h i sxca r e

DE LA

Naiflance & du Progrez-da *

KOU AKERI SMEj

A V È G Celle de fes Dogmes.

A CoLOGNEj

Chez PIERRE MARTEAU. 1 69 2,

PREF AC £.

Œrfonne que je fâche V^Jà) n'ayant -encore écrit l'Hifloire des Kouakre^ qui font beaucoup de bruit aujourd'hui , particulière- ment en Angleterre, qui eftleur lieujiatal, leur centre & leur nid,6c malheureufement ils ne fe mul- tiplient que trop à la faveur des tri- lles & déplorables divifions qui la déchirent , tant en matière de Re* ligipn que de gouvernement civil , dont chaque parti tache de fe ren- dre maître abfolu 5 &qui ont pro- duit de tems en tems des fouleve- mens entiers de toute la nation, Se changé la face de l'Etat, je m'af- feure qu'on fera bien aife de lire celle-cy que je donne au public Comme je fuis fur les lieux, 8c qu'il y a déjà un tems confiderable # & que

PREFACE^

que je demeure à Londres il y a plus de Kouakres que dans tout le refte du Royaume, & que je con- verfe fouvent avec quelques-uns d'entre eux, mais qui n'ont pas encore mangé la Pâque, ni renon- cé à Jefus fils de Marie, à [efus crucifié, au ieul& véritable Chrift mort pour nous, rtffufciié des morts , & régnant en Corps & en ame au Ciel, &quinelaifient pas de connoître tout le fond de la Se£le : fans dire que j'en connois les Chefs, que je les ay fouvent converfé fur leurs opinions, &que j'en ay apris tout le fejretpar l'a- dreffe d'un peu de complaiiance comme fi j'entrois fort dans leurs fentimens: ayant enfin tous leurs meilleurs livres, 6c ceux de leurs plus fameux Do&eurs, dont les perfonnes ne me font pas même in- connues, l'on doit s'afieurer que mon Hiftoire fera véritable, fidelle &fincere , pijifqu'elle vient d'un homme qui les connoît intime- ment,

PREFACE, ment, & qui eft très informé de tous les myfteres de leur Cabale. Il eft jufte , il eft neceflaire mêine,, d'arracher le mafque à ces infâmes .hypocrites-, & à ces deteftabl-es hnpofteursqui feduifent une infi- nité du fimpies par leurs apparen- ces trompeufes de pieté & de Sainteté, Scquineanmoinsenont renié la force &. lu vérité. Il eft du devoir d'un bon Chrétien de dé- couvrir les horribles & profondes impietez de ces faux Prophètes qui fous le nom & fous l'apparence d'un Chrift imaginaire tâchent de détruire la foy d u véritable Chrift , du Chrift de l'Evangile , de Jefus fils de Marie mort & reflufcité des morts.

L'Aiitheur du Froteftant Paci- fique eft le feul & le premier qui ait écrit en nôtre langue PHiftoire des Dogmes de cette Seéte. Mais par le portrait flatté qu'il en fait l'on voit aflez qu'il eft de leurs amis, ou qu'il s'eft laifle tromper comme , * | beau-

PREFACE.

beaucoup d'autres aux apparences de Religion qu'ils affeétent afin de fe cacher & de feduire. Il leur prê- te des excufes & des couleurs fi fa- des qu'on n'a qu'à foufler defius pour les effacer. Ce que j'y trouve d'aflez divertiffant eft que fur le Chapitre de leur orgueilleufe in- civilité, & de leur manière bruta- le de boire & de manger, il ne fait pas de façon de pafler condamna- tion pour eux, & de permettre qu'on les traitte de fous 6c d'infen- fez. Mais les Kouakres ne l'enten- dent pas ainfi , Se ils fe fbavent trop bon gré de s'être enfin ac- quis cette liberté infolente de traitteravec mépris & avec fierté le refte des mortels , & de s'être ainfi élevez au deflus de tous pour permettre qu'on les traitte pour cela de fous & d'extravagens. S'il y a de la folie, il y a encore plus

i d'orgueil & de vanité. Et ils veu- lent bien qu'on le fâche. Car ces

| gens qui font tant les doux & les

fini*

PRE F A C fimples , ne fouffrent pas chez eux que leurs Serviteurs leur par- lent autrement que tête nue Se chapeau bas, & en termes refpec- tueux. Et quand l'exemple des maîtres fait émanciper les Servi- teurs à dire tu €r toj^ & à leur parler la tête couverte , on fçait bien leur dire d'un ton de maître que cela n'apartient qu'aux ami?, c'eft à dire auxKouakres. Je fçay desHiltoi- res fort £lailantes deflus, mais qui font plus propres à être débi- tées dans une converfation libre d'amis, qu'à être inférées iey.

Je ne doute point qu'ils ne fe ré- crient & ne fe foulevent contre moy de ce que je découvre leurs myfteres abominables, St de ce que j'exhorte les Chrétiens à les avoir en horreur, & les Magiftrats à les reprimer. Leurs amis Scieurs fauteurs, les libertins & les Déi- fies du temps , ne pourront foufrir qu'on attaque ainfi leurs chers Compagnons , & les complices * 4 de

PREFACE, de leur conjuration contre le Chri- ilianifme. Mais je leur déclare que je tiens leur toierance dcfenfe du Kouakcrifme pour le comble de l'impiété & pour une véritable confpiration deDeïftespour per- dre la Religion Chrétienne. Et je promets qu'en donnant une fécon- de partie de cette Hiftoire qui fera celle des autres principales Sectes d'Angleterre & de Hollande, & en particulier celle du Socinianif- mej je la commencera)1 par la ré- futation exafte du profane Com- mentaire Philofophique fur ces paro- les de Jefus Chrift contrains les d'entrer. En vérité ceux qui com- pofent ces ouvrages dangereux ôc pleins de poifon 5 ne profi- tent pas mal des conférences qu'ils ont avec les Sociniens, les libertins & les Spinofiftes dont la Hollande abonde.'

Par avance & pour me juftifier je diray icy fur ce fujet la que ces nouveaux Authcurs en voulant

que

PREF AC E.

que le Migiftrataccorde toute Im- punité & toute liberté à toute forte d'hérétiques jtifqu'aux Deïiïes 5 & en luy ôtant le pouvoir de les repri- mer fur tout dans les Herefiarques, & dans les Dodeurs, fe déclarent contre un droit qui eft fondé fur la nature. Car tout Magiftrat a pour le moins fans contredit autant d'authorité dansTEtat qu'un pere de famille en a naturellement; dans fa famille. Or il eft permis à un pere de famille de reprimer qui- conque voudroit en abolir le régi- me Se la Religion, Il a droit de les en chaffer & de leur défendre d'y rentrer. Au commencement du monde les Chefs de familles avoientlafuprême direction de la Religion & du gouvernement po- litique. Auffi tous les peuples du monde font convenus que les Ma- giftrats & les Roys eiiffent Fin- fpeâion & l'intendance fur l'wn & l'autre. Et même les premiers Rois du monde ctoieiit& Rois & Sou- f 5 veraius

PREFACE, verains Pontifes tout enfeixi* ble.

Je ne dis pas qu'il foit permis de tuer 5 de brûler , ou de pendre qui- conque ne veut pas par un principe deconfciencefefoumetreàla Re- ligion établie parles loix&par les Souverains, à moins qu'ils ne for- ment des faftions , & ne confpi- rent contre l'Etat. Mais il eft du devoir de tout Prince Religieux d'étouffer d'abord toutes les fe- mences de divifion qui commen- cent à s'élever, & d'empêcher qu'elles ne prennent de fi profon- des racines, & ne fe multiplient fi fort qu'il foit après cela impoffiblc de les arracher feurement, & fans expofer l'Etat à de grands maux, Stades defordres très dangereux. Il faut veiller fans cefle fort foi-» gneufement fur la conduitte des Doéteurs & des Prédicateurs ; & fî-tôt qu'on voit quelqu'un s'écar- ter trop du droit chemin, & de la Doélrine reçûë & authorifée, il

faut

PREFAC E. faut luy impofer filence, ôcs'il ne veut pas obéir , & qu'il feme fes Doctrines en fecret il le faut re- primer tout à fait, & l'arrêter en le mettant en lieu de fureté, &àla garde de perfonnes qui répondent deluy&defaconduitte, ou le re- léguer hors du Royaume & en lieu d'où l'on n'en craindra plus rien. Si l'on avoit pu ainfi répri- mer un Simon le Magicien, un Mânes , un Marcion , que de maux & quededelordresn'auroiton pas épargné à TEglife de J. C. que de milliers d'ames n'auroit-on pas fauvé? fi l'on en avoit fait autant à unPafcateRadbert, & à tous les autres, anciens ou modernes qui par leurs inventions téméraires ôc impies ont renverfé les fondemens duChriilianifme, & introduit un C. inconnu à l'Evangile , in- connu à toute FEgliie primitive, ou fouillé la pureté de la Religion par je ne fçay combien d'erreurs folles. Se. pleines d'impiété & de * 6 co.n-

PREFACE, contradiéiion, & par une infinité de cultes fuperilieux & criminels , que de maux , qae de guerres , que de defordres , n'aufoit-on pas pré- venu ?

Mais fi les Magiftrats ont droit naturellement de reprimer ceux qui cherchent àrenverfer la Reli- gion foie Chrétienne parmi les peuples Chrétiens, foit naturelle parmi les autres nations du monde, ou qui en detruifent l'eflence & en corrompent la pureté par des cul- tes fupérftitieux & impies , ils font auflî obligez de laifler à leurs fujets une très grande liberté dans tout ce qui n'eft pas de l'eflence de la Religion & du culte public: &de les reftreindreàtréspeu d'articles, très peu de principes, & très peu de pratiques, par ce moyen les Efprits curieux ont toute la liber- té honefte de s'exercer, &de Phi- lofopher fans danger de choquer la Religion , ni de troubler l'Etat par des fchifmes & par des divifions ca-

pa-

PREFACE,

pables de le perdre : au lieu qu'en ne reftreignant pas ainfi la Reli- gion à un petit nombre d'articles neceflairesSc eflentiels Ton tombe dans la Tyrannie 6c Ton met les Efprits dans une fervitude infupor- table, qui caufe enfin les mêmes defordres que Ton vouîoit éviter.

Peut on nier que Dieu n'ait for- mé les hommes également pour vi- vre en foeieté comme pour fado- rer? On ne le fçauroit nier. Par confequent s'il adonné aux Prin» css le droit & le pouvoir de repri» mer ceux qui violent la foeieté , il leur a auffi donné celui de repri- mer tousceux qui voudroient in- troduire l'impiété.

Et ne me dites pas que chaque hérétique accu'fe réciproquement fon adverfaire d'introduire l'im- piété & de ruiner Peffence de la Religion? Car il très facile de voir fi cela eft ou non. Si les uns & les autres conviennent de tout ce qu'il y a de clair dans la Religion, *. 7 & de

PREFACE. &: de ce que tous les Chrétiens par exemple font toujours convenus y & conviennent encore mainte- nant, ilsconfervent les uns&z les autres Feflcnce de la Religion , quelque diverfité d'opinions qu'il y ait entre eux, &en comparant ces opinions à ce qu'il y a de clair, & de reconnu de tous les partis, l'on aperçoit d'abord fi elles fe con- tredirent manifeftement & direc- tement. Ainfi la régie delà véri- table tolérance eft toujours claire & nette \ permis néanmoins à tous, ceux qui croyent de bonne foy que telle ou telle opinion eft une er- reur capitale & mortelle de fe fe- parer de ceux qui la défendent.. Mais il ne faut pas légèrement ni inconfiderément juger de la natu- re des dogmes. Il ne faut écouter deflus ni les partions , ni les préju- gez. Il faut j uger avez un efprit im- partial , & fe fouvenir toujours que dans les cas douteux il faut panener du coté de l'indulgence plutôt que

PREFACE.

du côté de la rigueur. Que après avoir examiné iong-tems &meurc- ment un dogme, Ton ne peut s'em- pêcher de le prendre pour une er- reur mortelle , l'on peut fe feparer , mais fans pafler outre. Les loix de l'Evangile & de la charité Chré- tienne n'obligent plus à conferver dans la communion & dans la fra- ternité ceux que l'on a reconnu après un long & ferieux examen défendre avec opiniâtreté des dog- mes que Ton ne fçauroit s'empê- cher de regarder comme des erreurs Capitales. Toute Société Chrétienne a ce droit là, Scc'eft l'Evangile qui le luy donne.

Mais l'Evangile ne donne au- cun droit à quelque Société que ce foit de chafîér de fon fein & de fa fraternité ceux qui n'ont point de ces fortes d'erreurs mortelles, & qu'elle fçait parfaitement n'en avoir aucunne. Comme il n'efi permis d'excommunier, &• de chaffer de la fraternité que ceux

qui

P R E F A C E. qui tombent & perfevercnt dans des péchez fçandaieux & incom- patibles avec le nom Chrétien, il n'eft pas permis non plus de re- trancher de la Société fi-nonceux qui violent manifeftement les fondemens de la Religion. Au- trement c'eft introduire la Tyran- nie dans l'Eglife, & vouloir do- miner fur la foy des Chrétiens. C'eft ruiner la charité Chré- tienne & le fuport des foibles qui nous eft fi fort recommandés c'eft faire dépendre la Religion du ca- price humain, de l'intérêt, du préjugé, & de la paffion. Et de quel front peut-on chafier de fa So- ciété ceux que l'on eft convaincu qui apartiennent à la Société de J.C.? peut-on chafler de la table ceux que l'on fçait que J. C. reçoit à la fienne? N 'eft-ce pas une impie- té horrible, & une in juftice crian- te à des Chrétiens de chafler de leur famille des perfonnes que nous réconnoiffons apartenir veri-

ta-

PREFACE, tableraient à la famille de Jefos Chrift? Ou trouvera-t-on que les Apôtres & les premiers Chrétiens en ayentuzé autrement? trou- vera-t-on qu'on ait jamais fongé à ces deux fortes de retranche- ments, un qui retranche de la So- ciété, & point de la Communion Chrétienne, ou de la Table de Je- ius Chrift 5 & un autre qui re- tranche de' toutes les d'eux? Les premiers Chrétiens n'ont jamais chaflë de leur Société ou de i'Egli- fe que ceux qu'ils excommu- nioient tout à fait , & qu'ils chaf- foicnt delatabîeîacreedej. G. ou qu'ils croyoient avoir mérité d'être retranchez du Corps des frères ôc des fidèles.

Je conclus de que c'eft une Do&rine Anti-Chrétienne que celle du Pape adoptée par quelques nouveaux Théologiens , qui veu- lent faire les Papes chacun dans fon party , que de foutenir qu'il eft permis à des Sociétés Chrétien- nes

PREF AC E.

Des- de fe liguer enfemble & de fe confederer pour enfeigner cer- tains dogmes qui ne font pas néan- moins de leur propre aveu effen- tiels à la Religion, & qui très fou- vent ne font que des erreurs très grofîîeres & très pernicieufes, & de chafler de leur fein & de leur communion ceux qui ne pourront I?as fe refoudre d'embrafler ou d'enfeigner ces Doctrines 5 fans prétendre néanmoins en les chaf- fantainfï, de les chafler du Corps de l'Eglife& de la famille de J. G C'eft l'Antkhriftianifme tout pur> c'eft authoriferpar fa propre conduite la Tyrannie de TEglife Romaine, & fermer la bouche aux Proteftans, &les empêcher de fe plaindre de la rigueur qu'elle leur a teniie en les chaflant de la com- munion pour des chofes non ne- eeflaires & capitales. C'eft chan- ' ger la Religion deJ.C. en une pu- re Se6te dePhilofophes quifefub- divifent enfuite en autant de bran- ches

PREFACE.

ches qu'il y a de partages d'opi- nions. C'eft introduire la licence & la divifion dans le Chriftianifmc3 les tins fe cantonnant contreles au- tres, &fechaflant mutuellemeat de leur communion. C'eft fomen- ter toutes les divifions qui y font déjà , & les rendre irrémédiables. C'eft renoncer à la loy royale de ïa charité, vous qui êtes forts fu- portez les foibles en la foy* por- tez les charges les uns des au- tres , & accomplirez ainfi la loy Royale de J. C C'eft enfin intro- duire l'hypocrifie & la difïimula- tion dans la Religion , en ce que ceux qui auront des fentimens par- ticuliers n'ozeront pas les déclarer ou ne le feront qu'en cacheté, Se pour fe conferver dans la Société prêcheront contre leur propre eonfeience , & feindront de croire ce qu'ils ne croyent pas.

Mais pour revenir à nos Koua- Icres & à leurs defenfeurs, je dis en particulier à l'Autheur du Com-

PREFACE.

fventaire Phdofophique que le droit desMagiftrats Chiênensde repri- mer par voye d'authorité les Doc- teurs& les fondateurs de ces héré- Jîes qui ruinent toute l'efîence de la Religion n'eft nullement fondé fur ces paroles Contrains les â" entrer y mais furl'aciion du maître du ban- quet des nopces.

Cesnopces&ce banquet repre- fentent du confentement de tout le monde FEgiife Chrétienne, fon etabiifîement par la prédication de FEvangile. C'eftle Royaume des Cieux ou le Royaume de J.C. qu'il a formé & il régne. Parmi ceux qui y entrent il s'en trouve un qui n'a point la robe nuptiale , c'elï-à- dire qui n'a point ce qu'il faut avoir pour pafler pour Chrétien , & pour un des conviez. Que fait le maître ayant aperçu cet étranger & cet ef- pion ou cet ennemi? Il s'en va droit à luy , & luy dit , qui t'a fait fi bardy que d'entrer ici & de te fourrer parmi les conviez fans avoir pris la

robe

"il

PREFACE, obe nuptiale -, Et que viens tu faire ci n'étant pas du nombre ni de la jualité de nous tous? qu'on me prenne cet homme 5 & qu'on me e jette pieds & poings liez hors ficy ? qu'on le jette dans îès ténèbres de iehors ou il y a pleur & grincement de iens. c'eft à dire hors de l'enceinte de l'Eglilè ^& du Chriitianifme parmi les oenples infidelles qui lont dans les ténè- bres en comparaifon des Chrétiens qui compofent un Royaume de lumière.

Je ne dis pas qu'il rai le faire entrer dans le Chriftianiime les hommes à coups d'épée ou de bâton, il faut les preffer, & les foliciter inftamment d'y entrer. Mais s'ils veulent y entrer, & s'ils y en- trent erFe&ivement fous îe mafque d'hy- - pocnfie , & que l'on découvre à la fin qu'ils n'ont pas la robe nuptiale, c'efi-à- dire qu'ils n'ont rien de Chrétien finon le nom & le privilège d'être bien vetus,nou- ris & entretenus aux dépens des Chré- tiens, aux dépens de J. C. même, à la table de qui ils font grand chère tout en fe moquant de luy & de fa Religion, il eft du devoir du Magiftrat Chrétien qui rcprefente iaperfonnede J. C. & qui eft le maître de la Salle & du feftin des nop- ces de leur demander qui les a rendu fi

har-

PREFACE.

hardis que d'entrer dans la Salle, & de s'y mettre au rang des conviez & à la ta- ble du feflin fans avoir la robe nuptiale, c'eftà dire fans avoir les qualitez requi- fes pour jouyr du droit de Bourgeoise Chrétienne & de manger à la table de J. C. de les faire failïr & jetter dehors par les épaules. Eft-il jufie que J. C. & les Chrétiens foufrent que des Athées, des libertins & des profanes faflênt grand chère à leurs dépens, &au milieu d'eux pendant qu'ils fe moquent mfolemment de toute leur Religion & de fon autheur ? S'ils ne font pas Chrétiens & s'ils ne veu- lent pas l'être , n'eft- il pas j ufte qu ils ail- lent chercher fortune ailleurs, & fe re- tirent pnrmy leurs femblables ?

Il en faudroit faire autant à ces impo* fleurs de Kouakres & à tant d'autres qui confpirentenfemblede faper les fonde- mens du Chriftianifme3 & de perdre TEglife de J. C . fi l'on reprimoit ces four- bes là & tous ces autres Doâeurs & pré- dicateurs qui quoi que très convaincus dans leur aine qu'ils n'enfeignent que des impollures grolTieres, ne lailTent pas néanmoins de les enfeigner, & d'y en- tretenir les peuples crédules, l'onferoit une œuvre de juftice & de charité tout enfemble fort agréable à Dieu, de jufti- ce en reprimant des importeurs qui n'ont

aucu-

P R E F A C E.

aucune pieté ni aucune Religion , qui déshonorent le nom de j. G. & qui le blalphement fans cefTe : de Charité, en fauvant les peuples lèduits , qui revien- droient auffitôt à eux mêmes s'ils n'a- voient plus leurs feduéteurs à leur tête.

Un jour nous en dirons davantage & nous découvrirons le Deïfme ou plutôt l'Atheïfme caché du CommcntateurPhi- lofophique , & de fes partifans , & je leur prouverai d'une manière invincible que leur principe outre vajufqu'à la toléran- ce de l'Atheïfme , & qu'ils ne fçauroient s'en défendre, quoy qu'ils demeurent d'accotd que le Magiftrat eft en droit & même dans l'obligation indifpenfable de rcprimer l'Atheïfme & les Athées. 11 ne m'en faudra gueres davantage pour ruiner leur principe , & pour les pouffer u[que,admetam non loquù En particulier je prouveray cela demonftrativement contre le Commentateur Fhilojbphiquc , & par fes propres écrits. Pour cet effet il faudra que la dernière Comète r eparoiffe à nos yeux, mais il n'en faudra rien crain- dre. Au refte cette Hiftoire du Kouakerif- me peut pafièr pour une véritable apolo- gie de la Religion Chrétienne, en mon- trant la neceffité qu'il y a de l'embraffer telle que Jefus fils unique & Eternel de Dieu 3c de même nature que luy , & vrai

Dieu

PREFACE.

Dieu auûY bien que luy, & un Dieu bénit éternellement, leion i'£fpritde ramifi- cation, & fils de David & de Marie fëlon la Chair, nous l'a enleignée luy même pendant ra vie mortelle icy bas, & pour le foutiende laquelle Religion il a ibufert la mort infâme de la croix; telle que res Apôtres nous l'ont prêchée par fon ordre , telle que les livres de l'Evan- gile nous la reprefèntent, & telle enfin que la tradition confiante & perpétuelle de t'Eglife de J. C. l'a fait palier jurques a nous. Cartoutlemyfterede l'Apofta- fie Kouakerienne coniîfie à infyirer du mépris pour cejefiis fils de Dieu & fils de Marie , Dieu & homme tout enfemble i & le médiateur & rédempteur des hom- mes par le prix de fon fang précieux pour oejefos, dis-je,corporel & luteralA pour toute ra Religion telle que la lettre de l'Evangile nous le propoic; le me- tamorphofer en je ne rçai quel Chrift fpirituel , univerfel , & chimérique , au- quel le vrai Jelus ni res Apôtres n'ont ja- mais pente , Se qui n'eft qu'un renver- rement entier & diabolique du vrai Ghriftianifine.

HISTOI-

HISTOIRE

ABREGEE

DELA Naiflance 6c du Progrcz du

KOUAKER I SME.

AVEC

Celle de fes Dogmes.

CHAPITRE PREMIER.

George Fox Autheur des Kouakres. Cefl Mahomet refufche. Con- formité' du Kouakcrifme avec le Mahometifme.

^J|E Leâeur ne trouvera pas Ml .mauvais, je m'aifeure,

(ê^i avant ^uc ^'entrcr dans

l'examen desDogmes par- ticuliers des Kouakres , je

fais ici en peu de mots THiftoire de A l'Origi-

2, Histoire

f origine de cette maudite à damnabïe Secte, & que je croi être le dernier ef- fort du Démon pour perdre le nom Chrétien. y a environ 48 ans qu'elle a commencé , & c'eft dans l'Angleter- re qu'elle a pris naiffance.

Il n'y a perfonne qui ne fâche que les Anglois généralement parlant ont beaucoup de panchant à la mélancolie, & qu'ai nfï ils font -d'un tempéraments *raire des Enthoufiaftes , des Phanati- ques & des Fous. Auffi n'ont ils ja- mais manqué des uns & des autres. Toute rifle e(l pleine de ces Anaba- tiftesàvifions à à révélations, &qui le donnent une liberté toute entière de reformer la Religion , & l'Etat même. Le Kouakcrifrné n'eft à bien parler qu'une Secle d'Anabatiftes , fort iemblables quant aux vidons, aux révé- lations, &aux inlpirations , aux pre- miers Anabaptiftes de Hollande & de Murîfîef . Et tous ceux qui connoiffënt à fond cette Secte , & qui fçàvent auffi ce que font les Illuminez d'Efpa- grie demeurent d'accord que c'eft une même chofe. ' 9

Si l'Angleterre n'a jamais manqué de vifionaires , elle n'a jamais manqué de fous non plus. Ses plus beaux hôpi- taux ne font que des Morïhih) c'eft à

dire

RU K O U A K E II I S M E . 3

dire des petites maifons , l'on ren- ferme les fous. La plupart même de fes hôpitaux ne font que pour les fous , & ne font remplis que de fous , fans parler de ceux qui font répandus dans; toute flfle , mais que les familles ca- chent & renferment chez elles pour ne pas publier leur honte & leur ignomi- nie. Comme les Anglois font auffi na- turellement fort, gourmands & adon- nez à leur ventre , & fur tout grands mangeurs de Chair, qu'ils dévorent toute fanglante , il n'eft pas ponible que ce fuc groffier & terreftre n'envoyé au Cerveau quantité de vapeurs noi- res, qui jointes à celles de leur char- bon peftilentiel, & qui infectent per- pétuellement l'air , & par confequent les poumons , ne troublent toute l'œ- conomie des Efprits , ce n'en perver- ti {ïent les mouvemens & les opéra- tions. C'eft pourquoi il ne faut pas s'é- tonner fi toute l'Angleterre fourmille de fous & de fanatiques , de gens qui fe noyent, qui fe pendent de fang froid , & qui fe coupent la gorge pour le moindre fujet. On n'entend parler auffi par tout que de Virions, de Pro- phéties , & d'Aftrologics. Si les per- sonnes qui ont du panchant à la folie ont quelque pieté & quelque connoif- A 2 fance

:

4 Histoire lance des chofes de la Religion, leur folie & leur mélancolie dégénèrent en enthoufiafme , & phanatiïme , eu lon- ges, en virions. Dieu, j. C. fon fils bien aimé, fes Anges, fes Apôtres leur aparoillenr, leur parlent, & les avertirent de tout ce qui doit leur arri- ver, &cela avec amant de certitude <^ue Jeretnie prediioit le fac de Jerula* ïerri & la Captivité des Juifs. Nous en connoiflbns de cesfongeurs & de ces viiionaires , qui au relie paroi fient aflèzfages & allez retenus, mais qui des le moment que vous les mettez lur le chapitre du Songe & de la Prophétie, le découvrent aufii-tôt & extravaguent i\ fort que vous ne fçavez (i vous en de- vez rire ou pleurer.

Un de ces nouveaux Illuminez tomme George Fax ou le Renard , di- gne nom de ce fameux impofteur, a -été le père & le Fondateur des Koua- kres ou 1 rembkurs. Cet homme cft encore vivant, 6c a le plaifîr de le voir le Patriarche de cette nouvelle Secte. G'eft un miierabîc fans lettres , lans feience & fans aucune véritable pieté, de la dernière lie du peuple, fans éducation, ni indruètion, & que la fiupidité&la bafièflë de fon Elprit fit reléguer aux champs parmi les pour- ceaux ,

DU-KOUAKERIS M f

ceaux, pour en être le porcher. Eu .effet il les garda fort ^ long-temps. Mais comme ie régne Tyrrauique de Cromwel étoit un régne d'indepeii- dantifrne,& l'on le croyoit tout per- mis en matière de Religion, le porcher s'ennuya de garder fes pourceaux , & voulut devenir Prophète, à l'iniita- tion d'un Amos qui de bouvier devint Prophète. 11 quitta donc porcherie, & fc mit à courir les Champs, arrê- tant les palTans , & ceux qui le vou- loicnt bien écouter , & leur difant que Dieu Tav oit envoyé pour exhorter le monde à la pénitence , au recueille- ment & a renoncer à eux-mêmes pour écouter la voix & la lumière intérieu- re de Dieu qui les enfeignoit. 11 n'y a point encore la de mal; auffi le fou- froit-on prêcher patiemment.

Pendant qu'il court ainli l'Angle- terre, irrencontre une vefve de Juge de Paix allez bien faite & fort riche , qui le voyant gros & gras & robafte de perfonne, fc perfuada qu'il valoir bien la peine d'être acheté. Elle en de- vint amoureufe; Et nôixe fin Renard fçût fi bien l'engager tout ruftaut qu'il fût qu'il l'obligea à Tépoufer. Il ne manqua pas de faire à croire à cette femme qu'il étoit inipiré de Dieu, & A 3 ^ ll

S Histoire qu'illedeftinoità une œuvre extraor- dinaire. Il ne lui parloir que dcJLw- toUrtt ôc d'Efprh, & contrefaiibit fi bien l'homme infpiré& agité de Dieu par fesfoûpirs, par fes trembîemens de Corps , ( & c'eft de la qu'on leur donné le nom de Quaker , e'eft à dire Uremblmr, ) oc par Tes oraifbns eja- culatoires, qu'à la fin elle donna dans le panneau, & lui abandonna tous fes biens pour en faire comme il jugeroit à propos. Etluis'enfervit à faire des Difcipks. Ainfî il attira fous prétexte de Charité quantité de païfens & de mi- ferables,que laneceifîté auroit fait Ma- iwmtam auffi-bien que Trcmblcurs.

Il me femble que voilà quafi l'Hi- ftoirc de Mahomet. C'efi: un mile- table efclave qui garde les troupeaux aux champs, qui a la paffion de deve- nir Prophète. Le deftin lui fait trou- ver une riche maîtreflè qui l'époufe après la mort de fon mari. Il lui fait acroire que le mal caduc dont il eft tourmenté eft un effet de l'agitation du St. Efprit, qui lui parle intérieure- ment. Ilfefertdesbiensde femme pour faire des Sénateurs, & pouffe ainfi fa fortune. 11 y a beaucoup de gens parmi les Trembleurs , qui Croycnt laoréexijlcncc t la tranjhiyrra-

DU KOUAKERISMF. 7

tipn des- amzs. S'ils veulent réfléchir tant foit peu fur f hiftoire de leur F ox , ils n'auront pas grand peine à croire que famé du Prophète Arabe a voulu reparoître au monde dans le Corps & dans la perlonne de nôtre Renard.

