pie MATHEMATIQUE &4 PHYSIQUE REA LACADE " ROYALE 4 DES SCIENCES, 4 MD CCLUT. à L. Tu des Regiftres de celte Aoadere. AIE a Ans r : A PARI s, (E En MDCCLVII. A F1 FOR Me. De : rOx. + ARE x. A a ni | 3 _ Diprs MÉACUT EUN CNE 15; 193 * QoBSIELRIVIÀ T0 :N DE MERCURE SUR LE SOLEIL, 1 Faitele 6 Mair753. Par M BOuUuGUER. TE mis une pendule en place dès le 2 dece mois, dans une maifon qui eft fituée fur une portion de l'incien rempart de Paris, vis-à-vis des P. P. dela Doctrine chrétienne: je commençai le lendemain à régler cette pendule, ou pluflôt à fuivre fon mouvement en prenant le midi, & je continuai les jours fuivans. Malgré la grande élévation de cet obfer- vatoire, l'horizon étoit néanmoins embarraflé de quelques édifices dans l'endroit où le Soleil fe leva: lorfque cet aftre parut, Mercure étoit déjà confidérablement avancé fur fon difque; les bords du Soleil étoient extrèmement ondovans, & cet obfacle, joint à d’autres, fut caufe que je né com- mençai à déterminer le lieu de Mercure que vers 5" À. Je me {ervis d’abord de la lunette de mon quart-de-cercle, qui a environ 2 pieds 9 pouces de longueur. Le réticule de cette lunette a, comme à l'ordinaire, deux foies qui fe coupent à _ angle droit, l'une verticale, & l'autre horizontale, & outre cela deux autres foies obliques qui font des angles de 45 degrés avec les premières. Je n'étois afluré les jours précé- dens de l'exate fituation de celles-ci, en commençant par Thorizontale. Après avoir calé le quart-de-cercle pour le mettre verticalement, je pointai la lunette fax un objet éloigné, en le faifant répondre fucceffivement fur l'une & l'autre extré- .mité de cette foie horizontale, & j'examinai enfuite fi le fil à plomb battoit précifément fur le même point du limbe, Pour vérifier la fituation verticale du fil perpendiculaire , j'attachai à l'extrémité du porte-oculaire en dedans une foie, Mém. 175 3 ÿ e Bb 194 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE qui, étant chargée d'un petit poids par fon extrémité inférieuré, devenoit au dedans de la lunette un vrai fil à plomb. Cette {oie verticale, ou petit fil à plomb , fe trouvoit à 2 ou lignes du réticule lorfque j'enfonçois le porte-oculaire, & je voyois s'il étoit parallèle, ou pluflôt s'il paroiïfloit tomber fur le fil vertical placé au foyer. J'ai toûjours tâché de mettre, dans mes premières obfer- vations , le Soleil exaétement dans l'angle fupérieur formé vers ma droite par les fils horizontal & vertical du réticule, c’eft- à-dire que je rendois ces deux fils tangens en même temps au difque folaire. Lorfque je ne réufliflois pas à faire concour rir les deux attouchemens, je recommençois une autre fois, ou bien je remarquois le petit intervalle de temps écoulé entre les deux attouchemens. Le centre du Soleil fuivoit prefque enfuite un des fils obliques: j'obfervois ordinairement à la pendule le paflage des deux bords par l'autre oblique; & comme je faifois la même chofe à l'égard des fils horizontal & vertical, j'avois le diamètre de l'aflre réduit en temps, felon trois différentes directions. Quant à Mercure, il me pa- roifloit pafler au deflus du centre de la lunette, & ïl coupoit facceflivement le fil vertical, le fil oblique & le fil horizontal. La réfraction aftronomique n'a pü, comme il eft évident, affecter que les feuls paffages par le fil oblique, & altérer le diamètre du Soleil dans le fens qui y étoit perpendiculaire. Ce- pendant, comme il ne s’en falloit pas beaucoup que les deux attouchemens ne fe fiffent dans le même point , la réfraction a été prefque écale dans les deux cas; & on peut donc regarder fa différence, dont il eft ici principalement queftion, comme abfolument nulle. Après avoir obfervé ces divers pañfages , je changeoïis le quart-de-cercle de fituation, en re- plaçant, comme la première fois, le Soleil dans l'angle droit fupérieur des foies horizontale & verticale. Lorfque je parlerai des bords du Soleil dans le détail fuivant , il s'agira toujours des bords fupérieur ou inférieur en apparence. rss IN CUITE NICLELS 195 Temps vrat, | $ | muse bord inférieur du Soleil à la foie horizontale. NEA le premier bord du Soleil à la foie verticale. $. 524 18 Mercure à la foie verticale. 5. 52. 36 Mercure à la foie horizontale. 5. 53. 18 le fecond bord du Soleil à la foie oblique. $: 53: 38 fecond bord du Soleil à fa foie verticale. 5 . 53. 56 fecond bord du Solcif à la foie horizontale, Hé CR mes inféricur du Soleil à la foie horizontale. premier bord du Soleil à Ia foie verticale. 6. 1. 6 Mercure à la foie verticale. 6. 1. 37 Mercure à la foie oblique. 2. 17 Mercure à la foie horizontale. 3. 22 fecond bord du Soleil à 1a foie oblique. 3. 232 fecond bord du Soleil à Ia foie verticale. 3 . 38 fecond bord du Soleil à la foie horizontale. A PANOPREE ne. inférieur du Soleil à Ia foie horizontale. En premier bord du Soleil à Ia foie verticale. 6. 14. 442 premier bord du Soleil à l'oblique. 6. 15. 467 Mercure à la verticale, 6. 15. 58 Mercure à l'oblique. 6. 16. 10 Mercure à l'horizontale. 6. 16. 57 fecond bord du Soleil à l'oblique. 6. 17. 172 fecond bord du Solcil à la verticale. 6. 17. 337 fecond bord du Soleil à l'horizontale. RE Lo bord du Soleil à la verticale. 7 #bord inférieur du Soleil à l'horizontale. 24. 44 premicr bord du Soleil à l'oblique. 25. 44% Mercure à Ja verticale. 25. 56: Mercure à l'oblique. 9 Mercure à l'horizontale, 26. 58 fecond bord du Soleil à l'oblique. 27. 19 fecond bord du Soleil à la verticale. 27. 32 fecond bord du Soleil à l'horizontale. Bb ÿj A 6h 241 ENROPEN EN FSEN TN D où 796 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Temps vrai. À 61 34 33°} A 6h sue 15") premier bord du Soleil à Ia foie verticale. bord inférieur du Soleil à Ja foie horizontale, 3 premier bord du Soleil à loblique. . 59 Mercure à la foie verticale. . 12 Mercure à la foie oblique. . 25 Mercure à la foie horizontale, + 362 fecond bord du Soleil à Ia foie oblique. + 39 fecond bord du Soleil à Ja foie verticale, + 49+ fecond bord du Soleil à la foie horizontale. nn noie pe premier bord du Soleil à la foie verticale. le bord inférieur du Soleil à la foie horizontale. . 255 le premier bord du Soleil à loblique., . 18 Mercure à la foie verticale. . 315 Mercure à la foie oblique. . 46 Mercure à l'horizontale. - 39 le fecond bord du Soleil à l'oblique. z Île fecond bord du Soleil au vertical. .. 125 le fecond bord du Soleil à l'horizontale. 5 di le premier bord du Soleil au fil vertical. le bord inférieur du Soleil à l’horizontal. 6. 51. 43 premier bord du Soleil à loblique. 6. 52. 332: Mercure au fil vertical. 6. 52. 48 Mercure au fil oblique. 6. 53. 3 Mercure au fil horizontal. 6. 53. 56% fecond bord du Solcil au fil oblique. 6. 54. 59 fecond bord du Soleil au vertical. 6. 55. 95 fecond bord du Soleil à l'horizontal. —_—_————_ “a À 6h 59° 22° le premier bord du Solcil au vertical. 6. 59. 23 le bord inférieur du Soleil à Fhorizontal. 59: 52 le premier bord du Soleil à l'oblique, 39 Mercure au vertical. + 54 Mercure à l'oblique. 12 Mercure à horizontal, | mit DENIS PSAC'I EIN CE & 197 Temps vrai. A7 2 5"} fecond bord du Solcil au fil oblique. 7+ 2. 27+ fecond bord du Soleil au vertical. . 7- _2. 38: fecond bord du Soleil à l'horizontal. ——_—_——_— et le premicr bord du Soleil au vertical. A 7* g’ 12"! 8. 42 Ie premier bord du Soleil à l'oblique. le bord inférieur du Solcil à l’horizontal. 9. 435 Mercure à l'oblique. 10. 1 Mercure à l'horizontal. 10. $5ÿ Ie fecond bord du Soleil à l'oblique. 11. 17 Îe fecond bord du Soleil au vertical. 11. 28+ Ie fecond bord du Solcil à Thorizontal. GS À 7h 16° 10" Ie premier bord du Solcil au vertical. NYNNNN 16. 11 Je bord inférieur du Solcil à F'horizontal, 16. 4o premier bord du Solcil à l'oblique. 17. 21 Mercure au vertical. 17. 382 Mercure à l'oblique. 17. 585 Mercure à l'horizontal. 18. 522 Île fecond bord du Soleil à l’oblique. .19. 14 Je fecond bord du Soleil au vertical. 19. 27 le fecond bord du Soleil à Fhorizontal. SC) le premier bord du Soleil au vertical. NYNYYYNUN 24 26 19 dre bord inférieur du Solcil à l’horizontal, 26. 48 le premier bord du Solcil à 1e 27. 44 Mercure à l'oblique. 28. 4 Mercure à l'horizontal. 29. 05 le fecond bord du Soleil à oblique. 29. 22 Îce fecond bord du Soleil au vertical. MEN NS 29. 34% 1e fecond bord du Soleil à lhorizontal. —_—__ ".————_Zpcmen A7 33 59" bord inférieur du Soleil au fil horizontal, 7: 34 3 premier bord du Solcil au fil vertical. 7: 34. 30 premier bord du Soleil au fil oblique. 7e 35+ 6 Mercure au vertical. 7 35 25 Mercure à l'oblique, + Bb ii 198 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Tèmps vrai. A7 35’ 44" Mercure au fil horizontal. 7: 36 37 Lj7A . 42 Je fecond bord du Soleil à l'oblique. . 5£ le fecond bord du Soleil au vertical. . 154 le fecond bord du Soleil à l’horizontal. 2 oo D Ah 42° 45" le bord du Soleil à l’horizontal, NONENA N NN 43 43 HE 14 Je premier bord du Soleil au vertical. . 28 le premier bord du Solcil à l'oblique. 135 Mercure au vertical. 212 Mercure à loblique. . 30 Mercure à l'horizontal. 44. 41% le fecond bord du Soleil à l'oblique. 46. 21 Ie fecond bord du Soleil à l'horizontal. . 162 Ic fecond bord du Soleil au vertical. DE QD NE DE EE EEE 55° 442" le bord inférieur du Solcil à l'horizontal. 56. 17 le premier bord du Solcil au vertical, 56. 29 le premier bord du Solcil à l'oblique. 57. 10 Mercure au vertical. $7- 19 Mercure à l'oblique. $7- 282 Mercure à l'horizontal. 58. 43 Île fecond bord du Soleil à l'oblique. $9- 3 le fecond bord du Soleil à l'horizontal, 59. 17 le fecond bord du Solcil au vertical. Je me füuis enfuite fervi d'une lunette de cinq pieds de longueur , attachée fur une règle de fer ; le réticule étoit dif polé précifément de la même manière que dans la première. Temps À gn 8. co € © Co 09 vrai. 22° $4! Ie premier bord du Soleil au fil vertical. 23. 16 le bord inférieur du Solcil à l’horizontal. 23. 32 Je premier bord du Soleil à l'oblique. 24. 162 Mercure à l'oblique. 25. È Mercure à l'horizontal. 25. 462 le fecond bord du Soleil au vertical: 26. 482: le bord fupéricur du Soleil à l'horizontal, Diese SÙC À E NACHEIS. 199 EE Er TS Temps vrai. A 86 37 51” le premier bord du Solcil au fil vertical. 8. 38. 4 le bord inférieur du Solcil à l’horizontal. 8. 38. 27: Mercure au vertical. 8. 39. $s Mercure à l'oblique. 8. 39. so Mercure à l’horizontal. 8. 40. 39 le fecond bord du Soleil à l'oblique. 8. 40. 46 Ie fecond bord du Soleil au vertical, 8. 41. 31 de bord fupérieur du Soleil à l'horizontal. À 9h 11° 202 le bord inféricur du Soleil à l’horizontal. 9. 11. 35+ le premier bord du Soleil au vertical. 9. 12. 1 Mercure au vertical. 9, 12. 325 Mercure à l'oblique. 9. 13. 132 Mercure à l'horizontal. 9.14. 12 Ie fecond bord du Soleil à l'oblique. 9. 14. 24 Îe fecond bord du Soleil au vertical. 9. 15. oo le bord fupéricur du Soleil à horizontal, À 94 35" 21” Ie bord inférieur du Soleil à l'horizontal, 9. 35. 41 Île premier bord du Solcil au vertical. 9. 35. 57 Mercure au vertical. 9. 36. 312 Mercure à l'oblique. 9. 37. 24 Mercure à J'horizontal. 9- 38. 167 le fecond bord du Soleil à l'oblique, 9. 38. 31 le fecond bord du Soleil au vertical. 9. 39. 42% le bord fupérieur du Soleil à l’horizontal. À 9" 53° 25" bord inférieur du Solcil à l'horizontal, 9- 53. 46 premier bord du Soleil au vertical. 9. 53. 56 Mercure au vertical. 9: 54 36 Mercure à F'oblique. 9. 55- 407 Mercure à l’horizontal. 9: 56. 23 le fecond bord du Soleil à loblique. 9: 56. 30+ le fecond bord du Soleil au vertical. 9+ 57: 333 le bord fupérieur du Soleil à horizontal, 200 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Temps vrai. \ 22" Ie premier bord du Soleil au fil vertical. A 10h 6° 127 10, 6. 294 le bord inférieur du Soleil à lhorizontal. 10. 6. 49 Ie premier bord du Soleil à l'oblique. 10. 6. 182 Mercure au vertical. 10, 7. 144 Mercure à l'oblique. 10. 8. 52 Mercure à l’horizontal. 10. 8. 48 Ie fecond bord du Solcil au vertical. Lorfque Mercure a été fur le point de fortir de deflus le difque du Soleil, je me fuis fervi d'une funette de 14 pieds. Mercure m'a paru toucher le bord du Soleil en dedans à 10h 18 44”, & il m'a paru être forti entièrement à 1oh 21° 13"; mais le vent m'a gêné confidérablement dans ce dernier inftant. Je n'ai vü aucun cercle lumineux autour de Mercure dans cette rencontre, & ïl me parut également bien terminé peu de temps après le lever du Soleil, lorfque je l'obfervai avec la même lunette. MEMOIRE DES SCIENCES: 20%] ti ! MEMOIRE SUR LE SEL SEDATIF Par M. BOURDELIN. D EPULS € travail & Îles expériences de M. Baron fur le Borax; ce fel eft mieux connu qu'il ne J'avoit jamaïs GE, I réfulte de ces expériences , que le borax eft compolé de ja bafe du fl marin &'’un autre fl à qui M. Homberg a donné le nom de ‘Sel fédatif. M. Baron a démontré l'exif- fence réelle du fl fdatif dans Le borax, par la reffemblance parfaite q\'il a trouvée entre les quatre efpèces de fel fédatif qu'il a tiré du borax, par le moyen des trois acides miné- raux & de l'acide végétal: ceft avoir fait beaucoup pour endre claire & fenfible la compoition du borax, dont ce- péndarit l'origine ne’ nous eft pas encore ‘bien connue. Que ce fl foit factice ou qu'il ne le foit pas, nous fommes certains , & nous favons à n'en pas douter depuis le travail de M: Baron, que le borax wadmet dans fa compolfition d'autres ingrédiens que la bafe du fl marin & le fel fédatif. Aïnfi, quiconque n'auroit que du fl fdatif, s'il avoit befoin &e borax, en auroit fur le hamp ‘en ajoütant à un Sel fé- datif quelconque la bafe du fel marin, ‘ou, cé qui, eft la ème chofe, du fel de foudé; & de même, quiconque a du borax , s'il a befoin de fel fédatif, peut en avoir-en fort peu de temps, en enlevant au fei fédatif la bafe du fel iarin, cette feconde bafe que le fel fédatif a lorfqu'il eft fous Hà forme de borax: ‘il ne agit que de verfer dans une folution de borax , avec les précautions requifes, un acide quelconque, foit minéral, foit végétal. Mais fi M. Baron nous a fi bien inftruits fur les parties compofantes du borax, il nous a Jaiffés dans la même incertitude & la même difette de preuves où nous étions auparavant far la compoñition du fl fédatit. Peut-être mêmes | Mn, 1753: e Ce 202 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE M. Baron a-til augmenté notre incertitude fur la nature dé ce fel, à proportion qu'il a répandu un nouveau jour fur la compofition du borax, dont le fel fédatif fait la partie fa plus eflentielle. Avant les expériences de M. Baron, l'on s'étoit formé fur le fel fédatif une hypothèfe qui, fi elle n'étoit pas vraie, avoit du moins de quoi fatisfaire par fa vrai-femblance. On croyoit que le borax étoit compolé de deux parties, dont lune étoit, conume on le croit encore aujourd'hui, la bafe du fel marin , & l'autre une terre vitrifiable. De l'acide vi- triolique qu'on verfoit dans une diflolution de borax , partie s'engageoit dans la bafe alkaline du borax, & formoit avec elle le fel de Glauber, qu'on a coûtume de retirer de cette folution, quand ceft l'acide vitriolique qu'on y a joint; partie de ce même acide fe joignoit, à ce que l’on croyoit, à da terre vitrifiable du borax, & formoit avec cette terre le fel fédatif. Cette hypothèfe étoit très-vrai-femblable; il y a plus, elle étoit vraie en partie; car il étoit inconteftable alors , comme il left aujourd'hui, que la bafe du fel marin exiftoit dans le borax, puifqu'on retiroit de la jonction de l'acide vitriolique avec le borax, un véritable fe de Glauber , que tout le monde fait être le réfultat de l'union de l'acide vitriolique avec la bafe du fel marin. Cette partie de lhypothèfe étoit donc vraie; mais il n'en eft pas de même de ce qui concerne la terre vitrifiable que l’on fuppo- {oit dans le borax, & qui, felon cette hypothèle, fervoit de bafe à l'acide vitriolique pour former le {el fédatif. Quelque raifonnable qu'il parût d'admettre cette terre vitrifiable dans le borax, puifqu'on voyoit que ce fel étoit fufceptible d'une efpèce de vitrification, qu'il fe changeoit au feu en une efpèce de verre, cependant comme on tire un fel fédatif du borax par le moyen de chacun des trois acides minéraux, ainfi que feu M. Lémery avoit découvert, il devoit s'enfuivre néceflairement, & c'eft M. Baron qui a fenti le premier la juflefle de cette conféquence, que l'acide du fel marin & l'acide nitreux , engagés dans cette même terre vitrifiable, DES SCIENCES. 