GOYA

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PORTRAIT DE L'ARTISTE. Détail Prado, Madrid

LES MINIATURES HYPERION

GOYA

PAR HENRI DUMONT

ÉDITIONS HYPERION

Paris

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IMPRIMÉ EN ANGLETERRE TOUS DROITS RÉSERVÉS. HYPÉRION, PARIS

LA TRAHISON DE JUDAS. Cathédrale de Tolède

GOYA

"CRAN CISCO GOYA y Lucientes naquit le 31 Mars 1746 à Fuendetodos près Saragosse. Son père, d'après certains, était doreur, d'après d'autres un pauvre paysan. L'enfance de Francisco est peu connue; suivant la légende, il reçut une éducation rudimentaire mais fit preuve d'un talent précoce et fut encouragé à peindre par Don Félix Salzedo, Prieur de la Chartreuse d'Aula Dei, près de son village natal. En 1760, Francisco fréquenta l'école à Saragosse, tout en

étudiant la peinture sous la direction de Don José Lujan y Martinez, artiste médiocre mais excellent professeur de formation italienne. Le jeune Goya vécut à Saragosse jusqu'en 1763 il partit pour Madrid afin de concourir pour une bourse à l'Académie de San Fernando, bourse qu'il n'obtint pas. L'échec ne le découragea point; il resta à Madrid, observa la vie et étudia l'art. "J'avais, disait-il plus tard, trois maîtres: Rembrandt, Velàzquez et la Nature." Cette dernière ne le trahit jamais; son interprétation de scènes du folk-lore catalan, commencée par des cartons de tapisserie peints au cours de ses pre- mières années à Madrid et continuée par des œuvres telles que UEnterrement de la Sardine, l^a Procession des Flagellants et L,e Tribunal de l'Inquisition, ainsi que ses célèbres séries de gravures: les Caprices, les Désastres de la Guerre et la Tauromachie font preuve d'un don aigu d'observation et d'un réalisme d'ex- pression extraordinaire. Ses portraits et ses groupes royaux imposants, dans lesquels néanmoins le décorum n'étouffe jamais la personnalité, rappellent particulièrement Velàzquez. Cependant ce fut Rembrandt, découvert pro- bablement en dernier, qui l'influença le plus. Comme le Maître hollandais, Goya s'efforça de rendre les valeurs plutôt que la couleur et les volumes plutôt que les lignes, et de percer le mystère de la vie par le jeu de l'ombre et de la lumière. Comme Rembrandt, il fouilla les profondeurs de ses propres traits, les repro- duisant maintes et maintes fois, et, dans la liberté permise par ce modèle, faisant des découvertes infinies.

A Madrid, Goya eut comme professeur Francisco Bayeu, peintre du Roi avec Raphaël Mengs et Tiepolo, qui tous deux venus d'Italie apportèrent en Espagne leur influence. Goya en hérita l'amour des couleurs éclatantes qui, joint à la tendance nordique pour le brumeux et le clair-obscur, rendit sa manière absolument personnelle.

En 1766, Goya partit pour l'Italie; on dit qu'il gagna sa vie sur son chemin en participant à des corridas. L'année suivante, il remporta le second prix de peinture à l'Académie des Beaux-Arts de Parme. Il quitta l'Italie à la fin de 1771; selon la légende, ayant enlevé une jeune fille d'un couvent, il craignait l'arrestation. A son retour à Saragosse, il fut chargé de décorer le choeur de Notre-Dame du Pilier, sa première œuvre importante. Plus tard, à la Char- treuse d'Aula Dei, il exécuta la Vie de la Vierge et de l'Enfant- Jésus en onze, scènes

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DON MANUEL OSORIO DE ZUNIGA. Collection Bâche, New-York

Détail

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'MALHEUREUSE MERE!" Eau-forte des "Désastres de la Guerre''

peintes à l'huile sur les murs de la chapelle. Il commençait à se faire connaître.

En 1775, Goya revint à Madrid l'année suivante il entreprit la série des cartons de tapisserie pour la Manufacture Royale de Santa Barbara où, sous la direction de Raphaël Mengs, il travailla avec son maître Francisco Bayeu, dont il épousa la sœur vers la même époque. On connaît trente-huit de ces cartons; ils sont extrêmement vivants et colorés, et ils illustrent de manière éclatante la vie en Espagne: corridas, pique-niques, jeux, foires et danses populaires sont représentés de la manière la plus heureuse.

