•r* T> ** iadu Roy des Macédo- niens , qui par fa Valeur Ç>" beureufe fortune rangea fous [on pomoir toutes les prouin~ ces de Grèce, auparavant désunies en plufieurs Cantons &* Républiques 5 puis pafîanrla mer de l'autre cojié , fubiugua le très grande?* très -opu- lent Royaume des Perles^ ç£n de là continuant plus outre ,fît retentir [es armes iufques bien aUant de- dans F Inde Orient aile , borne de fes defîeins , &* pour lors la pins renommée Çp* plus heureufe ré- gion de la terre. Entre mille grandes & belles affections qui loge oient en fon ame gêner eufe & guerrière , auoit cejle-cy ,quil deCiroit Ç<7» de "vain- cre 0* fut monter ton* les autres, non point feu- lement en Valeur & réputation d'armes , mais 4ufù enfeauoir &* cognoifiance des chofes: &* a ij EPISTR E fur tout , des terres C* régions ejlranges. De telle façon , qu'il faifoit curieufement recherher, (&* a quelque 'prix que te fuft ) tous lis li- ures rares &> exquis qu on pouuoitrecouunr de fon temps. Et luy encor fort teune , comn£ les uémbaffadeurs de Perfe furent ""venus "Vn tour deuers fon père , il les enquit fi particulièrement de ht nature , grandeur &* fituation du Royau- me de Perfe , des ailles , fleuues , & montagnes dkeluy i mefrne des moeurs du peuple , &*ie la gendarmerie , quil apprit par leur bouche tott ce qu'ils auoient enhur Royaume de plusgranl &• déplus fgnalé. Vont ilfceut bien faire fon profit par après y &* ne ceffa iamais depuis , iujques à ce quil eut conquis ce grand &fion fjant Empir : de forte quon pourrott dire auec raifon,que lespiopos & aducrtiffcmanf da cas ^Amba^adeHvs firent comme la première eflincelle, ou caufe des grandes 'ViSioires & heureux fucceT^qui luy arriuerent de- puis. Vequoy me refjouuenant , S I R E 5 &> de la comparai/on que plufieurs font auiourdhiy de fa Valeur, clémence , &* bonne fortune a la "Vi/lre^ 'Voire de plufieurs autres dons &* "Vertus htroï- ques j dont il efioit doué , qui "Vous font pctràlle- ment c ommun es : Outre ce que tous deux puifans <& redoute^ Princes ejïesyffus ( quoy qu'a di- uersfiedes) <£~\n me/me efloc de noble ffe , ^ rate A V ROY. de Hercules , luy par Caranws, & Ifom , S i r e, ^4r Charlemagne 3 ^»i Çuiuant les anciens tefmoi- gnages , ew e/toit aufii défendu y& de la race du- quel vous efles extratâi par le Roy faintt Loysy &> les autres Rois de France Vos predeceffeurs, iffus de la race du mejme Charlemagne parjexe fé- minin : le me fuis enhardy de traduire en langue Francoife t H ifloire Naturelle &* Moralle des Indes Orientalles ,nouuellement compofee enCa- fiillan par ïofeph ^Acofla , homme certainement doEle Cp*fort curieux , pour la prefenter aux pieds de "ïoflre Majeflé , fows effoir que ce luy feroit chofe agréable pour la deleftable Variété & hou- ueauté des chofe s qui y font contenues : Comme ie croy qu'Alexandre mefmel'orroit fort Volontiers filViuoit en ce prefent fiecle ; luy qui tant de fois defon temps defira qu'il ju/î encor Vn autre mon- de , afin iauoir Vnplus large champ d'exercer fes proiiefes. Et ce qui plm ma incité de ï entrepren- dre , a efïê que les EffagnoU 3 jaloux &* enuieux de ce bien y ay ans fait bruflerpar EdiEl public {com- me on ma aduerty puis quelque temps ) tom les exemplaires de cejle H ifloire , afin denpriuer les autres nations , & leur celer la tognoifance des Indes; ïay penfé que ie ferou faute fi ie laifois perdre a la France {ficurieufe deschofès rares &> belles) Vnfi riche ioyau}&* Vne fi gentille H i- â îij E PI S TRE Jloire , que ï Jà utheur a t ompofee , la plus gra n<£ part à l/eucd'œil , &* furies mefmes lieux , d "V/; tel ordre &*briefueté \qu auec bonne raifon il peut cjlrc appelle F Hérodote &le phne de te monde nouuellement àefcotiuert. Bref ie peux dire de ce Cajliiïan , S I R E , que c efï ~\>n prifonnier d entre "V os ennemis , lequel i ay fur pris en fa terre , luy ayant appris tellement quellemcnt noflre langue françoi/e pour "Vous le rrej 'enter , afin qu'il ~\om conduife <&> face ~)>oir toutes les fingularite^ p-lm exouifes de ce noautau monde , fans crainte & danrer de naufrape. Que fi 3 comme Alexandre fouuerain d~\ne pytnde région de /' Europe en la partie d Orient^ alioulu tourner fc s deffeins fur l'Inde Orientale : *Ainfi ~yomy Sire, iffu de fa mefme race , & comme luy Prince & poffejfeur triomphant d ~Vn vranà (3> fîoriffiwt Royaume de l'Europe en la partie a \ Occident \\ueillc\aufi ~Voir <&> regarder de plus près ces Indes Occident aile s , e ne or plus riches & renommées à prefent que ne jurent ont les Orientales : cefluy-cy mefme "Vous y feruira de guide Ç£> de très- fidèle e fanon y pourrons dduertir des ports , ailles & montagnes diceluy, Çy* de tordre <&> nature du peuple ; dont il ~V ous dira d 'auantage que ne firent onc les ^Ambajia- deurs de P erfe au Roy Alexandre, il plaira donc a "yojlre Majeflé, Sire, recevoir de bonne part A V ROY. cethrefor ejlnnger , cjue Ttous offre /'"y» de'ïês humbles &* fidèles fûbreéîx , pour tefmo'unitve du feruïce qùil Ifaus doit, &* Trous a Troué pour tome fit Trie. Du Haufc de Grâce, le premier Décembre, 1597. Voftre tres-humble 8c tres- obcilTam fubiecl; & feruiteur, Robert regnavld. ADVERTISSEMENT DE L'AVTHEVR dUX LocîeuYs. Lvsiëvrs autheurs ont efcrit des liures, &des narrations , du nouucau monde &des Indes Oc- cidentales, efqaels ilsdcfcriuenc les chofes nouuelles , & eftran^ ges , que l'on a defcouuertes en ces parties là,les a&es, & les aduentures des Efpa- gnols qui les ont conqueftees & peuplées. Mais iufques à prefent ie n'ay veu aucun autheur , qui traicte , Se déclare les caufes , & raifons , de telles nouucautés , Se merueilîes de nature , ny mefmes qui en face aucun difeours Se recerchc. le n'ay point veu aufîi Hure qui face mention des belles, Se hiftoires des mefmes Indiens anciens , & natu- rels habitans du nouueau monde. A la vérité ces deux chofes font allez difficiles, la première d'au- tant que font œuures dénature, quifortcnt,& font contraires à la philofophie ancienne receuë & pratiquée , comme de n^onftrer que la région qu'ils appellentTorride, eft fort humide, & en plusieurs endroits fort temperee,& qu'il pleut en icellc quand le Soleil en eftplus proche , & autres femblables chofes.Car ceux qui ont efcrit des In- des Occidentales3n'ont pas faitprofeffion de tant de philofophie , voire la plus part d'iceux efcri- uains ne fe font pas apperceus de telle chofe. La féconde eft, qu'elle traicte desbeftes, «Schiftoire propre des Indies, laquellechofe requeroit beau- coup de communication & de progrés dans le pays auec les mefmes Indiens : ce que la plus part de ceux qui ont trai&é des Indes, n'ont peu faire, ou pour n'entendre leur langue , ou pour ne vou- loir rechercher leurs antiquitez, tellement qu'ils fefont contentez de racôcer quelque chofe d'eux qui eftoitle plus comm m&fuperficiel. Defiranc doncauoir quelque plus particulière cognoiflan- ce de leurs chofès , i'ay fait diligence de m'infor- mer des hommes les plus expérimentés, & verfez en ces matières , pour tirer , & recueillir de leurs difeours & relations , ce qui m'a femble fuffire pour donner cognoiiTance des faidts &couftumes de ces peuples. Et en ce qui eft du naturel du pays, & de leurs proprietez, iel'ay apprins parl'expe- riencede plufieurs amis ,'& par la diligence que i'ay faite de chercher, diicourir,& conférer auec perfonnes ïàges ÔV expérimentez. Il me femble mefme qu'en ce faifànt, il feprefente quelques aduertiffements, qui pourront feruir 8c profiter à d'autres efprits meilleurs, afin de chercher la vé- rité, ou de paffer plus outre, en trouuant agréa- ble ce qu'ils trouueront cy dedans. Ainfi com- bien que le nouueau monde, n'eft plus nouueau, mais vieil, veu le beaucoup que l'on a eferit d*ice- luy, ceneantmoins cefte hiftoire pourra eftre te- nue en quelque façô pour nouuelle, d'autSt qu'el- le eft en partie hiftoire, & en partie philofophie, & non feulement, d'autant que ce font œuures de nature, niais aufïï celles du libéral arbitre,quifont lesfaicl:s,& couftumes deshommes, cequima donné occafion de luy donner nom d'Hiftoirc NaturellecV Moralle des Indes , comprenant ces deuxehofes. Il eft. fait mention ez deux premiers liures,de ce qui touche le cicl,temperature, & ha- bitation de ce monde , lefquels Hures i'auois pre- mièrement eferits en Latin , ôc maintenant les ay traduirsvfantplusdelalicenced'authenr, quede l'obligation d'interprète , pour m'accommoder mieux à ceux pour qui elle efteferite en vulgaire. Es deux hures fumas eft traiebé ce qui touche ces Eléments de mixtes naturels , cjui font métaux, plates & animaux , & ce qui fcmble remarquable aux Indes, le refte des Hures difeourant ce que i'ay peu difeourir au certain, & ce qui m'a femblé di- gne de mémoire des hommes de leurs belles, ( ie veuxdiredesmefmes Indiens) deleurs ceremo- nies,couftumes,gouuernement,guerres & aduen- tures. Il fera dit en la mefmehi(loire,commei'ay peu apprédre, & cognoiftre,lcs beftes des anciens Indiens, veu qu'ils n'auoient aucune eferiture , ny characterc,comme nous auôs,ce qui n'eft pas peu d'induftric d'auoir peu conferuer leurs antiquirez fans l'viàge des lettres. En fin l'intention de ce tra- uaileft afinqu ayant la cognoiflance desœuures naturelles , que le fage autheur de toute la nature a faites , l'on loiie & glorifie le haut Dieu , qui eft merueilleux en tout. Et qu'ayant cognoilfmce des coudâmes & chofes des Indiens , l'on leur aide plus facilement à future , &perfeuererenla haute vocation du S. Euangilc,àlacognoifIincc de laquelle le feigneur a voulu amener cefte natia Ci aueuglec en ces derniers fïecles. Outre toutes ces choies, vn chacun pourra mefme tirer pour foy quelque fruict , attendu que le fage tiretouA ionrs quelque chofe de bon de quelque petit fu- jed que ce puilTe eftrc , comme Ton peut tirer des pins vils Se petits animaux vne grande philofo- phie.llrefte feulement d'aduertir le ledeur , que les deux premiers liures de celle Hiftoire, oudif- cours, ontefté efciitseîtamauPeru , & les autres cinq depuis cnEuropeJ'ob^diencem'ayant com- mandé de retourner par deçà: ainfi les vns parlent des chofes des Indes comme de chofes prefen- tes,&les autres comme de chofes abfcntes. C'efl: pourquoy il m'a femblé bon d'aduertir le Le&eur de cecyy afin quecefte diuerfité de parler ne luy foitennuyeufe. IN HISTORIAM INDIA- RVM NATVR.ALEM A IoSEPHO Acofta Hifpanico fcrmone compila- tam , nuper à Rôbeirto Reginaldo Gai- lice redditam. *Aà LeStorem. Iluftrarenouosretinérecupidinemundos, Lataque fi Pelagilittoranoiïecupis: Huccurfusdifponetuos,nonnaufealaedet, Necftomachusciuem te vetet efle maris. Nil opus eft veio , rimas (arcire carinis, Auc Magnetiaca pixide,nil opus eft. Alcer Tiphys adeft , extremas ire per oras Edocet, Se populos , iam breuiore via; Sidéra fub terris veteri non cognita feclo, Ortaquein occiduo liminefigna, refert. Tcmperiem Zona: , que non habitabilis ante ludicio veterum , tune habitata tamen: Noueris in curfu quo figno vtatur , & aura, Vcndicet atque fibi quidquid vterque polus. Noueris Se montes. Germanique ora Typhœi Igniuoma , & pifees , flumina magna , lacus, Templa facerdotes, veriqueimitamina cultus, ChrifticolûmritusvtcoluiflTe putes. Annales, faftôfque libros, elemenràque, régna, Impcrium , reges , pradia , magna , duces. Terra ferax gemmis , fuluôque referta métallo, Se peregrina tibi confpicienda dabit. Deniqj, quod luftris , Se fumptibus haufit Ibcrus, Bisquartopoterisparcus adiré die. Anxonivs Bondor. AD ROBERTVM REGINAL- D V M TKADVCTOREM, Efigramm*. TEFrancifcisalicquem nobis ediditvrbs,qu« Vellcnj montis nominc,nomen habet. Betica ( dcmirans genium ) mucare loquclam Inftidt , vt potius dicerec effe fuum. Ipfe tamen patrie reducem te reddis ,& , illa Quae iecreca cupit,cogniciorafacis. Non ce pœniteat ranci , Reginaldc, laboris, Hoc tibi nam pacriat pignus amoris eritî Parua vidcre putas vi&oiem ptacmia rcgem Henricumj&facrasconteruinemanus? Qui gracuspatriaîjtumrcgi, dcferit auras, Rcctiùsille fuo munerefunctusabit. Antonivs Bondor. tAdcnndemde iriferiptienchbri. ECquid id ? in prima promittit fronte libellus Indos eos occiduôfque fimul. Actamen hcf perias, cantummodo decegit oras, Nulla ferc coi eft mentio fa 8c non pas par tomes les autres par- ties: alleguans pour leur raifon que la terre au z re- nient demeureroit fuf pendue au milieu de l'air. Cequileur fembloit chofe du tout hors d'appa- rence :& tout ainii que l'on voiden tout bafti- ment le fondement 8c l'aQîete fi tuez d'vne part, & le toi& 8c couuerture d'vne autre oppofite 8c contraire, ainfi qu'en ce grand édifice de l'Vni- uers , tout le Ciel demeurait en la partie den- haut, & la terre en la partie d'embas. Le glorieux chfyfojî. Chryfoftome, comme hommequi feftplus oc- bom. 14. CUpé en l'eftude des lettres iacrees, que non pas V-*» * r > j»l • : r._Li_ la-, j. -£a. Cr tl>ijî. ad Hebr. Heh. S. aux feiences d'humanité , fcmble eftre de celte opinion, quand il fe riden fes Commentaires lur l'Epiftreaux Hebrieux , de ceux- là qui afferment la rotondité du ciel. Et femble que la iaincte Ef- criture ne vueille fignifîcr autre chofe , appellant le ciel, tabernacle, ou taudis, faict de la main de Dieu. Et fur ce fubiect il palîe plus outre, diiant, ho 6 ^ue cc cllu ^e meat & chemine n'eu; pas le Ciel, JnCen&ma\s que ceftle Soleil, la Lune, & les eftoilles hom.i 1. quife meuuent au Ciel. En la façon que les pa(- ad pop. iereaux 6c autres oifeaux fe meuuent parmy l'air, AntiQ$. toutau contraire de ce quclesPhiloiophespen- fént,qu'ils fe tournent auec le mefme Ciel , corn- . , me les bras d'vne rou"é,auec la mefme roue. Théo- rheop m doret autheur fort graue luit en cette opinion, c. s. ad Chryfoïtbme, & Théophile aufîî , félon qu'il a de n Ciel: conftituans la terre au milieu du monde: pour-autant que ce luy fcmble chofe ridicule, que la terre demeure fuipenduë en l'air, comme il e(l deuant dit. Par laquelle fienne opinion, il fê conforme à celle d'Epicure,qui tient, que de l'au- tre part de la terre il n'y a autre chofe qu'vnChaos ou abyfme infini. Et femble mefme que fainct Hieroime f'approche aucunement de cefte opi- nion , eicriuant lur l'epiftre aux Ephefiens en ces 'f™,'^ termes : Le iJbtlo/opbc naturel par fa contemplation pe / xMi.4 netre lufqucs aubaut du Ciel ,& de l'autre part il trouuc "vn grand y ut de, aux profonds & abyfmesde la terre. L'on ditauiïïqueProcopeafrcrme (cequeien'ay veu toutesfois ) fur le Hure du Genefe, que l'opi- nion d' Ariftote touchantla figure,& mounement sixtmst- circulaire du Ciel eft contraire & répugnant à hnenfisl-5' faincbeEfcriture. Mais quoy que difent &tien- ' ,otm nenciadelius tous les anciens, il ne l'en faut ei- mouuoir. Pource qu'il eft tout cogneu&approu- uc qu'ils ne Ce font pas tant fouciez des feiences ôc demonftrations de philofophie:pourautant qu'ils fefoiit occupez à d'autres de bien plus grande importance. Mais ce qui plus eft à efmerueiller, eft que faind Auguftin mefme, tantverfé en tou-^-(r j 1 tes les fcien ces naturelles, voire fort docte en l'A- deGen.ad û.rologie,& Phyiique,neantmoins demeure touf- lit.e.?. iours en doute,fans fe pouuoir refoudre, fi le Ciel circuit la terre de toutes parts, on non. Que me fou- ^ufu^' cw-ie (difoit-il) que nous penftons que le Ciel, comme * y ne boule enferre enfoy U terre de toutes pam^àt icelle Bij HISTOIRE NATVRELLE au milieu du monde , comme au pejoton de fil le fondreaur m que nom difios qu'il rieftpas ainjï, mais que le ciel cou- urclatcrre par vnepartfeulcmcntjoHt ainfiquvn grand plat qui efipar le dcjjkt. Au mefme lieu que delfus,il fembledcmonftrer, voire dit clairement qu'il n'y a démonstration certaine, pour affermer la figure ronde du ciel, mais feulement de (impies conie- dures. Efquels lieux alléguez, <5c en d'autres en- droicts melmes ils tiennent pour choie douteufe le mouuement circulaire du ciel. Neantmoins on ne (è doit offenfer,ny auoir en moindre eîlime lesDodeurs^delafainclie Eglifc, iî en quelques poiners delà Phiiofophiejé feienecs naturelles ils ont eu différente opinion à ce qui eft tenu (Se receu pour bonne plulofophie : veu qne toute leur eftudea eux de cognoiftre , prefeher Se feruir le Créateur de toutes chofes , en quoy ils ont efté cxcellens,& comme ayas bien employé leur eftu- de en chofe plus importante, c'eftpeudechofeen eux de n'auoir cogneu toutes les particularitcz •concernantes les créatures. Mais bien d'auantage font à reprendre les Philosophes vains de ce (îe- cle,qui attaignans iufquesà lacognoilîànce de l'eftre , & ordre des créatures du cours Ôc mouue- mentdescicux ,ne font pas paruenus (mai-heu- reux qu'ils font ) à cognoiftre le Créateur detou- Sép. ij- tcsles chofes. Et f'empefchans du tout en fèsœu- Hom. i. lires, n'ont pointmonté par leurs imaginations iufquesà cognoittrel'autheur fouuerain d'icclles, ainfï que nous enfeigne la fàincte Efcriture : ou bien fils l'on t cogneu}ne l'ont point féru i & glo- rifié comme ils deuoiét ; auenglez de leurs inuen- tionsj dequoy les accule & reprend l'Apoftre. DES INDES. 11 V. I. 3 Que le Ciel eft rond de toutes parts , fc mouudnt enfon tour de foy-meftne. € h A P. il. R venans ànoftre fubie&jiln'yapoint dep/nMrvfc doute que l'opinion qu'ont eu Ariftote Ôc itpUcit. les autres Peripatetictens auec les Stoiques (que^* ,fc la figure du Cieleftoit ronde, &femouuoitcir- c *' culairement enfon tour) eft fi parfaitement véri- table que nous, qui fommes & viuonsà prefène au Peru, le voyons de nos propres yeux. En quoy l'expérience doit valoir d'auantage que toute au- tre demonftration philofophique, d'autant que pour faire cognoiftre que le ciel eft toutrond , & qu'il comprend &c circuit en foy la terre de tous co(lez,& pour en efclaircir tout le doute que l'on enpourroitauoir,ilfufn*tqueiayeveu&cotem- plé en ceftui noftre hemifphere la partie &.regior» du ciel , qui tourne autour de cefte terre , laquelle n'a efté cogneuë des anciens, ou bien d'auoirveu, ôc remarqué ( comme i'ay fait) les deux pôles , cC- quelslecielle tourne, comme dans les fiches. le dy IcpoleArétique ou Septentrional que voyenc ccu x de l'Europe , ôc l'autre Antarticque ou Mé- ridional ( duquel faincl: Auguftin eft en doute ) ôc Jfuglfà lequel nous changeons ôc prenons pourleNort *-"eGen- icy au Peru , ayans palîc la ligne equinoétiale. Il aQ >t'ca' fuffit finalement que i'aye couru par nauigation plusdefeptantedegrez du Nortau Sud,fçauoir quarante d'vncofté de la ligne, & vingt-trois de l'autre. Laiiïànt quant à prcfentleteimoignage des autres qui ont beaucoup plus nauige que A iij HISTOIRE NATVRELLE moy, & en plus grande hauteur , eftans paruenus prefque iufques à feptatite dcgrez au Sud. Qui di- ra que la nauireappellee Vi6toire,-digne certaine- ment de perpétuelle mémoire , n'aye gaigné le prix & le triomphe d'auoir le mieux dcfcouuert &circuy la rondeur de la terre, mefme le Chaos vain&levuide infiny, que les anciens Philofo- phes difoienteftre au dellbus de la terre, ayant fait tout le tour du monde , Se circuy l'immenfité du grand Océan ? Qui eft donc celuy qui ne reco- gnoiftra par -celle nauigation que toute la gran- deur de la terre , quoy qu'elle puilTe cftre plus grande qu'on ne la depeintpas, ne foitfubiec"re aux pieds d'vn homme, puis qu illapeutmefu- rerî Ainfi, fans aucun doute le Ciel ell défigure ronde & parfaite. Et la terre aufTïfembraiïant& ioignantauecl'eauëfaitvn globe, ou boule ronde compofeedecesdeuxelcmens,ayans leurs bor- nes & limites dans leur propre rondeur & gran- deur. Ce qui fe peutfunHfammcnt piouucr,& de- monftrerparraifons de Philofophie & Aftrolo- gie,Iai(îànt arrière les fubtiles définitions qu'on peutalleguer communément, Que au corps le plus parfait (qui eft le ciel)fe doit attribuer la plus parfaite figure , qui eft fans doute la figure ronde. Duquel encore , le mouuemenc- circulaire ne pourroit eftre ferme &c cfgal en foy , fil auoit quelque coing, ou deftour en quelque part,ou fil eftoit tortu(comme il le faudroit dire par necefïï- té)fi le Soleil , la Lune, & les eftoilles'ne faifoient le tour,&: circuilïbient tout le monde. Mais fans confiderer toutes ces raifons , il me femble que la Lune feule eftfiiffifaine, en ce cas. comme vn DESINDE S. IIV. I. 4 fidèle tefmoing du Ciel mefme : veu que Ton ecli- pfeaduient feulement, lorsque la rondeur delà rerre f oppofe diamétralement entre elle & le S o - leil , & par ce moyen empefche que les rayons du Soleil ne donnent fur icelle. Ce qui ne pourroic certainement aduenir, fi la terre n'eftoit au mi- lieu du monde , circuite Se entourée de tout le Ciel. Il y en a eu aucuns qui ont doute iufques *t*g»P- là,filarefplendeur qui eu: en laLune,luy eftoit'/'-I09;.„ communiquée de la lumière du Soleil. Maisc'eft par trop douter , puis qu il ne le peut trouuer au- tre caufe raifonnable des Eclipfes,du plain, Se quartiers de la Lune, que la communication de larefplendeur & lumière qui procède du Soleil. Audi fi nous voulons diligemment rechercher cefte matière , nous trouuerons que l'obfcuritê de la nuict n'eft cauiee d'autre chofe que de l'om- bre que fait la terre, empefehant laclartédu So- leil de paffer de l'autre codé du Ciel , où il ne jet- te fes rais. Si doncileftainfi que le Soleil n'ou- trepaflTepointj&ne iette Ces rais fur l'autre par- tie de la terre, ains feulement fe deftourne àfon Coucher, faifantefehine à la terre, parvn tour- noyement (ce que par force fera contraint d'ac- corder celuy , qui voudra nier la rotondité du Ciel, puis qu'à leur dire le Ciel comme vn plat feulement couure la face de la terre.) Il f enfuie clairement que Ton ne pourra remarquer la différence que nous voyoï.s eftre entre Itsiours «Scies nuicts, lefquels en quelques régions fonc courts & longs félon les faifons,& en d'autres ^,- ^ perpétuellement efgaux. Ce que faincl: Augu-^Gf».*iii ftinefcritauxliures dcCenef.adliteram. QuzVQr*Ut.c.i<*.± A iiij HISTOIRE NATVRELLE pourrabien comprendre les oppoiitions,coniiei'-* lîons,efleuations,defcentes,&: tous antres afpects Se difpoiitions des planettes & eftoilles, quand nous cognoiftrons qu'elles fe meuuent, Se que neantmoins le Ciel demeure ftabie Se immobile. Chofequimefembleblen aifeeà entendre, & le fera à tout autre, m'eftant permis de feindre ce qui me vient en la phantafîe. Car fi nous pofons le cas que chaque eftoille&planettefoitvn corps en foy,& qu'elle (bit démenée Se conduite par vu DtfM.14. Ange, enla façon que fut porté Habacuc en Ba- bylone: Qmferaie vous prie celuy tant aueqglé, qui ne voye bien que tous les afpects d iuers qu'on void apparoir aux planettes &: eftoilles , peuuent procéder de ladiuerlité dumouuement que ce- luy qui les mené Se condm t,leur donne volontai- rement? Cependant l'on ne peut dire auecraifon, que cède efpace Se région par où l'on feint que marchent & roulent continuellement leseftoil- les,ne foit élémentaire & corruptible , puis qu'il fediuiie & fepare quand elles paiîentjefquelles certainement ne palfent pas par vn lieu vuide. Que (1 la région en laquelle les eftoilles Se planet- tesiemeuuent, eft corruptible, par raifondonc les eftoilles Se planettes le doiuent eftrc elles mef- mesde leur propre nature, Se par confequentfe doiuent changer, altérer, Se hnablement pren- dre fin. Pource que naturellement le contenu n'eft )as plus durable que le contenant. Or dire que les corps celeftes foient corruptibles, cela ne f ac- cordepointauec ce que l'Efcriture dit au Pialme, Tfl\ 8 Q¥e ^ÎCU ^es fif Pour toufiours. Etencore moins fe rapporte à l'ordre Se conferuation de cet vniuers. r le DES INDES. LIV. I. f ïcdy d'auantage pour confermer cefte tenté, que ce qui fe meut , font les mefmes deux , & en iceux les eftoilles cheminent en tournoyant. Chofe que nouspouuons cognoiftreauec les yeux, puis que nous voyons que non feulement leseftoilies Te meuuent, mais auflî les régions 8c parties entières du Ciel. Ieneparle point feulement des parties luyfantes 8c refplendilïàntes, corne celle que l'on appelle lavoyeîaictee, quelecommunappellelc chemin S. Iacquesj mais ie dy cela d'auantage, pour les autres parties noires 8c obfcures qui font au Ciel. Pource que nous y voyons realemenc comme des taches 8c obfcuritez qui font fort ma- nife(tes,lefquelles ien'ay point fouuenanceauoir iamais veu en Europe, mais au Peru , en cet autre hemilphere ie lesayveuës plufîeursfois fort ap- parentes. Ces taches font de la couleur 8c forme delà portion de laLuneeclipfee, &luyre(Tem- blent en noirceur &obfcuritc. Elles marchent attachées aux mefmes eftoilles, 8c toujours d'vne mefmc teneur 8c figure , comme nous l'auons co- gneu 8c remarqué par expérience tres-claire.Par- auéture cela femblera à quelques-vns chofe noiw uelle,&pourroient demander d'où procède tel genre de taches au ciel-, iene puis certes refpon- dre autre chofe pour l'heure, finon que, comme difentles Philofbphes , que la voye la&ee efl: co- pofee des parties du ciel les plus denfes &efpef- fts , 8c qui pour cefte caufe rcçoiuent plus grande lumière: ainfî par contraire raifon il y a d'autres parties fort rares,deliees,& tranfparentes,iefquel- les pour receuoir moindre lumière , femblet plus noires 8c obfcures. Que cecy en foit la yrayerai- HISTOIRE NATVRELLE fon ou non, (ic n'en peux rien affermer de certain) fi eft- il pourtant véritable, que félon la figure que ces taches ont au Ciel , elles fe meuucnt auec vue nie fine proportion quant & leurs eftoilles , fan* aucunement fefeparer d'elles. Qui eft vue expé- rience certaine & remarquée par piufieurs fois tout exprés. Il f'enfuit de tout ce que nous auons dit,que fans doute le Ciel contient en foy de tou- tes parts la terre, tournoyant continuellement a l'entour d'icelle , fans que l'ou puifîe plus propo- fer queftion là deiïus. Que lafaincle Efcriture nous enfeigne que ta ta (fi an milieu du monde. rt Hejler t] iap.i.i. 7.11.18 t ftl 91-7 23.59.97 ïcclefi C H A P. III. îOmbien qu'il femble à Procope, à Gaze, GJ^ia &à aucuns autres de fon opinion , que ce foit contreueniràla faincte Efcriture, défigurer ' la terre au milieu du monde . & de due que le ciel , eft tout rond : fieft-ce qu'à la vérité cefte doctrine • non feulement ne luy eft point contraire, mais auiîï fc trouue du tout conforme à ce qu'elle nous en enfeigne. Carlailfant à part les termes dont vfclamefme Efcriture en plusieurs endroicxs: La rondeur de U terre , ( Se ce qu'en autre endroit elle dit, que tout ce'qui eft corporel, eft circuit ôc en- touré du ciel,& comme embraJU delà rondeur ) à tout le moins ne peut-on nier que lepaifage de l'Ecclefiaftene foit fort clair, où il eft dit: Le So- leil naifi, fe couche, & retourne en fon mefme lieu : & iw recommençant ànaifire} il prend fon chemin parlemi- dy fe.tonrnant iufqucs au Septentrion -, cet efùrit c-hcwi- DES INDES. L I V. I. 6 necircuifjant àl'entour toutes ebofes , & f'en retournes fon mcfme endroit. En ce lieu la paraphrafe Se expo- fîtionde Grégoire Neocefarien ou Nazianzene die: Le Soleil ayant cour» toute Lierre, s'enreuient com- me en tortrnoy.tnt iupjues à fon mcfme poinFf & terme. Ce que die Salomon interprété par Grégoire, ne pourroit certainement eftre vray , fi quelque par- tie de la terre delaifîbit d'eftre circuite du Ciel. Ec ainfi l'entend fainct Hierofme efcriuanc fur l'epi- ftreaux Ephefiens}de cefte maxiitït'.LapUts commu- tetj'"{' ne opinion afferme ( Je conformant mec tEtcleJtdfh) que ' le ciel cji rond fe monuant en circuit à la manière d'vne boule. Et eft chofe certaine que aucune figure ron- de ne tient ny latitude ny longitude, ny hauteur ny profondeur, pource qu'en toutes ces parties elle eft efgale Se pareille. Par cela iï appert félon fainct Hierofme , que ceux qui tiennent que le Ciel eft rond, non feulement ne font pas contrai- res à la faincte Efcriture, ains au contraire fc con- forment à icelle , attendu principalement que fainct Bafi le &; fainct Ambroife qui l'imite oidi- „ , nairement aux iiures appeliez Hexameron , fe/fI>^„ trouuent vn peu douteux en ce poinct. En finxam.pre- toutesfois ils reuiennent à concéder la rondeur/'e/',*?,,• de ce monde. Il eft vray que fainct Ambroife ne demeure point d'accord de cefte quinteflènce, ofmlr.1. qu'Aiiftoteattribuë au ciel. Et certainement c'eft IO* " chofe belle de voir auec quelle grâce Se quel ftyle * accomply la faincte Efcriture traicte delafitua- tion de la terre &de fa fermeté, pourcaufèr en nous vne grande admiration , Se non moindre contentement fur l'ineffable puiffance Se fà- gellè du Créateur. D'autant que en va endroit I T/al.74 *#mbr.ï 6. J#5.9.l6 Heb>; 1 •Aug.ïn HISTOIRE NATVRELL! ITicu nous réfère que ça eftéluy quiaeftably les colomnes qui iouftiennen t la terre , nous donnât à entendre, comme bien l'explique: S. Ambroife, -quele poids immerlfe de toute la terre eft foufte- ' nu par les mains cuidiuin pouuoir. LafainCte Ef- critureadecouftumedelesappellerainfi , &yicr de celle phrafe, les nommant colomnes du ciel 8c delà terre, nô point celles de l'autre At!as,qu'ont feint les Poètes , mais celles propres de la parole éternelle de Dieu, qui par fa vertu fou (lient les deux & la terre. D'auantagelafaincTe Éfcnture ' en autrelieu nous demonftre comme h. terre , ou grande partie d'icelle, eft ioin£te& enuironnee de l'élément de l'eau, difànt généralement que Dieu mit la terre fur les eaux. Et en autre endroit, qu'il fonda la rondeur de la terre fur la mer. Et encore que faint*P rapporte S. Auguftin alléguée d'aucuns , pour monftrcr que le Ciel n'eft pas rond,e(l telle en di- fant , Le Ciels eBend comme vne peau. Dont ils con- pfal it j» cluent qu'il n'eft pas rond , mais plat en la partie d'euhaut. A quoy rcfpond fort bien & fort fami- lièrement lcmefme S; Docteur, mais donnant •à entendre que ce pallàgedu Pfalmifte, ne parle ny s'entend propremet de la figure du Ciel, mais jfngufi.%: dit cela feulcmen t , afin de nous demonftrer aucc ^ Gtn- *& quelle facilite Dieu baftit vn Ciel fi grand, ne luy lfttr' *' *"- ayant efté non plus difficile de baftir vne iiim- mcnfecouuerture, comme eftleCiel,qu'ilferoic à nous de defpioyer vne peau double , ou bien f>rctcndant le Pfalmifte nous donnera entendre a grande majefté de Dicu^uquel le Ciel fert,qui eft M beau & iî grand , de mefme façon que nous feruent les tentes ou çouucrtures aux champs. Ce qui aefté fort bien déclaré parvn Poëte,di- fant: Le taudis du clair Ciel. Melme le paflage d'I- faye qui dit, Le Cielmefert de chaire, & la terre etef- ifa, i&* cabeau pour mes pieds. Que Ci nous cnfuiuons l'er- reur des Anthropomorphites, qui attribuoient des membres corporels à Dieu félon fadiuinité, nous aurions occafion furie dernier palîàge de rechercher comment il feroit poflïble que la terre fuft l'efcabeau des pieds de Dieu,& comme le mefme Dieu pourroit tenir fes pieds d'vnc partie & d'autre , & plufieurs telles tout à l'en- îour, puis qu'il eft ençout&par tout le monde, B HISTOIRE NATVREILE qui feroit chofc vaine & totalement ridicule . Il faut donc conclure qu'aux fàincles Eicritures nous ne deuons pas fuiure la lettre qui tue" , mais l>C*rm. z. l'e/prit qUi viuifie,comme dit fa in et Paul. De U façon & figure du Ciel dit nnuneau monde - C H A P. V. «K^ Lvsievrs en Europe demandent quelle ^1^ eft la façon 8c figure de ce Ciel qui eu en la partiedu Sud, pource qu'il ne l'en peut trouuer chofe certaine aux limes des anciens, lefquels encor qu'ils accordent y auoir vu Ciel en cette autrepart du monde, ce neantmoins n'ont peu atteindre iufquesàlacognoiiîance de la façon 8c Tlin.bb.6. figure , qûoy qu'à la vérité ilï facent mention f«f>.zz. d'vnebelle & grande eftoille qui ievoid en ces parties cy, laquelle ils appellent Canopus.Ceux qui de nouucau ont nauigéen ces parties, ont accouftumé d'eicrire & raconter chofes gran- des de ce Ciel , à fçauoir qu'il eft fort rciplen- diflant , y ayant grand nombre de belles cftoil- les.Et en efrect les chofes qui viennent de loing, fedeferiuent ordinairement auec augmentation. Mais il me femble tout au contraire , tenant pour certain qu'en noftre codé du Nort il y a plus grand nombre d'eftoilles , 8c de plus illuftre grandeur ? ne fe voyant point par deçà eftoilles qui excédent la Pouffiniere , ny le Chariot. Il eft bienvrayquela Croifeededeça eft fort belle & aggreable à voir. N o>us appelions Croilee , qua- tre eftoilles notables 8c apparentes , qui font en- DES INDES. Ll V. I. IO tre elles vne forme de croix,aiïîfes efgalement 8c auec proporticn. Les ignoranscroyent que cefte croilee eft le Pôle du Sud -, d'autant qu'ils voyent les mariniers prendre leur hauteur par icelle, comme nous anons icy accouftumé de la pren- dre par le Nort. Mais ils fe crompen'e. Et la rai- fonpourquoy les mariniers le font de cefte fa- çon , eft , pource que de ce collé du Sud il n'y a aucune eftoi lie fixe qui matquc le Pôle, comme A iioftre Pôle le tait l'elloilleduNort. Etainfnls prennent leur hauteur par l'eftoille du pied de la Croifee, diftantedu vray & fixe Pôle Antarcti- que, de trente degrez, comme de là l'eftoille du Nort eft diftante du pôle Arctique de trois de- grez, ou peu d'auantage. Et ainii il eft plus diffi- cile de prendre la hauteur en ces parties, pour- ce que ladite eftoille du pied de la Croilee doit eftre droite , ce qui aduient feulement en vne heure de la nuict.quicft en diuerles parties de l'an, en différentes heures, & bien fouuent en toute la nuiet ne femonftre, qui eft chofefort mal commode pour prendre la hauteur. Par ain- ii les plus experts pilotes ne fe foucient de la Croifee.prenans la hauteur du Soleil par l'Aftro- iabe, par lequel ils cognoiflent la hauteur où ils fetrouuent. En quoy communément les Por- tugais font plus experts , comme nation quia grand difeours en l'art de nauiger fur toutes les autres nations. Il y a aufïî de cefte partie du. Sud d'autres eftoilles, qui en quelque façon ref- fcmblentà celles du Nort. Ce qu'ils appellent la voye lactée , feftend beaucoup , & eft fort rcfplendiflant en cecofté du Sudsfe voyant en Bij - I HISTOIRE NATVR.ELLE icellc , ces taches noires tant admirables , des- quelles cy-deuant nous auons fait mentiô. Pour les autres patticularitez , d'autres les diront auec plus grande curiofitè , & nous fuffit pour l'heure de ce qu auons dit. Qtiiiy a terre & mer fouis les deux pôles. c h A P. VI. gEncnouseft point peu de chofè faite d*e- Ë ftre fortis decefte matière, auec cefte co- gnoiuance&refolution qu'il y a vn Ciel en ces parties des Indes, quilescouure, comme à ceux d>Europe,d'Afie,& Afriquc.Etno'fertcc poincl; queiquesfois contre beaucoup d'Efpagnols , qui par deçà foufpircnt pour leur Efpagne, ne fça- chansdequoy parler que de leur pays, lefquels fcfinerueillentjVoire fe fafchent contre nous au- tres, eftimansque nous auons oublié , & faifons Deudecasde noftre patrie. Aufquels nous refpô- dons, que pour cela le defîrde retourner en Ef- pagne ne nous trauaille point. Pource que nous trouuons que nous iommes auilî proches du ciel eftansau Peru, comme nous en fouîmes eftans en Erpagne : comme dit fort bien faincl Hieroi- meclctiuant à Pauline, feauoir que la porte du Ciel eftauffi proche de Bretagne comme de Hie- rufâlem.Mais encor que le Ciel circuife le mon- de de tous coftez , il ne faut pas pour cela penler, que necelîàirement il y ait terre de tous coftez du monde. Car eftant ainflqueles deux Elemens de la terre & l'eauë compofènt vn globe ou bou- le ronde, félon que la plus-part, & les plus re- DES ÏNDES. L1V. î. II nommez autheurs des anciens l'ont tenu (à ce que rapporte Plutarque) & comme on le prouue ^u^re.l. par demonftrations très-certaines l'on pourroit ,^. M con lecturer, que la mer o ccupaft toute celte par- &u, tiequieft foubs le Pôle Antartiqueou Sud, de telle façon qu'il ne reftaft aucune place en ces parties pour la terre; félon que S.Auguftin re- prend fort doctement contre ceux qui tiennent les Antipodes ,difant, queencor que l'on face preuue,&que l'on croye que le monde ioit de figure ronde, comme vne boule, il ne fan; infé- rer de cela , que en cède autre partie du monde,îa terre foit def couuerte & sas eauë. Et fans doubte S. Auguftin dit fort bien en ce poinct, ce néant- AuwftX moins le contraire de ce ne fe prouue, & ne s'en- I^•»r renuerfecs au contraire : que les a?~ bres,& les crains croiffent là contre bas,& que la plnye^ la neige,<& hgrefle tombent, & s'efcoulcnt de tcri e con~ tremont ? Puis après quelques autres propos le mefmt Laitance tient ces propos : L 'opinion G" HISTOIRE NATVRELLE imagination^ que quclques-yns ont eue cfiimmsle Ciel rond}a cftélacaufe dr le motif d'mucntcr ces antipode.; fufpcndus en l'air , par ainfi te ne fuis que dire de tels 'Philofophcs , fin on que ayansmne fois erré, ils pour fui- uent, &sobftinent toujioursen leur opinion , fedcjfcn- dans les vns les autres. Iufques icy font les propos de Lactance. Mais quoy qu'il die , nous autres, qui pour leprefent eftans au Peru, habitons la partie du monde contraireà l'An"e,&: fommes leurs Antipodes (ainfiqueles Cofmographes renfeignent) ne nous voyons pas cheminans fufpendus en l'air , la tefte en bas , ny les pieds en haut. Certainement c'eft choie merueilleufe de confiderer que refpnt& entendement humain nepeutattaindre & paruenir à la vérité, fans vfer d'imagination : & d'autre part , qu'il luy eft im- poffible , qu'il n'erre, & ne faille, fil 0 en veut to- talement abftenir. Nousnepouuons compren- dre que le Ciel foit rond,commeil l'eft, & que la terre foit au milieu , fans l'imagination. Mais fi celte me/me imagination n'eftoit corrigée, Se re- formée par la raifon , &: que nous l'enfumi fiions du tout, en fin nous nous trouuerions trompez. D'où nous pouuons conclure vne expérience apeurée , que en nos âmes , il y a vne certaine lu- mière du ciel, par laquelle nous voyons & iu- geons, voire les mefm es images, &: formes inte- rieures,qui fe preientent à notis,pour les cognoi- ftre,&parceftemefmelumiet-e,nousapprouuÔs, &reicttos cc,quc l'imagination nous repreiente. Et de là voit- on clairement comme l'ame ratio- nelle eft par deflus toute la nature corporelle, Se comme la force , & vigueur éternelle de la vérité DES INDES. II V. T. 14 prefide au plus emineiu heu de l'homme:mefme l'on recognoit facilement, corne cefte lumière Ci pure.eft participante^ procède de celle premiè- re Se grande lumiere:que qui ne (çait cela,ou qui en eften doubte, nous pouuons dire de luy qu'il ignore,ou doubte f'ilelt homme,ou non.Ainfi fi nous dénudons à noftrc imagination , ce qui luy femble de la rondeur du Ciel , à la vérité elle ne nous relpondra autre choie, (mon que ce que die le mefme Lactance,fçauoir que, fi le Ciel eft rod, le Soleil,& les efloilles deuroiét tober lors qu'ils ie mouuent,& qu'ils changent de place,& Pefle- uent en tirant au midy. Tout de meime que fi la terre eftoic pendue en l'ailles homes qui habirec en l'autre partie d'icclle,doiuent cheminer les pieds en haut, Se la telle en bas , Se que les pluyes ne tobent point d'enhaut , mais coulét de bas en amont:& plufieurs autres monilruofitez ridicu- les. Mais fi l'on conlultc la force de la raifon,elle terapeudecas de toutes ces peintures vaines, Se fera qu'on n'efeoutera, non plus l'imagination, qu'vne vieille folle. Mais auec cède Tienne graui- té,& intégrité iefpodraîa-raiion,quec'erl vue er- reur fort grande de fabriquer en noftreimagina- tiô.tout le mode en la façon d'vne maifon,en luy dônat pour fodemét la terre,& le Ciel pour toiefc Se couucrture. Et dira d'auancage que c5me aux animaux, la tefteeflla partie la plus haute, & la plus efleuee(bieque tous les animaux n'ayet pas la tefte pofee en mefme fituatiô,les vns l'ayans au plus hautjComel'homqles autres trauerfâtes,cô- me les brebis;les autres au milieu comme les ieC- ches Se. araignees)ainfi le cicl,en quelque endroit ■ HISTOIRE NATVREUE qu'il foit, eu toufiours en haut,& la terre ne plus ne moins , en quelque endroit qu'elle foit de- meure toufiours enbas.Parquoy eftantainfîque • noftre imagination , eft fondée fur le temps, ôc le lieu, lefquels elle ne peut pasmefme compren- dre ôc conçcuoir vniueFiellement,mais feulle- menten particulier: Il s'enfuit que quand on la vetuefleuer, à la considération des chofes,'qui excédents furpallent le temps & lieu ,quiluy font cogneus, aufîi toftelle defchct& ne peut bonnement fubfifter,fi la raifort ne la fouftient Ôc foufleile , &c elle ne peut bonnement fe tenir en pied. De mefme nous voyons,que furie difeours de la création du monde, noftre imagination ex trauague pour chercher vn temps, anant la créa- tion d'iceluy, & pour fe baftir le monde , elle re- marque vn lieu. Mais elle ne parle pas outre à confiderer , que le monde pouuoit eftre fait d'v- ne autre façon. Comme ainlî foit nsantmoins que la raifon nous apprend qu'il n'y a point eu temps, auant qu'il y ait eu mouuemcnt, duquel le temps eft la mefure3& qu'il n'y a eu aucun lieu, auparauantl'vniuers, qui comprend & contient en foy tout lieu. Enquoy l'excellent Philofophe jlrifii.ie Ariftote fatisfait clairement, & en peu de paro- €\it la mer /le f^er le deftroit deCi- baltar. Et eft véritable quecepalîagede Pindare, o ù il di t, 0 h il eft di fendu aux f âge s &~ aux fols dcfça- uoir ce nui cjr plus outre, que le deftroit de Gibaltar>a. efteprinsiSc receupourprouerbe. Auiïi voyons nous par l'origine de ceprouerbecobien les an- cies fe font fichez Se arrêtiez obftinémët fur cefte opinion, corne auffi par les hures des Poètes , des hiftoriographes<3cCofmographesanciens,queIa fin & borne de la terre a elle mife en Cadiz d'Ef- pagne,oùils fabriquât les colones d'Hercules,là ils bornée les rins& limites de l'EmpireRomain, là ils depeignet les limites du monde. Et non feu- lemétles lettres prophanes en parlët de cefte fa- çon,maisaulîl les fainclesEfcritures pour racco- moder à noftrelagage,difans que,£ edià ^d'^Augth- fie Ce far fut publié, afin quetout letnondefut enregifiré: & d'Alexâdre [cGiâd^quilc/tëditfon Empire tufqucs aux fins cjr limites de la terre. E t en autre endroit ils dilenc que l'Euangile a fructifié & cru en tout le mode y 'muer fel. Car la/àincte Elcriturepar vn ftyle qui luy eft cômun , appelle tout le monde ce, qui cft la plus grande parcied'ieeluy, &qui iufques MM HISTOIRE NATVRELLÏ auiourd'huya eftédefcouuert frcogneu. Et; ont ignore les anciens , que la mer de l'Jnde Orienta- le,ny cette autre l'Occidentale, peuft élire naui- gee,cn quoyilsfelbnt generalLment accordez. flw.f.i. Pour rai fou dequoy, Pline efeript «comme choie cd/>. 67. certaine,que les mers qui font entre deux terres, nous oftent l'entière moytié delà terre habita- ble:pource(dit-il)qued'icy nous ne pouuons al- ler là , ny de là non plus venir icy. Et finalement, Tulle, Macrobe, Pomponie Me!e,& les anciens efctiuains ont cefte meime opinion. T— ■— —————————— " - ' Del' opinion d'.Ariftot e touchant le nouueau monde fâ ce cim la deceupour le luyfiure nier. c H a P. 1 x. PVtre toutes lesraifons lufdites,ilyenaeu vne autre, pour laquelle melme les anciens furent elmeuz à croire qu'il eftoitimpolîiblc aux hommesde pall'eren ce nouueau monde. C'eft qu'ils tenoyent, que outre limmenfué & gran- deur de l'Océan, la chaleur de la région, que l'on appelle Torride ou bn.-flee, eiloit cuit exceflïue, quelle ne pouuoit permettre aux hommes, quel- ques hazardeux ëc laborieux qu'ils fuirent , de la palier, ny par mer, ny par terre , pourtrauerier d'vn Pôle à l'autre. Car iaçoit que ces Philofo- phes ayét eux m efmes affermé, que la terre eftoit ronde ( comme en effeci elle i'eft ) Si que fous les deuxPoles y a terre habitablc:ce neantmoins ont ils mefeogneu , que la région comprenante tout ce qui eft entre les deux Tropiques(quieltlaplus grande des cinq Zones ou régions, par lefquelles les I DES INDES. LIV. I. 1J les Cofmographes , & Aftrologues diuifcnc le monde ) peut eftre habitée de l'humain lignage. La rai (on qu'ils donnoient pour fouftenir que celle Zone torride eftoit inhabitable,eftoit à cau- fe de l'ardeur du Soleiljequel fait (on cours droi- tement par delïus celle région ,8c C'en approche défi près qu'elle en eft totalement embrafee,& par confequent luy caufe vn défaut d'çauës & de pafturages. De celle opinion a efté Ariftote,le- J*r*ft- *• quel encore qu'il fut grand Philofophe, néant- *Me*a!'h' moins! elt trompe en cet endroit, pour 1 elclar- r ciflement dequoy il (era bon de direct remar- • quer les poinctsouil a bien di!couru,& les au- tres où il a failly. Ce Philofophe donc met en auant vnedifpute fur lèvent Méridional, ou du Sud , à fçauoir fi nous deuons croire , qu'il pren- ne (a naiflance du midy , ou bien de l'autre Polc contraire au N ort , &c eferit en ces termes . La raifon nous enfeigne,quela latitude & largeur de la ter- re habitable, eft bornée & déterminée , & néanmoins tonte cefte terre habitable ne peut eftre conjointe & con- tinuée l'y ne à l'autre. Pour-autant que la région du mi- lieu eft trvpintempcree : car il eft ce> tain qu'en fa longi-^ tude ,qui eft d'Orient au vonant,iln'y a forntde trop grand froid, ny d'exccfiue chaleur, mais il eft en fa lati- tude & hauteur , qui cftd'vn Poleà la ligne Equinottia- le. Et par-awft pourroit-on cheminer & trauerfer toute la terre en fa longitude, fi la grandeur de la mer, laquelle conioint les terres cnfemblcment , ne donnoit emùefche- ment. Iufques icy il n'y a rien à contredire en ce que dit Anftote,& a fort bonne raifon dédire que la terre par fa longitude , qui eft d'Orient ati Ponant, court plusvniemenc, & eft toufiours HISTOIRE NATVRELLE plus commode à la vie & habitation humaine, que non pas par fa latitude, qui eftdu Norc au Midy. Ce qui eft véritable non feulement pour cefteraifonmfdited'Ariftote, àfçauoirpour ce qu'il y a vne mefme ôc toufiours iemblable tem- pérance du ciel de l'Orient au Ponant: attendu qu elle eft efgalement diftante , ôc du froid fcp- tcntrional, ôc de la chaleur du Midy : Maisaufîï pour vne autre raiion , qui eft qu'en allât ôc che- minant toufiours en longitude l'on trouue & apperçoit-on les iours ôc les nuicts fuccedans les vns aux autres alternatiuement. Ce qui ne peut eftreen allant par la iatitudcd'autat que par neceffité il (croit befoin darriuer iufques à cefte région Poiacque, en laquelle il y anuicr. conti- nuelle de fix mois,choie grandement incommo- de pour la vie humaine. Le Philofophe parle plus outre,reprenant les Géographes, qui defcriuoiér la terre en fon temps,& dit ainfi : L'on peut bien co- gnotftre ce que ïay dit par les chemins que l'on peut faire far terre, <& p-ar les nauigations maritimes. Car il y a grande différence entre la longitude & la latitude, d au- tant que lefyacc & interuallc qui eft depuis les coloni- ales a' Hercules, ou deflroit de Cibaltar , iufques a l'Inde Orient aie, excède de la proportion de plus de cinq a trois, celle qui eft depuis î Ethiopie iufques au lac "Mcotis çj- derniers confns deScythie : ce qui eft approuué parle compte des tournées des chemins & de la nauigatio, que vous fçauons à prefeut par la mefme expérience. D'autre part nom auons aujîi cognoiffanec de la terre Jjabi table, iufques aux parties d'icelle qui font inhabitables. Et certes en cepoinct Ton doit pardonner à Arifto- te , puis que de fon temps l'on n'auoit point en- I DES INDES. LIV. I. I# core defcouuert plus outre que la première É- thiopie appellee extérieure, qui cft ioignant l'A- rabie , & l'Afrique ; & que l'autre Ethiopie inté- rieure a efté totalement incogneu'è de fon temps; mefme toute celle grande terre que nous appel- ions auiourd'huy la terre de Prete-Ian. Comme aufîï n'ont point eu cognoillancedurefte de la terre qui gift fous l'Equiuoxe , & va courant iuf- ques à outrepaiîer le Tropique de Capricorne, pour f arrefter au Cap de bonne efperance,fi bien cogneu & renommé par la nauigation des Por- tugais, que fi l'on mefure la terre depuis ce Cap iufques à la Scythie & Tartarie , il n'y a point de doute que cette efpacc & latitude Te trouuera aiiffi grande comme l'efpace & la longitude , qui eft depuis Gibaltar iufques à l'Inde Orientale. C'eft choie certaine que les anciens n'ont point cogneu lescommencemens& fources du Nil, ny la fin de l'Ethiopie, & pour cela Lucain re- prend la curiofité de Iules Cefar , de vouloir re- chercher & enquerirla fource du Nil , difànt par ces vers: Que tcfert-il Romain de prendre tant de peines *A rechercher du "Hil les jour ces & fontaines'* Et le mefme Poète parlant auec le Nil,dit: Tuis que ta prime fource cft fi cachée encoret Que qui tu fois., o N/7, tout tVniucr s ignore. Mais par la fain&e Efcriture mefme l'on peut entendre que celle terre eft habitable. Car fi elle ne l'eftoit,le Prophète Sophonias ne diroitpar- lant de ces nations appcllees à l'Euangile , Les fils de mes difperfe\ ( ainfî appelle-il les Apoftres) ip apportèrent desprefens déplus outre que les riuages C ij LuC4tt.to] Thtrfal. HISTOIRE NATVRELLE et Ethiopie. Neantmoins, comme il a efté d it,il eft raifonnable de pardonner au Philoiophe, d'a- uoir creu les hiftoricns, & Cofmographes de fon temps. Pourluiuons donc maintenant & exami- Sofh.t-yt. nons ce qui ('enfuit du mefme Ariftote : V ne par- tie du monde ( dit-il ) qui esl la feptentrionalefituee au 'Kort^out rc la Zone tcmperee,cfl inhabitable pour l'excès de froidure: l'autre partie, qui eft au midyfde mcfmenc peut ejire habitée outre le Tropique , pour l'excefsiue chaleur qui y eH. Tsiats les parues du monde font ejr ^i- fent outre lTndc>d'yn(oPié,& lescolomnes d'Hercules de t autre, pour certain ne fe peuuent joindre, ç-r con- tinuer l'y ne a l'autre: de telle façon que toute la terre habitable fe tienne en ru feul continent a caufe de la mer quilesfepare. En ce dernier poinct il dit la vérité, puis ilpourfuit touchant l'autre partie du mon- de , & dit : llcBncccffaircquc la terre aye me fine pro- portion, aucefon Tôle .Jntartiquequc ccsle noHre par- tie habitable a aucc le fictif qui es~i le "Rort, <& n'y a point de doute que en l'autre monde toutes chefes doiucnt eflre disfofees comme en ccsluy-cy , fpectalcment en la naif- fance & ordre des yents. Et après auoir mis en auan t d'autre raifons , hors de propos, conclud le mef- me Ariftote difant : Kous datons donc confffcr par necefiite,que leMendional est le 7ncfme yent qui fou ffle, & procède de cesle région embrafec de chaleur : laquelle région pour cs~lre fort proche du Soleil, défaut & man- que d'caux,&- de paflurages.Qc.cy eft l'opinion d'A- riftote, & à la vérité, l'humaine conjecture à grad peine a peu palier plus outre. D'où fouuentesfois ie vien à confiderer , (par vne contemplation Chreftienne) combien débile, & petite a efté la Philofonhjç des iages de ce fîçcle.en la recherche DES INDES. LI V. I. 19 des chofesdiuines, puifque mcfme aux chofes humaines , où ils iemblenc fi bien verfez , ils ont maintefois erré. Ariftote eft d'opinion 8c afferme que la terre habitable au Pôle Antarctique eu longitude eft trcs-grande , qui eft d'Orient au Ponant , 8c qu'en latitude du Pôle Antarctique à la ligne equinoctial elle eft très-petite. Ce qui eft fi contraire à la vérité, que toute l'habitation prefque,qui eft en ce codé du Pple Antarctique, a fa fituation en la latitude , ( i'entens du Pôle ala ligne,) & en la longitude d'Orient au Ponant eft tant petite, que la latitude l'excède trois parts» voire d'auantage. L'autre opinion eft, qu'il affer- me que la région du milieu eft du tout înhabita- ble,pour eftre fouz la Zone Torride embrafee de l'exceffiue chaleur que luycauiela prochainetc du Soleil , & par cefteraifon n'a point d'eaux, ny depafturages. Cequi eft au(Tî tout au contraire, d'autant que la plus grande part de ce nouueau monde eft fituee entre les deux Tropiques fouz la mcfme Zone Torride: Et neantmoins fe trou- uefort peuplee,& habitée d'hommes, & d'autres fortes d'animaux , eftant la région la plus abon- dante de toutl'vniuers en eauës & pafturages : 8c qui plus eft fort tempérée en la plus grande par- tie. Ce que la volonté de Dieu a difpofé de telle façon , afin de monftrer comme melmc aux cho- fes naturelles il a renuersé 8c confondu la (âge (Te decefiecle. En refolution il faut croire que la Zone Torride eft fort bien peuplée & habitée, quoyqueles ancies l'ayent tenu pour chofeim- poffible. Mais l'autre Zone ou région , qui eft entre laTorride 8c la Zone du Pôle Antarctique, C iij HISTOIRE NATVREL LE encore qu'en fon alîîctc elle foie fort commode pour la vie humaine, ce neantmoins eft peu peu- plée Se habitée, puis que l'on ne cognoift autre habitation en icelle que le royaume de Chillc, & vue petite portion joignant le Cap de bonne Efperance. Le refte eft occupé de la mer Oceane, bien que plufieurs foient d'opinion (laquelle ie veux bien enfuiure de ma part) qu'il y a beau- coup dauantage^c terre non encore dcfcouucr- te , laquelle doit eftre terre ferme à l'oppofite du royaumede Chillc, qui va courant plus outre, que le cercle ou Tropique de Capricorne. Que ril y en a, fans doute ce doit eftre vne terre d'ex- cellente température , pour eftre au milieu des dcuxextremitez,& fitueeen mefrne climat que lameilleure région de l'Europe. Et pour cefte confîderation eft fort bonne la conjecture d'A- riftote : mais parlant de ce qui eft auiourd'huy defcouuert,cc qui eft en celle Zone eft peu de choie, en comparai fon de la grande efpace de terre habitée eftenduc fouz la Zone Torride. Que Time Cries anciens ont eultntefmc opinion qu'^Arislote. chap. x. && 'Opinion fufdicte d' Ariftote a efté fuy uie Se Ttin.hb.i. Sais? tenue" par Pline , qui dit ain.fi : La tempera- (• 68. turc de la région du milieu du monde, par où &;\ 1 endroit de laquelle continuellement chemine le Soleil 5 eft embrazee &- bruflee comme d'vn feuprochain, îoiguant icelle région du milieu. DES I NDES. LIV. . I. 20 Il y en a deux autres aux deux codez, qui pour eftre entre l'ardeur de celle Torride,& le froid cruel des deux autres extrêmes , font fort tempé- rées , & ne peuuent auoir communication les vues auec les autres, à caufede l'ardeur exceiïï- ue du Ciel . Qui a efté la mefme opinion des anciens généralement défaite par le Poe" te, en ces vers : Tout le Ciel cfl circuit de cinq Zones, dont tvne Que Vhebus ardtoufioursd'vne braife importune, Hjndla terre au dejfous toutereuge et ardeur. Et le mefme Poëte en autre lieu: Oye^ fi quelque gent habite en celle part. Qui fous la large 7.onc a (on quartier à part -, Qtbc(i[c\uciid delà merAtlantique,quieft l'O- ccan,qui fe rencontre au fortir du dcftroit de Gi- baltar) pour ce que le pafiage cfioit clos à la bouche des colomncs d'Hercules, (qui eft. le mefmedeftroit de G 1 bal car) . Et cefie Ifle cfioit joincfe en ce teps a la bou- che jufdick, & cfioit de telle grandeur , qu'elle execdoit toute l'./fjic & l '.Afrique e??fc?nldcmet:&alorsil y auoit yn pa^fage pour aller de ces Ifles à d autres, & de ces au- tres l fi es l'on alluit à U terre fermey qui eftoit proche, en- vironnée de la yraye mer. Cela eft raconté parCritias en Platon. "Et ceux qui fe perluadet que cefte nar- ration de Platon eft vnevraye hiftoirc deduietc & cdtenu'é foui ces termes. d> lent que cefte gran- de Ifle appellee Atlantique, laquelleexcedoiten grandeur l'Afrique &" l'Aile tout enfemble,occu- poit alors la plus grande part de la mer Oceane appellee Atlantique, que les Espagnols nauigenc auiourd'huy,&: que les autres Ifles, qu'il diibic cftre proches de celle grande , font celles que maintenant nous appelions Ifles de Barlouante, à ^çauoir Cube Efpagnolle , fai r.ct Iean du Port- riche , Iamaique ôc autres Ifles de cefte con- trée : mefme que la terre ferme dont il fait men- tion , eft celle qu'auioutd'huy nous appelions HISTOIRE NATVRE1LE terre ferme , à fçauôir le Peru , 8c l'Amérique , & que cède vraye mer , qu'il dit , eft joignant icelle terre ferme, içauoir la mer du Sud, qu'il appelle vraye mer, pource qu'en comparaifon de fa gran- deur , les autres mers Mediteranees , voire la meime Atlantique, font comme petites mers. Par cela à la vérité ils donnët vne interprétation fort ingenieuic & artificieufe à ces propos de Platon. Mais fi cette interprétation doit eftre te- nue pour veritable,ou non,i'ay delibei é l'efclair- cir en autre lieu. Que quelques -y ns ont eu opinion au aux lieux dé lEfoiture faincie , où UeHfaiEl mention d'Ophir i on le doit entendre de noftrc "Peru, CHAP. XIII. ^5 Velques-vns ont cefte opinion qu'il eft fait * S mention en lafaincieEicntuc de cefte In- de Occidentale, prenans la régi on du Peru pour ceft Ophir tant célébré en icelle. Robert Hftien- ne, ou pour mieux dire François Vatable , hom- me fort versé en la langue Hébraïque (comme i'ayouy raconter à noftre Précepteur qui fut fon diiciplc) dit aux annotations fur le neufielme I» $./.*/£. chapitre du troifiefme linredesRoys, quel'Ifie f- 9- Efpagnolle,quetrouuaChriftoneColôb,eftoit celle d'Ophir , dont Salomon faifoit apporter mappara- quatre cens vingt , ou quatre cens cinquante ta - tuBtbu* lents d'or tres-fin& pur. Pour ce que l'or de Cu revit tm- , , . T 1, phatee. c bao cluc Ies noftres apportent del Eipagnolle,elt ». ' de telle façon & qualité. Et f en trouuent encore plufieurs DES INDES. LIV. I. £J plufieurs autres qui afferment que ceftuynoftrc Perueft Ophir , deduifans &;tirans vn nom de l'autre , lefquels croyent que des lors que le liurc de Paralipomenon fut efent, l'on appelloitPeru i-PtraLfl comme auiourd'huy ils fe fondent en ce que la î'*-eZ?m> faincte Efcriture rapporte que l'on apportoit d'Ophir de l'or très- pur, &des pierres fort pre- cieufes auec du bois qui eftoit fort beau & fort rare: lefquelles chofes font abondantes au Pé- ril,comme ils difent. Mais(àmonopinion)c'eft: choie fort efloignee de vérité, que le Peru foie O phir tant célébré par les lettres facrees. Car ia- çoit qu'en ce Peru il y ait allez grande abondan- ce d'or , ce n'eft pas toutesfoisde telle façon que l'on ledoiueefgaler à la renommée des richelîes qu'a eue anciennement l'Inde Orientale. Iene trouue point qu'en ce Peru il y ait des pierres fi i. var. 8„ precieulcs,ny de bois fi exquis, qu'on n'en ait ia- 4-1^- ra- mais veu defemblablesen Hierufalem. Car en- '" *^e& 9' core qu'il y ait des efmeraudes exquifes , 8c quel- ques arbres d'vn bois dur & aromatique : ce neantmoins ie n'y trouue point chofe digne de telle louange, que lafaincte Efcriture donne à Ophir. Mcfme il me femble qu'il n'eft pas vray- femblable que Salomon euft lai fîé l'Inde Orien- tale tres-nche & opulente,pour enuoier fes flot- tes de nauires à cefte dernière terre : que fi elles y cftoient venues tant de fois, (comme il eft eferit) certainement nous trouuerions plus derefte& detefmoignage d'icelles que nousn'auons pas. Dauantage, l'etymologie du nom d'Ophir , & le changement ou réduction d'iceluy au nom du Peru j me femble chofe peu confiderable , eftanc D I I HISTOIRE KATVRELIE certain que le nom du Peru n'eft pas fort anci en, «y commun à toute celle contrée. L'on a eu de couflume ordinairement en ces defcouuertures du nouueau monde , de donner nom aux terres &ports de mer, félon l'occafion qui Ce prefen- toit alors del'arriuee, &croy que le nom du Pe- ru a eftéain Ci trouué,& mis en vfage. Car nous tenons icy , que le nom a elle donne à toute celle terredu Peru, à caufed'vn fleuueainfi appelle parles naturels du pays,auquel les Efpagnols ar- riuerent quand ils firent la première delcotiuer- tc. Et de là nous difons que les mefmes Indiens naturels du Peru ignorent, Se ne Ce feruent aucu- nement de ce nom &c appellation pourfignifier leur terre. Il lemble d'auantage que les mefmes autheurs veulent dire que Sepher, dénommée en la faincte Efcriture, cft ce qu'auiourd'huy Ton appelle les Andes, qui font des montagnes très- hautes du Peru. Et celle reflemblance des mots & appellations n'eft pas chofe furfifànte. Car (i cela auoit lieu , nous pourrions auflï bien dire que Iectan eft Iecfan, mentionné en la iainclc Efcriture. AuiH nous ne pointons dire que les jeâanf- noms de Tite &c Paul , de(quels ont vie les Rois husHeber. jnqUas fe x:e Peru , (oient 'prouenus des Ro- lectan fi- malni,>°U Cnreltiens -, d autant que c ell vn argu- Um Aha- ment trop foible & trop léger , pour tirer con - h*ex ce- clufion de chofes fi grandes. L'on voit claire - titra ce». ment que c'eft chofe contraire à l'intention de ZJ" l'Efcriture faincle, ce que quelques- vns ont et- crit que Tharfls & Ophir n'eftoient en vne mef- me route & prouince, en conférant le chapitre . vingt- deuxicfme du quatrieime liuredesRois, DES INDES. L IV. I. l6 a.Uec le chapitre vingtiefme du fecôd liuredu Pa- ralipomenon. D'autant que ce qui eft dit au li- uredes Roys, que Iofaphatdrelîàvne flotrede rauiresen Afiongaber pour aller quérir de l'or à Ophir, eft aiiiîî référé au Paralipomenon, que celle mefmc flotte fut drelfee pour aller à Thar- fis. D'où l'on peut facilement inger qu'en ces li- ures fufdits, quand l'Efcriture parle de Tharlîs & Ophir, elleentend vue mefme chofe. Quel- qu'vn me pourroit demander fur cecy,quelle ré- gion ou nrouince eftoit ceft Ophir, oùalloitla flotte de Salomon , auec les mariniers de Hyram. Roy de Tyr& de Sidon, pour rapporter dç.i'or, î-R.^f-9. ik où prétendant aller la flotte du Roy Iofaphats 4> ^' perit,& fit naufrage en Afiongaber , comme rap- porte l'Efcriture. En cecy iedis , que îe m'accor- de fort volontairement à l'opinion de Iofephe, en les liures des Antiquitez, où il ditquec'eft vne prouince de l'Inde Orientale , laquelle fut fondée par ceft Ophir, fils de Ie^tan,duquel il eft faict mention au Genefedixiefme, &eitoit celle Gene^ l0' prouince abondante d'or très-tin. De là eft venu que l'on célèbre tant l'ord'Ophir, ou d'Ophas, ou félon qu'aucuns veulent dire que ce mot d'O- brile,vaut autant comme quidiroit l'Ophiri- ze. Pourceque y voyant fept fortes tk eipeces d'or , (comme réfère faincl Hierofme) celuy d'Ophir eftoit tenu pour le plus fin , comme icy nous louons &eftimons l'or de Valdiuia ou de Caranaya. La principale raifon qui me fait croi- re qu'Ophir eft en l'Inde Orientale ,6c non en cède Occidentale , eft pource que la flotte de Salomon ne pouuoit venir icyfà,ns palier toute HISTOIRE NATVRELLE i'Inde Orientale,toute la Chine , 8c autre grande cfpace de mer^ n'eftant pas vray-femblablc qu'il* eullent trauerfé tout le monde pour venir icy chercher de l'or, principalement eftant cefte ter- re de telle façon , que l'on n'en peut auoir eu co- gnoiiTance par aucun voyage de terre , 8c mon- trerons après que les anciens n'auoient cognoil- fancede l'art de nauiger , dot nous vfons auiour- d'huy,fans lequel ilsn'euiTent peu ^engouffrer &auancer fiauant dans la mer. Finalement en ces chofes quand il n'apparoift indices certains, mais feulement conic&ures légères , l'on n'eft obligé d'en croire dauantage que ce qu'il en fem - bleàvn chacun. Qucjîgnifiecn U faincieEfcriturc Tbarfis ér Opbir. CHAP. XIII I. I les opinions & coniedures d'vn chacun doiuent eftrereceuës ,ic tiens quantàmoy qu'en la faindte Efcriture ces mots de Tharfis&: Ophir,leplusfouuent ne lignifient aucun lieu déterminé, mais que c'eft vn mot & lignification générale aux Hebrieux, comme en noftre vul- gaire ce mot des Indes nous eft gênerai en noftre vfage & façon de parler: car nous entendons par les Indes , des terres fort riches , efloignees 8c eftranges des noftres. Ainfi nous autres Efpa- gnols indifféremment appelions Indes lePeru, le Mexique,laChine, Malaque,&leBre(il,&:de quelconques parties de celles-cy que viennent lettres5 nous difons que ce font lettres des Indes, DES INDES. LIV. I. 1? cftans ncantmoins lcfdites terres 8c Royaumes de grande diftance 8c diuerfité entre elles i iaçoit auiïï qu'on ne puiflTe nier, que le nom des Indes l'entend proprement de l'Inde Orientale . Ec pour ce que anciennement on parloit de ces In- des comme d'vne terre fort eflongnce,de làeft venu , que à la defcouuerture de ces autres terres, auflî bien efloignees, a l'on donné le nom des In- des : pour eftre diftantes des autres , & tenues comme le boutdumonde. Etdemefmefaçonil me femble , que Tharfis en la faincte Efcriture le plus fouuent ne fignifie ny lieu , ny partie déter- minée , mais feulement des régions fort eflon- gnees , Se félon l'opinion du peuple , fort riches, & fort eflranges.Car ce que Iofephe 8c quelques- vns veulent dire,que Tharfis efl Tarfo félon l'in- tlieYon.aâ tendon de l'Efcriturc, il me femble auec bonne Xl4r" 'm raifonauoircflé reprouuèparèfaincT: Hierofme: non feulement d'autant que ces deux vocables {' efcriuent par diûerfes lettres,l'vn auec vne afpi- ration, 8c l'autre fans afpiration;mais auffi,pour- ce que l'on eferit beaucoup de chofes de Tharfis, qui nepeuuentpas bienconuenirny fc rappor- ter à Tarfo cité de Cilicie. Il efl bien vray , que en quelques endroits de l'Efcriture , il efl dit que Tharfis efl en Cilicie. Cequifetrouue au liure de Iudith , quand il eft parlé d'Holofernes , du- /»^-2- quel il efl dit qu'ayant pafsé les limites d'Alîyrie, il paruint iufques aux grands monts d'Ange, (qui par aduenture efl Taurus ) lefquels monts font à la feneflrt de Cilicie , 8c qu'il entra en tous les ,L<** P '"' chafleaux, où il affembla toutes les forces, ayant deftruie celle tant renommée cité de Melothi, D iij Theod. in i . loAn. Jlxtafmot. thid. & tn alphabeto appartins. Kieron. ad Marcell. tfayx 6q. HISTOIRE NATVRELLE defpouilla, ôc ruina tous les fils de Tharfis 5c d'Ifraël,qui eftoient joignant le de(ert,& ceux • qui eftoient au midy, vers la terre de Cellon , & delàpairal'Euphrates :mais (comme i'ay dit) ce quieftainfi efcritde Tharfis ne le peut accom- moder à la cite deTarfo. Theodoret& autres fuiuas l'interprétation des feptante , en quelques endroits mettent Tharfis en Afrique,voulans di- re que c'eftoit la ville mefme , qui anciennement Pappelloit Carthage, &auiourd'huy Royaume de Thunes, & difent que c'eftoit là où Ionas vou- loit aller, quand I'Elcriture rapporte qu'il i'en- fuyoit du Seigneur en Tharfis. Autres veulent di- re , que Tharfis ell vue certaine régi on des Indes, comme il femble que fainct Hierofme ('y vueillc incliner, le ne veux pas à prefent debatre ces opi- nions, mais ie veux bien dire , que i'Efcriture fur cède matière ne fignifie pas toufiours vne région ou partie du monde certaine & déterminée. Il cil certain que les Mages ou Roys qui vindrenc adorer Iefus Chrift eftoient d'Orient, & auflidit I'Efcriture , qu'ils eftoient de Saba, Epha,& Ma- diem. Et quelques hommes doâres font d'opi- nion , qu'ils eftoient d'Ethiopie , d'Arabie , ôc de Perfe. Et neantmoins le Pialmifte ôc l'Eglife chante d'cuXiLes ï{oys cleï'htrfîs df'jwrteront des />,' fens.N ous nous accordons doncauec faindl Hie- rofme, que Tharfis eftvn mot, quia plufieuis Se diuerfes lignifications en I'Efcriture,^ que quel- quefois il fignifie la pierre Chryfolithc,ou Iacin- the,tatoft quelque certaine regio des Indes , tan- toft la mer mefme , qui eft de couleur de Iacinthe à lareuerberation du Soleil. Mais auec raifon le DES INDES. t IV. I. 28 mefme faindt Docteur nie que Tharfis foit regio des Indes,où vouloir fuir louas, puis que parrant deloppé ,illuy eftoit impoffibledenauiger iuf- ques es Indes paricellemcr. Ponrce que Ioppé ( qu'auiourd'huy nous appelions Iaffe , n'eft pas vnporr de la mer rouge, laquelle eft jointe anec la merlndique Orientale, maisdela mer Medi- terranee,qui n'a point d'ilTiic parla mer Indique. D'où il appert clairement,que la nauigation que faifoitlaflotedeSalomon partant de Aiîongaber (où fc perdirent les nauires du Roy Iofaphat) al- loit par la mer rouge à Tharfis Se Ophir, ce qui eftexprefsémentatteftcen l'Efcriture. Etaefté cefte nauigation fort différente de celle que pre- tendoit faire louas àTharfis,puifque Afiongaber eftle portd'vne cite d'Idumee, aflife fur lede- ftroit,oLi la mer rouge fe joint auec le grâd Ocea. De ceft Ophir l'onapportoità Salomon de l'or, derargét,dumorphie,desmonnes,& coqs d'In- de, &eftoit leur voyage de trois ans, toutes les- quelles chofes fans doute doiuent eftrc entêduës del'Inde Orientale , qui eft féconde Se abondâte en toutceqiiedetîus,ainii que Pline l'enfeigne, ôz que nous en auons à prefent certaine cognoik fanec. Denoftre Peru certainement ils n'euiïenc peu apporter du morphie , d'autant que les Ele- phansy font du tout incognens. Mais ils enflent bien peu apporter de l'or, de l'argent, & de fore plaifantes& gentilles monines. Finablementil me femble que TEfcriture faincte entend com- munément par ce mot de Tharfis , ou la grande mer, ou des régions fort eflongnees & eftran- ges. Parainfiililippofe que les Prophéties qui D iiij HISTOIRE NATVRELLE parlent de Tharfis ( puifque l'efprit de prophétie peut tout fçauoir) fepeuuent bien fouuent ac- comoder aux chofes de noftrc nouueau monde. C»iio Bo- deriin. m ept.ad Phi- bppum Ca- thol. re^ern o in s . Com. foc. Bibl.tn Marra*, in Hitfa. bift. Ludonicm leo Attgtt- ftinian. m comment. J»per jîb- dia. De la Prophétie d'^îbdias, que quelques-yns interprè- tent cfire des Indes. CHAP. XV. Lufieurs difent & afferment, qu'en laiàin- ^ tte ticriturc il a efté prédit bien long temps deuant, que ce nouueau monde deuoit eilre con- ucrty à Iefus Chrift par la nation Efpaignolle , & à ce propos mettét en auant ôc expliquent le tex- te de la Prophétie d'Abdias,qui ditainfi : ^i la tranfmigration de ceft exercite des enfans d'Ifrael pofje - dera toutes les chofes des Chananees iufqucs en Sarcptey & la tranfmigration de Hierufalcm,qui eft au Bofphore, pofjcdcrales cite% du midy , & monteront les fauueurs au mont de Sion pour tuger le mont d'ïfau , & fera le ï{oyaume pour le Seigneur. Cecy a elle mis ainfi en vulgaire fuyuant la lettre. Mais les autheurs que i'encens, en l'Hebrieulifent ainfi: Et la ttanfmi- gratto de ceft exercite des enfans d'Ifrael (qui font les) Cananeans iufques à Zarphat (qui eft France) &la tranfmigration de lerufalem , qui eft en Sapharad ( en- tendez pour Efpaigne) pojfedcr a pour héritage les cite^ du midy, cjr monteront ceux qui procurent Lfal- itation au mont de Sion , pour tuger le mont d'F.fau, & fera le \\oyaumc pom le Seigneur. T o u t efo i s au eu n s d'eux n'allèguent fumfant tefmoignagedes an- ciens, nyrailon pertinente, pour monftierque Sapharad,quefainct Hierofme interprète le Bos- phore ou deftroit 5 &: les feptante Interprètes DES INDES. L 1 V. I. 2.9 l'Euphrate, doiue lignifier I'Efpagne , que leur feule opinion. Les autres allèguent la faraphra- fe Chaldaïque,qui eft de cède opinion, & mefme les anciens Rabis qui l'expliquent de cefte façon, comme aufîî ils expliquent Zarphat eftre France ( que noftre vulgaire & les feptantedifent eftre Sarepte). Et lai liant cefte difpute, qui appartient aux gens plus de loifïr, quelle neceffîté y a-il de croire, que les citez de î'Auftre , ou de Magcb (ainfiiqu'efcriuent les feptante) foient les gens de ce nouueau monde ? D'auantage , quel befoin eft-il de croire,& de prendre la nation Efpagnol- lepour la tran (migration de Hierufalemen Sa- pharad ? fi ce n'eft que nous vueillions prendre Hierufalem fpirituellement, & que pour iceîle nous entendions l'Eghfe. De forte que par la tranfmigration de Hierufalem en Sapharad,le (ainét Efprit nous demoftre les enfans de la fàin- cte Eglifc,qui habitent aux fins de la terre, & aux nuages, pource cela en langue Syriaque eft dicSb *Sapharad,& fe rapporte bien à noftre Efpagne, qui félon les anciens eft la fin & le bout de la ter- re,eftant prefque toute enuironnee de la mer. Or parles citez d'Auftre,ou deSud, l'on peutenten- dre ces Indes: attendu que la plus grande part de cenouueau monde eftafïilean midy :&lameil- ■ leure partie duquel regarde le Pôle Antarctique. Ce qui 0 enfuit eft facile à interpréter, fçauoir ceux qui procurent lu faluation , montèrent au mont de Sion pour iuger le mont d'Efau : parce qu'on peut di- re que ceux là fe retirent à la doctrine, ôc au fort delà faincte Eglife, qui prétendent rompre & diflïpcr les erreurs profanes des gentils 3 car cela Intcr HISTOIRE NATVREI.il peut cijfcrc interprète iuger le mont d'Efau. D'où ili?en'rai|hië, qu'alors le Royaume ne fera pour les Efpagnols,ny pour ceux d'Europe,mais pour Iefus Chrift noftreSauueur. Qui conque voudra expliquer de cefte façon la Prophétie d'Abdias, nedoiteftre reprins puisqu'il eft certain que le faincl Efpnt a feeu & cogneu tous les iecrets lôg temps au parauan t. Et femble qu'il y a grande ap- parence de croire , qu'il eft faict mention en la iaincte Elcrituic d'vne affaire de telle importan- ce,comme eft ladefcouuerture des Indes & nou- ueau monde, & conuerfion d'iceluy en la fov. jfai. 1 8. Iiaie mefme dit ces termes..^/; les ailles des nauires tuxta 70. quivoxt idel 'autre part d'Ethiopie. Plufieurs auteurs tres-doctes déclarent que tout ce chapitre eft en - tendu des Indes , & le mefme Prophète en d'au- tre endroit dit , One ceux ejni efchapertmt a'Ifracl tront fort loingà TbarJîsÇjr en des 1 fus fort eflongnees, où ils coimcrtiront au Seigneur plufieurs & dîner fis nx- thns. Entre lesquelles il nomme la Grèce , l'Ita- lie ,& l'Afrique, & beaucoup d'autres. Ce qui, fans doute ie peut bien rapporter à la conuerfion: de ces nations des Indes. Car eftant choie alïeti- a/4«/;.i4. ree que l'Euangile doit eftre prefehee par touc l'vniuers, ainfiqueleSauueur nous l'a promis,] & qu'alors viendra la fin du monde, il i'cniuit,^: ainfi ledoit-on entendre , qu'en toute i'eftendué du mondeilyabeaucoupde nations à.qui leiusj Chrift n'a efté annonce. Partant nous deuonsdej là recueillir, qu'il eft demeuré grande partie duj mode incogneuë aux anciens, & qu'auiourd'huyj il y en a encore vue bonne partie à defcouuriru lfain66. DES INDES. LI V. ï. 30 far nuel moyen ont peu arriuer aux Indes les premiers hommes, & qu'ils n y font arrme^ de gret & félon leur intention. c H A P. XVI p2ï5 Aintenant ileft temps de refpondreà ceux gara qui difent qu'il n'y a point d'Antipodes, & quecefte région où nousviuons, ne peut eftre habitée. L'immenfe grandeur de l'Océan , ef- pouuenta tellemêt fainct Auguftin, qu'il ne pou- tioit penler comment Ielignage humain eufl peu paiferàceftuy noftrenouueau monde. Mais puis qued'vnepart nous fçauos de certain que pailez font plusieurs ans, qu'il y a des hommes habitans en ces parties cy, & d'autre part ne pouuons nier ce que laiaincfce Efcriturenousenfeigne claire- ment, que tous les humains font procédez d'vn premier homme , que fans doute ferons con- traincts de croire & confelïer que les hommes fe- ront paffez icy de l'Europe , de l'Afie , ou de l'A- frique: toutesfoisce pendant il nous faut recher- cher & difeourir par quel chemin ils y ont peu venir. Il n'eft pas vray-femblable qu'il y ait eu vneautrearchedeNoé, en laquelle les hommes puilïent eftre arriuez aux Indes, & moins enco- reque l'Ange ait tran {porté les premiers hom- mes de ce nouueau monde.attachez & fulpendns parlescheueux , comme il feit le Prophète Ha- bacuc, car nous ne traitons pas de la toute puif- fance de Dieu , mais feulement de ce qui eft conforme à la raifon & à l'ordre ôc di (ponc- tion des chofes humaines. C'eil pourquoy ces HISTOIRE NATVRELLE deux chofes doiuent eftre tenues pour admira- bles Se dignes de merueille , voire d'eftre coptees entre les fecrets de Dieu. L'vne que le genre hu- main ait peu pafTer vue h* grande trauerfe de mer, ôc de terre. L'autre que y ayant icy h* grand nom- bre de peuple , ils ayét efté neatmoins incogneus partantdefiecles. Pourcefte caufe ie demande par quelle délibération , force Se induftrie , le li- gnage des Indiens a peu palier vne II large mer,& Se qui ponuoit eftre l'inuenteur à'vn paiïage il eftrange. Véritablement iel'ay plufieurs fois re- cherché Se ruminé à moy-mèfme , (comme plu- fieurs autres ont fait,) Se iamais n'ay peu trouuer chofe qui me peuft fatisfaire. Toutes-fois i'en veux bien dire ce que i'en ay conceu Se qui me vient à prefent en la fantafie, puis que les tef- moins me manquent , lefquels ie peutle fuinre Se melaillerallcrparlefil de la raifon (quoy qu'il foit fort délié ) iufques à ce qu'il fe difparoiflè du tout de deuant mes yeux. C'eîl vne chofe certai- ne queles premiers homes font venus en la ter- reduPeru par l'vnedeces deux manières, fça- uoir ou par terre, ou par mer. Que fils font ve- nus par lamer,ç'a clic ou fortuitement Se par ha- sard, ou de gré & propos délibéré, l'entenspar hazard eftansiettez par quelque orage Se force de tourmente , comme il aduient en temps rude, &:tempeftueux. I'entens aufîi de propos délibé- ré qu'ils euflentdrefsé leur nauigatiô, pour cher- cher Se defcouurir de nouuelles terres. Outre ces . deux manières, ietrouue qu'il n'eft point pofïï- ble d'en trouuer d'autres , il nous voulons iuiure le cours des chofes humaines , Se ne nous arrefter DES INDES. 1IV. I. 3* à fabriquer des fictions Poétiques & fabuleufes. Car il ne faut pas que quelqu'un fe perfuade de trouuer vn autre Aigle,comme celle de Ganime- de , ou quelque chenal volant , comme ccluy de Perfeus, qu'il maintienne auoir apporté les pre- miers Indiens par l'air , ne que par aducnture ces premiers hommes fe foient feruis de poiiïbns, comme Serenes , ou Nicolas , pour lesauoirpaf- fez là. Mais détaillant arrière ces propos de men - fonge , & dignes de rifee, examinons vn peu cha- cune de ces deux manières mifes en auant : atten- du que cède difpute fera plaifante & vtile . Pre- mièrement il me femblequecene feroicpas cho- fe rropeflongneede raifon dédire, que les pre- miers & anciés peuples de ces Indes font venus, ontdefcouuert, & peuplé par la mefme façon, que nous antres à prefent y venons iournelle- ment, à fçauoir part l'art de nauiger, Se l'ayde des pilotes ,lcfquels feconduifentpar la hauteur &: cognoHîànce du Ciel, &c auec l'induftrie qu'ils on t de chiïger & manier les voiles félon le temps qui fe prefente. Pourquoy cela ne pourroit-il pas bien élire? faut-il croire que nous fèuls hom- mes, & cnceftuy noftre fiecle,tant feulement, ayons comprins Se cogneu l'art de n'auigerTO- cean? Nous voyons que de ce temps mefmc,i'oii nauige &trauerfe encore l'Océan pour defeou- urir nouuelles terres, comme peu de temps y a qu'AluaroMendana&: fes compagnons ont na- uige , eftans partis du port Lima , & fuiuy la rou- te du Ponant pour defcouurir la terre qui gifti l'Eft, où eft le Peru, 5c au bout de trois mois,def- couurirent les Ifles , qu'ils appelèrent Ifles de I HISTOIRE KATVRELLF, Salomon., qui font pluficurs & fort grandes. Et y a grande apparence qu'elles gifent joignant la nouuelle Guynee: ou pour le moins quelles font fortproches d'vneautre terre terme. Et encore auiourdhuy parle commandement du Roy,&: de fon conleil l'on délibère d'apprelter vne nou- uelle armée pour aller à ces Ifles. Puis donc qu'il çft ainfi , pourquoy ne dirons nous pas , que les anciens audi bien n'aycntpeuauoirle courage, &refolution de voyager par mer à mefme déli- bération de dcfcouurir laterre, qu'ils appellent Antictthon,oppofite A la leur,& que iclon le dii- coursdeleurphiîolophie, deuoiteftreauecdei- fein de ne fanefter iufques à la veuë des terres qu'ils cherchoient? Certainement il n'y aaucu- ne répugnance ou contrariété que ce que nous voyons auiourd'huy arriuer, foit ainli ancienne- i.p. ils feoiët en la prouë,pour regarder les differeces des terres& des mers,&: duquel lieu ils cômandoient au gouuernail. Corne auiourd'huy l'on vfe enco- re a l'entrer ou fortir de quelque port & haure,& pour ceftc'occaiion les Grecs appelloiet les Pilo- tes Profitas, pour ce qu'ils fe teno ienc en la prou'ù. HISTOIRE NATVRELLE » — ' ■ ■ — .. .— De la propriété '<& vertu admirable de la pierre â'^Ây inant , pvur le faicl de la navigation/? que les anciens n'en ont eu cognoijpmce. C H A P. XVII» iq. 5- Arcequieitditcydclîus, il appert quel'on ^ doit tenir la nauigation des Indes fî briefue 8c fi certaine que nous l'auons delapicrre d'Ay- mant. Comme auiourd'huy nous voyons plu- sieurs hommes qui ont voyagé de LifDonne à Goa,de Seuille à M exicque, à Panama,& en tou- te cefteautre merduSud, iufquesàla Chine 8c au deftroit de Magellan , &: ce au fil facilement & certainement, comme le laboureur peut aller de la métairie en la ville. Nous auons veuaufîl des hommes qui ont faict quinze voyages aux Indes, voire dix-huict,& auons entendu parler d'aucuns anciens lefquels outrait plus de vingt voyages, paflins 8c repalïans la largeur de ce grandOccan. aufquels ils n'ont apperceu aucuns reftes ny ap- parences de ceux qui auoient pafsé ny rencontré voyageurs à qui demander le chemin. Car (com- me dit le Sage) la nauire coupe l'eau Se Tes ondes, fans laitier vertiges par où elle palTe , ny faire chemin dans les ondes . Mais par la vertu & propriété de la pierre d' Aymant , il fe faicl en ceft Océan comme vn chemin tracé 8c defcouuert, le très-haut Créateur dé toutes chofes luy ayant communiqué telle vertu , que par Ton attouche- ment au fer , il luy communique cefte propriété, d'auoir fon. rnouuement 8c regard vers le Nort, E> ES ÎNDÊS. LI V. t.' 34 Fans y faillir en quelque partie du monde que ce puilleeftre. Quelques-vns recherchent quelle eft lacaufede celte propriété merueilleufe, & veu- lent dire, & f imaginer le ne fçay quelle fympa- thie : mais quant àmoy,ic prends plus deplaifir &: de contentement confiderantfesmerueilles, i loiier la grandeur & pouuoirduTout-puihrantJ& me rehouyren la contemplation dzies œuures admirables, «ScàdireauccSalomon, parlant fur sap. 14; ce propos : 0 Père, duquel la Trouidencc ^ouuerncejr maintient vn bois, luy donnant vn chemin ajjcuré fur la mer-, C au milieu des bondtffantes ondes, pour montrer vue de tnef me façon tu pourrons fauucr & deliurer l' hom- me de tout péril & naufrage^ encor qu'il fut fans nature au milieu de la mer. Mais d'autant que tes œuures font pleines defageffe, les hommes mettet gr hasardent leurs -ries fur yn peu de bois, & pour trauerfer la ?ner,s'cfcha- pent <&fc laijfent aller en -vn bateau. Et fur ce mefme propos le PfalmifteditiGwc^w mont ent fur mer ffaliaSi en des v.auires , & qui font leurs affaires en tratierfant les eaux, font ceux qui au profond de la mer ont y eu les œuures du Seigneur,ejrfes mer titilles. Et à la vérité ce n'eftpas vnc des moindres merueillesde Dieu, que la force d'vne pierre fi petite commande à la mer, & cotraigne l'aby fme infiny de luy obeyr &: future (on commandement. Maispour-antant que c'eft choie qui fe void tous les lours , 8c femblefi facile, les hommes ne fen efmcrueil- lent point , & ne fe fouuiennent pas d'y pren- dre garde :& d'autant que cefte libéralité elt tel- le, les ignorans pour cela en font moins d'eftat. Neantmoins ceux qui le veulent confiderer de prés , font conduits par la raifonà bénir la fà- HISTOIRE NATVRELLI geflTe de Dieu , Se luy rendre grâces d'vn fi grand Bénéfice. Eftant donc ordonné du Ciel, que ces nations des Indes qui tant de temps ont efté ca- chées fafient cogneuës Se dcfcouuertes , & que celle route fut hantée Se frequentee,afin que tant d'ames vin (lent à la cognoilîance de IefusChrift, &gaigna(Ient lcfalut éternel, il a efté pourueu de guide allcuree pour ceux qui font ce chemin, /çauoir rEfguille de nauiger , Se la vertu de la pierre d' Aymant. On ne peut fçauoir au certain, depuis quel temps ceft v(age& art de nauiger a efte pourueu de guide afîèurec pour ceux qui font ce chemin, fçauoir rEfguille de nauiger, Se la vertu de la pierre d' Aymant. On ne peut fçauoir au certain , depuis quel temps ceft vfage Se art de nauiger a efté mis en lumière: mais quant à moy, ie tiens pour certain, qu'il n'eft pas fort ancien, d'autan1: que outre les raifons def duites au chapi- tre precedetjie n'ay leu en aucun autheur ancien, traittant des horloges , qu'il foit faid aucune mention de la pierre d' Aymant. Et neantmoins il eft certain que le principal Se plus necelïàire in- ftrument des cadrans au Soleil , dont nous vfons auiourd'huy , eft Tefguille de fer touchée de la pierre d' Aymant. Quelques autheurs approuuez efcriuenten l'hiftoire des Indes Orientales, que lu.t tf/zt. jc premier qui commença à dcfcouunrce fecret flin.U.c fur mer, fut VafcodeGama, lequel a la hauteur 71.&IA. de Mozambique rencontra certains mariniers •j.cap.ylt. Mores, qui vioientde rEfguille de nauiger, Se Otpnuide quepar le moyen d'icelle Efsuille il nauigea ces tmmtai mers : toutcsfois ils n efcriuent point de qui ils lib, 1. anoient appnns ceft artifice : ôc quelqucs-vne li.lUe DES INDES. II V. I. 3f d'entre' eux mefmes font de noftre opinion, qui eft que les anciens ont ignoré ce fecret. D'auan- tage ie diray vne autre & plus grande mcrueillc de l'Efguille denauire,que Ton pourroit tenir pour incroyable , fi l'on ne l'auoit veu & cogneu par expérience fi alïèuree & manifefte. Le fer tou- ché & frotte de la pierre d'Aymantpar la partie d'icelle pierre , qui en fa naifïànce regarde le Sud ouMidy,a cède vertu de fe tourner & incliner toufiours &en tous lieux vers le contraire, qui eft le Nort : toutesfois en tous lieux il ne le re- garde pas directement , mais y a certains poinéls & climats , où il regarde droitement le Nort & fyarreftcîmais pafiant ou changeant de ce cli- mat , il coftoye vn peu, ou à l'Orient ou Ponant, tant plus qu'il fe va efloignant de ce climat , c'eft ce que les mariniers appellent nordefter, ou nor- toefter. Nordefter, vaut autant à dire comme co- ftoyer,f inclinant au Leuant,& nortoefter fin- clinant au Ponant. Et eft chofe de telle confe- quence,& qui importe tant de fçauoir celle de- clinaifon , &; coftoyement de l'Élguille, que fi l'on n'y penfoit & regardoit de près, (quoy qu'el- le ioit petite) ronfefgareroitmerueilleufement enlanauigation , &arriueroit l'on en autre lieu que celuy où l'on pretendoit aller. Vn iour vu pilote Portugais fort expérimenté me difoit qu'il y auoit quatre poin&s en tout le monde, ou l'Ef- guille fe dreflbit au Nort , &me Iecontoit par leurs noms , que ie n'ay retenus , vn d'iceux eft la hauteur de ï'Ifie de la corne en la Tiercycre,ou Alçores , qui eft chofe fort cogneuë à tous ; mais tirant outre de là.à plus de hauteur , il nortoefte* E iij HISTOIRE NATVRELLE qui eft à dire décliner au couchant. Mais tirant au contraire à moins de hauteur, vers l'Equino- «ftial , il nordefte, qui eft incliner à l'Orient. Les maiftresen ceft art pourrontenieignerde com- bien , Se iufcjues où : de ma part ie demandcrois volontiers aux bachelliers qui prefumentfçauoic tout ce qui eft , qu'ils me diiîènt la caufe de ceft cfrect , Se pour quelle raif on vn peu de fer frotte à la pierre d'Aymant reçoit tant de vertu que de regarder toujours au Nort: mais encor auec tel- le dextérité , qu'il cognoit les climats Se diueties iîtuacions du monde , & où il fedoit ficher Se dre(ïer,où l'incliner envn cofté ou en l'autre, auffi bien qu'aucun Philofophe &Cofmographc qui foit. Que fi ne pouuons bonnement defeou- urir la caufe& laraifon de ces chofesque nous voyons mutuellement à l'œil , qui fans doute ie- roiét fort difficiles à croire,fi nous ne les voyons ainfi ouuertement : Certes l'on cognoit bien par là noftre folie Se vanité, de nous vouloir faire iu- ges , Se alîubiectir à noftre raifon & difeours les choies diuines &fouueraines. Ceft pourquoy il vaut mieux, comme dit Grégoire Théologien, «que laraifon fafuiettiilè à la foy , puifque en fa maifon mefme elle ne fe peut pas bie gouucrner. Mais cecy nous doit fufHre , retournons à noftre propos, & concluons quel'vfagede l'Eiguilleà nauiger n'a point efté cogneuë des anciens , d'où l'on peut refoudre qu'il leur a efté impoiîible de faire voyage de propos délibéré , partans de l'au- tre monde pour venir en ceftuy-cy par T Océan. DES INDES. II V. I. 3 mt. t. 7. Poul' quelle railon i on trouue en certaines Ifles des loups , des tygres , & autres belles rauiflantes qui n'apportent aucun profit aux hommes, veu qu'il n'y a point de doute queleselephans, chc- uaux, bœufs, chiens Se autres animaux dont fe icruent les hommes,y ont efte portez tout exprès dis indes. tir. i.' 35 en des nauires,comme nous voyons auiourd'huy que l'on les porte depuis l'Oricc iufques en l'Eu- rope^ de l'Europe au Peru, encor que les voya- ges en foient fi longs. Et par quel moyen ces ani- maux qui font de nul profit , au contraire font dommageables, comme les loups, & autres de telle nature farouche,ay en t peu parler aux Indes, fupposé (corne il eft certain) que le Déluge noya toute la terre. Sur lequel traicté,ce docte & fainct homme eflaye à fe demeflcr de ces difhcultez,di- iant, qu'ils peurent parTer à nage en ces Iflcs ; ou quequelqu'vn les y a portez exprès pour le dzC- duit de la chalîè. Ou bien que par la volonté de Dieu , ils euiîent efté créez tout de nouueau de la terre, en la mefine forte Se manière de la premiè- re création, quand Dieudift : Que la terre produife Gentf- u tout animal y iiunt en fin genre, animaux , reptiles & bejles fauuaçes des champs félon leur efpece. Mais il nous voulons appliquer cette folution à noftre propos , la chofe en demeurera plus ambarafsec; car commençant au dernier point, il n'eft pas vray- femblable , félon l'ordre de nature , ny n'eft pas choie conforme à l'ordre du gouuernement que Dieu a eftably , que les animaux parfaits, comme les Iy ons,les tygres & les loups , f engen- drent de la terre, fans leur génération, comme l'on voit que les rats, les grenouilles , les abeilles Se tous autres animaux imparfai&s f engendrent communcment.D'auantagejà quel propos efl-ce que l'Efcriture dit,& répète tant de fois; Tu pren- dras de tous les animaux <& oifeaux du Cielfept &fept3 &»*/> 7- mafles & femelles >a fin que leur génération p entretien- ne fur U terre , iî tels animaux après le Déluge de- HISTOIRE NATVRELLE uoicnc eftre créez derechef par vne nouuellc ma- nière de création, (ans la conjonction dn malle ôc femelle ? Etlurcepourroitcncor fe faire vne autre queflion : Pourquoy tels animaux naiilans de la terre (félon cefte opinion) il n'y en a pas aufïî bien en toutes les autres parties de la terre ferme, & es autres Ifles : puifque nous ne deuons pas confiderer l'ordre naturel de la génération^ mais feulement la libéralité du Créateur. D'au- tre-part que l'on ait pa(sé quelques-vns de ces animaux ^ourledefduit de la chaire (quieft Ion autre refolution) ie ne le veux pns tenir du tout pour chofe incroyable : d'autât que nous voyons lbuuentcsfois que les Princes ôc grads Seigneurs tiennent ôc nourrilïènt en leurs cages , pour leur plai(ïr& grandeur tant feulement, des lyonSjdcs ours que le nouueau monde, que nous appelions Indes, n'eft point du tout diuifényfeparéde l'au tre monde j & pour en di- re mon opinion, il y a ja fort long temps que i'ay penfe que l'vne 8c l'autre terre fe joignent & HISTOIRE NÀTVRELLE continuent en quelque part, ou à toutlemoinS fauoifinent mais il y en a peu , comme i'ay dit, ôc d'autres fortes d'oHeanx, Deperdrixilne me fouuient point d'y enauoir veu , ny entendu qu'il y enayecommeau Peru. Aufîipeu y a-il de ces beftes qu'ils appellent au Peru Guancos ôc Vicunas, qui font comme Chieures fauuages, fortviftes, en l'eftomac dcfquelles fe trouue la pierre Bezaar, que plufieùrs cftimentde grand prix, &fen trouue quelquesfois d'aufîi grofles qu'vn œuf de poulie, voire la moitié d'auantage. Ils n'ont non plus d'autre forte de beftial, que de ceux-là que nous appelions moutons d'Inde,le£- quels outre la laine & la chair, de laquelle ils fe nourriflent&: feveftent, lenrferuent d'afnes, Se de voitures à porter charge, lis portent la moitié de la charge d'vne mule, & font de peu de frais à leurs maiftres,pource qu'ils n'ont befoinny de ferrures,ny de bas , nyd'auoine pour leur vuire, nyen fin d'autre hamois } d'autant que détour celailsenfontpourueus dénature, qui a voulu en ce fauorifer ces pauures Indiens. De tous ces animaux , & de plufieùrs autres fortes dont ie fe- ray mention en Ion lieu , la terre ferme des Indes «ft fort abondante & remplie. Mais il ne f'en trouue aux Ifles que ceux que les Efpagnols y ont apportez. Il eft bien vray qu'vn de nos frères veid vn iour vn Tygre en vne ifle,comme il nous « raconté furie propos d'vne fienne pérégrina- tion & naufrage. Mais interrogé combien cède DES INDES. Ll V. I. 43 Ifle eftoit efloignee de terre ferme , refpondit comme de fîx à huict lieu'ës pour le plus: laquelle trauerfe de mer les Tygres peuuent aifément pal- fer à nage. L'on peut inférer par ces argumens 8c autres femblables , que les premiers Indiens ont palTépourpeupler ces Indes plus par le chemin de terre , que de la mer -, ou fil y a eu nauigation, qu'elle n'a efté ny grande ny difficile: pource que c'eft chofe indubitable qu'vn monde doit eftre ioint & continué auec l'autre, ou à tout le moins eftre en quelque endroit fort proche l'vn de Vautre. Que le lignage des Indiens ncjl point pufié pur l'ifle atlantique , comme quelque s-yns /'imaginent. CHAP. XXII. fcYftL y en a quelques-vns qui fuiuans l'opinion sap.c.iz¥ fafâde Platon,mentionneecy-deiïus,difent que ces gens là partirent de l'Europe, ou d'Afrique, pour aller en celle tant fameufe 8c renommée Ifle Atlantique y8c de làpailcrent d'Ifle en autre, iulques à paruenir à la terre ferme des Indes:pour ce que le Crifias de Platon en fon Timec , en dis- court de cette façon. Car (1 l'ille Atlantique eftoit aufli grande comme toute l' Afie 8c l'Afrique en- femblCjOU bien encor plus grande , comme veut dire Platon , elle deuroit par neceflitè compren - dretout l'Océan Atlantique, & paruenir pref- que iufques aux Mes du nouueau monde. Et dit dauantage Platon , que par vu grand &eftrange déluge ton iflc Atlantique fe noya -, 8c par ce Fiij HISTOIRE NATVRELLE moyen rendit cefte mer innauigable, pour la grif- fe abondance des bancs, rochers, 8c impetuofnc des vagues qui y eftoicnt encore de ion. temps. Mais qu'en fin les ruines de cefte iile noyée, ie railirent & rendirent cefte mer nauigable. Cecy aefté fort curieuiement rraicVc Se diicouru par aucuns hommes do&es 8c de bon entendement, 8c neantmoins eftant de prés confideré,à vray di- re fe trouuent choies ridicules , qui rellemblenc plus les fables ou contes d'Ouide,qu'vne hiftoire ouph.ilofo.Dhie disme cl'eftremifeen auant. La plus-part des interprètes &c exporteurs de Pla- ton afferment que c'eft vue vraye hiftoire tout ce que Ci ifias raconte de l'eftrange origine del'ifle Atlantique, de fa grandeur 8c proiperité , des guerres qu'ils ont eues, contre ceux dé l'Europe, 8c pluiieurs au très chofes. Ce qui fait croire da- uantage que c'eft hiftoire vraye, font les paroles deCiiiias , que Platon introduit en ion Timee, diiantque le fujetqu'ilveut trai&cr eftde cho- fes eftranges , mais qui iont neantmoins vérita- bles. Lesautres dilciples de Platon confiderans quecedifcoursaplus d'apparence de fable, que non pas d'hiftoire,difent,queron doit entendre cela par allégorie , &c queç'aeftc l'intention de leurdiuin Philofophe. Decefte opinion eftPro- cle, ex Porphyre, voirez) rigene , lefquelsefti- ment tant les eferits de Platon , que quand ils en parlent , il lemble que -ce foient les liures de Moyfe,ou d'Eidras, 8c là où il leurièmble que les eferits de Platon ne font pas vrais femblables, difent qu'on les doit entendre en iens allégorie ccmyitic. Mais pour dire la vente, îeneporte DES INDES. LIV. I. 44 point tant de refped à l'authorité u*e Plato,quoy qu'ils l'appellent diuin,qu'il me femble tron dif- ficile de croire qu'il au peu efcrire ces choies de Fifle Atlantique pour vne vraye hiftoire , lcf^» quelles pour cela ne lailïent point d'eftre de pu- res fables:veu qu'il confetfe ne l'auoir appris que deCritiasquieftoit petit enfant, & entre autres chanfons chantoit celle de l'iflc Atlantique. Quoy que c'en foit , que Platon l'ait efcrit pour hiltoire ou pour fable , quant à moy ic croy que tout ce qu'il a efcrit de cefte iile,commcnçant au Dialogue du Timce, Ôc pourfuiuant à celuy de Critias, ne peut eftre tenu pour chofe vraye, fi- non entre les enfans & les vieilles. Qui ne tien- dra pour fable , de dire que Neptune ("énamoura de Clyté, & eut d'elle cinq fois des gémeaux d'v- ne ventrée, & que d'vne montagne il tira trois pellotes rondes de mer , & deux de terre, qui fe reflembloient fi bien, que l'on euft dit quelles euflent efté faites toutes en vn tour? Que dirons- nous dauantagë de ce Temple de mil pas de 16g, & de cinq cents de large , duquel les parois par dehors eftoient toutes couuertes d'argent, tout le lambris d'or, & le dedans d'yuoirc cifelé & en- trelafle d'or,d'argent, &de perles ? En fin parlant defaruinefînale,ilconcludainfi au Timee: En yn tour & vnenwcl fur tant un grand etelure , par te ■ quel tous nos foicLtts furent engloutis à monceaux cl in s lit terre , & de cejîc façon rifle .Atlantique eftant fub- mergée disparut en la mer. Pour certain ce fut bien à propos que cefte ifle difparut Ci (ubitement, veu qu'elle eftoitplus grande que l'A fie & l'A- frique enfemble , & qu'elle eftoit faicte par F iiij Tlin.l. s ■ 6.c,j i. HISTOIRE NATVR.ILLI enchantement. C'eft chofe aufïï de mefme fort à. proposée dire que les ruines de cefte Ifle li gran- de fc voyent au fonds de la mer , & que ceux qui les v.oyent,qni font les mariniers,nc peuuent na- uigerpar là. Puis il adioufte: Vour cefte catrfctxpjues dmourcThuy ccjle mer nefe nauige point, ny nef eut cftre nduigee pour rdifon dit Iahc /jnipeuapeu s'eft formé en cefte ifle fttbmcrçcc , le demanderois volontiers quelle mer a peu engloutir vne telle infinité de terre, quieftoit plus grande que toute l'Aile & l'Afrique enfemble, fk qui fe conflnoitiufques a\ix Indes. & encore l'engloutir dételle façon, qu'il n'en foit demeuré à prefent aucuns reftes ny apparences quelconque: veu qu'il eft tout co- gneu&efprouuéque les mariniers ne trouuent aucun fond (quoy que longue foit leur fonde) en la mer on ils difent auoir eflé cefte ifle. Toutes- fois ce pourra fembler chofe indifere^ & efloi- gnee de raifon , de vouloir difputer ferieufement les chofes qui ont efté racontées par paire- temps feulement, ou bien fi l'on doit auoir tant de re- fped à l'authorité de Platon (comme il eft bien raifonnable) on les doit pluftoft entendre pour fignifier Simplement comme en peinture la pro- spérité d'vne ville,&:quant & quant fa perdition , Car l'argument qu'ils font pour prouucr que réellement 8c de faict cefte Ifle Atlantique ait efté, difans que la mer en ces parties là retient en- cor auiourd'huy ce nom d'Atlantique, eft de peu d'importance,vcu que uoas fçauons que le mont Atlas , duquel Pline dit cefte mer auoir prins forx nom.eft aux confins de la mer de Mauritanie. Et n* le fncfmc Pline raconte que joignant le mont DES INDES. tIV. I. 45 fufdit il y a vne Me nommée Atiantique,qu'il die cftrc fort petite & de fort peu de valeur. Que loptnion de plufienrs qui afferment que U première race des Indiens vint des Iuifs9 rieB point véritable. c H A P. XXI II. (ÏSS Aintenant que nous auons monftrê tSfcfi qu'il n'eft point vray-femblable que les pre- miers Indiens ayent palfé aux Indes parl'Ifle At- lantique , il y en a d'autres qui difent & ont opi- nion que ce fut par ce chemin dont purle Efdras - i au liure quatrieime , difant ainfî : Et pour ce que tu, veids qu'il afjèmbloit y ne autre troupe & multitude d'hommes patjibles ,'tufçauras que ceux-là font les dix tributs qui furent mcne\ encaptiuité an temps dul{py 0\ee que Salman^ar E^oy des ^Affy.'iens mena prifon- viers, ejr les paffa de l antre part du fleuue, & furent transport e\ en y ne autre terre. Ils arrejiereut & refo- lurent erttr'eux de laijfcr U f*i!