p à •-m V VA *»• RELATION D'UN VOYAGE DU LEVANT, FAIT PAR ORDRE DU ROT CONTENANT L'Hifloire Ancienne & Moderne de plufieurs IiTes de l'Archipel, de Conftantinople , des Côtes de la Mer Noire , de l'Arménie , de la Géorgie, des Frontières de Perfc & de l'A fie Mineure. A VEC Les Plans des Villes èr des Lieux confiderâhles ; Le Génie , les Ma-urs, le Commerce èr la Religion des differens Peuples qui les habitent ; Et l'Explication des Médailles £r des Monumens Antiques. Enrichie de Defcriptions & de Figures d'un grand nombre de Plantes rares, de divers Animaux; Et de plufieurs Obfervations touchant i'Hiftoire Naturelle. Par Ai. P itt on DE Tournefort , Confeiller duRoy „ Académicien Penfionnaire de l'Académie Royale des Sciences , Douleur en Médecine de la Faculté de Paris , Profeflcur en Botanique au Jardin du Roy , Ledeur ir Profejfeur en Médecins au Collège Royal. TOME TROISIEME. A LYON, Chez ANISSON ET P O S U EL. M. D C C X Y I I. AVEC PRIVILEGE DU ROY. LETTRES C ONTEN U ES DANS LE TROISIEME VOLUME. Lettre XVI. Defcription des Côtes méridionales de la Mer Noire , depuis fon embouchure juf * ques à Sinope. pag. i. Lettre XVII. Defcription des Côtes de la Mer Noire , depuis Sinope jufques à Trebifonde. pag. 44. Lettre XVIII. \Voyage d'Arménie à" de Géorgie, pag. 8 6. Lettre XIX. \Vbyage des Trois Eglifes. Defcription du Mont Ararat, & le retour de l'Auteur à Erjerotu pag. 178. Lettre XX. \Des Mœurs, de la Religion, & du Com- merce des Arméniens. pag. 2, 5 i> Lettre XXI. Voyage de Tocat & d'Angora. pag. z$6. Lettre XXII. Voyage de Smyrne & d'Ephefe, Et retour de l'Auteur à Marseille. pag. 3 5 3 '. . VOYAGE VOYAGE D U LEVANT, FAIT PAR ORDRE DU ROY* ^^^•^^^^^^•^^^•^••^•.••^•^•^•^•^♦•^••^••^••^••^•^••^ Lettre XVI. A Monseigneur le Comte de Pontchartrain 3 Secré- taire d'Etat & des Commandement de Sa Ma» jeflé , &c. m |Onseigneur, Quoiqu'en aient dit les anciens , la mer Noive 9XloU n'a rien de noir , pour ainfi dire , que le nom ; de. les vents n'y foufflent pas avec plus de furie , 6c m< les orages n'y font gueres plus frequens que furnalc.s les autres mers, Il faut pardonner ces exagera- NV tions aux Poètes anciens , 6c fur tout au cha- j gnnd'Qvide ; en effet le fable de la mer Noire eft fon Ifomc III, A z Voyage Louchù- de même couleur que celui de la mer Blanche # rc luf" &c fes eaux en fonc auffi claires ; en un mot , Sinoi a ^ ^es c°te3 c^c cctre mer y clm' Pa^e pour fi- dan- gereule , paroilfent fombres de loin , ce fou-: les bois qui les couvrent , ou le grand éloignè- rent qui les font paroître comme noirâtres. Le ciel y fut fi beau ik fi iercin pendant tout no- tre'voyage , que nous ne pûmes nous empêcher de donner une efpece de démenti à Valerius Fiaccus fameux Poète Latin , qui a décrit la rou- te des Argonautes , lefquels pallbient pour les plus célèbres voyageurs de l'antiquité , mais qui ne font cependant que de fort petits grreons en comparaifon des Vincent le Blanc -, Taver- nier, «Se une infinité d'autres qui ont veii la plus grande partie de la terre habitée. Ce Poète affine que le ciel de la mer Noire cPc toujours embrouillé , & qu'on n'y voit jamais de tçmps bien formé. Pour moy je ne difeonviens pas que cette mer ne foit lujette à de grandes temprtes , & je n'aurois pas de bonnes raifons" pour le nier , car je ne l'ai veiïe que dans la plus belle faifon de l'année ; mais je fuis perfuadé qu'aujourd'hui dans l'état de perfection où l'on a porté la navigation , on y vcyageroît aufîi feu- lement que dans les autres mers , Ci les vailleaux croient conduits par de bons Pilotes, Les Grecs ëc les Turcs ne font gUcres plus habiles que Ti- phys SE Nauplius qui conduifirent Jalon , Her- cule , Thefée , & les autres Héros de Grèce %. jufques fur les côtes de la Colchide ou de la Alengrelie. On voit par la route qu'Apollonius de Rhodes leur fait tenir , que toute leur feience aboutiflbit , fuivant le confeil de Phinée cet aveugle Roy dcThrace, à éviter les écueils qui dû Levant. Lettre XV ï. j fe trouvent far la cote méridionale de la mer Noire , Tans ofer pourtant le mettre au large j* c'eft à dire qu'il falloir n'y palier que dans le cal- me. Les Grecs & les Turcs ont prefque les mê- mes maximes ; ils n'ont pas l'ulage des Cartes maritimes , Se (cachant à peine qu'une des pointes, de la boullole fe tourne vers le Nord , ils perdenr. la tramontane , comme l'on dit , dés qu'ils per- dent les terres de veûe. Enfin ceux qui ont le plus d'expérience parmi eux } au lieu de comp- ter par les rumbs des vents , paifent pour fore habiles lorlqu'ils fçavent que pour aller à Cafta il faut prendre à main gauche en fortant du ca- nal de la mer Noire ; Se que pour aller àTrebifon- de il faut fe détourner à droite. A l'égard de la manœuvre , ils l'ignorent tout- à-fait , leur grand mérite elt de ramer. Caftor Se Pollux , Hercule , Thefée , Se les autres de- mi-dieux fe diftinguérent par cet exercice dans le voyage des Argonautes; peut-être qu'ils étoient plus forts Se plus hardis que les Turcs , qui fouvent aiment mieux s'en retourner d'où ils font venus Se fuivre le vent qui fouffic , que de lutter contre lui. On a beau dire que les vagues de la hier Noire font courtes , Se par coniéquent vio- lentes , il eft certain qu'elles font plus étendues Se moins coupées que celles de la mer Blanche,la- quelle eft partagée par une infinité de canaux qui font entre les lfles. Ce qu'il y a de plus fâcheux pour ceux qui navigent for la nier Noire , c'eft: qu'elle a peu de bons Ports , & que la plufparc de (es Rades font découvertes : mais ces Ports feroient inutiles à des Pilotes , qui dans une tem- pête n'auroient pas l'adrelle de s'y retirer. Pour aiîiker la navigation de cette mer , toute autre A ij 4 Voyage nation que les Turcs formeroit de bons Pilote? , répareroit les Porcs , y bâtiroic des Moles , y etabliroit des magazins ; mais leur génie n'eft pas tourné de ce côté-là. Les Génois n'avoient pas manqué de prendre toutes ces précautions lors de la décadence de l'Empire des Grecs , de fur roue dans le x 1 1 i. fiécle , où ils faifoient tout le commerce de la mer Noire , après en avoir oc- cupé les meilleures Places. On y reconnoic en- core le débris de leurs ouvrages , ôc fur tout de ceux qui regardent la marine. Mahomet 1 1. les en chafia entièrement ; & depuis ce temps-là les Turcs y qui ont tout laifle ruiner par leur négli- gence , n'ont jamais voulu permettre aux Francs d'y naviger , quelques avantages qu'on leur ait propofez pour en obtenir la permifïïon. Tout ce qu'on a dit de cette mer depuis le temps d'Homère jufqu'à prefent , & tout ce que les Turcs en penfent , eux qui n'ont fait que traduire le nom de la mer Noire en leur langue ; tout cela , dis-jc , ne nous fît pas balancer un- moment à entreprendre ce voyage : mais il faut avouer que ce ne fut qu'à condition que nous le ferions fur un Caïque , 6c non pas fur une Saï- quc. Les Caïques qui vont fur cette mer , font des felouques à quatre rames qui fe retirent tous les foirs à terre , & qui ne fc remettent en mer que dans le calme , ou avec un bon vent , à la fa- veur duquel on déployé une voile quarrée ani- mée par les zéphirs , & que l'on baiffe bien fa- gement lorfqu'ils celfent de fouffler. Pour éviter les allarmes que la nuit donne quelquefois fur l'eau , les Matelots de ce pays-là qui aiment à dormir à leur aife , tirent le bâtiment fur le fa- ble Se dreflent une efpece de tente avec la voile y c'eft la feule manœuvre qu'ils entendent bien,, du Levant. Lettre XV I. c Le départ de Numan Cuperli Vizîr , ou Pacha à trois quciies , qui venoit d'être nommé Viceroi d'Erzeron , nous parut une de ces occasions fa- vorables que nous ne devions pas laiflèr échaper. C'cft mi Seigneur d'un çrand mérite , feavant dans la langue Arabe , profond dans la connoif- fance de fa religion, & qui à l'âge de 36. ans a leû toutes les Chroniques de l'Empire. Il effc fils du Grand Vifir Cuperli qui fut tué i\ glo- lieufemcnt à la bataille de S'alanKcmen , dans le temps que la fortune fembloit fe déclarer pour les armes Othomanes ; ce Numan Cuperli eft def- tiné pour les plus grands emplois de l'Etat. Sul- tan Muftapha , frère de Sultan Achmet â prefent régnant , l'honora de fon alliance & lui fit épou- fer une de fes filles , mais elle fe noya à Andri- nople dans un des canaux du Serrail , avant que le mariage fufl: confommé. De Viceroi d'Erze- r-on il fut fait Pacha de Cutaye , enfuite on l'a fait Viceroi de Candie , & on ne doute pas qu'il ne foit un jour premier Vifir. Il femble que l'Em- pire Othoman ne fe peut foutenir que par la ver- tu des Cuperlis ; celui-ci eft aimé des peuples , Se universellement reconnu pour le Seigneur Le plus intégre 5c le plus équitable de la Cour. Nous ne penfàmes donc qu'à fuivre m\ aufli honnête homme, Mr l'Ambalfadeur eut la bon- té de nous faire prefenter à lui par Mr le Duc , fon Médecin ordinaire , qui étoit aufli celui du Pacha. Il nous fit afliker de fa protection , en confîdération de l'Empereur de France , dont il ne ccllbit d'admirer la prévoyance , j niques à envoyer , difoit-il , [des perfonnes capables de découvrir ce que la nature produit dans chaque pays , &pour apprendre fur les lieux les ufages A iij 6 Voyage qu'on en fait par rapport à la faute. Au furphia le Pacha n'étoit pas fâché d'avoir des Médecins. à fa faite , & il m'apprit que fon pcrc avoit été fort fatisfait de l'habileté de M1 d'Hcrmancre , qu'il avoit cû long temps auprès de lui , &: en- tre les mains de qui il étoit mort à Salanicemcn. Nos principales converfations pendant le voyage rouloient fur les intérêts des Princes de l'Euro- pe , qu'il connoît parfaitement , & elles fe ter- minoient ordinairement par une petite relation de ce que nous avions obfervé de plus curieux. De crainte de feandalifer fa maifon , il nous faifoit demander en fecret les defleins des plantes que nous oblervions fur la route ; je les remer- tois par fes ordres à un de fes frères Cuperli Bey , qui nous les rendoit après que le Pacha les avoit confiderez feul &c à loilir. Cette po- litique eft néceïfaïre parmi les Turcs , où l'on trouve mauvais que les bonsMufulmans prennent connoilïance des feiences cultivées par les Chré- tiens , &c qu'ils donnent des marques de l'eftime qu'ils en font. J'eus occafionde lui donner un morceau de Phofphore , & de lut expliquer la manière dont il faut s'en fervir priais il ne vou- lut pas que j'en filTe l'expérience en fa prdence. Quelques jours après il convint que les Chrétiens étoient d'habiles gens , & que leur fagacité étoit aufli louable , que la fainéantife des Orientaux meritoit d'être blâmée. Nous fûmes aflez heu- reux pour ne voir mourir perionne de fa mai- fon entre nos mains. Quoiqu'il eût auprès de lui Mr de S. Lambert habile Médecin François . il lui ordonna pourtant qu'on nous fift voir tous les malades , ce que je n'acceptai qu'à condition que nous les verrions enfemble. Toute fa mai- du Levant, lettre XV T. 7 fon fut malade fur la route ; nous traitâmes le Maître le premier, fa femme, la mère , fa hlle. Se fes autres officiers : tout ie palîa à nôtre honneur , &c. tant par rr.er que par terre. y OV S fç aurez, à l'arrivée de ce fublime Com- mandement , que l'exemplaire da gravas de la religion du Mejfie , M1' de Fei riol Ambaffadeur de l'Empereur de France , réjider.t à ma fupréme Porte ( que [afin j Vit heureufe ) a envoie une requefie a mon Camp Impérial , par laquelle m'ayant fait fça-voir qu'un des Dotleurs de France nommé Tournefort , particulièrement expérimenté dans la connoijfancc des Plantes a e fi parti de France avec quatre Perfonn es pour chercher des plant-cs qui ne fe trouvent point dans leur Royaume ; & ayant de- mandé mon Commandement , pour que dans les endroits de fon paffage » fait par met ou par terre , on n'y mette aucun empêchement , G" qu'il n'y fait fait aucun dommage à fes hardes & a fon équipa- ge , ne s' employant qu'aux chofes de fon Art , ne fe mêlant point des affaires de uosfujets tributaires , ne fortant point des bornes de fon ét.it , & fe com- portant comme il le doit \ ce mien Commandement a été donné , pour cette fois feulement , pour qu'il re foit mife aucune oppofition a fon paffage ; & j'or- donne qu'arrivant avec ce noble Commandement , pu Levant. Lettre XVI. \\ vbus 'vous comportiez conformément aux ordres qu'il contient a ce fujet . & que ledit Dotleur avec les quatre perfonnesdefafùte feulement , ne je mêlant point des affaires de nos fujet s tributaires , & refiant dans les bornes de fon devoir 5 dans quelque endroit de notre jurifdiclinn qu'il arrive , pour cette fois feulement , vous ne mettiez, aucune oppofition a fon pœjfage 3 & qu'il te foit fait aucune peine aux per- Jonnes de fa fuite , ni à fon équipage , & ne fai- fant rien de votre part qui foit oppofé aux Confit- ttttions Impériales t vous lui fajjieT^ donner pour fon argent , au prix courant , les chofes dont il aura befoin , par ceux qui les vendent , & que vous exccutic\jout ce que contient mon noble Commande- ment 5 lorfqn'il vous fera prefenté. Sachez.-lç ainfi , & après en voir fait la leblure > remet- fe^-le en.re les rj/ains du celui qui en efi le Porteur x & ajoutez, foy au noble figne dont il efi marqué. Ecrit au commencement de la Lune Zilcadeb de l'Egire mil cent douHj. Ordonné dans la plaine de Daout Pacha. Nous prîmes congé de Mr l'Ambafladeur le 1 5. Avril j & couchâmes le même jour à Ortacui fur le canal de la mer Noire dans le Sériai! de Mahemet-Bey , P^ge du Grand Seigneur. Mahemet en avoit laide i'ufagc à Mr Chaberr Apoticaire de Provence c'rabii depuis .long- temps à Conflantinoplc , où il étoit fort em- ployé dans fa profe fîion : ce pauvre homme quelque temps après notre départ eut le fort de la plufpart des gens qui vont chercher fortune dans cette puiflante Ville , c'eft à dire qu'il y mourut de la pefte dont il fut frappé & empor- té dans le temps qu'il s'y attendoit le moins. Sou fils qui étoit Apoticaire du Pacha, & qui nous il V O Y A G I fut d'un grand fecours pendant la route , à çaufe de l'intelligence qu'il a des langues du pays , vint avec nous attendre ce Seigneur dans la maifon du Bey , laquelle palTe pour une des pins belles du canal. Le lendemain nous en reconnûmes les envi- rons ; ce font de petites collines fort agréables par leur verdure, mais elles ne produifent que des plantes communes. A l'égard du Set rail , il n'a pas beaucoup d'apparence , non plus que les autres maifons du Levant, quoique les ap- partemens en foient beaux , & qu'on y ait fait beaucoup de depenfe. Tous les plafonds font peints , hiftoriez &c dorez dans le goût de Tur- quie, c'eft-à-dire avec des ornemens fi petits 8c fi mefquins , quoique riches , qu'ils feroient plus propres pour des ouvrages de broderie que pour des fales. Ces fales font boifées alfez pro- prement , & l'on y voit par tout , au lieu de tableaux , des fentenecs Arabes tirées de i'Alco- ran. Mais quelque foin qu'on ait apporté pour la décoration de ces lieux , les planchers en font trop bas , & c'eft là le défaut ordinaire des bâti- mens du Levant , où l'on ne garde point de pro- portion. Ce défaut paroit en dehors, car les combles font fi bas , qu'on diroit qu'ils écrafent les maifons ; en effet ils leur dérobent la moitié du jour. Quoique les chambres ayent double ranç de fenêtres , elles n'en font pas mieux éclai- rees : ces fenêtres iont ordinairement quarrecs , furmontées , chacune par une autre fenêtre plus petite qui eft ccintrée. C'cft principalement par- les bains qu'on diitingue .les maifons des grands Seigneurs , de celles du commun. Quoique les butivANT, Lettre XV I. 13 Turcs ne bâtiifent les bains que pour la commo- dité , ils ne laiifer.t pas de les accompagner de quelques ornemens ; ceux de la maifon du Bey font pavez Se incrr.ftez de marbre t on y tempère l'eau par le moyen d'un tuyau de plomb qui en verie de la chaude autant qu'on veut , les gale- ries & les condors qui font de bois peint , rég- nent autour de la maifon i il n'y a que l'efca- i:'er qui la deshonnore , mais on n'en fçaît pas faire de plus beaux en Turquie , où les Architec- tes placent , pour tout efcalicr , une efpece d'é- chelle de bois couverte d'un appentis ; c'eft enco- re pis chez les Grecs , où cette échelle eft cx- pofée à la pluve & au foleil. La cour de la mai- fon dont je parle feroit aflfez belle , fi elle n'étoïc pas rétrcfîïe par un bafîîn qui feït ( pour aiari dire ) de remiles aux Caïques , car ces caïques fur le canal de la mer Noire tiennent lieu de car- roflcs , de charrettes & de fourgons : on s'en fert à toute forte d'ufages , dont la pèche n'eft pas un des moins utiles. De la cour on parle dans les jardins , qui feroient fort beaux, s'ils n'é- toient trop reflerrez par les collines qui les environnent ; mais le parc eft bien planté 8c d'une étendue* considérable. Voilà le modèle d'une maifon de campagne de Turquie ; quoi- qu'elles ne foient pas comparables à celles des environs de Paris , elles ne laiflent pas d'avoir des beautez & une certaine magnificence. Nous ne nous ennuyâmes pas dans celle de Mahe- met Bey. Le Pacha parut enfin furie canal le z6. Avril avec huit gros caïques ou felouques , fur lef- quelles on avoit mis une partie de fa maifon , le refte avoit pris les devants fur les Saïques 3 Se *4 Voyage Palloit attendre à Trebifondc. La felouque ôh étoient les Dames étoit fi couverte & fi garnie de jaloufies de bois } faites en manière de rai- feaux , qu'elles avoient de la peine à y refpirer. Le Pacha n'avoit que fa mère , fa femme , une de Ces filles 3 fix efclaves de même fexe pour les fervir , Se quelques eunuques. Nôtre felouque etoit le neuvième bâtiment de cette petite flote , & en formoit l'arriére garde. Soit que les Turcs r; 'aiment pas trop à (é mêler avec les Chrcticns,oti que l'on crût que ce feroit manquer de refpect pour le Pacha fi nous nous rangions fur là même ligne que les caïques de fa maifon, fon Intendant avoit ordonné qu'on laifleroit une certaine dif- tance entre nôtre felouque & les autres. J'eus beau dire à nos matelots d'avancer , ils n'avoient garde de s'approcher 5 ni de débarquer avant les autres. Quoique nous euflions fretté notre bâtiment au même prix que ceux du Pacha , c'eft à dire à 400. livres pour le voyage de Conflantinople à Trebifondc , nous n'avions pourtant que quatre matelots Se un timonier , au lieu qu'il y avoit des matelots de relais fur les autres : mais il n'eft pas furprenant que les gens du pays , & fur tout les grands Seigneurs , foient mieux fervis que les étrangers? Je voulus un jour trouver à redire de ce qu'on avoit renvoie An- nôtre felouque quelques moutons qui embarraf- loient la cuinne du Pacha ; mais je pris le parti de me taire quand j'entendis qu'on commen- çoit à nous traitter de chiens &c d'infidèles ainfi pour faire nôtre voyage en paix , il fallut nous accoutumer aux manières Turques. Nous nous rangeâmes donc à la queue de la flotte , après avoir embraifé nos amis qui étoient du Levant. Lettre XV /. îj- venus nous dire acieu à Ortacui , & nous payâ- mes les premiers Châteaux à force de rames , car il ne faiioit point de vent. Nous arrivâmes aux derniers Châteaux avec le même calme , Se nous eûmes le plaihr d'entrer dans la mer Noire avec la plus grande tranquillité du monde. Quoi- que cette mer nous parût ce jour-là aufli pacifi- que que celle d'Amérique , le cœur ne laiiïa. pas de nous palpiter un peu à la veûe de cette immenfe quantité d'eau. Nous relâchâmes vers le Quittai , c'eft-à-dire fur les quatre heures , à Tcntréc de la rivière de Riva , à iS milles d'Or- taGui. On campa le long de l'eau dans des prairies allez marecageufes \ Se comme nous étions un peu instruits des manières du pays , nous fîmes drdfer nôtre tente allez loin de celles des Mufulmans , pour leur marquer notre refpect ,8c pour leur laitier toute la liberté qu'ils pouvoient iouhaiter , par rapport à leurs ablutions. On planta pour cela de petits cabinets de toile , où une pcrlonne avoit autant de place qu'il lui en falloir pour fe laver à fon aife. La tente du Pacha étoit fur la peloufe & fur la croupe d'une petite colline dans des bois eclaircis ; l'appartement des Dames n'en étoit pas loin , il étoit compofé de deux pavillons entourez de folïcz, autour dcfquels elles le promenoient fans être veûcs , à la fa- veur d'une grande enceinte de chaflîs de toile peinte en vert & en gris. Le Pacha & fon frère le Bey y paffoient la nuit Se une partie du jour. La garde des Dames étoit confiée à des eunuques noirs comme j'ay dit , dont les vilages me déplai- foient extrêmement, car ils faifoient des grimaces horribles , & rouloienc les yeux d'une manière aftieufe quand j'entrois , Se quand je forteis de j* > V O Y A G P lencéinPeoU'on portoit la fille du Pacha atii etoit rourmenrec d'une cruelle toux. ' ^* que je viens d'appelier une rivière; n'éft pourtant qu'un ruiiTea\i Iarge à ,s œ^ celui des Gobcluis , tout bourbeux , & dont l'em- bouchure peut à peine fervir de retraite à des ba- teaux ; cependant les anciens en ont fait Tonner le nom bien haut, fous celui de Rhebas. Dcnys le Géographe, qui a fait trois vers en fa faveur 1 appelle une aimable rivière j Apollonius le Rho- diei, au contraire en parle comme d'Un torrent lapide H neft pourtant ni aimable ni rapide au- jourdhm, & iuivant toutes les apparences, il «a jamais ete m l'un m l'autre. Ses fources font vers le Bofphore , du côté de Sultan Solyman Kiofc, dans un pays a(Tez plat d'où il coule dans des prairies marecageufes parmi des rofeaux. il » eft pas iurprenant que Phinée eût donné une dee û afFreule de ce ruifTeau aux Argonautes, lu qui regardoit les Ifles Cyanées comme les ecueiis les plus dangereux de la mer: Arricn compta r,. milles & 2;o. pas depuis le Tem- ple de Jupiter jufqu'à la rivière Rhebas, c'eft-à- dire depuis le nouveau Château d'Afie jufqu'à Kiva : cet auteur eft d'une exactitude admirable &• peifonne n'a fi bien que lui connu la mer Noi- re , dont il'a décrit toutes les côtes après les avoir reconnues en qualité de Général de l'Empereur Adrien,* qui il en dédia la defeription fous ie nom du Périple du Pont-Eaxin. Je ne fçai pas comment on faifoit du tems de cet Empereur pour faire .débarquer les femmes : mais jç fçai bien qu a preferit chez les Turcs on fait re- tirer tout ie monde fort brufquement lors qu'elles veulent mettre pied à terre.; leS matelots mêmes du Levant. Lettre XV I. ïy fe cachent après avoir ajulté des planches qui leur fervent de partage ; & s'il fe trouve des en- droits où les caiques ne puiilent pas avancer jufques au fable , on enveloppe les Dames , ou pour mieux dire on les emballe dans cinq ou fix couvertures , & les matelots les chargent fur leur col comme des ballots de marchandifes. Quand on les a mifes à terre , les cfclaves les debalent, ôc les eunuques ne celfent de crier & de mena- cer , à qwelquc diftance que l'on (oit d'eux, fuft- ce à plus d'un mille. Les valets de pied du Pa- cha fuyoient pour lors dans les bois , 8c bien loin de fervir ces Dames , ils les auroient laiiïe noyer plutoft que de tourner la tefte de leur cofté. De peur que nous n'ignoraiïions cette loua- ble coutume , le Lieutenant du Pacha nous en inftmifit dés la première vifite. Comme vous ve- nez, de bien loin , j'ai à vous avertir , me dit- il , tie certaines chofer qu'il faut abjolurnent feavoir ■parmi nous. De vous éloigner toujours du quartier des femmes autant que vous le pourre\^\de l'aller pas vous promener fur des hauteurs d'où l'on puijfe découvrir leurs tentes ; de ne faire aucun dégât dans les terres ferné es , en cherchant des plantes 5 & fur tout de ne point donner de vin aux gens du Tacha. Nous le remerciâmes tres-humblemem de Tes bontez. Pour les Dames nous n'y penhons pas certainement , l'amour des plantes nous oc - cupoit entièrement. A l'egavd du vin } les valets de pied du Pacha venoient la nuit avec tant d'em- prellemcnt que nous ne pouvions pas quelque- fois leur en réfuter 3 ce qui fit que je priai l'Inten- dant de leur dépendre abfolument d'avoir coin* merce avec nous. Cet Intendant nous parut fore honnête & d>U Tome III, ■ JB 18 Voyage me dans la maifon de (on Maître , quoiqu'il ne fut pas de ion choix , car le Grand Viiir pour voir julques dans le fond de l'ame des Pachas , &C pour être informé de tout ce qui fe pâlie chez eux, leur donne ordinairement ces fortes d'Of- ficiers. Celui dont nous parlons nousaiïùra qu'on fe retireront tous les (oirs vers le Quindi , quelque temps qu'il fift ; Que le Pacha prendroit quelques jours de repos 1 ur ia route \ Qu'on nous donneroic des gens de fa maifon , quand nous le fouhaitc- rions , pour nous accompagner dans nos prome- nades. Hn un mot qu'il favori feroit nos recher- ches autant qu'il le pourrolr. Il nous prefenta le bras pour lui toucher le poux , & fit apporter enfui te le carré & le tabac. Nous lui offrî- mes réciproquement ce qui dépendoit de nof. tre rhinifterc ; il en fur quitte pour deux faignees eV pour une purgatîon pendant toute la route1. Nous (émîmes bientoft la différence qu'il y avoit entre la mer Noire & l'Archipel. Quoique nous fuffions au 17. Avril , il ne ceiloit pas de pleuvoir, au lieu que dans l'Archipel il ne pleut gueres paile le moins de Mars. Il fallut donc nous ifoler par un folié qui vuidoit les eaux dont nôtre tente étoit environnée j d'ailleurs le vent du Nord qui commencent à fourrier n'é- chauffoit pas nôtre logement , & la pluye con- tiniioit par groflès ondées : néanmoins nous ne lai (lions pas de courir avec plaifir , tantôt fin- ies côtes , tantôt dans les terres , 8c fur tout le long du ruillcau , qui devenoit fi. marécageux, qu'il falloit à tous momens revenir fur nos pas, de crainte de nous engager dans des lieux im- pénétrables : nous fumes enfin contraints de nous l'en .3 . /?<^7 .2Ç- Thyrmuza, IPonhca Cùrei ^ fo li ur Corail . I/%rt. Rei kerh a. i . pu L e v a ii t. Lettre XP* h î parmi lefquelles naiilent les fleurs attachées ordinairement deux à deux fur une queue longue de neuf ou dix lignes. Cha- que fleur eft un tuyau jaune verdâtre , tirant fut lo Voyage le citron , gros d'une ligne fur plus de demi pouce de long , divifé en quatre parties oppolées en croix , longues de prés de cinq lignes fur une ligne de large , un peu pliées en gouttière , & qui vont en diminuant jufques à la pointe. Quatre etamines fort courtes fe trouvent à ren- trée du tuyau , chargées de fommets blanchâ- tres & déliez -, furmontées de quatre autres eta- mines de pareille forme. Le piftile qui eft au fond du tuyau eft un bouton ovale , long d'une ligne , vert- gai -, lïiîe , terminé par une petite teîte blanche. Le fruit n'étoit encore qu'une baye verte & naiftante dans laquelle on diftinguoit la jeune graine. Toute la plante eft allez touffue. Les feuilles écrafées ont l'odeur de celles du fu- reau , & font d'un goût mucilaginenx , lequel laitfe une impréiîion de feu allez confidérable , de même que tout le relie de la plante. L'odeur de la fleur eft douce , mais elle fe paife faci- lement. Cette plante vient fur les collines & dans les bois éclaircis. De toutes les efpeces connues de ce genre , c'eft celle qui a les feuilles les plus grandes. La Plante qui fuit n'eft pas moins con- fidérable par la fîngularité de fa fleur.' Je l'ai nommée Blattaria Orient dis , BugnU folio , flore maxi- rr.o virefeente , lituris lutels in femicirculum ftriato. Coroll.Inft. reiHerb. 8. La racine eft à trois ou quatre navets charnus , lonçs depuis un pouce jufques à trois , épais d'en- viron deux lignes jufques à demi pouce , blancs , caftants , couverts d'une peau brune gercée , garnis de quelques fibres aflez déliées , atcachez à un collet gros couirac le petit doigt. Les pie- y- :.",.? fas ac/ . -j,o . DLiihiriii Orirntalif, Biiijid*je folio, flore rruucùno, vir&s cente^iiuris tuteur in Jentù'ii-culum Striaiv Coroll. [tisb.&ei lurb. 8 ■ du Levant. Lettre XVI. ir mieres feuilles que cette racine poulie , font prefque ovales , femblablcs à celles de la Bugle , boifelées , ondées fur les bords , longues dJun pouce &c demi ou deux , fur quinze lignes de large , fouteniies par un pédicule de deux lignes de long , plat en dctfus , arrondi en de(ïbus , pur- purin & répandu jufques à l'extrémité des feuil- les en plu Meurs vailleaux de même couleur. La tige n'a le plus fouvent qu'environ neuf à dix pou- ces de haut fur une ligne d'épais , légèrement velue , accompagnée de feuilles de fept ou huit lignes de long , fur quatre ou cinq lignes de lar- ge. Celles d'en bas font lilTes, les autres parfemées de quelques poils de même que la tige. De leurs aiftelles naitïent vers le haut, des fleurs allez fer- rées 8c difpofées en manière d'un gros épi. Chaque fleur eft un bafîin de près de quinze lignes de dia- mètre , découpé en cinq parties arrondies , dont les deux fuperieures font un peu moindres que les autres. Le fond de cette fleur eft un vert- celadon de même que les bords , lefquels tirent un peu fur le jaune ; mais les parties arrondies , dont on vient de parler , font rayées en demi- cercle d'un jaune vif qui perce de part en part. Du trou qui occupe le centre de cette fleur , partent deux bandes purpurines , mêlées de blanc, lelquelles vont aboutir au demi- cercle jaunâtre des deux parties fuperieures ; & du même bord de ce trou naiflent deux etamines blanchâtres , terminées par des fommets courbes remplis de poulîîere jaune. Outre ces etamines on voit iur les bords du même trou des floccons purpu- rins, velus , cotoneux Se foyeux. Le calice eft un bafîin verr-pâle , long de quatre lignes , découpé en cinq parties jufques vers le centre , B iij %% Voyage dont il y en a trois beaucoup pins étroites que }cs autres. Le piftile , qui en: tout au milieu , eft arrondi, velu , long d'une ligne, terminé par un filet beaucoup plus long. Nous fûmes convaincus par les coques qui reftoient des fruits de l'année précédente , que cette plante cft Une véritable efpece d'Herbe aux Alites , qui va- rie non feulement par la hauteur de fa tige , mais encore par la couleur Se par la grandeur de fes fleurs. Tandis que nous nous amu fions agréablement à obferver des plantes , on nous menaçoit de paflfer le refte du mois d'Avril dans ce marais j mais heureufement le vent du Nord cefla le 2.6. La mer en fut encore agitée pendant deux jours ; mais à force de rames & de cordes , nous forâmes enfin de l'embouchure de Riva le 2.$. d'Avril. Nôtrç flote rangea la côte , & nous relâchâmes à Kïl'ta village à 30. milles de Riva. Les Turcs mirent pied a terre pour faire leurs prières \ mais enfuite nous profitâmes du Sud- puefl pour aller julqu'à la rivière d' Ava ou d'Ayala à Z4. milles de Kilia. Tout ce pays , pu pour mieux dire , toutes les côtes de la mer Noire jufques à Trebilondc iont admirables par }eur verdure ; & la plufpart des futayes s'étendent fi avant dans les terres , qu'on les perd de veiie. Il eft iurprenant que les Turcs ayent retenir l'ancien nom de la rivière d'Ava , car ils l'ap- pellent Sagem ou Sacarl , & ce nom vient fans doute de Sangarios fleuve aifez célèbre dans les an- ciens auteurs , lequel fervoit de limite à la Bi- thynîe: Strabon aflure qu'on l'avoit rendu na- vigable, & que les fources venoïent d'un village appelle ^ Sangias, auprès de Peft'mwte yijj,ç de dkj Levant. Lettre XV /. z$ Phrygîc , connue par le Temple de la mère des Dieux. Lucullus croît campé fur fes bords lord qu'il apprît la perte de la bataille de Chalce- deine , où Michridate deftït Cotta qui com- mandoit une partie de l'armée Romaine. Lu- cullus s'avança jufques à Civique que Mithri- date vouloit aflieger ; il tomba fur Ton armée & la mit en pièces. Pour ce qui cft des autres ruif- feaux que Strabon & Arricn font couler entic Chalccdoine & Hcraclcc du Pont , il faut qu'ils foient taris , ou réduits, à peu de cîiofe ; car nos matelots nous aflurérent qu'ils n'en connoilïbicnt point d'autres entre Riva & Ava. Le z$>. Avril , quoique la bonace fuft grande , nous ne laiifàmes pas de faire 40. milles a force de rames , & nous campâmes vers le midi fur la plage de Dicbïthes. Comme nos matelots étoiciu en haleine , nous entrâmes le lendemain dans l'embouchure de la petite rivière d' Anaplia , après avoir fait 60. milles terre à terre. Le 1. May nous arrivâmes à Pcnderachi. La rivière d'Ana- plia , fuivant la deferipeion d'Arrien , doit être celle qu'il a nommée Hyplus , puifqu'il ne s'en trouve aucune autre jufques à a Heraclée , qu'on appelle aujourd'hui Eregri ou Penderachi. Quel- que petite que foit la rivière d' Anaplia , elle fut d'un grand lecours à Mithridate ■■> il fe retira dans fon embouchure' avec fa flote , après avoir perdu pendant la tempête quelques galères. Comme le mauvais temps l'obligeoit d'y refter , il corrompit Lamachus le plus puilfant Seigneur d'Heraclée , qui par fes brigues y fit recevoir le Roy du Pont & (es troupes. Penderachi eft une petite ville bâtie fur les * Etegti. B iiij 2-4 Voyage Ruines de l'ancienne ville d'Heraclée;cctte derniè- re dévoie être une des plus belles villesd'ÛrientjS'il en faut juger par les ruines,& fur tout par les vieil- les murailles bâties de gros quartiers de pierre qui font encore fur le bord de la mer. Pour l'enceinte de la ville qui eft fortifiée d'efpace en efpace par des tours quarrées , elle ne paroit être que du temps des Empereurs Grecs. On découvre de tous cotez des colomnes , des architraves & des inf- criptions fort maltraitées. On voit , auprès d'une mofquée , la porte de U maifon d'un Turc , dont les montans font des pièces de marbre fur lef- quelles on lit d'un côté P. B, a. tpaian $c de l'autre TOKPATfiPi qui font les reftes d'une infeription de l'Empereur Trajan.Cette ville etoit bâtie fur une côte élevée qui domine fur la mer , &c qui femblc être faite pour commander tout le pays. Du côté de terre il refte encore une ancienne porte toute (Impie , conftruire de grolles pièces de marbre. On nous alTura qu'il y avoir en- core plus loin , d'autres reftes d'antiquité ; mais îa nuit qui s'approchoit , &. les tentes des fem- mes , qu'on avoit dreilées proche de ces mafu- jres , ne nous permirent pas d'aller les reconnoî- jtre. Par un malheur même auquel nous ne nous attendions point , nous ne trouvâmes aucun gui- de : les Grecs cclebroient leur Palque , & voû- taient profiter de l'argent qu'ils avoient donné au Cadi pour avoir la liberté de bien boire &. de bien danfer ce jour-là. Nous allâmes donc nous promener à l'avanture du côté du levant , jufques aux marais qui font au delîbus de la yille , où apparemment croupiflent les eaux du l-ycus. Il ne nous fuç pas ppfîlble de traverfer ces marais. p v Levant. Lettre XV î. i$ & en revenant vers le ruines de la ville , nous y découvrîmes une efpece admirable de Sj?honr dyllum que nous primes d'abord pour la Pana* cce d' Hcraclée de Diofcoride : mais les fleurs en font blanches, au lieu que celles de la planta de Diofcoride doivent être jaunes. C'eft le nom d1 ' Heraclée qui nous en impofa , car fuî- vant cet auteur on l'appelloit Panacée d* Heraclée à caufe de (es grandes vertus que Ton com- parait aux forces d'Hercule. La plante de DioH- coride venoit naturellement dans la Bœorie , dans la Phocide , dans la Macédoine fur les côtes d'A- frique , & donno'u le fuc qu'on appclloit Opopa- nax 3 lequel eft peut-être différent de celui qui porte le même nom aujourd'hui , quoiqu'il en ioft , la plante qui croît dans les ruines d'He- raclée me parut très-belle , & la plus grande de toutes les efpeccs de plantes à fleur en parafol qui foit connue ■> c'eft pour cette raifon que je j'ai appelléc. Spbondylium Orientale , maximum Cor. Inft. rei herb. ti. La tige eft haute d'environ cinq pieds , épaiife d'un pouce , & demi , crème d'un nœud à l'autre , canelée , vert pale , velue , ac- compagnée de feuilles de deux pieds & demi de long fur deux pieds de large , découpées juiqnes à leur côte en trois grandes parties , dont cc.ie (du milieu eft recoupée en trois pièces , & la mo- yenne de celles-ci eft encore taillée de même. Toutes ces feuilles font liiïes par delïus , blan- ches & velues par delfous , foutenuës par une cote plus groiïè que le pouce , folide ; char- nue , embraflanc la tige par deux grandes ailes , qui forment une efpece de gaine de neuf ou dix pouces de long. Des ailleiles de ces feuilles forcent i6 Voyage de grandes branches aufli hautes que la tige , Se quelquefois davantage, chargées de rieurs blan- ches tout-à-faitfemblablcs à celles àuSpbondyUum commun ; mais les ombelles qui les foutiennent ont un pied& demi de diamètre ; les graines , quoique vertes & peu avancées, êtoient beaucoup plus grandes que celles des autres efpeces de ce genre. Cette plante naît dans les débris de ces bel- les murailles qui (ont fur le Port , & qui nous pa- rurent de la première antiquité. On doute (î Strabon a voulu dire que cette ville eût un bon Port , ou s'il faut laiilcr dans cet auteur le mot qui exprime qu'elle n'en avoir point. Pour moi je crois que le vieux Mole qui eft entièrement ruiné , & que l'on croit être Pou- vrage des Génois , avoit été bâti fur les fonde- ment de quelqu'autre Mole plus ancien qui met- toit à couvert du vent de Nord , les vailîcaux des Heraclicns : car la Rade qui forme la langue de rerre ou la preique-ifle à' Acherujms , eft trop dé- couverte , & n'eft pas même d'un grand fecours pour les faiques , bien loin de pouvoir fervir de Port à des vailïeaux de guerre. Cependant Ar- rien dit positivement que le Port d'Heraclée étoic bon pour ces fortes de bâtimens. Xenophon allu- re que les Heracliens en avoient beaucoup, ôc qu'ils en fournirent quelques-uns pour favoriier la retraite des Dix milles qui regardoient cette place comme une ville Gréque , foit qu'elle eût été fon- dée par les Megariens,par les Eœotiens,par ceux de Milet,ou par Hercule même. La belle Médaille de fulia Domva^uî eft chez le Roy, & dont le revers îcpréfente un Neptune , qui de la main droite tient un Dauphin , & de la gauche un Trident , marque bien la puiiïance que cette ville avoit fur du Levant. Lettre XV /„ 17 mer ; mais rien ne fait plus d'honneur à Ton an- cienne marine , que la flotc qu'elle envoya au fe- cours de Ptolemée après la mort de Lyfimachus l'un des fuccelîèurs d'Alexandre. Ce fut par ce fecours que Ptolemée battit Antigonus ; & Mcm- non remarque qu'il s'y trouvoit un vaifleau nom- mé le Lyon , d'une beauté furprenante , 6c d'une oiandenr 11 prodigieufe qu'il avoit plus de trois mille hommes d'équipage. Les Heracliens four- nirent 1 3. galères à Antigonus fils de Deme- trius j pour s'oppoler à Autiochns , & 40. aux By- zantins que le même Prince avoit attaquez. On fçait auffi. que la ville d'Hcracléc entretint pen- dant 1 1. ans , au fervicc des Romains , deux ga- feres couvertes , lefquelles leur fureur d'un grand fecours contre leurs voidns , & même contre ces peuples d'Afrique qu'on appelioit Àiarruchis , d'où peut-être eft venu le nom de Marroqubis. l'Hiftoire eft remplie de traits qui marquent bien la puiiîance des Heracliens fur mer , & par confé- quent la bonté de leur Port. Après que Mithri- date eut fait piller Scio par Dorylaiis , fous pré- texte que cette Iflc avoit favorifé les Rhodiens, on mit , par l'ordre de ce Prince , les plus illuftres Sciotes fur quelques vaifteaux pour les difperfer dans le Royaume du Pont ; mais les Heracliens curent la gcnéroflté de les arrêter, de les mener dans leur Port , 6c de renvoyer ces malheureux chargez de préfens. Enfin les Heracliens eurent le malheur eux-mêmes , quelques années aprcs3d'ê- tre battus par Triarius General de la dote Romai- ne compolee de 43. vailfeaux, laquelle furprit cel- le d'Heracléc forte feulement de 30. vailîeanx équipez à la hâte. Où mettre à couvert tant de navires , fi ce n'eft dans le Mole dont on vient tic parler , puifqu'il n'y a point de Port aux en- i8 Voyage. virons de cette place ? Si Lamachus Gênera! Athénien , qui avoit été envoyé pour exiger les contributions des Heracliens , avoit eu l'entrée de ce Mole , il n'auroit pas perdu fa flote par la tempête , dans le temps qu'il ravageoit la cam- pagne avec les troupes qu'il avoit débarquées. Ne pouvant retourner à Athènes , ni par mer , ni par terre , il y fut renvoyé , comme dit Ju- ûm , par les peuples d'Heraclée qui fe crurent dédommagez du dégât que les Athéniens avoient fait fur leurs terres , en les obligeant à force d'honnétetez à leur accorder leur amitié. La caverne par laquelle on prétend qu'Hercu- le defeendit^aux Enfers pour enlever le Cerbère , Se que l'on montroit encore du temps de Xeno- phon dans la peninfule Acherufias , eft plus dif- ficile à découvrir que l'ancien Port d'Heraclée, quoiqu'elle euft deux ftades de profondeur. Elle doit s'être abîmée depuis ce temps-là , car il eft certain qu'il y a eu une caverne de ce nom,laqucl- le a donné lieu à la fable du Cerbère. On n'a pas frappé fans fondement une Médaille à la tefte du 3. Gordien, dont le revers eft un Hercule qui allbmme le Cerbère après l'avoir mis hors de l'anrre. Mr Foucaut Confeillcr d'Etat en a une de Macrin , où ce chien eft au pied d'Hercule de- bout , qui tient une maiTuc de fa moin droite ; Si Hercule n'a pas été le fondateur d'Heraclée , il y a certainement été en grande vénération. Paufanias nous apprend qu'on y celébroit tous les travaux de ce Héros. On voit une Médaille de Sevcre , où Hercule tient fa mail ne d'une main , & de l'autre trois Pommes d'or du jardin des Hcfperides. On a reprefenté fur une Médaille de Caracalla , Hercule domptant Achcloiis fous du Levant. Lettre XV I. i$ la forme d'un taureau. Le combat de ce demi-dieu avec l'Amalone Hyppolite , eit, exprime fur une Médaille de Macrin. Le combat du fanglier d'E- rymanthe , fur une d'Heliogabale & les légendes de toutes ces Médailles (ont au nom des Hcra- cliens. Quand Cotta eut pris la ville d'Hera- clée, il y trouva dans le Marché une ftatuë d'Her- cule j dont tous les attributs étoient d'or pur. Pour marquer la fertilité de leurs campagnes, les Hcracliens avoient fait frapper des Médailles avec des épis & des cornes d'abondance ; & pout exprimer la bonté des plantes medecinales cjuc produifoient les environs de leur ville , on avoit reprelenté fur une Médaille de Diadumene , un Efculape appuyé fur un bâton , autour duquel un ferpent étoit tortillé. Il ne nous refte aucune Médaille , que je fça- che , des Roys , ou plutofl: des Tyrans de cette ville. L'extrait que Photius nous a conferve de Memnon , nous doit confoler de la perte de Phiftoire que Nymphis d'Heraclée avoit faite de fa patrie. Non feulement cet auteur fe rendit illuftre par fes écrits , mais encore par cette Ambaflfade fameufe où il obligea les Galates à fe retirer, dans le temps qu'ils mettoient tout à feu & à fa ng dans la campagne d'Heraclée. Cette ville ne fut pas feulement libre dans les premiers temps , mais recommandable par Tes Colonies. Clearque un de fes citoyens 3 qui pendant fou exil avoit étudié à Athènes la Philofophie de Platon 3 y fut rappelle pour appaifer le peuple qui demandoit de nouvel- les Loix & une nouvelle repartition des ter- res -, le Sénat s'y oppofoit puiflamment , mais Clearque qui n'avoit pas Pcfprit Platonicien fe $0 V O Y A O H rendît maître des affaires , à la faveur du péri- ple ; il commit mille cruautez dans la ville , &è Diodore de Sicile allure qu'il avoit pris pour mo- dèle dans l'art de regner,Denys de Syracuic.Thec- pompe , fameux hitlorien de Scio , rapporte que les citoyens d'Heraclée n'oloient aller faire leur Cour à Clearque , qu'ils n'eulîent auparavant dé- jeuné avec de l'herbe de la Rhiïe , bien infor- mez qu'il leur feroit préfenter an verre de Ci- gwe poilr les envoyer moins cruellement en l'au- tre monde. Clearque fut tué la douzième année de fou règne, pendant les Bachanalesque l'on cclébroit dans la ville. Diodore allure que fon fils Timo- thée fut cleù en fa place & qu'il régna i 5 ans j mais Juftin fait fucceder à Clearque fon frère Satyrus. Suidas même allure que Clearque ne fut pas le premier tyran d'Heraclée ; puifqu'il vît en fonge Evopius autre tyran de fa patrie ; Se Memnon , à qui il faut s'en rapporter , puifqu'il àvoit employé douze livres de fon Hiftoirc pour y traiter celle d'Heraclée , eft du fentiment de Juftinien. Memnon s pour marquer le caractère de Satyrus , dit qu'il ne furpatïbit pas feulement fon frère en cruauté ; mais encore tous les au- tres tyrans qui étoient au monde. Attaqué d'un cancer qui lui dévora tout le bas ventre jufqu'aux entrailles 3 après avoir fouffert autant qu'il le meritoit , il fe déchargea du foin des affaires fur Timothée fon neveu la 65. année de fon âge , &c la feptiéme de fon règne. Timothée répondit parfaitement à fon nom , & fut un Prince accompli dans la paix & dans la guerre , aufïi merita-t-il le nom de Bienfai- teur , & de Sauveur de fa patrie. Avant fa mort du Levant. Lettre XTL 3 1 il allocia au Gouvernement Ion frère Denys , lequel profitant de la retraite des Perles qu'Ale- xandre venoit de battre a la bataille du GranU que , étendit allez loin les limites du Royaume û Hcraclée. Après la mort d'Alexandre & de Pcr- diccas , Denys époufa Amalhis fille d'Oxathre frerede Darius, & confine de cette belle Statira qui avoit mérité d'avoir Alexandre pour mari. Ale- xandre même avoit pris foin5avant que de mourir de marier Amalhis a Craterus l'un de fes Favoris, lequel enfuite devenu amoureux de Phiias fille d'Antipater , ne trouva pas mauvais qu'Amaftris , ou Amejîris félon Diodore de Sicile , époufât Denys. Ce Prince étoit un honnête homme qui quitta le nom de tyran pour prendre celui de Roy , qu'il (outint avec beaucoup de grandeur ; Ôc c'eft fans doute de ce Roy dont parle Strabon , lorsqu'il allure qu'il y eut des Tyrans & des Roys d'Heraclée. Le Roy Denys devint fi gros & fi gras parmi tant de félicitez, qu'il tomba dans une efpece de léthargie, dont on avoit mêmede la peine à le faire revenir , en lui enfonçant des aiguilles bien avant dans les chairs. Nymphisar- tribuoit cette maladie à Clearque , fils du premier tyran d'Heraclée , il alluroit que ce Prince s'étoic fait enfermer dans une bocte , d'où il ne mon- trait que la tefte pour donner [es audiances. On en croira ce qu'on voudra ; le bon Roy Denys, avec tout cet embonpoint , ne lauTa pas d'avoir d'Amaftris trois enfans , Clearque , Oxathre , &C une fille de même nom. Il laitfa la tutele de fes enfans , & l'adminiftration du Royaume à fa femme , & mourut âgé de 55. ans, après en avoir régné 30. &c mérité le nom de Prince très bénin. Ancigonus un des fucceileurs d' Alexandre , prit %i Voyagé foin de la tiuele des enfans de Denys & dei affaires d'Hcraciéc Mais Lylimachus ayant épojl- fé Amaftris , fut le maître de la ville , long-temps même après avoit abandonné cette Princelle ; car s'étant retiré à Sardes il époufa Aiimo'e tille de Ptolcmée Philadelphc. Cependant Clearqne 1 1. du nom monta fur le trône d'Heraclée avec fou frère Oxathre: mais ces Princes (e rendirent odieux par l'horrible aftaf- fmat de leur mère qu'ils ment étoufter dans un vailfeau où elle s'étoit embarquée pour aller ap- paremment d'Heraclée à Amaftris, ville quelle venoit de fonder , ôc de nommer de fon nom. Lyiunachns qui regnoit alors en Macédoine , ou- tré d'une action fi noire , par un jufte retour de tendreffe pour- Amaftris fa première femme , vint à Heraclée & fît mourir les deux Princes parricides , ainfi il n'y a pas d'apparence qu'ils ayent régné pendant 1 7. ans , comme le veut Dio- dore de Sicile , qui appelle Zathras le plus jeu- ne, au lieu à'Oxathre. Lylimachus , fuivant Mem- 11011 , remit la ville dans fa pleine liberté , mais elle n'en joiiit pas longtemps, car Ariinoë qui avoit beaucoup de crédit lur l'efprit de ce Prince ^ en ayant obtenu la pofleffion , en donna le gou- vernement à Heraclite qui en fut le feptiéme tyran. Les Heracliens après la mort de Lyfimachus , voulans feco'uer le joug de la tyrannie , fous le- quel ils avoient gémi pendant 75. ans , propofé- rent à Heraclite de fe retirer avec fes richclfcs ; maïs le tyran en fut fi irrité , qu'il fe mit en de- voir de faire punir les principaux de la ville ; il ne fut pas néanmoins le plus fort , on le mit aux fers , on démolit ^les murailles de la citadelle jufques du Levant. Lettre XV L 33 Uifqlies aux fondcmens yev après avoir envoyé une Ambaflade à Sclcucus , autre tuccelleur d'Alexan- dre , on proclama Phocritc adminiftrateur de la ville ; Seleucus ayant reçu fort mal leurs Ambalfa- deurs , ils firent une ligue avec Mithridate Roy du Pont , avec les Bizantins , & avec ceux de Çhalcedoine ; 6V ils reçurent même tous les exi- lez de leur ville. La Republique d'Heraclce fe foûtint avec hon- neur , juiqu'au temps que les Romains fe rendi- rent formidables en Afie. Pour s'allurer du Sénat, cette République députa à Paul Emile 8c aux deux Scipïons ; il ne tint pas même aux Hcra- cliens qu'Antiochus ne h(t fa paix avec les Ro- mains. Enfin l'intelligence fut li bien établie en- tre Rome Se Heraclée , que ces deux villes firenc entre elles une ligue oftenfiveèV derfenfivc , donc on écrivit les conditions fur des tables de cuivre à Rome dans le Temple de Jupiter Capitolin, Se à Heraclée dans celui de ce même Dieu. Cepen- dant Heraclée fut afîiegée vigoureulement par Prufîas Roy de Bithynie , qui l'auroit emportée fans un coup de pierre qui lui calîa la cuilFe , ce qui l'obligea de fe retirer dans le temps qu'il al- loit monter a l'elcalade. Après cela les Galates inquiétèrent fort cette ville, mais ils fureur obli- gez de fe retirer. Malgré Ion alliance avec les Romains, elle crut qu'il étoit de (on intérêt dû garder la neutralité pendant la guerre que les Romains rirent a Mithridate fous le commande- ment de Murena. Epouvantée d'un côté de leur formidable pnilfance , ôc allarmée du voifinage du Roy du Pont , Heraclée refufa d'abord l'en- trée de fon Port à l'armée de ce Prince , & ne lui fournit que des munitions de bouche, Eu- Tome II h C 54 V O Y A G i' fuite à la perfuafion d'ArchelauS General de U flotc 3 les Heracliens lui donnèrent cinq galères, & coupèrent la gorge h Iccrcttcment aux Romains qui fe trouvèrent dans leur ville pour exiger le tribut , qu'on ne put jamais avoir aucun indice de leur mort. Enfin Mithridate lui-même fut re- çu dans la place par le moyen de Lamaclius fon ancien ami qu'il gagna à force d'argent. Ce Prince y lanTa Cannacorix avec quatre mille hommes de garnifon ; mais Lucullus après avoir battu Mithridate fit aiîiéger la ville par Cotta , qui l'ayant prife par trahiiou 6x entière- ment pillée , la rédnifit en cendres: il reçût le fui-nom de Fornique à Rome -, mais les richefles immenfes qu'il avoit emportées d'Heraclée , lui attirèrent de cruelles affaires. Il fut aceufé en plein Sénat par un des plus illunres Citoyens, qui dépeignit avec des couleurs fi vives l'incendie d'une puidante ville , laquelle n'avoit maiîqué à l'alliance des Romains que par la fraude de fes Magiilrats , & par la fourberie de fes ennemis, qu'un Sénateur ne p«t s'empécher de dire à Cot-r ta, nous Savions ordonné de prendre Heracléei mais non pas de la détruire. On renvoya par ordre du Sénat tous les captifs , & les habitans furent réta- blis dans la poifeilîon de leurs biens. On leur per- mit l'ufage de leur Port ck la faculté de commer- cer. Britagoras n'oublia rien pour la repeupler ÔC fit long-temps > quoi qu'inutilement , fa cour à Jules Cefar pour obtenir la première liberté de fes Citoyens. Ce fut apparemment dans ce temps-là que les Romains y envoyèrent la Colonie dont parle Strabon , ev dont une partie fut reçue dans la vilje &: l'autre dans la campagne. Avant la bataille d'Adfcitun M, Antoine donna ce quartier du L e v a n î. Lettre XV /. ^jf d'Heraclceà Adiatorix fils de Deuicnecelius Roy* des GaUtes , tk celui-ci par !a pcrmiilion , à ce qu'il die ,v d'Antoine , fît couper la <:orse aux Romains qui s'y trouverent ; mais après la dé- faite de ce Générai il fervit de triomphe , Se fut mis à mort avec Ion rïls; Après cette expédition, Heraclée fut du département de la Province dii Pont , laquelle fut jointe à la Bîthynie. Voilà comment cette ville fut incorporée dans l'Empi- re Romain fous lequel elle fleùriilbit encore $ comme il paroît par le refte de l'inlcription de Traiari , dont on a parlé plus haut. Heraclée paifa enfuite dans l'Empire des Grecs , & c'etl dans la décadence de cet Empiré qu'on lui donna le nom de Penderachi , lequel fui vaut la prononciation des Grecs , femble Un nom corrompu à' Heraclée du Pont. Elle fut po£ fedéc per les Empereurs de Trebifonde après que les François eurent occupé l'Empire de ConftarU tinople ; mais Théodore Lafcaris l'enleva à Das vid Conlnene Empereur de Trebilonde. Les Ge^ nois fe fai firent de Penderachi dans leurs conques tes d'Orient , & la gardèrent juiques à ce qite Ma-a homet lï; le plus grand Capitaine de fon temps^ les en chaifa. Depuis ce temps-là elle eft reliée aux Turcs : ils l'appellent Eregri qui paroît tenir encore quelque choie d'Heracléc. Pretentcment on n'y cannoit ni Tvràns , ni Romains , ni Gé- nois. Uufcul Cadi y exerce la Juftice , un Vais vode y exigé la taille &c la capitation des Grecs * les Turcs y payent feulement les droits du Priri- ce ; trop heureux de fumer tranquillement parmi ces belles nàazurés , fans favoir ni s'embàrralfcr de ce qui s'y cft pâlie autreiois. Nous ne fûmes pas aulli long-temps dansPeii* C ij 3 6 Voyage dcrachi qu'il m'en auroit fallu pour pouvoir en débrouiller l'hiftoire , car nous ne fîmes qu'y coucher ; & nous en partîmes le 2. May par un beau temps qui nous laiflâ faire 80. milles tout à nôtre aile. Nous entrâmes fur les quatre heures après midi dans la rivière de Parthsni , dont les Grecs ont encore conlervé le nom; mais les Turcs l'appellent Dolap. La rivière n'cil pas bien gran- de , quoique ce fût une de celles que les Dix milles apprehendoient de paffer. Strabon & Ar- ïien aflùrcnt qu'elle féparoit la Paphlagonie de ia Bithynie. Si ce premier autheur revenoit au monde , il la trouveroit aufïi belle qu'il l'a dé- crite. Ses eaux coulent encore parmi ces prai- ries fleuries qui lui avoient attiré le nom de Fier- ge. Dcnys de Byzance auroit mieux fait de les fai- re paner au travers de la campagne d'Amarlris , que par le milieu de la ville *, auiîî croit-il que le nom de Vierge lui fut donné à i'occafion de Diane que l'on adoroit fur fes bords. Les Cito- yens d'Amafhis l'avoient reprefentée fur une Médaille de M. Aurele ; le fleuve a le vifage d'un jeune homme couché, tenant un rofeau de la main droite , avec le coude appuyé fur des ro- ches d'où lortènt fes eaux. Pline n'a pas bien connu la difpofition de ces côtes , car il a placé la rivière de Partheni bien loin au delà d'Ama- ftris , & même plus loin que Stéphane dont nous parlerons dans la fuite. Cependant nous décou- vrîmes Amauris le lendemain 3. May fur les 5?. heures du matin , & nous nous retirâmes ce jour là dans la rivière de Sita , après avoir fait 70, milles, moitié à la voile & moitié à la rame. Amaftris , qu'on appelle aujourd'hui Amaftro3 & non pas Famajlro , comme l'on voit dans nos du Levant. Lettre XVI. 37 Cartes , eft un méchant village bâti fut . les .urnes de l'aneienne ville d' Amaftris , pat aReine dont on vient de parler , laquelle y reunar quatre v.l- Uges , SefJe , Cytore , Cromm fc Tm ; mais les habitàns de Tios quittèrent peu de temps après cette focicté ; & Sefame qui etort comme la cita, délie de la ville , prit proprement le nom d Ama- ftris 11 faut lire Arrien pour bien entendre Stra- bon ; car Arrien comptant 90. ftades de la ri- vièreParthenius à Amaftris ; 60. ftades d Amaftns l Ervthine ; autant de là à Cromna , & de Crom- na a Cytore , ou il y avoir un Port 9o ftades ; "n ne peut conclure autre chofe fi ce n'eft que UReine Amaftris pont peupler fa nouvelle ville ' fit venir des habitans de tous ces vilIages.Mcm- non d'ailleurs le déclare en termes exprès , & .flûte que ce changement arriva après la retraite Amaftris , indignée de ce que Lyfimachus fon mari venoit d'époufer Arfinoé a Sardes. Or pmf- "ue , félon Strabon , la citadelle qui s appello, auparavant Sefame , prit le nom d Amaftns il eft hors de doute que l'aneienne ville de Scfame dont a fait mention Efticnnc de Ryzance . au 2 que Phinée fixa fa première demeure , etoïc fonce où eft prefentement Amaftro. Pluie con- vient qu'autrefois Amaftris s'appelloit Stfamt , & nu" le mont Cytore fi fameux par fes bouis, dont toutes les côtes de la mer Noire font couvertes, "oit éloignée de Tios de 6j. milles Cytore fut «nPort cependant de Sinope mais Amaftris fui- . 1 c . >H»r»elée La uuation u'Amaftns vit la fortune diictacui. >-* eft avamageufe , car elle fc trouve fur 1 Ifthmc d'un preiqu'lfie , dont les deux cchancrures fot- 1 ,u autan de Potts , du temps d Amen il y en "voit un fort bon pour les va.lTeaux de guerre , *«j 111 1% Voyage tous les deux font remplis de fable aujourd'hui. Cep auteur traite Amaftris de ville Grecque , a Caufe que fa fondatrice, quoique Pcrhcnne, croit Reine d'Heracléc , & qu'elle avoir commencé par îiue colonie de Grecs. La bonté ries ports d'A- maftris avojt donné lieu au Sénat & au peuple tic cette ville de faire frapper quelques Médailles: on en trouve aux têtes de Nerva , de M. Aurele , de la jeune Fauftine , de Lucius Verus , dont les revers réprefentent une fortune debout, laquelle tient de la main droite un timon , &C de la gau- che une corne d'abondance. On n'avoir pas man- qué d'en frapper en l'honneur de Neptune , com- me celle d'Antonin Pie qui eft chez le Roy , où pc Dieu marin tient de la main droite un Dau- phin , 6k de la gauche uh Trident. Il eft allez liu- prenant qu'il le voye tant de Médailles d'une V.ille qui n'a pas fait beaucoup de bruit dans l'Hif- toire ; on y en avoit frappé , pour ainlî dire , pour foutes les Divinitez. La Diane d'Ephcfe n'y avoit pas été oubliée. Il y a chez le Roy une Médaille tle Domina femme de Domitien , fur le revers de laquelle cette Diane eft réprefentée. On voit des Médailles d'Amaftris à la telle d'Antonin Pie , avec des revers de Jupiter , de Junon , de la Mè- re des Dieux , de Mercure , de <, aftor & de Pol- |ux. On en voit même une a la tefte de M. Aurele, §t au revers d'Homère , comme li la ville d'Amaf- tris avoit voulu le glorifier de la naillance de ce grand homme. Il n'y a pas de plus belle Médaille de cette ville que celle qui eft chez le Roy , à la refte de Julia Ma; fa , le revers réprelente Bacchus tout debout vêtu en fcmme,tenant une pinte de la jrnain droite ; Jupiter eft a gauche debout auffi $«ais avec des attributs bien diiterens , car il a du Levant. Lettre XVI. 39 une pique à la droite, & la foudre à la gauche. La Médaille de M. Aurelc marque bien que cette ville devoir avoir eu des avantages conlidcrablcs fur les voihns,pui(qu'ellc a pour revers une femme avec des trophées à fa gauche. Celles de Fauftine la jeune & de Gordien Pie font remarquables par- leurs revers , fur lelqucls il y a une Victoire qui de la main droite tient une couronne & une pal- me de la gauche. Celle de Lucius Vcrus n'eit pas moins cltimable : c'eft une Veto ire ailée ayee les mêmes attributs. Le Roy en a une belle à latefte du même Empereur ; Mars tout nud cft fur le re- vers le calque en telle , dans l'attitude d'un hom- me qui marche la pique à la main droite , & un bouclier à la gauche. Par rapport à la Mcdecine,je fçai bon gré aux citoyens d'Amairris d'avoir frappé plufienrs Médailles en (on hôneur:on voit beaucoup d'Efculapes d'Amalhis avec des bàton^auLour des- quels un ferpent eft tortillé. La Déelfe SaluscÙ. ré- prcfcnrcc fur quelques autres où les lerpens ne font pas oubliez ; la plufpart des telles (ont d'Adrien, d'Antonin Pie, de M. Aurelc, de Fauftine la jeune. On ne voit aucune Médaille de la fondatrice Amafhis qui fut furîoquée fur mer par ordre de (es frères. Après (a mort Lytimachus donna les villes d'Amal"tris,d'Heracléc& de Tios à ia femme Arhnoé, qui les remit à Hercule 7e'. tyran ou Roy d'Heraclée Son règne ne fut pas long , car Ly- iimachus étant mort quelque temps après , He- raclée & Amaftris fecouérent le joug. Amaftn's même fut démembrée du Royaume des Hera- cliens ; & lorfquc Antiochus fils de Sclcuçus dé- clara la guerre à Nicomede Rov de Bithynic , ce même Nicomede qui avoir befoin du lecours des Hcracliens, ne pût jamais les faire rentrer dans C iiij 2|.o Voyage la poffeflîon d'Amaltris , parce qu'elle croit oc- cupée par Eumene qui aima mieux en faire pré- fent à Ariobarzane fils Mirhridate , que de la ren- dre à ceuxd'Heraclée. Après la prife d'Heraclée par Cotta , Triarius par l'ordre de ce General le faifit d'Amaitris où Cannacorix s'étoit retiré ■■, & depuis ce temps là cette ville refta fous la domination des Romains & de leurs Empereurs , jufques à l'établilfcmcnt des Empereurs Grecs. Elle fut de l'Empire de Tre- bifonde fondé par les Comnenes , après que les François fe furent établis à Conftantinople : maïs Théodore Lafcaris ayant défait Iathine Sultan d'Iconium , prit Amaftris en m o. avec Hcraclée, & quelques autres places. Amaftris étoit en la puilîance des Génois lorfque Mahomet 1 1. prit jConftantinople & Pera. Ils jugèrent à propos de lui déclarer la guerre fur le refus qu'il fit de leur fendre Pera. Mahomet alla en perlonne à Amaf- tris avec une nombreufe artillerie , laquelle fit une fi forte imprefïion , non fur les murailles de ia ville , mais fur l'efprit des habitans , qu'ils lui en ouvrirent les portes. Il n'y lailïa que la troiiic- me partie des habitans , & fit trani porter le relie à Conftantinople. Nous lailferons la ville d'AmalUo entre les mains des Turcs , & pourfuivrons nôtre route. Le 4. May nous quittâmes la rivière de Sita que je ne trouve ni dans les Cartes ni dans les Au- reurs -.nous n'allâmes qu'à 30. milles au delà , & la tramontane nous obligea de camper fur une méchante plage où nous eûmes de la peine à nous mettre à l'abri du vent. Le 5. May nous doubla- pies le Cap Pifello , que les anciens ont connu fous le nom de Carambis , & qu'ils ont oppofé du Lfvant Lettre XV î. 41 aw front de Bélier de la Cherfonefe Taurique , que l'on appelle aujourd'hui la petite Tartane ou Crimée. Les anciens , comme remarque Strabon, ont comparé la mer Noire à un arc bandé , dont la corde eft reprefentée par la côte méridionale , laquelle feroit prefque en ligne droite fans le Cap Pifello. Ce jour là 5 . May nous ne fîmes que 50. milles, & campâmes fur le bord de la mer à Abono où il n'y a que de méchantes cafernes deftinées pour un grand nombre d'ouvriers qui travaillent à des cordes pour les vailleaux & pour les galères du Grand Seigneur, j'ai oublié de dire que les cô- tes de la mer Noire fourniflent abondamment tout ce qu'il faut pour remplir les arlenaux , les ma- gazins & les ports de cet Empereur. Comme elles font couvertes de forefts& de villages , les habi- tans font obligez de couper des bois pour la mari- ne , & de les feier. Quelques-uns travaillent aux doux , les autres aux voiles , aux cordes & agretz necelïaircs. On met des Janilfakes qui ont infpe- clrion fur ces ouvriers , & il y a des Commiilaires pour lever les équipages. C'eft de là que les Sul- tans ont tiré leurs plus puiflantes ilotes dans le temps de leurs conquêtes , & rien ne feroit plus aifé que de rétablir leur marine. Le pays eft excel- lent , il abonde en vivres , comme bled, ris, vian- de , beurre , fromages ; 6%: les gens y vivent très fobrement. Il femble ap Abono foit le refte du nom d'une ancienne ville appellee Les murs d' Abono<. Si j'é- crivois à quelque homme de lettre condamné de- puis long-temps à fcuîllettcr des vieux livres , je me ferois beaucoup valoir fur cette prétendue dé- 4i Voyage couverte ; mais comme j'ay l'honneur décrire à un Miniftre qui connoît la jufte valeur des chofes, à peine ofai- je propofer cette conjecture. Quoi- qu'il en (oit , ces murs d'Abono n'ont jamais ère' qu'un méchant village dont Strabon , Arricn 3 Ptolcmce & Efticnnc de Byzance nous ont confer- vé le nom. Je fais bien plus de cas d'une efpece admirable de Cham<£rhododcK>dros à fleur jaune que nous y découvrîmes ; non feulement elle peut fervir , de même qu'une autre belle efpece de ce genre à fleur purpurine que nous avions veiie aux delà de Pcnderachi , à éclaircir un endroit de Pline ; mais encore a rendre raifon de cette cruelle avanturc arrivée aux Dix milles , qui après la défaite du jeune Cyrus fe retirèrent dans leur pays par les co- tes delà nier Noire. J'aurai l'honneur , M Sr , de vous envoyer les deferiptions de ces deux plan- tes , lorfque nous en aurons veû les fruits bien formez. Nous partîmes d'Abono le 16. May dans le def- fein d'aller à Slnope \ mais la pluye nous obligea de relier à moitié chemin cv de camper le long de la plage à 40. milles de cette ville. On voitd'aiUz beaux villages fur la cote , à l'entrée des bois qui iont d'une beauté fur prenante. Stephanio n'ell pas un des moindres ; ce nom a tant de rapport avec celui de Stéphane qui fc trouve dans Pline , dans Arrien , dans Marcicn d'Heraclée & dans Lftienne de Byzance , qu'on ne peut guère douter qu'il n'en (oit dérivé > & que par conféquent l'ancienne ville ne fuft proche de- ce village. o La mer fut û groile le lendemain 17. May, du Levant. Lettre XVI. 43 que nous fumes obligez de débarquer à une anie à huit milles de Sinope , où nous allâmes 1c même jour à pied en herboriianc ; nous y fejour- lïâmcs pendant deux jours. J\iy l'honneur d'eue avec un profond refpecT: , §cç, 44 Voyage Lettre XVII. A Monseigneur le Comte de F ont char train , Secré- taire à' Etat & des Commandement de Sa Aia- jejté , &c. ISOnSEIGNEURj Dbscri- jj fcr0;t à fouhairer que parmi tant de Regle- jTItl mens qui ont éré faits en France pour l'avance- des cotes i . o ( i ai a dclamcr ment des Sciences & des beaux Arts , il y en eut Noire , quelqu'un qui regardât précifément la perfection depuis Je la Géographie : car les fautes que font les Gco- - nope graphes font très effentielles , &c elles font caufe à Tic- que très ionveut les voyageurs, les Pilotes, 6c bifondc. même quelquefois les Officiers Généraux pren- nent de fat» ^e s mefurcs. Je voudrois qu'on exi- geait des Géographes quelques marques de leur capacité , avant que de leur permettre de publier des Cartes ; & qu'ils fulfcnt obligez de voyager eux-mêmes pendant un certain temps , puifqu'ils veulent guider les autres dans leurs voyages. Je ne trouve rien de Ci difficile que de faire une Carte Géographique qui foit exacte. Il faudroit pour cela parcourir les lieux dont on veut donner le plan , en prendre les mefurcs avec de bons inf- trumens , 8c faire ies obfervations necenaires par rapport au ciel. Nos plus fameux Géographes tra- vaillent le plus fou vent à veiie de pays , fans con- •"noîrre les endroits qu'ils veulent réprefenter ■■, ils copient les' Cartes qui ont déjà paru , ils s'en rap- du Levant Lettre XFÎ /. 