquoi, leur dit rhiiondellc.
Mangez ce grain ; et croyez-moi.
Les oiseaux se moquèrent d'elle :
Ils trouvaient aux champs trop de quoi.
Quand la cheneviere fut verte. L'hirondelle leur dit : Arrachez brin à brin
Ce qu'a produit ce maudit grain.
Ou soyez siirs de votre perte. Prophète de malheur ! babillarde ! dit-on.
Le bel emploi que tu nous donnes !
Il nous faudrait mille personnes
Pour éplucher tout ce canton.
TABLES DE Lji Fontaine
Lirj{E P7{EMÎEf{
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La chanvre étant tout à fait crue, L'hirondelle ajouta : Ceci ne va pas bien ;
Mauvaise graine est tôt venue, Mais, puisque jusqu'ici l'on ne m'a crue en rien.
Dès que vous verrez que la terre
Sera couverte, et qu'à leurs blés
Les gens n'étant plus occupés.
Feront aux oisillons la guerre ;
Quand reginglettes et réseaux
Attraperont petits oiseaux.
Ne volez plus de place en place. Demeurez au logis ou changez de climat : Imitez le canard, la grue et la bécasse.
Mais vous n'êtes pas en état De passer comme nous les déserts et les ondes.
Ni d'aller chercher d'autres mondes : C'est pourquoi vous n'avez qu'un parti qui soit sur : C'est de vous renfermer aux trous de quelque mur.
Les oisillons, las de l'entendre. Se mirent a jaser aussi confusément Que faisaient les Troyens quand la pauvre Cassandre
Ouvrait la bouche seulement.
Il en prit aux uns comme aux autres : Maint oisillon se vit esclave retenu. Nous n'écoutons d'instincts que ceux qui sont les nôtres Et ne croyons le mal que quand il est venu.
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T.fBLES DE "Ln Fo.'vr.77>-vE
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LE LOUP ET L'AGNEAU
La raison du plus fort est toujours la meilleure ; Nous Talions montrer tout à l'heure. Un agneau se désaltérait Dans le courant d'une onde pure. Un loup sur\ient à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait. Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage ?
Dit cet animal plein de rage : Tu seras châtié de ta témérité. Sire, répond l'agneau, que votre majesté Ne se mette pas en colère ; Mais plutôt qu'elle considère Que je me vas désaltérant
Dans le courant. Plus de vingt pas au-dessous d'elle; Et que, par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson. Tu la troubles ! reprit cette béte cruelle ; Et je sais que de moi tu médis l'an passé. Comment l'aurai-je fait, si je n'étais pas né ? Reprit l'agneau ; je tette encor ma mère.
Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. — Je n'en ai point. — C'est donc quelqu'un des tiens ; Car vous ne m'épargnez guère. Vous, vos bergers et vos chiens. On me l'a dit : il faut que je me venge. La-dessus, au fond des forêts Le loup l'emporte, et puis le mange, Sans autre forme de procès.
Tables de Za Fomtajme
Livre Premie-r
L'HOMME ET SON IMAGE
Un homme qui s'aimait sans avoir de rivaux Passait dans son esprit pour le plus beau du monde ; Il accusait toujours les miroirs d'être faux, Vivant plus que content dans son erreur profonde. Afin de le guérir, le sort officieux Présentait partout à ses yeux Les conseillers muets dont se servent nos dames ; Miroirs dans les logis, miroirs chez les marchands. Miroirs aux poches des galants. Miroirs aux ceintures des femmes. Que fait notre Narcisse ? Il va se confiner Aux lieux les plus cachés qu'il peut s'imaginer, N'osant plus des miroirs éprouver l'aventure. Mais un canal, formé par une source pure.
Se trouve en ces lieux écartés : Il s'y voit, il se fâche ; et ses yeux irrités Pensent apercevoir une chimère vaine. Il fait tout ce qu'il peut pour éviter cette eau : Mais quoi ? le canal est si beau, Qu'il ne le quitte qu'avec peine. On voit bien où je veux venir. Je parle à tous : et cette erreur extrême Est un mal que chacun se plaît d'entretenir. Notre âme, c'est cet homme amoureux de lui-même ; Tant de miroirs, ce sont les sottises d'autrui. Miroirs, de nos défauts les peintres légitimes ; Et quant au canal, c'est celui Que chacun sait, le livre des Maximes.
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T-IBLF.S DE L.T FOAT.-77A'E
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LE DRAGON A PLUSIEURS TÈTES
ET LE DRAGON A PLUSIEURS QUEUES
Un envoyé du grand seigneur Préférait, dit l'histoire, un jour chez l'empereur, Les forces de son maitre à celles de l'empire.
Un Allemand se mit à dire :
Notre prince a des dépendants
Qui, de leur chef, sont si puissants. Que chacun d'eux pourrait soudoyer une armée.
Le chiaou.\, homme de sens.
Lui dit : Je sais par renommée Ce que chaque électeur peut de monôe fournir :
Et cela me fait souvenir D'une aventure étrange, et qui pourtant est vraie. J'étais en un lieu sur, lorsque je vis passer Les cent têtes d'une hydre au travers d'une haie.
Mon sang commence à se glacer ;
Et je crois qu'a moins on s'effraie. Je n'en eus toutefois que la peur sans le mal :
Jamais le corps de I animal Ne put venir vers moi, ni trouver d'ouverture.
Je révais à cette aventure Quand un autre dragon, qui n'avait qu'un seul chef Et bien plus d'une queue, a passer se présente.
Me voila saisi derechef
D'élonnement et d'épouvante. Ce chef passe, et le corps, et chaque queue aussi : Rien ne les empêcha ; l'un fit chemin à l'autre.
Je soutiens qu'il en est ainsi
De voire empereur et du nôtre.
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Fjibles de La Tomtjiine
Livre Pi^EMïETi
LES VOLEURS ET L'ANE
Pour un âne enlevé deux voleurs se battaient : L'un voulait le garder, l'autre le voulait vendre.
Tandis que coups de poing trottaient, Et que nos champions songeaient à se défendre. Arrive un troisième larron Qui saisit maître Aliboron. L'âne, c'est quelquefois une pauvre province ;
Les voleurs sont tel et tel prince. Comme le Transilvain, le Turc et le Hongrois. Au lieu de deux, j'en ai rencontré trois : Il est assez de cette marchandise. De nul d'eux n'est souvent la province conquise Un quart voleur survient, qui les accorde net En se saisissant du baudet.
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r.^BLES DE Ll Fû^iTAIT^E
Lirj{E 'PnjiMmi{
On ne peut liop louer trois sortes de personnes :
Les dieux, sa maîtresse et son roi. Malherbe le disait ; j'y souscris, quant à moi ;
Ce sont maximes toujours bonnes. La louange chatouille et gagne les esprits. Voyons comme les dieux l'ont quelquefois payée.
Simonide avait entrepris L'éloge d'un athlète, et, la chose essayée. Il trouva son sujet plein de récits tout nus. Les parents de l'athlète étaient gens inconnus ; Son père, un bon bourgeois ; lui, sans autre mérite ;
Matière infertile et petite. Le poète d abord parla de son héros. Apres en avoir dit ce qu'il en pouvait dire. Il se jette à côté, se met sur le propos De Castor et Pollux ; ne manque pas d'écrire .^ue leur exemple était aux lutteurs glorieux ; Elevé leurs combats, spécifiant les lieux Ou ces frères s'étaient signalés davantage : Enfin l'éloge de ces dieux Faisait les deux tiers de l'ouvrage. 1 . athlète avait promis d en payer un talent ;
Mais, quand il le vit, le galant N'en donna que le tiers ; et dit, fort franchement. Que Castor et Pollux acquittassent le reste. Faites-vous contenter par ce couple céleste.
Je vous veux traiter cependant. Venez souper chez moi ; nous ferons bonne vie : Les conviés sont gens choisis. Mes parents, mes meilleurs amis ; Soyez donc de la compagnie. Simonide promit. Peut-être qu'il eut peur De perdre, outre .son dû, le gré de fa louange. Il vient : I on festine, l'on mange. Chacun étant en belle humeur. Un domestique accourt, l'avertit qu'a la porte Deux hommes demandaient a le voir promptement.
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Tables de "La To'NTjtmE
tirHE PHEMIEJ^
Il sort de table, et la cohorte
N'en perd pas un seul coup de dent. Ces deux hommes étaient les gémeaux de l'éloge. Tous deux lui rendent grâce ; et, pour prix de ses vers.
Ils l'avertissent qu'il déloge. Et que cette maison va tomber à l'envers.
La prédiction en fut vraie.
Un pilier manque ; et le plafonds
Ne trouvant plus rien qui l'étaie. Tombe sur le festin, brise plats et flacons.
N'en fait pas moins aux échansons. Ce ne fut pas le pis : car, pour rendre complète
La vengeance due au poète. Une poutre cassa les jambes à l'athlète.
Et renvoya les conviés
Pour la plupart estropiés. La renommée eut soin de publier l'affaire : Chacun cria miracle ! On doubla le salaire Que méritaient les vers d'un homme aimé des dieux.
11 n'était fils de bonne mère
Qui, les payant à qui mieux mieux,
Pour ses ancêtres n'en fit faire. Je reviens à mon texte, et dis premièrement Qu'on ne saurait manquer de louer largement Les dieux et leurs pareils ; de plus que Melpomène Souvent, sans déroger, trafique de sa peine ; Enfin, qu'on doit tenir notre art en quelque prix. Les grands se font honneur dès lors qu'ils nous font grâce.
Jadis l'Olympe et le Parnasse
Etaient frères et bons amis.
- T.^BLES DE La ro?^T^lj\E
LjVliE Pt{EM7EJ{
LA GRENOUILLE QUI VEUT SE FAIRE
AUSSI GROSSE QUE LE BŒUF
Une grenouille vit un bœuf Qui lui sembla de belle taille. Elle, cjui n'était pas grosse en tout comme un œuf, Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille Pour égaler l'animal en grosseur ; Disant : Regardez bien, ma sœur ; Est-ce assez ? dites-moi ; n'y suis-je point encore ? — Nenni. — M'y voici donc? — Point du tout. — M'y voila? Vous n'en approchez point. La chétive pécore
S'enHa si bien qu'elle creva. Le monde est plein de gent qui ne sont pas plus sages : Tout bourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs. Tout petit prince a des ambassadeurs. Tout marquis veut avoir des pages.
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f^BLES DE LJI TOT^lJimE
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L'n malheureux a|ipelail tous les jours La mort a son secours. O Mort ! lui disait-il, que tu me semblés belle ! Viens vite ! viens finir ma fortune cruelle ! La mort crut, en venant, l'obliger en effet. LUe frappe à la porte, elle entre, elle se montre. Que vois-je, cria-t-il : otez-moi cet objet !
Qu'il est hideux ! cjue sa rencontre
Me cause d'horreur et d'effroi ! N'approche pas, 6 Mort ! 6 Mort, retire-toi !
Mecenas fut un galant Komme ; Il a dit tiuelque part : Qu'on me rende impotent, Cul-de-jatte. goutteux, manchot, pourvu, qu'en somme, Je vive, c'est assez, je suis plus que content. Ne viens jamais, 6 Mort ! on t'en dit tout autant.
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F.7BLE5 DE "Ll TOMT.tjyE
LirnB P-REMIE-R
LA MORT ET LE BUCHERON
Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée, Sous le faix du fagot aussi bien que des ans Gémissant et courbé, marchait à pas pesants, Et tachait de gagner sa chaumine enfumée. Enfin, n'en pouvant plus d'effort et de douleur. Il met bas son fagot, il songe à son malheur. Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde ? En est-il un plus pauvre en la machine ronde ? Point de pain quelquefois, et jamais de repos : Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier et la corvée. Lui font d'un malheureux la peinture achevée. Il appelle la Mort. Elle vient sans larder.
Lui demande ce qu'il faut faire.
C est, dit-il, afin de m'aider A recharger ce bois ; tu ne tarderas guère. Le trépas vient tout guérir ; Mais ne bougeons d'où nous sommes : Plutôt souffrir que mourir. C'est la devise des hommes.
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TJIBLES de LJI TONTJflME
ÏjrnB Pj^ejhie'r
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L'HOMME ENTRE DEUX AGES
ET SES DEUX MAITRESSES
Un homme de moyen âge. Et tirant sur le grison. Jugea qu'il était saison De songer au mariage. 11 avait du comptant. Et partant De quoi choisir ; toutes voulaicrJ lui plaire ; En quoi notre amoureux ne se pressait pas tant ;
Bien adresser n'est pas petite affaire. Deux veuves sur son cœur eurent le plus de part : L'une encor verte ; et l'autre un peu bien mure, Mais qui réparait, par son art, Ce qu'avait détruit la nature. Ces deux veuves, en badinant. En riant, en lui faisant fête, L'allaient quelquefois testonna.nt. C'est-à-dire ajustant sa tête. La vieille, à tous moments, de sa part emportait
Un peu du poil noir qui restait. Afin que son amant en fût plus à sa guise. La jeune saccageait les poils blancs à son tcur. Toutes deux firent tant, que notre tête grise Demeura sans cheveux, et se douta du tour. Je vous rends, leur dit-il, milles grâces, les belle:. Qui m'avez si bien tondu : J'ai plus gagné que perdu ; Car d'hymen point de nouvelles. Celle que je prendrais voudrait qu'à sa façon Je vécusse, et non à la mienne. Il n'est tête chauve qui tienne : Je vous suis obligé, belles, de la leçon.
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T.^mFH vn Li Foatt/a'e
Lu j{E VKE.vmj{
LE RENARD ET LA CIGOGNE
Compère le renard se mit un jour en (rais,
l.t retint a tliner commère la cigogne.
Le régal fut petit et sans beaucoup d'apprêts :
Le galant, pour toute besogne, Avait un brouet clair ; il vivait chichement. Ce brouet fut par lui servi sur une assiette : La cigogne au long bec n'en put attraper miette ; Lt le drôle eut lape le tout en un moment.
Pour se venger de cette tromperie, A quelque temps de la, la cigogne le prie. Volontiers, lui dit-il ; car avec mes amis Je ne fais point cérémonie. A l'heure dite, il courut au logis De la cigogne son hôtesse ; Loua très fort sa politesse ; Trouva le diner cuit a point : Bon appétit surtout ; renards n'en manquent point. Il re rejouissait à l'odeur de la viande Mise en menus morceaux, et (|U il croyait friande.
On servit, pour 1 embarrasser. En un vase à long bec et d'ctroite embouchure. Le bec de la cigogne y pouvait bien passer. Mais le museau du sire était d'autre mesure, il lui fallut a jeun retourner au logis, Honteux comme un renard qu'une poule aurait pri? Serrant la queue, et portant bas l'oreille, ri'ompeurs, c'est pour vous que j'écris : Attendez-vous a la pareille.
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FABLES DE La FONT.IINE
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L'ENFANT ET LE MAITRE DÉCOLE
Dans ce lécil je prétends faire voir D'un certain sot la remontrance vainc. L'n jeune enfant dans l'eau se laissa clioir I.n badinant sur les bords de la Seine, Le Ciel permit qu'un faule se trouva, Dont le branchage, après Dieu, le rauva. S'etant pris, dis-je, aux branches de ce saule, Par cet endroit passe un maiîre d école ; L'cr.fant lui crie : Au secours ! je pcns ! Le magister, se tournant à ses cris, D un ton fort grave a contre-temps s avise De le tancer : Ah ! le petit babouin ! Voyez, dit-il, ou 1 a mis sa sottuc ! I',t puis, prenez de tels ln|)ons le soin ! Que les parents sont malheureux, qu'il faille Toujours veiller à temblablc canaille ! Qu'ils ont de maux ! et que je plains leur sort ! Ayant tout dit, il mil l'enfant a bord. Je blâme ici plus de gens qu'on ne pense. Tout babillard, tout censeur, tout pédant. Se peut connaître au discours que j'avance. Chacun des trois fait un peuple fort grand : Le Créateur en a béni l'engeance. f:-n toute aff ure, ils ne font que songer
Au moyen d'exercer leur langue. Eh ! mcn ami. tire-moi de danger ;
Tu feras, après, ta harangue.
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Fables de La Fomtajme
LES FRELONS
ET LES MOUCHES A MIEL
A l'œuvre on connaît lartisan. Quelques rayons de miel sans maître se trouvèrent ; Des frelons les réclamèrent ; Des abeilles s'opposant, Devant certaine guêpe on traduisit la cause. Il était malaisé de décider la chose : Les témoins déposaient qu'autour de ces rayons Des animaux ailés, bourdonnants, un peu longs. De couleur fort tannée, et tels que des abeilles. Avaient longtemps paru. Mais quoi ! dans les frelon
Ces enseignes étaient pareilles. La guêpe, ne sachant que dire à ces raisons. Fit enquête nouvelle, et, pour plus de lumière.
Entendit une fourmilière.
Le point n'en put être éclairci.
De grâce, a quoi bon tout ceci ?
Dit une abeille fort prudente. Depuis tantôt six mois que l'affaire est pendanto.
Nous voici comme aux premiers jours.
Pendant cela le miel se gâte. Il est temps désormais que le juge se hâte :
N'a-t-il point assez léché l'ours ? Sans tant de contredits, et d'interlocutoires.
Et de fatras, et de grimoires.
Travaillons, les frelons et nous : On verra qui sait faire, avec un suc si doux.
Des cellules si bien bâties.
Le refus des frelons fit voir
Que cet art passait leur savoir ; Et la guêpe adjugea le miel à leurs parties. Plut à Dieu qu'on réglât ainsi tous les procès ! Que des Turcs en cela l'on suivit la méthode ! Le simple sens commun nous tiendrait lieu de code :
Il ne faudrait point tant de frais ;
Au lieu qu'on nous mange, on nous gruge ;
On nous mine par des longueurs ; On fait tant, a la fin, que l'huitre est pour le juge,
Les écailles pour les [)laideurs.
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F.TBLE5 DE L 1 TOMTAIME
LE CHÊNE ET LE ROSEAU
Le chêne un jour dit au roseau : Vous avez bien sujet d'accuser la nature ; L'n roitelet pour vous est un perani fardeau :
Le moindre vent qui. d'aventure,
Fait rider la face de l'eau
\ ous oblige à baisser la tête ; Cependant que mon front, au Caucase pareil. Non content d'arrêter le.î rayons du soleil.
Brave l'elîort de la tempête. Tout vous est aquilon, tout me semble zêpiiyr ; Encor si vous naissiez à l'abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
\ ous n'auriez pas tant a souffrir ;
Je vous défendrais de l'orage ;
Mais vous naissez le plus souvent Sur les humides bords dej royaumes du ve:it. La nature envers vous me semble bien injuste. \'otre compassion, lui répondit I arbuste.
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TjVUE PHEMIEJ^
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jit d un Ijon naturel ; mais quittez ce souci ; Les ve.nts me sont moins qu'a vous redoutab a . ]'■ plie, et ne romps pas. Vous avez, jusqu'ici.
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ; Mais attendons la lin. Comme il disait ces mots, r^u fjout de l'horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants Que le nord eut porté jusque-là dans ses flancs.
L'arbre tient bon ; le roseau plie.
Le vent redouble ses efforts.
Et fait si bien qu'il déracine Celui de qui la tête au ciel était voisine, Lt dont les pieds touchaient a l'empire des morts.
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à
Tjibles de La Fontjiij^b
tlT-RE DeVXJÈME
V^
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CONSHIL TENU PAR LES RATS
Un chat, nommé Rodilarclus,
Faisait de rats telle déconfiture.
Que Ion n'en voyait presque plus. Tant il en avait mis dedans la sépulture, l^e peu qu il en restait, n osant quitter son trou. Ne trouvait a mar.ger que le quart de son soiil Lt Rodilard passait, chez la gent misérable.
Non pour un chat, mais pour un dubic.
Or, un jour qu'au haut et au loin
Le galant alla chercher femme. Pendant tout le sabbat qu'il fit avec sa dair.c. Le demeurant des rats tint chapitre en un coin
Sur la nécessité présente. Des l'abord, leur doyen, personne fort prudente. Opina qu'il fallait, et plus tôt que plus tard. Attacher un grelot au cou de Rodilard ;
Qu'ainsi, quand il liait e:i guerre. De sa marche avertis, ils s'enfuiraient sous terre •
Qu'il n'y savait que ce moyen. Chacun fut de l'avis de monsieur le doyen : Chose ne leur parut à tous plus salutaire. La difficulté fut d'attacher le grelot. L'un dit : Je n y vais point, je ne suis pas si sol ; L'autre : Je ne saurais. Si bien que sans rien faire On se quitta. J'ai maints chapitres vus. Qui pour néant se sont ainsi tenus ; Chapitres, non de rats, mais chapitres de moines,
Voire chapitres de chanoines.
Ne faut-il que délibérer ?
La cour en conseillers foisonne :
Est-il besoin d'exécuter ?
L'on ne rencontre plus personne.
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*. T.^BLEs DE L.n FoyTAm'B
Liri{E DEXiXTtME -
CONTRE CEUX QUI ONT LE GOUT DIFFICILE
Quand ) aurais en naissant reçu de Calliope Les dons qu'à ses amants cette muîe a promis, Je lei consacrerais aux mensonges d'Esope : Le mensonge et les vers de tout temps sont amu. Mais je ne me crois pas si clirri du Parnasse Que de ravoir orner toutes ces fictions. On peut donner du lustre à leurs inventions ; On le peut, je l'essaie ; un plus savant le fasse. Cependant jusqu'ici d'un langage nouveau J'ai fait parler le loup et répondre l'agneau ; J ai passé plus avant : les arbres et les plantes Sont devenus chez moi créatures parlantes. Qui ne iirendrait ceci pour un enchantement ?
Vraiment, me diront nos critiques.
Vous parlez magnifiquement
De cinq ou six contes d'enfant. Cenfcurs, en voulez-vous qui soient plus authentiques E.t d un style plus haut ? F,n voici. Les Troyens, Apres dix ans de guerre autour de leurs murailles. Avaient lassé les Grecs, qui, par mille moyens.
Par mille assauts, par cent batailles, N avaient pu mettre à bout celte fiere cité ; Quand un cheval de bois, par Minerve inventé.
D'un rare et nouvel artifice, Dans îcs énormes flancs reçut le sage Ulysse, Le vaillant Diomède, Ajax l'impétueux.
Que ce colosse monstrueux Avec leurs escadrons devait porter dans Troie, Livrant a leur fureur ses dieux mêmes en proie : Slralagfine inouï, qui des fabncateurs
Paya la constance et la peine... C '. me dira quelqu'un de nos auteurs :
I l'sl longue, il faut reprendre haleine ;
Lt puis, votre cheval de bois,
Vos héros avec leurs phalanges.
Ce sont des contes plus étranges Qu'un renard qui cajole un corbeau sur sa voix : De plus, il vous sied mal d'écrire en si haut style. Lh bien ! baissons d'un ton. La jalouse Amarylle Songeait à son Alcippc, et croj'ait de ses soins • N'avoir que ses moutons et son chien pour tcmoins.
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TJIBLES de L-^ TOl^TAlMT.
Lirj{E Deuxième
1
F.îBLES DE L.1 Fo.\n/.\E
LivTiT. Dmixit/iŒ
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T-^BLES DE La Tontawb
TjlVTiB Vevxième
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LES DEUX TAUREAUX ET LA GRENOUILLE
Deux taureaux combattaient à qui posséderait
Une genisse avec l'empire.
Une grenouille en soupirait.
Qu'avez-vous ? se mit a lui dire
Quelqu'un du peuple coassant.
Eh ! ne voyez-vous pas, dit-elle.
Que la fin de cette querelle, Sera l'exi! de l'un ; que l'autre, le chassant. Le fera renoncer aux campagnes fleuries ? Il ne régnera plus sur l'herbe des prairies. Viendra dans nos marais régner sur les roseaux ; Et, nous foulant aux pieds jusques au fond des eaux. Tantôt l'une, et puis l'autre, il faudra qu'on pâtisse Du combat qu'a causé madame la génisse.
Cette cramte était de bon sens.
L'un des taureaux en leur demeure
S'alla cacher, à leurs dépens :
Il en écrasait vingt par heure.
Helas ! on voit que de tout temps Les petits ont pàti de:- sottises des grands.
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F.1BLES DE L.7 TOJ\T^ir^E
— LirnE Deuxième
LA CHAUVE SOURIS ET LES DEUX BELETTES
Une chauve-îcuiis dcr.r.a Icte laissée
Dans un nid de belette ; cl, sitôt quelle y fut.
L'autre, envers le? souris de longtemps courroucée.
Pour la dévorer accourut. Quoi ! vous osez, dit-elle, a mes yeux vous produire, .•\prcs que votre race a taché de me nuire ! N'êtes-vous pas souris ? Parlez sans fiction. Oui, vous l'êtes ; ou bien je ne suis pas belette. Pardonnez-moi, dit la pauvrette. Ce n est pas ma profession. Moi, souris ! des méchants vous ont dit ces nouvelle:.. Grâce à l'auteur de l'univers. Je suiî oiseau : voyez mes aile^ ; Vive la gcnt qui fend les airs ! Sa raison jjlut, et sembla bonne. F.lle fait si bien qu'on lui donne Liberté de se retirer. Deux jours après, notre étourdie Aveuglement va se fourrer Chez une autre belette aux oiseaux ennemie. La voilà derechef en danger de sa vie. La dame du logis avec son long museau S'en allait la croquer en qualité d'oiseau, Quand elle protesta qu'on lui faisait outrage : Moi, pour telle passer ! Vous n'y regardez pas. (^..: f Tt l'oiseau ? c'est le plumage.
souris ; vivent les rats ! Jupiter confonde les chats ! Par cette adroite repartie Elle sauva deux fois sa vie. [Plusieurs se sont trouve qui, d'écharpes changeants. Aux dangers, ainsi qu'elle, ont souvent fait la figue Le sage dit, selon leî gens :
Viv<
e le roi ! vive la ligue
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«. Tables de La Tot^taine
Livre Deuxième
L'OISEAU BLESSÉ D'UNE FLECHE
Mortellement atteint d'une flèche empennée, Un oiseau déplorait sa triste destinée. Et disait, en souffrant un surcroit de douleur : Faut-il contribuer à son propre malheur ?
Cruels humains ! vous tirez de nos ailes De quoi faire voler ces machines mortelles ! Mais ne vous moquez point, engeance sans pitié : Souvent il vous arrive un sort comme le nôtre. De: enfants de Japet toujours une moitié Fournira des armes à l'autre.
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Fables de L.i To\tai^e
Lirj{E Br.iixiÈME
Une lico riant sur son leinio, F.t ne sadianl où mcllrc un {aideaii si pressant. Fait fi l>ien cjua la fin sa compagne consent De lui prêter sa liutte, ou la lice s'enferme. Au 1 o.it (!e quelque temps sa compagne revient. La lice lui demande encore une quin/.iine ; Se; petits ne marchaient, disait-elle, qu .i peine.
Pour faire court, elle lo!)tient. Ce second terme échu, lautie lui redemande
Sa maison, sa chambre, son lit. I .a lice cette fois montre les dents, et dit : Je suis prête a sortir avec toute ma bande,
Si vous pouvez nous mettre hors.
Ses enfants étaient deja forts. Ce qu'on donne aux méchants, toujours on le regrette : our en tirer ce qu on leur prête
Il faut que I on en vienne aux coups ;
Il faut plaider ; il faut combattre.
Laissez-leur prendre un pied chez vous :
ils en auront bientôt pris quatre.
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Vjibles de Ijt To-NTAmE
"LivKF, Deuxième •*
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LAIGLE ET L'ESC ARBOT
L'aigle donnait la chaisse à maître Jean lapin. Qui droit à son terrier s'enfuyait au plus vite. Le trou de l'escarbot se rencontre en chemin.
Je laisse à penser si ce gîte Était sûr : mais où mieux ? Jean lapin s'y blottit. L'aigle fondant sur lui, nonobstant cet asile,
L'escarbot intercède et dit • Princesse des oiseaux, il vous est fort facile D'enlever malgré moi ce pauvre malheureux : Mais ne me faites pas cet affront, je vous prie. Et puisque Jean lapin vous demande la vie. Donnez-la-lui, de grâce, ou l'ôtez à tous deux :
C'est mon voisin, c'est mon compère. L'oiseau de Jupiter, sans répondre un seul mot,
Choque de laile l'escarbot,
L'étourdit, l'oblige à se taire. Enlève Jean lapin. L'escarbot indigné Vole au nid de l'oiseau, fracasse, en son absence. Ses œufs, ses tendres oeufs, sa plus douce espérance ;
Pas un seul ne fut épargné. L'aigle étant de retour, et voyant ce ménage, Remplit le ciel de cris ; et, pour comble de rage. Ne sait sur qui venger le tort qu'elle a souffert. Elle gémit en vain ; sa plainte au vent se perd. Il fallut pour cet an vivre en mère affligée. L'an suivant, elle mit son nid en lieu plus haut. L'escarbot prend son temps, fait faire aux œufs le saut. La mort de Jean lapin derechef est vengée. Ce second deuil fut tel, que l'écho de ces bois
N'en dormit de plus de six mois.
L'oiseau qui porte Ganymède Du monarque des dieux enfin implore l'aide. Dépose en son giron ses œufs, et croit qu'en paLx Ils seront dans ce lieu ; que, pour ses intérêts, Jupiter se verra contraint de les défendre :
Hardi qui les irait là prendre.
Aussi ne les y prit-on pas.
Leur ennemi changea de note.
F.TBLES DE Ll TOJKT.^l?iE
Lirj{E Deuxième
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0.
Sur la robe du dieu fit tomber une crotte Le dieu la secouant jeta les œufs à bas.
Quand l'aigle sut linadverlance,
Elle menaça Jupiter D'abandonner sa cour, d'aller vivre au désert 5
De quitter toute dépendance ;
Avec mainte autre extravagance.
Le pauvre Jupiter se tut : Devant son tribunal l'escarbot comparut,
Fit sa plainte, et conta l'affaire. On fit entendre à l'aigle enfin qu'elle avait tort. Mais, les deux ennemis ne voulant point d'accord. Le monarque des dieux s'avisa, pour bien faire, De transporter le temps où l'aigle fait l'amour. En une autre saison, quand la race escarbole Est en quartier d'hiver, et, comme la marmotte,
Se cache et ne voit point le Jour.
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Tables de L^ Tomtawe
%ljrT{B Deuxième
LE LION ET LE MOUCHERON
Va-t en, chétif insecte, excrément de la terre !
C est en ces mots que le lion
Parlait un jour au moucheron.
L'autre lui déclara la guerre : Penses-tu, lui dit-il, que ton titre de roi
Me fasse peur ni me soucie ?
Un bœuf est plus puissant que toi ;
Je le mène à ma fantaisie.
A peme il achevait ces mots
Que lui-même il sonna la charge.
Fut le trompette et le héros.
Dans l'abord il se met au large ;
Puis prend son temps, fond sur le cou
Du lion, qu'il rend presque fou. Le quadrupède écume, et son œil étincelle ; Il rugit. On se cache, on tremble à l'environ ;
Et cette cJarme universelle
Est l'ouvrage d'un moucheron. Un avorton de mouche en cent lieux le harcelle ; Tantôt pique l'echine, et tantôt le museau.
Tantôt entre au fond du naseau. La rage alors se trouve à son faite montée. L'invisible ennemi triomphe, et rit de voir Qu'il n'est griffe ni dent en la bête irritée Qui de la mettre en sang ne fasse son devoir. Le malheureux lion se déchire lui-même. Fait résonner sa queue à l'entour de ses flancs. Bat l'air, qui n'en peut mais ; et sa fureur extrême Le fatigue, l'abat : le voilà sur les dents. L'insecte du combat se retire avec gloire : Comme il sonna la charge, il sonne la victoire. Va partout l'annoncer, et rencontre en chemin
L'embuscade d'une araignée ; Il y rencontre aussi sa fin. Quelle chose par la nous peut être enseignée ? J'en vois deux, dont l'une est qu'entre nos ennemis Les plus a craindre sont souvent les plus petits ; L'autre, qu'aux grands périls tel a pu se soustraire. Qui périt pour la moindre affaire.
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Fjibl'es de La Toi\tai]\e —
Lirj{B Deuxième -
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L'ANE CHARGE D'EPONGES
ET L'ANE CHARGÉ DE SEL
Un ânier, son sceptre à la main,
Menait, en empereur romain.
Deux coursiers à longues oreilles. L'un, d'épongés chargé, marchait comme un courrier.
Et l'autre, se faisant prier.
Portait, comme on dit, les bouteilles : Sa charge était de sel. Nos gaillards pèlerins.
Par monts, par vaux, et par chemins. Au gué d'une rivière à la fin arrivèrent.
Et fort empêchés se trouvèrent. L'ânier, qui tous les jours traversait ce gué-là,
Sur l'âne à l'éponge monta,
Chassant devant lui l'autre bête,
Qui, voulant en faire à sa tète.
Dans un trou se précipita.
Revint sur l'eau, puis échappa :
Car, au bout de quelques nagées.
Tout son sel se fondit si bien
Que le baudet ne sentit rien
Sur ses épaules soulagées. Camarade épongier prit exemple sur lui. Comme un mouton qui va dessus la foi d'autrui. Voilà mon âne à l'eau ; jusqu'au col il se plonge.
Lui, le conducteur, et l'éponge. Tous trois burent autant : l'ànier et le grison
Firent à l'éponge raison.
Celle-ci devint si pesante.
Et de tant d'eau s'emplit d'abord, Que l'àne succombant ne put gagner le bord.
L'ânier l'embrassait, dans l'attente
D'une prompte et certaine mort. Quelqu'un vint au secours : qui ce fut, il n'importe. C'est assez qu'on ait vu par là qu'il ne faut point
Agir chacun de même sorte.
J'en voulais venir à ce point.
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Tables de Lji Tot^tawe
LtruE Deuxième
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LE LION ET LE RAT
Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde On a souvent besoin d'un plus petit que soi. De cette vérité deux fables feront foi ;
Tant la chose en preuves abonde.
Entre les pattes d'un lion Un rat sortit de terre assez à l'étourdie. Le roi des emimaux, en cette occasion. Montra ce qu'il était et lui donna la vie.
Ce bienfait ne fut pas perdu.
Quelqu'un aurait-il jamais cru
Qu'un lion d'un rat eut affaire ? Cependant il advint qu'au sortir des forêts
Ce lion fut pris dans des rets, Dont ses rugissements ne le purent défciire. Sire rat accourut et fit tant par ses dents Qu'une maille rongée emporta tout l'ouvrage.
Patience et longueur de temps
Font plus que force ni que rage.
■>« 37
TABLES DE La FOMT.^JyE
"Lir^E Bevxième
L'aulre exemple est tiré d'animaux plus petits. Le long d'un clair ruisseau buvait une colombe Quand sur l'eau se penchant une fourmis y tombe ; Et dans cet océan on eûl vu la fourmis S'efforcer, mais en vain, de regagner la rive. La colombe aussitôt usa de chanté. Un brin d 'herbe dans l'eau par elle fut jeté. Ce fut un promontoire où la fourmis arrive.
Elle se sauve. Et là-dessus Passe un certain croquant qui marchait les pieds nus. Ce croquant, par hasard, avait une arbalète.
Dès qu'il voit l'oiseau de Venus, 11 le croit en son pot, et déjà lui fait fête. Tandis qu'à le tuer mon villageois s'apprête,
La fourmi le pique au talon.
Le vilain retourne la tète : La colombe l'entend, part, et tire de long. Le souper du croquant avec elle s'envole :
Point de pigeon pour une obole.
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TABLES DE La TO'NTJimE
LirnE Deuxième
«M 39
T A-BLES DE II Tomjn-N-E
'Lirj{E "Deuxjème
L'ASTROLOGUE QUI SE LAISSE TOMBER DANSJIN^PUITS.
Un astrologue un jour se laissa choir Au fond d'un puits. On lui dit : Pauvre béte, Tandis qu'à peine à tes pieds tu peux voir. Penses-tu lire au-dessus de ta tête ? Cette aventure en soi, sans aller plus avant. Peut servir de leçon à la plupart des hommes. Parmi ce que de gens sur la terre nous sommes,
Il en est peu qui fort souvent
Ne se plaisent d'entendre dire Qu'au livre du Destin les mortels peuvent lire. Mais ce livre qu'Homère et les siens ont chanté, Qu'est-ce, que le Hasard parmi l'anquité.
Et parmi nous, la Providence ? Or, du hasard il n'est point de science :
S'il en était, on aurait tort De l'appeler hasard, ni fortune, ni sort ;
Toutes choses très incertaines.
Quant aux volontés souveraines De celui qui fait tout, et rien qu'avec dessein. Qui les sait, que lui seul ? Comment lire en son sein ? Aurait-il imprimé sur le front des étoiles Ce que la nuit des temps enferme dans ses voiles ? A quelle utilité ? Pour exercer l'esprit De ceux qui de la sphère et du globe ont écrit ? Pour nous faire éviter des maux inévitables ? Nous rendre, dans les biens, de plaisirs incapables ? Et, causant du dégoût pour ces biens prévenus. Les convertir en maux devant qu'ils soient venus ? C'est erreur, ou plutôt c'est crime de le croire. Le firmament se meut, les astres font leur cours.
Le soleil nous luit tous les jours. Tous les jours sa clarté succède à l'ombre noire, Sans que nous en puissions autre chose inférer Que la nécessité de luire et d'éclairer.
40 "•
fjiBLES DE La To-NTJim-E
Lirj{E DEVxm/tCE
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TABIES de L.^ FoAT.17A'E
~^ Lir7{E Deuxième
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LE PAON SE PLAIGNANT
Le paon se plaignait à Junon. Déesse, distait-il, ce nesl pas sans raison
Que je nie plains, que je murmure :
Le clianl dont vous m'avez fait don
Déplaît a toute la nature ; Au lieu qu'un rossignol, chctive créature. Forme des sons aussi doux qu'éclatants,
Est lui seul I honneur du printemps.
Junon répondit en colère : Oiseau jaloux, et qui devrais te taire, Elst-ce à toi d envier la voix du rossignol. Toi que l'on voit porter a l'entour de ton col Un arc-en-ciel nue de cent sortes de soies ;
Qui te panades, qui déploies Une SI riche queue et qui semble a nos yeux
La boutique d'un lapidaire ?
Est-il quelque oiseau sous les cieux
Plus que toi capable de plaire ? Tout animal n'a pas toutes propriétés. Nous vous avons donné diverses qualités : Les uns ont la grandeur et la force en partage ; Le faucon est léger, l'aigle plein de courage.
Le corbeau sert pour le présage ; La corneille avertit des malheurs à venir ;
Tous sont contents de leur ramage. Cesse donc de le plaindre : ou bien, pour le punir, le t olerai ton [ilumage.
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FJIBL-ES de LJI TO'NTAmB
Lîrj{E Devxjème
Un lièvre en son gite songeait, (Car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe ?) Dans un profond ennui ce lièvre se plongeait Cet animal est triste, et la cramte le ronge.
Les gens de naturel peureux
Sont, disait-il, bien malheureux ! Ils ne sauraient manger morceau qui leur profite : Jamais un plaisir pur ; toujours assauts divers. Voilà comme je vis : cette crainte maudite M'cmpéche de dormir sinon les yeux ouverts. Corrigez-vous, dira quelque sage cervelle.
Efi ! la peur se corrige-t-elle ?
Je croîs même qu'en bonne foi
Les hommes ont peur comme moi.
Ainsi raisonnait notre lièvre.
Et cependant faisait le guet.
Il était douteux, inquiet : Un souffle, une ombre, un rien, tout lui donnait la lièvre.
Le mélancolique animal
En rêvant a cette matière. Entend un léger bruit : ce lui fit un signal
Pour s'enfuir devers sa tanière. I! s'en alla passer sur le bord d'un étang. Grenouilles aussitôt de sauter dans les ondes ; Grenouilles de rentrer dans leurs grottes profondes,
Oh \ dit-il, j'en fais faire autant
Qu'on m'en fait faire ! Ma présence Effraie aussi les gens ! je mets l'alarme au camp !
Et d'où me vient cette vaillance ? Comment ! des animaux qui tremblent devant moi '
Je SUIS donc un foudre de guerre ! Il n est, je le vois bien, si poltron sur la terre. Qui ne puisse trouver un plus poltron que soi.
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F.ÎBLES DE L-J ToyTAl^'E
LirHE Deuxième
LA CHATTE METAMORPHOSEE EN FEMME
Un homme chérissait éperdument sa chatte Il la trouvait mignonne, et belle et délicate,
Qui miaulait dun ton fort doux :
Il était plus fou que les fous. Cet homme donc, par prières, par larmes,
Par sortilèges et par charmes,
Paît tant qu'il obtient du destin
Que sa chatte, en un beau matin.
Devient femme ; et, le matin même.
Maître sot en fait sa moitié.
Le voila fou d'amour extrême.
De fou qu'il était d'amitié.
Jamais la dame la plus belle
Ne charma tant son favori
Que fait cette épouse nouvelle
Son hypocondre de mari :
Il n'y trouve plus rien de chatte ; Lorsque quelques souris qui rongeaient dans la natte Troublèrent le repos des nouveaux maries.
Aussitôt la femme est sur pieds.
Elle manqua son aventure. Souris de revenir, femme d'être en posture : Pour cette fois elle accourut à point.
Car, ayant changé de figure.
Les souris ne la craignaient point.
Ce lui fut toujours une amorce :
Tant le naturel a de force ! Il se moque de tout : certain âge accompli. Le vase est imbibé, l'étoffe a pris son pli.
En vain de son train ordinaire
On le veut désaccoutumer :
Quelque chose qu'on puisse faire.
On ne saurait le reformer.
Coups de fourche ni d'etrivières
Ne lui font changer dé manières ;
{"-t fussiez-vous embâtonnés.
Jamais vous n'en serez les maîtres.
Qu on lui ferme la porte au nez.
Il reviendra par les fenêtres.
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44
^1 AA Vi^
Tjibles de La To'ntjiwe
"LiriiB Deuxième
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FABLES DE L.1 TOMT.flT^E
LirnE Deuxième
Sur la branche d'un arbre était en sentinelle
Un vieux coq adroit et matois. Frère, dit un renard, adoucissant sa voix,
Nous ne sommes plus en querelle :
Paix générale cette fois. Je viens le l'annoncer ; descends, que je t'embrasse '
Ne me retarde point, de grâce ; Je dois faire aujourd'hui vingt postes sans manquer.
Les tiens et toi pouvez vaquer.
Sans nulle crainte, à vos affaires ;
Nous vous y servirons en frères.
Faites-en les feux dès ce soir.
Et cependant viens recevoir,
Le baiser d'amour fraternelle. Ami, reprit le coq, je ne pouvais jamais Apprendre une plus douce et meilleure nouvelle Que celle De cette paix ;
Et ce m'est une double joie De la tenir de loi. Je vois deux lévriers.
Qui, je m'assure, sont courriers
Que pour ce sujet on envoie : Ils vont vite, et seront dans un moment à nous. Je descends : nous pourrons nous entre-baiser tous. Adieu, dit le renard, ma traite est longue à faire ; Nous nous réjouirons du succès de l'affaire Une autre fois. Le galant aussitôt
Tire ses grcgues, gagne au haut.
Mal content de son stratagème.
Et notre vieux coq en soi-même
Se mit à rire de sa peur ; Car c'est double plaisir de Iromjier le trompeur.
-•M 46 l^
> Tables de La Toi^taime
TjirnE Deuxième
TESTAMENT EXPLIQUE PAR ÉSOPE
Si ce qu'on dit d'Esope est vrai,
C'était l'oracle de la Grèce :
Lui seul avait plus de sagesse Que tout l'aréopage. En voici pour essai
Une histoire des plus gentilles.
Et qui pourra plaire au lecteur.
Un certain homme avait trois filles.
Toutes trois de contraire humeur :
Une buveuse ; une coquette ;
La troisième, avare parfaite.
Cet homme par son testament.
Selon les lois municipales. Leur laissa tout son bien par portions égales.
En donnant à leur mère tant.
Payable quand chacune d'elles Ne posséderait plus sa contingente part.
Le père mort, les trois femelles Courent au testament, sans attendre plus tard.
On le ht, on tâche d'entendre
La volonté du testateur ;
Mais en vain : car comment comprendre
Qu'aussitôt que chacune sœur Ne possédera plus sa part héréditaire.
Il lui faudra payer sa mère }
Ce n'est pas un fort bon moyen
Pour payer, que d'être sans bien.
Que voulait donc dire le père ? L affaire est consultée ; et tous les avocats.
Après avoir tourné le cas
En cent et cent mille manières, Y jettent leur bonnet, se confessent vaincus.
Et conseillent aux héritières De partager le bien sans songer au surplus.
Quant à la somme de la veuve. Voici, leur dirent-ils, ce que le conseil treuve : Il faut que chaque sœur se charge par traité
Du tiers, payable à volonté ; Si mieux n'aime la mère en créer une rente.
Dès le décès du mort courante. La chose ainsi réglée, on composa trois lots :
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r.TBLES DE La TOMTJIJ^'E
LirnE Deuxième
En l'un les maisons de bouteille.
Les buffets dresses sous la treille, La vaisselle d'argent, les cuvettes, les brocs.
Les magasins de Malvoisie, Les esclaves de bouche, et, pour dire en deux mots.
L'attirail de la goinfrerie ; Dans un autre, celui de la coquetterie, La maison de la ville, et les meubles exquis,
Les eunuques et les coiffeuses. Et les brodeuses.
Les joyaux, les robes de prix ; Dans le troisième lot, les fermes, le ménage.
Les troupeaux et le pâturage,
Valets et bétes de labeur. Ces lots faits, on jugea que le sort pourrait faire
Que peut-être pas une sœur
N'aurait ce qui lui pourrait plaire. Ainsi chacune prit son inclination.
Le tout a l'estimation.
Ce fut dans la ville d'Athènes
Que cette rencontre arriva.
Petits et grands, tout approuva Le partage et le choix : Esope seul trouva
Qu'après bien du temps et des peines
Les gens avaient pris justement
Le contre-pied du testament. Si le défunt vivait, disait-il, que l'Attique
Aurait de reprochés de lui :
Comment ! ce peuple, qui se pique D'être le plus subtil des peuples d'aujourd'hui, A si mal entendu la volonté suprême D'un testateur ! Ayant ainsi parlé,
Il fait le partage lui-même. Et donne a chaque sœur un lot contre son gré ;
Rien qui pût être convenable.
Partant rien aux soeurs d'agréable ;
A la coquette, l'attirail
Qui suit les personnes buveuses ;
La biberonne eut le bétail ;
La ménagère eut les coiffeuses.
Tel fut l'avis du Phrygien,
Alléguant qu'il n'était moyen
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Tjibles de La Tontjume
tlVnE TnOJSIÈME
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^~— ■ Tables de L.7 ToA'TAmE
Lu H?: TuorsiÈME
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LE MEUNIER. SON FILS ET L'ANE
L'invention des arts étant un droit d'aînesse,
Nous devons l'apologue à l'ancienne Grèce :
Mais ce champ ne se peut tellement moissonner
Que les derniers venus n'y trouvent à glaner.
La feinte est un pays plein de terres désertes ;
Tous les jours nos auteurs y font des découvertes ;
Je t'en veux dire un trait assez bien inventé :
Autrefois à Racan Malherbe l'a conté.
Ces deux rivaux d'Horace, héritiers de sa lyre.
Disciples d'Apollon, nos maîtres pour mieux dire.
Se rencontrant un jour tout seuls et sans témoins
(Comme ils se confiaient leurs pensers et leurs soins),
Racan commence amsi : Dites-moi, je vous prie.
Vous qui devez savoir les choses de la vie.
Qui par tous ses degrés avez déjà passé.
Et que rien ne doit fuir en cet âge avancé,
A quoi me résoudrai-je ? 11 est temps que j'y pense.
Vous connaissez mon bien, mon talent, ma naissance :
Dois-je dans la province établir mon séjour.
Prendre emploi dans l'armée ou bien charge à la cour ?
Tout au monde est mêlé d'amertume et de charmes :
La guerre a ses douceurs, l'hymen a ses alarmes.
Si je suivais mon goût, je saurais oii buter ;
Mais j ai les miens, la cour, le peuple à contenter.
Malherbe là-dessus : Contenter tout le monde !
Ecoutez ce récit avant que je réponde.
J ai lu dans quelque endroit qu'un meunier et son fils.
L'un vieillard, l'autre enfant, non pas des plus petits.
Mais garçon de quinze ans, si j'ai bonne mémoire.
Allaient vendre leur âne, un certain jour de foire.
Afin qu'il fût plus frais et de meilleur débit.
On lui lia les pieds, on vous le suspendit ;
Puis cet homme et son fils le portent comme un lustre.
Pauvres gens ! idiots ! couple ignorant et rustre !
Le premier qui les vit de rire s'éclata :
Quelle farce, dit-il, vont jouer ces gens-la ?
Le plus âne des trois n'est pas celui qu'on pense.
Le meunier, à ces mots, connaît son ignorance ;
Il met sur pied sa bête, et la fait détaler.
L'àne, qui goûtait fort l'autre façon d'aller.
Tables de La tONTAmE
"LWRB TnOISJÈJKE
Se plaint en son patois. Le meunier n en a cure. Il fait monter son fils, il suit : et, daventure. Passent trois bons marchands. Cet objet leur déplut. Le plus vieux au garçon s'écria tant qu'il put : Oh là ! oh ! descendez, que l'on ne vous le dise. Jeune homme, qui menez laquais à barbe grise. C'était à vous de suivre, au vieillard de monter. Messieurs, dit le meunier, il vous faut contenter. L'enfant met pied à terre, et puis le vieillard monte ; Quand trois filles passant, l'une dit : C'est grand'honte Qu'il faille voir ainsi clocher ce jeune fils. Tandis que ce nigaud, comme un évéque assis. Fait le veau sur son âne, et pense être bien sage. Il n'est, dit le meunier, plus de veaux à mon âge : Passez votre chemin, la fille, et m'en croyez. Après maints quolibets coup sur coup renvoyés. L'homme crut avoir tort, et mit son fils en croupe. Au bout de trente pas, une troisième troupe Trouve encore à gloser. L'un dit : Ces gens sont fous ! Le baudet n'en peut plus ; il mourra sous leurs coups. Eh quoi ! charger ainsi cette pauvre bourrique ! Nont-ils point de pitié de leur vieux domestique ? Sans doute qu'à la foire ils vont vendre sa peau. Parbleu ! dit le meunier, est bien fou du cerveau Qui prétend contenter tout le monde et son père. Essayons toutefois si par quelque manière Nous en viendrons à bout. Ils descendent tous deux. L'âne se prélassant marche seu! devant eux. Un quidam les rencontre, et dit : Est-ce la mode Que baudet aille à l'aise, et meunier s'incommode ? Qui de l'âne ou du maître est fait pour se lasser ? Je conseille à ces gens de le faire enchâsser. Ils usent leurs souliers, et conservent leur âne ! Nicolas, au rebours : car, quand il va voir Jeanne, Il monte sur sa bête ; et la chanson le dit. Beau trio de baudets ! Le meunier repartit : Je suis âne, il est vrai, j'en conviens, je l'avoue ; Mais que dorénavant on me blâme, on me loue. Qu'on dise quelque chose ou qu'on ne dise rien. J'en veux faire à ma tête. Il le fit, et fit bien. Quant à vous, suivez Mars, ou l'Amour, ou le Prince ; Allez, venez, courez ; demeurez en province ; Prenez femme, abbaye, emploi, gouvernement : Les gens en parleront, n'en doutez nullement.
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T.^BLES DE L.^ ToyiAIME
'Lir-RF. TnoisiÈME
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LES MEMBRES ET LESTOMAC
Je devais par la royauté Avoir commencé mon ouvrage.
A la voir d'un certain coté,
Messer Gaster en est l'image ; S'il a quelque besom, tout le corps s en ressent. De travailler pour lui les membres se lassant. Chacun d'eux résolut de vivre en gentilhomme. Sans rien faire, alléguant l'exemple de Gaster. Il faudrait, disaient-ils, sans nous qu il vécut d'air. Nous suons, nous peinons comme bêtes de somme ; Et pour qui ? pour lui seul : nous n'en profitons pas ; Notre soin n'aboutit qu'a fournir ses repas. Chômons, c'est un métier qu'il veut nous faire apprendre. Ainsi dit, ainsi fait. Les mains cessent de prendre,
Les bras d'agir, les jambes de marcher. Tous dirent à Gaster qu'il en allât chercher. Ce leur fut une erreur dont ils se repentirent : Bientôt les pauvres gens tombèrent en langueur ; Il ne se forma plus de nouveau sang au cœur ; Chaque membre en souffrit ; les forces se perdirent.
Par ce moyen, les mutins virent Que celui qu'ils croyaient oisif et paresseux, A l'intérêt commun contribuait plus qu'eux. Ceci peut s'appliquer à la grandeur royale. Elle reçoit et donne, et la chose est égale. Tout travaille pour elle, et réciproquement
Tout tire d'elle l'aliment. Elle fait subsister l'artisan de ses peines. Enrichit le marchand, gage le magistrat. Maintient le laboureur, donne paye au soldat. Distribue en cent lieux ses grâces souveraines,
Entretient seule tout l'Etat.