Mais parce que la fituation des affai- res du monde* & fur tout l'Etat de l'Angleterre ne permettoit pas qu'il fe fervît des armes & de la guerre comme autrefois parmi les Arabes, il a jugé qu'ilétoità proposée changer de bat- terie, &defefervirde la peau de Re- nard en attendant qu'on puiife avoir celle de Lyon. D'ailleurs le fuccez tragique des Ènthoufiaftes de Mun- (ter & du refte de l'Allemagne font rendu fage. Sans cela nous verrions au- tant de Pvois Anabaptiftes & fanatiques que de Villes il . y aaroit des Koua- kres, & qui s'y pouroient canton- ner. Pcn le feroit Roy de Londres, auffi-bien que de fa Philadelphie , Bar- clay fe feroit Roy d'Edimbourg , & Furlhy deRotterdam.Certainernentje ne voirien de fi conforme à Mahomet que Fox, ni de Religion auffi-plus aprochante du Mahometifme que la fiea-ne. Il eft confiant qu'ils tiennent les Mufalmans pour meilleurs Chré- tiens que tous ceux qui portent le A 4 nom

8 Histoire

nom de Chrétien. Et ils n'en exclu- roieat aucun de leur Secte , pourveu qu'il en adoptât les marques extérieu- res , & iï€ parlât que d'Elpn't & de Lu- mière. Au cdntraiaë ils feroient les très-bien venus, & leurs plus chers amis. Car ils ne difènt jamais que tu & toy , même à leur Prince , & ils ne decoëfent jamais pour (àluërqui que ce fok. lis ne veulent pas non plus Batifer ni faire la Cene. Er n'eft-ce pas le Kouakerilme tout pur? Vous me diiez quej'ay tort de dire que Fox éîëk un fin Renard , puifque je l'ai re- preiënté comme un grolîier & un ftu- pide. Mais ne fçait on pas que les plus grolîier s réiUMent quelque fois mieux dans leurs deflèins que les plus fub- tiîs ? Ce qui arrive parce qu'on les mé- prife d'abord , & qu'on les laille faire dans la penfée qu'ils ne feront rien qui vaille.

Outre cela le Démon fe fert de ces organes pour mieux jouer fon jeu , & les trouvant propres il ne manque pas de leur inlbirer tous les moyens qui peuvent avancer fes deflèins. QuM'qii s ces malheureux n* fuient que des enfàw de Ténèbres , ils font plus païens néan- moins dans ce quils entre Vrenmw; que les en/ans de Lumière.

Enfin

D U KOUAKE R I S M E. 9

Enfin qui ne fçait que les dcflcins les plus groffiers reufiffcnt quelquefois mieux que les mieux concertez & les; piusfpecieux? Eil-ii rien par exemple de plus groffier que la Prophétie de Mahomet i Voyez cependant comme les circon (lances des tems, des lieux, 6c des perfonnes lui ont été favorables , &quei iliccez il a eu ? Eft il rien de û iniènfé que les dogmes de l'ubiquité du Corps de J. C & de la preience réelle de ce Corps dans un mor- ceau de pain ? voyez néanmoins com- bien de peuples, & de Gens doctes même donnent la dedans ?

CHAPITRE II.

Quelles autres caiifes ont contribue rétMijfementdu Koualzerifme.

OUtre les divifions de l'Angleter- re fous laTvrannic de Cromwel & la liberté de Prophetifcr,& de fonger & d'avoir des vifions, qu'il donnent a un peuple enclin naturellement a ces chofes, afinderamufer, & dominer cependant avec affeurance, je trouve cinq chofes qui ont extrêmement cou; A" S tr*ue

îo Histoire

tri bue à Fétabîilîèmeàt de cette Secte.

La première a été la grande apparen- ce de pieté que Fox & Tes Sectateurs montroient au commencement , cela fkifeït croire que Dieu les infpiroit effectivement, comme fi les Anges - & ies Apôtres- de Satban ne fçavozent pas fe tr an for mer en Apôtres de Chrifi & en An- ges de Lumière,

La féconde a été le chagrin & la îaffitude qu'on avoit des diiputes de Religion entre les Epifcopaux & ies Presbytériens , & tant d'autres Sectai- res dont fourmille l'Angleterre , les Kouakres retranchant tout cela tout d'un coup^ & ne s'attachait , di- îbiënt ils , qu'au pur efprk du Chiftra- nifme. Ce qui n'a pas empêché qu'ils ne foient venus à difputer tout comme les autres dans la fuite du temps.

La troifîéme a été cette liberté charmante accordée à chaque parti- culier de fe dire Prophète , & illuminé & infpiré immédiatement de Dieu , & fur cela de débiter les virions & les chi- mères de fon cerveau. Rien ne pou- voit flatter davantage l'Efprit Anglois , -& l'engager dans le Kouakerifme.

La quatrième a été l'orgueil qui eft encore la palîîon dominante de la Na- tion, qui croit être née du fang des

Dieux

BU KOUÂK ER I SME. Il

Dieux au prix du relie des mortels, pour qui quels qu'ils foient ils n'ont que du mépris & de l'averfion. Ce qu'ils ne font que trop paroître par la manière barbare & brutale, avec la- quelle ils reçoivent les étrangers chez eux , qu'ils ne traitent pas comme amis , mais comme ennemis , fans hônêteté, ni civilité , ni douceur , & à qui même ils font payer tribut , tant en entrant qu'en fortant. Or quel orgueil plus grand que de n'ôter pas fon cha- peau devant qui que ce foi t, non pas même;devant leRoy?Quei orgueil que de le tïaiter de tu èr toy , de pair à pair ? Quel orgueil que de fe vanter d'être immédiatement envoyez de Dieu pour les reprendre de leur mauvaile conduite , & de leur parler d'un ton auffi fier & auffi hardi que c'étoit Jefus-Chrit qui leur parloit ?

La cinquième a été l'adrefiè d'avoir Fçû engager particulièrement les fem- mes dans la Seâe , en leur donnant la liberté de prêcher publiquement, & de fe dire Prophetcfiès. L'on fait affe£ la demangeaifon qu'elles ont naturel- lement déparier. Rien donc ne pou- voit mieux les engager que cette liber- té que Fox leur donnoit. AulTi ne manquent elles pas de s'en prévaloir > A 6 conr

Histoire

comme il faut. Car pour un Prophète &pour un Prédicateur du genre maf- culin , il y en a cent du féminin , tant il eft vrai que c'eft Dieu &fon Efprit qui les agitent. Car apparemment il doit préférer un fexe à l'autre. Parla les femmes deviennent maltreffes de leurs maris , & en fecoiient le joug impunément , mais qu'elles prennent garde que l'cfprit marital ne fe réveil- le , & n'oppofe vifion à vifion , & pro- phétie à prophétie. Gar alors le fort l'emportera fur le foibic, & il y aura grand danger que le fexe ne foit obligé de rentrer dans fon devoir & dans fon état naturel.

CHAPITRE III.

T Es femmes Kouakeriennes ont fçû fi bien fe prévaloir du droit d'in- fpiratîon qu'elles ont érigé des Con- grégations , il n'y a qu'elles qui parlent & qui prophetifent. Je m'ima- gine que ;ç'cff quelque chofe de beau

avoir

DU KOU AKERiS ME. 13

avoir que ces femmes ainfi allemblées, nous l'avons veu & nous le voyons tous les jours , non dans leurs parti- culières Congrégations , mais dans les ordinaires , on leur donne toute liberté ; c'eft à qui fe lèvera la première pour s'emparer du bureau %l pour pro- phetifer. Et quand quelqu'une le tient c'ell aOeurement pour long-temps.

Les hommes ont voulu diliiper ces Congrégations feparées, mais leur a oppoie f Efprit qui les avroit établies , & il n'y a point eu de réplique à cela. Ils y ont voulu entrer, alléguant que puis qu'ils permettoient bien aux fem- mes de venir dans les leurs & d'y par- ler , on dévoie auffi permettre aux hommes de venir dans celles des fem- mes & d'y parler. Mais point de nou- velle. Le St.Efprit a fuggeré le con- traire.

Les maris pouvaient infifter , & dire auffi que le St. Efprit leur diftoitd'y aller & d'y parier. Mais il ne faut pas fitôt faire combattre le St. Efprit con- tre le St. Efprit, ni donner aux Anti- Kouakers le plaifir de voir la divifion dans cette nouvelle Babel. Il faut donc prendre patience & foufrir quelque temps l'empire des femmes , & leur iurifdiâion bâtarde.

A 7 Ce

14 Histoire

Ce qu'il y a de plus divcrtiilànt, c'eft que tous leurs mariages doivent palier par leurs mains, fans cela il ne s'en fait aucun, ii faut que celui qui recher- che une tille ie preiente devant ce nou- veau Sénat avec lamaitrefie, ocpafiè par 1 examen avant qu'on conclue fon mariage. Si par hasard ou par malheur il n'agrée pas à quelqu'une des Prophe- teflès , le St. Eiprit renvoyé le pauvre galant chez lui fans maitreUe , &ibu- vent même fans efperance d'en retrou- ver une autre après un refus fi public & fï? honteux. En recompenfe fi la fille n'agrée pas aux hommes, devant qui il raut auffi fe prefcnter , ils la ren- voyent chez elle fins galant. Et elle doit s'afïèurer que ce premier refus re- butera tous ceux qui auroient pu avoir defTein de la rechercher. Etc'eftainfi que l'Efprit des Prophètes eitfoûmis aux Prophètes.

Les femmes interrogent le galant pourquoi il recherche fa maîtreflë en mariage. Et s'il eft affcz fimpîepour répondre que c'elî parce qu'il la trou- ve belle ou jolie , & à fon gré , ou parce qu'elle a du bien , on lui déclare auffitôt que ces motifs de la chair & du fang ne vallent rien , & qu'il doit at- tendre que Dieu lui en inlpire de meil- leurs.

DU KOUAKERISME. 1$

leurs. Les hommes demandent la mê- me chofe aux filles-, & II elles répon- dent qu'elle aiment un tel & un tel par- ce qu'il a du bien, qu'il eft bien fait, & propre aux devoirs du mariage , on leur reprefente que des Kouakres, c'eft à dire des hommes tout fpiritueis ne font pas lùfceptibles de ces fortes de parlions balles & animales , qu'ainfi elles doivent prier Dieu que fon Efprit vienne les purifier, &leur infpirer de meilleurs motifs que ceux qu'elles ont découvert.

CHAPITRE IV. Divifîon parmi les Kouakres.

I'Ai appris que la divifîon s'eft mife parmi eux il y a quelque années , & qu'il y en a qui foûtiennent que c'eft une folie d'attendre à tout moment que le St. Efprit vienne vous dire à l'oreille , faites ceci ou cela, priez, prêchez, exhortez, &c. & qu'il fuffi.c d'avoir une véritable affeurançe que vous êtes régénérez , & que Dieu vous a appelle à faire les fondons du mi- niftere. Et ils ont raifon, mais c'eft

16 Histoire auffi ruiner le fondement unique du Kouakerifrnc, & eu difiiper peu à peu les illufions. il y en a même qui ioû- tiennent qu'il n7eit nullement necef- faire d'avoir une révélation ou infpi- ration linguliere pour tout cela, & qu'il fuffit que Dieu vous ait donné les dons & les talens neceflàires pour vous en bien acquitter, pourveuque vous y joigniez une véritable pieté. Et cela eit encore vrai, mais c'ell tout à fait faper les principes de la Secte, & la ramener au droit chemin. Le Nord de l'Angleterre eft tout plein de ces Kouakresîà, & ceux de Londres les regardent comme des excommuniez.

Je ne doute point que Dieu ne dé- truite amfi la Seâe par elle-même > & qu'il ne fufeité des gens parmi eux qui en recpnnoifïànt I'impoflure n'en adouciflènt les Dogmes , & ne les faf- fent revenir à ceux des autres Chré- tiens. Car enfin toute fiante que le Père Celefte n*a point plantée fera arrachée jufcjrfà la racine.

J'ai fouvent pehfé en moi-même ce qui pouvoit porter les Kouakres à dé- fendre û opiniâtrement leurs révéla- tions immédiates, & quel étoitlebut ils vouloient venir : &je ne fçavois qu'en dire. Cependant je ne pouvais

croire

DU KOUAKERISME. 17

croire qu'ils voulurent fe tenir fi fer- mes fur ce point fans avoir quelque veuë fecrete, & quelque deflèin pro- fond & caché. Car enfin je veux qu'ils ayent des révélations immédiates , & tant qu'il leur plairai cela n'aboutit à rien. Car ces révélations ne font que pour ceux à qui elles font faites, à moins qu'on ne les confirme extérieu- rement par des miracles. Sans cela je ne fuis nullement obligé de croire qu'ils en ont. je ne voyois donc pas le rinde leur prétention.

Mais quand j'ai comparé leur opi- niâtreté fur ce point avec celle des Catholiques Romains qui infiftent fi: fort fur la ncceffité des traditions non écrites, afin de faire paffer à la faveur de ces Traditions un Purgatoire, une TraniTubftantiation , une infallibihté Papale , & le refte , j'ai découvert que les Kouakrcs vouloient bien pofe'r d a- bord la neceffité & le principe de leurs révélations immédiates , afin que lors qu'on en feroit une fois demeuré d'ac- cord, on les laiiTât faire tout ce qu'ils voudroient en matière de Religion, établir tels Dogmes qu'il leur plairoit , & rejetter tous ceux qui leur deplai- roient , à la faveur de leurs prétendues révélations. Voilà ils en vouloient

venir ;

1 8 Histoire venir; & ils en font venus en effet. Et ils feroient allé bien plus loin fi Je péril eminent & évident que caufoit cette hypothefe, & fes fuites funeftes oc mortelles à la Religion de Jefus- Chrift telle qu'il l'a inftituée, n'avoient arrêté lesprogrez de ces fanatiques , & fait ouvrir les yeux à tout ce qu'il y a de gens de bien parmi eux , & dans qui Jefus-Chrift conferve quelque relie & quelque étincelle de fa foy & de fa cha- rité. Les fuites de leur principe al- loient fi loin qu'elles leur en ont don- né de l'horreur, & ont fait trembler les Trembleurs mêmes , ceux du moins qui n'ont pas encore mangé la Pâque , c'eft à dire renié tout-à-fait Jefus-Chrift la Pâque des Chrétiens-

CHAPITRE V.

Ce que c'eft que manger la Pâque fé- lon les Kouakres avant s,

A Fin de fçavoirceque c'eft que de ^ manger la Pâque Chr&ienne fé- lon les Kouakres, il faut fe fouvenir que leur Seâc eft proprement une branche d'Anabatiftes , mais d'Ana-

batiftes

DU KOUAKERISME.

batiftcs rafinez & fpirituels qui rnépri- fant la lettre 6c fécorce de la Religion & de l'Ecriture , c'eft à dire en bon François fe moquant de THiftoire lit- térale & réelle de Jefus - Chrift , de fa Vie , de fa Mort , de fa Refur- reâion , & de fon Âfïcenfion au Ciel , ne s'attachent qu'à la moiielle & à l'Ef- prit qui donne la vie , c'eft à dire qui tournent toute l'Hiftoire de Jefus- Chrift en pure allégorie : &enunfens miftique , dont tout le fin coniifte à vi- vre en Trembleurs , & à fe croire les •feuls élus & les leuls parfaits-

Un certain Henri de Nicolas d'Amfterdam eft celui qui a le plus travaillé à fpiritualifer ainiî toute la Religion Chrétienne, dans le deflein de l'abolir fous main , & fous le pré- texte du St. Amour , dont il fe van- toit d'être le reftaurateur par l'étabîif- fement de la Société , qu'il apella la famille du St. Amour r & perfonne n'étoit admis qu'il ne renonçât à la lettre & à fécorce de l'Ecriture, la Chair de Jcfus-Chrift : c'eft à dire en bon François qui ne reniât Jefus- Chrift afin d'ail egorifer.

Quand Fox parut & fe mit à prêcher la lumière intérieure, il y eut planeurs de ces familiftes qui fe joignirent à lui ,

ce

20 Histoire

& comme c'étoient des fourbes rufez lis lui firent croire que leur Efprit & le iienfympatifoicnt, & n'étoient qu'un même Efprit. Ce furent eux qui lui aprircnt à batifcr du nom de Chrift cette lumière intcykure à la voix de la- quelle il rapelloit tous les hommes , & quîn'cft autre chofe que nôtre propre raifon, nôtre ame, ou nôtre elprit, en tant qu'éclairé de certaines notions qui font uni verfelles , dans tous les hommes. C'étoit déjà lui faire faire un grand pas pour détruire tout le fond du Chnfîianifme , & faire de Jefus-Chrift une pure chimère.

Apres ce pas ils en lui en firent faire un autre qui étoit que précisément par- lant la connoifîance de la lettre & de l'Hiftoire de j. G. n'étoit nullement ne- ceiïàire au falut , non feulement eu égard aux peuples qui n'en ont jamais oui parler , mais même à ceux qui flaiflènt & qui vivent parmi les Chré- tiens, parce qu'il fuffit de s'attacher à la moiielie & à l'Efprit de Chrift, & que c'efl FEffrit ficul qui vivifie. Car la lettre tuë9 & la chair ne fie aux oit vivi- fier. Au contraire ce qui cft de la chair cft chair, c'efl à dire mortel & corruptible, & il faut crucifier '& mor- tifier la chair 9 aria que l'Efprit feul ré- gne

DU KOU^KERISME.

gne & agi lie. Et ce fécond pas efc une lùite du premier. Car fi îe vrai Ghrift , le Chrilt vivifiant & ialutaire n'eu: à nôtre égard que cette lumière intérieu- re qïu 'çft au dedans de chacun de nous 5 comme il eft certain & évident que cette efpece de Chrift ne refiemble en quoique ce foit au Chrift littéral & corporel de l'Evangile, & ne nous en aprënd rien naturellement , il s'enfuit de manifestement qu'il ne fe faut pas beaucoup mettre en peine de l'E- vangile ni du Chntfiamfme tel que l'HiftoirédeJ. C nous le reprefente. Et de eft vernie toute V Apoftafie Kouakeriennc , que les habiles & les initiez d'entre eux appellent la man- da cation de la Pâque. Car félon ces hypothefes qu'il faut lailler la lettre & l'écorce de l'Ecriture &de 1 niftoi- re, & fe défaire de la chair , y renon- cer & la crucifier , afin de ne s'atta- cher qu'à l'Elbrit, la véritable célé- bration de la Pâque avec J. C. ou manger J. C. PAngncau [ans tâche confifte à immoler fa chair, à la crucifier à mettre J. C au tombeau , & à ne le plus connoître félon la chair, mais feulement félon l'Efprit, c'efi à dire à fe moquer de la mort vé- ritable de J. C& à y renoncer. Nous

voici

^..Histoire

voici mfenfiblement venus à l'examen des dogmes particuliers à cette Seâe

CHAPITRE VI.

Le Kouakerifme anéantit U fer* fonne de f. C.

T E premier Chef, comme vous - voyez du Kouakerifme attaque la Perfonne même de J. C. qu'ils nient être , ou avoir été un véritable homme compofë de chair & de fang. Et en confequence de cette impieté il y en a eu qui ont impudemment ioûtenu dans des Conférences publiques , & même dans des livres qu'il n'a pu Mourir, ni être Crucifié, niparcon- fequent auhl Rellùfciter des mort s , & que toute l'hiftoirede la Crucifixion, de la Mort, de la Sépulture & de la Rc- fure&ion de J. G n'eft qu'un emblème de ce qui fe doit faire en nous fpirituel- lement. Il n'y a point la de calomnie , car on voit encore de leurs livres An- glois ces impierez paroiflènt. Et ils n'ont jamais dit Anatheme aux familiftes du St. Amour , encore moins les ont ils chaffésde leurs alTemblées.

Au

BU KOUAKERISME. 2J

j Aureftejen'envclopepasle (impie peuple dans cette impiété, ni quanti- té d'autres, mais feulement ceux qui en font les Chefs & les Conducteurs, & qui s'imaginent poffeder le fin du Kouakeriûne. ïlsdifentàla vérité de bouche que J. G. eft Mort, Refiùfci- té, & monté au Ciel, mais ils l'en- tendent comme il leur plaît. Le Chrift qui eft mort , qui a été cloué à la croix , & qui a été enfeveli, c'eft le Chrift charnel , c'eft à dire l'homme de chair & de fang , le péché. Et ce Chrift la eft demeuré cloué à la croix, & dans le tombeau , pour faire place au Chrift fpirituel , ou au Chrift Efprit , & Lu- mière, à l'Homme nouveau, l'A- dam Celefte qui eft l'Efprit vivifiant.Et ce Chrift n'eft autre chofe que nôtre propre régénération , ou nôtre Efprit entant que renouvelle , & renouveî- à la Kouakerienne , en forte qu'il eft monté au Ciel & qu'il règne fur tout l'univers , qui de plain droit apar tient aux Kouakres feuls.

Et ne penfez pas qu'ils expliquent cela allegoriquement, j e veux dire qu'il ne faut pas s'imaginer que les Trem- bleurs expliquent allegoriquement cet- te nailfance deJ.C. dans nos cœurs , la nouvelle formation du fécond Adam

&

24 Histoire & la mort du vieil, point du tout ; ce Chrift qui naît dans nos cœurs & qui s'y forme de nouveau eft un Chrift réel , & fa formation cft une véritable & réelle formation, de forte que ce qui palTe chez les autres Chrétiens pour une véritable allégorie , cft pour eux le fens propre, comme au con- traire ce qui pafie pour fens propre par- mi nous , n'efl pour eux qu'une pure allégorie, ou une action parabolique & emblématique.

C'eft pourquoi vous ne trouverez jamais dans leurs livres qu'ils propo- iênt aux Chrétiens comme des points de Foy neceflàircs au falut, la mort deJefus-Chrift, faRefurreâion , fon Afcenfion au Ciel , & fon retour fur la terre pour juger les Vivans & les Morts. Et quand quelqu'un le dii oit, on n'auroit aucun droit de l'attribuer à fous les autres. Car ils font tous li- bres également, & ils ne feraient plus Kouakres s'ils s'aftreignoient à une certaine profeffion de Foi. Cela eft con- traire à la liberté de l'Efprit, & ce fe- loit retourner four la pédagogie de la Loy , <fcr aux vains & yoibles élcmcns de ce monde. Ce fer oit finir par la Chair après avoir commencé par 'CE-

C'eft

PU KOUAK ERlSME.

C'eir pourquoi encore quelques-uns d'entre eux, & entre autre le- fameux Barclay , dans fon Apologie pour les Trembleurs expliquent la glorifica- tion de J. C comme font les Ubiqui- taires ; qui prétendent que l'Afianlion de J. C. & fon exaltation n'a été autre chofe qu'une difiùfion ou diflipatiom de fa fubftance humaine dans tous les çfpacesduCiel&delaTerre, fi bien que par cette diiïblation fon humanité s'eft comme abîmée dans rinhnenfité de l'effènce Divine du Verbe, & ren- due prefente par tout. Car félon les Ubiquitaires & Barclay fi j. C hom- me demeurant en fon état naturel d'homme tel qu'il étoit quand il mou- rut & quand il refïùfcita, c'eftàdira avec un Corps greffier & borné > avoij: voulu monter au Ciel , il ne fe- roit pas encore à moitié chemin , n'auroit pas encore paifé les étoiles fixes , quelque rapide qu'eût été fon tranfport.

Enfin je pofe en fait , ( & je le fçai de fçience certaine, fans me nom- mer, ni nommer ceux de qui je le fçai) que fi un homme qui ne croiroit point du tout en J. C. un franc Deïïle , s'adreflbit aux Kouakres, & leur de- claroît que Dieu , que la lumière inte- B mw$%

2.6 Histoire ricure, la parole & l'Efprit lui ont ïtvj ipiré de s'unir à eux parce qu'il cft p&m fuadé qu'ils ont l'Efprit deDieU,& que c'eft la l'unique choie neccliaire au falut, le Chnll Littéral , Hiftorique ou Corporel & Charnel, n'étant que l'écorce de cet Efprit Divin ; non une écorce qui le cache & qui le contient, ipais qui ne fait que Amplement le figurer, (ans le communiquer, par-' ce que la chair ne profite de rien , & que PEJprit feu! vivifie , qu'ainfi , il faut la laiffir : je pofe en fait, dis-je, qu'ils recevroient un tel homme à bras ou- verts , & qu'ils lui feroient croire mal- gré qu'il en eût, qu'il croit effective- ment en J. C comme il y faut croire , parce qu'il a l'Efprit de Chrift habitant en lui , & parce que-cet Efprit & J. C. ne font qu'une feule & même choie.

En effet cela eft parfaitement con- forme à leurs principes , & en eft une fuite neceflàire. Car ils ne diftinguent point ce Chrift du Verbe, ni le Vérbe de l'Efprit de Dieu, ni cet Efprit des lumières de la droite raifon. Par con- tinuent quiconque obéît à ces lumiè- res, il obéît au véritable Chrift, & à l'Efprit de Dieu. C'eft la le moyen d'étendre leur Secte au long & au lar- ge, & la groffir de toutes les autres.

C'eft

bu Kouak.eri.sme. 1J. ITeft: Je fecret de devenir un jour les maîtres du monde ; & puis nous ver- rons fi l'Efprit de Munller ne revivra ;>as dans les aigneaux d'aujourd'hui , ^ui ne le font que parce qu'ils ne peu- vent être des Lyons.

CHAPITRE VIL

Les autres Chefs du îCouakerifme^ Les Komkres nient le mjjiere de la Trinité.

T E fécond Chef de V A'poflafie de ces ' malheureux eft de nier le myftere adorable de la tres-Sainte Trinité : qui confifte félon la confeffion de tous les Chrétiens Ortodoxes à croire en un feul Dieu , lePere, en J. C fon Fils éternel, vrayDieu & vray Homme, & au St. Efprit un feul & même Dieu avec le Pere & le Verbe bénit éternel- lement.

Premièrement il eft confiant qu'ils ne veulent point ouïr parler des termes d'eUence & de perfonne ou d'hypcila- fe , ni foufrir qu'on dife qu'il n'y a qu'un feul Dieu en effence ou en fub- ftance , mais diftingué en trois Perfon- B i nés

i8 Histoire ou trois Hypoftafes.Ils apellent ces ter- mes des termes Barbares,& qui ne font point venus de l'Efprit ni de la Lumiè- re intérieure , aufli apclleiit-ils le My- ilere de la Trinité de la manière que nous l'expliquons un JMyJiere de Mcta- fhifique, & d'Ecole ou d'Académie.

Il n'eft rien de fi aifé que de les con- vaincre d'Apoftafîe fur ce fujet : car il ïi'eft rien de li aifé que de les convain- cre d'être de purs Sabelliens , & de nier la diverfiîé qui doit être pofée en- tre le Fere , fon Verbe Etemel , & la perfonne du Saint Efprit.

Selon eux le Verbe Eternel , qui cft la Divinité qui s'eft unie àPHom- me Jciùs , eft h même chofe que le Saint Efprit, & cet Elprit la même chofe que ce Verbe Divin. Et l'un & l'autre ne font qu'un fcul & même Dieu fans diftinâion de perfonnes. En voici la preuve tirée de leur Cate- chifme Anglois, ou Confeiïion de Foy publiée par"Robert Barclay fan 1673. * Comment eft-ce que l'Ecriture exprime la amjmâion P unité du Vils Eternel , dans & avec l'homme J-. C. \ Réponfe. Et celte parole a été faite chair , 4fi elle a habité avec nous pleine de grâce os' de vé- rité. Jeh. c. 1. 14. Car

*Catech. ch. 3. Q^y. pa*. 15-, EJit. Lflt. de Rotterdam l'an 1 676.

DU KOUAKERISME- 29

Car celui me Dieu a envoyé annonce les paroles de Dieu , if Dku ne lui donne f oint f on Ej frit par ?ncfure. Jeh. 3. 34.

Dieu a oint Je fus de Nazaret du St. 'B[pritifdefapmffance. Car Dieu , (& cela eft en Caractères Italiques pour marquer que c'eft la preuve d^ la ques- tion , ) étoit avec lui. Il a plu au F ère que toute plénitude ■habitât en lui. &c. N'eft-il pas vinble que toute l'union de la Divinté avec l'homme Jefus n'a été félon nos Apof- tats qu'en ce que Dieu la rempli de lès donsCeleftes, &de (on Efprit Saint & Eternel. Ce qui eft une incarnation, fort facile à expliquer , & abfolument femblable à lareferve de quelques de- grés à celle qui fe fait dans tous les fi- dèles, qui font félon St. Paul remplis de, la plénitude de Dieu , & félon St. Pierre participant de la nature Divine. C'eft pourquoi il n'y a point de Trern- bîeur qui ne s'égale en quelque forte à J.C.&qui ne fe croye une perfonne Divine ou Déifiée par le moyen de TEfprit habitant en loti Ame , & du nouvel enfantement du Chrift inté- rieur & Ceîëfte dans fon cœur .Cela eft encore pis que tout le Socinianifme. il ne faut donc pas s'étonner 11 toutes - fortes d'Hérétiques Amkrinitaires font B 3 bien

3o Histoire

bien venus parmi les Kouakres, Sa- beîhens, Ariens, Sociniens, & tout ce qu'il vous plaira. La plupart font Sabclliens & Ariens. Il y a en fort peu de Sociniens, à moins qu'on ne les confonde avec les SabelJiens , à qui ils reflembient parfaitement. Le grand Ponfite des Kouakres & leur Chef quant au Spirituel & quant au Tempo- rel , iy Hypocrite Fcn cil pur Sabellien ; & il fut mis à la Tour fous le Règne de Charles II. pour avoir fait un livre contre la Trinité, lequel il fut obligé deretra&er pour lortir de priibn. Or Sabellius & les véritables Sabelliens nioient formellement la Trinité des Perfonnes Divines, au fens que i'E- glife a toujours entendu le mot de Per- lbnne. Et St. Athanale nous apprend qu'ils ne vouloient point de véritable •génération en Dieu , à caufe de la iim- plicitéà de l'indivifibilité de fa iub- fiance : C'eft pourquoi ils avoient tou- jours cette fentence à la bouche Ver- Jam fempcr in Pâtre exifteus opération efl in Jcfu : & foûcenoient que Jefus fik de Marie n'étoit qu'un pur' homme quantàlbnciTeiice.

C H A-

DU KOUAKERISME. 31

G H A P i T R E VII L

Les Tremb leurs anéantirent le My- fi ère de la Croix du F ils de Dieu.

NQus avons veu cy-deffiis com- ment ils tournent toute l'Hiiloi- ra de la Mort & de la Relurrection de J. G. en pure allégorie, d'oùileit ai- de conclure qu'ils ne croyent pas que nous foyons obligez à y croire comme à des chofes necefïàire à nôtre falut. Cette Hereiie eft aufii une fuite neceifaire de leur Chrifl intérieur , ou de la lumière intérieure qu'ils apellent ainfi , & à qui il fuffit félon eux de fai- re attention , afin de palier pour de vrais Fidèles, & d'obtenir le falut.

Ilsdifent bien tous à la vérité que nous fommes juftifiez ou reçus en grâce par le moyen de laFoy. Mais ils fe donnent bien de garde de dire que cette Foy fc doit tourner vers J. G. mort pour nos péchez, & Reflufcité pour nôtre juftification, comme vers fon objet naturel & principal , m de dire avec St. Paul./z tu crois en ton Cœur, & fi tu cmfeffcr de ta huche queJ.C, cft Mort & qu'il eft nrjfujfité des Morts tu feras Sauvé. Ils ne difentja- g 4 mais

32». Histoire mais non plus que la foy qui nous juflfJ fie eil Foy au San? de J. C. comme parle le même Apotre. Ceft pour la même raifonauffi qu'ils ont aboli, & îc Batême, & t'Euchariftie, dont les Cérémonies n'ont été infatuées auc par raport à la Mort & a la Reluredion . de j. C & afin que les pratiquant nous fifîions une profeffion ouverte de Tune & de l'autre, &quec'eft en vertu de l'une & de l'autre que nous femmes fèuvez & juftifiez, Ïgywc% v6us, dit 5t. Paul, que nous tous qui avons été tyff$% en J. C. avons tous été Ba* tife^ m fa mort. Nous avons été enjévclis avec lui en fa mort par le Batême. Voi- là dans quel deflein le Batême a été inftitué. Et pour ce qui eft de l'Eucha* riftie, toute la cérémonie parle d'elle- même , qu'elle n'a été ordonnée que pour figurer la mort du Fils de Dieu,&- pour l'annoncer dans tous les fîecles de l'Eglife, faites ceci, dit J. C, en Mémoire de moy; c'eft à dire félon fon Apôtre, toutes les fois (jue vous man- gerez de ce Pain & que vous boire* du Calice du Seigneur , vous annoncerez famort jufqu'à ce quil revienne. Mais nous parlerons de'ccla plus au long après avoir raporté les autres Chefs de rApoftafie Kouakerieane.