203 forméroïent des fels fédatifs différens entr'eux, & diférens auffi du fel fédatif qu'on croyoit formé par facide vitrio- lique, comme on fait que ces trois acides forment trois fels neutres différens, quand on joint chacun d'eux féparé- ment à la même bafe: mais puifqu'avec ces trois acides minéraux, & de plus avec l'acide végétal, ce qui eft encore une autre découverte de M. Baron, fon retire du borax un feul & même fel fédatif, on doit en conclurre néceflaire- ment qu'aucun de ces acides ne contribue à compofer le {el fédatif qu'on tire du borax, & que par conféquent le {el fédatif exifte tout formé dans le borax. - M. Baron, en excluant la terre vitrifiable qu'on admettoit avant lui dans le borax, & démontrant clairement l'identité des diflérens fels fédatifs que fournit le borax par le moyen des quatre acides différens, nous a Ôté la foible reffource que nous avions pour nous rendre raïfon à nous-mêmes de la compofition du fel fédatif, Avant fes expériences, dont on doit cependant lui avoir grande obligation , nous ne nous avifions prefque pas de douter que l'acide du fe fédatif ne fût de la nature de l'acide vitriolique; mais depuis, nous avons été réduits, ou à avouer que nous ignorions Îa compofition de ce fel, ou du moins à demeurer d'accord que nous n'avons fur elle que des foupçons & des con- jeétures. Nous ne connoiffons abfolument point la bafe du fel fédatif : quant à l'acide qui fpécifie ce {el fmgulier & qui le caractérife, on foupçonne que c'eft l'acide vitriolique. On a, pour autorifer cette conje‘ture, deux raifons princi- pales ; l'une de ces raifons eft que le fel fédatif décompofe plufieurs fels neutres, l'autre eft qu'on ne peut parvenir à le décompofer, du moins jufqu'a préfent perfonne n'a pû en opérer la décompofition, quel qu'ait été l'acide ou l'alkali fixe avec lequel on a effayé d'en faire l’analyfe. Les fels alkalis, fixes ou volatils, bien loin d'entamer fa fubf tance & d'en féparer les parties intégrantes, ne font au contraire que s'unir à lui & le rendre plus compolé. Les acides, du moins les acides minéraux, car ce font les feuls Cci 204 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ue j'aie mis en ufage pour tenter la décompofition de c& fel , font ablolument, à cet égard, fans efficacité: l'acide. vi- wiolique lui-même, le plus puiflant des acides, celui à qui tous les autres cèdent leur place quand: ils. fe trouvent en concurrence , excepté dans quelques cas particuliers qu'on regarde comme des exceptions de la règle générale, ne peut pas chaffer l'acide du fel fédatif de fa bafe, &c fe l'approprier, ce qu'il faudroit cependant qui arrivât pour pouvoir con: noître la nature de ce fel & fa compolition; car, ou fon acide une fois chaflé de la bafe qu'il occupe, fe préfenteroit fous fa forme, pour ainfi dire, & avec {es propriétés or- dinaires , ou le nouvel engagement de l'acide. vitriolique avec la bafe du fel fédatif formeroit un nouveau fel, qui, par l'analogie qu'il auroit, felon toute apparence, avec les autres {els vitriolés, pourroit mettre la nature de cette bafe en évidence, par la comparaifon qu'il feroit facile d'en faire, Faute de cette décompofition: du fel fédatif,. qu'on n'a pas encore trouvé le moyen. de faire, nous n'avons qu'une connoiflance bien imparfaite de l'intérieur de ce fel, puifque nous n'en connoiflons abfolument point la bafe,. & que nous ne faifons que foupçonner la nature de fon acide, Seroit-ce trop avancer de dire que c'eft parce qu'on n'a pas pô décompoler jufqu'à préfent le fel fédatif, & par confé. quent parce qu'on ne le connoît pas, qu'on regarde fon acide comme vitriolique? Cependant , quelque fpécieufe & quelque vraie même que foit, généralement: parlant ,. la conféquence qu'on tire de la difficulté qu'il y a de décompofer un fel neutre quelconque par l'acide vitriolique, cette difficulté de décompofition n’eft pas toûjours une preuve de l'exiftence de l'acide vitriolique dans le fel dont le même. acide ne. peut: pas opérer la d'compofition. Certaines circonftances peuvent. empêcher que l'acide. vitriolique ne chafle de fa bafe un autre acide plus. foible que lui, &-qui, dans tout autre cas, lui .céderoit la place.. Depuis que le fel de fuccin eût. été remis. dans la clafle des {els neutres, après avoir été long-temps placé DES n SuG:AT AT NI Sao » à | Pong dans. celle. des alkalis volatils, :onne doutoit point, que fon, acide ne fût celui du-vitriol: da principale raifon qu'on en donñoit ;; étoit que, l'acide! vitriolique n'avoit, point, d'action: fur ce fel, qu'il ne le! décompoloit point. Il n'y a, difoit-on, pour appuyer ce fentiment, qu'un {el vitriolé, qu'un fel com- pofé de l'acide vitriolique lui-même, qui puifle tenir contre la force de cet acide: cependant des expériences que l’Académie. a permis qu'on inférât dans fes Mémoires, ont prouvé de peu de folidité de ce- raïfonnement, en démontrant que, l'acide du fel de fuccin étoit,. non celui du vitriol, mais celui du fel marin; &. que ce qui empéchoit la décompofition, du fel de fuccin, par l'acide: vitriolique, n'étoit point la nature; du feL de fuccin, mais la quantité d'huile dont ce. fel, eft. toüjours accompagné. Même circonflance,, ou quelqu'autre moins fenfible encore, plus difficile à reconnoîtie par conféquent, &. dépendante de la compofition &:de la ftructure intérieure du fl fédatif, pourroit être. la caufe de la, difficulté qu'on a trouvée jufqu'à préfent à le décompofer. Aiufr, jufqu’à ce que quelque Chymifte ait. été aflez heureux pour, faire voir Yacide du fel fédatif libre, ou tranfporté. fur une nouvelle: bale ,. dans laquelle. ii foit plus à découvert & plus recon- noiflable, le feul parti qu'on a eu à prendre a été de fuf pendre fon jugement fur da. nature de d'acide de ce fel. La deuxième raifon fur laquelle on peut encore fe fonder, pour. foupçonrer l'exiftence. de. l'acide, vitriolique dans le fe fédaif, eft plus forte, ce me femble, que h première, & plus capable d'en impofer, fuppofé qu'il ne foit pas vrai que. le fel fédatif admette dans fa compofition l'acide vitriolique,. ce que je,ne puis encore décider. Îlin'eft point du tout hors, de vrai-femblance, qu'un fel qui décompole les mêmes. fels neutres , que décompofe. l'acide, vitriolique, : participe de ce, même acide:.or:le {el fédatif, commeon: le fait, & comme Jaurai.encore occafion de,le. dire, dans un autre, temps, en rapportant, les expériences que: j'ai, faites pour. opérer cette. même décompofition,, décompole le. nitre. & le fel marin.;} il: chaffe- leurs. acides. des: bafes qu'ils: occupent ,, Cc il ü 206 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE comme le fait l'acide du vitriol: cela doit, ou du moins céli peut paflér pour une preuve affez marquée de reffem- blance entre l'acide du vitriol & l'acide du fel fédatif. I y a plus, on pourroit croire que l'acide du vitriol dans le fef fédatif, s'i y exifte, l'emporte en force fur l'acide du vitriol joint à fa bale métallique. Quand l'acide du vitriol décom- pole le nitre & le fel marin, il ne le fait qu'après avoir äbandonné fa bafe métallique; ce n'eft que par l'abandon qu'il en fait, qu'il acquiert aflez de liberté & de force pour attaquer ces deux fels neutres avec la fupériorité dont il a befoin pour chüfler leurs acides de leurs bafes, & sy loger à leur place. L'acide du fel fédatif, au contraire, quoiqu'uni intimement à fa bafe, conferve aflez de force & d'énergie pour opérer ce que facide vitriolique ne peut faire que lorfqu'il en eft débarraffé, & rendu, pour ainft dire, à lui-même. Le fel fédatif, ou, ce qui eft la même chofe, l'acide du fel fédatif, quoique joint à fa bafe & embarraflé par elle, décompofe les mêmes fels neutres que l'acide vitriolique ne peut décompofer que lorfqu'il eft dé- barraffé de la fienne. Enfin, pour dernière preuve de reflemblance entre fa façon d'agir de ces deux fels, je ferai encore remarquer ici que comme l'acide vitriolique demeure engagé dans la bafe du fef neutre qu'il décompole, de même le fel fédatif s'unit avec la bafe du fel neutre, dont il a chaflé l'acide; & qu'il n'en a chaflé que par fon intromiffion dans la bafe qu'occupoit cet acide, & par Funion durable qu'il contracte avec elle: ainfi, comme l'acide du vitriol, en chaffant l'acide du nitre de fa bafe alkaline, & suniflant avec elle, forme un nouveau fel qui eft un tartre vitriolé, le fel fédatif, en chaflant l'acide du nitre, & fe joignant à cette même bafe alkaline, forme auffi un nouveau fel qui eft un borax. Il faut avouer qu'en réfléchiffant à ce qui vient d'être dit far ce que l'acide du fel fédatif & acide vitriolique ont de commun, fur la propriété que le premier de cès deux fls a de décompofer ‘des fels neutres, quoiqu'il foit fef DES SCIENCES. 207 neutre lui-même, & fur les difficultés qu'on a trouvées juf. qu'à préfent à le décompofer, on fe fent porté à croire que l'acide du vitriol & celui du fel fédatif font de même genre, ou pluftôt qu'ils ne font qu'un feul & même acide. Cepen- - dant, comme il faut des raïfons & des preuves pour établir une vérité, & que des conjectures , quelque plaufibles qu'elles paroiflenit, ne doivent, point paffer pour des raifons, & ne peuvent légitimement tenir lieu de preuves, j'ai cru qu'il falloit en chercher de véritables ; & perfuadé qu'il n'y avoit que la voie de l'expérience qui pût m'en fournir, j'ai fait quelques tentatives, d’une partie defquelles je vais ren- dre compte aujourd’hui. * Des expériences que jai faites, quelques-unes avoient déjà été tentées; les autres, que je fache, n'ont été faites par perfonne: quant aux premières, il ma paru non feu- lement permis, mais néceflaire même de les refaire moi- même. On fait qu'une expérience gagne toûjours à être refaite plufeurs fois, & par des mains différentes : indépen- damment du; degré de conviction qu'acquiert de plus le Phyficien qui la réitère, elle n’en devient que plus auther: tique & plus utile, elle peut donner lieu à quelque nouvelle découverte; & fuppofé qu'elle n'apprenne rien de nouveau à celui qui la réitère, fa répétition fert du moins à con- fnmer la vérité qu'elle a manifeftée la première fois qu'elle a été faire. | Quant au plan de mon travail, dont je ne compte donner ici qu'une partie, car j'ai encore d’autres expériences faites j qui, comme je l'efpère, avec celles que j'ai en vûe, me fourni- ront la matière d'un fecond Mémoire, j'ai penfé que quelque difficulté qu'il y ait eu jufqu'à préfent à déterminer {a na-. ture de acide du fel fédatif, cette difficulté ne pou- voit tout au plus rouler qu'entre l'acide vitriolique &: Fa- cide du el marin: l'acide nitreux & l'acide végétal font trop aifés à reconnoître par les expériences les plus fimples, pour qu'ils puiffent Jong - temps fe cacher. L'acide végétal, l'acide du tartre, fe manifefle par fon odeur lorfqu'on en 208 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE inet {ur ün'chaïbon allumé: je ne connois pas de fef, ou de æoônérétion faline, compolée de cet acide &. d'une bafe quel &orique, foit terreufe ? foit alkalihe, foït métallique, qui ne eèdé au Ru fimple,'& que le feu ne puifle décompoler faris addition ‘d'aucun ‘intérmède; témoin Île tartre ‘ordinaire, témoin le titre rendu folible, “foit par une fimple terre, foit par un alkali fixe; témoins encore le fel d'étain , le jet de faturne, qu'on parvient aifément à décompoler par le moyen dé fx'difällations Cés deux fels métalliques, dans la compofition defquels éntre lacide végétal, offrent ‘encore une autre preuve de facilité à’ fe fhifler décompoler: ‘il ne s'agit que de leur préfenter un alkali fixe, leur acide fur 1e champ quitte fa :bafe métalliqué \pour fe joindre à Talkali fixe. Quant à ‘ce qui regarde les différentes concrétions falinés compolées dui taïtre & dés bafés, foit terreufes, foit alkaï lines, il y a encore, comme tout le monde le fait, un moyen bien fimple d'en opérér la décompolfition : es acides minéraux &, qui plus eft, l'acide végétal qui les a compofes | peuvent fervir à les détruire comme l'ont prouvé M:'s du Hamet &Grofle. L'äcide végétal & l'acide du vinaigre qu'on verfe dans une folution de ces fels, s'engage dans la bafe terreufe où alkaline fixe que le tartré avoit choïfie pour former ces {els , fe l'approprie, & remet le tartre dans l'état où il'étoit avant fa jonction avec ces différentes bafes. Ce qui vient d’être rapporté fur les fels que forme l'acide du tartre joint à différentes bafes térreufes, alkalines ou mé- talliques, prouve, ce me femble, ce que j'ai avancé fur fa facilité qu'il y a de reconnoître l'acide végétal par les plus fimples expériences. L'acide'nitreux n'eft pas plus capable d'en impoler que l'acide végétal : que l'acide du nitre foit engagé dans l'alkalr du tartre, qui eft fa bafe naturelle; qu'il foit engagé dans la bafe du £l rarin, avec laquelle il forme ce fel qu'on a appelé nitre quadrangulaire;" qu'il foit engagé dans une bafe métal- lique, dans le plomb, par exemple, & qh'il forme une efpèce de fel dé-fäturne, mais différente du {el de faturne ordinaire, doit DES SCIENCES 20 dont l'acide eft l'acide végétal; qu'enfin il ait pour bafe 'ar- gent, & qu'avec ce métal il fafle ces cryftaux que les Chy- miftes appellent cryflaux de lune; dans toutes ces cryftallifations & fous toutes ces formes différentes, Facide nitreux eft éga- lement reconnoiffable & également incapable de fe mafquer de façon qu'il puiffe fe dérober à la vûe & à la connoiffance du Chymifte. Un charbon allumé fuffit pour le faire recon- noître, fa fulmination le décèle: tous ces différens fels nitreux fufent fur les charbons ardens. Si l'on m'accorde, comme je crois qu'on ne peut pas s'en difpenfer, la vérité de tous les faits que je viens de rapporter, je ferai en droit de conclurre que l'acide végétal & l'acide nitreux étant fi ailés à reconnoître, quelque bafe qu'ils oc- cupent, terreufe, alkaline ou métallique, je puis les regarder comme n'exiftans pas dans le fel fédatif, puifqu'aucune des expériences dont je viens de parler n'a pü les y faire re- connoître. Cela polé, j'ai cru qu'ayant droit d'exclurre l'acide nitreux & l'acide végétal de Ia compofition & de la ftructure intérieure du {el fédatif, il ne feroit plus queftion d'y cher- cher que l'acide vitriolique ou l'acide du fel marin; ainfi, par une conféquence qui paroît vrai-femblable, j'ai penfé que toutes celles de mes expériences qui ne me donneroient point d'indices de l'exiftence de Facide du fel marin dans le fel fédatif, pourroient être regardées, finon comme des preuves parlantes & complètes, du moins