Ménénius le sut bien dire. La commune s'allait séparer du sénat. Les mécontents disaient qu'il avait tout l'empire, Le pouvoir, les trésors, l'honneur, la dignité. Au lieu que tout le mal était de leur côté. Les tribus, les impôts, les fatigues de guerre. Le peuple hors des murs était déjà posté, La plupart s'en allaient chercher une autre terre,
Quand Ménénius leur fil voir
Qu'ils étaient aux membres semblables. Et par cet apologue, insigne entre les fables,
Les ramena dans leur devoir.
52
Tables de La Fomtajj^e
LwnB Thotsième
T'" — -• lifimnr'
TabltzS de L.^ FomjtmE
Liri^n Tf{OisiÈME
Un loup qui commençait d'avoir petite part
Aux brebis de son voisinage, Crut qu'il fallait s'aider de la peau du renard.
Et faire un nouveau personnage. Il s'habille en berger, endosse un hoqueton,
Fait sa houlette d'un bâton.
Sans oublier la cornemuse.
Pour pousser jusqu'au bout la ruse. Il aurait volontiers écrit sur son chapeau : « C'est moi qui suis Guillot, berger de ce troupeau. »
Sa personne étant ainsi faite. Et ses pieds de devant posés sur sa houlette, Guillot le sycophante approche doucement. Guillot, le vrai Guillot, étendu sur l'herbette.
Dormait alors profondément : Son chien dormait aussi, comme aussi sa musette : La plupart des brebis dormaient pareillement.
L hypocrite les laissa faire ; Et, pour pouvoir mener vers son fort les brebis. Il voulut ajouter la parole aux habits.
Chose qu il croyait nécessaire.
Mais cela gâta son affaire : Il ne put du pasteur contrefaire la voix. Le ton dont il parla fit retentir les bois.
Et découvrit tout le mystère.
Chacun se réveille à ce son.
Les brebis, le chien, le garçon.
Le pauvre loup, dans cet esclandre.
Empêché par son hoqueton,
Ne put ni fuir ni se défendre. ■ Toujours par quelque endroit fourbes se laissent prendre
Quiconque est loup agisse en loup ;
C'est le plus certain de beaucoup.
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Tables de tJi Fot^tmjne
tlVR-E TROISIÈME
LE RENARD ET LE BOUC
Capitaine renard allait de compagnie Avec son ami bouc des plus haut encornés : Celui-ci ne voyait pas plus loin que son nez : L'autre était passé maître en fait de tromperie. La soif les obligea de descendre en un puits :
Là, chacun d'eux se désaltère. Après qu'abondamment tous deux en eurent pris. Le renard dit au bouc : Que ferons-nous, compère ? Ce n'est pas tout de boire, il faut sortir d'ici. Lève tes pieds en haut, et tes cornes aussi ; Mets-les contre le mur : le long de ton échine
Je grimperai premièrement ;
Puis sur tes cornes m'élevant,
A l'aide de cette machine, ^
De ce lieu-ci je sortirai.
Après quoi je t'en tirerai. Par ma barbe ! dit l'autre, il est bon ; et je loue
Les gens bien sensés comme toi.
Je n'aurais jamais, quant à moi.
Trouvé ce secret, je l'avoue. Le renard sort du puits, laisse son compagnon.
Et vous lui fait un beau sermon
Pour l'exhorter à patience. Si le ciel t'eût, dit-il, donné par excellence Autant de jugement que de barbe au menton.
Tu n'aurais pas, à la légère. Descendu dans ce puits. Or, adieu ; j'en suis hors : Tâche de t'en tirer, et fais tous tes efforts ;
Car, pour moi, j'ai certaine affaire Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin. En toute chose, il faut considérer la fin.
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Tables de La FoMTAmE
LivTiE Troisième
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AIGLE, LA LAIE ET LA CHATTE
L'aigle avait ses petits au liaul d'un arbre creux,
La laie au pied, la chatte entre les deux. Et sans s'incommoder, moyennant ce partage. Mères et nourrissons faisaient leur tripotage. La chatte détruisit par sa fourbe l'accord. Elle grimpa chez l'aigle, et lui dit : Notre mort (Au moins de nos enfants, car c'est tout un aux mères) Ne tardera possible guères. Voyez-vous à nos pieds fouir mcessamment Cette maudite laie, et creuser une mine ? C'est pour déraciner le chêne assurément. Et de nos nourrissons attirer la ruine :
L'arbre tombant, ils seront dévores ; >
Qu'ils s'en tiennent pour assures. S'il m'en restait un seul, j'adoucirais ma plainte. Au partir de ce lieu, qu'elle remplit de crainte, La perfide descend tout droit
A l'endroit Où la laie était en gésine. Ma bonne amie et ma voisine. Lui dit-elle tout bas, je vous donne un avis : L'aigle, si vous sortez, fondra sur vos petits. Obligez-moi de n'en rien dire : Son courroux tomberait sur moi. Dans cette autre famille ayant semé l'efîroi,
La chatte en son trou se retire. L'aigle n'ose sortir, ni pourvoir aux besoins
De ses petits : la laie encore moins : Sottes de ne pas voir que le plus grand des soins Ce doit être celui d'éviter la famine. A demeurer chez sol l'une et l'autre s'obstine, Pour secourir les siens dedans l'occasion : L'oiseau royal, en cas de mine ; La laie, en cas d'irruption. La faim deLuislt tout ; il ne resta personne De la gent marcassine et de la gent aiglonne Qui n'allât de vie à trépas ; Grand renfort pour messieurs les chats. Que ne sait point ourdir une langue traîtresse Par sa pernicieuse adresse ! Des malheurs qui sont sortis De la boite de Pandore, Celui qu'à meilleur droit tout l'univers abhorre,... C'est la fourbe, à mon avis.
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TABLES DE La TO-NTAIMB
LwnB TnOlSlEME -
LIVROGNE ET SA FEMME
Chacun a son défaut, ou toujours il revient :
Honte ni peur n'y remédie. Sur ce propos d'un conte il me souvient :
Je ne dis rien que je n'appuie De quelque exemple. Un suppôt de Bacchus Altérait sa santé, son esprit, et sa bourse : Telles gens n'ont pas fait la moitié de leur course
Qu ils sont au bout de leurs ecus. Un jour que celui-ci, plein de jus de la treille, Avait laissé ses sens au fond d'une bouteille. Sa femme l'enferma dans un certain tombeau.
La, les vapeurs du vin nouveau Cuvèrent a loisir. A son réveil il treuve L attirail de la mort a l'entour de son corps.
Un luminaire, un drap des morts. Oh ! dit-il, qu est ceci ? Ma femme est-elle veuve '^ Là-dessus, son épouse, en habit d'Alecton, Masquée, et de sa voix contrefaisant le ton. Vient au prétendu mort, approche de sa biere. Lui présente un chaudeau propre pour Lucifer. L'époux alors ne doute en aucune manière
Qu'il ne soit citoyen d'enfer. Quelle personne es-tu ? dit-il a ce fantôme.
La cellenère du royaume De Satan, reprit-elle ; et je porte à manger
A ceux qu enclôt la tombe noire.
Le mari repart, sans songer : Tu ne leur portes point a boire ?
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F.^B/.E'? DE Ll FoyT.^lME
L/rT^fc TnOîSlEME
LA GOUTTE ET L'ARAIGNEE
Quand l'enfer eut produit la goutte et l'araignée, Mes filles, leur dit-il, vous pouvez vous vanter
D'être pour l'humaine lignée
Egalement a redouter. Or, avisons aux lieux qu'il vous faut habiter.
Vo)'ez-vous ces cases étroites. Et ces palais si grands, si beaux, si bien dorés ? Je me suis proposé d'en faire vos retraites.
Tenez donc, voici deux bûchettes ;
Accommodez-vous, ou tirez. Il n'est rien, dit l'aragne, aux cases qui me plaise. L'autre, tout au rebours, voyant les palais pleins
De ces gens nommés médecins. Ne crut pas y pouvoir demeurer a son aise. Elle prend l'autre lot, y plante le piquet. S'étend à son plaisir sur l'orteil d'un pauvre homme. Disant : Je ne crois pas qu'en ce poste je chôme, Ni que d'en déloger et faire mon paquet
Jamais Hippocrate me somme. L'aragne cependant se campe en un lambris. Comme si de ces lieux elle eût fait bail à vie ; Travaille a demeurer : voilà sa toile ourdie.
Voilà des moucherons de pris. Une servante vient balayer tout l'ouvrage. Autre toile tissue, autre coup de balai. Le pauvre bestion tous les jours déménage.
Enfin, après un vain essai, Il va trouver la goutte. Elle était en campagne
Plus malheureuse mille fois
Que la plus malheureuse aragne. Son hôte la menait tantôt fendre du b.ois, Tantôt fouir, houer : goutte bien tracassée
Est, dit-on, à demi pansée. Oh ! je ne saurais plus, dit-elle, y résister. Changeons, ma sœur l'aragne. Et l'autre d'écouter : Elle la prend au mot, se glisse en la cabane : Point de coup de balai, qui l'oblige à changer. La goutte, d'autre part, va tout droit se loger
Chez un prélat qu'elle condamne
A jamais du lit ne bouger. Cataplasmes. Dieu sait ! Les gens n'ont point de honte De faire aller le mal toujours de pis en pis. L'une et l'autre trouva de la sorte son compte. Et fit très sagement de changer" de logis.
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Tjibles de La Tot^tawe.
LirHE Troisième
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LE LOUP ET LA CIGOGNE
Les loups mangent gloutonnement.
Un loup donc étant de frairie
Se pressa, dit-on, tellement
Qu'il en pensa perdre la vie : Un os lui demeura bien avant au gosier. De bonheur pour ce loup, qui ne pouvait crier.
Près de la passe une cigogne. Il lui fit signe ; elle accourt. Voilà l'opératrice aussitôt en besogne. Elle retira l'os ; puis, pour un si bon tour,
Elle demanda son salaire.
Votre salaire ! dit le loup :
Vous riez, ma bonne commère !
Quoi ! ce n'est pas encor beaucoup D'avoir de mon gosier retire votre cou.
Allez, vous êtes une ingrate :
Ne tombez jamais sous ma patte.
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Lvrj^E TuoisiÈME
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Tables de La To-ntatnb
Liri{E Troisième -
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LE CYGNE ET LE CUISINIER
Dans une ménagerie De volatiles remplie Vivaient le cygne et l'oison ; Celui-la destiné pour les regards du maître ; Celui-ci, pour son goût : l'un qui se piquait d'être Commensal du jardin ; l'autre, de la maison. Des fosses du château faisant leurs galeries, Tantôt on les eût vus côte à cote nager. Tantôt courir sur l'onde, et tantôt se plonger. Sans pouvoir satisfaire à leurs vaines envies. Un jour le cuisinier, ayant trop bu d'un coup. Prit pour oison le cygne ; et le tenant au cou. Il allait l'égorger, puis le mettre en potage. L'oiseau, prêt à mourir, se plaint en son ramage. Le cuisinier fut fort surpris. Et vit bien qu'il s'était mépris. Quoi ! je mettrais, dit-il, un tel chanteur en soupe ! Non, non, ne plaise au.\ dieux que jamais ma main coupe La gorge a qui s'en sert si bien ! Ainsi dans les dangers qui nous suivent en croupe Le doux parler ne nuit de rien.
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Tables de "La Toyr.v^E
Lirj{E TROISIÈME
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♦. Tables de "La ToMTAmE
LWRJE. TROISIÈME
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LES LOUPS ET LES BREBIS
Après mille ans et plus de guerre déclarée. Les loups firent la paix avecque les brebis. C'était apparemment le bien des deux partis : Car, si les loups mangeaient mainte bête égarée. Les bergers de leur peau se faisaient maints habits. Jamais de liberté, ni pour les pâturages.
Ni d'autre part pour les carnages : Ils ne pouvaient jouir, qu'en tremblant, de leurs biens. La paix se conclut donc : on donne des otages : Les loups, leurs louveteaux ; et les brebis, leurs chiens. L'échange en étant fait aux formes ordinaires.
Et réglé par des commissaires, Au bout de quelque temps que messieurs les louvats Se virent loups parfaits et friands de tuerie. Ils vous prennent le temps que dans la bergerie
Messieurs les bergers n'étaient pas. Etranglent la moitié des agneaux les plus gras. Les emportent aux dents, dans les bois se retirent. Ils avaient averti leurs gens secrètement. Les chiens, qui, sur leur foi, reposaient sûrement,
Furent étranglés en dormant : Cela fut sitôt fait, qu'à peine ils le sentirent. Tout fut mis en morceaux ; un seul n'en échappa.
Nous pouvons conclure de là Qu'il faut faire aux méchants guerre continuelle.
La paix est fort bonne de soi ;
J'en conviens : mais de quoi sert-elle
Avec des ennemis sans foi ?
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Tables de Lt FoMT.^nj^E
JjVTiE TROISIÈME
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LE LION DEVENU VIEUX
Le lion, terreur des forets. Chargé d'ans, et pleurant son antique prouesse, Fui enfin attaqué par ses propres sujets.
Devenus forts par sa faiblesse. Le cheval s'approchant lui donne un couji de pied ; Le loup, un coup de dent ; le bœuf, un coup de corne. Le malheureux lion, languissant, triste et morne. Peut à peine rugir, par l'âge estropie. Il attend son destin, sans faire aucunes iilainles ; Quand voyant l'àne même a son antre accourir : Ah ! c'est trop, lui dit-il, je voulais bien mourir ; Mais c'est mourir deux fois que souffrir tes atteintes.
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TjfBLBS DE La rOMTJlJME F7
Lirj{E TROISIÈME
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PHILOMELE ET PROGNE
Autrefois Progné, l'hirondelle, De sa demeure s'écarta, Et loin des villes s'emporta Dans un bois où chantait la pauvre Philomcle. Ma sœur, lui dit Progné, comment vous portez-vous 1 Voici tantôt mille ans que l'on ne vous a vue : Je ne me souviens point que vous soyez venue. Depuis le temps de Thrace, habiter parmi nous.
Dites-moi, que pensez-vous faire ? Ne quitterez-vous point ce séjour solitaire ? Ah ! reprit Philomele, en est-il de plus doux ? Progné lui repartit : Eh quoi ! cette musique. Pour ne chanter qu'aux animaux. Tout au plus à quelque rustique ! Le désert est-il fait pour des talents si beaux ? Venez faire aux cites éclater leurs merveilles.
Aussi bien, en voyant les bois. Sans cesse il vous souvient que Térée autrefois.
Parmi des demeures pareilles. Exerça sa fureur sur vos divins appas. Et c est le souvenir d'un si cruel outrage Qui fait, reprit sa sœur, que je ne vous suis pas : En voyant les hommes, helas ! Il m'en souvient bien davantage.
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LA FEMME NOYÉE
Je ne suis pas de ceux qui disent : Ce ne rien,
C est une femme qui se noie. Je dis que c'est beaucoup ; et ce sexe vaut bien Que nous le regrettions, puisqu'il fait notre joie. Ce que j'avance ici n'est point hors de propos. Puisqu'il s'agit, en cette fable. D'une femme qui dans les flots Avait fini ses jours par un sort déplorable. Son époux en cherchait le corps. Pour lui rendre, en cette aventure. Les honneurs de la sépulture. Il arriva que sur les bords Du fleuve, auteur de sa disgrâce, Des gens se promenaient ignorant l'accident.
Ce mari donc leur demandant S ils n avaient de sa femme aperçu nulle trace : Nulle, reprit l'un deux ; mais cherchez-la plus bas
Suivez le fil de la rivière. Un autre repartit : Non, ne le suivez pas ;
Rebroussez plutôt en arrière : Quelle que soit la pente et l'inclination Dont l'eau par sa course l'emporte, L esprit de contradiction L'aura fait flotter d'autre sorte. Cet homme se raillait eissez hors de saison. Quant à l'humeur contredisante. Je ne sais s'il avait raison ; Mais, que cette humeur soit ou non Le défaut du sexe et sa pente, Quiconque avec elle naîtra Sans faute avec elle mourra. Et jusqu'au b)OUt contredira. Et, s'il peut, encore par delà.
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Tables de La Tot^tawe
Lirj{E Troisième
LA BELETTE ENTREE DANS UN GRENIER
Demoiselle belette, au corps long et fluet, Entra dans un grenier par un trou fort étroit :
Elle sortait de maladie.
Là, vivant à discfétion,
La galande fit chère lie,
Mangea, rongea : Dieu sait la vie, e lard qui périt en cette occasion !
La voilà, pour conclusion.
Grasse, maflue et rebondie. Au bout de la semaine, ayant diné son soû. Elle entend quelque bruit, veut sortir par le trou. Ne peut plus repasser, et croit s'être méprise.
Après avoir fait quelques tours. C'est, dit-elle l'endroit : me voilà bien surprise : J'ai passé par ici depuis cinq ou six jours.
Un rat, qui la voyait en peine. Lui dit : Vous aviez lors la panse un peu moins pleine. Vous êtes maigre entrée, il faut maigre sortir. Ce que je vous dis là, l'on le dit à bien d'autres ; Mais ne confondons point, par trop approfondir.
Leurs affaires avec les vôtres.
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T.^BLES DE L-^ FOAT.^ZA'E
LlVHE TnOlSJÈME
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LE CHAT ET UN VIEUX RAT
J ai lu, chez un conleur de fables. Qu'un second Rodilard, l'Alexandre des chats,
L'Altila. le (léau des rats.
Rendait ces derniers misérables :
J'ai lu, dis-je. en certain auteur.
Que ce chat exterminateur. Vrai Cerbère, était craint une lieue à la ronde : Il voulait de souris dépeupler tout le monde. Les planches qu'on suspend sur un léger appui,
La mort-aux-rats, les souricières.
N'étaient que jeux au prix de lui.
Comme il voit que dans leurs tanières
Les souris étaient prisonnières. Qu'elles n'osaient sortir, qu'il avait beau chercher. Le galant fait le mort, et du haut d'un plancher Se pend la tète en bas : la béte scélérate A de certains cordons se tenait par la patte. Le peuple des souris croit que c'est châtiment. Qu'il a fait un larcin de rôt ou de fromage. Enfin, qu'on a pendu le mau\ais garnement.
Toutes, dis-je, unanimement. Se promettent de rire à son enterrement. Mettent le nez a l'air, montrent un peu la tête,
Puis rentrent dans leurs nids a rats,
Puis ressortant font quatre pas.
Puis enfin se mettent en quête.
Mais voici bien une autre fête : Le pendu ressuscite ; et. sur ses pieds tombant,
Attrape les plus paresseuses. Nous en savons plus d'un, dit-il en les gobant : C'est tour de vieille guerre : et vos cavernes creuses Ne vous sauveront pas, je vous en avertis :
Vous viendrez toutes au logi;. Il prophétisait vrai : notre maître Mitis. Pour la seconde fois, les trompe et les affine.
Blanchit sa robe et s'enfarine ;
Et de la sorte déguisé. Se niche et se blottit dans une huche ouverte.
Ce fut a lui bien avise : La gent trotte-menu s'en vient chercher sa perle. Un rat. sans plus, s'abstient d'aller flairer autour : C'était un vieux routier, il savait plus d un tour ;
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Tables de La Tomtatnb
Livre 'J'koisjeme
Même il avait perdu sa queue a la bataille. Ce bloc enfariné ne me dit rien qui \ aille, S'écria-t-il de loin au gênerai des chats : Je soupçonne dessous encor quelque machine :
Rien ne te sert d'être farine ; Car, quand tu serais sac, je n'approcherais pas. C'était bien dit a lui ; j'approuve sa prudence :
Il était expérimente.
Et savait que la méfiance
Est mère de la sûreté.
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F.^BLES DE L.Î TOT^TAWE
Livre Quatrième
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Sévigné, de qui les attraits
Servent aux Grâces de modèle,
Et qui naquîtes toute belle,
A votre indifférence près,
Pourriez-vous être favorable
Aux jeux innocents dune fable.
Et voir, sans vous épouvanter,
Un lion qu'Amour sut dompter ?
Amour est un étrange maître !
Heureux qui peut ne le connaître
Que par récit, lui ni ses coups !
Quand on en parle devant vous.
Si la vérité vous offense,
La fable au moms se peut souffrir :
Celle-ci prend bien l'assurance
De venir à vos pieds s'offrir.
Par zèle et par reconnaissance.
Du temps que les bétes parlaient.
Les lions entre autres voulaient
Etre admis dans notre alliance.
Pourquoi non, puisque leur engeance
Valait la nôtre en ce temps-là.
Ayant courage, intelligence.
Et belle hure, outre cela ?
Voici comment il en alla :
Un lion de haut parentage.
En passant par un certain pré.
Rencontra bergère à son gré :
Il la demande en mariage.
Le père aurait fort souhaité
Quelque gendre un peu moins terrible.
La donner lui semblait bien dur,
La refuser n'était pas sur.
Même un refus eût fait, possible,
Qu'on eût vu quelque beau matin
Un mariage clandestin :
Car, outre qu'en toute manière
La belle était pour les gens fiers,
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Tjcbves de La To?iTJim£
tivRE Quatrième
Fille se coiffe volontiers
D'amoureux à longue crinière.
Le père donc ouvertement
N'osant renvoyer notre amant,
Lui dit : Ma fille est délicate ;
Vos griffes la pourront blesser,
Quand vous voudrez la caresser.
Permettez donc qu'à chaque patte
On vous les rogne ; et, pour les dents
Qu'on vous les lime en même temps :
Vos baisers en seront moins rudes.
Et pour vous plus délicieux ;
Car ma fille y répondra mieux.
Etant sans ces inquiétudes.
Le lion consent à cela.
Tant son âme était aveuglée !
Sans dents ni griffes le voilà
Comme place démantelée.
On lâcha sur lui quelques chiens :
Il fit fort peu de résistance.
Amour ! amour ! quand tu nous tiens.
On peut bien dire : Adieu prudence !
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T-=iBLES DE La ToyTAmE
LirHE Quatrième
LE BERGER ET LA MER
Du rapport d un troupeau, dont il vivait sans soins, Se contenta longtemps un voisin d'Amphitnte :
Si sa fortune était petite.
Elle était sure tout au moins. A la fin, les trésors déchargés sur la plage l^e tentèrent si bien qu il vendit son troupeau. I rafiqua de l'argent, le mit entier sur l'eau.
Cet argent périt par naufrage. Son m:\itre fut réduit à garder les brebis. Non plus berger en chef comme il était jadis, Quand SCS propres moutons paissaient sur le rivage : Celui qui s'était vu Corydon ou Tircis
Fut Pierrot, et rien davantage. Au bout de quelque temps il fit quelques profits.
Racheta des betes à laine ; Et comme un jour les vents, retenant leur haleine. Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux : Vous voulez de l'argent, ô mesdames les Eaux ! Dit-il ; adressez-vous, je vous prie, à quelque autre :
Ma foi ! vous n'aurez pas le nôtre. Ceci n'est pas un conte à plaisir invente.
Je me sers de la vérité
Pour montrer, par expérience.
Qu'un sou, quand il est assuré.
Vaut mieux que cinq en espérance ; Qu'il se faut contenter de sa condition. Qu'aux conseils de la mer et de I ambition
iNous devons fermer les oreilles. Pour un qui s'en louera, dix mille s'en plaindront.
La mer promet monts et merveilles : Fiez-vous-y ; les vents et les voleurs viendront.
72
Fjjbies de La Toi^TJimE
LivTiB Quatrième
LA MOUCHE ET LA FOURMI
La mouche et la fourmi contestaient de leur prix.
G Jupiter! dit la première, Faut-il que l'amour-propre aveugle les esprits
D'une si terrible manière.
Qu'un vil et rampant animal A la fille de l'air ose se dire égal ! Je hante les palais, je m'assieds à ta table : Si 1 on t'immole un boeuf, j'en goûte devant toi ; Pendant que celle-ci, chétive et misérable. Vit trois jours d'un fétu qu'elle a traîné chez soi.
Mais, ma mignonne, dites-moi. Vous campez-vous jamais sur la tête d'un roi.
D'un empereur, ou d'une belle ? Je rehausse d'un teint la blancheur naturelle ; Et la dernière main que met à sa beauté
Une femme allant en conquête. C'est un ajustement des mouches emprunté.
Puis allez-moi rompre la tête
De vos greniers ! — Avez-vous dit ?
Lui répliqua la ménagère. Vous hantez les palais ; mais on vous y maudit.
Et quant à goûter la première
De ce qu'on sert devant les dieux.
Croyez-vous qu'il en vaille mieux ? Si vous entrez partout, aussi font les profanes. Sur la tête des rois et sur celle des ânes Vous allez vous planter, je n'en disconviens pas ;
Et je sais que d'un prompt trépas Cette importunité tien souvent est punie. Certain ajustement, dites-vous, rend jolie ; J'en conviens : il est noir ainsi que vous et moi. Je veux qu'il ait nom mouche : est-ce un sujet pourquoi
Vous fassiez sonner vos mérites ? Nomme-t-on pas aussi mouches les parasites ? Cessez donc de tenir un langage si vain :
N'ayez plus ces hautes pensées.
Les mouches de cour sont chassées ; Les mouchards sont pendus : et vous mourrez de faim.
De froid, de la.igueur, de misère. Quand Phébus régnera sur un autre hémisphère.
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10
Tables de La Tontaine
Lirj{E Quatrième
^\y JA IV'
FABLES DE L^ TOMTAmE
LirHE QUATJ{1ÈME
Un amateur du jardinage,
Demi-bourgeois, demi-manant.
Possédait en certam village Un jardin assez propre, et le clos attenant. Il avait de plant vif fermé cette étendue : La croissait à plaisir l'oseille et la laitue. De quoi faire à Margot pour sa fête un bouquet. Peu de jasmin d'Espagne, et force serpolet. Cette félicité par un lièvre troublée Fit qu'au seigneur du bourg notre homme se plaignit. Ce maudit animal vient prendre sa goulée Soir et matin, dit-il, et des pièges se rit ; Les pierres, les bâtons, y perdent leur crédit Il est sorcier, je crois. — Sorcier ! je l'en défie. Repartit le seigneur : fùt-il diable, Miraut, En dépit de ses tours, l'attrapera bientôt. Je vous en déferai, bon homme, sur ma vie. — Et quand ? — Et dès demain, sans tarder plus longtemps. La partie ainsi faite, il vient avec ses gens. Cependant on fricasse, on se rue en cuisine. De quand sont vos jambons ? ils ont fort bonne mine. — Monsieur, ils sont à vous. — Vraiment, dit le seigneur.
Je les reçois, et de bon coeur. Il déjeune très bien ; aussi fait sa famille, Chiens, chevaux et valets, tous gens bien endentés : 11 commande chez l'hôte, y prend des libertés,
Boit son vin, caresse sa fille. L'embarras des chasseurs succède au déjeuné.
Chacun s'anime et se prépare : Les trompes et les cors font un tel tintamarre
Que le bonhomme est étonné. Le pis fut que l'on mit en piteux équipage Le pauvre potager : adieu planches, carreaux ;
Adieu chicorée et porreaux ;
Adieu de quoi mettre au potage. Le lièvre était gite dessous un maître chou. On le quête ; on le lance : il s'enfuit par un trou,
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LirJiE QUATTimJHE
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Non pas trou, mais trouée, horrible et large plaie
Que l'on fit a la pauvre haie Par ordre du seigneur ; car il eut été mal Qjont nV'ùt pu du jardin sortir tout a cheval. Le bon homme disait : Ce sont la jeux de prince. Mais on le laissait dire : et les chiens et les gens Firent plus de dégât, en une heure de temps.
Que n'en auraient fait en cent ans
Tous les lièvres de la province. Petits princes, videz vos débats entre vous : De recourir aux rois vous seriez de grands fous. Il ne les faut jamais engager dans vos guerres ,
Ni les faire entrer sur vos terres.
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TABLES DE L^ FOMTJimE
LirnE QUATHIÈME
ET LE PETIT CHIEN
Ne forçons point notre talent ;
Nous ne ferions rien avec grâce :
Jamais un lourdaud, quoi qu'il fasse,
Ne saurait passer pour galant. Peu de gens, que le ciel cliérit et gratifie, Ont le don d'agréer, infus avec la vie.
C'est un point qu'il leur faut laisser. Et ne pas ressembler a l'âne de la fable.
Qui, pour se rendre plus aimable Et plus cher â son maître, alla le caresser.
Comment ! disait-il en son âme.
Ce chien, parce qu'il est mignon,
Vivra de pair à compagnon
Avec monsieur, avec madame ;
Et j'aurai des coups de bâton !
Que fait-il ? il donne la patte ;
Puis aussitôt il est baise : S'il en faut faire autant afin que l'on me flatte.
Cela n'est pas bien malaise.
Dans cette admirable pensée. Voyant son maitre en joie, il s'en vient lourdement.
Lève une corne tout usée, La lui porte au menton fort amoureusement. Non sans accompagner, pour plus grand ornement. De son chant gracieux cette action hardie. Oh ! oh ! quelle caresse ! et quelle mélodie ! Dit le maitre aussitôt. Hola ! Martin-bâton ! Martin-bâton accourt : l'âne change de ton.
Ainsi finit la comédie.
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F.^BLES DE La FONT.imE
Lirj{E Quatrième
La nation des belettes, Non plus que celle des chats. Ne veut aucun bien aux rats ; Et. sans les portes étroites De leurs habitations. L"animal à longue échine En ferait, je m'imagine, De grandes destructions. Or. une certaine année, Quil en était à foison. Leur roi, nommé Ratapon. Mit en campagne une armée. Les belettes, de leur part. Déployèrent l'étendard. Si l'on croit la renommée. La victoire balança : Plus d'un guéret s'engraissa Du sang de plus d'une bande. Mais la perte la plus grande Tomba presque en tous endroits Sur le peuple souriquois. Sa déroule fut entière. Quoi que pût faire Arlapax, Psicarpax, Méridarpax, Qui. tout couverts de poussière, Soutinrent sissez longtemps Les efforts des combattants. Leur résistance fut vame ; ' céder au sort :
n s'enfuit au plus fort.
Tant soldat que capitaine. Les pr!- rent tous.
La rat . les trous
T rouvant sa retraite prête. Se sauva sans grand Iravai .Mais les seigneurs sur leur tête Ayant chacun un p'.umail. Des cornes ou des aigrettes. Soit comme marques d'honneur, Soit afin que les belettes
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Fjibles de Lji Toj^tajme
Lirj^E Quatrième
En conçussent plus de peur. Cela causa leur malheur. Trou, ni fente, ni crevasse. Ne fut large assez pour eux ; Au lieu que la populace Entrait dans les moindres creux. La principale jonchée Fut donc des principaux rats. Une tête empanachée N'est pas petit embarras. Le trop superbe équipage Peut souvent en un passage Causer du retardement. Les petits, en toute affaire, Esquivent fort aisément : Les grands ne le peuvent faire.
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F-^BLES DE La TOT^TAmB
Lirj{E QuATTiTÈME
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LE SINGE ET LE DAUPHIN
C'était chez les Grecs un usage
Que sur la mer tous voyageurs
Menaient avec eux en voyage
Singes et chiens de bateleurs.
Un navire en cet équipage
Non loin d'Athènes fit naufrage.
Sans les dauphins tout eut périt.
Cet animal est fort ami
De notre espèce : en son histoire
Pline le dit ; il le faut croire.
Il sauva donc tout ce qu'il put.
Même un singe en cette occurrence,
Profitant de la ressemblance.
Lui pensa devoir son salut :
Un dauphin le prit pour un homme.
Et sur son dos le fit asseoir
Si gravement qu'on eût crut voir
Ce chanteur que tant on renomme.
Le dauphin Fallait mettre à bord.
Quand, par hasard, il lui demande :
Etes-vous d'Athènes la grande ?
Oui, dit l'autre ; on m'y connaît fort :
S'il vous y survient quelque affaire
Employez-moi ; car mes parents
Y tiennent tous les premiers rangs :
Un mien cousin est juge-maire.
Le dauphin dit : Bien grand merci ;
El le Pirée a part aussi
A l'honneur de votre présence ?
Vous le voyez souvent, je pense ? —
Tous les jours :' il est mon ami ;
C'est une vieille connaissance.
Notre magot prit, pour ce coup.
Le nom d'un port pour un nom d'homme.
De telles gens il est beaucoup
Qui prendraient Vaugirard pour Rome,
Et qui, caquetant au plus dru.
Parlent de tout et n'ont rien vu.
Le dauphin rit, tourne la tête.
Et, le magot considéré,
Il s'aperçoit qu'il n'a tiré
Du fond des eaux rien qu'une bête :
Il l'y replonge, et va trouver
Quelque homme afin de le sauver.
80
«. Tables de La ToNTAmE
Lni^E QUATKIBME
LE GEAI PARE DES PLUMES DU PAON
Un paon muait : un geai prit son plumage ;
Puis après se l'accommoda ; Puis parmi d'autres paons tout fier se panada.
Croyant être un beau personnage. Quelqu'un le reconnut : il se vit bafoué.
Berné, sifflé, moqué, joué. Et par messieurs les paons plumé d'étrange sorte ; Même vers ses pareils s'étant réfugié.
Il fut par eux mis à la porte. 11 est assez de geais a deux pieds comme lui. Qui se parent souvent des dépouilles d'autrui.
Et que l'on nomme plagiaires. Je m'en tais, et ne veux leur causer nul ennui :
Ce ne sont pas là mes affaires.
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T.^BLES DE L.1 FOT^TAJME
Livre Quatrième
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LHOMME ET LIDOLE DE BOIS
Certain païen chez lui gardait un dieu de bois,
De ces dieux qui sont sourds, bien qu'ayant des oreilles
Le païen cependant s'en promettait merveilles.
11 lui coûtait autant que trois :
Ce n'était que vœux et qu'offrandes. Sacrifices de bœufs couronnés de guirlandes ;
Jamais idole, quel qu'il fût,
N'avait eu cuisine si grasse ; Sans que, pour tout ce culte, à son hôte il échût Succession, trésor, gain au jeu, nulle grâce. Bien plus, si pour un sou d'orage en quelque endroit
S'amassait d'une ou d'autre sorte. L'homme en avait sa part ; et sa bourse en souffrait : La pitance du dieu n'en était pas moins forte. A la fin, se fâchant de n'en obtenir rien, il vous prend un levier, met en pièces 1 idole, Le trouve rempli d'or. Quand je t'ai fait du bien. M'as-tu valu, dit-il, seulement une obole ? Va, sors de mon logis, cherche d'autres autels.
Tu ressembles aux naturels
Malheureux, grossiers et stupides : On n'en peut rien tirer qu'avec le bâton. Plus je te remplissais, plus mes mains étaient vides :
J'ai bien fait de changer de ton.
82
4. Vablbs de La Toi^tawb
LjV^E QUATnjtMB
Le premier qui vit un chameau
S'enfuit à cet objet nouveau ; Le second approcha ; le troisième osa faire
Un licou pour le dromadaire. L'accoutumance ainsi nous rend tout familier. Ce qui nous paraissait terrible et singulier
S'apprivoise avec notre vue.
Quand ce vient à la continue. Et puisque nous voici tombés sur ce sujet :
On avait mis des gens au guet. Qui, voyant sur les eaux de loin certain objet.
Ne purent s'empêcher de dire
Que c'était un puissemt navire. Quelques moments après, l'objet devint brûlot.
Et puis nacelle, et puis ballot.
Enfin bâtons flottants sur l'onde.
J'en sais beaucoup de par le monde
A qui ceci conviendrait bien : De loin, c'est quelque chose ; et de près ce n'est rien.
F.7BLE5 DE Ll FOT^T.^JME
"LtVJiE QuAT^IEMn
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LA GRENOUILLE ET LE RAT
Tel, comme dit Merlin, cuide engeigner autrui,
Qui souvent s'engeigne soi-mépie. J'ai regret que ce mot soit trop vieux aujourd'hui ; Il ma toujours semble d'une énergie extrême. Mais afin d'en venir au dessein que j ai pris : Un rat plein d'emboniioint, gras et des mieux nourri? Et qui ne connaissait lavent ni le carême, Sur le bord d'un marais égayait ses esprits. Une grenouille approche, et lui dit en sa langue : Venez me voir chez moi ; je vous ferai festin.
Messire rat promit soudain : Il n'était pas besoin de plus longue harangue. Elle allégua jrourtant les délices du bain, La curiosité, le |)laisir du voyage. Cent raretés à voir le long du marécage : Un jour il conterait à ses petits-enfants Les beautés de ces lieux, les mœurs des habitants. Et le gouvernement de la chose publique
Aquatique. Un point sans plus tenait le galant empêché : Il nageait quelque |)eu, mais il fallait de l'aide. La grenouille à cela trouve un très bon remède : Le rat fut a son pied par la patte attache ;
Un brin de jonc en fit l'affaire. Dans le marais entrés, notre bonne commère S'efforce de tirer so.i hôte au fond de l'eau. Contre le droit des gens, contre la foi jurée ; Prétend qu'elle en fera gorge chaude et curée : C'était, à son avis, un excellent morceau. Déjà dans son esprit la galante le croque. Il atteste les dieux : la perfide s'en moque ; Il résiste : elle tire. En ce combat nouveau. Un milan, qui dans l'air planait, faisait la ronde. Voit d'en haut le pauvret se débattant sur l'onde. II fond dessus, l'enlève, et, par même moyen,
La grenouille et le lien.
Tout en fut ; tant et si bien.
Que de cette double proie,
L oiseau se donne au cœur joie.
Ayant, de cette façon,
A souper chair et poisson.
La ruse la mieux ourdie
Peut nuire a son inventeur ;
Et souvent la perfidie
Retourne sur son auteur.
84 .^-
FJIBIES de La TONTJllME
LirJiE QUJITT{IÈMB
TRIBUT ENVOYE PAR LES ANIMAUX A ALEXANDRE
Une fable avait cours parmi l'antiquité ;
Et la raison ne m'en est pas connue. Que le lecteur en tire une moralité ;
Voici la fable toute nue : La Renommée ayant dit en cent lieux Qu'un fils de Jupiter, un certain Alexandre, Ne voulant rien laisser de libre sous les cieux.
Commandait que, sans plus attendre.
Tout peuple à ses pieds s'allât rendre. Quadrupèdes, humains, éléphants, vermisseaux,
Les republiques des oiseaux ;
La déesse aux cent bouches, dis-je.
Ayant mis partout la terreur En publiant ledit du nouvel empereur.
Les animaux, et toute espèce lige De son seul appétit, crurent que cette fois
11 fallait subir d'autres lois. On s'assemble au désert : tous quittent leur tanière. Après divers avis, on résout, on conclut
D'envoyer hommage et tribut.
Pour l'hommage et pour la manière. Le singe en fut charge : l'on lui mit par écrit
Ce que l'on voulait qui fût dit.
Le seul tribut les tint en peine : Car, que donner ? il fallait de l'argent.
On en prit d'un prince obligeant.
Qui, possédant dans son domaine Des mines d'or, fournit ce qu'on voulut. Comme il fut question de porter ce tribut.
Le mulet et l'ane s'offrirent. Assistes du cheval ainsi que du chameau.
Tous quatre en chemin ils se mirent Avec le singe, ambassadeur nouveau. La caravane enfin rencontre en un passage Monseigneur le lion : cela ne leur plut point.
Nous nous rencontrons tout à point, Dit-il ; et nous voici compagnons de voyage.
J allais offrir mon fait à part : Mais, bien qu'il soit léger, tout fardeau m'embarrasse. Obligez-moi de me faire la grâce
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Fo^r.^TA/E
Lirj(B Quatrième -.■
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Que d'en porter chacun un quart : Ce ne vous sera pas une cliarge trop grande. Et j'en serai plus libre et bien plus en état, En cas que les voleurs attaquent notre bande,
Et que l'on en vienne au combat. Econduire un lion rarement se pratique. Le voilà donc admis, soulagé, bien reçu. Et, malgré le héros de Jupiter issu. Faisant chère, et vivant sur la bourse publique.
Ils arrivèrent dans un pré Tout bordé de ruisseaux, de fleurs tout diapré.
Où maint mouton cherchait sa vie ; Séjour du frais, véritable patrie Des zéphjTs. Le lion n'y fut pas, qu'à ces gens
Il se plaignit d'être malade.
Continuez votre ambassade. Dit-il ; je sens un feu qui me brûle au dedans. Et veux chercher ici quelque herbe salutaire.
Pour vous, ne perdez point de temps : Rendez-moi mon argent ; j'en puis avoir affaire. On déballe ; et d'abord le lion s'écria,
D un ton qui témoignait sa joie : Que de filles, ô dieux ! mes pièces de monnaie Ont .produites ! Voyez la plupart sont déjà
Aussi grandes que leurs mères. Le croit m'en appartient. Il prit tout là-dessus; Ou bien, s'il ne prit tout, il n'en demeura guères.
Le singe et les sommiers confus, Sans oser répliquer, en chemin se remirent. Au fils de Jupiter on dit qu'ils se plaignirent.
Et n'en eurent point de raison. Qu'eiJt-il fait ? C'eût été lion contre lion ; Et le proverbe dit : Corsaires à corsaires, L un l'autre s'attaquant, ne font point leurs affaires.
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Tji'bles de 'La To'ntajt^e
Liri{E QUATJilEME
LE CHEVAL SETANT VOULU VENGER DU CERF
De tout temps les chevaux ne sont nés pour les hommes. Lorsque le genre humain de glands se contentait, Ane, cheval, et mule, aux forets habitait : Et l'on ne voyait point, comme au siècle où nous sommes.
Tant de selles et tant de bâts.
Tant de harnais pour les combats,
Tant de chaises, tant de carrosses ;
Comme aussi ne voyait-on pas
Tant de festins et tant de noces. Or, un cheval eut alors différend
Avec un cerf plein de vitesse ; Et, ne pouvant l'attraper en courant. Il eut recours à l'homme, implora son adresse. L'homme lui mit un frem, lui sauta sur le dos,
Ne lui donna point de repos Que le cerf ne fût pris et n'y laissât la vie.
Et cela fait, le cheval remercie L'homme son bienfaiteur, disant : Je suis a vous ; Adieu ; je m'en retourne en mon séjour sauvage. Non pas cela, dit l'homme ; il fait meilleur chez nous :
Je vois trop quel est votre usage. Demeurez donc ; vous serez bien traité.
Et jusqu'au ventre en la litière.
Hélas ! que sert la bonne chère
Quand on n'a pas la liberté ? Le cheval s'aperçut qu'il avait fait folie ; Mais il n'était plus temps ; déjà son écurie
Etait prête et toute bâtie.
y mourut en traînant son lien : Sage s'il eût remis une légère offense. Quel que soit le plaisir que cause la vengeance. C'est l'acheter trop cher que l'acheter d'un bien
Sans qui les autres ne sont rien.
FTn7F.<î VF. 7.1 ToyTMMr.
Livre Quatrième
LA CHEVRE ET LE CHEVREAU
La bique, allant remplir sa traînante mamelle Et paître l'herbe nouvelle. Ferma sa porte au loquet. Non sans dire a son biquet : Gardez-vous sur votre vie. D'ouvrir que l'on ne vous die, Pour enseigne, et mot du guet : Foin, du loup et de sa race ! Comme elle disait ces mots. Le loup, de fortune, passe ; Il les recueille à propos. Et les garde en sa mémoire. La bique, comme on peut croire. N'avait pas vu le glouton. Dès qu'il la voit partie, il contrefait son ton.
Et, d'une voix papelarde. Il demande qu'on ouvre, en disant " Foin du loup ! "
Et croyant entrer tout d'un coup. Le biquet soupçonneux par la fente regarde : Montrez-moi patte blanche, ou je n'ouvrirai point, S'écria-l-il d'abord. Patle blanche est un point Chez les loups, comme on sait, rarement en usage, Celui-ci, fort surpris d'entendre ce langage. Comme il était venu s'en retourna chez soi. Où serait le biquet s'il eût ajouté foi Au mot du guet que, de fortune. Notre loup avait entendu ? Deux sûretés valent mieux qu'une. Et le trop en cela ne fut jamais perdu.
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Vil OO V^*-
Tables de "La Tot^tait^e
Livide Quatj(ième
LE LOUP, LA MÈRE ET L'ENFANT
Ce loup me remet en mémoire Un de ses compagnons qui fut encor mieux pris :
Il y périt. Voici l'histoire : Un villageois avait a l'écart son logis. Messer loup attendait chape-chute à la porte ; Il avait vu sortir gibier de toute sorte,
Veaux de lait, agneaux et brebis. Régiments de dmdons, enfin bonne provende. Le larron commençait pourtant a s'ennuyer.
Il entend un enfant crier :
La mtre aussitôt le gourmande,
Le menace, s'il ne se lait. De le donner au loup. L'anima! se tient prêt. Remerciant les dieux d'une telle aventure. Quand la mère, apaisant sa chère géniture. Lui dit : Ne criez point ; s'il vient, nous le tueron:. Qu'est ceci ? s'écria le mangeur de moutons: Dire d'un, puis d'un autre ! Est-ce ainsi que l'on traite Les gens faits comme moi ? me prend-on pour un sot ■
Que quelque jour ce beau marmot
Vienne au bois cueillir la noisette... Comme il disait ces mots, on sort de la maison : Un chien de cour l'arrête : epieux et fourches-fières
L'ajustent de toutes manières. Que veniez-vous chercher en ce lieu ? lui dit-on.
Aussitôt il conta l'affaire.
Merci de moi! lui dit la mère ; Tu mangeras mon fils ! L'ai-je fait à dessein
Qu'il assouvisse un jour ta faim ?
On assomma la pauvre bête. Un manant lui coupa le pied droit et la tête : Le seigneur du village a sa porte les mit ; Et ce dicton picard alentour fut écrit :
" Biaux chires leups, n'écoutez mie Mère tenchent chen fieux qui crie. "
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F.7BLE5 DE LA TOMT.^mE
JjrnB Quatrième
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LE RENARD ET LE BUSTE
Les grands, pour la plupart, sont masques de théâtre ; Leur apparence impose au vulgaire Idolâtre. L'àne n'en sait juger que par ce qu il en voit : Le renard, au contraire, à fond les examine. Les tourne de tout sens : et, quand il s'aperçoit
Que leur fait n'est que bonne mine. Il leur applique un mot qu'un buste de héros
Lui lit dire fort a propos. C'était un buste creux et plus grand que nature. Le renard, en louant l'effort de la sculpture : " Belle tête, dit-il, mais de cervelle point. " Combien de grands seigneurs sont bustes en ce point !
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Tjibles de La ToT^TJimE
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F.7BLE5 DE L-J FOMT.^iyE ~~
'Urj{B QUATT^JÈ.^E
LE VIEILLARD ET SES ENFANTS
Toute puissance esl faible, à moins que d'être unie :
Ecoutez la-dessus l'esclave de Phrygie.
Si j'ajoute du mien à son invention,
C'est pour peindre nos moeurs et non point par envie
Je SUIS trop au-dessous de cette ambition.
Phèdre enchérit souvent par un motif de gloire ;
Pour moi, de tels pensers me seraient malséants.
Mais venons à la fable, ou plutôt à l'histoire
De celui qui tacha d'unir tous ses enfants.
Un vieillard prêt d aller ou la mort lappelait :
Mes chers enfants, dit-il (a ses fils il parlait).
Voyez si vous romprez ces dards lies ensemble ;
Je vous expliquerai le nœud qui les assemble.
L'aine les ayant pris, et fait tous ses efforts.
Les rendit, en disant : Je le donne aux plus forts.
Un second lui succède, et se met en posture.
Mais en vain. Un cadet tente aussi l'aventure.
Tous perdirent leur temps ; le faisceau résista :
De ces dards joints ensemble un seul ne s'éclata.
Faibles gens, dit le père, il faut que je vous montre
Ce que ma force peut en semblable rencontre.
On crut qu'il se moquait ; on sourit, mais à tort :
Il sépare les dards, et les romiit sans effort.
Vous voyez, leur dit-il, l'effet de la concorde :
Soyez joints, mes enfants ; que l'amour vous accorde.
Tant que dura son mal, il n'eut autre discours.
Enfin se sentant près de terminer ses jours.
Mes chers enfants, dil-il, je vais ou sont nos pères ;
Adieu : prometlez-moi de vivre comme frères ;
Que j'obtienne de vous cette grâce en mourant.
Chacun de ses trois fils l'en assure en pleurant.
Il prend à tous les mains ; il meurt. Et les trois frères
Trouvent un bien fort grand, mais fort mêle d affaires.
Un créancier saisit, un voisin fait procès :
D'abord notre trio s'en tire avec succès.
Leur amitié fut courte autant qu'elle était rare.
Le sang les avait joints ; l'intérêt les sépare :
L'ambition, l'envie, avec les consultants,
Dans la succession entrent en même temps.
On en vient au partage, on conteste, on chicane :
Le juge sur cent points tour à tour les condamne.
Créanciers et voisins reviennent aussitôt.
Ceux-là sur une erreur, ceux-ci sur un défaut.
Les frères désunis sont tous d'avis contraire :
L'un veut s'accommoder, l'autre n'en veut rien faire.
Tous perdirent leur bien, et voulurent trop tard
Profiter de ces dards unis et pris a [lart.
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Fables de La ToNTAmE
Lirj{E QuATRltME
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Tables de Ijk Toi^tjitne
JjVJiE OllATJ{ltMB
L AVARE QUI A PERDU SON TRÉSOR
L'usage seulement fait la possession. Je demande à ces gens de qui la passicn Elst d'entasser toujours, mettre somme sur somme, Quel avantage ils ont que n'ait pas un autre homme. Diogene là-bas est aussi riche qu'eux. Et 1 avare ici-haut comme lui vit en gueux. L homme au trésor caché, qu'EUope nous propose, Servira d'exemple à la chose. Ce malheureux attendait Pour jouir de son bien une seconde vie ; Ne possédait pas l'or, mais l'or le possédait. Il avait dans la terre une somme enfouie. Son cœur avec, n'ayant autre déduit.
Que d'y ruminer jour et nuit. Fit rendre sa chevance à lui-même sacrée. Qu'il allât ou qu'il vint, qu'il bût ou qu'il meuigeât. On l'eût pris de bien court, à moins qu'il ne songeât A l'endroit où gisait cette somme enterrée. Il y fit tant de tours qu'un fossoyeur le vit. Se douta du dépôt, l'enleva sans rien dire. Notre avare un beau jour ne trouva que le nid. Voilà mon homme aux pleurs : il gémit, il soupire.
Il se tourmente, il se déchire. Un passant lui demande a quel sujet ses cris. —
C'est mon trésor que l'on m'a pris. - Votre trésor ! où pris ? — Tout joignant cette pierre
Eh ! sommes-nous en temps de guerre Pour l'apporter si loin ? N'eussiez-vous pas mieux fait De le laisser chez vous en votre cabinet.
Que de le changer de demeure ? Vous auriez pu sans peine y puiser à toute heure. — A toute heure, bons dieux ! ne tient-il qu'à cela ?
L'argent vient-il comme il s'en va > Je n'y touchais jamais. — Dites-moi donc de grâce. Reprit l'autre, pourquoi vous vous affligez tant : Puisque vous ne touchiez jamais a cet argent.
Mettez une pierre à la place ;
•Elle vous vaudra tout autant.
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Tables de Ln Tomtjune
- Lirj{E Quatrième
Un cerf s"etant sauvé dans une étable à bœufs. Fut d'abord averti par eux Qu'il cherchât un meilleur asile. Mes frères, leur dit-il, ne me décelez pas : je vous enseignerai les pàtis les plus gras ; Ce service vous peut quelque jour être utile.
Et vous n'en aurez point regret. Les bœufs, à toutes lins, promirent le secret.
se cache en un coin, respire, et prend courage. Sur le soir on apporte herbe fraîche et fourrage. Comme l'on faisait tous les jours : L'on va, l'on vient, les valets font cent tours, L'intendant même ; et pas un d'aventure
N'aperçut ni cor, ni ramure. Ni cerf enfin. L'habitant des forêts Rend déjà grâce aux bœufs, attend dans cette étable Que. chacun retournant au travail de Cérès, Il trouve pour sortir un moment favorable. L'un des bœufs ruminant lui dit : Cela va bien ; Mais quoi ! l'homme aux cent yeux n'a pas fait sa revue
Je crains fort pour toi sa venue ; Jusque-là, pauvre cerf, ne te vante de rien. Là-dessus le maitre entre et vient faire sa ronde.
