Cu + « n ” j Q ï R HISTOIRE L'ACADEMIE R'OETA EL E DES SCRENCE S. ANNÉE M DCCLITI. Pare les Mémoires de Mathématique & de Phyfque, pour la même Année, Tirés des Repiftres de cette Académie. ; _ A PA R ES. DE L'IMPRIMERIE ROYALE. Nr D'CCE VIE Mr mnt pie rep: rene eet Mis | 4 w + 20) : lisosius TABLE 1PIO U:R L'HISTOIRE. PHYSIQUE GENERALE. A) ur quelques Montagnes de France qui ont été Volcans, Page x Sur l'Efedricité de l'Air. 8 Sur la comparaifon du item avec la Suiffe, par do à fes Minéraux. Obfervations de Phyfique générale. 16 à ANATOMIE. : Sur l'organifation des Os. ‘219 ï “4 Sur la flrutture du Cœur. 26 Sur la liqueur de l'Allantoïde. 38 Sr la fituation de l'eflomac du Coucou. AT Sur une maladie rare de l'efomac, fur le rare & fur lufage de la Rate. 45 Sur la digeffion des Oifreaux. 4 49 + Olfervations Anatomiques. 71 TABLE. CE XX: M: QE: Sur le Bleu de Pruffe. 79 Obfervation chymique. 85 GARE SO NE SE TRUE 87 ASTRONOMIHIE. Sur les Variations ob{ervées dans les hauteurs foffficiales. 93 Sur le Diamètre apparent du Soleil 95 Sur la parallaxe de la Lune. 103 H, KDE RSA QUE 116 GET OMERRAATBEMELME. Sur les chaînes de montagnes du Globe terrefire. Tr ES YD}R OfGR'AUMERT E. Sur les Opérations nommées par les Pilotes Coxreétions. 125 OP:T:I. QU: E: 131 MECHANIQUE 141 Machines ou Inventions approuvées par l'Académie en 17 $ 2. 147 Loge de M. Geoffroy. 153 Eloge de M. Chicoyneau, 164 Ln0@ 10:0:0:0:9:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0/0:0:0:0:00:0:0 aa LE POUR “TES MEMOIRES. ÉMOITRE vf les opérations nommées Correétions par les Pilotes; avec diverfes remarques qui peuvent être utiles dans les parties pratiques des Mathématiques. Par M. BOUGUER. .. & Pager Memoire fur quelques montagnes de la France qui ont été des Volcans. Par M. GUETTARD. 27 Examen chymique du Bleu de Pruffe. Pa M. Macquer. 60 Premier Mémoire fur la parallaxe de la Lune, & fur fa dif- tance à la Terre; dans lequel on applique les nouvelles obfervations Jaites par ordre du Roi en 1 AN 17 sie à Berlin & au cap de Bonne-efpérance, à un Jphéroïde aplati, pour en déduire les parallaxes dans différens points de la Terre. Par M. LE FRANÇois DE LA LANDE. 78 ‘Appulfe d'une étoile de la Jerre orientale de l'Ecreviffe, au bord fep- tentrional de la Lune. Par M. LE MONNIER le Fils. 11 5 Autres Appulfes antérieurs. 116 Hifloire des maladies E’pidémiques % 1752 obfervéés à Paris, eu même temps que les différentes températures de l'air. Pax - M. Mazouin. É REY Confrructi ion des Tables de la parallase horizontale de la Lune, qui Jiivent de la théorie que j'ai donnée des mouvemens de cette Planète; avec quelques réflexions fur fes autres élémens calculés dans la même théorie. Pax M. CLAIRAUT. 142 Second Mémoire fur l'organifation des Os. Pax M. DE LASÔNE. 161 Bu d'un Mémoire là à PA en I 7er Jur les 'aj T'ASE E Variations que l'on remarque dans les Hauteurs Jolficiales. Par M. DE THuRy. 178 Mémoire dans lequel on compare le Canada à la Suife par rapport à fes Minéraux. Pax M. GUETTARD,. 18 9 Obfervation de l'éclipfe de Lune du 2 Décembre 175 1, faite à l'Obfervatoire royal. Pax M. CassiNt DE THURY. 221 Relation d'une Maladie rare de l'eflomac; avec quelques Ob- fervations concernant le méchanifme du vomiffement, r l'ufage de la Rate. Par M. LiEeuTauD. 223 Obfervation fur l'Eedricité de l'Air, Par M. LE MoNNiEr Médecin. 233 Obfervations anatomiques fur le Cœur. Premier Mémoire. Par M. LiEuTAUD. 244 Sur la digeffion des Oifeaux. Premier Mémoire. Experiences fur la manière dont fe fait la digeffion dans les Oifeaux qui vivent principalement de grains à d'herbes, & dont l'eflomac eff un géfier. Pa M. DE ReauMur. 266 Obfervations anatomiques fur le Cœur. Second Mémoire, cou- tenant [a defcription générale. Pax M. LiEuTAUD. 308 Suite du Mémoire dans lequel on compare le Canada à la Suile, par rapport à Jes minéraux, Par M. GUETTARD. 224, Obfervations Botanico- Météorologiques faites au château de Denainvilliers proche Pluviers en Gätinois, pendant l'année 1751. Pa M pu HAMEL. 361 Obfervation fur la liqueur de l'Allantoïde. Px) M. DaAu- BENTON. 392 Effai de Géographie phyfique, où l'on propofe des vies générales Jur l'efpèce de Charpente du Globe, compofée des chaînes de montagnes qui traverfent les mers comme les terres ; avec quelques confidérations particulières fur les différens baffins de la mer, & fur fa configuration intérieure. Px M. BuACHe. 399 TABLE. ation anatomique fur les organes de la digeflion de l'oi, … feau appelé Coucou. Par M. HÉRISSANT. 417 Obfervations \aftronomiques faites à l'Oëfervatoire royal de Greenwich, correfpondantes à celles de M. l'abbé de Ja Caille au cap de me St pour la parallaxe de ® Ja Lune, de Mars à de Vénus; tirées d'une lettre écrite. par M. Bradley à M. de l'Îfle, datée de Greenwich le 22 Août 1752, ancien flhyle. Traduit de l'Anghois. 424 Difertation fur le diamètre apparent du Soléil, & fur les pré- cautions que l'on prend ordinairement pour le regarder. Pax M. LE GENTIL. 440 Sur la digeflion des Oifeaux. Second Mémoire. De la ma- * nière dont elle fe fait dans l'eflomac des Oifeaux de proie. Par M. DE REAUMUR. 461 Obfervations affronomiques faites au collége Mazarin pendant l'année 1749, © une partie de l'ännée 17$0. Par M. PAbbé DE LA CAïLLE. 496 Replique à un Mémoire de M. DE MAwPErTuIs, fur le © principe de la moindre adion, inféré dans les Mémoires de l’Académie royale des Sciences de Berlin, de l'annee 17 52 Par M. le Chevalier D’A R c x. 503 Mémoire fur les élémens de la théorie du Soleil, pour fervir de fupplément aux deux Mémoires fur le même fujet, qui font imprimés parmi ceux de l'année 175 0. Par M. l'Abbé DE LA CAÏILLE. s20 Adéition au Mémoire dans léquel on compare le Canada à la Suiffe, par rapport à [es minéraux. Pax M. GUETTARD. Ci \ FA 524 Table des afcenfions droites à des déclinaifons apparentes des .… Eïoiles auflrales renfermées.dans le tropique du Capricorne, obfervées au cap de Bonne-efpéränce, dans. l'intervalle du € Août 1751, au 18 Juillet 1752. Pa M. l'Abbé DE LA CAILLE. ; 539 | T AB LE. Conffrution des Tables du Mouvement horaire de la Lune: Par M. CLAIRAUT. 593 Oëfervations météorologiques, faites à l'Obfervatoire royal pen- dant l'année 1752. Par M. DE Foucuy. 623 Obfervations fur les eaux de Balaruc. Par M. LE Rovx, Médecin, de Ia Société Royale de Montpellier. 625 Fautes à corriger dans les Mémoires de 17 1. Pave 29, ligne 17, & la marge, 8.me Expérience, ajoûtez Fig. 8. Jbidem, ligne 31, à la marge, 9."° Expérience, ajoûtez Fig, 9. Page 49, ligne 19, ajoûtez à la marge Fig. 1. Page 52, ligne 7, ajoûtez à la marge, Fio. 2. Page 410, ligne dernière, 10% 261 52",3, lifez 101 26 53",3. Page 417, ligne 19, dernière colonne, 4! 18", lifez 4! 38". Page 414, ligne 26, 484% lifez 4812. - Page 422, ligne 6, le2 Décembre 175 2, Uifez le 2 Décembre 1751. Page sor, ligne dernière, toutes les fois que je n’y ai point trouvé de rofée, lifez & je n’y ai point trouvé de rofée toutes les fois que. Fautes à corriger dans l'Hifloire de 1752. Page 47, ligne dernière, qu'on la trouva, dfez qu’on la trouvät. Page 48, ligne dernière, laïffent toûjours libre, ôrez toüjours, Page 68, ligne 19, eft qu'il eft très-vrai-femblable que les oifeaux , lifez eft que vrai-femblablement les oifeaux» + Fautes à corriger dans les Mémoires de 172. Page 130, ligne dernière, fumeerre Afez fumeterre. Page s15, ligne 8, du corps C, lifez du corps D. Page 518, ligne 19, le centre, lifez le centre C. : Page Sr7, lignes 16,21 à7 22; page S18, lignes 4, S, 6; page s 19; Eee lignes 18, 21, 22,94 €7 75, fubflituez partout dans É calcul des © majufcules aux o minufcules qui y font. CROSS HISTOIRE BL SL CER'E L'ACADEMIE ROYALE D'É\S' SC LE NIGESS. Année M, DCCLII. HOOOOOO OO OO OXOOHOKOOXOHOOHOOXOHOXC PHYSIQUE GENFRALE. SUR QUELQUES MONTAGNES DE FRANCE QUI ONT ETE VOLCANS. À partie de Ia Phyfique qui s'occupe des érup- V.les Mém. SA} tions des volcans & des phénomènes qui les P?5° 27: | accompagnent, peut en quelque forte être comparée à celle de l'Hifloire qui a pour objet =] les révolutions des Empires. Si cette dernière offre la peinture des funeftes embrafemens que les paflions peuvent produire dans le temps même qu'elles femblent les Hf. 1752. 4 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE plus tranquilles, l'autre avertit les hommes de ce qu'ils ont à redouter de ces feux foûterrains, que l’Auteur de la Nature a placés dans un fi grand nombre d'endroits de notre: Globe, & qui, lors même qu'ils paroiflent éteints depuis un très-long temps, fe rallument quelquefois avec une nouvelle fureur. Un voyage que M. Guettard a fait dans plufieurs provinces du Royaume, fa mis en état d'y remar- quer différentes montagnes qui porloient toutes les marques & tous les caraétères de volcans éteints ; c'en fut affez pour le déterminer à les vifiter de plus près: à mefure qu'il s'en approchoit, des pierres ponces & des quartiers de laves, ou de cette matière fondue que les volcans vomifflent dans leurs éruptions , répandus dans la campagne, & des villes entières bâties de ces mêmes matériaux, le confirmèrent dans fon opinion, que l'examen des pointes des montagnes fur lefquelles il monta, convertirent bien-tôt en certitude. Quoique fon voyage lui eût donné lieu de faire plufieurs obfervations intéreffantes d’un autre genre, cependant la cir- conftance des tremblemens de terre qui fe font fait fentir, depuis un petit nombre d'années, en différens endroits de l'Europe, de l'Afie & de l'Amérique, & les éruptions de plufieurs volcans qui fe font ouverts ou rallumés dans le même temps, l'ont engagé à fufpendre la publication de {es autres obfervations, pour donner celles qui ont eu ces montagnes- pour objet. La première qui fe préfenta à fes yeux, fut celle de Volvic, fituée à deux lieues de Riom en Auvergne: cette montagne doit avoir efluyé des embrafemens & des éruptions auff terribles que le Véfuve, du moins fi on en juge par Îa quantité énorme de Javes qu'elle a jetée; elles forment des mafles dans lefquelles on a pratiqué des carrières qui four- niflent de la pierre à plufieurs endroits, même affez éloignés de cette montagne : toute la ville de Riom eft bâtie de cette efpèce de pierre. M. Guettard ne fut pas long-temps à la reconnoître pour ce qu'elle étoit réellement, elle ne lui laifla aucun doute que la montagne voifine de laquelle on DELSA SUICIDE NC: :S 3! la tiroit, ne füt un véritable volcan, & c'en fut affez pour le déterminer à la viiter. La montagne de Volvic a pour bafe des rochers de granit blanc, ou pluflôt couleur de rofe päle, qui prend un affez beau poli ; fa figure eft conique, comme l'eft ordinairement celle des volcans ; au deflus de la bafe de granit, on ren- contre d’abord un grand amas de pierres ponces , de figure arrondie , de différentes groffeurs, de couleur noire & rouge, entaflées fans aucune liaifon. Au deflus de cet amas de pierres ponces, on trouve des rochers d’un rouge obfcur ou d’un noir fale & matte, hériffés de pointes irrégulières, contournées en tout fens, & tout-à-fait femblables à un amas de fcories: en-continuant. à monter, on rencontre de nouveau des amas de pierres ponces, & enfin une pierre tendre & cendrée, formant des mafles aflez confidérables pour être regardées comme de véritables rochers. A quelque diftance du fommet eft un trou de quelques toifes de large, formé en entonnoir, comme left ordinai- rement Ja bouche des volcans. Cette ouverture, ainfi que les rochers de fcories dont nous avons parlé, regarde le fud-oueft: la partie de la montagne qui eft au nord & à l'eft, eft ab{o- lument couverte de pierres ponces; à l’oueft, les ravins caufés par les pluies découvrent des bancs de pierre toute femblable à celle qu'on tire des carrières qui font au bas de la montagne du même côté: ces bancs paroifient s'é- tendre dans toute fa hauteur , & fuivre exaétement fa pente. En entrant dans les carrières, M. Guettard obferva que les bancs avoient douze à quinze pouces d'épaifieur, & qu'ils n'étoient pas féparés, comme le font ordinairement les bancs de pierre des carrières , par de la marne, de la glaife ou par d’autres matières étrangères ; ce.qui doit néceffairement arri- ver aux différens dits de laves que jette un volcan, les dernières coulant toüjours immédiatement fur les premières figées. Cette pierre n’eft pas non plus compofée de feuillets horizontaux comme da pierre ordinaire, elle fe cafle égale- ment en tout fens, elle eft très-poreufe, & cependant très- Aij 4 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE dure, fa couleur eft le gris-de-fer, & elle fe charge à Fair d’une efpèce d’efflorefcence blanche qui paroït en fortir. Tous ces caractères qui conviennent fi parfaitement aux laves que jettent les volcans, les rochers de fcories defquels nous avons parlé, les pierres ponces, la figure de la montagne & lentonnoir qu'on trouve à fon fommet, ne laiffèrent pas à M. Guettard le moindre lieu de douter qu'elle ne füt un volcan éteint, & que mème, fi on en juge par les veftiges qui en reftent, les éruptions n'en aient été terribles. Le Puy-de-Domme, qui eft, après le mont d'Or &4e Cantal , fa plus haute montagne de l'Auvergne, porte les mêmes caractères de volcan que la montagne de Volvic: on y retrouve les mêmes pierres ponces, les rochers de fcories, la même figure conique, l’entonnoir, une efpèce de gravier formé par une forte de mâchefer, & de très- petites pierres ponces mélées de cendre, en un mot, tout ce qui peut la fairé reconnoître pour un volcan éteint ; & fi du haut de cette montagne on a, fuivant la remarque de M. Guettard, l'agréable coup d'œil de plus de quinze ou vingt lieues en tout fens, d’un pays coupé d'étangs, de rivières , de forêts, de villes & de bourgs, la montagne elle-même ne préfente que le fpectacle le plus affreux, & les reftes du bouleverfement horrible caufé par les éruptions qu'elle a foufertes. Du haut de cette montagne, il aperçut d’autres pics fem- blables, & remarqua qu'ils avoient tous des entonnoirs au fommet, ce qui lui fit conclurre que ces pics avoient auffi anciennement jeté. Effectivement, un qu'il examina, lui préfenta toutes les marques de volcan éteint, & ïl crut pouvoir d'autant plus fe difpenfer de vifiter les autres, que M. Ozy Apothicaire de Clermont, & très-verfé dans l'Hif toire Naturelle, l'aflura que tous ces pics qui font au nombre de quinze ou feize, tous aflis fur la même croupe que le Puy-de-Domme, portoient les mêmes marques d'éruption; foit qu'on les regarde comme plufieurs bouches qu ife font ouvertes en même temps fur la même montagne, foit qu'ils DENIS MS CNE NC ES $ doivent être regardés comme des veftiges de plufeurs érup- tions fucceflives , ce qui paroît plus probable, les matières qui s'enflamment à chaque éruption ne pouvant, lorfqu'elles ont une fois iflue, conferver la force néceflaire pour former de nouvelles ouvertures, & lancer par-à une quantité de matière fufhfante pour former les pics. Le mont d'Or n'offre pas tout-à-fait autant de vefliges de volcan, que le Puy-de-Domme & la montagne de Volvic, du moins dans plufieurs de fes parties; car on doit moins le regarder comme une feule pointe, que comme une longue croupe de montagnes qui forment un fer à cheval, dont l'entrée eft tournée au-nord-eft, & fur laquelle font élevés plufieurs de ces pics dont nous venons de parler. Celui qui porte, à proprement parler, le nom de mont d'Or, eft au fond de cette efpèce de cul-de-fac du côté du nord; fa figure eft abfolument femblable à celle de 1a montagne de Volvic & du Puy-de-Domme: mais on n'y trouve pas les mêmes amas de pierres ponces que fur les deux dernières, ce que M. Guettard attribue à ce qu'elle eft plus couverte de bois & de plantes, dont les racines recouvrent ces matières: à left de ce pic eft celui qu'on nomme le Capucin, parce que fa figure, qui eft beaucoup moins régulière que celle des autres repréfente de loin, lorfqu'on le regarde de certains endroits, un de ces Religieux revêtu de fon habit. L'irrégularité de ce dernier pic vient, felon M. Guettard, d'une caufe tout-à-fait différente de celle qui femble fe pré- fenter naturellement; elle n’eft dûe, felon lui, qu'à ce qu'il a moins efluyé d'éruptions que les autres. Les premières ma- tières que jette un volcan, retombant en rond autour de l'ouverture, forment la bafe d'un pic qui croît à mefüure qu'il en fort de nouvelles ; mais ces matériaux ainfi lancés , ne s'arrangent pas, comme on peut croire, bien régulièrement, ils laïflent entreux des vuides plus ou moins grands, ce n'eft quà la longue que ces cavités fe remplifient de nouveaux matériaux, & un pic doit prendre, toutes chofes d'ailleurs égales, une figure d'autant plus régulière que le $ A ii 6 HisToIRE DE L'ACADÉMIE RoYALE volcan aura jeté plus long-temps & plus de fois. Vis-à-vis de ce pic eft une partie pelée de la montagne, qui répond au deflus des bains du mont d'Or, & qui s'étend jufqu'à l'endroit d’où partent les fources de deux ruifleaux , nommés la Dore & la Dogne: ces ruiffeaux forment par leur jonction la rivière de Dordogne, qui, après avoir arrolé une partie de l'Auvergne & du Périgord, va fe jeter dans la Garonne au Bec d'Ambez. Au deflus des fources de cette rivière s'élèvent plufieurs pics moins hauts que celui qui porte particulièrement le nom de mont d'Or, mais coniques & couverts de plantes comme lui : ils paroiflent avoir été formés poftérieurement à la montagne, & à la première infpection fembleroient être l'ouvrage du feu; mais M. Guettard seft afluré par un mûr examen, que les pierres & les efpèces de fchite ou ardoifes qu'on y trouve, n'avoient rien qui portât ce caractère, ni qui reflemblât aux matières jetées par les volcans dans leurs éruptions. Des morceaux de laves & d'autres matières jetées par le mont Véfuve & par le volcan de life de Bourbon , lui fervoient de pièces de comparaifon, & il réfulte de cet examen, qu'une grande partie du mont d'Or ou des monts d'Or ne paroït pas avoir fubi l'action du feu comme Ja montagne de Volvic & celle du Puy-de-Domme, dont les environs font encore remplis de matières prefque abfolu- ment femblables à celles que jettent les volcans actuellement brülans, &, ce qui eft affez fingulier, rangées les unes à Y'égard des autres à peu près dans le même ordre qu'elles le font aux environs des volcans qui brülent aujourd'hui. On y obferve même des pierres courbées comme le font les morceaux de laves du Véluve, qui n'ont cette configuration que parce que la furface extérieure fe refroidiflant la première, diminue d'étendue, tandis que l'intérieur eft encore chaud, & conferve par conféquent la fienne, ce qui oblige la pièce à {e courber de plus en plus, jufqu'à ce que la partie refroidie devienne aflez épaifle pour réfifter à l'effort de celle qui eft encore chaude. DES NC" D EUN CNE S, On trouve en abondance autour des montagnes dont nous avons parlé, des glailes aifément vitrifiables, des granits que le feu réduit en fcories affez femblables à celles que jettent les volcans , & des fchites qui poufiés au feu ne diffèrent pref- que point de cette ponce noirâtre qu'on trouve en fi grande abondance. La matière néceflaire pour fervir d’aliment au feu qui a brûlé, & qui peut-être brule encore dans nos volcans, fe préfente prefque d'elle-même ; tous les environs de ces mon- tagnes font remplis d'huile de Pétrole, de charbon de terre & de bitume. La maifon des Bénédiétins de Clermont eft bâtie fur un terrein fi rempli de cette dernière matière, qu'elle fuinte entre les pierres des fondemens de cet édifice; & s'il y a quelques endroits des montagnes dans lefquels il ne paroïfle point de ces matières, cela ne vient probablement que de ce qu'elles ont été confumées dans le temps de Téruption des volcans. Tout concourt donc à prouver que les montagnes d’Au- vergne dont nous venons de parler, ont brülé, & peut-être brülent encore intérieurement ; les bains chauds du mont d'Or ne tirent probablement eur chaleur que de ces feux foù- terrains , & les tremblemens de terre qu'on a reflentis depuis peu à Riom, femblent en être une nouvelle preuve. Ces feux foûterrains exifient en plufeurs endroits de la terre, on en trouve mème en Forès, qui dans certains temps décèlent leur -exiftence par les fumées qu'ils exhalent, & la fécurité des habitans de Riom n'eft peut-être pas mieux fondée que ne l'étoit celle des Catanois immédiatement avant l'érup- tion de l'Etna qui fe fit en 1 $ 36 ; ces derniers regardoient comme des fables tout ce qu'on leur difoit des anciens ravages de cette montagne, & les premiers imitent parfaitement leur incrédulité, malgré la certitude qu'il y a que leurs montagnes ont brülé, & brülent peut-être encore intérieurement. H feroit certainement curieux de favoir le temps de l'érup- tion de ces montagnes: M. Guettard n’en à trouvé aucun veflige dans l'Hiftoire du Royaume ; il eft feulement certain V, les Mém. P: 253. 8 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE ue cet événement eft antérieur à l'an 48 0 de l'ère chrétienne, Sidoine Apollinaire qui vivoit alors, voyant farmée des Goths qui menaçoit Clermont fa ville épifcopale, écrivoit à Saint Mamert Evêque de Vienne, qu'il alloit dans cette occafion ordonner des prières publiques, femblables à celles que celui-ci avoit établies lorfque les tremblemens de terre ébranloient les murs de Vienne; que les fommets des mon- “tagnes entr'ouverts vomifloient des torrens de matières en- flammées, & que les bêtes farouches chaflées de leurs forêts par la peur & par le feu, fe retiroient dans les villes où elles faifoient mille ravages. Ce paflage prouve bien clajçement que les éruptions des montagnes d'Auvergne font de beaucoup antérieures à cette époque, puifque ni Sidoine Apollinaire ni aucun Auteur de ce temps n'en fait mention, quoiqu'il parle d'une manière aflez détaillée de celles des montagnes de Dauphiné, qui, pour le dire en paffant , ont donné occafion aux prières que lEglife a depuis adoptées fous le nom de Rogations, & dont l'hiftoire a été fi défigurée dans Ia plufpart des légendes, qu'on auroit peine à y retrouver les veftiges de l'événement réel qui y a donné lieu. Quel que foit le temps auquel s'eft faite l’éruption des montagnes d'Auvergne que M. Guettard a examinées, on lui devra toüjours d'avoir découvert leur nature; & quoiqu'il puifle être defagréable de foupçonner qu'on en ait encore quelque chofe à craindre, il eft au moins utile d'en étre infhuit. $es obfervations jeteront un nouveau jour fur cette partie de l'Hifloire Naturelle du Royaume, & donneront peut-être lieu à plufieurs découvertes du même genre. SUR LE LECTRICINE" DELA D toutes les applications qu'on a faites de l'Electricité à différens objets, il n’en eft certainement pas de plus heureufe que celle qu'on en a faite aux effets du Tonnerre, il n'eft plus douteux aujourd'hui que ce terrible météore ne {oit DrEtSSiC EN CES 9 foit en grand Ja même chofe que l'éleGricité d'un globe eft en petit, & que lexplofion du Tonnerre ne foit, à la lettre, une très-forte étincelle électrique. L’ingénieufe conjeture de M. l'Abbé Nollet * eft devenue d’une entière certitude par les expériences de M.rs Franklin, Dalibard, de Romas, &c. elles ont fait voir évidemment, que tout corps capable de recevoir l'éleétricité par communication , étant ilolé & expofé à l'air, reçoit la matière électrique des nuées orageufes, & peut la tranfmettre même en très-grande abondance à l'ex- trémité d'un fil de fer qu'on y aura attaché. M. le Monnier, Médecin, a été un des premiers à répéter cette belle expérience, il s'eft pleinement convaincu de la réalité de lhypothèfe; &, comme il arrive ordinairement dans les recherches Phyfiques conduites par une main habile, l'appareil s'eft fimplifié, & plufieurs circonftances qu'on avoit d'abord regardées comme effentielles, fe font trouvées inutiles à {a réuflite de l'expérience. Il réfulte de celles de M. le Monnier, 1.° que la matière électrique fe fait prefque toûjours apercevoir dans le temps des orages, principalement quand ils ont été précédés d’un grand calme & d'une grande chaleur ; 2.° que de fimples apparences d'orage, des nuages flottans avec lenteur, & em- portés de côté & d'autre par des vents différens, fuffifent quelquefois pour la faire paroître; 3.° que le moment auquel elle paroït en plus grande abondance, eft pluftôt celui de Ia réfolution d'un nuage en pluie, que celui de l'explofion du Tonnerre, & que même des nuées qui n’ont fait entendre aucun coup de Tonnerre, ont communiqué au fil de fer une très-grande éleétricité pendant qu'elles fe réfolvoient en une pluie confidérable. 4 Qu'au moment où l'électricité commence à fe répan- dre , le calme qui précède ordinairement Forage cefle, & qu'il lui fuccède un vent d'autant plus impétueux , que la matière électrique a été plus abondante. + Enfin, que lorfque la mañle de Fair eft fuffifamment humectée , l'électricité difparoït pour un temps confidérable, Hifl 1752. B tree Phyfique de M. l'A ile Noller, 2. IV, p. 314. & Cafaris comm, ae bello Africo, 10 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE Tout ce que nous venons de dire, porte naturellement à penfer qu'on doit regarder les nuées orageufes comme de très-grands corps fortement électriques, qui, paflant au deffus d’autres nuées non électriques , leur communiquent fouvent une partie de leur électricité, & que les unes ou les autres fe trouvant à portée des objets terreflres , ces derniers en tirent, s'ils font fort grands, des étincelles très-bruyantes & très-grofles , auquel cas on dit que le Tonnerre eft tombé, & s'ils font plus petits, une moindre quantité de matières & des étincelles infiniment moindres; & il faut avouer que fi on pouvoit conclurre légitimement d'une expérience autre chofe que le fait même qu'elle donne, il paroitroit prouvé que les nuées orageufes font des agens néceflaires pour communiquer aux pointes qu'on prépare à cet efet, l'électicité dont elles donnent les marques, différens exem- ples femblent même le prouver. Un pañlage de Céfar, rap- porté par M. de Courtivron *, fait voir que pendant un orage très-fort , les piques des légions Romaines qui {e trou- voient alors fous les armes , parurent lumineufes, aflæ fponte u& arferunt, les feux Saint- Elme, appelés communément Caftor & Pollux, & qu'on ne voit jamais que pendant les orages, ne paroiflent être que des aigrettes lumineufes que les nuées életriques tirent du fer de la girouette des mäts; & on en peut dire autant des feux qu'on aperçoit en quel- ques endroits pendant les orages, aux extrémités des croix placées fur les clochers. Cependant, malgré toutes ces apparences, les obfervations de M. le Monnier femblent prouver inconteftablement que Pair lui-même peut être rempli d’une éleétricité affez forte, fans qu'il paroifle aucun orage ni aucune nuée qui ait pù la lui communiquer. Dès le mois de Juillet, M. de'Fhury s'étoit aperçu qu'une barre difpofée à l'Obfervatoire, pour recevoir l'électricité des nuées , avoit donné des marques très-fenfibles d'éledtricité, quoiqu'il n’y eût alors ni tonnerre, ni nuces orageufes ; mais on étoit fi perfuadé que les nuées étoient néceflaires pour communiquer l'électricité qu'on crut qu'il MEL ES TCLMIEAN. CES. 11 pouvoit ÿ en avoir eu quelques-unes voifines de lhorizon, qui, fans être aperçues, avoient donné à l'air affez d'éleftricité pour animer la barre, Les obfervations de M. le Monnier ne laiflent aucun dieu de douter que l'air ne foit fouvent très-fenfiblement élec- trique , lorfqu'il n'y a aucun nuage qui ait pù lui commu- niquer cette qualité : en effet, il a conftamment trouvé pen- dant plus de fix femaines la barre fenfiblement électrique, quoique moins fortement qu’en préfence des,nuées orageufes ; fans que dans tout cet efpace de temps, l'air ait été chargé d'aucun nuage, ni même troublé d'aucune vapeur, le vent étant toûjours refté à left. Cette électricité diminuoit par degrés au coucher du foleil, difparoifloit tout-à-fait une heure ou deux après, & ne repa- roifloit que vers huit ou neuf heures du matin. M. le Monnier n'eut pas de peine à reconnoître que lhumidité de la nuit détruiloit l'électricité, mais il crut que ce n'étoit qu'en imbi- bant le tuyau de verre ou les cordons de foie qui fervoient à ifoler l'appareil & à empécher l'électricité de fe difliper ; ces corps une fois imbibés, cefloient d'être propres à cet ufage, & en ce cas l'appareil devenoit abfolument incapable de donner aucune marque d'électricité : ce n’étoit cependant pas-là ce qui caufoit l'abfence de l'électricité pendant la nuit, & M. le Monnier en fut bien convaincu, quand il vit qu'après avoir changé les cordons de foie & bien féché le tube de verre , il ne paroiffoit pas plus de marques d'électricité qu'au- paravant ; & il en conclut que ce n'étoit pas feulement en mouillant les tubes & les cordons , que l'humidité de la nuit abforboit l'électricité, mais encore en imbibant toute la mafle de l'air, à laquelle par ce moyen elle enlevoit {a fienne. De toutes les expériences de M. le Monnier, il réfulte que l'air peut être électrique indépendamment de toutes nuées orageufes ,. & que cette électricité dont il donne des marques pendant le jour, eft abfolument abforbée par l'humidité de la nuit. Mais d'où peut venir @lair, tous les matins, cette quantité de matière éleétrique? L'explication de ce phénomène Bi V. les Mém. pages 189 & 325: * Vo. Hif. 1746,P.10$; 17J0,P. 10. 12 HisToiRe DE L'ACADÉMIE ROYALE deviendroit facile, fi on pouvoit fe fier à l'hypothèfe de M. Watfon, qui prétend que toute l'électricité vient de la terre, & que mème celle que fait apercevoir un globe frotté , lui eft venué par les pieds de la table, ou par ceux de la perfonne qui frotte: mais M. le Monnier ayant fufpendu la machine entière, & ceux qui frottoient le globe, avec des cordons de foie, le globe n'en eft pas devenu moins éleétrique. HI faudroit donc fuppofer que Fair contient une grande quantité de matière électrique, dont l'humidité de la nuit fufpend feulement Faétion, ou pluflôt il faut, avec M. le Monnier, s'en remettre à des expériences plus décifives : il réfulte feulement des fiennes, que cette matière eft autour de nous en plus grande quantité qu'on ne le penfe, & qu'elle peut avoir grande part à une infinité d'effets qu'on ne fe feroit pas avifé de lui attribuer. SU R L'A COMPARAISON DU CANADA AVEC LA SUISSE, PAR RAPPORT A SES MINE RAUX. ous avons déjà parlé plufieurs fois * du fyflème de M. Guettard , fur la difpofition des différentes efpèces de terreins , & fur l'arrangement que la Nature femble affecter entre les différens fofliles. Voici une nouvelle confirmation de fon fentiment, & une preuve que ce plan que nous avons vü exécuté dans la France, l'Angleterre, l'Allemagne, dans une partie de l'Afrique & de l’Afie , fe retrouve encore le même en Amérique, & a lieu probablement dans tout le globe que nous habitons. Les lumières que M. Guettard a tirées des Mémoires & des pièces qui lui ont été communiquées par M. le Comte de la Galiflonière, qui les avoit recueillies dans le temps de fon féjour, & par M. Gautier Médecin du Roi à Québec, & Correfpondant de l'Académie, l'ont mis en état de comparer, DES ISICVENCE s 13 à cet égard, cette partie de l'Amérique avec une partie bien connue de l'Europe, & il réfute de cette comparaifon, que la Suifle & le Canada contiennent abfolument les mêmes pierres, les mêmes fables, les mêmes fofliles & les mêmes minéraux, difpofés dans un ordre tout-à-fait femblable. La Suifle efl divifée en deux parties par une ligne, qui partant du fac de Conftance, va, en fe courbant un peu vers le nord, gagner le lac de Genève. La partie méridio- nale eft remplie de mines de différens métaux , de bitumes, de foufre, d’ardoifes, de marbres, de cryftal de roche, en un mot, de tout c qui accompagne les mines dans le fyflème de M. Guettard. On y trouve différentes eaux minérales, froides & chaudes, c'eft véritablement ce qu'il nomme se bande [chiteufe. a feptentrionale, au contraire, ne contient plus aucun minéral, excepté le fer; on n'y. trouve que des pierres cal- caires ou calcinables, des pierres crétacées , de la marne, des coquilles foffiles , du plâtre, & toutes les autres marques de ce que M. Guettard nomme 4ande marneule. Lorfque nous avons dit que fa partie fchiteufe de a Suifle étoit féparée par une ligne de Ja portion marneufe, nous n'avons pas voulu faire entendre que cette Tigne fat une courbe uniforme ; elle ne left pas en effet a: deux portions entrent dans plufieurs endroits l’une dns l'autre. On fe fera une idée affez jufle de cette ligne de féparation, fi on la compare aux rivages de {1 mer avec leurs finuofités, La portion fchiteufe de la Suifle fe trouve, conformé- ment à l'hypothèfe de M. Guettard, enveloppée de la partie marneufe: il eft à préfumer que cette dernière eft auf accompagnée d'une bande fablonneufe , qui en ce cas fe doit trouver dans une partie de l'Allemagne; mais M. Guettard ne S'eft pas attaché à la décrire, parce que, comme nous Yallons voir dans un moment, celle du Canada fe trouve en grande partie dans la mer, & que par cette raïifon elle de- vient inutile à la comparaifon qu'il avoit entreprife. Les mêmes minéraux & les mêmes foffiles fe trouvent en B i * Voyez Hi. 2740,p.10 14 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE Canada , on y rencontre de même des glaifes, des marnes, des pierres crétacées, des craies, des coquilles foffiles, des pierres calcinables & du plâtre, en un mot on y retrouve les deux bandes marneule & fchiteule, féparées l'une de l'autre précifément comme on les trouve dans la Suifle, La partie du Canada la plus voifine de la mer contient les pierres à plâtre, les pierres à chaux , les marnes , les craies, les coquilles fofliles, en un mot une véritable bande mar- neufe abfolument pareille à celle de la Suifle, & à celle que M. Guettard a fait obferver en France *, En avançant davan- tage dans le pays, on commence à quelque.diftance de Québec à s’apercevoir que le terrein change de nature ; au lieu des craies, des marnes, des pierres à chaux, on commence à trouver des marbres, des pyrites, des fchites, des mines de toute elpèce, des bitumes, du foufre, des cryftaux, de l'amiante, des eaux minérales, & tout ce qui, dansle fyflème de M. Guettard, conflitue une véritable bande fchiteufe : il paroït même que cette bande fe continue dans fa partie de l'Amérique voifine de la baie d'Hudfon, & de-à dans le Groenland. : Si on confidère donc l Amérique feptentrionale comme un feul pays, les côtes orientales feront partie de la bande marneu ui comprendra tout le pays qui s'étend depuis la mer jufqu'à l'endroit où le terrein commence à s'élever ; au-delà fe trouve la bande fchiteufe, qui comprend tout le nouveau Mexique, le Mexique, les hauteurs où font les lacs & les fources des grandes rivières , & vrai-femblablement tout le pays jufqu'à la côte occidentale. A l'égard de la bande fablonneufe d'Amérique, on en trouve quelques veftiges fur la côte orientale; l'ifle d’Acadie en fait vrai-femblablement partie, mais la plus grande portion eft enfevelie fous les eaux de l'Océan, & felon toutes les apparences, le grand banc & ceux qu'on obferve aux envi- rons en font les parties les plus hautes. Il eft facile de voir par tout ce que nous venons de dire, que le terrein du Canada eft abfolument femblable à celui de {a DAME «9 x SAGE NACUE IS, | 15 Suiffe, fit par rapport aux différentes fubftances qu’il contient, foit eu égard à l'arrangement fuivant lequel elles font difpo- fées ; la reffemblance eft même fi parfaite, qu'une pierre qu'on avoit jufqu'ici regardée comme prefque particulière à un certain canton de la Suifle, fe retrouve en Canada. * Cette pierre elt. un compofé de paillettes talqueufes ou de quelques autres matières non- calcinables, liées par une - elpèce de ciment naturel, qui ne fe détruit que difficilement par l'action du feu. La fineffe du grain de ceite pierre, & le peu de dureté qu'elle a au fortir de la carrière, permettent d'en faire différens ouvrages & diflérens vafes, & la pro- priété qu'elle a de n'être que peu ou point altérable au feu, donne la facilité d'en faire des marmites, des chauderons, &c: ce qui lui a fait donner le nom de pierre ollaire. Ces vaifleaux fe travaillent fur une efpèce de tour, mû par un courant d'eau, & on en fait un commerce aflez confidérable , puif- que M. Scheuchzer aflure qu'il va à plus de foixante mille couronnes d’or. On trouve au Canada, comme en Suifle, plufieurs efpèces de pierre ollaire, la plufpart à la vérité peu propres à être travaillées en vaifleaux, il s’en trouve cependant qui peuvent y être utilement employées, & il y a bien de l'apparence qu'on y en découvrira de plus parfaites. Une fingularité bien remarquable, de l'Hifloire Naturelle d'Amérique, & qui n'a pas échappé aux recherches de M: Guettard, c'eit la quantité d'amiante, d'excellente qualité, & à très-longs filets, qu'on trouve dans la partie la plus fep- tentrionale : il eft bien fingulier que cette matière, qui ne s'eft tirée jufqu'ici que des pays méridionaux où tempérés, fe retrouve parmi les glaces du nord de F Amérique, Les foffiles du Canada fe trouvent donc précifément rangés -dans le même ordre que ceux de la Suiffe, on conformé- ment à celui que M. Guettard avoit tiré des obfervations qu'il avoit faites en France; nouvelle confirmation de fon fentiment. Les phénomènes {e refufent fouvent aux fjflèmes, parce que {a plufpart de ces derniers ne font que l'ouvrage 16 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE de l'imagination ; mais lorfqu'on a pû faifir le véritable arran- gement de la Nature, les expériences & les obfervations viennent s'y placer comme d'elles-mêmes. 0.8 SE KR 'VASRIMO NE DE PHYSIQUE: VGENNERALE I. Crugzier de la Villeneuve, Procureur du Roi au . bureau des Traites de Châteauroux, a envoyé à Académie plufieurs dendrites ou pierres herborifées, trou- . vées aux environs de cette ville; on les y tire d'une carrière de moëllon , fituée à vingt-cinq ou trente pas du bord de la rivière d’Indre, elles font à quinze ou vingt pieds de pro- fondeur, & on les y rencontre en très-grande abondance. La pierre eft une efpèce de rabot, qui fe fend aifément par lits : c’eft par l'intervalle qui eft entre ces lits, que la matière colorante s'eft infinuée; car ce n'eft qu'en fendant la pierre, qu'on aperçoit l'elpèce de peinture qu'elle a formée : il y en a quelques-unes que l'art auroit bien de la peine à imiter. LA Le 15 Septembre 1751, il y eut un violent ouragan dans la partie du fud de l'ifle de Saint-Domingue. Cet oura- gan fut fuivi le 29 de quelques fecoufles de tremblemens de terre, auxquelles on ne fit pas grande attention. Le 18 OGtobre, on en fentit une affez violente dans la partie Fran- çoile, qui ne caufa cependant pas beaucoup de dommage ; il y en eut d'autres fréquentes, mais peu fenfibles, jufqu'au 3 r, & la terre demeura dans une forte de mouvement , quoique fans fecouffes marquées, jufqu'au 21 Novembre. Ce jour, un nouveau tremblement de terre beaucoup plus fort que les précédens, fe fit fentir dans tous les quartiers de l'ifle; la fecouffe la plus violente fut à fept heures trois quarts du matin, ellé dura pendant cinq minutes, toute la plaine du cul-de-fac DES SciENCESs. a? Cul-de-fac fut ruinée, ainfi que le Mirebalais, l’Artibonnite, le Boucaffin, & le lac même. La ville du Port-au-Prince a été ‘totalement détruite, il n'en eft refté que dix-neuf maifons; & toutes les habitations de la campagne, dans les différens quartiers que nous venons de nommer, ont été prefque entiè- rement renverfées. Le quartier de Léogane & celui du Cap ont été moins maltraïtés. Ce même tremblement seft fait fentir dans la partie Efpagnole, par des éfforts encore “plus terribles : le bourg le Vozu à huit lieues de 1a ville de. Saint- Domingue, a été totalement englouti, ainfr qu'une plaine de vingt lieues qui aboutifloit à la mer, & qui forme actuellement une baie. La Jamaïque a auffi beaucoup fouffert d'un ouragan fuivi d'un tremblement de terre, la ville prin- cipale a été inondée à plufieurs reprifes, les fortifications ont été comblées de fable, les Vaifleaux qui étoient dans le port ou brifés ou très-maltraités, & toutes les campagnes abfolument défolées. Cette relation eft tirée de plufieurs lettres venues de Saint-Domingue, que M.de Maïran a commu- niquées à l'Académie. < SE E ; M. du Tour, Correfpondant de V Académie, a envoyé ‘à M. l'Abbé Nollet, la relation d'un fait de méme nature, quoiqu'heureufement moins mémorable, Le 6 Septembre 1752, on reffentit à Riom, à Clermont , & en divers lieux du voifinage, une fecouffe de tremblement de terre bien marquée; les ofcillations fe font faites d'abord du nord au fud, & enfüite du fud au nord; elles furent accompagnées d'un bruit fourd, mais aflez fort, & qu'on a comparé à celui d'un vent impétueux , quoiqu'il en différât à plufieurs égards ; il tomba en même temps une ondée de pluie. Ce tremble- ment de terre avoit été précédé d'un vent brülant, qui avoit foufHé pendant deux jours ; après la fecoufle le vent changes, fe mit au frais, & il tomba quelques ondées de pluie. M. w Tour ne put déterminer jufqu'où le tremblement s’étoit étendu. Hif 1752. C V.les Mém. page 117: p+ 361. p- 625. 18 HisTOiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE OUS renvoyons entièrement aux Mémoires, L'Hifloire des maladies épidémiques obfervées à Paris en 1752, par M. Malouin : Les Obfervations Botanico-météorologiques, faites au chà- teau de Denainvilliers près Pluviers, pendant année 175 1, par M. du Hamel; Et les Oblfervations météorologiques, faites à l'Obferva- toire Royal pendant l'année 175 2. p'ES:S' GI1'E N°:CE & 19 cu ANATOMIE. SUR LORGANISATION DES OS. OUS avons rendu compte l'année dernière *, du travail ;, 1 & des idées de M. de Lafône fur la ftruture & l'or- page Fans ganifation des os : voici une fuite de ce travail. De nouvelles * >. si obfervations lui ont offert plufieurs particularités dignes de *7/*°# "7" remarque, & il fe propofe d'examiner particulièrement qua- tre points principaux dans le Mémoire dont nous allons parler. Le premier eft la manière dont fe forment & croiflent quelques os de la tête, & fur-tout les dents. Le fecond eft {a nature d'une efpèce de cartilage, dont la plufpart des os font revêtus dans adulte, qui paroït leur être intimement adhérent, & dont la ftructure, très-différente de celle des autres cartilages, n'a été décrite par aucun Ana- tomifte. Le troifième a pour objet es ligamens & les tendons qui sattachent à la fubftance des os, & qui sy implantent, Le quatrième enfin, eft le moyen par lequel ces parties molles contractent une fr forte adhérence avec la fubftance dure des os. Tous ceux qui ont mème la plus médiocre teinture d’A- natomie , favent que le cerveau du fœtus eft d'abord enve- loppé d'une fimple membrane, & que l'offification de cette membrane commençant en plufieurs endroits à Ja fois, il arrive qu'au moment de Ja naïiflance, le crâne du fœtus eft compofé de plufieurs pièces d'os qui ne font pas jointes enfemble, & quine fe trouvent unies que par la partie de Ja membrane qui n'eft pas encore offifiée. Cette ftruéture du crâne a un ufage réel pour l'accouchement, elle permet à C ij 260 HisTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE la tête de changer un peu de figure, & de s'alonger par h preflion qu'elle éprouve au paflage; mais elle ne permet pas aux os de gliffer les uns fur les autres, comme l'ont cru quelques modernes, & de diminuer par ce moyen le volume total de la tête. Cette diminution cauferoit infailli- blement au cerveau une compreffion toüjours dangereufe, & fouvent mortelle. Après la naiflance, le progrès de loffification des diffé- rentes pièces du crâne fe rallentit beaucoup, & lorfqu'enfux elles en font venues au point de fe toucher, leurs extrémités font trop endurcies pour pouvoir fe fouder & ne former qu'un os continu; & comme il eft cependant d’une impor- tance extrême pour le corps animal, que la voûte du crâne foit extrêmement folide, l'Auteur de la Nature y a employé un moyen qui équivaut à cette continuité. Les extrémités de la table fupérieure de ces os font garnies de dents poin- tues comme la lame d'une fcie, il arrive donc que les os venant à fe rencontrer, ces dents entrent & s'engrènent les unes dans les autres. Quelques Auteurs ont cru que lorf- que les os, en augmentant toüjours, venoient à fe ferrer davantage, une partie des dents fe replioit, & que cette efpèce de rivüre étoit une des principales caufes de l'adhé- rence de ces os; mais M. de Lafône ayant examiné, au moyen de la calcination, la direction des fibres des dents ofieufes, ne leur a trouvé aucune inflexion : il penfe donc qu'elles s'engrènent à plat les unes dans les autres, mais qu'il y en a plufieurs taillées en queue d’aronde, qui fe logent dans des cavités propres à les recevoir, tandis que les lames inférieures gliffent un peu les unes fur les autres, pour for- mer ce bifeau qu'on oblerve quand on fépare les os du crâne, dans l'endroit de leurs futures ou jonétions. L’accroif fement de l'os, qui continue encore après cette union, achève de la rendre fr folide, que la voûte du crâne ne le feroit pas davantage quand elle feroit d'une feule pièce, & cepen- dant ces futures permettent le paflage à un grand nombre de fibres qui établiffent un commerce intime entre le péri- Dies, S ctI1 E N° CE 5. 27 crâne qui enveloppe l'os à l'extérieur, & la dure-mère qui enveloppe le cerveau au dedans. Les dents offrent encore des fmgularités plus remarqua- bles ; eur offification paroît abfolument différente de celle des autres os, & ce qui paroïtra peut-être fmgulier, cette différence étoit déjà connue avant la fin du feizième fiède, temps où l'Anatomie ne commençoit qu'à peine à {ortir des ténèbres où la barbarie avoit plongé toutes les Sciences ; un Anatomifte Allemand, nommé Volcherus Coïter, qui vivoit alors , aflure pofitivement qu'elles ne paffent point par l'état de cartilages pour devenir des os. Les dents du fœtus ne font, dans les premiers temps de fa formation , que des portions d’une matière mucilagineufe en- fermées dans des efpèces de poches membraneufes, & pour lors on n'y trouve aucun veftige de racines ; à mefure que 1e fœtus croit, ces tubercules muqueux changent de confiftance , & prennent à peu près celle du cryftallin de l'œil, & même fa couleur. Vers le feptième mois de la groffeffe, le germe mu- queux de la dent commence à fe couvrir par deflus, & tout autour, d’une lame offeufe très-blanche & très-compaéte, qui le recouvre comme une calotte; les bords de cette calotte cou- vrent peu à peu la dent jufqu'à l'endroit qui en doit être le collet, cette fubftance eft l'émail de la dent. Sous cette fubftance le germe conferve fa mucofité, & ce qui eft bien fingulier, c'eft que fon offification ne fe fait point par degrés, du moins M. de Lafône n'a jamais pü le furprendre dans cet état intermédiaire, il a toüjours trouvé ou entièrement muqueux, ou tout-à-fait offeux. Cet émail & le germe n'ont enfemble qu'une très-foible adhérence, on les fépare avec le moindre efort, cependant quelques oblervations donnent lieu de préfumer que ces deux fubftances ne font qu'un même corps continu. L'oflification de la dent fe fait donc de la circonférence au centre; mais en même temps, comme la dent remplit toûjours l'alvéole qui croît, il faut qu'elle grofüffe auffi exté- rieurement , & que Ja couche émaillée s’épaiflfle, puifqu'elle ii 22 HisToirRe DE L'ACADÉMIE RofrALE ne peut, à caufe de fa dureté, fe prèter à aucune extenfion. Comme la couche d’émail enferme exactement tout le corps muqueux, excepté vers le bas, elle s’oppofe à fon accroiflement, & elle l’oblige à fe porter vers le fond de lalvéole, & à remplir les cavités qu'il y trouve, dans lef- quelles il fe moule en quelque manière, & c'eft l'origine des racines des dents; mais ces racines ayant une fois rempli les cavités de l’alvéole, & continuant encore à croître, elles foulèvent le corps même de la dent, & forçant la réfiftance de la gencive, l'obligent à paroïtre au jour. Ce double effort de fa dent, & la façon dont la racine fe moule, pour ainfi dire, dans fon alvéole, paroiflent deux moyens fufhfans pour l'y aflujétir avec folidité, M. de Lafône en a cependant découvert un autre que la Nature emploie, & qui rend cette adhérence encore bien plus forte; c'eft un cartilage qui fe trouve entre la dent & Falvéole, dont plu- fieurs fibres fe joignent à la racine, & plufieurs autres à fa paroi interne de lalvéole : il a vû plufieurs fois des fragmens de ce cartilage adhérens aux racines de dents nouvellement arrachées, & il penfe que ce cartilage n'eft autre chofe que le périofte épaiff par la compreflion qu'il a fouflerte entre ces deux os. Mais quelle eft la nature de ce tubercule muqueux deftiné à devenir un os très-dur? à la vüe fimple on n'y aperçoit que quelques vaifleaux fanguins très-déliés, qui rampent fur fa furface & paroïffent s’y inférer; & fr on veut fuivre leurs ramifications, on les perdra bien-tôt de vüe. Le microfcope y fait apercevoir quelques filets, mais point d'organifation fuivie, & fi on met tremper ces corps dans l'eau, ïls s'y diflolvent en grande partie. Malgré toutes ces apparences, il faut bien fe garder de prendre ce germe pour un fuc épaïfii fans organifation : on a plufieurs exemples de fubftances très-fürement organifées, dans lefquelles il eft imporffible de démêler aucun vaiffeau ni aucune fibre; leur extrême finefle jointe à leur tranfparence, les rend abfolument invifibles, & leur peu de confiftance DES INC EN C'EUS 23 permet à l’eau de les difloudre prefque entièrement. Mais, pour ne laïfler aucun doute fur ce fujet, il ne faut que mettre les tubercules muqueux dans Felprit de vin aiguifé de quelques gouttes d'acide minéral, pour y reconnoître une efpèce d'organifation & des filets très-fenfibles au microfcope; plus fimplement encore, il ne faut que les laifler fécher pour y remarquer l'organifation vafculaire , les tuyaux ayant alors perdu la plus grande partie de leur tranfparence fe laïffent facilement apercevoir. Ce corps ne paroït avoir aucune adhérence avec l'alvéole, on en tire avec la plus grande facilité ; cependant M. de Lafône ayant fendu par une coupe verticale l'alvéole jufqu'à fon fond, il a vû un ou deux vaifleaux fanguins, qui, partant de l'alvéole, viennent fe rendre à la partie inférieure du corps muqueux , précifément à l'endroit d’où doivent fortir les racines; nouvelles preuves de l'organifation de ce corps. Enfin, fi on fait calciner les dents, on y reconnoît l'or- ganifation fibreufe, mais infiniment moins apparente que dans les autres os. Cette organilation exiftoit donc dans le corps muqueux, car loflification ne produit point de nouvelles parties , elle ne fait qu'endurcir celles qui exiftent déjà. De toutes ces obfervations de M. de Lafône, on peut conclurre que les dents font des os d’une efpèce fingulière, : dont f'offification ne fe fit point de la même manière que celle des autres os du corps humain , & qu'elles offrent encore un vafte champ aux recherches des Anatomiftes, & une ample moiflon de découvertes. La feconde partie du Mémoire de M. de Lafône a pour objet une efpèce fingulière de cartilages, qui revétiffent les têtes & les cavités articulaires des os à articulation mobile & les coulifies ou paflages des tendons. Ces cartilages font connus depuis long temps, mais on les a toüjours mis au rang des autres cartilages, & les Ana- tomiftes om cru que la ftruéture des uns & des autres étoit ablolument la même, 24 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE Celle des cartilages dont nous parlons eft néanmoins tout-à- fait diférente : à les confidérer dans leur état naturel, on n'aperçoit aucune trace de lunes, de fibres ni d'aucune forte d'organifation; cette fubftance eft abfolument femblable à de la cire dont on auroit enduit fa partie des os qui en eft couverte. Ces cartilages ont cependant une organifation bien marquée ; mais, pour Îa reconnoître & la rendre fenfible, il faut les foûmettre aux préparations que leur a donné M. de Lafône. Par fa fimple ébullition ou par Ja calcination , cette ftruc- ture fi cachée fe manifefle, & on voit avec étonnement qu'au lieu des lames ou des feuillets defquels font compofés les autres cartilages, ceux-ci font au contraire formés de filets pofés debout perpendiculairement à la furface de l'os , à peu près comme les poils d'une broffe le font à l'égard de fon bois. Ces filets ont différens degrés de dureté : l'extrémité Ia plus éloignée de los eft Ja plus fouple; mais à melure qu'ils en approchent, ils deviennent plus durs, de manière que la partie qui y touche eft tout-à-fait offeufe. M. de Lafône penché mème à croire que toute cette fubftance rayonnée eft une produétion des fibres de la lame ofeufe qu'elle entoure ; mais le méchanifme de cette production n'eft pas aifé à découvrir. Il eft plus facile de deviner l'ufage de cette fhruélure. Les cartilages placés entre les os mobiles pour faciliter leurs mou- vemens, font expolés à des frottemens & à des compreflions violentes. S'ils étoient formés de lames appliquées les unes fur les autres, ils auroient bien-tôt perdu leur reflort, & n'épargneroient plus aux os des collifions dangereufes. Par la fhructure qu'ils ont, leur reflort doit devenir beaucoup plus grand & plus difficile à perdre. If eft au moins à pré- fumer que l’Auteur de la Nature s'eft propolé cette vüe en les formant de fibres rayonnées. Ces cartilages ne font pas les feules parties qui s'attachent aux os, les ligamens & les tendons y font aufli adhérens ; ou DES SCIENCES. 2 ou fuperficiellement , ou en pénétrant plus ou moins dans la fubftance offeufe. Quand on fuit par la diffeétion un liga- ment où un tendon jufqu’à fon infertion à l'os où il s'attache, on trouve le plus fouvent qu'il pénètre la fubflance même de Vos, avec laquelle il ne fait plus qu'un tout offeux. Dans les endroits où fe fait cette infertion, il ne paroît aucune ouverture au périofte, qui ait pà donner paflage au tendon ou au ligament, il femble difparoître dans cet endroit, & fe confondre avec lui; mais cette adhérence vient-elle d'une union intime ou d'une liaifon fuperficielle? c’eft ce qu'il n'eft pas poffible de diftinguer fur les os frais, fans les préparer comme l'a fait M. de Lafône. Par la fimple ébullition, & en difléquant ces parties avant qu'elles fe fuflent refroidies, il a remarqué que les fibres tendineufes ou ligamenteufes entroïent quelquefois dans la fubftance même de los, & que lorfqu'on avoit détruit cette portion de fibre molle, il reftoit une ouverture dans la lame externe qu'elle avoit traverfée : quelques-unes, au lieu d'entrer fous la forme de fibres tendineufes dans l'os, deviennent offeufes avant que d'y entrer, ce qui forme aux extrémités des os , des trous & des rugofités qu'il eft aifé de remarquer: M. de Lafône a même vû des faifceaux de fibres tendineufes entièrement oflifiés , fans entrer dans l'intérieur de l'os , for- mer fur fa furface une efpèce d'éventail, dont les rayons croifoient toutes les fibres longitudinales de Fos, Mais fi après avoir préparé les os par l’ébullition, on les fait enfuite calciner, alors il fera bien plus aifé de fuivre ces infer- tions dans l'intérieur de Los : comme dans cet état on peut le caffer aifément en tout fens, rien n'eft plus facile que de voir _jufqu'où les fibres tendineufes y pénètrent. En fuivant cette méthode, M. de Lafône a obfervé que ces fibres pénètrent quelquefois dans Fos de deux ou trois lignes; qu'aux extré- mités des os longs, où il n'y a qu'une couche très-mince de la fubftance compacte de l'os, des faifceaux de fibres tendi- neufes pénétroient dans la fubftance fpongieufe, & s'attichoient aux plaques offeufes qu'on trouve dans ce tiflu, On n'obferve Hif. 1752. D V. les Mém. page 244. 