# HA 4 $. Foy. 6. SN HISTOIRE L'ACADEMIE NUR O FA LL: HD ES SCHENCES, ANNÉE M DCL XL TV. Axa les Méhètres de Mathématique & de Phyfque, | pour la même Année. Tirez des Repiftres de cette Académie. , ’ | 2 HE: PARA gs D DE L'IMPRIMERIE ROYALE. M DCCXLIX, Nip NUS RTS 2 en FAIR D" ae a uoutt Fe “ai REBORN POUR ANS MP ON RE. PHYSIQUE GENERALE. L Se une manière fingulière d'aimanter l’Acier. Page x © (=) * Sur les caufes de l'Eledricité.., 4 Sur la dilatation des métaux. 10 Observations de Phyfique générale. 14 ANATOMIE. Sur la maladie du gros Bétail DRE S Obfervations Anatomiques. 27 Ca Ha Mid-E. Sur la cryffallifation du Jel marin. 32 Sur la caufe de la différente di ifolubilité des Huiles dans ! ’efprit de vin. 35 Sur le [el de la Chaux. 38 Sur une préparation de verre d'antimoine, fpécfique pour la: Dyfenterie. 1745: FU T ABLE. Sur la manière d'appliquer aifément des bas reliefs en or fur l'or LA fur l'argent. 45 Obfervations Chymiques, 47 MONET IQUU"E. Sur la confervation des grains, & fur-tout du Froment. 49 Sur les glandes à les filets des Plantes, à les matières qui en Jortent. 53 ASTRONOMIE. Sur l'inclinaifon de l'orbe du troifième Satellite de Jupiter. 5 6 Sur le fiffème du Monde dans les principes de la gravitation univerfelle. 58 G FE OGC AP EF PE: Sur la defcription géographique du cours de la rivière des Ama- nones. 63 Sur la defcription géométrique de la France. 73 TDR O GR APE E: 76 MECHANIQU_E. Machines ou Inventions approuvées par l'Académie en 1745. 81 BE es ES SN TANT ASE NE OCT }O C) SOC + LHOE DO % }O (OS Xe LE SENTE NV ENV E NY à w NAS Pr Æss—— NT CR ten 7 2 BE SM EM OUR:E.S. O BSERVATIONS fur la maladie du gros Bétail, faites à 'occafion d'une Ordonnance qui profcrivoit les cuirs des Animaux morts de la maladie contagieufe. Par M. le Marquis DE CoOURTIVRON. Page 1 Sur la caufe de la différente diffolubilité des huiles dans l'efprit de vin. Par M. MACQUER. 9 De l'inchinaïfon de l'orbe du troifième Satellite de Jupiter, vérifiée par les nouvelles Obfervations. Par M. MARALDI. 25 Defcription d'une Rape à cr du tabac. Par M. D'ONSs- EN-BRaAY. 35 Defcription anatomique d'un Veau monfirueux. Pax Meffeurs MorAND & LA SONE. 35. ÆEffais fur la confervation des grains, à en particulier du Fro- ment. Par M. pu HAMEL. 45 Sur le Sel marin ( Première partie.) De la cryffallifation du Sel marin. Par M. RouELLE. s7 Mémoire [ur une des caufes qui peuvent rendre les Chevaux. AP pouf) fs, & fur les précautions que l'on peut apporter pour prévenir cette maladie. Pay M. GUETTARD. 8o Sur le [el de la Chaux. Par M. MaALouIn. 93: Conjetures fur les caufes de l'Efkchricité des Corps. Par M. l'Abbé NoLLET. | 107 * T.AvB L'E. Otfervations fur le Bandage compreffif defliné à la cure de la tumeur lacrymale. Par M. PETIT. 152 Examen d'une préparation de verre d'Antimoine, fpécifique pour la Dyfenterie. Par M. GEOFFROY. 162 Obfervations Botanico - Méréorologiques pour l'année 1 744 faites aux environs de Pluviers en Gätinois. Par M. pu HAMEL. 165$ Façon fingulière d'aimanter un barreau d'Acier, au moyen duquel on lui a communiqué ne force magnétique, quelquefois triple de celle qu'il auroit ft on l'eût aimanté à l'ordinaire. Pax M. pu HAMEL. 181 Obfervations Botanico-Météorologiques faites à Québec pendant les mois d'Otobre, Novembre à Décembre de l'année 1 743, & Janvier, Février, Mars, Avril, Mai, Juin, Juillet, Août & Septembre de l'année 1744. Par M. pu HAMEL. 194 . Expériences faites à Quito à dans divers autres endroits de la gone torride, fur la dilatation &7 la contrattion que fouffrent les Métaux par le chaud 7 par le froid. Par M. BouGuer. 230 Mémoire fur les corps glanduleux des Plantes, leurs filets ou poils, © les matières qui Juintent des uns ou des autres. Pax M. GUETTARD. 261 E‘clairciffemens fur le Problème de la mâture des Vaiffeaux. Par M. BouGuER. 309 Du fifleme du Monde dans les principes de la gravitation uni- verfelle. Par M. CLAIRAUT. 329 Méthode générale pour déterminer les orbites &r les mouvemens de toutes les Planètes, en ayant égard à leur adfion mutuelle. Par M. D'ALEMBERT. 365 Relation abrégée d'un voyage fait dans l'intérieur de l Amerique méridionale, depuis la Côte de la Mer du Sud, jufques aux ELA BU" RE Côtes du Bréfil & de la Guiane, en defcendant la rivière des Amagones. Par M. DE LA CONDAMINE 391 Réflexions fur la Loi d'Attradion, Par M. DE BUFFON. 49 3 Obfervations Affronomiques faites au Collége Mayarin pendant l'année 1745. Par M. l'Abbé DE LA CAILLE. ot Extrait des obfervations de l'éclipfe de Lune, faites à Bayeux le 2 Novembre 174 3 au matin, à communiquées à l'Aca- démie. Par M. LE MoNNier Fils sii Obfervations faites au Secteur, au fujet de la Nutation de l'axe terreffre, caufée par lation de la Lune fur le Sphéroïde applati. Avec des Réflexions touchant l'obliquité de l'E‘chptique. Par © M. 2E MonNNier Fils S12 Réponfe aux Réflexions de M. de Buffon, fur la Loi de l'Attrac- tion €7 fur le mouvement des Apfides. Pa M. CLAIRAUT. 529 Obfervations Meïéorologiques faites à TObfervatoire Royal pen- dant l'année 174$. Par M. DE FoucHyx. 549 Addition au Mémoire qui a pour titre : Réflexions fur la Loi de l'Attraétion. Par M. DE BUFFoN. 55£ Sur la defcription Géométrique de la France. Par M. Cassini DE THURY. 553 Eflai fur la formation des Dendrites des environs d'Alais. Par M. l'Abbé DE SAUVAGES, de la Société royale de Montpellier. 56: Avertifement de M. Clairaut, au fujet des Mémoires qu'il a donnez en 1747 © 1748, für le fyflème du Monde dans les principes de l’Attradlion. $77 Répon{e à la replique de M. de Buffon. 573 T A BYE E Seconde addition au Mémoire qui a pour titre: Réflexions {ur la Loi de l'Attraction. 5830 Réponfe au nouveau Mémoire de M. de Buffon, 533 Fautes à corriger dans les Mémoires de 1744. Page 212, ligne 16, lifez 9 32... 208,3... 244,5 321,2. Page 221, ligne 1 8, life à Londres dans la rue nommée Flcer- Street, en un lieu appellé Cranecourt, où cit la Maïfon de la Société royale, dont la latitude eft 514 30° 45", & la longitude 9° 45"+ à l'occident de l'Obfervatoire royal de Paris. Ces deux erreurs n'influent pas fur les méthodes qui font dans ce Mémoire, mais feulement fur quelques-uns des nombres qui entrent dans les exemples. Fautes à corriger dans l'Hifloire de 1741. Page 6, ligne 4, quelque circonftance, /fey quelques circonftances. Page20, ligne 33, trenils, lifez treuils. Page 41, ligne 27, s'en eft, lifez s’en étoit. ligne 28, que cela a, lifez que cela avoit. Page 52, ligne 7, enfermé, lifez fermé. Page 69, ligne 16, lame, lifez lames. Faute à corriger dans les Mémoires de 1745. Page 140, ligne 35, au lieu de Ia lumière, /ifez la matière, An LITE, de HISTOIRE ; 0 PF: ; CP ERCICIT 73 AZ ES 5 > ITA N UN NZ Es HIS COLLE L'ACADEMIE ROYALE ESS LdC ES Année M. DCCXLF. OODOOODODDOPDOODOOOOOOO MONO - PHYSIQUE GENERALE. SUR UNE MANIERE SINGULIERE d'aimanter l’Acier. Lx] E toutes les matières fur lefquelles fe font \ Fe M. WA] exercez les Phyficiens, il en eft peu qui leur P ait offert tant de phénomènes curieux que REA A en voici un nouveau qui ne le —.—— cède en fingularité à aucun de ceux que l'on a précédemment obfervez. Hifl 1745. A 3 HisToiRe DE L'ACADEMIE Royaze M. de Reaumur reçut d'Angleterre un petit barreau d'acier d'environ 3 pouces + de long fur 2 ou 3 lignes en quarré; ce barreau pefoit 3 gros & 36 grains, & enlevoit 3 onces 12 grains : il avoit été, dit-on, aimanté par un Médecin Anglois, qui avoit fait de très-belles découvertes fur l'aimant, & il n'avoit été touché fur aucune pierre. Ce furent-là les feuls éclaircifiemens qu'il fut poffible d'avoir fur ce fujet. Quelques jours après M. de Buffon reçut un pareil barreau d'un Anglois de fa connoiflance, celui-ci pefoit 4 gros 54 grains, & foûtenoit 3 onces 4 gros +. Cette efpèce d’énigme que le Médecin Angloïs fembloit propofer aux Phyficiens François, piqua la curiofité de M. du Hamel, il fe rappella à l'inflant des expériences qu'il avoit faites avec M. Lemaire fils, Ingénieur pour les inftrumens de Mathématique, connu par fon intelligence dans cette partie de fon art ; & ces expériences bien examinées l'eurent bien-tôt mis à portée de faire des barreaux pareils à ceux de YAnglois, & de rendre public ce procédé dont il affectoit de vouloir faire un myftère, ou du moins un autre aufii bon & qui menoit au même but. Nous allons rendre compte de ces expériences, ou plütôt effayer d'en préfenter l'efprit & le réfultat. Une lame d'acier de 12 pouces de long étant aimantée à l'ordinaire avec un bon aimant, foit naturel, foit artifi- ciel, eft capable d'enlever un morceau de fer d’une certaine pefanteur ; celle dont M. du Hamel s'étoit fervi dans fes expériences, enlevoit en cet état 4 onces 2 gros. Mais fi au lieu d’aimanter cette lame feule & immédiatement avec la pierre d'aimant , on l'attache avec du fil de laiton ou de la ficelle, fur l'extrémité d’une autre lame beaucoup plus longue, &. qu'on les aimante en cette fituation, alors la petite lame acquerrera un bien plus grand degré de force : dans une des expériences dont nous parlons, au lieu de 4 onces 2 gros qu'elle avoit foùtenu étant aimantée à l'or: dinaire, elle enleva 7 onces 1 gros. Non feulement une Jame d'acier fe charge de beaucoup plus de vertu magnétique DES SCIENCES. fi on l'aimante attachée à l'extrémité d’une autre fame plus longue, mais fi on attache la petite lame aimantée à l'ordi- naire fur l'extrémité de {a grande aimantée de la même façon, fa force fe trouvera augmentée d'environ un tiers, unique- ment parce qu'elle fera jointe à la grande. Il feroit aflez naturel de penfer que l'augmentation de Ja force de la petite lame fe feroit aux dépens de celle de Ia grande, cependant fi on examine, après la féparation des deux lames, quelle ef Ja force de cette dernière, on voit qu'il s'en faut beaucoup qu'elle n’en ait autant perdu que l'autre en a gagné. On voit par ces expériences que pour faire acquerir à un morceau d'acier une force de beaucoup fupérieure à celle qu'il acquerreroit en l'aimantant à l'ordinaire, il ne faut que le joindre à un autre beaucoup plus long, en le laïflant dé- border d'environ un pouce. ‘La nature de l'acier entre pour beaucoup dans tout ceci: il y en a qui fe charge bien plus de vertu magnétique que d'autre ne feroit, mais une circonftance eflentielle, c’eft qu'il foit trempé, fans cela on ne peut lui faire prendre à beaucoup près toute la force dont il eft fufceptible. Plus le contact fera exaét entre la grande lame &r le petit morceau d'acier qu’on lui ajoûte, plus il s’aimantera puif- famment : les points du contaét multipliez favorifent les écoulemens de la matière magnétique de la grande lame au morceau d'acier, il eft alors dans le même cas que s’il étoit d’une même pièce avec la grande lame, & qu'on l'en féparât après lavoir aimanté. De ce que nous venons de dire, il fuit que fr on coupoit en deux un aimant artificiel qui eft, comme on fçait, un faifceau de lames d’acier aimantées, {e petit bout devroit foû- tenir un bien plus grand poids que l'autre, & c'eft aufli ce qui eft arrivé. Î : IL n’eft pas à préfent difficile de deviner cômment M. du Hamel eft parvenu à aimanter des petits barreaux d'acier femblables à çéux qui étoient venus d'Angleterre, il n’y à À ij V. les M. P. 107. 4 Histoire DE L'ACADEMIE Royatr point employé d'autre préparation que de les aimanter au bou d'une lame de fabre d'environ 2 pieds 8 pouces de long, à l'ex- trémité de laquelle on les attachoit avec du laiton ou de la ficelle : il eft même perfuadé ne feroit poflible, en y appor- tant plus de foin, de leur faire prendre une plus grande force magnétique que n'en ont ceux du Médecin Anglois. Mais un ufage plus eflentiel des expériences de M. du Hamel, c'efl de conftruire d’excellens aimans artificiels. De- puis la leéture de ce Mémoire, M. Lemaire en a fait voir à Académie un conftruit fur ces principes, il avoit 6 pouces de longueur, 18 lignes de hauteur & $ lignes d’épaifleur ; il étoit compofé de 3 6 lames qui pefoient enfemble 6 livres, & cet aimant portoit 45 livres, force étonnante pour fon petit volume. SUR LES CAUSES DE L'ELECTRICITE: LE LECTRICITÉ offre depuis un temps aux Phyficiens des phénomènes fi admirables, qu'il eft prefque im- poffible de fe refufer au defir de connoître les caufes de ces. cffets fi merveilleux; mais en même temps la difficulté de concilier tant de faits qui paroiffent fi éloignez de tenir à une caufe commune, avoit toûjours empêché les uns de: tenter cette explication, & les autres d’y réuffr. M. l'Abbé Nollet à qui les expériences & les découvertes qu'il a faites fur cette matière l'ont rendue comme propre, s’eft déterminé. à fatisfaire en ce point l'impatience du public, par un fyftème auquel il n’a voulu donner que le modefte nom de Conjec- tures fur les caufes de l'E’lecfricité. Ces conjectures néanmoins ont fuffi pour expliquer non feulement les faits fur lefquels elles font fondées , mais encore tous ceux qui font venus. jufqu'à préfent à fa connoiffance. Nous allons tâcher d’en donner une légère idée, mais en exhortant le leteur à recourir au Mémoire même de M. TAbbé Nolket, dans lequel il trouvera les principes fur DES S'CIENCES léfquels if fonde fon opinion, établis par une infinité d’ex- périences curieufes & de raifonnemens phyfiques, que les bornes de cette Hiftoire nous obligent à fupprimer. Les principaux phénomènes de électricité font l'attrac- tion, la répulfion des corps légers qu'on préfente au corps devenu éleétrique, une impreflion aflez femblable à des toiles d'araignées flottantes en Fair, qu'on reflent lorfqu'on approche le dos de la main ou le vifage à une certaine dif- tance du corps électrifé, & qui peut dégénérer en une pi- qüre quelquefois capable de percer la peau ou de tuer même les animaux qu'on y expofe, fi le corps eft très- électrique & qu'on en approche d’aflez près, dans de certaines cir- conftances, un pétillement aflez femblable au bruit que fait le {el qu'on fait décrépiter fur le feu, & qui fe fait entendre Jorfqu'on approche d’un corps fortement électrique un autre qui ne l'eft point, une odeur d'ail ou de phofphore qui fe fait fentir autour du corps électrique tant que dure lélec- tricité, des rayons en forme d’aigrettes lumineufes que darde par quelques endroïts le corps devenu éleétrique, & qui fe réuniflent en un feul trait de lumière très-vive lorfqu'on leur oppofe un autre corps, fur-tout s’il eft animé ou mé- tallique, enfin inflammation des vapeurs & des liqueurs inflammables qu’on approche de ces émanations lumineufes, Tels font les phénomènes généraux que l'électricité à offerts jufqu’à préfent aux yeux des Phyficiens, nous difons Jes phénomènes généraux, parce que de la combinaifon de ceux-ci il en naît une infinité d’autres fubalternes, & c’eft même un aflez grand travail & le fruit de bien des recher- ches, que d’avoir fçu les démêler dans les effets compofez qui en réfultent. Il y a donc une matière qu’on peut voir, toucher, enten= dre, fentir, qui accompagne toûjours l'électricité, & qu'on €n peut avec vrai-femblance regarder comme la caufe ; mais: quelle eft cette matière ? comment eft-elle mife en ation? & comment opère-t-elle les effets dont nous venons de parler? A iij 6 H1STOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE Il eft donc quettion de voir premièrement, s'il n'y a point dans la Nature un fluide reconnu par les Phyficiens, qui, comme fa matière électrique, puifle éclairer, brüler, éclater avec bruit dans quelque circonflance, qui foit en même temps palpable & odorant au moins par les fubflances aux- quelles il s'aflocie, car s'il s'en trouve un qui ait ces qualités, la Phyfique dont les explications fe font toûjours à moins de frais qu'il eft poflible, doit l'admettre pour caufe du phé- nomène en queflion. Or avec la moindre attention on reconnoîtra aifément toutes ces propriétés pour celle du feu proprement dit, comme la matière électrique il eft préfent par-tout, & pénètre les corps les plus durs & les moins poreux ; comme elle il s'ex- cite par le frottement & la collifion des corps durs ; comme elle if réfide tranquillement dans une grande quantité de corps, jufqu’à ce qu'on excite fon action; comme elle il com- munique par approximation cette aétion à d'autres corps, comme elle il l’étend plus aifément dans les métaux que dans les autres corps ; enfin les propriétés de ces deux ma- tières fe trouvent par-tout ou prefque par-tout être les mêmes. On peut ajoûter à ce que nous venons de dire, que Îa matière du feu faifant fonétion de lumière, pénètre les corps diaphanes les plus denfes bien plus librement que l'air, & que de même la matière éleétrique paroiït fe mouvoir bien plus facilement dans les corps folides qu'on lui préfente, que dans l'air, & qu'elle les fuit toüjours le plus long-temps qu'il eft pofñble ; le feu proprement dit échappe à nos fens, mais mêlé avec de certaines matières capables de le retenir, il devient ce qu’on appelle satière inflammable où phlogiflique, la matière électrique emprunte aufli une enveloppe étran- gère, & dans cet état elle paroît comme le feu fous la forme de flamme, elle brûle, elle éclate, & devient capable, comme lui, de porter des coups terribles. … Îl ne refte plus qu'à fçavoir comment cette matière eft déterminée à produire les effets que nous offre l'électricité, an DES SCIENCES, 7 & voici comment M. l'Abbé Nollet penfe que Ie tout fe pañle. Lorfque par le frottement on parvient à rendre un corps électrique, une partie de la matière du feu qu’il contenoit, eft chaflée de fes pores, & en même temps remplacée par le même fluide qui, felon prefque tous les Phyfciens, eft préfent par-tout dans cet univers : il fe forme donc autour du corps électrique deux courans de matière , lun qui fort & l'autre qui rentre, & c’eft ce que M. l'Abbé Nollet dif- tingue par les noms de matière effuente & affluente ; doit donc arriver que quelques corps foient entraïnez vers le corps électrique comme s'ils en étoient attirez, & d’autres comme s'ils en étoient repouflez, & cela fuivant la direc- tion des courans de matière dans lefquels ils fe trouveront, que fouvent une partie d'un brin de fil, d’une feuille d'or foit attirée & l’autre repouflée, & c’eft aufli ce que l'on obferve. Ces deux courans même ne font pas une pure fuppofition, on peut juger de leur direction par celle qu’on voit prendre à de petits corps, à de la pouflière dont on a revêtu une barre de fer qu'on rend enfuite électrique; on voit dans l’'inftant une partie de cette pouflière s'envoler rapidement, pendant que dans d’autres endroits de la barre elle ÿ demeure collée avec opiniâtreté ; on remarque même que ces derniers points font en plus grand nombre fur la barre que les premiers. Mais comment dans cette hypothèfe un même corps peut-il être fucceffivement attiré & repouflé par le corps électrique ? voici l'explication très-fimple qu'en donne M. JAbbé Nollet. Lorfqu’un très-petit corps eft mis dans le voifinage du corps électrique, il ne peut guère manquer d’être entraîné par quelqu'un des rayons de la matière affuente, qui coule vers le corps par les intervalles que laiflent entr'eux les rayons de matière effnente qui font en beaucoup plus petit nombre, mais aufli-tôt qu'il s’eft approché du corps élec- dique, il reçoit lui-même cette vertu, & fe trouve garni 8 H15TOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE de rayons de matière effluente & afuente, ainfi quoique fa grofleur refle la même pour les yeux, elle eft confidérable- ment augmentée, il devient une efpèce de houpe aflez fem- blable à ces graines à aigrettes qu'on voit voltiger dans l'air; dans cet état il ne peut plus pafler par les intervalles que Jaiflent entr'eux les rayons effluens, & il eft entrainé par eux & rejeté loin du corps, jufqu'à ce que le temps ou l'attouchement d'un corps non éleétrique lui aient enlevé fon électricité. : Si on préfente au corps életrique un autre corps qui ne le foit pas, on voit fortir de ce dernier une quantité de rayons qui fe portent au corps électrique, & qui ont la cou- leur d’un feu violet; ces rayons font la matière même du feu, feul mobile de l'électricité, mais revêtue de la matière inflammable qu'elle a pü trouver dans {es corps où elle a paf, la collifion des rayons qui fe portent les uns du corps électrique à celui qui ne l’eft pas, & les autres de ce dernier au corps électrique, excite fon action & la force à difliper fous la forme de flamme au de lumière, ces enveloppes qu'elle avoit emportées. La même caufe produit ces aigrettes Jumineufes qu’on voit fortir des angles & des extrémités des corps qui fe trouvent dans le voifnage du corps élerifé, fur-tout s'ils font animez ou métalliques, la matière éleétrique qui fe meut dans tous ces corps avec plus de facilité que dans l'air, s'élance par leurs extrémités après avoir coulé dans leur in- térieur le plus loin qu'il a été poffible. Mais fi on préfente à ces aigrettes le doigt ou un mor- ceau de métal, alors les rayons de aigrette tendront à en- filer cette nouvelle route, ils fe refferreront ; & parce que dans cet état de parallélifme ils ne laiffent plus de pañage à ceux de la matière afHuente qui fortent du doigt ou du morceau de métal, il fe fait-là une violente collifion, & une inflammation capable d'allumer l'efprit de vin ou d’autres liqueurs inflammables ; & ce reflux de matière qui fe fait dans l'intérieur du doigt, eft fuivi d'une douleur plus ou moins DES SCIENCES. moins vive, felon que l'électricité étoit plus ou moins forte & d'un pétillement très-fenfible ; on a pü même rendre cette commotion aflez grande pour tuer des animaux, & exciter dans tout le corps humain une douleur très-confi- dérable, &, ce qui eft bien remarquable, c'eft que les ani- maux tuez par ce moyen ayant été difféquez, on leur a trouvé les mêmes fymptomes qu'à ceux qui avoient été frappez de la foudre. La communication de l'électricité par des cordes, des chaînes, des perfonnes qui fe tiennent par fa main, à des diftances très-confidérables, n'aura plus rien qui étonne, quand on fe repréfentera l'extrême mobilité de la matière qui la caufe, & qu’elle fe meut dans les corps folides bien plus facilement que dans l'air, de forte qu'ayant une fois enfilé cette route, elle la doit fuivre le plus long-temps qu'il eft poffble. Il eft pourtant vrai qu’il y a des corps folides moins péné- trables que air à la matière éleétrique, ce font les corps réfineux (pourvû cependant qu'on ne les ait ni frottez ni chauffez) ceux-ci opèrent précifément le contraire d’un corps métallique ou animé; lorfqu'on les préfente aux aigrettes, au lieu d’en rendre les rayons parallèles, ils les rendent au con- traire plus divergens, & cette propriété fes rend propres à fervir de fupports aux corps qu'on veut électrifer par com- munication, fans cela la mefure d'éleétricité qu’on leur com- muniqueroit, fe partageroit bien-tôt aux corps environnans, & il ne leur en refteroit aucune quantité fenfible. I y a plus, ces mêmes corps réfineux rendus électriques ar le frottement, ne le font jamais autant que le verre, une parcelle de feuille d’or électrifée par le verre, ne fera jamais repouflée par eux, & c’étoit ce qui avoit engagé feu M. du Fay à admettre deux efpèces d'électricités, une pour le verre, qu'il nommoit vitrée, une autre pour ces corps, qu'il nommoit réf{imeufe ; mais .des expériences faites depuis ont montré que cette fuppofition n’étoit pas néceffaire, la parcelle | de feuille que le verre a éle&rifée, n’eft point repouflée par fe 1745: B V. les M. p- 230. 10 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE le bâton de foufre ou de cire d'Efpagne, mais ce n'eft uni- quement que parce que l'électricité de ces dernières matières n'eft pas aflez forte, leurs rayons effluens laiflent affez d’'efpace entreux pour ce petit corps, même hériflé de fes rayons élec- triques, & ceux-ci pénètrent aifément la cire d'Efpagne ou le foufre lorfqu’ils ont été rendus électriques par le frottement, & s'y jettent par conféquent avec une viteffe bien fupérieure à celle des rayons effluens qui s’y pourroient oppoler. Telles font les conféquences générales qu'on peut tirer de l'hypothèfe de M. l'Abbé Nollet, on y reconnoitra fans peine les faits les plus connus & les mieux conflatez qui lui ont fervi de fondemens; mais en entrant dans un plus grand détail, on aura le plaifir de voir avec quelle facilité on peut rendre raifon par ce moyen des expériences les plus fmgu- lières qui aient été faites fur cette curieufe matière : l'hypo- thèfe femble les avoir prefque toutes devinées. SUR LA DILATATION DES METAUX. À queftion de la figure de a Terre étoit trop inté- reflante, pour que ceux des Académiciens qui avoient été envoyez au Pérou pour y faire les obfervations nécef- faires pour la décider, ne prévinflent pas jufqu'aux moindres fujets de doute qui auroient pü jeter de l'incertitude fur leurs déterminations. Quoique la ville de Quito jouifle de la température la plus douce & la plus égale, le thermomètre y marquant ordi- mairement 13 ou 14 degrés au deflus de la congélation , cependant les mefures qu’on avoit apportées d'Europe, & qui avoient eù à foûtenir Les chaleurs de la zone torride, tant fur mer que dans les plaines, pouvoient avoir été altérées : d'ailleurs les opérations deftinées à la mefure des bafes fe devoient faire dans les vallées fituées à 2 ou 300 toifes au deflous de Quito, & où la chaleur eft confidérable. Il étoit donc néceflaire de s’affurer de la dilatation & de la contractions Fe DES SCIENCES. 1e que les métaux peuvent fouffir dans ce climat par le chaud & par le froid. C'eft dans cette vüe que M. Bouguer crut devoir employer une_partie du temps de fon féjour en Amérique, à examiner l'effet de la chaleur & du froid fur les métaux. La principale difficulté confiftoit à s'affurer d'un degré de chaleur conftant, qui fût comme un terme duquel on pôt partir, heureufement on avoit porté des thermomètres de M. de Reaumur, fur lefquels le point auquel l'eau com- mence à fe geler, eft marqué ; M. Bouguer trouva que cet inftrument étant plongé dans la neige, dont les montagnes voifines font toûjours couvertes, baiffe précifément au terme de la congélation, ce qui Jui donna la preuve la plus décifive de fon exactitude. Un fecond terme aufft certain que celui de l'eau qui com- mence à fe placer, étoit celui de l’eau bouillante; on fçait que pourvû que le poids de f’atmofphère foit le même, ce degré de chaleur eft conftant, & on pouvoit aifément s’affurer du poids de Yair par le baromètre. Comme les différences qu’il s'agifloit de mefurer étoient extrémement petites, M. Bouguer penfa à les rendre plus fenfibles par le moyen d'un inftrument qu'il fit conftruire, & dans lequel une règle de métal qu’il expofoit fucceffive- ment à toutes les températures, depuis le froid de la neige jufqu'au degré de feu fufffant pour la faire rougir, pouffoit une alidade mobile à une diftance de fon centre de mou- vement, qui n'étoit que la 36° partie de 14 longueur de l'alidade, ce qui multiplioit ou failoit paroître plus grandes les extenfions dans la raifon de 1 à 36. Muni de cet inftrument, M. Bouguer fit en plufieurs en- droits des expériences dont le réfultat fut à peu près le même; mais pour qu'il eût pü être afluré d’avoir par ce moyen l'extenfion des règles de différens métaux , relative à la température de chaque endroit , il auroit fallu que dans les endroits où cette température étoit plus douce, où la cha- leur étoit moins grande, le métal eût aufli eu un alongement . Bi 12 HisToiRE DE L'ACADEMIE RoyaLe plus grand, puifqu'il étoit dans une fituation où la chaleur de l'air l'avoit moins alongé : cependant les expériences faites en diflérens endroits où la chaleur étoit différente de 9 ou 1 0 degrés du thermomètre de M. de Reaumur, ne laifsérent apercevoir aucune différence dans l'extenfion des règlese Au défaut de cette connoiffance, M. Bouguer penfa à s'aflurer de celle de l’extenfion des différens métaux dans les termes connus dont nous avons parlé, de la glace & de l’eau bouillante, & par un grand nombre d'expériences il trouva qu'en fuppofant la longueur de la règle de métal de 3600 parties, Fextenfion de l'or eft 24, celle de l'argent 3 1, celle du fer 18, & celle du plomb 36; il examina aufii une règle de verre, & trouva que fon extenfion étoit à celle d'une pareille règle d'argent, comme 4 eft à 11. Il étoit bien naturel que M. Bouguer voulüt éprouver quel feroit l'effet de la chaleur du Soleil de la zone torride fur les métaux, & les expériences qu'il fit lui apprirent un fait qu'apparemment il n’auroit pas deviné, c’eft que la cha- leur du Soleil à laquelle nous pouvons nous expofer fans danger, occafionne aux métaux une extenfion plus confidé- rable que celle de l'eau bouillante, qui cependant eft capable de détruire en un inflant l'organifation du corps animal , apparemment que les parties de feu mêlées dans l'eau bouil- hante, y font retenues, & ne peuvent s'engager en aflez grand nombre dans les pores du fer plus proportionnez à celles de la lumière, tandis que la mollefle des chairs leur livre un paflage libre dont elles fe fervent bien pour s’y introduire & en féparer les parties, ce que la matière folaire qui y pafle peut-être trop librement, ne peut opérer. Pendant que M. Bouguer étoit occupé à cet examen, il Jui vint dans la penfée d'examiner l'extenfion que la chaleur du Soleil caufoit à un pavé de briques qui étoit dans la cour de fa maifon, il trouva que fur 1 1 pieds il s'étoit alongé d'environ + de ligne: quelles énormes variations doivent done efluyer de ce chef les édifices les plus folides, fur-tout ceux qui {ont ifolez ? car pour ceux qui font contigus, il eft DE si Je D'ÉNNLÉ ES F évident que leur effort eft anéanti par celui de ceux qui les avoifinent ; feulement peut-on être étonné qu'ils puiflent réfifler fi long - temps à l'alternative d’accroiflement & de diminution qu’ils éprouvent ? La flamme des bougies fut enfuite fubftituée à Ja chaleur du Soleil & à celle de l'eau bouillante, & cette obfervation fit apercevoir plufieurs différences curieufes fur la manière dont la chaleur fe tranfmet de proche en proche dans les différens métaux : nous fupprimons ce détail pour ne pas perdre de vüe le principal objet des recherches dont nous parlons. Le rapport dans lequel différens métaux étoient extenfi- bles par le même degré de chaleur étant bien connu, M. Bouguer penfa qu'il pourroit faire conftruire un inftrument compofé de lames de différens métaux qui, s’alongeant diffé- remment par les mêmes degrés de chaleur, donneroit, au moyen d'un calcul dont les expériences précédentes avoient fourni les élémens , l'extenfion abfolue d’un de ces métaux, à un degré de pra connu par le thermomètre. | Une règle d'acier un peu plus longue qu'une règle de plomb, qui portoit deux clous rivez à fes extrémités, fut’ placée entre ces deux clous, de manière qu elle formoit une elpèce d'arc, dont la règle de plomb étoit la corde, cet inftrument f fimple étant expofé à àun degré de chaleur plus grand que la température où il fe trouvoit dans un certain inftant , les deux règles s’alongeoient ; mais comme celle de plomb s’alongeoit plus que celle d'acier, la convexité de celle - ci s’applatifloit, & la flèche de cette efpèce d’are diminuoit. Pour déterminer Ja quantité d’extenfion des règles de 1a- quelle dépend un certain raccourciflement de la flèche, M. Bouguer penfa que la règle d'acier devenoit dans l'état où ïl Vavoit mife, une efpèce d'élaftique ; de la nature de cette courbe connue naît auffi-tôt une formule algébrique, toû- jours prête à démêler ce qui appartient à chaque métal dans un changement quelconque de la flèche, B ii 14 HisToiRE DE L'ACADEMIE RoyaLe En fubftituant à une flèche recliligne d’autres règles élafti- ques, on voit bien qu'on peut rendre vifibles les moindres changemens de longueur des premières règles, & augmenter la fenfibilité de cette efpèce de thermomètre à V'infini : c'étoit fur ce principe que M. Bouguer avoit fait conftruire un inftrument qu'il apporta en France, après en avoir fait un grand nombre d'expériences, on peut aifément s’aperce- voir de fon deflein, il vouloit comparer les degrés de chaud éprouvez au Pérou, avec les mêmes degrés appliquez au même inftrument dans ce climat ; mais les chütes fréquentes des bagages dans les paflages affreux de la Cordelière, & plus encore l'extrême chaleur, aidée de l’efpèce de fermen- tation qu'elle excite dans les hardes dont on remplit les coffres, mirent abfolument l'inftrument hors d'état de fervir à cette comparaifon; malgré le défaut de cette circonftance, ces obfervations auront toûjours le mérite d’être les pre- mières faites dans le climat où il a opéré, & d’avoir donné lieu à la découverte d'un grand nombre de faits également curieux & intéreflans. OMB'ST ET RAAAUEUT ON DES PAFSIQUENGE NE R A;L Æ I. Le 7 Février il y eut à Chriftianfand en Norvège, un tremblement de Terre, on entendit fur les neuf heures du matin un bruit femblable à celui de plufieurs chariots qui aurojent paflé avec beaucoup de viteffe fur le pavé, beaucoup de perfonnes coururent aux fenêtres pour les voir, dans le même moment toutes les maifons furent ébranlées, les fièges, les tables & les lits fe remuèrent, les verres & les porcelaines s’entre-choquèrent , les oifeaux qui étoient dans des cages fe mirent à voltiger, & les perfonnes qui fe promenoient dans les chambres commencèrent à chanceler : comme ce jour DES SCIENCES 15 étoit un dimanche, il y avoit dans ce moment un Chapelain rêt à célébrer, il remarqua que lautel & les murailles du temple s'ébranlèrent, & que les cierges allumez étoient prêts à fe renverfer, la voûte même menaça de s’entr'ouvrir ; on peut juger de l'effroi des affiftans, ils en furent cependant quittes pour la peur, les fecouffes ne durèrent que deux ou trois minutes, & Îe calme leur fuccéda : ce qu'il y eut de fingulier, c'eft que ceux qui n'étoient point dans les édifices, mais qui étoient à pied dans la plaine, ne s’aperçurent que peu ou point du tout de ce tremblement de Terre , il s’'étoit fait fentir 30 minutes auparavant à 8 ou 10 lieues à l’occi- dent, dans a paroïffe de Biéland, & à o heures précifes dans celle de Mand diftante de 4 lieues. La traînée de vapeur foûterraine faifoit donc environ 16 lieues par heure, & if y a apparence que la cavité qui la contenoit, étoit placée plus profondément que le fond de la mer, puifque la même fe- coufle s’eft fait fentir dans les ifles de Æalefund & dans quel- ques autres voifines de la côte. On a déjà remarqué que les tremblemens de terre font ordinairement fuivis de chaleur, 1a même chofe a été obfervée dans celui-ci: le $ &le 6 il failoit très-froid, le dégel furvint le 7 contre toute apparence. Ce détail eft tiré d'une lettre écrite à M. de Reaumur par M, Spidberg qui a été témoin oculaire de ce phénomène. 1e Voici un fecond fait de la même efpèce. Le 9 Juillet fur les 3 ou 4 heures du foir on entendit à Béziers un bruit femblable à celui d'un toit qui s'écrouleroit, pluféurs perfon- nes montèrent à leur grenier pour voir fi ce n’étoit point le leur qui avoit caufé le bruit; ceux qui étoient aux premier & fecond étages fentirent une violente fecouffe, mais ceux qui fe trouvoient au raiz de chauffée ne s’en aperçurent aucune- ment ; M. Bouillet qui a envoyé à M. de Mairan la relation de ce tremblement de terre, étoit pour lors à pied dans fa rue ; il ne s'aperçut de rien, & ne le füt que par le rapport de plufieurs perfonnes, entr’autres de M. Maini Académicien 16 HisTorre DE L'ACADEMIE RoyYaLr de Béziers; cette première fecouffe fut fuivie deux jours après d'une féconde qui arriva pendant a nuit, bien des perfon- nes aflurèrent que leurs lits avoient été violemment ébran- lez ; M. Bouillet s'éveilla au bruit que firent les chaffis de fes fenêtres, & un inftant après fon réveil le bruit ceffa. On peut remarquer beaucoup de circonftances pareilles dans ces deux relations; peut-être pourra-t-on un jour, en rapprochant toutes les obfervations, parvenir à expliquer ces effrayans phénomènes, ou même, ce qui feroit encore plus important, à en prévenir les terribles effets. ET M. Amelot a fait voir une incruflation pierreufe tirée d'une fource près de Riom en Auvergne ; cette fource jette un bouillon chargé d’une écume rougeûtre, les habitans du lieu ont foin de la tirer fur les bords de la fontaine, elle s’y durcit, & devient une pierre dont ils fe fervent à bâtir. Avec un peu d'attention il feroit facile en cet endroit d'avoir des ouvrages de pierre jettée véritablement en moule, TV: M. du Hamel a dit qu'ayant voulu faire fcier un miroir de métal, dès que le trait de fcie fut parvenu à environ une demi-ligne de profondeur le miroir éclata avec bruit en plu- fieurs morceaux , un defquels fut jetté à plus de 2 pieds de diftance. WE M.Taitbout de Marigny Conful à Naples, a voulu vérifier ce qu'on dit de la fameufe grotte du Chien; on croit com- munément que pour faire revenir le chien qu'on a plongé dans la vapeur de fa grotte, & qu'on en a tiré comme mort, il faut fur le champ le jetter dans le lac d’Agrano, d'où en moins d’une minute il fort en nageant ; M. Taitbout a trouvé que cette circonftance étoit parfaitement inutile, le chien qui fervit à cette expérience fut fimplement jetté fur l'herbe, en peu de temps il reprit vigueur au point de courir. I y a même DES SCIE NICE". 17 a mème bien de l'apparence que fi l'on jetoit Le chien au fortir de la grotte,aflez avant dans le lac pour qu'il y pût nager, immobile comme il eft dans ce moment, il y périroit plutôt que de revenir. V I. On eft accoûtumé préfentement à voir en ce pays des Aurores boréales, & perfonne ne daigne plus s’en effrayer. Si on fe rappelle ce qui a été dit fur ce fujet par M. de “Mairan*, on ne fera pas étonné qu'il y en ait aufli d'auftrales * Traité de “dans les pays méridionaux ; mais dans Pun & l'autre hé- Pi à mifphère, il faut qu’elles foient extrêmement grandes pour &/4c.173r, être aperçues à la latitude de 1 2 degrés, climat dans lequel ? 7% - ces phénomènes doivent être bien rares ; une de cette efpèce qui fut vüe à Cufco le 20 Août 1744, y jeta la plus grande confternation , le peuple la prit pour un préfage de la fin du monde, & ce ne fut qu'avec beaucoup de peine que M. le Marquis de Valle umbrofo Corrégidor de cette ville parvint à faire comprendre à cette populace effrayée, que le phé- nomène étoit produit par des caufes purement naturelles, Ce fait a été mandé à M. de Ia Condamine par D. Ignace de Chiriboga Chanoine de la Cathédrale de Quito. VIT M. l'Abbé de Fontenu de l'Académie Royale des Inf- criptions & Belles-Lettres, qui joint à la plus grande érudi- tion l'efprit & l'art des obfervations, a dit à M. de Reaumur que dans la paroifle de Brofligny près Fougères fur les fron- tières de Bretagne, if y a un étang qui peut pafler pour une des merveilles de cette province, il eft fitué dans un vallon d'environ + de lieue de circuit dont il occupe le fond, & reçoit fes eaux de quantité de fources qui fortent des côteaux qui l'entourent; indépendamment d'un petit nombre d’ifles flottantes qu'on voit fur fa furface, & dont quelques-unes font garnies d'arbres, il eft prefque entiérement couvert d’une grande prairie fermement adhérente à la chauffée, fans tenir gn aucune manière aux autres bords de l'étang : cette prairie Hifl 1745 18 HISTOIRE DE L'ÂACADEMIE RoÿALE eft entiérement foûtenue fur l'eau; quand l'étang eft plein, elle eft de niveau avec la chauffée, & quand les,eaux baiffent elle forme une efpèce de glacis. On voit bien par cette def cription qu'elle doit néceflairement couvrir la bonde de ‘étang, ainfi quand on veut le mettre à fec pour le pêcher, il faut de néceffité y faire une ouverture ; c’eft dans une occafion pareille que M. l'Abbé de Fontenu a pü mefurer l'épaifleur de cette ifle qu'il a trouvée d'environ 6 pieds; il obferva en même temps que cette efpèce de terrein étoit formée de différentes couches entre-mélées de racines, les lus voifines de la furface de l’eau font les plus noirâtres, elles ne paroiffent qu’un terreau fort léger, formé par fa pourriture des racines des herbes & des arbrifleaux qui y naiflent & y périflent chaque année, il eft bien certain qu'il n'a pü parvenir à cette épaifleur & à couvrir prefque entiérement l'étang, que dans une longue fuite d'années : M. l'Abbé de Fontenu penfe qu’en obfervant pendant quel- ques années fon accroiflement en épaifleur, on pourroit en conclurre à peu près le temps auquel il a commencé à fe former; cette efpèce de croûte eft d’un tiffu fpongieux & humide, on peut en y enfonçant un long bâton traverfer toute fon épaifleur, cependant le deffus en eft folide & ferme, on peut s’y promener, & on croit marcher fur du duvet, parce qu'il eft revêtu de moufle entre-mélée de quelques autres herbes : on pourroit même y mener paitre des beftiaux, mais les bords de cette prairie flottante ne font pas aufir folides que le milieu, dans lequel même il fe trouve quel- ques-endroits qui pourroient être funeftes aux animaux qu'on y conduiroit. [ feroit affez naturel de croire que cet étang ainfi couvert devroit être peu poiflonneux, cependant la pêche y eft très-abondante & le poiffon très- gros; M Abbé de Fontenu y a vû prendre entr’autres gros poiflons, un brochet de 24 livres & un de 16. IH étoit réfervé à un Phyficien auffi verfé que lui dans la connoiffance de l'Anti- quité, de trouver dans une des fingularités de l’'Hiftoire Natu- xelle de France, un modèle en petit de la fameufe ifle de Délos, DES SCIENCES. 19 VIIL | * L'Académie a dit en 1725 * d’après une obfervation de * 1725, M. Dachery, qu'une bouteille de verre vuide de liqueur & AT bouchée avec de grandes précautions, ayant été plongée dans la mer à la profondeur d'environ 130 braffes & retirée à linftant, elle s’étoit trouvée pleine d’eau qui parut au goût des + moins falée que l'eau de la mer. M. Wolf a mandé à M. de Reaumur qu’un de fes amis nommé M. Kraafft, avoit répété cette expérience plufieurs fois dans la mer Baltique avec un fuccès très-différent, la bouteille a été plongée à différentes profondeurs, dont à la vérité la plus grande n'ex- cède pas 60 brafles, elle y a été tenue pendant plusiide 3 heures & demie, fans que la moindre goutte d'eau y ait pénétré: il faut ou que dans la première expérience la bou- teille n'ait pas été aflez bien bouchée, ou que la colonne d’eau plus courte de moitié dans la feconde, n'ait pas eu la force de faire filtrer l’eau à travers le bouchon. I X. Le 8 Décembre 1745 à Wilna en Lithuanie, on vit le Soleil à fon lever furmonté d’une efpèce de pyramide lumi- neufe, & accompagné de deux faux Soleils plus élevez & rouges, compris eux-mêmes dans deux autres pyramides de Jumière colorée des couleurs de l'iris, le rouge tourné vers le Soleil : ce phénomène dura environ deux heures. N Ous renvoyons entiérement aux Mémoires Les Obfervations Botanico - Météorologiques faites V. les M. auprès de Pluviers en Gâtinois, par M. du Hamel. D 2165: L’Ecrit du même fur les pareilles Obfervations faites à p. 194. Québec, par M. Gaultier Correfpondant de l’Académie, Et les Obfervations Météorologiques faites à l'Obferva- p.549: toire royal en 1745. ; Ci 30 HisTOIRE DE L'ACADEMIE RoYyALE £TTE année parut le troifième volume des Leçons de GC ryque expérimentale de M. l'Abbé Nollet, dans lequel font contenues les 9° 10° & 11€ Leçons: la 9° eft une efpèce de Traité élémentaire de Méchanique, mais cette méchanique efl en même temps & mathématique & expé- yimentale. L'Auteur, après avoir expofé avec beaucoup de clarté les principes généraux de chaque propofition de mé- chanique, y fait voir par une infinité d'expériences l'appli- cation de ces mêmes principes aux machines les plus ufitées : de cette manière la partie de la méchanique qu'il s'eft pro- pofé d'éclaircir, fe trouve à la portée d'un bien plus grand nombre de perfonnes, & ceux même qui font en état d'en- tendre les raifonnemens mathématiques, ont le double plaifir de les retrouver fous une forme nouvelle, & de voir des vérités intelleétuelles foümifes en quelque forte au jugement des fens. M. l'Abbé Nollet n'admet que trois machines fimples ; qui font le levier, le plan incliné & les cordes, ces trois machines font, à proprement parler, les élémens dont il compofe toutes les autres, une infinité d'expériences fines & délicates fervent de preuve à ce qu'il avance fur les propriétés de ces machines; on y voit tout ce qui doit arriver des chan- gemens de longueur & de pofition des leviers, tant pris en eux-mêmes qu'examinez par rapport aux ufages. auxquels ils font employez dans la vie civile : l'examen des poulies qui font des efpèces de leviers perpétuels, fuit celui du levier ordinaire, on y voit la multiplication de force qu'elles peu= vent opérer, les cas auxquels elles peuvent être plus avanta- geufement appliquées, les différens défauts dont elles peuvent être fufceptibles, foit par elles-mêmes, foit par la mauvaife difpofition des cordes auxquelles font appliquées les puif- fances qui leur donnent le mouvement: les roues dentées & les trenils ou cabeftans, font encore une fuite de lexamen du levier qui en eft la principale partie, & terminent cette fection. SD. ru D'E Six SCIE NuC ES 21 - Le plan incliné fuit le levier, fes effets par rapport aux corps qui peuvent gliffer ou rouler fur fa furface, font l'objet de la première partie de la feconde fection , dont le refte eft employé tant aux applications de cette machine fimple, au coin & à la vis, qu'à des réflexions & des expériences très- curieufes fur la nature & les effets du frottement. Enfin la 3° & dernière feétion de cette Leçon, traite des cordes, des inconvéniens qui peuvent naître de leur roïdeur ; plufieurs expériences y mettent fous les yeux les effets de cette propriété, & mettent en état de la mefurer & de fe précautionner contre les principaux dérangemens qu'elle pourroit caufer dans les machines : la force des cordages eft aufli examinée avec foin, & on y trouve la preuve de cette efpèce de paradoxe déjà démontré par M: de Reaumur & du Hamel, que les cordes perdent beaucoup de leur force par le tortillement : enfin les effets de l'humidité fur les cordages par rapport à leur raccourciflement , terminent cette Leçon : M. Abbé Nollet y fait une courte digreflion fur les hygromètres, qu'il finit par avouer le peu de précifion qu'on peut attendre de cet inflrument dans l'état où il eft au- jourd'hui. Les roc & 11° Leçons traitent de la nature & des pro- priétés de l'air, mais la 1 o€ eft plus particulièrement deftinée à le confidérer en lui-même & indépendamment de 12 grandeur & de la figure de fa mafle : les expériences qui prouvent le poids & le reflort de ce fluide, en font la prin- cipale partie, mais à celles qu'on connoifloit déjà, M. l'Abbé Nollet en ajoûte un grand nombre de nouvelles, & accom- pagne les unes & les autres de réflexions & de vües égale- ment curieules & intéreflantes : la néceflité de l'air pour 1a vie animale y eft prouvée, & cet article eft fuivi d’obfer- vations fur le degré de pureté néceflaire à l'air pour pouvoir être refpiré fans aucun rifque, fur les différentes matières qui peuvent altérer cette, pureté par leur mélange, & fur les remèdes qu'on doit apporter à ces inconvéniens. On fçait en général que l'air eft néceffaire pour entretenir le feu, mais C ii 22 HisToIRE DE L'ACADEMIE RoYALE on ne fçait pas communément comment il y contribue; cette matière fait un des articles des plus curieux du livre de M. l'Abbé Nollet, on eft étonné de voir des expériences tès-fines, mettre fous les yeux du lecteur la caufe d’une infinité de phénomènes furprenans, qui fe rencontrent dans J'ufage journalier qu'on fait par-tout de cet élément : une autre matière auffi fingulière finit cette Leçon, c’eft l'examen de la quantité d'air compris dans les corps tant folides que liquides, on ne croira qu'à peine l'énorme quantité qui s'en trouve dans ceux même qui paroîtroient devoir le moins en contenir; nous n’ofons prefque dire que le volume d'air contenu dans certaines matières, égale fouvent 2 ou 300 fois celui de la matière dont il fort, il a fallu aux Phyficiens bien de l'efprit pour deviner qu'il étoit-là, & bien de l’adrefle pour l'en tirer : à cette connoiffance l’Auteur en ajoûte une aufli curieufe, par laquelle il détermine le temps néceffaire aux liqueurs pour reprendre l'air qu'on leur a ôté, & la pro- portion dans laquelle elles le reprennent. Jufqu'ici l'air n'a été confidéré qu’en lui-même, mais Ja 11° Leçon le confidère comme atmofphère, cette atmo- fphère peut être regardée comme fluide en repos, ou comme fluide en mouvement ; comme fluide en repos elle a une étendue, une figure & un poids, M. Abbé Nollet enfeigne la manière dont on a tenté de déterminer ces trois points par les obfervations du baromètre faites en différens en- droits, différemment élevez; il fait voir comment & dans quelle proportion les différences de hauteur dans les co- lonnes d'air opèrent auffi différentes élévations du mercure dans le baromètre : l'air que nous refpirons eft mélé d’une grande quantité de vapeurs, qui font l'origine des météores aqueux , il trouve moyen de les en féparer, & de mettre fous les yeux ces corps étrangers qui y nagent. On peut confidérer dans Patmofphère deux fortes de mouvemens, lun d'une partie confidérable de fa mafle vers un certain côté, & l'autre de fes parties intégrantes fans déplacement fenfible, ce dernier eft celui par lequel les corps D-E 5,516 l'E NAG_E $ 2 fonores tranfmettent la fenfation du fon à l'organe de l’ouie ; orce mouvement peut être confidéré, ou de la part du corps qui l'excite, ou de fair qui le tranfmet, ou enfin de l'or- gane fur lequel il agit, M. l'Abbé Nollet l'examine fous ces trois rapports, & ne manque pas de faire des applications de ce que les expériences enfeignent, aux différens ufages de la fociété civile. Perfonne ne révoque en doute que les animaux terreftres n’entendent, l'organe de l'ouie qu'on leur trouve par la difleétion, & une infinité de faits le démontrent incontefta- blement : il n’en eft pas de même des poiflons, on ne leur trouve aucun organe analogue aux oreilles des autres ani- maux, car les parties qu'on nomme chez eux des ouies, font de véritables poumons, dont l'admirable flruélure a été dé- montrée par M. du Verney *. M. l'Abbé Nollet a examiné fi l'eau pouvoit tranfmettre les fons, & le réfultat de fes expériences eft que les poiffons pourroient être avertis de ce qui fe pafle loin d’eux d’une façon tout-à-fait fingulière, & plus analogue au toucher qu'à l'ouie: ce n'eft pas au refte que leau ne foit perméable au fon, elle le tranfmet affez diftinétement, & cette connoiffance eft düe à fes expériences, Le fon met un certain temps à fetranfmettre, on a fait diverfes expériences pour le déterminer, & on a trouvé qu'il parcouroit 173 toiles par feconde, Auteur rapporte en abrégé l'hiftoire de ce travail, différentes circonftances peu- vent diminuer ou augmenter l’intenfité du fon : tout le monde connoît l'effet des porte-voix, ces inftrumens & les phéno- mènes des échos les plus finguliers font expliquez dans cette Leçon. Pour concevoir quelle connexion les mouvemens de Fair ont avec le corps animal, il faut connoître l'organe fur lequel ils agiffent, c’eft pourquoi il en donne une defcription abrégée, mais exacte. L'intenfité & la viteffe du fon ne changent rien au ton du corps fonore ,-mais les longueurs, groffeurs, tenfions, &c. que ce corps peut avoir, le font néceflairement varier, & toutes ces différences font ici fcrupuleufement examinées.. XMémn. 170 3 P. 224. FMén1737 ?: 4, 24 HisToiREe DE L'ACADEMIE RoyaALE Les principes dont nous venons de parler, mènent naturel- lement à la conftruétion des inftrumens de mufique, M. Y Abbé Nollet entre auffi dans ce détail autant que le lui per- mettent les bornes qu'il s'eft prefcrites ; & comme l’organe de la voix eft un des principaux inftrumens, il expole en abrégé les fyflèmes des Philofophes & des Anatomiftes fur la formation de la voix. Les fons fimultanez, ceux qui frappent l'oreille en même temps, méritoient bien une explication particulière; en effet, comment concevoir deux mouvemens différens en même temps dans les mêmes particules d'un fluide ? c’eft en adop- tant l’hypothèfe donnée par M. de Mairan en 1737 *, que M. l'Abbé Nollet fe tire de cet embarras, car fuivant ce fçavant Phyficien les mouvemens différens fe trouvent dans des particules différentes, chaque ton ayant les fiennes pro- pres à le tranfmettre, l'oreille eft incapable d'y en tranfmettre d’autres : enfin le mouvement en grand de l'atmofphère ter- mine cette Leçon & le livre dont nous parlons; on y voit un léger abrégé de l'hifloire des vents, de ce qu'on a pû avancer de plus raifonnable fur leur caufe, & une partie des ufages que l'art en a fçu tirer pour le bien de la fociété, ANATOMIE. DES SCIENCES 25 10:0:0:0:0:0/0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:90:0:0:0! ANR COM I E. SUR LA MALADIE DU GROS BETAIL, | io maladie contagieufe qui a fait périr une grande partie des vaches & des bœufs pendant les dernières années, & qui faifoit en 1 744 les plus grands ravages dans 1a Bourgogne, ne pouvoit manquer d’exciter à la fois Le zèle des Magiftrats chargez de la police, & celui des Phyficiens. Comme on étoit perfuadé avec raifon que ce mal fe com- muniquoit au bétail fain par fa fréquentation de celui qui étoit déjà infecté, on prit à ce fujet les précautions les plus grandes, on les poufla même jufqu'à défendre de fe fervir des cuirs des animaux morts de la contagion, de peur que ces peaux ne püflent porter avec elles un poifon dont on avoit déjà reflenti les funeftes effets. Cette dernière cir- conftance parut à M. le Marquis de Courtivron digne d’être examinée avec foin; en effet, une matière auffi indifpenfa- blement néceffaire, que les cuirs, méritoit bien d'être con- fervée, fi on le pouvoit faire fans péril, comme aufli il ne falloit pas héfiter un feul moment à les facrifier, fi leur ufage pouvoit le moins du monde être fufpect. C’étoit donc à l'expérience, véritable organe de la Nature, à décider cette queftion, heureufement M. de Courtivron étoit placé dans un endroit que la maladie avoit épargné, & on ne doutera pas qu'il n’eût pris toutes les précautions néceffaires pour que les épreuves qu'il alloit faire ne püflent pas l’y introduire. I! choïfit une écurie écartée, de laquelle il fit murer les fenêtres , il y fit mettre la provifion de paille & de foin néceffaire pour y nourrir pendant leur retraite, les animaux qui y feroient enfermez : les feaux deftinez à leur apporter à boire, ne dévoient fervir que pour eux ; enfin rien ne fut He 17451» D V. les Me PI. 26 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE épargné pour éloigner des autres animaux du même lieu, le danger auquel on alloit expoler ceux-ci. Tout étant préparé, M. de Courtivron fit conduire dans cette écurie deux victimes qu'il vouloit facrifier au bien public, c'étoit deux vaches, l'une jeune & l’autre déjà âgée: en même temps il avoit fait venir fecrétement, car la Phy- fique même exige quelquefois du myflère, des cuirs frais d'animaux de même efpèce, morts de la contagion; les deux vaches en étoient revêtues la nuit, & le jour ces cuirs fervoient à envelopper la paille & le foin deflinez pour leur nourriture, & des morceaux des mêmes cuirs trempoient dans l'eau qu'on leur préfentoit à boire: les deux animaux n'eurent aucun dégoût de ces alimens ainfi préparez, & après 20 jours d'expérience, pendant lefquels ces deux vaches eurent abon- damment du lait, on leur Ôta cet attirail incommode, on les parfuma pendant quelques jours avec le génièvre, & on les laiffa aller aux champs avec les autres beftiaux, auxquels elles n'ont communiqué aucune maladie. I eft donc bien conftant que les cuirs des animaux morts de la contagion, ont pü être mis plus près d’autres animaux de la même efpèce qu'aucun hafard ne pourroit jamais les placer, fans leur avoir communiqué aucun mal; mais comme le témoignage d’une feule expérience n'eft pas fufhfant, M. de Courtivron qui fe propofe de communiquer au public celles qu'ila faites depuis l'impreflion de ce Mémoire, exhorte tous ceux qui pourront en faire de pareilles, à ne les pas négliger. {! paroît en général qu'on n'a point à craindre que l'ufage des cuirs des animaux morts de Ja maladie communique Îa contagion, & que par conféquent on ne doit point les perdre, en obligeant les propriétaires des beftiaux morts, de les enterrer avec leur peau. On peut bien penfer que M. de Courtivron n'a pas manqué d'examiner la maladie en queftion, il auroit été bien plus flatteur de donner un moyen de conferver les ani- maux mêmes, que d'enfeigner feulement à n’en pas perdre les cuirs; mais les phénomènes qui ont aécompagné cette Les ns 7 LE LÉ à CCS DES SCIENCES. 27 efpèce de contagion ont été fi fingulièrement variez, & les remèdes qu’on a tentez fi rarement efficaces, qu'il a été im- poffble de rien flatuer fur cette matière : il eft même à {ou- haiter qu'on ne foit- de long-temps à portée de l'approfondir davantage. OBSERVATIONS ANATOMIQUES. L M le Duc d’Aiguillon à fait voir un petit lièvre monf- trueux trouvé à lIfle-Adam : cet animal étoit compofé de deux lièvres joints enfemble par l'épine du dos, de façon que les deux corps oppolez l’un à l'autre, font, pour ainfi dire, bout à bout; ces deux corps pris enfemble étoient plus courts qu'ils n’auroient dû être en fuppofant la longueur ordinaire, parce qu'une portion de chacune des deux épines, s'étoit confondue avec une pareille portion de l’autre vers l'endroit de la jonction : ce que ce monfire offroit de plus fingulier, c'étoit la pofition des pattes de derrière, elles étoient en apparence difpofées à l'ordinaire, en forte qu’on auroit cru en voir à chaque lièvre une de chaque côté; mais la diflection fit voir que les deux du même lièvre étoient du même côté, le baffin, l'os facrum & les hanches s'y étant collez à côté & fuivant la longueur de l'épine, au lieu que dans l'état naturel ils lui font perpendiculaires. Comme ce petit animal étoit déjà très-maltraité des oifeaux quand on Fe trouva, & qu'il fut ouvert par quelqu'un qui n’avoit d'autre deffein que de le vuider pour le garder fec , il fut impoffible à M. Morand qui chargea de l'examiner, de rien connoître de la ftruéture des parties internes, defquelles il n’étoit rien refté que deux cœurs bien diftinéts, un dans chaque poitrine; il y a bien de l'apparence que la plüpart des autres vifcères étoient doubles & placez de la même manière. Les Auteurs donnent plufieurs exemples de lièvres monf- &ueux, dont quelques-uns font doubles ; mais M. Morand Hifl 1745. * Di 28 HisToiRE DE L'ACADEMIE ROYALE n'en a point trouvé de pareil à celui-cif pas même dans Îles Recueils de l'Académie des euiieux de la Nature, que l'on fait être attentifs à obferver les monftruofités de toute efpèce. Rite M. Dupuy Médecin de fa Marine à Rochefort, a écrit à M. du Hamel, qu'au défarmement de la Flûte du Roy Z Chameau qui xevenoit de Cadix, un matelot ayant débondé une futaille remplie d'eau de mer, qu'on avoit imprudem- ment bouchée, fut tout d’un coup frappé d’une vapeur qui le renverfa roide mort, fix de fes camarades qui étoient dans la même cale, mais un peu plus éloignez de la futaille, furent renverfez, ils perdirent connoiflance & parurent agi- tez de violentes convulfions : le Chirurgien Major averti de cet accident voulut les aller fecourir, mais auffi-tôt qu'il fut entré dans la cake, il s'évanouit & éprouva les mêmes acci- dens, on les tira tous de ce lieu empoifonné, dès qu'ils eurent pris l'air ils revinrent: M. Dupuy voulut examiner le cadavre du mort, il étoit extrêmement enflé & fort noir, le fang lui fortoit par les narines, la bouche & les oreilles; mais il étoit déjà ft corrompu qu'il ne füt pas poffible d'en faire l'ouverture. LATE M. Amelot a montré à l’Académie un œuf de poule d'Inde, dans lequel étoit renfermé un autre œuf garni de fa coque: ceux qui favent que la coque de l'œuf ne fe forme que dans T'oviduéus, où canal qui conduit l'œuf de l'ovaire au dehors de l'animal, fentiront combien doivent être rares les circonf tances néceflaires pour produire un pareil effet. DV M. Morand a communiqué à l'Académie de nouveaux fuccès de la Taille latérale, de la part de M. Vacher Corref- pondant de l'Académie, & de M. Durocher Chirurgien- major des Gardes-du-corps de S. A. R. Dom Philippe Infant d'Efpagne. Du 7 Novembre 1743 jufqu'à la fin de l'année 1744, M. Vacher a fait quatre opérations qui ont été toutes fort heureufes : il y en a eu une guérie en dix-huit jours, & le D'ÉNSUSN\CAL EN é Ets 29 terme de la cure la plus longue a été d’un mois; celle-ci fut accompagnée de circonftances particulières qui rendirent l'opération fort pénible. M. Vacher ne pouvoit toucher la pierre que par une partie de fa furface, & ne la touchoit pas toûjours ; a pierre étoit nichée dans une poche membra- neufe, attachée en forme de panier de pigeon à la paroi droite de la veflie, heureufement M. Vacher en reconnut la pofition, & s'en étant bien afluré, il tint, avec fon doigt index de la main gauche, le rebord de cette efpèce de valvule abaiflée, & fixa la pierre avec le bout du même doigt, fur lequel il porta une tenette convenable & fit l'extraction de la pierre. M. Durocher, depuis 1741 jufqu'en 1744, a guéri trois pierreux par cette méthode, & n’en pratique plus d'autres. M. Gabon Chirurgien, gagnant maîtrife à l'Hôtel- Dieu, a préfenté à l Académie un enfant monftrueux, né à terme dans l'Hôtel-Dieu même, le 8 Oétobre 1745 : cet enfant avoit deux têtes, un tronc commun & cinq extrémités, deux fupérieures & trois inférieures ; des trois extrémités inférieures une étoit monftrueufe, elle fortoit de la feffe gauche, & paroïfloit être compofée de deux extrémités con- fondues lune avec l'autre; elle avoit quelques orteils qui reffembloient beaucoup aux doigts de la main. I n’y avoit qu'un feul foie qui avoit trois lobes, deux égaux & un troifième plus petit, une feule véficule du fiel, & un feuk canal colidoque : le monitre avoit deux eflomacs & deux rates, fituez l’un à gauche & l’autre à droite du foie, chaque eflomac tenoit à fon œfophage & aboutifloit aufli à un duodenum féparé; ces deux duodenum fe confondoient bien- tôt & formoient une feule cavité très - courte, après quoi cet inteftin unique fe bifurquoit : le jejunum & une partie de l'ileum continuoient aufr à être doubles, vers. le cœcum ils fe réunifloient pour ne plus former qu’un feul canal qui fe terminoit à l'anus : il y avoit deux pancreas & quatre reins, deux bien conformez, chacun furmonté de fa capfule D ii o HISTOIRE DE L'ACADEMIE RoYyALE atrabilaire, & garni de fon uretère qui alloit aboutir à une veflie unique ; les deux autres reins étoient plus petits & fans caplules atrabilaires, chacun d'eux avoit un uretère fort grêle, & ces deux uretères alloient s'ouvrir dans deux autres petites veflies oblongues, placées irrégulièrement dans le baflin , & devant lefquelles il y avoit un bout d’inteftin grêle, aflez femblable à une appendice du cœcum, cette appendice & les deux petites veflies s’ouvroient dans le rectum : les parties de la génération étoient bien conformées, la cavité de la poitrine étoit fort grande & contenoit deux poumons, dont chacun fournifloit une trachée -artère qui alloit aboutir au fond de chaque bouche : le cœur renfermé dans la poitrine, avoit trois oreillettes & un feul ventricule ; les oreillettes recevoient trois veines-caves, dont une rapportoit le fang des parties fupérieures, & les deux autres des parties infé- rieures ; du ventricule il partoit deux aortes & deux artères pulmonaires, il y avoit quatre valvules qui permettoient au fang des trois oreillettes d'entrer dans le ventricule, & qui empêchoient ce même fang de rentrer dans les oreillettes: les deux têtes étoient pofées fur deux épines, terminées chacune par un os facrum & un coccyx, chaque épine fe joignoit à deux os des ifles, les os ifchion & pubis n’étoient qu’au nombre de deux régulièrement fituez vers la partie anté- rieure du monftre, tous ces os formoient un baffin commun ; il y avoit 48 côtes, 24 antérieures, dont 1 2 appartenoient à chaque épine, & 24 poftérieures, dont 1 2 partoient auff de chaque épine ; les poflérieures étoient plus longues & plus applaties que les antérieures: de l’arrangement & de la difpofition de ces côtes, il réfulte une poitrine commune, terminée en devant par un flernum régulier, & poftérieu- rement par un autre flernum qui reflemble beaucoup à celui de certains quadrupèdes: les autres parties étoient conformées à l'ordinaire , excepté l'extrémité inférieure monftrueufe, dont la flruéture étoit fort irrégulière, tant dans les mufcles que dans les os. Toutes ces particularités réfultent de l'exa- men que M": Winflow & de la Sône firent de ce monftre, DE S\:S CT EN CE s 31 que M. Boudou Chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu, avoit jugé digne de la curiofité de l'Académie, & qu'il engagea M. Gabon à lui préfenter. Ous renvoyons entiérement aux Mémoires La Defcription anatomique d’un Veau monftrueux, . les M. par Mrs Morand & de Ia Sône. ET L'Ecrit de M. Guettard, fur une des caufes de Ja pouffe }, go, des Chevaux. Et le Mémoire de M. Petit, fur le Bandage compreflif bp, 152, defliné à la cure de la tumeur lacrymale, V, les M, P: 57° 32 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE à 4 CHYMIE SUR LA CRYSTALLISATION DU SEL MARIN. S' après avoir fait fondre dans de l'eau autant de fel qu'elle en pourra difloudre, on fait évaporer une partie de cette eau, le fel qui ne pourra plus être tenu en diflolution, fe cryftallifera à fa furface, mais il s'y cryftallifera différemment, fuivant la différente manière dont fe fera l'évaporation; fi elle ef très- rapide il fe forme une croûte faline qui fe brife par l'ébullition, & qui fe précipite au fond de la liqueur en une pouffière blanche qui n'eft autre chofe que des fragmens très-petits de cette pellicule; fi la liqueur eft en grande quantité, les fragmens qui auront la liberté de fe groffir dans leur précipitation, feront plus gros, & prefque tous figurez en cubes plus ou moins entiers: mais fi au lieu de cette évaporation fi rapide on fe contente d’une plus douce, alors on verra plus aifément ce qui fe paffe dans la cryftallifation, la Nature travaillant, pour ainfi dire, plus en repos, permettra au fpectateur d'obferver fa marche, & on verra à découvert ce que la rapidité de la première évaporation déroboit aux yeux. Si donc on tient la diffolution de fel marin au fecond terme de l'évaporation moyenne, c'eft-à-dire, aflez chaude pour n’y pouvoir tenir le doigt que difficilement, on ob- fervera bientôt à la furface, des petits corps qui, regardez à la loupe, font de petites pyramides quadrangulaires creufes, renverfées & nageant fur l'eau, quoique fpécifiquement plus pefantes qu'elle, à caufe de leur cavité qui en fait des efpèces de petites nacelles. On ne comprend pas aifément que le fl marin dont les cryftaux font naturellement cubiques ; puifle produire des cryftallifations de cette figure, voici ce que les obfervations de M. Rouelle lui en ont appris: fe premier DLE sl M SCT EN C ENS Li 27e premier petit cube de fe qui fe forme à la furface de l'eau ‘a bien-tôt fa furface fupérieure defféchée, Fair lui devient adhérent, & à la faveur de cette adhérence il nage; mais comme il eft fpécifiquement plus pefant que Veau, fa fuper- ficie eft moins haute que celle de la liqueur, qui mouille par conféquent tout le tour de la face fupérieure; les autres- petits cubes falins qui fe formeront, viendront donc s’y join- dre, & feront par leur jonction un petit rebord autour du premier cube qui, chargé de ce nouveau poids, s’enfoncera davantage, & mettra la furface de ce rebord au niveau & . un peu au deffous de celle de l'eau; alors la même chofe arrivera une feconde fois, une nouvelle rangée de cubes fe joindra au premier rebord & laugmentera, mais comme Ja liqueur ne mouille que la partie extérieure de ces rebords, les nouvelles rangées de cubes ne leur feront auffi adhérentes que dans une partie de leur furface, & formeront ainfi des ramides compofées d’efpèces de marches, à moins qu'on n'oblige la liqueur de mouiller toute la furface des premiers rebords, car alors les additions fe feroient fans augmentation de largeur, & au lieu d’une pyramide on auroit un prifme creux terminé par la partie de pyramide déjà formée. Telle eft la manière dont fe fait la cryftallifation du fel marin, quand on a conduit affez doucement pour pouvoir remar- quer ce qui s'y pañle, & il faut avouer qu'une partie des obfervations de M. Rouelle avoit été prévenue par un petit fyftème que M. Homkerg avoit donné en 1702*; mais cet habile Phyficien n’avoit fait que deviner le procédé de la Nature, M. Rouelle l'a obfervé, &, comme:il eft naturel de le penfer, l'Obfervateur a été dédommagé de fa peine par plufieurs faits que le fyflème n'avoit point prévüs. La manière dont fe fait la cryftallifation étant une fois bien entendue, on ne fera pas furpris de voir que fi on augmente Îe feu il fe forme une croûte faline à la furface de li diflolution, les pyramides fe joindront & s’aflembleront, & il fe formera une croûte remplie de quantité d’enfoncemens quadrangulaires, qui feront les creux des grandes pyramides. Hip 1745: * Vo. Hif 1702,p: 185 34 HisToiRE DE L’ACADEMIE RoyaLe * Maïs un autre fait dont l'explication paroïît plus difficile, c'eft qu'on ne voit point ces mêmes pyramides fe former dans l’évaporation infenfible qui paroîtroit leur devoir être plus favorable; la raifon en effet n'en eft pas facile à trouver, & ce ne fut qu'un heureux hafard qui la mit fous les yeux de M. Rouelle, On abattoit un bâtiment voifin de fon labo- ratoire, & la pouffière caufée par cette démolition, valtigeoit dans l'air; le Sage fçait tirer parti de tout, on ne fe feroit pas attendu que cette incommode circonflance püt être de quelque utilité, elle fervit pourtant beaucoup à M. Rouelle, il remarqua que quelques vaifleaux qui contenoient de la diflolution de vitriol & qui n'avoient point été à couvert de la pouffière, avoient à {a furface de petits cryflaux; c'en fat afez pour le mettre fur la voie, & pour lui faire deviner ce fecret de la Nature. Nous avons dit que les premiers cubes qui fe formoient dans la diflolution de fel marin, ne nageoient fur Ja liqueur qu'à caufe de l'adhérence de l'air; or pour que l'air puifle y adhérer, il faut que leur furface fupérieure foit defféchée : la chaleur du fecond terme de l'évaporation moyenne opère cette deffication, mais celle de l'évaporation infenfible n'eft pas fuffifante; or la pouffière dans l'obferva- tion de M. Rouelle, avoit fuppléé à la chaleur, elle avoit abforbé l'humidité de la furface des petits cubes, & avoit donné moyen à l'air de s’y attacher & de les faire nager. M. Rouelle ne fe contenta pas de ce que le hafard lui avoit préfenté, il répéta l'expérience de plufieurs manières, & eut le plaifir de faire cryflallifer par ce moyen, à l'évaporation infenfible, non feulement le fel marin, mais encore plufieurs autres fels qui, à ce degré d'évaporation, n'avoient jamais donné aucuns cryftaux à la furface de leur diffolution. Cette clef une fois trouvée, les autres phénomènes de Ia cryftallifation ne doivent plus embarraffer, on peut aifément à l'aide de cette idée, qui n'eft que comme une application & un exemple de la théorie générale que M. Rouelle avoit donnée l’année dernière, voir ce que les changemens dans le degré d'évaporation & dans les autres circonftances, peuvent produire de différence dans les-effets qui en réfulient, DES SCcrENCES. 35 SUR LA: CAUSE DE LA DIFFÉRENTE DISSOLUBILITE DES HUILES dans l'efprir de vin. U N des meilleurs moyens que la Chymie puifle employer V. les Me pour connoître a nature des mixtes, eft la diflolution, P: 9° c'eft-à-dire, la féparation de leurs parties par le moyen d'un liquide qui puiffe les pénétrer, & qui foit propre à les défunir. L’'efprit de vin a été toüjours regardé comme le diffolvant propre des huiles, mais il s'en faut beaucoup qu’il n'agifie fur toutes également : les huiles graffes, celles qui font tirées par expreffion ou par ébullition , ne lui donnent aucune prife fi elles ne font diftillées & rectifiées; & les huiles effentielles au contraire, que l'efprit de vin diflout parfaitement dans leur état naturel, perdent cette propriété à mefure qu’on les recifie. Ce n’eft donc pas, comme l'a penfé M. Hoffman, le degré de ténuité qui rend les huiles diffolubles dans l’efprit de vin, puifque Îa A A qui l’augmente néceffairement dans toutes les huiles, foit grafles, foit eflentielles , ôte à ces dernières la diflolubilité qu'elle donne aux autres : cette bi- zarrerie apparente a excité la curiofité de M. Macquer, & l'a engagé à en chercher Ia raïfon , que nous allons tâcher d’expofer. : " L’efprit de vin n’eft pas une liqueur fimple, on fait qu’il eft compofé d’eau ou de phlegme, & d’une huile très-légère & très-inflammable, tous deux très-étroitement unis, or les huiles ne peuvent fe diffoudre dans l'eau fans intermède : il a donc une troifième fubftance qui doit fervir à faciliter l'union des deux parties qui compofent l'efprit de vin, cette fubftance doit être faline, puifqu'il n’y a que les fubftances “ falines qui puiflent fe joindre aux huiles, de manière qu’elles les-rendent diflolubles à l'eau, & de plus ce doit être un E ï TG 3 36 HISTOIRE DE L’'ACADEMIE ROYALE acide, les alkalis ne pouvant procurer qu'une diflolution imparfaite, & étant d'ailleurs fort douteux que ces fels exiftent dans les corps qui n’ont point paflé par le feu. Si donc on préfente à l’efprit de vin une huile chargée d'acide, il arrivera néceffairement que cet acide donnera à l'huile la facilité de s'unir au phlegme de l'efprit de vin, par conféquent la diflolution aura lieu, & c’eft ce qui arrive aux huiles effentielles, dans lefquelles l'acide fe manifefte par la diflolution du cuivre en couleur verte, par la corrofion des bouchons de liége, & même par la cryftallifation. A mefure qu'on reclifie les huiles effentielles, on les dégage de leur acide; leur facilité à fe difloudre dans l'ef- prit de vin doit donc auffi diminuer, de manière que fi on leur enlevoit tout leur acide, elles deviendroient totalement indiflolubles. La facilité qu'ont ces huiles à fe féparer de leur acide, eft très-grande, ce qui marque qu’une très-grande partie de cet acide y eft comme oifive & très-peu unie à l'huile. Ce qui refte dans le vaiffeau après la rectification de l'huile, doit, fuivant ce fyflème, être plus diffoluble que l'huile reétifiée, quoique beaucoup plus épais & plus lourd, puifqu'il contient beaucoup plus d'acide, & c'eft auffi ce qu'on obferve. A égard des huiles graffes elles font compofées de deux parties, l'une gommeufe & l'autre huileufe; or les gommes ne font nullement diffolubles dans lefprit de vin, ainfi quand il n’y auroit que cet obftacle, il fufhroit pour rendre raifon de leur indiflolubilité : cependant M. Macquer croit les devoir ramener à l’hypothèle générale. Il eft vrai que les huiles grafles ne paroïflent donner au- cune marque de la préfence de Facide, fi on les confidère dans leur état naturel, mais en examinant ce qui fe paffe lorfqu'on les expofe à l'action du feu, on fera bien-tôt convaincu qu'il y exifloit, quoiqu’affez embarrafié pour ne uvoir agir ; leur faveur change & devient piquante, le papier bleu déchiré & expolé aux vapeurs qui s'en élèvent, DES SCIENCES. 37 change de couleur ; enfin M. Macquer y a obfervé des cryflal- lifations falines. Il y a donc cette différence entre les huiles effentielles & les huiles grafles, que dans les premières les diftillations en- lèvent en grande partie l'acide qui y eft très-manifefte & très-peu adhérent, ce qui les rend toüjours de moins en moins diflolubles, au lieu que dans les huiles graffes le feu n'enlève prefque point de l'acide, parce qu'il y eft très-étroi- tement uni, mais le développe & le met en état d'agir, & les rend par conféquent plus diflolubles : il feroit à fouhaiter, pour que l’analogie fe foûtint jufqu’au bout, que cet acide une fois développé, fût auffi à la fin enlevé par les difilla- tions continuées; mais M. Macquer n’a pû encore aller jufques-là, il penche même à croire qu'il eft eflentiellement uni à l'huile, & qu'on la décompoferoit plütôt que de le lui enlever entiérement. Au défaut de cette preuve, il étoit naturel de tenter de rendre les huiles graffes diflolubles par la jonétion d’un acide étranger: ce moyen a réufli à M. Macquer, il a rendu l'huile d'olive très-difloluble en la mêlant avec l'acide vitriolique, & à mefure qu’il lui a enlevé cet acide par des diftillations réitérées, elle a perdu fa difiolubilité. If en a fait autant avec l'acide nitreux, mais avec ce dernier äl faut avoir la précaution de n'employer que de petites dofes, fr on veut éviter l’explofion violente qui réfulteroit de ce mélange fait en plus grande quantité, & qui pourroit mettre l'Obfervateur en danger. M. Geoffroy a obfervé que fi on fe fert d’un acide pour décompofer le favon, l'huile qui reparoîtra, aura pour lors la propriété d’être difloluble dans l’efprit de vin; or dans. cette opération l'acide étranger n’a fervi qu’à occuper l’alkali du favon, & n’a pü fe joindre à l'huile : mais voici ce qui eft arrivé, l'alkali a abforbé la partie gommeufe de l'huile, & M. Macquer penfe qu’il a très-bien püû fervir à dégager V'acide qui étoit comme lié. * Par la même raifon, les réfines qui laiffent apercevoir une E ijj V. les M. p95° * V: Les Mén. 1724P°93: 38 HisToIRE DE L'ACADEMIE RoyaLE grande quantité d'acide développé, comme le camphre, le benjoin, &c. doivent fe difloudre aifément dans l'efprit de vin, & celles qui n'en donnent que peu ou point de marques, comme la gomme copal & la cire, ne doivent s’y difloudre que peu ou point du tout; c'eft auffr ce qu'on obferve, & ces mêmes fubftances fuivent encore les mêmes loix que les huiles, en développant l'acide ou leur en joignant un étranger, on leur donne Îa diffolubilité dont elles étoient privées, ce qui eft bien favorable à l'hypothèfe de M. Macquer : tant de preuves amenées ft naturellement lui donnent prefque la certitude d’une démonftration. SUR ‘LE SEL DE LA CHAUX. ÉE queftion fur l'exiftence & la nature du fel de Ja Chaux, eft une de celles qui aient le plus partagé les Chymiftes: les uns nient abfolument que Îa chaux contienne aucun fel, & d’autres au contraire prétendent y en avoir obfervé; mais ces derniers diffèrent beaucoup entr'eux fur {a nature de ce fel, les uns le font volatil, & d'autres fixe, il y en a même qui n'ont pas héfité à fuppofer que la chaux contient à la fois des fels de ces deux efpèces. M. du Fay qui avoit travaillé fur cette matière, avoue à Ja fin du Mémoire qu’il donna fur ce fujet en 1724 *, qu’il n’a pû déterminer quelle eft la nature de ce fel qu'il avoit tiré de la chaux. Quoi qu'il en foit, aucune de ces opinions n'étant fuffi- famment démontrée, la queftion pourroit encore être regar- dée comme indécife, & c'eft ce qui a engagé M. Malouin à tourner fes recherches vers cet objet, & à tenter fi par de nouvelles expériences, il ne pourroit pas forcer ce fel, fi obftiné à fe cacher, de fe découvrir. Dans cette vüe il a traité féparément la chaux même, l'eau de chaux, & cette crème cryftalline qui ordinairement furnage l'eau de chaux quand on la hiïffe repofer. Les différens effais qu'il a faits fur la chaux, lui ont appris DES SCIENCES. 39 que les acides minéraux, mêlez avec la chaux & enfuite dif tillez, devenoient plus pénétrans qu’on ne les y avoit mis, & que l'acide vitriolique devenoit volatil, & acqueroit en même temps une odeur un peu urineufe, non pas qu'on uiffe attribuer cette odeur à aucune matière animale qui ait pénétré la chaux , mais parce qu’on peut quelquefois tirer des minéraux l’alkali volatil, qu'on nomme communément urineux : enfin la chaux vive & le fel marin mêlez enfemble, ont donné dans la déflagration une odeur aromatique & une flamme bleue, toutes femblables à ce que M. Malouin avoit obfervé en brülant le foufre minéral mêlé avec le fel, ce qui lui a fait foupçonner que la chaux pouvoit bien contenir de ce foufre. Mais comme ce feroit un prodige en Phyfique, qu'uné recherche n'eût pas ouvert la route vers de nouveaux objets auxquels on ne penfoit point, plufieurs nouvelles idées fe font préfentées à M. Malouin, ce feront, pour ainfi dire, les germes d'autant d’autres ouvrages qu'il a été obligé de fufpendre pour ne point s’écarter de fon principal objet ; une feule lui a paru mériter de trouver place dans celui-ci, c'eft la manière de rendre la chaux fufble, on fait qu’elle réfifle au feu le plus violent fans fe fondre, cependant cette propriété peut lui être enlevée, il ne faut que la mêler avee l'efprit de fel, & elle fe fond très-aifément. L'examen de l’eau de chaux a fuivi celui de la chaux même ; dépouillée d’une certaine crême qui y furnage elle a été mife en évaporation, & à mefure qu’elle s’'évaporoit la même crême s'eft formée deflus, & il s’eft précipité au fond du vafe un fédiment de la nature de cette crême: il étoit donc raifonnable de foupçonner dans l'eau de chaux un acide joint à un alkali terreux, & que ce fel moyen fe cryftallifoit à mefure qu'on lui enlevoit l'eau par l'évapo- ration. | Pour s’en affurer & connoître en même temps la nature de cet acide, M. Malouin a jeté du fel de tartre dans l'eau de chaux, il s'eft fait un mouvement de fermentation qui a été fuivi d'un dépôt au fond du vaifleau, & la liqueur ayant 40 HisTOIRE DE L'ACADEMIE RoYyALE été filtrée & évaporée, il en a retiré du tartre vitriolé, & dans une autre expérience du fel de Glauber, parce qu'il avoit employé l’alkali de la foude au lieu de celui du tartre: or ces deux fels moyens n'étant que des combinaifons de l'acide vitriolique, l'un avec l'alkali du tartre & l'autre avec celui de la foude, il eft bien prouvé que l'acide vitriolique exifte dans la chaux, & pour fortifier encore cette preuve, la crême cryflalline diminue lorfqu'on met un alkali dans l'eau de chaux, & cefle même entiérement de fe former lorfque c'eft l’alkali du tartre, ce dernier occupant affez l'acide pour l'empécher de fe joindre à fa première bafe, & de former dans l’'évaporation ce {el qui paroifloit en forme de crême. M. Malouin ayant trouvé que l'eau de chaux contenoit un acide vitriolique, a jugé que la crème cryftalline de l'eau de chaux devoit auffi contenir ce même acide, mais joint avec fa bafe, qu'il lui étoit important de découvrir pour connoître la nature du fel contenu dans la chaux; dans cette vüûe il a fait pafler à diverfes reprifes fur de la chaux, aflez d'eau bouillante pour lui enlever toute fa faveur, de forte qu'elle ne donnoit plus aucun veflige de crême ; dans cet état, la chaux eft connue en Médecine fous le nom de chaux lavée, Ya calcinée de nouveau pour voir fr elle en fourniroit après la calcination, mais il a verfé inutilement deflus de Feau bouillante; pour lors après avoir bien fait fécher fa . Chaux, il a verfé deffus de l'huile de vitriol, & ayant laifié pañier la fermentation & filtré la diffolution, il en a tiré par l'évaporation, des cryftaux qu'il a reconnus pour être de vraie félénite : la terre de la chaux jointe à l'acide vitriolique, peut donc former du fel félénite, mais cette expérience n’en apprenoit encore que la poflibilité, & ïl falloit s’affurer du fait, & M. Malouin a cherché à s’en éclaircir par l'examen auquel il a foûmis la crême qu'il avoit retirée de l'eau de chaux. Une des principales expériences qu'il a faites à ce fujet, eft celle dans laquelle il a tenté de faire du foie de foufre avec cette crème, on fait que le foufre minéral n’eft autre chofe que | ) L DES: SPo 1SE NNGE SAUT rs que l'acide vitriolique uni au phlogiftique, & que fi on joint le foufre avec l'alkali fixe, il en naît un nouveau com- polé d’une odeur & d’un goût très-défagréables , femblable à des œufs pourris, & d'un rouge à peu près pareil à celui du foie d'un animal, c’eft par cette raifon qu'on l'a nommé foie de foufre; & ce qu'il y a de remarquable, c’eft que cette compofition eft difloluble dans l'eau , 'alkali communiquant au foufre cette propriété. Soupçonnant donc dans Ia chaux l'acide vitriolique joint à un alkali terreux, il étoit naturel de tenter d’en faire un foie de foufre, en y ajoûtant quelque matière qui pût y donner du phlogiftique, M. Malouin ayant fuivi ce procédé, mêla la crême de chaux avec le charbon, mais il fe crut d’abord trompé dans fon efpérance, il trouva qu'ayant leffivé & filtré la liqueur, il ne fe fit point de fermentation ni de précipitation fenfibles, & ji ne s’en éleva point l'odeur qui fait connoître le foie de foufre, ce fut en vain qu'il verfa fur cette diflolution, différens acides: enfin par une efpèce de diftraétion , il prit de la matière même reftée dans le creufet & la jeta dans les vaifleaux où il y avoit de l'acide, alors il fe fit une véritable décompofition, & l'odeur & le goût lui apprirent que cette matière étoit un vrai foie de foufre; il n’eft point de foie de foufre abfolument indiflo- luble dans l’eau, comme il n’eft point de fel abfolument indifloluble, pas même le fel félénitique, le foie de foufre fait avec ce dernier, fe diffout le plus difficilement de tous, Yopération avoit été faite en petit, de forte qu'il s’en eft fi peu diflous, que cela a été infenfible. La bafe de l'acide vitrio- lique dans a chaux, n’eft donc pas un pur alkali, & en effet, en ajoûtant au charbon & à la crême de chaux, un alkali fixe, il en à tiré un foie de foufre ordinaire & plus difiloluble à Teau; & en joignant enfemble l'alkali & la crême de chaux fans charbon, il en eft venu un tartre vitriolé : preuve évi- dente que cette crême contient l'acide vitriolique. I reftoit à favoir quelle étoit cette bafe qui rendoit le foie de foufre fi différent de ce qu'il eft ordinairement : pour Hife 1745. 42 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE cela M. Malouin a fait un foie de foufre avec 1a crème de chaux & un alkali, après l'avoir diffous dans de l'eau & filtré la diflolution ; alors il a verfé deflus goutte à goutte de l’efprit de vitriol , fon idée étoit de rendre à la bafe le même acide qui avoit paffé dans la partie grafle pour former le foufre qui avoit concouru à faire le foie de foufre : fa liqueur ayant été filtrée de nouveau & mife en évaporation, il s’eft formé de petits filets à la furface de l'eau ; ces filets fe font joints peu à peu, & ont formé de petites pellicules qui fe cryflallifoient, & toute l'eau étant diffipée , il eft refté au fond du vaifleau des cryftaux en petites écailles rangées comme en rofette, hériflez de petites aiguilles extrêmement fines, plus brillantes que les écailles, qui paroifloient pour- tant être formées de ces aiguilles ; & ce fel a été reconnu par M. Malouin, pour un véritable fel félénitique. H n’eft donc pas étonnant qu'il faille de l'eau bouillante pour tirer la crème de chaux de celle qui eft déjà éteinte, puifqu'on fait que le fel félénitique ne fe diflout que dans l’eau très-chaude, & qu'il faut pour le diffoudre une quan- tité d'eau décuple de celle qui eft capable de le tenir en diffolution. On ne doit pas non plus être furpris que le foie de foufre fait avec ce fel qui eft compofé de l'acide vitriolique, joint à un alkali pierreux très-difhcile à diffoudre, ne fe foit point ou prefque point diflous dans l’eau : la nature de ce fel qui eft le mot de l'énigme, étant trouvée, ces faits en font des conféquences néceffaires. M. Malouin n'héfie donc pas à regarder le fel félénite comme le véritable fel de la chaux, non qu'il penfe qu’elle ne contienne que ce fel, mais parce qu'il y eft contenu en bien plus grande quantité qu'aucun autre ; car dans le cours de fes expériences , il en a tiré une liqueur de la nature de Yefprit de fel commun, & même il dit y avoir trouvé auffi du nitre qui fufoit fur les charbons : pluralité de fels bien remarquable dans une matière qu'on a fi long-temps affuré nen point contenir. D'E SWS CITE N CES 47 Ïf attribue expreflément au fel félénite, les propriétés du fel fédatif, ces propriétés du fel félénite n'étoient point en- core connues : il termine fon Mémoire par les recherches qu'il a faites fur ce fujet, il lui a paru propre à à foûlager les mélancholiques & les vaporeux, & même plus propre que _le fel fédatif qu'on emploie communément à cet ufage. Il eft bien étonnant que la chaux, cette matière fi propre à tant d’ufages, ait été jufqu'ici fi peu connue & fi peu exa- mainée par les Phyficiens. SUR UNE PREPARATION DE VERRE D'ANTIMOINE, Jpécifique pour la Dyfenterie. M le Doéteur Pringle publia dans le $° Volume des V. E M. Oblfervations de Médecine de la Société d'Edim- P- 1 62- bourg , la compofition d’un remède contre la Dyfenterie, qui avoit été employé avec beaucoup de fuccès : ce remède qui n'eft autre chofe que du verre d’antimoine préparé avec la cire, attira l'attention de M. Geoffroy, il voulut examiner de quelle manière une préparation fi fimple pouvoit rendre falutaire, un remède auffi violent que le verre d’antimoine, qu'on n’avoit jamais hafardé que fur des fujets robuftes, & prefque jamais que dans les coliques qui portent le nom de cofiques de plomb. Cette préparation confifte à mêler le verre d’antimoine en poudre avec un huitième de fon poids de cire jaune, & à tenir le tout dans une cuiller de fer, fur un feu doux pen- dant une demi-heure en le remuant continuellement : M. Geoffroy a répété cette opération avec un foin extrême, & en fe fervant de verre d’antimoine qu'il avoit préparé lui- même, il lui a paru que chaque petit grain de verre pulvérifé s'imbiboit peu à peu de cire fondue, apparemment l'acide de la cire qui fe développe pendant l'opération attaque le F ij 44 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE verre, ou bien le phlogiftique de la cire qui fe brûle, s'y joint, & lui rendant le principe inflammable qu'il avoit perdu, en refait un véritable régule: dans cet état il devroit être purgatif & émétique; mais les particules de la poudre enduites d'un vernis bitumineux que leur fournit la cire brûlée, ne fe laiflent décompofer que très-difficilement par les acides de l'eflomac: décompofition néceffaire pour exciter l'action du verre d’antimoine. Cet enduit feul eft fufhfant, fans autre préparation, pour adoucir le verre d’antimoine, M. Geoffroy s’en eft afuré en mêlant avec la cire le verre d’antimoine en morceaux & fans être pulvérifé, il a vû fenfiblement l’enduit bitumineux dont nous venons de parler, à la furface du verre; & quoique Tintérieur de ces morceaux n’eût point changé de nature, ils ont produit précifément le même effet, & des perfonnes affoiblies par la dyfenterie ou par des pertes de fang, ont été guéries par ce remède, fans en avoir éprouvé aucune action violente. I paroït donc que ce n’eft que l’enduit réfineux qui bride Yaétion du verre d'antimoine, & fur ce principe il a tenté de lui procurer cet enduit d’une manière plus fimple, en le broyant fur le porphyre avec une liqueur capable d'y laiffer une légère portion huileufe ; & en effet, le verre d’anti- moine broyé de cette manière avec l'efprit de vin, a pro- duit à demi-dofe dans les pertes de fang & les dyfenteries, les mêmes effets que celui qui avoit été préparé avec la cire, Voilà donc un nouveau moyen bien fimple & bien facile, d'adoucir & d'employer avec füreté, & comme fpécifique contre des maladies très - ficheufes, une préparation d’anti- moine qu'on avoit toûjours regardée comme dangereufe : eût-on jamais penfé qu'un auffi grand changement tint à f peu de chofe! DES SCIENCES. 4$ SUR LA MANIERE D'APPLIQUER aifément des bas reliefs en or fur l'or & fur l'argent, o1c1 une efpèce de phénomène dans lHifioire de l'Académie, un Mémoire de M. du Fay morten1739, cet Ecrit fut trouvé dans fes papiers après fa mort; mais comme il y étoit fpécifié qu'il n’avoit acheté ce fecret que fous la condition qu'il ne pourroit être publié qu’au com- mencement de 174$, M. Hellot s’en chargea, & ne l'a effectivement communiqué à l Académie que dans ce temps: . C’eft à l’aide d’un auffr fidèle exécuteur de fes dernières vo- lontés, que M. du Fay a trouvé le moyen d’être Académi- cien & citoyen jufqu'après fa mort, voici le procédé: H faut prendre quatre parties de chaux d’or-bien pure, précipitée du départ, on l'amoncelera fur un porphyre, & on fera dans le milieu un petit enfoncement avec le doigt, dans lequel on verfera deux parties de mercure révivifié du cinabre, très- exactement pefées. : Si-tôt qu'on a jeté le mercure dans cet Lara ein on y verfe de lefprit d'ail qui fermente fur le champ avec le mercure & l'or, & fans perdre de temps on mêle & on broie bien le tout avec la molette, jufqu’à ce que le mélange foit fec & réduit en poudre grife : la quantité d’efprit d'ail n’éft pas déterminée, & le feul inconvénient qui fe ren- contre à en trop mettre, eft d'être obligé de broyer plus Jong-temps. Pour employer cetté poudre fur or & fur l'argent, il faut premièrement que la pièce foit très-nette, & l'or très- fin : fans cette dernière attention il noirciroit lorfqu'on le mettroit au feu, ce que l'opération exige comme on verra dans Îa fuite. On frotte la pièce avec du jus de citron, on délaie un peu de la poudre dans le même jus, &, on l’emploie fur l'or ou l'argent avec une facilité infinie, aufli épaifle qu'on le Fi AG Histoire DE L'ACADEMIE Royarr veut, en remettant plufieurs couches l'une fur l'autre & laiffant épaiflir le mélange; on peut auffi travailler cette pâte lorfqu'elle eft sèche, avec des outils ou des ébauchoirs, f l'on en a trop mis fur la pièce ; il eft bon d'obferver que lorfqu’on veut employer la poudre, il faut avoir une petite pierre d'agathe, de jafpe ou de porphyre, & une petite mo- Jette pour la broyer avec le jus de citron, parce que lorfqu'il y a des grumeaux elle ne s'emploie pas f1 bien. Quand fa poudre eft appliquée dans les endroits & fuivant le deflein que l'on veut, on fait chauffer la pièce fur les charbons pour faire évaporer le mercure, plus on la chauffe, moins il en refte, & par conféquent plus l'or eft haut en cou- leur, cependant il refte toûjours aflez pâle, & ce feroit une chofe utile que de trouver le moyen de lui donner de la couleur, car on feroit par ce moyen des ornemens d'une très-grande beauté & avec beaucoup de facilité, tant fur l'or que fur l'argent. Lorfque l'or eft devenu jaune, on le frotte avec le doigt & un peu de fablon, & il prend du brillant, on le peut alors cifeler & réparer comme de l'or ordinaire, fr ce n'eft qu'il eft plus mol ou plus fpongieux, ce qui fait que pour le travailler, il vaut mieux l’enfoncer avec le cifelet, que de l'enlever avec le burin, il eft rare qu'il fe détache de la pièce: dans ce cas il feroit aufli facile d’y en remettre.que cela l'a été la première fois. li eft bon d'avertir qu'il faut bien prendre garde de laïffer tomber de l'efprit de l'ail lorfqu’on l'emploie, cet efprit eft d’une odeur infupportable, & quelques gouttes fufffent pour infecter un appartement pendant du temps. Il fe fait en char- geant une cornue de goufles d'ail pilées & écrafées, on lutte bien les vaifleaux, & on diftille au bain de fable, on fe fert indiftinétement de toute la liqueur claire qui pañle dans le récipient, en la féparant feulement de l'huile, ou plütôt on ne poule pas la diftillation jufqu’à faire fortir cette huile. Lorfqu'on a préparé ou délayé avec le jus de citron plus de poudre qu'on n'en peut employer fur le champ, elle ne peut. Dire: 8 :c L'E Ne Es plus fervir après avoir été féchée, il faut la jeter dans de l'eau où elle fe précipite, on lave dans la mème eau les pinceaux, la pierre de porphyre & la molette dont on s’eft fervi ; l'or fe trouve au fond & on peut Îe fondre pour s'en fervir dé nouveau. M. du Fay avoit vû plufieurs épreuves de ce fecret, & ® avoit lui-même une montre dont la boîte étoit travaillée de cette manière. OBSERVATIONS CHYMIQUES. L. EST une opinion affez reçue chez les Chymiftes, que la plpart des mines de fer ne font pas attirables par l'aimant avant que d'avoir été calcinées avec une matière qui contienne du phlogiftique. M. du Hamel a fait voir de la mine de fer en poudre noire qui fait une exception à cetté règle, Vaimant l'attire & par avec aflez de facilité. M. Hellot a fait voir une matière tirée d’une veine dé mine trouvée dans le Rouffillon , & qui à été envoyée pour mine d'alun ; avec l’eau commune on en tire un acide vitrio- lique, la calcination y fait reconnoître une efpèce de mine de fer, maïs pour en tirer l’alun il la faut travailler avec de Veau commune, mêlée d'urine fermentée & de céndre de bois neuf. TITI M. Geoffroy a dit que M. de Blary Médecin de Cam: braÿ, luï avoit envoyé par curiofité des eaux minérales d'Arrigate, avec une lettre de M: le Chevalier Edouard Gafcoigne fur l'état de ces eaux , les maladies pour léfquelles on les emploie en Angléterre, les fuccès qu'elles ont eus fur lui-même, & enfin certains cas où élles ont mal réuffr, M. Geoffroy les a foûmifes aux épreuves chymiques, dont les réfultats fe font trouvez conformes à ce que porte la lettre, 8 HiSTOIRE DE L'ÂACADEMIE Royarr pour l'odeur & la quantité de fel qu’elles ont rendues; on doit lui envoyer du fel tiré de ces mêmes eaux fur les lieux pour le comparer au fien, & juger par-là de ce que le tranf- port peut leur avoir fait perdre. I V. Il paroîtra peut-être fingulier qu'il puiffle y avoir de Ia glace inflammable. L'expérience fuivante communiquée à M. de Reaumur par M. Bofe, apprend à s’en procurer de cette efpèce, il faut prendre de l'huile de térébenthine dif- tillée & la mettre dans un vaifleau fur un feu doux, on y fera fondre lentement du /perma ceti où blanc de baleine, cette folution reftera auffi claire que de l’eau de fontaine; en plaçant le vaiffeau qui la contient dans un lieu frais, en 3 mi- nutes au plus la liqueur fe glace, fi elle fe glaçoit trop diffci- lement, un peu de nouveau /perma ceti qu'on y feroit fondre, y remédieroit, il n'y a nul inconvénient à en remetre à plufieurs fois, la feule circonftance eflentielle eft de ne le point piler, mais de le mettre fondre en aflez gros morceaux, fans cela la glace feroit moins tranfparente; lorfque la cha- leur de l'été eft trop forte ou qu’on n’a pas de lieu aflez frais pour faire prendre ladiqueur , il ne faut que mettre le vaif- feau qui la contient dans de l’eau bien fraîche, elle fe glace en moins d'une demi-minute, mais cette glace faite brufque- ment n’eft jamais fi belle que celle qui s’eft formée tranquil- lement, fi lorfque la liqueur commence à dégeler & pendant qu'il y a encore des glaçons flottans deflus on y verfe de bon efprit de nitre, la liqueur & la glace s'enflamment & fe confument dans l'inftant, rien n'eft moins étonnant que de voir l'huile de térébenthine s’enflammer par l’efprit de nitre, l'art confifte à l'avoir chargée d’une matière capable de la réduire en glace fans altérer fa tranfparence & fon inflammabilité ; ce n’eft encore ici qu'une efpèce de jeu chymique, mais c'eft à de tels jeux, toûjours réfervez aux habiles Chymiftes, que la Phyfique eft redevable d’une infi- nité de connoiffances utiles. . BOTANIQUE. DES SCIENCES 49 ererrererereeer ns BOTANIQUE. SUR LA CONSERVATION DES GRAINS, ér fur-tout du Froment. Û À néceffité de Ja confervation des grains, & fur -tout du froment , n’a pas befoin d’être prouvée, il feroit à P-#1- fouhaiter que les années fertiles püffent fournir par une fage. réferve, aux difettes que les mauvaifes récoltes occafionnent, il paroït même que ce féroit aflez Hinterèt de ceux qui cul- tivent la terre, pour les y engager. L'expérience cependant fait voir combien on doit peu compter fur ces reflources, le bled des années abondantes en occafionne feulement une plus grande confommation; on en emploie beaucoup à faire des engrais de divers animaux, & fouvent le Gouvernement eft obligé de permettre d’en tranfporter une partie chez l'étranger. Pour peu que lon réfléchifié fur ces inconvéniens, on en * trouvera bien-tôt la raifon ; il n’en eft pas du bled comme de P beaucoup d’autres marchandifes qu'on peut conferver aifé- ment & à peu de frais, celle-ci exige des emplacemens & des dépenfes confidérables : Le bled eft chargé au fortir de épi d’une grande quantité d’eau, il eft aifé de s'en aperce- voir; il ne faut pour cela qu’en mettre une médiocre quantité dans un vafe de verrefermé, on verra bien-tôt l'humidité qui en exhalera, s'attacher aux parois du vaifleau & y former des gouttes d’eau très-fenfibles ; de plus le grain contient, comme tous les végétaux plufieurs principes actifs, deftinez à favorifer le developpement du germe dans ceux qui feront femez. H eft donc néceflaire lorfqu’on veut conferver du bled, “de faire en forte que l'air puiffe emporter cette humidité, qui ne manqueroit pas d’occafionner dans les tas de grain une Hifl. 1745. G so HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE fermentation nuifible qui dégénéreroit bientôt en pourri- ture, on n'en voit que trop fouvent des exemples; pour cela on eft obligé de choifir pour ferrer les grains, des en- droits extrêmement vafles & fpacieux, de n’y entafier le bled qu'à la hauteur de 18 pouces, de laïfler autour du tas un chemin qui permette aux ouvriers d'y pafler, & enfin de tenir une partie confidérable du lieu libre pour y pafer le bled pellerée à pellerée ; travail qu’il faut recommencer fré- quemment, fur-tout la première année qu’on le garde, fi on ne veut pas s'expofer à le perdre. Un grenier contenant 1 323 pieds carrez de furface, ne fournit avec toutes ces reflriétions que 900 pieds carrez d'emplacement pour le bled, & n’en peut contenir que 1 3 $o pieds cubes, ce qui fait 600 boiffeaux mefure de Paris, ou 25 muids, & cette quantité doit être dans les commence: mens remuée à la pelle tous les quatre jours, & enfuite de plus loin en plus loin jufqu'au bout de année, alors il fuffit de le remuer tous les mois. I faut de plus garantir le bled des animaux qui s'en nour- riflent, comme les rats, les fouris & les oifeaux, & de ceux qui, comme les chats, pourioient contribuer au déchet par leurs excrémens, qui remplifient le bled de mafies de grain infecté. Muis les plus redoutables ennemis qu’on ait à combattre pour conferver le bled, font les teignes & les charançons, ces infectes une fois logez dans un tas de bled, sy muli- plient quelquefois jufqu'av point d'en détruire la meilleure artie : on ne connoft aucun remède à ce mal, que de pafer tout le bled dans un crible de fil de fer, pour en féparer le ble® mangé & une partie du charançon; mais ce moyen toûjours pénible & difpendieux, ne fait que diminuer le mal fans le diffiper entiérement. Pour faciliter la confervation du bled, it faut donc, 1° trouver fe moyen d'en renfermer une grande quantité dans un petit emplacement ; 2° faire en forte qu'il ne s'y chauffe ni ne s’y corrompe; 3° le garantir des rats & des SERRE COST DES SCIENCES. st oifeaux, fans l’expofer à être endommagé par les chats ; 4° enfin le préferver des teignes, des charançons & autres infectes. C'eft ce problème que M. du Hamel a entrepris de réfou- dre, & que l'expérience lui a fait connoître qu'il avoit éffectivement réfolu : il a fait conftruire avec des planches de chène de 2 pouces d’épaifleur, une caifle cubique de s pieds de côté, à 6 pouces du fond il a fait faire avec de fortes lambourdes un plancher en treillis, fur lequel il a fait étendre un canevas ; cela fait-on a empli comble cette ef pèce de grenier de bon froment , il en a tenu 94 pieds cubes, pefant $ 040 livres ou 252 boïfleaux, ou enfin un muid & 9 feptiers mefure de Paris : un pareil grenier de 12 pieds de côté contiendroit 1728 pieds cubes, c'eft-à- dire, plus d’un tiers en fus du grenier ordinaire dont nous avons ci-devant parlé, & qui ne peut contenir que 1323 pieds cubiques. H y a donc déjà prodigieufement à gagner pour la dépénfe & l'emplacement, & on va voir que la façon d'éventer le bled que propolfe M. du Hamel, n’eft pas moins avantageufe, Il applique à ce grenier l'efpèce de foufflet que M. Hales a nommé ventilateur, & fait en forte qu’il porte fon vent dans l'intervalle ménagé entre le fond proprement dit du grenier, & le fond de grillage qui foûtient le bled ; le vent chaffé continuellement avec force dans cet efpace, ne peut fe faire jour qu'à travers le bled : un couvercle de chêne qui ferme exactement , interdit l'entrée du grenier aux moindres in- fectes; on n’a pas même befoin de lever entiérement ce “couvercle pour éventer le grain, des ouvertures qui y font ménagées, & qui peuvent être garnies de grillages & de coulifes fermant exactement, fufhifent pour donner le paf fage à Fair lorfqu'on veut faire jouer le ventilateur, par ce moyen le bled eft totalement à l'abri des animaux mal-faifans, même des hommes dont lavidité n’eft pas la moïns à crain- dre : le propriétaire ne fera plus tenu de confier fon grenier à des ouvriers fouvent infidèles, il peut quoiqu'ablent le G i 52 HISTOIRE DE L'ÂACADEMIE RoYyALE tenir enfermé, fans craindre que ce foit un obflacle à l'éventer & le conferver : de plus la dépenfe des greniers immenfes néceflaires à la confervation du bled, fuivant la méthode ordinaire, fe trouve totalement fupprimée, On pourroit peut-être foupçonner que fair auroit trop de peine à pafler librement à travers une mafle de bled fi confidérable, pour que le jeu du ventilateur püt le fécher fuffifamment, M. du Hamel s’eft afluré du contraire par l'ex- périence fuivante : il a rempli un vafe de 11 mefures de bled vieux, & ayant verfé de l'eau dans ce même vale, if en a reçu 4 mefures +; les efpaces remplis par l'eau, & qui par conféquent expriment le vuide laiffé entre les grains de bled, font donc à la mafle du bled comme 17 eft à 44, ainfi l'air eft renouvellé avec un feul ventilateur plus de 2600 fois en 8 heures de travail; & fi au lieu d’un on en met deux, le travail peut n'être que de 4 heures : on peut même dans un grenier où on auroit plufieurs de ces coffres à bled, établir un petit moulin à la Polonoïife, placé fur le comble, il fera capable de faire aller le ventilateur, un homme feul feroit alors fuffifant pour ouvrir & fermer les foupapes qui communiquent du porte-vent commun à chaque coffre, & les coulifles qui font à leurs couvercles. Une feconde objection fe préfente auffi naturellement, l'air peut être chargé d'humidité, & par conféquent celui que le ventilateur chaffera dans les coffres, bien loin d’em- porter celle du bled, lui en fournira de nouvelle ; pour remédier à cet inconvénient, il fait paffer le tuyau par lequel le ventilateur afpire l'air, dans un petit fourneau, dans les temps humides on y allumera du feu, & pour lors on fera für que l'air qui paflera dans les coffres fera bien fec : un autre ufage de’ce fourneau, eft de détruire les infeétes qui pourroient ou avoir été enfermez, ou s'être introduits dans les coffres à bled, on peut charger l'air de la fumée de quelques matières qui leur foient nuitibles, fans pourtant altérer la qualité du grain; mais ce dernier article n’eft qu'ef- fleuré dans le Mémoire de M. du Hamel, & il vaut mieux OR RE DE 9# SCALE NACIE Se s3 attendre qu'il ait fait part de fes obfervations, que de vouloir en deviner le réfultat : les expériences long temps répétées, lui ont appris que ces coffres réuflifloient parfaitement pour conferver le grain, on peut s'en remettre pour ce qui con- cerne la deftruétion des infeétes, à fon habileté & à fon zèle pour le bien public. Il eft feulement furprenant qu’une chofe aufli fimple & auffi avantageufe, n'ait pas encore été imaginée. DUR TENTE L AND ES ET LES FILETS DES PLANTES, dr les matières qui en fortent. 15 és que l'invention du microfcope a foûmis aux recherches des Phyficiens , une infinité d'objets qui paroifloient leur devoir être interdits pour jamais, on s’eft appliqué avec foin à découvrir la ftructure des corps orga- nifez, foit dans le genre animal, foit dans le végétal. En approfondiflant lanatomie des plantes, on a trouvé dans quelques-unes de leurs parties, des rapports furprenans avec celles des animaux : voici le commencement d’un nouveau travail fur cette matière, l'examen des parties des plantes qui font chez elles les fonétions pareilles à celles des glandes du V. les M, p.261. corps animal, nous difons le commencement, parce que . M. Guettard, Auteur. de ce Mémoire, le doit faire fuivre de plufieurs autres fur le même fujet. Lorfqu'on examine avec foin une feuille d'arbre ou d'autre plante, on remarque aifément des ramifications de vaiffeaux qui y forment comme un réfeau, dont les mailles font remplies par une autre fubftance, que les anciens déft- gnoient par le terme de parenchyme où fuc épaiff, nom qu'ils donnoient volontiers à toutes les parties des corps organifez, dont la ftructure échappoit à leurs recherches ; ces efpaces remplis du prétendu parenchyme, font felon M. Guettard, des véritables glandes , dont la ftruéture eft variée dans les G üj 54 HisTOIRE DE L'ACADEMIE Royate différentes efpèces ; ces glandes font accompagnées pour Ja plüpart, de tuyaux qui repréfentent aflez bien des poils où filets, dont les variétés font encore bien plus grandes que celles des glandes : il n'eft perfonne qui n'ait aperçu les poils dont certaines plantes font couvertes, quelques-unes même, comme les orties, en ont qu'on n’a pas befoin d'yeux pour découvrir, ils fe font affez remarquer par leurs piqures. La fonction des glandes du corps animal, eft de féparer quelques-unes des parties du fluide compolé qui y pafle, & de les porter enfuite foit au dehors du corps, foit dans les endroits de l’intérieur où elles doivent fe rendre , l'analogie f foûtient parfaitement entr'elles & les glandes végétales : M. Guettard a vû fortir évidemment diverfes matières de plufieurs de ces dernières, foit immédiatement, foit par le moyen des filets dont nous avons parlé, & qui leur fervent de canaux excrétoires ; & il eft à préfumer que les autres en qui il na pas remarqué ces écoulemens à l'extérieur de la plante, ou les ont dans un autre temps, ou portent le pro- duit de leur fecrétion dans quelques tuyaux qui le dérobent à la vue. Lorfqu’on découvre en Phyfique, & fur-tout dans la partie de la Botanique, quelque nouvelle portion des richefles im- menfes de la Nature, on doit auffi-tôt penfer à y mettre un. ordre, fans cela on en feroit bien-tôt embarraflé, ç’a été aufft un des premiers foins de M. Guettard : fes glandes qu'il a obfervées jufqu'ici dans les plantes, fui ont offert des variétés aflez marquées pour en faire fept clafles différentes ; mais celles des filets ou poils font en bien plus grand nombre, il s'en eft trouvé de quoi établir vingt genres bien caractérifez. Des fept claffes des glandes .dont nous venons de parler, il n’en examine que deux dans ce Mémoire ; mais le détail dans lequel il entre, ne peut être abrégé fans perdre trop de fon prix, nous allons feulement en détacher quelques idées qu'il lui a fait naître. I paroît dans quelques plantes des glandes en très-grand nombre , fans aucuns canaux par lefquels elles puiflent fe D4Æ 5 4 SICILE Nic LES 55 vuider, ces mêmes plantes exhalent pour la plûpart une odeur aromatique affez forte; ces glandes ne ferviroient-elles point à tamifer, pour ainfi dire, les parties qui doivent s'échapper pour caufer l'odeur? on feroit tenté de le croire en remarquant que dans plufieurs de ces plantes ces glandes ne font formées que par des veflies tranfparentes, fi minces, que dans le millepertuis, elles ont été regardées comme des efpaces vuides de toute fubftance; mais nous ne fommes pas aflez avancez dans l'anatomie des plantes, & fur-tout de leurs glandes, pour y trouver la preuve de cette opinion, & il eft toüjours'dangereux en Phyfique, de rien avancer qui ne foit appuyé du témoignage de l'expérience. Le nombre des glandes de quelques efpèces de plantes eft .. prodigieux; dans l'ortie en arbre & le chanvre de la Chine, chaque feuille en contient au moins 7 1 68 : quel prodigieux nombre d'organes pour une plante fi méprifable en apparence! L'ortie de la Chine eft couverte d’un duvet qui fe peut féparer aifément, ce qui n'arrive pas quand le duvet eft formé par des poils; ce duvet n'eft formé que par la tran{piration des glandes de cette plante, qui eft capable de prendre quelque condiftance à l'air, & il y a grande apparence que la même caufe produit aufl es duvets cotonneux non adhérens, qu'on obferve fur plufieurs de nos plantes. Lorfque dans les végétaux il y a dans la même efpèce des individus mâles & des individus femelles, on oblerve fur Yun & fur l'autre les mêmes glandes. De la reflemblance ou de la difparité des glandes & des poils il naît néceflairement un ordre botanique, fous lequel on peut ranger les végétaux, cette idée n'a point échappé à M: Guettard; mais il n'eft point encore temps de prononcer fi cet ordre fera préférable à celui que donnent les fyflèmes déjà établis, ce n'eft que da fuite des obfervations qui peut en faire juger, &-dans une matière auffi étendue, il s’en doit trouver aflez pour qu'on ne puifle pas fe flatter d'en avoir #-t0t un nombre fuffifant. Se 56 HisTOIRE DE L'ACADEMIE RoyALr 10:00:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0/0:0:007 ASTRONOMIE. SUR L'INCLINAISON DE LORBE D U TROISIEME SATELLITE DE JUPITER. ’INCLINAISON de l’orbe d’un Satellite, eftun élément dont la connoiflance eft néceflaire pour l’exaétitude du calcul de fes éclipfes : la feétion de l'ombre de Jupiter par cet orbe, forme un cercle dont le centre n’abandonne jamais le plan de l'écliptique de cette planète, & qui peut être traverfé en plus ou moins de temps par le fatellite, felon qu'il par- courra en s'éloignant de cette écliptique, une corde du difque de l'ombre plus ou moins éloignée de fon centre, ce qui fera neceflairement varier la durée de l'éclipfe. M. Maraldi avoit avancé en 1732, que l'inclinaifon de l'orbite du 3° fatellite étoit variable, des obfervations faites depuis l'ont confirmé dans ce fentiment : ce font ces obfer- vations & les réfultats qu'il en tire, qui compofent le Mé- moire qu'il a donné à ce fujet, & dont nous allons tâcher de donner une légère idée. Les plus grandes digreffions des fatellites, obfervées exaéte- ment, ont appris quelle étoit leur diftance à Jupiter en parties du diamètre de cette planète; mais pour mefurer l'inclinaifon des orbites de ces fatellites au plan de l'écliptique de Jupiter, il a fallu avoir recours à quelque chofe de plus précis; c’eft la durée des éclipfes elle-même qui la doit déterminer. Pour cela on obférve la plus longue éclipfe du fatellite, ou on choifit parmi les obfervations celle qui donne cette plus grande durée; & comme la pofition de l'ombre de Jupiter.eft toüjours connue ou aifée à déduire des obferva- tions, on a tout-à-la fois & a pofition du nœud, puifque le fatellite DZS SCIENCES. S7 fatellite ne peut avoir fa plus grande éclipfe que dans ce oint, & le diamètre du difque de l'ombre en parties de Vorbite du fatellite. Si donc, lorfque l'ombre de Jupiter fe trouvera dans une direétion perpendiculaire à {a première, on obferve une éclipfe du même fatellite, il s’en faudra bien que cette der- nière ait Ja même durée que celle qu'on avoit obfervée dans le nœud, le fatellite ne décrira plus Le diamètre de l'ombre, mais une corde qui en fera d'autant plus éloignée que fa latitude fera plus grande, la durée de l'éclipfe donnera donc la longueur de cette corde : fi on imagine préfentement un rayon du difque de l'ombre qui lui foit perpendiculaire, & qui la coupe par conféquent en deux parties égales, & un autre qui aille au point où le fatellite eft entré dans l'om- bre, on aura un triangle rectangle dont on connoîtra l'hy- poténufe, qui eft le rayon entier de l'ombre déterminé par l'éclipfe obfervée dans le nœud , la demi-corde déterminée par l'éclipfe obfervée dans les limites & langle droit : on déterminera donc en parties de l’orbe la ligne comprife entre le point le plus élevé de forbe du fatellite & le plan de Yécliptique de Jupiter; comme on connoît d’ailleurs le dia- mètre de cette orbite, il fera facile d’en déduire la plus grande latitude du fatellite vüe de Jupiter, ou, ce qui eft la même chofe, l'inclinaifon de fon orbe. I n'eft pas même abfolument nécefaire que les éclipfes foient précifément l’une dans le nœud, l’autre dans les limites de la plus grande latitude; on a la pofition du nœud par d'autres méthodes, & on peut tenir compte de ce qu'il faut ajoûter ou fouftraire à la durée de chaque éclipfe, à propor- tion de Ja diftance du nœud à laquelle elle eft arrivée. C'eft en employant plufieurs obfervations d'éclipfes du 3° fatellite, que M. Maraldi s’'eft confirmé dans le fentiment qu'il avoit avancé en 1 73 2 ; des éclipfes arrivées au voifinage des limites lui ont fait voir que l’'inclinaifon de l’orbe de ce fatellite alloit toûjours en augmentant : les obfervations de 1732 la donnent de 24 50° 43", & celles de 1739, de A 1745. H V. les M. P- S12. @ HisTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE 34 16’ 50", augmentation qui peut produire dans la durée des éclipfes qui arrivent proche des limites, une diminution de 32 minutes de temps, fi on compare ce calcul à celui qui féroit tiré des anciennes déterminations. I! n’eft pas étonnant qu’il refte encore quelque perfection à donner aux Tables des fatellites : on auroit à plus jufte titre lieu d’être furpris que des élémens auffr fins & aufi délicats que ceux qui leur ont fervi de fondement, aient été portez en moins d’un fiècle à une auffi grande exactitude. SUR LA NUTATION DE L'AXE TERRESTRE ET L'OBLIQUITE DE L'ECLIPTIQUE. N s’eft aperçu dès les premiers fiècles de l'Aftronomie, du mouvement apparent des étoiles autour des poles de l'écliptique : Hipparque reconnut en comparant fes obfer- vations à celles qu'Ariftylle, Timocharis & Eudoxe avoient faites environ 200 ans avant lui, que les étoiles n'étoient rien moins que fixes, & qu'elles paroifloient avoir avancé dans des cercles parallèles à l'écliptique, il entreprit de déter- miner la quantité de ce mouvement; mais foit défaut de 1a part de fes obfervations, foit que l'intervalle du temps écoulé depuis celles d'Eudoxe, fût trop court, il ne réuflit qu'ims parfaitement dans cette recherche, & donna aux étoiles un mouvement beaucoup trop lent, ne le faïfant que d’un degré en 100 ans, au lieu qu'il eft réellement d’un degré en 72 ans. Ptolémée qui tint l'Ecole aftronomique d'Alexandrie, en- viron 270 ans après Hipparque, adopta la même quantité qüe lui pour le mouvement des Fixes, & on en demeura là jufqu’au temps des Aftronomes Arabes T'hébit, Albategnius & Alfragan; ceux-ci s’aperçurent par leurs obfervations com- parées au Catalogue de Ptolémée, que le mouvement des étoiles ne s'accordoit point avec celui que cet Aftronome leur avoit attribué; ils fe crurent obligez, pour fauver cette DES, S C1 E N°C.ES s9 différence, de fuppofer une inégalité confidérable dans le mouvement des fixes, qui les failoit paroître avancer tantôt plus vite, & tantôt plus lentement que le mouvement moyen qu’ils déterminèrent d’un degré en 66 ans, beaucoup plus prompt que le véritable: exemple bien propre à faire voir combien on doit être réfervé dans Aflronomie à recourir à des fuppoñitions nouvelles, & qu'il n’eft permis d’en admettre que lorfqu'on y eft en quelque forte forcé par le concours d’un grand nombre d’obfervations qu'on ne peut repréfenter autrement, & qui ne laïffent aucun lieu à l'incertitude. * Les obférvations modernes faites avec des inftrumens plus parfaits & une bien plus grande exactitude, ont entiérement décidé cette queftion, fi on compare les plus récentes à celles qui ont été faites il y à 60 ans, par Mrs Caffini, Picard &c de la Hire, on trouvera le même réfultat qu'on auroit eu en les comparant à celles de Tycho, à celles des Aftronomes Arabes, & même à celles des Mathématiciens d'Alexandrie, qui ont précédé Ptolémée & Hipparque, toutes s'accordent à donner le mouvement apparent des fixes d’un degré en 72 années, ou de 50 fecondes par an. … Maïs en même temps que les obfervations des Modernes ont fixé, à ce qu'il paroït, pour toüjours la quantité abfolue du mouvement des étoiles fixes, elles ont fait apercevoir dans ce mouvement une inégalité qu'on n’y avoit pas foup- connée jufqu’ici. H n’eft plus queftion d’erreurs groffières dans Y Aftronomie, la perfeétion à laquelle on a fü porter l'art d’ob- ferver, les en a entiérement bannies ; mais on fe tromperoit {1 on croyoit que cette fcience en füt devenue plus facile, la fineffe des obfervations a fait comnoïître plufieurs élémens autrefois totalement infenfibles, & qui ne doivent pas moins entrer dans le calcul, que s’il s’agifloit de plufieurs degrés au lieu de quelques fecondes. Pour pouvoir répandre quelque jour fur {a queftion dont il s’agit, il eft bon de fupprimer les idées qui pourroient faire quelque illufion, & de Ia rap- peller à l'exaéte vérité. Le mouvement des fixes dont nous venons de parler, n'eft H ji Co H1ISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE qu'apparent, le véritable eft dans l'axe de la Terre: cet axe étant incliné fur le plan de l'écliptique d'une quantité conf- tante, & toûjours parallèle à lui-même pendant tout le cours de la révolution annuelle de la Terre autour du Soleil , les interfections de l'Equateur & du plan de l'écliptique, répon- dront toûjours dans le ciel aux mêmes étoiles ; fi préfente- ment on fuppofe que le parallélifme de cet axe foit un peu dérangé à chaque révolution, en forte que dans l'efpace de 25920 années, il ait fait une révolution entière contre la fuite des fignes, fans changer fon inclinaifon fur le plan de l'écliptique, les points équinoctiaux auront pareillement rétrogradé dans tous les degrés de Fécliptique, & c'eft ce mouvement qu'on nomme préceffion où anticipation des équi- noxes. Or comme les Aftronomes ont pris de tout temps le point où l’Equateur coupe l'écliptique au figne d’Ariès, pour le terme d’où ils commencent à compter les mouve- mens des aflres, ils ont attribué aux étoiles un mouvement qui n'étoit dû qu'aux points équinoétiaux, & c'eft de ce mouvement apparent des fixes que nous venons de parler. Si préfentement on fuppofe que l'axe de Ja Terre, outre le mouvement autour des poles de l’écliptique, foit encore fujet à un balancement qui change tantôt en plus & tantôt en moins fon inclinailon fur le plan de l'écliptique, il en réfut- tera néceflairement deux effets, l'obliquité de l'écliptique, l'angle de fon inclinaifon avec l'Equateur deviendra variable, & de plus il fe trouvera une inégalité dans le-mouvement des points équinoétiaux, & la période de ces deux variations fera la même que celle de la Nutation, ou balancement que nous avons fuppofé dans axe de la Terre, C'eft à M. Bradley que les Aftronomes font redevables de la découverte de ce dernier mouvement, il paroît par la réponfe qu'il fit à ceux des Académiciens qui avoient fait le voyage de Lapponie, que dès l'année 1737 il avoit re- marqué une Nutation fenfible dans l'axe de la Terre, à l'aide d'un fe&teur d’un très-grand rayon; il avoit obfervé dans les étoiles proches du zénith, des variations qui concouroient DES STC 1 E NICLE ss 61 toutes à l’établir, il avoit auparavant fallu dépouiller les obfervations des étoiles d’une autre inégalité optique, caufée par le mouvement de la lumière combinée avec celui de la Terre dans fon orbe, & que l'on nomme aberration ; Yune & l’autre de ces importantes découvertes font dües aux foins & à la fagacité de ce célèbre Aftronome, elles formeront une époque à jamais mémorable dans l’aftronomie. Jufque-là M. Bradley n'avoit encore obfervé que neuf années, ou la moitié d’une des périodes de ce mouvement, & il étoit incertain fi le changement qu'il avoit remarqué étoit dû entiérement à la Nutation, ou s’il étoit compliqué de quelqu'autre élément ; il invita M. le Monnier à obferver avec lui l'autre demi-période qui commençoit en 173 6: les premières obfervations de ce dernier ont paru en 1738*, & le refte de la demi-période obfervé par les deux Aftro- nomes, a donné la Nutation ou changement total d’incli- naifon de l'axe de la Terre, de 17 à 18 fecondes, Cette variation une fois établie, on ne fera plus étonné qu'elle en produife une dans le mouvement des points équi- noctiaux, & moins encore de toutes les incertitudes qu'elle a pü jeter fur la queflion de l’obliquité de l’écliptique. L’Aca- démie a rendu compte au public dans l'Hiftoire de plufieurs de fes Volumes, des conteftations qui fe font fouvent élevées à ce fujet, il eft bien facile de voir préfentement ce qui faifoit le point de la difhculté, il étoit aifé à chaque Aftronome de trouver des autorités pour appuyer fon hypothèfe: il y a trop peu d'accord dans les obfervations des Anciens far l’obliquité de l’écliptique, pour qu'on en puiffe rien conclurre de décifif, les obfervations anciennes comparées à celles des Arabes, don- nent une grande variation, pendant que ces dernières, com- parées aux plus récentes, n’en donnent que très-peu, comme M. le Monnier la remarqué, chacun donc y pouvoit choifir des obfervations favorables à fon fentiment. A l'égard des * Mén. Acad, 173 4,p.221. obfervations modernes, en prenant le commencement, le . milieu ou la fin de chaque période, on trouvoit l'inclinaifon de l'écliptique croiflante, décroiflante ou ftationnaire, il n’y H ïj V. les P- 105$. P3Z P:3 M. 29e 65. PP: 493; 551 & 580. propofée par M. Clairaut, PP- 529; 573 & 533. 62 HisToiIRE DE L'ACADEMIE Royazr avoit donc aucune fuppofition qui ne pût avoir des obfer- vations en fa faveur : la Nutation une fois établie lève toutes ces difficultés, en l'introduifant dans le calcul elle femble donner l’obliquité moyenne de l’écliptique comme conftante, c'eft auffi le parti pour lequel M. le Monnier paroît incliner; mais il faudroit pour pouvoir décider avec plus de certi- tude, avoir examiné cette matière de plus près, peut-être fe trouve-t-il encore quelque inégalité, foit optique, foit phyfique, de laquelle les obfervations font affeétées, qu’on n’y foupçonne pas plus qu'on ÿ foupçonnoit il y a 20 ans la Nutation, & qui ne fe découvrira qu'après une longue fuite d'obfervations: il ne feroit donc pas prudent d’entre- prendre de décider fr légèrement une queftion de cette im- portance, ce qu'on peut faire en pareil cas de plus fage, eft de la regarder comme conftante, jufqu’à ce que des obferva- tions plus décifives aient obligé de changer de fentiment. II eft toüjours moins dangereux de s'en tenir à une fage dé- fiance, que de s'expofer à recourir trop vite à des fyfèmes qui fouvent font défavouez par la Nature : fe doute philofo- phique ne doit céder qu'à des conviétions auffi pleines & auffi entières que la nature du fujet peut le permettre. Ous renvoyons entiérement aux Mémoires Les Oblervations Aftronomiques faites au Collége Mazarin pendant l'année 1745, par M. l'Abbé de Ia Caiïlle. L’Ecrit de M. Clairaut fur le Syftème du Monde dans les principes de la gravitation univerfelle. La Méthode générale de M. d’Alembert, pour déterminer les orbites & les mouvemens des Planètes, eu égard à leur action mutuelle. Les réflexions de M. de Buffon, fur la Loi de l'attraction Et les réponfes de M. Chairaut à ces réflexions. FO Se SUR LA DESCRIPTION GEOGRAPHIQUE du cours de la rivière des Amagones. Hi RS qu'après un féjour de fept années les Académiciens V. les M. envoyez au Pérou pour y faire les obfervations aftro- P- 391- nomiques & géodéfiques néceffaires à la détermination de la figure de la Terre, eurent rempli ce principal objet de leur miflion, ils convinrent entr'eux de revenir par des routes différentes, & le choix de ces différens chemins fut déter- miné, non par l'agrément ou la commodité que chacun d'eux pouvoit {eur offrir, mais par le plus grand degré d'utilité qui paroïfloit devoir réfulter de cet arrangement. L'envie d'éclaircir plufieurs points intéreflans engagea M. de la Condimine à traverfer toute F Amérique méridio- male, en defcendant par le fleuve des Amazones depuis le haut Pérou jufqu'au Parà habité par les Portugais fur 13 côte orientale de l'Amérique. Le fleuve des Amazones, autrement nommé Aarañon, prend fa fource dans le lac de Lauricocha , vers le 1 1° degré de latitude auftrale : de-là il court au nord environ 6 degrés, …._ jufqu'à Jaen de Bracanioros, après quoi il prend fon cours ._ left, prefque parallèlement à la ligne équinoiale, jufqu'au f cap de Nord, où ïl entre dans l'océan fous l'équateur même. 4 Depuis les hautes montagnes de Ia Cordelière jufqu'au voifinage de la côte orientale d'Amérique, ce n’eft plus qu'une A à vafie plaine couverte d’une forêt immenfe que traverfent le …. Marañon & un nombre prodigieux de rivières qui sy jettent : À les bords de celles de ces rivières qui tirent leur fource du …._ haut Pérou, forment les chemins par lefquels on peut def- eendre de cette province fur les bords du Marañon, où font 64 HISTOIRE DE L'ÂACADEMIE ROYALE établies les Miffions efpagnoles ; car telle eft l’efpèce d’infen: fibilité des naturels du pays, qu'il n'y a que ceux que les Miflionnaires ont, à force de patience & de peine, tirez des bois, & commencé à inftruire, qui aient pü fe réfoudre à vivre en fociété & dans une efpèce de commerce avec le refte du genre humain, la capacité des autres n'excède pas de beau- coup celle des animaux. Il eft humiliant pour l'homme de voir en eux combien, fans l'éducation, il différeroit peu de la brute. Des trois chemins qui mènent de la province de Quito fur les bords du Marañnon, M. de Ia Condamine choifit le plus méridional : c’eft le feul par lequel on puiffe conduire des bêtes de charge & de monture; cependant c’eft le moins fré- quenté, tant à caufe du long détour & des pluies continuelles qui le rendent impraticable plufieurs mois de l'année, que par le danger d'un détroit célèbre appellé le Pongo, où le fleuve, obligé de s'ouvrir un pañage étroit & profond entre deux rochers, le franchit avec un bruit & une violence effroyables, Un endroit de cette efpèce étoit aufli propre à attirer un Phyficien qu'à en éloigner les Indiens; d'ailleurs, M. de la Condamine en prenant ce chemin rencontroit le fleuve un peu au deffous de Jaen, où il commence à porter bateau, & pouvoit ainfi parcourir & lever la carte de toute fon éten- due navigable. Il rencontra fur fa route une infinité d’obftacles, mais quelles font les difficultés dont le courage & l'envie de s’inf- truire ne viennent pas à bout ? il les furmonta toutes, & muni de fes journaux, de fes inftrumens & de plufieurs plantes de quinquina qu'il comptoit apporter en France, ou tout au moins à Cayenne, il arriva à Jaen. Ce n’eft pas dans cet endroit même qu'on peut s’embar- quer fur le fleuve, des rochers, des fauts & d’autres obfta- cles en rendent Ia navigation impraticable ; ce n'eft qu'à quatre journées au deffous de Jaen qu’eft le port ou embar- cadero, placé fur la rivière de Chuchunga, par laquelle on def cend dans l’Imaça, & de celle-ci dans l Amazone, au deflous des dernières cataractes, Chuchunga D un, quo -pre ie 1 B E,9L96GIE NI Cr ts 65 Chuchunga eft un petit hameau de dix familles indiennes, gouvernces par un Cacique : ces bonnes gens rendirent à M. de la Condamine tous les fervices dont ils furent Capa- bles: ils n'avoient que de petits canots, mais ils lui conf. tuifirent un radeau ou aff affez grand pour le porter, lui & tout fon bagage. | Pendant qu'on {e préparoit , il prit la hauteur méridienne du Soleil, & détermina la latitude de ce lieu de sais auftrale. Les expériences du baromètre donnèrent 2 30 toiles d'élévation au deflus du niveau de la mer, & firent voir qu'il y a à cette hauteur des rivières navigables fans inter- ruption. . L Enfin la balfe étant prête, M. de la Condamine partit de ce lieu, & déboucha dans le Marañon : il fallut alors ren- #orcer la balfe, qui , fuffifante pour les rivières où elle venoit de pafler, n’auroit pü réfifter aux eaux du fleuve, dont 1a largeur en cet endroit fut mefurée & trouvée de 1 3 5 toiles. De endroit où il étoit alors au Pongo de Manjferiché, y avoit deux autres détroits à pafler, celui de Cumbinama & celui d'Efcurrebragas. Les Indiens qui l'avoient accom- pagné ne lui furent pas inutiles dans ces deux endroits, & ur-tout au dernier. Enfin il arriva à Sanr- Jago : au def. fous de cette ville on trouve Borja, qui n'en eft féparée que par ce détroit fi redouté qu'on nomme Porgo, c'eft-à-dire en langue Péruvienne, Porte. C’en eft une en effet que le fleuve s'eft ouverte en fe creufant un lit étroit & tortueux entre deux efpèces de murailles de rochers taillez à pic, & très- élevez.. Le fleuve, qui par les mefures de M. de {a Conda- mine eft large immédiatement au deflus de 2 sotoifes, fe trouve obligé de pafer dans un lit où il n'en a pas25s,on peut donc juger de la rapidité du courant, & du bruit effroya- ble des vagues , que l’obfcurité de cette étroite & profonde gallerie rend encore plus terrible : un canot y feroit bien- 10t brifé fans reflource par les chocs fréquens contre des ro- chers, mais la balfe ou radeau qu'il montoit pouvoit par la fléxibilité des lianes qui formoient fon aflemblage, réfifter Hifl 1745. I 66 HisTOIRE DE L'ÂACADEMIE ROYALE à ces coups furieux. Pour cette fois aucun des Indiens de Chuchunga ne voulut être de la partie, ils allèrent par terre Yattendre à Borja, où il arriva après avoir traverfé le détroit en $7 minutes de temps avec une vitefle aufli grande que celle d'aucun cheval de pofte, ayant fait dans ce temps plus de deux lieues. Depuis Borja jufqu'auprès du Para, le voyage de M. de Ia Condamine offre peu de phénomènes propres à entrer dans cette Hiftoire, ce n'en fera pas un certainement que les poli- teffes qu'il reçût en paflant dans le diftriét de tous les Miflion- naires Efpagnols & Portugais; ces Pères, aufli amis des gens de Lettres en Amérique qu'en Europe, fe firent par-tout un phaifir de lui procurer toutes les commodités poflibles. Nous ne pouvons cependant omettre la rencontre qu'il fit à la Laguna de D. Pedro Maldonado Gouverneur de Ia province des Emeraudes, qu'il avoit engagé à fuivre auffi la route de l'Amazone pour revenir en Europe: celui-ci avoit pris en partant de Quito le chemin de Ja rivière de Paflaça, qui fe jette dans l Amazone au deflus de la Miflion de la Laguna, où il attendoit M. de fa Condamine depuis fix {e- maines. C’eft le même D. Pedro de qui nos Académiciens avoient reçü plufieurs fervices à Quito, que l'envie de s’inf truire du progrès des Sciences avoit attiré en France, où l'A- cadémie, qui avoit mis au nombre de fes correfpondans, Fa vü plufieurs fois aflifter à fes aflemblées, & qui vient de mourir à Londres, où le même amour des Sciences l'avoit appellé. Nous efpérons qu'on nous pardonnera cette courte digreffion que nous avons cru devoir à fa mémoire. Au défaut de phénomènes phyfiques , il fe trouve plu- fieurs points géographiques & hiftoriques qu'on faura cer- tainement gré à M. de la Condamine d’avoir éclaircis. Le premier eft celui de lexiflence des Amazones qui ont donné leur nom à cette rivière. François d'Orellana, le pre- mier Européen qui ait defcendu ce fleuve, les avoit, dit-on, rencontrées & combattues; mais ce fait même bien prouvé ne concluoit pas qu'il y eüt dans l Amérique méridionale une DES ScrENCcESs. 