Qu'est ceci ? dit-il à son monde ; Je trouve bien peu d'herbe en tous ces râteliers. Cette litière est vieille ; allez vite aux greniers. Je veux voir désormais vos bêtes mieux soignées. Que coûte-t-il d'ôter toutes ces araignées ? Ne saurait-on ranger ces jougs et ces colliers ? En regardant à tout, il voit une autre tête Que celles qu'il voyait d'ordinaire en ce lieu. Le cerf est reconnu : chacun prend un épieu ;
Chacun donne un coup à la bête. Ses larmes ne sauraient la sauver du trépas. On l'emporte, on la sale, on en fait maint repas,
Dont maint voisin s'éjouit d'être. Phèdre sur ce sujet dit fort élégamment :
Il n'est, pour voir, que l'œil du maître. Quant à moi, j'y mettrais encor l'œil de l'amant.
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T.^BLES DE La FONTAmE
LlV^E QUAT1{1ÈME
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LALOUETTE ET SES PETITS
AVEC LE MAITRE D UN CHAMP
Ne t attends qu a toi seul ; c'est un commun proverbe.
Voici comme Esope le mit En crédit :
Les alouettes font leur nid
Dans les bics quand ils sont en herbe,
C'est-à-dire environ le temps Que tout aime et que tout pullule dans le monde.
Monstres marins au fond de 1 onde. Tigres dans les forets, alouettes aux champs.
Une pourtant de ces dernières Avait laisse passer la moitié d'un printemps Sans goûter le plaisir des amours printanieres. A toute force enfin elle se résolut D'imiter la nature et d être mère encore. Elle batit un nid, pond, couve, et fait éclore A la hâte : le fout alla du mieux qu'il put. Les blés d'alentour miirs avant que la nitée
Se trouvât assez, forte encor
Pour voler et prendre l'essor. De mille soins divers l'alouette agitée S'en va chercher pâture, avertit ses enfants D'être toujours au guet et faire sentinelle.
Si le possesseur de ces champs Vient avecque son fils, comme il viendra, dit-elle, Ecoutez bien : selon ce qu il dira,
Chacun de nou3 décampera. Sitôt que l'alouette eut quitté sa famille, l^e possesseur du champ vient avecque son .fils. Ces blés sont mûrs, dit-il : allez chez nos amis Les prier que chacun, apportant sa faucille. Nous vienne aider demain des la pointe du jour.
Notre alouette de retour
Trouve en alarme sa couvée. L'un commence : Il a dit que, l'aurore levée, L on fit venir demain ses amis pour l'aider. S'il n'a dit que cela, repartit l'alouette. Rien ne nous presse encor de changer de retraite. Mais c'est demain qu'il faut tout de bon écouter. Cependant soyez gais, voila de quoi manger. Eux repus, tout s'endort, les petits et la mère. L'aube du jour arrive, et d'amis point du tout. L'alouette à l'essor, le maître s'en vient faire
Sa ronde ainsi qu'a l'ordinaire.
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" Tables de Lji To'ntatne
'LivT\-E Quatrième •»
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Ces blés ne devraient pas, dit-il, être debout. Nos amis ont grand tort, et tort qui se repose Sur de tels paresseux, à servir ainsi lents. Mon fils, allez chez nos parents Les prier de la même chose. L épouvante est au nid plus forte que jamais. Il a dit ses parents, mère! c'est à cette heure... Non, mes enfants ; dormez en paix : Ne bougeons de notre demeure. L alouette eut raison ; car personne ne vint. Pour la troisième fois, le maître se souvint De visiter ses blés. Notre erreur est extrême. Dit-il, de nous attendre à d'autres gens que nous. Il n est meilleur ami ni parent que soi-même. Retenez bien cela, mon fils. Et savez-vous Ce qu'il faut faire ? Il faut qu'avec notre famille Nous prenions dès demain chacun une faucille : C est là notre plus court ; et nous achèverons
Notre moisson quand nous pourrons. Dès lors que ce dessein fut su de l'alouette : C'est ce coup qu'il est bon de partir, mes enfants ! Et les petits, en même temps. Voletant, se culebutant. Délogèrent tous sans trompette.
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F.^BLE.S DE La Foj^T.fl^E
hwnB Cinquième
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Votre goût a servi de règle à mon ouvrage : J'ai lente les moyens d'acquérir son suffrage. Vous voulez qu'on évite un soin trop curieux, Et des vains ornements l'effort ambitieux ; Je le veux comme vous : cet effort ne peut plaire. Un auteur gâte tout quand il veut trop bien faire. Non qu'il faille bannir certains traits délicats : Vous les aimez, ces traits ; et je ne les hais pas. Quant au principal but qu'Esope se propose, "^
J'y tombe au moins mal que je puis. Enfin, si dftfis ces vers je ne plais et n'instruis, 11 ne tient pas à moi ; c'est toujours quelque chose Comme la force est un point Dont je ne me pique point. Je tâche d'y tourner le vice en ridicule. Ne pouvant l'attaquer avec des bras d'Hercule. C'est là tout mon talent ; je ne sais s'il suffit.
Tantôt je peins en un récit La sotte vanité jointe avecque l'envie. Deux pivots sur qui roule aujourd'hui notre vie.
Tel est ce chétif animal Qui voulut en grosseur au bœuf se rendre égal. J'oppo«e quelquefois, par une double image, Le vice à la vertu, la sottise au bon sens.
Les agneaux aux loups ravissants, La mouche à la fourmi ; faisant de cet ouvrage Une ample comédie à cent actes divers.
Et dont la scène est l'univers. Hommes, dieux, emimaux, tout y fait quelque rôle; Jupiter comme un autre. Introduisons celui Qui porte de sa part aux belles la parole : Ce n'est pas de cela qu'il s'agit aujourd'hui.
Un bûcheron perdit son gagne-pain.
C'est sa cognée ; et la cherchant en vain.
Ce fut pitié lâ-dessus de l'entendre.
Il n'avait pas des outils à revendre:
Sur celui-ci roulait tout son avoir.
Ne sachant donc où mettre son espoir.
Sa face était de pleurs toute baignée ;
O ma cognée ! 6 ma pauvre cognée !
S'écriait-il : Jupiter, rends-la-moi ;
Je tiendrai l'être encore un coup de toi.
Sa plainte fut de l'Olympe entendue.
Mercure vient. Elle n'est pa» perdue.
Lui dit ce dieu ; la connaitras-tu bien î*
Jjrj{E CiMQyitME '
le crois l'avoir près dici rencontrée.
Lors une d'or à l'homme étant montrée.
Il répondit : Je n'y demande rien.
Une d'argent succède à la première ;
Il la refuse. Enfin une de bois.
Voilà, dit-il, la mienne cette fois :
Je suis content si j'ai cette dernière.
Tu les auras, dit le dieu, toutes trois :
Ta bonne foi sera récompensée.
En ce cas-là je les prendrai, dit-il.
L'histoire en est aussitôt dispersée ;
Et boquillons de perdre leur outil.
Et de crier pour se le faire rendre.
Le roi des dieux ne sait auquel entendre.
Son fils Mercure aux criards vient encor :
A chacun d'eux il en montre une d'or.
Chacun eût cru passer pour une béte
De ne pas dire aussitôt : La voila !
Mercure, au lieu de donner celle-là.
Leur en décharge un grand coup sur la tête.
Ne point mentir, être content du sien.
C'est le plus sûr : cependant on s'occupe
A dire faux pour attraper du bien.
Que sert cela ? Jupiter n'est pas dupe.
F.fBLES DE Ll FOMTJtmE
- Liri{E Cinquième
^:r^o.
Le pot de fer proposa
Au pot de terre un voyage.
Celui-ci s'en excusa.
Disant qu'il ferait que sage
De garder le coin du feu :
Car il lui fallait si paj,
Si peu que la moindre chose
De son debns serait cause :
Il n'en reviendrait morceau.
Pour vous, dit-ii, dont la peau
Est plus dure que la mienne,
Je ne vois rien qui vous tienne.
Nous vous mettrons à couvert.
Repartit le pot de fer :
Si quelque matière dure
Vous menace d'aventuie.
Entre deux je passerai,
Lt du coup vous sauverai.
Cette offre le persuade.
Pot de fer son camarade
Se met droit à ses côtés.
Mes gens s'en vont à trois pieds
Clopin dopant comme ils peuvent,
L'un contre l'autre jetas
Au moindre hoquet qu'ils treuvent. Le pot de terre en souffre ; il n'eut pas fait cent pas Que par son compagnon il fut mis en éclats.
Sans qu'il eût lieu de se plaindre. Ne nous associons qu'avecque nos égaux ;
Ou bien il nous faudra craindre
Le destin d'un de ces pots.
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Tjibles de La 'FoNTJjmE
LirnE CmQwÈME
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TjfBVES DE tA TOTiTATNB
LwR-E Cinquième
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LES OREILLES DU LIEVRE
Un animal cornu blessa de quelques coups
Le lion, qui, plein de courroux.
Pour ne plus tomber en la peine.
Bannit des lieux de son domaine Toute bête portant des cornes à son front. Chèvres, béliers, taureaux, aussitôt délogèrent ;
Daims et cerfs de climat changèrent :
Chacun à s'en aller fut prompt. Un lièvre, apercevant l'ombre de ses oreilles,
Craignit que quelque inquisiteur N'allât interpréter à cornes leur longueur. Ne les soutint en tout à des cornes pareilles. Adieu, voisin grillon, dit-il ; je pars d'ici : Mes oreilles enfin seraient cornes aussi ; Et quand je les aurais plus courtes qu'une autruche, Je craindrais même encor. Le grillon repartit : Cornes cela ! Vous me prenez pour cruche I
Ce sont oreilles que Dieu fit.
On les fera passer pour cornes. Dit l'animal craintif, et cornes de licornes. J'aurai beau protester ; mon direct mes raisons
Iront aux Petites-Maisons.
-M 102 l*»-
Tjibles de Lji Foj^TJtmE
LirnE Cinquième
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T.^BLES DE Ll h'O^JT.nîME -~
LiyJ(B ClMQVJEME
LA VIEILLE ET LES DEUX SERVANTES
Il était une vieille ayant deux chambrières : Elles filaient si bien que les sœurs ftlandieres Ne faisaient que brouiller au prix de celles-ci. La vieille n'avait point de plus pressant souci Que de distribuer aux servantes leur tache. Des que Tethj's chassait Phebus aux crins dorés, Tourets entraient en jeu, fuseaux étaient tirés ;
Deçà, delà, vous en aurez :
Point de cesse, point de relâche. Dès que l'Aurore, dis-je, en son char remontait, Un misérable coq a point nomme chantait ; Aussitôt notre vieille, encor plus misérable, S'affublait d'un jupon crasseux et détestable. Allumait une lampe, et courait droit au lit Ou, de tout leur pouvoir, de tout leur appétit.
Dormaient les deux pauvres servantes. L'une enlr'ouvrait un œil, l'autre étendait un bras :
Et toutes deux, très mal contentes, Disaient entre leurs dents : Maudit coq ! tu mourras ! Comme elles l'avaient dit, la béte fut grippée ; Le réveille-matin eut la gorge coupée. Ce meurtre n'amenda nullement leur marché : Notre couple, au contraire, a peine était couche, Que la vieille, craignant de laisser passer l'heure, ' Courait comme un lutin, par toute sa demeure.
C'est ainsi que, le plus souvent. Quand on pense sortir d'une mauvaise affaire.
On s'enfonce encor plus avant :
Témoin ce couple et son salaire. La vieille, au heu du coq. les fit tomber par la
De Charybde en Scylla.
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Tables de Lji Votait aine
LrrJiE CmQmÈME
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F.mES DE II 7Ù)A'r,?JAfE
Lirj^E Cjt^qvtème
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LA FORTUNE ET LE JEUNE ENFANT
Sur le bord d'un puits très pwofond
Dormait, étendu de son long,
Un enfant alors dans ses classes : Tout est aux écoliers couchette et matelas. Un honnête homme, en pareil cas.
Aurait fait un saut de vingt brasses.
Près de là tout heureusement La fortune passa, l'éveilla doucement, Lui disant : mon mignon, je vous sauve la vie ; Soyez une autre fois plus sage, je vous prie. Si vous fussiez tombé, l'on s'en fût pris à moi ;
Cependant c'était votre faute.
Je vous demande, en bonne foi.
Si cette imprudence si haute Provient de mon caprice. Elle part à ces mots.
Pour moi, j'approuve son propos.
II n'arrive rien dans le monde
Qu'il ne faille qu'elle en réponde :
Nous la faisons de tous écots ; Elle est prise a garant de toutes aventures. Est-on sot, étourdi ; prend-on mal ses mesures, On pense en être quitte en accusant son sort :
Bref, la Fortune a toujours tort.
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Fjibles de La ToMTJimE
IaVR-E CmQVIÈME
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LE LABOUREUR ET SES ENFANTS
Travaillez, prenez de la peine :
C'est le fonds qui manque le moins. Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine. Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins. Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage Que nous ont laissé nos parents ;
Un trésor est caché dedans. Je ne sais pas l'endroit ; mais un peu de courage Vous le fera trouver : vous en viendrez à bout. Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût : Creusez, fouillez, bêchez ; ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse. Le père mort, les fils vous retournent le champ. Deçà, delà, partout ; si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage. D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer, avant sa mort.
Que le travail est un trésor.
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T.^BLES DE La rOMTJflNE
— LiVHE Cinquième
Un certain loup, dans la saison Que les tièdes zéphirs ont l'herbe rajeunie, Et que les animaux quittent tous la maison
Pour s'en aller chercher leur vie ; Un loup, dis-je, au sortir des rigueurs de l'hiver. Aperçut un cheval qu'on avait mis au vei t.
Je laisse a penser quelle joie. Bonne chasse, dit-il, qui l'aurait à son croc ! Et ! que n'es-tu mouton ! car tu me eerais hoc ; Au lieu qu'il faut ruser pour avoir cette proie. Rusons donc. Ainsi dit, il vient a pas comptés ;
Se dit écolier d'Hippocrate ; Qu'il connaît les vertus et les propriétés
De tous les simples de ces prés ;
Qu'il sait gucrir, sans qu'il se flatte. Toutes sortes de maux. Si dom coursier voulait
Ne point celer sa maladie.
Lui loup gratis le guérirait :
Car le voir en cette prairie
Paître ainsi, sans être hé. Témoignait queh.ue mal, selon la médecine.
J'ai, dit la béte chevaline.
Un apostume sous le pied. Mon fils, dit le docteur, il n'est point de partie
Susceptible de tant de maux. J'ai l'honneur de servir nos seigneurs les chevaux.
Et fais aussi la chirurgie. Mon galant ne songeait qu'a l)icn prendre son temps,
Afin de happer son malade. L'autre, qui s'en doutait, lui lâche une ruade
Qui vous lui met en marmelade
Les mandibules, et les dents. C'est bien fait, dit le loup en soi-même, fort triste ; Chacun à son métier doit toujours s'attacher.
Tu veux faire ici l'arboriste.
Et ne fus jamais que boucher.
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Tables de La Fontjiime
■- Lir7(E Cinquième
LA MONTAGNE QUI ACCOUCHE
Une montagne, en mal d'enfant,
Jetait une clameur si haute
Que chacun, au bruit accourant.
Crut qu'elle accoucherait, sans faute, D une cité plus grosse que Paris :
Elle accoucha d'une souris.
Quand je songe à cette fable.
Dont le récit est menteur
Et le sens est véritable.
Je me figure un auteur Qui dit : Je chanterai la guerre Que firent les Titans au maître du tonnerre. C est promettre beaucoup : mais qu'en sort-il souvent } Du venl.
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Tables de "La ToMTjimE
LirjiE Cjmquième
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^ T.^BLES DE L-f TOJ^TJflME
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Lu j{.E Cinquième
L'avarice perd tout en voulant tout gagner.
Je ne veux, pour le témoigner, Que celui dont la poule, à ce que dit la fable,
Pondait tous les jours un œuf d'or. Il crut que dans son corps elle avait un trésor; Il la tua, l'ouvrit, et la trouva semblable A celles dont les œufs ne lui rapportaient rien, S'étant lui-même Ole le plus beau de son bien.
Belle leçon pour les gens chiches ! Pendant ces derniers temps, combien en a-t-on vus. Qui du soir au matin sont pauvres devenus.
Pour vouloir trop tôt être riches !
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Tjibles de La FoMTAmE
LiyjiE CmQiiiÈME
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Tables de L^ TOMTAmE
UVRE Cjnqvième
LE SERPENT ET LA LIME
On tomple qu un serpent, voisin d'un horloger (C'était pour l'horloger un mauvais voisinage). Entra dans sa boutique, et, cherchant à manger.
N'y rencontra pour tout potage Qu'une lime d'acier qu'il se mit à ronger. Cette lime lui dit, sans se mettre en colère : Pauvre ignorant ! et que prétends-tu faire ?
Tu te prends à plus dur que toi.
Petit serpent à tête folle :
Plutôt que d'emporter de moi
Seulement le quart d'une obole.
Tu te romprais toutes les dents.
Je ne crains que celles du temps. Ceci s'adresse à vous, esprits du dernier ordre, Qui, n'étant bons à rien, cherchez sur tout à mordre,
Vous vous tourmentez vainement. Croyez-vous que vos dents impriment leurs outrages
Sur tant de beaux ouvrages ? Ils sont pour vous d'airam, d'acier, de diamant.
->« 114 B-
Tables de La Foi^taine
LirnE CmQmÈJHE
L'aigle et le chat-huant leurs querelles cessèrent,
Et firent tant qu'ils s'embrassèrent. L'un jura foi de roi, l'autre foi de hibou Qu'ils ne se goberaient leurs petits peu ni prou. Connaissez-vous les miens ? dit l'oiseau de Minerve. Non, dit l'aigle. Tant pis, reprit le triste oiseau :
Je crams en ce cas pour leur peau ;
C'est hasard si je les conserve. Comme vous êtes roi, vous ne considérez Qui m quoi : rois et dieux mettent, quoi qu'on leur die
Tout en même catégorie. Adieu mes nourrissons, si vous les rencontrez. Peignez-les-moi, dit l'aigle, ou bien me les montrez ;
Je n'y toucherai de ma vie. Le hibou repartit : Mes petits sont mignons. Beaux, bien faits, et jolis sur tous leurs compagnons : Vous les reconnaîtrez sans peine à cette marque. N'allez pas l'oublier ; retenez-la si bien
Que chez moi la maudite Parque
N'entre point par votre moyen. Il advint qu'au hibou Dieu donna géniture ; De façon qu'un beau soir qu'il était en pâture,
Notre aigle aperçut, d'aventure.
Dans les coins d'une roche dure.
Ou dans les trous d'une masure
(Je ne sais pas lequel des deux).
De petits monstres for"l hideux. Rechignes, un air triste, une voix de Mégère. Ces enfants ne sont pas, dit l'aigle, à notre ami, Croquons-les. Le galant n'en fit pas à demi : Ses repas ne sont point repas à la légère : Le hibou, de retour, ne trouve que les pieds De ses chers nourrissons, hélas ! pour toute chose. 11 se plaint ; et les dieux sont par lui suppliés De punir le brigand qui de son deuil est cause. Quelqu'un lui dit alors : N'en accuse que toi
Ou plutôt la commune loi
Qui veut qu'on trouve son semblable
Beau, bien fait, et sur tous aimable. Tu fis de tes enfants à l'aigle ce portrait ;
En avaient-ils le moindre trait ?
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Tables vf. L.i Tomt.^ime
LirJiE Cinquième
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Tables de Lji Tot^tai-ne
LirnE Cinquième ~
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Tables de La TomAmE
Lirj{E Cjmqvième
LOURS ET LES DEUX COMPAGNONS
Deux compagnons, pressés d'argent,
A leur voisin fourreur vendirent
La peau d'un ours encor vivant. Mais qu'ils tueraient bientôt ; du moins à ce qu'ils dirent. C'était le roi des ours au compte de ces gens. Le marchand à sa peau devait faire fortune ; Elle garantirait des froids les plus cuisants ; On en pourrait fourrer plutôt deux robes qu'une. Dindenaut prisait moins ses moutons qu'eux leur ours. Leur, à leur compte, et non à celui de la bête, S'ofîrant de la livrer au plus tard dans deux jours. Ils conviennent de prix, et se mettent en quête, Trouvent l'ours qui s'avance et vient vers eux au trot. Voila mes gens frappés comme d'un coup de foudre. Le marche ne tint pas ; il fallut le résoudre : D'intérêts contre l'ours, on n'en dit pas un mot. L'un des deux compagnons grimpe au faite d'un arbre ;
L'autre, plus froid que n'est un marbre. Se couche sur le nez, fait le mort, tient son vent.
Ayant quelque^ part oui dire
Que l'ours s'acharne peu souvent Sur un corps qui ne vit, ne meut, ni ne respire. Seigneur ours, comme un sot, donna dans ce panneau : Il voit ce corps gisant, le croit privé de vie ;
Et de peur de supercherie, Le tourne, le retourne, approche son museau.
Flaire aux passages de l'haleine. C'est, dit-il, un cadavre ; ôtons-nous, car il sent. A ces mots, l'ours s'en va dans la forêt prochaine. L'un de nos deux marchands de son arbre descend. Court a son compagnon, lui dit que c'est merveille Qu'il n'ait eu seulement que la peur pour tout mal. Eh bien ! ajoula-t-il, la peau de l'animal ?
Mais que t'a-t-il dit à l'oreille ?
Car il s'approchait de bien près.
Te retournant avec sa serre, qu'il ne faut jamais , — -1 de l'ours qu'on ne l'ait mis par terre.
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< fjlBLES DE LJI TOJ^TAINB
LwRE Cinquième
LE LION S'EN ALLANT EN GUERRE
Le lion dans sa tête avait une entreprise : Il tint conseil de guerre, envoya ses prévôts ;
Fit avertir les animaux. Tous furent du dessein, chacun selon sa guise ;
L'éléphant devait sur son dos
Porter l'attirail nécessaire.
Et combattre à son ordinaire ;
L'ours s'apprêter pour les assauts ; Le renard ménager de secrètes pratiques ; Et le singe amuser l'ennemi par ses tours. Renvoyez, dit quelqu'un, les ânes, qui sont lourds. Et les lièvres, sujets à des terreurs paniques. Point du tout, dit le roi ; je les veux employer : Notre troupe sans eux ne serait pas complète. L'âne effraiera les gens, nous servant de trompette ; Et le lièvre pourra nous servir de courrier.
Le monarque prudent et sage De ses moindres sujets sait tirer quelque usage.
Et connaît les divers talents. Il n'est rien d'inutile aux personnes de sens.
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TjfBLES DE L.7 TONTJnNE
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LE PATRE ET LE LION
Les fables ne sont pas ce qu'elles semblent être ; Le plus simple animal nous y tient lieu de maitre. Une morale nue apporte de l'ennui : Le conte fait passer le précepte avec lui. Eln ces sortes de feinte il faut instruire et plaire • Et conter pour conter me semble peu d'affaire. C'est par cette rciison qu'égayant leur esprit, Nombre de gens fameux en ce genre ont écrit. Tous ont fui l'ornement et le trop d'étendue ; On ne voit point chez eux de parole perdue. Phèdre était si succinct, qu'aucuns l'en ont blâmé Elsope en moins de mots s'est encore exprimé. Mms sur tous certeûn Grec renchérit, et se pique
D'une élégance laconique ; 11 renferme toujours son conte en quatre vers : Bien ou mal, je le laisse à juger aux experts. Voyons-le avec Elsope en un sujet semblable. L'un amène un chasseur, l'autre un pâtre, en sa fable. J ai SUIVI leur projet quant à l'événement, Y cousant en chemin quelque trait seulement. Voici comme à peu près Elsope le raconte : Un pâtre, à ses brebis trouvant quelque mécompte. Voulut à toute force attraper le larron. Il s'en va près d'un antre, et tend à l'environ Des lacs à prendre loups, soupçonnant cette engeance.
Avant que partir de ces lieux. Si tu fais, disait-il, ô moneu'que des dieux, Que le drôle à ces lacs se prenne en ma présence, Et que je goûte ce plaisir. Parmi vingt veaux je veux choisir Le plus gras, et t'en faire offrande ! A ces mots sort de l'emlre un lion grand et fort ; Le pâtre se tapit, et dit, à demi mort : Que l'homme ne sait guère, hélas ! ce qu'il demande ! Pour trouver le larron qui détruit mon troupeau, Et le voir en ces lacs pris avant que je parte, O monarque des dieux, je t'ai promis un veau : Je te- promets un bœuf si tu fais qu'il s'écarte ! C'est ainsi que l'a dit le principal auteur : Passons à son imitateur,
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Tables de La Tomtajj^e
Livre Sjxjè.he
LE LION ET LE CHASSEUR
Un fanfaron, amateur de la chasse. Venant de perdre un chien de bonne race Qu'il soupçonnait dans le corps d'un lion, Vit un berger. Enseigne-moi, de grâce. De mon voleur, lui dit-il, la maison ; Que de ce pas je me fasse raison. Le berger dit : C'est vers cette montagne. En lui payant de tribut un mouton Par chaque mois j'erre dans la campagne Comme il me plait ; et je suis en repos. Dans le moment qu'ils tenaient ces propos Le lion sort, et vient d'un pas agile. Le fanfaron aussitôt d'esquiver ; G Jupiter ! montre-moi quelque asile, S'écria-t-il qui me puisse sauver ! La vraie épreuve de courage N'est que dans le danger que l'on touche du doigt Tel le cherchait, dit-il, qui, changeant de langage. S'enfuit aussitôt qu'il le voit.
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Fjibles de Lï TcmTAlME
Lirj{E Sixit.HE
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Borée et le Soleil virent un voyageur
Qui s'était muni par bonheur Contre le mauvais temps. On entrait dans l'automne, Quand la précaution aux voyageurs est bonne : Il pleut, le soleil luit, et l'écharpe d'Iris
Rend ceux qui sortent avertis Qu'en ces mois le manteau leur est fort nécessaire : Les Latins les nommaient douteux, pour cette affaire. Notre homme s'était donc à la pluie attendu : Bon manteau bien doublé, bonne étoffe bien forte. Celui-ci, dit le Vent, prétend avoir pourvu A tous les accidents, mais il n'a pas prévu
Que je saurai souffler de sorte Qu'il n'est bouton qui tienne : il faudra, si je veux,
Que le manteau s'en aille au diable. L'ébattement pourrait nous en être agréable : Vous plait-il de l'avoir ? Eh bien ! gageons nous deux,
Dit Phebus, sans tant de paroles, A qui plus tôt aura dégarni les épaules
Du cavalier que nous voyons. Commencez : Je vous laisse obscurcir mes rayons. 11 n'en fallut pas plus. Notre souffleur a gage Se gorge de vapeurs, s'enfle comme un ballon.
Fait un vacarme de démon. Siffle, souffle, tempête, et brise en son passage Maint toit qui n'en peut mais, fait périr maint bateau :
Le tout au sujet d'un manteau. Le cavalier eut soin d'empêcher que l'orage
Ne se pût engouffrer dedans. Cela le préserva. Le Vent perdit son temps ; Plus il se tourmentait, plus l'autre tenait ferme : Il eut beau faire agir le collet et lesplis.
Sitôt qu'il fut au bout du terme
Qu'à la gageure on avait mis.
Le Soleil dissipe la nue. Récrée et puis pénètre enfin le cavalier,
Sous son balandras fait qu'il sue.
Le contraint de s'en dépouiller : Encor n'usa-t-il pas de toute sa puissance.
Plus fait douceur que violence.
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Tables de "La Tontjijme
Lir^E Sixième
JUPITER ET LE METAYER
Jupiter eut jadis une ferme à donner.
Mercure en fit l'annonce, et gens se présentèrent,
Firent des offres, écoutèrent :
Ce ne fut pas sans bien tourner ;
L'un alléguait que l'héritage Etait frayaint et rude, et l'autre un autre si.
Pendant qu'ils marchandaient ainsi. Un d'eux, le plus hardi, maiis non pas le plus sage. Promit d'en rendre tant, pourvu que Jupiter
Le laissât disposer de l'mr.
Lui donnât saison a sa guise. Qu'il eût du chaud, du froid, du beau temps, de la bise.
Enfin du sec et du mouillé.
Aussitôt qu'il aurait baillé. Jupiter y consent. Contrat passé, notre homme Tranche du roi des airs, pleut, vente, et fait en somme Un climat pour lui seul : ses plus proches voisins Ne s'en sentaient non plus que les Américains. Ce fut leur avantage : ils eurent bonne année.
Pleine moisson, pleine vmée. Monsieur le receveur fut très mal partagé.
L'an suivant, voilà tout changé :
11 ajuste d'une autre sorte
La température des cieux.
Son champ ne s'en trouve pas mieux ; Celui de ses voisins fructifie et rapporte. Que fait-il ? Il recourt au monarque des dieux ;
Il confesse son imprudence. Jupiter en usa comme un medtre fort doux.
Concluons que la Providence
Sait ce qu il nous faut mieux que nous.
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Tables de Iji Fomtaimb
Lirj{E Sixième
Le mulet d'un prélat se piquait de noblesse, Et ne parlait incessamment Que de sa mère la jument, Dont il contait mainte prouesse.
Elle avait fait ceci, puis avait été la. Son fils prétendait pour cela Qu'on le dût mettre dans 1 histoire.
Il eût cru s'abaisser servant un médecin.
Etant devenu vieux, on le mit au moulin :
Son père 1 àne alors lui revint en mémoire. Quand le malheur ne serait bon Qu'à mettre un sol à la raison. Toujours serait-ce à juste cause Qu'on le dit bon à quelque chose.
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TABvns DE "La Tomtawe
Livre Sixième
F.^BLES DE L.^ Fontaine
Livre Sixiejhe
L'n souriceau lout jeune, et qui n avait rien vu,
Fut presque pris au dépourvu. Voici comme il conta l'aventure à sa mère : J'avais franchi les monts qui bornent cet Etat,
Et trottais comme un jeune rat
Qui cherche à se donner carrière, Lorsque deux animaux m'ont arrête les yeux :
L'un doux, bénin et gracieux. Et l'autre turbulent, et plein d'inquiétude; a la voix perçante et rude.
Sur la léle un morceau de chair, L'ne sorte de bras dont il s'élève en l'air
Comme pour prendre sa volée,
La queue en |)anache étalée. Or, c'était un cochet dont notre souriceau
Fit à sa mère le tableau Comme d'un animai venu de l'Amérique, se battait, dit-il, les flancs avec ses bras.
Faisant tel bruit et tel fracas, Que moi, qui grâce aux dieux de courage me pique.
En ai pris la fuite de peur.
Le maudissant de très bon cœur.
Sans lui j'aurais fait connaissance Avec cet animal qui m'a semblé si doux :
est velouté comme nous. Marqueté, longue queue, une humble contenance, Un modeste regard, et pourtant l'œil luisant.
Je le crois fort sympathisant .Avec messieurs les rats ; car il a des oreilles
En figure aux nôtres 'pareilles. Je l'allais aborder, quand d'un son plein d'éclat
L'autre m'a fait prendre la fuite. Mon fils, dit la souris, ce doucet est un chat.
Qui, sous son minois hypocrite.
Contre toute ta parenté
D'un malin vouloir est porté.
L'autre animal, tout au contraire.
Bien éloigné de nous mal faire, .Servira quelque jour peut-être à nos repas. Quant au chat, c'est sur nous qu'il fonde sa cuisine.
Garde-toi, tant que tu vivras.
De juger des gens sur la mine.
Tjibles de 'L \ 'FoMT.,imB
UrnB Sixième
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LE RENARD, LE SINGE ET LES ANIMAUX
Les animaux, au décès d'un lion. En son vivant prince de la contrée. Pour faire un roi s'assemblèrent, dit-on. De son étui la couronne est tirée : Dans une chartre un dragon la gardait. Il se trouva que, sur tous essayée, A pas un d'eux elle ne convenait : Plusieurs avaient la tête trop menue. Aucuns trop grosse, aucuns même cornue. Le singe aussi fit l'épreuve en riant ; Et, par plaisir, la tiare essayant, Il fit autour force grimaceries, Tours de souplesse, et mille singeries. Passa dedans ainsi qu'en un cerceau. Aux animaux cela sembla si beau. Qu'il fut élu : chacun lui fit hommage. Le renard seul regretta son suffrage. Sans toutefois montrer son sentiment. Quand îi eut fait son petit compliment. Il dit au roi : Je sais sire, unecache. Et ne crois pas qu'autre que moi le sache. Or tout trésor, par droit de royauté. Appartient, sire, à votre majesté. Le nouveau roi bâille après la finance. Lui-même y court pour n'être pas trompé. C'était un piège : Il y fut attrapé. Le renard dit, au nom de l'assistance : Prétendrais-tu nous gouverner encor. Ne sachant pas te conduire loi-même ? II fut démis : et l'on tomba d'accord Qu'à peu de gens convient le diadème.
TjfBlES DE L.4 TOMTAmE
LirTjE Sixième
Un vieillard sur son âne aperçut en passant
Un pré plein d'herbe et fleurissant :
Il y lâche sa bête, et le grison se rue
Au travers de llierbe menue,
Se vautrant, grattant et frottant.
Gambadant, chantant et broutant.
Et faisant mainte place nette.
L'ennemi vient sur l'entrefaite.
Fuyons, dit alors le vieillard.
Pourquoi ? répondit le paillard : Me fera-t-on porter double bât, double charge ? Non pas, dit le vieillard, qui prit d'abord le large. Et que m'importe donc, dit l'âne, a qui je sois ?
Sauvez-vous, et me laissez paître.
Notre ennemi, c'est notre maître :
Je vous le dis en bon françois.
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Tables de L^ To-NTAmE
LirnE Sixième
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LE LIEVRE ET LA TORTUE
Rien ne sert de courir ; il faut partir à point : Le lièvre et la tortue en sont un témoignage. Gageons, dit celle-ci, que vous n'atteindrez point Sitôt que moi ce but. Sitôt ! êtes- vous sage ?
Repartit l'animal léger :
Ma commère, il faut vous purger
Avec quatre grains d'ellébore.
— Sage ou non, je parie encore.
Ainsi fut fait ; et de tous deux
On mit près du but les enjeux.
Savoir quoi, ce n'est pas l'affaire.
Ni de quel juge l'on convint. Notre lièvre n'avait que quatre pas a faire ; J'entends de ceux qu'il fait lorsque, prêt d'être atteint Il s'éloigne des chiens, les renvoie aux calendes.
Et leur fait arpenter les landes. Ayant, dis-je, du temps de reste pour brouter.
Pour dormir, et pour écouter D'où vient le vent, il laisse la tortue
Aller son train de sénateur.
Elle part, elle s'évertue ;
Elle se hâte avec lenteur. Lui cependant méprise une telle victoire.
Tient la gageure à peu de gloire.
Croit qu'il y va de son honneur De partir tard. 11 broute, il se repose ;
Il s'amuse a toute autre chose Qu'à la gageure. A la fin, quand il vit Que l'autre touchait presque au bout de la carrière. Il partit comme un trait ; mais les élans qu'il fit Furent vains : la tortue arriva la première. Eh bien ! lui cria-t-elle, avais-je pas raison ?
De quoi vous sert votre vitesse ?
Moi l'emporter ! et que serait-ce
Si vous portiez une maison ?
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F.TBLES DE "Ln TOMT.^iyE
LirnE Sixième
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LE CHARTIER EMBOURBE
Le Phaéton d'une voiture à foin Vit son char embourbé. Le pauvre homme était loin De tout humain secours : c'était à la campagne, Près d'un certain canton de la Basse- Bretagne,
Appelé Quimper-Corentin.
On sait assez que le Destin Adresse la les gens quand il veut qu'on enrage.
Dieu nous préserve du voyage ! Pour venir au chartier embourbé dans ces lieux. Le voilà qui déteste et jure de son mieux.
Pestant, en sa fureur extrême. Tantôt contre les trous, puis contre les chevaux.
Contre son char, contre lui-même. 11 invoque à la fin le dieu dont les travaux
Sont si célèbres dans le monde : Hercule, lui dit-il, aide-moi ; si ton dos
A porté la machine ronde.
Ton bras peut me tirer d'ici. Sa prière étant faite, il entend dans la nue
Une voix qui lui parle ainsi :
Hercule veut qu'on se remue ; Puis il aide les gens. Regarde d'où provient
L'achoppement qui te retient ;
Ole d'autour de chaque roue Ce malheureux mortier, cette maudite boue
Qui jusqu'à l'essieu les enduit ; Prends ton pic et me romps ce caillou qui te nuit ; Comble-moi cette ornière. As-tu fait ? Oui, dit l'homme Or bien je vais t'aider, dit la voix ; prends ton fouet. Je l'ai pris... Qu'est ceci ? mon char marche à souhait ! Hercule en soit loué ! Lors la voix : Tu vois comme Tes chevaux aùsément se sont tirés de la.
Aide-toi, le ciel t'aidera.
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FABLES DE La TONTJllME
twR-E Sixième
LE SOLEIL ET LES GRENOUILLES
Aux noces d'un tyran tout le peuple en liesse
Noyait son souci dans les pots. Esope seul trouvait que les gens étaient sots
De témoigner tant d'allégresse. Le Soleil, disait-il, eut dessein autrefois
De songer à l'hyménée. Aussitôt on ouït, d'une commune voix. Se plaindre de leur destinée Les citoyennes des étangs. Que ferons-nous, s'il lui vient des enfants ? Dirent-elles au Sort : un seul Soleil à peine
Se peut souffrir ; une demi-douzaine Mettra la mer à sec, et tous ses habitants. Adieu joncs et marais : notre race est détruite ; Bientôt on la verra réduite A l'eau du Styx. Pour un pauvre euiimal, Grenouilles, à mon sens, ne raisonnaient pas mal.
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F.-TBLE5 DE LA FOJ^TJtmE
LiriiE Sixième
LE VILLAGEOIS ET LE SERPENT
Esope conte qu'un manant. Charitable autant que peu sage,
Un jour d'hiver se promenant
A l'entour de son héritage.
Aperçut un serpent sur la neige étendu.
Transi, gelé, perclus, immobile rendu.
N'ayant pas à vivre un quart d'heure.
Le villageois le prend, l'emporte en sa demeure ;
Et sans considérer quel sera le loyer
D'une action de ce mérite,
11 l'étend le long du foyer.
Le réchauffe, le ressuscite. L'animal engourdi sent à peine le chaud. Que l'âme lui revient avecque la colère. Il lève un peu la tête, et puis siffle aussitôt ; Puis fait un long repli, puis tâche à faire un saul Contre son bienfaiteur, son sauveur et son père. Ingrat, dit le manant, voila donc mon salaire ! Tu mourras ! A ces mots, plein d'un juste courroux,
Il fait trois serpents de deux coups :
Un tronçon, la queue, et la tête. L'insecte, sautillant, cherche à se réunir ;
Mais il ne put y parvenir.
Il est bon d'être charitable :
Mais envers qui ? c'est là le point.
Quant aux ingrats, il n'en est point
Qui ne meure enfin misérable.
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Tjibles de La ToNTJimE
"LiriiB Sixième
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De par le roi des animaux.
Qui dans son antre était malade.
Fut fait savoir à ses vassaux
Que chaque espèce en ambassade
Envoyât gens le visiter,
Sous promesse de bien traiter
Les députés, eux et leur suite.
Foi de lion, très bien écrite :
Bon passeport contre la dent.
Contre la griffe tout autant.
L'édit du prince s'exécute :
De chaque espèce on lui députe.
Les renards gardant la maison.
Un d'eux en dit cette raison :
Les pas empreints sur la poussière Par ceux qui s'en vont faire au malade leur cour. Tous, sans exception, regardent sa tanière ;
Pas un ne marque de retour :
Cela nous met en méfiance.
Que sa majesté nous dispense :
Grand merci de son passeport.
Je le crois bon : mais dans cet antre
Je vois fort bien comme l'on entre.
Et ne vois pas comme on en sort.
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Vjjbles de Lji Tontjhne
Lirj(E Sixième
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Fjibles de La Tomtjijne
Lir7{E Sixième
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T.^BIES DE L-l VOMTJHME
lU^^HE Sixième •*
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Tables de tji Voi^TJimE
Livre Sixième
L'àne d'un jardinier se plaignait au Destin De ce qu'on le faisait lever devant l'aurore. Les coqs, lui disait-il, ont beau chanter matin.
Je suis plus matineux encore. Et pourquoi ? pour porter des herbes au marche Belle nécessité d'interrompre mon somme ?
Le Sort, de sa plainte touché. Lui donne un autre maître, et l'animal de somme Passe du jardinier aux mains d'un corroyeur. La pesanteur des peaux et leur mauvaise odeur Eurent bientôt choqué l'impertinente béte. J'ai regret, disait-il, à mon premier seigneur.
Encor, quand il tournait la tête.
J'attrapais, s'il m'en souvient bien. Quelque morceau de chou qui ne me coûtait rien Mais ici point d'aubaine, ou, si j'en ai quelqu'une. C'est de coups. Il obtint changement de fortune !
Et sur l'état d'un charbonnier
Il fut couché tout le dernier. Autre plainte. Quoi donc ! dit le Sort en colère,
(^e baudet-ci m'occupe autant
Que cent monarques pourraient faire ! Croit-il être le seul qui ne soit pas content ?
N'ai-je en l'esprit que son affaire ? Le Sort avait raison. Tous gens sont ainsi faits : Notre condition jamais ne nous contente ;
La pire est toujours la présente. Nous fatiguons le ciel à force de placets. Qu'à chacun Jupiter accorde sa requête.
Nous lui romprons encor la tête.
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Tables de La To-ntjhi^-e
Liri{E Sixième
La perte d'un époux ne va point sans soupirs ; On fait beaucoup de bruit, et puis on se console. Sur les ailes du Temps la tristesse s'envole :
Le temps ramène les plaisirs.
Entre la veuve d'une année
Et la veuve d'une journée La différence est grande : on ne croirait jamais
Que ce fût même personne ; L'une fait fuir les gens, et l'autre a mille attraits : Aux soupirs vrais ou faux celle-là s'abandonne ; C'est toujours même note et pareil entretien.
On dit qu'on est inconsolable :
On le dit ; nuiis il n'en est rien.
Comme on verra par cette fable.
Ou plutôt par la vérité.
L'époux d'une jeune beauté Partait pour l«utre monde. A ses côtés sa femme Lui criait : Attends-moi, je te suis; et mon âme. Aussi bien que la tienne, est prête à s'envoler.
Le mari fait seul le voyage. I-a belle avait un père, homme prudent et sage ;
11 laissa le torrent couler.
A la fin. pour la consoler : Ma (ille, lui dit-il, c'est trop verser de larmes ; Qu'a besoin le défunt que vous noyiez vos charmes ? Puisqu'il est des vivants, ne songez plus aux morts.
Je ne dis pas que tout à l'heure
Une condition meilleure
Change en des noces ces transports ; Mais après certain temps souffrez qu'on vous propose Un époux, beau, bien fait, jeune, et tout autre chose Que le défunt ! Ah ! dit-elle aussitôt.
Un cloître est l'époux qu'il me faut. Le père lui l<ùssa digérer sa disgrâce.
Un mois de la sorte se passe ;
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Tablbs de L^ To'ntawe
LiriiE Sixième
L'autre mois on l'emploie à changer tous les jours Quelque chose à l'habit, au linge, à la coiffure :
Le deuil enfin sert de parure.
En attendant d'autres atours. " Toute la bande des Amours Revient au colombier ; les jeux, les ris, la danse.
Ont aussi leur tour à la fin :
On se plonge soir et matm
Dans la fontaine de Jouvence. Le père ne craint plus ce défunt tant chéri ; Mais comme il ne parlait de rien à notre belle :
Où donc est le jeune mari
Que vous m'avez promis ? dit-elle.
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F.4BLES DE Ll rOA'TJllME
LirT{E Sixième
La déesse Discorde ayant brouille les dieux,
Et fait un grand procès là-liaut pour une |)ommc,
On la fit déloger des cieux.
Chez l'animal qu'on appelle homme
On la reçut à bras ouverts.
Elle et Que-si-que-non, son frère,
Avecque Tien-et-mien, son père. Elle nous fit l'honneur, en ce bas univers,
De préférer notre hémisphère A celui des mortels qui nous sont opposés.
Gens grossiers, peu civilisés. Et qui, se mariant sans prêtre et sans notaire.
De la Discorde n'ont que faire. Pour la faire trouver aux lieux ou le besoin
Demandait qu'elle fût présente,
La Renommée avait le soin De l'avertir ; et l'autre, diligente. Courait vite aux débats, et prévenait la Paix ; Faisait d'une étincelle un feu long à s'éteindre. La Renommée enfin commença de se plaindre
Que l'on ne lui trouvait jamais
De demeure fixe et certaine ; Bien souvent l'on perdait, à la chercher, sa peine Il fallait donc qu'elle eût un séjour affecté. Un séjour d'où l'on pût en toutes les familles
L'envoyer à jour arrêté. Comme il n était alors aucun couvent de filles,
On y trouva difficulté.
L auberge enfin de l'Hyménée
Lui fut pour maison assignée.
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Tjibles de La FoMTjnME
Liri{E SJX.JEME
Le monde n'a jamais manqué de charlatans :
Cette science, de tout temps.
Fut en professeurs très fertile. Tantôt l'un en théâtre affronte l'Achéron,
Et l'autre affiche par la ville
Qu il est un passe-Cicéron.
Un des derniers se vantait d'être
En éloquence si grand maître.
Qu'il rendrait disert un badaud.
Un manant, un rustre, un lourdaud ; Oui, Messieurs, un lourdaud, un animal, un âne : Que l'on m'amène un âne, un âne renforcé,
Je le rendrai maître passé.
Et veux qu'il porte la soutane. Le prince sut la chose et manda le rhéteur.
J'ai, dit-il, en mon écurie
Un fort beau roussin d'Arcadie :
J'en voudrais faire un orateur. Sire, vous pouvez tout, reprit d'abord notre homme.
On lui donna certaine somme,
11 devait au bout de dix ans
Mettre son âne sur les bancs ; Sinon il consentait d'être en place publique Guindé la hart au col, étranglé court et net.
Ayant au dos sa rhétorique.
Et les oreilles d'un baudet. Quelqu'un des courtisans lui dit qu'à la potence Il voulait l'aller voir, et que, pour un pendu,
aurait bonne grâce et beaucoup de prestance : Surtout qu'il se souvint de faire â l'assistance Un discours où son art fût au long étendu ; Un discours pathétique, et dont le formulaire
Servit à certains Cicêrons
Vulgairement nommés larrons.
L'autre reprit : Avant l'affaire. Le roi, l'âne, ou moi, nous mourrons.
11 avait raison. C'est folie
De compter sur dix ans de vie. Soyons bien buvants, bien mangeants. Nous devons à la mort de trois l'un en dix ans.
141
FABLES DE La TOJVTAmE
VirfiB Sixième
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EPILOGUE
Bornons ici cette carrière : Les longs ouvrages me font peur. Loin d'épuiser une matière. On n'en doit prendre que la (leur. Il s'en va temps, que je reprenne Un peu de forces et d'fialeine, Pour fournir à d'autres projets. Amour, ce tyran de ma vie. Veut que je change de sujets : Il faut contenter son envie. Retournons à Psyché. Damon, vous m'exhortez A peindre ses malheurs et ses félicités : J'y consens ; peut-être ma veine En sa faveur s'échauffera. Heureux si ce travail est la dernière peine Que son époux me causera !
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TABLES DE LjI TOT^TAmB
LîrnE Septtè.he
LES ANJMAUX MALADES DE LA PESTE
Un mal qui répand la terreur.
Mal que le ciel en sa fureur Inventa pour punir les crimes de la terre, La peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom), Capable d'enrichir en un jour l'Achéron,
Faisait aux animaux la guerre. Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés
On n'en voyait point d'occupés A chercher le soutien d'une mourante vie ;
Nul mets n'excitait leur envie ;
Ni loups ni renards n'épiaient
La douce et l'innocente proie ;
Les tourterelles se fuyaient ;
Plus d'amour, partant plus de joie. Le lion tint conseil, et dit : Mes chers amis.
Je crois que le ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune.
Que le plus coupable de nous Se sacrifie aux traits du céleste courroux ; Peut-être il obtiendra la guérison commune. L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents
On fait de pareils dévouements. Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence
L'état de notre conscience. Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons,
J'ai dévoré force moutons. Que m'avaient-ils fait ? nulle offense ; Même il m'est arrivé quelquefois de manger
Le berger. Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense. Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi : Car on doit souhaiter, selon toute justice,
Que le plus coupable périsse. Sire, dit le renard, vous êtes trop bon roî ; Vos scrupules font voir trop de délicatesse. Eh bien ! manger moutons, canaille, sotte espèce. Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes, seigneur.
En les croquant, beaucoup d'honneur ;
Et quant au berger, l'on peut dire
Qu'il était digne de tous maux. Etant de ces gens-là qui sur les animaux
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*i T.4BLES DE La FomAlME
- Livj^E Septième
Se font un cliimerlque empire. Ainsi dit le renard ; et flatteurs dapplaudir.
On n'osa trop approfondir Du tigre, ni de l'ours, ni des autres puissances,
Les moins pardonnables offenses : Tous les gens querelleurs, jusqu aux simples malins. Au dire de chacun, étaient de petits saints. L'àne vint à son tour, et dit : J'ai souvenance
Qu'en un pré de moines passant, La faim, l'occasion, I herbe tendre, et je pense.
Quelque diable aussi me poussant. Je tondis de ce pré la largeur de ma langue : Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net. A ces mots, on cria haro sur le baudet. Un loup, quelque peu clerc, prouva par sa harangue Qu il fallait dévouer ce maudit animal. Ce pelé, ce galeux, d'où venait tout leur mal. Sa peccadille fut jugée un cas pendable. Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable !
Rien que la mort n'était capable D'expier son forfait. On le lui fit bien voir. Selon que vous serez puissant ou misérable. Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir.
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Tables de Lji To^NTAmt
"LivnB Septième
Que le bon soit toujours camarade du beau.
Dès demain je chercherai femme ; Mais comme le divorce entre eux n'est pas nouveau; Et que peu de beaux corps, hôtes d'une belle âme.
Assemblent l'un et l'autre point. Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche pomt. J'ai vu beaucoup d'hymens ; aucuns d'eux ne me tentent. Cependant des humains presque les quatre parts S'exposent hardiment au plus grand des hasards ; Les quatre parts aussi des humains se repentent. J'en vais alléguer un qui, s'étant repenti.
Ne put trouver d'autre parti
Que de renvoyer son épouse,
Querelleuse, avare et jalouse. Rien ne la contentait, rien n'était comme il faut : On se levait trop tard, on se couchait trop tôt ; Puis du blanc, puis du noir, puis encore autre chose. Les valets enrageaient ; l'époux était a bout : Monsieur ne songe à nen, monsieur dépense tout.
Monsieur court, monsieur se repose. Elle en dit tant, que monsieur, à la fin.
Lassé d'entendre un tel lutin,
Vous la renvoie à la campagne Chez ses parents. La voilà donc compagne De certaines Philis qui gardent les dindons.
Avec les gardeurs de cochons. Au bout de quelque temps qu'on la crut adoucie. Le mari la reprend. Eh bien ! qu'avez-vous fait ?
Comment passiez-vous votre vie ? L'innocence des champs est-elle votre fait ?
Assez, dit-elle : mais ma peine Etait de voir des gens plus paresseux qu'ici ;
Ils n'ont des troupeaux nul souci. Je leur savais bien dire, et m'attirais la haine
De tous ces gens si peu soigneux. Eh ! madame, reprit son époux tout à l'heure.
Si votre esprit est si hargneux
Que le monde qui ne demeure Qu'un moment avec vous, et ne revient qu'au soir.
Est déjà lassé de vous voir. Que feront des valets qui, toute la journée.
Vous verront contre eux déchaînée ?
Et
que pourra faire un époux
Que vous voulez qui soit nuit et jour avec vous ? Retournez au village : adieu. Si de ma vie
Je vous rappelle, et qu'il m'en prenne envie, Puissé-je chez les morts avoir, pour mes péchés. Deux femmes comme vous sans cesse à mes côtés 1
m5
TjfBLES DE La ToTiTAll^B —
tiriiE Septième
LE RAT QUI SEST RETIRÉ DU MONDE
Les Levantins en leur légende Disent qu'un certain rat, las des soins d'ici-bas,
Dans un fromage de Hollande
Se retira loin du tracas.
La solitude était profonde,
S'étendant partout à la ronde. Notre ermite nouveau subsistait là-dedans.
Il fit tant, des pieds et des dents, Qu'en peu de jours il eut au fond de l'ermitage Le vivre et le couvert : que faut-il davantage ? 11 devint gros et gras : Dieu prodigue ses biens
A ceux qui font vœu d'être siens.
Un jour, au dévot personnage
Des députés du peuple rat S'en vinrent demauider quelque aumône légère :
Ils allaient en terre étrangère Chercher quelque secours contre le peuple chat ;
Ratopolis était bloquée : On les avait contraints de partir sans argent,
Attendu l'état indigent
De la république attaquée. Ils demandaient fort peu, certains que le secours
Serait prêt dans quatre ou cinq jours.
Mes 2unis, dit le solitaire. Les choses d'ici-bas ne me regardent plus :
Eji quoi peut un pauvre reclus
Vous assister ? que peut-il faire. Que de prier le ciel qu'il vous eude en ceci. J'espère qu'il aura de vous quelque souci.