26 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE aucun dérangement dans les fibres des lames offeufes qui font pénétrées par ces filets tendineux ; il ne paroït en aucune manière qu'elles. fe foient preffées ou féparées pour faire place à ces derniers, & réellement il ne doit point y en avoir, puique ce (ont ‘les fibres offeufes continuées, dont une partie dans la formation de l'os s'eft éndurcie, tandis que Yautre eft demeurée molle, & que les unes & les autres ne font qu'une même fubftance continue, & non deux fubflances collées ou engrénées les unes dans des autres. C'eft de-là même que M. de Lafône tire la raifon de a forte adhérence des tendons & des ligamens aux os: une fabftance molle ne peut s'unir à un os, tant qu'elle ne change point de nature; mais {1 cette.mèême fubftance, ou du moins es fibres qui la compolent, pañent par degrés & par nuances comme infenfibles à l'état d'offification, alors tous ces points refteront parfaitement unis, ny ayant entre chacun qu'une différence prefque infenfible, & l'adhérence du ligament, du tendon, &c. fera la plus forte qu'il puifle contracter. Ceci, comme on voit, neft point une conjecture, ceft à J'obfer- vation que M. de Lafône doit la connoiflance de ce mécha- nifine: ce n'eft pas la feule qu'il ait acquife par ce moyen, mais il les réferve pour d'autres Mémoires qu'il prépare fur cette même partie de l'Anatomie, dans laquelle il refte pro- bablement encore bien des découvertes à faire. SUR LA STRUCTURE DU CŒUR. E FRE = importance du cœur dans l'économie animale, fembleroit devoir être garante des efforts des Anatomiftes pour en dévoiler {a ftruéture; & il paroîtroit fans doute bien étonnant que cet organe füt peut-être un des moins connus du corps animal, fi la difficulté de cette recher- che n'égaloit fon utilité : en effet, la diffection elle-même, le véritable flambeau de l Anatomie, devient en cette occafion un guide infidèle, quant à 1 fituation du cœur, fi on me DIE S MSC LE NC ES 27 met le cadavre qu’on ouvre, dans une fituation convénable, & fi on n'en fait l'ouverture avec toutes les précautions requifes ; & le cœur, qui pendant la vie eft toûjours rempli & diftendu par le fang qu'il contient, perd à linftant de Ja mort une grande partie de fon volume, deux circonftances qui en ont impofé à bien des Anatomiftes : d'ailleurs, la pluf part de ceux qui ont fait des recherches für cet organe, ont pluftôt tourné leurs vüûes fur l'entrelacement des fibres & fur la fituation des plans qui le compofent, que fur la manière dont il agit, & fur e rapport qu'il peut avoir avec les autres parties du corps animal. C'eft principalement vers ce point de vüe que M. Lieu- taud a dirigé {es recherches, & le premier objet qu’il s'eft propolé, a été l'examen de cette poche membraneufe dans laquelle le cœur eft enfermé, & que l'on nomme péricarde , mot grec qui ne fignifie autre chofe qu'emveloppe du cœur. Le péricarde, dans lequel le cœur eft toûjours enfermé, ne lui eft en aucune façon adhérent: mais quoique non adhérent , ïl le renferme cependant exactement dans l’état naturel; & fi dans l'ouverture des cadavres le péricarde paroît beaucoup plus grand qu'il n’eft néceffaire pour envelopper le cœur, on ne doit s'en prendre qu'à ce que ce dernier fe vui- dant à l'inftant de la mort, non-feulement du fang contenu dans fes ventricules, mais encore de celui que les artères coronaires portent dans fa fubftance propre, fon volume eft prodigieufement diminué, & on eft tombé dans l'erreur toutes les fois qu'on a regardé comme monftrueux des cœurs que le genre de maladie dont étoit mort le fujet , avoient empêché de fe vuider : ces cœurs ne paroiffoient ex- traordinaires que parce qu'on ignoroit le véritable état naturel de cet organe. Mais comment le cœur étroitement enveloppé par une membrane affez forte, pourra-t-il fe dilater ? On peut répondre à cette difficulté de deux manières : premièrement , il n’eft pas für que le péricarde foit incapable d'extenfion, & en ce cas il fe prêteroit à celle du cœur, comme la plèvre fe D ï 28 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE prête à celle du poumon, & le péritoine au gonflement de l'eflomac ; mais en füt-il abfolument incapable , il n'em- pècheroïit en aucune manière la dilatation du cœur. Le péri- carde n'enveloppe pas feulement le cœur, mais encore les deux oréillettes ou les deux facs membraneux, qui font le premier réceptacle du fang rapporté par les veines : à chaque dilatation du cœur, les oreillettes fe vuident pendant que les ventricules s'empliflent, mais jamais ces cavités ne peu- vent être pleines enfemble. Puis donc que le cœur n'eft groffi que de la quantité de fang dont les oreillettes fe font vuidées, il eft vifible que le total de la maffe ne change point de volume, & que le péricarde, quelque inextenfibilité qu'on lui fuppole , ne peut gêner en aucune façon le mou- vement de cet organe. C'eft donc par la fituation du péricarde qu'on doit juger de celle du cœur dans l'animal vivant, & non. par celle qu'on lui trouve après la mort, lorfque la diminution de fon volume, fon poids & Ia fituation du cadavre lui per- mettent d'en prendre une tout-à-fait différente, & nous ne pouvons nous difpenfer de fire ici remarquer combien cette méchanique de la fufpenfion du cœur eft admirable. Cet organe, fi néceflaire à la vie, ne pouvoit être trop libre dans fes mouvemens ; des attaches immédiates l'auroient infailli- blement gêné, & il ne pourroit fans mille accidens être fuf pendu librement dans la poitrine : au moyen d'un fac membraneux qui enveloppe le cœur & fes oreillettes, il conferve la plus grande liberté dans les mouvemens qu'il doit avoir, fans pouvoir s'écarter du lieu où il a été aflujéti, même dans les plus violentes agitations du corps animal. De tout ce que nous venons de dire, il réfulte que la capacité du péricarde doit être égale au volume du cœur, & non pas une fois plus grande, comme l'ont fuppolé ceux des Anatomiftes qui ont été trompés par la diminution apparente du cœur après la mort. Le péricarde eft compolé de deux membranes, & d’un tiffu cellulaire qui les joint ; la membrane extérieure eft tendineufe DL SUISNCUE TE N+ CE 29 & très-folide, l'intérieure eft fine & polie, elle tapifie toute la cavité du fac auquel elle eft très-adhérente, & fournit des capfules plus ou moins complètes , à toutes les parties qui y font renfermées:; M. Lieutaud la nomme pour cette raifon, membrane capfulaire. mdépendamment de lufage qu'a le tiflu cellulaire de lier enfemble les deux membranes qui compofent le péricarde, il fert encore à lui ménager extérieu- rement des attaches avéc le flernum, le thymus, la plèvre, le diaphragme, & à fournir une enveloppe commune aux vaifleaux qui entrent dans ce fac ou qui en fortent. La membrane tendineufe eft celle qui femble avoir le moins détendue, puifqu'elle ne paroït pas aller au-delà du fac ; fes fibres font irrégulièrement entrelacées, elles font peu fenfibles dans les jeunes fujets, mais très-faciles à fuivre dans les vieillards. Lorfqu'on fuit ces fibres jufqu’au diaphragme, auquel le péricarde eft, comme on fait, très-fortement atta- ché, on trouve que les fibres de ces deux parties font non feulement contigues, mais continues : les bandes aponévro- tiques du diaphragme fe continuent dans le même ordre fur le péricarde , elles s'y croïfent & y forment une efpèce de réfeau qu'on peut fuivre, dans quelques fujets, jufqu’à la partie de ce fac qui donne paffage à fa veine pulmonaire. Le nerf diaphragmatique droit vient fe rendre à ce réfeau, le gauche s'infère auf dans la fubftance du péricarde, mais on ne peut pas en fuivre les fibres fi loin ni fi facilement; & fi en ouvrant le péricarde vers fon fond, on en fuit les lambeaux jufqu'à ce qu'ils fe confondent avec le diaphragme, l'union de ces deux parties paroïtra encore bien plus vifible- ment par la partie intérieure que par l'extérieure. La partie tendineufe du péricarde eft percée de neuf ouvertures, qui donnent paflage aux vaifleaux qui entrent dans fa cavité, ou à ceux qui en fortent, fans compter celle qui - reçoit le canal artériel dans le fœtus, ou le ligament qui le repréfente dans l'adulte, & celles qui donnent entrée aux nerfs; de ces neuf ouvertures deux font deftinées pour les deux veines caves, quatre pour les veinés pulmonaires , une pour Di 30 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE le tronc de l'aorte, & deux pour les deux artères pulmonaires. Les ouvertures qui laïffent pafler les veines, paroifient évi- demment formées par l'écartement des fibres tendineufes du péricarde; on leur voit décrire autour du tronc de ces vaif- feaux, des courbes qui, après les avoir embraflés, vont fe croiler à leur point de partage, fur-tout fr le fujet qu'on diféque eft avancé en âge, car cette fhuélure eft beaucoup moins apparente dans les jeunes fujets. I! n'eft pas fi facile de diftinguer les bords des ouvertures qui donnent paflage aux artères : on voit bien dans quel- ques füujets un cercle blanc qui les environne, mais qui ne reffemble en rien à celui qu'on obferve à l'entrée des veines; on ne voit aucun dérangement, aucune terminaifon de fibres , & en effet il y a grande apparence qu'il n'y en a point. Les fibres de la partie tendineufe du péricarde ne font point arrêtées au bord de ces ouvertures, & paroiffent fe pro- longer dans la couche extérieure du tiflu cellulaire qui enve- loppe ces artères ; nous difons dans la couche extérieure, car en cet endroit on y en remarque trois; la première, ou la plus intérieure, paroît être une continuité de celle du cœur; la feconde, qui eft très-mince , eft fituée entre la membrane capfulaire & a tendineufe; & la troifième enfin, dont nous venons de parler, eft une production de celle qui enveloppe le péricarde & qui unit à la plèvre : ce font ces trois couches qui fourniflent une enveloppe aux artères , & dans l'intérieur defquelles fe perdent les filets tendineux du péricarde, fans qu'il foit pofhble de les y fuivre. La membrane capfulaire ou intérieure du péricarde eft extrèmement difficile à fuivre & à décrire; non feulement elle tapifie tout l’intérieur de cette poche, mais elle enveloppe encore en particulier tout ce qui y eft contenu : on ne peut mieux la comparer qu'au péritoine, qui, après avoir tapifié toute l'enceinte mufculeufe de l'abdomen, fe replie fur lui- même pour fournir des ligamens & des capfules à toutes les parties contenues dans cette cavité. La membrane capfu- Jaire du péricarde fait exactement la même chole; après avoir DES AS IG, L'ENNC.E. S 31 revêtu la face interne du fic tendineux, elle s'en écarte à fa rencontre des vaiffeaux auxquels elle fournit des enveloppes de mème qu'aux oreillettes & au cœur; elle eft très-adhé- rente à toutes les parties qu'elle recouvre, cependant on peut Jen féparer affez facilement, dès qu'on eft parvenu à en enlever un lambeau-capable d’être tenu avec les doigts; mais en la faififfant avec des pincettes, on la déchire infaillible- ment pluftôt que de la féparer. Jufqu'ici nous n'avons confidéré le péricarde que comme une fimple capfule, mais fr on fait attention à la connexion, ou même peut-être à la continuité qu'il a par {es fibres avec l’eflomac, le diaphragme, le cœur & le poumon , on demeurera convaincu qu'il eft comme impoffible qu'il ne foit pas affeété de ce qui intérefle ces parties, & que celles-ci à leur tour ne fouffrent de ce qui peut affecter Je péricarde. Une grande abondance de fang, qui en gon- flant le cœur diftend le péricarde, peut exciter la con- vulfion de l'eftomac néceffaire pour le vomiffement, on gêner a refpiration, & cette manière d'expliquer ces effets paroït à M. Lieutaud bien plus naturelle que d'aller recher- cher une action équivoque .& non prouvée, des nerfs de la partie fouffrante fur le cerveau, & du cerveau far les nerfs de celle qui fe trouve fympatiquement affectée, Le péricarde eft, comme ‘toutes les autres parties du corps animal, fujet à devenir Le fiége de plufieurs maladies : il éprouve le fpafme dans les affections hyflériques ou mélancoliques; & quand ceux qui {e livrent à des chagrins violens dilent qu'ils ont de .œæur ferré. ils parlent peut-être d'une manière -plus conforme à la vérité que ne l'ont penfé Jufqu'ici bien des Phyfciens. Le péricarde peut être auffi attaqué d’iiflammation. M. Lieutaud-a trouvé ; dans le cadavre d'un homme, cette poche remplie d'un pus laiteux qui s’ étoit formé à la fuite d'une inflammation , & qui avoit affecté la membrane intérieure ou capfulaire. On {ent affez com- bien les connoiffancés qu'il donne ici des maladies qui peuvent affecter un organe fi effentiel, peuvent éclairer la pratique de la Médecine dans bien des circonftances, { V. les M, page 308, 32 HisToiRe DE L'ACADÉMIE RoyaALE L'eau qu'on trouve fouvent dans le péricarde fait le fujet d'une nouvelle queftion. Cette eau exifle-t-elle dans le corps vivant & en fanté? n'eft-elle que le produit de quelque maladie? ou enfin ne s'y raflemble-t-elle qu'après la mort ? Malgré les porofités que quelques Anatomifles ont cru re- marquer dans la membrane capfulaire, & qu'ils ont regar- dées comme les fources de cette eau, M. Lieutaud penche à croire que dans l'état naturel & de fanté le péricarde ne contient point d'eau; & une des raifons qui le portent à le croire, c'eft qu'on n'en trouve que très-rarement dans le corps de ceux qui ont été enlevés par une mort violente & prompte, que celui de prefque tous les animaux n’en contient jamais, & qu'enfin cette eau ne paroît d'aucun ufige. Il penfe donc que lorfqu'il s'en trouve, elle a été produite par quelque maladie, par des fouffrances vives & continues qui aient pü altérer cet organe, ou enfin, ce qui eft plus ordinaire, qu'elle s'y eft amaflée après la mort par une efpèce de fuintement aflez commun aux vifcères mêmes féparés du corps, & que les Anatomiftes ne con- noiflent que trop par l'incommodité qu'il leur caufe. Quelques Auteurs aflurent avoir trouvé du fang dans le péricarde ; mais M. Lieutaud croit qu'ils ont été trompés par un accident femblable à ce qui lui eft arrivé à lui-même. Ayant trouvé un jour le péricarde d'un cadavre plein de fang, il en rechercha la fource avec tant d'attention, qu'il trouva que ce fang étoit forti d'une piqüre prefque imper- céptible, que la pointe du fcalpel avoit faite à une des oreil- lettes pendant qu'il ouvroit la poitrine : il penfe qu'on doit conclurre de-là , que le fang qu'on a pù trouver dans le péri- carde n'y peut être venu que par quelque accident pareil, & que la preuve la plus complète de la mort eft lorfqu'un cadavre a jeté, par une plaie faite à Ja région du cœur, de l'eau mêlée avec du fang, puifque c'eft une marque certaine ue le cœur & le péricarde font ouverts. De fa defcription du péricarde, M. Lieutaud paffe à celle du cœur. La partie charnue de ce vifcère refflemble añlez à . une Er DES SCIENCES. 33 uné pomme de pin un peu apiatie par deux côtés, & arrondie dans tout le refte. Sur la bafe de cette efpèce de conoïde -font placés deux facs adoffés qui la recouvrent, & qui em- : braffent, en forme de croiffant, l'aorte qui fort de cette bafe. Dans le cadavre, ces facs font toûjours accompagnés, à Ja partie intérieure de leur croiïffant, d'appendices dentelées, qui, #ottant fur la bafe du cœur, ont fait donner à ces facs le nom d'oreillettes : ufage de ces oreïllettes eft connu de tous les Anatomiftes. Le cœur eft partagé en deux cavités qu'on nomme ventricules : H reçoit, pendant fa diaftole ou fon agrandiflement, le fang de toutes les veines du corps, qui eft apporté dans lun de fes ventricules par la veine cave, & celui qui eft apporté du poumon dans l'autre ventricule par la veine pulmonaire; & Jorfqu'il vient à fe contracter dans la fyftole, il chaffe avec force le fang du premier ven- tricule dans artère pulmonaire, & celui du fecond dans Faorte. Il ne peut donc entrer dans le cœur, pendant a ‘fyflole, aucune partie du fang que les veines y rapportent; & comme le cours de ce fluide y eft continu, il eft nécef- faire qu'il y ait une efpèce de dépôt pour le recevoir : c’eft à cet ufage que font deftinées les oreillettes , elles reçoivent ‘pendant la fyftole le fang des veines, pour le verfer enfuite pendant la diaftole dans les ventricules. Mais à quoi fervent ces appendices dentelées dont nous venons de parler? Ce point, qui avoit échappé jufqu'ici aux recherches des Anato- miftes, n'a pü fe dérober à M. Lieutaud : inutilement leur at-on cherché un ufage dans le corps vivant, elles n'y exif tent point, ou du moins elles y font fous une forme bien différente, & il ne faut que remplir l'oreillette de liqueur pour les voir difparoitre ; elles ne font qu'un pli de la membrane même de l'oreillette, qui paroït lorfque cette dernière, vuidée abfolument de fang , s’eft affaiflée; & les dentelures qu'on y obferve y font formées par les brides charnues, qui ne permettent pas à la partie membraneufe de s'étendre égale- ment dans tous fes points. Le cœur & les oreillettes font, comme nous l'avons dit, Hif. 1752. E 34 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoÿALE recouverts par la membrane capulaire du péricarde, quieur fournit des tuniques. M. Lieutaud s'eft affuré par un examen très-exact que le cœur n'avoit que cette feule tunique; & ue les feuillets membraneux qu'on trouve quelquefois en difféquant, appartenoient au tiflu cellulaire. Cette tunique eft extrêmement adhérente au cœur par un nombre prodi- gieux de filets, qui, fortant de la partie charnue de ce vifcère, viennent, en traverfant le tiflu cellulaire, s'unir à cette membrane. Lorfqu'on a dépouillé Je corps charnu du cœur, de toutes les parties qui le recouvroient, on aperçoit fur fa furface une efpèce de fillon qui termine l'étendue du premier ven- tricule ; il commence à la bafe vis-à-vis le tronc de l'artère coronaire, d'où étant defcendu vers la pointe, il remonte à la bafe vers la cloifon commune des oreillettes ; & la pofition du cœur eft telle, qu'une moitié de ce fillon eft à la partie antérieure du cœur fous le fternum, & autre à fa partie poftérieure. Cette fituation de la ligne qui joint les deux ventricules ; ne permet pas qu'on leur donne les noms de veutricule ante- rieur & de ventricule pofferieur; ele n'eft:pas non plus fi exac- tement placée dans le plan vertical qui pafle par le milieu de la poitrine, qu'on puifle légitimement leur donner la déno- mination de droit & de gauche ; enfin, la pofition oblique du cœur dans la poitrine, ne fouffre pas qu'on donne aux ventricules les noms de /upérieur & d'inférieur : ces différentes expreffions qu'emploient les Anatomiftes, ne peuvent que jeter les commençans dans l'embarras ; & ce qui eft encore pis, aucune ne donne une idée nette de la pofition des ven- tricules : c'eft pourquoi M. Lieutaud s'eft déterminé à des fupprimer toutes, & à ne défigner les ventricules que par premier & fecond. Le premier eft celui qui reçoit le fang de tout le corps par la veine cave, & le chaffe dans le poumon par l'artère pulmonaire, & le fecond, celui qui reçoit le fang qui lui eft apporté du poumon par les veines pulmonaires, & le chafle enfuite dans tout le corps par l'aorte : au moyen DES ScreNcEs Fe de cetté définition fr claire & fi précife, il a eu le plaifir de fe faire entendre fans peine de ceux qui étoient accoûtu- més à des dénominations différentes, & de n'éprouver aucune difficulté lorfqu'il a démontré à fes difciples les ven- tricules du cœur. : Chaque ventricule a deux ouvertures, lune répond à l'oreillette, & fert à permettre au fang d'entrer dans le ven- tricule, on la nomme awriculaire; Yautre communique avec Y'artère, & fert à la fortie du fang, on la nomme ærérielle. L'ouverture auriculaire dans fun & dans l'autre ventricule; eft formée par un anneau qui paroït d'abord tendineux, mais dont la fubftance eft réellement calleufe & cartilagineufe. Quelques Anatomiftes ont cru que ces anneaux étoient l'at- tache commune de toutes les fibres du cœur: mais, après un mûr examen, M. Lieutaud ne croit pas pouvoir admettre ce fentiment. Ces anneaux forment l'attache des oreillettes aux ventricules, ils fervent encore à foûtenir les valvules circulaires qui empêchent que dans la contraction du cœur 1e fang ne puifle retourner par le canal des veines. Les ouvertures artérielles des ventricules font garnies d'un anneau de même nature que celui des ouvertures auriculaires ; mais d’une figure bien différente; au lieu d'être ovales comme ceux dont nous venons de parler, ils font compofés de trois arcs de cercle qui leur donnent imparfaitement 1a figure d'un trèfle. La raifon de cette conformation eft qu'ils fuivent le contour des trois valvules figmoïdes, qui font trois efpèces de petites poches deflinées à empêcher le fing des artères de rentrer dans le cœur quand il fe dilate: cette future & la fubftance de ces anneaux, prouvent évidemment qu'ils ne peuvent avoir aucun mouvement propre de con- traction, & qu'ils ne font capables que du reflort dont jouiffent les parties folides pendant la vie du corps animal. La plufpart des Anatomiftes repréfentent les ventricules du cœur conime adoffés & féparés par une cloifon mitoyenne: rien n’eft, felon M. Lieutaud, fi propre que cette définition à: donner une fauffe idée de ces: cavités; pour en avoir une 36 H1sTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE plus jufte , il faut d'abord confidérer le fecond ventricule ; qui pris feul, à la figure d'un œuf un peu alongé. Si on imagine préfentement que fur la moitié de fa furfice on applique une partie charnue affez femblable à une hotte qui feroit fermée par deflus, il en naîtra une feconde cavité qui aura pour paroi intérieure, a portion de la furface du fecond ventricule fur lequel elle s'applique, & pour paroi extérieure, cette partie charnue dont nous venons de parler. ll réfulte de cette ftruéture du cœur, que fa cavité du fecond ventricule eft à peu près elipfoïde, au lieu que celle du premier eft formée d'un arc de Ja partie convexe du fecond , & de l'arc concave de fa paroi extérieure, que la pofition du cœur rend un peu anguleux dans fon milieu, ce qui Jui donne la figure d'un croiffant dont Farc extérieur feroit jarreté à fa partie moyenne. Cette ftruéture n'eft pas uné fimple fuppofition ; en coupant le cœur perpendiculairement à fon axe, on voit tout ce que nous venons de dire. M. Lieutaud va plus loin, & if a obfervé en fuivant les fibres charnues du fecond ventricule, qu'une partie de ces mêmes fibres fervoit à former l'enveloppe extérieure du premier; en ce cas le fecond ventricule feroit contenu dans. le pre- mier, comme un petit fac le feroit dans un plus grand, aux. parois duquel il feroit collé d'un côté. Le pli ou fillon duquel nous avons parlé, & qui indi- que fur la fiface extérieure du ewur l'étendue du premier ventricule, eft auffr le terme du mouvement de fes fibres ;. ou pluftôt il eft comme la charnière fur laquelle doivent fe. plier les fibres qui fe féparent de la paroi externe du fecond ventricule, pour venir former celle du premier. %. Lorfque lon ouvre les ventricules, on y rencontre uné- infinité de petits filets blancheîtres, de différentes groffeurs, on les nomme les co/omnes ; les unes s'appliquant aux parois intérieures, y forment des efpèces de nattes qui les tapifent; d'autres vont d’un côté à l'autre, & font attachées par les deux. bouts aux parois oppofées ; d’autres enfin attachées aux parois par DE SSI GLEN CIE & 37 flottans de la valvule annulaire. Toutes ces colonnés varient prefque à l'infini dans les différens fujets, tant pour leur forme que pour leur fituation ; celles qui s'étendent d'une paroi à l'autre , fervent, ainfr que celles qui les tapifient, à les fortifier; & celles qui vont fe rendre à {a valvule, y font probable- ment mifes pour rendre impofhble le reu,erfement de cette partie, qui cauferoit une mort infaillible, :, La valvule annulaire a été regardée comme trois. valvules par les anciens Anatomiftes ; M. Lieutaud remet à un autre Mémoire l'examen de cette queftion, il fe contente de dire qu'elle varie prodigieufement dans les différens fujets. La feule partie de cette valvule qu'il ait trouvé conftamment la même, eft une efpèce d'appendice, qui, defcendant de l'anneau de l'oreillette, & retenu par en bas par quelques-unes des colonnes charnues , partage chaque ventricule en deux cavités prefque égales, dont l'une aboutit à l'embouchüre de l'oreillette, & l'autre à celle de l'artère. Cette dernière eft encore une dé- couverte de M. Lieutaud, elle avoit été totalement ignorée jufqu'ici, ou du moins perfonne ne l’avoit encore décrite, & il eft vrai à la lettre, qu'on n'avoit jamais vû que la moitié ” de chaque ventricule du cœur. La raïfon qui avoit toûjours. empêché d’apercevoir celle: dont nous parlons, étoit la manière dont on ouvroit le cœur: en le difféquant, on ne manquoit jamais de fendre la paroi extérieure de chaque ventricule par fon milieu, & d’écarter enfuite les deux bords pour hifler voir le fond: or par cette manœuvre il arrivoit infailliblement que ce fond que lon plioit, fe rapprochoit de la cloifon valvulaire, & faifoit difparoître la cavité qu'elle recouvre, au lieu que par une autre coupe qui laïffe toutes les parties en place, M. Lieutaud. donne le moyen de la voir dans toute fon étendue : tant il. eft vrai que les découvertes en Phyfique ne dépendent pas toûjours du feul travail, mais d’une certaine fagacité néceffaire- pour envifager un objet fous toutes {es faces, & pour forcer. la Nature, toûjours avare de fes {ecrets, à les révéler. . On voit aïlément que les recherches qui font l'objet des E üÿ, V. les Mém. ae 302. F4 y. Hif. L7S 11 be SD 38 HisToiRE DE L'ACADÉMIE Roy4LeE deux Mémoires de M. Lieutaud dont nous venons de rendré compte, ne forment pas encore une anatomie complète du cœur : à voir la manière dont il la traite, il paroit encore Join d'avoir épuilé ce fujet, fur lequel il promet plufieurs Mémoires; mais quiconque aura Îü ceux-ci avec attention ; conviendra certainement que là ftruéture de cette importante partie n’étoit pas à beaucoup près fufhfamment développée, & que la parfaite connoiflance du cœur n’eft peut - être pas plus facile à acquerir en Phyfique qu'en Morale. SUR LA LIQUEUR DE L'ALLANTOIÏDE. N o US avons parlé l’année dernière * du travail & des recherches de M. Daubenton fur l'hippomanes, & nous avons dit, d'après lui, que cette fubftance n'étoit autre chofe qu'un réfidu de la liqueur qui fe trouve entre l'allan- toïde & lamnios du cheval, & non une excroiflance de chair qui tienne à la tête du poulain, comme on avoit cru jufque-là. Cette recherche, qui avoit engagé M. Daubenton à fe livrer à l'anatomie du cheval, l'a infenfiblement porté à d’autres objets ; la grande refflemblance qui fe trouve entre Vâne & cet animal, l'a engagé à lexaminer avec le même foin, & fon travail n'a pas été inutile; il y a trouvé plufeurs parties relatives à celles du cheval, & delquelles on n'avoit aucune connoiflance. Cette reffemblance intérieure entre les. deux animaux, lui donna lieu de penfer qu'on pourroit: peut-être trouver dans l'ânefle quelque chofe d'analogue à lhippomanès, & il ne mit à sen éclaircir que le temps néceflaire pour avoir occafion de difléquer une ânefle pleine, La matrice étant enlevée avec tout ce qu'elle contenoit, iP Fouvrit, & trouva le chorion doublé en dedans par lallan- toide, précifément comme dans le cheval. En recevant dans: un vaifleau {a liqueur contenue entre l'amnios & l'allantoïde, il tomba avec cette liqueur plufieurs corps qui y flottoient, - DE ENUS ACT EN Cr S 9 dont Jun étoit plus gros que les autres, tous de [a même nature que lhippomanès, mais d'une couleur plus roufle & de confiftance moins dure. Le plus gros étoit oblong, de figure irrégulière; il avoit trois pouces & demi de long, un pouce & demi de large, fur un demi-pouce d'épaifieur : il ÿ avoit une cavité dont les parois intérieures étoient inévales & raboteufes , & cette cavité n’occupoit pas exactement le milieu du corps : il pefoit une once & un gros. La liqueur contenue entre lamnios & lallantoïde, éva- porée au bain de fable, exhala une odeur urineufe, & if refta après l'évaporation une mafle de même confiftance & de mème nature que les corps qu'on y avoit trouvés. I eft donc bien conftant que l'hippomanès n'eft pas par- ticulier au cheval, puifqu'on en trouve un tout-à-fait emblable daris l'âne. Enhardi par cette obfervation, M. Daubenton commença à foupçonner qu'on pourroit en trouver dans tous les animaux qui ont une allantoïde, & comme il devoit être plus fenfible dans les plus gros de ces animaux, il fe détermina à le chercher dans la vache. La fituation de lal- lantoïde eft, dans cet animal, très-différente de celle qu'on obferve dans l'âne & dans le cheval ; elle accompagne le cordon ombilical dans toute fa longueur , & fe términe par deux poches qui s'étendent de part & d'autre dans les deux cornes de la matrice; elle eft donc capable de contenir feule la liqueur où fe forme ce réfidu qui dans le cheval fe nomme /ippomanés , au lieu que dans celui-ci l'allantoïde ne forme qu'une partie du fac qui la contient, l’autre étant fournie-par lamnios auquel elle s'applique. IL prit donc le parti de faire ouvrir une vache prête à mettre bas ; le 72 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE les voleurs eux-mêmes en ayant reconnu fa fituation, & Vimpoffbälité de la retirer, le laiflèrent aller. De retour chez lui, ceux auxquels il fit part de fon accident lui firent faire beaucoup de mouvemens, & tentèrent même, en lui don- nant plufeurs coups de poing dans le dos, de faire tom- ber l'écu dans l'eftomec; mais ils n'y pürent réuffir, & Vécu refla conflamment fixé, autant qu'on pouvoit en juger, vers l'extrémité de lœfophage. Le malade cependant avaloit avec beaucoup de liberté tout ce qu'on lui préfentoit, tant d’alimens folides que de boiffon : ce fut en cet état qu'il fe préfenta à l'hôpital où M. Lieutaud le vit. Il tenta d'abord de faire revenir l'écu par le vomiflement, au moyen d’une dofe aflez forte d'émétique ; mais cetie tentative ayant été fans fuccès, quoique le vomitif eût parfaitement fait fon effet, il tenta de faire pafler l'écu dans Feflomac par le moyen d'une bougie introduite dans l'œfophage : dans cette vüe, il fit prendre au malade quelques cuillerées d'huile d'amande douce, pour rendre le paflage plus gliffant, & la bouoie fut introduite. Elle ne put cependant, la première fois, forcer l'écu à defcendre, elle étoit trop foible, & l'état violent du malade obligea de la retirer; mais comme on vit, par l'empreinte marquée à fon extrémité, qu'elle avoit touché lobflacle, on obtint du malade qu'il voulût bien fe prêter à une feconde tentative : celle-ci fut plus favorable ; une bougie plus forte fit pafler, & même affez facilement, l'écu dans l'eflomac. Le malade alors ne fentit plus aucune douleur, & parut ne plus penfer à fon accident, M. Lieu- taud craignoit cependant, avec raifon , que cette pièce qui avoit eu tant de peine à franchir l'entrée de l'eftomac, n’en éprouvât encore plus à fa fortie, ou que même elle ne s’y engageit. Pour prévenir cet accident, il fit preidre au ma- lade une grande quantité d’alimens, & lui recommanda de faire beaucoup d'exercice & de fe coucher la nuit fur le dos ou fur le côté droit: ce régime, aidé de quelques prifes d'huile d'amande douce, eut un plein fuccès, & cinq jours après on trouva dans les felles l'écu, qui n’avoit reçû d'autre altération PR RS RS OS rt sé dns on és À CR ES si DES SCIENCES. ru altération que d’être un peu noirci. On fit voir, à ce füjet, à M. Lieutaud un homme qui avaloit des écus de fix livres autant qu'on vouloit lui en fournir ; on l'afura même que cet homme en avoit avalé quatre en moins d’une minute, fans que jamais il en eût reflenti aucune incommodité. On auroit tort cependant de s'imaginer qu'il ne puifle arriver bien des accidens en pareil cas ; ceux que fouffrit à l'occafion d'un écu de trois livres, une fille de Metz dont l'Hiftoire de l'Académie fait mention *, font une preuve évidente du contraire. Tu .… Une fille d'environ vingt ans, & d’une très-bonne com- plexion, eut un chagrin fi vif d'avoir été maltraitée fans fujet par fes fupérieurs, qu’elle tomba dans une maladie de langueur qu'elle cacha pendant quelque temps avec foin ; mais de fréquens évanouiffemens & la fièvre qui fe mit de la partie, obligèrent ceux à qui elle étoit confiée, de Ia faire traiter. Les accès duroient plufieurs jours, & étoient accompagnés d’une douleur de tête interne, qui Jetoit ordi- nairement la malade dans un afloupifiement léthargique; les intervalles alloïent quelquefois à une femaine, mais fans que la tête fût jamais parfaitement libre. Les remèdes ordinaires procurèrent un intervalle plus long; mais au bout de quelque temps la fièvre revint, & on ne put s’en rendre maître qu'au bout de quinze jours: alors on crut la malade guérie, mais elle en étoit bien loin, “& ce qu'elle avoit éprouvé r'étoit que le prélude d'une maladie beaucoup plus terrible. La convalefcence ne paroifloit plus équivoque, lorfqu'il parut tout d'un coup des accidens qui tenoient de l'épilepfie par la façon fubite dont la malade en étoit attaquée, & par l'écume qu'elle rendoit par a bouche, & qui pour tout le refte reflembloient parfaitement aux vapeurs de matrice les plus violentes, à la fin defquelles la malade radotoit pen- dant quelque temps, fymptome familier à cette maladie; mais les avant-coureurs ordinaires des vapeurs hyftériques man- quoient abfolument, Les accidens, dès la première invafion, Hifl. 1752. | . K * Voy. Hife 17401 P: 53: 74 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE étoient accompagnés de perte de connoiflance, & de mouve- mens convulfifs eflrayans. Cet état duroit fept à huit heures; les mouvemens convulfifs étoient remplacés par un étourdif- fement & par une douleur de tête très-vive avec délire, qui ne fe diffipoit qu'après plufieurs heures; ces efpèces d'accès revenoient ordinairement de trois jours fun. On faigna la ma- lade à l'artère temporale, & on la mit à l'ufage des plus puif- fans anti-épileptiques; ces fecours ne furent pas fans fuccès : il s'étoit déjà paflé près de trois femaines fans aucun acci- dent, lorfque les accès reparurent de nouveau, plus courts à la vérité, mais aufli violens & bien plus fréquens, puifqu'on en comptoit alors jufqu'à fix en vingt-quatre heures. On admi- niftra pour lors les remèdes anti-hyftériques, mais fans aucun fuccès: le feul émétique procuroit à la malade quelque reläche, comme de deux ou trois jours, après quoi les accidens reve- noient aufli violens & aufli terribles qu'auparavant. Tel étoit le trifte état de la malade, lorfque M. Lieutaud la vit pour la première fois : il tenta, pour la foulager, quelques remèdes qui avoient été oubliés; il fit ouvrir un féton, qu'elle demandoit avec inftance, mais il ne fut pas plus heureux que ceux qui lavoient précédé. Rien ne fou- lagea la malade, & il étoit prêt à l'abandonner au temps & à la Nature, lorfqu'un remède auquel il ne s’étoit fürement pas avifé de fonger, eut tout l'honneur de l'aventure. Un jeune apothicaire de l'Hôpital, qui revenoit de la chaffe aux petits oifeaux, propofa à M. Lieutaud d’effayer fi un coup de fufil tiré près du lit de la malade fans l'en avertir, ne pourroit pas donner lieu, par la furprife, à quelque ré- volution qui termineroit la maladie, ou du moins la feroit changer de face. Cette idée n’étoit pas fans vrai-femblance, mais elle n’étoit pas non plus fans inconvéniens ; & M. Lieu- taud n'ofant l'adopter, fe contenta de répondre en général que des remèdes plus finguliers & plus bizares avoient quelquefois été falutaires. Le jeune apothicaire, qui n'avoit pas tant de mefures à garder avec le Public que M. Lieu- taud, nen demanda pas davantage; après avoir averti Di ENST ES ACHILLE NC GIE 8. 75 les autres malades de la falle, il attendit que celle-ci fortit * de fon accès ; & lorfqu'elle commençoit à reprendre fes fens, il tira au pied du lit un coup de fufl. La frayeur qu'elle en eut, la jeta dans un tremblement univerfel, plus extraor- dinaire que les convulfions qu'elle avoit efluyées, & fon elprit fut fi troublé, qu'elle nentendit rien de tout ce qu'on put lui dire pour la raflurer; en un mot, l'orage fut fi vif qu'on la crut en danger, & qu'on fe repentoit déjà de l'y avoir expolée: cependant après environ trois heures tout fe diflipa, elle devint tranquille & raifonnable, & elle éprouva un changement intérieur qu'elle ne pouvoit pas exprimer, mais qu'elle regarda comme un figné certain de guérifon. Son pronoftic fut jufte; les accidens difparurent entièrement; les règles qui avoient été fupprimées depuis a première époque de fa maladie, revinrent quelques jours après ; & lorlque M. Lieutaud lut cette relation à l'Aca- démie, il y avoit plus d'un an qu'elle jouifloit d’une par- faite fanté. C'eft probablement 11 première fois qu'un coup de fufl a été employé comme remède. PET. M. le comte de Treffan a envoyé à l'Académie obfer- vation fuivante. Une femme de quarante ans, ayant eu plu- fieurs enfans dont le plus jeune avoit alors cinq ans, mourut d'une maladie de poitrine. Le cadavre fut ouvert, & les afliftans ne furent pas peu étonnés de trouver une matrice d'une forme extraordinaire, & dont la figure étoit plus femblable à celle fous laquelle les Peintres repréfentent les cœurs, qu'à celle d’une poire aplatie qu'affecte ordinairement ce vifcère. M. Bagard qui étoit préfent, remarqua que la forme extérieure de cette matrice annonçoit deux cavités féparées, quoiqu'il ne parût à l'extérieur qu'une feule ouver- ture, Dans cette idée, il introduïfit une fonde direétement dans la direction de l'axe de l'efpèce de cœur que faifoit ta matrice, & il fentit de la réfiftance; alors il l'introduifit en biaifant à droite & à gauche, & trouva de fun & de l'autre côté des orifices qui lui donnoient un libre paflage. Sûr de Ki 76 Histoire DE L'ACADÉMIE RoyaLe cette circonftance, il détruifit avec précaution ce qui formoit le premier orifice, & les deux autres devinrent apparens: on vit de plus qu'ils appartenoient à deux matrices bien com- plètes & bien organifces; les trompes de Fallope, les liga- mens larges ni les ronds n'étoient cependant pas doubles. La membrané fournie par le péritoine ne formoit à l'extérieur qu'une feule matrice, mais la lame intérieure fe divifoit pour fournir une tunique particulière à chacune d'elles. L'infpe‘tion de ces matrices a fait voir qu'elles avoient été toutes deux occupées, mais on n'a pû décider laquelle des deux l'avoit été le plus fouvent. Ce fait, qui n'eft pas à beaucoup près unique, fournit une explication bien naturelle des exemples de fuperfétation qu'on rapporte ; & M. de Treflan seft rappelé à ce propos une autre obfervation qui lui a été communiquée par des per- fonnes de la première diftinétion , proches parens de celle qui en a cté le fujet. ; Une dame accouchée à terme d'un enfant fort & vigou- reux, eut pendant fix femaines toutes les fuites de couche ordinaires; au bout de la feptième femaine elle fentit des douleurs très-vives, qui la forcèrent d'appeler fa fage-femme : celle-ci l'ayant touchée, trouva qu'elle étoit dans un fecond travail très-décidé; en effet elle accoucha au bout de quel- ques heures d'un fecond enfant vivant, aflez maigre & d’en- viron cinq mois, qui mourut prefque aufli-1ôt. Les parens crurent devoir enfevelir cet événement dans un profond filence, & n'en ont eflectivement parlé qu'après la mort de cette dame. HV: Au mois de Janvier 17 52, un enfant âgé d'environ trois ans, d'un embonpoint naturel, & qui n’avoit eu jufqu'alors que les maladies ordinaires aux enfans, fut attaqué d’une fièvre confidérable avec tenfion & inflammation au bas- ventre, & les autres fymptomes qui ont coûtume de lac- compagner. M. Serré, Etudiant en Chirurgie, fut appelé pour le voir; mais comme la maladie avoit été trop long-temps Ep ÿ N MPENS M SNCUVNE NC œù s 77 négligée, il ne fut pas poflible d'en arrêter le progrès, & l'enfant mourut. M. Serré ayant ouï dire qu'il avoit toüjours rendu les excrémens par la verge, & qu'il n'avoit jamais eu d'anus, obtint des parens la permiflion de faire l'ouverture du cadavre : il trouva tous les inteftins dans l'état naturel, le rectum feul étoit différent ; au lieu de fe porter vers l’en- droit où fe forme l'anus, il fe courboit fous la veflie, & aboutifloit au canal de l'urètre avec lequel il s'unifloit exac- tement. La verge étoit plus longue & plus grofle qu'à l'or- dinaire, & le canal de l'urètre d’un bien plus grand diamètre que dans l'état naturel: ce canal, qui eft ordinairement contigu à la partie inférieure de la veflie, & qui ne s'ouvre que dans ce vifcère, s'ouvroit encore dans le reétum, en forte que les deux ouvertures étoient très- diftinétes & féparées par un elpace de près de trois lignes; il y avoit même entre deux une efpèce de valvule, qui empéchoit également les matières de s'introduire dans la veffie & les urines de refluer dans linteftin. On aflura M. Serré que les matières fécales qui fortoient par la verge étoient ordinairement moins dures que dans les autres fujets, ce qui doit être attribué au peu de diamètre de l'urètre, qui n'auroit pü permettre la fortie d’une matière plus ferrée & plus endurcie. Cette conformation fingulière que M. Serré a démontrée à l'Académie fur les pièces mêmes, & qui auroit dû eaufer beaucoup d’incom- modité à cet enfant sil avoit vécu, lui caufa la mort : une fève de marais, qu'il avoit apparemment avalée entière, ne put franchir le pañlage de l'urètre, où elle fut trouvée ; elle bouchoit abfolument le paffage du reétum dans ce canal, & l'interceptoit aux matières qui étoient contenues dans le canal inteftinal ; de plus, en appuyant obliquement fur la valvule dont nous avons parlé, elle fermoit auffi le che- min par lequel l'urine auroit pù s'écouler; de là le gonflement de l'inteftin & de la veflie, la fièvre, linflammation, & enfin la mort du malade, fuite inévitable de cet accident, qui n'en eût pas été un dans un fujet conformé à l'ordi- maire. K ii ; * Pay. Hif 1723) De 30 78 Histoire DE L'ACADÉMIE RoyaLe Vial M. Gaillard, Chirurgien en chef de l'Hôtel-dieu de Poitiers, a mandé à M. Morand qu'il avoit eu dans fon Hôpital un jeune homme de vingt-cinq ans qu'on lui avoit amené étique; ce malade avoit au bas-ventre du côté droit & vers la région iliaque, une hernie de la groffeur d'une demi - bouteille, on la faifoit rentrer aifément, mais dès qu'elle étoit réduite elle caufoit au malade des douleurs plus vives qu'auparavant. L'état de dépériflement dans lequel étoit ce malade, ne laifloit aucune efpérance de guérifon; en effet il mourut deux mois après fon arrivée à l'Hôpital. A lou- verture du cadavre, M. Gaillard trouva que la hernie étoit formée par une grande portion du cœcum très-dilatée, qui pafloit par une rupture faite au péritoine, & qui contenoit un corps étranger; ce corps étoit compofé d’un amas d'os de pieds de cochon & de noyaux de cerife unis & comme maftiqués enfemble, & revétus d’une fubftance mollaffe & veloutée, à peu près comme ces boules qu'on nomme éga- gropiles, qui fe trouvent dans le corps de certains animaux, & qui font compofées des poils qu'ils ont avalés en fe Iéchant; une plus petite tumeur avoit auffi pour noyau un de ces os. L'Académie a déjà publié * un fait à peu près femblable ; mais dans celui-ci c'étoit des pieds de mouton qui caufoient la tumeur, & qui n'étoient ni unis ni revêtus par aucune matière. Des faits de cette nature font d'autant plus utiles à publier, qu'on ne s'aviferoit guère de deviner la caufe des accidens qu'ils peuvent produire. +E + 2590? " z DES SCIENCES. 79 eeaeeeererRReReE IS CHYMIE. DURRRE, BLEU, DE PRUSSE. E bleu de Prufle n’eft connu que depuis aflez peu de V. les M. temps dans la Chymie ; l’Académie a rendu compte P*8f fe en 1725 * de la découverte que fit feu M. Geoffroy » py. Hi. Yaïné, de Ja manière de le préparer, & on s’eft plus appli- 2725: 7:33: qué depuis ce temps à en perfectionner la compofition qu'à en connoitre les véritables élémens. Ce n'eft pas cependant que ce point ait été abfolument négligé: M. Geoffroy & feu M. Abbé Menon b avoient chacun un fentiment difié- 5 j4,. Am; rent fur la nature de cette compolition; felon le premier, 7'4. à l'Acad, Je bleu de Pruffe n'eft que le bitume du fer divifé par un * AU alkali fivonneux, & tranfporté fur la terre blanche de Falun ; le fecond au contraire prétend que le bleu de Pruffe eft le fer même précipité dans fa couleur naturelle par la leffive favonneufe, & dépofé fur la terre de falun. C'eft à confir- mer par de nouvelles expériences ce qu'il y a de vrai dans les fentimens de ces deux habiles Chymiftes, & à expofer celui que de nouveaux faits lui ont fait adopter, que M. Macquer a deftiné le Mémoire dont nous allons tàcher de donner une idée. Les Chymiftes qui ont travaillé jufqu'ici fur le bleu de Pruffe, n'ont cherché à le connoître qu'en le compofant ; & dans cette vüe ils ont varié, tantôt la leflive favonneufe , tantôt les matières inflammables avec lefquelles on calcinoit Valkali, tantôt ils ont changé la proportion des ingrédiens qui le compofent, ou en ont fupprimé quelques-uns ; en un mot ils ont toüjours, s'il m'eft permis de me fervir de ce mot, employé la fynthèfe dans leurs recherches. M. Macquer au contraire, infhuit par les tentatives qu'il avoit faites fur * Vo. Hi. PLTDDEELC 80 HisToiRE DE L'ACADÉMIE RoyALE cette matière, & defquelles nous avons rendu compté én 1749 *,a cru devoir prendre une route différente, & fe fervir de la décompofition ou de l'analyfe du bleu de Prufe déjà fait, pour en connoître la nature. Voici ce que fes ex- périences lui ont appris de plus décifif. Quelque bien lavé & féché que puifle être le bleu de Prufle, il eft abfolument inattirable par laiman, qui n'en enlève pas la moindre parcelle ; cependant ce même bleu calciné à feu ouvert dans un creufet, devient entièrement attirable. Pendant cette calcination, il s'élève des vapeurs qui ont une odeur bien marquée d'alkali volatil; la couleur bleue difparoit, & fe change en une couleur de rouille un peu jaunâtre. 11 fuit de cette expérience que le bleu de Pruffe contient une matière inflammable qui s'élève avec l'alkali volatil, & fi on en doutoit, il ne faudroit que jeter un peu de ce bleu fur du falpêtre en fufon ; il fe feroit une détonation foible à la vérité, mais qui cependant ne permet pas de douter de l'exiftence de la matière inflammable dans le bleu de Prufle. I fuit encore de la même expérience, que M. Geoffroy s'eft trompé lorfqu'il a cru que le bleu de Pruffe n’étoit que la terre de lalun colorée par le feul bitume du fer, puifque la terre décolorée par la calcination , & qui fervoit de bafe au bleu de Prufle, eft attirée totalement par f'aiman , & par conféquent une vraie terre ferrugineufe: enfin on en peut conclurre que M. l'Abbé Menon à raifon lorfqu'il affure que le bleu de Pruffe n’eft uniquement que du fer ; mais à l'égard de la couleur bleue, qu'il revarde comme effentielle à ce métal , il n’eft peut-être pas aufli-bien fondé. Son fentiment eft appuyé principalement fur deux pro- pofitions , la première que le bleu eft la couleur naturelle du fer, & la feconde que la leffive alkaline du bleu de Pruffe précipite toutes les fubflances métalliques dans la couleur qui leur eft naturelle. Ni l'une ni l'autre de ces propofitions ne paroiffent fufffamment prouvées, au contraire il femble que la * à DES SCIENCES. 8r fa couleur bleue foit abfolument étrangère au fer ; ce métal réduit en parties de telle finefle qu'en voudra, n'offira jamais une couleur blanche livide, qui n’a aucun rapport avec le bleu ; & fi la chaleur fait prendre au fer chauffé à un certain degré une couleur bleue, elle lui en donne auffi un grand nombre d'autres qui ne font pas plus naturelles au fer que le bleu. Cette couleur bleue donnée par la chaleur n'eft nulle- ment particulière au fer, puifque le cuivre rouge prend aufli au feu toutes les mêmes nuances : enfm la même chofe arrive à plufieurs fubftances métalliques auxquelles certaine- ment on ne s'aviferoit jamais de donner le bleu pour couleur naturelle. La feconde propofition de M. Abbé Menon , que la leflive du bleu de Prufle précipite toutes les fubftances métalliques dans leur couleur naturelle, paroît un peu trop généralement avancée : en eflet, s'il y en a quelques-unes qu'elle précipite fous des couleurs qui approchent de la leur, comme le cuivre & le bifmuth, il y en a d'autres qu'elle précipite fous des couleurs abfolument différentes, comme l'ar- gent qu'elle précipite en fauve, & le fublimé corrofif qu’elle précipite en verd. Pourquoi le fersne feroit-il pas dans le même cas? Puifqu'on ne peut pas dire que la couleur du bleu de Prufle {oit celle du fer, & qu'il eft d'ailleurs certain que ce métal entre dans fa compofition, il faut voir d’où cette cou- leur peut lui être venue; & c'eft ce que vont nous indiquer les experiences de M. Macquer. J1 à tenté inutilement de diffoudre le bleu de Prufle par les acides, même aidés dela chaleur; mais la liqueur alkaline ‘de nitre fixé, par le tartre, l’a diffous avec la plus grande facilité : la couleur bleue a difparu d’abord , & la liqueur étant -échauffée au point de bouillir, il n'eft plus refté au fond du matras qu’une poudre jaune, furmontée d’un fluide de 11 même couleur. é | Cette poudre, reftée fur le filtre par lequel l'on avoit coulé la liqueur, fut Javée avec grand foin jufqu'à ce que l'eau en fortit d'une parfaite infipidité; une partie fut entièrement Hifl, 1752. . L 82 HisToire DE L'ACADÉMIE RoYALE diflouté par l'eau forte, & une autre partie, calcinée dans un creufet jufqu’à rougir, fut entièrement attirée par l'aiman; preuve évidente que c'étoit le fer contenu dans Je bleu de Prufle, & que ce fer n'étoit pas bleu par lui-même, C'éoit donc dans la leflive alkaline qu’il falloit chercher ce bleu qu'elle avoit enlevé au fer, & pour l’obliger à paroître, M. Macquer mêla dans la leffive affez d'eau forte pour fa- turer l'alkali, & faire par conféquent précipiter au fond du vaifleau ce qu'il tenoit en diflolution. I obferva dans cette opération, qu'il avoit fallu beaucoup moins d'acide pour fa- turer cette leflive alkaline, chargée de la diflolution du bleu de Pruffe, qu'elle n'en avoit exigé fr elle avoit été feule; & qu'après l’effervelcence il s'étoit fait un précipité d'un bleu foncé, enfuite de quoi la liqueur avoit repris fa couleur jaune & fa limpidité. La première obfervation donnoit lieu de préfumer que la matière colorante fe joignoit à l’alkali comme auroit pà faire un acide, & qu'elle l'avoit en partie neutralifé; & fr cela étoit vrai, il devoit être poffible de pouffer cette union jufqu'au point de faireperdre à la leffive toute fon alka- linité; ce fut aufit ce qui arriva. En donnant fucceffivement de nouveau bleu de Pruffe à décolorer à la même leflive, M. Macquer la réduifit à ne plus en décolorer de nouveau, à n'avoir aucune faveur alkaline, à ne point altérer la cou- leur du frop violat, & à ne faire aucune effervefcence avec les acides; elle avoit alors décoloré la vingtième partie de fon poids de bleu de Pruffe. La feconde obférvation laiffoit en doute fi le précipité étoit de vrai bleu de Pruffe tout formé, ou fi ce n’étoit que cette fubflance qui, jointe avec le fer, le conflitue, Pour s’en éclaircir, M. Macquer prit de la leflive alka- Îine entièrement faturée de cette fubflance qu'elle enlève au bleu de Prufle, il y mêla de l’eau forte, & il fe précipita une quantité médiocre de véritable bleu de Prufle. Cette expérience lui rappela qu'il avoit quelque temps auparavant précipité par Je mème moyen une petite quantité | | . DE S,:$.C IE N CES. 83 de bleu de Prufle d'une leffive alkaline, préparée par la calcination de l'alkali avec le fang de bœuf, & qu'en mélant de la diffolution de foude avec un acide il fe précipitoit auffi une petite quantité de fécule bleue, il lui vint alors dans l'efprit que ces trois précipités pouvoient bien. être de [a même nature, & ce fut aufli ce que l'expérience lui confurma. : Mais comment étoit-il poflible que la leflive qui ne con- tenoit qu'une partie du bleu de Prufle, puifque la terre fer- rugineufe en étoit ôtée, donnât pour précipité du vrai bleu de Pruflet Voici ce que les expériences de M. Macquer lui ont appris fur ce fujet. ee 1 . Cette matière colorante, qui n'eft difioluble par aucun acide, 'eft par tous.les alkalis, qui non feulement la dif- folvent avec la plus grande facilité, mais s'y uniffent telle- ment qu'aucun acide feul ne peut l'en {parer : nous dHons aucuniacide fut, car fi l'acide: tient en diflolution quelque métal, il-ne manque jamais de précipiter, cette matière ‘en. bleu fi ce métal eft du fer,.& fous d'autres couleurs fi c'eff toute autre matière. métallique; &-tous ces précipités de- viennent propres, comme le bleu de Prufle, à faturer les - alkalis de manière à reproduire les mêmes précipités avec les mêmes diflolutions métalliques, ils font tous indiflolubles par dés acides, en un_mot ils ont tous, à la couleur près; les mêmes, propriétés que le bleu. de Pruffe. a -Ik paroîtra peut-être fingulier que cette matière f: adhé. renté aux alkalis qu'elle nen peut être féparée, par aucun acide lorfqu'il eft {eul, s'en détache f1 facilement Jorfque Yacide-eft. joint à une diflolution métallique. La raifon-de ce, phénomène. eft. l'affnité qu'apparemment elle a; avec des matièrés métalliques, &.qui aide dans cette opération.celle de J'acide avec l'alkali sinfuffifante par elle-même pour opérer la précipitation de la matière :.on connoît en Chymie cet effet des doubles affinités, & nous en avons déjà parlé en :746*,> d'après M4 Macquers, 1) hi) 0h io 2 Tout ceci pofé, «e-qui fe paffe, dans l'opération. du blea dé Pruflé s'expliquenaturellement: la lefüve sisine fais ï * Vo. Fifa 1746, pe 614 84 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE de la matière colorante, ou par la calcination de l'alkali avec le fang de bœuf, ou par la digeftion avec du bleu de Pruffe déjà formé, avec cette différence que dans ce dernier cas on peut l'en charger jufqu'à entière faturation; ce qui n'arrive pas dans le premier, où il refle une grande partie de F'alkali parfaitement libre. Lorfqu'on mêle cette liqueur avec la diflolution de vitriol qui, comme on fait, eft un acide chargé de parties ferru- gineufes, il arrive néceflairement que la partie libre de fal- Kali fe joint à une portion de Facide, & l’oblige de lâcher: la terre ferrugineufe qu'il tenoit difloute, & qui fe précipite fous {1 forme d'une poudre jaune; & en même temps Îa portion de lalkali qui tient la matière colorante, en eft dé- pouillée par l'acide joint au fer, & ce dernier mélange fe précipite en bleu: or le jaune & le bleu forment le verd; le précipité total doit donc être verd jufqu'à ce qu'on l'ait expofé à l'action d'un acide, qui diflolvant la terre ferrugi- neufe fans toucher à la matière bleue qui, comme nous lavons dit, eft indiffoluble par tous les acides, rend à cette dernière fa couleur. On voit encore aifément à quoi fert dans l'opération du bleu de Prufle la diflolution d’alun qu'on y mêle. Cette diflolution, qui ne contient que l'acide vitriolique uni à une terre fans aucun métal, ne précipiteroit par elle-même au- cune portion du bleu contenu dans fa leflive, M. Macquer sen eft afluré par l'expérience; mais l'acide s'empare de 1a partie libre de la liqueur alkaline, & empêche par ce moyen qu'il ne fe précipite une fi grande quantité de cette terre jaune qui rend le précipité verdâtre: il eft- vrai qu'au lieu de cette terre jaune on a dans le précipité celle de Falun ; mais cette dernière eft blanche, & ne -peut par conféquent altérer la couleur bleue qu’en diminuant un peu fon intenfité, Il fuit encore de cette théorie, qu'il doit être indifférent de verfer de l'acide fur le précipité pour difloudre la terre ferrugineufe qui le rendoit verd, ou de mêler ce même acide avec la leflive alkaline, pour la faturer & lempècher de L wamleis#SiciTiE NC ES 8 précipiter cette terre contenue dans le vitriol, & c'eft auffi ce que l'expérience a confirmé. La leffive alkaline faturée d'acide a toûjours donné, en la joignant à la diffolution de vitriol, un précipité parfaitement bleu & fans aucune nuance de verd. | Une feule difficulté paroït s'élever contre l'opinion de M. Macquer. Puifque les acides ne peuvent dégager la ma- tière colorante de Îa leflive alkaline lorfqu'ils font feuls, d’où peut venir le bleu de Prufle qui s’eft précipité de cette leflive lorfqu'il y a verfé de Feau forte, dans l'expérience dont nous avons parlé? mais il n’eft pas difficile d’en trouver l folution. Le fer eft difloluble au moins en partie par es alkalis; il n’eft donc pas impoffible que la lefive contienne uelque portion de ce métal, & ce fera à cette portion de a qu'on devra la petite quantité de fécule bleue qui seft précipitée dans cette expérience: tout rentre par-là dans le fyftème. IL refteroit à favoir ce que c'eft, à proprement parler, que cette matière qui colore le fer en bleu. M. Macquer croit que c'eft vrai-femblablement une matière inflammable dans un état très-peu connu; mais il faut de nouvelles ex- périences pour pouvoir déterminer abfolument fa nature & cet état, elles feront la matière d’une autre Difertation : if n'étoit queftion dans celle-ci que de donner une théorie chy- mique, claire & exacte de ce qui fe pañle dans l'opération du bleu de Pruffle, & on ne reprochera fürement pas à M. Macquer de n'avoir pas rempli fon objet. OBSERVATION CHYMIQUE. HELLOT ayant reçu un échantillon d'une prétendue . mine de Cobolt qui fervoit de matrice à un grand nombre de petits cryftaux, fans couleur & très-tranfparens , voulut voir fi les vapeurs fulfureufes & arfénicales de cette matière ne feroient pas capables de donner à ces ceryftaux L ii 86 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE quelque teinte colorée. Pour cela, il mit l'échantillon tout entier fous la moufle d’un fourneau de coupelle, dans lequel il fit pen- dant deux heures un feu modéré, & capable de tenir feulement la moufle d'un rouge obfcur; il ne fe fit aucun pétillement, les cryftaux ne fe fendirent point, il ne s'y fit pas même de glaces. La moufle étant demeurée fermée jufqu’à entier refroidiffement, M. Hellot en tira l'échantillon , & vit que ce qu'il avoit foupçonné étoit arrivé : les vapeurs forties de ce minéral avoient teint les cryftaux de toutes les couleurs des pierres précieufes qu'on connoît, & cet échantillon qu'il a fait voir à l’Académie eft actuellement un affemblage de faphirs, de topazes, d'émeraudes, de rubis, de jacynthes, d'améthiftes, de cornalines, d’agathes, &c. Cette expérience eft une preuve inconteftable de l'opinion déjà reçue, que toutes les pierres précieufes font colorées par des vapeurs minérales. Quelque fortes que fuflent les raïfons qu'on avoit d'adopter ce fentiment, elles létoient certainement moins. ue le fait dont nous venons de parler. L'expérience eft la feule démonftrationf des véritables Phyficiens. __ tac Fe ee md D'ENSIS COTE N'C ms 87 a GEOMETRIE. ti année, M. Digard préfenta à l'Académie le pre- mier volume de fes Æffais fur les Mathématiques. Cet ouvrage, uniquement deftiné à préfenter les Flémens des Mathématiques , de façon à les mettre à portée des com- mençans, doit, fuivant l Auteur, qui propofe fon deffein dans une préface raifonnée qui fe trouve à la tête de ce premier volume, être compofé de quatre tomes, dans lefquels ïl efpère mettre fon leéteur en état d'entendre les meilleurs ouvrages de Mathématiques. M. Digard commence fon premier volume par un dif- cours fur l'utilité des Mathématiques, dans lequel il en dé- montre tous les avantages ; ce difcours avoit été prononcé à l'ouverture des conférences publiques que le zèle de FAu- teur lavoit engagé à ouvrir en faveur de ceux qui vouloient s'appliquer à cette étude, & qui n'ont été interrompues que par fa nomination à a place de Profeffeur d'hydrographie. Ce difcours eft fuivi de la divifion des Mathématiques en générales & particulières. Les Mathématiques générales com prennent le Calcul, Ÿ Analogie & Ÿ Analyfe : la Géométrie, la Méchanique , V'Optique , ér c. compofent les particulières. Cette divifion eft fuivie d’une expofition nette & précife des prin- cipes généraux, des définitions, des axiomes & des demandes, & c'eft-là ce qui compole ce que l'Auteur nomme /#troduc= tion aux Mathématiques. Le refte du volume, abfolument deftiné à donner les élémens du calcul , tant numérique qu'algébrique, eft partagé en fix chapitres ; le premier contient les quatre principales règles d’Arithmétique, l'addition, la fouftraétion, la multi- plication & la divifion, préfentées avec beaucoup d'ordre, & accompagnées de tous les exemples néceflaires, 88 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE Le fecond chapitre a pour objet l'introduétion à l'algèbre ; V'Auteur la définit, un calcul relatif & général dont les expreflions forment ce qu'il nomme un /angage oculaire : Y'arithmétique ne connoît que des quantités pofitives, mais l'algèbre en admet de négatives ; c'eft à bien expliquer la nature & les propriétés effentielles & métaphyfiques de ces deux natures de quantités, que M. Digard emploie une grande partie de ce chapitre. La manière d'écrire les quantités algébriques fuit cet expofé ; viennent enfuite les opérations algébriques , celles-ci peuvent être faites de deux manières: la première n’eft, à proprement parler, qu'une indication ; un figne ou un arrangement de lettres, indique qu'une quantité doit étre multipliée, divilée, &c. par une autre; la feconde manière fimplifie l'expreffion par un calcul réel. II peut arriver, & il arrive fouvent en eflet, que de certaines divifions algébri- ques fe trouvent impoffibles ; M. Digard enfeigne les moyens de les reconnoître & de les éviter. C'eft rendre un grand fervice aux commençans que de les exempter d'un calcul rebutant & inutile. Le troifième traite de la nature des fraétions en général, c'eftà-dire, numériques & algébriques : fuivant fa méthode, Auteur commence par en expliquer la nature, la manière de les réduire à la plus fimple expreffion, & pour cela celle de trouver les nombres primitifs , ou qui ne font le produit d'aucun autre nombre ; il y donne encore la manière de trou- ver tous les divifeurs d'une quantité, & le nombre de ces divifeurs, le plus grand commun divifeur de deux ou de plufieurs quantités ; enfin il y donne les règles de toutes les opérations préparatoires dont on peut avoir befoin pour mettre les fractions en état d’être foûmifes au calcul. Toutes les préparations néceflaires aux fraétions étant ex- pliquées dans le chapitre troïfième, le quatrième eft deftiné à enfeigner la manière d'opérer fur les quantités fraétionnaires, {oit numériques, foit algébriques; & comme le refte d'une divifion qui n'eft pas exacte eft une fraétion, c’eft ici que M. Digard donne la manière d'approcher à l'infini du quotient d'une DREuSE S CHEN CE s 89 d'une divifion algébrique impofñible. Non feulement on ren- contre dans le calcul des nombres entiers & des fractions ; mais on eft fouvent obligé d'y employer des quantités compofées des uns & des autres, & M. Digard enfcigne {a manière d'opérer fur ces quantités compofées. C'eft à ce propos qu'il fait une obfervation importante. Dans l'addition & dans la fouftraction, les nombres peuvent être tous deux abffraits ou tous deux concrets, 11 fomme ou le réfidu fera de la même nature que les premiers nom- bres : il eft indifférent, par exemple, que 10 + exprime 10 toifes 3 pieds ou qu'il exprime que 10 1 en nombres abftraits; mais dans la multiplication & dans {a divifion, il.eft abfolument néceflaire que le multiplicande étant concret, le multiplicateur foit confidéré comme abftrait ; ainfi 1orf- qu'on multipliera 10 toiles, qui font un nombre concret, par 3 livres 10 fols, il ne faut plus regarder 3 livres 10 fols comme un nombre relatif à la valeur de la monnoie, mais comme le nombre abftrait 3 Z. C'eft à faciliter cette elpèce . de réduction que font deftinées des tables qui donnent en fractions abfolues les différentes parties de la toife, de la livre de poids & de la livre de monnoie. Le refte de ce chapitre eft rempli par ce qu'il y dit d'une autre elpèce de fraétions, des fractions décimales, dont le calcul eft infini- ment plus facile à conduire que celui des fractions ordinaires, par l'avantage qu'elles ont de rentrer dans l'ordre & le fyflème de la numération que fuit la progreflion décimale. Cet avantage fait fouhaiter à M. Digard que l'on étende, Vufage de ces fractions à tont ce qui s'appelle mefure arbi- taire ; & pour y parvenir plus facilement, il donne des tables propres à réduire les fractions de la perche de Paris, de la toife, du pied, de la livre de poids & de fa livre de monnoie, à des fractions décimales ; il donne la manière d'opérer fur ces fractions, & même de les employer à approximation numérique du quotient exact d’une divifion imparfaite. Jufqu'ici Auteur n'a conduit fon lecteur, pour ainfi dire, que terre à terre; il commence à prendre un peu plus l'eflor Hifl. 1752. go HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE dans le cinquième chapitre, où il traite de Ja formation des puiflances & de l'extraction des racines ; il y fait voir pourquoi une puiffance quelconque d'un binome ou quantité compofée de deux termes, a toüjours un nombre de termes éval à J'expofant de cette puiflance, plus un, c'eft-à-dire, trois termes s'il eft élevé au carré, quatre s'il l'eft au cube, &c. pourquoi lexpofant du premier terme décroit toûjours, tandis que celui du fecond terme va en croiflant ; les variations des fignes, lorfqu'il {e trouve des plus ou des moins ; comment les coëfhi- ciens des termes de toutes les puiffances d’un binome fe trouvent dans le triangle arithmétique de M. Pafcal, duquel il donne, à cette occafion, la formation & les propriétés qui ont rapport à fon füujet; en un mot, il expofe très-clairement tout ce qu'on peut dire fur la formation des puiflances ; il ajoûte même la formule générale & fon application ; enfin il termine ce chapitre par l'opération contraire à la formation des puif fances, c'eft-à-dire, par l'extraction des racines; il donne es rèoles générales pour les trouver, par la comparaifon de Ja quantité donnée avec la puiflance du binome de même devré que la racine que l'on cherche, & il entre enfuite dans un affez grand détail fur l'extraétion des racines carrées & cubi- ques, tant alsébriques que numériques, & c'eft par-là que finit ce chapitre. Pour peu qu'on ait travaillé fur les nombres, on s'eft fürement aperçu que toutes les quantités numériques n'avoient pas de racines carrées, cubiques, &c. On chercheroit, par exemple, inutilement la racine carrée de tous les nombres compris entre 81 carré de 9, & 100 carré de 10. C'eft à la méthode d'approcher de la racine de ces puiffances im- parfaites, qu'eft deftiné le fixième & dernier chapitre du pre- mier volume de M. Digard; & il propole pour cela deux méthodes. La première, qu'on nomme fa méthode des Ar- penteurs, confifle à prendre la racine du plus grand carré ou du plus grand cube contenu dans la quantité propofée, & à faire du reflé le numérateur d’une fraction à laquelle on donne pour dénominateur deux fois le nombre entier DEN SMONCLINE NI CUE:S: 91 trouvé, plus lunité s'il s'agit d'une racine carrée, ou trois fois le carré du nombre entier trouvé, plus trois fois ce même nombre, plus l'unité s'il s'agit de la racine cubique. La feconde méthode, plus approchante que celle-ci, emploie le calcul des fractions décimales : l'Auteur applique ce der- nier moyen à lextraétion des racines des fractions en gé- néral, foit en rendant leurs dénominateurs des puiflances parfaites, foit en réduifant ces fraétions à des fractions dé- cimales pour en avoir les racines approchées. Puifqu'il fe trouve dans les quantités numériques des puiffances imparfaites qui n'ont aucune racine exacle, il doit s'en trouver de pareilles dans les quantités algébriques, & il s'en trouve effectivement. M. Digard donne deux moyens d'approcher des racines de ces puiflances algébriques impar- faites; le premier eft de les féparer en deux divifeurs dont Jun {oit, fi cela eft poflible, une puiffance parfaite du degré demandé, & de mettre fa racine pour coëffcient du radical fous lequel on met l’autre divileur; mais comme cette mé- thode peut rarement avoir lieu , il en propofe une autre plus générale. Une’quantité quelconque peut être prife pour une puiflance parfaite, augmentée ou diminuée d’une autre quan- tité pofitive ou négative : on peut donc transformer une puiffance imparfaite propofée en une puiflance parfaite, en y ajoûtant ce qui y manque ou en retranchant ce qu'elle a de trop; & comme à Ia fuite de la puiffance parfaite qui en réfultera, on fera entrer l'excès ou le défaut avec un figne contraire à celui qu'on lui a donné pour compléter la puif- fance, il eft évident qu'on ne changera point la valeur de la quantité propofée. De ce principe il tire deux formules d'approximation pour les racines carrées & cubiques, & une formule générale pour approcher de la racine d'une puiffance imparfaite d'un degré quelconque. Ces règles font fuivies du calcul des radicaux, c’eft-à-dire, des racines feulement indiquées & non extraites, que f'al- gèbre fait employer dans fon calcul. L’Auteur expole très- clairement les opérations acceffoires & principales qu’on peut M i 92 H1ISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE faire fur ces quantités, & termine enfin ce volume par le calcul des expofans. M. Digard a tâché par-tout de rendre fon ouvrage in- téreffant, en ne négligeant aucune occafion d'y femer des remarques utiles. L'Académie a trouvé que les principes y étoient difpolés avec ordre, & préfentés avec clarté, que les définitions étoient jufles & précifes, & qu'on ne pouvoit trop louer le zèle de l'Auteur, & les efforts qu'il a faits pour rendre fon ouvrage utile. Re ES Gt ®D ES SRe’r.E N'CrEis. 