comme autant de témoi- gnages tacites, de témoins muets, pour ainfr dire, de l'exif tence de l'acide vitriolique, & capables par conféquent d'ajoûter quelque degré de probabilité de plus à l’hypothèfe qui admet l'acide vitriolique dans le fel fédatif. Cependant je ne puis m'empêcher de faire obferver qu'à examiner la chofe de près, on aura bien de la peine à fe perfuader que l'acide du fe fédatif puiffe être de la nature de celui du fel marin, quand on fera attention que le fel fédatif décompole le fel marin & le nitre. On fait que l'acide du nitre chaffe l'acide du {el marin de fa bafe, mais on n’a point d'exemple que l'acide du fel marin chaffe celui du nitre de la fienne, j'entends de Mém, 1753, . Dd 210 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fa ba naturelle, de fa bafe alkaline: or le fel fédatif chañle ces deux acides de leurs bafes alkalines avec la même facilité, il décompole le nitre auffi aifément qu'il décompofe le fel marin, par l'acide duquel il n'y a point d'exemple, que je fiche, qu'on ait jamais décompolé le nitre; donc de cela feul que l'acide du fel marin ne décompofe point le nitre, & qu'au contraire le fel fédatif le décompofe, on pourroit en conclurre que l'acide du fel fédatif n'eft point l'acide du fel marin. Je paffe maintenant au détail de mes expériences. Les premières expériences que j'ai faites fur le {el fédatif, ont été de lui joindre les trois acides minéraux dans des vaifleaux féparés, & d'en faire la diftillation avec chacun d'eux. Je me fuis toüjours fervi, pour ces diftillations, non du bain de fable ordinaire, mais du feu de fable & de comues de verre. Je mettois la cornue dans un grand creufet plein de fable, placé dans un fourneau aflez large pour qu'il püt con- tenir beaucoup de charbon, & aflez profond pour que le creufet ne l'excédät que de la hauteur qu'il falloit pour donner une pente fufhfante au col de la cornue, qui étoit toute entourée & couverte de fable, excepté fa partie fupérieure, ou, pour mieux dire, la courbure du col. Je rempliflois enfuite le fourneau de charbon; & quand la difillation com- mençoit à fe faire, & que les vaiffeaux étoient bien échauffés, jajoûtois par degrés du charbon en aflez grande quantité pour qu'il couvrit aufli le creufet qui contenoit la cornue; en forte que non feulement le creufet, mais même la cornue, étoient échauffés jufqu'à rougir. C'eft à ce feu de fable que j'ai fait toutes les diftillations du fel fédatif avec les trois acides minéraux. J'ai ordinairement donné le feu pendant huit, dix, & même quelquefois douze heures, en l’augmentant vers le milieu du temps de la diftillation, comme je viens de le dire,& fouvent je lai poufé jufqu'à fondre la cornue fur la fin. Avec cet appareil, je n'ai point eu befoin de luter mes cornues, & il m'a toujours été poflible de voir ce qui fe pañloit dans leur intérieur. pres MO HILE MCE Se 112 Je mis donc dans une cornue de verre une once de fel fédatif fait par cryflallifation; je ne m'en fuis point fervi d'autre dans toutes mes expériences: je verfai fur ce {el fédatif une once d'huile de vitriol; la cornue me parut sé- chauffer, ou, pour mieux dire, devenir tiède. Cette légère chaleur fe pafla en peu de temps: j'ajoûtai encore en deux fois deux onces d'huile de vitriol, & jene m'aperçus point que le vaiffeau s’échauffàt de nouveau. Dans une expérience antécédente, que je n’avois faite que pour voir fi le fel féda- tif étoit aifément difloluble dans l'acide vitriolique, j'avois jeté au hafard, &. fans poids ni mefure, quelques pincées de fel fdatif dans de l'huile de vitriol; il sy fondit par- faitement au bout de quelques heures : mais dans l'expérience dont il eft ici queftion, la diffolution fut beaucoup plus lente ; elle n’étoit pas encore achevée le lendemain à une heure après midi, & c'étoit à huit heures du foir que j'avois fait le mélange de fel fédatif & d'huile de vitriol. Pour accélérer cette diflolution, je mis la: cornue fur un bain de fable extrémement doux, fur lequel je ne fis que la pofer fimplement fans fa couvrir ni même fentourer de fable. Au moyen de cette très-légère chaleur, la diffolution s'acheva parfaitement, & fur les fix heures du foir je trou- vai que mon huile de vitriol avoit pris une couleur rouge affez belle ; phénomène qui d'abord me parut fingulier, mais que cependant avec un peu de réflexion je crus ne devoir imputer qu'à une matière grafle contenue dans de el fédatif. Ce n'eft pas la feule preuve que j'aie eu de fexiftence d'une matière grafle dans ce fel, comme je le ferai remarquer par la fuite. Je n'avois point de-défeétuofité à foupçonner dans mon fel fédatif; je l'avois fait nouvellement, il étoit aufii blanc & auffi bien conditionné qu'on puiffe Favoir par la cryftallifation. Le lendemain à-fept heures du matin, je mis au fèude fable, dans un creufet entouré de charbon, ma cornue à:laquelle j'avois adapté.un récipient, & dont j'avois luté les jointures la veille À une heure après midi, c'eft-à- dire, environ au bout de fix heures, toute ou prefque toute D dij 212 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE la quantité d'huile de vitriol que j'avois employée pour cette opération étoit paflée dans le récipient, & il ne refloit au fond de la cornue qu'une matière mucilagineufe, une efpèce de bouillie blanche, fur la fuperficie de laquelle if s’élevoit des bulles qui, en fe crevant , laifloient chacune un petit trou, une cavité au deflous d'elles. Dans l'après -dinée’, on augmenta le feu jufqu'à faire rougir le creufet & la cornue, au point qu'elle paroifloit comme un charbon ardent: le feu fut foûtenu dans cette force pendant trois heures au moins; enfin le foir, fur les fix à fept heures (il y avoit près de douze heures que cette opération duroit) je vis au fond de la cornue cette matière pultacée & blanche dont j'ai parlé plus haut, devenue fluide & réduite en une liqueur blanche. Ce fut encore une efpèce de fingularité que ce mélange d'huile de vitriol & de fel fédatif, qui avoit contraté une couleur rouge après Îa parfaite folution du fel, ne laiffât aucun vef- tige de cette teinture ni dans la cornue, ni dans la liqueur du récipient; car la matière reflante dans la cornue étoit très-blanche, & l'huile de vitriol qui avoit paflé dans le ré- cipient étoit auffi claire qu'un efprit de vin bien rectifié. Le lendemain matin je retirai ma cornue du fourneau, elle étoit fondue : en la tirant du fable, elle fe fépara en deux; fon fond, qui refta fur le fable, contenoït une matière blanche à peu près comme eft Pémail de la fayence, dure comme du verre , qui fe cafloit de même, dont la furface auffr-bien que les caflures étoient liffles & polies; il ne lui manquoit que la tranfparence pour reflembler, au premier coup d'œil, à du verre. Cette matière, qui n'étoit autre chofe que mon fel fédatif vitrifié, étoit fi dure, qu'un petit morceau que je mis dans ma bouche & que je ne pus pas écrafer entre mes dents, y fut plus d'un quart-d'heure avant de fe fondre; en fe fondant il me laifla une lévère impreffion de chaleur & d'acidité, mais c'étoit fi peu de chofe, qu'il falloit y faire attention pour s'en apercevoir. Ce fel fédatif vitrifié ne pefoit pas tout-à-fait fix gros, au lieu d'une once que j'avois em- ployée; iLy avoit donc plus de deux gros de déchet, caufé DFIEVS MSN CILE NI C € s 213 vrai-femblablement par la perte que ce fel avoit faite de fon phlegme, & qui étoit paflé dans le récipient dont la liqueur fe trouva pefer trois gros de plus que les trois onces d'huile de vitriol que j'avois verfée fur le fel fédatif, & qui avoit été pelée à trois fois, once à once, ce qui pouvoit avoir occafionné un gros de bon poids. Ce verre de fel fédatif, cette matière blancheätre reftante dans la cornue, & qui étoit fort dure, comme je viens de le dire, fe fondit cependant dans l'eau bouillante, qui bien-tôt après devint louche & comme laiteufe : elle avoit un goût léoèrement amer, & quoique le vaifleau qui la contenoit fût pofé fur un bain de fable encore bien chaud, il fe précipita prefque fur 1e champ au fond de ce vaifleau un fédiment blanc qui étoit falin; c'étoit du fel fédatif, mais il n'étoit pas en petites lames comme left ordinairement ce fel, on F'auroit pris pour une pouflière. Je ne dois pas oublier de remarquer ici, que quoique j'aie dit ci-deflus qu'il n'étoit refté ni dans la cornue, ni dans le récipient, aucun veftige de la couleur rouge qu'avoit lhuile de vitriol dans laquelle j'avois fait fondre le fel fédatif, cependant, après l'opération finie, je trouvai au haut de Ja cornue & au commencement de fon col quelques petites tâches jaunâtres , qui vrai-femblablement étoient , en tout ou en partie, la matière grafle & colorante qui avoit donné à cette folution de {el fédatif par l'huile de vitriol la couleur rouge qu'elle avoit. Mais ce que je dois encore moins paffer fous filence & qui, ce me femble, doit être regardé comme une preuve non équivoque du phlogiftique contenu dans la matière grafle qui eft inféparable du fel fédatif, c'eft que l'huile de vitriol qui avoit paflé dans le récipient, malgré fa tranfparence & fa limpidité, avoit acquis une aflez forte odeur d'efprit fut- phureux volatil de vitriol; odeur qu'il eft très-naturel de penfer qu'elle n'avoit empruntée que d'une matière grafle contenue dans le fel fédatif. Après avoir vû mon fel fédatif devenu verre dans l'huile | D d ii; 214 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de vitriol, fe fondre dans l'eau bouillante & fe précipiter: fous Ja forme de ce fédiment pulvérulent dont je viens de parler, il étoit naturel que je voulufle n'aflurer s'il confer- voit encore fes propriétés ordinaires & caraétériftiques. Pour éclaircir mes doutes à ce füujet, je pris un-peu de ce fédi- ment pulvérulent, j'en mis fur un charbon ardent, il s'y gonfla comme fait le fel fédatif ordinaire. J'en pris une autre petite portion fur laquelle je fis brüler de l'efprit de vin à la flamme duquel il communiqua la couleur verte, comme le fait le fel fédauif. Enfin, pour troifième & dernière reuve de la reflemblance de ce réfidu pulvérulent avec le fel fédatif ordinaire, je fis fondre le reftant de ce réfidu dans quatre onces d’eau filtrée, que je mis dans une cucur- bite de verre au bain de fable en diftillation, ïl sen fublima une partie en forme de neige blanche & argentée au haut du chapiteau, dans le même temps & pendant que l'eau qui le tenoit en diflolution pafla par le bec du chapiteau dans le récipient. Quand toute l'eau fut montée & eut paflé dans le récipient, le refte du fel fe deffécha dans la cucurbite, faute d'humidité, & redevint encore du verre. J'ai réitéré une feconde & une troifième fois cette diftillation fuccel- fivement, & j'ai eu les mêmes produits, du phlegme dans le récipient, du fel fédatif fublimé en neige au haut du chapiteau, & du verre de fel fédatif au fond de la cucur- bite. Je n'ai pas cru qu'il fût néceflaire de pouffer plus loin une opération que je préfumois ne pouvoir me rien ap- prendre de nouveau. On voit par le détail, peut-être un peu long, que je viens de faire du mélange du fel fédatif avec Fhuile de vitriol, & de fa diflillation, que fi le fel fédatif fe diffout dans l'huile de vitriol, cependant, à quelque peu de matière grafle près qu'elle en emporte, elle n'altère point la compofition de ce fel, elle nele décompole point. J'ai mis dans une cornue de. verre une once de fel {&- datif & trois onces d’efprit de nitre, ce fl ne s'y eft point diflous comme dans l'huile de vitriol; je n'ai aperçû dans ce mélange, ni mouvement, ni chaleur quelconque, J'ai DES SCIENCES. 215$ mis le tout en diftillation au feu de fable, qui a été conduit & augmenté par les mêmes degrés que dans la diftillation précédente ; pendant dix heures & plus que cette opération a duré, le récipient a toûjours été rempli des vapeurs rouges de lefprit de nitre: fur la fin de la diftillation, j'aperçus qu’il s'étoit fublimé au haut du col de la cornue quelque peu de fel, mais qui n'étoit point en lames comme le fel fédatif, & cependant c'en étoit encore, comme je le vérifiai. Au fond de la cornue je trouvai mon fel fédatif vitrifré comme dans l'opération précédente. Enfin, j'ai mis dans une cornue de verre une once de fel fédatif & trois onces d'efprit de fel; il ne seft fait dans ce mélange aucune ébullition, je n’y ai pas fenti la moin- dre chaleur. L’acide du fel marin a fi peu d'action fur le fel fédatif, qu'il n’étoit pas encore diffous le lendemain matin, c'eft-à-dire, après plus de quinze heures ; il étoit refté au fond de Ia cucurbite en une maffe, comme je Favois laiffé {a veille : j'en fis la diftillation au même feu, & dans le même appareïl de vaiffeaux qu'aux deux opérations précédentes, & à peu-près pendant le même temps; vers le foir j'aper- çus au haut du col de fa cornue quelques filets de fel fédatif, & je trouvai le refte vitrifié au fond de la cornue. On voit que dans ces trois opérations le {el fédatif n'a point fubi d'altération fenfible, & que toutes m'ont donné le même produit ; toutes trois n'ont laïffé dans 1a cornue le fel fédatif vitrifié. Ce {el n'a donc été décompolé par aucun des trois acides minéraux, & s'il y a quelque induétion à tirer de fa non-décompofition, il me femble qu'elle ne peut tendre qu'à indiquer l'exiftence de l'acide vitriolique dans le fel fédatif. Quoi que je vienne de dire de la reffemblance que j'ai trouvée entre les produits de ces trois diftillations, j'y ai ce- pendant aperçü quelques différences que je ne dois pas taire. Premièrement , je n'ai fenti d'odeur d'efprit fulfureux vo- atil que dans la diftillation du mélange de fel fédatif & d'huile de vitriol. LA 216 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Secondement, la mafle vitrifiée qui m'eft reftée au fond de chacune de mes cornues, & qui, quand elle étoit le réfidu de la diftillation du mélange de fel fédatif avec l'huile de vitriol ou avec l'efprit de fel, a toûjours été blanche, cette même mafle provenante de la diflillation du fel fédatif mêlé avec l'efprit de nitre, a différé des deux autres en ce qu'elle a été quelquefois blanche, quelquefois noire. La première fois que j'avois fait cette diflillation, je n’avois point aperçû cette différence de couleur, je ne la remarquai qu'à ia fe- conde ; il me refta au fond de la cornue une maffe vitrifiée noirâtre, & dans laquelle on diftinguoit une quantité confi- dérable de petits points noirs. Aucune de ces deux différences ne doit être attribuée au {el fédatif: la première ne tombe abfolument que fur l'huile de vitriol qui avoit trouvé, comme je l'ai dit, dans Ja ma- tière graffe que contient le fel fédatif, une portion de phlo- giflique qu'elle s’étoit approprice, & avec laquelle elle avoit formé cette efpèce d'efprit fulfureux volatil : la feconde ne doit être imputée qu'à la différence des deux efprits de nitre - que j'avois employés la première & la feconde fois que je diftilai le fel fédatif avec cet elprit acide. A la première de ces deux diflillations, je m'étois fervi d’un efprit de nitre diftillé avec largille; à la feconde j'avois employé un efprit de nitre diftillé avec le vitriol calciné en rouge. Tout le monde fait la différence qui fe trouve entre Jefprit acide d'un mème nitre diftillé de ces deux façons. J'étois für de tous les deux, je les avois diftillés moi-même: je n'étois pas moins für de mon fel fédatif; il étoit le même dans ces deux opérations, qui n''avoient fourni deux réfidus fi peu femblables par