Ayant parlé de celte sorte.
Le nouveau saint ferma sa porte.
Qui désigné-je, à votre avis.
Par ce rat, si peu secourable ?
Un moine ? Non, mais un dervis : Je suppose qu'un moine est toujours charitable.
146
Tjibles de La foi^TAmE
TjrxE Septième.
Sa majesté lionne un jour voulut connaître De quelles nations le ciel l'avait fait maître.
Il meinda donc par députés
Ses vassaux de toute nature,
Envoyemt de tous les côtés
Une circulaire écriture
Avec son sceau. L'écrit portait
Qu'un mois durant le roi tiendrait
Cour plénière, dont l'ouverture
Devait être un fort grand festin,
Suivi des tours de Fagotin.
Par ce trait de magnificence Le prince à ses sujets étalait sa puissance.
En son Louvre il les invita. Quel Louvre ! un vrai charnier, dont l'odeur se porta D'abord au nez des gens. L'ours boucha sa narine : Il se fût bien passé de faire cette mine ; Sa grimace déplut : le monarque irrité L'envoya chez Pluton faire le dégoûté. Le singe approuva fort cette sévérité ; Et, flatteur excessif, il loua la colère Et la griffe du prince, et l'antre et cette odeur :
Il n'était ambre, il n'était fleur Qui ne fût ail au prix. Sa sotte flatterie Eut un mauvais succès, et fut encor punie :
Ce monseigneur du lion-là
Fut parent de Caligula. Le renard étant proche : Or ça, lui dit le sire. Que sens-tu ? dis-le-moi : parle sans déguiser.
L'autre aussitôt de s'excuser. Alléguant un grand rhume : il ne pouvait que dire
Sans odorat. Bref, il s'en tire.
Ceci vous sert d'enseignement : Ne soyez à la cour, si vous voulez y plaire. Ni fade adulateur, ni parleur trop sincère. Et tâchez quelquefois de répondre en Normand.
'47
#• Tables de Ln To-NT.nm-E
JjivRT. Septième
Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où. Le héron au long bec emmanche d'un long cou :
11 côtoyait une rivière. L'onde était transparente ainsi qu'aux plus beaux jours : Ma commère la carpe y faisait mille tours
Avec le brochet son compère. Le héron en eut fait aisément son profil : Tous approchaient du bord ; l'oiseau n'avait qu'à prendre.
Mais il crut mieux faire d'attendre
Qu'il eût un peu plus d appétit : 11 vivait de régime et mangeait à ses heures. Apres quelques moments l'appetit vint : l'oiseau.
S'approchant du bord, vit sur l'eau Des tanches qui sortaient du fond de ces demeures. Le mets ne lui plut pas ; il s'attendait à mieux.
Et montrait un goût dédaigneux
Comme le rat du bon Horace. Moi, des tanches ! dit-il : moi, héron, que je fasse Une SI pauvre chère ! Et pour qui me prend-on ? La tanche rebutée, il trouva du goujon. Du goujon ! c'est bien là le diner d'un héron ! J ouvrirais pour si peu le bec ! aux dieux ne plaise ! Il l'ouvrit pour bien moins : tout alla de façon
Qu'il ne vit plus aucun poisson. La faim le prit : Il fut tout heureux et tout aise
De rencontrer un limaçon.
Ne soyons pas si difficiles : Les plus accommodants', ce sont les p'us habiles ; On hasarde de perdre en voulant trop gagner.
Gardez-vous de rien dédaigner. Surtout quand vous avez a peu près votre compte. Bien des gens y sont pris. Ce n'est pas aux hérons Que je parle : écoutez, hum.îins, un autre conte : Vous verrez que chez vous j'ai puisé ces leçons.
148 »-
Tjjbles de La To-ntaime
Liri^E Septième
Yir
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Certaine fille, un peu trop fière.
Prétendait trouver un mari Jeune, bien fait, et beau, d'agréable manière. Point froid et point jaloux : notez ces deux points-ci.
Cette fille voulait aussi
Qu'il eût du bien, de la naissance. De l'esprit, enfin tout. Mais qui peut tout avoir ? Le Destin se montra soigneux de la pourvoir :
Il vint des partis d'importance. La belle les trouvait trop chétifs de moitié : Quoi, moi ! quoi ! ces gens-là ! l'on radote, je pense. A moi les proposer ! hélas ! ils font pitié :
Voyez un peu la belle espèce ! L'un n'avait en l'esprit nulle délicatesse ; L'autre avait le nez fait de cette façon-là :
C'était ceci, c'était cela ;
C'était tout, car les précieuses
Font dessus tout les dédaigneuses. Après les bons partis, les médiocres gens
Vinrent se mettre sur les rangs. Elle de se moquer. Ah ! vraiment je suis bonne De leur ouvrir la porte ! Ils pensent que je suis
Fort en peine de ma personne :
Grâce à Dieu, je passe les nuits
Sans chagrin, quoique en solitude. La belle se sut gré de tous ces sentiments. L âge la fit déchoir : adieu tous les amants. Un an se passe, et deux, avec inquiétude : Le chagrin vient ensuite ; elle sent chaque jour Déloger quelques Ris, quelques Jeux, puis l'Amour,
Puis ses traits choquer et déplaire ; Puis cent sortes de fards. Ses soins ne purent faire Qu'elle échappât au Temps, cet insigne larron.
Les ruines d'une maison Se peuvent réparer : que n'est cet avantage
Pour les ruines du visage ! Sa préciosité changea lors de langage. Son miroir lui disait : Prenez vite un mari. Je ne sais quel désir le lui disait aussi : Le désir peut loger chez une précieuse. Celle-ci fit un choix qu'on n'aurait jamais cru, Se trouvant à la fin tout aise et tout heureuse
De rencontrer un malotru.
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r.fBLES DE La TOT^TJm^-E
Livre Septiè.we
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LES SOUHAITS
Il est au Mongol des follets
Qui font office de valets. Tiennent la maison propre, ont soin de l'équipage.
Et quelquefois du jardinage.
Si vous touchez à leur ouvrage, Vous gâtez tout. Un d'eux près du Gange autrefois Cultivciit le jardin d'un assez bon bourgeois. Il travaillait sans bruit, avait beaucoup d'adresse.
Aimait le maitre et la maîtresse, Et le jardin surtout. Dieu sait si les Zéphyrs, Peuple ami du démon, l'assistaient dans sa tâche ! Le follet, de sa part, travaillant sans relâche.
Comblait ses hôtes de pleiisirs.
Pour plus de mau'ques de son zèle. Chez ces gens pour toujours il se fut arrêté
Nonobstant la légèreté
A ses pareils si naturelle ;
Mais ses confrères les esprits Firent tant que le chef de cette république.
Par caprice ou par politique.
Le changea bientôt de logis. Ordre lui vient d'aller au fond de la Norwège
Prendre le soin dune meiison
En tout temps couverte de neige ; Et d'Indou qu'il était on vous le fait Lapon. Avîint que de partir, l'esprit dit â ses hôtes :
On m'oblige de vous quitter ;
Je ne sais pas pour quelles fautes : Mais enfin il le faut. Je ne puis arrêter Qu'un temps fort court, un mois, peut-être une semaine tîmployez-la ; formez trois souhaits ; car je puis
Rendre trois souhaits accomplis ; Trois, sans plus. Souhaiter, ce n'est pjis une peine
Etrange et nouvelle aux humains. CetK-d, pour premier voeu, demandent l'Abondance :
Et l'Abondance à pleines mains
Verse en leurs coffres la finance, Ejj leurs greniers le blé, dans leurs caves les vins : Tout en crève. Comment ranger cette chevance ? Quels registres, quels soins, quel temps il leur fallut ? Tous deux sont empêchés si jeûnais on le fut.
Les voleurs contre eux complotèrent ;
Le» grands seigneurs leur empruntèrent ;
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Vables de "La Toi^TAmB
Lirj{E Septième
Le prince les taxa. Voilà les pauvres gens
Malheureux par trop de fortune. Otez-nous de ces biens l'affluence importune. Dirent-ils l'un et l'autre : heureux les indigents ! La pauvreté vaut mieux qu'une telle richesse. Retirez-vous, trésors ; fuyez : et toi, déesse. Mère du bon esprit, compagne du repos, O Médiocrité, reviens vite ! A ces mots La Médiocrité revient. On lui fait place :
Avec elle ils rentrent en grâce. Au bout de deux souhaits, étant aussi chanceux
Qu'ils étaient, et que sont tous ceux Qui souhaitent toujours et perdent en chimères Le temps qu'ils feraient mieux de mettre à leurs affaires.
Le follet en rit avec eux.
Pour profiter de sa largesse. Quand il voulut partir et qu'il fut sur le point.
Ils demandèrent la Sagesse : C est un trésor qui n'embarrasse point.
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Tjcbl-es de L-n To^TAiyE
LirnE Septième ■*
LES VAUTOURS ET LES PIGEONS
Mars autrefois mit tout l'air en émute.
Certain sujet fit naitre la dispute
Chez les oiseaux, non ceux que le Printemps
Mené a sa cour, et qui, sous la feuillée.
Par leur exemple et leurs sons éclatants,
Font que Vénus est en nous réveillée ;
Ni ceux encor que la mère d'Amour
Met à son char ; mais le peuple vautoui.
Au bec retors, à la tranchante serre.
Pour un chien mort se fil, dit-on. la guerre.
Il plut du sang : je n'exagère point.
Si je voulais conter de point en point
Tout le détail, je manquerais d'haleine.
Maint chef périt, maint héros expira;
Et sur son roc Prométhée espéra
De voir bientôt une fin à sa peine.
C'était plaisir d'observer leurs efforts ;
C'était pitié de voir tomber les morts.
Valeur, adresse, et ruses, et surprises.
Tout s'employa. Les deux troupes, éprises
D'ardent courroux, n'épargnaient nuls moyens
De peupler l'air que respirent les ombres :
Tout élément remplit de citoyens
Le vaste enclos qu'ont les royaumes sombres.
Cette fureur mit la compassion
Dans les esprits d'une autre nation
Au col changeant, au coeur tendre et fidèle.
Elle employa sa médiation
Pour accorder une telle querelle :
Ambassadeurs par le peuple pigeon
Furent choisis, et si bien travaillèrent
Que les vautours plus ne se chamaillèrent.
Ils firent trêve ; et la paix s'en suivit.
Helas ! ce fut aux dépens de la race
A qui la leur aurait dû rendre grâce.
La gent maudite aussitôt poursuivit
Tous les pigeons, en fit ample carnage,
Et dépeupla les bourgades, les champs.
Peu de prudence eurent les pauvres gens
D'accommoder un peuple si sauvage.
Tenez toujours divisés les méchants :
La sûreté du reste de la terre
Dépend de là. Semez entre eux la guerre,
Ou vous n'aurez avec eux nulle paix.
Ceci soit dit en passant : je me tais.
iSî tt-
TABLES DE La FOMTJflME
Lir^E Septième
Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé, Et de tous les côtés au soleil exposé.
Six forts chevaux tiraient un coohe. Femmes, moines, vieillards, tout était descendu ; L'attelage suait, soufflait, était rendu. Une mouche survient et des chevaux s'approche. Prétend les animer par son bourdonnement ; Pique l'un, pique l'autre, et pense a tout moment
Qu'elle fait aller la machine ; S'assied sur le timon, sur le nez du cocher.
Aussitôt que le char chemine.
Et qu'elle voit les gens marcher. Elle s'en attribue uniquement la gloire. Va, vient, fait l'empressée : il semble que ce soit Un sergent de bataille allant en chaque endroit Faire avancer ses gens et hâter la victoire.
La mouche, en ce commun besoin. Se plaint qu'elle agit seule, et qu'elle a tout le soin Qu'aucun n'aide aux chevaux à se tirer d'affaire.
Le moine disait son bréviaire : 11 prenait bien son temps ! une femme chantait ; C'était bien de chansons qu'alors il s'agissait ! Dame mouche s'en va chanter à leurs oreilles.
Et fait cent sottises pareilles. Apres bien du travail, le coche arrive au haut. Respirons maintenant ! dit la mouche aussitôt : J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine. Ça, messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine. Ainsi certaines gens, faisant les empressés.
S'introduisent dans les affaires :
Ils font partout les nécessaires, Et partout importuns, devraient être chassés.
•^ i53 i"
F.7BIE5 DE La Tomt.^jt^e
Liri{E Septième
x^-H^mV.
LA LAITJERE ET LE POT AU LAIT
Perrette sur sa tête ayant un pot au lait,
Bien posé sur un coussinet, Prétendait arriver sans encombre à la ville. Légère et court vêtue, elle allait à grands pas, Ayant mis ce jour-là, pour être plus agile,
Cotillon simple et souliers plats.
Notre laitière ainsi troussée
Comptait déjà dans sa pensée Tout le prix de son lait ; en employait l'argent ; Achetait un cent d'œufs ; faisait triple couvée : La chose allait à bien par son soin diligent.
— Il m'est, disait-elle, facile D'élever des poulets autour de ma maison ;
Le renard sera bien habile S'il ne m'en laisse assez jiour avoir un cochon. Le porc à s'engraisser coûtera peu de son ; Il était, quand je l'eus, de grosseur raisonnable : J'aurai, le revendant, de l'argent bel et bon. Et qui m'empêchera de mettre en notre étable. Vu le prix dont il est, une vache et son veau. Que je verrai sauter au milieu du troupeau ? Perrette là-dessus saute aussi, transportée : Le lait tombe ; adieu veau, vache, cochon, couvée. La dame de ces biens, quittant d'un œil marri
Sa fortune ainsi répandue.
Va s'excuser à son mari.
En grand danger d'être battue.
Le récit en farce en fut fait ;
On l'appela le Pot au lait.
Quel esprit ne bat la campagne ?
Qui ne fait châteaux en Espagne ? Picrochole, Pyrrhus, la laitière, enfin tous.
Autant les sages que les fous. Chacun songe en veillant ; il n'est rien de plus doux. Une flatteuse erreur emporte alors nos âmes ;
Tout le bien du monde est à nous,
Tous les honneurs, toutes les femmes. Quand je suis seul je fais au plus brave un défi ; Je m'écarte, je vais détrôner le sophi ;
On m'élit roi, mon peuple m'aime ; Les diadèmes vont sur ma tête pleuvant : Quelque accident fait-il que je rentre en moi-même,
le suis Gros-Jean comme devant.
-M 164
♦. Tables de Lji Tomtajt^e
"LWRE SEPTIÈ.lfE
Un mort s'en allait tristement
S'emparer de son dernier gîte ;
Un curé s'en allait gaiement
Enterrer ce mort au plus vite. Notre défunt était en carrosse porté,
Bien et dûment empaqueté. Et vêtu d'une robe, hélas ! qu'on nomme bière.
Robe d'hiver, robe d'été,
Que les morts ne dépouillent guère.
Le pasteur était à côté.
Et récitait, à l'ordinaire,
Mcuntes dévotes oraisons.
Et des psaumes et des leçons.
Et des versets et des répons :
Monsieur le mort, laissez-nous faire. On vous en donnera de toutes les façons ;
Il ne s'agit que du salaire. Messire Jean Chouart couvait des yeux son mort. Comme si l'on eût dû lui ravir ce trésor ;
Et des regards semblait lui dire :
Monsieur le mort, j'aurai de vous
Tant en argent, et tant en cire,
Et tant en autres menus coûts. Il fondait là-dessus l'achat d'une feuillette
Du meilleur vin des environs ;
Certaine nièce assez proprette
Et sa chambrière Pâquette
Devaient avoir des cotillons.
Sur cette agréable pensée
Un heurt survient : adieu le chcir.
Voilà messire Jean Chouart Qui du choc de son mort a la tête cassée : Le paroissien en plomb entraine son pasteur ;
Notre curé suit son seigneur ;
Tous deux s'en vont de compagnie.
Proprement toute notre vie Est le curé Chouart qui sur son mort comptait.
Et la Fable du Pot au lait.
i55
Tables de L.4 Tontjume
Lïr7?E Septième ••
LHOMME QUI COURT APRLS LA hORTUNh
ET LHOMME QUI L'ATTEND DANS SON LIT
Qui ne court après la Fortune ? Je voudrais être en lieu d'où je pusse aisément Contempler la fouie importune De ceux qui cherchent vainement Cette fille du Sort de royaume en royaume, Fidèles courtisans d'un volage fantôme.
Quand ils sont près du bon moment. L'inconstante aussitôt a leur désir échappe. Pauvres gens ! Je les plains ; car on a pour les fous
Plus de pitié que de courroux. Cet homme, disent-ils, était planteur de choux ;
Et le voila devenu pape ! Ne le valons-nous pas ? Vous valez cent fois mieux
Mais que vous sert votre mente ?
La Fortune a-t-elle des yeux ? Et puis, la papauté vaut-elle ce qu'on quitte. Le repos ? le repos, trésor si précieux Qu'on en faisait jadis le partage des dieux ! Rarement la Fortune a ses hôtes le laisse.
Ne cherchez point cette déesse. Elle vous cherchera : son sexe en use ainsi. Certain couple d'amis, en un bourg établi. Possédait quelque bien. L'un soupirait sans cesse Pour la Fortune ; il dit a l'autre un jour :
Si nous quittions notre séjour ?
Vous savez que nul n'est prophète En son pays : cherchons notre aventure ailleurs. Cherchez, dit l'autre ami : pour moi, je ne souhaite
Ni climats ni destins meilleurs. Contentez-vous ; suivez votre humeur inquiète : Vous reviendrez bientôt. Je fais vœu cepcnijjnt
De dormir en vous attendant. L eunbilieux, ou, si l'on veut, l'avare.
S'en va par voie et par chemin.
H arriva le lendemain En un lieu que devait la déesse bizarre Fréquenter sur tout autre ; et ce lieu, c'est la cour. La donc, pour quelque temps, il fixe son séjour ; Se irouvemt au coucher, au lever, à ces heures
Que l'on sait être les meilleures ;
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Tables de "La Toi^tjiîme
LrrnE Septième
Bref, se trouvant a tout, et n'arrivant à rien. Qu'est ceci ? se dit-il : cherchons ailleurs du bien. La Fortune pourtant habite ces demeures ; Je )a vois tous les jours entrer chez celui-ci,
Chez celui-là : d'où vient qu'aussi Je ne puis héberger cette capricieuse ? On me l'avait bien dit, que des gens de ce lieu L'on n'aime pas toujours l'humeur ambitieuse. Adieu, messieurs de cour ; messieurs de cour, adieu. Suivez jusques au bout une ombre qui vous flatte. La Fortune a, dit-on, des temples a Surate. Allons la. Ce fut un de dire et s'embarquer. Ames de bronze, humains, celui-là fut sans doute Armé de diamant, qui tenta cette route. Et le premier osa l'abime défier ? Celui-ci, pendant son voyage. Tourna les yeux vers son village Plus d une fois, essuyant les dangers Des pirates, des vents, du calme et des rochers. Ministres de la Mort : avec beaucoup de peines On s'en va la chercher en des rives lointaines, La trouvant assez tôt sans quitter la maison. L'homme arrive au Mogol : on lui dit qu'au Japon La Fortune pour lors distribuait ses grâces. 'Il y court. Les mers étaient lasses De le porter ; et tout le fruit Qu il tira de ses longs voyages, Ce fut cette leçon que donnent les sauvages : Demeure en ton pays par la nature instruit. Le Japon ne fut pas plus heureux à cet homme Que le Mogol l'avait ete ; Ce qui lui fit conclure en somme Qu'il avait à grand tort son village quitte.
Il renonce aux courses ingrates, Revient en son pays, voit de loin ses pénates. Pleure de joie, et dit : Heureux qui vit chez soi. De régler ses désirs faisant tout son emploi !
Il ne sait que par ouï-dire Ce que c'est que la cour, la mer et ton empire. Fortune ! qui nous fais passer devant les yeux Des dignités, des biens que jusqu'au bout du monde On suit, sans que l'effet aux promesses réponde. Désormais je ne bouge, et ferai cent fois mieux.
En raisonnant de cette sorte. Et contre la Fortune ayant pris ce conseil,
Il la trouve assise à la porte De son ami plonge dansun profond sommeil.
A-v
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F.^BLES DE L-7 T0T^T.!fWE
-' LivjiE Septième
Deux coqs vivaient en paix : une poule survint.
Et vjllà la guerre allumée. Amour, tu perdis Troie ! et c'est de toi que vint
Cette querelle envenimée Où du sang des dieux même on vit le Xanthe teint Longtemps entre nos coqs le combat se maintint. Le bruit s'en répandit par tout le voisinage : La gent qui porte crête au spectacle accourut ;
Plus d'une Hélène au beau plumage Fut le prix du vainqueur. Le vaincu disparut : 11 a 'a se cacher au fond de sa retraite.
Pleura sa gloire et ses amours. Ses amours qu'un rival, tout fier de sa défaite, Possédait à ses yeux. Il voyait tous les jours Cet objet rallumer sa haine et son courage ; Il aiguisait son bec, battait l'air et ses flancs.
Et s'exerçant contre les vents,
S'armait d'une jalouse rage. Il n'en eut pas besom. Son vainqueur sur les toits S'alla percher et chanter sa victoire.
Un vautour entendit sa voix :
Adieu les amours et la gloire ; Tout cet orgueil périt sous l'ongle du vautour.
Enfin, par un fatal retour.
Son rival autour de la poule
S'en revint faire le coquet.
Je laisse à penser quel caquet ;
Car il eut des femmes en foule. La Fortune se plait à faire de ces coups : Tout vainqueur insolent à sa perte travaille. Défions-nous du Sort, et prenons garde à nous
Après le gain d'une bataille.
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"Fjibles de La Toi^tjume
Ljrj(E Septième
L'INGRATITUDE ET L'INJUSTICE DES HOMMES ENVERS LA FORTUNE
Un trafiquant sur mer par bonheur s'enrichit. Il triompha des vents pendant plus d'un voyage : Gouffre, banc, ni rocher, n'exigea de péage D'aucun de ses ballots ; le Sort l'en affranchit. Sur tousses compagnons Atropos et Neptune Recueillirent leurs droits, tandis que la Fortune Prenait soin d'amener son marchand à bon port. Facteurs, associés, chacun lui fut fidèle. Il vendit son tabac, son sucre, sa cannelle Ce qu'il voulut, sa porcelaine encor : Le luxe et la folie enflèrent son trésor ;
Bref, il plut dans son escarcelle. On ne parlait chez lui que par doubles ducats ; Et mon homme d'avoir chiens, chevaux et carrosses ;
Ses jours de jeûne étaient des noces. Un sien ami, voyant ses somptueux repas. Lui dit : Et d'où vient donc un si bon ordinaire ? — Et d'où me viendrait-il que de mon savoir-faire? Je n'en dois rien qu'à moi, qu'à mes soins, qu au talent De risquer à propos, et bien placer l'argent. Le profit lui semblant une .fort douce chose, Il risqua de nouveau le gain qu'il avait fait ; Mais rien, pour cette fois, ne lui vint à souhait.
Son imprudence en fut la cause : Un vaisseau mal frété périt au premier vent ; Un autre, mal pourvu des armes nécessaires,
Fut enlevé par les corsaires ;
Un troisième au port arrivant. Rien n'eut cours ni débit : le luxe et la folie
N'étaient plus tels qu'auparavant.
Enfin ses facteurs le trompant, Et lui-même ayant fait ^rand fracas, chère lie,
i5g
TjiBLES DE L^ TONTJtlME
LirnE Septième
Mis beaucoup en plaisirs, en bâtiments beaucoup.
Il devint pauvre tout d'un coup. Son ami. le voyant en mauvais équipage. Lui dit : D'où vient cela ? — De la Fortune, helas ! Consolez-vous, dit l'autre ; et, s'il ne lui plait pas Que vous soyez heureux, tout au moins soyez sage.
Je ne sais s'il crut ce conseil ; Mais je sais que chacun impute, en cas pareil,
Son bonheur a son industrie ; Et si de quelc|ue échec notre faute est suivie. Nous disons injures au Sort. Chose n'est ici plus commune. Le bien, nous le faisons ; le mal, c'est la Fortune : On a toujours raison, le Destin toujours tort.
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Tables de L^ Tomtawe
JjivJi-E Septième
<LiiN»W4taâL3
C est souvent du hasard que nait lopmion ; Et cest l'opinion qui fait toujours la vogue.
Je pourrais fonder ce prologue Sur gens de fous états : tout est prévention. Cabale, entêtement ; point ou peu de justice. C'est un torrent : qu'y faire ? il faut qu'il ait son cours
Cela fut, et sera toujours. Une femme a Pans faisait la pythonisse : On Fallait consulter sur chaque evenemf nt ; Perdait-on un chiffon, avait-on un amanl. Un mari vivant trop, au gre de son épouse. Une mère fâcheuse, une femme jalouse ;
Chez la devineuse on courait Pour se faire annoncer ce que l'on désirait.
Son fait consistait en adresse : Quelques termes de l'art, beaucoup de hardiesse Du hasard quelquefois, tout cela concourait. Tout cela bien souvent faisait crier miracle. Enfin, quoique ignorante à vingt et trois carats.
Elle passait pour un oracle. L'oracle était logé dedans un galetas :
Là, cette femme emplit sa bourse.
Et, sans avoir d'autre ressource. Gagne de quoi donner un rang à son mari. Elle achète un office, une maison aussi.
Voilà le galetas rempli D'une nouvelle hôtesse, à qui toute la ville. Femmes, filles, valets, gros messieurs, tout enfin Allait comme autrefois demander son destin : Le galetas devint l'antre de la Sibylle L'autre femelle avait achalandé ce lieu. Cette dernière femme eut beau faire, eut beau dire. Moi devine ! on se moque : eh ! messieurs, sais-je lire ? Je n'ai jamais appris que ma croix de par Dieu. Point de raisons : fallut deviner et prédire.
Mettre à part force bons ducats. Et gagner malgré soi plus que deux avocats.
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F-7BLE5 DE Ll F0MT,!f1ME
Liri{E Septième
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Tables de La foT^TAmE
LivJiE Septième
Le serpent a deux parties
Du genre humain ennemies.
Tête et queue ; et toutes deux
Ont acquis un nom fameux
Auprès des Parques cruelles :
Si bien qu'autrefois entre elles
Il survint de grands débats Pour le pas. La tête avait toujours marché devant la queue.
La queue au ciel se plaignit, Et lui dit :
Je fais mainte et mainte lieue
Comme il plait à celle-ci ; Croit-elle que toujours j'en veuille user ainsi ?
Je suis son humble servante.
On m'a faite. Dieu merci.
Sa sœur et non sa suivante.
Toutes deux de même sang.
Traitez-nous de même sorte :
Aussi bien qu'elle je porte
Un poison prompt et puissant.
Enfin, voilà ma requête :
C'est à vous de commander
Qu'on me laisse précéder,
A mon tour, ma sœur la tête.
Je la conduirai si bien.
Qu'on ne se plaindra de rien. Le ciel eut pour ces vœux une bonté cruelle. Souvent sa complaisance a de méchants effets. 11 devrait être sourd aux aveugles souhaits. Il ne le fut pas lors ; et la guide nouvelle.
Qui ne voyait, au grand jour.
Pas plus clair que dans un four.
Donnait tantôt contre un marbre.
Contre un passant, contre un éirbre : Droit -aux ondes du Styx elle mena sa sœur. Malheureux les Etats tombés dans son erreur !
i63
r.^BLES DE L."^ FoiSTJflME
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LE CHAT, LA BELETTE ET LE PETIT LAPIN
Du palais d un jeune lapin
Dame belette, un beau matin,
S'empara : c'est une rusée. Le maitre étant absent, ce lui fut chose aiscc. Elle porta chez lui ses pénates un jour Qu'il était aile faire a l'aurore sa cour
Parmi le thym et la rosée. Après qu'il eut brouté, trotté, fait tous ses tours, Jeannot lapin retourne aux souterrains séjours. La belette avait mis le nez à la fenêtre. O dieux hospitaliers ! que vois-je ici paraître ? Dit l'animal chassé du paternel logis.
Holà ! madame la belette.
Que l'on déloge sans trompette. Ou je vais avertir tous les rats du pays. La dame au nez pointu répondit que la terre
Etait au premier occupant.
C'était un beau sujet de guerre. Qu'un logis où lui-même il n'entrait qu'en rampant !
Va quand ce serait un royaume, Je voudrais bien savoir, dit-elle, quelle loi
En a pour toujours fait l'octroi A Jean, fils ou neveu de Pierre ou de Guillaume,
Plutôt qu'a Paul, plutôt qu'a moi. Jean lapin allégua la coutume et l'usage : Ce sont, dit-il, leurs lois qui m'ont de ce logis Rendu maitre et seigneur, et qui, de père en fils. L'ont de Pierre a Simon, puis à moi Jean, transmis. Le premier occupant, est-ce une loi plus sage ?
Or bien, sans crier davantage.
-»^t 1 64 1*^*
I -
DE L
21 TOMTJflM-E
Rapportons-nous, dit-elle, à Raminagrobis. C était un chat vivant comme un dévot ermite,
Un chat faisant la chattemite, L n saint homme de chat, bien fourré, gros et gras.
Arbitre expert sur tous les cas.
Jean lapin pour juge l'agrée
Les voilà tous deux arrivés
Devant sa majesté fourrée. Gnppeminaud leur dit : Mes enfants, approchez. Approchez ; je suis sourd, les ans en sont la cause. L'un et l'autre approcha, ne craignant nulle chose. Aussitôt qu à portée il vit les contestants,
Gnppeminaud le bon apôtre. Jetant des deux côtés la griffe en même temps. Mit les plaideurs d'accord en croquant l'un et l'autre. Ceci ressemble fort aux débats qu'ont parfois Les petits souverains se rapportant aux rois.
L^r-RB Septième
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TJJBLES VE Li TCT^TAmE
Livre Septième
UN ANIMAL DANS LA LUNE
Pendant qu'un philosophe assure Que toujours par leurs sens les hommes sont dupés,
Un autre philosophe jure
Qu'ils ne nous ont jamais trompés. Tous les deux ont raison ; et la philosophie Dit vrai quemd elle dit que les sens tromperont Tant que sur leur rapport les hommes jugeront ;
Mais aussi, si Ton rectifie L'image de l'objet sur son éloignement,
Sur le milieu qui l'environne.
Sur l'organe et sur l'instrument,
Les sens ne tromperont personne. La nature ordonna ces choses sagement : J'en dirai quelque jour les raisons amplement. J'aperçois le soleil, quelle en est la figure ? Ici-bas ce grand corps n'a que trois pieds de tour. Mais si je le voyais là-haut dans son séjour. Que serait-ce à mes yeux que l'œil de la nature ? Sa distance me fait juger de sa grandeur ; Sur l'angle et les côtés ma main la détermine. L'ignorant le croit plat ; j'épaissis sa rondeur : Je le rends immobile ; et la terre chemine. Bref, je démens mes yeux en toute sa machine. Ce sens ne me nuit point par son illusion.
Mon âme, en toute occasion. Développe le vrai caché sous l'apparence ;
Je ne suis point d'intelligence Avecque mes regards peut-être un peu trop prompts. Ni mon oreille, lente à m'apporter les sons. Quand l'eau courbe un bâton, ma raison le redresse,
La raison décide en mdtresse.
Mes yeux, moyennant ce secours. Ne me trompent jamais en me mentant toujours. Si je crois leur rapport, erreur assez commune. Une tête de femme est au corps de la lune. Y peut-elle être ? non. D'oii vient donc cet objet ? Quelques lieux inégaux font de loin cet effet. La lune nulle part n'a sa surface unie : Montueuse en des lieux, en d'autres aplanie. L'ombre avec la lumière y peut tracer souvent
Un homme, un boeuf, un éléphant. Naguère l'Angleterre y vit chose pareille. La lunette placée, un animal nouveau
Parut dcins cet astre si beau ;
Et chacun de crier merveille. Il était ïirnvé là-haut un changement Qui présageait sans doute un grand événement. Savait-on si la guerre entre tant de puissances N'en était point l'effet } le monarque accourut .•
i66
TABLES DE LJ! VOT^TJimE
Lir-RB Septième
Il favorise en roi ces hautes connaissances.
Le monstre dans la lune a son tour lui parut.
C était une souris cachée entre les verres :
Dans la lunette était la source de ces guerres.
On en rit. Peuple heureux ! quand pourront les François
Se donner, comme vous, entiers à ces emplois !
Mars nous fait recueillir damples moissons de gloire :
C est à nos ennemis de craindre les combats,
A nous de les chercher, certains que la victoire.
Amante de Louis, suivra partout ses pas.
Ses lauriers nous rendront célèbres dans l'histoire.
Même les filles de Mémoire Ne nous ont point quittés ; nous goûtons des plaisirs : La paix fait nos souhaits, et non point nos soupirs. Charles en sait jouir : il saurait dans la guerre Signaler sa valeur, et mener lAngleterre A ces jeux qu'en repos elle voit aujourd'hui. Cependant s'il pouvait apaiser sa querelle. Que d'encens ! est-il rien de plus digne de lui } La carrière d'Auguste a-t-elle été moins belle Que les fameux exploits du premier des Césars ? O peuple trop heureux ! Quand la paix viendra-t-elle Nous rendre, comme vous, tout entiers aux beaux-arts ?
•M 167 B>
T.^BLES DE L.^ To^iTJni^E
tirnB HumÈME
La Mort ne surprend point le sage :
Il est toujours prêt a partir,
S'étant su lui-même avertir Du temps où l'on se doit résoudre à ce passage.
Ce temps, heias ! embrasse tous les temps : Qu'on le partage en jours, en heures, en moments,
Il n'en est pomt qu'il ne comprenne Dans le fatal tribut ; tous sont de son domaine ; F.t le premier instant où les enfants des rois
Ouvrent les yeux a la lumière
Est celui qui vient quelquefois
Fermer pour toujours leur paupière.
Defendez-vous par la grandeur, Alléguez la beauté, la vertu, la jeunesse.
La Mort ravit tout sans pudeur ■ Un jour le monde entier accroîtra sa riches;e.
Il n'est rien de moins ignoré ;
Et puisqu'il faut que je le die.
Rien où I on soit moins préparé. Un mourant, qui comptait plus de cent ans de vie. Se plaignait à la Mort que précipitamment Elle le contraignait de partir tout a l'heure.
Sans qu'il eût fait son testament. Sans l'avertir au moins. Est-il juste qu'on meure Au pied levé ? dit-il : attendez quelque peu ; Ma femme ne veut pas que je parte sans elle ; Il me reste à pourvoir un arriere-neveu ; Que vous êtes pressante, 6 déesse cruelle ! Soufrez qu'à mon logis j'ajoute encore une aile. Vieillard, lui dit la Mort, je ne t'ai point surpris ; Tu te plains sans raison de mon impatience : Eh ! n'as-tu pas cent ans ? Trouve-moi dans Paris Deux mortels aussi vieux ; trouve-m'en dix en France. Je devais, ce dis-tu, te donner quelque avis
Qui te disposât à la chose : J aurais trouvé ton testament tout fait. Ton petit-lils pourvu, ton bâtiment parfait. Ne te donna-t-on pas des avis, quand la cause
Du marcher et du mouvement.
Quand les esprits, le sentiment. Quand tout faillit en toi ? Plus de goût, plus d'ouïe ; Toute chose pour foi semble être évanouie ; Pour toi l'astre du jour prend des soins superflus r
■>« i6iS ►*»
Fables de Zji Fot^tajj^e
tlVRE JivmÈME '-
Tu regrettes des biens qui ne te touchent plus.
Je t'ai fait voir tes camarades,
Ou morts, ou mourants, ou malades : Qu'est-ce que tout cela, qu'un avertissement ?
Allons, vieillard, et sans réplique.
Il n'importe a la république
Que tu fasses ton testament. . La Mort avait raison : je voudrais qu'à cet âge On sortit de la vie ainsi que d'un banquet. Remerciant son hôte, et qu'on fit son paquet : Car de combien peut-on retarder le voyage ? Tu murmures, vieillard ! vois ces jeunes mourir ;
Vois-les marcher, vois-les courir A des morts, il est vrai, glorieuses et belles. Mais sûres, cependant, et quelquefois cruelles. J ai beau te le crier ; mon zèle est indiscret : Le plus semblable aux morts meurt le plus a regret.
169 »•-
22
r.^BLES DE Ll TOT^T.imB
'Lirj(E Huitième
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LE SAVETIER ET LE FINANCIER
Un savetier chantait du matin jusqu'au soir :
C'était merveille de le voir. Merveille de l'ouïr ; il faisait des passages,
Plus content qu'aucun des sept sages. Son voisin, au contraire, étant tout cousu d'or
Chantait peu, dormait moins encor :
C'était un homme de finance. Si sur le point du jour parfois il sommeillait. Le savetier alors en chantant réveillait ;
Et le financier se plaignait
Que les soins de la Providence N'eussent pas au marché fait vendre le dormir
Comme le manger et le boire.
En son hôtel il fait venir Le chanteur, et lui dit : Or <;a, sire Grégoire, Que gagnez-vous par an ? — Par an ! ma foi, monsieur.
Dit avec un ton de rieur Le gaillard savetier, ce n'est point ma manière De compter de la sorte ; et je n'entasse guère Un jour sur l'autre : il suffit qu'à la fin
J'attrape le bout de l'année ;
Chaque jour amène son pain. — Eh bien ! que gagnez-vous, dites-moi, par journée ? — Tantôt plus, tantôt moins ; le mal est que toujours (Et sans cela nos gains seraient assez honnêtes). Le mal est que dans l'an s'entremêlent des jours
Qu'il faut chômer ; on nous ruine en fêtes : L'une fait tort à l'autre ; et monsieur le curé De quelque nouveau saint charge toujours son prône. Le financier, riant de sa naïveté, Lui dit : Je veux vous mettre aujourd'hui sur le trône. Prenez ces cent écus ; gardez-les avec soin.
Pour vous eh servir au besoin. Le savetier crut voir tout l'argent que la terre
Avait depuis plus de cent ans
Produit pour l'usage des gens. Il retourne chez lui : dans sa cave il enserre
L'argent, et sa joie à la fois.
Plus de chant : il perdit la voix
170
fjlBLES DE La TOMTJtmE
"LivRB TimnÈME
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T.fBLES DE La Fo^r.4r^E
Lir7?E Huitième
LE POUVOIR DES FABLES
La qualité d'ambassadeur Peut -elle s'abaisser à des contes vulgaires ? Vous puis-je offrir mes vers et leurs grâces légères ? S'ils osent quelquefois prendre un air de grandeur. Seront-ils point traites par vous de téméraires ?
Vous avez bien d'autres affaires
A démêler que les débats
Du lapin et de la belette.
Lisez-les, ne les lisez pas ;
Mais empêchez qu'on ne nous mette
Toute l'Europe sur les bras.
Que de mille endroits de la terre
.'1 nous vienne des ennemis.
J'y consens, mais que l'Angleterre Veuille que nos deux rois se lassent d'être amis,
J'ai peine à digérer la chose. N'est-il point encor temps que Louis se repose ? Quel autre Hercule enfin ne se trouverait las De combattre cette hydre ! et faut-il qu'elle oppose Une nouvelle tête aux efforts de son bras ?
Si votre esprit plein de souplesse.
Par éloquence et par adresse. Peut adoucir les coeurs et détourner ce coup. Je vous sacrifierai cent moutons : c'est beaucoup
Pour un habitant du Parnasse.
Cependant faites-moi la grâce
De prendre en don ce peu d'encens.
Prenez en gré mes vœux ardents, Et le récit en vers qu'ici je vous dédie. Son sujet vous convient ; je n'en dirai pas plus
Sur les éloges que l'envie
Doit avouer qui vous sont dus,
Vous ne voulez pas qu'on appuie. Dans Athene autrefois, peuple vain et léger. Un orateur, voyant sa patrie en danger. Courut à la tribune ; et, d'un art tyrannique, Voulant forcer les cœurs dans une république. Il parla fortement sur le commun salut. On ne l'ecoulait pas. L'orateur recourut
A ces figures violentes Qui savent exciter les âmes les plus lentes : Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu'il put;
-•M 172 W*
Tjjbles de La ToNTJimE
LirT{B Huitième
Le vent emporta tout ; personne ne s'émut.
L'animal aux tPtes frivoles, Etant fait à ces traits, ne daignait l'écouter ; Tous regardaient ailleurs ; il en vit s'arrêter A des combats d'enfants, et point a ses paroles. Que fit le harangueur ? il prit un autre tour. — Cérès, commença-t-il, faisait voyage un jour
Avec l'anguille et l'hirondelle : Un Heuve les arrête ; et l'anguille en nageant.
Comme l'hirondelle en volant. Le traversa bientôt. L'assemblée a l'instant Cria tout d'une voix : — Et Céres, que fît-elle ? —
Ce qu'elle fit ! un prompt courroux
L'anima d'abord contre vous. Quoi ! de contes d'enfants son peuple s'embarrasse ?
Et du péril qui le menace Lui seul entre les Grecs il néglige I effet ! Que ne demandez-vous ce que Philippe fait ?
A ce reproche l'assemblée.
Par l'apologue réveillée.
Se donne entière a l'orateur.
Un trait de fable en eut l'honneur. Nous sommes tous d'Athene en ce point ; et moi-même Au moment que je fais cette moralité.
Si Peau-dàne m'était conté.
J'y prendrais un plaisir extrême. Le monde est vieux, dit-on : je le crois ; cependant. Il le faut amuser encor comme un enfant.
-M 173
T.'IBLES DE L-7 TOl^Tjnj^E
LlVJ(E 'HlinTÈME
LES FEMMES ET LE SECRET
Rien ne pèse tant qu'un secret : Le porter loin est difficile aux dames ;
Et je sais même sur ce fait
Bon nombre d'hommes qui sont femmes. Pour éprouver la sienne un mari s'écria, La nuit étant près d'elle : O dieux ! qu'est-ce cela ?
Je n'en puis plus, on me déchire ! Quoi ! j'accouche d'un œuf ! — D'un œuf ? — Oui, le voilà Frais et nouveau pondu : gardez bien de le dire ; On m'appellerait poule. Enfin n'en parlez pas.
La femme, neuve sur ce cas.
Ainsi que sur mainte autre affaire. Crut la chose, et promit ses grands dieux de :e taire :
Mais ce serment s'évanouit
Avec les ombres de la nuit.
L'épouse, indiscrète et peu fine. Sort du ht quand le jour fut a peine levé;
Et de courir chez sa voisine :
Ma commère, dit-elle, un cas est arrivé ; N'en dites rien surtout, car vous me feriez battre : Mon mari vient de pondre un œuf gros comme quatre.
Au nom de Dieu, gardez-vous bien
D'aller publier ce mystère. Vous moquez-vous ? dit l'autre : ah ! vous ne savez guère
Quelle je suis. Allez, ne craignez rien. La femme du pondeur s'en retourne chez elle. L'autre grille déjà de conter la nouvelle : Elle va la répandre en plus de dix endroits :
Au lieu d'un œuf elle en dit trois. Ce n'est pas encor tout ; car une autre commère En dit quatre, et raconte à l'oreille le fait :
Précaution peu nécessaire ;
Car ce n'était plus un secret. Comme le nombre d'œufs, grâce à la renommée.
De bouche en Ixjuche allait croissant.
Avant la fin de la journée
Ib se montaient a plus d'un cent.
-. 174
pJlBLES T>B "La ToT^TAmE
"LlYnjE TiVTTîÈME
mwmmust
Par des vœux importuns nous fatiguons les dieux.
Souvent pour des sujets même indignes des hommes
Il semble que le ciel sur tous tant que nous sommes
Soit obligé d'avoir incessamment les yeux,
Et que le plus petit de la race mortelle,
A chaque pas qu'il fait, à chaque bagatelle,
Doive intriguer l'Olympe et tous ses citoyens.
Comme s'il s'agissait des Grecs et des Troyens.
Un sot par une puce eut l'épaule mordue.
Dans les plis de ses draps elle alla se loger.
Hercule, ce dit-il, tu devais bien purger
La terre de cette hydre au printemps revenue !
Que fais-tu, Jupiter, que du haut de la nue
Tu n'en perdes la race afin de me venger !
Pour tuer une puce, il voulait obliger
Ces dieux à lui prêter leur foudre et leur massue.
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T.^BLES DE Ll TOIKTJIJME
TjtvRF. Huitième ~-
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LE LION. LE LOUP ET LE RENARD
Un lion décrépit, goutteux, n'en pouvant plus. Voulait que l'on trouvât remède à la vieillesse. Alléguer l'impossible aux rois, c'est un abus.
Celui-ci parmi chaque espèce Manda des médecins ; il en est de tous arts. Médecins au lion viennent de toutes parts ; De tous côtés lui vient des donneurs de receltes.
Dans les visites qui sont faites. Le renard se dispense, et se tient clos et coi. Le loup en fait sa cour, daube, au coucber du roi. Son camarade absent. Le prince tout à l'heure Veut qu'on aille enfumer renard dans sa demeure, Qu'on le fasse venir. H vient, est présenté ; Et sachant que le loup lui faisait cette affaire : Je crains, sire, dit-il, qu'un rapport peu sincère
Ne m'ait à mépris imputé
D'avoir différé cet hommage ;
Mais j'étais en pèlerinage, El m'acquittais d'un vœu fait pour voire santé
Même j'ai vu dans mon voyage Gens experts et savants ; leur ai dit la langueur Dont votre majesté craint a bon droit la suite.
Vous ne manquez que de chaleur ;
Le long âge en vous l'a détruite ; D un loup écorche vif appliquez-vous la peau
Toute chaude et toute fumante :
Le secret sans doute en est beau
Pour la nature défaillante.
Messire loup vous servira.
S'il vous plaît, de robe de chambre.
Le roi goûte cet avis-là.
On écorche, on taille, on démembre Messire loup. Le monarque en soupa.
Et de sa peau s'enveloppa. Messieurs les courtisans, cessez de vous détruire ; Faites, si vous pouvez, votre cour sans vous nuire : Le mal se rend chez vous au quadruple du bien. Les daubeurs ont leur tour d'une ou d'autre manière
Vous êtes dans une carrière
Ou l'on ne se pardonne rien.
176 w>-
Tables de La Toj\TjnNE
LjvUE TiumEME
LE CHIEN QUI PORTE A SON COU LE dîné de son MAITRE
Nous n'avons pas les yeux a l'épreuve des belles.
Ni les mains à celle de l'or :
Peu de gens gardent un trésor
Avec des soins assez fidèles. Certain chien qui portait la pitance au logis. S'était fait un collier du dine de son maître. Il était tempérant, plus qu'il n'eut voulu l'être
Quand il voyait un mets exquis ; Mais enfin il l'était : et, tous tant que nous sommes. Nous nous laissons tenter a l'approche des bien?. Chose étrange ! on apprend la tempérance aux chiens
Et l'on ne peut l'apprendre aux hommes ! Ce chien-ci donc étant de la sorte atourné. Un matin passe, et veut lui prendre le dine.
Il n'en eut pas toute la joie Qu'il espérait d'abord ; le chien mit bas la proie Pour la défendre mieux, n'en étant plus charge
Grand combat. D'autres chiens arrivent :
Ils étaient de ceux-là qui vivent Sur le public, et craignent peu les coups. No'.re chien se voyant trop faible contre eux tous. Et que la chair courait un danger manifeste. Voulut avoir sa part ; et, lui sage, il leur dit : Point de courroux, messieurs ; mon lopm me suffit ;
Faites votre profit du reste. A ces mots, le premier il vous happe un morceau ; Et chacun de tirer, le mâtin, la canaille,
A qui mieux mieux : ils firent tous ripaille ;
Chacun d eux eut part au gâteau. Je crois voir en ceci l'image d une ville Où l'on met les deniers a la merci des gens.
Echevins, prévôt des marchands.
Tout fait sa main : le plus habile Donne aux autres l'exemple, et c'est un passe-temps De leur voir nettoyer un monceau de pistoles. Si quelque scrupuleux, par des raisons frivoles. Veut défendre l'argent, et dit le moindre mot.
On lui fait voir qu'il est un sot.
Il n'a pas de peine a se rendre :
C'est bientôt le premier a prendre.
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Tables de L.^ ToviTAmE -
Livre Hvttième
Certain ours montagnard, ours a demi léché, Confiné par le Sort dans un bois solitaire. Nouveau Bellérophon, vivait seul et caché. Il fut devenu fou : la raison d ordinaire N'habite pas longtemps chez des gens séquestrés. Il est bon de parler et meilleur de se taire ; Mais tous deux sont mauvais alors qu'ils sont outrés.
Nul animal n'avait affaire
Dans les lieux que l'ours habitait ;
Si bien que, tout ours qu'il était, Il vint à s'ennuyer de cette triste vie. Pendant qu'il se livrait à la mélancolie,
Non loin de là certain vieillard
S'ennuyait aussi de sa part. Il aimait les jardins, était prêtre de Flore,
Il l'était de Pomone encore. Ces deux emplois sont beaux ; mais je voudrais parmi
Quelque doux et discret ami. Les jardins parlent peu, si ce n'est dans mon livre :
De façon que, lassé de vivre Avec des gens muets, notre homme, un beau matin. Va chercher compagnie et se met en campagne.
L'ours, porté d'un même dessein.
Venait de quitter sa montagne.
Tous deux, par un cas surprenant.
Se rencontrent en un tournant. L'homme eut peur : mais comment esquiver ? et que faire ? Se tirer en Gascon d'une semblable affaire Elst le mieux : il sut donc dissimuler sa peur.
L'ours, très mauvais complimenteur. Lui dit : Viens-t'en me voir. L'autre reprit : Seigneur, Vous voyez mon logis ; si vous me vouliez faire Tant d'honneur que d'y prendre un chjimpétre repas, J'ai des fruits, j'ai du lait : ce n'est peut-être pas
•M I7H O-
Tables de La fowfAmE
Livre TIvitième
De nos seigneurs les ours le manger ordinaire ; Mais j'offre ce que j'ai. L'ours accepte ; et d'aller. Les voilà bons amis avant que d'arriver : Arrivés, les voilà se trouvant bien ensemble ;
Et bien qu'on soit, à ce qu'il semble.
Beaucoup mieux seul qu'avec des sots, Comme l'ours en un jour ne disait pas deux mots. L'homme pouvait sans bruit vaquer à son ouvrage. L'ours allait à la chasse, apportait du gibier ;
Faisait sou principal métier D'être bon émoucheur ; écartait du visage De son ami dormant ce parasite ailé
Que nous avons mojche appelé. Un jour que le vieillard dormait d'un profond somme. Sur le bout de son nez une allant se placer Mit l'ours au desespoir ; il eut beau la chasser. Je t'attraperai bien, dit-il ; et voici comme. Aussitôt fait que dit : le fidèle émoucheur Vous empoigne un pavé, le lance avec roideur. Casse la tête a l'homme en écrasant la mouche ; Et non moins bon archer que mauvais raisonneur, Raide mort étendu sur la place il le couche. Rien n'est si dangereux qu'un ignorant ami ;
Mieux vaudrait un sage ennemi.
'79
T.^BIES DE L-7 ToyTAmE
Lirj{E TimnÈMB
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LE RIEUR ET LES POISSONS
On cherche les rieurs, et moi je les évite
Cet art veut, sur tout autre, un suprême mérite
Dieu ne crca que pour les sots
Les méchants diseurs de bons mots.
J'en vais peut-être en une fable
introduire un; peut-être aussi Que quelqu un trouvera (jue )'aurai réussi.
Un rieur était a la table
D un financier, et n'avait en son coin Que de petits poissons : tous les gros étaient Ion Il prend donc les menus, puis leur parle a I oreille.
Et puis il feint, à la pareille, D (Coûter leur réponse. On demeura surpris :
Cela suspendit les esprits.
L,e rieur alors, d'un ton sage,
Dit qu'il craignait qu'un sien ami.
Pour les grandes Indes parti.
N'eut depuis un an fait naufrage. Il s'en informait donc ace menu fretin : Mais tous lui repondaient qu'ils n étaient point d'un âge
A savoir au vrai son destin ;
Les gros en sauraient davantage. N'en puis-je donc, messieurs, un gros interroger ?
De dire si la compagnie
Prit goût a sa plaisanterie. J'en doute ; mais, enfin, il les sut engager A lui servir d'un monstre assez vieux pour lui dire Tous les noms des chercheurs de mondes inconnus
Qui n'en étaient pas revenus. Et que depuis cent ans sous l'abime avaient vus
Les anciens du vaste empire.
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Tables de La Fomtaime
tlVR-E TiWTJÈME
Deux vrais amis vivaient au Monomotapa ; L'un ne possédait rien qui n'appartint a l'autre
Les amis de ce pays-la
Valent bien, dit-on, ceux du nôtre. Une nuit que chacun s'occupait au sommeil. Et mettait à profit l'absence du soleil, Un de nos deux amis sort du lit en alarme ; Il court chez son intime, éveille les valets : Morphée avait touché le seuil de ce palais. L'ami couché s'étonne ; il prend sa bourse, il s'arme, Vient trouver l'autre et dit : il vous arrive peu De courir quand on dort ; vous me paraissez homme A mieux user du temps destiné pour le somme : N'auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu ? En voici. S'il vous est venu quelque querelle. J'ai mon épée ; allons. — Merci de votre zèle. Vous m'êtes, en dormant, un peu triste apparu ; J'ai craint qu'il ne fut vrai ; je suis vite accouru.