93 ‘n'en ASTRONOMIE. SUR LES VARIATIONS OBSERVEES DANS LES HAUTEURS SOLSTICIALES. fe avons dit en 1748 * que les obfervations de M. de Thury fembloient indiquer dans les hauteurs folfti- ciales du Soleil, une variation tout-à-fait indépendante de celles que peut fubir l'obliquité de Fécliptique, puifque la hauteur folfticiale d'hiver, qui auroit dù diminuer de la même quantité dont celle d'été étoit augmentée, avoit toüjours paru; ou la même, ou un peu augmentée. Trois années qui fe font écoulées depuis ce premier Mémoire, ont donné lieu à de nouvelles obfervations , defquelles nous allons préfenter les réfultats. La méthode qu'avoit employée M. de Thury dans les obfervations dont nous avons parlé en 1748, confifloit à comparer le Soleil à une étoile, dont la déclinaifon fût peu différente de celle de cet aftre. Par ce moyen il évitoit les. altérations ou les erreurs des inftrumens, les variations de la réfraétion, & enfin l'effet du mouvement des étoiles en aberration , parce que les obfervations folfticiales fe faifant toû- jours dans la même faifon de année, aberration y eft auffi toûjours la mème, ce qui fait qu'on ne doit tenir compte que du mouvemeñt des étoiles en déclinaifon, fur lequel il eft difficile de fe tromper fenfiblement. Quoique cette méthode retranche un grand nombre de difficultés, M. de Thury ne diffimule pas qu'il en refle encore beaucoup : les étoiles font quelquefois elles-mêmes affeélées de mouvemens particuliers ; on en connoît quelques- uns, mais, felon toutes les apparences, il s'en faut bien qu'on les connoilie tous. Plus on eft familier avec le ciel, plus M ii V. les Mém, . 178. PT Hifl. 1748, p.94 * V. Hif. 1745:P. 58. 94 HisToiRE DE L'ACADÉMIE RoyaLe on eften garde contre une infinité. d'illufions optiques & d'inégalités réelles qu'on ne connoît peut-être pas encore, : & qui n'en font par-là même que plus dangereufes. Les deux étoiles auxquelles M. de Thury a comparé le bord du Soleil, ont été Ar@urus pour fe folftice d'été, & la Queue de la Baleine pour le folftice d'hiver ; on ajoûtoit ou L'on retranchoit dans l'un & dans l'autre la différence de hauteur obfervée entre l'étoile & le bord fupérieur du Soleil, pour avoir la haüteur abfolue de ce bord ; on rejetoit toutes les obfervations qui pouvoient être fufpeétes de quelque erreur , & enfin on en multiplioit le. nombre autant que le ciel pouvoit le permettre; moyen le plus certain qu'on ait, de diminuer l'erreur des oblervations. Les obfervations de 1748 avoient fait apercevoir une différence entre l'obliquité de l'écliptique tirée de l'obferva- tion du folfice d'été, & celle que donnoit l'obfervation du folfice d'hiver : il paroiffoit que dans f'efpace de trois ans le tropique du Cancer s'étoit élevé de 9”, pendant que celui du Capricorne étoit demeuré à la même hauteur, fr même il ne s’étoit pas élevé lui-même un peu. Les obfervations rapportées cette année, donnent auffi une difitrence dans l'obliquité de l'Edliptique tirée de l'ob- fervation des deux folftices; mais de plus elles indiquent, en les comparant à celles qui ont été faites avant 1748, une dimi- nution réelle de l'obliquité de l'Ecliptique : cette diminution tirée de la comparaifon des oblervations du folftice d'été faites en 1744 & 1747, avec celles du même folftice faites en 1748, 49, 50 & 51, eft de 13", tandis que les obfervations du folftice d'hiver dans les ntêmes années, n’in- diquent que 9" pour la quantité de cette diminution ; il fe trouve donc d'une part une différence fenfible entre Ja déclinaifon du tropique du Cancer & celle du tropique du Capricorne, & d'une autre part une diminution dans l'obli- quité de lEdliptique à peu près conforme à l'idée de M. Bradley fur la nutation de l'axe terreflre, de laquelle nous avons parlé en 1745 * : nous difons à peu près, car la | l D'ENS LSUTITENN CES s diminution réelle & obfervée excède un peu celle que deman- deroit Yhypothèle ; d'où il fembleroit naturel de conclurre que le rapport de la force attraétive de la Lune à celle du Soleil, n'eft pas tel que l'a fuppofé M. Euler en calculant le Changement de l'obliquité de lEdiptique fuivant cette hypothèle : mais comme dans cette recherche toute la dif férence roule fur quelques fecondes, & qu'on ne peut pas abfolament fe flatter que les obfervations foient exempies de toute erreur, M. de Thury fe contente d'expofer fes obfervations & les réfultats qu'elles paroifient donner, fans en tirer encore aucune conféquence pour où contre le rapport fuppofé. Quand on fait combien ies petites erreurs font diff- ciles à éviter dans les obfervations , on eft peu tenté de décider précipitimment en pareille matière, SUR LE DIAMETRE APPARENT DU SOLEIL, és de la détermination des diamètres appa- rens du Soleil a été connue dès les premiers fiècles de l'Aflronomie ; mais quelque attention que les anciens Aftro- nomes aient pû apporter à cette ‘recherche, le défaut d'inf trumens & de moyens convenables a toûjours empêché que leurs obfervations ne pufient jeter fur cette queftion tout le jour qu'on pouvoit defirer. On a été plus heureux depuis le renouvellement de lAftronomie; mais quoique les Aftro- nomes modernes aient beaucoup plus approché de {a vérité, cependant if fe trouve encore, même entre les déterminations des plus célèbres , une incertitude d'environ dix fecondes, que ha perfe‘tion à laquelle l'Aftronomie eft à préfent portée ne permet pas de négliger; c'eft ce qui a engagé M. le Gentil à tourner fès vües de ce côté, & à rechercher quelle pouvoit être la caufe de cette différence, & la véritable grandeur de ce diamètre : dans cette vüe, il a fcrupuleufe- ment examiné Jes oblervations les plus exaétes qui aient été V.les Mém. page +40. 6 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE faites fur ce fujet, & il en a lui-même fait de nouvelles qui Jui ont fait aperçevoir des fources d'erreur qu'on ne con- noifloit pas, & defquelles il a trouvé le fecret de fe garantir par des moyens très- fimples, très-fürs & très-faciles. Dès le commencement de l’Académie, M:rs Auzout & Picard s'appliquèrent avec un très-grand foin à la recherche des diamètres du Soleil, & ils trouvèrent que ce diamètre dans l'apogée n'avoit prefque pas été plus petit que 3 1° 37". Environ dans ce même temps, un autre Aftronome moins connu, auquel cependant l'exaétitude de fes obfervations au- roit dû procurer une réputation plus brillante, tourna auffi fes vûes du même côté: c'étoit M. Mouton, Prêtre à Lyon, qui publia en 1670 un petit volume in-4. fur cette matière : il employe dans fes obfervations deux méthodes différentes, mais celle fur laquelle il infifte le plus, eft d'ob- ferver le temps du paflage du Soleil par un cercle horaire ; il fe fervoit pour cel d'une lunette à deux verres convexes, recevant l'image du Soleil formée par cette lunette, fur un tableau placé perpendiculairement à fon axe, où étoit tracée une ligne qui repréfentoit un méridien. Comme M. Mouton ne connoifloit point l'invention des horloges à pendule , & que cependant if avoit befoin d’une mefure exacte de temps, au moins pendant deux ou trois minutes, il ne fera peut-être pas hors de propos de donner une idée de la manière dont il y fuppléa , afin de faire voir l'extrême difficulté qu'éprouvoient les anciens Aftronomes, &. combien on doit de reconnoiflance à M. Hughens pour cette ingénieufe invention. M. Mouton ayant tracé avec tout le foin poffible une méridienne fur un plan horizontal, repréfenta par deux fils à plomb le plan du méridien; un troifième fil à plomb marquoit un vertical dont il mefura exactement l'angle avec le méridien : toute cette préparation étant faite, il obferva à plufieurs fois différentes le paflage du centre du Soleil par: le vertical & par le méridien , comptant à chaque opération le nombre de wibrations d'un pendule fimple qu'il avoit. mis Diese Score N:é,.5-5 Je nombre de vibrations d'un pendule fimple qu'il avoit mis en mouvement. Au moyen de la déclinaifon du Soleil connue, il calculoit l'arc de l'équateur compris entre le point du vertical & celui du méridien où avoit pañlé le Soleil, & réduifant cet arc en temps, il avoit le nombre d'heures, de minutes & de fecondes qui répondoit au nombre de vibrations de fon pendule, qu'il avoit obfervé entre l'un & Yautre paffage. Par cette méthode, il trouva par feize obfervations con- fécutives, & prefque fans aucune différence, le diamètre du Soleil apogée de 3 1° 31"+, &le 28 Septembre de 32' 1”. Flamfteed fait dans fon Hifloire Célefte ce même dia- mètre de 31° 43" & de 31° 47", en quoi il a été fuivi par prefque tous fes Aftronomes, fi on en excepte M.rs le Chevalier de Louville & Caffini qui le donnent lun & l'autre, à très-peu de chofe près, 1e même que M. Mouton. H eft donc bien certain qu'il fe trouve entre fes obferva- tions des plus célèbres Aftronomes, une différence de près de ro fecondes dans le diamètre du Soleil ; erreur très-con- fidérable fur cet élément, puifqu'elle en eft la 1 90ME partie. M. le Gentil seft propolé d'en découvrir la fource, il Ia trouve dans la grande difhculté de déterminer ce diamètre par le temps du paflage du Soleil par le méridien, & dans une illufion optique qui peut, dans quelques cas, naître de la mauvaife qualité des verres colorés qu'on emploie pour éteindre Ja trop grande lumière du Soleil : on peut y joindre une efpèce de tremblement ou fautillement qui sobferve en certains ternps dans l'image du Soleil vûe par {a lunette, & qui met dans limpoflbilité abfolue d'en mefurer le dia- mètre. . De tousles Aftronomes qui fe font appliqués à a recher: che des diamètres apparens du Soleil, M. Mouton & M. le Chevalier de Louville font les feuls qui aient donné le détail de la méthode qu'ils ont employée : le dernier fur- tout a décrit dans {a plus grande précifion 1es moyens dont il seft fervi pour aflurer l'éxaétitude de fes opérations *; il Hif. 1752. . + Voyez Hifi 1724,p. 92; 98 HisToïre DE L'ACADÉMIE Royate avoit employé deux méthodes différentes, la première étoit d'obferver avec une lunette de fept pieds, garnie d’un micro- mètre, le diamètre du Soleil, prenant toutes les précautions néceffaires pour que les fils de fon micromètre fuffent exac- tement tangens aux bords du Soleil fans mordre deflus en aucune façon, afin d'éviter une erreur de cinq ou fix fecondes qui pourroit fe gliffér dans les obfervations , faute de cette- attention. La féconde méthode de M. le Chevaïier de Louville confiftoit à prendre le pañlage du diamètre du Soleil par le méridien, au moyen dun objectif de 23 pieds, au foyer duquel il avoit placé un papier huilé qui recevoit l'image du Soleil, & fur lequel étoient tracées deux lignes à angles droits, dont l'une repréfentoit un parallèle à l'équateur, & Yautre un méridien ; il obfervoit le temps du pañlage des deux bords de cette image par cette dernière ligne, & en déterminoit la durée par les battemens, non d'une pendule, mais d'une montre qui en faifoit précifément cinq dans l'efpace d’une feconde. Avec tant de précautions, M. le Chevalier de Louville fe croyoit à l'abri de toute erreur , il s’étoit trompé cependant, & cette erreur dans laquelle eft tombé un Obfervateur aufit exact que lui, eft une preuve fans replique de la difficulté de l'opération. Depuis le 27 Juin jufqu'au 6 Juillet, il obferva tous les jours le diamètre du Soleil à midi, & trouva que pendant ces huit jours ce diamètre avoit mis conflam- ment 2° 16", & quatre battemens de fa montre, ou quatre cinquièmes de fecondes, à paffer ; ce qui, réduit en pärties de degré avec toutes les attentions poffibles, donne le diamètre du Soleil apogée de 31° 32" 57”. Dans ce calcul, M. de Louville fuppofe avec raifon que le diamètre du Soleil n'a pas changé ; mais il da pas perfé que depuis le 27 Juin jufqu'au 6 Juillet, la déclinaifon avoit fenfiblement changé, & que le même diamètre occu- pant d'autant moins de degrés & de minutes d’un parallèle que celui-ci eft plus voifin de l'équateur, il auroit dû trouver LE D'E-SU SC IE 'N.C Es; 99 au 6 Juillet, que le diamètre du Soleil mettoit à pañer trois battemens & demi de moins que le 27 Juin; ce qu'il n'a cependant pas aperçü. Une erreur femblable, quoique moindre, fe trouve aufli dans le calcul de M. Mouton. On ne doit, felon M. le Gentil, être aucunement fur- pris de trouver de femblables erreurs dans les opérations les plus exactes; rien n’eft plus difficile que de faïfir le moment de l'attouchement du bord du Soleil & du filet, fur-tout Jorfque l'attention eft partagée, comme elle l'eft néceflairement, entre l'œil qui fuit l'aftre dans la lunette, & oreille qui écoute les battemens de la montre, & il n'eft prefque pas poflible d'éviter une erreur d'un quart de feconde fur lat- touchement de chaque bord, & par cenféquent une de fept ou huit fecondes fur le diamètre obfervé. Il ne faut donc pas s'étonner de la différence qui fe trouve entre les diamètres du Soleil, obfervés même par les plus habiles Aftronomes: mais il eft encore quelquefois d’autres caufes d'erreur. M. le Gentil en a découvert une qui avoit jufqu'ici échappé à l'attention des Obfervateurs. Tous ceux qui ont obfervé le Soleil, favent que pour éteindre la trop grande vivacité de fa lumière, de laquelle les yeux pourroient être offenfés, on interpole entre l'œil & a lunette un verre noirci à la fumée d’une chandelle, où un verre coloré. Pour effayer ces verres, 6n fe contente ordi- nairement de regarder le Soleil à travers, & de choifir ceux qui ne paroiffent pas défigurer fon image; mais cette épreuve _ n'eft pas à beaucoup près. fufhfante, & il sen faut bien qu'on puifle découvrir par fon moyen toutes les irrégularités que ces verres peuvent caufer à la réfraction des rayons. * Les expériences de M. le Gentil en vont fournir la preuve. Les premières ont été faites fur des verres colorés qui paroifloient faire l'image du Soleil très-nette, {oit qu'on le regardt à la vüe fimple, foit qu'on le tint entre l'œil & Yoculaire de la lunette. M. le Gentil les mit au devant de Yobjettif, au lieu de les interpofer entre l'œil & oculaire: il eft vifible que fi ces verres n'avoient occafionné aucune Ni xoo HisToire DE L'ACADÉMIE RoYyALE réfraction, l'image du Soleil devoit paroître également netté dans la lunette, foit qu'on les plaçât au devant de l'objetif ou en deçà de l’oculaire; mais fi au contraire ils font capables de produire des réfractions irrégulières, ces réfraétions que la proximité de l'œil rend infenfibles lorfqu'on met le verre en deçà de loculiire, défigureront au contraire entièrement l'image dès que le verre fera placé au devant de l'objectif, & cet eflectivement ce qui eft toujours arrivé: les parties métalliques qu'on eft obligé de mêler avec 11 matière de ces verres pour les colorer, y occafionnent apparemment des fils, des flries, &c. qui dérangent abfolument la réfraction, & rendent limage confufe. La même chofe n'arrive pas, du moins auffi fouvent, aux morceaux de glace plane enfumée: M. le Gentil en a eflayé plufieurs qui ne caufoient aucune différence dans l'image du Soleil, foit qu'on les plaçät devant Fobjettif ou après l'e- culaire. H réfulte donc de fes expériences, que dans lufage ïl vaut mieux employer les verres compolés de glaces enfu- mées que ceux qui font colorés intérieurément, même au rifque d’avoir de temps en temps la peine de les enfumer de nouveau, & que le feul moyen de s’aflurer de la bonté de ces glaces, eft de voir fi en les plaçant devant l'objectif de la lunette elles" n'altèrent point l'image du Soleil. H arrive cependant quelquefois que ces glaces même qui n'altèrent point l’image du Soleil, lorfqu'on les met au de- vant de l'objeif, y produifent un changement de hauteur, fouvent de plufieurs minutes, qui difparoït entièrement lorf- qu'on met ces glaces entre l'œil & f'oculaire. La eaufe de cette efpèce de bizarrerie fe préfente d'elle- même, Si par quelque défaut du poli où du parallélifme des furfaces les rayons fouffrent, en paflant au travers de cette glace, une certaine inflexion fans cefler pour'cela d'être parallèles, l'image entière du Soleil fera élevée ou abaiffée par la glace placée au devant de objedif, & elle ne con- courra plus avec le filet de la lunette, qui n'étant pas vi d Ve D'AUSPS EYE N GC À 8, tof au travérs de la glace enfumée, ne paroîtra pas déplacé; mais dès qu'on la mettra entre l'œil & l'oculaire, le bord de l'image & le fil qui lui eft fuppofé tangent étant affectés de la même réfraction, ne fe fépareront pas l'un de l'autre, & on ne remarquera aucun changement de hauteur. Puifque les verres enfumés ou colorés, mal choifis, font capables d’altérer image du Soleil, il étoit eflentiel de s'af- furer quelle étoit la quantité de l'erreur qu'ils-pouvoient pro- _duire dans la mefure de fon diamètre, en les plaçant, comme on fait ordinairement, entre l'œil & loculaire, & plus effen- tiel encore de trouver quelqu'autre moyen qui püt éteindre la trop grande vivacité de la lumière du Soleil, fans caufer d’altération à fon diamètre. Ce moyen n'eft ni une chofe rare ni de difficile ufage: un petit tuyau de carton ouvert par fes deux bouts, s’ajufte par l’un des deux à l'extrémité de la lunette du côté de l’ob- jetif, & porte par l'autre plufieurs toiles d'araignées des plus propres & des plus également travaillées qu'on puifle ren- contrer. Cette efpèce de réfeau très-fin intercepte aflez de la lumière du Soleil pour le dépouiller de fes rayons & le faire paroître blanc, & dégagé des ondulations que les verres colorés ou enfumés y font fi fouvent paroître; en cet état il ne fatigue aucunement la vüe, & on peut le regarder impunément fans craindre que l'œil en foit offen{é. Le diamètre du Soleil obfervé par ce nouveau moyen; devenbit un terme für auquel M. le Gentil pouvoit com- parer ceux qu'il obfervoit avec les différentes efpèces de verres enfumés ou colorés; il fut étonné de n'y trouver que peu ou point de différence: un verre rouge, qui mis devant l'objectif faifoit paroître autour du Soleik un double bord d'une minute & demie de iargeur, fut le feul qui fit apercevoir, en l'interpofant entre l'œil & l'oculaire, une aug- mentation de 2 ou 3” fur le diamètre du Soleil obfervé par le moyen des toiles d'araignée ; différence qui étoit à peine la foixante-dixième partie de celle qu'il caufoit étant mis au _ devant de l'objectif, N x02 HISTOIRE DE L’ACADÉMIE ROYALE . I ne faut donc pas s'étonner fi ceux qui dans cetté derz nière pofition n'avoient produit que des erreurs de 17 ou 18”, n'en caufoient aucune fenfible lorfqu'on les plaçoit entre l'œil & loculaire , mais on peut conclure de tout ce que nous venons de dire, qu'il fera toûjours plus prudent, fur-tout dans les obfervations délicates, d'employer les toiles d'araignée préférablement aux verres enfumés ; mais que lorfque ceux-ci auront été placés au devant de l'objectif fans défigurer l'image de l'aftre, on peut fans rifque les employer en les plaçant entre l'œil & l'oculaire. En prenant toutes les précautions dont nous venons de parler, M. le Gentil a déterminé le diamètre du Soleil apogée , 1.” par la lunette d'un quart-de-cercle de deux pieds de rayon, 2.° par une autre lunette de huit pieds, l'une & Yautre garnies d'un bon micromètre, Par la première, il trouve ce diamètre de 31° 37" 20", & par la feconde de 31° 33" $0"": fi on s'en tient à cette dernière détermination, ce diamètre ne diflérera pas d'une feconde de celui qui a été déterminé par M. de Louville, &. il différera de celui qu'a donné M. Caffini d’une feconde & vingt tierces; une femblable différence eft un véritable accord: il réfulte encore que les diamètres de M. Halley paroiflent s'écarter un peu plus de la véritable mefure, & ceux de Flamfteed beaucoup plus que tous les autres. M. le Gentil ne s'eft pas contenté d'obferver le diamètre du Soleil apogée, il la obfervé avec le même foin*& les mêmes inftrumens en deux autres points de l'orbite, favoir, le 27 Septembre vers les moyennes diftances, & le 17 Novembre, temps auquel il commençoit à fe rapprocher du périgée. La proportion de ces diamètres lui a donné celle de trois rayons partant du Soleil, & aboutiffant à trois points donnés de f'elliple que décrit la Terre par fon mou- vement anhuel : or tous les Géomètres favent que ces trois lignes données de grandeur & de pofition, fufhifent pour conftruire lelliple; il en a donc cherché les principales dimenfions, & il trouve l'excentricité ou la diftance entre (4e DIFIMOOICT EN CEE Toy les foyérs de 1696 parties dont la diftince moyènne con- tient r0000. M. de Louville la fait de 1683, & M. Caffini de 1688, toujours le mêmé accord entre les trois ‘Aftronomes. Muni de tous ces élémens, M. le Gentil tire de la nature même de l'ellipfe un moyen de calculer aifément le diamètre du Soleil pour tout temps donné, & on peut s'aflurer de Javoir toujours par cette méthode à une feconde près du vrai dans les cas les moins favorables. Comme la conftruétion de l'ellipfe donne néceffiirement la pofition de fon grand axe, qui eft la ligne des apfides, il a eu la curiofité de voir comment fes diamètres obfervés avoient placé l'apogée du Soleil, & il Fa trouvé plus avancé d'environ deux degrés que ne le donnent les meilleures tables ; ce qu'il ne remarque au refle que pour faire voir avec com- bien peu de fuccès on tenteroit de déterminer le lieu de cet apogée par lobfervation des diamètres apparens, puif- qu'une feule feconde d'erreur, & ceft la plus grande qu'il ait fieu de foupçonner dans les fiennes, peut faire varier {a pofition de ce point de près de deux degrés. Rien n'eft peut-être plus utile en Aflronomie, que de connoître juf qu'à quel point précifément on peut fe fier aux méthodes qui paroiflent les mieux démontrées. SUR LA PARALLAXE DE LA LUNE. en des Parallaxes a toûjours fait un des principaux objets de l'attention des Aftronomes : on fait que la connoiïffance des diftances des Planètes en dépend prefque entièrement, & que cette recherche eft une des principales clefs de fa véritable Aftronomie. Mais fi l'obfervation des parallaxes en général eff fi inté- reflante, combien plus doit l'être pour nous celle de Ia pa- rallaxe de la Lune! Indépendamment de Ia: proximité de cet afle, & de ce qu'il appartient, pour ainfi dire, à a V. les Mém: page 78. 304 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE Terre, fa parallaxe beaucoup plus fenfible peut nous fairé apercevoir dans fes diitances des variations qui doivent de- venir très-importantes à plufieurs égards. ! Les anciens Philofophes avoient fait différentes tentatives pour connoitre les diflances du Soleil & de la Lune; mais il faut avouer que les premières tentatives furent bien grof- fières: ne connoiflant aucune méthode aflronomique, ils furent obligés de s'en tenir à des voies purement conje@u- rales, & on fera peut-être étonné de voir que Pythagore, un des plus grands génies de l'Antiquité, ne fit la diftance de la Lune à la Terre que de 549 r lieues, tandis quelle eft réellement de plus de 80000. II eft vrai que de fon temps on n'avoit aucune idée de la grandeur de la Terre, connoiflance qui eft cependant eflentiellement nécefaire à la détermination de la diftance de la Lune. Poffidonius qui vint après lui fut plus habile ou plus heureux, puifqu'au rapport de Pline il faifoit cette diflance de 87165 de nos lieues; ce qui approche aflez de Ja véritable diftance. Après la détermination de Poffidonius, nous n'ofons prefque rapporter celle d'Eratofthène, qui éablifloit Ja dif tance de la Lune à la Terre de 19 demi-diamètres, au lieu de 52 dont elle eft réellement, ni celle de Petoniris & Necepfus rois d'Egypte, qui simaginant apparemment que Yordre de la Nature étoit fujet à leur pouvoir, fixèrent a diftance de la T'erre à la Lune à 86 lieues, c'eft-à-dire, environ à la millième partie de ce qu'elle eft réellement, Hipparque fut le premier qui tenta de déterminer cette diflance par la voie des obfervations; mais comme la mé- thade qu'il employoit ne lui donnoit pas aflez de prife, il trouva des différences énormes dans fes réfultats : il s'aperçut néanmoins, & c'étoit beaucoup pour le temps où il vivait, que la Lune alloit très-inégalement, & que fa diftance étoit extrèmement variable. ‘ : Ptolomée employa une méthode plus fûre & plus directe; il obferva la plus grande & la plus petite hauteur méridienne de DES SCIENCES 105 de la Lune à Alexandrie, & ayant calculé fuivant fés élémens quelles devoient être réellement ces diftances, il attribue 14 différence entre le calcul & Foblervation à la parallaxe, qu'il trouve en effet affez jufte dans le cas où la Lune eft Ja plus éloignée de la Terre. Mais ce qu'il y a de fimgulier, c’eft que cette juftefle n’eft dûe, fuivant M. de la Lande, qu'à la compenfation fortuite de plufieurs erreurs, en forte qu'on peut avancer à la lettre ce fingulier paradoxe, que fi Pto- lémée étoit tombé dans quelques erreurs de moins, il.fe feroit trompé beaucoup davantage. On s'en tint aux déterminations de Ptolémée jufqu'à Co- pernic, qui, par des méthodes plus exactes, donna Ja plus grande diftance de la Terre à la Lune de 68 demi-diamètres, & la plus petite de $2. Ces diftances furent adoptées par Tycho & par tous ceux qui le fuivirent, jufqu'à la fin du dernier fiècle. Enfin les Aftronomes modernes, aidés du fecours des nou- velles méthodes d’obferver & de calculer, ont rectifié toutes les déterminations des anciens, ils ont de beaucoup rapproché les limites des plus grandes & des moindres parallaxes; & Taccord qui règne entre les déterminations des plus illuftres Aftronomes, comme M.'s Halley, Caffini, de la Hire, &c. ne laifle plus à lever qu'une légère incertitude, qui atteint à peine à une minute. Mais l'exactitude de fAftronomie moderne ne peut s’ac- commoder d'une pareille incertitude fur un élément auffr important que l'eft la parallaxe de fa Lune; & la détermi- nation exacte de Ia grandeur des rayons du globe terreftre appartenant à tant de titres aux Aftronomes françois, il étoit bien naturel qu'ils tentaffent de profiter eux-mêmes du fruit de leurs travaux, en les appliquant à des objets d'une plus grande importance. Un des principaux objets du voyage de M. l'Abbé de Ja -Caille au cap de Bonne-efpérance, étoit de déterminer avec précifion les parallaxes de fa Lune & de quelques-unes des Planètes. Hiff, 1752. O 106 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE Dans cette ve, le Roï avoit jugé à propos d'envoÿér à Berlin M. de Ja Lande, pour y faire les obfrvations dont hi comparaifon avec celles de M. T Abbé dé Ii Caïllé devoit donner les éclairciffeméns defiés fur cette matière, En arrivant à Berlin, le premier foin de M. dé Ia Lande fut dé fe procurer un lieu commode pour placer fés inftru- mens, & nous ne pouvons nous difpenfer de parlér ici du zèle avec lequel l'Académie royale des Sciences de Berlin én général, & M. de Maupertuis en particulier, fe voulurént bien prêter à tout ce qui pouvoit contribuer au fuccès des opérations. Après avoir pris de ce côté les précautions les plus grandes, précautions qu'il a pouffées jufqu'à vouloir s'aflurér de l'é- paiffeur du fil de foie qui fervoit de pinnule au foyér de fa lunette, & en tenir compte, une des prémières obferva- tions de M. de Ia Lande fut celle de la hauteur du pole de Berlin. Cette hauteur avoit été déjà mefurée par M. Kies, qui lavoit déterminée de $24 31° 0"; mais comme cet Aftronome ne s’Ctoit fervi dans cette recherche que d’un quart-de-cercle de deux pieds de rayon, M. de la Lande crut devoir vérifier cet important élément avec un inftrumient plus grand; & par plufieurs obfervations de Ia plus grande & de la moindre hauteur de la polaire, il la trouva de $ 24 31° 13”, détermination peu différente, comme on voit, de celle qu'avoit fixée M. Kies, mais qui étoit cepéndant néceffaire pour donner à Ja latitude obfervée de Berlin, toute h certitude dont on avoit béfoin. La longitude de cette même ville fut examinée avec le mème foin, & déterminée de 44’ 1 5” à lorient de Paris, au lieu de 44’ 2 5" dont on la faifoit communément : on conçoit aifément combien il étoit important de bien connoître cet élément, pour tenir un compte exact du mouvement de Ja Lune pendant le temps qui s’écouloit dépuis fon paflage au méridien du Cap, jufqu'a ce qu'elle füt à celui de Berlin, & réduire ainfi les obfervations au même point où elles au- roient été fi elles avoient été faites fous un même méridién, | ES SCIENCES. 107 Pour éviter dans lobfervation des hauteurs abfolues les erreurs qui pouvoient venir de la part de l'inftrument, M. de la Lande a toñjours eu F'attention de comparer la Lune à une ou plufieurs étoiles, autant qu'il étoit poflible, de la première grandeur ; & pour réduire au centre de la Lune les diftances obfervées de l’un de fes bords, il employoit les diamètres mefurés à Paris avec un excellent micromètre. Ayec toutes ces précautions, M. de la Lande commença fes obfervations le 29 Novembre 175 1 ; l'Académie les 2 publiées dans fon dernier volume *, & on trouvera dans celui-ci celles qui ont eu leurs correfpondantes au Cap, & defquelles on peut par conféquent déduire la parallaxe partiale de la Lune, ou l'angle fous lequel étoit vüe de fa Lune la corde du globe terreftre qui joint le cap de Bonne-efpérance & Berlin, ou pluftôt celle qui joint les latitudes de ces deux places dans un même méridien. La proximité de cette planète à la Terre eft aflez grande pour que les deux Qblervateurs placés lun à Berlin & l'autre au Cap, la viffent répondre à des points du ciel fenfible- ment différens, & cette différence eft l'angle duquel nous venons de parler, ou la parallaxe de Ja Lune qui répond à la corde qui joint les deux latitudes : cette parallaxe eft im- médiatement connue par obfervation. Mais cette corde u’eft pas le demi-diamètre de Ia Terre; & par conféquent la parallaxe trouvée n'eft pas la parallaxe horizontale, qui n'eft autre chofe que l'angle fous lequel ce rayon eft vû de Ja Lune, & ïl eft queftion de l'en condlurre, Rien ne feroit plus facile, fi la Terre étoit parfaitement fphérique ; la circonférence du méridien étant alors un cercle, il {eroit toûjours aifé de déduire de l'angle fous lequel {eroit vüûe de la Lune.une de fes cordes, celui fous lequel feroit vû -auffr le demi-diamètre. : Mais il.eft bien certain que la Terre n’eft pas exactement fphérique , & que par conféquent Ha circonférence du méri- dien eft une courbe différente du cercle; if fuit delà que fi on veut regarder chaque degré comme un arc de cercle, O ï #° Voy. Méms AIME ITS ZT P: 457: 108 HiISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE chaque degré aura auffr un rayon différent, & que le cerclé étant la feule figure dans laquelle les perpendiculaires à fa furface fe réuniffent au centre, aucun des rayons du fphé- roïde ne tendra au fien , mais que tous ces rayons décriront par leurs extrémités aux environs de ce centre une courbe qu'on nomme gravicentrique , dont la nature dépend de celle de la courbe qui forme la circonférence du méridien. Nous ne remettons ici que très-fommairement toute cette théorie fous les yeux du lefteur, parce que nous l'avons expofée * vw. Hif. fort au long dans l'Hiftoire de année dernière *, à laquelle, #7S1P4152 pour éviter des redites inutiles, nous le prions de vouloir bien recourir, « * H eft bien certain que pour déduire de Ia parallaxe obfervée aux deux extrémités d’une corde quelconque d'un méridien , celle qui appartiendroit au rayon de la Terre, if faut connoître la longueur de ce rayon; ce qui exige non feulement la connoiffance de la proportion qui fe trouve entre le diamètre de l'équateur & celui qui pañle par les poles, mais encore celle de la courbure qu'on donne à la circonférence du méridien. Ni lune ni l'autre de ces quantités ne peut être regardée comme abfolument déterminée. M. Newton fait d'après fa théorie le demi-axe & le rayon de l'équateur dans la pro- portion de 229 à 230, & donne au méridien une cour- bure elliptique. Les obfervations modernes donnent pour le rapport entre ces deux mêmes quantités celui de 178 à 179, & M. Bouguer penfe qu'en faifant de la circonférence du méridien une courbe telle que les accroiffemens des degrés fuflent comme les quatrièmes puiffances des finus des lati- tudes, on parviendroit à repréfenter plus exactement la grandeur des trois degrés melurés fous l'Équateur, en France & en Lapponie. La première de ces hypothèles eft plus fimple, mais la feconde approche beaucoup plus de la vérité: nous difons approche, car M. de la Lande croit que pour la faire quadrer exactement aux degrés obfervés, il faudroit faire à ces derniers des corrections aflez confidérables ; & f DES SCIENCES: 109 par ce moyen on s’'écartoit des obfervations, on auroit aufi l'avantage de fe rapprocher beaucoup de lapplatiffement de la Terre, déterminé par la théorie de M. Newton. M. de la Lande a calculé la parallaxe horizontale de Ja Lune fous l’Equateur , dans lune & l'autre hypothèle , & toutes deux l'ont toüjours donnée la même, à peu de fe- condes près; ce qui doit détruire tout le foupçon d’incer- titude que ce que nous venons de dire pourroit jeter fur le réfultat des oblervations : il a fait enfuite la même chofe pour Berlin ; car, fuivant ce que nous avons dit de l'inégalité des rayons terreftres, la parallaxe horizontale doit être différente à différentes latitudes : enfin il n'a rien négligé pour tirer tout le parti poflible de fes obfervations, & de celles de M. l'Abbé de Ia Caille. La parallaxe de la Lune étant une fois déterminée pour quelques points connus de fon orbite, il ne faudroit plus, felon M. de la Lande, qu'une fuite complète d'obfervations de fon diamètre dans toutes fes fituations différentes, pour avoir la figure de l'orbite de cette planète; il a déjà préparé pour cela des inftrumens, & il fe propofe de faire ces ob- fervations avec une très-grañde exactitude : on peut aifément juger du degré de certitude qu’elles jeteront fur la théorie de cette planète. Tandis que M. de la Lande obfervoit à Berlin, M. Bradley faifoit aufi à Londres des obfervations correfpon- dantes à celles de M. l'Abbé de la Caille. La réputation que cet illuftre Aftronome s'eft fi juftement acquife, nous dif- penfe d'entrer dans aucun des détails propres à en faire connoître l'exactitude ; nous nous contenterons de parler ici de celles que M. de 'ffle, auquel il les avoit adreflées, a comparées avec celles du Cap pour en tirer [a parallaxe de Mars. On voit aifément qu'il ne peut être queftion dans cette recherche, d'aucune des variations qu'introduit dans la paral- laxe de fa Lune l'inégalité des rayons du Globe terreftre: la Terre, qui vûe de cette dernière planète paroît un fphéroïde O ii V. Îes M. page 424. * Voyez Hiff. 1706, 9S: V. les Mém. page 115. page 221. page 496. 110 HisToirrEe DE L'ACADÉMIE ROYALE fenfiblement aplati, doit, étant vüe de Mas , paroître très- parfaitement fphérique; mais aufli la parallaxe de Mars beau- coup moindre, exige de la part des obfervateurs une plus grande précifion. En comparant aux obfervations de M. Bradley fix de celles de M.f Abbé de la Caille, qui en font les correfpondantes, on trouve l'angle à Mars formé par les rayons viluels des deux obfervateurs, menés au même point de Mars: cet angle a pour bafe la corde du méridien qui joint les latitudes du Cap & de Berlin, & en le réduifant à celui fous lequel le rayon de la Terre feroit vü de Mars, on a la parallaxe horizontale. Comme la diflance de Mars varioit d'une obfervation à l'autre, on a été obligé de tenir compte du changement que cêtte variation de diftance apportoit dans la parallaxe hori- zontale conclue de chaque obfervation, & après toutes les réduétions, M. de f'Ifle trouve fix parallaxes ou réfultats qui diffèrent très-peu les uns des autres, fur-tout fi on en rejette deux qui s'accordent moins bien avec les quatré autres; & en prenant un milieu , il trouve enfin la parallaxe hori- zontale de Mars de 27”, plus grande feulement de 3” que celle qui avoit été déterminée en 1706 * par M. Maraldi, par une méthode tout-à-fait différente, & dans d'autres circonftances. Comme la proportion des diftances de la Terre & de Mars au Soleil eft affez précilément connue , la parallaxe de Mars déterminée, on conclut aifément celle du Soleil, & M. de F'Ifle la détermine de 10" +ou environ. Jamais 2 les diftances abfolues n'avoient été recherchées par me : méthode plus directe & moins fujette à erreur. RENE Nr renvoyons entièrement aux Mémoires, Les Oblervations des éclipfes de quelques étoiles par k Lune, par M.le Monnier. L'Obfervation de l'éclipfe de Lune du 2 Décembre 1754; par M. de Thury. Les Obfervations aftronomiques faites au Collége Mazarin DES ScCtrENCcCES LUE : péndant l'année 1749, & une païtié de 1750, par M. YAbbé dé la Caille. L'Ecrit du imémé fur la füite de la théorie du Soleil. Et le Catalogue des Etoiles auftralés , comprifes depuis le pole antarctiqué jufqu'au tropique du Capricorne, par le même. SN Je on ss —_——— - - NUOIQUE l'ouvrage duquel nous allons rendre compte, wait été publié par M. Clairaut qu'en 1754, fous le titre de Tables de la Lune , calculées fuivant la théorie de la gravitation univerfelle ; eomme cependant il avoit donné en 1745 & en 1748 * les propofitions qui fervent de fondement à ces Tables, & que ailleurs deux Mémoires déftinés à en rendre lufage plus facile font imprimés dans Œ volume, nous nous fommes crus en droit d'anticiper le temps auquel nous en devions naturellement parler, & nous allons tâcher de donner une légère idée de cet ouvrage, & de a circonflance qui a déterminé M. Clairaut à le faire paroître. Il faudroit être abfolument étranger dans la république dés Lettres, pour ignorer le rang qu'y tient le fyftème de l'illuftre Newton. La fuppofition queles parties de fa matière sattirent , en pefant l'une vers l'autre en raïon direéte de leur mafle, & inverfe du quarré de leurs diftances , étant admife , la Géométrie en déduit avec {a plus grande évidence la néceflité de l'obfervation des deux loix de Képler, & le calcul de préfque tous les phénomènes que les Aftronomes obfervent dans le mouvement des planètes principales. * Mais il s'en faut beaucoup que M. Newton mait travaillé la théorie de la Lune fuivant fon fyflème, avec le même foin qu'il avoit donné à celles des autres planètes : aucun Géomètre n'avoit depuis lui ofé ou pü toucher à cette partie de fon ouvrage, & pour peu qu'on y veuille faire âttention , il fera aifé de voir pourquoi cette portion de fon travail étoit demeurée en arrière. En ne confidérant le mouvement de la Lane antour de Ja Terre que comme compolé du rectiligne & de la tendance page 520: RES XV les Mén dE 1745, page 329, ÙŸ ceux de 1748, page 421. 112 HisToiRE DE L'ACA DÉMIE ROYALE vers la Terre que lui imprime attraction, on voit qu'ellé doit par cette combinaifon décrire une ellipfe dont la Terre occupera un des foyers; mais ce cas fi fimple n’eft pas celui de l'hypothèfe : en même temps que la Lune eft expofée à l'attraction de la Terre, elle éprouve auffi celle du Soleil, & ne doit plus par conféquent décrire la même courbe que dans la fuppoñition précédente, puifqu'une troifième force la détourne prefque à chaque inftant de la direction qui lui avoit été imprimée par les deux premières : or la feule dif- férence de fuppofer trois corps: agiffant les uns fur les autres au lieu de deux, change le problème de nature & le met au nombre des plus difficiles dont on puiffe tenter la folu- . tion ; fa difficulté même lui a fait acquerir une efpèce de célébrité, & il eft connu de tous les Géomètres fous le nom de Problème des trois corps. M. Clairaut avoit donné dès les années 1747 & 1748, les recherches qu'il avoit faites pour réfoudre ce redoutable problème ; mais ce n'étoit encore pour lors qu'une folution purement géométrique, & qu'il navoit appliquée qu'à un petit nombre d'exemples. Le Programme de l'Académie Impériale de Ruffie l'engagea à faire cette application : cette célèbre Compagnie avoit propolé pour fujet da Prix qu'elle devoit donner en 175 1, de déterminer f toutes les inégalités géon obferve dans le mouvement de la Lune, s'accordent ou uon avec la théorie Newtonienne , quelle eff la vraie théorie de toutes ces inégalités de laquelle on puiffe déduire exactement le lieu de la Lune pour un inflant propofe. Pour fatisfaire à la première partie de cette propofition ; il falloit réalifer , pour ainfi dire, tout le calcul géométrique de M. Clairaut, ou, pour parler plus jufle, l'appliquer fuc- ceflivement à tous les points de l'orbite lunaire, pour juger enfuite fi les nombres que donneroient la théorie répondroient à lobfervation ; en ce cas, la feconde partie de la queftion propofée fe trouvoit éclaircie par elle-même, puifque la théorie Newtonienne fe trouvant fuffifante, il étoit inutile d'en chercher une autre, j Or DE SIMS IC: TE NC ES: 112 Or déterminer en nombres pour chaque point de l'orbite lunaire, toutes les inégalités que demande la théorie de la Lune, relativemént à la pofition de cette planète à l'égard de la Terre & du Soleil, c'eft précifément conftruire les tables de fon mouvement, puifqu'il n’eft queftion que de difpofer ces différens nombres par ordre , pour que ces tables foient conftruites. Le travail de M. Chairaut fut fuivi du plus entier fuccès ; fa pièce fut couronnée en 1751, & imprimée en 1752, & fi les tables ont tardé encore deux années à paroître, ce m'a été qu'à leur procurer la forme la plus avantageufe que ce délai a été deftiné, puifque le fond en étoit publié dès cette année, à laquelle par conféquent elles appartiennent légitimement. La folution du Problème.des trois corps produit nécef- fairement une équation, dont les variables doivent exprimer les altérations qu'éprouve le mouvement de la Lune dans fes différentes fituations, & dont les conftantes expriment les quantités defquelles dépendent ces variations. Ceux qui ne font pas accoûtumés au changement que peut produire dans une équation Fintroduétion d'une nouvelle quantité dans le calcul, feront peut-être eflrayés de voir qu’au lieu d'une feule équation aftronomique que produit l'action réciproque du Soleil & de la Terre, la feule introduétion d’une troifième force puifle produire dans la théorie de la Lune vingt-neuf équations : il eft vrai qu'elles ne font pas toutes phyfique- ment néceflaires , & qu'on peut fans craindre d'erreur en fup- primer fept qui ne dérivent que d’une exactitude purement géométrique, & qui peuvent être par conféquent omifes _ fans aucun danger. Les tables de M. Clairaut font en général partagées en deux parties ; la première comprend les mouvemens moyens de la Lune, fon anomalie moyenne, l'argument de la latitude, la diftance moyenne de 11 Lune au Soleil , & enfin l'ano- malie moyenne du Soleil. Pour perdre moins de vüûe la théorie, M. Clairaut laifle Hiff. 1752: P 114 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE pour titre à ces différentes quantités les lettres ou fymboles algébriques fous lefquels elles font repréfentées dans l'équation: il eft vifible que par ce moyen fexpreffion devient non feulement plus abrégée, mais encore plus relative à la théorie. La feconde partie des tables contient les équations , elle eft fubdivifée en quatre parties. La première contient les vingt-deux équations dont le lieu de la Lune peut être fufceptible; la feconde, celles qui appartiennent à l'argument de fa latitude , ou, ce qui eft {a même chofe, à la diftance de Ia Lune à fon nœud; la troi- fième, celles dont l'inclinaifon de l'orbite lunaire peut être afle‘tée; & la quatrième, celles qui doivent être appliquées à fa parallaxe. Toutes ces tables confervent auffi pour argumens ou en- trées , les lettres fimples on différemment combinées, qui expriment les quantités defquelles dépendent les équations aftronomiques que les tables contiennent. On penferoit peut-être, à la première infpection , que le calcul dans lequel on fait entrer tant d'élémens, devroit être extrémement long & fatigant : quand cela même feroit exactement vrai, fi d’ailleurs les tables approchoient plus près de la vérité que les autres, on ne devroit pas avoir regret à ce furplus de travail; mais il s'en faut beaucoup que le calcul ne foit autant augmenté qu'il le paroît au premier coup d'œil. Toutes les tables font à fimple entrée, c'eft-à-dire que les équations contenues dans chaque table, ne dépendent jamais que d'une feule quantité fimple ou compofée qui lui fert d’ar- gument; & ceux qui font au fait du calcul aftronomique, favent combien le calcul des tables qui ont deux entrées, eft long & difhcile à manier: il n’y a que trois ou quatre des équations qui exigent des parties proportionnelles ; enfin, on peut fouvent, fans aucun rifque, non feulement négliger les fecondes, mais encore fe contenter, dans Îles quantités qui fervent d'argumens, des fignes & des degrés. On voit fans peine comment tout ceci peut compenfer le nombre des équations qu'on doit employer. DES SCIENCES. 115 Lorfque nous avons dit que les tables de M. Clairaut n'étoient que l'équation algébrique à laquelle if étoit parvenu, appliquée aux différens points de l'orbite de la Lune, & réduite en nombres, nous n'avons pas prétendu dire qu'il fe füt interdit à lui-même 1 liberté de fimplifier ce qui pouvoit l'être. Tous ceux qui connoiflent le calcul géomé- trique favent qu'une équation générale étend, pour ainfi dire, fes branches jufque dans les derniers détours de l'efpace qui lui eft affigné; mais fouvent ces branches n'y vont pas par le chemin le plus court, fouvent elles conduifent à des quan- tités géométriquement Mraies, mais phyfiquement inutiles : & le Géomètre intelligent doit en pareil cas examiner quelles font ces branches phyfiquement fuperflues, pour en débarrafler {on calcul, & chercher des moyens particuliers d'abréger celui que l'équation générale rendroit trop long. Ceft auffi ce qu'a fait M. Clairaut dans deux Mémoires imprimés dans ce volume : il fe trouve, par exemple, que fi on veut prendre l'angle de la parallaxe réciproquement proportionnel aux diftances , au lieu que réellement c’eft au finus de cet angle qu'appartient cette Proportion , l'on aura dans léquation même une quantité toüjours difpolée à repréfenter a parallaxe : or cette efpèce de transformation eft toüjours légitime, puifqu'il n'y a prefque point de dif. férence fenfible entre les proportions des parties d’un angle de 67, & les parties correfpondantes de {on finus ; il réfulte donc de-là qu'on peut tirer immédiatement de l'équation une quantité proportionnelle à {a parallaxe, & qui fera d'autant plus propre à devenir cette Parallaxe elle-même , que plufieurs de fes termes fe peuvent négliger fans erreur fenfible. Ce que M. Clairaut a fait pour fa parallaxe, il l’a fait encore pour plufieurs autres élémens du calcul de la Lune ; il donne, par exemple, le moyen de trouver féparément les équations du nœud & de l'inclinaifon de l'orbite, néceflaires Jorfqu'on n'a befoin que de la réduction à l'écliptique, & fubflitue enfüite huit équations feulement aux vingt-deux qu'on avoit omifes, & que l'équation générale demandoit; 1 Pi V. les Mém, pages 142 & 593: 116 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE il fimplifie de la mème manière le calcul de la latitude, & démontre que les quantités qu'il néglige ne peuvent jamais, dans le cas le plus défavorable & le moins probable, pro- duire que 4 fecondes d'erreur. On eft bien heureux lorf- que par un facrifice auffi léger du côté de l'exactitude, on eut acheter une grande facilité du côté du calcul. Les tables de M. Clairaut ne faifoient aucune mention du mouvement horaire vrai de la Lune, du chemin qu'elle fait en une heure dans les différents points où elle fe trouve; on peut toüjours à la vérité l'en déduire, mais par un calcul affez long : M. Clairaut a demmême trouvé les moyens d'abréger ce calcul & de le rendre plus facile! C’efl peut-être la première fois que la théorie Newtonienne ait été appli- quée d'une manière auffi direte & auffi précife à fa conf truétion des tables de cette planète : s’il falloit l’habileté de M. Clairaut pour n'être pas effrayé de la difficulté de l'en- treprife , il falloit auffi la netteté de fon efprit pour préfenter un objet fi épineux fous une forme fi claire & fi peu rebutante. " SONO ON NN TN NN CR CN TN NN CN CN CN NN. HYDRAULIQUE. Ge année parut un Ouvrage de M. d'Alembert, intitulé Æffai d'ume nouvelle théorie de la réfiflance des fluides , Ouvrage traité d’une manière abfolument nouvelle , & auquel le Public à fait le même accueil qu'à tous ceux que le même Académicien a précédemment publiés. a de PL DES SCIENCES 117 e_e ee e 2 8 0 0 ee ee 2e" GEOGRAPHIE. LCA LRADLMRELS CHAINES DE MONTAGNES DU GLOBE TERRESTRE, N°: avons rendu compte en 1745 * d'une carte publiée 4 1 Mém, par M. Buache, carte d'une efpèce bien fingulière, page 399. puifqu’au lieu de repréfenter la furface de la mer comme les ae “autres cartes marines, elle en repréfente au contraire le fond, & fait voir que le terrein recouvert par les eaux de l'Océan a fes vallées , {es plaines & fes montagnes, & que les mon- tagnes dont les ifles, les vigies, &c. font les fommets, fe trouvent placées de manière que les chaînes qu’elles forment font exactement la prolongation de celles que forment les montagnes terreftres. Cette carte dreflée en 1737 n’étoit que là première ouverture d’un fyftème général qu'il méditoit, & duquel nous allons effayer despréfenter une légère efquiffe. Pour s'en former une idée nette & précife, remontons ; felon une vüe que M. Buache a depuis communiquée, au temps où la Juftice divine fatisfaite, fit retirer les eaux qui avoient été les miniftres de fa vengeance: les pointes des plus hautes montagnes, telles que celle du mont Ararat, quelques- unes de la Cordelière des Andes, &c. furent les premières qui parurent au deflus des eaux, & formèrent un petit nombre d'ifles qui compoloient alors tout l'Univers ; bien-tôt les eaux qui diminuoient toüjours, laiffèrent paroître d’autres montagnes un peu moins élevées, mais qui faifoient encore des ifles {épa- rées des premières. La diminution des eaux continuant, les crêtes élevées qui uniffoient ces ifles, commencèrent à fe montrer, les plaines hautes, formées par des efpèces d'amas Piïj cx8 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE de montagnes, fe découvrirent enfuite, puis les plaines moins hautes ; & il eft vifible que fi la Puiflance divine avoit entière- ment épuifé l'eau qui {e trouve fur notre Globe, d'autres terres moins élevées fe feroient fucceffivement découvertes ; que le fond de la mer feroit une vafte vallée; les continens, des montagnes à furface plate ; les ifles, dés fommets de mon- tagnes plus ifolées, & que les unes & les autres feroient unies, ou par le fond de la vallée, ou par des fommets de montagnes moins élevées, qui, dans l'état actuel, font toû- jours cachées fous les eaux. Pour voir l'Univers dans cet état , il faudroit abfolument anéantir les eaux, ce qui n'eft pas poflible; mais fi ce fpec- tacle eft interdit aux yeux du corps, il ne left pas de même aux yeux de l'elprit: ce qui eff arrivé à la partie vifible de la terre doit nous indiquer ce qui arriveroit à celle qui eft cachée fous les eaux, fr elles en étoient Ôtées. La direction de certaines chaînes d’ifles, de roches, de bas fonds, qui traverfent la mer, & qui femblent unir les chaînes des montagnes terreftres, les fondes des Navigateurs, les obfervations fur les courans & fur leur direétion, font: des preuves prefque inconteflables que le fond de la mer ne dif- fère de la terre que parce qu'il s’eft trouvé au deflous du terme auquel les eaux devoiegt s'abaifler, & qu'il a, comme elle, fes montagnes, fes plaines & fes vallées. Cette difpolition du fond de la mer & des montagnes fait le principal objet du travail de M. Buache, & il réfulte de fes obfervations, 1.” que le Globe de la terre eft foûtenu de plufieurs chaînes de montagnes qui traverfent la mer comme les terres, & qui fervent probablement à augmenter la folidité du Globe; 2.° que ces montagnes partagent la mer en différens baflins, qui ne paroiflent unis que parce que les montagnes qui les enferment font pour la plufpart couvertes par les eaux, mais qui cependant n'en font pas moins réels, & prélentent probablement un obflacle au trop grand mouvement que les eaux pourroient prendre dans certaines occafions DES SCIENCES. 19 Les vallées marines ne font pas toutes de même pro- fondeur; il s’en faut bien, par exemple, que le bras de mer qui fépare la France de l'Angleterre ne foit auffi profond que l'océan : fi la mer baïfloit {eulement de vingt-cinq brafles, elle laïferoit à découvert une crête de montagne qui joint Calais à Douvre, & qui ne cefle d’être un ifthme que parce welle eft toûjours fubmergée. Si elle baifloit encore un peu plus, les Sorlingues & l’ifle de Wight deviendroient des montagnes féparées de l’An- gleterre par une vallée qui feroit alors à fec; enfin fi elle baifloit jufqu’à oixante braffes, l’ Angleterre elle-même feroit une vafte montagne féparée par une vallée de la Normandie, tenant à la Flandre par l'iffhme dont nous avons parlé; & le fond de la Manche, à fon ouverture, qui s'étendroit alors depuis Fifle d'Oueffan jufqu'aux Sorlingues, deviendroit en cet endroit le rivage de la mer. Cet exemple que nous rapportons d’après M. Buache, qui a fait un examen particulier de cette partie de l'Océan, peut fervir à faire comprendre que les ïfles ne font que les fommets des plus hautes montagnes , & que fouvent elles font unies entre elles par d'autres montagnes moins élevées, qui ne paroïflent point, mais dont la fonde conftate l'exiftence. T1 eft temps de pañler à la divifion des mers, faite par ces chaînes de montagnes qui prefque toüjours font la conti- nuation de celles qu'on trouve fur la terre ferme. La partie de la mer qui fépare Ÿ Amérique de l'Europe & de Afrique, & que nous nommons ordinairement Océan, eft partagée, par ces chaînes de montagnes marines, en trois principales parties. La première, que M. Buache appelle mer du Nord, eft comprife entre une de ces chaînes, qui partant du Nord-cap, va par fIflande joindre le Groënland, & celle qui du pas de Calais va à travers les ifles Britanniques & des vigies, joindre le Grand-banc & le cap raz de Terre- neuve. Cette mer, en senfonçant dans les terres, forme à Veft le baffin de la mer Baltique, & au nord-oueft celui des baies de Hudfon & de Baffin. 