47 portent à des relations imparfaites , &c ils fe cro- yent fort habiles quand ils ont fait graver fur les marges de leurs ouvrages quelques ornemens par- ticuliers, qui le plus fouvent n'ont aucun rapport avec les pays dont ils font la description. Les Car- tes marines font plus exactes que les autres , par- ce que les frequens naufrages ont enfin fait fentir la neceflité qu'il y a de connoître les côtes ; néan- moins les concours de ces côtes font ordinairement mal defïinez. Enfin iî Ton a des connoiftances cer- taines par rapport à la Géographie , comme il D'en faut pas douter , on en a l'obligation aux Aftronomes qui , par des obfervations réitérées y ont déterminé la pofition d'une infinité de lieux. Que ne doit-on pas aux découvertes de Galilée 6c de ceux quioncluivi fesveues? Non feulement Mr Caflîni mérite le nom du plus grand Aftrono- me de ce iiécle , mais encore celui du plus grand Géographe qui ait paru. Si nous avons d'excellen- tes Cartes de Mrs de Lifte , c'eft parce qu'ils font habiles Cofmographes , & qu'ils font en "commer- ce avec les plus fçavans Aftronomes , & avec les plus habiles voyageurs. Combien voit-on de Geo- graphes en France , en Hollande , & en Italie où Te font la plufpart des Cartes nouvelles,foit de ter- re , foit de mer ; combien , dis-je , voit-on de Géographes s'appliquer à l'Aftronomie ? La pluf- part bâtiiïent des Royaumes , des Provinces , des Mappemondes auprès de leur feu , la règle &c le compas à la main , fans être jamais fortis de leur ville , ou fans avoir confulté ceux qui ont été fur les lieux. C'eft la po/îtion de Slnope qui m'a mis de mau- vaife humeur contre no* Géographes. Elle eft fi bien marquée dans Polybe & dans Strabon , qu'il 4(5 Voyage n'efl: pas permis d'ignorer que cette ville occupe l'UUirnc d'une prefqu'ifle d'environ fix milles de circuit , terminée par an Cap considérable. Ce* pendant Sinope eft réprefentée dans nos Cartes fur une plage toute découverte , fans qu'on y remarque aucun Port , quoiqu'elle en ait deux fort bons & bien décrits par St aboru Une fî- tuation fi avantageufe invita {ans doute les Mile- liens à y bâtir une place , ou au moins à y envoyer une colonie ; car Autolicus , un des Argonau- res , parfait pour en être le fondateur. Plutarquc & le Scholiafte d'Appollonius le Rhodien , re- montent plus loin pour trouver l'origine de cette ville, mais on ne s'interefle plus pour ces fortes de recherches. Les habitans de Sinope entrepri- rent de fortifier toutes les avenues de leur Cap pour s'oppofer aux entreprifes de ce Mithridate qui , fuivant Polybe, defeendoit d'un des fept Per- fes qui firent mourir les Mages, & qui gouvernoit le pays que Darius avoit donné pour récompenfe à Ces ancêtres fur la côte du Pont Euxin : c'étoii peut-être le même Mithridate fondateur du Ro- yaume du Pont ? Il ne faut pas confondre ce fondateur avec le grand Mithridate Eupator fils de Mithridate Evcr- gcte. Eupator naquit à Sinope , il y fut élevé 4 il l'honnora de les bienfaits , la fortifia & la mit en état de rélifter à Murena General de l'armée Romaine, après que Sylla fe fut retiré d'Aiie : En- fin Mithridate fit Sinope la capitale de fes Etats ,- & Pompée voulut qu'il y fuft enterré, Pharnace fut le premier qui priva cette ville de fa liberté.- Ce Pharnace ne fut pas le fils du grand Mithrida- te , mais fon ayeul ; car fuivant la généalogie des Roys du Pont * dreflee par Tollius , il y eût un Pharnace qui fut père de Mithridate Evevgete, î> v Levant. Lettre Xr/L 4? Lncullus joignit Sinope aux conquêtes des Ro- mains , en délivrant: cette place du joug des Cilî- ciens , qui s'en écoient emparez , fous prétexte de la conlcrver à Mithridate. Les Ciliciens , aux approches des troupes Romaines, mirent le feu à la ville &c fe iauvérent pendant la nuit : mais Lncullus , que ks véritables citovens regar- doient comme leur libérateur , encra dans Sino- pe & fit mourir huit mille Ciliciens qui n'avoient pas fait la même diligence que les autres. Il ré- tablit les habitans dans la pollèffion de leurs biens, Cv leur rendît toutes fortes de bons offices ; frap- pé de ce qu'il avoit veû en fonge le fondateur de leur vil\c le jour qu'il y fit fon entrée. Les Ro- mains y envoyèrent une Colonie , laquelle oc- cupa une partie de la ville 3c de la campagne. Cette campagne eft encore aujourd'hui telle que Strabon l'a dépeinte , c'eft à dire , que le terrein qui eft entre la ville &c le Cap eft rempli de jar- dins & de champs. Appien rapporte la prife de Sinope d'une autre manière , néanmoins il con- vient du fonge 6c de la clémence de Lucullus, Ce General , félon Plutarque , en pourfuivant les fuyards , trouva fur le bord de la mer la fta- tuë de ce même Autolycus , laquelle ils n'avoient pas eu le temps d'embarquer , ôc la fit enlever. C'étoit un bel ouvrage auquel on rendoit des hon- neurs divins Se qui , fuivant la croyance des peu- ples , rendoit des Oracles. Il y a apparence que l'on frappa dans ce temps- là à Sinope la Médaille que j'en ay apporté , ou du moins que c'eft à l'occafion de Lucullus qu'elle y fut frappée. D'un côté c'eft une tefte nue* à la Romaine , laquelle me paroit celle de ce Gene- ral i au revers c'eft une corne d'abondance qui 48 V Ô Y A G 2 marque les richeffcs que les Ports de Siuope y ae- tiroient. Eile cft placée entre- les deux bonnets de Caftor &c de Pollux ; Se ces bonnets qui tout fur- montez d'autant d'étoiles , nous apprennent que ces enfans de Jupiter 6c de Lcda favoritoient la navigation des Sinopiens. Les Colonies qu'ils avoient fondées marquent que leur puiflance fur mer s'étendoit bien loin ; mais il n'y a rien de plus glorieux pour cette ville , que le fecours qu'elle donna au reltc de l'armée des Dix mille Lacede- moniens , dont la retraite fait un des plus beaux morceaux de l'Hiltoire grecque. Les Sinopicns affectèrent même , fous les Em- pereurs Romains, de conferver à leur ville le nom de Colonie Romaine. Patin nous a donné le type de deux Médailles dont les légendes en font men- tion , l'une elt à la teite de Caracalla, Se l'autre à celle de Geta: celle-ci a pour revers un poirfon , & me fait fouvenir du grand commerce de poiilon qu'on fait encore aujourd'hui en cette ville. Hor- mis les cables ôc les cordes que l'on y charge pour Conftantinople , on n'y, trafique qu'en falines cv en huile de poiifon. Les principales falines lont les Maquereaux & les Pelamidesou jeunes Thons. Les huiles fe tirent des Dauphins & des veaux de mer. A l'égard de la Médaille de Caracalla , elle réprefente Pluton à demi couché fur un lit ; fa tei- te eft chargée d'un boiffeau, une aigle s'appuie fur le poing de fa main gauche , & il tient de la droi- te une hafte pure , c'elt à dire une lance fans fer. Tacite après avoir parlé des prétendus miracles de Vcfpafien qui avoit rendu la velie à un aveugle dans le même endroit où il y en avoit eii autre- fois un confacré à Serapîs & à Ifis -y le nom même de Serapis lui en refla peut-eftre pour cette raifon ; car Euftathe remarque que le Dieu Serapis des Egyptiens eft le même que le Jupi^ ter de Sinope. Pharnace par fa révolte ayant obligé le grand Mithridate fon père à fe tuer , feignit d'être ami des Romains , &c fe contenta du Bofphore Cim- tnerien que Pompée lui accorda : mais quelque temps après fe flattant de pouvoir recouvrer les autres Royaumes de fon père , pendant que ce même Pompée & Jules Cefàr avoient mis en combuftion tout l'Empire Romain j il leva le mafque êc prit pluileurs villes des côtes du Pont- Euxin ; Sinope ne fut pas des dernières. U fut battu enfuite par Cefar & obligé de rendre Si- nope à Domitius Caivinus qui eut ordre du Ge-ï Tome JIL î> $0 V O Y A G E lierai de continuer la guerre contre Pharnace. On ne fçait pas i\ la ville fut maltraitée alors, mais il eft certain que les murailles en étoient encore belles du temps de Strabon qui vivoit fous Au- gufte ; celles d'aujourd'hui ont été bâties fous les derniers Empereurs Grecs. Les murailles font à double rempart , deffcndué's par des tours la pluf- part triangulaires & pentagones , qui ne préfen- tent qu'un angle. La ville eft commandée du cote de terre , èv il faudroit deux armées navales pour l'afïiéger par mer. Le Château eft fort né- gligé aujourd'hui. Il y a peu de Janiflaircs dans la ville , & l'on n'y fouffre aucuns Juifs. Les Turcs qui fe méfient des Grecs , les obligent de locjer dans un çrand fauxbourg fans derfence. Nous ne trouvâmes aucune infeription ni dans la ville ni aux environs , mais en récompenfe , ou- tre les morceaux de colomnes de marbre qui font enclavez dans les murailles , on en voit une pro- dîgieufe quantité dans le cimetière des Turcs , parmi plusieurs chapiteaux , baies & piédeftaux de même efpece : ce font les reftes des débris de ce magnifique Gymnafe , du Marché & des Por- tiques dont Strabon fait mention , fans parler des anciens Temples de la ville. Le Pacha campa avec toute fa Maifon au pied des murailles , entre la ville ôc le fauxbourg. Pour nous qui étions re- gardez comme des profanes, quoiqu'on nous trai- tât chez le Pacha le plus honnêtement du monde, nous logeâmes dans le fauxbourg chez un Grec qui vendoit de fort bon vin de treille , car on n'y voit *point de vignes baffes. Les eaux y font excel- lentes , & l'on y cultive des Oliviers d'une gran- deur alfez raifonnablc : maïs quelque belle que Toit cette campagne , elle ne produit que des du Levant. Lettre XV it ${ plantes altèz communes , fi l'on en excepte une efpece d'Abfinthe qui naît dans le fable le long de la marine , &: qui fuiva^it les apparences doit être l'Abfînthe Pontique des anciens a laquelle je croîs n'avoir été connue d'aucun auteur moderne. Peur- être qu'elle efl: plus commune vers les embouchu- res du Danube , car Ovide aifiire que les champs n'y produifent rien de plus ordinaire que l'ablin- the. Peut-être aufli qu'il parie en poe'te , & qu'il ne fe fert du mot à'Abfinthe , que pour mieux faire fentir les amertumes de Ton exil. La plante dont nous parlons efl: un foiifarbrif- feau de la hauteur de deux pieds , dtir , touffit ,' 6c branchu dés le bas où il efl: gros comme le pe- tit doit & roitnatre. Le refte , de même que \cè branches , en efl: cotoncux & blanc. Toute \à plante efl: garnie de feuilles de même couleur, àffez molles , prefque rondes , laïges de deux pou- tes ; mais découpées plus menu que cette efpece que l'on cultive dans les jardins fous le nom de la petite Ab/inthe , où de Y Abfwthe de Galiefi; Des ahTelles des feuilles de nôtre Abfmthe du Pont , nailïcnt des branches & des brins chargez de feuilles m^ins arrondies & découpées encore plus menu ; les dernières qui fe trouvent vers" l'extrémité des branches , îefquelles font aifez ferrées les unes contre les autres , n'ont qu'envt- ron demi pouce de long fur demi ligne de largc,ôc font ordinairement toutes {impies ou n'ont au plus qu'une ou deux diviiions. Les fleurs naiffent eii abondance tout le long des branches & des briné qui font plus cotoneux &c plus blancs que le ref- te de la plante. Chaque fleur efl: un bouton da deux lignes de long compofé de feuilles très me- nues pofées en écailles & couvertes d'un duveS D 'A ji Voyage afl'ez «pais, lefquelles enveloppent fept ou finît fleurons d'un jaune pâle , très mentis , divifcz en cinq pointes dans l'endroit où ils s'cvafent ; ils laiilent échaper une petite gaine plus foncée , au travers de laquelle déborde un filet verdâtre. Chaque fleuron porte fur un embryon de grai- ne , qui ne meurit que dans l'arriére faifon ; elle eft très- petite 8c brune. On cultive cette efpece d'Abiinthe dans le Jardin du Roy depuis plus de 10. ans i 8c je ne fçai d'où elle y eft ve- rnie. Peut-être que quelque Millionnaire en a apporté la graine des côtes de la mer Noire. La racine de cette efpece d'Abfinthe eft dure , li- gneufe , roulfàtre, diviféc en fibres ondoyantes & chevelues. Les feiï ili es 8c les fleurs font d'une très- grande amertume Leur odeur eft moins for- te que celle de l'Abfinthe commune qui fe trou- ve naturellement dans les Alpes , 8c que l'on cultive dans tous les jardins de l'Europe. Charatice Capitaine Mahometan furprit Si- nope 8c la pilla , dans le dclfein d'enlever les threfors que les Empereurs y avoient mis en dé- port: y mais il fut obligé d'abandonner la place fans toucher aux richeifes , fur l'ordre du Sultan fon maître qui recherchoit l'amitié d'Alexis Com- nene , 8c qui lui avoit envoyé un Ambalfadeur. Le gouvernement de la ville fut donné à Conf- tantin Dalaftcne parent de l'Empereur, 8c le plus grand Capitaine de ce temps-là. Lorfquc les François 8c les Vénitiens fe rendirent maîtres de Conftantinople > Sinope tomba fous la puiflance des Comncnes , 8c fut une des principales vilies de l'Empire de rTrcbifonde. Sinope devint dans la fuite une Principauté indépendante de Tre- bifonde , ôc ce fut apparemment quelque Sultan du Lîvant. Lettre XVI T. $ % qui en fie la conquête dans le temps qu'ils fe répandirent dans l'Afie mineure , car iJucas rap- porte que Mahomet 1 1. étant à Angora en 146 r. y fut (allié 3 Se reçeut les prefeus d'Ifmael Prin- ce de Sinope , par les mains de Ton fils. Maho- met lui ordonna de faire favoir à Ton perc qu'il eût à lui remettre Tes Etats ; le compliment droit un peu dur , mais la flore Turque paroiirant de- vant la ville , fit prendre à ifmael le parti d'obéir. Calcondyle alïùre qu'il fit un échange de fa Principauté avec la ville de Philippopolis en Thrace , quoiqu'il y eût 400. pièces d'artillerie fur les remparts de Sinope. Par le même traité Mahomet acquit Caftamene ville très- force 3 la- quelle dépendoit de la même Principauté. Les Turcs qui reprochent aux Chrétiens de fe faire entre eux de cruelles guerres , ne font pas bien inftruits de l'Hiftoire de leur Empire ; car les premiers Sultans n'ont pas fait difficulté de dé- pouiller les premiers Mahomctans dont les ter- res étoient , comme l'on dit , de leur bienféanec. Tout le monde fçait qu'ils n'ont conquis l'A fie mineure que fur des Grinces de leur religion qui s'éroient érigez en petits Souverains aux dé- pens des Grecs. On ne fçautoit palTcr par Sinope fans fe fou- Tcnir du fameux Philofophe Diogene le Cini- que : ce Diogene dont Alexandre admiroit les bons mots en croit natif. Vous fçavcz , Mfr, qu'Alexandre dit un jour à fes Courtifans , qu'il fouhaiteroit être Diogene , s'il n'étoic pas Ale- xandre , 6\: que ce fut à î'occafion d'une répon- fe de ce Philofophe ; car le Prince l'ayant ho- noré, d'une de fes vifites à Corinthe, lui deman- da s'/ï avoit befoln de quelque chofe : Diogene lui D \\\ J4 V O Y A G 2 répondit , qt/il riavoit befoin que de la chaleur â'i Soleil , (jr qu'il le fupplioit de fe ranger pour fia pas l'en priver. On voit fon Epitaphe fur un an- cien marbre à Venifc dans la cour de la maifon d'Erizzo ; elle eft au delïbus de la figure d'un Chien qui eft afîis fur fon derrière , 8c on peut Ja traduire ainfi. Dem. Parle donc Chien , de qui gardes-tu le tombeau avec tant de foin ? Rép. Du Chien. Dem, (Jui ejîoit donc cet homme que tu appelles Chien ? Rép. C'étoit Diogene. Dem. D'ok efi-ce qu'il et oit ? Rçp. De S in ope , c'efl lui qui vivoit autre- fois dans un tonneau ^ & qui a prefentemofit les u4Jlres pour domicile. Au refte la terre de Sinopc de laquelle Stra- bon , Diofcoride , Pline & Vitruve ont parle , n'eu: pas verte , comme plufieurs perfonnes le croyent, s'imaginans que la couleur verte que l'on appelle Simple en terme de Blazon , en a tiré fon nom. La terre de Sinope eft une cfpece de Bol plus ou moins foncé , que l'on trouvoit autrefois autour de cette ville, & que l'on y ap- portoit pour le distribuer. Ce qui marque que ce n'étoit autre chofe que du Bol, c'eft que les autheurs , que l'on vient de citer , aiTùrent qu'il étoit atifîi beau que celui d'Efpagne : tout le monde fçait qu'on trouve de très-beau Bol en plufieurs endroits de ce Royaume , où on l'ap- pelle Almagra ; & ce Bol , fuivant les apparen- ces , eft un Safran de Mars naturel. Il le peut faire néanmoins qu'il y ait quelque efpece de ;erre verte dans la campagne de Sinope , car Cal- condyle afliïre qu'il y a d'excellent cuivre aux environs , & je crois que la terre verte que les anciens nommoient Thcodotion n étoit proprement d tf Levant, lettre XV ] T. jj «tac du vert de gris naturel , rcl qu'on le trouve clans les mines de cuivre. Les anciens eftimoient |a terre verte de Scio , mais on ne l'y connoît plus , ou du moins perfonne ne put nous en ap- piendre des nouvelles. Nous partîmes de Sinope le 10. May , & nous ne fîmes que 1 8. milles , parce que le mauvais temps nous conduiik à Carfa , comme pronon- cent les gens du pays. Ce village eft nommé Ca- rofa dans nos Cartes , Se ce nom approche enco- re plus de celui que lui avoient donné les an- ciens ; car Arricn le nomme Caronfa Se allure, avec raifon , que c'eft un méchart port à cent cinquante (lades de Sinope 5 qui font juflemcnt 1 8. milles & demi. Il cft farprenant que les me- sures des anciens répondent quelquefois Ci correc- tement à celles d'aujourd'hui. Le ii. May nous campâmes fur la plage de î'Ifle que forment les branches du fleuve Halys 330. milles de Carfa. Voici encore une beveiic de nos Géographes qui font venir ce fleuve du côté du Midi , au lieu qu'il coule du Levant. Ils ne font excufables que fur ce qu'Hérodote a fait la même faute ; cependant il y a long-temps qu'Arrieu l'a relevée , lui qui avoir été fur les lieux par ordre de l'Empereur Adrien. Strabon qui étoit de ce pays-là décrit parfaitement le cours de l'Halys. Ses fources , dit-il, font dans la grande Cappadoce , d'où il couie vers le Cou- chant , Se tire enfuite au Septentrion par la Gali- lée Se par la Paphlagonie. Il a pris fon nom des terres falées au travers dcfquellcs il palfe. En cftet , tous ces quartiers-là font pleins de fcl fof- file ; on en trouve même fur les grands chemins ÔC dans les champs labourables ; fa falûre tire D iiij j quelquefois feule* , quelquefois oppofées deux à deux , jaunes , ôc longues de 6. ou 7. lignes. Chaque fleur commence par un tuyau d'environ deux lignes de long , lequel s'évafant fe divife en deux lèvres , dont l'inférieure a près d'un pouce de long fur un peu plus de largeur , dé- coupée en trois pièces alïez arrondies a rabaïuc du Levant. Lettre XV IL 61 en manière de fraize , & marquée au commen- cement de fes divifions d'une tache feuille-morte foncé. La lèvre fupérieure eft un peu plus lon- gue que l'inférieure , de commence par une ef- pece de cafqr.e applati en deims comme le crâne d'un chien , large d'environ trois lignes fur quatre lignes de long jufques aux orbites , les- quelles font marquées par deux gros points rou- ge-brun , d'un tiers de ligne de diamètre. De ces orbites le cafque fe vétraiflît peu à peu &c s'âf- longc en manière de Trompe d'un Eléphant. Elle eft creufe , longue de quatre ou cinq lignes, obtufe , ou émoutfee par le bout , & lailfe échap- per le filet du piftile. A la naiflance de cette Trompe avant qu'elle fe plie en goutiére , fe voyeur deux petits crochets longs de demi ligne, courbez en dedans ; les étamincs font cachées dans le cafque & garnies de fommets jaunâtres : le piftile.eft un bouton ovale , long d'une ligne , terminé par un filet : le calyce a quatre ou cinq lignes de long , vert-pâle , découpé profondé- ment en 3 . parties velues rayées , dont celle du milieu , qui eft la plus grande , eft pliée en gou- tiére. Le piftile devient un fruit plat , membra- neux , noirâtre, prefque quarré, mais arrondi dans fes coins , partagé en deux loges dans fa longueur & rempli de femences un peu courbes, longues d'une ligne & demi , noirâtres , cane- lées dans leur longueur. Toute la plante eft d'un goût d'herbe fans odeur , fes fleurs fentent com- me celles du Aiitguet ; elle aime les lieux gras & qui font à l'ombre. Le 14. May après avoir fait 28. milles , nous relâchâmes à l'embouchure de la petite rivière de VatiX* > tout près d'un village du même nom, i&Z tô Y A C ! où ,1'ou alla prendre des rafraîchillemem ; Yè vcnc ctoit au Nord &c la mer uii peu grolîe , ainti Ton tint confeil de Marine ; &c comme les avis étoient partagez , le Pacha balançoit s'il avan- cerait ou non. J'eus l'honneur de le déterminer à refter , non feulement ce jour-là mais encore le lendemain , l'aifeùrant , fby de Médecin , que les malades de fa maifon avoient beloin de repos 6c fur tout fon Prédicateur qu'il honoroit de fon cftime. Après tout , ce repos fit du bien & du plaifir aux malades ; les fculs Matelots gron- doient 3 parce qu'étans payez pour tout le voya- ge , ils auroient bien voulu profiter du temps. Pour moi j'etois ravi d'aller courir dans un il beau pays , & je m'embarraflois peu de leurs' difeours. Les collines de Vatiza font couvertes deLaurier-Cerize Se d'un Guaiac de Padoïie plus haut que nos plus grands Chênes ; nous ne pou- vions nous laffer de les admirer. On y voit une tfpece de Micocoulier à larges feuilles , dont leé fruits ont demi pouce de diamètre. Nous y ob- fervâmes encore une infinité de belles plantes ; mais il fallut en décamper le jour fui van t. La mer parut encore agitée aux gens de la fuite du Pacha ; èc quoique les Matelots afluraflent qu'- elle étoit auiît tranquille que de l'huile , car c'eft une comparaifon dont on fe fert par tout fur mer , nous ne fîmes que 20. milles avant dîner. On rélâcha au pied d'un vieux Château démoli , dont on ne fçût nous apprendre le nom; nous nous en confolâmes , les mafures ne mai*, quant rien qui fentifle l'antiquité. Il ne faut pas, Mf°r , fur cette relation vous faire une idée dé- favantageufe de la mer Noire ; nous n'avancions ijue dans le calme parfait 3 les vents du Nord du Levant. Lettre XVII. 6) que l'on apprehendoit tant: , Se la mer qui pa- roifloit toujours grollc à ces bons Mululmans , ne fccoiioit pointant pas nos bateaux bien forte- ment Se n'empechoit point les Saiques d'aller Se de venir. Notre marche me faifoit fouvenir de ces temps de mollefl'e que Mr Defpreaux décrie fi bien dans fon Lutrin , On rcpojolt la nuit , on àormolt tout le jour. C'étoit là justement la vie de nôtre cour. On ne s'éveilloit que pour fumer , pour prendre du cafFé , pour manger du ris Se boire de l'eau ; ou n'y parloit ni de chalfe ni de pefche. Nous ne fîmes ce jour là que n. milles à la rame, Se nous abordâmes fur une plage dans Un lieu char- mant Se rempli de belles plantes. Le 16. May quelqu'un s'avifa , pour faire pefter les Matelots , de dire que c'était un jour malheureux , c'en fut allez pour ne nous faire partir qu'après le dmé ; ainfi l'heure de la prière e'tant venue' , il fallut rélâcher à deux milles de Cerafonte , que les Grecs appellent Kirifontho. L'envie que nous avions de voir cette ville , me fit avifer de dire que le miel manquoit pour nos malades Se qu'il falloit y en aller acheter. On dit que c'étoit un jour malheureux Se que Dieu prendroic foin des malades. Nous nous en con- folàmcs par la découverte que nous fîmes d'une cfpece admirable de Millepertuis ÔC certaine- ment il n'y avoit qu'une auflî belle plante qui fut capable d'adoucir nos chagrins ; car à qui les compter dans un pays où l'on ne voyoit ni gens ni bêces t Quand nous ne trouvions pas de belles plantes , la le&ure nous tenoic lieu de toute auue confolation. 6a Voyage Les vieux pieds de cette efpece de MilUperliïi* ont la racine épaille de deux ou trois lignes , du- re , ligneufe , couchée en travers , & longue de plus d'un demi pied. Celle des jeunes plantes effc une touffe de fibres jaunâtres fritées, longues de trois ou quatre pouces. Les tiges fout hautes de- puis demi jufques à un pied , quelques - unes droites , les autres couchées puis relevées , vert- pâle > épaiiïcs d'une ligne , garnies d'une petite arête ou filet , lequel defeend d'une feuille a. l'autre. Ces feuilles qui nailfent deux à deux ; font longues d'un pouce on quinze lignes fur deux lignes de largeur , vert-pâle aufli , de la rît— fure de celles de nôtre Millepertuis 9 ferrées , fans qu'on y découvre des points tfanlparans , den- tées fur les bords à peu près comme celles de Y Herbe à éternuer qui vient dans nos prez , at- tachées à la tige fans pédicule , & terminées en bas par deux oreilles très pointues , longues de deux lignes , mais découpées plus profondément que le refte de la feuille. De leurs airTelles naif- fent des branches garnies de iemblables feuilles , quoique plus courtes & plus larges. Ces bran- ches forment un bouquet pareil à celui du Mille- pertuis commun. Les fleurs de l'efpece dont nous parlons, font à cinq feuilles jaunes, lon- gues de huit ou neuf lignes fur trois lignes de largeur , arrondies à la pointe mais pins étroite à la bafe. Du milieu de ces feuilles s'élève une touffe d'étamines jaunes plus courtes que les i feuilles , garnies de petits fommets. Elles envi- ronnent un piftile long de deux lignes tk demi , verdâtre , terminé par trois cornes. Le calice eft long de trois lignes , découpé en cinq parties dentées aufli proprement que les feuilles. Le pi- ftile Tom -3 - /^j7 . 6+ . KyvcricLurv Or ' crUcu^ . Ptar> fouis CarclL.Reirurp. ig / du Levant. Lettre XVII. Cy ftile devient un fruit roulïatre-brun , haut de trois lignes , divifé en cinq loges, remplies de femenceç brunes & très menues , lefquelfes tom- bent par la pointe du fruit lorfqu'il eft bien meur. Toute la plante a une odeur réfineufe, Elle va- rie confidérâblement par rapport à fa grandeur j on en trouve avec des pieds fort bas , ôc dont les feuilles font très menues. La fleur varie aufîî 3 car il y en à dont les feuilles ont jufques à dix lignes de lorrg. Les feuilles forit ameres , un peu cluantcs 6k Tentent la réfine. Le 21. May nous paflâmes devant Cerafonte ville allez grande bâtie au pied d'une colline fur le bord dç la mer , entre deux rochers fort efear- pez. Le Château ruiné qui étoit l'ouvrage des Empereurs de Tfebi fonde , eft fur le fommec d'un rocher à droite en entrant dans le port , ÔC ce port eft aiTcz bon pour des Saiques. Il y en avoit pluficurs qui n'attendoient que le vent fa- vorable pour aller à Conitantinople. La campa- gne dé Cerafonte nous parut fort belle pour herborifer. Ce font des collines couvertes de Bois où les Cerifiers naiffent d'eux-mêmes. Saint Jerofmc a crû que ces fortes d'arbres avoient ti- ré, leur nom de cette ville , fk AmmianMarcellïn affùre que Lucullus fut le premier qui fît trans- porter de là les Cerifiers à Rome„ On ne con- rioiiToit pas , dit Pline , les Cerifiers avant la bataille que Lucullus remporta fur Miihridate, & ces arbres ne pâflerent que cent vingt ans après en Angleterre. Cerafonte , félon Arrien ," fut nommée dans la fuite Pbarnacïa , c'étoit une Colonie de Sinope à qui elle payoit tribut , com- me le remarque Xenophon : cependant Strabon §< Ptolcmée distinguent Pharnacia dé Cerafonte.' fom* m: e 66 Voyage Ce fut à Cerafonte que les Dix mille Grecs qui s'étoient trouvez lors de là bataille de Babylonc dans l'armée du jeune Cyrus, payèrent en re- vue devant leurs Généraux, ils y féjournérent dix jours , 6c leur armée après tant de fatigues ne s'y trouva diminuée que de 14. cens hom- mes. Oh diftinguoit dans ce temps-là les villes Grecques , c'elt à dire les Colonies des Grecs fur les côtes du Pont-euxin , des autres villes bâties par les gens du pays , que les Grecs re- gardoient comme des barbares & comme leurs ennemis déclarez. Les reftes des dix mille évi- taient avec foin ces fortes de villes pour fe ren- dre aux Colonies des Grecs ; mais ce n'étoit or- dinairement qu'en combattant. Quoique Cera- fbnte n'ait jamais été une ville fort confidera- ble , on ne lailïè pas d'en trouver des Médailles. On en voit à la tefte de M. Aurele , fur le re- vers defquelles efl: un Satyre debout , qui de la main droite tient un flambeau & une houlette de la gauche. On voit bien par là que ce n'étoic pas une ville de commerce maritime ; elle fe fai- ibit valoir plutoft par Ces bois &: par fes trou- peaux. Nous relâchâmes ce jour-là à 5$. milles de Cerafonte pour aller achetter des provisions à Tripoli village dont Arrien & Pline ont fait men- tion , & dont on trouvera ici le delïèin. Enfuite nôtre petite flotte vint donner fond à trois mil- les au delîbus , à l'entrée d'une rivière qui por- tait apparemment le même nom que la ville du temps de Pline. On a travaillé autrefois des mines de cuivre le long de cette rivière , car on y trouve encore beaucoup de récremens de ce rnérail , couverts de vitrifications émaillées de Tcm -.3 j-'^ff ■ °7 du Levant. Lettre X fil. 6y blanc & de vert. Toutes ces côtes font agréa- bles & la naturee s'y efl confervéc dans fa beauté, parce que depuis long-temps il n'y a pas eu allez d'habitans pour les détruire. Nous y obfervâ- mes un arbrilleau qui , félonies apparences, efl le Raifin d'Ours de Galien. Cet arbriireau vient de la hauteur d'un hom- me. La tige en efl épaifTe comme le bras , le bois blanchâtre , l'écorce grêle , mêlée de brun , gercée & dont la première peau fe décache fa- cilement. Cette tige pouffe plusieurs branches des le bas , grolfes comme le pouce , quelquefois davantage , fubdivifées en rameaux revêtus d'une e'corce vert-pâle. Tous ces rameaux font chargez de nouveaux jets couverts d'une écorce nette Se luifante , garnis de feuilles femblables à celles du Cerifîer , longues de deux pouces ôc demi fur un pouce & demi de large , dentées légère- ment fur les bords , pointues par les deux bouts, vert-guai , quelquefois rougeâcres , lilfes , rele- vées d'une côte en deffous& parfemées de poils très-courts. Les fleurs naiiïent parmi ces feuilles fur ces brins longs d'un pouce & demi , pan- chées en bas , difpofées fur la même ligne dans les aiffelles des feuilles qui n'ont encore qu'un demi pouce de longueur , & leur pédicule n'a que trois ou quatre lignes de long. Chaque fleur cil une cloche d'environ quatre lignes de dia- mètre , & d'environ cinq lignes de haut , blanc- fale , panachée de grandes bandes purpurines du côté qu'elle efl: expofée au folcil , découpée en cinq pointes , quelquefois davantage , & ces pointes font un peu refléchies en dehors. Cette fleur varie. Il y a des pieds fur lefquels elle cft toute blanche , & quelques autres où elle tire E ij 6§ Voyage fur le purpurin fans être panachée. t)è quelque couleur qu'elle foie , elle eft. toujours percée dans le fond & articulée avec le calice. Des en- virons du crou de la fleur , nailfent dix écarai- nes longues d'une ligne & demi , blanchâtres , un peu combes , chargées chacune d'un fommet aufîi.long , jaune foncé tirant fui- le Feuille-mor- te. Le calice eft un botiton verdâtre , plat en de- vant & comme piiramidal en derrière , long d'u- ne ligne Se demi , découpé en cinq parties qui forment un petit bafîin relevé d'une efpece de bouriet creux dans le milieu , comme dans les autres efpcces de ce genre. Du centre de ce baf- fin fort Ml, filet menu , long de 4. ou 5. lignes. Les feuilles de cette plante ont un goût d'herbe qui tire fur l'aigre. Les fleurs font fans odeur. Je n'ai vu que des fruits verts d'environ trois lignes de long, aigrelets &creufez en devant eri manière de nombril. C'eft la plus grande cfpecé de Vhis Idda qui foit connue: Il y a apparence que c'eft celle que Gaiien a ndmmée Af.rcqx$u\oç ou Raijin d'Ours : cet autheur allure qu'elle naît dans le Royaume du Pont , & qu'elle a les feuil- les femblablcs à Y Arboufer , ce qui eft vrai , fî l'on compare les feuilles de cette plante à celles de 1! 'Arboitfier AdrAclaïe , laquelle eft aufli com- mune en Grèce, 6e plus commune en A(ïe , d'où" étoit Galicn , que nôtre Arboufier ordinaire; Nous ne fîmes que $5. milles le 21. May , & l'on drefla nos tentes proche d'un moulin d'eait à la vue de Trebifondc , que les Turcs appellent Tarabofan , où nous arrivâmes le lendemain en quatre heures de temps à la voile & à la rame. Cette ville n'eft devenue célèbre dans l'hiftoire que par la retraite des Comnenes > qui après la du Levant. Lettre XVI I. 69 prife de Gonitantinopïe par les François Se par les Vénitiens , en firent le kege de leur Empire, Anciennement Trebifonde étoit regardée corn. M'u me une Colonie de Sinope à qui même elle pa* yoit tribut, comme nous l'apprenons de Xeno- phon qui paila par Trebifonde en rcconduiiant le refte des Dix mille. Xenophon raconte la trille avanture qui leur arriva pour avoir ma,nee trop de miel. Voici, JMV , la defcrjption des plantes fur lefquelles les abcillps le fiiccent. Cbam&rhododcridros Pontlcj, maximq , A'Iefpid folio f flore luteo. Cqroll. Iiift. Rei hcrb.42. Cet arbrilfcau s'élève à fept ou huit pieds de haut , & produit un tronc prefque auiîi gros que la jambe , accompagné de plufieurs tiges plus menues diviféfs en branches inégales , foi- Lies , cariantes , blanches , mais couvertes d'une écorce grifâtre &c lifîe , (i ce n'eft aux extrémitez où elles font velues & garnies de bouquets de feuilles afTez femblables à celles du Néflier des bois , longues de 4. pouces fur un pied & demi de largeur , pointues par les deux bouts , vert- gai , légèrement velues , excepté fur les bords où les poils forment comme une efpece de four- cil. La côte de ces feuilles eft affez forte &z fe diftribuë en nervure fur toute la furface Cette cote n'en; que la fuite de la queue des feuilles , laquelle le plus fouvent eft de trois ou quatre li- gnes de long fur une ligne d'épais. Les fleurs nauTent 18. on zo. enfemble par bouquets à l'ex- trémité des branches , foûtenuës par des pédi- cules d'un pouce de long , velus , & qui naiffent des aiiTelles de petites feuilles membraneufes a blanchâtres , longues de lept ou huit lignes fur' trois lignes de largeur, Chaque fleur eft un tuyau E nj 7P V o y a g z de deux lignes & demi de diamètre , légèrement canelé , velu , jaune tirant fur le verdâtre. Il s'é- vàfe au delà d'un pouce d'étendue' & fe divife en cinq parties , dont celle du milieu a plus d'un pouce de long fur prefque autant de largeur , ré- fléchie en arrière de même que les autres 8c terminée en arcade gothique , jaune- pâle quoi- que doré vers le milieu. Les autres parties font un peu plus étroites & plus courtes , jaune-pâle aufÈ. Cette fleur qui eft percée en derrière s'ar- ticule avec le piftile , lequel eft piramidal, ca- nelé , long de deux lignes , vert-blanchâtre , lé- gèrement velu , terminé par un filet courbe , long de deux pouces , arrondi à fon extrémité en manière de bouton vert- pâle. Des environs du trou de la fleur fortent cinq étamines plus courtes que le piftile , inégales , courbes , char- gées de fommets longs d'une ligne & demi, rem- plis de poufliére jaunâtre. Les étamines font de même couleur , velues depuis leur naiflance juf- ques vers le milieu , & toutes les fleurs font pen- chées fur les cotez , de même que celles de la Fraxtnelle. Le piftile devient dans la fuite un fruit d'environ quinze lignes de long fur flx ou fept lignes de diamètre , dur , brun , pointu , relevé de cinq côtes. Il s'ouvre de la pointe à la baze en fept ou huit parties , creufées en manière de (rou- tière y lefquelles alfemblées avec le pivot qui en occupe le milieu , forment autant de loges rem- plies de graines. Les feuilles de cette plante font ftiptiques. L'odeur des rieurs approche de celle du Chèvrefeuille , mais elle eft plus forte & porte à la tefte. Cbamarhododendros Pontica , maxima , folio Laurocerafî , flore C&mleo purf>urafceiïtem Corolj. Inftit. ReiJierb. 42. du Levant. Lettre XV I î. yt Cette efpece s'élève ordinairement à la hau- teur d'un homme. Son principal tronc eft pref- que auffi gros que la jambe. Sa racine trace j ni- ques à cinq ou Jfix pieds de long , partance d'a- bord en quelques autres racines groflès comme le bras , diftribaées en fubdivifions d'un pou- ce d'épailfeur. Celles-ci diminuent infenfible- ment , accompagnées de beaucoup de chevelu. Elles font dures , ljgneufes , couvertes d'une écor- cc brune , Se produifent plufiçurs tiges de diffé- rentes grandeurs , lefquelles environnent le tronc. Le bois en efl blanc , cailànt , revêtu d'une écor- ce grifâtre , plus foncée en quelques endroits. Les branches font airez touffues ôc naiflènt dès le bas , mal formées , inégales , garnies feule, ment de feuilles vers les exçrémkez. Ces feuilles, quoique rangées fans ordre , font d'une grande beauté & reflemblent tout- à- fait à celles dq Laurier-Cerife. Les plus grandes ont fept ou huit pouces de, long fur environ deux ou trois pouces de large , & iont terminées en pointe par les deux bouts , vert çuai , liiTcs , prefque luifantes, fermes 6V folides. Le dos qui n'efl: que l'allonge, ment de la queue , laquelle a près de deux pou- ces de long , eft relevé d'une groiîe côte fillonée en devant , dont les fubdivifîons principales font comme alternes. Les feuilles diminuent à mefure qu'elles approchent des fommitez ? quoiqu'on y en apperçoive allez fouvenr qui font encore plus grandes que les inférieures, pepuis la fin du mois d'Avril jufques à la fin de Juin, ces fommitez font chargées de bouquets de 4 ou cinq pouces de diamètre , compofez chacun de vingt ou trente fleurs , à la naillance delquellcs fe trouve une feuille longue feulement d'un pouce & demi 3 E iiij yx Voyage membraneufe , blanchâtre , large de 4 on $ li- gnes , creute & pointue. Le pédicule des fleurs a depuis un pouce jnfc]ues à 15 lignes de longueur , mais il n'eft épais que d'environ demi ligne. Cha- que fleur eft d'une feule pièce , longue d'un pou- ce & demi ou deux , rétrecie dans le fond , évasée 6c découpée en cinq ou hx parties. Celle d'en haut qui eft quelquefois la plus grande , eft large d'en- viron fept à huit iignes , arrondie par lé bout de même que les autres 3 légèrement frifée , ornée vers le milieu de quelques points jaunes ramaflez en manière d'une grcllè tache. Lés parties d'en bas font un peu moindres Se recoupées plus pro- fondément que les autres. A l'égard de la couleur de cette fleur , le plus fouvent elle eft violette ti- rant fur le grisdelin. On trouve des pieds de cette plante à fleurs blanches , & d'autres à fleurs pur- purines plus ou moins foncées , mais toutes ces fleurs (ont marquées des mêmes' points jaunes dont on vient de parler , & leurs étamines qiti naiflent en touffe, font plus ou moins colorées de purpu- rin , quoique blanches & cotonneufes à leur riaif- fance , ces étamines font inégales, crochues 6V environnent le piftile. Leurs fommets font pofez en travers , longs de deux lignes fur une ligne de large , divifez en deaxbourfcs pleines d'une pouf- fiere jaunâtre. Le calice n'a qu'environ une ligne & demi de longueur , légèrement cannelé en cinq, f\x , ou fept côces purpurines. Le piftile eft une èfpece de doue de deux lignes de haut , relevé à fa baze d'un ourlet verdâtre & comme frifé. Un iîlet purpurin ,■ courbe & long de 1 ^ ou 18 lignes^ termine ce jeune fruit & finit par un bouton vert- pâlc. Les bouquets de fleurs lonr très gluants avant qu'elles s'épaiiGÙiirenti Lorfqu' elles font • çaftees 3 dp Levant. Lettre XV IL ~j $ îe piftile devient un fraie cilindrique , long d'un pouce à 15 lignes, épais d'environ quatre lignes, cannelé , arrondi par les deux bouts, il s'ouvre par le haut en" cinq ou fix parties , de laiflfe voir autant de loges qui le partagent en la longueur , féparées les unes des autres par les ailes d'un pivot qui en occupe le milieu. C'eft ce pivot qui eft ter- miné par lé filet du piftile ; &' bien loin de fe def- fecher ,: il devient plus long tandis que le fruit eft vert , Se ne'tombe point lorfqù'il eft mur. Les graines font très menues , brun-clair , longues de prés d'une ligne. Les feuilles de cette plante font ïtiptiques. Les fleurs ont une odeur agréable , mais oui fe palTe facilement. Cetre plante aime la terre grafTe , humide , & vient fur les côtes de la mer Noire le lonç des mifleaux, depuis la rivière d'Ava a jufques à Tre- bifonde. Cette efpëce patte pour mal faifante. Les beftiaux n'en mangent que lorfqu'ils ne trouvent pas de meilleure nourriture. Quelque belle que Toit fà fleur, je ne m'avifai pas de la prefenter ait Pacha Numan Cuperli , Beglierbey d'Erzeron , dans le temps que j'eus l'honneur de l'accompa- gner fur la mer Noire ; mais pour la fleur de l'ef. pece précédente , elle me parut fi belle , que j'en fis de gros bouquets pour mettre dans fa Tente ; cependant je fus averti par fon Chiaia , que Cette fleur excitoit des vapeurs & caufoit des vertiges. La raillerie me parut allez plaifanre , car le Pacha fe plaignoit de ces 'fortes d'iucommoditez. Le Chiaia me fit Cdrinoîtré qu'il ne raiiloit point , & m'afîura qu'il venoit d'apprendre des gens du pays , que cette fleur étoit nuifible au cerveau. Ces bonnes gens par une tradition fort ancienne , " ? Saftg'atis. 74 Voyage fondée apparemment fur plufieurs obforvarions , aflTùrent auffl que le miel que les abeilles fonr aprési avoir fuccé cette flçur , étourdit ceux qui en mangent , & leur caufe des naufées. Diofcoride a parie de ce niicl à peu prés dans les mêmes termes. Autour d'Heraciée du Pont , dft-il t en certains tems de l'année > le miel rend infenfeT^ceux qui en mangent , & c'efifans doute par la vertu des fleurs d'où il efi tiré. Ils fuent abondam- ment y mais on les foulage en leur donnant de la Rhuë y des Saline s , &de l'Hydrsmel a mefure qu'ils vomiffent. Ce miel y ajoute le même auteur , eft acre & fait éternuer. Il efface les rouffeurs du vifage fi on le broyé avec du Cofius. Mêlé avec dufel ou de l'Aloès , il dijfipe les noirceurs que laffint les meur* trijfures. Si les Chiens ou les Cochons avalent les ex- crémens des perfonnes qui ont mangé de ce miel , %ls tombent dans les mêmes accidens, Pline a mieux débrouillé l'hiftoire des deux ar- briflfeaux dont on vient de parler , que Diofcoride ni qu'Ariftote ; ce dernier a crû que les abeilles amajfoient ce miel fur les Bo'ùis -, qu'il rendait in- fenfez. ceux qui en mangeaient & qui fe portoient bien auparavant \ qu'au contraire il guerijfoit les infenfex.. Pline en parle «ad. // efi des années , dit-il , ou le miel efi tres-dangereux autour d'Heraciée du Pont. Les auteurs n'ont pas connu de quelles fleurs les abeilles le tiraient. Voici ce que nous en feavons. Il y a une plante dans ces quartiers appellée iEgole- thron , dont les fleurs , dans les printemps hmnides3 acquièrent une qualité tres-dangereufe lorfqu' elles fe flétri ffent. Le miel que les abeilles en font , efi plus liquide quz l'ordinaire , plus pefant & plus rouge. Son o leur fait éternuer. Ceux qui en ont mangé fuent horriblement , fe couchent à terre , & ne demandent Dtr Levant. Ltttre XVII. ?j que des rafraichijfemens. Il ajoute enfuite les mê- mes chofes que Diofcoride , dont il femble qu'il ait traduit les paroles ; mais outre le nom dV£j£«- letbron qui ne fe trouve pas dans cet auteur , voici une excellente remarque qui appartient unique- ment à Pline. On trouve , continue-t-il , fur les mêmes côtes du Pont y une autre forte de miel qui eft nommé Mœ- npmenon , farce qu'il rend infenfe\^ ceux qui en mangent. On croit que les abeilles l'amajfent fur la fleur du Rhododendros qui s'y trouve communément parmi les forêts. Les peuples de ce quartier-la , quoi- qu'ils payent aux Romains une partie de leur tri- but en cire , fe gardent bien de leur donner de leur miel. Il femble que fur ces paroles de Pline l'on peut de'termincr les noms de nos deux efpeces de Cha- mœrhododendrot. La première , fuivant les appa- rences , eft \' *ALgolethron de cet auteur , car la féconde qui fait les fleurs purpurines , approche beaucoup plus du Rhododendros , & l'on peut la nommer Rhododendros Pontica Plinii , pour la di- stinguer du Rhododendros ordinaire , qui eft nôtre Laurier-Rofe connu par Pline fous le nom de Rho- dodaphne & Nerium. Il eft certain que le Laurier- Rofe ne croît pas fur les côtes du Pont-euxin. Cette plante aime les pays chauds. On n'en voit gueres après avoir pafte les Dardanelles , mais elle eft fort commune le long des ruifleaux dans les Ifles de l'Archipel j ainfi le Rhododendros du Pont ne fçauroit être nôtre Laurier-Rofe. Il eft donc très vraifcmblable que le Chamœrododen- àros à fleur purpurine , eft le Rhododendros de Pline. Quand Tannée des Dix mille approcha de Tre- yù V o y a g p bifonde , il lui arriva un accident fort étrange Ô£ qui caufa une grande confternation parmi les troupes , fuivant le rapport de Xenophon qui en etoïc un des principaux Chefs. Comme il y avoit plufieurs ruches à* abeilles , dit cet auteur , les foU dats n'en épargnèrent pas le miel : il leur prit un dévo etnent par haut & par bas fuivi de rêveries , en forte que les moins malades rejfembl oient à des yvrugnes , & les autres a des personnes furieuses > oh moribondes. On voyait la terre jonchée de corps comme après une bataille \ perfonne néanmoins n'eu mourut s, & le mal cejfa le lendemain environ a la même heure qu'il avoit commencé , de forte que (es foldats fe levèrent le troificme & le quatrième jour , mais en l'état qu'on efi après avoir pris une forte me» decin % Diodore de Sicile rapporte le même fait dans les mêmes circonstances II y a toute apparence que ce miel avoit été fuccéfur les fleurs de quelqu'une de nos efpcces de Chamœrhcdodendros . Tous les environs de Trebifonde en font pleins , & le Père Lambert Millionnaire Thcatin , convient que le miel que les abeilles fuccent fur un certain arbrif- feau de la Colchideou Mençrelie , eft dangereux & fait vomir. Il appelle cet avbriueau OUandro Giallo , c'eft à dire Laurier-Rofe jaune , lequel fans contredit eft nôtre Chamœrododendros Pontica maxima , Mefpili folio , fore luteo. La feur , dit ce Perc , tient le milieu entre l'odeur du mufe & celle de la cire jaune. Cette odeur nous parut ap- procher de celle du Chèvrefeuille , mais incompa- rablement plus forte. Les Dix mille furent receûs à Trebifonde avec toutes les marques d'amitié que l'on donne à des gens de fon pays iorfqu'ils reviennent de bien du Levant. Lettti XV îî. j$ loin y car Diôdorc de Sicile remarque que Trebi- fonde étoit une ville grecque fondée par ceux de Sinope qui defeendbient des Milefiens, Le même auteur alfùre que les Dix mille féjournérent un mois dans Trebifonde , qu'ils y facrifiérent à Jupiter & à Hercule , & qu'ils y célébrèrent des jeux. Trebifonde apparemment tomba fous la puif- fanec des Romains , lorfque Mithridate fe trou» va dans l'impuiflance de leur réfifter. Il feroit inutile de rapporter de quelle manière elle fut prife fous Valcrien par les Scythes , que nous connoilfbns Tous le nom de Tartàres , fi l'Hifto- rien qui en parle n'avoit décrit l'état de la place. Zozime donc remarque que c'étoit une grande ville bien peuplée, fortifiée d'une double mu- raille. Les peuples voifins s'y étoient réfugiez avec leurs richeifes , comme dans un lieu où il n'y avoit rien à craindre. Outre la garnifon or- dinaire , on y avoit fait entrer dix mille hom- mes de troupes ', mais ces fôldats dormant fur leur bonne foy &c fe croyant à couvert de tout, fe laifférent furprendre la nuit par les Barbares , qui ayant entaue des fafeines tout contre les mu- railles , entrèrent par ce moyen dans la Place > tuéient une partie des troupes, renverférent les Temples & tous les plus beaux Edifices ; après quoi chargez de richeiles immenfes , ils emme- nèrent un grand nombre de captifs. Les Empereurs Grecs ont polfedé Trebifonde à leur tour. Du temps de Jean Comnene Empe- reur de Conftantinople , Conftantin Gabras s'y étoit érigé en petit Tyran. L'Empereur vouloir l'en chafTer , mais l'envie qu'il avoit d'ôter An- riocUe aux Chrefticns , l'en détourna. Enfin Tre« ?8 Voyage bifonde fut la capitale d'une Duché ou d'une Principauté dont les Empereurs de Conftanrino- ple difpofoient ; car Alexis Comnene , furnom- mé le Grand , en prit pofTeflion en 1104. avec le titre de Duc lorfque les François & les Véni- tiens fe rendirent les maîtres de Conftantinople fous Baudouin Comte de Flandres. L'éloignement de Conftantinople à Trcbifon- de , 6c les nouvelles affaires qui furvinrent aux Latins , favoriférent l'établi (Tement de Comnene; mais Niccetas remarque que l'on ne lui donna que le nom de Duc , &C que ce fut Jean Com- nene qui fournit que les Grecs l'appellaffent Empereur de Trebifonde , comme s'ils euflènt voulu faire connoître que c'étoit Comnene qui étoit leur véritable Empereur , puifque Michel Paleologuc , qui faifoit fa réfidence à Conftan- tinople , avoit quitté le Rit Grec pour fuivre celui de Rome. Il eft bien certain que Vincent de Beauvais appelle fimplement Alexis Com- nene , Seigneur de Trebifonde. Quoiqu'il en foit, la Souveraineté de cette ville , fi l'on ne veut pas fe fervir du mot A' Empire , commença l'an 1104, fous Alexis Comnene, & finit en 146 1. lorique Mahomet I I. dépouilla David Comnene. Ce malheureux Prince avoit époufé Irène fille de .'Empereur Jean Cantacuzene , mais il implora fort inutilement le fecours des Chrétiens, pour fauver les débris de Ton Empire. Il fallut céder au Conquérant , qui le fit pafter à .Conftantino- ple avec toute fa famUle , qui fut maflacrée quel- que temps après. Phranzez même alfùre que Comnene mourut d'un coup de poing qu'il reçût du Sultan. Ainfi finit l'Empire de Trebifonde , après avoir duré plus de deux ficelés Se demi. ©u Livant. Lettre XVII. 79 La ville de Trcbifonde eft bâtie fur le bord de la mer au pied d'une collirte aftez efearpée -, Tes murailles font prefque quarrées , hautes , créne- lées , & quoi qu'elles ne foient pas des premiers temps 3 il y a beaucoup d'apparence qu'elles font fur les fondemens de l'ancienne enceinte, laquelle avoit fait donner le nom de Trapèze à cette ville. Tôiit le monde fçait que Trape\e en Grec ligni- fie une Table , & le plan de cette ville eft un quarrc-long aftez femblable à une table. Les mu- railles ne font pas les mêmes que celles qui font décrites par Zofime ; celles d'aujourd'hui ont été bâties des débris des anciens édifices , comme il paroît par les vieux marbres qu'on y a enclavez en plufieurs endroits , & dont les Infcri prions ne font pas lilibles , parce qu'elles font trop hau- tes. La ville eft grande & mal peuplée. On y voit plus de bois & de jardins que de maifons ; & ces maifons , quoique bien bâties , n'ont qu'un fimple étage. Le Château qui eft afiez grand Se fort négligé , eft fitué fur un rocher plat & domi- né , mais les foiTez en font très-beaux , taillez la plupart dans les roc. L'Infcription que l'on lie fur la porte de ce Château , dont le cintre eft en demi cercle , marque que Y Empereur Jnjiimen renowvella les édifices de la ville. Il eft furprenant que Procope n'en ait pas faic mention , lui qui a employé trois livres entiers à décrire jufques aux moindres bâximens que ce Prince avoit fait éle- ver dans tous les coins de fon Empire. Cet Hif- torien nous apprend feulement que Juftinien fie bâtir un Aqueduc à Trebifonde fous le nom de Y Aqueduc de Saint Eugène le martyr. Pour reve- nir à nôtre Infcription , les caractères en font beaux 5c bien confee ver ; mais comme la pierre Sq V O Y A G E cit encadrée clans la muraille , èc cnfoncçe de près d'un pied & demi , on n'en fauroit lire U dernière ligne, à caufe de l'ombre, Voici ce que nous lûmes après en avoir ôté , aurant que nous pûmes , les toiles d'araignées avec une per- che autour de laquelle nous avions attaché un mouchoit. EN ilNOMATI TOY AEfcriOTCY HMfiN I H C O Y XPI2TOY ©EOY HMHN AYlàKPATOP KAIC4P $A 10YCTINÏANOC AAAMANIKOC TOQIKOC 4>PANri- k0C TEPxMANIKOC riAPTIKOC AAAN1KOC OYAN- ÀAA1KOC. A4>PIKOC EYCEBHC EYf IxHC ENAOHOC nikhthc npodEOixoc A El CEBACTOC AYTOYC ANÈNÉaCEN «MAOTIMI A TAAHMOC KT1CMATA THC IlOAEOC EHOYAHKA EdMEAIA OYPANÏOY TON 0EO<Ï>IAÈO ïJM xc Yn f Dans le veftibule d'un Couvent de Rcljgïcii- fès Grecques , il y a Un Chrift tres-mal peint ," avec deux figures à fes cotez , l'on y lit les paro- les fuivantes en très-mauvais caractères peints ,' 8t en Giec corrompu 0 AiVESIOC eu Levant. Lettre XF IL 8 i AAESIOC EN XH TO ^Oni ni politeffe , ni livres ; mais comment vivre fans tout cela ? On monte à la niaifou par un efcalier trejt rude & d'Une flru£ture fort finguliere. Ce font deux troncs de fâpin , gros comme des mats de navire , inclinez contre le mur & alignez de mê- me que les rrtontàns d'uiie échelle-, au lieu des plan- ches ou des echellons que l'on met ordinairement au travers des échelles , on y a taillé des marches* d'efpace en efpace à grands coups de hache , & l'on a mis fort a propos; des perches fur les côtes pour fervir de gârdefoux ; car je deffie les plus ha- biles danfeurs de corde d'y pouvoir grimper fans ce fecours. La telle nous tournoie quelquefois eri defeendant , &c nous nous ferions caliez le col fanS cet appui. Il n'eft pas pdfïible que les premiers1 hommes ayent jamais fait un efcalier plus (impie '\ il n'y a qu'à le voir pour fe former une idée de la nahTance du monde. Tous les environs de ce Couvent font une image parfaite de la pure riatd^ 84 V O Y A G F. re ; une infinité de fources y forment un beau ruif- feau plein d'excellentes Truites , & qui coule en- tre des tapis verts & des bofqucts propres à infpi- rer de grands fcntimcnsmiais il n'y a aucun de ces Moines qui en ioit touché, quoi qu'ils y foient au nombre d'environ quarante. Nous regardions leur mailbn comme une tanniere où ces bonnes cens s'étoient retirez pour éviter lcs'infultes des Turcs & pour y prier Dieu tout â leur aife. Cependant ces Anachorètes poiledent tout le pays à plus de fix milles à la ronde. Ils ont plufieurs Fermes dans ces montagnes , & même plufieurs maifons dans Trebifonde ; nous y logions dans un grand Cou- vent qui leur appartenoit & qui étoit partagé en plufieurs galetas : A quoi fert tant de bien quand on n'en peut pas jouir ? Ils n'oferoient faire bâtir une belle Eglefe ni un beau Couvent ; de crainte que les Turcs n'exigcallent d'eux les (ommes dei- tinées pour ces bâtimens , quand l'ouvrage feroit commencé. Après avoir vifité les environs du Couvent , ou il y a des plantes qui amufent le plus agréablement du monde , nous montâmes jufques aux lieux les plus élevez , que la neige n'avoit abandonnez que depuis quelques jours , & d'où nous en décou- vrions d'autres qui en étoient encore chargez. Les gens du pays appellent n*'ifo« les Sapins, ordinai- res , qui ne différent en rien de ceux qui naiffent fur le Alpes & fur les Pyrénées ; mais ils ont con- fervé le nom d'fc.'a'n pour une autre belle efpece de Sapin que je n'avois veû encore qu'autour de ce Monaftere. Son fruit qui eft tout écailleux & comme cilindrique , quoiqu'un peu renflé , n'a que deux pouces & demi de long fur huit ou neuf lignes d'épailjeur , terminé en powite , panché en du Levant. Lettre XVII. Sj bas ÔC pendant , compofé d'écaillés molles , bru- nes , minces , arrondies s lefquelles couvrent des femences fort menues & huileufes. Le tronc & les branches de cet arbre font de la grandeur de cel- les du Plcea ordinaire. Ses feuilles n'ont que qua- tre ou cinq lignes de long , elles font luifantes , vert-brun , fermes , roides , larges feulement de demi ligne , relevées de 4. petits coins , &c ran- gées comme celles de nos Sapins , c'eft à dire en branche aplatie. Il fallut quitter ce beau pays pour venir à Tre- bifondc chercher nôtre bagage. On nous avertit fort à propos que le Pacha venoit de partir , 8c ce n'ètoit pas une faulfe allarme ; car nous le rencon- trâmes en chemin. Dieu fçait fi nous fîmes grande diligence : que ferions - nous devenus fi nous avions perdu une fi belle occafion ? Il fallut donc travailler toute la nuit à faire nos balots , à cher- cher du bifeuit &c du ris qui font les chofes les plus nécelfaires pour une marche , car on trouve de l'eau par tout. Heurcufement le Pacha ne campa ce jour-là, qui étoit le i. Juin, qu'à environ quatre heures de la ville. Le lendemain nous le joignîmes avec beaucoup de peine , Se nous le trouvâmes à quatorze milles de fon premier camp. J'ay l'honneur d'être ave-c un profond re- fpect , &c. &4? 1Jj $6 V O Y 4 c £ Lettre XVII I. ji Monfoigneur le Comte de Pont char train , Secré- taire d'Etat (jr des Cornmandtmens de Sa Ma- je 'fté , &c. Onseigneur, ÏJoy ace Les villes de ce pays-ci font aiTez bien policées P Arme- & i>0], n» enten(j noiiu parler de voleurs ; ils fe NiE ET . '. v v i o , . p E tiennent tons a la campagne & n en veulent pEoji- qu'aux voyageurs ; on prétend même qu'ils font J i £- moins cruels que nos voleurs de grands che- mins. Pour moi je luis perfuadé du contraire , & que l'on n'iroit pas bien loin fi Ton s'expofoit feul ici fur une grande route. Si ces malheureux n'aifafîînent pas les gens, c'elt faute d'en trouver l'occafion , car on ne marche qu'en bonne com- pagnie. Ces compagnies s qu'on appelle Cara- ^4»es , font des convois ou aiîemblées de vova- geurs , plus ou moins nombreufes fuivant le dan- ger. Chacun y eft armé à fa manière , & fe dé- fend comme il peut dans l'occafion. Quand les (Caravanes font confîderables , elles ont un Chef qui en ordonne la marché. On y eft moins ex- pofé au centre qu'à la queue, & la meilleure pré- caution que l'on puifle prendre , n'eft pas tou- jours d'attendre les Caravanes les plus nombreu- ses , comme la plupart des voyageurs fe l'imagi- nent ; c'eft de profiter de celles où il y a beaucoup n coup changé de face , comme h l'on eût tiré un rideau qui nous eût dé- couvert un nouveau payfage. Notis defeendîmes dans de petites vallées couvertes de verdure , cou- pées par des mille aux agréables , & remplies de tant de belles Plantes , fi différentes de celles aux- quelles nôtre veuë étoit accoutumée , que nons ne fçavions fur lcfquelles nous jetter. On arriva fur les dix heures du matin à Greji village qui h'efl: , à ce qu'on nous a'ïûra , qu'à une journée de la mer Noire ; mais le chemin n'eft pratîqua- ble que pour les gens de pied. Je fus fi ébloui d'u- ne efpece d'Echium qui fe trouve fur les chemins , que je ne fçaurois m'empécher d'en faire ici là defeription; Sa racine a plus d'un pied de long , elle eft. épaif- fe de deux pouces , accompagnée de grofles fibres blanchâtres en dedans , mucilagineufe, douçâtre,- couverte d'une écorce brune & gerfée. La tige qui eft haute d'environ trois pieds, eft grolfe com- me le pouce , vert- pâle , dure , folide , & rem- plie d'une chair gluante &c comme glaireufe. Les feuilles inférieures ont ij. ou 16. pouces de lon- gueur , fir: 4. à 5. pouces de largeur , pointues , vert blanchâtre, douces,molles, velues, comme fa- tinées en dellus , cotoneufes par deffous , relevées d'une grofi'e cote , laquelle fournit une nerveure allez (emblable à celle des feuilles du Bouillon- blanc ces feuilles diminuent confidérablement le long la tige j qù elles n'ont guerc plus de demi Te m .7, ■ yxj; ■ blanches en dedans , couver- tes d'une écorce noirâtre , gercées , tortues dans la fuite , divilées en plufieurs branches nues 6c partagées en vieux brins épineux & fecs. Les ïommitez de ces brins foûtiennent de jeunes jets tortus & branchus , terminez en piquants vert- pale , garnis de feuilles rangées fur une côte lon- gue de 9. ou 10. lignes, fur laquelle on compte ordinairement orn.*, - paj/ ■ ? . 96. Oiiobrychùf Oricrtl^ talùr frutescent, Spinof a, Traqacexnthcv facie fg^ \ Coroll.lrut. Rci kcrb.2&. du Levant. Lettre XV t J T. 97 ordinairement deux ou trois paires de feuilles op- pofe'es vis-à-vis , longues de 4. ou 5. lignes fur moins d'une ligne de large, pointues par les deux boutSjiin peu plices en goutiére. La cote fe termi- ne par une femblable feuille. Le haut des piquants fondent une ou deux fleurs légumineufes , pur- purines , rayées , avec un étendart velu , relevé, long d'environ 9. lignes fur trois lignes de lar- geur , echancré & même denté. Les aîles Se la feuille inférieure font plus pâles Se plus petites. Le piftile devient un fruit femblable à celui de nôtre Sainfoin , mais il eft 1 i il e , Se nous ne l'a- vons pas vu dans fa maturité. Le calice efi: rou- geatre y long de deux lignes , découpé en cinq pointes. Les feuilles font d'un coût d'herbe un peu aigrelet. Nous fûmes donc obligez de quitter Baibout le 11. juin. On nous aifùra que le Pacha avoic fait grâce à tous les prifonniers. Plulïcurs de nos Caravaniers loiioient fa clémence ; quelques- autres le blàmoient de n'avoir pas fait d'exem- ple. On fit palier en revue" ces feelerats , dont la plupart avoient au moins mérité la roiie , à en juger par leur mauvaife mine. Nous impofàmes ce jour-là le nom à une des plus belles plantes que le Levant produife ; Se parce que Mr Gun- delfcheimer la découvrit le premier , on convint que par reconnoiflfance elle devoit porter fon nom. Malheureufement nous n'avions que de l'eau pour célébrer la fête , mais cela convenoit mieux à la cérémonie 3 puifque la plante ne vient que dans des lieux fecs Se pierreux. La mufique du Pacha ne s'éveilla que dans ce temps-là, ce que nous prîmes pour un bon augure ; cepen- dant nous eûmes beaucoup de peine à trouver un Tome IIL G $S Voyagé nom latin qui répondît à celui de ce galant hom- me. Il fut enfin conclu que la Plante s'appelle-* roit (jHtidelia, La tige de cette plante eft haute d'un pied , épâilîè de cinq ou fix lignes , liife , vert-gai , rou* geâtre en quelques endroits , dure , ferme , bran- garnies de piquants tres-ferfnes. Les puis grands de ces piquants ont demi pied ou huit pouces de largeur , fur environ un pied de long. La côte eft purpurine ,' là nerveure velue , blanchâtre s relevée, cotbneufe , le fond des feuilles vert-gai, leur confiltancc. dure ôc ferme ; elles diminuent jufqucs au bout des branches lefquelles quelque- fois font couvertes d'un petit duvet. Toutes ces parties foûtiennent des chapiteaux femblables à ceux du Chardon a Bonnetier , longs de deux pou- ces & demi, fur un pouce &c demi de diamètre , environnez à leur bafe d'un rang de feuilles de même figure; & tilfurc que le bas , mais de la longueur feulement de deux pouces. Chaque chapiteau ejt à pluficurs écailles .longues de fept tm huit lignes , creufes 8c piquantes , parmi lef- quelles font enchaflèz les embrions des fruits ; ils font d'environ cinq lignes de long, vert-pâle , pointus en bas , épais d'environ 4. lignes, rele- vez de quatre coins , creuièz à leur iommité de cinq folles ou chatons a bords dentez , de chacun defquels fort une fleur d'une feule pièce longue de demi pouce. C'cft un tuyau blanchâtre oui purpurin.clàir, évafé jufqucs à une ligne &demi de diamètre, fendu en cinq pointes piupurin-ialey «quelles bien loin de s'écarter en pavillon d'en- Tom .3 - pay .ç8. (jriutdelia Orietvtalù , fbiio, Capùx. LjicibroCoroll écanthi acvu&ccti Iust- . R,ei herb . jS Tûm .3 . psiq 5>9 ■ Vesicaruv Orientais fouis dentatir Coroll.lizst.Rei kcrb.