Ce maudit songe en est la cause. Qui d'eux aimait le mieux ? que t'en semble, lecteur ? Cette difficulté vaut bien qu'on la propose. Qu'un ami véritable est une douce chose ! Il cherche vos besoins au fond de votre cœur ;
Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même :
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s'agit de ce qu'il aime.
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Tables de Li Tomtaime
Lirj^h TlumÈME
La femme du lion mourut ;
Aussitôt chacun accourut
Pour s'acquitter envers le prince De certains compliments de consolation.
Qui sont surcroit d'affliction.
Il fit avertir sa province
Que les obsèques se feraient Un tel jour, en tel lieu ; ses prévôts y seraient
Pour régler la cérémonie.
Et pour placer la compagnie.
Jugez si chacun s'y trouva.
Le prince aux cris s'abandonna.
Et tout son antre en résonna :
Les lions n'ont point d'autre temple.
On entendit, a son exemple. Rugir en leur patois messieurs les courtisans. Je définis la cour un pays où les gens. Tristes, gais, prêts a tout, à tout indifférents. Sont ce qu'il plait au prince, ou, s'ils ne peuvent l'être.
Tachent au moins de le paraître. Peuple caméléon, peuple singe du maitre ; On dirait qu'un esprit anime mille corps : C'est bien là que les gens sont de simples ressorts.
Pour revenir a notre affaire. Le cerf ne pleura point. Comment eùt-il pu faire ? Cette mort le vengeait : la reine avait jadis
Etranglé sa femme et son fils. Bref, il ne pleura point. Un flatteur l'alla dire.
Et soutint qu'il l'avait vu rire. La colère du roi, comme dit Salomon, EUt terrible, et surtout celle du roi lion. Mais ce cerf n'avait pas accoutumé de lire. Le monarque lui dit : Chétif hôte des bois. Tu ris ! tu ne suis pas ces gémissantes voix ! Nous n'appliquerons point sur tes membres profanes
•M IS2 W*
TJIBLES de LJI FOMTAmE
LivJiE TiumÈME
Nos sacrés ongles ! Venez, loups.
Vengez la reme ; immolez tous
Ce traître à ses augustes mânes. Le cerf reprit alors : Sire, le temps de pleurs Est passé ; la douleur est ici superflue. Votre digne moitié, couchée entre des fleurs.
Tout près d'ici m est apparue :
Et je l'ai d'abord reconnue. Ami, m'a-t-elle dit, garde que ce convoi, Quand je vais chez les dieux, ne t'oblige a des larmes Aux champs Elysiens j'ai goûté mille charmes. Conversant avec ceux qui sont saints comme moi. Laisse agir quelque temps le désespoir du roi : J'y prends plaisir. A peine on eut ouï la chose, Qu'on se mit à crier : Miracle ! Apothéose ! Le cerf eut un présent, bien loin d'être puni.
Amusez les rois par des songes, Flattez-les, payez-les d'agréables mensonges : Quelque indignation dont leur cœur soit rempli, ils goberont l'appât ; vous serez leur ami.
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*■ F ABT PS T)r. L^ T0\TAiyF.
Lirj(E HWTJÈME
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Une chèvre, un mouton, avec un cochon gras, Montés sur même char, s'en allaient a la foire. Leur divertissement ne les y portait pas ; On s'en allait les vendre, a ce que dit l'histoire :
Le charton n avait pas dessein
De les mener voir Tabarin.
Dom pourceau criait en chemin Comme s'il avait eu cent bouchers a ses trousses : C'était une clameur à rendre les gens sourds. Les autres animaux, créatures plus douces. Bonnes gens, s'ctonnaient qu'il criat au secours ;
Ils ne voyaient nul mal à craindre. Le charton dit au porc : Qu'as-tu tant a te plaindre ? Tu nous étourdis tous : que ne te tiens-tu coi ? Ces deux personnes-ci, plus honnêtes que toi. Devraient l'apprendre à vivre, ou du moins a le taire. Regarde ce mouton, a-t-il dit un seul mol ?
Il est sage. — Il est sol. Repartit le cochon : s'il savait son affaire. Il crierait, comme moi, du haut de son gosier.
Et celte autre personne honnête
Crierait tout du haut de sa tôle. Ils pensent qu'on les veut seulement décharger, La chèvre de son lait, le mouton de sa laine :
Je ne sais pas s'ils ont raison ;
Mais quant à moi, qui ne suis bon
Qu'a manger, ma mort est certaine.
Adieu mon toit et ma maison. Dom pourceau raisonnait en subtil personnage : Mais que lui servait-il ? Quand le mal est certain, La plainte ni la peur ne changent le destin ; Et le moms prévoyant est toujours le plus sage.
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Fables de L^ ToMTJimE
Livre jimnÈME
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J'avais Esope quitte.
Pour être tout à Boccace ;
Mais une divinité
Veut revoir sur le Parnasse
Des fables de ma fa(;on.
Or, d'aller lui dire Non,
Sans quelque valable excuse.
Ce n'est pas comme on en use
Avec des divinités.
Surtout quand ce sont de celles
Que la qualité de Belles
Fait reines des volontés.
Car, afin que l'on le sache.
C'est Sillery qui s'attache
A vouloir que, de nouveau.
Sire loup, sire corbeau.
Chez moi se parlent en rime.
Qui dit Sillery dit tout :
Peu de gens en leur estime
Lui refusent le haut bout :
Comment le pourrait-on faire ?
Pour venir à notre affaire.
Mes contes, a son avis.
Sont obscurs : les beaux esprits
N'entendent pas toute chose.
Faisons donc quelques récits
Qu elle déchiffre sans glose : Amenons des bergers, et puis nous rimerons Ce que disent entre eux les loups et les moutons. Tircis disait un jour a la jeune Amarante : Ah ! si vous connaissiez comme moi certain mal
Qui nous plait et qui nous enchante, 11 n'est rien sous le ciel qui vous parût égal !
Souffrez qu'on vous le communique;
Croyez-moi, n'aycc point de peur : Voudrais-je vous tromper, vous, pour qui je me pique Des plus doux sentiments que puisse avoir un cœur ?
Amarante aussitôt réplique : Comment l'appelez-vous ce mal ? quel est son nom ? L'amour. — Ce mot est beau ! dites-moi quelques marques A quoi je le pourrai connaître : que sent-on ? Des peines près de qui le plaisir des monarques Est ennuyeux et fade : on s'oublie, on se plait
Toute seule en une forêt.
i85
3^
Fjjbles de L.7 Fontaine
'LirnE HvmtMi:
Se mire-l-on près d'un rivage, Ce n'est pas soi qu'on voit ; on ne voit qu'une image Qui sans cesse revient, et qui suit en tous lieux
Pour tout le reste on est sans yeux.
Il est un berger du village Dont l'abord, dont la voix, dont le nom fait rougir :
On soupire à son souvenir ; On ne sait pas pourquoi, cependant on soupire ; On a peur de le voir, encor qu'on le désire.
Amarante dit à l'instant : Oh ! ob ! c'est là ce mal que vous me prêchez tant ! Il ne m'est pas nouveau : je pense le connaître.
Tircis à son but croyait être. Quand la belle ajouta : Voila tout justement
Ce que je sens pour Clidamant. L autre pensa mourir de dépit et de honte.
Il est force gens comme lui ()ui prétendent n'agir que pour leur propre comiJle,
Et qui font le marché d'autrui.
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■»« 186 »»»
Vjibles de La ToMTJimE
UVR-E TiVÎTIÈME
Un rat, hôte d'un champ, rat de peu de cervelle. Des lares paternels un jour se trouva soûl. Il laisse là le champ, le grain et la javelle. Va courir le pays, abandonne son trou.
Sitôt qu'il fut hors de sa case : Que le monde, dit-il, est grand et spacieux ! Voilà les Apennins, et voici le Caucase ! La moindre taupinée était mont à ses yeux. Au bout de quelques jours le voyageur arrive En un certain canton, où Téthys sur la rive Avait laissé mainte huitre ; et notre rat d'abord Crut voir, en les voyant, des vaisseaux de haut bord. Certes, dit-il, mon père était un pauvre sire ! Il n'osait voyager, craintif au dernier point. Pour moi, j'ai déjà vu le maritime empire : J'ai passé les déserts, mais nous n'y bûmes point. D'un certain magister le rat tenait ces choses.
Et les disait à travers champs ; N'étant pas de ces rats qui, les livres rongeants.
Se font savants jusques aux dents.
Parmi tant d'huîtres toutes closes Une s'était ouverte ; et, bâillant au soleil.
Par un doux zéphyr réjouie. Humait l'air, respirait, était épanouie. Blanche, grasse, et d'un goût, à la voir, non pareil. D'aussi loin que le rat voit cette huitre qui bâille : Qu'aperçois-je, dit-il ; c'est quelque victuaille ! Et, si je ne rne trompe à la couleur du mets. Je dois faire aujourd'hui bonne chère, ou jamais. Là-dessus, maître rat, plein de belle espérance. Approche de l'écaillé, allonge un peu le cou. Se sent pris comme aux lacs ; car l'huître tout d'un coup Se referme. Et voilà ce que fait l'ignorance. Cette fable contient plus d'un enseignement :
Nous y voyons premièrement Que ceux qui n'ont du monde aucune expérience Sont, aux moindres objets, frappés d'étonnement ;
Et puis nous y pouvons apprendre
Que tel est pris qui croyait prendre.
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Tables de L^ Fûj^tjhj^e
'Lirnr. HinTJÈ.'HE
On rencontre sa destinée Souvent par des chemins qu'on prend pour l'éviter
Un père eut pour toute lignée Un fils qu'il aima trop, jusques a consulter
Sur le sort de sa géniture
Les diseurs de bonne aventure. Un de ces gens lui dit que des lions surtout Il éloignât l'enfant jusques à certain âge;
Jusqu'à vingt ans. point davantage.
Le père, pour venir a bout D'une précaution sur qui roulait la vie De celui qu'il aimait, défendit que jamais On lui laissât passer le seuil de son palais. Il pouvait, sans sortir, contenter son envie. Avec ses compagnons tout le jour badiner.
Sauter, courir, se promener.
Quand il fut en âge ou la chasse
Plait le plus aux jeunes esprits.
Cet exercice avec mépris
Lui lut dépeint ; mais, quoi qu'on fasse.
Propos, conseil, enseignement.
Rien ne'change un tempérament. Le jeune homme, inquiet, ardent, plein de courage, A peine se sentit des bouillons d'un tel âge.
Qu'il soupira pour ce plaisir. Plus l'obstacle était grand, plus fort fut le désir. Il savait le sujet des fatales défenses; Et comme ce logis, plein de magnificences,
Abondait partout en tableaux.
Et que la laine et les pinceaux Traçaient de tous cotes chasses et paysages.
En cet endroit des animaux.
En cet autre des personnages. Le jeune homme s émeut, voyant peint un lion : Ah ! monstre ! cria-l-il : c'est toi qui me fais vivre Dans l'ombre et dans les fers ! A ces mots il se livre Aux transports violents de l'indignation.
Porte le poing sur l'innocente béte. Sous la tapisserie un clou se rencontra
Ce clou le blesse, il pénétra Jusqu'aux ressorts de l'àme ; et cette chère télé- Pour qui l'art d'Elsculape en vain fit ce qu'il put, D Jt sa perle à ces soins qu'on prit pour son salut. Même précaution nuisit au poète Elschyle, Quelque devm le menaça, dit-on.
De la chute d'une maison.
Aussitôt il quitta la ville,
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Tjiblbs de La Toi^TAmB
— Lir-RB Huitième
Mit son lit en plein champ, loin des toits, sous les cieux. Un aigle, qui portait en l'air une tortuo. Passa par la, vit Ihomme, et sur sa télé nue. Qui parut un morceau de rocher à .ses yeux,
Etant de cheveux dépourvue, Laissa tomber sa proie, afin de la casser : Le pauvre Eschyle ainsi sut ses jours avancer.
De ces exemples il résulte Que cet art, s'il est vrai, fait tomber dans les maux
Que craint celui qui le consulte ; Mais je l'en justifie, et maintiens qu'il est faux.
Je ne crois point que la Nature Se soit hé les mains, et nous les lie encor Jusqu'au point de marquer dans les cieux notre sort : Il dépend d une conjoncture De lieux, de personnes, de temps ; Non des conjonctions de tous ces charlatans. Ce berger et ce roi sont sous même planète ; L un d eux porte le sceptre, et l'autre la houlette.
Jupiter le voulait ainsi. Qu est-ce que Jupiter ? un corps sans connaissance.
D'où vient donc que son influence Agit différemment sur ces deux hommes-ci? Puis comment pénétrer jusques a notre monde ? Comment percer des airs la campagne profonde ? Percer Mars, le Soleil, et des vides sans fin ? Un atome la peut détourner en chemin : Où liront retrouver les faiseurs d'horoscope ?
L'état ou nous voyons l'Europe Mérite que du moins quelqu'un d'eux l'ait prévu : Que ne l'a-t-il donc dit ? Mais nul d'eux ne l'a su. L'immense eloignement, le point, et sa vitesse. Celle aussi de nos passions. Permettent-ils a leur faiblesse De suivre pas à pas toutes nos actions! Notre sort en dépend : sa course entre-suivie Ne va, non plus que nous, jamais d'un même pas ; Et ces gens veulent au compas Tracer le cours de noire vie ! Il ne se faut point arrêter Aux deux faits ambigus que je viens de conter. Ce fils par trop chéri, ni le bonhomme Eschyle N'y font rien : tout aveugle et menteur qu'est cet art. Il peut frapper au but une fois entre mille ; Ce sont des effets du hasard.
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Tables de Li Fo\TM\r
Lirj^E HinriEME
LE BASSA ET LE MARCHAND
Un marchand grec en certaine contrée Faisait trafic. Un bassa l'appuyait ; De quoi le Grec en bassa le payait, Non en marchand : tant c'est chère denrée Qu un protecteur ! Celui-ci coiJtait tant, Que notre Grec s'allait partout plaignant. Trois autres Turcs d'un rang moindre en puissance, Lui vont offrir leur support en commun. Eu-x trois voulaient moins de reconnaissance Qu'a ce marchand il n'en coûtait pour un. Le Grec écoute ; avec eux il s'engage ; Et le bassa du tout est averti : Même on lui dit qu'il jouera, s'il est sage, A ces gens-là quelque méchant parti. Les prévenant, les chargeant d'un message Pour Mahomet, droit en son paradis. Et sans tarder ; sinon ces gens unis Le préviendront, bien certains qu'à la ronde il a des gens tout prêts pour le venger : Quelque poison l'enverra protéger Les trafiquants 'qui sont en l'autre monde. Sur cet avis le Turc se comporta Comme Alexandre ; et, plein de confiance. Chez le marchand tout droit il s'en alla. Se mit a table. On vit tant d'assurance En son discours et dans tout son maintien. Qu'on ne crut point qu'il se doutât de rien. '. je sais que tu me quittes ; 1 veut que j en craigne les suites ; Mais je te crois un trop homme de bien ; Tu n'as point l'air d'un donneur de breuvage. Je n'en dis pas la-dessus davantage. Quant à ces gens qui pensent t'appuyer, Ecoute-moi : sans tant de dialogue Et de raisons qui pourraient t'ennuyer. Je ne te veux compter qu'un apologue.
Il était un berger, son chien et son troupeau.
Quelqu'un lui demanda ce qu'il prétendait faire 2ue de qui l'ordinaire
Eta.i _.. , _..'i entier, il fallait bien et beau
Donner cet animal au seigneur du village. Lui, berger, pour plus de ménage. Aurait deux ou trois màtineaux.
Qui, lui dépensant moins, veilleraient aux troupeaux • Bien mieux que cette béte seule.
Il man^^aif plus que troi'; ; mai' on ne disait pas ait aussi tr c
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Tjibles de La Tont^ïme
LirJiE JiviTlBMB ^
Quand les loups livraient des combats. Le berger s'en défait ; il prend trois chiens de taille A lui dépenser moins, mais a fuir la bataille. Le troupeau s'en sentit ; et tu te sentiras Du choix de semblable canaille. Si tu fais bien, tu reviendras à moi. Le Grec le crut.
Ceci montre aux provinces Que, tout compté, mieux vaut en bonne foi S abandonner à quelque puissant roi. Que s'appuyer de plusieurs petits princes.
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*■ FAIBLES VF. L.1 TOMTJimE
Livre Hvitième
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LE R\T ET L'ELEPHANT
5e croire un personnage est fort commun en Prance :
On y fait l'homme d importance.
Et Ion n'est souvent qu'un bourgeois.
C'est proprement le mal françois. La sotte vanité nous est particulière. Les Espagnols sont vains, mais d'une autre manière :
Leur orgueil me semble, en un mot,
Beaucoup plus fou, mais pas si sot.
Donnons quelque image du nôtre.
Qui sans doute en vaut bien un autre. Un rat des plus petits voyait un éléphant Des plus gros, et raillait le marcher un peu lent
De la béte de haut parage.
Qui marchait a gros équipage.
Sur 1 animal a triple étage
Une sultane de renom,
Son chien, son chat, et sa guenon. Son perroquet, sa vieille, et toute sa maison,
S'en allait en pèlerinage.
Le rat s'étonnait que les gens Fussent touchés de voir cette pesante masse : Comme si d'occuper plus ou moins de place Nous rendait, disait-il, ou plus ou moins importants ! Mais qu'admire/-vous tant en lui, vous autres hommes ? Serait-ce ce grand corps qui fait peur aux enfants ? Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous sommes,
D un grain moins que les éléphants.
Il en aurait dit davantage ;
Mais le chat, sortant de sa cage.
Lui fit voir en moins d'un instant
Qu'un rat n'est pas un éléphant.
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192
Tjiblbs de "Ln Tomtjijme
Lîr^E ftumÈME
Il se faut entr'aider ; c'est la loi de nature.
L'àne un jour pourtant s'en moqua :
Et ne sais comme il y manqua ;
Car il est bonne créature. Il allait par pays, accompagné du chien,
Gravement, sans songer à rien :
Tous deux suivis d'un commun maître. Ce maitre s'endormit. L'àne se mit à paitre :
Il était alors dans un pré.
Dont l'herbe était fort à son gré. Point de chardons pourtant ; il s'en passa pour l'heure. 11 ne faut pas toujours être si délicat ;
tLt faute de servir ce plat.
Rarement un festin demeure.
Notre baudet s'en sut enfin Passer pour cettç fois. Le chien, mourant de faim. Lui dit : Cher compagnon, baisse-toi, je te prie Je prendrai mon diné dans le panier au pain. Point de réponse ; mot : le roussin d'Arcadie
Craignit qu'en perdant un moment
Il ne perdit un coup de dent.
Il fit longtemps la sourde oreille ; Enfin il répondit : Ami, je te conseille D'attendre que ton maitre ait fini son sommeil ; Car il te donnera sans faute, à son réveil.
Ta portion accoutumée :
Il ne saurait tarder beaucoup.
Sur ces entrefaites un loup Sort du bois, et s'en vient : autre béte affamée. L'âne appelle aussitôt le chien à son secours. Le chien ne bouge, et dit : Ami, je te conseille De fuir en attendant que ton maitre s'éveille ; Il ne saurait tarder : détale vite, et cours. Que si ce loup t'atteint, casse-lui la mâchoire : On t'a ferré de neuf ; et, si tu veux me croire. Tu l'etendras tout plat. Pendant ce beau discours, Seigneur loup étrangla le baudet sans remède.
Je conclus qu'il faut qu'on s'entr'aide.
-M 193
25
Tables de L.-t foi^TAmt
'UVT{F. TiumÈME
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Jupiter, voyant nos fautes. Dit un jour, du haut des airs : Remplissons de nouveaux hôtes Les cantons de l'univers Habités par cette race Qui m'importune et me lasse. Va-t'en, Mercure, aux enfers ; Amène-moi la Furie La plus cruelle des trois. Race que j'ai trop chérie. Tu périras cette fois ! Jupiter ne tarda guère A modérer son transport. O vous, rois, qu'il voulut faire Arbitres de notre sort, ^ Laissez, entre la colère Et l'orage qui la suit. L'intervalle d'une nuit. Le dieu dont l'aile est légère. Et la langue a des douceurs, Alla voir les noires sœurs. A Tisiphone et Mégère Il préféra, ce dit-on, L'impitoyable Alecton. Ce choix la rendit si fière Qu'elle jura par Pluton Que toute l'engeance humaine Serait bientôt du domaine Des déités de là-bas. Jupiter n'approuva pas Le serment de l'Euménide. Il la renvoie ; et pourtant Il lance un foudre à l'instant Sur certain peuple perfide. Le tonnerre, ayant pour guide Le père même de ceux Qu'il menaçait de ses feux. Se contenta de leur crainte ; Il n'embrasa que l'enceinte D'un désert inhabité : Tout père frappe à côté. Qu'arriva-t-il ? Notre engeance Prit pied sur cette indulgence. Tout l'Olympe s'en plaignit ; Et l'assembleur de nuages
"^ 104 v^
Tables de La fOTiTAmE
LirnE TiuiTitME
Jura le 5tyx, et promit
De former d'autres orages :
Ils seraient sûrs. On sourit ;
On lui dit qu'il était père,
Et qu'il laissât, pour le mieux,
A quelqu'un des autres dieux
D'autres tonnerres à faire.
Vulcain entreprit l'affaire.
Ce dieu remplit ses fourneaux
De deux sortes de carreaux :
L'un jamais ne se fourvoie :
Et c'est celui que toujours
L'Olympe en corps nous envoie :
L'autre s'écarte en son cours ;
Ce n'est qu'aux monts qu'il en coûte ;
Bien souvent même il se perd ;
Et ce dernier en sa route
Nous vient du seul Jupiter.
195 •>• .
Tables de L.^ Tomt.tine
'LirT{E Huitième
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L'AVANTAGE DE LA SCIENCE
Entre deux bourgeois d'une ville
S'emut jadis un différend :
L'un était pauvre, mais habile ;
L'autre riche, mais ignorant.
Celui-ci sur son concurrent
Voulait emporter l'avantage ;
Prétendait que tout homme sage
Etait tenu de l'honorer. C'était tout homme sot : car pourquoi révérer
Des biens dépourvus de mérite ?
La raison m'en semble petite.
Mon ami, disait-il souvent Au savant,
Vous vous croyez considérable ;
Mais, dites-moi, tenez-vous table ? Que sert à vos pareils de lire incessamment ? Ils sont toujours logés a la troisième chambre. Vêtus au mois de juin comme au mois de décembre, Ayant pour tout laquais leur ombre seulement.
La republique a bien affaire
De gens qui ne dépensent rien !
Je ne sais d'homme nécessaire Que celui dont le luxe epand beaucoup de bien. Mous en usons. Dieu sait ! notre plaisir occupe L'artisan, le vendeur, celui qui fait la jupe. Et celle qui la porte, et vous qui dédiez
A messieurs les gens de finance
De méchants livres bien payés.
Ces mots remplis d'impertinence
Eurent le sort qu'ils méritaient. L'homme lettré se tut, il avait trop a dire. La guerre le vengea bien mieux qu'une satire. Mars détruisit le lieu que nos gens habitaient :
L'un et l'autre quitta sa ville.
L'ignorant resta sans asile ;
Il reçut partout des mépris : L'autre reçut partout quelque faveur nouvelle.
Cela décida leur querelle. Laissez dire les sots : le savoir a son prix.
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Fables de Lji Tontjiine
Livre tlvnm.HE —
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LE FAUCON ET LE CHAPON
Une traîtresse voix bien souvent vous appelle ;
Ne vous pressez donc nullement : Ce nétait pas un sot, non, non, et croyez-m en,
Que le chien de Jean de Nivelle. Un citoyen du Mans, chapon de son métier. Etait sommé de comparaître Par-devant les lares du maître. Au pied d'un tribunal que nous nommons foyer. Tous les gens lui criaient, pour déguiser la chose. Petit, petit, petit ! mais, loin de s'y fier. Le Normand et demi laissait les gens crier. Serviteur, disait-il, votre appât est grossier :
On ne m'y tient pas, et pour cause. Cependant un faucon sur sa perche voyait
Notre Manceau qui s'enfuyait. Les chapons ont en nous fort peu de confiance,
Soit instinct, soit expérience. Celui-ci, qui ne fut qu'avec peine attrapé. Devait, le lendemain, être d'un grand soupe. Fort à l'aise en un plat, honneur dont la volaille
Se serait passée aisément. L'oiseau chasseur lui d t : Ton peu d'entendement Me rend tout étonné. Vous n'êtes que racaille. Gens grossiers, sans esprit, à qui Ion n apprend rien. Pour moi, je sais chasser, et revenir au maître.
Le vois-tu pas à la fenêtre ? Il t'attend : es-tu sourd ? Je n'entends que trop bien. Repartit le chapon : mais que me veut-il dire ? Et ce beau cuisinier armé d'un grand couteau i>
Reviendrais-tu pour cet appeau ?
Laisse-moi fuir ; cesse de rire De l'indocilité qui me fait envoler Lorsque d'un ton si doux on s'en vient m'appeler.
Si tu voyais mettre à la broche
Tous les jours autant de faucons
Que j'y vois mettre de chapons. Tu ne me ferais pas un semblable reproche.
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Tables de La ToT^TAmB
Livj^n TtwTiÈME
Quatre animaux divers, le chat grippe-fromage, Triste oiseau le hibou, ronge-maille le rat.
Dame belette au long corsage,
Toutes gens d'esprit scélérat. Hantaient le tronc pourri d'un pin vieux et sauvage. Tant y furent, qu'un soir à lenteur de ce pm L'homme tendit ses rets. Le chat, de grand matin,
Sort pour aller chercher sa proie. Les derniers traits de l'ombre empêchent qu'il ne voie Le filet : il y tombe, en danger de mourir ; Et mon chat de crier, et le rat d'accourir ; L'un plein de désespoir, et l'autre plein de joie, Il voyait dans les lacs son mortel ennemi.
Le pauvre chat dit : Cher ami.
Les marques de ta bienveillance
Sont communes en mon endroit ; Viens m'aider à sortir du piège où l'ignorance
M'a fait tomber. C'est à bon droit Que seul entre les tiens, par amour singulière. Je t'ai toujours choyé, t'aimant comme mes yeux. Je n'en ai point regret, et j'en rends grâce aux dieux.
J'allais leur faire ma prière. Comme tout dévot chat en use les matins. •'
Ce réseau rne retient : ma vie est en tes mains , Viens dissoudre ces noeuds. Et quelle récompense
En aurai-je ? reprit le rat.
Je jure éternelle alliance
Avec toi, repartit le chat. Dispose de ma griffe, et sois en assurance : Envers et contre tous je te protégerai ;
Et la belette mangerai
Avec l'époux de la chouette : ils t'en veulent tous deux. Le rat dit : Idiot ! Moi ton libérateur ! je ne suis pas si sot.
Puis il s'en va vers sa retraite :
La belette était près du trou. Le rat grimpe plus haut : il y voit le hibou.
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Tjjbles de Lji T^omtainb
Ljvj{e TlmnÈME
Dangers de toutes parts : le plus pressant l'emporte. Ronge-maille retourne au chat, et fait en sorte Qu'il détache un chaînon, puis un autre, et puis tant
Qu'il dégage enfin l'hypocrite.
L'homme parait en cet instant ; Les nouveaux alliés prennent tous deux la fuite A quelque temps de là, notre chat vit de loin Son rat qui se tenait alerte et sur ses gardes : Ah ! mon frère, dit-il, viens m'embrasser ; ton soin
Me fait injure ; tu regardes
Comme ennemi ton allié.
Penses-tu que j'aie oublié
Qu'après Dieu je te dois la vie ? Et moi, reprit le rat, penses-tu que j'oublie
Ton naturel ? Aucun traité Peut-il forcer un chat à la reconnaissance ?
S'assure-t-on sur l'alliance
Qu'a faite la nécessité ?
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TJJBLES DF. L? TONTJIWE
Lir-RTi HmTiÈME
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•-vï 2Û0 v^
Fjiblbs de La Tontjume
LiriiE TimnÈME
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Laridon et César, frères dont l'origine
Venait de chiens fameux, beaux, bien faits, et hardis,
A deux maîtres divers échus au temps jadis.
Hantaient, l'un les forêts, et l'autre la cuisine.
Ils avaient eu d'abord chacun un autre nom ;
Mais la diverse nourriture Fortifiant en l'un cette heureuse nature. En l'autre l'altérant, un certain marmiton
Nomma celui-ci Laridon. Son frère, ayant couru mainte haute aventure. Mis maint cerf aux abois, maint sanglier abattu, Fut le premier César que la gent chienne ait eu. On eut soin d'empêcher qu'une indigne maîtresse Ne fit en ses enfants dégénérer son sang. Laridon négligé témoignait sa tendresse
A l'objet le premier passant.
Il peupla tout de son engeance : Tourne-broches par lui rendus communs en France Y font un corps à part, gens fuyant les hasards.
Peuple antipode des Césars. On ne suit pas toujours ses aïeux ni son père : Le peu de soin, le temps, tout fait qu'on dégénère. Faute de cultiver la nature et ses dons, Oh ! combien de Césars deviendront Laridons I
-wi 201 t^*-
26
Tables de L.^ tomtajne
~ LlVJ{E UUTTJÈME
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Que j'ai toujours haï les pensers du vulgaire ! Qu'il me semble profane, injuste et téméraire, Mettant de faux milieux entre la chose et lui, El mesurant par soi ce qu'il voit en autrui ! Le maître d'Epicure en fit l'apprentissage. Son pays le crut fou. Petits esprits ! Mais quoi I
Aucun n'est prophète chez soi. Ces gens étaient les fous, Démocrite le sage. L'erreur alla si loin qu'Abdère députa
Vers Hippocrate, et l'invita.
Par lettres et par ambassade, A venir rétablir la raison du malade. Notre concitoyen, disaient-ils en pleurant, Perd l'esprit : la lecture a gâté Démocrite. Nous l'estimerions plus s'il était ignorant. Aucun nombre, dit-il, les mondes ne limite :
Peut-être même ils sont remplis
De Démocrites infinis. Non content de ce songe, il y joint les atomes. Enfants d'un cerveau creux, invisibles fantômes ; Et, mesurant les cieux sans bouger d'ici-bas. Il connaît l'univers, et ne se connaît pas. Un temps fut qu'il savait accorder les débats :
Maintenant il parle à lui-même. Venez, divin mortel : sa folie est extrême. »' Hippocrate n'eut pas trop de foi pour ces gens ; Cependant il partit. Et voyez, je vous prie.
Quelles rencontres dans la vie Le sort cause ! Hippocrate arriva dans le temps Que celui qu'on disait n'avoir raison ni sens
Cherchait dans l'homme et dans la bête. Quel siège a la raison, soit le cœur, soit la tête. Sous un ombrage épais» assis près d'un ruisseau.
Les labyrinthes d'un cerveau L'occupaient. 11 avait à ses pieds maint volume. Et ne vit presque pas son ami s'avancer,
Attaché selon sa coutume. Leur compliment fut court, ainsi qu'on peut penser ; Le sage est ménager du temps et des paroles. Ayant donc mis à part les entretiens frivoles,
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Tables de La TowrAmB
Et beaucoup raisonné sur l'homme et sur l'esprit.
Ils tombèrent sur la morale.
Il n'est pas besoin que j'étale
Tout ce que l'un et l'autre dit.
Le récit précédent suffit Pour montrer que le peuple est juge rccusable.
En quel sens est donc véritable
Ce que j'ai lu dans certain lieu,
Que sa voix est la voix de Dieu ?
LirnE HWTJÈME
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F.7BLE5 DE L.^ To?iT.nwB
Liri(E "Huitième >
LES DEUX CHIENS ET L'ANE MORT
Les vertus devraient être sœurs.
Ainsi que les vices sont frères. Dès que l'un de ceux-ci s'empare de nos cœurs. Tous viennent à la file ; il ne s'en manque guères : J'entends de ceux qui, n'étant pas contraires.
Peuvent loger sous même toit. A l'égard des vertus, rarement on les voit Toutes en un sujet éminemment placées Se tenir par la main sans être dispersées. L/un est vaillant, mais prompt ; l'autre est prudent, mais froid. Parmi les animaux le chien se pique d être
Soigneux, et fidèle a son maître ;
Mais il est sot, il est gourmand ; Témoin ces deux matins qui, dans l'éloignemenl, Virent un àne mort qui flottait sur les ondes. Le vent de plus en plus l'eioignalt de nos chiens. Ami, dit l'un, tes yeux sont meilleurs que les miens Porte un peu tes regards sur ces plaines profondes ; J'y crois voir quelque chose. Est-ce un bœuf, un cheval ?
Et qu'importe quel animal ? Dit l'un de ces matins ; voilà toujours curée. Le point est de lavoir : car le trajet est grand Et de plus il nous faut nager contre le vent. Buvons toute cette eau ; notre gorge altérée En viendra bien a bout : ce corps demeurera
Bientôt a sec : et ce sera
l'rovision pour la semaine. Voila mes chiens a boire : ils perdirent i'haleint
Et puis la vie ; ils firent tant
Qu'on les vit creyer a 1 instant. L'homme est ainsi bâti : quand un sujet l'enflamme L'impossibilité disparaît à son âme. Combien fait-il de vœux, combien perd-il de pas, S'outranf pour acquérir des biens ou de la gloire
Si j'arrondissais mes Etats ! Si je pouvais remplir mes coffres de ducats ! Si j'apprenais l'hébreu, les sciences, l'histoire !
Tout cela c'est la mer à boire ;
Mais rien à l'homme ne suffit. Pour fournir aux projets que forme un seul esprit. Il faudrait quatre corps; encor loin d'y suffire. A mi-chemin je crois que tous demeureraient : Quatre Mathusalem bout a bout ne pourraient
Mettre a fin ce qu'un seul désire.
I
••^ 204 V^
FABLES DE La TOT^TAmB
"LiriiB JimTltMT:
Fureur d'accumuler, monstre de qui les yeux Regardent comme un point tous les bienfaits des dieux. Te combattrai-je en vain sans cesse en cet ouvrage ! Quel temps demandes-tu pour suivre mes leçons ? L homme, sourd à ma voix comme à celle du sage.
: C'est assez.
jouissons
Hâte-toi, mon ami, tu n'as pas tant à vivre.
Je te rebats ce mot ; car il vaut tout un livre.
Jouis. — Je le ferai. — Mais quand donc ? — Des demain.
Eh ! mon ami, la mort te peut prendre en chemin :
Jouis dès aujourd'hui ; redoute un sort semblable
A celui du chasseur et du loup de ma fable.
Le premier de son arc avait mis bas un daim.
Un faon de biche passe, et le voila soudain
Compagnon du défunt : tous deux gisent sur l'herbe.
La proie était honnête, un daim avec un faon ;
Tout modeste chasseur en eût été content :
Cependant un sanglier, monstre énorme et superbe.
Tente encor notre archer friand de tels morceaux.
Autre habitant du Styx : la Parque et ses ciseaux
Avec peine y mordaient : la déesse infernale
Reprit à plusieurs fois l'heure au monstre fatale.
De la force du coup pourtant il s'abattit.
C'était assez de biens. Mais quoi ! rien ne remplit
Les vastes appétits d'un faiseur de conquêtes.
Dans le temps que le porc revient à soi, l'archer
Voit le long d'un sillon une perdrix marcher ;
Surcroit chetif aux autres têtes : De son arc toutefois il bande les ressorts. Le sanglier, rappelant les restes de sa vie. Vient à lui, le découd, meurt vengé sur son corps ;
Et la perdrix le remercie. Cette part du récit s'adresse aux convoiteux : L'avare aura pour lui le reste de l'exemple. Un loup vit en passant ce spectacle piteux : O Fortune ! dit-il, je te promets un temple. Quatre corps étendus ! que de biens ! mais pourtant Il faut les ménager ; ces rencontres sont rares.
(Ainsi s'excusent les avares.)
2o5
Tables de La Tot^tatne
Ijivke Huitième
J'en aurai, dit le loup, pour un mois, pour autant : Un, deux, trois, quatre corps ; ce sont quatre semaines,
Si je sais compter, toutes pleines. Commençons dans deux jours ; et mangeons cependant La corde de cet arc : il faut que l'on l'ait faite De vrai boyau ; l'odeur me le témoigne assez.
En disant ces mots, il se jette Sur l'arc, qui se détend, et fait de la sagette Un nouveau mort : mon loup a les boyaux percés. Je reviens à mon texte. Il faut que l'on jouisse : Témoin ces deux gloutons punis d'un sort commun ;
La convoitise perdit l'un ;
L'autre périt par l'avarice.
206
Tjibles de Lji Tot^tawb
Livre J^evyjème
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LE DEPOSITAIRE INFIDELE
Grâce aux Filles de mémoire,
J'ai chanté des animaux ;
Peut-être d'autres héros
M'auraient acquis moins de gloire.
Le loup, en langue des dieux.
Parle au chien dans mes ouvrages :
Les bêtes, à qui mieux mieux,
Y font divers personnages.
Les uns fous, les autres sages ;
De telle sorte pourtant
Que les fous vont l'emportant :
La mesure en est plus pleine.
Je mets aussi sur la scène
Des trompeurs, des scélérats.
Des tyrans et des ingrats.
Mainte imprudente pécore.
Force sots, force flatteurs ;
Je pourrais y joindre encore
Des légions de menteurs :
Tout homme ment, dit le sage.
S'il n'y mettait seulement
Que les gens de bas étage.
On pourrait aucunement
Souffrir ce défaut aux hommes !
Mais que tous, tant que nous sommes,
Nous mentions, grand et petit.
Si quelque autre l'avait dit.
Je soutiendrais le contraire.
Et même qui mentirait
Comme Esope et comme Homère,
Un vrai menteur ne serait :
Le doux charme de maint songe
Par leur bel art inventé.
Sous les habits du mensonge
Nous offre la vérité.
L'un et l'autre a fait un livre
Que je tiens digne de vivre
Sans lin, et plus, s'il se peut.
Comme eux ne ment pas qui veut.
Mais mentir comme sut faire
Un certain dépositaire.
Payé par son propre mot,
Est d'un méchant et d'un sot.
Voici le fait :
Un trafiquant de Perse,
Chez son voisin, s'en allant en commerce.
Mit en dépôt un cent de fer un jour.
Mon fer I> dit-il, quand il fut de retour.
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207
TJiBLES DE TLji TO?iTJimE
"Livide "Nevvièmb
Votre fer ! il n'est plus : j'ai regret de vous dire
Qu un rat l'a mangé tout entier. J'en ai gronde mes gens : mais qu'y faire ? un grenier A toujours quelque trou. Le trafiquant admire Un tel prodige, et feint de le croire pourtant. .Au bout de quelques jours, il détourne l'enfant Du perfide voisin ; puis a souper convie Le père, qui s'excuse et lui dit en pleurant :
Dispensez-moi, je vous supplie ;
Tous plaisirs pour moi sont perdus.
Jaimais un fils plus que ma vie, Je n'ai que lui ; que dis-je ? hélas ! je ne l'ai plus On me l'a dérobé : plaignez mon infortune. Le mardiand repartit : Hier au soir, sur la brune. Un chat-huant s'en vint votre fils enlever; Vers un vieux bâtiment je le lui vis porter. Le père dit : Comment voulez-vous que je croie Qu'un hibou put jamais emporter cette proie ? Mon fils en un besoin eût pris le chat-huant. Je ne vous dirai point, reprit l'autre, comment : Mais enfin je I ai vu, vu de mes yeux, vous dis-je :
Lt ne vois rien qui vous oblige D'en douter un moment après ce que je dis.
Faut-il que vous trouviez étrange
Que les chats-huants d'un pays Ou le quintal de fer par un seul rat se mange. Enlèvent un garçon pesant un demi-cent ? L'autre vit ou tendait cette feinte aventure :
Il rendit le fer au marchand,
Qui lui rendit sa géniture. Même disjiute advint entre deux voyageurs.
L'un deux était de ces conteurs Qui n ont jamais rien vu qu'avec un microscope ; Tout est géant chez eux : écoutez-les, l'Europe, Comme I Afrique, aura des monstres a foison. Celui-ci se croyait l'hyperbole permise : J ai vu. dit-il, un chou plus grand qu'une maison. Et moi, dit l'autre, un pot aussi grand qu'une église. Le premier se moquant, l'autre reprit : Tout doux ;
On le fit pour cuire vos choux. L'homme au pot fut plaisant ; l'homme au fer fut habile Quand I absurde est outré, l'on lui fait trop d'honneur De vouloir par raison combattre son erreur : Enchérir est plus court, sans s'échauffer la bile.
2û8
"Fjjbles de La Tontjiime
TjIVT^E 'KBVYmME
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SINGE ET LE LÉOPARD
Le singe avec le léopard
Gagnaient de l'argent à la foire.
Ils affichaient chacun à part. L un d'eux disait : Messieurs, mon mérite et ma gloire Sont connus en bon lieu. Le roi m'a voulu voir ;
Et si je meurs, il veut avoir Un manchon de ma peau : tant elle est bigarrée.
Pleine de taches, marquetée,
Et vergetée, et mouchetée ! La bigarrure plait : partant chacun le vit. Mais ce fut bientôt fait ; bientôt chacun sortit. Le singe de sa part disait : Venez, ce grâce ; Venez, messieurs : je fais cent tours de pasre-passe. Celte diversité dont on vous parle tant, Mon voisin léopard l'a sur soi seulement : Moi, je l'ai dans l'esprit. Votre serviteur Gille,
Cousin et gendre de Bertrand,
Singe du pape e. son vivant.
Tout fraîchement en cette ville Arrive en trois bateaux exprès pour vous parler. Car il parle, on l'entend : il sait danser, baller.
Faire des tours de toute sorte. Passer en des cerceaux ; et le tout pour six blancs ; Non, messieurs, pour un sou : si vous n'êtes contents. Nous rendrons à chacun son argent à la porte. Le singe avait raison. Ce n'est pas sur l'habit Que la diversité me plait ; c'est dans l'esprit : L'une fournit toujours des choses agréables ; L'autre, en moins d'un moment, lasse les regardants. Oh ! que ce grands seigneurs, au léopard semblables.
N'ont que l'habit pour tous talents !
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27
F.7BZ.EJ DE La TOMTJimE
LU^'J^E J^EUVJÈMB
Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre ;
L'un d'eux, s'ennuyant au logis.
Fut assez fou pour entreprendre
Un voyage en lointain pays.
L'autre lui dit : Qu'allez-vous faire ?
Voulez-vous quitter votre frère ?
L absence est le plus grand des maux : Non pas pour vous, cruel! Au moins que les travaux,
Les dangers, les soins du voyage.
Changent un peu votre courage. Fncor, si la saison s'avançait davantage ! Attendez les zéphyrs : qui vous presse ? un corbeau Tout à l'heure annonçait malheur à quelque oiseau. Je ne songerai plus que rencontre fune.îte, Que faucons, que reseaux. Helas ! dirai-je, il pleut :
Mon frère a-t-il tout ce qu'il veut.
Bon soupe, bon gîte, et le reste ?
Ce discours ébranla le cœur
De notre imprudent voyageur : Mais le désir de voir et l'humeur inquitte L'emportèrent enfin. Il dit : Ne pleurez point ; Trois jours au plus rendront mon àme satisfaite : Je reviendrai dans peu conter de point en point
Mes aventures à mon frère ; Je le désennuierai. Quiconque ne voit guère N'a guère a dire aussi. Mon voyage dépeint
Vous sera d'un plaisir extrême. Je dirai : Jetais la; telle chose m'advint :
Vous y croirez être vous-même. A ces mots, en pleurant, ils se dirent adieu. Le voyageur s'éloigne : et voila qu'un nuage L oblige de chercher retraite en quelque lieu. Un seul arbre s'offrit, tel encore que l'orage Maltraita le pigeon en dépit du feuillage. L air devenu serein, il part tout morlondu. Sèche du mieux qu'il peut son corps chargé de pluie ; Dans un champ à l'écart voit du blé répandu. Voit un pigeon auprès : cela lui donne envie ; .11 y vole, il est pris : ce blé couvrait d'un las
Les menteurs et traîtres appas. Le las était use ; si bien que, de son aile. De ses pieds, de son bec, l'oiseau le rompt enfin :
*• TJIBLES de LjI FOMTJIJME -
Livnn J\]euvjeme
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Quelque plume y périt ; et le pis du destin Fut qu'un certain vautour, a la serre cruelle. Vit notre malheureux, qui, tramant la ficelle Et les morceaux du las qui l'avait attrapé.
Semblait un forçat échappé. Le vautour s'en allait le lier, quand des nues Fond à son tour un aigle aux ailes étendues. Le pigeon profita du conflit des voleurs, S'envola, s'abattit auprès d'une masure.
Crut pour ce coup que ses malheurs
Finiraient par cette aventure ; Mais un fripon d'enfant (cet âge est sans pitié) Prit sa fronde, et du coup tua plus d'à moitié
La volatile malheureuse. Qui, maudissant sa curiosité,
Trainant 1 aile, et tirant le pied.
Demi-morte, et demi-boiteuse,
Droit au logis s'en retourna.
Que bien, que mal, elle arriva
Sans autre aventure fâcheuse. Voilà nos gens rejoints ; et je laisse a juger De combien de plaisirs ils payèrent leurs peines. Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ?
Que ce soit aux rives prochaines. Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau.
Toujours divers, toujours nouveau ; Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste. J'ai quelquefois aimé : je n'aurais pas alors, .
Contre le Louvre et ses trésors. Contre le firmament et sa voûte céleste
Change les bois, change les lieux Honorés par les pas, éclairés par les yeux
De l'aimable et jeune bergère
Pour qui, sous le fils de Cythere, Je servis, engagé par mes premiers serments. Hélas ! quand reviendront de semblables moments ! Faut-il que tant d'objets si doux et si charmants Me laissent vivre au gré de mon àme inquiète ! Ah ' si mon cœur osait encor se renflammer ! Ne sentirai-je plus de charme qui m'arrête ?
Ai-je passé le temps d'aimer ?
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TABLES DE Z--Î TOT^TJimE
TjIVHT. T^EVVIÈME
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LE GLAND ET LA CITROUILLE
Dieu fait hien re qu'il fait. Sans en chercher la preuve En tout cet univers, et l'aller parcourant,
Dans les citrouilles je la treuve.
Un villageois, considérant Combien ce fruit est gros et sa tige menue : A quoi songeait, dit-il, l'auteur de tout cela ? 11 a bien mal placé cette citrouille-la !
Eh parbleu ! je l'aurais pendue
A l'un des chênes que voila ;
C'eût été justement l'affaire :
Tel fruit, tel arbre, pour bien faire. C'est dommage. Gare, que tu n'es point entré Au conseil de celui que prêche ton cure ; Tout en eût été mieux : car i)ourquoi. par c:.CTip!e, Le gland, qui n'est pas gros comme mon petit doigt,
Ne pend-il pas en cet endroit ?
Dieu s'est mépris : plus je contemple Ces fruits ainsi places, plus il semble a Garo
Que l'on a fait un quiproquo. Cette réflexion embarrassant notre homme : On ne dort point, dit-il, quand on a tant d'e;prit ; Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme. Un gland tombe : le nez du dormeur en pàtit. Il s'éveille ; et, portant la main sur son visage. Il trouve encor le gland pris au poil du menton. Son nez meurtri le force a changer de langage. Oh ! oh ! dit-il, je saigne ! et que serait-ce donc S'il fût tombé de l'arbre une masse plus lourde.
Et que ce gland eût été gourde ? ,/
Dieu ne l'a pas voulu : sans doute il eut ra'.con ;
J'en vois bien à présent la cause.
En louant Dieu de toute chose,
Garo retourne à la maison.
TABLES DE L^ TO]\TAmE
llVRB l^EVVltMB
Certain enfant qui sentait son collège, Doublement sot et doublement fripon Par le jeune âge, et par le privilège Qu'ont les pédant; de gâter la raison. Chez un voisin dérobait, ce dit-on, Et fleurs et fruits. Ce voisin, en automne. Des plus beaux dons que nous offre Pomone Avait la fleur, les autres le rebut. Chaque saison apportait son tribut ; Car au printemps il jouissait encore Dej plus beaux dons que nous présente Flore. Un jour dans son jardin il vit notre écolier. Qui, grimpant sans égard sur un arbre fruitier. Gâtait jusqu'aux bcutcns, douce et frêle espérance, Avant-coureurs des biens que promet l'abondance Même il ebranchait l'arbre ; et fît tant à la fin
Que le possesseur du jardm Envoya faire plainte au maître de la classe. Celui-ci vint suivi d'un cortège d'enfants :
Voila le verger plein de gens Pires que le premier. Le pédant, de sa grâce. Accrut le mal en amenant Cette jeunesse mal instruite ; Le tout, à ce qu'il dit, pour faire un châtiment Qui pût servir d'exemple, et dont toute sa suite Se souvint à jamais comme d'une leçon. La-dessus il cita Virgile et Cicéron,
Avec force traits de science. Son discours dura tant que la maudite engeance Eut le temps de gâter en cent lieux le jardin. Je hais les pièces d'éloquence Hors de leur place, et qui n'ont point de lin ;
Et je ne sais bête au monde pire Que 1 écolier, si ce n'est le pédant. Le meilleur de ces deux pour voisin, à vrai dire. Ne me plairait aucunement-
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F.-7P7FS nr. La ToNJAiMf'.
ljri{B T^EliVIÈME
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LA SOURIS MÉTAMORPHOSÉE EN FILLE
Une souris tomba du bec d'un chat-liuanl :
Je ne l'eusse pas ramassée ; Mais un bramin le fit : je le crois aisément ;
Chaque pays a sa pensée.
La souris était fort froissée.
De cette sorte de procliain Nous nous soucions peu ; mais le peuple bramin
Le traite en frère. Ils ont en télé
Que notre àme, au sortir d'un roi, ILnlrc dans un ciron, ou dans telle autre béte Qu'il plait au Sort : c'est la l'un des points de leur loi. Pythagorc cher eux a puisé ce mystère. Sur un tel fondement, le bramin crut bien faire De prier un sorcier qu'il logeât la souris Dans un corps qu'elle eut eu pour hole au temps jadis.
Le sorcier en fit une fille De l'âge de quinze ans, et telle et si gentille. Que le fils de Priim pour elle aurait tenté Plus encor qu'il ne fit pour la grecque beauté. Le bramin fut surpris de chose si nouvelle :
Il dit a cet objet si doux : Vous n'avez qu'à choisir ; car chacun est jaloux
De l'honneur d'être votre époux.
En ce cas je donne, dit-elle.
Ma voix au plus puissant de tous. Soleil, .s'écria lors le bramin a genoux,
C'est toi qui seras notre gendre.
Non, dit-il, ce nuage épais Est plus puissant que moi, puisqu'il cache mes traits ;
Je vous conseille de le prendre.
I le bien! dit le bramin au nuage volant,
fj^s-tu ne jjour ma fille ? — Plélas ! non ; car le vcnl Me chasse a son plaisir de contrée en contrée : }c n entreprendrai point sur les droits de Borée. Le bramin fâché s'écria : O vent donc, puisque vent y a. Viens dans les bras de notre belle !
II atcourait; un mont en chemin I arrêta.
1^'cteuf passant a celui-là, Il le renvoie, et dit : J'aurais une querelle
.A\ec le rat; et l'offenser Ce ierait être fou, lui qui peut me percer.
Au mot de rat, la damoiselle
Ouvrit loreille : il fut l'époux.
Un rat! un rat : c'est de ces coups
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Tables de Lji Toi^TAmE
Livre J^ewième
Qu'Amour fait ; témoin telle et telle.
Mais ceci soit dit entre nous. On tient toujours du lieu dont on vient. Cette fable Prouve assez bien ce point ; mais, à la voir de près, Quelque peu de sophisme entre parmi ses traits : Car quel époux n'est point au Soleil préférable En s'y prenant ainsi ? Dirai-je qu'un géant Est moms fort qu'une puce ? Elle le mord pourtant. Le rat devait aussi renvoyer, pour bien faire,
La belle au chat, le chat au chien.
Le chien au loup. Par le moyen
De cet argument circulaire, ^-
Pilpay jusqu'au Soleil eût enfin remonté ; Le Soleil eût joui de la jeune beauté. Revenons, s'il se peut, à la métempsycose : Le sorcier du bramin fit sans doute une chose Qui, loin de la prouver, fait voir sa fausseté. Je prends droit là-dessus contre le bramin même ;
Car il faut, selon son système. Que l'homme, la souris, le ver, enfin chacun Aille puiser son àme en un trésor commun :
Toutes sont donc de même trempe ;
Mais, agissant diversement
Selon l'organe seulement.