67 république de femmes qui vécuflent fans avoir aucun homme parmi elles. M. de la Condamine a fait fur les lieux toutes les per- quifitions néceflaires pour s’aflurer de la vérité: en voici le réfultat. Un Indien chef de Coari, âgé de 70 ans, l'aflura que fon ayeul avoit vü à Cuchivara & avoit parlé à quatre de ces femmes dont il rapportoit les noms, dont une avoit un enfant à la mamelle, & qu’il leur avoit vü prendre la route de la rivière noire après avoir traver{é le fleuve. Les habitans de 7 opayos ont chez eux de ces pierres vertes connues fous le nom de pierres des Amazones, ils difent qu'ils en ont hérité de leurs pères, qui les avoïent eues des femmes fans mari, chez lefquelles on en trouve une grande quantité. Un Indien d'une Miffion voifime du Parà indiqua une rivière nommée jo, par laquelle on pouvoit, difoit-il, remonter jufqu’à peu de diftance du pays habité par les femmes fans mari, & un vieux foldat de la garnifon de Cayenne dit qu'en 1726 ayant pénétré au delà des fources de l'Oyapock, il avoit vü au col des femmes des pierres vertes, qu'elles lui dirent tenir des femmes fans mari, dent les terres étoient à huit journées à l’oueft. IL eft bon de remarquer que tous ces témoignages con- courent à placer les Amazones au milieu de la Guiane, dans des montagnes où les Européens n'ont pas encore pénétré; nul pays d'ailleurs n'a des mœurs plus propres que l'Amérique à infpirer aux femmes le defir de fe féparer des hommes, ceux-ci les tiennent dans le plus rude efclavage, & exigent d'elles, fans aucun ménagement, les fervices les plus bas & les plus fatiguans ; d’ailleurs toutes ces nations, chez qui M. de la Condamine a cherché à s’en informer, font abfolument féparées & fans aucun commerce les unes avec les autres : quelques-unes n’en ont jamais eu avec les Européens, com- ment donc fe feroient-elles accordées à debiter toutes lamême fable , & à placer cette fingulière République dans le même endroit? D'un autre côté, comment fe peut-il faire que l’on I ïj 68 HISTOIRE DE L'ACADEMIE ROYALE ne voie plus à préfent aucune de ces femmes? eft-il croyable qu'elles puiflent exifler aétuellement fans qu'on en ait des nouvelles plus pofitives de proche en proche dans les Colo- nies européennes qui les entourent? cette efpèce d'Etat s'eft-il évanoui comme un ouvrage des Fées? Voici le feul dénoue- ment qu'il trouve à ces difhcultés, il eft porté à croire que la République des Amazones américaines a pü réellement exifler, mais qu'elle n’exifte plus aujourd’hui : peu - à - peu l'amour de la fociété peut avoir étouffé en elles celui de Ja liberté, & leur avoir fait oublier la loi qu’elles s’étoient im- pofée. Il ne fera donc pas étonnant qu'on n'en trouve au- jourd’hui aucun veftige, quand même tous les témoignages qu'on en a rapportez feroient vrais, comme on n'en peut guère douter. Un fecond point plus réel & plus intéreffant, eft Ja com- munication de f Amazone avec l'Orinoque, autre grand fleuve qui, prenant comme lui fa fource dans les monta- gnes de {a Cordelière, va fe jetter dans la mer du nord à 7 où 8 degrés de latitude feptentrionale près de lIfle de 1a Trinité. Cette communication, marquée fur les anciennes cartes & fupprimée dans celles qui ont été faites depuis, eft préfentement hors de doute. En 1 744 les Portugais du camp volant établi fur la rivière Noire, ayant remonté de rivière en rivière, rencontrèrent le Supérieur des Miffions efpa- gnoles des bords de l'Orinoque, avec lequel ils revinrent fans débarquer dans la rivière noire, qui fe jette elle-même dans l Amazone : le fait eft aujourd’hui public. De toutes les notions que M. de Ia Condamine a püû re- cueillir à cet égard dans le cours de fon voyage, il réfulte qu'un petit village indien nommé Cagueta, fitué dans la province de Mocoa , à Yorient de celle de Paflo par un degré ou un degré + de latitude nord, donne fon nom à une rivière fur les bords de laquelle il eft fitué. Plus bas cette rivière fe par- tage en trois branches ; fune coule au nord-eft, & eft le fa- meux Orinoque, & les deux autres fe jettent dans l Amazone: celle qui y tombe la première fe nomme Ywpura, & V'autre Dir s "SC. E NL CE (S 69 rio- Negro, ou rivière Noire. C’eft par cette dernière qu? les Portugais établis près de fon embouchüre dans le Marañon ont remonté jufque dans l'Orinoque. La Nature a fait pour la jonction de ces deux fleuves du nouveau monde, ce que Yart & l'induftrie ont exécuté dans plufieurs endroits de l'ancien. Les pafñons font la véritable origine des fables, on croit facilement ce que lon fouhaite beaucoup : la foif de l'or qui a tant caufé de maux à l'Amérique, n'a pû être étanchée par tous Îes tréfors que les Européens y ont trouvez, elle leux a fait imaginer que dans cette partie de la Guiane, comprife entre lOrinoque, l'Amazone & la mer, il fe trouvoit un canton où la Nature, ailleurs f1 avare de ce précieux métal, Pavoit, pour ainfi dire, prodigué ; on y trouvoit un lac dont le ble étoit d’or, fur fes bords une ville dont les toits & les murailles étoient couverts de lame du même métal; & pour détailler encore mieux cette prétendue découverte, on nommoit le lac Parima & la ville Manoa, & on donnoit à tout le pays en général, le furnom d'e/ Dorado, c'eft-à-dire, le doré. Cette defcription porte par elle-même un caractère de faufleté aflez évident, pour que perfonne n’eût dû en être la duppe, cependant la recherche de ce tréfor a été fatale à plufieurs Européens qui s'y font imprudemment engagez , & qui y ont rengontré la mort au lieu des richefles qu'ils pourfuivoient avec tant d'ardeur. | M. de la Condamine a eu la curiofité de s'informer ft quelque chofe de réel avoit pü fervir de bafe à tout ce tiffu de fables, voici ce qu'il a pù tirer, tant des relations des. PP. d’Acuña & Fritz, que des habitans des bords de l Ama- zone, qu'il a lui-même queftionnez, & des Portugais du Parà qui ont fouvent remonté le fleuve. Les Aanaos font une nation indienne, belliqueufe & redoutée de tous fes voi- fins ; plufieurs de ces Manaos font aujourd’hui fixez dans les miflions des bords de la rivière Noire, ceux qui n’y font pas habitans, viennent quelquefois en traite fur fes bords I iïj o HiSTOIRE DE L'ACADEMIE Royazr de l'Amazone, & ils y apportent entr’autres marchandifes ; des petites lames d’or : le P. Fritz dit expreflément dans fon journal, que les habitations de ceux qu'il y vit venir, étoient fur es bords de a rivière nommée Yuruberff, & qu'ils tiroient leur or par une autre rivière nommée /quiari; effectivement en remontant l'Y#pura on trouve un lac nommé arahi, duquel on peut dans le temps des débordemens, entrer dans une autre rivière nommée Ywrubetff, qui tombe dans la rivière Noire, celle-ci en reçoit une autre nommée Quiquiari, qui a plufieurs fauts, & qui vient d’un pays de montagnes & de mines. Voilà donc dans le milieu de [a Guiane une peuplade de Manaos, voifme d’un lac & d’une rivière d’où ils tirent de Yor dont ils font de petites lames, ïl étoit affez naturel d’appeller AManoa la réfidence des Manaos : le génie menteur des Indiens & lavidité des Européens, ont fait le refte; & fi on trouve ces faits bien éloignez de l'idée magnifique qu’on s'étoit formée du lac & de la ville en queftion, il ne faut que comparer quelques paillettes que rouloit autrefois Le Paétole, avec la propriété de tout convertir en or, accordée à Midas, pour demeurer d'accord que la fable des Grecs eut bien aller de pair avec celle des Américains. L’Amazone au deflous de la rivière Noire, & d’une autre auffi grande qu'elle reçoit du côté du fud, a communément une lieue de large, c'eft auffi dans cet endroit que les Por- tugais commencent à la nommer rivière des Amazones; plus haut ils appellent rio de Solimoës ou rivière des Poifons, probablement à caufe des flèches empoifonnées qui font Yarme la plus ‘ordinaire des habitans de fes bords. Dès le fort de Pauxis, environ 200 lieues au deflus de Yembouchüre de l Amazone, on commence à s'apercevoir d'un gonflement de fes eaux caufé par la marée, & qui, comme elle, eft fujet au retardement ordinaire; mais ce qu'il y a de remarquable, c'eft que dans le trajet depuis Pauxis jufqu'à la mer, on trouve de diftance en diftance que /4 haute riviere, s'i n\'eft permis d'ufer de ce mot, fe fait apercevoir DEL SMS RENE Nic E) at en même temps que fa haute mer, pendant que dans les lieux intermédiaires l'eau fe trouve bafle à ces mêmes heures : ce phénomène en apparence fi fingulier, eft produit par les efpèces d'éndulations que le flux excite dans cette énorme mafle d'eau que l'Amazone porte à la mer, & qui fe commu niquent fucceflivement, en forte que le mouvement qu'on reflent, par exemple, au bout de la douzième ondulation, en même temps que la mer agit fur la première, n’eft pas l'effet de cette preffion aétuelle, mais de la douzième pré- cédenté, à qui il a fallu ce temps pour fe communiquer jufque-là : il y aura donc une fuite de hautes & de bafles eaux dans le même temps fur le fleuve dans toute l'étendue de fon cours, où la marée fe fera fentir. Toutes les anciennes Cartes repréfentent l’embouchüre - du Marañon comme coupée d’une infinité d'ifles, au lieu de ce grand nombre, il s’en trouve une nommée Marajo, qui a environ 150 lieues de tour : c’eft à cette embouchüre qu'on obferve un fecond phénomène de marée plus effrayant que le premier, & qu’on nomme la pororoca. Pendant les grandes marées, la mer au lieu d'employer cinq ou fix heures à monter, parvient en une ou deux minutes à {a plus grande hauteur, on entend de deux ou trois lieues un bruit effrayant qui annonce ce terrible flot, bien-tôt on voit s’avancer une mafle d’eau de 12 ou 15 pieds de haut, fuivie. de plufieurs autres pareilles ; cette fame court avec une rapidité prodigieufe, & brife tout ce qui lui réfifle. Ce phénomène n'arrive que proche l’'embouchüre des rivières, lorfque le flux montant rencontre en fon chemin un banc de fable, ou un haut fond qui lui fait obftacle; dès qu’il a atteint la hauteur de ce banc, il commence à retarder, puis il arrête enfin le cours du fleuve qui lui réfifte, jufqu'à ce que le flux qui croît toûjours l'emporte, rompe la digue & déborde au delà en un inftant, On obferve quelque chofe de femblable aux ifles Orcades & à l'entrée de la Garonne j où on nomme cet effet des marées, le mafcarer. Aurivé au Parä, après avoir parcouru le fleuve ‘des 72 HisTOIRE DE L'ACADEMIE Royaze Amazones pendant environ 800 lieues, M. de l1 Conda- mine y fut reçü comme il l'avoit été dans tous les endroits où il avoit trouvé des établiflemens portugais, c'eft-à-dire, avec tous les égards poflibles & toute la politefie imagi- nable, ce füt-là qu'il fe fépara de D. Pedro Maldonado, qui profita de la flotte portugaife pour repafier en Europe; pour lui il jugea plus à propos de pafler du Parà à Cayenne, après avoir pris la précaution de laiffer-entre les mains de M. Maldonado , la relation de fon voyage & l'extrait de toutes fes oblervations , pour remettre à M. de Chavigny Ambafladeur de France à Lifbonne, le priant de faire tenir le tout à l'Académie, s’il apprenoit qu'il eût péri en chemin. Les obfervations du pendule que M. de la Condamine fit au Parà, lui firent connoitre, en les comparant à celles qui avoient été faites fur la montagne de Pichincha, que la pe- fanteur y étoit plus grande environ d”-—— qu'au fommet de cette montagne. Son voyage du Parà à Cayenne, les accidens qu'il effuya pendant ce trajet, fes obfervations fur le pendule & fur fa vitefle du fon, exigent d’être Iüs dans fon Mémoire; nous n’en détacherons que le réfultat de celles qu'il fit fur le venin dont font ordinairement teintes toutes les flèches des Indiens, ce poifon peut fe conferver très-long temps fans perdre fa force , il fe trouve plufieurs de ces armes en Europe, dans les cabinets des curieux : on ne peut donc mettre trop de perfonnes à portée de favoir que le contre-poifon le plus für, fi cependant il y en a un, contre la piqüre de ces flèches, c'eft le fucre pris intérieurement (pourvü qu’il foit admi- niftré fur le champ, c'eft-à-dire, dans l’efpace de peu de minutes) il eft vrai qu'il ne réuflit pas toüjours, M. de Ia Condamine l'a quelquefois donné inutilement aux animaux qui ont fervi à fes expériences ; mais au moins c'eft le feul on connoille, & il réuffit quelquefois : c'eft par cette obfervation fi intéreflante, qu'il prit congé de l'Amérique, if s'embarqua à Surinam fur un vaifleau Hollandois , & arriva d'Amfterdam RSR 7 ee DES SCIENCE 32 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Le mouvement alternatif fe donne à la rape par le moyen d'une manivelle dont l'axe qui eft horizontal, porte une portion de roue dentée qui engrène alternativement dans deux crémaillères, ces crémaillères ont la forme d’un chaffis parallélogramique dont deux côtés oppolez font dentez en dedans; ce chaffis tient au coffre de la rape, & la portion de roue dentée tournant dans ce chaffis & engrénant alter- nativement dans ces deux crémaillères, oblige le chaffis & la rape qui tiennent enfemble, de fe mouvoir alternativement en fens contraire. Pour plus grande folidité, le chaflis des crémaillères porte deux règles qui font d'une même pièce avec lui, & ces règles pañent par des trous pratiquez dans deux nouveaux montans du pied de la rape. Par le moyen de ces deux règles & des trous dans lefquels elles paffent, le chaflis des crémaillères eft contenu de manière qu'il ne peut recevoir que le mou- vement horizontal alternatif. On fent bien, fans que je fois obligé de le dire, que Yarbre de la manivelle doit être porté par deux autres mon- tans ou traverfes folidement aflemblez avec le pied & le chaffis dans lequel fe meüt le coffre de la rape. Jufqu'ici je n'ai expliqué que le mouvement de Ia rape, & il me refte à décrire le mouvement du tabac & des ma- chines qui le font tourner fur lui-même. Le chaffis horizontal dans lequel fe met la caifle de a rape, porte une platine percée d'un trou par lequel peut pañler le tabac, qui doit porter fur la rape, & cette platine n'eft élevée au deflus de la rape qu’autant qu’il eft néceffaire pour laiffer à la rape la liberté de fe mouvoir. | Le trou de la platine eft garni d’une virole bien ronde qui eft élevée de trois à quatre lignes au deflus de la platine; cette virole entre dans le trou d’une roue plate, & eft l'axe fur lequel cette roue peut tourner. La roue porte deux montans perpendiculaires à fon plan, & ces montans font engagez dans deux oreilles d'un frein qui faifit le bout de tabac qu'on veut raper ; ainfi la roue ne peut tourner fans faire tourner Îe tabac. -_ Je ; DES ScrE NC Es 33 . Je vais maintenant expliquer la méchanique du mouve- ment de cette roue. L’axe de la manivelle qui porte la portion de roue dont j'ai déjà parlé, portefencore vers fon extrémité un pignon, ce pignon engrène dans un autre pignon qui eft à l'extrémité inférieure d’un arbre vertical, & l'extrémité fupérieure du même arbre porte un fecond pignon qui engrène dans la roue qui mène le frein du tabac; ainfi la manivelle en tour- nant fait tourner le tabac. On voit donc dans la machine que je viens d'expliquer, que le même mouvement de la manivelle fait mouvoir la rape alternativement en fens contraire, & fait-aufli tourner le täbac fur la rape, & le met en état d'être rapé également fur la rape. Les oreilles du frein qui faïfit le tabac peuvent couler librement fur {es montans de la roue, & defcendent effetti- vement à mefure que le tabac fe rape. Pour raper le tabac avec égalité il faut qu’il preffe la grille de la rape également, voici comment fe fait cette preflion égale. ; Des extrémités du chaffis dans lequel fe meut Ia rape, s'élèvent deux montans parallèles qui ont chacun une rainure, & ces rainures fervent de conduite à une traverfe qui peut monter & defcendre librement à mefure que le tabac fe rape; * cette traverfe tient par le milieu à un cylindre qui porte fur l'extrémité fupérieure du bout de tabac, & ce cylindre a au milieu de fon bout une pointe qui entre dans le tabac pour empêcher de déverfer, fans nuire au mouvement qu’il doit avoir fur lui-même. Enfin on charge de poids à volonté, ou fuivant la grof- * feur ou la fineffe dont on veut le tabac, la traverfe dont le milieu pèfe fur le tabac, & l’on a par ce moyen une preflion auffi égale qu’on peut la fouhaiter. J'avouerai que la preffion ira toüjours en diminuant à - mefure que le tabac fe rapera, parce que le poids du tabac fur la rape fera diminué de tout ce qui fera rapé, maïs cette Mem, 1745: 34 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoÿALE diminution de poids fera infenfible ou de peu de conféquence; mais fi elle pouvoit caufer quelqu’inégalité dans le tabac rapé, on pourroit fuppléer à a diminution du poids par l'addition de nouveaux poids dont on chargeroît la traverfe qui preffe fur le tabac. | Je dois avertir que le trou de la virole ou de Ia plaque, par lequel pafe le tabac, doit être aflez grand pour laïfler pafler les plus gros tabacs que l'on peut avoir à raper; mais comme un grand trou feroit incommode lorfque on auroit à raper des tabacs moins gros, on doit avoir des viroles de bois qui foient toutes aflez groffes pour tourner dans la virole de la plaque fans baloter, & ces viroles de bois doivent être. percées de trous qui foient de fa groffeur du tabac qu'on. veut raper, en forte cependant que le tabac y puiffe pafler & tourner aifément. I eft encore à propos de mettre fur le bout du tabac que Ton rape, une platine ronde garnie de plufieurs pointes qui entreront dans le tabac, & cette platine doit être percée d'un. petit trou dans fon milieu, pour recevoir la pointe du cylindre qui preffe fur le tabac. DES, :S C'1 EN C ES 35 DESCRIPTION ANATOMIQUE D'UN FEsA C'MONSTRUE GX. Par M': MoRAND & LA SONE. P°’ r rendre plus claire & plus intelligible Ia defcription anatomique du Veau monftrueux que l'on a apporté à YAcadémie, & que nous avons difléqué, nous fuppoferons ce monftre étendu fur le dos, & pour défigner la fituation ou le lieu correfpondant des parties dont nous parlerons, nous confidérerons toüjours le monftre dans la pofition où nous l'avons difléqué. |. Ce veau monftrueux paroïfloit être compofé d’un veau entier, que nous nommerons le veau principal, & de la moitié ou de la partie poftérieure d’un autre, que nous appellerons le demi-veau. | Celui-ci paroïfloit fe confondre avec l'autre du côté droit au deffous des côtes, de manière que fes dernières vertèbres du dos, en s'uniffant aux mêmes vertèbres dorfales du veau principal, faifoient paroître l’épine du dos comme bifurquée, -en formant à peu près un angle droit un peu au deffous du diaphragme. Le monfre entier avoit une feule tête, deux pieds ou extrémités antérieures, & deux poftérieures. l À un travers de doigt au deffus des deux verges, fortoient du ventre deux cordons ombilicaux par une déchirure qui paroïfloit avoir été occafionnée par la pourriture ou par quelqu'autre accident ; ïl fortoit auf par-là une portion des inteflins grêles. * À la partie fatérale droite du veau principal, à côté & un peu au deffus de la déchirure dont nous venons de parler, il y avoit un trou de figure ovale, bordé d'une efpèce de . E ij 36 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE bourlet, qui défignoit que cette iffue étoit naturelle; ce trou donnoit encore paflage à une portion plus confidérable d'in- teflins grêles, qui étoient étranglez dans leur paflage, parce que le trou traverfant obliquement du dedans au dehors, formoit comme une bride, Ce trou herniaire fe trouvoit au milieu d’un cercle en partie offeux & en partie cartilagineux, renfermé dans l'é- paiffeur des tégumens, & inégal dans la groffeur des parties qui en formoient la circonférence. Le veau principal & le demi-veau avoient chacun un anus & une verge avec fon fourreau, tels qu'on les voit ordinairement dans ces quadrupèdes. Les tégumens étant ouverts, nous avons obfervé que le veau principal avoit deux artères ombilicales, & l’ouraque au milieu ; le demi-veau n'avoit qu'une artère ombilicale & l'ouraque. Le diaphragme paroifloit être commun, fa direction étoit très-oblique de droite à gauche. Le foie étoit unique & conformé comme à l'ordinaire, le grand lobe étoit en plus grande partie dans l’épigaftre du demi-veau, & le petit lobe dans l'épigaftre du veau principal. Celui-ci avoit fon eftomach fitué & conformé régulière- ment, excepté que la quatrième poche ou le quatrième ven- tricule, nommé caillette, n’étoit prelque pas fenfible ; fa rate étoit auffi comme à l’ordinaire dans l'hypocondre ou le flanc gauche. Nous avons cru d'aberd que le demi-veau manquoit d'eftomach & de rate, mais nous les avons bien-tôt aperçus en foülevant les inteftins qui les cachoïient ; ils étoient à côté l'un de l'autre, & fituez dans l'endroit qui répondoit à peu près à l’'hypocondre ou au flanc gauche du demi-veau; cette rate avoit une figure fort irrégulière, elle étoit compofée de deux lobes longs d'environ trois pouces, & d’une petite appen- dice digitale d'environ quatre lignes de longueur, l’un des lobes principaux fe terminoit par une mafle charnue fem- blable à un capuchon, ou à un cone un peu applati. Nous Nr. DES SCIENCES 37 parlerons des fingularités de l'autre eftomach dans l'article où nous allons décrire les inteftins, Après avoir féparé du méfentère environ une aune & demie d’inteftins grèles, en commencant à l'origine du duo- dénum, nous avons remarqué une divifion de 'inteftin en trois branches, d’un calibre prefqu’égal à celui du tronc d’où elles partoient. M. Morand a fait obferver à peu près le même phénomène dans la defcription anatomique d'un Mouton monftrueux, inférée dans les Mémoires de l'Académie, an- _née 1733, mais ce n'étoit qu'une bifurcation ; cette divi- fion en trois branches nous a paru encore plus fingulière, & nous ne croyons pas qu'il y en ait d'exemple, | - Deux de ces branches, après plufeurs circonvolutions pour former la fuite des inteftins gréles & celle des gros inteflins des deux veaux, alloient aboutir, comme à l’ordi- naire, chacune à un anus. : La troifième branche, après avoir fait autant de circon- volutions, & même plus que les autres, fans avoir perdu le caractère d'inteftins grêles, plus petits même que les précé- dens, fe terminoit par un cul-de-fac élargi & d’une figure fort irrégulière; on Fauroit pris d’abord pour le quatrième ventricule ou la caïllette qui paroiïfloit manquer au grand eflomach: mais nous croyons qu'il faut plûtôt le regarder comme un eflomach du demi - veau. I étoit très- petit & n'avoit qu'une iflue, il étoit adhérent aux parties voifines par plufieurs membranes. Une des branches principales de Finteflin, & qui étoit propre au veau principal, parce qu'elle alloit aboutir à fon anus, pafloit fous le foie, s’enfonçoit un peu dans fa fubftance & y adhéroit, de manière qu'il n'a pû en être féparé fans intérefler & le foie & l’'inteftin. … Tous ces vifcères étant enlevez, nous avons obfervé que les régions ombilicales & hypogaftriques étoient compofées intérieurement de cinq cavités différentes. .. Le contour de celle du milieu reffembloit aflez à celui d'ua triangle ifofcèle, dont Ha pointe auroit été appuyée fur jf 8 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE l'épine du dos du veau principal; cette cavité fe trouvoit précifément dans l'angle que faifoit l'épine des deux veaux en paroiffant fe bifurquer. Des deux cavités qui étoient à côté de celle-ci, l'une ap- partenoit au veau principal, & l'autre au demi-veau : leur contour étoit à peu près comme celui de la précédente. Les deux autres cavités étoient en partie formées, l'une par le flanc gauche du veau principal, & l'autre par le flanc droit du demi-veau. Chacune de ces dernières cavités étoit en partie occupée par un rein, l'un appartenoit au veau principal, l'autre au demi-veau; le monitre entier n'avoit que ces deux reins, de mème que deux capfules atrabilaires. C'étoit principalement aux trois cavités moyennes que répondoit la fituation des inteftins. ” La rate & l’eftomach finguliers du demi-veau étoient en partie dans la cavité moyenne, il y avoit auffr deux tefticules à quelque diftance l'un de l'autre, & ces deux tefticules fituez très-irrégulièrement, appartenoient au demi-veau; car le veau principal avoit aufli les fiens, placez dans fon bafin à côté de la veflie. ! Du cœur qui étoit unique, fortoient les gros vaïfleaux, comme à l'ordinaire. L'aorte defcendante, en fortant du diaphragme, fe bifur- quoit, & formoit à peu près un angle droit ; c’étoit deux aortes dont une appartenoïit au veau principal, & defcen- doit le long des vertèbres, l'autre appartenoit au demi-veau, & fuivoit pareillement le trajet de fes ombes. De l'aorte du veau principal partoient les artères fplénique & rénale. Parvenue aux dernières vertèbres lombaires, elle four- nifloit l'artère iliaque droite, & celle-ci ayant fait environ un-demi-pouce de chemin, donnoit naïflance aux deux ar- tères ombilicales. Quatre ou cinq lignes plus bas elle formoit l'artère iliaque gauche. Fr DES SCrENCES«" 39 … De l'aorte du demi-veau fortoit d'abord une petite artère qui traverfoit le diaphragme & s’y ramifioit. Îl en fortoit un peu plus bas un autre rameau qui alloit à la rate fingulière dont nous avons parlé. Elle fournifloit encore l'artère ombilicale , & de celle-ci partoit l'artère rénale. Nous avons obfervé que plufeurs vaifleaux qui fortoient des principaux troncs artériels du demi-veau, fe râmifioient & fe plongeoient dans les parties qui appartenoient au veau: principal, & réciproquement. … Les deux veines ombilicales n’avoient rien de particulier. elles aboutifloient au finus de a veiné- porte, & le canal. veineux fe rendoit à la veine- cave en {e divifant en trois. branches. , La veine-cave fe bifurquoit comme l'aorte, & c’étoit à la branche de cette veine appartenant au veau principal, que: s'inféroient les trois rameaux du canal veineux. Voici ce qu'il yavoit de plus remarquable dans le fquelette.. 1° Lépine du dos du véau principal qui paroît entière. & former un coude ou une petite courbure vers les dernières. vertèbres dorfales. "2° Lépine du demi-veau qui commence par les dernières. vertèbres dorfales, & s’unit aux vertèbres femblables du veau. principal à l'endroit où l'épine de celui-ci forme le coude ou: la petite courbure dont nous venons de parler : par -{à if femble que l'épine.du monftre éntier forme une bifurcation. dont le tronc principal s’'étendroit depuis fon origine juf- qu'aux dernières vertèbres dorfales. 3% Le cercle offeux & cartilagineux dont nous avons. parlé, & qui eft attaché à une portion cartilagineufe des côtes; on pourroit le regarder comme compolé de quelque partie très-informe du fternum du demi-veau, & de quelque. portion de côte. 4° Les côtes dont plufieurs font confondues l'une avec. Vautre dans prefque toute {eur longueur, & forment comme: des lames offeufes fort larges, == 40 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaE s°_ Lépine du demi-veau portant de part & d'autre quel- ques côtes mal articulées &c rebrouflées vers le baffin. Elle va s'unir à l'épine du veau principal, en s’infinuant entre fes côtes inférieures droites. Par cette conformation il arrive que le côté droit du thorax du monftre eft compofé d’une partie des côtes du veau principal, & d’une partie de celles du demi-veau ; celles-ci fuppléent à celles du veau principal, qui ont été mifes hors de rang par cette infertion de l'épine du demi-veau. On reconnoît que ces côtes mifes hors de rang appartiennent au veau principal, parce qu'elles s'articulent aux vertèbres de fon épine immédiatement au deflous de Ja bifurcation, les autres côtes du demi-veau paroïflent articulées fort irrégulièrement au deflous de cette mème bifurcation, & font mal conformées. " ESSAIS DES S crE"N c'E’s 41 RSS ACT SUR LA CONSERVATION DES GRAINS Et en particulier du Froment. Par M. Du HAMEL. Lu plüpart des Grains fervent à faire du pain qui eft 41 l'aliment le plus néceffaire à la vie, ainfi de quelque nature qu'ils foient, eur confervation eft précieufe. Les habitans des villes ne connoïffent prefque que le pain de froment, & les riches fouffriroient beaucoup f1 celui de fine fleur leur manquoit; mais il y a des provinces entières qui ne vivent que de pain fait avec du feigle, de l'orge & du farrafin, même dans les années de difette les payfans fe trouvent séduits à fe nourrir d'avoine, de millet, de pois, de fèves, & d’autres graines légumineufes. Ces mêmes grains qui, dans quelques provinces, ne fervent pas à faire du pain, n’y font cependant pas moins nécef- faires pour la nourriture des chevaux, des troupeaux & des volailles. À j C’eft pour fubvenir à ces befoins que Ia plus grande partie des terres eft occupée à la culture des grains de toute efpèce, & les plus eftimées font celles qui peuvent fournir du fro- ment, parce qu'entre tous les grains c’eft celui qui fait le meilleur pain, & qui peut feul fuppléer à tous les autres, tant pour la nourriture du bétail que pour l’engrais des vo lailles; c’eft ce qui n'a engagé à choïfir ce grain pour mes expériences. Néanmoins comme tous les grains font expofez » à (ouffrir les mêmes altérations que le froment, comme les mêmes animaux cherchent à les dévorer, les mêmes moyens doivent les défendre & de la voracité des animaux & de la fermentation qui pourroit les endommager. Qui parviendra F Men. 1745: 13 Novemb, 174$ 42 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE ROYALE à bien conferver le bled, fçaura donc ce qui importe à Ia confervation de toute autre efpèce de grain. On peut même dire qu'en commençant par le froment, on s’eft attaché au problème le plus difficile à réfoudre, puifqu'on ne connoît point de grain qui ait autant d'attrait pour Îles animaux, & qui fermente fi aifément. Si l'on jette à des volailles un mélange de bled, d'orge, de feigle, &c. le froment fera choift par préférence, & l'on voit dans les brafleries une preuve de la grande difpofition que le froment a à fermenter, puif- que la bière faite avec l'orge quarrée ou l'efcourgeon fe garde bien mieux que celle qui eft faite avec le froment ; d'ailleurs tous les fermiers conviennent que le froment eft de tous les grains le plus difficile à conferver. Un autre motif m'a engagé à choifir le froment pour mes expériences; ma première idée, quand j'entrepris la re- cherche dont je vais rendre compte, étoit de travailler pour Yutilité de la Marine, tant dans les ports de France où les Munitionnaires ont quelquefois à conferver beaucoup de froment & de légumes, que dans les Colonies qui ne pro- duifant point de ces denrées, font obligées d'en avoir de grands magafins. Mais je fentis bien-tôt que mon travail avoit un objet d'utilité beaucoup plus étendu, qu'il pouvoit mettre en état de prévenir en partie les calamités que les difettes de grain ne manquent pas d'occafionner. Cette confidération augmenta mon émulation, & me détermina à faire des expériences en grand, du moins par comparaïifon à l'état de ma fortune; car j'aurois fouhaité faire mon expérience au moins fur deux mille pieds cubes de bled, au lieu que je ne lai faite que fur cent. Je ne perds pas l'efpérance de me fatisfaire à cet égard, mais ce que je donne aujourd'hui, pourra engager des Procureurs de riches communautés, des Adminiftrateurs de grands hô. pitaux, les Munitionnaires de la Marine ou des Armées de terre, & des particuliers aifez, à fuivre des vües qui tour- neront également au bien de l'Etat & à leur avantage particulier, DES SEUrE NES 43 s Il eft certain que dans les bonnes années fa France pro- ; duit plus de froment qu’il n’en faut pour nourrir fes habitans, | le vil prix où tombe ce grain quand deux ou trois années d'abondance fe fuccèdent, prouve cette vérité. II fembleroit fuivre de-fà que la France ne devroit jamaïs éprouver de difette, puifque les abondantes récoltes devroient fubvenir aux befoins que les mauvaifes occafionnent. L'expérience eft contraire, & on voit qu'une feule mauvaïfe récolte fait monter le froment à un prix exorbitant. En 1739 un fac de bled tenant trois mines mefure de Pluviers, & pefant 240 livres, coûtoit environ quinze livres, & après Ja foible récolte de 1740, la même quantité de bled monta à trente- cinq livres. Le prix du bled varie quelquefois d’une façon encore plus fenfible, je me contenterai d'en rapporter un exemple; en 1708 le fac de bled ne fe vendoit à Pluviers que cinq à fix livres, quand on fcut que la gelée avoit fait périr les bleds en terre, la même quantité valoit cinquante à foixante livres: d’où vient ce changement fubit dans lé prix du bled? Je crois en apercevoir plufieurs raifons. 1° Les fermiers qui aperçoivent fenfiblement qu'ils per- dent fur le bled qu'ils vendent, & qu'ils ont plus de profit à élever des volailles, à engraïffer des porcs & à faire mieux valoir leurs troupeaux ; ces fermiers, dis-je, n'épargnént pas leurs grains pour fe procurer l'avantage qu’ils trouvent de ce côté-là. 2° Des particuliers qui font négoce d'engraiffér des vo- , lailles, augmentent leur commerce & font une grande con- » - fommation de grain. À 3° Beaucoup de gens peu opulens mangent dans les temps d'abondance du pain de pur froment, au lieu que quand il éft cher ïls vivent en partie d’autres grains; en un mot, le bon marché du froment en augmente beaucoup la confom- mation, & c'eft autant de ce grain précieux qui ne fe trouve plus dans les années où les récoltes font mauvaifes. "4° Quend fe bled enchérit, bien des particuliers qui craignent d'en manquer, én font de petites provifions qui Fi » 44 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE font un peu augmenter le prix du bled, mais ce n'eft pas un grand mal pour l'Etat, c'eft autant de citoyens qui ne vivent plus du bled qu'on porte enfuite au marché. s° Enfin quand le Miniftère eft informé que les fermiers ne tirant aucun profit de leur récolte, ne peuvent ni payer les fubfides, ni fournir aux dépenfes qui font néceffaires pour faire valoir leurs terres; le Miniflère, dis-je, permet qu’on fafle fortir des bleds du royaume, ce qui produit un grand bien quand il vient enfuite des récoltes abondantes, mais fi elles font mauvaifes la famine eft prefque inévitable. À Paris on ne fonge guère à la plüpart de ces caufes de difette, on a coûtume de s’en prendre à ceux qui font des magafins de bled. Je ne nie pas que l'avarice, ce vice fr commun parmi les hommes, n'en porte plufieurs à conferver leur bled lorfqu'il eft cher & rare, dans l'efpérance d’un plus grand profit ; mais outre que cette efpèce de manie n’infeéte pas tous les hommes, beaucoup fçavent par expérience que fouvent le prix du bled tombe tout d'un coup, & la crainte d'être privez d'un profit qu'ils ont dans leurs mains, les engage à vuider leurs magafins & à fournir Îles marchés: d'ailleurs la Police ne manque jamais de faire des vifites exactes, & de forcer ceux qui ont des bleds à les porter au marché. I eft donc certain que bien loin de fe plaindre de ceux qui font des magafins de bled dans les années d'abondance, il les faut encourager, & regarder ces tréfors particuliers comme une grande reflource pour l'Etat. H y a peu de fermiers qui puiflent conferver pour les - années de difette les grains qu'ils ont récoltez; preffez pour payer leurs fermages, pour fubvenir à la dépenfe néceffaire de leur ferme, encore plus pour fatisfaire aux fubfides, ils font obligez de vendre dans l’année les bleds qu’ils ont re- cueillis, même au deflous du prix qu’il leur a coûté. Rare- ment ils jouiffent du profit qu'il y a à faire fur les grains, {1 leur récolte a été abondante le bled fe donne pour rien, fi le bled eft cher c'eft parce que Ia récolte a manqué. | 11D ES Nu SCT E NC E: à 45 * Les Seigneurs dans leurs terres confervent quelquefois le bled de leur revenu, mais ce font les gens aifez qui peuvent acheter du bled à bon marché, & le garder jufqu'au temps de difette, qui jouiflent d'un bénéfice qui fembleroit appar- tenir légitimement aux fermiers. N'importe, l'Etat en profite, ces magafns s'ouvrent à propos, & fubviennent aux befoins. Le Miniftère a bien connu l'avantage de ces magafins quand il a ordonné aux grandes Communautés de faire dans les années d'abondance des provifions de bled capables de les faire fubfifter pendant trois ans. Par ce fage réglement, dont on ne peut aflez defirer l'exécution, les communautés bien loin de vuider les marchés dans les années de difette, peuvent y envoyer la moitié de leurs provifions, qui, en leur produifant un intérêt confidérable de leur fonds, fecourent le public. Mais pour conferver dss grains fuivant l’ufage ordinaire, il faut d'immenfes greniers bien fecs & folidement établis, & de la part de ceux qui font chargez de Ia confervation du grain, beaucoup de probité, d'intelligence & d’afiduité, Ï eft à croire que c’eft faute d’être pourvû des édifices né- ceflaires, ou de trouver des gens attentifs, aflidus & intel- ligens, que les magafins ne f font pas autant multipliez qu'on pourroit le defirer. J’efpère par la méthode que je vais propofer, lever tous ces inconvéniens. On fera tenir beaucoup de grain dans un petit efpace, on n'aura point à craindre que le bled sy échauffe, qu’il y fermente; il y fera à l'abri des animaux & des infeétes qui cherchent à s’en nourrir, on n'aura pas même à craindre l'incapacité ni l'infidélité de ceux qui feront employez pour fa confervation, tout cela fans embarras, & moyennant une très-petite dépenfe; mais avant que de pro- poler nos idées, je dois rapporter ce qui fe pratique dans les provinces voifines de Paris pour conferver le bled. Les inconvéniens de cette méthode feront aifez à apercevoir, . & on fera plus en état de fentir les avantages de celle que nous voulons y fubftituer. F ii 46 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Quand on enferme du bled dans un grenier pour l'y conferver long-temps, l'ufage eft de le meitre feulement à 1 8 pouces d'épaifleur ; il eft vrai que quand le bled eft vieux, quand il eft très-fec, quand le grenier eft exempt de toute humidité, & que les poutres font en état d’en foûtenir le poids, on peut augmenter cette épaiïfleur. Maïs comme il faut s'arrêter à quelque chofe de fixe, je choifis cette hauteur pour me conformer à ce qui fe pratique le plus communé- ment dans les grands magafins. Pour que le bled ne porte pas contre les murs, on a coûtume de laifier tout autour du tas un trotoir qui à environ 2 pieds de largeur, en éloignant ainfi le bled des murs on empèche qu'il ne coule & qu'il ne fe perde par les fentes qui fe font néceflairement avec le plancher, on l’écarte des trous que font les rats & les fouris, on empêche qu’il ne fe mêle avec le bled beaucoup d’ordures qui tombent principalement de ces endroits, on éloigne le bled de l'humidité qui tranfpire ordinairement des murailles, où qui y coule plus fouvent qu'ailleurs par les défauts de la couverture; enfin le bled en eft plus expofé à Yair, & on fe ménage un paflage pour vaquer à fon entre- tien. C’eft un ufage généralement obfervé, qui probablement a paru néceflaire. Le bled étant ainfi écarté des murs, les bords du tas forment néceflairement un talus, l'efpace qu'occupe ce talus contient moitié moins de bled que fi les bords du tas étoient à plomb, & c’eft encore environ un pied de largeur qui eft perdu tout autour du grenier ; enfin il faut laïffer à un des bouts du grenier un efpace pour remuer le grain : tout cela diminue beaucoup l'enrplacement du grenier, & pour rendre k chofe plus fenfible, je vais rapporter un exemple. Je choifis pour cela un de nos greniers qui a 63 pieds de longueur fur 21 de largeur, ce qui fait 1323 pieds de fuperficie, il en faut retrancher pour le trotoir & le talus au“ moins 3 pieds de chaque côté, ce qui fait 6 pieds de largeur dans toute la longueur du grenier, ou 378 pieds quarrez, qui étant retranchez de 1323 pieds qui faïloient ñ D pis "$"e TVE NC Es 47 la fuperficie entière de notre grenier, il ne refle plus que 945 pieds, fur quoi il faut encore retrancher au moins 45 pieds pour l'efpace qui eft néceflaire pour remuer le grain, & le trotoir qui doit refter à l’autre bout du grenier: on ne peut donc compter que fur 900 pieds quarrez d'emplace- ment pour mettre le grain, c'eft de quoi contenir 1 3 $ o pieds cubes de bled, ou environ 900 mines mefure de Pluviers, qui peferoient 72 milliers. On peut juger par cet exemple, de limmenfité des bâti- mens qu'il faudroit pour former de grands magafins de bleds, & des fonds énormes qui feroient néceflaires pour en établir; le bâtiment que lon appelle à Lyon Les greniers de l'abon- dance, en fournit encore une preuve. Il feroit donc avantageux de pouvoir renfermer une grande quantité de grain dans un lieu moins fpacieux. Nous ferons voir dans la fuite que cela eft très-poffible. Le bled, quoique fec en apparence, contient beaucoup d'humidité, j'ai mis de beau bled nouveau dans des bouteilles de verre bien bouchées, l'humidité qui s’en eft échappée a paru aux parois intérieures des bouteilles, & le bled s’eft moifi. Jai pefé ces vacances dernières une quantité de bled de la dernière récolte, je l'ai expofé pendant douze heures à la chaleur d’une étuve où j'ai fait monter la liqueur du thermomètre de M. de Reaumur à $o degrés au deflus de zéro, il y a perdu un huitième de fon poids, & cependant ce bled n'étoit que defléché, puifqu'en ayant mis en terre il a germé. L'année dernière 1744, je mis pareillement dans une étuve: du bled nouveau avec du bled de la récolte de 1742, ayant échauffé l'étuve jufqu’à faire monter la liqueur du thermomètre de M. de Reaumur à 38 degrés au deflus de zéro, ce qui fait 8 degrés de plus que Îa chaleur de nos étés les plus chauds, les deux efpèces de bleds que nous avions mis en expérience, … fe trouvèrent diminuez au bout de vingt-quatre heures, l’un & l'autre d’un trente-deuxième; on les remit à l'étuve qu'on échauffa fuflifamment pour faire monter le thermomètre à 48 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE s 1 degrés au deflus de zéro, & vingt-quatre heures après les deux efpèces de bled avoient diminué à très-peu de chofe rès d’un feizième. If eft bon de remarquer qu'indépendam- ment du bled dont je connoiflois le poids, j'en avois mis tant du vieux que du nouveau une petite quantité à part, pour éprouver à quel degré de chaleur ils perdroient la pro- priété de germer; j'en femai qui avoit éprouvé 1 2 degrés + de chaleur, d'autre qui avoit éprouvé 38 degrés, & d’autre qui avoit éprouvé $ 1 degrés, dans tous ces cas le nouveau leva, mais le vieux ne parut point. Quelque chaleur qu'il fafle pendant la moiflon, on re- marque conftamment que les gerbes du deflus du tas font plus difficiles à battre que celles du deffous, ce qui vient des vapeurs humides qui s'en élèvent. Si lon met dans un grenier un gros monceau de bled, & qu'on foit long-temps fans le remuer, fi feulement on en emplit une futaille, on fent au bout de quelque temps en fourrant la main dans le bled ainfi amoncelé, une chaleur plus ou moins confidérable & une légère humidité, quelque temps après il prend une odeur vineufe qui enfuite devient aigre, & enfin il fent le moifi; en un mot ce bled fermente, il n'eft plus propre à faire du pain, quelquefois même les volailles n’en veulent plus. C'eft pour éviter cette fermentation qu'on met le bled dans les greniers, feulement à 1 8 pouces d'épaifieur, & qu’on le remue fréquemment. Comme cette année le bled a été nourri d'humidité, & w’il a beaucoup plu pendant la moiflon, on eft obligé de remuer le bled nouveau tous les trois ou quatre jours; mais quand les bleds font de bonne qualité & qu'on leur a fait pañfer la première année, il fuft de les remuer une fois par mois; quelques-uns feulement les font remuer tous les quinze jours dans les mois de Mai, Juin, Juillet & Août. Voilà des frais & une attention qui ne laïffent pas d’être à charge, fur-tout pendant l'été où l’on a bien d’autres occu- pations à la campagne; néanmoins il faut que le propriétaire alt PS CE ar TC Lg ” té mm —, 3 DES SCIENCES. 9 ait l'œil fur fes ouvriers, car indépendamment de la fraude qu'il auroit à craindre, fur-tout quand le bled eft cher, fou- vent les ouvriers fe contenteroient de remuer le deflus du tas, & le bled qu'on croiroit avoir été remué ne le feroit effectivement pas, és. + Qui fçauroit épargner. ces frais &. ces foins, rendroit la -confervation des bleds beaucoup plus aifée, c'eft ce que nous efpérons indiquer dans la fuite de ce Mémoire. Le bled ne fert pas feulement d’aliment aux hommes, bien des animaux s'en accommodent & en font mémé fin- gulièrement friands. On n’ignore pas le défordre que caufent dans les greniers les rats, les fouris & les oifeaux, mais if femble poffible de mettre les bleds à couvert de ces animaux: äl faut, dit-on, bien fermer les paflages, tendre: des pièges, leur préfenter des alimens empoifonnez; on emploie ces moyens fans pouvoir fe garantir du pillage de ces animaux qui, indépendamment du bled dont ils fe nourriffent, occa- fionnent encore beaucoup de déchet par les trous qu’ils font, dans lefquels le bled coule & fe perd. Si le fermier ménage des paflages pour les chats, les volailles en profitent, &.les chats contribuent eux-mêmes au déchet par leur excrément -qui forme des mottes de bled infecté. , « «Nous aurons donc travaillé utilement; fi fans le fecours des chats & fans employer ni appas empoifonnez, ni pièges, nous fommes parvenus à n'avoir rien à craindre de ces animaux. Un des plus grands obfacles à Ia confervation des bleds, ce font les infeétes qui s'en nourriffent, les deux principaux font les charançons & les tignes. Combien de fois a-t-on go MEMOIRES DE L'ACADEMIÉ RoyALE cuivre qu'on met fous le crible ; mais cette opération, qui ne fait que diminuer le mal, eft longue & difpendieufe, au lien que nous efpérons être en état de propofer des moyens par éfquels on n'aura rien à craindre d'aucune efpèce d'infectes, & qüin'occafionneront ni frais ni embarras. ‘s'agit donc pour rendre la confervation du bled plus aifée, 1° d'en renfermer une grande quantité dans un petit emplacement; 2° de faire en forte qu'il ne s’y échauffe pas, qu'il n’y fermente pas, qu'il n’y contracte pas un mauvais goût; 3° dele garantir de la rapine des oifeaux, des rats, des fouris, fans l’expoler à être endommagé par les chats ; 4° enfin de le préferver des mites, des tignes, des charençôns & de toute autre efpèce d’infecte, & tout cela fans frais, fans embarras : voyons f on peut fatisfaire à ces befoins, & rapportons fes expériencés qué nous avons faites à ce fujet. Nous avons fait faire avec des planches de chêne de deux pouces d'épaiffeur un petit grenier, où une grande caifle qui formoit un cube d'environ cinq pieds de côté; à fix pouces du fond où du plancher de ce petit grenier nous avons fait placer für des lambourdes de cinq pouces d'épaifleur un fe- cond fond de grillage ou de‘caïllebotis, fur ce grillage nous avons fait étendre une forte toile de canevas , & le petit grenier a été rempli comble avec'de bon froment ; il en a contenu un peu plus de o 4 pieds cubes, ou environ 63 mines mefure de Pluviers, pefant $o40 livrés. Avant que d'aller plus loin , l eft bon de faire remarquer que dans un pareil grenier qui feroït un cube de 12 pieds de côté, il tiendroït 1728 pieds cubes de bled, pendant que dans le grenier qui nous a fervi d'exemple au commence- ment de ce Mémoire, qui a 1323 pieds quarrez de fuper- ficie, il ne peut tenir, en fuivant la méthode ordinaire, que 1350 pieds cubes de bled. Voilà une grande économie fur l'étendue des greniers & fur la dépenle: qu'il faudroit pour en établir, puifqu'avec ‘douze à quinze cens livres je puis faire un pareil grenier tès-boh &ctrès-folide, revêtu intérieurement de briques on Le ‘fe DES SCIENCES gr de pierres de taille, qui auroit dans œuvre 1 $ pieds en quarré Hur x 2 pieds de hauteur; ce grenier contiendroit 2700 pieds “cubes de bled, au lieu qu'un grenier fait à fordinaire pour contenir cettemême quantité, coûteroit plus de quinze à dix- huit mille livres. Nous avons donc fatisfait à la première con- dition, qui confifte à faire tenir beaucoup de bled dans un “petit efpace, & à beaucoup épargner fur les frais de conftruc- tion des greniers : reprenons la fuite de notre expérience. Le petit grenier étant rempli comble de grain, on 1e ferma exactement avec un plancher de bonnes membrures de chêne qui joïgnoient affez exactement, pour que les rats & les fouris n’y püflent pafler, pas même les moindres infectes; on ménagéa feulement en plufieurs endroits des foti- - ‘piraux qui fermoient exactement avec de bonnes trappes: ot rlera dans la fuite de lufage de ces ouvertures. . = Voilà notre bled renfermé dans un petit efpace, & par- faitement à l'abri des rats, des fouris, des oifeaux , des vo- dailles, & même des infeétes , fuppofé qu'il n’y en eût ni dans le grenier, ni dans Îe grain qu’on y a mis; fi on craignoit qu'il y en eût, nous efpérons donner dans Îa fuite des “moyens pour les détruire, mais auparavant il faut rapporter les précautions que nous avons prifes pour empêcher qu'il ne fe corrompe étant ainfr exactement renfermé. Nous l'avons déjà dit, il eft à craindre que l'humidité qui s'échappe du bled, n’excite une fermentation dans une ma- tière qui en eft très-fufceptible ; d’ailleurs il na paru que de l'air ainfi enfermé pendant long temps, contracte une mauvaife qualité qui peut-être pourroit altérer le bon grain, mais quelle qu’en foit {a caufe, ileft certain (du moins dans nos provinces ) que le bled renfermé fe gâte en fort peu de temps, nous avons rapporté des expériences qui ne laiflent aucun doute fur cela. I nous étoit donc très-important de trouver un moyen de remédier à cet inconvénient, il falloit de temps en temps renouveller l'air du petit grenier, äl L: | falloit forcer fair qui fe feroit infecté, d'en fortir pour y en _ fire entrer de nouveau, il falloit être maitre d'établir dans Gi 52 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE le grenier un courant d'air qui en pût chaffer l'humidité: c'eft pour produire ces effets que nous avions établi au fond du petit grenier un plancher de grillage fur lequel nous avions étendu un fort canevas. S'il étoit queftion de conf- truire un grenier folide, je mettrois à la place du canevas un treillis de fl de fer femblable à celui des cribles qui nous fervent pour nettoyer le bled, mais il s’agifloit de trouver un moyen de forcer Fair d'entrer entre les deux planchers, & de pénétrer tout le grain, pour fortir par les foupiraux que nous avions laiflez au plancher fupérieur du petit grenier. J'avois bien penfé à des foufflets de forge, mais je ne voulois pas en employer à caufe des cuirs que les rats qui habitent toüjours par préférence les endroits où l'on con- ferve du grain, n'auroient pas manqué de ronger ; cette même raifon m'empêchoit de faire ufage d'un foufflet en courcaillet, ou cylindrique, imaginé par M. T riewald Ingé- nieur du Roy de Suède, pour renouveller l'air du fond de cale des navires, & que M. le Comte de Maurepas avoit fait venir de Suède pour en eflayer l'ufage à la mer. Sur plufieurs vaiffeaux françois on rafraichit le fond de cale avec une manche de toile qui reflemble à une chauffe d’hypocras, cette manche s'élève jufqu'à la hune, & en pré- fentant le bout évafé au vent, l'air fe porte en grande abon- dance jufque dans a cale. J'avois fongé à appliquer une pareille chauffe à mon gre- nier, mais j'appréhendois que leffort du vent ne fût pas capable de traverfer l'épaiffeur du tas du grain ; enfin bien embarraffé dans le choix, j'étois prêt de faire exécuter un foufflet centrifuge ou à moulinet, qui a été perfectionné par M.Téral, & qui eft gravé dans le Recueil des Machines pré- fentées à l Académie. Ce foufflet auroit pü fatisfaire à ce que je defirois, mais dans ce temps M. Hales m'envoya un exem- plaire de fon ouvrage intitulé, le Ventilateur : ce célèbre Phyficien, qui joint à un excellent efprit un defir bien loua- ble de contribuer à tout ce qui peut être utile aux hommes, donne dans l'ouvrage que je viens de citer, la defcription qe D'ES39/0/LEUN cms s3 d'un foufflet très-fimple, qui ne peut être endommagé par ï les rats, qu'on peut exécuter à peu de frais, & qui me parut k préférable à tout autre, parce qu'il eft plus propre à forcer | l'air de fe porter où lon veut. M. Hales propole ce foufflet pour renouveller l'air de l'entre- F pont & de la cale des vaifleaux , des galleries des mines, des alles où il y a beaucoup de malades, des endroits qu'il eft important de deflécher, & enfin il indique une façon de s'en fervir pour la confervation des grains. Les recherches -de M. Hales fur ce point, bien loin de me détourner de fuivre celles que j'avois commencées, m’engagèrent à les continuer avec plus d'ardeur ; la conformité qui {e rencontroit dans mos idées générales, m'affermifloit dans celles que j'avois conçues, & me faifoit même bien préfumer des moyens que je me propolois d'employer pour en faire ufage, quoiqu'ils fuflent très-différens de ce que propole ce célèbre Phyficien. La difpofition de fon grenier ne reflemble point à celui que _ jai employé, M. Hales applique fon foufflet à un grenier ordinaire, & ainfi il ne diminue ni Îes frais d’établifiement, ni l'emplacement des greniers, & fon grain refte expolé à ‘la rapine des animaux & aux autres caufes de dépérifiement dont nous avons parlé, néanmoins Je ne déciderai pas lequel .eft le meilleur. L'ouvrage de M. Hales a été traduit en notre langue par M. de Mours de la Société Royale de Londres, a tout le monde peut le confulter & choifir, je rends compte ï de mes vües, de mes idées, de mes expériences, & rien de plus; j'invite même ceux qui voudront faire ufage de … mes recherches à confulter le Livre de M. Hales, parce que j'ai fupprimé dans ce Mémoire plufieurs chofes que j'y aurois inférées, fi l'ouvrage de M. Hales n'avoit pas paru. Si-tôt que j'eus connoiflance du foufflet de M. Hales, je le fis exécuter, & je lapptiquai à mon grenier. I faut donc s'imaginer un grand foufflet qui prend l'air du dehors, & _ qui le porte entre les deux planchers inférieurs du petit gre- . nier: quand on veut éventer le bled, on ouvre les foupiraux » du deflus du grenier, & des regiftres que j'ai mis au porte ïij ë 54 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE vent des foufflets pour empêcher les rats d'y entrer, on faît agir les foufflets, & le vent traverfe fi puiflamment le bled, qu'il fait fortir de la pouflière par les foupiraux, & même élève des grains de bled jufqu'à un pied de hauteur, quand on ne laifle qu'une petite ouverture, Comme il pourroit être néceflaire d'éventer le grain lorf- __ que l'air eft très-chargé d’humidité, afin, en ce cas, de porter un air fec dans le grenier, j'ai fait bâtir un petit fourneau de brique à 10 ou 12 pieds d'éloignement des fouflets, leurs tuyaux d’afpiration répondent à ce fourneau, dans de- quel on met, quand on le juge à propos, du feu de charbon, alors les foufflets portent dans le grenier un air chaud & fec : ce même fourneau eft deftiné à d’autres ufages dont nous parlerons quand jl fera queftion de faire périr les infeétes, Chaque coup de foufflet fait pafler deux pieds cubes d'air dans le grenier, on peut donner environ 420 coups de foufflet en cinq minutes; ainfi en faifant jouer les foufflets pendant huit heures, ce qui fait une journée ordinaire, il pafle 80640 pieds cubes d'air dans le grenier. Pour fçavoir combien de fois l'air fe renouvelloit dans mon petit grenier, fuppofant qu'on fift agir les foufflets pen- dant huit heures, j'ai d’abord cherché à connoîïtre combien il y avoit d'air entre les grains de bled, pour cela j'ai pris onze mefures de bled vieux que j'ai verfé tout doucement dans un grand vafe de grès qui fe rétrécifloit par en haut pour que l'expérience en fût plus exaéte, j'ai enfuite verfé fuffifamment d'eau pour remplir tous les efpaces qui étoient entre les grains, il en a fallu 4 mefures +, ainfi les efpaces remplis d'air font à ceux remplis de bled, comme 44 eft à 17; mais quand on fuppoferoit qu'il y a un tiers du grenier rempli d’air, ce qui aflurément eft exceffif, on trouveroit encore que l'air fe re- nouvelle plus de 2600 fois dans l'efpace d’une journée ou de huit heures de travail, même en ne faifant agir qu'un foufflet, & maintenant il y en a deux à mon grenier. J'ai quelquefois enfoncé la boule d’un Fhermomètre dans le bled de ce petit grenier quand on faifoit agir les foufflets, p} { D'E‘SP S C1 E NC Er ôn voyoit après deux ou trois minutes da liqueur monter fr Yair extérieur étoit fort chaud, & ‘elle defcendoit fi l'air du dehors étoit très-froïd, ce qui prouve que l'air {e renou- velloit bien vite dans ce grenier. Le bled que j'ai choifi pour mon expérience étoit de bonne qualité, je l'ai fait éventer au plus la valeur de fix jours dans f'efpace d’une année, & je n'ai jamais fait mettre de feu dans le fourneau, ce qui a néanmoins fuff pour lentretenir fi bien, qu'au jugement des connoifleurs il ft auffi-parfait qu'on en puifle trouver. I y avoit plufieurs mois qu’on n'avoit fait agirles fouf- flets, lorfqu'un homme très-expérimenté trouva le bled très- fatistaifant à l'œil & à l'odorat, mais il lui reprochoit de m'avoir pas fa main, c’eft-à-dire, d'être un peu humide : on fit jouer les foufflets l'élpace d’une demi journée, & le bled fe trouva exempt de tout reproche. Cette épreuve a donc eu tout de fuccès qu'on en pouvoit attendre, le bled n'a pas éprouvé la moindre fermentation, il a confervé toute ia bonne qualité qu'il avoit primitive- ment, il a toûüjours été à couvert des animaux qui cherchent à s'en nourrir, & cela fans prefque de foin, de peine ni de dépenfe : il eft vrai que ce grenier eft petit, & qu'il faudroit éventer plus fouvent & avec de plus grands foufflets des gre- niers qui feroient plus grands, mais la dépenfe feroit toüjours ‘proportionnelle à la quantité de grain qu’on auroit à con- Aerver, & fi les magafins étoient fort grands, on pourroit faire jouer les foufflets par un petit moulin à la polonoife, qui, quelque petit qu'il fût, auroit fuffifamment de force pour mettre en mouvement trois ou quatre grands foufflets, alors on feroit maître d'éventer le grain ft fouvent qu'on ‘yvoudroit, & fans frais. - J'ai dit que j'avois reconnu que le bled de a dernière récolte 1745, étoit tellement chargé d'humidité, qu'il devoit perdre un huitième de fon poids pour être réputé fec; la grande quantité d'humidité quece grain contient, fe fait bien connoître quand il a refté quelques jours dans les greniers, 56 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE on Ja fent en fourrant les mains dans le tas, on voit que le plancher a afpiré une partie de cette humidité, & fi on ne Le remuoit pas fréquemment, le bled fe gâteroit. Connoiffant par toutes les raifons que je viens de rap- porter, que ces bleds feroient très-difficiles à conferver, j'ai cru devoir profiter de cette circonflance pour mettre mon grenier à la plus grande épreuve, en eflayant d'y conferver de ce bled humide , c’eft dans cette vüe que j'ai fait faire un fecond grenier tout pareil à celui que j'ai décrit, je l'ai rem- pli de bled nouveau en partie germé , qui étoit extrémement humide,'qui avoit commencé à s’échauffer dans le grenier, & qui y avoit contracté une mauvaife odeur, queje ne puis mieux comparer qu'à celle d'un poulailler qu’on nettoie; je fuis déjà parvenu à lui Ôter la chaleur qu'il avoit, & à difliper en partie fa mauvaife odeur, je le ferai éventer fréquemment, & l'Aca- démie fera informée du fuccès de cette nouvelle expérience. II me refle à rendre compte des expériences que j'ai faites pour détruire les infeétes ; dans cette vüe j'ai fait faire de très-petits greniers qui contiennent feulement quatre pieds cubes de bled, j'y ai renfermé avec le bled les infeétes qu'il eft queftion de détruire, & j'y ai appliqué un petit foufflet: mes premières expériences n'ont pas eu un bon fuccès, j'en ai fait d’autres qui m'en promettent un meilleur, mais plûtôt que d'avancer des chofes hafardées , j'ai cru devoir différer quelque temps à rendre compte à Académie de cette partie de mon travail, & je le fais d'autant plus volontiers qu'il me refte encore bien des chofes à exécuter fur la conferva- tion des grains de toute efpèce : ce que je donne aujourd'hui ne doit donc être regardé que comme le commencement d'un travail plus confidérable que je me propole de fuivre, files dépenfes que je ferai obligé de faire n’y mettent pas un obftacle invincible. Il eff bon d'avertir que ML. du Hamel à continué fes recherches, qu'il a fait conftruire un grand grenier : la fuite de fon travail fe Zrouvera dans les Volumes fuivans. SF SUR … Te S D'E SV SNC'E UE NT GENS 57 SUCRE" NUE TE CAT A NERCITON. PREMIERE PARTIE. De la cryfiallifation du Sel marin. Par M. ROUELLE. ANS le Mémoire que j'ai Iü à l’Académie fur Ja cryftal- lifation des Sels neutres, j'ai divifé la chaleur qui peut être employée pour l'évaporation des diflolutions de ces fels, feulement en trois degrés, & je les aï déterminez par les noms d’évaporation infenfible, d'évaporation moyenne & d'évapo- ration rapide ; mais ayant befoin dans l'hiftoire de la cryftalli- fation du fel marin, d’une plus grande divifion de ces degrés, je les fubdivife chacun en trois termes. Une diflolution de fel marin chargée autant qu’elle le peut être, mife en évaporation , au fecond terme de l'éva- poration moyenne, foit au bain marie, foit au bain de fable, &, fuivant les préceptes de Stahl, dans un vaifleau large, peu élevé, exempt de mouvement, & rempli de façon que la liqueur étant proche de fes bords, puiffe être facilement frappée par l'air froid, on aperçoit bien-tôt à la furface de la liqueur de petits corps qui nagent ; fi on les enlève prompte- . ment lorfqu'ils font à peine fenfibles, par le moyen d'un. morceau de papier gris appliqué à la furface de la liqueur, on voit à la faveur d’une bonne loupe, que ce font de très- petites pyramides creufes, dont la pointe efl tronquée ou quarrée; ces petites pyramides font renverfées & nagent fur la liqueur comme une nacelle, parce qu’elles font creufes, puifque fi on les enfonce avec la pointe d’une aiguille, elles {e précipitent au fond. Ces pyramides par la fuite de l'évaporation prennent des accroiflemens continuels & prompts par leurs bords, il n'eft Mem. 1745: 2 Février 1745: 8 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE pas poffible de faire voir les premiers inftans de la formation de ces cryflaux, puifque les premiers qui deviennent fenfi- bles par la loupe, font déjà des pyramides creufes ; maïs fa manière dont ils croiflent & s’augmentent, qui eft certai- nement la même que celle de leur première formation, étant bien développée, fournira en même temps le méchanifme de cette première flruélure: ces petites pyramides qui nagent, font enfoncées par leur propre poids dans fa liqueur, de manière que leurs bords font placez tant foit peu au deffous du niveau de la liqueur qui forme le Tong de leurs quatre côtés une légère courbure, telle que celle qu'on obferve au- tour d’une aiguille qu'on fait nager fur l'eau, la liqueur ne coulant point dans le creux des pyramides. C'eft de cette fituation des pyramides, & de la manière dont le bord de la liqueur s'applique aux quatre furfaces de leurs extrémités, que dépend tout le méchanifme de l'ac- croiflement de ces cryflaux ou de ces pyramides. En continuant lévaporation l’eau fur-abondante continue à fe diffiper, & il y a en même temps des molécules falines qui deviennent libres à la furface de la liqueur où elles fe réuniflent & forment de nouvelles pyramides, ou elles s’'u- niffent aux pyramides déjà commencées ; elles ne peuvent s'unir aux pyramides qu'aux endroits où le bord de la furface de la liqueur touche les bords des pyramides, ces nouvelles molécules en s’'uniffant aux bords de ces pyramides, fuivent l'alignement que leur trace le bord de la liqueur, auffi s'unif- fent-elles fur les bords de ces pyramides, & comme la figure la plus fimple de ces molécules eft cubique, elles forment une fuite de petits cubes qui font placez les uns près des autres parallèlement aux bords des pyramides, & qui, pris tous enfemble, forment un prifme quadrangulaire, quatre prifmes fe forment en mème temps fur les quatre extrémités des pyramides, & ils fe réuniflent à angles droits à l'endroit des angles des pyramides mêmes. Les pyramides ainfr augmentées par ces quatre nouveaux prifmes, continuent de nager, mais elles defcendent un peu DNENSNNS:CUTEIN Cr'S plus bas dans la liqueur, & la liqueur par fes bords continue de s'appliquer aux furfaces des nouveaux prifmes ; de nou- velles molécules falines libres s'appliquent fur les furfaces de ces prifmes, & y forment une nouvelle fuite de petits cubes de nouveaux prifmes ; enfin ces cryftaux par la fuite de l'éva- poration, prennent de nouveaux accroiflemens par la for- mation de nouveaux prifmes qui font placez les uns fur les autres en faillant un peu en dehors, de manière que ces cryftaux font creux dans la fituation dans laquelle ils fe for- ment, ils s'élargifient depuis leur fond jufqu'à leurs bords, ce font des pyramides creules renverfées, peu exhauffées, dont les bafes font larges & les pointes tronquées, & qui font formées par une quantité de prifmes quadrangulaires de diffé- rentes longueurs, pofez les uns fur les autres en fe touchant par leurs extrémités à angles droits. H eft facile de voir par ce léger détail fur l'accroiffement de ces pyramides, que leur première formation eft l'ouvrage du même méchanifme, & que le fondement ou la bafe fur laquelle ces petites pyramides {e font formées, eft un cube, puilque leurs pointes font quarrées: on fçait que les parties du fel marin qu’on a brifées, font toutes de figures cubiques, ce qui eft très-fenfible dans les parois minces de ces pyra- mides, qui fe caflent non feulement fuivant la direction de leurs prifmes, mais ces prifmes mêmes fe caflent en cubes; ainfi les premières unions du fel marin étant cubiques, il eft néceflaire que ces pyramides commencent par un cube. : Il fufhit donc pour commencer cette conftruétion des pyra- mides, que les premières unions falines cubiques reftent affez de temps à la furface de la liqueur pour que leurs furfaces fupérieures fe defsèchent, que l'air leur adhère, & que par ce nouveau fecours elles puiffent nager; l’adhérence de l'air au corps eft très-connue en Phyfique par les Ecrits de plu- fieurs fçavans Phyficiens, & particulièrement par un Mé- moire de M. Petit le Médecin, qui eft dans les Mémoires de —_ l'Académie de l'année 1 731, dans lequel M. Petit a fait voir - Jadhérence de l'air à un très- grand nombre de corps, & H ij * Traité du Soufre, 6o MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE particulièrement aux fels, ainfi cette vérité n’a point befoin de nouvelles preuves. Le petit cube primitif qui nage à la faveur de l'air qui lui adhère, étant fpécifiquement plus pefant que la liqueur, eft enfoncé un peu au deflous du niveau de fa furface, & le bord de cette liqueur touche à fa furface le long de ces quatre côtés, & y forme une légère courbure; les nouvelles molécules falines qui font libres à la furface de la liqueur, ne peuvent s'unir à ce cube primitif qu’au bord de la liqueur; elles doivent donc former fur les bords de la furface de ce cube une fuite de petits cubes, & par conféquent des prifmes quadrangulaires, de même qu'il s'en eft formé fur les bords d’une pyramide déjà confidérable, puifque tout eft égal : ce cube ainfi augmenté par ces nouvelles additions, ne nage pas feulement à la faveur de l'air qui lui adhère, mais encore parce qu'il eft creux ; par de nouvelles augmentations cette pyramide devient bien-tôt très-fenfible. Le premier des Phyficiens & des Chymiftes qui me paroït avoir connu la deffication comme caufe de la formation de ces cryftaux, eft Stahl *, il a même obfervé qu'ils étoient formez par une multitude de petits cubes, mais il n’a rien dit de plus fur le méchanifme de leur formation. Ï s’agit préfentement de faire voir pourquoi les prifmes qui forment ces pyramides renverfées, font placez les uns fur les autres en faillant en dehors, & pourquoi ils n’ont pas une pofñition plus à plomb. C’eft de l'étendue des furfaces des prifmes qui eft cou- verte par le bord de la liqueur, & de l'adhérence de l'air à Jautre portion de cette furface, que dépend la faïllie de ces prifmes les uns fur les autres. Un cryflal en pyramide nage, comme je viens de le faire voir, de façon que le bord de Ja liqueur touche la furface fupérieure des prifmes, cette furface n'eft pas entièrement couverte par la liqueur, mais peu s'en faut ; l'autre portion qui touche aux angles intérieurs des prifmes eft à nud , elle eft defléchée, & l'air lui adhère : la liqueur qui eft ainfi fur DE? SUIS GNT EUNNCNENS l\' 6 cette grande portion de la furface des prifmes eft fi mince, que les bords du cryflal paroiflent prefque de niveau avec la liqueur, les nouveaux petits cubes qui fe forment & s’uniflent fur cette furface fuivant toûjours la direétion du bord de la liqueur, & comune elle ne couvre pas toute la furface des prifmes, auffi forment-ils en s’uniflant, de nouveaux prifmes qui faillent en dehors fur les anciens; cela eft même fi certain que f1 on fait en forte que Ja liqueur couvre toute la furface des prifmes, les nouveaux qui fe formeront, feront placez fur les bords à plomb ou en faillant très-peu, ce que je ferai voir dans la fuite, ayant befoin d’autres faits qui ne font pas. encore examinez. Toutes les pyramides formées par le fecond terme de: l'évaporation, ne reflent pas à la furface de la liqueur, il y en a beaucoup qui fe précipitent au fond, parce que la liqueur coule dans leurs creux, foit que cela arrive par le mouvement du vaïfleau ou celui de la furface de la liqueur, ou que d’au- tres pyramides venant à fe joindre à {eurs bords, les faffent pencher, ou, ce qui eft le plus fréquent, parce qu'il ya quelques endroits des furfaces des prifmes qui ne fe defsè-: chent pas aflez pour que Fair y adhère & que la liqueur coule par à, ou parce que dans la formation de leurs prifmes. il eft arrivé quelque défaut, alors les cubes ne fe joignant pas exactement, laiflent des interftices par lefquels La liqueur coule, ou enfin parce que ces pyramides fe heurtent les unes: les autres. 5 I! fe forme continuellement de nouvelles pyramides, en: même temps que celles qui font déjà formées prennent des accroiffemens ; en peu de temps la furface de la liqueur en eft couverte, & elles fe réunifient toutes enfemble par une pellicule qui paroît égale, & qui eft formée par une multitude de petites pyramides, telles que celles qu’on aperçoit les pre- mières à la furface de la liqueur dans les commencemens de l'évaporation ; alors toute la furface eft couverte d’une croûte: faline remplie d’une quantité d’enfoncemens quadrangulaires: & coniques, qui font les creux des grandes pyramides. H üij 62 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE I eft facile de voir par la formation de cette pellicule, l'erreur de M. Gulielmini dans fa Diflertation fur les Sels ; cet Auteur a imaginé que ces enfoncemens de la pellicule font formez par la réunion des fragmens de la pellicule même; il a été trompé fans doute, parce qu'il n'a oblervé cette cryf- tallifation que lorfque la pellicule a été formée, & qu'il a vû par la continuation de l'évaporation, cette pellicule fe fendre en plufieurs endroits, forcée par l'expanfion & la raréfac- tion de l'air & de l'eau qui lélèvent ; ces fraétures fe font rarement aux grandes pyramides, elles fe font le plus fouvent à la pellicule perpendiculairement aux quatre côtés des py- ramides, de manière que les pièces de la pellicule reftent par un bout unies à la pyramide : dans cet état la pyramide devenue un peu libre, & ayant acquis de la pefanteur, fe plonge un peu plus bas dans la liqueur, & par-R les extré- mités des fragmens de la pellicule s'élèvent un peu, & bien- tôt ils font rejoints & réunis par la formation d’une nou- velle pellicule, alors ils paroiflent former des efpèces de bandes ou de rayons, dont la pofition eft dirigée vers le centre de la pyramide ; mais il eft très-facile de diftinguer cette efpèce de faux accroiflement des pyramides, d'avec celui qui eft réel. Lorfque je veux avoir des pyramides confidérables, je choifis toûjours le fecond terme de l'évaporation moyenne, & comme les obftacles des accroiflemens des pyramides font caufez parce qu'elles fe précipitent, & qu'il fe forme à la furface de la liqueur une pellicule, j'ai tâché de les éviter en précipitant un grand nombre de pyramides avec une aiguille ou une paille, & n’en confervant à la furface de Îa diflolution qu'un petit nombre, ayant foin de précipiter de même les nouvelles qui fe forment, de peur qu’elles ne s'uniflent à celles que je conferve ; en empèchant ainfi leur chûte, leur union avec d’autres, & retardant un peu la for- mation de la pellicule, je les ai confidérables, J'ai encore réuffi à les augmenter de nouveau en les tranfportant fur une autre diflolution, à la furface de laquelle des pyramides D'E:S MS/ €\T EN CES 63 commencoient à fe former, & dont par conféquent la fur- face n’étoit pas encore chargée d'un gränd nombre de molé- cules falines libres, par ce moyen elles ont pris un nouvel accroiflement, & j'en ai eu de plus grandes; mais comme leurs parois font très-minces, & que par conféquent elles font très-fragiles, il eft prefque impoffible de les tranfporter plufieurs fois d’une liqueur fur une autre fans les brifer, aufit de plufieurs il n'y en a que quelques-unes qui réuflifient, c'eft ce qui m'a privé du plaifir de voir jufqu’où on pouvoit ouffer leur accroïffement : les paroïs de ces pyramides faites par le fécond terme de Févaporation moyenne, font ff minces qu'il eft prefque impoflble de les conferver fans les caffer ; les prifmes qui compofent leurs parois font fi petits qu'ils forment par leur union une lame égale, à peine leurs angles faillans font-ils fenfibles, ils ne paroiffent que comme des lignes tracées fur cette lame faline. Toutes les pyramides, foit celles qui nagent feules à Ia furface de la liqueur, foit celles qui font unies par une pelli- cule, foit celles qui font précipitées, prennent une légère augmentation par leurs parois & par leurs pointes, c’eft ce que j'ai connu en les changeant de liqueur pour les faire augmenter ; la partie de la première cryftallifation ayant ac- quis plus de confiftance & de fermeté qu’elle n’avoit aupara- vant, & que n'avoit la partie qui venoit de fe former dans la feconde liqueur, cette augmentation eft bien peu de chofe; cependant les prifmes qui les forment paroiffent davantage, le cube qui forme la pointe eft tant foit peu plus gros, & fouvent les angles de ces pyramides font relevez par une file de petits cubes qui forment une moulure faïllante : il eft poffible d'augmenter les parois de ces pyramides, & de les rendre très-épaifles en leur faifant prendre de augmentation, foit extérieurement, foit en dedans; c’eft ce que je ferai voir lors de l'examen du premier terme de l’évaporation moyenne, & des effets de l’évaporation infenfible.. Le troifième terme de l’évaporation moyenne eft peu pro- pre pour avoir des pyramides confidérables, il eff trop vif:. 64 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE une diflolution de fel marin échauffée à ce terme, & dont on a féparé les cryflaux & la pellicule qui fe font formez pendant le temps qu'elle a acquis ce degré de chaleur, donne à fa furface tout-à-la fois un grand nombre de pyramides, & il s’en forme continuellement de nouvelles ; à peine celles qui font formées les premières ont-elles le temps de prendre quelqu’accroiflement, qu'elles font unies enfemble par une multitude d’autres petites pyramides qui forment une pelli- cule qui couvre totalement la liqueur, & elle eft parfemée d'un grand nombre d’enfoncemens coniques & quadrangu- laires, qui font les creux des grandes pyramides : par la fuite de l'évaporation cette pellicule fe fend & fe rejoint, comme je l'ai déjà obfervé, ou elle fe brife en morceaux qui fe pré- cipitent au fond de la liqueur, & il fe forme fur le champ d’autres pyramides & une nouvelle pellicule ; ces pyramides m'ont toûjours paru prendre par leurs pointes & leurs parois, moins d'augmentation que celles du fecond terme de la même évaporation. On voit par ce qui fe pañle à ce troifième terme de l'éva- poration moyenne, ce qu'on doit attendre de l'évaporation rapide, il n’y a qu'une légère différence entre les grandeurs des pyramides qui font formées par les trois termes de cette évaporation, ainfi il feroit très-inutile de s’y arrêter; je ferai feulement quelques obfervations fur les effets du troifième terme de l'ébullition, & fur ce qui a échappé à M. Petit le Médecin; dans fon Mémoire fur la féparation du Sel marin d'avec le Salpêtre. Une diflolution de Sel marin mife en ébullition donne tout d’un coup une pellicule égale, formée par une infinité de petites pyramides, elle occupe la furface de la liqueur où il n'y a point de bouillons : fi on précipite cetté pellicule, il s’en reforme une nouvelle prefque dans l'infiant même. Si on enlève avec un papier les petites pyramides dès qu'elles commencent à paroître, après que la pellicule a été précipitée, & qu'on les examine à la loupe, elles font par- faitement pyramidales, & leurs pointes font formées par un cube ; D'E s/S c1,E Nc! ENS 6 cube ; au bord de la pellicule où les bouillons de {a liqueur viennent finir, on voit des pyramides fe former continuelle- ment & fe précipiter ; {a promptitude avec laquelle elles fe forment & fe précipitent, eft étonnante, cependant elles na- gent un inftant. Ces pyramides précipitées & celles qui forment [a pelli- cule, ne m'ont point paru prendre une augmentation fenfible par leurs parois, en faifant cette cryflallifation avec cinq à fix pintes de difflolution, comme je l'ai faite; il eft cependant certain qu'avec une beaucoup plus grande quantité de diflo- lution elles en prennent, ce qui eft très-fenfible dans Îa fabrique du falpêtre chez les Salpêtriers & à l'Arfenal, où fait bouillir à la fois plufieurs centaines de pintes de dif- ution. - On fçait que pour raffiner le falpêtre & en féparer le fel marin qu'il contient, on fait bouillir une grande quantité de ce fel, il fe forme à la furface une pellicule, c'eft le {el marin mêlé au falpêtre qui forme cette pellicule ; ce qui arrive, parce que, comme on le fçait, le fel marin diflout ne peut point être évaporé qu'il ne cryflallife aufhi-tôt à la fur- face de fa diflolution, pendant que le falpêtre fouffre une forte évaporation fans fe cryftallifer; ainft le fel marin par a continuation de l'ébullition donne fans cefle une pelli- - cule qui fe précipite au fond de la chaudière, & forme ce que les ouvriers appellent / grain : il fe pale dans cette ébullition en grand les mêmes chofes que dans celle qui fe fait en petit, il y a feulement une différence dans la première, qui vient de la grande quantité de Ia liqueur. - Les pyramides falines qui fe précipitent dans cette grande quantité de diflolution, ne tombent pas tout d’un coup au fond de Ja chaudière par leur propre poids, étant légères elles font foütenues & portées pendant quelque temps dans la liqueur, & elles prennent de nouveaux accroiflemens par “ les molécules falines qui s'uniffent à leur furface, & qui - augmentent non feulement leurs pointes, mais rempliffent » aufhi leurs creux, & les changent en des cubes plus ou moins Mem, 1745: 66 MEMOIRES DE L'AÂACADEMIE ROYALE parfaits ; ainfi Le grain dans la fabrique du falpêtre, eft formé par un amas de fragmens de pyramides du fel marin, ou par des pyramides entières qui ont pris de l'augmentation par une fuite de la cryftallifation, & non pas, comme fa cru M. Petit, que ces grains foient des cubes de {el marin dont lés angles fe font ufez par le frottement. Je ne nvarrêterai point à parler de la cryftallifation du fel marin faite par le refroidiffement, parce qu’il ne donne point de cryftaux, ou le peu qu'on en obtient, eft plûtôt le produit de l'évaporation qui s'eft faite lors du refroidifie- ment, que celui des parties falines mifes en liberté par l’éva- poration forte. Ayant examiné les effets du fecond & du troifième termes de l’'évaporation moyenne, & même ceux de l'évaporation rapide, il s’agit de fuivre ceux du premier terme, Au premier terme de l'évaporation moyenne il fe forme à la furface d’une diffolution de fel marin des cryftaux qui, dès qu'ils peuvent être fenfibles à la loupe, font des pyra- mides; ces pyramides ne prennent pas un accroiflement auffi prompt que celles qui ont été formées par le fecond & le troifième terme de la même évaporation, parce que dans ce remier terme la quantité de molécules falines qui devien- nent libres à la fois, eft moindre, y ajoütant peu de parties d’eau fur-abondantes à la cryflallifation, qui s'évaporent en mème temps ; il n'y a auflr qu'un petit nombre de pyra- mides qui fe forment en même temps à la furface de cette diflolution, non feulement parce qu'il y a peu de molécules falines libres à la fois, mais encore parce que dans ce peu il y en a une grande partie qui font reportées dans {a maffe de Ja liqueur, n'ayant pas été aflez tôt defléchées par la cha- leur foible de l'évaporation, pour que Fair leur adhère & les fafle nager. Les molécules falines libres auxquelles Pair n’a point ad- héré, font entraïnées dans la liqueur, {a chaleur de ce premier terme étant foible, le mouvement de fa liqueur left de même, & les molécules falines qu'elle foûtient, font peu müûes Ê | Î | : | DES SCIENCES, … 6 & peu agitées, par conféquent elles font très- difpofées à former des unions ; aufi s'uniflent-elles en beaucoup plus grande quantité aux cubes qui forment les pointes des py- ramides qui nagent, & à leurs parois, qu'elles ne s’uniffent à la furface de fa liqueur pour y former de nouvelles pyra- mides : ce qui démontre que cela fe pafle ainfi, c'eft que Î on examine de nouveau les pyramides lorfqu’elles ont acquis une grandeur fenfible aux yeux, on s'aperçoit que les cubes qui forment leurs pointes, font beaucoup plus confi- dérables que ceux des pyramides d’une égale grandeur, for- F mées par le fecond terme de la même évaporation, & que le leurs parois font également plus épaifles, les prifines qui les L forment étant fenfibles & très-faillans. Ces pyramides prennent donc un accroiflement par leurs 4: pointes & par leurs parois, de même que celles qui ont été formées par de fecond & le troifième terme de la même: \ Évaporation, mais avec cette différence que l'augmentation de celle-ci et} beaucoup, plus confidérable. Dans les autres termes la chaleur eft plus grande, & le mouvement beaucoup plus fort , les molécules falines de- viennent libres à la furface de la liqueur, où elles fe defsè- chent auffi-tôt & y forment des cryftaux , il n’y a qu'un très- petit nombre de ces molécules reportées dans {a mafle de 1a liqueur, auffi ne fournifent-clles qu'une très. foible augmen- tation aux pyramides qui nagent & qui font précipitées. … L'augmentation que les pyramides formées par le premier terme de l'évaporation moyenne prennent par leurs pointes & leurs parois, eft fi confidérable que quoiqu'elles croifient par leurs bords , elles acquièrent un tel poids qu'elles fe pré- cipitent bien-tôt d’elles-mêmes au fond de la liqueur ; c’eft ce qui Îes.empéche de devenir auffi grandes que celles du fecond terme. _ = Les molécules filines libres par l'évaporation, & qui font _ foûtenues dans Ja liqueur à la faveur du mouvement, sunif. . lent aux cubes-des pyramides & à leurs: parois, & comme … Ieurs premières unions font cubiques; elles gardent dans cette F I ÿ 68 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE union la direction des prifmes ; en un mot, elles fuivent entr'elles le même ordre que dans la formation de la pyra- mide même, lorfqu'elles ont pris un léger accroifflement, leurs parois paroiflent formées par des parallélépipèdes qui faillent beaucoup les uns fur les autres. Par le progrès de la cryflallifation le cube primitif de- vient bien-tôt fi confidérable, que la figure extérieure de Ia pyramide eft changée, c'eft un cube ou un prifme quarré, placé fur une portion de la bafe de la pyramide ; par de nou- veaux accroiflemens ce cube groffit, il n'y a plus rien de la pyramide & elle eft entièrement en dehors de figure cubi- que, il n’y a que fon creux qui eft confervé à la furface fupérieure. Toutes les pyramides ne prennent pas ainfi régulièrement leurs accroïffemens, il y a beaucoup d'irrégularité ; ; I yades pyramides qui prennent une telle augmentation que les an- gles des cubes dans lefquels elles font changées, font formez, pendant que les furfaces ne le font pas encore entièrement, alors ces cubes ont leurs furfaces creufées ou évidées. Les pyramides qui fe font précipitées, prennent égale- ment de l'augmentation, leurs creux fe remplifient, & elles deviennent cubiques. Le premier terme de Févaporation moyenne donnant beaucoup plus de parties falines libres, qui font foûtenues dans la liqueur, que le fecond & le troifième terme, n'a fourni les moyens d'augmenter les pyramides formées par le fecond & le troifième terme, & cela en Îles faifant de nou- veau nager ou précipiter dans une diflolution en évaporation à ce premier terme : il eft beaucoup plus facile avec ces grandes pyramides , de voir les différens accroiffemens qui {e font à leurs furfaces, qu'avec les petites pyramides qui groffiffent en même temps qu’elles fe forment; celles-ci font toutes formées, & leur grande étendue fait qu'il y a moins de confufion. C’eft aux cubes primitifs de ces pyramides qu’on fait de nouveau nager, que les premiers accroiflemens fe font plütôt D'ENSUISICANE" NEC ETS 69 entir, ds groffifient confidérablement, enfuite Îes parallélé- pipèdes de leurs parois groffiffent & sallient beaucoup les uns avec les autres ; les angles de ces pyramides augmentent fouvent le plus, & il arrive quelquefois que ces augmenta- tions font telles qu'il paroïît que ce font les extrémités des parallélépipèdes qui fe prolongent un peu au delà des angles des pyramides , & qu'ils fe croifent à angles droits; pour dors la pyramide paroït formée par une quantité de parallélé- pipèdes de différentes longueurs, placez les uns fur les autres en croifant proche leurs extrémités à angles droits, de même qu'on voit les piles de bois d'équarriffage, arrangées dans les chantiers des marchands de bois. Telle eft la figure des cryftaux du fel marin que M. Gaholip a donnée dans les Obfervations des Curieux de la Nature*, fans avoir rien dit de leur formation ; il arrive très-fouvent que les angles des pyramides font embraffez par une fuite de quelques cubes qui forment fur ces angles un boffage très-faillant. Il fe trouve fouvent en même temps fur les paroïs des pyramides, des bouts où des commencemens de parallélé- pipèdes ; il y a encore beaucoup d’autres accidens qui ne font que des fuites d'unions de cubes, & qui ne doivent point arrêter. | Les pyramides qu’on a placées au fond de la liqueur, pren- nent les mêmes augmentations, & leurs creux fe rempliffent, à moins qu'elles ne foient placées fur leur bafe: par la fuite de la cryftallifation ces pyramides prennent des figures cu- biques plus ou moins parfaites, car ces grandes pyramides font les moins propres pour être changées en des cubes'un peu parfaits. Il refle encore une obfervation intéreffante à faire fur les cryftaux formez par le premier terme de l'évaporation moyenne; lorfque ces cryftaux ont pris une augmentation confidérable, que leurs parties inférieures font devenues cu- biques, & qu'ils font près de fe précipiter, alors le bord de la liqueur qui touche la furface de leurs bords les couvre Lü * Tome XIX, 70 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoYALE entièrement , & elle efl un peu élevée, bombée, & comme prête à couler dans leurs creux, parce que le grand poids de ces cryftaux les fait defcendre beaucoup plus au deffous du niveau de la liqueur, que lorfqu'ils étoient plus légers; les nouveaux prifmes qui fe forment pour lors fur leurs bords, ne faillent plus en dehors les uns fur les autres, ils font à plomb, ou peu s'en faut. Il eft donc certain par cette obfervation, que les prifmes des pyramides formées par le fecond & le troifième terme de la même évaporation, font faillans en dehors les uns fur les autres, parce que le bord de la liqueur ne couvre qu'une partie de leur furface, puifque fi elle la couvroit entière- ment, ils feroient placez à plomb les uns fur les autres, ou en faillant très-peu. Cet accroifflemént perpendiculaire de ces pyramides de- vient peu confidérable, parce qu'elles reflent trop peu à fa furfice de la liqueur. Afin qu'il ne reftât aucun doute fur ce fujet, j'ai cherché les moyens de faire prendre à des cryftaux un pareil accroifle- ment très-confidérable ; pour réuflir je n'ai eu qu'a éviter ce qui les fait précipiter fi promptement, c'eft-à-dire, l'aug- mentation qu'ils prennent extérieurement , où par leur fur- face : j'ai donc choifi de ces cryflaux qui nageoient, & qui avoient pris un tel accroiflement. que da liqueur s'élevoit & fe bomboit {ur leurs bords, & je les ai tranfportez & fait nager fur une-autre diffolution en évaporation au fecond terme, afin qu'ils ne püflent prendre de l'accroiflement que par leurs bords; ce terme de l'évaporation ne fourniffant, comme je l'ai fait voir, qu'une très-foible augmentation aux parois des pyramides, la liqueur s'eft élevée far leurs bords, des molécules falines libres s’y font unies, & y ont formé fucceffivement une fuite de prifmes quadrangulaires, pofez les uns fur les autres en faillant très-peu , ou prefque à plomb. LH nfy.a qu'un très-petit nombre de ces cryflaux. qu'on puifle ainfi faire nager de, nouveau, à caufe de leur grand D in 2 Dh ce D'E ls "TSUCAI ENT mis 71 poids , j'ai évité cet embarras par un moyen très-fimple ; comme je tranfporte ces cryftaux fur une autre diflolution échauffée au fecond terme, pour émpècher qu'ils ne saugz mentent par leurs parois , j'ai appliqué àätune difiolution en » , évaporation au prémier terme, & chargée de cryilaux peu confidérables déjà cubiques inférieurement , & fur es bords defquels la liqueur commençoit à s'élever & à fe bomber, la chaleur du fecond terme de la même évaporation; en évitant ainfi de les tranfporter, je deur ai fait prendre un accroïffe- ment confidérable. 15 Ces cryftaux font formez par des prifmes qui font très- peu faillans en dehors, il y en a même qui font tout-à-fait à plomb les uns fur les autres; ces cryftaux font pour lors + des colonnes ou des prifmés quarrez qui font creux. … Il me refle à examiner les effets de l'évaporation infen- fible , qui eft proprement le premier degré de l'évaporation ; elle a fes différens degrés ou termes comme les autres, elle peut être divifée en trois. : Une diflolution de fel marin ne donne pas par l’évapo ration infenfible, des cryftaux à fa furface, c’eft ce qu'une longue fuite d’obfervations m'a fait voir. Je n'ai pas feule- ment tenu des diflolutions en expérience pendant des mois, mais pendant des années entières, en prenant toutes les pré: "= cautions poflibles, en les plaçant dans des lieux différéns & à l'abri du mouvement; j'ai aufli fait en forte que ces diflo- = lutions euffent la chaleur des différens térmes dé cette éva- _ poration, & jamais je n'ai eu des cryftaux qui nagent, Les cryftaux du fel marin fe forment par cette évaporation au fond de Ja liqueur, ils font cubiques, parce que les pre- mières unions falines, ou le cryftal primitif étant cubique, » les molécules nouvelles qui s’y uniffent étant également » cubiques, il doit toûjours réfulter de ces unions des cryflaux * cubiques plus où moins réguliers. . Il y a peu de différence entre les effets des trois termes de cette évaporation , j'ai feulement obfervé que les cryftaux _ qui fonitformez par le troifième terme; font les plus réguliers 72 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE & les plus cubiques, qu'ils font folitaires, bien féparez les uns des autres, au lieu que par le premier terme, qui eft le plus foible, ces cryftaux font applatis, irréguliers & toüjours unis plufieurs enfemble. : Par l'évaporation infenfible les molécules falines devien- nent libres à la furface de la liqueur, comme dans les autres évaporations, mais elles n’y reftent pas de même, parce que la chaleur de l'évaporation eft trop foible, elles ne defsè- chent point leur furface pour que les parties de l'air puiffent y adhérer & les faire nager ; manquant de ce fecours qui leur donne de la légèreté, elles fe précipitent & vont au fond de la liqueur former des unions nouvelles, ou s'unir à celles qui font déjà commencées. Tout ce que j'ai rapporté des effets & des circonftances de l'évaporation moyenne, & particulièrement de fon pre- mier terme, eft une preuve que c’eft le défaut de chaleur qui eft caufe que ces parties falines ne nagent point : il eft inutile d'en faire ici une application qui eft très-facile, & qui meneroit trop loin & excéderoit les bornes de ce Mémoire. Voici un fait que le pur hafard n'a fourni, qui fait voir que c’eft réellement le défaut de deflication de ces molécules falines, qui empêche que l'air ne leur adhère lorfqu'elles font à la furface de la liqueur, & qui donne en même temps le moyen de les deflécher, & de leur faire adhérer l'air fans le fecours de la chaleur. Il m'arriva en 1737, qu'ayant mis en expérience des diflolutions de fels parmi lefquelles étoient celles du fe! marin, à l'évaporation infenfible dans des vaifleaux de diffé- rente grandeur, afin d’avoir, pour certaines vües, des maffes de diflolutions qui euffent plus ou moins de profondeur, je trouvai à la furface d’une des liqueurs du fel marin, quelques petits cryflaux qui nageoient: ils étoient très-petits, creux & cubiques inférieurement, ce nouveau phénomène m'étonna beaucoup, toutes mes obfervations m'ayant conftamment fait voir jufqu'à ce jour que les cryftaux de fel marin ne fe forment nes DÉS SCIENCES. 7 forment jamais à la furface de la liqueur par l'évaporation infenfible ; à force de méditer & de chercher ce qui pouvoit avoir occafionné cette bizarrerie, je m'aperçus enfin que le vaiffeau de ces cryftaux étoit reflé découvert, il n'avoit pas fon papier gris qui le couvroit de même que les autres, de peur des ordures. Cette découverte loin de m'éclaircir, ne fervit au con- traire qu'à me jeter dans de nouveaux doutes, car il.:me pa- roiffoit par-là que le contaét immédiat de f'air pouvoit deffé- cher les furfaces des molécules falines & les faire nager, pendant que air dont la continuité avec le refle de l'at- mofphère eft interrompue par le papier, n’eft pas auffi efficace pour les deffécher. J'entrepris donc de nouvelles obfervations fur ces vües, avec des diflolutions couvertes de papier & découvertes pen- dant une année entière, je ne vis rien paroître à leurs furfaces : comme mes obfervations fur les fels qui cryftallifent en na- geant, m'ont fait voir queles plus foibles mouvemens les font fouvent précipiter, je crus que c’étoit le mouvement qui occa- fiomnoit la-chûte de ces cryftaux & m’empéchoit de les voir; je cherchai donc un endroit où il y eût un repos des plus par- faits, & qui füt à l'abri des plus foibles ébranlemens que les voitures caufent aux maifons de Paris, qui font par-là dans des vibrations continuelles; je mis des diflolutions en évaporation dans une falle baffe de la maifon d’un de mes amis, qui eft fituée dans les dehors de Paris, ayant laiffé les fenêtres où- vertes, tournées entre le midi & le couchant ; cette falle, au- tant que je l'ai eftimé par l'évaporation & d'autres circonftan- ces, étoit pendant le jour un peu plus échauffée que le fecond terme de f'évaporation infenfible, & vers le milieu du troi- ième, j'allois tous les jours ou tous les deux jours vifiter ces diffolutions; au bout de quelques jours il commença à paroître des cryftaux au fond de ces liqueurs, qui groffifloient & aug- :mentoient de jour en jour fans qu'il parüt rien à la furface: -wers le milieu de Juillet, trois femaines après avoir commencé ces expériences, j'aperçus à la furface des quatre liqueurs qui K Mem, 1745: 74 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE étoient en évaporation, environ l'heure de midi, quelques petits cubes qui, vüs à fa loupe, étoient creux; ils fe pré- cipitèrent fucceffivement les uns après les autres, il y en eut mème dix ou douze qui reftèrent jufqu’au foir. Ces cryflaux que je defirois fi fort revoir nager, par leur pré- cipitation volontaire me jetèrent dans de nouveaux doutes, il n'étoit plus poffible d’accufer l'ébranlement des vaifleaux ; cherchant de tous côtés à n''inflruire, je demandaï à la per- fonne chez qui je faifois ces obfervations, & que j'avois priée- d’être attentive à ce qui pourroit arriver à ces liqueurs, s'il: n'y avoit pas eu de vent pendant les trois heures que j'avois. été abfent, qui les eût précipitez, elle me fit réponfe qu'il n'y en avoit pas eu du tout le jour, mais la nuit qui avoit précédé l'apparition de ces cryftaux, & que le matin les fur- faces des liqueurs étoient falies par de la pouflière , nouvelles. incertitudes ! nouvelles obfcurités ! Enfin après avoir bien médité fur cette obfervation, & très-chagrin de voir ma théorie de Ia cryftallifation du fel marin & celle d'un grand nombre de fels, pour ainfi dire, renverfées, faute de pouvoir découvrir les caufes de l'apparition de ces cryftaux, j’aban- donnai ces expériences & les laiffai avec bien d’autres qu'il n’y a que la fuite du temps, des obfervations continuées, une longue méditation, ou de ces heureux hafards qui les dé- veloppent. A la fin du mois de Mai 17740, Iorfqu'on abattoit le corps- de-logis qui étoit fur la rue, féparé de celui où eft mon laboratoire par une cour, il s'élevoit une grande pouffière qui entroit dans le Jaboratoire ; ayant voulu couvrir une dif folution de vitriol de Mars qui étoit fur une fenêtre à l’éva- poration infenfible, avec un papier, pour la garantir de cette pouffière, je fus faïfi d'étonnement d’apercevoir à la furface de la diffolution de petits cryftaux de vitriol très-fenfibles & figurez en lofanges , pendant que toutes mes obfervations précédentes m'avoient toüjours fait voir que ce vitriol ne cryflallife point ainfi à la furface de fa difolution, à ce foible dégré d'évaporation : dans l'inftant me rappellant toutes mes - DES SCIENCES, obfervations fur le fel marin & fur les autres fels, & frappé en même temps de la quantité de pouffière blancheâtre qui couvroit la diflolution, je lui attribuai tout le phénomène, f & dès-ors je crus que cette pouffière en adhérant aux parties | {alines libres à la furface de la diffolution, occafionne par fon aridité aflez de deflication à ces parties pour que l'air puifle leur adhérer, & qu'alors foûtenues à la furface elles y pren- nent de Y'accroiffement; je crus dès-lors que les premiers eryftaux de fel marin que j'avois vüs à la furface d'une diflo- lution, étoient dûs à la pouffière, puifque le vaifleau avoit refté découvert , & que ceux que j'avois obfervez en dernier lieu fur quatre diflolutions, mavoient ainft nagé qu'à la faveur de la pouffière de Ia nuit qui avoit fali les furfaces des diffolutions. Tous ces raifonnemens me fatisfaifoient beaucoup, puifque loin d'affoiblir la théorie de la cryftallifation du fel marin, au contraire ils lui prêtoient un nouveau jour ; mais il falloit l'expérience qui leur donnât le fceau de la vérité, je cher- chai donc fur 1e champ même à faire ce que le hafard nr'avoit enfeigné, & comme la démolition continuoit , je filtrai la difiolution du vitriol qui venoit de donner ces cryflaux, & je la remis en.évaporation fur Ja même fenêtre, & proche d'elle une diflolution de fel marin; je mis également deux autres diflolutions dans un autre endroit à la portée de Ja pouffière , le lendemain j'eus le plaifir de voir reparoître les cryftaux du vitriol, il y en eut même qui reflèrent deux jours avant que de fe précipiter, & y prirent un accroifle- ment fenfible; il parut auffi des cryftaux de fel marin très- petits, ils prirent peu d’accroiffement, ils fe précipitoient , &c il en repafloit quelques autres , ils étoient cubiques & creux. Lorfque j'aperçus ces cryftaux de fel marin je couvris d'un papier l’une des diffolutions, afin d'empêcher qu'il ne farvint de nouvelle pouflière, ils fe précipitèrent fucceffive- ment les uns après les autres, les derniers ne fe précipitèrent ‘qu'au bout de quatorze à quinze heures. + J'ai répété la même expérience dans un mer fujet à fa 1} 76 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE pouflière, & j'ai eu quelques cryftaux du vitriol de Mars, dw fel marin & d'autres fels ; je rapporterai feulement pour les confirmer, ce qui m'eft arrivé il y a deux ans. Ayant befoin de bâtir des fourneaux pour le faboratoire du Jardin du Roy, je fis dreffer les briques en les ufant avec du fable fur une plaque de fer fondu, afin que les fourneaux fuffent plus folides, la pouffière qui s’élevoit de ces briques étoit telle qu'elle rougifloit tous les corps auxquels elle s’atta- choit ; je faifis cette occafion pour répéter quelques expé- riences fur la cryftallifation, mais comme le laboratoire étoit pour lors très-embarraflé, fur-tout par des maçons, je me contentai de mettre en évaporation le vitriol de Mars qui fe trouva fous mes mains, & je revis les lofanges du vitriok nager & prendre un accroiffement confidérable, puifque ces cryflaux avoient prefque quatre lignes d'un angle aigu à l'autre lorfqu'ils fe font précipitez. La raifon pourquoi ces cryftaux qui nagent à la faveur de la pouffitre, fe précipitent, eft des plus fenfibles; par de nou- veaux accroiflemens ils deviennent plus pefans, & ils def- cendent par conféquent plus bas dans la liqueur, & comme la furface des parties qui viennent de fe former, eft humide & n'eft point defféchée, la liqueur coule deflus, & comme le milieu du eryftal & le creux du cube auxquels l'air ad- hère, font couverts de pouffière qui s’humeéte promptement, ils font bien tôt couverts ou remplis de la liqueur, & ils fe précipitent. Il me refte à faire quelques remarques fur la cryftllifation du fel marin faite au Soleil pendant l'été, les cryftaux qui fe font par ce moyen, font formez alternativement par l’évapo- ration moyenne & par l'infenfible; la liqueur étant échauffée le jour par le Soleil, & la nuit ceffant de l'être, cette alter- native eft le moyen le plus excellent pour avoir des pyra- mides dont les parallélépipèdes foient très-fenfibles, puif qu'elles croiflent confidérablement par leurs bords pendant le jour, & qu'elles prennent une augmentation médiocre par leurs: parois pendant la nuit. Les pyramides qui font Dr ENS S?.@)I\E" N° C° ES! 77 précipitées au fond de la liqueur, prennent des. augmenta- tions régulières, & c'eft même le moyen de les changer en des cubes les plus parfaits; les cubes qui font ainfi formez, ont leurs parties fi bien unies qu’ils font tranfparens comme le fel gemme, & ils ont la plüpart à leur: centre une partie qui eft blanche & opaque, c'eft une portion du creux de leurs pyramides qui n’eft pas parfaitement remplie, ou dont les molécules falines ne font pas contigues.. Les grands cryftaux en pyramide du fel marin que M. Granger qui voyageoit aux dépens du Roy, apporta de l'Egypte, & qui s'étoient cryftallifez dans des fofes après les inondations, ont été formez alternativement par les deux évaporations, &. ils ont aufli pris de f’accroiflement après avoir été précipitez, puifque leurs creux font remplis ou prefque remplis. Dans la cryftallifation du fel marin ïl faut donc diftinguer quatre états différens de ces cryftaux, quoique cela n'arrive que par une fuite du même méchanifme, par des additions de cubes; la première formation ou le premier état eft la pyramide fimple, le fecond ef lorfque cette pyramide a pris des augmentations par {es parois, le troifième eft Jorfque cette pyramide eft devenue un cube, & le quatrième eft le cube qui fe forme au fond de la liqueur & qui a eu pour fonde- ment un cube même & non pas une pyramide. Les autres fels de la même feétion que le fel marin (dans Ja divifion que j'en ai donnée) cryftallifent tous au fond & à la fürface de leurs diflolutions, mais comme leurs cryftaux primitifs qui fervent de bafes & de fondemens à leurs grands cryftaux, ne font pas des cubes tels que ceux du {el marin, aufll l'accroiffement que léur fournit la fuite de l'évaporation . Jeur fait-il prendre des figures très-différentes, foit à la furface de la liqueur, foit au fond. Les différentes figures de la plüpart de chacun de ces fels: n'ont pas entrelles une analogie auffi frappante que celle du: fel marin qui réfulte toüjours de l'union de plufieurs cubes, ais au contraire elles paroïffent s’en écarter beaucoup, par: K ii, 78 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE exemple, le {el neutre formé par l'union de l'acide nitreux au mercure, cryflallife, comme tout le monde le fçait, en aiguilles longues , aplaties & aïgues; mais je ne fçache pas ‘qu'on ait jamais obfervé qu'il cryftallife en parallélépipèdes un peu aplatis, & qu’à la furface de fa diflolution il donne des cryftaux en pyramides. Le fel formé par l'union de l'acide nitreux & du plomb, -donne des cryftaux aplatis qui font hexagones, dont trois des côtés oppofez font plus grands que les trois autres, c’eft une pyramide tronquée, il donne aufli des cryftaux en pyramides hexagones. Le tartre vitriolé eft de ces fels celui qui donne des cryflaux qui ont une plus grande variété de figures, c'eft en fel un vrai Protée. Il donne des cryftaux au fond & à la furface de fa diffo- lution, la forme de ces cryftaux la plus connue eft une pyra- mide hexagone, & fouvent deux pyramides font unies par leurs bafes. IL arrive par les circonftances de la cryftallifation, que ces pyramides ainfi unies ont leurs pointes tronquées, & même que tous les angles qui font formez par l'union des deux bafes, font également tronquez, ces cryftaux font pour lors à vingt faces. Par des circonftances de l'évaporation ces cryftaux de- viennent des prifmes hexäâgones, courts & bien terminez. Par de nouvelles circonftances ce fel donne des cryftaux qui font des prifmes hexagones très-larges, & f1 peu exhauflez qu'ils ne font même que des fegmens minces de prifmes hexagones. Ce fel cryflallife auffr en des colonnes quarrées dont deux des angles font coupez, & elles font terminées par des pyra- mides hexagones. Souvent:les pyramides fimples de ce fel ou celles qui font jointes par leurs bafes, par une nouvelle métamorphofe deviennent des prifmes hexagones terminez par deurs extré- amités par des pyramides également hexagones, ils font tels DES SCIENCES... 79! que les quilles du cryftal; & ce qui paroîtra un paradoxe, c'eft que ces cryftaux qui font par leurs figures peu propres. à nager à la furface de leur diflolution , nagent cependant & y prennent de f'accroifiement en tout fens. On voit que la théorie de la cryftallifation des fels mène à: celle de la figure des cryftaux de ces mêmes fels, mais qu'il n’eft pas poflible de déterminer la figure des parties falines. ui les compofent par l'infpeétion de cryftaux d'une feule: LUS il faut connoître par une fuite d’obfervations toutes. les différentes façons dont ces mêmes parties falines peuvent: fe combiner &. s'unir fous des formes différentes, régulières- ou irrégulières. L'hiftoire de la-cryftallifation du fel marin en déterminant les différentes formes des cryftaux de ce fel, concilie les divers. fentimens des Auteurs, les uns ont vü une forte de cescryftaux,. les autres une autre; ceux-ci ont attribué au hafard plufieurs- de ces figures, ou aux irrégularités de la cryftallifation; ceux- là ont cru que tous ces différens cryflaux étoient l'ouvrage d’une même cryftallifation, trompez, parce qu’ils ont expolé fur le feu une diffolution de ce fel pour la faire bouillir, & que: cette diflolution ayant paffé fucceffivement par différens de-. grés de chaleur, a donné de même des cryftaux différens. On peut auffi retirer de cette hiftoire un avantage d'éco- nomie pour le traitement des diflolutions de ce fel dans les: travaux chymiques, & pour le traitement de l'eau de la mer & de celle des:puits falans dont on retire le ff marin, puifque- le degré réel de chaleur qu'il faut employer pour avoir des: cryftaux gros, folides & bien formez, eft déterminé : l’ébul-- lition qu'on emploie ordinairement , non feulement altère: beaucoup ce fel & le décompole , mais. encore les cryflaux: qu’on obtient, font très-menus, ou ne font que des fragmens: de pellicules, qui par cette multiplicité de furfaces deviennent: très-fufceptibles des impreflions de l'humidité de Fair. FA 2 CS 21 Août 1745: $o MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE ME VAL O0 TRE Sur une des caufes qui peuvent rendre les Chevaux pouffifs, à fur les précautions que l’on peut ap- porter pour prévenir certe maladie. Par M. GUETTARD. D:: pluies fréquentes qui arrivèrent en 1745 aux environs de l’Aigle petite ville de Normandie où je réfidois alors, ayant dépofé fur les prés une quantité de terre qu'elles entraînoïent des montagnes voïfines, firent con- tracter aux foiñs une mauvaife qualité qu'on appelle /a vafe ; ces foins, à qui l’on donne le nom de foins vafez, font regar- dez dans le pays comme une des caufes de cette efpèce d’afthme nommé /a pouffe, dont les chevaux font attaquez. On élève aux environs de l’Aigle beaucoup de chevaux de prix, les Haras du Roy, plus magnifiques encore par a beauté de ceux que l'on y nourrit, que par les bâtimens où-on les garde, ne font pas à une journée de cette ville : l’on a même {çu exciter l'envie naturelle que l'intérêt de chaque particu- lier pouvoit lui donner, d'avoir de beaux chevaux, par un prix que l’on délivre, fuivant les ordres du Roy, à celui qui peut avoir le plus beau poulain provenu d'un étalon des Haras du “Roy. Il fe tient tous les ans aux environs de cet endroit une foire qui eft le rendez-vous de tous ceux qui prétendent à ce prix, il eft donc accordé à celui qui a amené un tel pou- lain, qui, au moyen d'un certificat que l'Infpecteur des Haras a donné au propriétaire, lorfqu’il eft venu faire couvrir {à ju- ment, doit être reconnu par ce même Infpeéteur pour être provenu d’un étalon des Haras. On ef ainfr parvenu à peu- pler la Normandie de chevaux qui fouvent difputent en beauté aux plus beaux chevaux étrangers. La feule raifon que ces animaux attaquez de la pouffe perdent DES SCIENCES. 8r perdent beaucoup de leur valeur, fuffifoit fans doute pour porter les habitans de cette province à chercher les moyens de prévenir cette maladie, en rendant, autant qu’il eft pofft- ble, aux foins vafez leur première bonté; mais il règne dans ce pays un efprit porté à tout ce qui regarde les arts, qui a encore contribué beaucoup à leur en faire imaginer plufieurs. Ce font ces moyens & quelques autres précautions que j'ai cru pouvoir y joindre, que je me fuis propofé de décrire, dans la vüe qu'ils pourroient être utiles à bien des pays où ils ne font peut-être pas employez, & que beaucoup de voyageurs pourroient apprendre par-fà à fe précautionner contre une maladie dont ils pourroient voir leurs chevaux attaquez, après avoir parcouru des pays où les foins auroient été valez. De quel intérêt même cela ne peut-il pas être fou- vent pour les troupes que lon envoie en garnifon dans des cantons à pâturages, où alors les chevaux au lieu de fe réta- - blir, contracteroient par leur nourriture même une maladie qui les rend moins propres à foûtenir les fatigues des cam- pagnes dans les temps de guerre ? La leéture que j'ai faite du Parfait Maréchal de M. Solleyfef, ne m'ayant appris aucune des précautions que l’on apporte -en Normandie pour rendre quelque bonté à ces foins vafez, j'ai cru que je fourniroisun Mémoire utile à quiconque vou- droit donner un nouveau Traité fur l’art de gouverner & de guérir les chevaux, & qu'il y trouveroit une nouvelle caufe de la pouffe, dont M. Solleyfel ne parle pas, & qui peut-être en eft une des principales & des plus funeftes : outre que l'on peut acquerir par-là quelques connoiïffances fur des maladies dont les chevaux font attaquez, qui ne nous deviennent fi difficiles à connoître que parce qu'on n’eft pas aflez attentif à s'aflurer des caufes qui ont pü les produire. - « Avant que d'entrer dans le détail des moyens employez pour dévafer les foins, il ne fera pas inutile, à ce que je crois, d'examiner fi les foins vafez peuvent occafionner la poufle de la façon qu'on le penfe dans le pays. On ne peut faire tomber aucun doute fur l'effet que ces foins produifent, Men, 1745. FE 82 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Y'univerfulité de ce fentiment, qui ne dépend que d’une obfer- vation journalière , lève tous ceux que l’on pourroit avoir; mais c’eft fur l'explication que l'on donne de la manière dont cette maladie fe contraéle, qui bien conftatée, fournira des vûes qui pourront engager à apporter des précautions que l'on n'emploie pas encore. L'on penfe communément que c'eft par la voie de l'eflo- mac que cette maladie fe gagne; la terre, dit-on, s’amafle dans ce vifcère, elle s’y corrompt, gonfle les chevaux & les rend pouffifs : je crois que dans ce cas-ci, c'eft plütôt par fa refpiration que cette pouflière pénètre & qu'elle parvient jufque dans les poumons , qui font le fiège de la poufle, & non l'eftomac. Pour faire comprendre comment je conçois que la pouffe fe contraéte par la refpiration, il fera bon de dire de quelle. façon les hommes deviennent quelquefois afthmatiques, & même d'établir avant que de rapporter ce fait, la fimilitude qu'il y a entre l'afthme des hommes & la pouffe des chevaux. Les chevaux pouffifs, de même que les hommes afthmati- ques, ne peuvent refpirer qu'avec peine; difficulté qui aug- mente lorfqu'ils font quelques exercices violens, ou qu'ils ont trop mangé : fi un cheval, de même qu'un homme, monte une montagne un peu trop vite, & même quand ils la monte- roient l'un & l'autre à pas lents, s'ils ne font pas de temps en temps quelques paufes, ils font bien-tôt hors d'haleine; sils boivent ou mangent trop ou trop vite, la refpiration devient plus fréquente, ils font obligez de le faire plus lente- ment ; ils ne peuvent boire d’un trait, ceux qui fe piquent d'être bons Ecuyers en tous points, rompent, comme ils difent, l’eau à leur cheval, penfant qu'il ne lui eft pas bon de boire tout de fuite, mais lorfqu'un cheval eft pouffif, le maître n’eft que trop bien déchargé de ce foin, ce cheval ne boit qu'à plufieurs reprifes ; un homme afthmatique ne peut boire de grands coups : un cheval pouffif eft plus fujet aux maladies inflammatoires, que celui qui n’eft pas attaqué de la pouffe, pour peu qu'on lui fafle faire de fongues journées, DE S 9 CIE N-Cuë 83 ‘où qu’on le pouffe un peu vivement, il Jui prend, en terme de Maréchal, une courbature, maladie qui ne fe guèrit que par la plüpart des remèdes que l'on pratique dans les maladies inflammatoires des hommes, auxquelles les afthmatiques font fur-tout fujets, & principalement à celles du poumon. On voit donc que les fymptomes de la poufe des chevaux & de lafthme des hommes étant les mêmes, il eft plus que probable que ces maladies font femblables, ou plütôt que c'eft la même connue fous différens noms; & fi de plus les caufes peuvent être femblables, il n’y aura pas alors de doute fur la fimilitude de ces maladies : je fçais que M. Solleyfel a établi cette indentité, mais outre qu'il le fait par des raifon- nemens aflez finguliers, les doutes que lon a touchant ce fentiment , ne m'ont pas paru être détruits parmi ceux qui gouvernent les chevaux; il convient donc de le confirmer de plus en plus, & par des raifons plus fimples que celles qui font données dans le Parfait Maréchal. Les hommes deviennent fouvent afthmatiques par les pouffières que la nature de leur travail les oblige de refpirer; celui qui bat du plâtre, qui pique ou fend du grès, qui con- tinuellement renfermé dans un grenier, vanne du bled; celui qui pile de la foude, ou bat de la poudre à poudrer, & qui ne couvre pas le mortier d'une toile & même d'une peau, tombe dans cette maladie qui dégénère très-fouvent en phthifie dans les tailleurs de grès, maladie dont ceux des en- virons d'Eftampes meurent ordinairement. Tous ces ouvriers refpirent l’une ou l'autre de ces pouffières qui paflant dans les bronches du poumon, les embarraflent en épaiffiffant la lymphe, ce qui y occafionne fouvent de petits tubercules, & qui toûjours devient une caufe prochaine des maladies inflam- matoires du poumon. : Il en eft de même des chevaux qui mangent du foin vafé, ils font en partie dans une pouffière qui fort de ce foin, & ils la refpirent continuellement : il ne s’agit pour s’aflurer de , nat D''ENS SICIR ENT CEE 11 :L'efprit de vin dont on seft mouillé le doigt s'allume aïfément à la bougie , mais à peine en fent-on la flamme: fi l'on faifoit la même épreuve avec quelque huile pefante ou quelqu'autre matière grafle, elle s'embraferoit plus tard ou plus difficilement, mais le feu fe feroit d'autant mieux fentir qu'il auroit eu plus de peine à rompre les liens qui l'auroient retenu : le feu qui ne dévore que la paille n'a pas la même ardeur que s’il embrafoit du bois neuf; de quelque nature que foit l'aliment du feu, fon activité augmente fui- vant la denfité ou le reflort de l'air libre qui l'environne & qui s’oppofe à fon expanfion : enfin le feu qui s’évapore de lui-même à la fuperficie du phofphore d'urine, n’eft que lumière ; mais le feu intérieur qu'on excite en frottant ce même phofphore, devient bien tôt un véritable embrafement, : En adoptant le même principe pour l’éleétricité, je trouve auffi des faits qui femblent juftifier cette application. Si j'élec- tie, foit en frottant, foit par communication , un vaifleau de verre qui foit vuide d'air, & purgé par eonféquent des vapeurs dont ce fluide eft toüjours chargé, je n'aperçois au’ dedans qu'une lumière diffufe à peu près comme celle des éclairs que la grande chaleur fait naître par un temps ferein; mais fi ce même vaifleau demeure plein pendant qu’on le frotte, fon électricité fe fait fentir au dehors, & la lumière qu’elle produit font des étincelles qui brülent & qui éclatent: dans le premier cas, le vaïffeau purgé d'air ne contient qu'un feu élémentaire purifié prefque de toute fubftance étrangère, ce fluide au moindre mouvement qu'on lui communique, s'enflimme fans effort & fans autre effet que celui de luire dans lobfcurité; au lieu que dans le fecond' eas les émana- ” tions éfeélriques ont peine à paffer du'dehors au dedans du vaifleau qui efl plein d’une matière plus réfiflante, leur effort eft retardé, elles enflamment les petites portions de matière étrangère qui les enveloppent , elles éclatent enfin en étin- celles très brillantes. Voici fur quoi j'appuie cette dernière partie de mon explication, qui n’a l'air encore que d’une: gonjecture un peu hafardée.. P üf 4 718 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE Qu'il y ait des émanations électriques, c'eft ce qu'on ne peut pas révoquer en doute, on les fent, on les voit, comme nous l'avons obfervé ci-deflus ; on ne peut pas douter non lus qu'elles ne foient mêlées avec quelque fubftance qui fort avec elles du corps éleétrifant où du corps électrifé, car elles répandent une odeur très-fenfible; quand elles font ardentes ou lumineufes, elles reffemblent par leur couleur à une flamme de foufre, on a prétendu même qu'elles faifoient pâlirdesrofese comme des vapeurs de ce minéral : enfin j'ai obfervé depuis peu que quand on électrife le verre avec la main nue, il s'amañe peu à peu à Ja furface que l'on frotte, des taches d’une matière brune qui a la confiflance d’une cire molle, & qui lorfqu'on da brûle, rend une odeur de poils ou de cheveux grillezh. Voilà ce me femble bien des raifons pour croire que quand la ma- tière électrique éclate en étincelles piquantes , c’'eft qu'étant | comme enveloppée dans une matière grafle ou fulphureufe, elle brife les liens qui la retiennent par un effort qu'occafion- nent des circon{tances dont je ferai mention ci-après. st propriété La matière du feu faifant fonction de lumière, fe meut du HE pour l'ordinaire. plus librement dans un corps denfe que dans un milieu plus rare, c'eft au moins une conféquence qu’on a cru devoir tirer des loix qu'on lui voit fuivre communément dans fes réfraétions : la matière életrique paroît affeéter de fe mouvoir auffi le plus long-temps & le plus loin qu'il eft pofñble dans le corps folide qui eft électrifé, il'en fort plus par les extrémités & par les angles faillans que de par - tout ailleurs, c'eft là qu'elle fe manifefle davantage, comme il eft aifé d'en juger par les émanations Iumineufes : f1 l'on élec- trife plufeurs perfonnes qui fe tiennent par la main, ouplu- fieurs barres de fér qui foient fufpendues bout à bout , Félec- tricité pale, comme on f{çait, de l’une à l’autre, & s'étend ‘incomparablement plus loin qu'elle ne peut faire dans l'air, » Cette expérience ne m’apointen- | il de quelque circonftance qui m’a æoretréufli d’une manière affez déci- | échappé. “dée, quoique je Paie efflayée plufieurs b Je parlerai ailleurs de cette matière is, peut-êve le fuccès dépend- 1 -qui mérite un examen particulier, DES SCIE NC E:.s Au lorfqu'une fois elle a quitté le corps d’où elle part. Cette loi eft fi conflante que fi le corps folide électrifé eft un vaifieau plein de liqueur qui s'écoule, l'origine de cet écoulement étant alors:comme une prolongation de l'endroit par où il fe fait, l'électricité s'y montre de deux manières très-remarquables ; premièrement elle rend la liqueur Jumi- neufe, fût-ce même de l’eau commune ; fécondement elle preffe fa fortie, de manière qu'un écoulement qui ne fe feroit que goutte à goutte, devient continu & fe divife en plufieurs petits jets qui divergent entr'eux comme les rayons des ai- grettes lumineufes / Fig. 3.) M. Boze que j'ai cité ci-deflus, & de qui nous tenons cette expérience, rapporte dans une lettre écrite à M. de Reaumur, que le fang d’un homme à qui l’on ouvrit la veine, fortit avec plus de vitefle lorfqu’on l'élec- trifa, & que les gouttes en parurent lumineufes comme du feu. * / : Ce qui prouve bien encore que la matière élettrique trouve: un accès très-facile dans les corps les plus compactes, c’eft la facilité avec laquelle elle fe diffipe lorfque le corps électrifé vient à toucher les planchers ou les murailles du lieu où il eft: fi l'on n'a pas foin de prévenir ou d'arrêter cette diffipation, dans un inftant la vertu éleétrique difparoît comme l'eau qui touche une éponge, & bien plus vite encore: Le mouvement de la lumière fe tranfmet en un inflantà de grandes diftances, foit qu’elle vienne direétement de f fource, foit qu'on la réfléchifie ou qu’on la réfraéte ; cette matière fi fubtile, fi élaftique, fe trouve apparemment fi libre: dans les corps diaphanes les plus denfes que nous connoif fions, que plufieurs de fes rayons y jouiffent toûjours d’uné- continuité non interrompue, & par toutes. ces raifons. fon: mouvement fe tranfmet fort au loin dansqun temps très court: l'expérience nous montre auffi que l’éleétricité parcourt: * Dans les Mémoires qui fuivront | étroit, s'accélère par la vertu éledris. celui-ci , je rapporterai plufieurs ex- | que; ce principe une-fois: bien établi: périences d’où l’on peut légitimement | pourroit avoir des conféquences afleæ: gonclurre que tout écoulement natu: | importantes, - relou artificiel qui fe fait par un canal. |, 62 propriété commune, &c: 1720 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE ROYALE en un clin d'œil un efpace de plus de 1200 pieds par fe moyen d'une corde tendue; voilà un fonds de reffemblance qu'on ne peut défavouer. © Je ne diffimulerai pas cependant qu'il y a une différence affez confidérable entre ces deux effets, en ce que la propaga- tion de la lumière fe fait toüjours en ligne droite, au lieu que celle de l'électricité fe prête volontiers aux inflexions & aux finuofités d'un corps tortueux ; mais je ne prétends pas non plus que le mouvement de la matière éleétrique foit abfolu- ment modifiécomme celui qui eft propreàla lumière, je penfe au contraire que l'électricité fe propage en quelque façon comme la chaleur dans toutes fortes de directions, & que fi elle s'étend d’un bout à l’autre d’une corde ou d’une barre de fer, c’eft en conféquence de cette propriété qu'elle a de fe mou- voir, comme je l'ai dit ci-deffus, avec plus de facilité dans un corps denfe que dans un milieu plus rare, ce qui la retient fans doute & l'empêche de { difliper dans l'air environnant. If y a ici une remarque importante à faire, & qui n’a point dù échapper à l'attention de ceux qui ont répété cette expé- rience avec une corde fort longue; fi elle excède, par exem- ple, 80 ou 100 pieds, & principalement fi elle forme des angles & des retours, on ne réuflit point bien* à l'éleétrifer dans toute fa longueur en appliquant d'abord Ile tube élec- trique à fon extrémité, il faut commencer par en életrifer ix$ ou 20 pieds, & reculer toûjours en continuant d’élec- trifer de diflance en diftance, jufqu'à ce qu’on ait parcouru toute fa longueur ; après cette première préparation il eft vrai qu'en électrifant la corde feulement par un bout, l'autre dans le même inftant donne des fignes d'éleétricité. * On voit bien qu'il s’agit ici de l’é- kétricité communiquée par un tube, il n’en feroit pas de même fi l’on fe fervoit d’un globe, dont l'action eft continuelle & plus forte. Une chaîne ou un fil de fer fub{ti- té à la corde, rend encore l’expé- rience plus facile à faire, parce que la yertu électrique fe communique très- bien aux métaux, comme on a re- marqué ci-deflus. L'expérience de Leyde qui n’a été publiée qu'après la leéture de ce Mé- moire, nous fait apercevoir une ref- femblance encore bien plus marquée entre l'électricité & la lumière, quant à la propagation , voyez mon Æfjai Jur PE"lectricité, pag. 13 1 7 1 se a ee 2 D ENS SAGCU/H EN) CESR 121 La néceffité d’éleétrifer la corde, comme je viens de le dire, par manière de préparation, Ôte à cette expérience, toû- jours admirable, un peu de fon merveilleux, car on voit qu'en réduifant les chofes à leur jufte valeur, l'électricité que Yon fait naître en dernier lieu au bout de la corde où l'on approche le tube, ne fait que ranimer un mouvement afloupi, mais qui n'avoit pas ceflé totalement. On peut me répondre que quand on touche la corde on lui ôte fon électricité, & qu’il fuffit cependant pour la lui rendre de recommencer à l'éleétrifer par un bout ; mais quoi- que les fignes extérieurs de fon électricité ceffent quand on la touche, j'ai bien de la peine à me perfuader qu'il ne refte abfolument rien de cet état intérieurement, ne füt-ce qu'une difpofition plus prochaine, c'eft-à-dire, des paffages plus frayez, une matière plus dégagée, plus mobile, &c. Enfin l'électricité, comme le feu, n’a jamais plus de force que pendant le froid, lorfque l'air eft fec & fort denfe, au contraire pendant les grandes chaleurs, ou lorfqu'il fait un temps humide, il arrive rarement que ces fortes d’expé- riences réufliflent bien : Fhumidité eft plus à craindre pour les corps qu’on veut électrifer par frottement, que pour ceux auxquels l’on veut feulement communiquer l'éleétricité, une corde mouillée tranfmet fort bien cette vertu, & l'eau mêmé devient électriques mais un tube de verre ne donne prefque aucun figne d'électricité quand on le frotte avec un corps ou dans un air qui n’eft pas bien fec, c’eft en quoi j'aperçois encore une certaine analogie avec le feu , car l’embrafement, de même que léleétricité, ne naît pas dans des matières qui font fort humides; mais s’il eft excité d’ailleurs, la chaleur qui-en eff l'effet s’y communique aifément. De toutes ces propriétés comparées je conclus donc comme une chofe qui me paroït très-vrai-femblable, que le feu & Yéleétricité viennent du même principe, que la même matière, felon certaines circonftances & agitée d’une certaine façon, nous fait fentir de la chaleur, nous éclaire, & pouffe les corps qui ne font point électriques vers ceux qui le font. Mem, 1745: Q 7° propriété commune, &c. 122 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Cette fuppofition qui n'efl combattue par aucun principe de Phyfique, a paflé l'écueil des nouveautés ; Académie qui n'en admet pas fi elles ne font probables au moins, l'a déjà vû paroître dans des Ecrits qu'elle a jugé dignes de Fim- preflion : parmi les pièces qui concoururent pour le Prix de 1738, il yen a deux, dont l’une eft d'une Dame d'un haut rang*, & autre d'un de nos premiers Poëtes b, où l'on trouve cette penfée expofée très-diflinétement, & appuyée par plu- fieurs raifons plaufibles. En 1734 feu M. du Fay, dans fon 6° Mémoire fur l'Elec- “4 je Fur, tricité*, s'exprimoit ainfi en parlant de la matière éleétrique: oy. des Science. À : 5 A x P 1234p.520. « Je crois que c'eft un feu réel ou une matière très-propre à » Je devenir qui fort des corps électriques, que cette matière > fortant d’un corps entouré d’une atmofphère trop denfe, ou à laquelle il manque peut-être des parties grafles ou fulphu- » reufes, elle ne produit qu'une lumière tranquille ; que fortant » du verre dont latmofphère, quand il eft rendu électrique, » eft chargée de parties fulphureufes que l'on fent très-diftinc- tement à l'odorat, elle produit des étincelles qui frappent le vifage ou la main très-fenfiblement, mais ne font pas aflez embrafées pour qu'on en fente la chaleur, &c. » Telle eft donc l'opinion de ceux qui avoient le plus ré- fléchi fur la nature de la matière éleétrique, & qui avoient été le plus à portée de l'étudier, dans un temps où l'éle&tri- cité n'avoit encore produit tout au plus que quelques étin- celles piquantes, dans un temps où l’on avoit tenté cent fois, mais toûjours inutilement, d'animer le feu életrique jufqu’au point d’enflammer les autres corps : à combien plus forte raifon pouvons-nous maintenant embrafler le même fenti- ment, quand nous voyons des corps électrifez allumer réel- lement toutes les liqueurs & toutes les vapeurs inflammables, & les confumer comme elles ont coûtume de l'être par le feu le plus commun ! L ÿ ÿ > Mie ka Marquife du Châtelet à qui le public eft redevable de plufieurs bons ouvrages de Phyfique, j » M. de Vokaire, rte tm p'Eïs: Se 1 E NiG ES 123 - On dira peut-être que la matière électrique, fr elle eit la même que celle du feu, devroit être brûlante, ou chaude au moins, au lieu que les étincelles qu'elle forme ne font fentir que des piqûres, & que quand elle fe préfente fous la forme d'aigrettes lumingufes, elle ne fait fentir qu'un fouffle Iéger dont le fentiment tient moins de la chaleur que du frais. Mais ne fçait-on pas que les idées de chaud & de frais font relatives à nos fens, & que ce que nous appellons frais, n'eft autre chofe qu'une chaleur très-tempérée, & un peu moindre que celle de notre état ordinaire ? ne fçait-on pas auffi que les matières les plus légères, les plus raréfiées, s'em- brafent le plus aifément, c’eft-à-dire, qu'elles s'enflamment par un degré de chaleur qui fufhroit à peine pour échauffer fenfiblement un corps plus denfe? ne fouffre-t-on pas fans peine l'efprit de vin enflammé au bout de fon doigt? Cela fufht pour nous faire comprendre qu’il peut y avoir de véritables inflammations qui n’atteignent pas au degré de chaleur qui nous ef naturelle & ordinaire; telle eft apparem- ment celle de a matière électrique , lorfque la divergence de fes rayons lui fait prendre un certain degré de raréfaétion: quant aux étincelles qui ne font que piquer, elles ont cela de commun avec celles qu'on voit fouvent s'élever d'un tifon embrafé quand on le foufle, ces petits éclats, quand ils arri- vent jufqu'à la peau, n’y font fentir que des piqûres, & per- fonne cependant ne peut douter qu’elles ne foient auffi véri- tablement du feu que le charbon d'où elles s’élancent. Si l'on eft touché des autorités & des raifons que je viens de rapporter, & que l’on conclue avec moi que {a matière de l'électricité eft efentiellement la même que celle du feu & de la lumière, j'aurai fatisfait à la première des queftions que je me fuis propolées; je paffe donc à la feconde, & j'examine d'où vient cette matière lorfqu’elle fe met en mouvement, car au moins jufqu’à une certaine diftance du corps électrique dans les cas ordinaires, on ne peut guère fuppoler qu’elle agiffe par une fimple preflion; il eft plus vrai-femblable, & je crois être en état de prouver qu'elle a des DE 1] 124 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE RoyaLE progreflifs, on peut le conclurre des faits qui vont étre rapportez. On a toûjours regardé comme indubitable que les écou- Jemens ou émanations éleétriques partoient du corps éleétrifé,, & l’on a de bonnes raifons pour le croire, quand on voit les rayons lumineux qui en viennent, quand on obferve qu'ils agitent la fuperficie des liqueurs & la amme d’une bougie, quand ils emportent la fciüre de bois & les autres corps légers, & de petits volumes qu’on a femez auparavant fur la furface d’une barre de fer qu’on électrife*, on doit certaine- ment fe rendre à ces preuves; mais elles ne font venues qu’en dernier lieu, & il étoit néceffaire qu’on les eût : celle qu'on tiroit des attouchemens qu'on fent au vifage lorfqu'on en approche un tube nouvellement frotté, toute féduifante qu'elle eft, ne paroît pas affez concluante; elle me détermine bien à croire qu'il y a une matière en mouvement, mais Je pourrois douter encore ( & je dirai les raifons qui me feroient douter) fi cette matière fait fon impreflion fur la peau en dehors, ou fi elle en ébranle feulement le tiflu en fortant par les pores. Je conviens donc pour les raifons que je viens de rap- porter, que la matière électrique s’élance réellement du de- dans au dehors des corps électrifez, & que ces émanations ont un mouvement progrefhf & fenfible jufqu'à une cer- taine diflance; mais j'ai des raifons tout auffi fortes pour croire qu'une matière femblable fe porte de toutes parts au corps éleétrifé, & qu'elle y vient non feulement de l'air en- vironnant, mais auffi de tous les corps, même les plus denfes & les plus compaéles, qui fe trouvent dans le voifinage : voici les preuves fur lefquelles j'appuie cette nouvelle pré- tention. Lorfqu'une perfonne électrifée approche fon doigt d'une autre qui ne left point, toutes deux fentent la même piqûre, & fouvent il s'enfuit pour l’une & pour l'autre une forte de * Voyez le détail de ces expériences dans mon Effäi fur l'E‘ledriciré, p:75 CT Juiv. DES SCIENCES, 25 douleur qui s'étend fort avant dans le bras, comme fi ceue double impreffion venoit de deux filets ou courans de ma- tière élaftique, müs en fens contraires, à qui le choc a fait pren- dre des directions oppofées à celles qu'ils avoient : ces deux courans de matière qui font ici la bafe de mon explication & le point effentiel de mon hypothèfe, je n’ai fait que les: foupçonner tant que j'ai éleétrifé avec des tubes, mais l’ufage du globe m'ayant mis à portée d'électrifer plus fortement & avec continuité, j'ai vü prefqu'autant de fois que je l'ai voulu, que quand un. corps éleétrifé s'approche d’un autre qui ne l'eft pas, il émane en même temps de chacun d'eux un cou- rant de matière qui fe fait fentir de part & d'autre comme un fouffle léger, tant que les deux corps font à une certaine diftance l'un de l'autre, & qui devient une aigrette lumineufe & permanente, quand le degré de proximité n’eft point affez grand pour le faire éclater en étincelles. Poyez la Fig. 4. Ayant fortementélectrifé un globe de verre , pendant que je le frottois encore, on en approcha à. quelques lignes de diftance des corps folides de toute efpèce *,. & je fus agréa- blement furpris de voir fortir par différens endroits de ces corps, & fur-tout par les parties les plus faillantes , des jets de feu non interrompus, plus ou moins denfes, prefque toû- jours d’une couleur violette ou purpurine, & plus ou moins ® brillans, fuivant la. nature des matières ; mais ce qu'on ne peut voir fans un grand étonnement, c'eft l'abondance & la vivacité avec laquelle ce feu s'élance fans difcontinver des métaux & des corps vivans, le bruit ou l'efpèce de fiflement qu'il fait en fortant du bout des doigts ou. de leurs articu- lations, fe fait entendre diftinétement à plufieurs toifes de diftance, & l'on fent quelquefois une demangeaifon doulou- reufe à l'endroit de la peau qui donne pañlage à ces petits torrens de feu ou de matière enflammée. À ces faits qui paroiflent afflez décififs, puifqu'ils nous * Les métaux & les corps animez font ceux d'où l’on voit fortir une plus grande quantité de cette matière enflammée, les corps gras, fulphureux , réfineux, & généralement tous ceux qui font électriques par frottement, n’en donnent que peu ou point. nE. iif 126 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE mettent fous les yeux deux courans de matière éleétrique qui vont en fens contraires, on peut ajoûter ce raifonnement qui me paroît avoir d'autant plus de force qu'il eft encore foûtenu par des expériences: nous jugeons des mouvemens d’un fluide invifible, par ceux qu'il imprime aux autres corps qu'il entraine & qui lui obéifient , la direétion du vent fe connoît par celle de la girouette, & le bateau qui flotte libre- ment m'indique le courant de l'eau; & fans fortir de notre matière, quand on voit la fciüre de bois ou le tabac rapé s’en- voler & quitter rapidement la furface d'un corps éledrilé, on convient fans difhculté que ce font les émanations élec- tiques qui emportent en fortant ces petits corps qui fe trou- vent à leur paflage; mais tandis qu'on obferve ces effets, fi lon voit en même temps d’autres corps légers fe précipiter de toutes parts fur le corps électrique dont il s’agit, n’eft-on pas forcé de reconnoître deux courans de matière dont les directions font oppofées, une matière électrique qui émane du corps éle&rifé comme d’une fource commune, & en même temps une autre matière électrique qui fe porte de toutes parts à ce même corps ? or c'eft un fait très-conftant que lemème fujet électrifé attire & repouffe en mêmetemps, on en peut juger par ce qui fuit. Electrifez par le moyen du globe une verge de fer mouillée d'efprit de vin, vous fentirez tout autour une pluie imper- ceptible, caufée fans doute par de petites gouttes de la liqueur que la matière électrique emporte avec elle en fortant, comme nous voyons qu’elle chafle devant elle la pouffière du bois, le tabac, le fable, &c. mais pendant tout le temps que dure cet effet, la même verge de fer n’en attire pas moins tous les corps légers qu'on lui préfente par quelque endroit que ce foit. Qu'on fe rappelle ici une expérience indiquée par M. de Reaumur, & exécutée autrefois par M. du Fay, elle confifte à préfenter un corps électrique à un petit tas de pouffière élevé fur le bord d'une table; avec un peu d'attention lon remarque fort bien qu'une partie de ces corpufcules amon- celez fe porte vers le corps életrifé, tandis que l'autre s’en DEN Su 1 Ch E AN EN SANS 127 écarte d'abord, ou fi l’on veut voir plus commodément ces attractions & répulfions fimultanées, on n’a qu'à fufpendre avec deux fils une feuille de faux or, de trois ou quatre pouces en carré, & y préfenter un tube nouvellement frotté, Fig. s. fort fouvent on pourra remarquer que la partie droite de cette feuille eft attirée, tandis que la gauche eft repouffée, ou que l’une & l'autre fe plient vers le tube, le milieu obéiffant à une impulfion contraire. | I paroït donc certain que la matièue de l'électricité, ce feu à qui nous en attribuons les effets, vient non feulement des corps éleétrifez, mais aufi de ceux qui les touchent ou qui les environnent de fort près, & que parmi les premiers, comme parmi les derniers, il y en a qui en fourniffent plus les uns que les autres ; cette conclufion à laquelle je me fuis laiffé conduire par des faits qui ne me paroiflent point équi- voques, fert de réponfe à la feconde queftion, & m'apprend déjà la caufe de plufieurs phénomènes. | Feu M. Gray (qu'on s'en fouvienne) éleétrifoit toûjours les tubes de verre avec la main nue, & il y réuffifloit très- bien, ce talent n’eft point rare, & il ne confifte pas, comme on Va dit, à avoir la peau fort rude, mais feulement bien sèche & peu fujette à devenir humide. par tranfpiration , da main appliquée immédiatement au verre, lui fait prendre plus de vertu que quand on interpofe du papier ou quelque’étoffe; depuis que je me fuis mis au fait de ce principe, j'ai éprouvé cent fois que plus la garniture dont je me fers pour frotter, eft épaifle, plus l'électricité eft tardive, eft foible, c’eft qu'alors les émanations de la main font arrêtées où affoiblies par V'in- terpofition d’un corps qui n'eft pas capable d'y fuppléer d'une manière complette ; & quand j'ai fait porter le papier contre le globe-par le moyen d'un reffort de bois, au lieu de y tenir appliqué avec la main, à peine ai-je pû faire naître une éleétricité un peu confidérable*. 