leur couleur. J'avoue que je ne favois d'abord à quoi attribuer cette différence de couleur; car quoique lelprit de nitre diftillé avec le colcothar contienne beaucoup plus de principe phlogiftique, & foit par conféquent bien plus coloré que celui qui eft diftillé fimplement avec fargille, je ne concevois pas comment cette plus grande quantité de phlogiftique de l'un de ces efprits de nitre pouvoit | occafionner DES, SCIENCES 21 occafionner un changement de couleur fi confidérable, & faire que de deux portions d’un même {el, l'une reflât blanche, & l'autre devint noire. Enfin, après avoir quelque temps ré- fléchi fur ce phénomène, je m’avifai d'imaginer que peut-être c'étoit du fer qui donnoit cette couleur noire; je foupçonnai ue mon efprit de nitre en pouvoit contenir : ma conjecture & vérifia par une expérience bien fimple à la vérité, mais à laquelle je crois qu'il n’y a point de replique. Je fis fondre ce verre noir de fel fédatif dans l’eau, il s'y fondit comme les autres; je filtrai cette folution de fel fédatif, elle me laiffa de plus que les autres fur le filtre un peu de poudre ou fé- diment noir, en petite quantité, mais qui féchée & expolée au feu pendant quelque temps, contenoit de petites parcelles de véritable fer attirable par l'aimant, Enfin voici encore une fingularité que J'ai remarquée une feule fois: ce fut à la dernière diftillation que je fis du {el fédatif avec l'huile de vitriol: jufqu’à cette dernière diftillation, j'avois toüjours vû que les mafles de fel fédatif vitrifié, qui me refloient dans mes cornues, étoient blanches, & à peu de chofe près du même blanc, excepté celles qui avoient été diftillées avec lefprit de nitre, diflillé lui-même par l'in- termède du colcothar. Toutes ces mafles vitrifiées, tous ces verres de fel_fédatif, blancs ou noirs, expolés à l'air pendant un certain temps, s'étoient gercés indiftinétement, avoient fariné, & étoient tombés, finon en poudre fine, du moins en fort petits fragmens. À cette dernière diftil- lation du fel fédatif, diflous dans l'huile de vitriol (car j'ai réitéré chacune de ces diftillations avec chacun des trois acides minéraux cinq fois en différens temps) je laïffai dans Ja cornue la maffe de fel fédatif vitrifiée qui en étoit le produit; je me contentai de boucher négligemment la cornue avec un peu de papier. Au bout de quinze jours, je m'aperçüs que ce verre de fel fédatif sétoit gonflé au point d'occuper prefque le double de la place qu'il occupoit dans la cornue, quand je l'avois retirée du feu. Cette mafle vitrifiée s'étoit donc humectée, quoique renfermée encore dans Mém. 1753 . Êe 218 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE la cornue, pendant que deux autres males vitrifiées, qui étoient deux portions du même fel fédatif, que j'avois dif- tillées avecles deux autres efprits acides minéraux, & qui étoient reflées expofées à Fair du laboratoire fur la même table, étoient tombées en petits morceaux, & avoient fa- riné. Cette fingularité, ou cette différence, fi c'en eft une, né doit encore s'attribuer à aucune altération furvenue au fel fédatif en conféquence de l'action de l'acide vitriolique fur lui ; il étoit 1e même qu'avant la diftillation : voici la caufe de cette variété. Mon fel fédatif, quoique vitrifié, avoit retenu uné portion d'acide vitriolique qui lui étoit reftée fuperficielle- ment attachée: cet acide, que tout le monde fait étre fort avide de l'humidité de Pair, s’en étoit chargé d’une quantité aflez confidérable, & en avoit communiqué une portion à cette mafle vitrifiée, ce qui ne pouvoit, comme on le voit, que l'humecter, & par conféquent l'empècher de fe gercer & de tomber en farine. Au furplus, ces trois différentes mafes de fel fédatif vitri- fié fe fondirent toutes trois également dans l'eau bouillante : toutes trois redevinrent {el fédatif comme elles l'étoient avant d'avoir paflé pat la diftillation, & toutes trois, même avant d’avoir repris leur première forme, c'eft-à-dire, étant encore verre, communiquèrent à la flamme de l'efprit de vin, que jefis brûler fur une portion de chacune d'elles, la couleur verte que le fel fédatif a coûtume de lui donner. I y eut cependant encore cette différence entre elles, que celle qui provenoit de la diftillation du fel fédatif fondu dans l'huile de vitriol, dans finflant que lefprit de vin ceflà de brûler, jeta un peu de fumée qui répandit une odeur d’éther très-reconnoïffable. Il n’eft pas néceflaire d'a- vertir que cette différence doit être imputée, non au verre de fel fédatif, mais à l'acide vitriolique qui lui étoit refté fuperficiellement attaché. Perfonne n'ignore que la combi- naifon de l'acide vitriolique avec l'efprit de vin, fournit cette liqueur qu'on nomme éther. J'ai cru de plus m'aper- cevoir que la maffe vitrifiée reftante de là diftilltion du + AA ATDAIENS MASON E NE CE! Ef 219 mélange de fel fédatif & d’efprit de nitre, quand l'efprit de vin-cefla de brûler, avoit aufli exhalé une odeur femblable, mais beaucoup moins fenfible: 11 n'y a encore rien à cela d'étonnant; on‘fait que la combinaifon d'efprit de nitre avec lefprit de vin, donne auflr de Téther. Quant à la mafle vitrifiée qui m'étoit reftée de la diflillation du fel fé- datif mêlé avec l'efprit de fel, je fuis très-certain qu'elle na point communiqué à lefprit de vin que j'ai brülé deflus, de pareille odeur. Les expériences précédentés m'avoient, comme on vient de le voir, prouvé l'exiftence d'une matière grafle dans le fel fédatif, mais elles ne m'avoient rien appris de nou- veau fur fa nature de fon acide, elles n'avoient fait que me confirmer dans opinion où j'étois , & dans laquelle font la plufput des Chymiftes, que cet acide eft de nature vi- triolique. Je voulus voir fr én mélant le fel fédatif avec le charbon, & le diftillant, je ne découvrirois pas quelque chofe qui m'inftruisit davantage. En fuppofant l'acide vitrio- lique dans le fel fédatif, je pouvois efpérer qu'une portion du phlogiftique contenu dans la mätière graffe du charbon, fe portant fur le fl fédatif & s’'uniffant à fon acide, fuppofé vitriolique, formeroit du foufre, & que peut-être par ce moyen le phlesme qui feroit chaffé dans le récipient y arriveroit chargé d'un hepar fulphuris liquide. Fondé fur ce raifonnement, qui ne me paroïfloit pas choquer la vrai-femblance, je mis dans une cornue de verre parties égales de fel fédatif & de charbon bien pulvérifés, & exactement mélés enfemble: je n'avois pas fait le fel fédatif moi-même, mais je le tenois de bonne main; il avoit & le goût & la figure qu'il doit avoir , il avoit feu- lement un petit œil rougeätre ; il étoit refté pendant long temps dans un bocal mal couvert, & je n'attribuai qu'à Taction dé air, l'altération de la couleur naturelle de ce fel. Ce mélange de poudre, de charbon & de fel fédatif mis en diftillation , me donna dans le récipient un phlegme un peu louche, infipide, & dont je ne puis pas mieux Eeij 220 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE comparer l'odeur & la faveur, fi tant eft qu'il en eût une, qu'à l'odeur & au goût que l'on fent quand on mäche de la bougie qui a été altérée par le mélange du fuif. Comme ce phleume n'avoit point d'odeur qui me fit croire qu'il contint du foie de foufre, ce qui m'auroit indiqué la pré- fence de l'acide vitriolique dans le fel fédatif, & que j'avois imaginé, comme je l'ai dit plus haut, que fur la nature de l'acide de ce fel la queftion ne pouvoit rouler qu'entre Jacide du fel marin où l'acide vitriolique , dont je n'aper- cevois point d'indice dans ce‘phlegme que m'avoit fourni la diflllation du mélange de fel fédatif & de charbon, au lieu d'y verfer un acide quelconque pour en précipiter du foufre, que l’odeur de ce phlegme ne me donnoit pas lieu d'y foupçonner, j'y verfai de la diflolution d'argent faite par l'efprit de nitre; fur le champ il fe précipita une matière blanche, femblable au caillé blanc qui fe forme quand on verfe par gouttes cette même diflolution d'argent für de l'efprit de fel. Je vis avec tout le plaifir poffible ce précipité, que jaurois defiré plus que je n'aurois ofé l'éfpérer; je ne fentois point d'odeur d’hepar fulphuris, & je voyois une matière reffemblante au caillé blanc qui donne Ia lune cornée, c'eft-à-dire, l'argent diflous & pénétré par l'acide. du fel marin : il y avoit donc de l'acide du fel marin dans le phlegme ue m'avoit fourni la diftillation du mélange de parties égales de fel fédatif & de poudre de charbon. Le charbon diftillé feul ne fournit abfolument point d'acide femblable; il ne pouvoit donc venir que du fel fédatif ; l'acide du fel fédatif, difois-je , eft donc celui du fel marin. Pour achever de me convaincre, j'expofai au feu le précipité de caillé blanc ; il sy fondit, & me donna une matière qui avoit la tranfparence & la couleur de la corne, une véritable lune cornée, que Je coupai en plufieurs parties avec un canif, comme on fait que fe coupe la lune cornée ordinaire. Une portion de l'acide de mon fel fédatif étant paffée, comme Javois lieu de le croire, dans le récipient, Jj'efpérai que je trouverois dans la cornue la bafe que cet acide avoit aban- DES SCIENCES 221 donnée : je fis la leffive du réfidu de cette diflillation, ce réfidu étoit une matière noire, compofée de poudre de charbon & du fel fédatif qui s'étoit vitrifié. Cette leffive filtrée me donna du fel fédatif fale & terreux, que je fis fondre dans l'eau ; je filtrai cette feconde diffolution , il me refla fur le filtre une matière terreufe : cette matière, après avoir été lavée plufieurs fois, devint aufi blanche qu'elle étoit infipide; elle n’étoit qu'une véritable terre, puifqu’elle n'étoit point difloluble dans l’eau. Je devois, ou du moins je pouvois regarder cette terre comme ayant fait partie, comme étant la bafe du fel fédatif, dont la décompofition m’avoit fourni l'acide du fl marin que j'avois trouvé dans le phleome contenu dans le récipient, & avec lequel j'a- vois fait de Ja lune cornée; ainfi, en verfant fur cette terre de l'acide du fel marin, fuppofé que cet acide pût la diflou- dre, je devois refaire du fel fédatif: j'y verfai donc de l'a- cide du fel marin, elle fut difloute en entier par cet acide. Au bout de quelques jours j'aperçüs à la faveur de la loupe, dans le verre qui contenoit cette diffolution, de petits atomes cryftallins extrêmement fins & qui me parurent figurés en petites lames. Je fis un peu évaporer cette liqueur, qui étoit en fort petite quantité, il me refla de petits cryftaux plats & grêles; j'étois prefque für que c'étoit du fel fédatif : la couleur verte que ces petites lames, ces petits cryf taux plats, communiquèrent à la flamme de l'efprit de vin que je fis brûler deflus dans une cuillier d'argent, me le certifia; & ce qui me refta dans cette même cuillier après la con- fommation totale de lefprit de vin, donna encore a couleur verte à la flamme d'une nouvelle portion du même efprit de vin que je fis brüler deflus. Voilà donc par cette opération l'acide du fel fédatif prouvé être de la nature de celui du fel marin, & de plus voilà du fel fédatif recompolé en joignant lacide du fel marin ordinaire à cette terre blanche provenante, comme il y avoit toute apparence, de la décompofition du {el fédatif que j'avois diftillé avec le charbon. Ee ii 22% MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE J'ajoûterai encore ici deux expériences que je fis avec cette même terre ; l'une regarde la diflolubilité de cette terre par les quatre acides différens , favoir, les trois acides minéraux, & l'acide végétal ; l'autre expérience regarde Ja couleur verte que cette terre a communiquée à l'efprit de vin, foit que je l'aie employée feule, foit que je aie em- ployée diffoute par ces acides. Je n'avois qu'une très-petite quantité de cette terre ; j'en fis quatre parts, fur chacune defquelles je verfai un des quatre efprits acides : elle fut diffoute par tous les quatre, parfai- tement par lefprit de fel & par l'efprit de nitre, moins bien & plus imparfaitement par Facide vitriolique, plus lentement par l'acide du vinaigre, mais totalement. Pour ce qui regarde la feconde expérience, cette terre blanche diffoute par les quatre acides donna toüjours la cou- leur verte à la flamme de l'efprit de vin que je brülai deflus ; à quelques nuances près, cette couleur a été la même. Aurefle, cetteterre blanche que je croyois être fondé à regarder comme la bafe du fel fédatif, n'a paru être la feule caufe de la verdeur de la flamme de l'efprit de vin, pour deux raifons : la première eft qu'elle a produit le phénomène, par quelque acide qu'elle ait été difloute: la feconde eft que toute feule & fans être difloute par aucun des quatre acides, elle le produifit auffi. J'ai verfé une fois fur une petite portion de cette terre de l'efprit de vin auquel j'ai mis le feu enfüite, la flamme en eft devenue verte, il efl vrai que ce verd étoit plus pâle & plus foible que dans l'expérience ci-deflus; & quand l'efprit de vin fut totalement confommé, j'ajoûtai à ce qui refloit de cette terre un peu d’un acide minéral, je ne me fouviens pas duquel, car je n'en ai pas tenu note: l'efprit de vin que je verfai enfuite deflus & que j'allumai, donna une flamme plus verte qu'il ne favoit donné avec la térre toute feule. Après avoir parlé fur les différentes nuances de verd que cette terre, foit feule, foit diffoute par chacun des quatre elprits acides, a communiquées à la flamme de l'efprit de vin, DES 'SCTENCES 223 il nè me refle que deux mots à dire fur l'odeur qu'a exhalée ce même efprit de vin brülé fur cette terre difloute par cha- cun des différens acides. 