L'une s'élève, et l'autre rampe. D'où vient donc que ce corps si bien organisé
Ne put obliger son hôtesse De s'unir au Soleil ? Un rat eut sa tendresse.
Tout débattu, tout bien pesé. Les âmes des souris et les âmes des belles
Sont très différentes entre elles : Il en faut revenir toujours à son destin. C'est-à-dire à la loi par le ciel établie :
Parlez au diable, employez la magie. Vous ne détournerez nul être de sa fin.
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Tjjbles de L-7 To-NTJJmB
Ur-RB J^EUVIÈME -
LE LOUP ET LE CHIEN MAIGRE
Autrefois Carpillon fretin
Eut beau prêcher, il eut beau dire,
On le mit dans la poêle à frire. Je ns voir que làther ce qu'on a dans la main,
Sans espoir de grosse aventure,
Est imprudence toute pure. Le pécheur eut raison ; Carpillon n'eut pas tort : Chacun dit ce qu'il peut pour défendre sa vie.
Maintenant il faut que j'appuie Ce que j'avançai lors, d>- quelque trait encor. Certain loup, aussi sot que le pécheur fut sage.
Trouvant un chien hors du village. S'en allait l'emporter. Le chien représenta Sa magreur : Jà ne plaise a votre seigneurie
De me prendre en cet état-là ;
Attendez : mon maître marie
Sa fille unique, et vous jugez Qu'étant de noce, il faut, malgré moi, que j'engraisse
Le loup le croit, le loup le laisse.
Le loup, quelques jours écoulés. Revient voir si son chien n'est pas meilleur à prendre
Mais le drôle était au logis.
Il dit au loup par un treillis : Ami. je vais sortir ; et, si tu veux attendre,
Le portier du logis et moi
Nous serons tout à l'heure à toi. Ce portier du logis était un chien énorme.
Expédiant les loups en forme. Celui-ci s'en douta. Serviteur au portier. Dit-il ; et de courir. Il était fort agile;
Mais il n'était pas fort habile : Ce loup ne savait pas entor bien son métier.
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Tables de La "Fot^tjune
LirT{E TVemvtè.we
Jamais auprès des fous ne te mets à portée : Je ne puis te donner un plus sage conseil.
Il n'est enseignement pareil A celui-là de fuir une tête éventée.
On en voit souvent dans les cours : Le prince y prend plaisir ; car ils donnent toujours Quelque trait aux fripons, aux sots, aux ridicules. Un fol allait criant par tous les carrefours Qu il vendait la sagesse, et les mortels crédules De courir à I achat ; chacun fut diligent. On essuyait force grimaces ; Puis on avait pour son argent. Avec un bon soufflet, un fil long de deux brasses. La plupart s'en fâchaient ; mais que leur servait-il ? C'étaient les plus moqués : le mieux était de rire, Ou de s'en aller sans rien dire Avec son soufflet et son fil. De chercher du sens à la chose. On se fût fait siffler ainsi qu'un ignorant.
La raison est-elle garant De ce que fait un fou ? Le hasard est la cause De tout ce qui se passe en un cerveau blessé. Du fil et du soufflet pourtant embarrassé. Un des dupes un jour alla trouver un sage.
Qui, sans hésiter davantage. Lui dit : Ce sont ici hiéroglyphes tout purs. Les gens bien conseilles, et qui voudront bien faire. Entre eux et les gens fous mettront, pour l'ordinaire, La longueur de ce fil ; sinon, je les tiens sûrs
De quelque semblable caresse. Vous n'êtes point trompe : ce fou vend la sagesse.
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r.lBLES DE La FOMTJflNE
Lirj(E "Newième
LE STATUAIRE ET LA STATUE DE JUPITER
Un bloc de marbre était si beau Qu'un statuaire en fit Templette. Qu'en fera, dit-il, mon ciseau ? Sera-t-il dieu, table, ou cuvette ?
Il sera dieu : même je veux Qu'il ait en sa mam un tonnerre. Tremblez, humains ! (aites des vœux : Voila le maître de la terre.
L'artisan exprima si bien
Le caractère de l'idole.
Qu'on trouva qu'il ne manquait rien
A Jupiter que la parole.
Même l'on dit que l'ouvrier Eut à peine achevé l'image. Qu'on le vit frémir le premier. Et redouter son propre ouvrage.
A la faiblesse du sculpteur Le poète autrefois n'en dut guère Des dieux dont il fut l'inventeur Craignant la haine et la colère.
était enfant en ceci ; Les enfants n'ont l'âme occupée Que du continuel souci Qu'on ne fâche point leur poupée.
Le cœur suit aisément l'esprit : De cette source est descendue L'erreur peûenne, qui se vit Chez tant de peuples répandue.
Ils embrassaient violemment Les intérêts de leur chimère : Pygmalion devint amant De la Vénus dont il fut père.
Chacun tourne en réalités. Autant qu'il peut, ses propres songes : L'homme est de glace aux vérités ; Il est de feu pour les mensonges.
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Je ne vois point de créature
Se comporter modérément.
Il est certain tempérament
Que le maître de la nature Veut que l'on garde en tout. Le fait-on ? nullement Soit en bien, soit en mal, cela n'arrive guère. Le blé, riche présent de la blonde Cérés, Trop touffu bien souvent épuise les guérets : En superfluités s'épandant d'ordinaire.
Et poussant trop abondamment.
Il ôte a son fruit l'aliment. L'arbre n'en fait pas' moins : tant le luxe sait plaire ! Pour corriger le blé. Dieu permit aux moutons De retrancher l'excès des prodigues moissons :
Tout au travers ils se jetèrent,
Gâtèrent tout, et tout broutèrent ;
Tant que le ciel permit aux loups D'en croquer quelques-uns : ils les croquèrent tous ; S'ils ne le firent pas, du moins ils y tâchèrent.
Puis le ciel permit aux humains De punir ces derniers : les hommes abusèrent
A leur tour des ordres divins. De tous les animaux, l'homme a le plus de pente
A se porter dedans l'excès.
Il faudrait faire le procès Aux petits comme aux grands. Il n'est âme vivante Qui ne pèche en ceci. Rien de trop est un point Dont on parle sans cesse, et qu'on n'observe point,
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Tabif.s de L.n Tontait^è -c^^^..^..,
L/VTfE T^EVVIÈME
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L'HUITRE El LES PLAIDEURS
Un jour deux pèlerins sur le sable rencontrent ,
Une huitre, que le flot y venait d'apporter :
Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent ;
A I égard de la dent il fallut contester.
L un se baissait déjà pour amasser la proie ;
L'autre le pousse, et dit : 11 est bon de savoir
Qui de nous en aura la joie. Celui qui le premier a pu l'apercevoir En sera le gobeur ; l'autre le verra faire.
Si par la l'on juge l'affaire, Reprit son compagnon, j'ai l'oeil bon. Dieu merci.
Je ne l'ai pas mauvais aussi, Dit l'autre ; et je l'ai vue avant vous, sur ma vie. Hc bien ! vous l'avez vue ; et moi je l'ai sentie.
Pendant tout ce bel incident, Perrin Dandin arrive : ils le prennent pour juge. Perrin, fort gravement, ouvre l'huitre, et la gruge,
Nos deux messieurs le regardant. Ce repas fait, il dit d'un ton de président : Tenez, la cour vous donne a chacun une écaille Sans dépens : et qu'en paix chacun chez soi s'en aille, Mettez ce qu'il en coûte à plaider aujourd'hui. Comptez ce qu'il en reste à beaucoup de familles : Vous verrez que Perrin tire l'argent à lui, Et ne laisse aux plaideurs que le sac et les quilles.
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TJIBLES de LjI FOMTAmE
Livre J^EuriÈME
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TjfBLES DE Ln Toi^TJtTNB
tirnB JMeuvième
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JUPITER ET LE PASSAGER
Oh ! combien le péril enrichirait les dieux.
Si nous nous souvenions des vœux qu'il nous fait faire !
Mais, le péril passe. Ion ne se souvient guère
De ce qu'on a promis aux cieux ; On compte seulement ce qu'on doit a la terre. Jupiter, dit l'impie, est un bon créancier ;
Il ne se sert jamais d'huissier.
Eh ! qu'est-ce donc que le tonnerre ? Comment appelez-vous ces avertissements ?
Un passager pendant l'orage Avait voue cent boeufs au vainqueur des Titans. 11 n en avait pas un : vouer cent éléphants
N'aurait pas coûte davantage. Il brûla quelques os quand il fut au rivage : Au nez de Jupiter la fumée en monta. Sire Jupin, dit-il, prends mon vœu ; le voilà : C'est un parfum de bœuf que ta grandeur respire. La fumée est ta part : je ne te dois plus rien.
Jupiter fit semblant de rire ; Mais, après quelques jours, le dieu l'artrapa bien.
Envoyant un songe lui dire Qu'un tel trésor était en tel lieu. L'homme au vœu
Courut au trésor comme au feu. Il trouva des voleurs ; et, n'ayant dans sa bourse
Qu un écu pour toute ressource,
il leur promit cent talents d'or.
Bien comptés, et d'un tel trésor : On l'avait enterré dedans telle bourgade. L'endroit parut suspect aux voleurs ; de façon Qu'a notre prometteur l'un dit : Mon camarade. Tu le moques de nous ; meurs, et va chez Pluton
Porter tes cent talents en don.
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TJfBLES DE La TOMTAmB
Lirn-E J^EUVJÈME
Le chat et le renard, comme beaux petits saints.
S'en allaient en pèlermage. C'étaient deux vrais tartufs, deux archipateims. Deux francs patte-pelus, qui, des frais du voyage. Croquant mainte volaille, escroquant maint fromage.
S'indemnisaient à qui mieux mieux. Le chemin étant long, et partant ennuyeux,
Pour raccourcir ils disputèrent.
La dispute est d'un grand secours :
Sans elle on dormirait toujours.
Nos pèlerins s'égosillèrent. Ayant bien disputé, l'on parla du prochain.
Lt renard au chat dit enfin :
Tu prétends être fort habile ; En sais-tu tant que moi ? J'ai cent ruses au sac. Non, dit l'autre : je n'ai qu'un tour dans mon bissac;
Mais je soutiens qu'il en vaut mille. Eux de recommencer la dispute à l'envi. Sur le que si, que non, tous deux étant ainsi.
Une meute apaisa la noise. Le chat dit au renard : Fouille en ton sac, ami ;
Cherche en ta cervelle matoise Un stratagème sûr : pour moi, voici le mien. A ces mots, sur un arbre il grimpa bel et bien.
L'autre fît cent tours inutiles. Entra dans cent terriers, mit cent fois en défaut
Tous les confrères de Brifaut.
Partout il tenta des asiles :
Et ce fut partout sans succès ; La fumée y pourvut, ainsi que les bassets. Au sortir d'un terrier deux chiens aux pieds agiles
L'étranglèrent du premier bond. Le trop d'expédients peut gâter une affaire : On perd du temps au chca, on tente, on veut tout faire
N'en ayons qu'un, mais qu'il soit bon.
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Tjibles de Lji FONT.^mE
LivKE ?Jeuvième
Un homme n'ayant plus ni crcdit ni ressource,
Et logeant le diable en sa bourse.
C'est-à-dire n'y logeant rien.
S'imagina qu il ferait bien De se pendre, et finir lui-même sa misère. Puisque aussi bien sans lui la faim le viendrait faire :
Genre de mort qui ne duit pas
A gens peu curieux de goûter le trépas.
Dans cette miention, une vieille masure
Fut la scène où devait se passer l'aventure :
Il y porte une corde, et veut avec un clou
Au haut d'un certain mur attacher le licou.
La muraille, vieille et peu forte. S'ébranle aux premiers coups, tombe avec un trésor. Notre désespéré le ramasse et l'emporte. Laisse là le licou, s'en retourne avec l'or. Sans compter : ronde ou non, la somme plut au sire. Tandis que le galant a grands pas se retire-. L'homme au trésor arrive, et trouve son argent
Absent. Quoi ! dit-il, sans mourir je perdrai cette somme ? Je ne me pendrai pas ! Et vraiment si ferai.
Ou de corde je manquerai. Le lacs était tout prêt ; il n'y manquait qu'un homme. Celui-ci se 1 attache, et se pend bien et beau.
Ce qui le consola peut-être. Fut qu'un autre eût. [wur lui, fait les frais du cordeau. Aussi bien que l'argent le licou trouva maître. L'avare rarement finit ses jours sans pleurs ; Il a le moins de part au trésor qu'il enserre.
Thésaurisant pour les voleurs.
Pour ses parents, ou pour la ferre. Mais que dire du troc que la Fortune fit ? Ce sont la de ses traits ; elle s'en divertit : Plus le tour est bizarre, et plus elle est contente. Cette déesse inconstante Se mit alors en l'esprit De voir un homme se pendre ; Et celui qui se pendit S'y devait le moins attendre.
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Tables de L^ To-NTAmE
LirnE J\EurjÈME
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Après que le milan, manifeste voleur.
Eut répandu l'alarme en tout le voisinage.
Et fait crier sur lui les enfants du village,
Un rossignol tomba dans ses mains par malheur.
Le héraut du printemps lui demande la vie.
Aussi bien, que manger en qui n'a que le son ?
Ecoutez plutôt ma chanson : Je vous raconterai Térée et son envie. — Qui Térée ? est-ce un mets propre pour les milans ? — Non pas ; c'était un roi dont les feux violents Me firent ressentir leur ardeur criminelle. Je m'en vais vous en dire une chanson si belle Qu'elle vous ravira : mon chant plait à chacun.
Le milan alors lui réplique : Vraiment, nous voici bien ! lorsque je suis à jeun.
Tu me viens parler de musique ! — J'en parle bien aux rois. — Quand un roi te prendra,
Tu peux lui conter ces merveilles ; . Pour un milan, il s'en rira.
Ventre affamé n'a point d'oreilles.
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F.^BLES DE La FONT.'imE
LtvnE Neuvième
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LE SINGE ET LE CHAT
Bertrand avec Raton, l'un singe et l'autre chat,
Commensaux d un logis, avaient un commun maitre.
D animaux malfaisants c'était un très bon plat :
Ils ny craignaient tous deux aucun, quel qu'il pût être.
Trouvait-on quelque chose au logis de gâté,
L on ne s en prenait point aux gens du voisinage :
Bertrand dérobait tout ; Raton, de son coté,
Etait moms attentif aux souris qu'au fromage.
Un jour, au coin du feu, nos deux maitres fripons
Regardaient rôtir des marrons. Les escroquer était une très bonne affaire : Nos galands y voyaient double profit à faire ; Leur bien premièrement, et puis le mal d'autrui. Bertrand dit a Raton : Frère, il faut aujourd'hui
Que tu fasses un coup de maitre ; Tire-moi ces marrons. Si Dieu m'avait fait naître Propre a tirer marrons du feu. Certes, marrons verraient beau jeu. Aussitôt fait que dit : Raton, avec sa patte,
D une manière délicate. Ecarte un peu la cendre, et retire les doigts ;
Puis les reporte a plusieurs fois ; Tire un marron, puis deux, et puis trois en escroque
Et cependant Bertrand les croque. Une servante vient : adieu mes gens. Raton
N'était pas content, ce dit-on. /Xussi ne le sont pas la plupart de ces princes Qui, flattés d'un pareil emploi. Vont s'échauder en des provinces Pour le profit de quelque roi.
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FAIBLES DE La TOMTAmE
hiriiE J^EWIÈME
LE BERGER ET SON TROUPEAU
Quoi ! toujours il me manquera
Quelqu'un de ce peuple imbécile !
Toujours le loup m'en gobera ! J'aurai beau les compter ! Ils étaient plus de mille. Et m'ont laissé ravir notre pauvre Robin !
Robin mouton, qui par la ville
Me suivait pour un peu de pain. Et qui m'aurait suivi jusques au bout du monde ! Hélas ! de ma musette il entendait le son ; Il me sentait venir à cent pas à la ronde.
Ah ! le pauvre Robin mouton ! Quand Guillot eut fini cette oraison funèbre, Et rendu de Robin la mémoire célèbre.
Il harangua tout le troupeau, Les chefs, la multitude, et jusqu'au moindre agneau
Les conjurant de tenir ferme : Cela seul suffirait pour écarter les loups. Foi de peuple d'honneur, ils lui promirent tous
De ne bouger non plus qu'un terme. Nous voulons, dirent-ils, étouffer le glouton
Qui nous a pris Robin mouton.
Chacun en répond sur sa tète.
Guillot les crut, et leur fit fête.
Cependant, devant qu'il fût nuit.
Il arriva nouvel encombre : Un loup parut ; tout le troupeau s'enfuit. Ce n'était pas un loup, ce n'en était que l'ombre.
Haranguez de méchants soldats ;
lis promettront de faire rage : Mais, au moindre danger, adieu tout leur courage ; Votre exemple et vos cris ne les retiendront pas.
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F.7BLES DE La TOMT.mT^E
ZivRB Dixième
LES DEUX RATS, LE RENARD ET LŒUF
Iris, je vous louerais ; il n'est que trop aisé :
Mais vous avez cent fois notre encens refusé :
En cela peu semblable au reste des mortelles,
Qui veulent tous les jours des louanges nouvelles.
Pas une ne s'endort à ce bruit si flatteur.
Je ne les blâme pomt ; je souffre cette humeur :
Elle est commune aux dieux, aux monarques, aux belles
Ce breuvage vanté par le peuple nmeur.
Le nectar que Ion sert au maître du tonnerre.
Et dont nous enivrons tous les dieux de la terre.
C'est la louange. Iris. Vous ne la goûtez point ;
D'autres propos chez vous récompensent ce point,
Propos, agréables commerces. Ou le hasard fournit cent matières diverses ;
Jusque-la qu'en votre entretien La bagatelle a part : le monde n'en croit rien.
Laissons le monde et sa croyance.
La bagatelle, la science. Les chimères, le rien, tout est bon : je soutiens
Qu'il faut de tout aux entreliens : C'est un parterre ou Flore epand ses biens ; Sur différentes fleurs l'abeille s'y repose.
Et fait du miel de toute chose. Ce fondement posé, ne trouvez pas mauvais Qu'en ces fables aussi j'entremêle des traits
De certaine philosophie,
Subtile, engageante et hardie. On l'appelle nouvelle : en avez-vous ou non
Oui parler ? Ils disent donc
Qce la bête est une machine ; Qu'en elle tout se fait sans choix et par ressorts : Nul sentiment, point d'âme ; en elle tout est corps.
Telle est la montre qui chemine A pas toujours égaux, aveugle et sans dessein.
Ouvrez-la, lisez dans son sein : Mainte roue y tient lieu de tout l'esprit du monde :
La première y meut la seconde ; Une troisième suit : elle sonne a la fin. Au dire de ces gens, la béte est toute telle.
liiiitniiniiilMt(il<iiiMtltniiii(i'iMiiitM(iiiiitiiiiiMiHM«inniniMMr(MiiiMlMtut(i'<iM«i>tMiiiiiiiitiiiiliuiiMiiil'
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FABLES DE La TOT^TJim-E
\Ljvre Dixième
L'objet la frappe en un endroit ;
Ce lieu frappé s'en va tout droit, Selon nous, au voisin en porter la nouvelle. Le sens de proche en proche aussitôt la reçoit. L'impression se fait : mais comment se fait-elle ?
Selon eux, par nécessité.
Sans passion, sans volonté :
L'animal se sent agité De mouvements que le vulgaire appelle Tristesse, joie, amour, plaisir, douleur cruelle,
Ou quelque autre de ces états. Mais ce n'est point cela : ne vous y trompez pas. Qu'est-ce donc ? Une montre. Et nous ? C'est autre chose. Voici de la façon que Descartes l'expose : Descartes, ce mortel dont on eût fait un dieu
Chez les païens, et qui tient le milieu Entre l'homme et l'esprit ; comme entre Ihuitre et l'homme Le tient tel de nos gens, franche béte de somme ; Voici, dis-je, camment raisonne cet auteur : Sur tous les animaux, enfants du Créateur, J'ai le don de penser ; et je sais que je pense. Or, vous savez. Iris, de certaine science.
Que, quand la béte penserait,
La béte ne réfléchirait
Sur l'objet ni sur sa pensée. Descartes va plus loin, et soutient nettement
Qu'elle ne pense nullement.
Vous n'êtes point embarrassée De le croire ; ni moi. Cependant, quand aux bois
Le bruit des cors, celui des voix, N'a donné nul relâche a la fuyante proie,
Qu'en vain elle a mis ses efforts
A confondre et brouiller la voie. L'animal chargé d'ans, vieux cerf, et de dix cors. En suppose un plus jeune, et l'oblige, par force, A présenter aux chiens une nouvelle amorce. Que de raisonnements pour conserver ses jours : Le retour sur ses pas, les malices, les tours.
Et le change, et cent stratagèmes
229
r.^BLF.S DE L^ T0?lTAlTiB
LlVTiB ÛIXJÈME
Dignes des plus grands chefs, dignes On le déchire après sa mort : Ce sont tous ses honneurs suprêmes. Quand la perdrix \'oit ses petits En danger, et n'ayant qu'une plume nouvelle Qui ne peut fuir encor par les airs le trépas, Elle fait la blessée, et va traînant de l'aile. Attirant le chasseur et le chien sur ses pas. Détourne le danger, sauve ainsi sa famille ; Et puis, quand le chasseur croit que son chien la pille. Elle lui dit adieu, prend sa volée, et rit De l'homme qui, confus, des yeux en vain la suit. Non loin du nord il est un monde Où l'on sjut que les habitants Vivent, ainsi qu'aux premiers temps, Dans une ignorance profonde : Je parle des humains ; car. quant aux animaux,
Ils y construisent des travaux Qui des torrents grossis arrêtent le ravage. Et font communiquer l'un et l'autre rivage. L'édifice résiste et dure en son entier : Après un lit de bois est un lit de mortier. Chaque castor agit : commune en est la tache ; Le vieux y fait marcher le jeune sans relâche ; Maint maître d'oeuvre y court, et tient haut le bâton. La république de Platon Ne serait rien que l'apprentie De cette famille amphibie. Ils savent en hiver élever leurs maisons. Passent les étangs sur des ponts. Fruit de leur art, savant ouvrage ; EU nos pareils ont beau le voir. Jusqu'à présent tout leur savoir E^t de passer l'onde à la nage. Que ces castors ne soient qu'un corps vide d'esprit, Jamais on ne pourra m'obliger à le croire ; Mais voici beaucoup plus ; écoutez ce récit.
Que je tiens d'un roi plem de gloire. Le défenseur du nord vous sera mon garant :
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23o
Tables de La Fomtaj?ie
Iavre Dixième
Je vais citer un prince aime de la Victoire ; Son nom seul est un mur à l'empire ottoman : C'est le roi polonais. Jamais un roi ne ment.
Il dit donc que, sur sa frontière. Des animaux entre eux ont guerre de tout temps . Le sang, qui se transmet des pères aux enfants,
En renouvelle la matière. Ces animaux, dit-il, sont germains du renard.
Jamais la guerre avec tant d'art
Ne s'est faite parmi les hommes, Non pas même au siècle où nous sommes. Corps de garde avancé, vedettes, espions, Embuscades, partis, et mille inventions D'une pernicieuse et maudite science. Fille du Styx, et mère des héros.
Exercent de ces animaux
Le bon sens et l'expérience. Pour chanter leurs ccmtats, l'Acheron nous devrait
Rendre Homère. Ah ! s'il le rendait. Et qu'il rendit aussi le rivai d'Epicure, Que dirait ce dernier sur ces exemples-ci ? Ce que j ai déjà dit ; qu'aux bêtes, la nature Peut par les ;euls ressorts opérer tout ceci ;
Que la mémoire est corporelle ; Et que, pour en venir aux exemples divers
Que j'ai mis en jour dans ces vers,
L animal n'a besoin que d'elle. L objet, lorsqu'il revient, va dans son magasin
Chercher, par le même chemin.
L'image auparavant tracée. Qui sur les mêmes pas revient pareillement.
Sans le secours de la pensée.
Causer un même événement.
Nous agissons tout autrement :
La volonté nous détermine. Non l'objet, ni l'instinct. Je parle, je chemme :
Je sens en moi certain agent ;
Tout obéit dans ma machine
A ce principe intelligent. Il est distinct du corps, se conçoit nettement.
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Tables de L-^ ToMTAmE
Lirj{E Dixième
Se conçoit mieux que le corps même De tous nos mouvements c'est l'arbitre suprême,
Mais comment le corps l'entend-il ?
C est la le pomt. Je vois l'outil Obéir à la main : mais la main, qui la guide ?
qui gui< Quelque ange est attdchc peut-être à ces grands corps Un esprit vit en nous, et meut tous nos ressorts : L'impression se fait : le moyen, je l'ignore : On ne 1 apprend qu'au sein de la Divinité ; Et s'il faut en parler avec sincérité,
Descartes l'ignorait encore. Nous et lui la-dessus nous sommes tous égaux : Ce que je sais. Iris, c'est qu'en ces animaux
Dont je viens de citer l'exemple. Cet esprit n agit pas ; l'homme seul est son temple. Aussi faut-il donner a l'animal un point
Que la plante après tout n'a point :
Cependant la plante respire. Mais que répondra-t-on à ce que je vais dire ? Deux rats cherchaient leur vie : ils trouvèrent un œuf Le diné suffisait à gens de cette espèce : Il n'était pas besoin qu'ils trouvassent un bœuf.
Pleins d'appetit et d allégresse. Ils allaient de leur œuf manger chacun sa part. Quand un quidam parut : c'était maitre renard ;
Rencontre incommode et fâcheuse : Car comment sauver l'œuf ? Le bien empaqueter ; Puis des pieds de devant ensemble le porter.
Ou le rouler, ou le traîner : C'était chose impossible autant que hasardeuse.
Nécessité l'ingénieuse
Leur fournit une invention. Comme ils pouvaient gagner leur habitation, L ecornifleur étant a demi-quart de lieue. L'un se mit sur le dos, prit l'œuf entre ses bras ; Puis, malgré quelques heurts et quelques mauvais pas,
L autre le traîna par la queue. Qu'on m'aille soutenir, après un tel récit,
Que les bétes n'ont point d'esprit !
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Ta-bles de La Toi^TJtm-E
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Pour moi, si j'en étais le maitre, Je leur en donnerais aussi bien qu'aux enfants. Ceux-ci pensent-ils pas dès leurs plus jeunes ans ? Quelqu'un peut donc penser ne se pouvant connaître. Par un exemple tout égal, J'attribuerais à l'animal. Non point une raison selon notre manière. Mais beaucoup plus aussi qu'un aveugle ressort • Je subtiliserais un morceau de matière. Que l'on ne pourrait plus concevoir sans effort. Qumtessence d'atome, extrait de la lumière. Je ne sais quoi plus vif et plus mobile encor Que le feu ; car enfin, si le bois fait la flamme, La flamme, en s'épurant, peut-elle pas de l'àme Nous donner quelque idée ? et sort-il pa; de l'or Des entrailles du plomb ? Je rendrais mon ouvrage Capable de sentir, juger, rien davantage.
Et juger imparfaitement. Sans qu'un singe jamais fit le moindre argument.
A l'égard de nous autres hommes. Je ferais notre lot infiniment plus fort ;
Nous aurions un double trésor : L un, cette âme pareille en tous tant que nous sommes.
Sages, fous, enfants, idiots. Hôtes de l'univers sous le nom d'animaux ; L autre, encore une autre âme, entre nous et les anges Commune en un certain degré ; Et ce trésor à part créé Suivrait parmi les airs les célestes phalanges. Entrerait dans un point sans en être pressé. Ne finirait jamais, quoique ayant commencé : Choses réelles, quoique étranges. Tant que l'enfance durerait. Cette fille du ciel en nous ne paraîtrait Qu'une tendre et faible lumière : L organe étant plus fort, la raison percerait Les ténèbres de la matière, Qui toujours envelopperait L'autre âme imparfaite et grossière.
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T.fBLES DE Ll TOMTJll?JE
Lirj{E Dixième
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LHOMMt ET LA COULEUVRE
Un homme vit une couleuvre : Ah ! méchante, dit-il, je m'en vais faire une oeuvre Agréable à tout l'univers ! A ces mots 1 animal pervers (C'est le serpent que je veux dire. Et non l'homme ; on pourrait aisément s'y tromper), A ces mots le serpent, se laissant attraper. Est pris, mis en un sac ; et, ce qui fut le pire, On résolut sa mort, fût-il coupable ou non. Afin de le payer toutefois de raison,
L'autre lui fit cette harangue : Symbole des ingrats ! être bon aux méchants C'est être sot ; meurs donc : ta colère et tes dents Ne me nuiront jamais. Le serpent, en sa langue. Reprit du mieux qu'il put : S'il fallait condamner Tous les ingrats qui sont au monde, A qui pourrait-on pardonner ? Toi-même tu te fais ton procès : je me fonde Sur tes propres leçons ; jette les yeux sur toi. Mes jours sont en tes mains, tranche-les ; ta justice, C'est ton utilité, ton plaisir, ton caprice : Selon ces lois, condamne-moi ; Mais trouve bon qu'avec franchise En mourant au moins je te dise Que le symbole des ingrats Ce n'est point le serpent, c'est l'homme. Ces paroles Firent arrêter l'autre ; il recula d'un pas. Enfin il repartit : Tes raisons sont frivoles. Je pourrais décider, car ce droit m'appartient ; Mais rapportons-nous-en. Soit fait, dit le reptile. Une vache était la : l'on l'appelle ; elle vient : Le cas est propose. C'était chose facile : Fallait-il pour cela, dit-elle, m'appeler ? La couleuvre a raison : pourquoi dissimuler ? Je nourris celui-ci depuis longues années ; Tout n'est que pour lui seul ; mon lait et mes enfants Le font à la maison revenir les mains pleines : Même j'ai rétabli sa santé, que les ans
Avaient altérée ; et mes peines Ont pour but son plaisir ainsi que son besoin. Enfin me voilà vieille ; il me laisse en un coin Sans herbe : s'il voulait encor me laisser paitre ; Mais je suis attachée : et si j'eusse eu pour maître Un serpent, eût-il su jamais pousser si loin L'ingratitude ? Adieu : j'ai dit ce que je pense. L'homme, tout étonné d'une telle sentence. Dit au serpent : Faut-il croire ce qu'elle dit '
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F/IBIES DE L^ FOMTJimÈ
LirnE Dixième
C'est une radoteuse ; elle a perdu l'esprit. Croyons ce bœuf. Croyons, dit la rampante bête. Ainsi dit. ainsi fait. Le bœuf vient à pas lents. Quand il eut ruminé tout le cas en sa tête,
11 dit que du labeur des ans '*|^'«»^Pour nous seuls il portait les soins les plus pesants, Parcourant sans cesser ce long cercle de peines Qui, revenant sur soi, ramenait dans nos plaines Ce que Cérès nous donne, et vend aux animaux ;
Que cette suite de travaux Pour récompense avait, de tous tant que nous sommes Force coups, peu de gré : puis, quand il était vieux, On croyait l'honorer chaque fois que les hommes Achetaient de son sang l'indulgence des dieux. Ainsi parla le bœuf. L'homme dit : Faisons taire
Cet ennuyeux déclamateur ; 11 cherche de grands mots, et vient ici se faire,
Au lieu d'arbitre, accusateur. Je le récuse aussi. L'arbre étant pris pour juge. Ce fut bien pis encore. Il servait de refuge Contre le chaud, la pluie, et la fureur des vents ; Pour nous seuls il ornait les jardins et les chcimps : L'ombrage n'était pas le seul bien qu'il sût faire ; 11 courbait sous les fruits. Cependant pour salaire Un rustre l'abattait ; c'était là son loyer ; Quoique, pendant tout l'an, libéral il nous donne Ou des fleurs au printemps, ou du fruit en automne ; L'ombre, l'été ; l'hiver, les plaisirs du foyer. Que ne l'émondait-on, sans 'prendre la cognée ?
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F.7BLES DE Ll TOMTjn?JE -
LHOMMl ET LA COULEUVRE
Un homir vit une couleuvre : Ah ! méchantedit-il, je m'en vais fane une œuvre Agréable tout l'univers ! A ces me I animal pervers (C'est le a'pent que je veux dire, Et non l'homrr ; on pourrait aisément s'y tromp A ces mots le irpent, se laissant attraper, Est pris, mis e un sac ; et, ce qui fut le pire. On résolut sa lort, fùt-il coupable ou non. Afin de le pa;r toutefois de raison,
L'autre li fit cette harangue : Symbole des igrats ! être bon aux méchants C'est être sot ;neurs donc : ta colère et tes d' Ne me nuiron jamais. Le serpent, en sa lang Reprit du miiix qu'il put : S'il fallait conda Tous leàngrats qui sont au monde, A qui purrait-on pardonner ? Toi-même tu e fais ton procès : je me foni Sur tes propn leçons ; jette les yeux sur te Mes jours sor en tes mains, tranche-les ; t; C'est ton utile, ton plaisir, ton caprice Selon es lois, condamne-moi ; Mais truve bon qu'avec franchi En morant au moins je te dise Que leymbole des ingrats Ce n'est poil le serpent, c'est l'homi Firent arrêtel'autre ; il recula d'un pas Enfin il repetit : Tes raisons sont fn Je pourrais ccider, car ce droit m'ai Mais rappoDns-nous-en. Soit fait, d Une vache (ait là : l'on l'appelle ; el Le cas est foposé. C'était chose fac Fallait-il por cela, dit-elle, m'app La couleuvr a raison : pourquoi '' Je nourris dui-ci depuis longue Tout n'est ue pour lui seul ; n Le font à . maison revenir Même j'ai jtabli sa santé, qu Avaiet altérée ; et mes Ont pour ht son plaisir ainsi Enfin me vilà vieille ; il me Sans herbe s'il voulait encor Mais je su attachée : et s Un serpen eût-il su jamaiv L'ingratitue ? Adieu : j'ai L'homme, out étonné d'u ' Dit au serent : Faut-il cr'
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TJfBLES DE L^ ToyTAiyE
Lirj{E Dixième
De son lempcramenl, il cùl cncor vécu. L'homme, trouvant mauvais que l'on l'eût convaincu. X'oulut à toute force avoir cause gagnée. Je suis bien bon, dit-il, d'écouter ces gens-là I Du sac et du serpent aussitôt il donna Contre les murs, tant qu'il tua la bête.
On en use ainsi chez les grands : La raison les olTense ; ils se mettent en tête Que tout est né pour eux, quadrupèdes et gens, Et serpents.
Si quelqu'un desserre les dents. C'est un sot. J'en conviens : mais que faut-il donc faire ?
Parler de loin, ou bien se taire
236
Tables de La Fomtaime
Livre Dixième
LES POISSONS ET LE CORMORAN
Il n'était point d'étang dans tout le voisinage Qu'un cormoran n'eût mis à contribution : Viviers et réservoirs lui payaient pension. Sa cuisine allait bien : mais, lorsque le long âge
Eut glacé le pauvre animal,
La même cuisine alla mal. Tout cormoran se sert de pourvoyeur lui-même. Le nôtre, un peu trop vieux pour voir au fond des eaux.
N'ayant ni filets ni réseaux.
Souffrait une disette extrémei Que fit-il ? Le besoin, docteur en stratagème, Lui fournit celui-ci. Sur le bord d'un étang
Cormoran vit une écrevisse. Ma commère, dit-il, allez tout à l'instant
Porter un avis important
A ce peuple : il faut qu'il périsse ; Le maître de ce lieu dans huit jours péchera.
L'écrevisse en hâte s'en va
Conter le cas. Grande est l'émute ;
On court, on s'assemble, on députe
A l'oiseau : Seigneur Cormoran, D'où vous vient cet avis ? Quel est votre garant
Ëtes-vous sûr de cette affaire ? N'y savez-vous remède ? Et qu'est-il bon de faire ? Changer de lieu, dit-il. — Comment le ferons-nous ? N'en soyez point en soin : je vous porterai tous,
L'un après l'autre, en ma retraite. Nul que Dieu seul et moi n'en connaît les chemins :
11 n'est demeure plus secrète. Un vivier que Nature y creusa de ses mains,
Inconnu des traîtres humains,
Sauvera votre république.
On le crut. Le peuple aquatique
L'un après l'autre fut porté
Sous ce rocher peu fréquenté.
Là, Cormoran le bon apôtre.
Les ayant mis en un endroit
Transparent, peu creux, fort étroit. Vous les prenait sans peine, un jour l'un, un jour l'autre.
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TABLES DE 1j\ FOMTJtmE
tivuE Dixième
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Tjibles de La Ir ot^tjitnb
Livre Dixième
LA TORTUE ET LES DEUX CANARDS
Une tortue était, à la tête légère, Qui, lasse de son trou, voulut voir le pays. Volontiers on fait cas d'une terre étrangère ; Volontiers gens boiteux haïssent le logis. Deux canards, à qui la commère Communiqua ce beau dessein. Lui dirent qu'ils avaient de quoi la satisfaire.
Voyez-vous ce large chemin ? Nous vous voiturerons, par l'air, en Amérique :
Vous verrez mainte république. Maint royaume, maint peuple ; et vous profiterez Des différentes mœurs que vous remarquerez. Ulysse en fit autant. On ne s'attendait guère
De voir Ulysse en cette affaire. La tortue écouta la proposition. Marché fait, les oiseaux forgent une machine
Pour transporter la pèlerine. Dans la gueule, en travers, on lui passe un bâton. Serrez bien, dirent-ils ; gardez de lâcher prise. Puis chaque canard prend ce bâton par un bout. La tortue enlevée, on s'étonne partout De voir aller en cette guise L'animal lent et sa maison. Justement au milieu de l'un et l'autre oison. Miracle ! criait-on : venez voir dans les nues
Passer la reine des tortues. La reine ! vraiment oui : je la suis en effet ; Ne vous en moquez point. Elle eût beaucoup mieux fait De passer son chemin sans dire aucune chose ; Car, lâchant le bâton en desserrant les dents. Elle tombe, elle crève aux pieds des regardants. Imprudence, babil, et sotte vanité, Et vaine curiosité. Ont ensemble étroit parentage : Ce sont enfants tous d'un lignage.
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#• F.'IBIE,'? DE Ll FOATJI/A'E
Livre Dixième
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LENFOUISSEUR ET SON COMPERE
Un pincemaille avait tant amassé Qu'il ne savait où loger sa finance. L avarice, compagne et sœur de I ignorance,
Le rendait fort embarrassé
Dans le choix d'un dépositaire ; Car il en voulait un, et voici sa raison : L'objet tente ; il faudra que ce monceau s'altère.
Si je le laisse a la maison : Moi-même de mon bien je serai le larron. — Le larron ? Quoi ! jouir, c'est se voler soi-même ? Mon ami, j'ai piti^ de ton erreur extrême.
Ajifirends de moi cette leçon : Le ! len n est h:cn qu en tant que Ion s'en peut défaire ; Sans cela c est un mal. Veux-tu le reserver Pour un âge et des temps qui n'en ont plus que faire f La 1 eme d acquérir, le soin de conserver, Otent le prix a l'or, qu'on croit si nécessaire. —
Pour se décharger d'un tel soin. Notre homme eut pu trouver des gens surs au besoin Il aima mieux la terre ; et, prenant son compère. Celui-ci l'aide. Ils vont enfouir le trésor. Au bout de quelque temps 1 homme va voir son or,
ne retrouva que le gite. Soup(;onnant a bon droit le compère, il va vite Lui dire : Apprétez-vous ; car il me reste encor Quelques deniers : je veux les joindre à l'autre masse. Le compère aussitôt va remettre en sa place
L'argent volé ; prétendant bien Tout reprendre à la fois, sans qu'il y manquât rien.
Mais, pour ce coup, l'autre fut sage : Il retint tout chez lui, résolu de jouir,
Plus n'entasser, plus n'enfouir ; Et le pauvre voleur, ne trouvant plus son gage.
Pensa tomber de sa hauteur. Il n'est pas malaisé de tromper un trompeur.
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Tables de Lji To-ntjumb
Lir^E Dixième
LA PERDRIX ET LES COQS
Parmi de certains coqs, incivils, peu galants.
Toujours en noise, et turbulents,
Une perdrix était nourrie.
Son sexe, et l'hospitalité. De la part de ces coqs, peuple à l'amour porté. Lui faisaient espérer beaucoup d'honnêteté ; Ils feraient les honneurs de la ménagerie. Ce peuple, cependant, fort souvent en furie. Pour la dame étrangère ayant peu de respect. Lui donnait fort souvent d'horribles coups de bec :
D'abord elle en fut affligée ; Mais, sitôt qu'elle eut vu cette troupe enragée S'entre-battre elle-même et se percer les flancs. Elle se consola. Ce sont leurs mœurs, dit-elle ; Ne les accusons point, plaignons plutôt ces gens :
Jupiter sur un seul modèle
N'a pas forme tous les esprits ;
11 est des naturels de coqs et de perdrix.
S'il dépendait de moi, je passerais ma vie
En plus honnête compagnie. Le maître de ces lieux en ordonne autrement ;
il nous prend avec des tonnelles. Nous loge avec des coqs, et nous coupe les ailes : C'est de l'homme qu'il faut se plaindre seulement.
3i
TJJBLES de LjJ TOMTAIME
tivKE Dixième
LE LOUP ET LES BERGERS
Un loup rempli d'humanité
(S'il en est de tels dans le monde)
Fit un jour sur sa cruauté, Quoiqu'il ne l'exerçât que par nécessité.
Une réflexion profonde. Je suis haï, dit-il ; et de qui ? de chacun.
Le loup est l'ennemi commun : Chiens, chasseurs, villageois, s'assemblent pour sa perle Jupiter est la-haut étourdi de leurs cris : C'est par là que de loups l'Angleterre est déserte.
On y mit notre tête à prix.
Il n'est hobereau qui ne fasse
Contre nous tels bans publier ;
Il n'est marmot osant crier Que du loup aussitôt sa mère ne menace.
Le tout pour un âne rogneux. Pour un mouton pourri, pour quelque chien hargneux.
Dont j'aurai passé mon envie. Eh bien ! ne mangeons plus de chose ayant eu vie : Paissons l'herbe, broutons, mourons de faim plutôt.
Elst-ce une chose si cruelle ? Vant-ll mieux s'attirer la haine universelle ? Disant ces mots, il vit des bergers, pour leur rôt.
Mangeant un agneau cuit en broche.
Oh ! oh ! dit-il, je me reproche Le Seing de cette gent : voilà ses gardiens
S'en repaissant eux et leurs chiens ;
Et moi, loup, j'en ferai scrupule ! Non, par tous les dieux, non, je serais ridicule :
Thibaut l'agnelet passera.
Sans qu'à la broche je le mette ; Et non seulement lui, mais la mère qu'il tetle.
Et le père qui l'engendra ! Ce loup avait raison. Elst-ll dit qu'on nous vole
Fciire festin de toute proie. Manger les animaux ; et nous les réduirons Aux mets de l'âge J'or autant que nous pourrons I
Ils n'auront ni croc ni marmite !
Bergers, bergers ! le loup n'a tort
Que quand il n'est pas le plus fort :
Voulez-vous qu'il vive en ermite ?
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Fjibles de La Toi^TJimE
Livre Dixième
L'ARAIGNÉE ET L'HIRONDELLE
O Jupiter, qui sus de ton cerveau. Par un secret d'accouchement nouveau. Tirer Pallas, jadis mon ennemie, Entends ma plainte une fois en ta vie ! Progné me vient enlever les morceaux ; Caracolant, frisant l'air et les eaux. Elle me prend mes mouches à ma porte : Miennes je puis les dire; et mon réseau En serait plein sans ce maudit oiseau : Je l'ai tissu de matière assez forte. Ainsi, d'un discours insolent. Se plaignait l'araignée autrefois tapissière.
Et qui lors étant filandière Prétendait enlacer tout insecte volant. La sœur de Philomèle, attentive a sa proie. Malgré le bestion happait mouches dans l'air. Pour ses petits, pour elle, impitoyable joie. Que ses enfants gloutons, d'un bec toujours ouvert. D'un ton demi-formé, bégayante couvée. Demandaient par des cris encor mal entendus.
La pauvre aragne, n'ayant plus ■Que la tête et les pieds, artisans superflus.
Se vit elle-même enlevée : L'hirondelle, en passant, emporta toile, et tout,
Et l'animal pendant au bout. Jupin pour chaque état mit deux tables au monde : L'adroit, le vigilant, et le fort sont assis A la première ; et les petits Mangent leurs restes à la seconde.
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Tjjblbs de "Lm VcmAmz
LirnB D/xiÈJVE -
LE CHIEN A QUI ON A
COUPÉ LES OREILLES
Qu'ai-je fait pour me voir ainsi Mutilé par mon propre maître ? Le bel état où me voici ! Devant les autres chiens oserai-je paraître ? G Rois des animaux, ou plutôt leurs tyrans.
Qui vous ferait choses pareilles ! Ainsi criait Mouflar, jeune dogue ; et les gens. Peu touchés de ses cris douloureux et perchants. Venaient de lui couper sans pitié les oreilles. Mouflar y croyait perdre. 11 vit avec le temps Qu'il y gagnait beaucoup ; car, étant de nature A piller ses pareils, mainte mésaventure
L'aurait fait retourner chez lui Avec cette partie en cent lieux altérée : Chien hargneux a toujours l'oreille déchirée. Le moins qu'on peut laisser de prise aux dents d'autrui. C'est le mieux. Quand on n'a qu'un endroit à défendre.
On le munit, de peur d'esclandre. Témoin maître Mouflar armé d'un gorgerin ; Du reste ayant d'oreille autant que sur ma mam, Un loup n'eût su par où le prendre.
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Tables de Lr Fomtjijme
LirnE Dixième
Mère lionne avait perdu son faon :
Un chasseur l'avait pris. La pauvre infortunée Poussait un tel rugissement
Que toute la forêt était importunée. La nuit ni son obscurité. Son silenjce et ses autres charmes.
De la reme des bois n'arrêtaient les vacarmes :
Nul animal n'était du sommeil visité.
L'ourse enfin lui dit : Ma commère, Un mot sans plus ; tous les enfants Qui sont passés entre vos dents N'avaient-ils ni père ni mère ? — Ils en avaient. — S'il est ainsi.
Et qu'aucun de leur mort n'ait nos têtes rompues Si tant de mères se sont tues. Que ne vous taisez-vous aussi ? — Moi, me taire ! moi malheureuse !
Ah ! j'ai perdu mon fils ! il me faudra traîner Une vieillesse douloureuse ! —
Dites-moi, qui vous force à vous y condamner ? —
Hélas ! c'est le Destin qui me hait. — Ces paroles
Ont été de tout temps en la bouche de tous.
Misérables humains, ceci s'adresse à vous !
Je n'entends résonner que des plaintes frivoles.
Quiconque, en pareil cas, se croit haï des cieux.
Qu'il considère Hécube, il rendra grâce aux dieux
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Tables de "La ToMTJtmE
LivT{E Dixième
LE BERGtR ET LE ROI
Deux démons à leur gre partagent notre vie, Et de son patrimoine ont chassé la raison ; Je ne vois point de cœur qui ne leur sacrifie : Si vous me demandez leur état et leur nom. J'appelle l'un. Amour, et l'autre. Ambition. Cette dernière étend le plus loin son empire ;
Ccur même elle entre dans l'amour. Je le ferais bien voir ; mais mon but est de dire Comme un roi fit venir un berger à sa cour. Le conte est du bon temps, non du siècle où nous sommes. Ce roi vit un troupeau qui couvrait tous les champs, Bien broutant, en bon corps, rapportant tous les ans. Grâce aux soins du berger, de très notables sommes. Le berger plut au roi par ces soins diligents. Tu mérites, dit-il, d'être pasteur de gens : Laisse là tes moutons, viens conduire des hommes ;
Je te fais juge souverain. Voilà notre berger la balance à la main. Quoiqu'il n'eût guère vu d'autres gens qu'un ermite. Son troupeau, ses mâtins, le loup, et puis c'est tout, il avait du bon sens ; le reste vient ensuite :
Bref, il en vint fort bien a bout. L ermite son voisin accourut pour lui dire : Veillé-je ? et n'est-ce point un songe que je vois ? Vous, favori ! vous, grand ! Défiez-vous des rois ; Leur faveur est glissante : on s'y trompe ; et le pire C'est qu'il en coûte cher : de pareilles erreurs Ne produisent jamais que d'illustres malheurs. Vous ne connaissez pas l'attrait qui vous engage : Je vous parle en ami ; craignez tout. L'autre rit ;
Et notre ermite poursuivit : Voyez combien déjà la cour vous rend peu sage. Je crois voir cet aveugle à qui, dans un voyage.
Un serpent engourdi de froid Vint s'offrir sous la main : il le prit pour un fouet. Le sien s'était perdu, tombant de sa ceinture. Il rendait grâce au ciel de l'heureuse aventure, Quand un passant cria : Que tenez-vous ? ô dieux ! Jetez cet animal traître et pernicieux,
Ce serpent ! — C'est un fouet. — C'est un serpent ! vous dis-je A me tant tourmenter quel intérêt m'oblige ? Prétendez-vuus garder ce trésor ? — Pourquoi non ? Mon fouet était usé ; j'en retrouve un fort bon :
Vous n'en parlez que par envie. —
L'aveugle enfin ne le crut pas ;
11 en perdit bientôt la vie : L'animcil dégourdi piqua son homme au bras.
246
Fjibles de La Fontjume
LiVHE Dixième
Quant à vous, j'ose vous prédire Qu'il vous arrivera quelque chose de pire. Eh ! que me saurait-il arriver que la mort ? Mille dégoûts viendront, dit le prophète ermite. Il en vint en effet : l'ermite n'eut pas tort. Mainte peste de cour fit tant, par maint ressort. Que la candeur du juge, ainsi que son mérite. Furent suspects au prince. On cabale, on suscite Accusateurs, et gens grevés par ses arrêts. De nos biens, dirent-ils, il s'est fait un palais. Le pnnce voulut voir ces richesses immenses. Il ne trouva partout que médiocrité. Louanges du désert et de la pauvreté :
C étaient la ses magnificences. Son fait, dit-on, consiste en des pierres de prix : Un grand coffre en est plein, fermé de dix serrures. Lui-même ouvrit ce coffre, et rendit bien surpris
Tous les machineurs d'impostures. Le coffre étant ouvert, on y vit des lambeaux.
L'habit d'un gardeur de troupeaux. Petit chapeau, jupon, panetière, houlette,
Et, je pense, aussi sa musette. Doux trésors, ce dit-il, chers gages, qui jamais N'attirâtes sur vous l'envie et le mensonge, Je vous reprends : sortons de ces riches palais
Comme l'on sortirait d'un songe ! Sire, pardonnez-moi cette exclamation : J'avais prévu ma chute en montant sur le faite. Je m'y suis trop complu : mais qui n'a dans la tête Un petit grain d'ambition }
247
Fables de L-i Tontai-ne
— LirnE Dixième
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TIrcis, qui pour la seule Annetle
Faisait résonner les accords
D une VOIX et d une musette
Capables de toucher les morts,
Chantait un jour le long des bords
D'une onde arrosant des prairies Dont Zéphyre habitait les campagnes fleuries Annelte cependant a la ligne péchait ;
Mais nul poisson ne s'approchait ;
La bergère perdait ses peines.
Le berger, qui par ses chansons
Eut attiré des inhumaines. Crut, et crut mal. attirer des poissons. Il leur chanta ceci : Citoyens de cette onde Laissez votre Naïade en sa grotte profonde ; Venez voir un objet mille fois plus charm.«nt. Ne craignez point d'entrer aux prisons de la Belle
Ce n'est qu'à nous qu'elle est cruelle.
Vous serez traités doucement ;
On n en veut point a votre vie : Un vivier vous attend, plus clair que fin cristal ; F.t, quand à quelques-uns l'appât serait fatal. Mourir des mains d'Annette est un sort que j'envie. Ce discours éloquent ne fit pas grand effet ; L'auditoire était sourd aussi bien que muet : Tircis eut beau prêcher : ses paroles miellées
S'en étant aux vents envolées. Il tendit un long rets. Voilà les poissons pris ; Voilà les poissons mis aux pieds de la bergère. O vous, pasteurs d'humains et non pasde brebis, Rois, qui croyez gagner par raison les esprits
D'une multitude étrangère. Ce n'est jamais par la que l'on en vient a bout !
Il y faut une autre manière : Servez-vous de vos rets ; la puissance fait tout.