7: ie Ste"! * Je n'ignore pas qu'en Allemagne & aïlléurs on fe fert aflez communée ment d’un couffinet de cuir garni/de crin pour frotter les globes , je n’en … Suis frvi auffi avec plus de füccès que, du papier, apparemment parce que ces couffinets font faits de matière animale; mais la main nue me réuffit encore mieux, 128 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE J'aperçois encore dans ce principe la raifon pour laquelle la main qui frotte le verre paroît lumineufe aux endroits du contaét, & pourquoi, en paflant le bout des doigts ou de revers de la main le long & fort près du tube nouvellement frotté, on fait naître un grand nombre d’étincelles brillantes : qui éclatent avec bruit; car puifque la matière que le frot- tement fait fortir du tube & de la main eft capable de s'en- flammer, la tranfparence du verre la doit faire apercevoir aux endroits où elle eft le plus en action. Quand les doigts font à une petite diftance du corps élec- trifé, les émanations de part & d'autre fe heurtent en fens contraires, s’animent davantage par le choc, & le feu déjà prêt à éclater, brife l'enveloppe qui le retient, & en poulie es fragmens contre l'air ou contre les corps qui fe trouvent dans le voifinage; voilà, felon toute apparence, d'où viennent & le bruit qu'on entend & la piqüre qu'on reffent à chaque étincelle. Ces taches lumineufes qu'on aperçoit à la fuperficie des corps, du linge ou d’une étoffe, par exemple, & qui font caufées, comme je le fuppofe, par le confliét de la matière électrique qui en fort, & de celle qui vient du tube qu'on en approche, ce feu, dis-je, eft beaucoup plus vif, plus fré- quent & plus durable, fi cette étoffe ou ce linge tient à un corps vivant, comme un habit ou une coëflure, parce que le corps animé qui abonde plus que tout autre en matière électrique, comme nous l'avons appris ci-deflus, en com- munique à tout ce qui le touche. Ce que j'avance ici peut fe prouver aifément par un fait qui a été fouvent obfervé, & que je ne vois pas qu’on ait encore expliqué. Lorfqu'il fait un temps fec & froid, le poil de plufieurs animaux devient éleétrique au moindre froite- ment, & rend des étincelles qu'on aperçoit très-bien dans l'obfcurité : plufieurs perfonnes en quittant leur linge ou en paffant brufquement la main deflus avant qu'il foit refroidi, en font fortir de même du feu très-brillant, la matière qui s'enflamme ainfi vient fans doute du corps animé, car un manchon, DES SCIENCES 12 manchon, où une chemife qui vient du blanchiffage , n'a pas le même effet*, & cette matière me paroït n'être autre chofe que des parcelles du feu enveloppées de parties ani- males qui ont tranfpiré avec elles & que le froid a condenfées; ce feu encore animé & prefque en équilibre avec la force des liens qui le retiennent, éclate dès qu'un mouverient auxi- liaire vient augmenter fon a@ivité; dans un temps doux, dans une chambre chaude où dans un lit, ces effets arrivent rare- ment & font toûjours beaucoup plus foibles, parce que le feu qui s'exhale du corps vivant, fe diffipe auffi-1ôt de même que les vapeurs qui font alors trop fubtilifées, ou il eft peut-être étouffé par une tran{piration trop abondante, car les deux excès peuvent produire le même empêchement. Par la troifième queftion je me fuis propofé de fçavoir comment la matière éleétrique fe met en ation: pour faifir monobjet avec plus de précifion, je dois remonter à l'ori- gine, & examiner l'éleétricité qui naît par frottement; car. celle qui a été communiquée, femblable à l'embrafement qui vient d’une étincelle, doit être confidérée comme un effet plûtôt que comme une caufe. | J'ai déjà remarqué ci-deffus d’après les Sçavans qui ont orté leurs recherches fur la nature du feu, que les corps les plus élaftiques, toutes chofes égales d’ailleurs, font auffi les plus prompts à s’échauffer par le choc réitéré, ou, ce qui eft prefque la mème chofe, par le frottement ; je puis encore ajoûter que la lumière reçoit plütôt dans ces mêmes corps qu'ailleurs le mouvement qui lui eft propre : deux morceaux de verre, de cryftal de roche, d’agathe ou de cailloux blancs, deviennent intérieurement lumineux dès qu'on les heurte l’un contre l’autre dans l'obfcurité. De ces obfervations & de beaucoup d’autres pareilles que je m'abftiens de rapporteï, on conclut avec beaucoup de vrai- * de dis le même effer, c’eft-à-dire, des étincelles très-forres, pétillantes, & faifant quelquefois l’aigrette; car je fçais bien , pour l'avoir éprouvé, qu’on fait fortir du feu du linge blanc de leffive, & d’une infiniré d’autres corps un 8 P peu féchez au feu; mais ce n’eft point de ces effets communs dont il s’agit ici. Mem., 1 745: 130 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE femblance que les parties du feu élémentaire font com m de petits reflorts tendus que le moindre mouvement met en état d'agir, qui communiquent leur aétion aux molécules des corps qui les renferment, & qui leur oppofent une cohérence plus ou moins grande ; que profitant enfin de l'expanfion de ces molécules pour s'étendre elles-mêmes, ces particules de feu deviennent de plus en plus libres, à mefure que leur aéti- vité augmente, foit par là force extérieure qui continue de les animer, foit par leur union aux parties de leur efpèce qui fe dilatent comme elles & par la même caufe. Le premier effet qui réfulte de cette expanfion, é’eft que: le feu s'exhale du corps qui s’échaufle, & qu'il fait fentir de Ja chaleur aux environs, ou par fa propre ation, ou par celle- du même élément qui fe trouve par-tout & qu'il anime. Un autre effet qui accompagne celui-ci, c’eft que le feu qui s'exhale, emporte prefque toüjours avec lui des parties. fubtiles des corps d’où il fort, & cette union lui fait prendre- des qualités qui varient felon la nature des matières qui lac- compagnent ; il eft odorant avec celles-ci, infipide avec celles-là, falutaire avec les unes, nuifible avec les autres; mais ce qui ne lui manque jamais en pareil cas, c'eft d'être plus groflier, plus capable d'impulfion & de réfiflance qu’il ne feroit, s'il étoit réduit à fes parties propres, s'il étoit dégagé de toute matière étrangère : des obfervations fans nombre. juftifieroient cette propofition s’il en étoit befoin. La matière électrique étant au fonds la même que celle du feu, quand j'obferve qu'elle s’anime plus promptement, avec plus de vigueur & de durée dans les corps à reffort que dans. les autres; lorfque je vois que ces corps ceflent d’être élec- triques quand on les touche à pleines mains, ou qu’on les: pole fur de grandes mafes peu difpofées à le devenir, comme fi ces attouchemens arrêtoient ou diffipoient un certain mou-- vement imprimé à leurs parties ; Jorfque je fens auprès des. corps électrifez une odeur de phofphore, & que je vois le- feu qui en fort affecter différentes couleurs, ne m'eft-il pas. permis de penfer que la matière életrique reçoit d'abord fon: DES SCIENTC.E Ss 121 mouvement à peu près de la même façon que le feu eft cené recevoir le fien? ne puis-je pas croire que fon ation eft celle d’un fluide élaftique que le frottement excite, que fon expan- fion aidée par la réaction des parties frotiées, porte du dedans au dehors ( à peu près comme on voit un noyau s'élancer quand on le prefle entre les doigts) & que fon union avec une ma- tière étrangère met en état d'avoir prife fur les corps qui fe trouvent en fon chemin ? c’eft au moins une conjecture qui me paroît probable. La vraï- femblance augmente encore quand on compare cette efpèce d'évaporation, cette émanation de la matière éleétrique avec celle du feu qui s'exhale d’un corps; celle ci, comme on fçait, s'étend de toutes parts, de façon que le corps embrafé devient comme le centre de la chaleur qui fe fait fentir aux environs, le corps électrique devient auffi le centre de fa fphère d'activité, & ce qui en fort forme autour de lui des rayons qui font prolongez fans doute de ces aigrettes lumineufes dent j'ai parlé ci-deflus, & qui feroient vifibles dans toute leur étendue, comme ils le font affez fouvent à Jeur origine, s'ils avoient toûjours & par-tout la même den- fité & le même degré de mouvement. … Je crois être en état de prouver que cette prolongation de rayons n'eft pas feulement une hypothèfe vrai-femblable, mais un fait bien réel, que la matière électrique, foit qu'elle demeure invifible, foit qu'elle devienne fumineufe, prend toûjours la forme d’aigrettes en fortant du corps éledrifé, & que les pores par lefquels elle s’élance du dedans au dehors, ne font pas fort près les uns des autres, articles très-importans au fyftème que j'ai à établir, & qui peuvent fe conclurre aflez -naturellement des obfervations que je vais rapporter. Quand les aigrettes lumineufes ont peine à paroître, foit parce que le temps ne convient pas aux expériences, foit par quelqu'autre circonftance défavorable, on né manque - pas de les exciter en approchant la main on le vifage à quel- 3 que diftance de l'endroit où elles doivent fe faire voir, & . toutes les fois qu'elles paroifent on eft für de à augmenter 1 »32 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE confidérablement par ce moyen , les rayons continuent de: s'enflammer, & s'alongent en s’'avançant vers le doigt qu'on y préfente, à peu près comme la fumée d’une chandelle nou- vellement éteinte fe rallume en touchant une autre flamme. Peut-on raifonnablement douter que ce qui devient lumi- neux alors entre le doigt & l'aigrette à laquelle il fe préfente, ne foit la même matière à qui il manquoit feulement d'éclater en lumière? & fi elle ne fe rallumoit pas à une plus grande diftance, feroit-ce une raifon pour chercher une autre caufe aux effets que je lui attribue ? J’aimerois autant dire que la chaleur que l'on reflent autour d’une matière embrafée ne vient pas du feu qui s'en exhale, parce que ce feu eft invifi- ble : ne fçait-on pas que la flamme d’une lampe foufflée avec * un chalumeau brüle encore plus de fix pouces au delà de len- droit où l’on cefle de l'apercevoir! Au refte n'eft-il queftion que de ranimer plus loin le few de ces rayons éleGtriques, pour prouver qu'ils font prolongez des aigrettes lumineufes , oppofons-leur à différentes diftances de leur origine des rayons d'une matière femblable dont le choc les enflamme; préfentons-y des corps animez ou des métaux. { nous avons. vü précédemment qu'’ilen fort plus de matière électrique que de tout autre corps, lorfqu'ils font: dans le voifinage d'un-corps éleétrifé) préfentons-les:par l'en droit d’où ces rayons fortent le plus abondamment, le bout du doigt, par exemple, une lame de fer ou d'acier par fa pointe; voici ce que cette épreuve réitérée cent fois-m'a fait voir, de même qu'à plufieurs-perfonnes de cette Compagnie qui ont bien voulu me prêter la main & m'aider de leurs lumières : affez fouvent le bout du doigt ou de la lame de fer dévient lumineux à un pied ou deux de diflance de l'aigrette qui fort du corps életrifé , il'eft affez ordinaire aufii qu'il: cefle dé l'être quand on le change de place, quoiqu'on garde le même éloignement. Que peut-on-dire de plus vrai-femblable pour expliquer ce double fait, finon que le bout du doigt ou de la lame de. métal: devient-lumineux quand la matière électrique-qui sn: DES SCIENCES. 13 émane, rencontre en fortant celle qui vient du corpséledrifé, & qu'il cefle de l'être lorfque par fon-déplacement le-confliét. des deux matières n’a plus lieu; mais fi l’on admet cette ex- plication qui eft affez naturelle, c'eft reconnoître que les: rayons de l'aigrette lumineufe font prolongez, comme je l'ai fuppofé d’abord. Une perfonne de {a première diftintion & vêtue d’üne étoffe où il. y avoit beaucoup d’or & d'argent, s'étant appro- chée à deux pieds de diftance environ d’une barre de fer éleétrifée d’où il fortoit une belle aigrette de rayons Jumi- neux, je vis le devant de fa robe tout parfemé de taches de feu (un corps animé couvert d'une étoffe tiflue en partie de métal, étoit plus propre qu'aucun autre à produire cet effet, felon ce qui a été rapporté ci-deflus*) la perfonne s'approcha davantage & à plufieurs fois du corps électrifé, les taches de feu fe rapprochèrent aufli de plus en:plus les unes des autres; de forte que l’on ne pouvoit pas douter qu'elles ne fuffent les extrémités de ces rayons divergens que je fuppofe être pro- longez de l'aigrette lumineufe: J'ai déjà dit que la liqueur qui s'écoule d'un vaifieau élec- tifé, fort avec plus.de vitefle & fe dirige comme les éma- nations électriques qui accélèrent fon mouvement ; je puis ajoûter ici que le jet accéléré, prefque toûjours lumineux à fon origine, fe divife en plufieurs petits rameaux qui vont en s'écartant les uns des autres, & qui marquent vifiblement la divergence & la prolongation des rayons électriques qui les : dirigent. Voyez la Fig, 3.. | Que l'on place fur.une barre de fér, ou fur à main d’un homme qu'on éleétrife, un petit tas de cette poudre de bois qu'on met fur l'écriture, de fon de farine, detabacrapé, &c.. dans un inftant on voit toutela pouffère s'envoler, & defliner * C’efEun fait très-conftant que I& matière électrique fort‘plus abondam- …. ment & avec plus de force des corps vivans & des métaux; que:de tous les autres, foit qu'on les éleétrife ou qu'on les tienne dans le voifinage d’un corps électrifé. Cette expérience ne réuffit point. également bien avec toutes fortes . d’étoffes d'or ou d'argent, celles dont le tiflu eft uniforme & dans lefquelles on a employé le métal trait, valent mieux que les autres; les moires doivent er cho: ÉRrences .. êu'e: choifies par préférence R 11: 134 MEMOIRES DE L’ACADEMIE RoYaLE par lon mouvement une gerbe très-épanouie*, comme if eft repréfenté par la Fig. 6. Fa Enfin éleétrifez fortement une barre de fer, de façon qu'il paroille au bout une ou plufieurs aigrettes lumineufes ; pré- fentez le vifage ou le revers de la main à cinq ou fix pouces de diftance vis-à-vis de cette aigrette enflammée, vous fenti- rez un petit fouffle qui augmentera ou qui s’affoiblira felon que celte aigrette lumineufe deviendra plus ou moins forte, ou que vous en approcherez à une plus ou moins grande dif- tance; quelquefois ce petit vent fe fait fentir fans que V'ai- grette paroïfle, mais il devient toüjours plus fort qu'il n’étoit dès qu'il vient à briller, ce qui prouve aflez clairement que cette lumière qu'on aperçoit, vient feulement d’une plus rande aétivité dans la même matière. I paroît donc indubitable que la matière invifible dont on aperçoit les effets à plufieurs pieds de diftance d’une barre de fer éleétrifée, eft la même qui fait ce bouquet de lumière qu'on voit à l'extrémité de cette barre, & dont les rayons gardent par-tout la divergence qu'on voit commencer à leur origine; mais comme ce même fer eft électrique dans toute fon étendue, quoique fouvent il ne foit lumineux qu’à fon extrémité, doit-on penfer que fa matière qui en fort par quelque endroit que ce foit, affeéte toüjours la forme d'ai- grette qu'elle a quand elle devient luifante? je l'ai préfumé d'abord, & l'expérience a paru juftifier ma conjeéture, car après celle des petits monceaux de pouffière que j'ai rapportée ci-deflus, je parfemai de gouttes d’eau la même barre de fer, & tandis que l'on continuoit de l'éleétrifer dans un lieu obfcur, je paffai le revers de la main felon la longueur de la verge de métal, à quelques pouces de diftance de fa furface, & j'en vis fortir de chacune des gouttes d’eau des aigrettes lumineufes, fort femblables à celles qui s’élancent d'elles- * Pour exécuter plus commodément cette expérience, il faut que quelqu'un tienne avec la main le bout de la barre de fer pendant qu’on commence à frotter le globe, afin que lorfqu’on cefera de la toucher elle devienne tout-à- -coup fort électrique, & qu’on voie la pouffière partir tout-a-la fois. DES SCIENCES: 135 mêmes & fans être excitées, à l’extrémité de cette même vérge. Voyez la Fig. 7. Puifque la matière électrique qui ne fe fait point voir com- munément de long d'une barre de fer, s’enflamme comme à. Vextrémité & fous la même forme, quand on aide cette in- flammation par quelque circonftance, doit-on croire que d'être vifible ou de ne l'être pas, change quelque chofe à la direction de ces rayons? n'eft-il pas plus naturel de penfer que cette matière, de quelque endroit qu’elle s'élance, fe di- vife toûjours en plufieurs rayons qui s'écartent les uns des autres, foit qu’ils demeurent invifibles, foit qu'ils deviennent lumineux? | Mais ces bouquets ou ces aigrettes de matière électrique ne fortent point, comme on pourroit le croire, par tous les pores du corps éleétrifé, il femble au contraire que les en- droits de la furface par où f font ces éruptions, font en moindre nombre que ceux d’où il ne fort rien, & voici ce qui me le fait penfer. Ayant couvert toute ma barre de fer de fciüre de bois non tamilée, & l'ayant éledrifée enfuite, une grande partie de: cette pouffière, & fur-tout la plus groffière, fut enlevée : d'abord; mais la plus fine demeura conftamment, quoique je : eontinuaffe d’électrifer, & elle ne fut emportée que quand je: Yeus raflemblée en un petit monceau, encore en refta-t-il toûjours : il n’eft pas poflible que ces particules qui reftèrent,, ne couvrifient une grande partie des pores-duifer ; fr elles n’ont point été enlevées commes les autres, c'eft apparem- ment qu'il ne fortoit pas de matière électrique par ces pores. qu'elles couvroient : j'ai vü le même effet en jetant diffé-- rentes poufflières fur un tube de verre nouvellement frotté, &c j'en ai tiré la même conféquence. Si la matière électrique pre-. noit fon effort en même temps par tous les pores du.corps. éleétrifé, pourqoui lorfqu’on la rend lumineufe en approchant la main ou une pièce de monnoie, ne. verroit-on jamais pa- roître que des aigrettes fort: diflantes:.les unes. des:autres? par quelle raifon:toute la furface à fsquelle répond la main 136 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE RoyaLE ou l'écu, ne paroïtroit-elle pas brillante de rayons lumineux areils les uns aux autres ? Non feulement je penfe qu'il y a un grand nombre de pores par lefquels la matière éleétrique ne fort point, mais j'ai des raifons pour croire encore que par ces mêmes pores il entre une matière qui vient ou de l'atmofphère, ou des corps folides & autres qui font aux environs du corps électrifé. Quand je répands de la pouffière fur une barre de fer poli, ou fur un tube de verre non électrifé, ou cette pouflière tombe d'elle-même & par fon propre poids , ou elle eft em- portée par le fouffle le plus léger ; il n'en eft pas de même de celle qui refe à la furface d'un corps nouvellement éleétrilé, elle y demeure comme attachée, & ce n'eft qu'en faifant changer de place à ces particules de matière qu'on les met en état d'être enlevées : au lieu de pouffière fi l'on fe fert pour cette épreuve de petites plumes, de fragmens de papier ou de petites feuilles de métal, fort fouvent on voit ces petits corps s'élever par un bout & demeurer attachez par l'autre; mais ce qui fait un fpeétacle aflez plaifant, c'eft de femer fur la barre de fer ou fur le tube électrifé, de petits bouts de fiE très-menus, longs d’un pouce ou environ, rien ne reflemble mieux à ces chenilles qu'on nomme arpenteufes, dont le corps s'élève & fe replie plufieurs fois fur la branche où elles fe tiennent, ou qui {fe dreflent perpendiculairement par un bout, tandis que l’autre refte appliqué au bois. { Fig. 8). Tous ces.effets m'ont fait conclurre que de tous les pores ouverts à la furface d'un corps aétuellement électrique, les uns donnent paflage à une matière qui fort, & les autres à une matière qui fe porte du dehors au dedans ; que la première emporte tout ce qui fe trouve devant elle, que la dernière par unæffet femblable, mais dans une direction oppofée, retient à la furface du corps folide où elle tend, tous les corpufcules fur lefquels elle s'applique ; & enfin que s’il fe trouve un corps léger affez étendu pour donner prife à l'une & à l'autre, il leur obéit à toutes deux en demeurant attaché par un bout & s’éle- vant par l'autre, ou bien il cède entièrement à la plus forte. Ajoüûtons DES SCIENCES 137 . Ajoûtons encore à ces expériences un raifonnement qui me paroît aflez plaufible, & qui fuit de plufieurs faits rappor- +ez ci-deflus : on a beau continuer d’éiectrifer le même corps, ‘on ne voit jamais qu'il s’épuife de cette matière qu'il lance de toutes parts, au bout d’une heure fon électricité eft à peu près telle qu'elle s’eft montrée après les deux ou trois premières minutes, fi les circonftances ne changent point d’ailleurs; il y a donc toute apparence que la matière qui rentre, & dont nous venons de prouver l'exiftence, remplace dans tous les inftans celle qui pale du dedans au dehors: or s’il eft vrai, comme il paroït, que celle-ci ne forte quespar des pores affez diftans les uns des autres, il faut que les pores de rentrée foient plus nombreux que les paffages par lefquels fe font les jets en forme d’aigrettes, fans quoi le remplacement ne paroît 1 _pas devoir égaler la perte qui fe fait par les éruptions vio- lentes & précipitées : je crois donc me faire une idée affez jufte de ces deux matières électriques, en confidérant l’une comme une effluence dont les rayons très-divergens entr'eux s'élancent avec une grande rapidité, & l'autre comme un fluide qui tend de toutes parts au’corps éleétrifé, & dont les filets:beaucoup plus ferrez entr'eux coulent avec une viteffe _ d'autant moins grande, * Je viens maintenant à ma dernière queftion , j'effaie d’ex- _ “pliquer méchaniquement comment s’opèrent les principaux phénomènes de l'électricité ; je dis les principaux, parce que dans des queftions précédentes j'ai rendu raifon de plufieurs _ faits qui ont pour caules d'autres faits du même genre, très= connus & bién conftatez : ceux dont il s’agit maintenant peuvent fe réduire à deux chefs, fçavoir, 1 ° à ces mouvemens alternatifs auxquels on a donné les noms d'attraction & de répulfion; 2° à ces autres phénemènés qui font accompagnez _de lumière ou d’inflammation. a" . Pour mieux faire entendre ce que je penfe fur le mécha- nifme.de ces effets, il eft à propos que je rappelle fommaire- ment les principes*que j'ai établis ci - deflus par voie d'expé- riences ; car fi je laiffe agir mon imagination pour deviner ce Mem, 1745. 138 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE que je ne vois pas, je fuis bien aïfe que l’on n'oublie pas que c'eft toüjours en raifonnant d’après ce que j'ai vû : on fe fou- viendra donc, 1° Que l'élericité eft l'ation d'une matière fluide qui eft en mouvement autour du corps électrifé. 2° Que cette matière n’eft point l'air groffier que nous refpirons , & encore moins ce même air uni aux exhalaifons & aux vapeurs dont il eft communément chargé, mais un fluide plus fubtil qui peut pénétrer à travers des corps durs, un fluide aflez folide cependant pour avoir prife fur eux & pour exercer des impulfions. 3° Que ce fluide fubtil eft vrai-femblablement le même que la matière du feu & de a lumière, non pas purgée de toute fubftance étrangère, mais unie probablement aux par- ties les plus fines des corps mixtes d’où elle fort, & dans. Jefquels elle reçoit fon mouvement. 4° Que ce fluide vient non feulement du corps éleétrifé,. mais auffi de tous ceux qui font autour de lui jufqu'à une cer- taine diftance. 5° Que la matière éleétrique fort du corps éleGrifé en: forme d’aigrettes, & feulement par les pores les plus ouverts. & aflez diftans les uns des autres. 6° Que cette matière qui s’élance aïnft du corps éle&trique,. fe meut plus facilement dans les corps les plus compactes que dans l'air même; ce qui fait que par-tout où elle rencontre ces. corps elle s’y jette précipitamment, & les. rend électriques par communication. 7° Je fuppofe *avec le plus grand nombre des Phyficiens, & d’après les expériences mêmes que j'ai rapportées, quela matière du feu eft un fluide univerfellement répandu dans *. Nota, Que cette füppofition n’intérefle pas le fonds de. mon fyftème + que la matière éleétrique. foit ou ne. foit pas la même que celle du feu & de la lumière , il faut toûjours qu’on m’accorde.tout ce que j’en dis dans les fix. premiers articles, d’après l’expérience même; fi je prends ce parti, c’eft par» Îes raifons d’analogie dont j'ai fait mention, & parce que je.crois qu’on ne= doit pas imaginer de nouveaux êtres dans la Nature, quand ceux qu'on y. connoit fufhfent pour nous rendreraifon des phénomènes qui fe préfentent à: expliquer. ÿ DES SCIENCES. 13 J'intérieur des corps comme au dehors, & qui tendant toû- jours à fe mettre en équilibre avec lui- même, fe prefle de remplir les efpaces qui deviennent vuides des parties de fon efpèce. Ces principes étant admis, voici premièrement comme j'entends que s'exécutent les phénomènes de l'attraction & de la répulfion, avec tout ce qui peut y avoir rapport. Soit À BC D [ Fig. 9.) une portion annulaire d’un tube de verre éleétrifé : la matière électrique qui fe trouve dans fon épaiffeur*, étant preffée par le frottement & agitée par fa- _ propre réaction, & par celle du verre qui la renferme, prend . fon effort par différens endroits de la furface extérieure; elle s'étend au dehors par un mouvement progreffif jufqu'à ce qu'elle ait perdu toute fa viteffe : la réfiftance de l'air qu'elle a peine à pénétrer, fait qu’en fortant des pores du verre elle s'éparpille, pour ainfi dire, & fes rayons divergens qui for- ment plufieurs aigrettes, rempliffent un cercle qui a plus ou moins d'étendue, felon le degré d'aétivité du corps électrique & du fluide qu'il met en mouvement. _ … Cette matière qui fort ainfi du corps électrique, y laiffe _ des vuides qui fe rempliffent auffi-tôt par un fluide de {a | même efpèce dont il eft environné, à peu près comme un … vafe percé & plongé dans la rivière fe remplit de l'eau qui | Yenvironne, filon enlève celle qu’il contient avec une pompe ou autrement. Rte Voilà donc la matière électrique qui fe meut en deux fens oppofez, & qui forme, pour ainfi dire, deux courans, dont l'un vient du tube par des lignes divergentes, tandis que Y'autre y va par des directions convergentes : appellons le pre- _ mier de ces deux courans, L matière effluente, & nommons _ le dernier /2 matière affuente. S'il fe rencontre donc un corps léger & libre dans Îe cercle À x Le corps qu’on éleétrife doit avoir une certaine épaïfleur, une lame de fer, un tube de verre trop mince, devient peu éleétrique & ne garde pas 1g-temps cet état; une plus grande épaifleur offre des canaux plus longs à matière électrique , & lui donne lieu d’acquerir apparemment une plus S ij Det je "270 40 "0e vitefle, » ro MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE d’aétivité dont tout Fefpace eft rempli par la matière tant affluente qu'effluente, un & l'autre mouvement étant pro- greffif, & les parties qu'il anime n'étant point aflez fubtiles pour pafler librement & fans heurter le corps flottant, celui- ci obéit néceffairement au plus fort, il-vaau tube, ou il s’en écarte; c’eft ainfi qu'une petite feuille de métal ou un duvet de plume placé en £ entre deux aigrettes de matière effluente, paroît aufli-tôt attiré vers À, parce qu’en effet la matière affluente l'y conduit précipitamment.. On ne manquera pas de m'arrêter ici, en me difant qu'on ne choifit pas l'endroit où l’on met flotter la feuille de métal ou le duvet ; que par l'infpection feule de la figure on voit que le petit corps doit fe rencontrer plus fouvent dans la matière effuente.que dans l’autre, & que cependant on ne Îe voit jamais commencer par s’écarter du tube électrifé. . Jamais, c'eft trop dire, j'en attefte les perfonnes attentives qui fe font exercées à ces fortes d'expériences, elles auront fans doute cbfervé bien. des fois, qu’en préfentant le tube à un ruban, à un fil fufpendu, en un mot, à un corps d'une grande étendue, elles opéroient une répulfion au lieu d’une attraétion qu'elles attendoient, ou qu'une partie-du ruban, par exemple, étoit attirée, tandis que l’autre étoit fortement re- pouffée ; aflurément il n’a dû échapper à perfonne d’obferver qu’une feuille de métal un peu large, fur-tout fi elle fe pré- fente de face, n'arrive prefque jamais jufqu’au verre s'il efb fortement éléétrifé. Mais il faut convenir que file corps flottant eft d’un très- petit volume, ou qu'il puifle fe. préfenter par fe tranchant comme une feuille de métal, ou bien.enfin quelles parties qui le compofent, laiffent des intervalles affez grands entr'elles, comme le duvet de plume, la graine de pifienlit, le coton, &c. il faut, dis-je, convenir qu'avec ces conditions, fon pre- mier mouvement fe fait prefque toûjours vers le tube électrifé. Pour rendre raifon de ceci; j'obferverai que les rayons de Ji lumière effuente étant beaucoup plus rares que ceux de fx matière affluente, ceux-ci rempiiffent dans le cercle d'activité. | DES SCIENCES. Y4T tous les vuides que les autres laiflent entr'eux , & ces vuides font toûjours aflez confidérables, car auprès du corps élec- trique les aigrettes font à quelque diftance l’une de l'autre, & plus loin la divergence de leurs rayons produit des inter- valles équivalens, de {orte quela matière affluente à toûjours : plus de prife fur le corps flottant qui n'a qu'un très-petit volume; fi ce petit corps, par exemple; a une étendue égale à FC, iln’ya, comme on voit, que deux rayons qui s’oppofent à fon mouvement vers P, tandis qu'il y eft pouflé par tout ce qu'ily a de matière affuente entre ces deux points, ce-qui feroit une puifflance incomparablement plus grande, fi ces rayons-convergens avoient autant de vitefle que ceux qui viennent divergens du point 2; M'arrêterai-je à prouver que Îes rayons effluens font beau- coup plus rares que les autres ? quand on jette feulement les yeux fur les émanations Jumineufes qui fortent d’un corps. éleGrilé, n’aperçoit-on pas déjà fenfiblement 1a divergence à deux ou trois lignes de diftance de leur origine? ne fçait-on . pas aucontraire, &. par Îes phénomènes de fa lumière & par ceux de la chaleur, que les plus petits-efpaces font pleins de cet élément qui en eft le principe? | _ + Jereviens donc à mon füjet, & je dis que la feuille de métal ou le duvet, en quelque endroit qu’il fe trouve du cercle d'ac- tivité, doit être porté d'abord vers Îe tube électrique, par la | matière affluente toüjours fupérieure en force à fon antago- _ nifle, tant qu'elle agit fur un petit volume , ou für un corps dont la figure puifle le faire échapper en partie à l'impulfion . contraire des rayons -divergens. BR. » Cependant, dira-t-on, dès que lé corps flottant a touché - Je tube, ou qu'il s'en eftapproché de fort près, on le voit toû- jours s'en écarter immédiatement après, fa matière affluente sen empare à fon tour & le.tient éloigné; a-t-il donc aug- - mentéde volume’ où | … Oui fans doute, il eft dévenu électrique en. touchant le corps éleébifé, ou en s'en:approchant de fort près. ( on fçait i Sig. RL. un note Gt dÉR 142 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE ROYALE que cela doit être *) & dans cet état il a une atmofphère de matière efHuente, il eft tout hérifié d’aigrettes, & on doit le confidérer en petit comme la partie À 8 C D du tube eft en grand, en un mot, tel qu'il eft préfenté par la lettre 4; ainfi tant que dure fon électricité il doit demeurer fufpendu ou éloigné à telle diftance où la matière efHuente avec des rayons plus rares & une plus grande vitefle fait équilibre à la matière affluente plus denfe, mais animée par un moindre mouvement. Il ne faut pas croire que la matière qui fort d'un corps électrique, vienne continuellement des mêmes endroits, ni que toutes ces émanations foient également fortes par-tout; ce cercle d'activité dont je parle, n'eft fans doute rien moins que régulier & conftant, la matière forcée fe fait jour par où elle peut, & felon que le frottement ou d’autres circonftances favorifent plus ou moins fon activité: de là viennent ces mou- vemens qu'on voit faire à une feuille de métal qu’on tient flottante au deflus du tube éleétrifé, dans l'air le plus tran- quille, de là vient auffi que la feuille ou la plume qui s'attache & fe colle, pour ainfi dire, au verre, un inftant après s’en dé- tache & s’élance avec précipitation. Cette efpèce de chatouillement même qu’on fent au vifage Jorfqu’on en approche le tube éleétrique à quelqu'un qui eft attentif, ne préfente pas l’idée d'un mouvement régulier & uniforme; celle que tout le monde s’en fait, en comparant cette légère impreffion à la rencontre de quelque toile d’arai- gnée qui viendroit s'appliquer fur la peau, eft affez jufte, & quadre on ne peut pas mieux avec les rayons rares & diver- gens d’une matière lancée. Mais pourquoi le corps flottant revient-il au tube éledtrifé, ‘quand une fois il a touché quelqu'autre corps qui ne l'eft point? * Er cela eft.en effet, on peut s’en aflurer par une expérience très-fimplez tandis que cette feuille fe tient en l'air au deflus du tube qu’elle a touché, fr Ton en approche un corps non éleérifé, elle ne manque pas de fe précipiter deflus, ce qui prouve inconteftablement fon éleékicité acquife, PS DES SCrTENCES 14% M. du Fay nous en a dit la raifon il y a long-temps, c'eft que | par cet attouchement ce petit corps cefle d'être électrique ; | il a donc perdu cette atmofphère de matière effluente qui | augmentoit fon volume quoique invifiblement, & qui lui fai- | foit éprouver une réfiftance prédominante de la part de celle du tube. ” Que ce corps flottant perde fon éle&ricité par l’attouche- ment d'un autre corps, c'eft une chofe toute fimple & tout- à-fait conforme au principe dont j'ai parlé précédemment, les. écoulemens électriques entrent plus aifément & plus vite dans | un corps folide , dans un corps denfe, que dans l'air même qui les environne. - Cette efpèce d'affectation eft tellement marquée, que ff Yon préfente le doigt ou une pièce de métal aux aigrettes lumineufes qui fortent par l'extrémité d’une barre de fer for- tement électrifée, on voit auffi-tôt les rayons s’alonger, leur. .… divergence diminuer jufqu'au parallélifme, (Fig. 7 0.) & leur lumière devenir plus vive, & fe convertir en un ou plufieurs petits traits d’un feu très-aétif : par conféquent lorfque je préfente le bout de mon doigt au corps flottant életrifé, fa matière effluente coule de ce côté-là avec plus de vitefle & _ de liberté , elle devient plus denfe, puifque fa divergence de fesrayons diminue; par ces deux raïfons fa matière afuente “ augmente de vitefle à la partie oppofée, de là vient cette pré- cipitation avec laquelle Le corps fe joint à mon doigt comme s'il en étoit attiré. F L'inftant d’après il s’en fépare comme s’il en étoit repouffé, & il l'eft en effet, parce que fon électricité ne fe perdant que parcommunication il en garde encore un peu, & mon doigt en prend affez pour faire à fon-égard, quoique plus foiblement . & pour peu de temps, ce que faifoit précédemment le tube . électrique. | - Pour m'aflurer de a jufteffé decette explication, j’écarte . le tube de la petite feuille de métal que j'ai touchée, & je Ia avec mon doigt qu'ellé vient de quitter, alors j’obferve . trés-conflamment qu'elle s'en écarte pendant quelques inftans: … que-dure leur éle“tricité à l'un &c.à l'autre. - — 344 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE : Si l’on ne prend pas foin d'écarter le tube électrique, Ta petite feuille que l'on a touchée réjaillit de deflus le doigt d'une manière plus marquée, par deux raifons, 1° parce qu'ayant perdu prefque toute fon élericité, elle eft dans le cas d'être attirée par le tube ; 2° parce qu’en préfence de ce tube électrifé, la matière affluente qui vient du doigt eft bien plus forte, & poufle la feuille bien davantage que celle qui vient fimplement de l'air de l'atmofphère : car fi la matière effluente d’un corps éleétrifé fe jette précipitamment dans les corps animez, dans les métaux & généralement dans les corps_ folides, parce qu’elle s'y meut avec plus de liberté, comme l'expérience nous l'a fait connoître, par la même raifon la matière afuente qui vient de ces mêmes corps lorfqu'ils fe trouvent dans le voifinage d’un tube électrifé, coule avec plus de viteffe & plus abondamment des uns que des autres, comme nous l'avons obfervé au commencement de ce Mé- moire. C’eft donc pour cela que fi je préfente avec ma main une plume, un fil, du coton, ou toute autre chofe femblable, au corps éledtrifé, ces corps légers partent avec bien plus de viteffe que fi je les tenois flottans en l'air. Quoique j'aie établi pour principe que la matière électrique Te meut avec plus de facilité dans les corps folides que par- tout ailleurs, cette loi générale n’eft pourtant pas fans excep- tion, il y en a d'où elle fort difficilement & en petite quantité, & où elle entre de même, mais qui l'auroit pü prévoir ? ce font juftement les corps les plus inflammables qui fe trouvent dans le cas: qu'on préfente toutes ces matières ( mais que l'on prenne bien garde de les frotter ni de les chauffer auparavant) qu'on les préfente, dis-je, aux aigrettes lumineufes d’une barre de fer éleétrifée, & l'on verra les rayons de ces aigrettes de- venir plus divergens qu'ils ne font natureliement, ils ne feront que glifler contre, & aflez fouvent ils s’éteindront. Qu'on approche ces mêmes corps du globe de verre pen- dant qu'on le frotte, on n'en verra pas fortir, comme du doigt, comme d’une pièce d'argent, ces jets de feu dont j'ai parlé d'abord; z 6, : DES SCcrENCES. 14 “d'abord ; faites flotter en l'air une petite feuille de métal élec- “trifée avec un tube de verre, au lieu du doigt préfentez-lui “un bâton de cire d'Éfpagne ou du foufre, le plus fouvent & prefque toûjours il y aura répulfion *, la petite feuille ne leur communiquera pas, comme au doigt, fon électricité, les rayons effluens entretiendront une diftance entr'elle & le ‘corps dans lequel ils ne peuvent pénétrer ; mais veut-on faire cefler cet effet, veut-on faciliter leur union ? il n'y a qu'à frotter lefoufre ou la cire d'El pagne, ouvrir fes pores, mettre fes parties en action : voilà tout le myftère. Müis fi je frotte la cire d'Efpagne, ne la rendrai-je pas électrique? & fi elle le devient, n’eft-elle pas dans le cas d’un tube de verre qui repoufie conftamment la feuille de métal éleGrifée? Il femble que cela doive être, & parce que cela n'eft pas ordinairement, feu M. du Fay n'a pas cru pouvoir expliquer autrement cette efpèce de bizarrerie » qu'en admettant deux fortes d'électricités, l'une qu'il a nommé vitrée, comme ap- Païtenante au verre principalement, & l'autre qu'il a appellé réfineufe, comme étant Propre aux gommes, aux réfines & à quelques autres matières ; mais à préfent que nous fommes mieux inftruits fur les faits qu'on ne l'étoit alors, il me fem- ble qu'on peut expliquer ce phénomène à moins de frais, en confidérant feulement que l'éleétricité du verre eft toüjours beaucoup plus forte que celle des gommes, ce qui fait que les rayons effluens d’une feuille de métal électrifée par le tube, pénètrent facilement la cire d'Efpagne nouvellement frottée, & que les foibles écoulemens de celle-ci qui s'oppofent à ce petit corps flottant, ne fufffent pas pour refifter à la matière affluente qui la pouffe par la partie oppoée : il n’en feroit pas de même fi la petite feuille avoit été dedtrifée par la cire d’'Efpagne ou par le foufre, fes rayons effluens feroient trop * Cette expérience eft délicate, elle réuffit bien mieux & plus fürement l'hiver que l'été, dans un lieu frais & où il ÿ à peu de monde: il faut auffi que le bâton de foufre ou de cire d’Efpagne, foit un peu long & d’une bonne - groffeur, afin que la chaleur de la main ne l'échauffe pas, au moins vers l’en- … droit que l’on préfente à la petite feuille flottante. Mem, 1745. gt: 146 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE foibles pour fe faire jour, & la matière affluente qui doit Ja poufler n'en auroit pas la force; car la vitefle de celle-ci fe règle toüjours par proportion {ur celle de l'autre qu'elle remplace. De ce que les matières réfineufes, le foufre & la foie, &c.. doivent être exceptez des corps folides & compactes qui tranfmettent mieux l'électricité que certains milieux fluides & très-rares, de cette exception, dis-je, il fuit une autre règle fur la découverte de laquelle l'expérience a prévenu le raïfonnement : on fçait depuis long temps que pour eonferver à un corps léleétricité qu'on lui communique, pour empé- cher qu’elle ne fe diffipe à mefure qu'il la reçoit, il faut qu'il foit foûtenu par un gâteau de poix, de foufre, de gomme licque, ou fufpendu avec des cordons de foie, de crin, &c. en en aperçoit tout d'un coup la raifon dès qu’on fçait que toutes ces matières ne tranfmettent que peu ou point ce fluide fubtif, tant affluent qu'effluent, qui fait l'électricité; d’où il arrive que le corps éleGrifé qu'elles foûtiennent, eft comme iolé, & qu'il conferve plus long-temps fon état. L'expérience d'Haükfbée, qui a confervé depuis quarante . ans plus de célébrité que les autres, apparemment à caufe de Fappareil qu'elle offre aux yeux, n'eft dans le fonds qu'un exemple particulier de ces attraétions & répulfions que je viens d'expliquer, ileft aifé d'y appliquer les principes dont j'ai fait ufage pour rendre raifon des autres phénomènes de cette efpèce : les fils de foie qui fe dirigent tant en dedans qu’en dehors vers l’équateur du globe de verre électrifé, obéiffent àla matière affluente qui fe porte aux furfaces, tant intérieures qu'extérieures qui font actuellement élettriques ; ces fils re- tombent par leur propre poids quand on fait cefier l'électri- cité du-verre à l'endroit où ils tendent, foit en le touchant, foit en y foufflant de l'humidité, ou bienils changent de direc- tion, &:s'écartent de l'endroit du globe dont on approche le doigt, parce qu'alors la matière électrique qui fort du doigt & qui paffe à traverse verre, augmentant la viteffe & la den- fité des-rayons divergens de la furface intérieure, devient plus DES SCIENCES. 147 forte pour repouffer les fils, que la matière affluente, qui tend à les faire approcher. Comme les directions oppofées des deux courans de ma- tière électrique, offrent des explications plaufibles de ces mouvemens qu'on nomme attraétions & répulfions, de même on trouvera dans e choc réciproque de ces deux matières affluente & effluente, ayant égard aux différens degrés de _vitefle & de denfité qui doivent naître des circonftances parti- culières à chaque phénomène, on trouvera, dis-je, les raifons des effets qui font accompagnez de lumière, de piqüres, d’inflammation : qu'il nous fuffife d'en faire l'effai fur quel- ques-uns des plus communs & des plus remarquables, Si l'on demande, par exemple, pourquoi à l'extrémité d'une barre de fer, ou au bout du doigt d’une perfonne que Ton électrife fortement & de fuite, il paroït communément un bouquet ou une aigrette de rayons enflammez ou lumi- neux qu'on entend bruir fourdement, & qui fait fur la peau une impreffon affez femblable à celle d'un fouffle léger, voici ma réponfe. Je confidère chaque particule de matière éleétrique comme È une petite portion de feu élémentaire, enveloppée de quelque matière grafle , faline ou fulphureufe qui la contient & qui s'oppofe à fon expanfion, on peut voir par ce que j'ai rap- porté au commencement de ce Mémoire, que ce n’eft point gratuitement que je m'en fuis formé cette idée : lorfque cette “ matière qui s'élance hors du corps électrifé rencontre celle ; qui vient fa remplacer, fi la vitefle refpeétive entre les deux _eft affez grande, le choc brife les enveloppes, & le feu de- venu libre de fes liens éclate de toutes parts, & anime du mème mouvement les parties femblables qui font contigues, à peu près comme un grain de poudre enflammé en allume plufieurs autres placez de fuite. Ces particules de matière éleétrique, qui s’'allument en s’en- tre- choquant & que l'inflammation rend vifibles, doivent . paroître rangées dans l’ordre qu'elles ont en fortant du corps … éledtrifé; or la matière effluente s'élance toûjours en forme d'aigrettes ou de bouquets épanouis. T j r48 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Si l'inflammation de la matière éleétrique vient de la colli: fion des parties qui vont en fens contraires & de l'éclat fubit qui s'enfuit, comme il y a tout lieu de le penfer, nous ne devons pas chercher ailleurs la caufe de ce petit bruit qu'on entend quand on aperçoit les aigrettes lumineufes ; car tout corps qui éclate fubitement, frappe & fait retentir l'air qui lenvironne, plus ou moins fort, fuivant la grandeur de fon: volume & la promptitude de fon expanfion. Enfin:le fouffle léger qu’on fent fur la peau quand on pré- fente le vifage ou le revers de la main aux bouquets de lu- mière, eft l'effet naturel & ordinaire d’un fluide qui a un cou- rant déterminé, & qui fe meut avec une vitefe fenfible; or cette matière qui brille au bout d’une barre électrifée, vient évidemment de l’intérieur de cette barre, & fe porte progref- fivement aux environs jufqu'à une certaine diftance. Ces étincelles brillantes qui éclatent avec bruit, lorfqu'on sapproche comme pour toucher um: corps éleétrifé, & qui gaufent une douleur très-fenfible, tant à celui qui touche qu'à celui qui eft touché, peuvent s'expliquer de la manière fuivante: © Quand on préfente un corps non électrique (fur-tout fr c’eft un animal ou du métal) à un autre corps fortement éle@rifé, les rayons effluens de celui-ci, naturellement diver- gens, & par conféquent raréfiez , acquièrent une plus grande force par deux raifons, 1° parce qu'ils coulent avec plus de vitefle, 2° parce que leur divergence diminue & qu'ils fe condenfent ; deux. circonftances qu'il eft facile d’obferver fr lon préfente le doigt aux aigrettes lumineufes d’une-barre de: er, & qui s'expliquent aifément-quand on fçait d'ailleurs que la matière éleétrique trouve moins de difficulté à pénétrer les: corps denfes que l'air. même de l’atmofphère : ce n’eft donc plus une matière fimplement effluente & rare qui heurte une autre matière venant de l'air avec peu de vitefle, comme dans le phénomène que j'aiexpliqué précédemment, c'eft un fluide condenfé & accéléré qui en rencontre un autre ( celui qui vient dudoigt) prefque auffi animé que lui. & par les mêmes: DENS NE SCENIC TENSS 49 ‘raifons; ainfi le choc doit être plus violent, l'inflammation plus vive, le bruit plus éclatant. Si les deux corps qui s’approchent, tant celui qui eft élec- trifé que celui qui ne l’eft pas, font tous deux animez, l’étin- celle éclate avec douleur de part & d'autre, parce que les deux filets de matière enflammée qui fe rencontrent en fens ‘contraires & qui fe choquent, fouffrent chacun une réper- euffion qui rend leur mouvement rétrograde, & cette réac- tion d’un filet de matière qui fe dilate en s note doit ‘diftendre avec violence les pores de la peau, où remonter même aflez avant dans le bras, comme il arrive en effet le plus fouvent-: une perfonne éleétrifée qui tient en fa main une verge de métal par un bout, reflent comme par contre: coups toutes les étincelles qu'une autre perfonne non élec- trique excite à l'autre bout. C'eft apparemment par cette raifon qu’on voit cefler fubi: tement, ou diminuer confidérablement l'électricité d'un corps à la furface duquel on excite une étincelle, car je conçois que cette réaction dont je viens de parler, arrête tout d'un coup Feffluence de la matière électrique, fans laquelle il n’y a plus. d'afluence ; & l’expérience nous apprend que toute l'élec- tricité confifte effentiellement dans l'un & dans l’autre mou:- vement enfemble; C’eft une chofe curieufe de voir avec quelle promptitude: un corps cefle d'être électrique quand on le fait étinceller, tous les cheveux dim homme qu’on éleétrife fe hériffent & fe dreflent:en L'air, mais on les voit retomber avec une vitefle prefque inexprimable, à chaque fois qu’on approche le doigt de cethomme pour en exciter une étincelle : on voit la même chofe à une barre de fer de laquelle on laïffe pendre deux brins de fil de douze ou quinze pouces de longueur : tant que le tout eft électrique, les deux brins de fil {e tiennent écartez l’un-dé l'autre-à caufe de leurs rayons effluens qui fe repouffent réci- proquement ; mais à peine voit-on éclater l'étincelle excitée au bout dea barre de métal, que les deux fils recombent l'un mers l'autre au gré de leur pefanteur. Tip 150 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE On conçoit aifément que ces étincelles qui naiffent, comme je viens de le dire, par le choc des deux matières effluente & afuente, peuvent augmenter de force jufqu’à caufer f'in- flammation d'une liqueur qui s'y trouve toute difpofée par {a nature, & par un certain degré de chaleur qu'on lui a fait prendre. Je ne crois pas mème ce degré de chaleur préparatoire d’une néceffité abfolue pour le fuccès de l'expérience, dans le cas d'une électricité très-forte, on enflammera peut-être l'efprit de vin qui n'aura que la température ordinaire d'une chambre fermée dans une faifon moyenne ; mais pour fentir combien on rend cette inflammation électrique plus facile en chauffant un peu la liqueur, qu’on fe fouvienne que l’étincelle qui pro- duit cet effet, doit naître du choc des deux matières, fçavoir, de celle qui s’élance du doigt électrique, & de celle qui vient de la liqueur en fens contraire : or toute matière éleétrique fort difficilement d'un corps ou folide, ou liquide, qui eft gras, réfineux ou fulphureux, comme l'efprit de vin, &c. à moins que le corps n'ait été frotté ou chauffé. : C'eft encore pour cette raifon qu'il vaut mieux tenir Îa liqueur qu'on veut enflammer, dans une cuillier de métal, ou dans le creux de la main nue, que dans du verre, dans de Ja fayance, &c. car comme la matière électrique fort des mé- taux & des corps vivans avec plus de force que des autres, celle qui viendra de la cuillier ou de la main après avoir pé- nétré la liqueur, donnera lieu à un choc plus violent, à une étincelle plus brülante. L'expérience dont il s’agit réuffit mieux & plus fürement, fi la perfonne qui la fait, eft électrifée par le moyen du globe de verre, que fi l’on fe fervoit d’un tube pour communiquer l'électricité, parce que dans ce dernier cas, celui qui eft élec- trique n'a pour l'ordinaire qu’une étincelle à employer, après quoi toute fa vertu ceffe; au lieu que dans l'autre cas, l’élec- tricité fe répare à chaque inftant, & la perfonne électrifée étincelle plufieurs fois de fuite & plus vivement. L'effet eft toûjours le même, foit que l'efprit de vin foit SES = Mem de Ac. des Jd'e.z745 p250 PIT D ————— . Hem de Lie. der desyg6 pa6o PIX Mem. dlAe des Jet P: 150 PU Le Ex PETER rapporte à la page 125. x 1 FE. 1 g:. | | a em de Ur der Je 2745 pus5o PUIL ONU DUEMNSUAS CAN EN: Cm is IST # S: tenu par la perfonne électrifée, ou par celle qui ne l'eft pas; œar de l'une ou de l'autre manière on conçoit aifément qu'il y a conflict des deux matières effluente & affluente à a furface de la liqueur, & cela fuffit pour l'inflammation. Ladoigt qui fe préfente à la liqueur ne doit pas la toucher, mais feulement s’en approcher à une petite diftance ; s’il a été plongé il faut l'effuyer ou en préfenter un autre, car fans cela on court rifque de n'avoir pas d'étincelle & de manquer l'expérience : l'obftacle vient de ce qu'un doigt mouillé d’ef- prit de vin éft un corps enduit d’une matière fulphureufe, à. travers laquelle la matière éleétrique a peine à fe faire jour ur fortir.. | On me dira peut-être que cette matière pañfe bien à travers. de l'efprit de vin qui eft dans la cuillier, mais cet efprit de vin eft chaud, au lieu que celui qui eft autour du doigt ne l'eft plus un inflant après limmerfion; & j'en ai dit aflez plus haut. pour faire connoître ce que peut produire cette différence par rapport au réfultat dé l'expérience. . Je ne ferai paint ici * une application plus détaillée de- mon fyftème aux phénomènes de léle&ricité; ceux dont j'ai: fait mention & que j'ai eflayé d'expliquer, font les plus confi-- dérables. & les plus conftans; fi je pouvois me flatter qu'on. fût. content des raifons que j'en ai données, il me refleroit peu de chofe à faire pour remplir eñtièrement cet objet : l’efluence & l'aflience fimultanées dé la matière électrique me paroiflent üne chofe inconteftable, & je crois trouver dans- ce double mouvement de quoi expliquer d’une manière plau-- fible tous les. faits connus qui appartiennent à l'électricité, * On trouve un plus grand nombre de faits éxpliquez dans l’Effai für PEltédhricité, qui a été publié depuis la léftüre. dé ce Mémoire, : 270 à. PERD: 1°" Septemb, 1745» 152 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE OBSERVATIONS Sur le Bandage compreffif defliné à la cure de la tumeur lacrymale. Par: M "(PET Tr A tumeur Jacrymale ne caufe point de douleur à moins qu'il n’y ait inflammation, les malades peuvent eux- mêmes la vuider plufieurs fois par jour, & la faire difparoître en la preflant doucement avec le doigt. Cette facilité de la vuider a donné lieu de croire qu'un bandage , ou tout autre moyen capable de faire une preffion continuelle au degré de celle que peut faire le bout du doigt, pourroit procurer une guérifon parfaite ; c’eft pour remplir cette idée, qui paroît fimple & naturelle, que l’on a mis en ufage différens moyens de la comprimer : on s’eft fervi d'abord de plufieurs com- prefles de différentes grandeurs, ayant toutes la forme d’un croiffant, on pofoit la plus petite immédiatement fur la tu- meur, & fur celle-là, fucceflivement & par degrés, on en ap- pliquoit de plus grandes, jufqu’à ce que l’efpace qui fe trouve entre le bord interne de l'orbite & la voûte du nez fût entiè- rement rempli: fur la dernière compreffe plus large que toutes les autres, & qui forme, pour ainfi dire, la bafe d’une pyra- mide renverfée, on met une compreffe mince triangulaire , affez grande pour couvrir l'œil malade & le front ; le tout eft foûtenu & aflujéti par une bande large d’un pouce, & aflez longue pour faire cinq à fix circonvolutions alternativement, d'abord fur Fœil, puis fur le front. Ce bandage nommé occulfle eft décrit par Laurent Verduc*, dans un petit Traité des Bandages qu'il donna au public fur a fin du dernier fiècle. On n'appliquoit cette compreffe pyramidale & ce bandage * Chirurgien juré & père des Verduc qui ont écrit de Ia Pathologie & des opérations chirurgicales, » x qu apres DÉS'/ScTEN'CES 153. &u’après avoir exactement comprimé la tumeur Jacrymale avec le doigt, & en avoir fait fortir par les points lacrymaux toutes les larmes qui la remplifloient ; mais parce que l’ap- plication, tant des comprefles que de la bande, étoit difficile à faire, que les malades ou leurs parens ne réuffifloient pas toûjours à l'appliquer comme il faut, & que d’ailleurs il étoit difgracieux d'avoir les yeux toüjours couverts de compreffes & de bandes, pour obvier à ces inconvéniens on imagina un bandagé d'acier moins incommode, plus facile à placer, & qu'on peut laiffer plufreurs jours dans la même place fans le remuer, pas même pour le relâcher ou pour le reflerrer au befoin. Ce bandage eft compofé de deux portions de cer- cles £FG, D ED jointes & foudées enfemble au point Æ, & d'une efpèce d'antenne CA, formant enfemble quatre branches, comme on peut voirdans la planche, Fig. > & 4; le demi-cercle D ED faifant deux branches, eft paifé fur le coronal d'une temple à l'autre ; le demi-cercle £ FG qui fait la troifième branche, paffe de devant en arrière deffus la: future fagittale, & s'étend jufque vers la partie poftérieure & inférieure de l'os occipital : la portion CA fait la quatrième … branche de ce bandage, elle defcend du front jufqu'au grand … angle de l'œil ; elle eft compofée de deux pièces, l'une entre dans une efpèce de mortaife qui fe trouve au point Æ, où elle ef fixée par une vis au point où il convient pour l'ajufter: à la tumeur, l'autre pièce C'A eft jointe à cette première par j une charnière au point €, où une autre vis qui traverfe {a pièce fixe, fert à éloigner ou à rapprocher ces deux pièces … Junedefautre, pour augmenter ou pour diminuer la com- preffion : l'extrémité de cette quatrième branche fe termine par une petite platine À, à laquelle on joint une pelotte de ‘grandeur & figure convenables à la tumeur. On garnit la tête du malade d'une petite calotte de laine fur laquelle on place - le bandage, lequel eft couvert de chamois bien doux, on l'aflujétit par le moyen de deux rubans qui font nouez l'un fur le front & l'autre fous la mâchoire. - Voilà quels ont été les bandages ufitez par les praticiens … Mmi7gs. 154 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE pendant près d'un fiècle, mais ni lun ni l'autre n’a réuffi: ceux qui étoient perfuadez que la compreflion devoit fuflire pour guérir cette maladie, ont recherché les défauts de ces bandages, & croyant que le principal étoit les variations de ka pelotte, ils en ont formé de différentes matières, d’abord de coton, de charpie, de laine, puis avec de la cire, qui, à caufe de fa mollefle, peut non feulement fe mouler à {a partie, mais s’y rendre un peu adhérente & empêcher fa vacillation : ce moyen n’a pas mieux réuffi, on a trouvé la cire trop molle, mais on l'a rendu plus folide en l'alliant avec la fleur de farine ou l’amidon : d’autres pour la même raifon ont figuré en pe- lotte un morceau deliége, & l'ont trempé dans la cire chaude; d’autres enfin fe font fervis de plâtre pafié au tamis fin, dé- trempé avec l’eau ou le blanc d'œuf, & ils ont trouvé que la compreffion étoit plus égale & plus folide, mais trop dure. Voilà une idée générale de la pratique de ceux à qui j'ai vû tenter la guérifon de la tumeur lacrymale par la com- preffion ; mais de telle matière que foit la petite pelotte, de hine, de coton, de toile, de liége, de cire ou de plâtre, ik faut toûjours la maintenir en fituation par un bandage, & des deux que j'ai décrits, celui d'acier eft préférable : voici la manière de l'appliquer. Les deux demi-cercles GFE & D ED étant placez & liez fur la calotte ou bonnet de laine, comme il a été dit ci-deflus, on comprime la tumeur, on la vuide exaétement , puis on pofe la quatrième branche CA, on prend cette branche, on l'introduit dans la mortaife Æ, comme on le voit dans la figure ; on la pouffe auffi avant qu'il faut pour que le bout À, garni de la pelotte, foit précifé- ment fur la tumeur lacrymale, & lorfqu'elle y eft appuyée on ferre la vis £ pour l'aflujétir : on s’informe du malade fi le bandage l'incommode en quelque endroit, & s’il eft trop gêné on y remédie; mais on obferve fur-tout que la pelotte ne {oit ni trop lâche ni trop ferrée, on corrige l’un ou l'autre défaut en relâchant la vis C, ou en la refferrant, prenant garde fur-tout que le malade puifle fupporter la compreflion fans douleur, ‘4 ( DES SCIENCES. 155 On reconnoit fur le champ ou peu de temps après, fi cette pelotte eft ferrée au degré convenable, car quand elle eft trop lâche le larmoyement ne revient qu'au bout de quatre ou cinq heures plus ou moins, parce que le fac n’étant pas comprimé les larmes y entrent & ont aflez de force pour foûlever la pelotte; fi alors on appuie fur le bandage, on fait fortir les larmes par le coin de l'œil, comme on le faifoit avant que le bandage füt appliqué : quand le bandage eft ferré au point convenable, le larmoyement paroît dans l'inf- tant, parce que dès qu'il eft appliqué les larmes ne peuvent entrer dans le fac, elles tombent tout de fuite fur la joue & continuent de couler ainfi, ce qui oblige les malades de s'efluyer l'œil & la joue à chaque inftant, de forte que fi cinq ou fix heures après l'application du bandage on appuie le doigt fur la pelotte, que le malade ne fouffre point, & qu'il ne forte rien par les points lacrymaux, c’eft une preuve que les larmes n’ont point paflé dans le fac lacrymal , que par conféquent le bandage eft ferré au point convenable, Je me fuis fervi de ce bandage aflez long-temps pour en connoître le bon & le mauvais, je lai rendu plus commode & plus parfait ; mais je m’en fers à d’autres ufages, l’expé- rience m'äyant appris que non feulement il eft inutile aux fiftules, mais qu'il peut être nuifible aux tumeurs lacrymales: en effet fi l'on {e rappelle l'état dans lequel fe trouve le fiphon lacrymal lorfque le fac dilaté par les larmes forme la tumeur du grand angle, on verra clairement que le bandage dont il s'agit ne peut être utile, à moins que par la compreffion qu’il fait, il ne débouche le canal nafal en forçant les larmes d'y pafler & de couler par le nez ; mais c’eft ce qu’il ne peut prefque jamais faire quand le conduit nafal eft bouché, car fi lorfqu’on l'applique la tumeur eft pleine, elle fe vuide prefque toute par les points lacrymaux, avant qu’on ait achevé d’ap- _pliquer la pelotte, & alors ce qui reite de fluide dans la tumeur eft en petite quantité, & n'eft pas affez preffé pouf forcer le canal nafal & le déboucher : on voit par-là que la précaution que l'on prend de vuider Ja tumeur avant que Vi 2 156 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaALE d'appliquer le bandage, eft tout-à-fait contraire à l'intentiort que l'on a, puifqu'il faudroit plütôt, s'il étoit poflible, bou- cher les points lacrymaux pour empêcher les farmes de {ortir de la tumeur, il faudroit de plus que l'effort qui empêcheroit les larmes de fortir par les points lacrymaux füt fupérieur à la caufe qui bouche le canal nafal : dans cette fuppofition le bandage compreffif poufleroit de tous les côtés les larmes qui font renfermées dans Ja tumeur, & pourroit les faire pafler dans le nez, ce qui guériroit le malade, & fi cela fe pouvoit le bandage feroit préférable à toutes les opérations, Mais la tumeur étant pleine, quel moyen pourroit-on em- ployer pour tenir les points lacrymaux bouchez pendant tout le temps que le bandage comprime le fac ? je n'en connois point, ce qui me fait croire que le bandage compreflif ne peut guérir la tumeur facrymale. J'ai cependant fait la tentative d’ajoûter au bandage une pelotte différente de celles dont on le garnit ordinairement lorfqu'on ne veut comprimer que le fac : avec celle dont il s’agit j'ai effayé de comprimer enfem- ble les points lacrymaux & le fac, elle eft plus élevée du côté des points lacrymaux, afin d'empêcher les larmes. de fortir du fac pendant l'application de la pelotte ; mais malgré mon attention & les foins que j'ai pris pour réuffir à placer cette pelotte fans comprimer Le fac pendant l'application, je n'ai pü empêcher que plus de la moitié des larmes ne fortit par les points lacrymaux ; de plus cette pelotte prefloit doulou- reufement le globe de l'œil fur lequel-elle doit néceffairement appuyer pour comprimer les conduits lacrymaux : à la dou- leur que caufoit ce bandage auroit pû fuccéder l'inflamma- tion, la fièvre & autres accidens, & c'eft ce qui m'a fait abandonner cette entrepriie. Si lon ne peut appliquer la pelotte de manière que la tumeur refte pleine, il rélulte que tout ce que peut faire le bandage eft d'empêcher pour un temps que la tumeur n’aug- mente, ou de l'effacer pour toüjours en rendant le fac dur &c calleux, en collant fes parois, ce qui anéantit fa cavité, ou enfin en oblitérant les conduits lacrymaux de forte que les re = a . Pate DEN S\ ST CUT E INIICAENS dr armes n’y paffent plus ; mais dans tous ces cas il eft certain qu'il ne peut y avoir de guérifon compléte : en effet ce n’eft pas guérifon fi la tumeur ne difparoït que pour un temps, ni même quand elle difparoîtroit pour toüjours de l’une des trois manières que je viens de dire, puifque l'œil refte larmoyant, c'eft ce que j'ai toûjours obfervé. Ainf on ne peut pas guérir complétement cette maladie, mais on peut la faire difparoïtre pour un temps, même pour toûjours par lufage du: bandage, ce qui arrive, 1° lorfque le bandage a été porté ft Iong-temps qu'il a rendu le fac dur, calleux, & capable de réfifter aux efforts que font les larmes pour le dilater ; 2° ce bandage peut encore produire le même effet lorfqu'on l'applique affez long-temps pour rendre les parois du fac adhérentes. &r les coller l’une à l'autre; 3° la compreflion.que fait le bandage long -temps continué, peut oblitérer les: conduits lacrymaux, & c'eft ce que j'ai vû très-fouvent.: dans le premier cas fi les larmes peuvent.entrer dans le fac, elles ne peuvent le dilater à caufe de fa réfiftance;- dans le fecond elles ne peuvent entrer dans le fac puifqu'il eft effacé, elles peuvent encore moins y entrer dans le troifième gas, puifque les larmes ne peuvent pañer dans les: conduits. lacrymaux , ainfr Ja tumeur lacrymale que le bandage a fait. .difparoître, ne reviendra plus; mais le fymptome principal (je veux dire le farmoyement } fubfftera-toûjours, & il fera même plus incommode au malade qu'il n’étoit lorfque la tu- meur exiftoit : en.effet, quand il y a tumeur & que le malade s'aflujétit à la vuider trois ou quatre fois par jour, plus ou moins, on nes'apercevra pas qu'il ait l'œil larmoyant, parce que pendant tout. le temps que le fac eft. à fe remplir, les larmes ne tombent point furla joue ; mais lorfque les-larmes Fauront rempli, le larmoyement recommencera, & il ceffera de nouveau l'inftant après qu'on l'aura vuidé, ainfrle malade _n’aura point de larmoyement pourvû qu'il vuide toûjours fà tumeur linftant avant qu'elle foit entièrement pleine, c’'eft ce que j'obferve tous les jours; mais fi le fac eft calleux où bouché , que les conduits lacrymaux foient oblitérez, qu'il: Vi, 158 Memoires DE L'ACADEMIE RoyaLe n'y ait point de tumeur, il y aura un larmoyement continuel; car tant que le fac eft fufceptible d'extenfion il fert de refuge aux larmes, & elles ne tombent fur la joue que quand le fac ne peut plus en contenir : ce qu'il y a de plus fâcheux dans ces trois cas, c'eft que l'opération eft impraticable , & qu'il eft impoflble de rétablir le fiphon lacrymal. I n'y a pas long-temps qu'on m'appella pour décider fi un enfant étoit guéri, il portoit le bandage depuis fix mois: j'examinai l'œil, il n'étoit pas guéri, mais pour ménager celui qui avoit traité le malade, je dis feulement que je ne pouvois pas encore en juger, & qu’il falloit attendre quelques jours pour être für d’une guérifon parfaite : ce jugement ne fut pas bien reçu du bandagifle, qui m'entreprit avec fi peu de mé- nagement, que je ne püs m'empêcher de dire au père du malade, « Votre fils ne fera guéri complétement que lorfque » les larmes auront repris leur cours naturel dans le nez ; or » elles coulent actuellement fur la joue au lieu de couler dans le » nez, par conféquent votre fils n’eft point guéri: il eft vrai que » la tumeur lacrymale n’exifte plus, mais c’eft parce que le fac » qui a été Jong-temps comprimé & réduit à fon étendue natu- » relle, peut avoir repris une partie de fon reflort, cet pour- » quoi il peut quelque temps réfifter à fa dilatation ; mais les » larmes qui repaffent actuellement, le dilateront bien-tôt, parce qu'elles n’ont pas leur cours libre dans le nez.» Ce jugement fut confirmé, en moins de quinze jours la tumeur commença à reparoître, & fut au bout d'un mois aufli groffe qu'elle l'avoit été. Plufieurs croient avoir guéri complétement cette maladie par le moyen du bandage, parce que depuis deux ou trois ans qu'ils en ont ceflé l'ufage la tumeur lacrymale n’eft point re- venue : je conviens qu'ils ont guéri ou plütôt fait difparoître la tumeur, mais ils n'en ont pas guéri ni fait difparoître le larmoyement, ce qui eft l'effentiel ; au contraire, ils l'ont rendu plus confidérable, moins fupportable, & ont mis le ma- lade hors d'état d'en guérir, comme je l'ai expliqué ci-deffus. Je vois une Dame âgée de trente ans, qui, pour une tumeur y y 4 D'EUS (VS IC'R EN CE S 159 lacrymale qu'elle avoit dans fa jeunefle, a porté le bandage deux années de fuite : fes parens la crurent guérie, quoiqu'il lui fût refté un larmoyement dont elle fe plaint encore : ce larmoyement n’eft confidérable que quand il fait froid, c’eft ce qui en impole, car quand ceux qui font dans ce cas ont naturellement peu de larmes, ils paroïffent guéris quoiqu'il ne le foient pas : la Dame dont il s’agit eft de ce nombre, mais outre qu'elle a l'œil naturellement fec, elle a les points & les conduits licrymaux exactement bouchez, & je ne doute point que le fac lacrymal ne foit de même : le long ufage qu'elle a fait du bandage dans l’âge le plus tendre, à tenu long-temps toutes ces parties preflées les unes fur les autres, & c'eft pour cela que la peau du grand angle de l'œil eft auffi plus enfoncée de ce côté-là que de l'autre, comme fi la pelotte du bandage y avoit laiflé fon empreinte. Cette malade qui voudroit guérir, s'eft adreflée à moi, & quoique je lui aie fait connoître que fon larmoyement eft incurable, elle met en ufage fucceflivement toutes les liqueurs aftringentes que les Oculiftes ignorans appliquent ordinairement dans les cas où ils veulent donner du reflort aux vaifleaux qu'ils difent être relâchez, ne fçachant pas que dans la maladie dont il s’agit, les vaifleaux loin d'être refichez & trop ouverts, font au contraire entièrement bouchez, & qu'ils ne le font que pour avoir fait ufage du bandage compreffif : cette Dame ne peut donc guérir puifqu'on ne peut rétablir la fonétion du fiphon lacrymal, attendu que tout eft bouché depuis orifice des points lacrymaux jufques & compris orifice du canal nafal. I peut arriver que les conduits lacrymaux foient oblitérez, & que le fac aït confervé la plus grande partie de fa cavité; j'en ai rapporté plufieurs exemples dans les troifième & qua- trième Mémoires que j'ai donnez à l’Académie fur cette ma- tière : la petite vérole en étoit caufe, mais le bandage produit : le même effet, il oblitère les conduits lacrymaux, & peut ne point anéantir ni boucher a cavité du fac ; je crois même que quand il arrive que le fac fe bouche, le bandage y a la moindre part, la compreflion ne peut jamais approcher f 160 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE exactement les parois du fac, que lorfqu'il devient plus épais’ par le gonflement inflammatoire que la forte preflion eft capable de caufer; car ce canal étant renfermé dans une gout- tière offeufe & profonde, la pelotte du bandage n'appuie que fur les bords dé la gouttière, & n'en peut comprimer le fond dans lequel prefque tout le fac eft logé : j'ajoüterai que j'ai vû plufieurs malades quitter ce bandage, parce que bien loin de diminuer leur tumeur, ils ont obfervé qu’elle avoit aug- menté; j'ai voulu me convaincre par moi-même de ce fait, j'en ai reconnu la vérité, & fi l'on réfléchit fur ce qui pour- roit être la caufe d’un fait fi fingulier, on comprendra faci- lement que fi le bandage caufoit inflammation, il ne feroit pas étonnant que la tumeur augmentât ; mais comme les tu- meurs que j'ai vû augmenter par l'ufage du bandage, n’étoient point enflammées, j'ai cru que la caufe de cette augmentation étoit, 1° que la plüpart de ceux qui font ufage du bandage ne s’en fervent point pendant le jour, 2° que le foir lorfqu'ils le remettent ils n’ont pas foin de vuider exactement le fac avant de Pappliquer; les larmes qui reftent dans le fac font pouffées par le bandage à la circonférence où elles font effort contre les parois, elles alongent les fibres aux endroits où fa pelotte ne preffe pas immédiatement, de forte que lorfqu'ils ont Ôté leur bandage le fac eft flafque, & il peut y entrer une plus grande quantité de larmes ; à la vérité ce qui entre de plus n'eft pas confidérable, mais fi peu que ce foit, ne fuft-ce qu'une larme chaque jour, cela fuffit pour que la tumeur augmente; c'eft ce qui n'arriveroit pas f1 les malades dont il s'agit, vuidoïent exactement leur tumeur avant que d'appliquer le bandage, & s'ils avoient la conftance de le porter conti- ruellement. La même chofe s’obferve à l'anevrifme vrai: cette’ maladie eft faite par une dilatation de l'artère, on la guérit fouvent par l'application du bandage compreffif; mais il ar- rive quelquefois que quand la compreffion n’eft pas exacte, la tumeur augmente plütôt que de diminuer, parce que l’en- droit comprimé réfifte, & que dans les endroits que le ban- dage ne comprime point, le fang agit plus puiffamment qu’il | ne Men. dv LT. do Sie à 746.p .260 Pl Fig 2 1746 .p 10 PLIV DES SCIENCES. 161 me feroit s’il n’y avoit point du tout de compreffion. Le bandage lacrymal ne convient donc point dans tous les cas que je viens de rapporter. Mais ce bandage dans lequef on reconnoit le génie de l'inventeur, quel qu'il foit, & auquel je crois avoir ajoûté quelque perfeétion, fera-t-il un inftru- ment inutile? non, fans doute, on y trouve deux chofes effentielles à tout bandage, fçavoir, une partie qui peut s’aflu- jétir non feulement à la figure de la tête, mais que l'on peut figurer & approprier à toutes les parties du corps au voifi- nage defquelles on veut établir un point de compreffion, foit pour coller les lèvres d’une phie, foit pour l'expulfion du pus d’un finus, foit pour arrêter une hémoragie, foit pour guérir les anevrifmes, enfin pour la tumeur lacrymale même dans les cas que je vais rapporter. Après avoir fait l'opération à la tumeur Jacrymale, il arrive quelquefois que le fac lacrymal refte dilaté, ce qui eft rare lorfque l'opération a été faite fuivant ma méthode ; pour re- médier à ce fymptome, je me fuis fervi du bandage, & j'ai très-heureufement réuffi ; mais j'ai obfervé qu'il ne faut pas que le bandage foit ferré, il fufit qu'il comprime affez pour maintenir le fac dans fes bornes naturelles, & que les conduits Jacrymaux foient légèrement comprimez de manière que les . larmes puitlent y pafler, & on juge que la compreffion eft _àce degré lorfqu'après l'application du bandage l'œil n’eft point larmoyant. Pour réuffir il eft abfolument néceffaire que le canal nafal ait été bien débouché dans opération, fans quoi le bandage augmenteroit la dilatation du fc au Eau de Îa diminuer : cette dilatation eft quelquefois plus confidérable aux conduits la- » crymaux qu ‘elle ne l'eft au fac, & j'ai vü que l'eau froide ou » un petit morceau de glace appliqué deux ou trois fois par jour, remédioit à cette dilatation ; mais fi cela ne fuffit pas on ppliquers le bandage, & on le ferrera modérément, nes cu «0 S L ke 4 à Men. 1745: X 162 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE EUX A ME AN D'une préparation de verre d’Antimoine, fpécifique pour la Dyfenterie. Par M GEOFFRO#. E remède fpécifique pour la Dyfenterie, rendu public par le Docteur Pringle dans le cinquième volume des Obfervations de Médecine, de la Société d'Edimbourg, art, XV, p. 241, fous le titre de Vitrum Antimonii ceratum, ayant eu beaucoup de fuccès, tant en Ecoffe qu'en Angleterre & en France, j'ai cru qu'il étoit néceflaire d'examiner ce qui rendoit falutaire & fans mauvais effet, cette préparation de Y Antimoine, que jufqu’à préfent on n'avoit hafardé que dans les hôpitaux fur des fujets robuftes, & prefque feulement dans les coliques, dites coliques de plomb. Le premier Auteur de cette préparation la prefcrit ainfi: A une once de verre d’antimoine réduit en poudre, ajoûtez un gros de cire jaune, faites fondre d’abord la cire dans une cuil- lier de fer, mêlez-y la poudre, tenez la cuillier fur un feu. doux fans flamme pendant une demi-heure, en remuant le mélange fans difcontinuation avec une fpatule ; retirez la cuillier du feu, pulvérifez la matière que vous trouverez, & gardez-la pour l’ufage. Le fieur Young obferve que le verre d'antimoine £e fond dans la cire à très-petit feu, & que quand il prépare ce verre, comme il vient d’être décrit, il y a un gros de poids de diminution : il ajoûte que lorfque le mélange a été 20 mi- putes environ fur le feu il commence à changer de couleur, & que 1 o minutes après, c'eft-à-dire, au bout de 3:0 minutes, il devient de couleur de tabac : alors toute la préparation qui lui eft néceflaire eft finie, & il peut être employé à la. dofe. de dix à douze grains; mais pour plus grande füretéil com- mence par fix. Quoiqu'il l'ait donné quelquefois jufqu'à un loges re af DES SCIENCES. 163 fcrupule à des malades de fort tempérament ; l'opération de ce remède lui paroifloit fr douce qu'il craïgnoit de l'avoir donné en trop petite dofe : des enfans de dix ans qui en ont pris jufqu'à trois & quatre grains, & des enfans de trois & quatre ans auxquels il l’a donné jufqu’à deux & trois grains, n’en ont reffenti que des effets falutaires, & ces effets ont été uniformes, foit que les dyfenteries fuflent accompagnées de fièvre ou fans fièvre, épidémiques ou non épidémiques, que les malades euflent été faignez, qu'ils euffent pris l'émétique, ou qu'ils n’euflent été ni faignez ni purgez. Il ne Fa jamais donné au delà de dix grains dans le commencement de la ma- ladie, & il a remarqué qu'à cette dofe il agifloit avec autant de force qu'à la fin de la maladie à la dofe de vingt grains, que quelquefois il fait vomir & caufe du mal d’eflomac ; que d’autres fois il purge, mais qu’il y a eu des perfonnes qui ont été très- bien guéries fans aucune évacuation fenfible : ces faits paroiffent finguliers. J'ai refait l'opération avec beaucoup d'exactitude, en me fervant d’un verre d'antimoine que j'avois préparé moi-même, d’abord je l'ai pulvérifé dans un mortier de fer, puis pañié au tamis; je l'ai jeté dans la cire jaune fon- due, dont il nv'a paru s’imbiber peu à peu, parce qu'apparem- ment l'acide de la cire fe développe pendant fa décompofi- tion, attaque les furfaces de chaque petit grain de verre pul- vérifé, ou parce que la cire en fe brûlant fe convertit en un charbon, dont le phlogiftique s’uniflant aux particules du verre , leur rend le principe inflammable qu'elles avoient perdu, & en refait un régule: fi ce verre ou régule n'agit dans certains cas, ni comme purgatif, ni comme émétique, c’eft fans doute parce que les particules de {a poudre fe trouvent enduites d’une efpèce de vernis bitumineux de Ja cire brûlée, que les levains de l’eftomac ne décompofent que très-diffci- lement, & l'on fçait que c’eft du degré d’acidité de ces levains que dépend laétion du verre d’antimoine, qui, quand il eft donné en très-petite dofe, n'agit quelquefois que comme purgatif. …. Pour être plus certain de ce que pouvoit produire la cire X ij 164 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE jointe au verre d'antimoine, j'ai arrangé dans une autre expé- rience des morceaux entiers de ce verre au milieu d’une cuil- lier de fer, & je les ai recouverts de cire : j'ai obfervé qu'à mefure qu'elle fe fondoit & qu’elle fe diffipoit en fumée blan- che, ces morceaux de verre s'épaiffiffoient & paroiffoient fe charger d’une efpèce de bitume ; quelques-uns même de ces morceaux fe font ramollis dans la cire jufqu’au point de s’af- faifler & de fe mouler dans le creux de la cuillier : alors ce verre reflembloit à un morceau de métal que l’on auroit enduit d'un vernis gras, & que l'on auroit tenu au feu jufqu'à ce que le vernis ne fumäât plus; les arrêtes vives de ces morceaux de verre étoient arrondies, ils étoient devenus d’un noir luifant, & ils fe cafloient fans abandonner leur vernis, le milieu de l'intérieur de ces morceaux étoit verre d'antimoine, & n’avoit point été altéré: j'ai donné ce verre préparé de ces deux diffé- rentes manières, comme le Docteur Paifley, dans les pertes de fang. Quelques-unes des femmes qui l'ont pris, d’un tempéra- ment bilieux, affoiblies par leur maladie, & cependant obli- gées de travailler pour gagner leur vie, une entr'autres, qui tomboit fouvent en foibleffe de l'abondance de fa perte, toutes ont été parfaitement bien guéries par ce feul remède. Dans les dyfenteries où M. du Hamel a eu occafion de l'effayer & de le faire eflayer par d’autres, il a eu un pareil fuccès : il paroît donc que c’eft par un enduit réfineux quelconque qu'on ôte au verre d’antimoine fes effets violens. Sur ce principe, & pour en rendre la préparation plus facile & moins fujette à erreur, je me fuis déterminé à faire broyer du verre d’anti- moine fur le porphyre, avec une liqueur capable d'y laifer une légère portion huileufe, & j'ai reconnu que ce verre ainfi préparé & donné en très- petite dofe, avoit un fuccès auffi certain que le Pitrum Antimonii ceratum pris en dofe double & triple : il a guéri parfaitement les dyfenteries & les pertes de fans ; il y a eu même des tempéramens auxquels il n’a caufé aucune évacuation ni fentiment de pefanteur d’eftomac, quoi- que donné jufqu'à huit grains , à la vérité augmenté de deux en deux grains ; ainfi lenduit bitumineux de la cire eft inutile D'E s Sc rE'N'etpEs 165 dans Ja préparation de ce remède, puifque l’efprit de vi, qui eft la liqueur que j'emploie en le broyant fur le porpñyre, en adoucit l’aétion par fa partie huileufe, & en rend l'effet au moins aufli falutaire. OBS A ET IOUN:S BOTANICO-METEOROLOGIQUES POUR L'ANNEE M DCCXLIV. 1 Faites aux environs de Pluviers en Gätinois. Pa M pu H4AmEz. AUTOMNE 1743. L eft bon de fe fouvenir que les mois de Novembre & Décembre de l'année 174.3 ayant été fort doux, les bleds étoient très-beaux & fuffifamment forts au premier Janvier 174 4e JANVIER 1744: + Le froid qui avoit commencé à fe faire fentir le 25 Dé- cembre 1743, a continué jufqu'au 1 $ Janvier, en variant » depuis le terme de la glace jufqu'à $ & 6 degrés au deflous. \ Le 14 le thermomètre étoit à 8 degrés & demi au deffous de zéro. Le 1 5 le dégel vint par une très-petite pluie, le thermo- mètre étant à un degré au deflous de zéro. Le r6. fut de même. Le 17 il gela, le thermomètre étant à 2 degrés au deffous de zéro ;, depuis ce jour jufqu’à la fin du mois le temps s’en- tretint fort doux , le thermomètre variant depuis 1 degré au -deflous de zéro jufqu’à 2 au deflus : pendant ce temps il y eut de fort beaux jours, des brouillards affez épais & de pe- tites pluies ; mais en général ce mois a. été fort fec. h X ii, 3: Mar 1745: 166 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE On voit qu'il n'a pas fait d’aflez fortes gelées pendant ee mois pour faire beaucoup de tort aux végétaux, mais outre cela le dégel s’eft fait très-doucement, ce qui eft encore favo- rable aux produétions de la terre. Depuis le 1 8 il a régné beaucoup de rougeolles, de fièvres pourprées, &c des fièvres malignes, meurtrières, FE" VCRJESR Le 1er Je temps étoit fort doux, & toute la journée if tomba une petite pluie en forme de rofée fine. Le 2 il plut par un vent de nord-oueft violent, froid & incommode ; le froid augmenta les jours fuivans , & le 4 le thermomètre étoit de $ degrés & demi au deflous de zéro, le vent fe tint au nord jufqu'au 17, & le thermomètre varia depuis 1 degré au deflus de zéro jufqu'à 3 au deffous. Le 17 le vent tourna au fud-oueft & Îe temps s’adoucit, il continua d’être beau & doux jufqu’à fa fin du mois, le ther- momètre variant toüjours depuis 1 degré au deflus de zéro jufqu'à 2 au deflous. F Le 20 il vint une pluie plus abondante qu'il n’en étoit tombé depuis le commencement de l’année, elle fit beau- coup de bien pour avancer les labours des mars qui étoient très-retardez à caufe de la fécherefle, pour les bleds ils étoient très-verds. Les fièvres malignes continuèrent à faire de grands ravages endant tout ce mois. Il y avoit fur les arbres une grande quantité de bagues & de fourreaux de chenilles, & comme il n'étoit point venu de neige, les oifeaux qui trouvoient abondamment de quoi manger, ne s’amufoient pas à défaire les nids pour vivre de petites chenilles ; on verra dans la fuite les défordres que ces infetes ont faits. MARS Le vent de fud-oueft régna depuis le rer de ce mois juf- qu'au 6, & le temps fut doux & humide. DES SCIENCES. 167 Le 7 le vent tourna au nord-oueft, il fut très-violent, il neïga, le thermomètre fut à $ degrés au deflous de zéro, & le froid étoit très-incommode; dès le lendemain le temps étoit fort adouci, & le 10 le thermomètre étoit à 5 degrés & demi au deflus de zéro. Depuisle 1 o jufqu'à la fin du mois le vent varia du nord- eueft jufqu’au fud-oueft, des bourrafques de vent étoient fréquentes, il tomboit de temps en temps des pluies aflez abondantes, il neigeoit quelquefois, & le thermomètre étoit toûjours quelques degrés au deflous de zéro. Le 1 1 les petits ellébores à fleurs jaunes étoient en fleur. Le 1 2 la perce-neige étoit toute fleurie. Le 1 5 les noifetiers commençoient à fleurir, les boutons des poiriers étoient fort gros, & quelques feuilles. de gro- feilliers épineux étoient épanouies : on travailloit à force à ‘labourer pour les mars. 4 Les fièvres malignes qui avoient commencé à être moins dangereufes & moins fréquentes au commencement du mois, fe rallumèrent vers le 7, probablement à caufe du mauvais temps qu'il faifoit : on fut conflerné de voir plufieurs ma- lades emportez tout d’un coup, & leur nombre augmenter; mais ce redoublement n’a pas duré, prefque tous les malades: gucrirent, & àla fin du mois la maladie étoit entièrement ceflée. AVR FE, Le 4 il tonna toute la journée, il grêla beaucoup, ce qui faifoit craindre qu'il ne furvint encore de vilains. temps &c du froid ; néanmoins le $ & le 6 il fit aflez beau &. doux. Le 7 & le 8 le temps fut couvert, & il tomba de petites: ondées.. Le 10 le temps fe refroidit.. Depuis le 13 jufqu'au 26 il tomba plufieurs fois de La grêle, & il geloit tous les matins : les petites pluies & les. fraïcheurs durèrent jufqu'à la fin du mois. * Au commencement de ce mois les bleds étoient bas, mais: 168 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE très-verds & fort drus, les feigles couvroient la terre & com- mençoient à monter en tuyau; mais les pluies de la fin du mois firent beaucoup de bien aux bleds & aux feigles, & mirent en état de finir la femaille des avoines, car il refloit encore à enfemencer un quart des terres qui étoient defli- nées pour recevoir cette efpèce de grain. On a peu vû de fièvres malignes pendant ce mois, mais il y a eu beaucoup de rhumes. Dès le commencement du mois les formica-leo avoient fait leur trémui. Le 4 les fleurs des abricotiers commencçoient à s'ouvrir. Le 8 les marroniers d'inde que j'obferve tous les ans, avoient des feuilles épanouies. Le 1 6 on trouva la première morille, Ia vigne commen- coit à pleurer, les grofeilliers épineux étoient en fleur : on vit le Idng des efpaliers quelques petites feuilles de poiriers, & les boutons à fleurs des buiflons s’ouvroient. | Le 18 les abricotiers & les pêchers étoient en fleur. Le niveau des eaux avoit encore beaucoup baiffé. À la fin du mois il y avoit quelques brins de feigle d’épiez, mais c'étoit encore en très-petite quantité. On n'avoit point encore vü d'hirondelles domicilières, mais feulement quelques-unes qui pañloient. M A L Le commencement de ce mois fut fort doux, le 7 il faifoit même chaud & il tonna, ce qui rafraïchit ie temps pour tout le refte du mois. Le 2 mai on entendit pour la première fois chanter le roffi- gnol dans le bois de Denainvilliers. Le 4 on entendit chanter le loriot, Le 6 les paliffades de charmille commencçoient à avoir un œil vert. , Le 9 il gela aflez fort pour gâter les vignes qui étoient Îes plus avancées, mais comme la plüpart des boutons n'étoient pas ouverts, cette gelée fit peu de dommage. Le DES. S$S c'T1EN\cE"s. 169 Le ro les pêchers étoient encore en fleur, & les boutons de la vigne grofffivient beaucoup. Le 1 s il parut quelques hannetons, mais il n’y en a prefque pas eu cette année. Le 1 2 les chenilles commencoient à fortir de leurs nids. Le 15 les chenilles de bagues commençoient à éclorre ; comme il y avoit une grande quantité de ces infeétes, on jugea qu'ils feroient bien du tort aux arbres fruitiers : pour en détruire une partie, un matin qu'il faifoit un vent modéré, avant que les chenilles fe fuflent difperfées on prit des bran- dons ou flambeaux de paille allumez avec lefquels on les brû- loit: cette façon de faire périr les chenilles eft très-expéditive, & nous auroit été très-utile s'il n'y avoit pas eu une fource inépuifable de ces infectes dans les bois du voifmage. Le 20 toutes les feuilles des péchers étoient, comme l'on dit, brouies, c'eft-à-dire, très-ratatinées & recroquevillées ; les pommiers, les coignaciers , les neffliers, les épine-vinettes étoïent en fleur, & l’épine blanche toute prête à fleurir. Le 2 4 il s’éleva au nord-oueft une nuée d'orage très-épaifle, elle fe partagea en deux, une portion fe porta à l’oueft & ré- pandit une telle quantité d’eau en Beauce du côté d'Engean- ville, que la plaine n'étoit qu'une nappe d’eau qui couvroit - entièrement les bleds. L'autre portion de fa nuée tirant vers le fud, fondit dans 12. forêt d'Orléans fur Nancré & Boifcommun ; quoique ces endroits ne foient pas dans des vallées profondes , l’inonda- tion obligea les habitans à fe réfugier dans leurs greniers : on ne fe fouvient pas d'avoir vü dans le pays une pluie auf abondante, | Le 2 6 il faifoit un vent très-violent & extrémement froid. . Le 29 les fromens n'étoient point encore.épiez, muis les feigles étoient en fleur, & prefque toutes les avoines étoient levées. + On voit que l'année étoit tardive pour les productions de Ia terre, elle l'étoit auffi pour la ponte des oifeaux, car le 1 2 Mai ls premiers pigeonneaux étoient tout nouvellement éclos. Mem. 17454 Y 170 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Il ne s’eft prefque pas paflé quatre jours de fuite pendant ce mois fans qu'il foit tombé de l'eau , néanmoins comme if faifoit toûjours beaucoup de vent, le lendemain de la pluie la terre étoit fi dure qu’on ne pouvoit prefque pas la labourer. PO EIN. Le commencement de ce mois a été fi froid que le 4 on ne pouvoit fe paffer de feu. J'ai déjà fait remarquer que l’année étoit tardive, ce qui le prouve bien encore, c'eft qu'il n’y avoit ni rofes ni fleurs d'orange le j jour de fa Fête- Dieu, mais on eut des rofes pour l'oétave ; néanmoins on commençoit à manger des pois verds. Dans ce temps tous les chênes, tant de la forêt d'Orléans que ceux de notre bois, n’avoient pas la moindre apparence de verdure, parce que les chenilles dévoroient les feuilles à mefure qu elles s ‘épanouiffoient. Le 8 on fervit des fraifes & des cerifes précoces Le ro les fureaux commençoient à fleurir. Le 1 r il fit toute la journée un brouillard épais & fec qui faifoit craindre pour les bleds, car ordinairement ce font ces brouillards qui caufent cette maladie qu'on appelle la rouille ; mais comme le Soleil ne parut point de la journée, les bleds ne furent pas endommagez. Les vents de nord & de nord-oueft ont régné jufqu’au 14, & ila toûjours fait froid, puis le temps s’eft adouci jufqu’au 1 7. Les bleds ont commencé à épier le 1 $, & dans ce temps les cantharides font venues dévorer nos frênes , quoiqu'elles fuffent en aflez grande abondance, elles n’en ont broutté qu'une partie ; elles difparurent tout à coup fans qu’on fçache ce qu'elles font devenues. On a commencé dans ce même temps à faucher les fain- foins , ils étoient fort bas, mais bien garnis, parce qu'ils avoient talé par les pluies du printemps; au refte l'herbe étoit fine, d’une excellente qualité, & le temps a été très-favorable pour les fanner & pour les ferrer. \ L' ; DES SCIENCES. At * Le 17 on entendit des coups de tonnerre qui étoient fort éloignez, on efpéroit qu'il tomberoit de l'eau, car on en avoit grand befoin, mais il en tomba fort peu ; néanmoins le temps qui avoit été aflez doux depuis quelques jours, fe refroidit, & il continua à être frais jufqu'à la fin du mois, le vent ayant prefque toûjours été nord, Le 22 les bleds commencèrent à épier auffi-bien que les avoines au raiz de terre : il eft bon de remarquer que les fraîcheurs de ce mois avoient fait bouler beaucoup d'avoines. Le 23 il y avoit des treilles de mufcat bien expofées qui étoient en fleur. Le 24il y avoit des guignes blanches en maturité. Le 29 on voyoit aux vignes quelques verjus. Comme pendant tout ce mois il a fait de grands vents & qu'il n'eft pas tombé d'eau, la féchereffe étoit extrème, la terre étoit toute gercée, l'herbe des tapis étoit jaune & brûlée, & tous les grains, les bleds exceptez, fouffroient beaucoup. Les chenilles étant fur le point de fe métamorphofer, on commençoit à apercevoir dans le bois un vert naiffant. JU TELL ET. Le 1er il tomba une petite pluie feulement pour abaifier la pouffière, & quoique le foir il n’y parût prefque pas, elle fit néanmoins beaucoup de bien aux menus grains, & fur- tout aux légumes, pois, vefces, &c. qui étoient très-fatiguez, Le 3 les feigles étoient jaunes, ils n'avoient plus de verdeur que vers le pied. + Le 4 il tomba une petite rofée pareille à celle du rt Le s il y avoit une fi prodigieufe quantité de ces œufs de chenilles qu'on appelle des bagues, qu'il n'y avoit pas un bourgeon qui ne füt chargé de plufieurs, les queues des’ poires, les pédicules des feuilles en étoient auffi chargez ; . j'en ai même vü fur les orangers, ce qui n'arrive pas ordi- nairement. Le 6 les petits papillons blancs de Ia chenille commune Y ji » 472 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE étoient en pleine ponte, & il y en avoit une fi prodigieufe quantité, qu'il n’y avoit prefque pas de feuille où l'on ne trouvât un nid de ces papillons. Le 7 il tomba encore une petite pluie, le vent variant du nord -eft au nord-oueft fembloit en promettre davantage, cependant il n’en tomba que le 1 8, feulement de quoi péné- trer Ja terre de trois pouces de profondeur. | Le 1 3 on faucha les foins, l'herbe étoit courte, mais aflez fournie & de bonne qualité. Le 21 on commença la moiflon des feigles qui étoient fort beaux. Le 27 on commença la moiflon des bleds qui étoient d'une beauté admirable. AOUST. La moiflon des bleds a fini vers le 1 $ d'Août, & tant qu’elle a duré il a fait quelques jours de grande chaleur & très-beaux, excepté un feul jour qu'il plut affez abondamment. Le 24 il vint une pluie qui fut aflez abondante pour mettre en état de ferrer les avoines, elles étoient claires & bafes, mais le grain étoit bien formé. Les œufs de la chenille commune conmmencèrent à éclorre vers fa fin du mois, & en peu de temps tous les arbres fe trouvèrent couverts de nids. Comme pendant tout ce mois il n'avoit plû qu'une demi- journée dans le temps de la moiffon des bleds, & deux jours vers la fin pour ferrer les avoines, la terre étoit bien sèche & les verjus étoient fort petits. Les melons des Carmes qui ont müri dans ce mois, ont été fort bons. SÉESPT E PT BQR°TE: Ce mois a commencé par plufieurs jours de temps eou- vert & de tonnerre, il tomba quelques verfes d'eau qui firent grofir le verjus. Le 7 il parut une quantité prodigieufe de chenilles vertes ; D'E SINSICT EN Ces" ro? qui en quatre jours mangèrent les feuilles des choux-fleurs jufqu'au coton. - Les gros melons ordinaires qui ont müri pendant ce mois, & qui étoient d'une beauté admirable, puifqu'il y en avoit qui pefoient huit livres & demie, & qui avoient vingt-quatre pouces de circonférence, ont eu peu de goût. * Les premières pêches étoient pour la plüpart petites, pâ- teufes & de peu de valeur. Le 15 on fervit des raifins de vigne affez mûrs. Cependant le 8 il avoit gelé affez fort, & pendant cinq à fix jours tous les matins il geloit blanc. Le temps a été très-variable pendant le refte du mois, & il a tombé de temps en temps des pluies qui ont beaucoup groffi le raifin & avancé fa maturité. D CETIONB ARE; Le 1° jour de ce mois.il tonna. Le 2 il fit encore de l'orage, & il tomba beaucoup de grêle qui gâta extrémement les vignes de plufieurs paroiffes entre Pluviers & Orléans. | Le 5 nous commençames la vendange par un beau temps, les cuves ont jeté une écume fort rouge feulement pendant deux jours, cependant le vin ne s’eft pas fait promptement, i a fallu laifler les raifins quatorze ou quinze jours dans les cuves. Le 8 on vendangea les raïfins blancs qui étoient à moitié pourris. Depuis le 9 jufqu'au 1 8 le temps fut toûjours à la pluie, le 14, le 1 5 & le 16 le vent étoit très-violent, & le 1 6 on entendit plufieurs coups de tonnerre. Il eft à propos de remarquer que lorfqu’on a commencé Jes vendanges, malgré les gelées du mois précédent, les feuilles des vignes étoient aufi vertes qu’à la Saint Jean, le raifin étoit aflez noir, & en le mangeant il n’avoit pas de ver- deur, mais il n’étoit pas fucré. . Le 16 on ferra les orangers, ils avoient beaucoup de fruit mûr & beaucoup d’oranges pour l'année fuivante ; ils avoient Y iii / 174 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE prefqué tous des jets nouveaux & plufieurs avoient de fa fleur. Le 18 il n’y avoit que les vieilles vignes qui commen- çoient à perdre leurs feuilles, les ormes avoient auffi con- fervé leur verdure, ce qui arrive ordinairement quand à un été fec il fuccède une automne humide. On avoit commencé à femer les bleds le 1 2, mais cetra- vail fut interrrompu par la pluie & les grands vents; cepen- dant quoique tout le mois ait été pluvieux , prefque toutes les terres ont été enfemencées avant la fin du mois. Nous avons encore vendangé des raifins blancs dans a forêt d'Orléans depuis le 26 jufqu'au 31, cette vendange preffoit, parce que beaucoup de raifins étoient pourris, & les pluies continuelles rendoient cette récolte très-difhcile : on parlera dans la fuite de la qualité des vins dont on vient de détailler la récolte. NOW, EE, M BR FE. Le commencement de ce mois a été fort pluvieux. Le 1 $ il tomba beaucoup d'eau mêlée de grèle, & il fit un grand vent. Pendant le refte du mois il y a eu de petites gelées de temps en temps, du brouillard & quelquefois de la pluie, DÉPICPE MT BERNIE Ce mois s'eft paffé comme le précédent, de temps en temps de petites gelées, quelques ondées de neige, quelque- fois de la pluie & d'aflez beaux jours. IDEE GENERALE ET ABREGEE de la température de l'air 7 des productions de la LErre pendant toute cette année. Le plus grand froid de cette année a été le 14 Janvier, le thermomètre n’eft defcendu qu'à 8 degrés & demi au deffous du terme de la glace, & dès le 1 5 le temps étoit fort adouci; ainfi on peut dire en général que le froid n’a pas été D'E: S/!:S1C'HE IN eiEiis 17$ . violent, auffi les gelées d'hiver n'ont-elles pas fait de tort aux végétaux. S'il n'y a pas eu de grandes gelées le froid a duré long- temps, puifqu'à la fin de Mai il geloit encore, & qu'au com- mencement de Juin on étoit obligé de fe chauffer, & l'air a été très-frais pendant tout ce mois, il y a eu peu de chaleur en Juillet : au commencement d'Août il y a eu quelques cha- leurs vives, mais elles n'ont pas duré, & dès le 8 Septembre il a commencé à geler. L'année a donc été fraîche &, comme je l'ai dit, tardive, aufli le vent régnant a-t-il été le nord, le nord-eft & le nord-oueft. . Le mois de Janvier 2 été fort fec, il n’a tombé en Février qu'une pluie abondante le 20, pendant le mois de Mars il a tombé de l'eau & de la neige de temps en temps. Le mois d'Avril a été aflez pluvieux, le mois de Mai encore plus, mais comme il régnoit toüjours un vent fec & violent, la terre étoit defléchée en fort peu de temps, & les végétaux ne tiroient pas un grand fecours de ces pluies fré- quentes ; le vent ayant continué à être violent pendant tout le mois de Juin fans qu'il foit tombé d'eau , la féchereffe étoit extrême. Pendant le mois de Juillet il n’eft tombé que quelques rofées. I n’eft tombé que deux fois afez abondamment de la pluie pendant le mois d'Août. Le mois de Septembre a été plus humide. Le mois d'Octobre l'a été encore davantage, de même que le commencement de Novembre ; mais pendant le refte de ce mois, de même que pendant le mois de Décembre, il n’y a pas eu de pluies abondantes. On peut conclurre de ce que nous venons de dire, que Yannée a été aflez sèche & fort häleufe à caufe qu'il a fait beaucoup de vent. Après avoir donné un précis de mon journal météoro- logique, je vais rapporter quel a été le fuccès des produ&tions - de la terre, 176 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE | BLEDS. J'ai dit que les bleds étoient bien fevez à l'entrée de l'hiver, ils n’ont point été noyez pendant cette faifon, puifqu'il eft peu tombé d'eau, ils n'ont point été fatiguez par de longues ni de fortes gelées, ils ont talé, ils fe font fortifiez pendant les Rumidités du printemps; & comme il y a peu de plantes qui fupportent mieux la fécherefle, ils ont toûjours été beaux; les chaleurs du mois de Juillet les ont fait mürir, il a fait fort fec pendant la moiffon, c’eft pourquoi la récolte a été abon- dante, la paille fort belle & le grain de la meilleure qualité, étant d’une très-belle couleur & exempt de toutes graines. Auffi trois mines du plus beau bled froment, pefant deux cens quarante livres, ne fe font vendues au marché de Plu- viers que neuf livres, & on trouvoit du méteil à fix livres. L'année dernière il falloit environ quinze gerbes pour fournir une mine de grain, cette année douze à treize gerbes en ont fourni la même quantité. AV OT ONE OS On a vü qu'on a eu bien de la peine à labourer les terres deftinées pour les avoines, à caufe de la fécherefle des mois de Février & de Mars, une partie des avoines a donc été mife en terre fort tard, c'eft déjà un défaut, parce que les premières chaleurs les font monter en épi avant qu’elles aient produit fuffifimment de racines & de feuilles, & auffi avant qu'elles aient fufhfamment talé. On fe fouviendra que les fraïcheurs du mois d'Avril ont fait bouler les avoines qui avoient été femées les premières, on appelle des avoines bou lées, quand il s'eft formé une grofleur au deflus des racines, qui reflemble à une efpèce d'oignon : les avoines boulées ne profitent prefque pas, elles forment au raiz de terre une petite grappe qui ne contient que peu de grain. es accidens ont fait qu’en général les avoines ont été très-claires, elles ont épié près de terre & n’ont pas fourni beaucoup de grain; mais ce grain eft de bonne qualité, parce qu'il DES SCIENCES. 177 . qu'il eft venu des pluies à propos pour le bien former. Quoique dans la grange il paroifle fort peu d'avoine, on peut eftimer la récolte de ce grain à une demi-année, parce que la paille eft fort courte. Les trois mines d'avoine, la mefure étant {a même que celle du bled, fe font vendues au marché de Pluviers quatre livres dix fols. ORGE Quand le bled eft à bon marché on fème peu d'orge dans notre province, néanmoins on peut dire que la récolte en a été fort mauvaife. LEGUMES. Les pluies font venues aflez à propos pour faire lever les navets, il y en a eu abondamment. La récolte des lentilles & des fèves a auffi été fort bonne: comme les pois étoient en fleur par les feuls Jours de grande chaleur qu'il a faite, & que le hâle étoit très-crand, ils ont brülé en fleur, & nous en avons recueilli fort peu ; mais la récolte de ce légume à été fort bonne à une petite diftance de nos terres où il a tombé des pluies d'orage. FCO T IN TS Les pluies du mois d'Avril & du commencement de Mai avoient bien difpofé les prés, mais les fraîcheurs , la féche- refle & les vents defféchans ont empêché l'herbe de croître, elle eft reftée baffle & menue, mais fort garnie ; & comme le temps eft venu favorable pour les fanner & pour les ferrer, ils font de très - bonne qualité, mais la récolte n’a pas été abondante, VF LN.S à Les vignes n’ont pas produit beaucoup de fruit, le froid » & le hâle ont empêché le verjus de groffir, de forte qu'un » peu avant qu'il ait commencé à tourner, les grains n’étoient pas plus gros que des pois; les pluies de Septembre & d'Oc- obre ont beaucoup fait groffir le raïfin, mais il nef pas Mer. 174$: 578 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE venu aflez de chaleur pour cuir en quelque forte ce fue aqueux, ce qui fait que, quoique fa vendange ait été très- tardive, les raifins n'étoient ni verds ni fucrez : le vin a peu bouilli dans les cuves, il a été long-temps à prendre couleur, & fa qualité eft bien inférieure à celle du vin de la récolte dernière ; cette obférvation juflifie l'opinion de nos Vigne- rons, qui difent que ce font les pluies & les chaleurs d'Août qui font le vin. . La récolte n'a pas feulement été médiocre pour la qualité des vins, elle a été auffi pour la quantité, on n’a guère recueilli que trois pièces l’arpent; c'eft bien peu pour notre canton, où on recueille dans les bonnes années jufqu'à douze & quinze pièces par arpent. FRET S. Nous avons eu abondamment de fraifes, raifonnablement de cerifes & d’abricots, prefque point de prunes ni de poires, les chenilles nous ont caufé ce dommage; les pêchers ont aflez bien fruéifié, mais les premières pêches qui ordinai- rement font les meilleures, étoient petites & fort mauvaifes, les pluies qui font venues enfuite ont fait que les pêches tar- dives ont été meilleures : il y a eu médiocrement de noix, d'amandes, de noifettes, de pommes, de neffles, de coins, point de glands ni de cinelles, beaucoup de genièvre & de châtaignes. CH ANIVER ES Les chanvres ont affez bien réufli & font de très-bonne ualité, néanmoins ils font fort chers, peut - être à caufe des levées de la marine. SAFRAN. Depuis l'hiver de 1740 cette plante eft fi rare dans notre canton, qu'à peine ai-je pü fçavoir fr la récolte en a été bonne ; cependant ceux qui en cultivent me paroifient aflez contens de leur récolte. DVE st 180 8 EN CES 179 GIBIER. Il y'a eu très-peu de caïlles, ce qui nous arrive toutes les fois que le vent du nord règne au printemps ; il y a eu affez de lièvres, de perdrix & d'alouettes, SEMIS £5T PLANTATIONS. Il y a long-temps que nous n'avons eu aufii peu de fatis- faétion à cet égard; pendant les pluies du mois d'Avril & du commencement de Mai il faifoit trop froid pour que les graines d'arbre que nous avions mifes en terre, puflent germer, le hâle eft devenu tout d’un coup très-grand, & les femences n'ont pü fortir de terre. A l'égard des arbres nouvellement plantez, je crois que les vents violens les ont ébranlez, & ont en même temps defléché l'écorce ; mais ce qu'il y a de certain, c'eft que nous avons perdu beaucoup d'arbres nou- vellement plantez, & il nous en eft levé fort peu d’une grande quantité de graines que nous avions femées. AT AU LAND, ŒS, On a vü que nous avons été défolez pendant le printemps, par des fièvres malignes qui ont emporté des familles en- tières; dans une paroifle où il y a cinq cens communians, on a enterré quatre- vingt-dix chefs, ceux qui foignoient les malades étoient fréquemment faifis de la maladie; mais heureufement elle ne s'eft pas communiquée aux paroifles voifines. H n’y a prefque pas eu de malades ni l'été ni l'automne, & il n’a régné aucune maladie contagieufe fur les beftiaux. SOURCES, Le niveau des eaux a toüjours baiflé pendant toute ’an- née, les fources ont ceflé de couler & plufieurs puits ont tari; Jeau s'eft un peu élevée dans les puits vers le mois de Dé- … cembre. Z 180 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE L'INSECT ES Il y a eu une prodigieufe quantité de chenilles qui ont fait beaucoup de tort aux arbres fruitiers, & rendu Ja cam- pagne très-défagréable. Ïl parut tout d’un coup une grande quantité de cantharides, mais comme elles ont difparu au bout de fept à huit jours, elles n’ont dévoré qu'une partie de nos frênes ; il y a eu une très-petite quantité de hannetons qui ont fait peu de dom- mage, les gros vers blancs qu'on nomme es Turcs, & qui rongent fouvent les racines des arbres, ne nous ont fait aucun tort cette année. DES ISNCITNE NTCNENS 181 FACON SINGULIERE D'AIMANTER un barreau d'Acier, au moyen duquel on lui a com- muniqué une force magnétique, quelquefois triple de celle qu'il auroit ft on l'eir aimanté à l'ordinaire. Paz M pu HAMEz. N a beaucoup travaillé fur laimant, ces travaux ont appris bien des chofes fingulières, mais affurément la matière n'eft pas épuifée, il refte encore bien des chofes à découvrir, & tout Phyficien qui voudra fe livrer à des recher- ches fur cette matière, eft prefque afluré d’être dédommagé de fon travail par quelques découvertes. M. le Maire Ingé- nieur pour les inftrumens de Mathématique, qui demeure à Fenfeigne du Quartier Anglois au coin de fa rue de Harlay, eft connu pour réuffir très-bien à travailler les pierres d’aimant & à les monter : la fingulière application qu'il a donnée à cette partie de fon art, l’a mis à portée de faire plufieurs ob- fervations dont il fçait faire un bon ufage dans l’occafion. Un jour que j'étois chez lui à parler des bouflolles marines, il me dit qu'il connoifloit une manière d’aimanter un barreau d'acier plus parfaitement que par la pratique ordinaire, il ne me fit point de myftère de fa méthode, il me dit qu'il ne s'agifloit que d'attacher le barreau qu'on vouloit aimanter fur un autre de même métal qui fût plus long : la fimplicité de cette pratique & l'effet qui en réfultoit, me firent defirer de l'éprouver, & comme il me parut qu'on pouvoit tirer un bon parti de cette découverte, je propofai à M. le Maire de venir chez moi exécuter quelques expériences qui me paroïfloient . mériter d'être fuivies; il accepta ma propofition, il vint au » rendez-vous, nous fimes plufieurs expériences, & nous nous propofions d’en faire bien d’autres, quand des occupations plus néceffaires mirent une interruption à nos recherches. CP rm 1] LES Z iÿ w Le hafard-fit il y a peu de temps, que M. de Reaumur me : 20 Février 1745 1 Le Expérience. 182 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE fit voir un petit barreau d'acier d'environ 3 pouces + de [on- gueur fur 2 ou 3 lignes + en carré, qui lui avoit été envoyé d'Angleterre; ce barreau qui pefoit 3 gros 3 6 grains, portoit 3 onces 12 grains, c'eft afiurément beaucoup, auffi celui qui l'avoit remis à M. de Reaumur, lui avoit dit qu'il venoit d'un Médecin Anglois qui avoit fait de très-belles découvertes fur l'aimant , & que ce barreau n'avoit pas été touché fur une pierre; c'efl prefque tout ce que M. de Reaumur a püû appren- dre de l'Anglois qui lui avoit fait ce petit préfent, & qui ignoroit lui-même la manœuvre du Médecin. M. de Buffon quelques jours après me prêta un pareil barreau qu'un An- glois lui avoit donné, celui-ci qui avoit à peu près les mêmes proportions que l'autre, pefoit 4 gros 54 grains; j'éprouvai la force de ce barreau, & il foûtint, étant chargé peu à peu, 3 OnCEs 4 gros 3 Ces petits barreaux me rappellèrent l'idée de nos expé- riences, il me parut qu'on pouvoit par la méthode de M. le Maire, faire quelque chofe de fort approchant. M. de Reau- mur me confia fon petit barreau , je le portai chez M. le Maire pour eflayer de l'imiter, nous n'y parvinmes pas du premier coup, mais nous fumes bien-tôt en état d’en faire de femblables. Le bruit que la découverte du Médecin Anglois fait dans fon pays, nous a fait penfer que l'Académie ne feroit pas fichée d’être informée de nos expériences ; leur détail fera le fujet de cette petite differtation. Nous primes le bout d'une lame de fabre, long d'un pied, large par le bas d'un pouce, fe terminant par une pointe obtus; ce bout de lame pefoit . . . . 4onces 2gros 3 6grains. On 'aimanta le mieux qu'il fut poflible avec une très- bonne pierre, mais à la façon ordinaire, en le coulant de toute fa longueur fur les armures de la pierre. Cette lame porta, étant chargée peu à peu 4°nc: 28 or Il faut f fouvenir pour ce que nous dirons dans Ja fuite, que ce bout de fabre, que j'appellerai la lame moyenne, ne peut acquerir de vertu magnétique étant aimantée à lordinaire, que DES SCIENCES 183 ce qu'il en faut pour lui faire foûtenir le poids de qonces 2 grains. Nous primes enfuite une lame auf tirée d’un fabre, elle avoit 2 pieds 7 pouces 8 lignes de longueur & 1 pouce de largeur, étant à peu près d’égale largeur aux deux bouts; cette lame étoit d'acier trempé & poli, je la nommerai dans la fuite la grande lame, elle peloit . + . . . . 1o0nces 2gros 4 ç grains. On Fl'aimanta à l'ordinaire, le mieux qu'il fut poffible, fe fervant toûjours de la même pierre, elle porta en cet ERA PL DE NE Un MD RME O enr Up ir: Les deux lames dont nous venons de parler, fçavoir, celle que nous appellons la moyenne, & celle que nous appellons la grande, étant bien aimantées à l'ordinaire, nous pofames la moyenne fur la grande, de façon que l'extrémité pointue de la moyenne excédoit de 4 pouces l'extrémité de la grande, ainfs elle touchoit la grande barre dans {1 longueur de 8 pouces ; nous les liames l'une à l'autre en cette pofition avec de Ja ficelle. s Les chofes étant ainfi difpofées, nous éprouvames la force de la moyenne lame, elle fe trouva être de . . 7onc ygros: ainfi fa force magnétique étoit augmentée de . . one. zgres, uniquement parce qu'elle étoit liée fur la grande lame. Nous éprouvames enfuite, & fans délier les lames, quelle étoit la force de la grande, elle ne fe trouva que de 4onc. 2gros, mais le changement de pole peut contribuer à cette différence. Sans défunir les deux lames & les laiffant dans le même état, on les aimanta toutes deux étant ainfi unies enfemble , pofant la pierre à l'extrémité de la grande lame, & finiffant par l'extrémité pointue de la moyenne. On délia enfuite les lames, & on les fépara pour éprouver féparément leur force magnétique, la moyénne foûtint j oi 38 3 Ggr- d'où il fuit que cette lame étant aimantée de cette façon, hportoit + + . . . . . ... ., . . , 300 18 369: _ de plus qu'étant aimantée à l'ordinaire, & 207: 3 6æ: our de plus qu'elle ne portoit étant unie à la grande lame avant u'on les eût aimantées de nouveau. ame Expérience- 184 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE On eflaya enfuite ce que la grande lame pouvoit porter étant feule, elle ne foûtint que . . . . Sonces gros 4 Ggrains ; ainfi la grande lame avoit perdu par cette opération 20nC, Ogr. 7 16 & la moyenne ayant gagné . . . . . . 3onc rer. 3 Gr. on-voit qu'il s'en faut . . . . . . . . . LION 378 or. que la grande lame ait autant perdu de force que la petite en à gagne. Nous ous fommes fervis pour cette feconde expérience, de la grande & de la moyenne lame de l'expérience précé- dente, & nous y en avons joint une troifième que nous nommerons la petite lame, qui pefoit $ gros, ayant 4 pouces de longueur fur 1 0 lignes de largeur par un bout, à l'autre elle fe terminoit en pointe ; c'étoit encore le bout d'un fabre. Nous aimantames cette petite lame à l'ordinaire, nous fervant toüjours de la même pierre, elle porta 1°nc. 18 or. Nous aimantames bien la lame moyenne , nous pofames & liames la petite fur cette moyenne, la petite ainfi unie à la moyenne porta . . .. .... . . . 30 og. 368 ainfi fa force étoit augmentée par la feule circonftance d'être jointe à la moyenne lame, de mes ete 00 7 GE On aimanta enfuite les deux lames, fçavoir, la moyenne & la petite étant jointes enfemble; avant que de les délier, on éprouva la force de la petite qui fe trouva de Gonc 4s og. ainfi en aimantant les deux lames enfemble, voilà encore la force augmentée de . . . . . . . . . 3onc 38. 3 Ggr. On délia la petite de deflus la moyenne, pour éprouver fa force, qui fe trouva de . . . . . . . . yonc. 4er. 3 Ga. ainfi l'augmentation de force de cette petite lame pour avoir été aimantée fur la moyenne, fe trouva de oonc. 3gr. 3 Ggr. Ce qui fuit à peu près la mème proportion que dans l'expérience précédente; néanmoins je penfe qu’elle auroit confervé plus de force fi elle avoit débordé la moyenne lame d'une plus grande quantité. Enfuite on joignit la petite lame à la grande, on les ai- manta; étant ainfi unies & liées l’une fur l’autre, avant de les féparer DES SCIENCES. 185 éparer on éprouva la force de la petite, qui fe trouva être de se en es «0e » » velouleter Once Oo) GENE: ainfi la petite lame étant jointe à la grande, OItA ee sn es es + + 0 + e . « OC 28: 3 68r de plus qu'elle n'avoit porté étant jointe à la moyenne. On détacha la petite lame de la grande, pour éprouver fa force, qui fe trouva de . . . . . . . . . jonc Gg. 3 6. De forte que cette petite lame, pour avoir été aimantée fur la grande, au lieu de l'avoir été fur la moyenne, avoit acquis ENCOre, + « + + + + + +» « + + + ON 28 O8 de force, & en cet état elle portoit . . . oonc: sg 3 6æ° de plus qu'étant aimantée à l'ordinaire, On fçait que les aimans vrais ou artificiels portent plus ou moins des jours que d'autres, fuivant que l'air eft plus chaud ou plus froid, plus fec ou plus chargé d'humidité, & füivant d’autres circonftances qu'on ne connoït pas bien; C’eft pourquoi il eft bon d’avertir que les expériences dont nous allons rendre compte, ont été faites près d'un mois après celles dont nous venons de donner le détail, La moyenne lame étant aimantée à l'ordinaire; porta... ee 9 pe 0. 3006 58 3 Ogre on aimanta la grande lame, on y joïgnit la moyenne pour les aimanter enfemble; la lime moyenne ayant été détachée de la grande, porta . . . . ... . . . . Sonic. 2gr. 3 6 ainfi par la façon d'aimanter cette lame, elle devint capable de foûtenir . . . . . . . , . . . . . . 4onc sr où de plus que quand elle avoit été aimantée à l'ordinaire, On fit perdre la vertu magnétique à ces lames en les jetant par terre fur un carreau de marbre, & en les coulant fur la pierre d'aimant en fens contraire, en cet état ces lames ne pouvoient pas foütenir la moindre petite clef; ayant aimanté la moyenne barre à l'ordinaire, elle fupporta 3°nc 6g ogr. On aimanta enfuite la grande barre, on lia la moyenne defius, & les ayant aimantées toutes les deux & détaché fa » moyenne, elle porta , . . . . . . . . . Gonc oæ. or. m_ Et... ...... , . 29n6. 287: OT Mem 1745: " A à m6 Expériénces me Expériencez me Expérience. £me Expérience. 186 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALr que cette lame a acquis de force magnétique pour avoir été aimantée fur la grande lame. On fit encore perdre la vertu magnétique aux deux lames, de la même façon que nous l'avons dit plus haut, puis, fans les aimanter en particulier, nous les unimes lune à l’autre; étant ainfi jointes on les aimanta pour reconnoitre fi par la circonftance de ne point aimanter les lames avant de les unir, la force de la moyenne lame feroit fort différente ; ayant donc aimanté la moyenne lame fur la grande, de la façon qu’on vient de l'expliquer, cette lame porta 7onces Ggros ograins, c'eft un peu plus que dans la quatrième expérience, mais moins que dans la troifième. Comme tous les aciers ne fe chargent pas également de la vertu magnétique, & comme il y en a qui ne s’aimantent prefque pas, nous avons fait notre pofflible pour communi- quer cette vertu à une lame de fabre toute entière, mais ça toûjours été fans fuccès ; la grande lame des expériences précédentes fe chargeoit fingulièrement bien de cette vertu magnétique, la moyenne paflablement, & la petite affez mal: cette réflexion nous engagea à eflayer ce qui arriveroit à d’autres lames, d’ailleurs quand on s’eft long-temps fervi des mêmes lames, comme on a été obligé de les aimanter bien des fois, & de leur faire perdre cette vertu, il nous a paru que les expériences ne fe faifoient plus fi bien ; ce font ces réflexions qui nous ont déterminez à faire les expériences fuivantes. Nous avons aimanté Ja lame moyenne à l'ordinaire, elle AUPONLÉ ULTIME 2 DMEICT UT SAR RITEE on l’a enfuite aimantée fur la grande, elle a porté 7°nc o&- or ainfi pour avoir été aimantée de cette façon, elle a porté 290nc. 38 OŒ« de plus que lorfqu'elle avoit été aimantée à l'ordinaire. Nous avons répété cette même expérience, & après avoir fait perdre la vertu magnétique à la moyenne lame, fur le champ on l'aimanta à l'ordinaire, elle porta $°rc 6 208- J'ayant aimantée fur la grande, elle porta . . 7°nc-68. 28 “! 4 à. DES SCIENCES 187 ainfi elle a gagné pour avoir été aimantée fur la grande DB nee oo iot alniantat af 2r Toute 1 ONCE gros 5 grains | Nous répétames fur fe champ ces expériences en nous fervant d’une autre lame au lieu de la moyenne, cette nou- velle lame étoit affez femblable à a moyenne par fon poids & fa longueur. Etant aimantée à l'ordinaire, elle porta . . Son SE où: & ayant été aimantée fur la grande, elle porta feule F7QnE; 6&. or: ainfr cette nouvelle fame, pour avoir été aimantée {ur a grande, a porté plus qu'elle ne faifoit étant aimantée à l’or- De 2e shalan Date rdc u! Lane. renier. On voit dans les expériences que nous venons de rap- porter, bien des variétés, mais elles ne font qu'en plus & en moins, & tout ce que nous avons fait prouve inconteft:- blement qu'il y a un avantage confidérable à faivre la mé- thode que nous venons d'indiquer, pour parvenir à commu niquer à une verge d'acier une grande force magnétique ; ce qui peut être fort utile en bien des occafons. Nous crumes alors apercevoir un moyen de beaucoup augmenter encore la vertu magnétique dans un barreau, & voici le raifonnement que nous fimes. La petite lame devient confidérablement plus chargée de Ja vertu magnétique, quand on l'aimante étant unie à la Moyenne, que quand on l’aimante feule, il faut donc qu’une partie de la vertu magnétique dont la moyenne lame ef, pour ainfi dire, imbibée, pañle dans la petite; d'où il étoit naturel de conclurre qu'il pañeroit d'autant plus de cette vertu mag- nétique dans la petite, que la moyenne en auroit été plus chargée. j Dans cette vüe nous aimantames la moyenne lame fur {a grande, nous Îa féparames; dans cet état nous devions compter qu'elle étoit très-chargée de la vertu magnétique , nous joi- gnimes à cette moyenne la petite, & nous les aimantames toutes deux enfemble, comptant que comme la moyenne sétoit très- chargée de la vertu magnétique, il en pafiéroit a 1] 188 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE davantage dans la petite; néanmoins quand nous éprouvames - Ja petite lame, nous ne Ja trouvames pas beaucoup plus forte pme Expérience. que quand nous l’avions aimantée fur la grande lame : nous fimes cette même expérience d'une autre façon qui nous réuffit encore plus mal, nous avons néanmoins cru la devoir rapporter, parce qu'aflurément il y a eu quelque caufe par- ticulière que nous ne connoiffons pas, qui nous a traverfez, & qui ne fe rencontrera peut-être pas quand on la répétera avec d’autres lames & dans d’autres circonftances. On aimanta la grande, la moyenne & la petite lame, cha- eune féparément & à l'ordinaire. | Ayant joint la moyenne à la grande on les aimanta étant ainfi réunies, tout de fuite on ajoûta la petite lame à la moyenne, & on les aimanta toutes trois enfemble. Avant que de les féparer on éprouva la force de la petite, étant ainfi réunie aux deux autres, elle foûtint onces 3 gros 3 Grains: Comme dans l'épreuve de la feconde expérience cette petite ame étant aimantée à l'ordinaire, avoit porté 199 18 of la force de cette petite lame, pour être unie aux deux autres & avoir étéaimantée avec elles, a augmenté de Son 28r. 3 68 Dans la même feconde expérience la petite lame ayant été aimantée fur la moyenne, & y étant reftée jointe, avoit prtéleus ei Rte se 0 GT CUR UP ÉOONENASNEOE ainfi la petite lame ayant été aimantée fur la moyenne & la groffe, & leur reflant unie, a porté … . . 29nc 78: 3 62. de plus qu'étant fimplement unie à la moyenne. Dans la même feconde expérience la petite lame étant jointe & aimantée fur la groffe, a porté . . 6onc. 62 3 6æ- ainfi la petite lame, jointe aux deux autres, a porté de plus qu'étant jointe à la grande . . . . . . . . 2°nc 68 og On a détaché la petite lame des deux autres, elle a porté étant feule. : …. ... . . 1... ponc 48368 cet. tenue ee ee eo 2 « O9 38 3 08 de plus qu'elle ne portoit étant aimantée à l'ordinaire; mais g'eft précifément le même poids que cette petite lame avoit: DE SNS QUE EN IC EU 189 porté ayant été aimantée fur la moyenne, & oonces 28105 ograins de moins qu'elle n'avoit porté dans la feconde expérience, ayant été aimantée fur la grande lame. u Nous détachames la moyenne lame de Ia grande, & elle EAP one er 2/68: Cette même lame dans la première expérience, ayant été aimantée fur la grande, n'avoit foûtenu que 7°" 38° 3 6er ainfi par la difpofition des lames, la moyenne a foûtenu 29nc 2 8e O8: de plus que dans Ia première expérience. Pour vérifrer la précédente expérience nous aimantames les trois lames chacune en particulier, nous les unimes les whes aux autres, & nous les aimantames toutes enfemble. La petite lame étant jointe aux deux autres, a porté D A 45" oO: c'eft 36 grains de plus que dans [a précédente expérience. On retrancha la grande lame, & la petite étant jointe à moyenne, foûtint.z 212,22 2.2 2 2. :, 09° 62 Lo Dans la deuxième expérience la petite lame ayant été ai- mantée fur la moyenne, & y étant reftée attachée, elle n’avoit Bon ques Ne... SNS LINE NN OSEO ainfi dans ce même état, pour avoir été aimantée les trois lames étant enfemble, elle a porté de plus . . 2° 28 os Enfin nous détachames fa petite, & étant feule elle ne foulinbencorer que 5.1" etehetae ie dite 148 3 GP qui étoit le poids qu'elle avoit porté étant aimantée fur Ja moyenne lame. | Ï faut avouer que nous avons été extrêmement furpris de voir que cette petite lame n’acqueroit pas une plus grande force magnétique, mais il ne faut point fe rebuter, la moin- dre circonftance peut produire de grands changemens & nous frayer une route pour augmenter encore plus la force magnétique dans une lame ou dans une barre d'acier. . [ya des aciers qui acquièrent moins de vertu que d’au- res, la petite lame nous a paru être de ce genre; de plus « mous avons remarqué, & Je crois que M. Hartfoeker l'avoit Aa üj 8 me Expérience, 790 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoyALr déjà aperçu, que fi on charge un barreau qui vient d’être aimanté, il s’affoiblit beaucoup, au lieu qu’il conferve mieux fa vertu attractive fi on le laifle quelque temps avant que d'éprouver fà force : enfin comme nous faifions toutes nos expériences avec les mêmes lames, nous étions obligez de les aimanter & de les défaimanter bien des fois, ce qui peut occafionner des changemens dans l'intérieur de l'acier, &c troubler l'exactitude des expériences. Nous en étions-là, & nous nous propofons, avant de ren- dre compte de nos expériences, d’en faire encore plufieurs autres, mais les circonflances des barreaux qui font venus d'Angleterre, nous ont engagez à communiquer à l'Acadé- mie ce que nous avions fait, pour expliquer comment nous fommes parvenus à les imiter. Le barreau de M. de Reaumur pefant o°"< 38 3 Gains, a foûtenu , étant chargé peu à peu . . . . 3°" of 128- Le barreau de M. de Buffon pefant . . . o°" 48478" a fobtene els 2e. ee ls sale AT MERCI Nous fimes d’abord un barreau de fer à peu près de même figure & proportion ; mais étant aimanté à notre façon, il ne püût prefque porter que fon poids. Nous en fimes un autre pareil d’acier non trempé, & le fuccès ne fut pas plus heureux ; nous le trempames, & l'ayant aimanté à l'ordinaire, il ne porta que . . . 1°48 oë ce barréauapeloit eue Le. ae. eee: énO MIO nous l’aimantames enfuite fur la grande lame, comme dans les expériences que nous avons rapportées, l'ayant détaché, ifoütint, Sous eee hip telien nie) ee ET Un autre barreau pefant . . . . . . . . o°" 387 1 8ur- étant aimanté fur la grande lame, foûtint . . 3°" o# or Voilà des barreaux fort approchans, du moins quant à l'effet, des barreaux Anglois, car il ne faut pas faire grande attention aux petites différences en plus ou en moins, puif- qu'elles peuvent venir de a nature de l'acier, de la pierre qui aimante, &c. d’ailleurs, qui fçait 1 en laïffant quelque temps le barreau appliqué à fa grande lame fur laquelle on l'a DES SCIENCES. 19r aimanté, il n'acquerroit pas encore plus de vertu, ou fi la grande lame n'abforberoit pas la force de la petite? nous ne l'avons pas éprouvé; mais indépendamment des barreaux Anglois, il eft aflez fingulier qu'on puifle augmenter auffi fenfiblement la force magnétique dans un barreau par une circonftance auffi fimple. On dira peut-être que la fingularité des barreaux ne con- fifle pas feulement dans leur grande force magnétique, mais encore parce qu'ils ont été faits fans le fecours de la pierre d’aimant. Pour tabler fur cet article il faut attendre que le Médecin ait bien voulu révéler fon fecret, ‘car on fçait qu'on peut faire des aïmans artificiels & s’en fervir pour aimanter des barreaux, on pourroit peut-être appeller cela aimanter fans aimant : d'ailleurs M. Arnoult Marcel a communiqué à la Société Royale de Londres, des expériences qui prou- 4m 1732: vent qu'une aiguille de bouffolle acquiert une grande force magnétique, feulement en la frottant fur un morceau de fer poli ; mais fans chercher à deviner l'énigme, fi le problème du Médecin Anglois étoit conçu ainfr, augmenter de plus du double la force magnétique dans un barreau aimanté fans le fecours de laimant, je crois qu’on le pourroit réfoudre par nos expériences, car Voici comme je conçois la chofe. Si l'on prend un barreau d’un pied de longueur & d’une ligne & demie en carré, ff on l’aimante à l'ordinaire, l'ex, trémité du barreau fera plus aimantée que tout le refte; fi Yon en coupe trois pouces de longueur fans l'ébranler, avec de l'émeril, par exemple, ce bout fupportera un poids beau coup fupérieur aux poids que fupporteroient des bouts de même longueur qu'on couperoit dans le refte du grand barreau. Nous avons pris un aimant artificiel aflez bon, nous Tavons coupé en deux, en le limant par le milieu, le bout d'en bas a beaucoup moins porté que l’aimant entier ; mais il Houtenue don. le, < +6 eee 10e, APTE 46% ograins Mi au lieu que le bout d'en haut n’a pü fupporter les o°% 4er our. Mn Or qu'eft-ce que nous faifons par notre pratique ? nous 192 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare alongeons beaucoup notre petit barreau, & nous le plaçons à la partie où il doit plus recevoir de la vertu magnétique, ce qui fait que quand on le fépare du grand fur lequel on l'a aimanté, il conferve une très-grande force ; ainfi l'aug- mentation de force ne vient pas réellement de la part de la pierre, mais de ce qu'on a alongé le barreau, & il eft probable que fi au lieu de lier fimplement les barreaux fur une dame avec du laiton ou de la ficelle, comme nous l'avons fait, on les faifoit entrer de toute leur épaifieur dans un barreau d'acier où il y auroit une entaille proportionnée pour les recevoir , il efl probable, dis-je, qu'on réufliroit encore beaucoup mieux que nous n’avons fait. M. le Maire s'elt propofé de faire un aimant artificiel plus fort que les aimans ordinaires, en faifant ufage des con- noiffances qu'il avoit acquifes ; pour cela voyant par les bar- reaux Anglois & par les expériences que j'ai rapportées, que Y'acier trempé acqueroit plus de force que les fleurets qu'on emploie ordinairement pour les aimans artificiels , il a pris pour faire fon aimant, de l'acier fin, il en a formé cinq bar- reaux de quatre pouces de longueur, de trois lignes de lar- geur, & d'une bonne ligne d'épaifleur ; & les cinq barreaux bien dreffez & polis, pefoient enfemble 2° ç2% orins I! les a trempez, & les ayant aimantez à l'ordinaire, les cinq barreaux réunis par des anneaux de laiton, portoient n OnC 28" 2 re Il fes a enfuite aimantez fur la grande barre, & chacun portoit environ . . .« . « « « « « « « « « 3°" O8 0% Après avoir éprouvé leur force en particulier, il les a réunis & bien ferrez par les anneaux, ils ont porté 5° 08 or La force de cet aimant, pour la feule circonftance d’avoir aimanté les barreaux fur la grande lame, étoit donc aug- mentée de . . . .. ., , . 0 0 0 + +. 1° 58 48€ mais elle étoit beaucoup moindre que le produit de 1a force particulière de chaque barreau qui auroit dû être de 1 $°°« Je dis ce que nous avons vü, quoique cette expérience ne s'accorde pas avec une que M. Hartfoeker rapporte dans | fes | DES SCIENCES. 193 Tes Eclairciffemens des conjeétures Phyfiques, page 92; car l'expérience de M. Hartfoeker femble prouver que {a force des lames réunies eft beaucoup fupérieure à la fomme de toutes les lames chargées en particulier, fie * Voici encoreune expérience que nous avons faite ces jours derniers, qui pourra n'être pas inutile à ceux qui voudront faire des expériences fur le fujet que nous venons de traiter : nous avons lié un barreau de 4 pouces de longueur fur la grande lame, de façon que le barreau ne touchoit la lame que d’un pouce, & qu’il la débordoit de 3 ; nous avons éprouvé fa force, enfüuite nous avons fait en forte que Île barreau tou- chât la grande fame de 2 pouces, de façon qu’il ne l’excédoit que de 2 pouces, & nous avons trouvé que le barreau fup- portoit un plus grand poids : nous avons encore changé [a difpofition du barreau , relativement à la grande lame, de forte que le barreau touchoit la lame de 3 pouces, & qu'il n'excédoit que d’un pouce, & dans cette pofition il fupportoit encore un plus grand poids : on voit par-là que la pofition des James l'une à l'égard de l'autre, n’eft pas une chofe in différente, Depuis la lecture de ce Mémoire, M. le Maire a préfenté à l'Académie un aimant artificiel, compolé de 36 barres d'acier trempé ; chacune de ces barres avoit 6 pouces de longueur, 5 lignes de largeur, une demi-ligne d’épaifleur, & chacune pefoit envion 2 onces 4 gros, de forte que les 6 pefoient toutes enfemble 6 livres, elles étoient tellement difpofées qu'elles faifoient toutes enfemble un parallélépipède, qui avoit à peu près autant de largeur que de hauteur, car les barres étoient pofées horizontalement entre deux armures d'acier, femblables à celles qu'on met aux pierres d’aimant. + : Chacune de ces barres avoit été aimantée en particulier, … fuivant la méthode que nous avons expliquée plus haut; & cet aimant artificiel portoit 45 livres, ce qui fait une force “confidérable relativement à fon petit volume. \ ne “us ul mon di DA €5 7 Juillet 1745" 194 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr OBSERVATIONS BOTANICO-METEOROLOGIQUES Faires à Québec pendant les mois d'Oë&tobre, Novembre à Décembre de l'année 1743, à Janvier, Février, Mars, Avril, Mai, Juin, Juiller, Aoûr à Septembre de l'année 1744: Par M. pu HAMEL. GaAuTiER Médecin du Roi en Canada, Confeiller «au Confeil fupérieur de Québec, & Correfpondant de VAS ie pour fatisfaire aux devoirs d'un bon Corref- pondant, a envoyé au Jardin du Roi plufieurs plantes avec différens morceaux d'Hiftoire Naturelle, & il m'a adreflé un Journal Botanico- météor ologique, fuivi avec autant d’atten- tion que celui qu'il m'avoit adreflé l'année dernière, & dont j'ai fait part à l'Académie. Quoique le Journal de M. Gautier foit rempli de chofes intéreflantes, il m'a paru néceflaire de l'abréger pour qu'il n 'occupât pas trop de place dans les volumes de l’Académie, ce qui m'a obligé de changer l’ordre de fes mémoires, & voici celui qui m'a paru le plus conve- nable ; j'ai commencé le détail de chaque mois par une Table qui contient les obfervations météorologiques, cette Table eft divifée en quatre colonnes. Dans la première on trouve les jours du mois en com- miençant par le mois d'OGtobre 1 743, parce que les dernières obfervations finiffent au mois de Septembre de la même année, qui eft le temps du départ des Vaifleaux du Roi, aïnfi les oblervations de M. Gautier font fuivies fans interruption. On trouve dans la feconde colonne les obfervations du froid & du chaud, faites avee un thermomètre de M. Delifle, parce que les thermomètres que je lui ai envoyez, faits ; DES SCIENCES + fuivant les principes de M: de Reaumur, n'étoient pas graduez affez bas au deflous du terme de la glace pour exprimer 1e froid du Canada. Mais il eft bon d’avertir que M. Gautier part toûjours du terme de la glace marqué par o, il fuit des divifions pareilles à celles de M. Delifle, qui font à celles de M. de Reaumur comme 15 eft à 8 ; ainfi au lieu de mettre 1 40 qui ef le terme de la glace qui, au thermomètre de M. de Reaumur, eft marqué o, il a mis o, & au deflus & au deflous 1, 2, 3, &c. La lettre 47 défigne les obfer- vations qui ont été faites à 7 heures du matin, & la lettre S celles qui ont été faites à 3 heures après midi. Les croix 4- fignifient plus o, ou au deflus du terme de la glace; un fimple trait — fignifie moins o, ou au deflous du terme de la glace ; enfin deux lignes parallèles — fignifient égal o, ou que la température de l'air étoit au terme de la glace. La troifième colonneeft deftinée à marquer le temps qu'il a fait chaque jour, pluie, brouillard, ferein, tonnerre, &c. Enfin on voit par la quatrième colonne les vents qui ont régné chaque jour, & quand le vent de l'après-midi a.