3 L'efprit de vin que j'ai brûlé fur cette terre blanche difloute par l'acide vitriolique & par l'acide nitreux, a donné, en finiffant de brûler, une odeur d’éther tout-à-fait fem- blable à celle que donne chacun de ces deux acides combiné avec l'efprit de vin. On peut fe fouvenir que j'ai dit plus haut, que le verre du fel fédatif qui avoit été diftillé avec lhuile de vitriol & fefprit de nitre, m'avoit donné cette même odeur. L’efprit de vin que j'ai brûlé fur cette terre difloute par l'acide du fl marin, a donné une odeur d'efprit fulfureux volatil, odeur que j'aurois dû pluftôt attendre de la diffolution de cette terre dans l'huile de vitriol que dans lefprit de fel. Enfin cette même terre diffoute par l'efprit de vinaigre, après que l'efprit de vin que j'y avois joint & que j'avois allumé eût fini de brüler, ne me donna que lodeur du vinaigre; mais j'aperçus dans le mélange de cette terre blanche, d'efprit de vinaigre & d’efprit de vin, pendant qu'il brüloit, un pétillement & une décrépitation remarquable non feulement par le bruit qu'elle caufoit , mais encore par des fcintillations, par de petits jets de flammes que leur couleur rouge faifoit aifément diftinguer de la flamme générale de ce mélange, qui étoit verte. Je ne diffimulerai pas quele réfultat de ma diftillation du fel fédatif avec le charbon, qui m'avoit donné l'acide du fel marin, ne me flattt beaucoup plus dans le temps que je la fis, que s'il m'avoit donné du foie de foufre, comme j'avois imaginé que cela pourroit arriver. Le foie de foufre ne m'auroit dénoté que la préfence de l'acide vitriolique dans le {el {é- datif, & n'auroit été que ka preuve d’une hypothèfe prefque généralement adoptée, une demi-découverte, pour ainfr dire, au lieu que l'exiftence de acide du fel marin dans le {el fédatif, bien conftatée, étoit une découverte auffi entière que nouvelle, & annonçoit une vérité qui n'étoit jamais venue en idée à perfonne, 224 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Je n'aurois pas imaginé que ces réfultats de la diftil- fation du mélange de fel fédatif avec le charbon, & les expériences auxquelles ils ont donné lieu, duffent être re- gardés comme des chimères, des êtres de raifon: c'eil cependant , comme on va le voir, le jugement que jai été forcé d'en porter par la fuite, à mon grand regret. La certitude de la réalité de cette découverte & la joie que j'en avois ne durèrent que le temps qui s'écoula entre cette première opération & la feconde, que je fis environ fix femaines après. Ce n'étoit pas aflez que d'avoir une preuve, que je regardois comme inconteftable , de l'exiftence de l'acide du {el marin dans le {el fédatif, je voulois tâcher d'avoir {a bafe de cet acide en aflez grande quantité pour faire fur elle des expériences qui puflent me conduire à Ja connoiître & à en déterminer la nature. Pour y parvenir, je réitérai cette opération plus en grand avec du {el fédatif que j'avois fait moi-mème: je ne pus avoir ni l'acide du {el marin, ni la bafe du fel fédatif, cette terre blanche dont il vient d'être queftion tant de fois, & avec laquelle j'avois fait les expériences que je viens de rapporter. Je crus que je pouvois avoir oublié quelques circonftances dans cette opération ; Je Ja réitérai une troifième, une quatrième fois, avec toutes les précautions que je pus y apporter : j'ai mis quelquefois parties égales de charbon & de fel fédatif, quel- quefois le double de fel fédatif, d'autres fois le double de charbon, enfin en diflérens temps cette opération a été réitérée avec le même appareil de vaifleaux & au même feu, jufqu'à dix fois, fans pouvoir obtenir ni l'acide du fel marin, ni cette prétendue bafe du fel fédatif, cette terre blanche que n'avoit fourni ma première opération. Après avoir réitéré tant de fois inutilement cette opération de la -diffillation du mélange de charbon & de fel fédatif, je J'avouerai cependant, plus ennuyé du manque de fuccès que découragé & convaincu de impofñfibilité de la réuflite, je me retournai encore du côté de l'acide vitriolique. J'avois déjà employé plufieurs fois cet acide dégagé de fa bafe, je le MSI CTÉ No rs 22$ le choïfis combiné avec le principe phlogiftique fous {a forme du foufre, je voulus voir quel feroit Le réfultat d'un mélange de foufre & de fel fédatif expolé au feu. Si l'acide du fel fédatif étoit celui du fel marin, il fe pouvoit faire que l'acide vitriolique, l'acide du foufre, abandonné par fon phlo- giftique & fe portant fur la bafe du fel fédatif, que je con- noiflois encore moins que fon acide, s'y. engageît, & en formant un nouveau fel, n'apprit quelque chofe de nouveau fur la nature de cette bale. Je mélai donc exactement enfemble parties égales de foufre & de fel fédatif, je mis ce mélange au feu dans un bon creufet entouré de charbon & couvert de fon couvercle, je donnai un bon feu ; la matière fe gonfla & fuinta entre les bords du creufet & le couvercle : je touchai avec une verge de fer cette matière, elle s'y attacha, elle avoit aflez de ténacité pour filer & fuivre la verge de fer lorfque je la retirai. Je découvris alors le creulet, je vis un commen- cement de vitrification du fel fédatif : c'étoit une petite portion de la matière, figurée en lame mince, qui tenoit au couvercle, & qui le fuivit en flant quand je l’enlevai de deffus le creufet; j'y remarquai encore plufieurs autres filets foyeux, qui fe durcirent auffr-1ôt à l'air. La matière contenue dans le creufet ne fentoit point le foufre; elle exhaloit une odeur qui n'étoit ni celle du fuccin, ni celle du benjoin, mais qui me parut tenir de l'un & de l’autre. Je recouvris le creufet , jaugmentai le feu & le donnai aufft fort que je pus, pendant une bonne heure; au bout de quelque temps je découvris une feconde fois le creufet, la flamme qui en fortit alors marquoit par fes différentes couleurs les deux matières qui la produifoient : il fortoit du creufet des jets de flamme bleue, qui étoient ceux du foufre; il en fortoit d’autres verds, c'étoient ceux du {el fédatif. Alors je ne fentis plus l'odeur qui m'avoit frappé la première fois que j'avois découvert le creufet, cette odeur combinée, à ce qui m'avoit paru, de celles du füccin & du benjoin ; ce n’étoit plus que l'odeur du foufre brülant, dont on ne s'apercevoit que trop Men, 175 3e » FF 226 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE par la toux vive qu'elle excitoit. Enfin au bout d'une bonne heure, le feu commençant à diminuer, je voulus découvrir une troifième fois le creufet pour voir en quel état étoit la matière qu'il contenoit ; mais le couvercle y étoit attaché au point que je ne pus l'en féparer. Quand le creufet fut re- froidi, j'en vins plus aifément à bout, & je trouvai toute la circonférence intérieure du creufet, aufli-bien que la furface inférieure du couvercle, enduites d’une croûte fine de verre. Le fond du creufet contenoit une petite mafle de verre, qui en occupoit toute la capacité: cette petite mafle de verre étoit de couleur de gris-de-perle, mais plus dure qu'aucune autre vitrification de fel fédatif que j'aie vue. Ce verre n'étoit cependant, comme le verre ordinaire de fel fédatif, qu'un verre imparfait, puifque je parvins à en faire fondre dans ma bouche un petit morceau, mais au bout d'un fort long temps: il me laiffa fur la langue une très-légère impreffion d’une douce chaleur, après laquelle je crus fentir une faveur qui avoit quelque chofe de celle du borax. Cette matière ou ce verre de fel fédatif traité avec le foufre, fut expolé à l'air pendant huit jours au moins, fans que j'y aperçufle la moindre altération; cependant je le fis fondre dans l'eau bouillante, à l'action de laquelle ïl réfifta pendant plus d'un bon quart-d'heure: enfin il fe fondit, & après avoir repris l'eau de fa cryftallifation, qu'il avoit perdue par la violence du feu auquel il avoit été expofé, il redevint fel fédatif comme il étoit avant d’avoir paflé par le feu. On voit que le réfultat de cette expérience ne na rien appris de nouveau fur l'acide du fel fédatif ; & puifque l'acide du foufre, qui eft le même que celui du vitriol, n’a pü opérer la defunion de l'acide du fel fédatif d'avec fa bafe, cette opération ne fournit, à mon avis, qu'une preuve ou du moins une préfomption de plus en faveur de l'exiflence de Facide vitriolique dans le fel fédatif. Jufqu'ici les expériences que j'avois faites en combinant enfemble l'acide vitriolique & le fel fédatif, étoient des ex- périences extemporanées, elles avoient été faites, pour ainff dire, fur le.champ; j'avois expolé à toute la violence du feu : Dim e UNS lc /r ENG UE 227 Je mélange de ces deux fels prefque auffi-tôt après les avoir mélés enfemble : j'imaginai qu'une aétion plus douce, mais plus long-temps continuée, de l'acide vitriolique für le fel fdatif, pourroit l'attaquer plus efficacement, quoique plus lentement, & le débarrafler peu à peu de cette matière graffe que j'ai dit fe trouver dans le fel fédatif, & que je croyois devoir être regardée comme un des principaux obftacles qui s'oppofent à la décompofition de ce el; je formai donc le deffein de laifler pendant quelques jours du fel fédatif en digeftion dans l'huile de vitriol. Pour cet effet, je mis dans une capfule de verre une once de fel fédatif, fur lequel je verfai deux onces d'huile de vitriol. Le vaifleau devint légèrement chaud, & le fut peu de temps: je n'aperçüs dans ce mélange aucun bouil- lonnement ni aucun mouvement fenfible. Au bout de trois jours le tout formoit une liqueur épaifie, furmontée d’une mouffe fort fine, mais qui étoit fort épaiffe. En goûtant cette moufle, je fentis fur la langue un peu de chaleur, & l'acidité de l'huile de vitriol fort adoucie. Après cinq jours de digeftion à froid, pendant lefquels il paroïfloit que l'huile de vitriol avoit commencé à agir fur le fel fédatif, puifqu'elle s'étoit adoucie au point de ne laïfler apercevoir fur la langue qu'une chaleur & une acidité fupportables & médiocres en comparaifon de celles que tout le monde lui connoît , j'expofai le vaïfleau fur un bain de fable très-doux; cette matière moufleufe difparut, le tout ne forma plus qu'un liquide homogène en apparence, duquel, au bout de quelques heures, il fe fublima un peu de fel fédatif fous la forme d’une neige fort fine, & plus léger qu'il n'étoit lorfque je l'avois mis en expérience. J’avois recouvert ma capfule d'un enton- noir de verre que javois renverfé deflus, en forte que la partie évafée de l'entonnoir embraffoit la partie fupérieure de la capfule , & le tuyau de lentonnoir étoit fimplement bouché avec un peu de papier, pour empêcher la diffipa- tion trop prompte de Îa partie la plus phleymatique de l'huile de vitriol, & par ce moyerr retarder la vitrification Ffij 228 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE du fel fédatif, fur lequel je craignois que l'acide vitrioliqué n'eût d'autant moins d’aétion, que le fel fédatif approche- roit plus de fa vitrification, par la diminution du phlegme de l'huile de vitriol. Le mélange contenu dans la capfule exhaloit par le tuyau de flentonnoir une vapeur fen- fible à la vûe, mais bien plus encore à l'odorat & à la poitrine, quand je n'en approchois d’affez près pour le fentir. Cette vapeur avoit une odeur d’efprit fulphureux volatil de vitriol très-pénétrante; cependant, autant que la précaution avec laquelle j'étois forcé de m'en approcher pouvoit me le permettre, je croyois y démêler quelque chofe d'appro- chant de l'odeur d’efprit de fel. Vraï-femblablement je n’en jugeois ainfi que par un refle de la prévention que m'a- voit laiflé ma première diftillation du mélange de fel fédatif & de charbon, qui m'avoit fourni, comme je l'ai dit plus haut, de l'efprit de fel. Au refle, cette vapeur étoit blan- cheître, fort abondante, & fi épaifle, que quand j'enlevois lentonnoir de deffus la capfule, l'air froid qui empêchoit qu'elle ne s’exhalât avec la même facilité qu'elle le failoit par l’entonnoir, a condenfoit dans la capfule au point qu'elle formoit un nuage aflez épais pour m'empècher de voir la liqueur qui étoit au fond. Enfin, après avoir encore laiflé le vaiffeau fur le bain de fable pendant quarante-huit heures en deux reprifes différentes, & l'huile de vitriol s'étant tout-à-fait évaporée fous la forme de cette vapeur fuflocante dont je viens de parler, il me refla au fond de la capfule une matière sèche dont j'avois peine à détacher avec l'ongle quelques fragmens, qui, mis dans la bouche , craquoient un peu fous les dents, & faifoient fentir une aci- dité affez forte, mais cependant fupportable. Cette. matière étoit blanche au fond & dans l’intérieur, mais toute la furface fupérieure étoit d’une couleur de canelle claire. Je crus pouvoir attribuer cette couleur à une portion de la partie graffe du fel fédatif, qui avoit été diffoute par l'huile de vitriol, & qui formoit cette elpèce d’enduit dont étoit recouverte la matière blanche qui reftoit au fond de la capfule. DES SCIENCES. 229 La folidité de ce réfidu, qui étoit aflez dur pour craquer fous les dents, l'enduit coloré dont il étoit recouvert, & Ia vapeur fuffocante qu'avoit exhalé pendant fi Jong temps ce mélange d'huile de vitriol & de {el fédatif, me firent prefque elpérer la décompofition de mon fel fédatif: je conjedurois déjà qu'il étoit pofhible que l'acide vitriolique eût aflez agi fur lui pour en chafler l'acide avec une partie de la matière grafle fous Ja forme de ces vapeurs blanches, & s'être engagé dans la bafe de cet acide; je me trompois cependant, comme on va le voir. Je voulus effayer f1 cette matière qui m’étoit reftée au fond de ma caplule, pourroit fe difloudre dans l'eau froide que je verfai deflus ; la fuperficie de ce réfidu s'y fondit effectivement, ou pluflôt parut s'y délayer, mais le fond qui avoit plus de folidité réfifta à l'eau pendant huit heures fans paroître fe difloudre. Je mis le vaiffeau fur le bain de fable à une très-douce chaleur, tout fe fondit : je filtrai la liqueur, à peine eut-elle paflé du filtre dans le vaiffeau deftiné à la recevoir, que fur le champ toute fa furface fe trouva cou- verte d'une quantité de petits cryftaux qui, en groffiffant, tom- bèrent au fond de la liqueur fous la forme de petites feuilles ou lames affez exaétement rondes : le lendemain j'examinai cette cryftallifation, ce n'étoit que du {ef fédatif . Si cette digeftion du fel fédatif dans fhuile de vitriol & les phénomènes qu'elle m'a préfentés, ne m'ont point éclairci fur la nature de l'acide du fel fédatif, on ne peut pas nier du moins que cette opération ne m'ait fourni une nouvelle preuve de fexiflence d'une matière grafle & d’un principe inflammable dans ce fel; car fi l'on nadmet point cette ma- tière graffle dont je parle, à quoi pourra-t-on attribuer ce vernis, cette efpèce d'enduit gras, qui couvroit la fuperficie de la matière faline reftante au fond de la capfule? & fi l'on refufe d'admettre le principe phlogiftique contenu dans cette même matière grafle, à quoi pourra-t-on imputer cette odeur d'efprit fulfureux volatil, que l'huile de vitriol qui tenoit le fel fédatif en diflolution, a exhalée pendant tout le temps de fon entière évaporation! Ff ii 230 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE J'ai réitéré cette opération, avec quelques différentes cir- eonftances cependant, pour empêcher la déperdition que j'avois faite volontairement de toute l'huile de vitriol & d’une bonne partie de mon fel fédatif, & pour tâcher d'obtenir encore, fi je pouvois, quelque preuve plus fenfible de l'exiflence de cette matière grafle du fel fédatif. Pour cela, j'ai choili un alambic de verre d’une feule pièce, dont j'avois fait boucher la tubulure du chapiteau avec un bouchon de verre qui fermoit affez exactement pour empé- cher que rien ne tranfpiràt du dedans au dehors : j'ai fait entrer dans ce vaiffeau une once de fel fédatif, j'ai verfé deffus quatre onces d'huile de vitriol, j'ai mis le vaifleau au bain de fable; cette opération a duré fix jours, & le feu a toûjours été entretenu depuis le matin jufqu'à dix heures du foir: or- dinairement, dans cet efpace de temps, toute la quantité d'acide vitriolique que j'avois verfé fur le fel fédatif, a paffé dans le récipient. Le premier jour il me refla au fond de la cu- curbite une matière vitrée, un verre de {el fédatif un peu tirant fur le brun. Le fecond jour je verfai de nouveau fur ce verre de fel fédatif l'huile de vitriol que j'en avois retirée ha veille, & je la diflillai de même: il me refla de cette feconde diftillation une matière vitrifiée, un verre de fel fé- datif plus tranfparent & moins brun que la première fois. Le troifième jour je fis une nouvelle cohobation de l'huile de vitriol qui me reftoit, & j'ajoütai deux onces de nouvelle huile de vitriol, & ainfi de fuite jufqu'à cinq fois. Le verre de fel fédatif qui me refta de cette troifième diftillation étoit encore plus tranfparent que celui de la feconde, & il aug- menta de tranfparence à chaque fois, de forte que le verre de fel fédatif qui me refta de la cinquième diffillation étoit fi tranfparent , que je voyois à travers prefqu'auffi diflinc- tement qu'à travers mon alambic, qui étoit d'un verre fort blanc. Dans toutes ces diftillations j'ai toñjours vû ces nuages, ces vapeurs blancheîtres dont j'ai parlé dans le détail de l'opé- ration précédente: quand j'ôtois le bouchon du chapiteau, je