*itude des Gentils,®* de pajfer en autre région plus efloignce , où iamais les hu- mains ri habitèrent, afin ae garder leur loy qu'ils riauoiet peu conferueren leur terre; ilspUfferent donc par les che- mins eflroits du fleuue Euphrate: car alors Dieu monftra fes menteilles en leur endroit, arreflant le cours du fleuue iufques a ce qu'ils euffent pafie ', d'autant queie chemin pour aller en cefte région efioit très-long , & d'vn an &* demy,& s'appelle cefte région Jtrfitretk, ^Alors ils y de- meurerent iufques aux derniers temps . Maintenant quand ils rommencerent à reuenir , le Tout-puiffant re- tiendra derechef vne autre fois le cours du fleuue, afin yuilspuiffcntfafjcr 3 & put cefte uufe tu as yen cesle HISTOIRE NATVRULÏ multitude rfwc/tt/.v. Quelques- vns veulent accom- moder cefte eferiture d'Efdras aux Indiens, di- fàns qu'ils furent conduits de Dieu où iamais n'habita genre humain , ôc que la terre où ilsde- meurcrent eft fi efloignée , qu'il y a vn an ôc de- my de chemin pour y aller, eftant çefte nation naturellement paifible, ôc qu'il y a de grands in- dices ôc argumens entre le vulgaire de ces In- diens, pour faire croire* qu'ils defeendent de la race des Iuifs , d'autant que l'on les voit commu- nément efchars,rabaillez , cérémonieux , ôc fub- tils en menfenge. Et difent dauantage que leurs habits rcilèmblent fort à ceux dont vfoient les Iuifs , pource qu'ils portent vne tunique ou che- mifolle,&:vn manteau brodé tout autour, vont les pieds nuds , ou feulement auec des femelles attachées de courroyes fur le pied , qu'ils appel- lent Ojotas. Et difent qu'il appert par leurs hi- ftoires , comme auflî par les anciennes peintures qui les reprefentent en celle façon, que cet ha- bit eftoit l'ancien veftement des Hebrieux , ôc que ces deux fortes d'habits dont les Indiens vfent tant feulement, eftoient ceux dont vfoit Samfon , que l'Efcriture appelle Tirn/cam^ ôc Sin- doncm, qui eft le mefme que les Indiens appellent chemifolle ôc manteau. Mais toutes ces conie- ctures font légères , 3c pluftoft contr'eux, que pour eux: car nous fçauos bien que les Hebrieux vfoient de lettres, ôc il n'y en a aucune apparen- ce entre les Indiens. Les autres eftoient fort amis de l'argent, & ccux-cy n'en ont poiut de cure. Les Iuifs f'ils n'eftoient circoncis ne feftime- roiçntpas Iuifs , ôc les Indiens au contraire ne le DE S IND ES. LIV. I. 46 font ny peu ny point, &iamais n'ont vie de céré- monie qui en approche, comme plufïeurs des Orientaux. Mais quelle apparence y a-ildecon- iechirer cecy, veu que les Iuifs l'ont tant diligens àconferuer leur langue & leurs antiquitez, de forte qu'en toutes les parties du monde où. ils font , ils différent 8c les cognoift-on toufiours d'auec les autres , 8c neantmoins qu'aux Indes feulement ilsayent oublié leur lignage , leur loy, ■ leurs ceremonies,leur Meti e,& finalement tout leur Iudaifme ? En ce qu'ils difent que les In- diens font efchars,rabaiirez3fuperftitieux&fub- tiis en menfonge: pour le premier c'eft chofe qui n'eft point commune à tous: car il y a des nations en tre ces Barbares exemptes de ces vices. Il y en a d'autres généreux 8c hardis , il y en a auflî de groiïiers&fort lourds d'entendement. Quant aux cérémonies & fliperftitions , les Gentils en ont toufiours fort vfe. De leur façon d'habits, comme il a elle deferit cy-deuant, ils en vfent ainfi,pourceque c'eft le plus fïmple 8c naturel du monde, fans artifice, &quiprefqueaeftc com- mun non feulementaux Hebrieux, mais à tou- tes les autres nations. Veumefmequei'hiftoire d'Efdras (fi nous deuonsadioufterfoyaux Efcri- tures apocryphes) eftplus contraire, qu'elle ne fe rapporte à leur intention. Car il dit en ce paf- iàge,que les dix tributs fefloignerent de la mul- titude des Gentils, pour garder leur foy &: céré- monies, & l'on voit que les Indiens font addon- nez à toutes les idolâtries du monde. Et ceux qui ont cefte opinion melme voyent bien fi les en- trées du fleuue Euphrate vont iufques aux Indes, HISTOIRE NATVRELLê &fileftnece(Taireaux Indiens de repafTer parla» commeileftditauIicupreallegué.Outreceicne voy point comme ils fe puiffent nommer pacifi- ques, veu qu'ils fe font continuellement guer- royez les vus les autres. Enconclufionienc voy point que l'Euphrate de l'apocryphe Efdrasfoit vn palTage plus propre pour allerau nouueau monde, que l'enchantée ôc fabuleufe Ifle Atlan- tique de Platon. Vour quelle rai fan l'on ne peut bien tronner- torigfne des Indiens. CHAP. XXIII i. gVgLefl plus aile de réfuter ôc contredire les. &Uu faulfes opinions mifes en auantiur l'origine des Indiens, que non pas d'en dire tScarrefter vne refolution certaine 8c véritable: pour- au tat qu'il n'y a aucune, eferiture entre les Indiens, ny mé- moires certaines de leurs fondateurs;& que mef- me il n'eft fait aucune mention de ce nouueau monde es liures de ceux qui ont eu cognoiflànce des lettres : nos anciens ont tenu qu'en ces par- ties là n'y auoit ny hommes , ny terre, ny ciel. A •raifon dequoy celuy-là fembleroit fort témérai- re Ôc prefomptueux qui penferoit deicouurir Ôc monftrer la première origine des Indiens , ôc des premiers hommes qui ont peuplé les Indes. Mais nous pouuons de loing donner iugement, par le difeours que nous auonsmisen auantcy-delîus, que cepeuplc des Indes eft venu, faduançant peu a peu iufques à ce qu'il foit arriuc au nouueau monde , ôc ce par l'aide ôc le moyen de la conti- DÈS INDES. LIV. ï. 47 nuité ou voifinage des terres , ou bien par quel- que nauigation. Ce qui me fembleauoirellé le moyen par lequel ils y font venus , 8c non pas qu'ils ayent fait armée pour y aller depropos dé- libéré, ny qu'il leurfoit arriué aucun naufrage, ou tempefte qui les y ait portez : combien qu'en quelque partie des Indes aucunes deceschofes puiiïent eftrearriuees, d'autant que ces régions eftans C\ grandes qu'elles comprennent en elles des nations fans nombre, nous pouuons croire que les vns y font venus pour peupler d'vne for- te,©^ les autres d'vne autre façon. Mais en fin ic me refous à ce poinct , que la vraye 8c principale caufe& moyen de peupler les Indes, a efté pour- ce que les terres 8c limites d'icellesfeioignoienc &continuoient en quelques extremitez du mo- de, ou qu'à tout le moins elles cftoient fort pro- ches. Etcroy qu'il n'y a pas plufïeurs milliers d'années que les hommes habitent ce nouueau monde, & Indes Occidentales, mefme que las premiers hommes qui y entrèrent, 8c eftoient pluftoft libmmes fauuages,& cha (leurs, que non pas efleuez 8c nourris en Republique ciuile Se policée, & qu'ils arriuerentau nouueau monde pluftoft f eftans perdus de leur terre, ou fy eftans trouuezen trop grand nombre, 8c en necefïïtc d'en chercher vue autre, laquelle ayant trouuée, ils commencèrent peu à peu à la peupler, n'ayans point d'autre loy,qu'vn peu d'inftincl naturel, 8c encor fort obfcur , 8c pour le plus quelques cou- ftumes qui leur font demeurées deleur première patrie. Et bien qu'ils fuilent fortis de terres poli- cées & bien gouuernées,ûeft-ce qu'il n'efltpas I HISTOIRE NATVRELLE incroyable de penfer qu'ils eu (Fcnc oublie le tout Four lalôgneurdu tcpSj&lepeud'vfâgejvctique On fçait qu'en Efpagne & en Italie mefme , Ton trouuedes côpagnies d'homes qui n'en ont rien que la figure & gefte leulemet , d'où l'on peut cô- iechuerque de la Façon, les mœurs barbarefqucs ik inciuils font venus en ce nouuean monde. De ce que les Indiens racontent de leur vrtgine. c II a p. XXV. E n'eft pas choie de grade importace de fça- uoir ce que les me! mes Iridiés ont accoutu- mé de raconter de leur commencemet 6coriginc, veu qu'ils rellemblet plus leurs longes que vrayes hiftoires. Ils Font entr'eux grade mentiôd'vn dé- luge adueeu en leurs pays, mais l'on ne peut pas bie iuger fi ce déluge ell l'vniuerfel, dot parle 1 ' Xi i - cri ture,ou fi ça elle quelque autre déluge, ouin- ondatio particulière des régions où ils font. Au- cuns hommes experts dilent que l'on voit en ce! payslàpluficurs notables apparecesde quelque grande mondatio,& luis de l'opinion de ceux qui penient que les veftiges & marques qu'il y a de ce déluge, ne font deceluydeNoé, mais de quelque autre particulier, comme de celuy que raconte Platô, ou celuy que les Poètes chantent de Deu- caliô. Quoy qu'il en loit, les Indiens difentque tous les hommes Furet noyez en ce déluge , 6V ra- content que du grand lac Titicaca fortit vn V ira- cocha qui i'arreftaen Tiaguanaco, où l'on voit auiourd huy des ruines & veftiges d'anciens édi- fices Fort eu.ranges,6c de là vint à Cufco : ainfi re- Commença le genre humain à le multiplier, lis; DES INDES. LIY. I. 48 monftrcnt en ce mefme lac vn petit iflet, où ils feignent que le Soleil fe cacha 8c C'y conlerua : 8c pour cède raifon ils luy faifoient de grands facri- nces en ce lieu, non feulement de brebis, mais d'hommes mefmes. D'autres racontent que fix ou ne fçay quel nombre d'hommes fortirentd'v- neccrtainecauerneparvne feneftre, qui donnè- rent commencement à la multiplication des ho- mes , 8c à celle occafîon les appellent Pacaritam- po. C'eft pourquoy ils font d'opinion que les Tamboseftla racela plus anciéne des hommes. Ils difentqueMango Capa, lequel ils recognoif- fent pour fondateur 8c chef des Ingas , eftoit iffil de cefte race là3&:qiie de luy fortirent deux famil- les ôc lignages, l'vn de Hauan Cufco, 8c l'autre de Vrni Cufco. Ils difentdauantage que quand les rois Ingas entreprenoient guerre &conque(loiéc diuerfes prouinces,ils donnoient couleur 8c pre- noiet prétexte de leur entreprife , difans que tout le monde les deuoit recognoiftre, pour-autant que tout le monde f eftoit renouuellé de leur ra- ce & de leur patrie; & mefme que la vraye Reli- gion leur auoit efté reuclée du ciel. Mais que fert d'en dire dauantage, veu que toutyeft plein de menfonge & de vanité , ôcdu tout efloigné de raifon? Quelques hommes db&esefcriuent, que tout ce dont les Iridiés font mention,&: n* eft plus ancien que de quatre cens ans , & tout ce qu'ils difenc du parauant n'eft qu'vne confufion em- brouillée de (ï obfcures ténèbres, qu'on n'y peut trouuer aucune vérité. Ce qui ne doitfembler elttange, d'autant que les Iiures & eteritures leur defailïen t , au lieu defquelles ils fe feruent de leur jia.ij. Gin.ie. HISTOIRE NÀTVRELLE conte de leurs Quipocamayos,qui leur eft partî- culier.Par lequel conte tout ce qu'ils peuuêt rap- porter ne peut cîlreplus long que de quatre cens ans. M'informantdiligëment d'eux, pour fçauoir de quelle teiLS,& de quelle nation ils paflçret au- tresfois,làoù ils font &c viuent à prefent, ie les ay trouuéfi elloignez de pouuoir donner raifon de cela, qu'ils tiennet pour certain qu'ils font créez de leur première origine en ce nouucau mode où ils habitent. Mais nous leur auonsofté cet erreur par noftre foy,qui nous enfeigne que tous les ho- mes procèdent d'vn premier home. Il y a grande conieChire& fort apparente, que ces homes par longue efpace de temps,n'ont point eu de rois ny de republiques,mais qu'ils viuoient par troupes, comme font auiourd'huy ceux de la Floride , de ChiriqnanaSjdu Brefil , & plufieurs autres natios qui n'ont aucuns rois alîèurez , fînon felôl'occa- iion qui ('offre ou en paix ou en guerre qu'ils efli- fent leurs capitaines comme illeurplaift. Mais quelques homes furpaflans les autres en force & industrie, auecle tempscommenceretàfeigneu- rter cvcommander,comefitancienuemétNem- brotrpuis croiiïant peu à peu font venus à fonder les royaumes du Peru &de Mexique,que nos !?£■ pagnols trouuerent,& comblé qu'ils fuilcnt bar- bares s furpalïoient neantmoins de beaucoup les autres Indiens. Voila comment la raifon fufdite nousdemonftre,quela race des Indiens a com- mécé a multiplier pour la plus grad part d'homes iauuages & fugitifs. Ce qui doit fuffire touchant l'origine des gens dotnousparlos,laifTantleiur- piusquadi'on traitera icurhutoiieplusàloifir. LIVRE LIVRE SECOND DE L'HISTOIRE NATV- RELLE ET MORALE des Indes. O ne ce ricft pas hors de propos , mais necejjaire , de truffer de la nature de lEqumoxc. CHAPITRE PREMIER. Ovr bien comprendre les cho- ies des Indes , il eft necelîàirc de cognoiftre la nature 8c difpofî- tion de cette région , que les an- ciens appelloient Zone Torride, &latenoient pour inhabitable, veu que la plus grand' part de ce nouueau mondç que Ton a dernièrement defcouuert, gifl & eft (ï- tué fouz celle région du milieu du ciel. Etmç femble chofe fort à propos, ce que quelques-vns. difentqucia cognoiilànce des choies des Indes dépend de bien entendre la nature de l'Equino- xe : d'autant que la différence qu'il y a prefquc entre l'vn & l'autre monde, procède des proprie- tez de cet equinoxe. Et faut noter que tout ecc cfpace qui eft entre les deux tropiques, fe doit te- nir 8c entendre proprement pour cefte ligne du milieu,qui eft rÊquinoxe,ainil appellée , pource que le Soleil faifant fou cours en icellc , rend par G I HISTOIRE HATVRELLE tout le monde les iours & les nuidh cfgaux; mef- mes que ceux qui habitent audeflouz d'icelle, iouyffent tout le long de l'année de celle mefme efgalitcdesiours&desnuicls. Or en cefte ligne equinoxiale,nous trouuos tant d'admirable pro- prietez , que c'eft aucc bonne raifon que l'enten- dement humain fe refueille & trauaillepouren rechercher les caufes, n'eftant point tant efmeu à ce par la doctrine des anciens Philofophes,que par la mefme raifon & certaine expérience. four quelle raifon les anciens unt tenu nue lu Zone Torridepour certain eft oit inhabitable. c H A P II. Echerchant à preset ce (iijed dés fon commencement, aucun ne pourra nier ce que nous voyons clairement, que le Soleil en l'approchant efchauffe , Se refroidit en fefloi- pnant. Tefmoins en font les iours & les nui et s, tefmoinsrHyuer&i'Efté, la variété defqucis Se le froid & le chaud eft cauié par rapprochement & efloigncment du Soleil. D'autre-part il eftauiîi certain que plus le Soleil f approche & iette (es rayons directement, plus la terre eft arfe Se em- braféexe qu'on void clairement en la chaleur du Midy,&enlaforcede l'Efté. D'où l'on peut iu- ger(àcequ'ilmefemble) que tant plus vnc terre eft efloignée du cours du Soleil, tant plus eft- elle froide. Ainfî nous expérimentons que les terres Se régions qui Rapprochent d'auantagedu Septé- trion ou Nort,font les plus froides , Se au côtrai re celles qui T'approchent du Zodiaque , où che- mine le Soieifietrouuenties plus chaudes. Pour cefte caufe l'Ethiopie furpalfc l'Afrique & Barba- DES INDES. LIV. II. 50 rie en chaleur, la Barbarie furpalfc l'Andalouzie, l' Andalouzie , Caftille Se Arragon j &c Caftille Se Arragon furpadent aufîi la Bikaye & la France. Et d'autant plus qu'elles font Septentrionales, d'autant moins font-elles chaudes: par confe- quent celles qui Rapprochent le plus du Soleil, & font plus à plomb frapées de Tes rayons, fe reflfen- tent dauanrage de la chaleur du Soleil. Quelques vns mettent en auantvne autre raifou à cette fin, qui eft que le mouuemen t du ciel eft fort foudain & léger deuers les Tropiques;mais qu'à l'endroit des Pôles au contraire il eft fort lent de pefant: d'où ils concluent que la région que le Zodiaque circuit & contient eft embrazée de chaleur pour trois caufes Se raifons, l'vne pour le voifinage du Soleil, l'autre pour receuoir direclemet fes rayos, latroificfme,pourcc qu'elle participe&fe relient aucunement de ce plus vifte& foudain mouue- ment du ciel.Voila ce que la raifon & le difeours nous enfeignet,touchant la caufe du froid & cha- leur des regios de la terre. Mais que dirons nous des deux autres qualitez,qui font l'humidité &: la fecherelfe? tout le mefme. Car la fechcrcflc fem- ble eftre caufée par l'approchement du Soleil , de l'humidité de fon efloignement, d'autantquela nui&eftantplus froide que le iour, eft aulli plus humide , & le iour eft plus fec , comme eftant le plus chaud. L'Hyuer pendant que le Soleil eft plus efloigné, fe void plus froid & plus pluuicux, & l'Efté au c5traire,auquel le Solei left plus pro- che,certainemft eft plus chaud & plus fec. Pour- ce que tout ain fi que le feu a la propriété de cuire & de brufler,aum l'a-il pareillement de deflecher Gij HISTOIRE NATVRELLE l'humidité. Confiderans donc cequedefïus,Ari- ftote & les autres Philofophes attribuent à la ré- gion du Midy, qu'ils appellent Torride , vnc ex- ceffiue chaleur , & vnefechereire tout cniemble. C'eft pourquoy ils difent que cette région eftoit merueilleufement embrafée&: dcfcchee: &que par confequét elle n'auoit point d'eaux ny depa- fturages, caule pour laquelle elle deuoit eftre par necelîïté fort contraire & fort incommode à la vie humaine. Que U Zone Torride efh fort bumtdc , contre lopmion des anciens. CHAP. III. tr%tâ) O v t ce que nous auons propofé cy-delîus, ^t&femble certainement élire vray & bien à propos, &c neantmoins la conclufion qu'ils en veulent tirer fe trouuc apertement faillie, d'au- tant que la région du Midy,qu'ils appellent Tor- ridc,eft peuplée & habitée d'hommes realement, Çc de fai&;& nous mefmes y auons demeuré long temps :aufli eft -elle fort commode, plaiiante&r agréable. Si donc il cft ainfi, comme on ne le peut nier , que d'vne propofition véritable , l'on ne peut tirer vne conclufion fauîfe,& que neant- moins cefte conclufion foit faulfe, comme elle l'eft,il nous eft befoin de retourner arrière par les mefmes pas, pour confiderer & regarder vn peu de plus prés cefte propofition, & d'où procède l'erreur & la faute. Nous dirons donc première- ment quelle eft la vérité, félon que l'expérience ccnaine nous le môftrc, puis après nous leprou- DES INDES. L1V. II. f I serons (combien quefoit chofe fort difficile) 8c mettrons peine d'en donner la raifon, fuiuant les termes de Philofophie. Le dernier poinct que nous auonspropofécy-delïus, que la fcchereiîè eft plus grade lors que le Soleil eft plus prochain de la terre, iemble chofe certaine 8c véritable , 8c , ne l'eft pas toutcsfois,an contraire eft totalement faulfe. Car il n'y a iamais plus grande abondance de pluyes en la Zone Torridc, que lors que le So- leil pafTe par delïus , & en eft fort proche. C'eft certainement chofe admirable, & digne d'eftre rcmarquée,que l'air eft plus fcrain,& fans pluyes, fouz cefte Zone Torride, lors que le Soleil en eft plus efloigné, &au contraire, qu'il y a plus de pluyes , de neiges , 8c de brouillas au temps que le Soleil en eft plus proche.Ceux qui n'ont point efté en ce nouueau monde, parauanturctiendrot cecy pour chofe incroyable, 8c femblera eftrange mefmt à ceux qui y ont efté, fils n'y ont prins garde: mais les vns &les autres fy accorderont volontiers , en remarquant l'expérience certaine de ce qui a efté dit en ce codé du Peru , qui regar- de le Pôle du Sud ou Antarctique, le Soleil en eft: plus efloigné, lors& au mefme temps qu'il eft: plus prochain de l'Europe , à fçauoir en May, Iuin,Tuillet,& Aouft,qu il fait fon cours au Tro- pique de Cancer, durant lefquels mois, au Peru y a vnc grande ferenité &c tranquillité de l'air, & n'y tombent alors aucunes neiges, ny pluyes. Tous les fleuucs & riuieres y diminuent fort , 8c quelques-vnsy tarifent du tout : Mais comme l'année faduarice , & que le S oleil f approche du Tropique de Capricorne, alors commencent les Giij I I HISTOIRE MATVRELLE eaux,pluyes,neiges,&: fe font les grandes crcu'ês des riuieres, qui eft depuis O&obrc ,iufques en Décembre , puis après le Soleil fe retirant du Ca- Î>ricorne, lors que Tes rais donnent droitemét fur es tc^cs de ceux du Peru, c'eft alors que la force & fureur des eauëseft grande, c'eft le temosdes pluyes,neiges,& grands defbordcmens dzs riuie- res,qui eft en la mefme faifon de l'armée, qu'il y a plus grande chaleur, fçauoir depuis Ianuieriuf- quesàlamy-Mars. Et eft chofefivraye& fîcer- taine,que perfonne ne le peut contredire. Et tout le contraire alors fe rencontre es régions du Pôle Arctrque,outre l"Equinoxe,ce qui procède d'vnc mefme raifon. Mais voyons maintenant de la température de Panama, & de toute celle cofte, tant de la neufue Efpagne,des Ifles de Barlouent, deCuba,Efpagnolle& Iamaique,deSainâ:Iean de Port- riche, nous trouuerons fans faute que depuislecommencementdeNouembreiufques en Auril,ilsy ont l'air & le ciel fort clair & fort ferein, dont la raifon eft, pour- autant que le So- leil partant par TEquinoxe, pour aller au Tropi- que de Capricorne , il fe va efloignant de ces ré- gions , plus qu'en autre faifon de l'année : Et au contraire ils y ont de grofïespluyes, Se de fort grands rauages d'eaux, quand le Soleil retourne vers elles , &c qu'il en eft plus proche, qui eft de- puis Iuiniufques en Septembre, pource qu'alors les rayons donnent plus fort fur eux. On void aduenirle femblable en l'Inde Orientale, com- me nous l'apprenons iournellemcnt parles let- tres qui en viennent. Par ainfi c'eft vue règle ge- nerale(bieu qu'en aucuns lieux ily ait exception) DIS INDES. II V. II. 52. qu'en la région du Midy , ou de la Zone Torride, qui eft vue mefmc chofe, l'air y eft plus ferain, & y a plus de fechcreire alors que le Soleil en eft plusefloigné: &au contraire, que quand il feu approche, il y a plus de pluyes& de l'humidité, & tout ainn" comme le Soleil Paduance ou fc rc~ tire peu ou plus,ain fi la terre abonde ou manque d'eaux ou d'humidité. Qu'aux régions qut font hors des Tropiques, il y 4, plus d'eaux , lors que le Soleil en eH plus efloigne tout au contraire de ce qui ejl fou\ la, Zone Torridc. c h A P. III 1. fg S régions qui font hors les Tropiques , l'on .§ voidtoutle contraire de ce qui eft dit cy- deiïus; pource que la pluye fe mefle auec le froid, & la fccherelfe auec la chaleur , ce qui eft fort bie cogneu en toute l' Europe Se en tout le vieil mon- de,comme on le void de mcfme façon en tout ce nouueau. Dont eft tefmoin tout le royaume de Chillé , qui pour eftre dehors le Tropique de Ca- pricorne,& en mefme hauteur que l'Efpagne , eft ïiibiectaux mefmesloixdel'Hyuer & de l'Efté, excepté que l'Hyuer eft là quand l'Efté eft en Ef- pagne, d'autant qu'ils font en diuers Pôles. Par ainu* quand le froid eft en ces prouinces , les eaux y font en fort grande abondance, qui eft quand le Soleil l'en efloignele plus, depuis le commencement d'Auril , iufques à la fin de Se- ptembre. Finalement la difpofitiondes fàifons y eft telle qu'en Europe , fçauoir que la cha- leur & fechcreiFe y viennent quand le Soleil G iiij I I HISTOIRE N A T V RELIE y retourne.De là vient que ce royaume de Chillc approche plus de la température de l'Europe, qu'aucun autre des Indes, tant aux fruicts de la terre , qu'en la difpofition du corps Se de rcfprit des hommes . Ce qu'ils difent cftre de la mcîme façon en céfte partie de terre, qui eft deuant l'E- thiopie intérieure , laqnellcfe va eflargiiîant en façon de pointe, iufquesauCapdebonnc Efpe- rance. Ce qu'ils tiennent pourvrayecaufe des inondations du Nil , qui font en Efté , defquelles les anciens ont tant difpu té : d'autant qu'en celle région là i'Hyuer&: les pluyes y commencent au mois d'Auril , quand le Soleil palïe défia le ligne d'Aries. Et ces eaux qui en partie procèdent des neiges, ôc en partie des pluyes, faflemblêt &: font de grands lacs &eftangs , defqucls procède par bonne ôc vraye Géographie le fleuue du Nil. Et par ce moyen va peu à peu eflargilïant fon cours, iufquesàce qu'après auoir couru vnlong che- min,il vient finalement au temps de l'Efté inon- der l'Egypte, qui femble choie contre nature, Se neantmoins eft chofe qui l'y rapporte. Car au mcfme temps qu'il eft Efté en Egypte, fîtuéeau ■rropiquede Cancer, l'Hyuer eft aux fources du Nil,qui eft en l'autre Tropique de Capricorne. Il y a en l'Amérique vue autre & femblable inon- dation que celle du Nil, auParaguey, ou autre- ment riuicrc delà Platte (qui vaut autant à dire comme riuierc d'argent) lequel tous les ansrece- uantvne infinité d'eaux qui tombent des monta- gnes du Peru , vient à (e defborder il terrible- ment de Ion cours , Se va gaignant tellement cc- (!e région yqusles habitans font contraints du- DES INDES. IIV. II. 53 rant ces mois là de fe retirer & fe tenir en des Bar- ques& Canoës, & de quitter l'habitation de la terre. Qu'entre les deux Tropiques enEfié ', ou temps de chédeur , cji lafajfon où il y a plus grande tbonddnce de pluyes , aucc vn d if- cours de l'Hyuer & de l'Ejlé. c H A P. v. gfà O v r refolution , l'Efté eft toufiours fuiuy I&£ & accompagné de chaleur 8c defecherefîè es deux régions ou zones tempérées, & l'Hyuer auflî de froidure & d'humidité: Mais en la Zone Torridelesfufdites qualitez nefe trouuctpoint enfemble de la mefme faço,d'autatque lespluyes y fuiuent la chaleur, & le froid y eft accompagne defechereflè^ d'vnairfërain. l'entends parle froid le défaut de chaleur exceflîue , d'où vient que l'Hyuer fe prend en noftre Europe pour le froid, & le temps pluuieux & Efté pour le temps de chaleur Se ferenitè de l'air. N os Efpagnols qut fontauPcru& enlaneufue Efpagne,voyans que ces deux qualitez ne fctrouuoient point enfem- ble comme elles font en Efpagne, appellét l'Hy- uer la faifon en laquelle il y a beaucoup d'eaux & de pliiyes,& i'Efté3celle où il y en a peu,ou point. En quoy ils fe trompent euidemn.ét, quoy qu'ils vueillent dire par vue rcigle commune que l'Efté eft aux montagnes du Peru, depuis le moisd'A- uril , iufques en Septembre, pour- autant que les pluyes cefient en ce temps là, & que l'Hyuer eft depuis le mois de Septembre iufques au mois I HISTOIRE NATVRELLE d' Auril,pourcc qu'alors elles y reuiennent,&: par ainfi il eft Hyuer ôd'Eftéau Peru,lors &au mef- me temps qu'il l'eft eu Efpagne. De forte que quand le Soleil chemine an demis de leurtefte, alors ils croyent que c'eft le fond de 1 Hyuer, pou rce qu'il y a plu s grande abondacedepluyes. Mais c'eft chofe digne de rifee,comme venant de gens ignorans Se fans lettres : car tout ainfi com- me la diuerfitc quieft entre le iour & lanuid, procède de la prefencc ou abfence du foleil, en noftre hemifphere , félonie mouuementdu pre- mier mobile s qui eft la caufe du iour &dela nuicl, ainfi la différence que nous voyons entre l'Hy uer & l'Efté , procède de rapprochement ou eflongncment du Soleil, félon le mouuemcnt du mefme Soleil,quien eft la propre caufe. Donc- quesàvray dire , il eft l'Eftc lors que le Soleil eft; plus proche , & Hyuer quand il eft le plus elîon- gné. La chaleur,le froid, & toute autre tempéra- ture font cauieesparneceflicé de rapprochement ouefloignement du Soleil : maislepleuuoir& non pleuuoir , qui eftl'humidité telafechereilè, ne l'en enfuiuent pas necclfairement. C'eft pour- quoyileftaifédeiuger (ourrecefte opinion vul- gairc)qu'au Perul'Hyuer eftferain,& saspluyes, & que l'Efté y eftpluuieux, & non pas au con- traire,commeplufieurs penfent que l'Hyuer foit chaud, & l'Eftc foit froid. Ils tombent en la mef- me erreur fur la differéce qu'ils font entre la plai- ne & les montagnes du Peru,difans que quand il eft Efté en la montagne , IHyuer eft en la plaine, qui eft en Auril,MayïIuin>luillct,&: Aouft:pour- cc qu'alors l'air eft fort clair &feraincn la mon- DES INDES. IIV. II, 54 tagne , fans ancu nés pitres ny bruines , &ence temps là neantmoins on void ordinairement en la plaine des brouillars qu'ils appellent guariia, qui eft comme vne rofee fort douce, de laquelle eft couuertle Soleil. Mais l'Hyuer & l'Eftc,com- me il eft dit, font caufez de rapprochement &, efloignement du Soleil. Puis donc qu'il eft ainfi qu'en tout le Peru, tant en la montagne comme en la plaincje Soleil f en approche& efloigne en vn mefme temps: il n'y a donc point de' raifon de dire,que quand il eft Efté en vne partie , l'Hyuer Toit en vne autre. Toutesfois c'eftehofede peu d'importance de debatre fur lafignificationdes. mots, qu'ils l'appellent comme ils voudront, & difent qu'il foit Efté quand il ne pleut point, en- core qu'il face dauantage de chaleur. Mais ce où l'on doit auoir plus d'eïgard,eft à la vérité du fub- iect qui eft déclaré, à feauoir que la fecherefle ou défaut de pluyes ne font pas toufiours en plus grande abondance quand le Soleil f approche le plus,ainfi que l'on void en la Zone Torride. Que la Zone Torrtde abonde en eauë &j>aj}uragesy con tre ? opinion d'^Anfiote, qui a mit en auant le etntraire. VI. CHAP. Ar le difeours précèdent Ton peut facile- ment entendre que la Zone Torride n'eft feche, mais abondante en grande quatité d'eaux, ce qui eft tellement vray , qu elle furpafle les autres régions du monde en abondance d'eaux, HISTOIRE NÀTVRELLE d'eaux,fi ce n'eft en quelques endroits où il y a des fablons ou terres defertes, côme l'on trouue mei- rrièés autres parties dumonae. Q^ant eft pour les eaux du Ciel, Ton a défia môftrc qu'il y a gran- de abondance de pluyes,neiges & grcflcs,qui fpe* cialcrnent abondent en la prouincedu Perutmais pour les eaux de la terrc,comrne font riuicres,fô- raines , ruifleaux, puits, torreiis & lacs , ie n'en ay rien dit iufques icy , toutesfois eftant chofe ordi- naire que les eaux d'embas fe rapportent à celles d'enhaut , l'on doit entendre qu'il ne peut y en auoir faute. Etdevrayilya vue telle & fi grande abondance de fources & de fontaines , qu'il ne fe peut trouucr lieu, regiô ou cotree dans tout le re- fte du mode,où il y ait tat de lacs,marefcages,& fi grandes riuieres.Car la plus grande partie de l'A- rtetique eft prefque inhabitable pour cette trop grande abondance d'eaux , d'autant que les riuic- res enflées de grandes pluyesdei'Efté, (ortentà tous coups de leur lid; auec telle furie qu'elles ro- pent tout ce qu'elles rencontrent ;&nepeut on cheminer en plufieurs cndroits,à caufe de la boiie & fange des marefeages & vallons. A ceftcoccafï5 ceux qui demeurent ioignant le Paraguey,duquel nous auons cydeiïusfait mention ,preuoyansIa crue du flcuueauant qu'elle aduienne, fe mettent en leurs Canoës auec leurs meubles & hardes , & prefque par l'cfpace de trois mois , ils garantiflent leurs vies & moyens en nageât. Puis après le fleu- ue retournant enfon lift, ilsreuienncnt en leurs màifons co»mëdeuant,encor toutes moittes&r dégoûtantes de l'inondation. Et enY-cc fleuue de telle grandeur,crueie Niîje ÇJangej&ifcuphratCa DES INDES. Lî V. II. 5 f f'ilseftoient amaflez enfemblc, ne le pourraient pas efgallerà beaucoup prcs. Mais que dirôs nous de la grande riuiere de laMagdalaine,qui s'engol-. phe en la mer encre fainétc Marrhe & Carthage- ne,& ett appellée aucebonne railon,grande rime- re?Nauigea t en ces parties là, i'eftois efmerueillé, comme Ion eaue,qui eft tres-claire, demeuroit ôc s'eteouloit dans la mer plus de dix lieues auanr, ayant en fa largeur deux lieues & d'auantage,fans qu'elle fe mefhft, ny peuft cftre vaincue des va- gues impetueufes de la mer Oceane. Qne s'il faut parler dauantage des fleuues, ce grand rleuue ap- pelle par les vus la riuiere des Amazones , par les autres,Maranou,& par les autres, riuiere d Orei- lana, laquelle nos Eipagnols nauigerent lors de \ leurs defcouuertes , doit efteindre la renommée de tous les autres. Et à la vérité ie fuis en doute fi ie le dois appeller ou riuiere,oumer.Il fluê depuis les montaignesdu Peru,defquellesil reçoitvne abondâce infinie d'eaux, de pluyes,& de riuieres, qu'il va recueillant & attirant à foy , puis palîant les grandes campagnes & plaines de Pautitijdu Dorado,&d©5 Amazones, vienten fin s'embou- cher dans l'Océan , prefque à trauers des 1 fies de la Margueri te,& de la Trinité.ll a fa couche fi lar- ge & fi fpacieufe, principalement au dernier tiers de la longueur, qu'il contiet au milieu de foy phi- jfieurs & grandes Ifles : Et ce qui femblc incroya- lble,quand on le nauige par le milieu , l'on ne voit [queduCiel&del'eauë. On dit bien d'auantage, pouuoitprocedcr que l'Equinoxeeft fi hu- midCjCommci'ay dit, pour réfuter l'opinion des anciens, ie n'en trouue point d'autre caufe,que la grande force du Soleil en ces parties là , paria- quelle il efleuc & attire à foy vne grandeabon- dance de vapeur de tout l'Océan, qui en cet en- droit eft fort grand &c fort eftendu, & ayant tiré à foy celle grande abondance de vapeurs , aufîï toit les rcfoult & conuertit en pluyes,& eft: approuué parplufieurs experieces certaines que ccspluyes Se torrents celeftes prouiennent des plus grandes chaleurs du Soleil. Premierement,commenous auonsjaditcy-deuant,il pleut en ces pays là au temps que le Soleil iette fes rayons directement fur la terre , ôc qu'en ce faifant il a plus de force: mais quand le Soleil C'en efloigne , la chaleur fe tempère, & alors il n'y tombe point depluye. D'où DES INDES. Ll V. II. ^j D'où l'on pcuc bien inférer que la force 8c ardeur dit Soleil eft cequi caufe les pluyes en telles re- lions. Audi l'on obferue, tantauPeru, neufue Éfpagne, qu'en toute la Torride, que les pluyes y viennentordiuairementapres Midy,lorsqueles rayons du Soleil font au poinct de leur plus grad' force, & que c'eftchofc rare devoirpleuuoir au matin. C'eft pourquoy les voyageurs y preuoyet, & commencent leur iournée de grand matin,afin de l'acheuer , & fc repofer à Midy , pource qu'ils tiennent qu'ordinairement il y pleut après Mi- dy. Ceux qui ont hanté & cheminé par ce pays là,en peuuent parler fufhfamment: car mefmes il y en a aucuns qui y ayans fait quelque refidcnce, difcntquela plus grande abondance des pluyes cft quand la Lune eft en fon pleimencor que pour dire la vtrité , ie n'en ay peu faire preuue fuffifan- te,bien que i'y aye prins garde quelquesfois.Da- uantage les iours , l'an 8c les mois donnent à en- tendre la vérité de ce que dclïus , fçauoir qu'eu la Torride rexccfïiue chaleur du Soleil caufe les pluyes. L'expérience nous enfeigne le me/me aux chofes artificielles, comme aux alambics,auf- qucls on diftille les eauës des herbes ou des fleurs: car la véhémence du feu enferre ôc contraint, poulie 8c efleue en haut vue abondance de va- peurs, lesquelles eftans preuves, &ne trouuans ilïuëjfont conuerties en liqueur 8c en eaux. L'on void tout le mefme en i'or 8c en l'argent que l'on tire & affine par le vif argent, d'autant que fi le feu eft lent & petit, l'on netirequafi rien du vif argent, mais fil eft afpreôc violent , ileuaporc beaucoup le vif argent , lequel fc rencontrant en H HISTOIRE NATVRELLE haut contre le chapiteau (qu'ils appellct) le tour- nent incontinent en liqueur, & commence à dé- goûter en bas. Ainfi la grand' ardeur du Soleil produit ces deux erTe&s,quand elle trouue matiè- re difpofée,qui eft de leuer les vapeurs'en haut, de l'autre de les relondre incontinent, Se les tour- ner en liqueur, lorsqu'il y a quelque obftacle, pour les confumer & refoudre.Etbien qu'il fem- blequecefoientchofes contraires qu'vn mefme Soleil dans laZoneTorridc eftant proche caufe les pluyes , &; que hors la Torride eftant elîoigné, il caufe vn mcfme efrecl: : fi eft- ce que tout bien confideré,il nel'eft pas réellement Se de fai6t.Mil efFecls es chofes naturelles procèdent de choies contraires par vn moyen diuers. Nous mettons fecher le linge au feu& à l'air, defquelsneant- moins l'vn efchaufre,& l'autre refroidit. Les pa- ttes font fechees Se endurcies par le Soleil&par la gelée. L'exercice modéré prouoque le dormir, fil eft trop violent , il i'empefche : il l'on met du bois aufeu, finalement il f efteint, C\ l'on y en met beaucoup, & trop, il fefteint auffi : car la feule proportion l'entretient & le fait durer. Pour bien voirvnechofe, elle ne doit cftrcny trop proche des yeux,ny trop loin,mais en diftance raifonna- ble&proportionnée: eftanttrop efloignéd'vne chofcl'onenperdlaveu'è , Se trop proche auflï, nelapeut voir. Si les rayons du Soleil font foi- bles , ils n'attirent pas les bruines des riuicres; fils font violents, auiîitoft qu'il a attiré les va- peurs, il les refout Se confommè, mais la cha- leur modérée les attire Stconfcrue. Pour cette raifon les vapeurs ne f'eficuentpoinc commune- DES INDES. L I V. II. 58 mentdenuict, ny à midy,maisau matin, quand leSoIeil commence àentrer enfa force. Surce fubiect il y a mil exemples de chofes naturelles, que l'on void procéder fouuent de chofes con- traires, qui doit faire que nous ne nous deuons pasefmerueiller fi le Soleil pour eftrc fort pro- che engendre les pluyes ; & qu'il en fait tout au- tant eftant fort efloigné, mais qu'eftant Ton ap- prochement modéré & proportionné , il n'en produit ny caufe aucunement. Cependant il re- lie encor vn poinct que l'on peut demader, pour quelle raifon en la Zone Torridc rapproche- ment du foleil caufe les pluyes , &c hors d'icelle fonteaufées par fon efloignement. A ce que ie puisiuger, la raifon eft, que hors des Tropiques en Hyuer , le foleil n'a point tant de force , qu'il foitfuffifantpourconfumer les vapeurs qui fefc leuent de la terre &: de la mer. Car ces vapeurs f*a- maflent en grande abondance en la région froide de l'air, où elles font congelées &efpainfîes par la grande froideur , puis après eftanspretïces, fc refoluent &c conuertifTent en eau. C'cft pour- quoy en ce temps d'Hyuer,quele Soleil eft plus cfloigné , que les iours font courts , & les nuiéts plus longues, la chaleur du Soleil a peu de force, mais quand le Soleil f approche de ceux qui font hors des Tropiques, qui eft au temps d'Efté , la force du Soleil eft défia telle, qu'elle efleue les vapeurs,& tout enfemble les confomme, les dif- fipc&refoult: caria chaleur & la longueur des iours font caufées par rapprochement du So- leil. Mais au dedans des Tropiques, en la région Torride, refloignement du Soleil a tout autant Hij HISTOIRE NATVREL LE d'efrect que le plus grand approchement qui foie aux régions defdits Tropiques. Au moyen de- quoy il ne pleut pas en laTorride alors que le Soleil eft efloigné , non plus que hors les Tropi - ques quand 'le Soleil eft plus proche , d'autant qu'en cet approchement &efloignement, le So- leil demeure toufiours en vne mefme diftance, d'où procède vn mefme efrecl: de ferenité. Mais quand le f oleil cft au période de fa force en la Zo- ne Torride, Ôc qu'il jette Tes rayons directement fur la telle des habitans, il n'y a ny ferenité ny (e~ cherelfe, comme il (emblequ'ildeu'roityauoir. Mais pluftoft de grandes Se eftranges pluyes,dau- tant que par la force excciTme de fa chaleu r , il at- tire &: efleue prefque en vn inftant vne grande abondancede vapeurs de la terre,& mer Oceanc, lefquelles foire fi efpaiiîès &cnfi grande abon- dance, que le vent ne lespovmant diffiperny re- foudre facilement , elles viennent à (e fondre en eau , qui eau le les pluyes Ç\ froides & en f grande abondance, car la grande véhémence delà cha- leur peut attirer en peu de temps beaucoup de vapeurs, lefquelles elle ne peutïï toft conkimer & refoudre, & eftans attirées Se ailèmblées , par- leur grande abondance fe fondent & tournent en eau. Ce que l'on cognoiûra fort bien par cetexé- pledomeftique& familier. Quand l'on met ro- ftirvn morceau de porc, de mouton, ou de veau, file feu eft violent, Se la viande en foitfort pro- che, nous voyons que la graille fe fond toft & dé- goûte en bas, qui vient de ce que la grande cha- leur attire 8c efleue cet humeur Se graille de la chair,& oour eftre en grande abôdance ne la oeiu DES INDtiS. LIV. U. "59 refoudre, &ainfi diftille & tombe d'auantage. Mais quand le feu eft modéré , ôc ce que Ton ro- ftiteftendiftance proportionnée, nous voyons que la chair le roftit propremet,fans que la graif- fe diftille trop à coup,pource que la chaleur mo- dérée attire l'humidité, qu'elle confomme& re- fout en vu inftant. C'eft pourquoy les cuifiniers font le feu modéré, &n'en approchent la viande ny trop prés ny trop loing, de peur qu'elle ne fe fonde. On le peut voir par vne autre expérience aux chandelles de fuif & de cire , car fi la meiche en eft groife , elle fait fondre& découler le fuif ôc la cire:pource que la chaleur ne peut conlommer ce qui fefleue d'humeur : mais a la flame eft pro- portionnée^ cire ne fe fond ny découle, pource que la flame va confommat peu à peu ce qui f'ef- leue.Cc qui me femble la vraye raifon pourquoy en 1' Equinoxe,& en la Torride la grand' force de la chaleur caufe lespluycs,lefquellesen d'autres régions font caufées par la foiblelïe ôc peu de chaleur. Comment l'on doit entendre ce qui aefle dit cy-de(]us de U Zone Torride. CHAP. VIII. *&5'Il eft ainfi qu'es choies naturelles &phy- $®5fiques l'on ne doit rechercher de règle in- faillible ôc mathématique , mars ce qui eft ordi- naire , ôc ce qu'on void par expérience , qui eft la plus parfaite règle, il faut croire que ce que nous auons dit, qu'il y a plus d'humidité en la Torride qu'aux autres régions , ôc qu'en icelle il ne pleut H iij HISTOIRE NATVRELIE point lors que le Soleil en eft plus proche,fe doit prendre Se entendrede mefme: & de vray ceit bien ce qui eft le plus commun & le plus ordi- naire. Mais ce n'eft pas pour empefeher les exce- ptions que nature a voulu mettre à cette règle, rendant quelques régions de la Torridc extrê- mement feciies. Ce qu'on raconte de l'Ethiopie, &nousl'auons veuen vne grande partie du Pe- ru,où toute la terre ou cofte, qu'ils appellet Piai - nes,manquent de pluyes,voire d'eaux de la terre, excepté quelques vallées où il y a des eaux de ri - uieresquidefeendent des montagnes, le furplus fbntfablons& terres fteriles „ oùàgrand peine Ton trouuedes fontaines , mais bien quelques puits très-profonds. Mais nous dirons (Dieu ai- dant ) en fon lieu , quelle eft la caufe pourquoy il ne pleut point en ces plaines ( chofe que plu- sieurs demandent) car à prefent ie prétends de monftrer feulement qu'il y a plufieurs exceptiôs aux règles naturelles , d'où vient qu'il peut adue- nir en quelque partie de la Torride,qu'il ne pleut pas lors que le Soleil eft plus proche, mais quand il eft plus efloigné.Bien que iufques auiourd'huy ie ne Paye veuny entendu, toutesfoisfily en a, on le doit attribuer à laqualité particulière de la terre : mais auffi quelquesfois fil aduicntle con- traire,i'ondoitauoirefgard qu'en ces chofes na- turelles il aduient plufieurs contrarictez& em- pefchcmens , par fefqueis elles fe changent & dé- font les vnes les autres. Pour exemple, il peut eftrcquele Soleil caufera les pluyes, & que le vent les empefchera-,011 bien les rendra plus abo- yantes qu'elles n'ont accouftamé d'eftre. Les DES INDES. LIV. II. 6"0 vents ont leurs proprietez Se diners commence- mcns, par lefquels ils opèrent de différents ef- fe&s, qui font le plus fouuent contraires à ce que l'ordre Se la faifon requièrent. Puis donc qu'en chacun endroit l'on void arriuer de grandes va- netez en l'année , qui prouiennent de ladiuerfitc des mouuemens Se afpects des planettes , ce n'eft point chofe mal à propos de dire qu'en la Zone Torride l'on peut voir & remarquer quelques chofes contraires à ce que nous auons expéri- menté. Mais pour refolution,ce que nous auons conclu eftvne vérité bien certaine & expérimen- tée , à fçauoir la grande fecherelïe que les anciens ont penfc eftre en la région du milieu ,quc nous appellos Torride,n'y cftre point du tout,& qu'au contraire il y abeaucoup d'humidité, Se quelcs pluyes y font alors que le foleil en eftplus proche QjicLi Torride ri cfi point cxcefîiuewent chaude, mats pluftofl modérée. c H A P. IX. fr|>3 V s q_v es icy nous auons traitte de l'hu- Wfii midicé de la Zone Torride, maintenante fera bô de parler de deux autres qualitez,qui font le chaud & le froid. N ous auons demonitre fur le cômencement de ce difcours,comme les anciens ont tenu que la Zone Torride eftoù chaude Se fe- che exceffiuemët,ce qui n'eft pas ainfi toutesfois; car elle eft chaude & humide , Se en la plus grand' partie fa chaleur n'eft pas excefïïue , mais pluftoft tëperéc. Ce que l'on ti endroit pour in croyable, ft H iiij •HISTOIRE NÀTVRELLE nous ne l' allions aifez expérimenté. Quand ie nalTay aux Indes ( ie diray ce qui m'arriiia ) ayau c feu ce que les Poètes &: Philofophes difent de la Zone Torride, ie me perfuadois qu'arriuât à TE - quinoxe, ie ne pourrois y fupporter cefte exceflï- uc chaleur. Mais il m'aduint tout au contraire, car au temps que i'y paiïay ,qui fut alors que le Soleil y eftoit pour Zenith , eftant entré au ligne d'Anes, à fçauoir au mois de Mars , i'y'fènty fi grand froid, quei'eftois contraint me mettre au Soleil pour m'efehauffer : que pouuois ie moins faire alors , que.de me ri re Se me moquer des mé- téores d'Ariftote , & de fa Philofophie , voyant qu'au lieu , &en la faifon que tout y deuoit eftre embrazé de chaleur fuiuat les règles, moy & tous mes compagnons allions froid ? il n'y a à la vérité région au monde plus douce ny tempérée que fousl'Equinoxe, combien quelle ne (oit pas en tous endroits d'efgale ou femblabte températu- re,*^ qu'il y ait beaucoup dedinei-fitez. La Zone Torride en quelques endroits eft fort tempérée, corne en Quitto,&; aux plaines du Peru, en quel- ques endroits fort froide, comme en Potozi, ôc aux autres fort chaude, comme en l'Ethiopie, Brefil, 8c aux Mollucques. Celle diuerfité donc nous eftant certaine , & toute cogneuè, nous de uons par force recercher vne autre caufe du froid & du chaud , que les rayons du Soleil y font nai- ftre,veu qu'en vne mefme faifon de l'année, & en lieux qui font d'vne mefme hauteur & diftance du Pôle &de l'Equinoxe, on y retronuevnefi grande diuedué, que les vus font embrazezde chaleur , les autres de froidure ,& les autres fe DES INDES. 1 IV. II. 6l trounent tempérez d'vne chaleur modérée. Pla- ton met (a tant renommée Ifle Atlantique fouz vlat- '" la Zone Torride, puis dit qu'en certain temps de in'T.^ %ijjanée elle auoit le Soleil pour Zenith, & neant- moins qu'elle eftoit fort temperée,fortabondan- fUa.iib. 6. te, «& fort riche. Pline dit que Taprobane, (qu'ils caf.iz. appellent auiourd'huy Samatre) eftfouzl'Equi- noxe.cornme en efleételley cft, efcriuant qu'elle n'eft pas feulement riche &heureufe, mais aufîi peuplée d'hommes &c d'animaux. D'où l'on peut facilement cognoiftre, qu'encor que les anciens ayent tenu la chaleur de la Torride infupporta- ble , ncantmoins ils pouuoient bien entendre qu'elle ne l'eftoit pas tant comme ils difoient.Le très- excellent Aftrologue Se Cofmographe Pto- ioméc&i'iniignePhilofophe Se médecin Aui- cenne en eurent meilleure refolution,eftans tous deux d'opinion que fous l'Equinoxe y auoît de fort commodes habitations. Que la chaleur de la Torride efi tempérée, pour l'abondance des pluye r , & pour U briefucté des tours. C H A P. X. E p v i s que le nouueau monde a efté def- couuert, l'on a cogneu Se fans doute, ce que les derniers autheurs ont tenu véritable. Mais c'eft choie naturelle, que quand quelque choie qui cft hors de noftre opinion nous vient àeftre cogneuë par l'expérience, nous voulonsinconti- nent en rechercher la caufe.C'eft pourqu^y nous défiions fçauoir pour quelle caufe la région de HISTOIRE NATVRELLE laquelle le Soleil eft plus proche, n'eft pas feule- ment tempérée, mais eft froide en piufieurs en- droits. Confiderant cefte matière généralement, ie trouue deux caufes générales , pour rendre ce- tte région tempérée, l'vne eft celle-cy deuant dé- clarée , d'autant que cefte région eft fort humide, &fubiecT:eaux pluyes,& n'y a point de doute que lapluyenerafraifchiiFe, pource quel'efleuement dereau'ceft de Ton naturel froid : & encor que l'eauë par la force du feu f efchauffe , ce neant- moinsnelaiiîèpasde tempérer l'ardeur , caufée des rayons du Soleil purement. Ce qu'on void par expérience en l'Arabie interieure,laquelle eft embrazée du Soleil , pour n'y auoir aucunes pluyesqui tempèrent fa furie.Lcs nuages & brui- nes empefchentqueles rayons du Soleil n'offen- fènt tant,& les pluyes qui procedét d'icelles mef- mes,rafraifchiirent l'air & la terre,& l'hume&ent ' aufïi , quelque chaude qu'elle puifTè eftre. L'on bonl'eauede la pluye, 8c elleefi.anchela foif, co- melesnoftres l'ont bien efprouué , ayans faute d'eauë pour boire. Dcfortcqueiaraifon & l'ex- périence nous enfeigne que la pluye de foy ap- paifè la chaleur,& par ce moyen ayant ja monftré commela Zone Torride eft fort pluuieufe , il ap- pert aufïi qu'il y a en icelle chofe qui peut rendre fà chaleur tempérée. A cecy l'en diray encor vnc autre raifon qui mérite bien qu'on entende , non feulement pour cefte matière , mais aufïi pour piufieurs autres. Car pour iedireenpcu depa- roles,Ie Soleil quoy qu'il loir fort chaud & bruf- lant en l'Equinoxe, ce neantmoins c'eft pour peu de temps > de forte que la chaleur du iour y eftant D ES I NDES. LI V. II. 6 2. plus briefue & de moindre durée, ne fait pas tant aembrazement. Ce qu'il conuient déclarer Se entendre plus particulièrement. Ceux qui font verfez à la cognoilïance de la Sphère, enfeignent fort bien , que d'autant plus que le Zodiaque eft oblique&traucrfant fur noftre hemifphere,d'au- tant plus les iours & lesnuicts font inégaux; ÔC au contraire où la Sphère eft droite, Se lesfïgnes montent droicrement, lesiours & les nuicls y fonteigaux. C'eft pourquoyen toute la région qui eft entre les deux Tropiques , il y a moins d'inégalité aux iours & aux nuich, que hors d'i- ceux,& plus l'on approche de laligne , moinsy trouue-on d'inegalitéjce quenousauons expéri- menté en ces parties. Ceux de Quitto , pourec qu'ils fontau deiïbus delaligne, n'ontpointen toute Tannée lesiours nyles nuicls plus courts en vne laifon qu'en l'autre , mais y font conti- nuellement cfgaux. Ceux de Lyma,pource qu'ils font diftans de la ligne prefque de douze degrez, apperçoiuent quelque différence entrelcsiours & les nuicts , mais c'eft fort peu , d'autant qu'en Décembre Se en Ianuier les iours y croiuent d'v- neheure,oupeumoins. Ceux dePotoziy reco- gnoilfent beaucoup plus de différence, tant l'Hy- uer que l'Efté , pource qu'ils font prefque fouz le Tropique. Mais ceux qui font du tout hors des Tropiques, remarquent d'autant plus labriefue- té des iours de l'Hyuer , Se lalongueur de ceux de l'Efté , qu'ils font efloignez de laligne, &rfont proches du Pôle j commeTon void qu'en Alle- magne Se en Angleterre les iours font plus longs en Hfté qu'en Italie Se Eipasne. C'eft chofe qui HISTOIRE NATVRELLE fe void , que la Sphère enfeigne , & l'expérience le monftre clairement. Il faut adioufter vne autre propofition,qui eft auflï vraye, & bien considéra- ble, pour tous les efFedsde la nature, fçauoir la perfeuerance Se continuation de fa caufe efficien- te à opérer ôc agir.Celafuppofé, fi l'on me demâ- de, pourquoy en l'Equinoxe il n'y a point défi violentes chaleurs en Efté , qu'il y a en quelques autres régions, (comme en Andeluzie es mois de Iuillet& Aou(t)iertfp5dray pourcequeles iours d'Efté font plus longs en Andeluzie , & les nuids y font plus courtes, & le iour comme chaud qu'il eft enflame Se caufe la chaleur, la nuid aufli com- me froiôe& humide donne du rafraichiiremcnt. Suyûantquoyau Pcru il n'y a point tant de cha- leur, pource que les iours d'Efté n'y font pas fi mngs,ny les nuids fi courtes,qui caufe que la cha- leur du iour eft: beaucoup tempérée par lafraif- cneurde la nuid. Mais là où les iours font de quinze ou feize heures , par raifon il doit y auoir plus de chalettr,que là où ils ne font que de douze ou de treize, Ôc où il en demeure autant de la nuid pour rafraichiflement. Et bien que la Zone Tor- ride foit plus proche du Soleil, que toutes les au- tres régions, fi eft-ce toutesfois que la chaleur du Soleil n'y demeure pas fi lôg temps: car c'eft cho - fe naturelle qu'vn feu encor qu'il foit petit , fil perfeucre,efchauffe d'auantage qu'vn plus grand qui durera peu, principalement fil y furuient du rafraifehiffement. Qui voudra mettre donc ces deux proprictez de la Torride en vne balace,fça- uoir quelle eft pluspluuieufe au temps de fa plus graflde chaleur,&que les iours y font plus courts. DES INDES. LIV. II. 6$ on pourra bien parauanturc trouuer qu'elles fe- ront efgalles à ces deux autres contrairesrqui font que le Soleil y eftplus proche Se plus droit qu'es autres régions , à tout le moins que l'on n'y reco- anoiftra pas beaucoup d'auamage. Qu'ily a d'autres raiforts outre les defelutttes cy defftts* qui monftrent que la Torride cft tcmperéc,princi- palement en la co.fi e delà mer Oceane. CHAP. XI. i S t a n t chofe refoluë que les deux proprie- H*tezfufdi£esfont communes &vniuerfelles à toute la région Torride, & qu'en icelle néant- moins il fc trouue aucuns lieux fort chauds, & les autres où ily a fort grand froid:Brefla températu- re n'y eft efgalle en tous lieux , mais en vn mefme climatjvne partie eft chaude,i'autre foide, & l'au- tre tempérée tout en vn mcfme-tcmps.-nous fom- mes côtraints de rechercher d'autres raifons,d'où procède cède grande, diuerfité qui fe trouue ainiî en la Torride. Difcourrant doneques fur cette queftion , i'en trouue trois eau fes apparentes & certaines, & vnequatriefme plusobicure& ca- chée. Les caufes apparentes & certaines font, la première l'Océan, la féconde l'afliete & fituation de la terre , & la troifiefme le naturel ôc propriété de plusieurs & diuers vents.Outre ces trois que ic tics pour manifeftesjiecroyqu'ily en a vue autre quatriefme, cachée & moins apparente, qui eft la propriété de la mefme terre habitée ,& la parti- culière influence de fon Ciel. Qui voudra eonfî- derer de près les caufes & raifons générales cy I HISTOIRE NATVREI. LE defilis defduites,on trouuera qu'elles ne font fnf- fifaratespourlarefolution totale de cefte matiè- re,, veu ce qui ardue iournellemét en diuers lieux del'Equinoxe. Manomotapa, &grandeparric du royaume de Prece ,Ian , fontfituezdeirous la ligne.oufortproches.efquelles régions ils endu- rent de terribles chaleurs, &y naiifent les hom- mes tous noirs. Ce qui n'eft pas feulement en ces parties de terre ferme , efloignées de la mer, mais auiîîeneft-ildemefmeés ifles enuironneesdela mer'. L'ifle de (aindt Thomas eftfouz la ligne, les ifles de Cap de vert en font prochaines, 3c en IV- ne 5c en l'autre y régnent de furieufes chaleurs,& y fout mefmes tous les hommes noirs. Soubsla mefme ligne , ou bien proche d'icelle , giftvne partie du Peru, &du nouueau royaume deGre- nade,qui neantmoins font terres fort tempérées, déclinantes pluftoft à froidure , que no pas à cha- leur, «Scies hommes qui habitent en icelle font blancs. La terre du Brefil eft en la mefme diftanec de la ligne que le Peru , ôc neantmoins le Breiîl ôc toute celle cofte eft extrêmement chaude,encore qu'elle foit en la mer duNort,& l'autre cofte du Peru qui eft en la mer du Sud , eft fort tempérée, le di? donc que qui voudra confiderer ces diffé- rences^'donner laraifond'icelles,ne fe pourra contenter des générales cy-delîus traitées, pour déclarer comme la Torride peut eftrevne terre tempérée. Entre les caufës Ôc raifons fpeciales, i'ay mis pour la première la mer, pource que (ans doute fon voifinage aide à tempérer, ôc refroi- dir la ckaltur. Car combien que fon eauë foie D ES IN DES. L 1 V. II. 64 î allée, cllceft touliours eau toutesfois , & l'eau de la nature eit froide, & fi encore eft remarquable que pour la profondité de l'Oceâ , l'eau n'en peuc cltrecfchauiïee parla chaleur du Soleil, comme les eaux des riuieres.Finablement tout ainfi com- me le Tel nitre(quoy qu'il foie du natureldu fel ) a la propriété de refroidir l'eaue: ainfi voyons nous par expérience en quelques ports & haures que l'eau de la mer y rafraifehit, ce que nous auôs veu en celuy de Callao , où l'on mettoit rafraifehir l'eaue ou vin pour boire dedans des cruches ou flafcons mifes en la mer. D'où l'on peut fans dou- te recognoiftre que rOceanacefte propriété de tempérer & rafraifehir i'exeefiîue chaleur. Pour cefte occafionl'on relent dauantage la chaleur en la terre,qu'enlamer, & dé gelées. La raifon meirne C'y accorde, pource DESINDE 3. tIV. II. 6j pouf ce que f'il y a vnc fpherc ou région du feu, commeAriftote 8c les autres Philofophcs difent, la région moyenne de l'air doit eftre plus froide par antiperiftafe,la froidure eftant repouurce,& fè reilerrant en icelle,comme en temps d'Efté nous voyons aux puits qui ontdclaprofondité. Pour celle occafion, les Philofophes afferment que les deux extrêmes régions de l'air, celle d'enhaut , 5c celle d'embas font les plus chaudes, & la moyen- ne plus froide. Que ril eft ainfi, comme de faict l'expérience lemonftre,nous en tirerons encor vn argument &raifon remarquable, pourmon- ftrer que la Torride eft tempérée. Sçauoir que la plus grande partie des Indes eft vne terre haute, remplie de beaucoup de montagnes,qui par leur voihnage rafraifchiilent les terres prochaines. L'on void continuellement es fommets des mo- tagnes dont ie parle , de la neige , de la grefle , Se des eauës toutes glacées , & le froid qu'il y fait eft Ci afpre, que l'herbe en eft toute grefillonncc,teL iement que les hommes 8c cheuaux cheminans par là,y font tous engourdis de froid. Cccy,com- mc i'ay deiîa dit,eft en la Zone Torride, 8c aduiét Ieplusfouuent quand ils ont le Soleil pour Ze- nith. AinfïelVcechofe notoire 8c conforme à la raifon , que les montagnes font plus froides que ne font les vallées 5c les plaines, d'autant qu'elles participent de la région moyenne de l'air , qui eft très-froide. Or la caufcpourquoy la regio moyc- ne de l'air eft plus froide, aeftcmefmc dite cy- deuant,qui eft que la région de l'air prochaine de l'exhalation ignée , laquelle ( félon Ariftote ) eft furlafphcre de l'air , repoulTe 5c reiette arrière I HISTOIRE NATVREI, LE toute la froidure,laquelle fe retire 8c referre en la moyenne région de l'air par antiperiftafe, com- me parlet les Philofophes. En après fi quelqu'vn me demande ôc veut interroger de cède façon, fil eftainfi que l'air foit chaud & humide, comme jnfi.Ma. ticnt ariftote ^ & comme l'on dit communémët, d'où procède ce froid qui fe retire en la moyenne région de l'air,puis qu'il ne peut venir de la fphe- redufeu? Car fil procède de l'eau ou delà terre, par cette raifon la balfe regio de l'air deuroi t eftre plus froide que celle du milieu. Certes à refpon- dreauvraycequei'enpenfe , ieconreflèray que cet argument ôc obiectio m'cft tant difficile , que iefuisprefqueèdifpofé de future l'opinion de ceux qui reprouuent les qualité/, fymboles & diilym boles que met Ariftote aux éléments, difanc que ce font imaginations, lefquels pour celte occa- fion tiennent que l'air de (on naturel eft froid , Ôc à cède fin ils fe fe'ruen t de plufieurs arguments ôc raifons , du nombre delquels nousenpropole- ronsvnalTez vulgaire &cogneu,lailIans les au- tres à part, fçauoir qués iours caniculaires nous auonsaccoiiftumé nous donner de l'air auec vn efuentail , ôc trouuons qu'il nous rafraifchit : de forte que ces Aut heurs afferment que la chaleur n'en: vue propriété particulière d'aucun autre élé- ment que du feul feu , qui eft efpars ôc mcflé par- i^lè l my toutes^escrio^es ( félon que le grand Denys herar. nousenfeigne ) mais qu'il foit ainfi , ou qu'il en foit autrement (carie ne veux pas contredire à Ariftote, fi ce n'eft en chofc fort certaine ) en fin ils faccordét tous que la moyenne région del'air eft plus froide que la plus bafîè prochaine à la ter- D ES INDES. * LIV. II. 66 re , comme mefme l'expérience lemonftre , puis qu'en cède région du milieu les neiges,les grefles, frimats Se autres indices d'extrême froid f'engen- drent.Or donc la région du milieu qu'ils appellët Torride , ayant d'vn codé la mer , Se de l'autre les hautes môtagncs, l'on doit tenir cela pour eau Tes furfifantes pour teperer Se rafraifehir là chaleur. . Que les yenrs froids font la principale caufe de ) ctulrc la Tsrride tempérée. CHAP. XIII. fà-^ A température de cefte région fe doit prin- Èfeï cipalemei\t attribuer à la propriété du vent qui court en cefte terre là , lequel eft fort frais Se gracieux. La prouidence du grand Dieu, créateur de toutes choies , a.eftc telle,qu'il a ordonné qu'il yeuftdesvents mcrueilleufement frais en la ré- gion où le foleil fait fon cours (qui femble deuoir eftre du toutembrazee) afin que par leur fraif- cheur l'exceQîue chaleur du Soleil fuft, tempérée. Et ne font pas ceux-là trop eiloignezd-apparence de raifon , qui ont eu opinion que le Paradis ter- reftre eftoit fouz l'Equinoxe , f'ils ne fe fuirent trompez eux-mefmes fur la caulè de leur opinio, en ce qu'ils difoient que l'égalité des iours Se des jiuicTis eftoit feule iufnfànte caufe de rendre cefte Zone tempérée, à laquelle opinio toutesfois plu- iieursautresont elle contraires , dunombredek quelsaefté lePoëte renomngé,difànt: — — £r celle région S'cmhrazf incejjkmment aux chaleureux rayonr Mu S vieil qui d'tllec tamais nefe retire. I HISTOIRE NATVRELLE Doncques la fraifcheur de la nuict n'eft pas cel- le, quelle foit feule fuflîfànce pour modérer & corriger de fiafprcs&: furieufes ardeuns du So- leil, mais pluftofteefte Torride reçoit vne fi dou- ce température parle bénéfice de l'air frais &rgra cieux,de telle forte que combien qu'elle ait elle tenue des anciens, plus embrazcequ'vne four- naife ardente, & ceux qui l'habitent à prefent , la tiennent pour vn Printemps délicieux : il appert par argument & raifons fort euidentes, que la caufe de cecy gift principalement en la qualité du vent. Nous voyons en vn mefme climat quel- ques régions & villes mefmes plus chaudes les vues que les autres, pource feulemct qu'ils fe rei- fentent moins des vents qui rafraifchiifent. De mefme en e(l- il en d'autres terres, où le vent ne court point,lefquelles font toutes embrazees co- rne vn fourneau, & yeft-on fi fatigue de la cha- leur, que d'y eftre, c'eft autant que de f è voir dans viie f our.naife. Il y a beaucoup de ces bourgades, & de ces terres au Brefil, en Ethiopie,& au Para- guay, comme chacun fçait:& ce qui eft plus con- sidérable, c'eft. que l'on void ces différences non feulement parmy les terres, mais aufîi en la mer; ilyadesmersoùl'on fent beaucoup de chaleur, comme ils racontent de celle de Mozambique, &c Ormus , & en l'Orient , Se de la mer de Pana- ma, en Occident (laquelle pour cefte occafion engendre & produit en foy des Cayamans) com- me aufîi en la mer du Brefil. Il y a d'autres mers, voire en mefme degte de hauteur, fort froides, comme en celle du Peru, en laquelle nous euf- îueï fruid, comme i'ay raconté cy- delïtts , quand. ■■HHBB^H DES INDES. LI V. I I. 6j nouslanauigcafmes la première fois, qui eftoic en Mars, & au temps que le Soleil cheminoir par dellus. A la vérité en ce continent, où la terre & l'eau font de mefme forte, Ton ne peut imaginer autre occafion de fi grande différence, (mon la propriété du vent qui les rafraifchit. Que fi Ton veutdeprésaduiferà cefte confideratioduvent, dont nous auons parlé, l'on pourra refoudre plu- fieurs doutes qu'aucuns mettent en auant, & qui fembîent chofes eftrangcs & merueilleufes , fça- uoir pourquoy le foleil donnant de fes rais fur la région Torride,&: particulièrement au Peru,voi- rc beaucoup plus violemment qu'il ne fait pas en Efpagne es iours caniculaires, neantmoins l'on refifte à fà chaleur auec vne fort légère couuertu- re,fi bien qu'au couuert d'vne natte ou d'vn (im- pie toict de paille , l'on eft mieux contregardé de la chaleur , que l'on n'eft pas en Efpagne deifouz vn toict de bois, &c mefme d'vne voûte de pierre. Dauantage pourquoy les nuicts d'Efté ne font chaudes ny ennuieufes au Peru,comme en Efpa- gne ? Pourquoy aux plus hauts fomraets des mo- tagnes,& mefrne entre les monceaux de neige , il y faitquelquesfoisde grandes &in(upportab!es chaleurs. Pourquoy en toute la prouince de Co- lao,quand l'on fe trouue à l'ombrage quelque pe- tit qu'il puiffe eftrcj'on y fent du froid,mais quad l'on vient à en fortir aux rayons du foleil, incon- tinent l'on vient à y fentic vne exceflîue chaleur. Pourquoy toute la cofte du Peru eftant pleine de fablons, neantmoins fe trouue fort tempérée , &: pourquoy Potozi diftant delà cité d'Argent tant feulement de dix huict licuës,& en vn mefme de- Iiij I HISTOIRE NATVREUE gré", eft toutesfois cie fi différente température, que le pays eftant tres-froid , il eftitenle& (ce à merueilles:au contraire la ville d'Argent eft tem- pérée, déclinant à la chaleur , 8c a vn terroir fort gracieux 8c fertile. Ccft donc pour certain le vent qui principalement caufe toutes ceseftrangesdi- perutez: car fans le bénéfice du vent frais,i'ardcur du Soleil eft telle , qu'encor que ce fou au milieu des neiges,elle brufle 8c embraze, mais aufîî quâd la frai fcheur de l'air remet , aufli toll tonte la cha- leur i'appaife, quelque grande qu'elle foit : 8c où ce vent frais eft ordinaire,^: règne fouuent,il em- pefche que les vapeurs terreftres& groiïiercs que exhale la terre, ne feioignent , ôccaufentvne pe- lante 8c ennuyeufe chaleur , dont le contraire ad- uienten Europe, dautant que par l'exhalation de ces vapeurs, la terre demeure comme brulleedu Soleil du iour,qui eft caufe que les nuictsy (ont (1 chaudes & ennuyeufes, tellement qu'il femble plufieurs fois que l'air forte comme d'vne four- naife. Pour celte mefmeraifon,auPeruceftefraif. cheur du vent cauie que par le moyen de quelque petit ombrageau coucher &declin du SoleiI,l'on y eftarfezfraifchement : au contraire en Europe le temps le plus doux 8c plus agréable en Efté eft le matin , éWefoireft le plus froid, & le plus en- nuyeux. Mais au Pcru,en tout l'Equinoxe il n'en eft pas de mefme, d'autât que tous les matins que lèvent delamery celle, & que le Soleil y com- mence à jetter Tes rayons , pour cefte raifon l'on y fenc la plus grande chaleur aux matins, iufques au retour duditven^qu'ils appellent autremét, Ma- rceau vent de la mer, qui fait qu'on commence DES INDES. L I V. II. * 6"8 à fentir le froid. Nous auons expérimente tout cecy du temps que nous eftions aux Iiles qu'ils appellent de Barlouate, où au matin nous fuyons de chaud ,&àmidy nous Tentions vnbon frais, pource que la bize ordinaire, qui eft vn vent frais ôc gracieux y fouftle alors. Que ceux qui habitent fou^ l'Equmoxe yiucnt cïvm- vie fort douce & dclicieufe. c H A P. XII II. «££1 ceux qui ont eu opinion que le Paradis Wfâ terreftreeftoiten l'Equinoxe/efuirentcon- duitspar cedifeours ,encor nefembleroient-ils point eftre du tout hors du chemin. Non que ie vueille refoudre que le Paradis délicieux dont parle TEfcritureJoit en ce lieu làjd'autant que ce feroit témérité de l'affermer pour chofe certaine-, mais ie dis que fi l'on peut dire qu'il y ait quel- que Paradis en la terre , ce doit eftre en heu où l'on ioiiiftd'vne température fort tranquille & fort douce. Car il n'y a chofe fi fafcheufe & répu- gnante a la vie humaine,que de viure fous vn ciel ou vn air contraire , ennuyeux Se maladif, com- me il n'eft chofe plus agréable que dcioiiir d'vn ciel & d'vn air qui foit fain , doux , fubtil & gra - cieux. Il eft certain que nous ne participas point d'aucun des elemens,ny n'en auons l'vfage fi fou- uenten l'intérieur du corps, que nous auons de l'air. C'eft celuy qui enuironne nos corps de toutes parts s qui nous entre iufques dans les ï iiij HISTOIRE NATVRELLE entrailles , & à chaque moment nous va vifitant le cœur,auquel il imprime Tes proprietez. Si l'air eft tant (bit peu corrompu,il caufe la more: f' il eft pur&falubre, il augmente les forces. Finable- ment nous pouuons dire que l'air feul eft toute la vie des hommes, de force que combien que Ton aye des biens &des richeiles , il eft- ce que file Ciel eft fafcheux&mallain, l'on ne peut viureà l'aife,ny auecdu contentement. Mais ii l'air Se le Ciel eft falubre, gracieux& plaifimt, encor que Ton n'ait d'autres richeiles, ne laille de donner du contentement ôc du plaiflr. Confiderant à part moy l'aggreable température de plusieurs terres des Indes,où l'on ne feait que c eft de l'Hy- ucr,qui par Ton froid gelc & eftraint,ny de l'Efté, qui ennuyé par Tes chaleurs, mais auec vne natte, l'on fe guarantit de quelque iniure du temps que ce foit,& où il eft à peine befoin de changer d'ha- bit en toute l'année: le dis certes que confiderant cela plufieurs fois , ie trouue &c me (emble encor auiourd'huy que fi les hommes fe vouloiet vain- cre eux-mefmes, Se fe deiîier des lacs que la cupi- dité leur drefle , fedefiftans de plufieurs inutiles & pernicieux defleins,fans doute qu'ils pourroiët viure aux Indes fort doucement & heureufemêt: car ce que les autres Poètes chantent des champs Eli fées,& de la fameufeTempéjOu ce que Platon râeonte,ou feint de Ton Iile AtlantiquejCertes les homes les trouueroiét en ces terres , fi d'vn cœur généreux ils aimoient mieux eftre feigneursde leur argen t,& de leur couoitifè, que d'en demeu- rer efclaues comme ils font. Ce que nous auons traicléiufquesicyfuitîra touchât iesqiiaiicçzde DES INDES. L IV. II. &9 rÈquinoxc , du froid , chaud , fechereiTe, pluycs, & des caufes de fà température. Le difcourscn particulier des diuerfitez des vents,eaux,des ter- res, des métaux, plantes & animaux qui y font, 6c dont y a aux Indes grande abondance , reftera pour d'autres liures , car la difficulté de ce qui eft traitté en ce(luy-cy,quoy qu'au bref,leferapara- uanturetrouuer plus long qu'il n'elt. AD VERTISSEMENT AV LECTEVR. LElc&eur doit eftrcaduerty que l'efcri- uy les deux liurcs precedens en Latin, lors que i'eftois au Peru,&:pource parlent ils des chofes des Indes , comme de chofes prefentes. Depuis eiîant venu en Efpagne, mefcmbla bon de les traduire en langue vulgaire , Se ne voulus changer la façon de parler qui y eltoit couchée: mais aux cinq ïiuresfuiuans 3 parce que ie tes ay faits en Europe, i'ay cité contraint de changer la façon de parler, &de traitter en iceuxles chofes des Indes, comme terres &c chofes abfentcs : Se parce que celte diuerfité de parler pourroit aucc raifon ofîcnferlc le- cteur, il m'a femblé bon l'aducrtir de ceci. yù LIVRE TROISIEME DE L'HISTOIRE NATV- REL L E ET MORALE des Indes. Que tbiftoirc naturelle des Indes eji plaifantc & agréable. CHAPITRE PREMIER. O v t e hiftoire naturelle, de foy eft agréable, 8c mefme eftvtile, & de grand profit àceux qui veulent elle- uer le lir dif cours, & contemplation en haut,cn ce qu'elle les excite à glo- rifier l'Autheur de toute la nature , comme nous voyons que font les iages & fàin&s perfonnages, vfal.ioh principalemet Dauiden plufieurs &diuers Pfeau- Mf.9i« mes', où il célèbre l'excellence des œuures de 9t- l8s- Dicu.Et lob auiîitraittat des fecretsduCreateur, où le mefme Seigneur refpond à lob fiample- Iob'lZ^ i~ ; • r i • i> i r 39-40.4I. ment: Celuy qui le plairad entendre les vrayes œuutes de cède nature fidiuerfe& 11 abondante, aura vrayemet le plaifir & conten temen t de Thi- ftoire,&:plus encor quand il cognoiftra que ce ne fqnc point /impies ceuures des hommes â mais HISTOIRE NATVRELLE du Créateur mefme , & qu'il paiïera plus outre, & paruiédra à côprendre les caufes naturelles de Ces œuures , il fera occupé en vn vray exercice de Philofophie. Mais qui efleucra plus haut fà con- fideratioivcgardant au grand 6c premier Archi- tecte de toutes cesmerueilles , cognoiftra lafa- pience ôc grandeur infinie d'iceluy, pourrons di- re qu'il traitera vne excellente Théologie^ par ainfîlanarratiô des chofes naturelles peutbeau- coup fèruir pour plufieurs bonnes confideratios, combien que la foiblefTe & débilité de plufieurs appétits ait accouftumé ordinairement de farre- fter au moins profitable,qui eft le defir de fçauoir chofes nouuelles , appelle curiofité. Le diicours & hiftoire des chofes naturelles des Indes , outre le commun contentement qu'il donne,il en a en- core vne autre , qui eft de traitter de chofes efloi- gnees,laplus-part defquelles ont efte incogneues aux plus excellens autheurs de relleprofefuo qui ayent efté entre les anciens. Que fil ralloit eferire ces chofes naturelles des Indes aufîï amplement comme elles le requièrent bien ,eftans chofes fi remarquables , ic ne doute pas qu'on n'en peuft faire des ceuures qui ne fcroiêt pas moindres que celles de Pline,Theophrafte & Ariftote. Mais ie ne me repute point a(rezfuffifant,&(encor que ie lefuire)ceneleroitmon intention , ne tendant à autre fin que de remarquer quelques chofes na- turelles que i'ay veuës 6c cogneues eftant aux In- des, ou bien que i'ay entendues de perfonnes di- gnes de foy defquelles me femblent eftre rares , &c peu cogneues en l'Europe. A raifondequoy ie pafTeray fuccin&ement fur beaucoup d'icelles, DES INDES. Ll V. III. J\ tint pource quelles font ja efcrites par d'autres, ou bien quelles requièrent dauantage d'cfclair- cilïement «Se de difeours, que ce que ic leur pour- vois donner. D es yents , de leurs différences , propriété^ #j- vbi vultfpirat:& yocem eius imisfâ nefàsyndcyenit uaî qtà y «dit* L'efprit ou D ES 1 NDES. L1V, Ilî. 74 vent (buffle où bon luyfemble, 5c bic que tu fen- te (on (oufflement, tù ne fçais pas toutesfois d'où il procède, ny iulques où îldoitarritver: afin de nous enfeigner, que comprenans fi peu es chofes qui nous font prefentes Se communes , nous ne deuonspaspnefumerd'entendr»ccquieft Ci haut & fi caché , que les caufes Se motifs du S. Efprit. C'eft pourquoy il lu Ait que nous cognoiflîôsfcs opérations & efr"e&s,lefquets nous font furhfàm- nicnt defcouuerts en iagran deur 6c perfeeti on,&r d'auoir en gênerai philofophé ce pendes vents & des caufes de leurs differences,proprietez Se opé- rations que nous auôs réduites en trois, qui font le lieu par où ils paffent, les regiôsoù ils ioufîl6ts Se la vertu cekfte,principe Se motif des vents. D'auc unes propriété* de yen ts qui courent 41* nouHe>u'. monde, C H A P. III. g 'Est vnc queftion fort difputee par Arifto- Jfrft.±. te, fçauoir Ci lèvent Auftcr, que nous appel- *ftt.€.$. tons Abreguo ou Sud , (buffle depuis le Pôle An- tarcHque,ou bien tant feulement depuis l'Equi- noxe& Midy , qui eu; proprement demander Ci par delà l'Equinoxe il a & retient auffilamcfme qualité de chaud Se pluuicux que nous voyons icy. C'eft vn poinct fur lequel on peut, non fans raiion, entrer en doute. Car bien qu'il paife l'E- quinoxe, il ne laifTe pa"s toutesfois d'eftre vent d'AufterouSud,puis qu'il vient du mefmecoftc du monde, commelc vent dcNort qui court du eoîté contraire, ne laifle pas aufli d'eftre Nort, HISTOIRE NATVRELLE encor qu'il pa{fc outre laTorride & ligne Eqiti- noxiale. Et fcmble bien par cela que ces deux vents doiuent retenir leurs premières proprie- tez;l'vn d'eftre chaud & humide, & l'autre troid ôc (ec,l:Aufter de caufer les bruines & des pluyes & le Boree ou Nort de les confommer, ôc de ren- dre le Ciel ferain Ôc tranquille. Toutesfois Ari- ftote l'encline à la contraire opinion, pour-au- tant qu'en Europe le Nort eft froid , pourec qu'il vient du Pôle, région extrêmement froide, & le Sud au contraire eft chaud , pource qu'il vient du Midi,qui eft aufîi la région que le feleil efchauffe dauantage. Par cefte raifon donc il faudroit croi- re que l'Auftcr feroit froid à ccuxquihabitenc l'autre partie de la ligne^que le Nort leur feroit chaud: carences parties l'Aufter vient du Pôle, & le Nort vient du Midy. Et combien qu'il fem- ble par cefte raifon que l'Aufter ou Sud doiuc eftre plus froid par delà que n'eftpas le Nort par deçà , attendu que Ton tient la région du pôle du Sud plus froide que celle du pôle du N or t , à eau- fe que le foleil demeure fept iours dauantage par an au Tropique de Cancer, qu'il ne fait pas au Tropique de Capricorne, comme il appert par lesEquinoxes ôc folftices qu'il fait es deux cer- cles. En quoy il fembleque la nature ait voulu monftrcr la prééminence ôc excellence que cefte moi&ié du monde qui eft au Nort a fur l'autre moidiéquicftauSudj d'où il femble qu'il y ait raifon de croire que ces qualitez des vents fe cha- gent en paflTant la ligne : mais à la vérité il n'en eft pas ainûjà ce que i'.ay peu comprendre par l'expé- rience de quelques années; que i'ay elle en ces par- DES INDES. L IV. Il I. 75 tics des Indes , qui gifent au Sud del'autre cofte de {aligne. Il eftbien'vray que le vent duNort n'eft pas fi communément froid Se ierein parde- làjcomme il eft icy . En quelques endroits du Pe- ru,comme en Lyma,& aux plaines, ils experimé- tent que le N ort leur eft maladif & ennuyeux , Se par toute oefte cofte , qui dure plus de cinq cents lieues, ils tiennent le Sud pour vn ventfain Se frais ,& qui plus eft tres-ferain & gracieux • mef- mes que iamais il n'en pleut,tout au contraire de ce que nous voyons en Europe , Se en cefte partie de la ligne.Toutcsfois ce qui eft en la cofte du Pe- ru,n'eftpas vne règle générale, maispluftoft vue exception,& vne mecueille de nature,de ne pleu- uoir iamais en cefte cofte- là,& qu'ii y règne touf- iours vn mefme vent, fans donner lieu à lbn con- traire,dequoy nous dirons après ce qu'il nous en femblera. Maintenant demeurons àcepoinct, que le Nort n'a point de l'autre coftédclaligne les proprietez que l'Aufter a par deçà , encor que tous deux foufflent du Midy à des régions Se par- ties du monde oppofites&: contraires. Car ce n'eft pas rcigle générale par delà, que le Nort foit chaud ny pluuieux,commc l'Aufter l'eft par deçà: au contraire il pleut làauiïi bien lorsque noftre Auftery regne,commei'on void en toute la Sier- re ou montagne du Peru, en Chillé, Se en la terre de Gongo, qui eft de l'autre cofté de la ligne , & bien aduancee en la mer. Et en Potozi mefme, le vent qu'ils appellent Tomahani, (qui eft noftre Nort, fi i'ay Sonne mémoire) eft extrêmement froid)fce,&: mal plaifânt , comme il nous tft par- decà. Il eft vray que ce n'eft pas chofe couftumie- K iij I HISTOIRE NATVRELLE re par delà, que ceNorc difîïpe les nuages com- me icy: au contraire (fiie ne me trompe) il caufe fouuentcsfois de la pluye.Et n'y apoint de doute que les vents ne tirent Se n'emprumtent cefte grande diuerfité d'effects contraires des lieux p.nr où ils pailcnt, cardes prochaines régions d'où ils naifFent, comme chaque iour l'on expérimente en mil endroits. Mais parlant en gênerai delà qualité des vents, Ton doit pluftoft regarder aux codes & parties du monde, d'où ils naiilent c\r procèdent , que non point pour eftre du cofté de deçà la ligne, ou autrement , comme il me fem- ble que le Philofophc en a eu opinion. Ces vents capitaux , qui font le Leuant & le Ponant, n'ont point de qualitez Ci vmuer (elles , ne fi communes en ce continent, nyen l'autre comme les deux fufdits. Le Solanus ou Leuant efticy ordinaire • ment ennuyeux Se mal fain , Se le Ponant ou Zé- phyr? eft plus doux &• plus fain. Aux Indes. 'y' ci: toutelaTonide , lèvent d'Orient qu'ilsappeU lent brife , eft au contraire d'icy fort tain Se déli- cieux. Du Ponant ie n'eu pourray dire chofecer- taineny générale, d'autant qu'il ne fôuffiepoint du tout, ou bien fort rarement en JaTorride,car en tout ce que l'on nauige entre ces deuxTropi- ques,le vent de la brife y eft ordiuaire,mais pour- ce que c'eftvne des merueilleufcs œuures déna- ture , il fera bon. d'enentendte la caufe & l'ori- gine. DES INDES. Ll V. I I I. 76 Que les brij es courent ton/tours en la Torride, & hors d'iccUe les yents d'abas c-r les brifesy font toufiours ordinaires. c h A p. un. fà-ftj E chemin delamern'eftpas comme celuy Ç&Si de la terre, pour retourner par où l'on apaf- ié,ilyavn mefmechemin,ditle Philo(ophe,d'A- thenes à Thebes,que de Thebes à Athènes , mais iln'eftpasainfienlamer , pourcequel'onvapar luan j vn chemin, & retourne- on par vu autre. Les pre- Gacos m miersqui defcouurirentles Indes Occidentales, decada.i voire Orientales, trauaillerent beaucoup, Se eu- ^-4-<"-6- rent de grandes difhcultez à trouuer la route,iu£*. ques à ce que l'expérience maiftrelle de ces le- crets,leurenft en feigne, que de nauiger par l'O- céan, n'eft pas choie femblable , que de palier en Italie par la mer Méditerranée , où l'on vareco- gnoiiïànt au retour les meimes ports ôc caps qu'onaveusàraller,&:nefait on toufiours qu'at- tendre la faueur du vent , qui T'y change en vn in- ftant,& encor quand il leur deraut,ils ont recours & Te feruent fort bien de la rame, &c ainfi vontSc viennent les galères toufiours en coftoyant la terre. En certains endroits de la mer Oceane l'on ne doit efperer autre vent , que celuy qui court , parce que ordinairement il y dure long temps : en lin celuy qui eft bon pour aller, ne l'eft pas pour retourner : car en la mer outre le Tropi- que^ dedas la Torride, les vents de Leuanty ré- gnent toufiours, foufflant continuellement, (ans permettre leurs contraires a en laquelle région K iiij HISTOIKE NATVRULE y a cîeux chofes merucilleufes , l' vnc qu'en icelle, (qui eft laplus grande des cinq , en quoy ils diui- fent le monde) régnent les vents d'Orient qu'ils appellent Brifes, fans que ceux du Ponant & Mi- dy , qu'ils appellent vents d'abas, ayentlieu de courir en aucune (aifon de l'année. L'autre mer- ueille eft que ces brifes ne celïènt iamais de fouf- fler, ôc le plus communément es lieux qui font plus proches de la ligne, efquclsil femble que les calmes deuflent eftreplusordinaires,d'autat que c'eft la partie du monde plus fubictteà l'ar- deur du Solcil.Mais c'eft au contraire,car à peine l'on y voit des calmes,& fi la brifey eft beaucoup plus froide, &ydurepliis long temps: ce qui a efterecogneuen toutes les nauigations des In- des. Ceft donc là l'occafion pourquoy la nauiga- tion que l'on fait allant d'Efpagnc aux Indes Oc- cidentales , eft plus briefue & plus facile, voire plusafleurée que celle que l'on faitau retour d'i- cellcsen Efpagne. Les flottes fortansdeSeuillc ont le plus de peine & de difficulté à pafler&ar- riuer iufquesaux Canaries, d'autant que ce Gol- phe des YegueSjOii des juments,eft variable, eftat batu de plufieurs Se diuers vents, mais ayant pa(ïc les Canaries , elles vont baillàns iufques à entrer en la Torride,ou ils trouuent incontinent la bri- iè,& y nauigent vent en poupc,de telle forte,qu'à peine eft befoin en tout le voyage de toucher aux voiles. Pour cefte raifon ils appellerent ce grand Golphe,leGolphedes Dames,pourfadou- ceur & lerenitc. En après fuiuant leur route elles arriuent iufques aux Ifles de la Dominique,Gua- delupe, Dcuree, Marigualante3& les autres, qui DES INDES. 1 IV. III. yj font en cet endroit comme les faux- bourgs des Indes. Là les flottes fefcparent,&fediuifent,dot les vus (qui vont en laneufue Efpagne ) tirent à main droite pour recognoiftrel'Efpagnolle, & ayansrecognculc Canfaind Antoine, donnent iufquesàfàinctlean Dehu,leurferuanttoufiours la mefme brize. Celles de terre ferme prennent la main gauche , ôc vont recognoiftre la haute montagne de Tayrone , puis ayant couché en Carthagene,pa(fent outre a Nobrededyos ,d'où par terre l'on va à Panama, & de là par la mer du SudatiPeru. Mais lors que les flottes retournent en Efpagne, elles font leur voyage en cède façon. La flotte du Peru va recognoiftre le Cap fatncT: Antoine, puis entre en la Hauane, quieftvn fort beau port , de l'ifle de Cube , & celle de la neufue Efpagne vient mefme toucher en la Hauane, eft£t fortie de la vray e Croix,ou de l'ifle de fainét Ican Delua : toutesfois ce n'eft fans trauail,pour- ce que là ordinairement ventent les brifes,qui eft vnvent contraire pour aller à ce port de la Ha- uane. Ces flottes eftans iointes pour retourner en Efpagne, vont chercher leur hauteur hors des Tropiques , où incontinent ils trouucnt des vets dabas-, qui leur feruent iufques à la veuë des Ifles des Açores ou Tyerccres, ôc de là à Seuille. De forte qu'ils font le voyage de l'aller en peu de hauteur , ne f'efloignans point de la ligne de pins de vingt degrez, qui eft ja dans les Tropiques. Mais le retour fe fait par le dehors d'iccux Tropi- ques en vingt-huict ou trente degrez de hauteur pour le moins,ce qu'ils font pour la raifon fufdi- te, d'autant que dans les deux Tropiques conti- HISTOIRE NATVRELLE nuellementregnent des vents d'Orient, lefqucls font propres pour aller d'Efpagne aux Indes Oc- cidentales, pource que la roijteeft d'Orient au Ponant, & hors les Tropiques j, qui eft en vingt- trois degrez de hauteur,ron trouue des vents d'a- bas , iefquels font plus certains Se ordinaires plus l'on l'cflongne de la ligne, qui (ont propres pour retourner des Indes , d'autant que ce Ton: vents de Midy & de Ponant , qui feruent pour courir à l'Orient & au Nort. Lemefme difeourseftaux nauigations que l'on faitenla merdu Sud allant de la neufue Efpagne &z du Peru,aux Philippines, ou à la Chine, ôc retournant des Philippines ou Chine,à la neufue Efpagne.car cela leur eft facile, pource qu'ils nauigenttoufiours d'Orientau Po- nant,prochedelaligne , où ils trouaient conti- nuellemctleventdcbrifequi leur donne en pou- pe. En l'an quatre vingts quatre, fortitdeCallao enLyma,vn nauire pour aller aux Philippines, lequel courut &nanigea deux nul feptcet< lieue.1; fansvoir terre, & la première qu'il defcouiritfut l'ifle de Lullbn , où il alloit & y pr int port , ayan t fait Ton voyage en deux mois, fans auoir eu aucu ncfaUtedc vent , ny foufFert aucune toumente, &c fut fa. route prefque toufiours fous la ligue: pource que de Lyma qui. eft à douze devrez au Sud il vint arriuer à Menilla , qui eft quaf: autres tant au Nort.Le mefme licur accompagiu Alua- ro de Mandana , quand il fut à la dcfcouuerte des IflesappelléesdeSalomon,pourcequ'ileittouC iours lèvent en poupe, iufquesàla veuëde ces I fl es ;lefqu elles doiuent eftre diftantes dulicu du Peru doùiîs forcirent comme mil lieues, ayan: DES IND ES. LI V. III. 7& fait fa route toujours en vne mefme hauteur au Sud. Le retour eft comme le voyage des Indes en £fp.igne,car ceux qui retournent des Philippines ou Chine à Mexique, afin de trouner les vêts d'a- bas, montent à beaucoup de hauteur ,iufques à fe mettre au droit des ifles de Iappon,&venant à re- cognoiftre les Calliphornes, retournent par la co- de de*laneufue E(pagne,aupôrtd'Acapn!co,doù ilseftoient partis. De forte qu'il eft mefme prou- uc par celle nauigation , que d'Orient au Ponant l'on nauige fort bien dan s les Tropiques, d'autant qu'ily régnent des vents Orientaux:mais retour- nans du Ponant en Orient, l'on doit chercher les vents dàbas ou du Ponant hors des Tropiques en hautcur3de vingt-fept devrez. Les Portugais expérimentent le mefme en la nauigation qu'ils font à l'Inde d'Orient,bien qu'au rebours,pour- CC qu'allât de Portugal, le voyage eft ennuyeux 8c de trauaiLmais le retour eft plus aifé , d'autat qu'a l'aller leur route eftdu Ponant à l'Orient, telle- ment qu'il leur conuict monter iniques à ce qu'ils ayent tronué les vents gencraux,qu'ils difent, qui font au deiïus de vingt- fept degré*. Et au retour ils recognoiflèntles Tycrcieres , mais c'eft plus aiiémen t,pource qu'ils viennent d'Oriet,en quoi les bnfeSjOuNortSjleurferuent. Fitwlementles mariniers tiennent ja pour règle &: obferuation certaine,quedas lesTropiquesregnet continuel- lement les vents de Leuant,parquoyily eft tres- fxciledcnauigerauPonat.MaishorsiceuxTropi- ques,ily a en quelques faifons desbrifes, en d'au- tres & plus ordinairemét des vêts d'abas: à raifon dequoy ceux qui rmuigent du Ponant en Orient HISTOIRE NATVRELLI procurée toufioursfortirdclaTorride,& fc met- tre en hauteur de vingt- fept degrez, & pour cefte raifon les hommes le font ja hazardez d'entre- prendre des nauigations cftranges,& à des parties efloignees & incogneu'és. -.» ■ " T DcUdifferencedes brifes & vent d'àbaSy cnfcmble des autres vents. CHAP. V. : I en que ce qui a elle dit cy-deifus Toit vne __! choie fiapprouuee,&iivniuer(elle, neant- moins ilmerefte toufioursvn defird'enqucrirla caufe de ce fecret , pourquoy en la Torride l'on nauige toujours d'Orient en Occident auec tel- le facilite, & non pas au contraire d'Occident en Orient. Quieftle mefme, que fî l'on demandoit pourquoy les brifes régnent là, ôc non les vents d abas,puis que félon bonne Philcfcphie , ce qui cftperpetuel,vniuerfel&deparfoy (comme di- fentlcsPhilofophes) doit auoirvne caufe propre & de par foy. O r auant que de m'arrefter à cefte queftion qui me femble remarquable , il fera be- foing de déclarer ce que nous entendons parles brifes & vêts d*abas,à caufe que cela feruira beau- coup pour ce fubied , & pour plusieurs autres chofes& matières des vents &: nauigations. Les pilotes mettent trente deux différences de vents, pource que pour conduire leur prou'é au port de- fîré,ilsont de befoin faire leur conte fort pun- duallement Se le plus dftin&cment & au menu qu'ils peuuent , veu que pour peu qu'ils tirafTent en vn codé ou à l'autre , en fin de leur chemin , fe DES INDES. L IV. III. 79 trouueroient beaucoup efloignez d'où ils penfe- roient aller: Ôc ne content plus de trente-deur vents, d'autant que ces diuifionsfuffifent * &né pourroit-on auoir la mémoire pour en retenir dauantage. Mais à la rigueur comme ils mettent trente-deux vents, l'on en pourroit conter 64. iiS.&zjô. finalement aller multipliant ces par- ties iufques à l'infiny. Carie lieu où fe trouuc le nauire eftant comme le centre,& tout hemifphe- reen circonférence ,qui eft.ee qui empefchc que l'on nepuiire conter des lignes fans nombre , lef- quelles fortans de ce trente , tirent droit à ce cer- cle lineai en tout autant de parties, qui feront au- tant de vents diuers, puis qu'ainfî clique le vent qui vient de toutes les parties de l'hemifphere, & qu'on le peut diuifer en autac de parties que nous voudrons imaginer? Toucesfois lafagefle des ho- mes fe conformant à la fainéte Efcriture , remar- que quatre vents,qui font les principaux de tous, & comme quatre coings de l'Vniuers, que Ton ferme, en faifànt vne croix auec deux lignes, donc l'vnc va d'vn Pôle à l'autre, & l'autre d'vn equino- xe à l'autre, &c font d'vn cofté le N ort,ou Aquilo, Se l'Auftcr ou vent de Midy,fon contraire : & de l'autre cofté l'Orient,qui procède d'où fort le So- leil, & le Ponant d'où il fc couche. Et combien que 1* Efcriture fain&c parle en quelques endroits d autres diuerfîtez de vents , comme de l'Eurus, & Aquilon,quc ceux de la mer Oceane appellent Nort-d'cft , & ceux de la mer Méditerranée Grc- gual , duquel il eft fait mention en la nauigation defainct Paul s fieft-ecque la mefmc Efcriture iûin&c rapporte ces quatre cUiFcrenccs remarqua^ HISTOIRE NATVRELLE bles,quetoutlemondecoguoift, qui fonr,corrt- me il eft dit,Scpcentnon, Midy, Orient &: Ponâc. Mais d'autant que l'on trouue trois différences aulcuer,c\. naitlancedu Soleil{doù vient le nom d'Orient) àfçauoir les deux plus grandes dech- nailonsqu'iîaaccoullumé défaire, & le milieu d'icelles , ielon qu'il naift en diuers lieux en Hy- ucr, l'Eric $C en celle qui tict le milieu de ces deux iaiibns. Pour celle raifon l'on conte deux autres vents qui font l'Oient d'Efté,& l'Oriët del/Hy- uer,& par confequent deux autres Ponants d Hy- uer cv d'Eftê, contraires aux deilufdits. De forts qu'il y ahuictvents,en hui&poincls notables du ciel , qui (ont les deux pôles, les deux equinoxes, les deux iolilices , & leurs oppofites aumefme cercle, leiquels font appellezdediuers noms 8c appellations en chacun lieu de la mer & de la ter- re. Ceux qui nauigent l'Océan ont accoullumc les appcîler ainfï. ils donnent lenomdeNorc aux vents ioufrlans de noftre pôle , qui retient le meimenomdeNort, &deNortdeft: ccluyqui luy eft prochain,^ qui vient de l'Oriéceftiual, ils l'appellent Eibceluy qui fort du vray Oriét equi- nocciaI,& Su eft ccluyqui vient del'Oriccd'Hy- ucr. Au midy ou pôle Antar&ique,ils donncntle nom de Sud,cVàceluy du couchant d'Hyuer,le nom de 5uroeft,au vray couchant cquinoccial,le nom de oeft,&: au couchant d'E{tc,celuy denort- oell.Ih dmilent entr'eux le relie des vents,& leur donnent les noms, félon qu'ils participée &: l'ap- prochent des autres,commenort nortoeft,nort- noitdeft,eft nortdelt,cftfucft, fur foroeft, fufueft, oeft furoeit, oeft nortoeft , de forte que par leurs DES INDES. I IV. II I. 80 dénominations l'on cognoift d'où ils procèdent. En la mer Méditerranée encor qu'ils fuiuent la mefme diuifion9& façon de conter, neantmoins lis leur donnent d'autres noms différents, ils ap- pellent le Nort, Tramontane, & fon contraire qui cil le Sud,Mezoiorne, ou Midy , l'Eft ils l'ap- pellent Leuant,& l'Oeil Ponant, 8c ceux quitra- uerfent ces qua*rc,ils les nomment ainfi : le Sueft cftpar euxditXirocquc, ou Xaloque, &lon op- police qui efl; le Nortoeftj Mettrai, ils appellent £r3ec,ou sresuaUc nortdelh & le furoeftibn con- traire leueiche, lybiquc, ou afrriquain. En Latin les quatrecogneus font,Septcntrio, Aufter, Sub- foiaaus,Fauonius,& les entre-lalîez font Aquilo, Vulturnus, ArnicuticvCorus. Selon Pline Vul- turnus &£urus font vu mcfme vét,qui ell Iefueft, ouxaloque, fauonius eftlc meime que l'oeftou. Ponant, Aquilo & Boreasle mefmequenorcefl:, ou grcgual,& TraiT>ôtanc,rAfricus & lybique,cft ce iuroeft ou leueiche , l'aufter & notus , eft le fod ou midy,corus &scphyrus,n'efl autre que le nor- toeft,oumeftral>& à fon prochain qui eftnortdeft ou grcgual,on ne Iuy dôneautre nom que Pheni- cic. Quelques autres les diuifentd'vnc autre ma- nière, mais parce que ce n 'eftpasàprefentnoftre intentiô de raconter les noms Latins 8c Grecs de tous les vêts, disôsfeulemet qui font ceux d'entre ces vçts que nos mariniers de lOcea d'Inde appel- lent Brifes,ck vents d abas.I'ay efte fort long temps en difficulté fur ces noms , voyat qu'ils en vfoient fore differemmet, iufques à ce que i'aye recogneu que ces n#ms font plus généraux, que propres & particuliers. Ils appellent brifes ceuxquifer- I I HISTOIRE NATVR. ELLE ucnt pour aller aux Indes, & qui donnent quafi en f>oupe,lefquels par ce moyen comprennent cous es vents Orientaux ôc ceux qui en dépendent, Ôc appellent vents d'àbas ceux qui font près pour retourner des Indes, & qui fou ment depuis le Sud iufques au Ponant eftiual, de manière qu'ils font comme deux cfcoiiades des vents de chacun co- fté , les Caporaux defquellcs font d'vne parc le nortd'eft ou gregual,& de l'autre le Suroeft. ou le- uefche. Mais l'on doit entendre que du nombre des huict vents &c différences que nous auôs cot- tez , il y en a cinq qui font propres pout nauiger, ôc non point les trois autres. le veux dire que quand vn nauire nauige en lamcr , il peut aller ôc faire loncr voyage auec l'vn de ces cinq vents,en- cor qu'ils neluy feruent pas cfgaLlement , mais il ne fe peut pas feruir d'aucuns des trois , comme (1 le nauire va au Sud, ilnauigeraaueclcNort, le Nortd'eft,lcNorcoeit,& auec l'Eft,&l'Ocft: Car ceux des coQ.ez( feruent également pour l'aller ôc pour le venir. Mais du Sud,ilnef'en pourra fer- uir,pource qu'il luy eu. directement contraire, ny de fes deux collatéraux, qui fonr Sucft ôc Suroeft, qui eft vne chofe fort triuiale &c commune à ceux qui nauigent.C'eft pourquoy il n'eftoit befoin de le déduire icy,finon pour fignifier que les vets la- téraux du vray Orict font ceux qui cômunémcnc foufflêt en la Torride,qu'ils appellét Brifes,& les vents de Midy déclinas au PonSt,qui fetuét pour nauiger d'Occident à l'Orient , ne font point or- dinaires en laTorride,parquoy l'on les va ccrchcr hors des Tropiques,& les appellent les mariniers des Indes communément vents d'àbas. Quelle DES INDES. tlV. III. 8 luette est U caufe pourtjttoy namgcwt en U Torridc, l'on y trouue toujours des vents d'Orient, CHAP. VI. I s o n s maintenant ce qui touche la que- &3 ftionpropoiée, fçauoir, quelle eit la caufç pourquoy l'on nauige bien en la Torride d'O- rient au Ponât,& non pas au contraire. Surquoy nous deuons preiuppoier deux fondemens cer- tains. L'vn eit que le mouuemcnt du premier mobile, qu'ils appellent rauiîîant , oudiurnel, non feulement tire & efmeut quant & luy les Sphères celcftes, qui luy fontinfeneures^comme nous le voyons chacun iour au Soleil, en la Lu- ne^ aux Efl.oillcs,maisauiIi les elcmens partici- pent de ce mouuement , entant qu'ils n'en font point empefehez. La terre ne Te meut pointa caufe de fa grande pefanteur , qui la rend mobile, & qu'elle cft. auilï beaucoup eiloignee de ce pre- mier mobile. L'élément de l'eau'ë ne le meut non plus de ce mouuement diurnel , d'autant qu'il eft joint Âralfembléauec la terre, &font enlemble vue Spherc,de façon que la terre l'empefche defc mouuoir circulairemcnt , mais les deux autres elemens, le feu & l'air font plus fubtils & plus proches des rcgiouscelefteSjd'où vient qu'ils par- ticipent de leur mouuement,& font meus & agi- tez circulairemcnt,commelesmeuTi(Cs corps cc- leftes. Pour le regard du feu,il n'y a point de dou- te qu'il n'ait fa Sphere,ainfi qu'Ariltotc & les au- tres Philofophes l'ont tenu:mais pour l'air ( qui eft lepoinâ de noUrc fubiect ) il ell très- certain L HISTOIRE NATVREUE qu'il fe meut d« mouuement diurnel,qui eu d'O- rient à l'Occident, ce que nous voyons claircm^c es Comètes qui fe meuuent d'Orient à l'Occi- dent , montans , defeendans, ôc finalement tour- noyans en noftre hemifphcre , delà meime façon queleseaoilles fe meuuent au firmament. Car autrement,ces comètes eftans en la regiô &Sphe- re de l'air où elles f engendrent , apparoillent & fe confomment, il leur feroit impoflible de le mouuoir circulairement comme ils fe meuuent, fi l'élément de l'air ou ils font , ne fe mouuoit du mefme mouuemcnt du premier mobile. Car eftâs ces comètes d'vnematiere enflamee, , par ration deuroient demeurer arreftees fans fe mouuoir circulairement , fi la Sphère où elles font demeu- roit fans fe mouuoir , fi ce n'eu: que nous feigmos que quelque Ange ou intelligence chemine auec la Comète, la menant circulairement. En l'an 1577. apparut cefte merueilleufe Comète (de fi- gure reiîèmblant vn plumage (depuis l'horion prefque iufqucs à lamoitié du ciel,& dura depuis le premier Nouembre iufques au huidiefme de Décembre, iedis depuis le premier de Nouem- bre,car iacoit qu'en Eipagne on la veid & remar- qua premièrement au 9. de Nouembre (fumant le récit des Hiftoriens de ce temps ) neantmoins au Peru , où i'eftois pour lors,il me (ounient bien que nous la veifmes & remarquantes hui£t iours deuant, & tous'les iours enfuiuans. Pour la cau- fe de ceae diuerfité , quelques-vns la pourront dire particulièrement, mais ie veux dire qu'en ces quarante iours qu'elle dura, nous remarquâmes tous, tant ceux qui iftoicht en Europe, que nous I DES INDES. LIV. III. 8 1 autres aufîi qui eftions alors aux Indes , qu'elle fe mouuoit chaque iour du mouuement vniuérfelj d'Orient au Ponant,comme la Lune & les autres eftoilles. D'où il appert que la Sphère de l'air, eftant fa région , il huit que le mefme élément fe meuue de celle façon. Nousrecogncufmesauffi, que outre ce mouuement vniuerfèî elle enauoit encorvn autre particulier,par lequel elle femou- uoit auec les planettes d'Occident en Orient, car chaque nuid elle deuenoit plus Orientale , ainfî quefontlaLuneJe Soleil &l'Eftoille de Venus. Nous remarquâmes dauantage vn troifîefmc mouuement particulier , dont elle fe mouuoit au Zodiaque vers le Nort, d'autât que patfees quel- ques nui£ts,ellele trouuoitplusconiointeauxfî- gnesSepcentrionaux. Et parauature cela fut cau- fe pourquoy cefte grade comète fut pluftoft vcu'é de ceux qui efloient plus Meridionaux,comme le font ceux du Peru. Et d'autre- part ceux de l'Eu- rope cÔmencerent à la voir plus tard,à caufe que par ce troifîefme monuementquei'aydit , elle ï'approchoit plus des Septentrionaux. Toutes- fois vn chacun a peu remarquer les différences de ce mouuement , de façon que l'on peut bien voir, queplufîeurs&diuers corps ecleftes don- nent leur impreflion à la Sphère de l'air, ainfî eft- il certain que l'air fe meut du mouuement circu- laire du ciel , d"Orient au Ponant, qui eft le pre- mier fondement mis en auantcy-dcifus. Le fé- cond n'eft pas moins certain ny notoire , qui eft que le mouuement de l'air aux parties qui fonc fous la ligne, ou proches d'icclle , eft tres-vi- fte , & léger , & d'autant plus qu'il f'approche HISTOIRE NATVRELLE dèl'Equinoxe,parconiequent ce mouuement cil d'autant plus lent & pefantjqu'iU'efloignedela ligne en Rapprochant des pôles. Laraifondece- cy eft manirefte,parce que le mouuemet du corps celefte eftant la caufe efficiente deccmouuemêc de l'air, il doit par necefïicc eftre plus prompt «Se plus léger à l'endroit où le corps celefte a ion mouuement plus vifte. Or de vouloir enfeigner laraifonpourquoy leciela vnplus viftemouuc- ment en la Tornde, qui eft la ligne plus qu'en au- tre partie du ciel, ce leroit peu etUmer les hom- mes: puis qu'il eftaiié de voir en vue roue' que fon mouuement eft plus tardif & pefant à l'en- droit de (a plus grande circonférence, qu'à l'en- droit de la plus petite,&qu'elle acheue fon grand tour au mefmeefpace de temps, que la moindre acheue fon petit. De ces deux fondemens procè- de la railon pour laquelle ceux qui nauigétgrads Golphes d'Orient au Ponant,trouuent toullours vent en poupe, ailans en peu de hauteur, & tant plus ils font proches de l'Equinoxe , tat plus leur eft certain & durable le vent. Etau contraire na- uigeans du Ponant à l'Orient , ils trouuent touf- iours ventenprou'è Ôc contraire: pourcequele mouuement tres-vifte de l'Equinoxe tire après foy l'élément de l'air, comme il fait le furplus des Sphères fuperieures. Parainh l'air luittoufiours le mouuement du iour allant d'Onët au Ponant, fans iamais varier,& le mouuement de l'air vifte, amené mefmc après loy les vapeurs & exhalatiôs quil'efleuentdelamer, ce qui caufe en ces par- tics & régions vn continuel ventdebrife , qui court de Leuant,! e Père Alonfo Sanchcz.aui eft DESINDiES. II V. HT. 83 vn religieux de noftre compagnie, qui a voyagé en l'Inde Orientale Se Occidëtale,commc hom- me ingénieux Se expérimenté, difoit qu'en naui- geant deirous la ligne,ou proche d'icelle, auec vn temps continu Se durable, il luy fembloi t que c'e- ftoit le mefme air,meu du ciel , qui conduifoit les nauires,& n'eftoit pas proprement vn vent ni ex- halation , mais cet air efmeu du cours iournalier du Soleil. Pourpreuue dequoy il mettoit ena- uant, que le temps eft toufiours égal & femblable au Golphe des Dames, & es autres grands Gol- phes que l'on nauigeenla Torride. Pourraifon dequoy les voiles des nauires y font toufiours de mefme façon fans aucune impetuofité , Se fans qu'il foit befoin les changer prefqueen tout le chemin. Que fi l'air n'eftoit émeu du ciel,il pour- roit quelquesfois défaillir , quelquesfois fe chan- ger au cotraire,& quelquesfois y auroit des tour- mentes. Toutesfois combien que cecy foit die doctement, Tonne peut pas nier quecenefoic vent,& qu'il n'y en aye, attendu qu'il y a des va- peurs & exhalations de la mer, Se que nous voyôs quelquesfois que tantoft la brifeeft plus forte, Se tantoftplus froide , & remife de telle façon , qu'il aduiét quelquesfois que Ton ne peut porter tou- tes les voiles. L'on doit donc entendre, Se eft la vérité que l'air efmeu attire quant &foy les va- peurs qu'il trouue, d'autant que la force eft gran- de,&qu'il ne trouue point de refiftance,pour rai- fon dequoy le vent d'Orient Se Ponant eft aulîi continuel ôcprefque toufiours femblable es par- ties quifont proches de la ligne, Se prefqueen toute la Torride, qui eft le chemin qui fuit le L iij HISTOIRE NATV RELIE Soleil entre les deux cercles du Cancer &: duCa pricorne. Pourtjuoy fort ans de ld Torride m plus de hattteu) , ton troHucùhisfonucnt des yents d'abas. chap. VII. 8sj& Vi voudra bien regarder de prés ce qui a fipaefté dit, pourra aufïl bien entendre qu'en al- lant du Ponant à l'Orient , en hauteur plus outre que les Tropiques, l'on trouue des vents d'abas, d'autant que le mouuement de î'Equinoxe eftant fivifte^ileft caule que l'air femeutdefiouz lu v fuiuant (on mouuement, qui eft d'Orient au Po- nant, attirant quant &(oy les vapeurs qui fefle- uent de la mer, de forte que les vapeurs &exha* Lationsquii'eflcucntdescoftesdel'EquinoxejOu Torride, venans à rencontrer le cours Se mouue • ment de la Zone, font contraintes parla reper- cuflion de retourner quafi au contraire, d'où vié- nentles vcntsd'àbas, &Suroeft, communs & (i ordinaires en ces parties là. Tout ainfi que nous voyons au cours des eaues, lefquelles Ci elles font rencontrées d'autres qui foient plus fortes, re- tournent quafi au contraire. Et femble qu'il en ioit ainfi des vapeurs Se exhalations, d'où vient que les vents fe tournent & fefeparent d'vne part à l'autre. Ces vents d abas régnent le plus cornu - nementen la moyene hauteur, qui cftdeiy.