^ u u Levant. Lettre XFIlï. ^9 tonnoir, fe rapprochent plutôt $ le dedans de Ja fleur eft d'un purpurin plus agréable. De fes parois fe détachent cinq filets ou piliers qui fcm~ tiennent une gaine jaunâtre ., rayée de purpurin, furmontée par un filât jaune ,&. poudreux. Ce qui fait voir que ces fleurs font de vrais fleu- rons qui portent chacun fur une jeune graine enfermée dans les embrions des fruits ; ëc ces embrions font divifez en autant de capfules ou loges qu'il y a de fleurons. , La plupart: de ces embrions avortent , excepté celui du milieu , qui preifanr les autres les faix périr. Toute la plante rend du lait fort doux , lequel fe grumele en grains de maftic comme celui de la Çarline de Columna. La- Gundelia varie, il y en a des pieds à telles velues de à fleurs routfe- brun. .... « On partit ce jour-là fur les huit heitres du ma- tin , nous parlâmes par des vallées étroites ? in- cultes , fans bois 3 ck qui n'infpiroient que de la trifterTe. On campa fur le midi , & nous n'eû- mes d'autre plaifir que celui de déterminer en- core un nouveau genre de planse lequel fut nom- mé Vefwaiia , à caufe de fou fruit. C'efl: une vcfîîe longue d'un pouce 6c prefque aufli large , membraneufe , vert-pâle $ traverfée dans fa lon- gueur par quatre cordons lirans fur le purpurin , qui par leur réunion viennent former une petite pointe au bout de la vefïie , & qui diftribuent en pailant des vaiifeaux entrelafîez en manière de raizeau. Ce fruit renferme quelques graines ova- les, longues d'environ une ligne & demi, atta- chées chacune par un cordon tres-mince qui part du gros cordon purpurin. Là plupart de ces graines étaient encore vertes ou avortées. Ce •joo Voyagé fruit n'eft autre chofe que le piltile de la fient gonflée eii vieille. Les fleurs font à quatre feuil- les jailnes difpofc'cs en Bouquet , foûteiiu bar une tige fans branches. Toute la plante n'a' qu'envi- ron 4. pouées de haut , fans compter la racine qui ad:'jux pOiices de long , rouiTatre , épaiflè de trois ou quatre lignes au collet , diviie'c en quel- ques fibres peu chevelues. Elle poulie pluiïeurs jetés garnies de Feuilles difpcfées en rond 3 fou- vent rabatuts en bas, longues de 9. ou 10. li- gnes , larges ordinairement d'une litme , vert- gai j dentées proprement fur les bords à peu près comme celles de la Corne de Cerf. Celles qui font le long des tiges n'ont qu'environ 3. ou 4. lignes de long fur deuxjignes de large , &c font pirefque fans denture. Elles diminuent jufqucs au haut de la tige , laquelle efl: toute ilmple &c fans branches. Si la racine de cette plante c'toit charnue' , elle feroit de même genre que le Léon» topetaltn. Le ii. Juin nous partîmes à trois heures du matin , & l'on arriva au Conac à fix heures avant- midi : Quel plaifir pour des gens comme nous qui ne foupirions qu'après des plantes , 5c à qui on donnoit tout un jour pour en chercher ? Nous ne fîmes guercs plus de trois mille dans cette marche de trois heures , Se luivîmes toujours la même vallée , dans laquelle ferpence une rivière qu'il faut paflcr iept ou huit fois. Le lendemain nous ne facigâmcs pas davantage 3 car on ne mar- cha que depuis deux heures 6c demi du matin jufqucs à fept ; ce fut fur une montagne tres- haute où l'on voit beaucoup de ces fortes de Pins qui font à Tarare auprès de Lyon. On voit auffi, iur celle dont nous parlons, une belle cfpcce de: Tom . % - PaJ7 ■ *&■* *0 Astraqcdxuf OrienMxiir, ma-. Iscunus, incajitw, erectus cou-. te ub imo cuA jiururuun fia - riAo Ccrrcll.Inj-L.Ii.ee Ixcrh. icf- du Levant. Lettre XVIII. ior Cèdre qui font aufïi mauvais que nôtre Sabine , & dont les feuilles lui relfemblent tout-à-fait ; mais cJeft un grand arbre du port Se de la hau- teur de nos plus grands Cyprès'. On nous fit par- tir ce jour-là , je ne fçai par quel caprice , à onze heures du foir , & nous arrivâmes le 14. Juin, fur les fept heures du matin , à un village ap- pelle IekpianfoHr. La Lune étoit il belle, cette nuit-là, qu'elle invita les Turcs qui n'avoient fait que' ronfler tout le jour > à fe mettre en che- min : Mais comment herborifer au clair de la Lune ? Nous ne laiffàmes pas pourtant de rem- plir nos facs ; nos marchands ne cellbient de rire en nous voyant tous trois marcher à quatre* pat- tes ôc fourrager dans un pays (ce Ôc brûlé en ap- parence , mais enrichi pourtant • de' tres-bellcs plantes. Quand le jour fut venu", nous fîmes la revue' de nôtre moifïbn, Se nous nous trouvâmes affez riches. Peut-on rien voir de plus beau ', en fait de plantes , qu'un -'Aftragde de deux pieds de haut, chargé de fleurs' depuis le bas jukmes à l'extrémité de fes tiges ? Ces fleurs font grofles comme le petit doigt , canelées , fermes , folides , vert-pâle , couverces- d'un duvet blanc , garnies de feuilles attachées fur une côte d'un empan de long , vert-pâle auflï, 6c velue* , accompagnée de deux aîles à fa bafe, longues d'un pouce fur deux ou trois lignes de largeur , terminées en pointe. Les feuilles font la plupart rangées par paires fur cette côte , & l'on y en, compte jufques à 13. ou 14. paires. Les plus grandes , qui font vers les ailes , ont un pouce cîe long fur fept ou huit lignes de largeur, prefquc ovales , mais un peu plus étroites vers le haut , vert-brun , lilTes. couvertes en dellus do G iij lût V O Y A G t poils blancs-, & pliées ordinairement en goutié- re. Elles diminuent jufqucs' au bouc de la côte où elles n'ont que cinq ou fix pieds de long. La tige elt branchuë dès le bas, mais enfui te elle ne poulie des aiitelles des côtes , que des pédicules longs d'environ deux ou trois pouces x chargez chacun de cinq ou fix fleurs , dilperfees en long &c loLitenuës par une queue longue de deux li- gnes , laquelle fort de l'ailfelle d'une feuille allez petite , tres-déliée Se fort velue. Toutes ces fleurs font jaunes j longues de ij. lignes, avec Un étendait relevé , échancré , prefque ovale 9 large de 7. ou 8. lignes. Les ailes 6c la feuille inférieure font beaucoup plus petites. Le calice a S. lignes de long ,-■ vert-pâle , membraneux , large d'environ 5. lignes , parfemé de poils blancs & découpé en cinq pointes très- menues. Le pifti» îe eft un bouton piramidal épais de deux lignes, blanc & velu ,- terminé par un filet blanc-fale , enveloppé dans une gaine membraneufe blanche, frangée en etamines à fommets purpurins. Le piflile devient un fruit long d'un pouce, épais de 8. ou 9. lignes , terminé par une pointe lon- gue de 4. ou 5. lignes. Ce fruit eft. arrondi fur le dos , plat & filloné de l'autre côté , cotoneux , divifé en deux loges 3- dont les parois font char- nus , épais de trois lignes lorfque le fruit eft en- core vert. On trouve dans chaque loge! un rang de 5. ou (y, femences de la forme d'un petit reinj attachées chacune par un cordon. Dans leur ma- turité ces graines font brunes de même que le fruit. Toute la plante fent mauvais. Elle a levé de graine dans le Jardin Royal où elle fe porte bien, malgré i'éioigncment &c la différence des climats* du Rêvant. lettre X V 1 1 L icj Nous découvrîmes ce jour-là pour la première fois , une très-belle cfpec'e de Tonte-Bonne , donc je n'avois vu que des avortons il y avoit quelques années , dans le Jardin de Leyden. Mr Hermans Profeiîeur de Botanique en l'Univcrlicé de ladite ville , tres-habile homme } & qui avoit cbfervé de il belles plantes dans les Indes Orientales , a donné la fiçure de celle dont nous carions. Il lemble que Rauvolf, Médecin d'Ausbourg , en ait fait mention dans la Relation de [on Koyace du Levant , fous le nom de Belle efpece d'Or- mîn a feuilles étroites , veinés & découfées pro- fondément. La racine de cette plante pique en fond , lon- gue d'un pied , groltc au collet deux fois comme le pouce j blanche en dedans , couverte d'une écorce-rouçe-oraiW ou couleur de Safran. Lé nerf de cette racine eft, dur & blanc s les fibres font alTez grolfes & s'étendent fur les cotez. ' Elle pouffe une ou deux tiges hautes d'un pied ôc demi, grolfes vers le bas comme le petit doigt , purpu- rines , couvertes d'un gros duvet blanc 3 accom- pagnées de feuilles d'une propreté qui fait plàifirj' longues de huit ou neuf pouces 3 découpées juf- ques vers la côte en parties longues de deux ou trois pouces fur demi pouce de largeur , relevées de grolfes boïles toutes chagrinées , vert-blan- châtre. La côte & la nerveure font comme tran- fparantes ; cette côte a deux pouces de large à f? naifïànce 3 purpurine en quelques endroits, char- gée d'un duvet tres-blanc 3 de même que le def- fous des fciiilles. Celles qui viennent enfuite font aufîi longues Se embraffent une partie de la tige par deux ailes arrondies , mais elles diminuent de leur longueur vers le milieu de la tige^où elles G iiij 104 V 0 Y A G B font larges de deux pouces. Enfuite les tiges de- viennent toutes branchuës , arrondies , & touf- fues , accompagnées de feuilles longues d'envi- ron un pouce , coupées , pour àinfi dire 3 en ar- cade gothique , dont la pointe eft fort aiguë ; ces feuilles ne font pas bolfelées , niais veinées feulement & velues. Les fleurs naiflent par an- neaux & par étages le long des branches, difpo- (écs à fîmple rang. Quelquefois même il n'y a cui'une ou deux fleurs à chaque verticille. Là fleur eft longue d'environ un pouce , épaiffe d'une ligne & demi à fa nailfance , blanche , évafée en deux lèvres dont la fupérieure eft courbée en fau- cille, large de deux lignes , parfciiiée de poils fort courtSjColorée d'un petit œil citron , prefquc im- perceptible , échancrée & arrondie; la lèvre infé- rieure eft beaucoup plus courte , divifée en trois parties dont la moyenne , qui eft la plus grande s eft jaune-citron -, les deux autres parties font blaiv ches & relevées en manière d'oreilles. Les eta- mines font de même couleur , & entrelaflees comme les divifions de l'Os Hyoïde. Le piftile eft à 4. embrions furmonté par un fîlet violet , & fourchu a fa pointe , lequel fe courbant dans la faucille déborde de trois ou quatre lignes. Le calice eft long de demi pouce, rayé , vert-pâle , velu j partagé en deux lèvres , dont l'une a trois pointes allez courtes , de l'autre en a deux feule- ment , maïs beaucoup plus longues. Le haut des tiges eft un peu gluant èc fent mauvais. La racine de cette pîarïte eft amere. Les feuilles ont un goût d'herbe & fentent le bouquin 3 comme la Toute- 3onne Ordinaire,. : -, . . . Il faut avouer > MfS* , que l'érudition eft d'un grand fecours pour allonger des Lettres. Le pays où nous fornmes fourni; oit beaucoup de matière pu Levant. Lettre XV1IL \o$ à un plus habile homme que moi. Combien de grandes années ont dû palier par ici ? Peut être qae Lucullus , Pompée & Michridate y recon- noîtroieilt encore les relies de leurs camps. Enfin nous fbmmcs dans la grande Arménie ou Turco- roanie. Les Romains ck les Perles en ont proté- gé les Roys eh difïcrens temps. Les Sarrafîns l'ont polfedée à leur tour. Quelques-uns croyent que Selim l'ajouta à Tes conquêtes après fon retour de Perfe , où il vènoit de gagner cette fameufe ba- taille conerc le grand Sophi llmacl. Sanfoviii convient que du temps de Selim qui mourut en ijio , il y avoit un Roy de la grande , 6k: un autre Roy de la petite Arménie appelle Aladoli. Selim fit trancher la tête au Roy d' Aladoli , ÔC l'envoya à Venife pour marque de la victoire qu'il venoit de remporter en Levant. Il y a beau- coup d'apparence que les Turcs fe faifirent en même temps de la grande Arménie,, afin de pou- voir palier en Perfe fur leurs propres terres , fans fe fier aux Princes voifins. Quoiqu'il en foit, l'Arménie ne tarda pas de tomber fous la domi- nation des Turcs , car les Annales Turques , ci- tées par Calvifius , marquent que Selim fils de Selim , conquit l'Arménie en ijzi. On nous fit partir le 14. Juin à deux heures après minuit , 8c nous marchâmes jufques à fept heures dans des prairies fertiles , femées de tou- tes fortes de grains. On campa tout proche du pont d'Elija fur une des branches de l'Euphrate , à fix milles de la ville à'Ar^eron ou dJ Ar'Xerum , que d'autres appellent Erz,eron , quoique Arz.e» rurn foit le vrai nom de cette ville , comme je le dirai plus bas. Elija n'efl; qu'un méchant village dont les maifons font tout-à-fait écrafées , moitié 50(S V O Y AGE enterrées , bâties de boiie -, mais le Bain qui en auprès du village rend ce lieu recommandable. Les Turcs l'appellent le Bain a Ar^erum. Le bâtiment eft allez propre , octogone , voûte & percé en dclîus. Le badin qui eft de la même fi- gure , c'eft à dire à huit pans , pouffe deux bouil- lons dJeau prefque aufli gros que le corps d'un homme ; cette eau eft douce &c d'une chaleur lupportablc. Dieu fçait comme les Turcs y cou- rent ; ils viennent d'Erzeron s'y baigner , & la moitié de nôtre Caravane ne laifla pas échapper une Ci belle occafion. , Le lendemain nous arrivâmes à Erzeron. a C'eft une alfez grande ville à cinq journées de la mer Noire , & à dix de la frontière de Perfe. Erzeron eft bâti dans une belle plaine au pied d'une chaîne de montagnes qui empêchent l'Eu- phrate de fe rendre dans la mer Noire , &: l'obli- gent de fe tourner du coté du Midi. Les collines qui bordent cette plaine étoient encore couvertes de neige en plusieurs endroits. On nous aflura mérne qu'il y en étoit tombé le premier jour de Juin , de nous étions fort furpris d'avoir les mains engourdies jufqu'à ne pouvoir écrire fur le point du jour : cet engourdiilcraent duroit en- core' une heure après le foleil levé , quoique les nuits y fulfent aiîez douces 6c les chaleurs incom- modes depuis les dix heures du matin jufques à quatre heures après midi. La plaine d'Erzcron eft fertile en toutes fortes de grains. Le bled y étoit moins avancé qu'à Paris , & n'avoir pas deux pkds de haut , aufli n'y fait-on la récolte qu'en Septembre. Je ne fuis pas furpris de ce que Lu- cullus troava étrange que les champs fulIezK * Eueron. du Levant- Lettre XV II T I. 107 encore tous nuds au milieu de l'Eté , lui qui ve- ■hoitd' Italie où la moiffort eft faite dans ce temps- là. Il fut encore bien plus éconné de voir de la gla- ce dans l'Equinoxe d'Automne ; d'apprendre que les eaux par leur froideur faifoient mourir les chevaux de fon armée \ qu'il falloit cafler la gla- ce • pour parler les rivières , & que fes foldats étoient forcez de camper parmi la neige qui ne cefloit de tomber. Alexandre Severe ne fut pas plus farisfait de ce pays- ci. Zonare remarque que fon armée reparlant par l'Arménie fut il maltraitée du froid excefïif qui s'y faifoit fentir , qu'on fut obligé de couper les mains & les pieds à plufieitrs foldats que l'on trouvoit à demi gelez fur les chemins/ ' . • ■' Outre la rigueur des Hivers, ce qu'il y a de plus fâcheux à Erzeron , c'en; que le bois y eft xare Se fort cher. On nJy connoît que le bois de Pin que l'on va chercher à deux ou trois jour- nées de la ville , tout le refte du pays eft décou- vert. On n'y voit ni arbres ni buhlons , & l'on n'y brûle communément que de la bouze de va- che dont on fait des mottes , mais elles ne va- lent pas celles des tanneurs dont on fe fert à Paris, encore moins celles du marc des olives que l'on prépare en Provence. Je ne doute pas que l'on ne trouvât de la houille 11 l'on vouloic fc donner la peine de fouiller les terres. C'eft im pays où les minéraux ne manquent pas , mais ils iont accoutumez à leur bouzé. On ne fçauroit s'imaginer quel horrible parfum fait cette bouze dans des maifons qu'on ne peut comparer qu'à des renardières , de fur tout les maifons de la campagne. Tout ce qu'on y mange fent la fu- mée 3 leur acme feroit admirable fans cette caC- 'yoS V O Y A G ï Colette , & l'on fcroit fort bonne chère C\ l'on pouvoît y faire cuire , avec du bois , la viande de boucherie qui y eft fort bonne. Les fruits qu'on y apporte de Géorgie font ex- cellens. C'eft un pays plus chaud & moins tardif qui produit en abondance des Poires , des Pru- nes 3 des Cerifcs , des Melons. Les collines voi- fînes fourniflent à Erzeron de très-belles fources, lefquelles non feulement atrofent la campagne , mais encore les rues de la ville. C'eft un grand avantage pour les étrangers que les eaux loient bonnes , car on y boit le plus déteftable vin du monde. On fe confoleroit de toutes les glaces & de tous les frimats & on compteroit là fumée pour rien , fi l'on trouvoit du vin paflable j mais il eft puant, moifi , aigre , pourri j le vin de Bric y paiferoit pour du nectar y l'eau de vie ne vaut pas mieux , elle eft chancie & amere , encore en coûte-t-il bien des foins & de l'argent pour avoir cesboiflbns déteftables. Les Turcs y affec- tent plus de fevérité qu'autre part , & fe font un plaifir de furprendre &c de bâtonner ceux qui font ce commerce : franchement ils n'ont pas trop de tort , car c'eft rendre un grand fervice au pu- blic que d'empêcher le débit d'aufli mauvaifes drogues. La ville d'Erzeron vaut mieux que celle de Trèbifonde ; l'enceinte de cette première place eft à doubles murailles défendues par des tours quarrées ou pentagones , mais les foilez ne font ni profonds ni bien entretenus. Le Beglicrbcy ou le Pacha de la Province , eft logé dans un vieux Serrail fort mal entendu. Le Janiflaire Aga fe tient dans une efpece de Fort au haut de la ville. "Quand le Pacha ou les peribnnes les plus confi- dv Levant. Lettre XV 111. 109 durables du pays vont dans ce Fort , c'eft pour y Ltider leurs telles. Le JanilTaire les fait avertir de s'y tendre par ordre du Grand Seigneur : le Capigi arrivé de la Cour leur montre Tes ordres 5c les exécute fans autre cérémonie. On croit qu'il y a dix huit mille Turcs dans Erzeron, iîx milles Arméniens , Se quatre cens Grecs; On eftime qu'il y a foixante mille Arméniens dans la Province , <3c dix mille Grecs. Les Turcs qui font dans Erzeron font prefque tous Janiflaires ; on y en compte environ douze mille , Se plus de cinquante mille dans le refte de la Province, Ce font prefque tous gens de métier , qui la plupart donnent de l'argent au Janilfaire Aga bien loin d'en retirer ; cela s'appelle achetter le privilège de ne rien valoir 6c de commttre toutes fortes d'infolences. Les plus honnêtes gens font obligez de s'engager dans ce corps , parce qu'outre qu'ils ne feroient pas bien venus du Commandant qui efï prefque abfolu dans la ville , ils fe trouve- roient tous les jours expofez aux violences de leurs voilins Se n'auroient aucune jufticc des Ofh- ciers. Le Grand Seigneur ne donne par jour aux véritables Janiflaires du pays, que depuis cinq âpres jufqu'à vingt ; l'Aga profite de cet argent. Les Arméniens ont un Evéque ôc deux Églifes o.ans Erzeron. Ils ont quelques Monafteres à la. campagne, comme le grand Couvent Se ie Cou- ■vent rouge. Ils reconnoilfent tous le Patriarche d'Erivan. Pour les Grecs , ils ont aufït leur Evé- que dans la ville , mais ils n'y ont qu'une Eglife qui eft fort pauvre. Ils font prefque tous Chau- de rônniers Se occupent le faiixbourg où ils tra- vaillent à mettre en vaiflelle le cuivre qu'on y apporte des montagnes voifines. Ces pauvres gens ïio . . Voyagé font un, tintamarre horrible jour & nuit 3 car ils ne cerfent de forger , & les Turcs aiment trop la tranquilité pour foufFrir qu'on batte l'enclume dans la ville. Outre cette vaiflelle que l'on tranf- porte en Turquie , en Perfe & même chez le Mogol , on fait un grand commerce à Erzeror. de fourrures & fur tout de celles de fardava ou Zerdava , ce font des peaux d'une efpecc de Mar- tre aflez commune dans le pays. Les peaux les. phts foncées font les plus cftimées j on compofe les plus prétieufes fourrures avec les feules queues, à caufé qu'elles tirent fur, le noir , c'eft ce. qui les rend fi chères , car il faut bien aflembler des queues de ces animaux pour en doubler une vefle0 On apporte auflî à Erzeron beaucoup de Gales de cinq ou fïx journées de la ville , & l'on y confer-, ye les Chefnes avec foin par ordre du Fâcha ■> le bois feroit d'ailleurs trop cher lî on l'y apportoit pour brûler. Cette ville eft le pafTage & le repofoîr de toutes les marchandées des Indes , fur tout lorfqfre les Arabes Courent autour d'Alep &c de Bagdat. Ces marchandifes dont les principales font la loye de Perfe , le Coton , les Drogues , les Toiles pein- tes , ne font que parler en Arménie. On y en vend très- peu en détail , 6c l'on laitfcroit mou- rir un malade faute d'un gros de Rhubarbe , quoiqu'il y en eut plufieurs balles toutes entiè- res. On n'y débite que le Caviar , qui eft un ragoût déteftable. C'eft un proverbe dans le pays, que fi l'on vouloit donner à déjeuner au diable , il faudroit le régaler avec du Caffé fans fuerc , du Caviar & du Tabac -, je voudrois y ajouter du vin d'Erzcron. Le Caviar n'eft autre chofe que les œufs faiez des Efturgcons que l'on prépare du Levant. Lettre X V 1 1 1. ni autour de la mer Cafpienne. Ce ragoût brûle la bouche par fon fel , & empoifonne le nez par fon odeiir. Les autres marchandifes dont on vient de parler , font portées à Trebifonde où on les embarque pour Conftantinople. Nous fûmes fur- pris de voir arriver à Erzeron une fi grande quan- tité de Garance , qu'ils appellent Bo'ia : elle vient de Perfe , & fert pour les teintures des Cuirs ôc des toiles. La Rhubarbe y eft apportée du pays d'Usbeq en Tartarie. La Semencine ou la Graine aux vers vient du Mogol. Il y a des Caravaniers qui de père en fils ne Le mêlent que de voiturer les drogues , &c qui croiroient dégénérer s'ils fe chargeoient d'autres marchandifes. Le Gouvernement d'Erzeron rend trois cens bourfes par an au Pacha , que nous appellerons dans la fuite le Beglierbey ou le Viceroy de la Province , pour le distinguer des autres Pachas du pays qui font fous fes ordres. Chaque bourfe eft de joo. écus 3 de même que dans tout le refte de la Turquie \ âinfi ces trois cens bourfes font cent cinquante mille écus; Elles fe prennent. i°. fur les marchandifes qui entrent dans la Provin- ce , ou qui en fortent j la plupart payent trois pour cent , quelquefois le double. On exige de gros droits pour les cfpeces d'or & d'argent. La foye de Perfe Chorhafi qui eft la plus fine , ôc l' Arâachi qui eft la plus grofliére , payent 80. écus par charge de Chameau > qui eft du poids de 80p. jufques à 1000. livres. z°. Le Beg- lierbey difpofe de toutes les Charges des villes de îa Province ; ces Charges s'afferment fuivant l'ufage du pays , & fe donnent au plus offrant $C dernier cncherifîèur , comme par tout ailleurs. I \ Excepté les Turcs , tous ceux qui doivenr îi* Voyagé fortir de là Province pour iller en Perfi: , font obligez de payer dans Erzeron au moins cinq écus i quoiqu'ils n'aycnt point de . marchandi- fes •, c'eft . comme une eipecede capitation qu'on leur impofe. Ceux qui ne portent de l'or & de l'argent que pour les frais de leur voyage , doi- vent cinq pour cent fur la Tomme dont ils font porteurs. -, Nôtre Begîierbey à fon arrivée abolit la plu- part de ces droits , parce qu'il les jugea tyranni- ques ; peut-être que (on fuccelleu.r les a rétablis ou augmeutez depuis fou départ. Outre ces taxes, avant l'arrivée de Cuperli on exigeoit de tous les étrangers la Capitation ordinaire j de quelque nation qu'ils fufîent , lorsqu'ils entroient dans Erzeron , & cette Capitation, étoit réglée fur i'ef- timation que les Trucs faifoient de chaque per- fonne. Celui-ci , difoient-ils , doit payer dix écus fur fa bonne mine ; l'autre qui n'a pas beaucoup dehardes n'en payera que cinq. On rançonnoit impunément les pauvres étrangers ; Se les Mif- fionnaires étoient les plus maltraitez : pour ne pas s'y tromper 3 on commençait par découvrir la tc- te des pailans pour voir s'ils étoient tonfurez , en forte que ces hommes Apoftoliques deftinez pour les pays étrangers , étoient fouvent obligez de laifler partir leur Caravane pour tâcher d'obte- nir quelque modération , ou pour attendre quel- que gros marchand Arménien ou Franc qui eût la charité de payer pour eux. On ne fçauroiç avoir de juftice fur les frontières d'un fi grand Empire , lorfque les Commandans authorifent les vexations , 8c ces gens-là ne les authorifent que parce qu'ils en profitent. Quand on part de Conftantinople pour la Perfe > la meilleure pré- caution du Leva k t. Lettre XVÎIL iri" caution qu'on puifTe prendre , n'eft pas feulement d'obtenir un Commandement de la Porte 3- mais encore des Lettres de recommandation de nôtre AmbafTadenr pour les Beglierbeys des frontières par où l'on doit palTer. Les Religieux Italiens font trop circonfpecls pour manquer à fe mettre fous la protection dé nôtre Ambafladeur. Le Roy de France eft bien plus connu & plus eftimé des Mufulmans , que le Saint Père qu'ils appellent amplement le Moufti de Rome. Les Millionnaires ont beaucoup gagné à là mort de Fafullah-Effendi , Moufti de Conftanti- nople ; qui fut traîné dans les rues à Andrinople fous le règne précèdent. Il avoir part , difoit-on, à toutes les extorlions qui fe faifoient dans la Province d'Erzeron d'où il étoit natif , & où il pofledoit des biens immenfes, Cet homme înfa- tiable qui étoit le maître abfolu de l'Empereur Muftapha , s'étoit déclaré ouvertement contra ions les Religieux , & fur tout contre les Jefui- res. On ne manqua pas de s'informer fi nous étions Papas , c'eil à dire Prêtres , mais ce ne fut que pour la forme ; car outre que le Beglierbey nous honoroit de fa proteûion ,* nous n'étions pas certainement tonfurez. La Province d'Erzeron rend en argent plus de 600. bourfes au Grand Seigneur. Outre les 300, bourfes du Carach que l'on exige des Arméniens & des Grecs , il retire encore iix pour cent dès marchandifes de la iJoiianne. Ainiî tout compte fait y ces marchandifes payent neuf pour cent , fçavoir fix au Grand Seigneur & trois au Beglier- bey. Le Grand Seigneur joiiit aufïï du droit de Beldargl ou Taille réelle que payent les bienpof» fedez par les Spahis. Tome III H H4 Voyage La ville d'Erzeron n'eft pas fur l'Eûiphrate, comme les Géographes la placent ; mais plutôt dans une prelqu'lfle formée par les fources de cette fameule rivière. La première de ces tour- ces coule à une journée de la ville , Se l'autre à une journée Se demi ou deux. Les lources de l'Euphrate font du côté du Levant dans des mon- tagnes moins élevées que les Alpes 3 mais cou- vertes de neige pendant preique toute l'année. La plaine d'Erzeron eft donc renfermée dans deux beaux ruifleaux qui forment l'Euphrate. Le pre- mier coule du Levant au Midi , Se pallant pat derrière les montagnes , au pied desquelles la ville eft fituée , va le rendre vers le Midi à une bourgade appellée Mommacoturn. L'autre ruif- feau après avoir coulé quelque temps vers le Nord , pareil à peu près à celui des Gobelins , vient palier fous le Pont d'Elija , d'où coulant vers le Couchant , le long du chemin de Tocat , il eft obligé par la difpolition des lieux de fe tour- ner vers le Midi à Mommacoturn } où il fe joint à l'autre branche qui eft bien plus confidérable. Ces deux branches s'appellent Frat du même nom que la rivière qu'elles forment. Après leur jonction , qui eft à trois journées d'Erzeron , le Frat commence à porter de petites Saïques, mais fon lit eft plein de rochers Se l'on ne fauroit éta- blir de route par eau , pour defeendre d'Erzeron à Alep , fans rendre cette rivière navigable. Les Turcs lailfcnt le monde comme il eft Se les mar- chands font comme ils l'entendent. Cependant la voye de la rivière feroit la plus courte Se la plus feurc , car les Caravanes font 35. jours en che- min d'Erzeron à Alep , Se la route eft fort'dan- gereufe à caufe des voleurs qui dépouillent les marchands jufques aux portes des villes. do Levant. Lettre XV 1 1 ï. nj Les voleurs de nuit font quelquefois plus à craindre que ceux qui volent le jour. Si l'on ne fait bonne garde dans les tentes , ils viennent tout doucement &c fans bruit pendant que l'on repofe & tirent des balots de marchandifes avec des crochets, fans qu'on s'en apperçoive : fi les balots font attachez ou comme enchaînez avec des cordes , ils re manquent pas de bons rafoirs pour les couper. Quelquefois ils les vuident à quelques pas des tentes , mais quand ils découvrent qu'il y a du Mufc , alors ils les emportent & ne laifTent que la cdque du balot. Quand on part avant le jour , comme c'efl: l'ordinaire , les voleurs fe mê- lent avec les voituriers 5c détournent fouvent des mulets chargez de Marchandifes , qu'ils dépaïfent à la faveur des ténèbres. Ils ne s'attaquent pas à la: pire , car ils co'nnoifïertt les balots de foye aiiflï-' bien que les marchands. Il part , toutes les fe- maines , des Caravanes d'Erzeron pour Gaftgel ; Teflis , Tauris , Trsbifonâe j Tocat j Se pour sîlep; Les Clirdes ou peuples du Curdiftan , qui defeen- dent à ce qu'on prétend des anciens Caldéeris ; tiennent là campagne autour d'Erzeron, jufques à ce que les grandes neiges les obligent à fe retirer j & font à l'affût pour piller ces pauvres Carava- niers. Ce font de ces Jafides errans qui n'ont point de religion , mais qui par tradition croyenc eri Jafid ou Je fus , 5c ils craignent fi fort le diable ; qu'ils le refpedtent de peur qu'il ne leur falTe dut mal. Ces malheureux s'étendent tous les ans de- puis Môufôitl ou la Nouvelle Ninive jufques aux fources de l'Euphrate. Ils ne recdnrioifTent aitcuri maître , & les Turcs ne les puniflènt pas , mérite lorfqu'ils font axrêtez pour meurtre ou pour vol i ils fe contentent de leur faire rachetter leur vie H ij ii£ Voyage pour de l'argent 3c tout s'accommode aux dépens de ceux qui ont été volez. Il arrive même Couvent que l'on traite avec les voleurs qui attaquent une Caravane , fur tout lorCqu'ils font les plus forts, ou qu'ils font bien les médians ; on en eft quitte alors pour une Comme d'argent , & c'eft le meil- leur parti qu'on puhTe prendre, il faut que cha- cun vive de (on métier : pourveû qu'il n'y ait per- Conne de tué ou de blcffé , ne vaut il pas mieux vuider la bourie que de verlcr Con Cang ? il n'en coûte quelquefois que deux ou trois écus par teC- te.J D'ailleurs rien ne convient mieux aux voleurs que de rençonner les plus foibles , parce que ne trouvant pas aifément à qui vendre les marchan- diCes , ils en Cont très- Couvent embarraffez. Pre- fentement toutes les Caravanes du Levant paC- fent par Erzeron -, même celles qui Cont deftinées pour les Indes Orientales , parce que les che- mins d'Alep & de Bagdat , quoique plus courts , Cont occupez par les Arabes qui Ce Cont révol- tez contre les Turcs Se rendus maîtres de la cam- pagne. Le 19. Juin nous partîmes à midi pour aller viCitcr les montagnes qui Cont à l'Eft de la ville. A peine la neige y étoit fondue , & nous campâ- mes Cur les fix heures à 15. milles dans un pays fî tardif que les plantes ne commençoîent qu'à pouffer & les collines n'étoient encore couver- tes que de gazon ^ il eft m al- ai Ce de rendre rai- (on de la parelfe , s'il faut ainfi dire , de cette terre. Nous couchâmes Cous nos tentes dans une vallée au milieu d'un hameau , dont les chau- mières Cont plus écartées les unes des autres que les Baftides de MarCeille. L'eau dans laquelle nous avions mis nos plantes pour les conserver du Levant. Lettre XFI 1 1. 1 1 ~ & pour les décrire le lendemain , fe gela la nuit de l'épaiifeur de deux lignes, quoiqu'elle fur à couverc dans un baffin de bois. Le lendemain 20. Juin après avoir herborifé , quoique avec peu de profit à caufe du froid qui ne permerroit pas à la terre de pouffer , nous prîmes le parti de nous rapprocher d'Erzeron par une route différen- te de celle que nous avions tenue. Nous allâmes donc voir un ancien Monaftere d'Arméniens , lequel n'eft qu'à une journée de cette ville, & qui porte le nom de Saint Grégoire. Toute la campagne eft découverte , &c l'on ne voit pas la moindre broifaillc dans tout le terrein que la vue peut découvrir. Ce Monaftere eft alfez riche, mais j'aimerois autant habiter au pied du Mont Cau- cafe , car il ne fçauroit être plus froid. Je crois qu'outre le fel foiîile qui n'eft pas rare dans ces quartiers , la terre eft pleine de fel Ammoniac qui entretient les neiges , pendant dix mois de l'année, fur des collines à peu près femblablcs au Mont Valerien. Plufieurs expériences font voir que le fel Ammoniac rend tres-froides les li- queurs où il eft dirions , & cela par fa partie fa- line fixe , plutôt que par fa partie volatile , com- me il paroît par la folution de la tête morte d'où l'on a tiré l'efprit & le fel volatile aromatique huileux ; car on fent un froid tres-confidcrable, au milieu de l'Eté, en appliquant les mains au- tour de la cornue de verre dans laquelle on a fait la folution de cette tête morte. Nous allâmes coucher ce même jour à un au- tre Monaftere d'Arméniens , appelle le A'fonajhre Rouge parce que le dôme , qui eft fait en lanter- ne lourde , eft barbouillé de rouge -, je ne fçau- rois trouver de comparàifon plus jufte , car le H iij ïi8 Voyage comble de ce dôme aboutit en pointe , ou en conc gavideronné comme un parapluye à moitié ouvert. Ce couvent ireft qu à trois heures de che- min d'Erzeron , & l'Evêque , qui parte pour le plus fçavant homme qui loit parmi les Armé- niens * y fait fa réfidcnce \ ce n'eft pas beaucoup dire y car on ne fe pique guère de feience en Ar- ménie y, mais comme ou nous alfùra qu'il étoiç fort bien venu parmi les Curdes qui étoient cam- pez félon leur coutume aux fources de l'Euplua- fe , nous n'oubliâmes rien pour l'engager à venir s'y promener avec nous. On ne fçauroit faire ce yoya^e avec trop de précautions , car les Curdes font des animaux peu raifonnablcs ; ils ne recon- noiflént pas même les Turcs , & ils les dépouil- lent toat comme les autres lorfqu'ils en trouvent l'occafipn. Enfin ces brigands n'obéiffent ni a Be^lierbey ni à Pacha , & il faut avoir recours à leurs amis lorfqu'on veut avoir l'honneur de les voir , ou pour mieux dire le pays où ils fe trou- vent. Quand ils ont consommé les pâturages d'un quartier , ils vont camper dans un autre. Au lieu de s'appliquer à la feience des Aftres comme les Çaldéens , de qui on les fait descendre , ils ne cherchent qu'à piller , & fuivent les Caravanes à la pifte 3 pendant que leurs femmes s'occupent à faire du beurre , du fromage , à élever leurs en- fans , & à prendre foin de leurs troupeaux. Nous partîmes le xi. Juin à trois heures du matin du Monaftcre Rouge. La Caravane ne fut pas nombreufe , il falloit fe livrer à l'Evêque , pu renoncer à voir les fources de l'Euphrate ; mais dans le fond , que rifquions-nous ? les Cur- des ne mangent pas les hommes , ils ne font que lss dépouiller , & nous y avions fagement pourvu du Levant. Lettre XVI II. 119 en prenant nos plus méchants habits : nous n'a- vions donc a craindre que le froid & la faim. Par rapport à l'Evêquc , c'étoit un homme de bien qui n'auroit pas voulu nous expofer à montrer nos nuditez. Nous le priâmes de ferrer dans fa cailate quelques fequins que nous avions pris pour notre dépenfe. Nanti de nôtre bourfe , il fît faire les provifions dont nous avions befoin , & paroilfoit agir de bonne foy 3 bien informé d'ailleurs que nous étions fous la protection du Bcglicrbcy , & que nous étions connus dans la ville pour fes Médecins. Nous avions donné des remèdes gratuitement à tous les cliens du Mo- naftere qui s'étaient addreflez à nous. Après ces précautions nous nous abandonnâmes avec con- fiance à fa conduite. Il fc mit à la tête de la com- pagnie , parfaitement bien monté de même que trois de fes domeftiques , & il nous fit donner de fort bons chevaux à nous ôc à nôtre fuite. A demi heure de là nous primes un vénérable vieil- lard de fes amis dans un a(Tez joli village fîtuc fur cette branche de l'Euphrate , laquelle pafle à Elija. On nous régala de quelques Truites que l'on pefcha fur le champ , & rien n'eft: compara- ble à la bonté de ces poitfons lorfqu'on les mange fortant du ruitleau , cuites dans de l'eau où l'on a jette une poignée de fel. Ce vieillard nous fit beaucoup d'honnetetez , & après nous avoir fait promettre de guérir à nôtre retour un de fes amis , ( car c'étoit là le compliment ordinaire ) il nous fit allùrer qu'il parloit bien la langue des Curdes ; qu'il trouveroit de (es amis dans les mon- tagnes où nous aillons , & que nous n'avions rien à craindre étant accompagnez de l'Evêquc Se de lui. Nous entrâmes dans de belles vallées , où H iiij jio V o y a g i VEuphrate fcrpentc parmi des Plantes merveîlleu- {es & nous fûmes charmez d'y trouver cette belle efpece de Pimfrenelle a par rouge , qui fait un des principaux ornemens des jardins de Paris , ôc que l'on a apportée depuis long-temps de Canada en France. Ce qui nous fit plus de plaiiir , c'eft que les plantes y étoient avancées , & nous nous nations de les trouver en bon état dans les mon- tagnes ; mais à mefure que nous montions , nous ne découvrions que peloufe & neige. Les, forefts en font bannies pour le relie des fiécles s cependant le payfage eft agréable , &c les ruilTeaux qui tombent de tous cotez font un fpectacle di- vertiiTant. On voit je ne fçai combien de fontaû nés fur le haut de ces montagnes ; les unes cou- lent tout Amplement , les autres bouillonnent dans de petits baffins bordez de gazon. Nous choi- sîmes un des plus jolis gazons pour étendre nôtre nappe , & pour nous délaflfer avec du ^ vin du Monaftere qui valoit mieux que tout le vin d'Er- seron. Là revenus de la peur que ce nom de Curdes n'avoir pas laine d'exciter en nous , nous puifions à pleines tafles dans les fourecs de^ l'Eu- phrate , dont nôtre nectar temperoit la fraîcheur éxcefïive. Il n'y avoit qu'une chofe qui troubloît nos înnocens plaifirs , c' eft que de temps en temps nous voyions venir à nous certains députez des Curdes, qui s'avançoient à cheval la lance en arreft pour s'informer quelles gens nous étions. Je ne fçai même fi la peur ou le vin n'en faifoit pas paroître deux pour un , car à mefure que^ la peur s'anparoit de nôtre ame , il falloir bien avoir recours au cordial. S'il eft permis de boire un peu plus qu'à l'ordinaire c'efl en pareille ren- du Levant. Lettre XVIII. m contre , eau fans cette précaution l'eau de l'Eu- phrate auroic achevé de glacer nos Cens. Enfin comme ii nous fembla que la dépuration aug- mentoit à vue d'œil , l'Evêque & le vieillard s'a- vancèrent à quelques pas, nous faifans figne de la main de relier où nous étions. Nous fumes ra- vis d'être difpenfez d'aller faire la révérence à ces députez. Après les premiers compliments , qui ne furent pas bien longs , ils s'avancèrent tous enfemble vers nous , & commencèrent à raifon- ncr fort gravement fur je ne fçai quelle matière. Comme les gens qui craignent s'imaginent tou- jours qu'on parle d'eux , & que d'ailleurs les Curdcs nous honoraient de temps en temps de leurs regards, nous affections auflî beaucoup de gravité y ôc ne doutant pas que l'Evêque ne leur dît que nous cherchions des Plantes , nous amaf- lions celles qui étoient fous nos yeux & faifions femblant de difeourir à leur fujet. Dans le fond nous parlions de la trifte fituation où nous nous trouvions , & nous nous expliquions en mauvais latin , de peur que nos Interprètes qui étoient faits à nôtre jargon n'y compriiTent quelque chofe. La conférence de l'Evêque & des Curdes ne laifl foit pas de nous inquietter par fa longueur. Il y avoit bien loin de là au Monaftere pour fc retirer en chemife ; &que fçait-on fi ces gens qui lont accoutumez à faire des Eunuques, n'auroient point eu envie de nous metamorphofer ainfi , dans l'cf- perance de nous vendre mieux ? Nous fumes un peu raffurez quand nôtre Drogman Arménien vint nous dire que les Curdes av oient donné un fromage à l'Evêque. En même temps le vieillard «""avança pour prendre un flacon d'eau de vie qu'il IZ1 V O Y A G I leur prefenta. Nous finies demander à ce bon homme de quoi il s'agitlbit , il répondit en fou- riant que les Curdes étoient de méchantes gens , mais que nous n'avions rien à craindre ; que l'an- cienne amitié qui étoit entre eux & la vénération qu'ils avoient pour TEvêque j nous mettroient à couvert de tout. En effet après qu'ils eurent bu l'eau de vie , ils fe retirèrent & l'Evêque revint à nous avec un vifage fort gay. Nous ne manquâ- mes pas de le faire remercier de tous les foins qu'il s'étoir donné pour nous garentir des infultcs de «es loups ravilïans , & nous continuâmes a faire nos obfervations fur les plantes. Il y en a de fort belles autour de ces fources. Leur concours fait la branche de l'Euphrate , que nous avions prefque toujours fuivie depuis le Monaftcre , &c qui va palier à Eli ja. On y prend âes Truites avec la main, dont nous fîmes grande chère tout le jour , mais nous les trouvâmes lî molles le lendemain , que nous n'en voulûmes pas goûter. Jufqucs-là nous fumes bien contens de notre journée. Nous fî- mes demander à l'Evcque s'il ne {èroit pas pofîi- ble d'aller voir l'autre branche de l'Euphrate la- quelle va fe joindre à la première } à JMommaco- tum. Il nous dit en riant qu'il ne connoiiïoit pas les Curdes de ce quartier- là , &que nous n'y ver- rions que des fources fcmblablcs a celles que nous venions de quitter. Nous le remerciâmes tres- humblcment , mais il auroit bien pu fe difpenfer de nous jetter dans de nouveaux embarras. Ce bon homme , par honnêteté comme nous le jugeâmes par la fuite , s'avifa d'aller faire fes adieux aux Curdes , & de leur diftribuer les relies de nôtre eau de vie , nous aurions fort approuvé fon procédé fi nous n'avions pas été de la partie pu LzvAKT.LettreXFIff. 123 Se qu'il n'eût pas fallu s'approcher de leurs pavil- lons. Ce font de grandes tentes d'une eipece de drap brun foncé , rort épais de fort gronder qui fert de couvert à ces fortes de maiions portatives , dont l'enceinte , qui fait le corps du logis , ed un quarré long fermé par des treillis de cannes de la hauteur d'un homme , tapillcz en dedans de bon- nes nattes. Lorlqu'il faut démelnager ils plient leur maifon comme un paravent } 6c la chargent avec leurs uftencillcs cv leur enfants fur des bœufs & fur des vaches. Ces enfants iont prefquc nuds dans le froid , ils ne boivent que de l'eau de gla- ce , ou du lait bouilli à la fumée des bonzes de vache que l'on amalfe avec beaucoup de foin , car autrement leur cuiime leroit très froide. Voi- la comment les Curdes vivent en chalfant leurs; troupeaux de montagne en montagne. Ils s'arrê- tent aux bons pâturages , mais il faut en décam- per au commencement d'Octobre & paiTer dans ie Curdiftan ou dans la Mefopotamie. Les hommes font bien montez &c prennent grand foin de leurs chevaux 3 ils n'ont que des lances pour armes. Les femmes vont , partie fur des chevaux , partie fur des bœufs. Nous vîmes, fortir une troupe de ces Proferpines qui venoient pourvoir l'Evèque,^' fur tout nous qui pallions pour des Ours que l'on me- noit promener.Quelques-unes avoient une ba^ue qui leur perçoit une des narines ; on nous alfura que c'étaient des Fiancées. Elles paroilFent fortes ekvigoureufes, mais elles font fort laides , cv ont dans la phihonomie un certain air de férocité. Elles ont les yeux peu ouverts , la bouche extrê- mement fendue , les cheveux noirs comme jay , & le teint farineux & couperofé. Nous voici pourtant > Uns y penfer , en pays d'e'rudition. Qui leçroiroit , M'8r , parmi des Pro- 1 1,4 Voyage ferpines Se des Curdcs ? La montagne où font 1rs fources de l'Euphrate doit être une des divifions feptentrionales du Mont Taurus fuivant Strabon ; ter. Cela ne nous lurprenoit pas; On ne rencon- tre autre chofe en Arménie que des Bœufs ou des Buflcs attelez ou chargez à dos comme de9 mulets. Les Pins cependant , de l'aveu des gens du pays , commencent à devenir fort clair fe* mez , ôc l'on en découvre peu qui lèvent de grai- pc. Je ne fçai comment ils feront quand on aura coupé tous les grands arbres , car ils ne (çauroienc bâtir fans ce recours ; je ne dis pas les meilleur tes maiions où l'on employé les poutres que pour ioûtenir les couverts ; je parle des chaumières qui font les maiions les plus communes , dont les quatre murailles font fabriquées avec des Pins rangez par la pointe , à angles droits , les uns fur les autres jufques au couvert , & arrêtez dans les coins avec des chevilles de bois. Nous ne trouvâmes aucune Plante nouvelle ce jour-là , & nous rames un peu allarmez de voir parmi quel- ques Plantes rares que nous avions obfervées plus d'une fois , des Mauves ordinaires , du Plan» tain y de la Pariétaire , Se fur-tout du Bouillon- blanc , du Velar 8c de cette Plante que l'on vend à Paris pour le cours de ventre , fous le nom de Thalhron. Nous croyions être revenus en Euro- I4i V O Y AGE pe , cependant nous arrivâmes infenfiblement à Cari après une marche de fept heures. Cars eft la dernière place de la Turquie fur Ta frontière de Perfc , que les Turcs ne connoillcnr que fous le nom d'ulgem. Je me trouvai embar- raffé on jour chez le Beglierbey , qui me ht de- mander ce que l'on difoit en France de l'Empe- reur d'Agem ? Heureufement il me fouviiu d'a- voir lu dans Cornuti que le Lilac de Perfe s'ap- pelloit Agent Lilac , & cela me fit comprendre <\u'u4gcm devoit lignifier la Perfe. Pour revenir à Cars , la ville eft bâtie fur une côte expofée au Sud-Sud-Eft. L'enceinte en eft preique quarrée Se un peu plus grande que la moitié de celle d'Er- zeron. Le Château de Cars eit fort efearpé fui- un rocher tout au haut de la ville. Il paroît allez bien entretenu , mais il n'eu; défendu que par des vieilles tours. Le refte de la place eft comme une efpece de théâtre , au derrière duquel il y a une vallée profonde , & efearpée de tous cotez & par où parle la rivière. Cette rivière ne va pas à Erzeron , comme l'a crû Sanfon , au contraire elle vient de cette grande Plaine par où l'on ar- rive d' Erzeron à Cars , & tombe de ces monta- gnes où nous rencontrâmes des voleurs pour la première fois. Apres avoir ferpenté dans cette Plaine elle vient le rendre à Cars , où elle for- me une Iile en paftant fous un pont de pierre , 6c fuit la vallée qui eft derrière le Château. Non feulement elle y fait moudre plufîeurs moulins y mais elle en arrofe les jardins & les champs. En- fin elle fe joint à la rivière d' Arpagi , laquelle ne coule pas loin de là ; & ces deux rivières join- tes enfemble fous le nom d'Arpagi , lervent de frontière aux deux Empires avant de tomber dans DU LEVANT.'Zm« XVIII, I43 VAraxe , que les Turcs ôc les Perfans appcllenc Aras. Ce qui peut avoir trompé Sanfon , c'eft que l'Araxc , comme l'on verra dans la fuite , a fa fource clans la même montagne que TEuphra- tc. Cet auteur a fitué Cars au confluant des deux branches imaginaires de l'Euphrate, lefquclles , félon lui , forment une rivière confidérable qui paife à Erzeron. Il faut attribuer ces fautes aux mauvais mémoires qu'on lui a fournis , car Sanfon c'toit un excellent homme , qui le pre- mier a fait les meilleures Cartes qui ayent paru en France. Non feulement Cars eft une ville dangereufe pour les voleurs , mais les Officiers Turcs y font ordinairement de grandes avanies aux étrangers, & en tirent tout ce qu'ils peuvent. Nous deman- dâmes à faliier le Pacha , à l'occafion des extor- sions dont on nous menaçoit. Son Chiaïa cher qui l'on nous conduifit d'abord malgré nous , nous fit dire fort civilement que toutes nos Pa- tentes ne (ervoient de rien , & qu'aflurément il ne nous feroit pas permis de palier dans le pays d'Agem. Cependant nous lui avions fait voir un Commandement de la Porte & un Paffcport du Eeglierbey d'Erzeron , fous le département du- quel elf le Pacha de Cars. Voici l'analyfe que le Chiaïa fit de nos Pièces. Pour le Commande- ment de la Porte, dit-il , c'eft la Patente lapins vénérable qui foit au monde , & il ne ceflbit de îa porter à Ion front , maïs là ville de Cars n'y cil: pas mentionnc'e. Je repondis qu'il n'étoit pas pomble de mettre fur une feuille de papier les noms des principales villes de leur Empire. Le Paffeport du Beglierbey d'Erzeron porte , dit-il, que vous viendrez ici, mais il ne marque pas' 144 V o v a g é que vous paierez plus avant. Comme j'en àvoï* fait faire une traduction à Erzeron , je fuppliay le Chiaia de le relire , proteftant que le BegHer- bey nous avoit fait atïurer , que fur (on Pdffe- port on ne feroit aucune difficulté de nous 1 ailler parter de Cars dans le Gurgiltan qui appartient à l'Empereur d'Agem , & que c'étoit-là nôtre vé- ritable dellein. Après quelques conteftarions fur ce P allé port , nous lui fîmes dire que nous fe- rions bien ailes de baiter la verte du Pacha , ÔC de lui prefenter la lettre du Begiicrbey. Il répon- dit qu'il fe chargeoit de cette lettre , mais qu'aie furément le Pacha ne nous laifleroit pas fortir des terres du Grand Seigneur 5 qu'il alloit s'en éclaircir fur l'heure. En effet il nous quitta bruf- quement pour paffer , à ce qu'on nous dit , dans l'appartement du Pacha. Après avoir attendu fort long-temps , on nous" avertit que nous courions rifque de coucher dans la rue' fi nous ne gagnions vite le fauxbourg ou étoit notre Caravanferai. Quoique les Turcs & les Perfans vivent dans une paix aufïi tranquille qu'on la puilïe fouhaitter , ils ne taillent pas de fermer les portes de leur ville lorfque le folci! fe couche. Avant que de fortir de chez le Chia*ra, }e fis prier par nôtre Interprète 3 un de fes valets de lui dire , que nous étions obligez de nous re- tirer à caufe de la nuit , mais que nous ferions; ravis d'app>-endre nôtre deilinée avant que de fortir. Il nous fit fçavoir que le Pacha fon Maî- tre , après avoir lu & examiné la lettre du Beg- licrbey , ne pouvoit le dîfpcnfer dé nous lailfer palier -, mais qu'on feroit allcmbler le lendemain le Moufti, le JanilFaitc Aga, le Cadi ,& les plus apparens de la ville pour en faire la lecture ; que fans du Levant. Lettre XVJÎÏ. 14^ (ans cetce précaution le Pacha pourroit bien petâ dre fa tête , (1 on venoit à fçavoir à Confiant!- nople qu'il n'eût pas fait arrêter trois Francs 3 qui peut-être étoient des efpions du grand Duc de Mofcovic Toutes ces cérémonies nous cha- grinoient fort : nous appréhendions qu'elles lie trainafTent en longueur , & que de difficulté eiï difficulté on ne taillât partir nôtre Caravane fans nous ; ainiî nous loupâmes allez triftement. Deux EmifTaires du Chiaia eurent la bonté le lendemain au matin de nous éveiller à la pointe du jouir , 6c de nous dire fans façon que l'on venoit de décou- vrir que nous étions des efpions 5 que le Pacha n'en étoit pas encore informé de qu'ainfi la chofe n'étoit pas fans remède , mais que nous pouvions compter que les avis venoient de bonne part» Comme nous ne paroifïions gueres allarrnèz de leurs difeours , ils nous afTeûrérent que les efpions en Turquie étoient condamnez au feu j & que les plus honnêtes gens de la Caravane étoient prêts à déclarer que fous prétexte de chercher des Plan- tes , nous obfervions la fituation & les murailles des villes , que nous en prenions le Plan 3 que nous nous informions avec foin des troupes qui s'y trouvoient , que nous voulions fçavoir d'où ve- noient les moindres rivières , que tout cela me- ritoit punition. Ainfi pàrloit celui qui paroiffoic être le plus méchant des deux ; l'autre qui fem- bloit plus doux , difoit qu'il n'y avoit pas d'appa- rence que nous fuiïions venus de Ci loin pour n'a- maiferque du foin. Nous nous retranchions tou- jours fur les bons témoignages que le Beglierbey d'Erzeron portoit de nous dans fa lettre. Ils répon- doient qu'on n'en pouvoit pas faire la lecture . que le Cadi lie fût venu de la campagne où il de » 'Tome ï I L K i4<> Voyage voit refter encore un jour ou deux. Nous nous ré- parâmes aflez froidement ladeflus. Heureufement en nous promenant par la ville , nous rencontrâmes un Aga du Beglierbey d'Erze* ion , qui ne faifoit que d'arriver & qui nous re- connut d'abord , parce qu'il nous avoir veû trai- ter des malades dans le Palais. Apres les premiè- res civilicez , nous lui cornâmes rembarras où nous étions. Surpris de nôtre avanture , il alla chez le Chiafa du Pacha , & lui témoigna en nô- tre prelcnce qu'on n'avoit pas raifon de nous re- fufer le pallagc ; que le Biglierbey Coprogli , à qui nous avions été recommandez à Conitamino- ple par l'Ambalfadcur de l'Empereur de Fiance, nous honnoroit de la protection i que nous avions eu l'honneur de l'accompagner de Conitamino- ple a Erzeion , qu'il s'é or bien trouvé de nos confeils & de nos remèdes , qu'enfin on ne devoit pas recevoir de cette manière des gens qui étoient fi bien recommandez de fa part. Il nous fit figne de nous retirer , & nous fit alFiuer par Ton valet que nos (crions fatisfaits dans peu de temps. Nous entrâmes dans un cafté pour attendre la décifion de cette grande affaire. Un moment après, les mê- mes Chiodars du Chiaïa , qui nous avoient trai- tez d'cfpions du Grand Duc de Mofcovie & qui croient , à ce que je crois , nos efpions , car ils nous gardoient à veiïe , vinrent nous annoncer avec une joye feinte Se dan? le deffein de tirer quelqu'argent de nous , que tons les partages de l'Empire étoient ouverts pour nous j mais qu'alTu- rément on nous auroit arrêtez fans la lettre du Beglierbey d'Erzerou , on qu'aiimoius on nous au- roit fait payer une grofTc avanie , comme il arri- ve à tous Ceux qui palTcnt de Turquie en Perfe. r) u Levant, Leàre XV III. ï$ Dans ce temps -là notre Aga libérateur forcit y ÔC nous vint prendre pour nous préfenter au Chiàïà i qui nous fit donner à fumer & à boire du câfFé; Il nous aflura que nous pouvions partir quand il nous plairait '3 qu'en confidération du Beglierbey d'Eizcron , il nous faifoic grâce de deux écus que lui doivent toutes les bètes de Comme qui paiTent par là : &: comme on lui fît faire réflexion que nous n'étions pas marchands 3 mais Médecins , il mit fur Ion marché que nous guéririons , avant partir, un Agà de fes amis qui avoit une flftule àii fondement. Comme il parloir fi gravement &C que nous ne voulions plus tomber dans fes filets 9 après l'avoir fait remercier de fes honnêtetez,je lui fis dire que nous prendrions foin.de fon ami 3 8c que nous lui donnerions tous les fecours pofîibleà pendant que nous ferions à Cars ; mais qu'une fif- tule au fondement ne pouvoit être guérie que par l'opération , de que malheureiifement nous n'a- vions pas les inftruments nécerTaires polir \î faire. Nous nous retirâmes à nôtre Camp beaucoup plus fatisfaits que le jour précédent. Pendant que nous étions à table , un des valets de l'Aga d'Erze- ron vint nous réprefenter que fon maître nous àvoit rendu un fervice fort confidérable ; qu'il ri'é- xigeoit aucune reconnoiflauce de nous , mais que nous fçavîons trop bien le monde pour ne pas lui faire quelque prêtent. Nous en fumes quittes pour trente fols pour le valet , & pour deux oques de cafTé que nous envoyâmes à fon maître , trop heu- reux d'en fortir à fi bon marché. De peur qu'on ne vint encore nous faire quelque nouveau com- pliment } nous prîmes le parti de nous tenir à la campagne à chercher jies Plantes jufques au déJ K ij 148 Voyage parc de la Caravane ; ainfi les Turcs pillent tou- jours ôc principalement fur leurs frontières ; mais il faat dire à leur louange qu'ordinairement ils fe contentent de ce qu'on leur donne. On peut douter avec raifon , fi Cars n'eft pas l'ancienne ville que Ptolomée marque parmi cel- les qui font dans les montagnes de la petite Armé- nie. La rciremblance des noms eft allez favorable, & il ne faut pas s'embarraller fi cet auteur la pla- ce dans la petice Arménie. Outre que ce pourroit être une faute d'inadvertance , les divifions de l'Arménie ont changé fi fouvent , qu'il y a beau- coup de confufion parmi les auteurs qui parlent de ce pays. On pourroit auiîi foupçonnerquc Cars foit la Place que Ptolomée appelle Chorfa ck qu'il place dans la grande Arménie, fi ce Géographe ne la marquoit le long de l'Euphrate. Tout cela pourroit avoir trompé Sanfon ; mais il'eft certain que Cars eft bien loin de cette rivière , 6c je par- donnerois plutoft à ceux qui ont propofé comme un doute , fi Cars ne feroit pas la ville de Nicopolis que Pompée fit bâtir dans le lieu où il avoit battu Mithridate , puifque cette ville fe trouvoit entre l'Euphrate & l'Araxe. Cedren & Curopalate nom- ment Cars , Carfe , Leunclaw Carfeum. Ce der- nier allure qu'en 1579. Muftapha Pacha comman- dant l'armée de Sultan Mourat contre les Perfes cV les Géorgiens , fortifia Cars & la pourveut des munitions nécellaires. On en pourroit faire une jdes plus fortes Places du Levant. Le 1 z & le 15. Juillet la Caravane y féjouma pour payer les droits de la Douanne. Nous en par- tîmes le lendemain à une heure après minuit , parce que nos plus gros Marchands qui n'avoient déclaré qu'une partie de l'argent qu'ils faifoient , Tom .% ■ P-). ou ïo. lignes de large , femblables à celles K iiij ïji Voyage Je la Pediculalre jaunes 3 velues fur les bords , crénelées, vendes. De leurs ailfelles fort une fleur de chaque coté, rétrecie en tuyau par derriè- re j verdâtre , long feulement d'une ligne & demi ou deux. Ce tuyau s'évafe enfuite en deux lèvres, fjont la fuperieure eft dilatée d'abord en deux ef- peces d'oreilles allez arrondies , d'entre lefquelles fort une trompe ou tuyau courbe long de neuf lignes , épais d'une ligne , terminé par une lèvre ovale d'une ligne & demi de diamètre s frifée , bordée de petits poils , au delà de laquelle débor- de le filet du piftile. La lèvre inférieure eft lon- gue Se large d'un pouce , chantournée & décou- pée en trois parties , dont celles des cotez font comme deux grandes oreilles. La partie inférieu- re cft recoupée en trois pièces. Celles des cotez font arrondies aufïi , mais celle 'du milieu n'eft qu'un petit bec fort pointu. Toute cette fleur eft î'utnc couleur de fafran , hormis le bas de la lè- vre (uperieurc qui cft blanchâtre. Les étamînes font fort courtes & cachées, fous les ailes de la lèvre fuperieure. Leurs fommets ont deux lignes de long lur une ligne de large , applatis , jaune- pale. La lèvre fuperieure réprefente la trompe d'un Eléphant, qui la courbe pour porter quelque ch&le dans fa bouche , au lieu que dans les au- tres efpeccs de ce genre qui font ptéfemement connues , cette lèvre eft relevée. Le calice cft d'une feule pièce , long de trois lignes , légère- ment velu , la lèvre fuperieure en eft obtufe , echancrée. L'inférieure cft fendue plus profondé- ment en deux pièces. Chaque fleur eft attachée ^ un pédicule long de demi pouce ck fort délié. £.e piftile qui eft un bouton un peu ovale , n'a cju'une ligue de long ôc devient un fruit de demi du Levant. Lettre XVIII. 153 pouce de long , prcfque quarré à coins arrondis , yert-pâle , membraneux , épais d'environ deux lignes & demi , partagé dans fa longueur en deux loges lefquelles s'ouvrent par les cotez & renfer- ment des graines longues d'une ligne & demi ou deux , cpailfes d'une, ligne , çanelées dans leur longueur , & de la forme d'un petit rein. Le \G. Juillet nous partîmes à quatre heures, du matin & campâmes fur les huit heures dans une belle &c grande prairie où nos tentes furent dreiTces pour la première fois fur les terres du Roy de Perfe. Nous n'avions couché qu'à une heure leulement de la frontière , laquelle fe prend au haut d'une colline à la defeente de la- quelle commence la Géorgie Perfienne , ou le pays que les Perfans appellent le Gurgifian , c'eft à dire la Terre des Géorgiens , car Tan efl: un an- cien mot Celte qui lignifie un 'pays , & ce mot s'eft: conferve par tout l'Orient , où l'on dit le Curdiftan , l'Indojlan , Sec. pour exprimer la Terre des Cardes , celle des Indiens > &c. Nous découvrîmes d'abord pluiîeurs villages allez con- fïdcrablcs ; mais toute cette belle campagne ne produit pas un feul arbre, ôc l'on eft obligé de b ûler de la bouze de vache. Les bœufs y font tres-frequens , ôc on les y élevé autant pour cet ufage, que pour en manger la chair. On en at- telé jufques à 14. ou ij. paires à une charrue pour labourer la terre. Chaque paire a fon hom- me qui la conduit , monté comme un portillon ; tous ces portillons qui crient à chaque pas com- me les matelots qui font une manœuvre , for- ment enfemble un charivari épouvantable. Nous étions faits à ce manège depuis Erzeron. Ce n'eft pas apparemment de ces terres de Géorgie dont ij4 Voyage parle Strabon , que l'on effleuroit feulement avec une charrue de bois , bien loin d'y employer le fer. C'eft un excellent pays que la Géorgie. Des qu'on eft fur les terres du Roy de Perle , on vient vous prefenter toutes fortes de provifions , pain , vin , poules , cochons , agneaux , moutons. On s'adreiîç fur tout aux Francs avec un vifage riant, au lieu qu'en Turquie on ne voit que des gens ferieux qui vous mefurent gravement depuis les pieds julques à la tefte. Ce qui nous furprit le plus , c'eft que les Géorgiens, méprifent l'argent Ôc ne veulent pas vendre leurs denrées. Ils ne les donnent pas non plus , mais ils les troquent pour des brallelets , des bagues , des coliers de verre , de petits couteaux , des aiguilles ou des épingles. Les filles fc croyent plus belles quand elles ont cinq ou fix coliers pendus au col , qui leur tom- bent fur la gorge j elles en ont aufïi les oreilles garnies , cependant tout cela fait un allez vilain étalage. Nous dépliâmes donc nôtre mercerie fur lc gazon ; & comme nous étions avertis de leurs manières , nous avions employé dix écus à Erze- ron en rocailles , comme ils difent , c'eft à dire en émaux de Venife qui font tous femblablcs à ceux de Ne vers. Ces rocailles nous produirirent le centuple , mais il ne faut pas trop s'en charger, car on ne s'en défiait que par troc , &c ces trocs ne fe font, que pour des chofeà nécellaircs à la vie , Se pendant deux journées feulement ; com- me îï les anciennes manières des Géorgiens ne s'ètoient confervées que dans cette contrée. Ces gens-là , comme dit Strabon, font plus grands 8c plus beaux que les autres hommes , mais leurs mœurs fout tres-fimples. Ils ne fe feryent d'aucu- pu Levant. Lettre XV III. i$f ne mon noyé , d'aucun poids , d'aucune mefure , à peine fçavent-ils compter au-delà de cent. Touc fe fait chez eux par échange. Nous confiâmes donc nôtre petit tréfor à ces bonnes gens ; ils prirent ce qui leur plut , mais alfurément ils, n'âbufcrent pas de la confiance que nous avions en eux. Ils nous donnoient une poule grolle com- me un dindon , pour un colier de fix blancs , & une grande mefure de vin pour des braifelets de dix-huit deniers. Les cochons s'y promenoient en route liberté , au lieu qu'en Turquie on les chaiïe comme des animaux immondes ; on dit qu'ils font beaucoup meilleurs dans la Géorgie qu'ailleurs , mais je crois que c'eft parce que la plupart des voyageurs , qui ont ordinairement beaucoup d'appetit , trouvent tout excellent ; en effet les jambons nous parurent un mets nouveau , car nous n'en avions point mangé depuis que nous avions quitté l'Archipel. Les Géorgiens traitent les Turcs d'ignorans & de ridicules fur i'ufage des cochons ; les Turcs au contraire appellent Jf s Perfans fchifrnatiques , 6c les Géorgiens infi- dèles , parce qu'ils mangent fans fcrupule la chair de ces animaux. A l'épard des Géorgiennes , elles ne nous fur- prirent pas,parce que nous nous attendions à voir des beautez parfaites/uivant ce qu'on en dit dans le monde. Les femmes avec qui nous troquâmes nos émaux , n'avoient rien de defagréable , & el- les auroient pu pafler tout au plus pour de belles perfonnes , en comparaifon des Curdes que nous avions ve'ues vers les fources de l'Euphrate. Nos Géorgiennes avoient pourtant un air de fanté qui faifoit plaifir , mais après tout elles n'étoient ni fî belles ni n" bien faites qu'on le dit. Leur teint efl: IJ les parens & les meil- leurs amis de la mailon fe mêlent fouvent de ce commerce. Pour éviter cet inconvénient , on les marie à 7. ou 8. ans , ou bien on les enferme dans des couvents ; ainli les lorgnettes que nous avions apportées de Paris nous furent tout-à-fait inuti- les , & l'on avoit apparemment enlevé depuis peu ce qu'il y avoit de plus joli dans le pays. Voici le portrait d'une Géorgienne qui nous parut a(Tcz gracieufe. De tout temps , pour ainii dire , on a enlevé ce qu'il y avoit de belles perfonnes dans le pays. Zonare remarque qu'on y prenoît par or- dre du Roy les beaux garçons pour les faire Eu- nuques & les vendre enluite aux Grecs ; mais pour appaifer les féditions il en coutoit fouvent la vie aux peres. Ce qu'il y a de plus édifiant fur la frontière de Géorgie , c'eft qu'on ne demande rien aux étran- gers. On peut entrer & fortir quand on veut des terres du Roy de Perfe , fans demander permif- fion à qui que ce foit. Les marchands de nôtre Caravane , qui avoit un peu grolîi en chemin, nous afluroient que non feulement on traitoit ref- du Levant. Lettre XV III. j^ pectueufement les Francs , mais qu'on les regar- doit avec crainte & vénération quand ils avoient des chapeaux & des julte-au corps ; au lieu qu'on les lapideroit en Turquie s'ils marchoient en pa- reil équipage. On n'exige que des droits fort mo- diques fur les marchandifes qui entrent en Pcrfeé Nous palïames, iur cette frontière , la rivière d'Arpagi , laquelle vient de Cars , ou pour mieux dire dans laquelle fe jette la rivière de Cars , com- me on l'a dit ci-devant. L'Arpagi va fe rendre dans l'Araxe , l'Araxe fe joint au Kur , & la mer. Cafpicnne reçoit toutes ces différentes eaux; L'Ar- pagi palTe pour une des rivières des plus poillon- neufes du pays ; quelques-uns prétendent qu'elle fert de frontière aux deux Empires : mais ce n'efc pas à nous à en décider , en tout cas il ne s'agit que d'un quart de lieue' de terrein. On monta à cheval le 17. Juillet à trois heu- res 8c demi du matin , & l'on campa fur les dix heures dans une grande plaine , après avoir parlé fur des montagnes afTez hautes , où le froid fe faifoit fentir vigoureufement. Tout le pays efr, herbu , mais les arbres en font bannis depuis long-temps. Parmi les Plantes que nous v obfer- vâmes , on découvrit une efpece & Aconit fembia- ble à celui que l'on appelle Tueloup. Les tiges de celle dont nous parlons forment une pyramide de fleurs , haute d'environ un pied &c demi. Cha-. que fleur eft blanche. Le cafque qui a 15. lignes de haut,eft arrondi par le bout & large de trois li- gnes.Les croffes font purpurines. On voît,fur quel- ques pieds , des fleurs qui tirent fur le blanc-fale. Le 18. Juillet nous partîmes à quatre heures & demi , & nous marchâmes jufques à midi. Le changement des payfages nous furpric Jt agréa- î}8 Voyage blement , que nous crûmes être arrivez dans viri nouveau monde. Ce n'étoit que Bois de haute fui taye entremêlez de taillis , parmi lefquels s'éle- voient des Chefnes , des Hcftres , des Ormeaux , des Tilleuls , des Erables , des Frefnes , des Char- mes à grande Se" petite feuille. On y diitinguoir. des Epines blanches , des Sureaux Se des lëbles. Les Noifetiers , les Poiriers , les Pruniers , les Pommiers , les Framboificrs & les Frai fiers n'y étoient pas rares. Qui fc feroit attendu à voir de fx belles chofes ? On moifïonnoit le bled dans le fond de la vallée où nous campâmes. Nous com- mençâmes à voir des vignes ce jour-là, mais quoi- que le vin ne fût pas bon , on pouvoit le regar- der comme du Nectar en comparâifon de celui que Ton boit à Erzeron. Le payfage du lendemain ne fut pas moins agréable , car depuis trois heu- res du matin jufques à dix , nous marchâmes dans une vallée qui , quoi qu'étroite Se efearpée , étoic néanmoins charmante par fa verdure Se par fes! difterens points de veiïe. Les habitations font dans le fond ou à mi-côte , les bois en occupent les hauteurs , tout le refte elt rempli de vignobles Se de vergers naturels , où les Noyers , les Abrico- tiers j les Pefchcrs,^ les Pruniers, les Poiriers Se les Pommiers viennent d'eux-mêmes. Si cette vallée nJeft pas celle que Procope décrit entre le pays des Tzans ôe la Perfe-armenie , on ne peut pas douter que ce ne foit un de ces quartiers de la Géorgie où , fuivant Strabon , abondent toutes fortes de fruits que la terre y produit fans cultu- re. On n'y donne aucune façon, dit cet autcur,à la vigne Ci ce n'eft qu'on la taille tous les cinq ans. Après avoir patfé le pays des Tzans , fuivant Pro- cope ; on entre dans une vallée profonde , cfcar- rom .%.pap . XÇ9 Ccurj-icux 0 riervtatùr Crvcun^cedry os -foiic , fiare iuteo Car oit. Irwt.JLe^i rtero. n . du Levant. Lettre XV II A i;? pée , qui eft des appartenances du Mont CaHica* le , bien peuplée , où l'on mange de toutes les fortes de fruits que l'on peut fouhaiter en autom- ne, tllc eft pleine de vignes & fe termine $ après trois journées de chemin , par la Perle-armenic; Ce qu'il y a de certain, c'eft que nous n'étions pas éloignez du Mont - Caucafe. Les montagnes qui s'étendent depuis Cars jufques à Tcflis ÔC vers la mer Cafpiennc font proprement les Monts Mof- ehîqucs des anciens, lefquels fuivant Strabon , occupent l'Arménie juiques chez les Iberiens & les Albanois. Quoiqu'il en foit » cette belle val- lée dont on vient de parler, finit par une grande plaine a(Tez bien cultivée où paffe une rivière con* iidérable qui defeend des montagnes & qui fuivant ce qu'on nous dit , va du côté de Teflis fe jetter dans le Kur. On peut propofer comme Un doute > {\ ce n'eft pas la rivière que Strabon appelle sira- gos. Tout le pays eft fertile en belles Plantes. Voi- ci une efpece de Cajfida que fa fleur jaune & fes feuilles découpées, commet Germandrée , dis- tinguent de toutes les efpeccs de ce genre. Si racine qui eft roullatrc , dure , ligneufe t relevée quelquefois en manière de tubercule tk. garnie de fibres chevelues » poufle des tiges cour- bées fur terre , puis redreflees lefquellcs fe mul- tiplient facilement par des bouquets de fibres dans les endroits où elles s'appuyent lur terre. Ces ti- ges font hautes d'environ huit pouces , branchucs dés le bas , épailTcs d'une ligne * dures , touffues» accompagnées de feuilles deux à deux , longues d« huit ou neuf lignes fur quatre ou cinq pouces de large , vert-brun , mais blanches en dedans , dé- coupées comme celles de la Germomdrée , foute- nues par une queue de trois ou quatre lignes de i6'o Voyage long. Elles diminuent jufques vers la foin mite .,' & ces Commuez Ce terminent en épi long d'un pouce & demi , garni de feuilles vert-pâle , lon- gues de fept ou huit lignes , pointues , ferrées , mais point ou peu crenées. Des aiilcllcs de ces feuilles naiflentdes fleurs jaunes hautes d'environ 15. lignes , rétrecies en tuyau coudé tout au bas, lequel n'a qu'une ligne de diamètre , mais evafées enfuite & découpées en deux lèvres. La fuperieu- re eu un cafque haut de 4. lignes , garni de deux petites aifles jaune-verdàtre ; la lèvre inférieure eu jaune auiïi , loneue de trois lignes * échan- gée , &C qui approche en quelque manière de la figure d'un cœur. Le calice n'a que deux lignes de haut , partagé en deux lèvres , dont la plus élevée reprefente une toque , au fond de laquelle eu un piltile à 4. embryons iurmonté par un filet courbe, allongé & partagé dans le cafque de ta fleur. Toute la plante eu amerc. Elle aime la terre gratte &C le chaud. On l'élevé facilement au Jardin du Roy & dans les Jardins de Hol- lande où je l'ai communiquée à nos amis. Nous marchâmes toute la nuit du 10. Juillet ôc n'arrivâmes à Teflis que fur le midi , après nous être repofez pendant une heure , à trois milles de la ville fur une montagne aflez agréable. Les voituriers partent ordinairement pendant la nuit pour éviter les courriers des Princes Perfans , lcû quels pour achever leurs courfes font en polfefïîou de prendre les chevaux qu'ils trouvent fur les grands cheminsm'épargnant que ceux des Francs; car ils croiroient violer le droit d'hoipitalité s'ils les traitoient de même que les cens du pays. Com- me il n'y a point de portes établies , & que ces courriers fonc cenfez courir pour affaires der con- fcquence,- eu Levant. Lettre XV II L r6* féquence , 6n ne trouve pas mauvais qu'ils Te fer- vent des chevaux des particuliers ; de manière que les courriers démontez font obligez de s'en aller a pied jufques à ce qu'ils aycnt racrappé leur mon- ture. Cette mode eft un peu incivile , mais c'eft l'ufage & il feroit dangereux de s'y op- pofer. Apres avoir paffé par des pays alïez plats , on s'engage dans des défilez efearpez en approchant de Teflis. Cette ville eft fur la pente d'une mon- tagne toute pelée , dans une vallée aflez étroite à cinq journées de la mer Cafpienne , & à fîx de la rner Noire , quoique les Caravanes en comptent le, double. Teflis ou Tiflis eft aujourd'hui la capi- tale de la Géorgie , connue par les anciens fous les noms à'Iberie &c à' Albanie Pline &Pomponius Mêla font mention des peuples appeliez Georgi. Peut-être que la Géorgie en a retenu le nom „ peut-être aufîi que les Grecs les appelloient Geor* ci y comme qui diroit de bons Laboureurs . Les Iberiens , comme nous l'apprend Dion Caffius , habitoient les terres qui font en-deçà & en-delà du fleuve Kùr 3 voifins parconféquent des Ar- méniens du côté du Couchant , Se des Albauois du côté du Levant ; car ceux-ci occupoient les terres qui font audelà du Kur jufques à la mer Cafpienne. Ces Iberiens , peuples fort aguerris ,■ fe déclarèrent contre Lucullus pour foûtenîr Mi- thridate & Tigrane fon gendre. Plutarque re- marque qu'ils n'avoîent jamais été fournis , ni aux Medes , ni aux Perfes , ni même au grand Alexandre ; néanmoins ils furent battus par Pom- pée qui s'avança jufques à trois journées de la mer Cafpienne , mais il ne pût la voir , quelque envie qu'il en eût , à caufe cjue tout le pays écoi* Tome III, L 161 Voyagé couvert de Serpens dont les rrioiTurcs êtoîerr mortelles. Artoces «qui regnoit alors chez Ict lbericns , tâcha d'amufer Pompée fous prétexte de rechercher fon amitié j mais Pompée entra dans fes terres , & s'en vint à Acropolis où le Roy tenoit fa Cour.. Artoces furpris fk épouvan- té s'enfuit audelà du Kur Ôc brûla le Pont. Tout fe fournit aux Romains , qui par là le rendirent les maîtres d'une des principales gorges du Mont Caucafe. Pompée y lailla des garnirons & ache- va de foûmettre le pays qui cft le long du Kur, Ne peut- on pas conjecturer que Tefhs eft l'an- cienne ville à' Acropolis capitale de l'iberie fur le fleuve Kur ? le nom & la iîtuation de cette ville favoiifent tout-à-fait cette penfée. Pompée fans vouloir écouter aucunes propo- rtions de paix , pourfuivit &: vainquit Artoces, C'eft apparemment de ce combat dont parle Plu- tarque dans la vie de cet illuftre Romain , où il aflure qu'il reftâ neuf mille lberiens fur la pla- ce , Se que l'on fit plus de dix mille priformiers. C'eft auiît ce même Artoces qui , pour obtenir la paix , envoya à Pompée fen lit , fa table à la follicitation d'un autre Favori à qui les parenslhi feelerat avoient fait quelque prefent , priva le bourreau de deux villes qu'il -Pofledoit , parce qu'il n'avoit pas attendu fa der- »u Levant. Lettre XVIII. 