entois cette odeur d'efprit fulfureux volatil, dans lequel DES LS) 01 EN C:E 231 ma prévention me faifoit toûjours imaginer que je trouvois quelque chofe d'approchant de l'odeur de l'efprit de fel. Pour la fixième diftillation j'ajoûtai de nouveau fur mon verre de {el fédatif, devenu plus diaphane qu'il ne l'avoit encore été, deux onces de 1 même huile de vitriol, & je diftillai en- fuite. Je fentis pendant le temps de cette fixième diftillation l'odeur d'efprit fulfureux volatil, beaucoup moins forte que dans les précédentes; les vapeurs blancheîtres furent beau- coup moins épaifles, & l'opération finie, je trouvai le len- demain dans mon alambic, au lieu de verre de fel fdatif, une matière gélatineufe, ou pluftôt une liqueur gluante, & qui avoit la confiftance. d'huile un peu épaiffe. Jamais je navois eu de preuve plus marquée de lexiflence d’une matière graffe dans le fel fédatif, que celle que me donnoit ce réfidu de fix opérations confécutives, pendant lefquelles J'avoit fait paffer fur une once de fel fédatif, dix onces d'huile de vitriol. Je voulus tenter d'enlever à ce réfidu une portion de fa matière grafle, dele dégraiffer,, pour ainfi dire, par le moyen de Fefprit de vin: pour tâcher d'y parvenir, Je mis la plus grande partie de cette matière, de ce réfidu gélatineux, dans une cucurbite de verre, je verfai de l'efprit de vin deflus; la cucurbite, garnie de fon chapiteau & munie de fon récipient fut mife au bain de fable. Mais pendant mon abfence, quelque précaution que j'euffe prife de recom- mander qu'on donnât un feu fort modéré, on le donna trop fort, de forte qu'après qu'une bonne partie de l'efprit de vin fut paflée dans le récipient, la matière fe raréfia & fe gonflaau point de s'élever jufque dans le chapiteau, & de fe faire jour à travers le lut qu'elle rongea. Je trouvai à mon retour toute la cucurbite enduite en dedans & en dehors d'une matière noire, onctueufe, extrêmement acide, & dans le récipient un peu de cette même matière qui s'y étoit mélée avec l'efprit de vin, qui avoit une odeur d’éther très-recon- - noiflable. Je perdis par cet accident une partie du fruit que J'attendois de cette opération, c'étoit de voir ce qu'étoit devenu mon fl fédatif, & s'il avoit changé de nature, 232 Mémoires DE L'AcaDémte RoyaLe Heureufement il me refloit encore une très-petite portion de ce réfidu gélatineux, de cette liqueur gluante, & que j'ai dit plus haut avoir la confiflance d'une huile épaille, dans laquelle je devois trouver mon fel fédatif en nature, ou du moins quelques débris qui m'en annonçaflent la décom- pofition : je mis cette petite portion de ce réfidu dans une petite cucurbite de verre, j'y verfai de l’eau filtrée, j'en fis la diftillation , l'eau en fortit aigrelette ; il s’en fublima encore du fel fédatif en neige: mon fel fédatif n'avoit donc point fouflert de décompofition. Après avoir eflayé tant de fois & fans fuccès de décom- pofer le fel fédatif par Tacide vitriolique employé, comme on l'a vû, fous différentes formes, j'eus recours à une autre opération ; ce fut de faire détonner avec le charbon une certaine quantité de nitre mêlé avec une partie égale de fef fédatif. H me parut qu'il wétoit point hors de vrai-fem- blance que le {el fédatif expofé à toute la violence du feu & à lation de l'alkali fixe du nitre, à mefure qu'il s’en formeroit, ne pût perdre cette matière qui l'accompagne, & dom jf a été parlé tant de fois; & en ce cas, fuppolé que l'acide du fel fédatif ne füt pas l'acide vitriolique, il pouvoit arriver que l'acide du fel fédatif chaffé de fa bafe, & trouvant la bafe alkaline du nitre vuide, s'y logeît & formât un nouveau {l dans lequel il fe préfenteroit plus: à découvert & plus reconnoiflable. Je mélai donc enfemble parties égales de nitre bien defléché, de fel fédatif & de charbon en poudre; j'en fis la projection dans un creufet rougi au feu, comme on a coûtume de le faire pour alkalifer le nitre. Les détonations qui fuivirent chaque projection furent beaucoup plus lentes & moins fortes, fans aucune comparaïfon , qu'elles n’ont coù- tume de l'être quand on fait détonner le nitre fimplement avec le charbon : fa préfence du fel fédatif retardoit & diminuoit confidérablement l'action du charbon fur le nitre, la matière fe pelotonnoit dans le creufet; il falloit à tout moment agiter cette matière avec une verge de fer pour rompre 0 DES SCIENCES 239 rompré une croûte qui fe formoit deflus. Quand toutes jes détonations furent finies , il parut fur la matière qui étoit dans le creufet une petite flamme , mais qui n'étoit point verte comme a coûtume de l'être celle des matières avec lelquelles on brûle I: fel fédatif : je couvris le creufet de fon couvercle, & je donnai à la matière qu'il çontenoit, un feu auffi fort que je pus le donner, pendant une bonne heure & demie. Au bout de ce temps, je découvris le creulet, tout ce qui étoit dedans étoit rouge & enflammé: le creufet refroidi, je vis que la matière-qu'il contenoit étoit devenue noire & charbonneulfe ; elle couvroit une très-petite maffe vitrifiée, noire auffi, qui s’étoit formée au fond du creufet, & elle étoit furmontée d'un cercle de matière qui paroifloit faline, qui occupoit toute la circonférence du creufet, & qu'à la vüe fimple je croyois être alkaline; cependant elle ne shumecta point & ne s'amollit point à l'air pendant trois jours qu'elle y fut expofée. C'étoit encore une autre vitri- fication d’une portion de mon fel fédatif, qui s’étoit attachée autour du creufet. Quand je goûtai la matière que contenoit le creufet, je n'y trouvai prefque rien de lixiviel ; elle ne me laiffa fur Ja langue qu'une très-légère imprefion de chaleur , mais qui n'avoit rien de fa cauflicité de l'alkali fixe du nitre: je crus même fur la fin y diftinguer le goût douceître & fucré du borax. Je commençai à craindre d'avoir donné à l'acide du fel fédatif une nouvelle bafe, au lieu de l'avoir féparé de la fienne: je foupçonnai que je pourrois bien avoir fait un nouveau borax, & que mon fel fédatif, loin d'avoir été décompofé par la détonation du nitre & le feu vio- lent auquel il avoit été expofé, pourroit bien fortir du creufet plus compofé que je ne l'y avois fait entrer, & s'être approprié la bafe du nitre au lieu de la bafe du fel marin qu'il avoit perdue en devenant Jel fédatif & ceffant d’être borax. Ma conjecture ne fe trouva que trop vérifiée par la fuite. Je fis la leflive de la matière contenue dans le creufet, je la filtrai, & après une léoère évaporation j'attendis la cryftallifation du fel qu'elle devoit me donner : au bout de huit ou dix VMém, 1753 : » Gg: 234 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE jours je trouvai au fond du vaiffeau qui contenoit cette leffive, de petits cryftaux longuets, pour la plufpart aflez irréguliers, mais dont quelques-uns cependant reffembloient aflez bien par leur configuration aux cryflaux du borax, leur goût d’ailleurs étoit abfolument celui du borax; j'en mis fur un charbon allumé, ils fe gonflèrent comme le borax. Ces petits cryflaux étoient donc un borax régénéré par la combinaifon de l'alkali du nitre avec le fel fédatif. Avant d'aller plus loin, j'ajoûterai ici qu'un refle de prévention pour cette première diftillation du mélange de fel fdatif & de charbon qui m'avoit fourni des preuves fi faisfaifantes de l’exiflence de l'acide du fel marin dans le fel fédatif, & un hafard qui m'eft arrivé depuis en faifant du fel fédatif, m'ont déterminé à tenter encore une fois cette opération, qui m'a fourni encore une nouvelle preuve de lexiftence de l'acide du fel marin dans le fel fédatif. IL y a environ fix femaines que je fus obligé de faire du fe! fédatif dont j'avois befoin pour faire quelques expériences dont je ne parlerai pas aujourd'hui, mais entrautres pour en réitérer & vérifier une dont je parlerai bien-tôt: le borax que j'employai étoit aufli beau qu'on puifle l'avoir : l'huile de vitriol dont je me fervis étoit fort brune, & plus qu'au- cune de celles que j'avois employées auparavant ; je m'en fervis telle qu’elle étoit. J'eus une quantité de fel fédatif à peu près égale à celle que e borax fournit ordinairement : ce fel fédatif, qui d’ailleurs étoit fort beau & fort bon, & qui donna une belle couleur verte à fa flamme de l'efprit de vin, fe trouva avoir une couleur rougeâtre, femblable, à ce qui me parut, autant que ma mémoire & la diftance des temps me permirent d'en faire la comparaifon , à a couleur que j'ai dit qu'avoit Je fel fédatif qui m'avoit fervi à cette première expérience que j'ai détaillée fr au long. La reflemblance de couleur de ces deux fels fédatifs qui avoient été faits en des temps fort éloignés, fi elle ne ranima pas mon efpérance, me détermina du moins à tenter encore une onzième fois la diftillation de fel fédatif & de charbon, & je me fervis de ce fel fédatif rougetre, DES SCIENCES. 23 Je pris feulement deux précautions, l'une fut d’avoir d'autre fel fédatif bien blanc & bien conditionné, pour en faire en même temps la diftillation dans un fourneau à part ; l'autre précaution que j'apportai, fut de ne point me fervir du feu de fable, mais du feu nu, & d’avoir deux cornues de verre lutées, dans chacune defquelles je mis chacun des deux mélanges de fel fédatif & de charbon. Les deux cornues furent donc expolées au feu nu dans un fourneau de réver- bère. J'augmentai le feu par degrés, & je le pouffai jufqu'à faire rougir les barres de fer qui foûtenoïent les cornues : je le continuai dans cette force long-temps après m'être aperçu qu'il ne pafloit plus rien dans les récipiens. Les ré- fultats de ces deux opérations fimultanées furent abfolument femblables entreux : chaque cornue contenoit deux onces de charbon & deux onces de fel fédatif, & me donna une once & environ un gros de phleome louche, qui avoit une petite odeur d'empyreume & une amertume aflez fenfible, à faquelle cependant, à ce qui me parut, fuccéda une acidité fi légère qu'elle ne fit pas aflez d'impreflion fur moi pour que je pufle la rapporter à celle d'aucun des acidés connus. Quelques gouttes de ces deux phlegmes verfées fur le papier bleu , le rougirent également : enfin je partageai chacune de ces deux liqueurs dans quatre verres rangés les uns près des autres fur deux lignes parallèles; dans les deux premiers, je verfai de la diffolution d'argent faite par f'efprit de nitre; dans les deux feconds, je verfai de la diflolution de mercure auffi faite par lefprit de nitre; dans deux autres, je verfai de l'alkali fixe du tartre, & dans les deux derniers je verfai un peu d’efprit de vitriol foible. La diflolution d'argent, qui auroit dû me donner un caillé blanc, fr l'acide contenu dans le phleome en queftion, & qui rougifloit le papier bleu, avoit été l'acide du fel marin, me donna dans ces deux verres un précipité tout - à -fait brun, mais qui étoit btuni, felon toute apparence, par un peu d'huile brûlée du charbon qui s’en fépara & le furnagea Ggi 236 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe “au bout de quelques jours, & alors le précipité parut de couleur de canelle clair. J'expofai ces deux précipités au feu, je n'eus de lune cornée, ni de l'un, ni de l'autre. La diflolution de mercure me donna dans les deux verres où je la verfai, un précipité d’un beau blanc; la liqueur qui les furnageoit, prit au bout de quelques jours une cou- leur rougeître; & ce qu'il y a de fingulier, c’eft que celle qui appartenoit au fel fédatif blanc que j'avois diftillé pour fervir de pièce de comparaifon, étoit beaucoup plus rouge que celle qui provenoit du fel fédatif rougeñtre, & dont la couleur m’avoit déterminé à en faire la diftillation. L'alkali fixe dans lequel, pour le dire en paffant, je n'avois aperçû aucun mouvement d'ébullition quand je la- vois mélé avec les deux phlesmes en queftion, ne dépofa rien dans les deux verres dans lefquels j'en avois verfé; mais pendant lelpace de trois femaines il s'y forma un dépôt d'une fubftance blanche, mucilagineufe, qui me parut être la même dans les deux verres, & dans laquelle, jufqu'à préfent, je n'ai aperçû aucune apparence de cryftallifation. L’efprit de vitriol ne produifit fur ces deux phleymes d'autre changement que de les rendre clairs de louches qu’ils étoient : il ne fe dépofa rien dans ces deux derniers verres, & il ne sy eft rien dépofé depuis. Je n'ai infifté ici fur le détail de Îa reffemblance par- faite qui s’eft trouvée entre les produits de ces deux der- nières diftillations de mélange de charbon & de fel fédatif, que pour faire voir que la couleur rougeñtre du fel fédatif qui avoit fervi à la première, n'étoit point la caufe de la différence totale qui seft trouvée entr'elle & les dix autres que j'ai faites depuis en difiérens temps, puifque le fel fédatif que j'ai employé dans une des deux dernières, étoit femblable par la couleur à celui dont je m'étois fervi dans Ja première. J'en refte là, quant à préfent, fur ces deux diftillations, pour y revenir dans un moment, & en tirer mes conféquences. - DES MSlC TE NICE 237 Le peu de réuffite des expériences précédentes, que j'avois tentées avec le {el fédatif & l'acide vitriolique, qui avoient été faites à deffein d'opérer la décompofition du {el fédatif pour pouvoir en reconnoître l'acide, & les difficultés in- furmontables que j'y avois trouvées, me rappelèrent à Ia mémoire le fameux problème de M. Stahl, dans lequel ïl propofoit aux Chymiftes de décompoler le tartre vitriolé, & d'en tirer l'acide vitriolique pur à froïd dans la paume de la main, & en peu de momens. Ce proklème chy- mique n'en étoit un que parce que- tout le monde favoit qu'il n’étoit pas poflible de décompofer le tartre vitriolé par le feu, même le plus violent, tant qu'on l'y expofoit ul & fans lintermède d'une matière grafle qui pût lui fournir du phlogiftique. La difficulté, ou , pour mieux dire, limpofhbilité que j'avois trouvée tant de fois à décompofer le fel fédatif, me fit penfer que le fel fédatif mériteroit bien autant que le tartre vitriolé d'être le fujet du problème de M. Stahl. Il ne s’agit, pour réfoudre ce problème, que de préfenter une diflolution de mercure, faite par l'acide nitreux, à une folution de tartre vitriolé ; fur le champ Yacide vitriolique abandonne fa bafe alkaline, fe porte fur le mercure, en chafle Yacide nitreux, & forme, par la nouvelle union qu'il contracte avec le mercure, un autre fel mercuriel appelé turbith minéral. Je projetai donc de faire, avec une folution de {el fédatif, la même expérience, Je fis fondre dans de l'eau bouillante du fel fédatif; j'y verfai, pendant qu'elle étoit chaude, de Ia diflolution de mercure par lefprit de nitre : un inftant après, j'aperçus un nuage jaune qui occupoit toute Ja capacité de la petite cucurbite dans laquelle je faïlois cette expérience ; le len- demain je trouvai au fond de la cucurbite un précipité d'un beau jaune-citron. Pour pouvoir comparer ce précipité jaune-citron avec du turbith minéral dont je fuffe für, je fis du tuibith minéral: le précipité jaune du fel fédatif & le 238 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE diftinguer à la vüe. Le lendemain je verfai de la même difo-= Jution de mercure dans la même folution de fel fédatif que j'avois employée chaude la veille, mais qui alors étoit froide, j'eus fur le champ Je mème précipité Jaune-citron: la cou- {eur annonçoit déjà que ce précipité jaune étoit un turbith minéral, mais la couleur pouvoit en impofer; il pouvoit fe faire qu'elle dépendit de quelque circonftance inconnue, & qu'un précipité jaune, que je prenois pour un turbith minéral à œufe de fa couleur, n'en fût point un. Pour n'afurer de la vérité, j'ai fait, avec le précipité jaune-citron du fel fédatif & le turbith minéral , les expériences fuivantes, qui m'ont prouvé la parfaite identité de ces deux fels mercuriels. 