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FjtBLES DE La FOMTJimE
tivR-E Dixième
Deux perroquets, 1 un père et l'autre fils. Du rôt d'un rci faisaient leur ordinaire ; Deux demi-dieux, lun fils et l'autre père, De ces oiseaux faisaient leurs favoris. L'âge liait une amitié sincère Entre ces gens : les deux pères s'aimaient ; Les deux enfants, maigre leur cœur frivole, L un avec l'autre aussi s'accoutumaient. Nourris ensemble, et compagnons d'école. C'était beaucoup d honneur au jeune perroquet ; Car l'enfant était prince, et son père monarque. Par le tempérament que lui donna la Parque, 11 aimait les oiseaux. Un moineau fort coquet. Et le plus amoureux de toute la province. Faisait aussi sa part des délices du prince. Ces deux rivaux un jour ensemble se jouant. Comme il arrive aux jeunes gens. Le jeu devint une querelle. Le passereau, peu circonspect. S'attira de tels coups de bec. Que, demi-mort et traînant 1 aile. On crut qu'il n'en pourrait guenr. Le prince indigne fit mourir Son perroquet. Le bruit en vint au père. L'infortune vieillard crie et se désespère. Le tout en vain, ses cris sont superflus ; L'oiseau parleur est deja dans la barque : Pour dire mieux, l'oiseau ne parlant plus Fait qu'en fureur sur le fils du monarque Son père s'en va fondre, et lui crevé les yeux. Il se sauve aussitôt, et choisit pour asile
Le haut d'un pin : la, dans le sein des dieux, 11 goûte sa vengeance en lieu sûr et tranquille. Le roi lui-même y court, et dit pour l'attirer : Ami, reviens chez-moi ; que nous sert de pleurer ? Haine, vengeance et deuil, laissons tout a la porte. Je suis contraint de déclarer, Encor que ma douleur soit forte. Que le tort vient de nous ; mon fils fut l'agresseur : Mon fils ! non, c'est le Sort qui du coup est l'auteur. La Parque avait écrit de tout temps en son livre Que l'un de nos enfants devait cesser de vivre.
L'autre de voir, par ce malheur. Consolons-nous tous deux, et reviens dans ta cage.
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32
TABLES DE La TOMTJimE
tirjiE Dixième
Le perroquet dit : Sire roi,
Crois-tu qu'après un tel outrage
Je me doive lier à toi ? Tu m'allègues le Sort : prétends-tu, par ta foi. Me leurrer de lappàt d'un profane langage ? Mais que la Providence, ou bien que le Destin,
Règle les affaires du monde. Il est cent là-haut qu'au faite de ce pin.
Ou dans quelque forêt profonde. J'achèverai mes jours loin du fatal objet
Qui doit t'être un juste sujet De haine et de fureur. Je sais que la vengeance Lst un morceau de roi ; car vous vivez en dieux.
Tu veu.\ oublier cette offense ; Je le crois : cependant il me faut, pour le mieux.
Eviter ta main et tes yeux. .Sire roi, mon ami, va-t'en : tu perds ta peine :
Ne'me parle point de retour ; L'absence est aussi bien un remède a la haine
Qu un appareil tontie l'amour.
FABLES DE La To-ntawb
Livre Dixième
JÉBlr
LES DEUX AVENTURIERS
ET LE TALISMAN
Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire.
Je n'en veux pour témoin qu'Hercule et ses travaux :
Ce dieu n'a guère de rivaux ; J en VOIS peu dans la Fable, encor moins dans l'histoire. En voici pourtant un, que de vieux talismans Firent chercher fortune au pays des romans.
il voyageait de compagnie. Son camarade et lui trouvèrent un poteau
Ayant au haut cet écriteau : " Seigneur aventurier, s'il te prend quelque envie " De voir ce que n'a vu nul chevalier errant,
" Tu n'as qu'à passer ce torrent ; " Puis, prenant dans tes bras un éléphant de pierre
" Que tu verras couché par terre, " Le porter, d'une haleine, au sommet de ce mont " Qui menace les cieux de son superbe front. " L'un des deux chevaliers saigna du nez. — Si l'onde
Est rapide autant que profonde. Dit-il... et supposé qu'on la puisse passer, Pourquoi de l'éléphant s'aller embarrasser ?
Quelle ridicule entreprise î Le sage l'aura fait par tel art et de guise Qu'on le pourra porter peut-être quatre pas : Mais Jusqu'au haut du mont ! d'une haleine ! il n'est pas Au pouvoir d'un mortel ; à moins que la figure Ne soit d'un éléphant nain, pygmée, avorton.
Propre à mettre au bout d'un bâton : Auquel cas, où l'honneur d'une telle aventure ? On nous veut attraper dedans cette écriture ; Ce sera quelque énigme à tromper un enfant : C'est pourquoi je vous laisse avec votre éléphani. Le raisonneur parti, l'aventureux se lance.
Les yeux clos, à travers cette eau.
Ni profondeur ni violence Ne purent l'arrêter ; et, selon l'écriteau, M vit son éléphant couché sur l'autre rive. Il le prend, il l'emporte, au haut du mont arrive. Rencontre une esplanade, et puis une cité. Un cri par l'éléphant est aussitôt jeté :
Le peuple aussitôt sort en eirmes. Tout autre aventurier, au bruit de ces alarmes. Aurait fui : celui-ci, loin de tourner le dos. Veut vendre au moins sa vie et mourir en héros. II fut tout étonné d'ouïr cette cohorte Le proclamer monarque au lieu de son roi mort. Il ne se 6t prier que de la bonne sorte ;
- T-^BLES DE L-7 TOMTAmE
tivHB Dixième
Encorquc le fardeau fut, dit-il, un peu foit.
Sixte en disait autant quand on le fit saint-père (Serait-ce bien une misère Que d'être pape ou d'être roi ?)
On reconnut bientôt son peu de bonne foi.
Fortune aveugle suit aveugle hardiesse.
Le sage quelquefois fait bien d exécuter
Avant que de donner le temps à la saeesse
D'envisager le fait, et sans la consulter. '
TABLES DE La To-NTAmB
Livre Dixième
- L ,1 J
LES LAPINS
Je me suis souvent dit, voyant de quelle sorte
L'homme agit, et qu'il se comporte En mille occasions comme les animaux : Le roi de ces gens-là n'a pas moms de défauts
Que ses sujets ; et la Nature
A mis dans chaque créature Quelque grain d'une masse où puisent les esprits ; J entends les esprits-corps, et pétris de matière.
Je vais prouver ce que je dis. A l'heure de l'affût, soit lorsque la lumière Précipite ses traits dans l'humide séjour. Soit lorsque le soleil rentre dans sa carrière. Et que. n'étant plus nuit, il n'est pas encor jour. Au bord de quelque bois sur un arbre je grimpe. Et nouveau Jupiter, du haut de cet Olympe,
Je foudroie à discrétion
Un lapin qui n'y pensait guère. Je vois fuir aussitôt toute la nation
Des lapins, qui, sur la bruyère
L'œil éveille, l'oreille au guet. S'égayaient, et de thym parfumaient leur banquet.
Le bruit du coup fait que la bande
S'en va chercher sa sùrete
Dans la souterraine cité : Mais le danger s'oublie, et cette peur si grande S'évanouit bientôt ; je revois les lapins. Plus gais qu'auparavant, revenir sous mes mains. Ne reconnait-on pas en cela les humains ? Dispersés par quelque orage, A peine ils touchent le port Qu'ils vont hasarder encor Même vent, même naufrage : Vrais lapins on les revoit Sous les mains de la Fortune. Joignons a cet exemple une chose commune. Quand des chiens étrangers passent par quelque endroit Qui n est pas de leur détroit.
Je laisse a penser quelle fête!
Les chiens du heu, n'ayant en tète Qu'un intérêt de gueule, a cris, a coups de dents.
Vous accompagnent ces passants
Jusqu'aux confins du territoire. Un intérêt de biens, de grandeur, et de gloire. Aux gouverneurs d'états, a certains courtisans, A gens de tous métiers, en fait tout autant faire.
On nous voit tous, pour l'ordinaire. Piller le survenant, nous jeter sur sa peau. La coquette et l'auteur sont de ce caractère :
Malheur a l'écrivain nouveau !
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Le moins de gens qu'on peut à l'entour du gâteau.
C'est le droit du jeu, c'est l'affaire. Cent exemples pourraient appuyer mon discours ;
Mais les ouvrages les plus courts Sont toujours les meilleurs. En cela j'ai pour guides Tous les maîtres de l'art, et tiens qu'il faut laisser Dans les plus beaux sujets quelque chose à penser ;
Ainsi ce discours doit cesser. Vous, qui m'avez donné ce qu'il a de solide. Et dont la modestie égale la grandeur. Qui ne pûtes jamais écouter sans pudeur
La louange la plus permise,
La plus juste et la mieux acquise ; Vous enfin, dont a peine ai-je encore obtenu Que votre nom reçût ici quelques hommages. Du temps et des censeurs défendant mes ouvrages, Comme un nom qui. des ans et des peuples connu. Fait honneur à la France, en grands noms plus féconde
Qu'aucun climat de l'univers. Permettez-moi du moins d'apprendre à tout le monde Que vous m'avez donné le sujet de ces vers.
Tji'blbs HE "La ToMTJimE
LirnE Dixième
Quatre chercheurs de nouveaux mondes. Presque nus, échappés à la fureur des ondes. Un trafiquant, un noble, un pâtre, un fils de roi.
Réduits au sort de Bélisaire,
Demandaient aux passants de quoi
Pouvoir soulager leur misère. De raconter quel sort les avait assemblés. Quoique sous divers points tous quatre ils fussent nés.
C'est un récit de longue haleine. Ils s'assirent enfin au bord d'une fontaine : Là le conseil se tint entre les pauvres gens. Le prince s'étendit sur le malheur des grands. Le pâtre fut d'avis qu'éloignant la pensée
De leur aventure passée. Chacun fit de son mieux, et s'appliquât au soin
De pourvoir au commun besoin. La plainte, ajouta-t-il, guérit-elle son homme ? Travaillons : c'est de quoi nous mener jusqu'à Rome. Un pâtre ainsi parler ! Ainsi parler ? croit-on Que le ciel n'ait donné qu'aux têtes couronnées
De l'esprit et de la raison ; Et que de tout berger, comme de tout mouton
Les connaissances soient bornées ? L'avis de celui-ci fut d'abord trouvé bon Par les trois échoués aux bords de l'Amérique. L'un, c'était le marchand, savait l'arithmétique : A tant par mois, dit-il, j'en donnerai leçon.
J'enseignerai la pohtique. Reprit le fils du roi. Le noble poursuivit : Moi, je sais le blason ; j'en veux tenir école : Comme si, devers l'Inde, on eiit eu dans l'esprit La sotte vanité de ce jargon frivole ! Le pâtre dit : Amis, vous parlez bien : mais quoi ! Le mois a trente jours : jusqu'à cette échéance
Jeûnerons-nous, par votre foi ?
Vous me donnez une espérance Belle, mais éloignée ; et cependant j'ai faim. Qui pourvoira de nous au diné de demain ?
Ou plutôt sur quelle assurance Fondez-vous, dites-moi, le souper d'aujourd hui ?
Avant tout autre, c'est celui
Dont il s'agit. Votre science Est courte là-dessus : ma main y suppléera.
A ces mots le pâtre s'en va
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Tables de L.7 Toi^TJtmB
'Livre Dixième
Dans un bois : il y fit des fagots, dont la vente, Pendant celte journée et pendant la suivante. Empccha qu'un long jeune à la fin ne fit tant Qu'ils allassent là-bas exercer leur talent.
Je conclus de cette aventure Qu'il ne faut pas tant d'art pour conserver ses jours.
Et, grâce aux dons de la nature, La main est le plus sûr et le plus prompt secours.
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TABLES DE La Fomtjjtme
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Livre Ot^zième
LE LION
Sultan Léopard autrefois
Eut, ce dit-on, par mainte aubaine, Force boeufs dans ses prés, force cerfs dans ses boi
Force moutons parmi la plaine. Il naquit un lion dans la forêt prochaine. Apres les compliments et d'une et d'autre part,
Comme entre grands il se pratique, Le sultan fit venir son vizir le renard,
Vieux routier et bon politique. Tu crams, ce lui dit-il, lionceau mon voisin.
Son père est mort ; que peut-il faire ?
Plams plutôt le pauvre orphelin.
Il a chez lui plus d'une affaire,
Et devra beaucoup au Destin S il garde ce qu'il a, sans tenter de conquête.
Le renard dit, branlant la tête : Tels orphelins, seigneurs, ne me font point pitié 11 faut de celui-ci conserver l'amitié.
Ou s'efforcer de le détruire
Avant que la griffe et la dent Lui soit crue, et qu'il soit en état de nous nuire
N'y perdez pas un seul moment. J ai fait son horoscope : il croîtra par la guerre ,
Ce sera le meilleur lion
Pour ses amis, qui soit sur terre : Tâchez donc d'en être ; sinon Tâchez de l'affaiblir. La harangue fut vaine. Le sultan dormait lors ; et dedans son domaine Chacun dormait aussi, bêtes, gens : tant qu'enfin Le lionceau devint vrai lion. Le tocsin Sonne aussitôt sur lui ; l'alarme se promène
De toutes parts ; et le vizir. Consulte là-dessus, dit avec un soupir : Pourquoi l'irritez-vous ? La chose est sans remède. En vain nous appelons mille gens a notre aide : Plus ils sont, plus il coûte : et je ne les tiens bons
Qu'à manger leur part des moutons. Apaisez le lion : seul il passe en puissance Ce monde d'allies vivant sur notre bien. Le lion en a trois qui ne lui coûtent rien. Son courage, sa force, avec sa vigilance. Jetez-lui promptement sous la griffe un mouton ; S'il n'en est pas content, jetez-en davantage ;
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T-^BLES DE La TomAi-NT.
tirnE ONZIEME
Joîgncz-y quelque bœuf; choisissez, pour ce don.
Tout le plus gras du pâturage. Sauvez le reste ainsi. Ce conseil ne plut pas.
11 en prit mal ; et force états
X'oisins du sultan en pâtirent :
Nul n'y gagna, tous y perdirent.
Quoi que fit ce monde ennemi.
Celui qu'ils craignaient fut le mailre. Proposez-vous d'avoir le lion pour ami,
Si vous voulez le laisser craitre.
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FABLES DE La Tomijumb
Livre 0?izjèm'e
LES DIEUX VOULANT INSTRUIRE UN FILS DE JUPITER
Jupiter eut un fils, qui, se sentant du lieu
Dont il tirait son origine.
Avait l'âme toute divine. L'enfance n'aime rien : celle du jeune dieu
Faisait sa principale affaire
Des doux soins d'aimer et de plaire.
En lui l'amour et la raison Devancèrent le temps, dont les ailes légères N'amènent que trop tôt, hélas ! chaque saison. Flore aux regards riants, aux charmantes manières. Toucha d'abord le cœur du jeune Olympien. XZe que la passion peut inspirer d'adresse. Sentiments délicats et remplis de tendresse. Pleurs, soupirs, tout en fut : bref, il n'oublia rien. Le fils de Jupiter devait, par sa naissance. Avoir un autre esprit, et d'autres dons des cieux.
Que les enfants des autres dieux : 11 semblait qu'il n'agît que par réminiscence. Et qu'il eût autrefois fait le métier d'amant.
Tant il le fit parfaitement! Jupiter cependant voulut le faire instruire. Il assembla les dieux, et dit : J'ai su conduire, Seul et sans compagnon, jusqu'ici l'univers ; Mais il est des emplois divers
Qu'aux nouveaux dieux je distribue. Sur cet enfant chéri j'ai donc jeté la vue : C'est mon sang ; tout est plein déjà de ses autels. Afin de mériter le rang des immortels. Il faut qu'il sache tout. Le maître du tonnerre Eut à peine achevé, que chacun applaudit. Pour savoir tout, l'enfant n'avait que trop d'espri:.
Je veux, dit le dieu de la guerre, Lui montrer moi-même cet art Par qui maints héros ont eu part Aux honneurs de l'Olympe et grossi cet empire. Je serai son maître de lyre. Dit le blond et docte Apollon
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Tables de L^ Fomtjiine
Livre Oj^ztème
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Et moi. reprit Hercule a la peau de lion,
Son maître a surmonter les vices, A dompter les transports, monstres empoisonneurs. Comme hydres renaissants sans cesse dans les cœurs
Ennemi des molles délices, Il apprendra de moi les sentiers peu battus Qui mènent aux honneurs sur les pas des vertus.
Quand ce vint au dieu de Cythcre,
H dit qu'il lui montrerait tout. L'Amour avait raison. De quoi ne vient à bout
L'esprit joint au désir de plaire !
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-Tjibles de La Fomtjiine
Livre Ot^zième
LE SONGE D'UN HABJTANT DU MOGOL
Jadis certain Mogol vit en songe un vizir Aux champs élysiens pofsesseur d'un plaisir Aussi pur qu'infini, tant en prix qu'en durée Le même songeur vit en une autre contrée
Un ermite entouré de feux. Qui touchait de pilie même les malheureux. Le cas parut étrange, et contre l'ordinaire : Minos en ces deux morts semblait s'être mépris. Le dormeur s'éveilla, tant il en fut surpris. Dans ce songe pourtant soupçonnant du mystère.
Il se fît expliquer l'affaire. L'interprète lui dit : Ne vous étonnez point ; Votre songe a du sens, et, si j'ai sur ce point
Acquis tant soit peu d'habitude, C est un avis des dieux. Pendant l'humain séjour. Ce vizir quelquefois cherchait la solitude ; Cet ermite aux vizirs allait faire sa cour. Si j osais ajouter au mot de l'interprète,
J mspirerais ici l'amour de la retraite : Elle offre à ses amants des biens sans embarras. Biens purs, présents du ciel, qui naissent sous les pas. Solitude, où je trouve une douceur secrète. Lieux que j'aimai toujours, ne pourrai-je jamais, Lom du monde et du bruit, goûter l'ombre et le frais ! Oh ! qui m'arrêtera sous vos sombres asiles ! Quand pourront les neuf Sœurs, loin des cours et des villes, M'occuper tout entier, et m'apprendre des cieux Les divers mouvements inconnus a nos yeux, Les noms et les vertus de ces clartés errantes Par qui sont nos destins et nos mœuis différentes ! Que si je ne suis né pour de si grands projets. Du moins que les ruisseaux m'offrent de doux objets ! Que je peigne en mes vers quelque rive fleurie f La Parque à filets d'or n'ourdira point ma vie. Je ne dormirai point sous de riches lambris : Mais voit-on que le somme en perde de son prix ? En est-il moins profond, et moins plein de délices ? Je lui voue au désert de nouveaux sacrifices. Quand le moment viendra d'aller trouver les morts, J aurai vécu sans soins, et mourrai sans remords.
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TABLES DE IjJ ToMTAJME
JjrnjE OT^ZltME
LE FERMIER, LE CHIEN ET LE RENARD
Le loup et le renard sont d'étranges voisins ! Je ne bâtirai point autour de leur demeure.
Ce dernier guettait à toute heure Les poules d'un fermier ; et, quoique des plus fins, Il n'avait pu donner d'atteinte à la volaille. D'une part l'appétit, de l'autre le danger, N'étaient pas au compère un embarras léger. Hé quoi ! dit-il, cette canaille Se moque impunément de moi ! Je vais, je viens, je me travaille. J'imagine cent tours : le rustre, en paix chez soi. Vous fait argent de tout, convertit en monnoie Ses chapons, sa poulaille ; il en a même au croc ; Et moi, maitre passé, qjand j'attrape un vieux coq.
Je suis au comble de la joie ! Pourquoi sire Jupin m'a-t-il donc appelé Au métier de renard ? Je jure les puissances De rOlvTnpe et du St;,'x, il en sera parlé.
Roulant en son coeur ces vengeances. Il choisit une nuit libérale en pavots : Chacun était plongé dans un profond repos ; Le maitre du logis, les valets, le chien même. Poules, poulets, chapons, tout donnait. Le fermier. Laissant ouvert son poulailler. Commit une sottise extrême. Le voleur tourne tant qu'il entre au lieu guetté. Le dépeuple, remplit de meurtres la cité.
Les marques de sa cruauté Parurent avec l'aube : on vit un étalage De corps sanglants et de carnage. Peu s'en fallut que le soleil Ne rebroussât d'horreur vers le manoir liquide.
Tel. et d'un spectacle pareil, Apollon irrité contre le fier Atride Joncha son camp de mor' ; on vit presque détruit L'ost de Grecs ; et ce fut l'ouvrage d'une nuit. Tel encore autour de sa tente Ajax, à l'âme impatiente. De moutons et de boucs fit un vaste débris. Croyant tuer en eux son concurrent Ulysse Et les auteurs de l'injustice Par qui l'autre emporta le prix. Le renard, autre Ajcix aux volailles funeste, Elmporte ce qu'il peut, laisse étendu le reste. Le maitre ne trouva de recours qu'à crier Contre ses gias, son chien : c'est l'ordinaire usage.
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TABLES DE La To-ntmmb
"Lir-RB Oj^zjeme
Ah ! maudit animal, qui n'es bon qu'à noyer. Que n'avertissais-tu dès d'abord du carnage ? — Que ne l'évitiez-vous, c'eût été plus tôt fait : Si vous, maître et fermier, à qui touche le fait. Dormez sans avoir soin que la porte soit close. Voulez-vous que moi, chien, qui n'ai rien a la chose. Sans aucun intérêt je perde le repos ?
Ce chien parlait très à propos :
Son raisonnement pouvait être
Fort bon dans la bouche d'un maître
Mais, n'étant que d'un simple chien,
On trouva qu'il ne valait rien :
On vous sangla le pauvre drille. Toi donc, qui que tu sois, ô père de famille (Et je ne t'ai jamais envié cet honneur), T'attendre aux yeux d'autrui quand tu dors, c'est erreur Couche-toi le dernier, et vois fermer ta porte.
Que si quelque affaire t'importe,
Ne la fais point par procureur.
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Tables de L.^ ToAT^imE
LirJiE Omzjèmb
LE LION. LE SINGE ET LES DEUX ANES
Le lion, pour bien gouverner.
Voulant apprendre la morale,
Se fit, un beau jour, amener Le singe, maître es arts chez la gent animale. La première leçon que donna le régent Fut celle-ci : Grand roi, pour régner sagement,
Il faut que tout prince préfère Le zèle de l'Etat a certain mouvement
Qu on appelle communément
Amour-propre ; car c'est le père.
C'est Fauteur de tous les défauts
Que l'on remarque aux animaux. Vouloir que de tout point ce sentiment vous quitte.
Ce n'est pas chose si petite
Qu'on en vienne à bout en un jour : C'est beaucoup de pouvoir modérer cet amour.
Par la, votre personne auguste
N'admettra jamais rien en soi
De ridicule ni d'injuste.
Donne-moi, rejiartit le roi.
Des exemples de 1 un et 1 autre.
Toute espèce, dit le docteur.
Et je commence par la notre. Toute profession s'estime dans son cœur,
Traite les autres d'ignorantes,
Les qualifie impertinentes ; Et semblables discours qui ne nous coûtent rien. L'amour-propre, au rebours, fait qu'au degré suprême On i^orte ses pareils ; car c'est un bon moyen
De s'élever aussi soi-même. De tout ce que dessus j'argumente très bien : Qu'ici-bas maint talent n'est que pure grimace, Cabale, et certain art de se faire valoir. Mieux su des ignorants que des gens de savoir.
L'autre jour, suivant à la trace Deux ânes qui, prenant tour a tour l'encensoir, 3e louaient tour a tour, comme c'est la manière. J'ouïs que l'un des deux disait à son confrère • Seigneur, trouvez-vous pas bien injuste et bien sot L'homme, cet animal si parfait ? il profane
Notre auguste nom, traitant d àne Quiconque est ignorant, d'esprit lourd, idiot :
Il abuse encore d'un mot. Et traite notre rire et nos discours de braire. Les humains sont plaisants de prétendre exceller Par-dessus nous ! Non, non ; c'est a 'vous de parler,
A leurs orateurs de se taire : Voilà les vrais braillards. Mais laissons la ces gens :
'VI 264
FABLES DE La VONTAIME
LwnE Onzième
Vous m'entendez, je vous entends ;
Il suffit. Et quant aux merveilles Dont votre divin chant vient frapper les oreilles, Philomèle est, au prix, novice dans cet art : Vous surpassez Lambert. L'autre baudet repart : Seigneur, j'admire en vous des qualités pareilles. Ces ânes, non contents de s'être ainsi grattés.
S'en allèrent dans les cités L'un l'autre se prôner : chacun d'eux croyait faire, En prisant ses pareils, une fort bonne affaire. Prétendant que l'honneur en reviendrait sur lui.
J'en connais beaucoup aujourd'hui. Non parmi les baudets, mais parmi les puissances. Que le ciel voulut mettre en de plus hauts degrés. Qui changeraient entre eux les simples excellences.
S'ils osaient, en des majestés. J'en dis peut-être plus qu'il n'en faut, et suppose Que votre majesté gardera le secret. Elle avait souhaité d'apprendre quelque trait
Qui lui fit voir, entre autre chose. L'amour-propre donnant du ridicule aux gens L'injuste aura son tour : il y faut plus de temps. Ainsi parla ce singe. On ne m'a pas su dire S'il traita l'autre point, car il est délicat ; Et notre maitre es arts, qui n'était pas un fat, Regardait ce lion comme un terrible sire.
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F.JBLES DE Ll FONT.^mE
Livre Omzième
LE LOUP ET LE RENARD
Mais d'où vient qu'au renard Esope accorde un point C'est d'exceller en tours pleins de matoiserie ? J'en cherche la raison, et ne la trouve point. Quand le loup a besoin de défendre sa vie.
Ou d'attaquer celle d'autrui,
N'en sait-il pas autant que lui ? Je crois qu'il en sait plus ; et j'oserais peut-être Avec quelque raison contredire mon maître. Voici pourtant un cas où tout l'honneur échut A l'hôte des terriers. Un soir il aperçut La lune au tond d'un puits : l'orbiculaire image
Lui parut un ample fromage.
Deux seaux alternativement
Puisaient le liquide élément : Notre renard, pressé par une faim canine. S'accommode en celui qu'au haut de la machine
L'autre seau tenait suspendu.
Voila l'animal descendu.
Tiré d'erreur, mais fort en peine.
Et voyant sa perte prochaine : Car comment remonter, si quelque autre affame.
De la même image charmé.
Et succédant à sa misère. Par le même chemin ne le tirait d'affaire ? Deux jours s'étaient passés sans qu'aucun vint au puits. Le temps, qui toujours marche, avait pendant deux nuits
Echancré, selon l'ordinaire, De l'astre au front d'argent la face circulaire. Sire renard était désespéré. Compère Loup, le gosier altéré. Passe par la. L'autre dit : Camarade, Je veux vous régaler : voyez- vous cet objet ? C'est un fromage exquis. Le dieu Faune 1 a fait :
La vache lo donna le lait.
Jupiter, s'il était malade, Reprendrait l'appétit en tàtant d'un tel mets.
J'en ai mangé cette echancrure ; Le reste vous sera suffisante pâture. Descendez dans un seau que j'ai la mis exprès. Bien qu'au moins mal qu'il pût il ajustât l'histoire.
266 iv^
Tjibles de La To-ntjuse
LirnB Ot^zièmb
Le loup (ut un sol de le croire : 11 descend ; et son poids emportant l'autre part,
Reguinde en haut maître renard. Ne nous en moquons point : nous nous laissons séduire
Sur aussi peu de fondement ;
Et chacun croit fort aisément
Ce qu'il cramt et ce qu'il désire.
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Fables de 1.7 TomAmn
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LE PAYSAN DU DANUBE
11 ne faut point juger des gens sur l'apparence. Le conseil en est bon ; mais il n'est pas nouveau
Jadis l'erreur du souriceau Me servit a prouver le discours que j'avance :
J'ai, pour le fonder a présent, Le bon Socrate, Esope, et certain paysan Des rives du Danube, homme dont Marc-Aurele
Nous fait un portrait fort iidele. On connaît les premiers : quant a l'autre, voici
Le personnage en raccourci. Son menton nourrissait une barbe toulïue ;
Toute sa personne velue Représentait un ours, mais un ours mal léché : Sous un sourcil épais il avait l'œil cache. Le regard de travers, nez tortu, grosse lèvre. Portait sayon de poil de chèvre. Et ceinture de joncs marins. Cet homme ainsi bâti fut députe des villes Que lave le Danube. Il n'était point d'asiles
Où l'avarice des Romams Ne pénétrât alors et ne portât les mains. Le députe vint donc, et fît cette harangue ' Romains, et vous sénat assis pour m'ecouter. Je supplie avant tout les dieux de m'assister : Veuillent les immortels, conducteurs de ma langue. Que je ne dise rien qui doive être repris ! Sans leur aide, il ne peut entrer dans les esprits
Que tout mal et toute injustice : Faute d'y recourir, on viole leurs lois. Témoin nous que punit la romaine avarice : Rome est, par nos forfaits, plus que par ses exploits.
L'instrument de notre supplice. Craignez. Romains, craignez que le ciel quelque jour Ne transporte chez vous les pleurs et la misère ; Et mettant en nos mains, par un juste retour. Les armes dont se sert sa vengeance severe, Il ne vous fasse, en sa colère, Nos esclaves a votre tour. Et pourquoi sommes-nous les vôtres ? Qu on me die En quoi vous valez mieux que cent peuples divers. Quel droit vous a rendus maîtres de l'univers ? Pourquoi venir troubler une innocente vie ? Nous cultivions en paix d'heureux champs ; et nos mains Etaient propres aux arts, ainsi qu'au labourage. Qu avez-vous appris aux Germains ? ils ont l'adresse et le courage : S'ils avaient eu l'avidité. Comme vous, et la violence,
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Fables de La Tot^tatn-e
Lirj{E Omzjème
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Peut-être en votre place ils auraient la puissance. Et sauraient en user sans inhumanité. Celle que vos préteurs ont sur nous exercée N'entre qu'à peine en la pensée. La majesté de vos autels Elle-même en est offensée ; Car sachez que les immortels Ont les regards sur nous. Grâces à vos exemples, ils n'ont devant les yeux que des objets d'horreur,
De mépris d'eux et de leurs temples. D'avarice qui va jusques à la fureur. Rien ne suffit aux gens qui nous viennent de Rome :
La terre et le travail de l'homme Font pour les assouvir des efforts superflus. Retirez-les : on ne veut plus Cultiver pour eux les campagnes. Nous quittons les cités, nous fuyons aux montagnes ;
Nous laissons nos chères compagnes ; Nous ne conversons plus qu'avec des ours affreux. Découragés de mettre au jour des malheureux. Et de peupler pour Rome un pays qu'elle opprime.
Quant à nos enfants déjà nés. Nous souhaitons de voir leurs jours bientôt bornés : Vos préteurs au malheur nous font joindre le crime. Retirez-les : ils ne nous apprendront Que la mollesse et que le vice ; Les Germains comme eux deviendront Gens de rapine et d'avarice. C est tout ce que j'ai vu dans Rome à mon abord.
N'a-t-on point de présent à faire. Point de pourpre à donner ; c'est en vain qu'on espère Quelque refuge aux lois : encor leur ministère A-t-il mille longueurs. Ce discours, un peu fort, Doit commencer à vous déplaire. Je finis. Punissez de mort Une plainte un peu trop sincère- A ces mots, il se couche ; et chacun étonné Admire le grand cœur, le bons sens, l'éloquence
Du sauvage ainsi prosterné. On le créa patrice ; et ce fut la vengeance Qu'on crut qu'un tel discours méritait. On choisit
D'autres préteurs ; et par écrit Le sénat demanda ce qu'avait dit cet homme. Pour servir de modèle aux parleurs a venir. On ne sut pas longtemps à Rome Cette éloquence entretenir.
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T.JBLES DE La FoyT.^lME
Lir7{E Onziejht
il ne faut jamais dire aux gens : Ecoutez un bon mot. oyez ufte merveille.
Savez-vous si les écoutants En feront une estime a la vôtre pareille ? Voici pourtant un cas qui peut être excepté : Je le maintiens prodige, et tel que d'une fable Il a I air et les traits, encor que véritable. On abattit un pin pour son antiquité. Vieux palais d'un hibou, triste et sombre retraite De l'oiseau qu'Atropos prend pour son interprète. Dans son tronc caverneux, et miné par le temps,
Logeaient, entre autres habitants. Force souris sans pieds, toutes rondes de graisse. L'oiseau les nourrissait parmi des tas de blé, Et de son bec avait leur troupeau mutilé. Cet oiseau raisonnait : il faut qu'on le confesse. En son temps, aux souris le compagnon chassa : Les premières qu il prit du logis échappées, Pour y remédier, le drôle estropia Tout ce qu'il prit ensuite ; et leurs jambes coupées Firent qu'il les mangeait à sa commodité,
Aujourd'hui l'une, et demain I autre. Tout manger a la fois, l'impossibilité S'y trouvait, joint aussi le soin de sa santé. Sa prévoyance allait aussi loin que la nôtre :
Elle allait jusqu'à leur porter
Vivres et grains pour subsister.
Puis, qu'un cartésien s'obstine A traiter ce hibou de monstre et de machine !
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Fjibles de La Toi^TAm-E
tlVRB OmZIÈM-E
Quel ressort lui pouvait donner Le conseil de tronquer un peuple mis en mue ?-
Si ce n'est pas la raisonner,
La raison m'est chose inconnue.
Voyez que d'arguments il fit :
Quand ce peuple est pris, il s'enfuit : Donc il faut le croquer aussitôt qu'on le happe Tout ! il est impossible. Et puis pour le besoin N'en dois-je pas garder ? Donc il faut avoir soin
De le nourrir sans qu'il échappe. Mais comment ? Otons-lui les pieds. Or, trouvez-moi Chose par les humains à sa fin mieux conduite ! Quel autre art de penser Aristote et sa suite
Enseignent-ils, par votre foi ?
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TJfBLES DE La FOMT.^IME
tlVRT. ONZIÈME
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LE VIEILLARD ET LES
TROIS JEUNES HOMMES
Un octogénaire plantait. Passe encor de bàtir ; mais planter à cet âge ! Disaient trois jouvenceaux enfants du voisinage :
Assurément il radotait.
Car, au nom des dieux, je vous prie. Quel fruit de ce labeur pcuvez-vous recueillir ? Autant qu'un patriarche il vous faudrait vieillir.
A quoi bon charger votre vie Des soins d'un avenir qui n'est pas fait pour vous ? Ne songez désormais qu'a vos erreurs passées ; Quittez le long espoir et les vastes pensées ;
Tout cela ne convient qu'à nous.
Il ne convient pas à vous-mêmes. Repartit le vieillard. Tout établissement Vient tard, et dure peu. La main des Parques blêmes De vos jours et des miens se joue également. Nos termes sont pareils par leur courte durée. Qui de nous des clartés de la voûte azurée Doit jouir le dernier ? Est-il aucun moment Qui vous puisse assurer d'un second seulement ? Mes arrière-neveux me devront cet ombrage :
Hé bien ! defendez-vous au sage De se donner des soins pour le plaisir d'autrui ? Cela même est un fruit que je goûte aujourd'hui J'en puis jouir demain, et quelques jours encore ;
Je puis enfin compter l'aurore
Plus d'une fois sur vos tombeaux. Le vieillard eut raison : l'un des trois jouvenceaux Se noya dés le port, allant a l'Amérique ; L'autre, afin de monter aux grandes dignités. Dans les emplois de Mars servant la république. Par un coup imprévu vil ses jours emportés ; Le troisième tomba d'un arbre
Que lui-même il voulut enter ; Et, pleures du vieillard, il grava sur leur marbre
Ce que je viens de raconter.
"1 272 W"
"Fables de Lji Vontmm-e
"Livre Douzième
Prince, l'unique objet du soin des immortels, Souffrez que mon encens parfume vos autels. Je vous offre un peu tard ces présents de ma muse ; Les ans et les travaux me serviront d'excuse. Mon esprit diminue, au lieu qu'a chaque instant On aperçoit le vôtre aller en augmentant : Il ne va pas, il court, il semble avoir des ailes. Le héros dont il tient des qualités si belles Dans le métier de Mars brûle d'en faire autant : Il ne tient pas à lui que, forçant la victoire.
Il ne marche à pas de géant
Dans la carrière de la gloire. Quelque dieu le retient : c'est notre souverain. Lui qu'un mois a rendu maître et vainqueur du Rhin. Cette rapidité fut alors nécessaire ; Peut-être elle serait aujourd'hui téméraire. . Je m'en tais : aussi bien les Ris et les Amours Ne sont pas soupçonnés d'aimer les longs discours. De ces sortes de dieux votre cour se compose : Ils ne vous quittent point. Ce n'est pas qu'après tout D'autres divinités n'y tiennent le haut bout ; Le sens et la raison y règlent toute chose. Consultez ces derniers sur un fait où les Grecs,
Imprudents et peu circonspects.
S'abandonnèrent à des charmes Qui métamorphosaient en bêtes les humains. Les compagnons d'Ulysse, après dix ans d alarmes, Erraient au gré du vent, de leur sort incertains.
Ils abordèrent un rivage
Où la fille du dieu du jour,
Circé, tenait alors sa cour.
Elle leur fit prendre un breuvage Délicieux, mais plein d'un funeste poison.
D'abord ils perdent la raison ; Quelques moments après leur corps et leur visage Prennent l'air et les traits d'animaux différents : Les voilà devenus ours, lions, éléphants ;
Les uns sous une masse énorme.
Les autres sous une autre forme : Il s'en vit de petits, exenipltim ni IjlpJ,
Le seul Ulysse en échappa : Il sut se défier de la liqueur traîtresse.
Comme il joignait à la sagesse La mine d'un héros et le doux entretien,
11 fit tant que l'enchanteresse Prit un autre poison peu différent du sien. Une déesse dit tout ce qu'elle a dans l'àme :
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^M 273
35
FABLES DE Lt rOA'r.-17\E
Liri{E Douzième
Celle-ci déclara sa flamme. Ulysse etail Irop fin pour ne pas profiter
D une pareille conjoncture : Il obtint qu'on rendrait à ses Grecs leur figure. Mais la voudront-ils bien, dit la nymphe, accepter ? Allez le proposer de ce pas à la troupe. Ulysse y court, et dit : L'empoisonneuse coupe A son remède encore ; et je viens vous 1 offrir : Chers amis, voulez-vous hommes redevenir ?
On vous rend déjà la parole.
Le lion dit. pensant rugir :
Je n'ai pas la tête si folle ; Moi renoncer aux dons que je viens d'acquérir J'ai griffe et dents, et mets en pièces qui m'attaque. Je suis roi : deviendrai-je un citadin d'Ithaque ! Tu me rendras peut-être encor simple soldat :
Je ne veux point changer d'état. Ulysse du lion court a l'ours : Eh ! mon frère. Comme te voilà fait ! je t'ai vu si joli ! Ah ! vraiment nous y voici, Reprit l'ours à sa maniera : Comme me voila fait ! comme doit cire un ours. Qui t'a dit qu'une forme est plus belle qu'une autre ?
EUt-ce à la tienne à juger de la nôtre ? Je me rapporte aux yeux d'une ourse mes amours. Te déplais-je ? va-t-en ; suis ta route, et me laisse. Je vis libre, content, sans nul soin qui me presse :
Et te dis tout net et tout plat :
Je ne veux point changer d'elat. Le prince grec au loup va proposer l'affaire ; Il lui dit. au hasard d'un semblable refus :
Camarade, je suis confus
Qu'une jeune et belle bergère Conte aux échos les appétits gloutons
Qui t'ont fait manger ses moutons. Autrefois on l'eut vu sauver sa bergerie :
Tu menais une honnête vie.
Quitte ces bois, et redevien.
Au lieu de loup, homme de bien. Eln est-il ? dit le loup : pour moi, je n'en vois guère. Tu t'en viens me traiter de béte carnassière ; Toi qui parles, qu'es-tu ? N'auriez-vous pas, sans moi Memgé ces animaux que plaint tout le village ?
Si j'étais homme, par ta foi,
Aimerais-je moins le carnage ? Pour un mot quelquefois vous vous étranglez tous : Ne vous étes-vous pas l'un a l'autre des loups ? Tout bien considéré, je te soutiens en somme
Que, scélérat pour scélérat,
ÇJÎifcc*-
274
Fjjbles de La FoMTAmE —
LirJiE DoyzjÈME
Il vaut mieux être un loup qu'un homme
Je ne veux point changer d'état. Ulysse fit à tous une même semonce ;
Chacun d'eux fit même réponse.
Autant le grand que le petit. La liberté, les bois, suivre leur appétit.
C'était leurs délices suprêmes : Tous renonçaient au lôs des belles actions. Ils croyaient s'affranchir suivant leurs passions.
Ils étaient esclaves d'eux-mêmes. Prince, j'aurais voulu vous choisir un sujet Où je pusse mêler le plaisant a l'utile :
C était sans doute un beau projet.
Si ce choix eiit ele facile. Les compagnons d'Ulysse enfin se sont offerts Ils ont force pareils en ce bas univers,
Gens a qui j'impose pour peine
Votre censure et votre haine.
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F.7BIES DE L-^T TOJ\IT.nj\E
Ljvj{e Douzième
LE CHAT ET LES DEUX MOINEAUX
Un chat, contemporain d'un fort jeune moineau,
Fut logé près de lui dès l'âge du berceau :
La cage et le panier avaient mêmes pénales.
Le chat était souvent agace par 1 oiseau :
L'un s'escrimait du bec ; l'autre jouait des pattes.
Ce dernier toutefois épargnait son ami,
Ne le corrigeant qu'à demi :
Il se fut fait un grand scrupule
D'armer de pointes sa férule.
Le passereau, moins circonspect.
Lui donnait force coups de bec.
En sage et discrète personne.
Maître chat excusait ses jeux : Entre amis, il ne faut jamais qu'on s'abandonne
Aux traits d'un courroux sérieux. Comme ils se connaissaient tous deux dès leur bas âge, Une longue habitude en paix les maintenait ; Jamais en vrai combat le jeu ne se tournait :
Quand un moineau du voisinage S'en vint les visiter, et se fît compagnon Du pétulant Pierrot et du sage Raton. Entre les deux oiseaux il arriva querelle ;
Et Raton de prendre parti. Cet inconnu, dit-il, nous la vient donner belle,
D'insulter ainsi notre ami ! Le moineau du voisin viendra manger le nôtre! Non, de par tous les chats ! Entrant lors au combat, 11 croque l'étranger. Vraiment, dit maître chat. Les moineaux ont un goût exquis et délicat I Cette réflexion fit aussi croquer l'autre. Quelle morale puis-je inférer de ce fait ? Sans cela toute fable est un œuvre imparfait. J'en crois voir quelques traits ; mais leur ombre m'abuse. Prince, vous les aurez incontinent trouvés : Ce sont des jeux pour vous, et non point pour ma muse. Elle et ses sœurs n'ont pas l'esprit que vous avez.
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-M 276 l»-
FABLES DE Ljf TO-NTATN-E
twRB Douzième
Des que les chèvres ont brouté. Certain esprit de liberté Leur fait chercher fortune : elles vont en voyage Vers les endroits du pâturage
Les moins fréquentés des humains : Là, s'il est quelque lieu sans route et sans chemins Un rocher, quelque mont pendant en précipices. C'est oii ces dames vont promener leurs caprices. Rien ne peut arrêter cet animal grimpant.
Deux chèvres donc s'émancipant.
Toutes deux ayant patte blanche. Quittèrent les bas prés, chacune de sa part : L'une vers l'autre allait pour quelque bon hasard. Un ruisseau se rencontre, et pour pont une planche. Deux belettes a peine auraient passé de front
Sur ce pont : D'ailleurs, l'onde rapide et le ruisseau profond Devaient faire trembler de peur ces amazones. Maigre tant de dangers, l'une de ces personnes Pose un pied sur la planche, et l'autre en fait autant. Je m'imagine voir, avec Louis le Grand,
Philippe Quatre qui s'avance
Dans nie de la Conférence.
Ainsi s'avançaient pas à pas.
Nez à nez, nos aventurières.
Qui, toutes deux étant fort fières. Vers le milieu du pont ne se voulurent pas L'une à l'autre céder. Elles avaient la gloire De compter dans leur race, à ce que dit l'histoire. L'une certaine chèvre, au mérite sans pair. Dont Polyphème fit présent à Galatee ;
Et l'autre, la chèvre Amalthée,
Par qui fut nourri Jupiter. Faute de reculer, leur chute fut commune :
Toutes deux tombèrent dans l'eau.
Cet accident n'est pas nouveau
Dans le chemin de la fortune.
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#• F.^BLES DE "La TONT.^mE
LivTiE Douzième
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LE THESAURISEUR ET LE SINGE
Un homme accumulait. On sait que cette erreur
Va souvent jusqu'à la fureur. Celui-ci ne songeait que ducats et pistoles. Quand ces biens sont ossifs, je tiens qu'ils sont frivoles.
Pour sûreté de son trésor. Notre avare liabitait un lieu dont Ampliiirite Défendait aux voleurs de toutes parts l'abord. Là, d une volupté selon moi fort petite. Et selon lui fort grande, il entassait toujours :
Il passait les nuits et les jours A compter, calculer, supputer sans relâche. Calculant, supputant, comptant comme à la tâche ; Car il trouvait toujours du mécompte à son fait. Un gros singe, plus sage, à mon sens, que son maître. Jetait quelque doublon toujours par la fenêtre.
Et rendait le compte imparfait :
La chambre, bien cadenassée. Permettait de laisser l'argent sur le comptoir. Un beau jour dom Bertrand se mit dans la pensée D'en faire un sacrifice au liquide manoir.
Quant à moi, lorsque je compare Les plaisirs de ce singe à ceux de cet avare, je ne sais bonnement auxquels donner le prix : Dom Bertrand gagnerait près de certains esprits Les raisons en seraient trop longues a déduire. Un jour donc l'animal, qui ne songeait qu'à nuire. Détachait du monceau, tantôt quelque doublon.
Un jacobus, un ducaton.
Et puis quelque noble à la rose ; Eprouvait son adresse et sa force à jeter Ces morceaux de métal, qui se font souhaiter
Par les humains sur toute chose. S'il n'avait entendu son compteur à la fin
Mettre la clef dans la serrure. Les ducats auraient fous pris le même chemin,
Et couru la même aventure ; Il les aurait fait tous voler jusqu'au dernier Dans le gouffre enrichi par maint et maint naufrage. Dieu veuille préserver maint et maint financier
Qui n'en fait pas meilleur usage !
»^ 278 w
T-^BLES DE La FOMTJimE
Ljvj{e Dovzjème
Une jeune souris, de peu d'expérience,
Crut fléchir un vieux chat, implorant sa clémence.
Et payant de raison le Raminagrobis.
Laissez-moi vivre : une souris
De ma taille et de ma dépense
Est-elle à charge en ce logis ?
Affamerais-je, a votre avis,
L'hote et l'hôtesse, et tout le monde ?
D'un grain de blé je me nourris :
Une noix me rend toute ronde. A présent je suis maigre ; attendez quelque temps : Réservez ce repas à messieurs vos enfants. Ainsi parlait au chat la souris attrapée.
L'autre lui dit : Tu t'es trompée : Est-ce à moi que l'on tient de semblables discours ? Tu gagnerais autant de parler a des sourds. Chat, et vieux, pardonner ! cela n'arrive guères.
Selon ces lois, descends la-bas.
Meurs, et va-t-en, tout de ce pas.
Haranguer les sœurs f.landieres : Mes enfants trouveront assez d'autres repas.
Il tint parole. Et pour ma fable, Voici le sens moral qui peut y convenir : La jeunesse se (lattt, et croit tout obtenir :
La vieillesse est impitoyable.
-VI 279 »-
FaBLZS de L.^ TOJ^T.tlME
LiVHE Douzième
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En pays plein de cerfs, un cerf tomba malade.
Incontinent maint camarade Accourt à son grabat le voir, le secourir, Le consoler du moins : multitude importune.
Eh ! messieurs, laissez-inoi mourir
Permettez qu'en forme commune La Parque m'expédie, et finissez vos pleurs.
Point du tout : les consolateurs De ce triste devoir tout au long s'acquittèrent.
Quand il plut à Dieu s'en allèrent :
Ce ne fut pas sans boire un coup. C'est-à-dire sans prendre un droit de pâturage. Tout se mit à brouter les bois du voisinage. La laitance du cerf en déchut de beaucoup.
Il ne trouva plus rien a fnre :
D un mal il tomba dans un pire,
Et se vit réduit a la fin
A jeûner et mourir de faim.
Il en coûte à qui vous réclame.
Médecins du corps et de l'àme !
O temps ! 6 mœurs ! j'ai beau crier,
Tout le monde se fait payer.
280
-rtl 200 IV-
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Tjibles de La Fomt^ij^e
tlVRB DOVZIÈME
LA QUERELLE DES CHIENS ET DES CHATS ET CELLE DES CHATS ET DES SOURI
La Discorde a toujours régné dans l'univers ; Notre monde en fournit mille exemples divers : Chez nous cette déesse a plus d'un tributaire.
Commençons par les éléments : Vous serez étonnes de voir qu'a tous moments
ils seront appointés contraire.
Outre ces quatre potentats,
Combien d'êtres de tous états
Se font une guerre éternelle ! Autrefois un logis plein de chiens et de chats. Par cent arrêts rendus en forme solennelle.
Vit terminer tous leurs débats. Le maître ayant règle leurs emplois, leurs repas, Et menace du fouet quiconque aurait querelle. Ces animaux vivaient entre eux comme cousins. Cette union si douce, et presque fraternelle.
Edifiait tous les voisins. Enfin elle cessa. Quelque plat de potage. Quelque os, par préférence, à quelqu'un d'eux donné. Fit que l'autre parti s'en vint tout forcené
Représenter un tel outrage. J'ai vu des chroniqueurs attribuer le cas Aux passe-droits qu'avait une chienne en gésine.
Quoi qu'il en soit, cet altercas Mit en combustion la salle et la cuisine : Chacun se déclara pour son chat, pour son chien. On fit un règlement dont les chats se plaignirent.
Et tout le quartier étourdirent. Leur avocat disait qu'il fallait bel et bien Recourir aux arrêts. En vain ils les cherchèrent Dans un coin ou d'abord leurs agents les cachèrent :
Les souris enfin les mangèrent. Autre procès nouveau. Le peuple souriquois En pàtit : maint vieux chat, fin, subtil et narquois. Et d'ailluers en voulant a toute cette race.
Les guetta, les prit, fit main basse.
36
~ F.7BÏ.ES DE La Tom.niME
tiYKE Douzième
Le mailre du logis ne s'en liouva que mieux.
J'en reviens à mon dire. On ne voil sous les cieux
Nul animal, nul être, aucune créature,
Qui n'ait son oppose : c'est la loi de nature.
D'en chercher la raison, ce sont soins superflus.
Dieu fit bien ce qu'il fit, et je n'en sais pas plus.
Ce que je sais, c'est qu'aux grosses paroles On en vient, sur un rien, plus des trois quarts du temps. Humains, il vous faudrait encore a soixante ans Renvoyer chez les barbacoles.
j82 !»•
Fjibles de La Tomt^ime
Lirj^E Douzième
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LA CHAUVE-SOURIS.
LE BUISSON ET LE CANARD
Le buisson, le canard, et la chauve-souris
Voyant tous trois qu'en leur pays
Ils faisaient petite fortune. Vont trafiquer au loin, et font bourse commune. Ils avaient des comptoirs, des facteurs, des agents
Non moins soigneux qu'intelligents. Des registres exacts de mise et de recette.
Tout allait bien ; quand leur emplette.
En passant par certains endroits
Remplis d'écueils et fort étroits.
Et de trajet très difficile, .A.lla tout emballée au fond des magasins
Qui du Tartare sont voisins. Notre trioi poussa maint regret inutile ;
Ou plutôt il n'en poussa point : Le plus petit marchand est savant sur ce point : Pour sauver son crédit il faut cacher sa perte. Celle que, par malheur, nos gens avaient soufferte Ne put se réparer : le cas fut découvert. Les voilà sans crédit, sans argent, sans ressource.
Prêts à porter le bonnet vert.
Aucun ne leur ouvrit sa bourse. Et le sort principal, et les gros intérêts,
Et les sergents, et les procès.
Et le créancier à la porte
Dès devant la pointe du jour. N'occupaient le trio qu'a chercher maint détour
Pour contenter cette cohorte. Le buisson accrochait les passants à tous coups. Messieurs, leur disait-il, de grâce, apprenez-nous
En quel lieu sont les marchandises
Que certains gouffres nous ont prises. Le plongeon sous les eaux s'en allait les chercher L'oiseau chauve-souris n'osait plus approcher
Pendant le jour nulle demeure :
Suivi de sergents à toute heure.
En des trous il s'allait cacher. Je connais maint detteur, qui n'est ni souris-chauve. Ni buisson, ni canard, ni dans tel cas tombé. Mais simple grand seigneur, qui tous les jours se sauve
Par un escalier dérobé.