120 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE La feconde commence au nord, où la précédente finit au fud, c’eft-à-dire, à la chaîne qui unit l'Angleterre & le cap raz de Terre-neuve, & finit au fud, à celle qui partant des montagnes de Sierra-Leone, en Afrique, va du cap Tagrin, par l'ile de Fernand-Noroñha, à Rio-grande & au cap Saint- Auguftin du Brefil. M. Buache lui conferve le nom d'Océan Atlantique. Cette partie de la mer a trois baflins féparés du grand. Le premier eft compris entre la chaîne de montagnes marines qui la borde au nord, les côtes occidentales de France, d'Efpagne & d’une partie de l'Afrique, & une autre chaîne de montagnes marines qui partant du cap Non d’Afrique, enveloppe les ifles Canaries, les Açores, & va fe joindre à l'ifle de Terre-neuve & au cap Sable de l’Acadie. Les deux autres font à left a Méditerranée, & à l’oueft le volfe de Mexique, féparé du refle de la mer par la fuite de montagnes dont les ifles Antilles font les fommets. La troifième & dernière partie de cette mer, que M. Buache nomme Océan méridional, commence au nord, àla chaîne dont nous avons parlé, qui joint le cap T'agrin au cap de Saint- Auguftin; elle eft bornée à loueft par les côtes orientales de Amérique méridionale, & par la chaîne de montagnes qui joint la terre de Feu au port de Drack, au midi par les terres Antarctiques, & enfin à left par la côte occidentale d'Afrique , & par la chaîne de montagnes marines qui va du cap de Bonne-efpérance à celui de la Circoncifion , découvert en 1739 par les vaifleaux de la Compagnie des Indes. Cette même chaine de montagnes fert de bornes du côté de l'Occident, à la partie de la mer qu'on nomme ordinairement mer des Îndes: celle-ci eft terminée à l’oueft par cette chaîne & par une partie de la côte orientale d’A- frique, au nord par une partie des côtes méridionales de l'Afie, à l'eft par lelpèce d’Archipel que compolent les ifles de la Sonde, les Moluques & les Philippines, & enfin au midi par une partie des terres Antarctiques comprifes entre le cap de la Circoncifion & la terre de Diemen. Une longue chaîne de montagnes marines qui commence à l'ifle de DNEMSHOSI CL E Ni CAES 124 de Madagafcar & va joindre celle de Sumatra en paffant par Ceylan, fépare de cette mer deux baflins particuliers, dont Fun comprend la Mer rouge & le fein Perfique, que M. Buache nomme en général du nom de golfe des Arabes, & l'autre le goffe de Bengale ; la même chaine de mon- tagnes fe repliant vers la terre de Diemen & vers {a nou- velle Guinée, en fépare encore un troifième baffin qui con- tient les ifles de Ja Sonde, les Moluques &.les Philippines. Ces ifles font comme un mañlif qui fépare la mer des Indes de la Grande mer; elles ont encore à lorient un petit baflin particulier, compris entre les côtes orientales de l'Afie & une autre chaîne de montagnes marines, qui partant de la nouvelle Guinée, va prefque nord & fud, par les ifles Ma- rianes, regagner le Japon. La troïfième Grande mer eft celle qui baignant les côtes orientales de l'Afie & les côtes occidentales de-T Amérique, a pour borne au nord Ie détroit découvert depuis peu par les Rufles, par lequel elle communique à la mer Glaciale, & probablement au fud les terres auftrales. Cet immenfe amas d'eaux eft nommé communément mer pacifique, mais ce nom ne convient nullement à fes extrémités, où l'on éprouve fouvent de terribles tempêtes; M. Buache lui donne donc plus juftement le nom de Grande mer. Elle eft partagée en trois baflins particuliers ; le premier commence au détroit du nord dont nous venons de parler, & s'étend jufqu'un peu au deflous du tropique du Cancer, où il eft borné par une chaîne de montagnes marines qui, partant du cap Co- rientes de la nouvelle Efpagne & de Saint-Lucas de la Ca- lifornie, va rejoindre la chaine des Marianes & le continent auftral. M. Buache nomme cette partie de la Grande mer, Mer. feptentrionale. | Le fecond bafin, auquel M. Buache conferve le nom de mer du Sud, commence à cette même chaîne, & eft ter- miné au midi par celle qui, partant des’ifles de Chiloé; va gagnér par celles de Salomon la partie du continent auftral, qu'on nomme terre du Saint =Efprit. ! Hifl. 1752. Q 122 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE Le troifième & dernier baflin de fa Grande mer, auquel M. Buache donne le nom de mer méridionale, commence où finit le précédent, & fe trouve entre le continent auftral, la partie du fud-oueft de l'Amérique où font le détroit de Magellan & la terre de Feu, & la chaîne de montagnes marines dont nous avons déjà parlé, qui va vers le port de Drack, & fépare ce dernier baflm de FOcéan méridional. A toutes ces grandes mers on peut en ajoûter deux petites, qui en feront comme les têtes. La première eft Ja mer gla- ciale, qui communique avec l'Océan feptentrional par des paf fages ouverts dans la chaîne qui va du Nord-cap au Groer- land, & avec la Grande mer par le détroit découvert par les Ruffes; on a tout lieu d'en fuppofer vers le Pole arctique une feconde à peu près pareille, de laquelle viendront les glaces qu’on a obfervées au cap de la Circoncifion , comme celles qu'on voit à Louifbourg y viennent de fa mer glaciale arctique. Jufqu'ici nous n'avons confidéré que les chaînes de mon- tagnes marines, & les divifions qu'elles font des eaux de la mer ; il eft temps de dire un mot des chaines de montagnes que M. Buache nomme terreftres , parce qu'elles fe trouvent entièrement au defflus du niveau de la mer. Ces chaînes femblent partir comme en rayons de certains plateaux ou terreins élevés, qui paroiffent être des groupes ou aflemblages de montagnes: on trouve un de ces plateaux dans chacune des parties de l'Amérique, un en Afie, un au moins en Afrique, & deux plus petits en Europe. Le plus feptentrional de ces derniers contient les fources du Wolga, du Don, &c. il en fort quatre chaînes de montagnes ; la première traverfe la France, & vient aboutir au détroit de Gibraltar ; la feconde côtoie le Don, la mer Noire, une partie de la Méditerranée, & finit à l'ifthme de Suez; la troifième forme Îles montagnes de Norwège, & va au Nord Cap & aux pointes de Stade; fa quatrième enfin fe joint au grand plateau d’Afie; de celui-ci fortent les montagnes de l'Afie méridionale & de la Sibérie orientale, me hand DES SCIENCES. 12 qui vont fe joindre avec celles du nord-oueft de 'Amé- rique par le détroit du Nord. Le grand plateau de l'Afrique forme cinq chaînes de hautes montagnes ; lune côtoie la mer Rouge, & après avoir jeté une branche vers Babelmandel & Ormus, elle ya à l'ifthme de Suez fe joindre à une des chaînes d'Eu- rope & d’Afie; la feconde fe réunit au mont Atlas du côté de Tripoli ; fa troifième, après avoir jeté une de {es bran- ches dont la continuation fait la chaîne marine qui va par les Canaries & les Açores joindre l Amérique feptentrionale, va elle même en fe prolongeant former celle qui joint le cap Tagrin à Rio-grande ; la quatrième fe dirige vers le cap de Bonne - efpérance, & forme dans la mer la chaîne qui joint ce cap à celui de fa Circoncifion ; la cinquième enfin aboutit vis-à-vis l'ifle de Madagafcar, & fert à former la chaîne marine qui traverfe la mer des Indes. En fuivant fur un Globe terreftre la direction des chaines de montagnes dont nous venons de parler, on verra qu'elles environnent le Globe fans interruption, & fervent comme de renfort à la terre; d’un autre côté celles de ces chaînes qui fe prolongent fous la mer, la partagent en plufieurs parties, rompent l'effet de la trop grande agitation de fes eaux, & y forment en différens endroits des ifles propres à fervir comme d’entrepôts à la navigation; enfm les crêtes de ces montagnes & les plateaux qu'elles forment par leur union, fervent à recueillir les eaux douces qui doivent entretenir les fources & les rivières. Ce fyflème fi conforme aux vüûes de la faine Phyfique, eft devenu en quelque forte prophétique entre les mains de M. Buache: la direction des montagnes, des caps, &c. qu'il avoit obfervée dans l'Atlas Ruffien que M. le Comte d'Argenfon lui avoit prèté avant que M. de fIfle füt de retour de Ruflie, lui avoit fait naître le foupçon que l’Afie devoit fe joindre au nord-eft avec le nord-oueft de l Amérique; il a eu le plaifir de voir cette conjecture parfaitement vérifiée par les découvertes des Ruffes, comme nous l'avons dit en Q 124 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE * Vo. Hi. 1750 *; & comme nous aurons lieu de l'expoler plus au 17502.151. Jong dans l'Hifloire de 175 3, où nous parlerons de fes con: fidérations géographiques , dont le premier Mémoire avoit été là cette année ; mais il a été encore plus agréablement furpris en voyant que la carte qu'il avoit dreflée conformément à fes vües, fe trouve entièrement confirmée par les navigations des Chinois, defquelles M. de Guignes, de l Académie Royale des Belles - Lettres, fui a donné connoiffance. Comme les navigateurs Chinois ne vont que côte à côte, leur route | décrit fi parfaitement celles qui font marquées dans la carte | de M. Buache, qu'on feroit tenté de croire qu'elle auroit j été dreflée fur leurs Mémoires , fi la carte n'avoit pas pré- | cédé fa connoiflance qu'on en a eue. | Cette façon de confidérer notre Globe, ouvre une nou- | velle carrière à la Géographie. Il eft peut-être plus intéref- fant de connoître les directions de ces chaînes de montagnes qui fervent comme de charpente à la terre, & en quelque forte de frein à la fureur des eaux de la mer, qui fournif- fent & dirigent les eaux des fleuves & des fontaines, & qui tiennent peut-être à bien d’autres effets phyfiques, que de reconnoître les anciennes bornes d'un Royaume où d'un Empire qui n'exifte plus. Il feroit donc à fouhaiter que les navigateurs vouluffent fe prèter à faire le plus d’obfervations qu'il féroit poflible, d’une infinité de petits phénomènes dont l'affemblage pourroit donner de grandes lumières fur les vents, les courans & plufieurs autres points intéreflans. Un autre moyen de travailler à la perfection de ce fyftème, feroit de conftruire un Globe en relief fuivant cette idée: en Ôtant ce qui repréfenteroit la furface de la mer, on ver- roit aifément la continuité des chaînes qui la traverfent, la difpofition de fon fond , & ce coup d'œil ne pourroit que faire naître des idées utiles & avantageufes , tant à la Phyfique qu'à la Navigation. C’eft ici une partie toute nouvelle de la Géographie, & on ne doit négliger aucun moyen d'en tirer toute l'utilité poflble. ER AD DES SCIENCES. 125 IREM DER EE HYDROGRAPHIE. PURE ES OPERATIONS NOMME'ES PAR LES PILOTES CORRECTIONS. N feroit trop heureux dans 1 pratique du Pilotage, Îi on pouvoit fe flatter que l'attention la plus grande à l'exacte application des règles garantit de toutes les erreurs ; mais il s'en faut beaucoup qu'on ait lieu de le penfer, & tout ce que peut faire un Pilote habile, eft de profiter de tous les moyens poflibles de reconnoître les erreurs qu'il n'a pû éviter, & d'employer les meilleures méthodes pour les cor- riger. k Lorfqu'un navire parti d'un endroit connu à fillé un ou plufieurs jours, & eft arrivé à un certain point de la mer, il eft queftion de connoitre quel eft ce point, ou, ce qui revient au même, de le marquer fur la carte. Pour cela, on fe fert ordinairement de la connoiffance qu'on à de l'angle que fait la route avec le méridien, connoiffance donnée par la boufiole, & de la longueur du chemin parcouru, mefurée par le loch où par quelqu'autre moyen équivalent; car tirant fur Ja carte du point du départ une ligne qui foit parallèle à fair de vent fur lequel le navire a couru, & mefürant {or cette ligne, en parties de échelle, une longueur égale au chemin qu'on croit avoir parcouru , l'extrémité de cette lon- gueur mefurée indiquera fur la carte le point auquel le na- vire eft arrivé, dont on aura par conféquent la latitude & la longitude, Si les élémens dont nous venons de parler n’étoient af. fetés d'aucune erreur, le point déterminé par leur moyen fur la carte repréfenteroit exactement celui où le vaifleau fe trouve fur la mer; mais une pareille fuppoñition ne peut Q ii V. les Mém, page 1, 126 HiSToIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE fe faire fans témérité, & un Pilote, quelque habile qu'il foit, doit être perfuadé qu'avec toute l'attention poffible à éviter les erreurs, il lui en fera encore échappé quelqu'une. L'obfervation de la latitude eft jufqu'ici le feul moyen que préfente l’Aftronomie pour reconnoitre ces erreurs: comme par la méthode dont nous venons de parler, on la condut de l'angle de fa route & de la longueur du chemin fait par le vaifleau, il eft hors de doute que fi ces deux élémens étoient parfaitement exacts, la latitude qu'on en auroit con- clue ne diféreroit pas de la véritable; mais fi au contraire ils font affectés de quelqu’erreur, la latitude conclue différera d'autant plus de celle qu'on trouvera par oblervation, que cette erreur fera plus confidérable. Lors donc que par l'obfervation de la latitude on trouve que le point où lon eft réellement, eft plus nord ou plus fud que celui auquel on penfoit être arrivé, on eft für qu'il s'eft gliffé quelqu'erreur, foit dans Ja direction du navire, foit dans la longueur du chemin qu'il a parcouru ; refte à favoir quelle corretion il faut appliquer au point trouvé par les règles ordinaires, & fur quel endroit du parallèle obfervé il doit être tranfporté: on eft für qu'il doit être tranfporté fur ce parallèle, mais comme on n’a ou qu'on ne croit avoir aucune raifon de le tranfporter à l’eft ni à l'oueft, les pilotes fe contentent fouvent de faire varier leur point en latitude, fans le faire fortir du méridien où ils l’avoient d'abord placé, En effet, fi on confidère le point trouvé fur la earte comme ifolé & indépendant de la route par laquelle le vaifleau y eft arrivé, il n'y a pas de raifon pour qu'on fe foit trompé pluftôt d'un côté que d'un autre: tous les points dans lef- quels il fera également probable qu'on fe trouve, feront ren- fermés dans des cercles qui auront le point marqué fur la carte pour centre; & comme le parallèle obfervé les coupera tous en deux points, on choifira celui où ces deux points feront infmiment près l'un de Fautre, ou, ce qui revient au même, le point de contingence d'un de ces cercles & du : ’ DRE SNS c LE. N, C.E:s. 127 parallèle; ce qui phice néceffairement le point corrigé dans une perpendiculaire au parallèle, & par conféquent dans/le méridien. Mais fi au lieu de confidérer le point trouvé fur 11 carte comme ifolé & indépendant de la route, on fait entrer dans le calcul toutes les caufes d'erreur qui ont pù y influer, alors la correction fi fimple des pilotes ne fe trouvera plus jufte. M. Bouguer a entrepris d'examiner cette matière, & de donner des règles plus exactes pour faire cette opération. Lorfqu'un navire partant d'un point donné, court fuivant une certaine direction, il eft clair qu'il peut également s'en écarter à droite ou à gauche; on aura donc trois lignes partant du point de départ, celle qu'on a cru fuivre, & deux autres formant avec celle-ci des angles égaux déterminés par la plus grande erreur pofible , & c'eft au dedans de cet efpace qu'il faut chercher le point auquel le navire eft réellement arrivé. Comme on fe peut tromper fur fangle de la route avec le méridien, on fe peut tromper auffi fur la longueur de cette route; & fi on mène au delà & au deçà du point auquel on croit être arrivé, deux lignes qui foient perpen- diculaires à la route, & qui marquent les plus grandes erreurs qu'on ait pû commettre en plus & en moins fur la melure de cette route, il eft clair que ces lignes formeront à l'extrémité de l'efpace angulaire dont nous avons parlé, une efpèce de trapèze qui contiendra a fomme de toutes les erreurs pofibles, tant {ur la longueur de la route que fur Jangle de fa direction avec le méridien, & que ce n'eft que dans cet elpace tapézoïde qu'il faudra chercher le point où eft réellement le vaifleau. Ce trapèze deviendra plus ou moins grand felon la quan- tité de la plus grande erreur pofflble, dans les deux élémens dont nous venons de parler, & fa figure variera auffi felon la proportion des erreurs dont la longueur &. a direction de Ja route font fufceptibles ; d'où il fuit qu'on doit, en le déterminant, avoir égard à une infinité de circonftances, comme au plus ou moins d'exactitude des inftrumens, à 128 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE RoÿALE l'habileté plus ou moins grande du Pilote, aux courans, à la' dérive du navire, &c. qui toutes peuvent en changer la grandeur ou là figure. IL {uit encore que tous les points d'une même probabilité ne feront plus renfermés dans une circonférence de cercle, mais dans une autre courbe qui aura néceflairement rapport avec les côtés du trapèze; & le calcul de M. Bouguer montre que dans une certaine hypothèfe la courbe qui con- tient tous les points d'égale probabilité, eft compolée de quatre portiors d'hyperbole dont les fommets resardent les angles du trapèze, & dont fes côtés font les afymptotes. ‘Tant que ie parallèle de la latitude oblervée ne coupera ue les deux branches de la même hyperbole, le problème: q } } le trouvera auffi fimple que fr cette courbe étoit un cerde, puifqu'il ne s’agit pour lors que de placer le point cherché au milieu de la portion du parallèle qui fe trouvera com- prife entre les deux branches de fa courbe; mais fr ce paral- lèle entrant plus avant dans le quadrilatère , coupe les bran- ches de deux hyperboles différentes, alors ce n'eft plus fa même chofe, & le problème deviendroit fi difhcile à réfoudre par cette voie, que M. Bouguer a recours à une autre méthode plus générale & plus facile. Lorfque nous avons dit que le quadrilatère contenoit tous les points entre lefquels on devoit chercher le point véritable auquel eft arrivé le vaiffeau , nous n'avons pas prétendu faire entendre que tous ces points duffent jouir d’une égale probabilité; il eft au contraire très-certain qu'ils en ont une très-inégale : il eft très-poffible qu'un habile Pilote fe foit trompé d'une petite quantité, & il ne left que très-peu qu'il ait commis une erreur groflière; les points voifins de la circonférence du trapèze n'auront donc qu'une proba- bilité prefque nulle, pendant que ceux qui feront voifins du milieu en auront une très-grande. Suivant cette idée, imaginons que fur chaque point du trapèze on élève des perpendiculaires à fon plan, & que la longueur de toutes ces lignes foit proportionnelle au degré de 4 pr DéEtshr SEC ULARE NICE ESS T2 129 de probabilité de chacun de ces points ; on voit aifément que la plus longue de toutes ces lignes fera celle qui répondra#äu milieu du trapèze, & qu'elles iront de là en diminuant jufqu'à la circonférence, où elles feront nulles ; d'où il fuit que leurs affemblages formeront un folide à peu près femblable à un toit en pavillon, dont ce trapèze feroit le plan. Par cette ingénieufe méthode, la fomme des probabilités fe trouve repréfentée par un folide, & le problème eft réduit à un fimple problème de Statique. En efet, fi on conçoit un plan perpendiculaire à celui du trapèze élevé fur le parallèle de la latitude obfervée , ce plan retranchera néceflairement une portion plus ou moins grande du folide en queftion ; & puifque toutes les lignes qui compoferont cette partie retranchée du folide, expriment les probabilités qui feur répondent ; il eft clair que le centre de gravité de toute la portion retranchée fera aufli, pour me fervir de ce terme, le centre de probabilité, & que fr on fait pafler par ce centre: un, plan perpendiculaire à celui du trapèze , il ira couper le parallèle de la latitude obfervée dans le point auquel on doit croire que le vaifleau eft pluftôt arrivé qu'à tout autre. Cette partie retranchée par. le plan élevé fur le parallèle obfervé, change de grandeur & de figure fuivant la diffé- rente: pofition, de ce plan ; tantôt c'eft une pyramide, tantôt un onglet prifmatique, tantôt une autre figure ; & les. for- mules que M. Bouguer emploie pour en déterminer les centres de gravité, favent les fuivre fous ces différentes formes, en forte que fa méthode devient abfolument générale. Elle neft cependant pas exempte d'un défaut qui n’a pas échappé à la pénétration de M. Bouguer, & auquel il wa pas manqué de remédier. La différente proportion qu'on _ peut donner aux probabilités, fera bien que l'efpèce de toit en pavillon dont nous avons parlé, fera formé de furfaces planes ou différemment courbes ; mais les arrêtes en feront toûjours aigues, en forte que d’une probabilité pofitive on Hif!. 1752. 120 HISTOIRE De’ L'ACADÈMIE ROYALE Ale tout d'un coup à une négative, Ce qui efl contraire à da loi de l'homogénéité, à l'élégance géométrique, & plus encore à l’exacte repréfentation de ces probabilités, qui cer- tainemént ne peuvent êlre fujettes à des fauts pareils , étant contre toute vrai-femblance que près d'un point où fe trouve une plus grande probabilité, il ne s'en trouve pas au moins quelques-uns qui jouiffent d'un degré de probabilité prefque le même: cé qui au lieu d'arêtes aigues doit en donner d'arrondies au folide en queftion. M. Bouguer cherche par un nouveau calcul quelle doit être la courbe génératrice des furfaces qui terminent lé folide dés probabilités, & il trouve que les paraboles campaniformes peuvent repréfenter à très- peu près les quantités defquelles il eft ici queftion. Partant du folide ainfi rectifié, M. Bouguer détermine quelle doit être, dans les différentes circonftances , la direc- tion de la ligne qui va du point déterminé par l'eftime au parallèle de x latitude obfervée, fuivant la différente: obli- quité des routes avec le méridien ; c'eft ce qu'il nomme Ja direction tranflative, de laquelle il donne une table que les Pilotes peuvent confulter, & qui n'exige de leur part aucun. calcul pour déterminer s'ils doivent porter leur point à 'eft ou à l'oueft, fur le parallèle obfervé, Sc de quelle quantité ils doivent J'ylportér; par ce moyen l'opération devient auf fimple qu'auparavant, &: cependant infiniment plus exaéte. La véritable perfédtion d'üné méthode 1eft de réunir fun & autre point DER ; Hi ste D | M + A [4 DES ASE CL IE NNY CH EU Se. 1] 224 SSSÉTVIT IS SESTITNIY CG Bbil:Q:ULE. ETTE année parut un ouvrage de M. le Marquis de Couitivron , intitulé Zrairé d'Optique, où l'on donne la théorie de la lumière dans le fyflème Newtonien , avec de nou- welles foluitions des principaux problèmes de Dioptrique & de Catoptrique. Ce traité, fuivant l'énoncé de fon titre, eft une, appli- cation füuivie de la théorie Newtonienne au calcul des principaux phénomènes de la lumière, On fait que f'illuftre Auteur de: cette théorie ladmet pour principe univerfel des phénomènes généraux de la Nature , une tendance innée des corps les-uns vers les auties, en proportion direéte de leurs mafles, & inverfe du quarré de leurs diftances ; c'eft encore ce même principe qui doit fervir à calculer les phé- nomènes de la lumière , mais avec une loi différente, comme nous ‘allons avoir occafron de le faire voir, en appliquant ce principe à {xrréfraétion & à la réflexion de la lumière... * Lorfquun rayon: de lumière pañle d'un milieu moins denfe dans un qui left davantage, il eft de fait qu'il change de direction au point où il rencontre la furface du nouveau milieu, & qu'au dieu d'y continuer fa route en ligne droite, il Ja continue en s’approchant de la pérpendiculaire à cette furface : cette propriété de la lumière fe nomme réfraction. Sion veut fuppoler aux corps réfringens une attraétion qui foit , non comme celle du Soleil à l'égard des planètes, en raifon renverfée du quanré des diftances, mais dans une bien plus grande proportion, en forte qu'elle agifle très-for- tement dans le voifmage du corps, & très foiblement à une diftance très-peu plus grande, il doit arriver néceffairement - que le rayon approchant du ‘corps fous une direction oblique, foit attiré vers ce corps, dès qu'il fera très-près de fa fuperficie, s R ji 132 HisToire DE L'ACADÉMIE ROYALE & que par conféquent au lieu de continuer fa route én ligne droite, il décrive dans cet endroit une ligne courbe dont la dernière direction fera celle de la ligne droite que le rayon décrira en traverfant le corps diaphane : la même chofe arri- vera au rayon en fortant, & par l'eflet de la même attraction il décrira une femblable courbe, après quoi il continuera à fé mouvoir en ligne droite, Puifque le rayon fortant du corps diaphane peut étre courbé par l'effet de l'attraction , il peut, fi l'inclinaifon eft très-forte, être courbé de façon que fa direction devienne parallèle à la furface du corps réfringent; alors lattraétion continuant d'agir , le rayon fera forcé de rebroufler chemin, de rentrer dans le corps diaphane, & d'y parcourir une nouvelle route fous une direction oppolte à la première, ou, ce qui revient au mème, la réfraction fe changera en réflexion, Non feulement il eft certain qu'un rayon pañlant oblique- ment d’un milieu plus rare dans un plus denfe, eft obligé de changer fon indlinaifon, mais on connoît de plus la loi fuivant laquelle il la change : on fait par expérience que le finus de l'angle du rayon avec la furface du corps réfringent, qu'on nomme angle d'incidence, eft au finus de l'angle que fait la nouvelle route qu'il parcourt, comme deux eft à trois, quelle que puiffe être cette inclinaifon. En employant le principe de l'attraction modifiée comme nous l'avons dit, M. de Courtivron trouve la trajectoire ou courbe que doit parcourir le rayon à l'approche du milieu le plus denfe ; il détermine la loï de l'attraction nécelfaire pour la décrire, & de là tire là propofition fon- damentale de la théorie de Ja réfraction,. & le rapport des finus d'incidence aux finus de réfraétion des différens rayons, & dans les différens milieux. De la proportion des finus des angles de réfraction dans les différens milieux, M. de Courtivron déduit cette con- féquence, que le pouvoir réfraétif qu'exercent ces différens corps fur les rayons, eft à très-peu près proportionnel à leurs DNErs SCIE NUCE:s. 133 denfités (ce qui n'eft cependant pas fans exception) & que la force réfraétive de ces corps exerce toûjours fon action perpendiculairement à fa furface. Oneft communément perfuadé que les particules de lumière rebondiffent de la furface du corps poli qu'elles rencontrent, à peu-près comme des balles d'ivoire rebondifient {ur un pavé de marbre bien uni ; & ce fera fans doute un paradoxe éton- nant aux yeux de beaucoup de perfonnes, que d'avancer que rien m’eft peut-être plus faux que cette idée fi naturelle en apparence : cependant, pour peu qu'on y veuille refléchir, on en viendra bien-tôt à douter de fa certitudé. En effet, {a furface des corps les plus parfaitement polis eft réellement fillonnée par l'impreffion des différentes poudres qu'on a em- ployées à la frotter, & quelque fines que foient ces raies, elles doivent ètre énormément profondes, fi on confidère l'énorme petitefle des particules de lumière ; elles devroient donc être rejetées prefque aufli irrégulièrement qu'elles le pourroient être par la furface d’un mur; & fi on ajoûte à cette raifon, que rien n'eft moins prouvé que la fphéricité _des particules de lumière, on fera peu tenté de croire que les corps réfléchiffans foient des plans, & les particules de lumière des balles fphériques. M. de Courtivron aime donc mieux fuppoler, avec M. Newton, que la lumière eft repouflce par une force inconnue, exiftante dans le corps réfléchiffant, & qui renvoie les rayons avant même qu'ils foient arrivés à la furface de ce corps. Cette fuppofition écarte les difficultés dont nous venons de parler, & fi elle n'en eft pas elle-même exempte, du moins elle peut fervir de bafe à un calcul exact. Les principes defquels nous venons de parler étant une fois pofes, il eft aifé d'en déduire les loix de la réfraction pour les verres travaillés ; c'eft aufii ce qui fait l'objet de la feconde partie de l'ouvrage de M. de Courtivron : il y déter- mine les longueurs des foyers des miroirs & des différens verres fphériques, lenticulaires, ménifques, plans-convexes, ceft-à-dire, le point auquel ils raffemblent la plus grande partie des rayons qui tombent fur leur furface dans une R ii 134 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE direction parallèle à leur axe : nous difons la plus grande partie, car ils ne fe raffemblent jamais tous en un point. On fait que tous les rayons qui tomberoïent fur la furface concave d'un demi-cercle, parallèlement à fon axe, ne fe réfléchiroient pas en un feul point de cet axe, mais fur la circonférence d’une courbe qu'on nomme pour cette raifon /a cauffique ducercle ; mais cette courbe ayant un point de rebrouflement où elle fait en quelque forte un angle, & les rayons les plus voifms de l'axe fe réuniflant aflez près les uns des autres dans cet efpace, on peut regarder ce point comme un foyer phyfi- quement exaéE pour la partie qui y répond. M. de Courtivron détermine l'étendue de cette partie, & celle de la portion de cauftique qui y répond. Les lentilles par réfraétion ont aff leur cauftique comme les miroirs : M. de Courtivron fa détermine, & indique de même jufqu'à quelle largeur un verre peut avoir un foyer fenfiblement exact, & laberration que la fphéricité de la lentille y caufe aux rayons. Lorfque, par une ouverture très-petite, un feul rayon du foleil eft introduit dans une chambre obfcure, la lumière qu'il tranfmet fur un carton blanc qu'on y expole, paroît parfai- tement blanche: ce rayon cependant en contient fept diffé- remment colorés, & qu'on peut féparer les uns des autres en leur faifant éprouver, par le moyen d'un prifme, une très- grande réfraétion ; alors l’image, au lieu d’être ronde, fe trouve . très-alongée, & peinte des couleurs les plus vives. C’eft à M. Newton qu'on doit cette découverte, & l'art de décom- pofer la lumière; c'eft le fondement de fon Optique, ouvrage vraiment digne de l'admiration de tous les fiècles. C’eft de cette propriété de la lumière que M. Newton déduit tous les phénomènes de lris ou arc-en-ciel ; les rayons premièrement rompus dans les gouttes de pluie, & par conféquent décom- pofés, font renvoyés, ainf féparés, & fous leurs propres couleurs, à l'œil du fpectateur; & comme toutes ces réfrac- tions font égales pour chaque genre de rayons, l'œil du fpec- tateur ne voit que ceux qui font renvoyés par les gouttes placées à égale diflance de lui, & par conféquent le tout lui D'E SVS CTENCES. ï paroit comme un arc coloré. Il fe trouve quelquefois des rayons affez forts pour ne fortir des gouttes d'eau qu'a- près une double réflexion, ces derniers forment un fecond arc au deflus du premier, & ce fecond arc eft moins vif & a fes couleurs dans un ordre abfolument contraire. Toute cette théorie, fi conforme à lobfervation, ou pluftôt qui n'eft que l'oblervation même réduite en principes, a été donnée par M. Newton; mais content d'en avoir, pour ainft dire, ouvert la route, il ne l'avoit pas fuivie jufqu'au bout, & il avoit laifié plufieurs propofitions fans démonftration. M. de Courtivron y a fuppléé, & a donné toutes les démonftrations qui manquoient; il en réfulte l'accord le plus parfait entre la théorie & tout le détail des phénomènes obfervés. Jufqu'ici nous n'avons confidéré les rayons de lumière ‘qu'en eux-mêmes, ou relativement aux propriétés qu'ils ont de fe rompre ou de & réfléchir, Ces connoiffances étoient néceflaires pour expliquer la ftructure & l'ufage de l'organe qui les reçoit. Cette ftruéture, plus merveilleufe qu'on ne le peut dire, eft exactement décrite au commencement de 1a troifième fection, avec l’ufage des différentes parties qui com- polent l'œil, & la manière dont fe fait la vifion. De la defcription de organe de l'œil füivent néceffairement les différences que le dérangement de quelques-unes de {es parties doivent introduire dans {a vifion, ou, ce qui revient au même, les différens accidens de la vûe & {es diflérens défauts. . La facilité qu'a l'œil de fe prêter aux degrés de lumière les plus diflérens les uns des autres, eft immenfe : la lumière de la Lune pleine eft à celle du Soleil comme r eft à 90000, & celle de la Lune en quartier comme 1 à 180000; ce- pendant l'air étant également ferein, on aperçoit affez diftincte- ment les mêmes objets, füur-tout s'ils font un peu confidérables, avec cette lumière 1 80000 fois plus foible; l'œil eft encore fufifamment affe&é avec la 1 80000 partie de la lumière du jour: qu'on juge par-là de l'extrême {enfibilité de cet or- gane, & des variations qu'il doit éprouver pour fe prêter fans rifque à des aétions fi différentes de Ja part de la lunuière, P Voyez Mém. de Académie , 170$, page 346. f36 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE Cette proportion entre Ja lumière de la Lune & celle du Soleil, à été recherchée par plufieurs Phyficiens : l'expérience de M. de la Hire * avoit appris depuis long-temps que les rayons de la Lune pleine, condenfés au foyer d’un miroir ardent deux mille fois plus que dans leur état naturel, ne caufoient pas la moindre élévation à la Tiqueur d'un thermo- mètre très-fenfible placé à ce foyer, au lieu que la lumière du Soleil y allamoit en un inftant le bois le plus dur; mais perfonne n'avoit encore recherché la proportion de ces lumières auffi directement que l'ont fait M.rs Smith & Bouguer. Le premier eft parti d'un raifonnement purement mathé- matique, en difant: fi toute la voûte célefte que nous voyons, réfléchifloit la lumière auffi vivement que le fait la Lune, toute a lumière que le Soleil envoie à l’hémifphère éclairé, feroit réfléchie au centre de cet hémifphère, & l'œil qui y féroit placé recevroit une lumière précifément égale à celle du Soleil. Pour évaluer donc celle que renvoie la Lune feule à ce mème œil, il n'eft queftion que de favoir quelle portion de cet hémifphère eft occupée par fon difque, puifque la fraction qui exprimera le rapport de la grandeur de la Lune à la calotte fphérique, exprime auffi celui de fa lumière à celle du Soleil, & par cette méthode il trouve ce rapport d'un à quatre-vingt-dix mille. M. Bouguer, au contraire, cherche fans rien fuppofer, à comparer la lumière de la Lune & celle du Soleil, intro- duites dans une chambre obfcure, & affoiblies par le moyen d'un verre concave, à Ja lumière d’un même flambeau placé toûjours à même diflance du plan qui recevoit cette lumière; & ayant trouvé qu'il falloit diminuer la lumicre de la Lune pleine foixante-quatre fois, & celle du Soleif onze mille fix cens foixante-quatre fois, pour les rendre toutes deux égales-à celle du flambeau, ‘il conclut que la propor- tion entre les deux lumières eft. celle de 300000 à 1, réfultat bien différent de celui de M. Smith; mais on n'en fera pas furpris, fi on fait attention que ce dernier avoit fuppofé dans fon calcul que la Lune envoyoit toute Ja lumière DES SCIENCES ?37 Jumièré qu'elle recevoit du Soleil, ce qui eft manifeftement faux; d'ailleurs , la méthode de l'Académicien françois eft toute fondée fur l'expérience, & on fait qu’elle a toûjours le droit d’impofer filence aux raifonnemens les plus ingé- nieux , & aux calculs les plus favans. Les bornes de la fenfibilité de l'œil à l'égard de a gran- deur des objets, font plus aifées à déterminer que celles de fa fenfibilité à l'égard de la lumière. Le Docteur Hook avoit fixé le plus petit angle fous lequel un objet peut être aperçu, à 30 fecondes : M. de Courtivron trouve par {es expérien- ces, que cet angle eft d'environ 40 fecondes, différence fi petite qu'elle mérite à peine ce nom. Il réfute de ce calcul, que la moindre image qui foit perceptible à l'œil, eft au plus de 11 8ooome partie d'un pouce , & que cette quantité doit être regardée comme le point phyfique de la rétine à Tégard de Ia vifion. Ce que l’Auteur de a Nature a ft admirablement exécuté dans lorgane de l'œil a été, pour ainfi dire, imité par les hommes dans ces ingénieufes combinaifons de verres & de miroirs, qu'on nomme lunettes d'approche, télefcopes - & microfcopes. Par le fecours de ces inftrumens, l'Art a fà augmenter en quelque forte la portée de notre vüe, nous procurer la connoiffance d'une infinité d'objets dont on ne foupçonnoit pas lexiflence, & remédier aux accidens les plus ordinaires auxquels la vüe ait coûtume d'être expolée ; il eft donc bien jufte de donner à ces utiles objets toute l'attention qu'ils méritent : il importe beaucoup moins aux hommes de pénétrer la nature de la lumière, que de tirer de fes propriétés connues toute l'utilité dont elles {ont fuf- ceptibles, & c'eft en eflet à cet ufage qu'eft deftiné le refte de l'ouvrage de M. de Courtivron. Après avoir polé quelques principes fondamentaux fur le lieu auquel on rapporte un objet vü par un rayon rompu ou réfléchi fur la grandeur apparente des objets, il vient enfin à examiner d’abord les microfcopes fimples, ou compolés d’une feule lentille, & gnfuite les lunettes d'approche ordinaires, ) Hifl. 1752: ; SJ ; m38 Histoire DE L'ACADÉMIE ROYALE Les lunettes d'approche font compofées ordinairement , ft elles font petites, d'un verre convexe qu'on nomme objetif, parce qu'il eft tourné du côté de l'objet, & d'un verre concave qu'on nomme oculaire , parce qu'il eft du côté de l'œil : les rayons raflemblés par l'obje“tif font mis par l'oculaire en faif- ceaux divergens entr'eux, quoique compofés de rayons paral- lèles ; l'œil recevant donc ces faifceaux de rayons fous un plus grand angle qu'ils ne feroient venus naturellement, voit l'objet diftinét & augmenté. Mais cette lunette a l'incom modité de ne découvrir qu'un très-petit efpace à la fois, parce que tous les faifceaux étant divergens, l'œil n'en reçoit que ce qui peut entrer par l'ouverture de a prunelle, & c'eft ce. qui a fait abandonner cette première conftruétion de lunettes, inventée par Galilée. Pour remédier à cet inconvénient, on a fubftitué à l’'ocu= laire-concave un verre convexe d’un plus court foyer, avec lequel on regarde, pour ainfi dire, la peinture formée au foyer de l'objectif, & ce font ces lunettes qu'emploient les Aftronomes : comme cette peinture eft renverfée, l'objet paroït aufii renverfé ; mais elles ont l'avantage d'avoir un: tès-crand champ , c'efl-à-dire, de découvrir un très-grand efpace, parce que l'œil y étant placé au-delà de loculaire & à fon foyer, les rayons qui y font réunis entrent en bien plus grande abondance par la prunelle, qu'ils ne lauroient fait naturellement. On voit encore aifément que l'image fera d'autant plus groffie, que l'oculaire fera d'un foyer plus court à l'égard de celui de l'objectif; mais cette proportion a des bornes, & en rendant le foyer de loculaire trop court, on feroit éprouver aux rayons une féparation fenfible de: couleurs, fuite néceffaire d'une trop grande réfraction. Enfin, fi on met au bout d'une de ces dernières lunettes une autre lunette compofée de deux verres convexes , celle- ci renverfant la première image déjà renverfée, la remettra dans la fituation de l'objet, fans rien faire perdre à la lunette de fon champ; ceft ce qu'on nomme lunettes à quatre verres, defquelles on fe fert fur terre dès qu'on a beloin de lunettes de quelque longueur. DES SCIENCES 139 Ce que nous venons de dire de ces lunettes, doit auff s'entendre des microfcopes, en fubflituant feulement à l'ob- jectif une lentille capable de recevoir des rayons très-diver- gens, venant d'un objet fort proche, au lieu que l'objectif doit recevoir des rayons comme parallèles, venant d’un objet très-éloigné : on peut, & on doit même encore en retran- cher un verre, parce qu'il eft indifférent que l'objet foit vû dans une fituation droite ou renverfée, & qu'on y gagne du côté de la clarté. La dernière efpèce de combinaifon eft de verres & de miroirs, on la doit à M. Newton: au lieu d'employer un objectif tranfparent , lui fubftitue un miroir fphérique, & plie encore, par le moyen d’un fecond miroir, les rayons reçus fur le premier, par-là il diminue de moitié la lon- gueur de finftrument ; mais ce qui en fait le plus grand avantage, c'eft que la réflexion ne décompofant pas les rayons comme le fait la réfraction, les oculaires peuvent être beaucoup plus forts que dans les lunettes, fans craindre la confufion , & qu'un télefcope Newtonien groffit beaucoup plus qu'une lunette de pareïlle grandeur. II eft de fait qu'un de cette efpèce de dix-huit pouces de long, équivaut en force à une lunette de douze ou quatorze pieds : on ne doit cependant pas en conclure qu'on en puifle faire facile- ment de beaucoup plus grands ; les difficultés & les incon- véniens fe multiplieroient bien-tôt aflez pour n'être vaincus que par une main extrémement habile. Dans les télefcopes, comme dans les lunettes, on doit avoir en vüe deux avantages, fun que l'image foit fort augmentée , & autre qu'elle foit très-claire : le premier dépend, comme nous l'avons dit, de la proportion qu'a le foyer de oculaire avec celui de l'objectif, & le'fecond de Youverture qu'on donne à ce dernier ; mais, comme nous avons dit, {a cauftique du cercle n'étant fenfiblement un point que dans un affez petite étendue , l'ouverture de l’ob- jectif fe trouve par-là reftreinte à une grandeur déterminable ; & comme on ne peut groflix davantage l'image nue au O1 * Poy. Hif. 2747P117- 40 HISTOIRE DE L’ACADÉMIE ROYALE foyer de l'objectif, fans la rendre moins chaire, puifqwu'ort étendroit le même nombre de rayons dans un efpace dou- ble, triple, &c, qui par conféquent feroit deux ou trois fois moins éclairé, il eft clair qu'il y a dans cette recherche une efpèce de maximum qu'il faut trouver. M. de Courtivron le cherche & le détermine , donne les règles néceffaires pour fe fervir des télefcopes & des lunettes fur différens objets, de jour & de nuit, & joint à cette partie de fon ouvrage une table dans laquelle il donne l'ouverture de ces objeétifs, le foyer des oculaires, & le pouvoir amplifiant des lunettes depuis un pied jufqu'à fix cens, avec les élémens femblables pour les télefcopes, depuis fix pouces jufqu'à dix-fept pieds. H n'y a pas d'apparence qu'on pafle fi-tôt ces mefures, ni dans les unes, ni dans les autres. Enfin, M. de Courtivron termine cet ouvrage par un théorème de Catoptrique, fur la différence des effets d'un miroir plan & d’un miroir fphérique ; mais comme ce dernier morceau avoit été déjà donné à l'Académie par M. de Courtivron, & que nous en avons rendu compte dans l'Hifloire de 1747 *, nous prierons le lecteur de vouloir bien y recourir. La théorie mathématique de la lumière navoit pas encore été traitée d'une manière aufli claire, & aufli détaillée qu'elle l'eft dans cet ouvrage, ne. où ble * - bd PE cf ES © ci és De °° Aer DES SCIENCES. T4 100000000000000000000001 MECHANIQUE. OUS renvoyons entièrement aux Mémoires, L’Ecrit de M. d'Arcy fur Z Principe de la moindre allion, ETTE année parut un ouvrage de M. du Hamel, intitulé Elémens de l’ArchiteGture navale, où Traité pratique de la conffruction des Vaiffeaux. | L'importance de l'Architefure navale fait aflez apercevoir combien il eft utile qu'elle foit aflujétie à des règles certaines ; qui indiquent la manière la plus avantageufe dont chaque efpèce de bâtiment de mer puifle être conftruit. L'expérience de plufieurs fiècles avoit bien fait connoître en général, quelle devoit être la forme d’un navire; mais la même expérience, plus finement maniée & éclairée du flambeau de la théorie, a montré à des obfervateurs attentifs, à combien peu de changemens dans [a ftruéture d'un vaifleau tenoient des bonnes qualités très-avantageules, ou des défauts très-effentiels. Cette partie étoit cependant abandonnée prefque entière- ment aux conftruéteurs; chacun prenoit pour fon modèle un navire dont il connoifloit les bonnes qualités, & la plufpart bornoient tout eur favoir à réduire fous la même proportion qui leur avoit paru avantageule, tous les navires, gros ou petits, qu'ils avoient à confiruire, fans fonger que la propor- tion des parties d'un gros vaiffeau eft très-diflérente de celle que doivent avoir entr'elles les parties, par exemple, d'une frégate. En vain {a théorie avoit tenté de les éclairer, cette théorie, néceflairement trop favante, étoit auffi trop au deflus des lumières de la plufpart des conftructeurs, & il étoit im- poffible qu'ils puffent en tirer aucun fruit, fr on ne Fappli- quoit plus direétement & plus immédiatement à la pratique, S iij V. les Méms page 5034 * Voy. Hit H7$0,p.112. 142 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE C'eft à quoi eft principalement defliné ouvrage de Ms du Hamel; il y rappelle continuellement à une pratique éclairée, & dans laquelle il a confervé ce qui a pü l'être des ufages des conftructeurs, tout ce qu'il a puifé dans les meilleurs Auteurs qui aient traité théoriquement cette matière, & en particulier dans l'ouvrage de M. Euler, & dans le traité du navire de M. Bouguer, duquel nous avons rendu compte en 1746 *. M. du Hamel ne fe contente pas de rendre les règles de la conftruction plus füres, il a voulu auflr augmenter Ja capacité des conftruéteurs, & en même temps multiplier le nombre des perfonnes inflruites dans cet art. Pour y par- venir il forme fes lecteurs par des inftruétions fuivies & méthodiques, de tous les points qui lui ont paru en méri- ter la peine, & par des defcriptions exactes de tous les objets qu'il lui préfente. Non feulement chaque nation a un fyflème de conftruc- tion particulier , mais dans Ja même nation chaque dépar- tement, chaque port, chaque conftruéteur a le fien ; il étoit donc néceffaire d'expofer clairement chacune de ces prati- ques, & les raifons fur lefquelles font fondées celles qui ont un autre fondement que la routine & l'ufage, de les fimplifier & de les rendre plus régulières. Mais ce n’étoit pas encore là tout ce qui étoit néceflaire; après avoir expolé toutes ces différentes pratiques, il falloit encore donner le moyen de fe décider fuivant ce qu'exigeoient les différentes circonftances, & préfenter les principes géométriques & métaphyfiques qui devoient fervir de fl pour fortir de ce labyrinthe, ou de flambeau pour éclairer le lecteur, & le mettre en état de prendre toüjours le parti le plus avanta- geux. C'eft en effet ce que fait M. du Hamel dans des réflexions. préliminaires, qui fervent en’ quelque forte d'in- troduction à tout fon ouvrage. L'ufage auquel on deftine les vaiffeaux , doit entrer pour beaucoup dans la détermination de leur figure : un vaifièau marchand na befoin que d'une grande capacité, & de DE 8-8 c ilE Neo pis 143 pouvoir être facilement manœuvré par un équipage peu nombreux : un vaifleau de guerre doit au contraire étre fort d'artillerie, pour pouvoir prèter le côté à l'ennemi, être fin voilier, pouvoir ferrer le vent dans l'occafion, en un mot il a beloin de qualités tout -à-fait différentes de celles dun vaifleau marchand. Mais toutes ces qualités ne peuvent pas toujours fe ren- contrer enfemble, & c’eft ce qui a fait imaginer de conftruire des bâtimens de grandeurs différentes. Il fembleroit d’abord que la variété des circonflances & des befoins étant comme infinie, il devroit aufli y avoir une infinité de grandeurs de navires ; mais des vües d’une économie raifonnable & néceflaire mettent des bornes à cette trop grande variété, . & on s'eft réduit à trois grandeurs de navires, qu'on nomme rangs, ces rangs font communément diftingués par le nombre de canons que chaque vaifleau peut porter. Le premier comprend ceux qui portent depuis quatre-vingt-dix canons jufqu'à cent vingt; Île fecond, ceux qui en ont depuis foixante jufqu'à quatre-vingt-dix; le troïfième, ceux qui font montés de quarante-fix canons & plus, jufqu'à foixante ; au deffous de ce rang , les vaifleaux commencent à prendre le nom de frégates, qu'on donne même à ‘quelques-uns de” ceux qu'il comprend. Sous ce nom font rangés tous les bâtimens de quarante-fix canons & au deffous jufqu'à vingt, ceux qui en ont moins portent le nom de corvéttes ; enfin les bâtimens de charge qui font nécefaires à la fuite … des armées navales, comme flûtes , chartes, &c. fe diftin- : guent par le nombre de tonneaux (c'eft-à-dire, de poids de deux mille livres) qu'ils peuvent porter. Les proportions des navires de ces différentes grofeurs métoient pas, à beaucoup près, aufli nettement décidées que les ordres mêmes, & c'eft à déterminer ces différentes pro- portions qu'eft employé le premier chapitre de l'ouvrage de M. du Hamel; il expofe toutes les différences qui fe doivent trouver entre les vaifleaux de guerre & ceux qui font d'une autre efpèce ; lorfqu'il s'agit des premiers, il entre 144 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE dans un détail néceffaire fur la diftribution de leurs batteries > fur la force de leurs canons, fur la grandeur des intervalles qu'on doit laifler entre eux, fur la multitude des ponts ou étages du vaifleau, & chacun de ces points eft accompagné de réflexions générales qui découvrent la dépendance où ils font les uns des autres. D'où il fuit qu'aufli-tôt qu'on ordonne la conftruction d’un vaifleau d’un certain nombre de canons, ou d'une certaine force, cette feule condition exclud abfo- lument l'arbitraire de toutes les autres ; la longueur du vaifleau fe trouve réglée, fa largeur l'eft auffi, de même que la carène ou partie fubmergée du vaifleau qui doit contenir plus où moins de munitions, & qui doit en outre être d'un certain volume pour que leau puifie foûtenir le poids immenfe de Fartillerie, des agrèts, &c. Les principales dimenfions d’un vaifleau étant données ; donnent néceflairement aufli celles des principales pièces : M. du Hamel entre dans le détail de leur dénombrement ; de leur conftuétion, des matériaux qui doivent y être employés, & même de leur nomenclature, qui feule eft une efpèce de fcience. Jufqu'ici nous n'avons confidéré a conftruétion que, pour ainfi dire, en gros & en général: ce feroit déjà beaucoup que de bien favoir tout ce que M. du Hamel a enfeigné dans la partie de fon ouvrage de laquelle nous venons de rendre compte; mais ce ne feroit pas encore tout ce qu'il faut favoir, & il ne laiflé pas fon lecteur à mi-chemin. Nous avons dit qu'on ne pouvoit conferver à un même vaifleau toutes les bonnes qualités, comme de bien porter la voile, de bien gouverner, de bien aller, de ferrer le vent, &c. mais qu'il falloit fe réfoudre à facrifier une partie de quelques-uns de ces avantages, pour porter au plus haut degré ceux qu'on juge les plus eflentiels à la def tination du navire. Pour ne rien laiffer de fortuit ni d’arbitraire dans cette matière, M. du Hamel enfeigne d'abord à repréfentemexac- tement toutes les proportions d'un navire par des efpèces de plans, r n £ M * HDAEMSN SL 1 E NC, rise 45 plans. Nous difons des efpèces de plans, car on voit bien qu'un vaifleau prefque entièrement compolé de pièces cour- bées , tant fur le plan que fur l'élévation , ne fe peut pas repréfenter fur le papier comme une maifon ou un jardin, & que les plans de M. du Hamel doivent être très-diffé. rens des plans ordinaires. Pour s'en former une idée, qu'on fe repréfente le vaiffeau coupé par un plan vertical placé fur fe milieu de fa quille, & que de toutes les parties du vaifleau on mène des perpen- diculaires à ce plan, tous les points que ces lignes y marque- ront, traceront une repréfentation du vaifleau, tel qu'il feroit vû par un œil placé à une diftance infinie dans une ligne endiculaire à ce plan; cette efpèce de repréfentation eft c€ qu'il nomme plan d'éévation. Si on veut fuppofer préfentement un fecond plan vertical perpendiculaire à la longueur du vaifleau , & paflant par le lieu de fa plus grande largeur, fur lequel fe projettent de mème tous fes membres, on aura fur*ce plan la repréfenta- ‘tion de tous les couples de Favant & de farrière qui lui tiennent lieu de côtes, & on pourra d'un coup d'œil les comparer enfemble. Un troifième plan horizontal reçoit encore une repré- fentation exacte des fonds du vaifleau & de fes coupes, à Tendroit des différens ponts qu'on y pratique: enfin un quatrième, incliné lorfque le vaifleau eft à flot & fans voiles, mais qui deviendra horizontal lorfque le vent chargera les voiles dans une route oblique, fait connoître les difiérens volumes d’eau déplacés dans les différentes inclinaïfons du waïffeau. M. du Hamel explique les méthodes qui fervent à tracer ces différens plans, il montre le rapport qu'ils ont les uns avec les autres, comment on peut, en les comparant . enfemble, voir les doubles contours qu'ont certaines pièces, & donne les moyens de varier tous ces différens traits fuivant les vües qu'on peut avoir. On peut aifément, en fuivant fes préceptes , faire varier la forme du vaiffeau , conferver, par exemple, une plus grande capacité à la carène , ou au contraire Pipe 17524 146 HisToiRE DE L'ACADÉMIE RoyALe en facrifier un peu pour donner au navire une forme plus: tranchante par l'avant , ce qui en même temps lui procure un plus grand fillage, & da propriété de moins dériver. Pour éclairer les conftruéteurs dans de choix qu’ils doivent faire, M. du Hamel emploie les deux derniers chapitres de fon Livre à difcuter les propriétés du plan qu'on doit pré- férer; ces deux chapitres font comme un peut traité d'Hy- droftatique, dans lequel il développe à fes leéteurs le prin- cipe de Phyfique dont cette matière dépend: il évalue d'un: côté la pelanteur de toutes les parties du navire, & d'un autre la folidité de a carène ou le volume d'eau dont elle occupe la place, & par la comparaifon de ces deux quan- tités il prévoit fi la force dé l'eau fera affez grande pour foûtenir le poids du navire lorfque da carène plongera juf- qu'à un certain terme. Non feulement il explique cette mé- thode dans un très-grand détail, mais il applique à plufieurs vaifleaux dont on connoît à cet égard les bonnes ou les mauvaifes qualités, mon pour la confirmer, puifqu'elle eft fondée fur des principes certains, mais pour faire voir par fon accord avec l'expérience, combien il fera utile de s’en fervir pour juger des qualités qu'auront les vaifleaux qu'on {e propofera de conftruire. Un des avantages qu'on doit le plus rechercher dans un vaiffeau de guerre, eft la vitefle du fillage ; cette feule propriété rend celui qui le monte, maitre de joindre ou d'éviter toûjours l'ennemi. M. du Hamel met fon leéteur en état d'examiner par des opérations graphiques dont if donne le détail, fi le navire propofé fendra l’eau avec une facilité fufhifante; il a fait plufieurs effais de cette mé. thode, qui lui a toüjours parfaitement réufii. Quelques na- vires ont une proue dont la figure diminue dix à douze fois la réfiflance de l'eau, d’autres en ont une qui ne fa diminue que quatre ou cinq fois; les premiers marchent très-vite, tandis que, toutes chofes d'ailleurs égales, les der- piers fillent très-mal. Plufieurs des queftions contenues dans l'ouvrage de M4 # dm] MES IS\OLEN CES K x du Hamel avoient été déjà difcutées dans le Traité du Na- vire de M. Bouguer, duquel nous avons rendu compte en 17406 *; & M. du Hamel lui-même, en rendant toute juflice au travail de M. Bouguer, fait voir à fes lecteurs tout ce qu'il en a tiré; mais tous ceux qui favent combien ilya loin de la théorie, même la plus claire & la mieux détaillée, à une pratique utile & à portée de ceux qui doi- vent opérer, lui fauront certainement gré du travail qu'il a fait fur cette matière, pour donner en quelque forte un corps & une forme fenfibles à des idées abftraites & géométriques. MACHINES ou INVENTIONS APPROUVEES PAR L'ACADEMIE EN M. DCCLII. I. NE Pendule à équation, propofée par M. Berthoud, Horloger à Paris, dans laquelle, par une méchanique extrèmement fimple, 11 fonnerie fait tous les jours avancer la roue annuelle d'une dent, & en fait pafler d'elle-même deux au 28 Février des années qui ne font pas biflextiles; Téquation s'y opère d’une façon abfolument nouvelle & très- füre. Cette conftruétion de pendule a paru très-ingénieufe, & plus fimple qu'aucune de celles qui ont été propolées juf- qu'ici pour produire les mêmes effets. LE Un nouveau Ventilateur propolé par M. Pommyer, In- génieur du Roi pour les ponts & chauffées, & rectifié d’après * celui de M. Hales: il donne, avec une boîte égale à celle de ce dernier, une quantité d'air précifément double, pourvä qu'on ait attention de faire {es foûpapes d'infpiration très- grandes, ce qui fe peut toûjours fans inconvénient. L'Aca- démie a cru que cette confruétion ne pouvoit être que fort utile, fur-tout pour les vaifleaux, où l'on ne fauroit trop mé: nager la place & éviter l'embarras. Ti * Pay. Hifr 17401124 # Vy. Hi. À7391P.S 8. 148, Histoire DE L'ACADÈMIE ROYALE LR Un Thermomètre préfenté par le fieur Bourbon, dans Jequel, au lieu de placer la liqueur dans une boule, il k ren- ferme dans une-boîte compofée de deux calottes hémifphé: riques, dont l'une rentre dans l'autre. Ce thermomètre, conftruit d’ailleurs fuivant les principes de M. de Reaumur, a paru beaucoup plus fenfible que les autres, & on a cru qu'entre toutes les formes qu’on pouvoit lui donner, le fieur Bourbonr avoit choifi une de celles qui étoient les plus propres à lui conferver conftamment la même figure. I V. Un Foyer de cuifine portatif, préfenté par M. de Van- nière. Quoiqu’on ait propolé depuis Iong temps des moyens: de diminuer la dépenfe du bois & du charbon néceffaires- pour la préparation des alimens, & que l’Académie même ait déjà approuvé quelques-uns de ces moyens *, cependant elle a cru que la nouvelle cuifine pouvoit être utilement employée dans bien des cas, & que fur-tout la façon de diminuer à volonté le foyer, & d’épargner par-là le charbon, étoit très-ingénieufe, & ne pouvoit qu'être avantageufe à ceux qui auroient fouvent de petites pièces à faire cuire. V. Une nouvelle conflruétion de pifton pour les pompes afpirantes , inventée par le fieur Jacquet, Horloger à Gray en Franche-comté. Cette conftruétion a paru nouvelle & ingénieufe, & l'Académie a cru que l'Auteur méritoit des éloges, non feulement pour la manière qu'il a imaginée de diminuer le frottément des piflons, mais encore pour avoir trouvé le moyen de fe pafler des cuirs, qui, comme on fait, font fujets à tant d'inconvéniens. V L Une machine inventée par le fieur Chopitel, Maître Ser- rurier, par le moyen de laquelle on peut laminer le fer en plates bandes de toutes fortes de profils, au lieu de l'eftamper comme on fait communément ; on peut même ly profiler de deux fens , ce qu'il eft impoñhble de faire avec l'eflampe; D TES ét Des SCIENCES. 