1. J'ai mis de l'un & de l'autre une petite quantité fur un charbon ardent , tous deux ont pris fur le champ une belle couleur rouge, &, autant que mes yeux ont pü en juger, d’une nuance abfolument égale : lorfque le charbon a été éteint, tous deux ont perdu fa couleur rouge qu'ils avoient acquie fur fe charbon lorfqu'il étoit ardent, & font redevenus jaunes. 2. J'ai mis de ces deux fels mercuriels une petite portion dans deux verres diférens, & j'ai verfé deffus une quantité à peu près égale d'elprit de fel : tous deux, au bout d’un certain temps, ont perdu leur couleur jaune & ont blanchi le précipité jaune du fel fédatif, cependant plus tard que le turbith minéral. C’eft une chofe connue en Chymie, que l'acide du fel marin chaffe l'acide vitriolique du corps du mercure, qu'il prend fa place, & alors la couleur du turbith difparoit. 3° Pour que le parallèle füt complet, il falloit non feule- ment que ces deux fels jaunes fuffent deftruétibles par l'acide du fel niarin, comme le prouve l'expérience précédente, dans laquelle ils ont tous deux perdu leur couleur & changé de nature, mais il falloit encore que les deux nouveaux fels réfultans de leur deftruction fuffent fublimables, comme on fait que l'eft cette diffolution de mercure faite par l'acide du #1 marin, & qu'on appelle, quoiqu’improprement, précipité ï DE s" S'CLE'NCE Ss 2 blanc. L'expérience que j'ai faite pour vérifier la reflemblance de’ces deux fels m'a réuffi auffi-bien que je pouvois l'efpérer. J'ai mis dans deux cucurbites de verre de même gran- deur, à peu près égale quantité de chacun de ces deux fels jaunes, & fur chacun jai verfé auffi une quantité égale d’efprit de fel. Le chapiteau étant ajufté à chaque cucurbite, & le récipient au bec de chaque chapiteau, j'ai expolé fur le même bain de fable ces deux cucurbites; les deux fels jaunes y ont tous deux perdu leur couleur, & fe font tous deux fublimés en entier, tant au haut du chapiteau qu'au bord intérieur de chaque cucurbite, fous la forme d'une farine ou d'une poudre blanche extrêmement fine ; en un mot, tous deux m'ont donné un mercure fublimé doux : tous deux étoient donc une véritable diflolution de mercure par V'acide vitriolique, un véritable turbith minéral, dont l'acide du ff marin a chaffé Facide vitriolique pour sy loger en fa place, & fe fublimer avec le mercure qu'il avoit pénétré après en avoir chaflé l'acide vitriolique : le précipité jaune, opéré par la diflolution du fel fédatif joint à la diflolution de mercure par l'efprit de nitre, étoit donc un véritable turbith minéral? Cela eft vrai, mais cela ne prouve pas, comme je le dirai dans un moment, que l'acide du fel fédatif foit acide vitriolique. Au refle, je ne fuis ni le feul, ni le premier qui ait fait cette expérience : M. Geoffroy l’Apothicaire, le père, M. Pott & M. Baron favoient faite avant moi. = M. Geoffroy n'en tire aucune conféquence, pour déter- miner la nature de l'acide du fel fédatif; auflr n’étoit-ce pas là fon objet. M. Pott, quoiqu'il fafle mention de cette expérience, & qu'il reconnoifle que le fel fédatif retient encore dans fa compofition de l'acide vitriolique fort atténué, dit cependant quelques lignes plus haut, qu'à proprement parler, le fel fédatif n'eft ni de nature urineufe, ni de nature vitriolique. M. Baron rejette abfolument cette expérience, fondé fur 340 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyAL£ fon infidélité & fur la rareté de fa réuffite. II ne la regardé point comme une preuve de l'exiftence de l'acide vitriolique dans le fel fédatif, parce qu'il a remarqué que la difiolution de mercure dans lefprit de nitre ne fouffroit aucune altéra- tion de la part des diflolutions de fel fédatif quelconque que lon y ajoûte; qu'il eft vrai que quelquefois il fe forme un précipité jaune, mais que cela n'eft pas conftant, même avec le fel fédatif ordinaire. J'ajoûterai qu'il y a toute apparence que l'acide vitrio- lique que fournit une folution de {el fédauf, n'eft qu'exté- rieur à ce fel; que cet acide vitriolique n'eft que fuperfr- giellement adhérent aux petites molécules du fel fédatif, dans la compolfition defquelles il n'entre pour rien; qu’en un mot cet acide vitriolique n'eft autre chofe qu'une très-petite portion de toute la quantité d'huile de vitriol qu'on a employée pour {parer du borax le fel fédatif qui lui eff reflé attaché, mais qui n'eft point une partie compofante de ce fel. La preuve que j'en puis donner, c'eft que quand une diflolution de fel fédatif a fourni une certaine quantité d'a cide vitriolique, quantité qui eft toüjours très-petite par comparaifon à Ja quantité de {el fédatif qu'elle contient, on a beau y verfer de nouveau de li même diflolution de mercure, il ne fe forme plus de turbith minéral, cette fo- lution de fel fédatif ne fournit plus d'acide vitriolique ; ce quelle devroit cependant continuer de faire, fi cet acide vitriolique provenoit de la. décompofition du fel fédatif ; puilque tout ce fel eft encore exiftant dans cette folution, & que, comme l'a remarqué avant moi M. Baron, il fe cryf- tallife de nouveau, tant à la fuperficie de la liqueur qu'aux parois du vaifleau, quand on laiffe évaporer d'elle-même l'eau qui le tient en diflolution. Je reviens maintenant à ma onzième & douzième diftil- lation du mélange de fel fédatif & de charbon, dont jai dit, il n'y a qu'un moment, que les rélultats avoient été parfaitement femblables, quoique dans l'une des deux je me D'E5,,\S, C, l'E NiC;,E.5.: 241 me fufle fervi de {1 fédatif rougeître, & dans l'autre d'un fel fédatif parfaitement blanc. Si ces deux diftillations fe font reffemblées en ce que ni l'une ni l'autre ne m'ont donné de lune cornée qui pût me dénoter Ja préfence de l'acide du fel marin dans le fel fédatif, elles fe font auffi parfaitement refflemblées en ce que toutes deux m'ont donné une autre preuve de l’exiftence de cet acide. J'ai dit que quand j'avois verfé de la diffolution de mercure par l'efprit de nitre dans les deux verres qui contenoient chacun une portion de phlegme provenant de ces deux diftillations, & dont l'acide, quoique peu fenfible au goût, avoit cependant rougi le papier bleu, j'avois eu un précipité blanc : ce pré- cipité n'a pà être formé que par cet acide, qui avoit enlevé le mercure à l'acide du nitre, & qui fe l'étoit approprié, Si cet acide, qui provenoit fürement du fel fédatif, avoit été l'acide vitriolique, j'aurois eu un précipité jaune, un turbith minéral; cependant j'ai eu un précipité blanc, comme on la quand on verfe ou une folution de fel marin, ou de lelprit de fel, dans une diflolution de mercure par l'efprit de nitre. Cet acide provenant de ces deux dernières dif. tillations du mélange de fel fédatif & de charbon , & qui rougifloit le papier bleu, pourroit donc être regardé comme étant de la nature de l'acide du fl marin: j'attendrai ce- pendant encore quelques nouvelles expériences qui puiffent m'aflurer de la vérité de cette affertion. Quant aux expériences que jai faites avec le {el fédatif & les acides minéraux, il me femble que je fuis fondé à en tirer deux conféquences : Ja première regardé la vérité de ce que j'ai dit fur la difficulté, pour ne pas dire T'im- pofhbilité, qu'il y a de décompofer le {el {édatif par les acides minéraux, & fpécialement par l'acide vitriolique, qui eft cependant celui de l'action duquel on devroit attendre avec plus de fondement la décompofition du fel fédatif, fi ce el admet dans fa compofition tout autre acide que l'acide vitriolique. Ma feconde conféquence regarde Ja préfence d’une matière Mém. IS 2 . Hh 242 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE grafle, ou, pour m'expliquer plus clairement , l'exiflence du principe phlogiflique dans le {el fédatif; principe phlogiftique auquel M. Pott impute la couleur verte que le fel fédatif communique à la flamme de Fefprit de vin que l'on brûle deffus ; principe phlogiftique enfin que quelques Chymiftes n'admettent pas dans le fel fédatif, mais dont il me paroit que l'on trouve une preuve bien reconnoiffable & bien convaincante dans l’odeur d'efprit fulphureux volatil, que l'huile de vitriol acquiert toutes les fois qu'on l'expole au feu avec le fel fédatif. DAENS ,1S, CIE N_C.E .S 242 MEMOIRE SE,R WE DIAMETRE APPARENT DE MERCURE, Et fur le temps qu'il emploie à entrer à à fortir du difque du Soleil dans les Conjonttions inférieures écliptiques. Par M. DE L’ISLE. our prédire, dans mon avertiflement fur le dernier P pañlage de Mercure au devant du Soleil, quelle devoit être la grandeur du diamètre apparent de Mercure, & le temps que cette petite planète devoit employer à fortir du difque du Soleil, je me fuis fervi, 1.” Du diamètre apparent de Mercure obfervé de 10" 45" par M. Bradley, à Wanfted , dans le paflage de 1723, (Voy. Tranfaëiions Plilofophiques, n° 386) en adaptant un micromètre à la lunette de, 2 3 pieds, dont M. Hughens avoit fait prélent à la Société Royale, cette obfervation n'ayant paru la plus précife que lon ait faite jufqu'ici avec le micromètre. 2.° Je me fuis fervi du temps de l'entrée de Mercure fur le bord du Soleil, obfervée en 1740, par M. Wintrop, Profefleur d’Aftronomie dans la Nouvelle Cambridge, cette obfervation m'ayant paru plus convenable que toute autre que j'aurois pû prendre, parce qu'outre que ce paflage elt arrivé dans le même nœud dans lequel Mercure devoit paffer le 6 Mai dernier, où il eft beaucoup plus près de la Terre que dans le nœud oppofé dans lequel il avoit été en 1723 ; outre cela, dis-je, Mercure, dans le dernier de ces pañlages , à caufe de fa grande latitude dans le temps de fa conjonction, avoit prefque frifé le bord du Soleil, ce qui a dû augmenter confidérablement la durée apparente de fon Hh i 7 Juillet 1753° 244. MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE entrée, qui na pas été moindre que de 7° 44”, ayant été obfervée avec une lunette de 24 pieds, ainfi que je l'ai rapporté en détail à l'Académie, au mois d'Avril de l'année dernière. Pour comparer ces deux obfervations principales entr'elles, & reconnoitre fi elles s’accordoient à donner le même dia- mètre apparent de Mercure, j'ai déduit de chacune la quantité précile de ce diamètre vü du Soleil dans la moyenne diflance de Mercure au Soleil, & je lai trouvée dans le paflage de 1723, de 18",78, & dans celui de 1740, de 18”,42. Voyant que ces quantités ne différoient entr'elles que de 36 centièmes de feconde, ou d’un tiers de feconde environ, j'ai cru qu'il fufhfoit de prendre un milieu, & que je pouvois, avec quelque : apparence de vérité, fuppoler le diamètre apparent de Mercure vü du Soleil dans la moyenne diflance, de 1 8”,60. C’eft fuivant cette fuppofition que j'ai calculé que Mercure, dans le paflage de la préfente année, devoit employer 317" à entrer & à fortir du Soleil, ayant eu égard dans ce calcul, comme je le devois, à la diflance où Mercure étoit alors du Soleil & de 1 Terre, comme auffi à la viteffe de fon mouvement apparent, & à l'obliquité de fon incidence fur le difque apparent du Soleil. On voit donc que dans ces calculs j'avois fuppofé que le diamètre apparent de Mercure, déduit dela mefure actuelle par le micromètre, ne devoit pas différer fenfiblement de celui qui fe tire du temps du paffige de tout le dilque de cette petite planète fur le bord du Soleil, puifque j javois négligé la différence que j'y avois trouvée ; mais cette fup- pofition gratuite m'avoit paru fufhre pour prédire à peu près le temps que Mercure devoit employer à-entrer & à fortir du difque du Soleil dans le dernier paffage. Cependant, comme Javois remarqué dans les derniers paffages de Mercure fur le Soleil, & principalement dans celui de l'année 1736, que le temps que Mercure avoit employé à fortir du bord du Soleil, avoit été trouvé plus ou moins long par différens DPENSMSTEOUMNE NUCTE ‘s 2 Obfervateurs, fans qu'il parût que cela pût venir du défaut des obfervations, & que la durée de ce temps n'avoit femblé avoir quelque rapport avec la longueur des lunettes dont les Aftronomes s’étoient fervis, j'avois dit à l'Académie * que fi lon devoit attendre le même effet dans le pafflage de Îa préfente année, la demeure de Mercure fur Je bord du Soleil, que j'avois calculée de 3° 17”, devoit convenir à une lunette de 24 pieds, & être enfuite d'autant plus petite, que l'on y auroit employé de plus courtes lunettes. Si au lieu de déterminer le temps que Mercure devoit employer à fortir dans le dernier paflage, en prenant un milieu entre les deux obfervations principales dont j'ai parlé ci-deflus ; fi au lieu de cela, dis-je, je n'y eufe employé que lobfervation de 1740, comme étant de 4 même nature que celles que je voulois prédire, j'aurois trouvé le temps de la demeure, dans le prochain pafige, feulement de 2” plus petit que je ne l'ai calculé, ce qui répond feulement à 18 centièmes de feconde, dont le diamètre apparent de Mercure vû du Soleil, dans la moyenne diftance, auroit été fuppolé plus petit dans ces nouveaux calculs que dans les premiers. J'aurois pü encore diminuer de 3” mon calcul du temps que Mercure auroit dû employer à fortir du Soleil dans le dernier paffage, fans m'écarter de l'obfervation de M. Wintrop, & même en faifant, à ce qu'il me paroifloit, un meilleur ufage des circonftances qu'il rapporte, fuivant lefquelles, au lieu de 7° 44” de temps que tout le diamètre de Mercure, felon ma fuppoñition, devoit employer à fortir en 1740, jai trouvé depuis, que l'on pouvoit avec plus de vrai-fem- blance le fuppofer de 7° 36" environ; mais ces deux cor- rections ou améliorations de mon calcul n’auroient accourci le temps que j'avois calculé, que de $", le faifant par confé- quent de 3° 12", ce qu'il reftoit à comparer avec les nou- velles obfervations que l’on en auroit faites. Une partie de ce que j'avois prédit eft arrivée: la plufpart des Aftronomes qui fe font fervis de lunettes ordinaires , Hh ii * Mém. Acad, des Sc. 1743, Page 424. 246 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE moindres que de 24 pieds, ont trouvé le temps du paflage de Mercure fur le bord du Soleil, fenfiblement plus petit que je n'avois dit; mais il seft trouvé dans les obfer- vations que j'ai reçües jufqu'ici, tant d'irrégularités dans Ja durée de la fortie oblervée par difiérentes lunettes, qu'il m'a été facile de reconnoître que la différente longueur des lunettes n'étoit pas la feule caufe de cette diverfité. Les obfervations que j'avois raflemblées des deux paffages pré- cédens, m'avoient fait voir de pareilles irrégularités, dont je ne connoiflois pas encore la caule: c'eft pour aider à la découvrir que J'avois recommandé aux Aftronomes dans mon avertiflement, de marquer non feulement a longueur & lefpèce de leurs lunettes, avec leur effet dans la diftinétion & l'augmentation des objets, mais encore d'avoir égard à toutes les moindres circonftances avec lefquelles ils auroient fait l'obfervation de la fortie, & jufqu'aux difiérentes fortes de verres colorés ou enfumés , plus ou moins clairs ou obfeurs, dont ils fe feroient fervis; & enfin d'être attentifs à tous les phénomènes qui auroient accompagné celte fortie, elpérant de pouvoir par ce moyen reconnoitre les caufes phyfiques qui fe mêlent dans ces fortes d'obfervations, & qui peuvent empêcher, lorfqu'on ne les connoît pas, & que lon n'y a point d'égard, que lon ne puifle tirer de ces obfervations rares, tous les avantages que l'on s’en doit promettre. Plufieurs Aftronomes ont fecondé mes intentions par le détail qu'ils m'ont envoyé des circonftances avec lefquelles ils ont obférvé le dernier paffage de Mercure fur le Soleil, & par la defcription qu'ils ont bien voulu me faire des inf- trumens qu'ils y ont employés; mais perfonne ne l'a fait plus amplement que M. de Barros, Gentilhomme Portugais, qui a obfervé avec moi dans l'hôtel de Clugny le dernier paf fage de Mercure fur le Soleil. Il s’eft non feulement aperçu de plufieurs phénomènes particuliers qui n'avoient pas encore été remarqués, mais il ena encore cherché les caufes qu’il a expoftes dans un Mémoire que la Compagnie écoutera, DES SCTENCES. 