été différent de celui du matin, M. Gautier la marqué, Après les Tables d'obfervations météorologiques, nous avons raflemblé à la fin de chaque mois les obfervations qu'il a faites fur les productions de Ia terre, fur les infectes, fur les maladies, & généralement fur tous les points que M. Gautier a cru mériter l'attention de l'Académie, On verra en général que cette Colonie a efluyé des froids très-cuifans, qu'il y a eu de grandes variations dans la tem- pérature de fair, & qu’il a régné beaucoup de fièvres ma- lignes, mais que le temps a été très-propre pour les femailles & pour laccroiflement des grains, de forte que la récolte a été très-abondante, ce qui a été très-confolant après la difette de l'année dernière. Bb 196 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE OCTOBRE r743. DEGRÉS Jours. | Thermomètre, VARIATION DU TEMPS. | Situation du vent. PTT Degré 1 10 + o très-beau & fort chaud.| nord-oueft, 2 [Mio + o (OT DE EE tee Jd. |S 13 +o vent violent........ nord-eft. cu PL qu grand vent & froid. . .. Id. |$ 17 + o affez beau. . .......| fud-oueft, 4 |M16 + o beau & chaud. ...... MAMIE CNE. | 2e ee NME s [Mis + o fort beau & fort chaud... Jd. |5. 9 +-lescaves.| Idem. . . .......... 6 |M. 12 + o 1OID DCAU. - "meta ete ile Id. |$ 17 + o TAC e te Este ele fud-oueft. 7 9 — o il gela pendant la nuit. É 30 ET M9 10 il gela pendant la nuit. Id. |S —les caves.| il fit beau & chaud le jour. 9 |M 8 +o fort chaud tout le jour... Ja. |S. 32+ les caves.| pluie abondante le foir... 20 |. 1 — es caves.| brouillard épais. . . . .. Jd. Su les caves:| fort beau... : I 8 nord-eff, 31 [Mis + o le temps fut couvert &) Id. |S. — les caves.| fort chaud. . . ... .Vnord-ouc8, 12 16 + o pluvieux. . ........ 33 8 + o neige & pluie. . ..... NV RCE = beau & froid........ FH AZ AT trés-Deau ie LS. Id. |S. 12 —o TER ES OS ES 16 |M. 8 + o pluvienss 25 eee Id. |S 12 + o: Tders.f Er EN fud-ouef. 17 [Mir Ho fort beau. 20m. Id. |S 16 +o Idem. JE NRAASEL: MAT Le gelée GENE 1205-00 Ten: Ne MNT 39 11 + o tres-beam RER DES SCIENCES. 197 DEGRÉS g V TI n ituati : DT Peu Done ARIATION DU TEMPS Situation du vent, i Degrés. . 20 M11 + o beau & chaud. . ..... Id. |S. 6 +lescaves.| Idem. . ...... 21 [M1iz + o . Id. |S. 4 + les caves. . 22 13 + 0 23 [Mio + o dem NT MAT. temps couvert, pluie &} nord-eff. 1 US T2 À 0 grand vent. ...... CAMER ENT. 10 forte gelée blanche. . . -füd-oueft, nord-eft, 25 3 + o grande pluie ROUE pnord-ef. 26 3 + o temps Couvert. . . . ... 27 |M. 4 + o temps couvert, grand vent. \ fud-oueft, Id. |S$. 11 + o DEAD Re VIRE ETES 28 |M —o froid & beau. . . . . . .|nord-oueft, TONNES RC NEC HR RARE fud-oueft, 29 |. .... o- gelée & grand vent. .. 30 [M 2 — o froid & beau. , ..... set Id. |S 8 Lo TOM EIPNRENE vs.) 1 |A. — 0 fus froid Ar UN 7 S. 1 Ali) pra &'benr este nord, : On voit que dans ce mois, excepté le 7 qu'il fit afez froid, le temps a toûjours été aflez chaud, puifqu'il y a eu des jours que le thermomètre étoit le matin à 1 2 degrés au deflus de zéro, & que l'après-midi il a monté jufqu'à 1 5 & 11 6 degrés au deflus de zéro. En général il a peu tombé d'eau, & le vent a prefque toûjours varié du fud-oueft au nord-oueft pendant le courant de ce mois. Les maladies qui ont régné pendant ce mois, étoient des. fièvres continues avec des redoublemens, & beaucoup de fièvres malignes qui n'ont pas enlevé tant de monde qu'on . avoit eu lieu de le craindre. On ne pouvoit avoir un commencement d'automne plus b ii 198 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALr beau que les beaux jours que l'on a eus à la fin de Septembre, ce temps a continué pendant une grande partie du mois d'Oc- tobre, les premiers jours de ce mois ont été fi beaux qu’on auroit cru être encore dans l'été; mais ce temps, qui faifoit beaucoup de plaifir, n’étoit pas favorable pour la culture des terres, car la grande chaleur qu'on avoit & qu’on avoit eue, ayant defléché les terres, on ne pouvoit faire les labours que très-difficilement; auffi fut-on obligé d'abandonner ces fortes d'ouvrages jufqu'au 9 du mois, & il n’y eut que les habitans qui pouvoient doubler leur harnois qui continuaffent leurs guérets ; mais il tomba une pluie abondante le 9 & le 10 qui humecta la terre & qui confola beaucoup l'habitant, parce qu'elle le mettoit en état de pouvoir préparer fes terres pour la femence du printemps ; ce temps pluvieux fut fuivi d'un brouillard fort épais & fort chaud , ces jours furent encore fuivis de quelques jours de chaleur, & de quelques ondées de pluie qui furent très-favorables pour la culture des terres, & la neige qui tomba le 1 3, & qui nous annonça l'hiver comme fort proche, ne caufa aucune alarme, parce qu'elle fut bien- tôt fondue par la pluie qui tomba le même jour & les jours fuivans, fur-tout le 1 6 du mois : il eft vrai qu'il gela affez fort le 18 pour craindre qu'on ne pût plus labourer, mais cette gelée fut fuivie de jours f1 beaux & fi chauds qu’on continua les labours, il fit même un véritable jour d'été 1e 20 O&obre, & Ia chaleur fut fi grande que le vif-argent monta 6 degrés au deflus des caves de l'Obfervatoire : 1e temps devint plus froid vers la fin du mois, mais cela n’em- pécha point de continuer les ouvrages de la campagne, les arbres perdirent entièrement leurs feuilles pendant ce mois. DES SCrENCESs. 199: NOVEMBRE. DEGrÉSs A Thanohètre. Situation du vent. VARIATION DU TEMPs. FT Degré, i 1 3 + 0 temps pluvieux. . .... 2 4+0 beau & grand vent. . . ./nord-cf, 3 [M 4 Ho AMEN dei of Id. |S. 2+e |un peu froid. ...... 4 |. 3 +o brouillard, puis beau. . . Id |S 5 +o grand vent. ........ s IÆ 5 +o très-beau & très-chaud. .. Sfud-oueft, Id. |S$ 8 +lescaves.| Idem. . .......... 6 |M.io + o pluie douce, trés-beau…. Id. |S 12 + o plus chaud... ...... - 7 |M. 9 +o pluie abondante, douce. Id. |S. 13 Lo TER ANNE ete de ei. 8 |M. 1:4 0 forte gelée la nuit. . .. tr Rin Id, |S. 10 + o beau témps. . .. 4... 55 1 +o neige, froid & grand vent. } 10: 6 + o trés-beau...t. . 4: ... :. êfud-oue8. NT 1 + o neige & froid. ...... S, ©. & N. O: 2 1 + o neige continue. ..... nord-oueft. 13 10 — © forte gelée & beau. . . .[S. O. au N. ©. 14 9 — o grande'neige. ...... nord-eft. 15 [M —=o temps doux & calme. . .|fud-oueft. Id. |S 3 +o TA ER IEEE Idem. 16 1 +—o beau foleil, doux & vent. |nord-oueft, 17 z +o temps convert & fombre.|N. ©. au N. E. 38 (M 4 +o dégel & fort doux. . . .fud-oueft. 14. | 6+o Ten ee ee Idem. 19 7 +0 couvert, dégel humide... |nord-cft. 20 2+o fombre, neige & vent.… “ 21 [M 6 +o beau & froid. . ..... ZZ. |S 2.4 o FH): 22 12 — © | beau, froid & grand vent. } ; — © |remps couvert... . . , .[nord-oueft. CERVAT 200 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE DEGRÉS du ‘Thermomètre. VARIATION DU Temps. | Situation du vent. Jours. nord-oucft. 23): S o temps doux. . ...... | 24 ; — 0 très-frOideehene le ID OA | Id, |S. 2 — 0 plus doux, . ... CNerr | 25 IM. 9 — o grand froid. ..... . .|fud-ouct. | Ia. |S. 10 plus doux. ........|7dem. 26 1 + o givre, pluie, vent violent. 2718] ce AO vent impétueux. . . . .. nord-eft. 28 2 — 0 fort beau, peu de vent... 29 6 — 0 allez beau, . . ee eptele fud-oueft. 30 8 — o gelée, temps couvert. . .|nord-oucff. Ce mois a été auffi beau qu'on pouvoit le fouhaiter, & il n'y a eu que les derniers jours qui ont été plus froids, fur-tout depuis le 23 jufqu'au 25 , car le 24 au matin le thermomètre fut jufqu’à 1 $ degrés au deflous de zéro. I! tomba de la pluie pendant les premiers jours de ce mois & le temps fut affez doux, il y eut fur la fin des vents de nord-eft terribles, qui abattirent grand nombre de maifons - & beaucoup d'arbres. Le vent a prefque toûjours été nord-oueft & fud-oueft, en général le temps a été aflez favorable pour les labours: il y a eu alternativement de très -beaux jours, de la neige, de a pluie, & les habitans de la campagne ont toüjours continué leurs travaux : les jours de froid pendant lefquels on ne pou- voit labourer, étoient employez à couper du bois & à chaffer, les perdrix venoient en 2bondance à la ville. : Il fit le s de ce mois un vent de fud-oueft qui fut très- favorable pour le départ des Vaifleaux. Les maladies qui avoient régné le mois précédent, ont o encore continué pendant le cours de celui-ci, il femble même que les fièvres malignes font devenues plus opiniâtres & plus fâcheufes pendant le cours de ce mois; il eft vrai qu'il y a eu moins de perfonnes quien ont été attaquées, mais auffi il ef arrivé que ceux-là ont eu le malheur de fuccomber à {eur pr | | | | U DREMSF S?CUE RÉNT CFEUS 201 à feur malignité : il y a eu auffi pendant ce mois beaucoup de rhumes, qui fouvent étoient compliquez avec des efpèces d’efquinancies, on les guérifloit aifément en bûvant beau- coup de thé ou de tifane de coquelicot, ou de chiendent & de réglifie ; car après quelques jours, les malades rejettoient une quantité étonnante d'humeurs où matières muqueufes, après quoi ils fe trouvoient parfaitement guéris : il y en a eu cependant quelques-uns à qui on a été obligé de tirer du fang du bras, ce qui a foûlagé comme par miracle, & a entiè- rement diffipé le mal, fur-tout quand la faignée étoit füuivie d’une purgation. DECEMBRE. DEGRÉS berne te | VARIATION DU TEMPs. | Situation du vent. Jours. CR + 1 2 — 0 fombre & froid. . .... nord-eff. 2 [M 3 — o temps fombre. ...... nord-oucft, TALISN 1 0 temps doux. . ...... Idem. Œe. 3 — 0 temps couvert & neige... & 4 — 0 fombre, froid à neige. nord s $s — 0 beau & fcrein. . ..... 6 | 6 — o gelée, beau & fercin. . Le LUE 7 8 — o beau, grand vent. . . .. 8 14 — 0 forte gelée, beau & vent. 9 [12 — o | grand vent &ncige. . . A Id. | 8 —o Jr léloà choit 10 5 — o |neige abondante en it |. 4 — 0 forte gelée. . .,.... TARA No ENTER RUN, HE 12 |M. 6 — o fombre........... Id. |S 1 — 0 fort doux. ........ 13 |M. 9 — 0 fombre.. +... + )fud-oueft, “Id, |S 3 — o ae zAbE ARMES EUR QI n 14 8 — o beau & froid. ....... a5 15 — 0 très-beau & très-froid. . .|nord-oueft, - 6 25 — 0 trés-grand froid & ferein.|fud-oueft. Men, 1745: Cc 202 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Jours. | à EE VARIATION DU TEMPS. | Situation du vent, — Daegris, 17 28 — o grande gelée & frein... 18 20 — © froid & neige. . ..... 19 11 — © aflez beau & doux. . . . fud-oueft. . 20 17 — © fercin & froid. ...... 21 20 — 0 fort fombre & très-froid. 22 10 — © neige abondante. , . . .|fud. 23 2 — 0 grêle abondante & vent. |nord-eft. 24 1$ — 0 beau foleil, vent. . ... nord-oucft.. 25 25 — 0 grand froid, beau foleil. 26 11 — 0 fombre & doux. . . ... 2 ANAL EUO pluie douce. ....... nord-eft. Id. |S 2+o fonte de neige. ..... 20 EL NO fort doux, grand dégel... 29 3 — 0 plus froid, fombre, beau. 30 18 — 0 forte gelée, beau lac 31 22 — 0 très-froid & grand vent... On à commencé à fentir dans ce mois un froid très-vif, car le 17 le thermomètre a été jufqu'à 28 degrés au deffous de zéro. Le vent a été nord-eft pendant les premiers jours du mois, & le temps quoique couvert a été aflez beau & aflez doux ; mais le vent étant tourné au fud-oueft, il commença à faire un très-beau temps qui fut fuivi d’une grande gelée qui commença dès le 8 du mois : il tomba aufli beaucoup de neige pendant les premiers jours, mais il gela fi fort le 11 qu'une partie du fleuve Saint-Laurent & les rivières qui vont s’y dégorger, étoient couvertes d’une glace fi forte & fi épaifle, qu'on pouvoit pañler par-deflus comme furun pont fans courir aucun danger : le froid fe modéra cepen- dant depuis le 12 jufqu’au 16, qu'il gela fi fort que le vif- argent defcendit 2 5. degrés au deffous de zéro, & la gelée fut fi grande & fi violente le 17, que le vif-argent étoit à 28 degrés au deflous de zéro ; ce grand froid eft ordinairement À pe DES SePENCESs. 20} annoncé par des fumées qui fortent des cheminées où l'on fait du feu, cela ne peut venir que de ce que l'air étant devenu plus pefant & plus condenfé, la fumée ayant de fa ine à le divifer, fe raflemble, ou de ce que le grand froid condenfé les vapeurs : il étoit tombé jufqu'au 22 de la neige de temps en temps, mais il en tomba fi abondamment ce jour-là, qu'il y en avoit au moins la hauteur d’un pied dans les bois ; & la nuit du 22 au 23 il tomba beaucoup de givre qui fe colloit fur les murailles & fenêtres qui étoient expo- fées au nord, parce qu'il y avoit alors un vent de nord-eft régnant qui geloit cette pluie à mefure qu’elle tomboit, de telle forte qu'il y avoit environ 3 pouces d'épaiffeur de glace fur les murs, il y avoit des arbres qui en étoient fi chargez, que la pefanteur de la glace en rompoit les groffes branches & même le tronc: il a gelé encore très-fort le 25, & on vit venir en abondance à la ville toutes les commodités de la vie, parce qu'il y avoit affez de neige fur les chemins pour amener les denrées en traïneaux, qui eft l'unique voiture de ce pays-ci pendant l'hiver : le temps s’adoucit beaucoup le 27, & il dégela confidérablement, il eft vrai qu’il tomba une petite pluie fine & douce qui y contribua beaucoup, & fit fondre quantité de neige. C'eft le premier jour de l'hiver où il foit tombé de la pluiefle temps continua d’être fort doux jufqu'aux 30 & 31 qu'il gela très-fort, puifque le vif-argent defcendit 1 8 degrés au deflous de zéro. Les travaux de [a campagne confiftoient à couper du bois, * à le voiturer à la ville, à battre du bled & à aller à la chaffe: on avoit auflr commencé la pêche de la petite morue dès le 17; cette pêche fe continue ordinairement pendant une grande partie de l'hiver, il n’y a pas long-temps qu'on s’eft n avifé de la faire, M. Hocquard ef le premier qui ait fait pêcher, cet Intendant qui eft extrêmement attentif à tout qui peut procurer quelqu'avantage au public, s’'avifa de ire faire des trous dans la glace, & de faire tendre des filets defous, par le moyen defquels on prend une prodigieufe quantité de petites morues qui font bonnes & ' c ij 204 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE fort délicates : depuis ce temps on à continué cette pêche avec fuccès, c'eft une grande reflource pour les pauvres &c un agrément pour les riches. Les maladies qui ont régné pendant ce mois de Décembre, étoient des fièvres putrides & des fièvres malignes qui ont été très-opiniâtres, & aflez meurtrières malgré l'ufage des remèdes qui paroifloient le mieux convenir à la nature de la maladie, {ur-tout quand on n'y remédioit pas dès le com- mencement, mais heureufement il y a eu très-peu de per- fonnes qui en aient été attaquées, il y a eu auffi beaucoup d’efquinancies qui n’ont eu aucune mauvaife fuite ; toutes ces maladies cédoient affez heureufement aux faignées abon- dantes & fouvent réitérées : l’ufage des remèdes délayans, humeétans & légèrement rafraîchiffans, y faifoient des mer- veilles , les purgatifs antimoniaux & antiphlogiftiques, ache- voient, comme par miracle, de détruire ces maladies : j'ai remarqué que les malades qui étoient aflez heureux pour avoir un flux de ventre dès le commencement de leur ma- ladie jufqu’à la fin, foit qu'il vint naturellement, foit qu'on le procurât par le moyen des purgatifs, fur-tout par l'ufage du tartre ftibié dans de l’eau de caffe ou dans des émulfions, étoient aflurez d’une guérifon certaine ; cette pratique qui eft recommandée par Hippocrate, nous réuffifloit très-bien : Fufage des véficatoires a fait aufli des merveilles. Par l'ouverture des cadavres, on a vüû des inflammations de la fubftance du cerveau , on a trouvé des engorgemens dans le finus, & même des abcès qui étoient bien formez, ce qui a déterminé à faire promptement de copieufes & fré- quentes faignées : il y a eu auf pendant le courant de ce mois beaucoup de ces indifpofitions que l’on nomme oripeaux où orillons, DES SCIENCES. 20% JANVIER 1794 dJours. | du BEcASE VARIATION DU Temps. | Situation du vent, I Fe o | grand froid & beau. . . .|fud-oueft. ” 2 1$ — o |neige, enfuite beaufoleil.|nord. 3 17 — 0 LOMME ETES ET EEE) LE nord-cft. 4 8 — o LORS fud $ La 4e froid & fombre. . .... N. E. au S, O.. 6 NO très-doux & fombre. . .|nord-oucft. 7 19 — 0 beau, plus froid. . . . . .|fud-oueft, 8 31 — 0 très-grand froid. . . . .. nord-oucft, ° 9 18 — o neige continue. . .... nord-eft: a 10 32 — 0 froid très-violent. . ... js ; uUisus très - grand froid, beau ? i IDleH ER SANTE APE fudouef: Le JU DEN ob axe & nie Reeuentide Etes ERREUR) E ‘13 24 — 0 doux, fombre & neige... 14 1ÿ — 0 doux & beau. ...... nord-eff. 1$ 8 — o fombre & dégel. . &s . { 16 17 — 0 beau & ferein. . ..... ) 7 16 — 0 petite pluie & givre... one. 18 4 — ©. | doux & fombre. .... .|:ord-eft. 19 4 — 0 ncige abondante, . . . .[N, E. ai SO: 20 1$ — 0 fort ferein. . . . AA 21 8. —Mo!..({plus doux. 25... 4. fud-oueft. 22 17 No fombre & brumeux. . . .|nord-eft. 23 10 — o beau &"doux. ...... fud-oueft: 24 [M 7 — o grand dégek . ...,... 14 SE 1 0 Eire SCENE {rt STÉnsèe dér 25 21 — 0. | grand froid & ferein. .. » de Reaumur, 26 30 — o plus froid. .2..,.... fud-oueft. 27 32 — 0 beau, froid exceflif. . .. l $ F4 . Id. | *28 — o Idem. 00 s 00.0 fud-oueft violent. * Thermomètre de e C € iij. M, de Reaunwr,: 206 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Jours. | qu DE CENE VARIATION Du Temps. | Situation du vent. Le vif-argent rentra 28 se Fan froid encore plus violent. |fud-oucft, d'orge. ÿ 29 28 — o fombre, moins froid. . .|nord-eft, 30 4 — 0 poudrerie, & trés-doux.. |nord-cft. 31 2$ — 0 vent impétueux, foleil...|fud-oucft. Le froid s’eft fait fentir aflez vivement dans ce mois, fe vent a été alternativement nord-eft, nord-oueft & fud-oueft: il gela fi fort le 8 Janvier, que le vif-argent étoit à 3 1 de- grés au deflous de zéro ; il y eut une augmentation confidé- rable depuis le 9 jufqu'au 12, car ce jour-là le vif-argent fut entièrement concentré dans la boule, le temps s’adoucit confidérablement le 1 4, & le vif-argent n'étoit qu'à 1 ; de- grés au deflous de zéro : le temps qu'on avoit eu jufqu'ici étoit très-propre à la chafle des martres, parce qu'il y avoit très-peu de neige; mais il nétoit pas favorable pour celle des ours & des karibous, par la même raifon : il tomba le 17 une petite pluie douce, qui fut fuivie d’une grande quan- tité de givre & de verglas qui adoucirent tellement le temps, que le 18 le vif-argent n'étoit qu'à 4 degrés au deflous de zéro, il fit un foleil fi chaud qu'on s’imaginoit être au prin- temps : jufqu’ici le temps avoit été affez doux, & la végé- tation n’avoit point encore été arrêtée, on a même vû des boutons aux tilleuls qui étoient fort gros ; le temps devint plus froid le 25, & augmenta tellement que le 28 le vif- argent fut concentré dans la boule du thermomètre, & laifloit l'épaiffeur de deux grains d’orÿe de vuide, le froid étoit fr violent que quand on étoit expofé à l'air, on avoit en moins -de 10 minutes le bout du nez, les oreilles & les lèvres gla- cez, & il y eut plufieurs perfonnes à qui ces parties gelèrent; Yimpreffion du froid étoit fi vive, que lorfqu’on étoit dehors où fouffroit des doüleurs prefque infupportables dans les par- ties expofées à fair, comme le vifage, & l'humeur des larmes DES: S'CTENCES 207 qui arrofe le globe de l'œil pour faciliter le mouvement des paupières, fe geloit à mefure qu’elles fe féparoient, & en très- peu de temps on avoit le bord des paupières & les deux angles des yeux remplis de glaçons : je l'ai éprouvé moi-même ayant été obligé de fortir pour aller voir des malades; en un mot, on ne fe fouvient pas de mémoire d'homme d’avoir vû un froid f: violent : le froid continua la nuit du 27 au 28, & étoit encore plus violent le matin qu'il n'avoit fait jufqu’alors; * le refte du mois le froid fut affez fupportable , les travaux de la campagne confiftoient à battre du bled, à chaffer & à cou- per du bois, on a pris beaucoup de perdrix pendant ce mois. _ On obferva de 7 de ce mois une Comète qui avoit fon mouvement depuis le midi jufqu’au couchant, c’eft-à- dire: qu'elle occupoit conftamment la partie du ciel qui eft entre: le midi & l'occident ; elle parcouroit cet efpace du ciel pen- dant la nuit, & avoit une queue des plus brillantes : elle a. toûjours été du midi au couchant pendant ce mois. H s'éleva la nuit du 29 au 30 un vent des plus terribles. il étoit fud-oueft, il dura toute la journée , il abattit plu- fieurs arbres & quelques mauvaifes maifons.. . Les maladies qui avoient régné le mois précédent, ont continué pendant celui-ci : il y a eu quelques perfonnes atta- quées de l'efquinancie & de la pleuréfie, il y a eu bien des fièvres putrides, & fur-tout des fièvres malignes qui ont fait périr beaucoup de monde, les parotides s’engorgeoient prodi- gieufement vers le douze ou le treize de la maladie, & alors a. mort des malades étoit prefque certaine ; on les faifoit ouvrir le plus promptement qu'il étoit poffible pour emporter cet engorgement qui comprimoit la carotide externe, on y appli- quoit des remèdes émolliens, pourriffans & fuppuratifs, afin de procurer une évacuation falutaire par ces endroits; mais. äl n'y avoit que les faignées abondantes & réitérées, les émé- tiques en lavage qui, en tenant le ventre libre, püflent guérir quelques-uns de ces malades , les véficatoires appliquez à Ja; uque du col, produifoient fouvent de très-bons effets: il! arrivoit quelquefois que les malades alloient jufqu'aux quinze, 208 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE dix-huit & vingt-cinquième jours de leur maladie, & quand alors les lèvres, les gencives, & tout l'intérieur de la bouche exhaloient une odeur puante & devenoient extrêmement noires, les malades ne vivoient que quelques heures : ordinai- rement ces fièvres ne fe déterminoient de cette manière que dans ceux qui n'avoient pas été fuffifamment faignez, ou qui ne l'avoient pas été au commencement de leur maladie. FEVRIER. Jours. | 4 Fac VARIATION DU TEMPS. | Situation du vent. ET cl Digrés. TNT: 7 I 29 — 0 froid, plus doux le foir.… 2 28 — o beauv& ferein.. 7... fort 3 31 — 0 fombre & très-froid. . . . 4 12 — 0 beau & doux. . .... .|fud-oueft, s (M 7 — 0 EC E SRE done Id. |S. = 0 petite. neige. . . .... (fud. 6 |.....— 0 pluie douce, brouillard... |fud-oueft, 7 24 — o très-froid. . . . .. . +. -[nord-eft violent, 8 25 — 0 poudrerie & folcil.. . . .!IN. E. trés-violent, à ( DÉCRET froid violent, beau Ci tra 11 20 — 0 doux, grande poudrerie. nord-cft violent. 12 29— 0 trés-froide sir. LU : . .|fud-oucft violent, 13 29 — 0 ICRA de +... .[fud-oucft, 14 1$ — 0 doux & fombre. . . .. .{fud. 15 | 4 — o fort dons EEE ET CCR TZ \S 21Æ10 pluie & neige. . ..... nord-efl. 16 2e RO très-doux.. . . . .. . . .|fud-oueft violent. 17 17 — 0 beau & froid. ..... .|nord-oueft. 18 2— 0 doux & neige. . .....|fud. 19 | 17 — 0 neige, aflez beau. . . . .|nord-ouef. 20 30 — o très-froid & beau. . . . .|fud-oueft violent, 21 31 — o ‘|trés-beau & fcrein. . . .|fud-oueft. 22 18 — 0 neige très-abondante. , .|nord-ef. Jours, Des: SCIENCES: 209 7 DEGRÉS ‘. ft l # 1ON DU Temps. | Situation du vent. Jours. | Qu Thérriomètre. VARIATION, D è ç En - 23 17 — 0 |fortbeau......... 2 8::=—hoimi{itrés:beau. 0.5 8% Lie Fe Ü 91e, [Idem .... fud-ouef. | Ÿ 260) 2j 00 extrémement beau. . , . Ru 27 4 — 0 dégel, pluie abondante...|nord-cft. | 28 | 10 — 0 fort'beaut AE Luis 29 18 — o |froid & beau, : .... “Rfid-ouef. Le temps a été aflez froid fes quatre premiers jours de ce mois, mais il s’adoucit beaucoup le s; il tomba ce jour-là un . peu de neige qui le rendit fr doux & fi chaud, que le vif argent étoit le foir au terme de zéro, il dégela beaucoup, & le vent refla au fud : ce temps continua le 6, & il tomba beaucoup de neige qui fut fuivie d'un grand brouillard! il fit extrêmement froid le lendemain & les jours fuivans, juf- qu'au 1 5 qu'il tomba beaucoup de neige le matin, & l’après- midi un brouillard fort épais qui mouilloit autant que s'if avoit beaucoup plu, le temps fut fi doux & fi chaud qu'à 3 heures après midi le vif-argent monta 2 degrés au deflus de zéro, ce dégel fit fondre beaucoup de neige, le refte du mois fut fort froid jufqu’au 2 6, où le froid fe fit fentir moins vive- . ment que les jours précédens ; il tomba beaucoup de pluié le 27, qui fut fuivie d'un prodigieux dégel, il fit un temps fort doux pendant toute la journée : les travaux de la cam- pagne confiftoient à chaffer, à battre le bled & à couper du bois, on a eu beaucoup de perdrix & d’autre gibier. On a continué pendant ce mois d’obferver la Comète ; elle fe leva le 1 1 au fud, & alla fe coucher à l’oueft ; elle parcouroit cet efpace très-promptement, car on la voyoit fe - coucher à 6 heures du foir : vers le 1 8 du mois elle parut toûjours parcourir le même efpace, mais elle ne fe couchoit . qu'à 9 heures du foir; on a remarqué que cette Comète, . qui paroïfloit très-petite dans les commencemens, fembloit Mem. 1745. D d 2 Thermomètre de M. de Reaumur, 210 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare beaucoup plus grande vers le 19 Février; elle avoit alors une queue des plus brillantes, & en fe couchant il fembloit que fon immerfion fe faifoit perpendiculairement à l'océan, le 23 Février fa queue étoit extrêmement belle & brillante, le 27 on ne la voyoit plus le foir, mais feulement le matin, on l'obfervoit à lorient de Québec; elle faïloit fa courfe en très- peu de temps, & l’achevoit plus promptement que le Soleil, on crut voir auffi deux petites étoiles qui Faccompagnoient, ce qu'on n'avoit pas encore obfervé jufqu'à ce temps. Les fièvres malignes & les fièvres putrides ont encore fort ravagé la ville & la campagne, & ont fait périr beaucoup de monde ; il y a eu auffi beaucoup de perfonnes incommodées de rhumes de cerveau; cette maladie étoit fouvent accora- pagnée de douleurs d'oreilles fort vives, & qui faifoient beau- coup fouffrir les malades. MARS. DEGRÉS à ituati vent. du Thermomètre. Situation du vent VARIATION DU TEMPs. me fud-oucit. beau fé fercin. 20 ï o 2 o très-beau, . ........ fud-oueft grand, 3 -0 fombre & neige... ... Id. o dégel abondant. . . . . .? fud-oueft. 4 o |continuation de dégel... s D] ALT. UE |fud-oucft violent, 6 () très-froid & beau, . . .. £ HA pes - ‘ nord-cft. 7 o très-froiïd, neige. . . . .. 8 27 — 0 froid & neige ...... [nord-oueft. 9 18 — 0 fort fombre. ..:.... 10 1 — 0 grand dégel. ..,.... FI 9 — 0 fort AE MR AUO EE Pt 2 13 — © beau foleil & dégel. . . . 33 |M. 8 — o fombre & brumeux. . . a Id. |S 6+o beau foleil, dégel, . . . . 14 8 + o |grand dégel. ....... |fud-ouctt, Les jours fuivans jufqu’au 20 furent femblables. ! DES SCIENCE,S. 217 Situation du vent. DEGRÉS du Thormorèrre, | VARIATION DU TEMPS. lerho fort doux, ncige. .... nord-cft, 1 1 + o | très-doux, grand dégel.. 22 8 — o beau, neige abondante. fud-ouef. 23 .1+0 grande pluie, dégel. . .[nord-eft. 24 6 + o brouillard, pluie, dégel.|N. E. au S. ©. 25 8 — o plus froid. ........ 26 12 — 0 fombre & gelée. ..... fud-ouefl. 27 |M 1 — o fombre & dégcl.. .... fxd ASE | 4 01 Te NN 1 LE 28 1 +o pluie & neige. ......IN. E. au S. O 29 6 — o fombre & neige. . . . . .|nord-eft, o |". — 0 beau, & grand dével. .. 74 S. à + o Idem. . Ë MSIE à er fon 31 12 — 0 fort beau & froid. . . . .[nord-cft. Ce mois n'a pas été à beaucoup près fi rigoureux que l'autre, _ & iln'y a eu que le 6, le 7 & le 8 où le froid ait été violent, le vif- argent ayant été à 27, 30 & 3 1 degrés au deffous de zéro ; mais il y a eu aufli des jours fort doux, car le 14 il étoit à 8 degrés au deflus. I! n'a pas laiffé que de tomber encore beaucoup de neige, mais le dégel a été fi confidérable que la glace fondoit à vûe d'œil, ce qui formoit des ruiffeaux confidérables ; le temps étoit fi doux que l'on voyoit déjà des oifeaux, ce qui annon- çoit le printemps ; il y eut un vent très-impétueux le rs, qui abattit grand nombre d'arbres dans les forêts : le dégel continua pendant les derniers jours de ce mois, & la terre füt entièrement découverte dans plufieurs endroits, ce qui mit les habitans en état de femer leurs grains de bonne heure : on a auffi commencé à faire couler le fuc des érables, & à le ramafler pour en faire du fucre ; il y a eu des jours très- _ favorables pour cette récolte , ‘qui a été très-abondante & _ très-bonne. Dd ÿ 212 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royxarr Le vent a prefque toüjours été au fud-oueft pendant fe cours de ce mois. La Comète commença à difparoitre dès es premiers jours” du mois, où ne la vit plus le premier Mars, mais elle reparut quelques jours après; enfin elle difparut entièrement vers le- 20 du mois, Les maladies les plus fréquentes & les plus ordinaires pen- dant ce mois, étoient les fièvres malignes & les fièvres pu- trides qui avoient déjà régné le mois précédent ; elles ont. fait encore beaucoup de ravage entre les gens de la campa- gne, ceux qui fe font fait faigner & qui ont pris pour tifane de l'eau toute fimple & une décoétion de pruneaux dans. laquelle ils faifoient infufer du féné, ont prefque tous guéri; ceux qui n'ont point été vuidez ont prefque tous péri, il en eft mort jufqu'à quatre & cinq dans une feule maifon dans l'efpace d'un mois : les remèdes les plus efficaces pour dé- truire cette terrible maladie , étoient les faignées réitérées , les purgatifs minoratifs, fes antimoniaux émétiques noyez dans une grande quantité d’eau, d’émulfions d’eau de caffe, ou quelques infufions ou apozèmes délayans, les véficatoires appliquées à la nuque du col y faifoient auffi des merveilles : on employoit encore fur la fin de ces maladies Ja décoétion de quinquina, tantôt feule, d’autres fois rendue purgative, rien de plus efficace pour emporter de petits redoublemens de fièvre dont les malades étoient fatiguez à la fin de leur maladie ; ces apozèmes fébrifuges purgeoient doucement les. malades, nettoyoient leur bouche & leur donnoient de l'ap- pétit, fortifioient leur eftomac & contribuoient à leur par- fait rétablifiement : on commença à voir beaucoup moins de malades à mefure que le temps devenoit plus doux &. plus beau. | DES SCIENCES, 213 APR dE RS * DEGRÉS du Thermomètre. Situation du vent. VARIATION DU TEMPs. ELLE fort fombre. ....... Inord-eft violent. très-beau & fort doux. fort doux, dégel. . . .. nord-eft. Tdem.….. très- aan 6 à id . ffadet fort chaud, grand Mes IEEE ICE ST ne IN =Aesicaves, | en LRU RS j fombre, pluie abondante. [fud. o fombre, grand dégel. . o | beau & chaud... ns eue 0 pluie & neige Aa ‘ IN. E.auS.O. viel o o +- . beau, petite neige le foi fud-oucft. aa très-beau & chaud... . .|fud. ILPlietetoir et te |fud-oueff. très-beau, grand dégel...|N. E. au S. O: fort doux, grand vent...|nord-eft. pluie, fort beau... ... TR beau & chaud... ..... NME RAM EM AUe sr CAN En EEE pnord-cft ++ _ Le) L°2] Q Fe] < Lo] (2 Su +++ cu ua DS ÉOSOPCEO : co [ÉREPEES c [l Bb Il N & & & 0 + (°] FEES : SRTES fombre ÉQTE ERANE fort beau ne beau & ferein. . . .. Ti "fud- oucft. forte gelée, très- beau. : calme & très-doux. . a& Tenir MERE e si ES De rRCL ONU UT 0 +++ OROMOMNOÏOL 0e 0 0 F ii 214 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyarEr PR Pt bi 5 DEGRÉS TU VARIATION DU TEmPs, | Situation du vent. Drgrés. { 1 10 + o três-beau & ferein.. ... Mio + 0 fombre & fort chaud. . .}nord-cft, MN les caves l'UZenTtne ee 24 2e ?1 «Thermomètrede 7 LÉNRNrE 26 11 + 0 très-doux & très-beau. . «|fud-oucf. 27 9 + o pluic & grand vent. ... 28 8 + o fort doux & pluie. . . .. 29 8 + o beau, brouillard épais. .… nord-eft. 30 6 + o grande pluie. . ...... a * On a commencé dans ce mois à jouir des douceurs du printemps, puifque le $, le 13 & le 17 le vif-argent étoit au terme des caves de l'Obfervatoire, & le 2 $ le thermo- mètre de M. de Reaumur y étoit auffi. Le 2 il parut une aurore boréale des plus fingulières, en- viron fur les o heures du foir. Les premiers jours de ce mois furent fi beaux que lon vit des papillons & des outardes, ce qui annonce le printemps en Canada; on vit le 1 $ des hirondelles, & on entendit le ramage des roffignols : il y eut le 29 un brouillard fort épais, qui étoit favorable aux productions de la terre, & étoit la marque d’un parfait dégel, le temps étoit affez beau, toute Ja terre étoit découverte, il vint des pluies très-favorables pour les grains qui étoient femez, le vent fut au nord-eft pendant la plus grande partie de ce mois, les arbres pouf. foient avec beaucoup de vigueur, & les herbes furent en peu de temps très-vertes. On commença dès les premiers jours d'Avril à faire fes femences dans le gouvernement de Mont-réal, parce que les dégels font plus prompts dans ce gouvernement que dans celui-ci, où on ne commença à les faire que vers le 1 2 ou le 1 5, les terres n'étant dégelées que vers ce temps : c'efl un grand avantage pour ce pays quand on peut faire les femences de bonne heure, parce qu'elles font en état d'être recueillies vers la mi-Août, & par ce DES: SGEN CES) 21$ moyen-là elles font garanties des coups de Soleil qui les échaudent, & des pluies abondantes qui font prefque autant de tort à la récolte que les grandes chaleurs. On fit pendant les premiers jours d'Avril une abondante récolte du fuc d'érable : la pêche du loup marin n'a pas été fi abondante cette année que les autres, parce que la prodi- gieufe quantité de glaces qui étoient dans le nord, a empêché de prendre ces animaux, & a rompu les filets des pêcheurs. Les fièvres malignes qui avoient été épidémiques pendant tout l'hiver, & qui avoient ravagé la ville & la campagne, cefsèrent prefque entièrement, du moins on en vit très-peu : les fièvres putrides continuèrent encore & furent même affez ficheufes , heureufement ces maladies ont difparu à mefure que le temps eft devenu chaud & beau , il y a lieu de croire qu’elles étoient occafionnées par les alternatives d’un temps exceflivement froid & d’un temps très-doux , aufli-bien que par la mauvaife nourriture; car les bleds de l’année dernière étoient pleins de mauvaifes herbes, fur-tout de tithymale & de bidens, dont les graines ont été moulues avec le grain: outre les enfans qui ont été emportez par les fièvres mali- gnes, beaucoup ont été attaquez de coqueluches, on fe fer- voit pour les guérir, de la faignée, des petits purgatifs mino- ratifs, quelquefois d’un demi-grain d'émétique en lavage, & pour calmer la toux, de firop de diacode ; il y en a eu grand nombre de guéris par ces remèdes. M À À | & pese ee ER RRE | Jours. | du bee ve VARIATION DU Temps. | Situation du vent, a ete Degrés. 1 9 + 0 temps couvert, pluic. . ,|nord-eft. Do: r2 10 + 0 beau temps. .......|fud-oueft. TRE 9 + 0 FACIA MN ele be à 4 9 + o Idem. ss eee ee À def, Dons 10 + © den Me ne 1e en 6 13 + o |doux & pluie. ...... 216 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE et DEGRÉS set Jours. | du Thermomètre. | VARIATION DU Temps. | Situation du vent, 7 ee o couvert & fombre, . . .|nord-cft. 8 [Mio o chaud & beau. . : . . .. Ia. |5. RE CAVES | AAEMI See el rie e ee npskelt/grind) 9 19 + 0 (TES DEAN Pere tele *. «| fud-oueft, 10 13 + 0 peau, rent. 2e 11 (Lio + o a EE rois ANS HR = ES CE ECHO ic 12 14/4 0 beau & pluie, . ..... nord-ef. 13 |Aio + o temps couvert, pluie... Id. |S. 23 +'o HAT Ie CARE à 14 |M.22 + o tonnelre le lee elite | Id, \S: 25 Æ 0 beau & chaud. ...... 15 |A15 + o OL SE DALENTE Id. |$ 22 + 0 LE OR OS E fud-oueft. 16 [Mis + o HÉENE MntEn à TA NS" 22 41 0 EE RAT EEE 17 [Mir +'o temps couvert & fombre. trnter OR Id. \S: —'és caves | Idem... 18 |A.22 + 'o bed ER A EME ) PRE AD 7 ANT NAN! ce 19 |[M.22 + o Beatitémpen:t RER Id. |S 24 + o Idem. ROC ne 20 [Mig +o pluie OUEN: tee ice Id. |S 23 +o THERE EN NE Le ue nord-oueft le foir: 21 19 + o temps chaud, ie. 22. | 12+o pluie abondante. . (nord-ef. 23 |M.12 + o beau & très-chaud. . Ja, |S.24+ les caves.| Idem. . . .. ire 4 24 22 + o beau temps. ...,,..N 25 [Mis + o Ibmbre. t-il. ee Id, |S$ 25 +—o plie 7. a or € 26 [Mis + o brumeux, pluie, . .... nord-efl TARBES OA {2 : 27 |M28 + o beau... 2... 2 Jours. DES SN TIENNE, 217 D DEGRÉS Jo urs. | à Thermomètre, | VARIATION DU TEMPS. | Situation du vent. Degrés. 27 |S 32 + o fort chaud. . . ... ,.. 28 1$ + 0 Beauttempsnte tete frou. 29 20 + o pluie abondante... . .. b 30 |[Mi4 + o temps couvert. . . . .. .) RIZ |S. 2114 yo petite pluie. . ..... fn. OQ. violent, D 21 20 + 0 beau. . .......,. .[nord-oueft. Le temps étoit fi doux, fi chaud & fi beau les premiers jours de Mai, qu'on vit beaucoup de mouches & de papil- _ ons, on continua auffi à fermer les terres & à cultiver les jardins potagers ; ces ouvrages qui ont été faits avec tout le füccès poffible à caufe du beau temps, ont été finis en peu de jours : les femences étoient entièrement achevées les 4 &c _ 5 dans le gouvernement des trois rivières de Mont-réal, & dans quelques parties du gouvernement de Québec, où il ne reftoit plus que quelques menus grains à femer; enfin toutes les femences étoient faites le 1 1, on ne fe ARE _ pas de mémoire d'homme de les avoir vû faites de fi bonne heure, on remarquoit qu'elles étoient avancées au moins d'un mois plus que l’année dernière, ce qui faifoit efpérer 4 une récolte très-abondante : la véSétaUioN failoit des progrès Di rapides, que les différentes efpèces de lys, & plufieurs ef _ pèces de renoncules étoient en fleur le 12 &le 1 3 du mois, _ les boutons des arbres étoient fort gros & prêts à s'ouvrir, _ ceux des grofeilliers & du peuplier étoient en fleur, & déjà ornez de feuilles , on voyoit aufli beaucoup de tourterelles . dont la chafle eft très-avantageufe en Canada ; enfin la cha- peur & la pluie qui tomboit de temps en eme étoient très- | +52 & ils étoient plus grands dans les ai oits où on avoit ue plütôt. Mm 1745: Ee 218 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Le 17 du mois il arriva deux phénomènes affez finguliers, on vit beaucoup de chenilles fur Ja furface de la terre, qui défolèrent les jardiniers, parce qu'elles mangeoient les Iégu- mes naiflans ; on craignoit qu’elles ne fiflent tort aux bleds, mais les alarmes furent bien-tôt diflipées, parce que les nuits: étant fraîches, firent périr ces infeétes, dont la naiflance étoit dûe aux œufs des papillons qu'on avoit vüs dans le mois d'Avril. Le fecond phénomène qui alarma beaucoup moins les habitans, fut un tremblement de terre qui fe fit fentir la nuit du 16 au 17 de ce mois, entre 1 1 heures du foir & minuit, il fut très-confidérable & fut aperçu de prefque tout le monde, les flambeaux, les affiettes & autres meubles faciles à remuer, étoient fenfiblement agitez; ces tremblemens qui fe font fentir en Canada, & qui font plus fenfibles vers Le nord que vers le fud, n’alarment point les habitans. Il tomba le 22 une pluie qui fut très-falutaire aux biens de la terre, il fit auffi de grandes chaleurs fur la fin du mois, mais qui furent tempérées par des jours de pluie : le 26 les boutons des pommiers, des érables & des tilleuls étoient tout épanouis : le 29 il tomba une pluie fort fraiche qui parut modérer la végétation , mais le beau temps lui fit faire des progrès rapides. Les maladies ont prefque entièrement ceffé dans ce mois, il y a cependant eu encore quelques fièvres malignes & putrides, mais elles n'ont fait aucun ravage, le beau temps qu'on a eu dans le courant de ce mois, joint à la chaleur qui a augmenté comme par deprés, a beaucoup contribué à la ceflation des maladies, D'E SJWS ICT E Ni CES 219 JUIN DEGRÉS du Thermomètre. Jours. VARIATION DU TEMPs. | Situation du vent, EN " Degrés. il 26 2 23 {Joe temps. . ..... .|fud-oueft. Hz 28 4 [Mz27 WA S:;;3 2 Len. hot. 5 il 6 |M.24 beau & fort chaud. . Id. |S. 36 tonnerre & orage. . . .. 7 |M3o DES PE Elie fud-oueft. LA PE ANNE Pete Lie 8 32 beau, tonnerre & orage. 9 19 beau temps. . ...... nord-eft grand, 10 20 couvert & pluie... ...|nord-cft. 4 DERNIERES 21 nord-eft, à E À : RER HER ER HER REREEEESERE EEE DÉC O0 CORTE RRQ CPP ORO SORTE 0 Pre lus pluie abondante. | fud-oueft, fou 22 CARTATER .|fud-oueft, couvert, petite pluie. . .[nord-cft. COUVETT, , : 5e 0» » » -Jnord-eft. Ecï 220 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Jours. | 4, RARES VARIATION DU Temps. | Situation du vent Degré. D FT LÉ ë couvert, . .. .,... .|nord-eft. 26 |[M.23 + 0. Id, |S 26 +o beau temps. . ..... .|fud-oueft. 27 |M26 + o si es BH beau she lnordcfts Id. |S. 34 + o “A pa é x Idem. . ......... .|nord-cft grand. 30 30 + o |couvert...........|nord-eft. Le temps a été fort beau pendant tout ce mois, tout étoit fort avancé, les poiriers fauvages, les cerifiers & pommiers françois, les cerifiers à grappe, les nefiliers, les différentes ef- pèces de fceau ou cachet de Salomon, & quelques lys étoient en fleur le 6 & le 7, la végétation ne pouvoit être plus avan- cée : il tomba le 8 du mois une pluie des plus falutaires, elle fut précédée de coups de tonnerre des plus effrayans, & de beaucoup d'éclairs : on mangea le 1 2 des frailes que l'on avoit cueillies dans les bois, & qui étoient parvenues à une parfaite maturité : la campagne offroit un coup d'œil admi- rable, il fit une chaleur exceffive le 1 5 , il tomba le 17 & le 1 8 une pluie abondante, qui humecta & fit beaucoup de bien à toutes les produétions ; mais ayant continué le 19, on craignit qu'elle ne fift tort aux bleds, fur-tout du côté de Mont-réal, où ils étoient trop fournis & trop épais, mais if furvint un fort grand vent qui deflécha la terre : les bleds étoient fort touflus dans le gouvernement de Québec, aucun infete n’a fait tort aux bleds ni aux plantes, parce qu'il faifoit fort chaud le jour, & les nuits ont toûjours été frai- ches. Il y a lieu de croire que ce qui avoit contribué l'année précédente à la génération des chenilles, étoit la grande cha- leur du jour & de la-nuit, car aufli-tôt que des nuits font devenues fraîches tous ces infectes ont péri. : 110 DES. SE NE N CES 224 + Ona fait la chaffe aux tourterelles pendant tout ce mois, » jilnya point eu de jour où on en ait tant tué que Le 25, le » ci en étoit tout noir; cette chaffe ef fort avantageufe aux … Canadiens, & il n’eft pas rare de voir des chaffeurs qui dans l'efpace de quatre ou cinq heures en tuent jufqu'à quarante & _ cinquante. _ Les maladies n’ont point continué pendant ce mois, if _eft fulement arrivé que quelques perfonnes ont été attaquées de fièvres éphémères & de fièvres continues fimples, mais _ qui n'étoient accompagnées d'aucun danger, & le nombre des _ malades étoit fi petit, qu'on peut dire que les habitans ont joui d’une fanté parfaite, JNCPINIEUE LEE ! du Thermomètre. Rene | FRERE E DEGRÉS M 18 Jours. VARIATION Du Temps. | Situation du vent. temps COUVETT, « sos. = beau, . ........: couvert & pluie.. . . .. DEA Rice Let Le on & fombre . .. Fe fud-oueft, OL 0400/0109 -LO1070010 10 700200700070 (on Heat ee nord-eft.. E e if 222 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE Jours. | qu RER la VARIATION Du Temps. | Situation du vent, Degrés, 12 31 + o temps couvert. . . .|nord-cff. M. : ä S. ds jé. s couvert, tonnerre, orage. |fud-oueff, MO PE 14 29 + oO dessu serr ae nord-oueft. 15 40 + O À beau. RARE 16 35 + 0 17 33 Tee tonnerre, grand orage... 18 30 + 0 COUVERT el te a iete le 19 30 + 0 pluie Rae de 20 |M.26 + o AMIS 29 + o COUVCIT. ses . 21 M. 2 16 fud-oueft, AE HE pe Id. |S 31 + o 22 |[M.27 + o couvert, petite pluie. . Id. |$ 29 + o 23 31 + 0 beau. .....,..,... A. 1 es £. + hi : tonnerre & orage. . . .. 25 241 5h Ô couvert & pluie, . . . . .|nord-oueit, 26 |M.24 + o Id. |$ 32 + o 27 |M25 + o Id. |S 31 + o EL none [LU 28 |M.32 + o Id. |S 35 + o fud-ouef. 29 36 + o “+ # ; : À # fort beau & chaud, . . d: use Hs É couvert. . . ... Hate . . F4 Le temps a été très-beau pendant ce mois, & très-favo- rable aux biens de la terre, le vent a toûjours été au fud-oueft, à l'exception de quelques jours qu'il a été nord-eft ou nord- DES SRCUTIEIEN CG rAR NE 2:22 oueft : es bleds étoient fort grands & fort beaux dès les pre- . miers jours, & dans les endroits du gouvernement de Québec où l'on avoit femé de bonne heure, ils commençoient à épier. On mangea à Mont-réal & à Québec des petits pois, il tomba le s & le 6 une pluie abondante qui fit beaucoup de tort à ce légume; on mangea aufli des perdreaux dès le 8 : il fit une _ chaleur exceflive Le 10 & le 11, & toutes les orges étoient * en fleur: iltomba le 1 3 une pluie d'orage qui fit grand bien aux bleds, elle fut précédée de coups de tonnerre très-vio- lens; les bleds qui étoient fur les hauteurs & dans des terres. arides, étoient moins fournis, quoique très-beaux, que ceux NL qui étoient dans des terreins bas ; la pluie fut an falutaire aux premiers : il fit pendant le refle du mois, & fur-tout le 20 &le2r, un temps des plus favorables pour la fleuraifon k des bleds qui étoïent fort beaux, & fort nets de toutes fortes de mauvaifes herbes & d'infectes. Le22on commença à fcier des orges dans le gouver ne- _ ment de Québec, & le 27 on les fcia par-tout, on en fit de fort bon pain qui fut d’une grande reflource dans le Canada; les derniers grains de la tête de chaque épi de bied vinrent à une parfaite maturité. On commença le 24 à couper les foins, cette récolte continua pendant le refle du mois, & elle fut très-abondante. H y eut une pêche abondante de faumon qui étoient fort gras & délicats; la chafle des tourterelles a été encore très- abondante. Il y a eu pendant ce mois quelques fièvres continues & | des fièvres ardentes, qui étoient accompagnées d’une difpo- | fition inflammatoire dans le bas- ventre, qui empéchoit d'em- ployer les purgatifs auffi-tôt qu'on auroit defiré de le faire; les remèdes qui étoient les plus efficaces, étoient les faignées $ ‘abondantes, les délayans, humeétans , rafraîchiflans & les 4 purgatifs minoratifs : ces maladies font prefque toutes ter- | minées par des fueurs, que l'on augmentoit par une abondante _boiffon délayante & chaude, & par quelques cordiaux des Nip lus doux & les moins incendiaires ; ces fueurs HE toient 224 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE la difpofition inflammatoire du bas-ventre, & mettoient les malades en état d'être purgez. Il y a eu auffi beaucoup de flux de ventre qui étoient accompagnez de tranchées très- vives, ces flux qui étoient épidémiques, & qui avoient commencé dès le mois de Juin, ont fouvent dégénéré en flux dyfenteri- ques; ils étoient toûjours accompagnez de la fièvie, & ont fait périr bien du monde: il pouvoit y avoir quelque chofe dans fa température de l'air qui y donnât lieu, car ces mala- dies étoient univerfelles, & les riches, comme les pauvres, en étoient attaquez ; ce qui pouvoit encore y contribuer, étoit la quantité de fraifes, de framboifes que l'on a mangées avant qu'elles fufient parvenues à une parfaite maturité; les remèdes qu'on y employoit, étoient une abondante boiflon de tifane de racine de confoude, de corne de cerf, les purgatifs minoratifs, l'ipécacuanha, fa décoétion de fimarouba & de cachou, les lavemens anodins, les confeétions cordiales & calmantes de thériaque, de diafcordium, avec quelques grains de l’ipécacuanha, & quelquefois le laudanum dont on don- noit un grain lorfque les remèdes précédens ne réuffifloient pas, & on faifoit trois ou quatre faignées par jour, ce qui a très-bien réufr. A OUPS TE Jours. | 4, DES rRUE VARIATION DU Temps. | Situation du vent. BE Degré. 1 |A 32 + o beau RON ENS Id. |S 35 +o tonnerre & orage. . . . north. 2 |[M. 34 + o couvert, grande pluie, . = Id. |S 45 + o Ten IEEE de 3 |[M31i Ho beau. te SL ct ea Id. |S 3s + o Idem: . LORS LESERE 4 33 + o pluiefd'orioc RARE $s |M.28 + o couvert, petite pluie, . . Id. |S 34 + o JETTA ee SAREE 6 32 + o couvert... .,..... .|nord-eff. DELSA dre? S. 29 ES EE ©00000000006e00000000000000000oco0eocoo RE ER ER — F E » SChR ENV UNE. 225 DEGRÉS du Thermomètre. | VARIATION pu Temps. Degrés. pluie abondante. . . 3% Situation du vent, OP nord-eft grand nord-cft, fud-oueft. couvert & pluie... . . .|nord-eft. nord-oucff. HEAR enter fud-oueft. chaud & pluie. een nant -Inord-eft. couvert, grande PIRE: ; fud-oucft, cOUVErt.. se ee couvert, pluie... :... COUVERT. ss BETA couvert, He brumeux, petite pluie. COUVERT e le) nie ie ele LE fud-oueft. */nord-oueft, nord-eft, temps chaud, pluie. . . .[ad-ouet, W 26 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE DEGRÉS du Thermomètre, VARIATION DU TEmpPs. | Situation du vent. heal. ae. 05 oo ce », °. UG-OUCÉ. [= D Le +- ©o ©0000 Ce mois a été entre-mêlé de pluie & de beau temps, & le vent a été tantôt nord-eft & tantôt fud-oueft ; les premiers jours furent très-propres pour la maturité des grains jufqu'au 10 du mois que les nuits devinrent fort fraîches, ce qui n’étoit point un obftacle pour la maturité des grains: iliomba le 12 & le 13 une pluie abondante, mais elle n'empêcha point de commencer le 1 $ du mois à couper les bleds mürs; on auroit continué avec fuccès la récolte, fans la pluie qui tomba abondamment prefque tous les jours depuis le 17 juf- qu'au 26, qui retarda la maturité des grains qui étoient très- gros & bien nourris : aufli-1ôt que le beau temps reparut on fcia par-tout les bleds, & on les ramafla dans les granges le plus promptement qu'il fut poffble, à caufe des verfes de pluie qui tomboient de temps en temps; on ne s’'aperçut que le 22 qu'il y avoit quelques avoines échaudées & quelques bleds charbonnez, mais en petite quantité; enfin on récolta par-tout depuis le 27 jufqu’à la fin, on ferra auffi beaucoup de foins qui avoient été abandonnez à caufe du mauvais temps. On a mangé beaucoup de melons françois, mais is n’ont pas pù parvenir à leur maturité, ni être auffi bons qu'à l’or- dinaire , à caufe de la quantité de pluie qui eft tombée; on a ferré beaucoup de pommes qui étoient très-bonnes. Les maladies de ce mois étoient les flux de ventre bilieux, & quelquefois dyfenteriques ; ils ont été épidémiques, mais is n’ont eu aucune mauvaife fuite : vers le miliéu du mois tous les afthmatiques ont été très- incommodez, il y a lieu de penfer que les variations fréquentes dans ka température | Î ‘4 É! PT DES SCIENCES 22 de Fair ont réveillé les accidens de cette maladie, qu'une faignée ou deux & quelques purgatifs calmoient, & quand cela ne fufñifoit pas, on y employoit avec fuccès les nar- cotiques. SE PTE M B R°'E. DEGRÉS du Thermomètre. VARIATION DU TEMPs. | Situation du vent o couvert. . . o beau. ... 12: our o éme o pluie HAE LR Fatals le de - grand. o beau. .......... o dem Ve e nord-eft. o temps couvert. o beau temps. . .. 12! Midouet. j pluie ab AE K ï Dent F SENS PR nord-eft grand. + 0 temps couvert. . . . .. + o VD ME PEER (nord-eit. + o couvert & brumeux. . 15. + o TER MST NN 10 Mi + o fombre serie Id. |S 17 + o PAS NI SUITE PEIS 11 |M2r + oo PIC ASR PI AE NIeES l Id. |S 27 + o CLARA 12 |M.22 + o COUVERT. lelehe ANR ITS RONA, 0, fud-oueft. 13 |M.12 H o |couvert...... Jd. |S$ 22 + o | grêle, pluie . ... 14 12 + o PERRET LA, 15 [M 16 + o 1 (13 G CTE CLEA 12. |5. 24 + o TRES 10 16 19 + o CR Prameux. “e VE Ya 24 + 0 couvert, petite pluie. . . Chr8 15 +o. couvert, - ....... PRES 528 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE DEGRÉS du Th ee Situation du vent, u Thermomètre. VARIATION DU TEMPS. AR TOUL) : nord-oucit, 1 1 6 +o ferein, pluie le foir.. . . 21 |#. o couvert. ee 1she! étre A T4 Ja. |S. F # o Ten. Mel et: . prud-ouc, 22 6 +o beau, pluie après midi... 23 11 + 0 grande pluie. . . .....1 24 |M. 4 + o petite gelée. ....... nord-eft. Id. |S 15 +o beau temps. ...... À 25 3 + 0 fombre rer IanEr fud-oueft. 26 4 + 0 pluie abondante. . . . . .|nord-cft. 27 10 + o PRATEMNNIS ADR BE fud-oueft. 28 3 + 0 couvert, neige fondue. ..|nord-oueft. 29 3 + 0 DEA RE EN ce le 30 |[M. 2 + o gelée blanche. . . .... cr Ja. |S. 14 + o fort beau smile lelel. Ce mois n’a pas été trop beau, le vent a été prefque toû- jours au fud-oueft, cependant les premiers jours ont permis de ferrer beaucoup de bled, & on ne pouvoit trop fe häter, car il tomba le $ une pluie très-abondante qui arrêta la ré- colte, & faifoit germer les bleds qui étoient couchez par terre; cette pluie continua le 7 & le 8, le 9 il y eut une brume des plus épaiffes : le 1 3 il tomba de la grêle, mais le temps fut très- beau le 14, auflr on récolta beaucoup de bled ce jour-là : enfin malgré le mauvais temps on finit la récolte le 22, il ne refta que quelques menus grains qui furent fort endommagez par la pluie. La récolte des pois n’a pas été abondante, parce qu'on a été obligé de les laïffer long-temps dans les champs, & la pluie les a égrénez ; d'ailleurs ceux qui avoient été femez dans des endroits aquatiques & maréca- geux, font morts : la récolte du mays ou bled d'inde a été très-abondante. Les derniers jours de ce mois ont commencé à être froids, car on vit de la glace le 28, & le 30 il y eut une gelée blanche. | D ÉXSAISFENÏTIENNTCHENSENMEN. 229 _ On commença dès le 22 à faire des guérets, & on y a travaillé tant quele temps le permettoit : la récolte des bleds, du mays & des menus grains fe monte à près de fa moitié lus que l'année dernière, ce qui eft très-confolant pour le Canada & l’Ifle-royalé, qui attend beaucoup de fecours de cette colonie ; il y a auffi des fourrages en abondance : on a obfervé que dès les 1 2 & 1 5 du mois les feuilles des érables commençoient à rougir. Il n’y a point eu de maladies pendant ce mois. 230 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALr EXIPEUR LE NICNE S Faites à Quito à dans divers autres endroits de la zone torride, fur la dilatation à la contratlion que fouffrent les Métaux par le chaud &r par le froid. Pa M. BouGuERr. pee E toutes les fois que j'ai parlé de Quito, j'ai eu occafion de dire que la température de cette ville pen- dant toute l'année, pouvoit fe comparer à celle dont on jouit en France vers le milieu du printemps ou le milieu de l'automne. Non feulement l'air qu'on refpire dans cette capi- tale, de même qu’à la campagne, qui eft toüjours ornée de verdure, marque le climat tempéré, le thermomètre de M. de Reaumur y indique ordinairement 1 3 ou 14 degrés, & ce qui juftifie fufffamment que cet inftrument eft d’une fidé- lité fur laquelle on peut compter, c'eft que lorfqu'on le met dans la neige, dont les montagnes voifines font que le pays ne manque jamais, la liqueur defcend à 1000 degrés, ou au terme de la congélation. Ainfi nous eumes tout lieu de nous rafurer fur l'exactitude de la toife & des autres mefures que nous avions apportées d'Europe; elles avoient fans doute {ouffert une dilatation confidérable par notre paffage dans les régions ardentes de la zone torride, mais elles avoient dû reprendre leur première longueur par notre arrivée dans cette ville, qui devenoit notre principal féjour & le centre de la plüpart de nos opérations. Malgré cela je crus devoir y examiner avec foin les changemens que le fer & les autres métaux y recevoient par les alternatives du chaud & du froid: cet examen pouvoit nous procurer des connoïffances dont la Phyfique retireroit quelque avantage, & qui pourroient. toüjours ètre utiles pour notre principal objet ; puifque les plaines où nous devions mefurer les bafes de nos triangles, 4 ce 1 j | ‘ DES SciENCcESs 231 étoient fituées deux ou trois cens toifes au deflous du niveau de Quito, & que le chaud y eft quelquefois confidérable. Je penfois qu'il étoit de quelque importance de pouvoir conti- nuellement marquer d’une manière fimple & précife, l'état actuel d'extenfion que la température qui règne dans chaque lieu, donne aux métaux & à la plüpart des autres matières. ‘y Tous les corps qui font à l'ombre, doivent contracter à peu près le même degré de chaleur que l'air extérieur qui les — environne, ils doivent tous être au bout d'un certain temps. également chauds ou également froids, quoiqu'ils nous affec- tent diverfement lorfqu'ils nous touchent, felon qu'ils ont plus ou moins de denfité, où que leurs parties font plus ou moins maflives. Suppofé que l'air & le marbre aient préci- fément le même degré de chaleur, ou que leurs petites molé- cules aïent le même degré d’agitation, fr cette chaleur eft égale à celle des parties extérieures de notre corps, nous ne nous tromperons guère lorfque nous voudrons prononcer fur cette égalité; mais ce n’eft plus la même chofe, & notre eftimation ceffera d'être exacte, fi la chaleur de ces matières eft plus petite ou plus grande que la nôtre : nous penferons toûjours que Îa différence eft beaucoup plus grande, foit en excès, foit en défaut, toutes les fois qu'il s'agira. du corps plus denfe, parce qu’il aura plus de force pour fe conferver dans fon état, ou qu'il apportera plus de difficulté à s’accom- moder au nôtre. Nous fommes à peu près dans le même cas _ à l'égard de la chaleur, qu'un homme privé du fecours de a . vûe, qui ne jugeroit de la vitefle que prennent les graves dans leur chûte, que par la feule force du coup, ou par 'im- … preffron qu'ils font fur lui; il penferoit qu'une balle de plomb tombe plus vite qu'une balle de fiége, ou qu'une groffe pierre . tombe plus vite qu'une petite, il confondroit continuelle- . ment le plus grand degré de maffe avec le plus grand degré . de vitefle. Nous fommes portez auffi à croire qu'une barre - de fer bien poli qui ef à l'ombre, eft toüjours très-froide, & … plus froide qu'une pièce de bois fec qui eftà côté, cependant 7 232 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE leurs petites parties ont vrai-femblablement le même degré d'agitation, elles font, pour ainfi dire, à 'uniflon, quant à la vitefle de leurs petites fecoufles, avec Fair & tous les corps voifins, ce qui conflitue le même degré de température, Mais le fer doit dans ce cas nous paroître plus froid, parce que fes parties huit à neuf fois plus maflives, ont plus d'inertie & nous réfiflent davantage ; elles ont plus de force pour con- ferver leur propre agitation, ou leur degré de chaleur qui eft inférieur au nôtre, Il eft facile de s’aflurer par une expérience bien fimple, de cette efpèce d'équilibre dans lequel fe trouve au bout d'un certain temps Ja température des matières les plus compactes, comme les moins denfes. On n’a qu’à mettre du mercure dans un vafe à côté d’un thermomètre à l'ombre, ce mercure pa- roîtra plus froid que les autres corps des environs ; & fi néanmoins on y fait entrer la boule du thermomètre, on verra que la liqueur de l'inftrument confervera toüjours fa même hauteur, fans defcendre le moins du monde pour mar- quer une moindre chaleur. Si fon plongeoit beaucoup le thermomètre, le grand poids du mercure pourroit compri- mer la boule & détruire par fon poids, en faifant monter l'efprit de vin, l'effet que peut produire le prétendu degré de froid ; mais on n'a point cet inconvénient à craindre lorf- qu'on fe contente de fubmerger fimplement la boule dans le mercure, les parties du verre en s'appuyant les unes contre les autres, réfiftent aflez pour foûtenir un effort beaucoup plus grand fans fe déranger; ainfi on doit ajoûter foi au té- moignage de l'inftrument. Les corps des animaux vivans, au moins de prefque tous les terreftres, doivent ètre exceptez de la règle générale, parce qu'ils ont en eux un principe toù- jours actif de chaleur : il ne fuffit pas en effet de les confidérer comme des horloges où comme des machines hydrauliques, il faut encore, à caufe du mélange des fluides qu'ils contien- nent, & de la décompofition des alimens qui fervent à leur nourriture , les regarder comme s'ils étoient des laboratoires de chymie. Mais à l'égard des métaux, du marbre, des bois fecs, Te DES SCIENCES. 233 fecs, & de tous les mixtes dans lefquels il ne fe fait aucune efpèce de génération ou de fermentation, ils doivent tous, en influant fur l'état les uns des autres, nous Îe répétons, prendre à très-peu près le même degré de chaleur, & le même que celui de l'air qui les environne pendant un certain temps: c'eft une fuite néceflaire de l'équilibre. Il fuffit que les parties ‘des corps qui font voifins, détruifent réciproquement leur _-petite agitation, ou que ce mouvement fe réduife à des {e- coufles égales, pour que fa même température fe répande toûjours de proche en proche fur tous les environs. Ainfï il ne faut pas douter qu'un Géomètre ou un Phy- ficien voyageur, qui paffe par des régions'extrémement diffé- rentes, & qui fait dans fes féjours diverfes opérations dont le fuccès dépend de l'exactitude rigoureufe des dimenfions qu'il prend, ne foit fujet à commettre diverfes erreurs, lorf- qu’il fe trouve dans des lieux où la différence du chaud & du froid apporte des changemens confidérables aux étalons des mefures qu’il emploie. Il n’eft pas difficile de déterminer le changement fubit que recoit l’extenfion d’un corps par la nouvelle chaleur qui lui eft appliquée tout à coup. Mais com- ment faire lorfque l’étalon d'une toife ne change de longueur que parce qu’on le tranfporte dans un climat différent? Com- ment fçavoir la quantité exaéte de f'altération, forfqu'il ne refte aucun veflige de l’extenfion précédente, & que tous les corps dont on eft environné, fe trouvent dans ce même état qui convient à la feule température aduelle? c’eft-là le pro- blème dont j'ai déjà parlé, & c'eft au defir que j'avois de le réfoudre d’une manière fimple, immédiate & fans le fecours du thermomètre, que je dois attribuer la plüpart des recher- ches dans lefquelles je me fuis engagé fur cette matière. I me paroïfloit d'abord qu'on ne pouvoit rien faire de mieux que d’avoir recours aux degrés conftans de chaleur u’on connoîït déjà, & d'y rapporter généralement tout. La chaleur de l'eau bouillante forme un de ces degrés, au moins lorfque le poids de Fatmofphère eft le même; on n’a qu'à imprimer ce degré à une règle de fer, par exemple, & felon Men, 1745: Gg 234 MEMOIRES DE L'ACADEM:E RoyALE qu'on lui caufera un alongement plus ou moins confidérable, on fçaura quel étoit fon état précédent , puifque fon alon- gement ne fera que comme Île complément de fa première extenfion. Je crus avoir trouvé un autre terme dans fa cha- leur qu'on communique au fer lorfqu’on le fait rougir, & von lui donne la coukeur de cerife qui indique le premier inftant où il eft propre à être trempé. J'examinai à Panama combien une règle de fer d’un pied de long fe trouvoit plus longue dans cet état, & en répétant l'expérience plufieurs fois, ik me vint toûjours à peu près 1 + ligne. Il faut remar- quer qu’il faifoit alors grand chaud , le thermomètre de M. de Reaumur qui eft le feul dont je me fois fervi, marquoit ordinairement 1025 & 1026 degrés ; ainfi le fer déjà un peu dilaté, devoit recevoir dans la forge un alongement moindre, & cet alongement devoit être plus petit de toute la première dilatation caufée par le climat. Que je pañlafle enfuite dans une région froide, le fer devoit perdre de fon extenfion par le froid, il devoit fe trouver contracté, & il ne pouvoit donc pas manquer expofé au feu de la forge, de s'étendre davantage. S’il fe füt alongé de x + ligne au lieu de 1+ligne, ceût été une marque que l'extenfion avoit commencé un tiers de ligne plus loin, ou que la règle dans fon état ordinaire, étoit un tiers de ligne plus courte dans. le pays froid que dans l'autre. Ii fe pouvoit faire que ce raifonnement ne füt que plau- fible, j'entrevoyois plufieurs raifons d’exceptior, je fentois outre cela dans fon application, diverfes difficultés ; car il étoit à craindre que l'extenfion ou la contraction que rece- voient les métaux dans chaque pays , ne fût pas affez grande par rapport à l'exceffive dilatation qu’ils fouffrent lorfqu’on les fait rougir. Les petites différences qu'il s’agifloit de dé- couvrir, povoient fe trouver perdues dans les irrégularités inévitables auxquelles toutes nos expériences font fujettes: il pouvoit faire auffi que Ia conftitution de l'air, ou que Fatmofphère plus où moins remplie d’éther où de matière célefe, felon qu'on eft en bas dans les vallées ou fur le 1 p ES SET ENMcCEs »: femmet des montagnes, apportât du changement à la chaleur même de la forge, & que le degré pris pour fixe ne le fût pas, de même qu'il ne left pas parfaitement à l'égard de l'eau, qui parvient plütôt au bouillonnement ou à l’effervefcence fur le haut des montagnes qu’à leur pied. Comme il eft toû- jours utile de faire des tentatives, ces doutes ne m'empêchè- rent pas de faire conftruire l’inftrument dont j'avois befoin pour mefurer les variétés d’extenfions : on le voit repré- fenté dans la Figure 1e tel qu’il fut exécuté par le fieur Hugot notre Horloger. * Deux règles d'acier qui ont un pied de long, forment un angle droit AC B, & elles font liées par une troifième règle qui eft l’'hypothénufe du triangle : dans l'angle droit C, il y a un clou ou pivot fur lequel tourne la règle mobile ou Y'alhidade F°G, dont la feule partie FH eft de métal, & j'ai fait V'autre AG d'un bois très-léger, afin que fon poids n’oc- cafionnât aucun frottement, & que fon extrémité G qui eft en pointe & qui fert d’index, pût gliffer plus aifément fur la platine D E qui eft graduée en parties égales. B 1 eft un tenon foudé à la règle CB, lequel porte une pointe en qui eft placée perpendiculairement au plan de l'inftrument, de même qu’une autre pointe qui eft en F {ur l'extrémité la plus courte de la règle mobile ; ces deux pointes font deftinées à entrer dans les trous qu'on voit aux deux extrémités de Ia règle À ZL qui a un pied de long, qui eft une des règles fur lefquelles je faifois les expériences, ou que j'expolois aux divers degrés de chaud ou de froid afin d’en faire changer la longueur. Pour mefurer la quantité dont elles changeoïent, je les tranfportois en F1, leurs changemens d’extenfion fai- foient mouvoir lindex G, & ils devenoient 3 6 fois plus fen- fibles par la conftruétion de l'inftrument , parce que CF n'étant que de 4 lignes, fe trouvoit 3 6 fois plus courte que Y'alhidade CG. H eft arrivé dans quelques expériences que Yindex avoit une fituation très-oblique, & alors l'inftrument multiplioit encore davantage les petits changemens de Ion- gueur ; c'eft à quoi il m'a fallu avoir égard dans les eflais Ggi Fig. te 9, I. 236 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE dont je vais rendre compte, de même qu'aux autres diffé rences qu'ont occafionnées les diverfes fituations que j'ai quelquefois été obligé de donner aux règles. C’eft en me fervant de cet inftrument que je déterminai à Panama l'extenfion de l'acier par le feu de la forge, j'en fis deux expériences le 6 Février 17 36, vers 4 heures & demie du foir, lorfque le thermomètre étoit à 1024+ degrés. La règle À L avoit $ lignes de largeur & 1 ligne d'épaiffeur; lorfqu’elle étoit rouge, je faifois porter avec promptitude Tinflrument fur une table proche de moi, & retirant la règle du feu, je l'engageois promptement dans les pointes / & F': l'index reculoit enfuite depuis Æ jufque vers À, à mefure que la règle XL, en fe refroidiflant, perdoit cet excès d’alonge- ment que lui avoit donné la chaleur, & l'index ne s'arrétoit qu'après avoir parcouru un efpace de près de 4 pouces. J'étois toûjours attentif à ne garder l’inflrument proche du feu que très-peu de temps, afin qu'il ne participât pas à la chaleur, & que ne changeant pas d'état, tout le mouvement de l'alhi- dade ne püt être attribué qu’au feul changement d'extenfion de la règle d'expérience; je le trouvai ce changement , de 3 Z ligne, de forte qu'il étoit d'une 1 1 1€ partie de toute la longueur. Le lendemain vers la même heure, je fis deux autres eflais, le premier me réuffit également, & dans le fecond l’alongement me parut de 1 + ligne, ou d'un peu lus d’une 1 10€ partie de la longueur totale, foit parce que la chaleur fut effeétivement portée un peu plus loin, ou que je perdifle moins de temps à retirer la règle du feu & à la mettre fur l'inftrument. J'examinai aufli à ma montre le progrès du raccourciffement, il fe trouva de 7 ligne au 144 bout de 3 $ fecondes, de -© ligne au bout de 5 o fecondes, de 42 ligne au bout de 70 fecondes, de +227 ligne au bout de 100 fecondes, de +5 ligne au bout de 1 $0 fecondes, & ce ne fut guère qu'après 8 ou 9 minutes que l'index arrivé vers À me parut abfolument immobile, & m'apprit que le change- ment total avoit été de À ligne, ou de 1 X ligne. J'étois impatient, par.bien des raïfons, d'arriver à Quito, DES SCIENCES. 237 mais je fouhaitois aufli très-fortement d’y réitérer la même expérience. Je fçavois d'avance par diverfes relations, que nous y fentirions une diminution confidérable dans la cha- leur, & j'étois curieux de voir fi, comme je l’avois penfé, la règle de fer s'y alongeroit effectivement davantage lorf qu’on la feroit rougir ; mais quoique j'apportafle toutes les attentions poffibles, quoique j'ufafle précifément des mêmes précautions, & qu'il füt queftion d’un changement qui ré- pondoit à 9 ou 10 degrés du thermomètre, je ne püs toû- jours réuffir à faire étendre la règle que de la même quantité. J'en fis un premier eflai le $ Juillet 173 6, peu de jours après mon arrivée dans cette ville; je réitérai l'expérience le len- demain , la règle ne s’alongeoit toüjours que d’une 1 1 1me partie, peut-être s’alongeoit - elle même un peu moins : je refis les mêmes expériences le 30 Janvier 1737, & elles n'eurent que le même fuccès. Ainfi j'eus tout lieu de penfer que cette manière de mefurer l’extenfron des métaux, qui avoit fans doute fon utilité, en m'en apprenant à peu près la quantité abfolue, n’étoit pas aflez précife pour m'en faire connoître les plus petites inégalités. Outre que l'index de l'inftrument avoit peut-être quelque jeu que je ne réufliflois pas aflez à fauver, j'ai toüjours foupçonné qu'il fe perdoit quelque chofe de l’alongement de Ja règle, par le temps que je mettois à la retirer du feu & à l'ajufter fur linftrument. J'approuvois la précaution de me fervir de règles d’une épaif. {eur plus confidérable, parce que leur chaleur & leur exten-- fion en deviennent plus durables ; mais il me paroïfloit bien. difficile de remédier à tout l'inconvénient, & je ne voyois. pas mieux le moyen d'y réufhr, en choïfiffant quelqu'autre- degré fixe de chaleur. . Je fis différentes tentatives en me fervant de l’eau bouil- _ Jante, je laïffai différentes fois pendant une heure & demie: ou deux heures, la règle d’acier dans de l’eau qui bouilloit à gros bouillons ; & comme l’eau fe diffipoit trop vite, j'avois: a précaution pour y fuppléer, d’avoir toûjours d'autre eaw . que je faifois bouillir dans un autre vafe. La règle d’un piedi G£g ii] Fig, 1. 238 MEmoiREs DE L'ACADEMIE RoYALE né s’'alongea jamais que de + ou de -Eme livne, & forfque je montai fur le fommet pierreux de Pichincha, & fur d'au- tres montagnes très-élevées qui ont fervi à nos flations, &c où il geloit prefque toutes les nuits, l'alongement que je m'attendois à trouver plus grand, parce qu'il partoit d'un terme plus éloigné, n'étoit néanmoins que le même, ou au moins je ne réufliflois pas s apercevoir la différence. Voyant que je ne pouvois pas diflinguer par ce moyen l'état d’extenfron ou de contraction des métaux qui eft propre à chaque pays ou à chaque endroit, je voulus tirer au moins parti de mon travail, pour découvrir l’extenfion abfolue à la- quelle ils font fujets par des degrés de chaleur qu'on peut, à certains égards, regarder comme déterminez. Plus il m'étoit difficile de me fatisfaire entièrement dans ces fortes d'expé- riences, qui ne s'accordent jamais aflez entr'elles, plus je les multipliai : il fuffit d’expofer ici les dernières qui ont été faites avec de nouvelles précautions. Je me fuis attaché à examiner les extenfions du plomb, de l'argent, de l'or & de l'acier, en me fervant pour cela de règles qui avoient un pied de lon- gueur; j'obferve, en nommant ces métaux, l'ordre qu'ils gar- dent dans leurs dilatations. La règle de plomb étoit large de 42 lignes, & épaifle de 2 lignes ; celle d'argent avoit 2 2 lignes de largeur fur + ligne d’épaifleur ; celle d’or dont le titre étoit de 2 1 carats 3 grains, avoit 3 lignes de largeur fur 2 ligne d’épaiffeur : quant à celle d'acier, j'ai déjà marqué fes dimenfions, elle avoit s lignes de largeur fur une ligne d’é- paifleur. Ces quatre règles ayant été laiffées environ deux heures dans la neige, & portées fucceffivement fur la machine déjà décrite, je vis par le mouvement de l'index que la règle de plomb s’alongeoit d'environ = ligne pour reprendre fon état naturel ; celle d'argent s’alongeoit d'environ -* ligne, celle d'or de + ligne, & celle d'acier de =: ligne. Je mis enfuite les règles dans l'eau qui bouilloit à gros bouillons, & je les y laïflai plus d’une heure &c demie, cetemps DRE: Sud Gi A'E M G 4e 54 E) étoit fans doute affez long pour qu’elles acquifient tout l'alon- gement que l’eau bouillante étoit capable de leur donner. Ces règles étant enfuite portées fur la machine, celle de plomb fe raccourcit de ++ ligne pour parvenir à fon état ordinaire, celle d'argent de - ligne, celle d'or de =, & celle d'acier de ligne : on peut chercher à proportion de ces chan- -gemens, ceux que recevroient des règles d'une toife ou de 6 pieds de longueur; on trouve ligne pour l'extenfion du plomb, -£%- ligne pour celle de l'argent, - ligne pour celle : de l'or, & 7 pour celle de l'acier. Ces changernens font «= ceux que reçoivent ces métaux par la chaleur de l'eau bouil- lante, lorfque l’autre terme eft la température ordinaire de l'air …. de Quito: & fi l'on ajoûte à ces quantités les changemens “ que fouffriroient fur une longueur de 6 pieds ces MÊMES métaux par le froid de la neige, on aura ligne, Z%-ligne, f 2 ligne, 7 ligne pour les changemens abfolus qui ré- “ pondent dans le plomb, l'argent, l'or & l'acier, à la diffé- » rence qu'il y a à Quito entre le premier terme de la congé- lation & la chaleur de l'eau bouillante, Je ne rapporte que ces feules expériences faites avec l’eau, afin de ne pas fatiguer l'attention du lecteur à qui je dois rendre compte de plufeurs autres effais : mais fi l’on prenoit le milieu entre divers réfultats qu'on a trouvez, on s’arrête- roit à des quantités un peu différentes, on prendroit toû- jours #7 ligne pour l'extenfion abfolue d’une barre de fer ou d'acier de 6 pieds ; je dis de fer ou d'acier, parce que mes épreuves n'ont pas réuffr affez parfaitement pour me faire _fentir la différence qu’il y a entre les dilatations de ces deux . matières; mais on prendroit -Ê% ligne pour l’extenfion de argent, on continueroit à prendre -- ligne pour celle de Vor, & on fuppoferoit celle du plomb prefque double de celle du fer : enfin on exprimeroit le rapport des extenfions. _ fpécifiques des quatre métaux, fer, or, argent & plomb, par ces quatre nombres 18, 24, 31 & 36, & cela fur une Jongueur abfolue, exprimée par le nombre 33000. … … Onaauffi examiné le verre, en {e fervant d’un morceau 240 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE taillé en règle qui étoit aflez beau, quoiqu'un peu verd, & qui avoit À ligne d'épaifieur; en le comparant à l'argent, on À découvert que fes extenfions étoient à celles de ce métal à très-peu près comme 4 eft à 1 1. Cette dilatation doit pro- duire des effets aflez confidérables fur la capacité des fioles dont on fe fert pour former les thermomètres & autres inftrumens, & on peut fuivre tel procédé dans leur conftruc- tion qui oblige d’avoir égard à la différence ; les changemens de capacités de la fiole lorfqu'elle eft ronde, doivent étre environ la 1 8me partie de ceux que fouffrent les volumes du mercure. Le verre fur lequel je faifois mes expériences, ne fe dilatoit par la chaleur de l'eau bouillante, que d'environ une 3000%€ partie de fa longueur ; mais comme il doit s'étendre à peu près de la même quantité dans tous les fens, il n’eft pas douteux qu'une boule qui en eft formée, ne doive augmenter fon volume à peu près trois fois plus, con- formément à la proportion des cubes : ainfi une fiole de verre devient plus grande d'environ == par la chaleur men- tionnée, ce qui fait environ la dix-huitième partie du chan- gement que reçoit le mercure. Il faut remarquer que les changements que j'obfervois, font devenus beaucoup plus grands, lorfqu’il eft arrivé par mé- garde que les règles d'expérience touchoient aux vaifleaux dans lefquels on faifoit bouillir l’eau : Ia chaleur fe communi- quoit mieux aux règles par le contact, & elles s'alongeoient davantage, au lieu que ce n'étoit pas la même chofe lorf- qu'elles étoient fufpendues au milieu de l’eau par deux fils, fans toucher à rien. C’eft en partie à cette attention qu'il faut attribuer les différences qu'il y a entre M. Muffchenbroeck & moi, dans Îles expériences qui nous font communes, quoique je reconnoifle volontiers l'exactitude fcrupuleufe de cet habile obfervateur : peut-être aufli n’a-t-il pas évité affez parfaite- ment tout jeu irrégulier dans l’ufage de fa machine, qui étant une fois mife en mouvement, eft allée plus ou moins loin au delà du terme précis. J'ai quelquefois mis l'inftrument de ka Fig, 1'e dans la neige pendant que la règle d'expérience étoit \ D E:S SCT IENN C'E\6 24 étoit dans l'eau bouillante, & lorfque j'appliquois enfuite June fur l'autre, les deux changemens fe faifoient à la fois ; l'inftrument reprenoit fa première extenfion en fe dilatant, & la règle au contraire revenoit à fon état naturel en fe contractant. On devoit par conféquent trouver tout d’un coup le changement total, qui répondoit à toute la diffé- rence qu'il y a entre le froid de 4 neige & la chaleur de Veau bouillante ; je n’ai, fait l'expérience de cette forte que fur la règle de fer, & il m'eft venu à peu près la même chofe que par les autres effais. Bb Le Soleil vif de fa zone torride m'a auffi invité à faire des expériences fur fa chaleur : j'y expolois les règles en les cou- chant fur le pavé, & lorfqu'elles étoient affez échauffées, je failois rapprocher l'inftrument qui étoit en dépôt à l'ombre, & je le mettois à deux ou trois pouces de diftance, afin de moins perdre de temps à mettre les règles deffus : cette pré- caution devient néceffaire à l'égard des règles qui font trop minces, comme l’étoient celles d'or & d'argent, parce qu’elles fe refroidiffent dans un inftant. Le 1 1 Juin 1742 le Soleil étoit d’abord affez vif, mais peu de temps après le ciel perdit de fa pureté : l’alongement de a règle d'acier fe trouva de + ligne, ce qui donne #7 ligne fur 6 pieds ; & l'alonge- ment de la règle d'argent fut de -_ ligne, ce qui donneroit 2 ligne fur une toife. On ne s’imagineroit peut-être pas qu'il eft aflez rare que ces expériences réuflifient. parfaitement ; fouvent le ciel promet au matin un beau jour, & il fe trouve tout-à-coup changé, fans même qu'on voie auparavant de nuages fenfbles; il fait beau temps pour tous les autres hom- mes, mais non pas pour d’Aftronome ou pour le Phyficien: cela arrive fréquemment au Pérou, & c'eft apparemment la même chofe dans tous les pays de montagnes. Le 30 Mai précédent, M. de la Condamine après avoir. mis dans la neige une barre de fer longue de 1 1 + pieds, la mefura avec da toife de fer que nous avions apportée de France : le len- demain il expofa au Soleil fa longue barre en la couchant Mem, 1745: HR 242 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr fur le pavé à l'abri du vent, nous la mefurames enfemble deux ou trois heures après, & nous la trouvames plus longue d'environ + ligne, ce qui donne #£ ligne fur 6 pieds; mais il s’en faut beaucoup que cette extenfion , qui a d'ailleurs fa congélation pour premier terme, foit auffi grande qu'elle l'eft quelquefois. J'ai vû deux jours de fuite à Quito, fçavoir, le 1 $ & le 16 Janvier 1741, notre toile de fer s’alonger de + ligne, je la laiffai étendue fur un pavé de brique affez uni depuis 9 heures du matin jufque vers une heure après midi, elle con- traéta tant de chaleur qu’à peine y pouvoit-on toucher ; le 1.6 j'expofai en même temps deux règles de fer qui, placées à l'extrémité l’une de l’autre, formoient environ $ pieds de longueur, & qui n'avoient guère que le tiers de la largeur & de l'épaifeur de la toife, elles ne s’alongèrent pas tout-à- fait tant à proportion ; je comparois ces règles à une mefure que je tenois non feulement à l'ombre, mais dans un endroit fermé : il fe peut faire que la petite différence que je crus remarquer, vint de ce que la toife & les autres règles étoient formées de différens fers, peut-être aufli que les plus groffes barres conçoivent une plus grande chaleur & s’alongent un peu davantage, pourvû qu'elles foient expofées tout le temps néceffaire, & qu'outre cela elles ne foient pas d’une groffeur exceflive. Le pavé de brique contribua beaucoup à augmenter Ia chaleur ; il s’échauffoit lui-même confidérablement, la com- munication qu'il y avoit entre toutes fes parties, étoit caufe qu'il s’échauffoit même fous fa barre de fer, ce qui ne pou- voit pas manquer de contribuer beaucoup à augmenter l'effet; toutes les circonftances étoient d’ailleurs favorables, la cour étoit petite, & il ne faifoit aucun vent. J'ai eu une fois la curiofité d'examiner combien ce pavé, qui formoit un perron au devant de lobfervatoire que je m'étois choifr, s'étendoit par la chaleur du Soleil, c’étoit le 10 Février 1742, il faifoit au matin toutes les apparences d’un beau jour. Je me fervis du rayon de notre grand feéteur qui étoit alors démonté, DES SCIENCES | 243 pour mefurer fur le pavé un efpace de 1 2 pieds, & revenant 3 heures après, lorfque le Soleil étoit encore très- vif, je trouvai par le moyen du même rayon refté à l'ombre, que l'efpace marqué étoit plus long d'environ + ligne. Cela nous apprend que nos murailles, nos voûtes, tous nos édifices fouffrent {ans cefle des altérations d’extenfion & de contrac- tion par le chaud & par le froid, non feulement d’une faifon à l’autre, mais du matin au foir: tout fe trouve dans une action continuelle, en ne ténant pas moins du thermomètre que de l'hygromètre. C’eft ce qui confirme les conjectures que je formai fur les variations dont j'ai parlé en 174%, & qu'on ne voyoit avec étonnement à Quito dans les Etoiles fixes, que parce que les murailles qui fervoient à foûtenir les lunettes, n’étoient pas aflez ftables *. Ces viciffitudes font encore plus marquées lorfque l'édifice efl ifolé, car lorfque plufieurs maifons fe touchent & s'appuient les unes contre les autres, leur jeu mutuel doit bien-tôt fe trouver fufpendu par l'équilibre entre leurs efforts. I! peut paroître étonnant que la chaleur du Soleil, quoique moins forte à notre égard que celle de l'eau bouillante, pro- duife cependant des changemens d’extenfion plus confidé- rables fur le fer & fur tous les autres métaux; je me fuis afluré de ce fait par un fi grand nombre d'expériences qu'il ne m'eft pas poflble d'en douter, mais la raifon s'en décou- vre aifément , pour peu qu'on y réfléchiffe. La chaleur de l'eau, de même que celle de tous les autres liquides, & fans doute de tous les autres corps, confifte principalement dans lagitation des parties groflières ou des molécules qui les forment, & l’action de ces molécules qui ont trop de groffeur pour s’infinuer dans les pores des métaux , doit toûjours fe terminer à {eur fimplé furface. La molleffe de nos chairs ne donne que trop de facilité à l’eaubouillante d’agir davantage fur nous, au lieu que fi on expofe une barre de fer à cette même action, les parties intérieures fe trouvent comme à Yabri, & ne participant pas à la dilatation, elles doivent mettre obfacle à l'extenfion des autres. Quant à la chaleur du Soleil, Hh ij 2 * V les Me. de 1744, page 291% Fig. 1 244 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr elle eft toute différente, comme elle fe tranfmet par fa ma- tière éthérée, elle pénètre au dedans; elle agit, pourvü qu’elle en ait le temps, fur les parties les plus intimes, & doit caufer ar conféquent une égale dilatation prefque par-tout. I faut cependant toûjours, ainfi que je l'ai déjà infinué, qu'elle foit aidée pour produire fon plus grand effet, car lorfqu’on fufpend en l'air les règles qu'on expofe au Soleil, les alongemens font beaucoup plus petits ; je ne les ai jamais vüs, dans ce fecond cas, aller à l'égard du fer à plus de 22 ligne fur une longueur de 6 pieds, & fouvent ils ont été moindres. J'eus occafion, par exemple, de répéter cette expé- rience à Popayan le 21 Mai 1743, & je ne trouvai fur les 6 pieds qu'une extenfion de 25 ligne : il eft vrai que ce 100 changement ne doit pas être confidéré comme commençant au terme de la congélation, il a pour premier terme la tem- pérature de Popayan, où il fait confidérablement plus chaud qu'à Quito. Quoi qu'il en foit, je crois avoir indiqué fa caufe de cette grande différence dans l'aétion immédiate du Soleil : l'air qui eft derrière la barre de fer lorfqu’elle eft fufpendue, s’échauffe bien par le voifinage de l'air qui eft à côté, & la chaleur fe communique un peu au deflous de Ia barre; mais la communication fe fait bien mieux par le moyen d’un pavé de brique, ou de tout autre corps folide, car l'air qui eft fi diaphane & dont toutes les parties font ‘fi peu maflives, ne reçoit dans ce cas que peu de chaleur. J'ai fait auffi un très-grand nombre d'expériences en me fervant de la flamme de bougies ordinaires, de celles dont fix font une livre: je mettois 'inftrument de plat, j'attachois fucceflivement les règles en Z, & à l'extrémité oppofée Fde Yindex, en les plaçant de champ; je prenois des précautions pour que la bougie n'agît pas fur linftrument même, & je la plaçois de manière que le milieu de la règle fe trouvoit plongé dans la partie bleue de la flamme. Cinq expériences faites à Quito le $ Mai 1742, m'apprirent que la règle de fer qui avoit 2 -< lignes de largeur & + ligne d’épaifieur, 29 gueur, me donnèrent —— ou ? 150 DES ScIENCESs. 245$ s’alongeoit en une minute de “# ou de = ligne par l'aétion 150 100 d’une feule bougie: quatre expériences faites en même temps fur la règle d'argent, qui avoit également un pied de lon- 19+ Je ——> ligne pour fon change- ment d’extenfion. Le 1 2 du même mois je fis les mêmes expériences, en les faifant durer chacune 2 minutes; & les répétant le 14, elles réuflirent à peu près de fa même manière, quoique je les fifle durer 3 minutes complettes : la règle d'argent fit parcourir à Yindex 1 1 des divifions du limbe dans la première minute, en avoit parcouru 1 $ à la fin de la feconde minute, & 1 5 à la fin de la troifième, ce qui répondoit à une exten- UE ge . , . fion totale de _ ligne fur un pied, felon la réduction que je fus obligé de faire, La règle d'or fit parcourir 9 divifions à l'index dans a première minute, 12 divifions en 2 minutes, & 122 en 3, AQU « 1 SES PES ce qui indiquoit une extenfion totale de on ligne. 100 … Enfin la règle de fer fit parcourir $ divifions à l'index dans la première minute, 7 en 2 minutes, & 8en 3, ce qui donnoit -2£ ligne pour fon extenfion totale. I! étoit inutile, quoique je n’employafie qu’une feule bou gie, de faire durer es expériences plus de 3 minutes fur des règles auffi minces que celles dont je me fervois : pour peu que je les laïflafle plus de temps dans la flamme, elles com- mençoient à fe raccourcir, ce qui venoit apparemment de deux caufes ; il fe formoit une fuie épaifie qui empéchoit action de la flamme, & outre cela l'inftrument recevoit quelque degré de chaleur, ce qui lui faifoit acquérir de nou- velles dimenfions, & ce qui devoit produire un raccour- ciflement apparent fur Îles règles d'expérience. Ces mêmes règles changeoïent d'abord, comme on le voit , très-promp- tement de longueur, & enfuite elles ne le faifoient que par des degrés très-lents; c'eft-à-dire que la vivacité de la flamme, Hh ii 246 MEnmoiRres DE L'ACADEMIE RoxazE quoique toûjours la même, agit à la manière de prefque toutes les autres forces ; elle eft d'autant moins capable de faire une nouvelle impreflion, que le fujet qui y eft expofé en a déjà reçu davantage. Je me fuis affuré que ce n’eft pas la même chofe au com- mencement, ou lorfque les métaux reçoivent les premiers degrés de chaleur, leurs extenfions font alors fenfiblement proportionnelles aux temps : le 6 Mai la règle d'argent s'alon- gea de -T ligne en 6 fecondes, de -E ligne ou de ligne en 12 fecondes, & de + ligne en 18 ; j'ai trouvé la même proportion en me fervant de deux bougies, & elles ont caufé d'abord des alongemens doubles. J'éprouvai en même temps qu'un moyen infaillible d'augmenter fenfiblement l'effet des deux flammes, c'eft de les éloigner l'une de l’autre ; lorfque l'intervalle entre leurs centres n'étoit que de 8 lignes+, la règle de fer qui avoit + ligne d'épaifieur, faifoit parcourir. 11+ divifions à l'index dans la première minute, 13+ en 2 minutes, & 14en 3, ce qui répondoit à une extenfion totale de 2£ ligne; mais lorfque je mettois les deux flammes à 6 pouces de diftance l'une de l'autre, l'index parcouroit 1 3 divifions dans la première minute, 17 en 2 minutes, & 18+en 3, ce qui indiquoit un alongement de 27 ligne. I arriva à peu près la même chofe à la règle d'argent qui fit parcourir à l'index 19 divifions dans la première minute, 23+en 2 minutes, & 24+ en 3, lorfque les deux bougies OR . . 82 furent jointes, ce qui donnoit une extenfion totale de = 100 ligne ; au lieu que lorfque les deux bougies furent fparées, l'index parcourut 19 divifions la première minute, 24% en 2 minutes, & 27+en 3, ce qui répondoit à une extenfion totale de = ligne. Outre que ces expériences juftifient 100 d’une manière inconteftable que la même chaleur, lorfqu’elle eft diftribuée le long des règles, produit plus d'extenfion que lorfqu'elle eft appliquée dans le même endroit, elles nous apprennent encore que cet effet eft plus fenfible fur le fer DES SCLENCES. 247 que fur l'argent : on verra dans un inflant l'explication de cette différence. J'ai une fois diftribué treize bougies tout le long des règles, & une autre fois j'en ai mis feize : dans la première expé- rience la règle de fer s’alongea de 55 ligne, & celle d'ar- gent de 1 ligne +; ces extenfions fur un pied de longueur, fe firent à peu près en une minute : la feconde fois la règle d'argent s’alongea de 2 lignes À, celle d'or de 1 ligne 7, & celle de fer de 1 ligne Z£; de forte que ces derniers changemens furent prefque aufii grands que s'ils avoient été caufez par le feu d'une forge. V. On eft obligé de reconnoître par ces expériences, deux propriétés très-diftinétes dans les métaux à l'égard de la cha- leur qu'ils contraétent, ou de l’extenfion à laquelle ils font fujets ; ils peuvent recevoir une chaleur immédiate plus ou moins grande dans l'endroit où le feu eft appliqué, & outre cela cette chaleur peut de proche en proche fe communiquer plus ou moins loin par la continuité des parties. Ces deux propriétés pourroient être féparées , de même qu'elles peu- vent aller enfemble : on voit afiez qu'elles ne doivent pas dépendre abfolument l'une de Fautre. Peut-être indiquent- elles aufli un engrènement ou un entrelacement dans les parties, qui eft différent, & qui eft caufe que deux corps ne font pas toûjours fufceptibles du même degré de chaleur, quoiqu'expofez à un agent également violent ; ce qui met- troit une légère exception #cette uniformité parfaite de tem- . pérature qui fe répand, comme nous l'avons dit, fur tous les corps qui font dans le-voifinage les uns des autres. Le fer & l'argent font au moins très-différens dans la ma- nière dont ils s’échauffent par le même degré de chaleur qui leur eft appliqué : le premier de ces métaux s’échauffe moins que Pautre, il fe dilate moins, & il s’en faut outre cela beau- coup que fa chaleur s’'étende dans un auffr grand efpace. Suppolé que AB & PQ foient deux règles, la première de fer & la feconde d'argent, & qu'on repréfente les degrés de Fig, 2, Fig. 2. 24% MEMOIRES DE L’ACADEMIE ROYALE chaleur qui fe communiquent à chaque point, par les ordon- nées d'une courbe £ D F'& MLN, lorfqu'on applique une bougie au milieu de ces règles, les expériences précédentes nous apprennent que non feulement la feconde courbe aura toutes fes ordonnées plus longues, mais que fon axe fera auffi plus étendu. Nous confidérons ici ces deux lignes cour- bes comme fi elles avoient un cours terminé, & que leur axe ne fût pas leur afymptote, parce qu'on peut négliger tout effet qui cefle d'être fenfible : les extrémités de la règle de fer ne recevront donc peut-être aucune chaleur, & il s'en faudra même beaucoup ; au lieu que les bouts de la règle d'argent qui ne fera pas plus longue, pourront être confidé- rablement échauffez, & contribueront par conféquent à l'ex- tenfion totale qui en deviendra fenfiblement plus grande. I! fuit de là que l’alongement d’une règle de fer, caufé par la chaleur d’une bougie ou de toute autre efpèce de feu ap- pliqué au milieu, ne dépend de fa longueur que lorfqu'elle eft aflez courte pour que fes extrémités foient en dedans des limites £ & F. Qu'on rende cette règle deux ou trois fois plus longue que À B, fon changement d’extenfion n'augmen- tera en rien, puifque la chaleur de fa bougie ne s'étendra toûjours fenfiblement que jufqu'aux mêmes limites. Nous convenons que la même chofe pourroit arriver à la règle d'ar- gent, mais il faudroit pour cela que cette règle füt beaucoup plus longue : on ne peut en effet, dans le cas qui eft exprimé par nos figures, la raccourcir le moins du monde, fans di- minuer de l’extenfion qu'elle reçoit par l'aétion de la bougie, parce que toute fa longueur y participe. On pourroit retran- cher au contraire une partie confidérable des deux bouts de la règle de fer, fans que cela l'empêchät de s’alonger de la mème quantité. Ainfi on voit évidemment que les exten- fions ‘ne font pas proportionnelles dans les différens métaux, quoique la longueur des règles foit la même, & qu'on expofe leur point de milieu précifément au même degré de chaleur.- Il fuit de là en fecond lieu, que fi on applique deux bougies féparces l’une de l'autre, elles cauferont plus d'alongement à proportion 1, vi *) D. EI SASACATENNE CREISMANT 24 à proportion à la règle de fer qu’à celle d'argent ; a règle de fer étant moins échauffée par la première bougie, fera plus fufceptible des effets de la feconde, qui agiffant fur des parties qui n'ont pas encore été échauffées , leur communiquera toute l'extenfion qu'elle peut leur donner. On pourra dire quelque chofe de femblable d'une troifième bougie, d’une quatrième, &c. quoique la différence dont nous parlons, aille toüjours en diminuant : c'eft-à-dire que lorfque le nombre des bougies fera porté affez loin, on pourra l'augmenter ou le diminuer, fans que cela altère fenfiblement le rapport qu'il -y a entre les extenfions des différens métaux, pourvû qu'on applique fe même nombre de bougies à chaque règle. Il fuit encore de à qu'il ne fuffit pas d'employer une bou- gie ou deux, pour repréfenter parfaitement l'effet que peut produire une chaleur qui eft diftribuée fur toute la longueur des règles : dans ce dernier cas le changement d’extenfion dépend de Îa longueur; une barre de fer expofée au Soleil ou à la chaleur de l'eau bouillante, qui fera deux outrois fois plus longue , s'alongera deux ou trois fois davantage, au moins fenfiblement , au lieu que fi la chaleur eft toute réunie au mi- lieu, elle pourra produire, ainfi que nous venons de le voir, précifément le même degré d'extenfion, quoiqu’on alonge ou qu'on raccourcifle la barre. L’Auteur que nousavons cité, & qui mérite tant d'éloges, a parfaitement bien remarqué que les effets de la flamme d'une feule fampe fur des verges de différens métaux, ne font pas proportionnels aux effets que produifent deux lampes, trois lampes, &c. mais il a prétendu qu'il ne falloit en employer qu’une feule, pour que les chan- gemens d’extenfion fuflent proportionnels à ceux que caufe Y'eau bouillante : on voit évidemment que c’eft tout le con- traire, que deux lampes repréfenteront mieux, quant au rapport, l'effet que produit une chaleur qui eft également diftribuée; trois lampes le repréfenteront encore mieux, &c. Ceperidant comme if n’eft guère permis de ne pas fe rendre à des expériences faites par un obfervateur exaét, j'avoue que je me fuis trouvé quelque temps très-indécis ; ce n’eft qu'avec le Men, 1745: Ti Fig. 2e 2 mais fi on n’accordoit qu'à peine le nom de glande aux corps “ auxquels on l'a donné dans fes fix genres précédens, on l'ac- corderoit encore moins à ceux-ci, ils ne reflemblent pas mal à ces veffies qui s'élèvent fur la peau des hommes attaquez de la maladie appellée porcelaine : il n’eft pas aifé de déter- miner fi ces veflies font dans les plantes l'effet d’une maladie, ou fi elles leur font naturelles, je tâcherai cependant de le faire lorfque je ferai parvenu à leur article : quoi qu'il en foit, je crois pouvoir les nommer jufqu'à préfent glandes atriculaires, afin de fixer les idées & de pouvoir s'entendre; ces veffies s’obfervent principalement dans les joubarbes ou “fedum, dans les réféda, les gaudes, les ficoïdes, les aloës. Des poils ou filers. Les filets fourniflent une plus grande variété en les confi- * dérant du côté des mamelons fur lefquels ils font portez, & du côté de leur figure, que celle que les fimples glandes nous ‘ont fait voir : les mamelons qui portent les filets, font pour la plüpart fimples, c'eft-à-dire qu'ils ne font compofez que ‘d'une veffie parenchymateufe, d’autres le font de plufieurs. … Les filets font, comme je Faï dit plus haut, cylindriques ou … coriques, fimples, fans grains ou articulations ; d’autres font grainez ou articulez. Les articulations de plufieurs font ra- mifées, ou jettent des barbes comme le corps des plumes LI ïï Filets à mame- lon globulaire. Planche 11, fig. 2. Filets cylin- driques. Jbid, fig. 3. Filets coniques. Ibid, fig. 4+ 270 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE RoYyaLE des oifeaux : j'établirai donc fur ces différences, la divifion que l'on peut faire de ces filets, & les appellera : 1° Filets à mamelon globulaire, foit que ce petit globe foit parfaitement fphérique, foit qu'il s'alonge par un côté, ou qu'il foit elliploïde. C’eft fur les finuofités de la fraife, for- mée par le corps des étamines des cucurbitacées que j'ai re- marqué de ces filets, & ce n'efl encore que dans ces plantes. Le peu de longueur qu'ont ces filets, pourroit peut-être leur faire refufer ce nom, & penfer qu'ils ne font formez que par les bords de l'ouverture fupérieure des mamelons, & que j'aurois dû les mettre au nombre des fimples glandes. Je ne me ferois peut-être pas trop éloigné de ce qui eft, en le faifant ; mais j'ai cru, pour plus d’exactitude, devoir en faire le premier genre des filets, & les placer ainfi entre les glandes fimples & les vrais filets. 2° Le premier genre de ceux-ci eft compolé des filets cylindriques, c'eft-à-dire, de ceux dont le diamètre eft égal ou prefque égal dans toute la longueur : ils s'obfervent dans les moufles, dans les plantes légumineufes, dans celles qui ont la leur en rofe, & quelques autres. 3° Les filets de ce troifième genre font coniques, ce font ceux que l’on trouve le plus communément. On peut aifé- ment les voir dans les plantes à fleur en mafque, dans plu- fieurs genres des crucifères, des malvacées, & dans ceux de plufieurs autres clafles. Les mamelons & les glandes dont j'ai parlé jufqu'ici, on dont les genres fuivans, excepté le quatrième, font compo- fez, ne paroiffent formez que par une véficule parenchyma- teufe, mais les mamelons des filets de ce quatrième genre pa- roiflent l'être de plufieurs : ainfi il faudroit peut-êtreen faire le dernier; mais comme le filet eft fimple, fans articulations, fans grains ni autres particularités, j'ai cru ne devoir avoir égard qu'à la figure du filet pour la fuite des genres & à fun & à l'autre pour l’impofition du nom. L'amas des véficules parenchymateufes qui entrent dans la compofition du ma- melon, & leur arrangement, forment un gros bouton DES SCrTENCES. 271 femblable à celui qui fait le manche de cet inftrument dont plufieurs ouvriers fe fervent, & qu'on nomme poinçon; le filet en eft l'aiguille, il en approche d'autant plus qu'il eft très-roide, & quelquefois même très-piquant , ainfi le qua- trième genre fera 4° De filets en poinçon, is ont été accordez aux boura- Filetsen poin: : : £ Pt çon. ches, aux buglofles, pulmonaires, grémils, cynoglofles, K nier PlanchelI, enfin à toute la claffe des borraginées, HAE. 5” On trouve rarement de ces filets fur les feuilles ou Fitetsentarme Jes tiges des plantes, c'eft communément fur les fleurs : Ja Patrie ou lèvre inférieure des fleurs en mafque en eft pour l'ordinaire Nr 2 6 chargée & comme hériflée, on peut s'en aflurer dans les Wen linaires, les muffles de veau, les euphraifes, &c. 6° Le bout fupérieur des filets qui formeront ce fixième Filets à cupute. u genre, s'évale & forme une petite taffe ou cupule femblable kid. fig. 7. à la cupule des glands du chêne : j'ai tiré leur nom de cette * propriété, & les ai appelez fers à cupule, foit que cette partie foit extrémement évafée &: prefque plate, foit qu'elle foit un peu plus arrondie, moins évafée que dans tes premiers, ou que fon fond étant plus étroit que dans les autres , elle ait ainfi une figure plus alongée : quelques-uns de ces filets font | coupez vers les deux tiers de leur longueur par une efpèce “ d'articulation qui manque aux autres; malgré cette diffé- * rence, je les ai placez ici, parce qu’ils leur font pour le refte femblables en tout : ce genre fe rencontre dans différentes * clafles de plantes, parmi les légumineufes, les arrête-boœufs. -en ont quantité, les blattaires en font chargées, la fraxinelle- & un grand nombre d'autres; mais il y a peu de plantes où on puifle les voir plus facilement, & où ils fafent un plus. bel effet que fur les petites feuilles qui entourent la bafe du: . fruit de la granadille à odeur forte, & fur celles qui em- _ braffent le pédicule de chaque feuille. 7° Les filets de ce feptième genre fe courbent par en Files em ai- … haut, de façon qu'ils repréfentent une aiguille courbe ; ainfi FE EUR «j'ai cru pouvoir les appeller fkrs eu aiguille. Le gratteron, » Mes garances, les caille-laits & les autres plantes de cette claffe: en {ont garnies.. 272 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Fifetsen croffe. 8° Le haut de ceux de ce genre fe recourbe comme celui Planche [1, des précédens, mais cette pointe recourbée ne paroït pas fg-9 être diftinéte & comme féparée par une ouverture du corps du filet; ce qui s’obferve dans les filets en aiguille courbe. Les femences des aigrémoines & de la circée en font garnies. Filets en kæ 9° Le bout fupérieur de ceux-ci fe divife en plufieurs Hi Ég 10, Petites lanières recourbées en dehors & crochues; de forte © ‘ qu'ils repréfentent affez bien un hameçon compolé : j'ai tiré leur nom de filets en hameçon de cette reflemblance. Les fe- mences de la cynoglofle & de la buglofle à femences hériffées en font réellement hériflées. Filetsen cro- 10° Ces filets ont beaucoup de rapport avec les fuivans, Fe mais ils en diffèrent en ce que leurs branches font plûütôt Pix Seau recourbées que droites, qu'elles font toûjours égales, au lieu que dans les y grecs une branche eft fouvent plus courte que l'autre, qu'elles paroiflent avoir un pédicule différent du corps du filet, qui dans les autres n'eft que divifé en deux par le haut. Les filets en crochet fe rencontrent dans plufieurs genres des plantes à demi-fleurons. Er eny 11° L'extrémité fupérieure des filets de ce genre fe divife FREE également par le haut en deux, trois ou plufieurs parties, mais qui ne fe recourbent pas, qui ne font point plates comme les lanières des filets du neuvième genre, ce qui les fait plûtôt reflembler à un y grec qu'à toute autre chofe; ainfi j'ai cru ne pouvoir mieux les défigner que par le nom de filets en y grec : plufieurs genres des plantes crucifères en font garnies , il y en a où l'y grec eft fimple, dans d'autres il eft compolé, c’eit-à-dire que le bout du filet finit par deux y grecs, & même par trois & quatre: la plüpart de ces filets font pofez perpendiculairement, d’autres font cou- chez horizontalement ; ceux-ci donnent à certaines ‘feuilles, lorfqu’on les regarde à la loupe, quelqu'air de ces produc- tions marines que lon appelle a/foites, ou bien lorfqu'il Y a peu de divifion, on diroit que ce font autant de petites croix de Malthe : toutes les parties dès «fon en font cou- vertes, 127 Je DE SNS CIE NC m Sal 273 ; * #2° Je n'ai placé les filets en navette dans ce neuvième Fes en na- “ genre, que parce qu'ils ont un certain rapport avec les y Planche Î grecs horizontaux de quelques crucifères ; comme ces filets, ge. 14. | ils font horizontaux, ils s'élèvent ordinairement peu, & lorf- | que leurs bouts fe redreffent, on les prendroit pour les pre- “ miers; ils auroient peut-être été mieux placez au fecond + genre, & par conféquent avant tous les filets perpendicu- | laires : quoi qu'il en foit, on conviendra aïfément , en les examinant, que le nom qu'ils ont leur convient très-bien; il faut fur-tout les chercher dans les cornouilliers. Je les ai auffi vüs dans une ou deux efpèces de verveine, dans un periploca, dans le houblon & quelques légumineufes. Les filets de ces douze premiers genres ne font point ar- ticulez ni coupez d’un ou plufieurs nœuds : ceux des genres fuivans fouffrent des étranglemens dans un ou plufieurs en- droits de leur longueur ; ces articulations ne font pas dans tous de la mème figure, de la même longueur ni du même ‘diamètre, les uns font irréguliers & comme formez de grains ‘qui paroiffent pofez au bout l'un de l'autre; il y en a qui ont des articulations dont celles du bas font moins longues & plus grofles que celles qui les fuivent, d'où il réfulte un “ tuyau conique: dans d’autres ces articulations font à peu de “ chofe près des mêmes longueur & largeur, ce qui leur donne une figure prefque cylindrique, ils font pour la plûpart fans ramifications, c'eft-à-dire qu'il ne fort point de leurs côtés des filets plus petits, mais beaucoup d’autres en font garnis : de ces différences je formerai les genres qui fuivent. 13° J'appellerai les filets de ce genre du nom que Malpighi Filets en alène: a cru leur devoir impofer en les comparant à une alêne, parce id. fig. 1 5. ue le bas du tuyau eft d’un diamètre beaucoup plus gros que le refte, & qu'environ le milieu de fa longueur il eft ré- tréci, ce qui lui donne affez la figure de cet inftrument ; ainfi en admettant fa comparaifon, on pourra les nommer mn filets en aléne: c'eft principalement dans les orties où il faut Les chercher, & où ils fe font bien-tôt fentir. . 14° Les filets articulez ne diffèrent des précédens qu'en Filetsarticulez. Men, 174$: Mm Ibid, fig. 16: eds dé cout med 274 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE "ce que la première interfeétion eft moins groffe, moins gon- flée & moins alongée que dans les filets en alêne, & qu'ils font ordinairement compofez de plufieurs de ces interfec- tions, au lieu qu'il n’y en a ordinairement que deux dans: les autres : ceux-ci s'obfervent fur-tout dans les plantes à fleurs labices. Filets à va 15° Les divifions dont les filets de ce genre font coupez, Ta eUE [, font auffi fréquentes que celles des filets du précédent, & fig. elles ne font prefque point de bourlet extérieurement, ce ne font que des efpèces de valvüles horizontales, plus ou moins éloignées les unes des autres. La clafle des chardons, des fleurs radiées, des fleurs en œillet, celle des morelles offrent de ces filets. Filets grainer. 16° Je rangerai fous ce genre ceux qui font faits de façon Ibid, fig. 18. qu'on les diroit compolez de grains mis bout à bout : cette figure ne leur vient que de ce qu'à chaque divifion il y a un étranglement confidérable, & que le milieu de l'inter- fection eft très-renflé; c’eft aufli cette figure qui n'a déter- .miné à leur donner le nom de f/ets grainez. L'intérieur de- la fleur des melons, des concombres, des citrouilles & des plantes de toute cette clafle, eft très-bien fourni de ces filets. Filetsinœuds 17° Dans ceux-ci l'étranglement de chaque divifion eft rex moins confidérable que dans les précédens, ou plütôt il n’y Hbid. fig. 17: en a point, c'eft au contraire une efpèce de gonflement qui forme des nœuds plus ou moins gros, de-là vient le nom de filets à nœuds ou noueux que je leur ai donné ; ils s'obfer- vent dans les chélidoines, les pavots cornus ou glaucium, les pavots ordinaires; dans ces derniers ils ont à chaque nœud un petit filet latérale, & pofé ordinairement altérnativement d'un côté & de l'autre, ces petits filets tombent très-vite, ‘& il faut les chercher lorfque la plante eft jeune, fi on veut les voir: ce qui m'a empêché d’en faire un genre particu- lier, d'autant plus qu'ils conviennent avec les autres par une couleur de nacre plus où moins vive que l’on remarque à tous ceux de ce genre. ue go 18° Les nœuds des filets de celui-ci font de tout côté 1 À re ee. É K 4 , Î (. 148 EL ‘a RLDIE SN SCIE NI CES 275$ hériffez de petits filets, de même que les têtes des goupillons, ce qui me les a fait comparer à cet inftrument. Le velu ou le drapé des bouillons blancs & noirs, celui des phlomis, eft en partie formé par ces filets. 19° La reflémblance que ceux-ci ont avec les plumes des oifeaux , eft fi frappante dans quelques plantes, qu'on ne pourra leur refufer, en les obfervant, le nom de fers en plume. Les pilofelles, les pulmonaires des François, doivent leur velu à ces filets. à 20° Les mamelons, qui font à Ia bafe des filets de tous les genres précédens, ne portent qu’un filet; mais ceux des filets dont le dernier genre eft compolé, en font, pour ainfi dire, lardez : chaque mamelon en a depuis deux jufqu’à fix, fept & peut-être davantage, de façon que ceux qui en ont le plus, repréfentent une petite toque ou une houppe, ce qui me les a fait appeller f/ets en houppe. Des clafles entières de plantes ont de ces houppes, comme celle des mauves, prefque toutes celles des arbres à chattons, les ciftes, les hélianthèmes, _plufieurs efpèces de morelle en font couvertes. | . Dans la fuppofition que les filets feroient des vaiffeaux excrétoires, & les mamelons des glandes, on pourroit ne “ faire qu'une claffe des glandes & des filets, & les divifer en glandes fans vaifleaux excrétoires, & en glandes à vaifleaux excrétoires, & fous-divifer celles - ci en deux feétions, dont June feroit de celles qui n’ont qu’un feul vaifieau excrétoire qui fe ramifie ou non, & de celles qui en ont plufieurs : les premiers pourroient encore fournir une nouvelle fous-divi- fion, en les confidérant du côté de la propriété qu'ils ont d’être coupez d'articulations ou de ne l'être pas, & même, fi on vouloit, du côté de leur figure cylindrique ou conique, C'eft en effet l’ordre que j'ai à peu près fuivi dans l’arran- gement des glandes & des filets, comme il eft aifé de s’en apercevoir : c'eft aufli fuivant cet ordre que je parlerai plus Mni en détail de tous ces genres, foit de glandes, foit de filets. Planche 11, fig. 20. Filetsen plume. Lbid, fig. 21. Filets en houppe. Ibid, fig. 22, 276 MEMOIRES DE L'ACADEM:IE RoyaALe Des glandes milliaires. Grew eft, à ce que je penfe, le premier & le feul qui ait arlé des glandes, que j'ai cru pouvoir appeller milliaires; 4 les a obfervées dans le pin & le fapin, & en a donné des fi- gures; c'eft dans ces arbres que je les ai remarquées pour fa remière fois. Leur arrangement, la couleur blanche de Ja matière qu’elles laiffent échapper, firent que je m'afiurai bien- tôt qu'elles fe trouvoient dans tous les arbres & toutes les plantes de cette clafle : leur arrangement varie beaucoup, fouvent elles forment de petits tas irréguliers, plus fouvent encore des lignes longitudinales arrangées deux à deux, trois à trois, &c. ou feparées les unes des autres par un efpace qui en manque. Dans plufieurs autres arbres ces glandes font très-rares, & ils paroiflent en être prefque privez ; alors le bout de la feuille ou fon milieu eft relevé extérieurement en bofle, cette groffeur s'ouvre & laifle pour l'ordinaire fuinter une liqueur claire & limpide, & elle reffemble aux glandes lenticulaires fous le genre defquelles elle peut être rangée : le nombre des glandes milliaires, qui n'eft pas grand dans ces arbres, eft apparemment compenlé par celles-ci. Les feuilles des arbres où les glandes milliaires forment des lignes longitudinales, font plus ou moins longues & étroites, les autres ne font, pour ainfi dire, que de très- petites écailles qui font tellement difpofées, qu'elles fe re- couvrent par leur bout fupérieur, c'eft-à-dire que cette extrémité eft pofée fur le bas où origine de celle qui la fuit; ces remarques établiffent naturellement une divifion des ar- bres de cette clafle, tirée des glandes ou des feuilles, & il paroït que l'on pourroit avancer pour les arbres que l'on n'a pü voir que fuivant l’une ou l'autre figure des feuilles, is auront les glandes milliaires arrangées par lignes longitudi- males, ou irrégulièrement & en petit nombre, dont la glande lenticulaire de la pointe ou du milieu fera le fupplément. Ceux de ces derniers arbres que j'ai examinez, font les cyprès mâle & femelle ordinaires, dont le premier étend fes D Es, SCUE NC Es pd branches en rond, & l’autre les porte droites; Île cyprès de Portugal à petit fruit, le #uya ou arbre-de-vie de Théo- phraite, & celui dont les branches font droites & élevées ; le cèdre à feuilles de cyprès & à fruit jaunâtre : la febine ordinaire & la feconde efpèce à feuille de cyprès. La glande fenticulaire m'a paru dans Îes fabines un peu plus au milieu des feuilles que dans celles des autres arbres, elle approche plus de l'extrémité dans ceux-ci; les fabines, & fur-tout l'ordinaire, ont peu de glandes milliaires : les cyprès & les #huya principalement en font bien fournis, elles y font fouvent arrangées fur deux ou trois bandes irrégulières de chaque côté de la nervüre du milieu de la feuille; elles fe trouvent aufi quelquefois dans les cyprès, & je crois que c’eft dans le temps où la matière blanche fort en plus grande quantité, & qu'elle fait ainfi diftinguer plus aïfément les glandes qui la fourniffent : on peut, fans ce fecours, voir en tout temps les glandes lenticulaires, leur groffeur les ren- droit toûjours apparentes, quand il n’en fuinteroit pas de liqueur, & quand cette liqueur ne dépoferoit pas quelquefois en s’évaporant, une matière blanche, femblable à celle des glandes milliaires. Les lenticulaires ont ordinairement la f- gure d’une lentille alongée, mais elles m'ont paru plus arron- dies dans le cèdre à feuilles de cyprès & à fruit jaunâtre. J'aurois peut-être dû attendre à parler de ces dernières glandes, que j'eufle été à leur genre, mais la divifion qu'elles m'ont fournie, m'a engagé à en ufer autrement, & je le ferai toûjours lorfque je pourrai tirer de la différence des glandes qui s’obferveront dans tel ou tel genre de plantes, quel- | que avantage pour lordre & la précifron du, détail ;, fauf à y renvoyer lorfqu'il s'agira de leur genre. Si tous les genièvriers avoient deux efpèces de feuilles. p éeft-à-dire, des feuilles femblables à celles du genièvrier _ ordinaire, & à celles de Ja fabine ou du cyprès, comme on. le remarque dans celui des bermudes & dans celui que lon a caractérifé par ce: deux efpèces de feuilles, on pourroit peut-être dire que les genièvriers tiennent le milieu entre: Mn ii} 278 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE les arbres dont je viens de parler, & ceux qui fuivent ; mais quoique cela ne foit pas, & que l'on n'ait encore obfervé ce fait que dans quelques efpèces, on peut cependant, à ce que je crois, les confidérer fous ce point de vüe, & peut- être même que par-là cette liaifon eft encore moins inter- rompue, les efpèces qui ont des feuilles de deux figures, liant les arbres qui n'ont que les petites avec ceux de leur genre, & ceux qui n'ont que les grandes avec les arbres qui ne font garnis que de celles-ci : quoi qu'il en foit de cette réflexion, c’eft elle qui m'a déterminé à placer ici les genièvriers. Ceux dont les feuilles font différentes les unes des autres, ont des glandes milliaires & des lenticulaires, elles fe trouvent réunies dans les petites feuilles, & elles font placées comme dans les cyprès, les arbres-de-vie, &c. les grandes feuilles n’ont que les milliaires, qui ne diffèrent que parce qu'elles font en deflus des feuilles, au lieu que dans le plus grand nombre des autres arbres elles font en deflous : on pourroit peut-être mème dire que les genièvriers font les feuls arbres dont les feuilles n’en ont que fur la furface fupé- rieure, puifque ceux fur les feuilles defquels elles s’obfervent en ont aufli fur l'inférieure. Les glandes milliaires forment, dans les genièvriers commun de Virginie & celui dont les feuilles font ramaflées en bouquet, des bandes de chaque côté de la gouttière de la feuille, compofées de fix ou fept rangs de ces glandes; elles ne font pas moins abondantes, fi elles ne le font pas plus, fur les grandes feuilles des ge- nièvriers qui ont les deux efpèces de feuilles. aide Tous les arbres dont je vais parler maintenant, ne portent que des grandes feuilles, aufli n'ont-ils que des glandes mil- liaires : l'if eft de tous ces arbres celui où il eft le moins aifé de les reconnoître, il faut, pour s’affurer de leur exiftence, enlever la matière réfineufe qui en fuinte, lorfqu'on a eu cette précaution on les diftingue affez aifément , elles font, comime dans tous les autres, rangées fur plufieurs lignes : dans l'if il y en a de chaque côté de la nervüre fix ou fept , il eft un de ceux où il s'en obferve le plus; le fapis qui lui refemble. re poeme pes de à AP Rd ES ET tre k ST SRE RE 61 Car w B:3+ SCT EN "'c'ENaINL 279 par les feuilles, n’en diffère pas beaucoup par là quantité P l PaB q des glandes de ces feuilles. Le nombre en eft bien moins grand fur celles du pieca, de celui qui a des feuilles fembla- bles à celui-ci, & dont les pommes font très-petites, & de celui de Virginie ; dans ces trois derniers les feuilles n’ont guère que deux ou trois rangs de glandes de chaque côté de la nervüre. . Les feuilles de ces arbres font plus larges que celles des mélèfes, des pins; mais celles-ci ont ordinairement fur l’une & l’autre furface, des glandes dont l'arrangement me paroît dépendre de la figure de la feuille: lorfqu'elle eft prifma- tique, comme dans l'efpèce de mélèfe qui porte l'agaric & qui donne la manne de Briançon, il y en a en deflous de: chaque côté de la nervûre un ou deux rangs, & en deflus trois où quatre : dans celle qui eft appellée communément cèdre du Liban, les feuilles font plus applaties, aufli ont- elles trois ou quatre rangs de ces glandes fur l’une & l’autre furface : les feuilles du pin cultivé font divifées par des ner- vüres longitudinales, qui font concaves d’un côté & convexes de l’autre, la partie concave eft percée dans fa longueur de ces glandes qui manquent dans la partie convexe; cette dif pofition des glandes fait que ces feuilles font féparées en plufieurs lignes blanches ou vertes, de forte que l'endroit de June ou de l'autre furface qui a une glande, n’en a pas dans celui qui lui eft oppolé, on compte ordinairement neuf rangs de ces glandes. Le petit pin maritime, ordinaire des cam- pagnes, & le mélèfe d'Amérique à feuilles rudes, m'ont paru n’en avoir qu'en deflous ; j'en ai obfervé dans le premier cinq ou fix de chaque côté de la nervûre du milieu, deux dans le fecond, & dix dans le mélèfe : les deux pins n'ont fait voir outre cela, des fentes ou crevaffes entre ces rangs compofez de glandes. Si les mélèfes & les pins ont les feuilles les plus étroites, celles des buis font les plus larges de toutes, & malgré cette largeur, l'on peut dire qu'elles ont moins de glandes, à pro- portion de leur grandeur, que celles de tous les autres arbres. 280 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE ROYALE de cette clafle ; ces glandes font ramafées en une petite bande blanche, qui s'étend fur les côtés & fur la nervüre même de la furface inférieure des feuilles, & f1 on en remarque quelques-unes difperfées dans cette même furface, le nombre en ett très-petit ; on n'obferve point de différence dans tous les buis, c’eft dans tous la même chofe : on peut rendre peut- être une bonne raifon de cette fimilitude, c’efl que tous les différens buis que l'on regarde comme des efpèces, ne font peut-être que des variétés, & il y a tout lieu de le penfer. Les glandes milliaires jettent, comme je l'ai dit plus haut, une matière très-fine, & ordinairement d’un beau blanc, il n'y a guère que celle de l'if qui paroiït un peu verdâtre; les glandes lenticulaires donnent une liqueur claire & limpide, qui dépofe une matière femblable à celle des glandes mil- liaires, ainfr il conviendroit peut-être d'entrer ici dans l'exa- men de ces matières, & de faire voir fi elles font analogues à la manne de Briançon, & fi les grains que l'on ramaffe fur les feuilles du mélèfe que donne celle-ci, font formez ar cette matière. Ce font des points qui méritent d'être éclaircis, & fur lefquels je tâcherai de jeter quelque jour dans le Mémoire où j'examinerai les matières qui fuintent de cha- que efpèce de glandes qui en donnent extérieurement : je me contenterai feulement ici, comme dans tout autre endroit où je décrirai les glandes ou les filets, de dire lefquelles de ces parties filtreront quelque liqueur, ou donneront toute autre matière, fans chercher à déterminer la naturedes unes ou des autres. La claffe des pins & des fapins ne renferme pas feulement des arbres de la plus grande hauteur, mais, comme plufieurs autres, elle a auffi des plantes aflez bafles, & qui même fe couchent fur terre. Les prêles ou queues-de-cheval & les éphedra font de cette claffe, &, de même que les arbres, elles ont les glandes milliaires; ces glandes ne m'ont paru différer qu'en ce que la matière qui en fort eft plus claire, plus brillante & cryftalline : elles font également arrangées fur des lignes auffi longues que les feuilles, & qui font pofées entre les + DES SCIENCES. 287 fes nervüres ou les côtes des tiges & des feuilles: dans les prêles il y en a même fur le tranchant de ces nervüres. M. Grew a comparé les glandes milliaires, qu'il regarde comme des pores d’une nature fingulière, à ceux qu'il avoit obfervez dans les lys, ces glandes y ont quelque rapport ; mais n'ayant point encore aflez fuivi la clafle des liliacées, j'examinerai autre part cette comparaifon, je dirai feulement ici, qu’elles m'ont paru avoir plus d’analogie avec celles des * chiendents : dans ces plantes, comme dans les préles, elles font placées entre les nervüres des feuilles & des tiges, elles - font communes à toutes les efpèces, & on n’y remarque même prefque pas de différence pour la grandeur & le nom- bre, que celle qui fuit de la grandeur de chaque efpèce ; . dans l'une & l'autre de ces claffes, elles m'ont paru être de petites ouvertures où aboutit un vaiffeau ouvert, & qui donne iffue à la matière blanche ou cryftalline dont j'ai parlé: . Les bords de l'ouverture font ordinairement blancs, cette * couleur leur vient, à ce que je crois, du defsèchement qu'ils fouffrent après que la glande s’eft ouverte, & la façon dont ce defsèchement fe fait, me paroît être la caufe de la figure que ces ouvertures prennent , elles n'en ont pas de déter- : minée ; un grand nombre font circulaires, d’autres font pref- . que carrées, beaucoup d’autres font irrégulièfes, ce qui me fait penfer que ces figures dépendent de la manière dont l'épiderme & la glande s'ouvrent & fe retirent. . Des glandes véficulaires. Ce genre de glande eft peut-être le premier qui ait été obfervé dans les plantes : il y a plus de deux cens ans que Valerius Cordus foûtenoit contre Antonius Mufa Brafavolis, - que, fuivant le fentiment d’Euricius Cordus fon père, fe mille- . pertuis & la rue étoient deux plantes différentes dans Diof. + coride, & que c'étoit au millepertuis, & non à la rue, qu'il #alloit donner le nom latin perforata, que l'on peut rendre + en françois ‘par plante dont les feuilles font trouées : quoi : qu'il en foit des preuves de un & de l'autre, le fentimént Mem 1745: Nn Giandes véfs- culaires des millepertuiss 282 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE Hs de Cordus a prévalu, fur-tout depuis que Mathiole, qui avoit avancé Ja même chofe dans fes commentaires fur Diofcoride, a prétendu dans une lettre fçavante, & où il prend un ton moins que férieux , que la rue étoit totalement différente du millepertuis, & le nom de perforata eft refté à ce dernier, quoique Mufa voulût qu'il convint autant à la rue qu'au millepertuis, puifque les feuiiles de l'une & de l'autre avoient des trous femblables. L'on voit par cette difpute que l'on fçavoit déjà que ces deux plantes avoient la furface de leurs feuilles toute trouée, ou plütôt, car on ne s'embarrafla pas de fçavoir ce que ces trous pouvoient être, c'eft ce à quoi on penfa le moins, on étoit tombé dans une erreur qui a fubfifié, à ce qui me pa- roit, jufqu’à Borel qui, dans une de fes obfervations, dit que les trous du millepertuis ne traverfent pas les feuilles, mais qu'ils ont de part & d'autre une petite membrane en forme de crible: ces parties cependant n'ont bien été connues que depuis M": Malpighi & Grew qui les ont regardées comme des glandes. La comparaifon que Borel fait de la membrane qui forme les glandes du millepertuis, avec un crible, m'engagea à m'aflurer de ce qui en étoit ; mais une loupe aflez forte & le microfcope même, ne n'ayant pü faire découvrir ce cri- ble, ni aucune ouverture, je penfai que cet Auteur avoit plûtôt fuivi l’idée de ce qui lui fembloit devoir être, que de ce qui étoit en effet. L'idée de Borel cependant eft affez conforme à celle que Yon a des entrelacemens de l'épiderme dans les animaux, & il étoit affez naturel de la prendre : je crois cependant que fi ces glandes s'ouvrent, cela n'arrive que dans de certaines circonftances, que ce n’eft pas naturellement que cette ou- verture fe fait, mais plütôt parce qu'elles font trop remplies de la liqueur qu'elles reçoivent ; & que fi elles reffemblent à un crible, ce n’eft que parce que les membranes qui la com- pofent, font percées, comme toutes les autres parties des plantes, d'une infinité de pores imperceptibles : au refte elles D #'S 5 81C + EIN CRIS 283 ne font que de petites veflies parenchymateufes qui ne s’élè- vent point, ou prefque point au deflus de l'épiderme qui les recouvre, de forte que les endroits de cette partie où il y a des glandes, font de niveau avec le refte. Toutes les différentes efpèces de millepertuis que j'ai éxa- minées, ont de ces glandes, mais en une quantité bien diffé- rente : en effet, le millepertuis ordinaire dans lequel on les a obfervées la première fois, n’eft pas celui où elles font en plus grand nombre; celui que Gafpar Bauhin, je ne fçais pour quelleraifon, a appellé le très-beau, en a beaucoup plus, l'efpèce à tige ronde & velue en eft auffi moins fournie que ce dernier; mais je n’en ai point remarqué dans toutes les efpèces que j'ai obfervées, plus que dans celui que l'on a appellé d’un nom qui tire fans doute fon origine de l'odeur forte & défagréable qu’il exhale, je veux dire le millepertuis, dont l'odeur eft fétide & difgracieufe, fes feuilles paroïffent toutes criblées : il feroit, je crois, inutile, quand je le pourrois, de parcourir toutes les efpèces de ce genre, mais je puis aflurer avoir, dans toutes celles que j'ai vües, trouvé des glandes femblables, comme dans celui qui a les feuilles en cœur, dans le velu des marais, dans celui dont les feuilles embraffent la tige, & dans celui qui s'étend fur terre & qui n’eft point velu ; ce dernier m'en 2 fait voir le moins de tous, elles font un peu plus fréquentes dans celui qui a Îes feuilles en cœur. Les filets de celui des marais femblent compenfer les glandes véficulaires, quoique cependant on y en aperçoive. Mais il eft affez inutile, pourroit-on dire, de chercher à prouver que toutes les efpèces de millepertuis ont de ces glandes, puifqu'il y a un confentement unanime fur ce fait, finon avoué, du moins tacite, dans lacception que l'on a faite du nom de millepertuis pour ce genre de plante : quand le nom que lon a impofé à l'efpèce commune n’auroit pas été donné aux autres, pour cela feulement que les fleurs font femblables dans toutes les efpèces , il ne feroit pas vrai de dire que l'on penfe unanimement fur la réalité de ces glandes, Nn i) 264 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE puifque la diftinétion que quelques Auteurs font de mille- . pertuis à feuilles trouées & à feuilles non trouées , prouve le contraire. M. de Tournefort outre cela dit précifément, dans le troifième Tome de fon voyage du Levant, page 64, que l'efpèce de millepertuis d'Orient à feuilles de prarmica, ou herbe à éternuer, n'a point de glandes véficulaires : voici fes paroles, ces feuilles font de la tiflure de celles de notre millepertuis, férrées, fans qu'on y découvre des points tranfparens. Je pourrois tirer ma réponfe à cette dernière objection de M. de Tour- nefort même, & de l'endroit cité plus bas que ce que je viens de rapporter, où il dit que /a plante a une odeur réfineufe, & peu après, que les feuilles font amëres, gluantes © fentent la réfine ; cette glu me paroit bien être une matière qui fuintoit des glandes, & qui a pü les lui cacher, mais pour plus de certitude j'ai confulté fon Herbier, j'y ai trouvé la preuve de ce que je penfois, les feuilles de cette efpèce ont un grand nombre de glandes, & de plus fur leurs bords des mame- lons portez fur un pédicule court, qui reflemble aux glandes à cupule : il doit fans doute fuinter de ces mamelons, lorfque la plante eft fur pied, une quantité de matière vifqueufe, d'où peut auf venir l'odeur & la glu que M. de Tournefort attri- bue à cette plante. L'examen de l’Herbier de cet illuftre Botanifte, m’a encore fervi à établir de plus en plus l'univerfalité de mon fentiment, puifque les efpèces que l'on diftingue par la figure de leurs feuilles, qui approchent de celles de la marjolaine, de la linaire, du romarin, du coris, ou qui font défignées par le velu de leurs feuilles, comme celle dont une partie des feuilles embraffe les tiges, & celle qui a les tiges pourpres; en un mot toutes les efpèces rapportées dans le corollaire des Initituts, excepté la première & la huitième que je n'ai pas trouvées dans l’Herbier, toutes, dis-je, ont plus ou moins de glandes véficulaires : plufieurs autres efpèces confervées dans le même Herbier, & rapportées pour la plüpart dans les Inftituts, me les ont fait voir, telles que font celles qui font connues par leurs feuilles de nummulaire, de vrai coris, où D'Ets 1S'C/TVEUN cris» 285$ qui font frifées & pointues, ou que l'on défigne par le nom de leurs pays, comme l'efpèce de Syrie & d’Aléxandrie, & celle de Portugal. J'avouerai cependant que deux efpèces & une variété ne m'en ont point ou très-peu montré : l’une eft celle qui fe trouve dans les bruyères de Portugal, & dont les feuilles reflemblent à celles de la linaire; la feconde fe diftingue par le pointillé de fes fleurs, qui eft noir, & la troifième et une variété de celui qui a les tiges carrées, dont les feuilles font panachées & qui vient dans nos prés; lorfque les feuilles de ce dernier ne font point de différentes couleurs , les glandes y_font déjà rares, ainfi il ne feroit pas étonnant que cette efpèce de maladie occafionnât une diminution dans leur nombre, j'en ai remarqué quelques-unes fur les feuilles du haut des tiges de celui qui a les fleurs pointillées de noir: je’ n'ofe pas aflurer que je n’en aie pas aperçu de très - petites fur de premier : au refle il pourroit fe faire que le fentiment de Hoffman füt vrai, cet Auteur prétend que les glandes du Mar Mà millepertuis ordinaire peuvent quelquefois manquer entière- Fe ment, & alors ce ne feroit qu'une maladie de a plante, qui ne feroit aucune exception à la règle générale, Les glandes de tous les millepertuis dont j'ai parlé jufqu’à préfent, font rougeâtres, ou du moins elles paroifient être telles au tranfparent : il en faut cependant excepter quelques- uns où elles font plütôt jaunâtres, comme celui du mont Olympe; qui a de grandes fleurs, & celui de Portugal dont les feuilles font remarquables parleur largeur. Si. on vouloit avec la plüpart des Anciens, que Île mille- pertuis, l'afeyrum & l'androfemum ne différaffent que par Îa grandeur, comme le prétend avec eux M. Einnæus, contre ce.que M. de Tournefort, qui en avoit formé trois genres, avoit penfé, fi on vouloit, dis-je, qu'ils ne fuflent que des efpèces différentes, il feroit inutile de s'étendre fur ces deux derniers genres; mais on penfe communément: qu'outre les autres propriétés qui les peuvent diftinguer, celle de n'avoir point les glandes des millepertuis Jeux eft particulièré: ces. F N n üij_ Glandes vé- ficulaires des rues. 286 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE glandes s'y obfervent cependant , l'androfemum ordinaire en a un grand nombre, elles y font plus petites que dans les millepertuis, mais leur quantité eft plus confidérable ; celles de l'afiyrum en arbriffeau font plus grandes que celles de l'androfæmum, mais moins fréquentes : l'a/cyrum des ifles Baléares a les feuilles épaifles & charnues, ce qui fait qu'à la première infpeétion on les en croiroit privées, avec un peu d'attention cependant on les diftingue, & on trouve qu'il n’en eft pas moins garni que les autres. La reflémblance des glandes véficulaires des rues avec celles des millepertuis, & la difpute littéraire, dont j'ai parlé plus haut, qu'elle a fait élever entre les Botanifles, femblent demander que je parle des rues à fa fuite des millepertuis. Les glandes font femblables dans l'un & l'autre genre, elles ne font pas moins nombreufes dans le premier que dans le fecond ; on peut dire cependant que les rues en font en quelque forte plus fournies, non feulement les feuilles en font comme toutes trouées, de même que dans les milleper- tuis, mais es pédicules des feuilles , les tiges, les fleurs & leurs pédicules, les calices, le fruit & le bourlet où il eft fitué : c’eft fur ce bourlet où elles font plus apparentes, il y en a dans fon pourtour environ dix ou douze, logées cha- cune dans une cavité dont les bords paroïflent diftinéts de ceux de la glande, quoique continus; ces glandes font plus grandes que celles des autres parties , elles font très-vifibles à la vûe fimple, & il n’eft befoin de la loupe que pour en bien voir la figure, celles des tiges & enfuite celles des pé- dicules font les plus faciles à diftinguer : en regardant de côté celles des tiges, on remarque aifément qu'elles s'élèvent un peu & fortent en dehors, le brillant du corps de Ia glande les fait encore reconnoiître ; les glandes des feuilles font plus plates, moins confidérables, mais elles paroiflent très-bien au tranfparent, quoique celles-ci s'élèvent peu au deflus de la furface de ces parties, elles le font cependant plus que celles des millepertuis, & c’eft-là toute la différence qu’elles m'ont paru avoir, de même que dans les millepertuis elles ns DIE Su YS Ch E N'c' ESS 287 s'obfervent fur l’une & l’autre furface des feuilles. ». Si le fentiment de M. Linnæus fur les vraies efpèces de rue, doit être fuivi, il ne s’agiroit que de voir trois plantes pour s'aflurer fr toutes celles dont M. de Tournefort parle dans fes Inftituts & leur corollaire, ont également de ces glandes : je n'ai pû voir que quatre des prétendues efpèces _ des Inftituts & celle du corollaire, fçavoir, la rue des jardins à larges feuilles, celle des jardins à feuilles menues, la petite de la campagne, celle dont les pétales font velues, & f’ef- pèce d'Orient dont les feuilles font femblables à celles de fa linaire & dont la fleur eft petite. Toutes ces plantes ont des glandes qui ne varient guère que par la grandeur, elles font plus petites dans l'efpèce à feuilles menues, mais le nombre n'en eft pas moins grand, & peut-être eft-il aufli grand, les découpures ou lobes des feuilles n'étant menus que parce qu'en s’alongeant ils gagnent fur la longueur ce qu'ils per- dent en largeur, & le nombre des glandes peut ainfi devenir égal. Mathiole dans une de fes lettres avoit déjà dit d’après Diofcoride , que la rue de la campagne & celle des jardins n’étoient différentes qu'en ce que la première eft beaucoup plus acre & plus piquante que la feconde, & Gafpar Bauhin fait entendre que ce n'eft que la culture qui y produit ce chan- gement : en effet, l'abondance du fuc nourriciér qu’une cul- ture réglée peut rendre plus grande, peut diminuer la force du fuc acre & piquant qui eft naturel à ces plantes, en leur fourniffant beaucoup plus d'aquofité: il me paroît donc que les efpèces de rue peuvent fe réduire à un nombre beaucoup plus petit que n’a fait M. de Tournefort, & qu’on peut avancer que toutes les efpèces ont des glandes femblables à celles de 1a rue des jardins, d'autant plus que la rue d'Orient à feuilles de Jinaire & à petites feuilles, qui eft une efpèce bien diftinéte, n'en manque pas, & qu'elles y font très-grandes malgré les . filets blancs dont fes feuilles, fes tiges & fes calices font … charger. Si ce qu'on obferve dans Aarmala que plufieurs Anciens 288 MrmoiREes DE L'ACADEMIE RoyaLr£ ont mis au rang des rues, & dont les Modernes ont fait un genre particulier, peut entrer en preuve pour ce qui doit être dans les autres efpèces de rue, ce fera une nouvelle induétion favorable au fentiment de l'univerfalité des glandes dans toutes les efpèces ; je n'ai à la vérité obfervé de ces glandes que fur le bourlet qui porte le fruit de l’harmala, elles font en tout pareilles à celles des rues, il y en a dix ou douze fur cette partie dans les rues, il m'a paru qu'elle en avoit moins dans l’Aarmala : je n’en aï donc point trouvé fur les lobes ou lanières de cette dernière plante, mais ces parties vüûes à la loupe, paroifient marquées de petits points blancs qui pourroient fervir aux mêmes fonétions que les glandes véficulaires. Voilà de ces rapports qui obligeront tout obfervateur en Botanique, à ne point éloigner des plantes qui, quoique affez différentes en quelques parties pour former deux genres, doivent cependant être placées dans un ordre vraiment na- turel, les unes proche les autres, puifque la Nature les unit, pour ainfi dire, par cette efpèce de continuité, I froit curieux de fçavoir fi le genre de plante que Micheli appelle fauffe-rue, feroit lié à ceux de la rue & de Yharmala, par la conformité des glandes ; Micheli établit fon genre fur la figure plate des pétales, & fur ce qu'elles ne font point velues : par la figure même qu’il donne de cette plante, on voit qu'elle a du rapport “par les feuilles avec la rue ordinaire & Tharmala, ainfi il pourroit bien fe faire que ce ne füt qu'une efpèce de rue. La figure plate & le manque de filets dans les pétales n’étant peut-être pas fuffifant pour établir un genre, alors je pencherois affez à croire qu'on y trouveroit les glandes véficulaires. Lorfque les rues font vertes, elles ont un luifant qu’on pourroit d'abord penfer être dû à la liqueur qui fortiroit des . glandes, & qui fe répandroit fur toute la furface de ces plantes, on doit cependant f'attribuer à une autre caufe; ces plantes font épaifles & pleines d’un fuc qui gonfle & remplit confidérablement les véficules parenchymateufes, & leur D ES :$ CIE NC E:6. 