149 puilqu'il faut y enfoncer le fer à coup de marteau pour l'y mouler, ce qui exige un côté plat fur lequel on puifle frapper. Dans la machine propofée par le fieur Chopitel, le fer fe moule en paflant entre deux cylindres müs par un courant d'eau ; & comme il s’y moule fans interruption, les profils y font pouffés d’une manière bien plus hardie qu'avec leflampe ; les ouvrages y font enfuite finis fur différentes meules, qui donnent à ceux qui en font fufceptibles le plus beau poli. On peut y conftruire en fer des croifées entières; avec leurs dormans, leurs fermetures, &c. & comme tous ces ouvrages fe font par le moyen de l'eau, ils fe peuvent exécuter plus promptement & à meilleur marché que par les voies ordinaires. Cette manière de laminér le fer a paru utile & avantageufe. | NÉE Une pendule d’une conftruétion nouvelle, inventée & préfentée par M. le Roy fils, Membre de l'Académie royale d'Angers. Cette pendule n’eft compofée que de deux roues, une pour le mouvement, & autre pour la fonnerie: fi on y ajoüte d'un côté le râteau qui forme l'échappement, & de l'autre la détente & les levées des marteaux, on aura tout ce qui eft contenu dans Ja cage. Le râteau dont nous venons de parler, eft alternativement porté de bas en haut par l'action de la roue qui porte le poids, & de haut en Bas par fon propre poids. Lorfque l'aétion de cette roue eft fufpendue, ce qui arrive à toutés les demi-minutes, le pen: dule agit librement pendant trente fecondes, & ce n'eft qu'à la trente-unième que le mouvement perdu lui ef reflitué par une des chevilles attachées à la roue du mou- Vement, qui porte alors fur un plan incliné, fixé à la verge du pendule. Le même pendule, au moyen d'une autre pièce attachée à fa verge, fért encore de modérateur à la fonnerie. Cette pendule, dont M. le Roy avoit prélenté la première partie, c’eft-à-dire, le mouvement, dès le 28 Août #751, a paru également fimple, ingénieule, & capable de faire honnçur aux talens & à la capacité de fon Auteur, co TV üj so Histoire DE L'ACADÉMIE RoyALE V 1 hE Un moyen propolé par M. Pommyer, pour pratiquer des abords füciles aux ponts de bateaux conftruits fur des bras de mer, ou dans des endroits où le flux & le reflux fe font fentir. L'inconvénient auquel ces ponts font fujets, eft que leurs dernières travées, celles qui tiennent immé- diatement aux culées, prennent des pentes trop roïdes dans les hautes & les baffes marées. Pour éviter cet incon- vénient,. M. Pommyer donne beaucoup plus de longueur à ces travées : comme cette plus grande longueur les rend auffi plus foibles; ils les appuie au milieu par un bateau; & pour empêcher que ce bateau ne puifle s'élever autant que les autres, il dilpole à des fermes de charpente des poids confidérables, que le bateau eft obligé de foûlever à mefure qu'il s'élève, ce qui doit néceflairement l'empêcher de s'élever autant que ceux qui font parfaitement libres. On a cru que ce projet pouvoit être utilement exécuté , pourvû qu'on apportât à fon exécution une attention fcrupuleufe. D: Ns le nombre des Pièces qui ont été préfentées cette année à l'Académie, elle a jugé les quatorze füuivantes dignes d'avoir place dans le Recueil de ces Ouvrages qu’elle fait imprimer. Obfervations fur les Millepieds : par M. Géer, Cham: bellan de S. M. Suédoife, Correfpondant de l Académie, Oblervations fur Faccouplement des Ephémères : par 1e même, Sur la mefure des Pyramides triangulaires : par M. Eflève, de la Société royale des Sciences de Montpellier. | Diverfes oblervations aflronomiques : par M. Wargentin; Secrétaire de l'Académie royale des Sciences de Suède, Correfpondant de l'Académie, Effai fur l'analyfe des Plantes : par M. Vénel, Dodteur en Médecine. y DIE SUN CL'E NICE 8 1-5 Examen d'un fel appelé Borek: par M. Baron, Dodeur en Médecme de la Faculté de Paris. Sur Ja manière de retirer lOr employé à Ha colle für le bois : par M. de Montamy. Manière de mouler toutes fortes de Valès en carton : par le P. d'Incarville, Jéfuite, Miffionnaire à a Chine, Cor- refpondant de V'Académie. Sur Le Xn-r-cheou ou Soie des vers fauvages : par le même. Sur des Vers trouvés dans des finus frontaux ; & dans d'autres parties du cheval : par M. Bourgelat , Ecuyer du Roi à Lyon, Correfpondant de l Académie. Sur la poffbilité de Ia pétrification du Bois : pa M. Clozier, Chirurgien des haras du Roi, Correfpondant de 1 Académie. Obfervations faites à Naples : par M. de Carcani. Sur la Caprification : par M. le Commandeur Godeheu. Sur un Champignon d'une grandeur extraordinaire : par M. Salerne, Docteur en Médecine ; Correfpondant de l'Académie, | eee avoit propofé pour le fujet du Prix de 1748, Une théorie de Saturne & de Jupiter, par laquelle on püt expliquer les inégalités que ces planètes paroif- Jent Je caufèr mutuellement, principalement vers le temps de leur conjonction. Quoiqu'elle eût alors couronné une des Pièces qui lui furent envoyées, & accordé l'acceffit à une feconde, cepen- dant le fujet n'étant pas encore épuilé, elle jugea à propos de le propoler une feconde fois pour 1750. … Peu fatisfaite des Pièces qu'elle reçut alors, defquelles ms2 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE néanmoins quelques-unes contenoient d'excellentes chofes, elle crut devoir remettre le Prix à cette année. Elle T2 adjugé à la Pièce N° 2 de 1752, qui a pour devile, /Vihil eff quod aut Natura extremum invenerit, aut , HA L Dodrina primum, dont l'auteur eft M. Euler, Aflocié-Etranger de l'Académie, & Membre de celle de Berlin. La Pièce qui a paru le plus en approcher, a été le N;° 3 de 1752, dont la devife eft, Olim iræ, nunc turbat amor natumque patremque qui eft du P. Bofcowich, Jéfuite, Correfpondant de l'Aça: démie. | 3 ELOGE DES SCIENCES. 153 Eee DE : FA ô SO00 000 Ox0= : HOLOKOEOKC E LOGE LPC EN OL FER OT LAUDE-JOSEPH GEOFFROY naquit à Paris le 8 Août 1685, de Matthieu-François Geoffroy, mar- chand Apothicaire, ancien Echevin, ancien Conful, & de Louife de Vaux, fille d'un Chirurgien célèbre, tant par fon habileté dans fa profeflion, que par fes connoiffances dans la Littérature. Il fut élevé dans la maifon paternelle avec des foins & des attentions peu communes, dont nous fupprimons ici le détail, qui a été donné au Public dans l'Eloge de feu M. Geoffroy fon frère, mort en 1731 ; nous nous conten- terons de dire qu'il y répondit parfaitement. L'arrangement que M. Geoffroy le père s’étoit propolé pour l'établiffement de fes enfans, étoit que l'aîné lui fuc- cédât dans fa profeflion, & que le cadet que nous venons de perdre embraffât celle de Médecin ; mais la Nature en avoit difpolé autrement , aîné prit le parti de la Méde- cine auquel un penchant invincible Fappeloit , & le cadet fe livra à la Pharmacie pour laquelle il avoit une inclination bien décidée. Cette efpèce de troc mit les deux frères à portée d’em- ployer utilement leurs heureufes difpofitions, & de devenir chacun dans leur profeffion des hommes illufires. Combien de talens n’ont pas été rendu inutiles par le peu de foin qu’on apporte ordinairement à les découvrir, & à placer ceux qui les poffèdent, d’une manière propre à les faire valoir ! M. Geoffroy, âgé d'environ dix-huit ans, fe trouvoit déjà capable d'entrer dans l'état auquel fon choix avoit déter- miné. Il y fut admis le 17 Décembre 1703 : non con- tent des études néceffaires à fa profeflion , il fuivoit alors les leçons de Botanique de M. de Tournefort , & les Cours des plus célèbres Anatomiftes. I parcourut en 1704 &1705 Hifl 175 2. 154 HisToire DE L'ACADÉMIE ROYALE les provinces méridionales de la France, & les parcourut én Phyficien, obfervant par-tout les plantes & les autres pro- duétions de la Nature, & vifitant les Savans avec lefquels il étoit déjà digne d'entrer en commerce. Une jeuneffe auff utilement employée préfageoit dès-lors ce qu'il devoit être un jour : l'amour des Sciences eft une paflion qui exige ordinaire- ment de ceux qu’elle poffède, le facrifice de toutes les autres. Au retour de cette favante caravane, il fe crut en état de penfer à l'Académie, & il y fut reçû le 2 Avril 1707, élève de M. de Tournefort. Ce n'étoit pas à fa Botanique u'il fe deftinoit ; mais l'Académie qui vouloit fe l'acquerir, en faifit la première occafion, & il étoit d'autant plus en état de bien remplir cette place , qu'il avoit fait une étude particulière de la Botanique, à liquelle il joignoit outre la Chymie qui étoit fon objet principal, une infinité de con- noiflances collatérales; & l'on fait combien les Sciences gagnent à fe prêter, pour ainfi dire, la main les unes aux autres, Le premier Mémoire qu'il donna fut effectivement une application de la Chymie à la Botanique : on s'étoit afluré dès les commencemens de l’Académie, que prefque toutes les plantes, même celles qui paroïffoient les plus différentes, donnoient par Vanalyfe les mêmes principes ; il falloit donc qu'il y. eût dans la combinaifon de ces principes quelque différence qui occafionnät celle qu'on remarque, fur-tout dans la couleur & l'odeur des différentes plantes : if la chercha dans la manière dont l'huile effentielle fe trouve mêlée avec les autres principes, & il obferva que celle du thym différemment combinée avec les acides & les alkalis fixes & volatils, donnoit à peu près toutes les nuances de couleurs qu'on obferve dans les plantes. I n'eft donc pas étonnant que ce principe qui exifte plus ou moins dans tous les végétaux, & qui s’y trouve mêlé naturellement avec les acides & les alkalis qui s'y rencontrent, produife dans difié- rentes plantes & dans différentes parties de la même plante, les variétés de couleur qu'on y obferve : idée neuve, heureufe, & qui mériteroit bien d'être fuivie, DES SCIE N CES, 15 Nous n'’entreprendrons point ici de donner le détail de tous les Mémoires que M. Geoffroy a lüs à l'Académie , il excéderoit les bornes qui nous font prefcrites ; nos Hifloires font foi que jamais Académicien ne s'eft plus exactement acquitté de ce devoir : nous en choifirons feulement quelques- uns qui peuvent donner une idée de fes recherches , & de la manière dont il traitoit les fujets qu'il s'étoit propolés. De ce nombre font fes remarques fur la végétation des truffes ; cette fingulière plante qui croît & fe multiplie fous terre {ans paroître au jour , femble s'écarter abfolument du plan général de la Nature; on n’y trouve aucune appa- rence des graines, qui dans les autres plantes fervent à per- pétuer l’efpèce : cependant les obfervations de M. Geofroy y font retrouver les mêmes vües , feulement exécutées d’une manière différente. La trufle toute environnée de fon élé- ment, fuce la nourriture par tous fes pores; elle eft, pour ainfi dire, toute racine, ou, pour parler plus jufte, la racine qui dans les autres plantes eft à une des extrémités ; envi- ronne abfolument celle-ci, elle en eft entièrement recou- verte, & les graines font, comme le refte, enfermées fous cette enveloppe ; on les y trouve fous la forme de petits points noirs, enveloppés dans des véficules. La truffe une fois parvenue à fa maturité fe pourrit en peu de temps, & ces paquets de graines qui fe trouvent ramaffés dans leurs véfi- cules, produifent en fe développänt des amas de truffes, & en effet on en rencontre toûjours plufieurs enfemble : au moyen dé cette explication, la plante rentre d'elle-même dans le fyftème général. À cette obfervation Botanique, il en joint une Chyimique fur la même matière, car on porte par-tout fon goût & fon inclination dominante; cet la caufe de la forte odeur que répandent les truffes. IL trouve par l'analyfe, qu'elles abondent en fel alkali volatil, mélé de beaucoup d'huile, & qu'elles ne contiennent prefque aucun acide ; il neft donc pas étonnant que ces deux principes ff légers , privés prefque entièrement de celui qui pouvoit feul les retenir, s’évaporent en fi grande abondance. Ce fut par cette obfervation que M. Geoffroy prit, pour | Vi 156 HiSTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE ainfr dire, congé de la Botanique; il obtint le 16 Mai 1711 la place d'Aflocié-Chymifte, vacante par la mort de M. Bourdelin: cette place le remit dans fon véritable élément, & nous ne le verrons plus deformais occupé que de la Chymie. Il eft extrémement fingulier que l'origine de plufieurs drogues dont nous faifons un très-grand ufage, nous foit cependant auffr parfaitement inconnue que fi nous n'avions aucun motif de nous en informer : il femble que les hom. mes, qui donnent tant à leur curiofité, lors même qu'elle eft mal placée, l'oublient entièrement dans ce cas, où elle feroit digne de louanges : le fel ammoniac étoit du nombre de ces drogues inconnues; on fapportoit en pains plats, qui avoient tout l'air de s'être formés dans une capfule où on auroit laiffé refroidir quelque liqueur. Les expériences de M. Geoffroy lui apprirent que ce {el étoit compolé de beaucoup de fel volatil urineux, tel qu'on le retire des matières animales, & d'une petite quantité de l'acide du fel marin ; elles lui firent voir de plus, qu'il fe formoit par fublimation. Il ofa communiquer {es idées à Académie en 171 6, elles furent vivement attaquées par feu M. Lémery, qui, armé de l'au- torité de l'opinion jufqu'alors générale, & de la figure des pains de fel ammoniac , s'éleva contre le Mémoire de M. Geoffroy, & engagea l’Académie à en fufpendre la publi- cation , jufqu'à ce qu'on eût de nouvelles lumières fur cet article. Elles vinrent effe‘tivement, & on apprit par les lettres de M. le Maire, Conful au Caire, & du P. Sicard, Miflionnaire en Egypte, que M. Geoffroy avoit véritable- ment deviné la fabrique du fel ammoniac. H perfectionna dans la fuite ce travail, en y joignant la découverte de Ja manière dont les Angiois fabriquoient leur fel volatil odorant, qu'ils tenoient extrêmement fecrète , & qu'il leur enleva pour en faire Jibéralement part au Public: Il entreprit en 1721, l'examen des huiles eflentielles : l'étude qu'il avoit faite de la Botanique & de la délicate Anatomie des plantes, lui fit découvrir qu'une des princi- pales propriétés des huiles eflentielles étoit d'être contenue, DPEN SM ISTCAT IE; NRC: TES 157 non dans toute la fubflance de la plante, mais dans des véficules qu'il eut l'adrefle de trouver dans un très - grand nombre de végétaux ; & comme une connoiffance en Phy- fique en produit prefque toüjours une autre, la nature de ces huiles, mieux développée, lui indiqua des manières plus füres de les extraire, & qui même les garantifloient de Ia corruption à laquelle elles avoient été jufqu'alors expolées. H fembloit que la curiofité Phyfique, fi fouvent accufée d’inu- tilité, ne püt pafler par fes mains fans perdre ce caractère. ! Tant de travaux méritoient bien d'être récompenfés ; ils le furent en eflet, & M. Geoffroy obtint en 1723 la place de Penfionnaire- Chymifte, vacante par la mort de M. Boulduc le père. 3 Prefque aufli-tôt après, il communiqua à l Académie fes recherches fur Finflammation des huiles par les acides : Bécher & Borrichius en avoient parlé les premiers, mais d'une manière plus propre à saflurer la gloire de cette découverte, qu'à en expliquer le manuel & le procédé; c'étoit une efpèce d’infulte favante qu'ils faifoient à leurs fuc- cefleurs. M. Homberg avoit enflammé par l'efprit de nitre les huiles effentielles des Indes, mais il n'avoit pû allumer les nôtres : M. Geoffroy vint à bout d’enflammer, non feule- ment toutes {es huiles eflentielles de ce pays, mais même les baumes naturels ; & cette opération fut un grand pas vers la folution de ce problème chymique : nous difons un grand pas, car quoiqu'il eût trouvé moyen d'enflammer {es huiles eflen- tielles, ce n’étoit pas avec le feul acide nitreux , il y joignoit Facide vitriolique, dont Borrichius ne s’étoit pas fervi. Le véritable procédé de ce Chymifle n'a été découvert que depuis peu d'années par M. Rouelle, & l’Académie vient d'en rendre compte au Public dans le dernier volume qu'elle a publié*; mais quoique M. Geoffroy n'eût pas réfolu le pro- blème dans les termes même où il étoit concu, cette circonf£ tance ne doit rien Ôter à fa gloire ni au mérite de fa découverte. Ce travail eft peut-être l'unique dans lequel il fe {oit * 1747. Ceci étoit vrai le 12 Avril 1752, jour auquel cet Eloge fut prononcé , le Volume de 1747 venant alors de paroitre. à 158 HisToire DE L'ACADÉMIE RoYyatE propoié la feule curiofité pour objet : pour expier cette efpècé de faute, il en entreprit un autre dans lequel il facrifia, pour ainfi dire, fa propre gloire à l'utilité des hommes; ce fut ennuyeux & pénible examen de la quantité de fuc nourricier que peuvent contenir les différens alimens. On fait combien la diète eft néceffaire aux malades; mais pour s'aflurer de celle qu'on doit prelcrire, il eft indifpenfable de favoir au jufte la quantité de réparation que chaque aliment peut fournir : peut-être même ne feroit-il pas inutile que d'autres que les Médecins en fuffent inftruits ; ce feroit un moyen d'infpirer de la défiance pour un grand nombre de mets trop fucculens qu'on invente tous les jours, & de les faire profcrire, au moins par ceux qui aiment mieux vivre que de fatisfaire leur goût. Grace aux recherches de M. Geoffroy, on fait ce que chaque aliment peut fournir de fubftance, & foit en fanté, foit en maladie, on n'y fera plus trompé que quand on voudra bien l'être. L'année 1731 fut marquée par la découverte d'une autre myftère chymique. M. Seignette, Médecin de la Rochelle, inventeur du fel qui porte fon nom, avoit fi bien réuffi à cacher fon fecret, que les plus habiles Chymiftes n'avoient fait que de vains efforts pour le découvrir. M. Geoffroy sengagea dans cette recherche, fans favoir que M. Boulduc fon confrère & fon ami l’eût entreprile. Les deux Académiciens apportèrent en même temps le réfultat dé leurs opérations, & il fe trouva que fans s'être rien com- :muniqué de leurs idées, ils avoient chacun de leur côté trouvé le mot de l'énigme: ce fel n'eft autre chofe que la crême de tartre, rendue foluble par l'alkali de la foude. Nous n'avons prefque parlé jufqu'ici que des événemens académiques de la vie de M. Geoffroy, & il eft vrai qu'elle n'en offre que peu d’une autre efpèce; nous ne pouvons cependant omettre celui qui eut cette même année pour époque. Les fuffrages des Citoyens l'appelerent à la dignité d'Echevin: feu M. Turgot, alors Prevôt des marchands, Jui dit que la Ville lui rendoit fon patrimoine; en effet, fon père & fon bilayeul avoient poflédé la même place, Les | DES S\CIIE N CE S. I fucceflions ordinaires ne tranfmettent aux defcendans que Îe nom & les biens de leurs ayeux ; celle-ci étoit une preuve fans replique, que la probité la plus exaéte avoit fait depuis lus de quatre générations, le relpectable héritage de la famille de M. Geoffroy. Q li eft d'ufage que le corps de Ville fe tranfporte tous les ans aux fources qui fourniffent les eaux des fontaines de Paris; mais il n'arrive pas toùjours qu'un aufhi habile Phy- ficien que M. Geoffroy fe trouve engagé à faire cette vifite: fon amour pour le bien Public lui infpira le deflein d'exa- miner ces eaux, & il le fit avec fon exactitude ordinaire, Cet ouvrage fut 1ü dans nos aflemblées ; mais comme il écit deftiné pour les repiftres de la Ville, l'Académie n'en a fait aucun ufage. Pendant le cours de ce travail , il en fuivoit encore un autre , dont il fit part à l’Académie en 1732, c'étoit l’exa- men du borax; on en connoiffoit plufieurs propriétés , mais les Chymiftes n’étoient pas d'accord fur les parties conftituantes de ce fel : on doit à M. Geoffroy d'avoir démontré le premier qu'une de ces parties eft la bafe du fel marin, & d'avoir donné un procédé au moyen duquel on retire de ce mixte, par une feule & même opération le {el volatil connu fous le nom de fel fédatif, & le fel de Glauber. Un ouvrage encore plus utile & plus délicat, fuivit de près celui dont nous venons de parler: on fait de quelle utilité font en Médecine les préparations d’antimoine, qu'on nomme émétique & kermès minéral : on fe plaignoit depuis long temps de l'inégalité de force qu'avoient fouvent des dofes pareïlles de ces remèdes; il entreprit d'en examiner la ._compofition, & de fa réduire, s'il étoit poffible, à des règles certaines. On emploie ordinairement, pour faire l'émétique, celle de toutes les préparations d’antimoine dans Jaquelle ce minéral a le plus perdu de fon foufre, celle où on fa réduit en verre : M. Geofiroy trouve qu'un#feul grain de verre d’antimoine eft fufhfant pour émétiler quinze grains de tartre ; & pour voir fi un émétique inconnu en contient cette quantité, on na qu'à rendre à l'antimoine, au moyen de, [I 160 HisToIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE quelque matière grafle, le foufre qu'il avoit perdu, il fe fépa- rera du tartre & reparoîtra en régule qu'on pourra peler. La compofition du kermès qu'il donne, eft encore plus fimple : au lieu de toutes les opérations prefcrites pour pré- parer ce remède, & qu'il eft très-aifé de manquer, M. Geoflioy trouve qu'il luflit de pulvérifer très-finement lan- timoine, pour lui faire produire les mêmes efleis qu'au Kermès minéral le mieux fait. Nous venons de dire qu'on connoifloit la quantité d’an- timoine contenue dans l'émétique , en le réduifant en régule; il voulut tenter d'examiner par la même voie l'antimoine diaphorétique , dans la compofition duquel entre le nitre ; if ne put obtenir la réduétion qu'il cherchoit, mais il en fut bien dédommagé par la découverte d'un nouveau phofphore qu'il ne cherchoit pas : cinq heures après l'opération, & le creufet étant abfolument refroidi , la matière s'enflamma dès on eut ouvert la croûte qui la recouvroit, & jeta une gerbe de feu très- brillante, qui dura jufqu'à ce qu'elle füt abfolument confumée. Le bruit fe répandit en 1737, qu'un payfan Anglois avoit trouvé un remède infaillible contre les accidens qui füivent la morfure de la vipère, que ce remède étoit de l'huile d'olive, dont on frottoit extérieurement Îa partie bleflée après l'avoir fait chauffer, & dont on avaloit même quel- ques verres. L'Académie toüjours attentive à ce qui peut contribuer au bien de l'humanité, chargea de l'examen de ce remède M.rs Geoffioy & Hunauld , tous deux de la Société royale de Londres, car M. Geoffroy y avoit été admis en 1725. Il réfulta de leurs expériences, que fhuile d'olive n’eft nullement un fpécifique contre la morfure de la vipère, & que ceux qui ont cru être guéris par fon application, ou avoient pris d’autres remèdes plus efficaces, ou n'ont échappé à la mort que parce que la morfure avoit été trop fuperficielle pour les empoifonner. Détruire en pareil cas la confiance qu'on auroït pû donner à un remède infidèle, eft prefque rendre au Public un auffi grand fervice que de lui en pro- çurer un bon, Le 7 DES SCIENCES. 161 Le travail qu'il entreprit fur l'étain, ne le cède ni en utilité, ni en adrefle, à tous ceux dont nous avons parlé ; on fait que ce métal eft prefque toûjours mélé de différentes fubftances métalliques qui y ont été introduites, ou par da main des hommes, ou par la Nature. M. Geoffioy vint à bout, à force de calcinations réitérées, d'enlever à l'étain tout ce qui n'étoit pas métal, & de le réduire tout entier en chaux, dans laquelle on trouve féparément les particules des métaux lus durs qu'il pouvoit contenir, L'examen que M. Geoffroy avoit fait des huiles eflen- tielles des plantes, lui avoit donné lieu de foupçonner que ces huiles étoient un compofé d'acide, de phleome, d'un peu de terre, & de beaucoup d'huile inflammable ; fur ce principe, il entreprit d'en compofer une artificielle avec l'efprit de vin & l'acide vitriolique, & il y réuflit : cette huile effentielle fac- tice a toutes les propriétés des huiles eflentielles naturelles, & comme on en connoît exactement a compofition, ce fera, fi lon veut, une mefure commune à laquelle on rap- portera celles qu'on voudra examiner. Les épreuves que ces recherches lui donnèrent lieu de faire fur les huiles grafes, le mirent à portée de mieux connoître en quoi elles différoient des huiles effentielles, & de leur donner quel- ques propriétés de ces dernières; elles lui firent même découvrir une efpèce de jeu chymique aflèz fingulier : un gros de favon blanc, diffous dans trois onces d'efprit de vin , lui donne, fans altérer fa tranfparence, a propriété de fe . geler à un degré de froid très-médiocre: fingularité remar- quable par elle-même, & qui peut mener peut-être à des objets plus importans. * La nature de fa terre qui fert de bafe à lalun ,‘eft en- core un fruit du travail de M. Geoffroy : on favoit que Yacide de ce minéral étoit le même que celui du vitriol, mais on ignoroit de quelle efpèce étoit la terre dans laquelle il y étoit engagé; il crut entrevoir que cette terre étoit compofée de matières végétales ou animales calcinées, & en effet il produifit de véritable alun, en faifant digérer avec Fe 1752: 162 HisToiIRE DE L'ACADÉMIE RoYALE l'efprit de vitriol des cendres d'os de mouton, de corne de cerf, & de bois, bien leflivées & calcinées. On n’eft jamais fi für d’avoir deviné le fecret de la Nature, que quand on peut réuffir à limiter. j Nous ñe finirions point, fi nous voulions parcourir une infinité de chofes curieufes & intéreffantes, qui font répan- dues dans près de foixante Mémoires qu'il a donnés à A- cadémie. Son afliduité à nos Aflemblées étoit fans égale, & il y prenoit part à toutes les matières phyfiques qui s'y traitoient : nous l'y vimes encore le 4 Mars dernier, il y parla même, & il y fit voir un morceau de granit fin- gulier, dont tous les grains étoient de petites coquilles. IE eft vrai qu'il étoit incommodé depuis quelques Jours de flatuofités, qui fembloient n'exiger de lui que du régime; mais le mercredi fuivant au matin, il fe fentit attaqué d’une douleur vive dans le bas-ventre, & de vomiffemens fré- quens. Il étoit trop habile Phyficien pour ne pas fentr tout le danger de fon état, il demanda fes Sacremens, & les reçut avec les marques de la piété la plus fincère. Le mal réfifla à tous les remèdes, & le 9 vers les fept heures du foir il mourut âgé d’un peu plus de foixante-fix ans, n'ayant perdu connoiffance que pendant cinq ou fix minutes. M. Geoffroy avoit été marié deux fois, la première’en 1711,avec Marie-Elifabeth Ruel, femme aimable & chérie, qui lui fut enlevée par la petite vérole en 1719, laïffant un fils , aujourd'hui Commiflaire des Guerres à Bar-le-Duc; & la feconde en 1727, avec Marie Denis, fille de François Denis, Seigneur de Suifnes, Dame aufli eftimable par fon efprit que par fon caractère, & digne époufe d'un fi célèbre Académicien. I en a eu deux fils, Faîné * qui fuccède à fa profeffion a déjà donné des preuves de fa capacité, tant dans fon examen ‘que dans les deux Mémoires de Chymie * Cefils aîné de M. Geoffroy que | qu’il feroit un jour le digne fuccef- V’Académie avoit depuis admis au | feur de la réputation de M. fon père, nombre de fes membres, & dont | a été enlevé le 18 Juin 1753, par les talens donnoient lieu d’efpérer | ‘une mort prématurée, Æ — DES SCIENCES. 163 w'ilalüs dans nos Affemblées particulières ; le fecond a em- braflé la profefon d’Avocat, & donne lieu d'efpérer qu'il fe diftinguera dans cette brillante carrière. M. Geoffroy avoit raflemblé dans fon cabinet une quan- tité très-confidérable de plantes, de coraux , de pétrifications, de coquilles précieufes , de mines : il favoit que le fort ordi- naire de ces collections eft d'être diffipées en un inftant, à la mort de ceux qui ont pañlé toute leur vie à les former. Pour prévenir cet inconvénient, il a prié par fon teftament M. Bernard de Juflieu, de cette Académie, d'en faire l’efti- mation, & a ordonné à celui de fes fils qui lui fuccède dans {on état de s’en charger. H y a lieu d'efpérer que l'exemple de M. Geoffroy fera fuivi, & confervera à la Phyfique un grand nombre de morceaux précieux & inftructifs. Il s'étoit formé dans une maifon qu'il avoit à Bercy, un judin de plantes; ce jardin, fon cabinet, & l'Académie, compofoient à peu près tous fes amufemens. Ï jouifloit de la plus entière & la plus parfaite confiance du Public, & il la méritoit par fon exactitude dans les préparations , &c par l'attention qu'il donnoit à n'employer que les meilleures drogues ; il étoit confulté fur cette partie de tous les endroits de l'Europe, mais jamais il mabufi de cette confiance pour fortir des bornes de fon état. Avec les connoïflances qu'il avoit, il auroit aïfément pû fe prêter aux défirs de ceux qui lui demandoient des avis; mais ïl aimoit trop fa profeflion , & il en étoit trop occupé, pour vouloir entreprendre fur celle des autres, il regardoit même cette attention comme un devoir. TL étoit naturellement doux, & plein d’une candeur qui paroïfloit jufque fur fon vifage; fon abord étoit férieux, & mème un peu froïd, mais on s'apercevoit bien-tôt que cette froïdeur n'étoit pas produite par le mépris, & qu'elle avoit fa fource dans l'attention qu'il prétoit à ce qu'on lui difoit, & dans le retranchement des complimens inutiles, auxquels Saccoûtument infenfiblement ceux à qui l'habitude de bien employer le temps en a fait connoître le prix. X ij 164 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE Les premières heures de fa journée étoient employées. à donner des confeils, des remèdes, fouvent même de l'argent, à des pauvres malades, bien entendu cependant que les maladies ne fuffent pas graves; en ce cas il fe réfervoit le foin de les fecourir d'argent & de remèdes, & les renvoyoit à des Médecins de fes amis fecrètement aflociés avec lui pour cette généreufe occupation. Il faifoit avec la même charité les fonctions d’infpecteur de la Pharmacie de l'Hôtel- Dieu; & Mr les Adminiftrateurs convaincus que le zèle & les connoiffances font héréditaires dans fa famille, ont choift M. fon fils pour continuer ces fonétions, qu'il a acceptées comme Ja plus précieufe partie de l'héritage de fon père. Sa place de Penfionnaire-Chymifte a été remplie par M. Bourdelin, Affocié dans la même clafie. 30:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:010:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0:0 FL, 0:GE DE M CHICOYNEAU. | ras CHicoyNEAU naquit à Montpellier en 1672, de Michel Chicoyneau , Confeiïller en la Cour des Comptes, Aides & Finances de cette ville, Chancelier de l'Univerfité de Médecine, Profeffeur d'Anatomie & de Botanique dans la même Univerfité, & de Magdeleine Pichotte, fœur de M. Pichotte auffi Confeiller en la Cour des Comptes. La place de Chancelier de l'Univerfité de Montpellier fembloit étre en quelque forte devenue un bien héréditaire dans fa famille : Michel Chicoyneau étoit le troifième qui Yeût poffédée ; il Ja tenoit des mains de M. Richer de Belleval fon parent, qui Favoit pour cela fait venir de Blois, où fa famille remplifloit depuis long temps les premières Magiflratures. Une infcription que l'on voit fur le frontifpice . de l'Hôtel de cette ville, fait foi que ce fut fous l'édilité de deux de fes ancêtres que cet Hôtel de Ville fut bâti bonds a tel DES" ES.CAL E .N«C-E rs. 165 vers le milieu du feizième fiècle; & plufieurs familles nobles & diftinguées des environs de Blois, qui fubfifient encore aujourd'hui , fe font honneur d'appartenir à M. Chicoyneau. Celui dont nous faifons FFloge, étoit le fecond de trois frères ; fon père f'avoit deftiné au fervice de Iner, comptant trouver dans fes deux autres enfans des fuccefleurs aux places qu'il occupoit, & efpérant qu'une figure avan- tageufe, un efprit aifé & vif, & des manières prévenantes, pourroient procurer à celui-ci beaucoup d'agrémens dans l’état auquel il avoit deftiné; mais il éprouva bien-tôt que les vûes qui paroïffent les plus fages à nos yeux, ne font pas toüjours celles que la Sagefle fuprême a fur nous. Son aîné herborifant fur les bords d'une rivière, eut le malheur d’ tomber & d'y périr, & le cadet attaqué d’une maladie fente à laquelle tous les fecours de art ne purent apporter de remède, mourut avant l'âge de vingt ans, ayant tous deux rempli la place de Chancelier de l'Univerfité, dont le père s'étoit démis en leur faveur, & qu'il eut deux fois la douleur de reprendre, fe trouvant ainfi, contre l'ordre de Ja Nature, en quelque forte héritier de fes propres enfans. Ces deux funeftes accidens changèrent abfolument la def. tination du jeune Chicoyneau ; devenu la feule efpérance & la feule reflource de fa fimille, fon père ne voulut plus le laiffer expofé aux hafards de la guerre & de la mer, il fe hâta de le rappeler, & lui ordonna de fe livrer deformais aux études qui étoient néceffaires pour le mettre en état de fuccéder à fes places, & plus encore à fa capacité. Un ordre pareil eût peut-être trouvé de la réfiftance chez un grand nombre de jeunes gens, qui auroient eu pèine à facrifier à ka gloire lente & tranquille de la Littérature, celle d’une profeflion brillante, & naturellement fi chère à notre nation. M. Chicoyneau ne fe révolta point contre cet ordre , 1 céda de bonne grace aux circonftances qui exigeoient fon chan- _gement : la volonté de fon père en avoit fait un Officier, la volonté de {on père le rappela à l'étude de la Médecine. 1 faut pourtant avouer que peu de perfonnes feroient capables X ii Ca 166 HisToire DE L'ACADÉMIE RoyALE d'une pareille obciffance; il doit être aflez rare de trouver dans un même fujet les talens néceflaires pour faire un bon Oflicier, & ceux qui le font pour former un grand Médecin. L'ardeur avec laquelle il le livra à cette nouvelle occupa- tion, lui eut bien-tôt fait réparer avec ufure le temps qu'il avoit employé à d'autres ufages : des études qui auroïent dû lui être fi pénibles & fi étrangères, ne fembloient être pour lui qu'un amufement , & il obtint à vingt-cinq ans la qualité de Docteur , après avoir déjà acquis par fon travail celle de favant Médecin. A peine étoit-il revêtu de ce titre, que le Roï voulant qu'il fuccédât à fon père déjà trèsägé & privé de la vüe, le pourvut de la place de Chancelier de l'Univerfité, & des deux chaires d'Anatomie & de Botanique qui y font ordinairement jointes : cette faveur du Prince ne fit que redoubler fon ardeur, bien-tôt il fut en état de remplir ces laces comme sil n'avoit eu de fa vie d’autre occupation. L'Anatomie ancienne & moderne , la Botanique prife dans toute fon étendue, devinrent entre les mains du nouveau Profefleur, grace à fon extrême facilité & à fon heureufe mémoire, un tréfor inépuifable qu'il communiquoit avec abondance à fes auditeurs : une belle latinité & un débit avantageux fervoient d'ornement à dés connoiflances fi utiles, & l'ordre néceffaire à l'intelligence des Sciences difficiles achevoit de donner le plus haut prix à fes leçons. Il sat- tachoit d'ailleurs à fes difciples; toûjours acceflible pour eux, il ne croyoït pas en être quitte pour leur abandonner quel- ques heures de fa journée, il regardoit comme Ja plus heu- reufe celle à laquelle il pouvoit leur rendre quelque fervice, ou leur applanir quelque difficulté, Malgré toutes ces occupations anatomiques & botaniques, il n'abandonnoit pas l'étude des autres parties de la Méde- cine, il sen inftruifoit à fond, aimant mieux apprendre par les obfervations de ceux qui Favoient précédé, fa ma- nière de parer les cas difhciles, que d'en être defagréablement inftruit par {es propres fautes : ce ne fut qu'après plus de DES SCIENCES 167 quinze ans de cette fage précaution, qu'il crut pouvoir fans rifque fe donner à Ja pratique. Nous difons qu'il sy donna, car jamais perfonne na exercé fa profeffion d'une manière plus noble & plus defin- téreflée : en état par fa fortune de fe pafler de la reconnoif- fance dûe à fes foins, il n’en voulut jamais accepter aucune; il accordoit volontiers fes foins à tous ceux qui les lui demandoient , mais c'étoit toûjours les pauvres qu'il voyoit par préférence, il les aidoit de fes confeils & de tout ce dont ils avoient befoin, ils étoient fürs d’être conduits avec autant & plus de foin & d’affeétion que ies malades les plus opu- lens. La gloire de fes fuccès brillans & la réputation de fes vertus furent la feule récompenfe qu'il voulut retirer de fes peines & de fes travaux. I avoit déjà paflé plufieurs années dans cette généreufe occupation, lorfqu'il fe préfenta une occafion d'exercer à la fois fon courage, fes talens & fon zèle. La ville de Marfeille fut affigée de la pefte, bien-tôt cette cruelle ma- ladie fit de cette ville floriffante un objet digne de com- pañlion. M. le Duc d'Orléans Régent du Royaume, de qui les talens & le cœur de M. Chicoyneau étoient connus, mhéfita pas de le mettre à la tête des Médecins qu'il & hûta d'y envoyer. H trouva en arrivant dans cette malheureufe ville, que la pefte n'étoit pas le feul fléau qu'elle avoit à redouter : la frayeur de ceite terrible maladie avoit écarté tous les fecours que les habitans auroient püû fe prêter mutuellement, & avoit peut-être fait elle feule plus de mal que la pefte même; on avoit négligé toutes les précautions néceflaires, nuls vivres, nuls fecours, nuls remèdes, les malades & 1es mourans étoient expolés aux infultes & aux violences des brigands que le befoin & l'impunité rendoient encore moins humains & plus hardis ; les enfans au berceau, abandonnés dans Jeurs propres maifons devenues défertes, expiroient eccablés fous le poids de la mifère commune, ou dévorés par la faim; les cadavres reflés dans les maïfons & dans 168 HisToiRE DE L'ACADÉMIE ROYALE les iues, exhaloient une odeur capable de mettre à conta- gion dans un endroit où elle n'auroit pas été : tel & plus affreux encore fut le fpectacle qui frappa M. Chicoyneau en arrivant à Marfeille. Bien-tôt {es foins & fon zèle firent difparoître une partie de ces horreurs : l'intrépidité avec laquelle lui & M.rs Boyer & Verny, qui lui avoient été aflociés pour cette efpèce d'expédition, abordèrent les peftiférés , ranima le courage des Citoyens, & les malades auparavant abandonnés eurent du fecours. Il publia une differtation favante, dans laquelle il prétendoit prouver que la pefte ne fe communique point par la proximité, ni même par le contact de ceux qui en font attaqués : peut-être n’avoit-il en vüe que de raflurer ceux qui pouvoient fecourir les malades; & en ce cas rien de plus héroïque que le courage avec lequel il affrontoit le danger en les affiftant lui-même, & difléquant de fa propre main un grand nombre de cadavres de ceux qui étoient morts de la contagion; peut-être aufli étoit-il perfuadé de ce qu'il difoit, & cette circonftance diminueroït peu de fa gloire , il y gagneroit du côté de fes lumières, qui avoient été capables de faire évanouir à fes yeux un phantôme fi effrayant, &c il n’ÿ perdroit que peu du côté du courage, dont la partie la plus effentielle eft peut-être de ne craindre que le danger réel, & de ne point être émû des apparences même les plus menaçantes. Ce m'étoit pas feulement comme Médecin que M. Chi- coyneau veilloit au bien de ceux dont la guérifon avoit été commife à fes foins, il profita de la confiance du Prince Régent, & du zèle de M. Chirac, alors fon premier Médecin, pour obtenir qu’on envoyât à Marfeille des vivres, de l'argent & tout ce qui pouvoit y être néceflaire. Après avoir employé Îa journée à fecourir les malades, & à s'iuf- truire de la fource du mal par de fréquentes diffections , il pañloit une partie de la nuit à écrire les lettres néceflaires pour informer le Miniflère de ce qui fe pañloit, & à répondre au nombre prodigieux d'illuftres Médecins qui fe hâtoient d'apprendre de lui- même Fhiftoire de ce trifle événement , & fa dits dote tt DES SCIENCES 169 & la manière dont il s'étoit conduit dans cette occafion. La pefte de Marfeille & les travaux de M. Chicoyneau durèrent près d’une année : à peine en étoit-il quitte, que la même maladie fe fit fentir à Aix, & y répandit la terreur & la défolation; il y vola, il eut la fatisfaction d'y être arrivé aflez tôt pour en arrêter les fuites; & après un peu de féjour, le mal paroiffant diffipé, il retourna à Montpellier jouir des honneurs que méritoit fon zèle, & du repos qui devoit, après tant de fatigues, lui être devenu fi nécefaire. Le Roi fut éxtrémement fatisfait de la manière dont il s'étoit conduit, & lui en donna des marques par un brevet honorable , accompagné d'une penfion proportionnée à fes fervices. La réception qu'on lui fit à Montpellier ne fut pas moins flatteufe, ce n’étoient qu’acclamations & réjouiflances publiques, on lui drefla des arcs de triomphe, les habitans de la ville & les étudians en Médecine vinrent le féliciter ; honneurs d'autant plus fatisfaifans pour lui, qu'ils lui étoient plus . librement & plus juftement rendus. Si les Romains décer- noient une couronne à celui qui, dans la chaleur du combat, avoit expolé fa vie pour fauver celle de fon concitoyen , quels honneurs ne méritoit-il pas, lui, qui en expofant la fienne avec une fi longue & f1 conftante intrépidité , avoit fauvé celle de plufieurs milliers de fes compatriotes ! Tranquille au fein de fx patrie , M. Chicoyneau reprit l'exercice de fes places de Chancelier & de Profefleur, & continua de sen acquitter conume s'il en eût eu bein pour établir fa réputation. Nous ne parlons point de l'exercice de la Médecine; il lui en auroit trop coûté de pouvoir être utile & de ne l'être pas. Ce fut dans ces occupations qu'il paffa le temps qui s'écoula depuis fon retour à Montpellier, jufqu'à 1731, quil fut appelé à la Cour pour être Médecin des ÆEnfans de France. I ne garda ce pofte qu'environ neuf mois : la place de premier Médecin du Roï étant venue à vaquer par la mort de M. Chirac, alors fon beau-père, il en fut auffi-tôt pourvé. Hifl. 1752. "né x70 HISTOIRE DE L'ACADÉMIE ROYALE On ne pouvoit fürement pas lui reprocher les brigues qu'il avoit faites pour y parvenir: pendant les neuf mois qu'il avoit aflés à la Cour, il n'avoit fait d'autre vifite à feu M. le Cardinal de Fleury, que celle qu'il n'avoit pü fe difpenfer de lui rendre à fon arrivée; & quand il fe préfenta chez lui pour le remercier de fa nomination à la place de pre- mier Médecin, ce Miniftre ne pût s'empêcher de lui dire publiquement & avec une efpèce de reproche obligeant, que c'étoit la feconde fois qu'il le voyoit chez lui. La place de premier Médecin ne changea rien à fa ma- nière de vivre, fi ce n’eft qu'elle le mit en état de faire plus de bien, & il en ufa fi généreufement, que quoiqu'il Y'ait poffédée pendant vingt ans, il na laiflé en mourant que le même bien qu'il avoit auparavant; du refte, même affabilité, même douceur, même modeftie : les grands & les petits n'eurent qu'une voix fur fon compte , & ceux qui eurent affaire à Jui fe louèrent toûjours de fa candeur & de fa juftice. Mais ce que nous ne pouvons affez louer, c’eft le foin & le zèle avec lefquels il a toûjours veillé fur la précieufe fanté qui lui étoit confiée : on la vü, courbé fous le poids des années, fuivre le Roi dans fes voyages, & même dans fes campagnes; il étoit à Metz lorfque la maladie de ce Prince alarma fi vivement tous fes fujets. Nous fupprimons cette époque, dont le feul fouvenir attaqueroit peut-être encore trop vivement le cœur des véritables François : on fent aflez à quoi le devoir de M. Chicoyneau engageoit dans une pareille occafion, & fon zèle ne lui auroit fürement pas permis d'y manquer. Peut-être le mérite de cet attachement fe pourroit-il, en quelque forte, partager entre le Monarque & M. Chicoyneau; mais cela même diminueroit peu de fa gloire, & on peut pref- que répondre que du caraétère dont il étoit, il auroit rempli fes devoirs avec autant d’exaétitude, auprès d'un Roï moins digne d’être aimé. Enfin, après avoir vécu jufqu'à l'âge de quatre-vingts ans, toûjours occupé de fa profeffion , il fuccomba fous le poids ta tot si 0. ini | L | | î è k | $ $ D: “Lot. dE pue à de pd CS pe pot ne EE 64 ” E . IDE! S:: SC IE N,'C'E 5 Ÿ F7% de la vieillefle, & mourut le 13 Avril 1752, regretté de fon Maître & de tous ceux qui le connoifloient; & J'hon- neur de cette Compagnie ne me permet pas de taire que ça été dans l Académie que le Roi lui a choifi, en la per- fonne de M. Senac un digne fucceffeur. … On a affez peu d'ouvrages imprimés de M. Chicoyneau; occupé dès fa jeuneffe des fonctions affidues & pénibles d’un miniüftère public, & enfuite de la pratique la plus étendue, il n'eut guère le temps de compoler. À la Cour même, les vuides de fon fervice étoient plus que remplis par les confultations fans nombre qui lui étoient adrefiées du dedans & du dehors du Royaume ; fouvent ïl falloit qu'il prit fur {on fommeil pour y répondre: il étoit d’ailleurs jugé très-févère de fes propres ouvrages, il comptoit toûjours fur quelques momens de tranquillité, dans lefquels il pourroit leur donner la dernière main; ces momens ne font point venus, & les ou- vrages qu'il deftinoit au Public ne lui ont point été donnés... On a cependant de lui quelques Differtations, au nombre defquelles nous pouvons mettre plufieurs Thèfes qu'il a: fait foûtenir fur des fujets intéreffans qu'il avoit choifis & tra- vaillés avec foin ; telles font, la Difiertation dont nous avons fait mention en parlant de la pefte de Marfeille ; celle où il traite fi les malades qu'on nomme imaginaires {e peuvent . guérir par da feule diverfion. qu'on feroit à Jeurs idées, & fans employer aucun remède corporel ; celle où. il examine quel traitement exigent les fièvres malignes ; celle où il recherche fi l'ufige du quinquina convient dans la catalepfie dont les accès font périodiques : tous ces morceaux, que fon devoir a comme arrachés à fa modeftie, paffent chez les connoiffeurs pour des, ouvrages achevés. Une feule de ces Difiertations, dont nous n'avons point encore parlé, a fait une révolution dans la pratique de la Médecine, & on aura toûjours à M. Chicoyneau l'obligation d'avoir prefque entièrement réformé le traitement de cette ficheufe maladie, qui, bien que fr capable de feivir de frein au vice & à la débauche, ne leur fert le plus fouvent que de punition; du Yi 172 Hisr. DE L'ACADÉMIE ROYALE DES Sciences: imoins le procédé qu'il prefcrit at-il été adopté par tous les bons praticiens. Mais fi le Public ne doit pas à M. Chicoyneau un grand nombre d'ouvrages fortis de fa plume, il lui en doit peut- être un nombre prodigieux fortis de celle de fes difciples. C’eft aflez le fort des grands Profeffeurs, de mettre les autres en état d'entreprendre des recherches que leurs propres occu- pations leur interdifent à eux-mêmes , & il y auroit de Y'in- gratitude à ne leur en pas tenir compte. IL étoit depuis 1732 Aflocié-Libre de cette Académie : fon âge & fes occupations ne lui permettoient pas de fe livrer au travail académique ; mais un homme de ce mérite étoit trop naturellement deftiné à y avoir place, pour que l Acadé- mie eût pû négliger de fe l'acquerir. M. Chicoyneau avoit été marié deux fois ; il avoit eu de fon premier mariage un fils que par une trifle conformité avec M. fon père il perdit revêtu de la place de Chancelier de l'Univerfité de Montpellier, & deux filles , lune mariée à M. Dalmeras , & l'autre à M. Pas, tous deux Confeillers à la Cour des Comptes & Aides de Montpellier. Le fecond mariage de M. Chicoyneau fut avec Mile Chirac, fille de feu M. Chirac premier Médecin du Roï & Membre de cette Académie ; il en a laïflé trois enfans, un fils, M. Chicoy- neau de la Valette, aujourd’hui Fermier général, & deux filles, dont l'une a été mariée à M. le Marquis de a Maifon-Fort, Capitaine des vaifleaux du Roi, & l'autre a époufé M. de Fortinon , Gentilhomme de la Province d'Auvergne. La place d’Aflocié- Libre de M. Chicoyneau a été rem- plie par M. le Comte de la Galiffonière, Chef d'Efcadre, Commandeur de Ordre de Saint-Louis, chargé du dépôt des Journaux, Plans & Cartes de la Marine. > ct) MEMOIRES MEMOIRES. MATHEMATIQUE DE PHYSIQUE. ME ON ENSURSE GATSETR.E S de l'Académie Royale des Sciences, De l'Année M. DCCLII. RE UE ONE RE Sur les opérations nommées corrections par les Pilotes; avec diverfes remarques qui peuvent étre utiles dans les parties pratiques des Mathématiques. Par M BouGuERr.. I. "a he a recours dans la pratique du Pilotage, à une opé- ration qu'on répète fouvent, & qui par fa réitération prefque journalière peut avoir de grandes fuites à la fin de Mém. 1752, A 16 Août 1752. 2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE la navigation. On fe fert de deux différens élémens pour déterminer chaque jour le point de la furface de la mer où Yon fe trouve. Pendant que la bouflole apprend la direction w'on a fuivie, lufage du loch ou quelqu'autre moyen de mefurer le fillage, fait connoître la quantité du chemin qu'on a parcouru. Si les marins ne fe trompoient ni fur fun ni fur Yautre de ces élémens, leur art feroit parfaitement für: ils n'ont toûjours qu'à étendre fur leur carte, le long de la di- rection donnée par la bouffole, la longueur du chemin, pour avoir leur point, où déterminer lendroit de la mer où ils font parvenus. Mais il s’en faut fouvent beaucoup que cette détermination foit fufhfamment exacte: on s'en aperçoit lorf- - que le ciel eft ferein, & qu'on peut obferver la hauteur méridienne de quelque aftre dont on connoïît la déclinaifon. En découvrant combien on eft réellement éloigné de l'E- quateur, on apprend prefque toüjours qu'on s’étoit trompé dans fon eflime: on eft alors obligé de faire quelque chan- gement au point où lon penfoit fe trouver; il faut le tranf- porter au moins vers le nord ou vers le fud, pour fatisfaire à ce que demande lobfervation de la latitude. On fût dès la première inftitution de la Navigation mo- derne, qu'il falloit prendre ce parti: on a toüjours regardé en mer la latitude comme déterminée avec précifion, toutes les fois qu'on a eu, en lobfervant, la commodité d'y ap- porter les attentions néceffaires. Lorfqu'on étoit réduit, il y a deux fiècles, à fe fervir d'aftrolabes & d’autres inftrumens mal divifés & groffièrement conftruits, on connoifloit encore plus mal toutes les circonftances de Ia route du vaifleau, & le rapport entre ces diflérentes déterminations étoit toüjours à peu près le même quant à l'exactitude. Les Pilotes tranf portoient donc leur point, comme ils le font maintenant, fur le parallèle de la latitude donnée par l’obfervation. Métius, dans le petit traité d'Hydrographie qu'il publia à la fin de fes Œuvres, difcuta avec étendue cette matière, & quel- ques-unes des règles expliquées par cet Auteur font encore en ufage actuellement dans la Marine. + CRE 1 _ ceflives que MAEASMAS MENT E NUC:ESs. Nos Pilotes nomment crrecfions ces règles ou pratiques qu'ils diftinguent ordinairement en trois efpèces, felon les différentes loxodromies fur lefquelles ils ont fait route: ils rejettent abfolument dans quelques-unes de ces opérations, le rumb de vent ou la quantité du chemin, & ils font leur réduction comme s'ils ne connoifloient qu'un feul de ces élémens, qu'ils font convenir avec la vraie différence en latitude. D’autres n'emploient qu'une même pratique dans toutes les occafñons; ils cherchent leur point eftimé, en éten- dant l'efpace parcouru fur la loxodromie ou rumb de vent qu'ils croient avoir fuivi, & ils tranfportent enfuite ce point plus haut ou plus bas, le long de la même ligne nord & fud, jufque fur le parallèle de la latitude que leur donne l’obfer- vation. Suppofé qu'en partant du point À (fig. r) ils aient fait ‘felon leur eftime la route AB, & qu'en fe croyant arrivés en B, ils apprennent par lobfervation du ciel qu'ils font arrivés fur le parallèle CD à l'Equateur , ils mettent leur point d'arrivée en Æ, en abaiffant la perpendiculaire BE fur CD. On ne corrige par cette méthode particulière qui eft connue fous le nom de feconde correéion, que la feule erreur qu'on eft bien für d'avoir commife. L’obfervation aftrono- mique apprend qu'on eft réellement plus vers le nord ou vers le fud ; on fe met donc plus haut ou plus bas fur le mème méridien, mais on ne porte le point Æ ni vers left ni vers l'oueft, parce qu'on ignore fi l'on s'eft trompé fur La longitude. Ïl faut remarquer que lorfqu'on eftime en mer la quantité du fillage, & qu'on examine la dire&tion de la route, on a égard , autant qu'il eft poflible, aux mouvemens de Ja mer, on tâche de prendre le jufte milieu entre les directions fuc- Et fouvent le navire, on ne néglige pas la dé- rive, en un mot on s'efforce d'avoir égard à tout; mais on ignore après cela fi lon a donné trop ou trop peu à l'atten- tion qu'on devoit à chacune de ces chofes. Aïnfi, tant qu’on ne fait point entrer d'autres confidérations dans cet examen, Ai 4 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE ROYALE Fig. 1. on n'a aucun lieu de foupçonner qu'on foit plutôt arrivé en G qu'en }, & on peut dire à peu près la même chofe de tous les autres points f & g qui font fur les interfeétions du parallèle CD, & des autres cercles concentriques comme fhg qui ont le point eflimé B pour centre. Or ïil femble qu'on doit inférer de là que le point que fournit la feconde correction eft celui qu'on peut choifir avec le plus de pro- babilité, puifqu'il eft le point de milieu, ou comme le centre de tous les autres qui, confidérés deux à deux, font égale- ment probables. On ne s'arrête à aucun des points fou Æ qui font du côté de loueft, ni à aucun de ceux g ou G qui font du côté oppolé, parce que s'il eft poflible qu'on choi- fiffe bien en donnant la préférence à un de ces points, il pourroit arriver aufli par un hafard tout-centraire qu'on doublât l'erreur en fe déterminant mal. Nous croyons que les raifonnemens précédens feroient rigoureufement exacts, fi le point Æ tenoit effectivement le milieu entre tous les autres qui jouiflent du même degré de probabilité. Après qu'on a eu déterminé le point Z où on eft arrivé felon fon eflime, on cefle, dans la feconde correc- tion ou dans l'opération que nous venons d'expliquer, d’avoir égard au rumb de vent felon lequel on à marché, & à la longueur du chemin qu'on a couru. C’eft en confidérant le point À de cette manière purement abftraite, qu'on fuppofe que tous les points qui font également probables font fitués fur les circonférences de cercles qui ont le point 2 poux centre, parce qu'ils fuppofent des erreurs également grandes ou également poflibles; mais il nous paroït qu'on tombe dans un paralogifme vifible lorfqu'on prend la chofe de cette manière, ou lorfque le Pilote, en dépouillant la queftion de fes principales circonftances, confidère le point 2’ fans avoir égard à Ja route AB qui l'y a conduit. L'erreur en eflet qu'on peut avoir commife fur la direc- tion de cette ligne, forme un angle, & plus on s’y fera trompé, plus on fe trouvera fur une direction différente de AB, Quant à erreur fur la longueur du chemin, elle ef DPErSN SCO E NICE. s d'un certain nombre de lieues dont on eft plus éloigné ou Fig. 1. plus voifin du point À que le point B: ces deux erreurs font donc abfolument indépendantes lune de l'autre; elles font, pour ainfi dire, hétérogènes, de même que les quan- tités qu'elles affectent. Chacune de ces erreurs a fon effet particulier, & il eft bien facile de juger que lorfqu'elles fe compliquent, elles ne font pas prendre généralement la forme de cercles aux lignes courbes qui paffent par les points, comme F, H, G, &c. qu'on peut regarder comme également pro- bables. I fuit de 1à que fa feconde correétion employée par les Pilotes ne doit pas être toüjours exacte: fi elle l'eft quel- quefois, ce doit être dans des cas particuliers qu'il eft à propos de favoir diftinguer. Nous ne pouvons malheureufement nous difpenfer de former des conjectures & de fonder nos rai- fonnemens fur quelques hypothèfes, lorfque nous traitons un femblable fujet: feroit-il poffible de prévoir autrement des erreurs dont on ne connoît pas exaétement la caufe? Mais puifque nous devons néceffairement avoir recours à quelques elpèces de fuppofitions , il faudra non feulement que nous + fcyons attentifs à ne pas trop prefler les conféquences que nous en tirerons, mais que nous rejettions aufli toutes celles qui en feront trop dépendantes. Nous prendrons pour règle de nadopter que les feules conféquences que nous déduirons - également des hypothèfes les plus différentes, ou qui leur feront communes à toutes. Le je LE _ Confidérons d'abord les erreurs que nous pouvons com- . mettre en déterminant le rumb de vent. Si nous fuppoñions | que ces erreurs font produites par une feule caufe limitée dans {on ation, mais dont l'effet pût être varié felon une infinité de diflérens degrés, toutes les erreurs moindres que la plus grande feroient également poffibles. Ce feroit préci- fément la même chofe que fi on avoit un dé qui eût une infiité de faces fur lefquelles on eût écrit une infinité de nombres, tant en fraétions qu'en entiers, jufqu'à un certain h A ïij 6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE terme; les plus grands nombres repréfenteroient les plus grandes erreurs. Mais il eft bien certain qu'une pareille hy- pothèfe n’eft pas conforme à l'expérience, car nous ne tom- bons pas auff fréquemment en fait de mefures ou d’obfer- vations, dans les erreurs qui font d’une certaine grandeur, que dans celles qui font beaucoup plus petites. Nous pouvons nous tromper fur le rumb de vent, de deux ou trois de- grés, de cinq ou de fix; mais fi un Pilote habile & vigilant peut craindre d'avoir commis de femblables erreurs, il n'aura pas lieu de foupçonner dans les mêmes circonftances, qu'il s'eft trompé de dix ou de douze degrés, quoiqu'il lui arrive quelquefois de fe tromper d'une auffi grande quantité. Les fautes dans lefquelles tombe le Pilote, dépendent de caufes qui ont cela de commun avec beaucoup d'autres agens que plus leur effet eft confidérable, moins elles font capables d'ajoûter de nouveaux degrés à leur action. Mais comment pouvoir découvrir la loi de cette diminution? Je crois que nous éluderons prefque toute la difficulté, en fuppofant que plufieurs caufes concourent enfemble à produire là même erreur: il faudra qu'elles s'accordent à agir dans le même fens, & que leur action particulière foit portée à fon dernier terme, pour que l'erreur devienne la plus grande qu'il eft poflible. Cet accord étant comme l'effet d’un hafard extrême, & ne fe faifant que très-rarement, les grandes erreurs ne fe- ront pas aufli fréquentes que les moindres; il y aura un plus petit nombre de cas qui les produiront, & ce fera prefque la même chofe que fi l'on fuppoloit que chaque caule agit avec plus de difficulté lorfque fon action eft déjà plus grande. Propofons-nous, par exemple, deux dés au lieu d’un feul; fappofons qu'ils aient chacun le même nombre de faces, & qu'elles foient chargées de points écrits deux fois, lune po- fitivement & l'autre négativement, pour marquer les erreurs qui fe font en défaut, comme celles qui fe font en excès. IH eft évident que ces deux dés ne donneront le plus grand nombre pofitif ou négatif poflible, que dans un feul cas, favoir, lorfqu'ils amèneront chacun le plus haut point; mais TE DES SCIENCES. 7 ils donneront zéro plufieurs fois, favoir, Jorfqu'un des dés amènera un nombre pofitif, & que l’autre amènera le même nombre négativement. Il fera. cenfé alors qu'une des caufes d'erreur détruira exactement l'effet de l’autre, parce qu'elles agiront également & en fens direétement contraires ; s’il eft queition du rumb de vent, on ne s'y trompera pas. Il y aura auffi plufieurs cas qui donneront un degré, deux degrés d'erreur, mais le nombre des cas ira toüjours en diminuant, à mefure que le nombre des degrés ou des points fourni par les deux dés fera plus grand. . Il eff facile de démontrer par la doctrine des combinaifons, _que le nombre des cas diminuera réellement en progreffion arithmétique, lorfque le nombre des points amenés par les * deux dés fera plus grand en progreffion arithmétique. Si chacun de nos dés a onze faces fur lefquelles on écrive zéro, & les cinq premiers de nos chiffres affectés des fignes +- & ——, pour repréfenter des erreurs particulières qui iroient en augmentant d'un en un jufqu'à cinq degrés, il y aura onze cas qui donneront zéro ou qui rendront l'erreur nulle ; les eng nombres pofitifs de chaque dé pouvant être détruits par les nombres négatifs correfpondans de l'autre dé, & . outre cela les deux dés pouvant amener zéro en même temps, ce qui fait le onzième cas : l'erreur fera rendue d’un degré par dix cas; neuf la feront de 2 degrés, huit la feront de 3, fept de 4, &c. comme le marque la petite Table fui- vante. | … Erreurs tant négat, que pofitiv, -x0.—9.—8.-7.—6.—5.—4.—3.-2.—1. 0. 3, 2.3.4. 