C H A-

D U K O V A K E R I S M E. 33

C H A P I T RE IX. JDe rEnthoufiafme des KoHakres.

UN des grands Chefs de l'Apo- flafie cie ces miferables, eft de croire qu'ils font inipirez tout de mê- me que Jems-Chrift & que les Apô- tres i'étoient , & que leurs révélations, & leurs infpirations prétendues font auffi Divines & auffi infaîlibles que celles du Fils de Dieu & de fesDilci- pîes. Ils tiennent celte abominable Poètrine des Anciens Anabatiftes & des Skhuenfeldiens. C'eft pourquoi ils ont un fi grand mépris pour les fam- tes Ecritures. Car de quoi peuvent el- les fervir à des gens qui font auffi Divi- nement infpirex que ceux qui en font les autheurs , & qui nous les ont iaïf- fées? Et n'eit-cc pas la ruiner &&per tout d'un coup les fondemens du Chriftianifme ? Il eft vrai qu'ils dilent, & qu'ils croy eut , ou font femblant îde croire que il leurs infpirations ne font pas conformes à la droite ration, ni a la révélation de l'Evangile, elles font f aufîes & à rejetter. Mais cela n'empê- che nullement qu'elles ne ruinent ab- lblument la pieté Chrétienne. Car par B s exeirr

34 Histoire

exemple fi l'Efprit vient à ihipirer à un Kouakrc d'immoler à Dieu femme qui l'aura peut être déshonore , ou qu îlfoupçonnera d'infidélité, il dira que Ton infpiration n'eft point contrai- re à la droite raifon ni à l'Evangile. Car ni la droite raifon ni l'Evangile ne s'oppofent point au droit que Dieu a fur la vie des Hommes. -Et Abraham auroit immole fans crime fon fils Ifac fi Dieu ne l'en eût lui-même em- pêche. Et Jephté n'eft point blâmé pour avoir immolé fa tille. Si l'Efprit iuggereàun autre d'offrir fon fils eu Holocaufte , ilfejuftifiera de même. Et fi on lui remontroit que Dieu dé- clare expreffement qu'il a en abomina- tion ces fortes de facririces, il répon- dra que Dieu ne les detefte que lors qu'ils font offerts fans fon ordre , & à d'autres qu'à lui, comme à Baal ou à Molok : ou s'ils étoient trop frequens, pareequeeeladetruiroit le genre hu- main. Et il eft inconteftabie que fi Dieu avoit effeâivement commandé ces chofes il les faudroit faire , & elles ne choqueroient ni la droite raifon ni ï'Evângiîç non plus que le Sacrifice d'Abraham & celui de Jephté.

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DU KoUAK'ERlS ME. $$

CHAPITRE X.

Combien efi dangereux ce Principe des Koîtakres de -ne rien faire en matière de Religion que par in- fyiration.

N3n feulement les Kouakres ren- verfentdefond en comble toute l'authorité des Saintes Ecritures ou de la révélation Divine par l'égalité , pour ne pas dire la préférence qu'ils don- nent à leurs propres Révélations ou à leurs infpiration prétendues , mais^ ils vont encore bien plus loin en foute- nant qu'il ne faut rien faire en matière de Religion, pas même prier Dieu* ni exhorter ion prochain fans fentir que Dieu vous y poulie par une infpi- ration particulière & déterminée. C'eft la détruire tous les principes de la Ipieté Chrétienne, ou plûtôt c eft détruire tous les principes de la pieté en gênerai , de celle même que la Re- ligion naturelle dicte à tous les hom- mes raifonnables. Car fur ce pié un Athée & un Profane caché ne priera ja- mais Dieu , & ne l'adorera jamais ; s'excuièiaiurcequil ne fent pas que

3^ Histoire Dieu ou le St. -Efprit l'y pouffe.

II en fera de même de tous les au- très Kouakres , qui quoique fort con- vaincus qu'il y a un Dieu & qu'il le faut adorer & invoquer, peu à peu néanmoins tomberont dans l'impiété & dans le libertinage. Par ce que s'ils n'adorent jamais Dieu que lors qu'ils s'y fendront pouffez par une infpi ra- tion finguliere , ils s'expofent manife- stement au danger de tomber dans l'ir- reHgion , Dieu les abandonnant à eux- mêmes, puifque ils ne veulent pas même fe donner la peine de le cher- cher. Au contraire c'eft par ce que nous fentons que fon Efprit Divin nous manque qu'il faut prier & le de- mander fans celle à Dieu , félon le précepte de J.C. qui nous affeure que fon Pere Celelîe ne manque pas de le donner à ceux qui le demandem.Matt. 7. Demande^, dit -il, & il vous fera donné. Cherche* & vous trouvère Trap'^àr r on vous ouvrira. Car quicon- que demande reçoit , & quiconqtie cher- che trouve. Et fon ouvre à quiconque fr a- ftf Et plus bas,/ï donc vous qui êtes mau- vais fçaveq donner de bonnes chofes à vos enfans, combien plus votre Pere Celefte 4km donncra-t'il les biens que vous lui demande^ ; ou comme il y a dans Sait*

Luc,

DU KOUAKERISM E. 37 Luc , combien plus donner a-t-il le $t. Efprît à ceux qui le lui demandent. Si quelqu'un a befoin de Sapience qu'il la demande a Dieu qui donne libéralement fans reprocher à1 elle lui fera don- née. ■/ ...

C'eft une pernicieufe maxime que celle de n'adorer jamais Dieu, ni le prier , ni le remercier quelque oc- casion & quelques fujetsqueia Pro- vidence? nous en prefente , fi l'on ne s'y fent pouffé & déterminé par un mouvement fenfible de i'Efprit de Dieu. Parce que c'eft un principe, d'illufion , les mouvemens de I'Efprit de Dieu n'étant pas toujours feniibles, & le Démon ayant très fouvent ( par la permimon de Dieu ) le pouvoir d'a- gir fur nos fens & fur nôtre imagina- tion, c'eft à dire fur tout ce qu'il y a de fenfible en nous. C'eft pourquoi les plus grands maîtres en la pieté nous avertnTent fans celle de méprifer la dé- votion fenfible, comme étant ordi- nairement un fentiment naturel,& une opération d'imagination plutôt qu'une opération de I'Efprit de Dieu. -Ainfi le plus feureft de faire fon devoir, & de fuivre la Providence dans les fujets & dans les oecafions qu'elle nous of- fre à tout moment d'adorer Dieu , de B 7

?S Histoire lebemr, de le prier, de le remercier, iàns attendre des mouvemens & des infpirations fenfibïes de l'Efprit de Dieu pour s'acquitter de ces devoirs. C'eft la le chemin Royal , & Ton nefçauroit s'égarer. C'eft le chemin que Dieu lui-même nous a marqué en nous ordonnant de l'invoquer dans nos affrétions , afin qu'il nous en tire , & qu'en fuite , nous le glorifions. Quelqu'un, dit un de fes Apôtres, eJHl dam la triflejfe quil prie. Quel- qu'un eft-il dans la jeyc qu'il chmî^des Cantique:.

Mais l'Evangile des Kouakres dit tout au contraire, foyez ou dans la trifteflè ou dans la joye , tout cela eft égal, & vous pécherez mortellement fi l'une ou l'autre vous font prier Dieu ou le remercier. NMajoye ni la îriftene, ni les châtimens ni les bien- faits de Dieu ne doivent jamais vous porteravousadrefferàlui, fi vous ne vous y fentez pouffez par un mouve- ment & par une infpiration toute fin- guliere. Aufii c'eft la plus déplorable &la plus deteftable chofe du monde que de voir comment ces miferables paffent leur vie. Ils fe lèvent & fe cou- chent, ils fe mettent à table & en for- tent comme des bêtes brutes, fans ci- vilité ,

DU KOU AKERISME. Jg)

vilité, fans aucune marque de Reli- gion \ femblabîes à ces pourceux qui ne lèvent jamais les yeux pour regar- der d'où le gland leur tombe à terre. Tous ne font pas fi laies , ni li bru- taux, mais pas un d'eux ne condamne ces vilaines & fçandaleufes manières d'agir.

N'eft ce pas un beau fpcfctacle a voir qu'unKouakrequifemetà table fans prier Dieu,qu'il beniffe & qu'il famine les alimens qu'il va prendre : Et qui même a l'impudance de fe tenir cou- vert & affis lors que tout le monde eit de bout & tête nue & priant Dieu ? mais c'eft que l'Efpritne lui diète pas de prier avec les autres. Et pourquoi donc ces infâmes Hypocrites ne fçau- roient ils fouffrir que les autres ne fe mettent pas en pofture de Supliants quand ils prient eux-mêmes ?" Pour- quoi quand ils font enfemble , & que l'un d'eux vient à prier, tous les au- tres le fuivent-ils, & prient-ils avec lui? Eli il dit & écrit dans le livre des deftinsoudes Infpirations qu'auffitôt qu'un Kouakre en aura une quand il fera.avecdesKouakres, la même m- fpiration qu'il aura fera donnée a tous les autres ? Que d'orgeuil , que de pré- emption l ^

40 Histoire CHAPITRE XL

Si le tremblement de corps ejl une bonne "preuve du mouvement inté- rieur de VEffrit de Dieu.

fp Es fourbes polir mieux impofer au monde, & engager les fimple* dans leur Cabale attectoient fort au commencement de trembler de tout leur Corps , de ne parler qu'avec une voix trcmblante,de ibûpirer à tout moment, dejetter des cris & des hé- las, de pleurer même. Enfin ils con- trefaifoient fi bien les infpircz que les fimpJes & les crédules y étoient trom- pez. Et cette adreffe n'a pas peu con- tribué à grofiir & à multiplier leur Sec- te. Mais tous ceux qui cppnqiflent le génie de la vraye pieté , & qui ont quelque expérience dans les voyes de Dieu n'elliment pas fort tous ces mou- vemens extérieurs qui fentent l'enfant & la femme, &qui font très fouvent un pur effet du tempérament & de 1% imagination plutôt que de la grâce Di- viue.Outre cela peribnne n'ignore qm ces fortes d'aétions & de mouvements extérieurs font naturellement conta- gieux/

DU KoUAKERlSME. 4.1

gieux , & fe répandent en un moment iùr tous les fpecïateurs. Un pleureur fait pleurer, tout de même qu'un rieur fait rire , un bailleur fait bailler. Ain il il ne faut fouvent qu'une pleureufc ce une tremblcufe parmi cinq cens Koua- kres pour les faire tous pleurer & trem bler/

Enfin le Diable fe mêle à tout cela , &c il oPcre avec efficace dan; tous cet enfans de révolte & de rébellion. Car par le moyen de ces mouvemens exté- rieurs & de ces tremblemens de corps il les fçait fi bien enchanter , & leur fçait fi bien perluader qu'ils font effec- tivement touchez de TEfprit Divin qu'ils n'en doutent nullement ; Et qu'il n'y a rien qu'ils ne fiffent dans ces momenslàli Dieu permettoit que le malin Efprit le leur infpirât. Il faut fe défier de tout ce que la nature toute feule peut produire, de tout ce que le démon peut imiter, de ce qu'un ef- fort d' Efprit ou d'imagination eft ca- pable d'exciter, de tout enfin ce qu'une hypocrifie profonde peut contrefaire.

Les Kouakres commencent à ne plus tant trembler, mais comme le tremblement eft ce qui a donné origi- ne en quelque forte à leur Seôe ,& que c'efl de la qu'on les a nommez Kpua-

f H i s x o i r >: kçrs, ceftadireTro»*W ilferoit malnome d'y renoncer tout à fait & de rentrer dans un état plus fimple & Plus naturel, ou dans l'état de con- formité avec tous les autres. Afin donc " de ne démentir pas le nom & le carac- tère propre de leur Secte ils affectent de tems en tems des mouvemens de Corps extraordinaires, des tranfportl &deshelans d'Enthoufiaftes. Mais auffi depeur qu'on ne fc moque trop peuvent mCnaSent le mieux qu'ils Ce que je trouve de plus plaifant danscesFanatique,c'eftqu'ilscroyent tout de bon ou du moins ils nous veu- lent perfuader qu'ils le croyent tout de bon, que le St.Efprit donne le tremble- Khwi r C0^l?0Xil une marque infal- liblede fon aâion&defon opération intérieure, & que les Prophètes onï clairement & expreffement prédit la venue des Trembleurs. On ne m'en croirait pas lije ne le faifois voir.

C H A-

DU KOUAKERISME. 43

CHAPITRE XI L

De quel tremblement les Saintes Ecritures nous parlent.

VOici ce que leur confeffion de Foi nous aprend fur ce fujet. Demande. Dieu exige donc que les hmmes [oient Trembleurs , qu'ils trem- blent à [a farole l. Et y a-t-il eu des Trem- bleurs autrefois parmi les Saints1. Ré- ponfè.jpe regarde au pauvre celui qui a FEfiprit contrit, & qui tremble à ma pa- role,Efaic66.z. Alors quiconque trembloit aux paroles du Dieu cTlfrael, fe joignit àmoy , Efdr. 9 Faifons donc maintenant alliance avec notre Dieu fuivant fin cm- feil ; & celui de ceux qui tremblent à fis préceptes. Quel abus & qu'elle profa- nation de la parole de Dieu , comme fi le St. Efprit parloit des tremblemens du Corps, & non de ceux du Cœur ou 'dei'Efprit, qui confident en ce qu'il reconnaît fon néant & la grandeur fuprëme de Dieu , & fe foûmet à tous fes ordres avec un profond refpeét. Et de quel front ces malheureux ci- tent-ils ces pàfîàges des Prophètes , & fe mettent-ils en leur compagnie , eux qui ont un Souverain mépris pour

toutes

44 Histoire toutes les Saintes Ecritures? Com- ment ofent-ils fe vanter qu'ils trem- blent aux paroles de l'Eternel , 6c à Tes préceptes , eux qui ne les traitent que de lettre morte & qui tue , que tfccol ce ians moelle & fans fubftancc, eue de chair incapable de vivifier? Quel felpéct peuvent-ils avoir pour une pa- role qu'ils enfeignent tout ouverte- ment qui n'ell point la règle parfaite « entière de nôtre Foy & de nôtre conduite, qui ne fçauroit nous éclai- rer, m nous tirer de l'erreur? Com- ment, dit leur Catechifme, l'Apètre 4fjtmgUG~rtl U Loy intérieure de l'exté- rieure* Réponce. La Loy dePEfbrit de je qui eft en J. C. me deUvcra de U Loy de péché & de mort. Ainft félon eux toute 1 Ecriture foit ancienne foit nou veîle n eft qu'une Loy de péché & de

m°.rt,Vc,cft à dire une fëttre qui tuè\ maislhfpritoula Loy de l'Efprit eft une Loy d'Efpit & de Vie. Vous vovffc queparlàilsoppofentfans celle i'Ef- pnt a la parole de Dieu, à la Révéla- tion extérieure , même à celle de J. G. oc de fes Apôtres, comme fi rËfprit deDieu&de J. G. y éroit contraire, pu qu'il enfeiguât des vérités oppoiecs a celles qu'il nous a révélées lui-mê- me par fes Prophètes. Une autie de-

man-

DU KOUAKERISME. ., 4f

raande va encore mieux juftifier l'im- piété de ces Antechrifts. ' Demande. Les Ecritures [ont dons a eflimer parce qu'elles viennent du St. Ef- frité Parce quelles rendent témoignage que ce n'eft pas elles, mais l'Ejpritfctd qui nous conduit en toute vente ? pour quelle rdifon J. C. commande-t-il que l'on fonde les Ecritures! Réponfe. Son- de? les Ecritures, par ce que vous vous imaginez c\ue vms fouve% acquérir la Vie éternelle par leur moyen. Et fur cet endroit le Catechittc fait cette remar- que, qu'il a mis À l'impératif le Verbe four s'accommoder à l'interprétation de Ces adversaires , quoique pas une le mette à L'Indicatif, ce qui femble être plus: conforme au texte. Voilà en quelle elh- me les Kouakres ont la parole de Dieu , & par confequent de quelle ma- nière ils tremblent à cette parole.

Il ne faut pas nier que le St. Liprit en touchant nôtre ame n'exite au mê- me tems dans nos corps des tranlports 6c des mouvemens fort îinguliers , <X ne nous porte louvent à gémir , a pleu- rer, àfoûpirer, à trembler même. Mais une marque infalhble que ces opérations fenfiblcs viennent de Dieu, efeft qu'elles font excitées ordinaire- ment par la lcSure , par l'ouïe , & par

4<5 Histoire

la Méditation de la parole de Dieu &

£££££ fom ainfi ^SiS

«euremci t & extérieurement n'oppo-

ration & d amour pour elle, & la ré- ardent comme le canal P'ar lequel IWpnt le communique à nous & comme l'inftrument dont il fe'fen Pour nous toucher &Pour nous émoïï

de ï k;Cneft à caufede«ttcun,on oe i Jilpnt D]vm avec la parole eue

S/fel^^«ifontdonneL?oLme

f M'r ' f *»» * *i dites

{e ofef ^' f c»e"ousregene:

S Ffn sS " l0in donc d'oppofer le bUzfpm a cette parole , il fout les unir

avec I Jiiprit. Si Efpritde Dien

fee a arevoIut»on enterieure dont il n!-Lr Ur> l ona^oitraifbnde les

délie fr,lne je pcut rcnm /tliJêJ

hJZL**^ lmnme *fi

ixlu 1 Lfp/k de "Homme ou du Diable qui pu die être un Efpdt dou- ble,

DU KOUAKERISME. 47

3Îe , & fouffler d'une même bouche le chaud & le froid , le doux > & l'amer ; & tel eft l'Efprit Trembleur.

CHAPITRE XIII.

m la Religion Chrétienne ne doit avoir aucune Cérémonie.

Rien ne fait tant éclatter le mépris que les Kouakres ont pour la per- fonne de jefus:Chri(r , pour l'Hiftoire de fa Vie, de fa Mort , & de fa Refur- reclion, en un mot pour tout fon ou- vrage du rachat des Hommes , &tout eniemble pour fa Divine parole , pour fes Ordres, fesLoix, & les préceptes de fes Saints Apôtres & leurs prati- ques , comme d'avoir par un attentat Diabolique aboli dans leur Secte mau- dite les deux Cérémonies duBatême & de la Sainte Cene. Peut-on voir fans horreur & fans indignation que ces faux Prophètes exterminent ces deux pratiques la Religion Chrétienne , & ayent encore l'impudence de fe dire Chrétiens, & Difciples de J. C. lui qui les a fi formellement &fiexprefic- ment commandées à fon Eglife ?

4Sr< Histoire

-en vam quelques-uns tâchent de les exculer en difept qu'ils ne voyent pas que ces deux Cérémonies font commandées effectivement par T C avec intention d'obliger tous fesDif- apies a les pratiquer durant tous les âges de 1 Lglife.

N'eft-ce pas la une belle exeufe ? 11$ n ont qu'à tuer , & à le venger de leurs ennemis , & de s'en tenir quittes pour dire que J. C. ne leur a pas commandé Je contraire? Ils n'ont qu'à proftitucr leurs femmes, & les rendre commu- nes parmi eux, & dire pour exeufe qu ils ne voyent pas encore que la Re- ligion de J. G. le défende ? Et ainiide toute la Morale. Ces infignes Apo- itats fe feroient plutôt pendre que de ne pas dire tu & toy , & de fe découvrir devantquiquccefoit, même devant leurs Princes & leurs Rois. Etoùeft ce que J.C. leur a ordonné ces chofes ? II paroit bien par que ce font de francs rnipofteurs qui préfèrent leurs brutales extravagances aux Loix for- melles de J.C. £t pourquoi? afin de le difiinguer par un excez d'orgueil in- fuportable, du refte des mortels , & d avoir la vanité de s'élever au-deflùs de tout le genre humain, affrétant de palier pour plus fages & plus éclairez

que

DU KOUAKERISME. 49

que tous les hommes du monde.

S'ils Batiloient & s'ils Gommu- nioient comme le refte des Chré- tiens , ils ne feroient plus rien , 6c l'on ne parleroit pas d'eux com- me l'on en parle. Il faut donc fe fin- guîarifer & fe diftinguer par quelque chofe de hardy : & de téméraire. II. y a autant de crime a ne pas voir un précepte aucune défenfe formelle & expreiTe , qu'il y en a à la violer quand on la voit , fur tout quand l'un & l'au- tre font fi clairement propofez qu'il faut s'aveugler volontairement pour ne les pas voir. Car c'eft alors une ignorance affeclée & maîitieufe , & par confequent inexeufabîe devant Dieu & devant les Hommes.

Il efl vray que les ordonnances du Batême & de la Cene ne font pas pre- , cifement & par elles mêmes capitales. Mais le deviennent à quiconque affec- te de n'en pas voir l'inftitution , afin de faire une nouvelle Seéte , Se de bâ- tir une nouvelle Religion qui vous diilingue Se vous fepare du commun des Chrétiens. Et puis quelle audace à ces iniolens d'avoir aboli des Cérémo- nies inftituées par une authorité Divi- ne, Se cela fous prétexte que ce ne font que des Ceremonies,& que laiieli^ion C de

SO Histoire

de Jefus Chrift , eft une Religion toute d'Efprit? il faudroit du moins qu'ils euflent une authorité égale à celle qui les a inftituées. Car il n'a- partient qu'au Prince, ou a une au- thorité égale ou fupericure à la Tienne d'abroger les Loix qu'il a ordonnées.

Ce même j. G. qui les inftituoit ne fçavoit il pas mieux que nos Kouakres que fa Religion étoit une Religion d'Efprit & de Vie ? ne l'avoit il pas dit lui même fur lefujetde lamanduca- iïon de fa chair , la chair ne profite de rien, c\ft PEffrit qui vivifie. Les pa- roles que je vous ay dites font Efprit àr Viel Cependant il ne laifîepas enfui- te d'infdtucr fon Euchariftie. Et pour- quoi ? pour nous aprendre que toute Cérémonie n'eft point oppoféc à l'Ef- prit de J. C. & moins encore celle qu'il n'inftitue qu'afin de nous appren- dre à ne chercher rien que cet Efprit & de nous en reprefenter les aâions & les fruits , comme fait la Sainte Euchariftic, qui par des chofes fen- iibles nous élevé à des chofes pure- ment intelligibles & fpirituelles.

JedislemêmeduBatême, qui n'a été inftitué que pour nous engager à adorer Dieu en Efprit &en vérité par L C pour avoir part à ce Divin Efprit,

&

DU KOU AKERlSMt }T

& pour représenter par un action fenii- ble & corporelle , une a&ion toute intérieure & fpiritucllc , tant s'en faut donc que l'on puilTe prendre les Koua- kres pour des Chrétiens , qu'il faut au contraire les avoir en execcratiori comme des Apoflats du Chriftianiir me & des ennemis déclarez de fon Di- vin inftituteur , vous fere%, avoit dit- il , vrayement mes Difcfples & mes amk fi vous garde% mes f recettes. Et quand il envoyé fes Apôtres prêcher l'Evan- gile, aile* , dit-il , enfeigne^ toutes les nations , les butinant au nom du F ère du fis if duSt.Effrit, & leur prenant â obferver toutes les chofes que je vsus ay ordonnées. Remarquez bien qu'il leur enjoint d'aprendre à tous ceux qu'ils Batiferont de garder tout ce qu'il leur avoit commandé, & qu'il dit cela' après l'ordonnance du Batême , qu'il «e leur recommande pas d'une autre manière que tout ce qu'il leur enjoint de faire obferver. Maisilsnevoyent pas, dit-on encore , que ce foit la un précepte formel & perpétuel. Tarn- pis s'ils ne le voyent pas. Car qui les empêche de le voir, linon leur igno- rance affeétée & criminelle ou .plutôt le mépris extrême qu'ils ont pour J. G* & pour fa Religion?

G a Mais

S*-- Histoire

Mais je luis feur, qu'ils le voyent fort bien & que néanmoins comme ils prétendent avoir autant d'authorité& de S.Etprit que J.C. ils ne s'en metteur pas en peme,& le meprifent.Ceft pour cela que Barclay afin de fe tirer de ce mauvais pas a adopté toutes les fauffès fubtilités & lesglofesinlenfécsdeSo- cin qu'on a refutées fi clairement & fi folidement qu'aujourd'hui tous les Socimens , en ont honte pour lui ; & y ont renoncé.

Pour ce qui eft du peuple il ne con- noit gueres ces fubalitez impies , ni ces profondeurs deSaihan. Il fe con- tente de dire que c'eft une Cérémonie, & qu'il ne faut pas s'attacher à des Cé- rémonies , mais à l'Elprit.

Barclay dit après Socin que J.C. ne commande pas pofitivemët de Batifer, parce qu'il n'a pas dit alle% & Batifc, mais alle% enfeigne^ toutes les Nations , les Battant. On ne peut rien avancer de plus impertinent, ni qui fe detruife plûtôt que cette Chicanerie. J. C. dit- il a les Apôtres enfeigpe$ aux Nations à garder tout ce que je vous ay ordonné ? point du tout. Ce n'eft pas ainfi qu'il parle, allez; dit-il , enfeigne* toutes les Nation? les liarijant au nom du Perc &c.& en leur aorenam à garder tout ce

que

DU KOUAKERISME. f$

Îue j c vous ay ordonné. Elt-ce donc que . C. ne leur a point commandé d'en- leigner aux Nations à pratiquer tous fes préceptes ? Et les Apôtres s'en pou- voient-ils légitimement difpenfer auffi bien quedeBatifer ? Si les nouveaux Chrétiens ont tant d'averfion pour toute forte de Cérémonies , pourquoi donc ont-ils tant d'attache à tenir leur chapeau fur la tête , comme s'il y étoit cloué , & à ne jamais dire que tu & toy ? que ne vont-ils téte nue comme faifoient jadis les Juifs & les Romains, qui n'avoient garde d'ôter le bonnet m le chapeau de dcfïus leur tête , puis qu'ils n'en portaient jamais que pour lègarentir âe la plùye? pourquoi ces grands & mortels ennemis de toute Cérémonie fc font-ils plutôt pendre & mettre en pièces que de ne pas s'alïem- blcr ? eft ce que J. C a commandé que l'on s'affemblePoù îa-t-il comman- dé plus expreiïement que le Batême & î'Euchariftie ? pourquoi gardent ils encore la mode de prêcher ? Tout ce- la n'eft-il pas Cercmoniel? Ils ne manqueront pas de répondre que c'eft pour entretenir l'Efprit de la Religion &de^la pieté. Et c'eft auffi ce qu'on leur dit fur le fujet du Batême & de la Sainte Cene, qui font formellement C 3 or»

J4 Histoire ordonnées par J. C. au lieu que ces au- tres chofes comme de s'affemblcr & de prêcher ne le font, pas de la même manière.

Mais voici le nœud de î'afTaire,c'cft que ces Apoftâts jugent bien que fans aûèmblée, & fans fermons ils n'a van- ceroient pas leur nouvelle Se&e , c'eft pourquoi il faut mourir plutôt que d'y yenoncer au contraire elle fc détruiroit s'ilsvenoientà Batifer & à Commu- nier. Cela difïipcroit leur troupeau, & le feroit retourner dans les autres fo- cictea Chrétiennes d'où il eft forti > & l'on Célèbre ces deux Cérémonies. En un mot les Kouakres retourne- roientauChriftianifme , en revenant au droit commun.

CHAPITRE XIV,

Quels font les prétextes des Koua- kers four rejetter le Batcme <p* VEuchariftie.

T E premier prétexte dont ils fe fer- vent pour rejetter ces deux Céré- monies eft pris du mot de Sacrement y & des définitions que les Proteftans

en

du KouakeriSme. SS en donnent dans leurs Ecrits , même dans leurs Confeffions de Foy & dans leurs Catéchismes. Ils fbûtiennent qu'il n'y a pas le moindre mot de tout cela dans les Saintes Ecritures ; qu'on n'y trouve pas même le terme de Sa- crement , bien loin d'y trouver toutes les définitions que les Théologiens en donnent. Et fi Ton réplique que la chofe lignifiée par le mot de Sacre- ment y contenue, ils répondent que cyejl une pure pétition de principe , & fapofer gratis ce qui eft en quejîion. Ep que cela n'exeufe nullement les Proteftans' qui croient d'ailleurs que toute la volonté de Dieu efl contenuï dans F Écriture , ni ne leur donme pas le droit de rejetter les termes expre% de l'Ecriture pour cher- cher dans les mafares de la tradiétior* Romaine , ce dont ils font une par- tie fi ejfentielle de la foy. Mais c'eït bien la de quoi il s'agit ? Il eft bien queftion de facremens & s'il faut ai nii appel 1er ou non les Cérémonies Reîigieufes & Saintes que J. G. a infîituées ? Il ne s'agit que ce que J.G.a fait & a inftitué, de ce que fes Difciples , ont pratique , & de ce que tous leurs Succelïèurs ont lailTc de main en main , & qui a été pat tout, toujours , & coniîamment pratiqué , & qui l'eft encore aujour- G 4 d'hui?

j6 Histoire

d'hui ? que les Kouakres lailîent la le mot de Sacrement & qu'ils en laiflent difputer les Doâeurs des Académies & des Umvcr&tci tant qu'ils vou- dront, tous les véritables Chrétiens n'en feront nullement fçandalifez, pourveu qu'au relie ils Batifent com- me J. C. l'ordonne , & fallent la Sainte Cene comme il la infatuée.