28 : Jeur donne un air d'embonpoint, qui eft caufe du luifant :qu'on y remarque; auffi lorfque ces plantes fe defsèchent, elles font beaucoup plus ridées que bien d’autres qui n’abon- -point de liqueur qui échappe des glandes, il doit cependant s'en évaporer une quantité confidérable , qui fe manifefte par «odeur forte que ces plantes exhalent ; mais ce n'eft peut- - être pas plus de ces glandes que des autres parties. « S'il étoit bien prouvé que la matière ténue qui doit s'ex- -haler des plantes odorantes füt dûe entièrement, ou même -en partie, aux glandes véficulaires, on pourroit croire que cette matière demande une conformation différente dans les Se eme ge glandes des orangers, des limonniers & des citronniers; mais outre que ce fait n’eft pas encore conftaté, les glandes de ces “ arbres m'ont paru être les mêmes que celles des millepertuis 4 -& des rues, ce font, comme dans ces plantes, de petites vef. fies non faillantes fur les feuilles, & qui le font un peu plus fur les jeunes poufles des tiges, fur les pédicules des feuilles VU & des fleurs, fur les calices, les pétales, les fruits & le flile -même du piftille : fodeur forte & difgracieufe des rues, J'odeur réfineufe que on remarque quelquefois dans cer- ‘taines efpèces de millepertuis, ne diffère peut-être qu'en -très-peu de chofe de l'odeur agréable de ces arbres, & cette “différence ne*vient peut-être que du plus ou du moins de énuité dans les parties de Ja matière qui la forme, ce qui ne #embleroit pas demander alors une conformation bien difté- - rente dans ces glandes. Quoi qu'il en foit, la quantité des glandes des orangers -n’eft pas moins confidérable que dans les millepertuis & les ‘rues, elle left même proportionnellement plus; auffi les fur- : faces des feuilles de ces arbres femblent-elles être autant de - :cribles, lorfqu'onles regarde au tranfparent, on ne peut guère parler que par milliers dès qu'il s’agit des glandes d’une feule feuille : fr on compte celles qui font entre deux nervüres «principales , On en trouvera deux à trois cens, ce qui donne “pour une furface de cette feuille deux à trois mille, & pour Men. 1 745. Oo. . dent pas tant en fuc: malgré celui des rues on n'aperçoit | Des glandes véficulaires des orangers. 290 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe une feuille quatre ou fix mille glandes fi celles d’une furface font diftinétes de celles de l’autre, comme il y a tout lieu de le penfer. A quel prodigieux nombre ne doit pas monter celui des glandes de ces arbres, fi on y ajoûte fur-tout celles de toutes les autres parties qui en ont proportionnellement autant que les feuilles ! Celles de ces parties n’ont ordinairement aucune couleur, elles font feulement un peu plus wanfparentes que le refle de leurs furfaces ; fur les branches & les endroits opaques elles ont celle de ces endroits, mais fur les parties de la fleur elles font jaunes : on pourroit croire que celles des fruits ne font que des tubérofités ou des finuofités accidentelles, & occafionnées par la tenfion que ces parties doivent fouf- frir en groffifiant ; mais fi on obferve à la loupe l'embryon, il paroït tout couvert de petites foffettes qui deviennent un peu différentes dans le fruit mûr, & on peut dire que, pro- portionnellement aux furfaces de l'embryon & du fruit, elles font en plus grand nombre dans le premier que dans le fecond. L'odorat n’eft pas le feul qui puiffe juger que ces arbres perdent beaucoup, on peut voir la vapeur qui doit fans doute contribuer à cette perte, il n’eft cependant pas aifé de l'aper- cevoir fur les feuilles, du moins dans ce pays-ci, à moins que ce ne foit dans des cas particuliers, comme celui que M. de la Hire obferva, & qui eft rapporté dans l'Hiftoire de l’Académie de l'année 1708, page 69; M. de la Hire remarqua qu'il étoit tombé au deflous de quelques orangers une rofée ou manne, furpris de fa quantité, il chercha à s’aflurer d’où elleprovenoit, pour cet effet, il plaça au deffous des orangers quelques corps propres à la recevoir, & il trouva qu'elle étoit dûe aux feuilles de ces arbres : il y a tout lieu de penfer qu'elle découloit des glandes véficulaires, puifque Malpighi dit avoir obfervé fur les glandes des bords , une matière qu'il compare à de l'huile ; je n'ai pù en voir fur les feuilles, mais elle ne nv'a pas échappé fur les jeunes tiges & fur les parties de la fleur : il eft très-aifé de l'apercevoir AA: De DES SCIENCES 20% à Ja loupe au milieu de la glande, où elle forme une goutte claire & limpide. IL paroît que cette liqueur doit fe trouver fur tous les orangers, puifque tous ceux qui font connus ont de fembla- bles glandes : il n'eft pas difficile de prouver cette propoft- tion générale, s'il eft vrai, comme la plüpart des Botaniftes le penfent maintenant, que le grand nombre des prétendues efpèces que les Fleuriftes ont faites, & que les Botanifles ont admiles après eux, fe réduit à un très-petit nombre & peut-être même à deux, & que les trois genres de M. de "Fournefort doivent n’en faire qu’un, qu’on appellera oranger, bmonnier ou citronnier. En effet il en eft de ces arbres comme _ des arbres communément appellez arbres fruitiers, Us devien- ment par la greffe prefque totalement différens de ce qu'ils font dans l'état de fauvageon : les arbres qui font épineux perdent fouvent leurs épines, ceux dont les fruits font aigres deviennent doux, ils varient par la figure ; elle eft plus où moins alongée dans les limons & citrons, plus ou moins ronde dans les orangers , les feuilles diffèrent par le plus où le moins de longueur, de largeur; mais quelles que foient les variétés que toutes ces parties fouffrent, on y retrouve toûjours les glandes : je n’ai pas vû, il eft vrai, un grand nom- bre, même de ceux que on regarde comme des variétés, mais celles que j'ai examinées, & ce que rapportent Malpighi dans fon Anatomie des plantes, & Rumphius dans fon Her- bier d’Amboine, me font avancer cette propofition générale, que tous les orangers ont fur toutes leurs parties extérieures des glandes véficulaires , quoiqu'ordinairement ées Auteurs ne le difent que des feuilles : de premier, après avoir décrit les glandes du figuier & de deux ou trois autres arbres, dit qu'il y en a de femblables dans le citronnier, le limonnier & oranger; il femble qu'il ait cru, par fa façon de s'exprimer au fimgulier, qu'il étoit inutile d'éxaminer toutes les préten- dues efpèces des Auteurs. Rumphius eft plus pofitif, car après avoir dit au chapitre xx xv11 du Livre 2, Tome IT, que le limonnier fauvage qu'il appelle en langue Malaife, /emom Oo ij 292 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLr papeda, a es pores des feuilles fi grands, que ces feuilles, regardées au tranfparent, paroiflent toutes trouées, il rapporte dans un Appendix au chapitre xL, page 1 10, en parlant du petit limon de Madère, que fes feuilles ont de petits trous de même que tous les autres limons. Si l'on y ajoûte ce qu'il dit des petites foffettes ou des tubercules des différens fruits dont il parle, il n’y aura pas lieu de douter que ces arbres ont des glandes pareilles. Ferrarius avoit, avant lui, fait cette remarque, par rapport à tous les fruits qu'il a fait graver, de forte que l'on diflingue aifément ces parties lorfqu'il n'en parle pas dans la defcription. Une hifloire fuivie & cir- conftanciée des différens états par lefquels ces arbres doivent néceflairement pafler, depuis celui de fauvageons jufqu'à celui où nous defirons le plus qu'ils arrivent, ne feroit pas dénuée d’obfervations curieufes & fingulières ; mais quand il fe trouveroit un obfervateur affez patient pour fuivre ces expériences, il faudroit toûjours un temps confidérable avant qu'il pût donner quelques connoiflances fur ces faits. En attendant j'ai voulu voir quels pouvoient être les changemens qui, du côté des glandes, arrivent aux feuilles de ceux que l'on cultive dans nos jardins. I eft vrai que cette feule comparaïfon demanderoit encore qu'un obfervateur füt à portée d'avoir un grand nombre de ces arbres dont il pût difpofer, ceux que j'ai pà voir fe réduifent à fept ou huit en tout, foit orangers, limoniers ou citronniers: les glandes m'ont paru varier non feulement en . nombre, mais même en grandeur dans différentes variétés; je les ai trouvées, par exemple, plus grandes dans l’oranger appellé par les jardiniers populéon, que dans la riche dépouille, dans celui-ci que dans le bigarreautier, dans ce dernier plus que dans le pommier d’ Adam & le Portugais : \ paroït même que le nombre eft plus grand dans ceux où elles font plus petites, la grandeur compenfe le nombre; celles du citron- nier & du riga font aflez grandes & y paroïflent auffi en moindre quantité, on y obferve quelque variété pour la pofition : les feuilles qui ont à leur circonférence une petite DES SCIENCES. | 293 crénelure, font garnies à chaque partie de cette erénelure d'une glande plus ou moins confidérable, felon la profon- - deur de la finuofité où elle eft pofée : dans celles qui n’ont pas cette crénelure, les glandes forment une bande poin-. tillée, comme on peut le voir dans le surquet ; ces petites variétés font-elles conftantes dans leur variété, ou non ? cela: demanderoit un long examen que je n'ai pas fait, & qui, quand il le feroit, mériteroit d'être rapporté dans un mor- ceau particulier. Les myrtes qui le cèdent peu aux orangers par leur odeur douce & gracieufe, ont également des glandes véficulaires, qui peut-être font autant de bouches d’où s’exhale l'odeur de ces arbres : toutes les parties, de même que celles des Des glandes véficulaires des myrtes & du guajavier. orangers, les fleurs, les jeunes tiges, les feuilles, en font cou-. vertes ; je n'ai point vü de myrtes où elles manquaffent, il: eft vrai que les efpèces que j'ai examinées fe réduifent à fept: & quelques variétés, mais l'odeur que tous les Auteurs attri- buent aux vrais myrtes, femble indiquer que ceux dont ils parlent font également pourvüûs de ces glandes : aucun cepen- dant, que je fçache, n'en a parlé. Les feuilles de tous les myrtes que j'ai examinez, font en- tières, on n'y remarque pas même cette crénelure que les orangers ont quelquefois, ainfi la diftribution des vaifieaux y eft femblable, & les glandes femblablement pofées; elles y font plus ou moins grandes, on en trouve également des . deux côtés des feuilles : quelques-unes font plus apparentes d'un côté que de l'autre, communément il n’y en a point fur la nervûre du milieu dé la furface fupérieure de la feuille, je n’en ai vû que fur celle du myrte de Saint - Domingue à feuilles larges, où, de même que dans les orangers, il eft plus aifé de les diflinguer en deflus qu’en deffous : on les ÿ voit cependant dans une certaine pofition, qu'il eft plus facile de trouver que de décrire. Quant à la quantité de ces glandes, elle eft confidérable dans tous, de quelque grandeur que les feuilles foient, les feuilles de tous ces myrtes font elliploïdes, plus étroites par. Oo iij 294 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RorALE conféquent vers leurs deux bouts que dans leur milieu, Le tarentin eft celui qui a les plus étroites, elles font dans leur plus grande largeur d'environ 2 lignes, le moyen les a de 4 lignes &c. plus, leur longueur efl à peu près la même : fur le premier j'ai compté de chaque côté de la nervüre du milieu un peu plus d'un cent de glandes , ce qui donne deux cens pour une fur- face, & quatre pour toute la feuille : dans le moyen le nombre double à peu près en proportion de la largeur des feuilles, la longueur étant la même. Les feuilles du romain font de 7 à 8 lignes de largeur, fur 1 3 à 14 de longueur : beorien à feuilles larges a les fiennes de 9 à r0 de largeur, fur 18 à 20 de longueur ; fur un côté de la feuille du premier il peut y avoir environ 600 glandes, c'eft 1 200 pour une fur- face, & 2400 pour toute la feuille, en fuppofant toûjours- que les glandes d’une furface font diflinétes de celles de l'au- tre : dans le Déotien elles augmentent à peu près en proportion de leurs longueur & largeur. Le piamentau a {es feuilles d’en- viron 1 pouce & plus de largeur, fur 2 pouces & demi de longueur, celui de Saint-Domingue à larges feuilles, de plus J'un pouce de largeur, fur trois & quelques lignes de lon- gueur ; l'autre de Saint-Domingue, de 1 1 à 1 2 lignes de Jar- geur, fur deux pouces quatre lignes de longueur. Le nombre ues glandes eft fi grand qu'il n’eft poffible de les évaluer qu’en gros, celui à larges feuilles paroît en avoir le plus, le pia- mentau enfuite, & elles y font même plus grandes que dans les autres , dans tous elles font d’un tranfparent verdâtre, leur couleur étoit un peu jaunâtre dans celui à larges feuilles : il me paroît que c’eft en proportion @e la largeur des feuilles & de leur longueur, que le nombre des glandes augmente, & l'odeur peut être en proportion de celles-ci, ce que lon pourroit peut-être mieux déterminer fur Jes myrtes que fur les orangers, parce que les vraies efpèces des premiers font plus exactement déterminées. La propriété d'être panaché n'influe ici en rien fur les glandes ; j'ai obfervé-ces parties dans le moyen à feuilles panachées, & ce font même fes fleurs & fes fruits qui m'ont DES SCIENCES. 2 prouvé qu'elles fe trouvoient fur les fleurs & iles fruits des myrtes : il en.eft de même fi la leur double, comme je m'en fuis affuré fur celles de l'efpèce appellée communément myrte à fleur double. Je placerai à fa fuite des myrtes un genre de plante quia beaucoûp de rapport aveceux, non feulement par les fleurs, mais encore par les glandes véficulaires ; c’eft le guajavier: des glandes des feuilles de cet arbre ne diffèrent de celles des myrtes, qu'en ce qu'elles font un peu moins apparentes, que les vaifleaux qui s'y abouchent font pourprez, quoique les glandes foient jaunâtres ou fimplement de la couleur de {a ‘feuille, Les plantes dent nous allons décrire les glandes, ont été «flez fouvent diftinguées en deux bandes; les unes qui fe ‘répandent fur terre, ont été appelées zummulaires où herbes aux écus, parce que leurs feuilles étant affez régulièrement rondes & ärrangées par paire le long des tiges, elles forment deux rangs, tels que peuvent être ceux que l’on fait en «comptant de,cette monnoie ; les autres ont principalement retenu le nom de /y/imachie, elles s'élèvent & quelquefois de plufieurs pieds : dans les unes les feuilles font alongées & “llip{oïdes , dans d’autres elles font prefque triangulaires , Jongues & étroites; dans toutes, les feuilles font entières, ce -qui fait que l’arrangement des vaiffeaux eft le même, & en -conféquence celui des glandes, il ne varie qu'autant que la figure de Ja feuille le demande : elles ont toutes des glandes wéficulaires, qui, pour la forme, font les mêmes que celles -des plantes que j'ai examinées jufqu'ici, mais bien différentes «par la couleur, qui ordinairement eft d'un très- beau rouge -d'ambre de Quito : il eft indifférent de quel côté l'on exa- mine les feuilles pour voir les glandes, puifque celles-ci fe “trouvent fur lune & l’autre furface des feuilles; mais il faut Mes oppofer à un grand jour, on s'aperçoit alors aïfément de leur couleur & de leur nombre, il n'eft pas auffi aifé de dé- Merminer celui-ci qu'il Fa été dans les myrtes : ce qui m'a paru de plus conflant, eft que ces glandes font plus grandes Des glandes véficulaires des lyfimachies, 296 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaALE dans les nummulaires à fleurs jaunes, & la lyfimachie de Diofcoride, que dans celles dont les feuilles font étroites & de forme triangulaire, & que dans celles-ci le nombre y eft beaucoup plus grand que dans les autres : on peut dire que proportionnellement à la furface de leurs feuilles qui font lon- gues de plus de deux à trois pouces, elles en ont‘plus que la lyfimachie de Diofcoride, qui a fes feuilles moins longues, mais beaucoup plus larges, & que les nummulaires font celles qui en ont le moins : il arrive aflez fouvent, & fur-tout dans les premières, que les glandes du bord interne font ft proches les unes des autres, qu'elles forment une bande poin- tillée d’un rouge d'ambre foncé; dans ces mêmes plantes on en aperçoit une autre continue de la même couleur, il fem- ble que toutes les véficules parenchymateufes font remplies de la matière qui doit donner cette couleur : les bords des calices de la grande lyfimachie de Diofcoride font bordez d'un liféré dont la couleur eft femblable. J'ai obfervé ces mêmes glandes fur les pétales de la num- mulaire ordinaire & de la grande lyfimachie, je n’ai pü les voir fur celles des autres efpèces, il m'a aufli été très-diffcile de les trouver fur les feuilles de la petite nummulaire à fleur pourpre, je ne les ai vües, encore eft-ce avec beaucoup de peine, que dans un pied defléché; elles y font très-petites, mais le nombre en eft au moins aufli grand que dans les efpèces à fleurs jaunes; ce qui peut contribuer à les faire difparoître dans les pieds qui font verds, eft l'épaiffeur de la feuille, qui a quelque chofe de cet état, qui a fait appeller d'autres genres de plantes du nom de plantes graffes ; c'eft- à-dire que les véficules parenchymateufes font très-remplies de fuc, ce qui rend les feuilles épaiffes, & empêche ainfi de voir aifément les glandes qui font très-petites ; mais lorfque ces véficules font affaiflées par 1e defsèchement , alors les glandes fe manifeflent, malgré leur petiteffe, par la couleur ambrée de la matière qu'elles contiennent. Ce n’eft que la perfuafion où j'étois que la lyfimachie à feuilles de renouce, celle à feuilles de jalap, & la nummulaire à feuilles DES SCIENCES 29Y à feuilles arrondies & pointues, étoient véritablement de ce genre, & que par conféquent elles devoient avoir les glandes véficulaires ,obfervées dans les autres efpèces; ce n’eft, dis-je, que cette perfuafion qui m'ayant fait examiner ces plantes dans différens temps & dans différens états, m'a fait trouver ces glandes qui m'avoient toûjours échappé. La petiteffe des glandes de la première efpèce demande qu’on Ja faffe fécher, alors les feuilles étant moins épaifles, elles laifent paroître, comme celles dont je viens de parler, leurs glandes qui font très-petites & de la couleur d’ambre ordinaire, encore faut-il les obferver à un grand jour & très-net : les deux autres efpèces ont de femblables glandes, mais la difficulté de les voir vient de ce qu’elles ne font pas d’une couleur auffi frappante que celle des autres, ce ne font que des points tranfparens, qui ne peuvent guère paroître que lorfque les £ | feuilles font deféchées : Jorfque {a plante eft fur pied, les + 3 feuilles font couvertes d’une grande quantité de grains qui, en fe féchant, deviennent d’un pourpre foncé; ces grains font, à ce que je crois, formez par la liqueur qui a fuinté des glandes véficulaires, & qui n’étoit apparemment pas afez forte pour paroître au travers des membranes des glandes lorfqu'elle y étoit renfermée : voilà la feule différence que J'ai obfervée dans les Iyfimachies par rapport à ces glandes, & peut-être y a-t-il encore un temps à faifir pour les voir plus diflinétement, de même qu’il y en a un pour les voir ouvertes extérieurement : j'ai remarqué deux fois dans les lyfimachies à feuilles de faule & à fleurs en épi, des points noirs dont les feuilles étoient marquées, & qui étoient fen- fibles à la vüe fimple, & qui, examinez à la loupe, deve- noient de petites taches régulièrement pofées, mais irrégu- lières prifes à part : le milieu de ces petites taches étoit ouvert, & fes bords déchirez & fecs, à ce qu’il me parut; je crois que cette couleur noire vient du defsèchement, & ce qui me le prouve, c’eft que ces points noirs ne fe voient — pas lorfque les glandes ne font pas ouvertes, même dans les …. feuilles sèches : des branches prifes en fleurs & defféchées Mem. 1745: PP Des glandes véficulaires des mourons & du fGmolus, 298 MremOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe dans cét état, navoient aucun de cés poihts, au liéu que j'en ai trouvé fur d’autres qui étoient encore en terre, mêlez avec les glandes véficulaires de couleur de karabé ; celles-ci i’étoient que des glandes fermées, & les autres des glandes ouvertes, c’eft apparemment lorfqu'elles le font que Gafpar Bauhin avoit vû l’efpèce qu'il appelle petite lyfimachie à feuilles marquées de points noirs ; W ne dit point fi c'eft en delius ou en deflous des feuilles, c’eft en deflous que je les ai obfervez dans les efpèces où je les ai trouvez; il pourroit fe faire ce- pendant qu'elles s’ouvriflent en deffus, c’eft à l'obfervation à le confirmer, & fi elles s'ouvrent toutes : ce dernier point me paroît être prouvé pour la lyfimachie d'Orient à feuilles étroites & à fleur pourpre, je ne lui ai vû que des points noirs, excepté fur les bords où il y en avoit quelques-uns d'un jaune rougeâtre. : Les feuilles font ordinairement plus fournies de glandes que les autres parties, il y a cependant des efpèces qui en ont prefque fur toutes, comme l’efpèce dont les bouquets de fleurs font ramafez en boule, & fa petite de la Floride dont la fleur ef jaune; cés deux plantes en ont non feulement fur les feuilles, mais fur les tiges, les pédicules, les calices & les pétales. J'ai été long temps à déterminer la nature des points noirs que l’on ne manque jamais de trouver {ur le deflous de toutes les feuilles des mourons, lordre régulier dans lequel ils me paroifloient toûjours arrangez, m'empéchoit de les auri- buer à un defsèchement de lépiderme, occafionné par la piqûre de quelque infcéte qui y auroit dépolé fes œufs, où, par exemple, une mère mouche à fcie en auroit mis : outre cela ces taches s’oblervent en tout temps, c'étoit encore une raifon pour mengager à en chercher la caufe dans quel- qu'autre agent, ce n'a été qu'après l'obfervation faite fur les lyfimachies, & rapportée ci deflus, que j'ai regardé ces taches comme l'ouverture des glandes véficulaires de ces plantes dont les bords étoient defféchez & devenus noirs ou bruns: il m'auroit été facile de déterminer d’abord ce qu'ils pouvoient ! DES SCIENCES. 299 ètre, fr, comme dans les lyfimachies, on voyoit une couleur différente & auffi fenfible que celle de l’ambre qui fe re- marque dans les lyfimachies ; mais on n’y en obferve aucune autre que la noire, & ce n'eft que le rapport qu'il ÿ a entre les lyfimachies & les mourons même par la fleur, qui m'a fait embrafler fur ces taches le fentiment que j'avance : en effet il feroit étonnant qu'elles fe trouvaffent toüjours dans ces plantes, toüjours en deflous des feuilles, toûjours régu- lièrement pofées, & qu’elles ne fuffent qu’accidentelles à ces plantes ; il y a tout lieu de penfér que ce font autant d’ou- vertures des glandes, & que fi la liqueur qui doit s’y filtrer, n’eft pas fenfible, c’eft qu'elle eft trop ténue : ces ouvertures m'ont paru plus grandes que celles des glandes des 1yfima- chies, & à proportion elles étoient en plus grand nombre que dans ces dernières, du moins que dans les nummulairese au refte la ftruéture doit être la même, les vaifleaux s'y dif tribuent de même, les feuilles font entières & arrondies. - Les bords du calice n'ont point le liféré qu'ont ceux de quelques lyfimachies, je n’ai pas même vü fur les pétales de glandes femblables à celles des feuilles ; mais ces pétales portent fur la moitié de la circonférence de leur partie fupé- Fi rieure des glandes à cupule dont le pédicule eft très - court, …. C'eft ainfi que la Nature compenfe ordinairement par quel- que chofe qui équivaut dans un genre de plante, ce qu'elle a accordé à un autre vrai-femblablement pour un ufage fem- _blable, quelquefois même cela arrive à des efpèces du même genre, ce que je ne manqueraï pas de faire obferver, mais on y remarque toûjours un plan d'ordre général différemment dif- . tribué. On n’a encore trouvé dans ce pays-ci qu’une efpèce + de mouron qui varie par la couleur de la fleur, elle eft ou — rouge ou bleue, les glandes à cupule fuivent pour la couleur mm celle des pétales, mais elles s’obfervent toûjours dans l'un &c * l'autre, aïnfi que dans la variété à fleur de couleur de chair, Le genre de plante dont il s'agit maintenant, eft encore … plus flérile que celui des mourons, on ne connoît encore … qu'une efpèce de /amolus, invariable dans toutes fes parties 1 Ppi Du famolsis Des glandes véficulaires des prtice, 300 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE ROYALE pour la couleur, pour la figure: de même que dans les mou- rons les feuilles y font entières, les glandes femblables, ex- cepté que fi elles s'ouvrent, elles le font autrement que dans les mourons, & que leurs bords n’y forment point ces taches noires qu'on obferve dans les mourons, de plus les pétales ne font pas privez de glandes véficulaires comme ces derniers; les glandes, tant des feuilles que des fleurs du famolus, n’ont aucune couleur, on voit feulement dans leur milieu un petit point cryftallin d'un blanc tranfparent. La douleur vive & inquiétante que caufe {a piqüre des pointes que l'on appelle communément épines dans les or- ties, a tourné l'attention des obfervateurs beaucoup plus de leur côté, que n’ont fait d'autres parties qui font en plus grand nombre, mais qui ne pouvant être connues que par-là, font ainfi reftées dans l'oubli, je veux dire les glandes véfi- culaires de ces plantes : on cherche volontiers à bien con- noître qui peut nous faire du mal, auffi fçait-on aflez quelle eft la figure, quelles font les fonctions des épines, mais perfonne, que je fçache, n'a parlé des glandes véficulaires ; elles font peu apparentes, il faut même s’expofer à être piqué dans plus d’un endroit, pour pouvoir bien les diftinguer, leur petiteffe demande fouvent qu’on les obferve à une ioupe d'un très-court foyer; je me fuis expofé à ce danger, non fans y fouvent tomber, & je me fuis affuré que toutes les ortiesque Jai pü voir, ont ces glandes, foit que leurs feuilles foient fim- plement dentelées, foit qu'elles aient des découpures ou des : digitations, foit qu’elles périflent toutes les années ou qu'elles fubfiflent, foit enfin qu'elles portent des pilules ou non. Lorfque l'on voudra obferver ces glandes, il faudra les chercher fur des feuilles vertes plütôt que fur des feuilles sèches : il m'eft arrivé de ne pouvoir les trouver qu'avec beaucoup de peine fur des feuilles qui étoient dans ce der- nier état; ces glandes s’affaiffent apparemment par le defsè- chement d’une façon qu’elles deviennent prefque impercep- tibles, & qui auroit une ortie étrangère, appellée ordinaire- ment ortie en arbre, feroit mieux de les y obferver que dans en = 1 PES SCrENcExEs 307 fes autres: elles y font plus grandes, & ainfi beaucoup plus diftinétes & apparentes, aufli commencerai-je par celle-ci, qui en cela eft plus fimple que toutes les autres, elle n’a ordinaire- ment qu'une glande dans le milieu de chaque grande maille des feuilles, au lieu que dans les autres, prefque toute ta fur- face des mailles en eft couverte; ce n’eft qu’en deflus de la feuille que l'on aperçoit ces glandes dans {es autres orties, mais dans celle-ci & dans l’efpèce appellée chanvre de la Chine, on les voit également fur l'une & l’autre furface. Quoique je dife que l'ortie en arbre ait peu de glandes en comparailon des autres, leur nombre cependant fe monte au moins pour chaque feuille à plus de 2048 glandes, il eft aifé de s’en aflurer en comptant les mailles qui divifent la feuille : on n’a befoin pour cela que d'un calcul très-fimple : je viens de dire que chaque mille avoit une glande, ainfi le nombre des unes & des autres eft égal ; mais les glandes font bien multipliées dans les autres orties, puifque chaque maille en contient quelquefois $, 6, 7 & même plus : le plus petit nombre fera ainfi pour une furface au moins de 25 50, & le plus grand de 3584, en fuppofant que le nombre des mailles n'eft pas plus grand dans les autres orties que dans celle en arbre, ce qui, au contraire, me paroît être, Le nombre augmenteroit encore bien davantage fi chaque - efpèce d’ortie en avoit fur les deux furfaces des feuilles, comme on l'obferve dans l'ortie en arbre & le chanvre de - la Chine, if feroit dans cette dernière au moins de 7 1 68 pour - une feuille entière; il eft vrai que celle-ci eft une de celles où les glandes font le plus multipliées : fi celle à feuilles de chan- vre ordinaire en avoit fur les deux furfaces de fes feuilles, - aucune m'en auroit davantage, on ne diftingue prefque pas . d'efpace entre ces glandes. Il en eft cependant à peu près de même de toutes les autres orties, foit de la grande ou de la —… petite ordinaires, de celle du Canada à grappes, foit des ef- —…._ pèces appellées pillaires, fçavoir, la pilulaire de Diofcoride Du celle à feuille de pariétaire, NU J'ai quelquefois vü dans ces dernières A à toutes Puy 302 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare boflelées & comme chagrinées, cela venoit de ce que les glandes véficulaires étoient extraordinairement grofles, & qu'elles s’élevoient beaucoup plus qu'à l'ordinaire fur la furs face des feuilles ; car il faut obferver que ces glandes diffèrent de celles des orangers, des myrtes & des autres dont j'ai parlé jufqu'ici, en ce que celles de ces arbres ne s'élèvent point au deflus des furfaces des feuilles, & que dans les orties elles s'y élèvent, de même que dans plufieurs autres genres de plante dont il s'agira dans la fuite. Toutes les orties ont des glandes non feulement fur les feuilles, mais fur les parties de la fleur, foit qu'elles forment des grappes, foit que ces fleurs foient ramaflées en une male fphérique, qui a fait donner le nom de pilulaire aux orties où cela arrive : il eft inutile de dire que dans les efpèces où il y a individu mâle & individu femelle fur des pieds diffé- rens, les glandes font dans les unes & les autres tout -à-fait femblables. Le chanvre de Ja Chine a cela de particulier, que le deffous de fes feuilles eft couvert d'un duvet blanc argenté, qui en couvre toute la furface; ce duvet me paroît être formé par Ja matière de Ja tranfpiration des glandes véficulaires, comme le duvet des chardons, des abfynthes & de plufeurs autres plantes. Pour ce qui eft du duvet de l’ortie de la Chine, trois obfervations me prouvent ce fentiment, 1° que ce duvet s’enlève aifément pour peu que l'on frotte la feuille, ce qui n'arrive pas lorfque le duvet eft dû à des poils; 2° queles glandes véficulaires fe trouvent dans cette ortie également en deflous & en deflus ; 3° que la liqueur qui fort des épines peut prendre une certaine confiftence , il eft aifé de s’en affurer dans l'ortie en arbre, fur les pilules des pilulaires, & même fur les grappes des efpèces qui en tirent leur nom: il eft donc plus que probable que c’eft cette même liqueur qui tranfpire des glandes véficulaires de cette efpèce en plus grande abondance que des autres, ou, qui ayant plus de vifcofité, s'évapore moins vite, fe condenfe aifément, & forme ainfi cette efpèce de duvet qui eft indifloluble à l'eau, DES SICAEN CES) - |: 303 une feuille laiflée plus de huit à dix jours n’y a pas perduice duvet. J'entrerai dans un détail fur ce que j'ai fait touchant l'effet des différentes liqueurs fur les duvets, lorfque je trai- terai en particulier des différentes matières qui tranfpirent des plantes. … [left bon, avant que de finir l'article des orties, de faire obferver que, fi on regarde le deflous des feuilles, on y re- marque des efpèces de petites foffettes, des cavités que l'on pourroit prendre pour quelques cavités glanduleufes ; il feroit aflez difficile de déterminer la nature de ces cavités dans les efpèces ordinaires, & dans prefque toutes les autres, fi celle en arbre ne nous faifoit voir clairement à quoi on doit les attribuer; elles font très-grandes dans cette efpèce, leur gran- deur fait voir qu'elles ne font dües qu’à l'éminence qui forme “ la bafe de l'épine du côté oppolé : dans l'endroit où fe trouve { une épine, la furface prend une figure plus convexe que dans : le refte, & oblige par-là celle de l'autre côté à devenir concave ; mais On ne remarque point dans cette cavité qu'il s'y ramafle de liqueur, ou bien elle et düe à celle qui fort des épines, qui peut y couler, comme il arrive quelquefois dans lortie en arbre, qui en laïfle échapper une grande quantité de ces épines. . Plufieurs Auteurs, dans le fyflème qu'ils ont adopté, ont Des glandes toûjours placé la pariétaire aflez proche des orties, ainfi que Yffculaires des le figuier & le mürier : je cherchai donc à m'aflurer s’il Sa avoit quelque rapport entre ces plantes du côté des glandes véficulaires; je fcavois déjà que M. Malpighi en avoit obfervé de femblables dans le mürier & le figuier, & qu'il en avoit donné des figures, il ne me refloit donc plus qu'à voir ft elles fe trouvoient dans les pariétaires ; je trouvai que non feulement on les y obfervoit, mais qu’elles y étoient de même que dans la plûpart des orties, plus apparentes fur la furface . fupérieure des feuilles que fur l'inférieure. _ Î{ faut cependant avouer que ces glandes véficulaires n’en font pas, à proprement parler, dans les jeunes feuilles; je _ {fçavois pourtant que c’eft fur les jeunes feuilles que toutes les 304 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE | glandes font plus aifées à diflinguer, c’eft que, de même que dans les animaux , lorfque les plantes font jeunes, elles tranf pirent proportionnellement plus, & que c'eft, en confé- quence, alors que les glandes font plus apparentes ; je fus donc étonné de ne pas trouver les glandes véficulaires dans les jeunes feuilles des pariétaires, & d'en obferver un grand nombre dans celles qui étoient avancées & même prefque fanées, une obfervation expliqua cette efpèce d'irrégularité, Les jeunes feuilles font toutes couvertes de filets ou poils qui font portez par un petit mamelon , & qui ont beaucoup de rapport aux épines des orties; mais lorfque ces feuilles font avancées, ces filets fe caflent & tombent, alors leur mamelon devient tranfparent & facile à voir ; ces filets ne fe caffent pas en deflous de la feuille où leur nombre n’eft pas moins grand, aufli n’y voit-on pas de ces glandes ; ce qui me con- firme dans ce fentiment, eft que les glandes véficulaires fe trouvent diftinétes des épines dans les jeunes orties & dans celles qui font avancées. On ne connoît peut-être encore qu’une ou deux efpèces de paritaire, qui varient par le plus ou le moins de grandeur dans les feuilles, ces variétés peuvent être attribuées à la pa- riétaire ordinaire ; fi fes feuilles deviennent plus petites, elles font la pariétaire à feuilles de bafilic; fi elles diminuent encore, elles produifent celle que Boccone appelle pariétaire à feuille de morgeline ; fi au lieu de diminuer elles augmentent, alors elles font la pariétaire à feuilles de blé farafin. Boccone a donné les figures de toutes ces variétés dans fon ouvrage fur les plantes rares, il eft vrai que fi ces figures font bonnes, les variétés peuvent dépendre de la pariétaire à feuilles de bafilic, & non de l'ordinaire, car ces figures repréfentent des plantes à feuilles alternes, au lieu que la pariétaire ordinaire les a oppolées, fi cela étoit il:y auroit deux vraies efpèces de ce genre : au refte M. Linnæus n’en fait qu'une, comme on le peut voir dans le Jardin de Cliffort. . Des figuiers [[ arrivera néceflairement à quiconque voudra s’aflurer de Ft Pobfervation de Malpighi far les figuiers & les mûriers, ce qui | | D! ES; +9 ,CUME 6 CLENS. 305$ qui m'eft arrivé : je cherchai long-temps les glandes véficu laires fur les feuilles vertes de ces arbres, je ne pouvois dans quelque fituation que jeles mifle, & à quelque lumière que je les expofafle, m'aflurer de l’exiftence de ces glandes ; j'aper- cevois bien des tubercules, mais qui finifloient par un petit filet. J'eus donc recours au moyen dont les Anatomiftes fe fervent dans plufieurs cas, je fis deffécher ces plantes, Fépaif- feur devoit diminuer & laifler voir alors les glandes s'il y en ‘avoit, c'eft ce qui me réuffit; on en voit un grand nombre, pourvû cependant que la feuille defféchée ait été cueillie dans un état avancé, autrement on en verroit peu, &fielle étoit très-jeune on n’en apercevroit aucune, ces feuilles ne montrent que de petits tubercules furmontez d’un court filet. On fent déjà, fans que je le dife, qu'il arrive la même chofe vaux pariétaires, le filet fe cafle, & fon mamelon forme cette glande obfervée par Malpighi, & qui doit néceffaire- ment être ouverte dans fon milieu, comme cet Auteur le rapporte. Les müûriers à fruit blanc & à fruit noir m'ont fait voir la même chole, les figuiers étrangers me paroiffent conferver leurs filets, aufli n’y remarque-t-on pas de glandes véficu- laires ou très-peu , c'eft ce dont je me fuis afluré dans celui de Bengale à feuilles rondes & à fruit globulaire, dans celui dont les feuilles reffemblent à celles du laurier & dont le fruit efl petit, dans celui d'Amérique à feuilles de citren- nier & à fruit de couleur de fang : il fuffit peut-être de voir le figuier commun pour être für de ce qui arrive dans tous ceux d'Europe. Les Botaniftes commencent à regarder comme des variétés tous ces figuiers qui portent des fruits plus ou moins ros, blancs ou violets, ou qui varient dans les feuilles, & dont. il eft parlé dans les Inflituts de M. de Tournefort, ils penfent au moins ainfi touchant un grand nombre. J'ai obfervé les glandes véficulaires dans beaucoup d’autres plantes, je les ai vües dans plufieurs genres des papillionnacées ou légumineufes, dans le tamaris, la fraxinelle, les pattes- d'oies, les Émonium, & dans plufieurs autres plantes ou arbres; Men. 1745: Qq 306 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RovaLe mais je réferverai ces obfervations pour la matière du Mé- moire qui fuivra celui-ci, EXPLICATION DES FIGURES. POLCAUN CRE L La Figure À, repréfente une feuille qui réunit toutes les efpèces de glandes & plufieurs des matières qui en tranfpirent. Il auroit peut-être mieux été de faire defliner chaque efpèce de glandes fur une feuille des plantes où elles fe trouvent, mais cela auroit occafionné -un trop grand nombre de planches, outre que les feuilles d’un même genre de plantes varient fouvent beau- coup, & qu'une même efpèce de glande s’obferve dans des claffes diflérentes : on s'eft donc contenté de forcer encore beaucoup les figures des glandes & des matières qu’elles donnent dans celles qui font au bas de la planche, fçavoir : Fig. B, b, glandes milliaires qui en s’ouvrant prennent différentes figures. Fig. C, c, glandes véficulaires. Fig. D, 4, glandes en forme d’écaille, Fig: £, e, glandes globulaires. Fig. F, f, glandes lenticulaires. Fig. G, g, glandes lenticulaires ouvertes, ‘eu Fig. H, h, glandes utriculaires. Fig. I, I, 1, dentelures épaifles qui forment ordinairement des glandes à godet de différentes figures, 1 — 1, l’une eft ronde & l’autre efl en portion de cercle; elles font ordinairement à la bale des feuilles, 2— 2, celles-ci font triangulaires, 3 — 3, ces troifièmes arrondies, 4— 4, ces quatrièmes rondes, $ — $, ces cinquièmes oblongues: Fig. X, À, grains qui fuintent de plufieurs glandes véficulaires. Fig. L, 1, veflies qui fortent de certaines glandes véficulaires, 3 eft une veflie qui a une efpèce de pédicule plus long que celle de la figure 2; celles de la figure 3 n’en ont point. Fig. M,m, grains qui s’arrangent en chaînons on en chapelets. DE! SU SUCIE N' SMSMIN Boy | Figure N, duvet formé pardes fils, qui fuintent des glandes de plufieurs genres de plantes, PLANCHE IL à ur . La Figure première repréfente une feuille deffinée en grand pour faire voir la diftribution des nervûres, leurs ramifications, & les aires qu'elles forment au milieu defquelles les glandes ou les filets font placez. ‘ Comme les glandes ont été repréfentées dans la Figure. 4 de Ja première Planche, on a placé ici quelques filets dans un des côtés de la feuille, pour faire voir g ‘ils fortent d’endroits fem- bhbles à ceux des ‘glandes. Fig. 2, filets à manelon globulaire, a ronds, & oblongs.. Fig. 7, filée cylindéique. l A5 4 k LE TE 1? Fig. £9 filer conique. * Fig. 5, filet en poinçon. Fig. 6, filet en larme batavique ou en maflue. Fig. 7, tois filets à cupule, dans la Figure a la cupule eft ronde , dans celle qui eft marquée 4, elle eft oblon- pu & dans la troifième le = eft coupé d’un nœud dans falongueur, Fig. 8, filets en aiguille courbe de différentes grandeurs. Fig. 9, filets en craffe, a femence d’aigremoine hériffée de ces filets, b filet repréfenté encore plus en grand que fur la tête. L Fig. 10, filet en hameçon à plufeurs crochets, à graines d’une cynogloffe avec les filets, 2 filet plus en grand. Fig. 11, filets à crochets, à grand filet qui fait la fourche, b moyen dont les branches font recourbées, c petit qui a aufli fes branches recourbées. Fig. 12, filets en y grecs horizontaux, a filets à trois branches, ? à deux, « à trois, dont une eft fimple; d à plufieurs qui forment une efpèce d'étoile. Fig: 13, filets en y grecs perpendiculaires, a filet dont l'y grec eft * fimple, 4 qui a un y grec & un filet qui n'eft point divifé, c qui eft chargé de deux y grecs complets, d de trois. Qqi 08 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROyaLE Fig. 1 4, filets en navette, a qui ne s'élève point, # qui eft pofé fur un gros mamelon, Fig. 15, filesen alêne , a cette figure eft pour montrer que ces filets font quelquefois remplis de liqueur, 4 filet où cette liqueur ne fe voit point. Fig. 16, filet articulé. * Fig. 17, filets à nœuds ou noueux, a filet fimple, 6 ramifié, Fig. 1 8, filet grainé. Fig. 19, filet à valvüles, Fig. 20, filet à goupillons. Fig. 21, filet en plume, Fig: 22, filets en houppes, # la houppe n'a que deux filets, b trois, « cinq, d plufeurs, dont le nombre eft in- déterminé. c:des Je.12748 p Jo8. NET Le ee Men de MEME Be lie dec Je.174 8 p 308 PL VI .2740. p-3a9.1 » € Mem. de LAc. des J SAN MALI CZ S >= LEZ var DES SCIENCES. 309 *ECLAIRCISSEMENS Sur le Problème de la mâture des Vaiffeaux. Par M BouGueErRr. x à me fuis engagé dans un Ecrit qui eft public depuis plus d’un an, à éclaircir quelques difficultés qui m’avoient été faites par feu M. Bernoulli, fur la meilleure manière de difpofer la mâture des Vaifleaux. J'ai malheureufement trop différé à rédiger mes remarques pour pouvoir les foñmettre au jugement de ce fameux Mathématicien, que toute l’Eu- rope fçavante ne regrette pas moins que le fait l’Académie; mais lorfque j'ai pris l'engagement auquel je vais fatisfaire, M. Bernoulli étoit plein de vie & de fanté, & outre cela les chofes que je dirai ne juftifreront pas moins que la manière dont elles feront expofées, que mon retardement ne peut avoir eu pour caufe que quelque occupation qui na dif trait. Je n'ai pas eu befoin dans l'écrit que je viens de citer, de me faire violence ou de penfer aux égards qu’impofent les Joix académiques, pour parler de ce grand homme d’une ma- nière qui convint à {a glorieufe & jufte réputation : lorfqu'on fçait combien toutes les Mathématiques lui font redevables, _& principalement l'Analyfe & les nouvelles méthodes qui font fi propres à les perfectionner, on eft naturellement porté à fe ranger de fon avis, & même à embrafler jufqu’à fes moindres opinions ; mais il faut qu'on fçache qu'il ne s'agira dans ces remarques de rien qui ait Fair polémique. J'aurois encore plus de répugnance à rien contefter à M, Bernoulli depuis que nous avons eu le malheur de le perdre, que pendant que nous avions le bonheur de le pofféder. H M. me fera toûjours queftion ici que de fimples éclairciffemens, h t * Cet éclaircifiement appartiendroit au volume de 1748, mais l’Académie “a cu pouvoir permettre qu’il parüt plürôt. Qa iÿ 23 Mars 1748 to MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE mais d'éclairciffemens auxquels on ne fçauroit parvenir tant qu'on n'emploie que les fimples réflexions ; le fujet étant trop dépendant de faits qu'il eft très permis d'ignorer, ou auxquels on peut bien ne pas faire une attention toüjours exprefle. à Je fçavois que M. Bernoulli ne penfoit pas abfolument comme moi fur le problème de la mâture , mais j'ai ignoré pendant très-long temps en quoi nous différions. Il me reve- noit de divers endroits qu'il n'approuvoit pas que je prifle lé centre de gravité pour point d'appui dans l'équilibre que je voulois introduire entre toutes les différentes forces qui agiflent fur le vaifleau ; mais j'avois lieu de penfer que cette diverfité de fentimens'n’étoit que la fuite d'un mal-entendu: je foupçonnois que M. Bernoulli n’avéit pas ma théorie aflez préfente, que fes occupations & les indifpofitions qui ac- compagnent ordinairement un grand âge, l'empéchoient de pefer mes raifons, & qu'il n'en jugeoit que fur quelqu'expofé peu fidelle ou peu exact, que lui en avoient peut-être fait des perfonnes qui étoient peu initiées dans ces matières, & qui tomboient même dans quelqu'abus des termes. Je ne voyois pas en effet que je pufle me tromper en plaçant l'hypomoclion dans le centre de gravité du navire, aufli-tÔt que je n'attachois à ce point aucune propriété particulière qui dérogeût à la manière abftraite dont je lé prenois. Je n’avois été conduit dans mon choix que par une confidéra- tion qui ne me fournifloit tout au plus, pour me déterminer, qu'une fimple raifon de convenance; qu'une force qui agit fur un corps, ne tend à le faire tourner que lorfque fa direc- tion pafle à quelque diftance de fon centre de gravité. Je voulois procurer au navire un état conflant qui réunit la füreté de la navigation avec la commodité des marins ; je m'occupois d'inclinaifons & de changemens de fituations, mais ce n'étoit que dans le deflein de les prévenir. Je pou- vois donc naturellement établir le point d'appui dans le centre de gravité même, quoique je pufle auffi lui affigner toute autre place. On fçait que fhypomoclion tant-qu'il eft confidéré Doris Si CHE NI GEI SUAUL >rr abftraitement , tant qu'il n’a aucune connexité avec le centre de rotation, & qu’il ne fert qu’à faciliter la comparaifon des puiflances qui fe contrebalancent, peut fe placer indiftinc- tement où l'on veut. L'équilibre entièrement parfait fuppole la deftruction réciproque & univerfelle de toutes les forces. Ainfi dans l'examen que j'entreprenois, il n'importoit nulle- ment en quel endroit je fixafle ce point, puifque l'équilibre que je me propolois d'introduire, devoit comme abfolu. & comme parfait, avoir également lieu à l'égard, de tous les points imaginables. Je pouvois me tromper fur la mefure exacte des puiflances, ou fur leur diftance à l'hypomoclion. après que Je l'avois choifi; je pouvois même me tromper fur le nombre des puiflances, en tombant dans la même faute qu'avoient commis tous ceux qui avoient déjà tenté ce pro- blème : mais encore une fois l'erreur ne pouvoit pas venir du choix que je faïfois du centre de gravité pour point d'appui, puifque ce point n'étoit pour moi, fi je le puis dire, que fictice. ‘ La manière dont les Anciens ont ordinairement traité les. Méchaniques, ne leur donnoit pas toûjours autant de liberté que nous en avons: ils étoient prefque toûjours affujétis à prendre pour hypomoclion le centre de rotation dans {eur machine, ou quelqu'autre point qui y eût rapport. C’eût été: dans leur langage indiquer le point d'appui, que de marquer. le centre de converfion d'un corps qui tourne, quoique le: fecond de ces points ne répondit pas parfaitement à toutes. les idées qu'ils attachoient à l'autre, qui étoit ordinairément retenu par une force ou un obflacle immédiatement appliqué. Nos recherches font devenues plus étendues; nous avons un plus grand nombre de moyens, & des moyens plus com- modes pour déterminer dans tous les cas la charge de l'hy- pomoclion, dont les anciens fouvent ne fe mettoient pas en peine : on ne fuppofe plus gratuitement, comme ils {e: faifoient prelque toüjours, que ee point efl capable d’une: réfiftance infinie, on examine l'effort particulier qu'il faut: N. quil foûtienne, on veut voir clairement ce que devient LE! 312 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE chaque force ; aucune n'eft exempte d'évaluation, fous pré- texte qu'on pourroit la regarder comme fervant d'appui aux autres. C’eft ce qui nous a infenfiblement accoûtumez à prendre lhypomoclion dans une fignification plus générale : le plus fouvent ce point, lorfque nous le faifons entrer dans nos difcuffions de Méchanique, n'eft plus qu'un fimple terme relatif à notre manière de confidérer l’action des puiffances. Ainfi on s'expoleroit à tomber dans une pure queftion de mots, fi l’on délibéroit plus long-temps que la chofe ne le mérite, fur endroit où l'on doit fixer ce point. Les Anciens, de même que plufieurs Modernes, n'ont pas eu le bonheur d'éviter cette faute, lorfqu'ils ont cherché la longueur du levier auquel les voiles étoient appliquées dans la production du filage. Ils ne pouvoient l'entendre qu'au premier fens, &ileft vrai aufñ que s'ils euflent réuffi à marquer un hypo- moclion proprement dit, ils euflent pü négliger toutes les forces, ou abfolues, ou relatives, dont la direétion pañloit par ce point ; mais ces Méchaniciens ou Phyficiens, à la tête defquels il faut mettre Ariftote, au lieu de contribuer aux progrès de l’art Nautique, fe jettoient dans une recherche vague & inutile, ou, pour mieux dire, ils {e trompoient, en voulant rapporter au levier un genre d'aétion qui n'y avoit pas affez de rapport. Le navire ne préfente aucun point qui ne foit mobile: outre cela les principales forces qui agiffent ici, & qui font fournies par l'action du vent & par celle de l’eau, font finies & comparables les unes aux autres, ce qui oblige d'avoir égard à la grandeur particulière de cha- cune, de même qu'aux lignes felon lefquelles elles s'exercent. Il n'y a effectivement d'équilibre dans cette rencontre que Jorfqu'il eft parfait, ou que lorfque généralement toutes les forces qui fe contrebalancent fe détruifent réciproquement, l'effort du vent, la réfiftance de l'eau & fon action contre la carène, la pefanteur même du navire; & il faut pour cela que tout foit abfolument égal de part & d'autre, lorfqu'on le réduit aux dernières directions. Il n'eft pas nécefaire d'infifter davantage fur cet article, à l'égard er DES SCIENCES | 312 Fégard duquel M. Bernoulli & moi, nous ne pouvions dans le fond nous trouver de divers avis. Lorfque ce fameux Mathématicien défapprouvoit fi fortement l'ufage du centre de gravité pour hypomoclion, il identifioit ce dernier point avec le centre de rotation, ce que je ne faifois pas. Mais enfin il m'apprit lui-même par fes lettres en quoi nous différions, & je n'ai plus été réduit à deviner : je vis qu'il y avoit effedi- vement du mal-entendu caufé de a manière que je l'avois foupçonné, mais qu'il y avoit auffi entre nous une diverfité réelle de fentimens. M. Bernoulli eut quelque defein de tra- vaïller fur Ja mâture des vaifleaux, lorfque l’Académie attacha ‘à la folution de ce problème le Prix qu'elle donna en 1727: c'eft une vraie perte pour le public que ce grand homme n'eût pas le loifir de remplir fon projet, car la plus profonde Géométrie en eût fûrement profité, fuppofé que la Marine “m'en eût pas retiré le même fruit. Comme la manière par- _ticulière dont M. Bernoulli confidéroit la queftion, fournit une objeétion contre tout ce que j'ai écrit fur Je même fujet, & qu'elle peut fe préfenter à d’autres perfonnes, j'en fais Ja matière d’un fecond éclairciflement que je ne puis pas me difpenfer de donner, & que le lecteur trouvera fäns doute plus important que le premier. Il eft démontré, à ce que je crois, que le navire dont Ia : mûture eft difpofée {elon les règles que j'ai établies, confer- vera pendant que la force du vent fera abfolument la même, da fituation que je lui aurai procurée. Mais j'ai fait abflradtion de tout le temps que le vaiffeau employoit à acquerir fon | mouvement , j'ai toûjours fuppolé que toute la vitefte du … fillage étoit déjà acquife, je me fuis fur cela expliqué plu- … fieurs fois. J'avois un exemple fous les yeux qui m'autorifoit, en quelque façon, à négliger les premiers momens de la marche. M. Bernoulli avoit regardé dans fon Eflai de Ma- » nœuvre, les impulfions du vent & de l'eau comme parfai- _ tement égales, & comme agiffant fur des diredions exacte- . ment oppolées : or c’eft ce qui n'a lieu que lorfque le fillage . a cffeélivement atteint l’uniformité de vitefe , & que Île Memi7gs. Rr k 314 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoyALE navire, aprèsavoir pañlé fucceflivement par différentes routes, en a embraffé à la fin une dernière qu’il ne quitte plus. Divers Sçavans ont jugé digne de leur attention {e problème dans lequel on cherche la progreffion felon laquelle fe fait l'accé- lération du fillage, la détermination en eft extrêmement facile, & néanmoins elle a été tentée infruétueufement pref que toûjours; & quant aux folutions exactes que j'en ai vües, je ne fçache pas qu’on en ait jamais fait d'application particu- lière. Je fuis parvenu de mon côté à une formule très-fimple ; mais lorfque j'ai voulu par fon moyen, & fur les dimenfions connues des navires, chercher combien il falloit de temps pour que le fillage acquit fenfiblement fa plus grande vitefie, j'ai été étonné de la promptitude avec Jaquelle cette acqui- fition fe faifoit. J'ai fuppofé que le vent étoit aflez rapide pour parcourir $o pieds par feconde. Cette fuppofition, jointe aux dimenfions que j'attribuois aux voiles & à la proue, en m'éloignant du vrai le moins qu'il n'étoit poflible, don- noit trois lieues de fillage par heure, fçavoir, 14 pieds 10 pouces 7+ lignes par feconde: j'ai après cela cherché combien le navire mettoit de temps pour acquerir non pas 14 pieds juftes de vitefle, mais 1 4 pieds 1 o pouces, vitefle qui eft feu- lement moindre que la plus grande de 7+ lignes, j'ai trouvé qu'il falloit 149 fecondes, & que pour que le navire par- vint à 14 pieds 6 pouces, il ne lui falloit que 99 fecondes. Quoique je püfle me difpenfer de donner ce calcul, je vais le joindre ici d’une manière abrégée pour mieux juftifier la bonté du parti quej'ai fuivi. J'ai défigné par À la vitefle qu'il faudroit qu'eüt le vent pour qu'il poufät les voiles avec une force égale à la pefanteur du navire : il faudroit que cette vitefle füt de 420 pieds par feconde, lorfqu'il s'agit du vaifleau du premier rang dont j'ai parlé dans le Traité du Navire, page 41 9 & fuivantes, lequel devoit pefer 3 300 tonneaux, ou environ 6600000 livres, & dont la fur- face des voiles étoit de 1 5474 pieds carrez. Lorfque le vent n'a qu'une vitefle à parcourir 5 o pieds dans une feconde, äl ne fait qu'environ.6 livres d'effort fur chaque pied carré de D'E!S 1S\CUT)ENN € ES 315 furface qu'il rencontre perpendiculairement. If feroit donc “alors fur les voiles du vaifieau un effort de 9 2844 livres; mais “pour que fon effort fe trouvât augmenté jufqu'à 6600000 livres, il feroit néceffaire que fa vitefle füt portée beaucoup plus loin; il faudroit que fon carré fût plus grand que celui "de 50, dans le même rapport que 6600000 eft. plus grand _ que 92844. Je défigne en même temps par 2 Ia viteffe avec . laquelle il feroit néceffaire que la proue allât rencontrer la mer, pour en être repouflée avec la même force dans le fens horizontal ; cette vitefle feroit de 178 pieds, car ce n’eft qu'avec une pareille vitefle que l'eau marine, qui agit avec une force d'environ 23 onces contre un pied carré de fur- face, lorfqu’elle a un pied de viîtefle, peut faire un effort de __ 6600000 livres fur un plan de 1 $0 pieds carrez, auquel fe réduit la furface de la proue, eu égard à fa groffeur & à fa faillie. Ayant nommé 4 & B ces viteffes extraordinaires des deux fluides, nous nommerons 4 la vitefle actuelle du “vent, nous défignerons par celle du navire, & : marquera le temps depuis fe premier inftant du mouvement. Comme nous devons comparer le fillage qui s'accélère peu à peu par l'effort du vent avec le mouvement accéléré d’un corps, qui en tombant acquiert continuellement de noù- . eaux degrés de vitefle, nous commencerons par faire une remarque effentielle. Si l’on prend l'unité pour exprimer l'in- tenfité de la pefanteur, nous aurons 1 x dz pour la force avec ._ laquelle elle travaille à précipiter les graves & à faire aug- . : menter leur viteffe w, ce qui donne dr —d® & continuel- . Jementi—v : or nous fçavons par l'expérience que les » graves prennent dans chaque feconde, par leur pefanteur, une . vitefle propre à parcourir 30+ pieds d’un mouvement uni- forme. Ainfi pour rapporter l'équation :— à nos melures, . & fuppofé que « foit exprimée en pieds de Roi, il faudra . toüjours divifer fa valeur par 30 + pieds, afin d'avoir le + temps exprimé en fecondes : c’eft-là une obfervation dont . 51 faudra fe reffouvenir dans la fuite, ” Nous confidérerons maintenant que 4 —v étant la Rrij 16 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALeE vitefle refpective du vent par rapport au navire, fon quarré a —2av-+v marquera la force de l'impulfion; & pour {çavoir le degré de cette force par rapport à l'intenfité de la pefanteur que nous avons déjà marquée par l'unité, il faudra, conformément à la loi que fuivent les chocs des fluides, faire a —2av+v ARDOUE A ? À : f—24av + 7° , & il nous viendra — pour l'effort aétuel du À . 7° / vent. Nous aurons par la même raifon, 7 pour la réfif- cette analogie, A°: 1 :: 4*—2av+v: tance que fait la mer à la viteffe du fillage; cette dernière force retrancheroit d'auffi grands degrés de la viteffe du navire ue le font les degrés que la pefanteur communique conti- nuellement à la vitefle des corps qui tombent, fi B marquoit la vitefe atuelle du choc; mais limpulfion eft moindre dans le même rapport que v* eft plus petit que 2°. Le même ad —2av+ 0° FT du vent; cette impulfion feroit égale à l'unité ou à la gravité fi la vitefle refpective du vent étoit À, mais elle n’eft que raïfonnement 2 lieu à l'égard de l’impulfion a —2av+v y A go pour la force accélératrice totale, laquelle doit néceffairement être nulle lorfque le navire fe meut d'un mouvement uni- forme. L'eau ne s’oppofe pas moins alors à l'accélération du fillage, que l'effort du vent ne travaille à faugmenter; les degrés que le choc du vent peut ajoûter à la viteffe de la marche, font égaux à ceux que peut retrancher la réfif- tance de l'eau; c’eft pourquoi le navire continue à avancer par fon mouvement tout acquis, fans rien perdre de fa viteffe, & fans recevoir de nouveaux degrés. On a dans ce cas, a — v. Après cela, nous aurons É—2av+V nv Re PEER PR ETES Re =, & ——-, ce qui donne pour la viteffe uniforme ou pour la plus grande vitefle da . aB HAVE, VE NI DE :8 nr: SAC ENNN CHERS JE . Mais pendant les premiers inflans de la marche, la force accélératrice n'eft pas nulle, elle efl au contraire très-grande, Si nous la multiplions par le petit temps 47, nous aurons ) d—2av+v De à de vitefle Zv, laquelle eft toûjours exprimée relativement à celle que caufe la gravité dans nos corps pefans. Nous en dl | 12 D2 AB déduirons dt —— se BNC d'B—1abv+(B—A)r dr + v° . : — —5) dt pour la petite augmentation AB 1 ° 2 v = | El x ; LE —— ; & fi Von intègre, en rendant les intégrales 4 A+ —(U A aB+ Au—Bu su complétes, on aura = L —, Mais il faudra tl Ë aB— Aÿ—Dav 7 fe reflouvenir que la logarithmique dans laquelle ces loga- rithmes doivent être pris, a pour foûtangente. * Le problème eft donc réfolu à cet égard; mais il ÿ aura une réduétion à faire lorfqu’on fe fervira des tables ordinaires dans lefquelles la caractériftique eft fuivie de fept figures, & qui ont 4342945 pour foûtangente. On fçait que les logarithmes pris dans différentes logiftiques, font propor: » tionnels aux foûtangentes de ces lignes courbes ; c’eft pour + quoi il faudra faire cette analogie, 4342945 eft au loga- Re: aBD+Av— Bu rithme de Dash: An PE dans les tables, comme DUAZ. : ms: AE x er > A2 fera au logarithme requis. Il faudra après cela faire 24 4 Tautre réduction dont nous avons déjà parlé, & qui eft né- . cefflaire à caufe de l'hétérogénéité qu'il y a entre le temps & l'étendue, ou entre des pieds de Roi & des fecondes. Nous avons vü que 30 + pieds dans la valeur de w, ne . répondent.qu'à des unités prifes dans la valeur de ; pour - avoir donc cette dernière valeur, il ne faut pas s'arrêter à celle qu'on vient de trouver, il faut encore divifer par 304 "On réduira les deux opérations.én une feule, en cherchans j Rr iij 318 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLre dans les tables ordinaires les logarithines de a B+ Avu—By & de a B— Av Av; & en multipliant toûjours l'excès AB 4 24 x 303 x 4342945 de lun fur l'autre par , On aura 4 en fecondes. Il ne fera pas plus difficile de déterminer les efpaces par- courus par le navire. Ces efpaces ont pour élémens les vitefles multipliées par les inftans d#; ainfi nous aurons pour leur expreffion le produit de w par dr, c'eft-à-dire, — vdv Les vdy , £ —— + — , quantité qu'il eft très-facile per ans ZE fol j d'intégrer, foit en prenant une nouvelle variable 7, & en / M * da fuppofant égale à —— + v ou à ———- en confidérant que l'un & l'autre terme exprime l'élément du complément triangulaire logarithmique compris entre la ligne courbe & une droite parallèle à fon axe. On.aura aB aB aB aB A—B L aB+Av—Bu ia a+B L aB+Av+Bu pour les efpaces parcourus, & il n’y aura pour réduire cette quantité, qu'à faire la mème chofe que pour le temps, c'eft- AB 24 x 30% *x 4342945 pris les logarithmes dans les tables ordinaires, & les avoir déjà multipliez par leur coëffcient 2 & —_— / IL ef facile par l'ufage de ces formules, de fe convaincre de la vérité de ce que nous avons avancé fur la manière prompte dont le fillage s'accélère en recevant fenfiblement toute fa vitefle. Il eft vrai, pour revenir à la confidération de la mûture, que comme l'équilibre que nous avons intro- duit entre toutes les forces qui agiflent fur le navire, n'a lieu que dans le cas de l'uniformité de mouvement , il y auroit du péril fi en partant du port, on étoit expolé tout- à-coup à toute la force du vent, principalement dans les aB F —v, ou bien à-dire, multiplier la valeur par après avoir re , DES SCIENCES. 319 routes obliques : il eft bien plus facile au navire de fe fouf- traire à la trop forte impulfion en s’inclinant, que de prendre dans le fens de la route toute la vitefle que le vent doit à la fin lui communiquer. La pefinteur, ou pour parler plus exactement , l'inertie de toutes les parties du vaifleau met bien moins d’obftacle au premier de ces effets qu’au fecond, à l'inclinaïfon qu'au tranfport horizontal; puifqu’il y a bien moins de mouvement à recevoir dans lun que dans l'autre. C'eft précifément le même cas, que lorfqu'on pouffe un corps avec force par un point différent de fon centre de gravité, Textrémité qui eft pouffée, doit avancer, mais les autres par- ties {e refufant au mouvement, le corps tourne für un point que les Méchaniciens connoiïffent fous le nom de centre de converfion. Le navire auffi eft expolé à l’action fubite du vent qui frappe fes voiles, il doit donc s’incliner en tournant fur un point qui doit être de l'autre côté du centre de gravité par rapport à la puiflance,, c'eft-à -dire que le centre de rotation ou de converfion, doit fe trouver toüjours au deffous du centre de gravité, quoiqu'il foit fujet à changer un peu . de fituation par diverfes caufes, & principalement par l'ac- tion de la mer qui réfifte au mouvement de la carène, & qui y réfifle diverfement, felon que le navire a déjà pris plus ou moins de vitefle. On fçait que la proue de même que les flancs de la carène, ne font pas terminez par des plans verticaux , ils font toûjours panchez en dehors, & lorf£ «qu’ils font frappez par l’eau , ils font non feulement pouffez + horizontalement, mais dans le fens vertical. Cette feconde … partie de l'effort travaille à faire reprendre au navire fa fitua- + tion horizontale, mais comme dans le commencement du . fillage, le.choc abfolu de l'eau contre la proue eft très-petit, Timpreffion relative verticale qui en réfulte eft encore plus » foible; au lieu que l'effort du vent qui tend à faire augmenter Finclinaifon, doit être d'autant plus grand que le navire ayant _ peu de vitefle, évite peu cette impulfion par fa fuite. Aix: Malgré cela l'expérience nous apprend qu’on n’eft expofé à aucun péril par le défaut d'équilibre dans le commencement 320 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYaALE de la navigation. La raifon en eft bien fenfible, & elle fe préfente d'elle-même. L'impulfion du vent ne fe fait jamais comme tout-à-coup; quelque diligence qu'on faffe on ne défrèle les voiles, ou on ne les expole au vent que peu à peü, le navire acquiert toûjours de la viteffe qui eft à retrancher de celle avec laquelle les voiles font frappées, & le navire allant outre cela continuellement plus vite, eft choqué par l'eau avec plus de force, & l'impulfion relative verticale que fouffre la proue & qui s'oppofe à l'inclinaifon, devient in- ceffimment plus grande. Il arrive de-là que le vaifleau par- vient fans rifque à fon plus grand mouvement, & qu'il y eft même toüjours fenfiblement parvenu avant qu'on ait pû achever d'orienter & de difpofer entièrement fes voiles, Lorfqu'on cherche des difficultés géométriques pour les ré- foudre, on peut exprimer la quantité des voiles défrélées dans les premiers momens du fillage par une fonétion du temps, & il faudra enfuite beaucoup d'adrefle pour déméler les cas qui font folubles, de la multitude infinie des autres qui ne le feront pas. On pourroit auffi fuppofer que le vent inconftant, comme on fçait qu'il left, change de force, & dans ce cas il faudroit repréfenter fa vitefle non feulement par une fonétion du temps, mais auffi par une fonétion de Ja vitefle même du navire, ou des efpaces qu'il parcourt, puif- que le vent auroit non feulement différentes vitefles , felon l'inftant dans lequel on le faifiroit, mais aufli felon les divers endroits où on le recevroit, ce qui rendroit doublement va riable la quantité a; mais nous n'avons garde de nous livrer à ces fortes de recherches, qui appartiendroïent beaucoup plus à la Géométrie qu'à la Marine. [{ nous fuffit de pouvoir donner comme un fait conftant, qu’il n’eft jamais arrivé d'accident au départ du navire, par le défaut d'équilibre entre Vaétion du vent & celle de l'eau, & qu'ainfi nous fommes très en droit fur toute la durée d’une longue navigation, d'en négliger les deux ou trois premières minutes. Ce que nous venons de dire du commencement du fillage, nous conduit naturellement à la difficulté qui avoit frappé M. Bernoulli, on ’ bi DES SCIENCES 272. M. Bernoulli. Il arrive fouvent pendant le cours d'une tra- verfée , que le vent augmente fubitement. Il n'y a perfonne qui n'ait entendu parler de ces coups de vent nommez grains, qui font fi redoutables lorfqu'on eft en mer; ils font fouvent annoncez dans la zone torride par quelque nuage obfcur qui 54 très- petit : tout à coup le. nuage augmente, le pré- endu æi/ de bœuf couvre le ciel en partie, s'il ne le couvre pas entièrement, & on fe trouve expolé à un vent furieux. pi n'eft pas Lite de faire ici l’analyfe de la Phyfique de nos navigateurs , qui regardent prefque toüjours le nuage cor En ke caufe po de la tempête, au lieu ce “ ne fait pas manquer PA recevoir, après qu'on l'a vü de loin & qu'on de voit _prefque fur le champ de très-près. On ef encore expofé en mer à des bourrafques qui ont une caufe oute différente, & contre lefquelles on ne fçauroit porter loin les précautions , c'eft loyfqu on navige à peu de diflance de la terre le Jong d'une côte couverte de monta- gnes, & qu'on pafle vis-à-vis des gorges. Il y a même encore craindre lorfque le vent vient de la mer, & qu'il a une étion à peu près perpendiculaire à la côte, car les inter- es entre les montagnes fourniflent une lues à Pair, qui loi permet de fe mouvoir beaucoup plus vite. Dans toutes _ ces rencontres les voiles fe trouvent quelquefois char gées tout à coup d’un trop grand effort, la mâture eft fujette à fe rompre, & le navire à verfer ou à faire capot. Le danger eft d'autant plus grand, que l'effort du vent augmente par des degrés Plus {ubits : il n’y auroit fouvent aucun péril fi le fi illage é étoit plus rapide, quoique le vent eût la même force; À nr Je navire ayant moins de vitefle à à proportion, puifqu'’il que celle qui convenoit à l'état précédent, le choc de au fur le flanc de la carène eft plus foible & moins capa- de s'oppofer à à la fubverfion. Quoiqu'on fçache ce qu'il t faire pour éviter ce terrible accident, on en a encore trop ent de funeftes exemples, occafionnez par la témérité S Mem 1745. ro 322 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royazr ou par la négligence aufli criminelle de quelques marins C'eft vers ce côté que M. Bernoulli vouloit tourner toute fon attention, il fuppofoit que le vent augmentoit tout à coup, il le confidéroit pendant une bouflée, & il vouloit que quoique le navire n'eüt point acquis fon mouvement uniforme, il ne füt cependant expofé à aucun péril. Perfonne ne pouvoit mieux que ce fameux Mathématicien traiter ce nouveau problème, dont il ne diflimuloit pas lui-même la difficulté. Pour moi j'avoue que j'ai pris la chofe d’un autre côté, j'ai toûüjours confidéré le navire dans un état conftant, je ne me fuis engagé à régler la mâture que dans cette feule fuppofition, après en avoir expreflément averti, & on n’eft jamais tenu à donner que ce qu'on promet. J'ajoüterai en- core, puifque je m'y trouve comme obligé, que je füis le premier qui ai réfolu ce problème d'une manièreJégitime, en prenant la queftion dans le même fens que la prennent généralement tous les marins. Ainfi on ne peut pas m'ac- cufer d'erreur : on peut feulement demander fi je n'eufle pas mieux fait de me placer dans un autre point de vüe, & de confidérer avec M. Bernoulli, le navire lorfqu'il n'a pas encore acquis toute fa vitefle. H n’eft pas douteux que je n’aie faifi le vrai fens que tous les navigateurs attachent à la queftion, il fuffit pour s'en convain- cre de jeter les yeux fur plufieurs navires qui compofent unë flotte, & qui d'un vent fait marchent de compagnie en fuivant une direétion oblique. Quelques-uns de ces vaiffeaux s’incli- nent de $ à 6 degrés, quelques autres de 9 à 1 0, & d'autres de 14à 15; ces derniers feront de très-mauvais navires, ou ils feront au moins très-mal mâtez, au jugement de tout le monde; pendant que les premiers feront regardez comme bons voiliers, & que les feconds ne feront traitez que de médiocres. Il eft évident qu'on aura des reflources dans les premiers qu'on ne trouvera pas dans tous les autres ; on ne craint rien dans le navire qui s'incline peu, ou qui conferve ordinairement fa fituation horizontale, Que le vent devienne encore plus fort, ou qu'on veuille aller plus vite, on peut D See RENÉ Dir s PIC IE CNET 925 forcer dé voiles fans rifque dans un pareil vaiffeau, on peut porter les voiles toûjours hautes, pendant que le mauvais voilier fera obligé de ferrer les fiennes. S'il fe préfente un ennemi on pourra le pourfuivre ou l'éviter, on fera outre cela plus en état de doubler un cap ou de s'élever d'une côte, 4 pendant que l’autre navire, qui eft déjà trop incliné & qui - eft par-là hors d'état de difputer contre le vent, fera fouvent _ obligé, pour ne pas périr en pleine mer, d' aller fe jeter fur 1 _ des écueils proche de terre. Je fçais bien qu’il y a un obftacle 1 qui empêche le premier comme le fecond, de conferver _ toûjours exactement fa même fituation, c’eft que le vent eft . L fujet à agir par reprifes, & qu'il fouffle fouvent par bouff.e; es, feuls vents alifez ont une égalité de vitefle qu'on ne re- | marque point dans tous les autres. Mais qu'on {oit dans les 4 parages où le vent eft variable, & que fon impulfion change . d'une 14m où d'une 1 5e partie, où que la mer plus ou . moins agitée, frappe plus ou moins fort la caiène, le navire accélérera ou retardera un peu fa marche, au lieu de faire 1 5 picds dans une feconde, il parcourra un efpace plus grand ou plus petit de quelques pouces ; mais on pourra négliger toutes les circonftances de ce changement, de même que . dans la pratique de la plüpart des arts auxquels on applique » la Géométrie & les règles de a Méchanique , on méprile » toutes les irrégularités dont les effets font renfermez dans certaines limites. Si le vent, dont l'impulfion eft devenue plus forte d'une 1 $me partie, fe foûtient dans le même degré, le fillage aura bien-tôt acquis la nouvelle vitefle qui con- | vient à ce plus grand effort, la proue & le flanc de la carène recevront de la rencontre de l'eau un plus grand choc, & y aura encore équilibre. Le fort au contraire du navire par fon inclinaifon porte fon bord jufqu'à l’eau, fera bien différent, tout devient caufe de péril à fon égard: : 1 uche, pour ainfi dire, continuellement au moment de fa rte. Telle eft la diftinétion qu'on a mife de tout temps re les bons & les mauvais voiliers; on n’en a jamais jugé une inclinaifon paflagère, poufiée trop loin, on fe donne Sfi 324 MEMOIRES DE L’ACADEMIE Royare même bien garde d'en faire l'eflai ; mais on juge de leur bonté par leur inclinaifon ordinaire ou moyenne, ou par fa fituation , pour ainfi dire, habituelle qu'ils prennent pendant toute une campagne. Tel eft auffi le fens dans lequel j'ai cru devoir réfoudre le problème, en tâchant de tirer parti des plus mauvais navires, ou des moins propres à recevoir une bonne mâture ; j'ai eu pour but de leur procurer à tous la difpofition de voiles a plus convenable ou fa moins impar- faite, eu égard à leur forme & à leur état actuel. C'eft à l'Architeéture navale & à l'art groflier qui préfide à l'arrimage, ou à l'arrangement de la charge, qu'il appar- tient de mettre des bornes autant que cela eft pofhble, aux balancemens que le navire fait dans le fens de fa longueur & dans celui de fa largeur. J’ai dû examiner toutes ces chofes dans le Traité du Navire, parce que je me propofois de con- fidérer le vaifleau dans tous fes différens états, & que je le regardois comme un tout, dont il falloit que je découvrifle la relation qui fe trouvoit entre toutes fes. parties ; je crois avoir répandu fur tout cela un nouveau jour, en expliquant les diverfes circonftances de tous ces mouvemens qu'on s'étoit contenté jufqu’à préfent de fentir. Le roulis & le tangage m'ont que des rapports très-éloignez avec la mâture, la vio- lence ou la lenteur de leurs mouvemens n'empêche pas que le navire ne foit bon ou mauvais voilier. Les inclinaifons que eaufe le roulis font bien différentes de celle que produit Teffort du vent. Ces premières font toüjours alternatives, & lorfque le navire eff laiffé entièrement à lui-même, & qu'elles font devenues aflez régulières pour former des ofcillations ‘ fenfiblement ifochrones, elles fe font autour du centre de gravité du vaifleau, comme je l'ai prouvé vers la fin du fecond: livre du Traité du Navire, & leur promptitude dépend prin- cipalement de la diftribution des parties légères & pefantes de la charge, felon qu’elles font fituées à plus ou moins de diflance du centre de gravité. H s'agit d'intérêts bien plus importans lorfqu'on fe propofe de difpofer la mâture; & d'ailleurs le navire eft cenlé donné, fa figure eft déterminée, er: DES SCIENCES. 324 + M charge, la place de fon centre de gravité, &c. La diftri- . bution dont nous venons de parler ne fait rien dans ce der- … nier problème, pourvü que le centre de gravité foit toûjours à {a même place. Nous avons vû enfin, & la chofe eft fen- fible par elle-même, que c'eft pendant l'accélération fubite … d'une bourrafque quelles vaiffeaux doivent moins bien porter - Ja voile. Ainfr pour terminer toute difpute, ou pour nous . décider abfolument entre les deux différens fyflèmes de - mâture, & achever de reconnoître fi nous avons bien fait À . de préférer le premier au fecond, il ne nous refle qu'à voir - fi l'on doit donner au navire toute la voilure qu'il peut foû- - tenir lorfqu'il a acquis tout fon mouvement uniforme, ou ff on doit fe borner à la petite quantité de voiles qu'il peut … porter fans rifque pendant une bouffée violente, ou pendant un grain qui l'oblige de changer d'état, & de pañler aétuelle- _ ment & fubitement à une plus grande inclinaifon. - … Nous pourrions difcuter la chofe en tentant une approxi- mation du problème pris dans le fecond fens , il fe préfente un moyen très-facile d’en fimplifier extrêmement la folution. Comme le navire eft déjà incliné, & que toutes fes parties m'ont que de très-petits arcs à décrire lorfque l’inclinaifon eft - portée plus loin, ce n'eft pas la difficulté qu’elles font à rece- voir du mouvement, ou, pour m'expliquer en d’autres termes, _æe n'eft pas leur inertie qui met un obftacle confidérable à la fubverfion, c'eft le choc de l'eau contre la proue & contre | Le flanc de la carène, c’eft outre cela la pouflée verticale de eau, cette force qu'ont toutes les liqueurs pour pouffer em … haut les corps qui nagent fur leur furface, Pour peu que le » pavire s'incline, le centre de gravité de 1a partie aétuelle- . ment fubmergée, avance du côté même de l'inclinaifon, & - Ja force dont nons parlons fe trouve placée plus avantageu- fement. Or il réfulte du concours de toutes ces circonftances, que le navire eft comparable à un corps qu’on pouffe avec «peu de vitefle contre un reflort très - violent ; dans ce cas le mobile ne contracte point de mouvement qui le fafle à {on tour contre le reflort, & l'équilibre ne fubfifte S ii 326 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr continuellement qu'entre la force motrice & le reflort qui fe -contraéte : c'eft à peu près la même chofe lorfque le navire eft expofé à un grain ou à une bourrafque, l'impulfion aug mente jufqu'à un certain terme, qui ne dépend pas abfolu- ment de la vitefle actuelle du vent, parce qu'il faut toûjours en déduire celle du navire, où au moins une partie; mais tant que limpulfion eft réellement plus grande, l'inclinaifon left auffi, & on ne voit point celle-ci augmenter pendant que celle-là diminue. Ainfi il faut ne compter pour rien le mouvement de rotation déjà acquis; il y a un continue équilibre entre le choc du vent d’une part, & de l'autre le choc de l'eau aidé encore de la force avec laquelle la mer agit toûjours verticalement de bas en haut par la réaction de fon poids. Cette manière de confidérer le problème le rend beaucoup plus fimple, mais nous ferions obligez malgré cela de faire différentes fuppofitions fur la manière dont le vent accélère fa viteffe, & {ur la progreffion qu'il fuit en formant la bour- rafque. L'élaficité de l'air doit ici toüjours entrer pour beau- coup: quelquefois ce ne font que différens lits de vents qui viennent fe rencontrer de divers côtés, & il doit réfulter de leurs directions particulières une direétion commune, fur laquelle le mouvement doit être plus rapide. Outre cette hypothèfe il faudroit encore en faire d’autres, qu'il ne feroit pas plus poffible de vérifier par des obfervations. Nous ne pourrions donc jamais faire aucune application füre d’une difcuffion qui ne feroit fondée que fur des principes trop arbitraires : au lieu qu’en portant la vüe plus loin, en jetant les yeux fur des navires qui font expofez à un coup de vent, nous pouvons nous épargner tous ces examens particuliers, & nous inflruire beaucoup mieux & beaucoup plus vite. Nous avons fur cela des expériences qui ne font que trop certaines, & qui nous apprennent que le vent acquiert fouvent une fi grande force, que le meilleur navire ne peut pas foûtenir la moitié ou le tiers de fes voiles, quelquefois même il faut les ferrer toutes, & d’autres fois il faut abattre jufqu'aux mâts. DES SCIENCES 22 * Aüinfi on voit que la feconde manière de confidérer le * problème de la mâture, n’offre rien de déterminé, Pour éviter . des accidens qui font rares, & dont nous avons d’autres moyens de nous mettre à couvert, nous renoncerions à tous _ les avantages de notre navigation. Le premier effet qui en … réfulteroit, ce feroit de diminuer tout d’un coup d’un quart . ou d’une cinquième partie la vitefle de nos navires de la len- teur defquels nous nous plaignons toüjours. D'autres marins plus timides, voudroient porter la fécurité encore plus loin, ils retrancheroient la moitié de la marche, & à force de vouloir rendre la navigation füre, on la rendroit effective- . ment plus dangereufe, en tombant dans tous les autres in- convéniens qu'entraine l'extrême lenteur, comme la perte des faïfons favorables, la mortalité caufée à l'équipage par la - trop longue durée des traverfées. &c. Outre cela on ne feroit … pas encore à couvert de péril dans un coup de vent, car on . ne fçait pas dans le commencement d’une bourrafque jufqu’à quel point elle portera fa violence, & on ne peut pas fur la foi d'une folution de problème, qui n’eft qu'hypothétique, fe hafarder à porter les voiles lorfqu'il faudroit peut - être les » frrer avec précipitation, ou même abattre la mâture, _ Ce n’eft pas la même chofe lorfqu'on confidère le pro- “ blème dans l'autre fens, dans celui que je lai réfolu. I eft | vrai que dans le mauvais temps on a toûjours beaucoup à craindre, mais le péril auquel on s’expofe eft néanmoins moins grand, parce qu’on ne fe repofe pas témérairement fur » une folution imparfaite de problème. Lorfque le vent eft favorable on en profite, & fi on navige dans une mer ora- - geufe, il fuffit de prendre les précautions qui font commu- - nément en ufage pour écarter tous les accidens qu’on peut -humainement éviter. Le vent ne fçauroit recevoir une plus + grande vitefle fans poufer l'air qui eft au devant de lui, un vent plus rapide eft néceffairement précédé par un autre qui fe meut déjà un peu plus vite. On ef par conféquent toüjours averti dû danger avant qu'il arrive, & la partie de l'équipage At 328 MrMOïREs DE L'ACADEMIE RoraLt qui n'eft fur pied que pour y prendre garde, a toûjours tout le temps d'agir, & peut y réuffir d'autant plus aifément, qu'il n'eft queflion prefque toüjours, que de lâcher quel- ques cordages pour fe mettre à couvert de tout péril. Rien n'empêche enfuite, fi le vent fe foûtient dans ce même degré de force, de difpofer derechef les voiles. Le temps qu'on em- ploiera à cette opération ou à cette manœuvre, permettra au fillage de s'accélérer, & fouvent on fe fervira fans rien craindre de ce vent plus fort, qui n’étoit redoutable que parce que le navire n'avoit pas encore acquis toute la vitefle de fillage qui devoit y répondre, 2 … DU HE. à | D'Eis 418: C1 re Nc ES 329 DU SYSTEME DU MONDE Dans les principes de la gravitation univerfelle. Par M. CLAIRAUT. Ï E fameux livre des Principes mathématiques de Ia Phi- Là à l'Affem- lofophie naturelle, a été l'époque d’une grande révolu- È tion dans Ja Phyfique. La méthode qu'a fuivie M. Newton , fon illuftre Auteur, pour remonter des faits aux caufes, a répandu la lumière des Mathématiques fur une fcience qui jufqu'alors avoit été dans les ténèbres des conjectures & des hypothèfes. Mis s’il eft jufle de reconnoïître tout ce qu'on doit à ce grand homme, on ne fçauroit aufli s'empêcher d’avouer que la manière dont il a expofé fes découvertes, a dû retarder confidérablement l'utilité qu'on en pouvoit retirer; je ne parle point ici de l’art avec lequel il avoit caché fa méthode des fluxions, la clef de toutes fes fçavantes recherches, parce que cette méthode, après lui avoir été arrachée, eft devenue {1 familière, qu'on a oublié tout le tort qu’il avoit eu de ne la pas communiquer. Mais n’eft-on pas en droit de lui re- procher un autre tort, qui a fans doute frappé tous ceux qui ont étudié fon livre avec une véritable envie de l'en- tendre ? c'eft que dans la plüpart des endroits difficiles il emploie un trop petit nombre de paroles à expliquer {es principes, tandis qu’il paroît fe livrer avec complaifance aux détails & aux vérités de calculs fur lefquels les lecteurs ne & feroient aucun fcrupule de s’en rapporter à lui, lorfqu’ils + pofsèdent ce qu'il faut pour en trouver les démonftrations. P q P Les difficultés qu’on trouve à fuivre M. Newton, foit à MW'entrée, foit dans tout le cours de fon ouvrage, ont pro- L: deux effets également nuifibles ; beaucoup de fes lecteurs font rebutez au premier examen, & {€ font flattez de Men. 1745. | 5 lée publique u 15 Nov. 747: 30 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE RoyALE détruire fon fyflème fans fuivre les calculs & les obfervations fur lefquelles il eft fondé, ils ont cru pouvoir s'en éviter la peine, en cherchant dans la Métaphyfique des moyens de prouver l'impoflibilité de l'attraétion, comme caufe & comme propriété que la matière a par elle-même : ils ne penfoient pas que quand même leur démonftration auroit été fans replique, ils étoient réfutez par un feul mot de M. Newton, qui avertit en propres termes, qu'il n'emploie le mot d'aftratfion qu'en attendant qu'on trouve fa caufe, & en eflet il eft aifé de juger par le livre des Principes mathématiques de la Philo- fophie naturelle, qu'on y a feulement pour but de conflater Yattraétion comme fait. D'autres lecteurs, & c’eft le plus grand nombre aujour- d'hui, ayant faifi une partie des découvertes de M. Newton, & ayant trouvé tout ce qu’ils comprenoient de fon fyflème, d'accord avec Ja Nature, fe font peu fouciez d'entendre le refte de l'ouvrage, & ils l'ont adopté fans examen. Ils ont même été beaucoup plus loin que l’Auteur dans leurs fup- pofitions, tout phénomène leur a paru expliqué dès qu'il pouvoit être lié par quelqu’efpèce de calcul à l’attraétion ; loin de chercher à affermir les fondemens du fyflème, on n’a penfé qu’à lui donner plus d’élévation, & à en étendre les limites. Afin de jufifier ce que j'avance ici, je vais expofer dans toute leur force les raïfons qui déterminent communément en faveur du fyftème de M. Newton; je rendrai compte enfuite des motifs qui m'ont engagé à chercher de nouvelles preuves de ce fyftème, du travail que demandoit cette re- cherche, & de ce qui en a réfulté. On doit au célèbre Képler les deux plus belles loix qui aïent jamais été remarquées dans la marche des planètes, & les plus propres à conduire aux caufes de leurs mouvemens : Yune de ces loix nous apprend que pendant qu’une planète parcourt fon orbite autour du Soleil comme centre, fi on imagine des lignes tirées continuellement de ce centre aüx lieux où fe trouve la planète, les efpaces compolez de toutes PS RME ) D'E4 S 4 «$C! ENG Æ(S 331 ces lignes font toûjours proportionnels aux temps que fa planète a mis à parcourir les parties de l'orbite qu'ils con- tiennent. L'autre loi confifte en ce que les temps employez dans les révolutions font d'autant plus longs, que les rayons principaux de leurs orbites font plus grands, & cela en raifon de la racine quarrée des cubes de ces rayons, c’eft-à- dire que fr deux orbites de planètes ont leurs rayons comme 4 à 9, leurs temps périodiques feront comme 8 à 27. De la première de ces deux loix, & de ce qu'un corps mis une fois en mouvement iroit fans cefle en ligne droite s'il n’en étoit pas détourné par quelque caufe, on conclut affez faci- lement, & il fufht prefque de l’infpeétion de la figure pour le comprendre, que chaque planète eft pouflée continuelle- ment vers le Soleil par quelque force ; mais on ne voit pas par cela feul quelle eft la loi fuivant laquelle cette force agit. Comme on fçait d’ailleurs que les courbes décrites par les planètes font des ellipfes dont le Soleil occupe un foyer, on découvre, en employant le calcul, que la force qui pouffe chaque planète vers le Soleil, agit dans la raifon renverfée du quarré des diftances, c’eft-à-dire que fi elle eft deux, trois, quatre fois plus loin du Soleil dans un temps que dans l'autre, elle en fera quatre, neuf ou feize fois moins attirée. Si ces deux remarques ont pü faire découvrir que dans chaque orbite il y a une force qui pouffe vers le Soleil en raifon renverfée du quarré de Ia diftance, ïl falloit de nou- velles obfervations pour s’aflurer que {a même force régnoit dans toutes les orbites: on pouvoit craindre qu’en compa- rant les forces avec lefquelles deux planètes différentes ten- dent chacune au Soleil, ces forces ne fuffent pas entr'elles dans la même proportion qu’elles feroient, fi les deux planètes n'en n’étoient qu'une feule arrivée fucceffivement à ces deux 5 Or s'il avoit fallu fuppofer au Soleil des forces différentes, fuivant la nature de la planète fur laquelle il agit, de fyflème de l'attraction n’auroit point eu cette univerfalité qui fait un fr beau fpectacle aux yeux des Mathématiciens. 1 Mais la feconde des loix de Képler femble n’avoir été T't ij 332 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE obfervée que pour lui donner cet avantage, car dès qu'on prend la peine de calculer les temps périodiques des planètes, d’après la fuppofition qu’elles font toutes pouffées par la même force, on trouve qu’ils doivent être exactement comme les racines quarrées des cubes des moyennes diflances, ainfi que le prefcrit cette feconde loi. Ce n'eft pas cependant là tout ce qui annonçoit l'univer- falité de l’attraétion ; ces mêmes loix trouvées par Képler, pour les feules planètes qu’on découvre à la vüe fimple, ayant été confirmées par celles qui demandent le fecours du téle- fcope, je veux dire, par les quatre fatellites de Jupiter, & par les cinq de Saturne, on ne pouvoit pas manquer de recon- noître dans chacun de ces fatellites, une force dirigée vers la planète principale, & foûmife aux mêmes loix que celle avec laquelle les planètes principales tendent au Soleil. Or dès qu'on voit la même force agir dans des lieux fr diftans les uns des autres, & agir toüjours de la même ma- nière, quel que foit le corps d’où elle émane, on eft bien-tôt porté à regarder cette force comme répandue dans tout l'Uni- vers & dans toutes les parties de la matière. C’eft ce qu'a fait M. Newton, & ce qu'on ne fçauroit manquer de faire en parcourant avec lui les démonftrations rigoureufes qu’il donne des chofes que je viens feulement de rappeller. Du moment qu'on fuppofe une force attractive dans chaque partie de la matière, on entrevoit une infinité de phénomènes qui en doivent réfulter, on s’aperçoit en même temps qu'ils peuvent être calculez fans employer de nou- velle fuppofition ; & fi la théorie alors n’eft point démentie par l'expérience, la fuppofition devient un principe & une loi univerfelle. I réfulte, par exemple, de la mutualité de l'attraction, que fi la Terre attire la Lune, celle-ci doit auffi l'attirer à {on tour, & lui communiquer du mouvement; de-là on pourroit d’abord penfer que le mouvement de la Lune, lorfqu'elle tourne autour d'un point mobile, doit fuivre d’autres loix : D s118:0iT EnnNoereré 333 que celles que demande le cas où elle tourne autour d'un ‘point fixe; mais on eft bien-1ôt affuré du contraire en cher- chant les courbes décrites par deux corps, qui étant pouffez d'un & l’autre avec des vitefies, & fuivant des direétions quel- conques, décrivent par leur attraétion mutuelle des chemins réciproquement proportionnels à leurs mafles ; car on trouve que les mouvemens apparens de chacun de ces corps autour de l'autre, doivent encore fuivre cette règle des efpaces pro- portionnels aux temps : donc la fuppofition de la mutualité de F'attraétion eft confirmée en ce point. On voit enfuite que s'il y a un plus grand nombre de corps, leurs mouvemens ne fuivront plus exaétement les loix deKépler, & qu’ils fe feront dans des courbes fort irrégulières toutes les fois que ces corps feront comparables en groffeur les uns aux autres; mais fi, au contraire, il y a un de ces corps dont la mafle foit comme infinie par rapport aux autres, & que ces derniers foient tous diftribuez de façon qu'ils ne puiflent, par leur proximité, faire les uns fur les autres aucun effet comparable à celui du corps le plus puiffant dont ils font éloignez, on voit alors que tous les petits corps doivent tourner autour du plus grand, & fuivre à très-peu de chofe près, les mêmes loix que s’ils ne s’attiroient pas mutuellement. + Si on imagine maintenant que fort près de ces corps qui tournent autour d’un plus grand, il s’en trouve de beaucoup plus petits, alors ces derniers feront par rapport aux pre- miers, ce que ceux-ci étoient à l'égard du grand corps central, ils les accompagneront fans ceffe, & décriront autour d'eux des orbites dans lefquelles ils fuivront encore les loix de :Képler ; il y aura feulement quelques irrégularités produites par l'attraion du corps central qui, en agiflant inégalement fur les corps qui tournent autour de lui, & fur ceux qui font entraînez en même temps, trouble leur mouvement réci- j proque. Or on voit en effet que le Soleil, es planètes principales, ét leurs fatellites, ont les grandeurs & les pofitions néceffaires pour confirmer toutes ces conjeétures. Tt ii 34 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare H ya plus, on trouve que M. Newton n’a pas voulu né- gliger ces irrégularités des fatellites, il s’eft effentiellement attaché à déduire tous les dérangemens que la Lune doit éprouver par la force avec laquelle le Soleil agit fur elle en même temps qu'il agit fur la Terre : les variations que la Lune éprouve en allant de fa conjonétion à fon oppofi- tion avec le Soleil, fe trouvent, par exemple, conformes à ce qui doit réfulter de la théorie : les changemens de grandeur & d’excentricité qui arrivent à l'orbite, le mouvement totaf de cette orbite, en vertu duquel fon apogée, c’eft-à-dire, le point le plus éloigné de la Terre, fait une révolution en 9 ans; l'autre mouvement de cette même orbite qui pro- duit en 18 ans la révolution des nœuds ou points dans lef- quels la Lune rencontre le plan où la Terre fe meut; enfin toutes les inégalités de la Lune font le füjet d'autant de propo- fitions du 3° livre de M. Newton, dont il fuffit de lire les réfultats pour être frappé de leur accord avec les obfervations. Il eft vrai qu'on fe contente communément de ces réful- tats, & qu'on laiffe les démonftrations fur lefquelles il eft bien difficile de ne fe pas rebuter lorfqu'on voit l’Auteur y fuppofer des chofes plus difficiles à comprendre que celles qu'il explique ; mais après avoir fenti la beauté du fyftème dans tout ce qu'on en a pû entendre, on s'en rapporte à l’Au- teur fur cé qu'on n'entend pas. Paroït-il naturel de fe défier d’un guide qu’on a toûjours trouvé fidelle, & ne vaut-il pas mieux fe fervir de fes découvertes pour aller plus loin, que de revenir fur une route déjà battue, & dans laquelle on ne voit plus à gagner que quelques vérités de détail purement mathématiques ? À Quel que foit le degré de confiance qu’on doit avoir pour un grand homme, de fimples probabilités peuvent - elles fuffir à des Mathématiciens ? l'inrportance de 1a matière ne mérite-t-elle pas qu'on fafle tous fes efforts pour les changer en certitude, ou pour revenir dans Je chemin de Ia vérité fr on s’en eft écarté ? rte Après avoir examiné long-temps la théorie de M.Newton, D'Er sh sS CR 'E IN C'ENs 335 fans en tirer la conviction que j’attendois, je me fuis déter- miné à ne plus rien emprunter de lui, & à chercher directe- ment la détermination des mouvemens céleftes d’après la feule fuppofition de l'attraélion mutuelle : il falloit pour ÿ. parvenir commencer par ce problème. Trois corps étant donnez avec leurs pofitions, leurs mafles .& leurs vitefles, trouver les courbes qu’ils doivent décrire par leur attraétion fuppofée proportionnelle à leurs mañles, & en raifon inverfe du quarré des diflances. Bien des Géomètres avoient fenti qu'on ne pouvoit ar- river à rien de fatisfaifant & de général dans le fyftème du Monde, qu’on n’eût préalablement déterminé ces courbes ; mais perfonne, que je fçache, ne les avoit encore trouvées. M. d'Alembert*, fait pour attaquer & pour réfoudre les problèmes les plus difficiles, travailloit à celui-ci, fans que je le fçufle & dans le même temps que moi, l’Académie a vû nos folutions, qui lui ont été remifes le même jour; j'ai tiré de la mienne les fecours qu’elle offroit, pour pouvoir juger non feulement de ces propofitions du 3e livre de M. New- ton, fi difficiles à entendre, mais même de [a réalité de tout le fyftème. On trouvera à la fin de ce Mémoire les calculs fur efquels j’appuie mon fentiment ; dans cette introdution il me fuffira d'expofer en peu de mots la route que j'ai fuivie. De toutes les inégalités qui affectent le mouvement de 1a Lune, celle qui m'a paru la plus eflentielle à examiner, & en même temps celle que M. Newton a traitée le plus obfcu- rément, c'eft le mouvement de l'apogée : on fçait que c’eft de ce point qu'on part pour employer la plus grande des corrections du mouvement de la Lune, celle qu'on appelle équation du centre; cette équation peut aller jufqu'à 6 ou 9 degrés qu’il faut tantôt ajoûter & tantôt retrancher, fuivant la pofition où fa Lune eft par rapport à l'apogée. Or comme * M. Euler a donné une belle folution du même problème des trois corps, dans la Pièce qu’il a envoyée en 1747, pour concourir au Prix de: TAcadémie & qui l’a remporté ; mais cette pièce ne nous a été communi-- quée qu'après ma folution & tout ce que j’en ai tiré. 36 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr le lieu de l'apogée de la Lune, loin de répondre toüjours au même point du ciel, fait une révolution en moins de 9 ans, il faut donc pour ajoûter foi à la théorie employée par M. Newton, prouver qu'elle conduit à une telle révolution. Si cette théorie ne donnoit point de mouvement à l’apo- gée, ou qu'elle lui en donnät un affez éloigné du réel pour ne pouvoir pas en jeter les différences fur les erreurs des obfervations, elle feroit dès-lors condamnée fans appel, puif- qu’on feroit par fon moyen plus écarté du vrai qu'on ne l'étoit du temps des premiers Aftronomes, qui fuppofoient la Lune fe mouvoir uniformément dans un cercle autour de 1a Terre; car dans cette fuppofition on ne pouvoit fe tromper que de 6 ou 7 degrés pour la détermination d’un lieu de Ia Lune, au lieu qu’en fixant mal la révolution de l'apogée, on ajoütera fouvent au lieu moyen une équation de 6 ou 7 degrés, tandis qu’il la faudroit retrancher, ce qui produira une erreur de 1 3 ou 14 degrés. Voyant donc toute l'importance de fa détermination du mouvement de l'apogée, j'ai cherché à le tirer de la folution du problème général dont je viens de parler : cette opération étoit plus difficile que la folution du problème même, parce qu'en déterminant l'orbite d'une planète, on peut négliger fans fcrupule, des petites quantités qui ne fçauroient faire d'erreur confidérable pour une révolution , mais qui peuvent devenir d’une conféquence infinie dans un auffi grand nom- bre de révolutions qu’il en faut pour connoître le mouve- ment de l'apogée. Après avoir mis à ce calcul toute l'exactitude qu'il de- mandoit, j'ai été bien étonné de trouver qu'il rendoit le mouvement de apogée au moins deux fois plus lent que celui qu’il a par les obfervations, c'eft-à-dire que la période de l'apogée qui fuivroit de l'attraction réciproquement pro- portionnelle aux quarrés des diflances, feroit d'environ 18 ans, au lieu d’un peu moins de 9 qu'elle eft réellement. Un réfultat auffi contraire aux principes de M. Newton, me porta d'abord à abandonner entièrement l'attraétion | mais a pra pratin as ARR sr DES SCIENCES, 337 mais en faifant attention enfuite à la quantité de phénomènes avec lefquels elle s'accorde, à l'obfervation des loix de Képler dont j'ai parlé plus haut, au mouvement des nœuds de 1a Lune que j'avois calculé féparément, & trouvé affez conforme à ce qu'apprend l'Aflronomie, au flux & reflux de la mer dont la théorie a été vérifiée par les plus habiles Mathéma- ticiens, & enfin à plufieurs'autres queflions également favo- rables à l'attraction , il me parut aufli difficile de a rejeter que de F'admetire. Une fuppofition qui ne conduit qu'à des rélultats vagues, peut cadrer avec la Nature dans quelques phénomènes, fans en être plus folidement établie; mais lorf: qu'elle donne dans ces phénomènes des nombres qui s'ac- cordent avec ceux qu'annoncent les obfervations, Ja probabi- lité acquiert un grand degré de force : il faut donc qu'il ait quelque moyen de concilier les raifons qui femblent à {a fois coftraires & favorables à l'attraction. Ce qui nv'a paru de plus fimple & de plus propre à fervir de dénouement, c'eft que l'attraction a lieu dans {a Nature, mais en fuivant une autre loi que celle qu'avoit établie M. Newton : cette idée qui vient d’abord à l'efprit, eft en même . temps combattue par une difhculté qui femble 1a détruire ; la Lune exige fans doute une autre loi d'attraétion que le quarré des diftances, mais les planètes principales ne deman- dent -elles pas au contraire cette loi en conféquence de l'obfervation des règles de Képler? Il eft aifé cependant de répondre à cette difficulté, en faïfant remarquer qu’il y a une infinité de loix à donner à l'attraction, qui différeront très- {enfiblement de Ja loi du quarré pour de petites diflances, & qui s’en écarteront fi peu à de grandes, qu’on ne pourra pas s'en apercevoir par les obfervations; ceux qui ont f’analyfe familière imagineront ces loix fans peine : qu’on regarde, par exemple, la quantité analytique qui exprime la relation de l'attraction à la diftance comme compofée de deux termes, Jun ayant le quarré de la diftance au divifeur, l'autre le quarré quarré, on verra en comparant les effets de l'attraction à deux Mem. 1745: Vu 338 MEmoiREs DE L'ACADEMIE Rovare diflances, dont l'une efl au moins cent fois plus petite que l'autre, telles que la diftance de fa Lune à la Terre, & celle de Mercure au Soleil, on verra, dis-je, que pour la première diftance l'attraction fera fenfiblement différente de ce qu'elle feroit dans la loi du quarré, & que pour la feconde la diffé- rence fera au moins 10000 fois plus foible. Or quoique la première différence qui a lieu pour la Lune, produife cette énorme correction de 9 ans qu’il faut faire à la révolution de l'apogée, la feconde produira un fi petit changement dans le mouvement de Mercure, qu'on ne pourra l'apercevoir que par une fuite d'obfervations de plufeurs fiècles. J'avois autrefois imaginé de pareïlles formules d’attrac- tion, pour expliquer comment une même force qui ne fe manifefteroit dans les mouvemens céleftes que proportion- nellement aux quarrés des diflances , pourroit cependant agir comme les cubes ou comme des puiflances plus élevées, dans les phénomènes qui fe paffent fous nos yeux, tels que la rondeur des gouttes de fluide, l’afcenfion & la dépreflion des liqueurs dans les tuyaux capillaires, l'incurvation des rayons de lumière, &c. je ne croyois pas alors que cette autre partie de Fattraétion proportionnelle aux cubes ou à d’autres puiflances, püt fe faire connoître par les planètes même. N'ayant pas fçu trouver dans ce temps-là la vraie théorie de la Lune, je me ferois bien gardé de croire autre chofe que ce qui réfultoit de celle de M. Newton. La folution du problème général dont j'ai déjà parlé, ne m'a pas feulement conduit à la détermination de l'orbite de la Lune, elle m'a donné celle de Saturne plus difficile encore à déterminer. M. Newton avoit bien remarqué que cette planète étant voifine de Jupiter, devoit éprouver affez fen- fiblement fon attraction pour que fa marche en fût altérée, mais il n’avoit point appris fes moyens de connoître la quan- tité de l'altération ; cette queftion eft le fujet du Prix que Y'Académie diftribuera l'année prochaine. I ne m'étoit pas permis de concourir pour le prix, mais il ne pouvoit pas PR PER NE Tr DES SCIENCES. 339 m'être défendu de chercher à réfoudre la queftion à laquelle il étoit attaché, Je n'ai cité la loi compofée du quarré, & du quarré quarré de la diftance, que pour donner plus facilement une idée de mon fentiment fur la pefanteur univerfelle : il faudroit entrer dans les détails analytiques pour faire voir les inconvéniens qu'auroit cette loi *, & les moyens d'en former une autre qui en fût exempte. Lorfque je publiai mon Livre fur la figure de la Terre, je fis remarquer que nos mefures du Pendule ne saccor- doïent point avec nos déterminations de Farc du Méridien fi on fuivoit le fyflème de l'attraction , & j'attendois alors le réfultat des obfervations de Mrs Bouguer & de la Conda- mine, pour fçavoir fi ce défaut d'accord ne venoit pas de quelques légères erreurs inévitables dans la pratique, lef- quelles auroient fait beaucoup plus d'effet fur la diftance où nous étions allez mefurer notre degré, que fur celle où ces M's avoient fait leur opération : à leur retour, voyant qu'ils confirmoient entièrement notre travail, il ne m'’eft plus refté que: des doutes fur l'attration établie par M. Newton, trop foibles cependant pour détruire le préjugé où Jj'étois alors en fa faveur. Appuyé maintenant fur ma théorie de la Lune, je ne m'en prends plus qu'à linfufh- fance de Ia loï du quarré des diftances, & cette infufflifance pourroit bien être plus fenfible à la diftance où nous fommes du centre de la Terre, qu'à celle de la Lune à nous. Paffons maintenant à la théorie fur laquelle eft fondé. tout ce que je viens d'avancer dans ce Mémoire, ? * Ces inconvéniens feroient.de donner. beaucoup trop de force attractive aux corps contigus ou peu éloignez"lesiunsdés autres, & de rendre la gravité totale fur la furface de la. Terre trop-grande-relativement à ce qu’elle eftcà la diftance de la Lune, | Vu ïj 340 MEMOIRES DE L'ÂACADEMIE RoyALz LEMME ÎI. Soit* AKL une ellipfe ayant € pour centre, T° pour foyer, À pour fommet du grand axe: f1 on cherche l'équation de cette ellipfe entre un rayon quelconque 7, & l'angle qu'il forme avec un axe AT paflant par le foyer T & pris à volonté; que l'on nomme p le demi-paramètre du grand | axe, cle rapport de l’excentricité C Z'au demi-grand axe AC, r le rayon quelconque TL, U l'angle KT L, & Q l'angle KT A, on aura pour l'équation de cette ellipfe, EL = 1 —c cof. Q cof U+- fin. Q fin. U. LEMME IL Si la courbe À L, au lieu d’être une ellipfe ou une autre fe&tion conique décrite par un corps jeté avec une vitefle, & fuivant une direction quelconque, lequel feroit animé d’une force tendante continuellement vers 7, & exprimée par une mafle 1 divifée par le quarré de Ja diftance TZ, étoit celle que le même corps lancé de la même manière, dé- CAE ê UE M criroit étant animé de deux forces exprimées Par + @; & 7, dont la première tendroit vers 7, & l'autre agiroit toûjours dans une direétion perpendiculaire à la première, on auroit pour équation de cette courbe, LE — 1 —ccof. Q cof U+- cfin. Q fin. U+ fin. UfQ of. VdU— cof. U[Q fin. UdU, dans laquelle Q repréfente- roit la quantité LT AA Ja "du * Ce qui fuit jufqu’à la page 353 a été Iû dans l’Académie le 28 Juin 3747 & les Affemblées fuivantes. La plus grande partie en avoit été donnée. dans plufieurs papiers paraphez par M. de Fouchy, les 7 Janvier, 1 5 Mars. & 14 Juin 1747: 4 Î F DES SCIENCES 341 U étant, comme dans le lemme précédent, l'angle KT L, r le rayon 7'L, Q l'angle que fait À avec le grand axe AT de la feétion conique qui feroit décrite par {a feule force far p le demi-paramètre de fon grand axe. rr j | A l'égard du temps employé à parcourir un arc quel- “ conque À L de cette courbe, il auroit pour expreffion { Ur f- _— , où p feroit la quantité donnée par l'équation À tro for dt } On voit par l'équation précédente, que fi on connoît à - peu près l'orbite cherchée XL, on n'aura befoin que des quadratures pour la connoître auffi exaétement que l'on vou- dra; car prenant Ja valeur de r en U que donne l'équation de l'orbite fuppofée voifine de Ia véritable, & la fubftituant dans la valeur de Q, cette quantité ne deviendra qu'une fonction de U, & par conféquent la quantité fin. Uf[Q cof. UdU — cof. U[Q fin. UdU. Ayant par ce moyen une valeur de r plus exaéte que la première, on Ia fubftituera de nouveau dans celle de Q, ce qui en formera une feconde, qui étant fubflituée au lieu de la première dans la valeur de 2, donneroit une troifième valeur de r encore plus 14 exacte que la feconde, & ainfi de fuite, LEMME ÏIIlL. La quantité fin. UfQ cof. UdU— cf. UfQ fin. UdU, lorfque Q — cof. U, c'eft-à-dire, le cofinus d’un multiple de l'angle U, eft égale à —— ë cof. U=S RESTE cof. nt CU. Cette propofition: eft facile à démontrer en employant les FA I . . — » valeurs f. connues aujourd'hui, Dire 1 : fa À pe 1 * Dee a : du finus & du cofinus d’un angle 7, ro: peut y parvenir encore plus fimplement fans employer k Vu ii ; 42 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE RoYALE fa forme imaginaire des finus & cofinus, en fe fervant des théorèmes fuivans, que tous les Géomètres connoïflent, A & B'étant deux angles quelconques, fin. À fin. B= + cof. (A —B) — + cof. (A+ B) fin. À cof. B—= + fin. (A+ B) +- + fin. (A— Ë) cof, A caf. B = + cof. (A + B) +- + cof. (A — B) d (cof. À) = — d'Afin. À; din. À) =d À cof. À. M. Euler eft le premier, que je fçache, qui ait fait ufage de ces théorèmes pour opérer fur les finus & cofinus d’an- gles, fans avoir recours à leurs formes imaginaires. APPLICATION DES PRINCIPES PRECEDENS à la théorie de la Lune. Soient C L l'orbite que la Lune décrit autour de Ja | Mmes PALAU Terre, S y l'orbite appa- à se rente du Soleil; 7 Cy une droite qui pañle par les deux S } Aftres au moment où lon fuppole que le Soleil com- ? mence à troubler les mouvemens de Ia Lune; S Z les lieux du Soleil & de fa Lune après un intervalle de temps quel- conque. Il eft évident que la force qui poufle la Lune vers la Terre, C , (M repréfentant Ia fomme des mafles de la Terre & de la Lune) mais en même temps que cette planète eft pouflée vers la Terre par la fomme de leurs attractions mutuelles, elle eft attirée vers le Soleil par N SLTY & la Terre de fon côté eft auffi attirée vers le Soleil par fera exprimée par (fuppofé que N défigne la maffe du Soleil) la force la force N Diet Pour déduire. de ces trois forces la force totale qui poufle 2 ETES ER DES SCIENCES 343 la Lune dans la direction LT'*, & celle qui eft perpendi- culaire à cette direction, on commencera par -décompolfer s HR dE la force 7 qui tire la Lune vers Sen deux autres, dont l'une agiffe fuivant LT, & l'autre fuivant L X parallèle à ST. V1 N LT La première de ces deux forces fera MN Sr dE la ; N ST feconde TL X TL! Comme la force concourt avec la force ALT M SL Par À NAT E à tirer la Lune vers la Terre, & que la force = doit 1: EME N É être diminuée de Ia force Rorrat AVEC laquelle Ia Terre eft attirée dans la même direction, ïl eft clair que les véri- tables forces accélératrices de la Lune dans l'orbite qu'elle NxLT décrit autour de 1a Terre, font er Ale NxLT N nt : . 5 TD Sr dont la première agit fuivant la direc- tion LT, & la feconde fuivant LX parallèle à ST. Do are à NxST N Si l'on décompofe enfuite la force —=— — = en deux autres, dont l'une tire fuivant LT, & l'autre perpendi- 438 d Ne M NxLT Do à cette direction, on aura LEE ne cn NxST N R 2 TT UE = — gs ) cof. ST L pour la force totale qui NxST N tire Ja Lune vers 7, & {= ——) RATE pour celle qui la tire perpendiculairement à cette direétion, & qui tend à retarder le mouvement de la Lune, en fuppofant qu'elle aille de C vers L. - Ji ne faut donc plus, pour avoir l'équation de l'orbite de . * Si l’on ne trouvoit pas fuffifäamment démontrée cette manière de dé- terminer les forces accélératrices de la Lune dans l’orbite qu’elle décrit aurour de la Terre, on n’auroit qu’à recourir au Mémoire que j'ai donné en 1743 fur la même matière, on y trouveroit (pages 17, 18 & 19): une inéhote . plus claire & plus détaillée, 344 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare fa Lune, que fubflituer dans l'équation générale du femme précédent, à la place de @ la quantité xLT NxST N : ME TRAUTTAUAT LITE 7 cof. ST'L, & à Ja place 2 NxST N de T Ja quantité Dr ÉRrE ES mort fin. STL, Comme fa diflance LT eft incomparablement plus petite que les diftances LS & ST, il eft facile de fimplifier beau- coup les expreffions des forces @ & 7; car fubitituant à fa place de SL, ST — LT cof. STE, & négligeant les fe- condes & troifièmes puiflances de Z,T'auprès de celles de NxLT ST, on peut mettre 2 cof. S TL au lieu de Nat N J a eat & par ce moyen les valeurs de @ & NxLT 2 3 de æ feront RE [1—3 (cor. ST L)] & ne NxLT 2? fin. SZ'L cof. S TL, où — 3NxLT PC mt fin. 2 VAN EE Suppofons maintenant, pour rendre l’ufage du lemme IT un peu plus fimple, que lorfque le Soleil & la Lune étoient en conjonction dans la droite TC, la Lune étoit de plus apogée; il eft évident que non feulement cette fuppofition eft permife, mais qu’elle donnera même toute la généralité pofflible à l'équation de l'orbite, fr l'on arrive à une équation qui exprime autant de révolutions fucceffives qu’on voudra, puifqu'il doit y avoir un point où Ja Lune eft apogée & en conjonction en même temps, & qu'on n'aura qu'à compter toutes les longitudes de [a Lune d'après ce point comme époque, en regardant l'angle CT L comme compolé d'au- tant de fois 360 degrés qu'il fera néceffaire. Enfin gardant les mêmes dénominations que ci-defius, nommons 7 l'angle S7°L qui exprime 1a diftance du Soleil à la Lune, / le rayon de l'orbite du Soleil, nous n’aurons plus, pour avoir l'équation de l'orbite de la Lune, qu'à LL ans (24 + cof. 28TL) s DES SCIENCES. 34$ dans l'équation Z = 1 — ccof. U+- fin. U/Q cof V4 D — cof. UfQ fin. UdU, à la place de Q ce que devient + AT — un fra a 3 Lien nr 7: frra0 Nr met à la place des forces @ & æ les valeurs — FF (Z-3 cof. 27) & — _ occafion. Faifant ces fubftitutions des valeurs de @ & de 7, & négligeant, à caufe de la petiteffe de ces quantités, les termes où {e trouveroient leurs puiflances ou leurs produits, Ia va- fa valeur générale , lorfqu'on r , . fin. 2 Z'qu'elles ont en cette PROPRES RCONERN Fe l Nr 3 Nr 3 Nrrdr d A —© —_—©Ù — — a —— - leur de Q fera LMP ME RP nr 3 N fn, 2 D 5 [5 fin. 27 dU. I! eft vifible maintenant que fi on peut changer cette valeur de Q en une autre qui ne contienne que des fonc- | tions de Ü avec des conftantes, la fubftitution de © dans Îa valeur générale de + donnera tout de fuite la conftruétion de l'orbite. Or comme dans cette application du lemme II, © eft une très-petite quantité, on voit fans peine qu'il fuffira de connoître à peu près la valeur de 7 & de T'en Upour avoir (À lous la forme cherchée. La première idée qui fe préfente pour connoître cette va- leur approchée de r & de 7, c'eft de regarder la Lune comme décrivant l’ellipfe qu'elle auroit parcourue fans l’attraétion du Soleil, laquelle a pour équation À 1 —ccof. U, & ce qui porte à penfer ainfi, c’eft que la force perturbatrice du Soleil étant fort petite auprès de fattraction de la Terre, lorbite troublée ne doit pas différer beaucoup de l'orbite primitive. Mais fi l'on fait attention que l'orbite de la Lune, quoique + peu dérangée d’abord par la force perturbatrice du Soleil, Le — devient enfuite davantage de révolution en révolution, on Mem, 1745. X x 346 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe verra que pour parvenir à une équation qui exprime un grand nombre de révolutions, on s'écartéroit plus du vrai en prenant l'équation + = 1 — c cof, U pour exprimer l'orbite de la Lune, qu’en prenant l'équation d’un cercle, puifqu'après une demi-révolution du mouvement de l'apfide, le rayon 7°C qui étoit d’abord la plus grande diflance, fe trouveroit alors a plus petite. H faut donc choifir pour première équation de l'orbite Junaire, quelqu'équation qui ne s'écarte jamais confidérable- ment de la vraie. Pour faire ce choix, je remarque qu'au lieu de l'équation _ = 1 — 6 cof. U, qui exprime l'ellipfe pri- mitive, fi on prend ee = 1 — ccof. m1 U, on aura l'équation d'une courbe formée en faifant mouvoir une ellipfe autour de fon foyer, en telle forte que fon apfide décrive un angle qui foit à celui que la planète parcourt dans cette ellipfe, comme 1 — "à m3; & j'en conclus qu’en fe rapportant au moins à ce que les obfervations nous apprennent, cette équa- tion doit être plus voifine de celle qui exprime véritable- ment f'orbite, que la feule équation TZ Cr CS pourvû que la lettre #1 foit déterminée convenablement. Je remarque enfuite qu'au lieu de garder le même demi-para- mètre p, & la même excentricité c, il vaut mieux fuppofer un autre paramètre k, & une autre excentricité e, parce que- fi on reconnoit que l'attraction du Soleil n’a fait que donner du mouvement à lapfde, fans changer ni fe paramètre ni l'excentricité, on fera toûjours à portée de faire 4= p, & e—c, au lieu que fi ces quantités ont dû être altérées par l'action du Soleil, on les déterminera par la comparaifon de LA » # À # . l'équation fuppofée — == 1 — e cof. m U,, avec Féquation ? I — 6 cof. U + fin. UfQ cof. UdU— cof. Ufa fn. UdU, dans laquelle on aura mis pour Q, ee qui vient DES SCIENCES 347 par la feule fuppofñition que la Lune fe meut dans la courbe “4 exprimée par TI —e cof. mU. On voit par la nature de cette fuppofition, que fans avoir recours aux obfervations pour fçavoir fi l'ellipie mobile ex- 2107 5 3 4 primée par l'équation T1 —e cof. MU, approche de celle qui eft décrite dans la Nature, on eft en état de re- connoître f1 la fuppofition faite s’écarte peu de ce que Îa théorie de l'attraction doit donner, & de rectifier enfuite cette fuppofition autant qu'on le jugera nécefläire; car fi on a choiïlt réellement une équation qui approche de la vraie, il eft certain qu'après avoir déterminé Q par fon moyen, & lavoir fubftitué dans l'équation générale, on aura une équa- tion qui ne différera de la première que par des termes dont Jes coëfficiens feront très-petits. Il y a plus, c’eft que fi on avoit la forme des termes que doit avoir la véritable équation de l'orbite, on en détermineroit aifément, & fans rien né- gliger, tous les coëfficiens par cette méthode. Cherchons maintenant la valeur de © dans 1a fuppofition , qu'on détermine 7 & T'par ces conditions, que l'orbite de la RARES 4 Lune f{oit exprimée par — = 1 — e cof. Ü, & que le temps employé à parcourir un arc quelconque de cette L (1 . . A y ï 2 . courbe, foit exprimé fimplement par UE fr dU, au lieu —f Eau dues he ouvant être qu’ QT ie ESS que p ne pouvant être qu'une très-petite quantité, on peut négliger fon produit par les autres quantités de même efpèce. Par ce moyen l'expreffion du temps où m 3x r'dUfera ) en négligeant les k LE (D 2. fini M U Rte 3tein2m0 VPN. mm m iermes où e feroit à de plus hautes puiffances. Mais pendant que la Lune va de C en L, le Soleil va de + en S, & l'ex- … preffion du temps par l'arc S, fuppofé circulaire, doit être LE i 1 JE Min * angey1S où 5 (U—T). Xx i 348 MEMOIRES DE pneu RoyaALr 2 ef. MU 3€€ in. 2MmU s Rs FM (U L + — vN n—1 TE (U—T), qui, en faifant —— GE = en Ro les termes qui augmenteroient FAO PM le calcul, donne au 24u—V)in(e m0 enr) (Em) 0 36 {n—1) in (+ —2m GR Ge, — RE de D 0 Le nm nm 4nm U 24n—1)ot(++mU 2e (n—1) cot{ = —m)U 3e (B—1) cof (=—2m) GO 2 of + nm nm 4nm On aura enfuite de la même manière r?— 4° {1 + 3e ss rrdr + 3ecof MU + 36e cof. 2mU) ; — —=—3ckm Gin. mU— Geek min. 2mU; F=(i1+ Seet+4e cof. mU + See cof. 2 m U), & par conféquent srrdrin 27 3 c km cof ( =—m) U 3 € Em cof (= +m)U ie 24 trip PATTES au 2 2 3eek(mn+n—1) co (<— —2m) 0 Gee(n— 1) cf 2 A —————— — [2 4 L14 à Pot 27 R [(1+ 300) cof 2 + (55 2) cof, (= —m) U+ (Be —ÆE=%) cof. (= + m) (4 3ee(zmn+$n—5) 2 SERIE TU cof. (= —2mU]; fé fin. 2TdU=KF[— — (1 + 5 ee) cof. 2efn—1)—2emn LE CE) LEZ 2e{n—1)+2ems m(z2+mn) 23 (2— mn) 2 1o0eemmigee({n—1) 2 cof. M TT (= —2m)U 4en(n+ 1) 10nm+ 19e {2— 5) ; EC eur — né n° 8m(1— mx) 4 a Yon fubftitue MGute toutes = valeurs dans l'expreffion : 1 32À dQ, Oh aura en faifant « — 7% _ D: f— 141588 r2enk(n+1) 15 Ânee 3ocekmn+ 57e" k(n—1) — LE — —————— —— 2 (4m x) 37 Smpli—wr) * DES SCIENCES 349 32À 1ÿeenk 3eefn—:) Pi + lee EE SL, 2p 2p # SENAPEE 3{m—1) 6k mutant), ES q h—% LUE nn mp (é 2— MN He 3 3(1—1) GRO pmn—ats 3 (mn+n—1) a mn mp lions AA 2n \ 18mn+4$n—45$ 3okmn+ $74(n—:) à Lee MONET: UHIRE RAA TT on aura, dis-je, 20 Q—=af—Àe & cof. #1 U— g à cof. 2 = — «à € À cof. Vers . 2 2 2 — 1) U— ea i cof. ln +) U—e d g cof. (2m) U; & cette valeur de © étant introduite au moyen du lemme TI dans l'expreffion générale — = cof. U + — P P fin. UfQ co. UdU — + cof. UfQ fin. Ud U,. il viendra pour l'équation de l'orbite — = _ — = (C++ af j 3e Hans hean° ian°e TOP IR 4— DUR (2 —mn)—r° Ge (2+ mn) —n eaqn* 3æe gan* Fever), cof. U+- Ro er A ere EEE hn°a@e = 2 . cof. pe ad (= —m) U } iau*e gane* 7 AO nent PT(2—2m0) nn ] AE (= — 2 "m) U, qui femble d'abord s’écarter beaucoup cof. (= +) U+- L Ë , 1 Le e à _ de l'équation fuppofée — = — — — cof MU, mais qui peut, en déterminant £, e, m, en être fi fort rapprochée, _ qu'elle n’en différera.que par des termes toûjours très-petits, . quel que foit ©, c'efl-à-dire, après tant de révolutions qu’on voudra. En effet, fi lon fuppofe que les lettres indéterminées Z,. » …, m, foient telles que l'on ait 4 — sa Ci af 3ea gan hean° inea OT am) À 4 0 ane rs X iij, 350 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare qu n DRE re FLAL IR et « PR (—amn) Te? ap{mm—t) 4 l'équation précédente fe réduira à Ÿ — = — [ie cor. mU + 4 e #7 iaen À P(2+ mn) —x;] hen° ka 2 éme el. (rem) Die 2 gun x 2 cof. (Has ET ren 2m) U], qui ne diffère de l'équation fuppofée que par les quatre der- niers termes dont les coëfficiens font d’une petitefe fuffifante pour aflurer l'exaétitude de {a folution. Par cette équation de l'orbite de la Lune, on apprend que l'effet de l'attraction du Soleil fur cette planète, eft de changer d'abord l'ellipfe qu’elle auroit décrite par la feule attraction de la Terre, de donner fuivant l'ordre des fignes à l'apfide de cette ellipfe un mouvement très-lent par rapport * à celui de la Lune, lequel mouvement d'apfide eft déterminé »7 2 c € . * n par l'équation 7" — __ ©; enfüite d'altérer 2p(mm— 1) k cette ellipfe par trois corrections dépendantes de la fituation refpective du Soleil & de la Lune, corrections qu'on réduira facilement en tables, puifqu'elles font proportionnelles à des finus d’angles. Pour avoir l'expreflion du temps, de faquelle, à l'aide de quelques élémens aftronomiques & d'un problème femblable ‘à celui de Képler, on tirera la coûftruétion des tables de la ; . CS PES ï “aU Lune, il faut recourir à l'expreflion générale 1—, 3 vr M 1—+p dans laquelle » ou / _. eft — ne “ £ fin. 2 TdU, U OU — € —+ 4 cof. — + y cof (=——n) U+- à cof. (— +71) Un cof. (= — 2m) U; la lettre € ayant été mife 4en(n+1) ocemn+1oce{n—1) € 34a # à la place RE ÉRT 4m 8m(i—mx) D'E 8 S CFE NIC ES 351 Dee. J na k f —inec); w àla place de - (1 See); x de 3emn+3efn— 1) ka 3emn—3e{fn—1) ka (é 2—mn ) #1P # A de { 2 + nu / mp gocehmnaæ+syeeh{(n—1)« . , x de . Subflituant donc cette va- 16pm(1—mn) : #dU leur à la place de p dans l'expreffion ame elle deviendra : aU M br Li ecof mU+ 6 cof & U+ y cof (5m) U+ Neot (+) VHC cof (= — 2 m) VU]? Leu co + U+ Xcof (+ —m) UH Roof (+7) Ut-neof (ZE — 25) U] én fuppofant qu'on ait introduit dans la valeur de —, B à * - * T S &kn? haœen° A da place de —£ PP DDUR ER ee F pl(ez—mn)— nn] DES PS ,; d\ pour —, & C pour Eh pl +mn) —nr] ? p[(2—2 mn) —»] j Or cette expreflion, en négligeant ce qui peut être né- gligé, fe changera facilement en ianek \ dU Æ (ar+2Ba+ (LE 37 Has d) en) fn. 22 D une Re (1 — e cof. mn U) vVp AM 2 éntzpn+ (+30 + n+30) en) fin. Cm) HA: (nan + (pu +38) e#)in. (2 +m) OÙ 4 2 mn Fe 2+-mn um tit xet3rdm( 2m 0 (a+3denm (= +am) U L mt 54 2—2MAn AY 2 +21. à fn+3 Cents —3m 0 REENT CRE … On verra par l'évaluation en nombres des quantités qui . entrent dans cette expreffion, que tout ce qui fuit le terme ul dU : D j per eft beaucoup plus petit que ce terme, & que » par conféquent on avoit eu raifon, en cherchant la relation: de 7'à Upour déterminer Q, de regarder le temps comme . : Rd au proportionnel à [- pet » ] he du temps cherché. 25 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royaze Il eft aifé de reconnoître que cette folution peut donner le mouvement de la Lune pour un très-grand nombre de révolutions, & que fi ce nombre eft limité, c'eft que les termes négligez pour la commodité du calcul, peuvent apporter quelque petite erreur dans la détermination de " & der, & dans la relation de 4, e avec p, &c. Mais outre que cette erreur eft très-légère, & qu'elle ne pourroit pas écarter fenfiblement du vrai pendant une révo- lution entière de l'apfide de la Lune, on peut, en faifant un calcul plus long à la vérité que le premier, mais fondé entièrement fur les mêmes principes, parvenir à déterminer bien plus exaétement ces quantités. I! faudroit pour cela, au lieu de faire dans la valeur de Q, x aU [x — e cof. mU +- B cof. —— + cof. (= — m1) U+- d cof. (= + M) U + Ë cof. (<——2m) U] où B, y, d,Ë feroient des indéterminées, & au lieu de trouver 7, en a H(U—T) , x dU c — À ———— © — galant YN are (1 — 6 co. m U}* L . 2 3 (U—T} déterminer en égalant de trouver pour le temps, dans laquelle on auroit laiflé tous les coëfficiens indéterminez. Par ce moyen, comparant la — égal à la quantité — (1— e cof. m U), fuppofer — — — , il faudroit le à l'expreffion qu'on vient nouvelle expreflion de — & celle du temps qui viendroiïent à la fin du calcul, avec celles qu'on auroit choifies, & où toutes les lettres feroient indéterminées, on auroit beaucoup plus exactement que dans la première folution, la relation de p & cavec À & e, aufli-bien que les valeurs de », m1, æ, B, y, &c On auroit outre cela des termes de plus que dans la première folution, tels que des finus & cofinus de nouveaux multiples de Ÿ/, mais ces derniers termes feroient irès-négligéables. Afin 4 Des 28 CE sr iNc ES 357 * Afin d'appliquer la théorie précédente au eas de a : à + Nature, reprenons les trois équations EEE 2 4 ? 3e gan han e + af + pe ver AE inde 3eæ e > 4 —+- 0; — —— 7, aou (+mn) —r 2p (m°—:) dépendent les élémens de 'ellipfe mobile qui'fert, pour ainfi dire, de bafe à l'orbite lunaire. La dernière de ces trois équations fournit d'abord #° — 1 = — 222% où ak mi = 1 — À cÿ} AP , qui feule juflifie tout ce que j'ai avancé ‘au commencement de ce Mémoire, fur l’infufffance de Ia * Cet arricle & le refte du Mé- moire, n'a été Iû à l’Académie qu’a- près les vacances de 1747, mais tout ce qu'il contient avoit été remis en dépôt le 6 Septembre avant la fé- paration de l'Académie, & par con- féquent avant que les Pièces qui de- voient concourir pour le Prix fur la queltion de Saturne , euflent été re- mifes entre les mains des juges. Dans June de ces Pièces, celle qui a été couronnée, & qui eft du célèbre - M. Euler, on voit qu’il étoit par- * . venu, ainfr que moi, à des conclu- fions contraires à la loi établie par M. Newton, fans s’être fervi pour cela de la confidération du mouve- ment de l'apogée de la Lune : j'ai appris depuis par une de fes lettres, fultat, fur le mouvement de l’apogée “ dela Lune. M. d’Alembert a Iû à l'Académie 1e28 Février 1748 un Mémoire qu’il avoit remis à M. de Fouchy le 6 No- » vembre 1747, dans lequel il a fait auffi la même remarque que moi fur le mouvement de l'apogée, & la théorie “qu'il emploie pour y parvenir, eft rela- tive à un article du Mémoire qu'il “avoir donné à l’Académie le 14 Juin Mem, 1745 qu'il étoit aufii arrivé au même ré- : 1747; & quoique cet article n’ait pas été [à dans l’Académie, comme ïül avoit été paraphé par M. de Fouchy le 23 Juin, il a toute l’authenticité né- ceffaire pour aflurer à M. d’Alembert la poffeffion de ce qui y eft contenu. Quelques perfonnes ont prétendu que M. Newton avoit remarqué lui- même l’infufffance de fa théorie au fujet du mouvement de l'apogée de la Lune , & elles fe font fondées fur ce que dans le corollaire II de la Propofition X L V du premier livre des Principes, en confidérant le mou- vement de l’apfde d’une planète qui feroit pouflée avec une as expri- mée par deux termes, dont lun eft en raifon invérfe du quarré de la dif tance , & l'autre proportionnel à Ja diffance , il ne trouve ce mouvement que d'environ la moitié de ce qu’eft celui de lapfide de la Lune. Voy. 2 2° édit. p. 141, lig, 20 ; mais il me femble qu’on ne fçauroit être du fen- timent de ces perlonnes , forfqu’on lit avec attention l’article que je viens de citer, & ceux du même ouvrage ui y ont rapport. É 4 1e MN n’a pü donner cet article, que comme un exemple de la propofition générale fur le mou- Yy M£MOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE loi d'attraction réciproquement proportionnelle au quarré des diftances; car À différant très-peu de p, & 4 ou NH Mb étant 0,00559518, dans la fuppofition que 4 foit la moyenne diftance de la Lune (fuppofition qui ne peut pas écarter fenfiblement du vrai) il faut que #1 diffère très-peu de 0,9958036, ou, ce qui revient au même, il faut que lorfque la Lune a décrit un arc U/, 'apfide en ait décrit un qui en foit les o0,0041964m6, ou, ce qui revient au même, il faut que pendant que la Lune a fait une révolution, Fapfide ait parcouru fuivant l’ordre des fignes, 14 30° 38",- quantité qui eft un peu moindre que la moitié du mouvement réel de l'apogée de la Lune, & qui fait voir par conféquent vement des apfides réfolues dans le cas où la force ne dépend que de la diflance à la Ferre, au lieu que dans le cas dont il s’agit pour la Lune, la force totale qui la pouffe vers la Terre, dépend outre cela de l’élongation du Soleil à la Eune. 2° Dans cet exemple il ne prend pour le coëfficient du fecond terme qui exprime la force centripète, que la moitié de la force perturbatrice du Soleil, & il n’eft pas étonnant que Jorfqu’on emploie feulement la moi- té L la force deftinée a produire le mouvement de l’apfide , on n’ait que Ja moitié de ce mouvement. 3° Dans la Propofition [IT du 3m livre, il dit pofitivement que la force avec laquelle la Lune eft attirée par la Terre, doit être inverfement comme Je quarré de la diftance (ce qui eft con- graire a ce que j'ai prouvé dans ce Mé- moire) & il ure cette preuve des corol- laires { & 11 de la Propofñition L X V du premier livre. Ado folis (dit-il 3° édit. page 396) guatenus Lunam diftrahir à Terra, eff ut diftantia unæ à Terra quam proximè; ideo- que (per ea quæ dicuntur in cor. LE, Prop. XLV, Gb. 1) eft ad Lunæ sim centriperqn UE 2 Ad 257, 45 circiter, feu ad 17822 (ce qui ef le rapport de la force moyenne du Soleil à celle de la Terre, & le double de celle qui avoit été employée dans le cor. II de la 45°) Ær neglect& Jolis vi tantillé vis reliqua qua Lunarecinetur in orbe, erit reciprocè ut D*, Je me flatte que ceux qui enten- dent ces matières , verront fans peine que ce que M. Newton a dit dans tous ces articles, ne m'a pà fervir en aucune manière à découvrir l’in- fufifance de FPattraction réciproque- ment proportionnelle aux quarrés des diltances. M. Calendrin qui a inféré une théorie de la Lune dans le célèbre commentaire des RR. PP. le Seur & Jacquier, a dit (p. $ 04 du tome 111} en développant des principes aflez obfcurs de M. Newton , concernant le mouvement de l’apfide de la Lune, qu’on ne trouvoit par ces principes que la moitié du mouvement réel; Leges motës apfidum derivantur accuratiffimè quales illas New tonus Jiatuir, fed fatendum ipfam abfols- Lan ejus motûs quamtitatem dimi= dio circiter inveniri ill& quæ per obfervariones innotefcir; isaque, T6» “Uh F 4 DES SCrTENCES. 355 _ que la feule attraction en raïfon directe des mañles & cn » … raïfon inverfe des quarrés des diflances, ne peut être la caufe | de tous les mouvemens céleñes. Avant quede chercher ce qui peut s'y joindre pour rendre . la théorie conforme aux obfervations, achevons de faire y . da manière de déterminer tous les élémens qui entrent tant . dans l'équation de l'orbite que dans l'expreffion du temps, _ toüjours en fuppofant que l'attraction {oit la mêtne que celle de M. Newton, c'eft-à-dire, celle qui fuit la loi du quarré oir Ce .:… Après avoir trouvé la valeur de #, & avoir fuppofé dans A— 1 AVN Féquation = Te QUE P = 4 où la moyenne Î OT Ip VMA Fe Y diflance de 1a Lune, ce qui ne peut écarter que d’urie très- . petite quantité de la vraie valeur de #, & donne pour cette valeur 1,0808 53 ; après avoir fuppolé de plus dans l'équa- 3 Ÿ 3uÀ 12en(n+ 1)4 41 — Lt ES EE n A 21 2p A P(4—m n°) 2 ce 1S An 30 Amn+ se} n— 1) EH CE S7E EC : que e ou lexcen- | : Bnip(1—=mr) »ce qui à fait croire aux mêmes. per- fonnes qui avoient cité l’article de’ . M: Newton, dont je viens de parler, que M. Calendrin avoit reconnu avant moi le défaut de la loi d’at- œaélion employée par M. Newton : mais il eft aifé de voir par la fuite du même article de M. Calendrin è qu'il n’eft pas de mon avis fur cette. - matière ; & qu'il croit feulement que a méthode employée par M. New- » ton, pour découvrir le mouvement de » Tapogée, eft défedtueufe en ce point. » qu'il ne confidère pas l’excentricité de las à la füite des paroles que je! viens de rapporter, il ajoûte , Jraque - aliam indicere merhodum rem eam- dem æftimandi, priori illé non omiffé, inopportunum vifum non CAES 27e ‘dans cette méthode qu’il donne im- édiatement après ces paroles, & “avant d'expliquer celle qu'il resarde- comme appartenant à M. Newton : non feulement. il narrive pas à la moitié du mouvement réel, mais il uouve même plus que ce mouve- ment, & cela (commeon peur levoir PP: 595; 506, s07.du 3me tome) en ayant évard à l'excentricité de l’ore bite de la Lune, ce qu'il ne fair point dans fe calcul de la * méthode qu'il donne comme celle de M. Newton, & qui eft peut-être en effet 1 fienne ; quoique: tout ce que M. Newton donne für cette matière foit fi va ue, qu'il eft bien\ difficile de déméler les vraies raïfons qu’il avoit de dire ce qu'il avance, & qu'on rie doive le juger que par les folutions démontrées rigoureufement , Fo peut trouver des mêmes propofitions qu'il donne, 4 *Yyÿ 356 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALe tricité de l'ellipfe mobile eft environ —, on aura à peu près la valeur de f, qui fera 1,46096. Enfin après avoir fubflitué cette valeur de f dans l'équation = = —, PEL: 1 ë , ; Ë il viendra me — 0,99189, qui montre qu'on n'avoit commis qu'une légère erreur en faifant k— p, & qui en- feione en même temps un moyen de la corriger. En employant cette valeur de 4, on trouvera une feconde valeur de m, laquelle fera 0,995828, & une autre de », 1,08045, un peu plus exactes que les premières, & ces valeurs de 5 & de n étant fubftituées dans les formules précé- dentes, on aura, en regardant toüjours # comme la moyenne . LL diftance de la Lune, & en prenant encore — pour l'excen- 20 tricité, fuppofition qui ne s'éloigne guère du vrai, & qu'il eft très- facile de corriger lorfqu'on aura déterminé cette excentricité par les obfervations, on aura, dis-je, 1 — 6 cof m U + 0,0071813 cof. —U— 0,0095897 co. (— — m) U-+- 0,0001838 cof. (= +") U; & pour l'expreffion du temps, # du U 2U vpAI M —— En PO OA A PSP ETES + 0,019368 fin. (= —m) U—0,0008 333 fin. (——2m) U — 0,000682$ fin. {= + m) U+ 0,000$471 fin. m U — ©,0000108 fin. (= + 2m) U] — 0,000092 fin. (= — 3m), expreffions qu’il feroit facile de réduire en tables pour {a pratique. t AU 3e Le premier terme /—— eft le même qu'il P (3 — e vor MU) q feroit { la Lune {6 mouvoit comme les autres planètes en Ù ’ ‘ es | (104 DES SCIENCES. 