5 Ce fera exaétement la même chofe pour l'infini que pour Je fini, ou fuppofé qu'il y ait toûjours deux dés, mais qu'ils aient chacun une infinité de faces. Si les erreurs qu'on peut . commettre felon les directions BF ou BG en déterminant de point 2 (fig. 2), font repréfemées de part & d'autre par les parties de BF & de BG, à commencer du point B, on s'affurera fort aifément que les cafualités dont dépendent cs erreurs feront exprimées par les ordofnées du triangle: DLONONENONS EL 1 1, 2. 3. 4 5. 6 7. 8. 9. 10.11,10.9. 8,7. 6.5.4. 3, 2+ 1 Fig. ” 8 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE rectiligne À HG. La plus grande ordonnée 2 A marquera k multitude infinie des cas dans lefquels le point 2 fe trouve déterminé fans erreur, & ÆZL repréfentera la multitude des cas dans lefquels l'erreur fera de B K. Les cafualités feront continuellement proportionnelles aux quantités XG ou KF, dont les plus grandes erreurs poflibles BF, BG furpaflent les erreurs actuelles 2 Æ, Lorfque nous fuppoferons trois dés au lieu de deux, afin de repréfenter trois caufes fecrètes d'erreurs, {a multitude des différens cas ne fera plus proportionnelle aux mêmes quantités ou aux mêmes compiémens, mais à leurs quarrés, au moins Jorfque l'erreur actuelle fera d’une certaine gran- deur. Si lon fuppole quatre dés ou quatre caufes particu- lières d’emreurs, la multitude des différens cas fera repréfen- tée par le cube des complémens ou des défauts des erreurs actuelles à la plus grande 2G ou B F; & elle fera repréfentée par la quatrième ou la cinquième puiflance s'il y a cinq dés ou fix dés, & ainfr de fuite jufqu'à l'infini. I faut remar- quer que comme rien ne nous attache plus particulièrement à quelqu'une de ces hypothèfes , nous pouvons négliger ici le changement que fouffre chacune des loix dont nous venons de parler, lorfque les erreurs font beaucoup plus petites, & qu'il y a plus de deux caules fecrètes d'erreur. Nous pou- vons donc concevoir à la place des deux lignes droites FH & GH de la figure 2, des arcs de paraboles de tous les degrés qui fe couperont mutuellement en Æ; leur fommet fera en À & en G, & ces deux arcs auront Ia droite FG pour tangente. Tout ce que nous venons de dire touchant l'erreur com- mife dans la détermination du rumb de vent, peut s’'appli- quer également à celle dans laquelle on peut tomber fur {a quantité du chemin; & fi on combine ces erreurs, les lignes FH CG, que nous prenions pour des cercles dans la pre- mière figure, & qui paflent par tous les points où l'erreur combinée eft également probable, parce qu'un égal nombre de cas peuvent la fournir, feront fenfiblement des portions d'hyperboles À DIE Ss S CcrEN CES. : 9 d'hyperboles dans 1 multitude infinie d'hypothèfes que nous .: venons de fpécifier. C'eft ce qu'on verra fort aifément fur la fgure 3, dans laquelle À B reprélente la route du vaiffeau faite felon l’eftime du Pilote. Le point À étant le point du départ, on croit être arrivé en À lorfqu'on n’a point encore fait d'obfervation aftronomique qui montre qu'on s’eft trompé. Les deux lignes droites À N & AO font les limites des plus grandes erreurs dans lefquelles on peut tomber fur le rumb de vent, & les deux lignes NO & RS font les limites des erreurs qu'on a pû commettre fur 4 longueur du chemin : ainfi, s'il eft probable qu’on foit réellement arrivé en 2, parce que l’eftime du Pilote à donné ce point, & que les règles du Pilotage méritent quelque confrance, il y a aufli quelque degré de probabilité , quoique moindre, qu'on eft arrivé dans tout autre point du quadrilatère RO, Les deux limites VO & RS des erreurs fur la longueur du chemin, devroient étre dans la rigueur des arcs de cercles qui euffent le point À pour centre; mais comme l'efpace À NO S eft réellement beaucoup plus petit que ne le repréfente notre figure, à pro- portion de la longueur de la route, nous croyons pouvoir fubfituer ici des lignes droites aux arcs de cercles, pour une plus grande facilité. Nous nommerons à la Jongueur de la route eftimée AB, b la plus grande quantité B M où BW dont on peut fe tromper fur la longueur du chemin, c la plus grande erreut B P ou BQ quon peut commettre fur le rumb de vent ou dans le fens perpendiculaire à la route. On remarquera que ces plus grandes erreurs font naturellement proportionnelles à [a longueur de la route : la chofe eft évidente à l'égard de l'er- reur , & elle ne left pas moins à l'écard de erreur 22 ou PQ que nous nommons c; car le même nombre de degrés d'erreur fur le rumb de vent, produit un écart BP ou BQ qui eft d'autant plus grand que la route eft plus Jongue. On faura toûjours, avec un peu d'expérience, de combien font ces plus grandes erreurs qu'on doit craindre. Mém. 17 ÿ 2: Fio. Mig. 3. 10 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE ROYALE Plus l'art du Pilote fe perfeétionnera , plus il faudra conce- voir les limites de la même elpèce voifmes l'une de l'autre, & on donnera moins d'étendue au quadrilatère RO. Enfin, nous fuppoferons que le navire eft arrivé en L, & nous conduirons la ligne droite À L qui coupera B P en F, & qui repréfentera la vraie route; nous abaiflerons enfuite des per- pendiculaires LY & LT fur BM & fur BP, & nous défignerons B V par x, & LV par y. Il faut, pour que le navire arrive réellement en L, que le Pilote {e foit trompé dans les deux parties de fon eftime, qu'il fe foit trompé fur fon rumb de vent & fur la quan- tité du chemin. L'erreur actuelle fur la longueur du chemin, et BV — x, qui eft moindre que fa plus grande erreur poflible B M, de b— x, en négligeant fa petite différence que peut produire l'obliquité de À L par rapport à 4 B. Nous élevons ce complément — x à une puiflance quelconque m, & nous avons {b—— x)” pour la multitude des cas qui donnent l'erreur x. Nous trouverons l'erreur actuelle BF fur le rumb de vent par cette analogie : AV —a+ x: LV mp ADN BE = 8 fi nous Ôtons cette quantité de BP — 6, qui eft la plus grande erreur poffble C+HcCx — ay dans le même fens, nous aurons pour le ax défaut de l'erreur atuelle à la plus grande; défaut qu'il faut 1 x . . . act Cx — 4 élever à la puiffance 1 pour avoir la multitude = D br a des cas qui produifent l'erreur B F. Lorfque le navire arrive réellement en L, chacun des cas qui produifent l'erreur Z Ÿ peut concourir avec tous les cas qui produifent l'erreur BJ dans l’autre fens. Ainfi il faut mul- AC + Ex —\ay been tude infinie de cas dans lefquels le navire peut arriver effectivement en L, pendant que le Pilote fe croit arrivé en 2. tplier (b— x)” par Dis pour avoir la multi- M EUSIMSNC TUE INT CES. LI ACHC*— AY jm à 1 — x LR Nous aurons donc /2 LES De )7 pour le nombre de tous ces cas; & fi nous voulons trouver tous les autres points qui dépendent du même nombre de cas, ou qui fuppofent des erreurs également poffibles que le point L, nous n'avons qu'à rendre fexpreflion précédente conftante ou égale à une quantité {b— i)" x €”, Nous aurons de cette forte l'équation {4 — x)" x (© — pe _ on Li : j2 . ZT à 2 a —= (bc — ci)”, qui fe réduit à x° — —JX + ax EYE y — ai = 0, & c'eft le lieu géomé- trique Z L X de tous les points Z où il eft également pro- bable que le navire foit arrivé, lorfque le Pilote, trompé par fon eftime, fe croit en 2. On reconnoït aifément à la vûe de l'équation précédente, que nos lignes courbes font effectivement des hyperboles comparées à leurs afymptotes. La ligne VO eft toûjours une de ces afymptotes, & l'autre 7 eft parallèle à NRA, & en eft éloignée de la diftance NV», qui eft égale à ire À prife fur le prolongement de A7 N. Comme les quantités à & c font toüjours très-petites par rapport à la longueur 4 de Ja route, l'afymptote #r fera toüjours très-peu éloignée de NR, & elle en fera encore plus voifme lorfque 2 K, qui eft défignée par ?, fera plus grande. Il arrivera à {a fm, lorfqu'on augmentera BK, que l'hyperbole fe confondra avec les deux côtés de l'angle PNAZ, & alors elle aura ces deux lignes exactement pour afymptotes: ce fera aufli {a même chofe des portions d’hyperboles renfermées dans les trois autres angles du quadrilatère. Nous croyons qu'on peut, và l'état aétuel de F1 Naviga- (b— i) a tion, regarder prefque toûjours la quantité == comme nulle, à caufe de la grandeur de a par rapport aux erreurs b & « Toutes nos lignes courbes deviendront, dans cette B ij 12 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Fig. 3. fuppofition, des portions d'hyperboles équilatères qui auront leur centre dans les fommets des quatre angles du quadrila- tère À O, devenu un rettangle, & ces hyperboles auront pour afymptotes les quatre côtés du rectangle. En eflet, fr l'on fuppole a infinie, notre équation générale fe réduira à cette autre x — xy + dy — ci = 0, ou à {b — x) x (c— y) — (b —;i) x c, qui convient toüjours à fa multitude infinie d'hypothèfes que renferme l’expofant indé- terminé #7. Nous inférerons de cette remarque un moyen très-fimple de réfoudre un des cas particuliers du problème général qui nous occupe. Nous nous croyons arrivés en Z, & en obfer- vant la latitude, nous reconnoiflons que nous fommes fur le parallèle CD à l'équateur, lequel paffe à une affez grande diftance du point À pour ne traverfer qu'un des quatre rec- tangles partiaux P 47 dont eft formé le rectangle À O. Nous confidérerons que chaque arc d'hyperbole qui coupera le pa- rallèle € D, le coupera en deux points comme # & /, qui jouiront du même degré de probabilité, & que ces deux points feront chacun également éloignés dans le fens du pa- rallèle C D, des deux afymptotes NP & NM, c'eft-à-dire, ue FH fera exaétement égale à 7ZG. Ce fera la même chofe de tous les autres points également probables pris deux à deux, à caufe de la propriété commune à toutes les hyper- boles. Or il fuit de là que pour trouver le point £, qui eft non feulement le plus probable de tous confidérés chacun à part, mais qui eft aufli comme le centre de tous les autres, nous n'avons qu'à prendre exactement le milieu de la partie FG du parallèle, interceptée dans le rectangle ou dans le - quadrilatère P #7 que forment les plus grandes erreurs, tant {ur le rumb de vent que fur la longueur du chemin. Cette {olution n'a abfolument rien de commun avec les opérations actuellement employées par les Pilotes fous le nom de corredlions ; elle eft d’ailleurs extrémement facile à mettre en pratique, mais malheureufement elle n’eft bonne que pour un feul cas du problème. Il eff évident que fi les DES SCIENCES. 13 points Æ & Z, qui font également probables, appartiennent Fis: 3. à deux différentes hyperboles, on ne pourra plus, pour choifir le centre Æ de probabilité, {e fonder, comme nous venons de le faire, fur la propriété qu'ont ces lignes courbes com- parées à leurs afymptotes. Il faut donc qu'en pouffant nos recherches plus loin, nous parcourions les autres cas. s ETL Nous allons réfoudre derechef le premier de ces cas per une méthode très-différente de la précédente; au lieu d'élever B— x où c — y à la puiflance "m pour avoir les cafudlités dont dépendent les erreurs x & y, nous nous contenterons de prendre les quantités mêmes b — x & c — y pour les degrés de pofhbilité de ces erreurs, c'eft-à-dire que nous fuppolerons l'expofant #1 égal à l'unité. Premier cas. Le point B dans la figure 4 indique toüjours le point où eft arrivé le navire felon l'eftime du Pilote : le rectangle VS eft formé par les limites des erreurs commifes tant {ur le rumb de vent 4/7 que fur la longueur de la route, & C D eft le parallèle à l'équateur connu par l’obfer- vation aftronomique : ce parallèle ne traverfe, comme ci-de- vant, qu'un des rectangles partiaux P M. Nous confidérons d'abord un point Z de ce parallèle, & nous nous propofons d'en déterminer le degré de probabilité. Ce point L fuppofe fur la longueur de la route l'erreur FL, dont le défaut LT à la plus grande erreur 8 47 qu'on peut commettre dans le mème fens, exprimera les cafualités. Le même point L fup- pofe l'erreur BY à l'égard du rumb de vent AZ, & fon défaut à la plus grande erreur BP, dans le même fens, eft Y P ou LV. Pour trouver par conféquent le nombre de tous les cas qui donnent le point L, nous avons qu'à mul- tiplier LV par LT; & il nous fuffit pour cela d'élever la perpendiculaire L X au plan du reétangle À O, de la rendre égale à LV, & d'achever le rectangle L X°Z T': a grandeur de ce rectangle exprimera les cafualités dont dépend le point L. Nous ferons la même chofe pour tous les autres points de la partie F°G du parallèle à l'équateur, & nous formerons par B ii Fig. 4. 14 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE Fig. 4. J'affemblage de tous les rectangles élémentaires L X ZT, la pyramide FN HG, qui exprimera non feulement la fomme des cafualités de tous les points de #G, mais qui en mar- quera la diftribution : ainfi la queftion fe réduit à chercher le centre de gravité de la pyramide, & à le rapporter à /G. On fera pafler par ce centre un plan vertical parallèle à A4 47, & il coupera Æ#G dans le point requis Æ, qui fera comme le centre de probabilité de cette ligne. Le centre de gravité de la pyramide répond au quart de fa hauteur, & il eft fitué fur une ligne droite tirée du fom- met / au centre de gravité de la bafe F'NG, lequel répond au tiers de VG. Ainfi le centre de gravité de à pyramide “eft plus avancé d'un quart vers G que le centre de gravité de la bafe, & il répond par conféquent au point Æ de mi- lieu de NG. I fufhit donc, pour trouver le centre de pro- babilité £ de tous les points de FG, de prendre le milieu de cette ligne, comme nous lavons déjà vü. Second cas. La folution précédente n'a pas d'application lorfque le parallèle FG coupe le diamètre 4 47 du rectangle RO, ou la ligne droite qui joint les points de milieu 47 & À des deux côtés oppolés NO, RS; ce qui oblige de for- mer un fecond cas de cette nouvelle circonftance. Le folide . FNHKG (fig. s) qui repréfente la fomme des différentes cafualités des points de FG, fera alors un onglet de prifme. Les rectangles élémentaires, comme /x7#, qui font entre IM & le point G, vont en diminuant à mefure qu'ils font plus voifins de ce dernier point, parce que les cafualités dont dépend chaque point / font les produits de fes diftances à NO & à SO, & non pas à R N. H n’eft pas néceflaire, pour afligner la place du centre de gravité de ce folide par rapport à NG & F°G, de détermi- ner abfolument ce folide ; cependant fi on nomme f Ja diftance GM du point G au milieu de NO, & que l’on cor- ferve les mêmes dénominations que ci-devant, on aura c + f pour lexvreffion de NG; & fi défignant le finus total par 7 on nomme 7 la tangente de l'angle du rumb de D'AEISNISICNILE" N'IC: EUS. 15 vent, c'eft-à-dire, l'angle que fait la loxodromie avec le Fig. $. méridien , toutes les dimenfions du folide F N HG fe trou- veront fixées. L’angle FGN fera égal à celui du rumb de vent, puifque VO eft perpendiculaire à la route, & FG au méridien : ainfi nous pourrons faire cette analogie; le finus total r eft à GN = c + f, comme la tangente s du ct+ fr e rumb de vent eft à NF — LA On fe fervira après cela des méthodes ordinaires pour découvrir à quel point de NG répond le centre de gravité du folide : on trouvera qu'il eft éloigné de B M de la dif- t+2cf—2cf + ft 26 +6 + 6cf —2f dee M ou de EA, diftance du point requis Æ à la route AM. Suppolé qu'on ajoûte enfuite cette diftance à 410, on aura re ee pour eG; & fi on prend l'excès de cette ligne fur la moitié +c + + fde NG, Hbotyen er pour Îa quantité dont le a Dion 2 Can point requis Æ eft plus avancé vers le côté À N que le mi- lieu de #G, Cette quantité ne fe réduit à rien que lorfque ou MG eft égale à zéro; & elle eft toûjours pofitive lorfque, dans le cas que nous examinons, 1G eft d'une gran- deur finie. Ainfi le point Æ, qui eft le centre de proba- bilité, n'eft pas au milieu de G F dans les circonftances exprimées par la figure $# ce point eft toüjours un peu plus éloigné de G. Lorfque le point G fera au milieu de 10, la petite quan- cf PCR + 3m — milieu de GF vers F dans le fens parallèle à NG, fera exacte- . ment d'une cinquantième partie de toute la ligne NG; & » left certain qu'on pourra dans la pratique négliger une fr petite diflérence. On pourra, felon toutes les apparences, fe difpenfer encore d'en tenir compte, lorfque 4/G ne fera que tance ;» & ce fera donc la valeur nn uté dont le point Æ fera éloigné du 16 MÉMoIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Fig. 5: les deux tiers de 4/0, la petite quantité qu'on négligera ne fera qu'environ la vingt-feptième partie de NG; mais il fera bon d'y avoir égard lorfque f fera égale à c, ou lorfque le parallèle à l'équateur paflera par l'angle O; car le point Æ fera éloigné alors du milieu de la partie interceptée du pa- rallèle d'une douzième partie de NO ou NG. « 5) ot ee On peut changer l’expreflion BEST en cp È (c+fP—2f? & fi on veut avoir la diflance du point Æ au milieu de FG en mefurant cette diflance fur #G mème, on n'aura qu'à mettre à la place de c, de c + f & def, les quantités propor- 1 FG x (IG petite quantité dont le centre de probabilité £ de FG eft éloigné du milieu de cette ligne vers 7: Troifième cas. Si f fe trouve plus grande que c, ou fi le point & fe trouve en dehors du point O & prend Ja fitua- une autre qu'on trouvera peut-être plus fimple, tionnelles que fournit G, On aura pour Ja + tion qu'a le point g dans la figure 6, le folide FN KO G qui exprimera la fomme des probabilités de tous les points de FG, feraun prifme triangulaire couché, & nous aurons un troifième cas. Alors Æ A fera égale à er ; de forte que plus Mg ou f fera grande, plus le centre de probabilité Æ fera voifin du milieu de FG : il eft bien facile d'en voir la raifon. Plus le point g eft éloigné de A7, plus les deux bafes du prifme approchent d'être parallèles, & plus le centre de gra- vité du folide doit avancer vers le plan vertical ZX 4 M. La valeur de Æ A que nous venons de trouver eff fort fimple, & elle le fera encore fi on cherche la relation de ÆE A à 1B, Nommant ; la diftance /B du parallèle CD au point À, mefurée fur Ja direction du rumb de vent, nous i, & le triangle rectangle 7 Mg nous aurons M 1 =D br — ir ! donnera = — pour la valeur de Ag où de f, pendant que 1 À Î DES SCIENCES. 17 que nous nommerons 7 le finus total, & r la tangente de Fig. 6. l'angle du rumb de vent. Or cette expreffion de f étant introduite dans la! valeur de Æ A, nous donner ZA t c° 25544 SR — x ? #15 SE . Aiïnfi l'angle du rumb de vent étant fup- — 1 polé le même, mais le parallèle CD étant plus où moins éloigné du point B, la diftance du centre Æ de probabilité de FG au point / fera en raïfon inverfe de M1, & le point Æ {e trouvera fur une hyperbole qui aura AB pour afymptote & le point 47 pour centre. Quatrième & cinquième cas, Enfin, nous aurons encore deux autres cas lorfque le parallèle € D coupera non feule- ment le diamètre 447, mais aufli le diamètre PQ. I n'im- porte que le parallèle C D foit plus ou moins oblique à l'égard de Ia route lorfqu'il ne coupe qu'un des diamètres AM où PQ, le céntre de probabilité £ partagera toûjours la longueur de FG dans le même rapport, pourvü que Îa quantité f foit exaétement la même, ou pourvû que le point G ne change pas dans la figure s, ni le point g dans la figure 6. En effet, quoique les rectangles élémentaires EXZ'T: qui forment les {olides que nous confidérons, foient plus ou moins grands, leur diftribution fera toüjours Îa même, & leur centre de gravité répondra toüjours par con- féquent au même point de FG; mais ce ne fera plus Ja méme chofe fi le parallèle C D à l'équateur coupe en même temps les deux diamètres 414 & PQ; le folide prendra vers Fune forme un peu différente, & le centre de gravité fe rapprochera encore davantage du milieu de FG. La figure 7 nous préfente un de ces derniers cas » que Fig. 7. nous prenons pour le quatrième. Le folide perdra fà forme d'onglet vis-à-visidu point 3, où le parallèle coupe le fecond _ diamètre; ce qui vient de ce que l'erreur à laquelle les points comme / {ont füjets fur la longueur de fa route, eft néga- tive entre Z & Æ, & de ce que le fupplément de cette erreur à fa plus grande n'eft pas repréfenté par la diftance du point /à NO, mais à RS. Il fait de là que plus les Mém, 1752, C 78 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE points comme / font voifins de Æ, plus leur desré de pro- babilité diminue, non feulement par rapport à la direction de la route, mais aufli par rapport à la longueur du che- min. Les rectangles élémentaires du folide prifmatique chan- geront donc de loi en Z; & pour peu qu'on y faffe attention, l'on reconnoîtra que l'onglet de prifme fe trouvera entamé en cet endroit, & terminé par un plan vertical élevé au deflus de Xf, qui forme avec FX le triangle ifocèle FE f. Or il eft clair que ce retranchement doit faire avancer vers G le centre de gravité de l'onglet, & que le point £ fe rap- prochera auffi du milieu de FG. Si on continue à fe fervir des dénominations que nous avons déjà employées, & qu'on indique PX par @ , on trou- : HH2cf— 3cf — 4acp+aipt+ ft vera la diftance E A — LÉ HOUSE ee QE ; 20 + 6f + Ccf — 2f — 49 _& fi l'on cherche combien le centre de probabilité Æ eft au delà du milieu de F'G par rapport au point G, il viendra cp — cp — fe + gt dcr Ron Mr fire ® ou PE fera égale à AMG —f, où lorfque FG coupera les deux diamètres PQ & 1 À proportionnellement. Ainfr le centre Æ de probabilité fera encore alors exactement au milieu de FG, Lorfque l'obliquité de CD fe trouve aflez grande dans la figure 6 pour que ce parallèle, en pañlant toûjours par le point g, coupe le diamètre PQ, on aura le cinquième & dernier cas. Le prifme FN AG aura alors une partie retran- x» qui fe réduira à rien forfque * chée vers Æ, comme le repréfente la figure 8; & il eft évident que ce retranchement fait au prifme fera caufe que {on centre de gravité s'approchera de B AZ, & qu'il s'en faudra par conféquent moins que le point requis Æ ne foit au milieu Z de F°G, Si l'on nomme toujours f la diftance Mg, & @ la 4 309 + q# 6f — 29 pour la diftance Æ A du centre de probabilité Æ£ au dia mètre À M. à partie PE du fecond diamètre PQ, on trouvera - one MS — Ne = À DES ScirENCES. 1 100 I faut remarquer qu'on eft obligé de diftinguer le même Fig: $. nombre de cas en cherchant la fomme des probabilités ou leur intégrale par le calcul. L'intégration qu'on emploie pour un cas ne réfoud pas le problème pour les autres, parce qu'on éft aftreint à ne chercher toûjours la fomine des probabi- lités que pour la feule partie du parallèle C'D qui ‘eft inter- ceptée dans le rétangle RO. Aïnfi lorfque le parallele CD au lieu de couper , par exemple, le côté NO, coupe OS, comme dans les figures € #7 8,'on ne doit pas intégrer les calualités des points du parallèle jufqu'en g, mais on doit s'arrêter en G; & c'eft ce qui introduit une grande difié- rence dans: les réfüultats des calculs. Le parallèle CD peut auf paffer au deflous du point éftimé #, & traverfer plus où moins obliquément les diamètres du reétangle, felon Aa diverfe obliquité de la route; mais les nouveaux cas que ces changemens peuvent produire fe rapporteront toûjours aifément aux cinq que nous venons de parcourir : il fufhra de regarder le diamètre PQ comme le principal, au lieu du diarnètre 4 À, ou appliquer à l'angle R ce que nous difions de l'angle O, &c. I V. Müis il f préfente une difficulté très-confidérable contre les recherches ‘contenues dans les deux articles précédens. Les hypothèfes que nous venons d'employer peuvent repré- fenter li progréflion que fuivent les erreurs lorfqu'elles font fort grandes ou qu’elles approchent de léur dernier terme; mais on peut aflurer que ce n'eft pas la même chofe lorfque les erreurs font très-petites. I éft d'abord évident que la loi de continuité fe trouve violée lorfqu'on exprime les cafualités dés erreurs BK, B4 de part & d'autre du point B (fig. 2) par les ordonnées de deux lignes courbes ou droites FH & G'H qui fe coupent én AH; car lorfque ces erreurs changent de dénominations, & que de négatives, comme B F, elles deviennent pofitives comme 4 ,0on renonce aux ordonnées 4A de Îa première ligne” courbe où droite FA, ipour fe fervir de celles de | ge 50 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE . Vautre ligne GA, fans qu'on y foit déterminé par aucuné raifon prife à priori. Outre cela, les cafualités des très-petites erreurs ne paroiflent pas changer aufli fubitement que le marquent ces figures; car il y a tout lieu de croire qu'une très-petite erreur eft aufli poflible que le zéro même de cette erreur. Lorfqu’il s’agit d'opérations très-délicates, certaines quantités fe refufent à nos yeux, & toutes les petites erreurs qui font renfermées dans cette étendue peuvent être regar- dées comme l'effet d’un hafard égal. Il fuit de-1à que les cafualités dont dépendent les erreurs 2 # & B 4 ne font pas exprimées réellement par les ordonnées Æ L & 47 d'une ligne courbe FA G qui fe termine en pointe en A, mais qu'il faut que cette ligne courbe FH G ait au contraire en À une petite partie de fon cours parallèle à la bafe F°G. Nous nous trouvons donc obligés d’avoir recours à quelques autres hypo- thèles, & il nous refle à examiner les changemens que ces nouvelles vües produiront dans nos premières conclufions. Nous fuppoferons que chaque caufe d'erreurs ne peut pro= duire qu'une erreur d'une feule quantité, mais qu'elle peut agir indifféremment .dans un fens ou dans le fens contraire: ce feront, fi lon veut, des dés qui n'auront que deux faces, {ur lefquelles on aura écrit le même nombre pofitivement & négativement, - 1, par exemple, & — 1. Deux pareilles caufes, fi elles agiflent enfemble, ne nous donneront que l'erreur pofitive ou négative 2, avec l'erreur nulle, & les cafualités de ces erreurs feront marquées par 1, 2, &4r, c'eft-à-dire qu'il n’y aura qu'un feul cas qui donnera chaque erreur extréme — 2 ou — 2, mais que deux cas donne- ront l'erreur nulle, parce que chaque caufe peut fe trouver pofitive & l'autre négative. Si au lieu de deux caufes on en fuppofe fix, nous pour- rons être fujets aux erreurs 6, 4, 2,0,—2,—4,—6, & les cafualités de ces erreurs feront 1, 6, 15, 20,15, 6 & 1. Si en général nous défignons par #7 le nombre des caules, & que e foit l'erreur particulière que chacune peut pro- duire, nous ferons fujets à commettre les erreurs me,me —2, Dre ts $1e TEN CE S 21 me— 4, me — 6, &c & les cafualités feront exprimées Fig. 8, Mm— 1x M— 2) M—3 39 fournit tous les coëfficiens d’un binome élevé à la puiffance #7, Lorfqu'on fuppole qu'il y a fix caufés. particulières capables de produire chacune Terreur + 1 où — 1, on n'a qu'à mettre 6 à la place dem, & 1 à la place dee, on trouvera par les deux formules les erreurs qu'on doit craindre, & les cafualités dont elles dépendent. Cette manière de repréfenter la loi que fuivent les erreurs, ne fouffre pas les mêmes inconvéniens que les précédentes ; outre cela, les erreurs y font données fous la forme de quan- tités difcrètes qui diffèrent les unes des autres du double d’une des erreurs particulières, & il eft certain que les erreurs dans lefquelles nous tombons vont réellement par fauts, tant à caufe des négligences que nous nous permettons dans nos expreffions numériques, qu'à caufe des petites quantités que nous n'apercevons pas. Jl faut néanmoins que nous renon- cions en partie à cet avantage , en repréfentant les cafualités par les ordonnées d'une ligne courbe. Nommant x les ab{ciffes BK, Bk (fig. 2) qui tiennent lieu d'erreurs par rapport au point. À, .&:7 les ordonnées £L, BH qui font propor- tionnelles aux cafualités de ces erreurs, nous n'avons qu'à marquer la relation, de, ces lignes par. l'équation 7 — 6 — 26° x° + x*, dans hquelle e marque les plus grandes erreurs BF, BG, & ïÿ s'en faudra peu que la ligne courbe ne repréfente l'effet de fix caufes particulières. On pourroit, en donnant à l'équation un plus grand nombre de térmes, exprimer les effets d'un plus grand nombre d’agens : les paraboles campaniformes de.'tous les degrés nous pa- roifient principalement propres à cet ufage, & on remarquera qu'il fufht de repréfenter à peu près la marche des erreurs, pour que nos examens deviennent fuffifamment exacts. On peut, comme on le fait, faire varier la diftribution de plu- fieurs poids le long d'un levier, fans.que leur centre de gravité commun change fenfiblement de: place: ce doit être à peu üij m . par la formule 1 x — x , &c. qui . Li # 353% MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE è près Ja mênie chole du centre de probabilité. Afin de rendre nos calculs plus fimples, nous nous bornons à l'équation 2e — x", qui exprime à: peu près les effets de quatre caufes particulières. Nous continuerons à nommer 2 à les côtés R N & SO - durectuingle À O (fig. 9 ), 2c les deux autres côtés NO & RS, x les diftances LT du: diamètre A2 A aux différens points L du parallèle € D à l'équateur, & y les diflances WL des mêmes points à l'autre diamètre PQ. Les cafualités qui produifent l'erreur # ou TL, feront exprimées par À — x, & les cafualités qui produifent l'erreur °L = y, feront expri- mées par 4 —— y". Si on multiplie les unes par les autres, on verra que les lieux géométriques de tous les points égale- ment probables autour de B, font fenfiblement des cercles ou des ellipfes, lorfqu'on les confidère proche de 2. Ce féroit la même chofe à l'égard de toutes les autres hypothèles dont nous parlons dans ce quatrième article; mais nous ne faifons ici aucun ufage de cette propriété, parce que ces lieux géomé- triques dégénèrent toûjours en quadrilatères à une grande dif- tance de B, ou lorfqu'on les éxatnine proche dés limites des plus grandes erreurs. Nous chercherons d'abord la relation des y aux x dans le triangle rectangle /7°L, en nommant, comme ci-devant, r le finus total, & 7 la tangente de l'angle du rumb de v&rit, qui eft égal à l'angle ZLT, nous aurons 2/7 — — ; & . \ . . î 1x fajoûtant à B / = i, il nous viendra À: + —— pour la valeur de FL — V2 Ainfi les cafualités des erreurs 7 L, que nous 221%) exprimions par b° — y”, le feront par 4° — ÿ — r ex BLPE DE 3 — ——; & fi nous les multiplions par les cafualités c— x°, LA ui produifent l'erreur 7° L, nous aurons qui pi — rx + PP c° 2c*itx Cas À 2ira txt I Éd are RS se euro PO de DES SCALE IN CO HE Sy 23 multitude entière des cas dont dépend la fituation de Z. " Fig, n'y aura après cela, comme il!eft évident, pour avoir a fomme des cafualités de tous les autres pointside #G rap- portés à B Q, qu'à multiplier la valeur précédente par 4x, & enfuite intégrer, —érs 3 k viend + Pets ATr + Li 43 21x4 x5 jl Me ares EE UT + +02 x3 ses HN sas ru TI 41 2 qui fe réduira à À : d—20i _— —’ = IT fi Yon donne à x fa plus grande valeur BQ —:c. Nous trouve- rons de Ja même manière pour l'autre côté IF, Yintégrale Pa 4 2 PR ER AU 24° —2cr + THE ; qu ‘il fuffit de joindre cr avec l'autre, & nous aurons # b° » ES +40i a —— z pour la fomme des cafualités de tous les points de F je non pas conférés abfolument, mais projetés fur P Q: Le calcul ne fera pas plus long dorfqu'on cherchera le moment de ces cafualités pour én conclurre le centre de pro- babilité. Nous multiplierons les cafualités élémentaires par x avant que d'intégrer; mais au lieu d'ajoûter enfemble les momens pour /G'& pour ZF, il faudra ôter Vun'de l'autre, parce que l'un eft Liu pendant qué l'autre eft pofitif; ils fe réduiront à = que nous affeétons du figne +, parce que le centre de probabilité Æ doit être du côté de P par rapport à Z. Enfin divifant ce moment par la fomme 2cirt des cafualités, ïl nous vient pour a sr ET See NES diftance Æ£ À du point requis Æ au diamètre 4 A4. On peut introduire dans cette expreflion à la place de br , be bg Hf—p ef la diflance E’A par rapport à My —f& à PE — €. , & ON aur& 2 & de i leurs valeurs Fig: 9. s'abrégera en EA = que à. 24 MÉmoires DE L'ACADÉMIE ROYALE fufht de faire cette fubftitution pour quelques cas particuliers; & on verra que le centre de: probabilité de FG éft toûjours à peu de diflance du milieu de cette ligne. Lorfque le paral- lèle © D pile par l'angle O & par le point P, on a f—c & g — 0, ce qui nous donnera — _ Éh=— + de L'introduction de ces valeurs dans la formule £ A De, en LL réduire £ At > €, au lieu SP —SÉr— Er , 7 que les hypothèfes de l'article précédent nous donnoient dans les mêmes circonftances, £ A — +c A mefure que B 7 fera moindre, le centre de probabilité Æ fera encore plus proche du milieu de FG, & lorfque Z / fera extrémement petite, ou fera fur le point de difparoitre, notre formule 2 cire SE — ÆE À changera alors exaétement en même raifon que BZou 7? qui nous apprend que En réuniffant les remarques faites dans cet article É dans les précédens , nous aurons la folution de notre problème pour tous les cas; il fufhra toüjours de mettre à peu près entre le milieu de F G & le point requis Æ l'intervalle que nous trouvons par nos formules. Suppolé qu'on voulüt porter la précifion plus loin, il faudroit dreffer une petite Table qui contint la grandeur de ces intervalles, afin de difpenfer les Pilotes de s'engager dans des opérations graphiques, qui, quoique fimples , feroient fouvent trop longues. On peut auf chercher felon quelle direction il faut tranf- porter le point e/ämé B pour le mettre en Æ. Ayant trouvé 2 CH2nit ñ £EA = SFR ren nous aurons TA ACTE à RELArT Æ ren r v À caufe du rapport de r à : qu'il yaente £A & JA dans le triangle rectangle £ A Z. Nous Otons À / de B1— i, il nous vient B A sir — sr Sci, es TR ÿér en ’ & fi nous nommons 8 la tangente me SP SSP DE NL ee ee 9714 25 tangente de l'angle £ B A que fait avec {a route fa direction! B E que nous nommons tranflative, felon laquelle il ‘faut conduire le point B pour le mettre fur # G dans le centre de probabilité £,-nous trouverons cette tangente, en réfolvant le triangle rectangle BA E ,. dans lequel nous connoîtrons les deux côtés £A & BA. Il nous viendra À 2crt à 4 8—= ———.———, qui nous donne donc en gran- SET — SËr — 36° deurs entièrement connues la tangente de l'angle ÆE B Z. Lorfque cette tangente fera égale à z, ou que l'angle Æ BZ fe trouvera exaétement égal à celui que fait avec le méri- dien 12 loxodromie fur laquelle on croit avoir couru, la direc- tion BE fera précifément le nord ou le fud, & l'opération que les Pilotes emploient fous le nom de Jeconde correthion fera parfaitement exacte; mais pour peu que la route foit plus ou moins oblique, la tangente 6 fera plus grande ou plus petite que la tangente #, & la diretion tranflative 2 E ceffèra d’être le nord ou le fud. IL eft évident que f1 8 eft moindre que , le point Æ fe trouvera entre-le: point déterminé par l1 feconde correction & le point /, c'eft-à-dire, que dans le cas repréfenté par nos figures, la direction tranflative 8E tiendra un peu de left, & elle tiendra au contraire de l’oueft fr la tangente 8 eft plus grande que z Au refté, il ne fera pas difficile de découvrir dans quelles circonftances fe fera. le plus grand écart de Ia direction tranflative; ce problème particulier ne fera ici que du fecond degré. Je me füis contenté de chercher les valeurs de 9 dans la fup- pofition que à — c, & que À fût extrémement petite, ou que le point eftimé 2 füt tout-à-fait voifin du parallèle C D trouvé par l'obfervation aftronomique. La feconde de ces fuppofi- : 2CPt É Ron noûs donne — 22. & lorfqu'on fait S Dr cie 2rt OP 6, on Ê — —"" , dont nous croyons TN RTE qu'on peut fe fervir dans une infinité de cas. Nous aurons peut-être occafion de donner plus d'étendue à da petite Table Mém. 175 2. d ] 10 155 20 25 pete des Routes, OBLIQUITÉS mm # Hhhimmmmlemb|m tm DIRECTIONS du point eflimé au point corrigé. HÉRER »d 2 franflatives ‘ »9 52 37 o se PPS rt 54 21 59 50 21 54 53 o 37 SE. 52 Ë : HE O © _— 26 Mémoires DE L’'ACADÉMIE ROYALE que nous a procuré cette formule, & nous infifterons alors fur quelques autres confidérations que nous avons négligées ici. Au fur- plus les Leéteurs voient aflez que cette petite Table peut s'appliquer à toutes les loxodromies, en changeant fimplement les dénomina- tions des directions tranfla- tives. Nous pourrions auffi nous difpenfer d’ajoûter que fi: le parallèle C D pañoit au deflous du point 2, ou {1 la différence en latitude donnée par l’obfervation étoit moindre que celle que fournit la réfolution du triangle loxodromique SU IL faudroit convertir les direc- tions tranflatives en leurs contraires, prendre le fud pour le nord, eft pour RE l'oueft &c. Dem. de LAe.R. des Se, 1782 Pag. 26. PL.1. Tyran Ja 1752 Pag, 26. PL 2. Zen, de L'Ac,R. des Se. Men, de l'AcR. der Se. 175a Pig 26 Pl. 2 Ingram Jeu em, de LA. R des S'e,1 52. Pag, 26, PL. 3. Aomn. de Le R dar Se.1752. Pag, 26. PL I Ze hgrum deu DES SérYENCES. 27 MAE MO I R € SUR QUELQUES MONTAGNES DE LA FRANCE QUI ONT ETE DES VOLCANS. Par M. GUETTARD. D): PUIS quelques années , la Terre a reçû dans plufieurs endroits des commotions terribles par les tremblemens qui ont été füivis d'éruptions de volcans qui avoient déjà été enflammés, ou qui l'ont été alors pour la première fois. Lima voit fon port, le Callao, enfeveli fous les eaux de fa mer qui a franchi fes bornes, agitée par un tremblement de terre des plus furieux. La Jamaïque fouffrira fong-temps des effets d'un ouragan qui paroît avoir éu pour caufe pre- mière un tremblemént de terre prefque auffi violent que celui de Lima. Saint-Domingue a fenti à Léogäne, au Cap François, & fur-tout à l'Ifle-ä-Vache, des fecoufles des plus éffrayantes , qui ont précédé léruption dé déux nouveaux volcans qui continuent à jéter des flammes. L'Europe n'a pas été plus épargnée que PAmkérique: Nap'es voit peut-être encore lé Véluve vomit des ruïiffleaux dé matières fondues qui ont trouvé des ifluès par de nouvelles ouvertures qui ne fe font pas faites fans avoir été précédées de trémblemens de terre confidérables. L’Angletérré naVoit point, depuis long temps, reflenti dés fécouffes auffi violentes que celles qui viennent de lagiter : la France même, qui, ainfi que _YEgypté, ne left jamais, fr l'on en croit Pline # Je Natüra- life, & rarément felon Crucius b; 1x France, dis-je, a vû plufieurs de fes provinces dans 1x craînté & l’épouvante, occa- fionnées par de fembhbles tremblemens. Dans un temps où la terre femble être dans une efpèce de fermentation, l'on né féra pêut-êtré pas fâché d'ipprénidre que ce royaume à et dans des Dj) 10 Mai 175 2. « Fif. Narxr. Ub. 11, cap. LXXX. b Vefuv. ard pag. 216. .28 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fiècles reculés des volcans pour le moins aufli terribles que ceux dont je viens de parler, & qui ne demandent peut- ètre, pour s'enflammer de nouveau, que les moindres mou- vemens & les plus petites caufes. Cette connoiffance n’eft-elle pas préférable à la fécurité où nous vivons? & fi elle nous appelle Jés inalheurs de nos ancètres , ne peut- -elle pas nous être avantageule, en nous engageant à chercher à déterminer les montagnes de la France qui ont autrefois brülé? Indépen- damment des vües que l'on pourroit en tirer pour la Phy- fique générale & particulière, cette connoiflance & l4 com- paraifon que fon pourroit faire de ces. endroits avec ceux qui n'ont point été entamés, ne pourroient-elles pas donner de juftes craintes aux habitans des cantons où il y a des volcans éteints, & à ceux des pays femblables à ces derniers, & les engager à prendre dans des temps de tremblemens de terre des précautions qu'il n'eft jamais honteux & qu'il ef toûjours fage d’avoir dans de pareilles occafions? Ces réflexions m'ont engagé à choifir cette matière entre un bon nombre d’obfervations d'Hiftoire Naturelle que j'ai faites dans un voyage où j'ai vü, à la fin de l'été dernier, plufieurs provinces de la France, dans quelques-unes de leurs parties, favoir, le Bourbonnois, l'Auvergne, le Forès, le Lyonnois & le Nivernois: celle-ci étoit, avant ce voyage, la feule où J'avois un peu entré; il m'étoit intéreffant d'avoir fur les autres principalement des connoiflances par moi- même : ce nétoit qu'au moyen d'obfervations étrangères, que javois parlé de ces provinces dans la carte minéralo- gique que j'ai donnée en 1746. Je ne doutois point. que ce voyage, ne m'éclairât beaucoup plus que tout ce que nous avons juiqu'à préfent, & que je n'obtinffe des lumières qui {erviroient. à augmenter la certitude: du fyfième fur lequel cette carte eft faite, & qui me fourniroient des corrections dont je ne doutois pas qu ‘elle n'eût befoin. Il eft arrivé l'un & l'autre : le fyflème a été confirmé, & ls carte fera per- fectionnée, Outre ces connoiffances générales, j'en ai acquis de détail DES SCIENCES. 29 qui ne me paroiffent pas moins curieufes. J'ai décrit les mines de charbon de terré de Saint-Etienne en Forès, & celles de Saint-Chaumont en Lyonnois: j'ai examiné avec foin les monticules & {a fontaine qui donnent du bitume aux en- virons de Clermont en Auvergne. Je me fuis afluré que {a fontaine qui eft proche Montpenfier, n'eft rien moins que bitumineufe, & qu'elle na rien de tout le merveilleux que Jon en rapporte. J'ai décrit une montagne fur laquelle eft bâti le Château de cette ville, montagne qui eft fingulière par fon plâtre, qui n’y forme que des lits de quelques lignes d’é- paifleur , dans une mafle d'une terre jaunätre qui fait le corps de la montagne. J'ai déterminé la nature de ces pierres de Bowbon-l Archambault, dont il eft parlé dans la Defcrip- tion de la France comme de pierres précieufes: elles ne font que de la prime d'émeraude, qui pourroit cependant mériter quelque attention, puifqu'il s'y en voit des morceaux aflez gros pour fervir de pavés ou de pierre de maçonnerie, de forte qu'il y a une rue qui en eft prefque toute pavée, & des murs de jardins qui en font faits en partie. J'ai trouvé un grand nombre de granits, dont plufieurs ne le cèdent point en beauté à ceux dont j'ai parlé dans mon Mémoire de 1751, dans lequel j'ai prouvé que la France en poffédoit d'auffi précieux que ceux d'Egypte. J'ai fait des remarques intéref fantes fur la nature des pierres blanches, c'eft-à-dire, de celles qui font calcinables, tendres, qui ne paroiffent différer de la marne & de la craie que par plus ou moins de dureté, fur celles que l'on appelle communément pierres pifolites, pierres oolites, cefl-à-dire, qui font compolées de grains ronds ou oblongs qui, fuivant leur groffeur, reflemblent à des pois ou à des œufs de poiflon. J'ai trouvé dans les en- virons de Vichy, de petites roches de pierre calcinable, compofées de différentes couches qui font comme autant de calottes fphériques qui fe peuvent aifément féparer les unes des autres, lorfque les rochers font tendres. Dans ceux qui font durs & qui ont en quelque forte acquis la dureté du caïllou, elles prennent un affez beau poli, & elles forment des D ii 30 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe accidens affez curieux par leurs différentes couleurs, & par les - Ut Pl finuofités & les contours que les veines colorées fuivent*. J'ai É obfervé plufieurs efpèces de corps marins fofliles aux portes de Nevers, & au haut de la montagne de Pougues: la pluf part de ceux de ce dernier endroit tombent, ainfi que plu- fieurs efpèces de pyrites, en une efHorefcence faline. La route depuis Paris jufqu'à Pougues, quoique dans un pays aflez flérile en Hifloire Naturelle, n'a pas laiflé de me faire voir des rochers de poudingues, c'elt-à-dire, de pierres compofées de cailloux réunis par une matière quelconque : ils {e tirent proche Briare, en un endroit appelé la Roche, & aux portes de Nemours. Quoique ceux-ci ne puiffent pas prendre le poli qu'il eft facile de donner aux premiers, qu'on n'en puifle pas faire des tables & d'autres ouvrages femblables , que’ ceux de Briare pourroient fournir, ils ne font peut-être pas moins intérefflans pour un Naturalifte; ils peuvent l'éclairer fur la compofition & la nature de ces pierres, plus que les autres; ils peuvent être plus aifément décompolés ; les parties dont ils font formés fe détachent fans beaucoup de peine les unes des autres : quelques-uns de ces rochers ne font, à proprement parler, que des mafles de grès ordinaire, qui en font incruftées prelque dans tout leur contour. IL étoit impofñlible de faire entrer dans un Mémoire le détail de toutes ces obfervations; il à fallu fe borner, & Jai cru que ce qui regardoit les volcans pourroit piquer la cu- #iofné plus que toute autre, vû les circonftances où l'on fe trouve maintenant à caufe des tremblemens de terre & des éruptions des volcans, & que je devois renvoyer à d’autres Mémoires mes obfervations fur les poudingues & les autres pierres dont j'ai parlé, & même les corrections de la Carte minéralogique, quoiqu'il convint que je fuffe le premier à les faire, & que je ne me laiflafle pas prévenir par d’autres qui, quelque bien intentionnés qu'ils fuflent, ne pourroient peut-être pas fe dépouiller entièrement de l'envie de critiquer & d'infirmer mes preuves. QUE De A CE FE PP REE DREXSMASNCHL'E NAC: E*S. 31 . Les montagnes qui ont, à ce que je crois, été autrefois des volcans, peut-être aufii terribles que ceux dont on parle maintenant, font celles de Volvic, à deux lieues de Riom, du Puy -de-Domme proche Clermont, & du Mont-d'or. Le volcan de Volvic a formé par fes laves, qui ont dû être des matières fondues femblables à celles du Véfuve, différens lits pofés les uns {ur les autres, qui compofent ainfi des mafes énormes, dans lefquelles on à pratiqué des carrières qui fourniffent de la pierre à plufieurs endroits affez éloignés de Volvic. Le bâtiment où font les fontaines de Vichy, a cuvette du bain de Céfar au Mont-d'or, les maifons de Clermont, les baffins des fontaines publiques de cette ville & de Moulins en Bourbonnois, en font faits: on prétend même dans le pays .que les tours de Notre-Dame de Paris ne font aufli que de cette pierre. La comparaifon que j'ai faite de la pierre de Volvic, & de celle dont ces tours font bâties, doit faire tomber cette opinion: celle avec laquelle ces tours ont été conftruites, eft de la pierre des environs de Paris, & fi la tradition a quelque fondement, elle ne peut regarder que les tours que cet édifice devoit avoir avant qu'il füt rétabli en 522 fous Childebert, ou vers l'an 1000, du temps du roi Robert, fils de Hugues Capet, comme il eft rapporté dans l'hifloire de Paris. Ce fut à Moulins que je vis Jes laves pour la première fois: je les reconnus d'abord pour des. pierres de volcans, & je penfai dès-ors qu'il devoit y: en avoir eu un dans le canton d'où.fon difoit que ces pierres étoient apportées. L'envie que j'eus de voir ce pays, ne fit qu'augmenter dans les différens endroits où la route me conduifoit, & où je pouvois retrouver cette pierre employée dans les bâtimens. Arrivé enfm à Riom, je ne pus. me per- fuader que cette ville étant prefque entièrement bâtie de cette pierre, les carrières en fuflent bien éloignées ; j'appris qu'elles n’en étoient qu'à deux lieues: j'aurois regardé comme une vraie perte pour moi fi je n'eufle pas vû cet endroit. J'y allai donc: je n'eus pas commencé à monter la mon- tagne qui domine le village de Volvic, que je reconnus : 32 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE qu'elle n'étoit prefque qu'un compoté des différentes matières qui font jetées dans les éruptions des volcans. Cette montagne a la figure qui eft aflignée aux volcans dans les delcriptions que nous en avons, elle eft conique; fa bafe efl formée par des rochers de granit gris-blanc, ou d’un couleur de rofe pâle, qui font très-durs & qui prennent un aflez beau poli: le refte de la montagne n'eft plus qu'un amas de pierres ponces, noirâtres où rougeâtres, entaffées les unes fur.les autres fans ordre ni liaifon. Ces pierres affectent une figure arrondie; il y en a qui n'ont que la grofleur du gravier, d'autres furpaflent celle de la tête d'un homme: aux deux tiers de la montagne on rencontre des efpèces de rochers irréguliers, hériflés de pointes informes, contournées en tout fens. Ces rochers reffemblent d'autant plus à des fcories, qu'ils font d'un rouge obfcur où d'un noir fale & matte; ils font d'une fubflance dure & folide, & différent en cela des pierres ponces qui font remplies de trous de diffé- rentes grandeurs, & par-là prefque femblables à des éponges. Dans l'efpace qui eft entre ces rochers & le fommet de la montagne, on marche de nouveau fur les pierres ponces, & on trouve au fommet une pierre cendrée & tendre; elle n'eft point en petites mafles féparées , comme les pierres ponces, mais elle en forme d'affez confidérables pour étre regardées comme des efpèces de rochers. Un peu avant d'arriver au fommet, on entre dans un trou large de quelques toiles, d'une forme conique, & qui approche d’un entonnoir;.c'eft aufli le nom que l'on donne ordinairement à la bouche des volcans atuellement enflammés : celui-ci, de même que les rochers de fcories, regarde le fud-oueft. La partie de la mon- tagne qui eft au nord & à left, m'a paru n'être que de pierres ponces : à l'oueft, les ravins n'ont fait voir des bancs de pierres confidérables, inclinés'à Fhorizon, & qui paroif- foient s'étendre dans toute la hauteur de la montagne. C'eft de ce côté-là que font les carrières qui fournifient la vraie pierre de Volvic; elles font fituées à la bafe de la montagne, & un peu fur fon penchant. L'ouverture de celle que j'ai examinée, DES. SC I E N_C ES ëxaminée, pouvoit avoir vingt à trente pieds dans fa plus grande hauteur, & les bancs de pierre douze à quinze pouces d'épaiffeur , un peu plus où un peu moins. On les diftin- gue affez aifément les uns des autres, mais ils ne font point féparés par des matières étrangères, comme on le remarque dans les carrières de pierres ordinaires, c'eft-à-dire qu'on ny voit ni terre, ni glaile, ni marne, ni cailloux, ni gravier, ni fable, ni autre matière femblable. Ces bancs fuivent l'inclinai- fon È la montagne, & femblent fe continuer fur cette monta- gne, & avoir communication avec ceux que les ravins mettent à découvert. Je n’ai eu ni le temps, ni les inftrumens nécef- faires pour déterminer la hauteur dé a montagne & mefurer Ja largeur des bancs : tout ce que j'ai pä en apprendre, c'eit que certaines carrières où lon n'entre à préfent qu'en ram- pant & qui font abandonnées, fe continuent très-avant fous cette montagne, ce qui indique que la largeur de fes bancs doit être de quelqu étendue; mais quelle que {oit cette lar- geur , Ii me “paroit qu'ils font tous d'une même matière; .c'eft une pierre gris- -de-fer, qui femble fe charger d'une fleur blanche qu'on diroit en fortir comme une efflorefcence. Cette pierre eft dure, quoique fpongieufe; fes trous font pe- tits, irréguliers, de différentes figures & de diamètres iné- gaux: le plus ou le moins de ces trous la rend plus ou moins folide, & la fait regarder comme d’une qualité excellente ou Hédioëre celle que lon tire maintenant, eft, dit-on dans le pays, inférieure à celle que les carrières fournifloient autrefois. La pierre ancienne elt peut-être un peu moins fpongieufe, mais c’eft-là une différence de peu de valeur, . & qui peut-être n'influe pas, autant qu'on le pourroit croire, fur la bonté de a pierre. : Au refte, cette pierre eft excellente dans les bâtimens, ellé na point de lits, elle fe cafe en tout fens; elle prend | aifément le mortier au moyen des trous dont elle eft percée dans toute fa fubftance. Je n'ai point remarqué qu'elle fût - employée dans les chemins & les chaufiées, comme la lave du _ Véluve 'eft en Italie: je ne penfe pas non plus qu'elle y foit Mém. 1752 E 34 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE propre. Une pierre fpongieufe peut être employée utilement dans les bâtimens, parce qu'elle a l'avantage de prendre bien le mortier; mais il n’en eft pas de même dans les chemins, où elle feroit facilement broyée par les voitures & les charrois : je ne penfe pis non plus qu'elle prenne le poli que l'on donne à la lave d'Italie. Celle de Volvic n’en eft pas fufceptible, parce qu'elle eft trop poreufe : au refte, cette pierre n’en feroit pas beaucoup plus utile pour les bâtimens, quand elle prendroit le poli de la lave du Véfuve; celui que cette dernière a étant polie m'a paru très-mauvais, & n'avoir rien qui puifle la faire comparer au marbre le plus imparfait & le plus grofler. Riom & les endroits voifins de ces montagnes qui ont brûlé tireroient un avantage plus réel des pierres ponces, s'ils les employoient dans leurs bâtimens aux mêmes ufages que les Italiens : elles pourroient entrer dans la conftruétion des voûtes ; elles y font propres par plufieurs endroits; elles font légères & encore beaucoup plus fpongieufes que la lave, par-R elles fe rempliflent d'une plus grande quantité de mor- tier; elles font par conféquent plus fortement liées entr'elles, & forment une voûte aui devient en quelque forte d’une feule pièce & d’une plus Jongue durée que les voûtes ordinaires, fur- tout lorfqu'on a fait le mortier avec cette efpèce de fable que l'on appelle pouffolane, qui me paroït n'être qu'un amas de cendres & de petites pierres ponces. Cette pouflolane ne manqueroit pas dans le pays, je crois même que les envi- rons de Riom du côté de Paris en fourniroient beaucoup ; jy ai obfervé un terrein noirâtre & cendré, que je crois très-propre aux mêmes ufages que la pouflolane : le Puy-de- Domme dont je vais parler, en a également dans difiérens endroits de fon étendue, Le Puy-de-Domme eft, après le Mont-d’or & le Cantal, la plus haute montagne de l'Auvergne: les obfervations de M. Caffini de Thury lui donnent un peu plus de $ 00 toifes de hauteur, où un peu plus d’un quart de lieue. Cette hauteur con- fidérable & fon étendue en longueur, qui l'eft beaucoup plus, font que, quoiqu'éloignée d'environ deux lieues de Clermont, DES SCIENCES. 