à 37. degrez, combien qu'ils ne foient pas fi certains Se li réguliers que les bnfes le font en peu de hau- teur. La raiion eftpource que les vents d'abas ne fontpascaufesde ce mouuement propre & égal DES INDES. L I y. I I i. 84 duciel,commelesbrifesle font, eftans proches de la ligne. Mais, comme i'ay dit, ils y font plus ordinaires , ôc bien forment plus furieux ôc plus tempeftueux. Mais en allant en plus grande hau- teur, comme de quarante degrez, ilyaauflî peu d'affeuranec es vents eu la mer , comme en la ter- re, car tantolllcsBrifes ou Nortsyfoufflent, ôc tantoft les vents d'àbas, ou Ponans, d'où viét que les nauigations y font plus incertaines ôc plus dangereu fes. Des exceptions qu'il y a en la règle fufdite, & des yents & calmes qu'il y a en la mer & en la terre. C H A P. VIII. S*^[ E que nousauons dit des vents qui courent cS&S ordinairement dedans ôc dehors la Torride, fe doit entendre en la haute mer, & aux grands Golphes : car en la terre c'eft tout autrement , en laquelle l'on trouue de toutes fortes de vents, à caufe de l'inégalité qu'il y a entre les montagnes ôc les vallées ,1e grand nombre des riuieres & des lacs,&lesdiuerfes fituations despays,d'où fefle- uetles vapeurs groifes Se efpai(Tes,lefquellesfont efmeuës de l'vne ou de l'autre part,fclon la diuer- lî té de leur origine , ôc commencement , qui fait ces vents diuers , fans que le mouucment de l'air, caufé du ciel, ait tant de puiiïance que de les atti- rer^ mouuoir quant & foy. Etcefte diuerfî- té de vents ne fe trouue point feulement en la ter- re, mais auffiéscoftesdela mer, qui font en la L iiij HISTOIRE NATVRÉLLE Torride, pourcc qu'il y a des vents forains qui viennent de la terre, & marins, qui foufflent delà mer, lefquels vents de la mer font ordinairement plus fains,& plus gracieux que non pas ceux de la terre , lefquels font au contraire ennuyeux 6c mal fains , bien que ce foit la différence des codes qui caufe cette diuerfité. Communément les forains ou terriens foufflent depuis la minuict, îufques au Soleil leuant,&: ceuxdeiamer ,depuisque le Soleil commëce à f efchaufrer,iufqucs après qu'il eft couché. Dequoy lacaufe eft parauanture,que la terre comme matière plus grofle , fume dauan- tage alors que la flame du Soleil ne donne plus deluis,toutainfi que le bois verd , ou mal fec fu- me dauantage en efteignant la flame. Mais la mer comme elleeft compofee départies plus fubciles^ n'engendre point de fumées , fino quand l'on l'ef- chaufferde mefme que la paille,ou le foing,eftan t humide & en petite quantité, engendre de la fu- mée quand on lesbrufle, Se lors queia flame cef- fe,la fumée défaut tout auflitoft. Quoy qu'il en foit, il eft certain que le vent de la terre fouffle pluftoftlanuid,& celuy delà mer au contraire durant le iour. Tellemcntquetoutainiî qu'il y a îouucntesfois des vents contraires, violents Se tempeftueuxésroftesde Iamer,ainfi y voit-on de très-grands calmes. Quelques hommeyfcrrt expérimentez racontent qu'ayans nauigé plu- fieurs grandes trauerfes de mer fous la ligne, ils n'yontneantmoins iamaisvcu de calmes, mais quetoutiourspeu ou beaucoup l'on y fait che- min à caufe de l'air efmeu du mounement celefte, quifufficàconduirelanauiredonnant en poupe, DES INDES, LIV. III. 8f comme il fait. I'ay défia dit comme vnnauire de Lyma allantàManilla, nauigea Secourut deux milfeptcëtslieu'ës5toufioursfouzlaligne,àtout le moins ntn eftant efloigné que de douze dc- grez, & ce au mois de Feurier & de Mars , qui eft lors que le Soleil y eft pour Zenith,& en tout cet efpacenetrouuerent aucuns calmes , maistouf- ioars vn vent frais,tellement qu'en deux mois ils firét ce grand voyage. Mais en la Torride,& hors d'icellcî'onaaccouftumé de voir de grands cal- mes es coftes où arriuent les vapeurs des Ifles, ou de la terre ferme. Ceft pourquoy les tourbillons & tempeftes , & les inefperees elmotionsde l'air font plus certaines & ordinaires aux coftes où ar- riuent les vapeurs de la terre, que non pas en la pleine mer.I'entens en la Torride,car hors d'icel- le & en la haute mer Ton y trouuc des calmes , 8c des tourbillons de vents. Toutesfois il ne laide pas d'y auoirquelquesfois entre les deux Tropi- qucSjVoire en la mcfme ligne. des grands vents & despluyes fubites, encor queccfoitbienauanc dans la mer, car pour ce faire les vapeurs & exha- lations de la mer font allez fufHfantes , lefquelles f efmouuans aucunesfois haftiucment en l'air, caufent des tonnerres & tourbillons, mais cela eft plus ordinaire pres de la terre , & deflus la ter- re. Quand ic nauigeay du Pcru enlancufue Efpa- gne, ie rcmarquay qu'en to«t le temps que nous fufmcs en la cofte du Pcru,noftre voyage fut (co- rne toufiours a accouftume) fort doux &c facile , a. caufe du vent de Sud qui y court , & auec lequel l'on va vent en poupe, retournant d'Efpagne 8c de la neufue Efpagne. Comme nous trauerfions I HISTOIRE NATVRELLE le GoIphe,& allions toufiours auant dans la mer, prefque toufiours fouz la ligne, noustrouuafmes vn temps frais , paifible 8c gracieux, vent en pou- permais arriuant comme proche de N icaragua 8c de toute cède code, nous eufmes des vents con- traires aucc grande quantité de pluyes 8c brouil- lées , qui quelquesfois bruyent horriblement. Toute ce(U nauigation fut dans laZoneTorri- de,car de douze degrez au Sud qu'cft Lyma , nous nauigeafmesà dix-fept,où gift Guatulco, port de laneufue Efpagne , 8c croy que ceux qui auront prins garde aux nauigations qu'ils ont faites dans laTorride, trouuerontàpeu prés ce que l'en ay dit , qui fuffira pour la raifon des vents qui régnée par la mer en la Zone Torride. D'aucuns cjfecfs merueïllcux des y ent s qui font en quelques endroits des Indes. C H A P. IX. gEferoit chofe fort difficile de raconter par le menu les effects admirables que caufent aucuns vents en diueries régions du monde, & d'en donner la raifon. Ilyadcs vents qui natu- rellement troublent l'eau'é de la mer , 8c la rcndët verte noire,&; d'autres qui larendent claire com- me vn miroir , les vns eigayent 8c refiouyflTent de foy,& les autres apportent de l'cnnuy 8c de la tri- ftelïè. Ceux qui nournlfent des vers a foye , ont grad foin de fermer les feneftres , lors que les vêts dabas foufïlent, 8c de les ouurir quand leurs con- traires courent, ayans trouué par certaine expé- rience que leurs vers Te meurent ôc diminuent D ES IN D E S. L IV. II I. 8 6 par les vns , fengrai lient & deuiennent meilleurs parle moyen des autres : & qui y voudra prendre garde de prés,il pourra remarquer en foy-mcfme, que les diuerfitez des vents caufent de notables impreflions&: changemens en ladifpofitiondes corps, principalement aux parties dolentes & in- difpofees,&: lors qu'elles font plus tendres &de- biles. L'Efcritureappellervnvent bruflant,& * 'c'l<* l'autre vent de rofee & plein de douceur. Etneft /0&I7> paschofeefmerueillable que l'onapperçoiuc de ioatt.4. fi notables effe&s des vents es herbes, animaux,& °fee l î- es homes, puis que l'on encognoift vifiblement Dan-i* aufermcfme, qui eft le plus dur de tous les mé- taux. I'ayveu des grilles de fer en quelques en- droits des Indes, de telle façon moulues ôc con- fommees,qu'enles prenant entre les doigts, elles fe refoluoient en pouldre , comme fi c'euft efté du foin ou de la paille feiche. Ccquiprocede tant feulemet du vent qui lecorrompt du tout,& fans qu'on le puifle empefeher. Mais Iaiffantà part plufieurs autres grands & merueilleux effe&Sji'en veux feulement raconter deux.L'vn defquels,en- cor qu'il caufe des douleurs plus grandes que la mefme mort,n'apportepointdemal ni d'incom- modité dauatage,l'autre deftruit <5£ ode la vie (ans le fentir. Le mal de la mer dont ceux-là font tra- uaillez,qui commencent à nauiger, eft vnc chofe fort ordinaire, &ncantmoinsfironignoroitfon naturel, qui eft tant cogneu à tous les homes, l'on penferoit que ce fuft le mal de la mott de la façon qu'il afflige & tourmetependât le teps qu'il dure par le vomiffement d'eftomach, douleurs de telle & autres mil accides fafcheux. Mais à la vérité ce I HISTOIRE NATVR.ELLE mal fi commun & Ç\ ordinaire vient aux hommes pour lanouueautéde l'air delà mer. Car com- bien qu'il foitvray que le mouucmcntdu nauire y aide beaucoup , en ce qu'il f efmeut plus ou moins , &mefme l'infection &mauuaiie odeur deschofesdes nauires. Neantmoins la propre Se naturelle caufe eft l'air & les vapeu rs de là mer,Ie~ quel débilite 8c trauaillc tellement le corps & l'c- ftomach qui n'y font point accouftumez , qu'ils en font merueilleufement efmeuz 8c changez. Car l'air eft l'clemcntpar lequel nous viuons& refpiron s, l'attirant dedans nos mcfmcs entrail- les , lefquelles nous baignons &c arroufons d'ice- Iuy : c'eft pourquoy il n'y a choie qui altère fi toft &auec tant de force, que le changement de l'air que nous reipirons , comme l'on void en ceux qui meurent de pefte. C'eft chofeapprouuee par plufieurs expériences, que l'air de la mer eft prin- cipal moteur de cefte eftrange indiipofition , l'v- ne eft que quand il court de la mer vn air fort, nous voyons que ceux qui font en terre fe fentenc du mal de la mer,comme il m'eft aduenu plufieurs fois. Vne autre que tant plus auant Ton entre dans la mer, cVque l'on f'efloigne de terre,plus on eft atteint & eftourdy décernai : vne autre qu'ai - lans le long de quelque ifle, 8c venans par après à emboufeher en la pleine mer,l'on y trouue en cet endroit l'air plus fort. Encor que ie ne vueille pas nier que le m ouuement 8c agitation ne puifle caufèr ce mal,puis que nous voyons des hommes qui en font épris , palTans des riuieres en des bar- ques , 8c d'autres qui en font de mefme en allant dans des chariots ou caroiïes , félon les diuetfcs D ES INDES. Ll V. III. 87 complexions d'eftomacs : comme au contrairey en a d'autres,qui pour grofle & efmeuë que puifïc eftre la mer,ne f en fentent iamais. Parquoy c eft. chofe certaine & experimcntee,que Tair de la mec caufe ordinairemet cet effect en ceux qui de nou- ueau entrent fur icelle. I'ay voulu dire tout cecy, pour déclarer vn eifect eftrange quiaduieuten certains endroits des Indes, où l'air & le vent qui y court citourdit les hommes , non pas moins, mais dauantage qu'en la mer. Quelques-vnsle tiennent pour fable,dJautres difent que c'eft addi- tionne mapart ie diray ce qui m'eft aducnu.il y a au Peru vne montagne haute,qu ils appellent Pa- nacaca, & ayant ouy dire & parler du changemëc qu'elle caufoit , i'allois préparé le mieux que ic pouuois, félon renfeignementquc donnentpar delà ceux qu'ils appellent Vaquianos ou experts: maisneantmoins toute ma préparation quand ic vins à monter les efcalliers qu'ils appellent , qui eft le plus haut de cefte montagne, iefusfubitc- mét atteint & furprins d'vn mal û" mortel ôc eftra- ge , queicfusprefqueiurlepoinctdc melaiflcr choir de la monture en terre: «Scencor que nous fuflionsplufieurs de compagnie, chacun haftoic le pas ians attendre Ton compagnon, pour fortir virement, de ce mauuais palîage. Mctrouuant donc feul auec vn ludion, lequel ic priay dem'ai- der à me tenir fur 1 a monture, ie fus cpns de telle douleur de fanglots & de vomiûremens , queie penlày jetter &■ rendre l'ame. D'autant qu'a- près vomy la viande, lesphlegmes &la colère, l vne jaulne & l'autre vtrde, ie vins iufqucs à jet- ter le fang de la violence queic fentoisen Içfto- HISTOIRE NATVRELLE mach,iedis en tin, que fi cela eut duréji'euiTe pen- sé certainement erlrearriuèà lamorr. Mais cela ne dura que comme trois ou quatre heures , iuf- quesà ce que nous fuffiousdefeendus bien bas,& que nous fuflions arnuez en vne température plus conucnable au naturel, où tous nos compa- gnons, qui eltoyent quatorze ou quinze,eltoy eut tort fatiguez , quelques vnscheminans deman- doient confeflion, penfans rcallement mourir, lesautres mettoyent pied à terre,& eftoyent per- dus de vomilïcment , & de force d'aller à la iellc, év me fut dictqu'autrcsfois quelques vns y auoiec perdu la vie de ceft accident. le veis vn homme qui fe defpitoit contre terre , s'elcriant de rage Se douleur queluy auoit caufélepairagede Panaca- ca. Mais ordinairement il ne fait point aucun dommage qui importe , autre que ceflennuy& hifcheux degoull qu'il donne pendant qu'il dure, Se n'c!i pas feulement le pas delà montagne Pa- riacaca5qni a celle propriete,maij au îfi toute celle chaîne de montagnes qui court plus de cinq cens lieues de long , Se en quelque endroit que l'on la palîe , l'on lent celle eftrange in température, combien que ce foit en quelques endroits plus qu'es autres, & plus à ceux qui montent du codé de la mer , qu'à ceux qui viennent du codé des plaines. le l'ay paffee mefme outre de Pari3caca par Lucanas Se Soras , Se en autre endroit par Colleguas,& en autre par Cauanas, finalement par quatre lieux differens en diuerfes allées Se ve- nues, Se toufiours en cet endroit ay fenty l'altéra- tion Se eftourdifl'ementquei'aydict, encor qu'en nui endroit ce n'a cfte1 tellement qne la première DES INDES. LIV. III. 88 fois en Pariacaca,ce quiaefté expérimente par tous ceux qui y ont pallé. Et n'y a point de doute quelacaufedecefte intemperature ôc rteftrange altération eft le vent, ou l'air qui y règne, pource que tout le remède (& le meilleur qu'ils y trou- uent)eftdefeboufcher tant que l'on peut le nez, les orcilles,&: la bouche,&de ie eouurir d'habits, ipccialementrcftomac, d'autant que l'air eft (i liibtil & pénétrant, qu'il va donner iufques aux entrailles : ôc non feulement les hommes Tentent ceftealteration,mais aufîi les beftes,qui quelque- fois farreftent, de forte qu'il n'y a çfperôn qui les puilfe faire aduancer. De ma partie tiensquece lieu eft vu des plus hauts endroits de la terre qui foitaumende :car Tony monte vneefpacedef- mefuree , ôc me femble que la montagne Neuade d'Efpagne , les Pyrénées ôc les Alpes d'Italie font comme maifons communes àl'endroit des hau- tes tours. Parquoyiemcperfuade, que l'élément de l'air eft eu ce lieu là fi fubtil ôc Ci délicat , qu'il ne fe proportionne point à. la refpirat ion humai- ne, laquelle le requiert plusgros ôc plus tempéré, ôc croy que c'eft la caufe d'altérer fi fort l'efto- mach, & troubler toute la difpoiîtion. Les parta- ges des montagnes Neuades& autres de l'Euro- pe que i'ayveu'és , combien que l'air y foit froid, Ôc qu'il trauaille Ôc contraigne ceux qui y partent defe veftir, neajitmoins ce froid n'ofte pas l'ap- pétit de manger , au contraire il le prouoque,ny ne caufe point de vomiflemeut en l'eftomach: mais feulement quelque douleur aux pieds , Se aux mains. Finalement leur opération eft exte- rieure,mais cil des Indes que ie dy,fan$ trauailler HISTOIRE NATVRELLE ny les picds,ny les mains , ny aucune partie exté- rieure, brouille toutes les entrailles au dedans, ôc ce qui eft plus admirable , il aduientau mefmç endroit que le Soleil y eft chaud, qui me fait croi- re que le mal que l'on en reçoit vient de la quali- té de l'air que l'on y refpire, d'autant qu'il eft cres- fubtil& tres-delicat , ôc que fou froid n'eftpas tant fenfible comme il eft pénétrant. Toute celle chailne de montagnes cil communément defer- te,fansaucuns villages ny habitations des hom- mes , de forte qu'à peine l'on y trouue des petites maifo-ns ou retraites pour y loger les pallans de nui£t. 1 1 n'y a non plus d'animaux , ou bons ou mauuais, Ci ce n'eft quelques Vicunos, ni font des moutons du pays, lefquelsont vue propriété eftrange ôc merueilleufe, comme ie diray en ion lieu. L'herbe y eft fouuentcsfoisbruflee& toute noire de l'air que ie dis , & ce defert dure comme vingt- cinq à tren te lieues de trauerfe,& contient de longueur, comme i'ay dit, plus de cinq cents lieues, llyad'autres défères oulieuxinhabitez, qu'ils appellent au Peru Punas (pourparlcrdu fécond poinct que nous auons promis) où la qua- lité de l'air trenche les corps & la vie des hômeSj fans le fentir. Au temps pallc les Espagnols chc- minoientdu Peru au royaume de Chillc, par la montagne: auiourd'huy l'on va ordinairement parmer, & quelquesfois lelongdelacofte : ôc combien que le chemin y foit ennuyeux & faf- cheux,il n'y a pas toucesfois tant de danger qu'en l'autre chemin de la montagne , où il y a des plai - ncs,au partage dcfquelles plusieurs hommes font morts & péris, & d'autres en font cfchapez par grande DES INDES. LIV. III. $alle pat là. Les Indiens faluerent les noftres,auec enom de leius.lls lont bons aixhers3& vont ve- ftus de peaux de belles de chafl'c , donc il y en a là grande abondace. Les eauës du deftroitcroilïent &decroilIent comme les marées, ôc void on à l'œil que les marées d'vn codé viennent de la mer du Nort,&les aucresdela mer du Sud. Au lieu où elles fe rencontrent, lequel comme i'ay dit, eft à trente lieues du Sud,&:à (oixate&dixdu Nort, combien qu'il lemble qu'il deuil y auoir plus de danger qu'en tout le relie , neantmoins quand la nauiie du capitaine Sarmiento,dont i'ay parlé ci- delïïis , la païîa , ils n'eurent point degrand' tour- mente , au contraire ili y trouuerent beaucoup moins de difficulté qu'ils ne penfoient, parce que alors le temps eiloit fort doux ôc gracieux, ôc d'a- uantage ics vagues de la mer du N ort, y venoieut défia tort rompues , à caufè du grâd cfpace de foi- xante ÔC dix lieues qu'ils cheminent , ôc les flots delà mer du Sud n'y font non plus furieux à cau- fe de la profondeur qui eft en cet endroit, dedans laquelle profondeur ces meimes flots fe rompent ôc fe noyent.il eft bien vray qu'en temps d'Hyuer ledeftroit eftinnauigeable pour les tempcftescv ruries des mers qui y iont alors. C'eft pourquoy quelques nauires quiie font ingérez de palier ce deftroitau temps d'Hyuer fe font perdus. Vu feul nauire L'a paiîé du codé du Sud , qui eft la capitai- ne que i'ay dite , &c ay efté bien amplement infor- mé de tout ce que i'ay die par le pilote d'iceluy DES INDE S. Ll V. III. 96 appelle Hcmandc Alonfe , Ôc ay veu la vraye deC- cription &cofte du deftroit qu'ils firent & tracè- rent en lepailànt, de laquelle ils apportèrent la copie au Roy d'Efpagne,& l'original à leur Vice- roy au Peru. Du flux {? reflux de lu. mer Occane es Indes. c H A P. XIII 1. N des admirables feercts de nature eft le flux & reflux de la mer,non feulement pour cefte cftrangeproprieté,de croiftrc& defcroiftre}mais aufli beaucoup dauantage pour la différence qu'il y a en cela en diuerftsmers, voire en diuerfes co- ftes d'vne mefme mer. 1 1 y a des mers qui n'ont ne flux ny reflux i ou rnel,com me l'on void en la Mé- diterranée intérieure qui eft en la mer Thyrrene, &toutesfois il y a flux & reflux par chaque iour en ia mer Méditerranée fuperieurc , qui eft celle de Venife, qui donne occafionà bon droict de f'en cfmeruciller , en ce que toutes ces deux mers cftans Mediterranees, & celle de Venife non plus grande que l'autre;ii eft- ce qu'elle a du flux &c re- flux comme l'Océan , & cefte autre mer d'Italie n'en a point. Il fe trouuc quelques mers Medi- terranees , qui manifeftement croiiIent ôc dimi- nuent chaque mois , & d'autres qui uecroifïcnc ny au iour,ny au mois. Il y a d'autres mers com- me l'Océan d'Efpagne , qui ont le flux & reflux de chaque iour , & outre ceftuy-làils ont aufli ecluy de chafquc mois qui vient deux fois , à fça- uoir à l'entrée & au plein de la Lune, & l'appel- lent grande mer. C)r de dire qu'il y ait quelque HISTOIRE NATVRELLE mer , qui aye le flux & reflux de chafque iour , & n'aye celuy du mois , ie n'en fçache point . C"cft choie efuerueillable , que la diuerhtc que l'on voidés Indes iur ce labiée!:: car il y a des endroits où la merchaique iour monte & diminué deux lieues , comme i'onvoid en Panama .Se au hauc de l'eau elle monte beaucoup d'auantage, il y en a d'autres où elle monte &i'abaillè fipeu, qu'à peine encognoifton la différence. C'cft l'ordi- naire de la mer Oceaned'auoirfon flux&: reflux iournel,&: ce reflux iournel eft deux fois au iour naturel , & faduance toufiours de trois quarts d'heure en vn iour pluftoft qu'en l'autre, minant lemouuementdela Lune. Par ainii la marée n'eft iamaisen vnemelme heure d'vn iour, qu'elle eft en celle de l'autre. Quelques-vns ont voulu dire que ce flux Se reflux procedoit du mouucment local del'cauë de la mer, de forte que l'eau ë qui vient croillantenvn cofté, va decroiflant en l'au- tre qui luy eft contraire, tellement qu'ileft pleine merenvn en»droicl lorsque la mer eft balle en la partie oppo(ite,tout ainfique l'onvoid en vne chaudière pleine d'eau'ë que l'on remue, quand elle panche d'vn cofté l'eau'é augmente ,.& à l'au- tre collé elle diminue. Il y en a d'autres qui affer- ment que la mer en vn mefme temps croift en tous endroits, &en vn mefme temps elle y di- minue tout ainfl que le bouillon d'vn pot,lortant du centre fefted à tous endroits , Se quand il celle il diminue' aulîîde toutes parts. Cefte féconde opinion eft vraye , Se la peut- on tenir, félon mon iugement , certaine & expérimentée , non pas tant pour les raifons que les Phiiofophes en don- nent DES INDES. L IV. III. 9J nenten leurs Météores, que pour l'expérience certaine que l'on en a peu faire. Car pour me fà- tisfairedecepoinctcx: queftion,iedemanday fort paiticuliercmctaufufditpilote,commenteftoiét les marées qu'il trouuaau deftroit, 8c fil eftoit ainfi que les marées de la mer du Sud decroiiïbict au temps quecellesdelamerduNortmontoiët. Et au contraire , pourquoy cefte demande eftant véritable , il aduenoit qite le croiftre de la mer en vn endroit3efl;oit deferoiftre en l'autre, quieft-ce que la première opinion afferme. Il merefpon- dit qu'il n'en eftoit pas ainli,mais que l'on voyoit 8c recocmoilîoit apertement que les marées de la mer du Nort,& celles de la mer du Sud croiilbiet en hicfme temps , tanç que les vagues d'vne mer ferencontroientauee celles de l'autre, 8c qu'en vn mefme temps auffi elles commençoienc à def- eroiftre chacune en la mer , difant que le monter &c defeendre eftoit chofe qu'ils voyoient chaque iour , & que le coup & le rencontre d'vn flux à l'autre fe faifoit (comme l'ay dit) aux foixante & dix lieues de la mer du Nort, & aux trente de la mer du Sud. D'où l'on peut recueillir manifeste- ment que le flux 8c reflux de l'Océan n'eft pur mouuementlocal,maispluftoftvne altération Se ferueur, par laquelle realement toutes leseauës montent (S&croilfent tout en vn mefme temps, &c en autre elles f abbaiiFent 8c diminuent ainfi que le bouillon du pot,dont i'ay parle cy-deflus.Il fç- roitimpoflible de comprendre ce poincl par ex- périence , fi ce n'eftoit ence4eftroit où fe ioint tout l'Océan d'vne part 8c d'autre, car il n'y a que les Anges qui le pcullènt voir 8c recognoiftre par HISTOIRE NATVRILLE les codes oppofites,d'autant que les homes n'ont point la veuë allez lointaine, ny le pied aiïèz ville & léger qu'il feroit de befoin pour porter les yeux d'vn codé à l'autre en fi peu de temps qu'vne ma- rée donne le loifîr, qui Font feulement fîx heur es. De diuers poiffons , & de U manière de pefeber des Indiens. CHAP. XV. Lya en l'Océan des Indes vne innombra- ble multitude de poiflTons , les efpeces & proprictez defquels , le feul Créateur peut décla- rer. Il y en a plufieursqui font de mefme genre que ceux que voyons en la mer de rEurope,com- mc font faintes & allofes , qui montent de la mer aux riuieres,dorades, fardincs & plufieurs autres. Il y en a d'autres , dont ie ne nenfe point en auoir veu par deçà de femblablcs , comme ceux qu'ils appellent Cabrillas , qui reiïèmblent de quelque enofe les truites, & les appellent en la neufue Ei- pagne,bobos , & montent delà mer aux riuieres. le n'ay point veu par delà de befugues,ny de trui- tes,encor qu'ils difent qu'on en trouue en Chillc. De Tonine il y en a en quelques endroits de la cofte du Peru,mais c'eft fort raremét, & font d'o- pinion qu'à certain temps ils vont frayer au de- ftroit de Magellâ, comme ils font en Efpagneau on deftroitdeGibaltar. Et pour cède occafionl' en trouue dauantage enlacoftedeChiilé, com- blé que celle que i'ay veuë pat delà n'eft telle que celles d'Eipagne. Aux ifles qu'ils appellëc de Bar- DES IN DES. LI V. ï II. 9% louente,qui font Cube , faindt Dominique,Port- riche& Iamaique,ron trouue vnpoilîbn qu'ils appellent Manati , eflrange efpece de poillon , fi poilïbn l'on doit appeller , vn animal qui engen- dre Tes petits viuans, & a des mamelles & du laid dont il les nourrit , paiflant l'herbe aux champs, mais en effedfc il habite ordinairement en l'eaue, &pour celle occafion ils le mangent corne poif- fon , toutesfoislors que f en mangeay,qui fut à S. Dominique vn iour deVendredy,i'auois quelque fcrupu!e,non point tant pour ce qui eft dit, com- me parce qu'en couleur &faueur il eftdit fembla- bleadesmorceaux.de Veau, & auflïeft-il grand & delà façon d'vne vache par la partie de derriè- re. Des Tiburons,& de leur incroyable voracité, ie m'en efmerueillay auec raifon,lors queie veids qued vn qu'ils auoient pnns , (au port quei'ay dit) luy tirèrent du petit ventre vn grand couteau de boucher,vn grand haimdefer,& vn morceau de la tefte d'vne vache, auec fa corne entière , cn- cor ne fcay h* toutes deux y eftoiet point. le veids en vne anfe que fait la mer où l'on auoit pendu en vn pieu, pour palfe-temps vn quartier de cheual, qu'en vn moment vne compagnie de Tiburons vindrent à l'odeur, où afin d'auoirplus de plaifîr, la chair du cheual ne touchoit pasen l'eaue, mais eftoit eileueeen l'air ie ne fçay combien de pal- mes , Se cette bande de poilïbns cftoient à l'en - tour,qui fautoient, ôc d'vne atteinte en l'air cou- poient chair & os, & d'vne eftrange vifteire,tellc- ment qu'ils decoupoiet le mefme iaret du rouiîin comme fî c'euft efté vn tronc de laictue , d'autant qu'ils ont les dents tranchantes comme rafoirs. N i; HISTOIRE NATVRELLE Il y a des petits poilïbns qu'ils appellent rambos, qui ("attachent à ces Tiburons , Se lelquels ils ne peuuentchailer,&:fe nourrirent deccquiefcha- pe par les codez à ces Tiburons. Il y a d'autres pe- tits poilïbns qu'ils appellent poilïbns vollans, lefquelsl'on trouue dans les Tropiques , Se ne penfe point qu'il y en ait ailleurs: ils fontpour- fuiuis par les Dorades , Se pour i'efchaper d'icel- les fautent de la mer,& vont allez 1 oing en l'air,& pour ccftecauie les appellent poilïbns vollans. Ils ont des aifles comme de toille,ou parchemin}qiu les fouftiennent quelque temps en l'air. Au naui- re où i'alloisen voila ou lauta vn,que ie veids , Se remarquay la façon que iedy desaiiles.il eftfou- uent fait mention es hiftoires des Indes, des lé- zards, ou caymans» qu'ils appellent, & font de vray ceux que Pline, Se les anciens appellent cro- codiles : on les trouue es codes Se riuiercs chau- des ; car aux codes Se riuicres froides il ne l'en trouue point. Cedpourquoyiln y en a point en toute la code du Peru, iulques àPayra, mais de là en auant l'on en trouue ordinairement es ri- uieres.C'eft vn animal tres-fier Se cruel,combien qu'il foit fort lent &pefant. Il faitfachalîe,& va chercher fa proye hors dei'eau'è,& ce qu'il y pred vif,le va noyer en l'eauë,toutesfois il ne le mange point que hors de l'eauë, d'autant qu'il aie gofier de telle façô^que fil y entroit de l'eanë il fe noye- roit facilement. C'eft vne chofe efmerueillable, que le combat d'vn caymantauec letygre,dont il y enadetres-cruelsaux Indes. Vn religieux des hoftres me racora qu'il auoit veu ces belles com- batte cruellement l'vne contre l'autre au riuage DES INDES. LIV. III. Aue lylaria.com.xwt is l'ay veu par gageure. En vne mé- tairie proche de Cufco fourd vne fontaine de fel, qui ainfi comme elle va courant , fe va conuertif- fant en fel,qui eil blanc, & bon à merueilles : que fi elle eftoit en autre contrée, ce ne feroit petite richcire,toutesfois ils en font peu d'eftat,pout la- DES INDES. L IV. III. 1 04 bondance du Tel qu'il y a là. Les eaues qui courent en Guayaquil qui eft.au Peru, prefque fous lali- gneequinoxiale,font tenues pour fàlutaires pour le mal NcapolitaiiijCV autres femblables. Arai- fon dequoy l'on y vient de plufieurs lieux fort efloignezpoury receuoirguavifon. Etdifentque la caufe de cela eft.pource qu'il y a en cefte côtrée grande abondance de racines' ', qu'on appelle fàl- cepareille, la vertu & opération de laquelle efl fi cogneuç,& qu'elle communique fa propriété aux eauxoùelleeftmife, de guarir cefte maladie. Bil- canota eft vne montagne, qui félon l'opinion du commun, eft au plus haut lieu du Peru,lefommet de laquelle eft tout couuertdc neige, & en quel- quesendroits, eil noir commecharbon. llfort d'icelui deux fources en lieux tout contraires,qui deuiennent incontinent fort grands ruilîeaux, & peu à peu grads fleuues, l'vn defquels va à Collao dans ce grand lac Titicaca, & l'autre va aux Lan- des,& eft celuy qu'ils appellent Yucay, qui ie ioi- gnant auec vn autre,fort à la mer du N ort , ayant vn cours furieux Se impétueux. Cefte foureequad elle fort de la roche Bilcanota que i'ay dit , eft de la mefme forte & couleur que l'eau de lexiue,ayât la couleur cendrée , & icttant vne fumée,comme de chofe bruflee,laquelle court ainfi vn long teps iufqùesàce que la multitude des eaux qui y en- trent,luy efteignent ce feu & fumée qu'elle tire defon commencemet. En laneufue Efpagnei'ay veu vne fource corne d'encre quelque peu bleue, vne autre au Peru de couleur rouge comme fang, d'oft ils l'appellent la riuierc rouge. HISTOIRE NATVRELLE D es Ejuieres. C H A P. XVIII. Ntre toutes les riuieres non feulemêt des ^i Indes,niaisaufli de tout le monde vnmerfel, le fleuue Maragnon , ou des Amazones, tient la principauté, duquel nousauos parlé au liure pré- cèdent. Les Efpagnolsl'ontplufieursfois nauigé, pretendans delcouurir des terres, qui fcio le bruit commun, font fort riches , lpeciakment celles qu'ils appellent de Dorado,&; Paytiti. L'Adelen- tade Iean de Sallines , fît vne entrée mémorable, encorqu'ellefutdepeud'erïe&. Il y a vnpaifage qu'ils appellent le Pongo , qui doit eftrevn des plus dangereux pas de tout le mondexar la rhue- re eLtant reierrée en cet endroit,&: contrainte en- tre deux roches très-hautes en précipice, vient à tomber droitemenr du haut en bas,auec vne gra- de roideur, où leaue par la cheute qu'elle fait de fî haut,fak vn boiiillon, qu'il (ennble impoiîiblc de le palier fans fe noyer. Neantmoins la hardief- ie des hommes a bien ofc entreprendre-de palier ce pallage,pour le defir de ce Dorado tant renom- mé.Ils le lai lièrent couler du haut en bas:poulTez de la roideur ôc du courant du fleuue , fe tenans bien aux Canoës ou barques où ils eftoient : & encor quelles fu lient renuerlées iens-deflus-def- ious en tombant,& eux ôc leurs Canoës i'enfon- calîent enl'eauè, neantmoins parleur force ôc parleur induftrieilsfercmettoiét &recournoiët toujours en haut, & de celle façon efchapa toute l'armée, excepté quelque peu qui fe noyerenr. Et ce DES INDES. L IV.- III. IOf Et ce qui cft plus admirable,ils {'y comportèrent îîdextrement, qu'ils ne perdirent pasmeime la munition & la poudre qu'ils portoient. Au re- tour ( pource qu'après auoir enduré beaucoup de t;auaux,&de dangers, ils furent contraints en fin de retourner par ce mefme lieu ) ilsmontergr par. l'vne de ces roches très-hautes auec leurs poi- gnards qu'ils richoientenlaroche. Le capitaine Pierre d'Oilua fit vue autre entrée parlemefme fleuue,lequel eftant mort iltr ce voyage,& les iol- datsf'eltans mutinez, d'autres capitaines pour- fuiuirentl'entrcprinfe,pàr le bras qui vient iuf- quesenlamerdu Nort. Vn religieux denoftre cépagmenous difoit,qu'eftantfeculierilfetrou- ua quafi en toute cette entreprife , Se que les ma- rées montoient bien près de cent lieues à mont le rlcuue,& qu'à l'endroit où ilvafejetter dans la itier,qui eft quafi fous la ligne, ou fort proche d'i- celle ,ila(oixante cVdix lieues d'emboucheure, chofe incroyable, &c qui excède la largeur de la mer Méditerranée, encor qu'il y ait quelques au- tres qui en leurs deicriptions ne luy donnent que vingt-cinq ou trente lieues d'embouchure. Apres cède riuierc, tient lefecond lieu en l'Vniuers la riuiere de Plata,ou d'argent, qui f'appelle autre- ment le Paraguey, laquelle court des montagnes du Peru,&: fe va perdre en la mer,en la hauteur de trente-cinq degrez au Sud. Elle croi(t,comme ils difcnt,en la mefme façon du Nil, mais beaucoup dauantage fanscomparaifon , & rend les champs qu'elle baigne comme vne mer par Tefpace de trois mois , aptes retourneà fon cours, où les na- tures montent beaucoup de lieues à mont. Il y a O HISTOIRE NATVR.EI, LE plufieurs autres fleunes qui ne font pas toutesfois de celle grandeur, &neantmoins efgalent, voire furpalïent les plus grands de l'Europe,comme ce- luy delà Magdelaine, proche de faincbe Marthe, la riuiere Grande,& celuy d'Aluarado en la near- ue Efpagne,& vn nombre infiny d'autres. Du co- llé du Sud aux montagnes du Pcru,Ies fleuues cô- munément ne font pas fi grands , pouice qu'ils ont peu d'efpace de courir , 8c ne peuuent afîèm- bler tant d'eaux, mais ils font fort roides , à caufe qu'ils tombent de la montagne, & ont des aualla- ges 8c des creuës fubites: àraifon dequoy ils font fort dangereux , &ont efté caufe que plufieurs hommes y font morts. En temps de chaleur ils croisent 8c fe defbordent le plus. I'ay trauerfê vingt-feptriuieres en cette code, dont ien'en ay pas palfé vne feule à gué. Les Indiens vfent de mil artifices pour palier les riuicres. En quelques en- droits ils ont vne longue c»rde qui trauerfed'vn cofté à l'autrc,& en icelle pend vn panier ou cor- beille,dans laquelle fe met celuy qui veut palier, & alors ils Ietirentdu riuageauec vne autre cor- de, tellement qu'il pafie dedans cède corbeille. En d'autres endroits l'Indien pafiècommeà chenal fur vnboteau de paille, & derrière luy celuy qui veut pa(Ter,& vogant auec vn bout d'aix, pallc de cefte faço. En d'autres endroits ils ont vn radeau de courges ou citrouilles , fur lcfquelles ils met- tent les hommes ou hardes qu'ils doiuent palier, & les Indiens liez auec des cordes vontnageans, 8c tirans après eux ce radeau de citrouilles , com- me des cheuaux tirent vn coche,ou carofle; d'au- tres vont derrière pouûans les citrouilles pour DES INDES. ny. m. 106 leuraider.Palïez qu'ils font,ils prennent far leurs eipaiillcs leur barque de citrouilles,^: retournent à nage , ce qu'ils font en la tiuiere de la Sainte au Pcru. Nous pallafmes celuy d'Aluarado en la neufue Efpagne, (ur vue table, que les Indiens portoient fur leurs efpaules,& quand ils perdoiëc terrc,ilsnageoient. Ces artifices & mil autres, dont ils fe ieruent pour palier ainfi les riuicres, certainement fontauoir crainte en les regardant & contemplant, en ce qu'ils l'aident de moyens fi. débiles & fragiles: mais n«antmoins ils font ton; allcurez. Ils n'vicnt point d'autres-ponts que de crins ou de paille. Hyadefiaenqiielquesnuieres des ponts de pierre , battis par la dihgëce de quel- ques gouueri7eurs,mais beaucoup moins qu'il ne (croit de befoin en vne terre , où tant d'hommes le noyent par faute d'iceux,cV: laquelle donne tant de deniers , dcfqucls non feulement l' Efpagne, mais auflï d'autres royaumes eftrangers baftillenc de fuperbes édifices. Les Indiens tirent &deri- ucntdesfleuues qui courent des montagnes aux vallées & es plaines ,plufîeurs & grands ruiileaux pour arroufer la terre , ce qu'ils ont accouftumé de faire d'vnc telle induftne, qu'il n'y en a pas demcilleurs en Murcia , ny à Milanmehnc : ce quicftauiïi la plus grande ôc totale richelle des plaines du Pcru , ôc de plufieurs autres parties des Indes. O HISTOIRE NATVRELLE De Li qualité Je Lt rc rre des Indes en gênerai. c H A P. XIX. ^ra'ÛN peut cognoiftre la qualité de la terre &s$? des Indes en la plus grand' part, (puis que c etl le dernier des trois clemens delquels nous auonspropofc detraitter enceliure) par ledif- cours que nous auons fait au liure précèdent de la ZoneTorride, veu que la plus grande partie des Indes fe trouue fuuée en icclle. Mais pour ce faire entendre plus particulièrement, i'ay remar- qué trois fortes de terre en ce que i'ay cheminé par ces rcgions,dont il y eu a vue qui e(l balïe,vne autre très haute, Se l'autre qui tient le milieu de ces deux extrcmitez.La terre baffe ell celle qui eu: en la code de la mer , dont il l'en trouue par tou- tes les Indes, Se cft ordinairement fort chaude Se liumidc,qui caufe qu'elle n'eft pas ti faine, Se qu'à prefent on la voit moinspeupleo, combien qu'au temps palfé elle ait elle bien peuplée d'Indiens, comme il appert par les hiftoires de la neuhie Ef- pagne Se du Peru, Se Cy conferuoient & viuoiét, entant que la région leur eftoitnaturelie,comme ceux qui y auoient efté engendrez. Ilsyviuoient delapefchedelamer &des femences qu'ils fai- foient, tirans des ruilleaux des riuieres defquels ils fc feruoient faute de pluye,d'autat qu'ily pleut fort peu , Se en quelques endroits n'y pleut point du tout. Celle terre baffe a beaucoup de lieux in- habitables , tant à caufe des fablons qui y font dangereux , car il l'y trouue des montagnesentie- res de ces fablons , qu'à caufe dçs mareleages qui DES ItfDES. L 1 V. III. IO7 fy font des eauës defcendans des montagnes,lef- quelles ne trouuans point d'iiTu'è en ces terres plattes ôcbafieslesnoyetudu tout,& les rendent inutiles. Et à 1-a vérité la plus grande paftiede toute cefte coftedelamer eft de cefte forte es In- des, principalement du coftedelamer du Sud. L'habitation defquelles codes eft à prefent fi. di- minuée &mefprilec,que des trente parts du peu- ple qui y habitoit, les vingt neuf y défaillent, & à fon opinion, que le refte des Indiens finira auac peu de temps. Plufieurs félon leurs dinerlçs opi- nions attribuent cela à diueries caufes , les vns au trop grand trauail que l'on a donné à ces Indiës, les autres au changement 8c diuerfité des vian- des^ boire dont ils vfent,depuis qu'ils commu- niquent auec les Efpagnols ; les autres au trop grand excès de boire, & autres vices qu'ils ont. Quanta moy ie croy que ce defordre eft la plus grande caufe de leur diminution, 8c n'eft pas téps maintenant d'en difeourir dauantage. En cefte terre balle , (que ie dy généralement eftre mal fai- ne 8c peu conuenable à l'habitatiô des hommes) il y a exception en quelques endroits qui font te- perez 8c fertiles, comme la plus grand' partie des plaines duPeru, où il y a des vallons frais, & qui font fort fertiles. La plus grande partie de l'habi- tation delà cofte entretient tout le commerce d'Efpagne par mer, duquel defpendtout l'eftat des Indes. En cefte code il y a quelques villes af- fez, bien peuplées, comme Lyma &Truxilloau Peru, Panama 8c Carthagene en la terre ferme , 8c ésiflesfain6t Dominique,Port-riche,&la Haua- ne, & plufieurs autres villes qui O »J I HISTOIRE NATVRULÎ, que celle-cy,comme eft la vraye Croix en la neuf- ue Efpagne , Yça , Aricgua, & autres au Peru^ &: rnefmes les ports font communément habitez, combien que ce foi tariez petitement. La féconde forte de terre eft au contraire fort haute , èVpar confequent froide Se fechc,côme toutes les mon- tagnes le font ordinairement. Cède terre n'eft point fertile ny plaifante , mais elle eft fort faine, qui la rend peuplée & habitée. Il y a des paftura- ges,^: en iceux beaucoup de beftial,ce qui fuftan- te en la plus grand part la vie humaine , & aucc le beftialilsfuppleent le défaut qu'ils ont de bleds & femenecs par leurs trocs & efchanges. Mais ce qui rend encor dauantage ces terres habitées, & quelqucs-vnes fort peuplées, eft la richeiïedes mines^qui fe trcuuent en icelles, pource que tout obéit à l'argent & à l'or. A caufe des mines il y a quelques habitations d'Efpagnols & d'Indiens, qui fe font açcreuês & augmentées , comme eft Potozi,&GuancauelicquaauPeru,&:Cacatev:as en la neufue Efpasme. Il y a aufli par toutes ces montagnes degrandes habitations d'Indiens qui auiourd'huyfe maintiennent,voire veut-on dire qu'ils vont en augmentant, linon que letrauail des mines en confirme beaucoup, & quelques ma- ladies générales en ont meimedeftruit vue gran- de partie,comme le Cocohltc,cn la neufue Eipa- gne. Tourosfoisl'onne fapperçoit pointqu'ils diminuent beaucoup. En cefte extrémité de terre haute, froide & feiche, il y a deux comoditezque i'ay dites des pafturagcs, & que l'on monte de hautes monta- O iiij I HISTOIRE NATVRELLE gnes > ils en difent autant de Quito, SaimStc Foy, & du meilleur du nouucau royaume. Pour refo- lution, ie croy que la (agette & prouidence du Créateur a pourueu encecy , & voulu pour le mieux , & que la plus grande part de cefte terre des Indes fuft haute & eflenee , afin qu'elle fuit d'vne meilleure température. Car eftant balle, el- le euft elle fore chaude fouz la Zone Torridc, principalement eftantdiftante cVefloigneede la mer. Auffi toute la terre que i'ay veuë es lndes,eft auoifinee de montagnes d'vn cofté , ou de 1 autre, & quelquefois de toutes parcs. Tellement que i'ay plusieurs fois dit par delà que iedefiroisme voir en vn endroit d'où l'horifonfc formait &: fi- nift par le ciel,& vnc terre eftendue& vnie,com- me l'on void en Efpagne en mille campagnes: toutesfoisie n'ay point de fouuenancc d'auoir ia- mais veu telles veu*ës aux Indes , fuft aux ifies , ou en la terre ferme , encor que i'y aye cheminé plus de fept cens lieues en longueur. Mais comme i'ay dit,lcvoifinage des montagnes eft fort à propos en cède région , pour tempérer la chaleur du So- leil. Par ain (i tout le plus habite des Indes eft de la façon quei'ay dit , Se généralement toute cefte terre eft abondante en herbages, pafturages &fo- refts , au contraire de ce qu'Anftote & les anciens ont penfé. De forte que quand l'on va de l'Euro- pe aux Indes, l'on f'elmeiueillc de voir la terre belle,ll verdoyante 8c pleine defrifcades.Ncant- moins cefte règle a quelques exceptions, Se prin- cipalement en la terre du Peru, qui eft d'vn natu- rel eftrange entre toutes les autres, de laquelle nous dirons maintenant. ^^_ M^HH^H^IHi^MHiB^B^B DES INDES. L IV. III. 109 Des propriété^ de h terre du Veru. c H a P. xx. Kgg Ovs entendons par le Peru non point tou- cèjG ce ceftegrande partiedu monde, qu'ils ap- pellent l'Amérique, puis qu'en icelle eft compris le Bre(îl,le royaume de Chillé,& celuy de Grena- de, & toutes fois aucun d'iceux royaumes n'eft le Peru, mais tant feulement cefte partie qui gift au cofté chi Sud,commençant au royaume de Quit- to,qui eft fouz la ligne, Se qui va courant en lon- gueur iufques au royaume de Chillé , lequel eft hors les Tropiques , qui feroient fix cents lieu'ës en longueur , Se en largeur ne contient point da- uantage que ce que comprennent les Indes, ou montagnes,qui font comme cinquante lieu'és co- munes,encor qu'en quelques endroits, comme à Chachapoyas,il y ait dauantage. Cefte partie du monde que Ton appellu Peru, eft fort remarqua- ble,& contient en foy des proprietezforteftran- ges,qui font qu'elle (ert d'exception à la règle gé- nérale des Indes. La première eft qu'en toute la cofte il ne fouftle continuellement qu'vn feul vent, qui eft le Sud ou Suroeft , contraire à celuy quiaaccouftumé de courir fous IaTorride. La féconde eft , qu'eftant ce ventde fa nature le plus violent, tempeftueux& maladif de tous, neant- moins il eft en cefte région merueilleufemct gra- cieux, fain,& agreable,de telle façon que l'on luy doit attribuer l'habitation de cefte cofte,laquellc fans doute feroit inhabitable cVennuyeufe,à cau- fedefachaleur,fiparfonfoufflementellen'eftoic HISTOIRE MATVRELLE addoucie.La troifiefme eft que iamais il nepleut, tonne,neige,ny grefle en toute celle code, qui eft vnechofe digne d'admiration. Quartement à peu de diftance delacofteil pleut & neige terrible- ment. Quintcment il y a deux chaines de monta- gnes,qui courent l'vne comme l'autre , cV* en vue mefme hauteur du Pôle , neantmoins en l'vney a de très-grandes forefts,& y pleut la plus- part de l'année,eftant fort chaude. L'autre tout au con- traire eft toute nue & defcouuerte, &: fort froide, de forte que l'Hyuerov l'Eftèfont départis en ces deux montagnes, & lespluyes&ïa (crenitémef- me.Or afin d'entendre mieux cecy,l'on doit con- fiderer que le Peru eft diuifé comme en trois par- ties,longues &eftroites, qu'ils appellent Lanos, Sierras,& Andes. Les Lanos font lacoftede la mer,laSierra,(ont toutes montagnes,&quelques vallées, & les Andes font montagnes afpres &c rudes. Les Lanos, ou codes de la mer,ontquel- que dix lieues de large , en quelques endroits moins , & en autres quelque peu dauantage. La Sierra contient comme vingts lieues en large , & les Andes autant, tantoftplus,tantoft moins. Ils courent en leur longueur Nort &Sud,&cn leur largeur, d'Orient au Ponant. C'eftdonc chofe merueilleufe , qu'en fi peu de diftance, comme font cinquante lieues , eigalementefloigr.ees de laligne, & Pôle, y ait vne fi grande dmeriît; , que en vn lieu il y plcuue prefque toufiours,& en l'au- tre il n'y pleuuequafi iamais. Une pleut iamais en ceftecofteou Lanos, encorqu'ily tôbcquel- quesfois vne eauë menue, qu'ils appellen; Gua- rua,t\: en Caltiilc Molliiia, laquelle qùelquesfbis DES INDES. LIV. III. IIO fefpaiflk en certaines petites goûtes d'eauë qui tombe , toutesfois cen'eft point chofeennuyeu- fe,ny telle,ou'il loit befoin de fe couurir poux ce- la. Lescouuerturesy font de nattes auecvn peu deteLTepardcïIus,&leureftchofefufhfante.Aux Andes préfcjue durant toute Tannée il y pleut, combien qu'il y ait en vn temps plus de ferenité qu'en l'autre. En la Sierra,quigift au milieu des deux extrêmes , il pleut au mefme temps qu'eu Elpagne , qui eft depuis Septembre iufqnes en Auril , mais en l'autre îaifon , le temps y eft plus ferai n, qui eft quand le Soleil en eft plus efloigné, & le contraire quand il en eft le plus proche, de- quoy nous auons allez amplement traitte au li- ure précèdent. Ce qu'ils appellent Andes, & ce qu'ils appellent Sierra , font deux chaines de mo- tagnes nes-hautes>qui doiuent courir plus de mil lieuesà veu'ë l'vnedel'autre, & prefque efgale- ment. il y a vn nombre infini de vieugnes, qui nai lient & l'engendrent, aux Sierres , qui font proprement comme cheures fauuages,fort viftes 8c fort agiles. 1 1 y a mefmes de ces animaux qu'ils appellent Guanacos & Pacos ,qui font des mou- tons, qu'on peut aufîi bien dire lesAfnesde ce pays,dequoy il fera traitte en fon lieu:&aux An- des fctrouuent des linges fort gentils & plaifàns, &des perroquets en grande quotité. L'on y trou- ue aufîi l'herbe, ou arbre qu'ils appellent Coca, qui eft tant eftimé des Indiens, &c la traite qu'on en fait y vaut beaucoup d'argen t.Ce qu'ils appcl- \ Ien t Sierre,fait des vallées es endroits où elle rou- ure , qui font les meilleures habitations du Peru, comme eft la vallée de Xauxa , Se d'Andaguaylas, ■ I HISTOIRE NATVRELLE & de Yucay. En ces vallées il croift du froument du mays , &c d'autres forces de frui&s , toutesfois es vnes moins qu'aux autres Plus outre que la ci- té de Cufco (qui eftoic anciennement iacour des Seigneurs de ces royaumes) lesdeuxehainesde mont.-jgnes que i'ay ducs fc retirent & iejfloignët dauâtage les vnes des autres, & lai (lent au milieu vue plaine & large campagne, qu'ils appellent la prouincedeColl<,o,où il y a grand nombre de ri- uieres, & beaucoup d'herbages &c paft. tirage s fer- tile^\ làeftanfîîle grand lac de Titicaca : mais encor que ce ioit terre pleine, & à la mefme hau- teur 5c intemperature que la Sicrre , cV qu'il n'y ait non plus d'arbres ny de forefts, toutesfois le defantqu'ilsontdupain y cft recompenfé parles racinesqu'ils femenc,lc(qnellesilsappelhnc Pa- pas, & croiiîent dedans la terre. Cefte îacineeft le manger des Indiens. Car les Techansck nettoyans ils en font ce qu'ils appellent Chugno , qui e(t le p«in &c nourriture de ces prouinecs. Il y a mefme d'autres racines & petites herbes qu'ils mangent. C'eftvne terre faine, & la plus peuplée des Indes, & la plus riche , pour l'abondance desbeftiaux qui l'y nourrirent, tâcde 1 efpccemeimedeceux qui font en Europc,come brebis, vaches, & che- ures , que de celles du pays qu'ils appellent Gua nacos,& Pacos,&:y a des perdrix allez abondam- ment. Apres la prouinec de Collao vient celle de Charcas, oùilya des vallées chaudes de grande fertilité, & des roches tres-aipres , lefquelies font fort riches de mines, tellement qu'en nul endroit du monde il n'y en a point de meilleures ny de plus belles. ■■■■■ DES INDES. LIV. Il I. III D(m CMtfes qu'ils donne?? t pournuoy il ne pleut aux lanos ou coftes de la mer. CHAP. XXI. ^tt&'Avt ant quec'eft ebofe rare 8c extraordi- ïh&S naire qu'il y ait quelque terre où il ne pleu- ueiamais,ny tonne, les hommes défirent natu- rellement feauoir la caufe de telle nouueauté. La rai(on que donnent quelques vns quiontrecer- chc&conlîderécecy de pies, eft qu'il ne i'efleue en cède colle des vapeurs aiïcz groiles Se furlilan- tes pour engedrer la pluye faute de matière : mais qu'il y a feulement d;5 vapeurs petites &legeres qui ne pcuuent engendrer autre chofe que les broiiillats Se rofees : comme nous voyons eu Eu- rope qu'il y a bien fouuent au matin-dès vapeurs qui l'cfleuent , lefquellesncleconuertiirentpas en pluycs, mais feulement en broiiillats. Ce qui prouient de la matière qui n'eft point a(Tez grotte Se fnffifance pour fe tourner en pluye. Et difent que la caufe pourquoy cela , qui n'aduient qu'au - cuncsfoisen Europe, arriue continuellement en la code du Peru , eft pource que cefte région eft: rres-feche 8c ne rend point de groupes vapeurs. Onrecognoift fafechereilè parle grand nombre defablonsquiyfont, & parce que l'on n'y trouue ny puits ny fontaines , finon en vne très grande profôditc de quinze ftades(qui eft: la hauteur d'vn nomme,ou plus) 8c encor eft- ce près des riuieres, l'eauè dcfquelles pénétrant la terre, eft caufe que l'on y peut faire des puits. Tellement que l'on a veu par expérience que le cours des riuieres eftap I HISTOIRE NATVRELLE deftournè,les puits fe font taris iufques à ce- qu'el- les fulïent retournées en leurs cours ordinaires, & donnent cefte raifon pour caufe matérielle de cet ettecb: mais pour la eau fe efficiente ils en ont vue autre qui n'eft pas moins con(iderable,qui eft quela hauteur exceffiue de la lierre , qui court par toute la cofte, porte abry à ces lanos,de tortc qu'elle empefchc qu'aucun vent n'v fouffle du codé delà terre,d ce n'eft fi haut qu'il foit par def- ius les croupes de ces montagnes, au moyen de- quoy il n'y court qu'vn feul vent, qui el\ ce!uy de la mer, lequel ne trouuanc point de contraire , ne prciîe ny exprime point les vapeurs qui f'efleuent pour en engendrer la pluye,de manière que l'abr y delaSierre empefeheque les vapeurs ne fefpait- îiiïent, & fait qu'elles îeconuertilTent toutes en bruines. Il y a quelques expériences qui fe rap- portent à ce diicours, d'autant qu'il pleut en quel- ques collines de la cofte qui ont le moins d'abry, comme font les roches d'Atico , &d'Arequipa: me/mes qu'il y a pieu en quelques années que les Norts ouBrifesy foufïïoient,voire pendant tout le temps qu'ils durèrent , comme ilarriua en foi- xante&dix-huicl: auxlanosdc Trugillo , où il pleut abondamment ; ce qu'ils n'auoient point veu plulîcursfieclesauparauant. Dauantage,il pleut en la mefme cofte es lieux où lei Brifes , ou Norts font ordinaires, comme en Guayaquil', & es lieux où la terre fe haufle beaucoup ôc fe de? ûourne de l'ombrage & abry des montagnes, comme en ceux qui font plus outre queAriqua. Quelques- vus en difeourent de celle façon, mai s que enacun en penfc ce qu'il voudra: c'eft vue DES INDES. L1V. III. 112 choie certaine que dcfccndantdelaSierreen ces lanos l'on a accouftumé de voir comme deux ciels, i'vn clair ôc ferain par le haut, & l'autre ob- fçur,& comme vn voile gris tendu au defïbusjqui cou ure toute la code: mais encor qu'il n'y pleuuc pss, cefte bruine y eftmeiueilleuiement profita- ble pour produire de l'herbe , & pour efleuer , ôc nourrir les iemenccs:car encor qu'ils ayentl'eaue' au pied tant qu'ils veulent qu'ils tirent des edags oulacs, toutesfois cède humidité du ciclavne telle vertu, que cédant de tomber fur la terre, elle caule vue grande incommodité Ôc diminution aux grains ôc temences. Etcequi eftplusdigne d Admiration, les iablonsfecs & dénies par cède rolee ou bruine le rcuedent d'herbes ôc de fleurs, qui elt vue choie plaifante ôc agréable à voir, & de grande vtilité pour les pafturagcs du beftial, comme l'on void en la montagne, qu'ils appel- lent de (àblon,prochede la cité des Rois. Dr U propriété de lu neufue £fpdgne3des {(les cr des autres terres. CHAP. XXII. &>$$ A neufue Efpagne furpafle les ancres pro- ÇMil uinecs en pa&urages , qui caufe qu'ily a vn nombre infini de troupes de cheuaux, vaches, brebis ôc autres bediaux. Elle eft fort abondante enfrui&s, ôc en toute forte degrain; enfomme c'eft la terre la mieux pourueuë,& la plus accom- plie qui (bit es Indes. Toutcsfois le Peru lafur- pallc en vne choft,qui cft au vin,pource qu'il y en HISTOIRE NATVRELLE croift abondamment,& de bon,& de iour en ionr les vignes y vont mulciplianc & augmentant, les- quelles croifTent aux vallées fore chaudes où il y a arrouiemcntd'eaucs. Et combien qu'il y ait des vignes en laneuhie Efpagne, toutes foi§ le râifi a n'y vient point en la maturité propre &conue- nable pour en faire du vin. La came eft pourec qu'il pleut par delà en luillet de Aouft , qui eft. quand le raifmmcurit : c'ell pourqnoy il ne pat- inent à la maturité. Que fi par curio fi té l'on vou- loitprendrela peined'en faire du vin, il lèroir co- rne celuy du Geneuoisex: de Lombardie , qui ell fort petite*: fortalpre, ayant vn gouft comme de verdjus. Les ifies qu'ils appellent de Barlouente, qui font l'Eipagnole, Cube, Port-riche & autres en ces enuirons, font ornées de beaucoup de ver - dure,& pafturages , & font abondantes en berbal, içauoiï eH de vaches,& de porcs,qui y font ueue- nus fumages. Laricheflede ces ifles font, les en- gins de fiicre,& les cuirs. Il y a beaucoup de callè, nftulle,& de gingembre. Et ell chofe incroyable de voir le grand nombre de ces marchandises que l'on enleue en vue flotte , n'eftant quafi pas vray- femblable, qu'en .toute l'Europe on en peufttant gafter. Ils en enleuent mefme du bois de qualité & de couleur excellente,comme rebene,& autres qui feruent aux édifices & menuyferie. Il en y a beaucoup qu'Us appellent, lignum fanEium , ou guayâc propre pour guarir la verolle. Toutes ces ifles &c celles qui font en ces enuirons qui font en très-grand nombre,ont vn très beau Si très plai- fant re gard,pource que durant toute l'année elles font rcueftuës d'herbes &darbrcs3teiiernét qu'ils nepeu- DES INDES. LIV. III. 113 nepcuuenc diicerner quand il eft Automne, ou Eftc , pour la continuelle humidité qui y eft ioin- teauec la chaleur de la Torride, Se combien que cède terre Toit de tres-grâdc eftenduë , il y a neat- moins peu d habitations,d'autantque delle-met me elle engendre de grands Arcabutos, qu'ils ap- pellcnt,qui (ont des bois,ou taillis fort elpais , Se qu'il y a beaucoup de marefeages & bourbiers es plaines. Ils donnent vne autre raifon notable, de ce qu'elles font peu habitées , qui eft d'autat qu'il y eft reftéfort peu d'Indiens naturels,par l'incon- iideration Se defordre d-es premiers conquefteurs oc peupleurs; parquoy ils le feruent la plus grand' part de Nègres , mais ils couftent cher, à caufe qu'ils font t'ont propres àcultiuer la terre. Une croift ny pain , ny vin en ces iiles , pource que la trop grande fertilité Se vice de la terre ne les laif- fegrener, mais elle jette le tout en herbe fort in- également. Il n'y a non plus d'oliuiers,au moins ils ne portent point d'oliues, mais beaucoup de fueilles vertes, & plaçantes à la veuë, qui toutes- fois n'apportent aucun fruid. Le pain dont ils vient eft de la Cacaue , de laquelle nous dirons en ion lieu. Il y a de l'or es riuieres de ces ifles , que quelques-vns tircnt,mais c'eft en petite quantité, par faute de naturels qui l'approntcnt. I'ay efté peu moins d'vn an en ces ifles, & à ce qui m'a elle raeoté de la terre ferme des Indes,où ie n'ay point eftéjCommela Floride,Nicaragua,Guatimalla,& autres, i'ay entendu Se apprins qu'elle eft prefque de cefte qualité que i'ay dite. Toutesfois ie ne mets les choies plus particulières de nature, qui iont eu ces prouinces déterre ferme, pour n'en P HISTOIRE NATVRELLE auoir parfaite cognoiflTance. La terre qui plusre£ fembleà l'Efpagne , &c aux régions de l'Europe, en toutes les Indes Occidentales , eft le royaume de Chillé , qui ell hors de la règle générale de ces autres régions, d'autant qu'il eft iîtué hors laTor- ride & le Tropique de Capricorne. Cède terre de foy eft fraifchc Se fertile, ôc produit de toutes les cfpeces defiuictsqui font en Efpagne,&rappor- teaufîîgrande nbondance depain &-de vin,com- me mefme elle abonde enpafturages ôc beftial. Le ciel y eft fain&rferain, entre le chaud 8c le froid. L'Hyuer &c l'Efté y eft parfaitement, ôc C'y trouue grade quantité d'or qui eft tresfin.Neant- moins cefte terre eft panure & peu peuplée , pour la guerre continuelle que les Auracanes ôc leurs alliez y font, d'autant que ce (ont des Indiens ro- buftcs,& amis de leur liberté. De h terre inco^ncuc, & de la éiuérjit éa vh ib'ttr entier qui eft entre les Orientaux & Occidentaux. C H A P. XXIII. Z&& Lyade grandes coniedures qu'en la Zone taJiM tempérée , qui eft au Pôle Antarctique , il y ai t des terres grandes ôc fertiles , mais iufques au- îourd'huy elles ne iontdefcouuertes , &neco- gnoift-on d'autres terres en cefte Zone , que telle de Chillé , ôc quelque partie de la terre qui coure d'Ethiopieau Cap de bonne Efperance, comme il a efte dit au premier Hure. On fçait aufïi peu ('il y a habitation aux deux autres Zones ou Poles,& fila terre continue &paruient iufques à celle du cofte de l'Autarcique ou Sud. L'on ne cognoift DES INDES. L IV. III. I14 pas mefme la terre qui gift palle le deftroit de Ma- gellan , d'autan c que la plus grande hauteurque l'on acogneucd'iccllc eft decinquarc fïxdegrez, ainfi qu'il eft ditcy-deuant, &du codé du pôle Arctique ou Nort,n'en fçait-on non plus iniques où va la terre , qui court pall'é le Cap de Mendo- çin&:lesCalliphornes,iiyles bornes & fin delà Floride , 6c iulqucsoù elle peut i'eftendrevers l'Occident. Il y a peu de temps qwel'onadefcou- uert vnenouuclleteire, qu'ils appellent le nou- 11 eau Mexique, où ils diîe'nt qu'il y a beaucoup de peuples qui parlent la langue des Mexiquains. Les Philippines 6c les iflesiuiuanteSj comme ra- content aucuns qui le içauent par expérience, courent plus de neuf cents lieues : mais de trait- ter deIaChine,Cochinchine , &Syam,& autres régions qui (ont de l'Inde Orientale, ce feroit co- tre mon. intention , qui eft feulement de ttaitter des Occidentales. L'on necognoift pas mefme la plus grand part de l'Amérique qui gift entre le Pcru& le Brcfil, combien que de toutes parts l'on en cognoilîcles bornes.Surquoy il y adiuer- fes •pinions des vns 6c des autres , qui difent que tout eft vne terre noy ce, pleine de lacs 8c de lieux aquatiques. D'autres afferment qu'il y a de grands & fleuri iîan s royaumes, fimaginans que là (ont le Paytitijle Dorado,&lesCefars , où ils difent qu'il y a des chofes merueillcufes. I'ay ouy dire à vndenoftre compagnie, homme digne de foy, qu'ilyauoit veu de grandes habitations, ôc des chemins autant rompus Se battus comme fonc ceux de Salamanquea Vailladolic, ce qu'il veid alors que Pierre d'Orfua , ôc depuis luy ceux pij HISTOIRE NATVRELLE quiluyfuccedercnt firent l'cncree& defcouuer- te, par la grande nuiere des Amazones, le(quels croyansque leDorado qu'ils cherchoienteftoit plus auant,ne fe foucieuent de peupler là,«& 2pres demeurèrent fans le Dorado qu'ils ne trouuerenc point, &fans cef\c grande prouincequ'ilslaille- rent. Devray c'eftehofe iufques auiourd'huj ca- chée, que l'habitation de l'Amérique, excepeé les extremitez,qui font le Peruje Biefil , ik l'endroit où la terre commence à f'eftrefllr , qui e(l en la ri- uiere d'argent , puis Tucuman , qui fait le tour à Chillèj&auxCbarcas. Ilya fort pende t?mps que nous auons entendu par lettres des mûres qui cheminent en faincte Croix dclaSierrc,que l'on vadcfcouurant de grandes prouinces 5c ha- bitations qui tombent en cette partie , qui cft en- tre le Bcefil & le Peru. Le temps les defcouurira, eau comme la diligence &hardielïe des hommes eftauiourd'huy grande à vouloir circuir lemon- de d'vne parc ôc d'autre , nous pouuos croire que tout ainfi que l'on a defcouuert tout ce qui eit cogneu iufques à prclent , l'on pourra de mefmc defcouurir ce qui refte,afin que le faind Euiy gile foit annoncé àlVrauerfe-l monde, puis que deha les deux couronnes de Portugal, & de Caiille fe font rencontrées par l'Orient ôc par le Ponant, iufques à ioindre leurs defcouuertures enfemble, qui eftà la vérité vnechofe remarquable, que les vns foient paruenus iufques en la Chine , 5c Iap- pon par l'Orient, ôc les autres aux Philippines, qui font voifines & prefqne continues à. a Chi- ne,par l'Occident. Car cfe l'ifle de Lu(Tbn,qui eft la principale des Philippines , où eîllaciccdc DES INDES. LIV. III. Ilf Mammille,iufques à Macan,qui eftl'ifle de Cau- ton, il n'y a que quatre vingts ou cent lieues de mer entre deux , &: trouue chofe merueilleufe, qu'encore qu'il y ait il peu de diftancede l'vn à l'autre jl y a neatmoins,felon leur conte , vn iour entier de différence entr'eux> de forte qu'il eft Di- manche à Macan , lors qu'à Mammilleileft Sa- medy,&: ainfi du relie. Ceux de Macan & la Chi- ne ont vniouraduancé, 6V ceux des Philippines en ont vn retardé. Il aduintau Père Allonlè San- chés j duquclileft fait mention cy-deuant, que partant des Philippines il arriua à Macan le deu- xiefmeiourdeMay félon fon conte , &voulant dire l'office de fainct Athanafe,uouua qu'ils cele- broient lafefte de l'Inuention fainde Croix,par- cequ'ilscontoicnt làletroifîefmede May. Illuy en aduint tout autant en vn autre voyage qu'il fit par delà. Quelques- vns ont trouue cède varia- tion Ôc diuerfité eftrange , & leur femble que cela procède de la faute des vns, ou des autres, ce qui n'eft pas toutesfois:mais eft vn conte vray & bien obferué:car fuiuant la différence des chemins par oùdntefté les vns & les autres, il faut neceUai re- ment dire, que quand l'on fe rencontreon doit auoirvn iour de différence. La raifon eft pource que nauigeat d'Occident à l'OrientJ'on va tou£ ioursgaiguantleiour, & trouue l'on pluftoftle leuer du Soleil, 8c au contraire ceux qui nauigenc d'Orientau Ponant , vofïttoufiours perdant le iour,&fcn retirent arrière, pourcequele Soleil de plus en plus leur va leuant plus tard,& comme plus ils vont approchant du Leuant ou Ponant, plus ils ont le iour toft ou tara. Au Peru, quiet! Piij HISTOIRE NATVRELLE Occidcinal,aurefpectderEfpagnc,rony dcmcu^ rc de plus de fix heures arrière: de façon que quad il eft midy en Efpagne , il eu: aube ou poincT: du iour au Peru; & quand l'aube du ionr ell pardeça, la my-nuict (etrouue eurc par delà. I'ay fait preu- ue certaine de cela , par la computation desccli- pfesdu Soleil & de la Lune. Maintenant doc que les Portugais ont fait leur nauigaiion d'Occident àl'Orient,&les Caftillans d'Orient enOccidenc, quand ils le Survenus à iomdre Se rencontrer, quia efté aux Philippines fie Macan, lesvnsonc gaigné douze heures d'aduance, & les autres en ont perdu tout autant. Par ainfi en vn mclme poinct& en vnmcfmc temps ils trouuent la dif- férence de viugt heures, qui cft vn iour entier. Au moyen dequoy neceflairemenc les vns font au troificfmede May , quand les autres content le deuxiefme,& quand les vns îeufnentleSamedy Sainctjlcs autres mangent de la cha ir pour le iour de la Refurrecfcion. Que li nous voulons teindre qu'ils palfalFent plus outre , tournoyas encor vue autre fois le monde, «Se qu'ils vlailentdu mefmc conte, quand ils retourneroient à le ioindre ils fc trouucroient au (ÎI bien par leur mefme conte en deux iours de diflferéce. Car, comme i'ay dit,ceux qui vont au leuer du Soleil vont contant le iour pluftoft , comme le Soleil leur va leuant pluftoit, & ceux qui vont au couchant au contraire vont contant le iour plus tard, d'autant qu'il leur va fortant plus tard. Finalement la diueriîtc des mi- dis fait le diuers conte des iours. Et d'autant que ceux qui vont nauigeans du Leuant au Ponant, vont changeant leurs midis fans le fentir, & touC DES INDES. LIV. III. Il6 icut's neantmoins pourfuiuem le mefme conte où ils fe trouuent quand ils partent,il eft neceiïài- requ'acheuant le circuit du monde ils trouuent fauce à leur conte d'vn iour entier. Des Volcans ou bouches de feu, CHAP. XXIIII. &r® Ombien que l'on trouue en d'autres en- ©fca droits des bouches de feu, comme le mont Atns.Sc Vvefuuio,qu'auiourd'huy ils appellent le mont de Soma, neantmoins c'eft choie remar- quable que ce qui fe trouue es Indes. Ordinaire- ment ces Volcans font rochers ou pics de mon- tagnes très-hautes qui Pefleuët par delîus les fom- mets de toutes les autres montagnes. Ils ont en leurs fommitez vn e planure, &c au milieu vne fo£ fe ou grande bouche qui defeend iufques au pro- fond ou pied d'icelle,qui eft chofeefpouuentable à voir. De ces bouches il fort delà fumee,&:quel- quesfois du feu. Il y en a quelques- vns qui jettent bien peu de fumée, & prefque n'ont aucune for- me de VolcanSjComme eft celuy d'Arequipa, qui eft d'vne hauteur defmefuree, & prefque du tout de fable qui ne fe peut monter en moins de deux iours,neantmoinsonn'yatrouuéaucun»apparé- ce de feu,mais feulement les veftiges de quelques facrifices quefaifoient là les Indiens lors qu'ils eftoict Gctils,& quelque peu de fumec qu'il ictte quelquesfois.I|e Volcan de Mexique,qui eft pro- che du bourg des Anges,eft auffi d'y ne hauteur ad- mirable où l'on môte trente lieues en tournoyât. P iiij HISTOIRE NATVRELLE De ce Volcan fort , non pas continucllcmcnr, mais de fois à autre , Se prefquc chaque iour , vne groflTe exhalation Se tourbillon de himee qui fort droit en haut comme vn trait d'arbalefte , qui par après fe fait femblableà vn très grand plumage iufqnes â ce qu'il celfe du tout , & auiïi toft fe re- foult en vne nuée noire Se obfcure.Plus commu- nément elle fort au matin après le leucr du Soleil, & au foir quand il fe couche , encor que l'en ay veu fortir en autres heures. Il fort auffi quelques- fois après cède fumée beaucoup de cendres. De feu l'on n'enaencorveu fortir iniques à prefent, toutesfois Ton a crainte qu'il Ae forte Se brufle la terre qui eft à rentour,laquelle eft la meilleure de tout le royaume. Et tient-on pour certain qu'il y a quelque correfpondance entre ce Volcan & la Sierre deTlaxcah , qui en eft allez proche, qui caufcles tonnerres Se efclairs fi grands que l'on void&r oit ordinairement en ces parties. Quel- ques Efpagnols ont monté en ce Volcan,lefquels ontrapportédelamine ou terre du foulfrepour faire de la poudre. Cortez raconte la diligence qu'il a faite pour defcouurirce qu'il y auoit en ce Volcan. Les Volcans de Guacimalla four plus re- nommezjtant pour leur grandeur &hauteur,que les nauigeans en la mer du Sud defcouurcnt de fort loin,que pour refpouuentement Se violence des feux qu'ils jettent de i'oy. Ilarriuaau23.de Décembre de l'an parte i^86. que toute la cité de Guatimallaprefque tomba d'vn tremblement de terre,où demeurèrent mefmes quelques perfan- ncs.Uy auoit défia Cix mois que de iour &de ntiicl: ie Volcan ne ceuoic de jeteer par lclum, Se corn- DES INDES. 1IV. III. 117 me vomir vn fleuue de feu, la matière duquel to- bante aux coftez du Volcan, feconuertilToit en cendre comme terre bruflee(cho(e qui furpafle le hibernent humain d'entendre comme ilpeut ti- rer de Ton centre tant de matières qu'il jettoic hors de foy durant- ces (îx mois: pource qu'il n'a- uoit accoutumé de jerter que de la fumée, Se non pas toujours , mais qnelquesfois de petites flam. mefehes. Cela me fat eferit eftant en Mexique, parvn Secrétaire de l'Audience de Guatimalk, home digne de foy , voire n'auoitpaseucoralors celTé ce Volcan de jetter ces feux queiedy. Ces ans paiïez me trouuant en Quitto en la Cité des Rois, le Volcan qu'ils ont proche jettoit tant de cédre^u'en beaucoup de lieux en circuit il pleut tant de cendre, qu'elle obfcurciflbitla lueur du iour,&: en tomba telleabondace en Quitto, qu'il n'eftoitpoflible de cheminer parles rués. L'on a veu d'autres Volcans qui ne jettent ny flamme ny fumee,ny cendre mefme,mais l'on lesvoid bruf- ler au fonds d'vne viue flamme, (ans famortir : de telle façoeftoiteeluy qu'en noftre temps vn Pre- ftre cupide &auaricieux fe perfuadaquece qu'il voyoitbruflant eftoientmalfesd'or, iugeant en foy-mefme que cène pouuoiteftre autre métal, ny matière, chofe qui depuis tant d'années ardoit fans fe confommer , Se eftant en cefte pcrfuafîon, il fit de certaines chaudières Se chaînes, auec ne fçayquelinflrument pour cueillir Se retirer l'or de ce puits ou Volcan : mais le feu fe moqua de luy , pource que la chai ne de fer, «Se la chaudière n'approchoientpaspluftoftdufeu, qu'auflî toft: elles ne le defitfent c^fullenc coupées comme Ci HISTOIRE NATVRELLE ceufteftcdeseftoupes. Ceneantmoinson me die que ce perfonnage i'obftinoit toufiours , & alloic recherchant d'autres inuentiôs pour tirer & pui- fer cet or qu'il imaginoir. Quelle efi la caufcpourauoy le feu & lafumee durent fi long temps en ces Volcans. CHAP. XXV. L n'eft ja befoin de faire mention des au- res Volcans , puis que par les delîufdits l'on peut entendre ce qui en eft, toutesfoisc'eft choie digne de rechercher quelle eftlacaufe qui fait durer le feu & lafumee en ces Volcans:pour- ce qu'il fcmble que ce foit chofe prodigieufe,voi re qui excède le cours naturel de ietter de leur eftomach tant de flammes comme ils envomif- fent. D'où procède cefte maticre,qui la leur don- ne,oucommeeft-elleengcndreeIàdedans?Quel- ques vus ont eu opinion que ces Volcans vont confommant la matière intérieure qu'ils ont de leur naturc,& croyent pour cefte caufe que natu- rellement ils prendront fin, quand ils aurot con- fomtné le bois , par manière de dire,qu'ils ont en eux.Suiuant cefte opinion, l'on voidauiourd'huy quelques montagnes ou rochers,d'où l'on tire de la pierre bruflee, qui eft fort légère , mais fort du- re , & eft excellente à faire édifices & baftimens, comme eelleque l'on apporte en Mexique pour baftir.Et en effect il y a des apparences à ce qu'on dit,que ces montagnes ou rochers onteu autres- fois yri feu naturel,qui Peft efteint après la matiè- re côfommce.Et par ainil ces pierres font demeu- DES INDES. L IV. Il I. II 8 rces bruflees 6c pénétrées du feu , comme on les void. Quant cil de moy,ie neveux pas contredire qu'il ny ait euautresfois du feu, ou qu'c ces lieux au temps parTé iln'yaiteudes Volcans. Mais ce m'eft choie difficile à croire qu'il en (oie ainfide tous les Volcans, veu que la matière qu'ils met- tent hors,e(lqua(ï infinie, 6c qu'elle ne pourroit pluseftatîtamalieeenfemble,e(he comprifedans celle concauité mefme dont elle fort. Outre cela il y a des Volcans}qui eu centaines, voire milliers d'années , font toujours d'vne mefme façon , jet- tans continuellement de la fumée, du feu, & delà cendre. Pline hilloriographe naturel (lelonque réfère l'autre Pline fo:i nepueu) recherchant ce lecret pourvoir commefe pafï'oit ceftearFairc , 8c Rapprochant de trop près de l'exhalation du feu de l'vn de ces Volcans, mourut, & penfant en ve- nirà bout par (a diligence, vint à bout deia vie. Pour moy fur celle confideration iepenfe, &e(l mon opinion , que comme il y a des lieux en la terre qui ont la vertu d'attirer à foy la matière va- poreufe, &delaconuertirjieneauc,qui faut les fontaines lefquelles touliours decoulent,& touf- iours ont dequoy découler , entaht qu'elles atti- rent à foy la matière de l'eauc : aulîi de mefme il y adeslieuxquiontla propriété d'attirer à eux les exhalations chaudes , &de les conuertiren feu &en fumec , ôc par leur force 6c violence iet- tent mefme d'autres matières efp ailles qui fe rr- foluent en cendre, en pierre de ponce, ou autre matière femblable,& qui eft vnargument iuffi- fant,qu'és Volcans cela foie ainfi,c'eft qu'ils iettet en certain temps de la fumée, non pas touliours, HISTOIRE NATVRELLE & e« certain temps du feja,& non tou(îours,qui eft félon qu'ils ont peu attirer à foy & digérer, comme les fontaines en temps d'Hyuer abonder, & en Efté diminuét,voire quelques vneslechenc du tout félon la force & vigueur qu'elles ont, & félon la matière qui fe prefente : ainfi eft- il de ce qucces Volcans endiuers temps jettent du feu, plus ou moins. Lesautres diient que c'eft le feu d'enfer,&: qu'il fort par là pour feruir d'aduertif- fement,afin deconfiderer par là ce qui eft en l'au- tre vie:mais C\ Tenter, comme tiennent les Théo- logiens , eft au centre de la terre, laquelle tient de diamètre plus de deux mille lieues , l'on ne peut pas iuger que ce feu foit du centre , dautant plus que le feu d'enfer, félon que fainft Bafile & aucres enfeignent, eft fort différent deceftuiquenous voyons, pourcc qu'il eft fans lumière, & ard & brufle fans comparaifon plus quelenoftre. Ainfi ie conclus que ce que i'ay dit me femble plus rai- fonnable. Des tremblemens de terre. c H AP. XXVI. ?/K$ Velques-vns ont peu fé que de ces Volcans fësâ qui font es Indes procèdent les tremble- mens de terie,alïez frequens par delà : mais parce qu'ils viennent ordinairement es lieux qui font efloignez de ces Volcans, ce n'en peut pas eftre la caufe totale. Il eft bien vray qu'ils ont certaine forme &: fympathieles vnsauecles autres:pour- ce que les exhalations chaudes quifengendrent es intimes concauitez de la terre,fcmblent eftre la (■■•■■■■■■■mi D ES I ND ES. LI V. III. 119 principale matière du feu dcces Volcans, par les- quels mefmes l'allume vnc autre matière plus grofTe,& rend ces apparences de flamme & fumée qui fortent. Etcesmelmes exhalations ne trou- uans au dedâs de la terreaucune forueaifee, meu- uent la terre pour fortir auccvne grande violen- ce, d'où vient le bruit horrible qu'on entend au, deiFous de la terre , Se mefme le mouuement de la terre, citant agiteedecefte brullanteexhalarion. Tout ainfi comme la poudre à canon es mines & artifices, eftant toucn.ee du feu rompt les roches 8c les murailles : & comme la chaftaignemife au feu fauce & fe rompt en faillit bruit , lors qu'elle iette ctehors l'air qui eft enferme dedas fou efcor- ce,par la vigueur du feu. Audi le plus ordinaire- ment ces trcmblcmens de terre ontaccouftumé d'adueniraux endroits maritimes, qui font voi- lànsdel'eaue. Comme l'onvoid en l'Europe, & aux Indes, que les bourgs &villespluseiloignees de la mer & des eaux fentent moins cetrauail,& au contraire ceux qui font es ports de mer, es ri- uieres,és coftes,& es lieux qui en font voilîns, en- durent plus celle calamité, lied aduenuauPeru vne chofe merueilleufe,& digne de noter,fçauoir qu'il y a eu des tremblemes de terre qui ont cou- ru depuis Chillé , iufques à Qukto, qui font plus de cinq cents lieues , iedy des plus grandes donc on ait ouy parler , car les autres moindres y font affez ordinaires. En la code de Chillé (.ilneme fouuient quelle année) fut yn tremblemetde ter- re fi terrible , qu'il renuerfa les montagnes entie- rcs,6c par ce moyen empcfcha le courant des fleu- ues,qu 'il conuertit en lacs, il abbatit des villes, Se HISTOIRE NATVRELLE tua grâd nombre d'hom mes jfailantfortir la mer de.fon lieu quelques lieues bien auanc, de façon qu'elle tailla les n au ires à.ièc,bien loing de la rade ordinaire, & piulîeurs ancres choies tnltes, éVef- pouuantables.Etfi bien m'en iouuienc, ilsdifent que le trouble & efmocionqueficcecembleméc, courut trois cens lieues,lc long de la code. A peu de temps de là . qui hit l'an de quatre vingts deux, vint le tremblement d'Arequipa,quiabbacic & ruina prcfquc toute celle ville là. Du depuis en l'a quatre vintsfix,leneufie(me de Iuillec,aduintvn autre tremblement en la cité des Roy s, lequel fé- lon qu'elcriuit le Viccroy , auoit couru le long de la code cent foixante& dix lieiies , cVdetra- uers dedanslaSierrecinquantelieiies. Lamiferi- corde du Seigneur fut grande en ce tremblement, de prcuenirle peuple par vn grand bruit, qu'ils ouvrent quelque peu deuant le tremblement, 6V comme ad oectis par les expériences payées, in- continent le mirent en lauuctc , (ortanc es rues, places & iardins , finalement es lieux deicou- uerts , par ainfi encor qu'elle ruina beaucoup la- dite ville, de que les principaux édifices d'icelle tombèrent, ou furent à demy ruinez, neantmoins on dit qu'il n'y demeura que quinze ou vingrper- fonnes ieulement de tout le peuple. Il iîceu la merlemeime trouble 6V mouucment qu'auoit faict celuy de C trille, qui fut incontinent après le tremblement déterre , (î que l'on veid la mer fortit funeufe Se bondiilante de fes riuages,& en- trer au dedans de la terre prefque deux lieues auant: car elle monta plus de quatorze brades , 6V couuiic toute celte plage, tant que Ici digues & DES INDES. LIV. III. IXO pièces de bois qui eftoiéc là , nageoient en l'eau'é. En après l'an enfumant , il y eue c.ncor vu autre trcmblemét de terre au royaume &" cité de Quit- te, Se femble que tous ces notables tremblemens de terre en cc(lecofte,ayent fucccdc les vnsaux autres par ordre, & de raid elle eft. iubiecte à ces inconueniens. C'eft pourquoy encor qu'en la co- de du Peru ils ne (oient tourmentez du Ciel, des tonnerres & fondres,ils ne laiifent pas toutesfois d'auoir de la crainte ducofté de la terre, &ainii chacun a deuant foyàveu'ê d'oeil lés hérauts de la diuine iuHice,afin de craindre Dieu. Car,comme dicTEfçritiîré , tecit bkcMt timeatnr. Retournant Ecclefa. donc à noftre propos, iedy que les lieux mariti- mes lont plus fubiects à ces tremblemens, dont la eau le eft, comme il me femble, que l'eau'é bou- che &z eftoupe les conduits &c ouucrtures de la terre,par oùledeuroient exhaler & forcir les ex- halations chaudes qui ('engendrent en icelle. Et melmcquerhumiditéefpaiiïifsât la fjperhciede la terrerait que les fumées &c exhalations chaudes ferederrent & fc rencontrent plus violemment là dedans,qui par après viennet à rompre en Pen- flammant. Quelques-vns ont obferué que tels tremblemés de terre ont accouftumé de i'cfmou- uoir, lors qu'il vient vn temps pluuieux , aptes quelques feches années. D'où vient que l'ondi» quelestréblemcs déterre font plus rares es lieux où il y agi ad nombre & quantité de puits, cequi eftapprouué par l'expérience. Ceux delacitédc Mexiqueont opinion que le lac fur lequel elle eftfituée, caufeles tremblemens de terre qui y furuienncnt,cncor qu'ils n'y foienc pas beaucoup HISTOIRE NATYRELLE violens , &c'ell chofe certaine que les villes & prouinces fiiueesanant dedans les terres, «Scqui font plus efîoignees de la mer, reçoiuent quel- quefois de grands dommages de ces cremblcmës, comme'acitéde Chachapoyas aux Indes ,&: en Italie celle de Ferrarc , encor que fur cefubïecl il femble que celle cy pour eftre voifine d'vnc ri- uiere, 6c n'eftre pas auffî fort efloigneedela mer Adriatique, doiuepluftoftcftre mifeaunombre des villes maritimes. En l'an mil cinq cens quatre vingts &c vn,en Chuguiano , cite du Peru , autre- ment appellée la Paix , arnua vn cas fort eftrange fur ce propos. c'eftqu'vn bourg,appellé Angoan- go, auquel habitoient pluiieuis Indiens enchan- teurs & Idolâtres , tomba inopinément en ruine, de forte que vne grande parrie de ce bourg fut enleuée Se emportée, dont plusieurs de ces In- diens furent elloufez,& ce qui femble incroyable (neantmoins attefté par pcr'onn.iges dignes de foy)la terre qui fe ruina Se qui f abbatitainiï,cou~ rut &:c#ulamrlepays l'efpace d'vne lieue & de- mie, comme Ci c'euft eflé de feaue ou de la cire fondue de faço qu'elle boucha & remplit vn lac, &demeuraainiïeftenduc parmy toute celte con- trée. Comme la terre & la merf'embraffent l'vn l'autre. CHAP. XXV II. Mfô'Acheueray par ceft. élément de la terre, le joignant auec le précèdent de i'caue,rordre &embra(rementdefquelseftdefoy certainement admirable. Ces deux éléments ont vne mefme Sphère DES INDE S. LIV. UI. m 'Sphère départie cnir'eux, 8c fevontembrairans &iccollans en miileraçôs& manières. Par quel- ques endroits l'eauë combat furieufement later- re,comme Ton ennemie, & en autres, elle la vient euceindred'vnetaçon toit douce & amiable. Il y ades lieux oùlamer vient entrer dedansla terre bien allant , comme venant la vifiter,&: d'autres efquels la terre le recompenfe, jettanten la mer les caps , pointes , 8c langues auaneces , qui Vont pénétrant iufques aux entrailles. En quelques en- droits l'vnelemét i'acheue,&: l'autre le commen- ce, fedonnant place peu à peu l'vn à l'autre. Aux autres chaicuns d'eux (lors qu'ils le ioignent) ont vne très- grande protondeur , 8c efleuation,com- me il fe trouue des ifles en la mer du Sud , 8c mef- me en la mer du Nortjdciquelles les nauires l'ap- prochent tout contre. Et quoy qu'ils y jettent la fonde en foixante Se dix ôVquatre vingts braiïèes, fi ell- ce qu'ils n'y trouuent point de fonds. Qui fait iuger que ce font comme des pics ou pointes de terre, qui montent du, profond, 8c feilcuent en haut, choie digne de grande admiration. Ace propos me dit vn pilote fort expérimenté, que les Ifles qu'ils appellent des loups, & d'autres, qui font fur le commencement de la cofte de la neuf- ue Efpagne, qu'ils appellent des Cocos, eftoient de celle mefme façon. Dauantage,ilie trouue vn endroit au milieu du grand Occa, horsdelaveuë déterre , Scefloigné d'icellcde pluficurs lieues, auquel l'on void comme deux tours,ou pics, d'v- ne roche fort haut efleuez , qui fortent du milieu de la mer , &:neantmoinsioignanticellel'onnc peut trouuer ny fonds ny terre. L'on ne peut * HISTOIRE NATVRELLE cncor certainement comprendre, ny rccognoi- ftre quelle eft la forme entière & parfaite de la terre des Indes, poum'auoir efté les extremitez d'icclies du tout defcouuertes iufqu'à prefent. Neantmoins nous pouuons dire comme à tra- uers, qu'elle peut eftre comme vn cœur auec les poulmons. Le plus large de ce cœur eft du Brelîl auPeru, la pointe au deftroit de Magellan, & le haut où il facheue eft la terre fet me,& de là com- mence le continent à Peilargir peu àpeu,iufques à arriuer à la hauteur de la Floride ôc terres fupe- rieurcs, qui ne (ont cncor bien cogneuës. L'on pourra entendre d'autres particularitez de cefte terre des Indes , par les commentaires que les Es- pagnols ont eferit de leur fuccez Se defcouuertes, &c entre autre de la pérégrination que iay eferite, qui à la vérité eft eftrange , Se en peut dôner beau- coup de cognoillance, ôc eft ce qui m'a femblé fuffireà pre(ent pour donner quelque intelligen- ce des chofes des Indes,quant aux communs elc- mens , defquels toutes les parties du monde font formées & compofees. HZ LIVRE QVATRIE- ME DE L'HISTOIRE NA- TVRELLE ET MORALE des Indes. CHAPITRE PREMIER. De trois genres de >nixtesiouco?pf>ofe%k , dont ic dois traitter en ceslc biflotre. Yant traittéau liure précèdent de ce qui touche les elemens, 8c les amples des Indes, nous par- lerons en ce prefent liure des mixtes &: des compofez, entant qu'il nous iemblera conucnablc aufujecr. dont nous voulons traitter. Et com- bien qu'il y ait beaucoup d'autres genres diuers, nous réduirons toutesfois cefte matière en trois, qui feront les metaux,lesplantes,& les animaux. Orlesmeraux font comme des plantes couuer- tes 8c cachées dedans les entrailles de la terre, qui ont quelque relfemblanceentr'eux, en la forme 8c manière de leur production : d'autant que l'on voit 8c recognoift mefmc entre eux des rameaux, & comme vn tronc, duquel ils naiflent 8c procè- dent, qui font las grolfes veines & les moindres, tellement qu'ils ont entr'eux vne lvailon telle, Qjj HISTOIRE NATVRELLE qu'il femble proprement que ces minéraux croif- fent à la façon des plantes. Non pas qu'ils ayent vncvrayevicvegetatiue intérieure, car c'eft cho- fe qui eft feulement propre aux vrayes plantes, mais ils fc produifent aux entrailles de la terre, par la vertu,&: la force du Soleil,& des autres pla- ncttes,& dans vnc longue efpace de temps (evôc augmentanr,&prefque multipliant à la façon des plantes. Ettoutainfi comme les métaux font des plantes cachées en terre, ainfi pouuons nous dire que les mefmes plantes font des animaux fixes Se arrêtiez en vn lieu, la vie defqueïles l'entretient f>ar l'aliment que nature leur va fournilïantdës eur propre naitïance. Mais les animaux iurpal- fent les plantes , en ce qu'ils ont vn eftre plus par- fait, &delàaunî ont ils befoin d'vn aliment Se nourriture plus parfaite. Pour lequel chercher nature leur adonné vn mouuement & vn fenti- meut,afin de le defcouurir Se cognoiftre. De forte que la terre rude & fterile eft comme la matière $c aliment des métaux , & celle qui eft fertile & mieux alîaifonnée, la nourriture des plantes. Le« mefmes plantes leruent d'aliment aux animaux-, & les plantes & animaux tous enfembie (ont l'a- liment des hommes, feruanc toufiours la nature inférieure à l'entretien Se fuftentation delafupe- rieure,& la moins parfaite fe fubmettant àlaplus parfaite. D'oùl'on peut voir combien il f en faut quei'or,rargcnt,& les autres chofes que les hom- mes eftiment tant par leur auarice, foient la fin & le but de l'homme auquel il doiue tendre, puis qu'ils font tant dedegrez plus bas enqualitéquc i homme, lequel a efte crée ôc ordonné pour eftrc DES INDES. LIV. II IJ. I23 fubiect de feruir feulementau Créateur vniuerfel de toutes chofes, comme à fa propre fin, &fon parfait repos: & auquel homme, toutes les autres chofes de ce monde n'ont eftépropofeesou de- laiiïees, finon pour l'en feruirà gaigner cefte der- nière fin. Qui voudra confîderer les chofes créées 8c en difcourir félon cefte Philofophie, pourra certes tirer quelque fruicl: de leur cognoilïance &confideration,feferuantd'icelles,pourcognoi- ftre 8c glorifier leur Authcur. Mais qui fe voudra aduâcer plus outre à la cognoifTance de leurs pro- prietcz 8c vtili tez, 8c voudra fe rendre curieux de les rechercher, celuy-là trouuera finalement en ces créatures ce que le fage dit yqu ils font aux pieds des fols <& ignorons , fçauoir des la-cs , 8c des pièges *"&' 1 4* où ils fe precipitent,& fe perdent iouriiellement. A cefte intentiÔ donc, 8c afin que le Créateur foit glorifié en les créatures, ie pretens dire en ccliure quelques- vues des chofl-s dont il y a beaucoup es Indes , digne d'hiftoire , 8c d:eftre racontées, tou- chant les métaux, plantes & animaux, qui font propres 8c particuliers en ces parties. Mais d'au- tant que ce feroit vne ceuure très- grande , que de traittercecy exactement, 8c qui requcrroitplus grand fçauoir, & cognoiiïancc, voire beaucoup plus de loifir que ie n'ay pas, ie dis que feulement mon intention eft de traitter fuccindtemet quel- ques chofes que i'ay comprifes 8c remarquées tant par experience,q«e par le rapport de gens di- gnes d« foy,touchat ces trois chofes que i'ay pro- pofeesjlaiflàntaux autres plus curieux 8c diligens de pouuoir traicter plus amplement de ce« matiè- res» I HISTOIRE NATVREI.LE De l'abondance & ^andc quantité des métaux qui font es Indes Occidentales. C H A P. II. fà&i A fagelfè de Dieu a créé les métaux pour ÊÉfcâf médecine &: pour defenfe , pour ornement Se pourinftrument des opérations de l'homme. Defquclles quatre chofes , l'on peut facilement donner exemple, mais la principale fin des mé- taux, Se la dernière d'icelles, eft pourec que la vie humaine n'a pas befoin feulement defe (ultanter, comme celle des animaux, mais aufïi de trauailler Se ouurer (elon la rai Ton &: capacité que luy a donné le Créateur: &ain(î comme l'entendemét humain T'applique à diuers arts& facilitez, ainfi le mefmeautheur adonné ordre qu'il y end ma- tière Se fubieér. à diuers artifices pour la confer- uation, réparation , feureté , ornement Se exalra- tion de les œuures. Doncques la dmerfité des mé- taux que le Créateur a en ferrez e'sarmaires cVcô- cauitez de la terre, eit telle Se fi grande, que la vie humaine tire profit Se commodité de chacun d'i- ceux. Des vus elle fe lerten la 2uarifon des mala- dies,des autres pour lesarmeures, Se pour defen- fescontreles ennemis; les vus font pour l'orne- ment & pareuredenospedonnes,&de nos mai - Ions, Se les autres (ont propres à faire des vaif- feaux Se ferremens , auec les diuerfes façons d'in- ftrumens que l'induftrie humaine ainuenté &mis en vfage. Mais fur tous les vfages des mctaux,qui forrtfîmples& naturels, la communication des hommes en a trouué vn,qui efl l'vfage de lamon- DES INDES. L IV. III. I 24 lioye, laquelle, comme dit le Philofophe,eftla ^^ mefuredetouteschofes. Etcombienque defoy nthic.c^. ôc naturellement elle nefoitqu'vne feule chofe, neantmoins en valeur ôc eftimation l'on peut di- re quelle eft toutes chofes. La monnoye nous eft comme viande,veftemcnt,maifon, cheuauchure, Ôc généralement tout ce que les hommes ont de Hefoin.Par ce moyen tout obéit à la monnoyc,& comme dit le Sage,pour faire vneinuention, que Ecckf.io. vnc chofe fuft toutes , les hÔmes guidez ou pouf- fez d'vninftincl: naturel, efîeurentlachofe plus durable ôc plus maniable,qui eft le metal,Sc entre ces métaux voulurent que ceux- là eulîent la pré- éminence en cefteinuention de monnoye, qui de leur naturel eftoient plus durables ôc incorrupti- bles,! fcauoir l'argent ôc l'or. Lcfquels non feule- ment ont efté en eftime entre les Hebrieux, Afly- riens, Grecs, Romains, &: autres nations de l'Eu- rope ôc d'Afie, mais aufC entre les plus efloignecs ôc barbares nations del'Vniuers,comme font les Indiens, tant Orientaux comme Occidentaux, où l'or & l'argent eft. tenu en aufîï grand prix ôc eftime,l'employans en l'ouurage de leurs temples ôc palais , ôc aux veftemens ôc accouftremens des rois,& des grands feigneurs. Mais encor que l'on aittrouuéquclques^barbares qui nccognoiifoiët ny l'or,ny l'argent , comme l'on raconte de ceux de Floride, qui prenoient lespoches ôc les facs où eftoit l'argent, lequel ils iettoient &delai(ibienr efpars parmy la terre, comme chofe inutile. Et Pline mefme recite des Babitacquesquiabhor- roient l'or,&; pour cela l'enfeuelilïoicnt, afin que persone ne f en peuft feruir. Toutcsfois il fe trou- QJiij HISTOTRE NATVKILLE ne auiourd'huy fort peu de ces Floridiens & Ha- bitaques, & grand nombre au contraire de ceux qui etliment ^ recherchent, & font eftat de l'or.& de l'argent, (ans qu'ils ayentbeioing de l'appren- dre de ceux qui y vont del'Europe. Il efl; vray que leur auaricen'eft point paruenue au but de celles des noftres , & n'ont pas tant idolâtre l'or & l'ar- gent, quoy qu'ils fulîent idolâtres , comme quel- ques mauuais Chreftiens , qui ont commis plu- sieurs grands excez pour l'or &■ l'argent. Neant- moins c'eft vue chofe fort digne de considération qnela fagefîedu Seigneur éternel airainfi voulu enrichir les terres du monde plus efloignees, & qui font peuplées d'hommes moinsciuils apo- litiques, qu'en ces lieux là il' ait mis le plus grand nombre de mines , Se en plus grande abondance queiamaisaitefté, afin d'inuiter les hommes par tel moyen à rechercher ces terres , & les pofleder: afin auflîlur cette occafion, de communiquer la religion , 8c culture du vray Dieu à ceux qui ne le çognoiiïbient point, ("accompliiï'ant en celala E/tyey4. prophétie d'Ifaye,difant que l'Eglifedeuoit eften- dre fes bornes non feulemét à la dcxtre,mais auiîî à la feneftre,qui ^entend, comme ditfàinct Augu- ~f»gl.x.Je {lin,quel'Euangile Ce doit eflareir Sceftédrc non coricord. E ■ r \ ■ r o r lculementpar ceux qui lincerement&rauecvne uanr.c. Jl. r • < r vrayeot parfaite chante le prefehent &annon- cen t,mais aulîî par ceux qui l'annoncent, tendans à fins & intentions temporelles. D'où nous voyôs les terres des Indes, pour cftre plus abondantes de mines & de richefles eftrede nollre temps les mieux cultiuees en la Religion Chreftienne, fai- clam le Seigneur pour les nnsociiîteiuionsfou- DES INDES. LlV. MU, I 2, f ucraines de nos defirs Se inclinations. Là deffûs difoit vn homme fage,que ce que fait vn père à fa fille pour la bien marier , eft de luy donner beau- coup de dot & de moyes en mariage: ce que Dieu a fait à cefte terre, tant afpre &Iaborieuie, luy donnant de grandes richelfes en' (çs mines, afin que par ce moyen elle trounaft mieux qui la vint rechercher. Il y a donc aux Indes Occidentales grand nombre ôc abondance de mines de toutes fortes de métaux, comme de cuiure, de fer, de plomb, d'eftain, de vif- argent,d'argent, &d'or:& entre toutes les régions ik parties des Indes , les royaumes du Peru font ceux qui abondét le plus en ces metaux,fpecialcment en argent, or, & vif- argent, ou mercure , 8c 0 y en trouue grand nom- bre, pource que tous lesioursrondefcouure de nouuelles mines. Et eft chofe fans doute, que fé- lon la qualité de la tetre, celles qui font à defeou- tirir , font en plus grand nombre,fàns comparai- fon,que celles que l'on void à prefent defcotiuer- tes: voire fembleque toute la terre eft femee de ces métaux plus qu'aucune autre terre qui nous foit à prefent cogneuè au monde, ou de laquelle les autheurs anciens ayent fait mention par le paife. De la qualité & future de U terre oit fe trouuent les mctattxi<& que tous ces métaux nefc mettent en ceume es Indes , & comme les Indiens fc feruoient d'iceux. c h A P. III. fàfël A raifon pourquoy il y a tant de richefTes £ÎSfdc métaux es Indes, fpecialcmentaux Oc- HISTOIRE NATVRIILE ciden taies du Peru,eft comme i'ay dit, la volonté du Créateur, quia departy Tes dons comme il luy a pleu.Mais venant à la raifon naturelle & Philo- thilolib.î (ophique, ceft choie bien vrayecequ'enaefcrit mund Philon , homme fage,di(ànt que l'or , l'argent &: metaiix nai lient naturellement aux terres plus fteriles Se infru&ueufes. De vray nous voyons qu'aux terres de bonne température , & qui font fertiles d'herbes Se de froids, rarement on iamais on n'y rrouue des mines , pource que la nature fe contente de leur donner vigueur , pour produire Eufeb.Ub. ]es jfrui&S les plus neceifaires à la conlcruation 8- de px &entrenen de la vie des animaux &des hommes. par. Fuar. . . • r r r r { Au contraire aux terres qui (ont rortaipres, lè- ches , Se fteriles , comme en des montagnes très hautes , Se en des roches qui font afpres , & d'vne température fort rude, l'on y trouueles mines d'argent,de vif-argent,&del or, Se toutes ces n- chelfes (qui font venues en Efpagne, depuis que les Indes Occidentales ont efté defcouuertes)ont efté tirées de lieux comme cela, qui font afpres, pénibles, defcouuerts & fteriles. Toutesfois le gouft cîe ceft monnove rend ces lieux doux & ag- greablcs,voire habitez de grand nombrede peu- ple. Or combien qu'il y ait aux Indes (comme i'ay dit)plufiems veines & mines de toutes fortes de métaux , toutesfois ils n'en rirent uy feieruenc point d'autres , que des mines d'or & d'argent , Sc\ meime de vif-argent , d'autant qu'il eftneceiVairei our tirer Raffiner l'or & l'argent. Ils yportencj eferd'Efpagne,& delà Chine. Quant au cuiurej les indiens en ont tiré & fo l enœuurequelques- is,pourceqne leurs ferremëséV armes n'cftoiecl DES INDES. LIV. I I 1 1. I2,£ point ordinairement de fer, maisdccuiure. De- puis que les Efpagnols tiennent les Indes,l'on en a tiré fort peu , 8c ne prennent point la peine d'en recercherîes mines, encor qu'il y en ait plusieurs, pource qu'ils f arreftent à la recerche des métaux plus riches 8c précieux, 8c y employ6t leur temps 8c leur trauail. Ils fe feruent des métaux de cuiure 8c fer , tant feulement de ce qu'on leur en cnuoye d'Efpagne, ou bien de ce qui refte de raffinement de l'or & l'argent. L'on ne trouue point que les Indiens vfaflent cy-deuantd'or,nyd'argent,ny d'autre metail pourmonnoye, &pour prix des chofes ,mais feulementfen feruoientpourorne- ment,comme il a efté dic,& ainfi il y en auoit gra- de fomme& quantité aux temples, palais ,& fe- pul tures,auec mil genres de vafes d'or 8c d'argent qu'ils auoient. Ils ne fe feruoient point d'orny d'argent pour trafiquer &acheter , mais chan- geoient 8c troquoiet des chofes aux autres , com- me Homère 8c Pline racontent des anciens. Ils p'">M-53* auoient quelques autres chofes de plus grande t,d^' 5' eftime, qui couroit entre eux pour prix,au lieu de monnoye,&iufquesauiourd nui court cette cou- ftume entre les Indiens,commc aux prouinecs de Mexique,ils vient au lieudemonnoyc du Cacao, (quieft vn petit fruict) &auecicelt)y achètent ce qu'ils veulent. Au Peru ils fe feruent du Coca, pour cette mefme fin, quieft vue fueiilc que les Indiens eftiment beaucoup, comme au Paraguey ils ont des coings de fer pour monnoye,&' du co- fton tilîu en faincle Croix de la Sierre. Finalcmét la manière de trafiquer des Indiens, & leur ache- ter 8c vendre , eftoit d'efehanger & bailler chofes HISTOIRE NÀTVRELLE pour chofes: &bien qu'il y eut de grands mar- chez ,& des foires fort célèbres, fi eft-ce qu'ils n'ont eu befoinnyneceflïtcdemonnoye,nyme£- medecourratiers, pource que tous cftoient fort bien appris, à fçauoir combien il eftoit befoin de donner d'vne forte de marchandife pour vne,tant d'vne autre. Depuis que les Efpagnolsy font en- trez, les Indiens fe font mefme feruis de l'or & de l'argent pour acheter, &au commencement n'y auoit aucune monnoye; mais l'argent au poids eftoit leur prix & leur monnoye , commcl'on ra- ,-. ,., conte des anciens Romains. Du depuis pour plus ii.cdM. 8ran"e commodité, l on rorgeadcla monnoye en Mexique,&au Peru : toutesfoisiufquesàprefent en ces Indes Occidentales l'on n'abattu aucune monnoye de cuiure ou autre métal , mais feule- ment d'argent, & d'or: pource quelatichelled'i- celle terre n'a admis ny receu la monnoye qu'ils appellent de biIlon,ny autres genres d'alloy,dont ils vient en Italie, &: aux autres prouinces de l'Eu- rope^ bien qu'il foit vray qu'en quelques ifles des Indes, comme fain& Dominique & Port- riche, ils vfent de monnoye de cuiure , qui font des quarts, lefquels ont cours feulement en ces ifles, pource qu'il y a peu d'argent cVd'or. le dis peu, encor qu'il y en ait beaucoup , toutesfois il n'y a perlonne qui le tire ou affine. Mais pource que la richeiïe des Indes, Se l'vfagedetrauailler aux mi- nes çonfifte en or,argent,vif-argent,iediray quel» que chofe de ces trois métaux, laifsat pour l'heu- re le refte. H^^^^^^^^^^H9^^^^I^H^m DES INDES. tIV. IIII. 127 De l'or que l'on tire & affine es Indes. CIIAP. nu. Çjgl O r entre tous les métaux a eftétoufiours £fe> eftimé pour le plus excellent , Se auec bonne rail on , d'autant qu'il eft le plus durable & incor- ruptible de tous : car le feu quiconfume cV dimi- nue tous les autres, l'amende , & le rend en fa per- fection. L'or qui a parle plufienrsfoisparlefeu demeure en facouleur,cres-fin & tres-pur, lequel proprcmët l'appelle, (félon que Pline fht)Obrio- i o , dequoy fait tant de mention rEfcriture,&: l'vfage qui confomme tous les autres métaux (comme dit le mefmc Pline) n'amoindrit aucu- nement l'or, 6c n'y fait aucun dommage, mefme il ne le mange ,ny ne fcnuieillit. Et bien que (a matière & ion corps foit (i ferme Se fi folide qu'il eft, il fe lailïeneantraoins tellement doubler Se tirer, que c'çftchofemerueilleufe. Les batteurs d'or& tireurs fçauent bien la force qu'iladefe laiiîcr fi forcamenufer fans fe rompre iamais. vTouteslefquelleschofes bien confiderees,auec autres excellentes proprietez qu'il a , donneront à entendre aux hommes d'entendement, pour- quoy en l'Eicriture fain&e la Charité faccom- pare à l'or. Au refte, il eft peu de befoing de raconter Ces excellences , pour le faire eftimer &: rechercher. Car la plus grande excellence qu'il ait, eft d'eftreja cogneu, comme il l'eft en- tre les hommes, pour lafuprefme puiflance & grandeur du monde. Venant doncànoftrefujer, il y a aux Indes grande abondance de ce métal, Vlin. lib. 11. Canj. Pfsl.67. Thren.4f. lob 18. HISTOIRE NATVRELLE &fçait-on parles hiftoires certaines que les ïn- guas du Peru ne fe contentoient pasd'auoir de grands Se petits vafes d'or,dcs cruches, des coup- pes,des tailes,& des Haicons , voire des tinnes ou grands vailîeaux : mais aufïï en auoient-ils des chaires,desbrancarsou lictieres tout d'or maflïf: & en leurs temples auoient mis plufieursftatuès ôc images d'or mafîif , defquellesl'onen trouue encoren Mexiquequelques-vnes,mais non pas en telle quantité que quand les premiers conque- fleurs arriuerent eu l'vn Se en l'autre royaume; qui y trouuerent de grandes richeifes, Se en fuc encorfans comparai/on caché dans terre beau- coup dauantage par les indiens. Ce feroit chofe qui iembleroit fabuleufe de raconter qu'ils ayenc fait des fers àcheuaux d'argent à faute de fer, Se qu'ils ayent payé trois cents efeus d'vne bouteil- le de vin,& autres choies cftranges : Se toutesfois en verité,clles font aduenuës , voire $c des choies encor plus grandes. L'ou tire l'or de ces parties en trois façons Se manières , ou à tout le moins i'ay veu vfer de ces trois. Car il fe trouue de l'or en paille , ou pépin , de l'or en poudre, & de l'or en pierre. Ilsappellent l'or en pepin,de petits mor- ceaux d'or quife trouuent ainiî entiers , Se fans meilange d'autre métal , lequel n'abefoin d'eftre fondu ny affiné par le feu,& les appellent pépins, poureequ'ordinaircmét ce (ont petits morceaux comme pépins ou femenec de melons &citrouil- les,& celuy dont parle lob, quand il dit , Icuetlltus Attmrn. Combien qu'ilarriuc quelquesfois qu'il y an a de plus grands , Se de tels , que i'en ay veu qui peibientplufieursliurcs. C'elt î'excelience & la DES INDES. L I V. IIII. I 2,8 grandeur dece met;4 feul (félon que Plineancer-P'",•flk•3, me) de fetrouuer ainfipur &parfait,chofe qui04^'*" n'aduient point à tous autres metauxjefquels onc toufiours de l'efcume ô\:du terreftre,c\: ont de be- foin qu'on les affine auec le feu. I'ay veu mcfme de l'argent naturcl,en façon iTieiine il y en a d'autre que les Indiens appellent Papas, & quelquefois il l'en tronue des morceaux de tout pur & fin, en façon de petites racines ron- des,ce qui efl. rare toutesfois en ce métal , mais a f- fez ordinaire en l'or. Il fe trouue peu de cet or en pépin , au refpecl: des autres eipeces. Cet oren pierre eft vne veine d'or qui naift & ^engendre dans la m.efme pierre ou caillou , comme i'ay veu aux m ines de Caruma au gouuerncment de Salli- nés, des pierres fort grandes toutes pénétrées 5c trauerfees d'or. D'autres qui eftoient la moitié d'or,&: l'autre moitié de pierre. L'or qui eft de cè- de façon fe trouue en des puits ou des mines qui ont leurs veines comme d'argent, mais ils font trcs-difhcilesàtirer. Agatarcbidesefcritauliure cinquiefme de la mer Erythrée ou Rouge (ainfî raconte Phocion en fa Bibliothèque ) la façon ôc manière d'affiner l'or tiré des pierres , de laquelle ontvfé anciennement les Rois d'Egypte, & eft vne choie admirable, de voir comme ce qu'il en eferit relFemble & fe rapporte proprement à la façon dont l'on vie encor maintenant à raffinée ces métaux d'or & d'argent. La plus grande quan- tité u'or que l'on tire ôc recueille es Indes eft de ecluy qui eft en poudre, qui fe trouue es riuieres ou es lieux 3c torrens où beaucoup d'eau'cs ont Plue, d'au tac que les fleuues des Udcs font abow- HISTOIRE NATVREI, LE dans en cc&e efpece d'or.Comrns les anciens ont célébré pour celte occafion leTage en Efpagne, le Pa&ole en Afie,& le Gange en l'Inde Orienta- le, ôt appelloienti. tmenta juri t ce que nous au très appelions l'or en poudre , & eltoit la plus grande quantiré del'oi qui (c faifoit à piefentqueces ta,-. cleures ôc poudies qui fetiouuoientésiiuieies. A prefent auxiflesde Barloucnte, Efpagnollc, Cube,& Porc- riche y en a eu , Ôcycn aencorcn grand abondance es riuieres , mais on en rappor- te fort peu en Efpagne, par faute de naturels du pays,&: pour la difficulté qu'il y a de le tirer. Il y en a grande quantité au Royaume de Chillé, de Quuto,&:au nouueau royaumede Grenade.L'or le plus célébré e(l ceiuy de Caranaua au Peru , & ceiuy de Valdiniaen Chillé, d'autant qu'il vienc auec l'alloy ôc perfe&ion , qui font vingt-trois quillats&demy, voire quelqucsfois plus. L'on faite lia tau m* de l'or de Verapua pour eftrc très- fin. lis apportent meime beaucoup d'orà Mexi- que des Philippines ôc de la Chine, raaiscom- munémétileft foible&debasalloy.L'orie trou- ue meflé.ordinairement ou auec l'argent ou auec "' J'lccuiure. Pline dit qu'il n'y a aucun or où il n'y ait quelque peu d argent ou de cuiure. Mais ce- iuy cjuied meilé d'argent e(l communément de moins de quillats que ceiuy qui eft méfié de cui- ure. S'vly ala cinquiefmepartie d'argent, Pline die qu'il l'appelle proprement elccïrui», quia la propriété de reluire plus à la lumière du feu , que l'argent fin, ny l'or fin. Ceiuy qui eft auec le cui- ure eft ordinairement du plus haut alloy.On raf- fine l'or en poudre en des lauoirs enieiauancen beaucoup M/M DES INDES. LIV. II II. 1 29 beaucoup d'eauë, iufqucs à ce que le Cable tombe des plateaux, Ôc l'or 'comme le plus pelant de- meure au fonds. L'on l'affine mefrneauee du vif- argent, & auec de l'eau'ë forte, pource que l'allun dont on fait celle eauè , a la vertu de ieparer l'or d'auec l'ordure ou des autres métaux Apres qu'il ell purifié ôc fondu ils en font des briques ou pe- tites barres pour l'apporter en Efpagne ? pource qu'e liant en poudre on ne le pourroit tirer des Indes , car on ne le peut quinter, marquer ny ef- fayer qu'après qu'il eft fondu. Le lufdit hifterio- Pli»- l&> graphe raconte que l'Elpagne fur toutes autres 33-M/M- prouinces du mode eftoit abondante en des mé- taux d'or Ôc d'argent, fpecialement Gallice ôc Portugal, & fur tout les Allures, d'où il raconte qu'on apportoit par chacun an à Rome vingt mil liures d'or, ôc qu'il ne f'entrouueen aucun autre lieu vne telle abondance. Ce qui femble eftretefmoignéauliuredesMachabées,oùileft M4, 8 dit entre les grades richelïès des Romains, qu'ils eurent en leur puillance les métaux d'or ôc d'ar- gent qui font en Efpagne. Auiourd'huy ce grand threfor d'Efpagne luy vient des Indes,en quoy la diuine prouidence a voulu qu'aucuns Royau- mes feruent aux autres , &leur communiquent leurs richelïès afin de participer de leur gouuer- nement pour le bien des vns ôc des autres, en fc communiquant reciproquemet les biens ôc grâ- ces dont ils iouilTènt. On nepeutbienaprecier ny eftimer le nombre & quantité d'orque l'on apporte des Indes , mais l'on peut bien affermer quec'eft beaucoup dauantage que ce que Pline raconte qu'on apportoit chaque an d'Efpagne à R ,--:■ HISTOIRE NATVRILLE Romc.Enlafloteoùievins,qui fut l'an 1587. la dei laration de la terre ferme fut de douze calions d'or, defquels chaque cation, pour le moins pe- foit quatre arobes,qui font cent limes pétant: ôc mil cinquante fix marcs de la neufue Efpagne, qui eftoit tant feulement pour le Roy,lans ce qui vint pour les marchands & particuliers , eftant enregiftré,& ce qui vint non enregistré , comme Ton en apporte beaucoup. Cela fufht en ce qui touche l'or des Indes : de l'argent nous en dirons maintenant. De l'argent des Indes. c h A P. V. gag O v s lifons au Hure de lob ces paroles:ZV- ié&BÏgcnt a certains commencemens £r racines en fa veines, & l'«r a [on lieu arrcjié où il s'engendre & s'ef paifiitjefer en fouifjantfe tire de la terre , & la pierre fondue par la chaleur fe tourne en cuiure. Par cela il déclare en peu de paroles fort fagementlespro- prietez de ces métaux , largent ,1'or, le fer , & le cuiure. Nous auons dit quelque chofe des lieux où l'or ^engendre & fe congelé, qui font des fuf- dites pierres au profond des montagnes & es en- trailles de la terre ou de l'arène des riuieres ,& es lieux par où les torrens ont patfe,ou bie aux tres- hautes montagnes :lefquelles poudres d'or def- cendent&fefcoulcnt auecreaue' quieftla plus commune opinion que l'on tient es Indes. D'où vient que plufieuis du vulgaire croyent que le déluge ayant noyé toute la terre iufques aux plus hautes montagnes, a efte caufequ'à prçfcnti'on DES INDES. LIV. Mil. im trouuecct or ésriuieres, &: en des lieux fi éloi- gnez.Nous dirons maintenant comme l'on de£ couure les mines d'argent,de leurs vei^s,ràcinës ôc commencemens,dont parle lob. Et diray en premier lieu que la cauiepour laquelle Ton don- ne le (econd lieu à l'argent entre ies métaux, eft poureequ'ilapprochede l'or plus que nul autre d'iccux, en ce qu'il cil plusduiable , ôc le Lent moins endômagé du feu', (e laillànc aufïï manier ôc mettre en œuurc plus facilement que les au- tres5voireil fufpafle l'or en la clarté ôc iplédeur, &c au ion qu'il a plus clair Ôc plus agréable Caria couleur eft plus conforme ôc reiîemblantelalu- micre,& ton l'on eîl plus pénétrant, plus vif, ôc plus delica: . Auiïi y a-il certains lieux efqueL ils eltiment l'argent d'auantage que non pas l'or. Toutesroisc'ett vu argument ôc fignepouriuoer que l'or eft plus précieux de tous les métaux , en ce qu'il fe trouue plus rarement , ôc que la nature ie moftre plus efcharlê à le produire que non pas lesautres:encor qu'ily ait des terres(comme l'on dit de la Chinc)eîquellcs l'on trouueplus facile- ment de l'or,que de l'argent meime. Toutefois c'eft chofe plus commune ôc ordinaire , que Ton trouueplus facilement &cn plus grande abon- dance de l'argent que de l'or. Le Créateur a pour- ueu les Indes Occidétales d'vne fi grande richef- le d'argent, que tout ce quel'ou void es hiftoires anciennes, ôc tout ce que l'on dit des argenteries ôc minières d'Eipagne ôc des autres prouinees, eft beaucoup moins que ce que l'on void en ces parties là. Les mines d'argent ie trouuent cômu- nément es montagnes Ôc roches très- hautes, Rij ; HISTOIRE NATVRELLE & du tout delertes-,encores qu'autres fois l'on en ait,trouuéés plaines & campagnes. Ily en a de deux fortes différentes, les vnes qu'ils appellent efgarees,& les autres fixes 5c arreftees. Les cfga- reesiont des morceaux de métal qui fetrouuent £ amalïez en quelques endroits , lefquels eftans ti- rez &leuez,l'on n'cntrouue point après dauan- tage. Mais les veines fixes font celles qui en pro- fondeur &c longueur ont vne fuite continue en faconde grandes branches & rameaux d'vn ar- bre, & quand l'on en a trouuc vne d'icelles , l'on çntrouue ordin;uremétplufieurs autres au n-, ci- melieu. Lafaçonde purger & d'aifinc! l'argent de laquelle ont vfé les Indiens eftoit par fondure, en fondant & faifant refoudre cefte malle de mé- tal par le feu quiietteie terreftre d'vn colU, 8c par fa force fepare l'argent d'auec le plomb, le - ftain d'auec le cuiure & les autres métaux qui le trouuent mêliez. A cefte fin ils failbient & baftif- foient des petits fourneaux en lieux où lèvent iouffloit le plus communément , &: aucc du bois & du charbon qu'ils y mettoient, faifoicntleur artifice & leur affinement, Rappellent au Peru ces fourneauxGuayras. Depuis que les Efpagnols y fontentrez,outre cefte façon de fondre & d'af- finer, dont ilsvfcntencor à prefent, ils affinent aufîi l'argent aucc du vif- argent , & en tirent d'a- uantage par ce moyen, que non pas en le faifant fondre & l'affinant par le feu. Canlfctrouuedn métal d'argent que l'on ne peur affiner ny purger aucunementaueclefeu, mais feulement aucc le vif argent. Mais cefte forte de métal cft commu- ne ment métal pauure fcfoible, qui eftceiuy cou- DES INDES. LIV. III. I 3 I tesfoisqui fetrouue en plus grandeabondance. Ils appellent panure cehiy qui rend & donne peu dargent,& grande quantité de metaly«& celuy-là riche au contraire,qui donne & rend plus grande quantité d'argent. Ceftvnc chofemerueilleufe non Seulement de cède différence Se diucrfité qui fetrouue à affiner vn métal par le feu, & l'au- tre fans feu, auec du vif-argent, mais au (II dece qu'aucuns de ces métaux qui l'affinent au feu ne peuuent pas bien eftre fondus quand lefeueneft allumé auec duvet artificiel,comme de foufriets, mais feulement quand il eft foufflé &allumé auec l'air naturel Se le vent qui court. Et d'autres au contraire, qui font plus facilement fondus auec l'air artificiel des ioufflets , que non pas auec l'air & le vent naturel. Le métal des mines de Porco l'affine facilement auec des foufflets, Se celuy des mines de Potozi ne peut eftre fôdu auec les fouf- flets, mais feulement par le moyen de l'air des Guayras,qui font de petits fourneaux aux codez des montagnes,baftis exprés du codé du vent , au dedans defquels ils fondent ce metal:& combien que ce foitchofe difficile de donner raifon à cè- de diuerfité, toutesfois elle eft toute certaine & approunec par la longue expérience. Tellement quel'auaricicuxdefir de ce métal ranteftimédes hommes, leur a fait rechercher mille inuentions Se gentils artifices , d'aucuns delquels nous feros mention cy-apres. Lesprincipaux lieux des In- des où l'on tire l'argent ion t la neufue F. fpagne Se le Peru, mais les mines du Peru furpaiïent de beaucoup les autres , Se entre toutes les autres du monde celles de Potozi , defquelles nous traitte- R iij :--:•' HISTOIRE NATVRELLE ronsvnpeuàloifir, pource que ce iont des cho- fes plus eclebres & plus remarquables qui foient es Indes. De la ' mont.izncou colline de Voto^i, &■ cle fa defeo intertitre. CHAP. VI. fo££ A montagne ou colline de Potozi tantre- Éâ'nomrace efthtuee en la prouince de Char- cas au Royaume duPeru,diftant dei'Equinoxc vers le collé du Sud ou Pôle Antarctique de it. degré deux tiers: de forte qu'elle tombe fous le Tropiqueaux confins de laZoneTorride,& tou- tesrois cède région eft extrêmement froide,voire plus que n'eft pas Caftillc la Vieille au Royaume d.'Hfpagne, &plusencor que la Flandre mefme, combien que par raifon elle deufl: eftre chaude ou tempérée, eu efgard à la hauteur 8c èGeuatiorj dupoleoù. elleeft (Ituec. La raifon de ceftefl froi- de température eft que celle montagne eft fort ef- leuee,&: qu'elle eft agitée & hanteede vents qui iont fort froids & intemperez , fpecialementde celuy qu'ils appellent Thomahaui, qui ell impé- tueux &tres-froid. Il règne ordinairement es mois de Iuin,Iuillet,& Aouft. Le fonds ôc terre de celle montagne eft fec,froid Se fort mal agrea- ble,voiredu tout fterile, qui n'engendre ny pro- duit aucun fruict , ny herbe , ny grain, aufîï eft-il naturellement inhabitable pour i'intemperatu- renuciel,&la flerilité de la terre. Mais la force de l'argent qui attire à foy l'aiiarice &c le defîr des autreschofes,apeupIéce(lc montagne plus que DES INDES. LIV. HT. I 3 2. aucun autrelieu qui foie en tous ces Royaumes, la rendant fi abondante de toutes (ortes de vian- des,qu'on ne peut defirer chofe qui ne l'y trouue* voire en grande abondance:& combien qu'il n'y ait rien qneeeque Ton y apporte par voiture, neantmoins les places y (ont fi pleines de fruicts, conferues,vins exquis,foyes , & toutes autres de- lices, au'il ne l'en trouue en autre endroitdauan- tage. Cefte montagne eft de couleur tirant fur le roux &obfcur,&eft fa façon d'vneaflez agréable ren contre à la veu'c,reflcmblant parfaitement la forme d'vn pauillon rond , ou bien d'vn pain de fucre. Ellefefleue ôc furpafic toutes les autres montagnes & collines qui font àl'enuiron. Le chemin par lequel on y môteeft fort afpre& fort roidc,encorqu'ony aille tout à chcual. Elle finit parle haut en pointe de forme ronde, ôc a en (on pied vne lieue de circuit. Elle contient depuis le fommetiufquesau pied mil Gx cents vingt qua- tre verges communes } lefquelles réduites à la mefure des lieues d'Efpagne, font vn quart de lieue. Au pied de cefte montagne l'on void vne autre petite colline qui naift d'icelle, en laquelle anciennement il y a eu quelques mines de ces métaux efpartis ôc fans fuite, qui fetrouuoient là comme en desbourfes, ôc non pas en des vei- nes fixes &continucs,& neantmoins elles eftoiéc fort riches, encor qu'elles flirtent en petit nom- bre. Ce petit roc eftoit appelle des Indiens, GuaynaPotozi , qui veut dire le ieune Potozi, au pied duquel commence l'habitation des Ef- pagnols& Indiens, qui font venus à la richef- le ôc à l'œuure de Potozi : laquelle habitation R iiij HISTOIRE NATVREILE peut contenir quelque deux lieues de circuit ,& toute la plus grande traicte& commerce qu'il y ait en aucun lieu du Peru,fe fait en cède habita- tion. Les mines de cefte montagne n'ont point eftéfoiiyesnydefcouueites du temps des Ingnas, qui eftoientles feignems du Pcru, auparauâtque les Efpagnols y entraient a combien qu'ils ayent fouy & ouuert les mines de Porco, alïez proches dePotozi, n'eneftant diftantes que de fix lieues feulement. La caufe en pouuoit eftrc , faute d'en auoir eu lacognoifTance, combien qu'aucuns ra- content ie ne Içay quelle fable, que comme on voulut quelquesfois ouurirces mines , vne voix fut entendue, qui difoit aux Indiens qu'ils n'y touchaient pas, Se que cefte montagne eftoit re- feruee pour d'autres. Dcvray l'on n'euft aucune cognoi fiance de Potozi,ny de fa richefîe,que iuC- ques à douze ans après l'entrée des Efpagnols au Peru,duquel ladefcouuerturefcn fît en cefte fa- çon. Vn Indien appelle Gualpa , de la nation de Chumbibilca,qui eft vne prouince de Cufco,al- lantvniouràla chaiïè Se pourfuite de quelque venaifon , Se cheminant vers la part du Ponant, où la befte fc retiroit%commenca de courir à mot le roc,qui pour lors eftoit couuert,& planté pour la plus-part de certains arbres qu'ils appellent Quinua, &debui{Tonsfortcfpais, Se comme il fefleuoit pour moter en vn partage , quelque pe*i afpre Se difficile , fut contraint mettre la main en vne branche, qui fortoit de cefte veine d'vne mi- ne d'argent (à laquelle depuis ils ont donné le nom de riche) qu'il arracha, & apperceut en la folle & racine d'icelle le métal, qu'il recogneut DES INDES. HV. I I 1 1. 