357 nr parcourant autour du foyer des aires, proportionnelles aux temps, & en fuppofant de plus que l'apfide décrit 14 30” 38", pendant que la Lune fait une révolution autour de la Terre. Le fecond terme 0,00 $ 809 U/ donne une augmentation au temps total, qui fera la même partie de la révolution entière que la fraction 0,00 $ 809 l'eft de l'unité, mais il n'introduiroit aucune difficulté dans la conftruétion des tables, & il difparoïtroit même entiérement fi l'on transformoit lexpreffion précédente du temps en celle de lanomalié moyenne ; opération qui { feroit en mettant à la place de 7 fa valeur {1 4 3e" &e.) Up ZE ” 1 — écçof. mn 2 3 fin. m U + fin, 2 MU — fin. 3 m U+- &c. & en divifant toute la quantité par le coëfficient entier de U. / U ' A l'égard des termes affectez des finus de —., de (= : æ — m) U, comme ils ne donnent tous que des équations ou corrections au mouvement de # Lune, beaucoup.plus petites que l'équation du centre, on voit bien, dès que le mouvement de l'apogée donné par la loi d’attraétion du quarré des diftances n’eft qu'à peine la moitié du mouvement réel, qu'ils ne pourront pas être employez à faire cadrer la théorie avec les obfervations, & qu'il eft par conféquent inutile de réduire l’expreffion précédente en tables jufqu’à ce qu'on ait trouvé quelque moyen de réparer le défaut effentiel de cette théorie par rapport au. mouvement de l'apogée, Quant à l’excentricité de l'orbite du Soleil à laquelle on n’a point eu d'égard dans la folution précédente, elle rendroit - Je calcul plus long fi on vouloit l'employer, mais il fe feroit toûjours de la même manière, il y auroit quelques termes de plus qui feroient encore proportionnels à des finus d'angles l aifez à réduire en tables; maïs ces termes n'approcheroient pas: … des principaux de ceux que renferme l'équation précédente, & quant à l'article important, celui du mouvement de l'apogée, Y y ïï LL o 58 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE fa théorie de M. Newton n'y gagneroit pas davantage, la valeur de "1 qui donne la vitefle de l'apfide , n'en feroit prefque pas changée. J'en donnerai le calcul dans le Mémoire qui fuivra celui-ci, aufli-bien que ce qui regarde l'inclinaïfon de l'é- cliptique de la Lune par rapport à celle de la Terre. Je remets encore à un autre Mémoire application de ma folu- tion du problème des trois corps à l'orbite du Soleil & à celles de Saturne & de Jupiter.* Examinons maintenant ce qui peut fervir de remède à l'inconvénient confidérable que nous venons de reconnoître dans le fyftème de l'attraction par rapport au mouvement de l'apogée. Suppofons pour cela que l'attraction , comme je l'ai dit plus haut, au lieu d'agir en raifon renverfée du uarré des diftances, agifle fuivant une fonétion qui puiffe s'écarter affez fenfiblement de cette loi à la diftance de Ia Lune à la Terre, & qui s’en écarte fi peu à la diftance des planètes principales au Soleil, qu'elle ne produife aucun changement fenfible dans les mouvemens de ces aftres, que lon fcait s’accorder afiez bien avec la loi d'attraction reçue jufqu’à préfent. Ïl eft clair que par ce moyen les forces @ & 7 qui vien- nent de la force perturbatrice du Soleil feront toûjours les mêmes que dans Îe calcul précédent; car les changemens qu'il faudroit faire à ces forces pour avoir égard à la diffé- rence de la véritable loi d'attraction à celle du quarré, feroient infiniment plus petites que cette différence même, puifque les forces @ & 7 ne fervent qu’à exprimer en quoi diffèrent les actions du Soleil à deux diftances qui font prefque égales, celle du Soleil à Ia Terre, & celle du même aftre à la Lune. Il n'y aura donc autre chofe à faire pour employer a nouvelle loi, qu'à ajoûter à [a force @ lation de la Terre produite fur la Lune par la différence de la nouvelle loi à celle du quarré, c’eft-à-dire, que fi — — fonétion 7 exprime * La plus grande partie de cette application a été lûe à l’Académie pen- dant le courant de l'été de 1747, mais j'ai cru à propos de ne la donner qu'avec ce qui doit la rendre completre, ’ DES SCIENCES. 359. æette loi (pour la diftance 7) il fufhra en appliquant le Lemme II, de rendre @ égal à ce qu'il étoit précédemment plus 27 x fonétion r pour avoir la vraie équation de l'orbite, ou, ce qui revient au même, il faudra que Q foit Nr 3 Nr 3 Nrrdr 3N 4 ue M NT — pan in 21 + TL fo. 2 7 dU-+ — fonc. r. Ceux qui fe font un peu exercez aux problèmes où lon emploie de très-petites quantités en népgligeant les fecondes puiflances de ces mêmes quantités, verront facilement que effet du terme M : 1s —— font. r ajoûté à la première valeur de ©, peut fe calculer fans recommencer tout le problème en entier avec cette nouvelle valeur de Q, & qu'il fufit de 4 , , E calculer féparément ce que donneroit le terme fonct. 7, Tr s'il compoloit feul la valeur de Q, & de l’ajoûter à la folu- tion précédente, c’eft-à-dire qu’on peut, fans craindre d'erreur fenfible, fe contenter de chercher ce que produiroit fur la Lune deftinée à décrire une ellip{e invariable & immobile M en vertu de la force Vs la Terre, la force AZ x fon. F ajoûtée à cette force. Or on fçait qu'une force de cette nature, Iorfque l'ellipfe décrite par une planète eft peu excentrique, n’a guère d’autre effet que de donner du mouvement à Fapfide ; donc en choififlant convenablement ce terme à ajoûter à — pour rr exprimer la loi d'attraction, on pourra donner à l'apfide de la Lune le mouvement réel que les obfervations apprennent, fans que cette nouvelle force agife fenfiblement fur tout le refte du mouvement, non feulement de la Lune, mais des autres planètes, * * Cette confidération rend très-dif: | mes différens, à ajoûter à celui qui ex. ficile la détermination de la vraie loi | prime la proportion inverfe du quarré d'attraction qui anime tous les corps, | des diftances, lefquels donneront tous. Sax on peut wrouver une infinité deter- | à l’apfdelemouvement qu'il faut pour sa . très-long & crès-pénible. Co MEMOIRES DE L’'ACADEMIE Royarr C'eft dans la Propofition X LV du premier livre des Prin- cipes mathématiques de la Philofophie naturelle, qu’on voit qu'une force différente de celle du quarré des diftances, lorf£ que l’excentricité eft petite, n'empêche pas la planète de fe mouvoir dans une ellipfe; mais oblige feulement cette ellipfe à tourner autour de fon foyer. Il faut avouer cependant que la folution de M. Newton, quoique fufhfamment exacte, ne fatisfait pas entièrement le lecteur, parce que les fuppofitions qu’il y fait en conféquence de la petiteffe de lexcentricité, ne femblent pas devoir être applicables dans le cas de la Lune, où l'excentricité eft d’en- viron -L. On confent affez volontiers à négliger, comme il l'a fait dans le 3e livre, les quurrés de quantités auffi petites que la force perturbatrice du Soleil, qui n'eft que la me partie de celle de la Terre, mais le quarré de = eft trop confidérable pour être traité de même. J'ai cru que cette utiles pour cette détermination, à caufe que ces planètes font beaucoup plus voifines de leurs centres d’attrac- tions, que ne le font les planètes prin- cipales du Soleil; mais outre la difi- culté des obfervations que cette dif- cuffion demande, il y en a une bien confidérable dans leur théorie, qui Comme le terme en queftion doit | vient de ce qu’on ignore leurs mañles. être exceflivement petit à la diftance Les expériences qui nous dévoilent fuppléer à celui qui vient de la force des planètes principales au Soleil, il | l’aitraétion des corps extrémement l perturbatrice du Soleil: or pour choï- dir entre ces termes, il faudroit tirer des fécours des autres phénomènes de la'eravitation ; mais malheureufement ces phénomènes font de peu d’utilité en cette rencontre, vü l’état actuel des obfervations. ne fe peut manifefter à ces diftances voifins, comme celle des tuyaux cae que par le mouvement des aphélies, | pillaires, &c. font fi peu fufceptibles ce qui demande des obfervations très- d’être réduites en loix, avec la préci- délicates, & faites à des intervalles { fion qu’il faudroit pour fixer les forces de temps très-éloignez, & fippole | attraétives des parties intégrantes des de plus qu’on ait calculé par la théo- Corps , qu'on ne peut les employer rie, les mouvemens d'aplide qui ré- | qu’à prouver Pinfuifance de la loi du fultent de la feule attraction récipro- | quarré, & non à découvrir la vraie. uement proportionnelle aux quarrés La comparaifon des obfervations de diftances , calcul entièrement | faites fur la figure de la Terre, & fur fondé für les principes donnez dans | Ja diminution de la gravité du pole ce Mémoire, mais dont le détail ct | à l'Equateur, peut encore montrer qu'on doit avoir recours à autre chofe qu'à la loi du quarré des diftances; ais outre l'indécifion que lailfent les variétés que peuvent apporter les confidération Les mouvemens des fatellies de Jupiter & de Saturne, s'ils étoient mieux connus, pourroient être plus DES SCrENCESs 36r _ confidération devoit engager à reprendre le problème, & comme il eft un cas de la folution générale donnée dans le lemme IT, j'en vais faire voir le calcul ici. DU MOUVEMENT DES APSIDES produit par une force tendante au centre, à propor- d zionnelle à une fonction de la diflance à ce centre. à RIT M Dans cette recherche il ne fe joint à la force — que la » force ©, la force 7 qu'on fuppofoit agir perpendiculaire- ment au rayon vecteur étant nulle: par ce moyen fa valeur de Q devient fimplement _— . C’eft donc cette valeur À qu'il faut fubflituer à la place de Q dans l'équation = —— “ (1—c of U+ fin UfQ cof UdU—cof U[Q fin. UAU) io “ pour avoir l'équation cherchée de loxrbite décrite par une différens arrangemens à donner aux parties intérieures de [a Terre, il ya encore les difficultés très- confidéra- bles que renferme [a détermination de la figure de la Terre, dans toutes les fortes d’hypothèfes qu’on peut faire fur la gravitation mutuelle des parties. Mais quelle que foit la dficulté de déterminer cette loï, cela n’en doit point faire rejeter la poflibilité, & . jufqu'à ce que les obfervations nous … aient découvert quelque fait par le- … quel on foit forcé de reconnofître que “ —es phénomènes de la gravitation de- mandent néceflairement différentes ” corps qui compofent l’univers, je » crois qu'il eft plus fimple de n’en füppofer qu’une feule. . comparaifon fort exacte des » mouvemens de Saturne & de Jupiter, “qui fuivent de Ja théorie, avec ceux “qui font connus par les obfervations, montrera peut-être qu'il faut nier fuppofer des loix d’attrac- Mem 1745. * Joix de gravitation dans les divers | tions différentes, fuivant le corps cen-. tral qui attire; & peut-être aufli nous appréndra-t-elle qu’il faut recourir à d’autres principes que les attractions. La théorie de la Lune feule pour- roit aufli nous découvrir la néceflité de pareils principes , & je compte donner avant peu le.moyen de le re- connoïtre, en publiant des Tables du mouvement de cet Aftre, tel qu'il doit réfulter du fyftème de lattrac- tion : car, fr après avoir rectifié, au moyen d’une addition à la loi du quarré, celle des équations de la Lune qui donne le mouvement de l'apogée, il fe trouvoit que les autres équations de la Lune, tirées de la même théorie, s’écartaffent encore de la nature en quelqu’autre point, il faudroit certai- nement chercher quelqu’autre caufe ue l'attraction, puifque quelle que fi Ja Joi d’attraétion qu'on, choisit, ellé n’influeroit fenfiblement que fur Je mouvement de l'apogée. 23 362 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALEr ] M planète attirée vers un centre avec la force — + @. Suppofons d'abord que la force @ foit is , C'eft-à-dire qu'elle agifle réciproquement comme le cube de la diftance, @rr d\ 1 on aura donc Q ou = = —, & par conféquent — = + (1 —ccof U + fin. Uf À coû. U'd U— cot. U ts à À fin. UdU). H ne s’agit donc que de donner une valeur à r, telle qu'étant fubftituée dans la quantité fin. Die cof, U dU — cof. 2 fin. U d U, la valeur générale de r redevienne la même valeur que celle qu'on . » aura choifie. n . 7 1 E Dans cette vüe, foit fuppolé — = — {1 —ecof.mU), & l'équation précédente deviendra J\ = +) — — (+ ? ? d\e phk(mm—3) st - . Le ep bemp Nic , fe réduira à — k r k(mm— 1) cof. m Ü,, laquelle en faifant #° = 1 Li x . \ . ne (1 — e cof. mU), c'eft-à-dire, à Ja même équation que celle qu'on avoit fuppofée, & prouve par conféquent que cette équation exprime exactement l'orbite cherchée, HA A ? décrite en vertu de la force — pire Ainfi cette force accélératrice ne produit d'autre trajectoire, qu’une ellipf dont l'apfide fe meut en parcourant des angles pro- portionnels à ceux qui font décrits par la planète, ce qui, comme il eft aïfé de s’en aflurer, s'accorde avec la Propofi- tion XLIV du premier livre des Principes mathématiques de la Philofophie naturelle, + Si la force @ au lieu d’être en raifon renverfée du cube de la diftance, étoit repréfentée par une fonction quelconque DES SCIENCES 63 _… de cette diflance, on trouveroit que la courbe cherchée pour- _ æoit encore être regardée comme décrite par le mouvement d'une ellip{e, pourvû que l'ellip{e primitivement décrite par M A da feule force — ne s’écartât pas beaucoup d'un cercle, & que la force @ füt beaucoup plus petite que la force 27. rr Suppofons, par exemple, que Q ou = foit exprimé généralement par dr + € 7 5 + &c. nous aurons, en fup- pofant — = _ (1 — e cof. m U), & le fubftituant dans Téquation générale — —n Fe ( —ccof U+ fin. U[Q of. VUdU — cof. U[Q fin. U 4 U, l'équation = (HAE Het &c.)— — (ce + d\4 cof. U— — FRET ) cof. ë A , y te RS ) cof. m U, pourvû qu'on néglige les termes où entre &*, ce qu'on peut faire fans craindre d’erreur + fenfible, à caufe qu'ils font déjà multipliez par les quantités d\,e, &c. très-petites elles-mêmes. Il eft aifé maintenant de trouver pour 4, ", e des valeurs ! d'gekl + eseks + &c. A — ( d'qek+esek + &c. telles que cette équation fe réduife à — = — (1 —ecof.mU), ou plütôt il eft aifé de trouver la relation que doit avoir l'ellipfe primitive avec Fellipfe mobile, produite par l’addi- Ë M PRE tion de la force @ ou © x, car on a pour Îa déterminer les équations … HAE ck + &c) — —; 4 ’ D. gel Leseks + &c. dc HA eh Be — 0; | Ja SH heat À LD e RO eut Or la première de ces équations donne tout de fuite {a …. valeur de p exprimée en 4, qu'on füuppofe connue ainfi que e, LA . troifième donne avec la même facilité, celle de #° — x, Zzij 364 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE & par conféquent de aufli-tôt que p a été trouvé par Ia première; la feconde donne également la valeur de ec après avoir trouvé "m par la troifième. H eft à remarquer que quand même fa valeur de Q ou 2 ne feroit pas réduite à la forme A # + ers + &c. le problème n’en feroit pas plus difficile à réfoudre : car en nommant Æ la quantité que devient Q lorfque r—= 4, & K celle que devient dans la même fuppofition Ja différentielle de Q divifée par dr, on auroit, au lieu des trois équations précédentes, celles-ci 4eK = fr +Kk) = —; CAR 2 ENS E À m1 1 keK e DT ÆK A = OÙ =4(1+X%), Men ei 4eK Le ft confidérable que j’efpère publier bien-tôt fur cette matière: D'E\ sv SUCRE NC ES 365 METHODE GENERALE Pour déterminer les orbites à les mouvemens de toutes les Planètes, en ayant égard à leur action mutuelle.* ÿ Pa M D'ALEMBERT. L' Ï 'ouTes Îles Planètes (en y comprenant le Soleil} agiflent les unes fur les autres en s’attirant mutuelle- ment, & par conféquent elles décrivent chacune fon orbite particulière dans l'efpace abfolu, de manière que le Soleil n’eft pas réellement en repos, & que chacune des planètes pre- mières ne décrit pas autour de cet aftre une véritable ellipfe dont le Soleil occupe le foyer, non plus que les planètes fecondaires autour de leurs planètes principales. Cependant comme les Aftronomes dans leurs obfervations, fuppofent toûjours le Soleil immobile, il eft à propos de fuppofer auffi cet aftre immobile dans la théorie du Mouvement des corps céleftes : or il feroit réellement immobile fi on imprimoit au fyftème général de toutes les planètes, 1° une vitefle de projection égale & contraire à la vitefle de projeétion initiale du Soleil; 2° fi on imprimoit à chaque inftant à tous les points de ce fyflème, des forces accélératrices égales & pa- rallèles aux différentes forces par lefquelles toutes les planètes agiflent fur le Soleil, mais dans une direétion contraire. De plus ces différens mouvemens imprimez à tout le fyftème, ne changeroient point le mouvement apparent des planètes autour du Soleil; en forte que le mouvement apparent des planètes, tel que nous l'obfervons par rapport au Soleil que . nous regardons comme immobile, eft le même que le mou- . vement réel que les planètes auroient, f1 le Soleil_étoit * Ce Mémoire n’eft que l'extrait fort fuccinét d’un ouvrage beaucoup plus Zz ii 366 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyarE réellement en repos, & que chaque planète füt animée en fens contraire, de toutes les forces accélératrices qui agiflent fur cet aflre. 11. De-là il s'enfuit que pour trouver l'orbite d'une planète première quelconque autour du Soleil, il faut tranfporter à cette planète, en fens contraire & dans une direction pa- rallèle, chacune des forces accélératrices que cette planète & toutes les autres exercent fur le Soleil, & combiner ces forces avec les forces attractives du Soleil & des autres pla- nètes fur la planète propofée, & avec la viteffe de projection apparente de la planète : je dis, la viteffe de projection apparenté, car il eft évident que fi le Soleilavoit une vitefle de projection, il faudroit la tranfporter à la planète en fens contraire & parallèlement à fa direction, & la combiner avec la vitefle de projection réelle de la planète, pour avoir fa viteffe appa- rente de projection; au refle cette vitefle eft, par rapport à nous, la vitefle réelle, parce que nous jugeons le Soleif en repos, c'eft pourquoi nous pouvons fuppofer que la vitefle de projection du Soleil foit nulle, & prendre pour la viteffe de projection réelle ou apparente de la planète, celle qui eft déterminée par les 8bfervations. , IL. Ceci bien entendu, il eft clair que la détermination exacte de l'orbite d’une planète autour du Soleil dépend de trois chofes, 1° de la projection de cette orbite fur le plan de l'écliptique (j'appelle plan de l'écliptique, non pas l'orbite terreftre que Paétion de la Lune & des autres corps céleftes empêche d'être rigoureufement plane, mais un plan paffant par le Soleil & peu diflant de l'orbite terreflre; c'eft à ce plan que je rapporte toutes les projections des orbites des lanètes ) 2° du mouvement des nœuds; 3° de l'inclinaifon de l'orbite à chaque inflant. Les propofitions fuivantes apprendront à déterminer cha- cun de ces trois élémens. JV. Soit un corps ou un point mobile À, qui ayant été jet é fuivant une direétion quelconque À avec la vieffe g, déciive autour du point fixe S l'oxbite À 47, étant attiré ' à ï ° ñ ÿ pi ES | © mt — M. D'E S Si CRE NiG F8 367 vers ce point en raifon inverfe du quarré de la diftance, & de plus étant follicité par deux autres forces, dont l'une que je nomme @ agiffe fuivant ALS, & foit toûjours dirigée vers S; l'autre que j'ap- pelle æ foit perpendiculaire à A/S; on demande d’abord l'équation de l'orbite AM, & la vitefle en 47. 4 Soit AS — a, de finus de langle HAS— —, SM=»%, AM=Ss, S Varc circulaire ÀAQ = 7, v la vitefle en AZ, on aura Qg—=d7, Mm= — dx, Nm = LE ; or 222 ef la “x force qui agit fur le point M en raifon inverfe du quarré de fa Faa + 9) “x A p . F ; d'où lontirevv=gg— 2 Fa+ 2, * diftance à S*; on a doncvdu—— dx x { T+dy 7xdz + 2/—@ dx + 2 - De plus fi on regarde l'orbite À 41 comme compofée d'une infinité de feéteurs parcourus en des temps égaux 47, ado & qu'on nomme le petit fecteur parcouru en À avec la vitefle initiale g, pendant l'inftant toûjours égal dr, on trouvera qu’au bout du temps, lorfque le point À eft arrivé Txds vu LA P4 LEA a en A7, ce fecteur fera augmenté de la quantité — f d'où il eft aifé de conclurre que le temps employé à parcourir un fecteur infmiment petit AS N, fera proportionnel à x+d ds Txds £ 22 Le —f. ; onaura donc cette proportion 7. a vV + kg ds +447 ds T#ds = Riad = » qui fe change en * La force F eft égale à celle qu’exerceroit à la diftance 4 un corps placé ven S, & égal à la fomme dés mafles A+ S, 368 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLr : hhggx dé dr 2++4dsd7, 0 bg dE HSE TO TUTO f-—ds LÉ Me 7 V. Imaginons préfentement que l'orbite À A/ne diffère pas beaucoup d’un cercle, & que les forces @ & 7 foient très- petites par rapport à la force F, & fuppofons de plus pour fimplifier un peu le calcul que 4 —a, c'eft-à-dire que l'angle de projection HAS foit droit : on divifera l'équation pré- cédente par x*, & on fera = 1; on différenciera en- fuite cette même équation ainfi transformée, & on aura foin de mettre dans cette différenciation, au lieu de d7, fa valeur Fu paadu . æxd7 FD u uv sn av dans cette différenciation on pourra négliger plufieurs termes à caufe de la petiteffe des forces @ & 7 par rapport à Æ; & du peu de différence qu'on fuppofe entre l'orbite 4 4 & un cercle, c'eft-à-dire, de la petitefle de 44 par rapport à d7. Pour connoître plus facilement les termes que l’on doit négliger, on divifera toute la différentielle par le coëffi- cient du terme qui contient d du, & on regardera du comme infiniment petite par rapport à 4 7, ainfr que @ & x par rapport à F, & de même ds & comme infiniment peu différentes de d7 & de a; de forte que la quantité ddu pourra être confidérée comme infiniment petite du troifième ordre, & par conféquent on pourra négliger dans la diffé- rentielle, tous les termes qui feront cenfez être des quan- tités infiniment petites du quatrième ordre, ou au deffous. : de plus on remarquera que en . . d 2 F De cette manière il viendra ddu + “£ E Land a paadr vd Fudÿ raads 20df uugE ag vég 20 75 ’ aads NO Ne - + Ne etes, (ES équation qu’on peut fimplifier encore, en confidérant 1 ° que g eft prefque égal à Fa; car comme le point À décrit à peu 2 dr 2: Faa a force fuivant S A1— —— + 9 + DES SCIENCES 36 peu près un cercle, fa vitefle 8 en À eft prefque égale à As qu'il auroit acquife en tombant de la hauteur +, & étant animé par une force conflante égale à Æ 2° qu'au lieu de = on peut écrire fimplement @, & au lieu de & de ds Jeurs valeurs très-approchées g & dz; on aura donc Zdu dé Fdÿ pd 2dÿ T dz I fr a & 88 88 Le “ (Cy, LA ’ F 1 & fuppofant Te — 7 & mettant pour gg fa valeur approchée Fa, on aura td : —® -,__2[7d4 = + dy > + a N=0/(D) pour l'équation approchée de l'orbite À M n pourroit encore parvenir à l'équation (D) de l'orbite, par deux autres méthodes, dont il ne fera pas inutile de faire mention ici : l’une de ces méthodes eft expliquée dans des recherches fur la théorie de 1a Lune, que j'ai envoyées à TAcadémie de Berlin, & quoiqu'elle ne foit appliquée dans ces recherches qu'à l'orbite lunaire, elle eft telle par fa na- ture, qu'elle peut s'appliquer de même aux orbites des autres planètes. La feconde folution confifte à chercher d’abord par les méthodes ordinaires, l'équation de l'orbite que décriroit un point À qui feroit pouflé continuellement vers le point S par une force Q dont la loi feroit donnée, & à chercher enfuite quelle devroit être la force Q pour faire décrire au : > pe yes F point À l'orbite À 41 qu’il décrit en vertu des forces 72 ; LE 2 @ & 7: or décompofant ces trois dernières forces dans le fens du rayon SA & de Vorbite À 4Z on trouvera que Tdx ds (on peut 2 Le zd ae ‘ _ même d'abord négliger ——); enfuite pour déterminer Faa a valeur deQ, on fera cette proportion, = rites OU: LQ 28 Mem, 1745. Aa 70 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE : d d « É Li es =T SE )”; d'où l'on tie Q = à r ra 4 ? F d F aa x (1-2) =9+ **x très-peu près @ + —2F/. TÉL, on fubflituera cette valeur de Q@ dans 88 l'équation déjà trouvée, & on aura l'équation cherchée de Yorbite À M qui fera la même qu'on a déjà donnée. VI. Suppofant donc que @ & x foient comme des fonc- tions de l'arc AQ ou l'angle ASQ, on aura pour équation dar LE Milo. CE M étant une fonction de 7, & cette équation s’intégrera ou fe conftruira par la méthode fuivante. On fuppofera que cette équation vienne de ces deux- ci (a étant — 1) dt—yd7=0 dy + td; + Mdy—=o. * On multipliera la feconde équation par + V— 1, & on ajoûtera les deux équations enfemble, & on aura dt + dyV—i + dvi x (+3 V— 53) + Mdz V— 1 —0; de même on multipliera la feconde équation par — V— 1, & on ajoûtera les deux équations enfemble, ce qui donnera dt— dy V—1—d3v—1 x (t—3 V—5) — MdzVv—1—= 0. Suppofant enfuite 1+-yV—1—=g & 1—yV—1—#, on aura dg+ gd? V—1 + Mdyz V—1—=0 & dk— KkdzyV— 1 — MdzV—1—0, équations qu'on peut intégrer facilement par des méthodes gonnues, & d’où l'on tirera la valeur de 7 & de 4, & par q+A conféquent celle de : — . Ileft vrai que cette va- Jeur renfermera des expreflions imaginaires , mais on pourra * La méthode dont je me fers ici pour trouver les intégrales de ces deux équations, dépend d’une autre méthode beaucoup plus générale, où j'ai. employé une méthode femblable. On en trouve quelques effais dans l’article G fi de mon Traité de Dynamique, & dans l’article LXXX de mes Réfle- xions für la caufe des vents, qu’il n’eft pas néceflaire de détailler ici. ÉCART NET PES DES SCIENCES 371 toûjours les faire difparoître par la méthode que j'ai donnée dans un autre ouvrage, & réduire la valeur de z à une forme toute réelle. A l'égard des conftantes qui viendront en in- tégrant, on les déterminera par ces deux conditions, que dt . z=—=0 donne x = 4 & x = 0; ainft on trouvera dans le cas préfent, k MR OT RES MTS May Venir CV 0 Fer q+ € —€ SMdzV—ic 2 VAT) 2 Bet CSN MA anal j DU. uen MER JS pére des conftantes indéterminées : or prenant y’ pour le finus de 2 —7V—1 l'angle 7, on aura c k =—JV—i+V(i—y'y) & 14 = + ÿV—i + Vi —y'y). Mettant donc ces valeurs dans l'expreffion précédente de +, & fup- pofant —p lorfque7— 0, on trouvera que les imaginaires fe détruiront, & que À & B devront être chacun égaux à p. Si dans la quantité #7 il entre des finus d’angles qui aient un rapport connu avec l'angle 7, on exprimera ces finus par des exponentielles imaginaires dans lefquelles il n’entrera d'indéterminées que 7, ce qui rendra les intégrations beau- coup plus faciles, Voyez ci-deffous, art. 1 X. Si on n’avoit point fuppofé 4 —a, le calcul auroit été à peu près le même, & il auroit fallu déterminer les conftantes «ù nm AR Lu LP dt _ V(aa—h#) de manière que 7—0 donnât x—=4a & TR TT VIL. Soit à préfent À M la projection de l'orbite d'une planète quelconque, entourée de tant de fatellites qu'on voudra, qui agiffent fur elle en même temps que le Soleil & les autres Planètes premières. Si on appelle 7 le finus de Yangle de la ligne des nœuds avec SA, À le finus de l'angle de cette même ligne avec AS, & m' la tangente de l'in- L — clinaifon de l'orbite, on aura la force fuivant SA Aaaij 372 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Roxar Faa(i+mnmRR)} 3 sx (1+ mm rr)* Fa , que l’on peut changer, à caufe que mn” che +2 exprimant une très-petite **x fonction de 7. En effet, comme f'inclinaifon & la ligne des nœuds changent peu durant une révolution, on peut fuppofer m' & R conftants, & r exprimée par une fonction de 7. De plus, comme l'orbite de la planète autour du Soleil n'eft que très-peu dérangée par l'action de tous les autres corps, il s'enfuit que fi on fuppofe le rayon vecteur de la planète parvenu en Q, on trouvera à peu près le point A£ où cette planète fe trouvera, & qu'on pourra, fi on veut, fuppofer le mème que Q ; on connoitra de même à peu près les points où fe trouveront les autres planètes dans leurs orbites, puifqu’elles font cenfées fe mouvoir à peu près uni- formément & dans des orbites circulaires; d’où il s'enfuit que l'arc AQ (7) étant donné, on aura les expreflions en z de tous les autres arcs décrits par les autres corps, on aura donc aufñ les expreffions de leurs aétions fur la planète 47, & ces actions étant rapportées fur le plan A7, & décom- pofées fuivant A1S & fuivant #7 N, on aura les forces @ & qui feront exprimées par des fonctions de 7; donc /art. W à V1) on trouvera la projettion de l'orbite de la planète. VIII. Pour avoir le mouvement des nœuds, on com- mencera par fuppofer que l'orbite de chaque planète foit cir- culaire, on décompofera enfuite chacune des forces par lef- quelles la planète eft animée, de manière qu'une des forces compofantes foit dans la direction du rayon mêmede l'orbite, & que l'autre foit parallèle au plan de projeétion, ce qui eft toüjours poflible; après quoi on imaginera par le centre S une parallèle à Ia direction de cette dernière force, & le finus r’ de l'angle que fait cette ligne avec la ligne des nœuds, fera toûjours exprimable par une fonétion de 7, ainff que la force qui écarte l'orbite de fon plan : de plus fi on ds® 4 : nomme Ë cette force, on aura ee pour l'efpace qu'elle eft très-petite, en DES SCIENCES: fait parcourir. De-l il fera facile de conclurre que l'angle Tr .da Va PA . d. 2 élémentaire du mouvement des nœuds fera £ = x = v +*az ds*.arr Se EE dans laquelle mettant pour ds fa valeur ap- prochée 7, & pour x, v, r, r', leurs valeurs approchées en 2 qui ont déjà été trouvées, on aura une différentielle dont l'intégrale donnera le mouvement des nœuds. IX. Il eft à remarquer, 1° que comme l'orbite eft peu différente d’un cercle, & que le mouvement des nœuds eft fort petit durant une révolution, on peut fuppofer conftant pendant le cours d’une révolution ou d’une demi-révolution de la planète aux nœuds, l'angle de la ligne des nœuds avec AS auffi-bien que v & x, ce qui fimplifiera le calcul2: à l'égard des finus r & r', on aura toûjours foin de les exprimer par des exponentielles imaginaires, où il n'entrera que 7 & des conftantesb, fuivant la méthode connue des Géomètres : cette manière d'exprimer les finus a deux avantages, 1° elle rend les calculs plus fimples, & facilite extrêmement des intégrations qui feroient aflez pénibles par d’autres voies ; par exemple, foit propofé d'intégrer la différentielle dz d'un arc multiplié par fon finus, & par le cofinus d’un angle double, & par le finus d’un angle qui furpañle d’un angle donné À le triple de l'angle 7, on aura pour {a quantité à 2 Cependant on pourroit, fi on le vouloir, avoir égard à la variation de la ligne des nœuds dans Ja recher- che de leur mouvement. Pour cela on nommera « l'angle parcouru par 1 ligne des nœuds pendant le temps que la planète a parcouru l'angle ou arc 7; & comme l'angle & elt toû- jours fort petit , les finus 7 & r’ qui étoient exprimez par des fonctions de, en fuppofant la ligne des nœuds fixe, le feront par des fonctions de z & de æ, qui pourront toüjours fe mettre fous cette forme très-appro- chéeZ + Z' a, Z & Z étant des fonctions de z : de forte que pour trouver le mouvement des nœuds, il faudra intégrer une équation de cette forme du—aËdz+=dz,t&z étant des fonétions de z : or cette équation peut toûjours s'intégrer aifé+ ment. » Au lieu de prendre pour 7 l'angle décrit par la planète depuis le paffage par Je point À, il feroit plus com- mode dans la recherche du mouve- ment des nœuds & de linclinaifon, d'exprimer par z l'angle parcouru par la planète depuis fon paflage par le nœud : par-là on aura quelques conf- tantes de moins à ajoûter dans les. intégrations, Aaa ii] 374 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr jets 70 PT at ——— x 2V—: 1 A Era En es et 2 V— 1 fort facile, puifqu'on n'aura jamais que des différentielles de SL DEV — 1 AH A7 V— 1 cette forme à intégrer, dzc Le -ou d7 x c t : n & À étant des conftantes : 2° un autre avantage qu'on tire de cette manière d'exprimer les finus, eft qu'après l'in- tégration on découvre facilement à quels angles appartien- nent les finus ou cofinus qui doivent repréfenter l'intégrale; par exemple, on voit fans peine que l'intégrale de 43 RMS Tes CFTVE SL US RQ UE Ka X 2 V— 1 2 ferme le cofinus de 3 7 & celui de 7, & ainfi des autres. X. Pour avoir la variation de l’inclinaifon , il ne faut que multiplier par Ÿ/1—rr) la valeur de l'angle élémentaire du mouvement des nœuds, & divifer le tout par r"', on aura pour la variation inftantanée de la cotangente de l'in- ds*ar V{1—7rr) v°m'xd7 en mettant pour # & y/1— rr) leurs valeurs exponentielles, & fubftituant , fi l’on veut, g à la place de ®, a à la place de x, & d7 à la place de 45. On pourroit auffi, au lieu des variables v, x, & ds, mettre la vitefle moyenne du corps À, fa diftance moyenne au foyer ou point S, & le petit arc circulaire décrit de cette dif- tance moyenne comme centre, & qui répond à l'angle AS N. XI. Pour déterminer l'angle entre les apfides, il faudra faire la différence de x ÿ/1 +-mmrr) — 0; la valeur correfpondante de 7 ne fera pas fort différente de ce qu’elle feroit fi l'orbite À M étoit une vraie ellipfe, & que la pla- nète füt toûjours dans le même plan; c'eft-à-dire que la valeur de 7 fera peu différente de 1 80 degrés, ainfi on aura à réfoudre une équation en 7, dont on a déjà à peu près la Phunt.E À nel. | intégrer, d7 x , dont l'intégration eft x » lEn- clinaifon £ , dont on trouvera l'intégrale ee TE ne * Fil ere ne DES S C'LE N CE US 75 valeur, & dont par conféquent on pourra trouver par les méthodes ordinaires, a valeur très-approchée, d’où l'on aura l'angle entre les apfides. Voyez l'art, XV. XII. Si ces premiers calculs n’étoient pas fuffifans pour déterminer aflez exactement les élémens de la théorie d'une planète, on pourroit en approcher encore davantage en fe fervant des méthodes connues pour trouver aufli exacte- ment qu'on veut les valeurs des quantités dont on a déjà les valeurs approchées, cette feconde opération feroit plus longue que difficile; mais comme il ne faut pouffer la pré- cifion dans ces fortes de calculs que jufqu'’au point où on la peut porter par les obfervations, il y a tout lieu de croire qu'une détermination trop exaéle feroit fort fouvent fuperflue. * Dans cette feconde détérmination de l'orbite il faudroit rétablir d'abord dans l'équation primitive de l'orbite, les quantités qu'on a négligées pour arriver à équation /B) ( art. V) & mettre dans ces quantités au lieu de 45, deu & de w, leurs valeurs conflantes, & au lieu de @, æ leurs valeurs en 7, déjà trouvées en regardant les orbites comme * des cercles ; & dans les termes que lon a confervez, en cherchant d'abord l'équation, & dans lefquels on a mis au lieu de w, w, x, ds leurs valeurs conflantes, il faudra y mettre leurs valeurs tirées de la première détermination de l'orbite, de plus pour déterminer les forces @ & 7 dans ces premiers termes, il faudra alors avoir égard à l’irrégularité du mou- vement de chaque planète dans fon orbite, irrégularité qu'on trouvera par le premier calcul, & qui empêche que les pla- nètes ne fe meuvent tout-à-fait uniformément. En général, foit x—a+1, vuv— Fat, ds = V (dj + BALAI NE: aMS) + di, 1 & C étant re- a gardées comme des quantités infiniment petites du premier ordre, on aura toûjours pour l'équation de l'orbite (fans rien négliger) d dt +14} + Mdÿ = 0, M étant une fonc- tion de 7, vw, ds, dans laquelle on mettra d'abord o pour z, Fa pour vw, & d7 pour ds, en regardant 6 comme J 76 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE —o, & négligeant outre cela les termes où @ & x fe trouveroient au quarré ; enfuite, faifant les correétions que‘ nous venons d'indiquer, on trouveroit encore ddt +147 + Mdÿ = 0, M étant une fonction de 7 & de r; & fi on vouloit poufler l'exactitude encore plus loin, on le pour- roit facilement, puifqu'on arriveroit toüjours à une équa- tion de cette dernière forme; les valeurs de 7, de vw & de ds qu'on fubflituera dans A/n'étant jamais que des fonctions de 7: les théorèmes fuivans feront fort utiles dans ces cal- culs. Soit ® (A+ &) une fonction de deux quantités, dont l'une foit conflante, l'autre très- petite, je dis que cette 2 ddoA . LA “ 9 À fonétion eft égale à pA+a x SFR dE a TT. &c. Soit aufli ® /z—-Ë) une quantité dans laquelle @z eft une fonction finie de 7 & & eft fort petite, on aura @ (7+b) =@r+È E + € nn + 6 TE. &c. Je fuppofe que dans les différences ddgz, d'o7, &c. ddçA, d'@ À, &c. on traite d7 & d A comme conftantes. De plus à chaque corre@tion de l'orbite on négligera les quantités qui font cenfées infiniment petites de deux or- dres au deflous de celles auxquelles on a eu égard dans la correction précédente. XIIL. Voilà le chemin qu’on peut fuivre pour déterminer les orbites de toutes les planètes auffi exactement qu'on vou- dra, & il n'y aura plus maintenant aucun des corps céleftes dont on ne puifle donner la théorie avec la dernière préci- fion, en employant à cette recherche le temps que demandent d'aflez longs calculs analytiques. Mais fi l'on veut fe con- tenter d'un calcul qui réponde à très-peu près aux obferva- tions, on pourra s’épargner beaucoup de travail: pour cela on ob'ervera que le calcul deviendroit pius facile fi on fup- poloit »'— o, c'eft-à-dire, fi on navoit point d’égard à Tinclinaifon DES SctEenNces, Feré l'inclinaifon de l'orbite au plan de l'écliptique, mais en ce cas, après avoir trouvé l'orbite dans cette fuppofition, il fau- droit y faire une petite correction à caufe de l'inclinaifon : voici en quoi cette correction confiftera. On remarquera d'abord que l'équation de Forbite peut toûjours fe divifer en deux parties, dont l'une foit l'équa- tion de l’'ellipfe que la planète auroit décrite, fi elle eût été attirée fimplement vers le point S'en raifon inverfe du quarré de Ia diftance, & dont J'autre marquera la correétion qu'il faut faire à chacun des rayons S A de cette ellipfe, pour avoir l'orbite véritable. Soit « cette petite correction, c'eft- .à-dire, la quantité dont il faut augmenter ou diminuer le rayon SA, on cherchera les diflances accourcies qui répon- dent à chacun des rayons de lellipfe, & ajoûtant à ces dif- tances accourcies la petite quantité & indiquée par l'équation de l'orbite, on aura les diftances accourcies qui répondent à chaque rayon de l'orbite de la planète, On cherchera de, même le fecteur elliptique qui répond à l'angle ASQ, & la petite quantité 6 dont il faut aug- menter ce feéteur pour avoir le feéteur correfpondant de l'orbite À Â1: on augmentera cette quantité @ dans le rap- port du cofinus de l'inclinaifon de Forbite au finus total, & on aura la véritable quantité dont il faut augmenter le fec- teur elliptique pour avoir le feéteur correfpondant de l'orbite, en ayant égard à l'inclinaifon de cette orbite fur le plan de l'écliptique. XIV. Si l’on cherchoit l'orbite de Saturne, en tant qu’elle eft dérangée par l'action de Jupiter, il feroit bon pour rendre . cette recherche plus facile, de rapporter l'orbite de Saturne, non au plan de l'écliptique, mais au plan de l'orbite de Ju- » piter qu'on regarderoit comme immobile : enfuite on rap- … porteroit l'orbite de Jupiter à l'orbite de Saturne confidérée . comme immobile, pour avoir les irrégularités du mouve- - ment de Jupiter, & ayant ainfi déterminé les orbites de … chacune de ces planètes, & les variations de la ligne de leurs Men. 1745: Bbb cs 78 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE nœuds & de leur inclinaifon, il feroit fort aifé de déterminer ces mêmes varations par rapport à l'écliptique. En général, quand on voudra connoître le dérangement caufé dans l'orbite d’une planète par l'aétion de tant de pla- nètes qu'on voudra, À, B,C, &c. il faudra d'abord cher- cher le dérangement de certe orbite, en la rapportant à l'orbite de la planète À, puis à l'orbite de la planète 2, &c. ce qui fera beaucoup moins long qu'on ne pourroit fe l'ima- giner d'abord, parce que le calcul une fois fait du dérange- ment caufé par la planète 4, on aura, en changeant fimple- ment quelques conilantes, les dérangemens caulez par les autres : on combinera enfuite enf-mble toutes ces variations. rapportées à l'échipiique, & on aura la variation totale. X V. Pour trouver le mouvement des apfides, on peut fuppoler »' = o, & prendre fimplement la différence de x qu'on fera — 0; mais il eft à propos de remarquer qu'une: très- petite erreur dans la valeur de x, peut en produire une fort grande dans le mouvement de l'apfide : par exemple, fi dans l'équation B fart. V) la force @ étoit proportion- aa \ aa . . , . nelle en partie à xouà ==, comme il arrive dans Ja théorie- Li og; car on fe tromperoit alors dans la détermination de angle des apfides, d’une quantité du même ordre que ÿ; il faudra pour avoir le mouvement de l'aptide, metire au lieu de z fa g a+! gaa de la Lune, if ne faudroit pas fuppofer le terme uu Faa valeur DUR a EU de ce MP PS LI a qui en diffère très peu, & l'équation de l'orbite, néceflaire pour déterminer le mouvement des apfides, fera de cette: forme, ddt+ Nid + Mdy —o, dans laquelle N marque une conftante, & qu'on intégrera facilement par une méthode femblable à celle de l'article VI. XVI. On trouvera par des méihodes femblables les or-. bites des fatellites autour des planètes premières, en regar- dant celles-ci comme autant de Soleils, 1 DrElS NS C/IIEUN cire 379 Ainfi pour avoir les forces accélératrices qui animent un fatellite quelconque, il faut tranfporter à ce fatellite en fens contraire & dans une direction parallèle, toutes les forces accélératrices qui agiffent fur la planète principale, & com- biner ces forces avec les forces accélératrices qui agiflent fur le fatellite. C'eft aux obfervations comparées avec le calcul, à nous apprendre quelles font les planètes dont l'aétion mutuelle dérange le plus fenfiblement les mouvemens des autres corps céleftes. Il y a apparence que Jupiter & Saturne font celles qui y influent le plus; & il pourroit bien fe faire auffi que les fatellites de ces planètes qui par leur aétion mutuelle altèrent beaucoup leurs mouvemens, produififfent quelque dérangement fenfible dans celui de leurs planètes principales. XVII. Je pourrois faire voir ici que la méthode que je viens d'expofer pour déterminer les orbites des planètes, en les regardant comme peu différentes d’un cercle, & peu incli- nées à lécliptique, s’'appliqueroit facilement à la recherche de ces mêmes orbites, quand elles feroient fort excentriques & fort inclinées à l'écliptique, ce qui ne feroit peut - être pas inutile pour la théorie des Comètes. En effet, foit que l'orbite foit fort inclinée à l'écliptique ou non, on peut toûjours la regarder comme fenfiblement plane, & trouver les forces @ & + qui agiffent dans le plan de cette orbite, & qui feront comme des fonétions de l'arc AQ, & du rayon de forbite confidéré comme une ellipfe ou une parabole, c'eft-à-dire, comme des fonétions de 7 parce que le rayon de l'orbite elliptique ou parabolique eft exprimé en 7, Or dans la différenciation de l'équation géné- rale À, après avoir divifé la différentielle par le coëfficient du terme qui contient ddu, & négligé les termes qui font nuls par rapport aux autres, on aura pour les trois premiers #4 Fde & VU É . des fonétions de ®, æ, du, u, 7, dg, dans lefquelles on BBD ij termés, ddu + , & les autres termes feront 380 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Rox4re . ds pourra mettre au lieu de @, x, u, du, ——, di, les mêmes valeurs en 7 que ces quantités auroient fi l'orbite étoit ellip- tique ou PAPE ainfi le problème fe réduira à intégrer ddu = + Mdg = 0; M étant une fonction de F2 on Nr Pre à une femblable équation en fe fervant de lune des deux méthodes dont il eft parlé dans l'article V, Je trouve, par exemple, en me fervant de la feconde de ces deux méthodes, & en ne négligeant rien, que ddu udË at d® 2ads 7 xd$ (] ne Et re = É a hhgg [= # ( vxxd? fe v ) uu Ta a du Faad a°d5* Txds dd 7 RE 4 (f pes 3 w ds hhgg du xt uugghÀ Taadu 2ads Txds dé ds° * (@ u ds x» ao vxxdg Ÿ De = vuxt dé ( Lee )'] = 0; équation qui peut fe réduire, foit que fie — 9; €q qui peut fe » Joit q 3 . . n « 1.4 - Fellipfe foit fort excentrique ou non, à ddu + & 4 Faadÿ pat di 7 a" dg du 2.45 Fdsdz ,7xds hhgg uuhhgg Bhkggds SH C1] = 0; & fil'ellipfe diffère peu d’un cercle, on pourra encore 7 a dg du , D higeds o, & quand l'ek at 2 fuppoler @ — — pa’, & lipfe eft fort excentrique, on pourra toüjours par des cor- rections fucceflives, la déterminer aufli exaétement, qu'on voudra. A l'égard du mouvement des nœuds, & de la: variation de l'inclinaifon, on les déterminera en intégrant les for- ds° 10 ds ar V1 — HUE £ _ds’ar | & £ sa ; (1—7r) v°mxdg mettra LE ue de £, v, ds,r,r, en 7, comme fi l'orbite- étoit une véritable elliple.. , dans lefquellés on: DES SCIENCES 387 APPLICATION de ma Méthode pour déterminer les orbites des Planères, a la recherche de l'orbite de Lx Lune. Propofitions démontrées dans mon premier Mémoire. Soit le rayon vecteur de l'orbite d’une planète — x, Propofition E. fa viefle à chaque point de fon orbite... .:... sig, g' … fa vitéfle initiale au point où la tangente eft per- pendiculaire au rayon veéteur....,,.... EP fon rayon vecteur primitif, ou fa diftance initiale aurcentre désMorcess 3 da de 0 NE de Se . Ja force de gravitation à {a diflance 4... Not & par conféquent la force de gravitation à Îa D F. EE RE NT a ane mt — 2% xx @ & 7 deux forces dont la première agit dans la direction 20e A 4 AM F. du rayon veteur, & s'ajote par conféquent à la force “© : : xx & dont la feconde eft perpendiculaire à ce rayons. Enfin un arc circulaire quelconque compris entre les. Mon vecteurs ee Re. ie Re T 2 : aa . , 4 Æaïfanti x — T7, On aura, comme je l'ai démontré dans- , . PAS ud td, Fuu LÉCÉERE TT EE EN NE RER . le Mémoire p 4 pe me (+ 0 a £ ds. a Txds ce ds ___ *xd7 ji Te ; J=o, TE avg [ . | | ” Si on regarde les forces 9 & 7 comme très-petites par Ù n E 1 . AI rapport de on pourra négliger les termes où PX 7 : * +x . à le trouveroient mêlées enfemble, ou élevées au quarré, &. dr Fdr 2F4F ads Txds Re Et ff rad, a 88 CA DEEE Bbb 382 MEMOIRES DE L'ACABEMIE Royazr pa dé madg du HAS A (Te , —=0, & n PA TN lue » & mettant à fa place d à xxd d de <—- fa valeur approchée HET pue v aag aug da Fdé “ 2Fdg +4 217" du — EE x [EE — LE a 88 88 USE uug£g rade du ————— , — = O0. ggu? dr Propoñtion Soit ddt +147 + Md7 — 0, une équation à inté- IL grer, & qui foit telle que : — À, & que dt — o quand L— 1 —7ZV— 1: 4 0, on ur — NS Le ? t—=0, ( - JE MV=ndac ET" VE pare s »E —C x , 2 donc l'intégrale de ddt+ N'tdÿ + Mdÿ — 0 fera, 1 V8 en faifant Nu... . 1—=d\\cof.u +c MA here —UV— I Mduvrc""T" mm Vote a 8 2NN É JT an 4 NyV—3 fase Net ou 4 —d\ cof. N7+ c £ JE — — Nyv—1 Haute MT - 2N Pour appliquer maintenant ces propofitions à l'orbite de [a Lune, on remarquera, 1° qu'en nommant Z l'élongation de la Lune au Soleil, la force du Soleil fur la Terre à la diftance B, B' Ia diftance variable de Ja Terre au Soleil, on aura — C à Q == + B° LS 32 B° x (cof Z)° Lei. JPA 39 B'a° ANS Re Bt 21 TA 2 B5y Bu 2 Zv—i —2ZV— 1 (= ra &r—— 2 , * fin, Z cof. Z : 2 2 2Zv—: — 2 Zv—s RE 39 Ba c —c . . . Te A ), j'exprime ici les finus & cofinus par des exponentielles imaginaires , comme j'en ai averti dans mon premier Mémoire, afin de rendre les intégrations plus faciles. DES SCIENCES 383 - . . F Fr * Maintenant foita— 1,&u— = OUY EU, Faa F o en nommant — ou , À, on remarquera, 1° que r eft 8 Ms toûjours une petite quantité, car comme l'orbite ne diffère pas beaucoup d'un cercle, # diffère peu de a, & gg diffère eft une petite quantité; donc Faa peu de Fa, ainfi u — on peut fuppofer #”—X"+-K""'r 2° Que K ou diffère peu de a, d'où il s'enfuit que dans les termes où 4 & 1 fe rencontreront enfemble, on peut mettre a où 1 au lieu de #, on aura par-là pour l'équation de l'orbite lunaire: 34e y, 2F.8B ) (en négligeant l'inclinaifon) ddt+1d7 (1 — Zv—s —2Zv—x. : 2 3 L B° Û e°° —=C H2KdT]— 55e (x 40) VE 2 1 ÿh 3 ÿ B° | dz — Kdz [ Z BIFR Ep ( re ee 2): eZ": Le Zv— ] RC RE LP ; 4 B, FV— x donc fi on fait dans cette équation 1 — Le —#: TE pe ; 1 IT ere d\, & enfin les derniers termes de cette même équation, excepté les deux premiers, — #7, on aura 9 N V— I Mdr ve — Nrv—s 8— col. N7 + c ? NES _. — NV pare NU" 2N Cela pofé, 1° fi on veut avoir l'équation de l'orbite, en mégligeant dans la quantité #7 les termes où le rencontre, » il fera ficile de trouver cette équation : car foit À l'élon- » gation de la Lune au Soleil, lorfque la Lune part du point: - de fon apogée ou de fon périgée, 7° l'arc que le Soleil mm décrit durant le temps que la Lune décrit l'arc 7, on aura … Z—37+A—7; 0r, luppofant la révolution de la Terre LE 12) RARE 84 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE à celle de la Lune comme 1 à #, on a à très -peu près z 2g'i:12, il viendra Z=7 +- 4 —n3; dévplus A x \ a on a à très-peu près À": 4 :: — : B, parce que les forces centrales font à peu près en raifon direéte des rayons, &c É s er) 2 E à La PA. d'2 inverfe des quarrés des temps périodiques; donc =" — É — iripe ÉLHPORIRE TT 178# , &N=V(1 PTE FTP 2° Il eft facile de voir, en fubflituant pour Z fa valeur + A—n7 dans la quantité #1, que chacun des termes A+ 97) V— 1; de cette quantité fera de cette forme, c ( 17) s d'où l'on voit que la quantité qui eft fous le figne / dans l'équation, fera fort facile à intégrer, & l'on aura 1 AS co ;N+ (IE LU MAEGEE |) (cof. Nz— 1) 2 2—21n 2 1 ï cof 2 A+ Nz 3ra(2—1) + 372 = ——— | ————— - 3 a e a 2 N(A—2+27) ER 4 cof. AN , 3 SL cof. A—2n of. 2 t 3#a(2 ) 27+2 Sete zN(N+2—21) 2—2n NN— (2— 3%) aa aa aa mettant pour x fa valeur —— = —— — , 4 DE a—d\ ++ £8 on aura l'équation de l'orbite lunaire, dans Haquelle il eft facile de voir que A eft à peu près égale à l'excentricité de Porbite prife négativement : car foit £ cette -excentricité, il eft certain que gg — Fa — F'e à très-peu près, or : | — a — SN, donc A — —6; & comme € eft à peu 88 près — a, on voit que le terme d' cof. Vz eft beaucoup plus grand que Îes autres, & qu'ainfi l'apogée de Ja courbe fera à quelques degrés près aux points, où fin. V7 = 0: or il ef facile de voir que fi le lieu de apogée étoit donné ‘exactement par l'équation fin. V7 = 0, l'apogée feroit 54 31” environ par révolution, & par conféquent fa révo- kution totale à peu près en 1 8 ans; donc l'apogée de la Lune fera fa révolution à peu près en 18 ans, nu arch + i à ‘DES TSI T EIN CES 385 114 » E N . . * H n'y a point à craindre que les termes de Ia quantité M, où entre #, & que nous avons négligez, changent fen- - fiblement le mouvement de l'apogée, car, 1 ° z eft une quan- … tité fort petite, puifqu'elle eft-à peu près — 4 cof. z N. 2° pour avoir la valeur de 4 plus exactement, on fera Faa 2 + a n° & Ce Re — . ÎME NE HE ug € : Bu”; donc ne ERP Php VER LORS Var B'B'dg PCM CRE y 39 es f&teurs / £ == {nt & entr'eux en raifon compofée de 1 à, & de{a—€)* àBB, at RENT 8 B Bn. Or fi on fuppofe que la Terre parte du point de fon aphélie en même temps que la Lune de fon apogée, on aura B°— 8 +- à cof. x‘ 7, en nommant À l'excentricité de l'orbite terrefire, & 1 —7" le rapport du mouvement des apfides de cette orbite au PP } mouvement de la Terre: donc mettant pour x fa valeur P aa a— d\ + Âcof. N7 de 2” l'expreflion qu'on vient de trouver, il viendra z 2 d\fin NZ ñ 2h 17. ; men GT iper ne 7 L :: 1:41, donc 7 = * re * : c'eit-à-dire, comme dans la proportion précédente, & au lieu 2 NA fin. NZ 2 fin. AZ | FN NE EU puifque Z—%+ 4 — 7, on aura la valeur de Z en Z feulement, & cette valeur fera À + [1 —1) 7-1, 1 étant une petite quantité, où il n'entre que des finus & cofinus d’angles multiples de; donc en général, 22 V— x à très- peu près 7 7 — ; donc A+ —21).2l V— 1 RE ar : Ten I Fac [—24— (2 —2n) 7] V—x (1—2nV— 1); fion met dans cette expreflion au lieu D. : = 2 d\f fin. N4 2 À fin. M AZ SRE de » fa valeur — a ondiuepemnel par des exponentielles imaginaires, & qu’on fubflitue outré … Men 1745. Ccc 86 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE cela dans la quantité /Z, au lieu de : & de B'Jeurs valeurs d'cof. N'y & B + À cof. 7 17, on trouvera qu'il n'entre dans cette quantité /7 que des termes conflans, avec d’au- B EE tres de cette forme « (BK) V— , B & K étant des nombres conftans : l'intégration de l'équation À n'aura donc aucune difficulté, & voici le réfultat du calcul. . 2 (a—d 2 a—d cof. A 2 Soit H— EL ya Lee (2—2n. d\) 2+ 22. d\ A4 AT NE cof.2 A x ( 3—2n HE 1—2% 2D(2—1) 2B(1—34)" D=;3n (a—À) x (14 a 2—2n Nan val 3 an À £= Te 2 6 F= An (rue EST (i—n), An 2 ÉRTIUN nur: LUE TS 6n : C—In ‘Ge 5€ RE an NOR /> LR) B 4 2(2—n) /? p an À : 21 M— B RE PP à DEAN, N= Vi — IE) fi TE) 2178 on aura x — aa divifé par la quantité fuivante, a—N Hd cof. Nz7 — D cof. Sue NN— (2— 27) , cof. 2 A— N7 cor 2A+ Nz cp 2N(N+2—2n) FE 2N(N—2+2%) sur patte az cof. M MF RCE AT ENS 2—7 1—7 1—(3—2n) LINE cof 717-272 A—2n7 cof Ny—27—2A+287 1— (2 —») 1—(1— 22} | car of 7/27 —27—2/A+2a% Gen UIC == CCR U'oafgas) afin) 7 (amis) — — 2(3—3%) + cof. 2 A Nz DES SCIENCES, 387 £ : F MU LE cof. 2 ANG x (2 2 FA 2 (20—2) 2 (n—1 ) ——). Dans cette valeur de x, comme » eft en- 2(3#+1) viron -+, & que AV eft prefque = 1, il eft facile de voir que les coëfficiens des termes où fe rencontrent D & G font les plus grands de tous, mais fort au deffous de -L, c’eft- à-dire, de 4. Donc, &c. Si on vouloit avoir égard à l'inclinaifon de l'orbite lu- naire au plan de lécliptique, alors il faudroit chercher l'équation de l'orbite projetée fur le plan de l'écliptique, & nommant 77 la tangente de cette inclinaifon, À le finus de l'angle de la ligne des nœuds avec le rayon 4, lle finus de Faa 4x l'angle de cette même ligne avec le rayon x, la force Faa{i+mmRR) } #4 (1 + mmVW) + force F qui agit à l'extrémité du rayon a {1 +mmRR) de l'orbite réelle, on prenoit la force qui agit à l'extrémité du rayon a de la projection, force que j'appelle Æ” & qui £ F j . 5 Faa Fun nn kg ? On auroit au lieu de —— ou ee. 1HmmRR | 3 __ Flu 3 Fuu Me ne 0 a le ae {mmRR—mmVV). Soit & langle de la ligne des nœuds avec le rayon 4, 7” l'angle parcouru par la ligne des nœuds, . durant le temps que ki Lune parcourt l'angle 7 dans la pro- — jection de l'orbite, on aura R— fin.&, V— fin. 7" + & » —7—fna—7—+ "17, parce que 7’ efl à peu près à 7 dans . un rapport conftant, que je fuppole celui de 1 à # ; mettant » donc ces valeurs de À & de J”, exprimées par des exponen- … tielles imaginaires, dans l'équation primitive, & intégrant par » les méthodes que nous avons expliquées, on trouvera 1 ° qu'il x \ LE deviendroit ; ou, fi au lieu de prendre a eft — la quantité _ faut augmenter la quantité Æ7 de — X + cof. 2 &; ‘ “2° qu'en faifant— 2 — P, il faudra ajoûter au dénos pe £ ; Ccc ij 88 MEemoiREs DE L'ACADEMIE RoYyALE cof. 2 #72 mue 3 7 1— (2 — 32} minateur de la valeur de x, la quantité — ? cof. 2 &— Ny cf. 24+ N7 Mn 2 (2n#—1) +? 2(3—2%) N+ H=S, on aura l'équation de l'orbite telle que je l'ai donnée dans des papiers remis entre les mains de M. de Fouchy, avant la rentrée de l'Académie, le 12 Novembre 1747. Par un autre papier que je lui avois remis le 6 du même mois, on voit que j'avois réduit l'équation de l'orbite de fa ; donc faifant Lune à cette forme /41+ (1 — Fe tdÿ +Mdÿ = 0; qui eft l'équation néceffaire pour trouver le mouvement des apfides ; & j'avois déjà remarqué que ce mouvement ne devoit être que 14 31° par révolution, comme dans le co- rollaire 11 de la Propoftion X LV livre I de M. Newton, fans prétendre rien décider par-là fur l'application que M. Newton pouvoit faire de ce corollaire au mouvement des apfides de la Lune. Au refte cette méthode que je donne ici pour trouver le mouvement des apfides, fe trouve dans le Mémoire que j'ai à il y a fix mois à l'Académie. Voict ce que je dis dans l'article X V de ce Mémoire : » Pour >» trouver le mouvement des apfides, on peut fuppoler — 0; » & prendre fimplement la différence de x qu'on fera = 0; » mais il eft à propos de remarquer qu'une très-petite erreur » dans la valeur de x, peut en produire une fort grande dans » le mouvement de lapfide : par exemple, fi dans l'équation Z » (article V) la force @ étoit proportionnelle en partie à x aa . . n % . > Où ——, comme ik arrive dans la théorie de Ia Lune, il ne aa > faudroit pas fuppofer le terme —= 9, car on fe trom- » peroit alors dans fa détermination de l'angle des apfides ; » d’une quantité du même ordre que@ : il faudra pour avoir » le mouvement de l'apfide, mettre au lieu de # fa valeur Faa k I g 1 a+t > 2 1 & au lieu de —, + = où PT DES. S'CURNENN CES 389 en diffère très-peu; & l'équation de l'orbite, néceffaire pour déterminer le mouvement des apfides, fera de cette forme, ddt+ Nrdzÿ + Mdÿ = 0, dans laquelle N marque une conftante, & qu'on intégrera facilement par-une mé- thode femblable à celle de Particle VI,» c’ef-à-dire, par une méthode femblable à celle par laquelle j'ai intégré dans cet article l'équation ddy + 147 + Mdy — 0. C'efl dans la fubfitution de . tout l’artifice de ma méthode, parce que cette fubflitution donnant un coëfficient /V, ou, ce qui eft {a même chofe, N° au terme d7’, la valeur de x renferme cof. /Vz au lieu de cof. 7, & le coëfficient V° fait trouver le mouvement des apfides, qui, par ce moyen, n'eft pas plus difficile à dé- terminer que l'orbite. Je dois avertir au refle, que cet article X V, que j'ai ajoûté à mon Mémoire dans le cours de la leéture que j'en ai faite, & qui a été paraphé avec le refte du Mémoire, le 23 Juin 1747, n'a point été Jù à l'Académie, ainf M. Clairaut n’en avoit aucune connoiflance , lorfqu'il a 1à à la fin du mois d'Août fa méthode pour trouver le mouvement des apfides ; "& comme de fon côté il n’a 1ü le réfultat de fon calcul fur J'apogée de la Lune que le 1 $ Novembre, on voit que nous fommes arrivez à la même conclufion par des routes très- différentes, & fans nous rien communiquer. . H réfulte de cette propofition, que le centre de gravité de la Lune, abftraétion faite de la force folaire, eft tiré vers da Terre par une autre petite force qui n’eft pas en raïon - inverfe du quarré de: la diftance, & qui s’ajoûte ou fe re- — t à la place de # que confifle tranche de la force — ; or quelle que puiffe être cette ” force, & quelle qu'en foit la caufe, je la fuppofe exprimée. par GA (= JA — étant une fonction de _ qui foit = x: » quand ax; ajoûtant donc GA = ou GA _. ou GA. Ccc ii $ n ñ « o MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe ( rx ) à la force ® ci-deflus, le terme EE fers a uugg v y ; K+1 é d uantit G —— ÉE) SSS augmenté de fa quant A (5 (E+1)* K K y . A = +6— T{—-), en nommant lé —) le coëf- K+1 ficient de dt dans la différenciation de —— À ( }s (K+t) a donc dans l'équation de l'orbite le coëflicient /V° fera aug- menté de _ r( _ ), & le coëfficient 4\ de la quantité KGa* K AIT : [ra + A — : or comme ce coëfficient 4\ eft inconnu dans l’'hypothèfe de Ja gravitation en raifon inverfe du quarré des diflances, il demeurera de même inconnu, & devra être déterminé par obfervation dans toute autre hypothèfe K+ fur la valeur de G & de A d a N°, il peut être auffi connu à peu près par les obfervations, c’eft pourquoi on voit que l'addition de cette nouvelle force ne rend pas l'équation de l'orbite de la Lune plus com- pliquée, ni la théorie de fes mouvemens plus difhcile à découvrir. + ; à l'égard du coëfficient Quoique les deux Mémoires précédens de M* Clairaut & Z'Alembert, n'aient été lis à l’Académie que dans le courant de l'annee 1747, on a jugé à propos de les publier dans le volume de cette année, D'ES S'CITE NC E/S 39t RE LL AMLON" ERA BR E CHEUE D'un Voyage fait dans l'intérieur de l'Amérique méridionale, depuis la Côte de la Mer du Sud, jufques aux Côtes du Bréfil à de la Guiane, en defcendant la rivière des Amazones. Par M. DE LA CONDAMINE. la fin de Mars 1743, après avoir pañlé fix mois à . LûeilAf- Tarqui près de Cuenca au Pérou, occupé nuit & jour FRE É dans cette folitude à lutter contre un Ciel peu favorable à AUS ni lAftronomie ; je reçus avis de M. Bouguer, qu'il avoit fait auprès de Quito, à l'extrémité feptentrionale de notre Méri- _Mefure de Ia dienne, diverfes obfervations d'une Etoile fituée entre nos 1% * deux zéniths, plufieurs des mêmes nuits que je l’avois ob- fervée de mon côté à l'extrémité auftrale de Ja même ligne. Ces obfervations fimultanées, par lefquelles j’avois engagé M. Bouguer à terminer notre travail, nous avoient acquis Favantage fingulier de pouvoir conclurre direétement & fans aucune hypothèfe, ‘la vraie amplitude d’un arc du Méridien de plus de trois degrés, dont la longueur nous étoit connue géométriquement; & de tirer cette conclufion, fans avoir rien à craindre des variations, foit optiques, foit réelles, même inconnues, dans les mouvemens de l'étoile, puifqu’elle avoit été faifie dans le même inftant par les deux obfervateurs aux . deux extrémités de l'arc. M. Bouguer, de retour en Europe 1 quelques mois avant moi, a fait part de notre réfultat à notre dernière Aflemblée publique. Ce réfultat s'accorde avec celui des opérations faites fous le Cercle polaire 2. 11 ne s'accorde - pas moins avec les dernières exécutées en Franceb, & toutes ù 2 Par M" de Maupertuis, Clairaut, Camus & le Monnier, de cette m… Académie, par M. l'Abbé Outhier Correfpondant de l’Académie, &c.. à Par Mr Caffini de Thury & l'Abbé de la Caille, £a TRE Platie vers les poles, Autres tra- vaux des Aca- démiciens. * 7. l'Hifloire de l'Ac.1 740, page 72, Voyages par- ticuliers dans les terres. » MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE confpirent à faire de la Terre un Sphéroïde applati vers les poles. Partis au mois d'Avril 173 5, un an avant les Acadé- miciens envoyez vers le Nord, nous fommes arrivez fept ans trop tard, pour apporter en Europe les premières nouvelles certaines de l'applatifiement de la Terre. Depuis ce temps, ce fujet a été remanié par tant de mains habiles, que j'efpère qu'on me fçaura gré de renvoyer aux Mémoires de l'Aca- démie le détail de mes obfervations particulières fur cette matière, en renonçant au droit trop bien acquis que j'aurois d’en entretenir aujourd’hui cette Affemblée. Je ne n'arrêterai pas non plus à faire ici la relation des autres travaux académiques, indépendans de la mefure de la Terre; auxquels nous nous fommes livrez, tant en com- mun qu'en particulier, foit dans notre route d'Europe en Amérique, dans les endroits où nous avons féjourné, foit après notre arrivée dans l province de Quito, pendant les intervalles fréquens caufez par des obflacles de toute efpèce, qui n'ont que trop fouvent retardé le progrès de nos opé- rations. Il me faudroit pour cela donner le précis d'un grand nombre de Mémoires envoyez à l'Académie depuis fept ou huit ans, dont les uns ne {ont pas même arrivez en France, & dont la plüpart des autres n'ont pas encore paru, même par extrait dans nos recueils. Je ne parlerai donc point ici de nos déterminations aflronomiques ou géométriques de h Latitude & de la Longitude d'un grand nombre de lieux; de l’obfervation des deux Solflices de Décembre 17 36 & de Juin 1737, & de l'Obliquité de l'Ecliptique qui en rélulte; de nos expériences fur de Thermomètre & le Baromitre, fur la déclinaifon & l'inclinaifon de Aiguille aimantée, {ur la viteffe du Son, fur l'Attraétion Newtonienne*, {ur 1a fongueur du Pendule à différentes latitudes & à diverfes élévations au deflus du niveau de la mer, fur da dilatation & la condenfation des Métaux, ni des deux voyages que j'ai faits, l’un en 1736, de la côte de la Mer du Sud à Quito, en remontant la rivière des Emeraudes ; l'autre en 1737, de Quito à Lima. | Enfin, D: ff A SRGTUENN CHE 93 Enfin, je me difpenferai de faire ici l’hifloire des deux Pyramides que j'ai fait ériger pour fixer à perpétuité les deux termes de la Bafe fondamentale de toutes nos mefures, & prévenir par-l les inconvéniens qu'on n'a que trop éprouvez en France, faute d'une pareille précaution, quand on a voulu vérifier la Bafe de M. Picard. Je me contenterai d’obferver, que /'Anfcription confultée avant notre départ à l’Académie des Pelles- Lettres, € depuis pofée fur ces Pyramides (avec les chaw. gemens que les circonflances du temps © du lieu ont exigez) fut dénoncée par les deux Lieutenans de vaiffeau du Roi d’Efpagne, z0s adjoints, comme injurieufe à Sa Majefté Catholique 7 à la mation Efpagnole ; que j'ai foëtenu pendant deux ans le procès intenté à moi perfonnellement à ce fujet, 7 que je l'ai enfin gagné contradhiétoirement au Parlement même de Quito. Ce qui s’eft pañté en cette rencontre, & divers autres événemens inté- reflans de notre voyage, que la diftance des lieux a fort dé- figurez dans les récits qui en font parvenus ici, font plûtôt la matière d'une Relation hiftorique que d’un Mémoire aca- démique. Je me borneraï dans celui-ci à ce qui concerne mon retour en Europe, Pour multiplier les occafions d’obferver, nous étions con- venus depuis fong temps M. Godin, M. Bouguer & moi, Pyramides & infcriptions. Projet du retour par fa . rivière des de revenir par des routes différentes. Si la curiofité feule eût Amazoncs, déterminé mon choix, je n'euffe pas balancé à prendre Ia route du Mexique ou celle du Paraguay. Je donnai la pré- férence à une autre beaucoup plus ignorée, & que j'étois für que perfonne ne m'envieroit; c'étoit celle de la rivière des Amazones, qui pafle pour le plus grand fleuve du monde, & qui traverfe tout le Continent de l Amérique méridionale, d'Occident en Orient. Je fçavois que cette entreprife avoit {es difficultés; mais après y avoir mürement réfléchi, je jugeai qu'aucun des obftacles qu'on alléguoit pour me détourner de mon projet, n'étoit invincible avec un peu de réfolution.* Moins les voyageurs ont eu occafion de pénétrer dans ces yvaftes régions inconnues au refte du monde, plus j’efpérois xendre mon voyage utile, en levant une Carte du cours du Mem, 1745. Ddd Voyage d'Orellana. Divers noms de la rivière des Amazones, MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALeE fleuve que j'allois defcendre, & en recueillant les obferva- tions en tout genre que j'aurois occafion de faire dans un pays fi peu fréquenté. Celles qui concernent les mœurs & les coû- tumes fingulières des diverfes nations qui habitent fes bords, feroient beaucoup plus propres à piquer la curiofité du grand nombre de Lecteurs ; mais j'ai cru que dans ce lieu & devant une affemblée fçavante à qui le langage des Phyficiens & des Géomètres eft familier, il ne m'étoit guère permis de m'é- tendre fur des matières étrangères aux objets de cette Acadé- mie: cependant, pour être mieux entendu, je ne puis me difpenfer de donner quelques notions hiftoriques prélimi- naires au fujet du fleuve dont il fera ici queftion, & de fes premiers navigateurs. On croit communément que le premier Européen qui a reconnu la rivière des Amazones, fut François d'Orellana. IL s’embarqua en 1540, environ 50 lieues à l'Orient de Quito, fur la rivière de Coca, qui plus bas reçoit le Napo dont elle prend le nom; du Napo il tomba dans une autre plus grande, & fe laïffant aller fans autre guide que le courant, il arriva au Cap de Nord fur la côte de la Guiane, après une navigation de 1800 lieues, fuivant fon eftime. Le même Orellana périt dix ans après, avec trois vaifleaux qui lui avoient été confiez en Efpagne, fans avoir pü retrouver la vraie embouchüre de fa rivière. La rencontre qu'il dit avoir faite en la defcendant, de quelques femmes armées, dont un Cacique ou Capitaine Indien lui avoit dit de fe défier, Ia fit nommer rivière des Amazones, dans la Patente accordée en Efpagne à Orellana pour la conquête de ce pays. Ce nom lui eft refté. Quelques-uns l’ont aufi nommée du nom d’Orel- Lana ; maïs avant lui elle étoit déjà connue fous le nom de Marañon*, qu'elle avoit reçu, fi lon en croit Auguftin Zarate & le P. Acofta, d’un autre Capitaine Efpagnol, ainfi appellé. Laet, & les Géographes qui ont cru comme luib, que le * Prononcez Maraonon. b Laer, Defcription des Indes occidentales, livre XVI, chap. 8, & Ev. XVII, chap. 2. DES SCIENCES. s Marañon & l Amazone étoient deux rivières différentes, font excufables d’avoir déféré à l'autorité de Garcilafio & de Herrera; mais il eft fmgulier que ces deux Hiftoriens aient ignoré, que non feulement les Auteurs originaux * de leur nation donnent dès l'an 1 $ 1 3 le nom de Marañon à la rivière que defcendit depuis Orellana, mais qu'Orellana lui-même dit dans fa Relation, qu'il rencontra les Amazones en defcen- dant Je Marañon, ce qui eft fans replique; & en effet, ce nom Jui a toûjours été confervé fans interruption jufqu’aujourd’hui, depuis plus de deux fiècles chez les Efpagnols, dans tout fon cours, & dès fa fource dans le haut Pérou. Cependant, les Portugais établis depuis 1 6 1 6 au Parà, ville épifcopale, fituée vers l'embouchüre la plus orientale de ce fleuve, ne le con- noiflent là que fous le nom de rivière des Amazones, & plus haut fous celui de Solimoës, & ils ne donnent le nom de Marañon, ou de Maranham dans leur idiome, qu'à une ville & à une province, ou Capitainerie Voïfime de celle du Parà. J'uferai indifféremment du nom de Marañon, ou de rivière des Amazones. En 1559, Pedro de Urfoa envoyé par le Viceroi du Pérou pour chercher le fameux lac de Parima, & le pays del Dorado, qu'on croyoit voifins des bords de l'Amazone, fe rendit dans ce fleuve par une rivière qui y entre du côté du Sud, & de laquelle j je parlerai en fon lieu. La fin d'Urfoa fut encore plus tragique que celle d'Orellana fon prédécef- feur. Urfoa périt par la main d’Aguirre Soldat rebelle, qui, fe fit déclarer Roï: celui-ci defcendit enfuite le Marañon, & après une longue route, qui n'eft pas encore bien éclaircie, ayant porté en tous lieux le meurtre & le brigandage, ïül finit par être écartelé dans l’ifle de la Trinité. . De pareils voyages ne donnoient pas de grandes lumières: fur le cours du fleuve. Quelques Gouverneurs particuliers firent depuis avec auffi peu de fuccès, différentes tentatives: le Capitaine Juan de Palacios y fuccomba, & périt par la nn + Voyez Pierre Martyr, fa lettre de Valladolid, Fernand. de Encio, — Fernandez de Oviedo, Pedro Cieça, Auguftin Zarate. Ddd ÿ Voyage rl0a. Autres tentatives4 7 V oyage de Lexcira, Voyage du P, d'Acuna. Carte de la sivière des Amazones par Fanfon. 396 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE main des Sauvages des bords du Napo. Les Portugais furent plus heureux que les Efpagnols. Six Soldats de la troupe de Palacios & deux Frères Laïs de l'Ordre de S.' François, échappez aux traits des Sauvages, s'étoient abandonnez au fil de l'eau dans un petit canot, & après avoir fouffert ce qu'on peut bien imaginer en de telles circonftances, étoient enfin abordez au Parà, près d’un fiècle après la navigation d'Orellana. Sur leur rapport, le gouver- neur Portugais de cette place, Jacome Reymundo de No- ronha, jugea qu'on pourroit remonter le fleuve jufqu'aux environs de Quito, & réfolut de s'en aflurer. Il chargea Pedro Texeira de l'exécution de l'entreprife. Celui-ci à la tête d'un nombreux détachement de Portugais & d'Indiens, & guidé par les deux Francifcains, remonta l’Amazoneen 1637 & 1638, avec une petite flotte de quarante-fept canots, de- puis le Parà jufqu’à l'embouchüre du Napo, & enfuite le Nape même, puis la Coca, qui le conduifit environ à trente lieues, ou peut-être moins en droite ligne de Quito, où il fe rendit par terre avec quelques Portugais de fa troupe. IE fut bien reçu des Efpagnols, les deux nations obéiflant alors au même maître. Îl retourna un an après au Parà par le même chemin, accompagné des PP. d'Acuña & d’Artieda Jéfuites, nommez pour rendre compte à la Cour de Madrid des par- ticularités du voyage. Ils eflimèrent le chemin depuis le hameau de Napo, lieu de leur embarquement, jufqu'au Parà, de 1356 lieues efpagnoles, qui, fur le pied de l'évaluation ordinaire de 17+ au degré, feroient près de 1600 lieues marines, ou près de 2000 de nos lieues communes. Nous verrons qu'il y a beaucoup à rabattre de cette eftime. La Relation de ce voyage fut imprimée à Madrid en 1 641 en efpagnol. La traduétion en notre langue, publiée en 1 682, par M. de Gomberville, de l'Académie Françoife, eft entre les mains de tout le monde. La Carte très-défetueufe du cours de la rivière des Ama- zones, dreffée par Sanfon fur cette Relation purement hifto- rique, a depuis été copiée par tous les Géographes, faute de 4 ae Le CAC | D'ELSUISACIIVENN IC) ES: nouveaux Mémoires®, & nous n’en avons pas eu de meilleure ‘jufqu'en 1717. Alors parut pour la première fois en France, dans le douzième tome des Lettres édif. © cur. &c. une copie de la Carte du cours du Marañon, gravée à Quito en 170% & dreflée dès l'année 1 690, par le P. Samuel Fritz Jéfuite Allemand, Miffionnaire pour la Couronne d'Efpagne fur les bords de ce fleuve, qu'il avoit parcouru dans toute fa longueur. Par cette Carte on apprit, que le Napo par où Orellana étoit defcendu dans l Amazone, & par où Texeira P étoit remonté vers Quito, n'étoit pas, comme on l'avoit cru avant & depuis le P. d'Acuña, la vraie fource de Amazone, mais une rivière fubalterne qui groffifloit l Amazone de fes eaux, tandis que celle-ci, fous le nom de Marañon, fortoit d’un lac près de Guanuco, à 30 lieues de Lima vers l'Orient. Toute cette partie fupérieure du cours du Marañon à été levée à loifir & à terre par le P. Fritz, qui a côtoyé fes bords depuis Guanuco jufqu'à Jaen à fon retour de Lima en1693. Îl n'en eft pas de même du refte de ce fleuve, que ce Père avoit defcendu jufqu'au Parà en 1689, & remonté en 1 69 1. I ne faut que lire fon Journal dont j'ai une copie, pour fe convaincre que ce Miffionnaire, malade Jorfqu'il def- cendit la rivière pour aller chercher du fecours au Parà, gêné & gardé à vüe à fon retour, ne pût guère faire les obferva- tions néceffaires pour rendre fa Carte aufli exacte qu'il en étoit capable. D'ailleurs, fans Pendule & fans Lunette, il n’a pû déterminer aucun point en Longitude, & il n'avoit pour les Latitudes qu'un petit demi-cercle de bois, de 3 pouces # L'ouvrage intitulé : e/ Marañon 0 Amagonas, 1684, n'eft qu’une compilation informe, fur-tout quant à la Topogræphie du pays, &-n’a fervi qu'à induire en erreur les Géographes qui l'ont confulté, particulièrement quant Asl'orioine du Marañon. Tout le mérite de ce livre confifte dans un abréoé dé la Relation du P. d’Acuña, devenue très-rare en Efpagne, & dans un rues chronologique des événemens mémorables d'Amérique depuis fa découverte. b Ellearé tirée fur l'original dépofé dans les archives du Collége des Jéfüites de Quito, & m'a été communiquée par Dom Jofeph Pardo y Figueroa, Marquis de Valleumbrofo, aujourd'hui Corrégidor de Cufco, bien connu Ddd iÿ "dans la république des Lettres. Carte du P. Fritz. Cours du Marañon ou de la rivière des Amazgnes. 398 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare de rayon. Avec auffi peu de commodités, il eft étonnant qu'il ait pû faire un ouvrage aufli eflimable, Avec plus de facilités que ce Père, je fens combien la Carte que je joins ici eft éloignée de la perfeétion. La difficulté de lever le cours d'une rivière, fur-tout quand fa direétion approche comme ici de la ligne Eft & Oueft, & change à peine de latitude, n’eft bien connue que de ceux qui ont travaillé à un pareil ouvrage. En attendant une Carte d'une plus grande échelle, à laquelle j'efpère donner une plus grande précifion par des calculs qui n’ont pü encore être réduits, celle que je joins ici, fuffra pour guider dans fa leéture de cette Relation. J'y ai ponétué le cours du Marañon felon le P. Samuel Fritz, pour faire mieux remarquer la différence de nos deux Cartes. Je dois encore obferver, que quoique celle du P. Fritz foit poftérieure de cinquante ans à l'ouvrage du P. d'Acuña; cependant comme le premier n’a joint à fa Carte que quel- ques notes, fans aucun détail fur la nature & les productions du pays, & qu’il eft le feul qu'on connoifle qui ait fuivi le cours du Marañon depuis l'an 1639, on ne fçait aujourd'hui en Europe de tout ce qui concerne les pays traverfez par V Amazone, que ce qu’on en fçavoit déjà il y a plus d’un fiècle, ar la Relation du P. d’Acuña; & par conféquent tout ce que j'ai à en dire, qui ne me fera pas commun avec cet auteur, eft abfolument nouveau pour le Public. Le Marañon après être forti du lac Lauri-cocha * où il prend fa fource vers 1 1 degrés de Latitude auftrale, court au Nord jufqu’à Jaen de Bracamoros, dans l'étendue de 6 degrés; de-là il prend fon cours vers PEft, prefque parallèlement à la Ligne équinoéiale jufqu'au cap de Nord, où il entre dans Océan fous l'Equateur même, après avoir parcouru, depuis Jaen où il commence à être navigable, 30 degrés en longi- tude, ou 750 lieues communes, évaluées par les détours à 1000 ou 1100 lieues. Il reçoit du côté du Nord & du côté du Sud un nombre prodigieux de rivières, dont plufieurs * Lauri-cocha où LLauri-cocha eft une corruption de Fauri-cocha, qui dans la langue des Incas, fignifie Lac de figure d'aiguille, à ES PPS RP TE ; SE è - DES; OI CIP'E JAN CES 309 ont cinq ou fix cens lieues de cours, & dont quelques-unes ne font pas inférieures au Danube & au Nil. Les bords du Marañon étoient encore peuplez il y a un fiècle, d’un grand nombre de nations, qui fe font retirées dans l’intérieur des terres, pour fuir les Européens. On n'y rencontre aujourd'hui qu'un petit nombre de bourgades de naturels du pays, ré- cemment tirez de leurs bois, eux ou leurs pères, les uns par les Miffionnaires Efpagnols du haut du fleuve, les autres par les Miflionnaires Portugais établis dans la partie inférieure. Ïl n’y a, à proprement parler, que trois chemins*, fi même ils méritent ce nom, qui conduifent de la province de Quito à celle de Maynas, laquelle donne fon nom aux Miffions Efpagnoles des bords du Marañon. Cette région eft fa pre- mière que ce fleuve baigne de fes eaux au fortir du haut Pérou, dont elle eft féparée, ainfi que du Gouvernement de Quito, par cette fameufe chaîne de montagnes toûjours couvertes de neige, connue fous le nom de Cordelière des Andes. Chacun de ces trois chemins traverfe néceflairement la Cordelière, le premier à un degré de la Ligne équinoéfiale vers le Sud; il pañle par Archidona, à l'Orient de Quito, & conduit au Napo: ce fut le chemin que prit Texeira à fon retour de Quito, & celui du R, d'Acuña. Le fecond paffe par une gorge au pied du volcan de Tonguragua, à 1 degré + de Latitude auflrale. Cette route conduit à la Province de Canelos, dont la re- cherche coûta fi cher à Gonzales Pizarre. Pour y parvenir on traverfe plufieurs torrens & rivières rapides; leur jonction forme celle de Paflaça, qui entre dans le Marañon plus de 100 lieues au deflus du Napo. Ces deux chemins font ceux que prennent ordinairement les Miffionnaires de Quito, les feuls Européens qui fréquentent ces contrées, dont la commu- nication avec la province voifine de Quito eft prefque totale- ment interrompue par la Cordelière, praticable feulement pendant quelques mois de l'année. Le troifième chemin eft » par Jaen de Bracamoros par 5 degrés + de Latitude auftrale, …. * Je ne parle point d’un quatrième chemin par Succambios, plus nord que “tous les fuivans, & qui conduit au Marañon par le Putumayo, mais au deffous de Maynas, & plus bas que les Miffions Efpagnoles , il n’eft pas fréquenté, Chemin de Quito à Mara= ñon. Par Archis dona. Par Cancles, Par Jaen: 400 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE celle à peu près où le Marañon commence à porter bateau, Ce dernier chemin eft le feul des trois où l’on puiffe conduire des bêtes de charge & de monture, jufqu'au lieu de l'embar- quement : par les deux autres il y a plufieurs jours de marche à pied, & il faut tout faire porter fur les épaules des Indiens; cependant celui-ci eft le moins fréquenté de tous, tant à caufe du long détour & des pluies continuelles, qui rendent les chemins prefque impraticables dans la plus belle faifon de l'année, que par la difficulté & le danger d’un détroit célèbre, appellé / Pongo, où toutes les eaux du Marañon raffemblées, s'ouvrent un chemin étroit entre deux rochers. Ce fut prin- cipalement pour connoître par moi-même ce paflage, dont on ne parloit à Quito qu'avec une admiration mêlée de frayeur, & pour comprendre dans ma Carte toute l'étendue navigable du fleuve, que je.choifis cette dernière route. Je partis de Tarqui, terme auflral de notre Méridienne, ML à 5 lieues au Sud de Cuenca, le 11 Mai 1743. Dans mon Départ de VOYAGE à Lima en 1737, j'avois fuivi le chemin ordinaire l'Auteur. de Cuenca à Loxa ; cette fois j'en pris un détourné, qui pafle par Zaruma, pour placer ce lieu fur ma Carte. Je courus quelque rifque en paflant à gué la grande rivière de los Jubones, fort crüe alors, & toüjours très-rapide ; mais par a. ce danger j'en évitai un plus grand *, qui m'attendoit fur le Co grand chemin de Loxa. D'une montagne où je paffai fur la route de Cuenca à Zaruma, on voit Tumbez, port de la mer du Sud, où les Efpagnols firent leur première defcente, au delà de 1a Ligne, lors de la conquête du Pérou. C'eft proprement de ce point que j'ai commencé à m'éloigner de la mer du Sud, pour traverfer d'Occident en Orient tout le Continent de Y Amé- rique méridionale. * A près avoir paflé cette rivière, j’appris que des gens apoftez par les auteurs ou complices de l’affaffinat du feu fieur Seniergues notre Chirurgien, nr'at- tendoient für le grand chemin de Cuenca à Loxa. Ils fçavoient que j’emportois avec moi en Europe une copie authentique du procès criminel que j'avois fuivi contre eux en qualité d'exécuteur teftamentaire du défunt, ils craignoïent que Parrèt de l’Audience Royale de Quito, rendu contre toutes les règles, & plein de nullités, ne fix café au Confeil d’Efpagne, &c. Taruma DES SCIENCES 40 | Zarumafitué par 3 degrés 40 minutes de Latitude auftrale, » donne fon nom à une petite province à l'Occident de celle r de Loxa. Laet, tout exact qu'il eft, n’en fait mention ni dans fa defcription de l'Amérique, ni dans fa Carte. Ce lieu a eu “ autrefois quelque célébrité par fes Mines, aujourd’hui prefque = abandonnées, ainfi que bien d’autres plus riches, faute d’ou- “ vriers pour les travailler. L'or de celles-ci eft de bas aloi, & n feulement de 14 carats; il eft mêlé d'argent, & ne laïfle pas - d’être fort doux fous le marteau. | Je trouvai à Zaruma la hauteur du Baromètre de 24 » pouces 2 lignes ; on fçait que cette hauteur ne varie pas dans la Zone torride comme dans nos climats. Je me füis afluré à Quito pendant des années entières, que fa plus grande ! différence ne pafle guère une ligne & demie. M. Godin a “ le premier remarqué que ces variations, qui font à peu près ; d'une ligne en 24 heures, ont des alternatives aflez régulières “ aux mêmes heures de la journée, ce qui étant une fois connu, “ donne lieu de juger de la hauteur moyenne du Mercure, ‘ par une feule expérience. Toutes celles que nous avions faites fur les côtes de la Mer du Sud, & celles que j'avois répétées dans mon voyage de Lima, m'avoient appris que cette hau- teur moyenne au niveau de la mer, n'étoit guère différente de 28 pouces, à quoi le P. Feuillée l'avoit déjà fixée; ainfr je pûs conclurre aflez exactement que le terrein de Zaruma étoit élevé d'environ 700 toifes, ce qui n’eft pas la moitié de l'élévation du fol de Quito. Je me fuis fervi pour ce ‘calcul, de la Table dreflée par M. Bouguer, fur une hypo- thèfe qui fatisfait jufqu'ici mieux que toute autre, à nos expériences du Baromètre faites à diverfes hauteurs détermi- nées géométriquement. Je venois de Tarqui, lieu affez froid, & je reffentis une grande chaleur à Zaruma, quoique je ne fufle pas, à en juger par le Baromètre, 1 00 toifes plus bas - que fur la montagne Pelée de la Martinique, où Fair nous » avoit paru froid en venant d’un pays bas & chaud. Je fup- pole ici, que l’on eft déjà informé que pendant notre long … féjour dans la province de Quito, fous la Ligne équinodiale, . Memi74;. 1) NBI ee] Mar 1743 Zaruma. Mines d’or abandonnées, Hauteur dû Baromètre, Elévation dre fol de Zaruma, Remarques fur le froid & le chaud, 402 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare = nous avons conftamment reconnu que l'élévation du fol plus Mat 1743: ou moins grande, y décide prefque entièrement du degré de chaleur, & qu'il ne nous falloit pas monter 2000 toiles pour nous tranfporter d'un vallon brülé des ardeurs du Soleil, jufqu’au pied d'un amas de neige, peut-être auffi ancien que le monde, dont une montagne voiline avoit fon fommet couvert, Ponts d'ofiers Je rencontrai fur ma route plufieurs rivières qu'il fallut paf eu décors er fur des ponts de cordes faites d'écorces d'arbres, ou de ces. d'arbres. efpèces d'ofiers qu'on appelle fianes dans nos ifles de lAmé- rique. Ces lianes entrelacées en réfeau, forment d’un bord à l’autre une galerie en l'air fufpendue à deux gros cables de la même matière, dont les extrémités font attachées fur chaque bord à des branches d'arbres : le tout enfemble pré- fente le même afpect qu'un filet de pêcheur, ou mieux en- core, un #amac indien, qui feroit tendu d’un côté à l'autre de la rivière. Comme les mailles de ce réfeau font fort larges, & que le pied pourroit pañler au travers, on tend quelques rofeaux dans le fond de ce berceau renverfé, pour fervir de plancher. On voit bien que le poids feul de tout ce tiflu, & plus encore le poids de celui qui y pañle, doit faire prendre une grande courbure à toute la machine; & fi. Yon fait attention que le pañlant, quand il eft au milieu de fa carrière, fur-tout lorfqu'il fait du vent, fe trouve expofé à de grands balancemens, on jugera aifément qu'un pont. de cette efpèce, quelquefois de plus de 30 toifes de long, a quelque chofe d’effrayant au premier coup d'œil : cependant les Indiens, qui ne font rien moins qu'intrépides de leur naturel, y pañlent en courant, chargez de tout le bagage & des bâts des mules qu'on fait traverfer la rivière à la nage, & ils rient de voir héfiter le voyageur, qui a bien-tôt honte de montrer moins de réfolution qu'eux. Ce n'eft pas encore R Fefpèce de pont la plus fingulière ni la plus dangereufe. qui foit en ufage dans le pays; leur defcription m'écarteroit trop de mon fujet. Lo Je fus obligé de féjourner quelques jours à Loxa, ce qui | PSP EE PP NT Er il D Es "SIC EN C2 18 40% sme donna le temps d’y répéter avec plus de loifir les obferva- tions que jy avois faites en 1737 *, lors de mon voyage de Lima. Loxa ef fitué 4 degrés au delà de Ja Ligne équinoc- tiale, environ cent lieues au Sud de Quito, & par la réduc- tion de mes routes, un degré plus à l'Oueft. Le Baromètre ‘s'y foûtenoit le 26 Mai 1743, à neuf heures & demie du foir, à 22 pouces 1 ligne, d’où je conclus que le fol de Loxa eft d'environ 1 100 toifes au deflus du niveau de la mer, & 400 toiles plus bas que le terrein de Quito, diffé- rence qui en produit une très- fenfible dans le climat. A Quito l'air eft toüjours tempéré, on n'y connoiît ni le chaud ni le froid : à Loxa la chaleur eft quelquefois incommode. La hauteur des montagnes voifines de ces deux villes, eft beaucoup plus différente que n’eft celle de leur foi. En ve- nant de Quito à Loxa on cefle de voir de la neige vers 2 degrés + de latitude auftrale, dès qu'on a pañlé l'endroit ap- pellé le Paramo de l'Afuay, où les deux branches jufque-1à parallèles de la Cordelière fe confondent & fe réunifent, c'eft-à-dire; que pañlé ce terme les plus hautes pointes de la Cordelière n'ont plus 2200 toiles au deflus du niveau de la mer, hauteur où nous avons conftamment remarqué dans la province de Quito, que la neige & la glace ne fe con- fervent plus fans fe fondre. Depuis Cuenca le terrein conti- nuant à baifler, on perd de vüe peu à peu tous ces fom mets arides & inhabitables, efpèces de Landes connues fous le nom de Paramos, qu'on rencontre fi fréquemment dans Ja Cordelière ; & les montagnes des environs de Loxa cou- vertes de bois & de verdure, ne font plus que des collines n comparaifon de celles des environs de Quito. Cependant celle de Caxamma, célèbre par l'excellent Quinquina qui y croît, à deux lieues & demie au Sud de Loxa, fait le point de partage des eaux de la province, & donne naiflance à trois belles rivières qui prennent un cours oppolé. Celle de Catamayo coule à FOccident, & va fe rendre dans la mer L ne. . * Voyez Mém. de l'Académie 1738, pp. 226 & füiv. fur l'arbre du — Quinquina. ù Eee ÿ MAI 1743: Sa hauteur & fon climat, Point de para tage des eaux, 404 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE du Sud près du port de Payta. Ce n'eft pas fur celle-ci qu'eft fitué Loxa, comme je l'ai dit ailleurs étant alors mal informé, mais fur le confluent de deux petits ruifieaux qui defcendent du Nérd de Caxanuma, & qui tournant à V'E{t, & groflis de plufieurs autres, forment la rivière de Zamora, qui prend plus bas le nom de Sanr- Lago, & fe jette dans le Marañon immédiatement au deflus du fameux Pongo. Enfin la rivière de Chinchipé prend encore fa fource dans le même canton au Sud de Loxa, & va auffi rencontrer le Marañon à deux lieues au deflous de Jaen. Juin Le3 deJuin je paffai tout le jour fur une de ces montagnes, 1743. Avec l'aide de deux Indiens des environs que j'avois pris Plan de quin- pour me guider, je ne püs dans ma journée raflembler que De want huit à neuf jeunes plantes de Quinquina, propres à être tranf portées. Je les fis mettre avec de la terre prife für le lieu, dans une caïfle de grandeur fufhfante, & je la fis porter fur les épaules d’un Indien qui marchoit à ma vüe; j’ufai de cette précaution jufqu'au lieu où je me fuis embarqué. Je me. flattois qu’à force de foins & d’attentions je pourrois conferver au moins quelque pied ; & je me propolois de le laifler en dépôt à Cayenne, s'il n'étoit pas en état d’être tranfporté actuellement en France au Jardin royal des Plantes. Ms tonte De Loxa, ou plätôt de Caxanuma à Jaen, on defcend le vallon où coule Chinchipè, & on côtoye de loin cette rivière, qui dans ce court trajet, en reçoit un grand nombre d'au- tres aflez confidérables. Par le chemin que je fuivis en Ia laiflant fur ma droite, j'en traverfai cinq ou fix qui y entrent du côté de l'Ef. Je paflai les unes à gué, les autres fur des ponts de lianes, ou fur des radeaux qu'on fait fur le lieu même d'un bois très-léger, dont la Nature a pourvû abon- damment tout le pays. en Il n’y a point d’exagération qui puiffe donner une jufte TE idée de la difficulté de cette route, & des incommodités aux- quelles on y eft expofé. Toutes ces rivières qui croifent le chemin, font féparées les unes des autres par des hauteurs qu'on nommeroit montagnes par-tout ailleurs. Ainf il fut MaA1 1743: j RAT « mi DES, S CIIENCES. 405$ monter & defcendre fans ceffe, quelquefois par des échelons naturellement taillez dans le roc, & en fuivant le lit que s'y eft creufé un torrent par fa chûte : d’autres fois par un fen- tier en pente, fur un terrein gras, où les mules font obligces de s’accroupir en roiïdiffant leurs jambes de devant , pour fe laifler gliffer dans cette pofture avec moins de danger. Quand le chemin ne borde pas un précipice, ce qui arrive fréquem- ment, il traverfe des bois épais, où à peine on voit le jour. La route n'y eft frayée que par un fentier bourbeux, traverfé de hauts fillons creufez par les pas des mulets. On y voit à droite & à gauche alternativement l'impreffion de leurs pieds dans des trous profonds, où il faut néceflairement qu'ils enfoncent leurs jambes fouvent fort au deflus du genou, ce qu'ils font avec beaucoup de précaution ; cependant quel- quefois ils y reftent embourbez, ou on ne peut les en retirer qu'eftropiez, le fabot bleflé ou emporté par les racines entre- lacées où leurs pieds fe trouvent engagez. Tandis que le cavalier s’abandonne, ce qui eft le meilleur parti, à linftin& de fa mule, & à l'habitude qu'elles ont de fe tirer de ces. rauvais pas, il n’eft pas peu occupé à écarter les lianes, les ronces & les épines qui déchirent au moins fes habits. Souvent il eft obligé de fe coucher fur le col de fa mule, ou même de fe renverfer pour.éviter le choc d’une branche: les. troncs d'arbres tombez par caducité, &: qui-barrent auffi fou- vent le chemin, ne font pas moins dangereux pour les mules.. Le moindre accident & le plus ordinaire, eft d’être arrété trois ou quatre heures à s'ouvrir un paflage, foit dans le fort. : du bois, foit en “int à l'arbre une brèche que les mules puiflent franchir, dans l'un & dans l’autre cas à coups de. hache, meuble dont il n'eft pas poffible de fe pañfer dans ün. pareil voyage.. Ce qui achève de faire perdre patience, font des pluies de cinq à fix heures au moins par jour, pendant dix & onze mois, & quelquefois toute l’année, dans ce canton. Quand une fois les habits en font pénétrez, il n’eft plus poffible … de fe fcher. L'humidité jointe à la chaleur corrompt toutes. es provifions ; les cuirs même qui fervent de couverture aux. EÉce if, ent JUIN 1743: Ses dangers; Pluies cont- nuelles. a — JUIN 1743. | Valladolid, Loyola. acn. Sevilla del Oro, Tomependa. Jonttion de trois rixicres. 406 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare charges des mulets, & les paniers revêtus de peaux de bœuf qui font les feuls coffres du pays, fe pourriflent & exhalent une odeur infupportable. Je marchai ainfi pendant quinze journées de huit ou dix heures, & je fis quarante lieues. Je pañlai par deux villes qui n'en ont plus que le nom; Valladolid où jobfervai 4 degrés 31 minutes de Latitude, & Loyola formée des débris de Cumbinama, une & autre opulentes & peuplées d'Efpagnols il y a moins d’un fiècle, aujourd'hui réduites à deux petits hameaux d'Indiens ou de Mis, & transférées de leur première fituation. Jaen même, qui a encore quelques habitans, n'efl, à parler exactement, qu'un village qui a la trifle fmgularité d'être fale & humide, quoique fitué fur une montagne. On y eft infecté d'une efpèce de Zique qu'on ne connoît point ailleurs. A{acas, autre- fois Sevilla del Oro, capitale d'un autre Gouvernement au Nord de celui de Jaen, eft encore dans un pire état. Le nombre des naturels du pays confidérablement diminué par les travaux des mines & par les maladies épidémiques, fur- tout par la petite vérole inconnue parmi eux avant la venue des Européens, ne pouvoit manquer de rendre ces villés défertes : mais le foûlèvement des Indiens Xibaros, a caufé la ruine totale de’ celles de Logroño & de Cumbinama, def- quelles la fituation même ef aujourd’hui inconnue, ainfi que celle des riches mines d’or, qui feules pouvoient entretenir l'abondance & attirer le commerce dans ces pays éloignez de la mer, & fort éloignez du grand chemin de Carthagène à Lima. Une journée au deflus de Jaen je m'embarquai {ur un radeau avec une partie de mon bagage, pour me rendre plû- tôt à Tomependa, & y ère plus à portée de demander au Gouverneur de Jaen qui y fait fon féjour ordinaire, les ordres dont j'avois befoin pour continuer ma route. Tomependa ft un village Indien, dans une fituation agréable, vis-à-vis de Jaen & deux lieues plus bas, fur la droite de la rivière de Chinchipè & dans l'angle de fon confluent avec le Marañon, qui reçoit encore celle de Chachapoyas - « TES DESES — 1 - DES SCIENCES. 407 un quart de lieue au deflous. Cette jonction de trois grandes rivières eft par 5. degrés 30 minutes de Latitude auftrale, & de ce point le Marañon, malgré fes détours, s'approche infen- fiblement de la Ligne équinoctiale, à laquelle il ne parvient qu'à fon embouchüre, Immédiatement au deffous du con- œours des trois rivières, leur lit commun fe rétrécit, & le fleuve s'ouvre un paflage entre deux montagnes de pierre. La violence du courant, les rochers qui le barrent, & plu- fieurs fauts le rendent impraticable ; & ce qu'on appelle le port ou plütôt l'embarcadero de Jaen, c'eft-à-dire, le lieu propre à s'embarquer, le plus voifin de Jaen, en eft à quatre journées de marche, fur la petite rivière de Chuchunga, par laquelle on defcend dans celle d’/maça, & de celle-ci dans FAmazone, au deflous de fes dernières cataractes. Cependant un exprès que j'avois dépêché de Tomependa, avec des or- dres preflans du Gouverneur de Jaen à fon Lieutenant de Sant-lago , pour n'envoyer un canot au port, avoit franchi tous ces obflacles en s'abandonnant au courant fur un petit radeau fait avec deux ou trois pièces de bois, ce qui fuffit à un Indien nud & excellént nageur, comme ils le font tous. Pendant ce temps j'allai pafler quelques jours à Jaen, où j'ob- fervai $ degrés 2$ minutes de Latitude auflrale, & je le jugeai par mes routes un demi-degré à l'Eft de Loxa. Juin F7 43% Exprès: Je partis de Jaen le 23 Juin; je côtoyai pendant deux Chemin de jours le bord feptentrional du Marañon , & je juge que je fs 12° a Por: à peine fix lieues : les bêtes de fomme & de monture ne pouvoient marcher que pas à pas fur le penchant d’une côte efcarpée, fouvent par un fentier étroit & gliflant, d'où fa. yüe du fleuve, la profondeur de fon lit & le bruit de fes flots, femblent effrayer les mules & ne raflurent pas les voyageurs. | Dans ce trajet je traverfai plufieurs torrens, qui baignent fans doute des mines d'Or fort riches, puifqu'ils charient & dépofent fur leurs bords un fable mêlé de grains & de paillettes de ce métal. Après les grandes pluies, un homme peut en recueillir un gros & quelquefois deux en une journées. Sable mélé- or. a ——— JUIN 1743: €acao fauvage. Torrent qu'on paie 22 jois. 408 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE Cependant les Indiens du voifinage ne vont en chercher que lorfqu'ils font contraints de payer leur taille ou capita- tion, qu'on appelle leur sribut ; encore ne fe chargent-ils que de la quantité néceflaire pour fatisfaire à leur taxe. Le furplus ne feroit pour eux qu'un poids incommode, & ils fouleroient aux pieds tout l'or du monde, plütôt que de fe donner la peine de le ramafler & de le trier. Dans tout ce canton les deux côtés du fleuve font cou- verts de Cacao fauvage, non moins bon que le cultivé. L'exemple des Efpagnols n'a point appris à ces Indiens à en faire ufage, & la difficulté des chemins s’oppofant à l'expor- tation, empêche qu’on en puifle faire un commerce utile. Le lendemain au foir de mon départ de Jaen, je traverfai Je Marañon en radeau, & j'allai coucher fur le bord oppoté. Le troifième jour au matin, pour foûlager mes mules, je me fervis du même radeau pour defcendre le fleuve jufqu’à l'en- droit où le chémin de l'embarcadero s'écarte de fes bords. Le quatrième jour de ma marche depuis Jaen, & le dernier de mon voyage par terre, je me félicitois d’être à la veille de dire un éternel adieu aux mules, aux muletiers & aux chemins du Pérou, qui exerçoient ma patience depuis huit ans; mais il me reftoit à paffer vingt-deux fois un torrent qui fe préci- pite dans la petite rivière de Chuchunga, où j'allois m'em- barquer. C'étoient les derniers échelons de la Cordelière qui me reftoient à defcendre. Comme les eaux étoient fort hautes, les gués devenoient plus profonds à chaque pafage. Au fixième j'eus de l'eau jufqu’à l'arçon de ma felle, aux fuivans je perdis pied; à l’un d'eux, une de mes mules fut emportée avec fa charge. Deux Indiens fe jetèrent à la nage & la fauvèrent. Un canot, que le Cacique de Chuchunga en- voya à ma rencontre, m'épargna heureufement les deux ou trois derniers paffages, qui étoient les plus difficiles ; mais les mules impatientes de gagner leur gîte, fe jetèrent à la nage toutes chargées. Mes inftrumens, mes livres, mes journaux, mes papiers, mes cartes, mes deffeins, tout fut mouillé. C'étoit le quatrième accident de cette nature que j'avois efluyé £ l è : 5 HS) SC EON c us 209 effuyé depuis que je voyageois dans les montagnes. Més naufrages ne devoient ceffer qu'à mon embarquement. Je trouvai à Chuchunga un hameau de dix familles in- diennes, gouvernées par leur Cacique, qui entendoit à peu Près autant de mots efpagnols que j'en entendois de fa langue. J'avois été obligé de me défaire à Jaen de deux valets’ du pays, qui euflent pû me fervir d’interprètes : la néceflité me fit trouver le moyen de m'en paffer. Les Indiens de Chu- chunga n’avoient que de très-petits canots, propres à leur ufge; & celui que j'avois envoyé chercher à Sant-lago par un exprès, ne pouvoit arriver de quinze jours. Je réfolus d'aller à fa rencontre. J'engageai le Cacique à faire faire par fes gens un radeau, ou une Bale; c’eft le nom qu'on leur donne dans 1e pays, ainfi qu’au bois dont ils font conftruits : & je le demandai aflez grand pour me porter avec mes inf trumens & mon bagage. Le temps néceflaire pour préparer la balfe me donna celui de fécher mes papiers & mes livres feuille à feuille, précaution auffi néceffaire qu’ennuyeufe. Le Soleil ne fe montroit que vers le midi; c'en étoit aflez pour prendre fa hauteur méridienne. Je me trouvai par $ degrés 2 r minutes de Latitude aûftrale; & j'appris par le Baromètre, plus bas de 1 5 à 16 lignes qu’au bord de la mer, qu'il ya, 220 à 230 toifes au deffus de fon niveau, des rivières navi- JUILLET 1743» Port de Jaen, Sa latitude, fa hauteur au def- fus de la mer. gables d'un cours continu & non interrompu: car je ne débarquai plus depuis Chuchunga. Peut-être celle-ci n’eft- elle pas feule dans ce cas; c’eft à l'expérience à en décider. L'occafion n’a pas dû fe préfenter fouvent d’en faire fur une rivière à une f1 grande hauteur, ni à 1000 lieues de fon embouchüre. Nous verrons bientôt avec combien d’inégalité la pente totale de la rivière eft diftribuée fur fa Iongueur. Il y avoit déjà huit jours que j'étois dans ce hameau, & ils S'étoient écoulez rapidement : il n’avoit pas fallu moins de temps pour faire tout fécher au Soleil, en y expofant jufqu’au fond de mes malles. Je n’avois ni voleurs ni curieux à craindre, j'étois au milieu des Sauvages. Je me délaflois parmi eux d'avoir vécu avec les hommes; &, oferai-je le dire ; je n’en Mem, 1745: FFF Defcription de V Embarcadero, JUILLET 1743 Embarque- ment de l’Au- teur. 410 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoyALe regretois pas le commerce. Après plufieurs années pafées dans un mouvement & dans une agitation continuelle, je jouiffois pour la première fois d’une douce tranquillité. Le fouvenix de mes fatigues, de mes peines & de mes périls paflez, me paroifloit un fonge. Le filence qui régnoit dans cette folitude me la rendoit plus aimable, il me fembloit que j'y relpirois plus librement. La chaleur du climat étoit tempérée par la fraicheur des eaux d’une rivière à peine fortie de fa fource, & par l'épaiffeur du bois qui en ombrageoit les bords ; un nom- bre prodigieux de plantes fingulières & de fleurs inconnues, m'offroient un fpeétacle nouveau & varié. Dans les intervalles de mon travail, je partageois les plaifirs innocens de mes In- diens, je me baignois avec eux, j'admirois leur induftrie à la chafle & à la pêche. Ils m’offroient l'élite de leur poiflon & de leur gibier. Tous étoient à mes ordres; le Cacique qui les commandoit, étoit le plus empreflé à me fervir. J'étois éclairé avec des bois de fenteur & des réfines odoriférantess Le fable fur lequel je marchois étoit mêlé d'or. On vint me dire que mon radeau étoit prêt, & j'oubliai toutes ces délices. La nuit qui précéda mon départ, je mis au net un extrait de toutes mes obfervations particulières, faites pendant le cours du voyage, tant pour déterminer la figure de la Terre, que fur d’autres fujets. J'en fis un paquet cacheté, & je pris les mefures les plus füres pour le faire remettre à Quito à une perfonne de confiance, à qui je recommandois de le faire tenix- à l’Académie, fi on apprenoit que j'étois mort en chemin. Le 4 Juillet après midi, je m'embarquai dans un petit canot de deux rameurs, précédé de la balfe chargée de mon équipage, & efcortée par fous les Indiens du hameau. Is. étoient dans l'eau jufqu’à la ceinture, pour la conduire à Ia main dans les pas dangereux, & la retenir entre les rochers & dans les petits fauts, contre la violence du courant. Le lendemain matin, après bien des détours, j'entrai dans une petite rivière appellée Zmaça, & de celle-ci je débouchai dans. le Marañon , environ à quatre lieues vers le Nord, du lieu où: je m'étois embarqué : c'efl-là, à proprement parler, que le CES À | " p'MS1:SCUx EN emISMAN dix wrai lit de ce fleuve commence à être navigable, fans qu'aucun faut en trouble le cours. li devenoit néceffaire d’ aggrandir & de fortifier le radeau, qui avoit été proportionné au lit de Ja petite rivière par où j'étois defcendu; nous arrêtames pour cela fur une plage de fable appellée Chapuroma. La nuit le fleuve crût de 1 o pieds, & il fallut tranfporter fort à la hâte la feuillée qui me fervoit d’abri. Les Indiens conftruifent ces logemens avec une adrefle & une promptitude admirables. Je fus re- tenu en ce lieu trois jours, par l'avis, ou plûtôt par l’ordre de mes guides, à qui j'étois obligé de m’en rapporter. Ils eurent tout le temps de préparer la nouvelle balfe, & moi celui d'obferver. Je mefurai géométriquement la largeur de 1a rivière, je la trouvai de 1 3 $ toifes, quoique déjà diminuée de 1 5 à 20 toiles. Plufieurs rivières qu'elle reçoit au deflus de Jaen, font plus larges ; ce qui me fit juger qu'elle devoit ètre d'une grande profondeur : en effet, avec un cordeau de 28 brafles, je ne rencontrai le fond qu'au tiers de fa largeur. Je ne püs fonder au milieu du lit, où la vitefle d'un canot abandonné au courant, étoit d’une toife & un quart par fe- conde. Le Baromètre, plus haut qu’au port de près des lignes, me fit voir que le niveau de l’eau avoit baïflé d'environ 70 toiles, depuis Chuchunga, d’où je n’avois mis que huit heures à defcendre. J'obfervai au même lieu la Latitude de s degrés une minute vers le Sud. Le 8 je continuai ma route, & je paflai le détroit de Cumbinama, ainfi nommé vrai-femblablement du voifinage de la ville dont j'ai parlé & qui portoit ce nom. II eft dange- reux par les pierres dont il efl rempli, & n’a guère plus que 20 toifes de large. Le même jour je rencontrai de retour de Sant-lago, mon exprès de Tomependa, qui remontoit lui troifième. C’eft le moindre nombre avec lequel on puiffe re- monter en canot ; encore le leur étoit-il fi petit, qu'il ny avoit que des Indiens qui püflent y tenir trois avec leurs vivres, & à qui il fût poffble d'y garder l'équilibre. J'appris par l'exprès & les lettres qu’il me remit, que le grand canot de Sant-lago étoit en chemin pour me venir press e au Port. Fffij JUILLET 17434 Lieu où le Marañon com- mence à être navigable. Sa larocur. Sa profondeur, Sa viteffe, Sa pente. Latitude. Détroit de Cumbinama. Retour de l'Exprès. JUILLET 1743: Détroit d'EC currebragas & tournant d'eau. Détroit de Guaracayo, 12 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Le lendemain 9, nous nous féparames le Cacique de l'Æ- barcadero & moï, fort contens l'un de l'autre ; il retourna chez lui avec la moitié de fes gens & l'Exprès. Comme je devois bien-tôt rencontrer le canot de Sant-lago, ilerut qu'il fuffifoit de me laiffer quatre Indiens fur ma balfe où j'étois paflé. J'en retins de plus trois autres avec un canot, & fort heureufement pour moi. Deux heures après, j'entrai dans le détroit d’'Efcurrebragas, d'un autre efpèce que le précédent. Le fleuve arrêté par une côte de roche fort efcarpée, qu'il heurte perpendiculairement, eft obligé de fe détourner fubi- tement, en faifant un angle droit avec fa première direc- tion. Le choc des eaux, avec toute la vitefle acquife par le rétréciflement du canal, a creufé dans le roc une anfe pro- fonde, où les eaux du bord du fleuve font retenues, écartées par la rapidité de celles du milieu. Mon radeau fur lequel j'étois alors, pouffé par le fil du courant dans cet enfonce- ment, fut entrainé par le tourbillon qui s’y forme; & n'ayant ni rame ni gouvernail, nous ne faifions qu'y tournoyer. Les eaux, en circulant, ramenoient à chaque tour la balle vers le milieu du lit de la rivière, où la rencontre du grand courant formoit des vagues qui auroient infailliblement fubmergé un canot. La grandeur & Ja folidité du radeau le mettoient en füreté à cet égard; mais j'étois toüjours repouffé par la vio- lence du courant dans le fond de F'anfe. I y avoit plus d’une heure que cette fituation duroit, & le temps me paroifoit bien long. Quatre de mes Indiens, qui avoïent fuivi le bord terre à terre avec le canot, & qui avoient eu aflez d'affaire à fe tirer du mauvais pas, où celui de l'Exprès avoit tourné la veille, étoient de loin fpeétateurs de notre embarras. Après quelques tentatives que je leur fis faire pour nous remorquer avec le canot, ils trouvèrent plus aifé de fauter à terre, & de gravir fur le rocher prefque taillé à pic, d’où ils me jetèrent des lianes avec lefquelles ils tirèrent la balfe hors du tourbillon, & la remirent enfin dans le fil de l'eau: Le même jour je paflai un troifième détroit, appellé Gua- racayo, où le lit de Ia rivière refferré entre deux grands D ESN SICUR E :N! @ ET M A13 rochers, n’a pas 30 toiles de large; celui-ci n’eft périlleux que dans les grandes crües. Je rencontraï le :mème foir le grand canot de Sant-lago, qui remontoit pour me venir prendre au port ; mais il lui falloit encore fix jours pour atteindre feulement le lieu d'où j'étois partis le matin, & d’où j'étois defcendu en dix heures. J'arrivai le 10 à Sant-lago de las Montañas, hameau aujourd'hui fitué à l'embouchüre de la-rivière de même nom, & formé des débris d’une ville qui avoit donné le fien à {a rivière. Ses bords font habitez par une nation Indienne, appellée Xibaros, autrefois Chrétiens, & révoltez depuis un fiècle contre les Efpagnols, pour fe fouftraire au travail des mines d’or de leur pays : depuis ce temps, retirez dans des bois inaccefibles, ils: s'y maintiennent dans l'indépendance, & empêchent la navigation de cette rivière, par où l’on pourroit defcendre commodément en moins de huit jours des environs de Loxa & de Cuenca, d’où j'étois parti par terre depuis deux mois. La crainte qu’infpirent ces Indiens, a obligé le refte des habitans de Sant-lago, à changer deux fois de demeure, & depuis environ 40 ans, à defcendre jufqu'à lembouchüre de la rivière dans te Marañon. Au deffous de Sant-lago, on trouve Borja, ville à peu près -de l’efpèce des précédentes , quoique capitale du gouverne- ment de Maynas, qui comprend toutes les Miffions Efpa- gnoles des bords du Marañon: Borja n’eft féparée de Sant- laigo, que par le fameux Pongo de Manferiché. Pongo, an- ciennement Puncu dans la langue du Pérou, fignifie Porte ; on donne ce nom en cette langue à tous les paflages étroits, mais celui-ci le porte par excellence. C'eft ici que le Marañon * tournant à l'Efl depuis Jaen, après plus de 200 lieues de cours au Nord, & après s'être ouvert un paflage au milieu des montagnes de la Cordelière, rompt Îa dernière digue qu’elle lui oppofe, en fe creufant un lit entre deux murailles parallèles de rochers, coupez prefque à plomb. Il y a un peu plus d’un fiècle que quelques Soldats Efpagnols de Sant-Tago, découvrirent ce paffage, & fe hafardèrent à le franchir. Deux Fff ii JUILLET 1743° Rivière & ville ruinée de Sant- ago. si Xibaros, In= diens révoltez, Borja capitale des Miffions. Le Pongo de Manferiché, fa- meux détroit, JUILLET 1743: Radeau fortifié, Detention. Chernin par terre. Accident fin- gulier. 414 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Miflionnaires Jéfuites de la province de Quito, les fuivirent de près, & fondèrent en 1639 la Miflion de Maynas, qui sctend fort loin en defcendant le fleuve. Arrivé à Sant-lago le 10 Juillet après midi, j'efpérois pafler à Borja le même jour, & il ne me falloit guère qu'une heure pour m'y rendre; mais malgré mes exprès réitérez, malgré les ordres & les recommandations dont nous avons toûjours été bien pourvüs, & dont nous avons rarement vü l'exécution , les bois du grand radeau fur lequel je devois pañier le Pongo, n'étoient pas encore coupez, Je me con- tentai de faire fortifier le mien par une nouvelle enceinte dont je le fis encadrer, pour recevoir le premier effort des chocs, prefque inévitables dans les détours, faute d’un gou- vernail, dont les Indiens de ce canton ne font point ufage pour les radeaux. Quant à leurs canots, ils font fi légers, qu'ils les gouvérnent avec la même pagaie qui leur fert d’aviron. Le lendemain de mon arrivée à Sant-lago, il ne me fut pas poffible de vaincre la réfiftance de mes mariniers, qui ne trouvoient pas encore la rivière affez bafle pour rifquer Je pañlage du Pongo. Tout ce que je püs obtenir d'eux, fut de la traverfer, pour aller attendre le moment favorable dans une petite anfe voifine de l'entrée du détroit, où la violence du courant eft telle, que quoiqu'il n'y ait pas de fauts pro- prement dits, les eaux femblent fe précipiter, & leur choc contre les rochers caufe un bruit effroyable. Les Indiens du port de Jaen, qui m'avoient füuivi jufques- FR, moins curieux que moi de voir le Pongo de près, avoient déjà pris les devans par terre, par un chemin de pied, ou plôtôt par un efcalier taillé dans le roc, pour aller n'attendre à Borja. Ils me laifsèrent cette nuit comme la précédente, feul avec un Nègre efclave, fur mon radeau, Je fus heureux de n'avoir pas voulu labandonner, & il m'y arriva une aven- ture qui n'a peut-être pas d'exemple. Le fleuve, dont fa hauteur diminua de 25 pieds en 36 heures, continuoïit à décroître à vûe d'œil. Au milieu de da nuit, l'éclat d’une groffe branche d’un arbre caché fous l'eau , s'étant engagé . D'E4S 49 CIE NS Ce SU 415 entre les pièces de bois de mon train, y pénétroit de plus en plus, à mefure que celui-ci baiïfloit avec le niveau de l'eau : & je me vis au moment, fi je n'eufle pas été préfent & éveillé, de refler avec le radeau accroché & fufpendu en L'air à une branche d'arbre, où le moins qui me pouvoit arriver, étoit de perdre mes journaux & papiers d’oblervations, fruit de huit ans de travail. Je trouvai heureufement enfin moyen de couper la branche, & de remettre le radeau à ot, Je profitai de mon féjour forcé à Sant-lago , pour mefüurer RE à JUILLET RASE Carte topo- géométriquement la largeur des deux rivières, & je pris auffi Se ANU ong0. les angles nécefaires pour drefler une Carte topographique du Pongo, que je joins ici. Le 1 2 Juillet à midi, je fis détacher la balle & poufler au large; mais il fallut outre cela me faire remorquer par un canot jufqu'au milieu du lit du fleuve, où la balfe, aban- donnée au fil de l'eau, fut entraînée rapidement : le canal fe rétrécifloit à vûe d'œil, la viteffe du courant & le bruit des vagues augmentoient à proportion. Bien-tôt je me trou- vai dans une galerie étroite, profonde & tortueufe, minée par les eaux dans le roc, & éclairée feulement par le haut. Quelques pans du rocher & plufieurs arbres qui s'avancent en faïllie, comme pour former une voûte, rendent le jour plus fombre; la hauteur des bords qui fe dérobe à la vûe, femble les rapprocher à portée de la main. Il eft difficile de donner une idée de ce fpeétacle fingulier, qui varie à chaque inftant. J'avois eu à peine le temps d'en jouir, que je me trouvai à la vûüe de Borja, qu’on fuppofe, fuivant l’eflime ordi- naire, à trois lieues de Sant-lago. Dans l'endroit le plus étroit, je jugeai, par comparaifon à d’autres viteffes exaétement méfurées, que nous faifions deux toiles par feconde, Cepen- dant, la balfe qui ne tiroit pas un demi-pied d'eau, & qui par le volume de fa charge, préfentoit à la réfiftince de Fair une furface fept à huit fois plus grande qu’au courant de l'eau, » ne pouvoit pas prendre toute la viteffe du courant. Cette vitefle, qui varie fuivant les différentes largeurs du lit de la. * rivière, {e ralentit beaucoup.en approchant de Borja. Palace du Pongo. JUILLET 1742. * Sesdimenfions. 416 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr Le canal du Pongo, creufé des mains de la Nature, commence une petite demi-lieue au deflous de Sant-lago; & de 250 toiles au moins qu'il a au deffous de la rencontre des deux rivières, il parvient à n'avoir guère que 2 $ toiles dans fon plus étroit. Je fçais que le P. Fritz n'a donné de largeur au Pongo que 25 vares efpagnoles *, qui ne font guère que 1 o de nos toifes; & qu'on dit communément qu'on pañle de Sant-lago à Borja en un quart d'heure. Si je n'euffe pas été en garde contre l'illufion que caufe la hauteur & lef carpement des bords, & fi je n'euffe pas eu une montre fous les yeux, j'en aurois peut-être jugé de même. Il eft vrai- femblable auffi, que lorfque les eaux font fort bafles, {a Jar- geur du Pongo diminue de quelques toifes. Quoi qu'il en foit, lors de mon paflage, j'ai remarqué que dans le pas le plus étroit j'étois au moins à trois longueurs de mon radeau de chaque bord. J'ai compté à ma montre $7 minutes depuis l'entrée du détroit jufqu’à Borja; & tout combiné, je trouve les mefures telles que je viens de les rapporter; & quelque effort que je fafie pour me rapprocher de Fopinion reçue, j'ai peine à trouver deux lieues de 20 au degré de Sant-lago: à Borja, au lieu des trois lieues que l'on compte ordinairement. JL y a au milieu du Pongo, dans le plus étroit du pafage, une roche fort élevée quand les eaux font baffes ; mais qui étoit plus d'une toife fous l'eau quand j'y pañlai, elle ne laifloit pas de caufer aux eaux un mouvement extraordinaire qui fit tournoyer mon radeau. Il heurta auffi deux ou trois fois rudement dans les détours contre les rochers ; il y auroit de quoi s’effrayer fi on n'étoit pas prévenu. Un canot s’y briferoit mille fois & fans reflource, & on me montra en paflant le lieu où périt un Gouverneur de Maynas : mais les pièces d’un radeau n'étant ni clouées ni enchevêtrées, la fle- xibilité des lianes qui les aflemblent, fait l'effet d’un reflort: qui amortiroit le coup, &. on ne prend aucune précaution contre ces chocs à l'égard des balfes. Le plus grand danger qu'on ÿ courre, eft d'être emporté dans un tournant d'eau * Dans les notes qui accompagnent fa-Carte gravée à Quito, û Ors hors du courant, comme il m'étoit arrivé plus haut. I ny 55 Es avoit pas un an qu'un Miffionnaire qui y fut entraîné, y 1743. . x'efta deux jours fans provifions, & y feroit mort de faim, fi * une crûe fubite du fleuve ne l’eût enfin remis dans le fil de : Veau. On ne defcend en canot le Pongo, que quand les eaux * font fufifamment bafles, & que le canot peut gouverner, fans être trop maïîtrifé du courant ; quand elles font au plus “ bas, les canots peuvent aufli remonter avec beaucoup. de difficulté, mais cela n’eft pas pofhble aux balfes. Arrivé à Borja, je me trouvois dans un nouveau monde, … Defcription éloigné de tout commerce humain, fur une mer d'eau douce, % et au milieu d’un labyrinthe de lacs, de rivières & de canaux, qui pénètrent en tout fens une forêt immenfe, qu'eux feuls rendent accefible. Je rencontrois de nouvelles plantes, de nouveaux animaux , de nouveaux hommes. Mes yeux ac- coûtumez depuis fept ans à voir des montagnes fe perdre: dans les nues, ne pouvoient fe lafler de faire le tour de Yhorizon, fans autre obftacle que des bois & les collines du Pongo, qui alloient bien-tôt difparoïtre à ma vüe. À cette foule d'objets variez, qui diverfifient les campagnes cultivées: des environs de Quito, fuccédoit l’afpect le plus uniforme; de l'eau, de la verdure, & rien de plus. On foule la terre aux pieds fans la voir; elle eft fi couverte d'herbes touffues, d’arbufles, de lianes, de brouffailles & de racines qui fe croi- fent en tout fens, qu’il faudroit un affez long travail pour en découvrir l’efpace d'un pied. Au deflous de Borja, & 4à Rareté des 500 lieues au delà en defcendant le fleuve, un caillou eft ?7** aufli rare que le féroit un diamant. Les dauvages de ces _ contrées ne fçavent ce que c’eft qu'une pierre, n’en ont pas même l'idée. C’eft un fpeétacle divertiflant de voir quelques- uns d’entr'eux, quand ils viennent à Borja, & qu'ils en ren- - contrent pour la première fois, témoigner leur admiration par * Jeurs fignes, s'emprefer à les ramafer, s'en charger comme d'une marchandife précieufe, & bien-tôt après les méprifer & les jeter, quand ils s’'aperçoivent qu'elles font fi communes. » Avant que de pafler outre, je crois devoir dire un mot Mem, 1745 _ Geg | D DES S C1E N CE $}": 417 418 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe Toirrer du génie & du caraétère des originaires de l'Amérique 1743. méridionale, qu'on appelle vulgairement, quoiqu'impropre- Indiens Ame. ment, /ndiens. M n’eft pas ici queftion des Créoles Efpagnols ice ou Portugais, ni des diverfes efpèces d'hommes produites par le mélange des blancs d'Europe, des noirs d'Afrique & des rouges d'Amérique, depuis que les Européens y ont pénétré & y ont introduit des Nègres de Guinée. Leur couleur, Tous les anciens naturels du pays font bafanez, & de couleur rougeâtre, plus ou moins claire. La diverfité de la nuance a vrai-femblablement pour caufe principale, la différente tem- pérature de l'air des pays qu'ils habitent, variée depuis la plus grande chaleur de la Zone torride, jufqu'au froid caufé par le voifinage de la neige. Diverfité de Cette différence de climats, celle des pays, de bois, de an & % plaines, de montagnes & de rivières; la variété des alimens, le peu de commerce qu'ont entrelles les nations voifines, fouvent ennemies & ne parlant pas la même langue; mille autres caufes doivent néceflairement avoir introduit quelques différences dans les occupations & dans les coûtumes de ces peuples. D'ailleurs, on conçoit bien qu'une nation devenue Chrétienne, & foûmife depuis un ou deux fiècles à la domi- nation Efpagnole ou Portugaife, doit infailliblement avoir pris quelque chofe des mœurs de fes conquérans ; & par conféquent, qu'un Indien habitant d’une ville ou d’un village du Pérou, par exemple, doit fe diftinguer d'un Sauvage de Yintérieur du continent, & même d’un nouvel habitant des Miffions. I! faudroit donc, pour donner une idée exaéte des. Américains, prefqu'autant de defcriptions qu'il y a de nations. parmi eux : cependant, comme toutes les nations d'Europe, « quoique différentes entr'elles en langues, mœurs & coûtumes, ne laifleroient pas d’avoir quelque chofe de commun aux = yeux d’un Afatique, qui les examineroit avec attention; auf tous les Indiens Américains des différentes contrées que j'ai eu occafion de voir dans le cours de mon voyage, m'ont paru avoir certains traits de reffemblance les uns avec Îes. u autres; & (à quelques nuances près, qu'il n'eft guère permis. u | de faifir à un voyageur qui ne voit les chofes qu'en paffant) ” j'ai cru reconnoitre dans tous un même fonds de caractère, H L'infenfibilité en fait la bafe. Je laifle à décider, fi on {a pidité : elle naît fans doute du petit nombre de leurs idées, qui ne s'étend pas au delà de leurs befoins. Gloutons jufqu’à la voracité, gras ont de quoi fe fatisfaire ; fobres quand la néceffité les y oblige, jufqu'à fe paffer de tout, fans pa- roître rien defirer; pufillanimes & poltrons à l'excès , fi l'ivrefle ne les tranfporte pas; ennemis du travail, indifférens à tout motif de gloire, d'honneur ou de reconnoiffance ; uniquement occupez de l'objet préfent, & toûjours détermi- nez par lui; fans inquiétude pour l'avenir, incapables de prévoyance & deréflexion; fe livrant, quand rien ne les gêne, à une joie puérile, qu'ils manifeftent par des fauts & des éclats de rire immodérez ; fans objet & fans deflein, ils paffent leur vie fans penfer, & ils vieilliffent fans fortir de l'enfance, dont ils confervent tous les défauts. Si ces reproches ne regardoïent que les Indiens de quel- ques provinces du Pérou, auxquels il ne manque que le nom d'efclaves, on pourroit croire que cette efpèce d'abrutifle- ment naît de Îa fervile dépendance où ils vivent; l'exemple … des Grecs modernes prouvant afez, combien la fervitude eft - propre à dégrader les hommes. Mais, les Indiens des Miffions qui ne font point fubjuguez par la force, & les Sauvages leurs voifins qui jouiffent de toute leur liberté, étant pour le moins auffi bornez, pour ne pas dire auffi flupides que % les autres; on ne peut voir en eux fans humiliation, combien L'Homme abandonné à la fimple nature, privé d'éducation &. — de fociété, diffère peu de la Bée. _… Toutes les Langues de l Amérique méridionale dont j'ai eu - quelque notion, font fort pauvres; cependant plufieurs fc énergiques & fufceptibles d'élégance, & fingulièrement l'an- | cienne langue du Pérou ; mais toutes manquent de termes pour exprimer les idées abftraites & univerlelles, preuve idente du peu de progrès qu'ont fait ve efprits de ces 881 DES SCIENCES. 419 JUILLET 1743: Carattère dos doit honorer du nom d'apathie, ou l’avilir par celui de flu- big Améi- Langues d'A- .mérique, toutos auvres, 420 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALe RE 0 peuples. Zemps, durée, efpace, être, fubflance, matière, corps ; 1743. tous ces mots, & beaucoup d'autres, n'ont point d'équivalent dans leurs langues, non feulement les noms des êtres métaphy- fiques, mais ceux des êtres moraux, ne peuvent fe rendre chez eux qu'imparfaitement & par de longues périphrafes. Il n’y a pas de mot propre qui réponde exaétement à ceux de vertu, juflice, liberté, reconnoiffance, ingratitude ; tout cela paroît difficile à concilier avec ce que Garcilaflo rapporte de la police, de Yinduftrie, des arts, du gouvernement & du génie des anciens Péruviens. Si l'amour de la patrie ne lui a pas fait illufion, il faut convenir que ces peuples ont bien dégénéré de leurs an- cètres. On dit, que quelques Caciques du haut Pérou méritent d'être exceptez du jugement que j'ai porté du commun des Indiens; je m'en rapporte à ceux qui les ont fréquentez. . Vocabulaires J'ai dreflé un vocabulaire des mots le plus d’ufage de di- BE” verfes langues Indiennes : la comparaifon de ces mots avec ceux qui ont la même fignification en d’autres langues de l'intérieur des terres, peut non feulement fervir à prouver les diverfes tranfmigrations de ces peuples d’une extrémité à l'autre de ce vafte continent; mais cette même comparaifon ,. quand elle fe pourra faire avec diverfes langues d'Afrique, d'Europe & des Indes orientales, eft peut-être le feul moyen’ de découvrir Forigine des Américains. Une conformité de langue bien avérée décideroit fans doute la queftion. Le mot MotsHébreux abba, baba où papa, & celui de mama, qui des anciennes cmmeäPlt fingues d'Orient, femblent avoir paflé avec de légers chan- d'Amérique, gemens, dans la plüpart de celles d'Europe, font communs à un grand nombre de nations d'Amérique, dont le langage eft d’ailleurs très-différent. Si l'on regarde ces mots, comme les premiers fons que les enfans peuvent articuler, & par . conféquent comme ceux qui ont dû par tout pays être * adoptez préférablement par les parens qui les entendoient prononcer, pour les faire fervir de fignes aux idées de pére & de mere ; il reftera à fçavoir, pourquoi dans toutes les lan- gués d'Amérique où ces mots fe rencontrent, leur fignifi- cation s’eft confervée fans fe croifer ; par quel hazard dans le. DES SCIENCES. 421 - Jangue Omagua, par exemple, au centre du continent, ou dans quelqu'autre pareille où les mots de papa & de mama font en ufage, n’eft-il pas arrivé quelquefois que papa figni--. fiât mère, & mama père, mais qu'on y obferve conftamment le contraire comme dans les langues d'Orient & d'Europe. IL y a beaucoup de vrai-femblance, qu'il {e trouveroit parmi les naturels d'Amérique d'autres termes , dont Îe rapport bien conftaté avec ceux d’une autre langue de l’ancien monde, pourroit répandre quelque jour fur une queftion jufqu'icr abandonnée aux pures conjectures. © J'étois attendu à Borja par le R. P. Magnin, du canton de: Fribourg, Jéluite, Miflionnaire pour la Cour d'Efpagne; en qui je trouvai toutes les attentions & prévenances que j'aurois pü efpérer d’un compatriote & d'un ami. Je n’eus pas befoin auprès de lui, ni depuis auprès des autres Miffionnaires de fa Compagnie, des recommandations de leurs amis de Quito, & moins encore des pafleports d'Efpagne & des ordres du Viceroi, dont j'étois porteur. Outre plufieurs curiofités d'Hiftoire Naturelle, ce Père me fit préfent d'une Carte qu'il avoit faite des Miffions de Maynas & de leurs entours, avec une defcription des mœurs & coûtumes des nations voifines. Pendant mon féjour à Cayenne, j'ai aidé M. Artur Médecin àtraduire cet ouvrage d’efpagnol en françois; il eft digne de. Ja curiofité du publie. | | - J'obfervai à Borja fa Eatitude de 4 degrés 28 minutes vers le Sud, & la variation de la Bouflole de près de o-degrés vers le Nord-Eft. : J'en partis le 14 Juillet avec le P. Magnin, qui voulut bien nv'accompagner jufqu’à la Laguna. Nous laiffames le 1 $ . du côté du Nord, l'embouchüre du Morona, qui defcend du volcan de Sangay, dont les cendres traverfant les provinces de Macas & de Riobamba, volent quelquefois au delà de Guayaquil. Plus loin & du même côté, nous rencontrames les trois bouches de la rivière de Paflaça, dont j'ai parlé plus haut : elle étoit alors fi fort débordée, qu'on ne pouvoit mettre- ; | Ggg üj JUILLET 1743° Carte des Miflions de Maynas. du Roi, & Confeiller au Confeil fupérieur de cette colonie, Latitudé de Borja. Bouche du Morona, Du Pañäças JUILLET 1743" Remarque fur la variation de l'Aiguille aimantéc. La Laguna principale Mif- fion Efpagnole. 422 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royate pied à terre nulle part, ce qui m'empêcha de mefurer {a largeur de la bouche principale, que j'eflimai de 400 toiles, & prefqu'auffi large que le Marañon. J'obfervai un peu au delà le même foir & le lendemain matin, le Soleil à fon coucher & à fon lever, & je trouvai comme à Quito 8 de- grés + de variation de l’Aiguille aimantée du Nord à EF. De deux amplitudes ainfi obfervées confécutivement le (oir & le matin, on peut conclurre la variation de la Bouffole, fans connoître la déclinaifon du Soleil; il fufhit d'avoir égard à la petite quantité dont elle change dans l'intervalle des deux obfervations, fi cette quantité eft aflez confidérable pour pouvoir être aperçue avec la Bouflole. Le 19 nous arrivames à la Laguna, où m'attendoit depuis fix femaines Don Pedro Maldonado, Gouverneur de la pro- vince d’Efmeraldas, à qui je dois le témoignage public, qu'il s'eft diftingué, ainfi que fes deux frères & tous les fiens, dans toutes les occafions, entre ceux de qui notre détache- ment académique a reçu de bons offices, pendant notre long féjour dans la province de Quito. Je l'avois uagé difpofé à prendre comme moi, pour pañler en Europe, la route de la rivière des Amazones, & je l'y avois déterminé. Il avoit fuivi le fecond des trois chemins dont j'ai parlé, en defcen- dant le Paftaça ; & il étoit arrivé, après bien des fatigues & des dangers, beaucoup plütôt que moi à notre rendez-vous de la Laguna, quoique nous fuffions partis à peu près dans le. même temps, l'un de Quito, l'autre de Cuenca: il avoit fait en route avec la Bouffole & un Gnomon portatif, les obferva.. tions néceffaires pour décrire le cours de la rivière de Paftaça,. à quoi je l'avois exhorté, en lui en facilitant les moyens. La Laguna eft un gros village de plus de 1000 Indiens portant armes, & rafiemblez de diverfes nations : c’eft la. principale Miflion de toutes celles de Maynas. Cette bour- gade eft fituée dans un terrein fec & élevé, ce qui eft difficile à rencontrer dans ces pays, & fur le bord d'un grand, lac, à $ lieues au deflus de l'embouchüre du Guallaga, qui a. fa fource comme le Marañon, dans les montagnes à l’Eft de À! D EPS NON GATIENN CES: 23 Lima. C’eft par le Guallaga qu’étoit defcendu dans l Amazone -Pedro de Urfoa, dont nous avons parlé. La mémoire de fon expédition, & celle des événemens qui furent caufede fa fu- nefte aventure, fe confervent encore parmi les habitans de Lamas, petit bourg voifin du port où il s'embarqua, La largeur “du Guallaga à fa rencontre avec le Marañon, pouvoit être, lorfque j'y paflai, de 2 5 o toiles, ou quatre fois auffi large que ‘a Seine au Pont-royal: ce n’eft qu'une rivière très-médiocre en comparaifon de la plüpart de celles dont je ferai mention dans la fuite. Je fis à la Laguna plufieurs obfervations de Latitude par Le Soleil & par les Etoiles, & je la déterminai de s degrés 14 minutes, J'y prolongeai mon féjour dé 24 heures, pour ‘eflayer d'y obferver la Longitude ; mais je perdis de vüûe Jupiter dans les vapeurs de l'horizon, avant que de voir fortir de l'ombre fon premier fatellite, Nous partimes le 23 de la Laguna M. Maldonado & moi, avec 1 6 rameurs, répartis fur deux canots, l’un de 42, l’autre de 44 pieds de long, & tous deux feulement de 3 de large; ils étoient formez chacun d’un feul tronc d'arbre. Les rameurs ‘y font placez depuis la proue jufque vers le milieu; le voyageur -& fon équipage font à la pouppe, & à l'abri de Ia pluie fous un long toit arrondi, fait d’un tiflu de feuilles de palmier entrelacées, que les Indiens préparent avec art. Ce berceau eft * du jour à fa cabane & pour y entrer commodément ; un toit volant de mème matière que le toit fixe, gliffe quand on veut de porte & de fenêtre. -: En m'engageant à lever la Carte du cours del’ Amazone, je m'étois ménagé une reffource contre l'ennui, auquel une na- vigation uniforme de plufieurs mois eût pû m’expofer. II me falloit être journellement dans une attention continuelle, 1a bouflole & la montre à Jamain, pour obferver les change- … mens de direétion du cours |du fleuve, & le temps que nous - employions d’un détour à l'autre; pour examiner les diffé interrompu], & à dans fon milieu une coupuré,. pour donner: fur celui-ci, & ferme cette ouverture, qui fert tout-à-la fois. JUILLET 1743: Guallaga, rivière. LL) Obfervations. Canotsfndiens,. Précautions: pour lever Ia: nouvelle carte: du fleuve. se ete) JUILLET 1743. 