35 elle femble prelque y toucher. On peut même en quelque forte avancer qu'elle y touche, puifque peu après Clermont on commence à monter, & que lon continue à le faire infenfiblement jufqu'au pied de la partie de cette montagne qui porte principalement le nom de Puy-de-Domme : cette partie eft un cone qui, de même que celui de Volvic, finit en une pointe de peu d’étendue. Au nord & au cou- chant de ce Puy, font placés plufieurs autres Puys, fem- blables pour la figure à celui-ci, mais beaucoup moins hauts, quoiqu'ils le foient encore beaucoup, fi an les compare aux montagnes des environs de Paris. Ces différens cones font placés fur le corps de la montagne comme fur une bafe commune. Du côté du nord, cette montagne a une vallée grande & vafte, qui s'étend en tournant vers le Limofin ; au iud, elle eft bornée par celle où pañle le chemin qui conduit au Mont-d'or ; elle regarde au couchant le Limofin, & au levant cette belle partie de l'Auvergne que fon appelle 1 Limagne. Une fituation fi avantageufe & une hauteur d’un quart de lieue ne peuvent, comme on peut facilement fe l'i- maginer, que préfenter du haut du Puy-de-Domme des points de vüe très-fatisfaifans & d’une grande beauté, Rien en effet ne m'a jamais plus agréablement frappé, que lorfque porté fur le fommet de ce Puy & prefque dans les nues, je pouvois en tout fens parcourir de la vüe une étendue de plus de trente ou quarante lieues de diamètre, & par conféquent de plus de cent vingt ou cent trente lieues de circonférence ; efpace où font renfermés un grand nombre de villages, de bourgs & de villes, un nombre prefque infini de montagnes, qui font, à l'exception du Mont-d'or & du Cantal, dominées par de Puy-de-Domme. La beauté de ce coup d'œil eft en- core augmentée par les étangs qui font renfermés dans plu- fieurs de ces montagnes, par les rivières & les ruifleaux qui en tombent & qui ferpentent dans les vallées, & par Ja yariété de la couleur du terrein, qui eft également cultivé fur les montagnes & dans les vallées. Une montagne fi riante & fi belle pour la vûe ne E ï 6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE préfente, lorfqu'on tourne les yeux fur elle, que des objets triftes, & mème effrayans : elle n'eft qu'une mafle de matière qui nannonce que les effets terribles du feu le plus violent & capable de mettre les corps les plus durs en une fufion telle, qu'ils ne font plus qu'un verre grofier, ou une efpèce de mâchefer qui a pris différentes figures, & qui eft plus ou moins pefant. Il ne me fut pas difhicile de reconnoître d'abord que le Puy-de-Domme, ainfi que la montagne de Volvic, avoit été autrefois un volcan : tout l'annonce ; dans les endroits qui ne font point couverts de plantes & d'arbres, on ne marche que parmi des pierres ponces, fur des quar- tiers de lave ou de lavanges, & dans une efpèce de gravier ou de fable formé par une forte de mâchefer & par de très-petites pierres ponces mêlées de cendre. On commence à apercevoir de ces matières fur-tout vers un endroit appelé le Fond-de-larbre; on y voit une petite ravine dont la coupe préfente plufieurs lits inclinés ; ils font compolés alter- nativement de pierres ponces noires ou d'un rouge-brun, & de cette efpèce de fable dont je viens de parler, & qui eff, à ce que je crois, une vraie pouflolane. Les lits inférieurs de ce fable étant plus preffés que les fupérieurs, forment des mafles plus dures & plus compactes que les premiers, & s'enlèvent plus facilement par quartiers : les autres n'ont prefque aucune confiftance, & s'écroulent auffi facilement que le fable ordinaire. On continue à rencontrer de ces matières jufqu'à ce qu'on ait atteint la partie de la montagne ui eft couverte d'herbes ; alors elles ne difparoiffent que parce qu’elles font recouvertes par les plantes; & fr on arrache de ces plantes, on entraîne avec elles des pierres ponces embarraflées entre les racines. Comme tout le côté de ce Puy eft planté, on ne peut guère voir ces matières que lorf- qu'on eft arrivé à plus des deux tiers de fa hauteur; alors on rencontre des rochers irréguliers formés de pierres d’un blanc cendré, d’un bleu foncé, ou d’un rouge de brique; encore font-ils en partie chargés de plantes, & ce n'eft que lorf- qu'on eft parvenu à la pointe qu'on trouve unç mafle de DE SMS IC: 1 E NUGC! ENS pierre d'un jaune pile, & qui diffère principalement des précédentes en ce qu'elle eft légère & comme fpongieule, au dieu que les autres, la bleue fur-tout & la rouge, font compactes & aflez dures. Lorfqu'on defcend de ce Puy par le chemin qui eft au nord-eft, on n’a plus befoin de fouiller pour s’aflurer des matières dont il eft compofé, elles s'offrent d'elles-mêmes, principalement lorfqu'on a atteint le grand chemin: ceschemin n'eft rempli que de pierres ponces déta- chées les unes des autres, de pierres qui font contournées, & qui reflemblent en cela à ces mafles.de verre qui, en refroïdiflant , fe font fillonnées & travaïllées en différens fens. Les fentes de la montagne occafionnées par les eaux, font voir dans quelques endroits des lits de plufieurs pouces d’é- paifleur inclinés à la montagne, dont la fubftance eft plus ou moins compacte, & la couleur d'un rouge brun ou d’un brun foncé. Quelques-uns de ces lits confervent encore une certaine longueur; mais le plus fouvent ils font caflés en quartiers qui n'ont au plus que deux ou trois pieds de long. On continue à trouver de ces pierres jufqu’au bas du Puy. Je ne doutois prefque pas que les autres pics n'euflent auffr jeté des matières femblables. J’avois trouvé un enton- noir au fommet du Puy-de-Domme, & comme ce pic domine les pics voifins, j'avois obfervé que vérs le fommet _ de chaque pic il y avoit une cavité dont le fond étoit moins large que l'ouverture, & que je penfai être l'entonnoir s ou la bouche du volcan: j'allai, avant que de defcendre en- tièrement de la montagne, examiner un de ces entonnoirs. … Le pic, le chemin qui y conduit, & tout l'efpace qui fe . trouve de-là jufqu'au Puy-de-Domme; ne font qu'un amas . de pierres ponces, pareilles à celles du Puy: je crus alors È qu'il étoit inutile d'aller examiner les autres, & je fus d’au- . tant plus confirmé dans cette idée, que M. Ozy, Apoticaire . de Clermont, fort verfé dans l'Hiftoire Naturelle, qui avoit * bien voulu m'accompagner, m'aflura qu'il avoit plus d'une . fois parcouru prefque toute cette montagne, & que je trou- - verois par-tout une même ftructure & les mêmes matières E ïj » » » s )] y >] s >] y > 38 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE qu'il m'avoua ingénuement n'avoir jamais reconnues pour ce qu'elles étoient. Je revis les mêmes pierres à l'extrémité de la montagne, lorfqu'à mon retour du Mont-d'or je pafai à fon pied : on aperçoit très -facilement de ce chemin, que tous ces pics, de même que le Puy, ont un entonnoir, &c ue ces entonnoirs regardent différens points du ciel. Le grand & le petit diamètre de ces trous paroiffent différer peu en grandeur; le plus grand peut avoir cinq ou fix toiles, le plus petit trois ou quatre: ainfr, comme je l'ai déjà dit, ces entonnoirs font ovales & inclinés à la montagne. Je comptai alors le nombre des pics, mais ayant oublié de le marquer fur mon journal, j'écrivis à M. Ozy & le priai de me le déterminer: il me fit cette réponfe. « Voici ce qu'il y a de plus précis fur les pointes des montagnes qui {ont aux environs du Puy-de-Domme: celui-ci eft un pic ifolé, peu éloigné d’une autre montagne plus baffle, qu'on nomme ‘de petit Puy-de-Domme. Il y a apparence qu'au- trefois il y avoit fur cette dernière un fecond pic à la place de l'entonnoir, & que l'éruption de celui-ci s’eft faite des côtés du nord-oueft, du nord, du nord-eft, de left & du fud-eft. Le midi & le fud-oueft ont été épargnés, parce que du temps de l'explofion, la grande montagne du Puy- de-Domme ayant tenu ferme, a contrebutté le fracas. La, montagne la plus près eft environ à une demi-lieue de celle- ci au nord, elle porte le nom de la Pariou: elle eft creufée par un entonnoir beaucoup plus confidérable que le premier, il eft aufi plus profond. Cet entonnoir a deux échancrures, une du côté du nord-oueft, & l'autre au fud-eft : à l'oueft, elle tient à une montagne qui a auffi fauté; à l'occident il n'y en a aucune de confidérable: au midi, à trois quarts, de lieue du Puy-de-Domme, on en trouve une qu'on nomme la montagne de Cachan. Je ne faurois vous dire fi elle a brülé, je n'y fuis jamais monté: au midi, la plus grande eft celle qui porte le nom de Grave mire, elle eft à une lieue du Puy-de-Domme; celle-ci a confidérablement brülé, quoiqu'il w'y'ait pas d'entonnoir, mais qui seft peut-être és tt tltltt és rns D E4 SM AS CAT É NC! Ey si 39 rempli par le temps: elle eft d’une pente très-rapide du côté du nord-oueft, au bas de laquelle eft un ravin dont les éaux ont fait des échancrures à des bancs immienfes d’une efpèce de gravier gris & criblé, comme les autres matières noires que vous avez vües. Le terrein de ce côté eft jau- nâtre; il me paroît avoir été brülé, & reflembler même à des matières ferrugineufes : il ne croît prefque aucune plante dans cette pente qu'on nomme l'enfer de Grave neire, Le fom- met de la montagne eft une petite plaine alongée du nord au midi, couverte de quantité de ces pierres légères, brülées & extrémement criblées; les unes font rouges, & les autres noires; on y voit aufli quelque peloufe. La pente qui regarde le fud-eft, n'eft pas fi roide, & eft couverte de pierres, de rocailles & de quelques plantes & petits arbriffeaux ; l'érup- tion ne seft pas moins fait fentir de ce côté-là, car on trouve quantité de gravier & de fable noir au bas de la mon- tagne où pañfe le chemin du Mont-d'or: ce font les premières matièmes brülées qu'on rencontre fur cette route. On ne voit point de ce gravier gris dont j'ai parlé ci-deflus, le chemin du Mont-d'or étant plus élevé que le ravin, & cette matière grife fe trouvant au fond de toutes les couches brülées. Voilà toutes les pointes des montagnes qui font aux environs du Puy-de-Domme: vous ‘favez qu'il y en a plufieurs autres qui ont vomi. Je me rappelle qu'en venant du Mont-d'or, nous comptames quinze à {eize entonnoirs fur la même ligne du fud' au nord. Ces entonnoirs ont plufieurs afpeéts: vous pouvez en avoir obfervé un :confidérable, qui eft dans cet endroit nommé la Cheyre, que le chemin du Mont-d'or à - Clermont traverfe, & où on ne trouve que pierres brülées, * &: de ce fable & gravier noirs. Cette montagne eft à gauche -en venant du Mont-d’or : l'entonnoir eft tellement échancré: au midi, qu'il forme une efpèce de fauteuil avec fes bras, ‘dont le fiége eft prefque au bas de la montagne ». Quand il n’y auroit réellement que ce nombred'enton- noirs, il prouveroit affez combien cette montagné* a fouffert, * On peut au refle regardér avec M. Ozy'; les diférens ‘pics dontil o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & de quelle violence les fecoufles dont elle a été agitée ont dû être, fur-tout fi ces ouvertures ont paru toutes en mème temps. Il y a cependant plus lieu de penfer que ces entonnoirs font les marques de différentes éruptions, & qu'il eft alors arrivé ce que l'on obferve de nos jours dans les volcans qui jettent des flammes. Le corps de la montagne sentrouvre dans un ou deux endroits, l'éruption continue par ces bouches, & il eft rare qu'il s'en faffe dans d’autres pendant la durée de cette éruption. Les matières enflimmées ont trouvé quelques iflues, elles ne font plus d'efforts contre la montagne, elles fuivent a route qu’elles fe font pratiquée, à moins que les matières fufceptibles d'inflammation ne fuffent répandues dans le corps de la montagne, de façon qu'elles formaffent différens rameaux qui püflent prendre feu en même temps ou fucceflivement, mais dans le cours de la même éruption. Au refte, que celles de fa montagne où eft le Puy-de-Domme fe foient faites à une ou plufieurs reprifes, on ne peut douter que cette montagne n'ait été brülée, dans toute fa longueur, Il n’en eft peut-être pas de même du Mont, ou, comme Von dit dans le pays, des Monts-d'or: je n’y ai point vü les mêmes amas de pierres ponces que fur la montagne de Volvic & au Puy-de-Domme; je n'en ai trouvé que quel- quesunes fur la partie que l’on appelle le Capucin. Le fom- met du pic qui ef particulièrement nommé le Mont-d'or, eft un rocher d'une pierre d'un blanc-cendré, tendre, femblable à celle du fommet des montagnes dont j'ai parlé jufqu'à préfent : elle eft feulement un peu moins légère que celle. du Puy-de-Domme. Si je nai pas trouvé des veftiges de * volcan en aufft grande quantité qu'aux deux autres mon- tagnes, cela vient en grande partie de ce que le Mont-d'or eft plus couvert dans toute fon étendue de plantes & de a 1parlé dans: {à lettre, comme, autant de, montagnes diftinétes les unes des autres, ou, fuivant ce que j'ai dit en décrivant le Puy-de-Domme, come diflérens fommets de Ja même montagne; c’eft du moins l'idée. que j'en ai eue.en ‘examinant ges }pics.à mon, retour du Mont-d’or, ae ois + À Ph : D'ENSU IS COUE NLCE Sr Ÿ 41 bois que la montagne de Volvic & le Puy-de-Domme. Ceci n'eft cependant vrai qu'autant qu'on reftreindra le nom de Mont-d'or à la partie de cette montagne qui court de Feft-nord au nord-oueft; car celle qui eft au fud-oueft eft prefque entièrement découverte, & n'eft remplie que de pierres & de rochers qui me paroiffent avoir été exempts des effets du feu. Pour avoir une idée jufte du Mont-d'or, il faut le confi- -dérer comme une longue croupe de montagnes, qui forme un demi-cercle, & par conféquent une efpèce de cul-de-fac où aboutit une vallée qui vient du nord-eft. Dans le fond du cul-defac du côté du nord, eft fituée la pointe appelée particulièr ement le Mont-d'or: cette pointe eft un cone pareil à ceux de Volvic & du Puy-de-Domme. A l'eft de ce pic eft celui du Capucin, qui affecte également la figure conique, mais la fienne n’eft pas auffi régulière que celle des précédens: il femble même que ce pic ait plus fouffert dans fa compo- fition. Tout y paroït plus irrégulier, plus rompu, plus brifé; ce qui ne vient peut-être que de ce qu'il a moins reflenti les effets des feux foüûterrains, efpèce de paradoxe que j'ex- pliquerai par la fuite. Vis-à-vis de ce pic eft la partie de la montagne qui eft prefque entièrement pelée ; elle domine les fameux bains du Mont-d'or, & s'étend depuis le com- mencement de la vallée, jufqu'aux endroits où la Dore & la Dogne prennent leur fource. Celle de la première, car je n'ai point vû la fource de la feconde, n'eft dûe qu'à un grand nombre de petits filets d'eau qui fortent d'endroits différens , & d'entre des morceaux de pierres dont tout le canton eft rempli. Ces filets réunis deviennent un petit ruif- feau qui, à un demi-quart de lieue de fa fource, fe précipite avec bruit du haut d'un rocher qui eft efcarpé & avancé hors du corps de la montagne, de façon à faire décrire à ce ruiffeau dans fa chûte un arc affez confidérable pour qu'on puiïfle, comme jai fait, pafler par deflous. Un peu après cette chüte, le ruiffeau fe méle avec celui de la Dogne qui tombe aufli en cafcade, mais qui coule fimplement le long Mém, 1752. 42 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE du rocher qui l'arrête dans fon cours, & qui eft un peu plus au couchant du Mont-d'or que celui de la Dore. Ces deux ruifleaux , après leur jonction , font déjà une efpèce de rivière qui prend le nom de Dordogne, qui eft compolé de ceux des deux ruifleaux : elle coule avec une certaine rapidité dans le vallon; d'où elle fort par le nord-eft pour enfuite, par de grands détours, arrofer une partie de l'Au- vergne, du Périgord, & fe jeter enfin dans la Garonne au bac d’Ambez. Au deflus de fa fource s'élèvent plufieurs pics entre le fud & loueft; ces pics font coniques , plus élevés les uns que les autres, auffi couverts de plantes que le Mont-d'or qui les furpaffe tous en hauteur ; la fienne eft, fuivant les obfervations de M. Caffini de Thury, de $09 toifes, c'eft- à-dire, qu'il eft de quelques toifes plus haut que le Puy-de- Domme. Je n'ai point monté fur les autres, comme je l'aurois defiré, ayant été fürpris par la nuit & par les brouillards épais qui formèrent bien-tôt des nues qui entourèrent leur fommet. La bafe de ces pics eft pofée fur le dos de la montagne, de façon qu'on diroit qu'ils y ont été formés après coup: ils paroiflent être au milieu d’un baffin qui a quelque profon- deur. On ne s'aperçoit bien de Ia diftinétion qu'il y a entre le pic & ce baflin, que lorfqu'on eft fur le fommet de ces pics: j'en fus fur-tout frappé fur celui du Puy-de-Domme, C'eft dans quelques endroits de ces baflins que font ordi- nairement ramaffées les eaux qui forment les étangs dont j'ai fait mention en parlant du Puy-de-Domme: il y en a un ferablable au pied du pic du Mont-d’or. Cet étang fournit peut être à la Dordogne; mais je ne crois pas que les fources de cette rivière en tirent leur première origine. J'ai fuivi, comme j'en ai déjà averti, la Dore depuis le fault qu'elle fait, jufqu'à l'endroit où elle n’eft plus que de très-petits filets d'eau ou des bouillons qui fortent d'entre les pierres: cet endroit eft très-éloigné de l'étang en queftion & des fontaines qui peuvent être aux environs. La fource de la Dogne en eft encore plus diftante, puifqu'elle eft plus au DES SCIENCES. 43 fud du Mont-d'or: il eft vrai que près de l'étang la monta- gne eft ouverte par un ravin confidérable, occafionné, à ce u'il paroît, par les eaux que fourniffent la fonte des neiges, étang & les fontaines qui en font voifines; mais fi la Dor- dogne doit en partie fes eaux à celles de cet étang & de ces fontaines, ce ne peut être que parce que toutes celles qui tombent des côtes qui bordent de part & d'autre le vallon que cette rivière baigne, y concourent également. Quoi qu’il en foit de ce concours médiat ou immédiat de ces eaux pour la formation de la Dordogne, on fent bien, fans que je le dife, que le terrein où ces eaux fe ramaflent & forment des étangs, doit être horizontal & même un peu creux; autrement les eaux s’écouleroïent promp- tement. Ces deux avantages s'y rencontrent; le fol eft plan, & il y a des endroits qui font plus enfoncés que les autres: on s'aperçoit aifément que l'on n'eft plus fur un terrein in- cliné, lorfqu'on eft parvenu à cette partie de la montagne. Cet endroit coupe court, & s'étend horizontalement en une efpèce de plaine; on marche avec plus de facilité, la refpi- ration eft moins génée: cette plaine n’eft pas à la vérité bien longue, on eft dans peu arrivé au pied du pic; celui du Mont-d'or eft très-roide, il finit en une pointe de quinze ou vingt pieds de large au plus en tout fens. Une différence fi marquée entre la plaine & le pic, me paroît favorifer l'opinion de ceux qui admettent que la formation de ces pics eft poftérieure à celle du corps de la montagne. Qu'on imagine qu'une montagne s'ouvre par fon fommet, les matières qui feront jetées par cette bouche s’a- mafleront fur {es bords en retombant, s'y accumuleront & donneront naiffance à la bafe qui portera les matières vomies dans une feconde & une troifième éruption ; dès-lors le pic doit néceflairement prendre une figure conique. Les pierres qui en font élancées, quelque légères qu’elles foient, font toüjours aflez pelantes pour que la plus grande partie roule jufqu’au pied de là bafe du pic, l'étende ainfi en lar- geur, pendant que l'autre partie le fera croître en hauteur, Fij 44 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ‘& lui donnera par conféquent la figure que je viens de leur affigner, de forte que le pic approchera d'autant plus de la figure conique, qu'il fera plus élevé: c'eft auffi ce que j'ai toûjours obfervé. Les pics les plus bas font plus tronqués, plus évafés & moins réguliers; tel eft le rocher du Capucin: ce pic paroît avoir moins fouffert de la violence du feu, quoi- qu'il préfente plus de rochers brifés, que bien d’autres; il n'a pas apparemment auffi fouvent jeté que ceux-ci. Les irrégu- larités qui ont été formées par les éruptions qui Font brifé, n'ont pas été affez fréquentes ni aflez répétées pour qu'il s’a- mafsät une quantité de matières capable de remplir les vuides, de faire difparoître par conféquent ces inégalités, & de donner au pic la figure conique que l'on remarque dans les autres. Je fais qu'il y a des Auteurs qui penfent que les pics ne doivent leur figure conique qu'aux pertes que la montagne dont ils font fortis a faites fucceflivement dans tous les points de fa furface, & que les volcans diminuent pluftôt la hauteur des montagnes qu'ils ne laugmentent. Si la première partie de cette aflertion étoit vraie, la figure des pics ne feroit pas aufii régulière qu'elle left: le peu d'irrégularité qu'elle peut avoir ne vient que de quelques rochers formés par des fco- ries qui, s'étant refroidies, font reftées attachées à la bouche du volcan. La feconde partie eft vraie en certains cas: quand les volcans éleveroient les montagnes, je ne ferois point étonné que celles qui font depuis long temps des volcans qui s'enflamment de temps à autre, perdiflent un peu en hauteur dans certaines éruptions. Qu’une éruption, par exem- ple, foit affez violente pour porter non feulement les ma- tières qu'elle entraîne du fein de la montagne, mais celles du pic même au delà de la bafe de ce pic, ou fi la force de l'éruption ne peut au plus que jeter ces matières fur la bafe même, & qu'outre cela elle fe faffe dans le milieu du pic & non au fommet, il arrivera dans ces différens cas que la hauteur totale de la montagne aura diminué, quoique dans la vérité ce ne foit que cette partie qui doit fon origine à d'autres éruptions qui l'ont élevée peu à peu, & qui peut DPEN SNA ICE E N'ES 45 voir fes pertes réparées par des éruptions femblables à celles qui l'ont fait naître. D'autres Auteurs croient que ces pics ne font coniques que parce que les pluies leur ont donné cette figure, par le tran{port qu'elles ont fait ailleurs des terres & des pierres dont ils étoient compolés; mais pourquoi ce tranfport auoit-il ceffé? pourquoi ces montagnes feroient-elles aujourd’hui char- gées de plantes & d'arbriffeaux? Quoique je penfe que les éruptions des volcans foient la caufe première des pics formés de pierres brülées, je ne voudrois pas cependant que on crût que j'embraffe le fentiment de ceux qui admettent les volcans pour celle des autres montagnes ; & même fi les pics s'élèvent par les amas des matières rejetées par:les vol- cans, qui s'entaffent les unes au deflus des autres,-le corps de la montagne où ils font pofés, a eu, felon moi, une autre origine. J'avouerai volontiers que les mafles énormes des laves ou lavanges qui .coulent tout enflammées de cer- tains volcans qui brülent de nos jours, font très-favorables au premier fentiment ; elles forment quelquefois des mon- tagnes d'une certaine hauteur, mais ces laves ont des carac- tères auxquels il eft aifé de les reconnoïître pour des matières dûes à des volcans, au lieu que le plus grand nombre des parties compofantes des montagnes ne les ont pas. Sans parler de celles qui renferment des corps marins auffi entiers & prefque auffi frais qu’ils le font dans la mer ,#& qui devroient avoir été calcinés dans la formation de ces montagnes ; fans parler de celles qui ne font qu'une maffe homogène de chaibon de terre, dont les lits fupérieurs confervent lem- preinte de beaucoup d’elpèces de plantes, de poiflons & d'in- fetes terreftres, qui devroient avoir difparu par faction du feu, eft-il vrai que celles qui font d’ardoife, de fchite, de granit & d’autres fubftances femblables, aient les volcans pour caufe première? Si quelques-unes de celles-ci pouvoient leur être attribuées, ce {eroient fans doute les ardoifes & les fchites, qui ont avec les laves un certain rapport par l'inclinaifon qu'elles affectent Fiij 46 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE dans leurs carrières; mais quand ces pierres ne feroient pas d’une fubflance auf homogène, qu'elles ne feroient pas auffi compaétes & auffi folides qu'elles le font, pourroit-on croire que des pierres qui: devroient leur origine à des feux les plus violens, auroient pris dans la formation de leurs carrières une fituation aufli régulière, auffr uniforme qu'elle left dans toutes celles que lon connoïit? Les ruifleaux de laves qui fortent des volcans, coulent ordinairement en différens fens, ils fe répandent çà & Îà fur les montagnes & y accumulent des mafles qui ne gardent aucune règle ; & quand on fup- poferoit que les finuofités formées dans une éruption fe rem- pliroient dans une autre, il ne me paroît guère poffible que cela fe fit fans que l’on trouvât des marques de l'irrégularité avec laquelle tout fe feroit pañlé. Les carrières d’ardoife & de fchite au contraire n'annoncent rien que de très-régulier; ce font des maffes d'une même fubftance, dont l'épaifeur n’a fouvent pour terme que celui de la montagne, qui affectent dans leurs petites mafles la figure rhomboïde, qui ont toutes un fens dans lequel il faut les fendre, au lieu que les lives n’ont aucune figure déterminée, & qu'elles fouffrent éga- lement la taille en tout fens. Ce qui me paroît encore plus convaincant, eft lhomogénéité des mufles d'ardoifes & de fchites ; on y voit au plus quelques morceaux de fpath, de quartz, de pyrite ou de quelque métal, qui fe font formés dans quelques eñdroits particuliers qui s'étoient entr'ouverts ; mais elles ne font point parfemées dans toute leur fubftance de matières vitrifiées, comme les laves & la plufpart des autres pierres qui font dües aux volcans : ce que je prouverai plus bas. Je ne tairai pas cependant que la chaîne des Monts d'or eft compofée, depuis fa bafe jufqu'à cette partie où les pics font aflis, d'une efpèce de pierre d'un gris de fer plus ou moins foncé, qui fe lève par tables comme les ardoifes & les fchites, qui eft inclinée à l'horizon, & qui eft parfemée de points ou taches d’un blanc luifant. Je crus, à la première infpection de cetie pierre, qu'elle étoit une vraie lave; mais y | DES SCIENCES. 47 un examen plus exaét & la comparaifon que j'en fis avec celle des volcans, ne me permirent pas de refler dans ce fentiment , d'autant plus que cette partie blanche & reluifante fe trouve dans prefque tous les granits de l'Auvergne, & quelquefois dans ceux de la Normandie & des autres pro- vinces de la France, & même dans ‘ceux de l'Egypte. Cette partie me paroit approcher beaucoup de la nature du fpath fufible; jetée du moins dans l'eau forte, elle ne s’y diffout point, n’y fermente en aucune façon, & ne fe calcine point au feu; qualités qui conviennent à ce fpath, comme celle d'être d'un brillant & d'un life onueux, qui eft celui de ces taches blanches. Si les rochers du Mont-d'or étoient des laves, il me paroïît que les granits où cette partie fe trouve, & même ceux où elle ne s’obferve pas, devroient être aufli regardés comme des laves de diférentes efpèces ; ce que je croirois abfurde d'avancer, d'autant plus qu'on tomberoït dans le fentiment de ceux qui admettent les vol- cans pour feule caufe des montagnes; opinion que je crois fauffe, ou qui mettroit au moins dans la néceflité de con- venir que la plus grande partie des montagnes de la terre n'en ont pas d'autre, puifqu’il n'y a guère de royaumes connus qui ne renferment des granits, ou qui ne donnent lieu d’y en foup- çonner. Je penfe donc que les laves font bien différentes des granits & de ces pierres du Mont-d'or ; ces dernières me paroiïffent du genre d'une pierre de Viterbe en ltalie, qui convient avec elles par fa couleur , qui eft cependant un peu plus claire, & par les taches qui font d’un blanc plus matte & prefque fans brillant. Ces réflexions me conduifent naturellement à tâcher de connoître les caraétères des pierres dües aux volcans, & à les développer encore plus que je n'ai fait: j'ai même befoin d'entrer dans cette recherche pour établir fans replique que les montagnes que je prétends ètre des volcans éteints, en font réellement. J'ai tiré jufqu'à préfent mes preuves de ce qu'elles étoient compofées de pierres ponces & de laves, mais je n'ai pas prouvé que ces pierres en fuflent: je ne peux en apporter. 48 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de preuves plus füres qu'une comparaifon faite avec de fem- blables matières qui aient été prifes fur une montagne aétuelle- ment enflammée, & le rapport que les unes & les autres ont entr’elles, jufque dans les plus petits accidens. Cette com- paraifon n''eft devenue facile, au moyen des matières rejetées par le Véluve, que je tiens de M. de Montigny & de M. l Abbé Nollet, & de celles du volcan de l’'ifle de Bour- bon, envoyées par feu M. Lieutaud, Chirurgien pour a Compagnie des Indes. Le rapport qui eft entre les matières des volcans de la France & des pays étrangers ne confifle pas feulement dans la figure, la denfité, les accidens, mais elles conviennent encore par l'endroit où elles fe trouvent fur les unes & les autres de ces montagnes. On peut en quelque forte dire qu'il y 4, généralement parlant, de ces matières qui font des en- virons Je la bouche du volcan, d'autres de fon corps, & d’autres de fa bafe. Les pierres du haut de la Solfatare font légères, tendres, d’un blanc cendré, recouvertes d'une pouf fière de même couleur. J'ai dit, en parlant des pierres du fommet de nos volcans, qu'elles avoient les mêmes qualités; elles ne font pas cependant faupoudrées comme celles de Ia Solfatare, mais cette poudre peut avoir été enlevée par les pluies & les neiges dont nos montagnes ont été lavées depuis un long cours de fiècles qu'elles ont ceffé de jeter des flammes : je n’y ai pas non plus trouvé les fels marin & ammoniac, les parties fulfureufes & arfénicales que le Véfuve & TEtna rejettent dans leurs éruptions, & fans doute par la même raifon; les fels fe diflolvent à l'eau, & les autres matières étant alors fous la forme d’une pouffière ou d’une pierre très- tendre & très-friable, ne peuvent pas réfifter long-temps à l'action de ce fluide. Une autre pierre du fommet de la Solfatare eft d'un brun rougeitre, dure, pefante, parfernée de points noirs: les rochers que j'ai vüs aux deux tiers du Puy-de-Domme, étoient en partie compofés d'une pierre peu différente de celle-ci, le rouge en étoit feulement plus vif; elle n'avoit pas, il eft vrai, les DES ASC IE INT CES MAIN 49 les points noirs, mais quoique les morceaux que j'ai apportés ne les aient pas, je fuis perfuadé qu'il s'en trouve où on les voit, puifqu'une pierre cendrée, qui fait partie de ces rochers, en eft pointillée. Un coup de feu plus vif qu'un autre peut donner une couleur différente à une pierre qui, quant à la matière, eft la même. Suivant les defcriptions que nous avons de la Solfatare, le corps de cette montagne n'eft formé que de pierres ponces & de fcories. J'ai quelques pierres ponces, elles font d'un brun noirâtre ou rougeätre, & remplies de trous de gran- deur & de figure différentes ; leur pefanteur fpécifique n’eft pas la même: il en eft ainfr des pierres de nos montagnes. Les unes & les autres conviennent également en ce que les parois de leurs cavités font le plus fouvent recouvertes d'une pouflière d’un brun tirant fur le noir, brillante, & que Ton prendroit pour des paillettes de verre mifes en. poudre. Toutes ces pierres, de quelqu'endroit qu'elles foient, affec- tent une figure globulaire : cette figure dépend, à ce que je crois, du mouvement de rotation. qu'elles ont dû avoir. dans les éruptions ; alors lancées dans l'air au milieu des tourbil- lons de feu & de fumée, elles devoient fuivre les mouve- mens que la flamme prenoit par les agitations de l'air, qui font néceflairement excitées dans une explofion auffi violente. Le morceau que j'ai de la lave fuperficielle du Véfuve, c'eft-à-dire, de cette efpèce d’écume que l'on voit nager fur les ruiffeaux enflammés qui fortent de la bouche du volcan, & qui en fe refroïdiffant forment la lave; ce morceau, dis-je, eft de figure irrégulière, rempli de tubérofités, d'un gris de fer foncé, & parfemé de points noirs. On voit un grand nombre de ces pierres fur tout le corps des montagnes de nos volcans éteints; elles ont, comme celles du Véfuve, les points noirs : il y en a auffi qui ont des points blancs, peut- être fpatheux , & d'autres d'un jaune foncé. J'ai déjà rap- porté ka différence qui fe trouve entre la lave de Volvic & celle du Véfuve ; l'une eft plus compaéte, moins fpongieufe que fautre, mais elles fe reffemblent par la couleur & par Mém. 17 52: so MÉMOiRESs DE L'ACADÉMIE RoYALE les points noirs. La montagne de Volvic eft le feul de nos volcans dont il foit forti des ruifleaux dé matière enflammée, qui puiflent former des mafles confidérables : celui du Puy- de-Domme ne paroît avoir donné que des laves de quelques pouces d'épaifleur, à moins que les autres ne fuflent recou- vertes par les terres, & que les fouilles que l'on peut avoir faites dans les environs n'aient pas été aflez profondes pour qu'on les découvrit: celles qui font à l'extérieur fe remarquent dans les ravins & dans les coupes des terres qu'on a faites au pic du Puy-de-Domme, pour adoucir la pente des grands chemins. L’explication que les Académiciens de Naples donnent, dans leur hifloire du» Véfuve, de la courbure que les ruif- feaux de matières fondues & enflammées prennent en fe re- froidiffant, me fait penfer que les pierres du Mont-d'or, ainfi courbées, font réellement des laves : ces Auteurs prétendent que les ruiffeaux fe courbent ainf parce que leur furface extérieure, frappée par fair, fe refroidit plus vite que l'in- térieute qui , agiflant alors contre les parois de cette croûte lorfqu'elle n’eft pas entièrement froide, la pouffe en dehors, loblige à fe courber : lorfque cette croûte eft affez dure pour rélifter à l'action intérieure, il s’en forme une feconde qui prend la même courbure, & ainfi de fuite jufqu'à ce que le total foit affez épais pour pouvoir amortir l'effort du dedans. Les faves du Puy-de-Domme font ainft courbées à l'exté2 rieur ; J'en ai des morceaux arrondis, & compofés de plu- fieurs couches ; ils font noirâtres ou d’un rouge brun, ïls ont de ces points noirs où jaune foncés dont j'ai parlé plus haut, & que je dois maintenant faire connoître, d'autant plus qu'ils me paroiffent être le caractère diflinétif auquel on reconnoît les pierres de volcan. Ces points ne font autre chofe que des portions d'une matière vitrifiée, qui ont été unis avec la pierre, ou ce font différentes parties de ces pierres fur lefquelles la violence du feu a plus agi, & qui ont ainfi été réduites en verre: les. pierres envoyées de lifle de Bourbon en font égilemerit »D'E.S S;Cc-T'E N-.C.E.s. FE parfemées.. La pouffière brillante dont les cavités des pierres ponces font couvertes, n'eft auffi qu'un verre femblable mis en poudre: ce verre eft-il métallique, ou n’eftil, comme le verre ordinaire, qu'une matière faline jointe à du fable ou à quelqu'autre matière viwifiable? Au coup «d'œil il paroît dû à quelque métal: je ne me fuis cependant, pas. encore affuré par l'expérience, qu'il le {oit, mais j'ai formé un verre affez femblable, en pouflant au feu une fubftance terreufe, tendre, friable, d'un rouge d’ocre, marquée de taches jaunes, qui s'attache fortement à la langue, & qui eft très-ftiptique, Cette matière fe trouve dans le ravin du Mont-d'or; dans le même endroit on trouve encore une autre terre gris de fer, qui a une odeur defagréable, & qui me paroïît très-fuf- ceptible de cette transformation. La füipticité de Ja première fubftance femble indiquer beaucoup de fer: fi gela eft, il ne lui a manqué que d'être foûmile à un feu violent pour devenir du verre, & c'eft peut-être à des matières femblables que les parties de verre renfermées dans les pierres dont il a été queftion, doivent leur origine, de même que les pail lettes brillantes des pierres ponces. Si cela étoit bien prouvé, on devroit avoir peu de doute fur celle de ces maffes confi- dérables de yerre que lon trouve dans certains volcans : je n'en ai point vü de pareilles dans les nôtres; j'en ai cependant un morceau qui peut avoir un pouce de long , fix lignes de large, & une ligne d'épaiffeur, que lon prétend venir du haut du Mont-d'or. Ce verre eft noirâtre & à demi tranf- parent: celui-ci, de même que les autres, ne feroit dû qu'à des glaifes plus ou moins fufibles, & qui le feroient d'autant plus quelles contiendroient plus de fable ou de. quelque métal. J'en connois plufieurs du royaume , à qui il ne faut, pour ainfr dire, qu'un ou deux coups de foufllet de forge pour être réduites en un verre noirâtre ou verdâtre, & qui fe tire aifément en filets. Il me paroît inutile d'avoir recours, pour expliquer la formation de ce verre des volcans, à autres matières métalliques que celles qui peuvent être mélées à des glaifes de cette nature, 51 æ G ïj 52 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Je ne ferois pas au refte éloigné de croire que les moôn- tagnes qui ont été des volcans ne püflent avoir renfermé de ces matières métalliques dégagées de toute efpèce de terre, & dans l'état où on les trouve ordinairement. Les volcans fe voient le plus fouvent dans des pays où les métaux ne font pas rares: ainfi il ne feroit pas étonnant que plufieurs des volcans jetaflent des matières où l’on reconnût des fubf- tances métalliques altérées par le feu : je fuis plus furpris que quelques Auteurs qui ont écrit fur le Véfuve & l'Etna, fe foient tant étendus fur la difcuffion de cette opinion & du fentiment contraire. Les uns ont cru que des matières qui reflembloient fi fort à des fcories métalliques, devoient ren- fermer beaucoup de métal; d’autres ont foûtenu que ces fcories n'étoient que celles de différentes efpèces de pierres qui avoient acquis un certain degré de vitrification. Les uns & les autres peuvent avoir raifon, fuivant les différens cas: ce que j'ai dit eft fufhfant pour faire connoître qu'il y a des fubftances métalliques dans les produétions de quelques volcans. D'un autre côté, j'ai pouffé à différens degrés de feu, de l'ardoife & du fchite, c’eft-à-dire, une ardoife moins bonne : j'ai eu pour réfultat des maffes plus ou moins fpon- gieufes ; l'ardoïfe m'en a même donné une qui ne différoit prefque point de la pierre ponce noirâtre. Des granits ainfr traités fe font réduits en fcories aflez femblables à celles de nos volcans, & j'ai dit plus haut que les couches de fchite & de granit formoient le corps des montagnes fur lefquelles : les pics des volcans d'Auvergne font aflis: les matières re- jetées par ces volcans peuvent donc être entièrement dües aux pierres que ces montagnes renferment dans leur fein. Les parties métalliques peuvent n'y être qu'accidentellement & ne sy pas toüjours manifefter, puifqu'elles ne font pas abfolument néceffaires à l'inflammation des volcans. Il fufft qu'il fe trouve dans ces montagnes des matières qui puiflent brüler, comme de l'huile de pétrole, du charbon de terre, du bitume liquide ou folide, & que par quelque caufe que ce foit ces matières viennent à s’allumer : dès-lors la montagne Die isrn SCT 'É: NiC/E’S. 53 deviendra un fourneau, le feu y aura la violence la plus grande; il fera capable de fondre & de vitrifier les matières les plus intraitables. Ce n’eft point gratuitement que j'admets du bitume dans ces montagnes; les environs des volcans l'indiquent prefque toûjours : ceux du Véfuve, de l'Etna, de l'Hécla & de prefque tous les autres, comme on peut le voir dans a Pyrologie topographique de Bottoni qui étoit auf de ce fentiment, renferment des fontaines bitumineufes ou des car- rières de charbon de terre, de jayet ou de bitume. Le mon- ticule de Coelle & le Puy-de-Peje ou de la Poix ne font pas à plus d’une demi-lieue de Clermont: plufieurs endroits de la ville même en font voir. Le couvent des Bénédiétins de cette ville eft bâti fur un fond de bitume qui fuinte entre les pierres des fondemens de cet édifice: ainfi if eft plus que probable qu'il fe rencontre quelque pareille fubftance inflam- mable dans ces montagnes, & que celles dont les environs n'en indiquent point, devoient en contenir que le feu a confumées. La légèreté de certaines pierres ponces noirâtres en eft en quelque forte une preuve: elles ont tout l'extérieur & la légèreté des fcories qui reftent après a diftillation du bitume. J'ai vû de ces pierres ponces fur la montagne de Volvic, autour de laquelle je ne connois point de matières bitumineufes & inflammables. Je ne crois pas que lon doute maintenant de a réalité de nos volcans, peut-être même que l'on craint pour les endroits qui en font voifins: pour moi, für du premier point, je ne ferois pas non plus entièrement hors de crainte par rapport au fecond. Si le fentiment que la plufpart des An- tiens, & après eux beaucoup de Modernes, ont fur la caufe de la chaleur des bains ou fontaines d’eau chaude, eft vrai, ily a aux environs de ces volcans éteints un feu foüterrain qui ne demande peut-être qu'un peu plus d'activité pour faire fauter les terres qui le retiennent, & pour paroître au dehors. Ces Auteurs croient que la chaleur de ces eaux ‘n'eft dûe qu'à des efpèces de volcans qui font cachés. Les G ii $s4 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE eaux des Monts-d'or font au pied de ces montagnes; celles de Clermont, quoique beaucoup plus éloignées, n'en font cependant qu'à deux lieues : ainfi il pourroit bien fe faire que leur chaleur fût entretenue par des feux qui auroient quelque communication avec ces volcans éteints, ou qui pourroient facilément s’en procurer une, s'ils devenoient un peu plus violens qu'ils ne le paroïfient être. On pourroit peut-être objeéter qu'il n'eft pas poffible que des feux fe manifeftaflent ainfi à l'extérieur par ces eaux chaudes, fans paroître entiè- rément: l'on connoît cependant plufieurs endroits où l'exif: tence d’un feu foûterrain eft encore plus fenfble, puifqu'il en fort des fumées plus ou moins épaifles, felon que fair éft plus ou moins chargé de vapeurs; ce feu néanmoins ne paroît pas extérieurement à nu. J'ai vü un de ces endroits aux environs de Saint-Etienne en Forès, où lon prétend qu'il y en a plufieurs: celui que j'allai vifiter ne fumoit pas alors, mais lon m'affura qu'il y avoit des temps où il étoit très-aifé de diftinguér la fumée. Les pierres de tout ce canton ne peuvent que contribuer à établir ce fait; elles font d’un rouge plus où moins vif, de figures irrégulières, remplies de tubérofités & d'éminences comme plufieurs fcories des vol- cans, mais elles ne font pas comme elles à demi vitrifiées; les grains dont elles font compofées, n'ont plus de liaifon, & un grand nombre font recouvertes fur la furface qui re- garde la terre, d'une pouflière d'un jaune foufré, qui pour- roit être occafionnée par une vapeur fulfureufe qui s'en éle- veroit dans les temps où les fumées paroiffent. Je ne fais fr cet endroit ne feroit pas une des montagnes dont Papirius Maïflon parle dans fa Defcription de la France, faite fuivant le cours des rivières. Cet Auteur rapporte qu'il y a aux en- virons de Saint-Etienne trois montagnes où l'on voit con- tinuellement des flammes; une fe nomme la montagne de mine, Yautre de wiale, & la troïfième de bute. On pourroit encore objecter que nos volcans éteints n'ont point une caufe permañente, comme la plufpart de ceux qui jettent des flammes le plus fouvent. Ces volcans font dans des ifles où mes Sac: MCE So 1 ss fur les bords de la mer: fuivant plufieurs Auteurs, ils reçoivent de cet élément par des canaux foûterrains des matières qui réparent les pertes qu'ils font dans leurs éruptions, au lieu que nos volcans éteints doivent avoir confumé tout ce qu'ils contenoient de matières propres à s'enflammer, fans en pou- voir tirer de la mer dont ils font fi éloignés. Outre cela, il n'eft pas für qu'une éruption ne cefle que lorfqu'il n'y a plus de matière inflammable: l'eau de la mer qui, fuivant ces Auteurs, entre dans ces montagnes, n’y eft peut-être attirée que lorfque le feu eft déjà allumé; elle ne fert peut- être alors qu'à laugmenter, à le rendre plus actif & plus violent, & elle a la même action que l'eau commune que lon jette fur le charbon de terre dans les forges de nos ouvriers en fer. Quand cela feroit, comme je le croirois d'autant plus volontiers qu'il eft prouvé en Chymie que l'eau, dans une certaine proportion, eft très-propre à accé- lérer la violence du feu, eft-il conftant que les volcans de intérieur des terres, qui ne ceffent de jeter que pour recom- mencer avec plus d'impétuofité, aient befoin de ce fecours? Au refte, il pourroit fort bien ne pas manquer à nos vol- cans éteints, puifque, comme je f'ai dit, les montagnes où ils font placés ont, dans quelques endroits de leur étendue, des étangs qui pourroient leur fournir. Tout concourt donc à prouver que les montagnes dont il s'eft agi dans ce Mémoire, ont été enflammées, qu'elles peuvent être dans une tenfion continuelle à l'inflammation *, La tranquillité des habitans de ces pays eft peut-être fem- blable à celle des Catanois, lorfque vers le feizième fiècle PÆEtna vint à s'enflammer. « La mémoire des flammes de l'Etna, difent les Auteurs de fhifloire du Véfuve que j'ai déjà citée, sétoit perdue vers le feizième fiècle, au point que plufieurs habitans de Catane s'en moquoient & tenoient pour fabuleux, comme Carrera le témoigne, tout ce qu'en avoient rapporté tant d'Auteurs grecs & latins. Beaucoup __* Les environs de Riom ont reflenti depuis mon voyage des fécoufles de tremblement de terre qui en feroïent peut-être une forte de preuve. 56 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE » d'autres imitoient l'incrédulité des Catanois avant l'éruption » de 1536, & cela parce qu'il s'étoit paflé une longue fuite » d'années fans que la montagne eût donné aucun fignal des incendies qu’elle couvoit dans fon fein.» J'ai trouvé les habitans de Clermont, de Volvic & du Mont-d'or dans des fentimens peu éloignés de ceux de Catane; ils étoient auffi difpolés à regarder comme des fables ce que je difois des anciens incendies de leurs montagnes, que les Cata- nois pouvoient l'être au fujet de ceux de 'Etna: il n'en eft pas cependant moins certain que leurs montagnes ont brülé, La reflemblance des matières dont leurs pics font compolés, avec celles du pic du Véfuve, la figure de ces pics qui eft Ja même, ne laiffent aucun doute. J'aurois cependant defiré trouver une anecdote femblable à celle qu'on lit dans la première lettre du feptième livre des Lettres de Sidoine Apollinaire, évêque de Clermont, & qui m'a été indiquée par M. Ozy, à qui j'avois fait part du deffein où j'étois de décrire mes obfervations. Sidoine Apollinaire, dans le trouble & la confternation où fa ville étoit plongée à la nouvelle de l'approche des Goths, qui voulant faire une irruption fur les terres qui appartenoient aux Romains de ce côté, devoient pafler par Clermont, écrit à S.: Mamert, évêque de Vienne en Dauphiné, qu'il va, à fon imitation, faire les prières qu’il avoit établies dans une calamité publique d'un autre genre: c'étoit dans un temps où les tremblemens de terre ébranloient par leurs fecouffes les murs de Vienne, où les montagnes jetoient des flam- mes, & où leurs fommets s'élevoient par l’'amas des matières enflammées qu'ils vomifloient, & qui en retombant s'en- tafloient les unes fur les autres. Les bêtes féroces même chaffées des forêts par la peur, venoient fe réfugier au mi- lieu de la ville: ce paffage ne laiffe aucun doute fur l'état des montagnes des environs de Vienne. Je n'ai point vû ces montagnes; mais plufieurs de celles qui font entre Thiers & Saint-Chaumont, ont une figure sonique qui me fit penfer dès-ors qu'elles POIRIER rülé : DES SCIENCES 5 brûlé: l'obligation d'avancer chemin m'empécha dé vérifier Je fait. Quoique je n'aie pas été à Pontgit, alt, j'ai des preuves plus füres encore, que les montagnes de ce canton font des volcans éteints: j'en ai reçû des morceaux de laves qu'il étoit facile de reconnoître pour tels, par les points Jaunes & noi- râtres d'une matière vitrifiée que j'ai dit être le caraétère le plus certain d'une pierre de volcan, qui n’étoit pas une pierre ponce. Je dois ces obfervations fur les environs de Pontgi- bault, à M. de l’Arbre, Médecin de cet endroit, qui m'en a fait efpérer de très-curieufes fur ce pays. Une lettre de M. Ozy m'a appris qu'en quittant le chemin qui conduit au Puy-de-Domme, au deffus du village d'Orcine, & en prenant celui qui eft à droite, qui conduit à Pontgibault, on trouve un banc immenfe de ce gravier noir qu'on oblèrve aux environs du Puy-de-Domme. Il paroît donc par ces différentes obfervations, que l'Au- vergne & le Dauphiné renferment un grand nombre de mon- tagnes qui ont brûlé; mais dans quel temps ont-elles refenti ces effets terribles? Sidoine Apollinaire fixe ce temps pour celles de Vienne: il vivoit en 480 de l'ère chrétienne: il ya donc environ douze cens foixante-onze ans que ces montagnes ont brûlé. J'ai cherché à m'aflurer du temps des éruptions des autres dont j'ai parlé. Les recherches que j'ai faites ont été inu- tiles : différentes chroniques fixent bien le temps de plufieurs tremblemens de terre arrivés dans quelques parties de la France: mais aucune ne parle d'éruptions de volcans *: il faut donc que ces montagnes aient été enflammées Jong-temps avant le fiècle où Sidoine Apollinaire vivoit, car il y a lieu de eroire que l'on auroit quelques anecdotes fur ces effèts ter- ribles, s'ils fuflent arrivés dans des temps poftérieurs à cet Ecrivain, puifque l'on en a fur des tremblemens de terre arrivés Jong-temps après celui où il écrivoit, quoique les * M. Ozy m'a appris depuis fa | le volcan du Puy-de-Domme, avoit sremière lettre, qu’un Membre de | trouvé dans des regiltres publics une "Académie de Clermont, qui set | anecdote qui donnoit le temps où déterminé à donner un Mémoire fur | cette montagne avoit brûlé, Mém, 1752, Mémoires DE L'ACADÉMIS Povare Fe temblemens de terre ne foient pas en quelque forte auffi effrayans que les & tions des volcans, pour unpays fur-tout où celles-ci ne font pas fréquentes. Au refle, quoi qu'il en foit du temps où ces montagnes ont brülé, qu'il foit nécef faire de remonter aux fiècles les plus reculés avant Sidoine Apollinaire, ou de defcendre à ceux qui fe font écoulés de- puis fa mort, j'ai penfé que les.obfervations que j'avois faites fur ces volcans éteints, pourroïent être agréables à l’Académie & au public, & engager les Naturaliftes à tächer de décou- vrir ceux que peuvent renfermer les différentes provinces de la France *. * Des pierres ponces & des laves | connoître que ces montagnes avoient envoyées depuis Ja lecture de ce | brûlé : leurs fommets ne font, fui- Mémoire par M. Vénel, Médecin, | vant M. Vénel, que des amas de & qui font de Montredon, à une | pierres ponces qui recouvrent des demi-lieue de Pézenas, & de Péret, | laves. qui en eft à deux lieues, m'ont fait EXPLICATION DES FIGURES. PTE INC HER La Figure première xepréfente un morceau ou portion d'une des petites roches des environs de Vichy, qui font formées de couches ou calottes demi-fphériques. Cette portion ceft repréfentée en deflus, pour faire voir des tubéro- fités 7, T, T, T, dont la fuperficie fupérieure de chaque calotte eft hériffée : ces tubérofités affectent auffi la figure demi-fphérique; elles font concaves en deffous. Fig. 2, morceau ou portion d’une autre petite roche femblable, vûe en deffous & dans une pofition inclinée , pour qu’on puiffe remarquer les cavités C, G, C, C, ou la partie concave des tubérofités 7, T,, T; T;, marquées dans la Figure premiere. On 2 encore tracé dans la F9. 2, les veines V, Y, V, V, brunes; verdâtres & blanches, formées par Îes différentes calottes dont ces pierres font compofées. } Fig. 3, commencement ou noyau d’une de ces petites roches, ou pluftôt caillou un peu plus gros que le poing, de la même nature, & compolé par couche de la même façon que les roches. II cft aifé d'y remarquer ces couches qui y occafionnent des efpèces | DIE S ASC U'E N_ CE & . 96 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de la Caille comme étant moins parfaite que les autres. Le 31 Janvier 1752, à 12h 55° 21° (on a mis par erreur $7° 21" dans les Mémoires de 1751) de temps vrai à Berlin, a diftance du bord auftral de la Lune au zénit étoit 454 49" 1"; les Tables aftronomiques donnent à r2h 55 9", le lieu de la Lune Q 274 26° 6", la lati- tude aultrale $d o' 49”, la déclinaifon boréale 74 40° 3", & le demi-diamètre apparent 16° 19"s. La diftance de Procyon au zénit, obfervée le o Février fuivant, étoit 464 39° s 1"; la diftance de la Lune au pa- rallèle de l'étoile étoft donc de 14 7° 11"6, après y avoir ajoûté 2°1 pour la différence des réfraétions. Le bord fupé- rieur de la Lune fut auffi obfervé au Cap le 31 Janvier, à 424 o° 546, la Lune étant dans le méridien; alors fa longitude étoit de 274 13° $5" dans le Lion, fa Jati- tude méridionale $4 o' 45" 2, fa déclinaifon 74 44 12°75$ : fouftrayant 4° 71 pour le changement en déclinaifon, & 2"o pour la diminution de la parallaxe, ajoûtant 16” 20” pour le demi-diamètre apparent, on ‘aura 424 13°4"6 pour le centre de la Lune: réduifant la hauteur de Procyon, obfervée le 4 Janvier, à ce qu'elle a dû pa- roitre le 9 Février, Jorfqu' elle fut obfervée à Berlin, elle fe trouve de 39° 44 38"; employant 3"2 pour la réfrac- tion qui accourcit les diftances apparentes, on a la différence en déclinaifon 24 28° 298, & par conféquent la parallaxe des oblervatoires 14 20 nez. On trouvera 14 21° 303 pour la quantité de cette pa- rallaxe, fi lon compare la Lune à Regulus, en employant les diftances au zénit, qui en furent obfervées en même temps le 26 Février au Cap, 474.3" 53"6, & à Berlin 39° | 20° 23”. Je crois cette détermination préférable Le 23 Février 1752, à 6h 55° 45", temps vrai, job- fervai ba” diftance du Ho inférieur de 1H Lune au zénit, 324 4 AIME & un moment après celle de (@ du Taureau 31e 32139; 5 or, à 6h55" 35”, la longitude de Ja Lune étoit H 2144°21"2, la latitude méridionale 19 56 FANS à la Le DES Se ME NCE S 97. la déclinaifon boréale 214 14° 5”: le diamètre de fa Lune: fut aufli oblervé à Paris par M. le Monnier, 227500, à 22 devrés de diftance au zénit, de forte que le demi- diamètre apparent de la Lune au temps de mon obfervation à Berlin, devoit ètre de 16’ 27"7 ; ainfi le centre de a Lune parut à 15° 1°8, au fud de l'étoile. - M. de la Caille obferva de même le bord auftral de la Lune $54 40° 31”, & la diftance de l'étoile au zénit s4i $1°41"3 : alors la Lune fe trouvoit , felon les Tables, dans les Gémeaux 204 52’ o", à 14 55° 3 1"+ de latitude méridionale, & par conféquent à 214 14° 15"3 de décli- naifon feptentrionale ; ainft il y a 10"3 feulement à fouftraire pour le changement de déclinaifon, 1 6" 23" à ajoûter pour le demi- diamètre à la hauteur où la Lune parut au cap de: Bonne efpérance, 3 fecondes à employer pour la différence des réfraétions ; d’où réfulte que le centre de la Lune parut au nord de l'étoile de 14 5° 4": ajoûtant donc ces deux diflances, on a la parallaxe par” cette obfervation, 14 20” 72, pour la diflance des deux obfervatoires. Cette ober- vation eft marquée douteufe au cap de Bonne-efpérance. Le 26 Février, à oh 49° 40" à Berlin, le centre de la Lune étant dans le méridien, le bord boréal parut à 3 8d: 27° 46" du zénit; le lieu de la Lune, pris des Tables de M. Halley, fut alors Q sd 38’ 49", la latitude auftrale 44 37° 48", & par conféquent la déclinaifon boréale 1 44 23" 39"5, le diamètre horizontal 32° 21”$, & le demi- diamètre, à la hauteur où il étoit vü à Berlin, 16° 2425; ainfi le centre de la Lune étoit à 384 44’ 10°25. La dif tance au zénit de Régulus, le même jour, me parut de 3 gd 20° 23", & par conféquent la différence, en prenant une: feconde pour la réfraction, étoit od 36° 13"75. Le même jour au cap de Bonne-efpérance, par l'obfer- vation faite dans le méridien, la diftance du bord inférieur de Ja Lune au zénit fut de 404 21° 18"7, & celle du cœur’ du Lion de 474 3° $ 3"6; au moment de l'obfervation de la’ Lune, elle étoit, felon les Tables ; dans le Lion de 26-34 % Mém. 1752. 8 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE avec une latitude boréale de 44 37° 22"7 5, & une dédclinaifon boréale de 144 27 o"; le demi-diamètre à cette hauteur devoit être de 1 6’ 22"; le changement de déclinaifon eft de AO: à fouftraire de la diflance au zénit, aufli-bien que fa diminution de la parallaxe 2"2, & la réfraction 4”. Le réfultat de tous ces élémens donne la différence des parallèles du centre de la Lune & de l'étoile, au cap de Bonne-efpé- rance, 14 $7' 44"4, & l'effet total de la parallaxe qui répond à notre bafe, 14 21° 30"7. Ceite obfervation eft douteufe au cap de Bonne-efpérance. Je remarquerai ici qu'il s'étoit gliflé dans les obfervations de M. de la Caille, imprimées en fon abfence / Mémoires de l'Acad. année 1748) quelques fautes d’impreffion que j'ai corrigées à mefure que je les ai remarquées : dans f'obfer- vation du 27 Décembre, j'ai fubftitué 494 11° 22°, à 494, 10° 22", parcé qu'il y avoit manifeflement une diffé- rence d’une minute, que j'aurois imputée à mon obfervation, fi celle que M. Kies fit en même temps avec un petit quart- de-cercle, & qu'il me communiqua auffi-tôt , ne m'avoit rafluré l-deflus. Les autres font plus faciles à entrevoir : le 6 Décembre, il faut lire 33 minutes au lieu de 38 mi- nutes; le 28 Décembre, j'ai fubftitué 48 minutes au nombre $8 minutes; le 31 Janvier, o minute au lieu de 10 mi- nutes; le 23 Février, 40 minutes au lieu de 20, & le 26 Février 5 3"6 au lieu de 536. à Je crois être entré dans tout le détail que la comparaifon de ces obfervations pouvoit exiger, pour déterminer l'angle fous lequel a dù paroître chaque fois la ligne droite com- prife entre Berlin & le Cap, vûe du centre de la Lune; il s’agit actuellement d'en déduire la parallaxe horizontale. Suivant la méthode ordinaire, en fuppofant la Terre fphé- rique & les directions de Ja gravité perpendiculaires dans tous les points de fa furface, il fufhroit de divifer la parallaxe des deux Obfervatoires, ou la valeur de l'angle à la Lune que nous venons de trouver, par la fomme des finus des diftances apparentes au zénit, pour avoir la parallaxe horizontale. Des" "0e LE Me Es Car nommant a l'angle à {a Lune que l’on veut divifer en deux parties , dont les finus aient le même rapport que les finus des diftances au zénit obfervées de part & d'autre, nommant x & y les fmus’ de ces deux parties, & 6, c, les . Re a . ac finus de ces diftances au zénit, on auroit y — b+e b = — : alors + ©: x + y — fin. tot. : fin. paral. hor. L c c'eft-à-dire, la fomme des finus des deux petits angles eft à la fomme des finus des diftances apparentes au zénit dans les deux obfervatoires , comme la parallaxe horizontale eft au rayon: or les petits arcs fe peuvent prendre pour feurs finus ; donc il fufhiroit de divifer par la fomme des finus des diftan- ces apparentes au zénit, l'angle à la Lune que nous avons calculé ci-deffus. Mais, comme on le voit du premier coup d'œil, ce cal- cul fuppofe que la parallaxe horizontale ait pour bafe des rayons égaux dans tous les points de Ja Terre, ce qui ne fauroit avoir lieu pour peu qu'elle diffère de la figure cir- culaire. , Pour pouvoir donc faire entrer dans le calcul des paral- laxes la confidération de cette différence, au moyen de la mefure connue des degrés de a Terre & de da quantité de fon aplatiffement , je fuppoferai d’abord avec M. Newton, queles méridiens de 1a Terre font d'une figure approchante de l'ellipfe, & telle, que les accroiffemens des degrés, en allant de l’Equateur vers les Poles, foient comme les quarrés des finus des latitudes. Je prendrai auffr pour la quantité de fon aplatiffement la fraétion 2, pour les raïfons que lon verra ci-après, c'eft-à-dire que je fuppoférai le rapport de CM à CE, égal à celui de 178 à 179 , le premier dégré de latitude étant fuppolé aufr dé 56757 toiles. Si lon divife par 180, le rapport du diamètre à Ia cir- conférence, qui eft 55530 le logarithme du rapport du degré à fon rayon étant FUN de trouve ÿ Fig. 100 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE le rayon du premier degré de latitude 325 1936 toifes, II eft inutile de remarquer que le rayon du cercle ofculateur eft confondu aflez fenfiblement avec la courbe dans l'efpace d'un degré, pour qu'il n'y ait dans cette pratique aucune erreur ; cela eft évident, parce que les degrés de la Terre croiflent fi lentement , que de l'un à Fautre {a différence ne va jamais qu'à 1 4 toiles, & cela feulement vers le 4 5.° degré : de latitude. Soit un méridien de {a Terre, reprélenté par la courbe à peu près elliptique WME£EC, loit M le Pole boréal, & Æ£le point qui eft dans l’Equateur, Æ g le degré du méridien meluré vers l'Equateur, c'eit-à-dire, un arc de cercle qui à caufe de fon extrême petitefle fe confond avec Yellipfe, puifqu'en effet la différence n'eft pas fenfible en fuppofant même arc Æg de plufieurs degrés ; ayant Ia grandeur du degré, on aura, comme on vient de le voir, la grandeur du rayon de ce degré, c'eft-à-dire, la ligne £ D: de même, par le moyen du degré mefuré en Lapponie, on aura un autre rayon plus grand ; tous ces rayons forment évidemment la courbe D /G , qu'on nomme la développée, qui eft telle , que fi on plie dans fa circonférence un fi EDIG, fon extrémité Æ décrira la courbe EBM fi on vient à le développer. Puifque les arcs infiniment petits, Eg & Mp, que décrira ce fil dans les points £ & 1, auront pour rayons les mêmes lignes ED , MG, on voit du premier coup d'œil, que l'arc DZ de la développée eft égal à la différence des rayons ofculateurs £ D & MG qui la touchent. Connoiffant donc les arcs de la développée, nous allons en déduire, fuivant la méthode que M. Bouguer emploie dans fon Livre de la figure de la Terre, les dimen- fions du méridien; mais comme les formules de M. Bouguer font générales, & par conféquent plus compofées , je don- nerai la voie la plus fimple de trouver les intégrales qu'on cherche dans les deux cas particuliers que j'examinerai. On prendra la ligne droite DC, égale à la développée DG, du quart d'elipfe, aux points 7, Æ, connus par les mefures des deprés; on élevera des perpendicukires ZN, nec de nets + Dis: 9,0 AE UNNG LE. S. 107 EK, égales au finus de la latitude; dans le petit triangle f/g, Fig. 1. l'angle g, égal à l'angle K, eft égal à la latitude du point B de la Terre; donc le rayon eft à g/, comme le finusde la latitude eft à /f, donc /f— /g. fin. lat. donc la diffé- rentielle f/ de l'abfcifle D 4, eft proportionnelle au reétan- gle Zgr AN de la figure 2. Si au même point /, on élève une perpendiculaire IT, Fig: 2. égale au cofinus de la latitude, en verra que le petit rec- tangle /grs, et ‘proportionnel à la différentielle gf, de Fig. r. loglonnée 1h, puifque g1:fg,=— rayon : {m. g/f, ou cofmus de {a latitude. Soit r lerayon du cercle, 5 le finus de la latitude du point 2, ÿ{1 — 5° ) fera le cofinus, # Varc D 1 de la développée; & comme nous fuppofons les accroiflemens des degrés ou des rayons, proportionnels aux quarrés des finus des latitudes, nous aurons en exprimant cette propor tion analytiquement HS, puifque les arcs # ne font autre chofe que es différences mêmes des rayons ofculateurs. Si on prend la différentielle, on aura du — 1g — 2545, le retangle IN rg — 25° ds, le rectangle de 2$ — 25 V{1 — 55) ds, Yintégrale de 2 5° ds donnera l'ablcifle D#, & l'intégrale de 25 {1 — 55) ds _ fera l'ordonnée //4. La première de ces deux intégrales fe trouve par la règle la plus élémentaire du calcul différentiel, en augmentant d'un l’expofant de 5, qui deviendra daté & divifant par 3 ds, elle fera donc +? s5’:.on fera s = x, pour avoir l'abfciffe entière DQ — +; c'eft-à-dire, que cette abfcifle D Q eft les deux-tiers de la courbe DIG . Pour avoir l'intégrale de 25 {1 — 53) ds, il faut avoir recours à la méthode fuivante, parce qu'on ne furoit in- tégrer des formules irrationnelles par la règle générale, fans Jes transformer en des quantités rationnelles. * "" : l Je fais {1 —55) = 3; donc 1 — 55 = 77, Ha — — 2545; changeant les fignes, & prenant T intégrale, Jai f25d$s = — ed = on fi — s5)V(x — 55}, Ni 102 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE en fubftituant à la place de 77 & de 7, leurs valeurs 1 — 55 & V{/ 1—55). Pour compléter l'intégrale , il faut faire s = 0, la formule deviendra — — ; c'eft la quantité qu'il faut fouftraire de l'intégrale pour la rendre complète, on a donc — ne (Ai 55 V(i—5s) + Fe &. faifant s —= au rayon = 1, refle + Du ce qui prouve que lordonnée Q G eft auffi les = de la courbe, égale par con- féquent à l'abfcifle Q D. Pour avoir la tangente HK, je con- fidère que dans le triangle reciligne Æ7A le finus de ZH A ou cofinus de la latitude du point 7, eft au rayon, comme IA égal à DC moins lordonnée 4 Z eft à 2H, ÿ{1 — 55) RL ss) Vti— ss : . (1 — 55), où — (x — u), c'eft-à-dire que la tangente 7G dans tous les points de la courbe, eft égale aux deux tiers de GZ Pour avoir de même la partie /X de la tangente, je prends le triangle IKk dans lequel le finus de l'angle Æ, eft au finus total, comme /4 ou 4D eft à ZK, c'eftàdire, s : 1 — 2 : + s° ou mn u: cette partie ZX de Ia tangente eft donc égale aux deux tiers de la portion de courbe DJ; aïnfr fa tangente entière A, fera les deux tiers de la développée entière D1G, & égale à DC & à GC. La courbe D/G étant développée à commencer par le point D, décrira la courbe DO N, dans laquelle on voit que les parties coupées DE, OB, NM, {ont égales au fayon du premier degré. Pour trouver la partie interceptée KO de la normale AP, ïl faut remarquer que CN — GN — GC—= GD — + GD, eft un tiers de la courbe GD, & que par conféquent il fufhra de dire, le quarré du finus total eft à CN, comme le quarré du finus de la DES SCIENCES. 