165 liiere volonté. Les bourreaux en Géorgie font fort riches , 8c les gens de qualité y exercent cec~ te charge \ bien loin qu'elle foit réputée infâme , comme dans tout le relie du monde , c'elt un titre glorieux en ce pays-là pour les familles. On s'y vante d'avoir eu pluueurs bourreaux parmi fes ancêtres , 8c ils fe fondent fur le principe qu'il n'y a rien de il beau que d'éxeeufer la Jultice, /ans laquelle on ne fçauroit vivre en fureté. Voilà une maxime bien digne des Géorgiens. La Géorgie e(l un pays fort tranquille au- jourd'hui , mais elle a fervi plufieurs fois de théâtre à la guerre entre les Turgs & les Perfes, Muftapha Pacha qui commandoit l'armée de Sultan Mourat , prit Teflis en 1578. H mit tout le pays à feu 8c à fang , 8c fit palier à Conftanti- nople les deux fils de la Reync de Géorgie , dont l'un fe fit Mahometan , 8c l'autre mourut Chré- tien. Les Perfes cependant vinrent au fecours des Géorgiens , 8>C il reita dans une bataille foi—' xante 8c dix mille Turcs fur la place. La guerre s'y ralluma encore en 1583. mais les Turcs y furent toujours battus. Mr Chardin décrit foir au long par quels évenemens la Géorgie eft paf- fée fous la domination des Perfes , on peut le confulter là-dclfus , car cet auteur paroît fort exact ; mais je le trouve trop prévenu en faveur des Géorgiennes. Le Prince de Géorgie a plus de fix cens 7o- wnns de rente , fuivant la manière de compter du pays j un Toman vaut 11. ecus & demi ro- mains qui font 18. Ayants ou Aboaquels , ce font des écus que l'on frappe en Hollande pour le Levant. Les Orientaux lés nomment uijlanis , à caufe de la figure du Lion qu'ils appellent L iij %66 Voyage AJlan. Cette monnoye eft connue en Egypte fous le nom à'Abouquel. Les revenus du Prince con- ilftem en une penfion de 300. Tomans que le Roy lui fait > & en ce qu'il retire ou de laDouan- ne de Teflis ou des entrées de l'Eau de vie & des Melons \ le tout va à près de 500. Tomans , fans compter ce qu'il exige fous prétexte de régaler les Grands qui parfent par Teflis. Le pays lui fournit des moutons , de la cire , du beurre ôc dix vin. Pour les moutons il en retire un par an de chaque feu, ce qui fait le nombre de 40. mille moutons ; car quoiqu'il y ait foixante mille feux eu Géorgie , on ne nourrit des troupeaux que dans quarante mille maifons. A l'égard du vin, on en donne quatre mille fommes au Prince ; une fomme peie quarante Batrnans 3 le Batman eft de lix oques. Les Sequins de Venife , qui ont cours par tout l'Orient , valent dans Teflis fîx Abagis chacun & trois Chaouris ou Sains. Le Sequin vaut fept livres dix fols monnoye de France , ainfi l'Abagi vaut environ vingt & deux fols ; quatre Chaou- ris font un Abagi. Cette monnoye femble avoir retenu le nom de ces anciens peuples d'iberie qu'on appelloit Abafgieùs. Il eft vrai qu'on écrit Abajfi y quoiqu'on prononce Abagi , c'eft à dire monnoye frappée au nom du Roy Abas. Ainfîle Chaouri revient à 5. fols 6. deniers ; Ub Vjalton vaut demi Abagi ou deux Chaouris , c'eft à dire 11. fols. Un Chaouri ou Sain vaut 10. Afpres de cuivre ou Carbequis , dont 40. font un Abagi. Enfin une Piaftre vaut dix Chaouris & demi. Les Géorgiens & les Arméniens payent la Ca- pitation au Roy de Perfe fur le pied de fîx Aba- gis par tête. Cette Capitation eft affermée 306. d U Levant. Lettre XVII J, \Gj \ Tomans. On prefente au Roy en hommage qua- | tre Faucons tous les ans 3 fept efclaves tous les trois ans , & vingt-quatre charges de vin ; mais on ne laifle pas de lui en envoyer beaucoup plusj outre cela la plupart des belles filles du pays font deftinées pour ion Scrrail. Les Géorgiens font grands yvrognes & boivent plus d'eau de vie que de vin ; les femmes pouflent cette débauche plus loin que les hommes , on peut juger par là fî elles font cruelles. C'eft peut-être cet excès d'yvrogne-* de qui a gâté le beau fang de Géorgie , car rien ne contribue plus à faire de beaux enrans » que la vie réglée , & c'eft pour cette raifon que le fang. eft. fort beau en Turquie, On y voit peu de boi- teux 8c peu d'eftropiez , fur-tout dans les pays qui font un peu avant dans les terres où les Francs ne féjournent pas -, car on aceufe ces derniers d'incontinence par tout où ils en trouvent l'oc- cafion. La débauche eft grande dans Tefîis parmi les Chrétiens ; il eft vrai qu'ils ne font Chrétiens que de nom '• d'ailleurs les Mahometans & les Juifs n'y vivent pas plus régulièrement. Le vin eft la fource de tous ces defordres ; il faudroit par poli- tique en défendre l'ufage à ceux qui fe portent bien , & ne le permettre qu'aux malades. Char- din a remarqué avec raifon, qu'il y a peu de pays où l'on boive tant de vin qu'en Géorgie ; pauvres ôi riches tout le monde en prend avec excès ; ces nebauch.es leur font fupporter plus doucement le joug des Seigneurs qui les traitent avec tyrannie, Non feulement ils les font travailler à coups de bâton & enlèvent leurs enfans pour les vendre à leurs voifins , quand ils ont befoin d'argent; mais ils prétendent avoir droit de vie Se de mort fut L iii] x 68 V O Y a c % leurs fujets. Le vin gris de Géorgie eft aflfez bon^ celui que l'on fournit à la Cour de Perfe eft un vin rouge qui approche de celui de Côte-rôtie , mais il elt encore plus fumeux & plus violent. Les vignes naiflent en ce pays là autour des ar- bres, &" grimpent audeflfus comme en Piémont & en plu fjeurs endroits de Catalogne. Les Ma- hometans boivent du vin , ou s'en parlent fuivant le goût du Roy. Si le Prince ne l'aime point il leur eft défendu d'en boire y mais ils fourTrent impatiemment , en ce dernier cas , d'être obli- gez de s'accommoder au goût de la Cour. Teflis eft une ville aftez grande & biep peuplée, les maifons font baffes , mal éclairées , & bâties ordinairement de boue & de briques j c'çft encore bien pis dans le refte de la Province où elles ne répondent plus à la peinture que Strabon en a fai- te. Lapins grande partie de l'Iberie , dit-il, eft bien habitée : on y voit de gros bourgs & des mai- fons couvertes de briques \ l'architellure en eft bien entendue , de même que celle des Edifices publics & des Places. Aujourd'hui les murailles de Te- flis ne font gueres plus hautes que celles de nos Jardins , &les rues font mal pavées. La Citadel- le eft au haut de la ville dans une belle fituation, mais l'enceinte qui en eft prefque ruinée , n'eft défendue que par de mauvaises Tours. Toute la garnifon confifte en quelques malheureux arti- sans Mahometans qui font payez pour en faire la garde. Ils y logent avec leurs familles , & ils ne fçavent gueres manier les armes. Ce lieu fert d'afile à des malheureux chargez de dettes , ou pourfuivis pour crimes. La Place d'armes qui eft audevant , eft belle , fpacieufe , & fert de mar- ché , on y vend les meilleures denrées du pays* pu L E V A « t. Lettre XVÎÎL 169 «Quand on viefitsl^Hifpaham à Tcflis , ïl faut en- trer par la Citadelle j ainfi le Prince de Géorgie, qui , fuivant la coutume ctc Perfc, doit aller re- cevoir les prefens ôc les ordres du Roy hors dç la ville , fe trouve obligé de palier au havre de cette Citadelle où le Gouverneur pourroic l'arrê- ter aiféuvent s'il en avoit reçu l'ordre. La ville s'étend du Midi au Nord. La Citadelle cft au milieu. On en pourroit faire une Place considérable , car la côte de la montagne fur la- quelle elle efl fituée , eft fort efcarpée , ôc le fleu- ve Kur qui palle tout au long n'eft pas guéable. L'enceinte de la ville règne fur cette côte & fait une efpece de quarré , dont les cotez defcendent jufques au fond de la vallée j mais la moitié des murailles font ruinées ôc ne valent pas celles du Bois de Vincennes , quoiqu'en dife Mr Chardin. Le Palais du Prince , qui eft au deftous delà Ci- tadelle , eft fort ancien ôc allez bien ordonne pour le pays. Les Jardins , les Volières , le Che- nil , la Fauconnerie, la Place ôc le Bazar qui font audevant,meritent qu'on y jette les yeux.On nous fit entrer dans un nouveau falon allez agréable , quoiqu'il- ne foit que de bois. Il eft percé de tous cotez ôc fermé par de grands carreaux de verre bleu , jaune , grifjdelin , ôcç. On y a mis quel- ques glaces de Venife 3 mais petites ôc qui n'ap- prochent pas de la beauté de celles de Paris. Le plafond cft à compartimens de cuir doré. On nous aftiïra que l'appartement des femmes étoit encore plus beau ; je ne fçai par quelle avanturç là clef s?en trouva égarée , cependant on paroif- foit avoir bonne envie de nous le faire voir. La Cour étoit à la campagne dans ce temps-là. Le Paince «e fe portoît pas trop bien , à ce qu'on % 'sjo V o y A G E difoit , & ce fut une des principales raifons qui nous obligea à parcir de Teflis , de peur qu'il ne lui prît envie de nous retenir auprès de lui pour prendre foin de fa famé 3 comme cela arrive quel- quefois dans le Levant. Du Palais 11014s allâmes voir les Bains qui n'en font pas éloignez. Ge font de belles fourecs dont la chaleur eft fupportable à peu près comme celle des eaux d'Elija auprès d'Erzeron. Dans les Bains de Teflis il y a de l'eau tiéde & de la froide 3 ou- tre la chaude. Ces Bains font bien entretenus" Se font prefque tout le divertiifement des Bourgeois de la ville. Leur plus grand commerce eft en four- rures que l'on envoyé en Pcrfe ou à Erzeron pour Conftantinople. La Soye du pays , de même que celles de SchamaKi 8c de Gangel s ne paffent point par Teflis , pour éviter les droits excelîifs qu'on y feroit payer. Les Arméniens vont l'a- cheter fur les lieux 8c la font porter à Smyrne ou aux autres Echelles de la Méditerranée , pour la vendre aux Francs. On envoyé tous les ans plus de deux mille charges de Chameaux, des environs de Teflis 8c du relie de la Géorgie , à Erzeron de la racine appellce Boia. D'Erzcron elle pa(Te dans le Diurbequis où l'on l'employé à teindre des toiles que l'on y fabrique pour la Pologne. La Géorgie fournit aufli beaucoup de la même racine pour l'indoftan où l'on fait les plus belles toiles peintes. Nous ne manquâmes pas de nous aller promener au Bazar de Teflis dans lequel on voit toutes fortes de fruits , 8c fur-tout des Prunes , 8c d'excellentes Poires de Bon Chrétien d'Eté. Nous allâmes aufli nous promener à la maifon de campagne du Prince , qui eft dans le fauxbourg par où on arrive de Turquie. Cette du Levait. Lettre XF1IL lyf maifon eft diftinguée pat une cftrapadc qui eft audcvant de la porte ; les Jardins y font beau- coup mieux plantez & mieux ordonnez que ceux de Turquie. C'eft dans ces Jardins que nous vî- mes avec admiration cetee belle efpecc de Perfï- caire à feuilles de Tabac , dont j'ay donné la fi- gure & la defeription dans un volume de \'Hif> toire de l'Académie Royale des Sciences.^ Mr Com- melinena fait mention dans fon Traité des Plan- tes Rares. Comme la graine n'étoit pas meure pour lors , nous priâmes un Capucin Italien qui avoit fini fa Million à Teflis , & qui devoir s'en revenir par Smyrne , d'en amaiîer dans le temps} ce Père Ta communiquée , comme nous , aux cu- rieux de Hollande & d'Angleterre. Nous en trou- vâmes auiîi dans les Jardins des Moines des Troh Eglifes. La maifon du Grand Vifir eft la plus belle de la ville. A peine étoit-elle achevée quand nous arrivâmes à Teflis. Les appartemens font en en- filade , mais bas , à la mode du pays , avec des frizes de fleurs qui font d'un allez mauvais goût, de même que les tableaux d'hiftoire , dont les figures font mal defîinées , mal colorées , & en- core plus mal groupées. Les Pcrfans y quoique Mahometans , fe fervent de tableaux , & l'on peint à frefque dans Teflis fur le plâtre gâché , d'une manière qui n'eft pas défagrcable. Le plâ- tre y eft fort commun, auflî-biën que le bois , quoiqu'on y brûle ordinairement de la bouze de vache. On croit qu'il y a environ vingt mille âmes dans la ville , fçavoir quatorze mille Armé- niens trois mille Mahometans, deux mille Géor- giens & cinq cens Catholiques Romains. Ces derniers font des Arméniens convertis > ennemis 'i-;i Voyage déclarez des autres Arméniens ; les Capucins Ita- liens n'ont jamais pu les réconcilier enfemble. Nous logeâmes chez ces bons Pères qui font fort aimez en Géorgie où ils font les médecins des corps & des âmes. lis n'y manquent pas d'occu- pation, car ils ne font que trois , c'eft à dire deux Pères & un Frère. La Congrégation de la Propa* ganda ne leur donne prefentement que zj.écus romains par têie , qui valent cent livres de Fran- ce ; maison leur permet d'exercer la Médecine ? laquelle on fuppofe qu'ils favent } quoique pour- tant ils n'en ayent que de tres-legers principes. Si le malade meurt , ou s'il ne guérit pas , les Médecins ne font point payez ; s'il guérit , ce qui arrive par hazard , on envoyé du vin au Cou- vent , des vaches , des efclaves , des moutons , &cc. Leur Couvent eft joli -, ils y reçoivent pref- que tous les Francs qui partent par Teflis , &c leur hofpice appartient aux P. Capucins de la Romagne. Le Supérieur de la Maifon prend la qualité de Préfet des Mijfion's de Géorgie. Les Theatins qui étoient dans la Colchide ou Men- greiie recevoient de la même Congrégation cent écus par tête , & ils étoient devenus Seigneurs d'une ville. Il n'y a plus à prefent qu'un feui de leurs Pères qui y fane fa réfidence , les autres fç font retirez. Le Patriarche ou Métropolitain des Géorgiens reconnoît le Patriarche d'Alexandrie , 8c tous les deux conviennent que le Pape eft le premier Patriarche du monde. Quand celui des Gieorgiens vient chez les Capucins , il boit à la faute du Pape ; mais il ne veut pas le reconnoître autrement. Le Roy de Perfe nomme le Patriarche de Géorgie fans exiger aucun prefent ni argent. Celui des Arméniens au contraire qui fe tient à i>tf Levant. Lettre XVIII. i-ft Erivan , dépenfe plus de vingt mille écus en prc-* fens pour obtenir fa nomination , & fournit cha- que année toute la cire qui fe brôle dans le Pa- lais du Roy. Ce Patriarche eft fort méprifé à la Cour , de même que les Arméniens ; on les re- garde comme un troupeau d'efclaves qui ne fçau- roieut s'aguerrir ni fe révolter. Le Roy de Perfe eft obligé de faire en Géorgie beaucoup plus de dépenfe , qu'il n'en retire dé profit. Pour maintenir dans les intérêts les Sei- gneurs Géorgiens , qui font les maîtres du pays , Se qui pourraient fe donner aux Turcs , il les gratifie de groilés penfîons. Les Turcs les rece- vroient à bras ouverts s ôc les Géorgiens qui font gens bien-faits & propres pour les armes , ont d'ailleurs aflfez de penchant à changer de maître. Avant que la Cour de Perfe fut informée de leur foulevement , ils pourraient non feulement s'u- nir avec les Turcs , mais encore avec les Tartares & les Curdes. Il y a dans la Géorgie une douzak ne de familles confidérables qui vivent en bonne intelligence , pal* rapport à leurs intérêts com- muns. Elles font divifées en plufïeurs branches , les unes ont deux cens feux , les autres depuÎ3 cinq cens , jufques à mille , deux mille , & même il s'en trouve qui pofîedent jufques à fept ou huic mille feux. Ces feux font autant de maifons qui compofent les villages , & chaque feu paye la dixine à (on Seigneur. Chaque feu fournit un homme pendant la guerre ; mais les foldats ne font obligez de marcher que pendant dix jours , parce qu'ils ne peuvent porter des provifions que pour ce temps-là , & ils fe retirent quand elles viennent à manquer.fuppofé qu'on n'ait pas pour- vu à leur entretien. ij4 V O Y A G 5 Chacun peut faire de la poudre dans Teffîs pour Ton ufage ; on y apporte le fouffrc du Gan- gel , Se le nître fe tire des montagnes voifines de Teflis, Le Tel foiïilc eft tres-commun fur le che- min d'Eirivan; L'huile d'Olive y eft fort chère ; on n'y mange de on n'y brûle que de l'huile dé Lin ; toutes les campagnes font couvertes de cette Plante j maison ne là cultive que pour la graine , car on jette la tige fans là battre pour la filer : quelle perte ? on en feroit les plus belles" toiles du monde ; peut-être aulîi que ces toiles feroient grand tort à leur commerce de toiles de coton, Le Kur porte là fertilité par toutes ces campagnes ; il paHfe au milieu de la Géorgie, &c fa fource vient du Mont Caucafc Strabon en a bien connu le cours. Ce hit- là que les Roy s d'I- berie & d'Albanie , comme dit Appien , fe mi- rent en embufeade avec foixante & dix mille hommes pour arrêter les progrès de Pompée; mais ce Général refta un Hiver entier fur fes bords , de tailla en pièces les Albanois qui oférent le palïet en fa prefence. Ce fleuve en reçoit plufieurs au- tres , outre l'Araxe qui eft le plus grand de tousj enfuite il le jette dans la mer Càfpienne par dou- ze embouchures toutes navigables. Plutarqué doute fi le Kur fe mêle avec l'Araxe ; mais fans rapporter ici le fentiment des anciens Géogra- phes , Olearius qui avoit été fur les lieux , nous en alfùre dans fon Voyage de Mofcovie , de Tar-» tarie & de Perfe. Pour finir ma lettre , Mr8r , je n'ai plus qu'à vous entretenir de ce que j'ai appris , fur les lieux, touchant la religion des Géorgiens , fuppofé qu'- on doive leur faire l'honneur de dire qu'ils en ont une. L'ignorance & la fuperftition régnent h fort bu Levant. Lettre XVI IL ny$ parmi eux , que les Arméniens n'en fçavent pas plus que les Grecs , &c les Grecs font aufîî igno- rans que les Mahomerans. Ceux qu'on y appelle Chrétiens , font confifter toute leur religion à bien jeunet' , & fur-tout à obferver le grand Ca- rême ii rigoureufement , que les Religieux de la Trappe auroient peine à y réfifter. Cependant non feulement pour l'exemple 5 mais encore pour éviter le fcandale , il faut que les pauvres Capu- cins Italiens jeûnent fans neceiïué auffi fouvenc & aufîl féverement que les gens du pays. Les Géorgiens font h" fuperftitieux , qu'ils fe feroient baptifer une féconde fois s'ils avoient rompu leurs jeunes* Outre l'Evangile de Jefus-Chrift ^ ils ont leur petit Evangile qui court en manuf- crit chez eux , & qui ne contient que des extra- vagances ; par exemple , que ^efns-Chrifl étant enfant apprit le mitier de Teinturier } & qu'étant commandé par un Seigneur pour aller en commiffion , il tarda trop a venir \ furquoi ce Seigneur s'irnpa- tient ant alla chez, [on maure pour en apprendre des nouvelles. Jefus-Chrifl étant arrivé quelque tetnps après y fut frappé par cet homme , mais le bâton dont il s' et oit fervi , fleurit fur le champ & ce mi- racle fut la caufe de la converfion de ce Seigneurie, Quand un Géorgien vient à mourir , s'il ne laide pas beaucoup d'argent , comme c'eft l'or- dinaire , les héritiers font enlever deux ou trois enfans de leurs valTaux , & les vendent aux" Maho- merans , pour payer i'Evêque Grec à qui on don- ne jufques à cent écus pour une Mefl'e de mort» Le Catholîcos ou I'Evêque Arménien met fur la poitrine des morts de fon Rite, une lettre , par laquelle il prie S. Pierre de leur ouvrir la porte où quelques-uns ont placé le Paradis Terreftre ; il me femble que c'eft en vain qu'on voudroit faire quatre grandes ri- vières du fleuve Jourdain , qui pour ainiî dire n'eft qu'un ruifléau : cette contrée d'ailleurs eft du Levant. Lettre XIX. 181 fcche & picrreufe. Nos Sçavans en jugeront com- me il leur plaira ; pour moi qui n'ai pas vu de plus' beau pays que les environs des Trois Egli- ies , je me lens fore difpofé à croire qu'Adam Cv Eve y ont été créez. Nous partîmes donc pour ce beau lieu le 16. Juillet , mais nous ne campâmes qu'à quatre heu- res de Teflis , afin de joindre une Caravane de- flinéé pour les Trois Eglifes. Elle s'alfembla dans une grande plaine où finit la vallée de Teflis. Cette plaine eft agréable par Tes vergers &c pat- res jardins. Le fleuve de Kur la traverfe , & coule du Nord-Nord- Eft , au Sud-Sud-Eft ; le chemin que nous tenions avoit à peu près la même direc- tion. La plupart des marchands de la Caravane fi- rent provifion , autour de nôtre camp , de cer- tains rofeaux fort déliez & fort propres pour écrire à leur manière. C'eft une efpece de Canne qui ne croît que de la hauteur d'un homme , &c dont les tiges n'ont que trois ou quatre lignes d'épaifleur , folides d'un nœud à l'autre , c'eft à dire remplies d'un bois moiielleux ôt blanchâtre. Les feuilles qui ont un pied & demi de long , fur huit ou neuf lignes de large , enveloppent les nœuds de ces tiges par une gaine velue , car le refte eft liflc , vert-gai , plié en gouticre à fond blanc. La pannicule ou le bouquet des fleurs' n'étoit pas encore bien épanoui , mais blanchâ- tre , foyeux > femblable à celui des autres ro- feaux. Les gens du pays taillent les tiges de ces rofeaux pour écrire mais les traits qu'ils en for- ment font tres-grofliers, & n'approchent pas de h beauté des caractères que nous kufons avec nos plumes. Le 17. Juillet on parût fur les onze heures M iij îSl V O Y A G f du foir , & nous marchâmes jufques à fix heures çiu matin dans des plaines marécageules \ mais lions perdîmes dans la nuit nôtre rivière , & nous fûmes fi fort déforientez , quand le jou r pa- rut , que nous ne faunes de quel côté clic s'etoit jettée. Cependant elle doit fe tourner infenfîble- ment vers l'Orient pour aller fe rendre à la. mer Çafpienne -, & l'Araxe qui va joindre le Kitr en doit faire de même ; mais il faut que ce foit loin d'Erivan , puifque dans toute nôtre route , nous n'avons plus vu ni entendu parler du Kur. On Ce repofa ce jour-là jufques à huit heures, & Ton ne marcha que jufques à environ raidi & demi , pour sJ arrêter à Sinichopri village où il y a un allez beau pont de pierre , & une efpecc de Fort abandonné. Nous en partîmes fur les deux heures pour aller camper dans des montagnes affez her- bues , où nous fûmes furpris de trouver des Plan- tes les plus communes , parmi quelques autres aifez finguliéres. Qui eft-ce qui fe feroit atten- du de voir des Orties , de l'Eclairé , & du Me- îilot furie chemin du Paradis Terreftre. Il y en a pourtant , aufîî-bien que de YOrigan commun , & des Mauves ordinaires. Le Diclame blanc efl parfaitement beau à l'entrée de ces montagnes , pu Ton fentoit une fraîcheur qui faifoic grand plaifir. Nous ne fûmes gueres plus heureux en Plan- tes , le lendemain z8. Juillet , & je commençai à douter fi nous allions vers le Paradis Terreftre, ou fi nous lui tournions le dos ; car enfin après avoir marché, depuis deux heures après minuit jufques à fept heures du matin , dans des monta- gnes couvertes de bois & de pâturages , nous ne Trouvâmes fur les grands chemins que du Millet, du Levant. Lettre XIX. 183 <5.u M amibe noir & blanc , de la Bar dan e , de la petite Centaurée , du Plantin , fans répéter les Orties & les Aiauves du jour précèdent. Comme l'ennui ne donne pas beaucoup d'appétit ; que d'ailleurs toute matière d'érudition nous man- quoit , & que nous avions lieu d'appréhender , de ne voir dans nôtre prétendu Paradis Terreftre, que les ronces &z les chardons que le Seigneur y a voit fait naître après la chute du premier Hom- me , nous aurions fort mal patlé nôtre temps fans une efpece admirable de Ciboulette dont la fleur fent le Storax en larme. Ses feuilles cV les racines qui ont l'odeur de la Ciboule d'E (pagne , nous firent trouver plus de goût aux provisions qui nous reftoient. La racine de cette Plante eft prcfque ronde , afTez douce , & d'une odeur qui participe de celle de l'ail & de l'oignon. Les cayeux qui l'ac- compagnent forment une tête d'un pouce de dia- mètre. La tige s'élève à deux pieds & demi , cpailfe de àewa ou trois lignes , folide , lifTe , couverte d'une fleur ou poufïïére fcmblable a celle des Prunes fraîches , & garnie de quelques feuilles d'un pied & demi de long , creufes ôc larges de trois lignes. Cette tige eft terminée par une tête arrondie , d'un pouce & demi de dia- mètre , dont les fleurs qui font foucenuë's par des pédicules de quatre lignes de longueur , font à ïîx feuilles de deux lignes de long , relevées fur le dos , luilantes, ronge-brun , plus clair fur les bords. Du milieu de ces feuilles fortent autant d'étamines purpurines qui les furpaflent d'une li- gne , & qui font chargées de fommets de même couleur. Le piftile eft à trois coins , verdàtrc , Se devient un fruit fcmblable à ceux des autres cf- M» iiij ?$4 Voyage pcces à'Olgnon , c'eft à dire à crois loges ; maïs îl n'étoit pas allez avancé lur la plante dort nous parlons, pour pouvoir être décrit. On partit à minuit le 29. Juillet , c\ nous paffàmes par des montagnes ai'fez rudes , 0.1 il y a. des forêts , comme nous le reconnûmes à la poin- te du jour , remplies de Sabines aufîi hautes que des Peupliers. Elles différent del'efpcce que l'on a décrite dans la dixième Lettre , en ce que les Feuilles qui font de la tiiîure des feuilles de Cy- près , ne font pas ferrées les unes contre les au- tres , mais écartées fur les cotez , & dibofées trois à trois comme par étages. Les écail.cs de ces feuilles font longues d'une ligne de demi, ter- minées par un piquant , vert-gai en delîus , fari- neufes & jaunâtres en delTous. Ces arbres étoient tous chargez de fruits verts , d'un demi poice de diamètre. Nous campâmes ce même matin depui; fept heures du matin jufques à onze heures. Eifuite l'on marcha l'après midi jufques à une lie are 6c demi s pour s'arrêter à Dilijant village c'alïez tielle apparence. Des gardes portez lur le grand chemin , prétendoient que partant de Géorgie dans te pays de Cofac , qui eft une petite centrée entre la Géorgie de l'Arménie , nous deviors pa- yer un Scqnin par tête ; mais comme nom fça- vions que les Perfans étoient de bennes gens.nous commençâmes à faire les médians , & à portes nos mains fur nos fabres. En effet à force de crier & de parler une langue qu'ils n'entendoien: pas, comme nous n'entendions pas non plus la .eur , ils noi lailfércnt en repos. Tant il eft vra: que par tout pays ceux qui font le plus de bruit , de qui font en plus grand nombre , ont toujours du L F. V A M T. Lettre XIX. 185 ïailon. Cependant comme les plus dillingucz du lieu , qui s'étoicnt alfemblez au bruit , curent allure nos voituriers que les gens à cheval qui pallcnt par là payent ordinairement un Abagi par tete , nous le donnâmes volontiers ; après -quoi les gardes nous firent plus d'exeufes & plus de remercimens que nous n'en méritions. On nous apprit que ces iortes de droits étoient deilinez pour la garde des chemins , & que cela fe piaii- quoit dans pluiieurs Provinces de Pcrfe où les Gouverneurs payent des gens pour la fureté p«« blique : le Roy ne leur permettant de faire exi- ger ces droits , qu'à condition qu'ils feront rc- iponfables des marchandifes volées. Les habitans du Coiac paflent pour fiers & fé font defeendre de ces Colaqucs qui habitent dans les monta- gnes , au Nord de la mer Cafpienne. Les bour- geois de Dilijant , qui s'etoient attroupez autour, de nous , nous firent demander pourquoi nous n'avions pas des habits à la franque , : des cha- peaux : Nous leur répondîmes que nous venions de Turquie où l'on eft fort mal reçu avec un pa- reil équipage. Cela les fit rire. On nous prcleii- ta d'allez bon vin , & nous continuâmes notre route encore pendant une heure audelà du villa-r ge , pour aller camper jufques au- haut d'une montagne couverte de Chefnes , d'Ormeaux , de Frênes , de Sorbiers , ôc de Charmes à grandes c'eft à dire la defeente du Fils unique , à ce qu'on nous dit , par- ce qu'ils croyent que le Seigneur apparut à Saint Grégoire en ce lieu-là. Nous n'en doutâmes pas; car nous n'entendions pas un feul mot d'Armé- nien vulgaire ni littéral. Quoique nous ne fuf- fions pas fort avancez dans la connoiffanec de la langue Turque , comme pourtant nous fçavions compter jufques à dix , nous comprîmes facile- ment que nich [qui lignifie trois joint à kjiffé , mot corrompu à'Ecclcfia , devoir lignifier Trois E&'fes 3 & c'eft le nom que les Turcs y ont don- •i88 Voyage né j mais ils dévoient plutôt avoir appelle ce bourg les Quatre Eglifes , puifqu'il y en a pâtre qui paroiftent bâties depuis long-temps. L:s Ca- ravanes y féjournent pour faire leurs dévouons , c'eft à dire pour s'y confcfter , communier , ôc pour recevoir la bénédiction du Patriarche. Ce Couvent eft compofé de quatre corps c!e logis bâtis en manière de cloîtres , difpolez fir un quatre fort long , comme il eft ici gravé. Les cel- lules des Religieux & les chambres que l'on don- ne aux étrangers , font toutes de même figure , terminées par un petit dôme en forme de celotte, dans la longueur de ces quatre cloîtres. Ainlî cette mai ion doit être regardée comme un u*and Caravanferai où les Moines ont leur logenent. L'appartement du Patriarche , qui eft a droite en entrant dans la cour, eft un corps de logis plus élevé & de plus belle apparence que bs au- tres. Les Jardins en font agréables , bien m t re- tenus ; & généralement parlant les Perfans font bien plus habiles Jardiniers que les Turcs. En Perfe on plante les arbres en alligncment ; on ordonne allez- bien les Parterres ; les compara- mens font d'un bon goût , & les plantes y font difpofées & efpacées avec propreté ; au lieu que tout eft en confufion chez les Turcs. L'cncjinte des Jardins du Patriarche , de même que la plu- part des maifons du bourg , n'eft que de boue fe- chée au foleil , & coupée en grands & gros cuar- tiers que l'on pofe les uns fur les autres , & que Ton joint enfemble avec de la terre détrempée , au lieu de mortier. Les murailles des Parcs au- tour de Madrid font de même matière ; les £fpa- gnols appellent Tablas ces pièces de terre eu tes 3 ou pour mieux dire fechées au foleil. du Levant. Leitre XIX. 189 L'Eglife patriarchale eft bâtie au milieu de la grande cour , & dédiée à Saint Grégoire l'Jllumi- nateur , qui en fat le premier Patriarche , du temps de Tiiidate Roy d'Arménie , fous le grand Comlantin. Les Arméniens croyent que le Palais de ce Roy étoit à la place du Couvent , & que Jefus Chriil te manifefta à Saint Grégoire dans l'endroit ou eft lTglile. Ils y confervent un bras de ce Saint, un doigt de Saint Pierre, deux doigts de Saint Jean Baptifte , une côte de Saint Jac- ques. C'eft un bâtiment tres-folide & de belles pierres de taille \ les piliers en font fort épais , de même que les voûtes ; mais tout l'édifice eft obf- cur &c mal percé , terminé en dedans par trois Chapelles , dont la feule du milieu eft ornée d'un autel ; les autres fervent de facriftie & de Tré- ior. Ces deux pièces font remplies de riches or- ncaicns d'Egliles £c de belle vaiiTetle. Les Armé- niens qui ne ie piquent de magnificence que dans les Egliies , n'ont rien épargné pour enrichir cc\- îe-ci. On y voit les plus riches étoffes qui fe faf- fent en Europe. Les vafes facrez , les lampes , les chandeliers font d'argent , d'or ou de ver- meil. Le pavé de la nef Se celui du presbitere font couverts de beaux tapis. Le presbytère, ou le tour de l'autel , eft tapitTé communément de Damas , de velours ou de brocard. Cela n'eft pas iurprenant , car les marchands Arméniens qui commercent en Europe-& qui font de gros gains, font des prefents magnifiques dam cette Eglife ; mais il eft furprenant que les Perfans y fouirrent tant de richelles. Les Turcs au contraire ne per- mettroient pas aux Grecs d'avoir un chandelier d'argent dans leurs Egli f*6 : rien n'eft plus pau- vre que celle du Patriarche de Conftantinople. 19* Voyage Les Moines des Trois Eglifcs Te font honneur de montrer les richclFcs qu'ils ont reçues de Rome, & font des fouris moqueurs quand on leur parle de la réunion* Plusieurs Papes leur ont envoyédes Chapelles entières d'argent , fans qu'elles ayenc encore rien opéré. Les Patriarches julques ici ont ainufé les Millionnaires ; il n'clt pas inal-aifé de tromper les gens qui font de bonne foy. La réunion des religions eft un miracle que le Sei- gneur opérera lorlqu'il le jugera à propos. C'en; du Ciel qu'il faut attendre la véritable converfion des Schifmatiques , dont le nombre eft infini- ment plus grand que celui des Arméniens Ro- mains. Ces malheureux Schiimauques > par leur crédit & par leur argent , feraient dépofer un Pa- triarche qui donneroit les mains a la réunion. La haine qu'ils Ont pour les Latins paroît irré- conciliable î enfin foit par envie , foit par inte- reft , les Prêtres Schématiques Arméniens ou Grecs veulent commander abîolument chez eux, & les Patriarches font obligez de leur céder , de peur que la populace ne fe fouleve. L' Architecte qui a donné le defléin de l'Egh'fe Patriarchale étoit un fort habile Maître , fuivant je ne fçai quelle tradition des Arméniens ^ qui prétendent que ce fut efus-Chrift lui-même qui en traça le Plan en prefence de Saint Grégoire , Se qui lui ordonna de l'exécuter. Au lieu de cra- yon , à ce qu'ils difent 3 Jefus-Chrift fe fervit d'un rayon de lumière , au centre duquel Saint Grégoire luiioit fa prière fur une grande pierre quarrée , d'environ trois pieds de diamètre , que l'on montre encore aujourd'hui au milieu de l'E- glîfe. Si cela eft , le Seigneur y employa un ordre d'arehite&ui'e allez fingulier , car les dômes & le* d v Levant. Lettre X 1 X. ip t clochers font en pavillon d'entonnoir renverfé , Se terminez par une croix. Les deux autres Eglifes font hors du Monafte- re , mais elles tombent en ruine , & l'on n'y fait plus le fervice depuis long-temps. Celle de Sain- te Caiane cil à droite du Couvent , fuppofé qu'on y entre par la grande porte , & non par celle des Réfectoires. L'autre Eglife qui cita gauche Se bien plus éloignée de la maifon > porte le nom de Sainte Repfime. On prétend chez les Armé- niens que Caiane Se Repjime étoient deux Vier- ges Romaines qui furent martyrifées fur les lieux où font bâties leurs Eglifes. On fair même def- cendre Sainte Caiane , de je ne fçai quelle fa- mille de Caius. Ils font plus embarralfez à trou- ver la généalogie de Repjime dont le nom n'eft. pas Romain : cependant on lit dans leur Chro- nique,que c'étaient deux PrincelTcs Romaines,qui vinrent en Levant pour voir Saint Gregoirejmais Tiridate Roy d'Arménie ayant trouvé cela fore mauvais, fit defeendre Caiane dans un puis plein de ferpens , ne doutant pas qu'elle n'y mourût dans peu de temps : néanmoins la Sainte n'en fut pas blelfée ; les ferpens y périrent , Se Caiane y vécut en bonne fanté pendant quarante ans. Comment accorder tout cela avec la fuite de l'Hiftoire > car ils ajoutent que le Roy Tiridate en étant devenu amoureux , Se ne pouvant pas la fléchir , non- plus qu'aucune de fes compagnes qui étoient de belles perfonnes , Se que la Chronique met \\iC- ques au nombre de quarante , leur fît fouffrir à toutes le martyre. A l'égard de la campagne qui eft autour des Trois Eglifes, elle eft tout- à-fait admirable , Se je n'en connois point qui donne une plus belle 19- V O Y A O E idée du Paradis Terreftre. Ou n'y voit que ruîf- feaux qui la -rendent extrêmement fertile , & je doute qu'il y ait un pais lut la terre où l'on re- cueille autant de denrées tout à la fois. Outre la grande quantité de toutes iortes de grains qu'on en retire , on y trouve des champs d'une étendue prodigieule , tout couverts de tabac. Ce feroit une plailatîtc queftion à propoier en Bota- nique -, fçavoir fi cette plante étoit dans le Para- dis Terrdtre , car elle fait en ce mon le les dé- lices de bien des gens- qui ne fauroiînt fe pailcr d'en faire un continuel ulagc : cependant origi- nairement elle vient d'Amérique ; mais elle fe. porre auiîi-bien en Alie que dans fon propre pays. Le relie de la campagne des Trois Egiilcs cft: plein de Ris 9 de Coton , de Lin , de Melons , de Paf- téques, & de beaux vignobles. Il n'y manque que des Oliviers, &: jêne içai où. la Colombe qui îorcit de l'Arche fut chercher .un rameau d'Olivier i luppcfé que l'Arche fe foit arrêtée fur- ie Mont Aravat , ou kir quelque autre montagne . d'Armeriie ; car on ne voit pas de ces fortes d'ar- bres aux environs , où il faut que l'efpece s'en foit perdue ; cependant les Oliviers lont des ar- bres; immortels. On cultive auiîi beaucoup de Ricimis autour du Mon altère , pour en tirer de l'huile à brûler ; celle de Lin cil employée pour: la cuiùne. C'efl peut-être pour cette rai fon que la Pleurefîe eft allez rare en Arménie, quoique le climat y foit inégal ,. & parconféquent propre à produire cette maladie. Gefner remarque que l'huile de Lin , beuc à la place de celle d'aman- des douces , eft un excellent remède pour la plcureiie. A l'égard des Melons , il n'y en a pas de meil- leurs î> X7 Levait: Lettre XIX, ï|i • leurs dans tout le Lcv mt que ceux des Trois Egli- ses 8c des environs. Pour trente fols nous eri fai- fions charger un de nos chevaux , &c parmi ce grand nom re 1 s'en trouvoic quelques-uns fort fuperieurs à ceux que l'on mange à Paris ; mais ce qu'il y a d'admirable , c'elt qu'ils engrauîent , ÔC qu'ils ne font jamais aucun mal ; plus nous eri mangions , & mieux nous nous portions. Ceux qu'on appelle Melons d'eau ou Pafiéquës , dans là plus forte chaleur du jour , font comme à la glace quoique couchez fur terre au milieu des champs où la terre eft très chaude. On ne les cultive pas" dans des lieux aquatiques 3 comme on le croit en ce pays-ci ; mais on les appelle Melons d'eau par- ce que leur chair ne fe fond pas feulement à h bouche , mais qu'elle répand une fi grande quan- tité d'eau qu'on en perd la moitié , fur- tout quand on mord dans le fruit , comme font les gens du pays qui les pèlent & les mangent ordinairement comme des pommes : M os Poires de Beurré & la Mouille bouche font feches en comparaison de ces Melons. Ce (croient les fruits les plus délicieux: du monde s'ils avoient autant d'odeur & de goût que les autres Melons. La chair des Melons d'eau devient plus ferme dans leur parfaite maturité j & à proprement parler ne fe fond pas , mais cette eau délicieufe qui eft renfermée dans les cellules de la chair , fe vuide fi abondamment , comme par autant de petites ^urces , que bien Couvent les Orientaux préfèrent ce fruit aux meilleurs Me- lons. Les Arméniens appellent Carpous les Me- lons d'eau , mais, ils ont pris ce nom des Grecs qui le donnent à tous les fruits , & Carpous dans ce fcns-là veut dire un fruit par excellence. On éle~ ye les .meilleurs Melons dJeaudans ces terres &* Tome II L H rc)4 V Ô Y A G t lécs qui font entre les Trois Eglifes & I'Aras. Après les pluyes on voit le Tel marin tout criftal- lile clans les champs , & qui craque même fous les pieds. A trois ou quatre lieues des Trois Egliies fur le chemin de Tenis , il y a des carrières de fel fotfile , lefquelles fans être épuifees en fourni* roient fuflifammcnt à toute la PeiTe. On y coupe le fel en tj Levant. Lettre ï I jîi tjf 3îfe : comme il n'y avoit pas beaucoup d'étran- gers , nous avions autant de chambres que nous en voulions; Les Religieux , qui font la plupart Vertabiett) c'etl à dire DoUeurs , boivent à la gla- ce j Se nous en faifoient donner furfifamment j mais ils n'ont pas de fecret pour chalfer les coufins de leur Couvent. Nous étions obligez la nuit dé quitter nos chambres & de faire porter nos mate- lats dans le Cloître ou autour de l'Eglife , fur uri pavé de grands carreaux bien entretenus. Les cou- lins y étoient moins incommodes que dans les lieux couverts , mais cela n'empêchoit pas qu'ils ne fuçaffent beaucoup de nôtre fang ; nous avions tous les matins le vifage couvert de boutons } malgré toutes nos précautions. Les parterres qui font fur la gauche de l'Eglife font fort âgréablesj Les Amaranthes & les Oeillets en font les prin- cipaux ornemens ; mais ces fleurs n'ont rien dé fîngulier ni qui mérite qu'on en porte les graines en ce pays-ci , au contraire les curieux de Perfé s'accommoderoient beaucoup mieux des efpeces qu'on élevé en Europe. Nous ne cueillîmes dans les parterres du Couvent que la graine de cette belle cfpece de Per -ficaire dont les feuilles font aufïi grandes que celles du Tabac , & que nous avions obfcrvées à Teflis dans le Jardin du Prince. Voici la defeription d'une belle efpece de Lepidium & feuilles de Crefïon frifé, qui croît dans les champà entre le Monaftere & la rivière d'Aras. La racine pique en fond , longue d'un pied ^ grofle comme le petit doigt, dure, ligneufe , blan- che , peu chevelue , & produit une tige haute dé deux ou trois pieds , a(Tez branchu'ë , vert-gai ^ accompagnée en bas de feiiilLcs lougues de quatre pouces a fur deux pouces de large , tout-à-fait N ij iç)6 V O V A 6 H fcmblables à celles du Crejfon frizé , un peu plus charnues 3 liiïes des deux cotez , vert-gai , décou- pés en groilcs pièces jufqucs à la côte , laquelle commence par une queue aifez longue. La der- nière pièce eft plus grande que les autres 3 arron- die ôc frizée de même qae celles qui font fur le refte de la queue , lefquelles font quelquefois in- cifées plus profondément. Les feuilles qui nailTent le long des tiges font encore découpées plus menu. De leurs ailïelles naillent des branches allez éten- dues fur les cotez , garnies de bouquets de feuilles dont la plupart ne font pas découpées aflez fem- blablcs à celles de Ylberis commun. Les branches font fubdivifées en plufieurs brins tous chargez de fleurs blanches. Chaque fleur eft à quatre feuilles longues d'une ligne & demie , arrondies à la pointe & fort pointues à leur nailfance. Le ca- lice eft à quatre feuilles auflï , le piftile qui eft long de demi ligne coupé en fer de pique, devient un fruit de même forme plat , ÔC partagé en deux loges dans fa longueur. Chaque loge renferme une graine rouffe , tirant fur le brun , longue de demi ligne , applatie. Toute la plante a le goût & l'a- creté du Crejfon Alenois. Pendant nôtre féjour aux Trois Eglifes , nous fîmes chercher , mais inutilement , des voituriers pour nous conduire au Mont Ararat. Perfonne ne voulut être de la partie i les voituriers étrangers ne veulent pas à ce qu'ils difent , s'aller perdre dans les neiges : ceux du pays étoient employez pour les Caravanes , & ne vouloient pas aller fa- tiguer leurs chevaux dans un endroit il affreux. Cependant cette montagne il fameufe n'eft qu'à deux petites journées du Monaftere , & nous con- nûmes bien dans la fuite qu'il n'eft pas poflible de du Levant. Lettre XIX. 197 s'y engager , par la raifon qu'elle eft toute décou- verte, &c que l'on ne fauroit monter que jufques à la neige. Ce n'eft pas une grande merveille , quoi- qu'en difent les Religieux , de ne pouvoir pas en atteindre le Commet , puifqu'il eft prefque à moi- tié couvert de neige glacée depuis le déluge. Ces bonnes gens croyent , comme un article de foy , que l'Arche s'y arrêta. S'il eft vrai que ce foit la plus haute montage d'Arménie , fuivant le juge- ment des gens du pays ; il eft très- certain aufïi que c'eft la plus chargée de neige. Ce qui fait paroîtrc l'Ararat plus élevé , c'eft qu'il eft planté leul en forme de pain de lucre au milieu d'une des plus grandes plaines que l'on puilfe voir. Il ne faut pas même juger de fa hauteur par la quantité des nei- ges qui le couvrent , puifque la neige fe confer- ve dans le plus fort de l'Efté (tir les moindres col- lines d'Arménie. Quand on demande aux Moines Arméniens , s'ils n'ont pas des reliques de l'Ar- che , ils répondent fagement qu'elle eft . encore enfevelie dans les fondrières des neiges du Mont Ararat. Nous allâmes le 8. Aouft à Erlvan ville confî- dérable &c Capitale de l'Arménie Perfîenne , à trois heures de chemin des Trois Eglifes. Ce n'é- toit pas feulement dans le deffein de voir la Pla- ce , mais auiïï pour prier le Patriarche de nous faire donner des voituriers pour le Mont Ararat, fuivant le confeil des Religieux des Trois Eglifes , Ôc certainement nous n'en aurions pas trouvé fans un ordre de fa part. La ville d'Erivan eft remplie de vignes &c de jardins , bâtie fur une colline qui eft au bout de la plaine ; les m&iions mêmes s'éten- dent dans une des plus belles vallées de Perfe , ÔC dont les prairies font entremêlées d'arbres fruitiers N iij 198 Voyage & de vignobles. Les bourgeois d'Erïvan font affez {impies pour croire que leurs vignes (ont encore de ï'efpecc de celle que Noé y planta. Quoiqu'il en foît , elles produifent de fort bon \\n , & cela faic mieux leur éloge , que fi on les faifoit def- pendre de celles du bon Patriarche. La vallée eft arrofée par de belles fources , &c les maifons de campagne y font prefque aufîi nombreufes qu'aux environs de Marfeille. Il n'y a que le haut des col- lines qui deshonore le pays par (a (echereile , mais Ja vigne y feroit des merveilles s'il y avoir allez fie monde pour la cultiver. Les meilleures terres font couvertes de grains , de Coton &: de Ris , ce dernier eft principalement deftiné pour Erze- ron. Les maifons d'Erivan ne font qu'à un étage en tei-rafle , bâties de boue & de torchis à la ma- nière des autres villes de Perfe. Chaque maifon eft enfermée dans une enceinte ifolée , quarrée , anguleufe ou arrondie s haute d'environ une toi- fe. Les murailles de la ville , quoiqu'à double rempart en plulieurs endroits , n'ont gueres plus de deux toiles d'élévation, 8c ne font deffendue's que par de méchants ravelins arrondis , épais de de quatre ou cinq pieds. Toutes ces pièces s de même que les murailles , font de boiie fechée au foleil , fans être terraftees, Les murailles du Châ- teau qui eft au haut de la ville , ne valent guère mieux , quoiqu'elles foient a triple rang. Le Château qui eft prefque ovale , renferme plus de huit cens maifons occupées par des Mahome- tans j car les Arméniens qui y travaillent pendant le jour viennent coucher à la ville. On nous alliï- raque la garni fon de ce Château étoitdezjoo. hommes , la plupart gens de métier. La Place eft imprenable du côté du Nord , mais c eft l'ouvra- du Levant. Lettre XIX. 199 ge de ja nature , qui au lieu de remparts de boue, l'a munie d'un précipice eftroyablc , au fond du- quel patTc la rivière. Les portes du Château font garnies de tôle. Les farrafines & les corps de gar- de paroillent allez bien entendus. L'ancienne vil- le étoit peut-être plus forte , mais elle fut détrui- te pendant les guerres des Turcs Se des Perfans, Mr Tavernier allure qu'elle fut livrée à Sultan Mourat par trahifon , & que les Turcs y laifferent vingt-deux mille hommes de garnifon. Cependant Cha-Sefi Roy de Pcrfe l'emporta de vive force : Il fut le premier à l'allant , &: les vingt deux mille Turcs qui n'avoient pas voulu fe rendre , furent taillez en pièce. Mourat fe vengea en Prin- ce barbare dans Babylone •, il fit palier au fil de lJépée tous les Perfans qui s'y trouvèrent , quoiqu'il leur eût promis la vie par la capi- tulation. Du collé du Midi fur une butte , à mille pas environ de la Citadelle , efl: le petit Fort de Qtiet- chyca'm revêtu d'une double muraille ; mais ces fortes d'ouvrages craignent plus la pluye que le canon ; Quetchycala rellcmbie à ces forts de terre grade que l'on conftruit quelquefois à Paris pour faire exercer les Académiftes. Les canonieres de toutes les forcifications d'Erivan font d'une irructu- rc allez hngulierc ; elles avancent hors de la mu- raille en manière de ma(quc;d'un pied &c demi de faillie, & (ont terminées en capuchon ou en groin de cochon, ce qui met tout-à-fait à couvert la tête dufoldat qui elt commande pour tirer. Cela n'eft pas trop mal imaginé pour les poltronsmiais aiiiîl ils ne fauroient découvrir les ennemis que quand ils font à portée & qu'ils viennent fe placçr juftemenfc N iiij ^QO Y O Y A 0 * «du il faut pour fe faire tuer , car Ci les aflie'gez attendent qu'ils foient arrivez au pied des murail- les , ils ne peuvent plus tirer fut eux. Mr Chardin qui a mieux connu En van Se Tes environs , qu'aucun de nos voyageurs 3 en dé- crit exa&ement les rivières. Le Zengui coule au Nord-Oueft., & le Oueurboulae au Sud-Oueft , formé par 40. fontaines , comme l'exprime fou nom. Le Zengui vient du Lac d'Erivan à deux journées & demi de la ville ; mais je ne fçai pas fî c'eft le même Zengui dont j'ay parlé ci-devant. Le Lac qui eft profond & de zj . lieues de tour , çft rempli de Carpes & de Truites excellentes , dont les Religieux , qui font dans un Monade- re bâti fur l'ifle qui eft au milieu du Lac , ne pro- fitent gueres , car il ne leur eft permis d'en man- ger que quatre fois l'année , & ils ne peuvent par») Jer entre eux que ces jours là. Pendant le reftç de l'année ils gardent un filence perpétuel s & ne mangent que Tes herbes de leur Jardin , telles que la nature les leur prépare , c'eft à dire fans huile ttifeK Ces pauvres Moines font, comme autant de Tantales qui voyent à quatre doigts de leur bou- che d'excellens fruits fans y pouvoir toucher. Ce- pendant l'ambition n'eft pas tout-à-faic bannie de Ce lieu ; le Supérieur ne fe contente pas de pren- dre le titre d'Archevêque , il prend aulîi celui de Patriarche , & il le difpute même au Patriarche des trois Eglifes. On paffe le Zengui à Erivan fur un pont de trois arches , fous lefquelles on a pratiqué des chambres où le Kan , qui eft le Gouverneur du Ï>ays , vient quelquefois fe rafraîchir pendant es grandes chaleurs. Ce Kan tire tous les ans plus do vingt mille Tomans de la Province 3 c'eft à du Levait, lettre XIX. toi dire plus de neuf cens mille livres monnoye de France , fans compter ce qu'il gagne fur la paye des troupes deftinées pour garder la frontière. \{ eft obligé de donner ayis à la Cour , de toutes les Caravanes & de tous les Ambatladeurs qui pailem. A l'égard des. Ambaftadcurs , la Pcrfc eft le feul pays que je connoilïe , où ils foient entretenus aux dépens du Prince : rien , ce me femble , ne fait tant d'honneur à un grand Roy. Dès qu'un Ambadadeur ou un fnnple Envoyé a fait voir aux Gouverneurs des Provinces les Lettres dont il eft chargé pour le Roy de Perfe , on lui donne le Tain , c'effc à dire fa (ubjîftancc journalière. Tant de livres de viande, de pain , de beurre , de ris , & un certain nombre de chevaux & de chameaux. On fait bonne chère à Erivan. Les perdrix y font communes , de les fruits y viennent en abon- dance. Le vin y eft merveilleux ; mais les vignes donnent beaucoup de peine à cultiver , car le froid 6c les celées obligent les vignerons , non feulement à chaufler les feps , mais à les enterrer au commencement de l'hiver , pour ne les dé- couvrir qu'au printemps. Quoique la ville foie mal bâtie , elle ne laiflTe pas d'avoir certains beaux endroits : Le Palais du Gouverneur , qui eft dans la FortereiTe , eft confidérable par fa grandeur ÔC par la diftribution de Ces appartemens. Le Mei- dan ou la grande Place eft quarrée , & n'a gue- res moins de 400. pas de diamètre. Les arbres y font aulîi beaux qu'à Lyon dans la Place de Bel- lecour. Le Bazar, qui eft le lieu où fe vendent les ^lûarchandifes , n'eft pas defagréablc. Les Bains & les Caravanferais ont auflî leurs beautez , fur tout le Caravanferai neuf qui eft du côté de la 2-Oj. Voyage Forterefle. Il femble qu'on entre d'abord dans une Foire , car on palle par une galerie où l'on vend routes fortes d'étoiles. Les Eglifes des Chrêiiens font petites & à demi enterrées. Celles de l'Evêché , & l'autre que Ton appelle Catoviqué , ont été bâties , dit-on , du temps des derniers Rois d'Arménie. On voit du côté de l'Evêché une vieille Tour d'une ftructurc allez finguliere ; elle auroit quelque rapport a à la Lanterne de Diogenes , li fon architecture n'é- toitdans le goût Oriental. Elle cft à pans s &le dôme qui la termine a quelque chofe de plus agréable ; mais les gens du pays ne fçavent à quel ufage elle a fervi , ni dans quel temps elle a été bâtie. Les Mofqnécs de la ville n'ont rien de par- ticulier. Mr Chardin allure que les Turcs prirent Erivan en 1582. &: qu'ils y bâtirent la Forteref- fe ; que les Perfans l'ayant reprife en 1604. la mirent en état de refifter au canon ; qu'elle foutint un fiege de quatre mois en 1615. que les Turcs furent obligez de le lever; qu'ils n'emportèrent la place qu'après la mort d'Abas le grand ; qu'en- fin les Perfans l'ayant reprife en 1635. ils en font demeurez les maîtres depuis ce temps-là. Apres nous être promenez dans la ville, nous allâmes voir le Patriarche des Arméniens qui lo- ge dans un ancien Monaftere hors de la ville; mais il s'en faut bien qu'il ne foit auiïi-bicn logé qu'aux Trois Eglifes. Ce Patriarche qui s'appelle JVahabiedy étoit un bon vieillard allez rougeau , qui par humilité , ou pour être plus à fon aife , n'avoit fur fon corps qu'une mauvaife foutane de toile bleiie. Nous lui baifâmes les mains à la mode du pays , ëc cette cérémonie lui fit grand plaifir, à ce que nous dirent nos Interprètes j car il y a Monument d'Athènes. du Levant. Lettre X I X. 203 bien des Francs qui ne lui font pas le même hon- neur ; mais nous lui aurions baifé les pieds pour peu qu'il eût témoigné le fouhaiter , attendu le befoin que nous avions de fon crédit. Par recon- noifFance il nous fît fervir une colation, à la verife tres-frugale. On vit paroître , fur un cabaret de bois , un plat de noix au milieu de deux afîiet- tes , fur l'une defquelles il y avoir des prunes & fur l'autre des raifins. On ne nous prefenta ni pain , ni foiialfe , ni bifeuit. Nous mangeâmes une prune & bûmes chacun un coup à la famé du Prélat , c'étoit d'excellent vin rofé ; mais com- ment reboire fans pain ? nos Interprètes qui étoient dans le Veftibule eurent l'efprit de s'en faire donner , fans ofer pourtant nous en prefen- ter ; nous auriens exeufé volontiers pour le coup leur incivilité ; ils entrèrent après la colation , & nous fîmes prier pour lors le Maître de la maifon de nous faire donner pour nôtre argent de bons chevaux & des guides qui pûtfent nous conduire au Mont Ararat. Quelle dévotion avez, vous > dit-il, pmrle Mont Macis ? c'eft le nom que les Armé- niens donnent à cette Montagne 5 les Turcs l'ap- pellent Agrida. Nous répondîmes , que nous trou- vans fiprès d'un lieu ceiebre , fur lequel on croyait que l'Arche de Noé s' et oit arrêtée , nous ferions mal reçus dans nôtre pays fi nous nous retirions fans le voir. Vous aurez, de la peine , dit le Patriarche d'aller jufque s aux neiges ; çr pour ce qui efl de l'Ar- che , Dieu n'a jamais fait la grâce de la faire voir à perfonne qu'àunfaint Religieux de notre Ordre , qui après cinquante ans de jeûnes & de prières y fut miraculeufement tranfporté ; mais le froid le pénétra fi fort , qu'il en mourut a fon retour. Nô- tre Interprète le fit rire en lui répliquant de nôtre part 3 qu'après avoir jeune & prié la moitié de notre 2.04 V 0 Y A G E vie , nous demanderions à Dieu la grâce de voir le Paradis , plutofi que les débris de la maifon de Noé. On nous raconta aux Trois Eglifes , qu'un de leurs Religieux nommé Jaques , qui fut en- fuite Evêque de Nifibe, réfolut de monter au fom- met de la Montagne ou de périr eu chemin , trop heureux d'avoir tenté de découvrir les reliques de l'Arche -, qu'il exécuta fon deffeirî avec beau- coup de peine , car quelques efforts qu'il filt pour y monter , il fe trouvoit toujours , après (on ré- veil , dans un certain endroit à peu près vers le milieu de la hauteur : que ce bon homme connut bien , après quelques jours , qu'il tenteroit inu- tilement d'aller plus loin , de que dans fon afflic- tion un Ange lui apparut &c lui apporta le bout d'une planche de l'Arche. Jaques revint au Cou- vent chargé d'un Ci précieux fardeau ; mais avant que de partir l'Ange lui déclara que Dieu ne vou- loit pas que les hommes allaient mettre eu pièces un vaUfeauqui avoit fervi d'afile à tant de créatu- res. C'eft ainfl que , par de femblables contes s les Arméniens amufent les étrangers. Le Patriarche nous fit demander Ci nous avions veû le Pape , & trouva fort mauvais quand nous répondîmes , que ce ne feroit que pour nôtre re- tour. Comment , dit- il, vous veneT^de fi loin pour me voir , & vous n'ave\^ pas veù votre Patriar- che ? Nous n'ofâmes pas lui dire que nous n'étions venus en Arménie que pour chercher des Plantes. Que vous femble s continua- t-il , de mon Eglife d' ItchmiadXjn ? en ave^jvous d'aujfi billes en Fran* ce ? Nous lui répondîmes que chaque pays avoit [es manières de bâtir : que nos Eqlïfes étoient dans un goût fort différent , & que nous n'avions reconnu l'habileté des ouvriers que dans les chandeliers , du Levant. Lettre XIX. 205 les lampes & le refle de fa vaiffelle. Ces pièces n'é- toient certainement: pas de fabrique d'Arménie; Pendant que ce vénérable Prélat , que l'on au- roit pris en ce pays-ci pour un bon Maître d'Eco- le de campagne , donnoit Tes ordres nous deman- dâmes à voir fa Chappelle 3 ÔC nous mîmes trois écus dans le bafîin pour payer la colation ; 011 fait ces fortes de charitez , plutoft par bienféan- ce que par dévotion, On nous offrit encore à boire à nôtre retour , ce que nous refuiam.es d'abord ne voyant point venir de pain -, mais il fallut boire pour remercier le Patriarche qui bût aulîi à nôtre fanté ; tout cela fe palfa fort agréa- blement. Après les complimens ordinaires , il nous donna un homme de fa maifon , avec une Lettre de recommandation pour les Religieux qui font fur la route du Mont Ararat ; ainfï nous al- lâmes coucher ce jour-là à deux heures d'Erivan a dans un Couvent d'Arméniens au village de Nocquevit. Nous y bûmes d'excellent vin clairet tirant fur l'orangé & auffi bon que celiïi de Can- die : mais de peur cuie le pain ne manquât , nous fîmes dire par nos Interprètes , que nous ferions les chofes honnêtement. Cette promeffe eut tout le fuccés que nous pouvions attendre ; nous fû- mes bien traitez , aufïî leur tînmes-nous parole le lendemain avant que de partir. La Campagne de Nocquevit eft admirable , toutes fortes de biens y abondent , & l'on y mé- priie des Melons que l'on eftimeroit fort à Paris. On ne bâtit dans tous ce quartiers-là qu'avec des quarieaux de bolie cuite au foleil , faute de bois. Nous partîmes à quatre heures du matin le 57. Aouft, avec des vifages défigurez par les piqueu- io6 V o y a g s res des coufins qui nous faifoient une cruelle guer- re pendant la nuit depuis quelques jours. Nous continuâmes nôtre route par une grande & belle plaine qui conduit au Mont Ararat. On fe retira fur les huit heures du matin à Corvirap ou Couer- virab qui en langue Arménienne iignifie,à ce qu'on dit, l'Eglife du Puis. Corvirap eft un autre Mo- naftere d'Arméniens dont l'Eglife eft bâtie fur un Puits j où ils atîikent que Saint Grégoire fut jette & nourri miraculeufement , comme Daniel dans la Folle aux Lions. Le Monaftere paroît comme un petit Fort fur le haut d'une colline qui domine fur toute la Plaine , de c'eft de cette hauteur que nous commençâmes à voir la rivière #Ayas fî connue autrefois fous le nom d'Araxes j elle paf- fe à quatre lieues du Mont Ararat. Nous fûmes obligez de nousrepofer &: de nous rafraîchir dans ce Monaftere , car nous paillons de cruelles nuits à caufe des coufms & le jour les chaleurs étoient infurpportables. Ce genre de vie duroit cependant depuis Terlis \ mais nous fûmes tout confolez de nos langues à la veliedc l'Araxe & du Mont Ararat.- De Corvirap on découvre diftindtement les deux fommets de cette fameufe Montagne. Le petit * qui eft le plus pointu , n'étoit point couvert de neige , mais le grand en étoit furieufement charge. Voici les Plantes que nous décrivîmes dans de Monaftere , pendant que nos voituriers fe repoloient; Caidnus Orientalis Cofli hortenfis folio , CorolL Inji. Rei herb- pag. 31. La racine de cette plante eft longue d'environ un pied , dure, ligneufe , blanche , grolTe au colet comme le petit doigt , garnie de plufiéurs fibres , & couverte d'une ' écoree rouffàtre t elle pouffe Tom.^ . pag ■ 3.06 - CcLrcLuiw Or un taiur Costi rurrtcrisis toiio Ccrcii.