133 eftrefortboi-^paiTexperiencequ'ilauoitdeceux de Porco : puis ayant trouué en terre , joignant cefte veine quelques morceaux de metal,qui Pe- ftoienc rompus & départis d'iceîle,fàns toutes- fois qu'on les peuft bien cognoiftre, àcaufeque leur couleur eftoit changée & gafteedu Soleil 8c de l'eaueVli les porta à Porco efiayer par Guayras (qui eftefprouuer le métal par le feu) &:ayantre- cogncu par là fa grande richeiTe, & heureufe for- tune, fouyflbic& tiroit fecretement cette veine fans le communiquer, ou en parler àperfonne, iufques à cequ'vn Indien,nommé Guanca, natif de la vallée de Xaura,qui eft aux limites de la cité des Rois,Iequel demeurât au lieu de Porco , pro- che voifin de ce Gualpa, Chumbibilqua fapper- ceutvniour qu'il faifoit quelque arïïnement, 8c qu'il faifoit de plus grands fomons 8c briques, que celles qu'on faifoit ordinairement en ces lieux,pourcemefme qu'il augmentoit en deipen- le d'habits, ayant iufques alors vefcuafïez pau- uremenc. Pour cède occafion, &quece métal que fon voifin aftinoit &mettoit en œuure,cfl;oit différent de ceîuy de Porco, ilpenfadcdeicou- urir ce fecret, & fit tant que combien que l'autre tint fon affaire feercte autant qu'il luy eftoit pof. iible,neantmoins par importunité fut contraint de le mener au roc de Potozi,- ayant défia pa(îé deuxmoisenlaiouiiïancedeccriche threfor. Et lors l'Indié Gualpa dit à Guanca qu'il print pour là part vne veine qu'il auoitdefcouuerte,laquelle eftoit proche delà veine riche , &eft celle que l'on appelleauiourd'huy la veine de Diego Cen- teno,qui n'eftok pas moins riche } mais feulcmét . -■:-■ HISTOIRE KATVRELLE plus dure à fouir,& plus difficile à tirer. Parain/ï tout d'vn accord partirent entr'eux le roc le plus riche du monde. Il aduint du depuis que l'Indien Guanca trouuanc queique difficulté à fouir Se cauer fa mine,qui cftoit très dure,& l'autreGual- pa,neluy voulant faire partdela Henné, eurent débat enfemble, & pourcefte caufe le Guanca de Xaura irrité de cela,& de quelque autre ch ofe,aI- ladefcouurircefte affaire à (on maiftre, qui f'ap- pelloitVuillarocl, Efpagnol,qui lorsrefidoit en Porco. Ce Vuillaroel en voulant cognoiftre la verité,alla en Potozi , & trouuant la richefle que ion Yanacona,ou feruiteur luy auoit dit, fit enre- gistrer l'Indien Guanca, i'eftaquantauecluy à la fufdite veine,qui fut dite Centeno, ils appellent cela eftacquer,qui vaut autant que (ignaler & re- marquer pour ioy la mine,& autant d'eipace que laloy concède Se permet à ceux là qui trouuent vue mine , ou bien à ceux qui la foiiyiTent:au moyen dequoy après l'auoir monftree Se defeou- uertcàla iuftice , ils demeurèrent feigneurs de la mine, pour la fouyr& en tirer l'argent, comme de leurpropre,en payant-feulement au Roy fou droictdecinquiefme. De forte que le premier enregiftrerriêt Se déclaration que l'oh fit des mi- nes de Potozr, fut le vingt Se vniefme iourdu mois d'Auril,dei'an mil cinq cens quaràte cinq, au territoire de Porco, par lefdits Villaroel Efpa- gnol,& Guanca Indien. Incontinentapresl'on defcouurir vue autre veinequ'ilsappellentveine d'eftain,qui aeflé tres-riche,quoy que rude Se la- borieufeà y trauaillcr , pour élire fon métal auiïi dur que le caillou. Du depuis le trentiefmeiour DES INDES. L1V. I I 1 1. 134 d'Aouft , au mcfme an de quarante- cinq, la veine appellee Mendiera, fut enregittree,qui font les quatre principales veines dé Potozi.Ils difeut de la veineriche, la première qui fut defcouucrte, que Ton métal eftoit hors terre la hauteur d'vne lance en façon de rochers, foufleuant la fuperfî- cie de la terre , comme vue crefte de trois cents pieds de longueur,& de treze de large,& que cela demeura deleouucrt ôc defeharne par le de delu - ge,ayantcefte veine comme la partie la plus du- re, refifté à la force &impetuofué des eaues. Son métal elîok fi riche, qu'il y auoitlamoitiéd'ar- gcnt,&:continua cefte veine en fa richelïe iufques à cinquante &foixan te ftades , à la hauteur d'vn homme deprofondeur,où elle vint à defaillir.De ceile façon furent defcouuertcs les mines de Po- tozi par Iaprouidencediuinc, laquelle a voulu pour la félicité d'Efpagne, que la plus grande ri- cheiîe qu'on fçache,& qui iamais ait eftéau mo- de,fult cachée pour vu temps, pour la defeouurir au temps que l'Empereur Charles le Quint, de glorieufe mémoire, tenoit l'Empire, les royau- mes d'Efpagne,&: la feigneuriedes Indes . Incon- tinent après que la defcouuerture dePotozifuc cogneuë aux royaumes du Peru , plufieurs Efpa- gnoIs,ô\: prefquc la plus-part des bourgeois de la cité d'Argent, quieftàdix-huiifHieuësde Poto- zi,vindrent pour y prendre des mines , melmesy vindrent plufieurs Indiés de dinerfesprouinces, &fpecialement hs Guayzadorcs dePorco , Il qu'en bref temps ce fut la meilleure 8c plus gran- de habitation de tout le royaume. -■;■■' HISTOIRE NATVREl, LE Tlin.îtb. Delà ricbeffe que l'on a tirée & tire chacun tour du roc ou montagne de Voto%i. c n a p. vu. rttt$ 'A y efté plufieurs fois en doute fil fe trou- W&l uoit aux hiftoires des anciens vne fi grande richefle de mines , comme celles que nousauons veu'ésdenoftretempsau Peru. S'il y a eu iamais au monde des mines riches & renommées pour cet efFedl, ce onrefté celles d'Efpagne , dont les Carthaginois ont ioiii,&du depuis les Romains: lefquelleSjCommei'ay dit, ne font pas feulement eftimecs & renommées par les liures profanes, mais aulïi par les Efcritures faincles. Celuyqui plus particulièrement tait mention de ces mines, au moins que i'aye veu , eft Pline , qui eferit ainfi. en fon hilloire Naturelle: Ilfe tronuc de ï argent prcfquc en toutes f -minces , mais celuy d'Ffpagne ejl le meilleur de tous, lequel croift & s'entendre en vne terre fivnle^iux niontagnes & rochers , £r est chofe certaine GJ' infaillible que s lieux ou l'on a ynefois defcouucrt au- cunes de ces "veines , il y en a d'autres qui n'en/ont gue- rcs efloignccs : ce qui Ce trotiue au fit piefquc en tous au- tres wctaux\& pour cela les Grecs (à mon aduts) les ap- pellerait métaux. Cejî r?ie chofe ejlrange, que les puits ou trou:- de ces mines d Efpagnejefquels on commença à four du temps de Hanmbaffevoycnt encorà prefent3 ^retiennent enco) les mefmes noms de ceux quiksdcf- counrirent. TLntrc ces mines,celle que dcfcouurit Bebel- lo, qui en relient le nom encor amourd'huy , fut fort re nommée./? dit-on an elle donnoit & rapportait [i gran- de richeffe à fon maifircHanmbal^ que chaque tour l'on DES INDES. L1V. II II. I 3 f fccuetlloit trois cens hures a-argent, <& mfques à main* tenant on atoujiours continué de trauadler à ccslemi- m\d ■ telle for te, qù elle efl à tnrjcnt de mtl cmq cents pas de profondeur , caueeen la montagne. Defqucls puits nea Hmoinscefie grande profondeur 9 les Gafcons qmy trauaillent tirent l'eauè qu'ils y trouuent pour les affe- cbc>\£? y cauer mieux à leur aife > tout durant le temps Genehw- que les chandelles £r la lumière leur durent ^en telle abo dusmchro dan ce qu'ilfem lie que ceqùili en iett ènt fait vnc rime- no2>raP'na' re. Iufques icy lotit les paroles de Pline, que i'ay voulu icy reciter de mot à mot, pour contenter dauaniageceuxquientendëc quec'ell démines, voyant que la mc;mediolc qu'ils expérimentent auiouid'huy , a efte exercée par les anciens. Et certainement larichelfcde celte mined'Hanni- bal aux monts Pyrenee^eRou grande & bien re- marcnable,laquelleles Rorqams poirederenc ,y ayâs connue Ton ouurage,iufques au téps de Pli- nc,qui fut comme trois cens ans. La profonditc de celte mineeftoitde mil cinq cens pas, quieft vn mil & demy,&. fut fi riche au commencemet, qu'elle valloit à Ion maiftre par chacun iour trois cens liures, de douze onces la liure. Mais combié que cède richellè ait elle grande , elle n'approche neantmoins a celle qui de noftre temps f'eftrc- trouuceen Potôzi. Car comme il appert par les regiitres delà maifon delà contraclation de celle prouince, &■ comme pluficurs hommes anciens dignes de foy l'attellent , au temps que le Licca- tie Polio gouuernoit cède prouince, qui fut plu- fieurs années après laddcouuertede ceftemon- tagncl'on enregiftroit& tiroir pourlacinquie£. me chacun Samedy cent cinquante & deux cens - --;•■' HISTOIRE NATVRELLE milpezes , dontle cinquiefmcrcuenoità trente & quarante nui pezes,& pour chacun an vn mil- lion & demy on peu moins. Tellement que fui- uant ce contej'on tiro; t chaque iour de cette mi- ne comme trente mil pezes, dont il reuenoit au Iloy pour la cinéHiiefrne, fix mil pezes par iour. Il yaencor vnechofe à 'mettre enauant, pour montrer la nehelîe de Potozf, que le conte qui a efte fait n'eft feulemét que de l'argent qui fe mar- quoit&: quintoit, ckeftehofe cogneuëau Peru, que Ton a vfélong temps en ces royaumes d'ar- gent qu'ils* appciioient courant, lequel n'eucit marqué ny quinte. Et tiennent pour certain ceux qui cognoillent cGs mines, qu'en ce temps la plus grandepartie de l'argent que l'on tiroitdwPoto- zi ne fe quintoit point, éVeftoit celuy quiauoic cours entre les Indiens, & beaucoup «ntre les Efpaijnols, comme iel'ayvcu continuer iu fanes à mon temps. Par cela l'on peut bien croire, que le tiers de la richclle dePotozi, voire la moitié nefemanifei'oit ,ny ne fe quintoit point. Il y a encor vne autre considération plus remarqua- ble, en ce que Pline met , que l'on auoit fouy mil cinq cents pas en celte mine deBabello,& que toujours l'on trouuoit de l'eauë , qui eft ce qui donne le plus grand empefehement qui foit à ti- rer le métal des mines. , Mais en celle de Potozi, encor que l'on y ait fouy & caué plus de deux cens fta;ic; ou hauteurs d'vn homme en profon- deur, iamais on n'y a trouué d'eanë , qui eil le plus grand heur de cefte montagne. Maisquoy? les mines de Porco, dont le métal eft très- bon Se tres-nche, loin auiourd'huy deiaiiîëes pour l'in- DES INDES. II V. III I. I$6 commodité de l'eau qu'ils y ont rencontrée en y fouillant: pourceque ce font deux trauauxin- fupportablesen recherchant le métal, decaucr& rompre les roches.&rd'en tirer l'eaue tout enfem- ble.Le premier defquels,àfçauoir de cauer la ro- che, donne allez de peine, voire eft trop dur& trop exceffif. Finalementauiourd'huy fa Majefté reçoit pour Ton quint par chacun an l'vn portant l'aime, vn million de l'argent des minesde Poto- zi, fans l'autre richclîe qui luy vient de vif- arget, & autres droicts royaux qui e(l vn grand threfor. Quelques hommes experts ayans fupputé lts contcs,di(cntqneceqneronaapportéàquinter en la calfe , ou douanede Potozi , iufques en l'an mil cinq cens quatre vingts cinq, femoteàcenc millions de pezes d'ellay, dontehaque peze vaut treze reaux & vn quart , fans conter l'argentquc l'on a peu tirer fins quinter, &qui a-^fte quinte es autres calles Royales , & fans l'argent courant que l'on a mis en ceuureau pays , qui n'eft point quimc,quicft. vue chofe innombrable, combien que les premiers regillres des quints ne foient pas fi clairemenr,ou intelligiblement efcrits,que font ceux d'auiourd'huy : pourec qu'aux com- mencemens,& prcmicresdefcouuertes, l'on fai- foitlareceptepar Romaines, tant eftoit grande l'ahondace qu'il y en auoit. Mais par les mémoi- res & recherches que fitleViceroy DomFran- cifque de Tolledc , en l'année mil cinq cens foi- xante & quatorze fe trouua qu'il y auoic foixante &feizemillions,iufquesen ladite année, ôc de- puis ledit an iufques à celui de quatrevingts cinq incluiiucmcnt, il appert par les regiftres royaux . --:•* HISTOIRE NATVRELLE qu'il feft quinte iufqucsà trente-cinq millions. L'onenuoyaau Viceroy ceconte dePotozi,en l'anqnei'ay dit,lorsquei'cftoisau Peru,&:du de- puis la riçheiïe qui eft venue aux flotes du Peru, eft montée à beaucoup dauantage. En la fioteoù ie vins,de l'an mil etnq cens quatre vingts fept,il y auoit onze millions qui vmdrent aux deux flo- tes du Peru 8c Mexique, dot les deux tiers eftoiet en celle du Peru, 8c y en auoit preique la moitié pour le Roy. I'ay voulu déduire cec.y particuliè- rement, afin de faire en tendre la puillance que la diuineMajeftéavoulu donner au Roy d'Eipa- grie, fur les chefs defqucls tant de couronnes 8c de royaumes ont efté ama(Iez,& lefqucls par (pé- dale faneur du cielj, ont ioint les Indes Orienta- les auecles Occidentales , enuironnans tootlc monde par leur puillance. Ce que l'on doit croi- re eftre ainfiarnuc par la prouidence de noltre Dieu , pour le bien de ces peuples qui viuent fi efloignez de leur chef,qui eft le Pontife Romain, Vicaire de Chriftnoftre Seigneur, enlafoy &o- beiifance duquel , tant feulement Ton peut eftre faune, 8c mefme pour la defenfede la foy Catho- lique 8c de l'Eglife Romaine, en ces parties,où là vérité eft tant oppugnee, 8c pourfuiuie des héré- tiques. Et puis que le Seigneur des cieux, qui dÔ- ne & ofte les royaumes à qui il veut,& comme il luyplaift Ta ainfi ordonné, nousledeuons iup- plier qu'il luy plaife fauorifer le zèle pieux du Roy Catholique, luy donnant heureux fuccez, Ôc profper« victoire cotre les ennemis delafain- clefoy,veu qu'en cefte caufeil gsfte le threfor des Indes>qu il luy a dôné,voire en a befoin de beau- coup DES INDES. LIV. II II. 137 coup dauantage. Cependant il fufhtdauoir fait cède digrefïïon pour monftrec les richefîes de Pocozi. C'cllpourquoy nous revendrons àdirc comme l'on trauailleés mines,& comme l'on af- fine les mecauxqueronen tire. Comme ton travaille es mines de Vuto?xi. c H A P. VIII. Bottius àt Xrr^fj O e c e fe plaignant du premier inuenteur Bott"*s î&h des mines, dit tort bien: H eus primus t HISTOIRE NATVRELLE feruy pour donner remède à ceux, es oreilles des- quels on auroit mis du vif argent pour les faire mourir fecretement, de certaines petites platines d'or qu'on leur mettoit es oreilles, à caufede la vertu qu'a J'or d'attirer le mercure. Et par après ils tiroient les platines toutes blaches du vif ar- gent qui C'y eftoit attaché. Eftant vniourà Ma- drid allé voir les ouurages exquis que Iacomode Treço, excellent ouunerMilannoisfaifoit pour faind Laures le Royal, il aduin t que i e m'y trou- uay le iour qu'ils doroient quelques pièces d'vn contre-table qui eftoient de bronze, ce qui le fait auec vif-argent. Et d'autant que la fumée du vif- argent eft mortelle, il me dit que les ouuriers fe preferuoientdece venin en prenant vn doublon d'or roulé qu'ils aualoient,lequel eftant en l'efto- mach attiroit à foy tout le vif-argent qui leur en- troit en fumée par les y eux,par les oreilles,par les narines,^ par la bouche, & par ce moyen fega- rantifToient du dommage du vif-argent, que l'or attiroitainfi en l'eftomach , & iettoient en après le tout auec les exercmens , chofe certes digne d'admiration. Apres que le vif-argent a purifié l'or,& qu'il l'a nettoyé & purgé des autres mé- taux^ de tout rrieflange , il eft réparé luy-mefme d'auec l'or fonamy par la chaleur du feu , lequel le laiiî'e du tout purifié & Tans vif argent. Pline dit que par certain art Se inuentionl'on feparoit l'or d'auec le vif-argét , toutesfois ic ne voy point qu'auiourd'huy l'on vfedetel art, & mefemblc que les anciens n'ont point feeu & entendu que l'argent fe peut affiner auec du vif- argent, qui eft auiourd'huy le plus grand vfage & principal pi o- DES INDES. LIV. IIII. 142 fit du vif- argent, pource qu'il dit expreiïemenc que le vif-argent ne fe îoint àaucun ancre métal qu'à l'or , & lors qu'il fait mention d'affiner l'ar- gent, il ne parle feulement que de la manière de fondre , d'où l'on peut inférer que les anciens n'ont point cogneu ceiecret. A la vérité iaçoit qu'entre l'or & le vif-argent il y ait vue amitié & iympathie , neantmoins là où le vif-argent ne trouue point d'or, il fe va rendre à l'argent, & fe ioint auec luy , bien que ce ne foit pas de telle fa- çon qu'il fait aucc l'or. Mais en fin illenettoye,il le fepare d'aucc la terre, le cuiure & le plomb, paimy lcfquels l'engendre l'argent,làns qu'il foie beloin de feu pour le raffiner parfondure, en- cor qu'il fe faille feruir du feu pour Iefeparer d'a- uec l'argent, comme iediray cy-apres. Le vif-ar- gent ne tient conte des autres métaux, hor£mis l'or & l'argent : au contraire il les corrompt, les parforce&Iesconfomme, eV les va fuyant tant qu'il peut. Ce qui eftauffivnechofe admirable, ik pour cedecaufe l'on le met en des vafes de ter- re, ou dans des peaux d'animaux, d'autant que lî on le met dans des vaifleaux de cuiure , de fer, ou d'autre métal, auffi toft il les perce & corrompt, & pénètre auiu" toute autre matic're. C'eflpour- quoy Pline l'appelle le venin de toutes choies, & dit qu'il conlbmme & gaftetout. L'on trou- ue du vif-arget es fepultures des hommes morts, qui après auoir conlommé les corps, en fort fort net, & fort entier. Il l'en cft mefme trouue dans les o$& mouelle des hommes &c des ani- mauxjeiquels l'ayant receu en fumée parla bou- che & par les narines , il le congelé au dedans, HISTOIRE NATVRELLE & leur pénètre ainfi les os. Et pource c'eft vnc chofe fort dangereufe de hanter & fréquenter aucc vne créature fi venimeufe & fi mortelle. Il a aum" vne autre propriété de courir & faire cent mil petites goutes,defquelles pour petites & me- nues qu'elles puiiïent eftre, il ne fen perd pas vne, mais vont retournant par cyparlàfeioin- dreauec leur liqueur. Etcftquafi incorruptible, n'y ay^nt chofe prefque qui le puilîe gafter , d'où vient que le mefme Pline l'appelle fueur éter- nelle.Il a encer vne autre propriété, c'cft que co- bien qu'il foie ccluy qui fepare l'or d'auec le cui- ure,& de tous les autres métaux, neatmoins ceux qui veulent dorer ducuiure, du bronze ou de l'argent, feferuent du vif-argent!, pour eftre le moyenneur de cet aifemblement: car on dore les métaux par fon aide. Entre toutes les merueilles de cefte eftrange liqueur, celle qui m'a femblc plus digne d'eftre remarquée, eft que combien -qu'il foit la chofe la plus pefante du môde,nean t- moins il fe tourne totalement en la chofe plus légère du monde , qui cft la fumée par laquelle il monte en haut ayant efte conuerty en icelle,au(îï toft lamefme fumee,qui eft vne chofe fi legere,fe retourne du tout en vne chofe fi pefante, comme eft la propre liqueur du vif- argent :enquoy ilfe refout : car cefte fumec venat à rencotrer en haut le métal qui cft va corps dur , oubienvenantà vne région froide,au(îi toft il {'efpaiilît & fe tour- ne en vif-argent: que fi l'on luy donne vneautre fois le feu, tout de mefme ilfe retourne en fumée pour ferefoudreencor en vif-argent. Tranfmu- tation vrayement eftrange, d'vne chofe fi peian- DES INDES. LIV. III. I45 te en choie (I légère, & d'vne fi légère en vne fi pe- iante,ccque l'on peut tenir pour chofcrare en nature. Et pourcc l'autheur de la nature eft cligne d'eftre glorifié en toutes ces tk autres eftranges propricrez de ce métal , puis que toute choie en- gendrée obéit prornpccmentà Tes loix cachées &incoçneuës. Du lieu ou l'on trouue le vif-argent , & comme l'on di'fcouurit ces tres-ricbes mmes en Giuncauilc.i. C H A P. XI. to-jjj E vif- argent fe trouue en vne manière de Çgj&l pierre, laquelle donne & apporte auffi tout cnfemble ce vcrmeillon que les anciens appelle- jzzntMimuW) &encor auiourd'huy l'on appelle les images decriftal miniades,lefquels sot peints auecdu vif-argent. Les anciens ont beaucoup fait d'eftat de ce w/>;;«w,ou vermeillon, le tenant pour vne couleur facrec, comme Pline raconte, t.*j,c.7 difantqueles Romains auoientaccouftumé d'en peindre la facedelupitcr,& les corps de ceux qui triomphaient en Ethiopie, mefmes les ido- les, & les gouuerneurs aulîi auoient la face pein- te de ce mtnium.Et que ce vermeillon eûoit telle- ment cftimé à Rome ( lequel on y portoit feule- ment d'Efpagne, où il y auoit beaucoup de puits &dcmiues de vif-argent, qui y font encor au- iourd'huy ) que les Romains ne permettoiét pas que l'on l'afrînaft&aecommodaâen Efpagne,de peur qu'ils n'en defrobalTent quelque chofe, mais on leportoit à Rome , feellé , tout ainli en -•;•> HISTOIRE NATVRELLE pierre comme ils le tiroient de la mine,puis l'affi - noient. L'on y en apportoit par chacun an de rElpaCTnc,fpecialenientde l'Andaluzie , enuiron dix mil Hures, que les Romains eftimoientvne exceiïiue richeile. l'ay rapporté tout cecy de cet Autheur, afin que ceux qui voyent auiourd'huy ce qui (epalîeau Peru, ayent le contentement de feauoir cequi Pcftpaflc anciennement encre les plus puiiïans ieigneurs del'vniucrs.Ieledy pour leslnguas, Roysdu Peru,Sc pour les Indiens na- turels d'iceluy,qui trauaillerent 8c rouyrent long temps es mines de vif- argent, îansfcauoircc-quc c'eftoicdu vif-argêr,&fanslecognoi(he, nj (ans y rechercher autrechofeoue le cynabreou ver- meillô,qu'ils appellent Limpi, lequel ils eftiment beaucoup , pour ce mefme erre-ct que Pline a ra- conte des Romains, &des Ethiopiès,qui eft pour ie peindre 8c teindre la face 8c le corps d'eux Scieurs idoles, ce qui a efte beaucoup pratiqué par les Indiens, ipeciaU-ment quand ils alloient à la guerre, & en vient encor auiourd'huy quand ilsfont quelques dances 8c feftes, «Se appellent; celafc barbouiller, pource qu'il leur fembloit que les faces 8c vilages ainfi barbouillez efpou- uentoient beaucoup , 8c auiourd'huy le tiennent pour vn ornement, 8c mignardife. Pour cefte cauie il y a eu d'eftranges ouurages de mines, aux montagnes de Guancanilca , qui font au Peru, proches de la cité de Guamangua, des- quelles ils tiroient ce métal, &eft de la façon, que fi auiourd'huy l'on entre par les caues 8c {becabons , que les Indiens firent de ce temps là, les hommes i'y perdent , 6c netrouucnc point DES INDES. LIV. III. I44 de chemin pour en iortir : mais ils ne fc fou- cioicnc point du vif-argent, qui naturellement elt en la mefme matière, ou métal, de vermeil- Ion , ny ne cognoilloient point qu'il y euft au monde de telle matière. Les Indiens n'ont pas elle (èuls, qui ayent ette longtemps fans auoir cognoilîànce de cefte richeiîe , mais auflï les Elpagnols ont tflé de mefme, iufques à ce que en l'an mil cinq cens foixante iïx , & foixante iept,quele Licentié Caftrô gouuernoit au Pe- ru ,1'on (ickouurir Jcs mines de vif-argent , ce quiaduint de cette façon. Vn homme d'enten- dement, appelle Hcnrïcque Guarçes , Portu- gais de nation , ayant vn morceau de ce métal coloré, que i'ay dit, que les Indiens appellent Limpi,auec lequel ils le peignent le vifage , com- meille regardoit& contemploit , cogneut que c'eftoit la mefme chofe qu'en Caftille l'on ap- pelloit vermeillon. Et d'autant qu'il fçauoit bien que le vermeillon fe tire du mefme métal que le vif argent, il couiectura que ces mines deuoiemeftrc de vif-argent, & fetranfporta au lieu d'où l'on tiroit ce métal , pour en faire l'eflàr & l'expérience. Ce qu'il trouua eftre ainfi,& ayant de celte façon efte defcouuertesles mines de Pal- cas au terroir de Guamangua,ilyallagrad nom- bre d'hommes pour tirer le vif-argent , & delàle porter à Mexicque, où l'on affine l'argent parle moyen du vif- argent, dequoy plufîeurs fe font enrichis. Celle contrée de mines,qu'ils appellent Guancauilca,d«s lors fs peupla cî'Efpagnols & d'Indiens, qui y arriuerent, & auiourd'huy y ar- riuenc encor pour trauaiUer à l'ouurage de ces HISTOÎ^E NATVRELLE mines de vif argent,îefquelles font en grand no- bre& fort abondantes. Mais fur toutes ces mi- nes,celle qu'ils appellent d'Amador,de Cabrera, autrement des Saints, eft belle de remarquable. C'eft vn rocher de pierre très dure, toute femec de vir-argent,& detellegrandeur qu'elle l'eftend plus de quatre vingts varresen longueur, & qua- rante en largeur ,J«n laquelle mine Ton a fait plu- fieurs puits & folles de foixante Ôc dix ftadesde profondeur,delorte que plus de trois cens hom- mes y peuuenttrauailler tous enfemblctant eft grande (a capacité. Celle mine fut defcouucrcc par vu Indien d'Amador de Cabrera,appellé Na- uincopa , du bourg d'Acoria , & la fit enregt tirer Amadordc Cabrera en Ion nom. Il en fut en pro- cez contre le Procureur fifcal, mais par arreftl'v- iufruict luy en fut adiugé, comme ayant efté le defcouureur. Du depuis il vendit fon droict à vn autre, pour le prix de deux cens cinquante mil ducats,& par après ayant opinion qu'il auoitefté trompé en celle vente, mit enadtion l'acheteur, pourec qu'ils difent qu'elle vaut plus de cinq ces mil ducats, voire quclques-vns tiennent qu'elle vaut bien vn million d'or : choie rare, qu'il y ait vne mine de telle valeur & richeire! Lors que Dom Francifquede Tollede gouuernoitau Pe- ru,il y eut vn homme qui auoit elle en Mexique, ôc remarqué comme Ton afrinoit Targentauec le mercure,appellé Pero Fernandes de Velafco,qui l'offrit &f'ingera d'affiner & de tirer l'argent de Potozi, auec le mercure , & en ayant fait prcuue en l'an mil foixante & onze, en vint à fon hon- neur, &lors on commença eu Potozi à affiner l'argent , DES INDES. LIV. 1 1 1 1. 145 l'argent auec le vif- argent que l'on y portoit de Guancauelicqua.qui fut vn beau remède pour les mines :car par le moyen de ce vif-argent l'on tira vn nombre infini d'argent de ces métaux, dont ils ne faifoient point d'eftat, lefquels ils ap- pelioient racleures. Car comme il a efté dit, le vif-argent purifie l'argent, encor qu'il foit fec> paun re,& de peu d'alIoy,ce que l'on ne peut faire en le raiiant fondre par le feu. Le Roy Catholi- que tire de l'ouurage des mines du vif-argët, fans couil ny riique aucune, prcfque quatre cens mil pezes démine , qui font de quatorze reauxeha- cun5oupeu moins,outreledroidtquiluyreuienc en Potozi , où il cil employé, qui eft vne autre grande richeiïè. L'on tire chacun an l'vn portant l'autre, de ces mines de Guancauilca, huicT: mil quintaux de vif-argent,& voire dauantage. De la façon de tirer le vif-argent, comme on en affine l'argent. C HAP. XII. ^g> I s on s maintenant comme l'on tirelevif- ti#5 argent, & comme auec luy l'on affine l'ar- gent. L'on prend la pierre ou metal,où îè trouue le vif- argent, laquelle ils mettent au feu dedans des pots de terre,bien bouchez, après qu'ils l'ont premièrement pillée & moulue, de forte que ce métal ou pierre venant à fe fondre par la chaleur du feu,le vif-argent f en fepare,& en fort en exha- lation, &c quelquesfois mcfme auec la fumée du mefme feu , iufques à ce qu'il rencontre quelque ilfarrefte &fecone«"" >rp< qui -•:<> HISTOIRE NATVRELLE outre en haut fans rencontrer aucun corps dur, il va à mont iulques à ce qu'il Toit refroidy , & lors eftant congelé il retombe en bas. Quand la fon- dureeftacheuee,ils detoupent lespots&en ti- rent le metal,attendans toutesfois à ce faire qu'il foitbien rcfroidy,car fil y reftoit encor quelque fumée ou vapeur , qui rencontrait les perfonnes qui les deftoupent,ce feroit pour les faire mourir ou demeurer perclus, ou à tout le moins pour en pedre les dents% Et d'autant que i'onvfe&def- pend vn nombre infiny de bois pour entretenir le feu à fondre les métaux jvn meufnicr nommé Rodrigo de Torres,trouua vneinuention tres- vtile , qui fut de cueillir d'vnc certaine paille qui croift par toutes ces montagnes du Peru, laquel- le ils appellent Ycho, & eft comme vne efpece de ionc durauec quoy ils font du feu. C'eit chofe merueilleufe , que la force que cefte paille a pour fondre ces métaux , ce qui eft , comme Pline dit, qu'il y a de l'or que l'on fond plus facilement a- uec la flame de la paille,que non pas auec vn gros brafier,quoy qu'il foit bien ardant & enfiamé . Ils mettent le vif-argent ainfi fondu dans des peaux, d'autant qu'il fe garde fort bien dans du cuir,& de cefte façon l'on le met aux magailns du Roy, d'où l'on le tire pour le porter par mer à Ariqua, puis à Potozi par terre , fur les moutons du pays. Ilfeconfume ordinairement chaque an en Po- tozi , pour l'affincment des métaux enuiron ilx ou fept mil quintaux de vif-argent, fans ce que l'on tire des lames, (qui eft le terreftre , & ordure des premiers lauoirs des métaux, qui fe font en des chaudières.) Lefquelles lames ils bruïlcnt & DES INDES. LIV. II II, AG 1 mettent en des fourneaux pour en tirer le vif- ar- gent qui demeure en icelles. Et y a plus de cin- quantede ces fourneaux en la ville de Potozi, 8c en Tarpaya. La quantité des métaux que l'on af- fine (comme quelques hommes expérimentez en ont fait le conte) Te peut monter à plus de trois cens mil quintaux paran, des lames &ter- reftresdefquels refondues &r'afînees, l'on peut tirer plus de deux mil quintaux de vif-argent. Or l'on doit fçauoir qu'il y adiuerfes fortes de métaux, pouicc qu'il y a quelques métaux qui rendent beaucoup d'argent &confommentpeu de vif-argent, & d'autres au contraire quicon- fomment beaucoup de vif-argent , 8c rendent peu d'argent. Il y en a d'autres qui enconfom- ment beaucoup , 8c rendent beaucoup d'argent, 8c d'autres qui confomment peu de vif argent, 8c rendent peu d'argent:& félon que les hommes rencontrent en ces métaux ,ain(i ils enrichiffent & appauuriiïent en leur traitte. Combien que le plus ordinairement il arriue, que tout ainfi com- me le métal riche donne plus d'argent, aufli il conlomme beaucoup plus de mercure, 8c le pau- ure au contraire ainfi qu'il donne peu d'argent, il conlommeauilï peu de vif-argent. L'onpille ôc meut premièrement le métal fort menu, auec des maires 8c inftruments qui frappent & pillent cefte pierre comme des moulins à- tan, &eftant le métal bien pillé, ils le fafeent en des facs de cuiurc, qui font 8c rendent la poudre aulîîdef- liée 8c menue, comme ceux qui font faits de foye de cheual , 8c fàfcent ces iacs , lors qu'ils fonc bien accommodez 8c entretenus , trente quin- --;•> HISTOIRE NATVRELLE taux en vn iour & vne nuict,puis l'on met la pou- dre de ce métal , eftat falïee en des calions de bui- trones , où. ils la mortifient & degraillent auec de la laulmeure, mettante chaque cinquante quin- taux de poudre cinq quintauxJeiel, & font cela, •pource que le Tel delgraillc ce métal , & le fepare d'auec la terre ik i'ordure<"ni'il a , afin que le vif- argent recueille plus Facilement, &: attire l'argét. Apres ils mettent du vif-argent envn lin^e de Hollande cru, & le prelïent & expriment fur le métal, lortant le vif argent comme vne ro(ee, en tournant & méfiant touilours cependant le mé- tal, afin que celle rolee de vif-argentfe commu- nique à tout. Auparauantqu'ilsfeu lient inuente les buitronesdefeu, l'on amatïoit&paiftnlloit plufieurs&diuerfes foisle métal auec le" vif- ar- gent,dans de grandes auges, 6c le lailloientainfi pofer quelques iours, puis retournoient aie re- mefler&pmnirer vne autre fois,iufques à ce qu'ils penfoient que tout le vif argent eftouja incor- poré auec l'argent , ce qui tardoit vingt iours & plus,& quand il tardoit peu,c'eu:oit comme neuf iours . Du depuis l'on defcouurit, (comme le de- iir d'acquérir eft diligent) que pour abbreger le "tompSjlefeuyaidoit beaucoup pour caufer que îe vif argent recueillie pluftoft l'argent ,&ainli ils inucutcrentles buitrones oùl'onmettoitdes calles pour mettre le métal, auec du fel Se du vif- argent, Se par délions mettoient le feu petit à pe - tit en des fourneaux faits exprès par delîbus ter- re, Se en l'efpace de cinq ou fix iours le vif argent incorpore à foy l'argent, puis quand ilscognoil- fent que 1« mercure a tait fon 4cuoir , fçautfic DES INDES. HT. IIII. 1 47 qu'il a du tout alïcmblé l'argent , fans lai (fer rien arriere,& qu'il ('en eft imbu, comme lait l'efpon- gc de i'eau'éjl'incorporant auec foy ,& le feparan t de la terre,du plomb & du cuiure,auec IefqUels il {'engendre, puis ils le tirent &feparentdume£ me vif-argent. Ce qu'ils font en cefte maniere:ils mettent le métal en des chaudières &vaiffeaux pleins d'eauë, ouauec des moulinets ou roues, vont tournant tout à l'entour le métal, comme quiferoit delà mouftarde, cVlors vafortant la terre & ordure du métal, auec l'eauë qui court, &Targent& vif- argent, comme plus peiants de- meurent au fond de la chaudière , Se le métal qui demeure eft comme du fabie : de là ils le tirent 8c portent lauervneautre fois auec de grands plats de bois en des cuues pleines d'eauë, Se làilsache- uent de faire tomber la terre , Iailîànt l'argent Se vif-arget feuls. Toutesfois il ne lailfe pas de cou- ler quelquesfois vn peu d'argent Se vif-argent, au ec la terre Se ordure, Se eft ce qu'ils appellent relaué, lequel ils approfitent par après, & en ti- rent ce qu'il refte. Âpres donc que l'argent & vif- argent font nets, Se qu'ils commencent à reluire, à caufe qu'il n'y refte plus de terre, ils prennent tout ce métal, lequel eftan t mis dans vn linge, ils le preflTent Se expriment très fort,& par ce moye iort tout le vif-argent , qui n'eft point incorporé auec l'argent , Se demeure le refte fait comme vn pain d'argent , Se vif argent, ainfi que demeure le marc des amandes, quad elles font preffeespour faire de l'huile , Se eftant ainfi bien prelîc Je marc qui demeure contient en foy feulement la iixief- me partie d'argent, &lescinqautresdemercure. Tiij HISTOIRE MATVRELLE Tellement que fil relie vn marcdefoixanteli- urcs,les dix font d'argent, & les cinquante de vif- argent. De ces marcs ils font des pines, qu'ils ap- pellenr,ou pommes de pin, en la façon de pains de lucre ,crcufes par dedans, lefquelles ils font ordinairement de cent liures pelant , puis pour feparer l'argent d'auec le vif-argent, les mettent au feu violent, où ilsles couurcnt d'vnvaze de terre,à la façon d'vn moule à faire les pains de fu- cre, qui font comme capuchons , &c les couurant de charbon,leur donnent le feu, par lequel le vif- argent f exhale en fumee,& rencontrant ce capu- chon de terre, làf efpaifïit & diftilleainfi que fait la fumée de pot au couuercle , & par vn canal en façon d'alambic, l'on reçoit tout le vif- argent quifcdiftille, demeurant l'argent feul, lequel ne ie change en la forme & figure, mais au poids il diminué de cinq parts moins qu'auparauant , & demeure crefpu cVfpongieux, quieftvnechofc digne de voir. De deux de ces pines l'on fait vnc barred'argent du poids de foixante-cinqoufoi- xante fix mars , & de cette façon ils la portent ef- fayer,qutnter& marquer. L'argent tiré auec le mercure, eft fi fin , que iamais il n'abaiiîe de deux mil trois cens quatre vingts d'alloy, & eft fi ex- cellent, que pour le mettre en ceuure les orfeu- uresontbefoinde l'abbaiffer d'alloy, en y met- tant delà foulde ou meflange, comme aufîi l'on fait es maifons de la monnaye, où l'argent fe met en œuurc fous le coing. L'argent endure tous ces tourments & martyrs (fil Faut dire ain Ci ) pour cftre afEné:que Ci l'on côfidere bien, c'eft vn amas tout formé où l'on, meut, l'on fàfTe, l'on paiftrie, DES INDES. LIV. 1 1 1 1. I 48 l'on fait le leuain,& l'on cuit l'argent: outre tout cela,l'on le laue,rclaue, cuit,& recuitjpaflant par les pillons,facs.auges3buytrones, chaudières, ba- toirs,prcfïbirs, fours,& finablemcntpar l'eauë & par le feu. le dis cecy, pource que voyant cet arti- fice en Potozi , ie confiderois cequeditl'Efcri- ture des iuft.es, que coUbit eos^ &purgabït quafiar- gentum : Et ce qu'elle dit en autre part : fient argen- tin purgatum terra purgatum feptuplum. Tellement que pour purifier l'argent , l'affiner & le nettoyer de la terre & pierre où il T'engendre^'on le purge & purifie feptfois : car en efifecfcils le tourmentée & parlent par les mains fept fois , voire dauanta- ge,iufques à ce qu'il demeure pur & fin,ce qui eft de mefme en ladoctrine du Seigneur, & doiuent eftre telles,& ainfi purifiées les âmes qui doiuent participer &ioiïir de fa pureté diuine. Des engins à moudre les métaux y& de l'ejjay de l'argent. CHAP. XIII. Ovr conclure cefte matière, & fujecT: de l'arget 6c des metaux,il nous refte deux cho- fes à dire , l'vne defquclles eft de traitter des en- gins & moulins,& l'autre des elTais.I'ay défia dit, comme l'on meut le metalpour receuoir le vif- argent,laquelle moulure fe fait auec diuers in- ûrumes & engins, les vns auec des cheuaux com- me des moulins à bras , & les autres comme moulins à eau'è , defquelles deuxfortes y a vne grande quantité. Mais d'autant que l'eauë qu'ils T iiij il HISTOIRE NATVRELLE ont là communément n'eft que de la pluye, il n'y en a pas fuftifamment en Potozi , qu'en trois ou quatre mois, qui font en Décembre, Ianuier, Fe- urier,pour celle occafion ils ont fait des lacs Se eftangs qui contiennent de circuit comme mil &: fîx cens verbes. Se de profondeur trois ftades . il v en a fept auec leurs eiçlufes, tellement que quand il eft befoin d'eauë, l'on leue vneeiclufe d'où fort vn ruiilèau d'eauë, lequelsils referrent aux feftes. Et quand les Lacs Se eftangs fe remplirent, Se que l'année eft abondante en pluyes, le moudre y du- re fix ou fept mois,de façon que mefme pour l'ar- gent les hommes défirent Se demandët vne bon- ne année d'eaues en Potozi , comme l'on fait aux autresendroitspourlepain.Ily a d'autres engins enTarapaya,quieft vne vallée diftante trois ou quatre lieues de Potozi , où il court vue riuiere, comme mefme en d'autres endroits. La diuerfitc qui eft entre ces engins, eft que les vns font de fix pillons, les autres de douze, Se les autres de qua- torze. L'on meut & pille le métal en des mortiers oùiour Se nuid ils trauaillent , & de là l'on porte cequieftmoulu pourfaéeer. Ily a auriuagedu jsuifleau de Potozi quarante- hui&inftrumens Se engensàcaucdehuicl:,dix& douze pillons, Se quarte autres de l'autre coftè , qu'ils appellent Tanacognugno, en lavalieedcTarapaya,yena vingt- deux tous à eauë, outre lefquels y en a tren- te àcheual en Potozi,& plufieursautres en d'au- tres endroits, tant a efté grand & eft encor le defir &induftrie de tirer l'argent : lequel finalement eftcffayé&efprouuc parles maiftres à ce depu-' tezpat le Roy .Pour donner l'alloy à chaque pie- DES INDES. 1IV. II II. I49 ce l'on porte les barres d'argent i l'elTàyeur , qui met à chacune Ton numéro , pource que Ton luy en porte plu (leurs à la fois, il coupe de chacune vu petit morceau, lequel il poifeiuftement, & le metenvn creufet, qui eftvn petit vafe fait de cè- dres dos brûliez & battus, puis il pofetous ces erçulets chacun en (on ordre au fourneau , leur donnant le feu violent, lors le métal fe fondj&rce qui eft plomb fe refout enfumée ,&Iecuiure & eftain fedilîbluent, demeurant l'argent très- fin de couleur de feu: &eft vue chofemerueilleufe, que quand.il eft ainfi r'afliné, encor qu'il (oit li- quide & fondu, il ne f'efpand point,quoy que l'on rennerfe le creufet la bouche en bas, mais ilde-^ meure toujours fixe,& (ans en tomber vne gout- te. L'eflayeur recognoift en la couleur Se antres figues quand il eft affiné, & lors il tire les creuiets du feu , Se repefe délicatement chaque morceau, regarde ce qu'il eft diminué deion poids , pource que celiiy qui eft de haute loy diminue peu,& ce- luy qui eft déballe loy beaucoup, 8c ainfi félon qu'il eft diminué il void l'alloy qu'il tien*, fuiuat quoy il marque pundtualement chaque barre. Le poids évballancc font Ci délicats, Se les grains (i menus, que l'on ne les peut prendre auec la main, mais feulement auec des pincettes, Se fait- l'on cet efïày à lalumiere de la chandelle,afin qu'il n'y ait aucun air qui lace mouuoir les balances: car de cepeudefpedïeprix& valeur de toutcla bar- re. C'eft à la vérité vne chofe délicate, &: qui re- quiert vne grande dextérité , dequoy mefmc Pai- pp/\:' du 7\l.iyx. c H A P. XVI. n$T{) Aiiuenant pour traitter des plantes, nous :£&£•: commencerons à celles qui font propres Se particulières es Indes , & puisapres de celles qui ion t communes aux Indes,& à l'Europe. Et pour ce que les plantes omette créées principalement pour l'entretien de i'homme,& que la principale dont il prend nourriture eft le pain, il fera bon de dire quel pain îly a aux Indes^ic dequoy ils vfenc àfamed'iceluy. Ils ont comme nous auonsicy, vu nom propre, par lequel îlsdefigncnt & iigni- fientlcpains qu'ils difent au Peru , Tança, ôc en d'autres lieux d'vne autre façon. Mais la qualité & fubftance du pain dont ils vfoientaux Indes, eftehofe fort différente du noftrc,pource qu'il nefe trouuequ'ily cuit aucun genre de froment, ny orge,ny mil, ny de ces autres grains dont l'on fe fert en Europe à faire du pain:au lieu de cela ils yfbient d'autres fortes de grains &c racines, entre lcfquelslemaystientle premier lieu ,&auec rai- ion le grain qu'ils appellent mays.que l'on ap- pelle en Caftille bled d'Inde , &c en Italie grain de Turquie. Etainiicommelefromenteille plus commun grain pour l'vfage des hommes, es ré- gions de l'ancien monde, qui font Europe, Afie, & Afrique; Ainfi aux endroits du nouueau mon- de, le DES INDES. LIV. IIII. I 5 3 <îe , le grain de mays eft le plus commun , & qui prefque f'eft trouue en tous les royaumes des In- des Occidentales, comme au Peru,cn laneufuc Efpagne, au nouueau royaume, en Guatimalla, en Chilien toute la terre ferme ferme. le ne trouue point qu'anciennement es ifles de Barlo- uente,qui font Cubajfain&DominiqueJamayc- que,& faind Iean , ils vfallent du mays ; amour- d'huy ils vfent beaucoup de Yuca,& Caçaui,de- quoy nous traitterons incontinent. le nepenfe point que le grain de mays foit inférieur au fro- ment en force ny en fubftance, mais il eft plus chaud & plus grofïicr,& engendre beaucoup de fang, d'où vient que ceux qui n'y font point ac- couftumez , f'ils en mangent trop,ils deuiennenc enflez Se rongneux.il croift en des cannes,ou ro- feaux, chacun defquels porte vne ou deux grap- pes, aufquelles le grain eft attaché :& combien que le grain en foit alFez gros, Ci eft-ce qu'il C'y en trouue en grande quantité , tellemct qu'en quel- ques grappes i'ay conté fept cents grains. Il le faut femer à la main vn à vn,&: non pas efpars. Il veut la terre chaude & humide, & en croift en plufieurs lieux des Indes en fort grande abon- dance. Et n'eft point chofe rare en ces pays de re- cueillir trois cents fanegues ou mciures d'vnc feule de femence. Ilya de la différence entre le mays, comme il y en a entre le froment : l'vn eft gros & fort nourriflant , & l'autre petit & fec, qu'ils appellent Moroche. Les fucilles & la can- ne verjte du mays eft vn manger fort propre pour les mulles& pour lescheuaux, &l«ur fertaufli de paille quand elle eft fechc: le grain en eft de V Mi HISTOIRE NATVRE1LE plus de fubftance & nourriture pour les cheuaux que n'eft pas l'orge. C'eft pourquoy ils ont ac- couftuméences pays défaire boire les belles a- uant que leur donner à manger. Car C\ elles beu- uoient après, ce feroit pour les faire enfler , com- me elles feroient ayant mangé du froment. Le mays eft le pain des I ndes,& le mangent commu- nément boiiilly ainfi en grain tout chaud,& l'ap- pellent Mote , comme.les Chinois & Iappons mefme mangent le ris cuit auec fon eauë chaude, quelqucsfois le mangent rofty. Il y a du mays rod & gros comme celuyde Lucanas}queles Efpa- gnols mangent rofty comme viande delicieufe, ôc a meilleure fàueur que les buarben fes ou pois roftis.il y a vne autre façon de le manger plus de- licieufe, qui eftde moudre le mays, & en ayant amalféla fleur , en faire de petits tourteaux qu'ils mettent au feu , qu'on a accouftumé de pref enter touschaudsàlatablc. En quelques endroits ils les appellent Arepas. Ils font mefme de celle pa- rle des boulles rondes,& les accouftrent d'vne fa- çon , qu'ils durent &feconferuent long temps, les mangeans comme vn mets délicieux. Ils ont inuentéaux Indes ( pour friandife& délices) vne certaine façon de paftez qu'ils font decefte pafte & fleur auec du fiicre, lefquels ils appellent bif- cuits,& mellindres. Lcmaysne fert pas feule- ment aux Indiens de pain,mais auflï il fert de vin: car ils en font leurboiiîbn, de laquelle ils Pcn- yurentpluftoft que devin de raifins. Ils font ce vin demays en diuerfes façons,i'appellans ait Pe- ru Acua , & pour le nom le plus commun es In- uCSjCIiicha. Le plus fort fc fait en façon de cer • ■■■■■■HHHI DES INDES. LIV. 1 1 1 1. I 54 uoifc,mettant tremper premièrement le grain de mays iufquesàcequ'il lecreue , par après ils le cuifent d'v ne telle façon, & deuient fi fort qu'il en faut peu pour abbatre fon homme. Ilsappel- Ientceftuy-îà au PeruSora, &c eft vn breuuage défendu par la Loy , à caufe des grands inconue- niens qui en prouiennent enyurant les hommes. Mais cefte loy y eft. mal obferuee , d'autant qu'ils ne lai lient point d'en vfer, ains patfentles nuicfcs &c les iours entiers à en boire en dancans & bal- lans. Pline raconte que cefte façon de breuuage, vjin ^ qui eftoit de grain trempé & cuit par après ,auec l4.f.n. lequel on f enyuroit,eftoit anciennement en via- ge en Efpagne, en France & end'autresprouin- ces, comme auiourd'huy en Flandres ils vient de laceruoifefaitede grain d'orge. Il y a vue autre faço de faire l' Acua ouChicha,qui eft de mafeher le mays, & faire du leuain de ce qui a cfté ainfi mafché,apres le faire bouillir , voire eft l'opinion des Indiens, que pour faire de bon leuain il doit cftremafché par des vieilles pourries , ce qui faic mal au cœur a Fouit feulement, toutesfois ils ne laiiîènt pas de le boire. La façon la plus nerte, la plus faine, 5c qui fait moins de dommage eft de roftirce mays, qui eft celle dont vient les Indiens les plus ciuiliiez , & quelques Efpagnols mefme pour medecinercar en cffecl: ils trouuent que c'eft yne fort falubre boiiFon pour les reins, d'où vient qu'es I ndes à peine fetrouue-il aucun ^ui fe plai- gne de ce mal de reins , à caufe de ce qu'ils boiucc de ce chicha.Les Efpagnols &Indiés magét pour friadii c ce inays boiiilly ou rofty , quâd il eft ten- dre en Cà grappe côme laicfc,ils le mettent au poc, Vij r~JLL:<_. HISTOIRE NATVRELLE &en fontdesfaulfes,quie(tvn bon manger. Les rejettons du mays font fort gras, 8c feruent au lieu de beurre 8c d'huile,tellement quele mays es Indes fert aux hommes Se aux belles de pain , de vin & d'huile. Pour celle raifon le Viceroy Dom Francifque de Tollede difoit que lePeru auoic deux choies riches , & de grande nourri tuie , qui cftoientlemays&lebeftialdupays. A la vérité ilauoitraifon, d'autant que ces deux choies y feruent de mil. le demanderay pluiloft que ie ne refpondray,d'où a efté porté le premier mays aux Indes , Se pourquoy ilsappelleten Italie ce grain tant profitable, grain de Turquie ? Car à la vérité icnctrouue point que les anciens facent men- tion de ce grain, combien que le mil ( que Pline eferit cftre venu de l'Inde en Italie, y auoitdix ans lors qu'il efcriuoit ) ait quelque rellem- blanccaueclemay* , en ce qu'il dit que c'eft. vu grain qui naift en rofeau, & fe couurc de (à fueil- Ic,ayant le coupeau comme des cheueux,& en ce qu'il e(l fertile. Toutes lefquelles chofes ne fc rapportent pas au mil. Enfin le Créateur ade- party& donné à chaque région ce qui luycftoit necelîàire. A ce continent iïa donné le froment, qui eft le principal entretenement des hommes, 6c au continent des Indes il a donné le mays,qui tient le fécond lieu après le froment, pourl'en- tretenement des hommes 8z des animaux. DES INDES. LIV. 1 1 1 1. M5 Des Yucœs, Cacaut, Vitp&s, Chtmes, & ait B^ts. C H A P. XVII. N quelques endroits des Indes l'on vfed'vn S genre de pain qu'ils appellent Caçaui, le- quel te fait d'vne certaine racine qu'ils appellent Yuca. L'yuca eft vne grade 8c grotte racine qu'ils coupent en petits morceaux, la râpent, puis la mettanscômecnvneprefle ils l'efpreignëtpour en faire vne tourte defliee & grande , de la forme prefque d'vne targue ou bouclier de More , puis après ils la font lécher , & eft le pain qu'ils man- gent. C'eft vne chofe fans gouft , mais qui eft fai- ne^ de bone nourriture. Pour cefte raifon nous diflons (eftans à fàinct Dominique ) que c'eftoit le propre manger des gourmads , car l'on en peut manger beaucoup, fans craindre quel'excez en face mal. Il eft befoin d'humecter la Caçaue pour la manger,d'autant qu'elle eft afprc, & l'humecte facilement, aucc de l'eauë ou du potage, où elle eft fort bonne, ponree qu'elle Penfle beaucoup, de ainfiiîsenfontdes capirotades. Maisellefe trempe mal aifément en du laid ny en du miel de Canes, ny en du vin, parce que les liqueurs ne la peuuent pénétrer, comme ils font le pain de froment. Il y a de cefte Caçaue l'vne plus délicate que l'autre, qui eft celle que l'on fait delà fleur, qu'ils appellét xauxau,lâquelle ils eftiment beau- coup en ces parties là. Quant à moy i'eftimerois dauantage vn morceau depain , quelque dur & noir qu'il peuft eftre. C'eft chofe merueilleufe que le fuc oueau'c qui fort de cefte racine, lorf V iij ~-yV HISTOIRE NATVRELI.E qu'ils l'efpreignent ainfi , 8c qu'ils font la cacaue, eft vn venin mortel,&fi l'on en boitil occit,mais 1 e marc qui en relie eft vn pain 8c nourriture fort faine,comme nous auons dit. Il y a vn autre gen- re d'yuca qu'ils appellent doux, qui n'a pas ce ve- nin en Ton fuc,ceftuy -là fe mage en racine,bouil- ly ourofty ,&eft vn bon manger. La Caçauc le conferue long temps,aufli la porte- on fur mer en lieudebifeuit. Le lieu là où l'onvfedauantage de ce pain eft aux ifles qu'ils appellent de Barlo- uente , lefquelles font ( comme nous auons dit) fainct Dominique,Cuba,Port-riche,Iamayque, ôc quelques autres de ces enuirons:à caufe que la terre de ces Ifles ne rapporte point de froment, ny demays. Car lors quej'ony feme du froment, il y vient bien,& naift quant 8c quant en fort bel- le verdure, mais c'eft fi inégalement que l'on ne peut le recueillir, pource que d'vne mefme fe- mence & en vn mefme temps i'vn eft en tuyau, ôc l'autre en efpy , 8c l'autre qui ne fait que germer: l'vneft grand, & l'autre petit: l'vn n'eft que de l'herbe, 8c l'autre eft défia en grain: & combien quel'on y ait mené des laboureurs pour voir fris ypourroientvferde l'agriculture du bled , fieft- ce qu'ils n'y ont trouué aucun moyen de ce faire, pour la qualité de la «erre. L'on y apporte de la farine de la neufue Eipagne ou des Canaries , la- quelle eft fi humide qu'à peine en peut-on faire du pain qui foit profitable , 8c de bon gouft. Les hofties quand nous diiions la Méfie feplioient, comme i\ c'euft efté du papier mouillé ,• ce qui eft caufé par l'extrême humidité 8c chaleur qu'il y a fout enfemble en celle terre. Il y a vn autre extre- DES INDES. LIV. III I. I e 6 me & contraire à ceftuy-cy, qui eft qu'en quel- ques endroits des Indes il n'y croift de mays , ny de froment, comme eft le haut de la Sierre du Pe- ru,& les prouinces qu'ils appellent de Colao, qui eft la plus grande partie de ce royaume , où la téperature eft fi froide & fi feche qu'elle ne peut endurer qu'il y croifie du froment ny du mays,au lieu dequoy les Indiens vfent d'vn autre genre de racines qu'ils appellent Papas , lefquelles fout de la façon de turmes de terres qui font petites raci- nes^ jettent bien peu defueilles. Ils cueillent ces Papas , Se les lailîent bien fecher au Soleil, puis les pillans , en font ce qu'ils appellent Chu- no, qui feconfcrueainfiplufieursiours, &c leur fèrt de pain. Il y a en ce royaume fort grande trai- te de ce Chuno, pour porrer aux mines de Poto- zi: l'on mange mefme ces Papas ainfi fraifehes bouillies ou rofties , &c des efpeccs d'icelles y en adeplusdoucc& qui croift es lieux chauds,dont ils font certaines faulfes & hachis qu'ils appel- lent Locro. En fin ces racines font tout le pain decefte terre, tellement que quand l'année en eft bonne,ilsi7en refiouiflenc fort,pouree que allez fouuent elles fe gèlent dedans la terre, tant eft grand le froid & intemperature decefte région. Ils apportent les mais des vallées , & de lacofte, ou riue de la mer, Se les Efpagnols qui f onefriads font apporter des mefmes lieux de la farine de bled,laquellefeconferue bien c^fenfaùdebon pain,à caufeque la terre eft feche.En d'autres en- droits des Indes , comme es ifles Philippines , ils fc feruët de ris au lieu de pain, dot il y en croift de fort exquis, & en grande abondâce en toute cefte V iiij Mi HISTOIRE NATVRELLE terre,& en la Chine , où il eft de bonne nourritu- rc,ilslecuifcntendespourcellaines, 6c après le méfient tout chaud auec Ton cauë parmyles au- tres viandes: ils font mefmede ce ris en beau- coup d'endroits leur vin , & breuuage , le faifan c tremper,&: puis bouillir, comme l'on fait la biè- re en Flandres, ou l'Acua au Peru. Le ris eft vne viande qui n'eft gueres moins commune,& vni- uerfelleen tout le monde que le froment, 6c le mays,& parauantureencorl'eft-il dauantage:car outre ce qu'ils en vfent en la Chine,au Iappon,és Philippines , & en la plus grande partie de l'Inde Orientale, c'eft le grain qui eft le plus commun en Afrique, & en Ethiopie. Le ris demade beau- coup d,humidité,& prefque vne terre toute rem- plie d'eau'é , comme vne prairie. En Europe,au Peru,& en Mexique, où ils ont Pvfage du bled, l'on mange le ris,pourvn mets& viande,&non cas pour pain , & le cuif ent auec du laicl , ou du bouillon du pot,ou d'vne autre manière. Le ris Ieplus exquis eft celuy qui vient des Philippines & de la Chine,comme il a efté ja dit , 6c cecy fuf- fife pour entendre généralement ce que l'on ma- ge es Indes au lieu du pain. De diuerfes racines qui croijfent es Indes. CHAP. XVIII. 5g O m b i e n que la terre de deçà foit plus a- &#k bondante 6c plus fertile en fruicts qui croifl fent fur lr terre , à caufe de la grande diuerfité des arbres frui&iers , 6c des iardinages que nous auons : ncantmoins quant aux racines & autres DES INDES. LIV. II II. I 57 cnofes croiflans defîbuz la terre, dont l'on vie pour viande, me femble qu'il y en a plus grande abondance par delà. Car de ces efpeces de plan - tes,nous auons bien icy véritablement des raues, des naueaux,des paftenades,des chicorecs,des ci- boules , des aux, & quelques autres racines pro- fitables : mais en ce pays là il y en a de tant diuer- fes fortes, queie ne les pourray conter. Celles de/quelles maintenant il me fouuient, outre le Papas,qui cft le principal , il y a les ocas,yanoco- cas,camotes,vatas,xiquimas,yuca,cochucho,ca- ui,totora , mani , & vne infinité d'autres efpeces, comme de patattres, lefquelles on mange com- me vne viande délicate & fauoureufe. L'on a de mefme apporté aux Indes des racines de pardecà, lefquelles ont cela de plus,qu'elles y profitent Se fructifient dauantage que ne font pas les plantes des Indes quand elles font apportées en Europe, lacaufeeneft, comme iecroy, d'autant que par delà il y a plus de diuerfitez de température que non pas par deçà, pour raifon dequoy ileftaiie d'efleuer &c nourrir les plantes en ces régions , ôc de les accommoder à la température quelles re- quièrent. Etmefmeles racines Sclesplantes qui y croiilèntjfansyauoirefté portées, y font meil- leures que par dcçàjcar les oignons,les aulx,& les paftenades ne font pas telles en Efpagne qu'elles font au Peru : pour les naueaux, ils y font en fi grande abondance, qu'ils ont augmenté en quel- ques endroits de telle façon , que l'on m'a affer- mé qu'ils n'y pouuoicnt efpuifer l'abondance, & force des naueaux qui y pulluloient ainfi , pour y femerdubled. Nous auons veu allez de fois des ~-yV HISTOIRE NATVRELLE rauesplusgroflesquele bras d'vn homme, fort tendres & de bon gouft,& de ces racines que i'ay dites,quelques-vnesfei:uent pour viande &Y man- ger ordinairCjCÔme les camotes,lefquelles eftans rofties,feruent de fruiét,ou de légumes. Il y en a d'autres qui leur feruent de délices, comme le co- chucho,qui e(l vne petite racine douce,que quel- ques-vns confident pour plus grande delicatelfe. Il y a d'autres racines qui font propres pour ra- fraifchir,comme la xiquima , qui eft. d'vne quali- té fort froide & humide, & en temps d'Efté ra- fraiiehit, cv' eftanche la foif :mais les papas &les ocas iont les principales pour lanourriture &c fubftance. Les Indiens efliment l'ail fur toutes les racines de l'Europe, & le tiennent pour vn fruict de grande efficace. Enquoy ils n'ont pas faute de rai Ion , pource qu'il leur conforte & ei- chauffe l'eftomachjà caufe qu'ils le mangent d'vn appe<-iî.,& ainfi crud, comme iHbrt delà terre. De plufieursfortes de -verdures , & légumes, & de ceux qu'ils appellent concombres, pi nés 3ou pommes de pin., pctitsfruich de Cbillc, & defaciledigeftion, & en temps de chaleurfonc propres pour rafraifehir. L'on en ofte l'efeorec qui eft blanche, & tout ce qui refte eft chair. Ils croiiTent en vue terre tempérée, & veulent eftre arroufez: &encorque pour lareflemblanceils les appellent concombres, il y en a beaucoup ncantmoins qui font ronds du tout, & d'autres de différente façon , tellement qu'ils n'ont pas mefme la figure des concombres. Il ne me fou- mçntpoint auoirveu de cefte forte de plante en laneufue Eipagnc,ny aux ifl.\s,mais bien aux La- nos du Peru. Ce qu'ils appellent petit fruict de Chillé cil de mefme fort plai fant à manger, Se ti- re prefque au gouft de cerifes , mais en tout lerc- fte il cft. fort different,d'autant que ce n'eft pas vn aibrc,inais vne herbe , qui croift peu, & f'efpand fur la terre , jettant ce petit fruict,qui en couleur DES INDES. LIV. 1 1 II. 159 &" crains relïemblequafi&' approche des meures quand elles fontblancheSjencoreàmeurirjbien que ce frnict. foie plus rude & plus grand que les meures. Ilsdifetu que ce petit finict fetrouue natmellem en taux champs de Chillc,ou l'y en ay veu. L'on la (eme de plantes & de branches ,& croift comme vn autre arbrilîeau. Ce qu'ils ap- pellent prunes, font véritablement fruicts d'ar- bres , &' ont plus de reilemblance que les autres aux vrais prunes. Il y en a de diuerfes fortes,dont ils appellent les vues prunes de nicaragua,qui font fort rouges & petites, 8c ont fort peu de chair au delUis du noyau , mais le peu qu'ils tien- nent eft d'vn gouft exquis3&d'vn aigret aufïi bon ou meilleur que celuy des ceriies. L'on eftime ce fruict eftre fort fain , qui caufe que l'on le donne aux maladeSjfpccialemcnt pour prouoquer l'ap- pétit, ïl y en a d'autres grandes & de couleur ob- feure , qui ont beaucoup de chair, mais c'eft vn manger grofîîer,&de peu de gouft,qui font com- me Chauacanas, lefquels ont chacun deux ou trois petits noyaux. Or pour reuenir aux ver- dures & porees, ie ne trouue point que les Indics euGTcntdesiardinsde diuerfes plantes & porees, mais qu'ils cultiuoient la terre en quelques en- droits feulemct pour les légumes, dont ils vfent, comme ceux qu'ils appellent Frifollcs ôc Palla- res, qui leur fert comme icy de guarbences , feb- ues,oulentilles,(Sc n'ay point recogneu que ceux cy ny autres genres de légumes d'Europe f y foiec trouuez auant que les Efpagnols y entraflent, leiquels y ont porte des plantes & légumes d'Ef- pague,quiy croiflent 6c multiplient fort bien, -•;•** HISTOIRE NATVRELLE voire en quelques endroits ils excédent beau- coup la fertilité de par deçà.Comme fi nous par- lions des melons qui croi lient en la vallée de Yu- caau Pei"u,de!quels la racine fc fait tige , qui dure plufieurs annees,portant chacune des melons,&: l'accommodent comme fi c'eftoitvnarbre, cho- fequeieneiçAchepoint qui foiten nullepartie d'Elpagne.Mais c'eftvneautremonftruofitcquc les callabalïes ou citrouilles des Indes , en la gra- deur qu'elles on t,comme elles croi(Ient,ipecia- lement celles qui font propres &: particulières du pays,qu'ils appellent Capalios. Lesquelles ils mangent le plus iouucntcnCarefme , bouillies ou accommodées en vue autre faulec. Ilyamil différences de genres de callabaifes.-carquelques- vnes font tant difl ormes pour leur gradeur,qu'ils tout de leur efcorce,eftant coupée par le milieu & nettoyée, comme des paniers où ils mettent toute la viande pourvu diiher. Desautres peti- tes ils en font des vales pour manger, ou boire dedans, & les accommodent fort proprement, pour pluiieurî & diu.^rs vfages. I'ay dit cecy des petites plantes, nous dirons maintenat des gran- des,où nous parlerons de l'Axi , qui neantmoins eil encordes petites. De Ï^Axi ou poutre d'Inde. GHAP. XX. 'iû '®n na Pomc trouué es 1 ndes Occidentales WÊt aucune efpiccrie qui leur fnft propre & par- ticulicre,commepoiure,clou, canelle, mufeade, ou gingembre : iaccic qu'vn frere de noUre corn- DES INDES. LIT. II U* 1 6*0 pagnie, qui a voyagé en beaucoup &diuers en- droits, nous ait recité qu'en des defertsde Tille Iamaycque,ilauoittrouué des arbres oùcroif- ioitdu poinre. 1^4ais i'onn'eft point encor cer- tai n que c'en (oit, & n'y a point meime de traittc de ces efpiceries aux Indes. Le gingembre fut porté de l'Inde à l'Eipagnole, &ya multiplié de telle façon, que l'on ne fçauroit auiourd'huyque faire du grand nombre qu'il y en a. En la flotte de l'année mil cinq cens quatre vingts fept, l'on ap- porta vingt- deux mil cinquante trois quintaux de gingembre à Seuille : mais l'efpiccrie naturel- le que Dieu a donné aux Indes Occidentales ,eft ce que nous aopcllons en Caftille, poiure des In- des,& aux Indes Axi, parvn mot gênerai , prtns de la première terre des ifles qu'ils conquefte- rent. lleftdit en langue de Cufco Vchu , & en celle de Mexique , 'Chili. Celle plante eft défia fortcogneu'è, parquoy i'en diray !peude chofe, feulement l'on doit entendre qu'anciennement entre les Indiens elle eftoit fort eftimee, &en portoien taux endroits où elle ne croiiloit point, comme vne marchandife de confequence. Elle ne creift pas es terres froides , comme en la Sier- reduPeru: mais aux vallées chaudes, oùellseft fouuent arroufee. Il y a de cet Axi de diuerfes coulcurs^'vn eft vert , rvnrouge , & l'autre de couleur jaulne,& y en ad'vne forte de fort cau- ûique, qu'ils appellent Caribe , qui eft. extrême- ment afpre & poignant , 5c d'autre qui n'a point cefteafpreté , mais au côtraire eft fi doux que l'on le peut manger feul , comme vn autre fruict. Il y en à qui eft fort menu & odoriferât en la bouche, HISTOIRE NATVRELLE quafi comme d'odeur demufc, & efttrcs-bon. Cequieftafpre& poignant en cet A xi, font les veines & la graine feulement : car le relie ncl'eft point, attendu qu'on le mange vert & fec , entier & broyé au pot,& en des faulces,car c'eft la prin- cipale iaulcc,& toute l'efpicerie des Indes. Quad cet axi eft prins modérément , il aide & conforte l'eftomach pour ladigeftiô : mais fi l'on en prend trop,il a de mauuais effects , pource que de foy il eft fort chaud, fort fumeux ,& fort penetratif, d'où vient que l'vfage en eft preiudiciablc à la faute des ieunes gens , principalement de l'ame, d'autant qu'il prouoque àla fcnfualité , & eft vne chofe eftrange, que combien que le feu & la cha- leur qui eft en luy foit allez cogncu'c* , par l'expe- rieuce que tous en font, veu que chacun dit qu'il brufle en !abouchc,& en l'eftomach , neâtmoins quelques- vus, voire plu (leurs veulent maintenir quelepoiure d'Inde n'eft pas chaud, mais qu'il cil froid & bien tempéré. Mais ie leur pourrois dire qu'il en feroit tout autant dupoiure, encor qu'ils m'amcnallent toutes les expériences qu'ils voudroient de l'vn & de l'autre. Toutesfois c'eft vnemoquerie de dire qu'il n'eft point chaud, veu qu'il l'eft extrêmement. L'on vfe du tel pour tem- pérer l'axi, d'autant qu'il a grandeforce de le cor- ri"er,& fe modèrent ain fi l'vn l'autre, par la con - trarietéquieftentr'eux. llsvfentaufli de Toma- tes, qui font froids & bien fains. Ccft vn genre de grain qui eft gros,& plein de fuc , lequel don- ne bon gouft à la (àulce, ôc font bons aulïi à man- ger .Il fctrouue de ce poiure d'Inde vniuerfelle- met en toutes les Indes, ôc Iilcs, neufuc Efpagne, Peru, DES INDES. LlV. IIII. l6l J?eru,& en tout le refte, qui eft defcouucrt , telle - ment que comme le mays eft legrain le plus gê- nerai pour le pain, ainfi Taxi eft l'elpicericja plus commune pour les faulces. Du flâne. CHAP. XXI. En a nt aux grandes plantes , ou aux ar- bres,le premier des Indes duquel il eft con- uenablè parler eft le Plane ou Platano,comme le vulgaire l'appelle. I'ay efté quelque temps en doute fi le plane, que les anciens ont célébré, & celuy des Indes eftoit vne mefme efpece : ceftuy- cy bienconfideré, & ce qu'ils efcriuent de l'au- tre, il n'y a point de doute qu'ils ne foient de di- uerks efpeces. La caufe pourquoy les Espagnols l'ont appelle plane ( car les naturels n'auoienc point de tel nom ) a efté comme es autres arbres, pour-autant qu'ils ont trouué quelque reifem- blance de l'vn à l'autre , en la mefme façon qu'ils ont appelle prunes, pines , amandes, & concom- bres,des choies fi différentes à celles qui en Ca- flille font appellees de ces noms. Lachofe en quoy ilmeiemble qu'ils trouuerent plus de réf. femblancc entre ces planes dçs Indes , & les pla- nes qu'ont célébré les anciens, a efté en la gran- deur des fucilles : pource que ces planes les ont très-grandes &c tres-fraifches,&: les anciens les ont tant cftimez aufli pour celle grandeur , 8c et- ftc fraifeheur de leurs fucilles. C'eft aufli vne pla- te quia befoing de beaucoup d'eau'ë, ôc prelque continuellem«nt:ce qui f accorde auecl'Èfcritu- X --;"** HISTOIRE NATVRELLE lccl.14. re,qui dit: Comme le VUne auprès des caux. Mais à la vérité il n'y a non plus de comparaifon ny de ref- femblance del'vne à l'autre, non plus qu'il y a, comme dit le prouerbe , de l'œuf àla chaftaigne. Carpremieremétle plane ancien ne porte point defruic-t,au moins ils n'en faifoient pointd'eftat, mais la principale occafion pourquoy ils l'efti- moient,eftoità caufedefon ombrage,parce qu'il n'y auoit non plus de foleil deilous vn plane,qu'il y a delîous vne couuerture. Au contraire , la rai- fon pourquoy l'on le doit eftimer en quelque choie es Indes, voire en faire beaucoup d:eftat,eft a caufede Ton fruiét , qui eft très- bon , car d'om- brage ils n'en ont aucunement. D'auantage , le plane ancien auoit le tronc Ci grand , & lesra- ?lmMb. i. meaux ^ cfpars, que Pline raconte d'vn Licinius, m/m. Capitaine Romain, lequel accompagné dedix- huict de Ces compagnons , print fa refeclion fore ài'aife dans le creux d'vn de ces planes. Et de l'Empereur CaiusCaligula,qui faiTit luy &vnze conuiez fur le haut des rameaux d'vne autre pla- ne , & là leur fit vn fuperbe banquet. Les planes des Indes n'ont point de tels crcux,troncs, ny ra- meaux. Il' dit dauantage que les anciens planes croillbient en Italie 5c en Efpagne,combic qu'ils yeulîentefté apportez premièrement de Grèce, &auparauantdel'Aiie: mais les planes des In- des ne croiflent point ny en Italie, ny en Efpa- gne. le ày qu'il ny croiflTent point,car encor que l'onenaitveu quelques vns à Scuille au iardin du Roy,ils n'y croiflent,&: n'y vallcnt rien. Fina- lement la chofeenquoy ils trouuent de la re£- icmblance entre l'vn & l'autre eu; fort différence. DES INDES. LI V. II1I. 1 Car iaçoic que la fueille deccs planes anciens fac grande , toutesfois elle n'eftoic pas telle.ny fèm- blable à ceux qui fontésIndes,veu que Pline l'ac- ?■ * copare à la fueille d'vne vigne, ou de figuier. Les fueilles du plane desIndes iont d'vne merueillcu- ie grandeur , Se font prefque iuftiiantes pou cou- urir vn homme des pieds iulques à lateitc , telle- ment qu'aucun nepeutmettreen doute qu'il n'y ait grande différence encre l'vn Se l'autre. Mais polè le cas que ce plane des Indes ioic difTerëd de l'ancien, poar celail n'en mérite pas moindre loiiange>mais peut eftre encor d'anantage, à* cau- fedesproprietez rantvtiles &profirahlesquila enluy. C'cftvne plante qui fait vn cep dedans la terre,duquel forcent plufieurs rejectonsdiucrscx: fepareZjlans eftre ioints enfemble. Ces rejetions croillent & grom*(îcnt,faifanc prefque chacun vn arbritieauàpart,&: en croilîant ils jettêt ces fueil- les qui font d'vn verd fin,& li{Ië3& delà grandeur que i'ay dite. Quand il eu creu,comme de la hau- teur d'vne ftade & demie , ou de deux , il jette vu feul rameau ou grappe de fruict,auquel il y a quel quesfois grand nombre de ce fraict, & quelques- fois moins. l'en ay conté en quelques- vns de ces rameaux trois cens,donc chacun auoit vne paul- me de long,plus ou moins1, Se «doit gros comme de deux ou trois doigts,bicn qu'il y ait beaucoup de différence en cela , entre les vns Se les autres. L'on en ofte la coque,ou efeorce , tout le refte eft vne chair , ounoyauferme , & tendre , qui eft bon à manger , fàin & de bonne nourriture. Ce f ruict incline vn peu plus à froideur qu'à chaleur. Ils ont accouftume de cueillir les rameaux , ou Xij --:•*» HISTOIRE NATVR.ELI, E grappes que i'aydit, eftans verds,& les mettre en des vai fléaux où elles fe meuri fient, eftans bien couuertes,fpecialcment quand ily ad'vne cer- taine herbe quifertà cet erFect : fi Ton les laiile meurir en l'arbre , ils en ont meilleur gouft, & vne odeur très-bonne , comme de camoiilès , ou pommes douces. Ils durent prefque tout le long del'annee,à caufe qu'il y a toufiours des rejettons quinailîentdececep , tellement que quand l'vn acheue , l'autre commence à donner fruiâ: , l'vn eft à demy parcreu,& l'autre commence à jeteon ner dcnouueaUjde façon que lesvnsfuccedcnt aux autres, & ainfi y a toufiours du fruict toute l'année durant. En cueillant la grappe ils coupent lerejetton, d'autant qu'il n'en jette point plus d'vne,ny plus d'vne fois , mais comme i'ay dit, le cep demeure & rejette continuellement de nou- ueauxrejettonsjiufquesàcequilfelallèj&vieil- lifle du tout. Ce plane dure quelques années , & demande beaucoup d'humidité, & vne terre fore chaude.Ils luy mettent de la cendre au pied,pour le mieux entretenir, & en font des bocqueteaux fort efpaix , qui leur font de grand profit & reue- m^pourcequeceûlefruid dont l'on vfeleplus es Indes, &c y eft prefque vniuerfellement com- mun en tous endroits ,iaçoit qu'ils difent que fon origine foit venue de l'Ethiopie. Et à la venté les Nègres en vfent beaucoup , & en quelques endroits Pcn feruët au heu de pain , voire en font du vin. L'on mange ce fruicl; de plane tout cru comme vn autre fruict, Ton le roftit meime,& en fait-on plufieurs fortes de potages , voire des cô- ferucs , 8c en toutes ces chofes il Raccommode DES INDES. II V. II II. 163 fort bien. Il y a d'vne eipecè de petits planes blacs & fort délicats, lefqueîs ils appellent en l'Efpa- gnolle Dominiques. Il y en ad'autres qui font plus forts & plus gros,& d'vne couleur rouge. Il n'en croift point en la terre du Peru, mais l'on les y apporte des Indcs,comme à Mcxique,de Cuer- nauaca,& des autres vallées. En la terre ferme ôc en quelques iiles y a de grands planares , qui font comme boqueteaux fort efpais. Silaplatecftoit propre pour brufler, c'euft efte la plus vtile de toutes, mais elle n'y eft aucunement propre : car fàfocillcnyfes rameaux nepeuuent brufler, Se encor moins feruir de mefrain , àcaufequç c'eft vn boismoiïelleux, ôc qui n'a point de force. NeantmoinsDom Allonfe Darzilla (comme il dit) fe feruit des fueilles feches de cet arbre pour efcrirevne partie de l'Auracane , & à la vérité à faute de papier on Pen pourroit feruir,veu que fa fueille eft de la largeur d'vne fueille de papier, ou peu moins,& longue de quatre fois autant. Du Cacao & de la Coca. c HAP. XXII. Mfffi A ç o 1 t que le plane foit le plus profitable, iPÏM neantmoins le Cacao eft plus eftimé en Me- xique,& la Coca au Peru , efquels deux arbres ils ont beaucoup de fuperfticion. Le cacao eft vn fraie! vn peu moindre qu'amandes,& toutesfois plus gras,lequel eftant rofty, n'a pas mauuaife fa- ucur.ll eft tant eftime entre les Indiens,voire en- tre les Efpagnols,que c'eft vn des plus riches,voi- replus grands commerces de la neufue Efpagne. X iij I -'.'V HISTOIRE NATVRELLI Car comme'c'eft vn fruicT: fec 8c qui fe garde lo ng temps fans fe corrompre,ils en ameinent des na- uires chargez de la prouince de Guacimalla. En Lan parte vn coifaire Anglois brada au port de Guatulco en la neufue Efpagne plus de cent mil chaînes de cacao. L'on f en fert mefme comme de monn qye, d'autant qu'auec cinq cacaos ils achè- tent vue chofe,auec trente vne aurre,& auec cent vne autre, fans qu'il y aye contradiétion , Se ont accouftumé de les douer pour aumofne aux pau- urcs qui leur demandent. Le principal vfagede ce cacao eft en vn breuuage qu'ils appellent cho- cholaté, dont ils font grand cas en ce pays , folle- ment 8c fans raifon , &fait mal au cœur à ceux qui n'y font point accouftumez, d'autant qu'il y avnecfcume&vn boiiillon au haut qui eft fort mal agréable pour en v(er , fi l'on n'y a beaucoup d'opinion. Toutesfois c'eft vne boiflon fort efti- mec entre les Indiens, de laquelle ils traittenc & feftoyent les Seigneurs qui viennent ou partent parleur terre. Les Efpagnols 8c les Efpagnolies quifontjaaccouftumezaupays , font extrême ment friands decechocholaté. Ils difent qu'ils font ce chocholaté en diuerfes façons &quahtez, feauoir l'vn chaud,i'autrc froid, 8c l'autre tempe- ré^ y mettent des efpics beaucoup de ce chili. Mefiiies ils en font des paftes , qu'ils difent eftre propres pour l'eftomach , 8c contrelecatharre. Quoy qu'i'len foit , ceux qui n'y ont point efté nourris n'en font pas beaucoup curieux. L'arbre où croift ce fruict eft d'vne moyenne grandeur, 8c d'vne belle façon : il eft fi délicat que pour gar- der que le Soleil ne le bmfle ils plantent auprès DES INDES. L I V. I 1 1 1. I &\ de luy vn autre grand arbre qui luy fert feule- ment d'ombrage,&: l'appellent la mère du cacao. Ily a des lieux où ils font ainfi que les vignes & lesoliuiersfonten Efpagne. Laprouincequien a plus grande abondance pour le commerce & la marchadife,eft celle de Guatimalla. lln'encroift pointau Peru,maisily croiftdelacoca , qui eft vue autre chofe où ils ont encor vnc autre plus grande fuperftition , qui fcmble eftre chofe fabu- leufe. A la vérité la traitte de la coca en Potozi fe monteàplus de demy million de pezes par cha- cun an, d'autant qu'on y en vfe quelques quatre vingts dix ou quatre vingts quinze mille corbeil- les par an. En l'an mil cinq cens quatre vingts & trois on y en confomma cent mil. Vue corbeille de coca enCufco vaut deux pezes & demy, 6c trois , & en Potozi elle vaut tout courant quatre pezes Sccinq tomines,& cinq pezes elfayez.C'eft l'efpcce demarchandife à l'occafion de laquelle prefque fe font tous les marchez & foires , parce que c'eftvnemarchandife dont il y a grande ex- pédition. Lacocadonc qu'ils eftiraent tant, eft vne petite fucille verde qui naift endesarbrif- féaux qui font comme d'vne brade de haut: elle croift en des terres fort chaudes & humides, &c jette cet arbre de quatre mois en quatre mois ce- tte fueille qu'ils appelletla trefmitas outremoy: elle requiert beaucoup de foin à la cultiuer, pour- ce qu'elle eft fort delicate,&: beaucoup d'auanta- gcàlaconferuer,apres qu'elle eft cueillie. Ilsles mettent par ordre en des corbeillons longs &e- ftroits,& en charger les moutôs du pays,qui vont auec cefte marchandife en troupes chargez de X iiij --;•*? HISTOIRE NATVRELLE m;l & deux mil, voire trois mil de cescorbeil- lons. On l'apporte le plus communément des Andes &c vallées , efquelies il y a vue chaleur in- supportable, & oùil pleuttoufiourslaplus-part de Tannée. En quoy les Indiens endurentbeau- coup de trauail&,de peine pour l'entretenir , &. bien fouuét plu fieurs y perdët la vie, parce qu'ils fartcntdela Sierre &de lieux très- froids pour aller cultiuer &c recueillir en «es Andes. C'eft pourquoy il y a eu de grandes difputes & diuerfi- té d'opinions entre quelques hommes doctes &c iages,àfçauoir ftl eltoit plus expédient d'arra- cher tous ces arbres de coca,ou de les lai{Ter,mais en fin ils y font demeurez. Les Indiens l'eftiment beaucoup , &au temps des Rois Inguas il n'e- floit pas licite ny permis au commun peuple d'v- fer de la coca fans la licence du gouuerneur . L'v- fàge en eft tel qu'ils le portent en la bouche , & le mafehent, fuccant fans toutesfois l'aualler. Ils difentqu'elle leur donne vn grand courage, 6c leur eft vne finguliere friandife. Plufieurs hom- mes graues tiennentcelapourmperftitiô&cho- fe de pure imagination. De ma part,pour dire la vérité, ie me perfuade que ce n'eft point vne pure imagination, mais au contraire i'entens qu'elle opère & donne force Se courage aux Indiens:car l'onenvoid des effecls, qui ne peuuent eftre at- tribuez à imaginatiô , comme de cheminer quel- ques iournees fans manger auecvne poignée de coca,& autres effects iemblables. La faulfeauec laquelle ils mangent ce cocaluy eftaffezconue- nable, pourcequci'enay goufté, &a comme le gouftdeSumacq. Les Indiens la broyentauec DES INDES. LIV. IIII. I6"f delà cendre d'os bruflez 8c mis en poudre, ou bien auec de la chaux, comme d'autres difent : ce qui leur femble fort appetifïant 8c debongouft, &c difent qu'il leur fait vn grand profit. Ils y em- ployent librement leur argent, & fenferuenten mefmcvfage que de la monnoye. Encor toutes ceschofesneferoient point mal à propos, n'e- ftotentle hazard 8c rifque qu'il y a en Ion com- merce, 8c àl'approfiter,en quoy tant ces gens font occupez. Les Seigneurs Inguas violent du coca comme de chofe royale 8c friande , 8c eftoit la chofe qu'ils offroient le plus fouuenten leurs iacrifices,le b milans en l'honneur de leurs idoles. Du Martuy , du Tftnaly de la Cochenille , détenir ,& du Cotton. CHAP. XXIII. E maguey eft l'arbre des merueilles, duquel les Nouueaux ou Chapetones ( comme ils les appellent es Indes*) ont accouftuméd'efcrire des miracles, en ce qu'il donne de l'eauë, du vin, de l'huile , du vin-aigre , du miel , du firop,du fil, descfguilles,6\: mil autres chofes. Ceft vn arbre queleî Indiens eftiment beaucoup en Ianeufue Efpagnc, 8c en ont ordinairement en leurs habi- tations quelqu'vn pour entretenir leur vie. II croiit&^ecultiuentaux champs, & a lesfucilles larges Se groflieres , au bout defquclles il y a vne pointe forte & aiguë* qui fert pour attacher com- me dcsefpingIes,ou pour coudre comme vne e£- guille, &c tirent aufli de cefte fueille comme vh certain fil,dontilsfefcrucnt.Ils coupent le tronc HISTOIRE NÀTVRELLE qui eft gros quand il eft encore tendre, & demeu- re vne grande concauité, par laquelle monte la fubftance de la racine, & eft vne liqueur que l'on boit comme de l'eauëqui eft franche & douce. Cette mefmeliqueur eftant cuite fe tourne com- me vin,lequeldeuient vin-aigre le laiïTantaigiir, & en le fanant bouillir dauantage il deuiét com- me du miel,& le cuifant à dcmy , il leur fert de (1- rop, qui eft allez fain&debonne faueur , voire me femble meilleur que le firop de raifins. Voila comme ils font cuire & fe feruët de cefte liqueur en diuerfes façons, de laquelle ils tirent bonne quantitéjd'autant qu'en certaine faifon ils tirent par chaque iour quelques pots de cefte liqueur. Il y a mefme de ces arbres au Peru, mais ils ne les rendent point fi profitables comme enlaneufue Efpagne. Le bois de cet arbre eft creux & mol,& fert pour conleruer le feu, pource qu'il le retient comme vne mefche darcbuze,&: l'y garde long temps, dont i'ay veu que les Indiens fen feruoiët à cet cfteéfc.Le tunal eft vn autre arbre fameux-en la netafue Efpagne , fi arbre nous dcuonsappeller vn monceau de fueilles amalTees les vnes furies autres , lequel eft de la plus eftrange facond'ar- bre qui foit. Pource qu'il fort de terre première- ment vne fueille,& d'icelle vne autre,& de cefte- cy vneautre, & ainfi vacroiflant iufques à faper- fection , finon que comme fes fueilles vont for- tantenhaut &c aux collez, celles d'embas f'en- groiTïfTent, & viennent prefque à perdre la figure de fueilles,en faifant vn tronc & des rameaux qui font afpres,efpineux & difformes, d'où vient qu'en quelques endroits ils l'appellent chardon. DES INDES. LIV. I 1 1 1. I 66 Il y a des chardons ou tunaux fauuages qui ne portée point de fruict, ou bien il eft fortcfpineux & fans aucun profit. Il y a meime des tunaux do- meftiques , qui donnent du fruict fort eftimé en- tre les Indiens, qu'ils appellent Tunas , Se fontde beaucoup plusgrandes que les prunes de frère, 8c ainfi longues. Ils en omirent la cocque, qui eft grade, & au dedans y a de la chair ôc des petits grains femblablcs à ceux des figues , qui font fort doux,&ont vnbongouftjfpecialementlesb&n- ches, lefquels ontvne certaine odeur fort agrea- ble,mais les rouges ne font pas ordinairement fî bons. Il y a vne autre forte de Tunaux, lefquels ils eftiment beaucoup dauantage, encor qu'ils ne donnent point de frui6l:,& les cultiuentaucc vn grand foin & diligence : Se iaçoit qu'ils n'en re- cueillent point de ce fruicl: , neantmoins ils rap- portent vne autre commodité & profit qui eft de la graine , d'autant que certains petits vers naif- fentaux fueilles de cetarbre , quand il eft bien cul tiué,& y font attachez, couuerts dVne certai- ne petite toile déliée , lefquels on circuit delica- tementj&eft la cochenille des Indes tantrenom- mée,de laquelle l'on teint en graine. Ils les Iaif- fent fecher,5c ainfi fecs ilsles apportent en Efpa- gne,qui eft vne groiïe& riche marchandife. L'a- robe de ccftecochenille,ougraine,vaut)3lu (leurs ducats. On en apporta en la flotte de l'an mil cinq cents quatre vingts fept, cinq mil iîx cents ioixantedix-IeptarrQDes,qui montoient à deux cents quatre vingts trois mil, fept cents & cin- quante pezes,& ordinairement il en vict tous les ans vne ferablablerichene.Ces Tunaux croifTent HISTOIRE "MAT VRILLE es terres tempérées qui déclinent à froideur. Au Peru il n'y en croift point encor iufques à pre- fent.l'en ay veu quelques plantes en Efpagne,qui ne méritent pas toutesfois d'en faire aucun eftat. le diray au (îi quelque chofedcl'Anir, combien qu'il ne vient pas d'vn arbre, mais d'vnc herbe, parce qu'il fert à la teinture des draps,&que c'eft vnemarchandifequi f'accommodeauec la grai- ne^ mefme qu'il croift en grande quantité en la neufueEfpagne, d'où il en vint en la flotte que i'aydit,cinq mil deux cents foixatue&: trois aro- bes,ou enuiron,quimontentautantdepezez.Le cotton mefme croift -en des petits arbrilïeaux , 8c en des grands arbres qui portent commedespo- mettes , lefquels l'omirent & donnent cefte filaf- fc , ôc après l'auoir cueillie la filent , 8c la tirent pour en faire des eftoffes. C'eft vne des chofes qui foit es Indes de plus grand profit, 8c déplus d'vfage,car il leur fert de lin,& de laine pour faire des habits. Il croift en terre chaudc,& y en a vue grande quantité es vallées & code du Peru ,en la neufue Éfpagne, es Philippines, 8c en la Chine. Toutesfois il y en a beaucoup dauan rage qu'en aucun lieu queie fçache,enlapronincede Tucu- man, en celle de faindte Croix delà Sierre,& au Paraguey ., 8c leur eft le cotton le principal reue nu. L'on apporte en Efpagne du cotton des iiîe de fainâ: Dominique, & en vint l'anneequei'ay dit foixante& quatre arrobes. Aux endroits des Indes où errtift le cotton ils en font de la toile dont les homes & les femmes vfentleplus com- mn:iément,mefmcs en font leurs feruiettesdeta- blcs,voire des voiles de nauire. Ily en a de gros, es DIS INDES. LIV. II II. l6j & d'autre qui eft. fin & délicat. Ils le teignent en diueifes couleurs , comme nous faifons les draps de laine en Europe. DesMamcycs yGi(ayauos & fait os. chap. xxiiii. Es plantes dont nous auons parlé font les plantes les plus profitables des Indes,& cel- les qui (on t les plus neccifaires pour le viureitou- tesfois il y en a beaucoup d'autres qui font bon- nes à manger, entre lefquelleslesmameyes font eftimees , eftans de la façon des grolîèspefches, voire plus grofles.Ils ontvn ou deux noyaux de- dans , & la chair quelque peu dure. Il y en a qui font doux,& d'au très qui font aucunemet aigres, ôc ont l'efcorce forte Induré. On fait de la con- ieruedelachairdeccfruid,quireirembleau co- tignac. L'vfage de cèfruicl: eftaflez bon,& encor meilleure la conieruc que l'on en fait. Ils croit fentes ifles & n'en ay point veu au Pcru.C'eftvn arbre qui eu grand, & bien fait , d'vn alfez beau fueillagc. Les Guayauos font d'autres arbres qui portent communément vn mauuais fruid, plein de pépins afpres,&: font de la façon de petites pô- mcs. C'eft vn arbre mal eftimé en la terre ferme, & aux ifles , car ils difent qu'il a l'odeur comme de punaifes.Le gouft & faueur de ce fruiéUft fort grofIïer,& fa fubftance mal faine. Il y a en faind Dominiquc,& es autres ifles des montagnes tou- tes pleines de ces guayauos , ôc difent qu'il n'y a- uoit point de telle forte d'arbres auant que les EtpagnolsyarnuafTent, mais queL'onlopya ap- ..-> '*» HISTOIRE NATVRELLE portez de ie ne fçay où. Cet arbrca multiplié in- finiment, parce qu'il n'y a aucun animal qui en mange les pepins,ou la graine,d'où vient qu'eftas ainfi femez parmi la rerre, comme elle eft chaude &humide,ily a ainfi multiplié. Au Peru cet ar- bre diffère des autres guayauos , pourcc quelc fruiA n'en eft point rouge , mais eft blanc , &c n'a aucune mauuaife ocîieur, mais eft d'vn fort bon gou(l:& de quelconque forte de guayauos que c e foit,lefruicîen eftauitï bon comme le meilleur d Efpagne,fpeciaîemehtde ceux qu'ils appellent guayauos de matos,&d'autres petites guayauilies blanches. Ceft vn fruicl: allez lain,& conuenable pour l'eftomac , pourcc qu'il eft de forte digeftiô, & allez froid: les Paltasau contraire font chau- des &dehcates.LePaltoeftvn arbre grand ôc de beau fuei'llage , qui a le fraie! comme des grottes poires: il a dedans vn gros noyau , & toutlercfte eft vue chair mol!e,telîement que quand ils font bien meurs , ils font comme du beurre, 8c ont le gouftdclicat. Lespaltasiontgrandsau Pcru,& ont vneefcai!lefortdure,qneron oeut ofter tou- te entierc.Cefrui et eft en Mexiquc,pour la plus- part fort, ayant l'efcorce deliee,qui le pelle corn- medes pommes. Ils les tiennent pour vne viande laine,& commei'ay dit, quideclinequclquepeu à chaleur. Ces mamaycs,guayauos,&paltos font les pefches, les pommes & les poires des Indes, encorqueiedefiroispluftoft celles de l'Europe. Mais quelques autres par l'vfage , ou peuteftre, par affection, pourront cftimer d'auantage ceux- cy des Indes. le ne doute point que ceux qui n'ont point veunygouftéde ces fruits, pren- DES INDES. LIV. 1 1 1 1. I 6*8 dront peudeplaifiràlirececy , voire felafleront de l'ouyr,& moy- mefme ie m'en lafle , qui caiife que i'abbregeray en racontant quelques autres fortes de fruids. Car ce feroit choie impoflible de pouuoir traicter de tous. Du Cbkoçapotc, des ^AnnvnÂs £r des Capelines. chap. xxv. SgSVelques-vns qui ont voulu augmenter les fës£$chofes des Indes, ont mis en auant qu'il y auoitvnfruictquieftoitfembîable au cotignac, & l'autre qui eftoit comme du blanc manger: pourec que lafaueur leur fèmbla digne de ces noms. Le cotignac ou mermelade (iiie ne-me trompe) eftoit ce qu'ilsappelloicntçapotes , ou chicoçapotes, qui font d'vn gouft fort doux, 8c approchant à la couleur de cotignac. Quelques crollos, (qui eft le nom dont ils appellent les Ef- pagnols nais aux Indes ) difenc quecefrui&fur- palîeen excellence tous les frui&s d'Efpagne. Toutesfois ce n'eft mon opinion , mais ils dif$nt qu'au gouft. principalement il furpafie tous les autres frui&s, où ie ne me veux pas arrefter néan- moins, parce que celancle mérite pas. Ces chi- coçapotes, ou capotes, entre lefquels ilyapeu de difrerence,croi(lç:nt es lieux chauds delà neuf- ueEfpagne, &n'ay point cognoiiîance qu'il y ait de tel fruicl en la terre ferme du Peru. Pour le blanc manger c'eft l' Annone, ou guanauana, qui croift en terre ferme. L'Annona eft de la façon, d'vnepoire , Scainfi quelque peu aiguë & ou- verte: tout le dedans eft tendre Se mol comme HISTOIRE NATVR.ELL! bcurrcs& eft blanc,doux 8c dVn gouft fort fauou- reux. Ce n'eftpas manger blanc encor qu'il foie blanc mâger,mftis à la vérité c'eft beaucoup aug- menté de luy donner tel nom, bien qu'il foie de- licat,& d'vn gouft fauoureux , & quoy que félon le iugement d'aucuns il foit tenu pour le mei.ieur fruict des Indes, ilaen foy vne quantité de pé- pins noirs ,&ies meilleurs que i'ayevcu a efté en ïaneufne Efpagne,oùles capoliescroillèntauiïî, qui font comm e des cerifes, 8c vn noyau, bié que quelque peu plus gros. Mais la forme & figure eft comme de cerifes,de bonne fàucur,ayatvn doux- aigret :maisien'ay point veu de capollies enau- tte contrée. De plufieurs fortes de frmHicrs, des Cocos, des amendes ', des arides , & des amendes de Cbachapoyas . CHAP. XXVI. Çtffv*) L ne feroit pas polîîble de raconter tous les 2Ui! fruids & arbres des Indes, attendu que ie ne m'en reiïbuuicns pas de plufieurs , 8c qu'il y en a encor beaucoup d'auantage defquels ie n'ay pas coLinoiflTance, &me femblechofeennuyeafcde parler de toutes,dont il me fouuient. Il fe trouue donc d'autres genres de fruictiers 8c de fruicts, plus groiïîers, comme ceux qu'ils appellent lu- cum'es,du fruicl defquels ils difent par prouerbe, quec'cft vn prix diflîmulé, comme1 les guauas, pacayes,les hobos,& les noix qu'ils appelictem- prifonnees: lefnuelsfruidtsfemblent à plufieurs efttedesnoùdelameûiie eipeecque font celles d'Efpagne. DES INDES. II V. II II. 169 d'Efpagne. Voire ils difentqueiî l'on îestranf. plantoit fouuent d'vn lieu en autre , qu'ils rap- porteroient des noix toutes femblables à celles d'Efpagne, & ce qu'ils donnent ainfi vnfruicT: iauuage& (ïmalplailant , eft à caufe qu'ils font fauuages. En fin l'on doit bien confiderer la pro- uidence&fagelle du Créateur, lequel adeparty à tant de diuerfes parties du monde telle variété d'arbres fruictiers, le tout pour le feruicc des ho- mes qui habitent la terre , & eft vne chofe admi- rable devoir tant de différentes formes , goufts, &c eifects du toutincogneus , & dont on n'auoic 'amaisouy parler au monde auparavant la def- couuerte des Indes, &defquelles mefmePline, Diofcoride& Theophrafte , voire les plus cu- rieux n'ont eu aucune cognoi(Tanee,neantmoins toute leur recherche Se diligence. Il l'eft trouué des hommes curieux de nottre temps qui ont cf- critquelques traittez de ces plantes des Indes, des herbes , & riuieres , &: des opérations qu'ils ont en l'vfage de médecine , an (quels l'on pourra recourir, qui en voudra auoir pins ample co- gnoifïànce, parce que iepretendstraitter feule- ment en peu de mots & (uperfîciellemcnt ce qui me viendra en la mémoire, touchant ce fujeft. Neaiumoins il ne me fcmblepas bon palier fouz (ilence les cocos, ou palmes des Indes, à caufe d'vne propriété qu'ils ont,qui eft fort notable,& remarquable. le les appelle palmes,non pas pro- prement,ny qu'ily ait des dattes , mais d'autant que ce font arbres femblables aux autres palmes. Ils font hauts & forts , & plus ils montent en haut,plus vont-ils jettans des rameaux grands Ôc Y ..