En 1780, Goya fut enfin admis à l'Académie avec une Crucifixion. Entre-

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MARIANO CEBALLOS, LE CÉLÈBRE AMÉRICAIN The Minneapolis Institute of Arts

temps, il avait été présenté à la Cour et s'était conquis une place dans le monde. Son amitié avec son maître et beau-frère Bayeu fut menacée cette année-là. Le Chapitre de la Cathédrale de Saragosse, mécontent d'une nouvelle série de fresques, fit appel à Bayeu pour y faire quelques retouches sans importance. Goya avait en vérité soumis auparavant des projets qui avaient été approuvés; la fierté du jeune peintre d'avenir fut donc profondément blessée et il répliqua en accusant Bayeu de jalousie et en refusant catégori/quement son intervention. Il allait rompre avec tout le monde, mais la douce sagesse de son vieil ami Frère Félix Salzedo d'Aula Dei prévalut et il se laissa persuader de freiner son

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COLIN-MAILLARD. Prado, Madrid

ressentiment et de se soumettre au jugement de son maître. Cette "humiliation" ne contraria nullement la carrière de Goya; il fit le portrait de tous les grands, y compris le Roi, et en 1785 il fut nommé directeur-adjoint de l'Académie de San Fernando.

A partir de cette époque Goya mène une vie opulente de célébrité. Il achète une maison à San Isidro, avec voiture et attelage et, tout en travaillant sans cesse, il reçoit princièrement ses amis et jouit pleinement de la vie. L'un de ses meilleurs tableaux de l'époque est Le Pré de San Isidro, les gens en fête

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FEMMES BA VARDANT. The Wandsworth Athenceum, Hartford, Com. E.-U.

se reposent au premier plan d'un merveilleux paysage très étendu, sur les bords du Manzanarès.

Lorsque Charles III mourut en 1788, son héritier Charles IV éleva Goya à la dignité de Peintre de la Chambre. Cependant, au sommet de sa carrière, le peintre heureux fut saisi d'une maladie mystérieuse; on dit qu'il prit froid en réparant l'essieu d'une voiture dans laquelle il s'enfuyait la nuit avec la Duchesse d'Albe. Une surdité incurable en fut le résultat, qui mit un mur entre le peintre, si gai et sociable, et le monde extérieur.

L'immortel roman avec la Duchesse compensa heureusement la pénible influence de son infirmité qui a lui aigrir le caractère et le pousser à peindre des scènes d'horreur et de désespoir. Il fit plusieurs portraits de la Duchesse dont les traits réguliers ont plus de personnalité que de charme. Dans le portrait qui se trouve à Madrid, la main droite de la Duchesse montre une dalle qui porte le nom de Goya; dans le portrait de New- York, la Duchesse porte deux bagues gravées l'une "Alba", l'autre "Goya"; ainsi le peintre proclame son attachement. La Duchesse mourut avec une soudaineté mystérieuse en 1 802, empoisonnée suivant la rumeur, mais pourquoi et par qui? Goya ne surmonta jamais son chagrin, bien que durant la vie de la jeune femme heureuse il l'eût

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souvent accusée d'infidélité, de duplicité et d'autres péchés, ainsi que l'on peut voir dans certaines gravures.

Les "Majas" peintes à cette époque ne sont nullement des portraits de la Duchesse. Le jeu exquis des coloris et des étoffes font de La Maja Vêtue un chef-d'œuvre encore plus grand que L,a Maja Nue aux lignes si délicates.

En 1800, Goya fit un portrait collectif de la famille royale, groupe extra- ordinaire de quatorze personnes, y compris le peintre lui-même, avec des enfants (un de ses sujets préférés) et un bébé. Chaque trait est une expression de caractère, tous les yeux sont vifs et perçants; la maîtrise de Goya qui a fait d'un ennuyeux travail de commande une œuvre si profondément intéressante et humaine est presque surnaturelle.