ïnst- lia licrb. ji . Dtx Levant. Lettre X î X. lof une tige haute de deux ou trois pieds,branchuë dès fa naillance , dure , ferme , blanchâtre 3 épailfe de deux pouces , accompagnée de feuilles longues d'environ trois pouces fur un pouce & demi de larçe , dentées légèrement fur les bords , fembla- bles à celles de cetee efpece de Tanaifie qu'on ap- pelle le Coq, ce qui me paroît un mot corrompu de Coflus hortenjis. Les feuilles du Chardon que l'on décrit , diminuent jufques au haut de la plan- te ôc perdent leur denture , mais elles finiflent par une efpece de piquant molalTe. De leurs aif- fellcs naiflent des branches tout le long des tiges > & chacune de ces branches fe termine par une fleur jaune. Les feuilles qui font le long des bran- ches font menues , tk quelquefois déliées comme ' des filets. Le calice des fleurs eft haut de 8. ou 9. lignes , fur prefque autant d'épaiiïeur. C'eft une poire compofée de pluficurs écailles blanchâtres , pointues , fermes , piquantes 5 & quelquefois purpurines à leur extrémité. Les piquants qui font lur le bord font plus molaffes & difpofcz en ma- nière de cil.Chaquc fleur eft à fleurons jaunes qui ne débordent que de cinq ou fix lignes , décou- pez en autant de pointes menues , du milieu def- quelles s'élève une gaine furmontée par un filet tres-delié. Les fleurons portent fur des embrions de graines , longs d'environ deux lignes fur une ligne de large , chargez d'une aigrette blanche. Ceux qui n'avortent pas , deviennent des femen- ces longues de trois lignes. Les fleurs n'ont point d'odeur fenfîble , mais les feuilles font tres- ameres. Nous eûmes le plaifïr ce jour-là de faire un nouveau genre de plante , & nous lui irapofà- nacs le nom d'un des plus fçavajis hommes de ce kéî Voyage /ïecle, également eftimé.par fa modeftie , 8c fax la pureté des Tes mœurs. C'eft celui de Mr Do- dan de l'Académie Royale des Sciences, Méde- cin de S. A. S. Madame la Princeife de Conti là Douanière. Cette plante pouffe des tiges d'un pied Se demi de lniu,diT>ites,fermesJi{ïes,ligneufes,vert-gai, épaif- fesdedeux lignes branchucsdèsle bas, arrondies en buiilonev garnies de feuilles longues d'un pouce ou quinze lignes lur deux ou trois lignes de largc,uiî peu charnues, dentées fur les bords, princîpalem ent vers le bas de la plante , car enfuite elles font plus étroites & moins crénelées ; il y en a même qui font auflî menues que celles de la Linaire commune. Le haut des branches eft garni de fleurs dans les aiftelles des feuilles. Chaque fleur eft uri mafque violet foncé , long de huit ou neuf lignes., dont la dernière eft un tuyau d'une ligne de dia- mètre , évafé en deux lèvres : la fuperieure eft un çneilleron renverfé long d'une ligne 8c demi $ fendu en deux pièces allez pointues , l'inférieure eft longue de trois lignes , allez arrondie , mais découpée en trois parties , dont celle du milieu eft la plus petite & la plus pointue, cette lèvre eft relevée vers le milieu de quelques poils blancs &C duvetez. Le calice eft un godet lifte, haut de deux lignes, découpé en cinq pointes j il pouflé un pif- tille fphérique de près d'une ligne de diamètre , lequel s'infère dans le tuyau de la fleur , comme par gomphofe , furmonté par un filet aflez me- nu , * J)odccriicLChrvervtalis riu Levant. Lettre X IX. xo<) #e quelques foiTes , lefquelles reçoivent des grai- nes brunes & menues. Ou ne voit dans toutes les plaines le long de l'Aras,que de la Regliffe 8t du Cufcute. La Reglillc rctlemble tout-a-fait à l'ordinaire , fi ce n'eft que fes gbufles font plus longues & toutes heriifées de piquants. Pour la Cufcute , elle embrafle fi fore les tiges de la Reglilfe, qu'elle femble ne faire que le même corps avec elle. Quand on l'en dé- tache on s'aperçoit de quelques tubercules épaiffes d'environ demi ligne , qui font comme autant de petits clous ou de chevilles qui entrent dans les tiges de la Plante à laquelle elles font attachées; Ces tiges ont une ligne d'épaiileur & quelquefois davantage. Nous les prîmes d'abord pour des tiges de quelque efpcce de Li\eron j dont les feuilles étoient pajflfées. On ne fçautoit mieux comparer les feuilles de la Cufcute , qu'à ces cordes de boyau qui font grofTes comme de la fifcelle ; mais elles font fermes,difficiles à caflèr, ameres,peu aro- matiques , vert-pale , divifées en plufieurs bran- ches tortillées fur les plantes voifincs dont elles fucent le fuc nourricier, lequel s'imbibe dans les tubercules dont on vient de parler. Ces tuber- cules font ordinairement pofez obliquement dans l'intervalle d'une ligne l'un de l'autre $ mais aufïï en des endroits différents ne trouve-t-on point de racine à cette Plante , ,non-plus qu'aux autres ef- peces du même genre , lorfque les tubercules font en état de diftribuer le fuc nourricier. Ses fleurs nairTeut par bouquets en manière de tête gris de- lin-lavé , haute de deux lignes , du diamètre d'u- ne ligne 8c demi. Ce font des godets découpez en cinq pointes obtufes , percez dans le fond , & tjui reçoivent dans cet endroit le piltille que km: Tome III. Q 110 V O Y A G 8 fournît un calice haut de deux lignes , ééc&tifé en cinq parties. Ce piftille devient un fruit (cn>- blable à celui du grand LÏZeron blanc , long de quatre lignes fur trois lignes de diamètre , mem- braneux , vert-pâle , puis roulfatre , terminé par une petite pointe , de compofé de deux pièces , dont la fupérieurc efl une efpece de calore : il ren- ferme ordinairement quatre graines au (fi grofles que celles du Lizeron doi\t on vient de parler,. Ces graines font arrondies fur le dos, anguieufes de l'autre cofté , longues d'une ligne & demi y épailfes d'une ligne & comme féparées en deux lobes par une membrane très- menue , échancrées en bas & attachées à un placenta foonçieux & gluant. Ces graines ne font autre chofe que des vefïies membraneufes , dans chacune defquelles fe trou- ve pliée en fpirale ou limaçon , une jeune plante de Cufcute. Cette jeune plante ell un cordon vert- gai , long de demi pouce , épais d'un quart de ligne dans (on commencement , mais qui dimi- nue" jufques à la fin , attaché par fon bout le plus épais à un placenta fpongieux & gluant , lequel cften partie dans la caplule , Se en partie dans- le calice. Peut-être que le Créateur a voulu } par l'exemple de cette Plante , nous faire connoître que les embrions des plantes croient renfermez comme en miniature dans les germes de leurs fe- mences ; &c qu'ainfi les graines étoient comme au- tant de vefeies où la jeune plante toute formée n'attendoit , pour fe rendre fenhble , qu'un peu de lue nourricier qui en fit gonfler les parties. Il y a de grands exemples dans la nature qui nous feraient connoître la ftru&ure des choies les plus cachées, fî nous y faifions aûfez d'attention. h\£ bu Levant. Lettre X IX. i i i .Ifalplghi avoit un talent merveilleux pour profiter de ces fortes d'ofervations3ce n'eft en cftet que fur pluilears obfcrvations qu'il faut établir des fyf^ temes. Par exemple on obferve dans le mois d'Oc- tobre au fond de l'oignon des Tulipes 3 une Tuli- pe entière , fur la tige de laquelle , qui n'a pas encore trois lignes de haut , on découvre déjà la fleur qui ne doit paraître que dans le mois d'Avril fuivant : on compte les fix feuilles de cette fleur } les e'tamines , les fommets , le piftile ou le jeune fruit , les capfules Ôc les femences qu'elles renfer- ment. Qui ne croiroir après cela que toutes ces parties étoient renfermées dans un efpace encore plus petit , qui n'a pu fe rendre vifible qu'à me- fure que le fuc nourricier en a dilaté les moindres parties ? Les Oifeaux que nous voyions dans ces belles Plaines qui s'étendent jufques à la rivière , nous auroient peut-être fourni quelques obfcrvations utiles pour l'anatomie , fi nous eu(ïions eu un fu- fû pour les tuer. On y voit des efpeces de Héron qui n'ont pas le corps plus gros qu'un pigeon , 8c qui ont les jambes d'un pied & demi de haut. Les aigrettes n'y font pas rares 3 mais riegi n'appro- che de la beauté d'un Oifeau merveilleux dont je garde la dépouille dans mon Cabinet , & dont j'ay veû la figure dans les livres des Oileaux que l'or* peint pour le Roy. Il eft gros comme un Cor- beau , fes ailes font noires , les plumes du dos violettes vers le croupion , celles qui s'étendent depuis cette partie jufques au col , lonttres-poin* tues à leur extrémité , ôc d'un vert admirable do* té & lui faut ; celles du col jufques vers le milieu font d'un couleur-de-feu éclatant i les autres qui couvrent le refte du col & toute la tète , fout Q i) 2iz Voyage d'un vert tblouiflant. Enfin la réte eft reîcvce d'iù ne houppe du même vert* haure d'environ qua- tre pouces s dont les plus longues plumes font com- me des palettes à long manche. Le bec de cet oi- feau eft brun , femblable à celui d'un corbeau. On pourroit avec plus de raifon lui donner le nom de Roy des Corbeaux , qu'à celui qu'on a apporté du Mexique à Verfailles , puifque l'CHfeau d'A- mérique , quelqu'admhable qu'il foit , n'a rien de commun avec nos Corbeaux ordinaires. Je ne fçaurois me confoler d'avoir pafTé par Corvirap fans avoir été à Ardachat. Ce n'eft qu'à Paris que j'ai appris par la lecture du Vor âge de Mr Chardin, qu' Ardachat, fuivarit la tradition des Arméniens , étoit le refte de l'ancienne ville à' Art axât e. Les gens du pays , dit ce auteur ,• appellent cette ville Ardachat , du nom d'Arta- xerxes , que les Orientaux nomment Ardechier» Ils affùrent qu'on voit parmi [es ruines > celles du Palais de Tiridate . qui fut bâti il y a 1300. ans. Ils difent de plus ; qu'il y a une face du Palais qui n'ejl qu'à demi ruinée j qu'il y refle quatre rangs de Colomnes de marbre noir j que ces (^olomnes entou- rent une grande pièce de marbre ouvragé y & qu'el- les font fï grojfes que trois hommes ne les peuvent pas embrafftr. Cet amas de ruines s'appelle Ta6t- tardât , c'eft a dire , le Thrône de Tiridate. Tavernier marque aufïi les ruines d'Artaxate entre Erivan & le Mont Ararat ; mais il n'en dit rien davantage. La Situation d'Artaxate eft fi bien décrite dans Strabon , qu'on ne fçauroit s'y trom- per en examinant le cours de l'Araxc. Artaxate , dit ce Prince des Géographes anciens , fut bâtie fur le deffein qu'Annibal en donna au Roy Art axes qui en fit U Capitale de l' Arménie* La ville ejl du Levant. Lettre XIX. xi 3 fituéc , eontiniïc-t-il , dans un contour que la ri- vière d' Araxe fait en forme de penînfule 3 fi bien que l'enceinte de cette rivière lui tient lieu de muraille , borm.s dans l'endroit oit ejl l'ifihrne ; mais cet Ijlhme ejl fermé par un rempart & par un bon foffé. La campagne des environs s'appelle le Champ Av- taxene. Cette defeription de Strabon augmente mon chagrin , car nous aurions vérifié fi Ardachat efl: dans une penînfule , où nous l'aurions peut-être trouvé plus haut ou plus basjmais nos guides nous voyoient fi attachez à la recherche des plantes , qu'ils ne croyoient pas que nous penulïïons a autre chofe. Qui eft-ce qui fe pourrait imaginer auiîi qu'Annibal fut venu des côtes d'Afrique jufques à i'Araxe , pour fervir d'Ingénieur à un Roy d'Arménie t Plutarque le certifie pourtant; ôç dit que ce fameux AfFriquain , après la défaite d'Antiochus par Scipion l'Afiatique , s'enfuit en Arménie , où il donna mille bons avis à Artaxcs , entre autres celui de bâtir Artaxate dans la fitua- tion la plus avantageufe de fon Royaume, Lucul- lus feignit de vouloir aiïiéger cette Place , afin d'attirer au combat Tigrane fon fuccefleur ; mais le Roy d'Arménie vint fe camper fur le fleuve Jirfam'us pour- en difputer le paflage aux Ro- mains : fuivant cette remarque , Arfamias ne fçaurqit être que la rivière d'Érivan. Les Armé- niens furent battus à ce pafTage & dans une fécon- de rencontre après le partage. Nôtre Hiftorien af- fine que Lucullus jugea à propos de monter vers l'Iberic ; ainû Artaxate ne fut pas prife. Pompée qui eut le commandement de l'armée , après lui , preifa fi fort Tigrane qu'il l'obligea de lui remet- ire fa Capitale fans coup ferir, Corbulon General O iij 214 V O Y A Ç E des Romains, fous l'Empereur Neron3contraignit le Roy Tiridate de luy céder Artaxate ; mais bien loin de l'épargner , comme avoit fait Pompée , il la fie entièrement détruire. Cependant Tividate vint à Rome Se rit fa paix avec l'Empereur , qui non feulement lui remit le Diadème fur la tête ; mais lui permit encore d'emmener de Rome des ouvriers pour rétablir Artaxate , que le Roy d'Ar- ménie , par reconnoiflance , appella Neronia du nom de fon bienfaiteur. Il eft furprenant qu'au- cun des Auteurs qui parlent de cette Place , ne nous ait dit le nom que portoit alors le Mont Ararat , fur lequel nous allons monter. Le 10. d'Aouft nous partîmes de Corvirap 3 fk. marchâmes jufques à 7. heures pour trouver le gifé de l'Aras qui ne paffe qu'à une lieue du Mo- nafterc. Quelque rapide que foit cette rivière , le gfcié en eft fi large Se il étendu qu'un de nos gui- des rilqua de le palier fur un âne ; à la vérité il eut allez de peine à s'en tirer. On arriva fur les onze heures au pied de la montagne , Se nous dî- nâmes , fuivant la contume du pays , dans l'E- glife d'un Couvent au village à'Acottrlou ; ce Couvent , qui eft ruiné , s'appelloit autrefois Araxil-va?ie, c'eft à dire le Monajiere des Apôtres,, Toute la plaine au delà de l'Aras eft remplie de belles Plantes, islous y en obfervâmes une d'un genre bien fingulier à laquelle je donnay le nom de Polygonoides , parce qu'elle a beaucoup de rap- port à l'Ephedra , qu'on a nommée autrefois Po« lygonum Maritimum. C C'eft un arbufte de trois ou quatre pieds de long , fort touffu Se fort étendu fur les cotez , fon tronc eft tortu , dur , caftant , épais comme le ^ras * coixvert d'upe ccorce rouflatre , divifé ea Toni . ^ . /.'/? 6c qu'ai'nfi j un jour ne fufKroit pas pour aller jufques à la neige ; 6c pour descendre au fond de l'abîme. Qu'il faudroit pu Levant. Lettre X I X. H9 pouvoir faire comme les Chameaux } crelt à dire boire le matin pour toute la journée , n'étant pas pofïible de porter de l'eau en grimpant fur une montagne aufli affreule , où ils s'égaroient eux- mêmes alfez fouvent. Que nous pouvions juger de la mifere du pays, par la necelîité où ils éfoienc de creufer la terre de temps en temps pour trou- ver une fource qui leur fournît de l'eau pour eux& pour leurs troupeaux. Que pour des Plantes il étoit très- inutile d'aller plus loin, pareeque nous ne trouverions au delîus de nos têtes que des ro- chers entalfez les uns fur les autres. Enfin qu'il y avoit de la folie à vouloir faire cette courfe ; que les jambes nous manqueroient , & que pour eux ils ne nous y accompagneroient pas pour tout; l'or du Roy de Perfe. Nous obfervâmes ce jour-là d'alfez belles Plan- tes j mais nous nous attendions à bien d'autres chofes pour le lendemain , quoiqu'en dilfent les Bergers.Qui eft-cc qui au feul nom du Mont Ararat ne s'y feroit pas attendu ? Qui cft-ce qui ne fe feroit pas imaginé de trouver des Plantes les plus extraordinaires fur une Montagne qui fervît, pour ainli dire , d'efealicr à Noé pour defeendre du ciel en terre avec le refte de toutes les créatures ? Cependant nous eûmes le chagrin de voir fur cet- te route le Cotonafter folio rotundo I B, La Co- ny\a acris , cœrnlea C B. \' Hieracium frmicofum , anguflifolium , majus C B. La. jacobœa , Sencioms folio. Le Fraifier , YOrpin , L'Euphraife , Se je ne fçai combien de plantes les plus communes , mêlées parmi d'autres beaucoup plus rares que nous avions déjà velies en plufieurs endroits. En voici deux qui nous parurent toutes nou- ycllesj £1$ V o y A 6 i Lychnls Orient dis , maxima , Bttglojfi fol h un* (Itilœto. Coroll. lnft. Rei Herbar. 23. La racine de cette Plante eft longue d'un pied (5c demi-blanchâtre , partagée en grottes fibres af- fcz chevelues , grolfe au coll«t comme le pouce , diviféc en plufieurs teftes d'où naiflfent des tiges hautes de trois pieds , droites , fermes , épaillcs de quatre lignes , creufes vert-pâle , velues , gluantes , garnies de feuilles deux à deux , longues d'environ cinq pouces fur un pouce de large , femblables à celles de la Buglojfe , ondées , frilées fur les bords, relevées en deltous d'une cofte allez grolTcjlaquelle fournit plufieurs vauTeaux ré- pandus dans la longueur des feuilles. Elles dimi- nuent confidérablement vers le milieu de la tige a & de leurs aifïelles nailTent de chaque côté des branches ou brins partagez ordinairement en trois pédicules , dont chacun foutient une fleur ; ainfi toutes ces fleurs paroiftent difpofées comme par étage. Chaque fleur eft à cinq feuilles blanches , longues d'environ deux pouces , larges vers le haut de demi pouce , échancrées profondément & terminées en bas par une queue verdâtre. Du mi- lieu de ces feuilles fort une touffe d'étamines de même couleur , menues , mais beaucoup plus lon- gues que les feuilles , & chargées de fommets cé- ladon. Le calice eft un tuyau d'un pouce de long fur trois lignes de large, blanchâtre , rayé de vert* , flécoupé en pointes , du fond duquel fort un pifti- le de quatre lignes de long fur une ligne d'épaif- feur , vert-pâle , furmonté de trois filets blancs auffi longs que les étamines. Ceum Orientale iCyrnbalarU folio molli &■ glabra, flore magno albot Çoroll. Inft. Rei Herb. 18. Cette belle efpece de Gmm fort des fentes d«s To/ii . s, . paq . 2.3.Ç, L ycliixLr OrUfttcdis iru xùhcl B lui Iojsl fo lu dida.to CorcLL. Inj-t. Rei Tant .% - f?açr .p.a.1 . Geiun. Orientale, Cymhcvlctrice folie molli et qlcLorottfbrre rruujrie,cdhe CaroR.Irutrr B-êv herh. 13. tir Levant. Lettre XIX. lii rochers les plus cfcarpez. Sa racine eft fibreufe a blanchâtre longue de 4, ou j. pouces , chevelue. Ses feuilles nailfent en foule , fi femblables à cel- les de la CymbaUria ordinaire qu'elles impofent : Cependant elles font plus fermes. La plulpart ont 5?. ou 10. lignes de largeur , fur 7. ou 8. lignes de long , découpées à groiïès crenelures en arca- de gotique , luilantes & foûtenuës par une queue d'un pouce ou deux pouces Se demi de long. Les tiges font hautes d'un empan , Sz n'ont gueres plus d'un tiers de ligne d'épais, foibles, cou- chées prefque fur les rochers , puis relevées , ac- compagnées de peu de feuilles dont les crenelu- res font plus pointues que celles des feuilles d'eu bas. Le haut de la tige & des branches, eft velu Se chargé de fleurs à cinq feuilles longues de de- mi pouce j larges à leur extrémité d'environ 5. lignes , blanches t veinées de vert à leur bafe„ Les étamines qui s'élèvent du milieu de ces feuil- les font blanches , Se n'ont gueres plus de deux lignes de long > chargées de fommets verdâtres Se menus. Le calice eft découpé jufques au centre en cinq parties étroites Se velues. Le piftile eft vert- pâle , alfez arrondi par le bas & de la figure d'une aiguière à deux becs , comme celui des ef- peces du même genre. Il devient une capfule de même forme , membraneufe , brune , divifée en deux loges , hautes de trois lignes , dans chacune defquelles il y a un placenta fpongieux , chargé de femences menues Se noirâtres. Les feuilles de cette Plante ont un goût d'herbe tant foit peu fa- lé. Les fleurs font (ans odeur. Les racines font douceâtres Se puis ftiptiques. Après avoir mis nôtre Journal au net : nous tînmes confeil à table nous trois , pour délibérer 212- V O Y À G É fur la route que nous devions prendre le lende- main. Nous ne courions certainement aucun rifc que d'être entendus ; car nous parlions François; Se qui eft-ce qui peut fe vanter dans le Mont Ara-- rat d'entendre cette Langue , pas même Noé s'il y revenoit avec Ton Arche ? D'un autre côté nous examinions les raifons des Bergers , lefquel- Ics nous paroiflbient tres-pertinentes , ex fur toiK l'infurmontable difficulté de ne pouvoir boire que le foir ; car nous comptions pour rien celle d'efealader une Montagne aufli affreufe. Quel chagrin , dînons- nous , d'être venus de Ci loin 4 d'être montez au quart de la Montagne , de n'a- voir trouvé que trois ou quatre Plantes rares , Se de s'en retourner fans aller plus avant ? Nous fîmes entrer nos Guides dans le confeil : ces bon . nés gens qui ne vouloient pas s'expofer à mourir de foif Se qui n'avoient pas la curiofité de mefu- rer , aux dépens de leurs jambes , la hauteur de la Montagne , furent d'abord du fentiment des Bergers , Se enfui te ils conclurent qu'on pouvoît aller jufques à des certains rochers qui avoient plus de faillie que les autres , Se que l'on reviens' droit coucher au même gîte où nous étions. Cet expédient nous parut fort raifonnablc : on fe coucha là-delfus } mais comment dormir dans l'inquiétude où nous étions \ Pendant la nuit l'amour des Plantes l'emporta fur toutes les au- tres diihcultez -, nous conclûmes tous trois fépa- rément , qu'il étoit de nôtre honneur d'aller \\C\- ter la Montagne jufques aux neiges, au hazard d'être mangez des Tigres. Dès qu'il fut jour , de peur de mourir de foif pendant le relie de la jour- née , nous commençâmes par boire beaucoup , & nou-s nous donnâmes une cfpece de queftion v®-> d v Levant. Lettre XIX. n| ionuire. Les Bergers , qui n'étoient plus fi fa- rouches , rioient de tout leur cœur , & nous pre- noient pour des gens qui cherchions à nous per- dre. Ncantmoins après cette,précaution il fallut dîner , ôc ce fut un pareil. fupplice pour nous de manger fans faim , que d'avoir bu fans foif ; mais c'étoit une nccclîité abfoluë , car outre qu'il n'y avoit point de gîte en chemin , bien loin de fe charger de provisions , on a de la pei- ne à porter même fes habits dans des lieux aufli feabreux. Nous ordonnâmes donc à deux de nos Guides d'aller nous attendre avec nos chevaux au Couvent abandonné qui eft au bas de l'abî- me ; il faut le déligner ainû , pour le diftin- guer de celui d'Acourlou qui etl aufli aban- donné , & qui ne fert plus que de retraite aux voyageurs. Nous commençâmes après cela à marcher vers la première barre de rochers avec une bouteille d'eau que nous portions tour à tour pour nous foulager ; mais quoique nos ventres fulïent de- venus des cruches , elles furent à fec deux heu- res après ; d'ailleurs l'eau battue dans une bou- teille eft une fort défagréable boilTon : toute nôtre efpcrance fut donc d'aller manger de la neige pour nous défalterer. Le plaifîr qu'il y a en her- borifant, c'eft que fous prétexte de chercher des Plantes , on fait autant de détours que l'on veut, ainu" on fe la(ïe moins que fi par honneur il falloit monter en ligne droite ; d'ailleurs on s'amufe agréablement , fur-tout quand on découvre des Plantes nouvelles. Nous ne trouvions pourtant pas trop de nouveaurez , mais l'efperance d'une belle moillon nous faifoit avancer vigoureufement. Il faut avouer que la vue eft bien trompée quand on mefure une montagne de bas en haut , fur- >.24 Voyagé tout quand il faut pâlfer des fables aufïî fâcHeUt que les Syrtes d'Afrique. On nefçauroit placer le pied ferme dans ceux du Mont Ararat,& l'on perd , en bonne Phifique , bien plus de mouvement que lorfqu'on marche fur un tefrein folide. Quel ca- deau pour des gens qui n'avoient que de l'eau dans le ventre,d'enfoncer jufques a la cheville danâ le fable ? En piufieurs endroits nous étions obligea de defeendre au lieu de monter, &: pour conti- nuer nôtre route il fallut fouvent fe détourner à droit ou à gauche j (î nous trouvions <èr la pelou- fe , elle limoit fi fort nos bottines , qu'elles glif- foient comme du verre , & malgré nous il falloie nous arrêter. Ce temps-là n'étojt pourtant pas tout-a-fait perdu , car nous l'employions à rendre l'eau que nous avions beiie : mais à la vérité nous fûmes deux ou trois fois fur le point d'abandon- ner la partie.je crois que nous aurions mieux fair> pourquoi lutter contre un fable fi terrible & con- tre une peloufe fi courte que les moutons les plus affamez n'y fçaurolent broutter-cependant le cha- grin de n'avoir pas tout veû nous aurôit trop in- quiétez dans la fuite , & nous aurions toujours crû d'avoir manqué les plus beaux endroits. Il eft na, turel de fe flatter , dans ces fortes de recherches j ôc de croire qu'il ne faut qu'Un bon moment pour découvrir quelque chofe d'extraordinaire & qui dédommage de tout le temps perdu. D'ailleurs cette neige qui fe prefentoit toujours devant noâ yeux 5 & qui fembloit s'approcher , quoiqu'elle en fût tres-éloignée , avoit de grands attraits pour nous , & nous fafeinoit continuellement les yeux ; plus nous en approchions , moins cependant nous découvrions de Plantes, Pour éviter les fables qui nous fatiguoient hor- riblement , du Levant. Lettre X î X, îij Hblement , nous tirâmes droit vers dé grands ro- chers entaiTez les uns fur les autres , comme 'fi l'ori avoit mis Ojfa fur Pelion i pour parler le langage d'Ovide. On palTe au déflbus comme au travers des cavernes,& l'on y eft à l'abri des injures du tems; excepté du froid ; nous nous en apperçûmes bien, mais ce froid adoucit un peu l'altération où nous étions. Il fallut en déloger bienrôt,de peur d'y ga- gner là pleiirefie •■> nous tombâmes enfuite dans un chemin très fatiguant, c'étoient des pierres felnbla- oies aux rhoilons que l'on employé à Paris pouir la maçonnerie , &c nous étions contraints de fau- ter d'uii pavé fut l'autre. Cet exercice nous pa- roiflbit très - incommode , &c nous ne pou- vions nous empêcher de rire de nous voir obligez à faire un fi mauvais manège ; mais franchement on ne rioit que du bout des dents. N'en pouvant lus je commençay le premier à me repofer t ce- a fervit de prétexte à ta. compagnie pour en faire autant. Comme la converfation fe renoue quand on cil aflîs , l'un parloit des Tigres qui fe promenoient fort tranquillement , ou qui fe joiioient à une diftance aîTez raifonnable de nous. Un autre fc plaignoit que fes eaux ne paiïbient pas, ôc qu'il nâ pouvoit plus refpirer. Pour moi je n'ai jamais tanc appréhendé que quelque vailTeau limphatique ne le caflat dans mon corps. Enfin parmi tous ces petits contes avec lefquels nous tâchions de nous" âmufer , &c qui fembloient nous donner de nou- velles forces ; nous arrivâmes fur le midi dans uni endroit plus réjouilïant , car il nous fembloit que nous allions prendre la neige avec les dents. Nô- tre joye ne fut pas longue , c'étoit une crête dé focher qui nous dérobait la veuë d'un terrefn Tome JIL P 2*6 Voyage éloigné de la neige , de plus de deux heures dV chemin , & ce terrein nous parut d'un nouveau genre de pavé. Ce n'étoicnt pas de petits cailloux , mais de ces petits éclats de pierres que la gelée fait brifer &c dont la vive-arête coupe comme cel- le de la pierre à fufîl. Nos Guides difoient qu'ils étoient nuds pieds.& que nous ferions bientolf de même ; qu'il fe faiioit tard &c que nous nous per- drions indubitablement pendant la nuit, ou qu'au moins nous nous carierions le col dans les ténè- bres , il mieux n'aimions nous repoler pour fer- vir de pafture aux Tigres qui font ordinairement leurs grands coups pendant la nuit. Tout cela nous paroilloit allez vrai-femblabie , cependant nos bottines n'étoient pas encore trop mal-trai- tées. Après avoir jette les yeux fur nos montres , qui étoient fort bien réglées , nous aiTùrâmes nos Guides que nous ne paierions pas au delà d'un tas de neige que nous leur montrâmes , & qui ne paroilloit gueres plus grand qu'un gâteau ; mais quand nous y fûmes arrivez nous y en trouvâmes plus qu'il n'en falloir pour nous rafraîchir , car le tas avoit plus de 30. pas de diamettre. Chacun en mangea tant & fi peu qu'il voulut , & d'un com- mun confentement il fut réfoiu qu'on n'iroit pas plus loin. Cette neige avoit plus de quatre pieds d'épailfeur ; & comme elleétoit toute criftalifée , nous en pilâmes un gros morceau dont nous rem- plîmes nôtre bouteille. On ne fçauroit croire combien la neige fortifie quand on la mange. Quelque temps après on fent dans l'eftomac une chaleur pareille à celle que l'on fent dans les mains , quand on l'y a tenue un demi quart d'heure, &£ bien loin d'avoir des tranchées, comme la plufpart des gens fe l'imaginent , oïl du Levant. Lettre X I X. nf fen a le ventre tout confolé. Nous defeendînie:* donc avec une vigueur admirable , ravis d'avoir accompli nôtre vœu , Se de n'avoir plus rien a faire que de nous retirer au Monaftere. Comme un bonheur elt ordinairement fuivi de quelqu'autre , je ne fçai comment j'apperçeûs une petite verdure qui brilloit parmi ces débrié de pierres. Nous y courûmes tous comme à un tréfor , Se certainement la découverte nous fit plaifir. Oétoit une efpece admirable de Véroni- que h feuille de T'elephium , à laquelle nous ne nous attendions pas, car nous ne pcnfîons plus qu'à nôtre retraite , de nôtre vigueur prétendue ne fut pas de longue durée. Nous retombâmes dans des fables qui couvroient le dos de l'abîme Se qui étoient pour le moins aulîi fâcheux que les premiers. Quand nous voulions glifïer , nous nous y enterrions jufcm'à la moitié du corps, outre que nous n'allions pas le bon chemin , parce qu'il falloic tourner fur la gauche pour ve- nir fur les bords de l'abîme que nous foûhaitions de voir de plus près. C'eft une effroyable veiié que celle de cet abîme , Se David avbit bien rai- fon de dire que ces fortes de lieux montroient là grandeur du Seigneur. On ne pouvoir, s'empê- cher de frémir quand on le découvroit , 6c la tête tournoie pour peu qu'on voulût en examiner les horribles précipices. Les cris d'une infinité de Corneilles qui voient incerTamment de l'Un à l'autre codé , ont quelque choie d'effrayant. On n'a qu'à s'imaginer une des plus hautes Monta- gnes du monde , qui n'ouvre fon fein que poiu» faire voir le fpectacle le plus affreux qu'on puiifc fe reprefenter. Tous ces .précipices font taillez à plomb , ôc les extrémitez en font hériifées Si V i) %%% V O Y A G I noirâtres comme s'il en fortoit q&elegae fumée qui les falît , il n'en fort pourtant que des torrens de boue. Sur les fix. heures après midi nous mous trouvâmes tres-épuifez y & nous ne pouvions pas mettre un pied devant l'autre , mais il fallut faire de nécefïité vertu , & mériter les noms de /Mar- tyrs de la Botanique. Nous nous aperçeûmcs d'un endroit couvert de peloufe , dont la pence paroilloit propre à favori- fer nôtre dclcente , c'eft a dire le chemin qu'avoir tenu Noé pour aller au bas de la Montagne. Nous y courûmes avec emprelfement , on s'y re- pofa ; on y trouva même plus de Plantes qu'on n'avoit fait pendant toute la journée ; nous appréhendions fort leurs frontières , Se fur tout le voifinage de Cars. Il tomba ce jour- là tint de neige fut le Mont Ararat , que fon petit fom- roet en étoit tout blanc. Nous rendîmes grâces au Seigneur d'en être revenus , car peut-être que nous nous ferions perdus , ou que nous ferions morts de faim fur cette Montagne. On partit le lendemain à fix heures du matin , &c nous mat- du Levant. Ltttre XIX. 231 cliimes jufques à midi dans une plaine fort feche , cou verre de différences efpeces de Sonde , à'Har- tnala , de cctce efpece de Ptarmica que Zanoni a prife pour la première efpece à' Aviron e de L>iof- coride. L'Albagi Maurorum de Bauvolf, qui four- nie la Manne de Perfe , s'y crouve par couc. J'en ay donné ci-devanc la deferiprion. On campa ce jour-là (ur le bord d'un ruiifeau auprès d'un village afîez agréable par la verdure qui étoic aux en- virons. Nous n'y reftâmes qu'envion une heure , & lailîanc coujours le Monc Ararat à main gauche, nous cirions vers le couchanc pour venir à Cars. On continua de marcher jufques à fix heures après midi , mais ce fut dans des plaines remplies de cailloux &C de rochers. il me femble que le pays que Procope appelle Dubios y ne dévoie pas êcre éloigné du Monc Ara- rac. C'eft une Province , dic-il , non feulement fercile , mais cres- commode par la boncé de fou climat & de fes eaux , éloignée de T'heodojïopolis de huit journées. On n'y voie que de grandes plai- nes où l'on a bâti des villages allez près les uns des autres , habitez par des Facleurs qui s'y font établis pour faciliter le commerce des marchandi- fes de la Géorgie , de la Perfe , des Indes & de l'Europe , lefquclies on y tranfporte comme dans le centre du négoce. Le Patriarche des Chrétiens qui font dans ce pays là , cft: appelle Catholique , parce qu'il eft généralement reconnu pour le Chef de leur Religion. Il paroic par là que le commer- ce des marchand ifes de Perfe 8c des Indes n'eft pas nouveau. Peut-être que ce Dubios étoit la plaine des Trois Eglifes,& que les Romains s'y rendoient avec leurs marchandifes , comme à la plus cé- lèbre Foire du monde. Il n'y a pas de lieu plus P iiij 1JÏ V O Y A G £ propre pour fervir d'entrepoft commun aux na- tions d'Europe 8c d'Alie. Le i(5. Aouft nous partîmes à trois heures du matin , fans efeorte ni Caravane. Nos voituriers nous rirent marcher jufques à fept heures dans des. campagnes feches , pierreufes , incultes 8c fort de- fagrcables. Nous montâmes à cheval fur le midi, 8c parlâmes par Cochavan qui eft le dernier village de Perfe. La peur commença à s'emparer de nous fur cette frontière , mais je ne m'attendois pas au malheur qui devoir m'arriver au paffage de la ri- vière â'Arpajo ou à' Arpafou. Il s'y noyé quelqu'un tous les ans , à ce qu'on dit , éc je courus grand rifque d'être du nombre de ceux qui payent ce tribut : non feulement le gué eft dangereux par fa profondeur , mais outre cela la rivière charrie de temps en temps de gros quartiers de pierres qui roulent des montagnes, 8c que l'on ne fçauroit dé- couvrir au fond de l'eau. Les chevaux ne fçau- f oient placer leurs pieds fûrement dans ce fond ; ils s'abbattent fouvent 8c fe caHent les jambes , quand elles fe trouvent engagées parmi ces pier- res. Nous marchions tous de file deux à deux ; mon cheval qui fuivoit fon rang , après s'eftre ab- battu d'abord,fe releva heureuiement fans fe bief- fer ; mais ce ne fut pas fans peur de ma part. Je m'abandonnay alors à fa fage conduite , ou plutôt a ma bonne fortune , 8c je le laiflai aller comme il youlut, le piquant avec le talon de la bottine,dont le fer,qui eft en demi cercle, excède tant foit peu, car on ne connoit pas les éperons dans le Levant. Ma pauvre befte qui s'enfqnça une féconde fois dans un trou , n'avoit que la tefte hors de l'eau 8c rie fortit de là qu'après de grands efforts , pendant jefquels je faifois de très mauvais fang. Les cris , du Leva n «t. Lettre X I X. 2$j pour ne pas dire les hûrlemens de nos voituriers , augmentaient ma peur bien loin de la diiîiper ; je n'entendais ni ne comprenois rien de tout ce qu'ils vouloient me dire , & mes camarades ne pouvaient pas me fecourir. Mais mon heure n'é- toit pas encore venue ; le Seigneur vouloit que je revinflè herborifer en France , & j'en fus quitte pour tailler un peu fecher mon habit &c mes papiers que je portois dans mon fein , fuivant la mode du pays , car nous avions latrie nôtre bagage à Erzc- ron , 6c nous marchions fort à la légère. Cette leflive étoit d'autant plus incommode , que nous n'ofàmes pas entrer dans le village de Chout-louc fitué fur les terres des Turcs. Nos voi- turiers qui croient d'Erivan , & qui apprehen- doient qu'on leur fit payer la Capitation en Tur- quie, quoique les Perfans n'exigent rien des Turcs qui viennent fur leurs terres ; ces voituriers , dis- je , voulurent s'arrêter fur le bord d'un ruiileau à un quart de lieue de ce village. L'air de ce ruif- feau ne m'échauftoit guère , &c contribuait encore moins à fécher mes habits. Il fallut donc palier la nuit fans feu ni viande chaude , nous n'avions pas même du vin de refte. Pour comble de dif- graces , le demi bain que j'avois pris malgré moi , m'avoit caufe une indiipuiition qui m'obh'sçea de me lever plus fouvent que je n'ainois voulu. Nous nous ferions pourtant confolez de tous ces mal- heurs , fi un homme du pays , je ne fçai de quel- le religion , ne s'êtoit avifé de nous rendre une viiîtc allez chagrinante , quelque loin que nos voituriers cullent pris pour (e cacher. Ce fut , à ce qu'il difoit , pour nous avertir charitablement que mus n'étions pas là en fcûrcté ; que nous fe- rions trop heureux , fi l'on ne venoit pas nous dé- 134 Voyage poliiller pendant la nuit ; qu'il ne répondoit pas de nos vies ; que nous devions nous retirer au village dont le Sous-Bachi étoit ennnemi juré des voleurs , mais qu'il ne pouvoit pas répondre de ceux de la campagne , entre les mains defquek nous tomberions peut-être le lendemain fur la route de Cars. Nous fîmes dire aux voituriers de feller nos chevaux pour nous retirer au village , où non feulement nous ferions en feûreté , mais en lieu propre à fecher mes habits ; ces malheu- reux, quelques inftances qu'on put faire , ne vou- lurent jamais fe lever, & traitèrent le donneur d'a- vis de vifionnaire. Inutilement nous emportâ- rnes-nous ; ils ne s'en emeûrent point ; les cinq écus de Capitation leur tenoient plus au cœur que nos vies. J'eus beau les faire affeûrer que je paye- rois pour eux , fuppofé que le Sous - Bachi les voulût exiger , ils crurent que cétoit un leurre de ma part pour les engager à partir. Il y en eut un , qui pour faire le bon valet , apporta une bralTée de broiïailles , qu'il avoit amalfces avec aflez de peine , & qu'il avoit deftinées à fecher mes hardes ; mais le donneur d'avis , dont nous admirions la charité , ne jugea pas à propos qu'on l'allumât, de peur de nous faire découvrir à quel- ques malhonnêtes gens qui auroient pu faire leur ronde ; il arTeûra même , que fi le Sous-Bachi avoit été averti du parti que nous avions pris^qu'il nous auroit obligez d'aller coucher au village ; qu'il faloit que nous fuirions chargez de tous les diamants du Royaume de Golconde pour fuir le monde avec tant de précaution. Tout cela ne tou- cha pas nos Perfans ; ils ne fongeoient qu'à leur Capitation , mais nous en fumes bien vengez le lendemain, quand on les failit au colet aux portes de Cars , & qu'on les obligea de payer. du Levant. Lettre X I X. 135 Ils eurent beau fe renommer du Roy de Perfc,& faire valoir les bons traitements que les fujets du Grand Seigneur recevoient dans leur pays. Les Turcs de Cars ont l'ame dure -, il fallut payer cinq ecus par tete , & prendre un billet de Carach qui leur tint lieu de quitance , pour ne pas payer une féconde fois. Ils furent allez fots de nous pro- pofer de les indemnifer de ce tribut , pareeque c'étoit pour nôtre fervice qu'on leur faifoit cette avanie ; nous répondîmes que nous n'avions pas mis cette claule dans nôtre marché , mais que pourtant nous aurions volontiers donné cet argent s'ils nous avoient fait coucher dans le village ôc non pas en plaine campagne à la merci des vo- leurs & des loups. A la vérité nous parlâmes une cruelle nuit près de ce ruifleau. Elle nous parut encore plus lon- u t É v A n f . Lettre XIX. 5.39 la Verge dorée , mais elles confervent toujours leur frifure. De leurs ailfelles juiHcnt , dés le bas , des fleurs attachées a des pédicules fort courts , évafées en badin de plus d'un pouce de diamètre fu.r un demi pouce de hauteur , & découpées en cinq parties. Du fond de ce badin for tant autant d'étamincs chargées de fommcts jaunes. Le piftile eftauili long que les fleurs, & terminé par une efpece d'ancre à trois crampons. Le calice eft une autre efpece de badin d'environ cinq lignes de haut , vert-pâle , fendu en cinq pointes. Quand cette Plante a éré broutée, comme cela arrive fou- vent autour de Cars , elle pouffe des branches dés le bas. Nous en avons veû des pieds dont les fleurs étoient fort blanches , & d'autres -fur lefquels elles croient bleuâtres. Les feuilles font d'un goût d'her- be allez fort. La racine eft fort douceatre,les fleurs fans odeur. Toute la Plante rend un lait aflez doux, maïs qui a l'odeur de l'Opium. Ferula Orientais , Cachryos folio & facie. Coroll. Inft. Rei Herb. zz. Sa racine eft grofle comme le bras , longue de deux pieds & demi , branchuë , peu chevelue , blanche , couverte d'une ccorce jaunâtre & qui rend du lait de la même couleur. La tige s'élève jufques à trois pieds , épaifle de demi pouce , liiTc , ferme, rougeatre, pleine de moelle blan- che , garnie de feuilles femblables à celles du Fe- noiui. longues d'un pied & demi ou deux , dont la côte fe divife Se fe fubdivife en brins auili me- nus que ceux des feuilles de la Cachrys , Ferula folio , fernine fungofo Uvi de Morifon , à laquelle cette Plante reflemble fi fort qu'on fe tromperoit fi on n'en voyoit pas les femences. Les feuilles qui accompagnent les tiges font beaucoup plus Î4d Voyagé courtes & plus éloignées les unes des autres. Ellc§ commencent par une étamine longue de trois pouces , large de deux , liflfe , roullâtre , termi- née par une Feuille d'environ deux pouces de lohf& découpée aufîi menu que les autres. Au-delà de la moitié de la tige , naiflent plufieurs branches des ailïélles des feuilles ; ces branches n'ont gueres plus d'un empan de long , & foutiennent des om- belles chargées de fleurs jaunes , compofées de- puis cinq jufquesà fept ou huit feuilles , longues de demi ligne. Pour les graines , elles font tout- à-fait femblables à celles de la Fende Ordina're y longues d'environ demi pouce fur deux lignes & demi de large, minces vers les bords, roufla- tres , légèrement rayées fur le dos , arriéres & hui- Iéufcs. Lychnu Orientdis , Buplevri folio. Coroll. înft. kei Herb. 24. La tige de cette Plante efr, haute de trois pieds , cpaiflTe de deux lignes , dure , ferme , droite , noiieufe , liife , couverte d'une pouffiere blan- che comme celle qui eft fur la tige des Oeillets ,- accompagnée en bas de feuilles longues dé quatre pouces far quatre lignes de large , vert-de-mer , pointues , femblables à celles du Buplemmn an- çujlifolium , Herbariorum Lob. relevées d'un cô- té , car d'ailleurs elles ne font pas veinées. Celles qui font aux premiers nœuds de la tige font les plus longues , mais elles n'ont que quatre ou cinq lignes de largeur ; les autres deviennent plus étroi- tes ; les dernières relTemb'lent a celles des Oeillets. De leurs airfelles , tout le long de la tige depuis la moitié en haut , naiflent des branches longues de demi pied , dont les feuilles, font très me- nues , & ces branches foutiennent chacune trois ou 1 gril . 7, . fJïiq - ?■ 4- ' du Levant, Lettre XIX, £4! ou quatre fleurs , donc le calice eft un tuyaii long d'un pouce ou de quinze lignes , épais d'une ligne vers le bas , & de deux lignes vers le haut où il eft découpé en cinq pointes , vert-de-mer & lilfe. Du fond du tuyau fortent cinq feuilles qui débordent de demi pouce , échancrées en deux parties aflTez arrondies , blanches en deflus, mais vert-jaunâtre en delîbus 3 relevées chacune de deux appendices blancs qui fervent à former là couronne de la fleur. Les étamines fonr blanches chargées de fommets jaunâtres. Le piftile qui eit vert- pâle, oblong , furmonté de deux houppes blanches , devient un fruit long feulement de de- mi pouce & de trois lignes de diamètre , il porte; fur un pédicule de trois lignes de haut. Ce fruit eft une coque dure , ovale , rouffatre , qui s'ou- vre par la pointe en cinq ou fix parties , ôc laifle échapper des femences grifatres atfez femblables à celles de la 'hifquiame. Toute la Plante eft fa- veur d'herbe aifez mucilag.ineufe,, Le 2 3 . Aouft nous partîmes de Cars avec une petite Caravane deftinée pour efcOrter une voi- ture d'argent que le Carachi-Bachi ou le Receveur de la Capitation envoyoit à Erzeron. C'étaient tous gens choifis } bien armez , & déterminez à fe bien battre : an lieu que les Caravanes des marchands font compoff es de gens qui épargnent leur peau , comme l'on dit , &c qui aiment mieux être rançonnez que d'en venir aux mains. Tout bien confideré , ce parti leur convient mieux , un marchand gagne toujours beaucoup , quana il fauve fa vie & fes marchandifes pour une poignée d'écus. Nous ne marchâmes que quatre heures ce jour-là , & nous campâmes auprès de Beneclia- mtt village dans une allez grande Plaine où nous Tome H U Q^ X4ft V O Y A G B trouvâmes une nouvelle cfcorte de Turcs , gens bien faits èc bien réfolus. Le 24. Aouft le Carachi-Bachl qui avoir un Commandement du Pacha de Cars pour prendre dans les villages de la route autant de gens qu'il jugerok à propos pour alïurer le tranfporc de Ton argent , fît venir des montagnes environ trente perlonncs bien armées qui ne laiderent pas de nous faire plaifir , car le brait couroit que les Curdes vouloient enlever le trefor. Cette nou- velle efeorte fut relevée le lendemain par une au- tre bande auffi forte. Une Caravane de foixante Turcs ne craint pas deux cens Curdes y ceux-ci n'ont que des lances , & nos Turcs avoient de bon fufils 8c des piftolets. On ne partit ce jour- là que fur les neuf heures pour aller coucher a.Ke- kez. vilhge litué dans la même Plaine à trois heu- res de diftance. Nous eûmes une recrus de fepr ou huit perfonnes qui conduifoient du Ris à Er- zei on y mais ce n'étoit pas gens à fortifier nôtre troupe. On ne fit que quatre lieues le lendemain ; nous marchâmes toute la nuit au clair de la lune par des montaer.es dont les défilez font dangereux , & où fort peu de gens auroient pu facilement nous arrêter ; mais les ténèbres favoriférent nôtre mar- che , tandis que les Curdes dormoient à leur aife. On fe repofa le 16. jufquesà neuf heures du ma- tin , & l'on pafia feulement fur une des plus hau- tes montagnes du pays couverte de Pins ? de Peu- pliers noirs , & de 7*re?nbles. Comme nous appré- hendions quelque embufeade , on détacha des Turcs pour aller reconnoître les paffages , & ces batteurs d'cflrade amenèrent au CarachuBuhi quatre payfans qui l'aifeurérent que les voleurs bu Levant. Lettre XIX. 14$ croient reftez en arrière , de que nous leurs avions dérobé une erande marche. A cette nouvelle oii campa fur les trois heures après midi tout près d'une petite rivière où nous avions déjà campé en allant a Cars , le long de laquelle nous trouvâmes une belle elpece de Valériane , dont les racines font tout-à-fait femblables à celles de la grande Valériane des Jardins , au fil grolfes & auffi aro- matiques. Les feuilles en font plus étroites ; mais comme la grande Valériane ne fe trouve pas t que je fâche , en campagne , je crois que ce n'eft au- tre chofe que celle ci qui eft cultivée dans les Jar- dins depuis quelques iiécles. Le ij. Aouft nous marchâmes près de fix heu» res , ik. nous retirâmes à Lavandir village peii confidérable. Le 28. après une route auffi. lon- gue , on arriva aux bains d'sJjfancœlé bâtis allez proprement fur le bord de l'Araxë , à une petite journée d'Erzeron. ils font chauds & fort fréquen- tez. L'Araxe qui tombe des montagnes où font les fources de l'Euphrate , n'eft pas confidérable à Alfancalé j dont la Plaine eft plus fertile que celle d'Erzeron & produit de meilleur froment. Géné- ralement parlant tous les bleds font bas en Ar- ménie j 6c la plulpart ne font que quadrupler j furtout auprès d'Erzeron ; mais auffi il y en a une fi grande quantité , qu'elle fupplée au refte. Si l'on n'avoit pas la commodité d'arrofer les terres j elles feroient prefqiie fteriles. Au milieu de la Plaine d'Affancalé s'élève une roche horriblement efearpée , fur laquelle on 2 bâti la ville &c une forteieile qui menace tous le» environs, 6c où l'on appréhende plus la famine que le canon. Il n'y a pas plus d'e trois cens hommes de gavnifon , quoiqu'il en falluft plus de quinze 244 Voyage cens pour la deffendre. Les murailles font com- me en limaçon tout autour de la roche , flanquées fur des tonrs quarrées , dont le canon en em- pecheroit les approches s'il étoit bien fervi 3 car ces tours ne lont pas plus élevées que les murail- les , ex: paroiflent comme des plateformes. Les folTez n'ont gueres plus de deux toiles de largeur , & encore moins de profondeur , creufez dans un roc très dur. Si cette Place étoit fur la frontière , on la rendroit imprenable à peu de frais. Les mar- chandifes que l'on conduit d'Erzeron à Erivan par Allancalé , doivent demi piaftre par charge , foit de-cheval ou de chameau , quoique la diffé- rence des poids foit fort grande. Celles qui vien- nent d'Erivan à Erzeron ne payent que la moitié des droits. Nos Plantes feches ne payoient rien du tout ; les Turcs & les Perlans ne font pas cas de cette marchandife , que nous cftimions pour- tant plus que la plus belle foye du Levant. Le chemin d' Allancalé à Erzeron eft fort beau. Nous le finies en fix heures de temps , & nous courûmes le même jour embralfer Mr Prefcot Con- ful de la nation Angloife , nôtre bon ami , qui avoit bien voulu être le dépofitairede nos hardes , de nôtre argent , & de nos Plantes feches. Nous allâmes le lendemain rendre nos refpects au Be- glierbey Cuperli nôtre protecteur , qui nous fit mille questions fur.ee que nous avions veû dans nôtre route , & fur tout touchant la différence que nous trouvions entre la Turquie & la Perfe. Apres l'avoir remercié de fa recommandation pour le Pacha de Cars , nous lui contâmes une partie de nos avantures ; nous nous louâmes fort du bon naturel desPerfans , tk du bon accueil qu'ils fai- foient aux Francs. Il nous dit entre autres cho&s , du Levant. Lettre XIX. 14$ que le Patriarche des Trois Egliies étoit un bon rnarch.wd d' Huile , faifant allufion au procez qu'il a. avec le Patriarche Arménien de jerufalem , pour le débit de l'Huile facrée que l'on employé dans l'adminillration des facremens parmi les Ar- méniens. Nous allâmes vifiter la campagne après nous être déladez dans la ville , 6c ne manquâmes pas de parcourir la belle vallée des 40. Moulins où nous avions lailîé trop de Plantes rares en fleur , pour oublier d'en aller amaller les graines. Nous paflames dans le même ddfein le premier Septem- bre au Monajlere Rouge des Arméniens , d'où nous montâmes encore vers les fources de l'Euphrate pour continuer nôtre moifïon. Les Curdes , grâ- ces à Dieu , avoient évacué ces Montagnes , ainlï nôtre féconde récolte fut faite avec plus de tran- quillité que la première. Cette récolte conliitoit plus en graines de plantes que nous avions déjà vciies , qu'en nouvelles découvertes ; mais ces graines n'étoient pas le moindre fruit de nôtre voyage. C'eft par leur moyen que les Plantes d'Arménie le font répandues dans le Jardin du Roy , ôc dans les plus célèbres Jardins de l'Euro- pe , aux Intendans defquels nous en avons com- muniqué une bonne partie. Nous nous amufîons de cette manière autour d'Erzeron5tantôt d'un cô- té , tantôt de l'autre, & nous ne laifïions pas de glaner utilement. Voici la defeription d'une très belle efpeçe à'Jlrmoife , dont perfonne , je crois , n'a fait encore aucune mention. Elle fe trouve dans le Cimetière des Arméniens , & dans quelques endroits autour de la ville où elle ne fleurit qu'en automne. La racine de cette plante eft longue d'environ CL «j %<\6 Voyage ïui picel , dure , ligneufc , groffe comme le petit fioige , garnie de libres chevelues, blanche en de- dans , couverte d'une écorec roulfàtre. Les tiges naillcnt en bottes , hautes d'environ deux pieds, droites , fermes , lhTcs , vert-pâie , rongeâtres en quelques endroits , caftantes , accompagnées de feuilles tout à-fait femblables à celles de la Ta- naljîe , mais infipides & fans odeur ; les plus gran- des ont environ trois pouces de long fur deux pouces de largeur , vert-brun , litles , découpées profondément julqucs à la côte , 6c recoupées à çlcnts très menues ; elles diminuent jufques au bout fans chantier de figure. De leurs aiflellcs naiflent des branches longues feulement de demi pied , fubdivifées en plulieurs brins tous chargez a- fleurs fort ferrées &£ relevées en haut ; ce (ont çles boutons femblables à ceux de YArmoife com- mune , compofez de quelques demi-fleurons fore menus & purpurins , renfermez dans un calice à petites écailles vert-foncé. Chaque fleuron por- te fur un embrion de graine , lequel devient une fçmence très menue , roulfàtre , longue de demi ligne. On ne découvre point de faveur ni d'odeur dans cette Plante ', elle aime la terre graflfe , fraî- che , humide. Au Sud-Eft d'Erzeron eft la vallée de Caracala qui eft toute remplie de belles Plantes. Nous y pbfcrvâmes entre aunes chofes le vrai JSfapel dé- ç npé , comme le reprefente la figure que Clu- fius en a donnée. La Caryophyllata aquatica , nu- tante flore C B. n'y eft pas rare. Rien ne nous fai- foit plus de plaifir que de voir de temps en temps çîes Plantes des Alpes Se des Pyrénées. En attendant le départ de la Caravane de To- ÇAt 3 dont nous devions profiter pour aller à du Levant. Lettre XIX. 247 Smyrne , nous alions eau fer dans les Caiavan(e- rais poui* apprendre des nouvelles. Nous y trou- vâmes une troupe de ces gens qui vont chercher les Drogues en Perle & dans le Mogol pour les apporter en Turquie. Ils nous alleûrértnt que c'eft: principalement à Mdch.it ville de Perfe , où ceux du pays font leurs principaux magafîns ; mais tout cela ne nous inftruiloit gueres , car ceux qui remplilîent les magafîns , ôc ceux mêmes qui vont encore plus loin chercher les Drogues fur les lieux & dans les villages où les payfans les apportent de la campagne , ne font guère mieux informez. Je ne vois rien de fi difficile que de faire une bonne Hijioire des Drogues , c'eft à di- re de décrire non feulement tout ce qui compofe la matière medecinale , mais encore de faire la deferiprion des Plantes , des Animaux & des Mi- néraux d'où l'on les tire. Non feulement il fau- droit aller en Perfe , mais aulïï dans le Mogot qui eft le plus riche Empire du monde, V Levant. Lettre XX. i ■ 7 monnoye. En Europe ils portent du nuifc & des épiceries. Quelques fatigues qu'ils ayent , ils obfcrvent les jeûnes de l'Eglife comme s'ils etoient en repos dans une bonne ville 3 & ne connoilfcnc pas de difpenfes , même pendant leurs maladies. La feule chofe qu'on peut reprocher aux Armé- niens , en fait de commerce , c'eft que lorfque leurs affaires tournent mal dans les pays étrangers où ils négocient , ils ne retournent plus chez eux ; ils ont beau dire que c'eft parce qu'ils n'ont pas le front de fc montrer après une banqueroute, cependant leurs créanciers n'en fçauroient tirer aucune raifon ; mais d'un autre côté il faut leur rendre juftice > les banqueroutes font très rares parmi eux. Les Marchands de Julfa ont fait un Traité avec le Grand Duc de Mofcovie pour faire balTer dans fes Etats toutes les marchandifes qu'ils trouveront à propos , & pour cela il n'eft permis à aucun Marchand d'Europe , de quelque nation qu'il (oit , d'avancer plus avant qu'a Aftfacan ^ ille puiilante que les Mofcovites polfedcnt depuis l'an i/|4- El^ cil: fituee au delà de la mer Caf- pienne fur les frontières de l'Allé & de l'Europe. Le Grand Duc favorile autant qu'il peut ce com- merce ; ceux de Julfa payent la douanne de tour, ce qu'ils font entrer en Mofcovie , mais ils ne payent rien des marchandifes qu'ils font paffer ce Mofcovie en Perie. Voici le criemin qu'ils tiennent pour aller & venir. D'Hifpaham ils font porter leurs marchandifes a Tauris , à Schamaxée & à Nofava Port fur la mer Cafpienne à trois journées de SchairuKée. On embarque à Nofava la loye & les autres marchandifes de Perfe 8i du Mogol pour les faire pader à Aftracan. D'Aftracari Tome III» R 2j8 V O Y A G I on les tranfporte par terre à Mofcoti , & delà S Archangel qui eft le dernier Port de Mofcovie fur l'Océan feptentrional, Les Anglois & les Hollandois y font un grand commerce -, on y em- barque les marchandiles pour StoKolm , 6c delà par le Détroit d'EHeneur on les fait palier en Hol- lande & en Angleterre. Frideric Duc de Holtïeirz, comme ditOlearius, fit bâtir la ville de Fridcricftad dans le Duché de Holllein , pour y établir un commerce de foye plus confidérabie que tous ceux qui fe font en Europe. Pour cet effet il réfolut d'entretenir cor- refpondance avec le Roy de Pcrfe afin d'en faci- liter ie tranfport par terre -, mais cela ne fe pou- vant faire fans la pcrmifïion du grand Duc de Mofcovie , il jugea à propos en l'année 1 63 3 . de lui envoyer une Ambaflade lolemnelle , à laquel- le il nomma Crufîus l'un de fes Coniciilers d'E- tat , & Brnfirnan Marchand d'Ambourg -, ce der- nier par fon mauvais procédé joint aux dangers qu'il v avoir, à efîiiyer en parlant chez les Tartares du Dagcfrhan , fut caule que l'établiflemcnt des foyes échoua -, convaincu enfuite de malversa- tions 3 il fut condamné à mort & exécuté à Gottorp le 5. May 1640. Les Hollandois qui ont voulu depuis ce temps-là le rendre les maî- tres des foyes de Perfe qui viennent à Aftracan , ionr obligez d'en prendre une certaine quantité tous les ans, ce. qui fait qu'ils gagnent peu fur cette marchandée , parce que les Arméniens leur font prendre la bonne & la mauvaife fans diftîne- tion. Mr Prefcot nous ailcùra que les Anglois chargeoienr beaucoup de marchai difes d'Afie à Archangel , & qu'ils y ucuvoient les meilleurs Caviars qu'on puiffe manger. Celui que l'on vend tu LivANt. Lettre XX. ijjf en Turquie vient de la mer Noire ; il efl mal- propre & enfermé dans des outres : aucontrairé ïc Caviar de la mer Cafpienne eft fait avec beau- coup de foin , Se on l'cnquairTe proprement. Nous mangeâmes chez Mf Prefcot des œufs d'Ef- turgeons qui avoient été falcz aux environs de là mer Cafpienne , & des Caviars falez dans les mê- mes endroits , lefqiicls nous trouvâmes excet- lens ; les SaucifTons faits à Marfeille ne font pas meilleurs. Nous ne pouvions nous empêcher de rire dans les Caravanferais d'Erzeron , eu voyant faire les marchez parmi les Arméniens. On commence $ de même que chez les Turcs , à mettre de l'ar- gent fur la table % après cela on chicane autant qu'on peut , en ajoutant une pièce fur l'autre ; cette chicane ne fe fait pas fans bruit. Nous croyions, à les entendre parler, qu'ils étoienc prêts à fe couper la gorge ; mais il ne s'agit de* rien moins entre eux. Après s'être pouffez &c re- poulfez avec violence , les Courretiers ou En- tremetteurs du marché , ferrent avec tant de force les mains de celui qui veut vendre , qu'ils le font crier & ne le quittent pas qu'il n'ait con- fend qUe l'acheteur ne payera qu'une certaine Comme , enfuite chacun rit de fon côté. Ils pré- tendent , avec raifon , que la veiie de l'argent faic plutôt conduire les marchez. A l'égard de la Religion , tout le monde fçaït que les Arméniens font Chrétiens , &c ce feroieni; de très bons Chrétiens fans le fchifme qui les fé- pare de nous. On les aceufe d'être Eutychiens , c'efl: à dire de ne reconnoître qu'une nature en Je- fus-Chrift , ou pour mieux dire deux natures (î bien confondues , que quoiqu'ils admettent le* iGo Voyage propriétés de chacune en particulier , ils ne veu- lent pourtant entendre parler que d'une feule na- ture. Leurs plus habiles Evoques prétendant fe laver de cette herefic , ik foùtiennent que toute l'erreur vient de la difette de leur langue , laquel- le manquant de termes propres , fait qu'ils confondent fouvent le mot de nature , avec celui de perionne. Lorfqu'ils parlent de Wnion hy- fofiatique , ils croyent la prouver allez en confef- fant que Jefus-Chrul dans l'incarnation cft Dieu parlait 8c homme parfait, ians mélange, fans changement , & fans confulion. La vérité cil qu'ils ne s'expliquent pas tous également , Se que là plufpart ont grande vénération pour deux fameux Euty chiens Diofcore &c Bar fuma Quand, on leur reproche qu'ils excommunièrent les Pè- res du Concile de Calcédoine pour avoir con- damné les premiers de ces hérétiques ; ils avouent que quoiqu'il paroifle ridicule d'excommunier les morts , la coutume s'en étoit introduite parmi eux pour fe vanger des Grecs , qui dans toutes leurs fêtes excommunient l'Eglife Arménienne j que pour eux ils n'avoient pas delfein d'excom- munier précifément les Pères du Concile de Cal- cédoine qui avoient condamné Diofcore patriar- che d'Alexandrie fans trop examiner fes raifons ; mais que leur intention étoit d'excommunier les Evêques Grecs d'aujourd'hui, comme fuccelfèurs des Prélats de la plus fameufe alfemblée qui fe foit jamais tende en Grèce ; que les Percs Grecs avoient fait une grande injuitice à Oiofcore de confondre fes fentimens avec ceux d'Eutychej , puifque Diofcore «.voit toujours foutenu que le Verbe Incarné étoit Dieu parfait &C homme par- fait. La fource de l'inimitié irréconciliable ces du Levant. Lettre XX. z6i Arméniens & des Grecs vient depuis ce Conci- le ; & cette inimitié eft fi grande , que il un Grec entre dans une Eglife Arménienne , ou un Armé- nien dans une Eglife Grecque , les uns & les au- tres la croyent profanée & la béniflènt de nou- veau. Quand on veut approfondir leurs croyances 3 on trouve qu'il y a bien des articles de fchifme qu'il ne faut pas attribuer à l'Eglife Arménien- ne , mais à des particuliers; par exemple il n'eft pas vray qu'ils excommunient trois fois l'année l'Eglife Latine ; les bonnes gens n'y penfent pas, & l'on ne trouve point cette pratique dans leurs Rituels , quoiqu'il ne foit que trop vray que certains phrenétiques Evêques ou F'ertabiets dé- clarez contre l'Eglife Latine , l'ayent pratiqué ou le pratiquent encore ; car dans une Eglife mal réglée , fouvent chacun fait comme il l'entend. Le Patriarche O^uietfi ennemi juré des Latins, a peut-être ajouté à cette excommunication le nom du Pape (aint Léon , parce qu'il avoit con- firmé la condamnation de Diofcore. Quelque eftime qu'ils ayent pour le grand Docteur , Altenafi , ce feroit leur faire tort que d'at- tribuer à toute l'Eglile Arménienne les inju- res que ce fanatique a vomi contre l'Eglife Romaine. Il n'y a que les plus fots ou les plus ignorans des Arméniens qui croyent le petit Evangile. Ce petit Evangile eft un livre rempli de fables &C d'extravagances touchant l'enfance de notre Sei- gneur ; par exemple que la Vierge en étant en- ceinte , Salomé fa fœur i'accufa de s'être abandon* née a quelqu'un ; la Vierge lu y dit d'ers qu'elle n'a- volt qu*a nuit nia main fur j'en ventre , & qu'elle R iij %6i Voyage connoîtroit bien le fruit qu'elle portait. Salomé y ayant appliqué fa main , il en fortit un feu qui la confuma jufqu'a la moitié du bras. Elle reconnut fa faute & retira fa mnn & fon bras parfaitement guéris , après les avoir applique^ fur le même en- étroit par ordre de la Vierge. Ils prétendent que le Fds de Dieu fe feroit fait tort de pajfer par le fein d'une femme , qu'il n'en fit que le femblant % & que les Juifs firent mettre quelqu'un a fa pla- ce ; ils ont tiré des Mahometans cette dernière rêverie. Ils difent auiTi que Jefus-Chrifl étant à l'école pour apprendre l* Arménien , ne voulut ja- mais prononcer la première lettre de leur alphabet , que le maître ne lui eût dit la raifon pourquoi elle réprefente une Ai renverfée \ ce bon homme qui rie connoillbit pas l'Enfant Jefus , lui donna un fouflet. Hé bien , dit Jefus fans s'émouvoir , tuifque vous ne le fçave\j>as je vais vous l'appren- dre , cette lettre réprefente la Trinité par (es trois jambes. Le maître d'école admira fa feience &: le rendit à fa mère , avouant qu'il étoit plus habile que lui. Mr Thevenot qui rapporte auiîi ce con- te , afTeûre qu'il y a un manuferit Arménien dans la Bibliothèque du Roy où l'hiltoire & les inven- teurs de leurs caractères font expliquez , mais il n'en fait remonter l'invention qu'à environ 400. ans ; ils fe fervoient auparavant de cara&eres Çrecs. Les Arméniens content que Jefus-Chrifl étant a la cbajfe avec faint 'Barthélémy & faint Thadée , il tua cinq perdrix le long de V Aras , & qu'une infinité de monde vint autour de lui pour l'entendre prêcher , mais que la nuit étant furvenué , les 0cux Apôtres l'avertirent qu'il falloit renvoyer ces gens. Jefus leur répondit : qiï après avoir donné du Levant. Lettre XX. z6$ 4? leurs urnes la pnture necejfaire il fallait prendre foin de leurs corps , €7 que pour cela ils n'avaient qiïa faire boidlir les cinq perdrix avec une oejue de ris. Tout le inonde en hir railàue, de comme il ne faifoit pas clair , chacun crue qu'on lui avoit fervi une perdrix entière. Le Roy d'Arménie qui aimoit fort la challc en fut très fâché , & ordonna qu'on fift mourir les Apôtres & leur maître. JcTus fe fauva dans l'Arche fur les hauteurs du Mont Macis -, mais faint Barthélémy & faint Thadc'c payèrent pour lui. La plus plaifante hiûoire qu'ils racontent , eu: celle de Judas : ce malheureux , à ce qu'ils diienr , fe repentant d'avoir trahi fin Maître , crut qu'il n'y avait Pas de meilleur expédient pour fauver fon Ame , que de fe pendre & d'aller aux Limbes ok il fçavoit bien que 'jefus-Ch ifi devoit défendre pour délivrer les âmes \ mais le diable qui le vouloit mener en enfer lui joua un tour de fon métier ; il le foutint par les pieds s tout pendu qu'il étoit , juf- au'à ce que Jefus-Chrijl eut fait fa vif te dans les Limbes , après quoi il le laijja chcoir & l'en train a à tous les diables. Les Géorgiens font mille con- tes au(Ti ridicules, tirez de leur petit Evangile, fe croîs que ces deux ouvrages font fabriquez de la même main. Quoique les Arméniens ne veuillent pas en- tendre parler du Purgatoire , ils ne laiifcnt pas de prier fur les tombeaux , & de faire dire des Mclïès pour les morts ; c'en: peut-être l'avarice de leurs Prêtres qui , ayant aboli leurs dogmes , ont fait commuer l'ufage d'une chofe très lucra- tive. Selon la plufpart de ces Pierres , il n'y a préfentement ni paradis ni enfer ; ils croyent que l'enfer fut détruit après que Jefus-Chriit. en eur R iiij 2,64 V o y a g 2 enlevé les âmes des Saints , anfîi-bien que celles des damnez. Par rapport à la création des âmes s ils font du lentimcnt d'Origcne , fans fçavoir qu'il y ait eu un Origene dans le monde •> car ils s'imaginent que toutes les âmes ont été créées au commencement du monde. Il y a des Mil- lénaires parmi eux fans connoître Papias ni S', Irenée. Ils croyent qu'après le Jugement Uni- verfel , Jefus-Chriit reliera pendant mille ans fur la terre avec les prédeftinez pour les faire jouir de la béatitude. La plufpart des Docteurs Ar- méniens font pourtant du fentiment , que les âmes attendent le Jugement univerfei dans un endroit qu'ils placent entre le Ciel & la Terre , où elles fe flattent de jouir un jour de la gloire , quoiqu'elles foient dans la crainte d'être condam- nées à un fupplice éternel. Saint Nicon qui étoit de la petite Arménie , 8c qui avoit palfé quelques années de fa vie à faire des M! (fions dans la grande Arménie pendant le x. héclc , nous a laiffé un Traité en Grec touchant les Erreurs des Arméniens y l'original eft dans la bibliothèque du Roy , & Mr Cotte- lier en a donné une verfion Latine. S. Niccn rapporte des" choies fort iingulieres fur la croyan- ce de ces peuples , & ne les aceufe pas feule- ment d'être dilcipies d'Eutyches } de Diofcore , de Pierre l'Arménien , & de Mantacunez , mais auiïi d êcre dans l'herefie des Monothelitcs. il raconte quelques unes des fables qui font enco- per partie de leur petit Evangil . Cependant ces peuples ont de grandes grâces à rendre au Seigneur qui leur envoya deux de (es Apôtres peu de temps après fa Paflion. Baronius aOeiire que S. Barthélémy & S. Thadée iouiui- du Levant. Lettre XX. 2.6 $ jrent le martyre en Arménie 44. ans après la more de Jefus-Chriffc , en récompenfe de la foy qu'ils y avoienc annoncée. Malheureufcment elle n'y fi{l pas de grands progrés ; car Eufebe nous ap- prend qu'un faim Evcque appelle Aleriiziane y Icma le bon grain fous l'Empire de Dece , & Dieu répandit tant de bénédictions fur ces peu- ples j qu'on ne voyoit que des Chrétiens par- mi eux fous Diocletïen. Maximien fe mit en tefte de les détruire , mais les Arméniens prirent les armes pour la defenfe de leur foy ; & ce 'fut, comme dit Eufebe , la première guerre qu'on eut entrcprile pour la religion. Enfin Dieu acheva d'ouvrir les yeux à ces peuples par le miniftere de S. Grégoire Y Jlluminateur Arménien de naif- fanec, mais élevé à Cefarée en Cappadoce où il avoit été facré par S. Léonce. S. Grcgoire revenu dans fon pays fous l'Empire du grand Conftan- tin , convertit Tyridate Roy d'Arménie par un miracle éclatant, & ce Prince qui l'avoit d'a- bord fait maltraiter , en fut fi touché , qu'il obligea par un Edit tous fes fujets à embrafler le CluiiHanilme, Le Saint acheva par fa doctrine , par fon exemple , & par fes miracles, ce que le Roy ne pouvoit qu'ordonner. Une elclave qui fc fît chrétienne à Conftantinople en même temps , ne contribua pas peu par fes miracles à la propagation du Chriftianifme dans le même pays. Il ne faut pas confondre S. Grégoire ['Illumi- nateur premier Patriarche des Arméniens , avec un autre Saint du même pays & du même nom > qui dans le x. fiécle vint mourir en France , re- clus dans une folituclc auprès de Pluviers en Beauce dans ie DioccCe. d'Orléans. Il paifa fept %66 Voyage ans dans cet hermitage , jeûnant à la mode de fon pays , c'eft à dire d'une manière que les Chré- tiens d'Occident ne fçauroient pretque imiter. Il ne mangeoit rien du tout les Lundi , Mercre- di, Vendredi ôc Samedi: & même s'il rompoit fon jeune les mardi ôc vendredi après le foleil couché , c'étoit pour manger trois onces de pain d'orge , quelques herbes crues , une poignée de lentilles trempées dans de l'eau & germées au fo- leil ; les jours de Fêtes & de Dimanche, il fe nour- rilïoit un peu mieux 3 mais il ne mangeoit jamais de viande. Le Clergé d'Arménie efl: compofé du Patriar- che , des Archevêques , des Evêques , des Per~ tabiets ou Docteurs , des Prêtres Séculiers , ôc des Moines. Le Patriarche porte le nom de Catholicos depuis fort long-ternpsjcar Procope re- marque que les Arméniens ont emprunté ce terme des Grecs. Les Arméniens ont plufieurs Patriar- ches aujourd'huy fur les terres du Roy de Perfe , & fur celles du Grand Seigneur. Outre celui dJ ' Itchmiad^in qui eft le plus célèbre de tous , on compte en Perfe celui de Schamalzée proche la mer Cafpienne , ôc celui de Nacfivan que les Arméniens Catholiques Romains rcconnoiùent pour Patriarche après le Pape. En Turquie il y a deux Prélats qui fe font ériger en Patriarches par le grand Vifir , qui donneroit ce titre à tous les Prélats s'ils vouloient l'acheter comme font l'Evéque de Cis proche de Tarfe en Cilicle , ÔC l'Evéque Arménien de |erufalem , lcfque.s à force de prefens reçoivent leur miflion ôc leur authorité de la Porte. Les Arméniens ont encore un autre Patriarche à Camimec en Pologne , car le Père Pidou Parifien Religieux Theatin & Mif- du Levant, Lettre XX. 16? fionnaire Apoftolique , ménagea (î bien les ef- prits des Arméniens de Pologne , & fur tout ce- lui de leur Archevêque , qu'il les ramena à leur mère l'Eglife Romaine en 1666. On purgea leurs livres de toutes les erreurs qui féparent les fchifmatiques d'avec nous. Ce Patriarche recon- nut le Pape pour chef de la véritable Eglife , & porta le Saint Sacrement dans les rues à la Pro- cellion générale que l'on fît pour en remercier Pieu plus folemnellement. Le Patriarche d'Itchmiadzin efl: le plus riche de tous dans un fens , car on affeûre qu'il a près de iîx cens mille écus de revenu. Tous les Ar- méniens qui le reconnoiuent & qui partent l'âge de ij, ans, lui payent cinq fols par ans. Les aifez lui donnent jufques à trois ou quatre écus. Cependant il eft pauvre dans un autre fens , ôc véritablement pauvre , puifqu'il eft obligé de payer la Capitation pour retenir dans Ton trou- peau ceux qui ne font pas en état de fati\sfahe à ce tribut. Souvent il y confomme Tes revenus & y ajoute de Tes épargnes. Les Archevêques & Evêques lui envoyent tous les ans l'état des pauvres familles de leurs diocefes , lefquelles on menace de faire vendre ou de leur faire changer de religion faute de payement de la Capitation. Ce Patriarche effc vêtu auili Amplement que les autres Prêtres ; il vit très frugalement & n'a qu'un petit rombre de domeftiques , mais c'eft un Prélat des plus confidérables du monde par l'au- thorité qu'il a fur fa nation , laquelle tremble fous lui à la moindre menace d'excommunication. On alTeûre qu'il y a quatre-vingt mille villages qui le reconnoiuent. Pour fe maintenir en pla- ce y combien ne donne- t-ii pas au Gouverneur i6% V o v a g i d'Erivan Se aux puiflanecs de la Cour ? Il faut être bien efclave de l'ambition pour acheter de fem- blables portes. C'étoit autrefois le fcul Patriarche parmi les Arméniens qui eût le pouvoir de faire le S. Chref- rne ou Àlieron , du Grec Myrcn , compofition liquide ou huile parfumée. Il en fournillbit tous les Etats de Perle &: de Turquie ; les Grecs mê- mes i'achetoient avec vénération , & l'on diioit communément que des Trois Egliies il fortoit une fontaine d'huile facrée , laquelle arrofoit tout l'Orient. Le Patriarche i'envoyoit aux Ar- chevêques & aux Evêques Arméniens , pour le répandre & pour l'employer dans le Baptême ik dans l'Extrême-Onction : mais depuis plus de 40. ans Jacob Vertahiet & Evêque Arménien qui faifoit fa réfidence à Jerufalcm , s'avifa de s'éri- ger en Patriarche fous le bon plaifir du grand Vilîr , & refula de prendre le Mieron du Patriar- che des Trois Eçlifes. Comme l'huile cft a bon marché dans la Palettine , & que cette liqueur ne fe corrompt pas , il en fît plus qu'il n'en fal- loit pour oindre , pendant plufieurs années , tous les Arméniens qui font en Turquie. Voilà le fujet d'un grand Schifme parmi eux. Les Patriarches s'excommunièrent réciproquement ; celui des Trois Eglifes forma un grand procès à la Porte contrp celui de Jerufalem. Les Turcs qui font trop habiles pour vouloir décider la queftion , fe contentent de recevoir les prefens que leur font les Parties à mefure qu'elles re- viennent à la charge : en attendant chacun débite fou huile comme il peut. Ils la préparent depuis les Vefprcs du Daman* che des Rameaux , jufques à la Meife du Je.idi du Levant. Lettre XX. 169 Saint , laquelle ce jour là fe célèbre fur le grand vailleau où l'on conferve certe liqueur. On n'em- ployé ni bois ni charbon ordinaire pour faire bouillir la chaudière où on la prépare , & cette chaudière eft plus grande que la marmite des Inva- lides. On la fait bouillir avec des bois bénits , 8c même avec tout ce qui a iervi aux Eglifes , vieil- les images ornemens ufez , livres déchirez & trop gras ; tout eft refervé pour cette cérémonie. Ce feu ne doit pas fentir trop bon ; mais l'huile eft parfumée par des herbes & par des drogues odoriférantes que l'on y mêle. Ce ne font pas de petits clercs qui travaillent à cette merveilleufe compofition ; c'eft le Patriarche lui-même , vêtu pontificalement &c afïifté au moins de trois Pré- lats en habits Pontificaux , qui récitent tous enfemble des prières pendant toute la cérémonie." Le peuple en eft plus frappé que de la préfence réelle de Jefus-Chrift ; tant il eft vrai que les hommes ne font fufceptibles que des chofes- fenfibles ? Il n'y a rien à dire en particulier des Archevê- ques &c des Evêques Arméniens , fi ce n'eft qu'il y en a plufieurs qui font fans Diocefe & qui lo- gent dans des Mona Itères dont ils font Abbez. Tous ces Prélats font fubordonnez au Patriar- che , comme dans les autres Eglifes chrétiennes. Il feroit à fouhaiter feulement qu'ils s'acquitaf- fent de leurs devoirs j mais ils n'ont aucun zélé & font plongez dans une ignorance pitoyable ; auffi. les confidere-t-on bien fouvent moins que les Vertabiets. Quelquefois ils font Evêques & Vertabiets tout enlemble , c'eft à dire Evêques Se Docteurs. Ces Vertabiets qui font tant de bruit parmi les Arméniens , ne font pas véritablement 7.J0 V O Y A G É de grands Docteurs ; mais ce font les plus ha- biles gens du pays , ou du moins ils pailenr pour tels. Pour être receù à ce degré ii eminent il ne aut pas avoir étudie la Théologie pendant lon- gues années j il furfit de fçavoir la langue Armé- nienne littérale, & d'apprendre par cœur quelque fermon de leur grand Maître Grégoire Atenajî , dont toute l'éloquence brilloit dans les blafphé- mcs qu'il vomilToit contre l'Eglife Romaine. La Langue littérale eft chez eux la Langue des fca- xxus , & l'on prétend qu'elle n'a aucun rapport avec les autres Langues Orientales ; c'eft ce qui la rend h difficile. On afteûre qu'elle eft fort ex- prefîîve & enrichie de tous les termes de la reli- gion , des feiences Se des arts , ce qui montre que les Ai meniensetoient autrefois bien plus habiles qu'ils ne font aujourd'hui. Enfin c'eft. un grand mérite chez eux d'entendre cette langue ; elle ne le trouve que dans leurs meilleurs manuferits* Les Vertabiets font facrez , mais ils difent rare- ment la Melïe , & font "proprement deftinez pour la prédication. Leurs fermons roulent fur des paraboles mal imaginées , fur des palfages de l'Ecriture mal entendus & mal expliquez, &C fur quelques hiftoires vrayes ou fauftes qu'ils fçavent par tradition ; cependant ils les pronon- cent avec beaucoup de gravité , & ces difeours leur donnent prefque autant d'authorité qu'au Patriarche : ils iifuipent fur tout celle d'excom- munier. Après s'être exercez dans quelques vil- lages , un ancien Vcrtabiet les reçoit Docteurs avec beaucoup de cérémonies , de leur met entre les mains le bâton paftoral. La cérémonie ne fe paffe pas fans Simonie , car le degré de Dodeur étant regardé parmi eux comme un Ordre facré , du Levant. Lettre XX. 271 ils ne font aucun fcrupule de le vendre de même que les autres Ordres. Ces Docteurs ont le pri- vilège d'être ailis en prêchant & de tenir le bâ- ton paftoral \ au lieu que les Evêques qui ne font pas Docteurs prêchent debout. Les Vertabiets vivent de la quête que l'on fait pour eux après le fermon , & cette quête eft conddérable , fur tout dans les lieux où les Caravanes fe repofent. Ces Prédicateurs gardent le célibat &c jeûnent fort ri- goureufement les trois quarts de l'année , car ils ne mangent alors ni œufs , ni poiifon , ni laita- ge. Quoiqu'ils parlent dans leurs fermons , moi- tic langue littérale ôc moitié langue vulgaire , ils ne lairTent pas fouvent de prêcher en langue vulgaire pour mieux fe faire entendre : mais la Mefle , le chant de l'Eglife , la vie des Saints, les paroles dont on fe fert pour l'adminiftration des Sacremens , font eft langue littérale. Les Curez de les Prêtres Séculiers fe marient de même que les Papas Grecs , & ne fçauroîent parler à de fécondes noces ; auffi choififfent-ils des filles dont le teint promette une longue vie & une forte lanté. Il^ travaillent tous à quelque métier pour gagner leur vie & pour entretenir leur famille , & cela les occupe fi fort qu'à peine fçavenr-ils faire les fondions Ecclefiaftiques. Pour approcher de l'autel plus purement , ils font obligez de coucher dans l'tglife la veille des jours qu'ils doivent célébrer. Les Religieux Arméniens font ou Schifmati- ques ou Catholiques. Les Schématiques fuivent la Règle de Saint Bafile ; les Catholiques celle de Saint Dominique. Leur Provincial eft nom- mé par le General dés Dominicains qui fe tient à Rome. Environ l'an 1320. le P. Barthélémy Voyage Dominicain réunie beaucoup d'Arméniens à l'Eglile Romaine que le Pape Jean X x i i. gou- vernoit alors , Cv ce grand Millionnaire y établit plulieurs Couvents de ion Ordre ; il y en a enco- re quelques-uns dans la Province de NacSvatn entre Ta uns & Erivan.MrTavernier en a compté jufques à dix , autour de la ville de Naciivan ÔC de l'ancienne Julfa qui n'en cil qu'à une journée; tous ces Monafteres font gouvernez par des Dominicains Arméniens, Pour former de bons fujets on envoyé de temps en temps à Rome de jeunes enfans de cette nation que l'on élevé dans les Sciences & dans l'efprit de l'Ordre de Saint Dominique. Chaque Monaftere eft dans un bourg , & l'on compte dans ce quartier-là en- viron lîx mille Catholiques. Leur Archevêque, qui prend le titre de Patriarche , vafe faire con- firmer à Rome après fon élection & l'on fuit dans fon Diocefe le Rite Romain en toutes chofe s , excepté la MelTe & l'Office que l'on chante en Arménien afin que le peuple l'entende. Ce pe- tit troupeau vit laintement , il cft bien inftruit èc il n'y a pas de meilleurs Chrétiens dans* tout l'Orient. Les Arméniens Schifmatiques font affez à plaindre, ils jeûnent comme les Religieux de la Trappe , & tout cela ne leur fervira de rien s'ils ne fe rangent du bon parti. Ils font maigre deux jours de la femaine , le mercredi & le vendredi, .