Le fécond prétexte dont ils fe fer- vent pour réjetter ces deux Cérémo- nies eft qu'il y auroit autant de raifon à pratiquer le lavement des pieds qu'à les célébrer , puifquc J. C. n'a pas moins expreiTement commandé àfes Difcipîes de fe laver les pieds les uns aux autres, quedeBatifer & de faire la Cene. Mais eft ce qu'il eft dit du lavement des pieds qu'il le faut prati- quer jufqu'à ce que J. C vienne, com- me cela eft dit de la Célébration de l'Euchariftie ? Et qui ne voit que J. C. par fon précepte de fe laver mu- tuellement; les pieds n'a voulu nous commander *uitre chofe finon que dans toutes les occafions nos frères fe trouveront avoir befoin de nôtre charité quand ce feroit même dans les chofes les plus falles& les plus abjec- tes , nous devons leur en donner des marques , & pratiquer , en même

temps

DU KOUAKERI SMÊ. f'f temps la vertu de l'humilité , deuffions nous nousabaifîerjufqu'à laver leurs pieds, quand même nous ferions in- finimerjt au deflus d'eux à plus forte raifon quand nous fommes ou leurs égaux ou leurs inférieurs. Je fuis très perfuadé que le précepte de la charité & de l'humilité Chrétienne s'étand jufqucs , aulfi eft il pratiqué à la let- tre dans tout l'Orient & le Midi parmi les Chrétiens qui y font. Il eft encore pratiqué dans l'Eglife Romaine, & très fouvent même dans la plupart de leurs Congrégations Religieufes: quoique la coutume de nos derniers fîecles qui eft d'aller chauffez, & non pas nuds pieds comme l'on faifoit j'adis par tout , tant dans l'Orient que dans l'Occident,foit une jufte raifon pour ne plus pratiquer le lavement , & y fubftituer tous les au» très exercices de charité & d'humilité qui peuvent y être fubftituez ; quoi- qu'il y ait des occafions aÛés fréquen- tes de le pratiquer à la lettre , comme toutes les fois que quelqu'un de nos frères , en un mot quelque Chrétien a fait un long chemin à pied , & qu'il eft fort fatigué, ce xjui arrive tous les jours. Car alors nous fommes dans le cas marqué par nôtre Divin Législa- teur, & nous pouvons pratiquer tout C s à la

?8 Histoire à la fois & la charité & l'humilité Chrétienne, en lavant les pieds pou- dreux & laffe2 de nôtre frère , <5c en lui recréant les Efprits par ce pieux de- voir. Car rien ne delafic tant que de fc laver les pieds quand on eft fort fa- tigué , & couvert de poudre fi les Chrétiens ne font rien de cela , ce n'eft que par orgueil ; ou parce qu'ils ont honte de fuivre l'exemple de leur maî- tres, & dont ils fedifent les Difciples a faufils enfeignes.

Letroifiéme prétexte des Kouakres cft que s'il falloit Batifer & faire l'Eu- chariftic à l'exemple des Apôtres , il faudroit auffi s'abftenir du fang & des chofesl étoufées puifque les Apôtres jugèrent qu'il étoit necefikire que les Chrétiens s'en abftinfent. Mais enco- re une fois, eft- il dit de ce précepte Apoftoîique qu'il le faut garder jufqu'à ce que J. C. revienne, comme cela cft dit de la Sainte Euchariftie? Et les préceptes que font emanés,deJ.C mê- me n'ont-ils pas plus de force & d'au- thorité que ceux des Apôtres ; Enfin je dis que fi nous étions dans le cas des premiers Chrétiens , qui étoient au milieu des Juifs dont les Cérémonies n'avoient pas encore été abolies & au milieu des Gentils qui offroient le

DU KOU AKERISME. S9

fang & les chofcs étoufées aux Dé- mons, nous ferions tenus de nous ab- ftenir de leur précepte étant indifpen- fable dans ces fortes de circonftanc es : principalement quand les ennemis de nôtre Religion nous tendent des piè- ges , & cherchent à nous cngagerjdans leurs cultes & leurs pratiques impies & facrileges : ou même quand en u- fant des droits de nôtre liberté dans ces fortes de chofcs, nouspourions fçan- dalifer quelqu'un de nos frères , fai- ble en lafoy, & en la connoifiànce de la libcrtéChrêtienne.Dans tous les au- tres cas nous pouvons ufer de nôtre liberté , & manger de tout indifférem- ment fans nous en enquérir pour la Confcicnce. Et St. Paul nous aprend en termes exprex que nous fommes rendus libres par j. C du joug de tou- tes ces fortes de pratiques : Et que nous devons feulement prendre garde d'abufer de nôtre liberté,& de la chan- ger en* libertinage. Tout m'eft permis ? ait-il , mais tout m rrfeft pas avanta- geux. Tout m? eft permis , mais tout ri fé*> di fie pas , que nul ne cherche fa propre Jar tisfaBion , mais l e bien des autres . Mat£ de tout ce qui fe vend à la boucherie 9 fans vous enquérir droù il vient par un fcrupule deConfciencecar la terre #* tout C 6

6o Histoire

ce qu'elle contient ejl au Seigneur, fi un dnfidelle vous pie à manger che% lui , & que vous y voulie^ aller , mange* de tout ce qu'on vous fervira [ans vous en- quérir d'où il vient par fcrupule de Con- fcience, mais fi quelqu'un vous dit ,\ceci a été immolé aux Idoles rien mangés pas m caufe de celui qui nous a donné cet avis^ 4? aujftdepeur de bleffer non nôtre Con- fcience , maïs celle d'un autre. Et finit par cette belle & admirable fentence ne donnons point de fçandale ni aux juifs , ni aux gentils , ni a l'Eglife de Dieu quand St. Paul aura parlé du Batêmc & de la St. Euchariftie , comme il a parlé de ces autres préceptes , perfon^ ne ne condamnera les Kouakres pour- veu qu'ils ufent de liberté félon les rè- gles que le même Apôtre donne.

Le quatrième prétexte des Koua- Kres dont ils célèbrent leur rejeelion du Batéme & de l'Euchariftie,eft que fi îl les faut obferver il faut donc auffi ob- lèrver la pratique d'oindre les malades d^huile au nom du Seigneur: Car St. Jaques eft formel fur cela, quelqu'un cft~ il infirme ou malade parmi vous, qu'il faffe venir les prêtres de T'Elit fe & qu'ils prient pour lui , en V oignant d'hui- /? au nom du Seigneur , &* leur pricre (faite avccfay fauvera le malade,) Je

dis

BU KOUAKERISME.

dis premièrement qu'il n'y a la aucun précepte, mais feulement un Con- feil au un vois laiflc à la liberté des ma- lades. Je dis en fécond lieu que J. G. n'a rien commandé de femblable, qu'ainiî il n'y a aucune comparaifon à -faire entre le Baîême & TEuchariftie, & à cette onétion. Je dis en troifiéme lieu que je confens & que tous les Chrétiens confentir ont que les Trem- bleurs pratiquent cette onction s'ils croyent avoir la puiffànce de guérir miraculeufement par fon moyen les malades fur qui ils la pratiqueront. Enfin pourquoi ne la pratiqueroient- ils pas , & pourquoi les autres Chré- tiens ne la pratiquent-ils pas à l'exem- ple des anciens fidèles , & de toute l'Eglife Latine & Grecque qui la pra- tique encore à prefent ? mais le don desgucrifons miraculeufes n'eft plus maintenant, & fon temps eft paffé il y a bien des Siècles. Il n'eft palTé que pour ceux qui croyent que les miracles ne doivent pas être perpétuels dans^l'E- glife de J. C. pour ceux qui n'ont au- cune foi véritable , & qui par confe- quent ne fçauroient obtenir par leurs prières aucune grâce extraordinaire nous en avions feulement auffi gros qu'un grain de moutarde, nous pou- C 7 rions

62 H I s t 0 I K e nous pourions aifcment tranfporter les montagnes, à plus forte raifori pourions nous guérir une petite fièvre. Il ne faut donc pas s'étonner prefque tous les Chrétiens n'opèrent aucun aâe miraculeux , puifqu'ils s'imagi- nent que le temps des miracles eft paf- fé, & qu'il n'eft pas en nôtre pouvoir d'avoir le moindre degré de cette foi qui fait des miracles mais je foûtiens que c'eft une erreur & une illufion très danger eufe , & qui n'eft venue que du Diable afin de ruiner le fondement de laReligion de J.C. & d'en empêcher la propagation parmi les infidclles. Car comment croiront-ils en lui fans mi- racles ? Comment fe perfuaderont-ils fortement de toutes fes merveilles, s'ils n'en voyent faire aucune pour les prouver? Comment même conferver la Religion parmi les Chrétiens fans miracles ? Comment convaincre tant d'impies & tant de libertins & d'in- crédules, qui s'en moquent, & qui difent qu'elle n'a pas plus fait de mira- cles jadis qu'à prefent? J.C. difok aux Juifs {fiftit n'aur oient -point eu depe- cké , c'eft à dire qu'ils n'auroient point été coupables de ne pas croire en lui , fils ne lui eurent veu faire des miracles. Ce dont tant de gens rejettent la Reli- gion

DU KOUAKERISME. 63

gion Chrétienne eft parce qu'ils ne la voyent appuyée d'aucuae miracle \ qui les convainque eux-mêmes de fa vérité & de fon excellence, c'eft la faute des Chrétiens mêmes, & non pas la leur. C'eft parce qu'il n'y a plus de Foi fur la terre, auffij. C. difoit que quand il reviendroit il n'en trouveroit plus penfe\ vous que lors qtte le fis de ly Homme viendra il trouve encore de la Toi fur la terre ? Point du tout. Ce Divin Sauveur envoyant les Apôtres prêcher fon Evangile pat tout le mon- de nous affeure que ces fignes ou ces merveilles accompagneront ceux qui auront cru. Ils Chajferont, dit-il, les Démons en mon nom. Ils parleront de nouvelles langues. Ils manieront impû* nément les Serpens * s'ils boivent quel- que bruvage mortel^it ne leur fera point de mahils imposeront les mains fur le smala- des èr ils feront guéris. J. C. ne détermi- ne aucun temps prefix à tous les mira» des: Et c'eft aller contre fon inten- tion & contre fon Eprit que de 1ère- ftreindre à certains fiecles; comme fi les uns dévoient être plus privilégie^ que les autres. Il dit généralement & indeterminement que ceux qui croiront en lui feront des merveilles. Et comme le précepte d'aller par toute la terre & de

s i Histoire

Prêcher à toutes les Nations du mon- de ion Evangile, eft perpétuel , & n'eft point encore accompli, y ayant une infinité de Gentils à convertir, pour ^oïlapromeilc de la grâce attachée a la £01 de tous ceux qui fe converti- ront ne feroit elle pas auffi générale & perpétuelle ? C'cft pour cela que je ne doute pointque par tout ou l'Evangile du Fils de Dieu cft prêché il ne s'y raf- le quelque miracle, ou par celui-ci ou par celui-là; ou par quclqu'autre manière comme Dieu le juge à pro- pos.

.Quant à ccjque l'on dit qu'il n'eft pas en notre pouvoir d'acquérir la Foi des miracles, on le dit gratis. Carjecroi tout le contraire, J. C.nous montre que nous pouvons acquérir cette Foi en parlant ainiï à les Difciplcs, en vert- te je vous que fi vous avie% autant de Foi qu'un grain de moutarde eft gros vous pourieq dire à cette montagne tranfporte toi d'ici, & te précipite dans ta" mer, V* cela arriveront ; leur parler ainlî c'é- toit Jleur faire entendre qu'il ne te- noit qu'à eux d'avoir autant de Foi : c étoit les eihorter à l'acqueris : c'é- tait leur reprocher leur peu de Foy , O Gens de peu de Foy , 0 Nation tnf crédule jufqu'à quand vous Juporterdi

DttKoUAKERlSME. 6|

/e? Or fi les Apôtres pouvoient acqué- rir cette Foi , pourquoi non tous les ridelles?

Apres tout le même Jefus ne nous permet pas de douter de cette vérité , & l'Hiftoire duFiguier feché du foir au lendemain en vertu de la malédiction de J. G. eft trop expreffe fur cefujet, St. Marc nous raconte au Chap. des que le Lendemain du jour auquel J. C. le maudit, Jefus & fes Difciples paC- iantauprez, ils le virent feché juiqu'à la racine alors Pierre fe rciTouvcnant de ce que Jefus avoit fait, lui dit , Maître le Figuier jue vous ave% maudit v Je voici tout fiche, & Jefus lùirépon- . dit, aye^laToi de Dieu, En vérité je vous dis , quiconque commandera à cette montagne & lui dira ote ui d'ici, &fe jette en la mer , s* il ne doute aucunement dans fin cœur , mais croit au contraire fermement que tout ce qu'ils dit arrivera , tout ce qu'il aura dit , arrivera effective- ment ; je vous avertis de croire que vous recevrez tout ce que vous demande^ a Dieu lif alors Dieu vous P accord r a. Il n'yapointladereftridion, ni de pri- vilège pour ceux-ci plus que pour ceux-là , & pour un certain tems plus que pour un autre. Par confequent il ne tient qu'à nous d'aquerir cette Foi.

gS 9 H I S T O I R E

MU ce n a été que pour nous mieux a-| prendre qu'il nous eft facile de l'ac-i quérir que J. C s'eftfervidclacom-' paraifon du petit grain de Moutarde comme s'il nous difoit, il faut fi peu de | 1 01 pour faire des merveilles , que ce- 1 la n eft quafi rien de ce que vous pou- i nez acquérir fi vous le vouliez. Il n'en i faut pas plus gros qu'un grain de mou- tafaen étes vous donc pas bien mifé- rablcs & bien malheureux fi le pei? vous manque par vôtre faute, car qui vous empêche de l'acquérir que vôtre propre incrédulité , vôtre parefiè, votre négligence, vôtre ftupidité? ÎJj exigeois de vous que vous culTiez, autant de Foi qu'un chameau eft gros > vous le trouveriez peut être étrange. Mais j'en exige fi peu que vous ne fçauriez vous exeufer pourquoi vous ne lavez pas, puifque )ene vous en demande qu'autant qu'eft gros le plus petit de tous les grains, & la plus pe- tite de toutes les feemences. Je con- clus de qu'il n'y a que l'incrédulité oc 1 infidélité volontaire & criminelle des Chrétiens qui les empêche de faire des miracles , & par confequent d'o- pérer des guerifons miracuieufes par les împofitions de leurs mains, & par les On&ions d'huile pratiquées fur les

ma-

DU KOUAKERISME. 6j

malades. Etqu'ainfiriennedoit em- pêcher les Tremblcurs de pratiquer les onâions, eux qui feT vantent ii i fort des opérations Divines du St. JUprit, eux qui le croyent les feuls vrais fi- dèles les feuls Elus, & régénérez, eux enfin qui fe font tant vantez en Angleterre d'avoir fait des miracles par leurs prières ,par leurs imposions des mains, & par leur feul attouche- ment. r .

S'ils font véritablement perfuadefc que cette pratique eft également com- mandée comme leBatême & la Sainte Cene , ils font obligez de les obferver toutes également.Et il eft bien plus lui pour eux de joindre enfemble 1 obier- vation, de toutes les trois que de les rejetter toutes , tout à fait fous prétexte que les unes ne font pas plus authon- fées que les autres, Car dans 1 un il n y a aucun péril, & dans l'autre Ton s ex- pofe évidemment à celui de violer les LoixexpreffesdeJ.C en égalant en- tre elles des pratiques qui ne doivent peut être pas l'être.

Le cinquième prétexte des Trem- bleurspourlarejeâion du Bateme & de la Cene , eft que la liberté Chré- tienne nous afranchit de toutes fortes de Cérémonies, faas aucune excep- tion 3

? Histoire

non , finis allèguent fur ce fuiet le paroles de l'Apôtre, Le Royaume à Vieu n eftini viande nibruvage , mais /, juftice, laPaix, ^ la Joye far le Si ïjprit.Queperfcnne donc ne vous condan ne pour le manger & four le boire, ei prlefuj et des jours de Fête, des nouvel les Lunes & des Sabats. Si donc vom êtes morts avec J. C. à ces éiemensdn Monde , comment vous laiffe^ veus im- fojer des Loix comme fi vous viviez en- core au Monde, ne mange % pas de ceci ne goute$ pas de cela : ne touche? pas l cela* & Cependant ce [ont des choies qui Pmffm toutes par Fufage qu'on en fait *f ne font que des ordonnances & des tra- ditions humaines. Ces paroles , dit tfarclay, font extrêmement formel- les & expreflès, & auffi formelles four authorifer l'abolition des Cérémonies du Batême & de la Cene qu'elles le font four authorifer celle des Cérémonies léga- les. En vérité l'on a befoin d'une gran- de patience pour écouter ces faux Pro- phètes, fans s'emporter d'une jufte co- lère contre ces infâmes profanateurs ce la Sainte Ecriture , fi les Apôtres a- voient crû que les cérémonies duBaté- rne & de la Sainte Cene inffituées par J. C. dévoient être mifes au rang des autres Ceicmonies légales, pourquoi

ne

DU KOUAKERISME. 6$

: nous en auroient-ils rien dit ? Pour- loi auroient-ils toûjours reftreint urs difcours à ces feulesCeremonies? DUiquoi praiiquoient-ils , & faifoicnt- î pratiquer à tous celles de J.C ? pour- uoi en parlant de la Cene en parties cr, ne donnent-ils point d'autre ter- le prefix à célébration que celui de I consommation des fiecles jufqu'au tfour de J.C

Outre cela St. Paul ne parle qu'aux îentils convertis , quand il leur dit ce ue nous avons allégué , & nullement ux Juifs mêmes,cV des plus attachez à îurs Cérémonies , elles n'obîigeoient ullement les Gentils , à moins qu'ils e voulurent être profelitesdelaju- ice , & être inferez & incorporez au euplede Dieu.

De plus ne faut il pas être tout à fait mpie pour comparer enfemblc les receptes Ceremoniels de juge dont >n ignoroit alors prefque univerfelle- aent toutes les raifons , & ceux de . C. dont il n'y a perfonne qui ne con- loiffe parfaitement les raifons ?

N'eft-ce pas une autre impieté que e traitter de rudiments du monde des Cérémonies qui expriment fi vive- nent 6c ti fimplemcnt tout enfemble es plus grandes veritez, & les plus iablïmcs miftéres de la Religion

70 Histoire

Chrétienne, & même tout ce quel Dieu fait, & tout ce qu'il opère au dedans de nous par fon Efprit Divin. & tout ce qu'il y opérera un jour de) plus admirable & de plus glorieux r| comment encore comparer aux an-j ciennes Cérémonies, qui étoient un, joug pesant, un joug continuel, &j qui s'étendoit a toutes les aérions de la Vie, & qui à caufe de cela étoit unj jouginfuportable, deux fimplcs Ce- remonies qui n'ont rien ni de difficile ,| ni d'onéreux, &qui ne fe pratiquent! que quelque fois ? deux Cérémonies qui font prifes de ce qu'il y a de plus] fimple & de plus naturel dans toute lai Vie, & dont l'une nefe pratique ja- mais qu'une feule fois, & l'autre feu-| lement quand l'occafîon, s'en pre-j fente, &que vous le juges, à propos ?| deux Cérémonies enfin qui relTem-| blent suffi -peu àcellesdeMoyfe quel le ciel à la terre & le jour à la nuit ? Enfin n'eft-ce pas vomir un blafphêmej excecrable contre la perfonne Divine de J. Ç. que dWr apeller des élcmens du monde des chofes que la fagefle Eternelle a inftituée elle-même, & des inftitMtions humaines celles qu'unj Dieu a voulu établir lui-même. Leur fixieme prétexte eft de direl

tou-j

DU KOUAKERISME. Jl

duchant le Batêmc que le Batême i*cau n'eft: pas le Batême de J. C. nais bien celui de S. Jean fon précur- seur, au lieu que le Batême de J. C. :'eft le Batême d'Efprit & de feu je vous Batife d'eau , dit-il, mais celui qui vient après moy vous Batifera d'Éf- frit & de feu. Et touchant l'Euchariftie que le pain que nous devons manger n'eft pas un pain matériel, mais un paincelefte, fçavoir J.C.même, ce pain vivifiant qui eft defcendu du CieL Et fur cela il citera encore ces paroles de St. Paul , comme il n'y a qu'un [eut fainr nous ne fommes tous auffî qu'un feul Corps , quoique nous foyonsplujïeurs. Parce que nous participons tous à un jeu l pain. Autre profanation horrible des Saintes Ecritures. Je dis dont qu'il eft vrai que le Batême de J. C propre & particulier à J.C eft le Batême d'Ef- prit, mais on ne fçauroit nier auffi qu'il n'ait pas Batifé ou fait Batifcr d'eau ceux qui fc rangeoient fous fa Difcipline , & croy oient en lui. On ne peut pas nier non plus qu'il ne l'ait ordonné à fes Apôtres , & que les Apôtres ne l'ayent obfervé, & fait obferver» Et pourquoi? parce qu'ils avoient veu que leur maître ne le re- jettoit pas. Parce qu'ils avoient du

ref-

7* Histoire refpeâ pour une chofe qu'ils fça- voicnt avoir été inftitucc par lui-mê- me. Parce que le Batéme d'eau étoit très propre à exprimer d'une manière fenhble le Batême d'Efprit , bien-loin de les oppofer l'un à l'autre.

Et pour ce qui cil de l'Euchariftie c'eft tordre manifeftement l'Ecriture à fa propre condamnation , que d e d ire queJ.C. if ordonne point à fes Difci- ples de manger d'autre pain que celui dont il parle aux Capernaïtes , à moins qu'on ne deftingue ici , en avouant que J.C. n'ordonne point à fes Fidè- les de manger par la Foi d'autre pain que lui-même qui eft le pain defeendu du^ Ciel , ordonnant néanmoins on même temps de manger quelquefois de la bouche du corps de vrai pain afin de figurer par ce pain Terreftre le pain Celefte que famé feule peut man- ger & digérer. Et les Trcmbleurs ne le peuvent coutelier. Car Bardai dc- demeurc d'accord que J. C inftitua l'Euchariftie, & l'a recommanda à fes Difciples. j. C. dit-il , ari-Jl inftitué la Cérémonie de franger du pain èr de boire du vin en Ça Commémoration ? Ré- ponfc ce aue pat reçu du Seigneur, je vous l'ai [au (]i aprir c'rft à avoir que h Seigneur en la nuit en laquelle il fut

trahi

ï> U KOUAKERISME. 7J trahi &c. Pourquoi donc tant chicaner? & pourquoi oppofer perpétuellement ces fortes de chofes à celles qu'elles reprefenterent , puis qu'elles n'ont été inftituées qu'afin de les reprefenter , & de nous toucher davantage ? Mais voici le miftere de l'iniquité de ces Antechrifts ? C'eftque l'ufagc da ces Cérémonies n'a du durer que juf- qu'après la Pentecôte. Ceft à dire jus- qu'au temps de l'effafion du St. Efprit qui efl: le feu dont les Difciples dé- voient être Batifez, & k véritable pain celefte dont ils dévoient être nourris. G'eft Bardai qui nous a de- couvert ce fecret ; mais il ne le fait qu'à demi , depeur d'effaroucher trop ies Efprits. Demande. Quel eji ce feul "Batcme. Réponfe. Ceft le Batems qui nous fauve r non $ as celui qui nettoyé la chair de fes falete% , mais celui qui rfejl que Valeur ance £une honne con-« feience devant Dieu* Demande que dit Jean Batifle du Batême de Chrift, & comment le diftinguent-ils du fien ? Ré- ponfe. A la vérité je vous Batiçe iïEau y mais celui qui vient après moy vous B*- tifera du St. Efprit & du feu. Deman- [ de. Efl-ct que J . C. même * fait cette dif~ \tinftion* Réponfe. Jefus ordonna à fes Pifciplesdenepas fvrtir de Jcrufalem: J) mais

74 Histoire

mais bien cCy attendre la promejfe du Pe* re que vous ave% ouïe de moy. Car Jean a Sâtifé d'eau à la vérité r mais dans -peu de jours vous fer e% Batije^du St. Efpit* M'eft-ce pas enfeigner clairement que le Batême d'eau ne devoit durer que jufqu'a la Pentecôte, & que depuis cetemslaleBatêmed'Efprita pris fa place; ainfî les Kouakres en fçavent bien plus que les Apôtres y qui ne laif- ferent pas de Batifer toujours depuis, & qui commencèrent même à le faire le propre jour de la Pentecôte, c'eft à dire le jour même du premier & du lolemnel Batême d'Elprit & de Feu- Gar St. Luc raporte qu'il y eut prés de trois mille perfonnes qui furent con- verties à J.C. en ce jour la par la pré- dication de St. pierre , & qui furent Batife^, if fuit recurent le don du St. Èffrit.

Mais quand même nos Sts. Apôtres n'auroient pas fçû ce qu'ils failoient en retenant la pratique du Batême depuis 3a Pentecôte , du moins nos Koua- kres ne les peuvent blâmer de Batifer d'eau d'abord les perfonnes qui vien- nent à croire en J. C & qui n'ont pas encore reçu le St. Efprir, c'en: à dire qui n'ont pas encore été Batifez du St. Efprit. Car le premier Batême doit

durer

PU KOUAKERÎSME. durer julqu'au tcms du fécond. Or il cft confiant que tous les fidèles paffent depuis le premier jufqu'au dernier fous î'œconomie de Jean avant que d'être Batifez du St. Efprit. Et par confe- quent ils doivent auffi paffer par fou Batême d'Eau afin de pouvoir paffer fous celui du St. Efprit. Il eft très cer- tain encore que le don du St. Elprit n'étoit que pour ceux , généralement parlant, qui avoient déjà crû, & qui même avoient été Batifez d'eau au nom de J. C & cela étoit félon l'ordre de J.C. qui n'accorde le don des mira- cles qu'a ceux qui aurmt cru if auront été Batife%. C*eft pourquoi le Prince des Apôtres exhortant les Juifs qu'il avoit touchez par fon fermon à fe faire Chrétiens leur difoitR^p ente ^ vomjroi- la le langage & l'économie du Precur- feur Jean Batifte , àr que. chacun de womfbkBdtïfé au nom de J. C. Voila le premier Batême , le Batême d'Eau \ ou le Batême de Jean , & vous recevre^ ie don du St. Efprit , voila le fécond Ba- tême, le Batême propre à J. C. le Ba- tême du St. Efprit. C'eft pourquoi l'Hiftoire Apoftolique nous aprend ]ue pérfonne n'avoit part au Batêmè d'Efprit qu'il n'eût été déjà Batifd «PEauaunomde J.G.

D z Les

76 Histoire

Les Trembleurs n'enfeignent pas înoins clairement que la célébration de l'Euchariftie ne devoit durer que jufqu'aujour de la Pentecôte, à l'é- gard des Apôtres, & jufqu'au tems quej. C.le nouveau fœtus du Koua- kerilmefoit formé dans nos ames, à l'égard de tous les autres fidèles. Parce que ce tems ft eft pour eux leur vérita- ble Pentecôte. Demande. Combien de tems la Cérémonie de l'Euchariftie devoit elle durer l Réponfc, toutes les fois que vous manger e% de cefain & que vous toi* re% de cette coupe vouspiblig^ la mort du Seigneur jufqu'a ce qu'il vienne. De- mande. J. C. promit il de revenir à [es Apôtres} Réponfe. Je ne vous Userai foint orphelins ,je reviens à vous ; J. C. refondit & lui ait fi quelqu'un m'aime if garde ma parole 9 mon pere l'aimera , nous viendrons à lui, & nous demeurerons che% lui* Demande. Cet avènement fut-il interne ? Réponfe. Ce jour la vous aurez que je fuis dans mon? ère, que vous êtes en moi, i? que je fuis en vous.. Or peut-on douter que J. C ne vint à eux particulièrement le jour de la Pen- tecôte, parlemoyenduSt.Efpritqui defcenditrur eux, & qui habita dan 9 leurs cœurs? C'eft toujours comme' vous voyez îa même profanation de

DU KOUAKERISME. 77 la Sainte Ecriture. Car il eft plus clair que le jour que la vernie de J. C. dont St. Paul parle eft celle qui fe fera quand il defeendra du Ciel , & vien- dra juger les hommes fur la Terre. C'efî: à ce feuî que nous conduit J. C.mêmeennousavertifïantde fai- re fonEuchariitie en mémoire de lur, afin de nous fouvenir de lui, deforte que les fimboîes miftiques font com- me un gage facré qu'il nous a laiffé pour nous faire fouvenir de lui, & pour nous confoler de fa chère prefence f & enfin pour vous afïurer qu'il revien- dra un jour à nous félon fa pro méfie* D'ailleurs cette vc^uë fpirituelîe de J. C à nous , par le moyeu de la régé- nération n'a rien d'oppofé ni d'imeon- patibîe avec la Cérémonie de îa Cene , au contraire elle s'ajufte & elle s'ac- corde admirablement avec elle;elle eft même toute propre à y contribuer. Et elle en représente toute îa force& toute l'efficace. Nos Ste. Apôtres n'ont nul- lement entendu que cette Cérémonie dut finir après îa Pentecôte , puif- qu'iîs l'ont toujours pratiquée depuis, & non-feulement eux , mais auffi tous leurs lùccefîèurs jufqu'a nous. Par confequent ils n'ont point du tout en- tendu l'avènement de J. C. dont St.

D 3 Pa&1

78 Histoire

Paul parle, & jufqu'au tems duquel il vent qu'on faffe l'Euehariftie & qu'on célèbre la mémoire de la mort de J. C* de f avènement fpirituel, mais feule- ment de celui qui fera le retour glo- rieux de J.C fur la Terre. EtJ.C.ne parle ni de l'un ni de l'autre , quand il dit à fes Apôtrçs je ne v$us laiflerai pas comme des Orphelins. Je reviens à vous, i\ ne parie que de la perte qu'ils alloient faire de lui par la mort r mais qui feroit bientôt fuivie d'un prompt retour par le moien de fa reûi- reélion, encore un -peu de tems ,• <&r U monde ne me verra plus : mais pour vous vous me verre ^ parce que je fer ai vivant, if que vous aujfi un jour vous vivre% ■comme moi. En ce jour là, quand vous me verre % retourner en vis, vous connoi- tre% que je fuis en mm Pere &c. Et s'il faut étendre cela plus loin, on peut l'appliquer au j our de la dernière rciu- re&ion. C'eft ainfi que les Kouakres interprètent l'Ecriture.

Il y a encore une autre infigne four- berie dans toutes ces allégations. La voici. Ils nous difent que le pain que nous devons manger n'eft que ce pain celefte & vivifiant qui eftj. C. même I . & puis pour nous infinuer que c'eft de ce pain la que St. Paul parle auxCo-

riri-

DU KOUAKERISME. 79

rjxithicns quand il leur reprefente Vin- ftitution de l'Euchariftie , &de quelle manière ils doivent 1$ célébrer , non en la faifant feparement les uns des, autres, mais tous enfemblc , parce que c'eft à cette union que l'Eucha- riftie même les invite,, en ce qu'elle ne fe fait que par le moyen d'un feul pain , dont on dilinbue des morceaux,, à tous; le pain , dit-il, que nous rom~ pons n'eft-il pas la communion du corps- de Chrifi.Puifque ce neft qiiun painyious qui Jommes plufuurs nous ne devons être qu'un feul corps , parce que nous ne par" ticipons tous au a un feul pain : pour in- finu.er dis-jeque l'Apôtre parle de ce pain fpirituel qui cfr lui-même -, ils joignent immédiatement fes paroles à celles de J. C. aux Capernaites, quel- qu'un me mange il vivra par mon moyen* Celui qui mangera du ce pain il vivra; éternellement. Comme c'eft un f ml pain > nous quoique plusieurs ne fommes néan- moins qu'un feul corps-, car nous parti- cipons tous a ce feul pain. Ce n'eft pas qu'il ne foit très vrai que J. C n'eil qu'un feul pain, & que nous tous ne participions qu'à ce feul pain quant au fens myftique & figuré , mais il eft vifible que St. Paul n'a entendu parler que du pain rompu & diftribué à tous D 4 l££

8o Histoire

les fidèles dans la Cérémonie de la Ce.f ne; & l'impofteur de Bardai eft oblige d'en demeurer d'accord, parce qu'il reconnoit, malgré qu'il en ait, que l'E- glife de Corinthe a Célébré la Céré- monie de la Cene après l'avènement intérieur & fpirituel de J. C. mais il femble, dit-il, que l'Eglife Corinthien-- ne a pratiqué cette Cérémonie après cet avènement intérieur de J. C* Et il n'a oié dire que non 7 ni qu'elle ait mal fait.