103 latitude du point 2 ou Z, eft à KO: il fuffra donc d’ajoûter le logarithme conftant 42641 682 au double du logarithme du finus de la latitude, pour avoir le logarithme de ÆO: fi fon ajoûte XO, X H & OB, on aura la valeur de BH; & dans le triangle BPA, Vangle A étant égal au complé- ment de la latitude du point 2, on trouvera BP & PA, parce ‘que l'angle BHP eft égal au complément de la fati- tude; la partie CA que l'on doit en fouftraire, eft donnée par le triangle XCH, dont on connoît ÆH & Fangle KHC: enfin le triangle BCP donnera de même la valeur de F'angle BCP & du rayon BC, qui marque la diftance au véritable centre de la Terre. C'eft ainfi que j'ai calculé pour la latitude de Berlin & pour celle du cap de Bonne-efpérance, c'eft-à-dire, $ 24 3 1” 13" & 334 55° 12", les rayons BC & Ce 3277160 toifés & 3283003 toiles; l'angle BCE, 524 12° 36"; l'angle cCE, 334 37° 23"; CM, 3270308: par-là il eft facile de connoître la foûtendante « 8 qui fépare les parallèles des deux obfervatoires; elle fe trouve ici ré- pondre au logarithme 665 10189, c'eft-à-dire, environ 4477328 toits, BcC 474 1° 42"7, & CBc 47 8" 18”. Connoiïflant Ja bafe à laquelle répondent les parallaxes obfervées, il a été facile de parvenir à la diftance de la Lune au centre de la Terre. En effet, prenanf, le fupplément LB de la diftance de la Lune au zénit, obfervée à Berlin, & en Ôtant l'angle -cBH(= cBC + CBP — HBP), on connoîtra dans le triangle L Bec, tous les angles, favoir, LBc par l'opération précédente, & «LB qui eft la parallaxe des deux obfervatoires: on aura de plus un côté Bc, d'où lon conclurra Le; dans le triangle LcC, connoiffant les côtés Le, Ce, & Yangle compris, on aura la diftance de Ja Lune LC, y Comme il fuffit de connoître fa parallaxe horizontale qui . répond à l'Equateur, puifqu'étant la plus grande de toutes, 104 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE c'eft à celle-là qu'on rapporte toutes les autres, en divifant le rayon de Equateur par la diflance de la Lune au centre de la Terre, on aura le finus de la parallaxe cherchée. Le logarithme du rayon de l'Equateur eft 65170217. Par l'obfervation du 3 Décembre 17 viré La diftance de la Lune au zénit de Berlin, corrigée pätilaréfractiont.Ur .03.:21410 LU 1 34444745 14 La parallaxe des deux obfervatoires . . . : ..... 1. 22.143,20 Le logarithme de la diflance de la Lune au centre de la Terre, exprimée en toifes. . . ....... 82653718 La parallaxe horizontale qui répond au rayon de J'Equateur Le). LR RL RIT CE Par l'obfervation du € Décembre. Diflance du centre de la Lune au zénit. . .... Ale) 1621375 Parallaxe des deux obfervatoires ........... 112 UNS Logarithme de Îa diflance de la Lune ....... 82823867 Parallaxe horizontale fous l'E‘quateur. . . .. son À 0e S9e0t106 Par lobfervation du 27 Décembre, Diftance du centre de la Lune au zénit, .... 20005 1 NT CAES Parallaxe des deux obfervatoires. . . . ....... 15,/2 201533 00 Logarithme de la diflance de Ia Lune. ....., 82753494 Parallaxe horizontale fous l'Equateur . ....... o. 59. 58,5 Par l'obfervation du 28 Dégmbre. Diflance du centre de la Lune au zénit ..... 34: 39. 44 Parallaxe des deux obfervatoires. .. . ....... 108% 2 Logarithme de la diftance de la Lune ....... 82714521 Parallaxe horizontale fous l'Efquateur . . ....., né TONASIE Par l'obférvation du 30 Janvier 17 5 2. Diflance du centre de la Lune au zénit ...... 40.,40. 5 Parallaxe des deux obfervatoires. . .,....... 1. "2210078 Logarithme de Ia diftance de la Lune . ..... . 82769219 Parallaxe horizontale fous l'Equateur . ....... oo. $9. 45:46 ar DES SCIENCES. 105 Par l'obfervation du 31 Janvier 1752. Diftance du centre de la Lune au zénit . ..... 454 33° 367$ Parallaxe des deux obfervatoires. . . ........ I. 21. 30,3 Logarithme de la diftance de la Lune à la Terre. 82813847 Parallaxe horizontale fous l'Equateur . . ...... o. 59. 8,8 Par l'obfervation du 23 Février 1752. Diftance de la Lune au zénit, obfervée à Berlin. 31. 48. 13 Parallaxe des deux obfervatoires . . ...... TN 20/16? Logarithme de Ja diftance de la Lune, en toifcs... 82792776 Parallaxe horizontale fous l'Equateur . . ..,... o. 59. 26,x Par l'obfervation du 26 Février. Diftance de la Lune au zénit, à Berlin ....... 38. 44 58,7 Parallaxe entre Berlin .& le Cap, obfervée. . . .. 1 21-020;7 Logarithme de Ia diftance de la Lune . ...... 82798185 Parallaxe horizontale fous l'E‘quateur . ....... 0. 59. 21,64 Pour connoître maintenant l'erreur des tables aftronomi- ques par chacune de ces obfervations , il n'y a qu'à jeter es yeux fur la table fuivante, où j'ai pris pour exemple les tables de M. Halley , comme les dernières qui aient été publiées, & où j'ai marqué la petite quantité dont elles s'é- cartent de l’obfervation en défaut. Paral. des Tables. |. Diam. horig. | Err. des Tab, Le 3 Décembre 1751...) 60° $2" 33° _28";| 30"10 Le : 6 Décembre 1751... 58. 28,66 | 32. 10 |. 31,94 Le 27 Décembre 1751...| 59. 28 32. 42 | 30,50 Le 28 Décembre 1751..| 59. 49 32. 54 | 42,00: Le 30 Janvier 1752. 59. 19,50 | 32. :38 | 25,96 Le 31 Janvier 1752..| 58. 39,25 | 32. 15 | 29,55 Le"23 Février. 1752..| 58. 55,33 2.002400 30,77 Le 26 Février 1752. 58 409,50 | 32. 21 |:32,14 J'y aï joint le diamètre horizontal tiré des tables, pour fervir à déterminer la véritable grandeur de la Lune. Mém. 1752. O æo6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Au refe, il eft effentiel de remarquer que ces erreurs, qui ne font pas par elles-mêmes extrêmement confidérables, feroient d'environ 1 2"+ plus petites, fi au lieu d'employer la parallaxe horizontale fous Equateur , j'eufle comparé avec les tables celle qui répond à la latitude de Berlin, & de 20 fecondes auffi plus petites fi j’eufle pris la parallaxe fous le Pole. Après avoir ainfi appliqué à la Terre elliptique les obfer- vations de fa parallaxe, j'ai voulu confidérer auffi la Terre dans lhypothèfe qu'a adoptée M. Bouguer, fuivant laquelle les accroiflemens des degrés du méridien font comme les quatrièmes puiffances des fmus des latitudes, fuppofant pour les trois degrés mefurés fous les latitudes de od, 4942, 664+, 56753 toiles, 57074, 57422. Dans cette hypothèfe le dernier degré de latitude fous le Pole fe déduit des deux premiers , en difant : la quatrième puiflance du finus de Ja latitude ; 4042, eft à la quatrième puiflance du rayon, comme la différence des deux degrés, qui eft 3 2 1 toiles, eft à la différence du dernier degré au premier, 967 toiles, qui étant Otées du premier degré, donnent le dernier de 57729 toiles ; mais fi on le cherche de même par R comparaifon du premier degré, à celui qui répond à la lati- tude de 664 +, on trouve 57704. La différence de ces deux réfultats vient de ce que ce n'eft pas exactement , mais feulement à peu près la quatrième puiflance : en prenant un milieu, on peut donc le fuppofér 577 1 2 toiles, auquel répond un rayon ofculateur de 3306654 toiles, repréfenté . par G/. Lerayon ofculateur Æ D qui répond au premier degré étant 3251707, la longueur totale de la développée DG, ou de ha ligne G AN, eft de 54947 toiles. Pour avoir les dimenfions du méridien dans cette nouvelle hypothèle, il faut prendre # = 5*; ainfi l'on aura l'élément de l'ab{cifle D4 4 5° ds, celui de ordonnée /} fera 45 {1 — 55) ds; la pre- mière intégrale eft # s’; la feconde fe trouvera par la même méthode que ci-deflus , en faifant {1 — 55) —=37, alors d 1— 55, — 77, ds = 44 — 71) D'Es SCIENCES 107 Wim as di —s5)=— 4$ dyfi — 1) = 4% dy — 47 dy, dont l'intégrale eft $ 7° — + 7;, ti — 55) V(i—s5) —Ÿ(i— 55) V1 —55) —+- &, en fubilituant pour 7 fa valeur, & en complétant Pintégrale, Si on faits = 1 , on aura F'abfcifie entière DQ, égale à +, & l'ordonnée GQ égale à -Æ de la développée. Pour avoir la tangente AK, on dira: dans le triangle HIA, le finus de l'angle ZA, égal au cofinus de la latitude, eft au rayon , comme /A —= QG — k1, eft à A1, ou fi — ss)i1 = —$ [1 — 55)* Vai— ss) +ifi—ss) Vi —ss):$ — £ss + $ st; & pour avoir la portion 7 ,on dira: dans le triangle /K4, le finus de l'angle ZXK4 égal à la latitude , eft à l'abicifle À D ou 14, comme le rayon eft à ZK, 5 51 —=* 5° : # st; ainfi la tangente entière eft £ — #55. Puifque GC —+ de G/D ou de GN, donc CN — +, de la développée; ainfi la partie Æo, du rayon ofculateur en un point P, fe trouvera en difant : la quatrième puiïffance du finus total eft à un cinquième de fa développée , comme la quatrième puiffance du fmus de la atitude du point B, eft à ÆO; ainfi le logarithme d’un cinquième de la déve- loppée {era un logarithme conftant, additif au quadruple du logarithme du finus de la latitude, pour avoir le logarithme de KO; ce logarithme conflant eft 40409740. Quant à la partie À A, qui eft la tangente de la courbe, elle éft com- polée de deux termes , comme on vient de le dire, lun conftant, qui eft égal aux -$- de la développée, 29 306 toiles, ou 29305, l'autre qui fe tiouve en multipliant les #- de la développée par le quarré du finus.de la latitude ; ainfr Le loga- zithme de #- ajoûté à celui de 54947, formera auffi un logarithme conftant 41659127. La valeur de la tangente ajoûtée à la partie XO -- £ D, (= OB), donne h ligne totale AB, dont on déduira, comme dans l'hypothèfe pré- gédente:, des diftunces de Berlin .& du cap de Bonne -elpé- rançe entre-eux, & leurs-diflances au centre de e Terre: l'on 1J 108 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE aura pour cette fois l'angle BCE, s 24 11° 39"4, plus petit de $ 6"2, que dans la première hypothèfe; l'angle «CE, 3 34 38'44" +, plus grand de 1° 21"+, que dans autre hypo- thèfe ; la diflance CB de Berlin au centre de a Terre 3270385 toifes , la diftance cC du cap de Bonne - elpé- rance au même centre, 3276130, & la foûtendante Bc comprife entre les parallèles de Berlin & du Cap, 445 802$ toifes; l'angle C'Bc, 474 8" 2"4,& CcB, 474 1° 33"4. C'eft fur ce même principe que j'avois calculé en 1757, conjointement avec M. de ffle, la Table fuivante, où lon voit pour chaque latitude de dix en dix degrés, l'angle CBH de la verticale avec le rayon mené au centre, la diftance CB au centre de la Terre, & la parallaxe qui y correfpond, en la fuppofant de 62 minutes fous P'Equateur. Degrés de latitude. Angle CB H. Parallaxe horrg. Ray ee 7 (EP EN ON HOMO NAME EP MEET ox OLIS IAA ta) qe Se 208. CIIERES 0 3280572: DO. eric: DO 276. |NO IS NI 2770208 202 Flaiehe seule CREME o) AC DEEE 3277155 MAD IRC US Ur ARE | DO EE 2) 3274377 SO lei FCO 0 CAO] MC HN 3271202 COTE RECLIÈCE 10e 022 a ONCE 3268017: 7 Osiso eo sf. » TANT Blaise NOTA 3265252 0-1 Ree lee SO NOTA O 3263396: GO = 0 MG ete 0090 | 202000 Sur ces élémens, j'ai fait par la même méthode que j'ai indiquée ci-deflus, le calcul des mêmes obfervations pour em déduire la parallaxe horizontale fous Equateur: jy ai joint encore la parallaxe qui répond à Ia latitude de Berlin, parce qu'il femble que ce foit à cette latitude, ou à peu près, que fe doivent rapporter les parallaxes que nous donnent les tables. Au refte, le rapport de la parallaxe fous l'Equaieur à Ja parallaxe pour Berlin , eft exprimé par le logarithine conftant 99985910, qui peut fervir à les réduire l'une à l'autre. DES SCIENCE Ss Le >} Décembre 17 ns Parallaxe horizontale fous l’'Equateur . . . .... ne ÆFrreur des Tables . . 2. 2.000 ETS io ae Parallaxe horizontale à Berlin. . . . .. _ STE Le 6 Décembre 1751. Parallaxe horizontale fous l'Equateur. . . . . .... Erreur des Tables ...... LAPS FREE Hot “Parallaxe horizontale à Berlin. . . .….......... Le 27 Décembre 1751. Parallaxe horizontale fous l'Equateur . . - cc Erreur des Tables ...... PRE PR ET pe AE Parallaxe horizontale à Berlin . ....... se Le 28 Décembre Eau Parallaxe horizontale fous l'Equateur. . . . . ... .. Erreur des Tables ........... SE et Parallaxe horizontale à Berlin. ...........4..." Le 3o Janvier 1752: * Parallaxe horizontale fous lEquateur . . . . ... sus Erreur des Tables......... Mer ME ad ietatet ele Parallaxe horizontale à Berlin: . . ... ......... Le 3r Janvier 1752: Pärallaxe horizontale fous l Equateur, ....... 5 Erreur des. Fables 152. 444.6. lee sue En Là Parallaxe horizontale à Berlin .. ....... ALT Le 23 Février LE S 22 Parallaxe horizontale fous lEquateur........ Done Table, .: ARS TE etre coieletelele Le 26 Février 1752: Parallaxe horizontale fous TEquateur ......... Erreur des Tables............ DST EME QE Parallaxe horizontale à Berlin. , ,.,,,,..,.9,e 1, ©, 0. 59. 0. 59. 0. 59. oi 110 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE La première des deux hypothèfes de la figure de la Terre que je viens d'appliquer aux parallaxes de Ja Lune, paroît plus fimple; la feconde fatisfait mieux aux trois degrés melurés, en les renfermant fous une loi uniforme; & quoiqu'on doive douter fi cette loi a lieu dans la Nature, je me fuis convaincu d’ailleurs que les réfultats que je viens d'en déduire, étoient les meilleurs. On peut limiter les trois mefures que nous avons des degrés de la Terre, de manière qu'elles fuivent dans leurs différences, le progrès des quarrés des finus des latitudes, pourvû que dans les corrections que l'on y fera, on n'ex- cède pas les bornes des erreurs moralement poflibles dans la pratique. IL me paroît d'abord naturel de fuppofer dans les mefures faites au Pérou, une erreur qui ne foit que le tiers de celle que je fuppoferai dans le degré de Lapponie & dans celui de Paris à Amiens, puifque dans ces deux derniers on na mefuré qu'une amplitude d'un degré, tandis qu'au Pérou l'arc fe trouve de trois degrés, & mefuré avec différens inftrumens. D'un autre côté je confidère que l'on a toûjours regardé comme abfolument pofñble , une erreur de 4 ou $ fecondes prife pour la fomme des erreurs inévitables dans la mefure aftronomique & dans la melure géodéfique de l'arc: j'ai donc cru pouvoir tenter d'ajoüter 77 toiles au degré entre Paris & Amiens, retrancher fa même quantité du devré de Lapponie, & Ôter 2 6 toifes du degré mefuré fous l'Equateur, de maniè:e que nous ayons pour Îes trois degrés mefurés, 56727, 57151, 57345: Si cette correction n'étoit en foi-exorbitante, elle acquer voit un degré de vrai-femblance, de ce que la quantité qu'elle produit pour laplatiffement de la Terre, eft affez conforme à celle que M. Newton avoit autrefois déduite de fa théorie & de quelques expériences. Quoi qu'il en foit, pour entrer dans l'examen de cette nou- velle hypothèle, on trouve par la proportion des quarrés des finus, le dernier degré de latitude d'environ 57463 toiles; DES SCIENCES. III en à le rayon du premier degré de latitude ED, 3250217; le rayon G A du dernier degré, 32923 87; de forte que Farc total DG de la développée eft 42170 toiles, GC'ou DC 28113+ toiles, le demi-axe 3264273 +, le demi-dia- mètre £Q de Equateur 3278330; le rapport de ces deux quantités eft exprimé par la fration = Si on veut avoir cé rapport exprimé en nombres qui ne diflèrent que de Funité, il ne faut que chercher dans a colonne des différences des logarithmes des nombres naturels, celle qui eft égale au logarithme du dénominateur de cette fraction ; on la trouve à peu près entre 23 2 & 23 3, de forte que ces deux nombres expriment auffi le rapport du dia- mètre de l’Equateur à l'axe de la Terre, que Newton éta- bliffoit de 229 à230.Lelogarithme d CN, /ou>DG), 41478823, fert à trouver, comme dans notre première hypothèfe, la partie ÆO, qui répond à la latitude de Berlin, & celle qui répond à la latitude du Cap, d’où j'ai déduit par la même méthode BH 32871831, BC 3269507, cR 3282708, Cc 3273981, l'angle BCE 524 16° 56", fangle cCE 33% 41° 32", la bafe Be 4461585, qui {ur- pañle de 3 5 6o toiles celle qui a été trouvée dans fa feconde hypothèfe, mais qui eft plus petite de 15743 toifes que celle que donnoit l'ellipfe de la première hypothèfe. Le calcul fait d'après ces élémens, m'a fourni pour la parallaxe & pour la diftance de la Lune, la Table fuivante. Le 3 Décembre 17 SI: Parallaxe horizontale fous l'Equateur. . . ....... 1d 21° 2375 Erreur des Tables, en défaut. ............. 31,5 Parallaxe horizontale à la latitude de Berlin. . ..... 1. 1. 13,8 Le 6 Décembre 1751. Parallaxe horizontale fous l'Equateur. . . ....... 0. 59. 2 Erreur des Tables. ................... 333 Parallaxe horizontale pour Berlin. ......... .. 0. 58. 52,3 Le 27 Décembre 1751. Parallaxe horizontale fous l'Equateur, ..,...,.+ 0. 59. 59:9 112 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ÆEfreurides | Labics me. . .Ve «ee less ee HT 319 Parallaxe horizontale fur le parallèle de Berlin . ... o4 59° 50,2 Le 28 Décembre 1751. Parallaxe horizontale fous l’E‘quateur. . . . ... «01-010. 32,4 Erreur des Lables MERE TC. Cet 43,4 Parallaxe horizontale pour Berlin .........,. + + 0. 22,7 Le 30 Janvier 1752. Parallaxe horizontale fous l'Equateur. . ..... °.. 0. 59. 46,8 Erreur des vlahles FT Rte cree 27,4 Parallaxe horizontale pour Berlin. ......... s- O0. 59. 3754, Le 31 Janvier 1752. Parallaxe horizontale fous l'Equateur. . . .. .. +1. 10:09 D AIDIZ Erreur des: Abies = te ce cb Piece 31 Parallaxe horizontale pour Berlin. . ......... .11Q- 50, DES Le 23 Février 1752 Parallaxe horizontale fous Equateur. . . . ..... + 0. 59. 27,5 Erreurdes MDablest. ER bou otre 32,3 Parallaxe horizontale pour Berlin. . . ......... 0. 59. 17,8 Le 26 Février 1752 Parallaxe horizontale fous l'Equateur . ....... + = 10.050 25 ETreUur des APADIES ee sc e ee lo lehele cheats se CREME CS Parallaxe horizontale pour Berlin ..,......... CHATONS On voit en comparant les trois fuppofitions que je viens d'examiner, que la première & Îa dernière, qui donnent la corde de l'arc entre Berlin & le Cap fort différemment June de l'autre, s'accordent cependant à la différence d’une feconde & demie dans le réfultat de a parallaxe horizontale fous l'Equateur, mais qu'elles font éloignées de 4"+, par rapport à la parallaxe qui convient au parallèle de Berlin : Ja raifon en eft fenfible, fi l'on confidère trois chofes. 1.” Que dans la dernière , le rayon de l'Equateur & axe de la Terre font beaucoup plus petits que dans la première, ce qui doit donner la bafe plus petite. 2. Que la nature de la courbe eft D'ES SCIENCES. 113 eft Ja même dans les deux fuppofitions, ce qui tend à pro- duire la même parallaxe fous l'Equateur. 3° Que Ja quantité d'aplatiffement étant plus petite dans la dernière fuppofition , Yinégalité des rayons de la Terre eft auffi moindre, & le rapport des différentes parallaxes plus approchant de fégalité. D'un autre côté, comme on le comprend aifément, if eft facile que les deux hypothèfes où la courbe eft de même nature, s'éloignent de 7 ou 8 fecondes de celle où les accroiffe- mens des degrés feroient proportionnels aux quatrièmes puif fances des finus des latitudes, parce que, même fous une égale quantité d'aplatiffement , la différence de la configuration des méridiens en produit une dans le rapport de leurs rayons correfpondans aux mêmes latitudes. Au refte, fi cette diffé- rence paroît confidérable ; on fera bien-tôt en état de juger de la préférence que doit mériter fune ou l'autre hypothèfe. L'obfervation du 23 Février, & celles qui s'accordent exactement, ou dont les réfultats tiennent à peu près un milieu entre les autres, peuvent fervir à déterminer la véri- table grandeur du diamètre de la Lune. Je prends, par exemple, le demi - diamètre horizontal, obfervé par M. le Monnier le 23 Février, 1 6" 1 3"5, qui excède d’une feconde celui des Tables: ce demi-diamètre apparent comparé avec la diftance au centre de la Terre, déterminée ci-deffus dans la première hypothèfe, donne la véritable grandeur du rayon du globe de la Lune, de 89768 1 toiles, ou 408 lieues, & la circonférence entière de cette planète, 2563 2Z lieues, en les comptant à raifon de 2200 toiles pour une lieue, con- formément à l'ordonnance de Louis XIII. Je crois que les réfultats que je viens de donner fuffroient pour drefler une Table-exaéte des parallaxes de la Lune à chaque degré, foit de latitude fur la Terre, foit d'anomalie de la Lune dans fon orbite, & de fa diftance aux fyzygies, ou enfin de la diftance du Soleil à l'apogée de la Lune: il ne faudroit pour cela qu'une fuite complète d'obfervations des diamètres de la Lune dans toutes {es fituations différentes, qui peuvent feuls nous donner la figure de orbite de la Lune & les Mém. 1752. P 114 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE rapports de fes diftances. J'ai entrepris ce travail par le moyen d'un excellent micromètre, dont la vis fort groffe, portant quarante-huit pas fur chaque pouce de longueur, fait mouvoir un écrou fort long & incapable du moindre jeu: j'ai fait conftruire auffi pour le même ufage un grand héliomètre de dix-huit pieds, cefl-à-dire, une lunette qui porte deux objetifs mobiles, dont la découverte eft düe à M. Bouguer, & j'ai vérifié la valeur des parties de ces deux inftrumens fur une grande bafe mefurée entre la terrafle des Tuileries & la barrière de Chaillot. Par ce moyen nous pouvons efpérer enfin de connoître avec beaucoup plus d’exactitude que ci- devant, les moindres inégalités de cette planète. Je réferve pour un fecond Mémoire le réfultat des obfervations faites pendant la fuite de l'année 175 2 ; je me propofe de les ap- pliquer à une nouvelle hypothèfe de la figure de la Terre, dans laquelle les accroiffemens des degrés font comme les quarrés des finus des latitudes, & qui donne cependant à très-peu près le même réfultat que celle des quatrièmes puif- fances: c'eft ce qui me porte à adopter par préférence le rélultat de celle-ci. LA - e PRL eee NOR US SOS Mer, de L'Ac.R, des Se.1752 Pag.n4. Pl 6. L L'AcR. des S'e.1752 Pag n4. PLE. em, de DES SCIENCES. 115 APPULSE D'UNE ETOILE i DE LA SERRE ORIENTALE DE L'ECREVISSE, au bord feptentrional de la Lune. Par M. LE MonNNiER le Fils. 17 21 Avril 1752, la Lune étant vers fa plus grande htitude auftrale, l'étoile x de l'Ecreviffe a rafé le bord obfcur de la Lune fans étre éclipfée. Je n’ai point alors dé- ferminé fa diftance à ce bord, parce qu'il ne pouvoit étre vilible; mais à 9 53’ 24" de ma pendule, qui répondent à 9h 55° 22"+ de temps vrai ou apparent, l'étoile m'a paru dans fa conjonétion apparente, fa proximité au bord du difque m'ayant donné plus facilement qu’en d'autres occafions, le moyen de juger linftant de fon. pañlage dans là ligne des Cornes, par laquelle j'avois foin d'ailleurs de faire paffer le fil du micromètre, J'ai trouvé à cet inflant la diflance de Yétoile à la tangente du bord feptentrional de la Lune, ceft- à-dire, leur différence en latitude apparente, de od 0° 38". H faut { reffouvenir ici que l'étoile étoit beaucoup plus près du difque quelque temps auparavant, mais que c'é- _ toit, comme je l'ai dit, du difque obfcur: j'ai mefuré avant & après la conjonction apparente, fa différence en latitude qu'il faudra corriger par les parallaxes, & j'ai trouvé s si 48" avant B conjonétion , feulement o oo" 29.) Enfin É 0. or. 50 après la Conjonétion. : +. . ... ©. 00. 462 diamètre de la Lune à 36 deprés de hauteur occidentale, & meluré avec le même micromètre, a paru de 32° 12" ou 10 fecondes. Pi 116: MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Autres Appulfes antérieurs. Une autre étoile nommée par Bayer + du Taureau, avoit pañlé le 26 Janvier au foir, fort proche du même bord : . RAD U LE-Toe feptentrional de fa Lune, à À : 11. 26% férence en latitude apparente étoit de j è de temps vrai: la dif-: AR nt mais à 0. 3. 45 11h 3 2'à, l'étoile étant dans la ligne des Cornes, j'ai trouvé cette dificrence en latitude de od 4° 37"4, & à 11h 35+ de od o4' 52". Le diamètre apparent de la Lune à 8h du foir, & à hauteur de 62 degrés, lorfqu'elle paroïfloit aux environs du méridien, étoit de 33° 17"+ Le 30 Janvier 1752, « de l'Ecrevifle ayant paru s'ap- procher fort près de la partie boréale du difque de la Lune, j'ai meluré à ie FRE 7: 93° 35 À du foir, la diftance de l'étoile au bord le plus of 14 57% 0. 16. 40 6 de la pendule, ou de temps vrai 7" 00’ 20" b7. 05. 05 proche, que j'ai trouvée de j è : enfuite à 7h 9° 14" de temps vrai, le premier bord de la Lune a fuivi Y'étoile « de l'E'creviffe au fil horaire, de oh 1° 6"+, auquel inflant le bord fupérieur de la Lune paroifloit à peine plus boréal de 10 fecondes en déclinaifon, que l'étoile; mais à 7h ax 46°> de temps vrai, le premier bord a fuivi Fétoile au fil horaire, de oh 1° 12" 2, le bord fupérieur de la Lune & l'étoile ayant paru pour lors précifément dans un même parallèle à l'Equateur. J'ai trouvé vers minuit le dia- mètre apparent de la Lune, de 32° $9" à 52 degrés & demi de hauteur. Le 23 Février, à 8h 46’ 40", le 1.7 bord a précédé au fil horaire € du Taureau de oh 03’ o5": différence en 13 déclinaifon avec le bord fupérieur, o4 o1" 12°+ Cr ‘ D'ES,S+C-1'E. NC E S 117 2 H° 1, SYINO:MBERÉE DES MALADIES EPIDEMIQUES DE 1752, Obfervées à Paris, en même temps que les différentes températures de l'air. Pa M MaALouïn. FE vents doivent être mis au nombre des principales caufes des Maladies épidémiques. J'ai expliqué comment l'air 2, felon fa différente température, favoir, par fa féchereffe & par fon humidité b, par fa chaleur & par fa froidure ©, eft la caufe la plus ordinaire des épidémies : es vents contribuent fouvent à la conftitution de l'air, & même le vent tient beaucoup de fa nature. Le vent eft une partie de latmofphère de Fair, mife en mouvement fuivant une direétion parti- culière : de forte qu'on peut dire que les vents font dans l'at- mofphère ce que font les courans dans la mer. Ces vents généraux qui font conftans, ou qui ont des retours réglés, font de grands courans d'air, tel eft le vent qui fouffle conf- tamment d’orient en occident fous la Zone torride fur lo- céan: il y a dans les Indes un vent qui porte pendant fix mois confcutifs de lorient à l'occident; & au contraire, pendant les fix autres mois, le vent y vient de l'occident & va à lorient. Les Phyficiens convienne® aujourd’hui que le foleil & a lune font la caufe du flux & du reflux de la mer: or ces aftres ne peuvent agir ainfi fur les eaux de la mer, qu'ils n'agiflent en même temps fur l'air interpolé, qui eft encore plus facile à mettre en mouvement. M. d'Alembert # fait voir que de l’action du foleil & de la lune maïît le vent d’eft con- tinuel de la Zone torride; & par la même formule géomé- trique il donne encore la raifon des vents d’oueft fréquens P ii 2 Voy. Aém. de l’Académie , année 1749. b 1749. S 1750. À Réflexions fur la caufe générale des Vents. 118 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE dans les Zones tempérées, & des violens ouragans qu'on éprouve à certaines latitudes entre les deux tropiques. M. le Monnier a prouvé aufli dans es lettres qu'on a fait imprimer “avec la diflertation de M. Halley fur les vents alizés, que les vents furieux qu'on éprouve quelquefois dans le temps des équinoxes, viennent de l'action réunie du foleil & de la June fur notre atmofphère: il a obfervé que lorfque la lune paffe au méridien au deflus & au deffous de l'horizon, ce paflage produit ou un vent d'eft plus fort, qui écarte les nuages, où un vent d’oueft plus fort auffr, qui caufe de la pluie; ce qui arrive fur-tout aux nouvelles & pleines lunes, dit-il, Jorfque les deux aftres font peu éloignés du plan de l'Equateur. Dans ces nouvelles & pleines lunes, lorfque le vent vient de l'et, la fécherefle eft alors décidée; au contraire la faifon devient pluvieufe, quand le vent eft venu de l'oueft. La raréfaction de Fair par la chaleur du foleil qui pafle prefque tout d’un coup d'un hémifphère à l'autre, eft la principale caufe de ces vents des équinoxes. Les montagnes détournent quelquefois les vents généraux de leurs premières directions, & produifent des vents acci- dentels. D'ailleurs, l'élafticité de l'air fufceptible de plus & de moins d'activité eft un principe continuel d'agitation & de mouvemens de ce fluide qui tend fans cefle à l'équilibre, fans le trouver, ou fans y refter, parce qu'il eft frappé par le foleil avec différentes obliquités. L'inégalité de la chaleur dans différentes parties de l'at- mofphère, & les inégalités du globe terreftre font des fources intariffables de vents irréguligys. Quelquefois les vents ne viennent auffi que de vapeurs dilatées ou raréfiées; c'eft fouvent une caufe femblable qui fait cafler les balons en Chimie. J'ai remarqué par les obfervations de M. du Hamel, faites à environ vingt lieues de l'endroit où je fais les miennes, que les vents font fouvent dans le même temps bien différens dans deux pays, quoique peu éloignés; ce qui prouve que la plufpart des vents particuliers fe forment dans le pays où ils foufflent. DES SCIENCES. 119 Si l'air a beaucoup d'action * fur les corps, comme on ne peut en douter, le vent en doit avoir encore davantage à plufieurs égards, puifque c'eft un air qui a plus d'activité par le mouvement. Le vent eft une efpèce de douche d'air: comme la douche, qui fe fait par la chûte de l'eau fur une partie du corps, a plus d'eflet que le bain fimple, le vent a aufhi plus d'effet que n'en a l'air dans fon état ordi- naire. L'air devient plus froid par le mouvement, lorfque le mouvement eft vif, fur-tout fi en même temps l'air pale par un lieu étroit. C'eft le propre du vent d’être froid, ce n'eft qu'acciden- tellement qu'il eft quelquefois plus chaud que Fair; ce qui arrive lorfqu'il vient d’un lieu ou d'un climat plus chaud. Le vent peut être plus froid que le climat d'où il vient, mais il ne peut jamais être plus chaud. Cette qualité naturelle du vent de rafraîchir, même de refroidir, eft une des caufes principales des maladies qu'il excite: il trouble la tranfpiration par fa froidure, en faififfant la peau & refermant fes pores ouverts par un air plus chaud; c'eft pourquoi les vents froids caufent des rhumes, des fluxions & des rhumatifmes, qui font le plus fouvent caufés par la tranfpiration arrêtée. Le vent excite fur les corps des changemens fubits, en les frappant avec une promptitude extraordinaire: on fait que les changemens fubits font très-contraires à a fanté. Le change- ment fubit du temps eft la caufe de la plufpart des maladies qui dépendent de lintempérie de Fair; c’eft ce qui fait qu'il y a plus de maladies dans les changemens de faïfon, & à la fuite des changemens de temps. | Le froid eft en général moins naturel aux animaux, & même. à tous les corps organifés, que le chaud. Le froid eft principalement contraire à la poitrine, c'eft pourquoi le vent de nord, qui eft le plus froid de tous les vents, nuit fur-tout à cette partie du corps. Depuis que je travaille à l'hiftoire des maladies épidémiques, je remarque que le vent du fud eft * Jlén. Acad, 1747» 1.5 63: * Voy. Mém. de l'Académie Roy. des Scienc. année 1751. 120 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALrz préjudiciable à la tête & aux nerfs: j'ai aufli obfervé que le vent d'eft, qui defsèche, eft très-contraire aux atrabilaires , aux mélancoliques, & aux tempéramens fecs. . L'humidité eft un correctif propre du vent, qui de fa nature eft fec. Le vent d'oueft eft celui des quatre vents prin- cipaux qui eft le plus humide, c'eft aufli le plus fain & le plus ami des productions de la terre; ceft de l'oueft que viennent les zéphirs. Le vent eft naturellement fec, comme il eft naturellement froid ; c'eft pourquoi il fait plus de mal par la féchereffe que par l'humidité, comme il fait plus de mal par le froid que par le chaud: c'eft ce qui fait que le vent du nord caufe plus de mal que le vent du fud, & le vent d’eft plus que le vent d'oueft, qui eft le plus favorable de tous les vents, comme le vent du nord eft le plus contraire, en général. Les vents apportent dans les climats tempérés les inteni- péries des climats plus froids & celles des plus chauds; ce qui fait fouvent d'autant plus de mal, que cela eft plus étranger, & qu'on y eft moins accoûtumé. à Souvent aufli les vents amènent avec eux des exhalaifons préjudiciables à la fanté; c'eft à quoi font fort fujets les vents du midi, parce qu'ils viennent ordinairement de l'Afrique qui eft féconde en animaux venimeux : il ÿ a aufir plus de pourriture dans cette partie du monde, parce que la chaleur y eft plus grande. Le vent emporte au contraire de certains pays des exha- laifons utiles: d’un air doux il'en fait ainfi un air vif, qui eft contraire à plufieurs tempéramens, fur-tout aux perfonnes qui ont la poitrine fenfible & sèche. Il eft naturel & utile que Vair contienne quelques exhalaifons pures, provenantes des plantes & d'une terre franche, qui ne foit point trop humide; car * il n'y a point d'air qui, rigoureufement parlant, foit pur ou féparé de toute autre chole: l'air peut être eflimé comme pur, fi ce qui eft émané des corps & de la terre eft naturel & imperceptible, en fe répandant dans l'atmofphère. Le même vent qui nuit aux pays où il tranfporte des exhalaifons st 2. DES 0 19 C-H) ENNCTE 6: RO exhalaifons corrompues, eft utile à ceux qu'il délivre de ces exhalaïfons nuifibles, qui font une des caufes des maladies populaires, foit que ces exhalaifons viennent de méphites, foit qu'elles fortent de quelques mines, ou qu'elles s'élèvent de quelques eaux croupiffantes. Les vents qui viennent de loin changent plus l'air, que ne font les vents du pays. Un feul vent ne peut diffiper toutes les exhalaifons qui font dans l'atmofphère d’une con- trée; il faut pour cela que plufieurs vents y foufflent en tout fens. Jamais Fair n'eft plus pur qu'après une tempête : j'ai obfervé qu'on entend & qu'on voit mieux & de plus loin les objets de dehors, immédiatement après les ouragans ; ce qui ne vient point de ce que le ciel foit moins couvert, mais de ce que l'atmofphère eft moins remplie de corpufcules, qui font les parties des exhalaifons qui diminuent imper- ceptiblement l'action de la vüe: on aperçoit même ces ex- halaifons avec de bonnes lunettes d'approche. Les yeux voient mieux les objets après les ouragans, comme les télefcopes ont dans un air pur, plus d'effet que dans un air groffier. Tout fe corrompt & a befoin d’être renouvelé: Fair qui croupiroit fans être changé, fe gâteroit; c’eft pourquoi ceux qui habitent les plaines, où l'air eft moins en mouvement, font moins fains que ceux qui habitent des lieux élevés, où Yair eft communément plus pur, parce qu'ils font plus expofés aux vents. Une atmofphère d'air, chargée de la tranfpiration des animaux & des autres corps, deviendroit mal faine, & même peftilentielle, f elle n’étoit renouvelée: c'eft cet état de l'at- mofphère qui eft le æ Seio des maladies épidémiques, & qui contribue dans certaines années à la peftilence des fièvres malignes, des petites véroles & des maladies de venin; c'eft pourquoi on a obfervé que les conftitutions peftilentielles ont été fouvent précédées de grands calmes dans l'air. JANVIER. 1 L'air a été extraordinairement humide pendant ce mois: Mém. 1752. 122 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE il eft tombé 1 pouce 6 lignes & + de ligne de pluie. H a fait moins froid qu'il ne fait ordinairement dans ce temps; la liqueur du thermomètre a le plus fouvent été aux environs de 4 degrés au deflus de la congélation : elle n'a éié au deffous que trois jours, & dans le milieu du mois. Le 17, elle eft defcendue à un degré au deffous du terme de la glace; c'eft le plus bas où elle foit defcendue: 1e ba- romètre étoit ce jour-là à 28 pouces 2 lignes, & le vent à l'oueft. Le baromètre s'eft foutenu affez haut pendant ce mois, qui a été pluvieux; le plus bas où il foit defcendu, c'eft à 27 pouces 1 ligne, & if n'y a été que le 27, le vent étant fud-oueft; le plus haut au contraire où il foit monté, c'eft à 28 pouces 4 lignes: il y a été le 15 & le 16, le vent étant nord-eft-nord. Le vent a, pendant ce mois, été le plus fouvent oueft & fud-oueft; il a rarement été nord, & encore plus rare- ment nord-eft. Le 18, fur les fept heures du foir, il a paru une aurore boréale du côté du levant. J'ai obfervé dans ce mois beaucoup de maladies de poi- trine, des rhumes violens, des fluxions de poitrine dange- reufes, & des pulmonies. Bien des perlonnes fe font plaintes dans ce temps, de fluxions autour de la tête & fur les dents: il s'eft fait dans quelques-unes des fontes fubites de pituite par le nez & par la bouche. M. Macquer, de cette Académie, m'a dit avoir eu occafion de voir pendant ce temps des paralyfies & quel- ques légères attaques d'apoplexie. I paroït que ces diverfes maladies ont été caufées par une humeur catarreufe, qui s'eft portée fur différentes parties dans les perfonnes de différens tempéramens. M. Bourdelin m'a dit qu'il avoit eu à traiter beaucoup de fièvres catar- rales: il y a aufir eu beaucoup de perfonnes qui ont été incommodées d'épreintes, parce que dans celles-là le catarre fe portoit fur les inteftins. HE SV CL ÉNU GE! & 122 I eft entré à l'HÔtel-dieu pendant ce mois 2137 ma- lades; il y en avoit le premier jour de l'an, 3673. H eft mort, pendant ce temps, 1449 perlonnes; 773 hommes & 676 femmes. I eft né en Janvier 2088 enfans, 1090 garçons & 998 filles: de ces 2088 enfans, on en a porté 327 aux Enfans-trouvés; 1 60 garçons & 1 67 filles. | I s'eft fait pendant ce temps, 507 mariages. PET VOOR H'ENR: Ce mois n'a pas été extraordinairement froid, fur-tout au commencement & à la fin; il a fait plus froid dans le milieu. Le 15, la liqueur du thermomètre eft defcendue à 3 degrés au deflous du terme de la glace, le vent étant nord, & le baromètre à 28 pouces; c'a été le jour le plus froid en Février: le moins froid au contraire à été le 3 ; le ther- momètre étoit ce jour-là, à la pointe du jour, à 6 degrés au deflus de la congélation, par un temps pluvieux, le vent étant fud-oueft, & le baromètre à 27 pouces 2 lignes, qui eft le degré le plus bas où il foit defcendu. Le plus haut où il foit monté, c'eft à 28 pouces 3 lignes; ce fut le 10, le vent étant oueft & le temps ferein. Pendant ce mois, le vent a le plus fouvent été fud & fud-oueft ; il a quelquefois été nord, rarement oueft, & jamais ef. Le mois de Février a été humide; ïl eft tombé 1 pouce ,31 lignes de pluie. Il y a encore eu, comme le mois précédent, des déborde- mens de pituite & des fluxions fur la bouche. M. de Senac, aujourd’hui premier Médecin, a obfervé que ces malades rendoient des crachats qui étoient comme de la gelée. I a continué d'y avoir des épreintes & des dévoiemens qui, lorfqu'on les avoit arrêtés, étoient fuivis de fièvre, & ces fièvres étoient catarreufes; ce qui prouve bien que toutes ces maladies étoient caufées par la même humeur. H y a auffi eu des fièvres catarrales, qui n’avoient point Q ij 124 MÉMOIRES DE LÂCADÉMIE ROYALE été précédées de fonte de pituite ni de dévoiement; ces fièvres étoient quelquefois avec une éruption rouge & mi- liaire à la peau. M. Bourdelin a vü plufieurs malades d'une maladie de la peau, qui étoit une efpèce de petite vérole: il m'a dit qu'elle avoit foiblement ou en petit, les fignes de la petite vérole, favoir, des maux de cœur & des douleurs de reins pendant quatre jours; qu'enfuite fortoient de petits boutons qui étoient comme ceux de la petite vérole, dont la pointe étoit remplie d'une férofité. Cette pointe crevoit au bout d'un jour; le refte du bouton fe féchoit les jours fui- vans, & il refloit une rougeur qui fe diffipoit enfuite comme celle de la petite vérole. M. Ferrein dit avoir fait la même obfervation, ainfr que M. de Juffieu. Beaucoup de perfonnes fe font plaintes dans ce mois d’étouffemens, dont la caufe leur fembloit réfider au creux de leflomac: j'ai remarqué qu'ils n’avoient point le teint jaune, comme ont ordinaire- ment ceux qui ont mal au foie, & j'ai obfervé que les plantes antifcorbutiques les guérifloient. Il y a aufli eu dans le même temps beaucoup de douleurs de rhumatifme, qui fe font fait fentir en diverfes parties du corps dans différentes perfonnes. IL s'eft préfenté à l'Hôtel-dieu pendant ce mois, 2074 malades; il y en étoit refté 3741. I eft mort 148 1 perfonnes, 76 1 hommes & 7 20 femmes. [left né 208$ enfans, 1034 garçons & 1051 filles: de ces 208$ enfans on en a porté 349 aux Enfans-trouvés, 169 garçons & 180 filles. Le nombre des mariages qui ont été faits pendant ce mois, monte à 671. MARS. Le mois de Mars a été aflez tempéré: le plus bas où foit defcendue la liqueur du thermomètre, c'eft à une ligne & demie au deflus de Ia congélation, encore n’y a-t-elle été que peu de jours; c'a été dans le milieu de ce mois, le vent étant nord & nord-eft. - DES SC "I À MNC'E/S 125 La pefanteur de f'atmofphère à été très-confidérable pen- dant ce mois: le mercure dans le baromètre a le plus fouvent été au deflus de 28 pouces; il a été jufqu’à 28 pouces 4 lignes, les 18 & 19: il a été plus bas les derniers jours du mois, il eft defcendu jufqu'à 27 pouces $ lignes. Le vent eft venu de tous les côtés en Mars; cependant le vent d’oueft a dominé. 4 Ce mois a été un peu moins humide que les deux précé- dens, quoiqu'ordinairement il le foit davantage: il n’y a point eu cette annce de giboulées en Mars, comme il à coûtume d'y en avoir. Il eft tombé dans le cours de ce mois, 1 pouce 4+ lignes de pluie. Il y a encore eu en Mars beaucoup de perfonnes incom- modées de fontes de férofités, qui fe portoient quelquefois à la peau en fueurs; j'ai auffr obfervé qu'il y a eu beaucoup de malades de fluxions fur une des oreilles où für un des yeux: j'ai vü des maux de gorge & des péripneumonies. M. Verdelham, Médecin de la Faculté, nous a dit avoir vü des rougeoles boutonnées. J'ai vû des apoplexies & beau- coup d’indigeftions très-fortes, qui ont été mortelles dans quelques-uns, par la complication des accidens. Il eft entré à l'Hôtel-dieu 1898 malades; il y en avoit déjà 3906. I eft mort dans Paris 1683 perfonnes, 918 hommes & 765 femmes. I eft né 2222 enfans, 1130 garçons & 1092 filles: de ces 2222 enfans, on en a porté aux Enfans-trouvés 404, favoir, 210 garçons & 194 filles. I ne s'eft fait en Mars que 26 mariages. A ViR I:L. Ce mois a été extraordinairement {ec : il n’eft tombé dans tout le cours d'Avril que fept lignes de pluie en hauteur; il y a cependant eu beaucoup de giboulées dans ce mois: j'ai fait obferver qu'il n'y en avoit point eu en Mars. La féchereffe du mois d'Avril a dépendu fur-tout du Q i ÿ 126 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE ROYALE vent, qui a le plus fouvent été nord & nord-eft, quelquefois fud-eft, rarement oueft, jamais fud-oueft, qui eft le vent qui amène le plus de pluie dans ce pays. Le baromètre a le plus fouvent été à 27 pouces 10 lignes; il eft quelquefois defcendu à 27 pouces 7 lignes, & il eft monté jufqu'à 28 pouces 1 ligne. Pour ce qui eft de fa chaleur de Fair, fa température a été aflez comme elle doit être dans ce mois, en ce pays. Les maladies qui ont régné pendant ce temps, font des rhumes en grande quantité, des maux de gorge, & quelques pleuréfies ; il y a auffr eu des apoplexies & des morts fubites. On a reçû à l'Hôtel-dieu 2111 malades; il y en avoit le premier du mois 3860. JL et mort 1886 perlonnes, 10$9 hommes & 827 femmes. | q I eft né 2048 enfans, 1049 garçons & 099 filles: de ces 2048 enfans, on en a porté aux Enfans-trouvés 2 9 8, favoir, 156 garçons & 142 filles. I seft fait dans Paris, pendant le mois d'Avril, 422 mariages. M À L L'air a été plus humide pendant ce mois qu'en Avril, parce que, comme nous Favons dit, Avril a été extraordi- nairement fec; il n'eft tombé, en Mai, qu'un pouce trois lignes & un cinquième de ligne de pluie. Le vent eft le plus fouvent venu de fouet, Le baromètre a été aflez haut en Mai; il a fouvent été à 28 pouces une ligne: il eft monté jufqu'à 28 pouces 2 lignes, & il eft defcendu jufqu'à 27 pouces & demi. Au refle, la température de l'air, par rapport au froid & au chaud, a été aflez égale en Mai, & telle qu'elle doit être. I y a encore eu pendant ce mois beaucoup de rhumes, des maux de gorge & quelques rougeoles. Il y a aufli eu des maladies ou incommodités de a faifon, fut-tout des faignemens de nez: j'ai obfervé auffi que les DLENSM IS CE E NC ES. 27 perfonnes du sèxe ont eu, ce mois-ci, leurs règles plus qu'à l'ordinaire. La maladie qu'on peut regarder comme l'épidémie de ce mois, a été une fièvre intermittente & bénigne, qui prenoit avec froid la- première fois; les accès revenoient tous les jours l'après-midi, & ne réprenoïent pas par le froid : cette maladie ne duroit que quatre ou cinq jours; le fecond, le troifième ou le quatrième jour il fortoit des boutons à la bouche. La diète, une fimple boiffon abondante & délayante, & enfuite la purgation, ont guéri cette fièvre; la faignée n’a dû y être employée que lorfqu'il y avoit complication de quelque accident indépendant de cette fièvre. On a reçû à l'Hôtel-dieu en Maï, 1873 malades; il y en avoit déjà le premier de ce mois, 3850. { H eft mort 1745 perfonnes, 996 hommes & 749 femmes. | H eft né 2149 enfans, 1098 garçons & 1051 filles: de ces 2149 enfans, on en a porté aux Enfans-trouvés 379, favoir, 185$ garçons & 194 filles. - Il seft fait dans ce mois, 448 mariages. HEL EN: Le baromètre a encore été fort haut pendant ce mois, comme dans le précédent; ïl a fouvent été à 28 pouces: il eft même monté le 15, jufqu'à 28 pouces 3 lignes; il eft defcendu cependant à la fin du mois, à 27 pouces 8 lignes. Juin à été aflez tempéré par rapport au chaud & au froid: le plus haut où foit montée la liqueur dans le thermomètre l'après-midi, c'eft à 24 degrés; le plus bas au contraire où elle foit defcendue le matin, c'eft à ro degrés au deflus de la congélation. L'air a été plus fec qu'humide pendant ce mois, quoiqu'il foit tombé 2 pouces 24 lignes de plüie en hauteur: fa fécherefle ou lhumidité ne dépendent pas feulement de la pluie, mais beaucoup du vent, du foleil & du plus ou du moins de tranfpiration de 1a terre. 128 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE I a affez plu en Juin, & le vent eft venu le plus fouvent de l'oueft ; ce vent eft moins fec qu'humide, cependant fair au contraire a été plus fec qu'humide; ce qu'on peut attribuer fur-tout au foleil, qui a le plus fouvent été fort net, parce que le ciel a été très-ferein dans les temps où il n'a pas plu: la pluie a tombé abondamment, mais elle n'a pas duré long- temps chaque fois, & le refle du temps a été beau. Il y a lieu de foupçonner auffi que la terre a moins tranfpiré pendant ce temps; ce qui a pü contribuer à la fé- cherefle. La tranfpiration de la terre varie fuivant les chan- wemens de temps, comme je l'ai dit dans les Mémoires de J'Académie de 1751, & la tranfpiration de Ja terre fait beaucoup à l'état de fon atmofphère. Le 7 Juin, il y eut à Paris un grand orage. A Avignon le 19, à fix heures du matin, par un temps très-ferein & fort chaud, le thermomètre étant à 32 degrés, on vit un éclair qui fut accompagné d'un coup de tonnerre qui fe fit entendre à fix lieues aux environs : il a été entendu auffr dans tout le pays qui eft entre Tarafcon & Villeneuve; on Va trouvé fort différent du bruit ordinaire du tonnerre. Le mème jour, à fix heures du foir, n'y ayant point de nuages fur lhorizon, on entendit encore du bruit à Alais & à Avignon, avec un mouvement de balancement de la terre; ce qui fait dire que ce fut un tremblement de terre. Qui auroit obfervé ce jour-là la tranfpiration de fa terre dans ce pays, y auroit vrai-femblablement trouvé de l'extraordinaire. Pour ce qui eft des maladies, il y a encore eu des rhumes en Juin. La moitalité a été grande à Touloufe pendant ce mois. M. Cochu, Médecin de l'Hôtel-dieu, nous a dit qu'il y avoit eu pendant ce mois dans cet hôpital, des maladies de la peau, des éréfipèles & des rougeoles: il a ajoûté qu'il avoit vû auffi des fièvres malignes , dont l'accident étoit üne douleur de côté comme dans les pleuréfies. Cette ob- fervation eft bien digne de remarque, pour ne pas fe mé- prendre dans le traitement de ces maladies. J'ai fouvent vû aufir Fe +1 DES SCIENCES. 129 auffi de ces fièvres avec douleur de côté, qu'il falloit traiter par les purgatifs fur-tout, & non par les faignées, comme on traite ka plufpart des pleuréfies & les fluxions ou inflamma- tions de poitrine. M. Ferrein a rapporté à la Faculté une obfervation faite au fujet d'un relieur de livres, qui l'avoit confulté fur ce qu'il avoit à faire pour une réplétion & une pefanteur dont il fe fentoit accablé. M. Ferrein lui ayant trouvé le pouls plein & dur, lui confeïlla de fe faire faigner du bras; on lui tira par cette faignée moins de fang que d'une liqueur qui reflembloit plus à du lait qu'à du chyle: il y avoit en- viron dix heures que cet homme n'avoit mangé, & fon bras s'étant délié plufieurs heures après la faignée, n'ayant pris aucune nourriture depuis, il fortit encore par l'ouverture de la veine, plus de cette efpèce de lait que de fang qui, en fe figeant, fe féparoit du lait qui fe coaguloit auf. M. Murry, Médecin de Paris, a rapporté à cette occafion, qu'il avoit obfervé que ceux qui vont habituellement à cheval, font plus fujets à cela que d'autres; & il nous a dit avoir vû arriver la même chofe à un poftillon qu'il avoit fait faigner, parce qu'il étoit incommodé d'une trop grande plénitude des vaifieaux : ce poftillon lui dit qu'ordinairement, lorfqu'on le faignoit, on lui tiroit autant de lait que de fang. Si l'ob- fervation de M. Mury étoit confirmée, auroit-elle quelque rapport avec la caufe qui fait que l'exercice du cheval épaiffit ordinairement, & rend plus gras les corps de ceux qui font fouvent à cheval? H eft entré à l'Hôtel-dieu pendant ce mois, 163 5 per- fonnes; il y en avoit le premier jour, 3680. Hi eft mort 1420 perfonnes, 796 hommes & 624 femmes. - I eft né 1927 enfans, 969 garçons & 958 filles: de ces 1927 enfans, on en a porté aux Enfans-trouvés 351, favoir, 171 garçons & 180 filles. I seft fait en Juin, 289 mariages, Mém. 1752. R - 130 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE JUIL PA Le mois de Juillet a été extraordinairement humide; ï eft tombé 4 pouces 6 À lignes de pluie. Le vent a le plus fouvent été fud-oueft ou oueft: il a rarement été nord, & auffi rarement fud ; il na point été eft, Le baromètre a été fort haut dans tout le cours de ce mois, fur-tout au commencement; il eft monté à 28 pouces une ligne: le plus bas où il foit defcendu, c'eft à 27 pouces 8 lignes; ce qui eft remarquable, en ce que le temps na pas été beau, & que le ciel a prefque toùjours été couvert, I y a eu des orages les 10, 11, 12 & 25 de ce mois. Il n'y a pas eù de grandes chaleurs en Juillet: le plus haut où foit montée la liqueur du thermomètre, c'eft à 22 degrés & demi; & le plus bas où elle {oit defcendue, c'eft à 11 degrés au deflus de la congélation. H y a eu pendant ce mois des fièvres éphémères, qui duroient deux ou trois jours; elles augmentoient le fecond jour, & les accidens étoient tout-à-fait difipés le quatrième: il y a auffi eu dans le même temps des fièvres continues avec des rédoublemens. J'ai obfervé qu'il ÿ a eu auffi des efquinancies, des maux de gorge, des fluxions fur la bouche, & des douleurs répan-:. dues par tout le corps, fur-tout aux jointures: M. Jennin, ancien Médecin des Armées, n'a confirmé cette obférvation. M. de Îa Breuille & d’autres Médecins de la Faculté, m'ont dit avoir vü des efpèces de petites véroles volantes, qui duroient uné quinzaine de jours; j'en ai auffi eu à traiter: ces boutons étoient produits par une humeur brü- Jante, bilieufe, qui, lorfqu’elle ne fortoit pas par la peau, caufoit les maladies de ce mois dont je viens de parler, & que quelques-uns ont nommées fcorbutiques, parce qu'ils traitent de fcorbutiques préfque toutes les maladies de ca- cochymie. L'ufage d'apozèmes faits avec la racine de bardane, les feuilles de bourroche, de bugloffe, de creffon & de fumeerre \® DmiSrt 9 © 1H GE, S 134 ont réuffi dans le traitement de ces maladies, dans lefquelles if a fallu purger fouvent. J'ai fait mettre dans les bouillons, du cerfeuil, de l'ofeille, de la bète, du pourpier & de la laitue, qui concouroient à purifier le fang, d'autant mieux que le médicament fe trouvoit ainfi alimenteux. J'ai vû quelques enfans incommodés de maux de gorge; ces enfans avoient la racine de la langue noire, & le bas de la langue étoit couvert de petits boutons rouges; elle étoit toute enflée, & comme chagrinée. J'ai employé avec fuccès dans cette occafion le vin chaud & le miel extérieurement, pour aider aux remèdes internes à remettre cette partie dans fon état naturel. IL y a auffi eu des maux de gorge gangréneux. M. Ma- jault, Médecin de la Faculté, a eu à traiter une fille de vingt-deux ans, attaquée de cette maladie; le voile du pa- Jais & la luette étoient mortifiés, & il fortoit de fa bouche une odeur cadavéreule. Il lui confeilla de fe gargarifer avec de l'efprit de vin dans lequel on avoit mis en digeftion de Ia racine de raifort fauvage; il lui failoit rejeter ce gargarifme fur une affiète toûjours chaude, pour en recevoir la vapeur, ce qu'elle a continué de faire pendant vingt-quatre heures, & cela l'a guérie. IL eft entré à l'Hôtel-dieu en Juillet, 1632 malades; if y en avoit le premier de ce mois, 3407. Il eft mort à Paris 1194 perfonnes, 609 hommes & 585 femmes. RE. Il eft né 1816 enfans, 919 garçons & 897 filles: de ces 1816 enfans, on en a porté aux Enfans-trouvés 298, 156 garçons & 142 filles. H seft fait à Paris, pendant ce temps, 409 mariages. . A OÙ ST : Le mois d'Août 1752, a été extraordinairement humide & pluvieux; le ciel a auffi été prefque toûjours couvert ; il eft tombé. 1 pouce 9+ lignes de pluie, R ÿ 4 132 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIÉ RoYALE Le vent a fouvent changé pendant ce mois: il eft fe plus fouvent venu du fud-oueft. J'ai obfervé que dans ce mois, lorfque le vent étoit à la pluie, le baromètre étoit au beau, & qu'au contraire lorfque le vent étoit au beau, le baromètre étoit à Ja pluie; ce qui a toûjours fait un temps incertain: le temps eft ordinaire- ment felon la direction du vent & felon la pefanteur de l'atmofphère, défignée par le baromètre. Le plus haut où foit monté le baromètre en Août, c'eft à 28 pouces; & le plus bas où il foit defcendu, c'eft à 27 pouces 5 lignes. Pour ce qui eft de Ja chaleur en général, Fair a été auffi chaud les matins qu'il l'eft ordinairement dans ce mois : le thermomètre à le plus fouvent été à 13 degrés le matin, mais l'après-midi il a fait communément moins chaud qu’il ne doit faire en Août; cependant il eft monté un jour juf- uà 27 degrés + au deflus de la congélation. L'humidité de ce mois a caufé des fluxions ; il y a eu des fièvres qui duroient peu de jours, & qui commençoient auffi par fluxion dans la tête, ce qui caractérifoit ces fièvres catarrales. J'ai obfervé que les maux de tête ont été ordinaires dans les maladies de ce mois; les malades de coliques bilieufes, qui ont été communes dans ce temps, s'en plaignoient, & quel- ques-uns de ces malades ont eu aufli un peu de fièvre qui s'eft diffipée avec les coliques, par les purgatifs convenables. Il y a eu dans ce temps moins de petites véroles & de rougeoles à Paris, que dans les environs de cette ville & dans les Provinces : il y en a eu beaucoup plus à proportiom à Verfalles & à Compiegne qu'à Paris, quoiqu'on commu nique moins à la campagne qu'à la ville; ce qui donne lieu de foupçonner que non feulement la température de l'air, mais auffi la tranfpiration de la terre contribuent à produire: ces maladies, lorfqu'il y en a plus à la campagne qu'à la ville. On fait que fes exhalaifons de la terre font bien dif fentes à la campagne, qu'elles ne font à ka ville. tél: : ed Dieïst\ SicLEIM-CIE S 133 M. Marteau, Médecin de la Faculté, nous a dit qu’il avoit été requis pour voir un malade de fièvre continue avec dé- lire; il trouva que ce malade avoit été fufhifamment évacué par les purgations, & fur-tout par les faignées; il jugea que ce délire venoit d’inanition; il confeilla de lui laiffer manger de la crême de riz d'abord, enfuite du potage, ce qui réuffit; le délire fe diffipa à mefure qu'il prit de la nourriture. Ces cas font rares, mais je les ai vüs arriver quelquefois. Il faut que le médecin fafle une attention extraordinaire pour bien juger de la caufe du délire, qui fouvent effraie trop, parce qu'en général le délire efl de tous les accidens des maladies le plus frappant. H ne faut pas toûjours faire faigner les malades qui ont du délire, quoiqu'il faille le faire le plus fouvent. * H eft entré à l'Hôtel-dieu au mois d’'Août, 1592 ma- lades ; il en étoit reflé 3325. I eft mort pendant ce temps dans Paris, 1137 per- fonnes, 6o 1 hommes & $ 36 femmes. I eft né 2013 enfams, 108$ garçons & 928 filles: deces 201 3 enfans, on en a porté aux Enfans-trouvés 3 38, 186 garçons & 152 filles. I s'eft fait à Paris dans le cours de ce mois, 328 ma- riages. SEPTEMBRE. Le temps a été extraordinairement ferein & fec pendant ce mois; il n'eft tombé que la hauteur de 6 lignes de pluie: il y a eu un orage le 14. L'air a été fort tempéré; le thermomètre à le plus fou- vent été à 12 lignes le matin, & aux environs de 20 Faprès-midi. Le baromètre a été fort haut pendant ce mois; ïl a le plus fouvent été à 28 pouces : il eft même monté jufqu'à 28 pouces 3 lignes. - Pour ce qui eft du vent, il a le plus fouvent été oueft. Les maladies qui ont régné pendant ce mois, & qui ont R üj 124 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE mérité le plus d'attention, font des fièvres putrides & des petites véroles: ces fièvres étoient avec éruption à la peau en boutons ou en taches rouges. Dans ces maladies l'émétique a réuffr, & enfuite les pur- gations , après avoir fouvent débuté par quelques faignées, veillant toüjours à entretenir une tranfpiration convenable. J'ai oblervé que les femmes en couche ont été plus par- ticulièrement fujètes à la fièvre putride pendant ce mois: la fièvre d'humeur, qui eft différente de la fièvre de lait, con- fondoit les liqueurs & empèchoit la féparation du lait; il ne montoit point aux mamelles : or le lait ainfi retenu dans Je fang & mêlé avec les humeurs qui produifoient la fièvre putride, augmentoit encore cette fièvre, &. la rendoit plus dangereufe. . M. de Combalufier, Médecin de la Faculté, nous a rap- porté une expérience qu'une demoifelle avoit faite pour ex- citer les règles fupprimées; elle a ufé de fait dans lequel on avoit éteint du verre qui avoit été expolé depuis bien des années aux injures du temps, & qu'on avoit fait rougir au feu pour le plonger auffi-tôt dans le lait, & cela a réufi. L'efficacité de ce remède vient fur-tout de l'alkali, qui fait une grande partie du verre. Le verre n’eft pas aufft inalté- rable qu'on le croit : il fe décompole à la fin, fur-tout le verre blanc, qui contient plus d'alkali que les autres. On fait que les alkalis font des emménagogues ; ils font propres à exciter les règles, comme fait le borax. Je crois devoir prendre ici occafion de dire qu'on n’em- P q ploie pas affez les alkalis avec le lait, ou pluftôt il faut re- marquer qu'on n'en emploie pas pour le lait, on n'ufe que des abforbans : on peut même dire qu’en général on ne fait P pas aflez d'ufage des alkalis en Médecine; il y a cependant bien des maladies qui viennent d’âcres aigres. L'efficacité des favons donne à connoître ce qu'on pourroit attendre des alkalis employés à propos dans le traitement des maladies. Il eft entré à l'Hôtel-dieu pendant ce mois, 1627 ma- des; il y en avoit le premier jour, 3 3 39. F PORTE 4 ; ( D ES S eTE.N C-:E e— Calow roule Gr Charbon de Terre 3+ Coquilles eu Corps marin fésvilles f 6 Crutal à Gr À Emeric & Fer NM FfEMinerale chaude AB FMinerale) froide E F“alee 4 FXJulphureuse. Y Glaue ; = Granit À Mi S Marbre a Marcassite où Pyrite 4 Marcanrite Ferrugineuse | © Marne © Marne Pérreure 07 Mine où SubstMeétallique a Nitrercu Jalpétre ’ S d Ocre ou Fer disrour = © Or roule ÊE do Petrole © Pérre Blanche Ÿ Pierre a Chaux e Pierre à équirer © Perre Olaire Œ Pierre Talqueure 5 Plomb à Jable 0 Jehurte. 6 Je Gerune Sp. Jpath x Tale &, Terre Tremblante S © For en Saële aracteres . ; Détail partiaulier | DS des Rivages du F1 S'Lauren! depuis le Malbaye jusqu'a Montreal. 2 Dur en 6 10 +15 20 2a$Lieu Derbrutlive fr veulps ae a so® ; J