& ils ne mangent ni poilfion , ni œufs, ni hui- le 3 ni laitage. Les carêmes des Grecs fon: des temps de bonne chère , en comparaifon de ceux des Arméniens poutre leur longueur extraordinai- re , il ne leur eft permis dans ce temps-là que de manger des racines , ëc même il leur eft défendu d'en du Levant, Lettre XX. 273 d'en manger autant qu'il faut pour fatilfaîre leui: appetit. L'ufage des coquillages , de l'huile , du vin leur cft interdit , excepté le Samedi Saint j ils reprennent ce jour-là le beurre , le froma- ge & les œufs* Le jour de Pafques ils mangent de la viande , mais feulement de celle dont on a tué les animaux ce jour-là , & non pas les jours précedens. Pendant le grand carême ils ne mangent du poififon &c n'entendent la Meife que le Dimanche. Elle fe dit à midi , & ils là nomment la MejTe baffe , parce que l'on tire ui> grand rideau devant l'autel & que le Prêtre , que l'on ne voit pas , ne prononce tout haut que l'E- vangile & le Credo Les ridelles ne communient que le Jeudi Saint à la Me lie qui ne fe dit qu'à midi ; mais celle du Samedi Saint fe célèbre à cinq ou fix heures du foir , & l'on y donne auffi la communion. Enfuîte l'on rompt le carême , comme Ton vient de dire , en mangeant du poif- fon , du beurre ou de l'huile. Outre le grand carême , ils en ont quatre autres de huit jours chacun pendant le refte de l'année ; il font insti- tuez pour fe préparer aux quatre grandes fêtes de Noël , de Y Afcenfion , de Y Annonciation , & de Saint George. Ces carêmes font aufîi rigoureux que le grand , il ne faut parler pourlors , ni d'eeufs , ni de poifïori , pas même d'huile ou de beurre ; Il y en a qui ne prennent aucune nour- riture pendant trois jours de fuite. Les Arméniens ont fept sacremens comme nous , le Baptême ; la Confirmation , la Péniten- ce, \' Eucharijlie> Y Extrême-Onction s l'Ordre de lç J\4ariage. Le Baptême chez eux fe fait par immerfion Comme chez les Grecs , 6c le Prêtre prononce les Tome III* S i?4 Voyage mêmes paroles,^*? te baptifean nom du Père, diu Fils & du Saint Efpiit-.'û plonge trois fois l'enfant: dans Peau en mémoire de la fainte Trinité. Qucoique nos Millionnaires les ayent defabufez de réppeter les mêmes paroles à chaque immerfîon , il y a encore beaucoup de Prêtres qui le font par pure ignorance. Pendant que le Curé récite quellqties prières de fon Rituel , il fait un cordon , rmoitié de coton blanc , &c moitié de foye rouge , dont il a lui-même tordu les fils féparcment. /Après l'avoir pafTé au col de l'enfant, il fait les oncTtions avec le Sc Chrême , au front , au mentom , à l'cftomac , aux ailîelles , aux mains &c aux piieds , en faifant le ligne de la croix fur chacune die ces parties. La cérémonie du coi don fe fait , dii'ent- ils , en mémoire du fang & de l'eau qui (forti- rent du côté de Jcfus-Chrift lorfqu'il receuit le coup de Lance fur la Croix. On ne baptife; que le Dimanche , à moins que l'enfant ne foit en danger de mort , & le Prêtre impofe toujouus le nom du Saint du jour , ou de celui duquccl on doit faire la fête, le lendemain , fuppofé qu'ill n'y ait point de Saint particulier le jour du baptême. La Sage-femme porte l'enfant à l'Eglife , mais c'eft le Parrain qui ie rapporte chez la merc aiu fon des tambours,des trompettes, Se des antres iniftru- mens du pays. La mère fe prolternc pour rccœvoir fon enfant , & le Parrain dans ce temps-là baiife le dclïlis de la tête de la mère ; enfuite on le îmct à table avec les parens , les amis , & le Chergé. Il faut que le Clergé foit de la fête , parce: que les Arméniens croyent qu'il n'y a que les Prêtres qui puhTcnt baptifer valablement dans que.-lquc rencontre que ce foit. J'ai même oui dire «qu'il y avoit des Prêtres qui baptifoieiu les emfans t) V Levant. Lettre XX. iy$ morts , ôc je n'ai pas de peine à le croire , puif- qu ils ne donnent l'Extrèmc-On&ion qu'aux trépaffez. Les baptêmes qui fe font le jour de Noël font les plus magnifiques, ôc l'on renvoyé à ce jour- là les enfans dont la fanté permet qu'on diffère là cérémonie. Les fêtes les plus célèbres fe font prin> cipalemcnt dans les lieux où il y a quelque érané ou quelque rivière. On drelle pour cela un petit au- tel fur un bateau tout couvert de beaux tapis ; lé Clergé s'y renddèsquelefoleil fe leve,accomparmé des parens , des amis & des voifins pour qui l'oii prépare des bateaux ornez de même. Quelque rude que Toit la faifon , après les prières ordinal res, le Prêtre plonge l'enfant trois fois dans l'eau ^ & lui faic les oudions. Les pères n'en font past quittes à bon marché , . car la fête fe pâlie eri feftins Ôc en préfens ; auffi y a-t-il beaucoup dé pères qui n'attendent pas la fête de Noël ^ ôc qui fuppofent que leur enfant eft mourant; Eri effet quelle folie de s'incommoder fans nécefïï- té ? Les Gouverneurs des Provinces s'y trouvent fou vent , le Roy même vient quelquefois à Julfa pour voir ces fortes de fêtes : Il faut alors faire beaucoup de préfens , outre les feftins Se les colations. Les femmes accouchées ne vont à l'Eglife que 40. jours après leur accouche- ment 3 elles obfervent plufieurs fuperftitions ju- daïques* Il paroît par ce que l'on vient de dire , que les Arméniens confèrent deux Sacremens à la fois j le Baptême ôc la Confirmation , puifqu'ils don- nent le Saint Chrême aux enfans. Ils croyent que tous les Prêtres peuvent adminiftrer ce Sa- «rement > mais ils font perfuadez qu'il n'y a q«& M 276 "V O V A G t le Patriarche qui puiiïe bénir le Saint Chrême. Pour ia Communion > les Prêtres donnent: aux ridelles un morceau de l'Hoftie confacrée , & trempée dans le vin confacré ', mais il eft fean- daleux qu'ils communient les enfans à Page de deux ou trois mois entre les bras de leurs mè- res , parce qu'ils rejettent le plus fouvent les ef- peecs cunfacrées. Les Prêtres Arméniens confi- èrent avec du pain fans levain , & font eux- mêmes les hofties la veille du jour qu'ils doi- vent confacrer ; elles font femblables aux nôtres , ii ce n'eft qu'elles ont trois ou quatre fois plus d'épaiileur. Avant que de commencer la Meife , le Prêtre prend foin de mettre Phollie fur une patène , & le vin tout pur dans un calice. Jcfus- Chrift , difent-ils , fie la Cène avec le vin , ôc •réferva Peau pour le Baptême. Le Prêtre couvre les clpeces d'un grand voile & les enferme dans une armoire près de Pautel du côté de l'Evangi- le. A l'Offertoire il va prendre le calice & la patène en cérémonie , c'eft à dire fuivi des Dia- cres & des Soufdiacrés , dont quelques-uns por- tent des flambeaux , &: les autres des plaques de cuivre attachées à des bâtons allez longs , & garnies de clochettes qu'ils font rouler d'une ma- nière allez harmonîeule. Le Prêtre précédé des encenfoirs & au milieu des flambeaux & de ces inft rumens de mufique , porte les elpeces en pro» cefîion autour du fanetnaire. C'eft alors que le peuple mal inftruit fe profterne & adore les efpe- ces non confacrées. Le Clergé encore plus cou- pable chante à genoux un Cantique qui commen- ce , le Corps du Seigneur eft prefem devant tous» Il femble que les Arméniens . ayent pris cette abominable coutume des Grecs : car les Grecs • ru Levant. Lettre XX 277 comme nous l'avons remarque, par une igno- rance inexcufable adoreni auiîi les cfpeces avant la confecration. Leur erreur vienr de ce qu'au- trefois ils croyoient qu'il n'étoit permis de célé- brer que le Jeudi Saint , & confactoient ce jour- là autant d'hofties qu'il en falloir pour tous les jours de l'année ; on les gardoit dans une armoire à côté de l'Evangile , & le peuple avoit rai fou de les adorer quand le Prêtre les portoit de cet- te armoire à l'autel. Apres cette petite procefïîon le Prêtre met les efpeces fur l'autel , tk pronon- ce les paroles facramentelles ; fe tournant vers lé peuple qui fe profterne , baife la terre & frappe fa poitrine ; il leur montre l'hollic &: le calice , en difant. f^oici le Corps & le Sang de je/i>s-(hrifi qui a été donné pour nous il fe tourne eniuite vers l'autel & communie en mangeant l'hofUe trem- pée dans le vin. Quand il donne la communion aux ridelles, il répète trois fois les paroles fui- vantes pour en mieux faire lentir- l'énergie. Je crois fermement que ceci eji le Corps & ic Sanmmcs. Le peuple répète tout bas ces paroles mot pour mot. Malgré' cette fainte précaution les Arméniens Schématiques ne paroiflent guerès pénétrez de la grandeur de cet adorable mi Itère. Ils fe préfen- tent la plulpart à la communion lan> prépara- tion , & on la donne aux enfans de ij. ou 16. ans , fans confellion , quoiqu'à cet âge ils ne foient pas fi innocens que le- peuples le fuppo- fenz. Les Arméniens communient rarement à, la campagne , paiceque l'ouvenc le peuple n'a pas de quoi faire dire la Mclle , & les Prêtres S iij x-j§ Voyage leur perfuadent qu'une Mefle mal payée nJa pas grande yertu. Nos Millionnaires fe font admirer par leur Science , par leur zélé &c par leur genérofité ; mais les Schifmatiques détruifent , par leur ar- gent, ce que ces hommes Apoftoliques édifient de plus folide. Les Millions les plus fieuriffantes tomberont à la fin ii Dieu ne change le cceur des Schifmatiques, Ces malheureux qui n'apprehen- dent rien tant que les laints progrés de nos Prêtres , jntereflent des puillances de l'Etat & ne ceffent de leur répréfenter combien il ferok dangereux de foiiftrir que les Latins fe multi- plialïent chez eux ; que ces gens malintentionné? pour le gouvernement font dévouez au Pape ÔÇ aux Princes Chrétiens ; qu'il faut les regarder comme autant d'efpions , qui fous prétexte de religion viennent pour reconnoître les forces du pays j qu'ils n'infpirent à ceux de leur Rite que Pefprit de fédition & de révolte ; que les plus pu 1 (fans Princes d'Europe ne s'interefferoient pas pour eux s'ils ne s'en lervoient comme d'au- tant d'Emilfaires propres à étendre un jour leurs conquêtes. Toutes ces faufles raifons appuyées de force iequins , font ouvrir les yeux aux Ma- hometans j &: malgré toutes les recommanda- tions du monde , on oblige les Millionnaires à fe retirer. Néanmoins ces Apôtres ne fe rebu- tent point j on voit tous les jours en Levant de nouveaux Capucins , des Dominicains , des Carmes, des Jefuitcs , des Prêtres des Miffions étrangères de Paris. Us inftruifent ceux qui fe préfentent , ils baptifent , ils ramènent au bercail Jes brebis égarées , ils ouvrent les portes du Ciel aux Elus, du Levakt. Lettre XX. 279 Quel dommage que les Arméniens n'ouvrent pis les yeux , car d'allieurs ils font d'un bon na- turel & portez à la dévotion } Leurs Eglifes font d'une grande propreté depuis qu'ils ont veû les nôtres ; il n'y a dans chaque Eglife qu'un feul autel placé au fond de la nef dans le fanctuairc , où l'on monte par cinq ou (ix marches. Ils font des dépenfes coniidérables pour orner ce fanchiai- re. Il n'eft permis à aucun léculier , de quelque qualité qu'il (oit , d'y entrer. On voit bien par les richellcs de ce lieu , que les Arméniens manient plus d'écus , que les Grecs de doubles. La mifere paroît chez les Grecs dans ce qu'ils ont de plus facré , à peine ont-ils deux petites bou- gies pour dire la Meflc. Chez les Arméniens , au contraire, on voit de belles illuminations &C de grofles torches ; leur chant eft bien plus agréa- ble aulîi , & la fimphonie des fonnettes attachées à l'inltrutnent dont on a parlé , ck dont on donne ici la figure , infpire je ne fçai quoi qui attendrit le cœur > on en jolie à l'Evangile & quand on tranfporte les efpeces. Les Arméniens n'appertenr pas plus de prépa- ration pour la Confelîlon que pour la Commu- nion ; on peut même dire, fans calomnie , que la plufpart de leurs confelTions (ont autant de facrileges. Les Prêtres ignorent l'cllentiel de ce Sacrement , & les penîtens qui font de grands pécheurs aufli-bien que nous , ne fçavent pas diftinguer le péché de ce qui ne l'e(t pas. Malheu- reufement ni les uns ni les autres ne lont pas capables de faire un bon acte de contrition. Les déclarations des péchez font vagues & indétermi- nées > fans infifter même fur ceux qu'ils ont com- mis , quelques- uns en difent trois fois plus qu'Us S iiij i8o Voyage n'en ont fait , & récitent par cœur une lifte de Crimes énormes , qui a été compofée autrefois pour fervir de modelé à faire leur examen. S'ils le confeflent d'avoir volé ou tué , bien fouvent les Confelïeurs répondent que Dieueft; tout plein de miiericorde j mais il n'y a point avec eux de remillion pour avoir rompu le Jeune, ou pour avoir mangé du beurre le mercredi ou le vendre- di i car leurs Prêtres qui font confifter la religion à faire de grandes abftinences , leur impofent des pénitences effroyables pour ces fortes de fau- tes ; ils ordonnent aiuTi quelquefois des mois en- tiers de pénitence à ceux qui s'aceufent d'a- voir fumé , d'avoir tué un chat , une fouris , un oifeau. Ce ieroit ici l'endroit de parler de l'Extrême» Qnction des Arméniens , puifqu'iis la comptent parmi les Sacrcmens ; mais je ne vois rien de plus abfurde que leur pratique , car ils ne la donnent qu'après la morr,& même ce n'efl ordinairement qu'aux perfonnes facrées ; les autres en font tout- £-fait exclus. Ils ont des règles particulières pour le Maria- ge. Un homme veuf ne peut époufer qu'une fem- me , & l'on ne fçauroit chez eux contracter un troihéme Mariage ; ce feroit vivre dans la for- nication. De même une femme veuve ne pettt pas époufer un garçon. Il n'y a pas grand mal juique là , peut être m "me que les Mariages fe- roient mieux aiïoi tis que dans les autres Reli- gions, (1 les parties f connoîiloient avant eue de s'unir j mais on ne fçait ce que c'eft que de faire l'amour chez eux. Les Mariages fc font félon la volonté des mères qui ne conlultent or- dinaùçment que leur.s maris. Après qu'on eft du Levant. Lettre XX. 1S1 convenu des articles , la mère du garçon vient au logis de la fille , accompagnée d'un Prêtre 8c de deux vieilles femmes. Elle préfente à la future une bacme de la part de fon fils. Le earcon (c montre en même temps tenant la gravite du mieux qu'il peut , car il n'eft pas permis de ri- re à la première entrevciie ; il en: vrai que cette entreveiie e(t fort indifférente , puiique la belle ou la laide ne montre pas même le blanc des yeux , tant elle eft voilée. On prefente à boire au Curé qui fait les fiançailles. Ce n'eft pas la coutume de publier des bancs. La veille des no- ces le fiancé envoit des habits , & quelques heu- res après il vient recevoir chez la fiancée le pre- fent qu'elle veut lui faire. Le lendemain on mon- te à cheval ce l'on n'oublie rien pour en avoir des plus beaux. Le fiancé for tant de la maifon de ia future , marche le premier la tète couverte d'un raifeau d'or ou d'argent , ou d'un voile de gaze incarnat , fuivant fa qualité; ce voile ou ce raifeau defeend jufqu'à la moitié du corps. Il tient de la main droite le bout d'une ceinture , dont la fiancée qui le fuit à cheval , couverte d'un voile blanc , tient l'autre bout -, ce voile tombe jufques fur les jambes du cheval. Deux hommes marchent à côte du cheval de la fiancée pour en tenir les rênes. Les païens , les amis , la fleur de la jeunelTe , à cheval ou à pied , les accompagnent à l'Eglife au fon des inftrumcns , en proceiïion le cierge à la main Se fans confu- sion. On met pied à terre à la porte de l'Eglife , ôc les fiancez vont jufqu'aux marches du fanchtai- re tenant toujours la ceinture par les bouts. Là ils s'approchent de front , & le Prêtre leur ayant mis la Bible fur la tète, leur demande s'ils veulent 281 Voyage bien fe prendre pour mari & pour femme ; ils inclinent la tête pour marquer leur confente- ment. Le Prêtre prononce alors les paroles fa- cramentelles , il fait la cérémonie des anneaux & dit la MeiTe. On fe retire enfuite chez l'épou- fée , dans le même ordre qu'on étoit venu. Le mari fe couche le premier , après avoir été dé- chauffé par fa femme qui en: chargée du loin d'éteindre la chandelle , & qui ne quitte (on voile que pour entrer dans le lit. Voilà com- ment fe font les Mariages , de les cérémonies qu'obfervent les jeunes mariées en Arménie. Et cette obfcurité qui cache leur ardeur Semble mettre a couvert leur honte & leur pudeur. Cependant cela s'appelle en bon françois , ache- ter chat en poch . On dit qu'il y a des Armé- niens qui ne connoîtroient pas leurs femmes s'ils les trouvoient couchées avec un autre homme. Tous les foirs elles éteignent la chandelle avant que de fe dévoiler , & la plulpart ne dé- couvrent point leur vifage pendant le jour. Un Arménien qui révient d'un grand voyage n'eft pas ailcûré s'il trouvera la même femme dans fon lit , ou Ci quel qu'autre femme , pour profiter de fes biens , aura pris la place de la défunte. Quand les filles ont perdu leur mère avant que de fe marier , c'efl ordinairement la plus proche parente qui prend le loin de leur maria- ge. Quelquefois les mères accordent leurs en fan* à i'âge de deux ou trois ans ; il y a même des mères qui pendant leur grollefle conviennent enfemblc de marier les enfans qu'elles portent > du Levant. Lettre XX. 183 fuppofé que l'un foii garçon & l'autre fille ; c'eit la plus grande marque d'amicié que les honnêtes gens le puiifent donner. On les ac- corde dès qu'ils font nez , ils ne fc font pas tout-à-fait relâchez fur cet article , mais ils ne peuvent plus dire la Mefle quand ils époufent une féconde femme , comme h leur caractère étoit effacé par le fécond mariage. Les nouveaux Prêtres font obligez de relier un an dans l'Eglife pour ne s'occuper que du lervi- ce Divin : après lequel temps la plufpart cou- chent dans l'Eglife la veille du jour qu'ils doi* vent célébrer; quelques-uns y relient cinq jourï fans venir chez eux , & ne mangent que de> œufs durs , Se du ris cuit à l'eau &c au fel. Les Evêqucs ne mangent de la viande &c du poiffon que quatre fois l'année. Les Archevêques ne vivent que de légumes. Comme ils font confif- ter la perfection de la Religion dans les jeûnes ôc dans les abftinences , ils les augmentent a mefure qu'ils font élevez en dignité ; fur ce pied-là les Patriarches devroient quafî fc laitier mourir de faim. Nos Millionnaires font obli- gez d'entrer un peu dans leurs manières , car on ne peut mériter leur eftirrie que par des jeûnes outrez. Les Prélats ne font de l'Eau-benîte qu'une fois du Levant. L,ettre XX. 285 l'année , ,& ils appellent cette cérémonie le Baptême de la Croix parce que le jour de \'E- pipbanie ils plongent une croix dans l'eau après avoir récité plusieurs oraifons ; & après que l'Eau- benîte eft faire , chacun remplit fon pot & l'emporte chez foi ; les Prêtres , 8c fur tout les Prélats , retirent de cette cérémonie un profit très confîdérablc. J'ay l'honneur d'être avec un profond refpect, &c. i86 V O Y A G H Lettre XXI. \A Monseigneur le Comte de Vontch.trtraln , Secre*- taire à' Etat & des Commandemens de Sa Aîa- jefté , &c> Mt |U§!5QgO NSEIGNEURj Vovagï Nous commençâmes à tourner tout de bon le °" dos au Levant le; n. Septembre , & quoique d'Ango- nous ^fiions au fond de la Natolie , il nous fein- ta, bloit que nous voyions les pointes des clochers de France , dès que nous eûmes pris le parti de nous approcher de là Méditerranée. Nous n'allâmes pourtant ce jour-là qu'à un mille d'Er- zeron avec une partie de la Caravane qui s'af- fembloit pour Tocat , & nous partîmes le lende- main 13. Septembre pour les Bains d'Elija où le relie des Marchands s'étoient rendus. Ces eaux nous parurent plus chaudes que celles d'Alîanca- lé , & que ceiles des environs du grand Monade-* te d'Erzeron. Le 14. Septembre nous marchâmes depuis j+ heures du matin jufques à midi par des pays plats^ mais fi lecs & fi brûlez qu'on n'y trouvoit ni plan- tes ni graines * Nôtre Caravane n'étoit que d'en- viron 300. perfonnes , prefque tous Arméniens qui conduifoient des foyes à Tocat , à Smymc & à Conftantinople. On partit le 15. à cinq heu- res & demi , & l'on campa yers le midi fur cette tranche de l'Euphrate qui palTe par la plaine du Levant. Lettre XXI. 287 d'Erzeron fous le pont d'Elija. Nous l'avions tou- jours côtoyée a gauche,mais la campagne nous pa- rut bien plus rude que celle du jour précèdent \ ce ne font que rochers qui déterminent l'Euphrate à couler vers le couchant. Les bords cjjs cette ri- vière iont couverts d'une belle efpece à' Epine- vinitte , plus haute que la nôtre , fk que l'on dtfttngue par fon fruit. C'eft une grappe à fept ou huit grains cïlindriques , longs d'environ 4. lignes lut deux lignes d'épais , noirs , couverts d'une fleur iem'biable à celle des prunes fraîches , pleins d'un fuc violet moins aigre & beaucoup plus agréable que celui de YEv'me-vinette. L'ar- briireau dont nous parlons a les feuilles longues d'environ deux pouces fur près de 10. lignes de largeur, aigrelettes & dentées. Le bois en elt jaune , garni d'épines dures , quelques-unes fini- pies , & les autres à deux ou trois piquans. Cette plante a levé de graine dans le Jardin du Roy. Le 1 6. Septembre on marcha depuis quatre heures & demi du matin jufques à une heure après midi , dans une vallée étroite , defagrcable , inculte , où l'on ne trouve qu'un feul Caravan- ferai , & où l'Euphrate qui coule toujours vers l'Oiielt fait plufieurs détours. Nous fûmes obli- gez de palier deux fois cette rivière , ayant ap- pris par une Caravane compofée de 24. Cha- meaux , qu'il y avoit beaucoup de voleurs fur le chemin de Tocat. A cette nouvelle nous nous rafTcmblâmes pour tenir Confeil , & il fut décidé qu'on tâcheroitde faire la meilleure contenance qu'il feroit pofïible. On ne manqua pas de met- tre dans le centre de la marche tous les chevaux chargez de foyes , & nous nous trouvions tantôt i§S Voyage parmi eux , & tantôt à l'arricre garde. On ar- riva furies ii. heures à l'entrée d'une vallée en- core plus étroite , &c tandis que nous nous retran- chions fur la pente de la colline a la vciie de ce coupe-gorge , on détacha trois fulilicrs pour al- ler reconnoître le patlage , heureufement ils rapportèrent qu'ils n'avoient veû que trois ou quatre cavaliers armez qui fe retiroient dans les montagnes ; ainu" nous pallâmes le défile fans dire mot «Se le plus promptement que nous pûmes* C'eft dans cet endioit -là que l'Euphrate fait un coude confidérable vers le Midi pour s'approcher de l'autre de fes branches , laquelle paffe à Aîiimmacomum. Nous continuâmes nôtre route vers le Sud- Oued \ Se fumes obligez décamper à demi heure du défilé , prefque à mi-côte d'une montagne alfcz rude , dans une folitude affreufe où l'on ne voit ni village ni Caravanlerai ^on eut même afTez de peine à trouver des bouzes de vaches pour faire bouillir la marmite. Le 17. Septembre nôtre route fut courte , mais fort incommode -, on palfa fur une mon- tagne toute pelée , au pied de laquelle on entre dans une vallée bien cultivée , où nous campâ- mes après 4. heures de marche , auprès de Caraboulac village afTez joli. Nous fûmes joints ce jour-là par une Caravane de Marchands de foye, auiîi forte que la notre \ elle étoit partie d'Erze- ron deux jours après nous , mais elle avoit fait plus de diligence , fur le bruit qui couroit qu'un Pacha Manioul s'étoit mis à la tête des voleurs. Cette recrue nous fit plaifir & nous partîmes tous enfcmble de Caraboulac furies 5. heures du. matin pour venir a yiepounar autre village où nous arrivâmes à une heure après midi. La route feroit du Levant, Lettre XXI. 2S9 fferoit allez commode , n'étoit qu'il faut paf- fet par une montagne fort élevée éc toute décoiu» verte. Le 18. Septembre on partit à 4. heures du matin pour n'aller pourtant pas bien loin, car nous campâmes fur les 8. heures & trois quarts auprès dJun ruifleau qui coule vers rOiïeir. Il eft vrai que nous paftàmes fur une moutagne cou- verte de Pins , dont la dcfcenie eft fort rude i & qui conduit dans une vallée étroite & tor- tue , fur la gauche de laquelle oii voit le tefte d'un vieux Aqueduc à arcades arrondies qui paroît allez ancien. Nous parTàmcs ce même jour la rivière qui va fe jetter dans la mer Noi- re à Vatiza ; cette rivière vient du Midi , aii lieu que dans nos Cartes on la fait couler du côté de l'Eft. Le 19. Septembre on continua de marcher au Nord-Oiieft , dans une autre vallée fort étroi- te , après quoi nous entrâmes dans une aflez- bclle plaine à l'Oueft , où coule un agréable ruif- feau lur le bord duquel eft le village de Sukmé, Un peu eu,jdeçà de ce village , à droite du grand chemin , fe vôycut deux morceaux de colonnes antiques , fur le plus petit defqucls il y a des ca- ractères grecs fort anciens , que la peur des vo- leurs nous empêcha d'examiner ; & d'ailleurs l'infeription nous en parut très-ulée. Peut-être qu'elle fait mention du nom de quelque ancienne ville fur les ruines de laquelle Sukmé a été bâti. Après une route de cinq heures & demi , on campa auprès d'un autre village appelle Ker- mern La marche du 10. Septembre fut de 7. heures , & nous nous arrêtâmes à SarvonUr autre village Tome UL T 29° Voyage bâti de même que Kermeri , c'eit-à-dhc fort pau- vrement. A la defcentede la montagne &:à l'en- trée d'un coupe-gorge , on découvrit cinq ou fix voleurs à cheval , qui fe retirèrent , fur ce que nous les menacions de tirer fur eux. On mit pied à terre en tenant le fufil , les piitolets , le Cabre ou la lance à la main ; car nous avions dans nô- tre troupe des gens armez de toutes ce? différen- tes pièces , mais il y en avoit peu qui fuifent bien ré fol us de s'en fervir j pour moi j'avoue frarche- ment que je ne mefentois pas l'ame gucrrieic ce jour-là. Les balles de foye étoient au milieu de la marche , & les cavaliers les plus leiles s'é- toient partagez à la tête «S: à la queue. Quelques voleurs parurent à un quait de lieue de la fur les hauteurs voifmes ; cependant nous ne laifl.imes pas d'entrer dans une petite plaine terminée par un vallon , à l'entrée duquel s'étoient poftez iy. ou io. de ces voleurs , qui nous voyans venir en bon ordre , jugèrent à propos de fe retirer. Ces malheureux font des montagnards qui volent quand ils fc trouvent les plus forts , cV qui n'ont pas l'cfprit de s'entendre ni de bien faire leurs parties. Il eft certain que s'ils nous avoient atta- quez avec fermeté , ils auroient enlevé la moi- tié des baltes de foye. Quelques voleurs de nuit qui fe mêlèrent avec nous fur le matin , dans le temps qu'on chargeoic les balles , furent bien plus habiles , car ils détournèrent deux malets avec leur charge , & l'on n'en entendit plus par- ler. Les montagnes par où nous paflames font couvertes de taillis de charmes , parmi lefquels on voit des Pins , de la Sabine & du Gemrvre. Les Melons d'eau font excellais dans tous ces quartiers-là j les meilleurs ont la chair reuge- dû Levant* Lettre XXL î$t pâle , &: les graines rougebrun tirant furie noir ; les autres ont la chair jaunâtre 8c la graine noi- re ) les moins fucrez ont la chair blanche. Le il. Septembre nous partîmes à 5. heures du matin , & paffàmes fur la plus haute , la plus rude & le plus ennuyeufe montagne du pays , toujours fur nos gardes de peur des voleurs. La veûe d'une infinité de Plantes rares nous confo- loit de nos allarmcs ; ces Plantes nàiflcnt parmi le Chêne commun t le Saule mufcjué , V Alifier » le Tamaris y les Pins , L'tpine-vinette a fruit noir. Le 21. Septembre nous ne découvrîmes de- puis 5. heures du matin jufques à midi , que des roches fort efearpées , toutes de marbre blanc , ou de jafpc rouge & blanc , parmi lefquelles coule avec rapidité , du levant au couchant , la rivière de Carmili. Nous eûmes pour gîte un mauvais Caravanferai , ou plutôt une grange dans laquelle nous trouvâmes une banquette haute de trois pieds , fur quoi chacun étendit fou équi- page. Les Turcs ne portent qu'un tapis pour tout meuble de nuit. Ce lieu n'étoit éclairé que par des ouvertures plus petites que les fenêtres des chambres des Capucins. Nous fûmes heureux de trouver cette retraite , car outre qu'il plût prcfque tout le jour > il tomba aulîi de la grêle pendant toute la nuit. Nous obfervâmes ce jour- là des Amandiers fauvages qui font beaucoup plus petits que U Amandier commun , mais leurs branches ne font pas terminées par un piquant comme celles de l'Amandier fauvage qui naît en Candie. Les feuilles de l'efpece dont nous par- lons , n'ont que quatre ou cinq lignes de large fur un pouce & demi de long , &; font de même T ij 2*)2 V O Y A G 1 couleur & de même tiflure que celles de nctë Amandiers. Le fruit du fauvage eft à peine de 8. ou 9. lignes de long fur 7. ou 8. lignes de large , mais il eft très-dur. Le noyau eft moins amer que celui de nos amandes ameres , & fent le noyau du fruit du Pêcher. On voit auiïi dans ces quartiers- là une eipece de Micocoulier qui nie parut fort remarquable. Cet arbre ne vient guère plus haut qu'un Pru- nier , mais il eft plus touffu y fes branches ont le bois blanc avec l'écorce vert brun ; fes feuilles font plus roides& plus fermes que celles de no- tre Micocoulier > plus pentes , plus épaiftes 9 moins pointues , longues ordinairement d'un pouce & demi , allez femblables à celles du Pom- mier , mais de la tiflure de celles du Micocou- lier ; elles font vert-brun en delfus , vert blan- châtre en delfous , de faveur d'herbe , dentées fur les bords , & l'une des oreilles de leur bafe eft plus petite & plus baffe que l'autre. Les fruits nailfent dans les aiflelles de fes feuilles , longs de 4. lignes prefque ovales , jaunes , tirans fur le brun quand ils font bien meurs. Leur chair eft jannâ.re , douce , mais ftiptique , le noyau eft: vetd & renferme une graine moelleufe comme l'efpece commune. Le 23. Septembre nôtre marche fut de 8. heu- r & demi ; on trouva à la fortie du Caravanfe- r une montagne fort haute, fort rude & toute pe- lé ;mais nous entrâmes enfuite dans une grande Se belle Plaine où nous campâmes auprès d'un villa- ge appelle Curtanos. Le 14. nous partîmes à 4. h tires du matin de la plaine de Curtanos , Se panâmes fur une montagne & dans des vallées fort rudes où coule } à droite du chemin » une Tom. x . P04 . 3,02. CeUxs Orietytalu, minar fouis rrvv — nvrioiuf, et crafJurrWius, fructu flavo CoroU.IrwtlZwi kerb. 4.1. du Levant. Lettre XXL 195. rivière toute rouge par la grande quantité de Bol qu'elle détrempe. Elle ferpente par des défilez fort dangereux ou à peine des bêtes de fomme peu- vent palier les unes après les autres. Ces défi- lez nous conduihrcnt enfin au pied d'autres mon- tagnes toutes herilfées de pointes , fur la plus haute defquclles eft bâtie la ville de ChoriAc ou Cottleifar , petite Place difpofée en amphithéâ- tre , & terminée par un vieux château. La ri- vière , qui paroît toute fanglante , patte au bas de la montagne &c rend le partage encore plus af- freux. Les environs font horriblement efearpez , mais on change tout d'un coup de fïtuation , car palfé Chonac on entre dans une des plus belles vallées d'Afie , remplie de vignobles & de ver- gers. Ce changement auquel on ne s'attend pas naturellement , fait un contrafte fort agréable qui dure jufqu'à Agimbrat ou Agimourtu pe- tite ville à une heure & demi de Chonac. Agîm- brat eft fur une montagne femblable a un pâté écrafe , au pied duquel parte la même rivière. Un rocher s'élève à côté delà ville, fur lequel eft un ancien château ruiné qui gardoit ancienne- ment ce parTage de la vallée. Nous ne vîmes que des belles Plantes pendant toute cette journée ; les vignobles font mêlez de Pêchers , d'Abrico- tiers , & de Pruniers. Notre gîte fut tres-agréa- ble , c'eft un beau Caravanfcrai au pied de la ri- vière , à double nef comme la grande Sale du Palais à Paris , la vouce eft de pierre de taille , & les arcades font bien cintrées; mais ce bâti- ment qui eft d'une beauté furprenantè pour le pays , n'eft éclairé que par des lucarnes , & l'on y loge fur une banquette qui reene tout autour de chaque nef. Pour nous qui aimions le frais , nous T iij 1^4* V O Y A G I allâmes coucher dans la cour où nous ne taillions pas de nous reflentir encore des grandes chaleurs de la journée j mais nous fûmes obligez d'aban- donner notre gîte une heure avant le jour , Se de venir refpirer l'air infecté du foufle de tous les chevaux & des mulets de la Caravane , car le froid nous avoit engourdis , & malheurcufement nous n'avions pour toute boillbn que de l'eau à la glace. Comme il n'y a que des Turcs dans le pays , ils vendent leur vin en gros aux Armé- niens , & après que la vente eft faite on y mour- roit faute d'en trouver la valeur d'un demi feptier; nous nous enconfolâmes en mangeant des raiuns, quoiqu'ils fuffent molalTes cktrop doux. On nous dit que ces vignes étoient de peu d'apparence &c de peu de rapport. Le zj. Septembre nous fuivîmes la même val- lée depuis 5, heures du matin jufqu'à 8. la riviè- re rouge couloit à nôtre droite , mais nous la quittâmes à un village qui occupe prcfque tout le fond de la vallée ; cette rivière tire vers le Nord & va fe jetter , à ce qu'on nous dit > dans quelqu'une de celles qui fe dégorgent dans la mer Noire. C'eft dequoi nous ne nous embarraf. (ions pas beaucoup , pareeque les marchands ces Caravanes ne donnent pas de grands éclaircifie- mens fur ces fortes de matières ; mais nous écions fort inquiets de feavoir quel chemin nous pren- drions , parce qu'on ne voyoit , quelque part que l'on jettât la veiie , que l'ouverture par où Ja rivière s'échape. Nos Arméniens nous mon- trèrent bientôt la route , & la tête de la Carava- ne commença à monter fur la plus haute non* tagne que nous eullions encore paflée depuis Erzeron. On y voit beaucoup de Chênes Ô: de .^./'.y .*■** IVLespLiiis Orient tuiis, TctfhCLCebL folio viiloso, rruujnv fructu pervhzqorvo, e viricu fuwescervte Coroll.Infl- R-ei nerb. +■+ - du Levant. Lettre X X T. lyf Pins, mais la defcente en eft affreufe,& l'on cam- pa dans une eipece d'abîme au pied de quelques autres montagnes un peu moins élevées. Ces montagnes produifent de belles efpeces & Az.a,roller , il y en a qui (ont au Ai gros que des Chênes. Leur tronc a l'écorce gerfée & gi i- fatre , les branches touffues Ôc étendues fur ies cotez. Les feuilles font difpofécs par bouquets , longues de deux pouces & demi fur 15. lignes de large , vert- pâle -, luifantes , légèrement ve- lues des deux cotez , découpées ordinairement en trois parties jufqucs vers la cote , & ces parties font dentées fort proprement fur les bords , allez femblables à celles de la Tanaifïe ; la partie qui termine les feuilles eft encore recoupée en trois parties. Les fruits'naillent deux ou trois enicm- ble au bout des jeunes jets , & relîemblent à des petites Pommes d'un pouce de diamètre, arron- dies en cinq coins en côte de Melon , légère- ment velus , vert- pale tirant fur le jaune , avec un nombril relevé de 5. feuilles longues de 4. lignes , larges d'une ligne & demi , & dentées de même que les feuilles de l'arbre : on voit mê- me quelquefois une ou deux de ces feuilles fortir de la chair du fruit ou de fon pédicule. Ce fruit quoi qu'agréable , ne l'eft pas autant que Y ' ATji- rôle , mais je crois qu'il {croît excellent s'il étoit cultivé. Non feulement les Arméniens en mangè- rent tant qu'ils purent , mais ils en remplirent leurs befaces. Le centre de ce fruit etl occupé par cinq ollclets longs de quatre lignes , arrondis Fur le dos , un peu aplatis (ur les coiez , aigus du côté qui regarde le centre du fruit , très» durs &c remplis d'une moelle blanche. Cet arbre n'a point de piquanSjfes feuilles font fades & d'un goût rnu- cilagmeux. T iiij %C)6 V O Y A G ï Les autres efpeccs & A parolier ont le fruit rouge &c ne différent entre elles que par la grof- feur de leurs fruits, dont quelques-uns ont un pouce de diamètre , ôc les autres n'ont que 7. ou 8. lignes d'épaiffeur. Ces fortes d'arbres qui lie font pas plus hauts que nos Pruniers ont le tronc gros comme la cuille , couvert d'une écor- ce erilatre & comme çrerfée. Les branches en lont touftues , terminées par des piquans termes , noirâtres & luifans. Les feuilles nailfent par bou- quets , femblables à celles de l'Azarolier , lon- gues d'un pouce & demi , vert-pale , velues , cotonneufes des deux cotez , découpées en trois parties , dont celle du milieu elt refendue* en trois , & celle des cotez recoupée en deux. Les fruits naiflent 4. ou 5. enfemble , relevez de cinq coins arrondis,rouges;velus5avec un nombril gar- ni de cinq feuilles pointues, ils font aigrelets & plus agréables que celui de l'efpece précédente ; leur chair efl; jaunâtre & renferme cinq olfelets fort durs remplis d'une moelle blanche. Le 26. Septembre nous partîmes fur les cinq hei|jes , & nous ne nous arrêtâmes qu'à midi ; ce ne fut pas fans nous ennuyer , car on marche tou- jours dans la même vallée qui , pour ainii dire , efl: à ondes & de laquelle on croit fonir à tout moment , quoiqu'elle faffe tant de tours & de détours , que nous y campâmes encore ce jour-là fur le bord d'une rivière. On voit , fur ce chemin, des Tombeaux de pierre bâtis à la Turque fans mortier. On nous alfciu a qu'on y avoit enterré des pauvres marchands allaflînez, car cette route croit autrefois une des plus dangereufes de l'Ana- tolie, préfentement les gens du pays qui de temps en temps dévalifent quelques petites Caravanes , tirent fur les voleurs étrangers & les ont ptefque du Levant. Lettre XXI. i$7 fous diflipcz -, ils ont pour maxime que chacun doit voler fur Tes terres , ainfi l'on rifqueroit beaucoup d'y palîer fans bonne efcorte ; d'ail- leurs le pays effc fort agréable , 8c j'ay oublié de dire que depuis Erzcron nous avions veû une in- finité de perdrix fur les chemins. Outre le Chêne commun 8c celui qui porte la Velanede , on en voit de plufieurs autres efpeccs dans cette vallée , & fur tout de celle dont les feuilles ont 3. ou 4. pouces de long fur deux pou- ces de large , découpées prefque jùfqu'à la côte, d'une manière qui approche allez des découpures de Y Acanthe. La côte cft vert pâle & commence par une queiie longue de j. ou 8. lignes , mais Jes feiilles font liifes 8c vert-brun en defïiis , blan- châtres en deflous , leurs découpures font quel- quefois incifées en trois parties à la pointe. Les glands nailfent ordinairement deux à deux par plufieurs paires , entadez les uns lur les autres 8c attachez fans pédicule contre les branches. Chaque gland eft long de 15. lignes, fur 8. ou 9. lignes de diamètre , 8c déborde de moitié hors de fa calotte , arrondi 8c terminé par un petit bec. La calotte a 15. ou \G. lignes de diamètre , haute d'environ un pouce , garnie de filets en ma- nière de perruque , longs de demi pouce , fur tout vers les bords , recoquillez les uns en haut les autres en bas , comme frilez , épais de demi ligne à leur bafe , mais qui diminuent jufques au bout. On trouve fur les mêmes pieds quel- ques glands plus courts 8c prelque ronds. Les feuilles de cet arbre font d'un goût fade 8c mu* cilagîneux. Notre route du z8. Septembre fut de 8. à 9. heures , prelque toujours dans la même vallée , 298 V O Y A G H laquelle après s'être élargie & retrécie en plu- sieurs endroits , sJouvre enfin en une elpece de plaine inculte où nous obfervâmes les mêmes efpeces de Chênes. La rivière jufques-là couloir toujours a nôtre gauche, nous la paifàmes à gué à une heure du gîte , ik la biffâmes à droite dans la même plaine. Une partie de la Caravane alla coucher ce jour-la à Tocat. On nous ht camper auprès d'un village appelle Almmi au milieu des Chênes à grandes 6c a petites fcliilles. Parmi pluficurs Plantes rares nous y obfervâmes la Sauge a faucilles larges & frifées , le Genièvre a fruit rouge , le Fufain , Y Auln<> , le tournoitillier , XzTerebimhe commun, le Melilot , la Pimprenelle , la Chicorée fauvagey\a. Sarriette, Y Ambroijie^a Fou- gère femelle & je ne fçai combien de plantes fort communes ; mais rien ne nous fit plus de plaiiîr que cette belle efpece de Thapfie dont Rauvolf a donné la figure fous le nom de Gingidium Diof~ toridis. En voici ladefeription. Sa racine n'a qu'une ligne d'épais , blanchâtre , longue de trois ou quatre pouces , garnie de quel- ques fibres. La tige de la plufpart des pieds que nous trouvâmes dans les champs , n'avoitgueres plus d'un empan de haut, tortue; épailïè d'une ligne , accompagnée def feuilles femblablcs a celles du Scandix Creti a rninor C. B. longues de x. ou 3. pouces, lefquelles enveloppent la tige par une efpece de gaine de demi pouce de long. Les ombelles font larges d'un pouce &£ demi , en- tourez à la bafe de cinq feuilles découpées de mê- me que les autres , longues feulement de fcp: ou huit lignes , pliées en goutiére à leur naittan- ce. Chaque rayon eft encore terminé par deux feuilles femblables qui accompagnent les fleurs > fclles étoient paflees aufli-bien que les graines que bu Levant. Lettre XXL 199 nous aniaffàmes à terre en quantité. Ces graines font ovales & plattes. Le 28. Septembre nous montâmes à cheval à une heure après minuit , Se arrivâmes à Tocat furies 10. heures Apres avoir palïé par des val- lées fort étroites & couvertes de Chênes , nous retrouvâmes nôtre rivière Se la parlâmes encore deux fois , elle s'appelle Tofanln & fe jette dans {'Iris des anciens , que les Turcs nomment Cafal- mac. Enfin on entre dans une vallée plus grande & plus belle que les autres , laquelle conduit à Tocat ; mais cette ville ne paroît que lors qu'on eft arrive aux portes , car elle eft fituée dans un recoin au milieu de grandes mon tagnes de mar- bre. Ce recoin eft bien cultivé Se rempli de vi- gnobles Se de jardins qui produifent d'excellens fruits ; le vin en ieroit merveilleux s'il étoit moins violent. La ville de Tocat eft beaucoup plus grande Se plus agréable qu'Erzeron. Les maifons font mieux bâties Se la plufpart à deux étages j elles occupent non feulement le terrein qui eft entre des collines fort efearpées , mais encore la crou- pe de ces mêmes collines en manière d'amphi- théâtre , en forte qu'il n'y a pas de ville au mon- de dont la fîtuation foit plus Singulière, On n'a pas même négligé deux roches de marbre qui font affreufes , heriflees , Se taillées à plomb , car on voit un vieux châreau fur chacune. Les rues de Tocat font aftez bien pavées , ce qui eft rare dans le Levant. Je crois que c'eft la neceffité qui a obligé les bourgeois à les faire paver , de peur que les eaux des pluyes , dans le temps des ora- ges , ne découvrilfent les fondemens de leurs mai- fons Se ne fiflent des ravins dans les rués. Les 3©o Voyage collines fur lefquelles la ville eft bâtie , fournif- fent tant de fources que chaque maifon a fa fon- taine. Malgré cette grande quantité d'eau on ne pût pas éteindre le feu qui confuma , quelque temps avant nôtre arrivée , la plus belle partie de la ville & des fauxbourgs. Plufieurs marchands en furent ruinez , car leurs magafins ctoient pleins dans ce temps-là ; mais on commençoit à la rebâtir , & Ton efperoit que les marques de l'incendie n'y paroîtroient bientôt plus. On trouve allez de bois ôc de matériaux autour de la ville. Il y a dans Tocat un Cadi , un Vaivode , un Janiliaire Aga , avec environ mille Janiffaires &: quelques Spahis. On y compte vingt mille fa- milles Turques , quatre mille familles d'Armé- niens , trois ou quatre cens familles de Grecs , douze Mofquées à minarets , une infinité de cha- pelles Turques. Les Arméniens y ont fept Egli- fes , les Grecs n'ont qu'une méchante chapelle , quoiqu'ils fe vantent qu'elle a été bâtie par l'Em- pereur Juftinien. Elle eft gouvernée par un Mé- tropolitain dépendant de l'Archevêque de Nicfa- ra , ou pour mieux dire , de Neocœfarea ancien- ne ville prefque ruinée , à deux journées de Tocat. Nlcfara eft encore la Métropole de Cappado- ce , ôc l'on n'oubliera jamais que dans le troi- fiéme fiéclc elle a eu pour Pafteur Saint Grégoire Thaumaturge , ou le faifeur de Miracles. Niger & quelques autres Géographes n'ont pas eu rai- fou de confondre cette ville avec Tocat. L'Ar- chevêque de Nicfara a la cinquième place parmi les Prélats qui font fous le Patriarche de Conftau- rinople. Dtr Levant. Lettre XXI, jèi Outres les foyes qui font allez conlldérables, en confomme a Tocat 3 tous les ans 8. ou io4 charges de celles de Pcrfe. Toutes ces foyes s'em- ploycnt en petites étoffes , en foye à coudre , ou a faire des boutons. Ce Commerce eft allez bon ; mais le grand négoce de Tocat cil en vai£. felle de cuivre 3 comme Marmites 3 TalTes , Fanaax , Chandeliers , que l'on travaille fore proprement & que l'on envoyé enfuite à Conf- tantinople & en Egypte. Les ouvriers de Tocat tirent leur cuivre des mines de Gumifcana , qui font à trois journées de Trebifonde & de celle de Caflamboul qui font encore plus abondantes , à dix journées de Tocat du côté d'Angora On prépare encore à Tocat beaucoup de peaux de maroquin jaune , que l'on porte par terre à Sam* fort fur la mer Noire , & de là à Calas port de Valachie. On y en porte aufli beaucoup de rou- ges , maïs les marchands de Tocat les tirent du Diarbec &c de la Caramanie. On nous aflura qu'on teignoit les peaux jaunes avec le Fuftet > &C les rouges avec la Garance. Les toiles peintes de Tocat ne font pas Ij belles que celles de Perfe , mais les Mofcovites comme les Géographes le iup- pofent , c'cft le Tofaulu qui paffe aufïi à Ncoce- farcc , ôc c'efl: fans doute le Loup , dont Pline a fait mention , & qui va fç jetter dans l'Iris. Cette rivière fait de grands ravages dans le temps des pluyes , ôc lorfque les neiges fondent. On nous allùr^. qu'il y avoit trois rivières qui s'unif- foient vers Amafia , le Couleifar-foit , ou la rivière de Chonac , le Tofanlu , ou celle de Tocat ôc le Ca~ falmac-y cette dernière retient fon nom jufques à la mer. Nous partîmes de Tocat pour Angora le ic. Octobre 17c i. avec une Caravane compoféc de nouveaux venus , ôc de celle que no js avions fui- vie julques à Tocat. Ces nouveaux venus avoienc mis Z4. jours à venir de Gangel à Erzeron , ôc par conféquent allongé leur marche de 6. jours pour éviter la Douanne de Teflis où l'on fait pa- yer des droits très-confidérablcs. Ils conduifoient 75. chevaux ou mulets chargez de 150. baies de (oyc , qui pefoient chacune 16. Batmans. Sor- tant de Tocat on entre dans une belle plaine où la rivière ferpente ; c'eft peut-être la plaine que Paul Jove appelle la Champs des Oyes , où ie donna la bataille entre les troupes de Ma- homet. 1 \. ôc celles d'Uzum-CalTan Roy de Perfe, Après quatre heures de marche on campa au- près du village à'Agara^ dans le cimetière duquel le voyent quelques morceaux de colomnes ôc de corniches anciennes de marbre blanc & d'un beau profil , mais fans inferiptions. Toutes les mon- du L ï y A n T. Lettre XXI. " 307 ragnes des environs font de marbre comme celles de Tocat. Pour ce qui efl; du Bol , je ne doute pas qu'il n'y foie fort commun , car il y a des endroits efearpez & taillez à plomb qui font d'un rouge vifj femblable à celui des roches, dont parle Paul Jovc , dans les cavernes defquellcs fe retira Techellls fameux Mahomeran , difciplfi à'Hardual grand Interprète de la Loi , pour y vaquer non fcuLcment à la méditation & à la priè- re ; mais aufïi pour éviter les perfécutions de ceux qui s'oppofoient à la doctrine de fou Maître. Le 11. Octobre nous continuâmes nôtre rou- te dans la plaine de Tocat , laquelle fe rétrécit à /îx milles en deçà de Turcal , 6c s'élargir enfui- te à mefure qu'on en approche. Turcal efl une belle Bourgade à 15. milles d'Agara, , fituéc au- tour àc fur la pente d'une colline efearpee , fépa* rée des autres , terminée par un vieux château , ôc mouillée au pied par la rivière de Tocat. Tout ce quartier elt plein de beaux vignobles ; les champs y font bien cultivez , les villages fre- quens , & les bouts de colomnes antiques aiîèz communs dans les cimetières ; ce qui marque bien* que le pays étoit autrefois peuplé par des gens aifez. Paifé Tocat on n'entend plus parler de Cinu des ; mais bien de Titrcmans , cJeft à dire d'une- autre efpecc de voleurs encore plus dangereux , en ce que les Curdes dorment la nuit 3 &c que les Turcmans volent jour & nuit. Nous campâmes pourtant fans crainte dans la plaine à une demi lieue au-deflous de Turcal. On entra le lende- main dans une vallée affez étroite , bornée par une montacne confidérable d'où l'on defeend dans une autre vallée étranglée & tortue où V ij 308 V O Y A G É nôtre Caravane s'arrêta. Tout le pays eft agréa- ble &c couvert de bois , mais les Pins &c les Clhê- nes y font plus petits qu'ailleurs. Là rivière de Tocat tire vers le Nord à Turcal , Se va fe jecter dans le Cafalmac vers Amatia. Nous la laillàmes à droite pour fuivre la route d'Angora , 8c ne trouvâmes rien de confidérable pendant le r ces maiions font adoftées à la maîtrerTe muraille à droite. L'Infcription dont nous avons parlé ci-devant , où la vie d'Augufte eft décrite , fe trouve dans le Momimentum Ancyranum Gronovli , on la peut voir aufli dans Gruter. Leunclaw la reçût de a CIhJihs , qui outre la grande connoiflànce qu'il avoit des Plantes , polfedoit bien aufîi l'An- tiquité ; & Fauftus Verantius qui communiqua ce précieux morceau à Clufius , l'avoit reçu de fon oncle Antoine Verantius Evêque d'Agria Se Ambaffadeur de Ferdinand II. à la Porte. Ce Prélat la fit tranferire en partant par Angora. Busbeque la fit copier , Se croit que la maifon , dont on a parlé , étoit un Prétoire , plutoft qu'une maifon deftinée pour les Feftins pendant les jeux publics. Tout ce que l'on vient de dire montre aiTez qu'Ancyre étoit une des plus illuftres villes du Levant. Ses habitans étoient les principaux Gala- tes que Saint Paul honora d'une de fes Lettres ; & les Conciles qu'on y a tenus ne la rendent pas moins recommandable parmi les Chrétiens , que les autres actions qui s'y font pafTées. Il paroît par les Médailles d'Ancyre , qu'elle fe fou- a Charles de l'Eclufe. £i8 Voyage tint avec honnêttr fous les Empereurs Romains* Il y en a de frappées aux têtes de Ncron , de Lucius Verus , de Commode , de a Caracalia, de Geta j de Dece , de Valerien , de Gallicn , de Salonine. Ancyre prit le nom à' Antoniniane en reconnoilTance des bienfaits dont Anronin Ca- racalia l'avoit comblée. Elle fut déclarée Métro- pole j c'eft-à-dire Capitale de Galatie fous Né- ron , & n'a jamais quitté ce titre. Il en eft fait mention fur une Médaille d'Antinous , de Jules Saturnin l'un de fes Gouverneurs. Il eft nommé dans l'Infcriprion fuivante qui eft fur un marbre enclavé dans les murailles de cette ville. Gruter la rapporte ainfi : ArA6Hl TTXHI H MHTP0I10AI2 IOYAION 2ATOPNEINON TON H1EMONA. Bon<& forturiA JMetropolir Julium Saturninum Ducem. a Médaille de Caracalia > dont la légende eft AN. TîîNEINIANHC ANKTPAS MHTr». Ceft un Efoi- lape debout appuyé fur un bâton, autour duquel tfl: tortillé un ferpent, du Levant. Lettre XX t. $tf Le nom de Métropole fe trouve aufli fur un tombeau dans le Cimetière des Chrétiens hors de la ville. A. d'OYAOYiON POY Lucium Fulvium 2T1KON A1M1A1A- Rvflicum ALmilianum NON riPEiB. SECA. . Légitime fun^um lHSKATPrnAT0N " B°Y ^ ProeonfHUw TPon^Eû"MArrrf MH" S'mus ?QPlH^ PAS TON ïAYTHN metropoleos Ancyrt EYEPIETHN EtllME- Bevefattotem fnum j AOYMENOY Curante Trcbio TPEBIOY AAEEANAPOY. Alexandro. La fuivante eft gravée fur un piédeftal qui fert d'auge dans le Caravanferai où nous logions. AU HAIQ MErAAnSAPAITlAIKAI T0I2 SYN-» NAIOjS 0EOI2 TOY2 SnTHPAS AIOSKOYP- OT2 YnEP THS THN ATTOKPATOPUN 20TH- PIA2 KAI NE1KHS KAI AIHNIOY AIAMONHS M ATPHAIOY ANTfiNEINOT KAI M. AYPK- AlOY KOMMOAOY KAI TOY SYMnANTOS AYTftN OIKOY KAI YnEP BOYAH2 KAI AHMOY THS MHTPOriOAEOS ArKYPA2. AnOAAIiNlOS AnOAAHNlOY. fovi Soli magn» Sarapidi & ejufdem Templi Dits •> fervatores Dlofcuros Pro falute Imperatorum Et viiïaria, & f ère nuit ate M. Aurelil Anton mi & M, Aurt* lit Commodi dr pro univerfa a four Tp"ts h%%it*Tct. 320 V O Y A G 1 tpforum domo & pro Senatu Popnloque rnetropoleos Ancyra , Apollonius Apollonii F. On trouve celle-ci fur les murailles d'n ne Tour quarrée entre la porte des Jardins & là porte d'Ellèt. CaracyUam Ssicerdotum principem ex regîbus ortam , fi lia?» Metropoleos , Vxorem Jnlii Severi Gr&corwn priml, KAPAKTAAIAN APxIEPEIAN AnoroNUN ba 2IAEHN ©rrA- TEPA THS MHTPO- noAEns rxNAi- KA IOYAIOY SE or h pot tôt uvn. TOT TON EAAH- NQN * 1T1EPPA. a La légende d'une Médaille du vieux Valerîen marque qu'Ancyre étoit deux fois Neocore. Elle, reçût cette dignité pour la première fois fous Ca- racalla, & pour la féconde fois fous Valcrien le vieux. Le revers de cette Médaille réprefentc trois Urnes,de chacune defquelles fortent deux palmes. On appelloit Neocores , chez les Grecs , ceux qui prenoient te foin des Temples communs à toute une Province & dans iefquels on s'afïem- bloit à roccafion des jeux publics. La Charge de l\'eocore répondoit à peu près à celle de MarguiU lier y mais comme dans la fuite on s'avifa de déi- fier les Empereurs , les villes qui demandèrent qu'il leur fût permis de leur dreifer des Temples , aquirent aufîl le nom de Neocores. * ANKïPAC MHT. B. N. Ancyrt Metropolis bis tfeoeor*. La DU LEVANT. Lettre XXI. $ z i La fîtuation d'Ancyre , au milieu de l'A fie mineure , l'a Couvent expofée à de grands rava- ges, elle fut prife par les Perfes eii 61 1. du temps d'Heraclius , & ruinée en 1101. par cette effro- yable armée a de Normands ou de Lombards , comme veut Mr du b Cange , commandée par Tzitas Se par le Comte de S. Gilles , qui fat cnfuite connu fous le nom de Raimond Comte de Touloufe Se de Provence , du temps que Baudouin frère de Godefroy de Bouillon fut élu Roy de Jerufalcm. Cette armée , qui étoit de cent mille hommes d'infanterie & de cinquante mille hommes de cavalerie , après l'expédition d'Angora parla le fleuve Halys j mais elle fut (i bien battue' par les Mahometans , que les Géné- raux eurent de la peine à fe retirer à Coiiftatind- pie auprès d'Alexis Comnene. Les Tartares fe rendirent les maîtres d'Ancyre en 1239. Elle fut enfuite le premier fiege des Othomans , car Orthogul père du fameux Othomans vint s'y établir , Se non feulement fes fucceltèurs s'emparèrent dé la Gàlatie i mais encore de la Cappadoce Se de la Pamphi* lie. 'Angora fut funefte aux Othomans , Se la ba- taille que Tamerlan y remporta fur Bajazet , faillit à détruire leur Empire. Bajazet le plus fier des hommes , trop plein de confiance pour lui- même , abandonna fon camp pour aller fe di- vertir à la chaire. Tamerlan dont les troupes edm- mençoient à manquer d'eau , profita de cette fau- te Se s'étant rendu maître de la petite rivière ejui couloir entre les deux armées , obligea trois jours après Bajazet d'en venir aux mains , polir ne pas lai(Ter périr fon armée de foif i cette ar- * Afexiad. lib. XI. fc Notas: in Alcxiad. Tome IIL X $i% Voyage mée fut taillée en pièces , & le Sultan fait pri- sonnier le 7. Août 1401. Après la retraite de Ta- merlan !, les enfans de Bajazet fe* cantonnèrent où ils purent. Mahomet s'afleûra de la Galatie que Ton frère Efes lui difputoit ; il fe fervit do Temirte , ancien Capitaine qui avoir fervi fous Bajazet ; 8c Temirte battit Efes à Angora 8c lui fît couper la tête. Angora préfentement eft une des meilleures villes dJAnatolic , &. montre par tout des mar- ques de fon ancienne magnificence. On ne voit dans les rués que colomnes ôc vieux marbres , parmi lefquels on diftingue une efpece de Porphy- re rougeatre piqué de blanc , femblable à celui qui eft aux Pennes proche de Marfeille. On trou- ve aulïi à Angora quelques morceaux de Jafpe rouge 8c blanc à grottes taches , approchant de celui de Languedoc. La plufpart des colomnes font lifles 8c ciiindriques , quelques-unes canelées en fpire ; les plus fingulieres font ovales ; ornées d'une plate-bande par devant 8c par derrière , laquelle regne aulïi tout le long du piédeftal ÔC du chapiteau. Elles me parurent allez belles pour les faire graver ; il me femble qu'aucun Archi- tecte n'a parlé de cet ordre. Il n'y a rien de fi fur- prenant que le perron de la porte d'une Mof- quée ; il eft de 14. degrez compofez uniquement de bafes de colomnes de marbre , pofées les unes fur les autres. Quoique les maifons préfen- tement ne foient que de boiie , on ne laide pas d'y voir de fort belles pièces de marbre. Les murailles de la ville font baifes 8c termi- nées par de médians créneaux -, mais on y a em- ployé indifféremment , colomnes , architraves » chapiteaux, bafes 8c autres morceaux antiques entremêlez avec de la maçonnerie, principale- ,?- r«f-z- jînxrLennej' Co/ortn^s employées dans &4/ie I tou LiVAnt. Lettre XX T. 315 ment aux tours Se aux portes lefquelles,malgré ce- la n'en font pas plus belies;car les tours fontquar- rées & les portes toutes (impies. Quoiqu'on aie engagé dans ces murailles beaucoup de morceaux de marbre du côté où font les Infcriptions , on ne laiiïe pas d'en lire plufieurs qui font la plu- part grecques , quelques-unes latines, Arabes ou Turques. L'Infcription fuivante eft tout auprès de quelques Lions de marbre fort défigurez , à la porte de Kefaria. s KAIPE HAPOAEITA Salve viator. Au delïbus de ces paroles il y a une tête en bas i-elief , où l'on ne connoît plus rien j mais au deHous il y a les paroles fuivantes. MAPKEaaoC Marcellus CTPATONEIKH Stratonice. rAYKTTATHr Dulcijfimn TN . . . « MNHMHÔ Conjngi memortA XAPIN caufa A la porte des Jardins on lit l'Infcription qui luit, ArA©HI TTXHI TOPNEITOPIANON , EniTPOriON TfrN KYPI* fîN HMfiM Eni AOTAIIN TON A1KAION KAI 2EMNON K AIAIOS ArHSlAAOS TON EATTOT 4>IAON KAI ETE, Bond foirtunA Tornltorianum curatorem Domi» nornm nojirorum • jujium & illufijern. C. 02 AYTOT KAI nA2I KPATH2 KAI MH* N0AHP02 YIOI ATTOY HEPTINH * MNHMH EIXA. Dis Manibus Et Capitoni Paficratis F. Viro gêner ofo & probo Pu- blias f rater ejtts & Pafî- crates & Me* nodorus filii ejtts .... Memoria gratiâ» Sur un autre piédeftal orné d'un fefton. D. M. VENT1DIA CAR PILLA V I X I T A N N I S XXXIII M VIII D VI T LIUIVS CARPVS PATER El.... DIONYSIVS VXORI CAR1SS1M^£ * Peur Mr«'p)f tyl^> X iij 3l£ V O Y A G * Sur les mêmes murailles du côté de kvillçî AIOTEIMOC M- Viotimus Blo- OTEIMO KAI AO- timo & Lotatk TATIO IAIOIC propriis rONETSl MNH- parentibus MHC XAPIN. memortA gratta. Dans le même endroit fur une pierre erv- çhaiTée, evtychvs NEREi C A E S A R I S A U G S E R- V1C. F I L 1 O. Le Château d'Angora eft à triple enceinte -> & fes murailles font à gros quartiers de mar- bre blanc & d'une pierre qui approche du porphyre. On nous permit d'entrer par tout & Ton nous conduifit dans la première encein- te à une Eglife Arménienne bâtie , à ce que l'on prétend , fous le nom de la Croix' depuis ïzoo ans. Elle eft fort petite & fort obfcure , éclairée en partie par une fenêtre , qui ne re- çoit le jour qu'au travers d'une pièce quar- rée de marbre femblable à de l'albâtre poli Se luifant comme du Talc , maïs il eft :erne en dedans & la lumière qui paiTe au travers eft fenfiblement rougeâtre & tire fur la cernaline. du Levant. Lettre XXI. 317 Le foleil ne donnoit pas defïus quand nous l'ob- fervâmes ; c'ed peut-être du marbre fphenglte de Pline. Toute cette première enceinte eft pleine de piédeftaux 8c d'Infcriptions ; où eft-ce qu'il n'y en a pas dans Angora ? un habile Antiquaire y trouveroit à tranferire pendant un an. Voici celles que nous copiâmes. L'Infcription qui fait mention de Julien l'A- poftat eft fur une pierre maçonnée & plâtrée , les caractères en font mal formez a DOMINO TOTIVS ORBIS JVLIANO AVGVSTO EX OCEANO BRI TANNICO a VIS PER BARBARAS GENTES STRAGE RESISTENTI VM PATEFACT1S.... Apparemment qu'elle fut faite dans le temps que cet Empereur féjourna à Ancyrc. . a pour VUS. X iiij 318 V o y a g « Sur un piédeftal dans l'enceinte d'une Mû£> quce du même Château, TA4>0N TON EN0A I1AHSI- ON BQMON A0 MA ETEYE KA- TA rHS KAATAIA H KAI AESAS A0H NIIW TAYKYTATri KAJ I2KON B. $. J •/, • mille quwgenta. Sur trois différentes pierres du même bâtiment. D. M. C. J V L. C A N L>I D O P. P. L E G. X V 1 1. G E M. HEREDES EX TES TAMENTO FECE RVNT. AOTKIOS 2EPHNIA 2YNBIO, ANE2TH2A MNH MHS XAPIN AI EYTYXITE D. C. S E C N I O IV E Q_V I T XXII PR. N XXXV. Lucius Sereniœ conjugi erexi , mem&ri& gratta : profpere agite* M. V N D I L I A N O I L E G P.P. AN STIP. XV C. SERANIVS VE CTIVS SECVNDVS HERES ET CONLEGA F. C. Le Cimetière des Chrétiens eft inèpuifable en Infcriptions Grecques 3c Latines j mais la plu- part font des Epitaphes de perfonnes pour les- quelles on ne s'intereffe plus. pu Levant. Lettre XXL j$i Sur un Tombeau. D. M. A S T I O A V G L I B. T A R. VENNONIA AETETE CONI VGI PIENTISSIMO FECIT. Sur un autre Tombeau. Vdens & San- OTAAHC KAi 2AN- hatus propria ma, BATOS a THE AI A MHr tri hanc aram TPI b AECTHCAN TON erexerunt memorU biimon mnhmhc caufa. xapin. Sur un autre Tombeau. C IV r SENECIO N E M : V E PROC PROV: GA LAT. ITEM VICEPRAE SIDIS EIVSD. PROV ET P O N T I ZENO AVC CVB T ABVL AR PROV: EIVSD: PR^ïPO SITO INCOMPARABILI. Hors la ville autour du Couvent 4e Sainte Marie des Arméniens , parmi de beaux mar- bres antiques , des colomncs , architraves , ba- ies, chapiteaux qui font auprès de la petite ri- )%% VOYAOI vierc de Chibouboujou , fe voyent phifîeurs In- fcriptions , dont la plus remarquable eft celle de M, Aurclc, IMP. CAESARI M. AVRELLIO ANTONINO. IN VICTO. AVGVSTO PIO FELICI A E L. L Y C I N V S. V. I, DEVOTISS1MVS NVMINI EIVS. Peut-être même que le Bufte qui eft auprès s çft celui de cet Empereur. C'eft un Bufte de front , de deux pieds de haut fur vingt pouces de largeur -, mais il eft fort maltraité. Le marbre eft gris veiné de blanc , de même que le piédef- tal qui le foutenoit. Voici une Infcription qui fe trouve fur un au- tre piédeftal , couché fur un tombeau auprès du Couvent. r.AIA.