Enfin quand l'on accorderoit que cette Cérémonie ne. doit durer que jufqu'au temps de leur prétendu ave- iiement fpirituel & intérieur de J. C. (jans chaque ridelle \ ils feroient néan- moins obligés de la pratiquer julqu'a- lors. Or pas un Kouakre ne la Célè- bre. 11 faut donc de toute neceffité qu'ils foutiennent que J. C. ne man- que jamais de venir dans chacun deux fans exception de perfonne , ni d'âge , nidefexe. Ainii ils nainent tous dans la grâce , & dans l'Efprit d'adoption : ils naiffent tous des Chrifts Celeftes , &des hommes nouveaux tout formez en un moment. Au moins s'ils ont tant de privilèges , ils ne devroient pas tant déclamer contre les autres Chré- tiens qui ne font encore que fort grof-

DU K Ù UA KÉRISMË. Sf

fiers & fort charnels , & à qui par con* fequeîit ce Jefus intérieur n'eft paint encore venu. Ils ne font donc que leur devoir quand ils Célèbrent l'Euchari- flie eu attendant ce bien heureux mo- ment auquel le nouveau fœtus du Kouakerifine fe fera tout à fait formé en eux.

Voici encore une autre difficulté. C 'eft que comme il eft certain que la formation du nouvel homme ou du Ghriftcelefte a divers degrez & divers Périodes, les Trembleurs nous de- vraient im peu inftruirequel eft le de- gré ou le période après lequel il ne faut plus penfèr à la mort de J. C. ni l'a Cé- lébrer en remerciant Dieu de ce qu'il a bien voulu livrer fon Fils Unique afin de nous fauver de la mort éternel- le. Car enfin les Apôtres étoient fidel- tes & régénères , même avant te Pen- tecôte r avant même l'Euchariftie qu'ils célébrèrent avec leur maître.

t> $ C H A-

§2r Histoire CHAPITRE X V,

Dernier prétexte des Kouahrespouv* rejetter le Batême €r VEuchari- jt/e. S erpcnt d'Airain 5 emhlêmet illujlrede Crucifié.

ÏJNfîn nos faux Prophètes difent: ^ pour dernier prétexte qu'on a abu- fi criminellement de ces deux Céré- monies , particulièrement de l'Eucha- rifhe, en l'ayant transformée en une. véritable idole , qu'il ne faut pas trou- ver étrange s'ils les ont abolies , & que* c'étoit ce' qu'ils dévoient faire pour couper ces montres d'erreur & d'im- piété par la racine , & prévenir le mal qui en pouroit arriver fi on les obfer- voit encore. Qu'Ezechias ne fit pas difficulté de brifèr le Serpent d'Airain lorfqu'ilvit les Juifs fc porter à l'ado- rer & à l'encencer , quoique ce fimula- cre fût un monument magne de la. guéri fon miracuîeufede leurs Ancc- lires faite au defert par fon moyen , lors qu'étant mordus des Serpens ils* tournoient laveué vers lui.

je fuis ravi que cette excufë appuyée de i'aftion d'Ezecbias qui bjiû le Ser- pent

DU K OU A KER ISME. '8j

pcnt d'Airain me donne occafîon de montrer îa neceffité qu'il y a de croire en J. G. mort & crucifié pour nous, & de jetter fans celle les yeux fur cet objet falutaire afin de guérir nos ames des playes du péché, c'eft à dire des morfures de l'Ancien ferpent dont il nous eit prefque impoffibîe d'éviter les blelfures , tandis que nous fommes er- cans dans les deferts de ce monde.

Il n'y a point de Chrétien qui puiflè douter que l'élévation & la fufpention du Serpent d'Airain faite au Defert par Moyfe n'ait été un Jeroglife & un em- blème admirable & tout enfembie une prediétion très expreffe de la Crucifi- xion du Meffie.il y a entre l'un & l'au- tre tant de fi beaux rapports qu'il faut fe fermer les yeux pour ne les pas voir. Etjenefçaurois fur ce fujet nfempê- cher de déplorer l'aveuglement extrê- me des Juifs de ne pas reconnoître dans ce Divin Emblème nôtre Divin Cruciflé,qui quoi qu'il ne fût qu'un A- gneau innocent & fans tâche, le St.& le juftervoulut bien néanmoins prendre la forme d'un vil & miferâble efcîavc, & même du plus grand pécheur & du plus criminel de tous les hommes r & fut traité demême-, ayant été attaché au gibet , &ayant fouftèrt la mort honteu- D 6 &

84 Histoire

fe de la Croix, qui étoit le fuplice des cfclaves & des plus grands fçelerats. N'étoit ce pas la prendre la forme & le cacher fous l'apparence d'un ferpent plein de vevin & de malice, & n'en avoir néanmoins que la feule apparen- ce, puifqu'au lieu de faire du mal en cet état, il n'eft capable que de faire du bien, en gueriffant toutes nos in- firmiez & nos langueurs, en donnant même la vie aux morts : à condition que les malades & les morts cher^ chent chez lui leur guerifon & leur re- lurcâion en tournant fans celle les yeux fur J. C mourant en croix, ils le prient avec ardeur & avec confian- ce de leur obtenir de Dieu la Remif- fion de leurs péchez. Car ce n'eft qu'à cette condition que J. C. nou& veut procurer le falut & la vie , comme Mot- pr dit-il, éleva le Serf ent £ Airain au Dejèrt, il faut que le Fils de f Homme fiit élevé r & pourquoi , afin que quicon- que croit en lui ait la vie éternelle , c'efl adiré afin que quiconque contemple jefu s attaché fur la croix , & a recours à lui- en cet état, foit guéri de Tes pé- chez : tout de même que le Serpent d'Airain ne fut élevé au Defert,& atta- ché à une perche, & planté au milieu du Camp> qu'afm que tous ceux qui

fa

BU KOUÂKERISME. îf

feroient mordus des ferpens jettaffenî les yeux fur lui, & fufient guéris. Et qui eft-ce qui acft pas pécheur l. qui eft ce qui ne fente que trop fouvertè les morfures du SerpentPOu qui eft-ce qui n'en ait pas été mordu quelque- fois? Et par confequcntquieit ce qui n'ait pas befoin de regarder perpétuel- lement vers j.C mourant pour nous fur la croix , vers celui que nos pèches ont percé ? Les Kouakres n'ont- ils donc pas véritablement apoftafié de J. G enmeprifant fa mort,en enfeignant à la tourner toute en pure allégorie , & en n'exhortant jamais perfonne à de- mander pardon à Dieu de fes péchez au nom & par la croix du fils de Dieu ?

Mais pour venir à la folution de la difficulté , je dis premièrement qu'il n'y a point d'abus fi criminel dans la pratique des Loix & des Cérémonies Divinement inûituées q&'il donne le droit aux hommes de les abréger* Ce* la n'appartient qu'à Dieu même & à l'inftituteur des Cérémonies. Il falloit donc attendre fur cela la volonté de Dieu & la déclaration expreflede J. C. je dis de J. C. vivant & régnant au ciel? &y demeurant en corps & en ame9 & devant un jour vifîblement en def- cendre pour juger les hommes à & D 7 son

§5 Histoire lion du Chrilt intérieur des Kouakrcs T qui n'a jamais été crucifié, &qui ne içauroit jamais l'être réellement & de fait , & qui léul leur a di£té d'abolir la Cérémonie myftique & limbolique de lamort réelle & corporelle de nôtre Divin Jefus, le feuLChrift véritable j & dont le nom feul a été donné aux hommes pour les fauver;car enfin c'eft le Chrift corporel, & qui eft mort & reiTuffité corporellement , & qui eft monté corporellement au Ciel, lequel la ordonnée à fon peuple,

Je répons en fécond lieu que les Juifs n'avoient aucun ordre ni aucun précepte de garder le Serpent d'Airain depuis qu'ils étoientfortis du Defert & entrez dans la Terre de promiflîon : que par conièquent Ezechias avoit droit de le brifer,non feulement quand il vit que le peuple en abufoit, mais quand, même il n'en auroit pas abufé, Or l'Eglife Chrétienne a un précepte formel de Célébrer la mémoire de la mort deJ.C.parl'Euchariftie: & les Apôtres ont tranfmis cette pratique à leurs fucceflèurs & leurs fuccelleurs nous l'ont donnée de main en main»

C'eft en vain que l'on répliquerait qu'il n'y avoit que les Ap ôîres obligez i la faire , J. C. ne parlant qu'a eux.

Car

D U KOUAK E R I S M E. 8^

Car St. Paul montre qu'ils fe crurent, ©bligex à la faire obferver à tous les. Chrétiens qu'ils raifoient; Et cela jufqu'aia confommation des iïecles t. puiiqu'il veut qu'on la Célèbre jufqu'a. ce que J. C revienne à nous en fa pro- pre perfonne. Et rien n'eft plus con- forme au but & aux paroles de J.C car eft-ce que ce Divin Sauveur n'auroit ordonné qu'a fes premiers Difciples de fefouvenirdelui, & de Célébrer de tems en tems la mémoire de fa mort ? n'y a-t-il qu'eux qui foient dans l'obli- gation de remercier J.G. de ce que par excez d'amour & de bonté pour eux & pour nous tous f il a voulu mourir fur un infâme poteau ? Par confequent J. C. padoit à toute l'Eglife & à tous les fîecks du Chriftiamfme , en leui parlant &en leur ài&nt faites ceci en mémoire de mey.. Auffi il n'y a jamais tu d'Eglife fondée par les Apôtres ^ ni par leurs fucceffeurs qui n'ait cou- fiamment Célébré l'Euchariftie juf- qu'a nous-

Les premiers hérétiques mêmes 9 & les plus grands & les plus dangereux que f'Eglife ait jamais eu v & qui réf. fembloient parfaitement à nos Koua» kers r comme les Knoffiques> & les Maarionites-, & les Manichéens dont

f% HISTOTKE

2e Chrift Celefte eft tout pur Efprit , Se qui par confequent n'a jamais été réel- lement crucifié , & qui félon Mar- cion & Mânes n'étoit qu'une produc- tion émanée du Pere inconnu & une portion de fon Efprit ou de fa fubftan- ce éternelle & incorporelle, répan- due par tout par portions , & princi- palement répandues dans nos ames pour y germer,& y faire naître l'Hom- me Celefte,&pour le dégager des liens de la chair & du fang de l'hommeTer- sreftre, & de la fubftance du Dragon, & du Prince des ténèbres , a fervi de mo- delleauxKouakres pour former leur nouveau Chrift, univerfellement ré- pandu dans tous les hommes, &qui eft félon eux une véritable portion on un véritable rayon de la fubftance di- vine,* du principe de la lumière, mal- heureufement engagée dans la fubftan- ce tenebreufe du péché. Les Ancien» Hérétiques , dis-je , tout Knoftiques & tout fpirituels qu'ils étoiët,ne laifloient pas de Célébrer l'Euchariftie, même avec le pain & le vin , excepte le* Ma- nichéens qui rejetterent le vin , ce qui fburniffoitaux autres Chrétiens un ar- gument invincible contre kur Chrift Celefte.& phantaûique ,. & qm prou- voitcttroémetemsy &lg vérité de la

BU KOUAKERISME.

mort du fils de Dieu, du Chrift véri- table, &lancceflité d'en Célébrer la mémoire, & d'y avoir recours com- me au feul antidote capable de nous guérir de tous nos maux. Ces Héréti- ques difoient que J. G. avoit voulu par fon Euchariftie adopter un corps fenfi- bie, que pour cet effet il avoit pris le pain pour fon Corps, & le vin pour fon fang, & avoit ordonné à tous les Chrétiens de ne lui en donner point d'autres que le pain & le vin myiti- ques , qu'il falloit confiderer comme tenant la place d'un corps compofé de chair & de fang: Et que c'étoit la le feul Chrift corporel , qui devoit de- meurer parmi nous jufqu'a la fin du monde. Aiafi les Anciens Hérétiques plus fubtils & plus doâes fans com- paraifon que tous nos Kouakres, qui ne font que des paifans , & de mifera- bles ignorans , pour la plupart, av oient encore plus de refpeâ pour nôtre J. C. & pour fes inftitutions qu'ils n'en ont.

Enfin la raifon qui donna lieu au Serpent d'Arain ayant ceffé dés que les Ifraëlites quittèrent les deferts d'A- rabie , & entrèrent en la terre de Ca^ naan, il devint une chofe indifféren- te. Mais îa raifon qui a donné lieu à l'Euchariftie eft une raifon qui fubfiltc

au-

$o Histoire-

aujourd'hui de même qu'au tems des Apôtres. Et cette raifon eft que nous devons nous fouvenir de fa perfonne r & de Célébrer la mémoire d'une mort, de l'efficace de laquelle nous avons befoin tous les jours, & dont aufîî nous refièntons tous les jours les effets falutaires. Quand J. C. fera ve- nu, quand ii nous aura retiré des deferts brûlants de ce monde 3 & qu'il nous aura tranfporté dans la Canaan Celefte , il en fera alors de fon Sacre- ment comme du ferpent d'airain après qu'on n'en eut plus befoin, &que les Ifraelites furent entrez dans la Terre de Canaan. Si ce peuple étoit encore aujourdhui dans le Defert,& au milieu des Serpents, perfonne n'oièroit bri- fer le Serpent d'Airain qui feroit pour eux un Antidote toûjours prefent. Perfonne n'auroitofé non plus le bri- fer du tems deMoïfe,lorfqu'ils étoient au Defert , quand même il feroit arri- vé que quelques uns fe fuffent avifez, de l'adorer & de l'encenfer , dans k perfualïon que quelque Ange s'y te- Jioit caché, &y gueriflbit tous ceux qui y jettoient les yeux après avoir été mordus. Si cela étoit arrivé Moïfe fe feroit contenté de leur ordonner de ceffer de l'adorer, & de défendre fous

quel-

BU K O UÀRER1 S ME-

quelque peine qu'on l'adorât à l'ave- nir* Et tout le peuple fe fût porté à l'adorer il auroit confulté Dieu mê- me , l'Oracle de Jehova, pour fçavoiî ce qu'il voudroit qu'on Mt. Or tous les Chrétiens font encore aujourdhui dans le defert, & au milieu des fer* pens dont ils font mordus de tems en tems , & le fcul baume que Dieu .nous a donné contre ces bleflûres, eft J. C attaché à la croix , fur qui par confequent nous devons fans ceflejetter les yeux, & pour cet effet célébrer auffi fans ce{fe la mémoire de fa mort en la manière qu'il nous à or- donnée. Les Koakers ne pechent-iîs jamais , & n'ont ils jamais péché? Pourquoi donc ne recourent-ils pas à la mort de J. C afin d'être guéris * Et pourquoi banniflènt-ils lesmonu- mensfacrez qu'il nous à laiffés de mort. L' Avènement intérieur deJ.C dans nos ames a-t-il quelque chofe d'incompatible avec le recours qu'el- les ont à J. C Crucifié , & avec la Célébration de la mémoire de fa mort ? La véritable raifon donc qui àfaitrejetter cette fainte Cérémonie à nos Trembleurs , eft qu'ils font des ennemis déclarez du Chrift corporel, du fils de Dieu fait chair , du véritable

Chriife

H I S T O I R X

ynri" fait homme comme nous, & de toutes fes a&ions corporelles & hu- maines, jufqu'a fa mort & à farefu- rethon glorieufe. Et comme il n'y aurait eu que le diable le vieux ferpent, quiauroitpû pouffer quelque Ifraëlitê duDeferta aller brifer le Serpent d'Ai- rain qui y étoit élevé, ouàl'ôter de la , afin de faire pertir tout le peuple . il a yaeuaulîî que le diable dont J. c' a écrafe la tête & mouran t fur la croix, « dont il a glorieufement triomphé lur elle, qui ait fuggercr à ces abominables fedaires de renier T. C crucifié, & d'abolir les précieux mo- numens de fa mort. Ce n'eft dont qu un prétexte frivole que celui qu'ils allèguent qu'on a changé en une idole le iacrement de l'Euchariftie , qu'ainfî *e plus feur eft de l'abolir tout à fait pour prévenir l'abus qu'on en pourok toujours faire fi on la confervoit. Car aquoiafervicette abolition? a-t-elle etefuiyiepar les autres Chrétiens? lesCathohques ont ils ceffé d'adorer ie J>t Sacrement depuis qu'ils ont veu les Kouakres ne plus communier? les autres proteftans qui ne l'adorent pas, font ils tombez dans l'abus cri- minel des Catholiques, en conti- nuant de célébrer l'Euchariftie? Enfin

qu'y

DU KOUAKERÎSME. sju'y avait il à craindre desKouakers mêmes,quand ils auroient retenu cette cérémonie ? rien afïèurement , & ils n'auroient pas couru plus de danger que le refte des Chrétiens , qui ne vou^ lent pas adorer le facrement.

CHAPITRE XVI.

ZjCsKouakcrs ne croient pas que P a* dotation de f. C. prefent au Sa* crement foit une véritable IdeU* trie % bon mot de Pen fur ceU*

CE qui découvre encore mieux l'impofture & l'impiété de ces faux prophètes fur la matière que nous traitions, eft qu'ils ne croient pas ve* f itablement que les Catholiques Ro- mains foient de véritables Idolâtres en adorant J. C. prefent au Sacrement, ils croient au contraire qu'on fe peut mieux fauver dans la communion de TEglife Romaine qu'en aucune autre f à caufe de la liberté qu'elle donne de devenir vifionaires, Myftiques, Spi- rituels, & fanatiques. C'eft pour cela que dés le commencement de leur Sefte jufqu'a prefent il y a 5eu une très grande liaifdiiemre eux & les Catho*

ligues

f4 ^Histoire

liques Romains. Et fous te Roy Ja qucs ils agilîoient de concert avec lui avec le Nonce, & les autres Catholi qucs pour fuivre la Religion Prote (tante, &pour s'élever les uns & le autres fur fes ruines. Nous parlerons ce cela plus amplement après que

lious aurons achevé de confondre ces

miferablesApoftâts.

Une première marque ou preuve qu'ils ne croient pas que l'adoration du St. Sacrement fuit une véritable & formelle idolâtrie, une idolâtrie dam- nable, c'eit qu'ils ne l'ont jamais dit m déclaré publiquement dans leurs li- vres. Barclai n'en a jamais rien - dit ni dans fon Apologie, ni dans fon Catechifîne.

Une féconde preuve eft que îor£ que des Catholiques veulent entrer dans leur fe&e ils n'en obligent aucun à renoncer à la prefence réelle, l'adoration du Sacrement. Ils n'obli- gent même perfonne à aucune efpece d'abjuration. Tout le monde eft bien venu chez eux de quelque Herefie qu'ils viennent , pourrai qu'ils s'ac- couftument bien à dire tu & toy , à n'ôter jamais ni te chapeau ni le bon- net, à clabaudercommedes infenfez <4ans les rues, les carfours, & les

mar-

J>VJK OUÀK E R I S M E, 9? ïïarchex & à ne parler que de la lu. miere & du Chrift intérieur.

Une troifiéme preuve eft qu'ils di- [cnt tout ouvertement qu'ils aime- roient mieux être obligez de fe faire Catholiques que proteftant, & que leur Religion & la Religion Catholi- que font au fond une feule & même Religion. C'eft pourquoi Pen étant un jour interrogé par le Roy Jaques qu'elle différence il mettoit entre la religion Catholique & la fîenne ré- pondit que la même différence qui ëtôit entre le flhftpeau du Roy , & le lien étoit celle qui étoit entré la Reli- gion du Roy Jaques 6c celle de Wil- lem Pen. C'eft que le Chapeau du Roy étoit orné & embelli de plumes , & d'autres ornemens non necefîàircs z au lieu que le fien de lui Pen étoit uni & fans aucun ornement. Vous voye^ par ce qu'ils penfent de la Religion Romaine , & qu'ils n'en regardent les Cérémonies que comme des orne- mens inutiles , mais qui n'altèrent pas plus fa fubftance & fon eflènee que les plumets du chapeau du Roy Jaques ea gatoient ou la forme ou la bonté.

Une quatrième preuve eft qu'ils tint reçû à bras ouverts & qu'ils ont adopté toutes les fubtilitez impies &

$ é Histoire

toutes les défaites de f autheur du pr o* teftant pacifique qui a pris plaifîr à fai- re l'apologie de toutes les feâes, & en particulier de celle des Kouakres. Il y en a même parmi eux qui ont adopté cette rêverie que J.C. ferend .prefent à nou$,& fe communique fub- îlantiellement à nous d'une manière très réelle & corporelle, par voye d'irradiation» oud'effofion& d'ema- nation des parties infenfibles du Chrift celefte, & qui font fa chair & ton &ng.

D autres embraflènt le fentiment de penfer , que la toi que les Cath. Ro- mains ont que le corps de . J C. efl pre* fentdans le St. incrément, pourveu qu'elle foit ferme , & forte , a le pou- voir & la force de l'y rendre effective- ment prefent par la même voye d'irra- diation que nous avons expliquée, & dont nous parlerons encore plus am- plement dans la fuitte. Enfin un de Jeurs grandsDocleurs nommé George Kcits croit & enlèigne que J. C. faifoit manger à fesDifciples fa chair &fon fang d'une manière très réelle, & mê- me que tout maître & tout précepteur communique effectivement à fes Dif- ciples propre chair & fen propr# fang à caufe de l'union d'eux avec lui ,

&de

DUKOUAKERI S ME. Ç>7

& de leur mutuelle correfpondance. Qui peut donc empêcher ces gens làde célébrer l'Euchariftie ? Car s'il eft .vraiquelesDifciplesde j. C partici- pent à fa fubftance en ce qa'ils font fes Difciples, ne feroit il pas vrai de dire que J. G. auroit voulu inftituer la Cè- ne, afin que le pain & le vin qu'on y prendroit, fuflènt les véhicules qui .porteraient jufques au dedans de nous , cette divine fubftance & dont il veut nous vivifier? mais en vérité tout ce- la n'eit que chimères ce illufions. Commençons par celle de Monfieur Poiret.

CHAPITRE XVIL

Si la foi d'un bon Catholique Ro* main eft capable d'opérer la f ré- gence réelle CT la Tranfubftance. Plaifante vijion du Sr. Poiret.

A Fin de bien entendre l'opinion de ce nouveau Docleur illuminé, il faut fçavoir qu'elle confifte en deux chofes.

La première eft que c'eft un princi- pe indifputable, félon lui, que la foi eft E un

98 t Histoire un principe tout puiffant àquoyDieu s'eft obligé de fe conformer, & de faire agir félon elle & fes diffçrensdé- grez fa puiffance divine, par elle tou- tes chofes font pofîibles au croyant jufqu'à tranfporter des montagnes dit J. C même , tout ce que Ton délire en foy , & avec confiance en Dieu, fur tout lorfqu'on affermit fon defir & fa foy par la .confideration de fes paro- les , de fes promcflès ? de fa toute puiiïànce, & de fa charité, tout cela dis-je fera fait , & Dieu le vérifie à pro- portion de Ja diveriïté & des dégrés de la foy i de chacun. Ainfi lorfqù une $me picufe d'entre les Catholiques aban- donne la foy à la toute puiffance divine dans la confiance de la préfence corporelle de fin humanité , la finecrité <kr la gran- deur de fa foy luy fait venir réellement la fub fiance du corps de J.C.& détermine Dieu & fa toute puijjance à réalifer ce que fa foy embrafe. C'eft à dire en deux mots*, & en bon François, que la foy qu'un Catholique Romain a de la préfence réelle & de la Tranfubhran- tiationopere l'une & l'autre, parce Mil eft fait à chacun fclcn fa foy. Voilà Je principe du Sr.Poiret. "Maisnevous imaginés pas qu'il foit fi peu habile que 4e prétendre , que cette foy opère de

telle

DU KOUAKERISME. 99

telle forte la prefence réelle & fubftari- tielle du corps de J. G. que tout fon corps, &foname, toute fa perfonoe s'y viennent rendre prefents , & qu'ainfy un feul & même corps, une feule & même ame eft tout à la fois préfente en des millions de lieux diffè- re ns ? non voîcy donc qu'elle prefen- ce il établit.

Il dit qu'en toutes chofes il y a deux fubltances , l'une craiTe & impu- re , ôc l'autre folide , fubtile & dé- liée, dont la première efi: l'écume 6c la craffe ; que c'eft cette première fub- ftance impure & fenfibîequi demeure au pain confacré , l'autre étant chan- gée au corps de J. C. par le moyen des parties fubtiles de ce divin corps qui s'infinuent au pain , & qui comme une teinture Chimique très puiflante & très operative transforment les par- ties les plus fubtiles du pain en fa pro- pre fubfiance, tout de même que nos Efprits transforment les parties déliées des alimens que nous avons pris, en chair & fang, & puis en des Efprits mê- me ; tout cecy aflez divertulànt , & ne vient pas à nôtre fujet. Il pa- roît que Mr. Poiret ne fçauroit fouf- frir qu'on dife qu'un même corps en nombre foit prefent tout à la fois en E z des

icc Histoire des lieux diflèrens. Le Proteflant pa- cifique, & les autres Reconciliateurs ne fçauroient fouifrir non plus cette prefencè Chimérique d'un ieul & mê- me fujet en une infinité de lieux tout à la fois. Mais venons a Mr. Poiret.

Je dis premièrement que fon prin- cipe efl: tout à fait ruineux. Car quand j. C. parle de la nature de lafoy, & qu'il luy attribue le pouvoir de iranf- porter même des montagnes , il ne parle que des chofes naturelles , &de celles qui n'enveloppent aucune con- tradiction.

Le premier efl: clair defoy même, le corps de J. C n'étant en aucune manière en la difpofition des hom- mes, quels qu'ils foient. Cen'eftni une montagne à tranfplanter , ni un arbre à fecher, ni une maladie à gué- rir.

Le fécond ne l'efl pas moins , puif- que la Tranfubflantiation de Mr. Poi- ret ne fçauroit fc faire que par une di- minution perpétuelle du corps de J. C à mefure qu'il tranfpire dans le lac re- ment des parties inlènfibles de fon corps , qui pafîent enluïte dans le corps des communians & par leur vnion avec luv, & leur aâion fur fa

fub-

DU KOUAKERISME. EO|

iabftance la changent suffi en celle de j. C ou en une quinteflènce qui en aproche fort. Ou bien il faut fou- tenir que le corps de J. C: tout gk> rieux & immortel qu'il eft aujour- dhuy, eft encore affujetti àlaneceffité du boire & du manger, ou de quelque autre aliment quel qu'il (bit. Car $ d'un côté il perd à tout moment des par* ties de fon corps , il faut de l'autre qu'il les repare en quelque manière. Ou bien enfin ces parties retournent àluy, & reviennent à nous par une circulation perpétuelle,

En fécond lieu U foy des miracles ne doit agir & faire éclatter fon pou- voir que dans des cas rares & extraor- dinaires v & en des occafions fingu- lieres, & neceiïaires en quelque forte pour confirmer la vérité de la Reli- gion * & vaincre l'incrédulité des hommes. Or fi la foy de la Tranfub- ftahtïàtioti s'operoit elle même , ce feroit une foy de miracles ordinaires de continuels fans qu'il y euit aucune neceffité ni utilité de les faire zinii tous les jours.

En troi^me Heu, il y aune diffé- rence infinie entre la foy qui veut o- perer un miracle , & la foy qui fans pente r à en faire un, m à délirer qu il E3 en

102 Histoire

en (bit fait un , fupofe feulement la ve- nté & l'opération d'un miracle déjà tout fait. Or la foy d'un Papifte , ou Fade de fa rby ne tombant point fur l'opération du miracle delaTranfub- ftantiation comme fur une chofe qui eft à faire, ce n'eft niundelïr, ni un vœu, ni une volonté en luy que ce changement fe faiTe : au contraire fa foy luppofe abfolument qu'il eft fait, & elle s'y attache comme à une chofe déjà opérée & effectuée par la feule volonté de J. C. fans le concours d'au- cun autre que de celle du Prêtre qui confacre , & qui feul a le pouvoir & l'authorité félon eux deconfacrer, & par confequent d'opérer le miracle de la Tranfubftantiation , defarte que fi le Prêtre eft un impie, un méchant, un infidelîe, il ne fe fait aucune me- tamorphofe ; & l'on n'adore que du pain au Sacrement.

En quatrième lieu les parties fubtiles & infenfibles du corps de J. C. ne luy fçauroient plus apartenir dés qu'elles s'en font defunies & détachées. Car tout ce qui fe détache d'un corps, & s'unit à un autre corps, devient partie de celuy auquel il s'unit, & celle d'ap- partenir à celuy dont il s'eft feparé, tout de même que les parties infenfi- bles

DUKOUAKERÏSME. IOJ

bles que nous tranfpirons à tout mo- ment, celle nt par la tranfpiration d'ê- tre de véritables parties de nous mê- mes , & ne nous apartiennent plus ; parce que ce détachement les unit à d'autres corps dont elles font oWi? gées de fuivre la nature, les mouve- mens & les modifications. Les par- ties infenfibles qui fe detachoient du corps de JL C vivant fur la terre, ce que le vent ou la rapidité de la matiè- re, fubtilc du premier Elément écar- toit de mille & mille lieux differens, n'êtoient plus des parties véritables de ce corps , & ne pouvoient. plus luy apartenir.

En cinquième lieu les parties fubtir. les s infenfibles M impalpables du corps de J. C. ne font ni chair , ni fang. Elles n'en n'ont ni la nature ni les qualitex , encore moins font el- les toute cette chair , & tout ce fang. Or J. G. dit du pain qu'il eft fon corps* & non pas une partie de fon corps, & moins encore une partie invifîble & infenfible de fon corps. Il dit du vin que c'eft fon fang , & non une partie de fon fang , ou une partie in- fenfible de ce fang.

En fixiéme lieu il efl: fi vifiblement faux que j. C ait eu defiem & intcn- E 4 mh

io4 Histoire non d'mfinuer dans le pain des parties mfenhbles de Ton eorps , & d'en chan- ger leulement la fubftance la plus fub- tue , & la plus déliée , comme le Sr. Foiret le prétend; qu'au contraire ee n eft que de îa fubftance palpable gfoffiere & fenfible du pain qu'il a dit qu'elle étoit fon corps: Cecy, ce pain matériel , cet objet vifible que vous touchez & que je vous prefeme , ce pam5dis-je,que je vous ordonne de bri- fer, de mâcher, & de manger , eft mon corps. Si donc J. C. opère un changement de fubftance, c'eft le feul changement d'une fhbftance^viftble, fenfible & palpable. Car c'eft préci- fement cette fubftance vifible qu'il apelle fon corps. Et tant s'en faut auf- û qu'il vueille changer ce pain & ce vin en une fubftance inviftble, ou en des parties infènfibîes de fa chair & de fon fang, que tout au contrarie il déclare que ce pain eft fon corps vi- nble, & que ce vin eft un fang fenft- ble>y Cecy , dit- il , efl mon corps' rompu ? brifé, immolé, livré à îa mort, cecy efl mm faw* répandu. Eft- ce que les parties infenfiblcs de fa chair & de fon fang qu'il donna êtoient un corps bri- fé, rompu, immolé , un cadavre en. un mot? étoient-elîes un fang fcparé <iu corps , & yerle fur la terre ? En

I) U KôU AKÊRîSME. IDf En feptiéme lieu il fous prétexte que toutes choies font poffibles au croyant ia foy d'un bon Catholique fait venir ici bas la iùbftance de J. G. pourquoi un Manichéen qui croyoit fermement que J.G. habitoit dans le Soleil, n'y auroit-il pas auffi placé J. G. par fa foy? direz-vous que les Manichéens n'avoient aucun jufte fujet de croire une telle prefence de J. C.'dans le So- leil, l'Ecriture ne leur en donnant pas le moindre foupçon ? C'eir tout ce que l'on peut répliquer. Mais c'eft auffi ce qui ruine l'erreur du Sr. Poiret & la metamorphofe de ces Catholiques croyants. Car J. C. a-Hl donné le moindre foupçon d'une prefence ex- pliquée à la manière de Poiret? Et quand il en auroit donné quelqu'un, cil-ce qu'un abus greffier & palpable ^es paroles deJ.C. peut authorifer les extravagances & les folies des Chré- tiens ?