La guerre de 1808, avec son cortège de bouleversements politiques n'eut pas d'effet immédiat sur la situation personnelle de Goya. Pendant le règne de Joseph Bonaparte, il eut pour tâche de choisir cinquante peintures parmi les trésors espagnols réclamés par l'Empereur pour son musée. Si le peuple espagnol lui en garda rancune, celle-ci fut oubliée lorsque Ferdinand VII revint sur le trône. Entretemps, Goya avait gravé Les Désastres de la Guerre, l'une des accusations les plus puissantes contre la cruauté et le dérèglement des hommes. Une série de gravures représentant en détail des combats de taureaux et terminée en 18 16 ramena le peintre septuagénaire vers les plaisirs de sa jeunesse. Cependant, il ne cessa jamais de peindre des portraits, et son dernier portrait de lui-même, peint en 181 5, jette un regard froid et sévère sur le monde fou.

Vers 1824, Goya perdit la faveur du souverain autocrate et partit pour la France. Il s'installa à Bordeaux l'accueillit une colonie de réfugiés espagnols.

Une fois seulement, à l'âge de quatre-vingts ans, il revisita Madrid et revit sa maison, "la maison du sourd" qui, sa femme et ses amis de toujours étant disparus, n'offrait plus d'attrait. Il revint à Bordeaux il mourut deux ans plus tard, le 16 Avril 1828. Ses restes ne reposèrent pas en paix; il fut enterré d'abord à l'Église Notre Dame de Bordeaux, ensuite, en 1900, à San Isidro il avait passé les meilleures années de sa vie, plus tard enfin à Saint Antoine de la Floride. Son crâne manque; quelque collectionneur le garde probablement encore, comme un trésor secret.

HENRI DUMONT

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PORTRAIT DE L'ARTISTE. Détail The City Art Muséum, St. Louis, E.-U.

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ENFANT DE LA FAMILLE SORIA. Détail [ 14 ] Collection particulière

LA DAME A L'ÉVENTAIL. Détail

TVrnsée Hn T.nnvrp Paris

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L'ËVEQUE MIGUEL FERNANDEZ

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PORTRAIT DE DONA ANTONIA ZARATE

PORTRAIT DE LA DUCHESSE D'ALBE. Détail de la pi. 22 [ 18 ] The Hispanic Society of America

DON IGNACIO OMULRYAN Y ROURERA. Détail

Galerie d'Art Wm. Rockhill Nelson, Kansas City, E.-U. [19]

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LE TROIS MAI. Détail Prado, Madrid

FRAY PEDRO ARRACHE LE FUSIL AU BANDIT Institut d'Art de Chicago

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PORTRAIT DE LA DUCHESSE D'ALBE The Hispanic Society of America, New- York

LES MAJAS AU BALCON

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JOSEFA BAYEU, L'ÉPOUSE DE L'ARTISTE [ 24 ] Prado, Madrid

DONA GUMERSINDA GOICOECHEA-GOYA

Collection de la Vicomtesse de Noailles, Paris

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L'HUMILITÉ DEVANT L'ORGUEIL MetroDolitan Muséum of Art. New- York

L'ESCARPOLETTE. Prado, Madrid

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LA FORGE Collection Frick, New- York

PORTRAIT DE TIBURCIO FEREZ The Metropolitan Muséum of Art, New- York [31]

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LA MAISON DES FOUS. Détail Académie de San Fernando. Madrid

LE GARROT Musée des Beaux- Arts, Lille

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VICTOR GUYE Collection feu J. Horace Hardine

CLARA DE SORIA. Détail Collection particulière

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LA CRUCIFIXION. Prado, Madrid

LA SAINTE FAMILLE. Détail Prado. Madrid

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SATURNE DÉVORANT L'UN DE SES FILS. Détail

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LES VIEILLES Musée des Beaux-Arts. Lille

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JEUNE FEMME ESPAGNOLE. Détail Musée du Louvre, Paris

PORTRAIT DE DON MANUEL ROMERO. Institut d'Art de Chicago

Détail

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A LA FOIRE DE MADRID. Détail Prado, Madrid

SCENE DE CARNAVAL. L'ENTERREMENT DE LA SARDINE

Académie de San Fernando, Madrid [ 43 ]

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LE ROI FERDINAND VII

Prado, Madrid

PORTRAIT DU GÉNÉRAL URRUTIA. Prado, Madrid

Détail

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