^AAOYIANON SOTAIIIKION Ai2 T.. AATAPXHN TON A TNOTATON KAI AI KAIOTATON OAAOYIANOS ETTTXH2 TON rAYKYTATON nATPONA A1ETTTXI Galum ts£lium Flavianun» Sulpicius bis Galat- archen caflijfimum & juftijfimum Flavianus Emychu Dulcljfimum patromtmt 7W-. ^ . rw- -s? ? - cv Levant. Lettre XXI. 353 Ces deux Epitaphes modernes font dans le mê- me Cimetière. HIC IACET INTERRATVS D. IOANNES ROOS SCOTVS QVI OBIIT IN AN G OR A DIE 22. IV NU AN NO DO MINI M. DC. LXVIII. ^TATIS SVi£ XXXV. ANNORVM HODIE MIHI : CRAS TIBI. HIC IACET SAMVEL FARRlNTON ANGLVS. ACIDf ALLI FARRINGTON MERCA TORIS LONDINENSIS FILIVS : OBDORMIVIT IN CHRISTO, ANNO iETATIS XXIII. SALVTIS MDCLX. Vous trouverez ici , Mr§r , le defTein d'une co- lomne alfez jolie qui eft dreffée près du monu- ment d'Augufte , dont j'ai eu l'honneur de vous entretenir. Cette colomne eft à 15. ou 16. tam- bours de marbre blanc , hauts d'environ 20. pou- ces , la bafe & le chapiteau font de même pierre. Ce chapiteau , qui eft quarré , eft orné à chaque coin d'une feuille d'Acanthe , & d'une efpece d'écuifon entre deux , dont les ornemens forte effacez. On n'y trouve aucune* infeription. Les Turcs appellent cette colomne le Minaret des filles , parce qu'ils s'imaginent qu'elle foutenoic le Tombeau d'une fille. ^4 V O Y A G E Le Pacha d'Angora joiiit de 30. ou 3/, bourfes de revenu. Les JanhTaires y font commandez par un Sardar ; mais il n'y en a qu'environ trois cens. On compte dans cette ville quarante mille âmes parmi les Turcs , quatre ou cinq mille Armé- niens , ôc fix cens Grecs. Les Arméniens y ont fept Egiifes , fans compter le Monaftcre de Ste Marie. Les Grecs n'ont qu'une Eglife dans la ville , 8c une dans le Château. Angora eft à quatre grandes journées de la mer Noire par le plus court chemin. La Caravane d'Angora à Smyrne met 20. jours , & l'ancienne ville de Coty&urn , à qui les Turcs ont confervé le nom de Cataye , eft à moitié chemin. Les Ca- ravanes vont d'Angora à Prufe dans dix jours ; d'Angora à Kefarie en huit ; d'Angora à Sinope en dix ; d'Angora à ifmith , ou l'ancienne Nico- medie en neuf jours : enfin d'Angora à Aflamboul en douze où treize jours t On nourrit les plus belles Chèvres du monde dans la campagne d'Angora. Elles ébloiïiffent par leur blancheur > & leur poil qui eft auiîi fin que îa foye , frifé naturellement par trèfles de huit ou neuf pouces de long , eft la matière de plu- fieurs belles étoffes , &c fur tout du Camelot ; mais on ne permet gueres de tranfporter cette toifori fans la filer , parce que les gens du pays y ga- gnent leur vie. Il femble que Strabon ait parlé de ces belles Chèvres. Aux environs dé la rivière Halys y dit-il , on nourrit des moutons dont la laine tjifort épaijfe & fort douce ; & de plus il y a des Chèvres qui ne fe trouvent pas ailleurs. Quoiqu'il en Toit , ces belles Chèvres d'aujourd'hui ne fe voyent qu'à quatre eu cinq journées d'Angora & de Beibafar ; leurs portées dégénèrent quand on du Levait. Lettre X X L $$$ les tranfporte plus loin. Le fil de Chèvre fe vend depuis 4. livres jufques à 12. ou 15. livres l'O- que y il y en a même de zo. ou zj. écus l'Oque % mais ce dernier eft deftiné uniquement pour le Camelot que l'on fait pour le Serrail du Grand Seigneur. Les ouvriers d'Angora employent le fil de Chèvre tout pur dans leurs Camelots , au lieu qu'à Bruxelles , je ne fçai par quelle raifon, on eft obligé d'y mêler du fil de laine. En Angle- terre on mêle cette toilon dans les Perruques, mais il ne faut pas qu'elle foit filée : elle fait la richelfe d'Angora , tons les bourgeois s'appli- quent à ce commerce. On a raifon de préférer le poil de Chèvre d'Angora , à celui de Cougna, qui eft l'ancienne ville à'iconium où Ciceron fit affembler l'armée Romaine -, car les Chèvres de Cougna font toutes ou brunes ou noires. Le z. Novembre nous partîmes d'Angora pour Prufe ou Broujfe , comme difent les Francs ac- compagnez feulement d'un voiturier Turc & d'un valet Grec qui n'entendoit pas le Franc , ainfî nous fûmes obligez de nous fervir nous-mêmes. On ne marcha ce jour-là que pendant quatre heu- res , dans un beau pays plat & bien cultivé. Nous couchâmes à Soufous méchant village où nous joignîmes quelques perfonnes de Kefarie qui ai- loient à Prufe. Le 3. Novembre on marcha pen- dant fept heures , dans de belles plaines relevées d'une feule colline , en deçà à Ai as ville aiTez jolie j dans un fond dont les Jardins font agréa- bles & où il ne manque pas de vieux marbres. Le lendemain nous arrivâmes à Beibazar après neuf heures de marche, Beibazar eft une petite ville bâtie fur trois col- lines à peu près égales , dans une vallée affez re- 3 5<3 V O T A G K ferrée. Les maifons font à deux étages , couver- tes allez proprement avec des planches ; mais il faut toujours monter ou de (cendre. Le mille au de Beibazar fe jette dans YAiala après avoir fait moudre quelques mouKns & porté la fertilité dans plufleurs campagnes partagées en fruitiers &c en potagers. C'eft de là que viennent ces ex- cellentes poires que l'on vend à Conftantinople , fous le nom de Poire d'Angora ; mais elles font fort tardives & nous n'eûmes pas le plaifîr d'en goûter. Tout ce quartier eft fec & pelé , excepte les fruitiers. Les Chèvres n'y brouttent que des brins d'herbes , &C c'eft peut-être , comme remar* que Busbeque ; ce qui contribue" à conferver la beauté de leur toifon , qui fe perd quand elles changent de climat & de pâturage. Les Bergers de Beibazar & d'Angora les peignent fouvent , & les lavent dans les ruifleaux. Ce pays me fait fouvenirdela Terre fans bots , dont parle Tite- Live , laquelle ne devoit pas être éloignée de Beibazar , puifque le fleuve Saugaris y rouloit fes eaux ; on n'y brûloit que de la bouze de vache , comme l'on fait en plufieurs endroits de l'Afie. Nous partîmes de Beibazar le 6. Novembre fur les neuf heures du matin , & nous retirâmes vers les quatre heures du foir dans un vieux bâtiment abandonné & fans couvert ; cependant la cam- pagne eft belle & bien cultivée , quoique rebvéc de buttes affez efearpées. On y palTe la rivière d'Aiala dans un gué profond , fes eaux inondent les terres quand on veut , mais c'eft pour y éle- ver de très-bon ris. Elle va fe jetter dans la mer Noire , & nous avions déjà campé à fon eniDou- chûre en allant à Trebifonde. On monta à cheval fur les fix he«r«s du rr.atin pour du Levant. Lettre XXI. 337 pour arriver le 7. Novembre à une heure ôc demi, proche le village de Kabé , dans un Kant fans banquette , ou pour mieux dire , dans une grande écuirie. La campagne commence à s'é- lever en montagnes couvertes de Pins & de Chê« nés que l'on ne coupe jamais , & qui néanmoins ne font gueres plus hauts que nos taillis , tant les terres y font maigres de ingrates. Le 8. nous couchâmes à Caragamous après une traite de dix heures , au travers d'une des plus belles plaines d'Aile , inculte pourtant , fans arbres , aifez fe- che , quoique marécageufe en quelques endroits^ & entrecoupée de collines allez balfes. Les vieux marbres , qui font dans les Cimetières , marquent, bien qu'il y avoit là anciennement quelque fa- meufe ville ; mais comment en découvrir le nom, fuppofé qu'il fe puilTe trouver encore dans quel- que Infcription ? On ne s'y repofe nulle part , ÔC les voituriers ne longent qu'à éviter les vo- leurs* Le 9. Novembre nous pourfuivîmes nôtre route pendant fept heures dans la même plaine. On y découvre plusieurs villages, dont les champs font arrofez par une petite rivière qui ferpen- te agréablement. On s'arrêta à Moitnptalav dans un mauvais Kan au lieu d'aller , comme nous le fouhaitious a à Eskiffœr qui eft à une lieUe de là. Tous les lieux que les Turcs appel- lent Eskijfar font remarquables par leur antiqui- té , de même que ceux que les Grecs nomment Paleocaflron , car ces deux mots fîgnifient un vieux Château. On nous aflura qu'Es kilTar étoit une alfez bonne ville remplie de vieux marbres : eile eft à gauche du grand chemin de Prufe ; ne- feroit-ce point la célèbre Pejfimmt ? La marche Tome III. Y 33S Voyagé du 10. Novembre fut de iz. heures , parmi d& belles plaines bordées de petits bois. Nous fûmes logez agréablement a Bout doue dans un Caravan- ferai couvert de plomb , de même que le dôme de la Mofquée. Les Cimetières n'y manquent pas de colomnes , & l'on ne voit que vieux marbres dans le village , mais fans Infcriptions. La mar- che du n. Novembre fut pareille à celle du jour précèdent ; on fe retira à Kourfounou dans un allez beau Caravanferai au delà d'une petite rivière ; c'eft un pays de bois & (ur tout de Chê- nes. Le n. Novembre on arriva à Acjou 3 qui lignifie une Eau blanche. C'eft un village , à cinq heures de Prufc , dans une plaine bien cultivée Sa bien peuplée ; après laquelle on ne trouve que des bois de Chênes grands & peefts de différentes cfpeces. Nous laillames tout ce jour-là le mont Olympe à nôtre gauche. C'eft une horrible chaî- ne de montagnes , fur le fommet desquelles ii ne paroiiïbit encore que delà vieille neige & en fort grande quantité. Il y a long-temps , Mftr , que je n'ai eu l'hon- neur de vous parler Botanique , quoique nous ayions vu de très-belles Plantes depuis Tocat , mêlées avec la plupart de celles que nous avions obfervées en Arménie , & avec pluficurs autres qui ne font pas rares en Europe. En approchant du mont Olympe on ne voit que des Chênes , des Pins , du Thym de Crète , du Cifte à Lada- num , d'une autre belle elpcce de Cifte , que J. Bauhin a nommé a Ci fie de Crète à larges feuil- les , lequel non feulement vient à la campagne de Montpellier , mais à l'Abbaye de Fontfrede, & dans tout le Rou/ïîlion. C. Bauhin remarque a Cijîtn letton Creticw» latifoUam. I.B. î>u Levant. Lettre XXI. 339 avec raifon , que Belon l'a obfcrvé fur le monc Olympe , maisBauhin l'a confondu avec le Cifte à Ladanum , dont Bclon & Profper^Alpin onc fait mention, L' Aline , l'Icble , le Cornouiller mâle & femelle , la Digitale à fleur ferruginée , le Piflenlit , la Chicorée s le petit Houx , la Ron- ce font communes aux environs du mont Olym- pe : mais combien d'autres chofes rares n'y a-t-il pas ? Il faut les referver pour l' Hîftoire des Plan- tes du Levant , a laquelle j'efpere travailler quel- que jour. Nous arrivâmes enfin à Prufe s aptes cincj heures de marche dans des défilez couverts de bois , lefquels vont aboutir auili à cette belle plaine qui eft au Nord du mont Olympe. On commence à y voir des Plantes & des Châtai- gniers aufïi hauts que les Sapins qui font fur la montagne. A la vérité les Landes font un peu gâtées par les pierres que les eaux charrient ; mais à mefure qu'on approche de Prufe , les champs font couverts de Meuriers & de vigno- bles. La plupart des Meuriers font bas & com- me plantez par pépinières. Les plus grands font ferrez les uns près des autres , &c forment de pe- tites forêts entrecoupées par de grandes broflail- les , parmi lcfquelles naît une efpece à'Apocin , laquelle non feulement fe tortille fur les hayes, mais qui grimpe auffi fur les plus grands arbres. En arrivant à Prufe , du côté d'Angora , on ne découvre qu'une partie de la ville , au travers des futayes. Le plus bel endroit de cette place , qui eft le quartier du Serrail , ne paroît pas 5 c'efl pourquoi j'ai l'honneur de vous en envoyer deux Plans differens. Le premier a été defliné au Nord - Eft fur le chemin d'Angora , & l'autre Y ij 340 V 0 Y AGI du côté des Bains au Nord - Nord - Oiïefr. Prufe 3 capitale de l'ancienne Bithynic , eft la plus grande & la plus magnifique ville d'Afie. Cette Place s'étend du Couchant au Levant au pied des premières collines du mont Olympe , dont la verdure eft admirable. Ces collines font, pour ainfi dire , autant de dçgrez pour aller fur cette fameufe montagne. Du côté du Nord la ville fe trouve à l'entrée d'une grande de belle plaine où l'on ne voit que Meuriers &: arbres fruitiers. Il femble que Prufe ait été faite exprès pour les Turcs , car le mont Olympe lui fournit tant de fources , que chaque maifon a fes fon- taines ; & je n'ai point vu de ville qui en ait au- tant, à ce n'eft Grenade en Efpagne. La plus considérable des fources de Prufe , eft au Sud- OLieft auprès d'une petite Mofquée. Cette four- ce qui fournit de l'eau > de la groffeur du corps d'un homme , coule dans un canal de marbre & va fe diftribucr dans la ville. On aflure qu'on y compte plus de trois cens Minarets. Les Mof- quées font très-belles , la plupart font couvertes de plomb , embellies de dômes , de même que les Caravanferais. Au delà de la rue des Juifs , à main gauche en allant aux Bains , eft une Mof- quée Royale , dans la cour, de laquelle font les Maufolées de quelques Sultans , dans des cha- pelles folidement bâties & feparées les unes des autres. Nous ne trouvâmes perfonne aflez inf- truit pour nous apprendre les noms de ces Sul- tans. On peut confulrer Lcunclawr qui a fait un fort beau traité a des Tombeaux des Sul- tans. b Le nouveau Serrail eft fur une colline efear- a îjbitinarius Index Ofmanidarum. Franeoftirti, 1 5^1. lemel. Hl/t. Mttfulm. Llb. J. 0 du Levant. Lettre XXI. 341 earpée dans le même quartier ; c'efl: l'ouvrage de Mahomet I V. car le vieux Serrail fut bâti du temps d'Amuràt ou Mourat I, Les Caravanferais de la ville font beaux & commodes. Le Bezeftein eft une grande maifon bien bâtie , où font plu- fleurs magazins Se boutiques ferablables à celles du Palais de Paris , &: l'on y trouve toutes les marchandifes du Levant , outre celles que Ton travaille dans cette ville. Non leulement on y confomme la foye du pays , qui palTe pour la plus belle foye de Turquie , mais encore celle de Perfe , qui n'eft ni fi chère ni il eftimée. La foye de Prule vaut jufques à 14. ou 1 y. piaftres l'Oque & demi. Toutes ces foyes y lont bien em- ployées , car il faut convenir que les meilleurs Ouvriers de Turquie font à Prufe , Se qu'ils exé- cutent admirablement les defteins de Taphîerics qu'on y envoyé de France ou d'Italie. La ville d'ailleurs eft agréable , bien pavée , propre , fur tout dans le quartier du Bazar. On y boit d'alfez bon vin à trois parats l'Oque. Le pain ôc le fel y font à fort bon marché. La vian- de de boucherie y eft bonne. On y mange d'ex- cellentes Truites & de bons Barbeaux. Les Car- pes y font d'une grandeur & d'une beauté fur- prenante , mais fades & mollalfes à quelque fau- ce qu'on les mette. En venant d'Angora à Prufc on pafle un beau ruilfeau , fur un pont alfez bien bâti ; ce ruirTeau coule enfuite dans des vallées de Chênes , du côté du midi. Je crois que c'eft le Loufer qui va palfer vers Montania. Il y a dix ou douze mille familles de Turcs dans Pru- fe , lefquelles font plus de quarante mille âmes, à ne compter que quatre perfonnes par famille. On y compte quatre cens cafés ou familles de Y iij 341 V O Y A G E Juifs , cinqcens cafés d'Arméniens , Se trois cens familles de Grecs. Néanmoins cette ville ne nous parut pas fort peuplée 3 & fon enceinte n'a pas plus de trois milles de tour. Les murailles font à moitié ruinées & n'ont jamais été belles, quoi- que fortifiées par des Tours quarrées. On n'y remarque ni vieux marbres ni Inscriptions, On ne voit même que peu de marques d'antiquité dans la ville } parce qu'elle a été rebâtie plu- sieurs fois. Sa Situation n'eft pas fi avantageufe qu'elle paroît , puifqu'elle eft dominée par des collines du côté du mont Olympe. Il n'eft per- mis qu'aux Mufulmans de loger dans la ville. Les fauxbourgs qui font incomparablement plus grands , plus beaux , & mieux peuplez , font remplis de Juifs , d'Arméniens & de Grecs." Les Platanes y (ont d'une beauté furprenante 6V font Un pailage admirable , entremêlez avec des mai- fons dont les terraflfes ont une vûë tout-a-faic charmante. Les Tombeaux d'Orcan , de fa femme &: de fes enfans , font dans une Eglife grecque cou- verte en Mofquée , qui n'eft ni grande ni belle. A l'entrée font deux grolles colomnes de mar- bre , & tout au fond quatre petites qui ferment |e Chœur , auquel les Turcs n'ont pas touché ; ainfî leurs baies ne font pas à la place de leurs chapiteaux , ni les chapiteaux à la place des ba- fes 3 comme Mr$ Spon &c Weheler l'ont écrit. Ce Chœur , quoique revêtu de marbre , n'a ja- mais été beau ; la pierre eft d'un blanc fale , fombre , & jafpée en quelques endroits. Le Sanc- tuaire y fubfifte encore avec un perron à cuatre marches. On fait voir aux étrangers , dans le Veftibule de la Mofquée , le prétendu Tambour du Levant. Lettre XXL 345 d'Orcan , lequel efl: trois fois plus grand que les Tambours ordinaires. Quand on le remue il fait beaucoup de bruit , par le moyen de quel- ques boules de bois ou d'autre matière qui le font raifonner , au grand e'tonnement des cens du pays. Le Chapelet de ce Sultan eft auflî dans le même lieu , fes grain*, en font de jay &c gros comme des noix. 11 refte encore à la porte 'de cette Mofquée une pièce de marbre fur laquelle on lifoit autrefois une Infcription grecque , car pour aujourd'hui on n'y connoît plus rien. Outre les Mofquées dont j'ay parlé , il y a dans Prufe plusieurs Collèges d'Inftitution Royale , où les Ecoliers font nourris & inftruits gratuitement dans la Langue Arabe & dans la connoiflance de l'Alcoran. On les diftingue par la fefle blanche de leurs Turbans , laquelle forme des nœuds gros comme le poing , difpofez en étoiles. On garde. dans une Chapelle Turque , auprès de la ville , une ancienne épée fort large , que l'on prétend être i'épée de Roland. La Chapelle eft fur une eminençe du côté du Sud-Oiieft. Il y a un Pacha dans Prufe , un Janiftaire Aga qui commande environ t$o. Janilïaires , & un Moula ou grand Cadi qui eft le plus puiftant Oftîcier de la ville. Dans le tems que nous y étions , c'étoit le fils du Moufti de Conftantino- plc qui occupoit cette place 3 & même il avoix ia furvivance de la charge de Moufti , qui eft une chofe fans exemple en Turquie. Il fuivit peu de tems après le fort de fon père j non feulement le fils fut dépouillé de fes biens tk honneurs, mais mis à mort dans le tems que le père fut traîné fur une claye à Andrinoplc. Les Arméniens n'ont qu'une Eglife dans Pru- Y iiij 344 Voyage fe. Les Grecs en ont trois. Les Juifs y ont quar tre Sinagogues. Nous, fûmes iurpris, en nous. promenant dans cette ville , d'y entendre parler auifi. bon Efpagnol que dans Madrid. Les Juifs à qui je nVadrerîai , m'aifûrercnt qu'ils avoient toujours confervé leur langue naturelle , depuis que leurs pères s'étoient retirez de Grenade en Âne. 11 eu; vrai qu'ils choi(irent la ville du monde , qui par fa fituation & par fes fontaines, rerTemble le plus à Grenade , comme je l'ay dit çi-devant. Le zi. Novembre nous partîmes à fept heu- res du matin pour aller voir le mont Olympe , dont la montée efl: aflfcz douce ; mais après trois heures de marche à cheval > nous ne trouvâmes que des Sapins & de la neige ; deforte que , fur les onze heures , nous fûmes obligez de nous arrêter près d'un petit lac dans un lieu fort éle- vé. Pour aller delà au fommet de la montagne,\ qui eft une des plus grandes d'Afie , & femblable aux Alpes & aux Pyrénées , il faudroit que les rieiges futlent fondues , & marcher encore pen- dant toute une journée. La failon ne nous per- mit pas d'y voir les Plantes les plus curieufes. Les Heftrcs , les Charmes , les Trembles , les Noifetiers n'y font pas rares. Les Sapins ne dif- férent point des nôtres , car nous en examinâ- mes les feuilles &lcs fruits avec exactitude. Après tout nous ne. fûmes pas trop contens de nôtre herborifation , quoique nous y enflions remar- qué quelques Plantes (ingulieres , parmi beau- coup d'autres qui font communes fur les mon- tagnes d'Europe. C'eft près de ce mont Olym- pe , que nos pauvres Gaulois furent défaits par Manlius qui , (ous prétexte qu'ils avoient fuivi du Levant. Lettre XXI. 34^ \z parti d'Antiochus , voulut fe vanger fur eux des maux que leurs pères avoient faits en Jtalie. Le 23. Novembre nous allâmes voir les nou- veaux Bains de Capliz.a9 au Nord-Nord-OLieft à un mille de la ville & à main droite du chemin de Monfania. Les Turcs les appellent Jam- Capliza ? c'eft à dire Nouveaux Bains, Ce font deux bâtimens tout près l'un de l'autre , dont le plus grand eft magnifique , relevé de quatre grands dômes couverts de plomb , percez com- me en écumoire , s'il m'eft permis de me fervir de cette comparaifon ; &c tous les trqus de ces dômes font fermez par des cloches de verre fem~ blables à celles dont les Jardiniers fe fervent pour couvrir les Melons. Toutes les fales de ce Bain font pavées de marbre. La première eft fort gran- de & comme partagée en deux par une arcade gothique. Le milieu de cette Sale eft occupé par une belle fontaine à plufieurs tuyaux d'eau froi- de, les Satins de Florence , le Papier , l'E- tain fin $ le bon Acier ÔC les Emaux de NeverS y font de bonne débite. Avant que nôtre com- merce y fût bien établi , les marchands des au- tres nations nous appelloient Mercanti di Bar- retti , parce que nous fourni (lions , de même qu'aujourd'hui , prefque tous les bonnets & les calotes de laines. Nous y portions auiïi de la Fayance ; mais la plus grande quantité eft en- voyée d'Ancone. On cftime à Smyrne les Foui- nes de France , ôc fur tout celles du Dauphiné , dont on fe fert pour les fourrures. Une four- rure de vefte s'y vend depuis 50. jufques à 8o« écus ; on mêle les plus foncées en couleur , avec le Samour qui eft la Marte Zibeline ou la Fouine de Mofcovie. On employé beaucoup plus de ces peaux de Fouines qui viennent par la Sicile , que de celles de France ^ mais elles y font moins chè- res } parce que celles de France palfent fur le pied des Fouines d'Arménie ôc de Géorgie. Outre les foyes de Perfe & le fil de chèvre d'Angora & de Beibazar , qui font les plus ri- ches marchandifes du Levant , nos marchands tirent de Smyrne le Coton filé ou Caragach , le Coton en rame , les Laines fines , les Laines bâ- tardes , Ôc celles de Metélin , les Noix de Gale, la Cire , la Scamonée , la Rhubarbe , l'Opium? A a iij 374 Voyage l'Alocs 3 la Tutie , le Galbanum , la Gomme Arabique , la Gomme Adragant 3 la Gomme Ammoniac j le Semen contra t l'Encens , la Za- doavia , 8c des Tapis grands 8c communs. Tout le commerce fe fait par l'entremife des Juifs , 8c on ne fçamoit rien vendre ni acheter qui ne parle par leurs mains. On a beau les trai- ter de Chifous 8c de malheureux , rien ne fe meut que par leurs organes.U faut leur rendre ju- ftice , ils ont plus d'habileté que les autres mar- chands ; ils vivent d'ailleurs à Smyrne d'une manière aflfez aifée , 8c ils y font une dépenfe fort honorable , ce qui paroît tres-extraordinai- re parmi une nation qui n'e'tudie que l'art de leziner. Les marchands étrangers vivent entr'eux avec beaucoup de politeife, 8c ils ne manquent à aucune vifite de cérémonie ou de bienféance. Les Turcs paroiflent rarement dans la rue des Francs , qui eft de toute la longueur de la ville. Il femble , quand on eft dans cette rué , que l'on foit en pleine Chrétienté ; on nJy parle qu'Italien , François , Anglois , Hollandois. Tout le monde fe découvre en fe faluant. On y voit des Capucins, des Jcfuites , des Reco- lets. La langue Provençale y brille fur toutes les autres , parce qu'il y a beaucoup plus de Pro- vençaux que d'autres nations. On chante publi- quement dans les Eglifes } on pfalmodie , on prêche , on y fait le fervice Divin fans aucun trouble ; mais d'un autre côté on n'y garde pas alTez de mefures avec les Mahomcrans , car les Cabarets y font ouverts à toutes les heures du jour 8c de la nuit. On y jolie , ou y fait bon- ne chère , on y danfe à la Françoife , à la Grec- que , à la Turque. Ce quartier ferait très-beau du Levant. Lettre XXII. 375 s'il y avoit un Quay fur le Porc 3 mais la mer vient battre jufqucs au derrière des maiions3 & les batteaux entrent , pour ainfi dire 3 dans les magazins. Mr Royer nôtre Conful foûtïcnt très-digne- ment rhonneur de fa nation , il eft dans un pe- tit Palais où les honnêtes gens font reçus fore agréablement ; il efl avec cela fort bien fait j fçavant , habile , bienfaifant 3 fur- tout très- ap- pliqué à tout ce qui regarde l'honneur & l'a- vantage des François. Comme il avoit eu la complaifance de nous loger chez lui , nous nous y trouvâmes lorfque les négociâtes Anglois &C Hollandais vinrent lui fouhaiter les bonnes Fê- tes. Son Buffet étoit fort bien garni , car outre les vins du pays , il y avoit abondamment de ceux.de France , d'Italie & d'Efpagne , les li- queurs > & les differens fruits fuivant la faifon , n'y étoient pas épargnez : voici comment fe palfa la Fête où nos principaux marchands étoient invitez poitï foûtenir l'honneur de là nation» Après les com'plimeris ordinaires 3 on prefenta à boire à tout le monde 3 & il falut faire raifon^ ou du moins en faire le femblant en portant le verre à la bouche. Mr le Conful fut condamné ce joitr-là à boire à plus de cent reprifes diffé- rentes , de toutes fortes de vins. Quand les An- glois & les Hollandois fe furent retirez, les Grecs, les Arméniens & les juifs parurent à leur tour. Nos marchands vont auiïi faire leurs compli- mens aiix Confuls d'Angleterre &: de Hollande, chez qui ils font reçus à peu près de la même manière , c'eft à dire au bruit des bouteilles Se des flacons , mais hetireufement ce n'efl pas le même jour 9 parce qu'ils comptent fuivant le A a iiij 376 Voyagé vieux ftyle. Les Confuls ne Te vifîtent pas dans ces fortes d'occafions ; ils fe contentent de te faire complimenter réciproquement par leurs Interprètes. Après nous être délaflez pendant quelques jours chez Mr R.oyer , où l'on trouve tout ce qu'on peut fouhaiter pour fe dédommager de ce qu'on a fouflfert dans les grands voyages , c'eft à dire fort bonne chère , une converfation char- mante , toutes les Gazettes & même une Biblio- thèque ; nous allâmes nous promener du côté du Château de la Marine avec le Chancelier de la nation , & quelques-uns de fes amis bien armez , de même que leurs valets : cette pré- caution eft nécelfaire quand il y a des vaifleaux de Barbarie aux environs de Smyrne ; car les foldats & les matelots qui courent les côtes , tirent fur les chafleurs dès qu'ils voyent qu'ils ont déchargé leurs fufils fur quelque pièce de gibier. Le Château de la Marine, dont j'ay l'hon- neur de vous envoyer le Plan , eft un Fort quar- ré , dont les cotez ont environ cent pas de long, flanqué de quatre mauvais battions , &c défen- du par une Tour qnarrée qui en occupe le mi- lieu -, l'enceinte en eft baffe & crénelée ; l'ar- tillerie qui eft fans affût , eft au Ai groffe que celle des Châteaux des Dardanelles. Cette Pla- ce eft entourée de marais pratiquâmes & pleins de Beccaiïincs. Après avoir pâlie une petite fo- ret d'Oliviers , on trouve , au pied d'une des collines dont la rade eft bordée } des Bains d'eau chaude prefque abandonnez. Peut - être que ce font Ceux dont Strabon a parlé en fai- fant la defeription des lieux qui fe trouvent en du Levant, lettre XXI L 377 venant de Clazomcne à Smyrne : cet Auteur aflûre que l'on y rencontre le Temple d'Apollon* & les eaux chaudes. De l'ancien bâtiment des Bains , qui étoit allez beau , s'il en faut juger par les ruines , il ne relie aujourd'hui qu'un ca- veau où eft le refervoir dans lequel fe vuident deux tuyaux , l'un d'eau chaude , & l'autre d'eau froide. Ces Bains font au Sud-Eft de Smyrne , mais l'eau nous parut moins chaude que celle de Milo. Pour le Temple d'Apollon il ne devoit pas être bien loin de là t & le Chapelain de Mr le Conful d'Angleterre m'affina qu'il en avoit découvert les ruines. C'eft un galant homme , habile Antiquaire, à qui je communiquai les Infcriptions que j'avois copiées à Angora. Nous devions à mon retour d'Ephefe avoir une con- férence fur nos recherches , mais il partit pen- dant mon abfence pour aller joindre Mylord Pa- get à Conftantinople , & fe retirer enfuite en Angleterre , ainfi je n'ai pas appris d'autres nou- velles du Temple d'Apollon. J'efpere que Mr Sherard qui eft préfentement Conful de la même nation , nous éclaircira de tontes les Antiquitez -de Smyrne & des environs > car c'eft un très- fçavant homme , de mes bons amis > & tout plein de zélé pour la perfection des Sciences ; il m'a communiqué quelques lumières pour lafîtua- tion de Cla\omtne ck de fes liles. Claz.omene , que l'on prend pour le village de Vcurla , étoit une ville illuftre du tems de la belle Grèce , & elle eût beaucoup de part à la guerre du Peloponnefe. Les Perfes la jugèrent il néceifaire à leurs delTeins , que non feulement ils s'en fai/îrent, mais qu'ils la confervéïent par la fameufe Paix d'Amalcidas. Augufte eft appelle 37S Voyage fondateur de cette ville , fur une Médaille dii Cabinet de l'Electeur de Brandebourg ; mais cet Empereur ne fut que le reftàuràteur de la Pla- te. Clâzoniene autrefois tenoit fi bien en raï- fbn Smyrnc ôc tout le pays qui eft autour de la Baye 3 que Tzachas , fameux Corfaire Ma- hometan , fut obligé de s'en eniparer lorfqu'il s'établit à Smyrne fous l'Empereur Alexis Com- îiene. On ne fçauroit mieux défigner la fit nation de Clazomene , que par les Iflcs 'qui font à l'en- trée de la Baye de Smyrne , après avoir doublé le Cap de Carabouron. Strabon en compte jufques à huit. Pline ne parle que de quatre ; elles font £rès de la côte en deçà du Château de la Marine. Les Turcs les connoilfent fous le nom des Ides de Vourlcii Paufanias allure que Clazomene étoit en terre ferme , & que les Ioniens la fortifièrent pour ar- rêter les conquêtes des Perfes ; cependant ils fu- rent fi épouvantez de leur progrés, après la pri- fe de Sardes , qu'ils palferent dans une des lfles qui étoit vis-à-vis de la ville, s'y croyant beau- coup plus en fureté , parce que les Perfes n'a- voient pas encore de Flotte. Enfuite Alexandre le Grand en fit une Peninfule par une jettée de 250. pas de long, fur laquelle on alloit de l'Ifle à la terre ferme. Pour éviter le grand Se dange- reux tour de Carabouron , ce grand Prince fit ouvrir une plaine au travers du mont Mimas , laquelle conduîfoit à Erythrée , fameufe ville & port de mer vis à vis Scio -, en forte qu'ayant débarqué à Erythrée , on parfoit par ce nouveau chemin; à Clazomene , de même que l'on de- barque aujourd'hui à Se agi pour venir par terre btr Levant. Lettre XXII. 379 à Smyrne , fans entrer dans la Baye. Peut-être que Se agi eft un nom corrompu de T'eus ; car la plufpart des Grecs prononcent le T comme un S ; de Te us on a fait Seùs , & puis ScagL C'eft le pays du bon vin ; nous avons une Médaillé d'Au- gufte à la légende de cette ville , dont le revers réprefente Bachus debout 3 vêtu en femme , te- nant une cruche de la main droite , de le Thyrfe de la gauche : on a marqué par flaterie autour de la tête d'Augufte , qu'il étoit le fondateur de cette ville. Les anciens appelloient Aiineas toute la chaîne de montagnes , qui occupe la Peninfule qu'ils nommoient Myonnefe ou Yljle aux Mulots , donc toute là côte d'Ane efl; infectée. Les deux princi- paux fommets de cette montagne s'appellent les Frères , parce qu'ils paroilTent égaux , & qu'ils font l'un contre l'autre comme deux jumeaux , Les Provençaux leiu\ont donné le nom de Poujfos , c'eft à dire Mamelles , fuivant l'idée des anciens Grecs qui regardoient les pointes des montagnes comme des mamelles. Mr Morel qui a furpa(Té les plus grands Antiquaires de fon temps , par la correction admirable de fes derTeins , a crû que Clazomene étoit l'ancienne ville de Grynée qui avoit donné le furnom de Crynéen à Appollon. Cybele, la mere des Dieux , étoit fort vénérée à Clazomene & portoit le nom de la ville , com- me on le voit fur les Mé4ailles de Valerien. On y adoroit auiîi Diane aux blancs four cil s , com- me nous l'apprenons par quelques Médailles de Gallien. Il y auroit plaifir d'aller fouiller dans les ruines de Vourla. Quelques jours après nous allâmes au vieux Château de Smyrne , fitué fur la colline qui do- 3$0 .V b Y A G E mine la ville. Les Turcs ont achevé de démolir un des plus beaux Théâtres de marbre qui fût en Aile, ôc qui occupent la croupe de cette mon- tagne du côté qui regarde la rade. Ils ont em- ployé tous ces marbres à bâtir un beau 3czcftein & un grand Caravanferai. L'ancien Château , bâti par Jean Ducas , eft au fommet de cette col- line ; Ton enceinte eftirreguliere Se fc relïeut du temps des derniers Empereurs Grecs , fous les- quels on employoit les plus beaux marbres parmi la maçonnerie des murailles des villes. On voit au devant de la porte de ce Château , un arbre fameux , parce que les Grecs prétendent que c'eft un rejetton du bâton de Saint Polycarpe. Autant que j'en pus juger , au commencement de Jan- vier , par une branche que j'en fis couper & qui commençoit à perdre fes feuilles , e'eft ce Mi- cocoulier que nous avions obfervé depuis peu fut la route de Tocat. A droite & à côté de la por- te, eft enclavé dans la muraille le Buftede la prétendue Amazone Smyrne , haut d'environ trois pieds ; mais il ne paroit pas qu'il ait jamais été fort beau , & les Turcs l'ont maltraité à coups de fufils pour lui caflfer le nezjce qu'il y a de certain , c'eft que ce Bufte n'a aucun des attributs des Amazones , au lieu que fur les Médailles frappées à la légende de cette ville , l'Amazone qui en eft la fondatrice , fe diftingue par fa hache à dou- ble tranchant & par fon bouclier. Dans les pre- miers temps la figure de cette Héroïne étoit com- me le fymbole de la ville , comme il paroit par les revers des Médailles que l'on frappoit pour marquer les alliances des Smyrnécns avec leurs voifins. ^ Il n'y a rien dans ce Château qui mérite d'être Chatte atc a 2 Icttrutrtne cvjJrmrme,. Teste Je l^nicxzcme de *Jniyrne du Levant. Lettre XXII. 381 veû : les Turcs y ont bâti une méchante Mof- quée. Sur la porte du Nord , il y a deux Aigles fort mal deflînées & une Infcription fi haute qu'on ne fçauroit la lire. La Piace de ce Château étoit occupée , dans le temps de la belle Grèce , par une Citadelle fous la protection de Jupiter uécrée ou qui préfidoit aux lieux élevez. Paufa- nias afleûre que le fommet de la montagne de Smyme , appelle Coryphe , avoit donné le nom de Coryphée» à Jupiter qui y avoit un Temple. Mr de Camps a an beau Médaillon où ce Dieu Acrée eft réprefenté afïis , aufïi bien que fur une Médaille de Vefpafien où le même Dieu alîîs , tient de la main droite une Victoire & une Hafle de l'autre. Plufieurs autres Médailles de Smyrne fervent à nous faire connoître le rang qu'elle tenoit parmi les places d'Aile. Ses Citoyens fe vantoient , dit Tacite , d'être les premiers de tous les peuples d'Aiie qui avoient dreflé dans leur ville un Tem- ple à Rome , fous le nom de Rome la Deejfe , dans le temps même que Carthage fubfîftoit , & qu'il y avoit de puiflans RoysenAfie, qui ne connoif- foient pas encore la valeur des Romains. Smyr- ne fut faite Neocore fous Tibère avec beaucoup de diftinction \ 8c les plus fameufes villes d'Afie ayant demandé la permilïîon à cet Empereur de lui dédier un Temple , Smyrne fut préférée. Elle devint Neocore [des Cefars , aulieu qu'Ephefe ne l'étoit encoré"que de Diane -, 8c dans ce temps-là les Empereurs étoient bien plus craïnts,&parcon- féquent plus honorez que les Deelfes. Smyrne fut déclarée Neocore pour la féconde fois fous Adrien, comme le marquent les marbres d'Oxford ; enfin elle eût encore le même honneur 8c prit le titre ^Sz Voyage de Première ville d'Afit fous Caracalla , qu'elle conferva fous Julia Mœfa , fous Alexandre Sé- vère , fous Julia Mammxa , fous Gordien Pie > fous Qtacilla , fous Gallien & fous Salonine. En fortant du Château , nous allâmes voir les reftes du Cirque , qui font à gauche. On palTc au devant d'une Chappelle à moitié ruinée , où l'on montre les débris du tombeau de Saint Polycarpe premier Evêque de Smyrnc , qui non feulement eut le bonheur d'être Difciple de Saint Jean Bap- tifte , mais qui fut établi Evêque par les Apôtres mêmes, Après avoir gouverné fon Eglife pendant long temps , il fut brûlé vif à l'âge de cent moins quatre ou cinq ans , fous M. Aurcle ou fous An- tonin Pie. Les actes de fa vie portent que cette fainte Tragédie fe pafTa dans PAmphiteatre de Smyrne ; ainn" il y a plus d'apparence que ce fut dans le Théâtre dont on vient de parler, que dans le Cirque où nous allons entrer. Ce Cirque eft fi fort détruit qu'il n'en refte , pour ainfi dire que le moule ; on en a emporté tous les marbres , mais le creux a retenu fon ancienne figure. C'efl: une efpece de vallée de 465. pieds de long , fur 120. de largeur , dont le haut eft terminé en demi cercle , & le bas eft ouvert en quarré. Cet endroit préfentement eft fort agréable par fa peloufe, car les eaux n'y crou- piirent point. Il ne faut pas juger de la véritable grandeur du Cirque ou du ftade , par les mefures que nous avons rapportées ; on fçait que ces lor- tes de lieux n'avoient ordinairement que izj-. pas de long , & qu'on les appel loit Diaules quand ils avoient le double. On découvre de cette colline toute la campagne de Smyrne qui eft par- faitement belle , & dont les vins étoient efU- mez, du temps de Strabon & d' Athénée. du Levant. Lettre XXII, 385 Rien ne donne une plus belle idée de la magni? ficence de l'ancienne Smyme , que la deferiptiort •que Strabon en a laiflee. Lorfque les Lydiens , dit cet Auteur, eurent détruit Smyme y tout ce quar- tier 3 pendant environ 400. ans , ne fut -peuplé que par bourgades 3 mais Antigonus la rétablit , & enfuite Lyfimachns. C'efi aujourd'huy la plus belle ville d'Afie. ZJ ne partie eft bâtie fur la montagne, mais la plus grande partie ejl dans la plaine fur le Port , vis-à-vis le Temple de Cybele & du Gymna- Ce. Les rués font les plus belles qu'on ait pu faire , tirées à angles droits & pavées de belles pierres. I{ y a de grands & beaux Portiques , une Biblioteque publique 3 & un Portique quarré ou efi la fiatué d'Homère ; car ceux de Smyme font fort jaloux de ce qu' Homère a pris naiffance parmi eux , & ils ont fait frapper un JHédaillon de cuivre qu'ils ap- pellent Homerion. La rivière Mêles coule le long de fes murailles. Entre les autres commodités de la ville y il y a un Port que l'on ferme quand on veut. Telle écoit Smyrne du tempsd'Augufte, & fui- vant les apparences on n'avoir, encore bâti ni le Théâtre ni le Cirque , car Strabon ne les auroit pas oubliez. Ainfi Mr Spon a conjecturé avec rai- fon y que le Théâtre fut bâti fous Claude , puis- qu'on trouva le nom de cet Empereur fur un pié- deftal. Strabon nous apprend que les Lydiens a- voient détruit une ville encore plus ancienne que celle qu'il décrit , & c'eft de celle dont parle Hé- rodote , lorfqu'il allure que Giges Roy de Lydie déclara la guerre aux Smyrnéens , & qu'Halyat- tes Ton petit fils , la prit. Elle fut enfuite mal- traitée par les Ioniens , furprife par ceux de Co- lophon ; enfin rendue à fes propres Citoyens, mais 384 V O Y A G I démembrée de l'Eolide. Mr Spon écrit que cette ancienne Smyrne étoit entre le Château de la Ma- rine , 6c la ville d'aujourd'hui ; il en refte encore quelques ruines fur le rivage. Les Romains pour fe conferver la plus belle porte d'Afie s ont toujours traité les Citoyens de Smyrne fort humainement j oc ceux-ci pour n'ê- tre pas expofez aux armes des Romains , les ont beaucoup ménagez , Ôc leur ont été fîdclles. Ils fe mirent fous leur protection pendant la guerre d'Antiochus ; il n'y a que Craflus Proconful Ro- main qui fut malheureux auprès de cette ville. Non feulement il y fut battu par Ariftonicus , mais pris &c mis à mort ; fa tête fut prelentée à fon ennemi , &c fon corps enfeveli à Smyrne. Per- penna vangea bientôt les Romains , ôc fit captif Ariftonicus. Dans les guerres de Cefar& de Pom- pée , Smyrne fe déclara pour ce dernier , & lui fournit des vahTeaux. Après la mort de Cefar , Smyrne qui penchait du côté des conjurez , re- fufa l'entrée à Dolabella, ôc receut le Conful Tre-p bonius l'un des principaux auteurs de la mort du Dictateur ; mais Dolabella l'amufa fi à propos , qu'étant entré la nuit dans la ville il s'en faiiît . èc le fit martyrifer pendant deux jours. Dolabella cependant ne put pas conferver la Place ; Caffius & Brutus s'y affemblerent pour y prendre leurs mefures. On oublia tout le palTé quand Augufte fut pai- fible pofiélleur de l'Empire. Tibère honora Smyr- ne de fa bienveillance ôc régla les droits d'Aule de la ville. M. Aurele la fit rebâtir après un grand tremblement de terre. Les Empereurs Grecs qui l'ont pofledée après les Romains, la perdirent fous Alexis Comnene. Tzachas fameux Corfaire Ma- homet an a du Levant. Lettre XXI f. $%$ hometan, voyaiit les affaires de l'Empire fort em- brouillées j fe faille de Clazomene , de Smyrne 8c de Phocée. L'Empereur y envoya fon beaufrere Jean Ducas avec une armée de terre , & CafpaX avec une flotte. Smyrne fe rendit fans coup ferir; Je gouvernement en fut donné à Cafpâx , qui re- venant à la ville après avoir accompagné Ducas i reçût un coup d'épéé de la main d'un Sarrafm j ce malheureux avoit volé une çroATe fomme d'ar- gent à un bourgeois de la ville , & voyant fâ con- damnation inévitable , il déchargea fa rage fui: le Gouverneur. Les Mahomctans , fous Michel Pàlcologue qui chalfâ les Latins de Conftanu'nople , fe faiflrent de prefqite toute l'Anatolic. Atin un de leurS principaux Généraux prit Smyrne , foiis Androniç le vieux. Homur ion fils lui fucceda ; & comme il étoit occupé à ravager les côtes de la Propontide^ les Chevaliers de Rhodes s'emparèrent des envi- rons de Smyrne & y bâtirent le Fdrt Saint Pierre; Homur revint à Smyrne , & voulant recorinoître ce Fort qui n'étoit pas fini , il reçut un coup de flèche dont il mourut. Pendant la vie d'Homur qu'on appelloit le Prince de Smyrne , les Latins* brûlèrent fa flotte , &c fe faifirent de la ville. Le Patriarche de Conftantinople qui avoit été fait par l'élection du Pape , ayant jugé à propos de dixe la Melfedans la principale Eglife , y fut fur- pris par les Troupes d'Homur , lefquelles ayant mis les Latins en fuite , le décollèrent tout revê- tu de fes habits Pontificaux , & maflacrérent là Noblefle qui étoit autour de lui. Quelques Hifto- riens Génois rapportent à l'année 1346. une ex- pédition que les Génois firent fur ces côtes , fous le Doge V"ignofi , par laquelle ils ajoutèrent à leur Tome III. Bb 38(5 Voyage domaine Scio , Smyrne & Phocée. Suivant les apparences ils ne gardèrent pas long-tems Smyr- ne , puifque Morbaflan l'afTiégea par ordre d'Or- can 1 1. Empereur des Turcs , qui avoit époufé une des filles de l'Empereur Cantacuzene. Après la bataille d'Angora , Tamerlan afliégea Smyrne , & campa tout près du Fort Saint Pierre , que les Chevaliers de Rhodes avoicnt fait bâtir , & où la plupart des Chrétiens d'Ephefe s'étoient retirez. Ducas qui a fait la relation de ce îiége , en a rapporté deux circonftances bien finguliercs. i°. Que Tamerlan fit combler l'entrée du Port , en ordonnant à tous fes foldats d'y jetter chacun une pierre. 2°. Qu'il y avoit fait conftruire une Tour d'un nouvel ordre d'architecture , compo- fée en partie de pierre & de tètes de morts , ran- gées comme des pièces de marqueterie 3 tantôt de front & tantôt de profil. Apres la retraite des Tartares , Smyrne refta à Cineites fils de Carafu- pafi Commandant d'Ephefe, & qui avoit été Gou- verneur de Smyrne fous Bajazet. Cependant Mu- fulman , l'un des fils de Bajazet, jaloux de la gran- deur de Cineites , parla en Afie en 1404. dans le defTein de rabaiffer. Cineites fit une puiflante li- gue avec Caraman Sultan d'Iconium , & avec Carmian autre Prince Mahometan -, mais ils firent la Paix lans en venir aux mains. Cineites n'eut pas fi bon marché de Mahomet I. autre fils de Ba- jazet. Mahomet vint afliéger Smyrne que l'on avoit bien fortifiée & bien munie. Cineites fe re- tira à Ephefe , 97 du Levant. Lettre XXI /. 397 femées. Les débris de quelques Châteaux bâtis de marbre , ne montrent rien qui foit digne de l'an- cienne ville. J'ai fait graver une Porte qui eft à gauche fur le chemin de Scalanova. Le cintre; qui en eft beau , n'eft pas proportionné aux jam* bages qui le foutiennent , car il fait plus que le demi cercle; les frifes font entaillées proprement , & c'eft fur ce refte de bâtiment qu'on lit,en dedans & en dehors , un bout d'Infcription que voici , elle eft en cara&eres Romains , où l'on ne com* prend rien. ACC ENSO RE NS I ET ASI^ Les Arphodeles à fleur jaune, à tige droite & fans canelure , brillent parmi plufieurs autres plantes rares. Le Château qu'on appelle la Prifon de S. Paul, n'eft pas ancien & n'a jamais été beau. La Grotte des [eft Dorrnans meriteroit d'être veûë,fi l'on étoic bien aiTùré de la vérité de cette Hiftoire.En fortanc des ruines du Temple , on entre dans un vilain marais rempli de joncs &c de rofeaux , lequel fe dégorge dans le Cayftre. Au delà de cette iivicre eft un Lac aflez bourbeux ; peut être qu'il nous parut tel à caufe des grandes pluyesqui tomboient; Il faut que ce foit le Lac de Selinufia de Strabon. En allant au Port , on voit fur le bord de la riviè- re beaucoup d'anciennes ruines & de vieux mar- bres. C'étoit là proprement le quartier d'Ephefe que Lyiimachus avoir fait bâtira où fe trouvoient les Arfenaux dont parle Strabon. On pafTe le Cayk tre à quelques pas de là dans un Bac à corde, pour aller de Scalanova à Smyrne , fans venir pafler fur le Pont. C'eft encore l'ancien chemin d'Ephefe à Smyrne , car c'eft le plus court, & Strabon allu- re qu'il alloit en droiture d'une de ces villes à 39$ Voyagé l'autre j c'eft aujourd'hui le chemin le plus dan- gereux. Quoique la plaine d'Ephefe foit belle >■ ne'an-i moins la fituation de Smyrne a quelque chofe dé plus grand ; & la colline qui en termine le gol- phe , eft comme un théâtre deftiné pour reprefen- ter une belle ville ; au lieuqu'Ephefe eft dans un baffin. D'ailleurs quoique cette ville ait été le fié- ge du Proconful Romain, & le rendès-vous des étrangers qui alloient en Ade, Ton Port n'a jamais été comparable à celui de Smyrne. Celui d'Ephe- fe , à l'occalion duquel on a frappé tant de Mé- dailles, n'eft qu'une rade découverte ôc expofée ;• il n'eft plus fréquenté à préienr. Autrefois les bà- timens entroient dans la rivière , mais la barre a été depuis comblée de fable, Rien n'eft fi ennuyeux que de chercher les fon- dateurs d'Ephefe dans les anciens livres. Que nous importe de fçavoir comment elle s'appelloit du temps de la guerre de Troye ? ou fi elle a pris fon nom d'Ephefus fils de Cayftre & de l'Amazone Ephefe ? Il n'eft patte plus important de fçavoir fi c'eft l'ouvrage des Amazones , ou d'Androclus ,■ un des fils de Codrus Roy d'Athènes ; cela ne peut fervir qu'à éclaircir un endroit de Syncelle , où il eft dit que ce fut Andronic,au lieu d'Androclus, qui fit bâtir Ephefe. Qui eft-ce qui s'embaralle de (çavoir s'il y avoit un quartier de cette ville qui s'appelloit Smyrne ; ces fortes d'éruditions ne nous intereffent plus : mais il y a plaifir de fe fouvenir que pendant les guerres des Athéniens & des La- cedemoniens , Ephefe avoit la politique de vivre en bonne intelligence avec le parti le plus fort : Que le jour de la naiHTance d'Alexandre, les devins de cette ville fe prirent tous à crier que le deftruc- teur de l'Aûe étoic venu au monde- : Qu/ Alexandre du Levant. Lettre XXII. $99 le Grand , fur lequel la prophétie croit tombée , vint à Ephefc après la bataille du Granique,& qu'il y rétablit la Démocratie : Que la place fut prife par Lyfimachus l'un de Tes iuccefîeurs : Qu'enfin Antigonus l'occupa àfon tour , & y faiht les thre- fors de Polyfperchon. Peut-on ignorer qu'Annibal ne fe foit abouché à Ephefe avec Antiochus, pour prendre de concert des mefures contre les Romains ? Que le Procon- ful Manlius y paffa l'hyver , après la deffaite des Galates ? Tous ces evenemens renouvellent les grandes idées qu'on a de l'Hiftoire ancienne. Rien n'eft plus effroyable que le malfacre des Romains en cette ville par les ordres de Mithridate. Lucul- lus fit de grandes feftes à Ephefe. Pompée & Cice- ron ne manquèrent pas de voir cette célèbre vil- le. Ciceron ne faifoit aucun pas dans la Grèce , qu'il n'y trouvât de nouveaux fujets d'admiration. Scipion le beau-perc de Pompée eur un peu moins de refpect pour Ephefe , car il fe faifit des threfors du Temple t mais rien n'eft fi confolant pour les Chrétiens, que de fuivre S. Paul à Ephefe. Au- gufte honora cette Place d'une de fes vifîtes , &C l'on y drclfa des Temples à Jules Ceiar & à la vil- le de Rome. Ephefe fut rebâtie par les foins de Tibère. D'un autre côté les Perfes la pillèrent dans le troifiéme fiécle , & les Scythes ne l'épar- gnèrent pas quelque temps après. Il y a beaucoup d'apparence que le fameux Temple de Diane fut détruit fous Conftantin , enfuite de l'Edk par le- quel cet Empereur ordonna de renverfer tous les Temples des Payens. Ephefe étoit une Place trop confidérable pour n'être pas expofée à fon tour aux ravages des Ma- hometans. Anne Comnene rapporte , que iesln- £delles s/étant rendus les maîtres d'Ephefç , fous le 4oo Voyagé règne de Ton père Alexis , il y envoya Jean Ducas* fou beaupcre , qui deflic Tangriperme & Marace Généraux des Mahometans. La bataille fe donna dans la plaine au defious de la Citadelle ; ce qui fait connoître que la plus belle partie de la ville étoir déjà détruite pour lors. Les Chrétiens eurent tout l'avantage, on fit deux mille prifonniers , & le gouvernement de la Place fut donné à Petzeas. Il y a apparence que la Citadelle,dont parle Com- nene , étoit l'ancien Château de marbre aban- donné. Théodore Lafcaris fe rendit le maître d'E- phefe en 1106. Les Mahometans y revinrent fous Andronic Paleologue, qui commença à régner en 1185. Mantachias , un de leurs Princes , conquit toute la Carie , & Homur fils d'Afin , Prince de Smyrne , luifucceda. Tamerlan , après la bataille d'Angora, ordonna à tous les petits Princes d'A- natolie de le venir joindre à Ephefe , 8c s'occupa pendant un mois à faire piller la ville & les envi- rons. Ducas alïeûre que tout fut épuifé, or,argenr, bijouxjon enleva même jufques aux habits. Après le départ de ce conquérant, Cineites grand Capi- taine Turc , fils de Carafupafi qui avoit été Gou- verneur de Smyrne fous Bajazet , déclara la guer- re aux enfans d'Afin , qui s'étoient venus établir à Ephefe. Il ravagea d'abord la campagne à la tête de joo. hommes ; enfuite il fe préfenta devant la Citadelle avec un plus grand nombre d'autres Troupes , & l'emporta facilement : mais quelque temps après , un autre fils d'Afin qui s'appelloic Homur, du même nom que fon frère , qui venoic de mourir, fe joignit à Mantachias Prince de Ca- rie, qui l'accompagna à Ephefe avec une armée de 6000. hommes. Carafupafi , père de Cineites , commandok dans la ville , où ce même Cineites , qui pu Levant. Lettre XXI I. 401 qui étoit dans Smyrne , n'avoit laiiîe que 3000. hommes. Malgré la vigoureufe defenfb des Ephe- fiens , lesafîiégeans mirent le feu à la ville, & dans deux jours tout ce qui étoit échappé à la fureur des Tartares fut réduit en cendres. Carafupail s'étant retiré dans la Citadelle , en foutint le îiége ^ufques en Automne ; mais ne pouvant être fecou- ru par fon fils, il fe rendit à Mantachias qui remit le pays d'Ephefe à Homur , & fit enfermer dans le Château de Mamalus , fur les côtes de Carie , Ca- rafupafi & fes principaux Officiers. Alors Cineites partit de Smyrne avec une galère , & fit fçavoir à ion père fon arrivée à Mamalus. Les prifonniers firent tant boîre leurs gardes , qu'ils les enyvre- rent , &c profitant de cette rufe ils dépendirent avec des cordes & fe fauverent à Smyrne. Au com- mencement de l'hiver,ils entreprirent le îiege d'E- phefe. Homur à fon tour fe retira dans la Citadel- le. La ville fut livrée aux foldats ; on y commit toutes fortes de crimes & de cruautez. Au milieu de tant da malheurs , Cineites fe réconcilia avec Homur , & lui donna fa fille en mariage. Ephefe en fuite tomba entre les mains de Mahomet I. qui ayant vaincu non feulement tous fes frères ; mais encore tous les Princes Mahometans qui l'embar- rafïbient , refta paifible pofTeffeur de l'Empire. De- puis ce temps-là Ephefe efl: reftée aux Turcs ; mais Ion commerce a été tranfporté à Smyrne &c à Scalanova. Nous partîmes d'Ephefe le 27. Janvier pour aller voir cette dernière place que les Turcs ap- pellent Coufada , & les Grecs Scalanova > nom Italien que les Francs lui donnèrent peut-être après la deftruction d'Ephefe. Ce qu'il y a de plai- fant dans ce changement de nom , c'eft qu'il re-_ Tome III. Ce 4-u Voyage pond à ^ancien nom de la ville qui efl la Neapoîls des Milefîens. Malgré une très grande pluye nous y arrivâmes dans trois heures. Quand on efl près des ruines du Temple cl'Ephefe il faut tirer droit au Sud, enfuite au Sud-Oucfl pour gagner la Marine. Pela on prend fur la gauche au pied des collines , pu efl la prifon de S. Paul , laiffant à droite le marais qui fc dégorge dans le Cayllrc. Ce che- min efl fort étroit en pluficurs endroits , à caufe de la rivière qui ferpente Se qui vient battre au pied des montagnes ; après quoi elle tire droit à la mer. A peine diftingue-t-on le chemin, à caufe de la quantité des Tamaris Se des Agnus cafius. La rade d'Ephefe efl terminée dans cet endroit-là , qui efl au Sud Ouefl , par un Cap qu'il faut laif- fer à droite , & fur lequel on paffe pour prendre le chemin de Scalanova. On vient enfuite à la Marine d'où l'on découvre le Cap de Scalanova qui avance beaucoup plus dans la mer. A deux milles en deçà de la ville , on paflé par la brèche d'une grande muraille , laquelle , à ce qu'on pré- tend a a fervi d'aqueduc pour porter les eaux à Ephefe ; mais il n'y a point d'arcades. On voit pourtant la fuite de la muraille qui approche delà ville en fuivant le contour des collines. Les ave- nues de Scalanova font agréables par leurs vigno- bles. On y fait un négoce confidérable en vins rouges & blancs , Se en raifîns fecs ; on y prépare aufîi beaucoup de peaux de Marroquin. Scalanova eft uneaflTez jolie ville^bicn bâtie,bien pavée & couverte de tuiles creufes comme les toits de nos villes de Provence.Son enceinte efl prefque quarrée, Se telle que les Chrétiens l'ont bâtie. Il n'y loge que des Turcs Se des Juifs. Les Grecs & les Arméniens en occupent les faux-bourgs. On du Levant, Lettre XXII. 405 voit beaucoup de vieux marbres dans cette ville. L'E°life de S. George des Grecs eft dans le fauxbourg fur la croupe de la colline qui fait le tour du Port ; vis-à vis eft l'écueil fur lequel on a bâti un Château quatre où l'on tient une vintaine de foldats en garni Ton. Le Port de Scalanova eft un Port d'armée , il regarde le Ponant & le Mif- tral : Il y a environ mille familles de Turcs dans cette ville, fix cens familles de Grecs, dix famil- les de Juifs , & foixante d'Arméniens. Les Grecs y ont l'Eglife de Saint George , les Juifs une Sy- nagogue , les Arméniens n'y ont point d'Eglife. Les Mofquées y font petites. On n'entretient dans la ville & aux environs , qu'environ cens ]aniflai- res. Pour le commerce , il n'eft pas confidérable , parce qn'il eft defténdu d'y charger des marchan- difes deftinées pour Smyrne ; ainfil'on n'y va char- ger que du blé Se des haricots. Il y a dans cette Place un Cadi , un Difdar & un Sardar. On ne compte qu'une journée de Scalanova à Tyre , au- tant à Gu\ctlijj'a$ ou Beau Château , qui eft la fa- meufe Aiagnejîe fur le Méandre , à une journée cV' demie des ruinés de Miler. Le 1 f. Mars en revenant de Samos , nous al- lâmes de Scalanova à Ephefe. Le lendemin nous partîmes pour revenir à Smyrne , & nous couchâ- mes ce jour-là à Tourbalé qui eft à fix heures de Smyrne. Tourbalé eft un méchant village dans le- quel on voit plufieurs vieux marbres qui fontplai- fir aux étrangers \ car d'ailleurs les Turcs qui y habitent font peu gracieux. On voit encore dans le Caravanfcrai , des colomnes de Granit ou de marbre blanc. A trois mille de Tourbalé , au pied de la montagne près d'un cimetière , font les dé- bris d'une ancienne ville , mais on n'y trouve rien C c ij 404 V O Y A G E qui puiue en apprendre le nom. Tout ce quartier eft plein de Leontopetalon , & à? Anémones fatinées couleur de feu. Nous ne trouvâmes à manger à Tourbalé que du pain de Dora 3 qui eft fort pc- fanc , fans être pourtant defagréable. Le 27. nous arrivâmes à Smyrne où nous féjoumâmes en at- tendant une occafion pour nous embarquer. Le Jeudy Saint 13. Avril 1702. nous mîmes à la voile avec un vent de Sud-Eft , fur le vaiffeau nommé le Soleil d'or , commandé par le Capitaine Laurent Guerln de la eioutad armé de fix pièces de conons de fer , & de huit pierriers ; il étoit char- gé pour Livournes de Soye 3 de Coton , de Fil de Chèvre , & de Cire. Le vaiffeau étoit d'envi- ron 6000. quintaux. Après une navigation de 40. jours , pendant laquelle nous emiyâmes du gros temps 8c des vents affez contraires qui nous obli- gèrent de prendre à Malthc des rafraichiffemens , nous arrivâmes à Livournes le 23. May , &c nous entrâmes dans le Lazaret. Le 27. nous fortîmes du du Lazaret & nous nous embarquâmes fur une felouque qui nous conduifit à Marfeille le 3. Juin veille de la Pentecofte , où nous rendîmes grâces à Dieu de nous avoir confervez pendant le cours de nôtre voyage. Fin du Tome trolfiéme. TABLE TABLE DES MATIERES PRINCIPALES CONTENUES DANS LES TROIS TOMES. ABlME du Mont jUL Ararat , Tome III. Lettre xix. page 127. Ablutions des Turcs , Tom.ll. Let.xiv.p. 3 3 4. & f»iv. Aboiïdlona, lac, ville &C Ifle , defcription &c hiltoiie critique , Tom. III. Let.xxi 1 . P- H4« Abraham , s'il a bâti le Temple de la Me- que , Tom. II. Lct. xiv. p. 357. Abfinte p antique , def- cription de cette Plante , Tom. 1 1 1. Let. xvii. p. $1. Abydos 8c Seflos, leur fîtuation , Tom. II. Lct. x 1. p. 161. Achille époufe Deida* mie, Tom. 1 1. Let. x.p. IJI. Adrachne , defcription du fruit de cet arbre, Tom. i II. Let. xxn. p. 362. 363. Adraman Pacha , fou hiitoire,Tom.II.Let. xiii. p. 312. Adultère ,dc quelle ma- nière ce crime efl: puni àSicyros,Tom. II. Let. x. p. 1J9. En Turquîe,Tom.U. Let. xiv. p. 370.571* Agent. Voy. Perfe. Agtmbraty ou Agimou- rMlnes d'Aiman en l'ifle de Serpho , Tom. I, Lee. iv. p. 214. Aix y ville de Proven- ce , les grands hom- mes qu'elle a pro- duit , Tom.I. p. j. & fmv„ Allbanoifes. Tom. II. Let. vi 1 1. p. 45. Al cor an , contient Les loix des Mahome- tans 3 Tom. II. Let. xiv. p. 317. Alnavi MaurorumyàzÇ- cription de cette Plante , Tom. II. Let. vin. p. 4. Alont •', ou village des dix Saints en Can- die, Tom. I. Let. 11. p. 70. Alun , comment il fc forme , Tom. I. Let. iv. p. j 86. Mines d'Alun en l'ifle de Milo,p. 196. 0" fiiiv. Ses qualkez & fa gé- nération, p. 197. & ftiiv. Amandier , defeription d'un Amandier fau- L E vage , Tom. III. Let. xxi. p. 291. Amaflro & Amajiris , Reine d'Heraclée , Tom. III. Let. xvi. p. 3 1. & 32. Ville du même nom fon- dée par cette Reyne, p. 36. Amazones , leur païs , Tom. III. Let. xvn. Ambajfadeur s, Relation de ce qui fe pafla à l'Audiance qu'eut Mr. de Ferriol du Grand Viflr 3 & à celle qui eftoit pré- parée pour le Grand Seigneur s Tom. II. Let. xn. p. 25:. & fmv. L'Ambaifedeur de France eft Ju^e en dernier refleut des Marchands Fraiçois à Conftantinople. p. 265. Commer.t les Ambaifadeurs font introduits chez le Grand Seigneur , Tom. II. Let. xiii. p. 302. & fuh. Les AmbalTadeurs envo- yez au Roy dePerfc font entretenus aux DES MA dépens de ce Prince , Tom. III. Lee. xix. p. 201. Amérique , fi elle n'eft point un refte de l'ifle Atlantide, Tom. III. Let. xv. p. 409. 'Amlmthe , ou pierre incombuftible,Tom. I. Let. iv.pag. 197. Amifus , hiftoire de cette ville,Tom. III. Let. xvii. p. 56. & ffiiv. Amorgos y hiftoire de cette Me , Tom. I. Let. vi. p. 176. & fuiv. fa defeription , p. 278. fon Urne merveilleufe , pag. 281. Amycus Roy des By- thinienSjfes qualitez &fa mort, Tom. II. Let. xv. p. 425. & fuiv. Ana.coretes Grecs,Tom, I. Let. Eli* p. 127. Anaphe Voy. Nanfio. Ancyre , (1 cène ville a cfté bâtie par les Gaulois , Tom. III. Ler. xxi. p. 313. fes inferiptions, pag, T 1ER ES. 313. ^i%.& fuivSon hiftoire, p. 320. & fuiv. Andros , defeription de cette lue , Tom. II. Let. vin. p. 33. & fuiv, fon hiftoire , p. 34. 40. & fuiv. Religion de fes ha- bitans , p. 37. fes an- tiquitez, p. 38. & fuiv. Anémones , fleurs de 1J Archipel , Tom. I. Let. iv. p. 189. leur hiftoire , Tom. II. Let. xii. pag. 2;o. & 251. Angora, hjftoirc de cet- te ville , Tom. III. Let. xxi. p. 311. & fuiv. fa defeription , pag. 322. celle de fon château, p. 316. voyage d'Angora, p. 286. &c 306. bataille d'Angora, p. 321. Armée des Turcs. Tom. II. Let. xiv. p. 342. Antiochus vaincu par Scipion. Tom. III. Let. xxii. p. 367. & fuiv. Antiparos , defeription de cette ifle. Tom. I. a ij T A B Let.v.p. m. d'une caverne curieufe. p. 2 1 3 . & fuiv. inferi- ptions. p. 225. &C H4. Antiquités det Siphan- to.Tom. I. Let. 1 v. p. 2 1 1. & fuiv. de Naxie.Let.y.p. z6i. de Delos. Lee. vu. p. 348.^ fuiv. d'An- dros. Tom. II. Let. vin. p. 38. & 39. de Sainos. Tom. II. Let. x. p. 1 15. & fuiv. Se 13,6. dr fuiv. de Cpnrtantinople. Tom. II Let. xii. p. it6.&fuiv. d'He- taclce. Tom. 1 1 I. Let. xvi. p. 14. & fuiv. de Smyrne. Let. xxii. p 381. d'Ephcfc. p. 391. ôc 397- Apiurn Gr&cum , def- cn'ption de cette plante. Tom. I. Let. vi. p. 175- Apocaljpfe , maifon où S.Jean écrivit l'Apo- calypfe. Tom. 1 1. Let. x.pi4j. & 146. Apollon, ruines de plur- lieurs de fes temples, L E Tom.I.Let.vi.p.328. & 315». Let. vu. p. 357. & 358. Tom II. Let. îx. p. 92. Tom. III. Let.xxii.p.377. fa ftatué' de Delos. Tom. I Let. vu. p. 358. pourquoy fur- nommé Sminthien> Tom. IL Let. ix. p. 92. Apollonia. Voy Aboùil- lona y Se Lopadi. Apôtres, reliques des Apôtres dans leCou- vent des Trois Egli- fes. Tom. III. Let. xix p. 189. Aptère Sx c'eft ce qu'on nomme à prefent Pa- Icoçaftro en Candie. Tom. I. Let.ii.p.96. fes ruines & fes in- feriptions. p. s>7- Aquilon , comment les fils d'Aquilon déli- vrèrent Phinée des Harpies. Tom. II. Let. xv. p. 43 6. Ararat , difficultez de monter cette mon- tagne. Tom. III. Let xix. p 223,224. d'en defeendre. pag. 218. description de DES MA cette montagne, p. 206. 215. & [uiv. Araxe3oà cette rivière prend fa fource.Tom, III. Let. xix. p. 230. Arbres qui naiflent dans les ifles de Can- , die. Tom. I. Let. i. p. 57. 58. 59.&60. de Naxie. Let v p. 254. &2 6i.d'Amor- gos. Let. vi. p. 287. de Zia. Tom II. Let. vin. p. 18. & 23. d'Andros. p. 33". & 36. deTine. p 46 de Scio. Let. i;x. p. 62. &: (j5.de Samos, Let. x. p. 1 1 1 128. 1 33. fur les Côtes de la Mer noire, Tom. III. Let. xvi 1. p. 56. 62. 83. &. 84. en Arme- nie,Let. xvi.fi. p.?1* 100.& 101. Let. xix. p. 184.. & i8j. en Géorgie , Let. xvm. pag. 136 .& 158 Let. xix- pag. 242. fur le chemin d'Erzeron à Tocat,Let. xxi. pag. 29 1 • & fuiv. 25)4. & fptiv. dans l'Anatolie, Lct.xxi. p.3°8, 310, TIERES. 336. 338. 344. Let. xxii. p. 362. 363. . 366. 370* 389. Arcadi 3 aucrefois Ar~ cadia> à prefent Mo- naftere/fom.I.Let.i. p. 59, & 60. prière que l'on récite tous les ans pour bénir là Cave de ce Monade- re , p. 61. Arçangis ± Fântafîîns Turcs, Tom. II. Lcr. xi 11. p. 315. AïCtnal \z Confiante nople , Tom. II. Let. xii- p. 216. Arche ,fi l'Arche de Noé s'arrefta fur le mont Ararat , Tom. III. Let. xix. p; 15)1.1517. 228. Ci elle y a efté veiïe , p. 203. Archilochus , Tom. î. Let. v. p 246. Archipel j religion de feshabitansi Tom.I. Let. iv. p. 171. de quelle manière la fouverainété y finit > Let. v. p. 254. chan- gemens qui y font arrivez , Tom. I I. Let. xv. pag. 407. &fuiv. comment ori a iij TAB y fait le vin , Tom. I. Lct. iv. p. 157 1 . Cartes de l'Archipel critiquées ou approu- vées , Tom. II. Let. Vin. p. 32. & fuiv. Ardachat , ville d'Ar- ménie , Tom. III. Let. xix. p. 212. fon hiftoire 3 p. 21 3. Argent , mines d'argent dans l'ifle de l'Ar- gentiere , Tom. I. Let. îv. p. 170. en Arménie, Tom. III. Let. xviii. p. 130. Argentiere , defcription de cette ifle , Tom. I. Let. iv. p. 169. & fuiv. religion de fes habitans, p 171. Argonautes s ces héros furent jettez dans l'ifle de .Nanfio , Tom. I. Let. vi. pag. 328. leur pieté,Tom. II. Let. xv. p. 429. 430 de quelle ma- nière ils furent re- ceus de Phinée , p. 435. confcils que ce Prince leur donna , p. 43 2.437. fi c'eftoit des Marchands , p, 437. LE Argos , vaiffeau des Ar- gonautes , Tom. 1 1. Let. xv. p. 432. Arifioloche , defcription d'une efpece d'Ari- ftoloche , Tom. II. Let. ix. p. 79. Arifiote, il eut le foin de retoucher les Poè- mes d'Homere,Tom. II. Lct. îx p. 77* bon mot de ce Philo- sophe , pag. 8 j. ^ Arménie , defcription de ce pays , Tom. III. Let. xyif. p. 86. & fuiv. les Oli- viers n'y croilfent point , Let. xix. p. 152. Arméniens ,leurs moeurs* Tom. III. Let. x x. p. 25 1. & fuiv. éta- bliflemcnc de leur commerce , p. 253. leur commerce , p. 251. 2j6. 257. leur manière de vendre , p. 2/9. leur traite avec le grand Duc de Mofcovie , p. 2^7. leur religion, p. 259. & fuiv. s'ils fon: Eu- tychiens , p. 260. leur Clergé, p,*66« DES MA leurs preftres & leurs religieux , p. 271. leurs Sacremens , 8c la manière dont on les adminiftre , pag. 273. & fuiv. leur cro'iance fur l'EuCha- ïiftie, p. 276. 277. fur la création des Ames & fur le Juge- ment dernier, p. 264. leur charité ëc leur frugalité , pag. 2 y y. ÇT fuiv. leurs jeûnes & leur Carême , p. iyi.ôc 273. leur ma- nière de faire l'Eau bénite , pag 28 j. contes tirez de leur petit Evangile , p. 2.61. & fuiv. 