De plus les Manichéens fe fondoient fur un; texte affez plaufible Gaffez ap* parent , m foie p,\uu tabcwaculum fuum% il atendufQQ pavillon dans le Soleil. Mr. Poiret jufiifî#ra-t-il le Manichéen, de peur d'être obligé de condamner les Catholiques Tranfubftantiateurs ? Çeftk plus court pour lui. Mais auffi E s flous

io6 Histoire

nous voilà tous dans la liberté d'ado- rer le Soleil tout de même qu'on nous permet d'adorer le St. Sacrement. Car ce qui fera permis au Manichéen le doit être à tout le monde fans exce- ption. Et fi Mr.Poiret le condamne, îur quoy fa condamnation lera-t-elle fondée ? dira-t-it que le Manichéen abule de l'Ecriture, & qu'elle n'a pas le fens qu'il y donne? mais on lui dira la même chofe. de fes Catholiques Tranfiibftantiateurs. Et de plus il fe- ra obligé d avouer que la vertu de la foy, & fon pouvoir doivent luivre la nature de la révélation & y être con- formes , ce qui ruinera également & la foy Manichéenne, &la foy Tran- fubitantiatrice.

En huitième lieu je foutîens, & Mr. Poiret en demeure d'accord , que ce ifeft pas allez pour faire desMiracles, d'avoir une foy telle qu'elle. Il en faut du moins autant qu'un grain de mou- tarde. Il ne fuffit donc pas auffi pour ©perer la Tranfubftantiation d'en avoir Ja foy telle qu'elle. Et quand je dis une foy telle qu'elle, je parle d'une véri- table foy. Il faut donc que la foy qui opère ce grand Miracle foit dans un certain degré de force & d'énergie ca- pable de l'opérer. Les Apôtres" vou-

loient

t> U K O U A K E R I S M 'tôf

îoient chaffer un diable muet&fourd ils vouloient ferieufement le Chaffer & ilsavoient la foy, ou la perlùafioti qu'ils le chafferoient, car fans cela ils n'auroient pas entrepris de le chaÛer. Ils n'en purent pourtant jamais ve- nir à bout, parce que leur foy n'étoit pas afîèz grande ni alïèz, forte pout donner la chaffe à cette efpece de dia- bles. Quel eft donc le degré de gratis deur & de force neceffaire à la foy Tranfubftantiatrice afin de devenir Tranfubftantiatrice ? Mr. Poiret le fçait-ii i s'il le fçait qu'il nous l'appren- ne ; qu'il l'aprenne du moins à fes Ca- tholiques croyants , afin qu'ils ne s'y •trompent pas 5 car fans ce degré force ils auroient beau croire une Tranfubftantiation , ou vouloir en1 opérer une , ils ne feroient que de^ efforts de foy inutiles, & cette Tran- fubftantiation fi neceffaire pour reéti- ■fier & légitimer leur adoration du Sa* crement , ne fe feroit jamais.

En neufviémc lien toutes les Eucha- riftiesdu Chriftianifmc , & de tous les ■iiïeclcsde l'Eglife Chrétienne ne font que des fuittes, ou des renouvellement & des répétitions de la première, faite par J.C Si donc J.C n'a point voulu tranfubâantier la première , l'on au- E 6 ra

108 H I S T O I R E

ra beau fe per fuader que les autres font des transftibiïanîiations, elle ne le fe- ront pas pour cela. Or J. C en infti- tuant Ion EucharifHe n'a jamais penfé à cette metamorphofe chimérique, car ii n'en avoit pas befoin. Ses Dif- ciples n'en avoient pas befoin non plus que lui. Onmen trouve pas la moin- dre trace dans tout l'Evangile. St. Paul ne s'eit aufîi jamais avifé de nous en parler. Au contraire 5 quand il parle <ie l'Euchariflie, il ne nous la repre- lente que comme un gage & un monu- ment de J.C sbfènt;, toutes Us- fois qut vous mangerez* de ce foin vous publierez la mort du Scignmr jufquà ce quil vien- ne. Et s'il nous exhorte d'adorer J.C. ceu'eirque comme élevé à la dextre de la Majellé Celefle. Et les Apôtres ont crû une prelence réelle de J. C.ici bas, ils n'ont crû qu'une prefence de fa Divinité. Ce que je remarque ex- prez pour prévenir ce que M. P. pou- roit dire 3 que les Apôtres & les pre- miers Chrétiens n'ont pas crû à la véri- té la Transfubftantiation groffiere & contradictoire de l'Ecole Romaine, mais feulement la fienne. C'elt une di(lin6tionqu!ils ont tous ignorée, & qui n'a aucun apuy dans les monn- •mens de la première Antiquité. Les

par-

3) U KO UAK-ERISME» TO^

parties fubcilesdes Corps, & les tein- tures Chimiques des fubftances dont on nous parle tant , n'étoient point connues alors.

En dixième lieu J.C penfok fi -peu à cette nouvelle metamorpbofe que bien loin de vouloir donner à fesDifci- pies «la fubftance de fon corps vivant afin de les vivifier , il ne leur donne qu'un corps mort , une chair inanimée, privée de vie & de fang , & par confe- quentfans aucune vertu de vivifier. C. ne nous donne donc pas, non plus aujourdhui une iubitance animée vi- vante & vivifiante tout enfernble, #a bien nôtre Eucharillie n'eft pas la mê2- me que celle que J. C. inftitua & cé- lébra* le premier.

En onzième lieu ce divin Sauveur déclare lui même que l'Efpritfeul op- pofé.à la chair , oppofé à fa chair mê- me , à cette chair qu'il nous ord on- noit de manger , > & dont il donna le fymbole à manger à Tes Difciples, eft cerqui nous vivifie ; U Chair , dit-il ^ fie profite de rien , éreft l\f prit qui vivifie. -Et ce qu'il ajoute , la parole? que je vous ni dites, font Efprit if Vis, anneantit encore cette imaginaire transforma- tion. Car fi les paroles de J.C fe doi- vent entendre d*une manière fpintuel- E 7 le>

"P Histoire le, «capable de vivifier, il faut donc neceirairernent les prendre en un fens formellement oppofé à celui d'unepre- ience corporelle, quelle qu'elle ibit, puiique cet Efprit & cette vie ne fe doi- vent raporter qu'à ce qu'il venoit

nnrQ V U C>W m ï*&* de riCn > ^Jî tmmmm vivifie , ce qui feroit feux de : la dernière ftufleté fi fa chair

a ftèr&i oudes Parties infenfibles de fa chair & defon fang, emanoient perpétuellement de fon Corps, & en- voient dans le Sacrement pour le Changer, & pour nous en -vivifier. Ou fcen ia chair à le fang de J. C font de- venus Efprit .& Vie , .& ne font plus ni chair flftbg, Et elles ne font Plus ni chair ni fang , c'eft en vain qu'on tous parle de les manger & boire com- me chair & fang.

Mais ce qu'il yadeplusdano-ereuT- c-âncria maxime de M. P. c'eft qu'elle juftifie l'idolâtrie la plus cralîe & la plus honteufe qui fe commette en l'E- ghfe Romaine , au fujet des images m tout des images de la Sainte Vierge. Car aflèurément le peuple crédule s imagine fortement qu'il y a des ver- tus divines en elles j & dans les unes bien plus que dans les autres. Ce qui a produit les Nôtre-Dame de Liefle,

DU KOUAKERISME. I T î

de Lorette , destiardilliers , & une infinité d'autres. Voilà donc Dieu engagé par la foy de tous ces idolâtres à ratifier & à vérifier toutes leurs ex- travagances. Et qui pis efl le voilà obli- gé a taire une chofe que cette même Eglife a folenuellement improuvée & condamnée en termes exprés dans un Concile Oecumenique,defendant à tous les Chrétiens de croire de telles vertus dans les images , en traitant d'i- dolatrie une telle imagination. Mais Dieu, dira-t-on , a dérendu le culte des Images. Mr., P. n'o^eroit le di- re, car il n'a garde decondannertous fes dévots & tous Tes Saints de l'Eglife Romaine qui pratiquent ce culte tous les jours. Et Dieu n'a-t-il pas auffi dé- fendu d'adorer le Sacrement qui n'eft que du pain , & une image morte & inanimée, d'une chofe morte & ina- nimée, je veux dire l'image du Corps mortdeJ.C Et puis feroit l'ido- lâtrie de nos peuples crédules ? Car fi leur foy attire des vertus divines dans les images qu'ils adorent , ils n'ado-, rent plus proprement ces images mê- mes , mais les leules vertus celeftes qui, y rerident,

' Non feulement fa maxime juftifie toute l'idolâtrie Romaine , elle juftifie

même

*t* Histoire même toute l'idolâtrie des gentils qui adorent le 5oieii , & les innuiacres de leurs Dieux. Car apurement Us y eroyoïeat une vertu divine attachée; & : celafeul qu'ils l'y croyaient atta- chée 1 y attachoit eifeétivement. La plupart d'eux croyoit auffi la prefen- ce des intelligences cekfces dans tous les corps lumineux pour les mouvoir * qu'ils le cruflènt pour obliger Dieu a y envoyer ces mêmes intelligences, quand même elles n'y auraient pas déjà été. Ne me dites pas que Dieu a détendu exprciiemem l'a- doration du Soleil , & de toute l'armée des cieux. Car cette défenfe n'a été faire proprement qu'aux Hébreux, & par confequent ne regardoit en aucune manière les autres peuples du monde bi les Hébreux même avant qu'elle leur eût été faite, par confequent ils adoroient innocemment le Soleil, & parmi les Qildéens, & parmi les Egy- ptiens. Voilà donc toute la Région iuDîeuMithra, ou desPerfès, celle ce Vefra, ou des Romains, & acné. raJement celle de tous les Gentils hru- tement & pleinement juflifiée. Pour- quoi donc job à oui Dieu n'avoit jamais fcktfe&hfë dsadorer le Soleil & fçait il fi bon gré'de ne Favoir pas

ado-

bu Kquakerisme. i t 3 adoré? Et pourquoi reconnoit-iî qu'il ■auroit été criminel , s'il l'avoit adoré ? pourquoi Dieu vient-il défendre une adoration § fainte & ii innocente en elle même ?

Les Ifraëlites , dit M. P. avoient apris de leurs anceftres , qu'il avoit les idoles en abomination. Il parle des Ifraé'lites fort i s d'Egypte , & idolâ- trais au defert. Premièrement ces An- cêtres ne montent pas fort haut , puis- que ceux d'Abraham les adoroient, & que ce grand homme a long-temps fuivi l'exemple de fes Pères. Mais en- core une fois comment & pourquoi Dieu art-il en abomination le culte des idoles ? Gar celles de Laban, par exem- ple étoient des images d'Anges, de Chérubins , & de Séraphins , & des images qui rendoient des oracles. Que Jacob ne les adoroîr-il aufïï-bien que Laban? il y auroit fait deicendre pac fa foyces légions de Séraphins, à qui fon culte le feroit adreilé, ce qui pour marque qu'ils l'auroiené eu pour agréable , y auraient rendu des ora- cles quand il en auroit eu befoinv La ' diflinâion. de M. P. de fubftan* ce tefle & fenrible , & de fubftance fubtiie& déliée eft une plaifante Phi*- lofophie , comme fi les mêmes fubftan- . . ces

"4 Histoire ces n etoient pas tantôt fenfiblesà pal- pables , & tantôt infenfibles & inpal- pables, lelonladiverfitéde leur nou- vement , ou de leur repos. Mais ce n elt pas a cela que je veux m'arrêter i je dis feulement que la Tranfubftan- tiation de M. P. ruine abfolument cel- Je de! Eghfe Romaine, confirmée par les Docteurs , par fes Prêtres, & par tous les Saints. Je voudrais bien fca- voir n ies Dévots & les Saints de l'È- gUte Romaine , qui ne croyent que celle qui a été définie par les Conciles, oc qui s enfeigne dans l'Ecole , qui n'en croyent point d'autre , & qui n'ont garde d en croire une qui eflexprcilé- ment foudroyée par tes anathémesde leur Eglife ; telle qu'eft celle de M. r- ne laifïent pas néanmoins de l'opé- rer toute abfurde qu'elle eft? Car en- fin il n'en1 fait à chacun que félon fa rby; & comment des parties infenfibles & impalpables font elles de la chair & dufang? Car J.C. nous aprend qu'il n y a que les Efprits qui foient invi- fibles & inpalpabîes, voye\ & manieç moi, unEjpràna ni chair ni os, corn* me vous voyc^ qwfcnayï

Quelle neccffité de faire venir !es parties du corps de J. C. dans le Sacre- ment pour le changer? ne les peut-il pas changer fans cela ? Ou-

DU KOUAKERISME. II j

Outre cela je pofe en fait que lafub- ftance fubtile & déliée du pain & du vin , n'eft point transformée en celle de J. G puifque l'on peut en extraire par la diftillation les parties les plus fubtiles, & en tirer des Efprits & mê- me des Éfprits ardens , n'eft-ce pas une preuve certaine & invincible que cette iub (lance déliée n'a point été changée en celle de J. G. ou bien ce feroit cette dernière que Ton tireroit par l'aîembic , & qui feroit affeurément le plus grand & le plus divin de tous les remèdes , le baume fouverain , & la feule panacée.

Enfin cette belle transformation ne fçauroitjuftiâer l'adoration da Sacre- ment. Voici comment la plus grande peine des nouveaux Catholiques eft de fe voir obligé d'adorer le St. Sacrement quand il eltexpofé fur les Autels, pré- senté à la Communion r porté aux ma- lades , & promené par les rues en pompe & en Cérémonie. Car après tout la foy ne fait ce miracle feîoa M. P. que pour celui qui l'a, & nul- lement pour celui qui bien loin d'avoir une telle foy , la detefte comme une abomination. Quand donc un Refor- mé communie , il ne fe fait aucune transformation , & par confequent , il

n'ado-

ti6 Histoire

n'adore que du pain. Quciï deux bons Catholiques s'aprochent de la table moo m troifiéme qui fera Huguenot, & qu'il faille , comme cela arrive allez fouvent 5 partager l'hoftie en trois pour les Communier tous trois : d'a- bord les dévots Catholiques remplit- fent par leur foy toute cette hoirie des parties du corps dej. C. qui comme une teinture Chymique la plus efficace & la plus aéiive de toutes change tou- tes les parties fubtiles de l'Hoirie, & eeîîesde la Chair de j. C. mais fi-tôt qu'on vient à la partager , il faut de toute neceffité que toutes ces parties changées avec celles du corps de J. C.paiTent au moment de la diviiîon & h portion qui fera donnée aux Catho- liques, delorte que le Huguenot n'en reçoit aucune , & ne mange que la lubllance crafle , ou l'écume du pain. Car il cft fait à chacun félon fa foy. Comme donc la foy d'un boa Catholi- que opère la prefence de J. C. & le changement dupainenfon Corps, de même la foy d'un bon Huguenot qui detefte ce! te prefence, & qui ne croit qu'une abfènce réelle, n'opérera auffi ^ue cette abfence.

CHA-

DU KOUAKERISME. ?f|

CHAPITRE XVIII.

Examen de la préfence corporelle de C. par voye d'irradiation.

OUoique ce que je viens je dire ^contre la vifion de Mr. F. dé- truiieauffi, cette préfence corporelle par voye d'irradiation , je ne îailîerai pas de la combattre encore ici. Mais il faut toujours remarquer avant tou- tes chofes que cette prclence réelle que nos pacificateurs & ^conciliateurs font îèmblant de défendre n'eft point du tout celle de fEglift Romaine. Car ils rejettent cette prefence corpo- relle qui multiplie une infinité de fois le corps entier de j. C. & qui eft cer- tainement la plus grande contradi- âion qu'on pût imaginer, fi bien que voila les fentimens de Sçot& de Tho- mas rejettes, tout d'un coup. En effet ce font deux extravagances (enlibles.

L'un dit que le corps de J. C. efl: préfent au Sacrement, pareeque Dieu l'y amené du ciel. Il y vient difent-iîs par voye JadduBion , mais pourtant fans quitter le ciel, nipafïèr par les airs, ou par les efpaces qui font entre le ciel & la terre. Cette manière de préfen- * ce

n8 Histoire ce eft inexplicable & contradifloi- re. Outre cela elle eft extrêmement funefte au pain ou à fubftance qui n en peut jamais. Car au moment que J. C s'y vient rendre , il l'anéantit. ht pourquoy, eft-ce que ces deux fub- f tances ne pouroient pas bien vivre en- femble dans un même lieu & dans un même fujet? Il n'en faut pas douter, puifqtie tous les Catholiques tiennent la pénétration des corps, & queceluy de J. C. en particulier pénétra celle de Marie en venant au monde , & celle de la pierre de ion tombeau cnrelîù- fcitant. C'eft donc feulement afin que la fubftance du pain ceflant d'être en celle de J. C. venant à prendre fa place l'on puifïè dire qu'il s'y fait une tranfubftantiation , c'eft à "dire un changement de fubftance en une au- tre fubftance. Mais c'eft la fe former une plaifante efpece de converfion de fubftance en fubftance. Dans toute converfion véritable & proprement dite, telle que le Concile de Trente a déterminé être celle du pain au corps de J. C. le fujet qui fe change fublifte toujours , & ne perd que fa forme fubftantielle . en fe transfor- mant en une autre fubftance. Il faut donc avoir perdu lcfenspourfoutenir

qu'une

DU KOUAKERISME. 1 1^

qu'une fubftance qui tombe dans le néant fe convertit effectivement & proprement en une autre.

L'Ecole de Thomas d'Acquia voyant ces abfurdite^ explique la pre- fence réelle par voye de reproduction du corps de j. G. tombant ainii d'une extrémité en l'autre ,

Dum finit i vitant vitïa in contraria currunt.

Car comment concevoir qu'une chofe qui eft déjà toute produite, 6c quifub- fiiie depuis pluiieurs fîecles , le produi- re encore tous les jours de nouveau? Eft*ce que la première production, ou la première cxifience ne lui fuffic pas? Et cette nouvelle produ&ion lui aportc-t-elle quelque choie de nou- veau? Il cela eft, ce n'eftplus la mê- me choie , ni le même être. Et fi el- le ne luyaporte rien de nouveau, elle eit inutile. Et qui peut comprendre qu'une feule fubftance ait plufîeurs exiftances fans devenir plufîeurs fubflances véritables ? Car après tout l'exigence de la fubftance n'eft autre chofe que la fubftance même conçeiie comme exiftente. L'exiftence n'en eft ni un mode , ni une qualité qui puiiTent fe conçevoir fans elle \ ou fans qui ellefe puiflè conçevoir.

î20 Histoire

Le comble d'extravagance qui fe trouve dans cette explication Thomi- ftiqùe elt que ce prétendu corps de j.C prefent au St. Sacrement, eftun j. C. inconnu à l'Evangile, un corps nouveau , à qui n'a jamais été Cru- cifié pour nous. Gâi Je vrai corps de J. G. n'a été formé que du Lang de Ma- rie, & celui-cy eiï formé d'une lub- ftance de pain, qui efl une fubftance toujours nouvelle, & qui n'a jamais été celle de Marie, ni lefi^etdel'o* peration du St. Efprit. On ne fçau- roit donc imaginer d'autre prefence réelle du corps de J. C- ici bas qui foit explicable & intelligible que celle qui fe feroit par voie d'irradiation 3 & qui a été adoptée ou inventé par le Prote- ftant pacifique , faut-il donc , dit-il ,

fent fur la terre ? Comme s'il difoit, faut-il dont que J. C. quitte le Ciel pour fe rendre prefent à nous? Ce qui inimuë évidemment que comme le fo- leii fe rend prefent fur la terre par l'en- voy de fes raions, & de fa chaleur, J. C. de même demeurant toujours au ciel, fe rend prefent à nous par des émanations divines de fon Corps im- mortel & glorieux , & qui eft prefen- ternent comme un foleil 5 ou plûtôt

le foleil quitte fin ciel peur être pie-

un

DU KOU A.KERISME.

un Occean de lumière, de vie & de gloire.

Mais quelque explicable que foitcc fèntiment il ne lahTe pas d'être tout op~ poféâ la nature de i'inftitution de l'Eu- chariftie. Car le Seigneur, en donnant ton Corps & fon Sang ne parle point d'une fubftance impalpable & infenlï- ble, qui ne feroit ni chair ni fang, elle étoit telle, & qui feroit plutôt ou la matière première d'iiriftote qui n'a ni quantité, ni qualité, ni rien de tout- ce qui détermine les êtres: Or pour parler plus jufte.& félon les maximes de nôtre grand Maître , le Seigneur Je- fus , le Prince des Philofophes, elle fer roitunpur Efprit, car félon fa doctri- ne ce qui ne fepeut voir ni manier eft un Efprit qui n'a ni chair ni os. S'il.fal- loit donc entendre à la rigueur de la lettre les termes de j. G. il fàudroit croire que le pain & le vin feroient ef- fectivement de la chair & du faftg , ou une fubflance' modifiée en chair & en fang, &que cela feroit ainf] quoique nos yeux n'en viflènt rien. Ce feroit même une chair brifée, & un fang ré- pandu, J.C/di&ntque le pain eiïfon corps rompu, & le vin, fon fang ré- pandu.

Et ne dites pas que la forme de chair F &

122 Histoire &defangne iert de rien au corps de J. C. ou à fa fùbftâûce pour nous vivi- fier ? Car cette fubftance ne vivifie pas davantage en qualité de fubftance , ou Amplement comme fubftance. Il faut pour qu'elle vivifie , qu'elle foit accompagnée de quelque propriété^ c'eit-'à-dire animée de l'Efprit divin. Puifque c'eft donc une chair fans vie &fansfang, elle eft incapable de vi- vifier. Auffi j . C. comme je l'ay tait voir, ne veut pas nous vivifier par la chair de l'Eucnariftie, c'eit par fon Efpritfeui, c'ejWejprit, dit-il, qui vi- vifie. El comment auroit il- eu cette penfée , lui qui dit non qu'une fub- jiance invifible & infenfible devient line autre fubftance invifible & infen- fible , mais d'un fujet villbîe, fenfible & palpable, qu'il en devient une fenfible & palpable. Car J.C parlant du pain & du vin, & les nommant fon corps & fon fang , parloir d'un fujet fenfibie & palpable , & leur donnoit le nom d'un autre fujet fênfible & palpable. S'il étoïtHonc vray qu'il fallût prendre ces paroles à la lettre, ceci efl mon cerpr , il eft plus clair que le Soleil que J. C. auroit voulu dire que cet objet vifible qu'il tenoit en fes mains, & qu'il pre- lêntoit a les Apôtres étoit fon Corps,

& fon

. BU KOUAKERISME. 117

& Ion Corps viiibie & palpable , defor- te que tous ceux qui ne prendraient pas cet objet virïble pour le Corps de J.C. ne feraient pas bons Romains , & s'é-*- lorgneraient de leur prétendu fens lit- téral des termes de J.C.

Les Cartéfiens Catholiques font de monfentiment;car comme ils ne cro- yent aucun accident fub&iant fans fu- jet, & confondent enlcmbie corps, fubiiance , étendue , 6c matière , il£ prennent toute cette étendue vifible , & fénrible; & tout cet objet qui frapë leurs lens pour J. C. même, qui veut bien félon leurs hypothéfes le changer en -un pain apparant en leur faveurau lieu de chair & de fang. Car que de- viendrait l'étendue du pain ? s'annéan- tiroic-ellef mais il implique contradi- ction lelon les hypôrhèTes Cartélien- nés que le moindre : 'arôme ou la moitié dre partie de la matière ou de f érenduè* periliè fans que tout periflè. Autrement il y aurait un iefpaçe vuide , fçavoir celui qui étoit rempli de la portion de matière qui ferai: anéantie. On ne peut pas non plus félon ces mêmes hy- pothefe donner de nouvelles étendues au Corps d e J. Ç. car fe placer oient elles , puifque tout eft plein , & que rien ne fçauroit faire place à une nou^ F a velle

124 ^ Histoire- velle étendue que Dieu crééroit? Et ie Corps de J. C. pourok-il avoir de nouvelles étendues , fans ie multiplier quanta la fubflance, puifque étendue & corps font une feule & même chofe? Et puis croyez que ces Meilleurs les Cartcfkiis. font bons Tramubftantia- teurs ? & qu'on a grand tort de les tramer d'hypocrites & de diiTimuia- teurs ? Ils répondent que Dieu fait par le moyen du Corps de J.Cprefcnt au Sacrement fous les aparences de pain les mêmes impreffions fur nos fens, & nous caule les mêmes fenfations que cauferoît l'étendue du pain fi elle fubfiilo;:, c'eilàdire que la iageile& la vçrité même nous fait une perpé- tuelle illufion. Et moi je leur dis, qu'ils font des 'impofteurs qui veulent faire iunfipn au monde , mais fràtnmU heur pour eux c'eit qu'il n'y a que les fois qui s'en laiiTenc ébîouïr.

Une autre puifîànte rai.fbn contre la fubftance inviftble du Corpi> de J. C- prefente par voye d'irradiation, fetire déférât auquel étoit le Corps de J. quand il-.ihûkua fon Sacrement. C'é- toic un état de mortalité & de corrupîi- bilité. Son Corps n'étoit alors que chair & fàng, & par confequent il ne pouvoir donner cjae de h chair & du

DU KOUÀKER 1 S Kl E. î if

lang, & tien d'immortel & d'incor- ruptible. - ,

Enfin je demande 1] cette fubfîance invnibiequin'eft ni chair ni'fang, fe peut manger & boire ? la belle choie que ceferoit que de manger & de boire desEfpiits, ou des Corps aufil invisi- bles que des Eipriis ? J'aimerois autant qu'on nie dit que l'on boit & que Ton mange la lumière, encore cil elle vi~ lible : ou la matière, fubtik du premier clément de Defcartes. Et pourquoi ne la mangeroit on pas , & ne la boir oit- on pas , puifque celle de J. C. qui doit être à prélent auffi fubîile & auffi dé- liée, pour le moins qu'elle , fe mange bien & fe boit bien ? ii l'on dit qu'on ne la mange pas, l'on contredit J. C. qui ordonne expreffément de manger fa chair & de boire ion lang. Que fi en- fin l'on réplique que ce boire & ce man- ger doivent être entendus meraphori* quement , pourquoi non auffi les ter- mes de chair ce de fang ? Car peut on manger & boire métaphoriquement 5 c'ell à dire en un fens figuré, & nulle- ment littéral , de vraye chair & de vray fang ?~ En dépit donc des Catho- liques Romains, &de tous leurs plus fbbtils Apoiogiftes toute la proportion de J, C.le trouve métaphorique & figu-

xi6 Histoire ice. Les termes démanger & déboi- re le font ; car on ne fçauroit man- ger ni boire proprement & à la lettre nneiubltanceinvifible, & aulïi invifi- ble que des Eiprits. Donc auffi le ter- me de chair eft métaphorique, car au- trement fi c'étoit une chair véritable & proprement dite on îa verroit, on la toucheroit , on la fentiroit , & par confequent on la manger oit auffi à la lettre. Donc toute la proportion de ].JÇ. eft métaphorique, impropre & fi- gurée. Or comparons je vous prie la propofition de J.C. figurée & métapho- rique des Catholiques Romains avec celle des Protcftans , & Ton verra que Tune eft fi forcée & fi contraire à la foy & à laraifon qu'on ne la peut foufrir, & que l'autre eft fi facile, fi naturelle & fifimple qu'on ne les fçauroit rejette* fans fe faire violence.

CHA-

DU KOUAKERISM E. ïlj

CHAPITRE XIX. .

Examen de l'opinion vijtonaire de George Keits 5 fameux Kouakre.

JE ferois tort à mon Lecleur , & j'aurois trop mauvaife opinion de Ion jugement je m'amafoisà réfuter ferieufement la peniée extravagante de George Keits, que tous les Maî- tres & tous les Doéteurs font manger leur chair & boire leur fang à tous leurs difciples , à moins qu'on ne pren- ne cela en un fens fort allégorique, fort myitique &Quakerifte, c'eit une véritable extravagance. Et fi on l'en- tend allegoriquement ce n'eft encore qu'une pure chimère. Car entrer dans les fentimens d'un maître & recevoir avec docilité les inftruâions font des chofes toutes fpirituelles , & qui par confequent donneraient bien lieu de dire qu'on prend fonEfprit , & qu'on y participe par ce moyen plutôt que de dire qu'on mange fa chair. Car en- fin la fentence de J.C.eft d'une vérité éternelle & univerfelle , La chair ne profite de rien, cvjl FEftrit feu l qui vi- vifie. Ou bien il faudra, diftinguer F 4 fcue

•Jtflfl Histoire une chair en un fang purement cor- porels, terreftres &grofliers, & par incapables de vivifier , 6c une chair & un fang fpiritueîs & ceieftes^ c'eft à dire qui ne font qu'Efprit & vie. Et alors on dira -que J. G. n'a pas feule- ment fongé à cette diftinétion, & qu'il i toujours oppofé purement & fina- lement l'Efprit à Ja chair 6c au fang, même à fa chair & à fon fang. Mais fans m'arêter d'avantage à réfuter cette viiion, on fera bien aife de fçavoirce qui a donné lieu à l'inventer. L'oc- mfaéqm la fait naître a été une ob- jection tirée du 6. de St. Jean J. G. parle fi au long de manger fa chair & de boire fon fang. Le grand Apo- logie & Panegirifte desKouakres, ou l'Autheur impie du Proteftant paci- fique prefle. fort cette obje&ion & fou- tient que manger la chair & boire le fang de J. G. ne fîgnifienr pas croire feulement en luy; if qu'on ne trmvera jamau dam quelque Autheur que ce foity jacré ou profane, un langag: femblable , m que quelqu'un commande de marner ja chair if de boire fon fan? pour fïgnft fer qu'Haut qu'on fu'h* •fa difc'ïp line 4$ fa doctrine, & que l'on s'y fnm<?ttc. Et il a raifon , mais pour le démê- ler de cette objection il n'etoit nul- lement

DU KOU AKER I SME- E2gl

îement neceiiàire de dire que Ton mange réellement la chair de JC & que tout ce qu'il y a de Maîtres au Monde font manger leur chair & boi- re leur fang à tous leurs difciples, fiir tout à ceux qui entr'ent dans leurs fen- timens s une penfée auffi vifîonaire que celle-là & qui fourmille d'abiurditez , n'ell point à propos , & ne fçauroit refoudre l'objection qui ne parle que d'une chair fenfible & palpable , d'une chair vifible & qui a été crucifiée , d'u- ne chair en un mot toute oppofée à ce qu'on apelle Efprit. Il falloir donc fe prendre autrement à réfoudre l'ob- jection.