424 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royaze rentes fargeurs de fon lit, & celles des embouchüres des rivières qu'il recevoit, l'angle que celles-ci forment en yen- tant, la rencontre des ifles & leur longueur, & fur-tout pour mefurer la vitefle du courant & celle du canot, tantôt en mettant pied à terre, tantôt fur le canot même, par diverfes pratiques dont l'explication feroit ici de trop. Tous mes momens étoient remplis : fouvent je fondois la profondeur du fleuve, ou je mefurois géométriquement fa largeur & celle des rivières qui viennent s’y joindre ; j'obfervois la hauteur méridienne du Soleil prefque tous les jours à terre avec le Quart-de-cercle, & fon amplitude à fon lever & à fon cou- cher, quand cela étoit poffible: enfin dans tous les lieux où j'ai féjourné, je montois un Baromètre, & j'obfervois fa hauteur à différentes heures. Je ne ferai plus dorénavant mention de ces obfervations que dans les endroits les plus remarquables. Ce n’eft pas ici le lieu d'entrer dans un plus grand détail. Nous réfolumes de marcher jour & nuit, pour atteindre, sil étoit pofble, les brigantins ou grands canots que les Miffionnaires Portugais dépêchent tous les ans au Parà, pour aller chercher leurs provifions. Nos Indiens ramoïient le jour, deux feulement faifoient fentinelie pendant la nuit, l'un à proue, l’autre à pouppe, pour gouverner dans le fil du cou- rant. lis veilloient fur le canot, & moi fur eux. Hors le temps defliné aux obfervations, nous ne faifions ordinairement qu'une halte de deux ou trois heures par jour, pour donner un peu de reläche à nos Indiens, & le temps de pêcher, de chafler, de manger, & fur-tout celui de fe baigner, je profitois de cet intervalle pour prendre auffi quelque repos. Si j'étois forcé quelquefois de donner au fommeil d’autres momens, M. Maldonado vouloit bien fe charger pendant ce temps, de tenir une note de nos différentes routes, & de la durée de chacune. | Le 25, nous laiffames du côté du Nord la rivière du Zigre, qui moins heureufement placée que le fleuve du même nom en Afie, le perd ici dans une foie de rivières beaucoup plus confidérables. Le même jour, nous arrêtames d’aflez bonne heure DLENS S)C ILEUN CES 425 heure & du même côté, à une nouvelle Miflion de Sauvages appellez Fameos, récemment tirez des bois. Leur langue eft d'une difficulté inexprimable, & leur manière de prononcer eft encore plus extraordinaire que leur langue. Ils parlent en retirant leur refpiration , & ne font fonner prefque aucune - voyelle. Ils ont des mots que nous ne pourrions écrire, même - imparfaitement, fans employer moins de neuf ou dix fyllabes ; & ces mots prononcez par eux femblent n’en avoir que trois ou quatre. Poctarrarorincouroac fignifie en {eur langue le nombre Z7vis: heureufement pour ceux qui ont affaire à eux, leur arithmétique ne va pas plus loin. Quelque peu croyable que cela paroïfle, ce n’eft pas la feule nation In- dienne qui foit dans ce cas. La langue Brafilienne parlée par des peuples moins grofliers, eft dans fa même difette; & pañlé le nombre de trois, ils n’ont qu'un terme vague qui défigne une multitude, & ils font obligez pour compter jufqu’à quatre, d'emprunter le fecours de la langue Portugaife. . Les Yameos font fort adroits à faire de longues farbacanes, qui font larme de chaffe la plus ordinaire des Indiens. Ils y ajuftent de petites flèches de bois de palmier, qu’ils garniffent, au lieu de plume, d’un petit bourlet de coton plat & mince, qu'ils font fort vite & fort adroitement, & qui remplit exac- tement le vuide du tuyau. Ils Jancent la flèche avec le fouffle à 30 & 40 pas, & ne manquent prefque jamais leu coup. . J'ai vü fouvent arrêter le canot, un Indien defcendre à terre, entrer dans le bois, tirer un finge ou un oïfeau perché au haut d’un arbre, le rapporter, & reprendre fa rame, le tout en moins de 2 minutes. Un inftrument auffi fimple que ces farbacanes, fupplée avantageufement chez toutes-ces nations le défaut des armes à feu. Ils trempent la pointe de leurs petites flèches, ainfi que de celles de leurs arcs, dans un poifon fi actif, que quand il eft récent, il tue en moins d’une minute l'animal pour peu qu'il foit atteint jufqu'au fang. Quoique nous euffions des fufils, nous n'avons guère mangé fur la rivière Mn de gibier tué autrement, & fouvent nous avons rencontré * da pointe du trait fous la dent, il n’y a à cela aucun danger; Men. r 745. Hhh JUILLET \ 1743- Nation des Yameos. Leur langue, Leurs farba- canes, Leurs flèches empoifonnées, re JUILLET 1743e Sonde. L'Ucayale peut ètre la vraie fource du Marañon, 426 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE ce venin n'agit que quand il eft mêlé avec le fang, alors il n’eft pas moins mortel à l'homme qu'aux autres animaux, Nous avons vü au Parà plufieurs Portugais témoins de cette funefte épreuve, & qui ont vû périr leurs camarades en un inftant, d’une bleflure femblable à une piqüre d’épingle. Le contrepoifon ef le fel, & plus sûrement le fucre, fuivant l'opinion commune. Je parlerai en fon lieu des expériences que j'en ai faites à Cayenne & à Leyde. Le lendemain 26, je fondai dans un endroit où le fleuve étoit fans ifle, & où fon lit, large un peu plus haut de 700 toifes, étoit reflerré à moins de 1 $0; je ne trouvai pas fond à 80 brafles; je n’ofai filer une plus grande longueur du cordeau, craignant de perdre ma fonde, comme cela m'étoit déjà arrivé, & dans un pays où cette perte n’étoit pas facile à réparer. Un peu plus loin, nous rencontrames du côté du Sud lembouchüre de YUcayalé, une des plus grandes ri- vières qui groffifient le Marañon, avec lequel il a été quel- fois confondu fous le nom de Xauxa, qu'il porte vers fa fource : il y a lieu de douter laquelle des deux eft le tronc principal dont fautre n'eft qu'un rameau. À leur rencontre mutuelle, 'Ucayalè eft plus large que le fleuve où il perd fon nom. Les fources de l'Ucayalé font auffi les plus éloignées & les plus abondantes 2; il raffemble les eaux de plufieurs provinces du haut Pérou, & fous le nom de Xauxa, if a déjà reçu lApu-rimac, qui le rend une rivière confidérable par la même latitude où le Marañon n'eft encore qu’un tor- rent; enfin l'Ucayalè en rencontrant le Marañon, le repouffe & lui fait changer de direction. D'un autre côté, le Marañon a fait un plus long circuit, & eft déjà groffi des rivières de Sant-lago, de Paflaça, de Guallaga, &c. lorfqu'il fe joint à lUcayalè. De plus, if eft conftant que le Marañon eft par- tout d’une profondeur extraordinaire : il eft vrai que l'Uca- yalè n’a jamais été fondé, & qu'on ignore Île nombre & la. 2 La principale fort du lac Cincha-Cocha près de Tarma, plus au Sud: que le lac Lauri-Cocha, fource du Marañon. » Toutes les eaux des territoires de Guançabelica , Guamanga & Cufços ! k 148 DES SCIENCES. 427 . grandeur des rivières qu'il reçoit. Tout cela me perfuade FREE TAN que la queftion ne pourra être décidée fans appel, tant que ;,43: __ YUcayalè ne fera pas mieux connu. Ï commençoit à l'être, > lorfque les Miffions récemment établies fur les bords furent abandonnées, après le foülèvement des Cunivos & des Piros, qui maflacrèrent leur Miffionnaire en 1 695. Au deffous de l'Ucayalè la largeur du Marañon croît fen- fiblement, & le nombre de fes ifles augmente. Le 27 au matin nous abordames à la Miflion de Saint- ifion de Joachim, compofée de plufieurs nations Indiennes, & fur- Saint-loachim; tout de celle des Omaguas, autrefois puiffante, & qui peuploit {Nation de encore il y a un fiècle les ifles & les bords de l'Amazone, dans Ja longueur d'environ 200 lieues au deflous du Napo. : Ils ne paffent pas cependant pour originaires du pays, & il y a quelque apparence qu'ils font venus s'établir fur les. bords du Marañon, en defcendant quelqu'’une des rivières qui ont {eur fource dans le Nieuveau-royaume de Grenade, lorfque les Efpagnols en firent la conquête. Une nation qui porte le même nom d'Omaguas, & qui habite vers la fource d'une de ces rivières, l’ufage des vêtemens qu'on a trouvé établi chez les feuls Omaguas parmi les nations qui peuplent les bords de l Amazone, quelques veftiges de la cérémonie du baptême, & quelques traditions défigurées, confirment la conjecture de leur tranfmigration. Le P. Samuel Fritz les avoit tous convertis à la religion Chrétienne, à la fin du dernier fiècle, & Yon comptoit alors dans leur pays trente villages marquez de leurs noms fur la Carte de ce Père; nous n’en avons vü en paflant que les ruines, ou plütôt la place. Tous leurs habitans effrayez par les incurfions de quelques “ brigands du Parà, qui venoient les faire efclaves chez eux, fe font difperfez dans les bois & dans les Miffions Efpagnoles & Portugaifes. Le nom d'Omaguas dans la langue du Pérou, ainfi que |: celui de Cambevas que leur donnent les Portugais du Parà } “ dans la langue du Bréfil, fignifie Zéte-plate : en effet, ces … peuples ont la bizarre coûtume de preffer Te nn 4 hi 428 MEMÔIRES DE L'ACADEMIE Royare cree front des enfans qui viennent de naître, & de leur procurer 1743. Létrange figure qui en réfulte, pour les faire mieux reffém- bler, difent-ils, à la pleine-Lune. La langue des Omaguas eft auffi douce & auffi aifée à prononcer, & même à appren- dre, que celle des Yameos eft rude & difficile : elle n’a aucun rapport à celle du Pérou, ni à celle du Bréfil, qu'on parle, l'une au deflus, & l'autre au deflous du pays des Omaguas le long de la rivière des Amazones. Floripondio, Les Omaguas font grand ufage de deuk fortes de plantes, Curupa plantes. pie que les Efpagnols nomment Floripondio, dont la fleura la figure d’une cloche renverfée, & qui a été décrite parle P. Feuillée ; l'autre qui dans la langue Omagua fe nomme Curupa, & dont j'ai rapporté la graine : l'une & F'autre eft purgative. Ces peuples fe procurent par leur moyen une ivrefle qui dure 24 heures, pendant laquelle ils ont des vifions fort étranges : ils prennent auffi la Curupa réduite en poudre, comme nous prenonsge tabac, mais avec plus d'appa- reil : ils fe fervent d’un tuyau de rofeau terminé en fourche & de la figure d’un Y ; ils insèrent chaque branche dans une narine: cette opération fuivie d’une afpiration violente, leur fait faire une grimace fort ridicule aux yeux d’un Européen, qui ne peut s'empêcher de tout rapporter à fes ufages. Fertilité On peut juger quelle doit être l'abondance & la variété du pays. des plantes, dans un pays que l'humidité & la chaleur con tribuent également à rendre fertile. Celles de la province de Quito n'auront pas échappé aux recherches de M. Jofeph de Juffieu, notre compagnon de voyage : mais j'ofe dire, que la multitude & la diverfité des arbres, des arbuftes & des plantes qu'on rencontre, tant furles bords de la rivière des Amazones, que fur ceux de tant d’autres rivières qui fe perdent dans celle-ci, depuis fa Cordelière des Andes jufqu’à la mer, pour- roient donner plufieurs années d'exercice au plus laborieux Botanifle, & occuperoïent plus d’un Deffinateur. Je n’entends ici parler que du travail qu'exigeroit la defcription exaéte de toutes les parties de ces plantes, & leur réduction en claffes, en genres & en efpèces; que fera-ce fi l'on y fait entrer l'examem D EUIS A MN CAT ENNTONENSM 429 des vértus qui font attribuées à plufieurs d’entr'elles, par 1és naturels du pays? examen qui eft fans doute la partie la plus intéreffante d’une pareille étude. Il ne faut pas douter que l'ignorance & le préjugé n'aient beaucoup multiplié & exa- géré ces propriétés ; mais le Quinquina, lpécacuanha , Je Simaruba, la Salfepareille, le Guayac, le Cacao, la Vanille, &c. feroient-elles les feules plantes utiles que l'Amérique renfermeroit dans fon fein ; & leur grande utilité connue & avérée n’eft-elle pas propre à encourager à de nouvelles re- cherches dans un pays fi fécond ? Tout ce que j'ai pü faire a été de recueillir des graines dans les lieux de mon pañlage, toutes les fois que cela m'a été poflible, M, Le genre de plantes qui m'a paru en général frapper le Singularités de plus les yeux des nouveaux venus, par fa fingularité, ce font ne DEEE ces lianes ou fortes d'ofiers, dont j'ai déjà fait mention, qui tiennent lieu de cordes , & qui font fort ordinaires en Amé- rique dans tous les pays chauds & couverts de bois. Elles ont cela de commun, qu'elles montent en ferpentant autour des arbres & des arbuftes qu’elles rencontrent; & qu'après être parvenues jufqu'à leurs branches, & quelquefois à une très-grande hauteur, elles jettent des filets qui retombent perpendiculairement, s’enfoncent dans la terre, y reprennent racine & s'élèvent de nouveau, montant & defcendant alter- -nativement. D’autres filamens portez obliquement par le vent ou par quelqu’autre caufe accidentelle, s’attachent fouvent aux arbres voifins, & forment une confufion de cordages, les uns _pendans, les autres tendus en tout fens, ce qui offre aux yeux le même afpect que les manœuvres d’un vaiffeau, If n’y a prefque aucune de ces lianes à laquelle on n’attribue quelque vertu particulière. Il feroit à fouhaiter que toutes fufent auffi avé- :rées & auffi connues en Europe que celle de l'Ipécacuanha. Jai vû en plufieurs endroits une efpèce de ces lianes qui a une odeur d'ail, fi forte & fi marquée, que cela feul la rend reconnoiffable : il y en a d’auffi grofles & même de - plus groffes que le bras; quelques-unes étouffent l'arbre Mn … qu'elles embraffent, & le font réellement mourir à force d AA HRh ï, | JUILEET 1742 Pi Le De ke = nt JUILLET 1743: Gommes, ré- fines, baumes. Cahoutchou, xcfincélaftique. Coftume fingulière des Omaguas. 430 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLE létreindre ; ce qui leur a fait donner par les Efpagnols fe nom de atapalo ou tue-bois. H arrive quelquefois que l'arbre sèche fur pied, fe pourrit & fe confume, & qu'il ne refte que les fpires de la liane qui forment une efpèce de colonne torfe ifolée & à jour, aflez femblable à certains ouvrages de Tour qu'on admire comme des chefs-d’œuvres dans les cabinets des Curieux. Les gommes, les réfines, les baumes, tous les fucs enfin qui découlent par incifion de diverfes fortes d'arbres, ainff que les différentes huiles qu'on en tire, font fans nombre, L'huile qu’on extrait du fruit d’un palmier appellé Unguravé à Maynas, eft, dit-on, aufli douce & paroîït à quelques-uns auffi bonne au goût que l'huile d'olive. I] y en a, comme celle” d’Andiroba, qui donnent une fort belle lumière, fans aucune mauvaife odeur. En plufieurs endroits les Indiens , au lieu d'huile, s’éclairent avec le copal entouré de feuilles de bana- nier; en d’autres avec certaines graines enfilées dans une baguette pointue, qui étant enfoncée en terre, leur tient lieu de chandelier. La réfine appellée Cahuchu * dans les pays de la province de Quito voifins de la mer, eft auffi fort com- mune fur les bords du Marañon, & fert aux mêmes ufages. Quand elle ef fraiche, on lui donne avec des moules la forme qu'on veut, elle eft impénétrable à la pluie; mais ce qui la rend plus remarquable, c’eft fa grande élaficité. On en fait des bouteilles qui ne font pas fragiles, des bottes, des boules creufes qui s'applatiflent quand on les prefle, & qui dès qu'elles ne font plus gênées, reprennent leur première figure, Les Portugais du Parà ont appris des Omaguas à faire avec la même matière des pompes ou feringues qui n’ont pas befoin : de pifton : elles ont la forme de poires creufes, percées d'un petit trou à leur extrémité, où ils adaptent une canule de bois: on les remplit d'eau, & en les preffant lorfqu'’elles font pleines, elles font l'effet d'une feringue ordinaire. Ce meuble eft fort en ufage chez les Omaguas. Quand ils s'aflemblent entr'eux * Prononcez Cahoutchou. En 1747 on a trouvé l'arbre qui produit cette réfine dans les bois de Cayenne, où jufqu’alors il avoit été inconnu. que aps am Re DES: SCTE N'CE Si). 431 pour quelque fête, le maître de la maïfon ne manque pas d'en préfenter une par politeffe à chacun des conviés, & fon ufage précède toüjours parmi eux les repas de cérémonie, Nous changeames de canots & d’équipagesà Saint-Joachim, d'où nous partimes le 29 Juillet, compaffant notre marche dans le deflein d'arriver à l'embouchôre du Napo à temps, pour y obferver la nuit du 3 1 Juillet au re* Août une émer- ion du premier fatellite de Jupiter. Je n'avois depuis mon départ aucun point déterminé en longitude, pour corriger mes diftances eftimées d'Eft à Oueft: d’ailleurs les voyages d'Orellana, de Texeira & du P. d’Acuña, qui ont rendu le Napo célèbre, & la prétention des Portugais fur le domaine des bords du fleuve des Amazones jufqu’au Napo, rendoient ce point important à fixer. Je fis mon obfervation fort heu- premier fruit des peines que m'avoit coûté le tranfport d’une une route de deux mois. Mon compagnon de voyage rempli du même zèle, me fut en cette occafion & dans plufieurs autres où il maida, d'un grand fecours par fon intelligence _ & fon activité. J'obfervai d’abord la hauteur méridienne du » Soleil dans une ifle vis-à-vis de la grande embouchûre du Napo : je trouvai 3 degrés 24 minutes de latitude auftrale. Je jugeai la largeur totale du Marañon de 900 toifes au deflous de l'ifle, n'ayant pû en mefurer qu'un bras géométri- quement. Le Napo me parut avoir 600 toifes de large au- deflus des ifles qui partagent fes bouches, Enfin j’obfervai le . même foir Fémerfion du premier Satellite, & je pris auffi-tôt _ après la hauteur de deux Etoiles, pour en conclurre l'heure. Les intervalles des obfervations furent mefurez avec une … monter & de régler une pendule, ce qui n’eût guère été «_ pofñble, & qui eût demandé au moins deux jours, & des “ commodités dont j'étois abfolument dépourvû. Je trouve par » Je calcul la différence des méridiens entre Paris & l’embou- … chûre du Napo, de 4 heures £. Cette détermination pourrai bonne montre, de cette manière je püûs me difpenfer de JUILLET 1743° Obfervations reufement, malgré divers obflacles, & je recueillis par-là Le de fie & à de longitude à lembouchüre tunette de r 8 pieds, dans des bois & des montagnes, pendant 4 Nero. JUILLET 1743 Dévas nation & village. Multiplicité des langues d'Amérique. Anthropo- phages. 432 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr être rendue plus exaéte quand on aura l'heure de l'obfervation actuelle, en quelque lieu dont la pofition en longitude foit connue, & où cette émerfion ait été vifible. Aufli-tôt après mon obfervation de longitude, nous nous remimes en chemin, & le lendemain matin premier Août nous primes terre dix à douze lieues au deffous de l'embou- chüre du Napo à Pévas, aujourd'hui la dernière des Miffions Efpagnoles fur les bords du Marañon. Le P. Fritz Jes avoit étendues à plus de 200 lieues au delà; mais les Portugais en 1710 fe font mis en pofleffion de la plus grande partie de ces terres. Les nations Sauvages voifines des bords du Napo, n'ont jamais été entièrement fubjuguées par les Efpagnols : quelques-unes d'entr'elles ont maflacré en différens temps les Gouverneurs & les Miffionnaires qui avoient tenté de les réduire. I y a quinze ou vingt ans que les PP. Jéfuites de Quito ont renouvellé d'anciens établiffemens, & formé fur les bords de cette rivière de nouvelles Miffions aujourd'hui très-floriflantes. Le nom de Pévas que porte Ta bourgade où nous abor- dames, eft celui d'une nation Indienne qui fait partie de fes habitans; mais on y a raflemblé des Indiens de diverfes nations, dont chacune parle une langue différente, ce qui eft ordinaire par toute l'Amérique. Il arrive quelquefois qu'une langue n'eft entendue que de deux ou trois familles, refte miférable d'un peuple détruit & dévoré par un autre: car quoiqu'il n’y ait pas aujourd'hui d’Anthropophages le long des bords du Marañon, il y a encore dans les terres, particulièrement du côté du Nord, & en remontant 'Yupura, des Indiens qui mangent leurs prifonniers. La plüpart des nouveaux habitans de Pévas ne font pas encore chrétiens, ce font des Sauvages nouvellement tirez de leur fort : il n’eft jufqu'ici queftion que d'en faire des hommes, ce qui n'eft pas un petit ouvrage. Je ne dois m'étendre dans l'occafion préfente fur les mœurs & fur es coûtumes de ces nations, & d’un fi grand nombre d’autres qué j'ai rencontrées, qu'autant qu'elles peuvent avoir quelque | DES SCIENCES 433 quelqué rapport à la Phyfique ou à l'Hiftoire Naturelle; ainfi je ne parlerai point de leur commerce, ni de leurs diverfes induftries ; je ne ferai point de defcription de leurs danfes, de leurs inftrumens, de leurs feflins, de leurs différentes armes, de leurs uftenfiles de chafle & de pêche, de leurs ornemens bizarres d'os d'animaux & de poiffons pañlez dans leurs narines & dans leurs lèvres, de leurs joues criblées de trous, qui fervent d’étui à des plumes d'oifeaux de toutes couleurs : ces matières pourront trouver ailleurs leur place. Je n'infifterai ici que fur un fait, fur lequel les Anatomiftes trouveront peut-être quelques réflexions à faire; c'eft l'extenfion monftrueufe du lobe de l'extrémité inférieure de l'oreille de quelques-uns de ces peuples, fans que pour cela fon épaifleur en foit fenfible- ment diminuée. Nous avons été furpris de voir de ces bouts d'oreilles [longs de quatre à cinq pouces, percez d’un trou rond de dix-fept à dix-huit lignes de diamètre; & on nous a affurez que nous n'avions rien vü de rare en ce genre. Le trou étant fait avec une arrête de poiflon, ils y insèrent d’abord un petit cylindre de bois, auquel ils en fubflituent un plus gros à mefure que l'ouverture s'aggrandit, jufqu’à ce que le bout de l'oreille leur pende fur épaule. Leur grande parure eft de xemplir ce trou d’un gros bouquet ou d’une touffe d'herbes & de fleurs, qui leur fert de pendant d'oreille. d On compte fix à fept journées de marche ordinaire, que Rous fimes en trois jours & trois nuits, de Pévas, dernière Miffion Efpagnole, à Sar- Paulo ou Saint-Paul, Ia première des Mifons Portugaifes, deflervie par des Religieux de l'Ordre du Mont-Carmel. Dans cet intervalle on ne rencontre aucune habitation fur les bords du fleuve : c'eft-là que commencent les grandes ifles anciennement habitées par les Omaguas. Le kit de la rivière s’y élargit fi confidérablement, qu’un feul de fes bras a quelquefois 8 à 900 toiles. Comme cette grande étendue donne beaucoup de prife au vent, il y excite de vraies tempêtes, qui ont fouvent fubmergé des canots. Nous + efluyames deux orages dans notre trajet de Pévas à Saint- Paul; mais {1 grande expérience des Indiens fait qu'il ef Men. 1745: me AOUST 1743» Ufages bizarres. Oreilles monf- trueules, Pays imhabiter] Largeur du fleuve. Tempêtes, AOUST 1743: Dangers de ectie naviga- uon, Sauvages ennemis. 434 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe rare qu'on fe trouve furpris au milieu du fleuve; & il nya de danger preflant, que lorfqu'on n'a pas le temps de chercher un abri à l'embouchüre de quelque petite rivière ou de quel- que ruifleau, qui fe rencontre fréquemment. Dès que le vent cefe, le courant du fleuve qui brie les vagues, lui a bien-1ôt rendu fa première tranquillité. Un des plus grands périls de cette navigation eft Ja ren- contre de quelque tronc d'arbre déraciné, engravé dans le fable ou le limon, & caché fous l'eau, ce qui mettroit le canot en danger de tourner ou de s'ouvrir, comme il nous arriva une fois en approchant de terre pour couper un bois dont on vantoit les vertus pour l’hydropifie. Pour éviter cet in- convénient, on s'éloigne des bords : quant aux arbres en- traînez par le courant, comme ils flottent, on les voit de loin, & il eft aifé de s'en garantir, du moins le jour. Je ne parle pas d’un autre accident beaucoup plus rare, mais toüjours funefte, dont on court encore le rifque en côtoyant de trop près les bords du fleuve : c’eft la chüte fubite de quelque arbre, ou par caducité, ou parce que le terrein qui le foutenoit a été infenfiblement miné par les eaux. Plufieurs canots en ont été brifez & engloutis avec tous les rameurs : fans quelque événement de cette efpèce, il feroit inoui qu'un Indien fe füt noyé. If n’y a aujourd’hui aucune nation guerrière ennemie dé. clarée des Européens fur les bords du Marañon; toutes fe font foûmifes, ou retirées au loin. Cependant, il y a encore des en- droits où il feroit dangereux de coucher à terre, & les Indiens des Miffions qui voguoient fur nos canots, avoient foin de: nous avertir des cantons où il n'étoit pas à propos d'aborder. Il y a quelques années que le fils d’un Gouverneur Efpagnol, dont nous avons connu le père à Quito, ayant entrepris de defcendre la rivière, fut furpris dans le bois, & maffacré par des Sauvages du dedans des terres, qu'un malheureux hafard lui fit rencontrer près des bords du fleuve, où ils ne viennent qu’à la dérobée. Le fait nous a été conté par fon camarade de voyage échappé au même danger, & aujourd'hui établi DES SCtrENCESs dans les Miffions Portugaifes , où il nous a fervi de guide pendant plufieurs jours. Le Miflionnaire de Saint-Paul prévenu de notre arrivée, nous tenoit prêt un grand canot, pirogue ou brigantin, équipé de quatorze rameurs & d’un patron. Il nous donna de plus un guide Portugais dans un autre canot, & nous reçumes de lui & des autres Religieux de fon Ordre chez qui nous féjour- names depuis, un traitement qui nous fit oublier que nous étions au centre du vafte continent de l'Amérique méridio- nale, & éloignez de 500 lieues de terres habitées par des Européens. A Saint-Paul nous commençames à voir, au lieu de mai- fons & d'églifes de rofeaux, des chapelles & des prefbytères de maçonnerie, de terre & de brique, & des murailles blan- chies proprement. Nous fumes encore agréablement furpris, de voir au milieu de ces déferts des chemifes de toile de Bretagne à toutes les femmes Indiennes, des coffres avec des ferrures & des clefs de fer dans leurs ménages, & d’y trouver des aiguilles, de petits miroirs, des couteaux, des cifeaux, des peignes, & divers autres petits meubles d'Europe, que les Indiens fe procurent tous les ans au Parà, dans les voyages qu'ils y font pour y porter le Cacao qu'ils recueillent fans culture fur les bords du fleuve, & dont on charge tous les ans au Parà cinq à fix vaifleaux pour Lifbonne. Ce com- merce avec le Parà donne à ces Indiens & à leurs Miffion- naires un air d’aifance, qui diftingue au premier coup d'œil les Miffions Portugaifes, des Miffions Caftillanes du haut Marañon , dans lefquelles tout fe reffent de limpoffibilité où font les Miflionnaires de la Couronne d’Efpagne, de fe fournir d'aucune des commodités de la vie: n'ayant aucun commerce avec les Portugais leurs voifins, en defcendant le fleuve; & tirant tout de Quito, où à peine envoient-ils une fois l'année, & dont ils font plus féparez par la Cordelière, qu'ils ne le feroient par une mer de mille lieues. Les canots dont fe fervent les Portugais, & dont nous . mous fervimes depuis Saint-Paul, font beaucoup plus grands ‘à Lii ij 1743° Saint- Paul, première Mif- fion Portugaife, Parallèle des Miffons Efpa- gnoles & Por- tugailes. Canots Portugais. 436 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE & plus commodes que les canôts Indiens, avec lefquefs nous û avions navigué dans les Miffions Efpagnoles. Le tronc d'arbre qui fait tout le corps des canots Indiens, ne fait chez les Portugais que la carène. Ils fendent premièrement ce tronc, & l'évuident avec le fer ; ils louvrent enfüuite par le moyen du feu, pour en augmenter la largeur : mais comme le creux diminue d'autant, ils lui donnent plus de hauteur par des bordages qu'ils y ajoütent, & qu'ils lient par des courbes au corps du bâtiment. Le gouvernail eft placé dans ces canots, de manière que fon jeu n'embarrafle nullement la cabane ou petite chambre qui eft ménagée à la pouppe. Quelques-uns _Eeurs dimen- de ces brigantins ont foixante pieds de long fur fept de large, ons. . : 2, & trois & demi de creux ; il y en a de plus grands encore, & de quarante rameurs, dont la carène eft pareillement formée d’un feul tronc d'arbre. La plüpart ont deux mâts & vont à la voile, ce qui eft d’une grande commodité pour remonter le fleuve à la faveur du vent d’Eft, qui y règne depuis le mois d'Otobre jufque vers le mois de Mai. IF y a quatre ou cinq ans qu’un de ces brigantins de médiocre grandeur, ponté Capables de & agréé par un Capitaine marchand François, qui s'y embarqua tenie mer. ec trois mariniers Provençaux, prit le large en haute mer, au grand étonnement des habitans du Parà ; & fit en fix jours du Parà à Cayenne un trajet, qu'on verra que je n'ai fait qu’en deux mois, dans un bâtiment du même port, obligé que j'étois de me laïffer conduire terre à terre, à la mode du pays; ce qui d'ailleurs me convenoit mieux pour lever ma Carte. AS Mifons Nous nous rendimes en cinq jours & cinq nuits de navi- e Carmes Por- B . N : : x . tugais. gation, de Saint-Paul à Coari, la dernière des fix Miffions deffervies par les Miffionnaires Carmes Portugais. Je ne com- prends point dans ces cinq jours, les deux de féjour que nous fimes dans les Miffions intermédiaires de Yviratuha, Traqua- tuha, Paraguari & Téfe. Les cinq premières de ces Miffions font formées des débris de l’ancienne du P. Samuel Fritz, & compofées d'un grand nombre de nations, la plüpart tranfplantées. Saint-Paul eft prefque entièrement peuplé d'Omaguas, de la même nation AOUST 1743: DES SCIENCES que les habitans de Saint-Joachim ; les uns ayant fuivi les Éfpagnols quand ils furent chaflez de Saint-Paul en 1710, & les autres étant reftez parmi les Portugais. Ceux-ci ont transféré la Miffion de Saint-Paul feize ou dix-huit lieues plus bas qu'elle n’étoit alors, & le Miffionnaire fe propoloit, lorfque nous y paflames, de la porter encore quatre lieues plus loin en defcendant, dans un terrein nouvellement dé- friché qu’on nous fit voir, & où elle eft vrai-femblablement aujourd'hui. Les fix peuplades Portugaifes étoient toutes lors de mon pañage, fur la rive auftrale du fleuve, où le terrein, généralement parlant, eft plus haut & plus à l'abri des inondations que du côté du Nord. Les deux dernières, Téfé & Coari, ne font pas fituées fur le bord même du Marañon, mais un peu en remontant les deux rivières qui ont donné leur nom aux deux bourgades. Le P. d’Acuña nomme 7 api la rivière de T'éfé. Celle de Coari, que le P. Fritz n'a point connue, ne pañloit il y a quelques années que pour un lac. On les peut compter l'une & l'autre entre les princi- pales de celles qui viennent fe rendre dans l Amazone, du côté du Sud entre Saint-Paul & Coari. Les autres, fans parler des moins confidérables, font Futay que la Carte du P. Fritz nomme Yerau; & Yurva plus petite que Yutay, mais dont l'embouchüre que je mefurai, ne laiffe pas d'avoir 3 62 toifes, Toutes courent à peuprès parallèlement du Sud au Nord, & defcendent des montagnes de {a Cordelière à l'Eft de Lima & au Nord de Cufco. II faut plufieurs Lunes, au rapport des Indiens, pour remonter feulement leur partie navigable. les bords de la rivière de Coari dans le haut des terres, un paÿs découvert, des mouches * & quantité de bêtes à cornes {dont ils rapportèrent des dépouilles), objets nouveaux pour » eux, & qui prouvent que les fources de ces rivières arrofent . des pays fort différens du leur, & fans doute voifins des colo- nies Efpagnoles du haut Pérou, où Fon fçait que les beftiaux » tranfportez d'Europe fe font fort multipliez. + * IL n’y a point de nos mouches d'Europe fur les de Amazone, 4 ii à} Quelques-uns d’entr’eux ont rapporté qu'ils avoient và fur: nes mes AOUST 1743 Rivicres de Yutay, de Yur-- va, de Téfé &. de Coari, du côté du Sud.. AOUST 1743: Putumayo, Yupura ou Ca- Fee du côté u Nord. Nations qui mangent leurs prilonniers. 438 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RorarE L'Amazone reçoit aufli du côté du Nord dans cet inter: valle, deux grandes & célèbres rivières; la première eft celle d'/ça, qui defcend des environs de Paflo au Nord-eft de Quito, & au Nord des Miffions Francilcaines de Sucumbios, où elle fe nomme Putumayo. La feconde eft l'Yspura, qui a fes fources vers ocoa, encore plus au Nord que celles du Putumayo. Cette rivière eft un vrai phénomène géogra- phique, par plufieurs fingularités qui lui font particulières. C'eft la même que M. Delifle dans la Carte d'Amérique de 1703 nomme Cagueta, & qu’il a mal à propos fupprimée dans celle de 1722. Elle fe nomme effectivement encore aujourd'hui Caquetà dans fa partie fupérieure ; mais ce nom eft totalement inconnu à fes embouchüres dans l Amazone. Je dis fes embouchüres, car il y en a réellement fept ou huit différentes, formées par autant de bras qui fe détachent fuc- ceflivement du canal principal, & fi loin les uns des autres, qu'il ya 60 à 80 lieues de diftance de la première bouche à la dernière. Les Indiens leur donnent divers noms, ce qui les a fait prendre pour différentes rivières. Ils appellent Yupura un des plus confidérables de ces bras; & pour me conformer à l’ufage des Portugais qui ont étendu ce nom en remontant, j'appellerai Yupura non feulement le bras ainfi nommé an- ciennement par les Indiens, mais auffi le tronc d'où fe déta- chent ce bras & les fuivans. Tout le pays qu'ils arrofent eft fi bas, que dans le temps des crûes de l'Amazore, il eft tota- lement inondé, & qu'on pañle en canot d’un bras à l'autre, & à des lacs dans l'intérieur des terres. Les bords de l'Yupura font habitez en quelques endroits par ces nations féroces dont j'ai parlé, qui fe détruifent mutuellement, & dont plu- fieurs mangent encore leurs prifonniers. Cette rivière, ñon plus que les différens bras qui entrent plus bas dans l Amazone, ne font guère fréquentez d’autres Européens, que de quelques Portugais du Parà, qui y vont en fraude acheter des Efclaves. Ce ne font pas là toutes les particularités qui diftinguent FYupura. Nous y reviendrons en parlant de Rio Negro: C'eft dans ces quartiers qu'étoit fitué un village Indien, DES TBICAMEUN CRIS MENl 430 où Jes Portugais en remontant le fleuve en 1637, reçurent PURE à en troc des anciens habitans quelques bijoux d'un or qui fut rare eflayé à Quito, & jugé de 23 carats. Is donnèrent à ce lieu Village del'Or. le nom de village de l'Or. À leur retour, Texeira y plantaune Borne plantée borne, & en prit pofieflion pour la Couronne de Portugal Par Texir:. le 26 Août 1639, par un acte qui fe conferve dans les archives du Parà, où je l'ai vû & dont j'ai tiré une copie, Cet acte eft figné de tous les officiers du détachement. Le P. Fritz dans fon journal, fuppofe que cet ate de pof. fefion fut pris en conféquence d'un Arrêt de l Audience Royale de Quito. Le P. d'Acuña n'en parle point ; vrai-femblable- ment à caufe que le Portugal s'aflranchit en ce même temps de la domination Efpagnole ; mais cet Auteur afure, que par divers chemins qu'il indique, on remonte de Amazone dans FJquiari, qu'il nomme la rivière d'Or. Il ajoûte, que les habi- jouiari ox tans de ’Iquiari faifoient commerce de ce métal avec les rivière d'Or. Manaos? leurs voifins, & ceux-ci avec les Indiens des bords de Amazone, defquels il acheta lui-même une paire de pen- dans d'oreilles d'or. Le P. Fritz rapporte dans fon journal, qu'en 1 687, c'eft-à-dire, cinquante ans après le P. d'Acuña, il avoit vü arriver huit à dix canots de Manaos, qui de leurs habitations fur les rivages de l'Yurubetisb, étoient venus à la faveur de l'inondation, pour commercer chez les Yurimaguas fes Catéchumènes, fur la rive feptentrionale de l’ Amazone, 11 dit encore, qu'ils avoient coûtume d'apporter entrautres chofes de petites lames d’or battu, que ces mêmes Manaos xecevoient en échange des Indiens de l'Iquiari, qui le tiroient d’une mine voifine. Fous ces lieux & ces rivières font placez fur la Carte de ce Père. Tant de témoignages conformes, & chacun d'eux refpeétable, ne permettent pas de douter ra mémoire de la vérité de ces faits; cependant, la rivière d’or, la borne a SES . » , . ur ICS 11EUX, & même le village de Or, atteflez par la dépofition de tant ® = Le P. Fritz écrit Manaues. La Relation du P. d’Acuña défigure ce mot, ainfi que beaucoup d’autres, en écrivant Mavaous, Les Portugais l'écrivent aujourd’hui Manaos & Manaus, indifféremment, & prononcent Manaous. mb Ma copie du journal du P, Fritz dit Furuberis; la Carte de fa main: “dit Yuruberff. AOUST 1743: tConteflation au fujet de la berne, Vraie fituation de la borne. 440 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYALE de témoins, tout a difparu comme un Palais enchanté, & fur les lieux on en a perdu jufqu’à la mémoire. Dès le temps du P. Fritz, à la fin du dernier fiècle, les Portugais oubliant le titre fur lequel ils fondent leur préten- tion, foûtenoient déjà que la borne plantée par Texeira étoit fituée plus haut que la province d'Omaguas ; & aujourd'hui ils prétendent qu'elle l'étoit à l'embouchüre du Napo. Le P. Fritz, Miffionnaire de la Couronne d’Efpagne, prétendoit au con- traire qu’elle avoit été pofée 200 lieues plus bas, un peu au deflus de la rivière de Cuchiuara où de Purus. I eft arrivé ici ce qui arrive prefque toüjours dans les difputes; chacun a exagéré fes prétentions. Si on examine la chofe fans préven- tion, on trouvera que le canton où eft fitué Paraguari, qua- trième Miffion Portugaife, en defcendant, fur le bord auftral de l Amazone, quelques lieues au deflus de l'embouchüre de Téfé (où j'ai obfervé 31 20’ de Latitude auflrale) on trouvera, dis-je, que ce canton réunit tous les caractères qui défignent la fituation du village de l'Or, tant dans la Relation du P. d'Acuña, que dans l'acte de prife de pofleflion de Texeira. Cet acte eft daté de Cuajaris vis-à-vis des bouches de la rivière d'Or: Dos Cuajaris, fronte das bocaynas do rio do Ouro, & il y eft dit que c’étoit un lieu propre aux pâturages, c'eft à toutes ces marques que je reconnois le terrein de Paraguari. Ce village eff fitué dans un lieu élevé, à l'abri des inondations; & vis-à-vis de la principale embouchüre de l'Y upura, laquelle eft mafquée d’un grand nombre d’ifles qui la divifent en plu- fieurs bras. Selon le P. d’Acuña, en remontant plufieurs de ces bras, auxquels il donne divers noms, & entr’autres à Jun d’eux celui d'Yupura, on parvient à la rivière d'Or. On a donc pû naturellement donner le nom de bouches de la rivière d'Or aux bouches de l'Yupura, qui y conduifent. Para- guari fera donc fitué vis-à-vis des bouches de la rivière d'Or, au même lieu où l’étoit Cuajaris; & par conféquent le village de l'Or ef très-bien marqué dans les anciennes Cartes de Sanfon & de -Delifle. I refte à fçavoir ce que fpnt devenus f Yurubeiff & l'Iquiari, qui F ù DES SétENCES 44 qui eft, felon le P. d’Acuña, la rivière d'Or proprement dite, = dans laquelle il dit qu'on remonte par l'Yupura; c’eft ce que j'ai eu un peu plus de peine à découvrir : je crois cependant … avoir éclairci ce point, & peut-être trouvé le fondement de “ la fable du lac Parima, & du pays appellé par les auteurs - Efpagnols e/ Dorado ; mais l'ordre & la clarté demandent que ! cette difcuflion foit remife à l'article de Îa rivière Noire. Dans le cours de notre navigation, nous avions queftionné see par-tout les Indiens des diverfes nations, & nous nous étions Fu informez d'eux avec grand foin, s'ils avoient quelque con- noiflance de ces femmes belliqueufes qu'Orellana prétendoit avoir rencontrées & combattues, & s'il étoit vrai qu'elles vivoient éloignées du commerce des hommes, ne les rece- vant parmi elles qu'une fois l'année, comme le rapporte le P. d'Acuna dans fa Relation, où cet article mérite d’être là par fa fingularité. Tous nous dirent qu'ils l'avoient ouï ra- conter ainfi à leurs pères, ajoûtant mille particularités, trop longues à répéter, mais tendant toutes à confirmer qu'il ya eu dans ce Continent une République de femmes, qui vivoient feules fans avoir d'hommes parmi elles, &. qu’elles fe font retirées du côté du Nord, dans l’intérieur des terres, par la rivière Noire, ou par une de celles qui defcendent du même côté dans le Marañon. Un Indien de Saint-Joachim d'Omaguas nous avoit dit, que nous trouverions peut-être encore à Coari un vieillard, dont le père avoit vû les Amazones. Nous apprimes à Coari Témoimares que l’Indien qui nous avoit été indiqué, étoit mort ; mais teur réalité, | nous parlames à fon fils, homme de bon fens, qui paroïfloit âgé de 70 ans, & qui commandoit les autres Indiens du mème village. Celui-ci nous aflura, que fon grand-père avoit en effet, vü pafler ces femmes à l'entrée de fa rivière de Cuchiuara , dont je parlerai en fon lieu ; qu’elles venoient de celle de Cayame, qui débouche dans l Amazone du côté du Sud entre Téfé &-Coari; qu'il avoit parlé à quatre d’entr’elles, dont une avoit un enfant à {a mamelle : il nous dit le nom de chacune d'elles ; il ajoûta, qu'en partant de Cuchiuara, Mem. 1745: KKkKk 442 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr elles traversèrent le grand fleuve, & prirent le chemin de: la rivière Noire. J'omets certains détails peu vrai-femblables, mais qui ne font rien au fond de la chofe. Plus bas que Coari, les Indiens nous dirént par -tout les mêmes chofes avec quelques variétés dans les circonflances; maïs tous fu- rent d'accord fur le point principal. 1 En particulier, ceux de Zopayos, dont ïl fera fait mention en fon lieu plus exprefflément, aïnfi que de certaines pierres vertes connues fous le nom de pierres des Amazones, difent qu'ils en ont hérité de leurs pères, & que ceux-ci les ont eues des Cougnan -taïnfecouima, c'eft-à-dire en leur langue, des femmes fans maris, chez lefquelles, ajoûtent-ils, on en trouve une grande quantité, Un Indien, habitant de Æortigura, Miffion voifine du Parà, n'offrit de me faire voir une rivière, par où on pou- voit remonter, felon lui, jufqu'à péu de diftance du pays ac- tuellement, difoit-il, habité par les Amazones. Cette rivière fe nomme /rÿ0, & j'ai paflé depuis à fon embouchüre, entre Macapa & le Cap de Nord. Selon le rapport du même In- dien, à l'endroit où cette rivière ceffe d’être navigable à caufe des fauts, il falloit pour pénétrer dans le pays des Amazones, marcher plufieurs jours dans les bois du côté de l'Oueft, & traverfer un pays de montagnes. Un vieux Soldat de la garnifon de Cayenne, aujourd’hui habitant proche des fauts de la rivière d'Oyapoc, m'a afluré que dans un détachement dont il étoit, qui fut envoyé dans les terres pour reconnoître le pays en 1726, ils avoient énétré chez les Amicouanes, nation à longues oreilles, qui habite au delà des fources de FOyapoc, & près de celles d’une autre rivière qui fe rend dans l’Amazone ; & que là il avoit vü aux cols de leurs femmes & de leurs filles de ces mêmes pierres vertes dont je viens de parler; & qu'ayant demandé à ces Indiens d’où ils les tiroient, ceux-ci lui répondirent dans - Ieur langue, qu’elles venoient de chez /es femmes qui n'avoient point de maris, dont les terres étoient à fept ou huit journées plus loin du côté de l'Occident. Cette nation des Amicouanes du. # ou. Nrhéve- ru mer 4 | & quelques années, & Don Francifco Toralya fon fuccefleur. DES SCIENCES. 443 habite loin de la mer, dans un pays élevé, où les rivières ne font pas encore navigables ; ainfi ils n’avoient vrai-femblable- ment pas reçu cette tradition des Indiens de Amazone, avec lefquels ils n’avoient pas de commerce : ils ne connoïfloient que les nations contigues à leurs terres, parmi lefquelles les François du détachement de Cayenne avoient pris des guides & des interprètes. I faut d’abord remarquer, que tous les témoignages que je viens de rapporter, d'autres que j'ai paflez fous filence, ainfi que ceux dont il eft fait mention dans les informations faites en 1726, & depuis, par deux gouverneurs Efpagnols* de la province de Weneguela, s'accordent en gros fur le fait des Amazones : mais ce qui ne mérite pas moins d’atten- tion, c'eft que tandis que ces diverfes relations défignent le lieu de la retraite des Amazones Américaines, Îles unes vers Orient, les autres au Nord, & d’autres vers l'Occident ; toutes ces directions différentes concourent à placer le centre commun où elles aboutiffent, dans les montagnes au centre de la Guiane, & dans un canton où les Portugais du Parà, ni les François de Cayenne n’ont pas encore pénétré. Malgré tout cela, j'avoue que j'aurois bien de la peine à croire que nos Amazones y fuffent actuellement établies, fans qu'on eût de leurs nouvelles pofitives, de proche en proche, par les Indiens voifins des colonies Européennes des Côtes de la Guiane: il eft vrai qu’il feroit poffible, que ces femmes eufient encore changé de demeure; mais ce qui me paroït plus vrai- femblable que tout le refte, en fuppofant qu'elles ont exifé, c'eft qu'elles aient perdu avec le temps leurs anciens ufages, foit qu’elles aient été fubjuguées par une autre nation, foit qu'ennuyées de leur folitude, les filles aient à la fin oublié Taverfion de leurs mères pour les hommes. Aiïnfr, quand on ne trouveroit plus aujourd'hui de veftiges aétuels de cette République de femmes, ce ne feroit pas encore aflez pour pouvoir affirmer qu'elle n’a jamais exifté. .* Don Diego Portales, qu'on fçait qui vivoit encore à Madrid il y a Kkk ÿj VW Accord des té- moignages fur le lieu de leur retraite. T y a peu d’ap- parencequ'elles fubfifient au- jourd’huï. Le fait cft plus poffible en Amérique qu'ailleurs. Trifle condi- tion des femmes Jndiennes. À quoi fe ré- uit la queftion, 444 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Si pour nier le fait, on alléguoit feulement le défaut de: vrai-femblance, & l'efpèce d'impoffhbilité morale qu'il y a qu'une pareille République de femmes püt s'établir & fub- filer; je n'infiflerois pas fur l'exemple des anciennes Ama- zones Afiatiques, ni des Amazones modernes d'Afrique 3, puilque ce que nous en lifons dans les Hifloriens anciens & modernes , eft au moins mêlé de beaucoup de fables, & fujet à conteflation. Je me contenterois de faire remarquer, que fl jamais il a pû y avoir des Amazones dans le monde, c'eft en Amérique, où la vie errante des femmes, qui fuivent fouvent leurs maris à la guerre, & qui n’en font pas plus heureufes dans leur domeftique, a dû plütôt qu'ailleurs leur fairé naître l’idée & leur fournir des occafions plus fréquentes de fe dérober au joug de leurs tyrans, en cherchant à fe faire un établiffement, où elles püflent vivre dans l'indépendance, & du moins n'être pas réduites à la condition d'efclaves & de bêtes de fomme. Une pareille réfolution prife & exécutée, ne doit paroître guère: plus fingulière ni plus difhcile à croire, que ce qui arrive tous. les jours dans toutes les colonies Européennes d'Amérique, où il n'eft que trop ordinaire que des efclaves mécontens fuient par troupes dans les bois & quelquefois feuls, quand ils ne trouvent pas à qui s’aflocier, & qu'ils y pañlent ainfr des années, & quelquefois toute leur vie dans la folitude. Enfin je ferois remarquer, qu'il fufit pour la vérité du fait, qu'il y ait eu en Amérique pendant un temps, un peuple de femmes qui ne vécuffent pas en fociété avec des hommes. Leurs autres coûtumes, & particulièrement celle de fe couper une mamelle, que le P. d'Acuña leur attribue fur la foi des Indiens, font des circonftances accefloires & indépendantes; elles ont vrai-femblablement été altéréesb, peut-être ajoûtées, par les Européens préoccupez des ufages qu'on attribue aux anciennes Amazones d’Afie ; & l'amour du merveilleux les * Voy. la Defcript. de Ethiopie orient. par J. dos Santos, & le P. Labat. B Strabon, liv. XI, nomme Gargares (Tapyaptac) les maris des Amazones: d’Afe, le P. d'Acuña Guacares ceux des Amazones d'Amérique. Cette conformité de nom ne feroit-elle pas plütôt une faute de mémoire, que l'effet du hafard! M, d'Anville m'a fownit le fujet de çette remarque, Des 4 Shi NE NE CEE 445 aura fait depuis adopter aux Indiens dans leurs récits. En effet, fi on remonte aux premières notions des Amazones d'Amérique®, on trouvera que le Cacique Aparia qui avertit Orellana de fe garder des Amazones, qu’il nommoit Conia- puyara, c'eft-à-dire en fa langue, femmes excellentes, les défigna comme guerrières & redoutables ; mais qu’il ne fit point men- tion de la mamelle coupée, & notre Indien de Coari dans l'hifloire de fon ayeul qui vit quatré Amazones, dont une allaitoit aétuellement un enfant, ne nous parla point non plus de cette particularité fi propre à fe faire remarquer. Je fçais que les Indiens de l'Amérique méridionale font menteurs, crédules, entêtez du merveilleux ; mais ces peuples n’avoient jamais entendu parler des Amazones de Diodore de Sicile & de Juftin. Cependant, il étoit déjà queftion d'Ama- zones parmi les Indiens du-centre de f Amérique, avant que les Efpagnols y euffent pénétré, & du moins il en a été men- tion depuis chez des peuples qui n'avoient jamais vû d’Euro- péens. C’eft ce que prouve l'avis donné il y a deux fiècles à Orellana, foit qu'il ait rencontré ou non les femmes dont on le menaçoit, ce qui fait une queftion à part. C’eft ce que prouvent encore Îles traditions rapportées par le P. d’Acuña b & par le P. Barazi<. Enfin croira-t-on, que des Sauvages de contrées très-éloignées fe foient accordez à imaginer, fans aucun fondement, le même fait ? que cette prétendue fable fe foit répandue à plus de 1 5 00 lieues de diflance, & qu’elle ait été adoptée fi uniformément à Maynas, au Parà, à Cayenne, à Venezuela; parmi tant de nations qui ne s'entendent point, & qui n'ont aucune communication ? Pour conclurre quelque chofe de tout ceci, je dis que je ne vois point d'impofhibilité morale à fuppofer, qu'il puiffe y-avoir eu pendant quelque temps une fociété de femmes 3 Voy. Herrera Hift. de las Ind. Occid. Decad, VE, lib, EX, cap, ZI, P Traduction de la Relation de la Rivière des Amazones, du P. d’Acuña, chap. LXX & LXXI. Cet Auteur difoit en 1641, que les preuves pour affürer qu'il y avoit des Amazones fur le bord de cette rivière, étoient telles gue ce feroit manquer tout-d-faic a la foi humaine, que de Les rejeter. # Lertres édifiantes & curicufes, Zome X FAR KEK ii, ame À: ‘emoignages’ anterleurs à l'arrivée des Efpagnols: Il eft probabfe qu'il y a eu des: Amazoncs en: Amérique. 446 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE qui vécuflent fans avoir un commerce habituel avec des hommes ; que fi cela a jamais été poflible, c’eft fur -tout parmi les nations Sauvages de l'Amérique ; que la multipli- cité des témoignages non concertez, rend le fait vrai-fem- blable; & enfin, qu'il y a toute apparence que cette focicté ne fubfifte plus aujourd'hui. Au refle, je n'ai pas fait ici l'énumération * de tous les Auteurs & Voyageurs de prefque toutes les nations de l'Eu- rope, qui depuis plus de deux fiècles ont affirmé l’exiftence des Amazones Américaines, & dont quelques-uns prétendent les avoir vües. Je me fuis contenté de rapporter les nouveaux témoignages que nous avons éu octafion de recueillir, M. Maldonado & moi, dans notre route. On peut voir cette queftion traitée dans l'apologie du premier tome du Théâtre Critique du célèbre P. Feijoo, Bénédictin Efpagnol, faite par fon fçavant Difciple le P. Sarmiento. Aousr Le 20 Août, nous partimes de Coari, avec un nouveau 1743. canot & de nouveaux Indiens. La langue du Pérou, quiétoit Députde familière à M. Maldonado & à nos domeftiques, & dont Done j'avois aufli quelque teinture, nous avoit fervi à nous enten- dre avec les Naturels du pays dans toutes les Miffions Efpa- gnoles, où l'on a tâché d'en faire une Langue générale. A SR Saint-Paul & à Téfé nous avions eu des Interprètes Portu- cnoles & Por- gais, qui parloient la langue du Bréfil, pareillement intro- tugailes. duite dans toutes les Miflions Portugaifes; mais n’en ayant point trouvé à Coari, où nous ne pümes arriver, malgré notre diligence, qu'après le départ du grand canot du Mif- fionnaire pour le Para, nous nous trouvames parmi des In- diens, avec qui nous ne pouvions converfer que par fignes, ou à l’aide d’un court Vocabulaire que j'avois fait des mots de leur langue les plus ufitez, & des principales queftions que j'avois à leur faire dans la route. Par ce moyen je réuffis à me faire entendre d'eux; mais malheureufement mon Didtion- naire ne contenoit pas leurs réponfes. Je tâchois d'y remédier * Améric Vefpuce, Hulderic Shmidel, Orellana, Berrio, Walter Ras leigh, les PP. d'Acuna, d’Auxieda, Barazi, &ec. | bn TE DES Es don pts \ DÉS D CPENC'ES 447 par la forme que je donnois à mes interrogations, telle que je n’eufle befoin de leur part que d’un ouï, ou d’un non. Malgré ces difficultés, je ne laïflai pas de tirer d'eux quelques éclair- ciflemens, fur-tout pour les noms de rivières. Je remarquai auf qu'ils connoifloient plufieurs Etoiles fixes, & qu'ils donnoient des noms d'animaux aux diverfes Conftellitions. Hs appellent les Hyades, ou la tête du Taureau, Tpira Rayouba, d'un nom qui fignifie aujourd’hui en leur langue mächoire de Bœuf ; je dis aujourd'hui, parce qu'il fignifoit autrefois mâchoire de Zapira, animal propre du pays, dont je parlerai en fon lieu: mais depuis qu'on a tranfporté des bœufs d'Europe en Amérique, les Brafiliens & les Péruviens ont appliqué à ces animaux, le nom qu'ils donnoïent, chacun : dans leur langue maternelle, au plus grand des quadrupèdes qu'ils connuflent avant la venue des Européens. Le jour & le lendemain de notre départ.de Coari, con- tinuant à defcendre le fleuve, nous laiflames du côté du. Nord les deux dernières bouches de Yupura, & le jour fuivant du côté du Sud, celles de la rivière aujourd’hui ap- pellée Purus, & autrefois Cuchivara, du nom d'un village voifin de fon embouchüre : c’eft dans ce village que, fuivant le rapport du vieux Indien de Coxi, fün ayeul avoit vû pañler les quatre Amazones. Cette rivière n’eft pas inférieure aux plus grandes qui grofliflent le Marañon de leurs eaux ; & fi lon en croit les Indiens, elle lui eft égale. I y à appa- rence que c’eft la même qui fe nomme Beni dans le haut Pérou, ou plütôt dans les Miffions des Moxes. Sept à huit lieues au deflous de l'entrée de Purus dans Amazone, voyant Je fleuve fans ifles, & large de 1000 à 1200 toifes, je fis -voguer fortement contre le courant, pour fonder, en main- tenant le bateau, autant qu'il étoit poflible, à la même place, & je ne trouvai pas fond à 103 brafles*. \ * En laïffant füivre le courant au canot, la fonde en feroit tombée moins obliquement; mais j’aurois couru plus de rifque de a Lee par la rencontre de quelque obftacle fous l’eau. J’avois déjà perdu deux fondes, —… & j'avois été obligé de fondre mes balles & mon plomb de chaffe, pour em faire une troifième, Rivière de Purus, Sondë. AOUST 1748 Rie Negro. Fort Portugais. Sa latitude. Commerce d'efclaves, Miffions des bords de la ri- vière Noire. 448 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE Le 23 nous entrames dans Rio Negro, ou la rivière Noire, autre mer d’eau douce, que l'Amazone reçoit du côté du Nord. La Carte du P. Fritz, qui n'eft jamais entré dans Rio Negro, & la dernière Carte d'Amérique de M. Delifle, d'après celle du P. Fritz, font courir cette rivière du Nord au Sud, tandis qu'il eff certain, par Île rapport de tous ceux qui l'ont remontée, qu'elle vient de l'Oueft, & qu'elle court à l'Eff, en inclinant un peu vers le Sud. Je fuis témoin par mes yeux, que telle eft fa direction plufieurs lieues au deflus de fon embou- chûre dans Amazone, où Rio Negro entre f1 parallèlement, que fans la tranfparence de fes eaux qui l'a fait nommer rivière Noire, on la prendroit pour un bras de f Amazone, féparé par une ifle. Nous remontames Rio Negro deux lieues, jufqu'au Fort que les Portugais y ont bâti fur le bord Sep- tentrional, à l'endroit le plus étroit, que je mefurai de 1 203 toiles, & où j'obfervai 3 degrés o minutes de Latitude. C'eft, aux Miflions près, le premier établiffement Portugais qu'on rencontre en defcendant la rivière des Amazones. Rio Negro eft fréquenté par les Portugais depuis plus d'un fiècle, & ils y font un grand commerce d'efclaves. Il y a continuel- lement un détachement de la garnifon du Parà campé fur fes bords, pout tenir en refpeét les nations Indiennes qui les habitent, & pour favorifer le commerce des efclaves, dans les limites prefcrites par les loix de Portugal, qui ne per- mettent de priver de la liberté que celui dont on rend Ja condition meilleure en le faifant efclave ; tels que ces malheu- reux captifs deftinez à la mort, & à fervir de pâture à leurs ennemis, parmi les nations qui font dans ce barbare ufage : c'eft pour cette raifon, que le camp volant de la rivière Noire porte le nom de Troupe de rachat. Tous les ans il pé- nètre plus avant dans les terres, ou remonte plus haut Ia rivière. Le Capitaine-commandant du Fort de Ja rivière Noire étoit abfent lorfque nous y arrivames ; je ne m'y arrêtai que vingt-quatre heures. Toute la partie-découverte des bords de Rio Negro.eft peuplée de Miflions Portugaifes, fous fa direction des mêmes Religieux bas Sreir an teurs 449 R eligieux du Mont-Carmel que nous avions rencontrez en defcendant l Amazone, depuis qué nous avions laifié les Miffions Efpagnoles. Quand on a remonté pendant quinze jours, trois femaines & plus, {a rivière Noire, on la trouve encore plus large qu'à fon embouchüre, à caufe du grand nombre d’ifles & de lacs qu'elle forme. L'ancienne Carte de M. Delifle eft plus exacte à cet égard que la nouvelle. Dans tout cet intervalle le terrein des bords eft élevé, & n'eft jamais inondé ; le bois y eft moins fourré, & c’eft un pays tout différent de celui des bords de l Amazone. Nous fçumes étant au Fort de Ia rivière Noire, des nou- velles plus particulières de la communication de cette rivière avec l'Orinoque, & par conféquent de l'Orinoque avec l’Ama- zone. Je ne ferai point lénumération des différentes preuves de cettecommunication, que j'avois foigneufement recueillies pendant ma route ; la plus décifive étoit alors le témoignage non fufpect d’une Indienne des bords de l’Orinoque*, à qui J'avois parlé, & qui captieufement interrogée, foûtint toû- jours, fans varier dans fes réponfes, qu’elle étoit venue en canot de chez elle au Parà, fans faire aucun trajet par terre. Toutes ces preuves deviennent déformais inutiles, & cèdent à une dernière. Je viens d'apprendre par une lettre écrite du Parà, par le R. P. Jean Ferreyra Recteur du Collége des Jéfuites, que les Portugais du camp volant de Ja rivière Noire ayant remonté de rivière en rivière, ont rencontré (l’année der- nière1 744) le Supérieur des Jéfuites des Miffions Efpagnoles des bords de lOrinoque, avec lequel les mêmes Portugais font revenus par le même chemin, & fans débarquer, jufqu'à leur camp de la rivière Noire, qui fait la communication de l'Orinoque avec lAmazone. Ce fait ne peut donc plus aujourd’hui être révoqué en doute; c’eft en vain que pour y. jeter quelque incertitude, on réclameroit l'autorité d’un Auteur récent, qui après avoir été long-temps Miffionnaire fur les bords de l'Orinoque, tenoit encore en 1741 cette * De Ia nation Couriacani, & du village & Miffion Efpagnole de Saintes Marie de Bararuma, voifine des bords de l'Orinoque. Men, 1745. Li] AOUST 1743 Le Communica- tion de f’Ori- noque avec j’A- mazone par {4 rivière Noire, nouvellement reconnue, 450 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare communication pour impoflible*. Il ignoroit alors fans doute, que fes propres lettres au Commandant Portugais, & à l’Aumônier de la Troupe de rachat, étoient venues de fa Miflion de l'Orinoque par cette mème route réputée ima- ginaire, jufqu'au Parà, où je les ai vües en original entre | les mains du Gouverneur ; mais cet Auteur eft aujourd’hui | lui-même pleinement défabufé à cet égard, ayant trouvé à fon retour d'Europe en Amérique, la nouvelle de la com- munication de l'Orinoque avec Rio Negro devenue publique à Carthagène. Il venoit d’en partit quand M. Bouguer y arriva de Quito en 1743, & apprit en paflant à Honda, ces circonf- tances de la bouche des PP. Jéfuites, confrères de Auteur. Autrefois La communication de lOrinoque & de lAmazone, ré- dE n K cemment avérée, peut d'autant plus pañlér pour une décou- Cartes, verte en Géographie, que quoique la jonétion de ces deux fleuves foit marquée fans aucune équivoque fur les anciennes Cartes, tous les Géographes modernes l’avoient fupprimée dans les nouvelles, coinme de concert, & qu’elle étoit traitée de chimérique par ceux qui fembloient devoir être le mieux informez de fa réalité. Les Relations & Mémoires manufcrits. des premiers Voyageurs d'Amérique, fur lefquels ces an<- ciennes Cartes ont été dreffées, fe font fans doute perdus avec le temps. Si les Géographes, Auteurs de ces Cartes, euffent été plus exaéts à citer leurs garans des faits nouveaux ou fin- guliers, celui-ci tout conftant qu'il eft, ne feroit pas tombé dans l'oubli, & n’auroit pas enfin paflé pour fabuleux. Ce n'eft probablement pas la première fois, que les vrai-fem- blances & les conjeétures purement plaufibles Font emporté far des faits atteftez par des Relations de témoins oculaires, & que l'efprit de critique pouflé trop loin a fait nier déci- fivément ce dont il étoit tout au plus permis de douter. Mais, comment fe fait cette communication de l'Orinoqué avec l'Amazone? Une Carte détaillée de la rivière Noire, que ous aurons quand il plaira à la Cour de Portugal, pourroit AOUST 1743: * Voy. el Orinoco illuffrado. Madrid. 1741, page 18 ; & nouvelle: édition de 1745, faite en l'abfence de Auteur, RTE DES SCIENCES. 4st k #eule nous en inftruire exactement. En attendant, voici l'idée É que je m'en fuis formée, en comparant les diverfes notions Sr il que j'ai recueillies dans le cours de mon voyage, à toutes les £ Relations, Mémoires & Cartes, tant imprimées que manuf- crites, que j'ai pû découvrir & confulter, tant fur les lieux que depuis mon retour, & fur-tout aux ébauches de Cartes que nous avons fouvent tracées nous-mêmes mon compagnon de voyage & moi, fous les yeux & d’après le récit des Miffion- naires & des navigateurs les plus intelligens, parmi ceux qui avoient remonté & defcendu l’ Amazone & la rivière Noire. De toutes ces notions combinées & éclaircies l’une par _ Le Csquex l'autre, il réfulte qu'un petit village Indien, dans la province fe commu- de Mocoa (à l'Orient de celle de Pafto, par 1 des, ou 1 des, + FA es de latitude Nord) donne fon nom de Caquetà à une rivière Elta fur les bords de laquelle il eft fitué. Plus bas, ce fleuve fe partage en trois bras, dont l’un coule au Nord-Eft, & c'eft le fameux Orinoque, qui a fon embouchüre vis-à-vis l'ifle de la Trinité; l'autre prend fon cours à 'Eft, déclinant un peu vers le Sud; & c’eft celui qui plus bas a été nommé Rio Negro par les Portugais qui ont remonté l’Amazone. Un troifième bras, encore plus incliné vers le Sud, eft l'Yupura dont il a été déjà parlé tant de fois : celui-ci, comme on l'a remarqué en fon lieu, fe fubdivife en plufieurs autres. Il refte à fçavoir, s’il fe détache du tronc plus haut que les deux bras précédens, ou fi lui-même eft un rameau de ce fecond bras appellé Rio Negro : c’eft fur quoi je nai que des con- jeétures ; mais plufieurs raifons me portent à croire que le premier fyftème eff le plus vrai-femblable. Quoi qu'il en foit, il eft du moins certain que l'Orinoque, la rivière Noire & ?Yupura, ont le Caquetà pour fource commune. L’Yupura en particulier étant une fois reconnu pour une branche du Caquetà, dont le nom eft ignoré fur les bords de Amazone, tout ce que dit le P. d’Acuña du Caquetà, & des bouches de d'Yupura, auxquelles il donne différens noms, devient facile à entendre & à concilier, On fçait que la diverfité des noms donnez aux mêmes lieux, & “sistanes a mêmes Lil j AOUST 1743: Lac d'Or de Parima, ville de Manoa del Do- xado, Nation Blanaos, » MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE rivières dans les différens lieux qu’elles traverfent, a toüjours été un des grands écueils de la Géographie, C'eft dans cette Îfle, la plus grande du monde connu, formée par Amazone &l'Orinoque liezentr'eux par la rivière Noire, & qu’on pourroit appeller la Aféfopotamie du Nouveau monde, qu'on a long-temps cherché le prétendu lac d’or de Parima, & la ville imaginaire de Manoa del Dorado; recherche qui a coûté la vie à tant d'hommes, & entr'autres à Walter Raleigh, fameux navigateur, & l'un des plus beaux efprits d'Angleterre, dont la tragique hiftoire efl affez connue. Il eft aifé de voir par les expreffions du P. d’Acuña, que de fon temps on métoit rien moins que défabufé de cette belle chimère. Je demande encore grace pour un petit détail géo- graphique, qui appartient trop au fond de mon fujet, pour lomettre, & qui peut fervir à débrouiller origine d'un roman, auquel la foif de or a feule pü prêter quelque vrai- femblance. Une ville dont les toits & les murailles étoient couvertes de lames d'or, un lac dont les fables étoient de même métal. . I! faut fe rappeller ici ce qui a été rapporté plus haut au fujet de Ia rivière d'Or, & les faits déjà citez, tirez des Relations des PP. d'Acuña & Fritz. Les Manaos, au rapport de ce dernier Auteur, étoient üne nation belliqueufe, redoutée de tous fes voifins. Elle a long-temps réfifté aux armes des Portugais, dont à préfent elle eft amie: if y en a plufieurs aujourd’hui fixez dans les peuplades & les Miflions des bords de la rivière Noire, * Quelques-uns font encore des courfes dans les terres chez des nations fauvages, & les Portugais fe fervent d’eux pour leur commerce d’efclaves. C’étoient deux de ces Indiens Manaos qui avoient pénétré jufqu'à l'Orinoque, & qui avoient enlevé & vendu en fraude à des Portugais l'Indienne Chrétienne dont j'ai parlé. Le P. Fritz dit expreffément dans fon journaë, que ces Manaos qu'il vit venir trafiquer avec les Indiens des bords de l’'Amazone, & qui tiroient leur or de flquiari, avoient leurs habitations fur les bords de la rivière nommée DES) SITHALEPN. CES 453 Yurubetff. A force de perquifitions, j'ai appris qu’en remon- tant l'Yupura pendant fix journées, on rencontroit à main droite un lac qu'on traverfoit en un jour, appellé Marahi, & que de-là traînant le canot, quand le fond manque, en des endroits qui font inondez dans le temps des débordemens, on entroit dans une rivière appellée Yurubach, par laquelle on defcendoit en cinq jours dans la rivière Noire; enfin que celle-ci, quelques journées plus haut, en recevoit une autre appellée Quiquiari, qui avoit plufieurs fauts, & qui venoit d'un pays de montagnes & de mines. Peut-on douter que ce ne foient là l'Yurubetff & l’Iquiari des PP..d'Acuña & Fritz? Celui-ci, fur le rapport des Manaos, dont il n’enten- doit pas la langue, & dont il lui étoit difficile par conféquent de tirer des notions claires & diftinétes, quand il eût eu un Interprète, a donné à ces deux rivières ün cours diffé- rent de celui qu'on vient d'indiquer ; il fait tomber l'Yuru- betff dans lquiari, & celui-ci dans un grand lac au milieu des terres ; mais voilà toüjours un lac, outredeux rivières, dont les noms font les mêmes, ou du moins font à peine altérez. Le P. Fritz place de plus dans fa Carte une grande euplade de Manaos dans le même canton; il la nomme Lenf C'eft fans doute le nom que les Manaos lui don- noient en leur langue. Ce nom n’eft plus connu aujourd'hui, au moins je n'ai pü rien découvrir fur cela ; ce qui n'a rien. d'extraordinaire, la nation Manaos ayant été tranfplantée & difperfée ; mais il eft très-poffible & même vrai-femblable, qu'on ait nommé Manoa le chef-lieu ou la capitale des Ma- naos. Je ne n'arrête point à former des conjectures {ur l'éty- mologie de Parima. Je m'en tiens aux faits conftans. Les Manaos ont eu dans ce canton une peuplade confidérable : les Manaos étoient voifins d’un: grand lac; les Manaos ti- roient de l'or de l’Iquiari, & en faifoient de petites James: voilà des faits vrais, qui ont pà à l'aide de lexagération, donner lieu. à la fable de la ville de Manoa & du lac doré, Combien d’autres fables plus répandues pofent fur un fon- dément encore moins folide! Si on trouve qu'il y a bien ; Hi ïi AOUST 1743 L'Iqu iari € PYurubetfT re- trouvez, Conjeéture: fur la fable de Manoa & du: lac doré. AOUST: 1743 Nouveau voyage pour découvrir le lac de Parime. 454 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr loin des petites lames d’or des Manaos, aux toits d’or de Ia ville de Manoa, & qu'il n'y a pas moins de différence entre les paillettes de ce métal, dérobées des mines par les eaux de FIquiari, & le fable d'or de Parima; on ne peut nier que d’une part l'avidité & la préoccupation des Européens qui vouloient à toute force trouver ce qu’ils cherchoient, & de l'autre le génie menteur & exagératif des Indiens intéreflez à écarter des hôtes incommodes, ont pü facilement rapprocher des objets ft éloignez en apparence, les altérer & les défigurer au point de les rendre méconnoiffables. L'hifloire des dé- couvertes du Nouveau-monde, fournit plus d’un exemple de pareilles métamorpholfes. J'ai entre les mains un extrait de Journal & une ébauche de Carte du voyageur*, vrai-femblablement le plus moderne de ceux qui fe font jamais entêtez de cette découverte. Il m’a été communiqué au Parà, par l'Auteur même, qui en 1740, remonta la rivière d'Æfféquébé, dont l'embouchüre dans l'Océan eft entre la rivière de Suriname & lOrinoque. Après avoir traverfé des lacs & de vaftes campagnes, tantôt traïnant, tantôt portant fon canot, avec des peines & des fatigues incroyables, & fans avoir rien trouvé de ce qu'il cherchoit, il parvint enfin à une rivière qui coule au Sud, & par laquelle il defcendit dans Rio Negro.’ Les Portugais ont nommé a première, rivière Blanche, Rio Blanco, à fon embouchüre dans la rivière Noire, & fans doute les deux noms expriment la dif férente couleur de leurs eaux. Les Hollandois d'Efféquébé lui ont donné, ou plûtôt à une de fes fources, le nom de Parima, vrai-femblablement parce qu'ils ont cru qu’elle conduifoit au prétendu lac de Parime, comme le même nom 2 été donné par les François de Cayenne à une autre rivière du Continent, par une raifon femblable. Au refte, on croira fi l’on veut, que le lac Parime eft un de ceux que traverfa le voyageur que je viens de citer; mais il leur avoit trouvé fi peu de reflemblance au tableau que fon imagination lui avoit fait du Lac doré, qu'il m'a paru très-éloigné d'applaudir à cette conjeélure, # Nicolas Hortfman, natif de Hildesheim, Ps 31 bEs SctEnNceEs 455 ? Les eaux claires & cryftallines de la rivière Noireavoient —— à peine perdu leur tranfparence, en fe mêlant avec les eaux de - blanchâtres & troubles de Amazone, lorfque nous ren- contrames du côté du Sud la première embouchüre d’une “ autre rivière qui ne cède guère à la précédente, & qui n'eft | pas moins fréquentée des Portugais. Is Pont nommée Rio Rivière de le da Madeira, ou rivière du Bois, peut-être à caufe de la quan- ai Pur tité d'arbres déracinez qu’elle charie dans le temps de {es débordemens. C’eft aflez pour donner une idée de l'étendue de fon cours, de dire qu'ils l'ont remontée en 1741 juf- qu'aux environs de Santa-Cruz de la Sierra, ville epifcopalé du haut Pérou, fituée par 17 degrés & demi de Latitude auftrale. Cette rivière porte fe nom de Aamoré, dans fa partie fupérieure, où font les Miffions des Moxes, dont les Jéfuites de la province de Lima ont donné une Carte en 171 3, qui a été inférée dans le tome XII des Lettres éd ifantes € curieufes : mais parmi les différentes fources, qui réunies forment la rivière de la Madere, la plus éloignée eft voifine des mines de Petofi, & peu diftante de l'origine du Pikomayo, qui va fe jeter dans le grand fleuve de la Plata. L’Amazone au deffous de la rivière Noire & de celle dei, Largeur de Ja Madere, a communément une lieue de large; quand die" forme des îfles, elle en a quelquefois deux & trois, & dans le temps des inondations, elle n’a plus de limites. C'eft ici Lieu où dfe- que les Portugais du Parà commencent à lui donner le nom qu de rivière des Amazones; plus haut ils ne la connoïffent ue fous celui de Rio de Solimoës, rivière des Poi ifons, nom qui lui a probablement été donné à caufe des flèches em- poifonnées dont nous avons parlé, qui font arme la plus ordinaire des habitans de fes bords. Le 28 nous laiffames à main gauche Ia rivière de Jamum- | Rivière des das, que le P. d'Acuña nomme Cuuris, & prétend être celle pement dre où Orellana fut attaqué par ces femmes guerrières , qu'il appella Amazones. Un peu au deflous, nous primes terre du même côté au pied du Fort Portugais de Pauxis, où le lit. Détroit de auxis, Fort: | + du fleuve eft reflerré dans un détroit de 995 toiles de large Portugais. AOUST 1743" Les marées y font fenfibles, A plus de 200 lieues dela côte. Progrès des marées par on- dulations. Divers acci- dens des ma- rées. 56 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare Le flux & le reflux de la mer parvient jufqu’à ce détroit, du moins il y eft fenfible par le gonflement des eaux du fleuve, qui s'y fait remarquer de douze en douze heures, & qui retarde chaque jour comme fur les côtes. La plus grande hauteur du flux, que j'ai mefurée au Parà, n'eft guère que de 1 0 pieds + dans les plus grandes marées. Mais, ce n'eft pas aflez pour conclurre que {e fleuve, depuis Pauxis jufqu'à la mer, c’eft- à-dire, fur deux cens & tant de lieues de cours, évaluées par le P. d'Acuña, à trois cens foixante, n'a que 10 pieds + de pente, quoique cette conclufion paroifle s’accorder avec Ja hauteur du Mercure, que je trouvai au Fort de Pauxis (14 toifes au deffus du niveau de l'eau) d'environ une ligne + moindre qu'au Parà, au bord de fa mer. On conçoit bien que le flux qui fe fait fentir au Cap de Nord, à l'embouchüre de la rivière des Amazones, ne peut parvenir deux cens lieues plus haut, qu'en plufieurs jours, au dieu de cinq ou fix heures, qui eft le temps ordinaire que la mer emploie à remonter. Et en effet, depuis la côte jufqu'à Pauxis, il y a une vingtaine de parages, plus ou moins, qui défignent, pour ainfi dire, les journées de la marée, en xemontant le fleuve. Dans tous ces endroits, l'effet de Îa haute-mer fe manifefle à la même heure que fur la côte ; & fuppofant, pour plus de clarté, que ces différens lieux foient éloignez l'un de l'autre d'environ douze lieues, le même effet des marées fe fera remarquer dans leurs intervalles à toutes les heures intermédiaires, à fçavoir dans la fuppofition des douze lieues, une heure plus tard de lieue en lieue, en s'éloignant de la mer. I en eft de même du reflux aux heures corref- pondantes. Tous ces mouvemens alternatifs, chacun en fon lieu, font fujets aux retardemens journaliers, comme fur les côtes. Cette efpèce de marche des marées par ondulations, a vrai-femblablement lieu en pleine mer, & il paroît qu'elle doit retarder de plus en plus, depuis le point où commence le refoulement des ‘eaux jufque fur les côtes. La proportion dans laquelle décroît la vitefle des marées en remontant dans le fleuve, les deux courans oppofez qu'on Bu. 4 2 on Te Re LT us PSE DES (SNCMÆENN CREME, 457 qu'on remarque dans le temps du flux, l'un à la furface de l'eau, l'autre à quelque profondeur; deux autres, dont l'un remonte le long des bords du fleuve & s'accélère, tandis « que l’autre au milieu du lit de la rivière, defcend & retarde ; enfin deux autres courans oppofez, qui fe rencontrent fou- vent dans le voifimage de la mer dans des canaux de traverfe naturels, où le flux entre à la fois par deux endroits différens : tous ces faits, dont plufieurs n’ont peut-être jamais été bien obfervez, leurs différentes combinaifons, divers autres acci- dens des marées, fans doute plus fréquens & plus variez - qu'ailleurs dans un fleuve d’une fi vafteembouchüre, & dans lequel elles remontent vrai-femblablement à une plus grande diftance de la mer, qu'en aucun autre endroit du monde connu , donneroient lieu fans doute à des remarques cu- rieufes & nouvelles : mais pour donner moins à la conjec- ture, il faudroit une fuite d’obfervations exactes, ce qui eût exigé un long féjour dans chaque lieu, & un délai qui ne convenoit guère à la jufte impatience où j'étois de revoir la France après une abfence qui avoit déjà duré près de neuf ans. Je n'ai pas laiflé d’examiner aux environs du Parà & dans le voifmage du Cap de Nord, un autre phénomène des grandes marées, plus fingulier que tous les précédens ; j'en parlerai en fon lieu. Nous fumes reçus à Pauxis, comme nous l’avions été par- tout depuis que nous voyagions fur les terres de Portugal, Le Commandant nous retint au Fort quatre jours, & un jour à fa maifon de Campagne quelques lieues plus bas, il nous accompagna enfuite jufqu'à fa fortereffe de Curupa, fix à fept journées au deflous de Pauxis, & à moitié chemin du Parà. Les ordres les plus précis de fa Majefté Portugaife, & les plus Ordres de 1a favorables pour la füreté & la commodité de mon paflage, sat. deiPere m'avoient devancé en tous lieux : ils s’étendoient à tous ceux qui m'accompagnoient, & j'ai dü les agrémens que ces ordres m'ont procurez fur ma route & au Parà, à ce Miniftre* qui a fait tant de chofes pour les Sciences, qu'il aime, & dont il # M. le Comte de Maurepas, Mem. 1745. | M m m / OUST Le 458 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royazr connoît l'utilité; le même dont la vigilance ne s’étoit point lafée de pourvoir à tous les befoins de notre nombreufe * compagnie pendant notre long féjour à Quito. Soremore Le 2 Septembre nous partimes de Pauxis, & nous traver- 1743. fames la rivière un peu au deflous du Fort, En moins de Lib HE feize heures de marche, nous nous rendimes de Pauxis à la Topayes, — fortereffe de Topayos, à l'entrée de la rivière du mêmenom, qui eft encore une de celles du premier ordre. Elle defcend des mines du Bréfil, en traverfant des pays inconnus, habitez par des nations Sauvages & guerrières, que les Miffionnaires Jéfüites travaillent à apprivoifer. … Nation de Pes débris du bourg de Tpinambara, fitué autrefois dans Fupinambas, 3 x p À SE une grande ifle, à l'embouchüre de la rivière de la Madera, s'eft formé celui de Topayos, & fes habitans font prefque tout ce qui refte de la vaillante nation de Tupinambas, do- minante il y a deux fiècles dans le Bréfil, où ils ont laïffé leur langue, de laquelle on trouve des veftiges fort avant dans l'intérieur de ce continent. On peut voir dans la Relation du P. d'Acuña, l'hifloire de leurs diverfes tranfmigrations. Eh C'eft chez les Topayos qu'on trouve aujourd'hui plus d'Amagones, aifément que par-tout ailleurs, de ces pierres vertes, connues fous le nom de Pierres des Amazones, dont on ignore lori- gine, & qui ont été fort recherchées autrefois, à caufe des vertus qu’on leur attribuoit, de guérir de la Pierre, de Ja Co- lique néphrétique & de l'Epilepfie *. Il y en a eu un Traité imprimé fous le nom de Pierre Divine. La vérité eft qu'elles ne différent, ni en couleur, ni en dureté, du Jade Oriental ; elles réfiftent à la lime, & on n'imagine pas par quel artifice les Tailléesparles anciens Américains, qui ne connoifloient pas le fer, ont pü Se RÈRE les tailler, les creufer & leur donner diverfes figures d’ani- maux. C’eft fans doute ce qui a donné lieu à une fable peu digne d’être réfutée. On a débité fort férieufement que cette pierre n'étoit autre que le limon de la rivière, auquel on * Voy. Lett. 23 de Voiture à Mie Paulet. Differt. fur la rivière des Amazones, qui précède la traduétion de la Relation du P, d'Acuña. Voyage: aux ifles de l'Amérique par le P, Labat, : DES SCIENCES, s donnoit la forme qu'on defiroit en le paîtriffant quand il étoit récemment tiré, & qui acquéroit enfuite à l'air cette extrême AR (Le dureté. Quand on accorderoit gratuitement cette merveille, dont quelques gens crédules ne fe font défabufez qu'après que l'épreuve leur a mal réuffr, il refteroit un autre problème plus difficile encore à réfoudre pour nos Lapidaires. Comment ces mêmes Indiens ont-ils pü arrondir & polir des Emeraudes, Emeraude: & les percer de deux trous coniques, diamétralement oppofez P®< fur un axe commun, telles qu’on en trouve encore aujourd’hui au Pérou, fur la côte de la mer du Sud, à l’embouchüre de la rivière de Sant-Zago, au Nord-Oueft de Quito dans le Gou- vernement d'Æ/meraldas, avec divers autres monumens de linduftrie des anciens habitans? Quant aux pierres vertes, elles deviennent tous les jours plus rares, tant parce que les Indiens qui en font grand cas, ne s’en défont pas volontiers, qu'à caufe du grand nombre qui a paflé en Europe. Le 4 nous commençames à voir diftinétement des mon- _ Montagnes tagnes du côté du Nord, à quelques lieues dans les terres. sue C’étoit un fpectacle nouveau pour nous qui, depuis le Pongo, avions navigé deux mois fans voir le moindre côteau, Ce que nous apercevions, étoient les collines antérieures d’une longue chaïne de montagnes, qui s'étend de l'Oueft à l'Eft, & dont les fommets font les points de partage des eaux de Ja Guiane. Celles qui prennent leur pente du côté du Nord, forment les rivières de la côte de Cayenne & de Suriname; & celles qui coulent vers le Sud, après un cours fort peu étendu, viennent fe perdre dans le Marañon. C'eft dans ces montagnes que fe font retirées nos Amazones, fuivant la tradition du pays. Une autre tradition qui n’eft pas moins établie, & dont on prétend avoir eu des preuves plus réelles, c'eft que ces montagnes abondent en Mines de divers mé- taux. Ce dernier point n'eft cependant pas plus éclairci que autre, quoique d’une nature à exciter l'attention d’un plus grand nombre de Curieux. Le s-au foir j'obfervai au Soleil couchant la variation de Variation la Bouflole, de $ degrés & demi du Nord à 'Ef. N'ayant € l'Aieuille Mmm ij ‘à. SEPTEMBRE PE 7 10 Arbre d'une grandeur énor- me. Fort Portugais de Paru. Rivière de Xingu, Epiceries, 466. MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE pas trouvé où mettre pied à terre, je fis mon obférvation fur le tronc d’un arbre déraciné, que le courant avoit pouffé fur le bord du fleuve. Nous eumes la curiofité de le mefurer, M. Maldonado & moi, & nous trouvames fa longueur entre les racines & les branches, de 84 pieds, & fa circonférence de 24, quoiqu'il füt defléché & dépouillé de fon écorce, “Par celui-ci que le hafard nous fit rencontrer, par la grandeur des Pirogues dont j'ai parlé, creufées dans un feul tronc d'arbre, & par unc table d’une feule pièce de 8 à 9 pieds de long, fur 4 + de large, d’un bois dur & poli, que nous vimes depuis chez le Gouverneur du Parà, on peut juger de quelle hauteur & de quelle beauté font les bois des bords de l'Amazone & de plufieurs rivières qui viennent s'y joindre. Le 6, à l'entrée de la nuit, nous laiffames le canal principal de l' Amazone, vis-à-vis du Fort de Paru fitué fur le bord feptentrional, & nouvellement rebäti par les Portugais fur les ruines d’un vieux Fort que les Hollandois y ont eu. Là, pour éviter de traverfer la rivière de Xgu à fon embou- chüre, où il s'eft perdu beaucoup de canots , nous entrames de l’Amazone dans Xingu, par un canal naturel de com- munication. Les ifles qui divifent la bouche de Xingu en plufieurs canaux, m'empêchèrent de melurer fa largeur géo- métriquement ; mais à la vüe elle n’a pas moins d'une lieue. C'’eft la même rivière que le P. d'Acuña nomme Paranaiba*, & le P. Fritz dans fa Carte Aoripana; Xingu eft le nom Indien d’un village où il y a une Miffon, à quelques lieues en remontant la rivière. Elle defcend, ainfi que celle de To- payos, des mines du Bréfil ; elle a un faut, fept à huit jour- nées au deffus de fon embouchüre, ce qui n'empêche pas qu'on ne puifle la remonter en canot au moins deux cens lieues , s'il eft vrai que cette navigation demande plus de deux mois. Ses bords abondent en deux fortes d’arbres.aro- matiques, l'un appellé Cuchiri, & Yautre Puchiri. Leurs fruits font à peu près de la groffeur d’une olive, on les rape comme la noix mufcade, & on s’en fert aux mêmes ufages. L’écorce # La même rivière eft connue fous plufieurs noms de différentes Jangues, 2 DES AS ICHILLE NE CimS 461 _ du premier a la faveur & l'odeur du clou de girofle, que’les Portugais nomment Craro; ce qui a fait appeller paf corrup- tion l'arbre qui produit cette écorce, bois de Crabe, par les François de Cayenne. Si les épiceries qui nous viennent de l'Orient, laifloient quelque chofe à defirer en ce genre, celles- ci feroient plus connues en Europe. On ne laifle pas d'en porter à Lifbonne une aflez grande quantité. Elles paffent en Italie & en Angleterre, où elles entrent dans la compo- fition de diverfes liqueurs. Depuis la rencontre de Xiagu avec l'Amazone, la largeur de celle-ci eft fi confidérable, qu'elle fufhroit pour empècher de voir un des bords de l'autre, quand les grandes ifles qui {e fuivent de fort près permettroient à la vüe de s'étendre. Là nous commençames à ètre entièrement délivrez des Coufins, Mouftiques, Maringoins & Moucherons de toute efpèce, la . plus grande incommodité que nous ayions eue dans Îe cours de notre navigation. Ils font fi infupportables, que les Indiens mêmes ne voyagent point fans un pavillon de toile de coton, pour fe mettre à l'abri pendant la nuit. Il y a des temps & des lieux, & particulièrement dans Îe pays des Omaguas, où l'on eft continuellement enveloppé d’un nuage épais de ces infectes volans, dont les piquures caufent une demangeaifon excef- five. Au détroit de Pauxis, j'en ai vû plufieurs fois des tour- billons de plufieurs milliers pafler la rivière, comme s'ils avoient l'inftinét de connoître qu'elle ef là plus étroite qu'ail- leurs. C’eft un fait conftant & digne de remarque, que de- puis lembouchüre de Xingu, il ne s'en trouve plus, du moins à peine en voit-on fur la rive droite de l’Amazone, tandis que le bord oppofé en efl continuellement infefté, Tous les gens du pays conviennent du fait, & perfonne ne pütnous en donner de raifon plaufible. Après avoir réfléchi & examiné a fituation des lieux, il m'a paru que cette diffé rence étoit produite par le changement de direction du cours de la rivière en cet endroit, joint à la largeur de fon lit, Jufque-à fon cours eft à peu-près dirigé d'Occident en Orient, & le vent d'Eft qui y eft prefque continuel, peut également den Mmm ii - SEPTEMBRE 1743 Larseurdel’A. mazone au def- fous de Xingug Incommodité des mouftiques, Terme fixe où cefle l'in commodité des moucherons, SEPTEMBRE 1743 Curupà, ville Portugaife & Forterelle, Navigationpar les marées. Tasipuru , bras détourné qui conduit au Para. Rivière de dos Bocas. Des Tocantins. De Muju. 462 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE porter ces infectes fur l’un ou fur l'autre bord. Mais au deffous de Xingu, l'Amazone tourne au Nord, & le vent d’Eft ne peut plus les porter que fur la rive occidentale, d’où le même vent & la largeur du fleuve ne leur permettent pas de repafier à l’autre bord. Nous arrivames le 9 au matin à la Fortereffe Portugaife de Curupà, bâtie par les Hollandois , lorfqu'ils étoient les maîtres d'une partie du Bréfil. Le Commandant * nous reçut avec des honneurs extraordinaires. Les trois jours de notre féjour furent une fête continuelle, il nous traita avec une magnift- cence qui vifoit à Ja profufion, & que le pays ne fembloit pas promettre. Curupà eft une petite ville Portugaife, où il n’y a d’autres Indiens que les efclaves des habitans. Elle eft dans une fituation agréable, fur un terrein élevé au bord Auftral du fleuve, & à huit journées au deffus du Parà. Depuis Curupä, où le flux & le reflux deviennent très-fen- fibles, les pirogues ne merchent plus qu’à la faveur des marées. Quelques lieues au deffous de cette place, un petit bras de Amazone, appellé Zagipuru, fe détache du grand canal qui tourne au Nord, & prenant une route toute oppolée vers le Sud, il embrafle la grande ifle des Joanes ou de Marajo, défigurée dans toutes les Cartes ; de-l il revient au Nord par V'Eft, décrivant un demi-cercle, & bien-tôt il fe perd, pour ainfi dire, dans une mer formée par le concours de plufieurs grandes rivières, qu’il rencontre fucceflivement. Les plus con- fidérables font, premièrement Rio de dos Bocas, ou la rivière des deux Bouches, formée de la rencontre des rivières de Guanapu & de Pacajas, large de plus de deux lieues à fon embouchüre, & qui dans les anciennes Cartes, & nommé- ment dans celles du Flambeau de la mer, eft appellée riviere du Parà ; en fecond lieu, la rivière des Zocamtins, plus large encore que la précédente, & qui fe remonte au moins aufft Join que celles de Topayos & de Xingu, & defcend comme elles des Mines du Bréfil, dont elle apporte quelques fragmens parmi fon fable; & enfin la rivière de Mu, que j'ai trouvée * El Capitam-mor Joze de Souza e Menezes. | k ) ‘ : H ë ÿ * À DE SNSICONEN cEIS 463 à deux lieues au dedans des terres, large de 749 toifes, & fur laquelle nous rencontrames une Frégate du Roi de Portugal, qui remontoit à voiles déployées, pour aller chercher plu- fieurs lieues plus haut, certains bois de menuiferie, communs dans le pays, rares & précieux par-tout ailleurs. C'eft fur le bord oriental de Muju qu’eft fituée Ja ville du Parà, immédiatement au deflous de l'embouchüre de la rivière de Capim, qui vient d'en recevoir une autre appellée Guama. W n'y a que la vüe d’une Carte qui puifle donner une idée diftinéte de la pofition de cette ville, fur le con- cours de tant de rivières, & faire connoitre que ce nef pas fans fondement que fes habitans font fort éloignez de fe croire fur le bord de l’Amazone, dont il eft vrai-fem- blable qu'une feule goutte ne baigne pas le pied des murailles de leur ville; à peu près comme on peut dire que les eaux de la Loire warrivent pas à Paris, quoique la Loire com- munique avec la Seine par le canal de Briare. En effet, fi fon confidère la largeur du canal formé par les rivières réunies de Bocas, des Tocantins & de Muju, & qui fépare la terre ferme du Parà d'avec l'ifle des Joanes; on jugera que cette mer d'eaux courantes ne feroit pas diminuée fenfible- ment, quand fa communication avec l’ Amazone feroit in- terceptée par lobftruétion ou la déviation du petit bras de Tagipuru, qui vient, pour ainfi dire, prendre poffeffion de toutes ces rivières au nom de l’Amazone, en leur faifant perdre leur nom. Tagipuru ne peut donc que très-impro- prement être appellé un bras de Amazone, puifqu'il a une direction contraire à celle du cours de ce fleuve. Ce feroit plûrôt un bras dé la rivière de Bocas qui viendroit fe joindre à l Amazone; mais, à proprement parler, ce n'eft ni l’un ni Fautre, puifqu'il n'a pas un cours conflant. C'eft un fimple canal de communication , où les marées entrent par les deux bouts , où elles fe rencontrent vers le milieu, fe refoulent mutuellement, & montent & defcendent alternativement. TFagipuru n'étant point un bras de Ÿ Amazone, à plus forte raifon la rivière du Parà, où Tagipuru communique, ne SEPTEMBRE 1743: Situation de la ville du Par, SEPTEMBRE 1743 ° Route du Cu- tupà au Parà. Animaux du pays. Poissons. Lamentin où Poiflon-bœuf. 464 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royate eut-elle être ainfi appellée. Tout ceci ne fera, fi l’on veut, qu'une queftion de nom; & je ne laiflerai pas, pour éviter les périphrafes & pour m'accommoder au langage reçu, de donner quelquefois à la rivière du Parà le nom d'embouchüre Orientale de la rivière des Amazones; il fuffit d’avoir expliqué comment cela fe doit entendre. Je fus conduit de Curupà au Parà, fans être confulté fur . le choix de ma route, entre des ifles dont le canal de Tagi- puru eft rempli, & au fortir de ces ifles, par des canaux étroits & tortueux qui traverfent d’une rivière à l'autre, & par le moyen defquels on évite le danger de traverfer celles-ci à leur embouchüre. Ce qui faifoit ma füreté, & ce qui eût fait de plus la commodité d'un autre Voyageur, devenoit extrêmement incommode pour moi, dont le but principal étoit la conftruétion de ma Carte. II me fallut redoubler d'attention, pour ne pas perdre le fil de mes routes dans ce labyrinthe d'ifles & de canaux fans nombre. Je n'ai point encore parlé des poiflons finguliers, qui fe rencontrent dans Ÿ Amazone, ni des différentes efpèces d’a- nimaux rares qu'on voit fur fes bords. Cet article feul four- niroit la matière d’un ouvrage, & cette feule étude deman- deroit un voyage exprès, & un voyageur qui n'eût d'autre occupation. Je ne ferai mention que de quelques -uns des plus finguliers. Je deffinai à Saint-Paul d'Omaguas, d’après nature, le plus grand des poiffons connus d’eau douce, à qui les Efpa- gnols & les Portugais ont donné le nom de Pexe-buey, { Poifon-bœuf) qu'il ne faut pas confondre avec le Phoca ou Veau-marin. Celui dont il eft queftion, paît l'herbe des bords de la rivière ; fa chair & fa graifle ont affez de rapport à celles du veau. La femelle a des mamelles qui lui fervent à allaiter fes petits. Le P. d’Acuña rend la refflemblance avec le Bœuf encore plus compléte, en-attribuant à ce poifon . des cornes dont la Nature ne Fa pas pourvü. Il n’eft pas amphibie, à proprement parler, puifqu'il ne fort jamais de Yeau entièrement, & n'en peut fortir, n'ayant que deux nageoires \ ‘nageoires aflez près de la tête, plates & rondes, en forme de rames de 1 5 à 1 6 pouces de long, lefquelles lui tiennent lieu de bras & de pieds fans en avoir {a figure ; comme Laet le fuppofe fauflement, citant lEclufe. II ne fait qu'avancer fa tête hors de l'eau, pour atteindre l'herbe fur le rivage. Celui que je deffinai étoit femelle, fa longueur étoit de fept pieds & demi de Roi, & fa plus grande largeur de deux pieds : j'en ai vü depuis de plus grands. Les yeux de cet animal n’ont au- cune proportion avec [a grandeur de fon corps, ils font ronds & n’ont que trois lignes de diamètre; l'ouverture de fes oreilles eft encore plus petite, & ne paroît qu'un trou d’épingle. Quel- ques-uns ont cru ce poiflon particulier à la rivière des Ama- zones, mais il n'eft pas moins commun dans l'Orinoque. II fe trouve auffr, quoique moins fréquemment, dans lOyapoc & dans plufeurs autres rivières des environs de Cayenne, de la côte de la Guiane, & des Antilles. C’eft le même qu'on nommoit autrefois /Aanati, & qu'on nomme aujourd’hui Lamentin dans les les Françoifes d'Amérique. Je crois l’ef- pèce de fa rivière des Amazones un peu différente. I[ ne fe rencontre pas en haute mer, il eft même rare d’en voir près des embouchüres des fleuves, mais on le trouve à plus de mille lieues de la mer, dans le Guallaga, le Paftaça, &c. I n'eft arrêté dans l Amazone, que par le Pongo, au deffus duquel on n’en trouve plus. Cette barrière n’eft pas un obftacle pour un autre poiflon appellé Hixano, auffi petit que l'autre eft grand, quelques-uns d'eux n'étant pas fr longs que le doigt. Les Mixanos arrivent tous les ans à Borja en foule, quand les eaux commencent à - baiflér vers la fin de Juin. Ils n’ont rien de fingulier que Îa force avec laquelle ils remontent contre le courant. Comme le lit étroit de la rivière les raffemble néceffairement près du détroit, on les voit traverfer en troupes d’un bord à Yautre, & vaincre alternativement fur l’un ou fur l'autre rivage la violence avec laquelle les eaux fe précipitent dans . ce canal étroit. On les prend à la main, quand les eaux - font baflés, dans les creux des rochers du Pongo, où ils fe …. Memi7sÿ. Nan PEN PURE ON SRE is. J'irai DES SCIENCES 465 Le Mixane: 466 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare repofent pour reprendre des forces, & dont ils fe fervent comme d'échelons pour remonter. . ; id rt ai vû aux environs du Parà, un poiflon appellé Puraque, ® dont le corps, comme celui de la Lamproie, eft percé d’un grand nombre d'ouvertures, & qui a de plus la même pro- priété que la Zorpill ; celui qui le touche avec la main, on même avec un bâton, reflent un engourdiffement douloureux dans le bras, & quelquefois en eft, dit-on, renverfé. Je n'ai pas été témoin de ce dernier fait, mais les exemples font f4 fréquens qu'il ne peut être révoqué en doute. M. de Reaumur a développé le myftère du reffort caché, qui produit cet effet furprenant dans la Torpille *. Sans doute une méchanique femblable opère dans la Lamproie dont il eft ici queftion. Tortues. Les Zortues de l Amazone font fort recherchées à Cayenne, comme plus délicates que toutes les autres. Il y en a fur ce fleuve de diverfes grandeurs & de diverfes efpèces, & en fr . grande abondance, qu'elles feules & leurs œufs pourroient fufhre à la nourriture des habitans de fes bords. If y a auffx des Tortues de terre qui fe nomment. Jabutis dans la langue du Bréfil, & qu'on préfère au Parà aux autres efpèces. T'outes fe confervent, & fur-tout ces dernières, plufieurs mois hors de l'eau fans alimens fenfibles. Pèchéà di. La Nature femble avoir favorifé la pareffe des Indiens, SA & avoir été au devant de leurs befoins : les lacs & les ma- rais qui fe rencontrent à chaque pas fur les bords de lAma- zone, & quelquefois bien avant dans les terres, fe remplifient de poiflons de toutes fortes, dans le temps des crûes de la rivière, & lorfque les eaux baiflent, ils y demeurent ren- fermez comme dans des étangs ou réfervoirs naturels, où on les pêche avec la plus grande facilité. Herbes qui Dans la province de Quito, dans les divers pays traverfez Ru Ë par l'Amazone, au Parà & à Cayenne, on trouve plufieurs efpèces de plantes, différentes de celles qui font connues en Europe, & dont les feuilles ou les racines jetées dans l'eau, ont la propriété d’enivrer le poiffon. Celle qui eft le plus en * Voyez Mémoires de l'Académie de l’année 1714 D Es + (S'GALIEIN C'rUS 467 ufage, eft celle qu'on nomme à Quito & à Maynas Barbafco. On la pile, & on la mêle avec quelque appât; le poiffon qui en mange s'enivre, flotte fur l’eau, & on peut le prendre à la main. Les Indiens, par le moyen de ces plantes & des pa- liffades avec lefquelles ils barrent l'entrée des petites rivières, péchent autant de poiflon qu'ils en veulent : ils le font fumer für des claies, pour le conferver : ils emploient rarement le {el à cet ufage; cependant ceux de Maynas tirent du fel foffile d’une montagne voifine des bords du Guallaga dans le haut Pérou ; les Indiens fujets des Portugais le tirent du Parà, où on l'apporte d'Europe. Les Crocodiles font fort communs dans tout le cours de VAmazone, & même dans la plüpart des rivières que l’Ama- zone reçoit. On n'a afluré qu'il s’en trouvoit de 20 pieds de long; & même de plus grands. J'en avois déjà vü un grand nombre de 12, 15 pieds & plus, fur la rivière de Guayaquil. Ns reftent des heures & des journées entières fur la vale, étendus au Soleil & immobiles ; on les prendroit pour des troncs d'arbres ou de longues pièces de bois, cou- vertes d’une écorce raboteufe & defléchée. Comme ceux des bords de l Amazone font moins chaffez & moins pour- fuivis, ils craignent peu les hommes. Dans le temps des inondations ils entrent quelquefois dans les cabanes d’In- diens, & il y a plus d’un exemple que cet animal féroce a enlevé un homme d’un canot, à la vûe de fes camarades, & Ya dévoré, fans qu'il pût être fecouru. Le plus dangereux ennemi du Crocodile, & peut - être Tunique qui ole entrer en lice avec lui, c'eft le Tigre, Ce doit être un fpeétacle rare que celui de leur combat, dont la vûe ne peut guère être que l'effet d’un heureux hafard, Voici ce que les Indiens en racontent. Quand le Tigre vient boire au bord de la rivière, 1e Crocodile met la tête hors de l'eau pour le fafir, comme il attaque en pareille occafion les bœufs , les chevaux, les mulets & tout ce qui fe pré- fente. Le Tigre enforice fes griffes dans les yeux du Croco- “dile, l'unique endroit où il trouve à l’offenfer, à caufe de Ia Nan i Sel foffile:, Crocodiles. QUADRU- PÈDES. Tigres Lions. Darta. 468 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE dureté de fon écaille; mais celui-ci en fe plongeant dans l'eau entraine le Tigre, qui fe noie plütôt que de lâcher prife. Les Tigres que j'ai vûs en Amérique, & qui y font communs dans. tous les pays chauds & couverts de bois, ne m'ont paru différer ni en beauté ni en grandeur de ceux d'Afrique. Ils n’attaquent guère l’homme que lorfqu'ils font affamez. Il y en a une ef- pèce dont la peau eft brune fans être mouchetée, Les Indiens Maynas font fort adroits à combattrelesT'igres avec le fponton ou la demi-pique, qui eft leur arme ordinaire de voyage. Je n’ai rencontré que dans la province de Quio, & non fur les bords de Amazone, l'animal que les Indiens du Pérou nomment en leur langue Puma, & les Efpagnols d’A- mérique, Lion. C’eft une efpèce totalement difiérente de ceux que nous connoiflons ; le mâle n’a point de crinière, & il eft beaucoup plus petit que les Lions Africains. Je ne Vai pas vû vivant, mais empaillé. | H ne feroit pas étonnant que les Ours, qui n’habitent guère que les pays froids, & qu'on trouve dans plufieurs monta- gnes du Pérou, ne fe rencontraffent point dans les bois du Marañon, dont le climat eft fi différent; cependant j'y ai entendu faire mention d’un animal appellé Ucumari, & c'eft précifément le nom de Ours dans la langue du Pérou; je n'ai pü n'aflurer fi l'animal efl le même. Le plus grand des Quadrupèdes naturels de Amérique méridionale, eft celui que les Efpagnols du Pérou nomment Danta, & les Portugais du Parà Arte. H eft plus petit & moins gros qu'un Bœuf, & n'a point de cornes; plus épais & moins élancé que le Cerf & l'Elan; fa queue eff fort courte, il eft extrêmement fort & léger à la courfe, & fe fait jour au milieu des bois les plus fourrez. Il ne fe rencontre au Pérou que dans quelques cantons boifez de a Cordelière orientale, H n’eft pas rare dans les bois de Amazone, ni dans ceux de la Guiane; on le nomme Uagra dans 1a langue du Pérou, Tapira dans celle du Bréfil, Aaypoiri dans la langue Galibi. fur les côtes de la Guiane. Comme la terre ferme voifine. de l'ile de Cayenne fait partie du continent que traverf& DES SCIENCES. 469 YAmazone, & eft contigue aux terres arrofées par ce fleuve, on trouve dans l'un & dans l'autre pays la plûpart des mêmes animaux. J'ai deffiné en pañlant chez les Yameos une efpèce de Belette, qui {e familiarie aifément: je ne püs ni prononcer, ni écrire le nom qu'on me dit qu'elle portoit dans cette langue; _ je lai retrouvée depuis aux environs du Parà, où on la nomme Coati dans la langue du Bréfil. Laet en fait mention. Ées Singes font le gibier le plus ordinaire, & le plus du goût des Indiens de Amazone. Quand ïls.ne font pas . chaflez ni pourfuivis, üls fe laiffent approcher de l’homme fans marquer de crainte. C’eft à quoi les Sauvages de l A ma- zonereconnoiflent, quand ils vont à la découverte, fi un pays - eft neuf, ou n’a pas été fréquenté par des hommes. Dans tout le cours de ma navigation fur ce fleuve, j'en ai vû un ff grand nombre, & j'ai ouï nommer tant d’efpèces différentes ; que la feule énumération en feroit longue. Il y en a d’auffi grands qu'an lévrier, & d’autres aufli petits qu’un rat ; je ne parle pas de la petite efpèce connue fous le nom de Sapajoux, mais d’autres plus petits encore, difficiles à apprivoifer, dont le poil eft long, luftré, ordinairement couleur de marron, & quelquefois moucheté de fauve. Ils ont la queue deux fois aufli Jongue que le corps, la tête petite & carrée, les oreilles pointues & faillantes comme les chiens & les chats, & non comme les autres Singes, avec lefquels ils ont peu de reffem: blance, ayant plutôt Fair & le port d’un petit lion. On les nomme Pinches à Maynas, & à Cayenne Tamarins. J'en ai eu plufieurs que je n'ai pü conferver ; ils font de l'efpèce appellée Sahuins dans la langue du Bréfil, & par corruption en François Sagoins; Eaet en parle, & cite lEclufe & Eéry. Celui dont le Gouverneur du Parà n''avoit fait préfent, étoit unique de fon efpèce qu'on eût vû dans le pays; le poil de fon corps étoit argenté, & de la couleur des plus beaux. cheveux blonds, celui de fa queue étoit d’un marron luftré; approchant du noir. I1 avoit une autre fingularité plus re: _ marquable; fs oreilles, fes joues & fon mufeau, étoient Nan ii Coati. Singes, Sapas joux, Sahuins, REPTILES. Serpens. 470 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RovAzr teints d'un vermillon fi vif, qu'on avoit peine à fe perfuader que cette couleur fût naturelle. Je l'ai gardé pendant un an, & il étoit encore en vie, lorfque j'écrivois ceci prefque à fa vüûe des Côtes de France, où je me faifois un plaifir de l'ap- porter vivant. Malgré les précautions continuelles que je prenois pour le préferver du froid, la rigueur de la faifon Ya vrai-femblablement fait mourir. Comme je n’ai eu aucune commodité fur le vaifieau Hollandois où j'étois pour le fé- cher au four, tout ce que j'ai pü faire a été de le conferver dans l'eau de vie; ce qui fufhra peut-être pour faire voir que je n'ai rien exagéré dans cette defcription. Il y a encore dans le pays plufieurs Quadrupèdes rares, mais qui fe rencontrent en diverfes autres parties de l'Amé- rique, ou qui ont déjà été décrits, tels que diverfes efpèces de Sangliers & de Lapins, le Pac, le Fourmilier que les Brafi- liens nomment Tamandua, Uaflu, un autre plus petit appellé Tamandua-hi; Xe Porc-épic, le Pareffeux que les Efpagnols nomment Perico ligero, & les Brafiliens Unau ; le T'atou ou Armadille, & beaucoup d’autres dont j'ai deffiné quelques- uns, ou dont les deffeins exécutez par M. de Morainville, font reftez entre les mains de M. Godin. J'ai rapporté de Cayenne ceux du Fourmilier & du Maypouri. Îl n'eft pas étonnant que dans des pays auffi chauds & auffi humides que ceux dont nous parlons, les Serpens & les Couleuvres de tout genre foient communs. J'ai 1, dans je ne fçai quelle Relation, que tous ceux de J Amazone font fans venin : il eft certain que quelques-uns ne font nullement malfaifans; mais les morfures de plufieurs font prefque toù- jours mortelles. Un des plus dangereux, eft le Serpent à Sonnette ou à Grelot, qui eft aflez connu. Telle eft encore la Couleuvre appellée Coral par les Efpagnols, & remar- quable par la variété & la vivacité de fes couleurs; mais l'animal le plus rare & le plus fingulier de tous en ce genre, eft un grand Serpent amphibie de vingt-cinq à trente pieds de long, & de plus d'un pied de groffeur, à ce qu'on affure, que les Indiens Maynas appellent Yacu-mama, où Mêre de # DESSUS aG ANNE NNNCUEUS 471 J'eau, & qui, dit-on, habite ordinairement ces grands lacs, formez par l'épanchement des eaux du fleuve au dedans des terres. On en raconte des faits dont je douterois encore, fi je croyois les avoir vüs, & que je ne me hafarde à répéter ici que d’après l'Auteur récent déjà cité de FOrinoque illuffré, qui les rapporte fort férieufement. Non feulement, felon les Indiens, cette monftrueufe Couleuvre engloutit un chevreuil tout entier, mais ils afhrment qu'elle attire invinciblement par fa refpiration les animaux qui lapprochent, & qu'elle les dévore. Divers Portugais du Parà entreprirent de me per- fuader des chofes prefque aufli peu vrai-femblables, de {a manière dont une grofle Couleuvre tue un homme en s’en- tortillant autour de fon corps, & l'empalant avec fa queue, À en juger par la taille, ce pourroit bien être la même qui fe trouve dans les bois de Cayenne, où Pexpérience a fait _connoître qu'elle eft plus efliayante que dangereufe. J'y ai connu un Officier qui en avoit été mordu à la jambe fans aucune fuite ficheufe ; peut-être ne fut-il pas mordu jufqu'au fang. J'en aï apporté deux peaux, dont une toute defléchée qu'elle eft, a près de quinze pieds de long & plus d’un pied de large. Sans doute, il y en a de plus grandes. Je füis re- devable de ces peaux & de diverfes autres curiofités d'Hif toire Naturelle, aux RR. PP. Jéfuites de Cayenne, à M. de TIfle- Adam Commiflaire de la Marine, à M. Artur Médecin du Roi, & à plufieurs Officiers de la garnifon. U Le ver appellé chez les Maynas Suglacuru, & à Cayenne Ver quicroit ver Macaque | c'eft-à-dire Ver Singe) prend fon accroiffe- dans {a chair, ment dans la chair des animaux & des hommes; il y croît jufqu'à la groffeur d’une fève, & caufe une douleur infuppor- table ; il eft affez rare. J'ai deffiné à Cayenne l'unique que j'aie vû, & Jai confervé le ver même dans l'efprit de vin; on W dit qu'il naît dans la plaie faite par la piquure d'une forte … de Mouftique ou de Maringoin; mais jufqu'ici l'animal qui dépofe œuf, n’eft pas encore connu. La quantité des différentes efpèces d'Oifeaux dans les forêts Orsaux. i de Amazone, ef plus grande encore & plus variée que celle 472 MEMGIRES DE L'ACADEMIE Roy4re des Quadrupèdes. On remarque qu’il ny en a prefque aucun ui ait le chant agréable : c’eit principalement par l'éclat & par la diverfité des couleurs de leurs plumages qu'ils fe font Colibri, remarquer. Rien n'égale la beauté des plumes du Co/ibri, ou de l'Oifeau-mouche qui ne vit que du fuc des fleurs. Plufieurs Auteurs en ont parlé, & il fe trouve en Amérique dans toute la Zone torride. Je remarquerai feulement, que quoiqu'il pafle communément pour n'habiter que les pays chauds, je n’en ai vû nulle part en plus grande quantité, que dans les jardins de Quito, dont le climat tempéré approche plus du froid que de la grande chaleur. Il fe nomme dans fa langue du pays Quindeè. Les Efpagnols le nomment Pica-flor. Toucan. Le Zoucan, dont le bec rouge & jaune eft monftrueux à proportion de fon corps, & dont la langue qui refflemble à une plume déliée, pafle pour avoir de grandes vertus, n’eft pas non plus particulier au pays dont je parle. Perroquets … Les efpèces de Perroquets & d’Aras différens en gran- &Aras eur, en couleur & en figure , font fans nombre ; les Per- roquets les plus ordinaires au Parä, ceux qu'on connoiît à Cayenne fous le nom de 7ahouas où de Perroquets de l Ama- zone, font verts avec le haut de la tête, le deflous & les extrémités des aïles d’un beau jaune. Une autre efpèce appellée auffi Tahouas à Cayenne, eft de la même couleur, avec cette feule différence, que ce qui eft jaune dans les autres eft rouge dans ceux-ci. Mais les plus rares de tous font ceux qui font entièrement jaunes de couleur de citron à l'extérieur, avec le deffous des ailes, & deux ou trois plumes de leur bout, d'un très-beau vert. Je n’en ai vû que deux de cette efpèce, dont je fis l’acquifition au Parà ; ils étoient extrèmement familiers. On ne connoît point en Amérique l'efpèce grife, qui a le bout des aîles couleur de feu, & qui eft fi commune en Guinée. Agen s Les Indiens des bords de FOyapoc ont l’adreffe de pro- couleur, Curer artificiellement aux Perroquets des couleurs naturelles, différentes de celles qu'ils ont reçues de la Nature, en leur tirant des plumes en différens endroits fur le col & fur le dos, & en frottant l'endroit plumé du fang de certaines. Grenouilles : DES SCIENCES. 473 Grenouille ; c’eft-à ce qu’on appelle à Cayenne, fapirer un Perroquet : peut-être le fecret ne confifte-t-il qu'à mouiller la partie plumée de quelque liqueur acre; peut-être même n'eft- il befoin d'aucun apprêt, & c'eft une-expérience à faire. En effet, il ne paroît pas plus extraordinaire de voir dans un oifeau renaître des plumes rouges ou jaunes, au lieu de vertes qui lui ont été arrachées, que de voir repouffer du poil blanc -en la place du noir fur le dos d’un cheval qui a été bleffé. Une preuve que la liqueur dont on frotte la peau n’a aucune influence fur la couleur des nouvelles plumes, c’eft qu'elles renaiflent toûjours rouges dans l’efpèce qui a du rouge aux ailes, & toüjours jaunes dans ceux qui ontle bout des aïles jaunes, quoiqu'on emploie la même liqueur. Les Maynas, les Omaguas, & divers autres Indiens, font Ouvrages de quelques ouvrages de plumes, mais qui n'approchent pas de plumes. Vart ni de la propreté de ceux des Mexicains. Entre plufieurs oifeaux finguliers, j'en ai vû un au Parà Cahuitahs, de la grandeur d’une Oie, dont le plumage n’a rien de re- marquable, mais dont le haut des aîles eft armé d’un ergot ou corne très-aigue, femblable à une groffe épine d’un demi- pouce de long. Il a cela de commun avec loifeau appellé . Canclon à Quito; mais celui-ci eft plus grand que le Canclon, & il a de plus au deffus du bec une autre petite corne droite, déliée & flexible , de la longueur du doigt ; il fe nomme Ca- huitahu dans fa langue Brafilienne, d’un nom qui imite fon cri. L’oifeau appellé Trompetero par les Efpägnols dans la pro- Oifeau Troms vince de Maynas, eft le même qu'on nomme Agami au Parà perte, … & à Cayenne. I! eft fort familier, & n’a rien de particulier .… que le bruit qu'il fait quelquefois, qui lui a fait donner le - nom d'oifeau 7rompette. C’eft mal à propos que quelques- . uns ont pris ce fon pour un chant, ou pour un ramage. IE … paroît qu'il fe forme dans un organe tout différent, & pré- _cifément oppofé à celui de la gorge. Le fameux oïfeau appellé au Pérou Contur, & par cor- Condor, ruption Condor, que j'ai vü en plufieurs endroits des mon- … tagnes de fa province de Quito, fe trouve auffi, fi ce qu'on Mem. 1745: ; Ooo Chauve-fouris, SEPTEMBRE 1743- Arrivée au Para. 474 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe m'a afluré eft vrai, dans les pays bas des bords du Marañon: C'eft le plus grand des oifeaux qui s'élèvent dans l'air. I enlève communément un agneau avec fes ferres, même un chevreuil, à ce qu'on prétend, & il a quelquefois fait fa proie d’un enfant. J'en ai vû planer au defus d’un troupeau de moutons, & les Bergers crier pour l'effrayer & l'empé- cher de rien entreprendre. Les Indiens lui tendent différentes fortes de pièges. Le plus ingénieux, s'il eft vrai, confifte à lui préfenter pour appt une figure d'enfant d’une argile très- vifqueufe, fur laquelle il fond d'un vol rapide, & y engage fes ferres de manière qu'il ne lui eft plus poflible de s'en dépêtrer. Les Chauve-fouris qui fucent le fang des chevaux, des mulets, & même des. hommes quand ils ne s'en garantifient pas en dormant à l'abri d'un pavillon, font un fléau commun à la plüpart des pays chauds de Amérique. Il y en a de monftrueufes pour la groffeur; elles ont entièrement détruit à Borja & en divers autres endroits, le gros bétail que les Miffionnaires y avoient introduit, & qui commençoit à s’y multiplier. Elles piquent ou plûtôt mordent la nuit ces ani- maux, elles fe remplifient de leur fang qu’elles fucent, & qui continue à couler de la plaie jufqu'à ce qu'il s'étanche de lui-même. Ces faignées fouvent réitérées exténuent l'animaf & le font bien-tôt périr. On prétend qu'elles font ces blefures fans caufer aucune douleur, même fans réveiller un homme endormi. On raconte beaucoup d'hiftoires de femblables accidens : je n’ai eu connoiflance d'aucun qui ait été funefte. Le 19 de Septembre, plus de quatre mois après mon dé. part de Cuenca, j'arrivai à la vüe du Parà, que les Portugais nomment le grand Para, c’eft-à-dire la grande rivière dans la Jangue du Bréfil: nous primes terre à une habitatiôn dépen- dante du Collége des RR. PP, Jéfuites. Le Provincial? nous y reçut, & le Reéteur b nous y retint huit jours, & nous y procura tous les amufemens de la campagne, tandis qu'on nous préparoit un logement dans la ville. Nous trouvames > Le R. P, Jofeph de Souzx | » Le R. P. Jean Ferreyra DE SSSR EN CES 47s © fe 27 En arrivant au Parà une maifon commode & riche- rene ment meublée, avec un jardin d'où l’on découvroit l'horizon : 1743. de la mer, & dans une fituation telle que je l'avois defirée pour la commodité de mes obfervations. Le Gouverneur * » & Capitaine général de la Province nous fit un accueil, au- quel avoient dû nous préparer les ordres qu’il avoit donnez fur notre pañlage, aux Commandans des Forterefles, & fes recommandations aux Provinciaux des différens Miffion- naires que nous avions rencontrez. Nous crumes en arrivant au Parà, à la fortie des bois de ville du Para TAmazone, nous voir tranfportez en Europe. Nous trou- vames une grande ville, des rues bien alignées, des maifons æiantes, Îa plüpart rebâties depuis trente ans en pierre & en moëllon, des Eglifes magnifiques. Le commerce direét du Parà avec Lifbonne, d’où il vient Soncommerce, tous les ans une flotte marchande, donne aux gens aifez {a facilité de fe pourvoir de toutes leurs commodités. Ils re- gçoivent les marchandifes d'Europe en échange des denrées du pays, qui font, outre quelque or en poudre qu’on apporte de l'intérieur des terres du côté du Bréfil, toutes les diverfes produétions utiles, tant des rivières qui viennent fe perdre dans f Amazone, que des bords même de ce fleuve, telles que l'écorce du bois de Clou, la Salfepareille, 1e Roucou, . la Vanille, le Sucre, le Café, tranfplanté fucceflivement de Moka à Suriname, à Cayenne & au Parà, & fur-tout le Cacao, qui eft la monnoïe courante du pays, & qui fait la richefle des habitans. La Latitude du Parà n'avoit probablement jamais été ob- Sa Latitude, fervée à terre, & on m'aflura en y arrivant que j'étois pré- cifément fous la Ligne équinoctiale. La Carte du P. Fritz place cette ville par un degré de Latitude auftraie, & le nou- veau routier Portugais par 1 degré 40 minutes. J'ai trouvé Ocrosre par plufieurs obfervations qui s'accordent, 1 degré 28 mi- 1743. nutes, ce qui ne diffère pas fenfiblement de la Latitude de l 4 . la Carte de Laet, qui n'a été fuivie, que je fçache, par aucun HU M: Jean de Abreu e Caftelbranco, V19R Ooo ïj NovEMB. DÉcEMs, 1743: Sa Longitude, Expériences fur ia Pefan- teur. “ 476 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE des Géographes poftérieurs. Quant à fa Longitude; j'ai dé quoi l'établir exaétement par lEcliple de la Lune que j'y obfervai le premier Novembre 1743, & par deux Immer+ fions du premier Satellite de Jupiter, des 6 & 29 Décembre , de la même année. En attendant les obfervations correfpon- dantes en quelque lieu dont la Longitude foit connue, n'y en ayant point eu à Paris, j'ai jugé par le calcul la différence du Méridien du Parà à celui de Paris, d'environ 3 heures 24 minutes à l'Occident. J’y ai trouvé la déclinaifon de l'Ai- guille aimantée, d'un peu plus de 4 degrés Nord-Eft. Elle y a été plus grande dans le fiècle pañlé, & il paroïît qu'elle va en diminuant fur la Côte Nord de l'Amérique Méridionale. Le peu de connoiflance qu’on avoit il y a un fiècle de la déclinaifon de la Bouflole, & fur-tout de fes variations, a fans doute beaucoup contribué aux erreurs des Cartes qui ont donné de faufles directions à l’'embouchüre de la rivière des Amazones, & à la Côte jufqu’au Cap de Nord: Je pañle fous filence mes obfervations fur l'inclinaifon de l’Aiguille aimantée, & fur les marées, qui font aflez irrégulières au Paràs Une obfervation plus importante, & qui avoit un rapport immédiat à la figure de la Terre, objet principal de notre voyage, étoit celle de la longueur du Pendule de temps moyen, ou plütôt de la différence de longueur de ce Pen- dule à Quito & au Parà : l’une de ces deux villes étant au bord de la mer, l'autre 14 à 1 $00 toiles au deflus de fon niveau, & toutes deux fous la Ligne équinoétiale; car un degré & demi, n'efl ici d'aucune conféquence.. Jétois en état de déterminer cette différence, par le moyen d'un Pen- dule à verge de métal de 28 pouces de long, que je décrirai ailleurs, qui conferve fes olcillations fenfiblement pendant plus de 24 heures, & avec lequel j'avois fait un grand nom- bre d'expériences à Quito, & fur la montagne de Pichincha, 750 toiles au deffus du fol de Quito. Par le moyen réfultat de neufexpériences faites au Parà, dont les deux plus éloignées ne donnent que trois ofcillations de différence, fur 98740, j'ai trouvé que mon Pendule faifoit au Parà en 24 heures de D'EUs NN Sc am NT cr ENS Hd? tel EU temps moyen 31 ou 32 vibrations plus qu'à Quito, & so; ve ou 5 r vibrations plus qu'à Pichincha. Je conclus de ces ex- 1743. périences, que fous l'Equateur deux corps, dont fun peferoit Changemens 1600 livres, & l’autre 1000 livres au niveau de la mer, FE FE étant tranfportez, le premier à 145 otoifes, lefecondà2200 toiles de hauteur, perdroient chacun plus d’une livre de {eur poids ; à peu près comme il devroit arriver, fi on faifoit les mêmes expériences fous le 22 & le 28° Parallèle, fuivant la Table de M. Newton, ou vers le 20 & 25°, à en juger par la comparaifon des expériences faites fous l'Equateur & en divers endroits d'Europe. Les nombres précédens ne font qu'approchez, & je me réferve le droit d'y faire de légers changemens, en y appliquant les équations convenables, Torfque je donnerai le détail de mes expériences du Pendule. Pendant mon féjour au Parà, je fis aux environs quelques Projet du petits voyages en canot, & j'en profitai pour le détail de ma CE. Carte. Je ne pouvois la terminer fans voir la vraie embou- ; chûre de l Amazone, & fans fuivre fon bord Septentrional jufqu'au Cap de Nord, où finit fon cours. Cette raifon & pluñeurs autres m’ayant déterminé à me rendre du Parà à Cayenne, d’où je pouvois repafler droit en France für le vaifleau du Roi, qu'on y attendoit, je ne profitai pas comme M: Maldonado, de Ia flotte Portugaife qui partit pour Lif- bonne le 3 Décembre 1743. Je me vis retenu jufqu'àla fin Déparräcta du même mois au Parà, moins par la crainte des vents con- ie Porta traires dont j'étois menacé en cette faïfon, que par la diffi- es culté de former un équipage de rameurs: la petite vérole qui faifoit alors un grand ravage, ayant mis en fuite la plûpart des Indiens des villages circonvoifins. » Je chargeai mon.ami, par la même occafion, dè mon Teftiment* - Teftament académique : c’étoit un extrait de toutes mes ob- A%miane. … {ervations, pareil à celui que j'avois envoyé du port de Jaen à Quito, & augmenté des nouvelles obfervations faites de- - puis mon embarquement. J'adreflois celui-ci à M. de Chavi- - gni, Ambaffadeur de France à Lifbonne, en le priant dele à faire remettre à l'Académie après la nouvelle certaine de ma L O 00 ii. . DÉCcEMB. 1743: Petite vérole mortelle aux Andiens. 473 MEMOIRES DÉ L'ACADEMIE RoyALE mort. Ce Miniftre me l'a fait tenir à Paris depuis mon retour, On remarque au Parà, que cette maladie eft encore plus funefte aux Indiens des Miflions, nouvellement tirez des bois, & qui vont nuds, qu'aux Indiens vêtus, qui font nez ou qui habitent depuis long temps parmi les Portugais, Les premiers, efpèce d'animaux amphibies, aufli fouvent dans l'eau que fur terre, endurcis depuis leur enfance aux injures - de l'air, ont vrai-femblablement {a peau plus compacte que L'Inoculation Is fauve tous. celle des autres hommes, & il paroït que cela feul peut rendre en eux l'éruption de la petite vérole plus difficile. L'habitude où font ces mêmes Indiens de fe frotter le corps de Roucou, de Genipa & de diverfes huiles graffes & épailfes, qui doivent à la longue obftruer les pores, contribue peut-être auffi à augmenter la difficulté, Cette conjeture eft confirmée par une autre remarque; les efclaves Nègres tranfportez d'Afrique, & qui ne font pas dans le même ufage, réfiftent mieux à ce mal que les Naturels du pays. Quoi qu'il en foit, un Indien Sauvage, nouvellement tiré des bois, attaqué na- turellement de cette maladie, eft pour l'ordinaire un homme mort; mais pourquoi n’en eft-il pas de même de la petite vérole artificielle? IL y a quinze ou vingt ans qu’un Miffion- maire Carme des environs du Parà, voyant tous fes Indiens mourir l'un après l'autre, & ayant appris par la lecture d'une Gazette le fecret de l’/noculation, qui faifoit alors beaucoup de bruit en Europe, jugea prudemment qu’en ufant de ce remède, il rendroit au moins douteufe une mort qui n'étoit que trop certaine, en n'employant que les remèdes ordinaires. Un raifonnement auffi fimple n'avoit pû manquer de {e pré- fenter à tous ceux qui étoient capables de réflexion, & qui voyant le ravage'de la maladie, entendoient parler des fuccès de la nouvelle opération ; mais ce Religieux fut le premier en Amérique qui eut le courage d'en venir à l'exécution. If avoit déjà perdu la moitié de fes Indiens; beaucoup d’autres! tomboient malades journellement : il ofa faire inférer la petite | vérole à tous ceux qui n'en avoient pas encore été attaquez, & il n’en perdit plus un feul. Un autre Miffionnaire de la | DES SCIENCES 479 rivière Noire fuivit fon exemple avec le même fuccès. DUT T TT Après des expériences fi authentiques, on jugera fans 4 in Et doute, que dans la contagion de 1743; qui caufoit ma dé- j tention au Parà, tous ceux qui avoient des efclaves Indiens, usèrent d’une recette fi falutaire pour fe les conferver. Je le croirois moi-même, fi jé n'avois été témoin du contraire : du moins on n’y penfoit pas lorfqueje partis du Parà:1f n’étoit peut-être pas encore temps; li moitié des Indiens n’avoit pas encore péri *. Je m'embarquai le 29 Décembre au Parà pour Cayenne, ‘Départ ds dans un canot ponté que me donna le Général, avec un ARS équipage de vingt-deux rameurs, & toutes les commodités 7" cs je pouvois defirer, pourvû de rafraïchiflemens, & muni e recommandations pour les RR. PP. Francifcains de la réforme de Saint Antoine, qui ont leuys Miffrons dans l'ifle de Marajo, & qui devoient me fournir en paflant chez eux un nouvel équipage d'Indiens , pour continuer ma route : cependant le défaut de communication entre le Parà & Cayenne, & divers contre-temps m'empêchèrent de trouver un bon Pilote pratique, dans quatre villages de ces Pères où j'abordaï les premiers jours de Janvier 1744. Privé de ce Janvier fecours, & livré au peu d'expérience & à la timidité de mes 1744. rameurs Indiens, & fur-tout à celle du Aamelus ? ou Métis Portugais qu'on m'’avoit donné pour les commander en leur langue, & qui fe perfuada que j'étois aufii à fes ordres ; je fus retenu deux mois, dans une route que je pouvois faire “en moins dé quinze jours ; & ce retardement m’empêcha de ‘pouvoir obferver à terre fa Comète qui parut en ce temps- Comète: à. Elle fe perdit dans les rayons du Soleil avant que je pufle être rendu à Cayenne. ai = . Quelques lieues au deflous du Parà, jétraverfai la bouche orientale de l Amazone, ou, à proprement parler, la rivière du- ‘ 2? On a appris depuis par des Lettres du Parà , que l’Inoculation y avoit été pratiquée avec le même fuccès que lors de la première expérience. b Mamelus eft le nom qu’on donne au Bréfil aux enfans des Portugais: x des femmes Indiennes. JANVIER 1744. Jfle des Joanes eu de Marayo. - 480 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Parà, féparée de la vraie embouchüre du Marañon par Ja grande ifle connue fous le nom de Joanes, & plus ordinaire- ment au Parà, fous le nom de Marajo*, Cette ifle occupe feule tout l’efpace qui fépare-ce qu'on appelle communément les deux bouches du fleuve. Elle abonde en pâturages, où s'engraifle un nombre prodigieux de gros bétail, qui fe con- fomme au Parà & dans toute la Colonie. L'ifle de Marajo eft d'une figure irrégulière & a plus de 1 50 lieues de tour. Dans toutes les Cartes, on lui a fubftitué une multitude de petites ifles, qui fembleroient placées au hafard fi elles ne paroiffoient copiées fur la Carte du Flambeau de la Mer, rem- plie en cette partie de détails aufli faux que circonftanciez. La rivière du Parà, à l'endroit où je la traverfai, cinq ou fix lieues au deflous de cette ville, a déjà plus de trois lieues de large, & va en s'élargiffant de plus en plus. Je côtoyai l'ifle en faifant route au Nord, pendant trente lieues, jufqu'à fa dernière pointe appellée Aaguari, éloignée de plus d'un demi-degré de celle de Tigioca dans la terre ferme du côté du Parà. L'une & l'autre pointe font fort dangereufes même aux plus petits bâtimens, elles font couvertes de bancs de fable, qui s'étendent fort loin au large. Je me vis au moment de ne pouvoir doubler celle de Maguari, & d’être obligé de revenir fur mes pas au Parà pour faire le tour de l'ifle de Marajo. Cette redoutable pointe une fois paflée, je tour- nai droit à l'Oueft en fuivant toüjours la Côte de l'ifle, qui court environ quarante lieues prefque en ligne droite, quel- ques minutes au Sud de la Ligne équinoétiale. Je pañlai à la vüûe de deux grandes ifles, que je laïflai vers le Nord, l'une appellée Machiana, Yautre beaucoup plus grande nommée Caviana, toutes deux aujourd’hui défertes, anciennement habitées par la nation des Arouas, qui, quoique difperfée, a confervé fa langue particulière. Le terrein de .ces ifles, ainfi que celui d'une grande partie de celle.de Marajo, eft * Les Indiens prononcent Marayo, c’eft peut-être le nom Indien de cette, ile, EUR par les Efpagnols, qui eft la vraie érymologie du nom Marañon, déja connu en 1500. Voy. P, Marir, Déc. I, cap. 9. anciennement Me ne z nn. dut Re DES SCRENenmre 48r entièrement noyé & prefque inhabitable, Je quittai la côte de Marajo, à l'endroit où elle fe replie vers ie Sud, & je retombai dans le vrai lit ou le canal principal de l’ Amazone, vis-à-vis du nouveau Fort de Macapa, fitué fur le bord occi- Macapa, love dental du fleuve, & tranfporté par les Portugais deux lieues Portugais. au Nord de l'ancien. I ne feroit pas poflible de traverfer en cet endroit le fleuve dans des canots ordinaires, fi le canal ui a plus de 1 2 lieues de large, n'étoit rétréci par de petites ifles, à l'abri defquelles on navigue avec plus de füreté, en prenant fon temps pour pafler de l’une à l’autre. De la dernière de ces ifles à Macapa, il ne laïfle pas d'y avoir encore plus de deux lieues. Dans ce dernier trajet, je repañlai enfin, & pour la dernière fois, du Sud au Nord a Ligne équinoctiale, dont je m'étois rapproché infenfiblement depuis le lieu de mon embarquement. J'obfervai au nouveau Fort de Macapa, ou plûtôt fur le terrein deftiné à bâtir le nouveau Fort, les 18 & 19 Janvier, 3 minutes de Latitude Septentrionale. Le BI de Macapa eft élevé de deux à trois toifes au Terrcin propre deflus du niveau de l'eau, qui étoit alors très-haute, I n'ya CRIE que le bord du fleuve qui foit couvert d'arbres, 1e dedans des terres eft un pays uni, le premier que j’eufle rencontré de cette nature, depuis la Cordelière de Quito. Les Indiens aflurent qu'il continue ainfi en avançant du côté du Nord, & qu'on peut aller à cheval de Macapa jufqu’aux fources de TOyapoc, par de grandes plaines découvertes, qui ne font interrompues que par de petits bouquets de bois clairs. Des environs des fources de lOyapoc, on voit du côté du Nord les montagnes de l'Aprouague, qu'on aperçoit auffi très- diftinétement en pleine mer, à une aflez grande diftance au JANVIER 1744 Nord de la côte de Cayenne ; à plus forte raifon les voit-on des montagnes mêmes de l'ifle, Tout ceci fuppolé, il eft clair qu'en partant de Cayenne, par $ degrés de Latitude Nord, & marchant vers le Sud, on auroit pü mefurer commodément deux, trois & peut-être quatre deorés du Méridien, fans fortir des terres de France, & reconnoïtre, chemin faifant, tout cet intérieur du pays, qui ne l'a pas été jufqu’ici. Enfin Men, 174$. Ppp JANVIER 174 du Pororoca, phé- nomène fingu- lier des marées, 482 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE ROYALE fon eût voulu, on eût pü, avec des paffeports de Portugal, poufler la mefure jufqu'au Parallèle de Macapa, c'eft-à-dire, jufqu'à lEquateur. L’exécution de ce projet eût été plus facile que je ne le croyois moi-même, lorfque je le propofai à l'Académie un an avant qu'il füt queftion du voyage de Quito, où l’on a cru trouver plus de facilité. Si ce plan eût été fuivi, il y a toute apparence que nous ferions de retour depuis bien des années; mais ce n'étoit que par l'infpeétion des lieux qu'on pouvoit s’aflurer que ce que je propolois,. étoit praticable. Entre Macapa & le Cap de Nord, dans l'endroit où le grand canal du fleuve fe trouve le plus refferré par les ifles, & fur-tout vis-à-vis de la grande bouche de VArawary,. qui entre dans l Amazone du côté du Nord, le flux de la mer offre un phénomène fingulier. Pendant les trois jours les plus voifins des pleines & des nouvelles Lunes, temps des plus hautes marées, la mer au lieu d'employer près de fix heures à monter, parvient en une ou deux minutes à fa plus grande hauteur : on juge bien que cela ne peut fe pañler tranquillement. On entend d'une ou de deux lieues de diflance, un bruit effrayant qui annonce la Pororoca. C’eft le nom que: les Indiens de ces cantons donnent à ce terrible flot. A me- fure qu'il approche, le bruit augmente, & bien-1ôt l’on voit s'avancer une mafle d’eau de 12 à 15 pieds de haut, puis une autre, puis une troifième, & quelquefois une quatrième, qui fe fuivent de près, & qui occupent toute la largeur du canal ; cette lame chemine avec une rapidité prodigieufe, brife & rafe en courant tout ce qui lui réfifte. J'ai vû en plufieurs endroits des marques de fes ravages, de très -gros arbres déracinez, des rochers renverfez, la place d’un grand terrein récemment emporté. Par-tout où elle paffe le rivage eft net, comme s’il eüt été balayé. Les canots, les pirogues, les barques même n’ont d'autre moyen de fe garantir de la fureur de la Barre ( c'eft aïinfi qu'on nomme la Pororoca à Cayenne) qu'en mouillant dans un endroit où il y ait beaucoup de fond. J'ai examiné avec attention en divers. DES ScrENCESs. . 483 €ndroits toutes les circonftances de ce phénomène, & par- ticulièrement fur la petite rivière de Guama voiïfine du Parà. J'ai toûjours remarqué qu'il n’arrivoit que proche lembou- chüre des rivières, & lorfque le flot montant & engagé dans un canal étroit, rencontroit en fon chemin un banc de fable, ou un haut fond qui lui faifoit obftacle ; que c’étoit là & non ailleurs que commençoit ce mouvement impétueux & irré- gulier des eaux, & qu'il cefloit un peu au delà du banc, quand le canal redevenoit profond, ou s’élargifloit confidé rablement. Je fuppofe que ce banc foit à peu près de niveau à la hauteur où atteignent les eaux vives ou les marées des Nouvelles & Pleines Lunes. C’eft à fa rencontre que le cours du fleuve doit être fufpendu , par loppofition du flux de la mer qui forme un courant oppofé. C'eft-là que les eaux arrêtées de part & d'autre doivent s'élever infenfiblement tant que le courant peut foûtenir l'effort du flux, & jufqu'à ce que celui-ci l'emportant , rompe enfin la digue & déborde au delà en un inftant. On dit qu’il arrive quelque chofe d’affez femblable aux ifles Orcades, au Nord de l'Ecofle, & à l'entrée de la Garonne aux environs de Bordeaux, où l’on appelle cet effet .des marées, le Aafcaret. La crainte de ne pouvoir en cinq jours qui nous refloient, jufqu’aux grandes marées de la pleine Lune, gagner le Cap de Nord, dont nous n'étions plus qu'à quinze lieues, &c au delà duquel nous pouvions trouver un abri, fit réfoudre, malgré moi mes Indiens & leur Chef, à attendre neuf jours entiers, dans une ifle déferte, quela pleine Lune füt bien paffée. Dans cet affreux féjour je ne trouvai pas où mettre le pied à fec, ni où placer mon Quart-de-cercle aïlleurs que dans la boue. De là nous nous rendimes en moins de deux jours au Cap, que mes guides avoient craint ne pouvoir atteindre en cinq. Le lendemain, jour du dernier quartier de la Lune, & des plus petites marées, nous échouames fur un banc de vafe, & la mer en baïflant fe retira fort loin de nous. Le jour fuivant, le flux ne parvint pas jufqu’au canot. Enfin je reftai-là à fec près de fept jours, pendant lefquels l'eau nous manquant, Pppi JANVIER 1744 Sa caufe. FÉVRIER 1744 Le canot refle à fec pendans fcpt jours, FÉVRIER 174:4u Cap de Nord, fa Latitude. Variation de l'aiguille aï- mantée. Erreur dan- gereufe des Cartes, Largeur de Pembouchüre de la rivière des Amazones, 484 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALE mes rameurs, dont la fonétion avoit ceflé, n’avoient d'autre occupation que d'aller chercher fort loin de l'eau faumätre, en enfonçant dans Ja vafe jufqu'à la ceinture. Pour moi, j'eus tout le temps de répéter mes obfervations à la vüe du Cap de Nord, & de m'ennuyer de me trouver toüjours par 1 degré $ 1 minutes de Latitude feptentrionale. Mon canot enchàfié dans un limon durci, étoit devenu un obfervatoire folide. Je trouvai la variation de la Bouflole de 4 degrés Nord-Eft, à peu près la même qu'au Parà ; enfin j'eus auffr le loifir pendant une femaine entière, de promener ma vûe de toute part, fans apercevoir autre chofe que des Mangliers, au lieu de ces hautes montagnes dont les pointes font repré- fentées avec un grand détail, dans les defcriptions des côtes, jointes aux Cartes du Ælambeau de la Mer, livre traduit en toutes les langues, & qui dans le cas préfent femble plütôt fait pour égarer, que pour guider les navigateurs. Enfin, aux grandes marées de la nouvelle Lune fuivante, le commen- cement de cette même Barre fi redoutée nous remit à flot, non fans danger, ayant enlevé le canot & l'ayant fait labourer dans la vafe, avec plus de rapidité que je n'en avois éprouvé dans les courans du Pongo , au haut du fleuve que je venois de parcourir, & dont je voyois enfin l'embouchüre. Si on prend d’une part le Cap de Nord dans le continent de la Guiane, & de l’autre la pointe de Maguari dans l’ifle de Marajo, pour la mefure de la bouche de l Amazone, ce qui eft à mon avis la plus grande étendue qu'on puiffe lui donner; je trouve par mes routes & diflances , que la ligne droite tirée d’un de ces points à l'autre, eft d’un peu moins de 2 degrés +, c'eft-à-dire, près de 50 lieues de 20 au degré, Si on vouloit y comprendre la bouche de la rivière du Parà, & prendre pour mefure la diflance du Cap de Nord à la pointe de Tigioca, y auroit 10 à 1 2 lieues de plus. Cette pointe qu'on ne peut voir de celle de Maguari, n'eft placée dans ma Carte que d’après l'eflime des Pilotes, & par Ia Latitude que lui donne le routier Portugais. Ma Carte du cours de l’Amazone finifloit au Cap de Nord, mais je crus devoir la continuer jufqu'à Cayenne, D'E'SN SICNE N CHENE 486 Quelques lieues à l'Oueft du Banc des fept jours, & par la même hauteur, je rencontrai une feconde bouche de l’Ara- wari, aujourd'hui fermée par les fables. Cette bouche, & le profond & large canal qui y conduit en venant du côté du Nord, entre le continent du Cap de Nord, & les ifles qui couvrent ce Cap, font la rivière & la Baie de Vincent Pinçon, à moins que la rivière de Pinçon ne foit le Marañon même. Les Portugais du Parà ont eu leurs raifons pour {a confon- dre avec la rivière d'Oyapoc, dont l'embouchüre fous le Cap d'Orange, eft par 4 degrés 1 $ minutes de Latitude Nord, L'article du Traité d'Urecht, qui paroït ne faire de l'Oyapoc, fous le nom d'Yapoco & de la rivière de Pinçon, qu'une feule & même rivière, n'empêche pas qu’elles ne foient en effet à 50 lieues l'une de l'autre. Ce fait ne fera contefté par aucun de ceux qui auront confulté les anciennes Cartes2, & 1û les Auteurs originaux P, qui ont écrit de l'Amérique avant T'établiflement des Portugais au Bréfil. J'obfervai au Fort Fran- çois d'Oyapoc, les 23 & 24 Février, 3 degrés $ $ minutes de Latitude Nord; ce Fort ef fitué à fix lieues en remontant la rivière de même nom, fur le bord feptentrional. Enfin après deux mois de navigation par mer, & même par terre, je parle fans exagération, puifque la côte eft fi plate entre le Cap de Nord & l'ifle de Cayenne, que le gouvernail ne cefloit pas de fillonner dans la vafe, n’y ayant quelquefois pas un pied d’eau à demi-lieue au large ; J'arivai du Parà à Cayenne le 26 Février 1744. Perfonne n’ignore que ce fut en cette ifle que M. Richer de cette Académie, fit en 1 672 la découverte de l'inégalité de la pefanteur fous les diflérens Parallèles, & que fes expé- riences ont été un des premiers fondemens des Théories de M. Huygens & de M. Newton, fur la figure de la Terre. Une des raifons qui m'avoient déterminé à venir à Cayenne, étoit = Une entre autres de lArcano del Mare, publié, il. y a plus d’un fiède, pe Dudley, repréfente fort en détail le rivage occidental de l’embouchüre de Amazone jufqu'au delà du Csp de Nord, & la Baie de Vincent Pinçon , immédiatement après ce Cap. 3 # Voyez Pierre Martyr, de Orbe novo, ch, 1x de la prem. Décade,. Ppp üij de Vincent Pin- çon. Cayenne. la pefanteur, 486 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyAre l'utilité qu'il y auroit d'y répéter les expériences du Pendule ; auxquelles nous étions fort exercez, & qui fe font aujour- d’hui avec bien plus d’exaétitude qu'autrefois. J'apporte une règle d'acier, qui eft, fuivant mes obfervations, la mefure exacte de la longueur abfolue du Pendule fimple qui bat les fecondes à Cayenne; mais j'attends une beaucoup plus grande précifion de la comparaifon du nombre d'ofcillations que le Pendule à verge de métal, dont j'ai parlé, faifoit à Cayenne en 24 heures, au nombre de fes vibrations en temps égal à Paris, auffi-1ôt que je pourrai l'éprouver. Cette comparaifon donnera fort exactement la différence du Pendule à fecondes de Cayenne, au Pendule à fecondes de Paris, dont la longueur abfolue déterminée avec tant de foin, par M. de Mairan, doit autant approcher de la véritable qu'il eft permis de l'ef- : pérer en Phyfique. Ayant égard à la différence connue par obfervation entre fe Pendule de Paris & celui de Cayenne, on aura la longueur abfolue du Pendule à fecondes, à Cayenne, longueur qui peut être prife fans erreur fenfible, & à plus forte raifon celle du Pendule au Parà, pour la mefure du Pendule équinoctial. On pourroit auffi prendre pour terme fixe la longueur abfolue du Pendule obfervée à Quito, - ar différentes méthodes, & avec différens inftrumens, fur laquelle Mrs Godin, Bouguer & moi fommes d'accord, prefque dans le centième de ligne. De quelque point que lon parte, la différence du nombre d’ofcillations du même Pendule en 24 heures, à Quito, au Parà & à Paris, tirée d’une Jongue fuite d'expériences en chaque lieu, donnera Modèle d'une la mefure abfolue du Pendule équinoétial au bord de la mer; A uiv@- Ja plus propre de toutes à devenir d’un commun accord Ia Mefure commune des Nations, Eh! combien ne feroit-il pas à fouhaiter qu'il y en eût une telle, du moins entre les Mathématiciens! La diverfité des langues, inconvénient qui durera encore bien des fiècles, n'apporte-t-elle pas déjà aflez d’obftacles aux progrès des Sciences & des Arts, par le défaut d’une fuffifante communication entre les divers peuples, fans l’augmenter encore, pour ainfi dire, de propos FÉVRIER 1744 DES SCIENCES 487 délibéré, en affectant de fe fervir de différentes mefures & de différens poids, en chaque pays & en chaque lieu? tandis que la Nature nous préfente, dans la longueur du Pendule à fecondes fous l'Equateur, un modèle invariable, propre à fixer en tous lieux les poids & les mefures, & qui invite tous les Philofophes à l’adopter.. . Mon premier foin en arrivant à Cayenne, fut de difiribuer Graines de à diverfes perfonnes des graines de Quinquina, qui n’avoient Qui. alors que huit mois, pour eflayer s'il étoit poffible de réparer la perte des jeunes plantes du même arbre, dont les der- nières, que mes précautions avoient jufque-là garanties des chaleurs & des accidens du voyage, venoient d’être enlevées par un coup de Mer, qui avoit prefque fubmergé mon canot fur le Cap d'Orange. Les femences n’ont point levé à Cayenne, & je n’ofois guère m'en flatter, vû leur délicatefle, & les grandes chaleurs auxquelles elles avoient été expofées. Je n'ai pas encore eu de nouvelles de celles que j'ai fait remettre aux P P. Miffionnaires Jéfuites du haut de l'Oyapoc, dont le terrein de montagnes & le climat moins chaud que celui de Cayenne, eft beaucoup plus refflémblant à celui de Loxa, où j'avois recueilli les graines. . J'ai obfervé à la ville de Cayenne la même Latitude que M. Richer, d'environ 4 degrés $ 6 minutes vers le Nord. J'ai ie d'abord été furpris de trouver par quatre obfervations du Offevations premier Satellite de Jupiter, qui s'accordent entr'elles, la de Latirude & différence des Méridiens entre Cayenne & Paris, d'environ ne un degré moindre qu'elle n'eft marquée dans le Livre de /2: - Connoiffance des Temps. Mais j'ai fçu depuis que M. Richer n'avoit fait aucune obfervation des Satellites de Jupiter à Cayenne, & que la Longitude de cette Place n'avoit été déduite de fes autres obfervations que d’une manière très indirecte & fort fujette à erreur. Un plus grand détail n’eft propre que pour nos Affemblées particulières, non plus que celui de mes obfervations des marées, de la Déclinaifon & de Ynclinaifon de lAiguilleaimantée, faites dans 1e même lieu. Ayant remarqué que de Cayenne on voyoit fort diftinc- FÉVRIER 1744 4 Mars AVRIL 174.4 Expériences fur la vitefle du Son. Remarques "Fopographi- qques. Hauteur des montagnes & des caps, utile 488 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoyALr tement les montagnes de Courou, dont on eftimoit la diflancé de dix lieues , je jugeai que ce lieu d'où l'on pourroit aper- cevoir le feu & entendre le bruit du canon du Fort de Cayenne, feroit propre à mefurer la viteffe du Son dans un climat fi différent de Quito, où nous en avions fait plufieurs expériences. M. d'Orvilliers Lieutenant de Roi & Comman- dant de la Place, voulut bien, non feulement donnér les ordres néceffaires, mais fe fit un plaifir de partager avec moi le. travail ; M. Frefneau Ingénieur du Roi, fe chargea des fignaux d'avis, de mefurer de fon côté la vitefle du vent, & de plufieurs autres détails. De cinq expériences faites le yer & le 2 Avril, & dont quatre s'accordent dans la demi- feconde, fur un intervalle de 1 10 fecondes de temps, la diftance fut géométriquement conclue de 20230 toifes, par une fuite de triangles liez à une bafe de 1900 toifes aétuel- lement mefurée deux fois, fur une plage unie, & le moyen réfultat me donna pour la vitefle du fon, déduction faite de la vitefle du vent, 1 83 toifes & demie par feconde, au lieu de 175 que nous avions trouvées à Quito. La pièce de canon qui fervit à ces expériences, étoit de douze livres de balle, La vitefle du vent qui étoit foible, a été eftimée moyenne entre les mefures qui ont été prifes à Cayenne & à Courou, & il eft poffible que dans l’efpace intermédiaire de huit lieues, la vitefle du vent ait été différente de l’eftime. Il eft bien difficile de remédier à cet inconvénient dans les expériences faites à de grandes diftances. Je tirai parti des angles que j'avois déjà mefurez, & des diftances conclues, pour déterminer géométriquement da pofition de trente où quarante points, tant dans f'ifle de Cayenne, que dans le Continent & fur la Côte; entr'autres celle de quelques iflots & rochers, & particulièrement de celui qu'on nomme le Comnétable, qui fert de point de recon- noiflance aux vaifleaux. Je pris aufli les angles d’élévation des Caps & des Montagnes les plus apparentes de l'ifle & du continent. Leur hauteur bien connë8 fourniroit aux Pilotes un moyen beaucoup plus für que celui de l'eftime, pour connoître D} ru SES UC LE NE UE). 