^M 283 i>'
Tables de L.7 Tot^taime —
Lirnu Douzième
LÉCREVISSE ET SA FILLE
Les sages, quelquefois, ainsi que l'écrevisse, Marchent a reculons, tournent le dos au port. C'est l'art des matelots : c'est aussi l'artifice De ceux qui, pour voiler quelque puissant effort. Envisagent un point directement contraire. Et font vers ce lieu-la courir leur adversaire. Mon sujet est petit, cet accessoire est grand : Je pourrais l'appliquer à certain conquérant Qui tout seul déconcerte une ligue a cent têtes. Ce qu'il n'entreprend pas. et ce qu'il entreprend. N'est d'abord qu'un secret, puis devient des conquêtes. En vain on a les yeux sur ce qu'il veut cacher. Ce sont arrêts du Sort qu'on ne peut empêcher Le torrent a la fin devient insurmontable. Cent dieux sont impuissants contre un seul Jupiter. Louis et le Destin me semblent de concert Entraîner l'univers. Venons a notre fable. Mère ecrevisse un jour à sa fille disait : Comme tu vas, bon Dieu ! ne peux-tu marcher droit ? Et comme vous allez vous-même ! dit la fille : Puis-je autrement marcher que ne fait ma famille ? Veut-on que j'aille droit quand on y va tortu ? Elle avait raison : la vertu De tout exemple domestique E5t universelle, et s'applique En bien, en mal, en tout ; fait des sages, des sots : Beaucoup plus de ceux-ci. Quant a tourner le dos A son but, j'y reviens ; la méthode en est bonne, Surtout au métier de Bellone Mais il faut le faire a propos.
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Tjibves de La ToNTJimE
L7r7?E Douzième
i.
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D'où vient que personne en la vie
N'est satisfait de son état ?
Tel voudrait bien être soldat
A qui le soldat porte envie.
Certain renard voulut, dit-on.
Se faire loup. Eh ! qui peut dire
Que pour le métier de mouton
Jamais aucun loup ne soupire ?
Ce qui m'étonne est qu'à huit ans
Un prince en fable ait mis la chose,
Pendant que sous mes cheveux blancs
Je fabrique à force de temps
Des vers moins sensés que sa prose.
Les traits dans sa fable semés
Ne sont en l'ouvrage du poète
Ni tous ni si bien exprimés :
Sa louange en est plus complète.
De la chanter sur la musette.
C'est mon talent ; mais je m'attends
Que mon héros, dans peu de temps.
Me fera prendre la trompette.
Je ne suis pas un grand prophète.
Cependant je lis dans les cieux
Que bientôt ses faits glorieux
Demanderont plusieurs Homères :
Et ce temps-ci n'en produit guères.
Laissant à part tous ces mystères. Essayons de conter la fable avec succès. Le renard dit au loup : Notre cher, pour tous mets J'ai souvent un vieux coq ou de maigres poulets :
C est une viande qui me lasse. Tu fais meilleure chère avec moins de hasard : J'approche des maisons; tu te tiens à l'écart. Apprends-moi ton métier, camarade, de grâce ;
Rends-moi le premier de ma race Qui fournisse son croc de quelque mouton gras : Tu ne me mettras point au nombre des ingrats. Je le veux, dit le loup : il m'est mort un mien frère
^vi 285 w^
T.^BLES DE La Toi^TAmB
JjiYKE Douzième
Allons prendre sa peau, tu l'en revêtiras.
Il vint; et le loup dit : Voici comme il faut faire.
Si tu veux écarter les matins du troupeau.
Le renard, ayant mis la peau. Répétait les leçons que lui donnait son maître. D'abord il s'y prit mal, puis un peu mieux, puis bien
Puis enfin il n'y manqua rien. A peine il (ut instruit autant qu'il pouvait l'être. Qu'un troupeau s'approcha. Le nouveau loup y court. Et répand la terreur dans les lieux d'alentour.
Tel, vêtu des armes d'Achille, Patrocle mit l'alarme au camp et dans la ville : Mères, brus et vieillards, au temple couraient tous. L'ost du peuple bêlant crut voir cinquante loups : Chien, berger, et troupeau, tout fuit vers le village. Et laisse seulement une brebis pour gage. Le larron s'en saisit. A quelques pas de là Il entendit chanter un coq du voisinage. Le disciple aussitôt droit au coq s'en alla.
Jetant bas sa robe de classe. Oubliant les brebis, les leçons, le régent.
Et courant d'un pas diligent.
Que sert-il qu'on se contrefasse ? Prétendre ainsi changer est une illusion :
L on reprend sa première trace
A la première occasion.
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Tablbs de Lj{ To-NTAmB
Lirj(E "Douzième
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LAIGLE ET LA PJE
L'aigle, reine des airs, avec Margot la pie. Différentes d'humeur, de langage, et d'esprit, Et d'habit.
Traversaient un bout de prairie. Le hasard les assemble en un coin détourne. L'agasse eut peur ; mais l'aigle, ayant fort bien diné, La rassure, et lui dit : Allons de compagnie ; Si le maître des dieux assez souvent s'ennuie.
Lui qui gouverne l'univers. J'en puis bien faire autant, moi qu'on sait qui le sers. Entretenez-moi donc, et sans cérémonie. Caquet-bon-bec alors de jaser au plus dru. Sur ceci, sur cela, sur tout. L'homme d'Horace, Disant le bien, le mal, a travers champs, n'eut su Ce qu'en fait de babil y savait notre agace. Elle offre d'avertir de tout ce qui se passe.
Sautant, allant de place en place. Bon espion. Dieu sait. Son offre ayant déplu.
L'aigle lui dit tout en colère :
Ne quittez point votre séjour. Caquet-bon-bec, ma mie : adieu ; je n'ai que faire
D'une babillarde à ma cour :
C'est un fort méchant caractère.
Margot ne demandait pas mieux. Ce n'est pas ce qu'on croit que d'entrer chez les dieux Cet honneur a souvent de mortelles angoisses. Rediseurs, espions, gens a l'air gracieux. Au cœur tout différent, s'y rendent odieux : Quoique ainsi que la pie il faille dans ces lieux
Porter habit de deux paroisses.
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F.7BLES DE L^ FOMT.^mE
"LivHjE. Douzième
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Aux traces de son sang un vieux hôte des bois,
Renard fin. subtil et matois, Blessé par des chasseurs, et tombé dans la fange. Autrefois attira ce parasite ailé
Que nous avons mouche appelé. 11 accusait les dieux, et trouvait fort étrange Que le sort à tel point le voulût affliger,
El le fit aux mouches manger. Quoi ! se jeter sur moi, sur moi le plus habile
De tous les hôtes des forêts ! Depuis quand les renards sont-ils un si bon mets ? Et que me sert ma queue ? est-ce un poids inutile ? Va, le ciel te confonde, animal importun !
Que ne vis-tu sur le commun !
Un hérisson du voisinage.
Dans mes vers nouveau personnage. Voulut le délivrer de l'importunité
Du peuple plein d'avidité : , Je les vais de mes dards enfiler par centaines. Voisin renard, dit-il, et terminer tes peines. Garde-t'en bien, dit l'autre ; ami, ne le fais pas : Laisse-les, je te prie, achever leur repas. Ces animaux sont soûls ; une troupe nouvelle Viendrait fondre sur moi, plus âpre et plus cruelle. Nous ne trouvons que trop de mangeurs ici-bas : Ceux-ci sont courtisans, ceux-là sont magistrats. Aristote appliquait cet apologue aux hommes.
Les exemples en sont communs.
Surtout au pays où nous sommes. Plus telles gens sont pleins, moins ils sont importuns.
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TJIBLES de Ln TOMTJtlME
TjirnB Douzième
LE MILAN, LE ROI ET LE CHASSEUR
Comme les dieux sont bons, ils veulent que les rois
Le soient aussi : cest l'indulgence
Qui fait le ^lus beau de leurs droits.
Non les douceurs de la vengeance : Prince, c'est votre avis. On sait que le courroux S'éteint eii votre cœur sitôt qu on l'y voit naître. Achille, qu. du sien ne put se rendre maître,
Fut par la moins héros que vous. Ce titre n'appartient qu'a ceux d entre les hommes Qui, comme en l'âge d'or, font cent biens ici-bas. Peu de grands sont rtés tels en cet âge où nous sommes : L'univers leur sait gre du mal qu ils ne font pas.
Loin que vous suiviez ces exemples. Mille actes généreux vous promettent des temples. Apollon, citoyen de ces augustes lieux. Prétend y célébrer votre nom sur sa lyre. Je sais qu'on vous attend dans le palais des dieux : Un siècle de séjour doit ici vous suffire. Hymen veut séjourner tout un siècle chez vous.
Puissent ses plaisirs les plus doux
Vous composer des destinées
Par ce temps à peine bornées ! Et la princesse et vous n'en méritez pas moins.
J'en prends ses charmes pour témoins ;
Pour témoins j'en prends les merveilles Par qui le ciel, pour vous prodigue en ses présents. De qualités qui n'ont qu'en vous seul leurs pareilles
Voulut orner vos jeunes ans. Bourbon de son esprit ses grâces assaisonne
Le ciel joignit en sa personne
Ce qui sait se faire estimer
A ce qui sait se faire aimer : Il ne m'appartient pas d'étaler votre joie ;
Je me tais donc, et vais rimer
Ce que lit un oiseau de proie. Un milan, de son nid antique possesseur.
Etant pris vif par un chasseur. D'en faire au prince un don cet homme se propose. La rareté du fait donnait prix à la chose. L'oiseau, par le chasseur humblement présenté.
Si ce conte n'est apocryphe.
Va tout droit imprimer sa griffe
Sur le nez de sa majesté. — Quoi ! sur le nez du roi ! — Du roi même en personne Il n'avait donc alors ni sceptre ni couronne ? Quand il en aurait eu, c'aurait ete tout un : Le nez royal fut pris comme un nez du commun. Dire des courtisans les clameurs et la peine
289 »^
F.^BLES DE Ll f-'OJ^Tjn?JE
Ljrj(E Douzième —■
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Serait se consumer en efforts impuissants. Le roi n'éclata point : les cris sont indécents
A la majesté souveraine. L'oiseau garda son poste : on ne put seulement
Hâter son départ d'un moment. Son niaitre le rappelle, et crie, et se tourmente, Lui présente le leurre, et le pomg, mais en vain.
On crut que jusqu'au lendemain Le maudit animal à la serre insolente
Nicherait la malgré le bruit. Et sur le nez sacré voudrait passer la nuit. Tacher de l'en tirer irritait son caprice. H quitte enfin le roi, qui dit : Laissez aller Ce milan, et celui qui m'a cru régaler, ils se sont acquittés tous deux de leur office. L'un en milan, et l'autre en citoyen des bois : Pour moi. qui sais comment doivent agir les rois,
Je les affranchis du supplice. Et la cour d'admirer. Les courtisans ravis Elèvent de tels faits, par eux si mal suivis : Bien peu, même des rois, prendraient un tel modèle ;
Et le veneur l'échappa belle ; Coupables seulement, tant lui que l'animal. D'ignorer le danger d'approcher trop du maître :
Ils n'avaient appris à connaître Que les hôtes des bois : était-ce un si grand mal ? Pilpay fait près du Gange arriver l'aventure.
Là. nulle humaine créature Ne touche aux animaux pour leur sang épancher : Le roi même ferait scrupule d'y toucher. Savons-nous, disent-ils, si cet oiseau de proie
N'était point au siège de Troie ? Peut-être y tint-il lieu d'un prince ou d'un héros
Des plus huppés et des plus hauts : Ce qu'il fut autrefois il pourra I être encore.
Nous croyons, après Pythagore, Qu'avec les animaux de forme nous changeons ;■
Tantôt milans, tantôt pigeons.
Tantôt humains, puis volatilles
Ayant dans les airs leurs familles.
Comme l'on conte en deux façons L accident du chasseur, voici l'autre manière. Un certain fauconnier ayant pris, ce dit-on, A la chasse un milan (ce qui n'arrive guère),
En voulut au roi faire un don.
Comme de chose singulière : Ce cas n arrive pas quelquefois en cent ans : C'est le non plus ultra de la fauconnerie. Ce chasseur perce donc un gros de courtisans, Plein de zèle, échauffé, s'il le fut de sa vie.
Par ce parangon des présents
Il croyait sa fortune faite :
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Fjibles de La Fomtjitne
LirnE Douzième
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Quand l'animal porte-sonnette.
Sauvage encore et tout grossier,
Avec ses ongles tout d'acier, Prend le nez du chasseur, happe le pauvre sire.
Lui de crier ; chacun de rire, Monarque et courtisans. Qui n'eût ri ? Quant à moi, Je n'en eusse quitté ma part pour un empire.
Qu'un pape rie, en bonne foi. Je ne l'ose assurer ; mais je tiendrais un roi
Bien malheureux, s'il n'osait rire : C'est le plaisir des dieux. Malgré son noir sourci, Jupiter, et le peuple immortel rit aussi. Il en fit des éclats, à ce que dit l'histoire. Quand Vulcain, clopinant, lui vint donner a boire. Que le peuple immortel se montrât sage, ou non. J'ai changé mon sujet avec juste raison :
Car, puisqu'il s'agit de morale. Que nous eût du chasseur l'aventure fatale Enseigné de nouveau ? L'on a vu de tout temps Plus de sots fauconniers que de rois indulgents.
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391
Tables de L.t Tomtaime
L/VT^E Douzième
L'AMOUR ET LA HOLIE
Tout est mystère dans l'Amour, Ses lleches. son carquois, son flambeau, son enfance Ce n'est pas l'ouvrage d'un jour Que d'épuiser cette science. Je ne prétends donc point tout expliquer ici : Mon but est seulement de dire, a ma manière,
Comment l'aveugle que voici (C'est un dieu), comment, dis-je, il perdit la lumière, Quelle suite eut ce mal, qui peut-être est un bien : J'en fais juge un amant, et ne décide rien. La Folie et l'Amour jouaient un jour ensemble : Celui-ci n'était pas encor privé des yeux. Une dispute vmt : l'Amour veut qu'on assemble Là-dessus le conseil des dieux ; L'autre n'eut pas la patience ; Elle lui donne un coup si furieux. Qu'il en perd la clarté des cieux. Venus en demande vengeance. Femme et mère, il suffit pour juger de ses cris : Les dieux en furent étourdis. Et Jupiter, et Némésis, Et les juges d'enfer, enfin toute la bande. Elle représenta Ténormité du cas ; Son fils, sans un bâton, ne pouvait faire un pas : Nulle peine n'était pour ce crime assez t^rande : Le dommage devait être aussi reparé.
Quand on eut bien considéré L'intérêt du public, celui de la partie. Le résultat enfin de la suprême cour Fut de condamner la Folie A servir de guide a l'Amour.
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Tjcblbs de La Tot^tjiime
Livue Douzième
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T.^BIES DE 1j\ TONTJimE
LirnE Douzième
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LE RENARD, LE LOUP ET LE CHEVAL
Un renard jeune encor, quoique des plus madrés, Vit le premier cheval qu il eût vu de sa vie. Il dit a certain loup, franc novice : Accourez,
Un animal pait dans nos près, Beau, grand, j'en ai la vue encor toute ravie. Est-il plus fort que nous ? dit le loup en riant.
Fais-moi son portrait, je te prie. Si j'étais quelque peintre ou quelque étudiant. Repartit le renard, j'avancerais la joie
Que vous aurez en le voyant. Mais venez. Que «ait-on ? peut-être est-ce une proie
Que la fortune nous envoie. Us vont ; et le cheval, qu'a l'herbe on avait nus, Assez peu curieux de semblables amis. Fut presque sur le point d'enfiler la venelle. Seigneur, dit le renard, vos humbles serviteurs Apprendraient volontiers comment on vous appelle. Le cheval, qui n'ctait dépourvu de cervelle. Leur dit : Li?ez mon nom, vous le pouvez, messieurs ; Mon cordonnier l'a mis autour de ma semelle. Le renard s'excusa sur son peu de savoir : Mes parents, reprit-il, ne m'ont point fait instruire; Ils sont pauvres, et n'ont qu'un trou pour tout avoir; Ceux du loup, gros messieurs, l'ont fait apprendre a lire.
Le loup, par ce discours flatté,
S'approcha. Mais sa vanité Lui coûta quatre dents : le cheval lui desserre Un coup; et haut le pied. Voilà mon loup par terre;
Mal en point, sanglant et gàto. Frère, dit le renard, ceci nous justifie
Ce que m'ont dit des gens d'esprit : Cet animal vous a sur la mâchoire écrit Que de tout inconnu le sage se méfie.
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Tables de La Fontaime
Ur-RB Douzième
Je vous gardais un temple dans mes vers : 11 n'eût fini qu'avecque l'univers. Déjà ma mam en fondait la durée Sur ce bel art qu'ont les dieux mventé, Et sur le nom de la divmité Que dans ce temple on aurait adorée. Sur le portail j'aurais ces mots écrits : Palais sacré de la déesse Iris ; Non celle-là qu'a Junon à ses gages ; Car Junon même et le maître des dieux Serviraient l'autre, et seraient glorieux Du seul honneur de porter ses messages. L'apothéose à la voûte eût paru : Là, tout l'Olympe en pompe eût été vu Plaçant Iris sous un dais de lumière. Les murs auraient amplement contenu Toute sa vie ; agréable matière, Mais peu féconde en ces événements Qui des états font des renversements. Au fond du temple eût été son image. Avec ses traits, son souris, ses appas. Son art de plaire et de n'y penser pas. Ses agréments, a qui tout rend hommage. J'aurais fait voir à ses pieds des mortels Et des héros, des demi-dieux encore. Même des dieux : ce que le monde adore Vient quelquefois parfumer ses autels. J'eusse en ses yeux fait briller de son âme Tous les trésors, quoique imparfaitement : Car ce cœur vif et tendre infiniment Pour ses amis, et non point autrement ; Car cet esprit, qui, né du firmament, A beauté d'homme avec grâce de femme. Ne se peut pas, comme on veut, exprimer. O vous. Iris, qui savez tout charmer, Qui savez plaire en un degré suprême. Vous que l'on aime à l'égard de soi-même (Ceci soit dit sans nul soupçon d'amour. Car c'est un mot banni de votre cour. Laissons-le donc), agréez que ma muse Achève un jour cette ébauche confuse. J'en ai placé l'idée et le projet. Pour plus de grâce, au-devant d'un sujet Où l'amitié donne de telles marques. Et d'un tel prix, que leur simple récit Peut quelque temps amuser votre esprit.
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— T.mBS DE L.7 Fo]\TAmE
tivRB Douzième
Non que ceci se passe enlre monarques : Ce que chez vous nous voyons estimer, Nesl pas un roi qui ne sait point aimer : C'est un mortel qui sait mettre sa vie Pour son ami. J'en vois peu de si bons. Quatre animaux, vivant de compagnie, V'ont aux humains en donner des leçons. La gazelle, le rai, le corbeau, la tortue. Vivaient ensemble unis : douce société ! Le choix d'une demeure aux humains inconnue
Assurait leur félicité. Mais quoi ! l'homme découvre enfin toutes retraites. Soyez au milieu des déserts, Au fond des eaux, au haut des airs, Vous n'éviterez point ses embûches secrètes. La gazelle s'allait ébattre innocemment. Quand un chien, maudit instrument Du plaisir barbare des hommes, \'int sur l'herbe éventer les traces de ses pas. Elle fuit. Et le rat, à l'heure du repas. Dit aux amis restants : D'où vient que nous ne sommes
Aujourd'hui que trois convies ? La gazelle déjà nous a-t-ellc oublies ? A ces paroles, la tortue S'écrie, et dit : Ah ! si j'étais Comme un corbeau d'ailes pourvue. Tout de ce pas je m'en irais Apprendre au moins quelle contrée. Quel accident tient arrêtée Notre compagne au pied léger ; Car, à l'égard du cœur, il en faut mieux juger.
Le corbeau part a lire-d'aile : Il aperçoit de loin l'imprudente gazelle
Prise au piège el se tourmentant. Il retourne avertir les autres à l'instant ; Car, de lui demander quand, pourquoi, ni comment
Ce malheur est tombé sur elle. Et perdre en vains discours cet utile moment, Comme eût fait un maître d école, Il avait trop de jugement. Le corbeau donc vole et revole. Sur son rapport les trois amis
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Tjibles de La Toj^tjijne
twnB Douzième
Tiennent conseil. Deux sont d'avis
De se transporter sans remise
Aux lieux où la gazelle est prise. L'autre, dit le corbeau, gardera le logis : Avec son marcher lent, quand arriverait-elle ?
Après la mort de la gazelle. Ces mots à peine dits, ils s'en vont secourir
Leur chère et fidèle compagne.
Pauvre chevrette de montagne.
La tortue y voulut courir :
La voila comme eux en campagne. Maudissant ses pieds courts avec juste raison Et la nécessité de porter sa maison. Rongemaille (le rat eut à bon droit ce nom) Coupe les nœuds du lacs : on peut penser la joie. Le chasseur vient, et dit : Qui m'a ravi ma proie ? Rongemaille, à ces mots, se retire en un trou. Le corbeau sur un arbre, en un bois la gazelle
Et le chasseur, a demi (ou
De n'en avoir nulle nouvelle. Aperçoit la tortue, et retient son courroux.
D'où vient, dit-il, que je m'effraie ? Je veux qu'à mon souper celle-ci me défraie. Il la mit dans son sac. Elle eût payé pour tous, Si le corbeau n'en eût averti la chevrette.
Celle-ci, quittant sa retraite. Contrefait la boiteuse, et vient se présenter.
L'homme de suivre, et de jeter Tout ce qui lui pesait : si bien que Rongemaille Autour des nœuds du sac tant opère et travaille.
Qu'il délivre encor l'autre sœur. Sur qui s'était fondé le souper du chasseur. Pilpay conte qu'ainsi la chose s'est passée. Pour peu que je voulusse invoquer Apollon, J'en ferais, pour vous plaire, un ouvrage aussi long
Que l'Iliade et l'Odyssée. Rongemaille ferait le principal héros. Quoique à vrai dire ici chacun soit nécessaire. Porte-maison l'infante y tient de tels propos.
Que monsieur du corbeau va faire Office d'espion, et puis de messager.
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Tables de L.q "Fomtaine
LirT(E Douzième
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La gazelle a daillcuis l'adresse d'engager
Le chasseur à donner du temps a Rongemaille.
Ainsi chacun dans son endroit
S'entremet, agit et travaille. A qui donner le prix ? Au cœur, si l'on m'en croit. Que n'ose et que ne peut l'amitié violente ! Cet autre sentiment que l'on appelle amour Mente moins d'honneur ; cependant chaque jour
Je le célèbre et je le chante. Hélas ! il n'en rend pas mon âme plus contente! \ ous protégez sa sœur, il suffit ; et mes vers Vont s'engager pour elle à des tons tout divers. Mon maître était l'Amour : j'en vais servir un autre
Et porter par tout l'univers
Sa gloire aussi bien que la votre.
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Tables de L^ ToT^TAmB
Livj^E Douzième
LE RENARD ET LES POULETS DINDE
Contre les assauts d'un renard Un arbre à des dindons servait de citadelle, Le perfide ayant fait tout le tour du rempart,
Et vu chacun en sentinelle. S'écria : Quoi ! ces gens se moqueront de moi ! Eux seuls seront exempts de la commune loi ! Non, par tous les dieux ! non. Il accomplit son dire. La lune, alors luisant, semblait, contre le sire. Vouloir favoriser la dindonnière gent. Lui, qui n'était novice au métier d'assiégeant, Eut recours à son sac de ruses scélérates. Feignit vouloir gravir, se guinda sur ses pattes, Puis contrefit le mort, puis le ressuscité.
Arlequin n'eût exécute
Tant de différents personnages. Il élevait sa queue, il la faisait briller.
Et cent mille autres badinages. Pendant quoi nul dindon n'eût osé sommeiller. L'ennemi les lassait en leur tenant la vue
Sur même objet toujours tendue. Les pauvres gens étant a la longue éblouis. Toujours il en tombait quelqu'un : autant de pris. Autant de mis à part : près de moitié succombe. Le compagnon les porte en son garde-manger. Le trop d'attention qu'on a pour le danger
Fait le plus souvent qu'on y tombe.
"M 299 rt-
TJIBLES de L.1 TOT^TAINE
~^,ljrKE Douzième
Un philosophe austère, et né dans la Scythie, Se proposant de suivre une plus douce vie. Voyagea chez les Grecs, et vit en certains lieux Un sage assez semblable au vieillard de Virgile. Homme égalant les rois, homme approchant des dieux. Et, comme ces derniers, satisfait et tranquille. Son bonheur consistait aux beautés d'un jardin. Le Scythe l'y trouva qui, la serpe a la main, De ses arbres à fruit retranchait l'inutile, Ebranchait, émondait, otait ceci, cela,
Corrigeant partout la nature. Excessive a payer ses soins avec usure.
Le Scythe alors lui demanda Pourquoi cette ruine : était-il d'homme sage De mutiler ainsi ces pauvres habitants ? Quittez-moi votre serpe, instrument du dommage,
Laissez agir la faux du Temps :
s iront assez tôt border le noir rivage.
J'ote le superflu, dit lautre ; et l'abattant.
Le reste en profite d'autant. Le Scythe, retourné dans sa triste demeure. Prend la serpe à son tour, coupe et taille à toute heure ; Conseille à ses voisins, prescrit à ses amis
Un universel abattis. Il ôte de chez lui les branches les plus belles. Il tronque son verger contre toute raison.
Sans observer temps ni saison.
Lunes ni vieilles ni nouvelles. Tout languit et tout meurt.
Ce Scythe exprime bien
Un indiscret stoïcien :
Celui-ci retramche de l'âme Désirs et passions, le bon et le mauvais.
Jusqu'aux plus innocents souhaits. Contre de telles gens, quant a moi, je réclame. Ils ôtent à nos cœurs le principal ressort ; Ils font cesser de vivre avant que l'on soit mort.'
I._
TABLES DE LjI TONTAmE
Liri{E Douzième
Il est un singe dans Paris
A qui l'on avait donné femme ;
Smge en effet d'aucuns maris.
Il la battait. La pauvre dame En a tant soupiré, qu'enfin elle n'est plus.
Leur fils se plamt d'étrange sorte,
Il éclate en cris superflus :
Le père en rit, sa femme est morte ;
Il a déjà d'autres amours.
Que l'on croit qu'il battra toujours ; Il hante la taverne, et souvent il s'enivre. N'attendez rien de bon du peuple imitateur
Qu'il soit singe ou qu'il fasse un livre
La pire espèce c'est l'auteur.
3oi
TAm/F.s nr L.i toTimmE
LWKB DOVZIE.'HE
LELÉPHANT ET LE SINGE DE JUPITER
Autrefois l'elephant el le rhinocéros.
En dispute du pas et des droits de l'empire,
N'oulurenl terminer la querelle en champ clos.
l.c jour en était pris, quand quelqu'un \ml leur dire
Que le singe de Jupiter. Portant un caducée, avait paru dans l'air. Ce singe avait nom Gille. à ce que dit l'histoire.
Aussitôt l'éléphant de croire
Qu'en qualité d'ambassadeur
Il venait trouver sa grandeur.
Tout fier de ce sujet de gloire. Il attend maître Gille, et le trouve un peu lent
-A lui présenter sa créance.
Maître Gille enfin, en passant.
Va saluer son excellence. L'autre était préparé sur la légation :
.Mais pas un mot. L'attention Qu'il croyait que les dieux eussent a sa querelle, X'agilait pas encor chez eux cette nouvelle.
Qu'importe a ceux du firmament
Qu'on soit mouche ou bien éléphant ? Il se vit donc réduit à commencer lui-même. Mon cousin Jupiter, dit-il, verra dans peu bn assez beau combat, de son trône suprême ;
Toute sa cour ,verra beau jeu. Quel combat ? dit le singe avec un front sévère. L éléphant repartit : Quoi ! vous ne savez pas Que le rhinocéros me dispute le pas : Qu'Éléphanlide a guerre avecque Rhinocère ? V'ous connaissez ces lieux, ils ont quelque renom. Vraiment je suis ravi d'en apprendre le nom. Repartit maître Gille : on ne s'entretient guère De semblables sujets dans nos vastes lambris.
L'Élép'nant. honteux et surpris, Lui dit : Et parmi nous que venez-vous donc faire ? Partager un brin d'herbe entre quelques fourmis : iNous avons soin de tout. Et quant a votre affaire. On n'en dit rien encor dans le conseil des dieux : Les petits et les grands sont égaux à leurs yeux.
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TJIBLES de LJI TOMTAmE
Lirj^E Douzième
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T.^BLES DE La T0?iTJimE
Lirj^E DOVZIÈME
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LE SOLEIL ET LES GRENOUILLES
Les filles du limon tiraient du roi des astres
Assistance et protection : Guerre ni pauvreté, ni semblables désastres. Ne pouvaient s'approcher de cette na'ion ; Elle Faisait valoir en cent lieux son empire. Les reines des étangs, grenouilles veux-je dire,
(Car que coûte-t-il d'appeler
Les choses par noms honorables ?) Contre leur bienfaiteur osèrent cabaler.
Et devinrent insupportables. L'imprudence, l'orgueil et l'oubli des bienfaits,
Enfants de la bonne fortune. Firent bientôt crier cette troupe importune :
On ne pouvait dormir en paix. Si l'on eût cru leur murmure. Elles auraient, par leurs cris. Soulevé grands et petits Contre l'œil de la nature. Le soleil, a leur dire, allait tout consumer ;
Il fallait promptement s'armer.
Et lever des troupes puissantes.
Aussitôt qu'il faisait un pas.
Ambassades coassantes
Allaient dans tous les états :
A les ouïr, tout le monde.
Toute la machine ronde
Roulait sur les intérêts
De quatre méchants marets.
Celte plainte téméraire
Dure toujours ; et pourtant
Grenouilles doivent se taire.
Et ne murmurer pas tant :
Car SI le soleil se pique,
Il le leur fera sentir ;
La république aquatique
Pourrait bien s'en repentir.
3o4 n-
VjtBLES DE Ijt FomATlKE
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LîrjiE Douzième
LA LIGUE DES RATS
Une souris craignait un chat Qui des longtemps la guettait au passage Que faire en cet état ? Elle, prudente et sage Consulte son voisin : c'était un maître rat, Dont la rateuse seigneurie S etiit logée en bonne hôtellerie, Et qui cent fois s'était vante, dit-on. De ne craindre ni chat ni chatte. Ni coup de dent, ni coup de patte. Dame souris, lui dit ce fanfaron. Ma foi ! quoi que je fasse. Seul, je ne puis chasser le chat qui vous menace : Mais assemblons tous les rats d'alentour. Je lui pourrai jouer d'un mauvais tour. La souris fait une humble révérence ; Et le rat court en diligence A l'office, qu'on nomme autrement la dépense.
Ou maints rats assembles Faisaient, aux frais de l'hôte, une entière bombance. Il arrive, les sens troubles, Et tous les poumons essouffles. Qu'avez-vous donc ? lui dit un de ces rats ; parlez En deux mots, repond-il, ce qui fait mon voyage, C est qu'il faut promptement secourir la souris ; Car Raminagrobis Fait en tous lieux un étrange carnage. Ce chat, le plus diable des chats. S'il manque de souris, voudra manger des rats Chacun dit : 11 est vrai. Sus ! sus! courons aux armes- Quelques rates, dit-on, répandirent des larmes. N importe, rien n'arrête un si noble projet :
Chacun se met en équipage; Chacun met dans son sac un morceau de fromage, Chacun promet enfin de risquer le paquet. Ils allaient tous comme a la fête, L esprit content, le coeur joyeux. Cependant le chat, plus fin qu'eu::. Tenait déjà la souris par la tête. Ils s'avancèrent à grands pas Pour secourir leur bonne amie : Mais le chat, qui n'en démord pas. Gronde, et marche au-devant de la troupe ennemie. A ce bruit, nos très prudents rats. Craignant mauvaise destinée. Font, sans pousser plus loin leur prétendu fracas, Une retraite fortunée. Chaque rat rentre dans son trou ; Et si quelqu'un en sort, gare encor le matou.
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T.^BLES DE La Tontai]\e
Liri^E Dovzm.ME
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LE RENARD ANGLAIS
Le bon cœur est chez vous compagnon du bon sens. Avec cent qualités trop longues a déduire, Une noblesse dame, un talent pour conduire
Et les affaires el les gens. Une humeur franche et libre, et le don d'être amie Maigre Jupiter même et les temps orageu.x : Tout cela méritait un éloge pompeux ; Il en eût été moms selon votre génie ; La pom.pe vous déplaît, l'éloge vous ennuie. J'ai donc fait celui-ci court et simple. Je veux
Y coudre encore un mot ou deux
En faveur de votre patrie : Vous l'aimez. Les Anglais pensent profondément ; Leur esprit, en cela, suit leur tempérament ; Creusant dans les sujets, et forts d'expériences. Ils étendent partout l'empire des sciences. Je ne dis point ceci pour vous faire ma cour : Vos gens, à pénétrer, l'emportent sur les autres ;
Même les chiens de leur séjour
Ont meilleur nez que n'ont les nôtres. Vos renards sont plus fins ; je m'en vais le prouver
Par un d'eux, qui. pour se sauver.
Mit en usage un stratagème Non encor pratiqué, des mieux imaginés. Le scélérat, réduit en un péril extrême, El presque mis à bout par ces chiens au bon nez.
Passa prés d'un patibulaire.
Là, des animaux ravissants, Blaireaux, renards, hiboux, race encline à mal faire. Pour l'exemple pendus, instruisaient les passants. Leur confrère, aux abois, entre ces morts s'arrange. Je crois voir Annibal, qui. pressé des Romains, Met leur chef en défaut, ou leur donne le change. Et sait, en vieux renard, s'échapper de leurs mains.
Les clefs de meute, parvenues A l'endroit ou pour mort le traître se pendit. Remplirent l'air de cris : leur maître les rompit. Bien que de leurs abois ils perçassent les nues. Il ne put soupçonner ce tour assez plaisant. Quelque terrier, dit-il. a sauvé mon galant ; Mes chiens n'appellent point au delà des colonnes
Où sont tant d'honnêtes personnes, il y viendra, le drôle ! Il y vint, à son dam.
Voila maint béisset clabaudant : Voila notre renard au charnier se guindant. Maitre pendu croyait qu'il en irait de même Que le jour qu'il tendit de semblables panneaux :
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rJfBLES DE La TOMTAmB
LirnE Douzième
Mais le pauvret, ce coup, y laissa ses liouseaux, 1 ant il est vrai qu'il faut changer de stratagème ! Le chasseur, pour trouver sa propre sûreté, N aurait pas cependant un tel tour inventé ; Non point par peu d'esprit ; est-il quelqu'un qui nie Que tout Anglais n'en ait bonne provision ?
Mai? le peu d'amour pour la vie
Leur nuit en mainte occasion.
Je reviens à vous, non pour dire
D'autres traits sur votre sujet ;
Tout long éloge est un projet
Peu favorable pour ma lyre :
Peu de nos chants, peu de nos vers. Par un encens flatteur amusent l'univers. Et se font écouter des nations étranges.
Votre prince vous dit un jour
Qu'il aimait mieux un trait d'amour
Que quatre pages de louanges. Agréez seulement le don que je vous fais
Des derniers efforts de ma muse.
C'est peu de chose ; elle est confuse
De ces ouvrages imparfaits.
Cependant ne pournez-vous faire
Que le même hommage pût plaire A celle qui remplit vos climats d'habitants Tirés de l'ile de Cythère ?
Vous voyez par la que j'entends Mazarin, des Amours déesse tutélaire.
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Tabifs VF. 7,1 To\myE
Z,777?H Douzième
DAPHNIS ET ALCIMADURE
Aimable fille d'une more A qui seule aujoui d liui mille cœurs font la cour. Sans ceux que l'amitié rend soigneux de vous plaire, Et quelques-uns encor que vous garde l'Amour,
Je ne puis qu'en cette préface
Je ne partage entre elle et vous Un peu de cet encens qu'on recueille au Parnasse, Et que j'ai le secret de rendre exquis et doux.
Je vous dirai donc... Mais tout dire.
Ce serait trop ; il faut clioisir.
Ménageant ma voix et ma lyre, Qui bientôt vont manquer de force et de loisir. Je louerai seulement un cœur plein de tendresse, Ces nobles sentiments, ces grâces, cet esprit : Vous n'auriez en cela ni mailre ni maitresse. Sans celle dont sur vous l'éloge rejaillit.
Gardez d'environner ces roses
De trop d'épines, si jamais
L'Amour vous dit les mêmes choses :
Il les dit mieux que je ne fais ; Aussi sait-il punir ceux qui ferment l'oreille
A ses conseils. Vous l'allez voir.
Jadis une jeune merveille Méprisait de ce dieu le souverain pouvoir :
On l'appelait Alcimadure : Fier et farouche objet, toujours courant aux bois. Toujours sautant aux près, dansant sur la verdure.
Et ne connaissant autres lois Que son caprice ; au reste, égalant les |>lus belles,
Et surpassant les plus cruelles ; N'ayant trait qui ne jilut, pas même en ses rigueurs : Quelle l'eùl-on trouvée au fort de ses faveurs ! Le jeune et bcaj Daphnis, berger de noble race. L'aima pour son malheur : jamais la moindre grâce Ni le moindre regard, le moindre mot enfin Ne lui fut accordé par ce cœur inhumain. Las de continuer une poursuite vaine.
Il ne songea plus qu'a mourir.
Le désespoir le fît courir
A la porte de 1 inhumaine. Hélas ! ce fut aux vents qu'il raconta sa peine ;
On ne daigna lui faire ouvrir Cette maison fatale où, parmi ses compagnes. L'ingrate, pour le jour de sa nativité.
Joignait aux fleurs de sa beauté Les trésors des jardins, et des vertes campagnes. J'espérais, cria-t-il, expirer à vos yeux ;
Mais je vous suis trop odieux.
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FABLES DE LjI TONTAJNE
1.1VR-E DoVZltMB
Et ne m'étonne pas qu'ainsi que tout le reste Vous me refusiez même un plaisir si funeste. Mon père, après ma mort, et je l'en ai chargé.
Doit mettre à vos pieds l'héritage
Que votre cœur a négligé. Je veux que l'on y joigne aussi le pâturage,
Tous mes troupeaux, avec mon chien ;
Et que du reste de mon bien
Mes compagnons fondent un temple
Ou votre image se contemple. Renouvelant de fleurs l'autel a tout moment. J'aurai près de ce temple un simple monument :
On gravera sur la bordure : " Daphnis mourut d'amour. Passant, arréte-toi, " Pleure, et dis : Celui-ci succomba sous la loi
" De la cruelle Alcimadure. " A ces mots, par la Parque il se sentit atteint : Il aurait poursuivi; la douleur le prévint. Son ingrate sortit triomphante et parée. On voulut, mais en va n, l'arrêter un moment Pour donner quelques pleurs au sort de son amant. Elle insulta toujours au fils de Cythéree. Menant des ce soir même, au mépris de ses lois. Ses compagnes danser autour de la statue. Le dieu tomba sur elle, et l'accabla du poids :
Une voix sortit de la nue. Écho redit ces mots dans les airs épandus : " Que tout aime à présent : l'insensible n'est plus Cependant de Daphnis l'ombre au Styx descendu Frémit et s'étonna la voyant accourir. Tout l'Erebe entendit cette belle homicide S'excuser au berger, qui ne daigna 1 ouïr Non plus qu'Ajax Ulysse, et Didon son perfide.
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T.=fBLES DE L.7 FOMTMME
Livide Douzième
LE JUGE ARBITRE. L'HOSPITALIER ET LE SOLITAIRE
Trois saints, également jaloux de leur salut. Portés d'un même esprit, tendaient à même but. Ils s'y prirent tous trois par des routes diverses : Tous chemins vont à Rome : ainsi nos concurrents Crurent pouvoir choisir des sentiers diflérents. L'un, touche des soucis, des longueurs, des traverses. Qu'en apanage on voit aux procès attachés. S'offrit de les juger sans récompense aucune. Peu soigneux d'établir ici-bas sa fortune. Depuis qu'il est des lois, l'homme, pour ses péchés. Se condamne à plaider la moitié de sa vie : La moitié ! les trois quarts, et bien souvent le tout. Le conciliateur crut qu'il viendrait à bout De guérir cette folle et détestable envie. Le second de nos saints choisit les hôpitaux. Je le loue ; et le soin de soulager les maux Elst une charité que je préfère aux autres. Les malades d'alors, étant tels que les nôtres. Donnaient de l'exercice au pauvre hospitalier ; Chagrins, impatients, et se plaignant sans cesse : " II a pour tels et tels un soin particulier,
" Ce sont ses amis ; il nous laisse. " Ces plaintes n'étaient rien au prix de l'embarras Ou se trouva réduit l'/ippointeur de débats : Aucun n'était content ; la sentence arbitrale A nul des deux ne convenait ; Jamais le juge ne tenait A leur gré la balance égale : De semblables discours rebutaient l'appointeur : 11 court aux hôpitaux, va voir leur directeur. Tous deux ne recueillant que plainte et que murmure, Affligés, et contraints de quitter ces emplois. Vont confier leur peine au silence des bois. Là, sous d'âpres rochers, près d'une source pure. Lieu respecté des vents, ignoré du soleil, ils trouvent l'autre saint, lui demandent conseil. Il faut, dit leur ami, le prendre de soi-même.
Qui, mieux que vous, sait vos besoins ? Apprendre a se connaître est le premier des soins Qu'impose a tout mortel la majesté suprême. Vous étcs-vous connus dans le monde habité ? L'on ne le peut qu'aux lieux pleins de tranquillité : Chercher ailleurs ce bien est une erreur extrême.
Troublez l'eau : vous y voyez-vous ? Agitez celle-ci. — Comment nous verrions-nous ?
La vase est un épais nuage Qu'aux effets du cristal nous venons d'opposer. Mes frères, dit le saint, laissez-la reposer.
Vous verrez a'ors votre image. Pour vous mieux contempler, demeurez au désert.
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Tables de "Ln To'NTJimB
LirnE VovzitME
Amsi parla le solitaire. Il fut cru ; l'on suivit ce conseil salutaire. Ce n'est pas qu'un emploi ne doive être souffert. Puisqu'on plaide et qu'on meurt, et qu'on devient malade, Il faut des médecins, il faut des avocats ; Ces secours, grâce à Dieu, ne nous manqueront pas : Les honneurs et le gain, tout me le persuade. Cependant on s'oublie en ces communs besoins. O vous, dont le public emporte tous les soins.
Magistrats, princes, et ministres, Vous que doivent troubler mille accidents sinistres. Que le malheur abat, que le bonheur corrcinpt. Vous ne vous voyez point, vous ne voyez personne. Si quelque bon moment à ces pensers vous donne,
Quelque flatteur vous interrompt. Cette leçon sera la fin de ces ouvrages : Puisse-t-elle être utile aux siècles à venir ! Je la présente aux rois, je la propose aux sages :
Par ou saurais-je mieux finir ?
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Achevé d'imprimer
pour Jules TALLANDIER, Éditeur par
Edouard CRETE, Imprimeur à Corbeil
X
Il a cté tire 20 exemplaires de cet ouvrage sur Japon des Manufactures Impériales.
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Table des Matières
LIVRE PREMIER
La Cigale et la Fourmi I
Le Corbeau et le Renard 2
Les Deux Mulets 3
Le Loup et le Chien 4
La Génisse, la Chèvre et la Brebis avec le Lion 5
La Besace 6
Le Rat de ville et le Rat des champs 7
L'Hirondelle et les petits Oiseaux 8
Le Loup et l'Agneau 10
L'Homme et son image Il
Le Dragon à plusieurs têtes et le Dragon à plusieurs queues. 1 2
Les Voleurs et l'Ane 13
Simonide préservé par les dieux 14
La Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le Bœuf . 16
La Mort et le Malheureux 17
La Mort et le Bûcheron 18
L'Homme entre deux âges et ses deux Maîtresses 19
Le Renard et la Cigogne. • 20
Le Coq et la Perle 21
L'Enfant et le Maître d'école 22
Les Frelons et les Mouches à miel 23
Le Chêne et le Roseau 24
LIVRE DEUXIEME
Conseil tenu par les Rats 25
Contre ceux qui ont le goût difficile 26
Le Loup plaidant contre le Renard par-devant le Singe . . 28
Les Deux Taureaux et la Grenouille 29
La Chauve-Souris et les deux Belettes 30
L'Oiseau blessé d'une flèche 31
La Lice et sa compagne 32
L'Aigle et l'Escarbot 33
Le Lion et le Moucheron 35
L'Ane chargé d'épongés et l'Ane chargé de sel 36
Le Lion et le Rat 37
La Colombe et la Fourmi 38
Le Corbeau voulant imiter l'Aigle 39
L'Astrologue qui se laisse tomber dans un puits 40
Le Paon se plaignant à Junon 42
Le Lièvre et les Grenouilles 43
La Chatte métamorphosée en femme 44
Le Lion et l'Ane chassant 45
Le Coq et le Renard • 46
Testament expliqué par Esope 47
3i3
40
FABLES DE La TOTiTJimE
Table des Matières
LIVRE TROISIÈME
Le Meunier, sou Fils et l'Ane 50
Les Membres et l'Elstomac 52
Les Grenouilles qui demandent un Roi 53
Le Loup devenu berger 54
Le Renard et le Bouc 55
L'Aigle, la Laie et la Chatte 56
L'Ivrogne et sa Femme 57
La Goutte et l'Araignée 58
Le Loup et la Cigogne 59
Le Renard et les Raisins
Le Cygne et le Cuisinier
Le Lion abattu par l'Homme. . .
Les Loups et les Brebis
Le Lion devenu vieux
Piiiiomele et Progne
La Femme noyée
La Belette entrée dans un grenier Le Chat et un vieux Rat
60 61 62 63 64 65 66 67 68
LIVRE QUATRIÈME
Le Lion amoureux 70
Le Berger et la Mer 72
La Mouche et la Fourmi 73
Le Jardinier et son Seigneur 75
L'Ane et le petit Chien 77
Le Combat des Rats et des Belettes 78
Le Singe et le Dauphin 80
Le Geai peiré des plumes du Paon 81
L'Honune et l'Idole de bois 82
Le Chameau et les Bâtons flottants 83
La Grenouille et le Rat 84
Tribut envoyé par les Animaux à Alexandre ...
Le Cheval s'étant voulu venger du Cerf
Le Loup, la Chèvre et le Chevreau
Le Loup, la Mère et l'Enfant
Le Renard et le Buste
Parole de Socrate
Le Vieillard et ses Enfants
L'Oracle et l'Impie
L'Avare qui a perdu son trésor
L'Œil du Maître
L'Alouette et ses petits avec le Maître d'un champ
85 87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
LIVRE CINQUIÈME
Le Bûcheron et Mercure 98
Le Pot de terre et le Pot de fer 100
Le Petit Poisson et le Pêcheur 101
Les Oreilles du Lièvre 102
Le Renard ayant la queue coupée 103
La \'ieille et les deux Servantes 1 04
Le Satyre et le Passant 105
La Fortune et le jeune Enfant 106
Le Laboureur et ses Ejifants 107
Le Cheval et le Lou[. 108
La Montagne qui accouche 109
Les Médecins
L'Ane portant des reliques
La Poule aux oeufs d'or
Le Cerf et la Vigne
Le Serpent et la Lime
L'Aigle et le Hibou
L'Ane vêtu de la peau du Lion. .
Le Lièvre et la Perdrix
L'Ours et les deux Compagnons. Le Lion s'en allant en guerre . . .
110 III 112 113 114 115 116 117 118 119
LIVRE SIXIEME
Le Pâtre et le Lion 1 20
Le Lion et le Chasseur 121
Phébus et Borée 1 22
Jupiter et le Métayer
Le Mulet se vantant de sa généalogie. Le Cerf se" voyant dans l'eau
123 124 125
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TABLES DE LJI TOMTAmE
Table des Mattèhes
Le Cochet, le Chat et le Souriceau 1 26
Le Renard, le Singe et les Animaux 127
Le Vieillard et l'Ane 1 28
Le Lièvre et la Tortue 1 29
Le Chartier embourbé 1 30
Le Soleil et les Grenouilles 131
Le Villageois et le Serpent 132
Le Lion malade et le Renard 133
L'Oiseleur, l'Autour et l'Alouette ....
Le Cheval et l'Ane
Le Chien qui lâche sa proie pour l'ombre
L'Ane et ses Maîtres
La Jeune Veuve
La Discorde
Le Charlatan
Epilogue
134 135 136 137 138 140 141 142
LIVRE SEPTIEME
Les Animaux malades de la peste ! 43
Le Mal Marié 145
Le Rat qui s'est retiré du monde 1 46
La Fille 147
Le Héron 148
La Cour du Lion 149
Les Souhaits 150
Les Vautours et les Pigeons 152
Le Coche et la Mouche 153
La Laitière et le Pot au lait 1 54
Le Curé et le Mort 155
L'Homme qui court après la fortune et l'Homme qui l'attend
dans son ht ! 56
Les Deux Coqs 158
L'Ingratitude et l'injustice des hommes envers la Fortune . . 1 59
Les Devineresses 161
La Tête et la queue du Serpent 1 63
Le Chat, la Belette et le petit Lapin. . . . , 1 64
Un Animal dans la lune 1 66
LIVRE HUITIEME
La Mort et le Mourant 168
Le Savetier et le Financier 1 70
Le Pouvoir des fables 1 72
Les Femmes et le Secret 1 74
L'Homme et la Puce 1 75
Le Lion, le Loup et le Renard 1 76
Le Chien qui porte à son cou le diner de son maitre .... 177
L'Ours et l'Amateur des jardins 1 78
Le Rieur et les Poissons 1 80
Les Deux Amis 181
Les Obsèques de la Lionne 1 82
Le Cochon, la Chèvre et le Mouton 1 84
Tircis et Amarante 185
Le Rat et l'Huître 187
L'Horoscope 188
Le Bassa et le Marchand 190
Le Rat et l'Éléphant 192
L'Ane et le Chien 193
Jupiter et les Tonnerres 194
L'Avantage de la Science 1 96
Le Faucon et le Chapon 197
LeChat et le Rat 198
Le Torrent et la Rivière 200
L'Education 201
Démocrite et les Abdéritains 202
Les Deux Chiens et l'Ane mort 204
Le Loup et le Chasseur 205
LIVRE NEUVIEME
Le Dépositaire infidèle 207
Le Singe et le Léopard 209
Les Deux Pigeons 210
Le Gland et la Citrouille 212
L'Écolier, le Pédant et le Maitre d'un jardin 213
La Souris métamorphosée en fille 214
Le Loup et le Chien maigre 216
Le Fou qui vend la sagesse 217
Le Statuaire et la Statue de Jupiter 218
Rien de trop 219
3i5
TJfBLES DE La TO'NTAm-E
L'Huiiic et les Plaideurs 220
Le Cierge 221
Jupiter et le Passager 222
Le Chat et le Renard 223
Table des Matjej{es ^
Le Trésor et les Deu\ Hommes 224
Le Milan et le Rossignol 225
Le Singe et le Chat 226
Le Berger et son troupeau 227
LIVRE DIXIEME
Les Deux Rats, le Renard et l'Œuf 228
L'Homme et la Couleuvre 234
Les Poissons et le Cormoran 237
La Tortue et les deux Canards 239
L'Enfouisseur et son Compère 240
La Perdrix et les Coqs 24 1
Le Loup et les Bergers 242
L'Araignée et l'Hirondelle 243
Le Chien à qui on a coupé les oreilles 244
La Lionne et l'Ourse 243
Le Berger et le Roi 246
Les Poissons et le Berger qui joue de la flûte 248
Les Deux Perroquets, le Roi et son Fils 249
Les Deux Aventuriers et le Talisman 25 1
Les Lapms 253
Le Marchand, le Gentilhomme, le Pâtre et le Fils de roi . . 255
LIVRE ONZIEME
Le Lion 257
Les Dieux voulant instruire un Fils de Jupiter 259
Le Songe d'un habitant du Mogol 261
Le Fermier, le Chien et le Renard 262
Le Lion, le Singe et les deux Anes 264
Le Loup et le Renard 266
Le Paysan du Danube 268
Les Souris et le Chat-Huant 270
Le Vieillard et les trois Jeunes Hommes 272
LIVRE DOUZIEME
Les Compagnons d'Ulysse 273
Le Chat et les deux Moineaux 276
Les Deux Chèvres 277
Le TTiésauriseur et le Singe 278
Le Vieux Chat et la jeune Souris 279
Le Cerf malade 280
La Querelle des Chiens et des Chats et celle des Chats et
des Souris 281
La Chauve-Souris, le Buisson et le Canard 283
L'Écrevisse et sa Fille 284
Le Loup et le Renard 285
L'Aigle et la Pie 287
Le Renard, les Mouches et le Hérisson 288
Le Milan, le Roi et le Chasseur 289
L'Amour et la Folie 292
La Forêt et le Bûcheron 293
Le Renard, le Loup et le Cheval 294
Le Corbeau, la Gazelle, la Tortue et le Rat 295
Le Renard et les Poulets d'Inde 299
Le Philosophe scythe 300
Le Singe 301
L'Eléphant et le Singe de Jupiter 302
Un Fou et un Sage 303
Le Soleil et les Grenouilles 304
La Ligue des Rats 305
Le Renard anglais 306
Daphnis et Alcimadurc 308
Le Juge arbitre, l'Hospitalier et le Solitaire 310
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