Il falloit dire qu'il n'y a point de Maure qui relîembie àj. G. ni de dif- ciples qui doivent faire à l'égard de leur Maître ce que nous devons faire pour J. C Gkft jin Maître qui fe don- ne à la mort &qui s'immole tout en- tier pour fauverfes difciples de la mort; il répand fon fang afin qu'il foit l'ex- piation d e tous leurs péchez ; & nous, nous fommes des difciples qui pour avoir part à cette expiation fommes obligez de méditer fans cefîë cette mort , .& d'admirer l'excez de la bonté & de l'amour du fils de Dieu qui la porté à mourir pour nous. Pourquoy £ S uns

130 Histoire une méditation comme celle ne fe- roit elle pas nommée une manduca- îion,de la chairdej.C.? nelêroitce pas bien parler , & élégamment même que de dire de ceux qui fe laiffoient charmer des plaifîrs fanglans du cir- que & de l'Arène j & qui y atta- choient leur cœur autant que leur& yeux 7 qu'ils y mangeoient la chair que le couteau y coupoit, & qu'ils y buvoient à longs traits le fang qui s'y répandoit. St. Auguftin dit cela mê- me en parlant de la fureur avec laquel- le fon cher ami Alipius fe poitoit a voir ces cruels fpeéfocles.

Outre cela je trouve deux chofes qui juftifient l'innocence des expref- lions de j. C La première eft l'engage- ment où il fe trouva en dilçourant avec ceuxdeCapernaum, & la deman- de qu'ils luy firent de leur donner une viande à manger qui les empêchât de mourir, lejetta. Car comme ils luy eurent propofé la manne , J. C. qui vouîoit les détacher de ces idées baffes d'aliment terreftre, & pour les enga- ger à luy, s'oppofa luy même à cette manne, comme l'objet de leur atta- chement & de leur foy. Et c'eft ce qui l'obligea à parler dans la fuitte , éà cet attachement comme d'une efpece de manger & de boire. La

DU KOUAKERIS MÉ. ïjr

La féconde eft que J.C. ayant dé- claré qu'il donneroit un j ouf fa Chair four la vie du monde , c'eft-à-dirc qu'il la- livreroità la mort, & par conléquent fe infant conliderer fous l'idée de vi- ctime immolée pour eux , il étoir naturel que pou liant cette idée il fe fervit des expreffions qu'elle pouvdit faire naître naturellement. Les Ca- pernaïtes fçav oient que dans les facri- ëces on mangeoit une partie de la chair de la victime pour marque & pour gage qu'on avoir part à l'expia- tion qu'elle avoit faite. J. C. donc s'oppofant à ces anciennes cérémo-* nies , & nous voulant apprendre qu'il falloit s'attacher à luy coniidcré com- me une victime facrifiée pour nous , pouvoit fort bien exprimer l'adi om de nôtre attachement par les termes de manger chair & de boire fon fang r puifqu'ii eftvray que fans cet attache- ment à la mort du fils de Dieu l'on n'y a aucune part.

Mais je veux qu'il y ait de la dureté dans les expreffions de j. G. eft- ce qu'il n'eft pas un allez, grand maître , un maître allez extraordinaire pour au- thorifer des exprelfions inouies & ex- traordinaires?

Âpres toutperfonne ne pouvait s'y.

F 6 troiiv*

*3? Histoire tromper, car la im de ce difcours fi étrange porte la chef qui en ouvre l'in- telligence, quefera-ce don: y dit J.C., jw/wzr/ ^ wrr^ le fils de l'Homme mm tWï il huit auparavant. C'était aflèz leur dire qu'ils ne dévoient pas prendre à la lettre fes expreffions , puiiqu'il voit un jour quitter la terre & retourner au ciel, qu'ai nfi fon corps ce Ion fang ne feroient pas en état d'ê- tre mangé ni bu. La chair , pour- filit-il, ne profite de rien, c'eft PEfpiï» qui vivifie. Les paroles que je vont ay di- tes font Ejprit 4? vie, quelqu'un après ces ccîairciffemens pouroît-if fe tromper dans l'intelligence de tout ce qui^ paroit de plus rude dans les expreflïons du Sauveur ? non affeurément. C'ed pourquoi toute l'Antiquité qui a conftamment inter- prété ce Chapitre fixiéme de l'Eucha- riftie, ou qui le luy a appliqué, ne s'y eft point inéprife. Et St. AuguQin écrit formellement que manger la chair de 'J-..C.& boire fon fang figni fient, par un» façon de parler figurée, que mus devons méditer perpétuellement] a mort, & nom reffouvenir fans cetfe que fa chair a été crucifiée, & que fon fang a été répandu pur nous : que même ce Teroit aceufer J. G. de nous commander une aclion

cri-

/

3} V liOUAKE RIS M E* 1 33

criminelle n l'on entendoit les paroles à la rigueur de la lettre. Mais. comme lesKouakres font profefiion de mëpri* fer la croix du fils de Dieu , cette ex- plication de fes expreifîons n'e ft pas à leur goût: Et ils aiment mieux expli- quer une allégorie par une autre allé- gorie , ou inventer des vilions abfurdes que de conlentir qu'on explique les pareks de J. C. d'une manière qui nous remette devant les yeux la necef- iîté qui nous eft impofée de recourir à la mort du fils de Dieu, comme au feul antidote que Dieu nous a donné pour nous guenr , & pour nous vivifier.

CHAPITRE XX.

La véritable canfe pourquoi les ) Kouakjes ne célèbrent pas VEu- chariflie .Origine cachée duKouœ*

kerifme,

ENfrn il eft temps de découvrir la véritable Caufe , pour laquelle les Koaakres ont d'abord refuië de célé- brer l'Euchariftie , & pourquoi ils ré- futent encore à prefent de la célébrer. C'eft que les premiers Kouakres. leurs F 7 Au-

î 34 Histoire

Autheurs, leurs f ondateurs, & leurs Prédicateurs étoient , & font encore pour la plupart des Catholiques Ro- mains , des Prêtres , cks Religieux , desjelûites, qui n'avoient garde de fe porter à faire la CéneàlaProteftante, eux qui avoient déjà dit la M elle de bon matin, & qui regardent l'Eucha- riftiedesProteftans comme une profa- nation de la véritable Euchariftie de J.C &une pure chimère, l'on ■mange & l'on ne boit que des appa- rences de chair & de fang, des êtres figuratifs. Car fi au commencement de cette hiltoire j'ai ditqueFoxa été leur Fondateur , tout ce que j'ai dit n'a été que l'hiftoire de l'origi ne apparente & extérieure du Kouakerifme. L'ori- gine cachée & fecrette eft venue des Catholiques Romains , des Prêtres ^ des Religieux, & des Jefuites Anglois qui fe joignirent à leur Renard , & for- mèrent cette Seâe toute ennemie des Proteftans, & toute amie fecretement de la Religion Catholique. Et voici comment la chofe arriva quand Crom- Wel eut chaffé toute la famille Royale, & qu'il fe rut rendu maître abfolu du Royaume, il voulut obliger tous les Anglois à prêter ferment qu'ils renon- çoient à pur & à plein jj & à toûjours à

l'obeïf-

DU KOUAKEKISME. l$f

robeïflance qu'ils dévoient aux légiti- mes héritiers de la Couronne , & à la forme de gouvernement qui avoir iubfiftéfous le Royaume. Ilfaifoit en- core jurer fur les Saints Evangiles qu'on renonçoit à toute la Religion Ca- tholique, & à toute liaifon & tout commerce avec les Catholiques. Pour s'exempter de prêter ces fermens là, les Catholiques , & particulièrement les Prêtres, & les Jefuitces ne trouvèrent point de meilleur expédient que celui de renouveller cette branche d'Ana* baptiiinequi détend toute forte de fer- ment : pour cet etfet ils s'unirent avec Fox , & réfutèrent fous prétexte de Religion de prêter les fermens qu'on exigeoit d'eux. Cela n'eft point une fable , c'eft une vérité certaine, & con- nue de tous les fçavans de l'Angleter- re. Etjclafçai des Kouakres mêmes, &.du plus grand Philofophe de nôtre fiecle, & un membre il luftre de So- ciété Royale de Londres. C'eft pour cela qu'il y a eu tant de perfonnes qui ont affeuré qu'après avoir veu dire la Meiïe à des Jefuites dans quelque liea -écarté a dans quelque chambre Catholiques à Londres , ils avoient veu les mêmes dans les mkines ou affenr? blées des Trembleurs y faire le mé-

i#3 Histoire tierce Prédicateurs & de Prophètes C'en pourquoi encore Ion a tou- jours remarqué une (i grande (ympa* taie des Kouakies avec les Catholique Komams, que les Koakres proteifent hautement qu'ils efliment plus les Ca- tholiques que les Proteftans , & aue- s ils voulaient changer de Rehgion/ils le f croient Catholiques plutôt que Pro- ie! ans. En revanche les Catholiques le tout Kouakres fans peine, &on les reçoit dans la ie&e a bras ouverts , fins exiger d eux aucune abjuration des er- reurs du Papifme. Et les Kouakres de •leur côré fe font Catholiques Romains avec la même facilité. Car on ne le* oblige pas non plus à renoncer auKcua- kenlme, qui n'eft dans le fonds que le pur Quiétilme, & la Religion rafinée desmyfliquesde l'Eglife Romaine.

C eft pour la même raifon que le Roy jaques a déclaré di verfes fois qu'il preferoit les Kouakres à tous le.s Pror îellans , & qu'il aiineroit mieux fe fai- re de leur Secle (comme s'il n'en étok pas déjà fecrétement en étant de la Congrégation des Jcfuïtes) que de cel- le des Epi feopaux ou des Presbiterien*. I ell pour cela enfin qu'on a |$>$. jours remarqué que les Kouakres, quels ■quilstuilent, prenoient à tâche d'atta- quer

1> U KOUAKERISME. 137 qncr fans cefiè les pauvres Proteftans , tantôt les Epifcopaux , & tantôt Je$ Presbite^ens , & d*inve£tiver contre la reformation faite par Luther, Cal- vin, Zuingle 6c les autres ; en fou te- nant que ce n'eft qu'un ouvrage impur, imparfait , & qui a plus fait de tort à la Religion qu'il ne lui aaporté davantage. Mais ce qui eft de plus divertiffant,c'eft qu'ils ont été les premiers à tourner l'Apocalipfe contre la Reformation les Reformateurs mêmes. Les uns ont dit que la Babylone & îa proftituée compreuoient toutes les nouvelles Se&es. Les autres ont dit que le faux Prophète aux deux cornes de l'Agneau font les deux Teftamens, l'ancien ÔV le nouveau donc les Reformateurs font tout leur bouclier. D'autres ont ditquec'dtoit le Lutheranifme avec fa métropole Vitemberg , & le Calvinil- me avec la fienne qui eft Genève. Il ne faut donc plus s'étonner fi les Koua- kres n'ont eu garde de célébrer la fain- te Euchariftie dans leurs Congréga- tions , puisqu'elles ne fe faifoient & ne fe régloîent que par dts Catholiques Romains , & par des Jefuites deguitèz, afin de fe cacher, de fe dérober à la per- fécunon>& de mieux jouer leur jeu, qui étoit de diviiër & d'aiïbiblir les Pro -

te dan s 3

*38 Histoire

teltans, & rendre méprifable &odieu* le toute la reformation. Et pour Te mieux cacher ils ont lai entrer dans teSecle toutes fortes de Phanatiques. Tout y eft bien venu pourveu qu'on en prenne bien l'Efpnt, qui eft un efprit ce haine & d averfïon pour le corps des Profitons. Et ils reilemblent en cela parfaitement au Papifme qui ou- vre fonfein à toutes fortes de perfon- nes , quelque opinion qu'ils ayent pourveu qu'ils le conforment lente- ment à fon extérieur ; & au gouverne- ment déjà établi, & qu'au relie ils lâ- chent bien invectiver contre les Prote- ftans, & déclamer contre la reforma- tion. L'on a fouvent ouï dire àPen, que bien des gens foûtiennent être un vrayjefuite, & qui dit qu'un Kouakre eft Jefuite , dit qu'il dit la MelTe de bon marin à fes Catholiques , & puis qu'il va prêcher aux Kouakres : & qui fût conftamment arrêté la première fois à Wittehal fous le nom d'un Jefuite, peu de temps après l'éleclion du nou- veau Roy : L'on a dis-je fouvent ouï dire à ce fameux Kouakre que fi on laif- foit faire Innocent XI. ou que s'il pou- yoit vivre allez de temps pour cela, il feroit avec Molinos une Reforma- tion véritable , & meilleure incompa- rablement

BU KOUAKERISME. IJ9

rablement que celle de Luther & de Zuuigle.De ia vient que tous les Koua- kres eltiment infiniment Molinos,& çous les myltiques de i'Egïife Romai- ne , comme Taulite , Sufo , à Kem- pis, St. Therefe, Jean de la Croix, Malaval , Mr. de Bernieies Louvigni & les autres. Ainfi cette Secfe eft une Arche de Noé toutes fortes d'Ani- maux, mondes & immondes font bien reçus, à condition qu'on devien- ne fort Anti-proteftant.

Toute l'Angleterre n'a confideré jufqu'ici cette Secte , que comme une fentine ou s'amafleoient tous les Efr prits impurs v inquiets & chagrins de la nation. Et comme elle n'en a voula juger que par fes dehors, & parce qu'el- le fait profeffion de croire & de dire généralement parlant , elle ne la ja- mais voulu tenir pour une Société de Chrétiens, mais plutôt pour une con- fpiration ouverte & formée contre le Chriftianifme, & en particulier con- tre la reformation , & la Religion Pro- teftante , comme des ennemis & de J.C.&de l'Etat, qu'il falloit profcri- re, & abandonner à toute la rigueur des loix , de la proteâion defquelles ils étoient indignes. C'efï pourquoy ils firent tant de feux de joye à l'avéne-

men

Mo histoire

ment de Jaques à la Couronne oarro

SS' ^thonfée: Comme et, S ne manqua pas de le faire fi-tA qu h fut monté fur le tr<W 7 V .1 *e eePnnee les conte %S*i&$gl

f s te crurent tout à fait perdus, voyan

WBtûei & Presbytérien,. & au plus zélé

qu"inve4rdde

rri.ices Proceftans. Afin donc de s'infti

ment des Propneties qui avoient clai- rement prédit fa deteente

VrS^r"^ lls l«t ou- vrirent libéralement leur bourfè , &

ils ne furent pas réfutez. Ils luy deman- dèrent fi proteâion , qu'illeur.accor- oa i en les renvoyant néanmoins au Fanement pour la tolérance qu'ils fou- Jiaittoient qui leur fûr accordée.

i^e premier Parlement de ce nou- veau règne adeliberé très lon-temps mr cette affaire, &Peu s'en Ift faiL quonne ksautoutàtaitprofcrirs, & déclarez indignes de toute tolérance. Nous coanoiffonsdes Seigneurs de la

Chsm-

T) U KO UAKERISM E. -Î4Î

Zîhambre haute , & des membres de la Chambre balle., qui leur ont demandé pis étoient Chrétiens , & par ils Douroient prouver qu'ils le font puif- pdiis rejettoient le Baptême & TEu- chariuie, & qu'ils avoient un foùve- rain mépris; poux.les S aiutes Ecritures^ puifqu enfin ils rejettoient ->e rnyîlére adorable de la Sainte Trinité ; Et qu'au lieu de tout cela ils préchoient un Chrift qui ne reiïembleen rien au Chrift véritable propofé dans l'Evan- gile, un Chrift : imaginaire 4om tous les Deïites , les Payens , les Mahomer tans , tous les Hérétiques y tous les Phi- losophes mêmes fe peuvent accom- moder &ns croire en Jefus fils de Ma- rie, en jefus Crucifié , au jefus de fEvâtigiîe.' On leur propofë donc que s'ils vouloient que le; Parlement .leur accordât quelque tolérance , il falloic qu'ils deciaraireut Chrétiens , &iqug pour cet effet ils figaaffpnt ce. formu- laire.

Je N.croydè tcèur t* jeconfejje que le? Saintes Ecritures forit dh>ine s , & qtCeU les nous miP \étè lai ffe.es par des hàïknes infpire% de Dieu : Et tytdlfit fent la rè- gle de nôtre foy.& de nor métier s.'- . t |

Item , je déclare que jeàroy en unfetît J>iw^ue^hFcre^ieçrûy m % C. pf

m , Histoire

& au St. Efpnt , avec le Pere & le TU mJeul&memeDteu bénit éternellement Ce formulaire les a fort chagriné à fort embaraflëimais enfin ils fe fi>2

tefolusdeleligner^^entenduneaS' moinsqu ils l'expliqueront comme ,1 leur plaira. Benjamin Furby qui étoit leur grand & continuel Solliciteur au- prez du parlement, &qUieIt un pur Déifie , fut tort choqué du formulaire, niais quoi ce qu, étou écrit, étoit écrit «& le Parlement leur étoit trop peu favorabie pour y nen reforme?. Il a doue fallu en pafierpar là, quit- te a 1 entendre au lens qui leùriera favorable, & a le glofer en jeluitte.

CHAPITRE XXI.

Les Kouakres fai ts Chrétiens par au. t honte ' de Parlement Pourquoi tolères cr non Us Catholiques, sivu falutatre aux Catholiques four obtenir la tolérance.

QU 7 qu'il en foit voila nos Koua- ^ me, d Angleterre faits Chrétiens pat autnorué de Parlement. Les im- pies

DU KOUAKERISME. Î43 pies & les libertins qui ibnt parmi eux n'en déviendront pas meilleurs pour cela ; & l'authomé du Parlement n'aura pas plus de force ni de poids chez eux que celle de toute l'Eglife, celle de l'Evangile & de j.Cmêrric fon inûituteur. Cela ne laiffera pas de produire un très bon effet. Premiè- rement en ce que ces impies n'oze- ront plus prêcher contre les plus Augu- ftes myfteres de la Religion Chrétien- ne, ce qui arrêtera le progrez de leur impieté 5 en fécond lieu cela obligé* ra tous les lîmples d'entre eux qui ne connoiiiènt point tous les myfteres de la ieâe , à faire réflexion far l'état dangereux ils font en y demeurant , puiique toute une nation en corps s'ac* eufe de n'être pas Chrétienne , & qu'elle lauroit proferite , fi elle ne fe fut réfoluë de fe déclarer Chré* tienne. Ils verront parla que les gens <fEi>rit , & les plus fages & les plus éclairez de toute la nation ont de juftes fujets de foupçon* ner leur feâe du crime d'ApofUfie-j qu'aimi ceux qui y font déjà, ou qui veulent y entrer doivent -bierf prendre garde à eux & à ne pas s'y engager té- mérairement, mais l'examiner meu- remeni , non par Les dehors , mais par

fes

144 j Histoire

les dedans & par fon fond lècret qu'el- le ne découvre que peu à peu 6c par Gegrez a mefure qu'elle reconnofc qu on entre dans ion Efprit.

Mais pourquoi les Anglois & leurs Parlements n'accordent ils pas la to- lérance aux Catholiques, qui fout ou- vene profcfflon de la Religion Chré- tienne? Ëlhxé que lesKouakres méri- tent mieux cette- tolérance qu'eux? nullement. Au contraire ceux-cy hi mentent , 6c ceux-là en font ab blu- ment indignes ; mais c'en qu il y va de la Politique de ne pas aumônier pu- bliquement l'exercice d'une Religion qui fait dépendre toute la. ûacikc de fesSeébteurs d'un Prince Etranger , fçavoir le Souverain Pontife, qui°pré- tend avoir le droit, 6c qui elt recon- nu par la plufpart des Catholiques •avoir ce d roi t. , de difpenfer de tous 1er- mens prêtez à des hérétiques. Ceft la feule -chofe à parler franchement qui empêche îe Parlement de leur ac- corder une tolérance publicue , par- ce que cela fait qu'on ne peut prendre aucune précaution à leur égard , ni .s'alTe^re; jamais de leur hdeîuë. \Si donc tous les Catholiques d'Au- gtetene s'uniiïoient enfemble, 6c de- ciaroient folemnelleinent , qu'ils re-

non-

BU KOUAJCERI8ME. 14f

noncent, je ne dis pas à la commu- nion du Pape y mais à l'authorité qu'il s'auroge , Proteftans qu'ils croyent qu'il n'a aucun droit d'abfoudre les fujets de leurs fermens de. fidélité qu'ils ont prêté à leurs Princes, quels qu'il foient , & que Ton pouvoir ne s'é- tend en aucune manière , ni directe- ment ni indirectement fur le temporel des Rois , quels qu'ils foient , ni fur leur Juridiction, le feul obftacle qui s'oppofe à leur tolérance feroit levé. Et les Catholiques Anglois font en droit de faire une pareille déclaration ; car ils ne font pas de pire condition que l'Egiife Gallicane qui l'a faite. Et s'ils étoieut figes & bien confeillex , ils rcroient ce pas , & l'Angleterre n'auroit après cela plus rien à craindre d'eux. Mais il faudroit pour cet effet que tous leursEcclelïaftiques fifîent une pareille déclaration fans refèrve a ni reftriâion , ni limitation quelconque. Le plus feur même pour eux feroit de chaffer tous les Moines fans exception , & -de n'avoir que des Pxêtres feculiers Anglois.

Si l'on «s'imagiiioit que c'eft parce qu'on tient les Catholiques pour idolâ- tres qu'on leur refufe la tolérance pu- blique , l'on fe tromperoit fort Car G leur

146 H I S T O i R -E leur idolâtrie quelle qu'elle (bit, eiî un péché bien moins criant & fean- daleux que celui de PApoftafïe des Kouakres. Un franc Kouakre qui n'a- dore plus & n'invoque plus ]. C. & qui ne met plus fa confiance en la mort& en l'intcrccffion de ce divin Sauveur , cil hors de tout état de làlut : au lieu qu'un pauvre Catholique idolâtre peut toûjouri,tout idolâtre qu'il cii, obtenir k pardon de lés péchez, & de celui de ion idolâtrie en particulier , en ado- rant & en invoquant). C en mettant fa confiance en la mort, & au mérite de Ton intercefïion , & en fuppliantee bénin médiateur de lui pardonner tous fes péchez connus & inconnus. Et je ne veux pas douter qu'il ne pardonne le vice & le défaut qui le trouve dans le culte des Catholiques , à tous ceux qui ont le cœur d roit & iinecre , & qui ont une véritable foy & une véritable cha- rité ; mais il n'a garde de pardonner ja- mais à des malheureux qui font gloire defe moquer de fa religion, qui la tour- nent en pure allégorie > & qui ne le re- connoinent plus pour le véritable Chrift envoyé de Dieu , & qui bien loin de lui demander pardon en vertu du lang qu'il a verféfur la Croix pour nous , s'en raillent iafolemment, &

qui

DU KOUA KER 1 S ME- 147

qui pis eft tâchent de faire Apoftafier fesElus. vous voyez par que je ne tiens pas que l'idolâtrie des Catholi- ques qui adorent j. Cau St. Sacrement foit une idolâtrie mortelle. Elle eft bien mortelle en elle même, & par fa na- ture , du moins il y a des raifons fortes de la croire telle , mais après tout, elle ne donne pas effectivement la mort , à cauf- de l'antidote que les Catholiques prennent avec elle , & qui empêche qu'elle ne donne la mort. Et cet anti- dote eft le recours à la mi fer i cor de de Dieu par J . C. & à J. C. même affis fur le trône de la grâce , & pardonnant ge- nereufement aux pêcheurs repentans tous les péchez qu'ils ont pu commet- tre quels qu'ils foient, quand ils s'ad- dretient à lui avecFoy , avec Charité, avec Contrition. Car comme J.C. ne pardonne jamais à demi , en pardon- nant aux pêcheurs repentans leurs au- tres péchez , il leur pardonne auffi tous ceux dont ils ne fe croyent pas coupa- bles, par erreur , & par aveuglement, & dont par confequeot ils ne peuvent demander pardon expreftement. Mais ils lui en demandent pardon en gêne- rai , & interprétativement , en le con- jurant de leur pardonner tous leurs pé- chez quels qu'ils loientj connus &in-

G 2f COR-

148 Histoire connus, & lui proteftant qu'ils forg dans la .difpo&ion de cœur de lui de- mander pardon lïncerement de tous ceux qu'ils pourroient découvrir.

Mais j'oferai bien dire que s'il y a desraiions de prendre l'adoration du Sacrement pour une véritable idolâ- trie, il y enaauflidetrés fortes de ne le pas prendre pour telle. Il eft vray que l'opinion de la prefence réelle, de îa manière que les Catholiques l'expli- quent ne fçauroit légitimer leur ado- ration. Ils dirent, du moins c'eft la doctrine reçue dans leurs écoles , que le corps de J.C. eft prefent au Sacre- ment comme un corps mort , non en figure ou myiliquement , ils di- roient vray s'ils le difbient,, mais ils l'entendent proprement& à la lettre,, croyant que le corps de J. C. y eft làns aucune d iftinclion de parties, fans aucune étendue locale , làns aucun mouvement vital, de forte que c'eft un corps , en qui ni le fang , ni les efprits , ni les humeurs n'ont aucune circulation , & par confequent un corps mort & pire même qu'un cada- vre , en qui il y a toujours quelques reftes de vie > qui y font naître des animaux parfaits & vivans. Et un tel corps mérite- t-il d'être adoré ? Il le

me-

D U KO UAKER1S M Ë. P49 mérite moins que le pain du Sacre^ ment qui eft uni au verbe & à la divi- nité. Et ne dites pas que l'union du Sacrement avec le verbe n'efï pas per- fonnelîe. Car peut-il être uni à l'elièn- ee du verbe fans l'être à perfonne , l'efïènce & la perfonne étant dans le vqrbc une ièule & même chofe , ou du moins l'une étant infeparable de l'au- tre i Au contraire l'union eiTentieîîe ou à Te/Tence divine devroit plutôt faire adorer le fujet qui y feroit ainiï unr, que l'union qu'on appelle per- ibnnelle, parce que ce qu'on appelle perfonne ou hypoftafen'a rien de di- vin ni d'adorable que par l'eiTence. Mais3dira-t-on, J. G. après tout voit teusles hommages qu'on rend à fon corps caché dansThoftie, & celafuf- fit. Et qui vous a révélé que J. G. ait agréables ces hommages rendus à fon corps caché dans l'hoihe de la ma- nière que vous le croyez ? Au con- traire s'il l'y rendait ainn* prelent ce feroit une marque infaillible qu'il ne voudroit pac qu'on l'adorât. Et pour- quoi vous expofez vous ainn* au péril évident de faire un pêche d'idolâtrie en adorant une chimère de corps, un mon (Ire de corps plutôt qu'un corps? qui vous obligea croire ces extrava- G 3 gan-

150 Histoire

gances? Si vous croyez que le corps de J. C. peut être prefent au Sacre- ment , vous devez croire qu'il y cft prefênt tel qu'il eft , c'eft-à-dire vivant, glorieux & immortel , & par confe- lèquent digne de tous vos homma- ges. Je luis affeuré que les peuples croyent cela , & les autres auffî%& qu'ils ne font aucune réflexion à la ta- ble facréefur leurs folles opinions de l'Ecole.

La première raifon qui peut faire croire que l'adoration de J. C au Sr. Sacrement n'eft pas criminelle , eft qu'elle a quelque fondement fpecieux & apparent , fçavoir la déclaration expreflè de J. C. Et quoique cette dé- claration ruine toute prefence fub- flantielledu corps de J.C. quand ou l'approfondit, néanmoins l'authorité de tant d'anciens Docteurs qui ont crû une prefence à peu prez fembla- ble , & les préjugez dans lefquels tous les Catholiques font élevez, y don- nent du poids & delà probabilité. Ou- tre qu'il n'eft pas impofiible que J. C. s'y rende prefent par voye d'irridiation ou d'émanation , 6c de refoudre tou- tes les objections que j'ai faites con- tre elle cy-delTus. hi féconde eft que les Catholiques

n'er-

BU KOUAKERISME. 15*1

n'errent aucunnement dans le droit. CarJ.C qu'ils veulent adorer ell ef- fectivement adorable.. Ilsnefe trom- pent qu'au fait,le croyant prefent d'une certaine manière il ne Pdft pas de cette manière 3 quoy qu'il y ioiî toujours véritablement & réellement preiênt , mais d'une autre manière , deux en trois [ont affemble^ en mon nom , je fuis au milieu a eux i Et je fois avec vous j'jjhuà la cenjommation des ficela. Ainû c'eft- toujours J. C. qu'ils adorent véritablement. Un ma- nichéen quiadorok J. C dans ie foleil fe trornpoit au droit & au fait. Car le Jefus qu'il adoroit n'écojt nullement le véritable Jefus , nôtre jefus de la fubftance de Marie, mort lur une croix, ■& reffufcité des morts , & monté au ciel. Ils n'ador oient qu'un certain Jefus fantaftique , & forti des eîemens inerces, & de la ftbftancc lumineu- fedubon principe, un Jefus pendu à tous les arbres i, & caché dans la fub- ftance de tous les fruits de la terre. Ils navoient aucun fondement non plus de croire que J, C- habitoit dans le fo- leil, J.C. n'en ayant jamais rien dit» Et de plus fi les manichéens en adorant J-C- dans le foleil enflent voulu ado- res le véritable Jefus que nous adorons G4 tous,

if 2. Histoire

tous, &fi avec cela ils feuiTent auffi adoré comme régnant au ciel, &affis a la dextre de Dieu, je doute fort fi leur culte auroit été fort criminel; & quand il l'auroit été, J. Cafleurément \ auroit éxcufé, & le leur auroit par- donné. Et lien montant au ciel il avoit dit à lés difcipies en leur montrant kfojeiîj Cecy cftmon corps ^om lignifier quefon corps alloit devenir auffi éclat- tant de lumière que le ibleii , ou pour ■lignifier que le foleil leur feroit défor- mais un fymbole qui les ferait fouvenir îuy , comme l'Arc en Ciel eft un fymbole de l'alliance que Dieu a trai- tée avec nous en la perfonne de Noé : ie Manichéen auroit eu quelque pré- texte ïpacieux de croire qu'il auroit voulu infirmer qu'il y placeroit fon corps glorieux. Mais les Catholiques , dira quelqu'un, errent auffi quant au droit & quant au fait. Ils adorent un Jeius inconnu à l'Evangile, auxApfr- très, à l'ancienne Eglife. Et ils- l'a- dorent là il ne doit pas être adoré, je répons que les Catholiques ne croyent pas que ce Jefus foit un autre que le véritable ; ils rejettent & ils dé- tellent nos conséquences au lieu que ic Manichéen & le Kouakre veulent ef- fectivement adorer un autre Jefus eue

'le

DU KOUAKERISME. If 3

k nôtre. Et après tout les Catholi- ques au même temps qu'ils adorent J, C. au Sacrement , adorent auffi le vray Jefus, affis à la dextre de Dieu. Et ce Charitable Sauveur eft trop bon & trop clément pour ne pas leur par- donner leur bévue & leur erreur , quand elle fe trouve jointe avec une vraye foy , une vraye pieté & une évi- dente Charité.