-'•■*» HISTOIRE NATVRHLLE fort eftendus. Ces palmes ou cocos donnent vn fruiét qu'ils appellent aufïi cocos,dequoy ils ont accouftumé faire des vafes pour boire , ôtdifenc qu'il y en a quelques-vns qui ont vnevertu & propriété contre le poifon, & pour guérir le mal dc]cofté. Le noyau & la chair d'iceux (quand il eft cipoifïi&fec)eftbon à mager}& approche quel- que peu du gouft de chaftaignes verdes. Quand le coco eft en l'arbre encor tendre, tout ce qui eft dedans eft comme vn laid qu'ils boiuent par de- liceSj&pour rafraifehir en temps de chaleur.I'ay veu de ces arbres en làinct Iean de Port- riche, 6c «utres endroits des lndes,&m*en dirent vnecho- fe remarquable,que chaque mois ou Lune cet ar- bre jette vn nouueau rameau de ces cocos ^telle- ment qu'il donne du fruicfc douze fois par an, comme ce qui eft eferit en l' Apocaly p fe , & à la vérité il me femble que ce fuft de mefme, pourec que tous les rameaux font d'aages fort différents, les vns commencent, les autres font défia meurs, & les autres lefontàdemy. Ces cocos que iedy font ordinairement de la figure & grofleur d'vn petitmelon: Ily enadvne autre forte qu'ils ap- pellét coquillos,qui eft vn fruict meilleur,dot il y enaenChillé. Ils font quelque peu plus petits que noix,mais vn peuplus ronds. Il y a vne autre efpece de cocos qui ne donnent point ce noyau ainfi cfpoifïi, mais ils ont dedans vnequantité de petits frui6fcs comme amendes , à la^façon des grains de grenade. Ces amendes font trois fois aufîî grandes que celles de Caftille,& leur rcfîem- blent au gouft , encor qu'elles foient vn peu plus afpres, & font aufïi humides ôc huiileufcs. C'eft DES INDES. LIV. III I. 170 vn allez bon manger,aufïï ils f en ferucnt en deli- ceSjfaute d'amendes, pour faire des malfe- pains, & autres telles chofes. Ils les appellent amendes des Andes, pource que ces cocos croisent abon- damment es Andes du Peru,& font fi forts 8c durs, que pour les ouurir il eft befoin de les frapper ru- dement auec vue groire pierre. Quand ils tom- bent de l'arbre, i'ils rencontroiet la tefte de quel- qu'vn,iln'auroitja befoin d'aller plus loing. Et femble vue chofe incroyable que dedans le creux de ces cocos qui ne ionepas plus grands que les autres» ou gueresdauantage, il y a neantmoins vne telle multitude 8c quantité de ces amandes. Mais en ce qui concerne les amendes , 8c tous les autres fruicts femblables, tous les arbres doiuent ceder aux amendes de Chachapoyas, lelquelles ie ne peux autrement appeller. C'eft lefruictle plus délicat , friand , 8c plus fain de tout tant que i'ayeveués Indes. Voire vn docte médecin affer- moit qu'entre tous les fonds qui font es Indes, ou en Efpagne , nul n'approchoit de l'excellence de ces amendes. Il y en a d e plus grades &; déplus petites que celles que i'ay dit des andes,mai$ tou- tes font plus grades que celles de Caftillc. Elles font fort tedres à magcr,ont beaucoup de fuc , 8c de fubftance, 8c comme onchieufes 8c fort agrea- bles,clles croiflent en des arbres très-hauts, 8c de gradfueillage. Et corne c'eft vne chofe precieufe, nature aufïi leur a donné vne bône couuerture Ôc defenfe, veu qu'elles font en vne efeorce quelque peu plus grade 8c plus poignate que celle des cha- ftaignes, toutefois quad cefte efeorce eft /cche,i'o en tire facilemct le grain. Ils racotec que lesfinges Yij ."i**<4)B I HISTOIRE NATVRÎLLI qui fontfortfriandsde cefruict, &: defquelsy a vn grand nombre en Chachapoyasdu Peru,(qui eftla contrée de toutes oùieîçache qu'il y ait de ces arbres) pour ne fe piquer en l'efcorce, &en tirer l'amande,& lesjettent rudement du haut de l'arbre fur les pierres , & les ayansain fi rompues, les acheuét d'ouurir pour lesmâger à leur plaifir. De flufîenrs & diuérfes fleurss& de quelques arbres qui donnent feulement de U fleur ^ & comme les Indiens en yfent. CHAP. XXVII. E s Indiens font fort amis des fleurs, & en la neufue Eipagneplus qu'en autre partie du monde, parquoy ils ont accouftumé défaire plu- fieurs fortes de bouquets, qu'ils appellent là fu- chilles,auec vne telle variété ôc gentil artifice, que l'on n'y peut riendefirerdauantage: ils ont vnecouftume entr'eux que les principaux orfrét par honneur leurs fuchilles ou bouquets aux fei- gneurs & à leurs ho(les,& nous en donnoient en telle abondance quand nous cheminions par ce- lle prouince, que nous nefçauions qu'en faire, bien qu'ils fc feruent auiourd'huy à cet efFect des principales fleurs de Caftille , pource qu'elles croiflent là mieux qu'ici,commefont les œillets, rofes , iafmms, violettes , rieurs d'oranges, & les autres fortes de fleurs qu'ils y ont portées d'Efpa- gne,y profitent merueilleufement. Les rofiers en quelques endroits y croiffoient trop , tellement qu'ils ne donnoient point de rofes. Il arriua vu iourqu'vn rofierfut brufié , ôc les rej citons & DES INDES. L I V. I I II. IJl fcyonsqui jetterait incontinent portèrent des rôles en abondance, & de là ilsapprindrentàles el monder 3 &c en oiter le bois fuperfla , tellement qu'auiourd'huy ils donnent des rofes fuffifam- ment. Mais outre ces iortes de fleurs que l'on y a portées d'icy, il y en a beaucoup d'autres, les noms defqucllcs ie ne peux pas dire,qui font rou- ges , jaulnes , bleues , violettes & blanches , auec mil dirrcrences,lefquelles les Indiens ont accou- ftumé de porter en leurs teftes,comme vn pluma- ge pourornement.lleftvrayqueplufieursdeces fleurs n'ont que la veuë, pource que l'odeur n'en eft point bonne,ou elle eft gromere,ou elles n'en ont point du tout, encorqu'ily en ait quelques- vnes d'excellente odeur.Comme celles qui croif- fent en vn arbre qu'ils appellent floripondio, ou porte fleur,qui ne donne aucun fruicî,mais por- te feulement de ces fleurs , lefquelles font plus grandes que fleurs de lys , ik font quali en forme de clochetteSjtoutcs blanches , & ont au dedans des petits fillets comme l'on void au lystii ne cef- ie toute l'année de produire ces fleurs, l'odeur defquelles eft merucilleufement douce & agréa- ble Spécialement en la fraifeheur du matin. Le Viceroy Dom Francifco deTollede cnuoya de cesarbres au Roy Dom Philippe, comme vne chofe digne d'eftre plantée aux iardins royaux. En la neufue Efpagne les Indiens eftiment beau- coup la fleur qu'ils appellent yolofuchil, qui fi- gnihe fleur de cœur , pource qu'elle eft de la mef- me forme d'vn cœur,& n'eft pas gueres moindre. Ilya mefme vn autre grand arbre qui portede cette forte de flcurs,fans porter d'autre fruicl:Jellc Y iij HISTOIRE NATVRELLE a. vnc odeur qni eft forte, & comme il me femble, trop violente , à d'autres elle leur pourra fembler agréable. C'eft vne chofeaflez cogneucque la fleur qu'ils appellent fleur du Soleil , à la figure du Soleil,& le tourne félon le mouuement d'ice- luyàly en ad'autres qu'ils appellent oeillets d'In - de, lefquelsreiremblent àvn fin velours orangé &violet, celles là n'ont aucune fenteurqui foit d'eftime,mais feulement font belles à la veu'ë.Il y a d'autres fleurs , qui outre la beauté de la veuë, combien qu'elles n'ayent aucune odeur, ou vne faueur comme celles qui reflcmblent à celle du crelîon allenois , que fi l'on les mangeoit fans les voir,l'on neiugeroit point que ce fuft autre cho- fe. Lafleurdegrenadille^ft tenue pour chofe re- marquable, & difent qu'elle a en foy les marques 8c enfeignes de la paflion, & que l'on y remarque lesclouds, lacolomne, les fouets, la couronne d'efpine,& les playes , en quoy ils ne font pas du tout efl oignez de raifon, iaçoitque pour y trou- uer& remarquer toutes ces chofes il foit befoin de quelque pieté , qui aide à en faire croire vnc partie, mais elle eft fort exquife, & très- belle à la vcuë,encor qu'elle n'ay e point d'odeur. Le fruicr. qu'ils appellent aufli granadille,fc mange,fe boit, ou pour mieux dire,fe (ucce, pourrafraifehir : ce fruict eft doux , & félon l'opinion de quelques- vns , il l'cft par trop. Les Indiens ont accouftumé en leurs feftes &r dances de porter des fleurs en leurs mains , ôc les Rois & Seigneurs en portent pour la magnificence. Pour cefte occafion l'on y oid des peintures de leurs anciens ordinairemet auec des fleurs en la main, comme Ton void îcy DES INDES. LIV. 1 1 1 1. 172. aucc des gands.il me femble en auoir allez dit fu r cequiconceme les fleurs. L'onvfeaufïiàcetef- fect du bazilic , encorque ce ne foit point vnc fleur,mais feulement vne hcrbe,& ont accouftu- mé d'en auoir en leurs iardins,& de la bien culci- uer,mais maintenant ils en ont fi peudefoing, qu'il n'eft plus auiourd'huy bazilic,mais c'eft vne herbe qui croift autour des eftangs. Du Bttulme. CHAP. XXVIII. •££ E fouuerain Créateur n'a pas feulement for- fâ mé les plantes pour feruir de viande, mais aufïïpourla récréation & pour la médecine Se guanfeui de l'homme, l'ay dit quelque peu de cel- les qui feruent pour la nourriture, qui cft le prin- cipal : Se mefme quelque peu de celles qui fer- uent de récréation. Il refte donc maintenant de traitter de celles qui font propres à la médecine, dont ic diray aufli quelque peu de choie. Et en- cor que toutes les plantes foient medecinales quand elles font bien cogneuës Se bien appli- quées, toutesfois il y a quelques chofes particu- lièrement, que l'on void notoirement auoir cfté ordonnées du Créateur pour la médecine , Se pour la fàntédcs hommes : comme font les li- queurs,huilles , gommes Se rezines qui prouien- nent de diuerfes plantes Se herbes , Se qui facile- ment demonftrct à l'expérience à quoy elles font propres. Sur toutes ces chofes le baufme auec raiion eft renommé pourfon excellente odeur, Y iiij Tltn.hb. IZ.C.IJ. \Cant. i . | îtrah.Ub, 16. [ Hm.lib. I : i .c if. HISTOIRE NATVRELI, E 8c beaucoup dauantage pour l'exquis efrecl; qu'il a de curer les playes,& autres diuers remèdes que l'on expérimente enluyfurlaguerifon desmala- dies. Lebanfmequi vient des IndesOccidentales n'eftpasdela mefme efpcce que le vray baufme quei'on apporte d'Alexandrie ou du Caire.&qui anciennement eftoit en Iudee,laquelleludee (fé- lon que Pline eferit) polîedoit feule au monde cède grandeur , iufques à ce que l'Empereur Ve- fpafian l'apporta à Rome 8c en Italie. Ce qui me donne occafion de dire que l'vne liqueur &c l'au- tre ne font point d'vne mefmeefpece,c'eft à cau- fe que les arbres d'où elles fortent font entr'eux fort différentes: car l'arbre du baufme de Palefti- ne eftoit petit , & a la façon de vigne , comme ra- conte Pline pour l'auoir veu , & ceux d'auiour- d'huy qui l'ont veu en Orient en difent autant. Comme aufîî la fainetc Efcricureappellelelieu ou groflit le baufme , vigne d'Enguaddi , pour la rciîemblancc qu'il aauec les vignes. I'ay veu l'ar- bre d'où fc tire le baufme des Indes, qui eftauiîï grand comme vn grenadier, voire approchant quelque peu de fa façon, fi i'ay bonne mémoire, n'ayant rien de commun auec la vigne, combien queStrabonefcriue quel'arbre ancien du bauf- me eftoit de la grandeur des grenadiers. Mais aux accidens 8c operatios ,ce font liqueurs fort fem- blables, commeelles le font en leur odeur admi- rable, & enlacure&guarilon <\qs playes, en la couleur&en lafubftancc, veu qu'ils racontent de l'autre baufme qu'il y en a de blac, de vermeil, deverd, &denoir: ce que l'on voidaulîienceux des Indes. Et tout ainfi qu'ils tiroientlancien en DES INDES. LIV. II II. I75 coupant &incifàntrcfcorce,pour en faire diftil- ler celle liqueur,ainii en font-ils de mefme en ce- Juy des Indes, encorqu'il diftilleen plus grande quantité. Et comme en cet ancien il y en a d'vne forte qui efl: tout pur, lequel ils appellent opo- bal(àmo,qui eftla propre larme qui diftille,&vn au tre qui n'eft pas (i cxquisjequel on tire du bois de l'efcorce&desfueilleseipraintcs & cuites au feu, lequel ils appellent xylobaliami. De mefme audi entre lebaufme des Indes , il y en a vn pur qui fort ainfi del'arbrej&d'autres que les Indiens tirent en cuiiant &e(preignant les fueilles 8c le bois, mefmes ils le fophiftiquent 8c augmentent aucc d'autres liqueurs,afin qu'il y en ait dauanta- ge. Et n'eft pas fans raifon qu'ils appellent bauC- me , car il l'eft véritablement , encor qu'il ne foie pas delamefmeefpecede l'ancien, 8c efl: beau- coup eftimé , & le feroit d'auantage , fi ce qui eft auiourd'huy ésefmeraudes n'y eftoit, àfçauoir d'eftre à prefent en grande quantité. Ce qui im- porte dauantage, efl. I' vfage auquel il eft: employé de fèrnir de chrefme, qui eft fi neceflaire en la fàincte Eglife,& de telle veneration.ayant décla- ré le Siège Apoftolique que l'on face le Chrefme aux Indes auec le baufme , 8c que l'on en vie au Sacrement de Confirmation,& aux autres Sacre- mens dont l'Egliievfe. L'on apporte, lebaufme en Efpagnedeianeufue Efpagne delaprouince de Guatimalla,de Chiappa,&: d'autres lieux où il abonde dauantage , encor que le plus eftimé foit celuy qui vient de l'ifle de Tollu, qui eft en la ter- re ferme, non pas loin de Carthagene. Ce bauf- me eft blanc,& communément ils tiennent pour HISTOIRE NATVRILLE Tlm.Ub. pjus parfajc le blanc que le rouge , encor que Pli- 2"c'1'' ne donnelc premier lieu au vermeil, le fécond au blanc,le troifiefme au verd , & le dernier au noir: maisilfcmbleque Strabon eftimedanantagc le baufme blanc,comme les noftresl'eftiment.Mo- Strab Ub nar^cs traitte amplement du baufme des Indes ceovrath. en la première & féconde partie, fpcciaîement de ecluy de Carthagene 8c de Tollu, qui eft tout vu. Ien'ay point trouuc que les Indiens ancienne- ment eftimaffent beaucoup le baufme,ny meime l'employaient en vfage d'importance, encor que Monardes dife que les indiens curoient auec icc- luy leurs playes,& que de là l'apprindrent les Ei- pagnols. De l'ambre , & des autres hmlles , gommes, & drogues nue l'on apporte des Indes. CHAP. XXIX. Près le Baufme , l'Ambre tient le fécond lieu : c'eft vue autre liqueur qui eft aufli odoriférante 8c medecinalle, mais pluselpaiife de foy , qui fe tourne & fefpaiflit en vne pafte de complexion chaude & de bon parfum , lequel ils appliquent aux playes,bleiïeures & autres necef- fîtez.Surquoyie me rapporte aux Medecins,fpe- cialement au docteur Monardes,qui à la premiè- re partie a eferit de celle liqueur , 8c de beaucoup d'autres medecinalles,qui viennét des Indes. Cet Ambre vient mefme delà neufue Efpagne, la- quelle a cet aduantage fur les autres prouinces en ces gommeSjliqueurs 8c fucs d'arbres. Qui caufe qu'ils ont là abondance de matières, pour le par- mà 3HC3II99I9I DES INDES. IIV. II II. 174 fu m , &c pour la médecine, comme elt l'Animé, qui y vient en grande quantité, le Copal , oufu- chicopal, qui elt vn autre genre, commede fto- rax,& encens , qui a mefme d'excellentes opéra- tions, &eftd'vne très- bonne odeur, propre pour les fu (Fumigations. Mefme la Tacamahaca, Scia. Caranna, qui font auffi tort medccinales. On ap- porte de celle prouince de l'huile d'afpic, duquel les médecins & peintres feferuent allez, lesvns pour leurs emplaftres, &les autres pour vernir leurs peintures. L'on apporre mefine pour les medecins,la cafte ridule , laquelle croift. abôdam- înenten S.Dominique. Ceftvn grand arbre qui porte ces cannes comme fon frui&.L'on apporta en Iafloteoù ie vins de S. Dominique quarante- hui<5t quintaux de calfe fiftule. La làlccpareille- n'eftpasmoins cogneue' pour mille remèdes, à quoy on l'employé. Il en vint en cède flotte cin- quante quintaux de la mefme ifle.il y a beaucoup de celle falceparcille au Peru, 8c de fort excellen- te en la prouince de Guayaquil, qui eftfousla ligne. Plu (leurs fe vont faire guarircn celle pro- uince , & eft l'opinion de quelques-vns , que les feules eaux fimples qu'ils boiuét leur donnet fan - té,à caufe qu'elles parlent par racines, corne nous auons dit cy deflus, d'où elle tire fa^ vertu, telle- m6t que pour fuer en celle terre, il n'eft point be- foin de beaucoup de couuerturc ny d'habits. Le bois de guayac, qu'ils appellent autrement bois fain t , ou bois des Indes, croift en abondance aux mefmcsifles,&eft auffi pefant que le fer,tejlemét qu'il f enfonfe incotinct en l'eaué. De ceftuy^'on en apporta en celle flotte trois cents cinquante HISTOIRE NATVRELLE quintaux,& en euft-on peu apportervingt,voire cent mil, f'ily auoit diftribution dcccbois. Il vint auiïi en la mefme flotte , &delamefmeiilc, cent trente quintaux de bois de Bre(îl,qui eftfi rouge,enflambé,&: fi cogneu, ôc dont on vfè tant pour les teintures & autres chofes. Il y a es Indes vne infinité d'autres bois aromatiques, gommes, huilles,&drogues,de forte qu'il n'eft pas poffible de les pouuoir tous raconter, & eft chofe aufïï de peu d'importance à prefent. le diray feulement qu'au temps des rois Inguas de Cufco, & des rois Mexiquains,il y eut beaucoup de grands perfon- Jiages experts à curer & medeciner auec les fim- ples,& faifoient de fort belles curesjdautat qu'ils auoientco^noilîàncedeplufieurs vertus & pro- prietez des hcrbes,racines,bois &des plantes qui croiiïent par delà , 8c don t les anciens d'Europe n'ont eu aucune cognoilfance. Il y a de ces fim- ples qui font propres pour purger,comme les ra- cines de Mcchoaçan , les pignons delà Punna, la conferuedeGuanucquoJhuiledefiguierj&plu- fieurs autres chofes , lefquelles eftans bien appli- quées & en temps, ne font pas ( comme ils tien- nent) de moindre efficace que les drogues qui viennent d'Orient. Ce qui fepeut voir, enlifant le difeours qu'en fait Monardes , en la première & féconde partie, où il traitte amplement du Ta- baco ou petum, duquel l'on a fait de notables ex- périences contre le venin. Le Tabacoeft vnar- brifïeau ou plante aflez commune, quiaen foy neantmoins des rares vertus, comme entr'autres de feruir de contre poifon , ainfi que pluficurs & diucrfes plantes, parce que i'Autheur de toutes DES INDES. LIV. IIII. 17c chofesadeparty (es vertus comme il luyapleu, & n'a point voulu qu'aucune chofe nafquift au monde ocieufe. Maisc'eftvn autre don fouue- rainàrbommedelcs cognoiftre , & enfçauoir vfercommeilconuient, cequele mefmcCrea- teur concède à qui il luy plaift. Le docteur Fran- çois Hernandes afaitvnbel œuure de celle ma- tière des plates des Indes, liqueurs, &: autres cho- ies medecinaleS; par l'exprès commandement & commiffiô de fa m :jefté, faifantpeindrs & pour- traire au naturel toutes les plantes des Indes, les- quelles, côme ils difent, font en nombre de plus de mil deux cents , & difent que cet œuure a cou- fté plus de foixante mil ducats , duquel œuure le docteur Nardus Anthonius médecin Italien a fait vn extrait curieux, &c renuoye auiditsliures celuy qui voudra plus exactement cognoiftre des plantes des Indes , principalement pour la médecine. /X".t grandes fofefis des Indes ydes Cèdres tdes Cciuas, & autres grands arbres qui y font. CHAP. XXX. çflfrS A ço 1 t que dés le commencemêtdu mon- £*?2 de la terre a produit des plantes & des ar- bres par le commandement du Seigneur , neant- moins elle n'a laiffé d'en produire en quelques lieux plus qu'es autres , & outre les plantes & les arbres qui par l'indurtrie des hommes ont efte tranfplantees Se apportées d'vn lieu en autre , il y en a encor beaucoup que nature a produits de foy-mefme.Ie croy que de cette forte il y en a da- e ■ I HISTOIRE NATYRELLE uantageau nouucau monde, que nous appelions Indes,toit en nombre,ou en diuerlîtez , que non pas au vieil monde,& terres de l'Europe , de l'A- îîe ôc Afrique. La raifon cft. pourec que les Indes font d'vne température chaude ôc humide, com- me nous auorïs monftré au fécond liure, contre l'opinion des anciens , qui caufe quela terre pro- duit en grande abondance vue infinité de plantes fauuages ôc naturelles , d'où vient que prelque la plus grande partie des Indes eft inhabitable, ôc qu'on n'y peut cheminer , pour les bois & efpaif- fesforeftsquiy font, aufquellesl'cn trauailleco- tinuellement pour les abbatre. Il a efté befoin Se necelîairepour cheminer par quelques endroits des Indes,principalementaux nouuclles entrées, de faire le chemin, en coupant lesarbres, & elTar- tant lesbuillons, de farte que comme nous l'ef- criuent quelques religieux, qui l'ont efprouuc, il a elle telle fois qu'ils n'ont peu cheminer en vu iour plus d'vne lieuë. Vn de nos frères, homme digne de foy , nous contoitquef'eftantefgarc & perdu dans les montagnes , fans fçanoir quelle part, ny par où il deuoit aller , il fe trouua dedans des huilions fieipais , qu'il fut contraint de che- miner fur iceux fans mettre les pieds en terre,par refpacedeqninzeiours entiers , ôc que pour y voir le Soleil, ôc pour remarquer quelque che- min en cefteforeft. fiefpaiiîe & pleine de bois, il auoit beloing de monter au coupeau des plus grandsarbres , pour delà defcouurirle chemin. Quiliraledifcours ttaittant de fon voyage, ôc combien de fois il feft perdu ôc efgaré, ôc les che- mins qu'ii a cheminez , les eftranges aduanturcs DES INDES. LIV. 1 1 1 1. IjG quiluy fontaduenucs,ceque i'ay efcrit fuccin- cîement , pourmefembler chofe digne d'eftre fceu'ë, & qui aura quelque peu cheminé par les montagnes des Indes,encor que ce ne foient que lesdix-huid lieues qu'il y a de Nom de-Dieu à Panama, pourra bienpenfcrde quelle grandeur font ces forefts des Indes,de forte que n'ayant au- cû Hyuer en ces parties là qui face fentir le froid, & que l'humidité du ciel Se de la terre y eft fi gra- quc,queles montagnes produifentvne infinité de forefts, & la campagne qu'ils appellentSaua- nas,vne infinité d'herbe: il n'y a point de faute d herbe pour lëspafturages,de mefrain pour les cdifices,ny de bois à faire du feu. C'eftvnechofe impoflible dcpouuoirraçonter les différences &c figures de tant d'arbres fauuages , dautant que de la plus- part l'on n'en fçait pas les noms. Les cè- dres fi eltimez anciennement font là fort com- muns,pour les édifices Se pour les nauircs,&: y en adediuerfes façons, les vus blancs, & d'autres roux,qui font fort odoriferans. Il y a vne grande quatité de Lauriers d'vn plaifant regard aux An- des du Pcru. Aux montagnes de la terre ferme auxifles,en Nicaragua, & en laneufue Efpagne. Corne aufli il y a vne infinité de Palmes,&:de Cei- uas,dequoy les Indiés font leurs canoës, qui font des bateaux faits tout d'vnepiece. L'ô apporta en Efpagncdumefraindeboisfortexquisdela Ha- uane,en l'iile de Cube, où il y a vne infinité de sem- blables arbres, comme font iEbene, le Caouana, la Grenadille,les Cedrcs,& autres cfpeces, que ic ne cognois point. Il y amefme de grands Pins en lancufucElpagne, encor qu'ils ne foient pas 6 HISTOIRE NATVRELLE forts que font ceux d'Efpagne. Ils ne porterie point de pignôs, mais pommes vuides. Les chef- nes qu'ils appellent de Guayaquil, eft vn bois ex- quis & odoriférant, quand on le taille , mefme il y a des cannes &c rofeaux tres-hauts,des rameaux Ôc petites cannes, deiquels ils font des bouteilles ôc cruches pour puifer dereauë,& fen feruent melme en leurs baftimens. llyaaulTi le bois de manflc,dequoy ils font des arbres Ôc mafts de na- tures, &c les eftimencauffi forts comme fi c'eftoit du fer. Le Molle eftvn arbre debeaucoup de ver- tus , lequel jette des petits rameaux, dont les In- diens font du vin,ils l'appellent e*n Mexique, ar- bre du PerUjpourcc qu'il eft venu de là,maisil en crojft auilî en la neufue Efpagne , &demeilleur queceluy duPeru. Il y a mil autres lortes d'ar- bres, dont ce feroit vn trauailfuperflud'en trait- ter, quclques-vnsdeces arbres lontd'vne énor- me grandeur . & parlcray leulemcnt d'vn qui eft en Tlaco Chauoya,trois lieues de Guaxaca, en ia neufuc Efpagne. Cetarbre eftant mefuré,fe trou- va feulement en vn creux auoir par dedans neuf graças,&: par dehors joignant la racine , feize, ôc plus haut douze. Cet arbre fut frapé de foudre, depuis le hautiufquesaubas,au droit du coeur, qui fit ce creux qui y eft. Ils difent qu'auparauant que le tonnerre fuft tombe deflus, ileftoitluiE- jànt pour ombrager mil homes. Ccftpourquoy ils C'y alïembloient pour faire leurs dances , bals Ôc fupcrftitions ; neantmoins il refte encor de prefent des rameaux ôc dela'vcrdure, mais non pas beaucoup. Ils ne fçauent quelle efpece dar- tre c'eft , finon quils difenc que c'eft vne efpece de Cèdre. DES INDfrS. L1V. IIII. 1 77 de Cèdre. Ceux qui trouueront cecy eftrangeji- fent ce que Pline raconte du| Plane de Lydie , le vlin.Ub. creux duquel contenoit quacre vingts 3c vn pied, l%t-1 • &: reflembloit pluftoft vnc cabane ou maifon, que non pas creux d'arbre^fon branchage vn bois entier, l'ombrage duquel couuroitvne grande partie de la campagne. Par ce qui eft eferit de cet arbre , l'on n'aura point tantd'occafîonde fei- mcrueiller du Tiileran , qui auoit fa maifon 8c meftierdansle creux d'vn chaftaigaer. Etd'vn autre chaftaigner , fi ce n'eftoit ceftuy-là mefme, dedansle creux duquel entroient huidt hommes àcheual , & en reilbrtoient fans f incommoder les vns les autres. Les Indiens exerçoient ordi- nairement leurs idolâtries en ces arbres ainfi eftranges &: difformes, ainii que faifoieut mefme les anciens Gentils , comme racontent quelques autheurs de ce temps. Des pUnteseJr fruiFHers que l'on 4 apporte^ de l'Espagne aux Indes. c hap. xxxi. E s Indiens ont eu plus de profit, & ont efte J mieux recompeniez es plantes que l'on y a' portées d'Efpagnc, qu'en autres marchandiicsj pource que le peu qui font venues des Indes en Efpagne,y croiifent peu , & y ont mal multiplié, & au contraire le grand nombre que l'on a porte d'Efpagne aux Indes , y vient très-bien , 8c y font grandement multipliées. le ne fçay fi nous de- uons dire que ce foit à caufe de la bonté des plan- tes, pour donner gloire à ce qui eft d'icy , ou bien HISTOIRE NATURELLE fî nous dirons que c'eft la terre, pour ladonner à ce qui eft de delà. Final émet il y a par delà de tout ce qui feproduit de bon en Efpagne & en quel- ques endroits meilleur, & en quelques endroits pire,commelefroment,rorgc,les porces ou ver- dure , & toutes fortes de légumes, aufli les lai- éfcuës, choux, raues,oignons, ail, perfil, naueaux, paftenàdes , berengencs , ou pommes d'Amour, fcariolles , betes , efpinars, garuences , ou pois, febues , lentilles , & finalement tout ce qui croift par deçà de domeftique,& de profit: de forte que ceux qui y ont fait voyage, ont cfté curieux d'y porter des femences de toutes fortes , & le tout y a beaucoup fructifié encor que c'ait efté diuerfe- ment, fçauoirauxvns mieux, aux autres moins. Quant aux arbres, ceux qui plus généralement & plus abondamment ont fructifié, ont efté les orangers,Iimôniers,citronniers, & autres fruicts de cette forte. Il y a défia en quelques endroits comme des bois ôc des forefts d'orangers.Ce que trouuant cftrange , ie demanday qui auoit rem- ply ces champs de tant d'orangers, l'on me re- ipondit que cela eftoit aduenu fortuitemet, d'au - tant que les oranges eftans tombées à terre, & pourries, leur femence auoit germé , & de celles que les eauxauoient emporté en diuers endroits, venoient à naiftre ces bois ainfi efpais.Ce qui me femblavnebonneraifon. Tayditque c eftoit le fruicT; Indes, dont les vns y ont efté porter d'Efpa- gne, les autres font de la mefmcefpecede ceux quenousauons en Europe, & toutesfois n'y ont point efté portez par les Efpagnols,& les autres font animaux propres des Indes, &defquels l'on ne troïiue point en Efpagne.De la première forte font les brebis , vachcs,eheures, porcs, cheuaux, afnes,chiens,chats,& autres tels animauxrcar il y en a es Indes de toutes ces efpeces. Le menu be- ftial y a beaucoup multiplié,que fi l'on y pouuoit approfiter les laines pour les cnuoyeren Europe, ceferoitvnedes plus grandes richelïes qu'ils eu C- fènt es Indes:pource que les troupeaux de brebis ont la vn grand nombre de pafturages , fans que l'herbey diminué en beaucoup d'endroits. Il y a au Peru Mie telle abondance de ces pafturages &: herbages ,queperfohne n'en pofledeen propre, mais chacun fait paiftre (es troupeaux où il veut. Pourcefteraifonily a communément grande a- bondance de chairs, leïquelles font à fort bon marché :mefme les autres chofes qui procèdent des brebis , comme le laict. & le fromage. Ils fu- rent vn temps qu'ils laifferent perdre routes les laines jiùfques à ce que quelques- vns fe mirent à les me/nager & en faire des draps 8c couuertures, qui a efté vngrad fecours pour le commun peu- ple de cefte terre: d'autant que le drap de Caftille y eft fort cher.Ily a pluiieurs drapiets drapansau DES INDES. IIV. II II. l8l Peru , & beaucoup dauantage en la neufue Efpa- gne, encor que les draps que Ton y porte d'Efpa- gnefoient beaucoup meilleurs, Toit que la laine en foit plus fine ,ou que les ouuriersfoicnc plus experts. Autresfois ie font trouuez des hommes quipolfedoient (oixance&dix & cent mil teftes de brebis, encor qu'à prefent n'y en ait gueres moins. Que il c'eftoir en Europe , ce feroit vne très-grande richellè , mais en ce pays-là ce n'eft qu'vne moyenne richede. En plufieurs endroits des Indes, & croy que c'eft en la plus grand' part, le menu beftial ne fructifie & n'y profite pas bien à caufe que l'herbe eft haute,& la terre fi vicieufe, qu'il ri y peut pas bien paiftre comme le grand beftial. C'eft pourquoy il y a vneinnumerable multitude de vaches, defquelles y a de deux for- tes. Les vues font domeftiques , 8c qui vont en troupeaux, comme en la terre deCharca, &en autres prouinces du Peru,commemefme en tou- te la neufue Efpagne. De ces vaches domeftiques ils f en feruent ortent certainement quelque reUcmblàcepour a legerecé qu'ils ont à aller parles bois&mon- tagnes,& pour rerTernblerainlî en quelque choie aux cheures, mais en effecl: elles ne font point d'vne melme efpece : car les vieugnes n'ont point de cornes, mais celles là en ont. comme A- nftote raconte. Cène font point non plus les cheures de l'Inde Orientale , de l'efpece desquels ils tirent les pierres de bezaar : car fils font de ce genre,ceferoitvne eipccediuerie : commeenla race des chiens l'efpece dumaftin eft autre que celle du leurier. Les vieugnes du Peru ne font pointaufllles animaux qui portent la pierre de bezaarenlaprouincedelaneufue Efpagnc, lef- quels ils appellent là bezaars , dautant que ceux- là font de l'efpece des cerfs &rvenaifon. Neant- moinsie nefçache autre pardedumondeoùil y aye de ces animaux finon au Peru &]en Chillc, qui (ont prouinecs îoignantes l'vne de l'autre. Les vieugnes font plus grandes que les cheures, 1 ckpluspeutes quejes veaux. llsont lepoil tirant à couleur de rofeicche, quelque peu plus claire; îlsn'ontpoint decornes comme les cerfs & ca-i preas. Ils paillent Se le retirer es endroits les plus hautains des montagnes,qu'ilsappelIemPugnas. I La neige ny la gelée ne les offenie point, au con- traire il femblc quelleles recrée. Ils ? ôt en trou-j DES INDES. LIV. I 1 1 1. 19 Z pe,& courent tres-legerement. Quand ils ren- contrent des voyageans ou quelques beftes, ils fenfuyent comme beftes fort timides,& enfuyat ils chaflcntdeuant eux leurs petits. L'onnefap- perçoit point qu'ils multiplient beaucoup. C'eft pourquoy les Rois Inguas auoient défendu la châtie des vicugnes,fi ce n'eftoit pour leurs fcftes, ôc par leur commandement. Quelques-vns (e plaignët que depuis que les Efpagnols y font en- trez, Ton a donné trop de licence ila chaifedes vicugnes , & qu'ils font diminuez pour cette oc- cafion. La manière de châtier dont les Indiens vfent eft de ce chaco,qui eft qu'ils l'amaflent plu- sieurs hommes enfemble» quelquefois iufques à mil ou trois mil , voire dauantage , & entourant vn grand efpace de bois, vont châtiant la venai- fon, iufques à ce qu'ils le foient ioin ts de tous co- ftez,parce moyen ils le prennent d'ordinaire de trois a quatre cens ou enuiron, & lors ils pren- nent ce qu'ils veulent , lailîans aller le refte, (pe- cialemcnt les femelles pour la multiplication. Ils ontaccouftumé de tondre ces animaux,&de faire de leur laine des couuertures & caftelognes de gran d prix,pource que cette laine eft comme vne foye blanche qui dure long temps , Se comme la couleur eft naturelle ôc non point de teinture,el- le eft perpétuelle. Les eftoffes faites de cette laine font fort fraifches& fort bonnes pour le temps de chaleurs, & tiennent qu'elles font profitables pour l'inflammation des reins, & autres parties temperans la chaleur excefllue. La mefme vertu a cette laine quad elle eft mife en des matelas. C'eft pourquoy quelques-vns en vfent à celle fin,pou,r HISTOIRE NATVRELII l'expérience qu'ils en ont. Ils difent danantage que celle laine ou couuerture faite d'icelie eft me- decinale pour d'autres indilpofïtions , comme pour la goutte: toutesrois ie n'ay pas cognoifîan- ce qu'on en ait taie aucune expérience certaine. La chair de ces vieugnes n'eft pas bonne, encor que les Indiens la mangent, & qu'ils en font de la ceci ne ou chair fechee', pour les efrech delà mé- decine, le diray ce que i'ay veu cheminant par la Sierre du Peru,i arriuay en vn tambo ou hoftelle- nevn loir, eftant affligé d'vne terrible douleur des yeux, tellement qu'il me fembioit qu'ils vou- loienciortir dehors (qui eftvn accident lequel ordinairement aduient en ces parties là, dautant que l'on paffedes lieux couuerts déneige , qui cauie cet accident en les regardant.) Eftant donc couché auec telle douleur queie perdois prefque patience, arriua vnelndicnnequi medit : Pcre, mets toy cela aux yeux,& tuièrasguary : c'eftoit vn morceau de chair de vieugne tuée nouucilc- ment,& encor toute hnglante. l'viay decette medecme,& incontinent cefte douleur happai la, &pcu de temps après me quitta du tout. Outre les chacosquei'ay dit,qui eft la façon générale &c plus communedechalîèr es Indes,ils ontaccou- ftumcd'en vler d'vne autre particulière pour les prendre , qui eft , qu'en approchant allez prés ils jettent des cordeaux auec certains plombs, qui prennent Scft niellent entre leurs pieds , &les empefchët qu'ils ne peuuent courir , parce moyé ils prennent la vieugne. La principale raifon pourquoy cet animal eft eftimé , eftàcaufe des pierresdebezaar qui fe trouuaccn luy,defquclles nous] DES INDES. HV. 1 1 1 1. 193 noustraitterons cy-apres. Ilya vnautregenre d'animaux, qu'ils appellent taruguas, lcfquels aufiî font fauuages , ôc font plus légers que les vi- eugnes. Ils font plus grands de corps, & ontvne chaleur pi us feche. Ils ont les oreilles molles ôc pendantes, ôc ne marchët point en troupes com- me les vieugnes, à tout le moins ic n'enay point veu que de lèules , ôc communément en des lieux très- hauts. L'on tire mefmedes pierres de bezaar de ces tarugues , lefquelles font plus grandes , ôc ont plus d'opération ôc de vertu. Des Vacos, Guanacos & moutons du féru. c H AP. XLI. frtfyS L n'yachofeauPeru de plus grande richeA i&M ie ôc profit que le beftial du pays , que les noftres appellent moutons des Indes , ôc les In- diens en lange générale l'appellent Lama. Car tout bien confideré ,x'eft l'animal du plus grand profitj&de la moindre defpenfe de tous ceux que l'on cognoifle. Ils tirent de ce beftial la viande ôc le veftement,comme ils font des brebis en Efpa- gne. Dauantageils en tirent la commodité de la charge & de la voiture, de tout ce qu'ils ont de bcfoin,attendu qu'il leur fert à porter leurs char- ges^ d'autre coftè il n'eft point de befoin de dc- ipendre à les ferrer , ny en Telles ou en bafts , ôc non plus en auoinc: mais il fert fes maiftres gra- tuitement, fe contentant de l'herbe qu'il trouuc parmy les champs : de manière que Dieu les a pourueus de breois ôc de iumens en vn meime animal. Et comme c'cftvnenanonpauure,ila b HISTOIRE NATVREL'L E voulu auflï les exempter en ce poinct de couft Se de deipenfe , pourec qu'il y a beaucoup de paftu- rages& herbages en la Sierre , 8c cebeftial n'a point befoin d'autre coud. Il y adeuxefpecesde ces moutôs ou Lamas , les vns defquels ils appel- lent pacos ou moutons porte- laine , 8c les autres font rez & de peu de laine,aufli font ils meilleurs pour la charge: ils font plus grands que des grads moutos,&: moindres que des veaux , 8c ont le col fort Ion? àla femblance d'vn chameau, dont ils ont bien befoin : car eftans hauts 8c efleuez de corps, ils ont befoin d'vn col ainfi long, pour ne femblerpoinc difformes. Ils font de diuerfes cou- leursjes vns tout blancs , les autres noirs,les au- tres gris,& les autres méfiez, qu'ils appellét Mo- romoro. Les Indiens auoient de grandes fuperfti- tions à choifir ces animaux pour les fàcrifices , de. quelle couleur ils dcuoient eftre, félon la diuerfi- , té des faifons& des fàcrifices. La chair en eftbô- ne,encor quelle foit dure , mais celle de leurs ai - gneaux eft la meilleure, &la plus délicate que l'on fçauroit manger, toutesfois l'on n'en confomme pas beaucoup à manger , pource que le principal iruid 8c profit qu'ils rapportent eft la laine pour faire les draps , 8c le feruicc qu'ils font à porter charge. Les Indiens mettent la laine en œuure, 8c font des eftofes, dont ils feveftent, l'vne qui eft grofïîere&: commune, qu'ils appellent hanafea, 8c l'autre fine &delicate,qu'ils appellent Cumbi. De ce Cumbi ils font des tapis de tables,des cou- uertures , & autres ouurages exquis , qui font de longue durée, 8c ont vu allez beau luftre , appro- chant comme du mifoye: 8c ce qu'ils ont de fin- DES INDES. LIV. III t. 154 gulier, cft leur façon detiftrela laine, d'autant qu'ils font à deux faces tous les ouurages qu'ils veulct , fans que l'on voye aucun finit ny bout en toute vne pièce. L'Ingua Roy du Peru auoitdc grands maiftres ouuriers à faire cefte matière de Cumbi,& les principaux refidoient au quartier deCapachica, ioignantlegrandlacdeTiticaca. Ils teignent celte laine de diuerfes couleurs très- fines , auec plufieurs fortes d'herbes , de laquelle ils font beaucoup de dirïerens ouurages , de groC- fiers,ou communs,& de fins. Tous les Indiens Se Indienncsytrauaillenten laSierre, ôc ont leurs melliers en leur maifon, fans qu'ils ayent befoin d'acheter ny faire faire les eftofes qu'ils vfenc chez eux. Ils font de la chair de ce beftial: du Cu£ charguijOii chair iechec, qui leur dure long têps, &en font grand eftime. Ils ont accouftumé de conduire des bandes de ces moutons , chargez comme voituricrs,& vont en vne bande trois cens ou cinq cens , voire mil moutons , lefquels portent du vin, dumays, du coca , du chuno, du vif argent , ôc toute autre forte de marchandi- fe,& qui plus eft de l'argent, la meilleure de tou- tes. Car l'on porte les barres d'argent depuis Po- tozi iuiques en Ariqua , où il y a foixante ôc dix. lieues, ôc auoient autresfois accouftumé de les porter à Arfequippa , qui font cent cinquante îieuës . le me fuis beaucoup de fois efmerueillc de voir ces trouppes de moutons chargez de mil ôc deux mil barres d'argent , ôc beaucoup d'auantage , qui font plus de trois cens mil du- cats, fans autre garde nyefcorte , que quelques Indiens, qui feruent feulement pour guider les I HISTOIRE NATVRELLE moutons,&: les charger &: dcfcharger, ou pour le lus quelque Efpagnol , 8c dorment ainfi coures es nuiâs au milieu des champs , fans autre garde que cela : & neantmoins en vn fi long chemin, Se aueclï peu de garde , l'on ne trouueiamais qu'il y ait faute , ou perte d'aucune chofe fur vn fi grand nombre d'argent , tant eft grande lafeuretédcf- fous laquelle on chemine au Peru.La charge que porte ordinairemét vn de ces moutons, eft; com- me de quatre ou fix arrobes, quand le voyage eft long, ils ne cheminent par iour que deux ou trois lieu'és,ou quatre pour le plus. Les moutonniers qu'ils appellent,qui font ceux qui conduifent les troupes & bandes, ont leurs giftes ôc repaires or- dinaires , qu'ils cognoiflent où il y a de l'eauc , & des pafturages , ôc là ils defehargent & font leurs tentes,yfai(ans du feu Raccommodas leur man- ger^ ne font pas trop mal, encore que ce foie vne façon de cheminer alfez flegmatique &tar- diue. Quand il n'y a point plus d'vnc iournec de chemin à faire , vndc ces moutons porte bien huicl: arrobes pefant , ôc dauantage , ôc chemine auec fa charge vne iournee entière de huidtou dix lieues , ainfi qu'en ont vfé de pauures foldats quicheminoient parle Pcru. Toutccbeftial le plaift en vn air froid , ôc pour cède occafion il fe trouue bien en la Sierre, ôc meurt aux Lanos , à caufe de la chaleur. Il arriue quelquesfois que ce beftial eft toutcouuert de glace & de gelec, & neantmoins demeure fain, &: fe porte fort bien. Les moutons rezfontplaifansàregarder,pource qu'ils f arreftent au chemin,& hauffent le co^re- gardans les perfonnes fort attentiuemenc , Se de- DES INDES. LIV. I 1 1 1. IQf meurent làainfivne longue efpace de temps fans fe mouuoir ny faire femblant de crainte , ny d'ef- pouuentement:ce qui donne occafion de rire, les voyant ainfi arreftez ; encor que quelquesfois ils fefpouuentent fubitement , 8c l'en courent auec la charge,iufques aux plus hauts rochers. De fa- çon que ne les pouuas atteindre , on eft contraint de lestucr,&tireràrarcbuze,de peur de perdre les barres d'argent, qu'ils portent quelquesfois. Les Pacos fe fafchét &z Pobftinent contre la char- ge.^ couchans auecicelle, fans qu'on les puiiîe faire releuer , mais pluftoft fe lailTerôt ils couper en mil pièces que de fc mouuoir, quand ce defpic leur vient,d'où eft venu le prouerbe qu'ils ont au Peru,de dire que quelqu'vn Petl empacqné , pour fignifier qu'il f'eftob{liné:dautantqueq;'and ces animaux fefafchent,c'eftauecexcez. Le remède que les Indiens ont al ors, eftdel,arrefl:er,& faf- ieoir auprès du Paco,& luy faire beaucoup de ca- reles, iufques à ce qu'il ofte fa fafchcrie , ëc qu'il fe :cleue,& aduient quelquesfois qu'ils font con- trantsd'attendredeux ou trois heures, iufquesà cequ'il foitdcfcmpacqué Se defennuyé. Il leur vient vn mal comme de la galle, qu'ils appellent ca:ache,qui les fait mourir ordinairement. Les anciens auoient en ce vn remède, d'enterrer tou- te vifue celle qui auoit le carache, de peur qu'elle n'en infe6taft le refte,pource que c'eft vn mal fort coitagieux,&quivadel'vn à l'autre. Vn Indien qu. aura vn ou deux de ces moutons n'eft pasre- pu:é pauure, carvnde ces moutons de la terre vaut fix & fept pezes ellàyez, & dauantage , félon ieemps&les lieux. b iij HISTOIRE NATVRELLE Des pierres befaars. c H AP. XL 1 1. A pierre befaar fe trouue en tous ces ani- maux, que nous auons dit cy delfus , élire propres Se particuliers du Peru, de laquelle qucl- quesautheurs de noftre temps ont eferit des li- ures entiers , que pourront voir ceux qui en vou- dront auoir plus particulière cognoiffance. Pour le fubiet prefènt, il fuffira de dire que cefte pierre qu'ils appellent bezaar,fe trouue en l'eftomach & ventre de ces animaux, quelquesfois vne feu- le , Se quelquesfois deux , Se trois , Se quatre. El- les font beaucoup différentes entre elles , en la forme , en la grandeur , Se en la couleur : d'autant que les vncs font petites comme auelincs , & en- cor moindres, les autres font comme des noix, les autres comme des œufs de pigeon, Se quel- ques vnes auiïi grandes comme vn œuf de poul- ie, & en ay veu d'aucunes de la grandeur d'vnc orange: en la forme les vnes font de forme ton- de , lesautres d'oualle , les autres defaçon delen- tille, Se de plufieurs autres formes . Pour leur couleur, il y en a de noires, de blanches , de gri- fes, de verd brunes,d'autres qui font comme do- rées. Ce n'eft pas vne règle certaine,que de regar- der la couleur, ny la figure , pour iuger quelles font les meilleures , ou les plus fines. Toutes ces pierres font formées Se compofees de diuerfes m« nicques, ou pellicules, Se les vnes fur lesautres. EnlaproUincedeXaura, & en d'autres prouin- ces du Paru , ion trouue de ces pierres en diuer- '^ÊÊêSêêÊê DES INDES. LIV. 1 1 1 1. l$6 fes forces d'animaux» fiers & domeftiques , com- me es Guanacos , es Pacos, es Vicunes , 8c es Ta- rugues, d'autres y adiouftent vne autre cfpece, qu'ils difenteftrecheures fauuages , & font cel- les que les Indiens appellent Cypris. Ces autres fortes d'animaux font fort cogneuës au Peru , 8c en auons défia traitté cy delfus. Les Guanacos ou moutons du pays, 8c les Pacos, ont commu- nément les pierres plus petites , 8c noirettes,& ne font pas tant eftimees, ny approuuees, pour l'vfage de la médecine. On tire les plus grofles pierresdebezaar,des vicunes, & font grifes, ou blanches, ou de vcrdobfcur,lefquelles font te- nues pour les meilleures. L'on eftime que celles des Tarugues font les plus excellentes, dont il y en a quelques-vnes bien grolïes , elles font com- munément blancheSjtitans fur le gris,&ont leurs tuniques 8c pellicules communément plus grof- fts 8c cfpaiffes que les autres . L'on trouue la pierre bczaar efgallement autant aux mafles, qu'aux femelles. Tous les animaux qui l'engen- drent , ruminent , &: ordinairement paiiTent pai- my les neiges ,& les roches. Les Indiens racon- tent de tradition &enfèignement de leurs pères & anciens , qu'en la prouince de Xaura , 8c en d'autres prouinces du Peru , il y a plufieurs her- bes & animaux venimeux , lefquels empoifon- ncntl'eauëj&lespafturages , où ils bornent 8c mangct,& où ils fleuret. Defquelles herbes veni- roeufes il y en a vne qui eft fort cogneuë delavicu gneparvninftindnaturel,& des autres animaux qai engendrent la pierre bezaar, lefquels magent celle herbe, & par le moyé d'icellc ils fe preferuët h iiij - Iêêêé HISTOIRE NATVKÏLLE du poifon, des eaux ôc despafturages,'& ainfi di- fent-ilsquedecefte herbe fe forme en leurefto- mach celle pierre , d'où elle'cire route la vertu qu'elle a contre le peifon , ôc Tes autres opéra tios merueilleufes. C'eft l'opinion & tradition des Indiens, defcouuertepardcs perfonnes fort ex- périmentez au royaume du Peru , ce qui f'accor- riï». lib. de auec la raifon,& auec ce que Pline raconte des lo.e.yi. cheuresmontagneres,Iefquellcsfenourri{Ient&: paiflent de poifon, fans qu'il leur face mal. Les Indiens interrogez pourquoy les moutons, les vaches, cheures, ôc veaux , de l'efpece de ceux de Caftille , n'ont pas la pierre de bezaar , veu qu'i is paillent es mefmes roches que font les autres, rc- îpondent qu'ils ne croyent pas que ces fufdits animaux de Caftille manget cefte herbe , ôc qu'ils ontmefmetrouué la pierre bezaar en des Cerfs, ôc des Daims. Cela femble f'accorder auec ce que nous fçauons, qu'en la neufue Efpagne il fe trou- ue de pierres de bezaar,combic qu'il n'y ait point devicugnes,dePacos,deTarugues,nyde Guana- cos , mais feulement des cerfs , en quelques-vns defquels l'on trouue cefte pierre.Le principal ef- fect de la pierre bezaar eft, contre le venin ôc ma- ladies venimeufes , encor qu'il y ait fur ce diuer- fes opinions, ôc quelques-vns tiennent cela pour moqucric>& les autres en font des miracles. Co- rnent que c'en foit, c'eft vnc chofe certaine qu'el- le eft de grande opération quand elle eft appli- quées temps d'vne façon conuenablc , ainfi que les herbes , ôc à des perfonnes capables Ôc difpo- fees : car il n'eft pas de médecine qui gnarillè in- failliblement coufionrs. En Efpagne ôc e.i Italie ^M DES INDES. LIV. IIII. 197 l'on aveu d'admirables effects decefte pierre co- tre le Tauerdette^qui eft vne efpece de pefte,mais non pas cane au Pcru. L'on l'applique pillée 8c mËfe en quelque liqueur qui fepuiiTe accommo- der pour la guerifondela melancholie, mal ca- duc, Heures peftilentieufes,& pourplufieursfor- tesde maladies. Les vnslaprennentaucc duvin, les autresauec du vin- aigre, auec eau'ë dazahac, delanguedebœuf,debourraches,& d'autres for- tes, que diront les médecins & apotiquaires. La pierre de bezaar n'a aucune faueur propre , com- me mefme le dit Rafis Arabe. L'on en a veu quel- ques expériences remarquables &n'yapoinrde doute que l'Autheur de tout cet Vniuers n'ait donné de grandes vertus à cette pierre. Les pier- res de bezaar qui viennent de l'Inde Orientale, ont le premier lieu d'eflime entre ces pierres,lef- quelles font de couleur oliuaftre,le fécond celles du Peru, de le troifiefme celles de laneufue Elpa- gne. Depuis que l'on a commencé de faire eftat de ces pierrcs,iîsdifentque,les Indiens en ont fo- phiftiqué,& fait d'artificielles,&: plufîeurs quand ilsvoyent de ces pierres plus grandes que les or- dinaires, croyent que ce font pierres faulfcs, 8c vne tromperie: ncantmoins il y en a de grandes fort fines, &depetites qui font contrefaites. L'cf- preuue 8c expérience eft le meilleur maiftre de les cognoiftre. Vne chofe eft. digne d'admirer, qu'ils naiflent& fe forment fur des choies fort cftrangcs,commefur vn fer d'efguillette, fur vne efpingle,ou fur vne bûchette , que l'on trouueau centre de la pierre, &pour cela ne tiennent-ils pas qu'elle (bit faulfe, pource qu'il arriue que il HISTOIRE KATVRELLE l'animal peut auoirauallé cela, 8c que la pierre fe caille , &f'epaifïitlàdeurlis , qui va croifïanî vne coquille l'vn fur l'autre , & ainfî l'augmente. le veids au Peru deux pierres fondées & formées fur des pignons de Caftille, ce qui nous fît tous beaucoup efmerueiller , pourcc qu'en tout le Pe- ru nous n'auionspoint veude pignes, ny de pi- gnons de Caftille , f'ils n'eftoient apportez d'Ef- pagne , ce qui me femblechofe fort extraordi- naire. Ce peu fufHfe,touchant les pierresbezaars. On apporte des Indes d'autres pierres medcci- nalles , comme la pierre d'Hyiada, ou de Rate,la pierre de fang , de lai6t , 8c de mer : Celles qu'ils appellent Cornerinas, pour le cœur, defquelles il n'eft point de befoing de parler, pourn'auoir rien de commun à la matière des animaux dont nous auons traitté. Ce qui eft dit , foit pour faire entendre comme le grand Maiftre 8c Autheur tout-puifTant de l'vniuers , a departy Ces dons , 8c fecretsmerueillqux à toutes les parties du mon- de, pour lefquels il doit eftre adoré 8c glorifié par tous les fiecle* des fiecles. Amen. 298 PROLOGVE DES LIVRES SVYVANTS. A Y A n t trait te ce qui concerne l'biftoire natu- _/~\ relie des Indes , te traitteray cy après de l'HiJloi- remoralle ,c 'cfta dire des coujlumes , & faits des In - dicns. Car après le Ciel, la température , laJituation,& les qualité^ du nouueau monde , après les éléments > & les mixtes, ie yeux dire les métaux, plantes & ani- maux , dequoy nous auons parle aux Hures precedens , ce qui s'ejl prefenté : L'ordre & raifon nous inuite k pour- future , & entreprendre le traitté des hommes qui habi- tenr au nouueau monde. Cesl pourquoy ie pretens dire aux Bures fuiuans , ce qui me femblera digne d'eflre re- cité fur ce fuie t. Et pour ce que l'intention de ce fie hifioi- re nefl pat feulement pour donner cognoiffance de ce qui fe paffe aux Indes , mats au fi pour acheminer cefle co- anoifsace aufruitl que l'on peut tirer d'icclle, qui e(l d'ai- der a ce peuple a. faire leur falut , & glorifier le Créateur & I\edemptcur , qui les a ttre^ des ténèbres trcf-obfcu- res de leur infidélité , & leur a communiqué (admirable lumière defon Euangtlc . Partant premièrement ie di- ray en ces liurcs fuiuans , ce qui touche leur religion^ ou fuperïlition , leurs couHumes , leurs idolâtries , & leurs facrifices , puis après ce qui eB de leur police & çouuernemcnt , de leurs loix , coujlumes & de leurs fateis . Et pourec que la mémoire s'efi conferuee en- tre la nation Mcxiquaine , de leurs commencements , fucce fions, guerres, & autres ebofes dignes de raconter 3 outre ce qui fera traitte au Hure Jixiefmc , t'en ferayyn propre & particulier difeours au liurcfcpticfmc,iufques k monftrer ladtfpoftion & augures que ces nattons eu- rent du nouueau }\oyaume de Chrift , noflre Seigneur, quife dcuoit ejicdrc en ces terres , & les fubiuguer àfoy3 comme il a fait en tout le refle du monde : qui à la yerii é eflynechofe digne de grande confideration devoir com- me la diuine prouidence a ordonné que la lumière de fa parole trouuafl entrée aux dernières fins & bornes de la terre. Ce rieft point ebofe quifoit de mon projet, d'eferire maintenant ce que les Efpagnols ont fait en ces parties là , car il y a ajfe% de Hures efcritsfur cefle m atiere , er non plus, ce que les feruitcurs du Seigneur y ont trauaillé Crfrutlifiè,dautant que cela requiert yné autre nouuel- le diligence, le me contenter ayfeulement de mettre celte histoire, ou relation ,aux portes de l'Euangile,puis qu'el- lecfi défia toute acheminée a faire cognoiftre les ebofes naturelles & morales des Indes, afin que lefpirituelfîT le Cbr iflianif me y f oit plante & augmente' , comme ilcFl amplement expliqué aux Hures que nous auons éprit, de procurandalndiorum falute. Queftquelqu'ynfef- mcrueille et aucunes façons & coujlumes des Indiens, ç£r les y eut mefprifcr comme idiots , ou les auoir en hor- reur, comme gens inhumains & diaboliques, qu'il pren- ne garde £r fefouuicnne que les mefmes ebofes , noire de pires, ont eslêycues entre les Grecs <& les Romains, qui ont commandé à tout le monde : comme l'on pourra faci- lement entendre, non feulement de nos aut heurs ,Eufcbe de Cefurec,Clemcnt ^Alexandrin , Theodoret ,<& autres , mais au/si des leurs mefmes , comme Vline, Denys Ha- lycarnaJJè,CVlutarque : car le prince des tenebra eftant le chef de toute infidélité' ,ce n'ett pas cbgfe nouueile de tYouuer entre les infidèle s des cruauté^ , des immondi* ces, & desfdies ^propres & conucnablcsayn telmai- fire.Et iaçott que les anciens Gentils ayent de beaucoup furpaffe ccux-ity du nouueau monde en yaleur déficience naturelle, neantmoins peut-on remarquer en eux plu- fieurs cbojcs dignes de mémoire. Mais enfin le plits qu'il yaefi comme de gens barbares s lef quels priue^ de la lu- nncrefupernaturelle , onteuaufsi défaut delà fhilofo- phie & dt&rine naturelle. lob.+x. If a. I 4. LIVRE CINQVIE ME DE L'HISTOIRE NA- TVRJELIE ET MORALE des Indes. CHAPITRE PREMIER. Que l'orgueil & l'enuic du diable a eflé la caufe de l 'idolâtrie. 'O r g v e 1 l & la prefomption du diable eft fi grande ôc G obftinee,quc toujours il appete & ^efforce de le faire honnorcr pour Dieu , &' tout &*fite?&Jgf& ce qU'il peut defrober & f'appro- prierde ce qui appartient autres haut Dieu, il ne cède de le faire aux nations aueuglesdu mon- de, lefquelles la lumière, &refplendeur du (aind Euangile, n'a? point encor efclaircies. Nous li- ions en lob, de cet orgueilleux tyran qu'il met fes yeux au plus haut , &: qu'entre tous les fils de l'orgueil il eft le Roy. Les diuines eferitures nous enfeignent fort clairement fes mauuaifes inten- tions, &latrahifon il outrecuidee , par laquelle il a prétendu efgaller fon throfne à celuy de Dieu, icejuy difant en Efaye : Tu difois en toy-mejme te \ monteray iufques au Ciel , grmettray ma chaire fur tontes les eslotlles du Ciel , C tetn'éjjèirray aufommet mm DES INDES. LIV. IIII. 20O du firmament , & au cofîcry d'^Aejuilon , te pafjeray la hauteur des nues , & feray fcmblable au Tves-baut. Et en Ezechiel : Ton cœurs'csîefleué ', & tuai dit , iefuis ek< eh,i%. Dieu , & me fûts afits en la chaire de Dieu au milieu de la mer. Ainfi toufiours perfide Satan à ce mef- chant appétit de fe faire Dieu. Et combien que le iufte , ôc feuere chaftiment du très-haut l'ait defi- pouillé de toute fa pompe , & fa beauté , par la- quelle il feftoit enorgueilly , ayant eux traître comme meritoit fa fclonnie & indifcretion,ainfî qu'il eft efcritauxmefmesProphetesmeatmoins il n'a pas diminué d'vn point fa mefchantecx: pet uerfe intention, laquelle il demonftre par tous les moyens qui luy font poflibles , comme vn chien enragé , mordant l'efpee de laquelle l'on le frappe. Car comme il eft eferit , l'orgueil de ceux qui hay fient Dieu, continue & va toufiours croitfànc . D'où vient le perpétuel ôc eftrangc foucyquecet en nemy de Dieu a toufiours eu de fc faire adorer des homes, inuentant tantdegen- res d'idolâtries , par lefquellesila tenu fi temps * fubiettcla plus grande partie du monde, de forte qu'à peine refte- il à Dieu vn coing de fon peuple d'Ifraël. Et depuis que le fort de l'Euangilei'a^'11" vaincu ôc defarmé , Ôc que par la force delà croix, il abrife Ôc ruiné les plus importantes ôc puifian- tes places de fon Royaume par fà mefme tyran- nie, il a commencé d'afTaillir les peuples ôc na- tions les plus efloignees& barbares, l'efforçant deconferuerentreuxlafauire&menfongeredi- uinité, laquelle le fils de Dieu luyauoitofteeen fon Eglife,l enchaifnant ôc enfermant comme en vnc cage , ou prifon, ain.fi qu'vne belle furieufe ïoh.if- I Mat. 4. HISTOIRE NATVRELLE à la grande confu (ion , Strefiouiliancedes fcrui- teurs de Dieu, comme il le lignifie en lob. Mais en fin ores que l'idolâtrie a efté extirpée de la meilleure & plus notable partie du monde,il f'eft retiré an plus efloigné, & aregnè en cefte autre partie du monde, laquelle combien qu'elle foie beaucoup inférieure en noblelïe, ne i'eft pas tou- tesfois eu grandeur & largeur. Il y a deux caules & motifs principaux pour lefquels le diable fcft tant eftudié à planter l'idolâtrie &c toute infidéli- té, de relie façon qu'à peine l'on trouue aucune nation où il n'y ait quelque idolâtrie. L'vne,eft fa grande préemption & orgueil , qui cft telle, que qui voudra confiderer comme il a bien ofé f attaquer au mefme Fils de Dieu& vray Dieu, en luy difant effrontément qu'il fe profternaft dé- liant luy,& qu'il i'adoraft , ce qu'il faifoit, com- bien qu'il ne feeuft pas afleurcment que c'eftoit le mefme Dieu , mais pour le moins ayant quel- que opinion qu'il fuft le Fils de Dieu. Cruel cv' efpouuentable orgueil ,d'o(erainfi indignement attaquer fon Dieu ! certainement celuy-là ne tronuera pas beaucoup cftrange qu'il fe faceado- rer comme Dieu par des nations ignorantcsspuis qu'il f'eft voulu faire adorer par Dieu mefne , en fediiant Dieu, bien qu'il foitvnc fi abominable ftdeteftablc créature. L'antre caufe& motif de 1 idolâtrie, eft la haine mortelle & inimitié qu'il aconceue pour iamais contre les hommes. Car, comme dit le Sauueur , dés le commencement il a efté homicide , & retient cela comme vnc con- dition & propriété infeparable de fa mefehance- tc. Et pource qu'il fçai t que le plus grand mal- heur DES INDES. 1IV. V. 201 heur de l'homme, eft d'adorer la créature comme Dieu , à celle occanonilnecciîe d'inuenter tou- tes fortes d'idolâtries , pour dcftruire les homes, & les rendre ennemis de Dieu. Il y a deux maux que le diable fait en l'idolâtrie, l'vn qu'il nie fon Dieu , fuiuaiuce pallage, Tuas delaijjé le Dieu qui t'a crée. Et l'autre qu'il s'allubictift à vne chofe plus baffe que luy , pource que toutes les créatu- res font inférieures a la raifonnable , & lediable encor qu'il foit fuperieur de l'homme en nature, neantmoinsen eftat il eft beaucoup inferieur,puis que l'homme en cefte vie eft capable de la diuini- té & éternité. Par ce moyen Dieu eft des-honoré, & l'homme perdu en tous endroits par l'idolâ- trie, dequoy le diable fuperbe& orgueilleux eft fort content. De ■plujîcws fort et d'idolâtries desquelles les Indiens ont vfe. c h AP. II. 'Idolâtrie, dit le fainct Efprit par le Sage, eft la caufe, le commencement, «5c la fin de tous ^ 4' maux, pour cefte occasion l'ennemy des hommes a multiplié tant de fortes & diuerfitez d'idolâtrie que ce feroit chofe infiniede les conter toutespar le m:nu ; Toutesfois on pourra réduire toute l'i- dolâtrie en deux chefs , l'vn qui eft fur les chofes naturelles, & l'autre fur celles qui font imagi- nées, &compofees par inuention humaine ; La première d'icelles eft diuifee en deux, car ou la chofe que l'on adore eft générale, comme le So- leil, .a Lune ,1c feu, la terre, & les Elemens : ou c HISTOIRE NATVRELLE clleeft particulière, comme vne certaine riuiere, vnc fontaine, vn arbre, <3cvneforeft, quand ces chofes ne forit point adorées généralement en l'efpece dont elles font , mais qu'elles ionttant feulement adorées en leur particularité. De ce premier genre d'idolâtrie, ils ont excefïïuement viéau Peru,& l'appellent proprement guaca. Le fécond genre d'idolâtrie qui defpend d'vneinue- tionou fidtion humaine, Te peut mefmediuifer en deux fortes. L'vne qui regarde le pur art,& în- uen tion humaine , comme d'adorer les idoles, ou ies fiatuës d'or , de bois , ou de pierre,de Mercu- re , ou de Pallas , qui ne font ny n'ont iamais eftc rienautre chofc que la peinture : & l'autre qui concerne ce qui reallement a efté, &c cil verita blementquelquechofe, mais non pas tellequc ce queTidolatric qui l'adore en feint , comme les morts, ouïes chofes qui leur font propres, que les hommes adorent par vanité &flaterie. De for- te que nous les reduifons toutes en quatre fortes d'idolâtrie, dont vient les infidelles , de toutes lcfquellesil nous côuiendra dire quelque chofc. Que les Indiens ont quelque cognoifptnce de Dieu. C H A P. III. N premier lieu, jaçoit que les ténèbres de §£ l'infidélité tiennent l'entendement de ces nations obfcurcy ; Toutesfois en beaucoup de chofes, la lumière de la vérité & de laraifonne laiile pasd'operer quelque peu cri eux.C'eft pour- quoy communément ils tiennent ôc recognoif- fcntvn fupreme Seigneur & auth'cur de toutes DES INDES. LIV. V. 202 chofes, lequel ceux du Peru appelloicnt viraco- cha,& luy donnoient des noms de grande excel- lence, l'appcllans Pachacamac , ou Pachayacha- chic,qnieft Créateur du Ciel & de la terre. Et Vfapu, qui eft admirable, ik autres noms fem- blables. C'cft cduyqu'ilsadoroient , & eftoitlc plus grand de tous , lequel ils honnoroien t en re- gardant au Ciel. On en peut voir autant entre ceux de Mexique, Se auiourd'huy entre les Chi- nois ,& en tousautresinfidelles. Ce qui ferap- porte fort bien à ce que raconte le liure des Actes dcsApoùres, que S. Paul fe trouua en Athènes, ^#,17. où il veit vn autel intitulé , îgnoto Deo , au Dieu incogneu, d'oùl'Apoftre pnnt occasion de les preicher leur diiant, Celtty que -vous dutres adoïc^ fans le cognoiflrc ,eji cchty que 1e prefebe. De mefme ceux qui prefehent auiourd'huy l'Euangile aux Indiens ne trouucnt pas beaucoup de difficulté à leurperfuader qu'ilyavn Dieu lupreme ôc Sei- • gneurde toutes chofes,& que ceftuy.làeft le Dieu des Chrefl.iens,& le vray Dieu, combien que c'eft vne chofe qui m'a beaucoup fait efmerueillcr, que iaçoit qu'ils eufïent bien celle cognoiflance, ilsn'auoiét point neantmoins de nôpropre,pour nômerDieu : carfi nous voulons rechercher en langue des Indiens vn motquirefpodeàcenom de Dieu,cÔmc le latin Deu-s^è grec 7"/>fur,rhebreu £/..'araJbic^//rf,ronn'en trouueraaucunenlâgue de -ufco,ny sn langue de Mexicque. D'où vient que ceux qui preichent ou efcriuent aux Indiens vfest de noftrc mefme nom Efpagnol Dios, f'ac- conodans à l'accent ^prononciation propre des langues Indiennes,qui font fort différâtes. d'où U cij HISTOIRE NATVRELLE appert le peu de cognoilTance qu'ils auoientde Dieu, puis qu'ils ne le peuuent pas mefmes nom- mer, h ce n'eft par noftre mefme mot. Toutes- fois à la vérité , ils ne lailïbient pas d'en auoir vne cognoilTance telle quelle. C'eft pourquoy ilsluy firent au Peru vu tres-riche temple , qu'ils appel- loient la Pachacamac,qui eftoit le principal San- ctuaire de ce royaume. Et comme il a efté dit , ce mot de Pachacamac vaut autant que Créateur, combic qu'eu ce temple il exerçalïènt aufli leurs idolâtries, adorant le diable, &les figures. Ils faifoient mefme des facrifices & offrandes au vi- racocha, quitenoitlelupremelieu, entre les a- doratoires que les Rois Inguas ont eu. De là vint qu'ils appelloient les Efpagnols viracochas,par- cequ'ils auoient opinion qu'ils eftoient fils du Ciel, & diuins , de mefme que les autres attribuè- rent vne deitc à Paul , & à Barnabe , appellans l'vn Iupitcr, & l'autre Mercure, ainfi ils vouloiét leur offrir des facrifices, comme à des Dieux : Se tout de mefme que les Barbares de Melite ( qui cft Malthe) voyans que la vipère ne faifoit point de mal à l'Apoftre , l'appelloient Dieu. Donques comme ainfi foit que c'eft vne venté conforme a toutebonneraifon, qu'ilyait vn fouuerain Sei- plat.tn gneur& roy du Ciel, lequel les gentils auectou- r"",v/f". tes leurs idolâtries & infidélité, n'ont pa*nie, timo i ainfiqueronvoitenlaphilofophieduTiméede methap. Platon, en la methaphyfique d'Ariftote, &en Trimeg. l'./£fculape de Triimegifte , comme mefme es Tirrumdt» p0ëfies d'Homère & Virgile. Delà vient que les &^c *?'• prédicateurs euangeliques n'ont pas beaucoup de difficulté à planter & perfuader cette vérité Acl. 18. DES INDES. LIV. V. 205 d'vn fuprefrne Dieu, quelques barbares & be- Ltialles que foient les nations , aufquelles ils pref- chenc Mais ileftcies-diflicile deleurdefraciner de l'entendement qu'il n'y ait nul autre Dieu , ny autre deitéqu'vneieuie,& que toutes les autres choies de foy n'ont point de puiflànce ny d'eftre, ny d'opération qui leur foit propre, (înon ce que letres-grand feul Dieu ôc (cul Seigneur leur do- nc, &c leur communique. En fin il eft neceflaire de leurperfuader cela par tous moyens , en re- prouuant leurs erreurs: tant en ce qu'ils faillent vniuerfcllement d'adorer plus d'vn Dieu , qu'en particulier ( qui eft beaucoup d'auantage ) de te- nir pour dieux,& de demander ayde&faueur des autres chofes qui ne font point dieux, 5c n'ont aucun pouuoir , que celuy que le vray Dieu leur Seigneur & Créateur leur concède. Dnpr entier genre de l' idolâtrie , fur lesebafes naturelles ,& ynuicrfelles. c h ap. 1 1 1 1. Près le Viracocha, ou le fupreme Dieu *2§ (le plus fouucnt& communément , entre tous les infidelles ) cequ'ilsontadoré &c adorent eft le Soleil, ôc après les autres chofes qui font les plus remarquables en nature celeftc ou élé- mentaire , comme la lune, les cftoilles , la mer,& la terre. Les guacas,ouadoratoires que les Inguas feigncursdu Peru auoient en plus grande reùe- rence , après le viracocha & le S oleil,eftoit le to- ncrre,qu'ilsappelloientpar trois diuers noms, Chuquilla,Catuiila,& Intiillapa. S'imaginans c iij HISTOIRE NATVRELl E que c'eftvn homme qui eftaucielauec vne fon- de , 8c vne malluë , 8c qu'il eft en fa puifïànce de faire plcuuoir, grefler, tonner, Se tou c le refte.qui appartient à la région de l'air, où fe créent les nuages. C'eftoitvn guaca (ainfi appclloicnt-ils leurs adoratoires ) générale à tous les I ndiens du Pern, &Iuy oifroieutdiuerslacrirîces, &en Cuf- co, qui eftoit la cour &c ville Metrapolitaiue , ils luy facrifioientmefmedesenfîins comme au So- leil. Ilsadoroient ces trois Viracocha,le Soleil, & le tonnerre, d'vne autre façon que tout le re- fte, ainlî que Polio efcritl'auoirexperimenté^jui eftoitqu'ilsmettoicnt comme vn gantelet , ou bien vn gand en leurs mains , quand ils les hauf- foient pour les adorer . Ils adoroient mcfme la terre, laquelle ils appelloient Pachamama,à la fa- çon que les anciens eclebroient la Décile Tellus: & la mer auflï, qu'ils appellent Mamacocha, co- rne les anciens adoroient Thetis, ou Neptune. D'auantage ilsadoroient l'arcdu Ciel, & eftoient les armes blafons de l'Ingua,auec deux couleu- urcseftenduësauxcoftez. Entre les F.ftoillesco- munémenttousadoroiant celle qu'ils appellent Côlça,que nous appelions par deçà les Cabrillcs. Ils attribuoient à diuerfes eftoilles diuers offices, 8c ceux qui auoiétbefoinç de leur faueut les ado- roient comme les Pafteurs adoroient & ficri- fioientàvneeftoille qu'ils appelloient Vrcuhil- lav , qu'ils difent eftie vn mouton deplufeurs couleurs , ayant le foing de la conferuatien du beftiai, 3c tient l'on que c'eft celle que les Aftro- logucs appellent Tyra. Ces Pafteurs mefmesado- rçnt deux autres Eftoillçs qui vont & cheminent. DES INDES. LIV. V. ZO4 proches d'icelles , lefquclles ils nomment Catu- chillay Se Vrcuchillay,& feign ent que c'eft vne brebis &vn aigncau. D'autres adoroient vnee- ftoillc qu'ils appellent Machaçuay, à laquelle ils attribuent la charge &pui(Iànce fur les ferpens Se couleuures , pour empéfeher qu'ils ne leurfif- fent mal. Ils attribuoient la puiflfance d'vne autre eftoille , qu'ils appelloient Chuquinchinchay, qui vaut autant que tygrefur les tygres , les ours Se les lyonSj&ontcreu généralement que de tous les animaux qui font en la terre , il y en a vn feul au Ciel qui leur eftfemblable , lequel a la charge & le foin de leur procréation Se augmentation. Etainfi ils remarquoient Se adoroientplufieurs &diuerfeseftoilles, comme celles qu'ils appel- loient Chacana, Topatarca, Mamana,Mirco, Miquiquiray, Se plufieurs autres. Tellemét qu'il iemble qu'ils apprôchoient aucunemét des pro- pofitionsdesldces de Platon. Les Mexiquains prefque de la meime façon,apres le fupreme Dieu adoroient le Soleil. Cellpourquoy ils appelloiec Hernando Cortez (comme il l'efcriten vne let- tre enuoyee à l'Empereur Charles le Quint) fils du Soleil5pour fa diligence Se courage à circuir la terre. Mais ils faifoient la plus grande adoration à l'idole appellec Vitzilipuztli , lequel en toute ceile région ils appelloiêt le tout-puilïant Se Sei- gneur de toutes chofes. Pour ceftecaufe lesMexi- quainsluy battirent vn temple le plus grand , le plus haut, le plus beau, &le plus magnifique & fomptueux de tous. La fituation Se rorterelîe du- quel le peut coniecturer par les ruines qui en fo.it demeurées au milieu de la Cité de Mexique. c iiij HISTOIRE NATVRELLE Mais en ceft endroit l'idolâtrie des Mexiquains a efté plus pernicieufc ôc dommageable que celle deslnguas, comme Ton verra mieux cy après, d'autant que la plus grande partie de leur adora- tion ôc idolâtrie foccupoit aux idoles,& non pas aux mefmes chofes naturelles, combien qu'ils attribuoientleseffects naturels aux idoles, com- me des pluyes , de la multiplication du beftial, de la guerre, de la génération, ainfiquelcs Grecs ôc les Latins fe font forgez des idoles de Phœbus,de Mercure , de Iupiter , de Minerue ôc de Mars. En fin qui voudra bien condderer cecy de près tron- uera que la façon & manière dont le diable a vfé à tromper les Indiens , eft la mefme auec laquelle il a trompé 5c deceu les Grecs ôc Romains, Se les autres anciens Gentils ,leur faifant entendre que ces créatures remarquables , le S oleil , la Lune , les Eftoilles ôc les Eléments , a.uoient d'eux- mef- mes le propre pouuoir ôc authorité de faire du bien ou du mal aux hommes : Et combien que Dieu ait crée toutes ces chofes pour le feruicede l'homme, neantmoins il i?eft tant oublié qu'il f eft voulu efleuer contre luy. Et d'autre- part il a recogncu&rfeft aiïubiety aux créatures qui luy font mefme inferieures,cn adorant ôc inuoquant fes propres œuureSj&lailîànt d'adorer Ôc inuo- quer le Createur,come le propofe fort bien lcSa- ge par ces paroles: Tous les homes font yains & abu- fb% efnuels la ccgnoifïace de Dieu nefe trouue point ^veu qu'ils n'ont pas peu cognoiftre ecluy qui efi par les chofes mefmes qui leur fembloient eflre bonnes. Etjaçoit qu'ils contemplaient fes œuures , ils n'ont pas tout esf ois at- teint iiifqnes a la cognoifftnce de l'authcM & uuarier DES INDES. LIV. V. 20$ (libelles: mais ils ont creu que le feu, le yent3 l'air agité, le circuit des Efloilles , les grandes caués , le S'olctl & la Lune eftoient Dieux & zpuuerneurs du monde , or j-V- (Ut7s redits amoureux de la beauté de telles ebofes , il leur fembloit qu'ils les dénotent efiimcr comme Dieux. C'cfl raifort qu'ils conjiderent de combien plus beau cft leur ('rat eur , puis qucc'eH celuy qui donne les béante^ , & qui a fait ces me/mes chofes. D'autre-part s'ils ont eu en admiration Lpu/JJancc & les effech de ces ebofes , par n elles me fines ils doutent entendre de combien doit eftre plus puiffant qu'elles toutes , celuy qui leur a donne cefi cslre qu'elles ont , pour ce que l'on peut conieciurer par la beauté & grandeur qu'ont les créatures , quel doit eslre le Créât eur de toutes ces ebofes . Iufques icy font les parojes du liure de Sapience, defquelles l'on peut tirer vn bon & fort argument , pour conuaincre la grande tromperie des idolâtres infidelles, qui veulent pluftoft feruir& reuerer la créature que le Créateur: comme iuftemcntl'Apoftre les reprëd. ^om' l' Mais d'autant que cecy n'eft point du prefent fubiecfc>& qu'il eft fuffifàmmét rapporté aux Ser- mons que l'on a eferits contre les erreurs des In- diês,il fufht quat à prefent de dire qu'ils adoroiét le grad Dieu, & leurs Dieux vains & rnenfongers toutdvnemefme façon: pourec que la façon de faire o rai fon au Viracocha,au Soleil, aux Eftoil- les , & au refte des Guacas ou idoles , eftoit d'ou- urir les mains & faire certain fon aueclesleures, comme de perfonnes qui baifent, & de demander ce que chacun defiroit en leur offrant facrifice. Combien qu'il y euft grande différence cntrcles paroles dont ils vfoient pour parler auec le grand Ticciuiracocha, auquel ils attribuoienc princi- Job.il. ILom.i HISTOIRE NATVRELLE palemetulepouuoir& commandement fur tou- tes chofes ,& celles dont ils vfoient à parler aux autres , lefquels ils n'adoroient feulement que chacun en famaifon comme Oicux ouSeigneurs particuliers, &difoient qu'ils eftoient leurs in- tercelleurs enuersle grand Ticciuiracocha. Celle façon d'adorer ouurantles mains, Se comme en baifanr,aquelquechofedefemblableàcelleque lob auoit en horreur, comme chofe propre des idolâtres , difant . St t'ay baifé mes mains attec ma bouche regardant le Soleil quand il reluit , ou la Lune quand elle eil claire: ce qui efi ync très-grande hiiqui - té t& c B nier le Très-grand Dieu. De l'idolâtrie dont les Indiens vfcrcntfur les chofes particulières. chap. v. _ E diable ne P eft pas contenté de faire que les »»3? aueugles Indiens adorallent le Soleil, la Lu- ne , les Eftoilles , la terre , la mer 6c plusieurs au- tres choies générales en la nature ; mais il a paire plus outre en leur donnant pour Dieu,& les aflTu jetifTans à des chofes balles 8c petites, & la plus grand'part ordres 6c infâmes. L'on ne i'efpouue- tera point de ceft aueuglement des barbares , qui fe voudra fouuenir de ce que l' Apoftre dit des Sa- ges & des Philofophes,qu'ayans cogneu Dieu ils ne leglorifierentpointny ne luyrendirent grâces corne à leur Dieu, mais qu'ils feperdiret en leurs o pi nions &pcnfecs,c\' leur cœuraefté endurcy en leur folie, & ont changé la gloiré&deitéde l'Eternel: Dieu à des fernblâccs Se figures decho- DES INDES. IIV. V. 206" fcs caduques 8c corruptibles commes d'hom- mes, d'oi féaux de beftes &: de ferpeus. L'on fçait allez que les Egyptiens adoroient le chien d'O- firis, la vache d'Ifis, & le mouton d'Ammomles Romains adoroient la Deelîe Februa, desFie- ures, &royeTarpeienne,&: qu'Atenes la Sage adoroitle Coq & le Corbeau, &femblables au- tres vanitez &c moqueries , dont les hiftoires des anciens Gentils font toutes remplies. Et font tombez les hommes en vn fi grand malheur, pour n'auoir voulu s'abfubjetir à la loyde leur vray Dieu &: Créateur, comme fainc-1: Athanafe le traicle doctement efcriuanc contre les idolâ- tres. Mais c'eft vnechofe merueilleufemente- urange, queledesbordement& perdition, quia efté en cela entre les Indiens, fpecialement du Périr, car ils adoroient les nuieres, les fontaines, les emboucheures des riuieres, les entrées des montagnes, les roches ou grandes pierres, les collines, les fommets des montagnes qu'ils ap- pellent Apachitas, Se les tiennent pour chofe de grande deuotion. En fin ils adoroient toute cho- ie en nature, qui leur fembloit remarquable Se différente du refte,commey recognoiiïant quel- que particulière deité. L'on me moftra en Ca- xamalca de la Nafca vne colline , ou grand tertre de iable qui fut le principal adoratoire , ou Guaua des anciens. le leur demandois quelle diuinité ils y trouuoient , & ils me refpondi- rent qu'ils l'adoroient àcaufe de cefte mer- ueille qu'il auoit d'eftre vn tertre de.fablc tref- haut au milieu des montagnes de pierre qui eftoient tref clpailTes. Nous eufmes befoin en HISTOIRE NATVRELLE la Cité desRois d'vn grand nombre de gros bois, pour fondre vne cloche , &pource l'on coupa vn grand arbre difforme,qui pour fa grandeur &fon antiquité auoit efté long temps adoiatoire , 8c Guaca des Indiens. Et leur fembloit qu'il y auoit quelque diuinité en tout ce qui auoit quelque choled'extraordinaire &d'cftrange en fon genre, iulquesàen attribuer autant aux petites pierres & métaux , voire aux racines Se aux fruicts de la terre, comme aux racines qu'ils appelloient Pa- pas. Il y en ad'vne forte eftrange qu'ils appeHoiêt Lalîahuas,icfquellesils baiioient&lesadoroiét. Ilsadorent aufïî les ours , les lyons, les tygres&r lescouleuurcs, afin qu'ils ne leur facentaucun mal ,& tels que font leurs Dieux, telles & aufîï plaifantes font les' chofes qu'ils leur offrent en les adorant, llsomtaccouftumé quand ils vont par chemin d'y ietter ou aux carrerours,aux collines, &c principalement aux fommets , qu'ils appellent Apachittas, des vieux fouliers, des plumes , du Coca mafché, quieftvne herbe dont ilsvfent beaucoup. Et quand ils n'ont rien dauantage,leur jettent vne pierre, le tout en offrande, afin qu'ils leslaiiïent pafler,& qu'ils leur donnent bonnes forces , lefquelles ils difent leur augmenter par ce moyen , comme il eft rapporte en vn Concile onc'r ' J~ prouincial du Peru. C'eft pourquoy l'on trouue mcnlts.i. *■ îi 11 p.i.cap. en .ces chemins degrands monceaux decespier^ 5><). res offertes, <5: des autres chofes fufdites.De fem- blable folie v (oient les anciens, dcfquels :1 eft die Treu. 17. aux Prouerbes j Comme cclnyejui offre des pierres au monceau de Mercure, uïnfiaue celuy qui bono>c les fols: qui eft à dire, que l'on ne tire non pius defruift DES INDES. LIV. V. 1QJ nyd'vtihtc du fécond que du premier : pource que le Mercure de pierre ne recognoift point l'offrande, ny le fol ne peut recognoiftre Thon- neur que l'on luy fait. Ils vfoient d'vne autre of- frande, non moins plaifance & ridicule, qui eft d'arracher le poil des fourcils , &les offrir au So- leil 6v aux collines , aux Apachitas , aux vents ou aux chofes qu'ils craignent. Tel eft le malheui" auquel pluficurs Indiens ont vefcu & viirent en- cor auiourd'huy ,aufquels le diable fait en tendre ce qu'il veut comme à des enfans , quelque gran- de folie que ce foit. Ainfilainct Chryfoftomeen vne Homélie, accompare les Gentils , mais les feruiteurs de Dieu, qui trauaillentenleurenfei- gnement& faluation, nedoiuent pas mefprifer ces folies & enfances , puis qu'elles iuffifent , à enlacer ces panures abufez à vne éternelle perdi- tion ,ains les doiuentauec bonnes & claires rai- ions, tirer d'vnc ix grande ignorance: Car à la vérité c'eftehefe confiderable,comme ils i'aiïub» iettiilentàccux qui leur enfeignent le vray che- min deraifon.il n'y a chofe entre les créatures plus illuure que le Soleil , ôc Tes preftres Se miniftres venoient àces oracles du peredemen- fon^e>& quel il eft, tels eftoient Tes confeils , ad- uis 3c prophéties. C'a efté es prouinces de la neuf- ue Eipagne, en Mexique , Tetcwo, Tlafcalla, Cholula, &aux parties voifmes de ce royaume, où ce genre d'idolâtrie a efté le plus practique qu'en rojaume du monde. Et eft vne choie pro- digieuie,d'ouir conter les fuperftitions qu'ils ont eues en ccpoincl: toutesfois il ne fera pas mal- plaifant d'en raconter quelque chofe. Le princi- pal idole de Mexique eftoit,comme i'ay dit, Vit- zilipuztli. C'eftoitvne ftatue* de bois caillée en femblancc d'vn homme aflis envn efeabeau de couleur d'azur,pofé fur vn branquard, de chaque coing duquel fortoit vn bois, ayant la forme d'v- ne tefte de (erpet.L'efcabeaudenotoit qu'il eftoit afîïs au ciel: cet idole auoit tout le front azuré, Ôc eftoit lié par deflus le nez d'vne bande de couleur d'azu^qui prenoit d'vne oreille à l'autre. Il auoit fur la tefte vn riche plumage , en façon d'vn bec de petit oifeau,qui eftoit couuert par le haut d'vn orhienbruny. Jl auoit en la main gauche vne rondelle blanche, auec cinq formes de pommes de pin , faites de plumes blanches , qui y eftoient pofees en croix , & du haut fortoit vn guaillardet d'or , ayant aux coftez quatre fagettes , lefquelles (au dire des Mexiquains) auoient efté enuoyees du ciel , pour faire les aCtes&proiieires qui fe di- ront en fon lieu. Il auoit en lamaindextrcvn ba- llon azuré, qui eftoit taillé en façon d'vne cou- HISTOIRE NATVRFLLE leuure ondoyante. Tout cet ornement Se le refte qu'il auoit portoit fon fens , ainfique le decla- roientlesMexiquains. Le nomde Vkzilipuztli, main gauche de plume reluifante. Iediray cya- pres du Temple fuperbe, des facrifices , feftes , Se cérémonies de ce grand idole, qui font choies re- marquables. Mais à prêtent il fera feule ment dit, que cet idole veftu& orné richement ,eftoit mis en vn autel fort haut , en vne petite pièce , ou en- caftillement , fort couuerte de linceux, de ioyaux, déplumes & d'ornements d'or , auec beaucoup de rondeles de plumes, les plus belles & plu s gen- tilles qu'ils pouuoicnt recouurer, & auoit touf- iours deuant foy vne courtine , pour plus grande vénération. Icignant la chambre ou chapelle de cet idole , il y auoit vne pièce qui eftoit de moin- dre ouurage, & non pas fi bien orncc,où il y auoit vn autre idole qu'ils appelloient Tlaloc.Ces deux idoles eftoient toufiours enfemble , pource qu'ils les reputoient compagnons, & d'vne efgale puif- fance. 11 y auoit vn autre idole en Mexique , fort eftimé , qui eftoit le Dieu de pénitence & des iu- bilez & pardons des péchez. Ils appelloient ccft idole Tezcallipula, & eftoit fait d'vne pierre fort reluifante 8c noire , comme layel , eftant veftu de quelques gentils affiquets à leur mode. Il auoit des pendants d'oreilles d'or & d'argent» & en la leure d'embas vn petit canon decryftal , delà longueur d'vn xeme ou demy pied , dans le- quel ils mettoient quelquefois vne plume ver- te, &r quelquesfois vne azurée, qui le faifoitref- fembler tantoft vne efmeraude , tantoft vne turquoife , il auoit les cheueux ceints cV ban- dez auec vn lifer d'or , beuny ,au bout du- DES INDES. LIV. V. Il 4 quuelpendoitvneoreilled'or , auecdcux bran- doons de fumées peintes en icelle, qui fignifioient Ici s prières des affligez & péchez qu'il oyoit,quad ils s ferecommandoiëtàluy. Emre les deux oreil- lefispendoient vn nombre depetits hérons. Il a- uooit vn ioyau pendu au col, Ci grand qu'il lny coouuroitreftomach.Aux deux bras des bracelets d'c'or : au nombril vne riche pierre verte , & en la mnain gauche vn efuentail de plumes precieufes veertes,azurees,& jaulnes,qui fortoicntd'vncha- ftoon d'or reluifant, & fort bruny , tellement qu'il fer.mbloitquecefuftvn miroir, qui fignifioit que deedans ce miroir il voyoit tout ce qui le faifoit aui monde, llsappelloientce miroir ou chafton d'cor Itlacjieaya, qui vent dire Ton regardoir. Il ter.noit en la main dextre quatre fagettes , quifi- gn.iifioicnt le ctaftiement qu'il donnoit aux mau- uanis.pour les péchez. C'eft pourquoy c'eftoit l'i- doDle qu'ils craignoientleplus , de peur qu'il ne defcfcouurift leurs fautes & deli&s. Il y auoit par- doDn de péchez en fa fefte, qui fe faifoit de quatre anas en quatre ans, comme il fera dit cy-apres. Ils ter.noient ce mefme idole Tezcatlipuca pour le dieeu de la fechetelïe, de la famine, & ft crilité , Se detlapeftilence.Parquoy ilslepeignoicntanflien vneeautreforme,àfçauoire{lant afllsanec beaU- coiupdemajefté, fur vn efeabeau entouré d'vne coturtinc rouge, peinte &elabouree de teftes Se ose de morts. En la main gauche il auoit vnc ron- dellleaueceinqpineSj ou formes de pommes de pim faites de cotton,& en la droite vnc dardille, cotmme d'vn gefte menaiïanr, Se ayant le bras eft tendu, comme qui lavoudroit jctter,& de la HISTOIRE NATVRELLE rondelle fortoient quatre fagettes. Il auoit le vi- fage &: apparence de courrouce, & décoléré, le corps oingt tout de noir, & la tefte pleine de plu- mes de cailles. Usvfoientde grandes fuperftuiôs' enuerscetidole, pour la grand crainte qu'ils a- uoientdcluy. En Cholula, qui eftoit vne repu- bliqnede Mexique,ils adoroientvn fameux ido- lc,qui eftoit le dieu des marchadifes,pource qu'ils eftoient grands marchands, & encor auiourd'huy font ils fort addonnez au commerce, ils l'appel- loient"Quctz3alcoalt. Cet idole eftoit en vne grande plaot, en vn temple fort haut,& auoit au- tour de luy de l'onde l'argent,des ioyaux,des plu- mes fort riches, &des habits de diuerfes couleurs. Il auoit le corps en forme d'homme. mais le vifa- ge d'vn petit oifeau auec vn bec rouge, & au def- fils vne crefte, pleine de verrues, ayant des rangs de dents , & la langue qui luy fortoit dehors. Il portoit fur la tefte vne mitre pointu'ëde papier peint, vnefaulxen la main , & beaucoup d/afïi- qusts d'oraux iambes,&: mil autres folles inuen- tions,qui tontes auoient leur lignification, & l'a- doroient parce qu'il faifoit riche ceux qu'il vou- loit, comme Memnon& Plutus. Et àlaveritcce nom que les Choluanos donnoient à leur dieu eftoit bien à propos, encor qu'ils ne l'entendif- fentpas. Ilsl'appelloient Quetzaalcoalt,qui li- gnifie coulenure de plume riche, car tel eft le dia- ble de lauaiicc. Ces barbares ne fe contentoienc point d'auoir des dieux, mais aufïï ils auoient des deedes, comme les fables des po'ëtes les introaui- rent , & I'aucugle Gentilité àcs Grecs & des Ro- mains lés ont vénérées. La principale des déciles DES INDES. L I Y. V. 21$ qu'ils adoroicnt,eftGitappellecTozi,quiveuc di- re noftre ayeullc, laquelle , comme racontent les hiftoires de Mexique ; fut fille du roy de Culgua- can, qui fut lapremiere qu'ils efeorcherent par le commandement de Vitzilipuztli,laquelleilscô- iacrerent de cefte façon, pour eftre ia iœur , & des lors ils commencèrent à efeorcher les hommes en leurs (acrifices,&deveftirlesviuansdes peaux des facrifiez , ayans appris que leur Dieu fe plai- foit en cela, comme mefme d'arracher le cœur de ceux qu'ils facriftoient, ce qu'ils apptindrent de leur dieu , lequel tira & arracha le cœur de ceux qu'il chaftia en Tulla , comme il fera dit en ion lieu. L'vnede ces dédies qu'ils adoroient eut vn fils grand chaueur, que ceux de Tlafcalla depuis prindrent pour dieu , & ceux-là eiloient le party contraire des Mcxiquains, auec l'aide defquels les EfpagnolsgaigncrentleMexique.Laprouin- ce de Tlafcalla eft fort propre pour la chaire,& le peuple fort addonnéàicclle. C'eftpourquoy ils Faifoient vne grand fefte à cet idole, lequel ils pei- gnoient d'vne telle forme, qu'il n'eft jabefoin de perdre le temps àladefcrire. Mais la fefte qu'ils luy faifoient eftoitplaifante,.& en cefte façon: Ils fonnoient vne trompe fur l'aube du iour, au fon de laquelle ils faiTembloicnt tous auec leurs arcs, flciches,filiets,& autres inftruments de chailè, ôc aïloientauec leur idole en proceflïon, fuiuis d'vn. grand nombre dépeuple avneSierre haute, au fommet de laquelle ilsauoient drciPé ôc accom- modé vne fucillec , ôc au milieu vn autel très- ri- chenent orné,où ils mettoient l'idolc.Ils alloicc cheninans auec vn grand bruit de trompettes, HISTOIRE NATVR.ELLE decorners,dcfleutes,&detambours,&pariief)us au lien, ils circuiffoient&enuironHoient tous les coftez decefteSierreou montagne, où ils «net- toient le feu par tous les endroits , au moyen de- quoy fortoient plufieurs &diucrs animaux, com- me cerfs, cônils, Heures, renards &lôups,ld quels alloient vers le fommet fuyans le feu. Ces chaf- feurs couroiét après auec de gtands cris & bruits de diucrs inftrumcts,les chailans iufques au fom- met deuanc l'idole , où arriuoit vn tel nombre de bettes dechaile, en fi grad prefle, qu'elles fautoict les vues (ur les autres, fur le peuple, & fur l'autel incfme,en quoy ils prenoient vn grand plaifir, &: rehouiH'ince. Alors ils prenoient vn grand nom- bre de ces beftcs,& iacrifioientdeuant l'idole les cerfs & grands animaux, leur arrachant le cœur, aucciame(me cérémonie dont ilsWoient au fa crifice des hommes: c/qu'eftant acheué , ils pre- noient toute celle chalfe furlenrsefpaules,& fe retiroient auec leur idole de la mefmefaçô qu'ils y eftoient venus, &entroiét en la cité chargez de toutes ces choies, fort reliouis, auec grand nom- bre demuiïque,de buccincs,& de tambours, luf- que' à arriuer au temple où ils mettoiét leur ido- le,auec grande reuerence&folemnite. Ilsalloiê'rj tous accommoder les chairs de ce(lecha(ie,de quoyilsfai^pientvn banqueta tout lepeuple,&r, après ditner faifoient leurs f irces,rep relentatiôs, cVdances deuant l'idole Ils auoient vn autre grad I nombre d'idoles, de dieux & deeffes, mais lesl principales eftoient en la nation Mexiquaine;& aux peuples voifinSjainfi qu'il a eue dit. MM DES INDES. LIV. V. 116 D'y ne ejlrange façon d'idolâtrie pra&iquce entre IcslMextquains. c h A p. x. |Omme nous auons dit que les rois Inguas SduPerufirent faire à leur femblance de cer- taines ftatuesqu'ilsappelloient leurs guaoiquies, ou frères, & Ieurfaifoient porterautant d'hon- neur qu'à eux-mefmes : ainfi en ont fait les Me- xiquains de leurs dieux , mais ils ont paiîéplus outre, pource que des hommes vifs] ils faifoient des dieux,qui eftoit en cefte manière. Ils prenoiét vn captif, tel qu'ils aduif oient bon eftre, &aupa- rauant que de le facrifier à leurs idoles, luy don- noientlemefmenom de l'idole auquel il deuoit eftre facrifié ,&leveftoiem &ornoientdesmef- mes ornemens que leur idole , difans qu'il repre- lentoit le mefme idole. Et pendant tout le temps que duroit cefte reprefentation (qui eftoit d'vn an en certaines feftes, en d'autres de fixmois^ en d'autres moins) ils l'adoroient & veneroienc de lamefme façon que le propre idole : cependac iImangeoit,beuuoit,&fereiiouiiTbit. Quand il alloit par les rues, le peuple fortoit pour l'adorer, & tous lu y offroiét beaucoup d'aumofncs , & luy portoientles enfans&les malades, afin qu'il les guarift & benift , &: luy IailToient en tout faire fa volonté, fauf qu'il eftoit toufiours accompagne de dix ou douze hômes,de peur qu'il ne l'cnfuift. Et luy afin que l'on luy fift rcueréce par où il paf- foit, fonnoit de fois à d'autre dvne petite fleute, HISTOIRE NATVRELLE afin que le peuple f appreftaft pour l'adorer. La fefte eftant venue , & luy eftant bien gras, ils Iç tuoient,l'ouuroient,& le mangeoien t, faifans vu folemnel facriftee de luy. A la vérité c'eftvne chofepitoyabledeconridererlafaçon delaquel- le Satan tenoit ces gens en fapuilfance , ôc tient ciicorauiourd'huy plufieurs quifontdefembla- blescruautez & abominations, aux defpens des triftes ames,&des misérables corps de ceux qu'ils luy offrent, & luy le moque ôc rit de la bourde ôc moquerie qu'il fait aux pauures mal- heureux,lef qucls mentent bien par leurs péchez que le très- haut Dieu lesdelailleen lapuilfancedeleur en- remy, qu'ils ont choid pour dieu ôc pour fouftié. Mais puis que i'ay dit ce qui fu oit -de l'idolâtrie des Indiens, il ('enfuit que nous traittions de leur religion, ou pour mieux dire fuperftition , de la- quelle ils vient en leurs facrifrees, temples & cé- rémonies,& ce qui touche le refte. Comme le diable f'efi efforcé de f'cfvalcr à Dieu f, ejr de luy reffcmbler aux façons defficïificcsi religion, & Sacremens. CHAP. XI. gM§ Vant que de venir à ce pouict, l'on doit ?£$£ confïderer vnechofe,qui eft fort digne dç regarder de prés , qui eft que comme le diable par Ion orgueil a prins party ôc f'eft rendu contraire à Dieu, ce que noftrcDieu par fa fagelîè ordonne pour Ton honneur ôc ieruicc, ôc pour le bien ôc falut de l'ho mme, le diable fefforce de l'imiter ôc le pcruertir,pour cftre honoré,&fairc qucl'hom. meem DES INDES. II V. V. 217 me en (bit condamné. Car comme nous voyons que le grand Dieuadesfacrifices.dcs Pre(trcs>des Sacremens, des Religieux, des Prophètes , & des gens dédiez à ion feruice diuin , & fainctes céré- monies, amfî le diable a (es facnfices,preftres,fes façons de Saciemens,fa gen t dediee , les reclus ik fain&etez feintes , auecmille fortes de faux pro- phetes,tout ce qui lcra plaifant d'entendre,eftant déclaré en particulier,^ non point de petit fruid pour cclny qui fe fouuiendra comme le diable eft leperedemenfonpe, ainfi que la vérité le dit en ' 1 huangue^parquey il procure vlurperpour ioy lagloirede Dieu,& contrefaire la lumière par Oe&Éettt.j. ténèbres. Les enchanteurs d'Egypte enfeignez de leurmaiftrcSatanas, i'efrorçoient de fane d'au- tres merueilles femblables à celles de Moyfe ôc d'Aaron,|8our l'égaler à eux. Nous lifons au linre des luges, de ce Micas preftre du vain idole, qui fefcruoit melmedesWnemens dontonv(oitau/w^ Ig Tabernacle du vray Dieu, comme del'ephoddu Seraphin,& des autres chofes. Soit que ce foit, à peine y a-ilchofe inftitueepar Ieius-Çhriû: no- ftre Seigneur,en la loy Euan^elique,que le diable ne l'aye fophiftiquee en quelque façon , & portée à fa gentilité, comme l'on pourra voir en lifant ce que nous tenons pour certain , par le rapport de gensdignes de foy, des couftumes & cérémonies des Iridiés , defquelles nous traitterôs en ce liure. Des temples qui fe font trotme\ es Indes. CHAP. XII. sOmmençant donc par les Temples, v> tout ainfï que le grand Dieu a voulu que HISTOIRE NATVRFLIE l'onluy dediaftvnemaifon,où Ton faind nom fuft honore, ôc qu'elle fuft particulieremêt voiiee à Ton feruice;ainfi le diable par Tes mefchantes in- tentions perfuadaaux infidèles qu'ils luy filïent de fuperbes temples ,ôc des particuliers adora- toires ôc fanctuaires.En chaque prouince du Pe- ruilyauoitvn principal guaca,ou maifon d'a- doration, ôc outre icelle y en auoit vne vniuerfel- le par tous les roiaumes des Inguas,entre lefquel- les il y en a eu deux fignalees, ôc remarquées, l'vne qu'ils appelloient de Pac hacama, qui eft à quatre lieues de Lyma,où l'on void cncorauiourd'huy les ruines d'vn très- ancien Ôc grand édifice, du- quel François Pizarre ôc les fiens tirèrent cède richefïe infinie des vafes,& des cruches d'or Ôc d'argent qu'ils apportèrent quand ilsprindrent l'Ingua Alragualpa. Il y a certains mémoires & difcoursquidiientqucle diable en ce teplepar- loit visiblement, ôc donnoit refponfes par Ton oracle,&: que quelquesfois ils voyoient vne cou- leuure tachetée, & eft vne chofe fort commune &approuuee es Indes, que le diable parloir, ôc refpondoitencesfaux fanctuaires,en trompant les miferables. Mais là où l'Euangile eft enîré, ôc là où l'on a efleué le fîgne de la croix , le père de menfonge y eft deuenu muet, ainfi que Plutar- t>Ut lib ie queeferit de fou temps : Cur cejjkuerit Vytbyas fon- Traâ.re. dere oracula. Et lÂincl Iuftin martyr traide am- iw/î./w^o.plementdecefilence que Chrift impofaauxde- pro chri' mons, qui parloient par les idoles, comme il auoitefté beaucoup auparauant prophetifeenla dinine Efcnture. La façon qu'auoient les mini- ères infidèles & enchanteurs de confultec leurs DES INDES. LIV. V. ZlS dieux,eftoit comme le diable les enfeignoit. C'e- ftoit ordinairement de nui&,& pour le faire en- troient les efpaules tournées vers l'idole, mar- chans en arrière , 8c plians les corps en inclinant la tefte,&: fe mettoiét en vne laide pofturc,&ain(i ilslesconhiltoient. Larefponfc qu'ils faifoient ordinairement eftoit en manière d'vn fiftlement efpouuentable , ou comme vn grincement qui leur faiioit horreur,& tout ce dont il les aduertif- foit,&leurcommandoit , eftoit vn achemine- ment à leur déception & perdition. Maintenant l'ontrouuepeudeces oracles, par la mifericor- de de Dieu,& grande puiiïance de Iefus Chrift. Il y a eu au Peru vn antre temple & oratoire plus eftimé,quifutenlacitéde Cuico,où eft auiour- d'huy le monaftere de fainct Dominique : 8c l'on peut voir que c'a efté vne œuure fort belle 8c ma- gnifique par le paué, 8c pierres de l'édifice qui re- lient encor a-uiourd'huy. Ce temple eftoit com- me le Panthéon des Romains, en cequ'il eftoit lamaifon 8c demeure de tous les dieux : car les roislnguas mirent en iceluy les dieux de toutes les nations 8c prouinces qu'ils conqueftoient, ayant chaque idole fon lieu particulier, ou ceux de leur prouince les venoient adorer auec vne deipenfe exceflîue de chofes que l'on apportoi't pour fonminiftere. Et par cela ils auoient opi- nion de retenir feurement &endeuoirles pro- uinces qu'ils auoient conqueftees, tenans leurs dieux commeen oftage. En cefte mefme maifon eftoit le Pinchao , qui eftoit vne idole du Soleil, dctrcs-finor,ouuré d'vne grade richelTcclepicr- ciJ . HISTOIRE "NATVRELLE reries,lequel eftoit pofc vers l'Orient, auec vn teî artifice, que le Soleil à fonleueriettoit les rayons fur luy,&" comme il eftoit de tresfin métal, les ra- yons reuerberoient,auec telle clarté,qu'il retïem- bloitvn autre Soleil. Lcslnguas adoroient ce- ftuy- là pour leur Dieu , & le Pachayacha, qui tî- gnifieleCreateurduciel. Ilsdifentqu'aux def- pouillesde ce temple lî riche, vn foldat eut pour /a part cette trcs-bellc planche d'or du Soleil. Et comme le jeu eftoit lors de faifon, il la perdit vne nuidt en jouant: d'où vintleprouerbequi cft au Peru,pour les grands loueurs ,difant qu'ils jouet le Soleil auant qu'il naître. Des fupçrbes temples de Mextque. CHAT. XIII. tfGj, A fuperftition des Mexiquains a cfté fans comparaifon plus grande que celle de ceux- cy : tant en leurs cérémonies , comme en la gran- deur de leurs temples ,lefqucls anciennement les Efpagnôlsappelloierrt de ce mot Cu , lequel mot peutauoireftéprinsdesinfulairesde fainct Do- minique ou de Cuba , comme beaucoup d'autres mots qui font en vfage,lcfquels ne font ny d'Ef- pagne,ny d'autre langue dont l'on vfe auiour- d'huy es Indes, comme font Mays, Chico, Va- quiano,Chapeto,& autres fembîables. Il y anoit doncen Mexique le Cu,fi fameux templedeVit- zilipuztli , qui auoit vn tour & circuit fort grad, & faifoit au dedas de foy vne belle court. Il eftoit tout bafty de grandes pierres en façon de couleu- ures attachées les vues aux autres , & pour cela le « m DES INDES. IIV. V. . 2 1 elient Alquiblé, qui eft de prendre la belle fut e bras droit, &luy tourner les yeux vers le So- leil, difanc certaines paroles, félon la qualitéde la victime que l'on tué: Car fielleeftoitde cou- leur, les paroles faddreiïoientauChuquilla, Se Tonnerre, afin qu'il n'y euftdifette d'eaux: fï el- le eltoit blanche ôc ralç3ils l'offraient auSoleil DES INDES. LIV. V. 21$ auec certaines paroles , fi elle eftoit velue ils l'of- froienc aufli auec d'autres , afin qu'il donnaft fa lumière, &fuft propice à la génération: Ci c'eftoic vn guanaco , qui eft de couleur grife , ils addref- foient lefacrificeau Viracocha. AuCufco Ton tuoit&facrifioit chacun an auec cefte cérémo- nie, vn mouton rezau Soleil,&Ie brufloientve- ftu d'vnechemifollerouge,& lors qu'il brufloir, ils jettoient au feu certains petits panniers de co- ca,qu'ils appelloienc Vilcaronca, pour lequel fa- crifice ils auoient des hommes députez & du be - ftail,qui ne feruoit à autre chofe. Ils lacrifioient mefme des petits oifeaux, encor que celanefuft pas Ci fréquent au Peru comme en Mexique, ou le facnfice des cailles eftoit fort ordinaire. Ceux du Peru facrifioient des oifeaux de la Puna (ainfi appellent-ils le defert ) quand ils deuoient aller à laguerrepourfairediminuer les forces des Gua- cas de leurs contraires. Ilsappelloient cesfacri- fices Cuzcouicça,ou Conteuicça , ou Huallauic- ça, ouSopauicça,&le faifoienten cefte forme. Ils prenoient plufieurs fortes de petits oifeaux du defert, & ailembloient beaucoup d'vnbois efpmeux,qu'ils appellent Yanlli,lequel eftant al- lumé,airembloient ces petits oifeaux. Cet aiîem- blement eftoit appelle Quico, puis les jettoienc au feu ,au tour duquel alloient les officiers du fa- crifice, auec certaines pierres rondes & cottel- lees, où eftoient peintes plufieurs couleuures, lions , crapaux , & tygres, proferans ce mot V fa- chum,qui fignifie la victoire nous foit donnée, Se autres paroles. En quoy ils difoient que les forces de Guacas de leurs ennemis fe perdoiet,& tiroiét f iiij HISTOIRE NATVRELLE certains moutons noirs, qui eftoient enprifon quelques iours fans manger,lefquels ils appelloict Vrca,&enlestuans,difoientccs paroles, comme les cœurs de ces animaux font arïoiblis^infi fbiet affoiblis nos contraires : que s'ils voyoient en ces raoutons,qu'vne certaine chair qui eftoit derriè- re le coeur, ne fefuft point eôfommeeparlesieuf- nes&prifons paiTees,ils les tenoiétpour vnmau- uais augure. Ilsamenoienr certains chiens noirs, qu'ils appelloient Appuros,&les tuoient,lesieu tans en vnc plaine auec certaines cérémonies, fai fans manger cefte chair à quelques fortes d'hom- mes, lefquelsfacrificesilsfaifoient, de peur que Mngua ne fuft offenfc auec du poifon , Se pour cet effet ils ieufnoient depuis le matin iufques au le- uer des eftoilles,& lors ils fe faoulIoient& fe hon- niffoient à la façon des Mores. Ce facrificeleur eftoit le plus côuenable,pour f'oppofer aux Dieux de leurs contraires, & combien que pour le iour- d'huy vne grand' partie de ces coultumes ayent ceux, les guerres ayans prins fin, toutesfoisilen eft demeuré encor quelques reftes , pour loccaiio desdifputes particulières ou communes desln- diens,ou des Caciques, ou d'entre les villes. Ils fa- crifioient & offroient aulîî des conches de la mer, qu'ils appellent M ollo,& les offroient aux fontai- nes & foarces,difans queles conchgseftoient fil- les de la mer, mère de toutes les eaux. Ils donnent à ces conches des nomsdiffercns,felôlacouleur} & s'enfeructaudi àdiuerfes fins. Ils en vient pref- que en toutes fortes de facrifices,& encorauiour- d'huy quelques vns mettent des conches pillées dedansleuL"Chica,parluperftition. Finalement il DES INDES. LIV. V. 22? leur fembloit conuenable d'offrir facrifice de tout ce qu'ils femoient & efleuoient.Ily auok des In- diens députez pour faire ces faciificeSjaux fontai- nes,fources & ruilTeaux , qui palîoient par les vil- les^ ou par leurs Chacias, qui font leurs meftai- ries,&lesfaiioient , après auoiracheué leurs fe- mailles,afin qu'ils ne ce (Ta fient de courir,& qu'ils arroufafîent coufiours leurs héritages. Les for- ciersietroient leur fort pour cognoiftre le temps auquel les facrifices fe deuoient faire , lcfqucls eftâsacheuezj'onafîembloic delacôtribution du pcuple,ce que l'on deuoit facrifier, & les bailloit- on à ceux qui auoient la charge de faire ces facrifi - ces. Ilslesfaifoientau commencement de l'Hy- uer,quieft lors quelesfontaines,fources3&riuie- res croifTent pour l'humidité du temps,& eux l'at- tribuoiet àleurs facrifices. Us ne facrifioiet point aux fotaines &fources des deierts.Auioud'huy de- meure encor entre eux le relpccl: qu'ils auoiet aux fontaines, fources, eftangs, ruiflfeaux, ou riuieres, qui pafTent par les villes,& Chacras, mefmes auffi aux fontaines & riuieresdes defers.lls font parti- culière reuerenec Se vénération à la rencontre de deux riuieres,& là fe lauent pour la fantc,s'oignas premièrement auec de la farine de mays, ouauec autres chofes , en y adiouftanr diuerfes ceremo- nies,ce qu'ils font mcfme en leurs baings. Des facrifices d'hommes qu ils faïf oient. CHAP. XIX. && \ plus pitoyable mef-auanture de ce pauurc ^àpeuple,eftle valîellagequilspaioient audia- HISTOIRE NATVR.ELLE ble, luy facrifiant des hommes, qui font les ima- ges de Dieu, &: ont eftë créez pour iouir de Dieu. En beaucoup de nations ils auoientaccouftnrm- de tuer pour accompagner les defuncts, comme a efté dit cy-defTu$,les perfonnes qui leur cttoien t les plusagreableSj&dequiilsimaginoient qu'il fe pourroient mieux feruir en l'autre monde. Outre cède occafion , ils auoien t accouftumé au Peru defacrifierdes eufans de quatre ou fix ans3 iufquesàdix,&: la plus-part de ces facriiïces e- ftoient pour les affaires qui importoient àl'In- gua , comme en les maladies , pour luy enuoyet !anté,mcfme quand il alloit en guerre,pour la vi- ctoire, Se quand ils donnoient au nouueau Ingua le bourrelet, quieftlaifeigoedu Roy, comme fonticy le feeptre Se la couronne. En cefte fo- lemuité ils facrihoient le nombre de deux cents enfaus&^quarre à dix ans, qui eftoitvn cruel 5c inhumain fpectacle. La faço de les facrifier elloic de les noyer & enterrer auec certaines reprefen- tations Se cérémonies , tantoft ils leur coupoient latcfte,&'Poignoientauec leur fàngd'vneoreii- leen l'autre. Us facrihoient mefme des filles.du nombre de celles qu'on amenoit àl'lngua, des monafteres dont i'ay traitté cy-ddïus. Il y auoir en ce cas vn abus fort grand & fort gênerai, qui eftoitque fi quelque Indien qualifié , ou du vul- gaire, eftoit malades, & le deuin luy difoit que pour certain il deuoit mourir, ils facrihoient au; Soleil , ou au Viracocha , fon fils , le priant de (e contenter d'iceluy, Se qu'il nevouluft ofter la vie, au pere. C'eft vne femblable cruauté à celle que iâppo^e l'Efcriturc , dont vfa le Rcy de Moab,; DES INDES. LIV. V. 230 en facrifiant Ton fils premier né fur la muraille , à 4-K.'£ î* ' la v»ei.i'ë de ceux d'Kraël , aufquels cet acte fembla fi trille, qu'ils ne voulurent pasleprerTerd'auan- ;age, &ain(îi;en retournèrent en leurs maifons. L'Eicriture raconte aufli le melmc genre de fa- crifice auoir elle en v fage entre les nations barba- res des Cananeans& Iebufeans,&: les autres dont eferic leliuredeSapience. Ils appellent paix de vi- Saf> lx toc en fi grands maux, &fi griefs, comme de[acrifîer c. 1^. leurs propres fis , on de faire a' autres [acrifices cache\y un dcveiller toute lanuicî, faifans aHcs défais t& ainji ils 71c cardent point netteté en leur vie , ny en leurs ?na- riagesytnaisl'vnparenuie ofle la vie à tautrey l'autreluy 0 fie fa femme , & fort contentement , <& tout y efi encon- fufion, Icfan^, l'homicide^ le larcin, la tromperie , la cor- ruption , l'infidélité , les [éditions , les pariuremens , les mutineries , l'oubltancedcDicn , la contamination des âmes Je changement de [exey& de naiffancejmconjlan- ce des mariages > le defordre de l'adultcre,& ordure. Car f idolâtrie efi vn ahyfme de tous maux. Le Sage dit ce- la de ces peuples , defqucls Dauid fc plaint, que Pfil io$. ceuxd'Ifraelaprmndrent telles coultumes, iuf- ques à facrifier leurs fils & filles,au diable. Ce que iamais Dieu n'a voulu, Scneluyapoint ellcag- greable. Car comme il a efté autheur de la vie , Se qu'il a fait toutes ces autres chofes pour la com- modité de rhomrrve, il ne fe plaid point que les hommes f'oftentlavieles vnsaux autres. Bien que le Seigneur ait approuué Se accepté lavo- lonté du fidèle Patriarche Abraham, il ne con- fentit pas pourtant au faict , qui eftoit de couper la telle à fon fils. En quoy l'on void la malice Se tyrannie du diable, quia voulu en cela fnrpaiTer HISTOIRE NATVRILLE Dieu, prenant plaifir d'eltre adoré auec eflfuno de fang humain,5c procurant par ce moyen la perdi- tion des ames & des corps enfemble5pour la hai- ne enragée qu'il porce à l:homme , comme Ton cruel aduerfaire. Des horribles facrific es d'hommes, dont yfoient les Tâexiquains. CHAI». XX. ÇV(5 A ç o i t que ceux du Pcru ayét furpade ceux SJfâde Mexique en l'occifion & facrificc de leurs enfans, (car ie n'ay point leu ny entendu que les Mcxiquains vfàtïent de tels faciifices ) toutesfois ceux deMexique les ont furpa(Iez,voirc toutes les nations du monde , au grand nombre d'hommes qu'ils facrifioient, & en la racon horrible qu'ils le faifoict.Et afin que l'on voye le grand malheur en- quoy le diable tenoit ce peuple aueuglé , ie racô- teray par le menu l'vfagc & façô inhumaine qu'ils auoient en cela,Premierementles hommes qu'ils facnfïoient,eftoientprms en guerre. Et ne failoiét point ces folemnels facri tîccs , fi ce n'eftoit de ca- f>tifs,de forte qu'il femble qu'en cela ils ontfuyui e ftile des anciens. Car ielô que veulent dire cer- ! tains Autheurs,pour celte occafion ils appelloict lefacrifice vifltima , d'autant que c'eftoit dechofe vaincue : comme mefme ils l'appelloicnt hofltd quafiab hoflc, pource que c'eftoit vne offrande fai I te de leurs ennemis, combien que l'on ait accom - mode ce mot à toutes fortes de facrifices. A la vé- rité les Mexiquains ne facrifioient point à leurs1 idoies que leurs captifs, <$cn'eitoicntics ordinal- D E S IN D ES. LI V. V. 23 I res guerres qu'ils faifoient, que pour auoir des ca- ptifs pour les îacrifices. C'cft pourquoy quand les vns& ks autres le battoient,ilstafchoientdepie- drevifs leurs contraires , &dene les tuer point, pouriouyrde leurs facnfices.Eteeftefutlaraifon que donna Morecurhaau Marquis du Val, quind il luy dcmanda,pourquoy eftant fi puiiîant,&ayât eonquefté tant de Royaumes , il n'auoit pas iub- iugé la prouince de Tlafcalla, qui eftoit fi proche. Motecuma refpondità cela, que pour deux cau- Ces il n'auoit pas eonquefté cette prouince, com- bien qu'il luy euft elle fi facile s'ill'euft voulu en- treprédie.l'vne pour auoir enquoy exercer la icu~ neil'e Mexiquaine , de peur qu'elle ne fe nourrift. en oifiueté & delicateiie;& l'autre & principale, qu'il aueit referuë cette prouince,pour auoir d'où tirer des captifs pour facrifier à leurs Dieux. La fa- çon donr ils vioientences facrifiecs eftoit qu'ils atrembloiét en cette palliftàdc des teftes de morts, qui a eftédittecy dellus, ceux qui deuoienteftre facnficz,& faifoit l'on auec eux aux pieds de cette palhfiade vne ceremonie,qui eftoit qu'ils les met- toient tous arrangez au pied de cefte pallifïade auec beaucoup d'hommes de garde qui les entou- roient, Incontinent fortoit vn preftre vettu d'vne aube courte pleine deflocquons ou houpetees parle bas, & defeendoit du haut du temple auec vne idole faiâe de patte debled & mays amalîc auec miel, qui auoit les yeux de grains de voirre vert, & les dents de grains de mays, & defeendoit auec toute la viftefle qu'il pouuoitlesdegrezdu temple en bas : Se montoit par dellus vne grande pierre qui eftoit fichée en vne forte haute terralTc ^H HISTOIRE NATVRILLE au milieu de la court. Cette pierre fappelloic Quauxicalli,qui veut dire la pierre de l'Aiglc.ck y montoiclepreftreparvn petit efcallier qui eftoit au deuau t de la terralle,& defeendoit par vu autre qui eftoit en l'autre cofté,touf.outs embrailànc ion idole. Puis montoitau lieu où eftoieut ceux que l'on deuoit facrifier, & depuis vnbout iuf- ques à l'autre alloit monftrant cette idole à vn chacun d'eux en particulier, leur dilant : Ceftuy eftvoftre dieu. Etenacheuant demonftrerde£- cendoit par l'autre cofté des degrez , &c tons ceux qui deuoient mourir l'en alloienten proceffion iufquesaulieu où ils deuoient ettre facrifiez, &c là trouuoientapprettez les miniftres qui les de- uoient lacrifier. La fncon ordinaire de facrifier > eftoit d'ouurir l'eftomach à celuy qu'ils iacri- fioient, après luy auoir tiré le cœur encor àdemy vif, ils jettoient l'homme & le failoient rouler par les degrez du temple, lefquels eftoient tous baignez & fouillez de ce fang. Et afin de le faire entendre plus particulierement,fix facrificateurs conftituez en cefte dignité , fortoient au lie*idu facrifice, quatre pour tenir les mains & les pieds de celuy que l'on deuoit facrifier: l'autre pour te- nir la tefte , & l'autre pour ouurir l'eftomach , &c tirer le cœur du facrifié. Ils appelloient ceux-là Chachalmua,quien noftre langag vaut autant queminiftre de chofe facree. C'eftoit vne dignité fuprefme ëc beaucoup eftimee eritr'eux , où l'on hericoit & iucecdoit comme en vne chofe de mayorafque ou fief. Le miniftre qui auoit l'office de tuer,qui eftoit le fixiefme d'iceux,eftoit cftimé & honoré comme fouuerain preftre & Pontife,le mm DES INDES. LIV..V. . 