'deux fortes de langues en iifage , p. 270. & fuiv. averfîon des Ar- méniens fchilmati- ques contre les La- .tins , p. 278. Armoife , defeription d'une efpece d' Ar- moife , Tom. 111. Let. xix. p. 245. 246. Arna 9 village d'An- dros j Tom. 1 1. Let, vin. p, #, TIERES. Afparagus Çreticns a defeription de cette Plante , Toni. 1. Let. vi. p. 273. Affancalé a forteretfè de la plaine d'Affan- calé , Tom. III. Let„ xix. p. 243. & 244. Afiragale , defcriptioii d'une efpece d'Aftra- gale , Tom. 111. Leta xvm. p. ïoi. Atmeidan3dcÇcnption de i'Atm'eïdan de Coq- ftantinople, Tom. Iï« Let. x 1. pag. 194, Let. xir. p. 226. ; Àrtz,e , deftruction de cette place , Tom^ Il 1. Let. xvni. p, 125. Atlantide 3 ce que peut eftre que rifle Atlan- tide , Tom.' II. Let. xv. p. 409. Aubriet entreprend lé voyage du Levant avec M. Tourne fortj Tom. 1. p 2 & 3. Augufie , defeription du Monument d'Aii- gulte à Ancyre ,' Tom. III. Let. xxi. P- 3 *i- Attmone commandes i »ij TAB aux Turcs , Tom. II. Let. xiv. p 348. & [niv. Autel de Bacchus , Tom. I. Lcr. vu. P- 377- A\amoglans , jeunes gens élevez dans le Serrail ; leur éduca- tion , Tom. II. Let. xiii. p. 2S4. c~ fuiv. A^fpes , Fantafîîns Turcs , Tom. I I. Let. xiii. p. 315. & 316. Az,arolier , defcription de deux cfpeccs d'A- zarolier , Tom. III. Let. xxi. p. 295. & ip6. B T> Acchus , pourquoy JD il ordonna de fe fervir de cannes de Férule , Tom. 1. Let. vi. p. 291. en quel lieu il fut élevé , Tom. I. Let. v. pag. 2p. 252. & 262. Bngno , prifon où font renfermez les efcla- ves à Conjhnùno- LE pie , Tom. 1 1. Let. xii. p. 217. Bajaz,et , défaite de ce Prince , Tom. III, Let. xxi. p. 321. & 522. Bains y defcription des Bains de Turquie, Tom. II Let. xiv. p 360. &fuiv.â'Aï- zerum , Tom. III. Let. xvi ii. p. 106. de Teflis p. 170. d'eau chaude auprès de Smyrnc , Let. xxii. pag. 376. d'E- lija, Let. xxi. pag. 286. de Capliza , p. 34;. &fmv^ Bairam , defcription de cette fefte , Tom. I. Let. t. p. 5 1. 8c 52. Tom. II. Let. xiv. p. 345. & fuiv. Bandits de l'Archipel , Tom. I Let. v 1. p. 50^1. Baptême des Grecs , Tom. 1. Let. m p. 147. des Arméniens, Tom» III Let. xx. p. 273 & fuiv, Barberouffe , fon éléva- tion , Tom. II. Let. xv. p. 448, DES MA Bafar , defeription des Bafars de Conftanti- noplc 3 Tom. 1 1. Let. xn p. 23 1. & Baudran critiqué,Tom. II. Let. vin p. ji. Beibaz.ar , defeription de cette ville & de Tes environs , Tom. III. Let. xxi. P.2.3J. & 236. Berecynthe , montagne de Candie , Tom, I. Let. 1 1. p. 97. Bignon ( M l'Abbé ) approuve le Voyage du Levant , Tom. I. B'ifniy monafterc, Tom. III. Let. xix. p. 187. Blattar'ia Orientalis 3 defeription de cette Plante , Tom. 1 1 1. Let. xvi. p. 20. Bled de Samos , Tom. II. Let. x. p. 109. manière de le faire venir dans differens pais , Tom. III Let. xvm. pag. 134.13;. & 140. Boghas , defeription des Boghas de Samos , T 1 E R E S. Tom. 1 1. Let. x. p. 1 o 1 . & fuiv. Bol d'Efpagne , Tom. III. Let. xvi 1. p. H- Borrago Conftantinopoli- tana , defeription cte cette Plante , Tom. II. Let. xn. p. 242. Bofphore pourquoy ainfî nommé , Tom. I I, Let. xn. pag. 218. defeription du Bof- phore de Thrace , Tom. I I. Let. xv. p. 397. & fuiv. com- ment il s'eft formé , p. 403. &fuiv. Pont jette par Darius fur ce Bofphore, p.422. Boftangl-Bachi, fes fon- ctions , Tom. I F. Let. xiu. p. 28;. ÔC 2§6. Botanique cultivée dans le dernier fieele , Tom. III. Let. xvm. p. 149. & 1 jO. Bouillon blanc , deferi- ption d'une efpece de Bouillon blanc , Tom. II. Let. vm. p. 19. Bourreau , en Géorgie les gens de qualité TAB exercent la charge de Bourreau , Tom. III. Lcr. xvn î. p. 165. Boyer d'Aiguilles , Ton cabinet , Tom. I. P S- Broujfe. Voy. Prufe. Buccimm , elpece re- marquable de Bucci- num, Tom. III. Let. xxi. p. 30$. Bjfance , hiiloire des Byfantins , Tom. 1 1. Let. xii. p. 206. & 207. CAdi & Moulacadi , leurs fondions , Tom. I. Let. 1 v. p. 180. 181. Tom. II. Let. xiv, p. 386. Cadilefquers , leurs fon- ctions , Tom. 1 1. Let. xiv. p. 385. Cailloux merveilleux , Tom. III. Let. xxi. f 2>°y' r r Caimacan , les fon- ctions , Tom. 1 1. Let. xiu. p. 305. & fuiv. Gains , ce que c'eft , Tom.I. Lct.xi.p. no. LE C ai que , ce que c'eft l Tom. III. Let. xvi. p. 4. Cakile, defeription d'u- ne efpece de Cakile l Tom. I. Let. vi. p« 302. Caloyero , defeription de ce rocher , Tom: I. Let. vi. p. 2.87. Caloyers , ce font les Religieux Grecs , Tom. I. Let. 111. p. I il . Voy. Religieux, Camargue , fertilité de ce païs. Etimologie de ce nom , Tom,; I II. Let. xviii. p. J35- Camelot fe fait de fil de Chèvre , Tom. III. Let. xxi. p. 235. Campanula Orientalis , defeription de cette Plante , Tom. IlL Let. xtx. p. 238. Campanula [axatilis * defeription de cette Plante , Tom. L Let. vi. p. 289. Campanule , description d'une efpece de Cam- panule, Tom. I. Let, vi. p. 3°9« Canal, defeription ctu DES MA Canal qui efl: entre les ifles de Dclos , Tom. I. Let. vu. p. 345. & fttlv. Candie , defeription de cette Ifle , Tom. I. Let. 1. p. 22. 45. & fulv. du Labyrinte , Let. ir. p. 77. cara- ctère 8c moeurs de Tes habit ans , p. 100. 10 1. 106. Tes che- vaux , p. 111. fes chiens , p. 1 1 3. Tes richefTes 8c fes vins , p. 107. 8c 108. les villages y font bâtis de marbre, pag. 109. lés meilleures terres de l'Ifle appartien- nent aux Papas 8c aux Caloyers , p. 106. fa diftance de Marfeille 8c de quel- ques autres lieux , p. 5)8. fon étendue , p. 98. 8c 99. fon hi- ftoire critique 5 p. 46. Canée , hiftoire abré- gée de la Canée , fa defeription , fes for- ces , Tom. I. Let. 1. p. 2.1. & fuiv. faute confiderable des Ve- T I E R E S. nitiens à l'attaque de cette Place , p. 23; fon port , p. Z4. Canne , defeription d'u- ne cfpece de Canne , Tom. III. Let. xix. p. .181. pourquoy Bacchus ordonna de fe fervir de Cannes de Férule , Tom. I; Let. vi . p. 191. Canonicrs Turcs , Tom; U. Ler. xiu. p. 314: Capigis du Serrail , Tom. 1 1. Let. xm. p. 191. Capitan Pacha , privi- lèges de la Charge de Capitan Pacha , Tom. II. Let. xi 11. p. 322. temps où il fait fa ronde , p. 324. Capiiation exigée par les Turcs , Tom. IL Let. ix. p. 73. Tom. 111. Let. xvm. p. 112. manière de di- ftinguer ceux qui la doivent , Tom. 1 1. Let. jx. p. 73. Capots de Zia , Tom. II. Ler. vin. p. 22. Capprier fans épines , Tom. I. Let. v. p. 232. TA GUprification de l' Ar- chipel , Tom. 1 I. Let. vin. p. 13. & fuiv. Capjï Roy de Milo , pendu à Conftanti- nople , Tom. I. Let. iv. p. 176. Capucins de la Canée , Tom. I. Let. 1. p. 2.4 de Milo , Let. iv. p. «78. de Géor- gie , Tom. III. Let. xv 11 t. p 171. rapel- lez dans Andros , Tom. II. Let. vin. p. 38. Caravane ^ description des Caravanes,! om. III. Let. xvnr. p. 86. manière dont les Turcs prient dans les Caravanes, Tom. II. Let. xiv. p. 341. Caravanferai , deferi- ption d'un Caravan- feraï , Tom. 111. Let. xxi. p. 201. 293. 341. Carduus Orientalis , de- scription de cette Plante , Tom. III. Let. xix. p. 206. Carême des Grecs , Tom. I, Let. 111. p. BLE 130. & fuiv. âei Turcs , Tom. 1 I. Let. xiv. p. 341. & fuiv. des Arméniens, Tom. m. Let. xx, p. 271. & 275. ^ Carrières de Granit , Tom. I. Let. vii. p. 3 6j . & [h'w. de JaU pe , Tom. 1 1. Let, îx. p. S9> Cars , defeription de cette Place , Tom„ III, Let. xvni. p. 141. Ton hiftoire cri- tique , p. 148. Carthée , defeription de cette ville , Tom. IL Let. viii. p. 14. & .5. Cdjjida, defeription d'u- ne efpece de Calîida, Tom. 111. Let. xvm, p. 1/9. Cavalerie Turque , To. II. Let. xi 11. p. 316. &,fuiv, Cavernes de Milo,Tcm. 1. Let. îv. p. 198, & fuiv. de Samos , Tom. II. Let. x. p. 119. d'Antiparos , Tom. I. Let. v. p. 223. Caviar, Tom. III. Let, DES MA xx. p. if 8. & 2.59. Ça\ftre , rivière dJAna- tolie., Tom. III. Lcr. xxi 1. p. 389. Cerafonte , detcription & hiftoire «de cerne ville, Tom. III. Let. xvi 1. p. 65. Cerijitrs apportez à Ro- me par Lucullus , Tom. III. Let.xvi 1. p. 6;. Cefarée de Cappadoce, Tom. II T. Let. xxi. p. 305. Cefte , ce que c'eft , Tom. II. Let. xv. p. 42.6. Cha-Abbas , hiftoire de ce Roy de Perfe , Tom. III. Let. xx. p. 252. & fuiv. mo- yen dont il fe fèrvic pour établir le com- merce de Perfe , p. Chaben Apoticaire à Conftantinople', To. III. Let. xvi. p. 11. Chalceàoine , Tes ports , Tom. II. Let. xv. p. 41 3. prodige qui em- pclcha Conftantin de rétablir cette ville , P* 414- T 1ER ES. Camœrhoâodenâros pm- tica y defcription de deux efpeces de ce genre de Plante , Tom. III. Let. xvi 1. p. 69. & fitiv. Chameau , privilège du Chameau porteur de l'Alcoranà la Meque, Tom. II. Let. xiv. ?- 359- Chapelles , pourquoi il y a un grand nombre de Chapelles en Grè- ce, Tom. I. Let. m. p. 134. Chapelet des Turcs , Tom. I. Let. xi. p. 193. du Sultan Or- can, Tom. III. Let, xxi.p.343. Charité des Mahome- tans, Tom. II. Ler. xiv.p.3;4. Chajfe des Candiots , Tom. I. Let. 1 1. p. 1 1 1.& 113. Chat , les Chats font ai- mez des Turcs , ÔC pourquoi. Tom. H. Let. xiv. p. 355. Château des Sept 1 ours, Tom. II. Let. xi 1 .p. 234. fur le Bofporc, Tom. II. Ler. xv. p. T A 411.428.440. 443. & fttiv. de la Mari- ne auprès de Smyr- fle , Tom. III. Let. xxii. p. 376. de Smyrne, p. 379. & fitiv. Chauderonniers d'Erze- ron , Tom. III. Let. xviii. p. 109. Çhaumete ( M. de la ) a inventé une manière de charger un fufil , Tom. II'. Let. xix. p.245?. Cheiro , defeription de cette Ifle , Tom. I. Let.vi. p.188. Chêne , defeription de deux efpe ces de Chê- ne , Tom. II. Let. vi 1 1. p.i8.& Tom. III. Let. xxi. p. 2.97. Cheval , pourquoi la queue de Cheval eft le figne militaire des Othomans,Tom. II. Let. xi 11. p. 194. chevaux de Turquie, p. 190. de Candie , Tom. I. Let. 11. p. 1 12.& 1 13. Chèvres d' Angora , To. III. Let. xxi. p.334. deBeïbazar, p. 3 36. BLE Chuoux du Serrailjcurs employs , Tom. II. Let. xi 1 1. p. 291. Chien , pourquoi les Chiens font bien traitez des Turcs , Tom. IL Let. xiv. p.3jj. particularitez d'un Chien du Con- ful de Candie, Tom. I. Let. 11. p. 124. Chimoli, Voy. Argen- ture. Chrême ; de quelle ma- nière le Saint-Chrê- me eft diftribué en Arménie , Tom. III. Let. xx. p 268. en quel temps 6V: com- ment les Patriarches Arméniens le prépa- rent, p.z68. Chrétiens vivent en li- berté dans Galata , Tom. II. Let, xii. p. 223. Chryfopolis. Voy. Scu- tari. Qboulette , defeription d'une efpece de Ci- boulette , Tom. III. Let. xix. p. 185. Cigognes reverées,Tom. III. Let.xxii.p.36z. Cimetière des Turcs , DES MA Tom. I. Let. i.p.29. Tom. 1 1. Let. xiv. p. 590. ' Çimole. Voy. argen- tiere. (jmolée , terre , ce que c'eft , Tom. I. Lee. iv. p.172. Çimon , Ton expédition en l'Ifle de Sxyros, Tom. II. Let. x. p. Çirconcifion , croyance des Turcs à l'égard de la Çirconcifion , Tom. II. Let. xiv. p. iiy.&c 330. cérémo- nies qu'ils y obfer- vent, p. 331. & fuiv. Cirque de Smyrne , To. III. Let. xxii. p. 382. & fuiv. Çlaz.omene , hiftoire & fituation de cette ville , Tom. III. Let. xxii. p. 3 77. & fuiv. Clearque , Tyran d'He- raclée, Tom. III. Let. xvi. p. 29. Clergé de l'Ifle de Na- xie , Tom. I. Let.v. p.^8. Cloches , ce qui a ete jfubftirué à l'ufage des Cloches dans les TI ERES. Eglifes Grecques l Tom. I. Let. 1 1 1. p« 137. & 138. Cochon , cet animal eftoit facré chez les anciens Cretois, To. I. Let. 11. p. 113. Collèges de Turquie , Tom. II. Let xiv. p. Colonia , ( le Père de ) Jefuite favant anti- quaire , Tom. I. p. 4. Colomne aux trois Ser- pens , Tom. II. Let. xii. p. 228. Ci c'eft un Talifman , p. 229. colomne brû- lée, p. 2 30. colomne hiftorique , p. 23 1. colomne de Marcian, p. 231. defeription de la Colomne de Pompée , Tom. II. Let. xv. p. 433. ÔC 434, de celle d'An- gora, Tom. III. Let. xxi. p. 333. Colyva y ce que c'efi: , Tom. I. Let. m. p. "JFX. Comnenes Empereurs de Trebifonde , Tom. III. Let. xvii. p-77» TA Commerce , Chambre du Commerce à Marfeille , Tom. I. p. 15. de quelle ma- nière le Commerce Ce fait dans le Le- vant , p. 1 6. Com- merce de Naxie , Ler. v. p. 255. 5c 156. de Smyrne , Tom. 1 1. Let. xxir. p. 372. & fiiiv. Communion des Grecs , Tom. I. Let. ni. p. 144. les Arméniens communient fous les deux efpeces , Tom. III. Let. xx. p. 176. Çoiifejjion des Grecs , Tom. I. Let. 11 1. p. 146. & 147. des Ar- méniens , Tom. If, Let. xx. p. 279. Confirmation des Grecs, Tom. I Let.i 1 1. p, 148. des Arméniens, Tom. III. Let. xx. p. 274.^ 275. Confecraiion , ignoran- ce des Grecs au fujet de la Confecration , Tom. I. Let. 1 1 1. p. 143. # Confiant in oùle , deferî- ption de cette ville , BLE Tom. II. Let, xt. p. 173. & fuiv. inferi- ptions,p. i 76 & fuiv. la perte & les Leven- tis [a ravagent , p. 1 80. & fuiv. pour- quoi elle effc Ci peu- plée , p. 185. deferi- ption du port , Let. xii. p.205. & fuiv. du Serrail , p. 208. & fulv. Ces obelif- ques , p.226. Tes cq- . lomnes , p. 228. & fuiv. fes marchez, p. 232. Monafteres de Galata, p.222. Confeil , Chambre du Confeil parmi les Turcs , Tom. II. Let. Xi 1 1. p,297, & fuiv. Confuls du Levant , Tom. I. Let. iv. p. 1 80. & fuiv. Coquille , efpece fort re- marquable de Buccin num y Tom. III. Let. xxi. p.308. Corail , en quel endroit on le pêche , Tom.I, p. 17. il y en a de dif- férentes couleurs , p. 17. c'eft une Plante marine , p. 1 7. Corâcliers Curtz à Ça- lata, DES MA lata , Tom. II. Lee. xii, p. 122, & 223. Cervirap , Monaftere d'Arméniens , Tom. III. Let.x ix. p.206. Coton de Milo , Tom.I. Ler,.iv. p. 188. Cotta détruit Heraclée, Tom. III. Let. xvi. P. 5 4. Courant dans le Canal de la Mer noire, To. II. Lec.xv. p. 400.0* fuiv. Covfada. Voy. Scalano- va. Craye qui fert à blan- chir , Tom.I. Let.iy. p.17?. Crète. Voy. Candie. Cretois , leur caractère & leurs mœurs , To. I. Let. 11. p.ioo. & loi-, leur habille- ment, p. ioi. Croljfant , pourquoi fymbole de Byzance, Tom. II. Let. xi. p. 197. & 198. Cuivre t mines Se vaif- fellc de Cuivre , To. III. Leu xvi 11. p. 109.1 3c. &LetcXxi« p. 301. Quperlis, Grands Vifirs, TIERES. Tom, II. Let. xi 1 i.p. 292. caractère de Nu- man Cuperli 3 Tom. III. Let.xvi. p.j. fu« jet des converfations qu'il eut avec l'Au- teur y p. 6. Curdes , peuples d'Ar- ménie, Tom.III.Let. xvni. p.115.1 18 & fuiv. defeription de leurs païs, p. 120. Curé , friponneries des Curez Grecs , Tom. I. Let.i 11. p. 167. Cufcute y defeription de cette Plante , Torru III. Let. xix. p. 20p. CyanéeSydcCcïiption des Ifles Cyances, Tom. •II. Let. xv. P-4J2. Cydonia , en quel lieu étoit cette ville, To, 1. Let. 1. p. 34. fon hiftoire , p. 35. Cynthey montagne con- facréc à Apollon , Tom.I. Let. vu p. Cyprès croiflent parmi la neige auprès de la Canée , Tom.I. Let. 1. p.32. T AB D DAmes du Scrrail , Tom II. Let.xiu. p.z88. Danfe , la danfe eft la principale occupa- tion des Dervis, To. II. Letxiv. p.<94. J)ardannelles> differens noms du détroit des Dardanelles , Tom. 11. Let xi.p.160. def- cription & hiftoire de ce Canal * p. 161, foibleiTe & fîtuation des Châteaux,p. i 6z. & 163. Darius , paffage des Perfes fur le Bofpho- re,Tom. II. Let.xy. p. 422. de quel en- droit il confîdera le Pont Euxin, p 45 i. Qelis, Gardes du Grand ' Vifir,Tom.U. Let. Xiii. p.294- . Delos , defcription de Tes ports , Tom. I. Let. vu. p. 370. & 371. Tes differens noms, p. 3 71. hiftoi- re & description des sleux Delos, p. 345. L E 345.574 &fuiv. anu tiquitez , p. 348. & ftiiv. Denys Roy d'Heraçlée, Tom. III. Let. xvi. Dervis , ordre de Reli- gieux Turcs , 1 om. II. Let. xiv. p. 391. & fuiv. la danfe eft leur principale occu- pation, p. 3 94. Diane , defcription & hiftoire du Temple de Diane , Tom. III. Let. xxii. p. 393. & fuiv. (es prêtres , p. 396. Diogene le Ciniqne eft né à Sinope, Tom. III. Let. xvu. p 53, fon épitaphe, p. 54. Divorce y pour quels fujets le divorce eft en ufage chez les Turcs, Tom. II. Let. xiv. p.363. Dotteurs , comment on reçoit les Docteurs en Arménie , Tom. III. Let. xx. p. 270. Dodartia , defeription de cette Plante , To. III. Let.xix. p,:o8. Dcliman , ce quec'eft, DES MA Tom 11. Let.xiv.p. 373- Drogues qui fe vendent à Marfeille , Tom.I. p.18. difficulté qu'il y a à faire une hiftoi- re des drogues, Tom. III. Let.xix.p.248. T7 Au , qualitez des 12/ Eaux de Milo , To. I. Let. iv p 192. 193. & 195. fources dEau chaude , Tom, III. Let. xxi. p. 546. Let. xxi 1. p. 577. Eau bénite des Grecs , Tom. I. Let. ! 1 1. p 135. des Arméniens, Tom. III. Let. xx. p.xSj. Eau de vie du Levant Tom I.let.i i.p.108. EcclefîafticjHes , igno- rance des Eccleflafti- ques Grecs , Tom. I. Let. m. p. 1 16. & 117. Echelle , étymologie de ce mot , & pourquoi le Golfe de l'Echelle eft ainM nommé, To. II. Let.xv. p. 44; .& 446, TIERES. Echos extraordinaires , Tom, II. Let. xv. p. Echium , defeription de deux efpeces d'£- chïum , Tom. 1 1 1« Let. xvi 1 1. p. 5>4» & 139. Ecole y defeription de l'école d'Homçrc , Tom. II. Let. îx. p. 7.6- • r Ecritures qui le trou- vent au fond du La- byrinte de Candie , Tom.I Lecn.p 78. Ecurie du Serrail, l om. II. I et. xi 1. p. 113. Egée , pourquoi la Mer Eçéc fut ainiî nom- mée , Tom. II. Let. vu. y.f 4. \oy. Ar- chipel. Eglife , état prefent de l'Eglife Grecque , Tom. I. Let. 1 1 1. p. 1 «6. &fuiv. hiérar- chie de cette Eglife , p. m. fes differens ordres, p. 12 1 .& 112. fî les Prêtres Grecs peuvent fe marier, p. 122. & 123. deferi- ption des Eglifes de Gïqcc,\>.i$6.& fuiv. c ij T A ] Ventrée en efb inter- dite aux femmes en certaine tems, p. 136. defeription de l'Egli- fe de Parechia en Vide de Paros , Let. V- p.144. & 245. de l'Eglife de Prufe 3 Tom. III. Let. xxi. p. 342, Eglifes de Çortyne , Tom. I. Let 11. p. 72. ôc 73. de Milo , Let. iv. p. l83.de Naxie , Let. v. p.258. 8c 159. de îvlycone , Let. v 1 . p. 35J.& 356 de TcfliSj Tom. III. Let. xviii. p.177. Jplepbant , defeription de deux efpecesd'E- lephant , Tom. III. Let. xvi 1. pag 59. Let. xvi 11. p. 151. JEllebore, defeription de l'Ellébore noir des Anciens , Tom. III, Let.xxi.p 347. JEmeril de Naxie, Tom, I.Let v. p. 263. Empaler , j defeription de ce fupplice, Tom, I.Let. 11. p. 1 10. Empereurs «, cérémo- nies du couronne - l E ment des Empereurs Turcs , Tom. II. Let» x 1 . p.201 2Tw2^/V p. 199. lOi. ÈriX%o capitaine Véni- tien empalé, & poui> quoy , Tom. II. Let. xv. p. 444- . Erzeron, dclcriptîonde cette ville _& de fes environs , Tom. II f. Let. xvii 1. p. 106. & fuiv. revenus que le Gouvernement d'Erzeron rend au Grand Seigneur , p. in.fi c'eft la même que Theodofiopolis ± p. 115. Efcalier d'une ftructure finguliere,Tom. III. Let. xvn. p. 85.- jEfclave , comment le vendent les Efclaves à Conftantinople , Torn. II. Let. xii. pag. i$i.6c 233. Eftrapade $ manière de TIERES. donner LEftrapade erâ Turquie , Tom. I, Let. ir. p. ni. Etoffe d'Amorgos eftî- ' mée, Tom.I. Let.vii, P-277- Evangile , ce que c'efl: que le petit Evangile des ArmenienSjToni. III. Let. xx. p. x6ï± & ftiïv. Eticbarijlie 3 croyance des Grecs touchant 1J Euchar iftie,Tom . 1 1 Let, 111. p. 1 6$. dcê ArmenienSjToni.IIÎ; Let. xx. p. 276. èz *77> Eunuques ,Tom. II. Let»1 xin.p. 275. & fuiv. Euphrate , deferiptibri des four ces de l'Eu- phrate , Tom. III. Let. xvi 11. p.U4« & ia.4. Eutrope , port d'Eutïd- pe dans le Canal de la Mer noire , Torrii II. Let.xv.p.413.. Excréments des Forçats fervent à fumer le terroir de Marfeillej Tom.I. p.19. Extrême - onftion des Grecs 3 Tom, Ï. Lét^ é iij T A B m. p-i4i>. des Ar- méniens , Tom. III. Let.xx. p.z8o. TJàgon , premier Me- JL decin du Roy , To. I. p. 4. femmes , habit des fem- mes de Candie , To. I. Lcr. 1 1. p.103. de Milo , Lee. iv.p.179. de Mycone, Let. v'. p. 337. & fuiv. des Turques , Tom. II. Let. x v. pag. 367. & fuiv. qualitez de corps & d'elprit de cellcs-cy , p. 3 68. Se \6<). leurs intrigues , p. 269. & 570. ma- nière de les débar- quer , Tom. 111. Let. xvi.p.iô drfuiv.leius voyages dans les Ca- ravanes , Let.xvm. p.88. s'il y a un Pa- radis pour elles, To. IL Let.xi. p.i84.va- nité des femmes de Patmos , Let. x. p. 143. de Naxie,Tom. 1. Let. v. p.i^7- les Grcques prennent L Ê leurs beaux habîtî pour afîifter à un convoy , Let. 1 1 1. pag. 1 j 3 . tendrefle des Lacedemonien- nes pour leurs maris, Let. vi. pag. 312. les Turcs ont trois for- tes de femmeSjTom. 11 Let xiv.p 364.^ fuiv. portrait d'une femme des Curdes , Tom. III. Let.xvm. p.iii. Fer , Mines de Fer en lTflede Milo Jom. I. Ler. îv. p. 185. la limaille de fer mêlée avec de l'eau s'é- chauffe, p. 186. Ferriol. ( M. de ) Am- bafladeur de France à la Porte: fa magni- ficence, Tom.II.Let. xi. p. i8z. prefens qu'il fit au Gi-and Vifîr , Let. xii. pag. .155. au Grand Sei- gneur, p. 258. rela- tion de ce qui fe paf- fa à l'audiance qu'il eut du Grand Vi- fir , & à celle qui étoit préparée pour le Grand Seigneur » DES MA pag. 2.51, & fuiv, Ferula Orientalis , de- fcription de cette Plante , Tom. I 1 1. Let.xix. p 239. Férule , deicription de la Fer aie des anciens, Toni. i. LetoVi. pae. r r 190 Ion uiage,p.2. nouvelle manière de chargée un fufil , ibid. G Alata y étymoîo- gie de ce mot,To0 II. Let xii. p.n8<; hiftoire de ce faux- bourg , tbid, fa de- fcrlption , p.2 2ije$ maifons y font fou- vent confommées par lefeu3Let,xup.i£^ e iiij T A les Chrétiens "y vi- vent en liberté , Let. xn. p.2.2.3. Galatie , ainfi nommée par les Gaulois , To. III. Let. xxi. p.3 1 3. fon hiftoire , p 514. Galères Turques,Tom. II. Let.xm. p. 3 2^. Galiipoli , hiftoire de Gallipoli , Tom. II. Let.xi.p 169. fafi- tuation, p.171. Ganche , le Ganche cfl: une efpece d'eftrapa- de, Tom.I. Let. 11. p.ui. Garderobe , cérémonies que les Turcs font étant à la garderobe, Tom. II. Let.xiv.p. Gaulois , leurs conquê- tes en Afie,Tom.III. Let. xxi. p. 312. & fuiv. Géographes , s'ils doi- vent s'appliquer à l'Aftronomie, Tom. III. Let. xvii. p.44. leur erreur fur la po- rtion de Sinope, p. 4/. fur le cours du fleuveHalys, p.//. BLE Géographie ,ftations Geoï graphiques faites à Naxie, Tom. I. Let. V. p. 167. à Radia , Lct.vi-p.2y4 àNio. p.302.à Sikino,p.307. à Policandro, p.jio. à Mycone , p. 340. à Delos,Let.vn.p.373. à Syra, Tom. II. Let. Vi 11. p. 7. à Thermie, p.13. à Zia , p.z6. à Tine, p.54. à Samos, Let. x. p. 140. à Pat- mos , p.147. Géorgie , defu-iption de ce pays , Tom. III. Let. xvi 11. p.134. fon hiftoire , ôc revenus du Prince, p.i^j.les gens de qualité y exercent la Charge de BourrcaUji^/^.tout s'y fait par échange , p.t f4.fi le Paradis ter- reftre étoit en Géor- gie, Let, xix. p. 175?. portrait des Géor- giennes , Let xvi 11. P-'55- Géorgiens, leurs mœurs, Tom.I II.Let.xvi 11. p. 16 6. & fuiv. leur commerce , p. 170. leur Patriarche , p. des ma 171. leur religion,p. 174.& J75- Géranium Orientale > de- feription de cette Plante , Tom.Il.Let. xii. p.245. Geum Orientale > defcri- pti'011 de cette Plan- te, Tom. III. Let. xjx. p.220. G.ngidiwn Diofcoridis , defeription de cette Plante, Tom.llI.Lec. xxi. p.298. G'.rapetra , ville de Candie , Tes differens noms , fon hiftoire , Tom. I. Let.i. p.5 j . fa defeription , p y 6. Griffon a fait un recueil des Plantes qui naif- fent dans les Alpes , Tom. I. p. 4. Gomme adraçant du mont Ida , Tom. I. Let. i. p. 64. Gonine , ville de Can- die , fon origine , Tom. I. Let. m. p, 68. defeription de fes précieufes ruines , p. 69. & fuiv. f<36 ports, p. 76. Grabufes , Cap & Fort de Grabufes, Tom. TIERES. 1. Let. 1 1. p. 94. hi- ftoire critique de ce Cap. p. 9;. Graines du Guy , Tom. III. Let. xx 1. p.309. fî les Plantes font ren- fermées dans leurs graines , Let. xix. p. 210. Grand Seigneur , rela- tion de ce qui fe paffa à Paudiance accordée à M. de Ferriol pour le grand Seigneur , Tom. II. Let. xii. p. 256. & fuiv. Granique, rivière, Tom. III. Let xxii. p.360. Granit , carrières de Granit , Tom. I. Let. vu. p. 366. Grèce , defeription des Eglifes Se des Mona- fteres de Grèce, Tom. I. Let. ni. p. 136. & fuiv. Grec , différence entre les Turcs & les Grecs, Tom. II. Let. xiv. p. 377- & 378. habit des Grecs , To. I. Let. 11. p. 102, leur carac~tere,p.io3. leurs Patriarches ÔC leurs Prélats les r an- T A B (Contient. Let, m. p. iio. & 12 i. hiérar- chie de leur Eglife , pag. 1 1 1 4 fi les Pref- tics Grecs peuvent fe marier , p. 122. Se 123. leur manière d'adminiftrer les Sa- cremens , p. 144. & fuiv. leurs enterre- mens, p. i$i.&fuiv. leurs cérémonies de la Me (Te, p. 140. leur ignorance au fujet de la confecration , p. 143. leurs jeunes & leur nourriture pen- dant ces jours de jeu- nes , p. 1 29. cV 130. leurs jours d'abtti- nence , p. 132. ils bâtiflent Un grand nombre de Chapel- les , pag. 134. igno- rance des Ecclefiafti- ques Grecs, pag. 1 1 6. 117. 164. ils croyent que le Diable ranime le corps , ibld. leur- croyance fur l'Eu- chariftie , l'Enfer , ÔC le Purgatoire, p. 1 65. leur manière de cé- lébrer les Dimanches &les Feftes» p. iéé. L E leur dévotion enveri les images de la Vier- ge , pag. 16;. & Let. v 1. pag. 27ji leur manière de pef- cher au Trident , p. 2.87. cérémonies qu'ils font le jour de la Transfigura- tion, Tom. II. Let, xii. p. 215. com- ment on doit pro- noncer le Grec , p0 240. Grenouilles de Serpho , Tom. I; Let. iv. p» 218. Guerre , première guer- re de Religion, Tom0 III. Let. xx. p. 265. G un délia , defcriptioii de cette Plante,Tom«; 1IL Let, xviii. p. 9*. i Gundelcbeimer entre- prend le voyage du Levant avec M*Tour- nefort , Tom. I, p. 2. &4. Guy » comment le Guy fe multiplie , Tom. III. Let. xxi. p. 309, Gymnafe de Dclos ,- Tom. I, Let. vïio p. ft-tj DE S MA H HAhlt j defcription des habits des Da- mes de Micone , Tom. I. Let. vi. p. 357. & fuiv. Haly Pacha , Grand Vifir , & depuis Vi- ceroy de Candie , fon hiftoire , Tom. I. Let. I. p. 49. Haly s , defcription de cette rivière , Tom. III. Let. xvii. p.JJ. Harpyes , de quelle ma- nière Phinée en fut délivré , Tom 1 1, Let. xv. p. 436. Hélène , femme de Me- nelaiis a donné fon nom à une ifle de l'Archipel , Tom. IF. Let. vin. p. 28. Voy. Macronifi. Hellefpont , pourquoy ainu* nommé , Tom. II Let. xi. p. \6o. Heliotrop'mm , defcri- ption de cette Plan- te , Tom. I. Let. v. p. 16 j. Heraclée , ruines de cette ville , Tom. III, TIERES. Let. xvi. p. 24. fon hiftoire & les forces * p. 26. & fuiv. Plante qui croift auprès de cette ville , p. 25. Hercule y eftoit fore honoré, p. 28. Hercule > Médailles frap- pées à Phonneur d'Hercule, Tom. III. Let. xv 1. p. 28. Hermitages affreux de Samos, Tom. II. Let. x. p. 128. & fuiv. Hermites Grecs , Tom. I. Let. in. p. 127. Hermus , rivière, Tom. 111. Let. xxn.p.jéj. Hero , fes amours avec Leandre , Tom. II. Let. xi. p 163. Hippodrome de Con- itantinople, Tom. II. Let. xii. p. 22.6. Homère , avantures de fa mère en le mettant au monde, Tom. III, Let. xxii. p. 387. quel eft le lieu de fa nairTance , ibid. ÔC Tom. II. Let. ix. p. 75 & fuiv, fon tom- beau , Tom. I. Let. vi. p. 297. Hôpitaux de Turquie , TA Tom. II. Let. xiv. p. 351. Hôtellerie de Turquie , Tom. 1 1. Let. xiv. p. 35*1. & fuiv. Hitet , fon opinion fur le Paradis terreftre refutée , Tom. III. Let. xix. p. 178. & fuiv. Huile , vertus de l'hui- le de Lentifque , Tom. I. Let. v. p. 2.56. /Aniffaires , leur dis- cipline , Tom. 1 1. Let. xm. p. 308. & fuiv. leurs infolen- ces 3 p. 270. leur tre- for, p. 3 13* ils ba- lancent la puiiîance du Sultan , p. 270. Jardin, le Jardin Royal contient plus de trois mille Plantes , Tom. II. Let. xii. p. 240. defcription du Jardin du Gouverneur de la Canée, To.l.Let. r .p. 28. Jardins du Grand Seigneur , Tom. II. Let, xv. p. 421, BLE lafides , voleurs d*Ar- menie , Tom. 1 1 1. Let. xviii. p. 1 15. & 118. Jafon , chef des Argo- nautes, Tom. II. Let. xv. p. 430. & 447. fafpe 3 carrières de Jaf- pe j Tom. II. Let. ix. p. 55^ îberien , hiftoire des Iberiens , Tom. III. Let. xviii. p. 161. çr fuiv. leur conver- fion. p. 163. Je aria. Voy. Nicar'ia. Ichoglans , leur éduca- tion , Tom. IL Let, xm. p. 277. & fuiv. Ida , defcription du mont Ida , en Can- die , Tom I. Let. t. p. 61. & fuiv. éty- mologie de ce mot , Jeux des Turcs , Tom. II. Let. xiv. p. 3257. & 382. Infanterie Turque , T04 II. Let. xin. p. 3°8' & fuiv. Inovus , fource dans la petite Delos , Tom. h Let. vu. p. 3+7* Infçriptions , de Gxty- DES MA ne, Tom. I. Let. 1 1. p. 72. & 75. de la Caverne de Melido- jii , p. 91. d'Aptère, pag. 97. d'Antipa- ros , Lee. v. p. 225. 2z6. &i 230. de Na- xie , pag. 265. de Santorin , Let. vi. p. 323. & fuiv. de Delos , Let. y xi. p. 354. & fuiv. 360. 363. & 368.de Conf- tantinople,Tom. II. Let. xi. p. 176. & /ttjWi'Heraclée , To. III. Let. xvi. p. 24. de Trebifonde, Let. xvii. p. 80. & 81. d'Ancyre, Let. xxi. p. 3 1 3. 3 18. & fuiv. d'Angora , p. 323. & fuiv. d'Ephefe , Let. xxii. p. 397. Jos. Voy. Nio. Joura , defcriptîon de cette Ifle , Tom. II. Let. vi 11. p. 30. Ifle , quelles font les lfles qui ont paru dans l'Archipel, To. I. Let. vi. p. 3 15. & fuiv. Juifs , les Marchez paf- fent par leurs mains TIERES. dans le Levant,Tom. I. pag. 16. Juifs de Smyrne , Tom. III. Let. xxii. p. 374. (î les femmes Juives peuvent entrer dans le Serrail , Tom. II. Let. xiii. p. 289. fui fa y Colonie d'Ar- méniens , Tom. III. Let. xx. p. 2j2. funon , fon Temple Se miracle de fa ftatuë , Tom. II. Let. x. p. m. fes attributs , pag. 125. Médailles où elle eft reprefen- tée , p. 124. Jupiter y miracle de la ftatuë de Jupiter de Sinope , Tom. III. Let. xvii. p. 49. Juftice , les Chevaliers de Malte rendent bonne juftice dans l'Archipel , Tom. I. Let. iv. p. 2 10. com- ment on la rend en rifle de Milo, p. 181. parmi ies Turcs , Tom. 1 1. Let. xiu p. 214. &c Let. xiii. p. 2-97. & fuiv. abus qu'on y commet , p. 300. T A K T7 Entro y montagne X V de Candie , Tom. I. Let. ii. p. 83. Kermès , le Kermès , croift en Candie fur les montagnes cou- vertes de neige,Tom. I. Let. 1. p. 57. LAhyrlnthe de Can- die, fa defeription, Tom. I. Let. 11. p. 76. & fuiv. écritu- res qui fe Trouvent au fond , p. 78. Ci c'eft un ouvrage de l'art ou de la nature, p. 79. & fuiv. fon hiftoire critique , p. 8z. & 83. prophéties écrites fur fes mu- railles , p. 84. Ladanum , defeription de cet ArbrifTeau , Tom. I. Let. 11. p. 89. manière d'amaf- fer le Ladanum , p. 88, &89. Lappa s ce que c'eft , Tom. II. Let. xiv. p. 378. BLE Lazuli , où fe trouve cette pierre , Tom. III. Let. xvi ii, p, 131. Letndre , fes amours avecHero , Tom. II. Let. xi. p. 163. Lentifque , defeription de cet Arbre , Tom. II. Let. ix. p. 66. & /««/.comment il don- ne le maftic, p. 69. Lepidium , defeription d'une efpece de Lepi- dium, Tom. Ifl. Let, xix. p. 19J. Lesbos. Voy. Mctelin. Lethét ruilîeau de Can- die, Tom.I. Let. 11. p. 71. &71. Leventisy foldats Turcs, Tom. II. Let. xi. p. 181. & Let. xiii. p. 308. ^ Lévriers , ils font com- muns en Afie, & aux environs de Conftan- tinople, Tom.I. Let. n. p. 113. Lézards de Delos , To. I. Let vu. p. 37i •& 373- Lichen y defeription de cette Plante , Tom. I. Let. vi. p. 27 DES MA JJ.crre , ufage Se def- eription du fruit du Lierre jaune , Tom. II. Let. xii. p. 246. Se 247. Limaçon , defeription des Limaçons de mer , Tom. I. Ler. vi. p. 170. Se 271. Lit des Turcs , Tom. II. Lct. xiv. p. 381. L'ivre des Orientaux , combien elle pefe , Tom. I. Let.i, p. 26. Loy , trois fortes de loix enfeignées par Mahomet, Tom. II. Let. xiv. p. 326. Se 327. Lopadi , defeription de cette ville, Tom. III. Let. xxii. p. 356. fi c'eft l'ancienne Apol- lonia , fon hiftoire , P. 357-, Lucullus défait Mithri- date , Tom. III. Let. xvi. p. 23. Se 34. Lumière qui paroît fur le Cap de Samos s Tom. II. Let. x. p. 139. Lunaria fruticofa , def- eription de cette Plante, Tom. I. Let. T I E R E S. v 1. p. 288. Lupd^Jolo , Conful de Smyrnc, âgé de 118. ans , Tom. III. Let. xxii. p. 372. Lychnis Orienialis, def- eription de cette Plante , Tom 11F. Let. xix. p. 220. Se 243. M li/iAcris Se Macro» iVAmfi, hiftoire Se defeription de cette lfle , Tom. II. Let. vin. p. 27. Magnefie , defeription de cette ville , Tom. III. Let.xxn. p. 365. de fes environs , p« 366. Ton hiftoire , p. 367. & fuiv. Mahomet , fa naiftancê Se fon génie , Tom. II. Let. xiv. p. 325. Mahometans , ils lont divifez en quatre fe- 6tes , leur créance , Tom. II. Let. xiv. p- 32.8. & fuiv. Malades amenez à l'Au- teur pour les guéri i' , Tom. I, Let. 11, p. 104. TAB Malthe , les Chevaliers de Malte rendent bonne juftice dans l'Archipel , Tom. I. Let. iv. p. zio. JWandrocles , ingénieur de Darius , Tom. II. Let. xv. p. 413. Manne , ce que c'eft que cette drogue , Tom. II. Let. vni. p. 6. Manuel , l'Empereur Manuel a fait bâtir la Tour de Leandre, Tom. II. Let. xv. p. 418. Marbre » montagnes de Marbre , Tom. I I. Let. x. p. 113. & Tom. III. Let. xxi. p. 291. 299. 306. Ôc 307. Marbre de Pa- ros j Tom. I. Let. v. p. 239. les villages de Candie font bâtis de Marbre , Let. 11. p 109. bloc de Mar- bre enté fur des pier- res ponces , Let. vi. p. 323. Marchand , rAmbalTa- deur de France eft juge en dernier ref- fort des Marchands LE François à Conftan- tinople , Tom. I I. Let. xii. p. 265. gain des Marchands du Levant fur la foye , Tom. III. Let. xxi. p. 302. Marché , defeription du Marché de Con- ftantinople,Tom. IT. Let. xn. p. 23 1. & fuiv. Mariage des Turcs , Tom. 1 1. Let. xiv. p. 363. & fuiv. des Preftres Grecs, Tom, I. Let. m. p. 1 22. ôc 125. cérémonies du Mariage chez les Grecs , p. 156. & fuiv. chez les Armé- niens , Tom. III. Let. xx. p. 280. & fuiv. Maroniers d'Inde , par qui apportez en Fran- ce, Tom.II. Let.xii. p. 250. Marfeille , hiftoire Se éloge de cette ville , Tom. I. p. 8. &fuiv. fon commerce, p. 16. & fuiv. Majiic de Scio , Tom. II, Let. ix. p. 67. &: 6p DES MA 69. Tes ttfages, p. 70. Maurocordato , belles qualitez de ce Grec , Tom. II. Lee. xn.p, 239- & fuiv. Ai au fol ée de quelques Princes Ochomans , Tom. 1 1. Let. x 1. p. 191. de Solyman I I. p. 196. Méandre , rivière d'A- natolie , Tom. III. Ler. xxii. p. 389. Médailles de Girapetra, Tom. I. Lee. 1 . p. jj, de Trajan , Let. 11. p. 95. de Gorty- ne , p. 73. & 74 de Siphanto , L£t. iv. p. 207. de Nio , Lee. Vf. p. 2.99. d'Amor- gos , p. 276. de De- los, Let. vu. p. 377. des Tcniens , Tom. II Let. vin. p. 45. de Myeilcne , Let. ix. p. 81. & 83 de Scio , p. 64. de Te- nedos s p. 89. & 90. de Samos, Let. x. p. \z$.& fu.lv. & 138. de SKyros , p. 152. de Byfance , Let. xi. p. 198. & Let. xii. p. 20;, d'Heraclée, T 1ERE S. Tom. III. Let. xyi, p. 26. 2S.& z^.d'A- maftris, p. 38. & 39. de Sinope, Let. xyii. p. 47. d'Amifus, p. 58. de Cerafonte , p. 66. d'Ancyre , Let. xxi. p 316. 318. & 320. d'Angora , pag; 324. d'Aboiiillona , Let xx . 1. p. 354. &C 3 yj, deCIazomene , p. 378. & 375> de Seagi , p. 379. de Srayrne , p. 38 1. de Magnefie, p. 366. & 367. du Cayftre , p. 370. & 389,d'Ephc- fe , p. 390. 39;, Se 396. Médecins du Levant , Tom. I Let. iv. p. 202. & fuiv. ils ne peuvent eâter le poux des femmes Turques qu'à travers une ga- ze , Tom. 1 1. Let. xiii. p. 288. Medecineima.meve dont on la pratique dans le Levant , Tom. I. Let. iv. p. 203. & fuiv. elle y eft exer- cée par les Religieux, Let, v. p. 2.59. fon TA Virilité » Tom. III. Let. xix. p. 237. &c 138. Melefigene , pourquoy ce nom fut donné à Homère , Tom. M. Let, xxii. p. 387. .Melier}Caip de Candie, Tom. I. Let. 1. p. 35). .Ménagerie du Grand Seigneur, Tom. IL Let. xi. p. 193. jldenâians , pourquoy il n'y a point de Men. dians en Turquie , Tom. II. Let. xiy. p. 350. jMeque y defcription du pèlerinage de la Me- que par les Turcs , Tom. il. Let. xiv. p. Mer , Mer noire , fon débordement dans IJArchipel , Tom, I. Let. v. p. 252. def- cription du Canal de la Mer noire , Tom, IL Let. xv. p. 397. & fuiv. courans fin- guliers qui s'y trou- vent, p 400. & fuiv. comment il s'eft for- mé, p. 403. & fuiv. pourquoy fes eaux ôc BLE celles de la Mer Gaf- pienne font falées , pag. 410. fi elles fe glacent , pag. 41 1. defcription de la Mer noire, Tom. III., Let. xvi. p. 1, & fuiv, description de fes coftes, Let. xvn. p. 44. & fuiv. Plantes qui y naiffent , Let. xvi. p. 19. 20 8c 25. Mer Eeée. Voy. Ar~ chîpel. Mejfe des Grecs , Tom. J, Lct. m. p. 140. & fuiv. Me (Te de mi- nuit célébrée dans la grotte d'Antiparos , Let. v. p. 2Z5». & fuiv. Mefle des Ar- méniens , Tom» III. Let. xx, p. 176. ils la difent rarement , p. 273. Jldetelïa , antiquitez de cette Ifle , Tom. 1 1. Let. ix. p. 81. & 82. les grands hommes qu'elle a produits , p. 82. & fuiv. fa def- cription , p. 83. & fuiv. mœurs de Ces habitans , p. 84. (gs vins, p. S/, DES MA Mcttlinous , village de S«imos , Tom. I I. Lcr. x. p 135. Micocoulier , defcrip- tion d'un Micocou- lier , Tom. III. Let. XXI. p. 1Ç)1. Micoull. Voy. Adycone. Miel , fi le miel des coftes de la Mer noi- re rend infenfé,Tom. III. Let. xvn. p. 73. & fulv. Minaret y ce que c'eft, Tom. 1 1. Let. xi. p. 194. Minerve , protectrice des Argonautes , To. II. Let. xv. p. 432. Mines de fer Ôc d'alun en Milo , Tom. I. Let. iv. p. i8j-. Se 196. d'or , d'argent & de plomb en Si- phanto , Let. iv. p. 208. & 209 de fer & d'Aiman en Serpho , p. 214 d'or , d'ar- gent &: d'émeril en Naxie , Let v. p. 263. de fer & de bol en Samos , Tom. II. Let. x. p. uz. & 1 1 3. de cuivre à Gu- mifeana & Caftam- TIERES. boul , Tom. III. Let xxi . p. 301. M'diotes , leurs quali- tez , Tom. I. Let. iv. p. 179. M'do , Ifle de l'Archi- pel 3 fa defeription &c fon hiftoire, Tom. I. Let. iv. p. 174. & fulv. Capfi devenu Roy de cette lfle , pendu à Conftanti- nople , p. 176. def- cription de la ville , p. 177. d'où elle a pris fon nom, p. 180. impots , gouverne- ment & admmiftra- tion de la Juftice , p. 1 So.&fuh.fes Evef- ques , p. 182. fes Eglifes cérémonies que les Grecs obfervent à la ferle de Pâques , Tom. I. Let. ni. p. 1 3 *: Paradis des Turcs, To. II. Let. xiv. p. 388. & fuiv. s'il y en a un pour les femmes Turques , Let. x 1. p. 184. où eftoit le Paradis Terreitrc , Tom. III. Let. xix. p. 178. & fuiv. Parât , ce que c'eft , Tom. I. Let. 1. p. 27. & 51. Tarccbia. Voy. Paros. Parolffe. Yoy.Eolife, ou Chapelle. Paros , hiftoire de la ville & de l'ifle de Paros , Tom. I. Let. v. p 233. & fuiv. defeription de la ville , p. 238. [on DES MA marbre Se fes anti- quitez , ibid. &fniv. fes Plantes , p. 2 3 9. Ton porc, p. 244. (es Ediles & (es Mona- Itères, p. 244 & fniv. Partheni , defeription de cette rivière , Tom. Ilf. Lct. xvi. p. 36. Paffeport de la Porte , Tom. III. Let. xvi. p. 10. & 11. Patdaro , Viceconful de France à Retimo, fon hiftoire , Tom. I. Let. 1. p. 43. Patino Se Patmos , def- cription de cette Ifle, & du Couvent de S. Jean , Tom. I!. Let. X. p. 141. & fuiv. Tes ports , ibid. fon gouvernement , p. 144. fes antiquité z , p. 145. Patriarchat , cette di- gnité fe vend aux Grecs , Tom. I. Let. 111. p. 1 18. & 1 19. Patriarche , les Patriar- ches Grecs fe détrô- nent les uns les au. très , Tom. I. Let. m, p. 118, ceremo- TIERES. nies qu'on obferve 2 leur réception , p. 1 19. & 1 20. ils ran- çonnent les EveC- ques, p. 120. & 1 11. prelens que Maho- met II. fit au Pa- triarche des Grecs, pi 16. Patriarche des ArmenienSjTom.III- Let. xx. p. 266. de quelle manière l'Au- teur en fut receu , Let. xix. p. 202. & fiiiv. revenu Se pou- voir du Patriarche d' 1 ochm i ad zi n , Let. xx. p. 267. Se 268. Pavot , defeription d'u- ne efpece de Pavot , Tom. III. Let. xviii. p. 12.7. Penderachi, Voy. Hera- clée. Pera, d'où ce fauxbourg a pris ce nom, Tom. II. Let. xii. p. 223. fa defeription Se ce qu'il renferme , p. 2.14. Perdrix font en abon- dance dans Nanfio , Tom. I. Let. vi. p. 327. Perdrix privées, Tom.lI.Let.ix.p.79. f A B Terfans , leur religion , Tom. II. Let.xiv. p. 318. d"/ttï'z/. leur po- li te lie , Tom. III. Lee. xvui. p. 156. Terfe , difricitltez qu'on fit à l'Auteur pour le lailler paflèr en Per- fe, Tom. III. Let. XV! 11. ^,\^^.& fmv, le Roy de Perfe en- tretient les AmbafTa- deurs qui luy font en- voyez , Let. xix. p. 201. hiltoîre de Cha- Abbas Roy de Perfe , Let. xx. p. 351. Terfe- Arménie , def- cription de ce pays, Tom. III. Let. xvi 11. p. 157. Ter [es , partage des Per- fe s , fur le pont du Bofphore , Tom. II. Let. xv. p. 423. Tefte , remède contre la perte , Tom. I I. Let. x 1. pag. 1 81. les enfans dans le Le- vant y font fujets , Tom. I. Let. iv. p. 202. Thilippe , reftes du por- tique de Philippe dans la petite Delos, L E Tom. I. Let. vn.p, 362. Thinée , en quel lieu ce Prince tenoit fa cour; Tom. II. Let. x v: p. 4 3 4. de quelle ma- nière il receut les Argonautes , ôc fut délivré des Harpyes , p. 436. & 437. fes confeils aux Argo- nautes , p. 457. Thrigie , occupée par les Gaulois , Tom, III. Let. xxi. p. 3 13. T'ierre incombuftible , Tom.I. Let. iv. pag. 197. & 199. pierre ponce de Santorin , Let. vi. p. 31 1. pier- re équitable , Tom. II. Let. xv. p. 441» pierre d'Arménie , Tom. III. Let. xviii, p. 1 3 o. fi les. pierres végètent , Tom. I. Let. 11. p. 79. Se Let. v. p. 228. Tilau , ce que c'efl: , Tom. II. Let. xiv. Tlantes qui naiflent dans Plfle de Candie, Tom. I. Let.i. P29. 30. 33. 37. 38- *?• DES MA 4l« 43. 44- 45.64. & fuiv. Let. 11. p. 89. de Milo , Lct. iv. p. 190. & fuiv. de Serpho , p. 119. d'Antiparos , Let. v. p. 232. de Paros , p. 239. de Naxie , p. 264. & fuiv. de Ste- nofa,Let. vi.p. 269. 271. de Nicouria, p. Z73. d'Amorgos , p. 277. z85.de Caloye- 10, p. 288. de Chei- ro, p. 289. de Sicino- fa , p. 290. de Nio , p. 302. de Sixino, p. 305. de Polican- dro , p. 308. 309. 3 20. de Nanfio , p. 330. de Mycone , p. 340. de Syra, Tom. U.Ler. vu', p. 4. de Zia& de Thermie, p. 19. 25. de Macrc- nifi , p. 29. d'An- dros,p. 35. de Ti ne, pag. 46. 53. de Scio , Let. ix. p. 80. de Sa- mos , Let. x. p. 109. 1 10. 1 34. de S. Mi- ras, p. 1 jo. de Sicy- ros , p. 155. 156. aux environsdeCon- ftantinople, Let, xti, T 1ER ES. p. 242. & fuiv. fur les coftes de la Mer. noire, Tom. III. Let. xvi. p. 19. 20. 2J. 37. 4z. Let. xvii. pag. 51. 59. 63. 69. 70. en Armenie,Let. xviiî. p. 92. 93.54. 96. 98. C)C}. 101.102. 120. 127. 132. en Géorgie, p. 137.139. 141/149. 151. 159. 17c. Let. xix.p. 181. 182. 183. 186. 192. 105. 196. ic6. 208. 209. 214. 219. 220. 217. 231. 238. 239. 240. 243. Z45. en Anatolie , Let. xxi. p. 287. 291. 298. 309. 328. 24Z. 247. Let. xxii. pag. 36t. 363. 266. 397. 402. 404. pourquoy les Turcs cultivent les Plaines , Tom. I I. Let. xiv. p. 356. Ci les Plantes font con- tenues dans leurs graines , Tom. III. Let. xix. pag. zio. Pleureufes , femmes louées pour pleurer les morts dans la Grèce , Tom. I. Let. T* A B m. p. 152. Plumier ( le Père ) Mi- nime , grand Bota- nifte, Tom. III.Let. xviii. p. 150. fa mort , Tom. I . p. 57. Toids du Levant, Tom. 111. Let. xvi 11. p. 166. Poijfon , poilîbns en ufa- ge chez les Grecs les jours de jeune, Tom. I. Let. lu. p. 150. manière de pefcher en Naxie & en Pro- vence , Let. v. p. z48.au Trident, Let. vi. p. 187. Policandro , description de cette Ifle , Tom. I. Let. v 1. p. 307. & fuiv. Police des Turcs , Tom. II. Let. xiii. p. 306. & fuiv. Pollux , Ton combat contre Amycus , To. H. Let. xv. p. 416. Polygonides, defeription de cette Plante , To. III. Let. xix. p. Pompée , fa conquefte de lTberie , Tom. III. Let.xvm, p. 161. L E & 163. colomntf de Pompée , Tom. 1 1. Let. xv. p. 434. Pompeiopolis.V oy. Ami- fa. Pont jette par Darius fur le Bofphore de Thrace , Tom 1 1. Let. xv. p. 423. Pont-Euxin. Voy. Mer noire. Port de Paros , Tom. I. Let. v. p. 144» de Delos , Let. vu. p. 370. & 371. de Sa- mos , Tom. II Let. x.p.i 1 3.deConrtan- tinople , Let. xiï. p. 203. & fuiv. Porte , Pourquoy l'Em- pire Othoman eft ap- pelle la Porte , Tom. II. Let. xi 1. p. 210. & 21 1. hiftoire de la Porte dorée de Con- ftantinople , p. 234. Portiers du Serrail, To. II. Let. xm. p. 291. Pofies , eftabliircment des portes par Jufti- nien, Tom. 11. Let. xv. p. 41;. Poudre d'Arménie, To. III. Let. xix. p. 249. DES MA Vrefcot , Confui en Ar- ménie , Tora. 111. Lee. xvm. p. 1 19. Prejïre , fi les Prcftres Grecs peuvent fe ma- rier , Tom. 1. Let. in. p. ni. &c 113. îeur ordination , p. 1 49.emploi des Pref- tres Turcs , Tom. II. Let. xiv. p- 3S6. ôc 387. fi les Preftres Arméniens fe ma- rient, Tom. III. Let. xx. p. 171 . leur ordi- nation , p. 183. & [ulv. entrée des Pref- tres d'Apollon dans l'Ifle de DeloSjTom. I. Ler. vu. p. 34,4. Prières des Turcs,Tom. I I. Let. xiv. p. 333. 337. €^" (ulv. Prl[on , defeription du Bagno de Conftanti- nople, Tom. II. Let. x 11. p. 117. Tracés , les procès font bientôt vuidez chez les Turcs , Tom. II. Let xi 11. p. 198. Vromethée , pourquoy on l'accu fe d'avoir volé le feu du ciel , TïERES. Tom. I. Let. vi. p, 191. Prophéties écrites fur les murailles du Laby- rinthe , Tom. I. Let. 11. p. 84. Pru[e , defeription de cette ville, Tom. III. Let. xxi. p. 340. & [ulv. fon hiftoire , p, 349. &[ulv» Vtarmlca , defeription d'une efpece de Ptar- mlca y Tom. I. Let. vi. p. 17». Puget , fa vie & fes ou- vrages , Tom. I. p. 9. & fulv. Pugilat , ce que c'eft , Tom. II. Let. xv. p. 416. Purgatoire , croyance des Grecs fur le Pur- gatoire, Tom.I. Let. m. p. 165. R 7~) Acllay defeription X Y de ce rocher,Tom. I. Let. vi. p. 195. & [ulv. Raijin d'ours , deferi- ption de cet Arbrif- feau , Tom. III. Let. TA xvn. p. 67. Ramadan } comment les Turcs parlent leur Ramazan , Tom. II. Let. xiy. p. 342. Renoncule , defcriptîon de cette Plante,Tom. I 1 1. Let. xviii. p. 92. hiftoire des Re- noncules , Tom. I I. Let. x 1 1. p. 249. & fuiv. Religieux Grecs , leurs diftinctions , Tom I. Let.i 1 1. p. 126. leurs jeunes 3 p. 127. leurs vœux , p. 1 24, leur noviciat , ibid. leur genre de vie , p. 125. & 1 27. ils exercent la Médecine dans l'Ifle de Naxie , Tom. T. Let. v. p. 259. Reli- gieux Arméniens , Tom. Iîï. Let. xx. p. 271. aufleritez des Religieux du lac d'E- rivan , Let. xix. p. 200. Rellgleufes Greques , Tom. I. Let. 1 11. p. iz8. Religion des habitans de l'Archipel , Tom. I. Let. iv. p. 171. état BLE de la Religion en Scio , Tom. II. Let. ix. p. 56. & fuiv. la Religion Chreftien- ne eft publique à Smyrne , Tom. III. Let. xxii. p. 374. Rctimo , ville de Can- die , fa defcriptîon , Tom. I.Let. 1. p. 42. fesrichefTes , p. 43. Rhenée. Voy. Delos. Rhyndacus 3 rivière , Tom. III. Let. xxii. p. 354. 358: Ris y trois manières d'a- prefter le ris chez les Turcs , Tom. 1 1. Let. xiv. p. 378. Riva , defcriptîon de cette rivière , Tom. III. Let. xvi. p. 16. Rome , alliance des Ro- mains avec les Hera- cliens , Tom. 1 1 1. Let. xvi. p. 33. per- fidie des Heracliens , P- 34- Rofeau qui fert de plu- me , Tom. III. Let. xix. p. 181. Royer , Conful de Fran- ce à Smyrne, To. III. Let. xxii. p. 375. DES MA CI Abine, defcription LJ d'une efpece de Sa- bine , Tom. III. Ler. xix. p. 184. S.tcremens des Grecs , Tom. I. Let. ni. p. 144. & fuiv. des Ar- méniens , Tom. III, Ler. xx. p. 173. S. George , Monaftere de Sxyros , Tom. I I. Lee. x. p. 156. mira- cle de l'imaoe de S. Georges , p. 157. S. Grégoire l' Illumina- teur , honoré en Ar- ménie , Tom. III. Let. xix. p. 189, er //«■v.hiftoire des deux Saints Gregoires,To. III. Let. xx. p. z6$. & 166. S. fean , Monaftere de Candie, Tom I. Let. 1. p. 38. de Patmos , Tom. I I. Let. x. p. 141. Hermitage où S. Jean écrivit l'Apo- calypfe , p. 145. & 146 S. Minas , defcription de cette Ifle, Tom. II. TIERES. Let. x. p. 149. S, Polj/carpc , fi Ton bâ- ton a pris racine , Tom. III. Let. xxii. p. 380. Ton tombeau, p. 382. Sainte Sophie , hiftoire de cette Egliie chan- gée en Mofquée , Tom, II. Let. xi. p. 187». J90. & fuiv. Saluer , manière de fa- luer des Turcs, Tom. II. Let. xiv. p. 376. Samos y defcription de cette Ifle , Tom. 1 14 Let. x. p. 103. & fuiv. gouvernement & Religion de fes ha- bitans , p. 105. 6c 106, coutume au fu- jet des fucceffions , p. 107. fon commer- ce , p. 109. & 1 10^ elle eft abondante en gibier , p. 1 12. fes Mines , p. m. fes ports, p.113. & fuiv* fon ancienne ville , p. 115. & fuiv. fes antiquitez , p. 116. & fuiv. fes cavernes, p. 19. & fuiv. def- cription de deux af- freufes folitudes , p. T A ri 9. Se 130. deferi- ption de Tes Boghas , pag. 101. & fuiv. Sauf on critiqué , Tom. Il I. Lee. xvm. p, 141. & 148. Sant-erini ôc Santorin , commerce de cette lfle, Tom. 1. Let.vi. p. 310. fou clergé , p. 311. fes inferi- ptions , p. 313. & fuiv. defeription & hiftoire de la ville , p 3 1 1. & fuiv. Sapin, defeription d'une efpece de Sapin, To. III. Let. xvit. p. 84, Sauge de Candie, fa def- eription, Tom, I. Let. ii. p 91. Scalanova , defeription de cette ville, Tom. III. Let. xxn. p.402. Scarnonée de Samos , Tom. 1 1. Let. x. p. 1 10. Scio , hiftoire de cette ville , Tom. II. Let. ix. p. 55. & fuiv. état de la Religion, p. 56 &fuiv. deferi- ption de lTfle & de la ville , p. 60. & fuiv. fes vins , p. 62. foa BLE commerce , p. 64. fes villages , p. 65. fon gouvernement , p. yi, fes fontaines , p. Scortynera Gr&ca , def- eription de cette Plante, Tom. I. Let. v. p. 166. Schifmatiques , averfion des Arméniens Schif- matiques contre les Latins , Tom. III. Lee xx. p 278. Scropbulaire , deferi- ption d'une efpece de Scrophulaire , Tom. I. Let. v. p. 164. Scutari , defeription ÔC hiftoire du Cap de Scutari , Tom. I U Let. xv. p. 416. & fuiv. Sel Ammoniac y fi ce fel entretient les neiges, Tom III. Let. xviu. p. 117. fel foflile , Let. xix. p, 194. & Let. xx 1. p. 310. Serpho , defeription de cette lfle , Tom. I. Let» iv p. 114. fes Mines , ibid. fon hi- ftoire^. 2 1 7. fes gre- nouilles , p. 2 1 8. Serrai 9 DES MA Serait , defcriprion du Scrrail de Conftan- tinople , Tom. 1 1. Lee. xii. pag. 208. & fuiv. Let. xiii. p. 174. & fuiv. ef- clavage des Dames qui y font renfer- mées , p. 2 8 8 . & fuiv. Serrail de Mehemec Bey , Tom. III. Let. XVI. p. II. & fuiv. Serrail de Prufe, Let. xxi. p. 541. ufage du vieux Serrail , Tom. II. Let. xu. p. Seflos & Abydos , leur fituation , Tom. 1 1. Let. xi. pag. 161. Sicandro , fi c'eft une Ifle imaginaire,Tom. I. Let iv. p 170. Sikino , defeription & hifloire de cette Ifle , Tom. 1. Let. vi. p. 303. & 304. Sinope , fituation & hi- ftoire de cette ville , Tom III. Let. xvi 1. p. 45 . & fuiv, fa def- eription , p. 50. fi la terre de Sinope eft verte , p. 54. Sipbamo, defeription de TIERES. cette Ifle, Tom. I. Let. iv. p. 205. & fuiv. fes richefles , p. 206. fes Médailles , pag. 207 fes Mines , p. 208. & fuiv. fesan- tiquitez , p. 211. & fuiv. Sirènes , en quel lieu elles furent vaincues par les Mufes , Tom. I. Let. 11. p. 96, Sivas , prife de cette ville par Tamerlan , Tom. III. Let. xxi, p. 303. Skinofa , defeription de ce rocher , Tom. I. Let. vi. p. ?5?or Skyros ,hiftoire de cette Ifle , Tom. fi. Let. x. p. 150. fa deferi- ption, pag. 155. éty- mologie Àe ce nom , ibid. Smyme , defeription de cette ville, Tom.IIf. Let. xxn. p. 371. & 385. fon commerce , p. 575. fes antiqui- tez , p. 382. fon hi- ftoire, p. 385.^ fuiv. Solitaire retiré à Delos, Tom. I. Let, vu. p. 369. o T A Solitude , defeription de deux arïrcufes folitu- des , Tom.ll. Let» x. p0 U9. Solynan , Ton paflage en Grèce, Torrï. IL Let. xi. p. 165. & fuiv. Maufolée de Solyman II. p. 196. Scrbec , manière de le faire , Tora. I Let. i.p. 64. Soufre , comment le foufre eft produit , Tom. I. Ler. iy. p. l8<5„ foufre de Milo, p. 187 & 100. Source d'eau chaude , Tom. I. Let. iv. p. 193. four ce d'eau qui purge, p. 19;. Soye de Tine , Tom.ll. Let. vîii.p. 47. Spahis , cavalerie Tur- que , Tom. II. Let, xii!. p. 316. & fulv. ils balancent la puif- fance du Grand Sei- gneur , p. 170. Sphondïlutm Orientale , defeription de cette Plante , Tom. I 1 1. Let. xvi. p. 1$. Spon critiqué , Tom, III. Let. xxn, p. BLE 359. &c }6i. Stacbys cretka , fa def- eription , Tom. I. Let. 1. p. 11. Sultan , fa puilîance , Tom. 1 1. Let. xm. p. 269. ôc 270. (es revenus , p. 370. &: 371. comment il rend la jufticc , p. 304. de quelle manière il célèbre le Baïram , Let. xiv. p. 245. Sul- tans dépofez , Let, xm. p. 312. Suplice inventé par Ta- merlan, Tom. III. Let. xxi. p. 303. Symphitum Conftantino- politanwn , deferi- ption de cette Plan- te , Tom. II. Let. xir, p. 243. Syp'dene , nom de Cy- bele , Tom. III. Let, xxi|. p. 367. Sypilus s montagne , Tom. III. Let. xxii. Syra y defeription de cette Ifle , Tom. II. Let. vu;, p. 3. Re- ligion des habiuns* pag. x. DES MA r'Ahac , le Tabac en fumée cft en ufage chez les Turcs , Tom. II. Let. xiv. p. 376. & 381. Table , manière de fe mettre à table chez les Turcs , Tom. II. Let. xiv. p. 380. Tamerlan , de quelle manière il prit la ville de Sivas , Tom. III. Let. xxi. p. 305. fa victoire d'Angora, p. 321. Taurus , fi l'Euphrate fort du mont Taurus, Tom. III, Let.xvm. p. 124. Tchorba , ce que c'eft , Tom II. Let. xiv. p. 179- Techellisfameux Maho- met an, Tom. III. Let. xxi. p. 307. Teftofaqes, s'ils ont bâti la ville d'Ancyre , Tom. III. Let. xxi. pag. 312. Tefiis 3 defeription de cette ville, Tom. III. Leu xvii f. p» 168, TIERES. & fuiv. de fon palais 8c de fes bains , p. 169. & 170. incon- ftance d'un Prince de Tefiis , p. 164. Teinture , manière de teindreen jaune dans lTfle de Samos,Tom, II. Let. x. p. 135. Tendours , ce que c'eit, Tom. II. Let. xiv. p. t77*& fuiv. Tenedos 9 hiftoire de cette Ifle , Tom. II. Let. ix. p. 87. fon vinmufeat , p. 93. Termes , hiftoire de ce Prince , Tom. 1 F, Let. ix. p. 87. & fuiv. Tente , defeription des Tentes de Turquie , Tom. III. Let. xvi. P. 7- g . Terebentine, manière de la recueillir , fes ufa- ges , Tom. II. Let. îx. p. 71. Terebhnhe , defeription de cet Arbre , Tom. II. Let. ix. p. 7'. Terre cimolée , ce que c'eft , Tom. I. Let. iv, p. 1 72. d'où vient la différente culture 6 ij TA des Terres , Tom. 1 1 1. Let. xvm. p. 135. & 140. 71ta/^tV,defcription d'il. ne efpece de Thafpie, Tom. III. Let. xxi. p. 198. iheatre de la petite De- los , Tom. I. Let. vu. p. 363. & fttiv. Theodofwpolis , fi c'eft la même ville qu'Er- 2eron, Tom.Ilf. Let. xym. p. 12;. Tueras donna fon nom à l'ifle de Santorin , Tom. I. Let. vi. p. Thermie , hiftoire & defeription de cette Me , Tom 1 1. Let. y m. p. 7. & fuiv. Religion des habi- tans, p. io.fescaux chaudes , p. 11. The fée , fa mort, Tom. II. Let. x. pag. 150. fon tombeau , pag. Threfor , defeription du Threfor Royal du Grand Seigneur , To. If. Let. xii 1. p. 272. & fuiv. Threfor des JantfTaires, p. 315. BLE ThymtUa Pontica , def- eription de cette Plante , Tom. III. Let xvi.p.19. &20. Tigres du mont Ararat , Tom. III. Let. xix, p. 216. Timariots , cavaliers Turcs, Tom. II. Let. xin. p. 318. Timothée , Roy d'Hera- clée , Tom. III. Let. xvi. p. 3c. Tine , hiftoire de cette Me, Tom. II. Let. ViII. p. 44. 51. & fuiv. fa defeription, pag 46. fa forterelïe, p. 47. (es principaux villages , pag. 48. clergé & priyilege de l'Evefque Latin , p. 49. & fuiv. Tocat , fituation , def- eription & gouverne- ment de cette ville , Tom, III. Let. xxi.pl 299. 301. fon hiftoi- re, p. 304. voyage I de Tocat, p. 286. & fuiv. Tombeau , defeription! d'un Tombeau dansl l'ifle de Delos, Tom J I. Let, vu, p. 376* DES MAT du Sultan Orcan , Tom. III. Lee. xxi. P- 342- Ton , pelche des Torts auprès de Chalcé- doine , Tom.II. Let. xv. p. 416. Topana , d'où ce faux- bourg a pris ce nom: fà defeription , Torfi. II. Lee. xii. p. 11$. Tour de Leandre,Torn. II. Let. xv. p. 418. Tournefort ( Joieph Pic- ton de ) eft propofé au Roy pour un voyage du Levant , Tom. I. p. 1. fon def- fein dans ce voyage s p. 1. il choifit fes Compagnons , p. ii fort départ de Paris , p. 4. Ton arrivée à Lyon , p. 4. à Mar- feille, p. 7. en Can- die , p. 20. à l'Af- gentiere , Let. 1 v. pag. 169. àMilo , p. 174. à Syphanto , p. 205. à Serpho , p. 2.14. à Antiparos , Let* v. p. 221. à Pa- rus , p. 233. àNaxie, p. 247. à Sténo fa , i.ct, vi. p. 2.6?. à Ni- I È R E S. eduria , p. 272. à Amorgos , p. 276. à Caloyero , p. 287. à Che'iro , p. 288. à Radia , p. 292. à Nio , p. 297. à Siki- no , p. 303. à Poli- candro , p. 307. à Delos, Let. vu. p, 346. & 374. à Syra i Tom. II. Let. vm. p. 2. à Thermie , p. 7. à Zia , p. 13. à Macroniiï , p. 27. à Joura , p. 3 o à An- dros , pag. 53a Ti- lie , pag. 44. à Mè- telin , Let. ix. p. 8 . à Samos , Leti x. pag. 103. 128. à Pat- mos, p. 141. à Sinô- pe , Tom. III. Let. xvj. p. 43. àTrebiU fonde, Let. xvn. p. 68. à Erzeron , Lct„ xvin. pag. ioé. à Cars , pag; Ï4.2. à Téflis, pag. 160. aux Trois Églifès , Let. xix. p. î87.àErivan, p. 197. au mont Ara- rat , p. 215. à To- cat, Let. xxi. p. 299. à Angora , p. 31 1. à Prufe i p». 339, & 6 ii) TA Smyrne , Let. xxu. p. 370. fon embar- quement fur la Mer noire , Lcr. xvi. p. 5. & fulv. fon voya- ge d'Arménie , Let. xviii. p. 86. duCur- diftan , p. 1 , 8. de Géorgie, p 1 34. des Trois Eglifes , Let. xix. p. 178.de Tocat Se d'Angora , Let. xxi. pag. 286. d'An- gora à Pruiè, p 43 j. de Smyrne Se d'E- phefc , Let. xxi 1. pag. 35^. & 3 88. fon départ d'Ephefe pour Scalanova , pag.40T. fon retour à Ephefe Se à Smyrne , p. 40 3. fon retour en Fran. ce , pag. 404. dan- gers où il fut expofé à Thermie, Tom. If. Let. vin. pag. 8. à Samos , Let. x. p. 148. au paiîagc d'u- ne rivière, Tom. III. Let. xix. pag. 232. dilïîcultez qu'on luy fit pour le laillcr paf- ier en Perte , Let. xv! 11. p. 14?. & fuiv. fa conver fanon BLE avec MaurocorJatô 0 Tom. 1 I, Let. xn. pag. 238. & fuiv. de quelle manière il fut receu du Patriarche des ArmenienSjTom. III. Let. xix. p. 202. & fuiv. Touttbonne , defeription d'une efpece de Tou- tebonne , Tom. 111. Let. xviii. p. 103. Trebifondc , hiitoiie de cette ville, Tom. III. Let. xvii. p. C%. & fuiv. fa deferirtion , p. 79. inferiptions , p. 80. Se 81. Trinité , Couvent de Candie, Tom.!, Let. 1. p. 36. Trois Eglifes , ceferi- ption de ce Mcnafte- re 8c des environs , Tom. III. Let. xix, p. 187. & fuh. Trouves , dénombre- ment des Troupes qui font dans l.js Pla- ces de guerre ciTur- quie , Tom. I Let. 1. p. 48. Se 49. Trutlhart , Conul.de la Canée 3 Tun. I. Let, i.p, i6t DES MA Tirban , ce que c'en: , ck: d'où vient ce mot, Tom. II. Let. xiv, PaS- 375- Turc , de quelle ma- nière les Turcs pat- ient la vie , Tom. I, Let. 1. p. 2 1. com- ment ils exigent la capitation, Let. v» p. 222. ftratageme des Turcs , Tom. 1 10 Let. xi. pag. 167. ils font accroire à leurs femmes qu'il n'y a point de Paradis pour elles , pag. 184. ils croyent que les priè- res foulagcnt les Morts , p. 196. com- ment ils rendent la juilice chez eux, Let. xii. p. 214. ils haïf- fent le négoce du vin , pag. 222. pour- quoy ils n'ont point de goût pour le deC~ fein , p. 225. adrclle des jeunes Turcs , p, ±.16. 3c 227. origine de leur Empire , leur gouvernement , leur politique , Let. xin. p. 167. 268. Se 169. puiflance ds leurs T ï E R E S. Sulcans , pag. 269. & 270. revenus du Grand Seigneur , p. 2 o. & 27 1 . deferi- ption du Thrcfor Royal , p. 272. dei- criptien du Serrail , pag. 2-4,. éducation des Pages , p. 277, Officiers du Serrail , pag. 274. leur Divan, p. 297. leur police , p. J< 6. leur infante- rie, p. 308. leur ca- valerie, p 3 16. leur Marine , pag. 3 20, leur refpedb pour l'Alcoran , L et. xiv. p. 3 27. leur Religion, jj. 3 2 6. leur croyance lur la circoncilîon , p. 330. cérémonies qu'ils y obfervent j pag. 331. leurs priè- res , p. 333. 6c 334,; leurs ablutions , p. 338. leur carême , pag. 24.2. leur Baï- tam, p. 345.16111- an- née , p. 342, leurs feftes , p. 3 48. pour- quoy il n'y a point de mendians en Tur- quie , pag. 3çoé leurs Mofquées, ibidi leur! ô îiij T A hôpitaux , leurs col- lèges , leurs hôtelle- ries, pag. 351. éten- due de leur charité envers les animaux 8c les Plantes , pag. 354. ils font obligez au voyage de la Mc- que , p. 3; 7. em- ploys de leurs Prck très , p. 386. leur créance au fujet des Morts*, p. 387, leur Paradis 8c leur Enfer, p. 388. & 389. leur manière d'enterrer les Morts , p. 38p. leurs cimetières, To. I. Let. 1. p. 29. 8c Tom. II. Let. xiv. p. 390. leurs Dervis, p. 39 1 . leur eftime pour Jefus-Chriit, p. 395. ôc 396. leurs bains 6V: la manière de s'y la- ver , pag. 360. leur mariage , p. 363. ha- bit des femmes Tur- ques, p. 367. habit des Turcs , p. 372.. leur manière de fa- luer 8c de fe vifiter , p. 3 7 6. différence en- tre les Turcs & les Grecs , p. 577- leur BLE manière de manger , p. 380. de fe cou- cher , p. 3 8 1 . d'uri- ner , p. 335. céré- monies qu'ils font à la garderobe, p. 336. leurs jeux , p. 329. & 382. le vin leur eft détendu , p. 329, leurs occupations , p. 382. 8c 383. leur ignorance au fujet de la Marine, loin III. Let. xvi. p. 5. leur mufique, Let. xviu. p. 89. leur manière de voyager , pa^. i 6. leurs exrodiows à l'é- gard des étrangers , p. 147. Turc ai , fituatïon de cette bourgade , To. 1 1 I. Let. x x 1. p. 307. Turcmans, voleurs d'A- natolie , Tom. III. Let. xx 1. p. 107. T\a.ns , defeription du pays desTzans , To. III. Let xvu j. p. 15S. DES MA V T7~Aillant critique , V Tom.ïll. JLec.xxn. Vàivode , malice d'un Vaivode , Tom. 1. Lee. ii. p. 85. Validée , defeription de cette Mofquée, Tom. II. Let. xi. p. 196. Varroïùl ,fauxbourg au- près de la Canée , où l'on voit le jardin du Gouverneur de cette Place, Tom. I. Let. 1. p. 27. Veaux marins, Tom.II. Let. vin. p. 18. Filant , ce que c'eft , & le commerce que l'on en fait, Tom II. Let. viii. pag. 18. &20. Végétation des pierres , Tom. I. Let. y. pag. 128. Vénitiens ,en quel temps ils acquirent Candie, Tom. I. Let. 1. p. 22. faute confidera» blc qu'ils firent à l'at- taque de la Canée , pag. 22, T I E R E S. Vent du Sud dangereux en Candie , Tom. 1. Let. i'. p. i°9' Vemon, Mathématicien Anglois , fa mort » Tom. M. Let. xviii. p. mi. Vertabiets font les Doc- teurs Arméniens , Tom. III. Let. xx. p. i69. Vcfîcaria , defeription de cette Plante,Tom. III. Let. xyi 1 1. Viande , fes qualitcz & la manière de la faire cuire en Turquie , Tom. II. Let. xiv. p. 375).' Vierge , dévotion des Grecs aux Images de la Sainte Vierge , Tom. I. Let. vi. pag. 275. Image miracu- leufe de la Vierge , p. 280. Villages , ils font bâtis de marbre en Candie, Tom. I. Let. 11. p. 109. Vins , comment il (e fait dans l'Archipel , Tom. I. Let. iv. p. 191. vins de^CandiC; T A Ler. 1 1. p. 107. de Scio , Tom. II. Lee. ix. p. 61.de Lesbos, p. 8j. de Géorgie , Tom. III. Let. xviii. p. 167. vin mufeat de Tencdos, Tom. II. Let. ix. p. 95. de Samos 3 Let. x. p. :oS. Vipère , Pille aux Vi- pères. Voy. argen- ture. Vlfir , le Grand Vifir eft juge fouverain chez les Turcs, Tom. II. Let. xii. p. 114. il eft le premier Mi- niftre du Grand Sei- gneur , fa puiffanec, Let. xiii. p. 2.Ç2. & ftiiv. relation de ce qui fe pafla à l'Au- diance que Je Grand Y'ihr donna à M. de Ferriol , Tom. I I. Let. xii. pag. 252. & fuiv. defeription de la marche du Grand Vilîr , p. 236. Vifîrs du Banc ou du Confeil s Tom. 1 1. Let. xin. p. 296. yifîter sma.niei:e de fe vi- fiter parmi les Turcs, BLE Tom. 1 1. Let. x:y, P- ?76. Voleurs , comment pu- nis en Turquie , To, I. Let. 1 1. p. 101. voleurs des coites d'Alîe , Tom. 1 I. Let. x. p. 1 02. d'Ar- ménie , Tom. 1 1 L Let. xviïi. pag. 86. & 1 15. de Géorgie , p. 158. d'Anatolie , Let. xxi. pag. 25)0, 296. 307. Vonrla. Vov. Cld^o- mene. Voyage , de quelle ma- nière les Turcs voya- gent , Tom III. Let. xviii. p. 86. Uriner , manière d'uri- ner des Turcs, Tom. 1 I. Let. x 1 v. p. Urne fameufe d'Amoi- gos , Tom. I. Let. vr. p. 181. Vroucolacas , hiftoire d'un Vroucolacas 3 Tom. I. Let. m. p, 1)8. & fuiv. DES MATIERES. Jx X Erxés , en quel endroit de l'Hel- lefpont ce Prince fit jette* un Pont , Tom. II. Let. xi. p. Z A'ms , cavaliers Turcs , Tom. II. Let. xiii. pag. 318. Zia , hiftoire & defcri- ption de cette lflc 3 Tom. 1 1. Let. vuii pag. 1 3 . defcription de la ville de Zia , pag. 14. d'Ioulis , p. 1 j. Tes Eglifes 6c fes Monafteres , p. il. Zopléme, Voy. Ellé- bore, Fin du Tome trolfiéme. APPROBATION. J'Ay leû par Tordre de Monfeigneur Te Chancelier ie Voyage du Levant , fait par?* ordre du Roy ; Cet ouvrage eft digne de la curiofité du Public, & repond à l'idée que M. Tournefort a laiflee de luy-mefme. Fait à Paris ce 3. Décembre 1714. Raguet. Privilège du Roy. LOUIS par la Grâce de Dieu Roy de France & Navarre : A nos amez & féaux Confeillers les Gens tenans nos Cours de Par- lement , Maiftres des Requeftes ordinaires de noftre Hoftel, grand Confeil, Prévôt de Pa- ris, Baillifs, Senefchaux, leurs Lieutenans Ci- vils & autres nos Jufticiers qu'il appartien- dra, SALUT. Noftre bien amé le Sieur Claude Rigaud Directeur de noftre Imprimerie Royale du Louvre, Nous ayant fait remontrer qu'il fouhaitteroit faire imprimer & donner au pu- blic la Relation d'un Voyage du Levant , fait par noftre ordre, s'il Nous plaifoit luy accorder nos Lettres de Privilège fur ce neceiïaires. Nous avons permis & permettons par ces pre- fentes audit Sieur Rigaud de faire imprimer iedît Voyage en telïe forme, marge, caractè- res , en un ou plufieurs volumes 9 conjointe- ment ou feparement , & autant de fois que bon luy femblera, Et de le vendre, faire ven- dre & débiter par tout noftre Royaume , Pendant le temps de douze années confecu- tives, à compter du jour de la date defdites Prefentes. Faifons deftenfes à toutes fortes de perfonnes , de quelque qualité & condi- tion qu'elles foient , d'en introduire d'im- preflion eftrangere dans aucun lieu de nof- tre obéïffance, Et à tous Imprimeurs, Librai- res ex autres d'imprimer, faire imprimer, ven- dre, faire vendre, débiter ni contrefaire ledit Voyage , en tout ni en partie , ni d'en faire aucuns Extraits fans le confentement par écrit du dit Sieur Expo/ant ou de ceux qui au- ront droit de luy , à peine de confiscation des Exemplaires contrefaits, de Trois mille li- vres d'amende contre chacun des contrevenans, $ont un tiers à Nous, un tiers à l'Hoftel Dieu de Paris, l'autre tiers audit Sieur expofant, & de tous dépens dommages & intercfls; A la, charge que ces Prefentes feront Enregiflrées. tout au long fur le Regiftre de la Commu- nauté des Imprimeurs & Libraires de Paris, Sç ce dans trois mois de la datte d'icelles, que FimprcfTion dudit Livre fera faite dans noftre Royaume & non ailleurs, en bon papier & en ^eaUx caractères conformément aux Régle- rons de la Librairie, Et qu'avant que de l'ex- pofer en vente, il en fera mis deux Exemplai- res dans noftre Bibliothèque publique, un dans celle de noftre Chafteau du Louvre , & un dans celle de noftre très cher & féal Che- valier Chancelier de France le Sieur Voyfm , Commandeur de nos Ordres ; le tout à peine de nullité des Prefentes , du contenu defquel- les vous mandons & enjoignons de faire jouir ledit Sieur expofant, ou (es ayans caufe, plei- nement & paifiblement, fans fouffrir qu'il leur foit fait aucun trouble ou empefehemcnt. VOULONS que la Copie defdites Prefentes qui fera imprimée au commencement ou à la fin dudit Livre,foit tenue pour deûè'ment figni- fiée, Et qu'aux Copies collationnées par l'un de nos amez & féaux Confeillers Se Secrétaires foy foit ajouftée comme à l'Original : Com- mandons au premier noftre Huiiïicr ou Ser- gent, de faire pour l'Execution d'icelles tous Actes requis Se neceftaires, fans demander au- tre permiftion & nonobftant Clameur de Ha- ro, Charte Nomandc Se Lettres à ce contrai- res. Car tel eft noftre plaifir. Donné à Ver- failles , le douzième jour du mois de Décem- bre , l'an de grâce mil fept cens quatorze , Et de noftre Règne le foixante- douzième. Par le Roy en fon Confeil. Signé FouQUET. J'ay cédé le Privilège cy-deflus du Voya- ge du Levant par M. Tourncfort, aux Sieurs AnifTon & Pofucl Libraires de Lyon, pour en jouir fuîvant les conventions faites entre nous, à Paris le 14.. Décembre 1714. Signé RlGÀUD. Regiflré, enfemble la Ceffi on furie Regiflre iV.0 ?• de la Communauté des Libraires & Imprimeurs de Paris, page 888. N.° 11 12. conformément aux Reglemens & notamment à VArrefldu 13. Aoujl i/o 3. A Paris le iy. Décembre 1714- Signé RoBUSTJ&L, Syndic. JC.r. w. v . À £ M £(f\L &^- >u V,5 JJ*J PAUIGET7 J&- ,— '••-' xtf-J&si&i v • • » t ■é *