La 3> raifon eft qu'il n'eft pas im- probable que quoy que J. G. vueiîie nous donner par le Sacrement un corps mort & rompu , c'eft à dire un monu- ment de fa mort , il s'en fert néan- moins pour y- imprimer une vertu di- vine capable de former en nous un gen- re d'immortalité. Et l'on peut dire que l'Euchariftie efl: aujourd'huy & le myftere de la mort de J. C & celuy de fa refureâion , ou de fa vie glorieufe & immortelle, par confequent il peut la remplir de (on Efprit divin & im- mortel' pour nous communiquer une vie divine & immortelle. Ainfi il n'y a aucun crime à l'y adorer comme prefent réellement & fubftanticlîe- rcent. Si le pain comme brifé & rom- pu îigure la chair mortelle de j. C bri- fée& immolée pour nous, & file vint verfé figure fon faag verfé , ce même G s P^iû

*S4 Histoire pain & ce même vin figurent auiîî par- faitement par la nounture & la force qu'ils nous donnent la vieglorieufe& incorruptible de J. C. dont il veut nous faire part par fon Sacrement. Et J. C.n'eftplus aujourd'huy à bien par- ler, nkhairnifang, màhmBjfrit m~ vi fiant , car la chair & le Jang ne au- raient hériter le Royaume de Dieu.

La quatrième raifon eft que le Sa- crement eft toujours une image du corps de J. C. & de J. C. même tout entier, &inftituéepar luy, pour le re- prefenter. C'eft un gage de fa chère perfonne à la prefence du qui il eft toujours permis d'adorer J. C. foit qu'il y foit prefent corporellement ou non. Et ne m'oppofez pas ici le fé- cond précepte qui défend de fe profter- ner devant toute forte d'images. Car la loy ne parle que des images faites par les hommes, & qui plus eft elle ne parle que des images de la divinité, qui eft incorporelle , & des autres créa- tures qui ne méritent aucune adora- tion, au lieu que J. C. même entant qu'homme mérite d'être adoré, & d'être adoré en la prefence de l'image qu'il a inftituée luy même. L'on pourra donc fans péché adorer J.C aux pieds 4'un crucifi x , ou au pied d'une croix?

Et

BU KûUÀKERI S M É. I f 'y

Et pourquoy non. Luther l'adoroic bien ainli , & il nous eft toujours dé- peint en cette pofture ; d'ailleurs}. C. .n'a point établi la croix m le crucifix pourlereprefenter.

La cinquième raifon eft que s'il étoit bien permis (i. aux Hebr.) d'adorer Dieu en la prefence de l'Arche, pour- quoy feroit-ce un crime d'adorer ion ûts en la prefence de fes Symboles my (tiques. Mais l'Arche , dit-on , étoit un Symbole de la prefence perpé- tuelle de Dieu au milieu des Ifraëlitcs , & le Sacrement n'eft qu'un Symbole de }. C. confideré comme abfent de nous, toutes les fois que vous manger e% de ce pain vous publier e% I a mon du S ' i~ gneur jufquà ce qu'il vienne. L'Arche étoit un Symbole confiant & perpétuel, & le Sacrement n'eft qu'un Symbole paflager; il faut prendre , manger & conlumer; & ce n'eft que dans ces mo- mens qu's 1 eft S y mbole. Enfin l'Arche étoit le Symboié d'un Dsca vivant & glorieux , & le Sacrement n'eft que l'image d'un homme mort & Sacrifié, c'eft }. G. feul qui répond â l'Archer Car c'eft la parole de Dieu, fon ora- cle, l'Ange de face & ceîuyenqui habite corporellernent toute la pléni- tude de la divinité. Et comme cette G 6 Arche

ï>6 Histoire Arche de la nouvelle alliance eft dans le ciel, c'cftauffi vers le ciel que nous devons ïeulement tourner toutes nos adorations. Tout cela eft bien diry mais il ne fauroit empêcher qu'on n'a- dore légitimement J. G. 6c laprefence du Sacrement, foit que vous dirigiez Seulement vôtre coeur à J.C. comme régnant au cie^foit que vous ledirigiez tout enfémble à ce même Jefus & com- me étant au ciel en corps &ename, & comme étant prefent ici bas par fon Efprit éternel, & même encore com- me y étant prefent d'une prefence corporelle qui vous eft incomprehen- lible. Le Sacrement que nous man- geons^ la Sainte Table eft un Symbole de J. Ç. vivant 9 6c qui comme un pere de famille nous nourit 6c nous fait manger avec luy à fa table. Et s'il eft lemyftere de la mort de J. C. ill'eft a.uffi de fa vie divine 6c glorieufe. En- fin nôtre Arche n'eft pas feulement au ciel, mais aufii au milieu de nous, 6c elle y fera jufqu'à la eonfommation des hecles. Et quoy s'il nous eft per- mis en recevant le Sacrement d'ado- rer J. C. a îa veiie de cet objet, quoy que nous ne l'y croyons pas prefent fubftantiellement, comment un Ca- tholique pêcheroitiî en faifantla mê- me

DU5 KOUAK FRI S ME- I$J

me choie , luy qui l'y croit prefent réellement ?

De tout cela je conclus que l'adora- , tion des Catholiques pouvant ai nu* être exculée &jullinée, elle ne peut palier pour une véritable & réelle idolâtrie. Et fi l'on m'ofajetceque l'on peut détrui- re toutes les excufes que je viens dé- porter , il répondrai que cela n'im- porte, parce qu'on pouraaulli détrui- re ces inftances : Et que déplus il me fuffit pour mon but qu'il y ait feule- ment de la probabilité & de l'appa- rence dans ces excufes pour les rendre bonnes & valables, je conclus encore de que les Catholiques font cent mille fois plus tolerables que les Koua- kres. Car ceux-cy ne doivent point du tout être tolérez , à moins qu'ils ne ■fe déclarent Chreftiens. ( On ne manquera pas de m'objetter que l'Eglife Anglicane fait profeffion de croire que le culte des Catholiques efl une véritable idolâtrie. Je l'avoue, mais elle n'oblige per forme à croire cela, & il y auroit de l'injuftice & de la tyrannie à le faire. C'efî pourquoy cha- cun efl: libre d'en croire ce qu'il luy plaira. Et pour moy je déclare fran- chement que je n'en croy rien , & je connois bien d'autres- perfonnes qui G 7 font

158 Histoire font des membres illuftres de cette Eglife , qui n'en croyent rien non plus que moy. Et je remarque fur ce fujet que les derniers Tells ou fermens les plus rigoureux par lefquels on déclare qu'on croit que le facrifice de la Mejjey Jmvanù Pufa^e de fE^lije Romaine, cft un aBe jupcrjiîticux & idolâtre , ne regar- dent nullement le commun des ri- delles & des membres de l'Eglile An- glicane , non pas même les Eccleliafti- ques , puis qu'il n'y a que les Seigneurs du Parlement & les autres Députez de la Chambre baffe qui foient obligez à faire cette déclaration, ce qui n'em- pêche pas qu'il n'y ait de finjullice à l'exiger des uns plutôt que des autres : Et même à l'exiger de qui que ce foit ; parce qu'on peut être un très bon Pro- teflant , & très zeîé pour la Religion Proteftante , & pour la liberté du pays , & croire néanmoins qu'il n'y a aucune idolâtrie à adorer J. C. au St. Sacre- ment comme tous les Catholiques. Il n'y a pas un Troteitant qui ne fe re- criât contre les Parlemens de France s'ils obiigeoient tous ceux qui vou- droient ou pouroient y entrer à jurer, que non feulement ils tienucnt tous les dogmes de la foy Catholique Ro- maine , & renoncent au Lmhera-

nifme

DU KOUAKERISME. 1 5 9 nifrnc & auCalvinifme , mais même qu'ils tiennent fermement que tous les Proteitants font en état de Damnation. Il y auroit une violence & une injufti- ce manifeile dans une telle Loy. Quoy qu'elle fût allez conforme à l'Efprit de la Religion Romaine , & à fes maxi- mes cruelles.

Je remarque en fécond lieu que le Teft qui déclare que la facriflcc de la Méfie eft un a£te iuperftitieux & idolâ- tre tel qu'il eft pratiqué dans l'Eglife Romaine , fupofe manifeftement qu'on peut adorer J.C.prefent réelle- ment au Sacrement, pourveu^qu'on ne l'adore pas à la manière des Catho- liques. Car pourquoy cette reftri- ction , fi non pour infinuer que toute adoration de J. Cprefent réellement au Sacrement n'eft pas une véritable idolâtrie , & cela pour d'un côté nous mettre à couvert , nous qui recevons à genoux le Sacrement , c'eft 2 dire en pôiture d'adorans ; & pour de l'autre y mettre nos fieres d'Ausbourg qui croyent J. C. prefent corporellement au Sacrement, qui le reçoivent à ge- noux , & qui l'y adorent de corps & d'efprit. Car ils déclarent feulement qu'ils n'adorent nullement le Sa- crement, fi bien que les Catholiques

r6o Histoire

Romains , qui déclarent folemnellc- ment qu'ils n'adorent nullement le Sacrement, nous font égaux. Etcon- ftamment ils n'adorent nullement ce que nous apeîlons le Sacrement. Ils n'adorent que J.G. prefent au Sacre- ment; 6c s'ils adorent le Sacrement ils n'entendent parla que J. C. feul à bien parler, ils parlent figurément, en donnant à lachole contenue le nom de celle qui la contient & qui la figure. Nous ne faifonspas fcrupule de nous encîiner& de nous proiterner devant la table quoi qu' il n'y ait ni Croix, ni Image, ni Sacrement, & nous nous moquons de ceux qui nous aceufent en cela de fuperltition & d'idolâtrie, parce que nous difons que c'efi J. G. ieul que nous adorons. à la veiie de la table. A combien donc plus forte rai- fon les Catholiques Romains feront ils exempts d'idolâtrie quand ils fe pro- .fternent devant J.C. à la veiie de fon Sacrement expoié fans cefTe fur leurs Autels ? Et s'il n'y a aucun crime à l'adorer à la veiie du Sacrement ou de la table Sacre'e fans l'y croire réelle- ment prefent , comment y en pouroit- il avoir à l'adorer dans la perfua- fion qu'il y cil réellement prefent? Celui qui étant dans la chambre

du

DU K.OU AKERïSME. l6l

du Roy s'ytiendrou en la mêmep'oÛurc qu'il garderoit li leRoyyécoit, auroit bien plus de raifon de le tenir dans cette poilure perfuadé qu'il feroit que le Roy feroit' prefent , bien qu'il ne le fut pas, que celuy qui fâchant qu'il n'eft pas prefent , feroit en la même pofture. Et dans le fond il n'y auroit rien qui les diiîîiiguiî que leur div^erfiié de Tenti- ment. Or nous reconnoiffons tous que cette divcnué de fe miment s. ne doit pas empêcher l'union & la frater- nité, par ce que nous n'y trouvons au- cun venin. Il n'y a donc rien à mon avis qui doive empêcher le prefent Par- lement d'accorder la tolérance aux Catholiques Romains , à condition qu'ils prêteront le ferment qu'on apel- Je d'alîegance , c'eft-à- dire qu'ils feront à l'égard de Rome ce que toute la France à fait , eu profcrivant toute l'aurhorité exorbitante & tyran nique des. Papes. Et c'eft le véritable & l'u- nique moyen de pacifier tous les trou- bles , de reconcilier, enfembîe tous les Efprits de la nation-, & de prévenir tous les defordres à l'avenir. Il faudra feulement vueiller fans celle fur leur eonduite,arln que les loups noirs,blancs & gris, ne reviennent dans fille, & ne s'y multiplient. Mais il faudra encore

bien

161 Histoire

bien plus vueiller fur la conduite des Kouaki es , & particulièrement far celle de leur grand politique Willem Penn, & les empêcher de propager leur Deïf- me, &leur Jacobifme.

CHAPITRE XXII.

LeKouakerifme eft un pur Détfme. Il permet & authonfe jufqua, V Athétfme.

/^Omme ceux qui connoifTent le fond du Quiétifme font fort con- vaincus que ce n'eft qu'un pur Deïïmc que les plus éclairez parmi les Catho- liques Romains tâchent d'introduire au monde , de même pour peu qu'on pénètre les myftéres du Kouaket ihne, l'on n'a pas beaucoup de peine à dé- couvrir que ce n'eu: qu'un Deïfme caché , & coloré de quelques légères apparences de Chriaianifme. En effet ç'eftlàoù il tend tout droit, & il mène infallibîement. Et je croi que perfonnen'en doutera après toutes les chofes que j'en ay dites. Mais afin que ceux qui ne le connoiflent pas , ou qui le favorifent , afin même que les Koua-

kres

D U KOUAKERIS ME. ÏÔ3

krês mêmes ne fe recrient pas contre moi, comme contre un calomniateur; je vais en donner icy une preuve invin- cible & tirée de leurs propres écrits* Cette preuve eft tirée d'une lettre de Barclay écrite à un AmbaiTàdeur le 24. Novembre 1676. rendue à l'Am- bafiadeur en main propre , par Benja- min Furly , & imprimée enfuite par le même Furly, à la prière de Ton ami Barclay, à Roterdam le 28. du troi* fié me mois , comme ils affectent de parler , c'eft-à-dire le 3. du mois de Mars 1 678. Cet Ambaiïàdeur lui avok envoyé cette objection , fçavoir fi la foy en J. C. de la Vierge Marie , more fur la croix pour le falut des hommes , & reffufeitédes morts , & enfin élevé au Ciel , eft neceffaire aa falut de tous ceux à qui l'Evangile eft prêché , & à qui Dieu a laiffé les Sain- tes Ecritures,ou non. Que fi elle eft ne- ceffaire au falut de tous ceux à qui l' E- vangileeft prêché, il s'enfuit que tous les Chrétiens doivent reconnoître l'E- vangile, comme la régie de leur foy, & comme une révélation qui nous conduit au falut. Que fi elle n'efl pas neceffaire, c'eft donc en vain que J. C. eftvenuau monde afin qu'on crût en luy comme au Meffie promis par

les

I<54 Hisioi r E les Prophètes , c'eft en vain qu'il faic Tpfer,^ie«ernelleàcroi^qSf eft envoyé dep,eu, &fiU U vu "éter- nelle de te connoure , dit Jefus à Ion Pere, pur, lefeul Waj Dieu, & celuy que tu aj envoyé J.c. C'en en vain qu'il dé- clare que q.ut croit aufils il a la vie , que f»mmt crenen luy , & fera B$ifé jerafauve C'eften vainque fes Adô- c ^TPrSé lafoJ™ ce Jefus cru- « î.% ldlu*cilé- £nfin c'elten vain que St. Paul à prononcé Ji tu rm> en toneceur ^ fi tnconfefe de bouche que J.C eft mort & récité des nimt tu

fft',°ril nVa que l'Evangile, & la Prédication de l'Evangile qU nous annonce le Jefus crucifié & rk

les Kouakres demeurant d'accord que la lurmere interne, qu'ils nomment le Chnlt inteneur , n'enfeigne rien de tel, parce qu'elle n'enfeigne que des vemez nccetfàircs & d'une venté & à une neceffité éternelle, que par con- feque.it l'Evangile eft le principal mo- yen qu. nous inftruit de ces veritez fa- îutanes. Barclay répondant à cette ooje&on d,rt,nguc deux fortes de con- noi^ance&detbyneccfraire au falut;.

"yen a une qui efiabfolumentne- ccffaire,. par ce qu'eile eft neceiTaire.

d'une

DU KOUAKERI SME. lôf d'une neceffité antécédente ou à prions comme il parle en termes Scolaftiques que Barclay n'ignore pas ayant étudié, chez les Jeiuïtes à St.Omer ou à Tour- jiay , comme l'on m'en a aflèuré , & ayant été luy -même Jefune durant quelques années i autre bonne -preuve decequej'aydit cy-deiîlis que les Pa- pilles , & l\iv tout les Jefuïtes , font du nombre des autheurs & des fauteurs du Kouakerifme : une ehofe félon luy eft neceHairevainfi quand elle l'eft abfo- lument, & cette neceffité abfoîuë eft lacaufe pour laquelle Dieu nous la révèle. La connoiffance , dit-il , des prin- cipes if des maximes de la Religion na- turelle , comme qu'il y a un Dieu quiai- me èT qui chérit les hommes , qui les ex- horte & qui les convie fans ceffe k venir à luy , qu'il eft toujours tout preft à les recevoir en g( ace leur pardonner tous leurs pèche^pourveu qu'ils s' en repentent Jinceremcnt, & mènent une vie nouvelle a l avenir qu'il exauce toujours les vœux & les prières des juftes , des humbles df {impies : qu'enfin il eft un renumerateur magnifique de tous ceux qui auront bien veçu & qui auront pratiqué la jufticcM* la vertu , & tout au contraire un jufte if fevere vendeur de tous lespeche^ & de tous {es crimes de ceux qui ne fe font pas con- vertis

i66 Histoire

vents à luy, & n\nt point fait de feni tencej Et les autres maximes fanblables font dîme nrccjjité ab[elu'è, & c'eftpour cela que Dieu les fait connaître en Quelque degré toujours Jurant & proportionné, a tous les hommes du monde, & qu'il les rcv:/e merne à ceux qui n'ont aucunes écritures , par le moyen de cette lumière intérieure Evanp lieue qui illumine tais les hommes. Voila" félon les docteurs Quakres qu'elle eft la foy & la con- noiflance abfoltmient neceflàire à tous les hommes , & vous voyez bien que, ccn'cftquele pur Deïfmc par la def- cnpuon que j'en ay faite dans les pro- pres termes de Barclay.

Il y a auffi une coimoiflànce necef- faire , mais feulement d'une neeeffité conséquente ou à pojîcriori , parce qu'elle n'eft neceflairc qu'en vertu &encon- fequence de fa révélation. Telle feroit la foi qu'un homme devroit avoir fi Dieu luy reveloit que fa volonté eft qu'il aille à Rome reprendre la tyran- nie du Pape. La foy & laconnoiflànce Hiftorique deJ.Cde la naiflànce, de fa vie & le relie, ne font pas des cho- fes abfolument neceilaires , foit, font elles au moins necelTaires d'une ne- eeffité de confequence , c'elH-dire efl il necelfeire de les fçavoir, & d'y

ajou-

PU KOUAKER ISME. l6j ajouter foy quand Dieu nous les fait propofer par les Apôtres & les autres prédicateurs de l'Evangile? Car il me femble qu'en djftiîiguant comme fait Barclay il devroit au moins avancer que ces chofes font necellaires de cette forte de neçeffité. Mais Jl n'a gai de. Il dit lirnpîement que parmi, ces chofes necejjaires d'une neceffîté de confequen- ce U y en a qui (ont des moyens très utiles if très propret à nous conduire au falut , comme eft fhiftoire de J. C. de fa vie , de fa mort & le refte. Voyez vous à prêtent le fonds du myftere de l'impiété Koua- kerienne.Lafoy en J. C. tel que l'Evan- gile nous l'enleigne n'eft qu'une choie mile, mais nullement neceffaire à ceux même à qui l'Evangile eft prêché. Aufii. les impies ont l'audace de nier que la prédication de l'Evangile foit le moyen dont Dieu fe fert pour opérer la foy dans nos cœurs: qu'il eft vray que St. Paul dit, que la foy eft de fouie & que fouie eft de la parole de Dieu. Mais que cette parole de Dieu eft félon eux Kouakres le verbe intérieur , qui eft dans le cœur de tous les hommes.

Tout au commencement de la ré- ponfe il dit d'abord à l'Ambaffadeur^ vous fupof % faujfement que Pcffl-nce de la Religion Chrétienne confifte dans la foy

&

î68 H i s x o i r E

tedansUcmnoiifancede U naiffancc de

d c. ^ ^ ^ ^ ^ ja rejUredim

<trdc]on âflenfity: Cette foy & cette con- nmjànc* apartiennent bien à la 8glï%kd Chrétienne, non pas -commis partie effen- tic! le , fans la quel Le la ^rlijion Chré- tienne.ne pu iSfc fubfifter , mai s* feulement comme partie intégrante qui ne fait que U perfedionner , comme la main ë le pied font dans l'homme des parties inté- grantes, fans lesquelles il ne lai Je pas de fubfxfur. He bien, n'eft - ce pas dire tout ouvertement que l'on peut etr-e^aujourdhuy bon Chrétien , un Chrétien eiTentiellement parfait fans croire néanmoins en J. C. en le mo- quant dans le fonds de l'ame de tout l'Evangile, .& de tous les miracles de la nailiance, de la vie, de la mort & de la refureâion de J. C. pourveu qu'on écoute la lumière intérieure , la lumiè- re véritablement Evangelique , le Chrift intérieur qui -éclaire tous les hommes du monde 3 & qui leur aprend à croire en un Dieu , & à l'adorer & à pratiquer la juftice & la vertu. '

Mais le comble d'impiété eft en ce que les faux Prophètes ne croyent pas même qu'il foit abfoîument neceflàire de croire en un ieul Dieu, ni en un Dieu Créateur, & confervatcur da

monde

DU KOUAKERI S M F.. l6%

monde qu'il a créé. Car pour l'unité de Dieu ils ne l'ont jamais propofée comme un article de foy. Et pour ce qui eft de la Création & de la conferva- lion du monde ils enfeignent en termes formels que ce ne font que des choies utiles , mais nullement néceffaires d'une necefîîté abfolaë, non pas mê- me d'une neceffité de confequenee, comme û la lumière intérieure & Chrift intérieur , c'euVà-dire les Lumiè- res de la Raifon , & les principes, ou k& maximes gravées dans le cœur de tous les hommes n'enfeignoient rien de cet; te création & de cette confervation; farmi ces chofes y difënt-iîsY nccejfaires d'une necejjité de confequence ; il y en a qui,quoy qu'elles, ne fuient pas êbfolument nccejfaires , font néanmoins fort utiles ? comme efi la. foy. & connoiffance qu'il n'y a qu'un Dieu ftul , & qu'il a crée & qu'il gouverne le monde ifc. N'cft- ce pas permettre TÂtheïfrne î Car quelle foy., quelle /connoiffance, quel- le Religion eff ce que celle qui n'en- feigne pas qu'il n'y a qu'un Dieu , & qu'il a fait le monde, & "qu'il le gou- verne par fa providence ? Mais le fonds & l'abîme duKouakerifme va jufques là, & il ejt dans la neceffité d'y aller avec tout fon Chrift & fa lumière inte- j icurt

i7o Histoire ricurc. Car après tout & demeurant- d'accord qu'on fe peutfauver dans tou- tes les Religions du monde, dans cel- les des Idolâtres même, qui croyent une infinité de Dieux, & dont les uns rejettent la Création du Monde, & les autres la Providence , il falloit bien, dire confequemment qu'il n'eft pas ab- folument necclTaire qu'il n'y ait qu'un feulDieu, & qu'il a créé & qu'il gou- verne le monde. Et s'il n'eft pas abfo- lument neceffaire de croire ces chofes, p*'ell-il pas auffi clair que le jour qu'il cft permis d'être un franc Athée. Et puis on n'auroit pas les Kouakres en abomination , & on ne les regarderoit pas non feulement comme les ennemis deJ.C. mais même comme pires que des Démons qui fapent tous les fonde- xnens de la Religion naturelle , en nn mot comme des Doékurs d'Atheïf- ïne, indignes de toute proteâion pu- blique , & dignes au contraire d'être exterminez par tout comme des peftes de la Société humaine ? Croyez encore après cela que c'eft tout de bon qu'ils parlent quand ils vous difent qu'il y a des principes & des maximes abfolu- *nent neceffaires , & qui, à caufe de leur neceffité , font révélées à tous les hom- mes du monde, à ceux même qui

n'ont

Dtî K ô U ÂKERlSM E. .171

liront aucune Ecriture , telles que font, que Dieu aime les hommes , qu'il les convie à venir à luy , qu'il recompenfe la vertu, & punit te péché? Car com- ment Dieu leur revéleroit-il tout cela s'il ne leur révèle pas au même temps -qu'il a créé le monde & les hommes, & qu'il les gouverne par fa Providen- ce r1 & ce fentiment que tous les hom- mes ont que Dieu hait le vice & chérit la vertu , qu'il recompenfe celle-cy & punit celui-là. Ce fentiment gravé dans le cœur de tous les peuples que Dieu aime les hommes , & qu'il les convie de venir à luy, n'eft-ce pas le fentiment d'une Providence ? & par confequent d'un Dieuconfervateur& créateur de toutes chofes ? Le fenti- ment d'une Providence fupofe celuy d'une Création^ H y mené naturelle- ment, 6c tout de même que leiènti- ment d'une Création mené dansceîuy d'une Providence. Et quelle efpece de Chrift: ou de lumière Evangeîique eli- ce que celle-là, qui non feulement ne "nous aprend rien de tout ce que J. C. ~&fon Évangile nous aprennent , mais qui même n'aprend pas comme des chofes abfoîumentneceiFaires à îafoy, '& au falut à croire & à connoître qu'il y ■% tm Dieu unique, un Dieu Créateur H 2 de.

172

Histoire

de l'Univers , un Dieu confervateur de ce même "Univers, en un mot un Dieu feul adorable ? Quelle impieté & quel blafpheme ? Et ne faut-il pas titre animez de PEfprit , je ne dis pas de l'Antechrift, mais du Diable même , pour ofer nommer cet Efprit maudit qu'ils apellent la lumière intérieure de ce beau nom- , & même du glorieux & facré NomdeChrift? C'eitapeller les Ténèbres Lumières, &ChriitBe- lial. St. Jean difoit que tout Efprit qut ne con fère pas que Jefus ejl le Chrijl, rCcfl

l'Antechrift. Ce coup de foudre tombe juftement fur nos faux Prophètes. Car félon eux le vray Chrifl n'eft pas nôtre jefus , cet homme Divin d'une Vierge, «mort fur une croix, & ref~ fufeité des morts, c'eft unChrift qui cft immortel , inviliblc , impaffible. Le même Apôtre dit auiîi , qui eft An- iechrift , finon ecluy qui divife Jefus , if qui nie quil cft venu en chair , ou avec une chair mortelle, paffible, & réel- lement Crucifiée ? N'elt-ce pas un au- tre coup de foudre lancé fur les Trem- bleurs , & fur leur Chrift fpirituel , in- corporel, impaifible , qu'ils divifènt gbrmellement & réellement d u Chrift 'corporel^ ou de la perfonne divine &

J> IT K O U A. K E & I S M E. î 7j

humaine de nôtre Jefus , le fils de Ma- rie, & le fils de David félon la chair, mais fils de Dieu par l'Efprit de San&i- fication , & par fa Refurreâion d'entre les morts l. Maranatha à quiconque n'aime pas , & ne veut pas adorer le Seigneur jefus. Je prie Dieu néan- moins , & ce même Jefus qu'avant que de penfer à venir ie vanger de ces ennemis jurez de l'Evangile , ib leur découvre fi clairement l'impiété ils font tombez , qu'ils en ayent une honte & un regret faiutaire , &que fe tournant vers celuy qu'ils ont percé, ce Jefus le tourne aufli vers eux \ & que les regardant d'un œil propice & favo- rable, il leur obtienne le faiut & la vie. Car enfin nous ne devons crier Marar matha que contre les impenitens & les endurcis; peut-être que cet Ouvrage ne fera pas inutile pour cet effet, je m'afleure au moins que s'il n'eft capa- ble de faire revenir les Kouakres per- dus, & qui ont déjà mangé la Pâque de leurs égaremens , il prémunira l'Ef- prit des autres qui font encore un peu Chrétiens contre leur pefte & leur poi- fon: & empêchera que tous les (im- pies qui (ont engagez malheureufe- snent dans la Seéie Kouakerienne , & H 3

174 Histoire qui n'en connoiffènt m Je fond nuk$ inylteres, .c'eiH-dire qui neconnoil- fènt point les profondeurs de Satan, en auront horreur quand ils viendront à les découvrir & tremblèrent de tout leur corps & de tout leur efprit, de fe voir conduits fans y penfcr fur Jes bords d'un abîme, & fur le penchant d'un précipice qui n'elt que l'Enfer même. Ils s'en retireront au plus vite, & iront chercher leur afilc aupieds,de la Croix du fils de Dieu, & fur le Cal- vaire, où étant arofez ou plutôt inon- dez de fon fang , ils feront purifiez de toutes leurs fouilleures , & à couvert écs carreaux de la juftice Divine & de sôusles traies enflammés du malia* ,

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TABLE

Comment fefmt les mariages des tÇetd\

CHAPITRE IV.

DivifionfarmilesKouakres.

C H A PITRE V.

Ce que c*eft que manger la Pâque félon les J^dua^'es fcavants. i g

CHAPITRE VI.

Le Kouaksrïfme anéantit la ferfonhe de 3^Ç* , 22

CHAPITRE VII.

autres Chefs du Kjuakerifme. Le* J^uakres nient le myftere de la Tri- nité. 27

CHAPITRE VIII,

"Les Tremblcurs anéantirent le Myfterv de la Croix du Vil s de Dieu. 31

CHAPITRE I X.

De r Anthoufiafme des Roua faer. 3 3

C H ï?

DES CHAPITRES

CHAPITRE X,

Combien eft dangereux ce Principe des JÇouakjes de ne rien faire en matière de Religion que par inspiration. 3?

CHAPITRE XL

Si le tremblement de corps eft une lonm preuve au mouvement intérieur de Pli f- prit de Dieu. 40

CH.AP ITRE X I I.

De quel tremblement les Saintes Ecritures nous parlent, 4g

CHAPITRE [XI y.

Si la Religion Chrétienne ne doit avoir &tir cune Cérémonie. 4^

CHAPITRE XIV-

§Jtél$ font les prétextes des Kjuakers fotfr (cjkter U Batéme & VEuchariftie. £4

CHAPITRE X V.

X>emkr prétexte i^ Kuiiikjcs peut rtja-

" W

T A B LE

ter le Batême & FEuchariftie. Serpent d'Airain, emblème illuflre de'J Cru- cifié.. Si

CHAPITRE XVI.

Les JÇoîiakcmic croient pas que F adora- tion Jê j. C. prefcnt au Sacrement fait une veritabl e Idol atrie ; bon mot de Pen fur cela. 93

CHAPITRE XVII.

Si foi dy un bon Cathslique Romain eft capable d'obérer lapref ?nce réelle & U Iranfubfîance. Plaifantevifion duSr. Jïoiret. £7

CHAPITRE XVIII.

Examen de la fréfence corporelle de J.C. par voye d'irradiation. j j 7

CHAPITRE XIX.

Examen de ? opinion vifionaire de George jÇéiti , fameux Kjualirc. 127

CHAPITRE X X.

La véritable canfe pourquoi le: fetàtyef

DES CHAPITRES.

ne celèrent pas fEucharifiie. Origine cachée du JÇpua^crîfme. 133

CHAPITRE XXL

Les JÇomfyes faits Chrétien- par authm- tcdeParkm. w. Pourquoi tolérés , if non les Catholiques. Avis falutaire aux Catholiques pour obtenir la tolèran-

CHAPITRE XXII,

Le Kouakerifme eft un pur Deïjme. Il permet ix authorife jufqu'A f AtheïÇ- me. l(sz

Fin de la Table des Chapitres.

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