1$1 nom duquel eftoit différend, félon la différence des temps & folemnitez.Toutdemefmecftoienc leurs habits différends quand ils fortoien t à exer- cer leur office, fclo la diuerfîté de temps. Le nom de leur dignité elloit Papa & Topilzin,lcur habic 8c robe eftoit vne courtine rouge en façô de Dal- matiqueauec des honpesau bas, vne couronne de riches plumes verdes, blanches & jaulneslur la tefte,& aux oreilles comme des pendants d'or, aulquelsyauoic des^pierres vertes enchalfecs, 8c au deffous de la leure joignant le milieu de la bar- beauoit vne pièce comme vn petit canon d'vnc pieceazuree. Ceslix facrificateurs venoientles vifages & les maiiu ointes d'vn noir fort luiiant. Les cinq autres auoient vne cheueleure fort crel- puë&entortilleeauecdeslifetsdecuir, defquels ils font ceints par le milieu delà telle ,& portans au front de petites rondelles de papier peintes de diuerfes couleurs , & eftoient veftus d'vnc Dalmatique blanche ouureedc noir. Ilsrepre- fentoientauec cet ornement la mefme figure du diable: de forte que cela donnoit crainte & tre- meur à toutle peuple delesvoir fortir auec vne fi horrible reprefentation. Le fouuerain preftre portoit en la main vn grand coufteau d'vn cail- lou fort large 8c aigu, vn autre preftre portoit vn collier de bois, ouuré en façon d'vne cou- leuure. Tous fix fe mettoient en ordre joi- gnant cefte pierre pyramidallc, dclaqueilc i'ay parle cy-deuant , eftant vis à vis de la porte de la chappelle de l'idole. Celle pierre eftoit fi pointue , que l'homme qui deuoit eftre facri- fic,eftanc couché deffusà la îemjerfc, fe plioic ^H HISTOIRE NATVRELLE de- telle façon qu'en luy lailîantfeulemët tomber le coufteau fur l'eftomach, fort facilement il s'ou- uroit pat le milieu. Apres que ces lacrifîcateurs eftoient mis en ordre , Ton droit tous ceux qui auoienc efté prins es guerres , lesquels deuoient eftrc (acrifiez eh celte fefte. Etcftans fortaccom- Î>agnezdhommespourla garde & tousnuds^'on es faifoic monter de ranç ces larges devrez au lieu où eftoient appareillez les miniftres : & comme chacun d'eux venoiten fon ordre,les fix Sacrifica- teurs le prenoientl'vn par vn pied, l'autre par vn autre Tvn par vne main, & l'autre par l'autre , & le ieteoient à la renuerle fur cefte pierre pointue, où Iecinquiefme de ces miniftres luymettoit le col- lier de bois au col, & le grand preftre luy ouuroit l'eftomachauec le coufteau d'vne eftrangeprom- ptitude&legereté,luy arrachant le cœur auec les mainSj&lemonftroitainli fumant auSoleil,à qui il offroit cefte chaleur & fumeédecœur,& incô- tinent fetournoit vers l'idole, & luy iettoitau vi- iage, puis ils iettoient le corps du facrifié, le rou- lant par les degrez du temple fort facilemét,pour ce que la pierre eftoit mile fi proche des degrez qu'il n'y auoitpas deux pieds d'efpace entre la pierre & le premier luyapportans à man- ger , auec Tordre & appareil que l'on fait aux grands. Quad il fortoit parmy les rues de la Cite, ilalloit fort accompagné de feigneurs , & portoit vne petite flufte en la main , qu'il touchait de foisj à autre,pour faire entedre quil pafîoit. Et inc5ti-j nent les femmes (ortoient auec leurs petits enfan* çn leurs bras , & lesluyprefentoient, lefaliuns DES INDU. LIV. V. 234 corne Dieu. Tout le refte du peuple en faifoit au- tantills le mettoiét de nuict en vnc forteprîso3ou cage,de peur qu'il ne s'e allaft,iufques à ce que ar- riuât la fefteils le facrifioientjCôme i'ay dit cy def- fus. Par ces façons, & beaucoup d'autres le diable abufoit , & entretenoit ces pauures miierables , Se eftbit telle la multitude de ceux quieftoict facri- nezparcefte infernalle cruauté, qu'il femble que ce foitchofe incroyable: Car ils afferment qu'il y en auoit quelques foisplus de cinq mil, & que tel iour s'eft paiîé , qu'ils en ont facriné plus de vinge milendiuers endroits.Le diable vfoit,pour entre, tenir ceûe tuerie d'hômesjd'vneplaifante &eftrâ- ge inuention, qui eftoit , que quand il plaifoit aux preftres de Satâ,ils alloiét aux Rois,& leur decla- roient corne leurs dieux femouroient de faim, & qu'ils eullent mémoire d'eux. Incontinet les Rois s'appareilloict,& aduertillbient les vns les autres» que les dieux demandoient à mâger,partant qu'ils commadaflem au peuple , de fe tenir preft d venir à la guerre,& ain ii le peuple allemblé>& les com- pagnies ordonnées ils fortoientaux champs, où ils allèmbloien t leur armée , & toute leur difpute & combat, eftoit de fe prendre les vns les autres pour facrifkr, tafehans de fe faire paroiftre tant d'vncoftê que d'autre, en amenant le plus de ca- ptifs pour le facrifice -, tellement qu'en ces batail- les,ils tafehoient plus à s'entre-prendre,qu'à s'en- tretuer , pource que tout leur but eftoit d'amener des hommes vifs , pour donner à manger à leurs idoles , qui eftoit la façon , par laquelle ils appor- taient les victimes à leurs Dieux^ Et doit-on fça- uoir qae iamais Roy n'eftcùt couronc, qu'au preal- HISTOIRE NATVRELLE lable il n'euft fubiugué quelque prouincc de la- quelle il amenaft vn grand nôbre de captifs, pour les facrifices de leurs dieux , & ainfi par tous moyens, c'eftoit choie infinie,que le fang humain que l'on efpandoit en l'honneur de Satan. Comme défia les Indiens csioicnt lajjc^ , & nepoutment pins fouffrir la cruauté de leurs dieux. c H A P. XXII. ftg L V s i e v r s de ces barbares eftoient'dclia [|3 laffez& ennuyez d'vne fi excelhue cruauté, à efpandretantde (ang d'hommes, & du tribut li ennuyeux d'ellre touiiours en peine de gaignei des captifs, pour lanouiiture de leurs Dieux, leur femblant vne chofe infupportable. Et ncacmoins ils ne lailïbient defuyure 6: exécuter leurs rigou- reufes loix,pour la grand' crainte que les minrilres des idoles leur donnoient de leur collé , & par les rufc.saueclefquellesils tcnoientce peuple en er- reur;Mais en l'intérieur ils defiroient allez de le voir libre d'vne lipezante charge. Ltfut vne gran- de prouidence de Dieu, que les premiers cjuileur donnèrent la coçnoillance de la loy de Chrift, ics trouuallent en celte dilpontion ; pource que lans doute, ce leur fcmblavne bonne loy , & vn bon Dieu,qui vouloir cllre feruy de celle façon. Sur ce propos me côtoitvn religieux graueen laneufue Efpagne, que quand il fut en ce royaume ilauoic demandé àvn ancien Indien, homme de qualité, comment les Indiens auoient fitollreceu la loy de k(us-Chrift,& laitier la leur,fans faire d'auan- tagcdepreuuc^'eirayjnydedifputefuricellcjcar D ES INDES. LIV. V. 235 ilfembloic qu'ils s'eftoient changez fansyauoir eftcefmcus par raifonfuffiiante. L'Indien reipon- dit; Ne croy point père, que nousprenions fiin- confîderement la loy de Chiift, comme tu dis, pource que ie t'appres, que nous eftions défia laf- fez, Se mefeontens des chofes que les idoles nous commandoient, & que nous auions défia parlé de les lailîcr,& de prendre vne autre loy. Et comme nous trouuifmes que celle que vous nous pref- chiez, n'auoit point de cruautez, & qu'elle nous eftoit conuenable,iu(le, & bonne, nous entendif- mes.& creufmes,que c'eftoit la vraye loy, &ain(î nous la receufmes fort volontairement.Larefpo- ce de ceft Indiep s'accorde bien auec ce que l'on lit aux premiers difeours que Hernand Cortés enuoya à l'EmpereurCharles le quint,où il racon- te, que apres auoir conquefté laCitédeMexic- que,eftant en Cuyoacan, luy vindrent des ambaf- fadeurs de la republicque Se prouince de Mecho- achan , demandans qu'il leur enuoiaft fa loy , Se qu'il la leur apprilt & fift entendre, pour autant qu'ils pretendoient de laifler la leur , qui ne leur fembloit pas bonne , ce que leur accorda Cortés, Se auiourd'huy font les meilleurs Indiens, Se plus vrais Chrefticnsquifoientenla neufue Efpagne. Les Efpagnols qui virent ces cruels facnhees d'hommes , fe déterminèrent d'employer toute leur puilîance à deftruire vn fi deteftable,&: mau- dit carnage d'liommes,& d'autant plus qu'ils vei- rent vn foîr deuant leurs yeux facrifier , foixante, ou foixante Se dix foldats Efpagnols, quiauoient efte piins en vne bataille, qui fe donna fur la con- quefté de Mexicque 3 Se vne autre fois trouuercnt H HISTOIRE NATVRELI, E efcrit de charbon , en vne chambre en Tezcu- fco , ces mots , Icy fufi prifonnicr , v» rc/ malheu- reux3 Mtec fes compagnons , ^«c qui ve~ noient exprès pour les receuoir ,aufquels ilsdi- foienccnleur baillant, que le Sclciileurenuoioit DES INDES. LIV. V. 237 cela en fîgne qu'il vouloit que tous le veneraflent & honora(rcnt,& en enuoyoiëtmefme par hon- neur aux Caciques. Quelcun parauanture tien- dra cecy pour fable 8c inuention , mais pourtant c'eft vnechofetres-veritable ,que depuis Ingua Yupangi (qnieftceluy qui a fait plus deloix,de couftumes & cérémonies, comme Numa à Ro- me) dura cède manière de communion , iufques à ce que l'Euangile de noftre Seigneur Iefus- Chrift mit hors toutes ces fuperftitios, leur don- nant levray manger de vie qui conferue&: vnic lésâmes auec Dieu. Qui voudra f'en fatisfaire pl'us amplement, life la relation que le licentié PoloefcriuitàrArcheuefque des Rois, Dom Ie- ronimo de Loay fa , où il trouuera cecy , & beau- coup d'autres chofes qu'il a defcouuertes 8c ap- prouuees par fa grande diligence. De la façon que le diable fefl efforce de contrefaire en Mexique lafcfle an [aine 1 Sacrement & com- munion dont yfc la [aincle Eglifc. chAP. xxiiii. 5E sera chofe encor plus efmerueillable 43 d'ouir parler de la fefte 8z folemnitéde la communion, que lemefmc diable prince d'or- gueil ordonna en Mexique, laquelle (bien qu'el- le foitvn peu longue) il ne fera mal à propos de raconter, félon qu'elle eft eferiteparperfonnes dignes de foy. Les Mexiquainsfaifoientaumois de May leur principale fefte de leur dieu Vitzili- puztli, &deux iours auparauant cefte fefte, ces HIlcs dont i'ay parlé cy • defTus.qui eftoient reclu- HISTOIRE NATVRELLE les au mefme Temple, & eftoient comme reli • gieufes,moulloient vne quantité defemencede blettes , auecdu Maysrofty, & après qu'il eftoit moulu le paifti'iiïbient 5c amafïbic-t auec du miel, &faifoient de ceftepaftevn idole, de la mefme grâdcur qu'eftoit celuy de bois,luy mettas au lieu des yeux,des grains de verre vert'azurez ou blacs, & au lieu des dcnts,des grains de Mays, affis auec tout l'ornement, & appareil que i'ay dit cy defîus. Apres qu'il eftoit du toutacheué , tous les Sei- gneurs venoient,&:luy apportoient vn veftement exquis , & riche , tout femblable à celuy de l'ido le,duquelils le veftoient. Et après l'auoir ainfi ve- ftu 6c orné , ils l'alleoient en vn efeabeau azuré, &furvn branchard pour le porter fur lesefpau- les. Le matin de la fefte venu , vne heure auant le iour fortoient toutes ces filles veftues deblanp, auec des ornements tous neufs, lefquelleseftoict appellees ce iour là Sœur du Dieu Vitzilipuztli. Elles venoient couronnées de guirlandes de mays rofty Se creuaffé , reflemblant azahar ou fleur d'o- renge, &c portoient en leur col de grottes chaifhes de mefme, qui leur palfoient en efcharpe,par def- foubsle bras gauche. Elles eftoient colorées de vermeillon , par les ioiies , ôc auoient les bras de- puis les couldes iufques aux poings couucrts de plumes rouges de perroquets,& ainfi ornées elles prenoient l'idole fur leurs efpaulles , le tirans , & portans en la cour où eftoient défia tous les ieu- nes hommes, veftus d'habits faits d'vn redarti-i ficieux, eftans couronnez de la mefme façon que; les femmes. Lors que ces filles fortoient aues l'idole, les ieunes hommes s'approchoient auec DES INDES. LIV. V. 2$8 beaucoup dereuerence,&prenoientlalitiere,ou bracard,où eftoit l'idole fur leurs efpaules, la por- tas au pied des degrez du Temple, où touc le peu- ple s'humilioit, & prenant de la terre de l'aire , fe la mettoit furlatefte , qui eftoit vne cérémonie ordinaire,qu'ils obferuoient entre eux , aux prin- cipales feftes de leurs dieux.Cefte cérémonie fai- te3tout le peuple fortoit en proce(ïïon,auec toute la diligence & légèreté, qui leur eftoit pofîible, & alloient à vne montaigne, qui eftoit à vne lieiie delà Cité de Mexique , appellee Chapultepec, Se là faifoient vne ftation& desfacrifices. Incon- tinent ils partoientde làauec la mefme diligen- ce,pour aller en vn lieu proche de là , qu'ils appel- aient At^lacuyauaya , où ils faifoient la féconde ftation , &delà alloient en vn autre bourg vne lieuëplus outre, qui (e dit Cuyoaquan, d'où ils partoient, retournans en la cité de Mexique, fans faire aucune autre ftation. Ils faifoient ce che- min de plus de quatre lieues, en trois ou quatre heures, &appelloient cette proceffion , Y payna Vitzilipuztli,qui veut dire le vifte,& diligent che- min de Vitzilipuztli. Arriuezaupieddes degrez ils mettoientbas le brancard de l'idole , cVpre- noientde groffes cordes qu'ils attachoietaux bras du brancard, puis auec beaucoup de diferetion & de reuerence,ils montoient la litière auec l'idole, au fommet du Temple, les vns tirans d'enhaut,3c les autres leur aydans d'embas , cependant l'on n'entedoit retentir que le fon des ftuftes, des buc- çines,descornets,& des tambours quifonnoient. Ils le montoient decefte façon, d'autant que les degrez du Temple eftoient fort roides & eftroits, HISTOIRE NATVRELLE & l'efcallier fort large , tellement qu'ils n'y pou- noient monter cefte li&icre fur leurs efpaules, Pendant qu'ils montoiet cefte idole , tout le peu- pleeftoit en la court auec beaucoup de reueren- cc,& de crainte. Apres qu'il eftoit monté iufques au haut, & qu'on l'auoit mis en vne petite loge de rofes,qu'ils luytenoientappreft.ee , incontinct venoientlesieunes hommes, lefquels femoient 8c refpandoient beaucoup de fleurs dediuerfes couleurs, dont ils remplilîoient tout le temple dedans 8c dehors. Cela fait toutes les filles for- toient auec l'ornement fufdit , 8c apportoient de leur conuent des tronçons ou morceaux depafte compofee de blettes, & demaysrofty , quieftoit delà mefme pafte dequoy l'idole eftoit fait 8c cô- f>ofé,&: eftoiét en forme de grands os. Ils les bail- oientauxieunes hommes, lefquels ils portoient en haut,les m et tan s aux pieds de l'idole , dont ils rempli{îbienttoutlelieu,iufquesàcequ'iln'yen peuft entrer dauantage. Ils appelloient les tron- çons de pafte, les os & chair de Vitzilipuztli. Ec ayansainfi eftendu ces os,au(ïï toftvenoient tous les anciens du temple, preftres,leuites , 8c tout le reftedes miniftres, félon leurs dignitez &anti- quirez (car il y auoit entr'eux furcepoinctvne belle règle 8c ordonnance, 8c venoient les vns a- pres les autres auec leurs voiles de red , de diuer- ies couleurs 8c ouurages, félon la dignité 8c office d'vn chacun, ayans des guirlandes en leurs teftes, j &dcs chaines de fleurs pendues au col. Apresi euxvenoientlesdieux&deefles qu'ils adoroienc en diuerfes figures,veftus delamefmeliuree,puis] fe mettans en ordre autour de ces tronçons &:< DESINDES. LIV. V. Z}9 morceaux de pafte, faifoient certaine cérémonie en chantant & ballant fur iceux. An moyen de- quoy ilsdemeuroient bénits Se confacrezpour la chair Se os de cède idole. La cérémonie &c bé- nédiction de ces tronçons de pafte, par laquelle îlseftoient tenus Se eftimez pour os Cv chair de l'Idole, eftantacheuee , ils honoroient ces mor- ceaux de la mcfme manière que leur dieu. Puis iortoient les Sacrificateurs qui commenço'ent le* facrifice d'hommes, en la façon qu'il a eftc dit cy- deiiùs,&en(acrifioit-onen ceioui là plus grand nombre qu'en nulantre.pour-autantquec'eftok la feftela plus lolemnelle qu'ils enflent. Les facri- fices cftans achez , fortoiët tout aufîi toft tous les ieunes hommes & filles du temple, ornez com- me il a eue dit:& après i'eftre mis en ordre ScC'c- ftre rangez les vns vis-à-vis des autres,ils balloict Se dançoient au Ton du tambour qu'on leur fon- noit en loiiange de la folemnité &de l'idole qu'ils celebroient. Auquel chant tous les ieigneurs an- ciens,& les plus notablesleurrefpondoienr, bal- lans à l'entour d'iceux , & faifans vn grand cercle comme ils ont de couftume , demeuras toufiours les ieunes hommes & filles au milieu. A ce beau ipectaclc venoit toute la cité, ôcauoit vn com- mandement fort diligemment obferuéen celle terre, que le iour de l'idole Vitzilipuztli , ion ne dcuoit manger autre viande que cçfte pafte em- miellée dequoy l'idole eftoit fait. Et cette viande h deuoit manger incontinent au poind du iour, 8c ne deuoit- on boire d'eaue ny aucune autre chofe après iufques après midy, &tenoientque c cftoit^vn mauuais augure, voire facrilege que HISTOIRE NATVRELLE défaire le contraire: maisapres les cérémonies acheuces il leur eftoit permis de manger toute au- tre choie. Pendant le temps de cefte cérémonie ils cachoient Peaiïe aux petits enfans,adueniilans tous ceux qui auoiec l'vlagederaifondeneboire point d'eaûe,que s'ils le faifoiet, l'ire de Dieu vié- droitfureux,& mourroient,ce qu'ils obferuoient fort diligemment & rigoureufement. Lescere- monies,bal & faciificesacheuez, ils s'en alloient tous defpoiiiller , & les preftres 8c dignitez du temple prenoient l'idole de pafte, lequel ils def- pouilloient de ces ornemens qu'il auoit, & fai- îoient plufieurs morceaux , tant de ceft idole mef me , que de ces tronçons qui eftoient confacrez, puis après il lesdepartoient au peuple en forme de Communion, commençans aux plus grands, & continuans aurefte, tanthommes, femmes, que petits enfans , lefquels les receuoient auec tant de pleurs , de crainte & de reuerence , que c'eftoit vne chofe admirable, difans qu'ils man- geoient la chair & les os de Dieu,dequoy ils fe tenoient indignes. Ceux qui auoient des malades cndemandoientpoureux,&lcurportoientauec beaucoup de reuerence & vénération. Tous ceux qui comniunioient demeuroient obligez de dô- ner le difme de celle femence ou grain , dequoy eftoit fait l'idole. Lafolemnitéde la Cômunion eftant acheuee,vn vieillard eje beaucoup d'autho- rite1 montoit furvn lieu eminent, & d'vne voix haute prefehoit leur loy & leurs cérémonies. Qui ne s'eimerueillera donc que le diable ait eftè iï curieux de fe faire adorer ôcreceuoir en la façon que îesvs-Ckrist noftre Dieu a ordonné & DES INDES. LIV. V. 240 enfeigné , Se comme la faincte Eglife a accouftu- mc^Par cela certes, Ton voie clairement vérifié ce quia eftépropoféau commencement, que Satan tafche & s'efforce tant qu'il peut d'vfurper Se de defrober pour foy l'honneur & feruice qui eft deu à Dieu feul , encor qu'il y méfie toujours ics cru- autez& ordures, pource que c'eftvnefprit d'ho- micide Se d'immondicité,& père de menfonge. Des Coîjfejjcars & de lu Confcfîion dont y f oient les Indiens. CHAP. XXV. fôjE père de menfonge a voulu mcfme contre- i®fairelefacrementdeCôfeiïion,& enfesido- latries fe faire honorer aucc des cérémonies fort femblables à l'vfage des fidèles. Au Peru ils auoiet opinion , que toutes les maladies & aduerfîtez leur venoient pour les péchez qu'ils auoient faits, Se pour remède ils vfoient de facrifices , & outre cela fe confefïbient mcfme verbalement prefque en toutes lesprouinces , Se auoient àa confef- feurs députez pour cet e£fe<5t , des fuperieurs, Se d'autres quileureftoient inférieurs : cVyauoit des péchez referuezaufuperieur. Ils receuoient des pénitences, voire quelques fois tres-rigou- reufes: & principalement quand le pécheur eftoit quelque pauurc homme , qui n'auoit que don- ner au Confefîcur,& eftoit cet office de Confef. feur mefme exercé par les femmes. L'vfage de ces Confeffeurs forciers , qu'ils appellent Y chuiri ou Ychuri, a efte leplusvniucrfèlés prouinces de Collafuio. Ils ont vue opinion que c'eft vn HISTOIRE NATVRELLE énorme péché d'en celer en la conreffion quel- qu'vn qu'ils ayenc commis. Ec les Ychurisou Conrdleurs defcouuroient fi l'on leur en celoit par des forts, ou par le regard delacourroye de quelque animal, & les chaftioient en leur donnât vn nombre de coups d'vnepierre fur les efpauîes, iufquesàce qu'ils cuifènt tout defeouuert, puis après luy donnoient vnc penuence,& faifoient le facrifice. Ilsfeferuentmefmedecefteconfeflion quand leurs enfans, leurs femmes, leurs maris ou leurs Caciques (ont malades, ou qu'ils font en quelques grands trauaux. Ec quand l'Ingua eftoïc malade,toutes les protiinces fe confeiïoiét, prin- cipalemct ceux de la prouince de Collao. Les co- feiieuis eltoiêc obligez de tenir fecrettes les con- fefîïôs qu'ils receuoient,(ïnô en certains cas limi- tez. Les péchez defquels principalement ils fecô- rcuoiét , eLloit le premier de tuer l'vn l'autre hors la guèrre:en aptes de defrober,de prendre la fem- me d'autruy , de donner du poif on ou lorcellcrie pour faire mal, Se tenoient pour vn grier péché de f'oublier à la reuerence de leurs guacas ou cha- pelles,de ne garder point les feftes, dédire mal de l'Ingua, de ne luy obeyr point. Ils ne facculoient point d'acles & péchez intérieurs, mais félon le rapport de quelques preilrcs , depuis que les Chreftiens vindrentencepays , ils l'acculèrent aulïïà leurs Ychuris &: confelleurs de leurs peïi- fees. L'Ingua ne confelîoit les péchez à nul hom- me,mais feulement au Soleil, afin qu'il les dift au Viracocha, & qu'il les luy pardonnait. Apres que l'Ingua f eftoit confelTé , il faifoit vn certain bain pouracheuer de fe nettoyer en vneriniere cou- rante. ^K DES INDES. IIV. V. 2.41 rantc,difant ces paroles.Tayditmes péchez auSo* leil,toy riuiere recoy les, & les porte à la mer , où i3maisilsnc puifïènt paroiftre. Les autres qui fe confeflbientvfoientmefmemctdecesbainsjauec certaines cérémonies fort femblables à celles dont les Mores vfent auiourd'huy, qu'ils appel- lent Guadoy , & les Indiens les appellent Opacu- na. Etquandilarriuoità quelque homme que Tes enfans luy mouroicnt, il eftoit tenu pour vn grâd pécheur, & luy difoicnt que c'eftoit pour fes pé- chez que le fils eftoit mort premier que le père. C'eft pourquoy ceux à qui cela arriuoit , après qu'ils s'eftoient confefTez, ils eftoient baignez en ce bain appelle Opacuna , comme ilaeftéditcy dc(îus:puis quelque Indien monftrueux , comiqe bolTu $C contrefait de nature, les venoit fouetter âuec certaines orties. Si les Sorciers ou enchan- teurs par leurs forts ou augures , afFermoient que quelque malade deuoit mourir, le malade ne fai- foit point de difficulté de tuer fon propre fils , en- cor qu'il n'en euft point d'autres, efperant par ce moyen fe fauuer de la mort, & difan t qu'au lieu de luy il offroit fon fils en facrificc.Et depuis qu'il y a desChrcfliensen celle terre , cefte cruauté a efté encor exercée en quelques endroits. C'eft à la vé- rité vne chofe eftrange, que cefte coufturae de confcflèrles péchez fecrets,foit demeurée fi long temps, &"de faire de fi rigoureufes peniteces qu'ils faifoient,comme deieuner,de donner des habits, de i'orsdc l'argent,de demeureraux montagnes,& de receuoir de grands coups fur les efpaulles. Les noftres difent qu'en IaprouincedèChiquito,ils rencontrent encor auiourd'huy cefte pefte de h HISTOIRE NATVRELLE confeueurs,fou Ychnris, Se que beaucoup de ma- lades Te retirent vers eux : mais défia par la grâce de Dieu,ce peuple va du touts'efclairciffant& re- cognoiflTant YcncùSc le grand bénéfice de noftre confeilioniàcramentale , à laquelle ils viennent auecvne grande deuotion. Et en partie cet vfage paffé leur a efté permis par la prouideuce du Sei- gneur , afin que la confeflion ne leur femblaft dif- ficile. Par ce moyen le Seigneur eft en tout glori- fié , & le diable moqueur, demeuré moque. Or d'autant que c'eftvnechofequi touche à ce pro- pos , ie raconteray icy l'vfage d'vne eftrange con- fefllon que le diable auoit introduite au lappon, comme il appert par vne lettre venue de là, qui ditainfi. Il y a en Ocacades roches très grandes, & fi hautes , qu'il y a des pics en icelles , de plus de deux cens braffes de haur. Entre ces grands ro- chcrsjil y a vn de ces pics , ou pointes qui s'efleue fi terriblement haut , que quand les Xamabuzis (qui font les pèlerins) le regardent feulement, les membres leur en tremblent , & les cheueux s'en heriiïonnentjtant eft ce lieu terrible &c efpouuen- table. Il y a au fommet de cefte pointe vne gran- de verge de fer de trois brades de long , qui y eft pofeepar vn eftrange artifice. Au boutdecefte verge eft attachée vne balance, dont les efcaiîles font fi grandes, qu'en vned'icellesfc peut alTeoit vn homme , & les Goquis , ( qui font des diables en figure humaine) commandent qu'vn de ces,; pèlerins y entrent les vns après les autres , fans qu'il en refte vn feul,puis auec vn .engin & infttu- mentqui fe rcmeiie , moyennant vne roue, ils fo lit que cette vsfge de fer, en laquelle la balança DES INDES. LIV. V. 242 eftpenduë,fortedehors,& demeure toute fufpen. duc en l'air,eltant affis l'vn des Xamabuxis en l'vn, des plateaux de cefte ballance. Et comme l'efcail- leoùeft afïïs l'homme, n'apointde contrepois de l'autre coltc,incontinent elle pend en bas,& l'au- tre s'edeue iufques à ce qu'elle rencontre ôc tou- che à la verge. Alors les Goquisleur difentduro- cher,qu'ils le confeflent, & dient tous les péchez qu'ilsaurontcommis,dontilsfeiouuiendront,&: ce à haute voix, afin que tous les autres qui font là le puillent oiiir. Incontinent il commence à fe confeiïer , pendant quoy quelques vns des affiftas ferient despechez qu'ils oyent,& les autres en gemiflent. Et à chaque pechc qu'ils difent, l'autre efcailledela ballance bailTe vnpeu,iu(quesàce que finablcment avant dit tous ces péchez , la vuide demeure efgalle à l'autre, où eft le trifte pé- nitent, puis les Goquis refont tourner la roue, & retirent vers eux la verge & ballance d'oùforc le pèlerin , & après y en entre vn autre , iufques à ce que tous y ayent pa(ïc. Vn Iapponnois.çontoic celaapres qu'il fuft Chrcfticn, difant qu'il auoic efté en ce pèlerinage, &: entre en la ballance fepe fois , où publiquement il s'eftoit confefle. Il cii- foit mefme , que fi d*auanture quelqu'vn de ceux qui iont mis en Ce lieu , ne raconte lepeché, com- me il eft pafle, ou qu'il en celle quelqu'vn , l'ef- caille de la ballance vuide , ne s'abbaifle point , Se s'ils'obftine après qu'on luyafait inftance de fe côfefïer, &nevueille defcouurirtousfes péchez, les Boquisleiettent&fôt cheoirduhautenbas, o,ù en vn moment il eft ropu & brifé en mille pie- ces.Neantmoins ce Chreftien nommé Iean nous h g HISTOIRE NATVREILE difoit, qu'ordinairement la crainte & trcmeurde ce lieu eft grande à tous ceux qui s'y mettent, & le danger que chacun voit à l'œil , de tomber de la ballance , & eftredefrompu& brifc en bas, qu'il aduient fort peu fouuet qu'il y enaye, qui nedef- couurent tous leurs péchez. Ce lieu eft appelle d'vn autre nô Sangenotocoro , qui veut due lieu de confeflion. L'on voit bien clairement parce difeours, comme le diable a pretedu vfurper pour foy le feruice diuin,en faifant de la confeiîion des pechez(laquellc le Sauueur a inftituee pour le re- mède des hommes ) vne fuperftirion diabolique, pour leur grand dommage & perdition. Et ne l'a pas fait moins à l'endroit de la Gentilité du Iap- pon,qu'à l'endroit de celle des prouinecs de Col- lao au Peru. De V abominable onction dont yfotent les preftres "Mexiquaini & autres nations , & de leurs forttleges. CHAP. XXVI. Ie v ordonna en la loy ancienne la façon ^> comme Ton deuoit confacrer la perionne d'Aaron & les autres preftres , & en la loy Euan- geliquenousauonsmefmelefaincfcChreime, ôc onction, dequoy l'on vie quand l'on nousfacre preftres de Chrift. Ilyauoit mefme en la loy an- cienne , vne certaine compohuon odoriférante,, que Dieu deffendoit d'employer en autre chofe qu'au feruice diuin. Le diable a voulu contrefaire toutes ces chofes à fa façon, comme il a accouftu- fiK,ayant inuété à celle fin des chofes fi ordes,& il EÏSSSSCSMi Ml DES INDES. tIV. V. 24$ fales,qu'elles momftr6t allez quel en eft l'autheur. Les preftres des idoles enMexique s'oignoicnt en celle manière. Ils s'oignoicnt le corps depuis les pieds iufques à la telle, & cous les cheueuxauffi, lefquels leur demeuroient en forme de trèfles ref- femblausàdes crins decheual,«àcaufequ'ilsy ap« pliquoientcefte onction humide & mouillée. Les chcueùxleurcroiiroienttellcmcntauec le temps, qu'ils leur tomboienr iufques aux iarets,fi pelants qu'ils leur donnoiét beaucoup de peine àlespor- ter,car ils ne les coupoient, ny tondoient point, iufques à ce qu'ils mourullent,ou qu'on les en di- fpenfaft pour leur grande vieillefle, ou bien qu'on les employai!; aux gouuernements& autres offi- ces honorables en la republique. Ils portoiÊt leurs cheueleures treflees de lîx doigts de large , & fe noirciilbient ôc teignoient auecde la fumée de bois de pin, ou raifine , pource que de toute anti- quité entr'eux c'a elle toufiours vne offrade qu'ils faifoient à leurs idoles. Et pour cefte occalîon elle eftoit fort eftimee & reueree. Ilseftoient touf- iours noircis de cefte teinture , depuis les pieds iufques à la telle, Tellement qu'ils relïembloient à des Nègres fort reluifants , & celle là eftoit leur ordinaire onctiô.Toutesfois quand ils alloient fa- crifier & «ncenfer dedans les montaiçnes , ou aux fommets d'icelles, cV aux cauernes obfcures & te- nebreufeSjOÙ eftoient leurs idolcs,il$ vfoiéc d'vne autre onction fort différente , faifans dv certaines cérémonies pour leur ofter lacrainte, & augmen- ter le courage. Cefte onction fefaifoitauecdiuer- fesbeftiollesvenimeufcs, comme d'araignees,de feorpions , de cloportes, de fallemandres & de vi- h iij i };,♦.-.**:.<;;■ 1 HISTOIRE NATVRELI, E pères , lefquelles les garçons des Collèges prc- noient & amalibient,àquoy ils eftoientfiadroits, qu'ils en eftoient toujours garnis, quand les pre- ftresleuien demandoient. Le principal foin g & foucyde ces garçons, eftoit dallera lachallede cesbeftiolles: ques'ilsalloientautrepart , &c que d'auanture ils rencontraient quelqu'vne de ces beftiolles , ilss'arreftoient à la prendre, auec au- tant de peine, comme fi leur propre viceuftdei- pendu de cela. A raifon dequoylcs Indiens ne craignoient point ordinairement ces beftiolles venimeufes, n'en failans non plus d'eftatque il elles ne l'eu0ent point efté, d'au tant qu'ils auoiéc tous efté nourris en cet exercice. Pour faire cet vnguent de ces beftiolles, ilslesprenoient routes eniemble,& les brufloient au fouyer du Temple, qui eftoit deuant l'autel, iufques à ce qu'elles fuf- fent réduites en cendre, puis les mettoienten des mortiers auec beaucoup de Tauaeo , ou be- tum , ( qui eftvne herbe dont cefte nation vfe pour endormir la chair, & pour ne ientir point le trauail ) auec lequel ils mefloient ces cendres,qui leur faifoit perdre la force. Ilsmettoientmefme auec cefte cendre quelques fcorpions,araignes& cloportes viues, meflans&amaflans le tout en- femble , puis ils y* mettoient d'vne (emence toute monlluè, qu'ils appelloient Ololuchqui, dequoy les Indiens font vn breuuage , pour voiries vi- ilons, d'autant que l'effed de cefte herbe eft d'o- fter&priuer l'homme du fens. Ils moulloient mefme auec ces cendres des vers noirs & velus, defquels le poil feulement eft venimeux, Se amaf- foiciit tout cela enfemble auec du noir , ou fumée DES INDES. LIV. V. 244 de rezine, le mettans en des petits pots 5 Iefquels ils pofoientdeuant leur Dieu, difansqucc'eftoit là leur viande.C'eft pourquoy ils appelloient cela mander diuin. Par le moyen de cet oignement ils deuenoi ent forciers, & voyoient, & parloient au diable. Les preftres eftans barbouillez de cefte parte perdoient toute crainte, prenans en eux vn efpric de cruauté. A raifondequoy ils tuoientles homes aux facrifices fort hardimet,& alloient de nuict tous feulsauxmontaignes &; dedans les ca- uernes obfcures,mefprifansles beftesfieres,& te- nans pour certain & approuué , que les lions , ty- gres , ferpcns, & autres beftesfurieufes qui s'en- gendrent aux montagnes Se forefts , s'enfuy- roient d'eux, par la vertu de ce betum de leur Dieu. Et à la vérité , fi ce betum ne les pouuoic faire fuir , c'eftoitchofe fuffifante pour ce faire, que le pourtrait du diable enquoy ils eftoient transformez. Ce betum feruoit mefme pour guarir les malades & les enfans , parquoy tous l'appelloient la médecine diuine , & ainfl de. tou- tes parts venoient ils par deuers les dignitez & preftres, comme vers leurs Sauueurs , afin qu'ils leur appliquaient la médecine diuine ,& lesoi- gnoient d'icelle, par les parties deullantes. Ils afferment qu'Us fentoienr par ce moyen vn nota- ble allégement , ce qui deuoit eftreàcaufe que Tauaco , & Ololuchqui , ont d'eux mefmes cefte propriété d'endormir la chair , eftans appliquez en façon d'emplaftre , ce qu'ils doiuent opérer à plus forte raifon eftans mêliez auec tels poi- fons. Et pource qu'il leur amortiffoit , & appai- foic la douleur , il leur fèmbloit que ce fuft vn h iiij HISTOIRE NATVRELLE effeftdefanté, & de vertu diuine.Ccftpourquoy ils accouroient à ces prellres , comme à des hom- mes (àincts , lefquels entretenoient en cet erreur, Se esblouyilcmentlesignorans -, leuvperfuadans ce qu'ils vouloient ,& les faiiansveniràleurs mé- decines, & cérémonies diaboliques, parce qu'ils auoient telle authorité, qu'il fuffifoit qu'ils le dif- fentpour le faire tenir commearticle defoy. Et ainfi ils faifoient paimy le vulgaire mille luperfti- tions, en la façon d'offrir l'encens, en la façon de leur couper lescheueux, en attachant de petites bûchettes au col, & des filletsauec des petis os de couleuures, leur commandant qu'ils ie baignaf- fent à certaine heure, qu'ils veillaiïent de nui<5t au fouyer, depeurquelefeu ne s'eftaignift, qu'ils ne mangeaffent point d'autre pain que celuy qui auoitefté offert à leurs dieux, qu'ils ieretiraflenc en leur befoing incontinent pardeuers les for- ciers , lefquels auec certains grains iettoient les forts &deuinoient , regardans en des cuues, &c poelles pleines d'eauë. Lesforciers &miniftres du diable, auoienc accouitumèmefmedeemba- durnofer beaucoup. Et eft vnechofe infinie de la grand' multitude qu'il y a eue decesdeuins , for- tilleges^enchanteurs, deuineurs ÔV autres fortes de faux prophètes. Auiourd'huy il refte encor de ceftepeftilence, quoy qu'ils fc tiennent fecrets 8c couucrts , n'ofansouuertementexercer leurs facrileges,& diaboliques cérémonies, &fuperfli- tions , mais leurs abus ôc maléfices font defeou- uerts plus au long , & particulièrement aux con- feiîîonnaires faits par les Prélats du Peru. Il y a vu ^eincdc forders , entre les Indiens permis par eësâSSigaesaiiÉi DES INDES. LIV. V. 245" les RoisInguas,qui font comme deuins, le{queis prennent vne telle forme & figure qu'ils veulent, allans& faifans par l'air beaucoup de chemin en fort peu de remps,c\: voyoien tee qui fe paflbit. Ils parlent auec le diable , lequel leur rcfpondende certaines pierres , ou autres choies qu'ils vénè- rent beaucoup. Ils feruent de deuins , & pour direcequifepallèen des lieuxlesplus efloignez, auant que la nouuelle en vienne , ou puiflè venir. Comme mefmeileftencor arriué depuis que les Efpagnoîs y font qu'en diftancedeplusde deux ou trois cens lieues, l'on a fçeu les mutineries , les batailles, les rebellions, les morts , tant des ty- rans , comme de ceux qui eftoient du codé du Roy , & des perfonnes particulières , ce que l'on afçeudumefmeiour , que les chofesarriucrent, ou bien le iour enfuyuant , quieftoitchofeim- poiïîble , félon le cours de nature. Pour faire cette deuination, ils fe mettent en vne maifon fermée par dedans, & s'enyurent iufques à perdre le iugement , puis vn io^ir après ils refpondcnt à ce que Ton leur demande. Quelques vns affer- ment qu'ils vfent de certaines onctions* Les In- diens difent, que les vielles exercent ordinaire- ment cet office de fortileges, & particulièrement celles d'vne prouince, qu'ils appellent Coaillo, d'vne autre Ville, appellee Manchey,&: de la pro- uince de Guarochiri. Iisenfeignent mefme où font les chofes perdues ôc defrobees. De toutes ces fortes de forciers , il y en a eu en tous en- droits, vers lefquels viennent ordinairement les Anaconas,& Cyuas, qui feruent aux Efpagnoîs quand ils ont perdu quelque chofe de leur mai- M&n%âH«MS^ HISTOIRE NATVRELLE ftre, ou qu'ils défirent fçauoir quelque fuccez des chofes pafiees, ou aduenir.Comme quand ils de- scendent & vont aux citez des Efpagnols pour leurs affaires particulières, ou pour les publiques ils leur demandent fi leur voyage fe portera bien, f'ils feront malades, fais mourront ou retourne- ront fains, fils obtiendront ce qu'ils prétendent: &leslorciers oudeuincurs refpondentouy , ou non , ayans premièrement parlé auec le diable en vn lieu obfcur, de manière que ces Anaconas oyent bien le fonde la voix, mais ils nevoyent pasàqui les deuins parlent, ny n'entendent pas ce qu'ils diient. Ils font mille cérémonies & fa- crinces pour cet effecl, auec lefquels ils inuoquét le diable , ôc f enyurent brauement. Et pour ce faireils vfent particulièrement d'vne herbe ap- pelleeVillea, lefuc de laquelle ils mettent de- dans le Chica,ou le prennent d'autre façon. L'on peutvoir parcecy combie eft grand lcmal-heur de ceux qui ontpourmaiftrcslesminiftresdecc- luy- là , duquel l'office eft de tromper. Et eft vne chofe approuuee qu'il n'y a rien qui empefche tant les Indiens de receuoir la foy du fainctEuan- gile,&: de perleuerer en icelle , que la communi- cation de ces forciers qui ontefté,&y fontencor en tres-2,rand nombre , bien que par la grâce du Seigneur &c dilic^ftce des Prélats , &c des Preftres, ils vont diminuant, & ne font plus fi preiudicia- bles. Quc4queS- vnsd'iceux fefontconuertis,& ont prefché publiquement, defcouurans&blaCj mans eux -mcfmes leurs erreurs & tromperies, 8c deciarans leurs finettes &menteries,dequoy on a veu fortir de grands frui&s, comme mtfmc nous DES INDES. LIV. V. 246 fçauons par les lettres du Iappon qu'il en eft arti- uédemefmeences parties, le tout à la gloire & honneur de noftre Dieu & Seigneur. Des autres cérémonies çjr cotiftumes des Indiens qmfoTit fcmblublcs aux noflrcs. C H A P. XXVII. ^fôj E s Indiens ont eu vn nombre infiny d'au- WîSZ très cérémonies & couftumes , placeurs deiquelles rellembloient à !a loy ancienne de Moyle , les autres à celles dont vfent les Mores, & les autres approchoient delà loy Euangeli- que , comme les baings,ou Opacuna, qu'ils ap- pellent,qui eftoit qu'ils (elauoict en l'eauë pour ie nettoyer de leurs péchez. Les Mcxiquainsa- tioienc aufli entr'eux quelque forte de baptefme, qu'ils faifoient auec cérémonie , qui eftoit qu'ils incitaient les oreilles & le membre viril aux pe- tits enfans nouueaux nez, contrefaifàns aucu- nement la circoncision des Iuifs. Cefte cérémo- nie fefaifoic principalement à l'endroit des fils des Rois, & des Seigneurs. Incontinent après leur naillance les Preftresles lauoient.» & leur mettoient vne petite efpee à la main droite , & à la gauche vue rondelle,&aux enfans du commun & vulgaire, ils leur mettoient les marques de leurs offices,&r aux filles des inftrumens à filler,à tiltre, & à trauailler : & duroic cefte cérémonie quatre iours,qui fefaifoit deuant quelque idole. Us contractaient leurs mariages à leur mode, dont le licencié Polio a eferit vn traitté tout entier, &: en diray cy-apres quelque chofe.En au- HISTOIRE NATURELLE très chofes,mefmes leurs cérémonies Sccouftii- mes auoienc quelque apparence de raifon. Les Mexiquains fe marioient par la main de leurs preftres en cefte façon. L'efpoux 8c efpoufe fe mettoient enfemble deuant le preftre , lequel les prenoitpar les mains, 8c leur demandoit i'ils fe vouloienemarier, puisayantentendu lavolontc de cous deux, il prenoit vu coing du voile,dont la femme auoit la tefte couuerce , & vn autre coing de la robbe de l'hom me , lefquels il attachoit en- iemble,faifan t vn nœud , 8c les menoit ainfi atta- chez à lamaifon de l'efpoufe, où il y auoit vn foyer allumé, 8c lors il faifoit faire à la femme fept toursàl'entd'urdecefoyer , puis les mariez fe feoient enfemble , &c par ce moyen eftoit con- tracté leur mariage. Les Mexiquains eftoiét tres- ialoux de l'intégrité de leurs femmes 8c efpoufes, tellement que {'ils fapperceuoient qu'elles ne fufïent telles qu'elles deuoient eftre ( ce qu'ils re - cognoiiïoient par lignes ou par paroles eshon- tees)ils le faifoienc incontinent entendre aux pè- res 8c païens de ces femmes.à leur grand honte 8c déshonneur : parce qu'ils n'auoient pas bien pris girde fur elles. Mais ils honoroient 8c eftimoient beaucoup celles qui conferuoient leur honne- fteré, leur failans de grandes feftes, &donnoient pluiïcurs prefens à elle & à fes parens. llsfaifoiét pour cefte occafion de grandes offrandes à leurs dieux, !* WlWrVt&'t'ïi HISTOIRE NATVRELLE & accommodé , ils adorent cède Pirua s & l'ont en grande vénération , difans que c'eft la mère du Mays de leurs héritages , ôc que par ce moyen le Mays augmente, & fèconferue. Encemoisils font vn facrifice particulier^ les forciers deman- dent à la Pirua fi elle a de la force aflez pour durer iufques à l'an à venir, & fi elle refpond que non, ils portent le mais brufler à la métairie , d'où ils l'ont apporté , félon la puifTance d'vn chacû,aprcs ils font vne autre Pirua, auec les mefmes cérémo- nies , difans qu'ils la renouuellenr , afin que la fe- menec du Mays ne perifle,&" fi elle refpond qu'el- le a de la force afîez pour durer d'auantage, ils la laifTcnt iufques à l'autre année. Ceftefottevanit» dure iufques auiourd'huy, & eft fort commune entre les Indiens, d'auoir ces Piruas , & faire la fe- fted'Amorey.Le feptiefmc mois refpond àluin, & s'appelle Aucaycuzqnilntiraymi,cniceluyils faifoicntlafefte, appcllee Intiraymi, où l'on fa- crifioit cent moutons , guanacos , & difoient que c'eftoit la fefte du Soleil ; en ce mois ils faifoient vn grand nombre de ftatues de bois de quinua taille , toutes veftues de précieux habits,& fe fai- foit le bal qu'ils appelloicntCay®. En ceftefeftc l'on efpandoit beaucoup de fleurs par le chemin, & y venoient les Indiens fort barbouillez , & les feigneurs y eftoient ornez auec de petites plati- nes d'or à la barbe, &ychantoient tous, & doit- on fçauoirquecefte fefte tombe qwafiaumcfme temps que nous autres Chreftieas faifbns lafo- lemnitc au fàind Sacrement , qui luy reflemblc en quelque chofe , pomme aux danecs, chants ÔC rcpiefencations. Et pour cefte raifon il y acu , & DES INDES. LIV. V. 2JO aencorentrc les Indiens ( lefqucls celebroienc vne fefte aucunement femblablc à celle que nous celcbrons du fainct Sacrement ) beaucoup de fuperftitions à célébrer cefte fefte ancienne de Tlntiraymi.Le huicliefme mois eft appelle Cha- hua , Huarqui , auquel ils bmfloient cent au- tres moutons, tous gris , de couleur de Vizca- cha, félon Tordre fufdits, lequel mois refpond à noftrc Iuillet. Le ncufieime mois sappelloit Ya- paguis , auquel l'on brufloit cent autres mou- tons, de couleur de chaftaigne, &couppoit-on la gorge , & bruiloit-on auflî mil Cuyes , afin que la gcllee, nyl'eauë, ny l'air , ny le Soleil ne filïènr aucun mal aux métairies , & rcfpondcc mois à TAouft. Le dixiefme mois , s'appelloit Coyaraymi.auquel Ton brufloitcent autres mou- tons blancs, qui eftoient velus. En ce moisqui refpond àScptembre Ton faifoit la fefte appcllee Situa, en cefte forme. Ils s'aflembioient lepre- mier iour de la Lune , aUant qu'elle ieuaft. JE t en. la voyant ils s'eferioient hautement , portans en leurs mains des flambeaux de feu , & difàns , que le mal s'en aille dehors, en s'en tre-frappans les vns les autres , auec ces flambeaux. Ceux qui fai- foient cela s'appelloit ut Panconcos. Et après auoir acheuc , s'en allaient en baing gênerai , aux ruilïeaux & aux fontaines, chacu n en fon propre cftang , & femettoientàboirequatreioursctu- rans. En ce mois les Mamacomas du Soleil fai- foient grande quantité de petits pains faits au«c le fang des facrifices, & en donnoient vn morceau à chacun des eftrangers & forains ,mefmeilsen enuoy oient aux Guacas eftrangers de tsut le roy* HISTOIRE NATVUELLE aume, & à plufieurs Curacas , en figne de cofede- ration>&: loyauté au Soleil & à l'Ingua , comme il a efté ja dit. Les baings, yurongneries , & quelque reftes de celle fefte Situa,demeuret encor auiour- d'huy en quelques endroits , auec des cérémonies quelque peu différentes , ce quieft fecretement toutesfois,parce que ces fe&çs principales, & pu- bliques ont cefte. L'vnziefmemois,Homaraymi Punchaiquis , auquel ils facrifioient cent autres moutons. Et s'ils auoient faute d'cau'è pour[vn re- mède, & afin de faire pleuuoir, ilsmettoient vu mouton toutnoir, attaché au milieu d'vne plai- ne efpandant beaucoup de Chica tout autout de luy,& ne luy donnoïent point à manger , iufques àjce qu'il pleuft, ce qui eft encor pratiqué auiour- d'huy en plufieursendreirs, en ce mefme temps quieft Octobre. Ledouziefme, &dcrniermois s appelloit Aymara,auquel l'on facrifioit cent au^ très moutons, &faifoient la fefte appellee Ray- micantara Rayquis. En ce mois qui refpond à Nouembre , l'on appareilloit ce qui eûoit necef- faire pour les enfans qui fe deuoien t faire nouiecs le mois enfuiuant , & les enfans auec les vieillards faifoient vne certaine monftre auec quelques tours, & cefte fefte eftoit appellee Ituraymi, la- quelle fe fait ordinairement quand il pleut trop, ou trop peu, ou qu'il y a de lapeftilence. Entre les feftes extraordinaires , qui y eftoient aulli en grad npmbre , la plus fameufe eftoit celle qu'ils appel- aient Ytu. Cefte fefte Ytun'auoit point detéps nydefàifon arreftee autrement, qu'en temps de nccefïîté. Pourfe préparera icelle, tout le peuple icuiaoÏL deux îoiiis durant, aufqucls ils ne tsu- DES INDES. LIV. V. 2fl choient point à leurs femmes , ny ne mangeoient point tic viande auec le fel,ny ail,& ne beuuoient point de Chica. Tous s'affcmbloient en vne pla- ce , où il n'y auoit aucun eftranger , ny aucun ani- mal , & auoient de certains habits & ornements, quifeulement feruoient pour celle fefte. Ils mar- choientenproceflîon fort doucement, les teftes couuertes de leurs voiles, battans des tambours fans parler l'vn à l'autre. Cela duroit vn iour & vne nuid , puis le iour enfuyuant , ils dançoient, &faifoient bonne chère, par deux iours&deux nuicts continuellement, difans que leur oraifon auoit efté acceptée. Etencor que cette fefte ne fe face auiourd'huy auec toute celle cérémonie an- cienne , fi eft-eeque communément ils en font vne autre , qui eft fort femblable , laquelle ils ap- pellent Ayma, auec des veftemens , qui feruent feulement à ceteffect , & font celle manière de proceflîon auec leurs tambours, ayans aupara- uant ieufnè,puis après fe mettent à faire bonne chère: ce qu'ils ontdecouftume de faire en leurs vrgentes neceflîtez. Et combien que les Indiens ayent delaille en public defacnfier desbeftes, Se autres chofes qui ne fepeuuent cacher des Efpa- gnols, neantmoins ils fe feruent toufiours de plu- heurs cérémonies quiontleur origine de ces fc- ftes & fuperftitions anciennes. Car ils font en- cor auiourd'huy couuertement cède fefte de l'Ytu auxdances de la fefte du Sacrement , enfaifans les dances de Lyamallamav & de Guacon,& d'au- tresfelon leur cérémonie ancienne: à quoy l'on doit bien regarder de près. L'on a fait des Trait- iez plus amples de ce qui concerne cefte matière, i ii; HISTOIRE KATVRELLE pour les dieux, où il eft neceiraire remarquer les abus & fuperftitions qu'auoient les Indiens lors de leur gentilité, afin que lcsPreftres& Curez y prennent garde. Suffife donc à prefent d'anoir traitté de l'exercice , auquel le diable occupoit fes deuots,afin que con tre fa volonté l'on voy c la dif- férence qu'il y a delà lumierie aux tencbies , & de la vérité Chreftienne au menfonge Gentil , quoy que l'ennemy de Dieu & des hommes ait tafché auec tous [es artifices de contrefaire les chofes de Dieu. I De Ufcfledu lubilc que celcbt -vient les liîexiqudins. CHAP. XXI X. E s Mexiquains n'ont efté moins curieux en leurs feftes & foIemnitez,lefquelles eftoient de peu de defpencc de biens, mais d'vn gi ad coud defanghumain.Nousauonscydeffuspailé delà fefte principale de Vitzilipuztli , après laquelle la fefte de Tezcalipuca , eftoit la plus folemnifcc. Ceftefeftc tomboit en May,& en leur Kalendrier ilslappelloientToxcolt, elle efcheoic de quatre ans en quatre ans.auec la fefte de pcnitence,où il y auoitpîanicre indulgence & pardon des péchez. En ceiourils facrifioientvncaptif,qui auoit lasc- blace de l'idole Tezcalipuca,qui eftoit ledixneu- fiefmede May. En laveille deceftefefte, les Sei- gneurs venoient au Temple, &apportoict vn ve- rtement neuf femblable à celny de l'idole, lequel les preftrts luy veftoient.luy âyans premièrement oftè les autres habits, Icfqucls ils gardoicut auec DES INDES. LIV. V. 2 $2, autant ou plus de reuerence , que nous faifons les ornemens. Il y auoit aux coffres de l'idole plu- fteurs ornemens,ioyaux,affiquets,& autres richcÊ- fes,de bracelets,de plumes precieufes ,quinefer- uoient d'autre chofeque d'eftrelà, &adoroienc tout cela comme le mefme Dieu. Outre le verte- ment auecWquelilsadoroient l'idole ce iour-là, ilsluy mettoiét de certaines enfeignes déplume, des garde-foleils,des ombrages, & autres chofes; l'ayans ainfi reueftu & ornc,ils oftoientlacourti- neou voile de la porte, afin qu'il fuftveu de tous, & alors fortoit vne des dignitez du Temple, veftu de la mefme façon que l'idole, portant des fleurs enlamain, & vne petite fleute de terre, ayant vn fonfortaigu,& fe tournant du cofté de l'Orient il la touchoit , puis retourné vers l'Occident , le Nort&leSud,ilfaifoic lefemblable. Et après auoir ainfi fonné. vers les quatre parties du mon- de ( dénotant quelesprefens&abfens l'oyoient) il mettoit le doigt en l'aire , & cueillant de la terre d'icelle,lamettoit en fa bouche, &rla mangcoit en fignc d'adoration. Autant en faifoient tous ceux qui y eftoient p rcfens , & en pie urans fe pro- fternoient inuoquans l'obfcurité de la nuid & les vents , les prians qu'ils nelesdelailîaflent ny oublialîent point , ou bien qu'ils leur oftaflent la vie , pour donner fin à tant de trauaux qu'ils cnduroient en icelle. Les larrons , les fornica- teurs, les homieides,& tous les autres delinquans auoient grande crainte ôc trifteffe en eux pendant que celte fleute fonnoit : tellement que quel- ques vns ne pouuoient diflîmuler ny cacher leurs deli&s. Par ce moyen tous ceux-là ne deman- i iiij %&&' HISTOIRE NATVRELLE doicnt autre chofe à leur Dieu, finon que leurs délices ne fuflentpointmanifefteZjefpanclans be- aucoup de larmes , &c auec vne grande repentan- ce & regret offroient quantité d'encens pourap- paiferleursdieux.Leshommescourageux&vatl- ians,&tous les vieux foldatsqui fuiuoientl'art militaire,en oyant celle fleute demandoientauec vne grande deuotionà Dieu le Créateur, au Sei- gneur pour lequel nous vinôs, au Soleil, & à d'au- tres leurs Dieux, qu'ils leur donnaient victoire contre leurs ennemis, & des forces pour prendre beaucoup de captifs, afin d'honorer leurs facrifi- ces. La cérémonie fufditc Ce faifoit dix iours au- parauant la fefte , pendant lefquels dix iours le preftre fonnoit cefte fleute , afin que tousfillènt cefte adoration de manger de la terre , & de de- mander à leur idole ce qu'ils voudroient, & fai- foient chaque iour oraifon les-yeux hauiîez au Cielaucc des foufpirs& gemiffemens , comme perfonnes qui fe contriftoientde leuts fautes & péchez. Iaçoit que cefte contrition ne fuftque pir crainte de la peine corporelle que l'on leur donnoit Se non pas pour crainte de l'éternelle, parcequ'ilscroyoïentpourcertainqu'iln'yauoit point de peine Ci eftroite en l'autre vie. C'eft pourquoy ils s'offroient à la mort volontaire- ment, ayans opinion que c'eftoit à tous vn re- pos alfeuré. Le premier iour de la fefte de cet idole Tezcalipuca eftant venu , tous ceux de la Cité s'ailembloient en vne cour pour célébrer aufli la fefte du Kalendrier , dont nous auons parlé , qui s'appelloit Toxcoalth , qui fignifie chofe feiche: laquelle fefte ne fe faifeie à autre DES INDES. LIV. V. 2,53 fin, que pour demander de l'eaué en la façon que nous ancres folemnifons les Rogations: ôc ainfi cefte fefte eftoit toufiours en May , qui eft le teps que l'on a plus faute d'eauës en ce pays là. L'on commençoitàla célébrer le neufiefme de May, finiiTantl» dix-neufiefme. Le dernier lourde la fefte au matin les preftres tiroienc vnbranquart ou litière fort bien ornée de courtines,& de fan- dos de diuerfes façons. Ce branquart auoit autat debras obtenons qu'il y auoit deminiftresqui le deuoient porter: tous lefquels fortoiét barbouil- lez de noir , les cheueux longs trelfez par la moi- tic auec des lizets blancs, & veftus de la liuree de l'idole. DefTus ce branquart ils meteoient le per- fonnage de l'idole , député pour cefte fefte, qu'ils appclloient femblance du Dieu Tezcaiipuca , ôc le prenans fur leurs cfpaules le tiroient en public aupieddesdegrez, & incontinent fortoient les iennes hommes, odes filles reclufes de ce temple, portas vnegrofie corde torfe de chaifnes de mays rofty,auec laquelle ils enuironnoient le braquart Se mettoient au col de l'idole vne chaifnc de mef- me, ôc en la teftevne guirlande. Ilsappellent la corde toxcalt, dénotant la fecherefle &fterilitc du temps. Les icunes hommes fortoient entou- rez auec des courtines de red , des guirlandes , ôc deschaifnesdemaysrofty. Les filles eftoicntve- ftuës d'habits Se ornements tous neufs, portans au col des chaifiies de mays rofty , ôc en leurs te- lles des ty ares faites de vergettes toutes couuer- tesdecemays. Ils auoient les pieds couuerts de plumes , & les bras Ôc iouës colorées de fard. Ils apportoient aulïi beaucoup de ce mays rofty , Ôc HISTOIRE NATVR.ELI. E les principaux fc les mettoient à la tefte & au col, prenans des rieurs en leurs mains. Apres que l'i- dole eftoit mis en fon branquart & luiere , ils fe- moient par tout autour grande quantité de ra- meaux de manguey, les fueilles duquel font lar ges & efpineufes.Ce branquart mis fur les efpau- les des demifdits religieux,ils le portoict en pro- ceflîon pardedanslecircuitdela court, &deux preftresmarchoient deuant aueedesbrafiersou encenfoirs,encenfans fort fouuent i'idole,&cha- quefois qu'ils mettoient l'encens ils haulïbient le bras le plus haut qu'ils pouuoient vers l'idole, &versieSolcil,leurdifans qu'ils eilcualïènt leurs oraifons au ciel, comme cette fumée f eflcuoit e» haut. Alors tout le peuple qui eftoit en la court alloit&fetournoitenrond vers le lieu oùalloit l'idole, portanstous en leurs mains des cordes neufues de fil de manguey , d'vne braffe de long ayans vn nœud au bout,& auec icelles fe difeipli ■ noient, fen donnans de grands coups fur les ci- paules,delafaçôquel'onfedifcipline icyleleu- dy fain&.Toute la muraille de la court & les cré- neaux eftoient pleins de rameaux 8c de fleurs , fi bien ornez, & auec telle fraifeheur, qu'ils don- noientvngrandcontentement.Cefteprocefîïon eftantacheuce, ils rapportoient l'idole aulieu où ilauoitaccouftuméd'eftrc: puisapresvcnoitvne grande multitude de peuple auec des fleurs ac- commodées de diuerfes façons, dontilsremplif- foient le temple & toute la courr , de forte qu'il fcmbloitornementxl'oratoire. Tout celacftoit accommodé &c mis en ordre par les mains des preftres , les ieuncs hommes du temple leur bail- ci- DES INDES. LIV. V. 254 Iant,& feruanc ces chofes de dehors. La chapel- le ou chambre de l'idole demeuroit ce iou'r là dcfcouuerte fans y mettre le voile. Cela faitcha- cun venoit offrir des courtines , des fandaux , des pierres precieufes, des ioyaux, de l'encens , du boisgommeux, desgrapes, ouefplcs de mays, des cailles, Se finablement tout ce qu'ils auoient accouftume d'offrir en telles folemnitez. Quand ils offroient ces cailles, (qui cftoit l'offrande des pauures) ils faifoienteefte cérémonie, qu'ils les bailloient aux preftres , lefquels les prenants,leur arrachoienc la tefte , & auffi toft les iettoient aux pieds de l'autel, où ils perdoient leur fang , & au- tant en faiforent ils des autres qu'ils offroient. Chacun offroit félon fonpouuoir, d'autres vian- des & fruits, lefquels eftoiemt aux pieds del'au- tel des miniftres du Temple , Se eftoient ceux qui les recucilloient,&lesportoienten leurs cham- bres. Cefte iolcmnelle offrande faite , le peuple i*en alloit difner chacun en Ton bourg Se en fa maifon , lailTans ainfi lafefte fufpendueiufqaes après difner. Pendant ce temps les ieunes hom- mes Se filles du Temple ,auec les ornements fuf- ditsfoccupoientàferuir l'idole, de tout ce qui luy eftoit dédié pour fon manger. Laquelle vian- de eftoit apprellee par d'autres femes qui auoient fait vœu de f occuper ce iour la à faire le man- ger de l'idole , Se d'y feruir tout le iour. Ccflt pourquoy toutes celles qui auoient fait le vœu venoientaapoinct du iour, foffrans aux dépu- tez du temple, afin qu'ils leur commandafTcnt ce qu'elles dcuoient faire, cVlaccompIiiToient fort diligemment . Elles faifoient Se appreftoient tant dç diuerfïtcz& inuentions de viandes que HISTOIRE NATVRELLE c'eftoitvnechofe admirable. Cette viande eftantr accommodée , & l'heure du dilner venue, toutes ces filles fortoient du temple en proceflfion cha- cune vn petit panier depain en la main,& en l'au- tre vn plat de ces viandes,& marchoit dcuant el- les vn vieillard,qui feruoit de maiftre d'hoitel , a^ uec vn habit allez plaifant. Il eftoit veftu d'vn fur- plis blanc qui luy vcnoit iufques au mollet des jambes ,iurvn pourpoint fans manches de cuir rouge,à h façon d'vne tunique. Il portoit des aif- lesaulieude manches, d'où fortoient des lifets larges , aufquels pendoit fur le milieu des efpaul- lesvnemoyënecallabalfe,oucitroiïille,qui eftoit toute remplie & couucrtede fteurs,par despetits trous quiy eftoiet , & au dedans y auoitplufieurs chofes de fuperfticion. Ce vieillard marchoit ain- fi accommode deuant l'appareil, fort humble , & trifte, ayant la tcftebai(îee,&- en approchant du Iicu,qui eftoit au pied des degrez , il faifoit vnc grande humiliation & reuerence, puis fe retirant d'vn codé, les filles fapprochoientauec la vian- de, cV l'alloient prefenter de rang & par ordre le s vnes après les autres auec beaucoup de reueren- ce. Puis ayans prefente toutes ces viandes,le vieil- lard C'en retournoit comme dcuant , & remenoit les filles en leur conuent. Cela fait,lesicuncs ho- mes & miniftres de ce temple fortoient , & re- cueilloient cefte viande, laquelle ils portoiet aux chambres des dignitez & preftres du temple,lef- quels auoient ieufné par l'efpace de cinqiours, mangeans feulement vne fois le iour, & {' eftoient abftenus de leurs femmes , fans fortir du temjJIe durant ces cinq icurs;pendât!efquelsils fc foiicfc» DES INDES. II V. V. l^ toient rigoureufement auec des cordes, & man- geoicnt de ccftc viande diuine (ainii l'appelloict- ils) tout ce qu'ils pouuoient,& n'eftoit licite à au- cun d'en manger,fmon à eux. Tout le peuple ayât acheué de difner,fe raflembloit à la cour pour cé- lébrer & voir la fin de la fefte , où ils faifoien t ve- nir vn captif qui par l'efpaced'vn anaroitrepre- fenté l'idole , eftaut veftu,orné & honoré comme le mefme idole , & luy faifans tous reuerence, le mettoient entre les mains des facrificateurs, les- quels fe prefentoien t au mefme temps,& l'alloiét faifir par les pieds & mains. LePapaluy fendoic ÔV ouuroit l'eftomach3luy arrachant le cœur, puis haufToit la main tant qu'il pouuoit, lemonftrant au Soleil & àl'idole,commeiIaeftéditcy -deuât. Ayans ainfï facrifié celuy qui reprefentoit l'idole, ils f en alloi ent en vn lieu confacré & député pour ceteffeéT^oùariiuoient les ieunes hommes & fil- les du temple, auec les ornemens fufdits,lefquels eftans mis en ordre , dançoient&chantoient à l'en tour des tambours Se autres inftrumcts , donc les dignitez du temple ioûoient & fonnoient. Puisvenoient tous les feigneurs , ayans les mef- mes enfeignes & ornemens que les ieunes hom- mes 3lefquelsdançoient en rond autour d'iceux. L'on ne tuoitpoint ordinairement en ce iour d'au- tres hommes que le facrifié , toutesfois de quatre ans en quatre ans feulemct l'on en anoit d'autres auec luy , qui eftoit en l'an du Iubilé & indulgen- ce planiere. Apres le Soleil couché,chacun eitant content de fonner,de manger &de boire,fes filles f'en alloient toutes à leur conuent, & prenoient «le grands plats de terre» pleins depaiapaiftryda ^n Histoire nàtvrelle miel , qui eftoient couuerts de petits panniers ouurez & façonnez de teftes& osde mort,& por- toientla collation à l'idole , monrans iuiquesà la cour qui eftoit deuant la porte de l'Oratoire,& l'ayants pofee en ceiieu,elles delcendoientauec le mefme ordre qu'elles y auoient monté, le mai- ftre d"hoftel allant toujours deuanr. Incontinen fortoienttous les ieunes hommes en ordre auec des cannes ou roieaux es mains, qui commen- çoient à courir au hault les degrezdu Temple, à l'enuie l'vn de l'autre, pour arriuer les premiers aux plats de la collation. Cependant les dignité: remarquoientceluyquiarriuoitle premier, fe cond , troi(iefme,&quatrieime,fans faire efta durefte. Cefte collation eftoic aufiï toftenleuee par ces ieunes hommes, laquelle ils emportoien comme grandes reliques. Cela fait les quatre qu premiers eftoicntarriuez eftoient mis au milieu des dignitez & anciens du temple , & auec beau- coup d'homreur les mettoient en leurs chambres les louans & leur donnans de bons ornemens, &C delàenauant eftoient reuerez & honorez com- me hommes fignalez.La prinfc dé cefte collatio eftantacheuee,& la fefte célébrée auec beaucoup de refiouyflance & de crierie, ils donnoiét cong a tous ces ieunes hommes & filles qui auoien feruy l'idole, au moyen dequoy il C'en alloient le vns après les autres , au temps qu'elles fortoient. Tous les petits enfans des collèges & efcholei eftoient à la porte de la cour, auec des pellottei de ionc & d'herbes aux mains , lefquelles ils leui iettoient fe mocquans & rians d'elles,comme d< 'perfonnes qui iè retiraient du feruice de l'idole. i DES INDES. II V. V. Ij6 ils fortoient ancc liberté de difpofer de foy à leur volonté , & auec cela prenoit fin la fefte. De Ufcjïe des "Marchands que ccîebr oient ceux de Cbolutecas. C H A P. XXX. Î^Ombien que i'ayeafiezcy-deflus parlé du feruicequelesMexiquains faifoien ta leurs dieux, fi eft- ce queie dirayencor quelque chofe de la fefte de celuy qu'ils appelloient Quetza- coaalt,qui eftoit le dieu des riches, laquelle fc io- lemnifoitencefte forme. Quarante iours aupa- rauant les marchands achctoientvnefclaue,bien fait , (ans aucun vice ny tache , tant de maladie, comme de ble{îcure,lequel ils veftoient des orne- ments de i'idole,afin qu'il le reprefentaft quaran- te iours. Auantque delcveftir ils le punfioienc lelauantdeux fois en vnlac, qu'ils appelloient lac des Dieux, & après qu'il eftoit purifié , ils le veftoient de mcfme que l'idole eftoit veftu. Il eftoit fortreueré durant quarante iours, à caufe decequ'ilreprefentoit. Ils l'emprifonnoientde nuict (comme il a efté ditcy delfus , ) de peur qu'il ne f'enfuift& le matin le tiroient delà pri- fon , le mettans en vn lieu eminent, où ils lefer- uoient , en luy donnant à manger des viandes ex- quifes . Apres qu'il auoit mangé ils luy met - toient des chaînes de fleurs au col, & beaucoup de bouquets aux mains . Il auoit fa garde fort accomplie, auec beaucoup de peuple qui l'ac- compagnoit, Se alloitauec luy par la Cité . Il alloit chantant & dançant par coûtes les rues , sjtEjsjra STO^ HISTOIRE NATVRELLE afin d'eftre cogncu pour la femblâce de leur diew, &lors qu'il commençoit à chanter , les femmes & petits enfansfortoient de leurs maifons pour le iàiiïer,& luy faire leurs offrandes comme à leur dieu. Deux vieillards d'entre les diçnitez du tem- pie venoieut par deuers luy neuf io jrs aupaïauât la fefte, lefqueis fhumiliansdeuantluy , luydi- foient d'vne voix fort humble, & baflejSeigneur, tu dois fçauoir que d'icy à neuf ioursi'acheuele trauaildedancer,& de chanter, car alors tu dois mourir: & il deuoitrefpondre quecefuft àlabô- ne heure. Ils appelloient cefte cérémonie Neyo- lo Maxildezth, qui veut dire l'adueniilTement , Se quand ils l'aduertiflbientjils prenoient garde fort cntentiuementftlfecontnftcit point, & i'ildan- çoitauffiioyeufement que de cou(lume,que frl nelcfaifoit auec vne telle gaye té qu'ils deiiroiét, ilsfaifoient vnefottefuperftitiôen cefte maniè- re. Ils f'en alloient incontinent prendre lesra- foirs des facrifices , lelquelsilslauoient,& met- toient du fang humain qui y reftoitdesiacnfices pafTez .•&deceslaueuresluy faifoientvn breuua- ge meilé aucc vne autre liqueur faite de cacao , 5c luy donnoient àboire,& difoientquecebreuua- ge auoit telle operatio en luy,qinl luy feroit per- dre la mémoire de tout ce que l'on luy auoit dit, & quecelalerendroitprefque inlenfible, & rc- tourneroit à fon chant & gayeté ordinaire. Ils di- rent dauantage qu'il i'offcoit allègrement à mou- rir3eftantenchâtédecebreuuage. Lacaufe pour- quoy ils tafehoient de luy ofter cefte triftefle, eftoit pour autant qu'ils tenoient cela pourvn mauuais augure, cepour vnprcnofticq de quel- que DES INDES. LIV. V. Z^y que grad mal. Le iour de la fcfte eftant vcnu,aprcs luy auoir fait beaucoup d'honneur, chante la mu- flque,& Iuyauoir prefenté l'encens, lesfaoifica- tcurs (ur la minuict le prenoient & le facrifloient à la faço n fufditc,faifans offrande defcn cœur à la Lune,lequel ils iettoyent après contre l'idole,laii- fant tomber le corps au bas des degrez duTem- p!e,où ceux qui l'auoyent offert le releuoient3qui cftoyenc les marchands , defquels eftoitlafeile. Puis l'ayant porté en lamaifon du plus notable d'entr'eux , le faifoient apprefter en diuetfes fàul- ces , pour célébrer à l'aube du iour le banquet Se difné delafefte , ayans premièrement donne le bon- iour à l'idole, auec vn petit bal qu'ils faifoiéc pendant que l'aube lortoit,& que l'on accorrimo - doit le facrifié. En après tous les marchands faf- iembloientà cebanquet, fpecialement ceux qui kuioient le commerce de vendre , Se acheter des efclaues, qui auoiéc en charge d'offrir par chacun anvnefclauepourlafemblacedeleurDieu.Cefte idole eftoit vn des plus honorezde cefte terre, co- rne i'ay dit , c'eft pourquoy le Temple où il eftoit, eftoit de beaucoup d'authoricé. Il y auoit foixan- te degrez pour y monter , Se audeffus d'iceuxy auoit vue court de moyenne largeur, fort propre- ment accomodee & plaftree, au milieu de laquel- le il y auoit vne grande pièce ronde,en la façon de four,ayant fon entrée bafle,& eftroite, tellement que pour y entrer il falloit le baifler bien fort. Ce Temple auoit fes chambres,ou chappelles, com- me les autres,où il y auoit des conuëts de preftres, de ieunes hommes,de filles, & d'enfans, tomme il aeftédit,&toutesfois il n'y auoit qu'vnfeul prè- le wwi HISTOIRE NATVRELLE lire qui refidoir continuellement là, & efioit co- rne fcmainier.Car combien qu'il y euft en chacun de ces Téples trois ou quatre Curez & dignitez, chacun y feruoit fa femaine,fans en fortir. L'offi- ce du femainier du Templé(apres auoir endoctri- né les en fans) eftoit de battue vn grand tambour tous les ioursà l'heure que fe couchoit le Soleil, pour lamefmefinquenousauos accouftuméde fonner l'oraifon.Ce tambour eftoit tel , que 1 o en entendoit le Ton enroué de toutes les parts de la Cité, alors vn chacun ferroit fa marchandifc,& le retiroit en fa maifon,&yauoitvn fi grand filen ce,qu'il fembloit qu'il n'y euft homme viuant dis la ville. Au matin,lors que l'aube du iour commé- çoitàforrir,ilrecommëçoità battre ce tambour, qui eftoit le figne que le iour commençoit , au moyen dequoy les voyagers& forains s'arrelloiët à ce lignai pour commencer leurs voyages, pour ce qu'il n'eftoit point permis iulquesàce temps, de fortir de la cité.Il y auoit en ce Temple vnc court de moyenne grandeur, en laquelle l'on fai- foitde grandes dances , & refiouiirances , auec des farces,ou entre- mets, le iour de la fefte de l'i- dole. Pour lequel effed il y auoit au milieu de cefte court vn petit théâtre de tiete pieds en quar- ré, fort proprement agence, lequel ils Jiccommo - doientdefueillagespourceiour, auec tout l'arti- fice Se gentillelle qu'il eftoitpoilible, eftantrout enuironné d'arcades de diuerfes fleurs , & pluma- ges , & y tenoient attachez en quelques endroits beaucoup de petits oifeaux,connils,& autres ani- maux paifibîes. Apres dilner tout le peuple ('af- fembîoitence lieu > & les baftelleurs feprefen- DES INDES. LIV. V. *}8 toient,& ioiïoict des farccs,les vns contrefaifoiéc les fourds,&les enrheumez,les autres les boueux, lesaueugles,& les manchots, lefquels vcnoient demander guarifon à l'idole. Les (ourds refpon- doient du coq à l'a (ne , les enrheumez toulîoient, les boiteux clochoient,racontans leurs miferes perftittons des Indes. C H AP. XXXI. jgEqui a eftè dit fuffife pour entédre le foin& la ipeine que les Indiens emploioient à feruir & k ij SW»«««?*5P;!*fK • HISTOIRE NATVRÉLLE honorer leurs idoles,&pour mieux dire le diable: car ce feroitvnechofe infinie, ôc de peu de profit de vouloir raconter entièrement cequis'ypaife, veu mefme qu'il pourra fembîer à quelques-vns qu'iln'eftoit point de befoing d'en dire tant com- me ï'ay fait j & que c'eft perdre le temps , comme l'on fait en lifantles contes que feignent les Ro- mas de Chcualerie. Mais Ci ceux quiont cefte opi- nion y veulent regarder de près, ils trouueronc qu'il y a grande différence entre l'vn & l'autre , & recognoiftront que ce peut eftre vnechofe vtile, pour plufieursccnfiderationsd'auoirlacognoif- fance des couftùmes& cérémonies dont vibient les Indiens. Premieremet cefte cognoitîancen'eft; pas feulement vtile , mais auffi neceiïàire aux ter- res où ils ont vfé de ces fuperftitions , afin que les Chreftiéns,& maiftres de l'a loy de Chrift,fçachët les erreurs & fuperftitions des anciens, pour voir fîleslndiésenvfentpointencorauiourd'huy ou- uertcment,ou couucrtemcnt. Pour cefte occaiîo plufieurs doctes &fignalez perfonnages ont eferit des difco.urs allez amples de ce qui fen eft trouué, voire les Conciles prouinciaux ont commandé ique l'on les cfcriuc , & imprime , comme on a fait en Lima,où vn difeours a efté fait plus ample que ce qui en eft icy traitté. C'eft pour quoy c'eft cho- fe importante pour le bien des Indiens , que les Efpagnolscftans en ces parties deslndes,ayentla cognoiflance de toutes ces chofes. Cefte narratiô mefme peut feruir aux Efpagnols de delà,& a tous autres en quelque endroit qu'ils foient pour rc- mercierDieu noftrc Seigneur,& luy rendre grâces infinies d'vn fi grand bien que cèruy que nous a DES INDES. LIV. V. 259 departy,& va donnant Ta (àincle Loy , laquelle eft toute nette,& toute profitable. Ce que l'on peut cognoiftre en la comparant auec les loix de Satan, où tat de malheureux ont vefcu fimiferables. Elle peutmefmeferuirpourdefcouurir'l'orgueiljl'en- uie,les tropeties,& les embufehes du diat>le,qu'il exerce contre ceux qu'il tien t captifs,veu que d'vn cofté il veut imiter Dieu, & faire coparaifon auec luy,& fa faincte Loy,& d'autre cofté il entremefle en Tes actes tant de vanitez,& d'ordures, & de cru- autez, comme celuy qui n'a point d'autre exerci- ce que de fophiftiquer , & corrompre tout ce qui cft bon.Finablement qui verra les ténèbres & l'a- ueuglement auquel tant de grandes prouinces,& Royaumes ont vefcu fi longtemps & que beau- coup de peuples,voire vne grande partie du mon- de,viuét encor deceus de femblables tromperies, ne pourra, (f'il a le cœur Chreftien) qu'il ne rende grâces au tref-haut Dieu , pour ceux qu'il appelle de fi grades ténèbres à l'admirable lumière de Ton Euangile , fuppliant l'immenfe charité du Créa- teur qu'il les conferue,& augmente en fa cognoif- fance,& en fon obeiiTance,3 iaçoit qu'ils le voyent eferit, pource qu'ils ignorent le mot Latin. Tellement quel'efcriture&les lettres font feulement pra- tiquées par ceux qui auec ieellcs fignifient des mots : car fi immédiatement elles fignifient les chofes , elles ne font plus lettres nyefcritures, mais des chiffres &des peintures , dequoyl'on tire deux chofes bien notables. L'vne eftquela mémoire des hiftoires &antiquitez peut demeu- rer aux hommes par l'vne de ces trois manières, ou par les lettres ôc efentures , comme il aefte pratique entre les Latins,les Grecs.lcs Hebrieux, & beaucoup d'autres nations , ou par peinture, comme l'on avfé prefque en tout le monde : car il eftditau Conciledc Nice fécond : La peinture tft-vn hure pour les idiots qui ne fçuuent lire , ou par chiffres &characteres, comme le chiffre fignific le nombre de cent , de mil & autres fans li- gnifier cette parole de cent , ou de mil. L'au- tre chofe notable que l'on -en peut tirer cft celle HISTOIRE NATVRELLE qui ('eft. propofee en ce chapitre , à fçauoir que nulle nation des Indes defcouuertes de noftre temps, n'a vfé de lettres ny deferiture, mais de deux autres manières , qui en font images & figu- res. Ce que i'entens dire non feulement des In- des ,duPeru , cVdelaneufueEfpagne, maisauffi du lappon&r de la Chine . Et bien que ce que ie disparauenture pourra fembler à quelques-vns eftrefaux, veu qu'il eft rapporté parlesdifcours qui en font eferits , qu'il y a de fi grandes Librai- ries &vniuerfitez en la Chine &c au Iappon, & qu'il eft fait mention de leurs Chapas , lettres & expéditions, toutesfois ce que iedy eft chofe vé- ritable, ainfi qu'on pourra entendre par ledif- coursfuiuant. De la façon des lettres & des Huns dont , yfoicnt les Chinois. chAP. v. gv-(5 L y enaplufieurs qui penfent, & eft bien i^M la plus commune opinion que les efcritu'res dont vient les Chinois font lettres comme celles dont nousvfons en Europe, & que par icclles l'on puiife eferire les paroles & difeours , & que feulement ilsdifferentdenoslettres&efcritures en la diuerfité des charadteres , comme lés Grecs différent des Latins, &lesHebrieux des Chal- deàns. Mais il n'en eft pas ainfi , pource qu'ils n'ont point d'Alphabet , ny n'eferiuent point de lettres , mais toute leur eferiture n'eft autre cho- fe que peindre & chiffrer, & leurs lettres ne fï- givifient point des parties de dictions , comme font DES INDES. LIV. VI. 26$ font les noftres, mais font des figures 8c repre- fentations des chofes, comme du Soleil , du feu, d'vn homme, de la mer, 8c des autres chofes. Ce qui apperc etudemment , parce que leurs écritu- res^ Chapas font entendues d'eux tous , com- bien que les .langues dont parlent les Chinois, foienten grand nombre , & fort différentes en- ti.-'elles,enlamefmefaçon que nos nombres de chiffre font entendus cfgalement en François, en EfpagnoI,& en Arabie. Car celle figure 8. où que cefoitfignifiehuid;,encor que le François ap- pelle ce nombre d'vne façon , 8c l'Efpagnol d'vne autre. D'où vient que les chofes eftans de foyin- numcrables,les lettres aufïî ou figures don t vfeoc les Chinois, pour les dénoter font prefquc infi- nies : tellement que celuy qui doit lire ou eferire à la Chine (comme font les Mandarins) doit fça- uoir& retenir pour le moins quatre vingts cinq mil charafteres ou lettres, 3c ceux qui font par- faits en cefte lecture en fçauent plus de fix vingts mil. Chofeprodigieufe ôceftrange, voire qui le- roîc incroyable,!! elle n'eftoit atteftee par des per- sonnes dignes de foy , comme les Pères de noftrc compagnie , qui font là continuellement, appre- nans leur langue «Scefcriturc, & y a plus de dix ans , que de nuid 8c de iour ils fcftudient à cecy> auecvn perpétuel trauail.Carla charité de Chrift &>ie dcfirdelafaluationdcsames , furmonteen euxtoutcetrauail & difficulté , qui eft la raifort pour laquelle lés hommes lettrez font tant efti- mczenlaChine,àcaufcdela difficulté qu'il y a aies comprendre, 8c ceux là feulement ont les offices de Mandarins , Gouuerneurs , luges & !ïfï«SSX Histoire natvrelle Capitaines. Pour cette occaficm les Pères pren- nent beaucoup de peine défaire appredrcàleurs enfans à lire & efcrit e.ll y a grand nombre de ces efcolliers où les enfans font inftruits , & où les maiftres les font eftudier de iour, & le père de nui6t en la maifon. Tellement qu'ils leur endom- magent beaucoup les yeux, & les fouettent fort fouuent auec des rofeaux , bien que ce ne foi t pas de ces rigoureux, defquels ils fouettent les mal- faiteurs. Ils appellent cela la langue Mandarine, qui a befoi.n de l'aage d'vn homme pour eftre cô- prinfe:& doit-on fçauoirqu'cncor que la langue de laquelle parlent les Mandarins (bit particuliè- re & différente des vulgaires, lc-fquclles fonten grand nombre, & qu'on y eftudiecorr me l'on fait par deçà en Latin & en Gréé, & que les lettrez qui font pat toute la Chine la fçauent & enten- dent tant feulement : fi cft-ce toutesfois que tout ce qui eft efcrit en icelle eft entendu en toutes les langues j & iaçoit quelesprouincesnefentr'cn- tendent point de parole les vues les autres, tou- tesfois par efcrit ils f'entr'entendcnt l'vn l'autre; car il n'y aqu vue forte de figures ou characteres pour toutes, qui lignifie vnemefme chofe, mais non pas vnmefmemot ny prolation, veu que, comme i'ay dit , ils font feulement pour dénoter les chofes , &non pas les paroles , comme l'on peut facilement entendre par l'exemple des nom- bres de chiffre. C'cfl pourquoy ceux du lappon &: les Chinois Iifent ôc entendent fort bien lescf- critures les vns des autres : combien que ce foiét des nations, & des langues fort différentes. Que fils parlaient ce qu'ils Iifent ou «ferment, ilsne DES INDES. IIV. VI. l66 lepourroient pas entendre. Telles iont donc les lettres, & les limes dont vfent les Chinois fi re- nommez au monde. Pour faire leurs imprcilïons ils grauent vue planche des figures qu'ils veulent imprimer :Ptiis en eftampenc autant de fueilles de papier qu'ils veulent, delà melmc façon que l'on fait icy les peintures qui font gtaueesendu cuiureou du bois. Mais quelque homme d'en- tendement pourra demander comment ils peu- uent lignifier leurs conceptions par des figures quiapprochent ou refiemhlent à la chofe qu'ils veulent reprefenter, comme de dire que le Soleil elehanfre, ou qu'il a regarde le Soleil, ou que le iour eft du Soleil. Finalement , comment il leur eft polîibic de dénoter par de me fin es figures les cas,lesconion&ions,& les articles qui font en plufieurs langues & eferitures. lercfpondsà cela qu'ils distinguent & fignifient cefte variété par certains points rayez & diipofitions de la figure. Mais il cft. difficile d'entendre comment ils peu- uent eferire en leur lague des noms propres, fpe- cialement d'eftrangers , veu que cefontehofes que iamais ils n'ont veuës, & qu'ils nepeuuent inuenter des figures qui leur foient propres. l'en ay voulu faire l'expérience me trouuant en Mexi- que auecdesChinois,& leur dy qu'ils efcriuiflenc en leur langue cefte propofition. Iofcph d'Acofta eft venu du Peru,& autres femblables, furquoy le Chinois futvn long temps penfif, mais en fin il l'eicrit.Cc que d'autres Chinois lcurec après, bic qu'ils variaiîentvnpeuen lapronociation du no propre: car ils vfent de ccft artifice pour eferire le nô propre qu'ils cherchée quelque chofe en leur 1 jj it&SîS 238S3P &TœrWWt ïysatf HISTOIRE NATVRELLE langue qui aye rcflemblance à ce nom,& mettent la figure cie cette chofe. Et comme il eft difficile entre tant de noms propres, de leur trouuerdes chofes qui leur portent reflemblance en lapro- lation ; auffi leur eft-ce chofe fort difficile & fort laborieufed'eferire tels noms. Sur ce propos le père Allonfe Sanchez nous contoitquclors qu'il eftoit en la Chine,& que l'on le menoit en diuers Tribunaux,de Mandarin en Mandarin,ilseftoict fort long temps à mettre Ion nom par elcrit en leurs Chapas,toutesfois ils l'efcriuoicntenfin, le nommans en leur façon , & tellement ridicule, qu'àpeincapprochoient-ilslenom,qni eft la fa- çon des lettres Se eferiturcs dont vfoient les Chi- nois. Celle des Iapponnois en approchoit beau- coup, encor qu'ils afferment que les feigneurs Iapponnois qui vindrent en Europe cfcriuoient facilement toutes chofes en leur langue, quoy que ce fufïent des noms propres d'icy , mefme l'on m'a monftré quelques eferitures d'eux : par- quoy il femble qu'ils doiuent auoir quelque for- te de lettres, encor que la plus part de leurs ef- eritures foient par chara&eres de figures, comme il a efté dit des Chinois. Des efcbolles & vniueYfite^ de h Chine. - chap. Vi. E s Pères de la Compagnie difent qu'ils n'ont point veu en la Chine de grandes ef. choles bc Vniuerfitez de Philofophie & autres feiences naturelles, & croyet qu'il n'y en a point: mais que toutelcur eftudc eft en la langue Man- DES IN DES. L IV. VI. 16 J darinc,qui eft tres-ample 8c tres-difficile,commc i'ay dir,& que ce qu'ils eftudient font chofes qui font efcrites en cefte Iangne,qui font des hiftoires des fectes 8c opinions des loix ciuiles,des prouer- bes moraux , des fables , &c plufieurs aucres telles compositions, 8c ce qui en defpend.Des feienecs diuines ils n'en ont aucune cognoiflance , ny n'ont autre chofe des naturelles que quelques pe- tits reftes qu'ils ont en des propositions efgarees, fans art 8c fans méthode , félon l'entendement Se eftude d'vn chacun. Pour les Mathématiques ils ont expérience des mouuemcns celcftes 8c des cftoiles,&pour la Médecine ils ont cognoiflance des herbes , par le moyen defquelles ils gàri fient plufieurs maladies,&envfent beaucoup. Ils eferi- uentauec des pinceaux, & ont plufieurs liuresef- crits à la main, &d autres imprimez qui font tous d'afTez mauuaisordre.Ilsfont grands ioiieurs de Comédies : ce qu'ils font auecvn grand appareil de théâtres, veftemens, cloches, tambours , 8c de voix, félon qu'il eft conuenable. Quelques pères racontent y auoir veu desComedies qui duroient dix 8c douze ioursaucc leurs nui&s , fins qu'il y euft faute de ioiïeurs fur le^heatre, ny dclpecla- teurs pour les regarder. Jfs font plufieurs Scènes différentes, cependant que lesvnsreprefentent, les autres dorment ou repaiflent. Ils traittent or- dinairement en ces comédies des chofes morales & de bon exemple, qui font neantmoinsentre- meflees «le chofes gayes 8c plaifantes. Voila en fomme ce que les noftres racontent des lettres 8c exercices de ceux delà Chine , où l'on ne peut nier qu'il n'y ait beaucoup d'entendemet,& d'in- {&§&&&§&& aâSSaSsE ra^r $?&?& HISTOIRE NATVRELLE duftrie. Mais tout cela eft de peu de fubftance, pource qu'en erïecl toute la fcience des Chinois tend feulement à fçauoir eferire «5de Tulla, 8c de Mexique , &: liiij HISTOIRE NATVRELLE conféra fort amplement aueceux, lcfquels luy monftrerentleursliures, hiftoircs, &c calendriers quieftoientchofes fort clignes de voir, pource qu'ils auoient leurs figures & Hieroglifiques,par lefquellcs ils reprefentoient les chofes en cefte manière. Celles qui auoient forme ou figure eftoientrepiefentees pu! leurs propres images, & celles qui n'en auoient point eftoient reprefen- tees par des characteres qui les fignifioient,& par ce moyen ilsfiguroient, &efcriuoient ce qu'ils vouloient. Et pour remarquer le temps auquel quelque chofe arriuoit , ils auoient ces roues peinteSjCarchacunc d'iceiles contenoit vn fiecle, qui eîloit cinquate deux ans,comme a efté dit cy- delTus, 8c au code de ces roués, ils peignoiët aucc ces figures & characteres , à l'endroit de l'année, les chofes mémorables quiauenoient en icelle. Comme ils remarquèrent l'annce quelcsEfpa- gnols entrèrent en leur pays , en peignant vn ho- me auec vn chapeau Se vue iuppe rouge , au fîg::e du rofeau qui couroitalors.Et ainfi des autres ac- cidens. Mais pource que leurs eferitures & cha- racteres n'eftoient pas fi fuffifans comme nos 1er- tres&efcritures , ils ne pouuoicnt exprimer de Ci prés les paroles, ains feulement la fubftancedcs conceptions. Et d'autant qu'ils auoient accou- ftumè de raconter par cœur des difeours , & dia- logues compofez par leurs Orateurs , & Rheto- riciens anciens, &: beaucoup de Chapasdrellcz parleurs Poètes (eequieftoie impofîîble d'ap- prendre par les Hieroglyphiques,& chara&eres) les Mexiquains eftoient fort curieux que leurs enfans apprinlfcnt par mémoire ces dialogues MMH^^M DES INDES. LIV. VI. 26"9 & compositions. A raifon dequoy ils auoientdes efcholes &c comme des colleges,ou feminaires,où les anciens enfeignoientauxenfans ces oraifons, & beaucoup d'autres choi es , quifeconferuoient cntr'eux,par la tradition des vns aux autres, aufli entièrement comme fi elles euifent efté couchées par eferit. Spécialement les nations plus renom- meesauoient foing que leurs enfans ( qui auoient inclination pour eftrerhetoriciens& exercer l'of- fice d'orateurs )apprinffent de mot à mot ces ha- rangues. Tellement que quand les Efpagnols vin- drent en leur pays , & qu'ils leur eurent enfeigné à lire & eferire noftre lettre,plufieurs de ces Indiés efenuirent alors ces harangues , ainfi que letef- moignent quelques homes graues qui iesleurent. Ce qui cftdit poureeque ceux qui liront en l'hi- iloire Mexiquaine de tels difeours longs &elc- gans,croiront facilement qu'ils font inuentez des Efpagnols, & non pas reallementprins,& rappor- tez des Indiens. Maisenayantcogneulaverité certaine,ils ne tailleront pas dadioufterfoy,com» me c'eft la raifon , à leurs hiftoires. lUefcriuoient au fii ces mefmcs difeours, à leur mode, par des images,&charac'teres,&ay veupourmefatisfai- re en cet endroit , les oraifons du Vtternejier , & .4uc7)1arùï, Symbole, &cofefîion gcneralc,cfcri- tes en cefte façon d'Indiens. Etala veritequicon- que les verrai en efmerueillera : car pour ngnifier ces paroles , "Moy pécheur me confeffe, ilspcignoient vn Indien à genoux aux pieds d'vn Religieux , co- rne qui fe confefie,& puis pour celle cy, à Dieu tout puiflant , ils peignoient trois vifàges,auec leurs couronnes,en façon de la Trinité , & à UgUrictfi HISTOIRE NATVR.ELI. E 'vicrzc'Mdrie , ils peignoicnc vn vifàge de noftre Dame,& vn demy corps de petit enfat, & a feint! Vierre &faintl Vaul , des telles , auecdescouron- nes,& vnc clef,& vne efpcc , & où les images leur deffailloientjils mettoient des chara£teres,côme, enauoyi'ttypecbéi&c. D'où l'on peut cognoiftrela viuacïté de l'entendement de ces Indiens,puifque cefte façon d'efcrire nos oraifons, Se chofcsdela foy, ne leur a pas efté enfeignee par les Efpagnols, ny ne l'eu lient peu faire, f'ils n'eullent eu particu- lière conception, de ce qu'on leur enfeignoir.l'ay veuau Perula confefîîô de tons les péchez qu'vn Indien apportoit pour fe confellèr , eferite de la mefme forte de peintures, & decharactetes , en peignant chacun des dix commandements d'vne certaine façon , où il y auoit certaines marques comme chifTrcs,qui eftoiet les pèche?, qu'il auoit faits contre ce commandement. Iene doute point que fï beaucoup des plus habilles Efpagnols eftoient employez à faire des mémoires de cho- fes femblables par leurs images & marques,qu'eu vn an ils n'y pourroient paruenir , non pas er* dix. Dcsregiflres, âr façon de conter dontyfoient les Indiens du Veru, C HA P. VIII. rwg Vparauant que les Efpagnols vinlTent es In- W& des,ceuxdu Perun'auoiét aucune forte d'ef criture,fuft par lcctres,par chara6teres,chirîres,oi hguresL, comme ceux de la Chine & de Mexique toutesfois ils ne huilèrent pas de conferoer la me» DES INDES. LIV. VI, 27O moire de leurs antiquitez,ny de retenir l'ordre de toutes leurs affaires de paix, de guerre , & de poli- ce,pourcequ'ilsont eftéfortdiligensenla tradi- tion des vns aux autres , 6V les ieunes gens appre- naient &gardoient comme chofe facree ce que leurs fupericurs leur racontoient,& l'cnfeignoiét aueele mcfmcfoing à leurs fucceileurs. Outre cefte diligence, ils (uppleoient la faute d'eferitu- res & de lettres, en partie par la peinture, comme ceux de Mexique ( combien que ceuxduPeru y fuirent fort groffiersèV: lourds ) & en parties, & le plus communément par des quippos.Cesquip- pos font des Mémoriaux, ouregiftres, qui font faits de rameaux, efquelsil y adiuers nœuds & diuerfes couleurs , quifignifientdiuerfeschofes: '5c eft vue chofe cftrange , que ce qu'ils ont expri- mé & reprefenté par ce moyen. Car les quippos leur vadent autant , que desliuresd'hifl:oires,de loix , de cérémonies &■ des contes de leurs affai- res. Uyauoitdes officiers députez pour garder ess Quippos ( qu'auiourd'huy ils appellent Qui- pocamayos ) lefquels eftoient obligez de tenir & rendre conte de chaque chofe comme les Ta- bellions par deçà. C'eft pourquoy en tout l'on leur adiouftoit entière foy , & créance, car félon diuerfes fortes d'affaires , comme de guerre, de police, de tributs, de cérémonies, & de terres, il y auoit diuers Quippos, ou rameaux,en chacun defquels il y auoit tant de nœudspetits& grands &defillets attachez, les vns rouges, les autres verts , les autres azurez, les autres blancs. Et fi- nalement, tantdediuerfîtcz, que tout ainfî que nous autres, tirons vne infinité de mots de vingt HISTOIRE NATVRELLE quatre lettres , en lesaccommodans en diuerfes façons , ainfnls tiroient des lignifications innu- merables,de leurs nœuds Se diuerfes couleurs. Ce qu'ils font d'vne telle façon , qu'il arriuc amour- d'huy au Peru que quad an bout de deux ou trois anSjVncpmmilïaire va informer la vie dequclqua officier , que les Indiens viennent auec leurs me- nus contes ôc approuuez, difans qu'en tel bomg ilsluy ont baillé tant d'oeufs lefquels iln'apoinc payez , en vne telle maifon vne poulie, en vne au- tre deux faix d'herbes pour fes cheuaux , & qu'il n'a payé que tant d'argent , ôc demeure en refte de tan t. La preuue eftant faite fur le champ,auec cette quantité de nœuds & depoignees de cordes , cela demeure,pour tefmoignage,& eferiture certaine. Ievy vne poignée de ces nllets aufquels vne In- dienne portoit efcritela confefllon générale de toute fa vie, & pariceux fç confetfoit corne i'eufle peu faire en du papier eferit , & luy demanday ce que c'eftoit , que quelques filez qui me femblcrct quelque peu dirTerens,ellemediftque c'eftoient certaines circonstances , que le péché requeroit pour eftre entièrement confeiTé. Outre ces quip- posdefil,ils ont vne autre comme manière d'ef- crire auec de petites pierres, par le moyë desquel- les ils apprennent pun&uallement les paroles qu'ils veulent fçauoir par cœur. Et eftvnchofe plaifante de voir les vieillards ôc caducs , auec vne roiie dz petites pierres, apprendre le Tttcrnofler, auecvne autre l'^Aue Maria, , ôc auecvneautrcle Credo, ô: de retenir quelle pierre & quittançai duS.Efpnt , & laquelle , fouffrit foubs fonce Vilate . Ceftauiîi vne chofe piaifante,de les voir corriger DES INDES. IIV. VI. lyi quand ilsfaillent , car coûte la correction ne gift, qu'à côtempler leurs petites pierres, & feroit vne de ces roues fufrifantes pour me faire oublier tout ce que ie (çay par cœur. Il y a vn grand nombre de ces roues aux cimetières des Eglifes,pourceC efre&.Maisc'cftchofes quifemble enchantemët, de voir vne autre forte de Quipos, qu'ils font de grains de mays. Car pour faire vn conte difficile, auquel vn bon Arithméticien feroit bien empef- ché auecla plume, &c pour faire vne partion, afin de voir combien vn chacun doit contribuer , ils tirent tan t de grains d'vn cofté,& en adiouflent tant de l'autre , auec mil autres inuentions. Ces .Indiens prendront leurs grains , & en mettront cinq d'vn col^trois d'vn autre3&huicl: en vn au- tre^ changeront vn grain d'vn coftc,&trois d'vn autre tellement qu'ils fortent auecleur conte cer- tain/ans faillir d'vn poinct.Etfe mettent pluftoft à la raifon par ces Qwppos , fur ce qu'vn chacun doit payer , que nous ne pourrions faire nous au- tres auec la plume. Par cela l'on peutiugerf'ils ont de l'en rendement, &fî ces hommes font be- ftes. De ma part ie tiens pour certain qu'ils nous furpailènt es chofes où ils Rappliquent. De l'ordre que les Indiens tenoient en leurs eferitur es, chAP. IX. jMjg L fera bon dadioufter icy ce que nous auons &4S remarqué tquchant les efcrituresdeslndics; car leur façon n'eftoit pas d'eferire auec vne ligne fuiuie,mais du haut en bas,ou en rond.Lcs Latins & Grecs efcriuoient du cofté gauche au droit, qui HISTOIRE NATVRLLE cftlacommune,& vulgaire façon dot nous vfons. LcsHebrieux au contraire commcnçoientdcla droite à la gauche , c'eft pourquoy leurs liures cô- mencent où les n.o (1res finilïcnt. Les Chinois n'ef- criuentpasny comme les Grèce , ny comme les Hcbrieux, mais de haut en bas , carcommeccnc font pas des lettres, mais des dictions entières , & que chaque figure,ou chara&ere fignific vnc cho- ie , ils n'ont point de befoing d'aflcmbler les par- ties des vues auec les autres , cVainiïpcuuentils bien eferire du haut en bas. Ceux de Mexique pour la mcfme rai (on n'eferiuoient pas en ligne d'vn code à l'autre , mais au rebours des Chinois commeneans en bas montoiet toufiours en haut. Ils fc ieruoientde cefte façon d'eferire, au conte dss iours , & du relie des chofes qu'ils remar- quoient. Combien que quand ils efcriuoient en leurs roiies, ou (ignés, ils commençoientdu mi- lieu où ils peignoient le Soleil , & de làalloient moiitans par leurs annees,iufques au tour , $c cir- conférence de la roue. Finablement il fe trouue quatre différentes fortes d'eferire , les vus efcriuas de ladroire a lagauche , les autres de la gaucheà ladroitte,lesvnsdehautenbas,& les autres du bas en haut , enquoy l'on voit la diuerfitc des en- tendemens humains. Comment les Indiens enuojioent leurs mejjagirs. c h a P. x. Ovr acheuer la façon qu'ils auoient d'eferi ; re,quelquvn pourra douter auec raiion , coi ment les Rois de Mexique, & du Peru, auoiét co DES INDES. LIV. VI. IJl gnoiflance de tous leurs Royaumes qui eftoient (\ grands,ou de quelle façon ils pouuoientdefpef- cherles affaires qui fe prefentoient en leur cour, veu qu'ils n'auoientrvfage d'aucunes lettres, ny d'efcriremifïîucs.Surquoy l'on peut eftrefatisfait de ce doute , quand onfçauiaqucparparoles,par peintureSjOuparccsmcmotiaux, îlscftoient fore i ouuenr aduertis de tout ce qui fe paflbit. Pour cet effecT: il y auoit des hommes fort viftes , & dii- pos,qui feruoient de courrieis,pour aller & venir, ielquelsils nourrilïbient en cet exercice de courir dés leur enfance, & prenaient peine qu'ils fufTènc de longue haleine, afin qu'ils peuflent monter en courant vne montaigneforthaute, fans fe laiïer. C'eftpourquoy en Mexique ils donnoientle prix aux trois ck quatriefnK-spiemiers,quimontoient ces grands degrez du Temple, comme il a efte dit au liure précèdent. Et en Cuico,lors que fe faifoit leur iolemelle feftede Capacrayme, lesnouices montoient à qui mieux mieux le roc de Yanacau- n,& généralement l'exercice de la courfea efte & cft encor fort en vfage, entre les Indiens. Quand il Ce prefentoit vne affaire d'importance, ils enuo- \oiét dépeinte aux feigneurs de Mexique la chof« dont ils les vouloient informer, ainfi qu'ils firent, alors que les premiers nauires Efpagnols parurct à leur veuç , & lors qu'ils prindrent Toponchan. Ils eftoient au Puru fort curieux des courriers, Ôç l'Ingua en auoit par toutfon Royaume, comme des poûes ordinaires,appellezChajfquis,defqucls fera traitté en ion lieu. HISTOIRE NATV RELIE De U façon de gouuernement , & dcs}\pit qu'ont eu les Indiens, CHAP. XI. tf& L eftalTcz expérimente quelachofeenquoy les Barbai es mon tirent plus leur barbarilme, eft en leur gouvernements, & façon de Gomraan- dcr,pour ce que tant plus les hommes approchét dclarailon, tant plus leur gouuernement eft hu- main , & moins infolent , & les Rois & feigneurs font plus traittables,&: faccommodét mieux auec leurs vallimx , en recognoiffants qu'ils leur font efgaux en nature, & toutesfoisinferieurs ,en l'o- bligation d'auoirfoing de la Republique. Mais entre les Barbares, tout y e-ft contraire , d'autant que leur gouueruement eft tyrannique, &trait- tant leurs iubietts comme beftes , & de leur part veulent eftretraittcz comme Dieux. Pourceftc occafion plufieurs peuples & nations des Indes n'ot point fouffert de Rois, ny de feigneurs abfo- lus, & fouuerains , mais viuent en communauté, Si créent & ordonnent des Capitaines,& Princes pour certaines occafions feulement , aufquelsils obeiflent durant le temps de leur charge,& après ils retournent à leurs premiers offices. La pius grande partie de ce nouucàu monde , où il n'y a point de Royaumes fondez', ny de Republiques eftablies , ny Princes, on RoïS pet petuels, fe gou- uernerent decefte façon jiaçoit qu'il y ait quel- ques feigneurs ôc principaux hommes', qui font efleuez entre le vulgaire.Âinfî eft gouuernee tou- te la terre de Chillé , en laquelle les Auracanes, ceux DES INDES. LIV. VI. 273 ceux de Teucapel,& autres3ontpar tant d'années refifté cotre les Efpagnols. Et de mefmeaufll tout ic nouueau Royaume de Grenade, celuy de Gua- timaHaJe? { flesjtoute la Flonde,Ie Breiil, Lu(ron, & d'autree terres de grande eftendûe , excepté qu'en plusieurs de ces lieux ils y font encore plus barbares, veu qu'à peine y recognoiiîent-ils de chef, mais tous commandent & gouuernent en commun, ny ayant autre choie que de la volonté, de la violence, de i'indul].rie3& du defordre,telle- ment que celuy qui peut d'auan tage, commande & y aleddfus.Ilya en l'IndeOricntale de grands Royaumes,bien fondez,& bien ordonnez, côme e(t celuy deSian,celuydeBiinaga,&: autres , qui peuuent aiTembler &r mettre en campagne quand ils veulent, iufques à cent & deux cens mil hom- mes.Comme aulîl leRoyaume de la Chine,lequel en grandeur &pui (lance lurpaiFe tous les autres, dont les Roys,fcibn qu'ils raconteront duré plus de deux mil ans,pour le bel ordre & gouuerneméc qu'ils ont. Mais en l'Inde Occidétale,l'on y a feu- lement trouuè deux Royaumes.ou Empires fon- dez,quieuoiét celuydesMexiquainsenlan-cufue Efpagne,& celuy des Inguasau Peru.Et ne pour- rois pas dire facilement lequel des deuxaeftele plus puifT'ant Royaume, d'autant que Motecuma îurpalTbit ceux du Peru en édifices, & en la gran- deur de (a cour. Mais les Inguas auffi furpaflbienc les Mexiquains en threfors , richeifes, & en gran- deur de prouinces.Pour le regard de l'antiquitc,le Royaume des Inguas l'eft d'auantage,bien que ce ne foit pas de beaucoup , Ôc me femble qu'ils oac efte efgaux en fai&s d armes a& en victoires, C'eft m HISTOIRE NATVREIIE vnc chofe certaine que ces deux Royaumes ont de beaucoup excède toucle reftedes feigneuries des Indiens , defcouuertes en ce nouueau monde, tant en bon ordre & police , qu'en pouuoir & ri- cheiFe,& beaucoup d'auantageen iuperftition ôc feruicc de leurs idolcs,ayans plusieurs chofesfem- blables les vnes aux autres. Mais en vnechofeils eftoient bien differens , car entre les Mexiquains lafucceflïon du Royaume cftoit par efle&ion, co- rne l'Empire Romain , & entre ceux du Pcru elle eftoit hereditaire,& fuyuoit l'ordre du fang,com me les Royaumes de France, & d'Eipagne. le traitteray donc cy après de ces deux gouuerne ments, (comme de la chofe principale , & plus cogneuë d'entre les Indiens,) entât qu'il me fem- bleraeftre propre à ce fubiect, laillàntplufieurs chofes menues & prolixes , qui ne font pas d'im- portance. Dugouuerncment des l{oïs}Cr Ingua,* du Vem. CHAP. XII. 