48 connoître à la vüe des terres, fans calcul & à l’aide d’une fim ple Table, la diflance où ils font d'une Côte. On ne fçait que trop combien il importe de le fçavoir exaétement dans les aterrages. Ce n’eft pas le feul fecours que la Géométrie offre aux Marins, & dont ils ont négligé jufqu'ici de faire ufage. Dans une autre tournée que je fis encore avec M. d'Orvil- liers hors de l'ifle, en remontant quelques rivières du conti- nent, nous mefurames leurs détours par routes & diftances, & j'obfervai quelques Latitudes. Ce font autant de matériaux qui, avec les principaux points que j'avois déjà déterminez, pourront fervir à faire une Carte exacte de cette Colonie, dont nous n'avons jufqu'ici aucune qui mérite ce nom. Pendant mon féjour à Cayenne, j'eus la curiofité d’effayer fi le venin des flèches empoifonnées, que je gardois depuis plus d'un an, conferveroit encore fon activité, & en même temps fi le fucre étoit effectivement un contre-poifon auffi efficace qu'on me l'avoit afluré. L'une & l’autre expérience furent faites en préfence du Commandant de la Colonie, de plufieurs Officiers de la garnifon & du Médecin du Roi. Une poule légèrement bleflée, en lui foufflant avec une far- bacane une petite flèche, dont la pointe étoit enduite du venin il y avoit au moins treize mois, a vécu un demi- quart d'heure; une autre piquée dans l'aïle avec une de ces mêmes flèches, nouvellement trempée dans le venin délayé avec de l'eau, & fur le champ retirée de la plaie, parut s’af foupir une minute après ; bien-tôt les convulfions fuivirent, & quoiqu'on lui fift avaler du fucre, elle expira. Une troi- fième piquée au mêmeendroit avec la même flèche retrempée dans le poifon, ayant été fecourue à l'inftant avec le même remède, ne donna aucun figne d'incommodité. J'ai refait les mêmes expériences à Leyden en préfence de plufieurs * célè- bres Profefieurs de la même Univerfité, le 23 Janvier de cette année. Le poifon dont la violence devoit être rallentie par le long temps & par le froid, ne fit fon effet qu'après cinq ou fix minutes ; mais le fucre fut donné fans fuccès. La * M" Muffenbroek, Vanfvieten, Albinus, Men. 1745. Qqq AVRIL 174 4e à connoître aux Marins, Projet de Carte des environs de Cayenne, Expériences fur les flèches empoifonnées, 90 MEMOIRES DE L’'ACADEMIE RoYALE = poule qui l'avoit avalé, parut feulement vivre un peu plus Juin P , PAR TTIANE PA: 1744, long-temps que l'autre ; l'expérience ne fut pas répétée, Ce poifon eft un extrait fait par le moyen du feu, des fucs de diverfes plantes, & particulièrement de certaines lianes: on affure qu’il entre plus de trente fortes d'herbes ou de racines dans le venin fait chez les Zicunas, celui dont j'ai fait l'épreuve, & qui eft le plus eftimé entre les diverfes efpèces connues le long de la rivière des Amazones. Les Indiens le compofent toûjours de la même manière, & fuivent à la lettre le procédé qu'ils ont reçu de leurs ancêtres, aufli fcrupuleufement que les Pharmaciens parmi nous procèdent dans la compofition folemnelle de la Thériaque ; quoique probablement cette grande multiplicité d'ingrédiens ne foit pas plus néceffaire dans le poifon Indien, que dans l'antidote d'Europe. Réflexion. On fera fans doute furpris, que chez des gens qui ont à leur difpofition un moyen auffi für & auffi prompt, pour fatisfaire leurs haïnes, leurs jaloufies & leurs vengeances, un poifon auffi fubtil ne foit funefte qu'aux finges & aux oifeaux des bois. Il eft encore plus étonnant, qu'un Miffionnaire, toûjours craint & quelquefois haï de fes Néophytes, envers lefquels fon miniftère ne lui permet pas d’avoir toutes les complaifances qu’ils voudroient exiger de lui, vive parmi eux fans crainte & fans défiance. Ce n’eft pas tout, ces gens fi peu dangereux, font des hommes fauvages, & le plus fou- vent fans aucune idée de Religion. Joinres Ayant appris à Cayenne le fait merveilleux & toûjours 1744. NOUVEAU, de la multiplication par mutilation, des Polypes d'eau Polypés de douce, découvert par M. Trembley, je fis quelques épreuves mer. fur de grands Polypes de mer fort communs fur cette Côte. Mes premières tentatives ne me réuflirent pas, & le dérange- ment de ma fanté m'empêcha de les répéter, comme je me le propolois. J'avois vû partir de Cayenne fept ou huit vaiffeaux mar- chands pour France, fans ofer m'y embarquer, dans la crainte d’expofer le fruit de mon travail à la difcrétion du premier . Retardemert Corfaire. Près de cinq mois d'attente, fans voir arriver le à Cayenne. D'E sh SC TEUN € ES 497 vaiffeau du Roi qu'on attendoit, & fans y recevoir de nouvelles OT de France, dont j'étois privé depuis cinq ans, avoient fait fur ne ji moi plus d'impreflion, que neuf années de voyage & de fatigues. Je fus attaqué d’une maladie de langueur, & d’une jaunifle dont le remède le plus efficace pour moi, fut la réponfe extrêmement polie que je reçus de M. Mauricius, Gouverneur de la Colonie Hollandoïfe de Suriname, à qui J'avois écrit fans le connoître, pour le confulter fur les moyens d'aflurer mon retour en Europe ; il m'offroit fa maifon, le choix d’un embarquement pour la Hollande, & un pañleport, même en cas de rupture entre Ja France & les Etats Généraux. Je ne perdis pas un moment, & après un féjour de fix mois à Cayenne, j'en partis convalefcent le 22 Août 1744, fur _ Départ de « 1 QTE . . Cayenne pour le canot du Roi, que M. d'Orvilliers voulut bien me donner same pour me conduire à Suriname, avec un Sergent de la gar- nifon pour guide, qui ne commandoit qu'aux rameurs. Auffi ce voyage fut-il plus court que celui du Parà à Cayenne. Je -warrêtai en chemin que le temps néceflaire pour rendre complet l'équipage du canot ; ce que je dûs à la faveur du P. Jéfuite Miffionnaire de Séramari, malgré le bruit d’une contagion imaginaire à Suriname, qui avoit effrayé & dif- perfé fes Indiens. En déduifant le temps des féjours volon- taires & forcez, je fis en foixante & quelques heures le trajet de Cayenne à la rivière de Suriname, où j'entrai le 27. Le 28 je remontai la rivière pendant cinq lieues, & jeme Arrivée à Pa- rendis à Paramaribo capitale de la Colonie Hollandoife, dont bo le Gouverneur enchérit par les effets fur fes offres obligeantes. J'y obfervai la Latitude de $ degrés 49 minutes Septentrio- Latitude. nale, & j'y fis quelques autres obfervations pendant les cinq jours que j'y féjournai ; je m embarquai le 3 de Septembre , CONTE pour Amfterdam fur une Flûte de quatorze canons qui n’avoit 1744 que douze hommes d'équipage. Le vaifleau le plus prêt à Embarque- partir fut le meïlleur pour moi. Eee Le 29 le mauvais temps me difpenfa fort heureufement de Rencontre manifefter mon paffeport à un Corfaire Anglois, qui l'auroit Ce apparemment peu refpecté, puifque malgré notre pavillon "*"" Qgqq ï 492 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE BEF Hoilandois il nous lâcha de prime abord toute fa bordée à 1744. boulet, pour nous faire mettre notre chaloupe à la mer. Le “Rencontre 6 Novembre à l'entrée de /a Manche, & par un auffi gros En temps, un Corfaire de Saint - Malo nous fit la même pro- pofition, mais plus poliment ;. & s'étant approché à portée de la voix, après bien des queftions, il fe contenta enfin de l'aflurance que je lui donnai, en me faifant connoître, qu'il perdoit fon temps avec nous. Le 1 3 en paflant fous Calais, je ne püs obtenir de notre Capitaine qu’il me débarquät dans un bateau de Pêcheur, quoiqu'il l'eüt promis au Gouverneur de Suriname. Le 1 6 nous étions à l'entrée du paflage de Zexel. Nous y embarquames un Pilote côtier, pour nous conduire Danger. au port d'Amfterdam : mais obligez de fuir Ja terre que nous cherchions, nous errames pendant les quinze jours les plus courts de l’année, & par des brouillards continuels, toüjours la fonde à la main, dans une mer remplie de bas-fonds &. d'écueils. Nous vimes une nuit les feux de Scheveling, qui ne s’aperçoivent guère impunément ; nous reconnumes enfin la Terre de Vhe-land, tandis que nos Pilotes fe jugeoient par Arrivée à Jeux eftime à la vûe de Texel. Le 30 Novembre au foir, je Brferm débarquai à Amfterdam, où j'ai féjourné & à la Haye plus de Décemsre deux mois, en attendant les pafleports qui m'étoient nécef- 1744: faires pour traverfer avec füreté les Pays-Bas. Je fuis redevable Janvier de ceux d'Angleterre, à la politefle de M. Trevor, Miniftre 1745. de cette Couronne, qui les accorda fans difficulté à M. Abbé Février de la Ville, Miniftre de France; & j'ai dû ceux du Miniftre 1745: dela Reine de Hongrie, aux foins officieux de M. le Comte de Bentink. Enfin le 2 3 Février de cette année, je fuis arrivé Anvivéeà Paris. à Paris, d’où j'étois parti le 14 Avril 173 $, bien éloigné de prévoir que mon voyage dureroit dix ans. à à le FE CA # LC T L Fa î Ÿ . Ÿ RE DES AMAZONES ANE depuis le Cap de Nord, jusquà Essequebe able vers lendrotoù on à commencé à décrire cette Rinire. ET RÈNE LL Longitude Occidental: duMericen de l'Observatoire deRyr. GNDelahaye, fulpeu Mem. de Lac. des Se. an.1749 . pl VIL. p.492. YALE e fa bordée à à la mer, Le In auf gro même ne ché à portée Nta enfin de noître, qu xl us Chi r. = + Mem. de Lie. der Se CARTE Dv Cours Du MARAGNONOUDELA GRANDE RIVIERE DES AMAZONE rer GUANE dep) r Dans sa parue navigable depuis Jaen de Bracamoros Jusqu'à son Embouchure etqui comprend la Province &æQ QuIT0, etla Côte de la E depuis le Cap de Nord jusqu'a Essequebe Levée en 1743 et1744 et assuJette aux Observations Astronomiques pa M.DE LA CONDAMINE de lcd, Augmente du Cours de la RoieNoire etdutres détails tirés de divers Memoires ethoutiers manuserds deVoyagars moderne = ——— = Fo 65 PARTIE DE L'AMERIQUE Longitude Occidentals duMeridien de l'Observatoire deParrs | | quât dans un TU UNT. | = . : À ] Uverneur de 1 VI E R TITDIONALE ge de 7> R] Se Texel. Liues Marine us conduire - = TE Que nous S's | urs Jes plus L | deNorc ls, toüjours s Portugais du Para ontremont'ent 3 $ PA | »as-fonds & du Lonnoque ing, quine . nes enfin la 7\ 330 Le e PE . : Juan geoïent par À LIGNE PORTUE À jo apar WachranaT = au foir, je RE PE Gage 5 # e plus de DS. A icdes Toanes hr >ient nécef- \ dure | : è is redevable L\ >r, Miniftre L Es à M. l'Abbé du Miniftre À 4 ÿ | 4 M El s I. Je Comte hs N < Z ê FurfS S'TT e füis arrivé & #5 Rares EN À ï f 5] | AP y $ k N “ [4 1 éloigné de F pi À à Ê +) À ès É)° 46 # o VS Ra 4 19 Ps P\o RÊôT G $ | Ÿ Ÿ p9 76 [Vues a louer deparis # 0 | e cours de laRriere selon la Carte du P SamuelPrie-Jerurte, estiet racép ar des points, ovpartant également duMéridien deJaen de Bracamer vue dubai plus remarquable Léndrou oi on à commencé à décrire cette Rire Re Mom.de Lac.des Se 17g 5 page 49 29 PLX. f / NGO DE MANSERICHE ERE DES ÂAMAZONES Porja, p Thiseé æ 29 Tozdes FA 2 re lac/arrive devantBorsa er 57 Minutes, les 1rres urnes, Se lrou PotË le Raoeau 7e 2000 | Le) ee TL DNA CPR BORTA T4 (Re “a+t-Ville et Mission Espagnole, ER. a. a - nr. de Lie f. =: À x Re = Mn. de Lie. des Se 174 6 page 492, PL CARTE pu DETROIT 4rre1z LE PONGO pr MANSÉRICHE DANS LE MARAGNON ouLzA RIVIERE DEs AMAZONES | entre Sant -Ilago et Porja, ou le lit du te a AU Te 425 Toises Du poirit du depart lRadean abandonne ae Gnetnt Les Hinutarcemprle at rurnqueé eut leu ch suivnt lestune Echelle de 2000 Toises 300 2000 a Plan du Rad | mais: S'creiMonsnNn 40 R EŒDEXIONS OUR. -LAWBOUI) DE E'ATTR ACT LON Par M. DE BurFFon. E mouvément des Planètes dans leurs orbites eft un mouvement compofé de deux forces : la première eff une force de projection dont l'effet s’exerceroit dans 1a tan- gente de l'orbite, fi l'effet continu de la feconde cefloit un inflant ; cette feconde force tend vers le Soleil, & par fon effet précipiteroit les Planètes vers le Soleil, fi la première force venoit à fon tour à ceffer un feul inftant. La première de ces forces peut être regardée commé une impulfion dont l'effet eft uniforme & conftant, & qui a été communiquée aux Planètes dès la création; la feconde peut être confidérée comme une attraction vers le Soleil, & fe doit mefurer, comme toutes les qualités qui partent d’un centre, par la raifon inverfe du quarré de la diftance, comme en effet on mefure les quantités de lumière, d’odeur, &c. & toutes les autres quantités ou qualités qui fe propagent en ligne droite & {e rapportent à un centre. Or il eft certain que l'attraction fe propage en ligne droite, puifqu'il n’y a rien de plus droit qu'un fil à plomb, & que tombant perpen- diculairement à la furface de la Terre, il tend directement au centre de la force, & ne s'éloigne que très-peu de 1a direction du rayon:au centre. Donc on peut dire que la loi . de Fattraétion doit être la raifon inverfe du quarré de Ia dif tance, uniquement parce qu'elle part d'un centre ou qu'elle y tend, ce qui revient au même. Mais comme ce raifonnement préliminaire, quelque bien fondé que je le croie, pourroit être contredit par les gens qui font peu de cas de la force des analogies, & qui ne font accoü- tumez à fe rendre qu'à des démonfhrations mathématiques ; Qqa ii 494 MrMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLr M. Newton a cru qu'il valoit beaucoup mieux établir Ja loi de l'attraétion par les phénomènes mêmes, que par toute autre voie, & il a en effet démontré géométriquement, que fi plufieurs corps fe meuvent dans des cercles concentriques, & que les quarrés des temps de leurs révolutions foient comme les cubes de leurs diftances à leur centre commun, les forces centripètes de ces corps font réciproquement comme les quarrés des diflances; & que fi les corps fe meuvent dans des orbites peu différentes d’un cercle, ces forces font auffi réciproquement comme les quarrés des diftances, pourvû que les apfides de ces orbites foient immobiles. Ainft les forces par lefquelles les Planètes tendent aux centres ou aux foyers de leurs orbites, fuivent en effet la loi du quarré de la diftance, & la gravitation étant générale & univerfelle, la loi de cette gravitation eft conftamment celle de la raifon inveïfe du quarré de la diftance, & je ne crois pas que per- fonne doute de a loi de Képler, & qu'on puifle nier que cela ne foit ainfi pour Mercure, pour Vénus, pour la Terre, pour Mars, pour Jupiter & pour Saturne, fur-tout en les confidérant à part & comme ne pouvant fe troubler les uns les autres, & en ne faifant attention qu’à leur mouvement autour du Soleil. Toutes les fois donc qu'on ne confidérera qu’une Planète, ou qu'un fatellite fe mouvant dans fon orbite autour du Soleil ou d’une autre Planète, ou qu'on n'aura que deux corps tous deux en mouvement, où dont l'un eft en repos & l'autre en mouvement, on pourroit affurer que la loi de l’at- traction fuit exaétement la raifon inverfe du quarré de Ja diftance, puifque par les obfervations da loi de Képler fe trouve vraie, tant pour toutes les Planètes principales, que pour les fatellites de Jupiter & de Saturne. Cependant on pourroit dès ici faire -une objection tirée des mouvemens de la Lune, qui font irréguliers, au point que M. Halley l'appelle Sidus contumax, & principalement du mouvement de fes apfides, qui ne font pas immobiles comme le demande la fuppofition géométrique fur laquelle eft fondé le réfultat D'iEuS HS CU LE (NX G MB @ 5 qu'on a trouvé de la raifon inverfe du quarré de la diftance pour la mefure de la force d'attraction dans les Planètes. A cela il y a plufieurs manières de répondre; d’abord on pourroit dire que la loi s’obfervant généralement dans toutes les autres Planètes avec exactitude, un feul phénomène où cette même exactitude ne fe trouve pas, ne doit pas détruire cette loi, on peut le regarder comme une exception dont on doit chercher la raifon particulière. En fecond lieu on pour- roit répondre, comme l'a fait M. Côtes, que quand même on accorderoit que la loi d'attraction n'eft pas exaétement dans ce cas en raifon inverfe du quarré de Ia diflance, & que cette raifon eft un peu plus grande, cette différence peut s'eftimer par le calcul, & qu'on trouvera qu'elle eft prefque infenfble, puifque Ia raifon de la force centripète de la Lune qui de toutes eft celle qui doit être la plus troublée, appro- che 60 fois plus près de la raifon du quarré que de la raifon du cube de fa diflance: Refponderi poteff etiamfi concedamus hunc motum tardiffimum exinde profedlum quèd vis centripetæ proportio aberret aliquantulim à duplicata, aberrationem illam per computum mathematicum inveniri poffe, à plaié infenfibilem effe; ifla enim ratio vis centripetæ lunaris, quæ omnium maxime turbari debet, paululim quidem duplcatam fuperabit ; ad hanc verd fexaginta ferè vicibus propids accedet quäm ad triplicatam. Sed verior erit refponfio, &rc. Editoris praf. in edit. 24" Newtoni, Aucore Roger Côtes. Et en troifième lieu on peut répondre avec M. Newton, que ce mouvement des apfides ne vient point de ce que a loi d’attration eft un peu plus grande que dans 1a raifon inverfe du quarré de la diflance, mais de ce qu’en effet le Soleil agit fur la Lune par une force d'attraction qui doit troubler fon mouvement & produire celui des apfides, & que par conféquent cela feul pourroit bien être la caufe qui empêche la Lune de fuivre exactement la règle de Képler, M. Newton a donc calculé dans cette vüe les effets de cette force perturbatrice, & il a tiré de fa théorie les équations & les autres mouvemens de fa Lune avec une telle précifion,, 496 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoraLe qu'ils répondent très-exaétement & à quelques fecondes près, aux obfervations faites par les meilleurs Aftronomes : mais pour ne parler que du mouvement des apfdes, il fait fentix dès la 45° propofition du premier Livre, que la progreffion de l'apogée de la Lune vient de l’action du Soleil; en forte que jufqu'ici tout s'accorde, & fa théorie fe trouve auff vraie & aufli exaéte dans tous les cas les plus compliquez, comme dans ceux qui le font le moins. Cependant M. Clairaut prétend avoir reconnu que Îa quantité abfolue du mouvement de l'apogée ne pouvoit pas fe tirer de fa théorie de la gravitation telle qu'elle eft établie par Newton, parce qu'en employant les loix de cette mème théorie, on trouve que ce mouvement ne devroit s'achever u’en dix-huit ans, au lieu qu'il s'achève en neuf ans. Malgré l'autorité de M. Clairaut, je fuis perfuadé que la théorie de M. Newton s'accorde avec les obfervations; je n'entrepren- drai pas ici de faire l'examen qui feroit néceffaire pour prouver qu'il n'eft pas tombé dans l'erreur qu’on lui reproche, je trouve qu'il eft plus court d’afiurer la loi de l'attraétion telle qu'elle eft, & de faire voir que la loi que M. Clairaut veut fubflituer à celle de Newton, n’eft qu'une fuppofition qui implique contradiction. Car admettons pour un inftant ce que M. Clairaut prétend avoir démontré, que par la théorie de l'attraétion mutuelle Je mouvement des apfides devroit fe faire en dix-huit ans, au lieu de fe faire en neufans, & fouvenons-nous en même temps qu'à l'exception de ce phénomène, tous les autres, quelque compliquez qu'ils foient, s'accordent dans cette même théorie très-exactement avec les obfervations : à en juger d’abord par les probabilités, cette théorie doit fubfifter, puifqu'il y a un nombre très- confidérable de chofes où elle s'accorde par- faitement avec la Nature, qu’il n’y a qu'un feul cas où elle en diffère, & qu'il eft fort aifé de fe tromper dans l'énumé- ration des caufes d'un feul phénomène particulier : il me paroît donc que la première idée qui doit fe préfenter, eft qu'il faut chercher la raifon particulière de ce phénomène fingulier, DES SCIENCES 9 fmgulier, & il me femble qu'on pourroit en imaginer quef- qu'une, par exemple, fi la force magnétique de la Terre pouvoit, comme le dit Newton, entrer dans le calcul , on trouveroit peut -être qu'elle influe-fur fe mouvement de Ja Lune, & qu'elle pourroit produire cette accélération dans le mouvement de l'apogée, & c’eft dans ce cas où en effet il faudroit employer deux termes pour exprimer la mefure des forces qui produifent le mouvement de fa Lune, Le pre- mier terme de l'expreffion feroit toüjours celui de Ja loi de Yattraction, c'efl-à-dire, la raifon inverfe & exacte du quarré de Ia diflance, & le fecond terme repréfenteroit la mefure de la force magnétique. Cette fuppoñition eft fans doute mieux fondée que celle de M. Chiraut, qui me paroît beaucoup ‘plus hypothétique, & fujette d'ailleurs à des difficultés invincibles : exprimer la loi d'attraction par deux ou plufieurs termes, ajoûter à Ja raifon inverfe du quarré de la diftance une fraction du quarré quarré, au lieu de — mettre — + —, me paroît n'être autre chofe que d'ajufer une expreffion de telle façon qu'elle correfponde à tous les cas: ce n’eft plus une loi phy- fique que cette expreffion réprélente, car en fe permettant une fois de mettre un fecond , un troifième, un quatrième terme, &c. on pourroit trouver une expreflion qui dans toutes les loix d'attraction repréfenteroit les cas dont il s'agit, en l'ajuftant en même temps aux mouvemens de l'apogée de la Lune & aux autres phénomènes ; & par conféquent cette fuppofition, fi elle étoit admife, non feulement anéantiroit la loi de l'attraction en raifon inverfe du quarré de Ja dif- tance, mais même donneroit entrée à toutes les loix pofii- bles & imaginables: une loi en Phyfique n’eft Loi que parce que fa mefure eft fimple, & que l'échelle qui {a repréfente eft non feulement toûjours Ia même, mais encore qu'elle eft unique, & qu'elle ne peut être repréfentée par une autre échelle ; ‘or toutes les fois que l'échelle d’une loi ne fera pas repréfentée par un feul terme, cette fumplicité & cette unité Mem: 1 745. Rrr- 498 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe d'échelle qui fait l'eflence de {a loi, ne fubfifte plus, & par conféquent il n’y a plus aucune loi phyfique. Comme ce dernier raifonnement pourroit paroître n'être que de la Métaphyfique, & qu'il y a peu de gens qui la fçachent apprécier, je vais tâcher de le rendre fenfible en m'expliquant davantage. Je dis donc que toutes les fois qu'on voudra établir une loi fur l'augmentation ou la diminution d’une qualité ou d’une quantité phyfique, on eft flriétement aflujéti à n'employer qu'un terme pour exprimer cette loi: ce terme eft la repréfentation de la mefure qui doit varier, comme en effet la quantité à mefurer varie ; en forte que fi la quantité, n'étant d'abord qu’un pouce, devient enfuite un pied, une aune, une toife, une lieue, &c. le terme qui l'exprime devient fücceflivement toutes ces chofes, ou plütôt les repréfente dans le même ordre de grandeur, & il en eft de même de toutes les autres raifons dans lefquelles une quantité peut varier. De quelque façon que nous puiffions donc fuppofer qu'une qualité phyfique puifle varier, comme cette qualité eft une, fa variation fera fimple & toûjours exprimable par un feul terme qui en fera la mefure; & dès qu'on voudra employer deux termes, on détruira l'unité de la qualité phyfique ; parce que ces deux termes repréfenteront deux variations différentes dans la même qualité, c’eft-à-dire, deux qualités au lieu d’une: deux termes font en effet deux mefures, toutes deux variables & inégalement variables, & dès-lors elles ne peuvent être appliquées à un fujet fimple, à une feule qua- lité; & fi on admet deux termes pour repréfenter l'effet de la force centrale d'un aftre, il eft néceflaire d’avouer qu'au fieu d’une force ïl y en a deux, dont l’une fera relative au premier terme, & l'autre relative au fecond terme, d'où Von voit évidemment qu'il faut dans le cas préfent, que M. Clairaut admette néceflairement une autre force différente de l'attraction, s'il emploie deux termes pour repréfenter l'effet total de la force centrale d’une Planète. Je ne fçais pas comment on peut imaginer qu'une loi + DES SCIENCES! 499 phyfique, telle qu'eft celle de attraction, puiffe être expri- mée par deux termes par rapport aux diftances , ea s'il y avoit, par exemple, une maffe 47 dont la vertu 'attraétivé A . 1 za b » CE si1! fût exprimée par —— + ——, n'en réfultéroit-il pas fe xx + l même effet que fi cette mafle étoit compofée de deux ma- tières différentes, comme, par éxemple, de — M, dont la 2 loi d'attraétion füt exprimée par © & de 4f dont LE 2 » e. A b A Yattraction fût —, cela me, paroît abfurde? Mais indépendamment de ces impofübilités qu'implique la fuppofition de M. Clairaut, qui détruit auffr unité de loi fur laquelle eft fondée fa vérité & la belle fimplicité du fyflème de Newton, cette fuppofition fouffre bien d’autres difficultés que M. Clairaut devoit, ce me fémble, fe propofer avant que de l’admettre, & commencer au moins par exa- miner d’abord toutes les caufés particulières qui pourroïént produire le même effet. Je fens que fi j'eufle réfolu, comme M. Clairaut, le problème des trois corps, & que j'eufle trouvé que h théorie de la gravitation ne donne en effet que la moitié du mouvement de l'apogée, je n’en aurois pas tiré la conclufion qu'il en tire contre la loi de l'attraction; auffi eft-ce cette conclufion que je contredis, & à laquelle je ne crois pas qu'on foit obligé de foufcrire, quand même M. Clairaut pourroit démontrer l’infufffance de toutes les autres caufes particulières. 7 M. Newton dit page 547, tome 3 :-Zn his computationibus attracTionem magneticam terræ non confideravi, cujus itaque quan titas perparva eff à ignoratur; f? quando vero hæc attralio in- vefligari poterit, à Menfura graduum in meridiano, ac longitudines pendulorum ifochronorum in diverfis parallelis lege[que motuum maris à parallaxis Lunæ cum diametris apparentibus Solis à Lune ex phænomenis accuratids determinatæ fuerint, licebit cal- culum hunc omnem accuratids repetere. Ce paflage ne prouve-t-il pas bien clairement que Newton n'a pas prétendu avoir fait Rrrij 5oo MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE l'énumération de toutes les caufes particulières, & n'indique- t-il pas en effet que fi on trouve quelques différences avec fa théorie & les obfervations, cela peut venir de la force magnétique de la Terre, ou de quelqu'autre caufe fecondaire, & par conféquent fi le mouvement des apfides ne s'accorde pas auffi exactement avec fa théorie que le refle, faudra-t-if pour cela ruiner fa théorie par le fondement en changeant la loi? ou plûütôt ne faudra-t-il pas attribuer à d’autres caufes cette différence qui ne fe trouve que dans ce feu phéno- mène ? M. Clairaut propofe une difficulté contre le fyftème de Newton, mais ce n’eft tout au plus qu'une difhculté qui ne doit ni ne peut devenir un principe, il faut chercher à la réfoudre, & non pas en faire une théorie, dont toutes les conféquences ne font appuyées que fur un calcul; car, comme je l'ai dit, on peut tout repréfenter avec un calcul, & on ne réalife rien; & fi on fe permet de mettre un ou plu- fieurs termes à la fuite de l’expreffion d’une loi phyfique, comme l'eft celle de l'attraétion, on ne nous donne plus que de l'arbitraire au lieu de nous repréfenter la réalité, Au refte il me fuffit d'avoir établi dans ce Mémoire les raifons qui me font rejeter la fuppofition de M. Clairaut, celles que j'ai de croire que bien-loin qu'il ait pü donner atteinte à la loi de attraction & renverfer l'Aftronomie phyfique, elle me paroït au contraire demeurer dans toute fa vigueur, & avoir des forces pour aller encore bien loin, & cela fans que je prétende avoir dit à beaucoup près, tout ce qu'on peut dire fur cette matière , à laquelle je defirerois qu'on donnit fans prévention toute l'attention qu'il faut pour la bien juger. à AN, LE DES SCIENCES. so OBSERVATIONS ASTRONOMIQUES FAITES AU COLLEGE MAZARIN pendant l'année 1745. Par M. l'Abbé DE LA CAILLeE. fl ES Obfervations fuivantes ont été faites avec 1e même quart-de-cercle & la même pendule que celles des deux années précédentes. A HTC LES CL Obfervation du Soleil, de Saturne 7 de Mars, pour déterminer la Conjonétion de ces deux Planêtes, à leur Oppofition au Soleil. Le 18 Mars 1745, midi vrai à la pendule par dix hauteurs corref. PORGARÉES, ae PANNE A oh, 9° 40" 20 Paffage de Saturne au méridien par neuf hauteurs " correfpondantes, a}. Mgr. ki see nes 12% 1329 20 Hauteur mérid. apparente. 444 8° 30. Paflage de Mars au méridien par vingt hauteurs rente après leur périhélie, de celles qu’elles décrivent avant » que d'y être arrivées, & le mouvement de leurs apfides étant » néceflairement dans cette fuppofition beaucoup plus grand DES SCIENCES : que celui de la Lune, tout ce que Halley & Newton ont « établi du retour périodique des Comètes en temps égaux, « ne devient-il pas une chimère ? Et comment répondre non « pas à l'argument des Comètes à venir, mais à celui que « fournit le retour périodique en temps égaux des Comètes « paffées, comme de celle de r682 qui a déjà paruen 1537, « en 1607 & en 1682, & qu'on attend en 1758, & celle « du temps de Jules Céfar qui a paru quatre fois, & dont les « . retours fe font faits en temps égaux. » N En appréciant les chofes par les principes mathématiques qu’on ne doit jamais perdre de vüe dans ces matières, il eff tout auffi facile de répondre à cette objection qu’à la première. I! fuffit pour cela d'examiner dans le cas de la Comète de #680, la plus voifine du Soleil de toutes celles qu’on a ob fervées, à combien peut monter Îa différence qui doit être entre la loï du quarré & celle que j'y veux fubftituer : voict ce qui réfulte du calcul que j’en ai fait. Je fuppofe avec M. de: Buffon, que la Comète ait approché deux fois plus du difque: du Soleil que Ja Lune de la Terre; & je dis que fi je ne trouve. à {a diftance de la Lune que + de différence entre les deux loix, c’eft affez accorder pour l'augmentation de la différence: de ces loix, à une diflance fous-double, que de prendre 1. pour cette différence. Je dis enfüuite que quoique la Comète: de 1680 ait approché du difque du Soleil d'environ + de- fon rayon, il ne faut pas pour cela qu'on regarde toutes les. parties du Soleil comme également voifines de la Comète lorfqu’on cherche la force totale avec laquelle elle tend au- Soleil. H faut avoir égard aux diftances à toutes les particules: du Soleil, & prendre par le moyen du calcul intégral, fa: fomme de toutes les forces : le calcul fait dans la fuppofition: que là force, jointe à celle qui fuit la loi du quarré, foit celle: qui dépend du quarré quarré, hypothèfe que j'ai prife pour: donner une idée de la vraie loi, Je trouve que la force totale: du Soleil fur la Comète de 1680, dans fon périhélie, ne: devoit différer que de == de ce qu’elle feroit dans la loi du: quarré, Or fi lon confidère ce que peut faire cette altération: 536 MEMOIRES DE L'AÂACADEMIE ROYALE : pendant la partie du cours de la Comète où elle agit, on verra que les obfervations font bien éloignées de nous prouver que ce petit dérangement n’a pas eu lieu. Quant au retour de cette Comète, on voit bien qu'il ne fait rien à la loi d'attraction, puifque ces retours n'ont été connus que par l'Hifloire, & que de telles objections ne pourroient avoir.de force contre mon hypothèle, que dans le cas où la loi du quarré feroit la feule qui donnät des périodes réglées aux aftres. Les retours des autres Comètes que M. de Buffon cite en même temps, font encore plus étrangers à la queftion; & quant aux Comètes à venir, j'attendrai qu'elles viennent pour. examiner ce qu'elles feront à ma loi, auffi-bien qu'au fyftème entier de l'attraction, car eîles pourront nous apprendre des faits très-importans. Les Auteurs qui établifient des fyflèmes fur des raifons vagues, peuvent tout perdre par des obferva- tions nouvelles, mais ceux qui font partis de principes ma- thématiques, n'ont jamais travaillé en vain, fors même que les obfervations viennent à détruire leurs fuppofitions; ils ont toûjours le moyen d'employer leurs premières recher- ches à la découverte de nouvelles vérités. M. de Buffon dit en troifième lieu : « Si on ajoûte un terme. à celui de la raifon inverfe du quarré de la diftance, & que ce. terme foit celui qui convienne pour le mouvement de f'apo- gée de la Lune, ne faut-il pas qu'il convienne aufli au mou- vement d’aphélie de Saturne, & en même temps au repos d'aphélie des autres planètes ; & pour peu que ce terme foit confidérable, c’eft-à-dire, pour peu que la loi d'attraétion füt: un peu plus grande que la raifon inverfe du quarré de la diftance, les planètes voifines du Soleil n’auroient-elles pas un mouvement confidérable d'aphélie, ce qui eft contraire aux obfervations? Et fi M. Clairaut répond que le terme fera fr petit qu'il deviendra comme nul pour les aphélies des planètes, à caufe de leurs diftances au Soleil, qui font beaucoup plus grandes que celle de la Lune à la Terre, il faut donc qu'il con- vienne en même temps que cette force ne doit point influer. dans DES S'C'TE'N'C'ErS 37 dans le mouvement de Saturne, & en même temps qu'il nous « apprenne pourquoi l’on n’a pas obfervé aux fatellites de Jupiter « & de Saturne des mouvemens d’apfides très-confidérables. » Pour cette objection, j'avoue que je fuis étonné que M. de Buffon l'ait faite après Ja leélure de mon Mémoire; car ayant” expreflément dit que ce terme ajoûté à celui du quarré, ne produifoit à la diftance de Mercure au Soleil, qu'une diffé- rence fi petite qu'elle devoit avoir échappé aux obfervations faites jufqu'à préfent , il ef bien clair que l'effet du même terme doit être encore bien moins fenfible à la diflance des autres planètes, M. de Buffon demande f Je conviens que ce terme en queflion ne doit point influer dans le mouvement de Saturne, aflurément j'en conviens ; mais pourquoi veut-il que j'en convienne, eft-ce pour m'ôter les moyens d’expli- quer les dérangemens de Saturne? Je ne prétends employer que la force de Jupiter pour ce phénomène, & fi Ë lorfque J'aurai comparé ma théorie aux obférvations, je ne les trou- Vois pas d'accord, on n’en reconnoîtroit que mieux J'utilité de mes principes, puifque j'en aurois tiré encore un autre moyen de prouver que da force qui fuit la loi du quarré, n’eft pas la feule qui agiffe fur les planètes. Abandonnant alors l'efpé- rance de tout expliquer par une loi générale, je tirerois de mes méthodes Îes loix païticulières qui conviendroient aux mouvemens de Saturne, fuppofé que les phénomènes fuffent dé nature à le perimettre; car ils pourioient être tels qu'il faudroit avoir recours à d'autres chofes qu'à des attractions. M. de Buffon veut que je lui apprenne pourquoi les obfer- vations des fatellites de Jupiter & de Saturne, ne nous mon- trent pas des mouvemens d’apfides très-confidérables : je ne crois pas qu'il ait befoin de moi pour le lui apprendre, mais puifqu'il veut que je fui en dife a raifon , la voici. IL m’accordera que fi les fatellites décrivoient des cercles autour de leur planète principale, il n'y auroit pas de mou- vement d'apfide, puifqu’il n'y auroit pas d’apfde, & que par Ta même raifon s'ils ont peu d’excentricité, il eft très-difficile de déterminer & leurs apfides & le mouvement de ces Min, 1745. Yyy 538 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE apfides, fur-tout s'il s'y mêle d’autres inégalités auffi confidé- rables. Ces difficultés ayant empêché les Aftronomes de fixert rien de précis fur les apfides des fatellites, on ne peut tirer de leurs obfervations rien de contraire à l'exiftence d’une loi générale, autre que celle du. quarré. Je ferai feulement: remarquer à cette occafion, que la démonftration de la né- ceffité de la loi du quarré, tirée des mouvemens des fatellites, ne comporte pas plus d’exaétitude que celle qui eft fondée fur les mouvemens de la Lune, parce que M. Newton néglige dans cette démonftration, toutes les efpèces d'irrégularités. que ces planètes peuvent avoir. Je viens préfentement aux raïfons métaphyfiques de M. de- Buffon : fuivant lui, ceux qui font cas de la force des analo- gies, doivent croire que toute caufe qui part d’un centre, doit, à l'exemple de li lumière & des odeurs, agir en raifon renver- fée du quarré de la diftance. J'avoue que je crois les analogies. très-utiles pour faire découvrir des vérités en Phyfique & en: Mathématique, parce qu’elles portent à faire des tentatives. qui, en fe vérifiant ou en fe détruifant, peuvent également: conduire à des chofes neuves. Mais que l’on prenne pour vrai danstous les cas poffibles ce qu’on a reconnu feulement dans- quelques cas particuliers, qu’on fe repofe fur de pareilles. preuves, c'eft ce qu'il ne me paroît pas permis de faire, à moins qu'on ne veuille s'expofer à tomber dans les plus grandes erreurs. La Métaphyfique eft fans contredit bien: propre à nous éclairer & à faire valoir les fecours réels que nous fournifient la Phyfique & ia Géométrie, mais fr nous. nous laiffons conduire par fon feul flambeau, nous pouvons: nous égarer à tout moment. Au refte, fr l'on a reconnu que la lumière & les odeurs: répandent leur ation fuivant la proportion inverfe du quarré des diflances, c'eft moins par un fait que par le raifonnement: fuivant, Dès que lon conçoit le corps lumineux ou odoriférant eomme un centre qui chafle des corpufcules de tous les côtés, il ef certain que la même quantité de ces corpulcules tombant. DES SCIENCES. 39 fur des efpaces proportionnels aux quarrés de leur éloigne- ment, il en réfulte un effet réciproquement proportionnel à ces quarrés, fuppolé toutefois que la vertu de chaque cor- pufcule fe conferve la même. Or fi l'on veut appliquer cet argument à l'attraction, 1e fujet de l'application n'ayant plus lieu, l'analogie devient fans force & tombe d'elle-même. Quand on imagineroit que du corps attractif il fe détacheroit fans cefle des corpufcules en tous fens, cela fufüroit-il pour le faire attirer un autre corps? on voit bien que pour en expliquer le méchanifme, il fau- droit y joindre d’autres caufes, Or fi nous concevons à peine la poffibilité de ces caufes par l'extrême difficulté d'en ima- giner de probables, comment oferons-nous prononcer fur les loix de leur ation? Et fi on fait dépendre l'attradion de quelque vertu métaphyfique que Dieu auroit donnée à la ma- tière par des raifons qui nous font impénétrables, par quel moyen fixerons-nous cette attraction fi ce nef par des faits? Tous les partifans de l'attraction admettent différentes loix fuivant lefquelles Ja matière attire. Îls n’ont communé- ment fuppofé cette force que proportionnelle à des puiflances inverf{es de la diftance, parce que cela leur paroifloit fufffant, & que, lorfqu'on eft obligé de changer de loi, il femble qu'on n'ofe imaginer que les plus prochaines de celles qu'on avoit admifes d'abord. Ayant reconnu l'infuffifance de la loi du quarré pour un phénomène, on prend auffi-tôt celle du cube, ou fi l'on veut montrer Plus d'univerfalité, on va ju qu'à une puiffance quelconque. Mais ce ménagement à chan- ger de loi vient fans doute de ce que le cube, le quarré quarré, &c. fe préfentent plütôt à nous en venant de confi- dérer le quarré, que les quantités complexes qu'on appelle fonctions. Je vois des exemples de cette réferve de générali- fation dans tous fes Auteurs qui ont réfolu les premiers des problèmes phyfico-mathématiques, & l’on peut raifonnable- ment l'attribuer à la difficulté qu'ils auroient trouvée à réfou- dre ces problèmes dans une plus grande généralité, Comme ce qu'on appelle en A1 gèbre fonction, c’eft-à-dire, Yyy i s4o MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE quantité compofée d’une autre füuivant uné formation quef- conque, eft communément difficile à faifir, on ne croit pas: que ces quantités plus générales que les fimples puiflances ,. puiflent fervir à repréfenter une loi fuivant laquelle doit agir la Nature qui éft toûjours fimple: A cela je répondstque la Nature eft fimple fans doute pour celui qui la voit d'un feul coup d'œil & par les vrais rapports des chofes, mais qu'elle nous peut paroître compofée à nous qui ne la con- noiflons que par des faits détachez; & que l'on ne fait pas une fuppofition contraire à l’effence des chofes, lorfqu'on. admet des loix qui fuivent des fonctions plûtôt que des: puiffances : fi nous ne pouvons pas les rendre auffi fimples: en les exprimant, c'eft la faute de l Algèbre qui, en tant que langue, a fes imperfections. Pour donner une idée plus nette de la manière dont on peut regarder comme fimples ces- fonctions qui révoltent M. de Buffon par la multiplicité de- leurs termes , foit imaginé pour un moment que les Géo- mètres n'aient pas eu le fecours de f’analyfé pour exprimer- des quantités variables & dépendantes d'une autre variable, teile que l'attraétion qui dépend de la diftance, la réfiftance, de la vitefñle, &c. & qu'ils fe-foient toûjours fervi, comme le pratiquent encore quelques Mathématiciens , de figures courbes, dont les largeurs tranfverfales ou ordonnées ex- priment une des quantités variables, pendant que les hau- teurs ou abfciffes défignent l’autre ; telle courbe paroîtroit. alors beaucoup'plus fimple qu'une autre, pourvû que fa figure- eût moins de variation, ou que fa conftruétion géométrique fût plus commode à pratiquer, quoique cependant fon équa- tion renfermät beaucoup plus de complication. Il y a certainement une infinité de courbes-dont les équa-- tions ont trois termes, & qui font. néanmoins beaucoup plus aifées à décrire & à définir que lhyperbole qui fert: et ; Age d'échelle à la loi d'attraétion D°7+37, que demanderoit le- mouvement de l'apogée de la Lune, fi on vouloit repréfenter+ par un feul terme la force néceflaire. pour 1e produire; ons DES. SCIE NC ES SAT trouveroïit même des courbes dont l'équation exigeroit une infinité de termes, lefquelles feroïent à jufle titre prifes pour plus fimples qu'une telle hyperbole. C’eft donc une chofe aflez indifférente en foi que le nombre de termes, lorfqu’ä s'agit d'exprimer larelation de la force attractive, à la diflance: M. de Buffon dit qu'il faut que la loi foit une & non arbitraire, en cela je fuis de fon avis, je penfe comme lui que la force doit être donnée auffi-1ôt que la diftance l’eff, Mais n'y at-il que les courbes exprimées par deux termes qui puiflent donner cette propriété? M. de Buffon doit {ça- voir que toutes les courbes qui n'ont qu'un paramètre, font dans ce cas, & le nombre er eft infini. Dans toutes les cour- bes de cette efpèce, le paramètre fervira d’intenfité à la force, & la progreffion des ordonnées repréfentera la loi de cette force. Toute la différence de ces loix aux fimples puiflances, c’eft que peut-être if nous faudra un peu plus de mots lorfque nous voudrons exprimer ce qui en conflitue l'eflence. Comme M. de Buffon veut bien fe prêter dans quelques endroits de fon Mémoire, à concevoir différentes loix d’at- traction, pourvû qu’elles foient défignées par des puiffances, je lui demanderai, fi, lorfqu'il'admet deux forces dans les mêmes parties de la matière, il ne réfulte-pas de la fomnre de ces deux forces, une force unique qui eft exprimée par: deux termes. Of que cette propriété foit l'effet de deux caufes toüjours agiflantes en même temps, ou qu'ellé foit. produite par une feule caufe, cela fait-il quelque chofe d'ef- fentiel à mon hypothèfe? Nous convient-il de vouloir dé- cider fi le Créateur a donné la vertu attraétive-à fa matière par deux decrets différens, ou s'il la douée de deux forces. à la fois par un feul ate de fa volonté?” Ceci me conduit à parler de l'expédient'que M. Bouguer a pris pour accorder les faits que j'ai remarquez avec les. efpèces d'attractions communément reçues, quirne dépendent que d’une puiffance de la diftance. I! fuppofe que quelques parties de la Ferre & des autres planètes, s’il eft néceflaire, . attirent comme le quarré, quelques autres, comme le cube,, YYY AE . 542 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE ou comme d'autres puitiances , & il tire de l'effet moyen de toutes ces forces particulières une force totale, par laquelle la planète agit füuivant une loi complexe. Cette idée n’a rien de contraire à mes recherches, & je fuis fort éloigné de La rejeter : cependant je ne la préfére pas à la mienne, parce que je trouve dans mon hypothèle l'avantage de ne faire qu'une feule loi pour tous les phénomènes attribuez com- munément à l'attraétion, & que cet avantage me paroît fupé- rieur à celui de la fimplicité des: expreflions analytiques. J'ai vü bien des Phyficiens éclairez, reprocher aux New- toniens, qu'ils fuppoloient de nouvelles propriétés dès que leurs explications en avoient le moindre befoin : ils n'auront plus à fe révolter de cette profufion de loix, dans l'hypothèfe que je propofe. Il eft vrai que la généralité de ma loi pourroit bien un jour ètre détruite par quelques nouveaux phénomènes, mais je les attends, & de plus je chercherai à les decouvrir, avec le même intérêt & la mème activité, que ceux qui augmen- teroient la vrai-femblance de ma fuppofition. Je me ferois. d'autant moins de peine de recevoir differentes loix d'at- tractions, que je prétends être le premier qui ai donné les vrais moyens de les reconnoitre. L'idée de M. de Buffon, qui confifle à regarder fa force magnétique comme celle qu’il faut joindre à la force qui fuit Ja loi du quarré pour produire le mouvement entier de l'apo- gée de Ja Lune, eft renfermée, comme l’on voit, dans celle de M. Bouguer, mais elle me paroît bien moins fatisfaifante. J'avoue que j'aurois de la peine à croire que la force mag- nétique particulière à deux efpèces de corps, & qui ne paroit pas s'étendre bien loin, fût affez fenfible pour produire fur la Lune la plus confidérable de fes inégalités ; mais comme je ne veux point porter les affertions géométriques dans des matières néceflairement phyfiques, je me garderai bien de nier que cela foit poflible. La force éleétrique eft peut-être elle-même une caufe à ne point rejeter en cette occafion. Si, comme on ne peut guère manquer de Île penfer, les | Dies IT STO TE IN CES 547 phénomènes de aimant & l'électricité ont quelques caules matérielles, & qu'on vienne à les connoître, nous pourrons bien en tirer de quoi expliquer toutes les tendances vers des corps centraux, & alors on feroit difpenfé de croire la force attractive répandue dans toutes les parties de {a matière : . ainfi bien-loin que je mêtte ma loi générale d'attraction au rang des chofes dont l'exiftence eft démontrée mathémati- quement, je n'y place pas feulement la gravitation univerfelle. Quant à l'article de la page 471 * du 3me Livre de M, Newton, que M. de Buffon rapporte pour s’autorifer à cher- cher dans la force magnétique un dénouement à mes diffi- cultés, je ne crois pas qu'on puiffe en inférer que M. Newton fe préparoit alors à répondre à des objections de cette nature, £a manière dont il parle de cette force, cujus ita quantitas perparva eff, & ce qu'il dit en même temps de la mefure des degrés du méridien, des longueurs du pendule, des hau- teurs des marées, de la parallaxe de la Lune, indique, ce me femble, qu'il penfoit feulement qu'on pourroit tirer de ces connoiflances, le moyen de déterminer un peu mieux qu'il n'avoit fait, les élémens de la théorie de la Lune. Mais if n'eft pas vrai-femblable qu’il pût croire avoir omis une force: tout auffi eflentielle dans la théorie de la Lune, que left {a: force du Soleil, une force fans laquelle cette théorie écar-- teroit plus du vrai que la fimple fuppofition du mouvement circulaire & uniforme des planètes. Après avoir prouvé, ce me femble, linfuffifance des rai- fons métaphyfiques dont M. de Buffon s’eft fervi pour dé- truire ma loi, examinons les expédiens qu’il propofe afin de laifler celle du quarré dans la poffeffion de régler feule les mouvemens célefles, & fervons-nous dans cette épreuve des armes qui doivent toüjours être dans les mains des Mathématiciens, je veux dire le calcul & les obférvations, M. de Buffon remarque premièrement, que la Lune peut avoir fes deux hémifphères inégalement pefans, comme M. de Mairan l'a, dit-il, fuppofé dans fon Mémoire de 1720, & il penfe que cette inégalité de pefanteur pourroit fuffire * Edit. de Low dres, 1726 544 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe pour produire le mouvement d'apogée en queflion. La fuppofition d'inégalité de pefanteur, admile par M. de Mairan pour expliquer un phénomène très-différent de celui dont il eft queftion, ne fçauroit être ici d'aucun fecours à M. de Buffon, car dans la diftribution de la matière de la Lune, la plus favorable au moyen qu'il propofe, laquelle confifle à réumir toute la matière de Ja Lune en deux points placez fur fon difque & dans le rayon qui va à la Terre, on ne trouvera que la caufe d'un mouvement d'apfide extré- mement petit auprès de celui qu'il eft néceffaire d'obtenir; j'en ai fait le calcul, mais il eft inutile de le donner ici. Ceux qui ont un peu examiné ces fortes de problèmes, qui con- noiflent les méthodes par lefquelles on trouve l'attraction totale d'un corps dont la figure eft donnée, voient ce qu'on peut attendre d'une pareille fuppofition, avec autant de faci- lité que l'on juge de fa groffeur des corps à la vüe fimple. Cette réflexion m'engage à m'écarter de mon fujet pour parler des loix d'attraétion du cube ou d’autres puiffances citées dans la dernière Aflemblée, comme pouvant dépendre de la loi du quarré, pourvü qu’on donnût une certaine figure aux parties intégrantes des corps. Je crois qu'il ef facile de prouver l'impoffibilité de cette fuppofition, non feulement pour des diflances éloignées comme celle de la Lune, mais pour celles dont il eft queflion dans les phénomènes qui fe paflent fous nos yeux. Dans ces phénomènes il eft aifé de voir que fa force attractive agit à des diftances comme infinies à l'égard des dimenfions des parties intégrantes des corps, car la diftance de + de ligne à laquelle fe manifefte l'attraction, eft encore immenfe auprès des dimenfions des particules que nos fens, aidez des meilleurs microfcopes, ne fçauroient nous faire apercevoir. Si en examinant l'ouvrage des tireurs & des bat- teurs d’or, nous fatiguons notre imagination à nous repré- fenter la petitefle des parties de ce métal, la fluidité de l'eau nous montre encore plus la néceffité de regarder comme exceflivement petites, fes particules élémentaires. Cette | petitefle DES SCIENCE. 45 rpetiteffe reconnue, la réduétion des loix du cube & des autres puiflances, à celle du quarré, eft détruite par la propofition fuivante, dont la vérité faute aux yeux des Géomètres. Un corps quelconque & fes particules attirent, füuivant la même loi, tout corpulcule qui en fera éloigné d’une diftance infinie, ou très-confidérable par rapport à {es dimenfions. Je viens maintenant au fecond moyen que M. de Buffon tire encore de la figure de la Lune, pour ne pas admettre d'autre loï que celle du quarré. Il imagine que la partie du difque de la Lune que nous voyons, peut être fort alongée, ou la partie oppofée fort applatie. La première de ces deux fuppofitions me paroît impoffible à recevoir lorfqu’on con- noît les phénomènes aflronomiques , car les phafes de Ia Lune doivent prouver aflez fenfiblement que fa partie appa- rente doit être à peu près fphérique, ou du moins qu'elle ne fçauroit autant s’en écarter qu'il le faudroit pour produire le mouvement d'apogée néceflaire. L’applatiffement de l’autre côté ne fçauroit fervir en aucune manière au phénomène dont il s'agit, car la figure d’un corps ne peut être employée pour rendre la loi d'attraction du total différente de celles des parties, que quand toutes ces parties deviendront plus inégalement diftantes du centre attirant. M. de Buffon dit en troifième lieu que fi la Lune eft un fphéroïde oblong, lequel, fuivant M. Newton, nous préfente fon grand axe, on pourroit bien déterminer la proportion des axes de ce fphéroïde qui donneroit le mouvement d’ap- fide cherché. Je remarque ici d’abord que M. de Buffon, en citant M. Newton pour s'autorifer à faire la Lune alongée, ne s'appuie apparemment de cette autorité, que pour l'alon- gement établi par M. Newton, c'eft-à-dire, pour une diffé- rence d’axe de 93 pieds. Je conviens enfuite avec M. de Buffon, qu'on pourroit calculer la proportion qu'il faudroit ‘donner aux apfides pour le cas préfent, & la preuve en eft que je l'ai fait. Je prends lhypothèfe la plus favorable à M. de Buffon, celle où l'on rafiemble toute {a matière vers des extrémités : je regarde la Lune comme compofée de deux Mem, 3 74 5° ZZ 546 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE points infiniment denfes, & qui ont à eux-deux toute fà male, & je prends le refle pour une enveloppe infiniment mince. Par ce moyen je raccourcis le plus qu'il eft poffible le fphéroïde, & je trouve qu'il doit être cependant quatorze ou quinze fois plus long que le rayon du difque de la Lune, fuppofée ronde comme nous la voyons. M. de Buffon, fans avoir fixé la longueur de ce fphéroïde, s’eft préparé un moyen d'expliquer la caufe d’une forme très- irrégulière à la Lune, & d’un grand alongement ; il dit que fi on fuppofe avec lui que les mouvemens de la mer dans fes flux & reflux, ont pû faire des changemens confidéra- bles fur la furface de la Terre, de pareils mouvemens plus fenfibles fur la Lune ont dû produire de grandes irrégula- rités: je le lui accorde ; mais expliquera-t-il par-là pourquoi ces mouvemens ont placé ainfi prefque toute la matière de la Lune dans le même fens & toûjours du côté oppolé à la Terre? Au refle que cette explication foit folide ou non, elle devien- dra inutile fi le fait ne peut être: or je crois que la libration de la Lune fuffit pour détruire l'exiflence d’une telle figure, car la Lune nous découvrant tantôt 6 ou 7 degrés d’un côté, & tantôt 6 ou 7 degrés de l’autre par le mouvement qu’elle fait autour de fon centre de gravité, il eft certain que dans fes balancemens elle nous montreroit cette partie ultérieure , laquelle, quoique vüe en raccourci, altéreroit beaucoup la figure circulaire fous laquelle nous voyons toûjours la Lune, H y a plus, par la théorie de la préceflion des équinoxes, tirée de l'action du Soleil & de la Lune fur la Terre confidérée comme applatie, on doit voir que la force du Soleil & celle de la Terre fur cette longue Lune, la dérangeroient peu à peu de fa direction vers la Terre, & nous décéleroient fa vraie figure. Si jamais j'apprends qu'on a vü la Lune autrement que ronde, je me rendrai à cette explication. Je finirai ce Mémoire par l'examen d'une objection qui ne regarde pas tant la poffibilité de ma loi, que la compa- raifon de fa probabilité avec celle de la loi du quarré des diftances. Cette objeétion très-propre à féduire par la manière DES SCIENCES s47 dont M. de Buffon la préfente, c’eft que la loi du quarré étant indiquée par tous les phénomènes, un feul qui ne s'y accorde pas ne fuffit pas pour la détruire. Si les fondemens de cette difficulté étoient réels, j'avoue qu'elle feroit très-folide, mais ce que j'ai déjà dit montre fufffamment qu'elle n’a pas lieu. Pour n’avoir aucun reproche à me faire, je vais récapituler en peu de mots les raifons qui fe joignent à ma remarque fur apogée, pour me faire pancher en faveur d'une autre loi générale que celle de M. Newton. 1° La Nature n'indique point que la loi du quarré foit . da feule, puifque les phénomènes les plus à notre portée, tels que la rondeur des gouttes de fluide, l'afcenfion & la dé- preflion des liqueurs dans les tuyaux capillaires, la cohéfron des marbres mis dans le vuide, l'incurvation & {a réfraction des rayons de lumière, &c. demandent tous néceffairement d'autres loix d'attraction que celle du quarré, 2° La difhculté jufqu’à préfent infurmontée, de concilier dans l'hypothèle de la loi du quarré les opérations faites pour la détermination de Ia figure de la Terre, & celles qui font connoître la variation de la pefanteur, me paroït fournir un puiflant motif pour admettre une autre loi. J'interromprai ici le fil de mes argumens, pour demander à M. de Buffon les raifons par lefquelles il foupçonne (toù- jours dans fe Mémoire qu'il a 1û) que le terme qu'il faut joindre à celui de la loi du quarré pour répondre à ce qu'exige la figure de la Terre, ne peut pas être le même que celui qu'on doit prendre pour fatisfaire aux mouvemens de Ia Lune. Si je lui demande ces raifons, c’eft moins pour les combattre qu’afin d'avoir de nouvelles vûes dans la recher- che d’un problème que je regarde comme des plus difficiles, je veux dire la détermination de la figure de la Terre dans la nouvelle loi d'attraétion dont j'ai déjà parlé. N'ayant pas réfolu ce problème, je ne puis pas, comme M. de Buffon, prévoir ce qu'il pourroit apporter de contradiction dans ma loi. Revenons à notre fujet. 3° Si les mouvemens céleftes fourniffent des preuves Zzz ij 548 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE pour la loi du quarré des diflances, on doit avouer cepen- dant qu'elles ne font pas toutes de même force, puifque celles des fatellites de Jupiter & de Saturne, ne comportent pas plus de certitude que celles qu'on avoit tirées de la Lune, 4 Les preuves tirées du flux & du reflux de la mer, s'accorderoient non feulement avec une loi qui, comme la mienne, différeroit peu de celle du quarré à de grandes diftances, mais avec les loix qui en feroient les plus éloignées. Les preuves tirées de la préceflion des équinoxes, fr elles font réelles, font encore dans le cas de ne pas indiquer la néceflité de la loi du quarré, plütôt que celle de toute autre loi. Pour juger donc nettement du degré de vrai-femblance de ma loi, il faut comparer d’un côté, tant la foibleffe d'une partie des témoignages qui dépofent en faveur de la loi du quarré, que la nécetlité d'admettre d’autres loix que celles-1à dans un grand nombre de cas, & de l'autre l'avantage de ne voir aucun phénomène connu fe refufer à la loi que je propole. Pour moi je le répète, ces raifons me déterminent à lui donner la préférence, jufqu’à ce que j'aie vû des objec- tions fondées fur un examen folide & bien difcuté de quel- que phénomène qui la contredife. Quoi qu'il en puifle arriver, on n'aura aucun reproche à me faire, puifque l’effentiel de mon travail eft d’avoir fourni des moyens fürs d'employer les phénomènes à connoître les vraies loix de la Nature, DES, SVE,ISE NC ESA 549 OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES FAITES A L'OBSERVATOIRE ROYAL PENDANT L'ANNEE M DCCXLV. Par M DE Foucux. Jur la quantité de la Pluie. pouc. lign. . À s pouc: ligne. N Janvier.. o 32 } En Juillet... 1 6 2 . o 3 A z Février... o 7À Bout. 24 Mars...... o Si Septembre.. o 112 ï o 4 Avril No LS Octobre. .… 0 $* MAT. e.s Dr de Novembre.. 1 24 Je. 02 Décembre.. 1 62 AS 710 | La pluie tombée les fix premiers mois de l'année a été de 4 pouces 7 lignes , & celle des fix derniers mois de . 7 pouces 10 lignes 2, & par conféquent la quantité de pluie tombée pendant toute l'année a été de 1 2 pouces 5 lignes #, ce qui marque une année sèche , l'année moyenne ayant été déterminée en 1743, de 16 pouces 8 lignes. Jur le Thermometrre., Le plus grand froid a été le 1 4 Janvier, le thermomètre de M. de Reaumur marquoit 1 o4 + expofé à l'air, & l'ancien placé à côté marquoit 1142. I! eft à obferver que dans cet ancien thermomètre, 1a tem- pérature moyenne des caves de FObfervatoire y répond à 45 degrés, & la congélation à 2 gi. Le plus grand chaud a été le 6 Juillet, a liqueur du thermomètre de M. de Reaumur eft montée à 2492 au Z 12 ii o MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE deflus de la congélation , l'ancien marquoit dans ce même temps 69 degrés. Sur le Baromerre. Le baromètre fimple a marqué la plus grande élévation du mercure à 28 pouces 9 lignes, le 20 de Février par un vent d’eft aflez froid, il eft defcendu le plus bas à 27 pouces quatre lignes le 26 de Novembre par un vent de fud-oueft & un grand brouillard. Déclinaifon de Aiguille aimantée. Les 17,18 & 19 Mai 1745, une Aiguille de 4 pouces déclinoit de 1 64 1 s’ vers le nord-oueft, M. de Reaumur m'a communiqué les obfervations de Ia quantité d’eau de pluie tombée à Nimes, & celles du ther- momètre qui lui ont été envoyées par M. Baux. La quantité d’eau tombée pendant l'année 1745, eft de 43 pouces 3 lignes, aufli le pays a-t-il été extrêmement maltraité par les inondations. Le plus grand froid a été à Nimes le 20 Janvier, le ther- momètre de M. de Reaumur marquant 84, le plus grand chaud a été le 17 Juillet, le même thermomètre marquant 31 7 J'ai reçu auffi celles que le P. Duchätelard, Profefleur d'Hydrographie à Toulon, y a faites pendant la même année, dont voici le réfultat. La quantité de pluie tombée à Toulon à été de 27 pouces s lignes 7, auffi remarque-t-il que cette quantité eft bien au deflus de ce qu'il pleut les années même pluvieufes. Le baromètre eft defcendu au plus bas le premier Décem- bre, le mercure étoit à 27 pouces 4 lignes, & le vent à Voueft-nord-oueft; il eft monté au plus haut le 3 Janvier, le si étant à 28 pouces s lignes par un temps calme & eau. DRE Si IS CI TÉF ENCRES si Le thermomètre de M. de Reaumur eft defcendu au plus bas les 23 & 24 Janvier marquant 74, & il eft monté au * plus haut le 1 6 Juillet marquant 244. | L'aiguille aimantée de 4 pouces y déclinoit pendant les fix premiers mois, de près de 17 degrés. M, Sarrau a écrit de Bordeaux , qu'il étoit tombé en cette ville en 1745, 30 pouces 8 lignes d'eau. Par la comparaifon de toutes ces obfervations, il paroît qu'il a tombé beaucoup plus d’eau vers la partie méridionale de la France qu'à Paris, & que le plus grand froid & le plus grand chaud arrivez à Paris, ont précédé de quelques jours - ceux de Nimes & de Toulon. ADDITION au Mémoire qui a pour tre: Réflexions fur la Loi de l'Attraétion. Par M. DE Burron. J; me fuis borné dans ce Mémoire à démontrer que 1a * Loi de Attraction par rapport à la diflance, ne peut être exprimée que par un terme, & non par deux ou plu- fieurs termes, que par conféquent l'expreffion que M. Clairaut a voulu fubflituer à la loi du quarré des diftances n’eft qu'une fuppofition qui renferme une contradiction, c’eft-là le {eul point auquel je me fuis attaché; mais comme il paroît par fa réponfe qu'il ne m'a pas affez entendu, je vais tâcher de rendre mon objeétion plus intelligible en 1a traduifant en calcul. Ce fera la feule replique que je ferai à fa réponfe. La loi de l'Artraëtion par rapport à la diflance, ne peur pas être exprimée par deux termes. DÉMONSTRATION I ppofons que — =£ — repréfente l'effet de cette force 552 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoYyALE par rapport à la EU x, ou, ce qui revient au même, fuppofons que — ms — qui repréfente la force accéléra- trice, foit égale à une quantité donnée À pour une certaine diftance; en réfolvant cette équation la racine x fera ou ima- ginaire, ou bien elle aura deux valeurs différentes : donc à diférentes diftances, l'Attraétion feroit la même, ce qui eft abfurde : donc la loi de l'Attraétion par rapport à la diftance ne peut pas être exprimée par deux termes. C, Q. 7° D. DÉMoOoNSTRATION IL == — fi x devient très-grand, pourra fe réduire à —, & fi x devient très-petit, elle fe réduira à Er = pofant doit être un nombre Le entre 2 & 4, cepen- dant ce même expofant » doit néceflairement renfermer x, puifque la quantité d’Attraétion doit de façon ou d'autre être mefurée par la BUS cette RANOn prendra-donc alors 1 LÉ ùne. formercommé ==, —") où ="; 34 Pa HT RE —_— he | l’ex- x x+ donc une quantité qui vou être néceflairement un nombre compr is entre 2 & 4, pourroit cependant devenir infinie, ce qui eft abfurde: donc la loi & l’Attraction ne peut pas être exprimée par deux termes. C. Q. F: D. On voit bien que les LR MEation feroient les mêmes contre toutes les expreffions poffibles qui feroient compofées de plufieurs termes ; donc Ja loi de l'Attraétion ne peut être exprimée que par un feul terme. Te A ge SUR DES SCIENCES 552 SUR LA DESCRIPTION GEOMETRIQUE DE LA FRANCE. Par M. Cassini DE THURY. Foie toutes les entreprifes qui ont été exécutées fous ce règne & le précédent pour la perfection de fa Géographie & de Ja Navigation, rien ne paroifloit plus digne de l'attention du miniflère, que la connoiffance exacte de l'étendue, des limites & de la pofition des divers lieux qui font contenus dans ce royaume, dont la beauté & les richefles attirent les étrangers de toutes les parties du monde. Sans cette connoiffance il feroit difficile de prendre des mefures certaines pour un grand nombre de projets utiles à l'Etat & au commerce, tels, entr'autres, que la conftruétion des nouveaux chemins, ponts & chauffées, canaux & navi- gations de rivières, qui peuvent tous faciliter le tranfport des denrées & marchandifes d’une province à l'autre, prévenir la difette & procurer l'abondance dans le royaume, en fe communiquant réciproquement ce dont elles peuvent avoir befoin pour leur fubfiftance & le foûtien de leur commerce. C’eft dans ce deflein que-M. Orry Miniftre d'Etat & Contrôleur général des finances, toûjours attentif à ce qui peut contribuer au bien de l'Etat, forma en 1733 le projet de faire travailler à la defcription géométrique de la France; & c'eft ce grand ouvrage pour lexécution duquel on n’a épargné ni foins ni dépenfes, dont j'ai honneur de rendre compte au public. Les grands frais néceffaires pour lever la Carte d'un royaume, le peu de perfonnes qui foient en état de l'exé- cuter, ou qui veuillent en prendre la peine, font caufe qu'il n'y a eu jufqu'à préfent qu'un très-petit nombre de Cartes dreflées par les voies géométriques ; & il femble qu'il étoit réfervé à ce règne, qu'on peut appeller avec raifon celui Mem, 1 745. Aaaa 13 Novemb, 1745 54 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE des Sciences, d'exécuter dans ce genre, de même que dans tous les autres, les entreprifes les plus glorieufes & les plus utiles à l'Etat. En efiet, fi l’on confidère combien il en coûte de foins & de peines pour avoir avec quelque précifion le plan dé- taillé d’une terre particulière pour peu qu'elle ait d'étendue, que doit-on penfer de la mefure d’un royaume aufli grand que celui de la France? comment déterminer ce nombre di prodigieux de villes, bourgs, villages & châteaux qui y font contenus, fixer la pofition des côtes de la mer, & fuivre le cours de fes rivières? Pouvoit-on efpérer qu'un ouvrage dont l'exécution exigeoit un fi long travail & de fi puiffans fecours, pût être porté à fa dernière perfection? & faltoit-il moins que la proteétion & la magnificence du Roi, pour ofer feulement le tenter ? S'il eût été poffible que plufieurs perfonnes travaillaffent féparément à la carte de la France, il eft certain que l'exécu- tion en auroit été plus prompte, mais aufli dans quel in- convénient ne courroit-on pas rifque de tomber ? l'on fçait que dans tous les ouvrages dont toutes les parties doivent fe réunir enfemble pour former un même corps, il faut pour réuffir fuivre toüjours le même plan, & de plus que ce- plan foit conduit par un feul & même efprit. H n’eft point douteux que toutes les erreurs que l'on re- marque dans les Cartes, tant anciennes que modernes, ne: viennent de ce que ceux qui les ont dreflées, ont pris chacun: des routes différentes ; les uns fe font contentez d’eftimer les A diftances par le temps que l’on emploie à aller d’un lieu à. J'autre; les autres ont mefuré actuellement la longueur des. chemins : ceux enfin qui ont opéré avec plus d’exacitude,, ont formé quelques triangles dont ils ont obfervé les angles. avec des planchettes ou d’autres inftrumens encore plus im- arfaits, & dont les côtés ont été déterminez par des bafes- d’une petite étendue, & mefurées avec des chaînes ou cor- deaux ; mais ce qui les a encore plus induits à erreur, eft la: méthode dont ils fe font fervis pour orienter leurs Cartes, sf me ENS LS CILE: N (Ci EUR 555 fa plûpart ont fait ufage de l'aiguille aimantée, fans avoir égard à fa vraie déclinaifon à l'égard du méridien qui, comme d'on fçait, n’eft pas la même dans tous les temps & dans tous les lieux, & eft fujette à de grandes irrégularités, de pareilles erreurs venant à fe multiplier dans J'aflemblage que l'on fait des opérations pour former une Carte générale, y jettent tant d'obfcurité, que fouvent le méridien qui y eft tracé, décline du véritable de plus de 30 degrés : l'incertitude où étoient nos anciens Géographes fur la vraie direction du méridien de Paris, prouve afez le défaut des méthodes qu'ils ‘y avoient employées. Pour éviter ces inconvéniens, & tirer la Géographie de cette efpèce d’obfcurité où elle étoit plongée, & que l'on y découvroit à mefure que lon cherchoit à l'éclaircir, on jugea que pour drefler avec précifion la Carte générale de la France, il falloit y procéder, de même qu'on l'avoit fait pour Ja defcription de la méridienne de Paris, en formant dans toute l'étendue du royaume des triangles liez enfemble, par le moyen des objets vüs fucceffivement les uns des autres. Nulle autre méthode n’y pouvoit fatisfaire, il n’auroit pas été praticable de parcourir toute la France la toife à la main, & de mefurer fon étendue, de mème que celle d'un parc, d'un grand chemin ou d’une forêt : au lieu de fuivre la ligne droite qui mefüure le plus court chemin d’un lieu à un autre, on auroit tracé des lignes courbes des finuofités defquelles if auroit été très-difcile de tenir compte, & c’eft apparemment par cette raifon que l’on a toûjours attribué trop d'étendue aux parties connues de la Terre; d'ailleurs cette méthode ne pouvoit s’exécuter dans bien des cas, les bois, les fonds, les rivières qui fe trouvent dans la direétion des lieux dont on fe propoloit de déterminer la diftance, auroient obligé de s’en écarter de côté & d'autre, & l’on auroit manqué de moyens pour la reprendre lorfque l’occafion auroit été favo- rable ; lon peut juger des erreurs auxquelles ces fortes de mefures font fujettes, par celles que commettent les Arpen- teurs qui s'accordent rarement, à quelques toifes près, dans aaa ij 56 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE les dimenfions d'un parc, d'un bois dont le contour eft un peu irrégulier, & même d’un grand chemin, dont les finuo- fités font fort grandes, comme nous l'avons remarqué en différentes occalions. Quels foins n’avons-nous pas pris dans la mefure de nos bafes, tant pour choifir un terrein qui y füt propre, que pour conflater Ja longueur des mefures, & reconnoître les variations que la différente température de Fair y produi- foit : cependant malgré toutes ces précautions il fe glifloit toûjours quelqu'erreur qui nous engageoit fouvent à répéter les mefures deux, trois & jufqu'à cinq fois, comme il nous eft arrivé dans la bafe des environs de Paris. Comme l'étendue de la France du midi vers le nord avoit été déterminée géométriquement par la defcription de la méridienne de Paris, on fe propofa d'abord de mefurer- de la même manière la traverfe de lorient vers l'occident, en fuivant une perpendiculaire à cette méridienne qui, par- tant de Paris, iroit fe terminer d'une part aux côtes de fa Normandie & de la Bretagne, & de l'autre an Rhin vers Strafbourg; cette perpendiculaire devoit être fuivie de plu- fieurs autres à la diflance de 60 mille toifes les unes des autres, & terminée par des parallèles à la méridienne dé- crite à la même diflance, ce qui formeroit des efpèces de quarrés dont on fçauroit la jufte étendue pour avoir l'arpen- tage général de la France, en exécutant en grand ce que les Arpenteurs font en petit, qui efl de réduire en quarrés &êc rectangles les pièces de terre dont on veut avoir la mefure: toutes ces perpendiculaires & parallèles à 1x méridienne de- voient fe terminer aux côtes de l'océan & de la méditerranée. Et comme il n’ett pas moins important de connoître la fitua- tion des objets qui font fur les côtes de-la mer ou dans des ifles adjacentes, que dans l'intérieur du royaume, M. le Comte de Maurepas, qui dans toutes les occafions a donné des preuves fi fignalées de la protection qu'il accorde aux Sciences, donna des ordres exprès aux Officiers de marine, de nous fournir des bâtimens néceflaires pour nous tranf- DIE SuuS GLEN CYE:S S57 porter dans les ifles, avec tous les fecours dont nous. pour- rions avoir befoin pour nos oblervations. hip Comme l'on n'emploie ordinairement dans Ia Géogra- phie que des méridiens & des parallèles, il ne fera peut-être pas hors de propos de donner ici une idée des perpendicu laires & des parallèles à Ja méridienne, que l'on jugé à propos de décrire. Les premières font de grands cercles de la fphère qui, de même que les parallèles ; coupent à angles droits le -méridien dont elles partent ; mais qu'il eft plus aifé de décrire par les voies géométriques, parce qu'un rayon vifuel qui coupe un méridien à angle droit, étant prolongé für la fur- face de la Terre, fuit toûjours la direction de ia perpen- diculaire & s'écarte du parallèle : on peut cependant par le -moyen de ces perpendiculaires, connoître tous les lieux qui font fous un même parallèle, fans employer les obfervations aftronomiques, foit que la Terre foit fphérique ou applatie vers les poles. , À fégard des parallèles à Ja méridienne de Paris, que l'on a décrits à fa diflance de 60 mille toifes, ce font réellement de petits cercles de la fphère, dont la grandeur diflère peu de celle du méridien & d’une quantité connue, il eft cependant néceflaire d'y avoir égard, car on conçoit aifément que: dans l’aflemblage général de tous les triangles qui compofent. la carte il ne faut rien négliger, & que faute de cette atten- tion, {1 l’on cherche la diftance d’un même lieu à Paris par- deux fuites de triangles formez dans des directions diffé- rentes, elle ne doit pas fe trouver la même, quand même les obfervations auroient été frites avec la dernière précifion, H x été de plus néceflaire de réduire à l'horizon. tous les angles des triangles qui ont été obfervez dans les pays rem- plis de montagnes, ce font des polygones irréguliers circonf crits à la furface de da. Terre qui. forment des plans, dont la fomme excède d'autant plus {a mefure de cette furface que les montagnes où les fignaux étoient placez, font plus élevées ; ils augmentent non feulement les diffances,, mais ils * en changent auffi la direction, de telle forte qu'une méri- Aaaa ii] 558 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE ROYALE dienne tracée fans cette précaution, déclineroit de la véri- table d'une quantité fort confidérable, comme nous l'avons reconnu en différentes occafions. La première perpendiculaire qui ait été décrite, eft celle qui pafle par Paris; cette ligne, de même que la méridienne de Paris, traverfe la France dans fa plus grande étendue de lorient vers l'occident : les difficultés que nous éprouvames dans fa defcription, nous mirent dans le cas d'imaginer différens moyens pour les {urmonter, des feux allumez pen- dant la nuit, des drapeaux éclairez de jour par le Soleil, des échafauds conftruits fur la cime des arbres les plus élevez, des fignaux plantez fur les montagnes, des pyramides de pierre élevées dans les endroits les plus remarquables, pour conferver à la poftérité des monumens durables de cet ou- vrage : ce font-là les principaux moyens dont nous avons fait ufage pour pénétrer dans toute la France fans interrom- pre la fuite de nos triangles, & l'on elt ainfi parvenu à décrire fept perpendiculaires & trois parallèles, lefquelles par leur réunion, divifent toute la France en efpèce de quarrés: Von fent aflez que tous les temps de fannée n'étoient pas propres à ces fortes d'opérations, & qu'il falloit attendre une faifon favorable pour fe tranfporter avec les inftrumens dans les lieux deflinez aux obfervations, les neiges qui tom- bent fur les montagnes à la fin de l'automne, les brouillards plus fréquens dans cette faifon que dans toute autre nous obligeoient fouvent d'interrompre nos opérations ; ainft toutes nos perpendiculaires ont été décrites à différentes reprifes : dans le plan que l'on fe faifoit du travail de chaque année, on avoit attention de choitir {es lieux dont il étoit le plus avantageux de connoître la fituation, & l’on avoit la defcription des côtes & des frontières du royaume, avant que l'on eût travaillé dans l'intérieur. Les guerres furvenues _ pendant le cours de cet ouvrage, ne l'ont point retardé, parce qu'il eft important pour le bien & la gloire de l'Etat, ue les Sciences y foient auffi floriflantes que les Armes. I nous refle préfentement à rendre compte de Ja forme DES: S:GL DE, Ni CES 559 fous laquelle on fe propofe de donner cet ouvrage au public, pour qu'il en puife tirer le plus grand avantage. L'on s'étoit contenté prefque toûjours, de nous donner des Cartes fans expofer les obfervations, les mémoires, enfin les matériaux {ur lefquels elles font fondées. La plüpart des Géographes fe font copiez en partie, &. Von fçait que la même Carte après plufieurs copies perd beaucoup de fa précifion. I en feroit de même de celle-ci fi le public n’avoit entre les mains les mefures fur fefquelles elle a été conftruite : quelque grandeur que lon donne à l'échelle d’une Carte générale , il eft impoñlible de pouvoir eftimer à quelques toifes près la diftance d’un lieu à un autre, ou de juger de Vouverture des angles dans f1 minute. Je conviens que dans Fufage ordinaire on ne demande pas une fi grande précifion, mais comme la Carte que nous préfentons au public doit fervir de fondement à celles que l'on fe propofe de lever- dans la fuite, il étoit néceflaire de donner à ceux qui vou- dront y travailler, le détail de nos opérations, la valeur des. angles de chaque triangle, la longueur des côtés & le ré- fultat de nos calculs, afin qu'ils pûffent juger eux-mêmes de: la confiance que méritent nos conelufions.. Le volume qui comprendra cet ouvrage fera diftribué- en trois parties, dans la première on.enfeignera les méthodes. que nous avons pratiquées pour furmonter les difficultés qui fe font rencontrées dans le cours des opérations géométri- ques ; dans la feconde l’on donnera la folution de divers: problèmes qui ont rapport à la Géographie pratique; la troi- fième enfin. fera une expofition détaillée de tout l'ouvrage. Ce même volume contiendra auffi la Carte de la France diftribuée en 1 6 planches, de forte que l’on raffemblera fous un mème point de vüe, tout ce qui a rapport à la defcrip- tion du royaume. 3 Pour fe former préfentement une idée de l'état a@tuel où: fe trouve la Géographie de la France, il ne faut que jeter les yeux fur la nouvelle Carte que nous avons fait graver, l'on: 560 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE y voit une fuite non interrompue de près de 800 triangles, lefquels par Jeur jonétion forment des efpèces de quarrés, & fe terminént à 19 bafes mefurées fur le terréin, dont fa fomme comprend une étendue de plus de cent mille toifes; Ja furface de ces triangles & des environs eft remplie d'un grand nombre de villes, bourgs, villages, châteaux & autres objets qui ont été déterminez géométriquement; les efpaces vuides que l’on y remarque, font en partie des bois ou des cantons de province dénuez d'objets, telles que les Landes de Bordeaux. Û On auroit pû remplir une partie de ces efpaces en y employant divers ouvrages de Géographie qui ont été exé- cutez depuis peu avec précifion , tels que la Carte de la pro- vince du Languedoc, dreflée par M's de Ja Société royale des Sciences de Montpellier ; les diocèfes de Bayeux & de Sens, levez par M. l'Abbé Outhier; les plans des forêts du Roi, dont on a exactement larpentage, & les Cartes particulières des frontières du royaume, qui ont été levées pour les camps des armées du Roi; mais lon a cru ne devoir marquer dans cette Carte, que ce que nous avons déterminé géométriquement par nos propres obfervations, afin que ceux qui voudront travailler dans la fuite, puiflent y avoir recours fans être dans l'embarras de le difcerner d’aivec ce que nous aurions empruntez des autres Géographes. Nous nous réfervons cependant de donner dans la fuite des Cartes particulières de la France, où l’on placera tous les lieux principaux qui font tant dans l'intérieur que dans les Emites du royaume. ' MESSIEURS D'ENSEUST TC IE N CES “ Reete Er EAGFS ne Gui MESSIEURS DE LA SOCIETE Royale des Sciences établie a Montpellier, ont envoyé à l’Académie l'Ouvrage qui fuit, pour entretenir l'union intime qui doit être entre elles, comme ne failant qu'un feul Corps, aux termes des Statuts accordez par le Roi au mois de Février 170 6. ESSAI Sur la formation des Dendrites des environs d’Alais. Par M. l'Abbé DE SAUVAGES. FE Dendrites font des pierres le plus fouvent opaques, fur lefquelles on voit des ramifications peintes qui imi- tent des arbres, & quelquefois des payfages. J'ai rangé fous trois clafles celles que j'ai trouvées dans mes courfes. Les dendrites ou pierres arborifées de 1a première, ex- trêmement rares, ont leurs ramifications étendues en tous fens dans l'intérieur de la pierre, il faut la fcier & la polir pour en faire des tableaux, un heureux hafard y fait quel- quefois découvrir des figures régulières. Dans celles de la feconde & de Ia troifième clafle, les ramifications font fur un même plan & couchées à plat dans l’intérieur d’une fente; fi le marteau ne les détache point ,ileft inutile de les fcier ou de les polir, on ne feroit que gâter la pierre & les deffeins fans rien découvrir. Les dendrites que j'ai vües en différens Mem. 1 745. Bbbb 562 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE pays peuvent fe rapporter à quelqu'une des précédentes ; elles conviennent toutes en ce qu’elles n'ont que des rami- fications toûjours brunes, & qu'elles font appliquées fur Ja pierre toute nue. Les dendrites de la troifième clafle, que j'ai principalement en vûe dans ce Mémoire, font afez abon- dantes dans un vallon près d’Alais, appellé vulgairement Ruffeau ; ce qui les caractérife & les diftingue de toutes les autres, ce font fur-tout les couleurs du fond du tableau diffé- remment combinées avec les ramifications & les terrafles, d’où il réfulte une prodigieufe variété de payfages en migna- ture, dont on pourroit faire une fuite curieufe & un affez ample recueil. Chaque coup de marteau ouvre toûjours une nouvelle décoration, & donne quelquefois des tableaux par- faits, des deffeins finis & d’après nature : on eft chaque fois agréablement furpris de trouver fans effort d'imagination & au premier coup d'œil, un ciel, des nuages, un horizon, une aurore ou un crépufcule, des terrafles, des côteaux, des arbres de tige, des forêts épaifles, des fuites & des lointains : tout y eft net & bien terminé, tout y eft de bon goût, rien qui ne foit deffiné correctement ; j'ajoûterai qu'il y a certains traits fi fins, fi délicats, qu’ils ne perdent rien pour être vüs de près, lors même qu'ils font groffis par la loupe, à travers laquelle les ouvrages de l'art Les plus finis ne faiffent entrevoir que rudefle & grofliéreté Sur ce portrait de nos dendrites, dans lequel il n’y a rien d’outré, la curiofité fournit mille queftions touchant la ma- nière dont elles fe forment ; je vais effayer de répondre aux principales, mais comme l'explication que je donne, dépend du détail de quelques obfervations, c'eft par elles que je commence : ces obfervations regardent & les pierres qui fervent de toile au tableau, & la matière des couleurs. Osserv. I. En premier lieu, Îe rocher qui fournit les dendrites eft par D des [its plus ou moins épais, diverfement inclinez & fendus en * plufieurs morceaux féparez. Chaque morceau eft encore tra- verfé de plufieurs fentes en différens fens, au moyen def quelles on peut en féparer les parties , maïs non fans quelque DES, LSRCUIL EN, GLENS: 563 difficulté: ce n’eft que dans ces dernières fentes qu'on trouve les payfages; elles ne laiffent point d'ouverture, & ne font d’ailleurs fenfibles que par des filets où la couleur de a pierre paroit altérée, & parce que c’eft felon leur direction que la pierre fe caffe. Ces fentes partent de la fuperficie de la pierre & la divi- fent, quelquefois nettement, en deux pièces, quelquefois elles laiflent une adhérence vers le milieu des deux plans, ou fur un des bords : dans ce dernier cas la pierre, lorfque ces deux plans font féparez, paroiît vive au lieu de l'adhé- rence, & y conferve fa couleur naturelle qui eft un bleu terne & foncé. J'ajoûte enfin que les fentes aux payfages font fi multi- pliées, que dans une pièce de la groffeur du poing, il y en a quinze ou vingt; chacune a un deflein qui lui eft propre, qui neft copié d’après aucun autre, dont l'empreinte eft cependant double & exactement la même fur les deux plans qui fe touchent, avec cette feule différence que la droite de Tune répond à la gauche de l'autre. Les couleurs font l’autre partie effentielle à nos dendrites ; j'en diftingue de deux fortes, celles du fond du tableau, & celles des figures tracées deflus ; les unes & les autres font étrangères à la pierre fur laquelle elles ne font qu’appliquées, fans avoir plus de relief ni de profondeur que celles des eflampes gravées. & enluminées, avec lefquelles nos dendrites ont d’ailleurs beaucoup de reflemblance. Les couleurs du fond font des ochres & des craies jaunes, rouges, jonquille, blanches & brunes : es deux premières font fournies par une mine de fer dont le rocher des dendrites eft entouré: on trouve de même tout auprès, la matière des autres dans différentes couches, à des hauteurs & à des diflances inégales. Les couleurs des figures ou des traits deffinez fur le fond ne diffèrent entr'elles que par des teintes plus où moins fortes, c’eft la même couleur d’un brun plus ou moins foncé, quelquefois tirant fur le noir, quelquefois fur le gris de lin; eft-elle d’une nature différente de la première? feroit-elle Bbbb jj OBsERV. II. Sur les ‘cou- leurs. 564 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE une teinture de vitriol? c'eft ce que j'examinerai dans la fuite: On voit par l'inventaire que je viens de donner, que nous avons déjà les matériaux de nos payfages tout ramafiez, il ne s’agit que de les aflembler & de les mettre en œuvre, ou d'indiquer les loix qu'ils fuivent dans leur arrangement, On croit d'abord entrevoir quelqu'analogie entre les figu- res de nos dendrites & celles qu’on forme fur un porphyre, lorfqu'après y avoir broyé des couleurs on élève la molette à plomb; des Phyficiens même apportent cet exemple avec celui du givre ou des rainceaux qui paroïflent en hiver fur les vitres, comme une explication ou comme un fait fem- blable à celui dont nous parlons; mais il me fera aifé de détruire ce fentiment, & de montrer qu'il règne dans la formation de nos dendrites un méchanifme tout différent. En effet, pour ne parler que du premier exemple qui paroît fournir l'explication la plus plaufible, les ramifications de la couleur broyée entre la molette & le porphyre, ne fe for- meroient jamais fi on ne féparoit à plomb ces deux plans ; cela eft fi vrai, que fi pour détacher la molette on Ja fait glifler horizontalement au delà du prophyre, il n’y a point de ramification, au contraire on en forme toûjours à coup für, en féparant ces plans de la première façon. La raifon en eft, comme je crois, que l'air environnant qui preffe la molette fur le porphyre, fans avoir aucun accès dans l'entre-deux bouché par la couleur, Fair, dis-je, prêt à s’infinuer de toutes parts, & dont le fecours eft néceffaire à la main pour élever la molette, perce cette couleur dans les endroits des bords les plus foibles, pénètre dans cet entre- deux au premier & plus petit écartement des deux plans; & eomme il ne peut chaffer entièrement cette couleur gluante, il l'écarte à fes côtés, la fend par plufieurs ruifleaux, & loblige enfin à fe ramafler en petits filets relevez : ce font ces filets qui imitent, quoique de loin, des ramifications où des arbres, mais des arbres entaflez fans ordre, & dans - lfquels on ne diftingue ni les branches ni les tiges. De-kà il eft aifé de voir qu'on ne peut trouver dans ce ME Si STe Xe N'icrE is 565 phénomène l'explication de celui dont nous parlons; je ne dis rien de la différence des couleurs du fond d'avec celle des traits, toûjours diflinguées dans nos payfages, & de bien. d’autres caraétères qui leur font propres, dont un feul fuffi- roit pour rendre ce fait inexplicable dans l'exemple de Ia molette & du porphyre : je ne m'arrête qu'aux ramifications ” produites uniquement par lécartement des deux plans mo- biles, écartement qu’on ne peut cependant admettre dans les plans immobiles des dendrites; bien plus, en l’accordant on n'en eft pas pour cela plus avancé, car ce mouvement fe feroit fans doute dans le rocher d’une manière uniforme & felon une même direction ; mais les fentes aux payfages traverfent la pierre en plufieurs fens contraires ; il y en auroit donc un grand nombre qui ne recevroient point cette impreflion, & dans lefquelles il n’y auroit point de ramifications : or l'expérience y eft contraire, ce qui fuffit fans doute pour rejeter dans Île cas préfent cette explication, & même toute autre, comme je crois, qui s'éloignera trop de celle que je vais effayer de doriner : je n'ai befoin pour cet effet que de quelques fuppofitions qui deviennent des faits en les com- parant avec ce qui précède & avec ce qui fuit. Je fuppofe 1° que le rocher naturellement fendu recoit du dehors & fucceffivement des couleurs liquides dans fes fentes ; 2° les couleurs du fond qui font à la détrempe, fe gliflent les premières, celles des ramifications que je fuppofe à l'huile, viennent enfuite ; 3° l’orifice des fentes & la cou- leur du fond déjà placée, fervent de filière à celles des figures: pour fe ramifier ; 4° une plus grande ou une moindre incli- naifon des deux plans immobiles de {a fente, occafionne des nuances plus foibles, des lointains & les autres variétés. Cela feul un peu développé me fuffit pour rendre raifon de tout, au moins de ce qu'il y a de plus remarquable; mais il fe préfente une difficulté qui peut revenir, & dont la folution doit fervir de bafe à mon explication. On peut de- mander par quel agent les couleurs s’infinuent dans les fentes? qu'efl-ce qui les poufle & les élève? BBD if Couleurs du fond, 566 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE Je réponds qu'il ne faut point recourir à d'autre caufe qu'à celle qui poufle les liquides, qui les met en jeu & les fait élever dans des tubes étroits ou capillaires, dans le tiffu d'une pierre tendre, dans du fucre, dans une éponge entre deux glaces appliquées fune contre l'autre, &c. quelle que foit cette caule, dont la recherche eff étrangère à mon fujet, elle n'eft point particulière à l'introduction de nos couleurs dans les fentes des pierres, elle ne doit donc pas fouffrir ici de difficulté particulière, puifque les fentes dont je parle, font capillaires, & que je fuppofe avec raifon les couleurs dans une forte de liquidité. Des effets femblables peuvent fe rapporter à une caufe commune, il fuffit de l'avoir indiquée une fois en général, pour qu'il me foit permis de la fuppofer dans la fuite. Cela pofé, je dis d’abord que les lits du rocher reçoivent du dehors & fucceffivement, les couleurs des payfages : ces couleurs font aux environs, elles touchent le rocher, plu- fieurs même le dominent, & de-là on comprend que celles qui forment le fond ayant été détrempées par les eaux plu- viales ou autrement, ont pü être entraïnées fur le rocher & Je pénétrer de toutes parts ; l'eau en a été le véhicule, les fentes larges en ont facilité la diftribution jufqu’à l'ouverture des capillaires ; les couleurs ont pénétré dans ces dernières, mais non pas toutes indifféremment ; les unes font pures, les autres font mélées, elles font entrées féparément , {lon leur proximité refpective des fentes, felon que leur diffo- lution a été plus prompte ou plus tardive : ne pourroit-on pas dire encore que les grains de telle ou telle couleur ont eu plus de proportion avec les couloirs de certaines fentes, & qu'elles y ont été admifes par cette raifon à F'exclufion de toute autre ? Quoi qu'il en foit, c'eft delà fans doute que vient cette variété prodigieufe qu'on remarque dans le fond de nos payfages, &:qu'on peut comparer à celles de certaines fleurs: cette variété eft produite non feulement par les mélanges entendus de plufieurs couleurs, mais même par les nuances DE S'S"6 1 LIN C'E'N 567 d'une feule, qui font plus foibles ou plus chargées, felon qu'il en a pü entrer dans la fente & s'y ramafier. De-là sil y a eu des fentes qui n'aient pas été à portée de recevoir la couleur du fond, & dans lefquelles celle des ramifications ait pénétré feule, le payfage qui n’a eu pour ciel ou pour fond que la pierre toute nue d'un bleu foncé, a repréfenté une zuir. S'il n'eft entré qu'une légère teinture de craie blanche, dont le haut s’eft perdu en s’affoibliffant dans le fond bleu, il en eft venu un crépufeule ; fi fur cette ‘teinture blanche, & lorfqu'elle étoit encore fraiche, il en eft furvenu une autre auffi légère d'ochre rouge, ce mélange a produit une aurore parée de fa couleur de rofe : fi les deux plans ont été raboteux & joints inégalement, les ochres jaunes & brunes qui s’y font répandues, y ont été diftribuées d’une façon irrégulière, & aufli-tôt le ciel a été orageux & couvert de #uages : enfin fr l'entrée de la fente a été plus étroite que le côté oppofé où les plans étoient adhérens, la nuance du haut du tableau s'eft chargée davantage, parce qu'il s'y eft ramaffé plus de couleur, & le bas qui forme Vhorizon a été plus clair, & a mieux dégagé les arbres & les terrafles qui s’y font formées dans la fuite. Je pourrois fuivre ce détail, où il eft entré peut-être au- tant de conjecture que de vérité, je pourrois de même rendre raifon des autres différences qu'on remarque dans cette première efpèce de couleur ; mais ce que je viens de dire met aflez fur les voies pour fuivre une plus longue ex- plication. Je viens à la couleur des figures, c’eft-à-dire, à celle qui forme les ramifications, les térrafles & de petits points pareils à ceux de la mignature, ou à ceux dont les Graveurs fe fervent pour adoucir les traits de leurs figures ; j'ai avancé que cette couleur avoit pénétré les fentes, après la couleur du fond , & de plus que cette dernière étoit à la détrempe & l'autre à l'huile. Premièrement, la couleur des figures a pénétré dans les. fentes après celle du fond : je ne chercherai point la raifon. Couleur des: figures. 568 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyaLe de cet ordre ou dans fa marche plus lente, ou dans fa difo- lution plus tardive, ou enfin dans fon plus grand éloigne- ment ; quelle qu'en foit la caufe, c'eft un fait dont je me fuis afluré en grattant certaines pierres fur lefquelles les pre- mières couches de couleurs étoient un peu épaifles; j'ai vû celle des ramifications appliquée fur l’autre. D'ailleurs cette manière de peindre des traits fur un fond déjà imprimé, eft plus fimple, plus aifée, tandis que la méthode contraire feroit prefque impratiquable dans le cas préfent. Pour ce qui regarde, en fecond lieu, ces deux fortes de couleurs, il n’y a point de doute que celle du fond ne foit à la détrempe, puifqu'elle s’enlève en la frottant légèrement, ou même en l'expofant à la pluie : la feconde couleur eft plus difficile à connoître, j'avois cru d'abord qu’elle étoit fournie par le vitriol ferrugineux dont le rocher des den- drites eft parfemé, outre que le vitriol donne une teinture pareille à celle-ci, & qu'il peut fervir de mordant à la cou- leur, fes fels font très-propres à fe ramifier en s'étendant en tout fens, fa gravité fpécifique, à laquelle, felon un Sçavant moderne *, l'élévation des liqueurs dans les tuyaux capillaires eft proportionnée, lui donneroit la force fufhfante pour faire pénétrer les ramifications dans les fentes les plus étroites. Cependant fi cette couleur tient du vitriol, J'ai tout lieu de croire qu'il eft mêlé d'un bitume, ou de quelqu'autre matière grafle & huileufe, 1° parce qu'elle ne fe diflout point pour être trempée dans l'eau, & qu'on ne peut l'emporter en {a frottant, que difficilement ; 2° parce qu’elle ne fe mêle point dans le tableau avec celle du fond qui eft à l'eau, ce qui arriveroit cependant étant toutes Îles deux fraîches & liquides. Ses traits les plus fins & les plus ferrez tranchent toüjours nettement fur le fond, femblable en ce point à l'encre des Imprimeurs qui, étant appliquée fur du papier dégommé & bien imbibé d’eau, ne s'étend pas cependant, étant retenue par l'huile qui ne s'allie point avec l'eau. C’eft auffi ce qui n'arrive point à l'encre ordinaire, même la mieux gommée, * Hambergerelem, Phyfic. jence, 17471. elle DES SCIENCES. 569 elle s'étend fur le papier boivard, au moins lorfqu'il eft mouillé. | I peut donc pañler pour conftant que la couleur des rami- fications eft une matière grafle, peut-être eft-ce un bitume liquide comme le pétrole : le quartier où fe trouvent nos dendrites eft plein de mines de charbon, de pierre, de fer, de foufre & de vitriol, & l’on fçait que les bitumes ne font pas rares parmi ces matières. Nous voici arrivez à la partie la plus curieufe des dendrites, Les ramifica- _& je ne diflimulerai point que c'eft aufli celle qui paroît “"* fouffrir le plus de difficultés, c’eft fur la manière felon laquelle ces ramifications ont été formées : je nérecourrai point pour la trouver à des fuppofitions gratuites, ou à des explications forcées, je la déduis naturellement du mouvement imprimé à la couleur, de fa qualité d’être grafle & huileufe, & enfin des obftacles qu'elle a rencontrez dans fon paflage à travers des fentes capillaires. Lorfque ces fentes ont été plus ou moins abreuvées de Ia . couleur du fond, celle des figures s’eft engagée infenfible- ment des fentes larges jufqu’aux plus étroites ; fi les dernières fe font trouvées vuides & sèches, la couleur à l'huile s’eft répandue par-tout également, & partant elle ne s’eft point ramifiée ; mais fi au contraire la place a été occupée par la première couleur, encore fraîche, capable de céder & de fe \ comprimer, la couleur à l'huile qui eft furvenue, pouffée par la caufe que j'ai indiquée, d'ailleurs d’un tiflu plus compacte & peut-être plus capable de pénétrer à caufe de fes fels, a eu affez de force pour faifir les endroits foibles, & pour fe faire des routes à travers la première couleur : il n'a paru qu'elle y avoit pénétré de trois façons, tantôt par de petites gouttes féparées, tantôt par de petits ruiffeaux continus, enfin également par-tout & fans interruption, felon que l'ouverture de la fente a été plus ou moins large, felon que Je paflage a été plus ou moins bouché par la première couleur. Ces trois différentes manières ont produit les points, les ramifications & les terrafles ; je commence par ces dernières Mem. 1745: Ccce * Voyez les figures. 570 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royare pour fuivre l'ordre qu'elles gardent ordinairement dans nos payfages. Je dis d'abord que fi l'entrée de fa fente a été fuffifamment large, & la couleur à la détrempe peu abondante, celle qui eit à l'huile a trouvé peu de réfiflance, elle a enfoncé la première couleur jufqu'à une certaine hauteur, elle a occupé entièrement tout le terrein qu'elle a gagné, & voilà déjà les terrafles * ou ces mafles qui fervent de bafe aux arbres dans les payfages, c’eft un lavis dans nos dendrites, dont le plus haut eft le plus foncé, parce que la couleur qui tend de bas en haut, s’y eft ramaffée en plus grande quantité, faute d'une iffue fufhfante pour s'échapper. Cependant la couleur à la détrempe, chaflée de fon pre- mier pofte, s’eft trouvée plus reflerrée, & enfin elle a arrêté par fa denfité ce premier torrent ; d’un autre côté la couleur à l'huile toûjours fous la même preflion, a fait effort pour percer encore ; la gêne où elle s'eft trouvée, lui a prêté de nouvelles forces , elle n’a pû avancer en liberté comme la première fois, & chafler la couleur à la détrempe ; mais fes parties les plus déliées en ont pü percer les endroits foibles, s'y pratiquer des paflages étroits qui lui ont fervi de filière, elle eft entrée par de petits ruiffeaux qui ont avancé en fen- dant ou écartant la couleur à la détrempe : ces ruifleaux eux- mêmes ont-ils rencontré fur leur route de petits vuides? ils fe font partagez pour fe mettre au large, ils ont pouffé des branches à droite & à gauche, & ces branches aïnfi que leurs tiges, ont fuivi l'impreffion uniforme qui les pouffoit de bas en haut : les unes & les autres feroient droites fi rien ne s’y étoit oppolé, mais fi en s’élevant elles ont heurté contre des mafles trop denfes de fa couleur qu'elles traverfoient, il a fallu biaifer, alors les ruifieaux ou les branches ont obéi à ces deux direttions, & elles en ont fuivi une moyenne en pre- nant différentes courbures, & elles ont imité par-là plus au naturel celles des arbres; voilà, fi je ne me trompe, la caufe des ramifications en général dans celles qui fe forment les premières à l'entrée des fentes. L'explication que je viens de DES SCIENCES. s71 donner, contient les principes qui peuvent fervir à rendre raifon des autres pièces du tableau qui ne font que des variétés de celles-ci. Telles font 1° les ramifications monftrueufes : 2° celles qui forment les lointains ; 3° celles qui font détachées & arrondies ; 4° les points & enfin les arbres de tige : c'eft toû- jours la même caufe, fçavoir, la différente inclinaifon des deux plans, combinée avec les obftacles qu'oppofe la couleur du fond. Ainfi les ramifications monftrueufes qui s'élèvent immé- Ramifications diatement des bords de la fente, & qui par leur port reffem- "nfrucufes. blent aflez au falicor peu branchu, auffi gros à es fommets Fig: 3- qu'au pied des tiges ; ces ramifications, dis-je, fe font for- mées lorfque la couleur à l'huile a trouvé des paflages affez grands pour s'y épancher abondamment , & peu de réfiftance fur la route : elle s’eft élevée jufqu'au haut de la fente, elle a renflé quelquefois le fommet de fes branches en s’y ramafñlant; toute da ramification eft plus haute , plus droite, moins branchue que les autres, parce que la couleur a eu un cours plus libre en fuivant la direction de bas en haut qui étoit la plus forte. ; Les lointains font des mafes de ramifications féparées, po- Leslointains, fées les unes au deflus des autres, qui diminuent par degrés à mefure qu’elles s'élèvent, en forte que les plus hautes font toû- jours plus grêles, plus raccourcies & d’une teinte plus foible. J'airemarqué deux fortes de lointains qui diffèrent entr’eux par leur forme & par leur origine; les premiers fe trouvent Fig. fe fur les plans qui, n'ayant aucune adhérence, font également diflans lun de l'autre dans toute leur furface: ces plans font traverfez dans leur épaifleur par des fentes dont la direétion eft parallèle aux premières ramifications du bas du tableau ; mais ces mêmes fentes en gardant ce parallélifme, coupent le plan tantôt obliquement , tantôt à angles droits ; la couleur à l'huile a pénétré des plans inférieurs ou du dehors, dans ces fentes tranfverfales, & s'eft venu ramifier dans le plan du payfage, en fe repliant également en bas comme en haut: Cccc ï 572 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Rorare fi la fente tranfverfale a coupé l'épaiffeur du plan à angles droits, parce qu'elle a trouvé une égale facilité, & que rien ne l'a déterminée plütôt vers un côté que vers l'autre, cela a produit des mafles de ramifications oppofées par la bafe & d'un pareil volume, telles que des arbres plantez fur le bord d'un ruiffeau, dans l'eau duquel on les voit exacte- ment répétez. Ces ramifications au refte font plus grêles, plus petites, plus foibles que celles du bas du tableau, & cela à caufe de la difficulté des paflages plus étroits, & parce que la couleur d'une feule fente s’eft partagée des deux côtés : par-là ces ramifications imitent les lointains, quoique fouvent celles de différentes fentes parallèles foient d'une même nuance à caufe de l'uniformité des mêmes pañlages. Del il eft évident pourquoi les maffes des ramifications mifes les unes au deffus des autres font féparées dans cette première efpèce de lointains; mais la caufe de cette fépara- tion eft plus difficile à découvrir dans la feconde efpèce : les plans de ces autres lointains ne font point percez par des fentes qui traverfent leur épaifleur comme dans les premiers, mais ils font adhérens par le haut & la fente va en s'élar- giffant, au moins je le fuppofe, du lieu de ladhérence vers le côté oppofé. Je retrouve dans les principes déjà pofez, fur-tout dans linclinaifon des deux plans, & dans les obftacles de la cou- leur du fond, l'explication des circonftances les plus remar- quables dans cette feconde efpèce de lointains, fçavoir, {a féparation des mafles ramifiées , leur direétion vers le lieu de l'adhérence, leur affoibliflement dans toutes les dimen- fions, & enfin les petits points de la même couleur qui leur fervent de terraffe : ces points font extrêmement ferrez vers la bafe des ramifications, mais ils deviennent plus rares par degrés, à mefure qu'ils s’'approchent du fommet des rami- fications inférieures. Il faut fe rappeller que la couleur à l'huile qui a formé les premières ramifications à Fentrée de la fente, n’a pû les DES, SICLT'E NUQUE Si 73 “prolonger, arrêtée, comme nous l'avons dit, par l'obftacie de la première couleur; mais fitfes parties groflières ont été arrêtées, les plus petites molécules ont pû obéir à l'impref. fion qui perfévéroit à s'ouvrir des paflages : cette couleur ainfr filtrée à travers celle du fond, n'a pû s'échapper que goutte à goutte du fommet des premières ramifications, parce qu'il ne s'élevoit pas à la fois de cette couleur fine autant qu'il en falloit pour former une continuité qui alongeît {es mêmes ramifications; ces petites gouttes détachées par inter- valle & arrondies, comme celles de huile qui nage dans l'eau, fe font élevées jufqu'à ce que des pañfages plus étroits de la couleur du fond leur ont préfenté un nouvel obftacle : les gouttes n’ont pü forcer ce défilé qu'après être deyenues plus fortes par leur réunion, & par les fecouffes continuelles des gouttes qui arrivoient & qui {e joignoient aux premières ; elles ont enfin furmonté l'obflacle peut-être en { filtrant de nouveau, & Îa quantité de couleur ramafñlée a été fufifante pour donner des filets fuivis, c’eit-à-dire des ramifications : & voilà déjà une male féparée, & au deflus de celle qui eff à l'entrée de la fente; lorfqu'il y en a plus de deux, la troi- fième s'eft formée de même, l'une a fourni de 11 couleur à l'autre, & ce font les gouttes qui l'ont apportée & qui ont fait la communication. Les autres circonftances que j'ai remarquées s'expliquent encore d’une façon plus aifée : ainfi 1 ° les ramifications des différentes terraffes ont toutes 11 même direétion , parce qu'elles ont reçu une impreffion commune qui a pouflé Ia couleur des bords de la fente vers le côtéoppolé; 2° les rami- fications deviennent toûjours plus grêles, parce que les paña- ges de la fente devenant toûjours plus étroits, la couleur à Ja détrempe qu'elles contiennent, eft proportionnellement plus fine à mefure qu'elle s'approche de l'adhérence, & partant les filières & les couloirs qu'elle a donnez à l'autre couleur, ont augmenté en fineffe ; 3° les nuances s’afloibliffent de plus en plus, parce que la couleur en s’épurant décroît toüjours en quantité, chaque filtre en arrête une partie plus groffière; ccc ii] 574 MEMOIRES DE L'ÂCADEMIE RoYALE 4° les ramifications fe raccourciflent à mefure qu'elles font plus loin de l'entrée de la fente, parce que le mouvement de la couleur fe ralentit à raifon des frottemens & des autres dificultés qu’elle éprouve fur fa route. ; Ces difficultés arrêtent enfin le cours de Ja couleur à l'huile, tout étant plein, il ne fe fait plus ni filtration, ni nouvelle ramification; les gouttes & les points que leur grof- fièreté refpective a arrêtez à l'entrée des couloirs, demeurent dans la place qu’ils occupoient au moment que la couleur a ceflé de s'élever; les couleurs fe font féchées & le tableau a reçu la dernière main. Je finirois s’il ne me refloit encore deux mots à dire, tant {ur les petites ramifications détachées & répandues dans la partie fupérieure de quelques-uns de nos payfages, que fur ces arbres qui s'élèvent d'une terrafle, dont la tige bien marquée furpafle toutes les autres. La première variété a fon origine dans de groffes gouttes de la couleur à l'huile, qui ont trouvé peu d’obflacle dans la couleur du fond ; dès que {a première impulfion qui les faioit élever a cefé, celle qui eft propre aux liquides preflez entre deux plans, les a fait ramifier en tous fens, en forte que la goutte a été le centre des ramifications. On peut encore rapporter ici les petites ramifications ifolées des aga- thes arborifées, fi cependant elles ne font pas une agréable illufion de l'art. Enfin les arbres, dont la tige très-élevée eft garnie de branches dans fa Jongueur, font fortis de fentes pareïlles à celles de la première efpèce de lointain, & ils n’en différent qu'en ce qu'ils fe trouvent ici debout fur une terraffe; felon que la fente a été entrouverte dans fa longueur, il a pafé plus ou moins de couleur, les branches ont été plus longues ou plus courtes, & elles ont imité des peupliers, des ifs, des picea ou des mélèzes. J'ajoûterois bien d’autres obfervations fur les dendrites qui m'ont été apportées de différens endroits, je pourrois m'é- tendre encore fur les nôtres, mais la prolixité eft inféparable DÆs SCctEenNcEs. 575 de l'ennui , fi d’ailleurs elle n’eft rachetée par les graces du ftyle, dont les ouvrages de cette forte ne font guères fuf. ceptibles : outre qu'on peut ramener tout ce qui regarde les dendrites à quelques-uns des principes répandus dans ce Mémoire, on peut les confronter de même que les confé- quences que j'en ai tirées avec les phénomènes rapportez, & on trouvera, au moins je m'en flatte, que fi je n'ai pas touché au but, je ne m'en fuis guère écarté. EXPLICATION DES FIGURES. Fig. 1. Lointain de Ia feconde efpèce, c’eft-à-dire, dont les males ramifiées fur des lignes pofées au deffus les unes des autres, ont pour origine une fente qui traverfe l'épaiffeur du plan fur lequel eft deffiné le payfage. a, b, eft une fente qui coupe l’épaiffeur du plan 4, par une ligne b, c, oblique au même plan ; elle n’a donné des ramifications que d’un côté. d, f, eft une feconde fente qui traverfe l’épaiffeur du plan 4, à angle droit. Cette fente ne va pas plus loin ici que de fen e, elle donne des ramifications en haut & en bas oppofées par la bafe. gh, eft une fente qui partage la pierre 4, en deux couches, dont les faces qui fe touchent ont chacune un payfage qu’on diroit être fait fur fa même planche; & il en eft de même de toutes les autres fentes à payfages. La terrafle /, fe trouve ainfi furscertaines pierres, elle paroît comme lavée à l'encre de Ia Chine. Fig. 2. Elle repréfente des arbres plus élevez que les autres, & dont la tige eft une fente telle que Ies précédentes, par où Ia couleur a paflé pour former les branches. Fig. 3. Ce font des ramifications plus nourries de couleur, & que j'ai appellées, monffrueufes. Fig. 4. Lointain de la première cfpèce, dont les différentes terrafles font formées par des points. Sur le haut du tableau fe trouvent aufli des points avec de petites ramifications ifolées. Toutes les pièces des figures précédentes ont été deflinées d'après mature, avec toute ka fidélité dont on a été capable, On 576 Men. DE L'ACAD. ROYALE DES SCIENCES. comprend, fans que je le dife, que les ciels & leurs variétés, qui font un des principaux ornemens de nos pierres, n’ont pas pâ être repréfentez dans un deffein à l'encre; le feul défaut que je trouve dans le refte, & il étoit inévitable, c’eft que: les copies, quoique reffemblantes, vûües de loin, font pourtant fort au deffous des originaux vûs de près. Pour ne pas manquer à la fincérité dans les plus petites chofes, je fuis obligé d’avertir que däns Ja première & dans la feconde figure, on a raffemblé dans un même tableau des ramifications & des arbres de différens goûts, répandus dans plufieurs pierres dont on n’a pas voulu multiplier les defleins. D : * … Mene. 2 l'A. Per de274 5 «le ee Men. de ls dr 27e 5 payes 76 PLX = =: Lu 4 La enM Did uen ht) è ÿ ras AE prés A De Fig. { À D) a) | 577 RRRRRRERERRRE NAN M. Clairaut ayant là le 1 $ Novembre 1747, un Mémoire fur le fyffème du Monde, dans les principes de la Gravitation uni- verfelle, l’Académie jugea à propos de faire imprimer ce Mémoire dans ce Volume, avec celui de M. de Buffon là le 20 Janvier 1748. M. Clairaut a depuis trouvé par- d'autres méthodes quelques réjultats différens, © il a lù le 17 Mai 1 749 l'Avertiffement fuivant, que l'Académie a cru devoir publier. Avertiffement de M. Clairaut, au fujet des Mémoires qu'il a donnez en 1747 à 174 8, fur le fyftème du Monde, dans les principes de l’ Attraction. E Problème des trois Corps, dont perfonne n’avoit donné de folution avant moi, a été traité aflez long- temps dans les affemblées de l'Académie, pour que lon fe rappelle facilement la remarque fingulière fur ? Apogée de la Lune, à laquelle conduit ma folution. Tout ce qui a été dit* pour conftater les recherches des Auteurs qui avoient déjà traité li même matière, les diffi- cultés tant phyfiqües que métaphyfiques, faites contre la loi de l'attraction que j'avois fubftituée à la loï ordinaire; & l'aveu que je fis après l'avoir propolée, d'être prêt à l'abandonner, pourvû qu'elle fût combattue par de folides raifons appuyées fur la théorie & les obfervations, ou que lon trouvât un meilleur moyen que celui que j'indiquois, pour accorder les phénomènes avec le calcul: Toutes ces chofes, dis-je, doivent être aflez préfentes à la Compagnie, pour que je fois difpenfé de remettre fous fes yeux des difcuffions très- délicates fur plufieurs principes de calcul, de méchanique & d'aftronomie, Mon but actuel eft uniquement d’avertir les Géomètres qui s’intéreflent à cette queftion, qu'après l'avoir confidérée de nouveau fous un point de vüe qui n’avoit encore été envifagé #_Voyezle Mém. de M. de Buffon, p. 493, avec ma Réponfe, p. 529, Mem, 1745: Dddd 17 Mai 1749- 578 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE de perfonne, je fuis parvenu à concilier affez exaétement les oblervations faites fur le mouvement de lApogée de la Lune, avec la théorie de l'attraction, fans fuppofer d'autre force attractive que celle qui fuit fa proportion inverfe du quarré des diftances : du moins les différences que j'ai trouvées entre mes réfultats & les obfervations, font-elles aflez légères pour pouvoir être attribuées à l'omiflion de quelques élémens que la théorie ne peut employer que très-difhicilement, & qui font heureufement de peu d'importance. Quoiqu'il fût beaucoup plus fatisfaifant pour moï, en pu- bliant ce que je viens d'annoncer à l’Académie, de faire voir la route qui m'y a conduit, & les découvertes que j'ai faites en la parcourant , j'ai cru devoir me contenter actuellement ” de rendre compte du fimple fait, jufqu'à ce que j'aie entié- rement achevé le détail que demandent encore mes nouvelles recherches : les fondemens fur lefquels elles pofent, font com- pris dans un Mémoire que j'ai remis cacheté à M. de Fouchy le 21 Janvier 1749, & dont le pareil a été envoyé avec les mêmes précautions, à M. Folkes Préfident de la Société royale de Londres, le 26 du même mois. On verra lorfque je les donnerai au public, que tout ce qui a été dit fur cette matière, ne m'a püû être d'aucun fecours pour le réfultat que jannonce, & qu'il n'y fera pas Queftion de raifons vagues, mais de principes fürs & appliquez fuivant les règles que prefcrit la Géométrie. : Réponfe à la réplique de M. de Buffon. E viens d’apercevoir l'addition que M. de Buffon a inférée dans ce Volume page $ $ 1, fans lavoir communiquée à l'Académie. Et quoique je ne fois plus attaché à ma loi d’at- traction, ou que du moins je la croie inutile pour les phé- nomènes céleftes , depuis le nouveau réfultat que j'ai trouvé par rapport à l’Apogée de la Lune, je crois cependant devoir montrer que je n'avois pas eu le tort de propofer une chofe 15 ANDTEy 8 18 COLE Ne C ES 7 qui füt impoflible en elle-même. Et je me flatte de prouver que M. de Buffon en traduifant, comme il le dit, {es preuves en calculs, ne les a pas rendues plus convaincantes. H n’eft pas permis de fuppofer, comme M. de Buffon le fait, le figne + devant le terme æ, parce que ce feroit rendre la force négative lorfque x < 1, ce qui feroit bien une véritable abfurdité pour le cas dont il eft queflion. Cela polé, quel que foit le Coëffcient que l’on doit mettre S LI 4 , ya . LA . devant Îe terme —, généralité bien plus néceffaire que celle x q du figne =, & qui la renfermeroit fi l'on en avoit befoin: Véquation que lon aura par ce moyen, laquelle fera + © —A,en prenant la lettre « pour défigner ce # a+ coëfficient , n'aura de racines réelles que deux égales, l'une en —+-, l’autre en —; & fi cette duplicité de racines eft encore un inconvénient pour M: de Buffon, qu'il remarque que la loi du quarré l’auroit de même. \ . Li Le Au refte, fi l’on confidère en elle-même 1a loi — + an LE * qu'on fafle en faveur de M. de Buffon abftraction des phé- Réfutation de la Irc dé- monftration, nomènes aftronomiques , qui ne permettent pas de fuppofer Li . le ——- au terme —, on n'aura aucun lieu d'être choqué de x+ q ce que l’on trouveroit deux diftances différentes auxquelles la même force feroit exercée. M. de Buffon confond appa- remment ce cas avec celui d’une loi qui donneroit deux différentes forces pour la même diftance. Pour peu qu'on foit initié dans l’Algèbre, on ne fauroit Le . . y , , 1 T à 1 Imagine que l'on repréfente em —+ Fr par yes ou par 7? ou par . L’argument de M. de Buffon remis en # x+r langage vulgaire, ne fignifie donc autre chofe, finon que lorfqu'on a admis une fois que la loi de l'attraction ne devoit Dddd ji; Réfutation de la I Ie dé- monftration. 11 Juin 1749: s80 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RovaLe être exprimée que par un terme, on ne pouvoit pas en fubftituer deux de différentes efpèces à fa place. Mais comme cette fuppofition eft la chofe même en queflion, M. de Buffon tombe dans une pétition de principes , bien-loin de donner une démonfiration. Seconde addition au Mémoire qui a pour titre: Réflexions fur la loi de l’Attraction. Par M. DE BuFFonx. E ne voulois rien ajoûter à ce que j'ai dit au fujet de Ja oi de l’Attraction, ni faire aucune réponfe au nouvel Ecrit de M. Clairaut : mais comme je crois qu'il ef utile pour les Sciences, d'établir d’une manière certaine la propofition que j'ai avancée, fçavoir, que la loi de F Attraction & même toute autre loi phyfique, ne peut jamais être exprimée que par un feul terme, & qu'une nouvelle vérité de cette efpèce peut prévenir un grand nombre d'erreurs & de faufles applica- tions dans les fciences Phyfico-Mathématiques ; j'ai cherché plufieurs moyens de la démontrer. On a vû dans mon Mémoire les raifons méthaphyfiques par lefquelles j'établis qu'une qualité phyfique & générale dans là Nature eft toùjours fimple, & doit par conféquent avoir une mefure fimple; qu'une loi phyfique qui repréfente cette mefure, ne peut donc jamais être compolée ; qu'elle n'eft en effet que l’expreffion de l'effet fimple d’une qualité fimple, que lon ne peut donc exprimer cette loi par deux termes, parce qu’une qualité qui eft une, ne peut jamais avoir deux mefures. Enfuite dans l'addition à ce Memoire, j'ai tâché de prouver cette même vérité par la réduétion à l'abfurde &c par le calcul. Ma démonftration eft vraie, car il eft certain en général, que fi l’on exprime la loi de l'attraction par une fonétion de la diftance, & que cette fonétion foit compofée DES SCLENCE(,S s$r de deux ou plufieurs termes, comme + — = —, &c. # x * & que l’on égale cette fonction à une quantité conflante À pour une certaine diftance, il eft certain, dis-je, qu'en réfol- vant cette équation, la racine x aura des valeurs imaginaires dans tous les cas, & auffi des valeurs réelles différentes dans . prefque tous les cas ; & que ce n'eft que dans quelques cas . L 1 . comme dans celui de = + — — À, où il y aura deux racines réelles égales, dont l'une fera pofitive & l'autre né- gative; cette exception particulière ne détruit donc pas la vérité de ma démonftration, qui eft pour une fonction quel- D # # 1 conque :_ car fi en général la pefanteur eft — te x”, Vexpofant » ne peut pas être négatif & plus grand que 2, puifqu’alors la pefanteur deviendroit infinie dans le point de contact; l'expofant » eft donc néceffairement pofitif, & le coëfficient #1 doit être négatif pour faire avancer lApogée de Ja Lune, par conféquent le cas particulier — + — ++ + ne peut jamais repréfenter la loi de la pefanteur : & fi on fe permet une fois d'exprimer cette foi par une fonétion de deux termes , pourquoi le fecond de ces termes feroit-if néceflairement poñitif! Il ya, comme f'on voit, beaucoup de raifons pour que cela ne foit pas, & aucune raifon pour que cela foit. Dès le temps que M. Clairaut propofa pour la première fois de changer la loi de l'attraction &c d'y ajoûter un terme, j'avois fenti l'abfurdité qui réfultoit de cette fuppofition, & javois fait mes efforts pour la faire fentir aux autres; mais jai depuis trouvé une nouvelle manière de a démontrer, qui ne laiflera, à ce que j'efpère, aucun doute fur ce fujet important : voici mon raifonnement que j'ai abrégé autant qu'il m'a été poflible, Si la loi de l'attraction, ou telle autre loi phyfique que Yon voudra, pouvoit être exprimée par deux ou plufieurs Dddd iïj 582 MEMOIRES DE L'ACADEMIE RoyALe . / : . * termes, le premier terme étant, par exemple, on il feroit néceflaire que le fecond terme eût un coëfficient indéter- . LA », A L A A miné, & qu'il füt, par exemple, em) & de même fi cette loi étoit exprimée par trois termes, il y auroit deux coëf- ficiens indéterminez, l'un au fecond & l’autre au troifième terme, &c. dès-lors cette loi d'attraction qui feroit exprimée L LI . par deux termes — + ——, renfermeroit donc une quan- xx m xt tité m qui entreroit néceffairement dans la mefure de Ia force, Or je demande ce que c'eft que ce coëfhicient #1, il ef clair qu’il ne dépend ni de Ia mafle ni de la diftance, que ni l’une ni l’autre ne peuvent jamais donner fa valeur, com- ment peut-on donc fuppofer qu'il y ait en effet une telle quantité phyfique? exifte-t-il dans la Nature un coëfhcient comme un 4, un $, un 6, &c? & n'y a-t-il pas de l’abfurdité à fuppoler qu'un nombre puiffe exifier réellement, ou qu'un coëflicient puifle être une qualité eflentielle à la matière? il faudroit pour cela qu’il y eût dans la Nature des phénomènes. purement numériques, & du même genre que ce coëfhcient m, fans cela il eft impoflible d’en déterminer la valeur, puif- qu'une quantité quelconque ne peut jamais être mefurée que par une autre quantité de même genre: il faut donc que M. Clairaut commence par nous prouver que les nombres font des tres réels aétuellement exiftans dans la Nature, ou que les coëfficiens font des qualités phyfiques, s’il veut que nous convenions avec lui que la loi de l'attraction ou toute autre loi phyfique, puifle être exprimée par deux ou plufieurs termes. Si l'on veut une démonfiration plus particulière, je crois qu'on peut en donner une qui fera à la portée de tout le monde, c’eft que la loi de la raifon inverfe du quarré de la diftince convient également à une fphère & à toutes les particules de matière dont cette fphère eft compofée. Le globe de la Terre exerce fon attraction dans la raifon inverfe DANS NONGUTLIE ANLC ENS 58 du quarré de la diflance; & toutes les particules de matière dont ce globe eft compolé, exercent aufli leur attraction dans cette même raïfon, comme Newton l'a démontré: mais fi l'on exprime cette loi de l'attraétion d’une fphère par deux termes, la loi de l'attraction des particules qui compofent cette fphère, ne fera point la même que celle de Ia fphère; par conféquent cette loi compofée de deux termes, ne fera pas générale, ou plütôt ne fera jamais la loi de la Nature, Les raifons métaphyfiques, mathématiques & phyfiques, s'accordent donc toutes à prouver que la loi de f'attraétion ne peut être exprimée que par un feul terme, & jamais par deux ou plufieurs termes, c’eft la propofition que j'ai avancée & que j'avois à démontrer. Réponfe au nouveau Mémoire de M. de Buffon. E n'entends pas ce que M. de Buffon veut dire, lorfqu’en nous apprenant qu'une loi de la Nature toûjours fimple ne doit avoir qu'une feule mefure, il en conclut qu'on ne fçau- roit l'exprimer par deux termes, à caufe que ce feroit, fuivant lui, fe fervir de deux mefures. Pourquoi veut-il que deux termes foient deux mefures ? Si j’avnis prétendu qu'on peut prendre indifféremment un terme ou un autre, j'aurois véri- tablement alors emploÿé deux mefures, mais l'aflemblage de deux termes dont les coëfficiens & les expofans fe doivent déterminer par les phénomènes, ne donne en aucune manière deux mefures à la même force. Je voudrois bien encore apprendre ce qui porte M. de Buffon à vouloir que le coëfhicient #7 dans la formule — mx" foit rélatif à la mafle ou à la diflance ; pour- # quoi il s'étonne qu'une quantité conftante puiffe entrer dans Yexpreflion d’une quantité variable, & pourquoi il faut lui prouver que les nombres 4, $, &c. exiftent dans la Nature, afin qu’il admette des coëfficiens dans les valeurs analytiques des forces, 584 MEMOIRES DE L'ACADEMIE Royarr Avant de lui répondre, je le prie de me dire fi le 2 qui fert d'expolfant dans la loi du quarré, & l'expofant » qu'il veut bien admettre en recevant fes loix d’un feul terme, exiftent plus dans la Nature que le coëfficient de mon fecond terme? Je demanderai encore à M. de Buffon ce que c'eft que des phénomènes numériques & du même genre que le coëfhcient #1: n'ayant point d'idée de ce qu'il entend par ces phénomènes, Je ne fçaurois les employer à déterminer le coëfficient en queftion. Tous ces articles du nouveau Mémoire de M. de Buffon, ne me paroiflant avoir aucun fens affez pofitif pour entre- prendre d'y répondre, je paferai à ceux qui font plus fuf- ceptibles d'examen. M. de Buffon en confidérant une loi telle que —+ mx qui feroit compolée de deux termes, veut que lexpofant # foit pofitif, parce que fans cela la force feroit infinie dans le contact, & il fait enfuite le coëfficient w nécatif pour faire avancer l'apfide ; mais à quoi penfe-t-il d'examiner une loi que l’on ne peut prendre pour celle de la Nature, fans ignorer & la théorie des trajectoires & toutes les obfervations ; car fi l'expofant » étoit pofitif, les mouvemens d’apfides des Pla- nètes fupérieures feroient beaucoup plus grands que ceux des Planètes inférieures, ce qu'aucun Géomètre ne fçauroit ignorer, & ce qu'on fçait auffi contraire aux phénomènes. Si M. de Buffon objecte qu'on ne fçauroit prendre l'expo- fant » en moins, parce que la force feroit infinie dans le con- . tact, en cela il ne fait autre chofe que rappeller mes propres paroles, fans me citer comme il f'auroit dû ; car j'ai dit, . . . ï m que je ne propoois la loi — + x que pour donner une idée de celle que je voulois fubftituer à la loi ordinaire, & qu’un des inconvéniens de Fexpreffion = + -— étoit F7 xt de rendre la force beaucoup trop confidérable dans les corps contigus, ou très-voifins les uns des autres. è Cet e D'ES- SCIENCES s8s Cet inconvénient feroit aifé à éviter en prenant d’autres fonétions que celles qui s'expriment par des affemblages de puiflances : mais pour propoler de pareilles fonétions, plus compolées encore que celles que M. de Buffon rejette, fera- t-il néceffaire de lui prouver auparavant qu'il exifte dans la Nature des quotiens de quantités complexes, des radicaux, des logarithmes , des fommes intégrales, &c. toutes expref- fions dépendantes de l'algorithme des Géomètres, & qui n'ont aucun rapport avec l'exiftence des quantités phyfiques qu'elles peuvent fervir à exprimer. Demander qu'on trouve des coëfficiens ou d’autres quantités de même efpèce, exiftans par eux-mêmes, me paroît'une prétention auffi-bien fondée que fi on vouloit trouver dans {a Nature l'exiftence des lettres & des mots qu'on employe à définir des chofes qui exiftent réellement. Je ne reviendrai point fur les preuves que j'ai données dans ma première réponfe , pour faire voir que la forme de lexpreflion d'une force ne doit point empêcher qu'on en _croie Fexiftence, fi les phénomènes la demandent ; mais je ferai feulement remarquer à M. de Buffon , que dès qu'il ne veut admettre que des puiflances pour exprimer une loi, & qu’il rejette enfuite les termes où les expofans font négatifs, il fe reftreint à ne vouloir dans la Nature d'autre loi que celle du quarré , car il ne penfe plus fans doute à fe fervir des puiffances pofitives qui font oppolées à tous les phénomènes connus. Or s’il fait ainfi main-bafe fur toutes les loix diffé- rentes de celles du quarré, qu’il nous dife donc comment il expliquera par cette loi les phénomènes de la réfraction, de la rondeur des gouttes, de lafcenfion des liqueurs dans les tuyaux capillaires, &c. phénomènes pour lefquels M. Newton prétend qu'on doit prendre des loix plus élevées que la troi- fième puiffance inverfe des diftances. C’eft ainfi que M. de Buffon, en croyant défendre M. Newton, Fattaque réelle- ment. ‘ La dernière raifon qu’apporte. M. de Buffon pour détruire les loix compofées de deux termes, c’eft que dans de telles Mem 1745: Eeee 586 MEMOIRES DE L'ACADEMIE ROYALE doix les fphères entières n'attireroient pas fuivant la même. raifon que leurs particules , au lieu que dans la loi du quarré on rencontre cet accord du tout avec les parties: mais il faut être bien aifé à contenter en démonftration, pour en trouver une dans un pareil argument, & il faut en même-temps bien peu faire d'attention à la théorie de l'attraction. M. de Buffon doit fçavoir que cette reflemblance de la loi d'attraction totale d’un corps à celle de fes parties, n’a été trouvée que pour les feules fphères , &' non pour les fphéroïdes & les autres corps que nous préfente l'Univers. Si l’on vouloit déterminer par un tel principe les Joix de la force qui doit animer toute là Nature, on donneroit la préférence à l'attraction directement proportionnelle à Ja diftance ; car dans cette loi, non-feulement les fphères, mais tous les corps du monde, attireroient fuivant la même loi que leurs parties. Seroit-il raifonnable de quitter la voie des phénomènes, pour connoître les forces qui agiffent dans la Nature, & de les vouloir déterminer par le plus ou 1e moins de fimplicité d’une expreffion analytique ? Les raifons métaphyfiques , mathématiques & phyfiques que M. de Buffon a employées, ne font donc d'aucun effet contre la loi que j'ai propofée pour concilier les phénomènes aftronomiques avec ceux qui fe paflent tous les jours fous nos yeux, comme la rondeur des gouttes d'eau , lafcenfion des liqueurs dans les tuyaux capillaires, &c. Au refle, je répéterai ici ce que j'ai dit plufieurs fois dans l'Académie. Je regarde l'idée que j'ai eue de choifir une loi complexe pour réunir les différentes efpèces de loix qu'on a employées, comme un de ces expédiens qui viennent fi faci- lement à l'efprit, que je n’y attache aucun mérite; je ne l'ai foûtenue que parce que M. de Buffon la prétendoit abfurde, & il na engagé malgré moi dans une difpute qui ne faifoit rien au fond de la queition. M. Ferrein lit en 1746, deux Mémoires fur le mouvement des mächoires ; l'Académie jugea à propos de les faire paroître DES SCIENCES. 587 dans le Volume de 1744: l'année fuivame M. Winflow donna plufieurs remarques fur ces Mémoires ; mais comme il n'y en a encore eu que la première partie qui ait éte lie, l’Académie 4 cru devoir en fufpendre la publication, FIN, * mn 54 pe , .