'Ingva qui regnoit au Pcru.eftât mort, fon fils légitime luy fuccedoit , cV tenoient pour tel , ecluy qui efloit né de la principale femme de l'Ingua, laquelle ils appelloient Coya. Ce qu'ils ont oufiours obfcrué,depuis le temps d'vn Ingua, appelle Yupangui ,qui efpoufararceur. Car ces Rois repuroienc pour honneur , d'efp ou fer leurs fœurs.Et bien qu'ils eutfènt d'autres femmes , ou concubines, toutesfois lafucceflïon du Royau- me appartenoit au fils de la Coya. Ileftvrayque quand le Roy auoit vn frère légitime, il fuccedoit au deuanc du fils, & près luy fon nepueu,& tils du DES INDES. LIV. VI. 274 premier. Les Curacas& Seigneurs gardoient le mefme ordre de fucceflïon en leurs biens & offi- ces. Ecfaifoient à leur mode des cérémonies ,& obfequesexcefliuesaudefunct.llsobferuoiétvne couftume véritablement grande , & magnifique, qu'vn Roy qui entroit au Royaume de nouucau, n'hericoic point d'aucune choie des meubles,vte- files, & threfors de (on predeceiïeur , mais il de- uoit eftablir fa maifon de nouueau , & afîcmbler de l'or , de l'argent , & les autres chofesquiluy efteicntneceilàiies , fans touchera celuydude- tnncl, qnieftoit totalement dédie' pour fonado- ratoirCjOuGuaca, & pour l'entretien delà famil- le qu'il lailîoit, laquelle auec la fuccefîion, f'occu- poit continuellement aux facrifices, cérémonies, ck feruice du Roy mort. Car aufïi toft qu'il cftoie mort,ils le tenoient pour Dieu, & auoit les facri- fices, ftatucs, & autres choies femblables. Pour cette occafion il y auoit au Peru vn threforinfî- ny,car vn chacun des Inguas Permit efforcé de fai- re quefon oratoire & threfor furpaflaft ecluy de fts predeceiTeurs. La marque, ou enfeigne par laquelle il prenoit la polfeflion du Royaume, eftoitvn bourrelet rouge , de laine plus fine que fbye, lequel iuypendoit au milieu du front, n'y ayant que Hngua feui qui le pouuoic porter, pour-autant que c'eftoit comme la couronne, & diadème Royal. Toutesfois l'on pouuoic bien forter vn bourrelet pendu au cofté , proche de oreille , comme quelques feigneurs en por- toient , mais! Ingua ièul le pouuoit porter au milieu du front. Au temps qu'ils prenoient ce bourrelet,^ faifoicedes feites fort folemncllesA m ij HISTOIRE NATVRELLE plufieurs facrifices,auec grande quantité de vafes d'or,& d'arget , grand nombre de petites formes, ob images de brebis,faites d'or Si d'argent , g;rand abondances d'eitoffesde Cumby , bienelabou- rees, define ôede moyenne , plulieurs conches de mer de toutes fortes , beaucoup de plumes ri - ches,& mil moutons, quideuoient eftredediuer- ics couleurs. Puis'le grand preftre pren-oit vn en- fant entre Tes mains , de l'aage de fix à huicl an?;& prononçoit ces paroles , auec les autres miniftres. parlantàla llatue du Viracocha, Seigneur nous t'of- frons cela, afin que tu nous tiennes en repos , çj? nom aides en nos guerres , conferuenosirc fciçncur l'higua en fa grander.r , crejiat , qu'il aille totifiours Augmen- tant , o~ luy donne beaucoup de featunr afin qu'il nous gouucrne. Il le trouuoit des hommes de tout le Royaume, & de tous les Guacas, &fancluairesà cette cérémonie , & ferment. Et fans doute l'affe- ctiô & reuerence que ce peuple portoit aux Roys Inguas,eftoit fort grande, car il ne fe trouue point que iamaisaucun des liens luy ave fait trahifon, pour-autant qu'ils procedoienten leur gouver- nement, non iculement auec vnepui fiance abi'o- liie,mais aufïi auec vn bon ordre & iu{lice,ne per- mettant pas qu'aucun y fuft foulé. L'Inguapofoic Ces gouucrneurs en dmerfes prouinces, entre \cf~ quelslesvns eftoient fuperieurs,& quinereco- gnoilïoient autre que luy , d'autres qui eftoient moindres , &z d'autres plus particuliers , auec vn fi belordre,& vne telle grauité,qn'ils ne f'enhardif- ■foien t pas de l'en -yurer, ny deprendre vn efpy de mays de leur voiiîn. Ces Inguastenoiétpourma-. ximequilconuenoittouiiours entretenir les In- DES INDES. IIV. VI. 1J % diens en occupation, de là- vient que nousvoyons encor auiourd'huy des chauiïcesdes chemins, & des œuures d'vn fort orand trauail , lefquels ils di~ fentauoirefte faites pour exercer les Indiens, de peurqu'ilsne demeuralîentoififs. Quandilcon- queftoit vne prouinec de nouucau,il auoir accou - ftutnéd'enuoycr incontinent la plus grande part, & les principaux des naturels de ce pays, en d'au- tres prouinces,ou bien en facour,& les appellent auiourd'huy au Peru, Mitimas. Puis au lieu d'i- ceux , il enuoyoit d'autres de la nation de Cufco, fpecialement les Oreiones, quieftoienteomme Çheiulicrs d'ancienne maifon. Ilschadioient ri- goureufemctlescrimes;)& delicfojc'efrpourquoy ceux qui ont cogneu quelque chofe de cela font bien d'opinion qu'il n'y peit auoir de meilleur gouuernement pourlcs Indiens , nyplusatfeurc queceluydcslnguas. De U dijiribution que les Ingtuv faifoient de leurs y^fftux. CHAP. XIII. Ovr particularifer d'auarage ce que i'ay dit cydelIuSjl'on doit fçauoir que Iadiftributio quefaifoient leslnguasde leurs val!aux,eftoit/i exacte & particulière, qu'il les pouuoic tous gou- uemer fort facilement, combien que fon Royau- me fuft de mil lieues d'eft:enduë,car ayant coque - fié vne prouince,il reduifoit incôtinent les Indics en villes & communautés , lefquels il diuifoit en bandes.Sur chacune dixaine d'Indiens il en com- mettait vn pour en auoir la chargc,iur chaque ce- m iij HrSTOIKS NATVRELLE taine vn autre , fur chaque millier vn autre , & fut dix mil hommes vn autre, lequel ils appelloient HumOj qui eftoit vne des grandes charges , & par deflustousccux-là^encorenchaqueprouinceily auoitvnGouuerneurdela mai fou des Inguas,au- qucl tous les autres obeiflbient, & luy rendoient côte tous les ans par le menu de routcequi eftoit arriué,à fcauoir de ceux qui eftoient nez , de ceux qui eftoient morts, des troupeaux & des femêces. Les Gouuerneurs fortoient par chacun an de Cu- feo, où eftoit la cour , & y retournoientpourla grande fefte du Ray me , en laquelle ils apportoiét tout le tribut du Royaume à la cour , & n'y pou uoient Centrer qu'à cefte condition.Tout leRoy- aume eftoit diuifé en quatre parties, qu'ils appel- loiétTahuantinfuyo,(çauoir ChinchafuyOjCol- lafuyo, Andefuyo & Condefuyo , fuiuant les qua- tre chemins qui fortoient de Cufco où relidoit lacour,&fcfaifoientIes alfemblecs générales du Royaume. Ces chemins Scpreuinces correfpon- dantesà iceux eftoient vers les quatre coings du monde,Collafuyo au Sud.Chinchafuyo au Nort, Condefuyo au Ponant,& Andefuyoau Lcuat.En toutes les villes & bourgades il.y auoit deux fortes de peuple qui eftoient de Hananfaya & Vrinfaya, qui eft comme dirc,ccux d'enhaut & ceux d'em- bas. Quand l'on commandoit de faire quelque osuure, ou de fournir quelque chofe à l'Ingua, les officiers fçauoient aufEtoftde combien chaque prouince , ville & partialité y deuoit contribuer, dot le departemét ne fe faifoit point par parts ef- gales,mais par ce ttifati on, felo la qualité ÔV moiés du pays.Tellemen t que s'il failoit cueillir,par ma- nière de dire,ccnt mil fanegues de rnays, l'on fça- DES INDES. LU. VI. 27 G uoitaufïïtoft combien il falloir qucchaquepro- uincecn baillaft,fuft ladixiefmepanie,lafeptief- rae ou la cinquiefme. Autant en eftoitdes villesôe bourgades,& Aillos ou lignages. Les Quipoca- mayos , qui eftoient les officiers 8c intendans, te- noicntlecontedetout auec leurs filez & nœuds, fans y failIiraucunement,rapportanscequeron auoit payé, iufqucs à vne poulie & vne charge de bois , & en vn moment voyoit-on par leurs regi- stres ce que chacun deuoit payer. Des édifices, <& façon de baftir des Incitas. CH AP. XII 11. Es édifices &baftimens que les Inguasont fê& faits,en temples 8c fortereifes,chemins,mai- fons des champs 8c autres femblables,qui ont efté en grand nombre & d'vnexceiîîftrauailjCormm: l'on peut voir encorauiourd'huy parles ruines & veftiges qui en reftent , tant en Cufco qu'en Tya- guanaco, Tabo & en autres cndroitSjOÙ il y a des pierres d'vne gradeur demefuree: de forte que l'o ne peut penfer comme elles furet couppees, ame- nées & a (filles au lieu où elles eftoient. Ilvenoit vn grand nombre de peuple de toutes les prouin- ces pour trauailler à ces édifices & fortereflTes que l'Inguafaifoit faire en Cufco , ou en d'autres par- ties de fon Royaume : d'autant quelesouurages eftoient eftranges,& pour efpouuenter ceux qui les contemploient , ils n'vfoient point de mor- tier ou cyment, 8c n'auoient point de fer ny d'a- cier pour couper 8c mettre en œuure les pierres. Ils n'auoint non plus de machines,n'y d'autres in- struments pour les apporter : & toutesfois ei- m ni} HISTOIRE NATVRELLE les eftoient fi proprement mifesen ceuure, qu'en beaucoup d'endroits à peine voyait-on la iointu- re des vnes auec les autres : & y a plufieurs de ces pierres fi grandes , commcil eftdit,queceferoit vne chofe incroyable fi on ne les voyoit. le mciu- ray à Tyaguanaco vne pierre de trête huict pieds delong,dedixhui£l de large, & fix d'efpais. Et en la muraille é-* lafortercfîede Cufco , quieftdc Moallô,ily a beaucoup de pierres qui font encor d'vne plus eftrange grandeur, & ce qui eft plus ef- merueillableeft que ces pierres n'elîas point tail- lées ny efquatries pour ies accommoder, mais au contraire fort ine^alles les vnes auxaucres, en la forme & grandeur, ncantmoinsilslesioignoient cVenchaltoient les vnesauecles autres , 'fans ci- ment d'vne façon incroyable. Tout cela fe faifoit à force de peuple, 3c auec vne grande patience à y trauailler. Car pour enchafler vne pierre auec l'autre , félon qu'elles eftoient adiuftecs , il eftoit befoin de les effàyer , Se manier plufieurs fois,la plus-part d'icelles n'eftans pas efgales ny vnies. L'Ingua ordonnoituar chacun an le nombre du peuple qui denoic venir pour trauailler aux pier- res & édifices, 3c en faifoient les Indiens le dé- partement entre eux comme des autres chofes, fans qu'aucun fuft foulé. Neantmoins encoi: queces édifices fuifent grands , ils eftoient com- munément mal ordonnez & incommodes, 3c prefque comme les Mofqimtes ou édifices des barbares. Ils n'ont feeu faire d\u;cades enleurs édifices ny de ciment pour les baftir. Q_ujmel ils veirent drefier des. arcs deboisenla nuiere deXaura , 8c après que le ponc fut acheué qu'ils DES INDES. LIV. VI. ZJJ virent rompre le bois , tous commencèrent à fuir s penians que le pont qui elloic depier*- re de taille deuft tomber à l'inftant: Se comme ils eurent veu qu'il demeuroit ferme , & que les Es- pagnols marchoientdeflus, le Cacique dit à (es compagnons : il eft bien raifon que nous fermons à ceux cy,qtd femblcnt bien esîre aîa vérité fils du Soleil. Les ponts qu'ils faifoienteftoient de iancsrifius, qu'ilsattachoient au riuage auec defortpieux, d'autant qu'ils ne ponuoient faire aucuns ponts de pierre ny de bois. Lepontquieftauiourd'huy au coursdel'eauedu grand lac de Chiquitto en Collao eft admirable: car ce bras d'eau'è eft fi pro- fond que l'on n'y peut all'eoir aucun fondement, Se fi large qu'il n'eft pas pofïible d'y faire vne ar- che qui le trauerfe : tellement qu'il eftoit du tout impoiîïble d'y faire aucun pont , fuft de pierre ou de bois. Mais l'entendement &induftric àcs In- diens inuentalc moyen d'y faire vu pont a(Tcz ferme ôcalfeu ré ,eftant fait feulement de paille: chofequifemblefabuleufe, Se toutesfoisquieft véritable. Car comme nous auons ditcy dellus, ils amaffen t Se attachent enfemble certaines bot- tes de ionces& d'herbiers qui l'engendrent au lac qu'ils appellent Totora : Se comme c'eft vue mar tierc fort légère, Se qui ne Renfonce point en i'eauë, ils Jettent dellus vne grande quantité de ioncs, puis ayans arrefte Se attaché ces bottes d'herbiers d'vn cofté Se d'autre de la riuiere , les hommes & les beftes chargez paflent par dellus fortàl'aife. le me fuis quelquesfois efmcrueillc en parlant ce pont de l'artifice des \ icnens , veu que d'vne chofe il facile Se fi commune ils font HISTOIRE NATVRELLE vn pont meilleur & plus aiïcuré que n'cft pas le f>ontdebatteauxdeSeuilleàTriane. l'ay mefurc alongueurdecepont ,& fi bien m'en fouuient, il eftoit de plus de trois cens pieds , &:difent que laprofondité de ce courant eft très-grande , êc femble par deflus que l'cau'c n a aucun mouue- ment: toutcsfois ils difent qu'au fonds il a vn cours furieux & violent. Cecy fufhfe pour les édifices. Du reuenu de l'îngux , & de l'ordre des tributs quil impofvit aux Indiens . C H A P. XV. A richefledcs Inguas eftoit incomparable, car bien qu'aucun Roy n'heritaft point des moyens & threforsde fon predecctleur , neant- moinsilsauoiët à leur volonté toutes lesrichcf- fesqui eftoient en leurs Royaumes, tant d'ar- gent & d'or , comme d'eftofre , de Cumbi & be- ftiaux , enquoy ils eftoient tres-abondans, & la plus grande richefle de toutes eftoit l'innumera- ble multitude de vaflaux qui eftoienttous occu- pez & attentifs à ce qui plaifoitau Roy. Ilsap- portoict de chaque Prouince ce qu'il auoit choi- fipour fon tribut. LesChicasluyenuoyoientdu bois odoriférant & riche; les Lucanas des bran- cars pour porter fa litière j les Chumbilbicas des «lanceurs , & ainfi tout le refte des Prouinces luy enuoy oit de ce qu'ils auoient en abondance,& ce outre le tribut gênerai auquel tous contribuoict, Les Indiens qui eftoient nommez pour cet efFcct, trauailloient aux mines d'argct&cTor,qui eftoict au Peru en grande abôdance, lefquels l'Ingua en- DES INDES. LIV. VI. 178 tretenoit de ce qu'ils auoient de befoing pour leurs defpens, & tout ce qu'ils tiroient d'or Se d'argenteftoit pourluy. Par ce moyen il y a eu en ce Royaume de fi grands chrefors,que c'eft l'opi- nion de plufieursquece qui tôba entre les mains des Efpagnols, combien que c'ait efté vn grand nombre, comme nous fçauons,n'eftoit pas la di- xieime partie de ce que les Indiens enfouyrent, cV cachèrent, fans que l'on l'ayepeudefcouurir, neantmoins toutes les diligences que l'auariccy aenfeigneespourcefaire. Mais laplusgranderi- ch^iTe de ces barbares , eftoit que leurs vaflaux e- ftoien t tous leurs cfclaues , du trauail defquels ils ioujiîoientà leurcontentement: &ce qui eft ad- mirable, ils feferuoient d'eux d'vne telle façon, que cela ne leur eftoit pas feruitude, mais plultoft vne vie fort delicieufe. Or pour entendre l'ordre àcs tributs que les Indiens payoient à leurs Sei- gneurs, l'on doit feauoir que lors que l'Ingua cô- queftoit quelques villes, il en diuifoit toutes les terres en trois parties , la première d'icelles eftoit pour la religion & cérémonies, de telle forte que lePachayachaqui.qui eftleCreateur,& le Soleil, le Chnquilla, qui eftle tonnerre, le Pachamama, & les morts, & autres Guacas &fanc"hiaireseu£- fènt chacun leurs propres terres, & Iefruiol: des- quelles fe gaftoit ôc confommoit en fàcrificcs, & en la nourriture des miniftres & p retires. Car ily auoit des Indiens députez pour chaque Guaca, Se /ân&uairc , & la plus grande partie de cercue- nu fe deipenfoit cnCufco,où eftoit l'vniuerfel & gênerai fan<5fcuaire,& l'autre en la mcfmeville,où il (è cueilloir: pourecquà l'imitation de Cufco, HISTOIRE NÀTVRELLE il y anoit en chaque ville des Guacas & oratoires dumcfmeordre&aueclesmefmesfunctions,qvii eftoientferuisdelamefme façon & cérémonies queceluy de Cufco,qui eftvnechofe admirable, &dontroneftbiëinformé,commei'on l'atrou- uéen plus de cent villes, & quelques vues diftan- tes deux céts lieues de Cufco. Ce que l'on femoic & recueilloit en ces terres, eftoit mis en des mai- fons comme dépositaires, bafties pour cet effecl; & eftoit cela vnegrande partie du tribut que les Indiens payoient. le ne peux dire combien fe montoitcefte partie , pource qu'elle eftoit plus grande en des endroits qu'en autres , & en quel- ques lieux cftoitprefque le tout , év'cefte partie eftoit lapremiere que l'on mettoit à profit. La féconde partie des terres & héritages eftoit pour l'Ingua, de laquelle luy6c fa maifoneftoient fub- ftantez,mcfmcs Tes pareus , les Seigneurs , les garïiifons.&rfoldats. C'eft pourquoy c'eftoit la plusgrande portion de ces tributs , ainri quil ap- pert par la quantité de l'or , de l'argent , & autres tributs qui eftoicnt es mai fons à ce députées ,lcf- quelles font plus longues & plus larges que cel- les où l'on garde les reuenus des Guacas. L'on portoit ce tribut fort foigneufement en Cufco, ou bien es lieux où il en eftoit de befoing pour les foldats , & quand il y en auoit quantité, l'on legardoitdix& douze ans, iufques au temps de necefïité. Les Indiens cultiuoient Se approfitoicc ces terres de l'Ingua, après celles des Guacas, pé- dant lequel temps ilsviuoient&eftoientnourris aux defpens de l'Inana, du Soleil, ou des Guacas, félon les terres qu'ils labouroient. Mais les vieil» géss DES IN DES. L IV. VI. 279 lards, les femmes 8c les malades eftoientreferuez &c exempts de ce tribut, & combien que ce que l'on recueilloit en ces terres fuftpouri'Ingua,ou pour le Soleil, ou Guàcas, neantmoins la pro- priété en appartenoit aux Indiens, & leurs pre- deceileurs. Latroifiefme partie des terres eftoic donnée par i'lngua,pourla communauté, &n'a- on point defeonuert fi cefte portion eftoit plus grande ou moindre que celle de l'Ingua ou Guà- cas : toutesfois il eft certain que l'on auoitefgard icequ'cllefuftfurEfànte pour la fuftentation ôc nourriture du peuple. Aucun particulier ne pof- iedoit choie propre de cefte troifieime portion, ny iamaisles Indicn$n'enpolTederent, fi cen'e- ftok par grâce fpecialle de l'Ingua, ôc toutesfois cela ne pouuoiteftre engagé ny diuifé entre les héritiers. L'on departoit par chacun an ces terres decommunaaté en baillant à vu chacun ce qui luy eftoic de beioing pour la nourriture de fa per- sonne, & famille. Par ainfi félon qu'augmentoic ou diminuoit la famille, l'onhauitoit ouretran- choic la part : car il y auoit des mefures détermi- nées pour chaque perfonne . Les Indiens ne payoient point de tribut de ce qui leur eftoit de- party. Car tout leur tribut eftoit de cukiuer & main tenir en bon eftatles terres de l'Ingua , ôc des Guacas,& de mettre les frui&s d'icclles aux depofitaires. Quad l'année eftoit fterilej'ondon- noit de ces mefmes fruicfcs ainfi referuez aux ne- cefîîteux, d'autant qu'il yen auoit touûours do fuperabondant.L'Inguafaifoitladiftributiondu beftial ainfi que des terres , qui eftoit dele conter & diuiler , puis ordonner les pafturagcs Se limi* HISTOIRE NATVRULE tes pourlebeftial des Guacas , del'Ingua, ôcdc chaque ville. C'eft pourquoy vnc partie du reue- nvtelloit pour la religion,vne autre pour le Roy, &: l'autre pour les meimes Indiens. Lemefmcor- dre eftoit gardé entre les challeurs, n'eftant per- mis d'enleuerny de tuer des femelles. Les trou- peaux des Inguas ôc Çuacas, eftoient en grand nombre, & fort féconds, pour celle caufe Us les appelloient Capaellama , mais ceux du commun & public edoient en petit nombre & de peu de valeur , parquoy ils Iescippelloient Bacchallama. L'Inguaprenoitvn grand foing pour laconier- uationdubeftial , d'autant que ceftoit,& eft en- cor toute la richclledece Royaume, ôc comme ilacfté dit,ilsne iacrifioient point de femelles, ne les tuoientpoinr,*!y ne les prenoient à la chai- re. Si la clauellee ou rongne , qu'ils appellent ca- rache , venoit à quelque befte , elle deuoit cftre à l'inftant enterrée toute vifue, de peur qu'elle ne baillait le mal à d'autres. Ils tondoient lebeftial en leur faifon , & en diftribuoient à vn chacun pourfiller, &: cilhe de la matière & eftophepour le feruice de fa famille, y ayant des vifiteurs pour f'enquerir ("ils l'accompliflbient , lefqueîs cha- flioient lesnegligens. L'on tiifoit & faifoitdcs ertofTes de lalainedubc{lialdel'Ingua,pr?iirluy ôc peur les fiens ,1'vnefort fine, & a deux faces, qu'ils appelloient Cumbi , Se l'autre grofliere& moyenne, qu'ils appelloient Abafca. Il n'yauoit aucun nombrexle ces eftoffes ou habits arrefté,(ï- non ce que l'on departoit à vn chacun. Lalaine qui reftoiteften nnfeaux rrugafins , dequoy les Espagnols les trouueren teneur tout pleiusâ& de DES INDES. LIV. VI. iSo toutes les autres chofes neceflaires à la vie hu- maine . Il y aura peu d'hommes d'entendement quinefoientcfmerucillezd'vn fi n o table ôc bien ordonne gouuernement , puis que les Indiens, ( fans cilre religieux ny Chreftiens ) gardoient en leur façon celle perfection, de ne tenir aucune chofè en propre, & de pouruoir à toutes leurs nece(îitez,entretenans fi abondamment les cho- fes de la religion, & celles de leur roy ôc feigneur. Desttrfs & offices an exerçoient les Indiens, c h A P. xvi. Es Indiens du Peruauoientvne perfection ._.qui eftoit d'enfeigner à vn chacun des petits enfans, tous les arts & meftiers qui eftoientne- ceflaires pour la vie humaine ,pource qu'il n'y a- uoit point entr'eux d'artifans particuliers , com- me le font entre nous autres les coufturiers, cor- donniers jtiiferans & autres , mais tous appre- noient tout ce qu'ils auoiêt de befoing pour leurt perfonnes ôc maifons , Ôc fe pouruoyoient à eux- mcfmes.Tous fçauoict tiftre & faire leurs habits, c'eft pourquoy l'Ingua les fournifsat de laine,leur donnoit des habits. Tous fçauoient labourer la terre, ôc rapprofîter,fans loiier d'autres ouuriers. Tous baftillbient leurs maifons, ôc les femmes e- ftoient celles qui en fçauoient le plus, Iefquelloe n'eftoient point nourries en délices , mais fer- uoient leurs maris fort foigneufement. Les au- tres arts ôc meftiers qui n'eftoient point pour les chofes comunes & ordinaires de la vie humaine, auoiêt leurs propres côpagnons&raanufeâeurs, - HISTOIRE NATVRELLE comme elloicnt les orfcures , les peintres , les potiers , les barquetiers , les conteurs , & les ioiieursd'initruments. Ilyauoit aufîi des mef- m Ci tiilcran's & architectes pour les œuures ex- quiies,de(quels feieruoientles Seigneurs; mais le commun peuple, comme il a elle dit , auoit chez luy tout ce qui luy cftoit de befoing pour fa maiion , ians qu'il luy conuint rien acheter . Ce qui dure encor auiourd'huy , de forte que nul n'a befoingd'aucruy pour leschofes neceilàirespour ia perionne & pour fa maiion , comme eit de chauileure,vellcment, & de maiion, de femer, de recueillir ,& de faire les ferremens &inltru- mensàcenecciraires. Les Indiens imitent prei- queen cela les inftitutions des moines anciens, defquelsii eft traittéen la vie des Pères. A la vé- rité c'eftvn peuple peu auare cS^ peu délicieux, à i .ni Ton dequoy ils le contentent de palfer le temps aflez doucement , &c certes i'ils choiiitloient ce- ftefaçon de viure pareflection , & non pas par couftumeny par nature, nous dirons que ce fc- roitvneviedegrand' perfection, veu qu'elle eft. allez idoine pour reccuoir la doctrine du fainct Euangile, iï contraire & fi ennemie de l'orgueil, de l'auarice , de la volupté. Mais les prédicateurs ne donnent pas toufiours bon exemple félon la doctrine qu'ils prefehent aux Indiens. C'eftvne chofe remarquable, que combien que les Indies foientfi (impies en leur mode 6c habits , toutes- fois l'on y voit vnc grande diuerfité entre les Pro- uin ces, fpecialement en leur habit detefte : car en quelques endroits ils portent vn long ùiïu,du« quel ils font piufieius tours, en d'autres vn autre tiflu aiMÊaia DES^ INDES. I1V. VI. 1$1 tifîu large, qui ne fait qu'vn tour , en d'autrescô- mc de petits mortiers ou chapeaux : en quelques endroits comme cks bônets hauts & ronds,& en d'au très comme des fonds de facs , auec mil au- tres différences. Ils auoient vne loy eftroitte & inuiolable, qu'aucun ne peuft changer la mode Se façon d'habits delà Prouince , encor qu'il f'en allaftviure en vne autre, ce queringuaeftimoic cftredegrar.de importance pour Tordre ôc bon gouuernement de fon Royaume, & l'obferuenc encor auiourd'huy, bien quecene Toit pas auec vntel (oin qu'ils auoientaccouftumé. Des poftis &■ Cbafqtus dont Icslngnas Jcfcruotcnt. C H A P. XVII. gtëg L y auoic vn grad nombre de polies & cour- &V2 riers donc l'Ingua fe feruoic en tout Ton Royaume , lefquels ils appeliôient Chafquis , ôc eftoient ceux qui portaient les mandemens aux Gouuerneurs ,& rapportoient leurs aduis ôc ad- uertiiïêmensàla Cour. Ces Chafquis cftoienc mis & pofez à chacune courfe qui eftoit à lieu'è ÔC demie î'vne de l'autre en deux petites maiions,où ilseftoient quatre Indiens , lefquels on y coqi- mettoit de chaque contrec,& eftoienc efchangez de mois en mois.Ayansreccu lepacquet ou mçf- fage, ils couroientde toute leur force fufquesa ce qu'ils l'euflenc baillé à l'autre Chaiqui , eftans toufiours appareillez & au guet ceux qui deuoiéc courir,, Ils couroient en vn iour ôc vne nuiéfc cin- quante lieues , combien que la plus-part de ce HISTOIRE NATVRÇLLE pays-là (bit fore afpre. Ils feruoientaulîi pourap- portcrleschofcsqucringua vouloit auoir pro- prement. C'eftpourquoy il y auoir toufioursen Cufcodupoiiron de mer , frais de deuxiowrs ou peu d'auantage,bien qu'il en futl efloigné de plus de cent lieu'és. Depuis que les Efpagnols y font entrez , l'on a encor vfé de ces Chafquis aux teps des feditions , 6c en eftoit grand befoing. Le Vi- ccroy Dom Martin les mit ordinaires à quatre lieu'és l'vn de l'autre, pour porter Se rapporter lesdepefches,quieft vne choie fort necellahe en ce Royaume , encor qu'ils ne courent pas auec la légèreté que faifoient les anciens , & qu'ils ne foient pasenfigrand nombre , neantmoins ils font bien payez, & feruent comme les ordinai- res d'Efpagne,oùl'on donne les lettres qu'ils por- tent à quatre ou cinq lieues. De la iujiice , L oix & peines que les Ingua-s ont or- donne^ ,&de leurs mariages. C H A P. XVIII. O vt ainfi comme ceux qui faifoient quel- que bon feruice en guerre ou à l'adminiftra- tion de la Republique, eftoient lionnorez & re- compenfez de charges publiques, de terres qui leur eftoient données en propre, d'armes & mar- ques d'honneur , de mariages auec femmes du li- gnage de l'Ingua: Ainfi donnoien t- ils de feueres chaftimens à ceux qui eftoient defobeyflans & coulpables. Ilspunilfoient de mort les homici- des, les larcins, les adultères, & ceux qui com- mettoientincefteauecles afeendans ou defeen- dans en droite ligne,eftoient audi punis de mort. DES INDES. LIV. VI. 2.8.1 Mais ils ne tenoient point pour adultère d'auoir plusieurs femmes ou concubines, & elles n'en- couroient point la peine de mortpoureftretrou- uees auec d'autrcs,ains feulement celle qui eftoit la vraye & légitime efpoule , auec laquelle pro- prement ils contiacloient mariage. Car ils n'en auoient point plus d'vne , laquelle ils cfpoufoiëc &£ receuoient auec vue particulière lolemnitc & cérémonie, qui elloit que l'efpoux fe tranipor- toit à la maifon d'clle,&: de là la menoit auec luy, lny ayant premièrement mis au pied vne ottoya. Ils appellent ottoya la chaulleure dont ils vfent par delà, qui eft vn cliaullon ou foulier ouuerc comme ceux des frères de S. François. Si l'efpou- fe eftoit pucclle, fon ottoyaeitoitdelaine,mais Ci ellenefeftoit point,il eftoit fait de ionc. Toutes les autres femmes ou concubines du mary hono- roient & feruoien t celle là comme femme legiti- me,qui feule aufïï après ledecezdumary portoit le dueil denoir, refpaced'vnan , &rne(emarioic point qu'après ce tëpspatïé, &eftoiccômunémët plus ieuneq.uele mary. L'ingua donnoit de fa main cette fémeà fes gouuerneurscV capitaines, &les gouuerneurs cxrCaciques afsébioièt en leurs villes tous lesieunes hommes êc ieunes filles en vue pIaCe,cx: leur donnoiët à chacun fa fémeauee la cérémonie fufdite,de luy chauffer cet ottoya, 5c de cette façôcontra&oiét leurs mariages. Si cette femme eftoit trouuee auec vn autre que le mary, elle eftoit punie de njort,& l'adultère aufli,& biè* que le mary leur pardonnait, elles ne lairtbict pas d'eftre punies, mais elles eftoienc difpenfees de la mordis donnoicc vne sëblablc peine à celuy qui n ij HISTOIRE NATVRELLE commettent incefte auec fa mere,ayeullc, fille,ou petite fille. Car.il n'eûoit point défendu entr'eux defe marier, ny de concubiner aucc les autres parentes, maisle premier degré feulement eiloit derïendu. Ils ne permettoient point aufli que le frereeuftcognoiflànceauec(afœur,cnquoy ceux du Peru fe trompoient fort , croyans que les ïn- guas&feigneurs pouuoient légitimement con- tracter mariage auec leurs feeurs, voire de peie ôc de mère : car à la vérité il a toufiours efté tenu pour illicite entre les Indiens, & défendu de con- tracter au premier degré : ce qui dura iufqucs au temps de Topa Ingua Yupangui, père de Guay- nacapa& aycul d'Atahualpa,au temps duquel les Efpagnols entrèrent au Peru, pource quece Topa Ingua Yupangui fut le premier qui rompit cefte couftume , & fe maria auec Mamaoello fa fœur du codé paternel, & ordonna que les Sci- gneurslnguas fe peuvent marier auec leurs feeurs de père & non point d'autres. Ce qu'il fit de la part : & de ce mariage eut pour fils Guaynacapa, &vne fille appellee Coya Cufîîllinay, fc Tentant proche de la mort il commanda que (es enfans d.i perc& demerefemariadentenlemble , & don- na permiffion au relie des principaux de fon Royaume defe pouuoir marier auec leurs fœurs de perc. Et d'autant que ce mariage fut illicite ôc contre la loy naturelle, Dieu voulut mettre fin au Royaume des Inguas , pendant le règne de Guafcar Ingua, & Atahualpa Ingua , qui eiloit le fruicl: procréé de ce mariage. Qui voudra plut exa&ement entendre la façon des mariagcs.entre lesIndiensduPeiu,quilIifeie Traictc que Polo ' DES INDES. LIV. VI. 283 en a efcritàl'inftâcedcDomHierofme cîeLoai- fa Archeuefquedes Rois, lequel Polo en fie vne fort curieufe recherche , comme il a fait de plu- sieurs autres chofes des Indiens. Ce qui importe bien d'eftre cogneu pour euiter l'erreur Ôc incon- uenientoù plufienrs tombent, qui ne fçachans quelle femme entre les Indiens, eft refpoufe lé- gitime ou la concubine , fon t marier l'Indien ba- ptizcauec fa concubine, en lai (Tant là la légitime efpoufe. Par là voit-on aufïï le peu de raifon qu'ont eu quelques vns qui ont prétendu dire que l'on deuoit ratifier le mariage de ceux qui fe baptifoient,encor qu'ils fu fient frère &fœur.Le . . contraire a efté déterminé par le Synode prouin- c°n". cial de Lyma,auec beaucoup de raifon : puis qu'il eft. ainfi qu'entre les Indiens mefme ce mariage n'eftoitpas légitime. De t origine des Initias feigneurs du Vertf^ù1 de leurs conqueslcs ty vitloires. c H A P. XIX. S8« A r. le commandement de la majefté Ca- J E premier homme que les Indiens racontét £$&' eftrelecommencementj&lepremierdesln- guas.fut Mangocapa,duqnel ils feignent qu'après le déluge îifortoit de lacauerne , ou feneftrede Tâbo,qni eft efloignee d e Cu feo, enuiron de cinq oufix lieues. Ils difentqueceftuy là donna com- mencement à deux principaux lignages, & famil- les d'Inguas , les vns defquels furent appeliez Ha- nancufco,& les autres Vrincufco. Du premier li- gnage vindrent les Seigneurs , qui conquefterent & gouucrneret cefte prouince,&le premier qu'ils font chef, & fouche du Iknaçe de ces Seigneurs queiedisjs'appelloit Ingaroca , lequel fonda vne famille,ou Aillo^u'ils appellent, nommée Viça- qniquirao. Ceftuy là encor qu'il ne fuft pas grand feigneurjleferuoitneantmoinsauecelelavaiflelle d'or,& d'argent,& ordonna en mourant,que tout fon trefor fuft deftinè pour le feruice de sÔ corps, & pour la nourriture de fa famille: fon fucceffeur en fit de mefrae , & fe tourna cefte façon de faire, en couftume generale,comme i ay dit,que nul In- gua ne peut hériter des blés & maifon de fon pre- HISTOIRE NATVRELLE decefleur,mais qu'il fondait vnenouuellemaifon. Au temps de cet Inguaroça, les Indiens auoient desidolcsd'or,&:luy fuccedaYaguarguaque, ho- me délia vieil , Se diient qu'il eftoic appelle de ce nom là , qui (ïgnifie larme de fang , pour ce que ayant efté vue fois vaincu s & prins par Ces enne- mis', de dueil & ennuy il en pleura du fang. Il tut enterré en vn bourg appelle Paullo , qui eft au chemin d'Omafuyo , & fonda la famille appellee Aocaillipanaca. A ceftuy fucceda vn fïen fils V ira- cocha, Ingua, qui fut fort riche, & fît faire beau- coup devaifleilcd'orj&d'argentiil fondais ligna- ge,ou famille de Coccopanaca. Gan/alles Pizarre chercha lecorps de ceftuy cy , pour la renommée du grand threfor qui eftoit enterré auec luy , & après auoirdonné de cruels tourments à plusieurs Indiés, en fin il le trouua en Xaquixaquana, où le mefme Pizarre fut après vaincu en bataille, prins, & fait exécuter par le prefident Guafca.Gonfalles Pizarre fit brufler le corps de ce Viracochalngua. & les Indiens prindrent depuis fescendres , lef- quelles ils mirent en vn petit vaze , 6V les conlcr- uerent,y faifans de grands lacrifices,iufinous leur cuiïîons donné vnbon exemple, & tel que nous deuions, ces Indiens auoient bien rencontré, difans que c'eftoienc ho- mes cnuoy ez de Dieu. Et eft vne chofe confïdcra- blc,quc la grandeur 5c prouidenec diuinc , côme Udifpofe. • rnur linM DES INDES. IIV. VI. 289 il difpofa l'entrée des noftres auPeru,laquelle euft eftc impolîîble, n'eulr efté ladiflenfiondesdeux frètes, & de leurs partifans, & l'opinion fi grande qu'ils eurét des ChreitienSjComme d'hommes du Ciel, obligez certes en çaicrnant la terre des In- des à prendre peine de faire gaigner beaucoup d'amesauCicl. D es derniers fucccflcur s des In^uAs. ch A P. XXIII. £ï£î E re^e ^e cciujeâ; eft allez amplemec traité Sfe parlesaucheurs Efpagnols aux hiftoiresdes lndes,& d'autant que cela elt outre laprefence in- tention, iediiay feulement de la fuccefîion qu'il y eut des Inguas. AtahulpaellantmortenXaxa- malca , & Guafcar en Cufco , & François Pizarre auec les iienSjfeftant emparé du Royaume, Man- gocapa,fils de Guaynacapa, les afîïegea en Cufco, &c les tint fort preiïez, mais en fin il quitta tout lepays,cV fe retira en Vilca-bamba,auxmôtagnes efquelles il fe maintint , à caufe de l'afpreré , ÔC difficile accez d'icelles, & là demeurèrent les fuc- celïeurs Inguas , iufques à Amaro,qui futprins & exécuté en la place de Cufco,auecvne incroyable douleur, & regret des Indiens, voyans publique» ment faire iuftice de ecluy qu'ils tenoiet pour fsi- gneur. Apres celal'on en emprifonna d'autres du lignage de ces Inguasji'ay cogneu Dom Charles, petit fils de Guaynacapa, & nlsdePolo,quifefic baptifer, & fauorifa toufiours les Efpagnols con- tre Mangocapa fon frère. Lors que le Marquis de Canetregouuernoiten ce pays , Sarritopaingua HISTOIRE NATVRELLI fortitdc Vilcabamba , Se vint foubsafleurance à lacitcdesRoys,où luy fut dônee la vallée Yucay, & d'autres cho(es,à quoy fucceda vne fîenne fille. "Voila lafucceffionqui eft auiourd'huy coc;neiïe de cette fi grande &c riche famille des In^uas dei- quels le règne dura plus de trois cens ans , où Ton conte onzefucceflturs en ce Royaume, iuiques à ce qu'il cefla du tout,en l'autre partiallitè & Vrin- cuico,quicommcaeftéditcydeiîus, eut Ton ori- gine mefme du premier Mangocapa , l'on conte nuict fuccefleurs en cefte manière. A Mangocapa fucceda Cinthoroca, à ceftny Capac Yupangui , à ceftuy Lluqui Yupangui, àceftuy Maytacapaefte Tarcogumam,auquel fucceda vn n'en fils, qu'ils ne nomment point,à ce fils fucceda Dom lean Tam- bo Maytapanaca.Celafuflife pour l'origine &iuc- ceffion des Inguas , qui gouuernerent la terre du Peru,auec ce qui a efté dit de leurs loix,gouueme- ment,& manière de viure. De U manière de Vyepubltejue quMtoient les IttexiauAins . CHAP. XXIII I. 5 O M b i e n que l'on pourra voir par l'hiftoire S qui fera efente du Royaume, îucceflîon, & origine des Mexiquains, leur manière de Repu- blique &gouuernement,ficft-ce toutesfoisque ie diray icy fommairement ce qui me femblera plus remarquable en gênerai, dont il fera cy après plus amplemct difeouru en l'hiftoire. La première chofe par laquelle on peut iuger que legouuer- ncment desMexiquains a efte fore politie,cft l'or- DES INDES. IIV. VI. 290 drequ'ilsauoient , &gardoient inuiohblemenc d'eflire vn Roy. Pour ce que depuis le premier qu'ils €urent,appellé Acamapach, iufques au der- nier qui fut Moçuma , fécond de ce nom> il n'y en eutaucun qui vint au Royaume par droit de lue- ceilion , ainsfeulementy venoient par vne légiti- me nomination, & eflecrion. Cefteefledionau commecement eftoitaux voix du commun,com- bien que les principaux fuflent ceux qui condui- f oient l'affaire. Du depuis au temps d'Yfcoalt quatrief me Roy , par le conleil & ordre d'vn fage cV valeureux homme, qu'ils auoient appelle Tla- cael, il y eut quatre électeurs certains & arrêtiez, ldqueîs auec deux feignons , ou Roys , fuje&sau Mcxiquain , quieftoicntceluy deTcfcaco, &ce- luy deTacuba, -luoicnt droit défaire cefte efle~ dion. lis eïliioient ordinairement pour Roys, dçs ieunes hommes, pource que les Roys alloienC toujours à la guerre, Se eftoitprefquelaprinci- palle occafion pourquoy ils les vouloient. C'eft pourquoy ils prenoienc garde qu'ils fuflent pro- pres & idoines à la guerre , & qu'ils prinflent plaifir , & iè glorifiallènten icelle. Apresl'efle- dion ils faifoicnt deux manières de fcftes,Tvne en prenant poflefïïon de l'eitat Royal , pour la- quelle ils alloient au Temple , & faifoient de grandes cérémonies, & facrifices fur le brafiec appelle diuin, où il y auoittoufioursdu feude- uant l'autel de l'idole , & après quelques rhe- toriciensqui feftudioent en cela , faifoientplu- fieurs oraifons & harangues. L'autre fefte & la plus folemnelle , erloic de fon couronnements pour laquelle il deuoic premièrement vaincre ea o ij sgmemm HISTOIRE NATVRELLE bataille,& amener vn certain nombre de captifs, quei'ondeuoitfacrifieràleursdicux.&entroiten triomphe auec vne grande pompe,luy faifans vue fclcmnclle réception, tant ceux du Temple, lef- quels alloient tous en proceffion , touchans & ioiians de plufieurs fortes d'inftrumens,& cnccn- fans & chan tans comme les (eculiers,& les Cour- ti{àns,qui fortoient auec leurs jinuentions à rece- uoirleRoy victorieux. La couronne &enfeigne Royalle eftoit en façon de mitre pardeuant, êi eftoit par derrière couppee, de forte qu'elle n'e- ftoit pas toute ronde, car le deuâr eftoit plus haut, Aralloiti^efleuant comme en pointe. Le Roy de Tefcuco auoit le priuilege de couronner de fa main le Roy de Mexique. Les Mexiquainsont efté fort loyaux & obeiiîans à leurs Roys , & ne fe trouue point qu'ils leucayent fait de trahifon.Les hiftoires racontent feulement j qu'ils tafeherent défaire mourirparpoifon, leur Roy appelle Ti- cocic, pour auoir efté coiiard& de peu d'effed. Mais il ne fe trouue point qu'il y ait euenti'eux dediiTenfion, & partialitez par ambition, com- bien que ce foit chofe allez ordinaire es commu - nautez:au contraire elles racontent , comme l'on verra en fon lieu , qu'vn homme le meilleur des Mexiquains, refufa le Royaume , luy fcmblant qu'il eftoit expédient à la Republique d'auoir vn autre Roy. Au commencement que les Mexi- quains cftoient encor pauures , & aflezpetits cô- pagnôs,les Roys cftoient fort modérez à leur en- tretien, & en leur cour,mais comme ils augmen- tèrent en pouuoir,ils augmenteret aufli en appa- reils & en magnifitcte,iufques ï paruenir à la gra- DES INDES. LIV. VI. 2-91 deurde Moteçuma, lequel quand il n'eiîfl eu au- tre chofe que la maifon des animaux, c'eftoit vnc chofe allez fuperbe,& telle qu'ô n'en a iamais veu d'autre femblable. Car il y auoiten cefte Tienne maifon de toures fortes de poilïbns , d'oifeaux de Xacamamas,& de beftes,comme en vneautte ar- che de Noé. Pour les poiflos de mer il y auûij: des cftangs d'eau'ë fallee,& pour ceux des riuieres, des cftagsd'eauë douce. Lesoifeauxdeproyeyauoiét leurs viandes,& les beftes ficres au(n en fort gran- de abondance,& grand nombre d'Indiens eftoict occupez à entretenir ces animaux. Quad il voyoit qu'il n'eftoit paspofîîble d'entretenir ou nourrir quelque forte depoilfo, d'oifeaux,oudebeftefau- uage,il en faifoit faire l'image Se la femblance ri- chement taillée en des pierres precieufes , en ar- gct, en or,en marbres ou en pierre:& pour toutes fortes d'entretiens , il auoitdes maifons Se palais diuers , lesvnsdeplaifir,les autres de dueil&tri- ftelîe, cVles autres pour y traitter les affaires du Royaume.il y auoiten ces palais plu fleurs cham - bres, félon laqualité des feigneurs qui le feruoient auecvne eftrange ordre & diftindion. De s filtres & dignité^ qui efloient entre les Mexiquains. c H A p. xx v. EsMexiquains ont efté fort curieux de dé- partir les grades & dignitez entre lesnobles & les feigneurs,afin que Ton recogneuft ceux d e- tr'cux ,aufquelsl'on deuoit faire plus d'honneur. La dignité des quatre eflecteuis , eftoit celle qui o iij HISTOIRE NATVRELI. E e&oitlaplus grande &laplus honorable, après le Roy,&leselîifoit-on incontinent après l'ellediô du Roy. Ils eftoient ordinairement frère ou fore prochesparens du Roy,&: les appclloient Tlaco- hccalçalt,qui lignifie Prince de laces .que l'on iette ou darde, qui elt vne lorte d'armes, dont ils vloiet fouuent. La dignité d'après eftoit celle de ceux qu'ils appelloicnçTlacatecati, qui elt àdire,circo- cifeur&au. coupeurs d'hommes. La rroillefmc di- gnité citait de ceux qu'ils appelloipnt Ezuahua- calr/q.uî lignifie efpandcur de fang par efgratigne- ment. Tous lefquels .tiltres & dignitez eftoieat exercez des hommes de guerre. Il y auoit vn autre quattiefme intitulé Tlilancalqu', qui vaut autant à dire, que feigneurde la maifon noire, ou de la noirceur, à caufed'vn certain encre, duquel les préfixes foignoient, 6y quiferuoitenlcurs idolâ- tries., Toutes ces quatre dignitez eftoient du grâd confeil,fans l'aduisdefquels le Roy ne faifoitny pouuoitfaireaucunechofed'importâce,&: leRoy eftant mort l'on en deuoit eflire en fa place vn qui fuit en quclquvne de, ces quatre, dignitez. Il y auoit aufli outre ceux là d'autres confeib , & au- dience , & difent quelques vns qu'il y en auoit au- tant comme en Elpagne,& qu'ily auoit diuers liè- ges Sciurildiclionsauec leurs confeillers &' alca- des de cour,& d'autres qui leur eftoient fouzmis, comme corrigidors,alcades maieurs,Lieutenans & Alguafits maicurs, & d'autres , qui eftoient en- cor inférieurs & fouzmis à ceux-cyauecvnfort bel ordre. Tous lefquels defpandoient des quatre premiers Princes qui affift oient an Roy. Ces qua- tre tant feulement auoient Iaiurifdicrion &puiC DES INDES. L1V. VI. 1$2, lance de condamner à la mort » & lesautreslcur cnuoyoientdes mémoires des fentences qu'ils do" noient : Au moyen dequoy en certain temps l'on faifoit entendre au Roy tout ce quifcpalTbit en ion Royaume. Il y auoitmefme vn bon ordre & police eftablie fur le reuenu du Royaume: car il y auoit des officiers départis par toutes les prouin- ces,comme des Receueurs, 6c Treforiers , qui re- cueilloient les tributs & rentes Royales.L'ô por- toit le tribut en lacour pour le moins de mois en mois, lequel tribut eftoit de tout ce qui croift & f*engendreen la terre , 6c en la mer tant de loyaux- ôc d'habits , que de viandes. Ils eftoient fort foi- gneux de mettre vn bon ordre en ce qui touche leur religion, fuperftiuon &: idolâtries : &pour cefte occasion y auoit vn grand nombre de mini- ftres qui auoict la charge d'enfeigner au peuple les couftumes & cérémonies de leur Loy.C'eft pouc- quoy fur ce qu'vn preftre Chreftié vn iour le plai- gnoit que les Indiens n'eftoient pas bonsChre- fliens,&neprofitoientpointàlaloyde Dieu:Vn vieillard Indien luy refpondit fort àpropos en ces termes: Que les prefircs (dit- il) emploient autant de foin & de diligence a faire les Indiens Cbrejltens^ que les mi- niftres des idoles emploient a enfermer leurs cérémonies: car auec la moitié du foin qu'ils y prendront >tls nous ren- dront les meilleurs Cbreftiensdu monde \pource quela loy de lefus-Cbrifî efi beaucoup meilleure: mais les Indiens ne îapprenent point a faute de cens qui la leur enfei- gnent, Enquoy certainement il dift veritè,à noftre grand'honte 6c confufion. ni) — mm n Comment les TvlexifjUdins fùfoient U guerre, & dé leurs ordres de Chemllcïic . CH A p. xxvr. Es Mexiquains donnoient le premier lieu d'honneuràî'art &profem"on militaire.c'eft pourquoy les nobles eftoient les principaux fol- dats, & les autres qui n 'eftoient point nobles par la valeur & reputatiôqu'ilsacqueroicten guerre, parucnoientendesdignicezcV honneurs: de for- te qu'ils eftoient tenus pour nobles. Ils donnoient de belles recompenfes à ceux qui auoient fait va- lcureufement,lefquels iouilloient de priuileges quenul antrenepouuoitauoir : cequiles encou- rageoit beaucoup. Leurs armes eftoient des ra- foirs de caillous aigus & trenchans , qu'ils met- toicntdesdeuxcoltczd'vn ballon, qui eftoirvne armefifurieulè.qu'ilsaffermétquetl'vn feulcoup ilscncoupoient lecolàvncheual. Ilsauoienr de fortes & pelantes mafïucs, des lances en façon de piques, & d'autres façons de dards à ietter, à quoy ils eftoient fort adroi ts,& faifoient la plus-part de leur combatauec des pierres. Ils auoient pour ar- mes deffen fines de petites rondelles ou efeus , & quelque façon dsfalladest^ morions enuironnez déplumes. Ils fe veftoient de peaux detygresou Jyons,6V d'autres animaux faunages. Ilsvcnoicnt incontinent aux mains auec l'ennemy, & eftoient rort exercez à courir & à luter. Car lcurprinci- cipale façon de vaincre n'eftoit pas tant en tuant comme en prenant des captifs , defquels ilsfe lenioienc en leurs Sacrifices , comme il a elle dit. DES INDES. LTV. VI. 293 Àloreçuma mit la cheuaîleric à Ton plus haut poinct,en instituant certains ordres militaires, commede commandeurs, auec certaines mar- ques &: en feignes. Les plus honnorables d'entre les Cheualierseftoient ceux qui portoiet lacou- ronne de leurs cheueux attachée auec vn petitli- 7.ct rouge , & auec vn riche plumache , d'où pen- doient fur leurs efpaulles des rameaux de plumes, & des bourrelets de mefme. Ils portoient autant de ces bourrelets corne ils auoient faitd'a&esfî- gnalez en guerre. Le Roy mefme eftoit de ceft or- dre de Cheuallerie , comme l'on peut voir en Chapukcpec,oùeftoient Moteçuma & fon fils necouftrez de ces façons deplumaches, taillez en vne roche, qui eftehofe digne de voir. Ilyauoit vn autre ordre de Cheuallerie, qu'ils appelloient les lyons&:lestygres,lefquelse(loient commu- nément les plus valureux, & qu'on remarquoit le plus en guerre , où ils alloient portas toujours leurs marques 6c armoiries. Il y auoit d'autres Cheualiers, comme les Cheualiers Gris, qui n'e- ftoient en telle eftime comme ceux-cy, lefquels auoient les cheueux coupez en rond pardedus l'oreille. Ils alloient à la guerre portans demef- mes marques que les autres Cheualiers, toutes- fois ils n'eftoient point armez que iufques àla ceinture,mais les plus honorables f'armoient en- tièrement. Tous les Cheualiers pouuoient por- ter de l'or & de l'argent , & fe veftir de riche cot- ron,feferuir de vafes peints Se dorez, & porter des fouliers à leur modejmais le commun peuple ne pouuoit fe feruir que de vafes de tette , neleur eftant pas permis de porter des fouliers , &ne HISTOIRE NATVRELLE pouuoientfeveftirquedeNequen , qui eft vne matière grofîïere. Chacun ordre de cesCheua- liersauoitfon logis au Palais , marqué de leurs marques, le premier cftoit appelle le logis des Princes , le fécond des Aigles , le troifielme des Lyons&tygres,& lequatiiefme des gris. Les au- tres officiers communs , eftoient en bas , logez en de moindres logis : & G quelqu'vn le logeoit horsdefonlieu,ilencouroit peine de mort. Dugrand ordre <& d/li^cncenue les Tïiexiqudinscm* floyotcnt à nourrir la icunejft'. CHAP, XXVIII. WjftjS L n'y a choPe qui m'aye donné plus d'oecâ- &&& fion d'admirer , ny quei'aye trowuee plus di- gne de louange & de mémoire que Tordre & le foing que les Mexiquains auoient à nourrir leurs enfans. Car ils recognoilïoient bien que toute la bonne efperanced'vne Republique , confifteen la nourriture ôc inftitution de laieunelle , ce que Platon traicle alïezamplement en fesliures,De legibus. Etpourcefteoccafion ils i'eftudierent& prindrent peine d'efloigner leurs enfans des de- lices, & delà liberté, qui font les deux pelles de cetaage,en lesoccïipans en des exercices hon- nettes <3c profitables. Pour cet effect^ilyauoic aux Temples vne maifon particulière d'enfans, comme des efcholles, ou collèges, quieftoitfe- paree de celles des ieunes hommes , & des filles du Temple, dont nous auons amplement trai- cté cy-deuant.Ily auoiten ces efcholles vn grand nombre d'enfans^, que leurs pères y menoicntvo- DES -INDES. LIV. VI. 194 lomairement,lefqi.icls auoient des pédagogues & niaiilrcs qui les enfeignoient en tous louables exercices,à.e,ure bien nourris , porter refpecl: aux iupci ie,urs, à feruir ô$ à obeyr, leur donnans à cè- de fin certains préceptes &enfeignements. Eta- frn qu'ils fu lient aggreables aux Seigneurs,ils leur app renoient à chanter & àdançei',&lesdre(ïoiët aux exercices de la guerre s. qui à tirer vne flefche, vu dard , ou baftonbru(léparlebout,&àbien manier vnerpndelle& vueefpee. iLs-neleslaif- ioient gueix&dormir, aiin qu'ils f'accouftumaf- fen tau trauail dés l'enfance, Se qu'ils nefulïcnt point hommes dedelice-s. Outre lenombreco- mun decesenfanSjily auoit aux mefmes collè- ges ci'autresenfans des Seigneurs , 8c nobles ,lef- quelseftoient plus particulièrement traictez. On. leur portoit leur manger & ordinaire de leurs maifonSjiSc eftoient recommandez à des vieil- lards Se anciens, pour anoir efgard fur eux, les- quels continuellement les admoneftoient d'é- lire vertueux, de viure chaftement, d'eftre fobics au manger ,, de îeufner , Se de marcher pofement, Se auec mefure. Ils auoient accouftumé de les exercer au trauail , Se en des exercices laborieux: 5cquand ils les voyoietinftruits en tous ces exer- cices, ils confideroientattentiuement leur incli^ nation ,& f'ils en voyoient quelques vns auoir l'inclination à la guerre, après qu'ils auoient at- teint l'aagefufhfant, ils reçherchoicnt l'occafion de les efprouuer,en les enuoyant à la guerre, fous couleur de porter des vluies &des munitios aux (bldats,afin qu'ils veifset là ce qui C'y paffoit,& le trauail que l'on y enduroit. Et afin qu'ils perdifset HISTOIRE NÀTVRtLLE la crainte, ilsleschargeoientauiïidepefânts fat- deaux, afin que monftrans leur courage en cela, ils fiillent plus facilement receusen la compagnie desfoldats. Par ce moyen il auenoit à plusieurs d'aller chargez à i'armee,& retournerCapitaines auec marques d'honneur. Quelques vus d'ic«ux fevouloient tellement faire paroiftre qu'ils de- meuroient prins ou morts , Se tenoienc pour moins honorable de demeurer prifonniers. Ceft pourquoy ils fe faifoienc plulioft mettre par piè- ces que de tomber ciptifs cntrelesmains de leurs ennemis. Voila comment les en fans des Nobles qui auoient l'inclination à la guerre y eftoient employez. Les autres qui auoiet leur inclination aux chofes du Temple, 6j pour le dire, ànoftre mode,àeftre Ecclefîaftîqucs , après qu'ils auoiet atteint l'aage furhfant ,eftoient tirez du collège, Se les mettoit-on au logis du Temple, qui eftoit pour les Religieux, Se leur donoit-on alorslcurs ordres Se marques d'Ecclefiaftiques. Là ils auoiet leurs prélats Se mafftres, qui leur enfeignoient ce qui eftoit de la profe(ïïon,où ils deuoient demeu- rer ,y ayans efté dédiez. Ces Mexiquainsprenoict vn grand foing à nourrir les enfans, que fiau- iourd'huyilsfuiuoient encor cet ordre, en fon- dant des maifons&: collèges, pour l'inftrucîion delaieunefTe, fans doute que la Chreftienté fto- riroit beaucoup entre les I ndiens. Quelques per- fonnes pieufes l'ont Commencé , Se le Roy Se fon Confeil l'ont fauorifé,mais d'autant que c'eft vr.e chofe où il n'y a point de profit , il Pauance bien peUj Se y va-l'on a (fez froidement. Dieu nous vueille efclaircir les yeux , afin que nous voyons DES INDES. LIV. VI. 19$ quccelaeftànoftreconfufioiijveu que nous au- tres Chreftiensnefaifons point cequclesenfans des ténèbres faifoient à leur perdition , enquoy n ous nous oublions de noftre deuoir. Desfifîesy eir dctnccs des Indtens. CHAP. XXV H I. ,'A vt a nt quec'eftvnechofequidefpend en partie du bon gouuerncment, d'auoircn la Republique quelques ieux& recreations,quad il en eft temps ; il ne fera mal à propos que nous racontions fur celle matière , ce que faifoient les Indiens, principalement les Mexiquains. L'on n'a point defcouuert es Indes aucune nation qui viue en communautcz, qui n'ait (on entretien & (à récréation , en ieux, dan ces , & exercices de plaiiir. I'ay vcuauPcrudesieux qu'ils faifoient en façon de combat } -auiquels les hommes des deux codez fenflamboient quelquesfois d'vne " telle façon que bien fonuét leur Paella (qui eftoit le nom de cet exercice) venoit à eftre dangereule. I'ay veu auilï pluficurs fortes de dançes , efquel- les ils contre- faifoient,& reprefentoient certains meftiers&: offices,comme de bergers,laboureurs, pefcheurs, & cha{reurs,&: faifoient ordinairemec toutes ces dançes auec vnfon& vn pas fort pe- lant & fort graue. Il y auoit d'autres dançes ôc maicarades,qu'iisappclloient guacones,dont les mafques& les gpftes eftoient pures reprefenta- tionsdu diable. Il y auoit mefme des hommes qui dançoient fur les eipaulles les vnsdes autres en la façon qu'ils portent en Portugal, ce qu'ils ■ s mnn i HISTOIRE NATVRELLE appellent les Paellas. La plus grande partie de ces dances eftoient fuperftitions & efpeces d'idolâ- trie , pourçe qu'ils honoroienc leurs idoles Se GuacMS en cefte façon. Pour cefts occafion les Prélats le font efforcez de leur oller le plus qu'ils ont peu de ces dances, combien qu'ils les laiiîenc àcaulequ'vncparrienefont que jeux de récréa- tion , accroi{lre& d'illuftrer leur republique. Les barbares Chichimecas voyans ce qui paflbit , cô- mfccerent deprehdre quelque police,& à fe veûir, ayans honte de ce qu'auparauant,& infques alors ils n'auoient efte hôteux,& ayans perdu la crainte parlacommunicationdecesautrespeuplcSjCom- mencerét d'apprendre d'eux plufieurschofes>& faifoient défia leurs maifbnnectes , ayans quelque DES INDES. II V. V II. 3 01 police & gouuerncmct. Ilsefleurentauilidesfei- gneur$,qu'ils recognoiflbiwt pour chefs,& fupe- rieurs.au moyen dequoy ils fortircnt prefque en- tièrement de cefte vie bcftialle,toutesfois ils reft- doient toufîoursauxmotagnes, 8c en laSierrefe- parez des autres.Neantmoinsietiéspour certain que cefte crainte eft prouenuë des autres nations, &prouincesdes Indes, dont les premiers furent hommes fauuages, lefquels ne viuâs que de chatte entreient,penetrans les terres 8c pays fort afpres, defcouurans vn nouueau monde , 8c habitansen iceluy prefque côme belles fauuages, fans toi&s, 8c fans maifons , fans terres labourables , fans be- ftial,fans Roy, loy, ny Dieu, ny raifon.Du depuis quelques autres cherchans de meilleures 8c nou- uellcs terres, peuplèrent le pays fertile , introdui- fans vn ordre politic, & quelque façon deRepu- blique , encor quelle fuft fort barbare. Par apres ces mefme homes,où d'autres nations, qui eurent plus d'entendement 8c d'induftriequeles autres, Remployèrent à aiïubiectir 8c opprimer les moins puitlans , iufques à fonder dts Royaumes , 8c des grands Empires. Ainfî en aduint en Mexique , au Petu, 8c en quelque endroit où fe trouuent des ci- tez ,& des Republiques fondées parmy ces Bar- bares. Ce qui me confirme en mon opinion , la- quelle i'ay amplement defduitc au premier liure, que les premiers habitans des Indes Occidenta- les vindrent par terre, 8c que par confequent,tou- tc la terre des Indes fe continue, auec celle d'A- iîe, d'Europe, 8c d'Afrique, & le nouueau monde auec le vieil, (côbienque l'on n'ait encor defeou- uerc à prefent au^un pays qui touche 8c fe ioigne HISTOIRE NATVRELLE auec les autres mondes ) on que ('il y a mer entre de»x,elle eft eftroite,que les beftes fieies & fauua- ges la peuuent facilement palier à nàgc,& les ho- mes en de mefehans bafteaux. Mais lai'.làns cefte philofophie retournons à noftrehiftoire. De Idfortie des Mexiquains , de leur chemin , & du peuplement de ceux de jtfecbottdcan. ch A p. i III. *^>Rois cens deux ans après que les fix ligna- ■Ê.AJâ» ges lufdits furet fortis de leur pays pour peu- pler là neuFue Elpagne, le pays eftant délia fort peuplé & reduic à quelque forme de police , ceux de là feptiGlmc cauerne , on lignée , y arriuerent, qui eft la nation Mexiquaine,laquelle comme les autres, fortit de la prouince de Aztlan & Teuc.ul- huacan , nation politique,courtifane, & fortbel- liqueufe. Ils adoroient l'idole Vitziliputzli, du- quel a elle fait ample mention cy deuant,cx: le dia- ble qui eftoit en cet idole parloit & regifToit allez facilement cefte nation. Cefteidoledoncleurcô- manda de fbrtir de leur pays,leur promenât qu'il les feroit Princes & feigneurs de toures les pro- uinces qu'auoient peuplé les autres fixnationsj qu'il leur donneroit vne terre fort abondante , beaucoup d'or,d'argent, de pierres precieufes , de plumes, Se de riches mantes,(biuantquoy ils for- ment portans auec eux leur idole dans vn coffre de ionc,qui eftoit porté par quatre des principauj preftres, aufquels il fe communiquoit , & leur re- ueloit en fecret le fuccez de leur chemin & voya ge , les aduifant de ce qui leur deuoit aduenir. DES INDES. II V. VII. 303 leur donnoit mefmes des loix , & leur enfeignoit lescouftumes,ceremonies , &facr ifices qu'ils d e- uoientobfcruer. Ilsn'aduançoientnynefemou- uoient aucunement, (ans l'aduis Se commande- ment de cet idole. Il leur difoit quand ils deuoiét cheminer , & quand en queiquelieuiisdeuoient s'arrefter , enquoyilsluyobeilioientdu tout. La premierechofe qu'ils faifoiët,où que ce fuft qu'ils arrîuaiïènt, eftoit d'édifier vne maifon, ou taber- nacle,pour leur faux Dieu, qu'ils dreflbient touf- iours au milieu du camp , & y mettoient l'arche furvn autel ^elamcfmefaçon qu'on en vfe en la fain&e Eglife Chrcfticnne. Cela fait ils faifoient leurs iemencesdepain , &des légumes dont ils vfoient Se eftoient fi addonnez à l'obeiffancede leurs dieux,quei;il leur commandoit de recueillir ils recueilloient,mais s'il leur commandoit de 1c- uerle camp , tout demeuroit là, pour femence& nourriture des vieillards , malades Se fatiguez , qu'ils alloient lailîans à tout propos de lieu en au- trejafin qu'ils peuplaient. Pretédansparce moyé que toute la terre demeureroit peuplée deleur na- tion.Cette fortic Se peregrinatiô des Mexiquains, fembleraparauanturefemblable à la fortie d'Egy- pte^ au chemin que firent les enfans d'Ifrael,veu que ceux là comme ceux cy, furent adrrioneftez de fortir,& chercher la terre de promiiîion , Se les vns,& les autres portoient pour guide leur Dieu, confultoicntiarche,&luy faifoient tabernacle,&: il les aduifoit , leurs donnant des loix & des céré- monies ; Se les vns , &les autres confommerent vn grand nombre d'années fur ce voyage de leur terre promife,où l'on recogaoift delà renemblan-» mmmm HISTOIRE NATVRELI. E cedepluficursautreschofes,en ce que les hiftoi- res des Mexiquains racontent,&' ce que la diuine elcriture rapporte des Iiraëiites. Ecrans doute ceftvne choie ventable,que le diable prince d'or- gueil,i3eft efforcé par les fupcrftitions de celle na- tionale contrefaire &enluiureceque le tref-haur, & vray Dieu fit auecfon peuple. Car comme il a efté traitté cy dellus,Satan a vne çftrange enuie de fe comparer & s'egaller à Dieu, d'où cet ennemy mortel a prétendu faulfement vfurper la commu- nication3& familiarité qu'il luyapleu auoiraucc les hommes.S'eft il iamais veu diable,qui conuer - fait ainfiauec les hommes, côme ce diable Vitzi- lipuztli?L'on peut bien voir quel il eftoit, parce que l'on n'a iamais veu, nyouy parler, decouftu- mes plus iuperltiticufes , ny de facriflces plus cruels &inhuroains,que ceux que ceftuy enftigua aux liens.En fin elles furent inuentees par l'cnne- my du genre humain. Le chef 6: capitaine que ceux cyfuiuoient,auoit nom Mexi,d oùvincpar après le nom de Mexique,& celuy de fanatiô Me- xiquaine.Cc peuple donecheminant ainfî à loifir, comme auoient rait les lïx autres nations,peuplas & cultiuâs la terre en diuers endroits,dont y a en- cor auiourd'huy des appareces,&: ruines , & après auoir enduré beaucoup de trauaux & de dangers, vindret en fin arriuer en la prouince de Mecnoa- can , qui vaut autant à dire que terre de poilTbn, pour ce qu'il y en agrand' abondance en de beaux & grands lacs,où fe contentans de la fituation , & fraifchenrdelatcrre, ilss'y voulurent repofer ÔC arrefter. Toutesfois ayans confulté leur idole fur ccpoittil,& yoyiùi qu'il n'ea eftoitpas cctent,il DES INDES. LIV. VII. 304 luy demanderct qu'il leur permift à tout le moins d'y laifTer de leurs hommes^quipeuplalfent vne iî bonne terre,ce qu'il lcuraccordajleurenfeignant le moyen commétilsleferoienr. Qui fut comme les hommes & les femmes feroiententrez pour fe ba+grierenvn lac fort beau , qui s'appelloit Paf- cuaro, ceux qui refteroienc en terre leur defrobaf- fent tous leurs habits, &incontinentleuafTcntlc cap,& s'en allalTent fans faire aucun bruit. Ce qui fut ainfi fait , & les autres qui ne oenfoient en la tromperie, pour le contcntementqu'ils prenoict àfe baigner , quand ils forment & fe trouuerent deipouillcz de leurs habits,& ainfi moquez & de- laillczde leurs compagnons,ils demeurèrent fort mal contcs,& indignez de cela, de farte que pour faire demo.nftration de la haine qu'ils conçeuf enc contt*eux,ilsdifent qu'ils changerentdc faconde viure,voire-de langage. A tout le moins c'eft: vne choie certaine,que toufiours les Mechoacanes ont cité ennemis des Mexiquains, c'eft pourquoy ils vindrent congratuler le Marquis de Vallé,apres la victoire obtennë,quand il gagna Mexique. De ce qui arriua en lyîaîwdlc» , en TuU, {? en Chdpidtepcc. C H A P. V. flflftg L y a de Mexouacquan en Mexique, plus de SiS cinquate li eues, & fur le chemin cft Malinal- co,où il leur aduint, que fesplaignans à leur idole «Tvnefémc tref-gradeforcierc,qui venoiten leur compagnie, portant le nom de fœur de leur Dieu, pource que auec fes mauuais arts , elle leur faifoir appellee R9SHHMMMMI HISTOIRE NATVRELLE Acopilco, attendant ladeftruftionde fes enne- mis, & eux par l'aduis de leur idole allèrent con- tre luy,& le prenans au defpourucu le tuèrent , Se en apportèrent fe cœur à leur dieu , lequel com- manda qu'on le iettaft au lac. Et feignent que de là f'eft engendrée vne plante, appellee Tunal , où du depuis fut fondée Mexique. Ilsvindrentaux mains , auec lesChalcas, Ôc autres nations, & auoient les Mexiquains efleu pour leur capitaine, vn vaillant homme, appellcVitziloniliti,quien vne charge fut prins & tué par les ennemis , mais pour celales Mexiquains ne perdirent pas coura- ge ,ains combatans valeureiement , malgré leurs ennemis rompirent leurs eicadrons,&men;ms au milieu & corps de la bataille les veillards, fem- mes & petits enfans , palferent outre iufques à Atlacuyauaya,ville desCulhuas,lefquels ilstrou- uerent folemnifans vne fefte , auquel Heu ils le fortifièrent. Les Chalcas ny les autres nations, ne lesluiuirent plus, mais eftans defpitezde fevoir deffaits parvn fi petit nombrede gens , eux qui cftoient en fi grande multitude , fe retirèrent en leurs villes. De la guerre ejue les Mexicjuatns eurent contre ceux de CulhuAcan. CHAP. VI. Es Mexiquains , par le confeil de l'idole en- uoierent leurs meflagers,au feigneur de Cul- huacan, luy demandans vn lieu pour habiter, le- quel après enauoir communiqué auec les liens leur accorda ie lieu de Tiçaapan,qui fignifie eaucs DES INDES. LIV. VII. 306 blanches , en intention qu'ils fe petfdiflTent , Se y mouruflent tous, pouÇ autant qu il y auoit[ence lieu vn grand nombre de vipères, de couleuures, & d'autres animaux venimeux,qui fen gcndroiét en vne colline proche de là. Mais euxperfuadez, &enfeignezde leur diable, receurenc de bonne volon té , ce qui leur fu t offert , & adoucirent par art diabolique , tous ces animaux , fans qu'ils leur fiflTent aucun dommage,voire les conuertirenten viande, & en mangeoient à leur contentement & appetit.Cc que voyant le Seigneur de Culhuacan, & qu'ils auoient femé & cultiué la terre,il fe refo- lut de les reccuoir en fa cité, & de contracter ami- tié auec eux. Mais le dieu que les Mexiquains adoroient , (comme il a accouftuméde ne faire aucun bien finonpouren tirer du mal) dift à fes preftres , que ce n'eftoit là le lieu où il vouloit qu'ils demeuralfent , & qu'ils en deuoientfortir en faifant la guerre. C'eft pourquoy ils deuqient chercher vne femme,qu'ils nommeroiét la deefle dedifcorde,& pourtant ils aduiferent d'enuoier demander au Roy de Culhuacan fa fille , pour Roy ne des Mexiquains, & m ère de leurdieu,le- quel receut volontiers cefte ambalTàdc , & incon- tinent leur enuoya fa fille bien ornce&bienac- compagn ce. La mefme nuiâ: qu'elle arriua , par l'ordonnance de l'homicide qu'ils adoroient, ils la tuèrent cruellement. Et après l'auoir efeor- chee fort proprement comme ils fçauent faire, ils en veftirent de la peau,vn ieune homme, qu'ils couurirent par delîus des habillemens d'elle ,& de cefte façon le poferent auprès de l'idole , le de- dians pour dcefle & mère de leur Dieu , & touf- HISTOIRE NATVRELLE iours depuis l'adorerét,en failans vue idole , qu'ils appelloicncToccy , qui v eut dire noftreayeule. Non côntens de cefte cruauté ils inuiterent mali- cieufemenc le Roy de Culhuacan.pcrede la ieune ftlle,dc venir adorer (a fille, qui eltoit défia confa- cree deeflTe lequel venant,aucc de grands prefens & bien accompagné des liens , tue mené en vne chappclle fort obicure, où eftoit leur idole , afin qu'il, offrit lacrificeà fa fille, quieftoiten ce lieu. Mais il arriua que l'encés,qui eftoit en vn brafier, ôc foiïyer, félon leurcouftume, s'alluma de forte que par cefte clarté, il recogne ut le poil de fa fille, & ayant par ce moyen dcfcouuert la cruauté, & la tromperie/ortitdelàs'efcriant hautement, puis auec tous fes gens frapa finieufement fur les Me xiquains,iufquesàlcs faire retirer au lac , tell cm et quepeu s'en fallut qu'ils ne s'y noyaiïcit.Les Me- xiquainsfe defTcndoicnt, icttans certaines dardil- les,dont ils fefèruoient àiagucirejdel.quelsilsof- fençoient beaucoup leuvs ennemis. Mais en fin ils gaignerent terre, & delaiifans ce lieu là (en allcrcc coftoyanslelac,fort harafîez& moui'lez,lcs ; fem- mes & petits enfanspleurans & icttans de grands cnsconcr'eux cV contre leur dieu , qui les auoic mis en telles dcftrefiTcs. Ils furent contrains de palFervne riuiere,qui ne le pouuoit gueyer, c'eft pourquoyilss'aduiferentdefaicede leurs rondel- les^ de ioncs certains petits bateaux, efqueis ils palïerent.Puis après en tournoyant, eftans partis de Culhuacan,arriuercnt à Iztacalco,&finalemét au lieu, où eft auiourd'huy l'Hermitefainct An- thoineà l'entrée de Mexique,& au quartier qu'ils appellent auiourd'huy (aind l'aul^pcndant lequel DES INDES. L IV. VIT. 3 OJ temps leur idole les confoloit en leurs trauaux, 6c les animoic , leur faifant promefles de grandes chofes. De la fondation de Mexique*. • CH^P. VII. fâtt E temps eftant défia venu,que le père de me- GSâf fongedeuo;taccôplirlapromeflequ'ilauoit faite àfon peuple , lequel ne pouuoit plus fuppor- ter tant de tournoyement, de trauaux , & de dan- gers, aduint que quelques vieillards preftres , ou iorciers,eftas entrez dans vnlieu plein de glaïeuls cfpais rencontrèrent vn cours d'eauë fort claire & belle, qui fembloit argentée, & regardansàl'en- tour,veirent que les arbres, le pre,ks poilfons, 6c tout ce qu'ils regardoienteftoit fort blanc. Eftans eimerueillez de cela, il leur fouuint d'vne prophé- tie de leur dieu , par laquelle il leur auoit donné cela pour fîgnal, du lieu oùilsfedeuoient repo- fer,& fe faire Seigneurs des autres nations. Alors pleurans de ioye,retournerent vers le peuple auec ces bonnes nouuelles. La nuictenfuyuante Vitzi- liruztîi (7apparuten fonge à vngreftrc ancien , & lu y di(t,quJils cherchaient en ce lac vnTunal,qui naiiîoit d'vne pierre ( qui eftoit à ce qu'il luy dift, 1-e lieu mefme, où par (on commandement , ils auoient itté lecceur deCopil rils de la forcierc, leurennemy.) Et que furceTunal,ils verroient vn aigle fort beau, quifepaifïoitlà, de certains beaux petits oifeaux,& que quad ils verroiet cela, qu'ils creuffenc que c'eftoit le lieu où leur cité de- uoit eftre baftie , laquelle deuoit furmenter les q iij HISTOIRE NATVRILLE autres, & eftre remarquable au monde. Le matin venu le vieillard afTembla tout le peuple, depuis le plus grand , iufques au plus petit, & leur fie vne longue harangue,fur le fuject de la grande obliga- tion qu'ils auoient à leur dieu,& de la reuelation, queluy indigne en auoit eue' cette nuic"ï, concluît que tous deuoient fe mettre à rechercher ce bien heureux qui leur eftoit promis. Ce qui cau- fa telle deuotion , & allegrefle à tous, que fans di- layer ils fe mirent incontinent à l'entreprife , & fe diuifansen bandes commencèrent à rechercher, fuiuant les fîgnes de la reuelation , ie lieu deiïré. Parmy l'efpaifleur des iôcs & glaieuls de ce lac, ils rencontrèrent ce iour là le cours d'eauë du iour de deuant, fort différent toutesfois , d'autant qu'il «'eftoit pas blanc , mais vermeil comme fang, le- quel fe feparoit en deux ruilfeaux, dot il y en auoit vn qui eftoit de couleur azurée fort obfcure,ce qui les fit beaucoup efmerueiller , & dénota vn grand myftere à ce qu'ils difoient. En fin après auoir beaucoup cherché ça & là, apparut leTu- nal , naiffant d'vne pierre , fur lequel il y auoit vn Aigle Royal, ayant les aifles ouuertes & eften- dué's , tourne deuers le Soleil , en receuant fa cha- leur. Alentour de cet aigle, il y auoit beaucoup de plumes riches blâches, rouges, jaulnes, bleues, ôc vertes, de la mefme forte de celles dont ils font des images, lequelaigle tenoit en fes griffes vn fort bel oyfeau. Lefquels le veircnt,& recogneu- rentquec'eftoit le lieu, qui leur auoit efté prédit parloracle.ils f'agenoiïillerent tous faifans gran- de veneratiô à l'aigle, laquelle leur inclina la tefte, en regardant de tous coftez. Il y eutalors de gtads - DES INDES. LIV. VII. 308 cris & démonstrations, & actions de grâces au createur,& à leur grand Dieu Vitzilipuztli,qui en tout leur eftoit pere,&leur auoit toufiours dit vé- rité. Ils appellerent pour cefte occafion la cité qu'ils fondèrent là Tenoxtiltan , qui lignifie Tu- nal en pierre , & iufques auiourdnuy ils portent en leurs armes vn aigle fur vn Tunal , aucc vn oi . feau en vne griffe , & affis de l'autre fur vn Tunal. Le iour fuiuant par la commune opinion ils firent vn hermitage ioignant le Tunal de l'aiglcafin que l'arche de leur dieu y repofàft , iufques à ce qu'ils euflentle moyen de luy faire vn fomptucux tem- ple , cVainfi firent cet hermitage deguazons& de mottes qu'ils couurirent de paille , puis a- pres ayans confultè leur dieu , ils délibérèrent d'acheter de leurs voifins de la pierre, du bois & de la chaux, en troc de poifïbns , de grenouilles & de cheurettes , mefme auffi de canards , poulies d'eauë,courlieux &autres diuers genres d'oifèaux marins. Toutes lefquelieschofesilspefchoient & chaflbient auec grande diligence en ce lac , au- quel il y en a en grande abondan ce. Ils alloient auec ces chofes es marchez des villes & citez des Tapancquas, & de ceux de Tezcuco leur circon- uoifins, &auec beaucoup d'artifice aflemblerent peu à peu ce qu'ils auoient de befoing pour l'é- difice de leur cité : de forte qu'ils battirent de pierre & de chauxvne meilleure chappelle pour leur idoIc,& s'employeret à remplir auec des pio- ches & du bloc , vne grande partie de ce lac. Cela fait l'idole parla vne nuicl: à vn de Ces preftres en ces termes : Dy aux Mexiquains que les feigneurs fe ditrifent chacun atteefes parens & amis ,& qu'ils fe Cj iiij MHHHl BUS msssss ■ HISTOIRE NATVUL'U feparent en quatre quartiers principaux à l'entour de la maifon que m'ayez faite pour won repos^ & que (ha - que quartier édifie enjbn quartier félon fa volonté. C e qui fut mis en exécution , &r ceux là l'ont les qua- tre quartiers principaux de Mexiquc,que l'on ap- pelle auiourd'huy Sainâ Ican , Safnaé Marie la Ronde , SainctPaul, &. Saincl Sebaftien. Apres celâtes Mcxiquainscftâsainfidiiiifezcn ces qua- tre quartiers , leur Diçu coMinanda qu'ils repar- tirent entt'cuxlcs dieux qu'il leur declâVêroît^ Se qu'ils nommaient à chaque quartier principal des quatre d'autres quartiers particuliers où. leurs dieux fullent adorez. Par ai n ri fous'enacun de ces quatre quartiers principaux ily en auoit plùiîcurs petits qui eftoient comDrins félon le nombre des idoIeSjqueleur dieu leur commanda d'adorerjej- quels ils appellcrent Calpultetco, qui vaut autant à dire que dieu des quartiers. En cefte manière la cité de Mexique Tcnoxtiltan fut rondcc,& vint à grande auïzmention. D e lafedttiondc ceux de fin clulro^cjr duprunnr B^oiqueles Mexiquatns e(l:urcnt . c h A P. v i r r. ^ Este diuifion des quartiers eftantf.iiétc en la l'ordre dcffufdit, quelques vieillards & an- ciens curent opinion qu'au departemét des lieux, l'on ne leur auoit pas porté le rcfpeir. qu'ils meri- toient, pour cède occafîôn eux & laursparens fe mutincret & allèrent rechercher vne nouuellc re- iiuence:o\: comme ils alloient par le lac ils trouue- rent vnc petite terre ou terràlîc qu'ils appellent DES INDES. LIV. VII. 309 Tlotelolivoùilspeuplererir5luydonnanslenom de Tlate'llulco , qui e(l à dire lieu de ter rafle. Ce- lafut la troifiefme diuifion des Mexiquains , de- puis qu'ils partirent delenr pays : celle de Me- chouacan ayant efté la premiere,& celle Maimal- co laieconde. Ceux-là qui (è feparerent-& l'en allèrent en Tlatellulcoéftoient des hommes re- nommez & d'vn mauuais naturel :parainfiilse- xerçoient entiers les Mexiquains leursvotfins, le pirevoifinagequ'ilspouuoient. Ils onteu touf- iours des débats contr'eux , 5c iufques àuiour- d'huy durent encor leurs inimitiez 8c liguesan- ciennes. Voy'ans donc ceux de Tenoxtiltan , que ceux de Tlatellulco leur eftoientfort contraires, Se qu'ils altoient multiplians, euret crainte qu'a- ucc le temps ils ne vinlfent aies furmOnter,& fur cetlarïaire f'âfî'emblerent en confeil , où ilsadui- ferent qu'il eitoitbon d'eflirevn Roy , auquel ils obeyflent , &quifu(l craint de leurs ennemis, d'autant que par ce moyen ils feroient plusvnis 8c plus forts entr eux, 8c les ennemis nefehazar- deroient tant en leur endroict. Eftans ja délibé- rez d'eflirevn Roy,ilsprindrent vn autre aduis fort vtile& afleuré,de ne l'eflue point d'en tr'eux, poureuiter les diiîèntions, 8c pour gagner auec le nouueau Roy quelqu'vne des autres nations voifîneSjdefquelles ils fe voyoient circuits, 8c eux deftituez de tout fecours. Tout confiderc , tant pourappaifer le Roy de Culhuacan, qu'ils auoiêt grandement offenfé , ayans tué& efeorché la fil- le de fon predecefleur , 8c luy ayans faitvne fî lourde moquerie, commemefme pour auoirvn Roy qui fuft de leur fàng Mexiquain , delà gène- 1 HISTOIRE N:ATVRELI, E ration defquels il y en ai\oit beaucoup en Cul- huacan ,' qui y reftoientencor du temps qu'ils vefcurent eh paix auec eux , ils arrêtèrent defli- m repour Roy vu ieune homme appelle Acama- pixtli , filsd'vn grand Prince M exiquain,&dV- ne Dame fille du Roy de Culhuacan. Inconti- nent ils luy enuoycrent Amballadeurs auec vn grand prefent pour demander ceft homme , les- quels firent leur ambaiïade en ces termes : Grand Seigneur y "Rous autres vos vaffiux & ferutteurs > les "Mexiquains mis & reffere^ dedans les herbiers ejrre- feaux du foc , feuht 0r de lut [fez; de toutes les nations du monde ; mais feulement conduicis & acheminc\par no - slrcDieuauheu oufommes , qui tombe en la iurifdi- Fiion de vos limites d'^îfcapufalco & de Tefcuco : ores que vous nousaue^ permis désire & de demeurer en iceluy , nous ne voulons point ny ri eft pas raisonnable de viuxcfanscbcfcjr fans Seigneur qui nous commande \ nous corrige <& gouuerne , nous injlruifant en n&Brc fa- çon de viure, & nous deffende de nos ennemis. 'Partant nous venons a vous , feacbans qu'en voflre Cour & mai- fon il y a des enfans de noBre génération , apparente^ & allier, auec la voflre , qui font fovtis de nos entrailles & des voflrcs , de noflre fan<^ & du voflre , entre lefqucls nous auons cognoifjance d'vn petit fils voftre& noflre, appelle \sicamapixtli.Hous vous fup piton s donques vous nouslcdonnie^ pour Seigneur , lequel nous eflimerons comme il mente , puis qu'il efl de la lignée des Seigneurs "Mexiquains ù4 des B^ois de Culhuacan. Le Roy ayant mis l'affaire en délibération , ôc trouuant que ce ne luy eftoit point chofe mal à propos de Pallier auec les Mexiquains qui eftoient vaillas,leur ref- pondit qu'ils menaient fon pcîitfilsa la bonne DES INDES. LIV. VII. 310 heure, combien qu'il adioufta que fï c'euft efté v- ne femme qu'il ne leur euft pas baillée , fignifiant l'acte fi énorme raconté cydeflus, & acheuafon difeours en difânt: S'en aille mon petit fils , qu'il férue vo flre Dieu, & foitfon Lieutenant, qu'il régi fjè & gou- tter ne les créatures de celuypour qui nota yiuos,feigneur de la nutcl, du iour, <& des -vents , qu 'il aille &foit fei- gneur de l'eauè & de la terre , <& qu'il poffede la nation Tttcxiquatne , emmené^- le à la bonne heure , & *ye\ le foing de le traitter comme fils & petit fils mien . Les Mcxiquains luy rendirent grâces, Se tout enfern- ble luy demandèrent qu'il le mariaft de fi main,à raifon dequoy il luy donna pour femme vne Da- me des plus nobles d'entr'eux. Ils menèrent le nouueau Roy &la Royne auec tout l'honneur qui leur eftoit poffible , & leur rirent vne folem- nelle réception , fortans tous iufques aux plus petits , à voir le Roy , lequel ils menèrent en des Palais, qui pour lors eftoient allez pauures. Et les ayans aUîs en leurs throfncsRoyaux,incontinent fe leua vn de Tes vieillards & Rhctoriciens qu'ils eftimoient beaucoup, qui leur parla en cette ma- n i ère : M on fils ,feigneur & J{*y noBre , tu fois le bten ■venu a ccîlc panure maifon & Cité , entre ces herbiers Cr fanges ou tes pauures pères , ayculs <& par eus endu- rent ce quefeait le Seigneur des chofes créées. Regarde fcigneur,quetu -viens icy pour eBre ladeffence, l'ombra- ge & l'abry de cefte nation "Mexiqutine , 0e pour eflrc la. reffemblance de nofire Dieu VitTJdipwzfli , ïToccafion dequoy le commandement & iurifdiclion t'eB donné. Tufçais que nous ne fommes point en nofire pays , puis que la terre que nous poffedons auiouriïhuy efteTautruy, &nefçano,s ce qui fer a de nom demain ou yn autre tour: HSSSMB HHBHHH ■ HISTOIRE NATVRELLE par ainficonjidere qtietu nvyiens point pour te rcpofèï ny recréer , nuits plujfofl pbàr endurer va nouucau tra- vail eh vue charge fi pefante , qui te doit 'toujtours faire irauadler-.ef' .vit efiiiuc de toute cefle multitude qui t'ejt tombée en fort , es de tout ce prit pie circonuoijin , lequel in d'jil'S nu-tire peine de h- gratifier ,£■' lefttdr e cotïtctis, pu: s que tu fiais que no}/ s xi iïorts en leur y terres , Ç? de d.ms leurs' limites. Et achcua répétant ces mots:?"// fois le bien venu , ïôy & lit /; o\ ne no'lre tnaiftrefjea et fitty xonrcV\o*;aunie.Tz\\<: fût l'a harangue du vieil- lard, lâ'q'uclle (^ les autres harangues que celé brerit l'es Mexiqnaines}lesenransauoientaccou- {luméd'nprendre p;ir coeur , & ainfi fe conferue- rent par tradition , ex y en a quelques vnés d'i- cellès'qtiimcncct bien d'eftre rapoi'tëes en leurs propres termes-. Le Rôy leur refpondit en les re- merciant, & leur offrant fa diligence, A" foucy à les défendre, & ton ayde en tout ce qu'il pour- roit. En après ils luy rirent le fer m eiVt ',& luy mi- rent félon leurmodela couronne Royale fur la t'eftc,qui eft femhiabl'c à la couronne de l'aie} gneunede Veniic. Lé nom d'Acamixtli premier Roy, figni fie poignée de rofeaux: c'eft pourquoy ilsportenten leurs armes vue mairi tenant plu- fîcuis fageues de ro'feau. De tefîran^e tribut que h s 71 Icxiquains payaient a ceux d\A\cap::7xa'uo. ■ c H A P. IX. £r£tf Es Mexiquains rencontrèrent fi bien en C^â'l'eilecliondeleurnouueau Roy, qu'en peu ce temps ils commencèrent,} prendre forme c u DES INDES. LIV. VI. . 3 I 1 République, 6c à fe faire renommer parmy les étrangers, à caufe dequoy leurs voifins meuz d'ejnuje &" de crainte traiuerent dclesfubiuguer, (pecia'emenr les Tapanecas , qui auoient pour Cité Métropolitaine Azcapuzalco , aufquelsles Mexiquains payoiem tribut comme hommes venus de dehors, & demeuransen leur terre: car le Roy d'Azcapuzalco craignant leur puilFance qui alloitcroitîànt, voulut opprimer les Mexi- quains, ÔY en ayant délibéré auec les liens enuoya dire au Roy Acamixtli que c'eftoictrop peu de choie que le tribut ordinaire qu'ils luy payoient, ik que de Iàenauant ils luy deuoient aufïi appor- ter des fa pins Se des faux pour les édifices de fa cité , & outre cela qu'ils luy deuoient faire vn îar- din en Teau'ë , femé dediuerlcs herbes cm de légu- mes, & luy deuoient amener pareaue, ainu* ac- commodé par chacun an ,fansy manquer : que Cils y failloient , il les declareroit fes ennemi s,C\T les.raferoit du tout. Les Mexiquains receurent beaucoup d'ennuy & de fafcherie de ce comman- dement, tenant pour choie impofïible ce qu'il leur demandoit, & que ce n'eftoit autre chofe que de chercher vue occafion pour les ruyner: mais leur Dieu Vitzilipuzth les confola , ("appa- roiffantceftenuiclià vn vieillard, auquel il com- manda qu'il did de fa part au Roy Ton fils qu'il ne fift point de difficulté d'accepter le tribut,& qu'il leurayderoittScrendroit le tout facile: ccquiad- uint depuis. Car edant venu le temps distribue, les Mexiquains portèrent les arbres que l'on leur auoit commandé , & qui pluseft,leiardinfaiten l'cau'ë , & porté en icellc a auquel y auoit beau- : 'HH HH HISTOIRE NATVRELLI coup demays , qui eft leur bled défia grenc auec lesefpics. Il y auoit aufïïdu chilli ou axi , des blettes,tomates3 frifolles, chias,courges,& beau- coup d'autres choies toutes parcreuës ô\renleur faifon. Ceux qui n'ont point veu lesiardinsqui fe font au lac en Mexique au milieu de l'cauë , ne croiront,& tiendront pour contes ce quei'efcris, ou i'ils le croient , ils diront que c'eft vn enchan- tement du diable qu'ils adoroient . Mais reale- ment& défait ceftchofe fort faifable , Scafon veu plufieurs fois faire de ces iardins mouuans en i'eauë.Carilsiettentdelaterre deilus du ionc& du glayeul,d'vne telle façon qu'elle ne fe défait point en l'eau'ë , & fement & cultiuent cette ter- re: de forte que le grain y croift Se meurit fort bien. Puis après ilsTenleuentd vn lieu en autre. Mais il eft bien vray que de faire facilement ce iardingrand,& que les fruicts y croiflentbien, eft chofe qui fait iuger qu'il y auoit du fait de Vit- zilipuztli, lequel ils appellent autrement Patil- las , principalement n'en ayant iamais fait ny veu defemblables. Le Roy d'Azcapuzalco fefmer- ueilla beaucoup quand il vcit accomply ce qu'il auoit tenu pour impofïible , Se dift aux fiens que ce peuple au oit vn grand Dieu qui leur rendoie toutfacile,difantauxMexiquains que puisque leur Dieu leur donnoit toutes choies parfaites, qu'il vouloit que l'année enfuiuant au temps du tribut , ilsluy apportaient dans le iardin vne ca- ne &vn héron auec leurs oeufs couuez, qui de- uoient eftre de telle forte qu'elles efclouillent leurs petits en arriuant , fans y faillir aucune- ment, iur peine d'encourir fon indignation. Les DES INDES. LIV. VII. $lt Mexiquains furent fore troublez & triftes d'vn fi fuperbe &difficile commandement qu'illeui; fai- foit: mais leur Dieu, comme il auoit accouftu- mc , les conforta de nuict par vn des fiens, & leur dift qu'il prenoit tout cela en (à charge , qu'ils ne perdirent point courage, mais qu'ils creuflent pour certain qu'il viendroit vn temps que les Az- capuzalcospayeroientde leurs vies cesdefîrsde nouueaux tributs. Le temps du tribut eftant ve- nu , comme les Mexiquains portoient tout ce que l'on leurauoitdemandcdeleurs iardinages, l'on trouuaparmy les ioncs & glayeuls du iar- ùin,fans fçauoir comme ils y eftoient demeurez, vnecane& vn héron couuans leurs œufs, &che- minans ,arriucrentàAzcapuzalco, où inconti- nent leurs œufs furent efclos. DequoyleRoy d'Azcapuzalco eftant efmerueillé outre mefure, dift derechef, aux fiens que ces chofes eftoient plus qu'humaines , & que les Mexiquains com- mençoient comme pour fe faire Seigneurs de toutes ces Prouinccs . Ncantmoins iïdiminua aucunement l'ordre de ce tribut , Se les Mexi- quains , pour ne fe trouuer aflez puiffans , endu- rèrent & demeurèrent en cette fubieéfcion & fer- uitude l'efpacc de cinquante ans . En ce temps le Roy Acamapixtli mourut , ayant augmente fa Cité de Mexique de piufieurs édifices, rues, conduids d'eauës, & de grande abondance de munitions , Il régna en paix & repos quaran- te ans, ayant tounours efté zélateur dubien& augmentation de fa Republique . Comme il cftoit proche de fà fin , il fit vne ehofe mémo* rable , qui fut qu'ayant des enfans légitimes , HISTOIRE .NATVmJiE aufquelsileuftpculailîerlafucceiTîonclu Royau- me, loeantmoins nele voulut pas faire, mais au contraire, il dit librement à la Republique,que comme ils l'auoient librement efleu, ainli qu'ils efleulientceluy qui leur (embleioit cftre le plus propre pourleur bon gouuernement, les admo- neftant qu'en ce faifant ils eullcnt efgard au bien de la Republique, & fe monftran t taichc de ne les lai (1er libres du tribut & fubie&ion , trefpalfa, leurayant recommandé fa femme & fesenfans, ôc tailla tout Ton peuple defeonforté pour fa mort. Du fécond l{oi , &■ de ce qut admu: en jon règne. CHAT. x. £3-£j E s obfeques du Roy defuncl: acheuces , les Ç*& anciens, les principaux du Royaume , &c quelque partie du peuple f'alîêmblerent pour e(- lirevn Roy, où le plus ancien propola la necef (îté en laquelle ils eftoient, & qu'il conuenoit ef- hre pour chef de leur Cite vnepeifonnc quieuil pitié des vieillards ,des femmes veufues , £■: des orphelins , &quifuft père de la République, pource qu'ils deuoient élire les plumes de fes ail- les, les fourcils de fes yeux, & la barbe de fou vi iàge : qu'il elloit necefTaire qu'il fuft. valeureux, pource qu'ils auoientbefoing de bien-toftfepre- ualoir de leurs bras, félon que leur auoit prophe- tifé leur Dieu. Leurrefolution en fin fut d'eflire pour Roy vn fils du prcdeceiîeur , vfans enuers luy d'vn aufïï bon ofuce , en luy donnant Ton fils pour DES INDES. I1V. VII. 3 I 3 pourfuccefTeur, comme il fit enuers Ql Répu- blique, fe confiant cnicelle. Ce ieune homme f*apqelloit Vitzilouitli , qui fignifie plume riche, ils luy mirent la couronne Royale & l'oignirent commeils ont accouftumé de faire à tous leurs Rois, auecvne onction qu'ils appelloient diui- ne, d'autant que c'eftoit la mefmc onction , de laquelle ils oignoient leur idole. Incontinent vn Rhetoricien fit vne élégante harangue, l'exhor- tant d'auoh bon courage pour les tirer des tra- uaux , feruitude & mifere , efquelles ils viuoienr, eftas opprimez des Azcapuzalcos, & icelleachc- uee tous luy firent l'hommage #: la recognoiiTàn- ce. Ce Roy n'eftoit point marié , & Ton Confeil fut d'opinion qu'il ieroit bon de le marier auec la fille du Roy d' Azcapuzalco , afin de l'auoir pour amy , & d'obtenir par cefte alliance quelque di- minution de la pefante charge des tributs qu'il leurimpofoit, combien qu'ils eurent quelque craindre qu'il ne defdaignaft de leur donner (à fil- le, à caufe qu'ils eftoient les vaiïaux: toutesfoislc Roy d'Azcapuzalco T'y accorda, après qu'ils luy curent demande fort humblement, ôc auec des paroles honneftes, lequel leur donna vne fienne fille appellee Ayanchigual, laquelle ils menèrent auec grande fefte & renouyflancc en Mexique,& firent la cérémonie Se iolemnité du mariage , qui eftoit d'attacher & noiier vn coing du manteau de l'homme, auec vn autredu voile delà femme en fîgne de lien de mariage. Cefte Royne engen- dra vn fils, le nom duquel ils furent demader à Ton ayeul, le Roy d'Azcapuzalco, & jettans les forts comme ils auoient accouftumé , (pourec qu'ils r HISTOIRE NATVRHI, E obfèruoient fort les Augures , principalement fur le nom de leurs enfans) il voulut que fonpe- titiîls fappellaftChimalpopoca,qui fignifie ron- delle qui iette fumée. La Royne fa fille voyant le contentement que le Roy d'Azcapuzalcomon- ftra de ce petit fils , print de là occafion de luy dé- nuder qu'il luy pleuft de foulager les Mexiquains de la charge fi pefante des tributs,puis qu'il auoit défia vn petit fils Mexiquain, ce que le Roy fit de bonne volonté, parle Confeil des riens, leur laiflànt au lieu du tribut qu'ils payoient vne fub- iection de luy porter chacun an vne couple de ca- nards & des poiflons, en recognoillance qu'ils e- ftoient fes fubjedts , & qu'ils habitoient en fa ter- re. Par ce moyen les Mexiquains demeurerct fort foulagezcVcontens , mais le contentement leur dura bien peu , pource que la Royne leur prote- ctrice mourut peu de temps après, &" l'année en- fumante mourut aufïi le Roy de Mexique,Vitzi- Iouitli,lailîant fon fils Chimalpopoca,aagé de dix ans. Il régna treizeans , & mourut aagé de trente ans , ou peu plus. Il fut tenu pourvn bon Roy & diligent au feruice de fes dieux,defquels ils auoièc opinion que les rois eftoient les rehTemblances,&: que l'honneur que l'on faifoit à leur dieu , fefai- foit au roy,qui eftoit fa femblace.C'eft pourquoy les rois ont efté fi affectionnez au feruice de leurs dieux. Ce roy fut curieux de gaigner les volontez de fes voifins, 6c de trafiquer auec eux, enquoy il augmenta fa citc,faifant que les liens 9 exerçaient en ch'»fesdeguerre,parmy le lac , préparants & difpofans les homes, pource qu'ils pretendoient obtenir, comme bien-tofl: l'on verra. DES INDES. LIV. VII. 3*4 Du troificfmc J{oy Cbimalpopsca , de fa cruelle mi»t3 eydc'îoccafion de ht guerre que firent les l)lexiquains. C H A P. XI. ft^Es Mexiquains pour fuccefleur du Roy mort , efleurent ion fils Chimalpopoca,par vnmeuraduis &c délibération commune, encor qu'il ne futqu'vn entant de dix ans, ayans opinio qu'il eftoit touliours neceflaire de conferuer la grâce du roy d'Azcapuzalco , enfaifantfon petit fils roy. Par ainfi ils le mirent en fon throfne, luy donnant des enfeignes de guerre auecvnarc, ôc desflefchesen vnemain , ôc vneefpeederafoirs (dont ils ont accouftuméd'vfer) en la droicte,fi- gnifians par cela, comme ilsdifent, que par les armes ils pretendoient le mettre en liberté. Ceux de Mexiqueauoient grande difette d'eauë, pour- ce que celle dirlac eftoit bourbeufe& fangeufe,& par confèquent mauuaifeà boire,pour à quoy re- médier, ils firent que le roy enfant enuoyaft de- mander à fon ayeul3le roy d'Azcapuzalco , l'eauë de la motagne de Chapultepec, qui e(l à vne lieue deMexique,commailaeftéditcy dellus,ce qu'ils obtindrent facilement,&par leur diligence firent vn aqueduc, de fafcines,glayeul , ôc gafoi^par le- quel ils firent ven ir l'eauë en leur cité. Mais d'au- tant que la cité eftoit fondée fur le lac,& que l'a- queduc le trauerfoit,il fe ropoit en beaucoup d'é- droi ts,& ne pouuoiet f'efiouir de l'eauë, eôme ils dcfiroiët & auoient de befoing.Sur cefte occaiio HISTOIRE NATVRELLE foit qu'ils la recherchaient tout exprés , pour quereller les Tapanecas , ou fuft qu'ils {"cimcuÊ- fent fur peu d'occafion; en fin ils enuoyerent vne embatfadeau Roy d'Àzcapuzalco , fort refolu'c, difans qu'ils ne pouuoieut t5accômoder de l'eauë, dont il leur auoit fait grâce, à caufc que le canal f'eftoit rompu en beaucoup d'endroits, partant luydcmandoient qu'il les pourueuft de bois , de chaux & de pierre , Se qu'il leur enuoyaft Ces ou- uriers , afin que par leur moyen ils fillent vn ca- nal de pierre & de chaux qui ne Te peuft rompre. Ce meffage ne pleut gueres au Roy , Se encor moins aux fiens , leur lcmblant que c'eftoit vn meflage outrecuidé , & des propos fort infolens, pour des valîaux à l'endroit de leur Seigneur. Les principaux du Confeil doneques eftans indignez décela ,difoientque c'eftoit défia beaucoup de hardiede , puis que ne fe contentansdeeeque Ton leurauoit permis de demeurer en terre d'au- truy, Se qu'on leur auoit donné de l'eaue* , ils vou- loient d'auantage que Ton les allaft feruir. Quelle chofeeftoit cela,&dequoy prefumoitvnenatiô fugitiue& enferreeentre les bourbiers,qu'ils leur feroient bien entendre i'ils eftoient propres pour eftre ouuriers , Se que leur orgueil fabbaifleroit, en leur oftant la terre Se la vie. Sur ces termes & colère ils fortirentjlaillàns le Roy , lequel ils a- uoientyn peu pour fufped , à caufe du petit fils. Eteuxfèparement concilièrent de nouueau ce qu'ils deuoient faire, où ils délibérèrent de faire crier publiquement que nul Tapanecquaeuftà trai&er , ny faire commerce auec aucun Mexi- quain , qu'ils nallailcnt en leur Cité , &nc les DES INDES. LIV. VII. 31? receuflentenlaleur, fur peine de la vie. Par où l'on peut entendre que le Roy ne commandoie pas aDiblucment fur ce peuple, &r qu'il gouuer- noit plus en façon de Conful ou de Duc , que de Roy,combien que depuis auec la puiflfance f aug- menta auflï le commandement des Rois,iufques à deuenir Tyrans parfaicts , comme l'on verra aux derniers Rois. Car ça efté toufîours vne cho- fe ordinaire entre les barbares, que telle qu'a efté la puifTance, tel a efté le commandement , voire en nos hiftoires d'Efpagne fe trouue en quelques Rois anciensla façon de régner, dont cesTapa- necas vferent. Et les premiers Rois des Romains furentdemefme,fauf que Rome ,des Rois dé- clina aux confuls Se vn fenat , iufques à ce que du depuis elle vint à la puilTànce des Empereurs. Mais ces barbares de Rois modérez déclinèrent à Tyrans. Et eftant l'vn & l'autre gouuernement, le meilleur & plus feur , cft le règne modéré. Or retournait* à noftre hiftoirc,le Roy d'Azcapu- zalco voyant la délibération des fiens , qui eftoit de tuer les Mexiquains, les pria que première- ment ils defrobaffentfon petit fils leieuneRoy, êc après qu'ils fifTent aux Mexiquains ce qu'ils voudroient. Prefquetousfaccordcrent en cela pour donner du contentement au Roy, &pour la pitié qu'ils auoient de l'enfant,mais deux prin- cipaux y contredirent bien fort , affermansque c'eftoit vn mauuais confeil, poureeque Chimal- popoca, bien qu'il fuft de fon fang,eftoit du cofté de la mère, & que le cofté du père deuoit eftre préféré. Parquoyils conclurent que le premier qu'il conuenoit tuer > eftoit Chimalpopoca» ï iij HISTOIKE NATVRELLE Roy de Mexique , & protefterent d'ainfi le faire. Le Roy d' Azcapuzalco fut fi fafché de celle refi- ftance qu'ils luy firent , & du confeil & refolu- tionqu'iIsprindrent,quc de là à peu de temps, de douleur & de defpit il tomba malade, dont il mourut. Par lamortduquelles Tapanecas C'a.- cheuans de refoudre, commirent vne grande tra- hifon. Car vnenuiclle ieuneRoyde Mexique dormant (ans garde & fans fe douter de rien, ceux d'Azcapuzalco entrèrent en fon Palais ,& le tuè- rent foudainement,f en retournans fans élire ap- perceus. Le matin venu que les nobles de Mexi- que furent faluerle Roy comme ils auoient ac- coutumé, ils le trouuerent mortauec de cruel- les blefleures, ôc lors ils feferierent , efleuans vn pleur qui remplit toutelacité, & tousaueuglez de colère fe mirent incontinent en armes , pour venger la mort de leur Roy. Comme ils mar- choientdefiapleinsdefureur&fans ordre, leur lord t au denant vn des principaux Çheualiers des leurs, tafehant de les appaifer par vne fage re- monftrance. Quaïïe\vous (dit-il) oMcxiquainsjrc- pofa vos cœurs , regarde^ que les ebofes qui font faites fans confidcration , ne font pas bien conduittes, n'y n'ont pointde bon. fucce^. I{eprime7[ vofîre douleur , conjide- rans qu'encor que vofîre l{oy foit mort , tilluflre fang des Mexiquains n'eftpas fîny en luy . "Kous auons des en fan s des P^ois dejfun&s , par la condmtte defquelsfuc- cedans au T\oyaume%vous fere-^ mieux ce que prétende^ ayans vn chef qui vous guide à vojlrc entreprife.U'aUe^ pas ain(îaueuglc\ , déport e^-vous , & eflife^ premier e- ment yn V^oy , & feigneur quivous guide , & encoura- ge contre vos ennemis. Cependant aifsimu\c\ diferette- DES INDES. LIV. VII. 3 I 6" mentyfaifans les obfeques de yoBre ?\oy mort, dont y eus yoye% le corps prefent. Car par cy après tlfe trouuera yne meilleure occafion d'en faire la, y engeance. Par ce moy e les Mexiquains ne parlèrent point plus outre , ôc farrefterent pour faire les obfeques de leur Roy. Aquoy ils conuierent les feigneurs de Tefcuco,&: ceux de Culhuacan , & leur racontèrent l'adte fi énorme ôc fi cruel que les Tapanecas auoient co- mis , les inuitans à auoir pitié d'eux , & à ('indi- gner contre leurs ennemis : à quoy ilsadioufte- rent que c'eftoit leur intentionaVmourir ou de venger vne fi grande mefehanceté , leurdeman- dans qu'ils ne fauorifaflentle party fi iniufte de leurs contraires, & que de leur part ils ne Iesre- queroient point qu'ils leur aydalfent de leurs ar- mes, & hommes, mais feulement qu'ils fuflène attentifs à regarder ce qui fe paflTeroit, Ôc qu'ils defireroient pour leur entretien qu'ils ne leur bouchalïcnt ny empefehaftent le commerce , co- rne auoient fait les Tapanecas. A ces raifons ceux deTefcuco,& Culhuacan , leur demonftrcrent beaucoup de bonne volonté, & qu'ils en eftoient fort fatisfaits , leur offrant leurs citez: & toutlc commerce qu'ils en defireroient , afin qu'à leur volonté ils fe pourueuflent de prouifions ôc de munitions par terre, & par eauë. Apres cela ceux de Mexique les prièrent qu'ils demeuraient auec eux,& affiftallent à l'efle&ion du Roy qu'ils vou- loient faire ce qu'ils accordèrent auflî pour leur donner contentement. rmj V"Wj3Wïï^i>3jî>ÎSi3S' ■H- ■■■■ HISTOIRE NATYRELLE D« quatrtefme Ej>y nommé I^coalt t &de la guerre contre les Tapanccas. c H a p. x ir. 3 Euxaui fe deuoiciu trouuer en l'eflcdion, i eftans tous aiïemblez , fe leua vn vieillard, tenu pour vn grand orateur , lequel félon que ra- content les hiltoires , parla en cefte manière : La lumière de y os yeux yous manque o "tAexïquains , mais non pas celle du cœur , car pofè le cas que yous aue\ per- du celuy qui ettoit la lumière £r le guide de cefle Répu- blique Mexiquainc , celle du cœumeantmoms yotts eft demeurée , pour confiderer que s'ils ont tué yn homme y <£ autres [ont demeure-^ après luyqui pourront fupplcer fort aduautageufement la faute que nous auons de luy.La noblejfe dc~Mextque 7} csl pas finie pour cela , ny le fan? %j>yal ejleint. Tourne^ les yeux & regarde^ autour de youst<& yous yerre^ la Nobleffe Mcxiquaine mife en or- dre,non point ynaleuxjnan plufieurs & excellens prin- ces, fils du ï\py jlcamapaxtli , noflre yray & légitime feigneur. ïcy yous pourrez cbbijtr à y ofirc volonté , di- sant ie yeux ceHuy-cy, W non cet autre. Que fi yous a- ucT^pcrdu ynpcrey icy i>ous trouuere^pere & mcre.Fai- tes ejlat , o Mexiquains , que le Soleil s'e.fl cclipfé & ob- feureyfur la terre pour yn peu de temps , & qutncontt- nent retournera la lumière fur icelle.Siuexique a efiéob' feurciepar la mort de yofire J{oyy forte bien tofi le Soleil, eflifc\ yn autre I\oy. l{rgM'^eK ^ * 1U*> & f'*r 1U* yot4s iettere^lesycux & enuers qui s incline yoslre coeur, car cefiuy-là efi celuy que yofire dieu VitzjUpu\th a éleu.Et dilatant encor ce difeours , cet orateur acheuaau contencemetavn chacun. En finpar la refolutio DES INDES. L IV. VII. $1/ «le ce côfeil,fut efleu Roy Ifcoalcqui fignifie cou- leuure de rafoirs, lequel eftoit fils du premier rojf Acamapixtlijqu'ilauoiteud'vnefienncefclaue.'ôC bien qu'il ne fut pas légitimées le choifirét,pour- ce qu'il eftoit plus auantageuxque lesaucres, en moeurs, valeur & magnanimité de courage.Tous montrèrent qu'ils en eftoient fort contens, oc fur tous ceux de Tefcuco : pour autant que leur Roy eftoit marié auecvne fœurd'Ilcoalc. Apres que ce Roy fut couronné 8c mis en fon fiege Royal , fe leua vn autre orateur qui traitta de l'obligatiô que le Roy auoit à fa Republique, & du courage qu'il deuoit monftrer aux trauaux, difant en autre cho- fes : Regarde qu 'autour d'huy nou4 fommes dépendant de toyyparauanturc laifferas-tu tomber la charge qui e(i fur tes es~paulles , lai fjerxs tu périr le vieillard & la vieille, l orphelin & laveufue ? *Aycs pitié des en fans qui y ont grapinant parmy l'aire , lefquels périront Ji nos ennemis nous fur montent. Or fus donc feigneur commence à def- ployer & ejiendre ton manteau , pour prendre fur tes ef~ paullestes enfans qui font les pauures & commun popu- laire Je fquels font affeurc\del ombrage de ton manteau, & en lafraifeheur de ta bénignité. Continuant fur ce fujed beaucoup d'autres paroles , lefquelles (comme en fon lieu a efte dit) ils apprenoient par cœur , pour l'exercice de leurs enfans,& après les enfeignoien t comme vne leçon', à ceux qui com- mençoient d'apprendre cette faculté d'orateurs: Cependant les Tapanecas eftoient refolus de de- ftr uire la nationMexiquaine,& pour cet efFect,ils auoient dreffé beaucoup d'appareils. Parquoy le nouueau Roy traitta de déclarer la guerre , & ve- nir aux mains , auec ceux qui les auoient tellemct BBB HISTOIRE NATVR. ELLE offenfez. Mais le commun peuple voyant que leurs contraires les furpaffoient beau coup en nô- bre d'hommes , & en machines de guerre , eftans efoouuentezvindreritversleRoy, bc luy deman- derentpar importunité , qu'il n'entreprinft point vne guerre fi dangereufe, qui feroitdeftruire leur pauure cité & nacion. Surquoy eftans interrogez queladuisilconuenoitprendre,refpondnétque le Roy d'Azcapuzalco eftoitfort piroyable,que ils luy demandaient paix,& fofFriiïentleferuir en les tirant hors de ces glaieuls,& qu'il leur don- nait jdes maifons & des terres parmy les tiennes, afin que par ce moyen ils defpendi (lent tous d'vn feigneur. Et pour obtenir cecy ils portaient leur dieu en fa litière, pourinterceiTeur. La clameur du peuple eut tel pouuoir,'principalemét y ayans quelques nobles, qui approuuoient leur opinion, que l'on fit incontinent appeller les preftrcs & ap- prefter la litière , & leur dieu , pour faire ce voya- ge.Commecela s'appreftoit , & que tous confen- toient à cet accord de paix , &de s'altujecl:iraux Tapanecas,vnieune homme gaillard ,&debon- neraçon,s'efleua parmy lepeuple,lequelauecvne fort bonne grâce , parla ainfi : Qttefi-ce cy , o Trlext- qiuinsjJles'VQUsfols y comment telle coùardife eft-ellc entrée parmy nous ? nous deuon s nous aller rendre ainji aux *Arxcaf>w^alcos ? Puis fe tournant vers le Roy, luy dit : Comment fegneur, permet c% y ous tcllccbofe'î parlc^ à ce peuple , & luy dites qu'il laijfe rechercher y n moyen, pour noflre honneur , & pournoftrc deffenfe, CT que nous ne nous mettions point fi follement & fi honteufement entre les mains de nos ennemis. Ce ieu- ne home f'appclloit Tlacaellcc, nep ucu du rnef- DES INDES. LIV. VII. 31S nie Roy, & fut le plus valeureux capitaine, & du plus grand confeil que iamais les Mexiquains ont eu, comme cy après Ton verra. Animédonclf- coalt , par ce que Ton nepueu luy auoit di£r fi prudemment, retint le peuple, en difantqu'ils luy laiflTaffent premièrement efprouuervn autre meilleur moyen. Et puis fe tournant vers la no- blefledes liens, leur àxvVous esîcs uy tous qui efles mes parens , <& le meilleur de Mexique , celuy qui dur* le courage de porter yn meffage aux Tapanecas , quilfe leue. Eux fe regardans les vns les autres, ne fe re- muoient point , & n'y eut aucun qui vouluft s'of- frir au coufteau. Alors ce ieune homme Tlacael- lec fe leuant s'offrit à y aller , difant que puis qu'il deuoit mourir , qu'il importoit peu , que ce fuft auiourd'huy ou demain. Car pour quelle occafion fe deuoit il tant conferuer ? qu'il eftoit toutpreft, & qu'il luy commandaft ce qu'il luy plairoit.Et ia- çoit que tous iugeaifent cet acte pour vue téméri- té,neantmoins leRoy fe refolut de renuoyer,afin qu'il cogneuftla volonté & difpofition du Roy d'Azcapuzalco , & de Tes hommes, eftimant qu'il eftoir meilleur d'aduanturer la vie de fon nepueu, que l'honneur de fa Republique. Tlacaellec eftat apprefté, print fon chemin ,&paruenu aux gar- des qui auoient commandement de tuer quel- conque Mexiquain qui vint vers eux , par artifice ou autrement, leur perfuada qu'il le laiflaflent en- trer vers le Roy , lequel s'efmerilla de le voir', & ouyt fon ambaflTade , qui eftoit de luy demander paixfouz honneftes conditions, lequel refpon- dit qu'il le communiqueroit auec les fiens,& qu'il retournait l'autre iour pour la refponfe : lors !$&$£ WW^fWBBBBBBBBWBj SES 5SS3 HISTOIRE NATVKELLE Tlacaellec demanda fcureté,mais il n'en peut ob- tenir d'autre, finon qu'il vfaft de fa bonne delige- Ce. Auec cela il retourna en Mexique,donnant pa- role aux gardes de retourner. Le Roy de Mexique le remerciâtde Ton bon courage, le renuoya,pour auoir la reipôfe,& luy commâda , que fi elle eftoit de gucrre,qu'il dônaft au Roy d'Afcapuzalco cer- taines armes pourfe deffendre, & luy oignift & amplumaft la tefte, comme ils faifoient aux hom- mes morts , luy difant que puis qu'il ne vouloit point la paix , qu'ils luy ofteroient la vie &aux liens. Et encerque le Roy d'Azcapuzalco eut de- ûïè la paix,pour eftre de bone conditionnes liens neantmoins refguillonnerent de forte, que laref- ponfe fut de guerre declaree.Ce qu'eftant ouy par leroefïager , îlfift tout ce que fon Royluyauoit commandé,declarant par cède cérémonie, de dô- ner armes , & oindre le Roy auec l'on£tion des morts,que de la parc de fon Roy il le deffioit.Par- quoy ayant tout acheué , celuy de d'Azcapuzalco fêlai (font oindre >& emplumer, donna au ména- ger en payement de bonnes armes, Ôc ce pendant faduifade ne retourner point par la porte du pa- lais, pource que plulîeursl'attendoientlàpour le mettre par pièces, mais qu'il fortiftenfecretpat vne petite faulfe-porte qui eftoit ouuerte, eu vne des cours de fon palais.Ceieunehomele fitainfi, &tournoyancpardes chemins cachez, vint à fe mettre en fauueté,à la veue des gardes , & 4e là les derfia,di (a.nt:Tapanecasy& ^^capu^alcos^vo^ faites mal -vofire office de carder , Ççacbe^ donc que vous dcue\ to* mourir y& peuple:par cemoyêcellalapourfuite. Les enfans rctournerët auec beaucoup de defpoiiilles Se plu- fieurs captifs pour leurs facrifices,qui furet receuz folemnellement auec vne grande proceffion, mu- (ique Se parfums, & allèrent adorer leurs dieux en prenant de la terre qu'ils mangeoient ,Se fe tirant du fans du deuantdes iambes auec les lancettes des preftres,& faifan s d'autres hiperftitions qu ils auoient accouftumé de faire en telles folemnitez. Les enfans furent fort honorez Se encouragez, & le Roy les ambrafla & baifa, & fes parens Se alliez les accompagnerét. Le bruit de cefte victoire cou- rut par tout le pays,commeTlacaellecauoit fub- iugue la cité de Cuitaluaca,auec des enfans,dot la f iij HISTOIRE NATVRELLE nouuelle & confideratiô des chofespaffees ouuric lesyeuxàceuxdeTezcuco , nation principale 3c fort accorte, pour leur f.içon de viure. Tellement que le Roy deTezcucofutie premier qui fut d'o- pinion qu'ils fedeuoientaflujecrar au Roy de Me- xique^ l'y cormier auec fa cùé. Parquoy de lad- uis de fon confeil , ils enuoyeret des ambafladeurs bons orateursauec des prefens honorables pour l'offrir aux Mcxiquains comme fuje&s, Ieurde- mandans paix Se amirie : cela fut accepté graticu- fement,combien que par le confeil de Tiacaellec, pour effectuer cela , il fît vne cérémonie que ceux deTezcucofortiroiéten armes anec ceux de Me- que,& qu'ils fe combatroient & rendroient incô- tinét,quifut vn acte &: cérémonie de guerre, fans qu'il y euft aucun fàng rtfpldu d'vne part ny d'au- tre. Parquoy le Roy de Mexique demeura fouue- rainfeigneurdeTezcuco,3r ne leurofta point leur roy,maislefitde fon confeil priué,tellercct qu'ils fefont tonfiours confejruez de cette façon mfques au temps de Meteçuma fécond , durant le règne duquclles Efpagnols y entrèrent. Ayans aifujecty la terre & lacitedeTezcuco, Mexique demeura d-imedetoutela terre & des villes qui font à l'en- tour du lac où elle e(l fondée. Ifcoaltayantdonc iouy decefte profpcrké, & régné douzeans, mou- rut laiitant le Royaume que l'on luy auoit donné, bien augmenté par la valeur & confeil de fon nepuen Tlacaellec(comme a efte raconté) qui fut d'aduis 6V trouua meilleur que l'on cfleut vn aune Roy que luy, comme nous dirons cy après. DES INDES. LIV. VII. 3*4 Du cinqmcfme Bjy de Mexique appelle Mote- fuma premier de ce nom. ch a p. xvr. ' A v t a m t que l'eflection du nouueau Roy appartenoit aux quatre eflele&curs princi- paux (comme il a cfté die) & aueceuxau Roy de Tczcuco & au Roy de Tacuba , par fpecial priui- lege,Xlacaelleca(rembla ces&x perfonnages,com- meceluy quiauoitla fouueraincauthorité,auf- quclsayans propofe l'affaire, fut efleu Moteçu- nia premier de ce nom , nepueudu mefmeTla- caellec. Son eflection fut fort agréable à tous, à l'occafîon dequoy ils firent des feftes tres-folem- nelles $c plus magnifiques que les précédentes. Incontinent qu'ils l'eurent efleu , ils le menèrent auec grande compagnie au temple , oudeuant le foyer diuin qu'ils appelloient , ( où il y auoit touf- iours du feu iour & nuict) le mirent en vne throf- ne royal , le reueftans d'ornemens royaux. Et eftantlà,le Royfe tira du fang des oreilles &c des iarflbes, auec des ongles ou grififesde tigres, qui eftqitle facrifice, auquel le diable feplaifoitd'e- ftre honore. Les preftres, les ancien s & les capi~ taines luy firent leur harangue , lecongratulans tous de fon eiledion. Ils auoieut accouftumé en telles eileclions de faire de grands banquets Se des danccs,où.ils confommoient beaucoup de lu- minaires. Du temps de ce Roy fut introduite la çouftume qu'ils auoient que le Roy deuoit aller en perfonne faire la guerre à quelque prouin- cc, d'où il amenaft des captifs pour fblemnifec f iiij HISTOIRE NATVUELLE lafeftedefon couronnement,& pour les folénels facrifices de ce iour là. Pour cefte caufe le Roy Moteçumaalla en la prouince de Chalco, les ha- bitans de laquelle s'eftoient déclarez Ces ennemis , où ayant combatuvaleureufemenc , il amena vn grand nombre de captifs,defquels il offri t & célé- bra vn notable facrificc le iour de Ton couronne- ment, combien que pour lors ilnefubiuguapas toutela prouince de Chalco,d'autant que c'eftoit vne nation fort belliqueufe. Plufieurs venoient à ce couronnement de diuerfes prouinces , tant proches qu'efloignees pour voir cefte fcfte,en la - quelle tous ceux qui y venoient eftoient abonda- ment & magnifîquemet nourris & reueHus3prin- cipalement les pauures , aufquels l'on donnoic des habits neufs. Pour celle caufe l'on apportoit ce iour là en la cité les tributs du Royauec vnbel ordre Se appareil , qui confiftoit en deseftoffes à faire des habits de toutes fortes, du Cacao, de l'or , de l'argent , de riches plumaches , de grands fardeaux de cotton,delacides concombres , de plufieurs fortes de légumes , de plusieurs fortes depoiflonsdemer , &deriuiere, d'vnequanti- tede frui6h,& delà venaifon fans nombre, fans faire compte d'vn nombreinfiny de prefents,que les autres Rois &feigneursenuoioiet au nouueau Roy. Tout ce tribut marchoitde rang félon les ftrouinces , Se au deuant les maiftres d'hoftel , Se esreceueurs auec diuerfes marques & enfeignes d'vn fort bel ordre , tellement que c'eftoit yne des plus belleschofes de la fefte, que de voir l'en- trée des tributs. Le Roy eftant couronne , il s'emplya à conquefter plufieurs prouinces , Se DES INDES. L IV. VII. 325 d'autant qu'il eftoitf vaillant Se vertueux , il al- la toufiours augmentant de plus en plus , & fe leruoiten toutes fes affaires du confeil& del'in- duftriedefon gênerai Tlacaellec, lequel il aima Se eftima toufiours beaucoup, comme il en auoit auflï bien occafion. La guerre où il ('occupa le plus, & qui luy fut plus difficile fut celle de la pronineede Chalco,en laquelle luy aduint de grades chofes , dont il y en a vne entre autres fort remaiquable,qui fut que les Chalchas ayas prins en guerre vn freredeMotecuma,ils faduiferent de le créer Se cflire pour leur Roy,parquoy ils luy firent demander fort courtoifement fil vouloit accepter cëfte charge. Il leur refpodit après qu'ils l'en eurent fort4mportunc,& qu'ils y perfiftoient toufiours , que Ci à bon efeient ils le vouloient eflire pour Roy , qu'ils plantaient en la place vn arbre ou pieu fort haut, auquel ils fiflent accom- moder Se dreiTer comme vn petit théâtre au cou- peau où l'on peuft monter. Les Chalchas pen- fansque ce fuft quelque cérémonie pour fe faire dauantage valoir, le mirent incontinent à effecl:, Se luy afîemblant tous fes Mexiquains autour du pieu, monta au coupeau, auec vn chapeau de fleurs en fa main:& de là il parlaaux fiens en cefte façon. 0 valeureux Mexiquains , ceux-cy me veulent cflircpour leur T^oy , mais les Dieux ne veulent pas per- mettre que pour cjlre B^pyie commette aucune trabifon contre mon pays , au contraire , te veux que vous appre* nie^ de moy, qu'il contient pluftqjt endurer la mort , que d'aider à fes ennemis X)\fax\t cela, fe iettadu haut en bas,febrifànt en mille pièces, duquel fpe&acle les Chalchas eurent telle horreur &:deipit,qu'in. HISTOIRE NATVRILLE continent ils fe iettera fut les M cxiquains >qu'ils mirent tous à mort à coups de lances.comme ho- mes qu'ils eftimcrenttrop hautains , fuperbes& inexorables,difans qu'ils auoientlcs cœurs endia- blez. IladuintqueîanuicT: enfuiuancils ouyrent deux chathuants qui cryoient de triftes cris: ce qu'ils interprétèrent pour figue malheureux , 8c pour vn prefage de leur prochaine deftruclion, comme il aduint:carle Roy Moteçuma alla en f)erfonnecontr'cuxauec toute Papuitfànccoù il es vainquit, & ruina tout leur Royaume: 8c paf- fanroucrc!aS;crre Mcnadc ,i{ailatoufiourscon- queftantiufquesà la mer du Nort. Puis retour- nant vers celles du Sud il gagna & aflujeclitplu- fîeursprouinccs , tellement qu'ilfe fit tres-puif- fant Roy , le tout auec l'aide & confeil de Tlaca- ellec,quia prefque conquis tout l'Empire Mexi- quain. Toutcsfoisilfut d'opinion (ce qui fut ac- compfy) que l'on neconqueftaft point la prouin- cedeTlafcalIa , afin que les Mexiquains euffent vne frontière d'ennemis où ils exerçaffent & tinfîent toufiours en allarmc la ieunelfe Mexi- q'uairrér», & afin mefme qu'ils euffent quantité de capeifs pour faire lesfacrificesàleurs idoles , ef- quelscomme il a efté dit , ils confommoient vn grand nombre d'hom mes qui deuoient eftre prins en gucrrej&par force. L'honneur fe doit attribuer à ce Moteçuma , ou pour mieux dire à ce Tlaca- ellcc fon gênerai , du bel ordre & poliecqui eftoit en ce Royaume Mexiquain3commeauffidescon- ieiîs ôc belles entreprifes qui l'y font exécutées, meimes du grand nombre des luges &magiftrats qui y eftoienc autant bien ordonnez qu'en aucune DES INDES. L IV. VII. $l6 Republique, voire qui fuft des plus florifïantes de l'Europe. Ce mefme Royaugmentabeaucoupla maifo n Royalle, ÔV: luy donna beaucoup d'autho- rité, ordonnant plufieurs & diuers officiers , def- Quelsilfe feruoit aucc vn grand appareil & céré- monie. Il ne fut pas moins remarquable , tou- chant la deuotion&: feruicedc Ces idoles, d'au- tant qu'il accreut le nombre des miniftres, leur inflituant de nouuelles cérémonies, aufquelles il portoit vn grand refpedt II édifia ce grand tem- ple dédié à leur dieu Vuzilipuztli,duquel il aefté fait mention en l'autre Hure. Il facrifiaenlade- dication de ce temple vn grand nombre d'hom- mes qu'il auoitprins en diuerfes victoires. Fina- lement iouylFant de fon Empire en grande pro- fperité il tombamalade &c mourut , ayant régné vingt hui&ans, bien autre que ne futfonfuc- celïeurTicoçic, qui ne luy reflembla ny en va- leur ny en bon- heur. Comme Tlacaellec rcfufa d 'eîîrcT^oy, & detejle&ion &gefles de Tkoçtc. CHAP, XVII. Es quatre députez faflfemblerent en con- fèil auec les feigneurs de Tezcuco & de Ta- cuba,où prefidoit Tlaellec,& procederët à Teflc- ctio d'vn Roy,cn laquelle Tlacaellec fut efleu par toutes les voix, côme méritât mieux cefte charge que nul autre. Il la refufa pourtat , leur perfuadac par raifonspertinentes,qu ils en dcuoiët eflirc vn HISTOIRE NATVRELI. E autre, pource qu'il difoit qu'il eftoit meilleur & plus expédient qu'vn autre luft Roy , & queluy fuit Ton exécuteur & coadmteur, comme il auoic cfté infques nlors,quc non par, de le charger de tout,puifquc fans eftre Roy , il ne le tenoit pas moins obligé de trauailler pour fa République, quel'iU'edoit.C'eft vnechofe fort rare de refufer la principauté & le commandement, 6V de vou- loir bien porter la peine & le foucy, fans en auoir l'honneur & la puillànce. Et y en a bien peu qui veulent quitter à vn autrela puilFance & l'autho- rité qu'ils peuuent fculemet retenir en leur main, encorque ce fuft. choie profitable à la Republi- que. Ce barbare furpalîa en cela les plus figes d'entreles Grecs cxles Romains, &eftvne leçon qu'on peutfaireà Alexandre «Se à Iules Cefar,dcf quels l'vn eftimoit peu de chofe de commander à tout vu monde, & fit cruellement perdre lavie à Tes plus chers & plus fidèles feruiteurs , pour quelques légers foupçons, qu'ils vouloient ré- gner: & l'autre fe déclara ennemy de fa patrie, difant,que Pil eftoit permis à l'homme de faire quelque choie contre le droit &: la railon , cede- uoit eftre pour regnentclle eft. la foif&le defir queles hommes ont décommander. Bien que ceft acte de Tlacacllec pouuoit aufîi procéder d'vne trop grande confiance de foy,luy Temblanc cjuefans eftre Roy il l'eftoit allez, veu qu'il com- mandoit preique aux Rois, & eux luv permet- toient porter certaines enfeignes , côme vn tiare, qu'il leur appartenoit de porter feulement. N eat- moinsect ade mérite beaucoup de louange, 5c d'cftrebienccnfidcic en ce qu'il auoit opinion DES INDES. LIV. VII. 3 17 de pouuoir dauantagc aider à fa Republique, eftant fubiect qu'eftant fouuerain Seigneur. Ec tout ainfi qu'en vne comédie , celuy là mérite plus de gloire, qui reprefente le perfonnagc qui importe le plus , encor qu'il foit d'vn pafteur ou d'vn payfan ,& laillè celuy du Roy & du Capi- taine à celuy qui le Içait faire. Ainfi en bonne Philofophie, les hommes doiuent auoir efgard fur tout au bien public, & Rappliquer en l'office & eftat qu'ils entendent le mieux. Mais cède philofophie eft la plus cfloignee de ce qui fe pra- tique auiourd'huy. Cependant venons à noftrc diicours,& dilons qu'en recompenfe de fa mo- deftie,& pour le refpect que ltiy portoient les efiedeurs Mexiquains, ils demandèrent à Tla- caellec, que puis qu'il ne vouloir tegner,qu'il difl: celuy qui luy fembIoitpropre,& il donna fa voix àvn fils du Roy defund, qui pour lors eftoit en- cor fort ieuue,appellé Ticoçic , furquoy ils répli- quèrent que Tes elpaules eftoienc bien foibles pour vn fi grand fardeau. Tlacaellec refpondic que les Tiennes cftoient- là pour luy aider à porter la charge, comme il auoit faitauxdefunds. Au moyen dequoy ils prindrent leur refolution , & fut efieu Ticoçic, auquel furent faites toutes les cérémonies accouttumees. Ils luy percèrent la narine , & pour ornement ils y mirent vne efme- raude,quieft lacaufepourquoyauxliures Mexi- quains ce R oy eft dénoté par la narine percée. Il fut fort différent de fon père & predeccfleur,ayât efté remarqué pour homme couard & peu belli- queux.Il allafairc la guerre pour fon Couronne- ment en vne prouince qui reàoit rebellée, où il HISTOIRE NATVRELLE perdit beaucoup plus des liens, qu'il ne printde captifs. Neantmoins il retourna , difant qu'il a- menoitle nombre des captifs qu'il eftoit requis pour les Sacrifices de leur couronnement, & ainfi ilfuccouronnéauec vne grande folemnité. N4ais les Mexiquains,mal contais d'auoirvn Roy fi peu guerrier, traittereat de luy auancer la mort parpoifon. Pour celle occafionil ne dura point au Royaume plus de quatre ans, d'où l'on voie bien que lesenfans ne fuiuent pas toufiours le iang&la valeur de leurs peres, ôc que tant plus grande a efté la gloire despredecefleurs, plus abo- minable eft la lafeheté Se putîilanimite de ceux qui leur fuccedent au commandement , & non pas au mérite. Mais celle perte fut bien reftauree, parvn frère du defunct,qui eftoit aufli fils du grad Moteçuma , appelle Axayaca , & lequel fut efleu par l'opinion de Tlacaellec,où il rencotra mieux qu'auprecedent. De la mort de Tlacacllccy & des acles d'^Axayaca, 7. }\oy des Mextqudtns. c H a p. xviii. N ce temps Tlacaellec eftoit defiafort vieil, ^|§&:àcaufedeiavieilleiie,roa leportoit en vne chaire, fur les efpauIes,pour fc trouuer au confeil& aux affaires qui fe prefentoient. En fin il tomba malade,où le nouueau Roy,qui n'eftoit pas encor couronné, le vifitoit fouuent,& ref- pandoit beaucoup de larmes , d'autant qu'il luy fembloit qu'il perdoit en luy fon pere, & le perc de la patrie. Tlacaellec luy recommanda affe- DES INDES. L1V. VII. 328 ctueufementfes cnfans, principalement l'aifnc* qui feftoit môftré valeureux aux guerres paifeeSj le Roy luy promit de l'auoir pour recommandé, & pour confoler dauantage le vieillard, il luy donna en fa prefencela charge & les enfeignes de ion Capitaine gênerai, auec toutes les préémi- nences de Ton pere,dequoy le vieillard demeura tellement content, que fur ce contentement il achcua fes iours. Que fils ne fuiïcnt patfez de ceftevie en l'autre, ils eu fient peu fc tenir bien- heurcux,attendu que d'vne fi petite , & Ci pau* ute Citc,en laquelle il nafquit.il fît & eftablitpar ia valeur & magnanimité vn fi grand, fî riche, &fîpuifPant Royaume. Les Mexiquains luy fi- rent des obfequcs, comme au fondateur de cet Empire, plus iomptueufcs,&plus magnifiques qu'ils n'auoient fait à aucun des Roys predecef- feurs,& incontinent après Axayaca, pour ap- paifer le dueil , que tout le peuple Mexiquain portoit de la mort de fon capitaine, délibéra de faire le voyage, comme il eftoitde befoinpour fon couronnement- C'eft pourquoy il mena fon armée auec grande diligence en la prouince de Tcquantepec disante de Mexique de deux cents lieues, (Se là il donna la bataille àvn puiC- fànc exercice & nombre infiny d'hommes, qui f'eftoient aiTemblez, tant de cette prouince com- me des circonuoifines, pour foppofer aux Mexi- quains. Le premier de fon camp qui s'aduança, pour fe méfier au côbat, fut le mefme Roy deffiat fes ennemis , defquels il faignit fuyr , lors qu'ils le chargcrentjiufques à les attirer en vne embufche, oùilyauoit plufieurs foldats cachez fouzde la — — — HISTOIRE NATVRELLE paille, lefquels forcirent à l'impourueu ,& ceux quialloient fuyants tournèrent tefte, tellement qu'ils arrefterë1: au milieu d'eux ceux de Tequan- tepec, & les chargèrent fort viuement, en faifant d'eux vnecruelleboucherie.Etpourfuyuans leur victoire, ils raferent leur Cité & leur Temple, chaltierent rigourcufement tous les circonuoi- fins,puis ils tirèrent outre, & fans f'arrefter aucu- nement, allèrent conqueftansiufques à Guatul- co,qui eft vnportauiourd'huy fortcogncuen la mer du Sud. Axayaca retourna de ce voyage à Mexique auec de grandes defpoiiilles& richef- ies,où il fut honorablement couronné aueede fo m peu eux '& magnifiques appareils de iacrift- ces , de tributs, & autres chofes,où plufieurs vin- drent voir ion courônement.Les Roys de Mexi- que recêuoient la couronne de la main des Roys de Tezcuco,qui auoientccftepreeminence.il fit beaucoup d'autres entreprinfes, où il obtint de grandes victoires,eftanttoufionrs le premier,qui conduifoit ion armée, &rauaiiloit les ennemis, d'où il acquit le nom de très- valeureux Capitai- ne:& non conrent de fnbiuguet les eftrangérs ,ii reprima & mit le frein aux fiens, qui f'eftoient rebéllez,ce que iamais aucun de fes predecclFcurs n'auoitpeu,ny ofé faire. Nousauons défia dite/ deuant comme quelques feditieux f'eftoient fe- parez de la Republique Mextquaine, qui fondè- rent vue Cité proche de Mexique, laquelle ils appelèrent Tlatelulco,& fut à l'endroit où eft auiourd'huy S. lacques. Ceux-là Peftans reuoltez tindrent vn party àpart,& faccreurcntcx: multi- plièrent beaucoup , ne voulans iamais recognoi- ftreles lA-^S^-'—' DES INDES. LTV. VII. 327 ftreles Seigneurs de Mexique, ny leurprefter o- beytïance. Le Roy Axayaca les enuoyadonc re- quérir qu'ils ne fulîènt diuifez , mais que puis qu'ils eftoiétd'vn melme fang&vn peuple,qu'ils feioignifîcnt& rccogneuirent le Roy de Mexi- que. Surquoy le Seigneut de Tlateluico fie vnc refponce pleine de grand meipris 8c orgueil , dé- fiant le Roy de Mexique à combattre en duel, 8c incontinent aflTcmbla les hommes,commandanr à vne partie d'iceux qu'ils allaflent fe cacher dans les herbiers du lac, afin d'efUe mieux couuerts. Où pour fe moquer d'auantage des Mexiquains, il leur cômanda prendre des figures de corbeaux, d'oyes , 8c d'autres animaux , corne des grenouil- les, & autres femblables, penfans parce moyen furprendie les Mexiquains , lors qu'ils parTeroiët parles chemins &chaulïees du lac. Ayant enten- du le défi & la 1 uze de Ion contraire , il partit fon armée, donnant vne partie à fon gênerai fils de Tlacaellec,& luy commanda de rompre & de charger furcefte embuicade du lac, luy d'autre cofté , auec le refte de (es gens par vn chem in qui n'eftoit point hanté , s'alla camper deuant Tlate- luico.Incontinent il fitappellerceluy quilaiioit défié , afin qu'il accomplie fa parole , 8c comme les deux Seigneurs de Mexique 8c de Tlateluico, faduanecrent , ils commandèrent chacun aux fiens, qu'ils ne fe remuaient iufques après auoir veu lequel des deux feroit le vainqueur, ce qui fut fait, & tout auflï-toft ces deux Seigneurs vin- drentl'vn contre l'autre valeureufement, où ayas longuement combattu, en fin celuy de Tlatelui- co fut contraint tourner les elpaules, d'autant c HISTOIRE NATVRELLE que celuy de Mexique le chargeoit plus furicufe- ment qu'il ne pouuoitfupporter. Ceux de Tla- telulco voyans fuir leur Capitaine,perdircc cou- rage, & tournèrent auiïi le dos : mais les Mexi- quainslesluyuantsdeprésleschargerentfurieu- iement. Neantmoins le Seigneur de Tlatelulco n'efchappa pas des mains d'Axayaca. Car le pen- fântfauuer, il fe retira au haut du temple où A- xayacalefuiuitdeprés, qui l'attaignit&lefaifit d'vne grande force, puis lejettadu hautdu Tem- ple en bas, & fît mettre le feu puis après au tem- ple, & à la cité- Cependant quecelafepaiTbità Tlatelulco, le gênerai Mexiquain eïtoit fortef chauifé à la vengeance de ceux quil'auoientpre- tendu défaire par ruze , & par tromperie,& après les auoir forcez par armes de fe rendre , & de luy demander mifericorde, le gênerai leur dift qu'il neleurpardonneroitpoint , que premièrement ils n'eulïènt fait les offices des figures qu'ils re- prefentoient, parquoy il vouloit qu'ils criaflent comme les grenouilles,& les corbeaux,&chacun félon les figures qu'ils auoient p ri nfes, d'autant qu'ils n'auroient point de compofition qu'en ce faifant. Ce qu'il fift pour les affronter & moquer de leur ruze. La crainte & neceffité enfeigne tou- tes chofes, tellement qu'ils chantèrent &crierent auec toutes les différences de voix que l'on leur commanda,pour auoir leurs vies lauues , comblé qu'ils fulTent fort defpitez du palTetemps que leurs ennemis prenoiet d'eux. Iisdifent queiuf- ques auiourd'huy durent encor les brocards des Mexiquains enuers les Tlateluicos, qui le portée impatiemment , lors que l'on leur ramentoit ces DES INDES. LIV. VII. 328 chants & cris d'animaux. Le Roy Axayaca prie plaifiràcefterifee, 5c incontinent après Fen re- tournèrent en Mexique en grande refiouiiTance. CeRoy fut eftimé pour vn des meilleurs qui avec commandé en Mexique. Il régna vnze ans, & ïuy fu cceda vn qui fut beaucoup moindre que luy en valeur & vertus. Dcsfxicis e-r actes d'^ut7xoly 8. l{oy deMexique. chAP. xix. SRgJ Ntreles quatre eile&eurs de Mexique, qui B3$ comme il a efté dit, auoient le droicl: d'eflirc au royaume celny qu'ilsvouloient,ily enauoit vndoiié de plulieurs perfections, nommé Aut-, zol. Ceftuy fut efleu des autres, & fut cefte cfle- dion fort aggreable à tout le peuple, car outre ce qu'il eftoit fort vaillant, tous l'eftimoient cour- tois &officieux enuers vn chacun, qui eft vnc des principales conditions requifes à ceux qui gouuernent,pourfe faire aimer Ôc obéir. Or pour célébrer la fefte de Ton couronnement , il faduifa de faire le voyage , & aller chaftier l'outrecuidan- ce de ceux de Quaxulatlan, prouince fort riche ôc abondante, qui eft auiourd'huy la principale -delaneufuetlpagnc. Ceux-là auoient voile les officiers &c maiftres d'hollel qui apportoient le tribut à Mexique,& auec cela i'eftoient rebellez. Il eut de grandes difficultez à réduire cefte na- tion, pource qu'ils feftoient mis en vn lieu où. vn grand bias demerempefehoit lepaflageaux Mexiquains. Pour lequel trauerfer Autzol fie auec vn cftrangc trauail & induftric fonder en reauë,comme vne îflette de fafeines , de terre , ôc HISTOIRE NATVRELI, E autres matériaux , par le moyen duquel ceuure il peutluy&fes gens palier vers Tes ennemis,&: leur donner bataille , où illes vainquit, y , qui à caufe defon cflat nefe donnera point aux délices , & qui ne demeurera point ejlendu en yn Uci occupé en yices,& en paffetemps-.au contraire , au milieu defon plus doux & plus profond fomme ,fon cœur treffaillira , & fe refuetllcra, pour le foucy qu'il doit auoir de toy , & ne fentira point legoufl du plus fauou- rcux mets defon difncr,ayant l'efpmfufpendu en l'ima- HISTOIRE NATVRELLE gination de ton bien. Dy moy donc Royaume bien heu- reux Jiie rî typas raifon de dire que tu te refiottiJfes3cy te recrée à prefen t,dauoir trouué vn tel F^ay : Et toy gé- néreux adolefcen ty & trcf-puifjant feigneur nojire , 4yes confiance & bon courage^que puifque le feigneur des cho- fes créées t'a donne' ccjie chargeai te donera aufit laprou- ejfeja magnanimité requife pour l 'exercer , & peux bien efperer ,quc celuy qui an temps pafse a y fé de fi grandes libéralité^ enuerstoy, ne te déniera point fes plus grands donsjuis qu'il t'a mis en y ne charge fi grande, de laquel- le puifse tu ioùir plufieurs annces.Le Roy Moteçuma fut fort ententif à ce difeours , lequel eftant ache- ué,ils difent qu'il fe troubla d'vne telle forte , que voulant par trois fois refpondre il ne peut parîei, eftant vaincu des larmes que laife & le contente- ment a bien fouuent accouftumé de caufer,en de- monftration de grande humilitè.En fin,eftantre- uenu à foy,ildift brefuement: leferois trop aueuglè, bon T^oy de I 'e\cttcofi te ne cognoifsoisi& entendois,quc les chofes que vous m'aue\ditt es , font vnc pure faueur ' qu'il vousplaifl meprefler ipuis qu'entre tant d'hommes fi nobles , & fi généreux , qWily a en ce Royaume , y oui 4uc?x efleu le moins fuffifant , qui cfi moy yzîr àla veritL ic me fen s tellement incapable d'y ne charge de fi grande importance , queienc fçay que faire, autre chofe que de fupplier le Créateur des chofes créées ,qtf il me fauorifc,& demande à tous qu'ils le fupplient pour moy. Ces paro- les dites il recommença derechef à pleurer. ES INDES. LIV. Vil. 332. Continent "hlotccuma ordonna le feruicede funaiforiy & de la guerre qu'il fit pour [on couronnement. CH A P. XXI. | E l v y là qui en Ton efle&io fit vne telle de- monftration d'humilitc,&douceur,fe voyât Roy commeça incontinent à d efcouurir fes hau - tespenfees. La première fut qu'il commada qu'il n'y euft aucun Plebeian qui feruiftenfa maifon, ny euft office Royale, ainfî que fes predecefleurs en auoient vfé iufques alors, lefquels il blafma de s'eftre feruis de gens de balîe condition , & vou- lut que tous les (eigneursr&plusilluftresperfon- nages de Ton Royaume , demeuraflent en fon pa- lais,©^ exerça(let les offices de fa cour & de fa mai- ion. A quoy f'oppofavn vieillard de grade autho- ritc,qui auoit efté fon précepteur, luy difant qu'il regardait bien à ce qu'il faifoit, & qu'il femettoit en danger d'vn grand inconuenient', d'autant que c eftoit feparer de foy & efloigner tout le vulgaire, & gent populaire,tellement qu'ils ne l'ofèroiét rc- garder en la face,(e voyas ainfi reietez deluy.il ré- pliqua que c'eftoit ce qu'il entendoit raire,& qu'il n e permettroit pas que les Plebeiés allaflcnt ainfi mêliez parmy les nobles,come ils auoientjàit iuf- ques alors, difât que le feruieequ'ils faifoict eftoit félon leur condition, qui caufoitque les Rois ne gagnoiét aucune reputation,& ainfi demeura fer- me en fa refolution. Auflî toft il fit commander à ceux de fon confeil,qu'iIs oftaflTent tous les Plébé- iens des offices & charges, qu'ils exerçoient , tant HISTOIRE NATVRELLE en fa maifon qu'en fa cour, &: qu'ils en pourtieuf- fenc des Cheualiers , ce qui fat fait. Apres il illa en perfonne à l'entreprile neccffaire pourfon cou- ronnement. En ce temps Peftoit reuolté contre la couronne vnepuouince fortefloignee,vcrslamer Occanedu Nort , où il mena aucc luy la fleur de feshommes,fortleftes& bien accommodez. Il y ht la guerre,auec vne telle valeur &c dexterité5qu'e fin il fubiugatoutelaprouince , & chaftiarigou- reuiement les rebelles , retonrnant auec vn grand nombre de captifs pour les facrifices,& beaucoup d'autres defpoiiillcs. Toutes les citezluy firentde folenellcs réceptions à fon retour, & les feigneurs d'icelles luy donnèrent l'eaue à lauer, luyfaifans offices de feruiceurs , chofe nonencorvfiteepar aucun de fes predccclTeurs. Telle eftoit la crain- te cV le refpecl: qu'ils luy portaient. L'on fit en Mexique les feftes de (on couronnement auec vn tel appareil de dances, comédies, entremecs, lu- minaires, & inuentions par plufieurs & diuers jours : Etyarriuavnefigrande richelïe de tributs apportes de tous fes Royaumes, qu'il y vint dzs eltrangersincogneusà Mexique, &leursennemis mefmey vindrenten grand nombre,en habit dif- fimulé,pourvoir ces feftes, comme ceux de Tlaf- ca)la, & fçauoit la langue Mexiquaine,& Fernande Cor- tes,trouuant que c'eftoit vne bonne occafio pour leur entrée, commanda que l'on luyornaft fort bien fachimbre, Se eftant aflîs auec grade autho- rité.&ornementjfitentrerles ambauadeurs,le£- quels n'obmirent rien de 0 humilier , finon de la» Jt»m.n. HISTOIRE NATVRULE dorer pour leur Dieu. Ils luy firent leur ambauV de,difans que Ton feruiteurMoteçumarenuoioic vifiter , & qu'il tenoit le pays en Ton nom , com- me Ton lieutenant , qu'il {çauoit bien que c'elloic leTopilçin ,qui leurauq/it eftcpromis,ily auoit plufieursans, lequel Iesdeuoitvenirreuoir. Par aind qu'ils luy apportofent les habits qu'il auoit accouftumé déporter, quand il conuerfoitauec eux,le fupplians qu'il les receut pouraggreables, en luy offrans pluficurs prefents de grande va- leur. Cortes refpondit receuant les prefents, & donnant à entendre, qu'il efloit celuy qu'ils di- foient , dequoy ils demeurèrent fort con tens , ôc fevoyans recensa: traitez de luyamiablemenc. (car en cela^ufli bien qu'es autres chofes , ce va- leureux capitainea efté digne de louange, ) que fi l'entreprinfe euflf paflTé outre , qui eftoitdegai- gncrparamiticcepeuple , il fem ble qu'il i'eftok offert la meilleure occafio,que l'on pourroi t ima- giner,pourab(ÎLije6tircefteterreà l'Euangilc par paix , Se paramitié : mais les péchez de ces cruels homicides & efclaucsde Satan, vouloienteftre chafticzdu ciel, comme au (îî ceux de plufieurs Efc pagnols,qui n'elloient pas en petit nombre. Ainfi les hauts iugements de Dieu difpoferent lefalut de ces peuples,ayans premièrement retranché les racines endommagées^ comme ditl'Apoftrc, la mauuaiftié &: auenglement des vns, futlafàluatio des autres. En fin le iour d'après l'Ambafladefuf- dite , tous les capitaines Se principaux de la flote vindrent djnsrAdmiralle,& entendans l'affai- re, Se combien ce Royaume de Moteçuma eftoic puiirant,& riche 3 il leur fembla que c eftoit cho- MlflMHHi ï*££. DES INDES. LTV. VII. 3 40 fe conuenable d'obtenir réputation d'hommes braues & vaillans enuers ce peuple , & que par ce moyen encorqu ils fuflentpeu,ilsferoict craints, cVreceu; en Mexique. A certe finilsdefcharge- rent toute l'artillerie des nauires , & comme c'e- ftoit chofe qui iamais n'auoit efté ouye par les In- diens, ils demeurèrent auflî efpouuantez que fi le ciel fufl tombé fur eux. Apres les Efpagnols (émi- rent aies deffier , afin qu'ils combattaient auec eux,& les Indiens ne C'y ofans hazarder, il les bat- tirent, & mal trottèrent , leur mpnftrans leurs efpees, lances , pertuifanc*, $c autres armes , donc ils les efpouuanterent beaucoup. Les pauures In- diens furent pour cet effed fi craintifs & efpou- uentez qu'ils changèrent d'opinion , difansque leur fcigneur Topilcin ne venoit point en cette troupe. Mais quec'etloicnt quelques dieux leurs ennemis qui venoient là pour les deftruire. Quad les Ambaffadeurs retournèrent en Mexique,Mo- teçuma eftoit en la maifon de l'audicnce,& auant qu'ils luydonnaflentl'ambafladeje mal- heureux commanda dcfacrifier en fa prefencevn nombre d'hommes, puis auec lefangdes facrirîezarrou- fer les amba(Iadeurs,pen(ant par cette cérémonie (qu'il auoient accouftumé défaire en dcfolem- nelles ambalîàdes ) auoir bonne refponfe. Mais ayant entendu le rapport & informatiô de la for- me des nauires, hommes, & armes, il demeura tout confus & perplex: puis ayant eu confeillà de(Tus,netrouuaautremeilleurmoyen, que pro- curer d'empefeher l'entrée à ces eftrangers,par les arts magiqucs,& coniurations.Ilsauoientaccou- ftumé fouucncde fe feruir de ces moyens ,dau- HISTOIRE NATVRELLE tantqu'ils auoient grande communication auec le diable, par l'ayde duquel ils obtenoient quel* quesfois des effe&s eftranges.Ils affèroblerent doc tous les forciers,magiciens,&ench;"ïteurs, Scper- fuadez de Moteçumaprindrent en leur charge de faire retourner cesgens là à leurs pays. Pour cet efFect ils furent en certain lieu , qui leur fembla eftre propre,pour inuoquer le diables, 8c exercer leurs arts,chole digne de confideration. Ils firent tout ce qu'ils peurent, &fceurent, mais voyans que nulle chofenepouuoit empefeher les Chre- ftiens,ils furent vers le Roy . luy difans que ceux- là eftoient plus qu'hommes , pource que rien ne les endommageoit,pour toutes leurs coniuratiôs & enchatements. Alors Moteçumafaduifad'vnc autre rufe,quifut que feignant d'eftre fort contét de leur venue , ilenuoya commander à tous Tes Royanmes qu'ils feruiflent ces dieux celeftes qui eftoient venus en leur terre. Tout le peuple cftoit en grand triftclle & furfaut, &ven oient fouuent nouuellesque les Efpagnols fenqueroient fou- uent où eftoit le Roy, de fa faconde viure, de fa maifon&defes moyens. Il cftoit extrêmement fafchédecela,&luyconfeilloient les fics,& d'au- tres Negromanciens qu'il fe cachaft , luy offrans à cefte fin de le mettre en lieu , où créature ne le pourroit iamais trouuer. Celaluy fembla chofe vile,parquoy il fe détermina à les attendre , encor que ce fuft en mourant.En fin il fortit de Tes mai- fbns 8c palais Royaux pour loger en d'autres , les laiflans pour loger ces dieux, comme ils difoient. DES INDES. L IV. VII. 341 De l'entrée des EfpAgnoîs en Mexique. c H a p. xxv. &v<5 E nc pretens point traitter les faicts & geftes SJkI des Efpagnolsqui conquefterent la neufue Efpagne , ny les aduentures eftranges qui leur ar- riuerenc , ny le courage Ôc valeur inuinciblede leurcapicaine Dom Fernande Cortez, d'autant que décela ilyabeaucoup d'hiftoires& relatiôs, comme celles que le mefme Fernande Cortez ef- criuit à lEmpereur Charles V. bien qu'elles foiet d'vnftilerond& alFezeiloigné d'arrogance, lef- quels donnent fufïïfànte cognoiiîànce de ce qui paira,en quoy il fut digne de perpétuelle memoi- re:mais feulement pour accomplir mon inten- tion, il refte de dire ce que les Indiens racontent de cet affaire, ce qui n'a eftéiufquesauiourd'huy rédigé par eferit en noftre vulgaire. Moteçuma donc ayant entendu les victoires du capitaine , & qu'il venoit f'aduançantpourfâconquefte, qu'il faltoit confédéré & ioint auecceux deTlafcalla fes capitaux ennemis, & auoitchaftié rudement ceux de Chollola fes amis , Pimagina de le trom- per ou efprouuer,en luy enuoyant vn home prin- cipal,veftu Se accommodé des mefmes ornemens & enfeignes Royales , qui feignift eftrc Moteçu- ma,laquelle fi ctiô ayant eftcdefcouuerte au Mar- quis par ceux deTlafcalla qui l'accompagnoient, le rcnuoya,apres l'auoir doucement & prudem- ment reprins de l'auoir ainfî voulu tromper , de- quoy Moteçuma demeura tellement confus, que pour la crainte de cela il retournai fes première* mê ■■■m HISTOIRE MATVRELLE imaginations de vouloir faire retirer les Chre- ftiens,par le moyen & inuocation cies enchan- teurs & forciers. Parquoy il alïcmbla vn plus grâd nombre d'iceux qu'il n'auoit fait la premiè- re fois, en les menaçant que s'ils reroinnoicr vers luy (ans accomplir ion commandement , il n'en reichapperoitvn feul,à quuy ils promirent d'ob- tempérer. Et pour ceft erïect tous les officiers du diable s'en alleret au chemin deChalco,qui eftoic par où deuoient palier lesElpag!)ols,oùmontans au faille d'vnecollejleur apparut TezcalipucàjVn de leurs principaux dieux, comme venant deuers le camp des Efpagnols,en l'habit de Chalcas, qui auoit les tetins ceints aucc huid) tours d'vne cor- de de ionc,ilvenoiccomrnehorsdefoy& comme vn hommcinfen(c& ennyuré de rage & de furie, Arriué qu'il fut àl'efeadron des negromancit s 5c forciers, il f'arrefta & leur dift en grand colère. "pourquoyvous autres reuene^-vous icy , qu'cft-ccquc Tsiotecuma prêt ed faire par -voftrc moyen ? ïlefi s'efttr»p tard adu/fé:car défia il eft déterminé \quc l'on luy oflefon J{oyaume <&{on honneur \auec tout cetjutlpo/sedc,pour punition des grandes tyrannies au ilacommijcs contre fes yaJJ'auXyri ayant pas gouuernè comme fetgneur , mats comme traijlre & tyran. Les enchanteurs alors oyas ces paroles,cogneurent que c'eftoit leur idole,6c s'humilians deuant luy,luy battirent à l'inftant au mefmelieu vn autel depierre,qu'ilscouurirct de fleurs qu'ils cueillirent à l'entour,luy au contraire ne faifant point d'eftat de ceschofes cômença de- rechef à les tancer,difant : Quefles-vou-s venu* faire icy traiflresjetoHrneT^retourner^ incontinent & regar- slcrTïîextque^fîn que nom entendte^ ce qui don aduenir DES INDU. LIV. VII. 341 d'elle. Et difenc qu'ils fe retournèrent deuers Me- xique pour la regarder3& qu'ils la virent bruflan- te& touteenflâbeedeviuesflames. Alors le dia- ble difparut,& eux n'ofans palier plus outre , fitee fçauoir cela à Motcçuma.Cc qu'ayant entcndu,il fut vn long temps fans parler,regardant penfif en terre, puis dift,que ferons nous donc, files dieux & nos amis nous delaiflent, & qu'au contraire ils aident & fauorifent nos enncmis?Ie fuis défia rc- foluj& nous d cuôs rous refoudre à ce poinc"t,quc arriue ce qui pourra ai riuer , nous ne deuôspoint fuir ny nous cacher , ny monftrer aucun figne de coiiardife.ray feulcmentpitiédesvieillards& des petits enfans qui n'oneny piedsny mainspourfe derTendre,& difanteela fctent,pource qu'il com- mençoit à fc tranfporter en ex tafe. En fin le Mar- quis l'approchât deMexique,Moteçuma faduifa de faire de neeeflîté vertu , & fortit pourlerece- uoir comme à trois ou quatre lieues de la cité,al- lantd'vne graue majefté,porté fur les efpaulles de quatre feigneurs,& eftâc couuei t d'vn riche poel- led'or&deplumeries. Lors qu'ils fentrerencon- trerent Moteçuma delcendit , & tous deux fe fa- luerentl'vn l'autre fort courtoifement; DoFer- nande Cortez luy dift qu'il ne fe fouciaft de ric,& qu'il n'eftoit là venu pour luy ofter fonRoyaume, ny diminuer sôauthorité.Moteçuma logea Cor- tez & fes compagnons enfon palais Royal, qui cftoitforcmagninque,& luy f'c alla loger end'au- tres maifons priuecs qu'il auoit.Lesfoldatds def- chargerent cette nuicî làl'artillerrepar refiouik fance,dequoy les Indiens Pefpouuanterent bc- aucoup^n'eftans pas accouiiumcz d'ouyr vnc ul« ^■■■■■MMMiMMI HISTOIRE NATVRELLE lemufique. Leionr enluiuant Cortezfica(fem' bler Moteçuma& lcsfeigncurs de fa cour en vne grande fale,où luy eftantafïîs en vnehaute chaire, leur dift qu'il eftoit fcruiteur d'vn grand Prince qui les auoit enuoyezen ces pays pour faire de bonnes œuuies,& qu'ayant trouué en iccluy ceux de Tlafcalla qui eftoieiu Tes amis, lefquels fe plai- gnoientfort des torts & griefs que ceux de Me- xique leur faifoient continuellement , à cette oc- canon il vouloit entendre lequel d'entr'cuxauoit le tort, afin de les appointer enlemble , pour de là en auant ne fe trauailler & guerroyer les vnsles autres, & que cependant luy & l'es frères ( qui eftoientles Efpagnols) demeureroient toujours là fans le? endômager,au contraire les aidcroient en ce qu'ils pourroient. Il mit peine de faire bien entendre ce difcours à tous, feferuant de ces in- terprètes & truchements. Ce qu'entendu parle Roy & les autres feigncurs Mexiquains,ils furent extrêmement contcns, &c monftrercnt grand (i- gnes d'amitié à Cortez & aux liens. Plusieurs font d'opinion que s'ils euflent fuiuy l'affaire comme ils Pauoient commencé ceiour là, ils euflent peu facilement ordôner du Roy & du Royaume pour leur donner la loy deChrift fans grande effufîon de fang. Mais les iugements de Dieu fontgrands, & les péchez des deux parties eftoient en grand nombre,parain(in'ayansfuiui leur pointe,! affai- re fut différé , combien qu'en fin Dieu fitmiferi- cordeàceftcnation,luycommuniquantlalumie- redcfonfainct Euangile,apresauoirfaitiugemc? ôc punition de ceux qui le mentoient , & qui auoient trop énormément offenf é la diuine reue- renec. DES INDES. LIV. VII. 34$ ren ce. Tant y a que quelques occafions f'efmeu- renc , donc plufieurs plaintes , griefs & foupçons nafquirent d'vn codé & d'autre. Ce que voyant Cortés, &que les volontez des Indiens com- mençoientà (e diftraire d'eux, il luy femblane-' cellaire de s'atleurer.en mettant la main fur le roy Moteçuma, lequel fut faifi, & mis les fers aux pieds,acte certes efpouuen table au nhonde,& qui eft efgal à l'autre fien,d'auoir bruflé {es nauires, & s'ettre enclos au milieu de les ennemis, pour vaincre ou pour mourir- Le pire fut que à caufe de la venue" inopinée d'vn Pamphilo Naruaes en la -iw<*0»x,pour altérer & mutiner le pays fut de befoin que Cortés s'abfentali de Mexique , ôc qu'illaiflaû. lepauure Moteçuma entreles mains de fes compagnons, qui nauoienc pasladifcre- tion ny la modération telle que luy; par ainfi l'af- faire vint à telle dillenfion, qu'il n'y eut plus au- cun moyen de faire paix. De U mort de Meteçuma , & fortte des Efpagnols de Mexique. en av. xxv. Ors que Cortés cftoit abfent de Mexique, celuy qui eftoit demeure fon lieutenant fut d'opinion de donner vn rude chaftiement aux Mexiquains, & fit tuer vn grand nombre delà noblefle en vn bal qu'ils firent au palais,qui fut fi exceffif,que tout le peuple femutina,& d'vnefu* rieuferage prindrent les armes pour fe venger Se tuer les Efpagnols. Par ainfi ilslesafliegerentau palais^es preflans de fi près, que le dommage que HISTOIRE NATVRELLE les Efpagnols leur faifoienede leur artillerie & de leurs arbalcftcs , ne les pouuoitdiftraire ,ny faire retirer de leur entreprinfe,àquoy ilsperfiftercnt par plutieurs iours, leur empefehas les viures, fans permettre qu'il y entrait ou fortitl aucune creatu re. Ilsfebattoient auec des pierres, des dards à ictter, à leur façon , des efpeces de lances qui font comme des Seiches , où il y a quatre ou ?fix raloirs très- aigus, qui font telles , que les hiftoiresra- cont, qu'en ces guerres vn Indien d'vn coup de ces rafoirs emporta prefque toutlecold'vn che- ual,& comme ilscombattoientvn îourcnccfte refolution & furie , les Eipagnoispour les taire celTer.flrentmonterMoreçuma auec vn autre des principaux feigneurs Mexiquains , au haut d'vne plattcformcdelamaifon, couuerts des rondelles de deux foldats qui eftoient auec eux. Les Mexi quainsvoyansleur Seigneur Moteçuma,l'arrcfte- rent& firent grand filence. Alors Motcçuma leur fit dire parce Seigneur principal , qu'ils fappai - fafîcnt,& qu'ils ne fillènt la guerre aux Efpagnols, puis qu'ils voyoient , que luy eitant pnionnier cela ne leur pouuoitprofritcr. Ce qu'eftant en- tendu par vn ieune homme appelle Quicuxte- moc , lequel ils parloient dehad'eiîire pour leur Roy, dit à haute voix à Moteçuma, qu'il fe reti- rait comme vnvillain, que puis qu'il auoitefté (i coiiard,que de fe laiilèr prendre.ils ne luy deuoiét plus obeyr, mais pluftoll luy donner le chaftie- ment qu'il meritoit ,1'appellant femme pour plus grande ignominie, & commença alors à enfon- cer fonarç, & à tirer contre luy, & le peuple re- commença à ieiter des pierres, cVpourfuiure leur DES INDES. LIV. VII. 344 combat. Plufieursdilent qu'alors MoteçumafuC trappe d'vn coup de pierre,dont il mourùtjes In- diens de Mexique affei ment le contraire , mais qu'il mourut depuis de la façon queiediray incô- tinent. Aluaro& le relie des Elpagnols levoyans iipreliez,enuoycrent donner aduis au Capitaine Coruz, du grand dangei où ils eftoienr, lequel ayant auec vue- merueilleufedexterité& valeur, donne ordic en l'affaire de Naruacs , &recueilly pour iuy la plus grade partie de les hommes, vint à grandes ioumees iecourir lesfiensen Mexique, où attendant le temps que les Indiens fe repo- ioient (car c'edoit leurvfageen la guerre, de Te repofer de quatre iours en quatre iours ) ilf'ad- uanc.i vn iour par grande ruze& magnanimité, tellement que luy & les gens entrèrent au Palais, où les Efpagnolsf'crloient fortifiez, parquoyils monftrerent plufieurs lignes dere(iouillance,en defchavgeant l'artillerie : mais comme la rage des Mexiquains s'augmentoit, & qu'il n'y auoitniil moyen de les appailcr, mefmesquelesviuresleui: deffailloient du tout, fans qu'ils euflent efperance depouuoirplus fedcffendre.le capitaine Cortcz délibéra de forcir vne nuict fans bruit. Parquoy ayant faitdes pots de bois , pour palier deuxgrâds courants d'eaue for t dangereux, il lortit fur la mi- nuici auec tout le plus grand filence qu'il peut, &c ayant jàla plus part de (es gens palfé le premier pont , ils furent apperceus d'vne Indienne auant que de palier le fécond, qui s'en alla criant que leurs ennemis s'entuioient, à laquelle voix s'af- iembla, & accourut tout le peuple d'vne terrible furie, tellement qucpallant le fécond pont, ils x Y) m 'MMMIHMP ■ HISTOIRE NATVRELLE furent tellement chargez & prenez, qu'il demeu- ra plus de trois cents hommes morts &. bleffez en vn lieu , où eft auiourd'huy vn petit hermita- ge,que fort mal à propos Ton appelle auiourd'hui des martyrs.Plufieurs des Espagnols pour confer- uer l'or & lesioyaux qu'ils auoient ne peurent ef- chaper, & d'autres retardans pour le recueillir, & apporter,furét prins par les Mexiquains,& cruel- lement fàcrifiez deuant leurs idoles. Les Mexi- quains trouuerent le roy Motecuma mort, & blefle comme ils difent de coups depoignards, qui eft leur opinion, que cefte nuict les Eipagnols le tuèrent auec d'autres feigneurs. Le marquis en la relation qu'il enuoya à T E mpereur du au con- traire , & que les Mexiquains luy tuèrent celle nui«5tvn fils de Motecuma, qu'il emmenoit auec d'autres feigneurs , difant que toute la ncheîîe d'or,pierres & d'argent qu'ils emportoient tom- ba au lac, où iamais du depuis ne parut. Qupy qu'il en foit , Motecuma finit mifcrablement , & payaauiufte iugementdu Seigneur des deux ce qu'il meritoit, pour fon grand orgueil & tyran- nie:Car fon corps eftant venu en la puiiTance des Indiens , ils ne voulurent luy faire les obieques de roy,non pas d'homme commun , ains le jette- renc par grand mefpris &c colère. Vn fien ferui- teur ayant pitié du mal-heur de ce roy, qui auoit eûé auparauant craint & adoré comme Dieu , luy fit là vn feu, &mit ibs cendres où il peur, envn lieu affez mefprilé. Retournant donc aux Espa- gnols qui efchaperent , ils furent grandement fa- tiguez Ôc trauaillez, pource que les Indiens les faillirent obftinément deux ou trois iours, fans mm^^ DES INDES. L IV. VII. 34 f les laifler repofer vn moment , & alloient fi fati- guez àcaufe du peu de viures, que bien peu de grains de mays eftoient départis entr'eux pour leur manger. Les relations des Efpagnols& des Indiens s'accordent,que noftre Seigneur les deli- ura en cet endroit miraculeufement la mère de mifericorde, &royne des deux, Marie les défen- dant en vne montagnette , où à trois lieues de Mexique eft auiourd'huy fondée vne Eglife en mémoire de cela, auec tiltre de noftre Dame de fecours. Ils fe retirèrent vers leurs anciens amis de Tlafcalla, où ils fe retirèrent par leur aide, & par la valeur & rufe de Fernande Cortés, puis retour- nèrent faire la guerre en Mexique par eaué,& par terre , auec l'inuention des brigantins qu'ils mi- rct dans lelac,& après plufieurs combats, & plus de foixante dangereufes batailles, ils gaignecent du tout la cité de Mexique le iour de fainct Hip- poly te trezieime du mois d' Aouft,mil cinq cents vingt & vn. Le dernier Roy des Mexiquains ayant obftinémentfouftenu la guerre, en fin fut prins en vne grande canoe,où il s'enfuyoit,lequel eftat amené auec quelques autres des principaux feigneurs deuant Fernande Cortés, le roitelet d'vne effrange magnanimité faccant vne dague s'approcha de Cortés, & luy dit: Iufjues autour* d'buy i'ay fait ce que i'ay peu pour la defenfc des miens y maintenant ie ne fuis plus obligé à faire d'auantagcque de te donner cejie dague pour me tucrd'icelle. Certes luy refpondit qu'il ne le vouloir pas tuer , & que ce n'auoit point efté fon intention de les endom- mager, mais que leur obftination fi folle eftoit coulpable de tant de mal,&de la perfecuçiô qu'ils x iij HISTOIRE NATVRELLE auoientfoufferte: qu'ils fçauoient bien combien de fois il les auoit requis de paix,& d'amitié, puis commanda qu'on les gardaft , & qu'on le traictaft fort bien luy & lesautres, qui cftoient cfchappez. Plufïeurs chofes aduindrenc en celle conquête de Mexique eftrages& admirables, carie ne tiens pointpourmenfonge,nypouraddiuoncequedi- ientpluu"eurs,quie(criuentqueDieu fauonfa l'af- faire des Elpagnols par plufieurs miracles, d'au- tant qu'il leur eftoit impolfiblc de vaincre tant de difficultez , fans la faueur du ciel, & de s'allujedir au commencement cefte terre,auec G peu d'hom- mes. Car combien que nous autres fuffions pé- cheurs, & indignes de telle faueur, toutesfois la caufedenoftre Dieu, la gloire de noftrcfoy, lebie de tant de milliersd'ames, comme eftoient ces na- tions, que le feigncurauoitpredeftinees , reque roientque pour paruenir à ce changement que nous voyons à prefent arriué , il y furuint des moyens fupematurels , &c propres à celuy qui ap- pelle à la cognoifîancede luy lesaueugles, & les prifonniers , ÔY leur donne la lumière & liberté parfon S. Euangile, &afin quel'onpuilîc mieux entendre cecy , & y adioufter foy,ie raconteray quelques exemples qui me femblent à propos de cefte htftohe. De antiques miracles que Dieu a )nonfire^ es Indes en faueur de la foy , [ans le mérite de ceux qui les firent. DES INDES. LI V. VII. 34 ^ CH A P. XXVI I. A 1 n c t e Croix delaSyerreeft vneprouin. ce fort grande, & fort eflongnee , au Royau- me du Peru^qui s'auoyfineauecdiuerfes nations d'infidèles, lefquels n'ont point encor la lumière de l'Euangile, fi depuis le temps que i'en fuis par tyjes pères de noftrecompagnie,qui font là pour cet effet ne leur ont enfeigné. Toutesfois cefte prouincedefaincle Croix eftChieftienne,&: y a plusieurs Efpagnols& Indiens baptifez en grand nombre. La façon comment le Chnftianifmey entra fut telle. Vn foldatde mauuaife vie.refident en la ptouince deCharchas craignant la indice, qui pour Ces delidts le recherchoit,ciura bien auat dans lepays,& fut recueilly gratieufemec des bar- baresde cefte contree,& voyant l'Efpagnol qu'ils enduroient alors vne grande neceffite par faute d'eaue , & que pour faire pleuuoir ils faifoient beaucoup de cérémonies fuperftieufes , comme ils ontaccouftumé, il leur dift que s'ils vouloient faire ce qu'il leur diroit, qu'incontinent ils au- roient de l'eauë , ce qu'ils s'offrirent de faire fort volontairement. Alors le (oldat fit vne grande Croix, qu'il planta en vn lieu eminentjeur di- fant qu'ils fiflTent là leur adoration , & qu'ils de- mandaient de l'auc , ce qu'ils firent. Chofe mer- ueilleufc / incontinent tomba de l'eauë fi abon- damment , que les Indiens prindrent telle deuo- tion à lafaincte Croix, qu'ils auoient recours à icelle , pour toutes leurs necefîîtez , &c obte- noient tout ce qu'ils demandoient , tellement x iiij ■ M I STOIR.E N AT VRELLE qu'ils rompirent leurs idoles , & commencèrent à porteries croix pour enfeignes>& à demander des prédicateurs qui lesenfeignaflent&baptilâf- fent. Pourcefteoccafiolaprouinceaeftéiufques auiourd'huyappelleeSaincteCroixdela Sierre. Mais afin que l'on voyepar qui Dieufaifoit ces merueilles, il ne fera mal à propos de dire com- ment ce foldat, après auoir quelques années fait ces miracles d'Apoftre, n'ayant point toutesfois amendé fa vie , fortit de la prouince des Charcas, & continuant fes mauuaifes façons de faire, fut mis publiquementau gibet en Pottofi. Polo qui le cognoi{Toit,efcrit tout cecy comme chofe no- toire^ qui arriua de fon temps. CabecadeVa- ça,qui fut depuis gouuerneur au Paraguey, eferit || en la pérégrination eft range qui luy aduint en la r Floride , auec deux ou trois autres compagnons, qui relièrent feulsd'vnearmee, où ils paflerent dix ans auec les barbares cheminas , & penetrans iufques à la mer du Sud , & eft autheur digne de foy, que les barbares les forçans de guarir certai- nes maladies,les menaçans que fils ne le faifoiét, qu'ils leur ofteroient la vie: d'autre-part ne fça- chans aucune partie de médecine, &n'ayans au- cuns appareils pour l'exercer, forcez delanecef- ficé, fe firent médecins euangeliques,difans les oraifonsderEglifej&faifanslefignedelacroix, au moyen dequoy ils guarirent ces malades. Pour le bruit & renommée dequoy , ils furent contraints d'exercer celle office par toutes les villes où ils pallbient, qui furent innumerables, enquoy le Seigneur les aida miraculeufement, DES INDES. LIV. VII. 347 de forte qu'ils eftoient eux-mefmes efmerueillez poureftre de vie commune, voire l'vn d'eux vn nègre. Lancero eftoit vn ioldat au Peru,duquel Tonne fçait d'autres mérites, que d'eftre foldat: il difoit fur les playes certainesbonnes parolcs,& faifant lefigne de la croix les guarifïbit inconti- nent, d'où l'on difoit comme par prouerbe le pfàlmede Lancero. Eftant examiné par ceux qui tiennent rang 5c ontauthorité en l'Eglife , fon office &fesœuures furent approuuccs. Quel- ques perfonnes dignes de foy racontent, & l'ay ouy dire mefmes,qu'en la cité de Cufco, Jors que les Efpagnols y eftoient afïiegez & preffezdc (î prés , que ians l'aide du ciel il leur eftoit impoflï- ble d'en pouuoir efchapper, les Indiens jettoienc du feu fur les toi&s des maifons où feftoient re- tirez les Efpagnols ,qui eft l'endroit où eft au- îourd'huy baftie la grand' Eglife : & bien que le toict fuft de certaine paille, qu'ils appellent là chicho , & que les flambeaux qu'ilsyjettoient defTus eftoient de bois de pin fortrameux& fore gros, toutesfoisiamais aucune chofè ne printen feu , ny ne fut bruflee, àcaufe qu'il y auoit vne Dame en haut qui efteignoit le feu incontinent, Se cela fut vifiblementapperceu des Indiens, qui le référèrent du depuis , en eftans fort efmerueil- lez. L'on fçait de certain par les relations de plufieurs , & par les hiftoires qui en font eferites, qu'en diuerfes batailles que les Efpagnols eu- rent, tant en la neufue Efpagne qu'au Peru , les Indiens contraires vei rent en l'air vn cheualicr, monté fur vn cheual blanc, vne efpee en la mainf combatantpour les Efpsgnols, d'où eft venue la jl^_^jjjU HISTOIRE NATVRELLE grande vénération qu'ils portée aux Indes au glo- rieux Apoftrc lainiîï laques. D'autresfois ils veirét en quelques batailles l'image de noftte Dame, de laquelle les Chrefticns ontreceu en ces parties d'incomparables faneurs, & bénéfices .-que fi l'on racontoit par le menu toutes les œuuiesduciei commeclles fontaduenuës, ce feroitvndifcouts fort long.ll fuffit d'au oir dit cecy à l'occafion de la grâce que la Royne de gloire fitaux nollres, lors qu'ils eftoient preHez & pourfuiuis des Mexi- quains, ccquei'ay mis en auantafin de faire en- tendre , que noftre feigneur a eu foucy de fauori- ferla foy,& religion Chreilienne,defendantceux qui la tenoient, encore que par aduantureils ne meritalîènt pas par leurs œuures, de relies faueurs & bénéfices du ciel. C'cft pourquoy l'on ne doit pas condamner fi abfolucmcnt toutes ces chofes, des premiers côquerans des Indes, ainfi que quel- ques religienx,c\: hommes dodtes ont faid,par vn bon zèle fans doute, mois par trop arTedté ; car cô- bien qu'en la plus part ils furent hommes auares, afpres,&fort ignoransde la façon de pioceder que l'on deuoitobfeiucr entre les infidèles, qui iamais n'auoient orïencélcs Chrcfticns, toutes- fois l'on ne peut pas nier, que de la part des infidè- les, il n'y ait eu beaucoup de mauuaiftié contre Dieu, & contre les noures , ce qui les contraignit vzerde rigueur , &dechauiement. Et ce qui eu: d'auantage, le Seigneur de tous, encor que les fi- dèles fulîent pécheurs, voulant fauorilerlcurcau- ie & party , pour le bien des infidèles mcfmes,qui depuis fe debuoient conuertir au faincl; Euangile i -ï'àhs DES INDES. 117. VII. 348 par cefte occafion : car les chemins de Dieu font hauts,& leurs traces merueiileufes. De la façon que h duùne prouidenee d'tfpofa les Indes , ùoury donner entrée à la Ej- li'ion Chrétienne. C H A P. XXVIII. &y<$ E mettray fin à cefte hiftoire des Indes de" îUcî clarant le moyen admirable par lequel Dieu difpofa, & prépara l'entrée de l'Euangile , en icel- les,ce que l'on doit bien confidere^afin de louer & recognoiftrelaprouidcnce & bonté du Créa- teur. Chacun pourra entendre par la relation, & difeours que i'ay eicrit en ces liures , cantau Peru, commeenlaneurueEfpagne , lors que les Chre- ftiensy mirentpremirementlepied, ces Royau- mes & Monarchies eftoiêc paruenuës au fommec, &periodede Ieurpuiffance ; veuqueles Inguas polîedoicnt au Peru depuis le Royaume de Chil- \c iufques plus outre que Quitto,qui soc mil lieues de pays (iiiui.Eftans fi abondans en or &argent,so- ptueux feruices, & autres chofes que rien plus, comme en Mexique Moteçuma commandoitjde- puis la mer Oceane, duNort , iufques à la mer du ^ud s eftantcraint,& adoré no pas comme hom- me', mais pluftoft corne Dieu:Ce fut alors que le très-haut Seigncuriugea, que cefte pierre de Da- niel qui rompit les Royaumes , & Monarchies du monde rompift auffi ceux de cet autre nouueau monde. Et tout ainfi comme la loy de Chrift ■■■m ■ HISTOIRE NATVUELLE vint quand la Monarchie Romaine eftoit parue- nue à fonfommet,ain(î en aduintil es Indes Oc* cidcntales, & vrayemetapperçoit-onencelavne vrayeprouidence du Seigneur. Car n'y ayantau monde, c'eftà dire en Europe, qu'vn chef & fei~ gneur temporel , ainfi quelesfacrez Docteurs le rem irquent, cela fut caufe que l'Euangile fe peut facilement communiquer à tant de peuples 8c natios, ce qui eft aufïiarriué es Indes où/ayans dô- né la coçnoiiïancc de Chrift aux chefs &. monar- ques de tant de Royaumes, cela fut caufe que par après plus facilement l'on communiqua l'Euan- gile à tout le peuple, voire y a icy vne chofe parti- culière à noter,que comme les feigneurs de Mexi- que & de Culco, alloient conqueftansdenouuel- les terres ils y alloient auiîîinrroduifans leur lan- gue, car iaçoit qu'il y euft comme il y* encorde prefent vne grande diuerfite' de langues particu- lières &propres,neantmoins la langue courtifane de Cufco courut & court encorauiourd'huy plus de mil lieues, Se celle de Mexique , ne f'eftendoit gueres moins , ce qui n'a pas elle de petite impor- tance, mais a beaucoup profité pour faciliter la prédication en ce temps que lespredicateuas n'ot pas le don de plufieurs langues, comme ilsauoiét anciennement. Qui voudra feauoir quelle ayde c'a eftépour la prédication Se conuerfionde ces peuples,quc la grandeur de ces deux Empires que l'ay dit, pour la grande difficulté que l'on a expé- rimentée , à réduire en Chrift les Indiens,qui ne recognoilïoient point vn (eigncur,f'enailleenla Floride,au Brefil,aux Andes,& en plufieurs autres endroits,oùpar la prédication l'on n'a pas faict vn S^KSàssi?- i^HSàîh. DES INDES. L IV. VII. 349 teleffeft en cinquante ans, côme on a fait au Pe- ru,& enlaneufue fcipagneen moins de cinq. S'ils veulent dire que la richelFe de cefte terre en a efté caufe,ienelcniepas du tout,tourcsfois ileftoit impoflîble qu'il y euft tant de richelle , & qu'ils l'eurent peu conferuer,s'il n'y cttft eu Monarchie. Cela melme eft vn acheminpmentde Dieu, pour- ce temps cy, auquel les prédicateurs de l'Euangile fontiirroids& fipeuzdez, qu'il y aye des mar- chands lefquels auec la chaleut de l'auarice , & le defir du commandement, cherchent &dcfcou- urent de nouucaux peuples,où nous pallions auec noftre marchandiie. Car comme dit S. Auguftin, jfur.U. t. laprophetie d'Efaye eft accomplie, en cequel'E- <&«».£«£ glife de Chrift l'eft dilattee , non feulement en la c- i6' dextre, mais auflî en la feneftre , qui eft comme il déclare s'acctoiltre par des moyens humains, & terriens,quel'onchercheplusordinairementque IefusChuft. C'a efté aufïï grande prouidence du Seigneur, que quand les premiers Efpagnols y ar- riuerent,ils trouuerent de l'aide entre les mefmes Indiens, à caufe de leurs partialitez & grandes di- lutions. Cela eft tout cogneu auPeru, que la diui- fion d'entre les deux frères Atahulpa , & Guafca, eftât nouuellemet decedé le grand Roy Guanaca- pa leur pere,fuft caufe de donner l'entrée au Mar- quis Dom Fraçois Pizarre & aux Efpagnols,d'au« tant qu'vn chacun d'eux defiroit fon alliance, & qu'ils eftoient occupez à fe faire la guerre l'vn à l'autre. L'on n'a pas moins expérimenté en la neufue Efpagne, que l'aide de ceux de laprouince de Tlafcaîla , à caufe de la perpétuelle inimitié qu'ils auoient contre les Mexiquains, caufa au H H ^H ■ HMH HISTOIRE NATVRELI.E Marquis Fernande Covtcz , & aux fiens la victoi- re,& îeigneurie deMexique,& fans eux il leur euft elle impoiïible de la g.iigner,voire feulement de Te mainteniraupavs.Ceux là fe trompent beaucoup quieltiment peu les Indiens , & quiiugentquc par l'auanrage , que les Efpagnols ont fut eux, de leurs perfonnes , chenaux Se armes ofïeniiues , ce defTenimes, ils pourront conquefter quelconque terre, & nation d'Indiens. Chillc cft encorlà, ou pour mieux dire Aranco,& Teucapel, qui font deux villes, fur lefquelles nos Efpagnols n'ont pas fçeu gaignervn pied de terre, combien qu'ilyaye plus de vingt cinq ans, qu'ils y font la guerre fans l'y eipargner. Car ces barbares ayansvne fois per- du la crainte des cheuaux & des arquebufes , Ôc fçachans que l'Efpagnpl combe aum bien qu'vn autre , d'vn coup de pierre où auec vne flefche, ils fe hafardent ôc entrent dans les piques , faifans leurs entreprinfes. Combien d'années y a il que l'on leue des hommes en la netifueEfpagne', que l'on menecontre les Chychymequos,qui font vn petit nombre d'Indiens tous nuds , armez feule- ment de leurs arcs, & flcfches,toutesfoisiufques auiourd'huy ils n'ont peu eftre vaincus , au côtrai- tede iour eniour ils deuiennent plus hazardeux ôc déterminez. Mais quedirons nous des Chucos, des Chyraguanas, & dcsPilcocones, & de tous les autres peuples dts Andes ? toute la fleur du Peru n'y a elle pas efté, menant auec foyfi grand appareil d'armes & hommes comme nousauons veu?que firçt ils?auec quel profit retournerec-ils^ Ils en reuindrét certainement bien heureux de n'y ^M aatmm DES INDES. LIV. VII. jjO auoir laiiîc la vie , y ayans perdu leur bagage de prefque cous leurs chenaux. Qujaucnn n'eftime pas, qu'en parlant des Indiens, l'on doiue enten- dre des hommes de rien , mais s'illepcnfe, qu'il vienne, & en race l'efpicuue. lien faut donc at- tribuer la gloire à qui elle appartient, qui eft prin- cipallcmentà Dieu , de à ion admirable difpoii- tion, car fi Moteçumaen Mexique, &l'Ingua nu Pcru fe fuflent employez à refifter aux Espagnols, & leur empeicher l'entrée 3 Cortez,&Pyzarrey eulVenc peu profité , encor qu'ils fuiTent excel- lents Capitaines, d'auoir mis feulement pied en terre. C'a efté mcfme vn grand ayde pour faire reeeuoiraux Indiens la loy deChrilt ,que la grad iujeâion qu'ilsauoientà leurs Rois,&feigneurs, & mefme la fujection, & feruitude qu'ils auoienc au diable, à fes tyrannies , & à fon ioug fi pezant. Ce fut vne excellente difpofition de la fapience diuine , laquelle tire duprofit dumalpour vne bonne fin;& reçoit fon biédu mal d'autruy qu'el- le n'a pas femé. Il cit certain qu'il n'y a aucun peu- ple des Indes Occidentales , qui ait efté plus idoi- ne à l'Euangile , que ceux qui ont efté chargez de plus grandes charges , tant de tributs & feruiecs, c5medecouftumcs,&:vfagesfanguinolccs. Tout ce que poftTederent lesRoys Mexiquains, & ceux du Peru,e(l auiourd'huy le plus cultiué de IaChre- ftienté , & où il y a moins de difficulté an gouuer- nement , &" police Ecclefiaftique. Les Indiens eftoient défia fi laiTez d'endurer le iougtres-pe- fant,& infupportable des loix deSatan,dcs facrifi- ces &ccr cmonies,dont nous auos parle cy-dellus, H! m HISTOIRE NATVRELI, E qu'ils confultoiét entr'eux de chercher vne autre loy,& vn autre Dieu, à qui ils feruiffét.C'-eft pour- quoyla loyde ChrilUeur fembla,& leur iembîe encorauiourd'huyiufte, douce, nette , bonne ,& toute pleine de biens.Et cequieft difficile enno- ftreloy , qui eft de croire Ges myfteres fi hauts Se fouuerains,a efté bien facile entre eux,d'aiuât que le diable leur auoit fait corn prendre d'autres cho- fgsplus difficiles. Et ces mefmes chofes qu'il auoit delrobees de noftreloy euangelique,comme leur façon de communion,& confellion,leuradoratiô de trois en vn, & telles autres choies femblables, îefquels contre la volontcderennemy oncayde à faire plus facilcmét receuoir la vérité à ceux qui les auoient receus en la raenterie. Dieu en toutes fesceuureseft fage,& admirable, lequeliurmon- te l'aduerfaire auec ks propres armes , larrefte auec fon lacs, & fefgorge auec fa propre cfpee.Fi- nablemcntnoftre Dieu, (qui auoitereé ces peu- ples,©^ qui fembloit fi long temps les auoir mis en oubly)quand leur heure a efté venue a voulu faire que les mefmes diables ennemis des homes qu'ils tenoient faulfement pour dieux , donnaient tef- moignage contre leur volonté de fa vraye loy , du pouuoir de Chrift & du triomphe de fa Croix, ainfi qu'il appert clairement par les prcfagcs,pro- pheties,fignes,& prodiges cy de(Tusracôtez,auec plusieurs autres qui font aduenus en diuecs en- droits , & que les mefmes miniftres de fatan , for- ciers, magiciens , & autres Indiens l'ont confefle. Et ne peut-on nier (car c'eft choie très- euidente, & notoire par tout le monde) que le diable n'ofe fiffler,&que les pratiques , oracles, refponfes,& apparitions des montagnes efloignez DES INDES. L IV. VII. 3JI apparitions vifibles , qui eftoiént fi ordinaires en coûte cefte infidélité, ont celle es lieux où le fignede la Croix a efté plante, où il y a des Egli- ses, Ôc où l'on a confelîé le nom de Chrift. Que i'il y aencor auiourd'huy quelque fien miniftre maudit, qui participe encor de quelque chofe de cela, ce n'eft que dedans les cauernes, fommets & aux lieux cachez & du tout du nom & communion des Chre- ftiens. Le Seigneur fouuerain foit bénit, pour Ces grandes miièricordcs, & pour la gloire de fon fainct nom: & à la vérité, fi Ton gouuernoic& regiffoit ce peuple , tant temporellement que fpirituellement,de la façon que porte la loyde lefus Chrift, auec vniougfi doux,& vne char- ge Ci légère, & qu'on ne leur donnaft point plus deppix & de charge que ce qu'ils peuuent por- ter, ainfi qu'il eft porté &c commandé par les pa- tentes du bon Empereur de bonne mémoire, & qu'auec cela ils prinfTent la moitié du foucy qu'ils employent à faire profit de leurs pauures fueurs &trauaux,pour leur aider à leur falut , ce feroit laChrcftienté lapluspaifible& heureufede tout ie monde. Mais nos péchez bienfouuent font occafion que Dieu ne départ pas Ces grâces fi a- bondamment qu'il feroit. Toutesfoisiedy vne chofe qui eft v raye , & le tiens pour certain, que iaçoit que la première entrée de l'Euangile en beaucoup d'endroits n'a pas efté accompagnée defincerité, Se de moyens Chreftiens defqucls on fe deuroit feruir, fi eft-ce que la bonté de Dieu a tiré du bien de ce mal, & a fait que lafubiedion y ' /HISTOIRE NATVRELLI des Indiens, leuraye efté vn parfait remède, Se iàluation. Que l'on confiderevn peu ce que de noftre temps Ton a de nouueau conuerty en la Chreftienté, tant en Orient qu'au Ponant, ôc combien il yaeu entr'eux peu defeureté,&dc perfeuerance en lafoy & religion Chreftienne, es lieux où les nouueauxconuertisont eu entiè- re liberté de diipofer de foy, félon leur libéral arbitre. La Chrétienté fans doute va croiiTant & augmentant , 6V rapporte chaque iour plus de fruict entre les Indiens aflubiectis , & au contrai- re va fe diminuant, & menaçant ruine es autres qui ont eu des commencemens pins heureux: & encor que les commencemens ayent efte labo- rieux es Indes Occidentales, toutesfoisle Sei- gneur n'a lailfé d'enuoyer incontinent de bons ouuriers & fidèles miniftres fiés, hommes faùicts &apoftoîiqucs, comme furent frère Martin de Valence, del'ordre de fainct François ; frère Do- minique de Getanços,de l'ordre de fainct Domi- nique, frère Iean de Roa, del'ordre de fainct Au- guftin , auec d'autres feruiteurs du Seigneur y qui ont vefeu fainctement , & y ont ouuré des chofes plus qu'humaines. Des Prélats mefmes fages , &c desPreftres fort faincts, & dignes de mémoire, defquels nous oyons des miracles remarquables, & propres actes d'Apoftres,voire en noftre temps enauonscogneu & communiqué de celle quali- té. Maispource que mon intention n'a efté plus outre que de traitter ce qui touche l'hiftoire pro- pre des mefmes Indiens, & de venir iufques au temps que le Père de noftre Seigneur IefusChrift DES INDES. L IV. VII. 3J2, voulut leur communiquer la lumière de fa paro- le, ie ne pallcray plus outre,laiiranr pour vn autre temps ,ou pourvu meilleur entendement, le dif- cours de l'Euangiieaux Indes Occidentales, fup- pliant le iouuerain Seigneur de tous, & priant /es feruitcurs qu'ils iupplient humblement fa di- uinemajeux qu'il piaiieàfabontévifitetfouuent & augmenter par les dons du ciel, la nouuclle Chreftienté,que les derniers fieclesontplantee aux bornes de la terre. Soit au Roy des lîecles gloire, honncur,& empire pour toufiours&àia- mais. Amen. F I N. y >1 OBI &?:?2 - TABLE DES CHOSES PLVS R E M A R Q^V A B L £ S CON- tenuè's en cette Hiftoire naturelle 8>c moralle des Indes. Bondance d'eaux Tous la Zone Torride. fol^.b Abfurditezdcl'Iile At- lantique de Platon. 44'a r Abus des Eipagnolsau Peru, prenansl'Efté pourl'Hyuer. 53. a Acamapach premier Roy de Mexique. 29o.a Accord fait entre le Roy de Mexique & fon peuple deuant qu'entreprendre vne guerre, 515?-» Acllaguagi efpece de monaftere de fem- mes. 2Z2. a Actes généreux de Fer- nande Cortés. 3i7«a Action de grâce fol em. nelles après vne vi- ctoire. 312. b Adoration des morts commencée & au- gmentée. * 501 Adultères punis de mort. 281. a Agilité des guenons,, Se de leurs traits pres- que incroiables. 190. b l'Aigle fur vn Tunal, armoiries de Mexi- que , & pourquoy. 307. b. 308. a l'Ail fort eftimé des In- diens. 157 .b l'Air combien neceflâi- reà la vie de l'hom- me. 68.aub l'Air efmeu de mouuie-' ment celefte , fufrhc fous la ligneEquin o- cti aile pour condiui- T A B re vn nauire.83. a.84.b Alco petits chiens doc les Indiens ont vn foinincroiable.i82.a Ambafladeurs arrofèz de sag humain. 340. a Amaro Ingua exécuté par les Efpagnols dans Cufco. 289. a Ambre efpece de gom- me medicinalle , & odoriférante. 173. b. i74.a Amandes croiiïàns das les Cocos. i6y.b. 170.» Amandes de Chaca- poyas tenues pour le plus rare fruict qui foitau monde.iyo.a les Anciens n'ont peu faire vn voyage de propos delibere,fau- te d'efguille. 3j.b les Anciens ne naui- geoient qu'auec ra- mes. 36.a Anciens do&eurs plus ftudieux des fain&es lettres que des demô ftrations de Philofo- phie. i.b Animaux venimeux cô- L E. uertispar art du dia- ble, en bonnenour- riture. 3o6.a Animaux parfaits ne peuuent eftre engen- drez commelesim- parfaits félon Tordre dénature. 39. a plufieurs elpeces d'A- nimaux fe troiruenc cz Indes , dont il n'y en a point en l'Euro - pe. iSj.b Annona fruict appelle par les Efpagnols blanc manger à cau- fe de quelquerelïem- blance 168. a.b l'An des Indiens diuife endixhuict mois. 261. a l'An des Perufiensplus parfait &plus appro- chant du noftre que celuy des Mexi- quains. 262. a Apopanaca c'eftoit le fuperintendant des monafteres des fem- mes. 222. a Apachitas fommets de montagnes adorez. a 106. a y ») T A B Arbre d'énorme çran- dcur. ijô.b.ijj.a. l'Arc du ciel auec deux couleuures eftoient les armes de l'Ingiu RoyduPcru. 203. b Arcades aux baftimens inconnues aux In- diens. Z76. a b l'Argccpourquoyapres l'or eftpriïcfur cous les autres métaux. 130. a l'Argent plus prife en certains endroitsque non pas l'or, ijo.a l'Argent plus commun ordinairement que l'or. ibid. commet on affinelAr- gentparlefeu.i3o.b. ôc comment auec le vifargent. ibid. &14.7.JL &b, diuerfes fortes d'Argét. i3?.b. 140.1 efTayde l'Argent com- ment fe fait. i49.a Arittote nonrefutépar Laitance touchât le lieu delà terre. i4.b Armes desMexiquains. iQi.b L E. Armée en l'air prefages d'vne grande ruine. 334. a. b. Ait militairefort hono- re des Mexiquains. 291. b Art de recognoiftre les cftoilles inuenté par les Phéniciens. 3 2.b chafque Indien fçauoit tous les Arts necef- laires à la vie humai - ne,fans qu'il luy fuft befoin de fe ieruir d'autruy. 28o.a.b les Afl:res (elo quelques Docteurs de l'Eglife femeuuetdeux-mef- mes. i.b Auantage que lesChrc- ftiens eurent aux In- des pour y planter la foy. ^34-b S. Auguftin doute file ciel circuit la terre de toutes parts. 2 S. Auguftin beaucoup plus fubtil que La- etanec. i4-b Auftericez exercées par les Mexiquains pour conferuerlcurpndi- citc. 116. a. b - T A B cupide Auarice d'va certain Preftre pen- fant tirer de l'or d'vn Volcan. 117. a Axi efpiceric d'Inde. 159.5.160. a l' Aymant trace comme vn chemin en l'eau. 33. b. 34. a l' Aymar, communique vne vertu au fer de regarder toufiours vers le Nort. 33.a.b l'v fage de la pierre d'Ay mant à nauigcrn'eft ancien. 35.a B BAlfoIemnclenMe- xique,où le Roy mefmc daçoit. 196.3. Balance terrible où le diable faifoit confef- fer les Iapponnois. 333-a Balaine comment prife par les Indiens , & auec quelle induftrie 99. b. 100. a. comme ils la mandent, ibid. Barques des Indiés, ap- pellees Canoës. 41. a L E. Bataille fans efpandre fang,faite feulement pour cérémonie à la reddition deTefcu- co. . 32-3-b Baufme de PaJeftine de celuy des Indes fore difTerés. i72.b.ilfert de chrefmeés Indes aux Sacremés de Ba- ptefmcConfirmatio ôcautrcs.ibid.leblac meilleur que le rou- ge. 173. b Belle occafion aux Ef- pagnols d'aflùiectir les Indiens par dou- ceur fi leurs péchez l'cuflènt permis. i5fa Befaar pierre qui fetrou ue en l'eftomac de quelques animaux , treflbuueraine con- tre le poifon. 195. b. d'où elle naift.2o6.b. comme elles l'appli- quent & quelles font les plus excellentes. 157. a. furquoy el- les fe forment, ibid. Beftial foigneufement conferué parles In- guas. 179. b y "'j y:^i*rwwteJi ^i'à'/iKi^fJ. WV4K T A B Belles fauuages adorées par les Indiens , & pourquoy. 206. b Betum die Coppey en Indien. 103. a Bilïexte incognu auxln- diens. 263.3 Bochas & Suches poif- ions fi^nallez du lac deTiticaca. ioi.a,b Bonchos religieux du diable éslndes. i-^z.a Bourrelée marque du roylngua côme fout icy îefceptre&lacou ronne. ziy.b.iy^.b Bois rares 5c odoriferâs qui naiilent es Indes. 176. b Brancars d'or maiïïf. n7.b hs Brifes & vents d'a- bas font deux noms généraux qui com- prennent les vents d'vn cofté Se d'au- tre. 80. b Bruine fort profitable aux Lanos du Peru. iu.a C (■^Acao fruicl fort e- -> ftimé es Indes> L E. ôc qui fert de mon- noye. 163 .a.b Cacaui, pain faitd'vnc racine. ij5.a Calabaliès ou citrouil- les d'Inde, & de leur grandeur. 159-b Calcul des Indiens fort ingénieux Se fort prompt. 27i.a Camey fecodmois des Indiens. 24,9.3 Canards en grade abo- dace au lacdeTki ca- ca, & comme on les chaire. ioi.a.b Canes de fucre deçrïd reuenu. 180. a Canopus eftoilîcquife voidau cieldunou- ueau monde. $>.b Cap de Comorni au*, tresfois appelle le Promontoire de Co- ri. 22.. b les Carthaginois def- fendirent de naui- çer aux terres inco- gneuc'Sj&pourquoy. 22.a Caufès des inondatios du Nil, 52. a.b Caufe aflTeuree de l'H y- T A uer&deI'Efté.53.b. Caufe des trcmbiemës de terre. n8.b.n^. Caymas ou lefards, ref- femblans auxCroco- diles dont Pline par- le. 5>8.b Cendre iettee en abon- dance parles Volcas. nS.b Cérémonie Mexiquai- ne de fe tirer du fang en diuers endroits. ^ 3i3,&53o.b Cérémonie des Indiés en la fepulture des morts, no.b. 211. a Cérémonies quifefai- fbient aux facrifices des hommes. 23o.b. 131. Chachalmua premiers Se fuprefmes Pre- ftres , & des habits donts ils vfoient aux facrifices.23i.b. 23i.a Charge des moutons d'Inde combien gra- de, & quelles iour- nces ils font ainfi chargez. 194. b Chafquis polies des In- L E. diens qui portoient les nouuelles par tout.187. b. de leur eftabliflement. 281 Chafîedes Iyonsvfitce entre les Indiens. 183. a Chemin des Efpagnols pour aller aux Indes, & leur retour. j6.h Cheuauxbeaux& forts fe trouuent es Indes. 182. Cheueux des preftres horriblement longs & oincts de refine. . H3-a Chica boifïbn fort bo- ne pour le mal de reis. z54-a Chichimequas anciens habitas de laneufuc Efpagne , & de leur vie barbare. 25? 8. b Chicocapote fruit ref- femblât au cotignac. i68.a Chiens dangereux Se auffi pernicieux que les loups. iSi.a Chiens dangereux en Mile de Cuba Efpa- gnolle&autres.42.a c^y.yâ'.s • T A Chillé Royaume de mefme température que celuyd'Ëfpagne. 51. a Chinchilies petits ani- maux dot la peau eft exquife. 189. b Chocholate boifsôdes Indiens dont ils font grand cftat. i^.b le Ciel eft rôd& fc tour- ne fur les deux pôles. 3. a. prpuueplus par expérience que par dcmonftration. ibid. le Ciel entoure la terre félon les eferkures. 5.b.6.a le Ciel de tous coftés eft en haut. i+.a.b le Ciel n'dîoignc pas pi9 la terre dVn cofte que d'autre. 10. b Cinabre ouvermeillon appelle parleslndie> Lyrapi. i-H-b Coca fruiâ: qui fcruoiL demônoyeaux Mc- xiquains. 116.1 Coca certaine fueilie dont les Perufiensfe feruoient pour mon- noyé. ibid. BLE. Coca petite fueilie doc leslndiensfontgrad traffic. 171. a. il en- courage & renforce. 164. a Cocas Palmes desIndes & de leurs rares pro- prietez. i.b Cochenille graine qui croift en l'arbre de Tunal. 16 6.a. Cœur arraché aux ho- mes iacrifiez,& d'où vient laceremonie. 305^ Collèges de Mexique ordonnez pour ap- prendre des haran- gues bien dittes aux îeunescnfans. 169. a Colomnes d'Hercules limites de l'Empire Romain & du m on- de ancien. i6.a Combat du Caymant &d'vn Tigre. 5>8.b Combat d'vn Indien contre vn Caymant. Combien de contente- ment apporte la con- templation des «eu- ures de Dieu, au pris T A de celles du monde. 7,8 . Combien chaque fa- medy Pen-regilkoit d'argent à Pottozi, du temps du gouuer- neur Polio. 135. a. Polio. ibid. Comédies fort freque- tes à la Chine. 267. a les Comètes en l'air fe meuucnt de l'O- rient en Occident. 81. b Communio imiteepar les efclaues de Satan. 256^.239 b Comparaifon familière pour prouucr l'effecl: naturel des pluyes en la Zone Torride. 58. b Comparaifon du Roy- aume de Mexique auec celuy du Peru. Concile de Lyma ropt le mariage fait entre lefrerc&lafœur, & pourquoy. 283^ Concombre dinde. BLE. 66.a.b Confefïîon des Indiens. 240. a. b. Tlngua ne fe confeflbic point. 240. a péchez dontfe Confef- foient les Indiens. 24.0. b. bain après la Confelïiô de l'Inçua 241. a Confitcor , comment fe peuteferire eneferi- ture de Mexique. le Conte des Indiens dont ils fé feruent pour lettres ne peut aller plus outre que quatre cens ans. 48.a.b le Cotton croift es ar- bres. iutes republiques. 2co3.b Dantes animaux fàiuua- ges, prefque femibla- blesàdes muletas, 8c de leurs cuirs.i8<9.a.b Déluge allégué pair les Indiens , dont il fe void quelque aippa- aence. 447 .b M TA B Dent de Géant dvne énorme grandeur. 301. b Département des ter- res d'Azcapuzalco après Ta victoire ob- tenue par ifcoalt. 3io.b.3zi.a Defcouuerte des Indes Occidentales pro- phetifee parSeneque 2.1. b Defcouuertes de nou- uelles terres , faictes plus par tempefte qu'autrement. j6.b. 37. a Dcilcin de faucheur. 70. b Deltroit de Magellan defcouuert par vn gentilhomme Por- tugais, qui portoit le mefmenom. 91. a DeftroitduPoleArdi- que,qu'on s'imagine en la Floride, no en- core recognu. 94. a Deltroit deGibaltar ap- pelle anciennement Colomnes d'Hercu- les. 00. a habitas d'autour le De- L E. droit de Magellan, quels &c comment veftus. 94.b. 95#a le Diable ialoux contre Dieu, hait les homes à rnort.2oo.b.Idola- trie diuifee en plu- fieurs chefs. 20i.a.b le Diableparloit ésGua cas deslndiens.2i2,b 117. b Différence de lettres peintures & chara- deres. 263^.164. a Difficulté de fçauoir d'où font venus les Indies , à caufe qu'ils n'ôt point vfédelet- tres. 4<5.b.47.a Difcoursde la defcou- uerte du Magellapar Sarmiento. 92.95 Diuifion du Peru ésLa- nos , Sierras , & An- des. 109. b Durillon du peuple 275. 276. Diuiilon de la ville de Mexique en 4. quar- tiers, fai&parlecô- mandement de leur dieu. }o8.b Commet fc diuifoient l^AffjSn> i'ii'j.<:!,L,.A'-'1j T A les terres coqueftces par les Inguas. Z7 8.a.b Diuinations exercées par les Indiens , & commet. 24.3. b.244 Diuorces pratiquez entre IesMtxiquains & comment. 243. b Diuorces pratiquez entre IcsMcxiquains & comment. 247. a les S. Docteurs non à reprendre pour eftre «Jifïercns enopinios Philofophiques. 2.b Dorado grade terre in, cognuc. 114. b le DrachAnçlois deno- ftretéps apaflelede- ftroit de Magellan, & d'autres depuis luy. 5)1. b. 92. a E . EAuëde merrefiaif- chit,bien qu'elle Toit iallee. 64.a Eaues deGuayaguiltres fouucraines pour le mal Napolitain. i04>a EclipfcdclaLunepreu- ue certaine delà ron- B L E. deurduciel. 4. a Effects naturels procé- dez de caufes toutes contraires. 56. b. 57.a les Elcmens participent mefmes du mouue- métdu premier mo- bile. ' 81. a Enrans lacrifiez au So- leil. 231.236. b. 293. Enfans de l'Ingua dé- diez pour eftre che- ualiers. 248^ Entrée des Efpagnols en la neufue Efpagnc tut l'an 15 18. 32p. b Entrée de Cortez en Mexique. 342-0 Erreur des Antropo- morphites. 92 Erreurs de l'imagina- tion. 13 partage. d'Efaye expli- qué pour l'amplifi- cation del'Euan?,ile. 124. b Efchellesde cuir de va- che pour moter hors des mines. 138. b hiftoire d'Efdras apo- cryphe. 46. b les Electeurs du Roy de Mexique efloienc T A B ordinairemct fes pa- rens. 291. b Eflection des Roys de Mexique, & des fe- ftcs qui fefaifoientà leur eftablilîement. 290^.291. a Ellection du premier Roy de Mexique. 310. a 1 Efctiture des Chinois eftoit du haut en bas, ôc celle des Mexi- quains du bas en hauc. 271. b es Efcritures fain#es faut fuiure l'efpiit qui viuiîie, nô la let- tre que eue. $>.b l'Efmcraude ancienne- met plus prilé qu'au- iourd'huy. 149. a. b rare ioyau d'vn plat d'zC meraude qu'ils ont à Gennes. 150. b les Mexiquains fç per- çoient les narines , • pour y pendre des Efmeraudes. 150. a l'Efpagnol chafque an l'vn portant l'autre tirevn million d'ar- gët dePottozi.i3<$.a LE. Efpagnols naiz aux In- des appeliez Crol- los. i68.a Efpagnols tenus pour dieux. 44.b.34-o.a Efpagnols appeliez des Indiés Vnacocasen- fâsdedieu,& àquel- leoccafion. 288. b l'Efguille feulguidedu nauire. 32.a trois fortes d'Eftoffes faite delaine.279.b 280. a Eftoilles adorées desin- diens pour diuerfes raifons. 205.b.2O4.a Eftrançe différence de deux regios proches, dont l'vn fait le Di- manche quad l'autre faitleSamedy.ii5.a. ibid.b l'Euangile enfeigné aux Indies lors qu'ils ont efté plus puiiïknSjCO- me il fut aux Ro- mains, leur Empire eftant à fon plus haut période. 348^ Euangile accreu à dex- tre&àfeneftre,que fignifie. 349,a ■■■■■■■■■■■I T A B Exercices aufquels on apprenoit la ieunef- fe. 25J4. a Explication d'vn parta- ge deS. Paulallegué contre la rotondité du ciel. 8.b Explication du Pfalme 105 . fur le mefme iu- je<5t. 9. a F FAmiliereraisopour prouueràvn In- dic que le Soleil neft point Dieu. 207. a.b Fertilité infertiles des Iiles de la neufue Ef- pagne. 113. a Fersdecheual d'argent àfautedefer. 117. b Fefte de marchandsac- compagnee de diuer- fes fortes de icux. tfjtf.157.1j*. Fefte de l'idole Tlafcal la. 215 Fefte pour demander de l'eau. 251. b Feftes ordinaires ^ex- traordinaires des In- diens. 26z.a.Feftes de chafquemois. 250.3 Feuille du plane mer- L E. ueilleufement gran- de. 162. a Feuille de planepropre " àeferire. 16$. a Feu tiré de deuxfrnftôs frottez l'vn contre l'autre par les Indies. 7if Feu d'enfer fort différée dunoftre. 118. b Feudu ciel qui con sôma quelques Geas pour leurs péchez. 37. b Fontaine m erueilleufe, iettant l'eau chaude qui fe conuertit en rocher. 103. a Figuer admirable dont la moitié porte fruit en vne faifon,& l'au- tre partie en L'autre. i79.b Fille du Roy de Chul- huacâ» maflacree par les Indiens , qui fut. occafion de guerre. 306. b Fleuuedela Magdelai- ne , appelle grande riuiere , entre fort auant dans la mer fans mefler fon eau. embou- TAB emboucheuredu Fleu- ue desAmazonesJar- gedefoixante & dix lieues. 105. a grads Fleutiesje moin- dre ilupafsât les plus grands de l'Europe, îbid. &b. les Fleurs de l'Europe viennent mieux aux Indes qu'icymefme. 170. b les Floridiens ont efté fans cognoillàncedc l'or. 124. a leFlux& reflux n'eil pas mouuement local , mais vne altération 4.a.b Ieufnesdes Indiens do- uant la fefte d'Y ta. il G. b zij T A B Icufnes des Indiens fe faifoiécfans toucher à leurs fcmmcs^o.b zji.a Ignorance doctrine des Philofophes ancies. Imagination vieille fol- le. 13. b. 14. a Immortalité de lame creue" par leslndiens. 209. b Indes,que fignifie, & ce qu'entendons par vn telmot. lô.b.iy.z l'Inde Occidcntalle a eftépour la plufpart gouuernee par le peu pie , êc n'y a eu en tout que deux Roy- aumes. 273. a.b Indes comment fe font peu peupler, ^j.z. comment a efté pof- fïbledç paflTeres In- des. 3o.b *cs Indes font terres lai- des richçmct dotées de Dieu , poureftre mariées à l'Euangile. 125. a Indiésfort peudefircux de l'argent. 124.126^ L E. leslndiens ont vefeu en trouppes fans Répu- blique, comme font ceux de la Floride, du Brefil & autres. 48. b Indiens braues nageurs. 100. b leslndiens en toutes fe- ftes portent des bou- quets. i7i.a leslndiens n'ont point eu de mot propre pour direDieu.ioz.a les Indiens (ont déplus çrand entendement qu'on ne les eftime. 26o.a comment les Indiens peuuenr defigner les noms propres auec leurs charaderes. 266. a Inguas Roys du Peru adorez après leur mort. zoo.a leslnguas eftoientmer- ueilleufementrefpe- dez du peuple , & pourquoy. 281. b. 28i.a le règne des Inguas a duré plus de trois TA cens ans. 2.84-a les Inguas efpoufoient leurs fœurs. 273. b ils n'heritoiet point des meubles de leurs predecefleurs, mais faifoient vn mefna- ge nouueau.i74.a.&: z85-a.b Inondatio duNi!,cho- fe naturelle , quoy qu'elle femble con- tre nature. 52.D Intégrité des femmes fort honorée desMe xiquains. 24-6.a Inuentios fuperftitieu- fes de Yupangui In- gua,pour auoir occa- iion d'ôfterle Roy- aume à fon père & à Ton frère. 286. b Ioncs appeliez Totora par les Indiens. 82. a Ioiier le Soleil autant qu'il naifle, Prouer- be,&:d'oùileftvenu. 2i8.a.b Iours & nuicts efgaux toute l'année fous l'Equinoxe. 45?.a.b Iours d'Efté fort courts au Peru. 62 .b B LE. cinq Iours de Tannée fuperflus , aufquels les Indiens ne fai- foient rien. 26'i.a Ifle de Sumatre , célé- brée fous le nom de Tabrobanè. 22. a Ifle Atlantique de Pla- ton , où elle fe peut prendre. ' 24.a Mile Atlantique de Pla- ton n'eft qu'vne pu- re fable , qùôy qu'il femblel'auoir deferi- te comme véritable. 44-a Ifle de fafeines faite auec vn travail excef- fif pour palier vne ar- mée fur mer. 328. a.b Ifles fortunées pour- quoy appellees Ca- naries. 22.b Iuftice par qui exercée en Mexique; 29i.b 292. a luftice fort exatle de Motecuma dernier * Roy de Mexique. 333- b L LAc trefehaud a» milieu d'vnctet- z iij ■ ■■■I ■■■ T A B rc froide. 102. a Lac de Mexique ayant de deux fortes d'eau, ibid. rcuenu du lac de Mexi- que, ibid.b grads Lacs au haut des montagnes, &d'où ilsnaiffent. ioi.b. 101. a Laitance fe rit de l'opi- nion des Peripatcti- eiens -touchât le cieh ï. a LacHce réfuté touchât les Antipodes. i4.a.b Langue Mandarine eft referiture des Indies qui n'eft que par cha- racteres. 265. b les Legiflateurs les plus fameux ont erré.260. a Libéralités d' Autzol,8. roy de Mexique. 34 Liures des Indies com- ment peutient eftre faits fans lettres. 265. b. i66.a Lyonsdu Perufortdif- femblables à ceux d'Affrique 42.a Lyons gris 8c fans crins 183.3 L E. M MAgievainecontre lesChreftiens. 340.3. b. 341. Maifon admirable , rc- plie de toutes fortes d'animaux , comme vne féconde arche de Noc. 291. a Malaca autresfois ap- pelle le doré Cher- fonefe. 22.a. b Mamacoroas eftoient lesanciénes & com- me mères des filles renfermées. 211. b 222 a Mameyes fruit refïem- blant auxpcfches. 167. a. à quoyil fert. ibid. Manari moftrueux poif fon qui paift aux champs. 98. a. ilref- séblefort eftre chair lors qu'on en man- ge. 5>8.a Mandarins officiers In- diens, auec combien de difficulté fe peu- uent rendre capables de tels eftats. 265.3 Mango Capa premier TABLE. In gin & ce qu ils feignent deluy. ^8.a *S5-a Martguey arbre de mer- ueilles.iéj.a. comblé de chofes il fournit. 127. a Mariage illicite des In- guas auec leur fœur. 281. b Mariages des Indiens, & comment ils fe cé- lébraient. 246. b Mariages entre les In- diens défendus feu- lement au premier degré. 282. b Marque certaine pour diicerner ce quia e- ûé porté aux Indes depuis qu'elles font defcouuertes , & dôt il n'y en auoitpoint auparauant. 183. a Marques de quelques nauigations des an- ciens. 36^.37 le Matin plus aggrcable en Europe, &leplus ennuyeux auPeru. 6j. b. Matines de minuit pra- tiquées par les mini- ftresdu diable. 22i.a b. Mays bled d'Inde. 152. b. comme ils le man- gent. 153. a. comme ils f'en feruent à faire leurboillbn. ijj.b. 154.* le Mays &lebeftail fer- uent de mille chofes aux Indes. ibid. Mechoacanes ennemis des Mexiquains , & pourquoy. 303 ,b. 504.3. Médecins fort experts autresfois es Indes. i74.b la Mer aux anciens te, nuë pour non naui- geable outre le de- ftroitdeGibaltar. 16. a le Mal qu'on endure fur mer,d'où caufé.86. a.b Mer Oceane Princelle des eaux. po.a Mers chaudes, & d'au- tres froides. 66. b deux grandes Mers pro- ches de fept lieues. 90. b. prefomptu- eux defleing de les t iiij ^VK^^>%fâWi*^V^>„i'M';!-'^ ■ T A B faireioindre. ibid. diuerfité des Mers, n.b iamais laMer ne s'efloi- gne de la cerre de plus de mille lieiics. ibid. Mefna^e des Indiens pour la draperie. i94.a Métal pauure , & métal riche quels. 150. b. 131. a le Métal plus il cft pro- che de la fuperfkie de la terre, plus il cft riche :8c plus profôd il eft, au contraire. 138. a les Métaux pourquoy créez. 123. b les Métaux ne Ce trou- «ent qu'en terres dé- nies , & pourquoy. 125. b l'eau empefche fort la traicte des Métaux. i35.b.ï36.a Mcuriers platezparles Efpagnols enlaneu- ue Efpagne ont mer- neilleufèmcnt profi- té pour les vers de (oye. i79-b Mexichef des peuples L E. qui vindrent peupler la Mexique , duquel ils ont tiré leur nom. 303. b Mexique ville fondée fur vn lac. 101. b Miel d'Inde fort afpre, &r comme il naift. 135. b les Minéraux imitent les plantes en leur façon de croiftre. 121. a.b Mines efgarees:d'autres fixes. 130. b richeffe de quelques Mi nés anciennes qui n'approch ? pourtant à celle de Pocozi. i55.a trauail trop exceflif de* Mines. 138. b Mines de vif argent en Efpagne. H?*3, Moquerie plaifante des Mexiquains contre lesjTlatelulcos après les auoir vaincus. 327.b Moines de Mexique, de leur vertement, offi- ce , & difeipline. n^.a.b T A Moys des Indiens de vingts ioucs. 261. a. Moulins i moudre les métaux. 14.8. a Monde nouueau félon les anciens inhabita- ble.i.a.imacnné d'eux o comme vne maifon couuerte du ciel, ibidem. grande partie du Mon- de encore à defcou- urir. n.b Mônoye mefure de tou teschofes. iz^.a. la Mort eftoit la puni- tion des filles refer- rees qui failloient. 223a Xlort volotaire de plu- sieurs Indiens pour aller feruir leurs rois en l'autre monde. Mort de Chimalpopo- caicune RoydeMe- xiquetue'traiftreufe- ment par les Tapa- necas. 315. a.b Mort de Moteçuma dernier Roy de Me- xique. 344-a.b Moutons au Peru fer- B L E. uans d'ames à por- ter des charges 42. b Mourons d'Indes pro- fitables fur tous au- tres animaux. 193. b troupes de Moutons chargez de diuerfes marchandifes , ainfi que des mulets.i94.a Moyenne regio de l'air plus froide, & pour- quoy. 6$.z N NArinc percée à vn Mexiquain,pour y pendre vne efme- raude. 327^.330. b laNature inférieure fert roufiours d'entretien à lafuperieure. 122. b Nauatalcas peuples qui policerent la neufue Efpagne. 29 9 >.b Nauire appclleeVicioi- refit tout le tour de la terre. j.b Nauigario auiourd'huy fort facile. 33. b Nauigation deSalomo quelle peut eftre. 3<î.a v^s ^H T A B Nauires Efpagnols te- nus des Indienspour rochers à la première veiie. 41. b N eufue Efpagne q uelle m. le Nkre refroidit l'eau. 64. a Noblefle Mexiquaine mailacree en vn bal par les Efpagnols. 343 Noix desIndes fort mal plaifantes , font ap- pelles par les In- diens empoifonnees. i68.b Nortventfec & froid. 75-a Noftre Dame fecourt les Efpagnols pour- fuiuis des Indiens. 345 -a Nordeftcr que fignifie, & Nortoefter. tf.a. Nouueau monde pref- que tout fitué fous la Zone Torride. 49. a au Nouueau monde ne feft point defcou- ucrt de mer Médi- terranée. 90. a L E. Nuidts d'Efté fort fraif- chcs au Peru au ref- pecl: de celles de l'Eu, rope. 6y. b Nuicî: de fix mois en la région Polaque. 17. a la Nuictcomment cau- fee. 4. a O OBie&ion contre Arilîotefansfo- lution. 6$.b Occafion de guerre en- tre les Tapanecas & Mexiquains. 3H-b l' Océan aux Jndes eft diuifc en la mer du Nort & la mer du Sud. 90. a. Oignement don t vfoiet les Indiens pour fe rendre capables de parler au diable. 143. b. 244. a. ce mefme oignement armoit de cruauté les Preftres, & leur faifoit perdre toute crainte. ibid. On&io de Vitzilouitli fécond Roy de Me- TABLE. xiquc. 313. a Onguent fait depetites beftes dont les Pre- ftres Indiens eftoient oings. M3-b Ophir eft en l'Inde Orientale. z6.z Opinion d'aucuns que le Paradis terreftre eft fous l'Equinoxe, non (ans raifon.66.a. 68. a l'Or fe trouue en trois façons, en paille, en pépins, & en pierre. 118.4 l Or de Carauana le plus célèbre du Peru. ibid.b l'Or & l'argent eftimé par tout le monde. 114* l'Or& l'arçrent ne fer- o uoit aux Indiens que d'ornement. 126. a les Indicsn'vfent point d'autre monnoye que d'Or & d'argent 126. b l'Or pourquoy prift fur tous les métaux. uy.a l'Or & l'argent en natu- turc,combien de de* grez au deflous de l'homme. 22.b.u$.a comme on rafine l'Or en poudre. 128.D. 129. a d'Orient au Ponant fur mer on a toufîours le vent en poupe, du Ponant à l'Orient au contraire , & pour- quoy. 82.b Ordres diflferens des Preftres deMexique, &de leur office ordi- naire. 116.3. Ordres de laCheualle- rie Mexiquaine , Ôc des marques qu'ils auoient. 293 les Oyfeaux endurent facilemet de demeu- rer das l'eau,& pour- quoy. i84«a Oyieaux merueilleufe- ment petits & d'au- tres merueilleufemét grands. i86.b.i87.a Oyieaux extrêmement bien variez en cou- leurs. i87.a images de plumes d'Oy féaux faits d'vn artifi- '.nk?<.- txfiri-f ^^H TAB ce'admirablc. i87-a.b Oyfeaux laids à mer- ucille, mais fort pro- fitables pour leur fiente, iSS.a.b Oyfiueté chafTee corne fort dangereufe par les Inguas,pour con- tenir plusfacilement le peuple. -*74-b PAchacamac grand San&uaire des In- diens. 2oi.b Paios animaux opinia- ftres , & comme on lesgouueme. 195. a Pain de Mays que les Prcftrcs donnoient folemnellement aux eftrahgers , image de la Communion. 2}6.a.b Palais diuers de récréa- tion & d'afflidtion. 3^7- a PalIifTade horrible tou- te de 'telle de morts. 219. b Papas racines dot quel- ques Indiens font de L E. certain pain qu'ils appellent Cugno. no.b Papas cfpccc de pain. 1)6.3. Papas en Mexique eftoictles fouuerains Preftres des idoles, ncj.a.no.a Paraçuey fteuue de l'A- menque inonde co- rne le Nil. $i.b Paraguey fieuue grand àmeruciile. 54-b Palfage de Pariacaca fort dangereux pour le mal que le vent y fait endurer. 87. a Pariacaca vn dts plus hauts endroits de la terre. 88. a Parole d'vn homme qui auoit défia le cœur arraché. *35«b Patte de Mays appellee par les Indiens chair de leur dieu Vitzili- puzli.238.b.cefte pa- tte deuoit eftre man- gée au point du iour, & eftoit défendu de ne manger rien autre chofe iufques après T A B midy. z39-a Pafturages communs es Indes qui rendent toutes chairs à bon marché. iSo.b Paltas fruict délicat & boàl'eftomac.i57.b Peintureliuredes idiots 264, a Pénitences enioincles parlcscôfcfleurs In- diens. 241^ les Perdrix ne fe voyent point au Peru. 4i.b vn Perc perdantfes en- fans eftoit tenu pour grad pecheur.z40.b. 241.il tuoit (es enfas pourfefauuerla vie. ibid. Pericoligero , animal fort pe/ànt. 150. a la Perle anciennement plus prifee qu'auiour d'huy.iji.b. combien l'abondance rend les choies viles. 149. b les Perles l'engendrent dans les huiftres. 151. a.b Perles de diueries for- tes, ibid. Perroquets qui vôt par L E. bande. 42.b Perroquets volants par bandes comme pi- geons. 184.8. Peru abondant en vin. ii2. a.b Peru abondant en mi- nes d'or & d'argent plus que toute autre terres des Indes.i25.a Peru quelle partie du monde c'eft. io$).a le Peru, no deriué d'vn fleuue du pays, non pasd'Ophir comme quelques vnseftimet Perufiens fort foigneux d'entretenir & con- feruer leur hiftoire par traditio, fans let- tres , ny characteres. 269.^.270. a le trauail excefîîf qu'il, y a à Pefcher les p er- les. 152.8 plaifante façon de Pef- cher des Indies. yj.b 100. a Pierres fupeftitieufe- m et offertes aux paf- fagespour auoir beau chemin. 206. b .;),^;^9^£- fewy'^f*' T A B Pierre qui fe taille & coupe côme bois.103. Pierres my or & my- pierres. n8.a Pierres fignificatiues auec lefquelles les Indiens apprennent quelque chofè par cœur, ijo.b.zji.z Pierres d'vne merueil- leufe grandeur, & de l'artifice des Indiens àlesioindre en leurs baftimens fans ci- ment. 276. a.b Pilotes pourquoy au- iourd'huy font aiîis fur la poupe, & non pas fur la proue com- me ancicnnemët.33.a Pines ou pommes de pain d'Inde. 158. a Pinchao idole du So- leil , & de l'artifice dotileftoitpoie.218 la Plane produit fruicT: toute l'annce. i6z.b reiîemblance & diflèm- blâce des Planes des Indes aux Planes an- ciens, iôi.a.b Planètes ne fe mcuuent 4'eux mefmes en vn L E. corps corruptible.4.,5 nos Plantes pourquoy profitent mieux aux Indes, que celles de de là en Europe. i;7.a. b Plébéiens exclus du fer- uicedu Roy , & de tout office public, parMoteçuma 5 jz.a. ils n'ofoient regar- der le Roy en Face fur peine de mort. 533. pline meurt en vne trop curieufe recherche. n8.a Pluyes caufees par la chaleur en la Torri- de. ^ 53 il ne Pleut, neige, tone, ny ne grefle iamais au Pcru. jo$>.b Plufieurs chofes rares en nature cogniies plus par hazard que par industrie. 38.3 Portions vollans. 5)8. b le Pôle du Sud n'eft marqué d'aucune eftoille fixe. io.a Pôles Arâiquc & An taréJiquei.a.ceftuy-' T A cy reuoqué en cloute par S. Auguftin.ibid. aux deux pôles il y a ter- re & mer. 13. a pongo partage des plus dangereux du mon- de fur le flcuue des Amazones. 104. b pôtde padle fort alleu- ré pour palFervn cou- rait d'eau rapide. 55. b plailant rraict d'vn por- tugais , par lequel il s'exempta d'eftie fa- crifie. 210. a portugais fort experts enl'artdcnauiger.io.a pottozi montagneeele- bre pour les riches mines.i;i.b. commet fes mines furent def- çouucrtescV: enregi- ftrees. 154-a poulies trouuees aux In des à la ddeouuerte, le/quelles ils appel- JoiétGualpa,cV leuts œufs ponto. 184, 185 prefages roenaçans la ruinedes eftats ne sot point à mefprifer co- rne choies vaines. 3$ 4.0.335 .a preftres comme aumof- B L E. niers près de chaque feigneur Indien. 211 preftres des idoles co- rnet côfultoicc leurs dieux. 2i7.b.2i8.a Prétexte des Inguas pour agradir leur fei- gncurie,futleur rcli- giô qu'ils dilDÏentla meilleure. 2g4-b principes des vents in- finiment cac.iez aux hommes. 73 procédions des Indiens 237.^238. a proceflïon penicentiel- lefai&epourobtenir pardo des pechez.235 prodiges horribles ôc en grand n ombre ar- ri u ez deuantla ruine de Mexique. 337. rrofits qui fepeuucc ti- rer de la lecture de ces exécrables fuper- ftiôs Indiennes. 259 propriété plus rare de l'aimant ignorée des anciens. 32. a Piouinceproch;deMe xi que lairtee fans co- que ft er,pour exercer toufiours la leuneflc à la guerre, 8c pour iy.^ï'/, T A B auoir aufli où pren- dre des captifs pour facrifier. 3 25. b. 326a Ptolomee& Auicenne ont tenu la Torride fort habitable. 61. a Punas defert du Peru, oùi'air tue les hom- mes & les animaux mcfme. 89. b Pyramide de feu appa- rue au ciel Teipace d'vn an deuant la rui- ne de l'Empire Mexi cjuain. 336. cl. QValitez, fvmboles & difîymboles impreuuees. 68. b Quantité d'or qui vient tous les ans desIndes en Efpagne. 11.9 Quatre principales vei- nes à Potozi, &leur profondité. i37.a Quetzaalcoalt dieu des marchands, & où il eftoit adoré. 2i4.b Quipos , rameaux fèr- uans comme de regi- stres pout mémoire LE. de ce qui Ce patlbit au Peru. 27o.a R RAcinesqui Tôt fort profitables es In- des. i56.bij 7 Racines adorées parles Indiens. 106.3. noftre Raiion içiioran- te mefme es chofes naturelles. 35. b Raymé premier mois deslndiésj&fc rap- porte au mois deDe- cembre. 248 Regiôs fort delicieuies des Indes. 6S Relions fouz l'Equi- °* c noxerort tempérées. 6o.b k Religion feruoit aux Indiens de prétexte pour faire la guerre, / 48. Remède contre le châ- gement que caufelc vent en Pariacaca. 87. b Rencontre de deux ri- uieres des Indiens par vn particulier re- fpecl:. T A fpect. 229. a Richeffe de quelques ides de la neufue Ef- pagne. 112. b Richcllc incroyable ..tes Peiufiens lois qu'ils furent prins par les Elpa^nols. 278.3 Ris fort commun es In- des. 156. a Riuiere des Amazones nomee diuerfemét. 55. a. dicte monarque des fleuues. ibid. Riuieres admirables en la Torride. )&>i>ti---à'i<ï'Jn&i T A B no.a.b. Variété de température des terres Equino- ctiales. 63. b Vents d'abas contraires aux versàfoye. 85. b Ventdagereux qui tue &conlerueIcs corps fans corruptiô.89.a.b le Vent du Ponant ne fournie point en la Torride. 75. b Vents appeliez brifes en la Torride vicnnét d'Orient. 76. a quatre Vents princi- paux. 79. a huict Vents en huicb poinc"ts notables du ciel A leurs noms. 75).b les Vents de terre en la Torride foufflét plu - ftoftde nuidt que de iour,& ceux de mer âucontraire,&pour- c|uoy. 84«b le Vent cotrôpt mefmc lefet. 8tf.a propriété d'vnVctit qui fourAît fait pleuùoir des pulces. 71. b le Vent du Sud rend la L £. cofte du Peru habita- ble. 109 vn mefme Vent f'ac- quiert diuerfes pro- prictez félon le lieu où il court. 7%, a diuers Vents cnla terre de la Torride. 84 trente deux Vêts pofei par les pilotes. 79.a trois principales caufes de la différence &di- uerfes proprietez des Vents. 74 eilranges diuerfitez de température caufees par les Vents. 67 Victoire des Mexiquaxs fur les Tapanecas. 310. a Vicugnes , efpece de moutons fauuages. 191. a. &b. Vertu de leur laine. 191. a. leur chair eft fort 'fouuc - raine pout le mal des yeux. ibid. le Vif-afgent fuie les autres métaux, horf- rhis l'or 8c l'argent. IcVif- argent fe tout- ne en fumee,fe tour- né en vif-argent. 141 ■ T A B le Vif-argent 5c lç Ver- meillon naiirent en vne mefme pierre, ibid.b le Vif-argent vray mé- tal , & plus pefant que tous autres. 143.4 propriété merucillcufe du Vif argétàieioin dre autour de l'or. 141. a. combien l'Es- pagnol tare des mi- nes du Vif- argent. 14.4. b. 145. a Vignes fansfruictcnla neufue Efpagne. ni Vignes du Peru & de Chillé portent de tres-bonvin. 178. b Vignes de la vallée d'Y- ca qui viennent fans élire iamais arrofecs d'aucune pluye , & comment il fe peut faire. 179 a Vignes qui portét fruit tous les mois de l'an- née, ibid.b pourquoy l'on ne fait point de Vin durai- fin qui croift en la neufue Efpagne. J7*.a L E. Viracocha,nom que les Indiens donnoient au dieu fupreme, a- uec d'autres excel- lents & fîgnificatifs d'vn grand pouuoir. zoi.b.202.a Vitzilipuztli principa- le idole de Mexique, & de tous Tes orne- mens. 2l?.b Viurcs pofez au tom- beau des morts pour les nourrir après leur mort. 210 Voix entendue prefa- geatlaruinede Mo- teçuma. 336.» Voracité desTiburons. <>8.a Volcan de Guatinda plus admirable que tout autre, 116 matière qui entretient les Volcans. 118. b Voyage d'Haimo Car- thaginois admirable en ion temps, n.b. Voye La&ee, appellec chemin S. laques. 5.» Vros peuples brutaux qui ne f'eftiraent pas hommes. 56.» •?&&; H TAB Vtilitc de route hiftoi- re naturelle. 70 X XAmabroispelerins côtraints de cou- fefler leurs péchez iur vneiochc.241. b Y Ca& Arica, & leur Y façon de nauiçer en des cuirs. 37. b Yen grande felte des In- diens qu'ils raifoient en neceflite , & des préparatifs à icelle. 150. b Yupangui Ingua a eflc L E. en Mexique commet vn autre Numa à i Rome , pour l'efta- bliffement des ioix, 237.0. £247. b. Z ZEphyre vent doux & fain. 75. b Zone Torride aux an- ciens inhabitable, & les raifonjpourquoy. i7.a la Zone Torride en des endroits tempérée, en d'autres rroide,en d'autreschaude.éc.b 61. a. ï I N. •■i>.ù14'J>*'; * Il MMMI INDE?