247 je crois, avec plaifir, après que j'aurai rendu compte en abregé de loblervation que j'ai faite moi-même de la fortie de Mercure, & de celle que j'ai procuré de faire au collége ‘des Jéfuites. Je me fuis fervi, dans mon obfervation de la fortie de Mercure du Sole, d'une lunette catadioptrique de Newion, de 4 pieds & demi de longueur, faite en Angleterre par George Hearne, il y a plus de vingt ans, mais dont j'ai été obligé de faire repolir depuis peu les miroirs par M. Paris. J'avois mis à ce télelcope deux oculaires placés l’un au devant de l'autre, & qui fe touchoient prefque : quoique la fomme de leurs foyers réunis n'ait que 8 lignes deux tiers de longueur, je pouvois apercevoir diftinétement prefque tout le difque du Soleil. Ce télefcope, dans cet état, groffifioit de foixante-quinze fois. Pour regarder le Soleil avec ce télefcope, je me füuis fervi d'un verre enfumé fort clair, mais recouvert d'un verre co- loré en verd foible, tel que les Fondeurs s'en fervent pour fe conferver la vüe en regardant les métaux en fufion. Cette compofition de deux tels verres mis Fun fur lautre, que nravoit indiquée M. de Barros, me rendoit l’image du Soleil blanche & mieux terminée que par un feul verre enfumé fufhfamment obfcur, & cela parce que le verre coloré étoit foiblement concave, comme il convient à ma vüe: je voyois par conféquent fur le fond blanc du Soleil, fans en être ébloui, l'image de! Mercure plus fenfible, très-noire & très- terminée, fans aucune nébulofité ni marque d'anneau lu- mineux. C'eit dans cette difpofition que l'attouchement intérieur des deux difques m'a paru fe faire à rob 18° 43" de temps vrai, & Îa fortie totale à 10h 21° 23", de forte que fa durée de la fortie m'a paru être de 2° 40", & la fortie du centre étant fuppofée précifément au milieu des deux contacts, feroit arrivée à roh 20! 3", ce qui répond à ro 20° 1” au méridien de lObfervatoire royal. Au refte, j'étois fort afluré du temps vrai, non fulement par le moyen d'un 248 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE inftrument des pañlages, exaétement placé dans le plan du méridien avec lequel on règle tous les jours la pendule à midi, mais encore parce qu'on avoit pris quelques jours devant & après l'obfrvation, des hauteurs correfpondantés pour être plus afluré du temps vrai & de la régularité du mouvement de la pendule. Deux perfonnes ont obfervé dans le collége de Louis le Grand, favoir, le P. de Merville, Profefleur de Mathé- matique, & M. Libour, qui s'eft exercé depuis long temps aux obfervations aftronomiques dans l'hôtel de Clugny. Le P. de Merville s'eft fervi, dans la fortie de Mercure, d'une fort bonne lunette de M. Paris, de 16 pieds de longueur, à l’objedtif de laquelle il avoit laiffé une ouverture de 2 pouces +, & il y avoit mis un oculaire affez large de 2 pouces 11 lignes de foyer, par le moyen duquel cette lunette groffifloit de foixante fix fois : avec cette difpo- fition, il a oblervé très-diflinétement le premier attouche- ment de Mercure & du Soleil à 1 oh 18° 39" de temps vrai, &. la fortie totale à roh 21° 35"; de forte que la demeure a été, felon lui, de 2° 56", & le paflage du centre réduit au méridien de l'Obfervatoire royal, à 10h 20° 5". Le P. de Merville avoit fa pendule réglée fur celle de l'hôtel de Clugny par des fignaux donnés peu après midi, plufieurs jours avant & après l'obfervation. Il a vû les difques du Soleil & de Mercure fort diflinétement & bien terminés, fans que celui de Mercure lui ait paru entouré d'aucune nébulofité ni anneau lumineux. J'avois prêté à M. Libour, pour obferver la fortie de Mercure du difque du Soleil, une lunette de Campani, de 15 pieds de longueur, à laquelle j'avois laïffé l'ouverture de 1 pouce 4 livnes, qui eft celle que Campani avoit af fignée à l'objectif de cette lunette pour les obfervations de Ju- piter ; l'oculaire avoit 2 pouces 1 ligne de foyer, ainfi cette lunette groffifloit de vingt-une fois. Dans cette difpofition, M. Libour obferva exactement l’attouchement intérieur à 10h 18° 38", & la fortie totale à roh 21° 46"; & par conféquent IDAENSN SCIE N'c'E s01 249 conféquent la demeure de Mercure fur le Soleil ui parut être de 3’ 8", qui eft la plus grande que lon ait obfervée à Paris & aux environs, autant que je l'ai pü apprendre. II eft vrai que la fituation contrainte dans laquelle M. Libour étoit pour fe fervir de cette lunette dans un très-petit endroit, a pù nuire un peu à la précifion de la fortie totale; mais ne croit pas que l'erreur ait pü aller à plus de 2 fecondes: pour le contact intérieur, il le croit fort exact; & comme il étoit fort attentif en ce moment , il m'a dit avoir rémarqué que Mercure, immédiatement avant ce contaét , avoit paru précipiter fenfiblement fon mouvement. I] s’étoit fervi de 12 même pendule que le P. de Merville avoit réglée par des fignaux fur celle de l'hôtel de Clugny; il a toûjours vû Mercure bien diftin&, fans aucune apparence de nébulofité ni d’anneau lumineux. Mém. 1753, . li 250 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE EAN E MR IE" N. CES SUR L'EVAPORATION DE LA GLACE. Par M BARON. E n’y a perfonne qui ne fache, mème fans être Phyficien , & qui n'ait éprouvé plufieurs fois, que la plufpart des liquides laiflent échapper une partie de leur fubftance dans Yair, qu'ils diminuent, par laps de temps, de poids & de volume; ce qu'on reconnoît fenfiblement à la moindre hau- teur qu'ils occupent dans les vaifleaux où on les contient: ce font fur-tout les liqueurs fermentées & toutes celles que les Chymiftes appellent du nom d'efprits par rapport à leur volatilité, dans lefquelles cette diminution fe fait apercevoir le plus promptement. Les différentes efpèces d'eaux, tant na- turelles qu'artificielles, tant fimples que compoftes, & les diflolutions falires de toutes fortes, font pareillement fujètes à cette déperdition de fubftance qu'on appelle leur évapora- tion, parce que ce qui s'échappe ainfi de ces corps va fe perdre dans l'air fous la forme de vapeurs infenfibles. Les huiles, celles même qui font les moins coulantes & les moins odorantes, éprouvent auffi à la longue une perte affez con- fidérable de leur poids, pour acquérir de la confiftance & devenir enfin des corps folides. L'évaporation des liquides dans une température d'air, même la plus chaude qu'elle puiffe être naturellement, n'eft cependant pas une loi de la Nature fi générale qu'elle ne fouffre quelques exceptions: car fans parler ici du mercure, qui appartient pluftôt à la clafle des fluides qu'à celle des liquides, puifqu'il ne mouille point les doigts ni aucun des corps non métalliques auxquels il touche; fans parler, dis-je, du mercure, qui ne perd rien de fa fubflance ni de fon poics, quelque long temps qu'il refle expofé au contaét d'un «ir DAMIEMNPSUVENT E Ni REMIMN 5% libre, mais tempéré, les Chymiftes ont reconnu par expé- rience que la fiqueur acide qi'on nomme improprement #ui/e de vitriol, augmente très fenfiblement de poids lorfqw'on fa tient en plein air dans un vaïfleau de larve ouverture: Preuve - manifefle que l'air y dépole peu à peu une portion dé l’hu- midité dont il eft toûjours plus ou moins chargé, bien foin de lui en enlever aucune. ) Mais les liquides font-ils fes feuls corps de la Nature qui foient fufceptibles d'évaporation ? les corps folides ne par- tagent-ils point avec eux cette propriété? C’eft-là une queftion qui pourra paroîtré extraordinaire à tous ceux qui ont quel- que connoiflance du curieux traité de Boyle 4e Armofphæris corporum confiflentium. Cet obfervateur infitigable, auquel la Phyfique eft redevable d'une collection immenfe de faits fr propres à en avancer le progrès, femble avoir démontré dans cet ouvrage, que les corps folides, même les plus durs, ne font pas exempts d'évaporation, & que les émanations qui en fortent forment autour d'eux une atmofphère qui les en- veloppe, de même que la mañle totale de l'air environne 1e globe terreftre; mais lorfqu'on réfléchit avec attention fur les différentes expériencés rapportées par Boyle pour fervir de fondement à fon fyftème, on reconnoît fans peine que celles qu'il a faites au fujet de la glace, font les feules propres à perfuader que la folidité d'un corps n'eft pas toûjours un obflacle à fon évaporation. De toutes les autres expériences de Boyle, les unes prouvent fimplement que plufieurs corps qui nous paroiflent, à la vüe & au toucher, très-durs & très- fécs, ne le font cependant pas tant qu'ils ne puiffent le de- venir encore davantage par la perte d'une humidité infenfible qu'ils contiennent, & dont la préfence fe manifefte fans équivoque dans la diftillation de ces fortes de’corps. On fent bien que cette humidité ne peut point fe diffiper qu'elle n'entraîne avec elle quelques-unes des molécules les plus mo- biles qui fe rencontrent fur {on paffage, & c'eft-ià à quoi fe borne l'évaporation de plufieurs corps, qui n'eft, à propre- ment parler, qu'une efpèce de defléchement qui leur arrive, Ii ÿ ‘252 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & non pas une véritable perte qu’ils faffent de leur propre fubftance & de ce qu'ils contiennent de parties vraiment folides. | | , Les autres expériences de Boyle font bien voir à Ja vérité que le frottement de plufieurs corps des plus durs, tels que font les pierres & les métaux, eft capable d’exciter dans l'inté- rieur de leurs parties un ébranlement aflez fort , pour que l'air renfermé dans les petits vuides qu'elles laiflent entr'elles, foit agité & échauffé au point de faire fortir avec lui plufieurs atomes d’une fineffe extraordinaire, dont lui-même a procuré la divifion & le détachement d'avec la maffe totale; mais il eft évident que cette déperdition qu'éprouvent certaines matières minérales par le frottement, n’eft qu'un effet de Y'art, un effet accidentel & pañlager, & il fera toûjours vrai de dire qu'une pièce de métal, un morceau de marbre, une mafle de foufre, qui répandent une odeur particulière lorf- qu'on les frotte un peu rudement, peuvent refter des fiècles entiers fans répandre aucune odeur & fans rien perdre de leur poids, quoiqu'expofés au contact de fair le plus libre. Ce que l'on vient de dire, eft plus que fufhifant pour faire connoître ce qu'il faut penfer de l'évaporation des corps folides; c'eft pourquoi je n'infifterai pas davantage fur cet aticle, qui n’eft pas ce qui forme le principal objet de ce Mémoire, & je me bornerai uniquement à ce qui concerne lévaporation de, la glace. Ce n'eft que vers la fin du dernier fiècle qu’on a com- mencé à favoir que la glace , toute compacte qu'elle eft, & malgré fa. folidiié qui la fait réfifler, lorfqu'elle eft d’une certaine épaifleur, à des chocs très-violens, qui ne viennent à bout de la brifer & de la rompre que lorfqu'ils font répétés, plufieurs fois coup fur coup, perdoit cependant affez de fon poids étant expofée à l'air le plus froid & pendant les plus rudes gelées, pour que cette diminution devint fort fenfible en un twès-court efpace de temps. Boyle eft le premier qui ait obfervé cette propriété de la glace, & qui en ait fait mention dans le Traité que j'ai déjà cité. Deux habiles Phyficiens pif Eds AS! Co D'E NC Es. 253 de cette Académie, M. Sedileau & le célèbre Mariotte, ont confirmé depuis la mème vérité ; mais, quelque furprenant que dût paroïtre ce phénomène nouvellement connu, qui fut annoncé alors & reçü avec un peu trop d’indifférence, il le devint encore bien davantage par les expériences qui furent répétées à ce fujet pendant le mémorable hiver de 1709. li réfultoit de ces expériences faites par feu M. Gauteron Médecin, & depuis Secrétaire de la Société Royale de Mont- pellier, que non feulement la glace s'évaporoit malgré la rigueur exceflive du froid, mais encore que cette évaporation égaloit &. furpañloit même celle de l'eau qui commence à fe geler, & étoit d'autant plus grande que le froid étoit plus vif & plus rude. Enfin l'illuitre M. de Mairan, connu par tant d’excellens Ouvrages, vient d'ajoûter un nouveau degré de certitude au fait dont il s'agit, dans fa curieufe Diflertation fur la glace, qui a été fi bien reçüe du Public. I ne falloit pas moins que le concours de tant d’autorités refpectables, pour conftater la réalité d’un phénomène contre lequel l'imagination eft toüjours prête à fe révolier. Com- ment concevoir en eflet que la même caufe puiffe produire tout à la fois deux effets aufli contradiétoirement oppolés Jun à l'autre que le font la congélation de l'eau, & l'éva- poration de ceite mème eau devenue glace ? Ne femble- t-il pas au contraire que plus l'eau perd de fa liquidité, & plus elle doit perdre en mêmé temps de 11 difpofition qu'elle avoit à fe diffiper en fair? N'eft-il pas naturel de penfer que lorfque l'eau eft une fois changée en glace, elle doit dès le même inftant ceffer entièrement de s'évaporer, puifque la cohérence de fes parties eft alors fi grande, que, de contigues qu'elles étoient elles ne forment plus qu'une mafle continue & immobile ? Mais d'un autre côté, qu'y at-il à dire contre les faits ? tout ce qu'on peut faire de mieux en pareil cas, c'eft de les vérifier de nouveau , d'en examiner toutes les circonftances, & de tâcher de découvrir le moyen de concilier des contradiétions qui certainement ne font qu'apparentes , puifqu'elles font l'ouvrage de la Nature: i ii] 254 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE Royare telle eft auffi la méthode que j'ai fuivie dans les recherches que j'ai entreprifes fur l'évaporation de la glace. Le rude fioid que nous avons éprouvé au commencement de la préfente année 1753, fournifloit une trop belle occafion d'éclaircir les doutes que j'avois formés à ce fujet, pour ne pas en profiter. Je me fuis donc appliqué pendant le cours du mois de Janvier dernier, à faire les expériences que j'ai cru les plus décifives pour terminer fans retour la queftion de l'évaporation de la glace. C'eft aux Phyficiens à juger fi le fuccès de ces expériences répond à l'idée que je m'en fuis faite, c'eft-à-dire, fi je fuis parvenu à déterminer par quelle méchanique s'opère l'évaporation dont il s'agit, & à établir d’une manière démonftrative qu'elle n'eft pas, à proprement parler, une évaporation. La première expérience que j'ai faite a été d’expofer à {a gelée pendant la nuit du 7 Janvier, dans une chambre fans feu & dont la fenêtre étoit ouverte, une grande jaite de porcelaine dont l'ouverture avoit $ pouces de diamètre, & que j'avois remplie d'eau à deux doigts près de fon bord. Cette jatte peloit, étant vuide, 9 onces 4 gros & demi, & avec l'eau froide dont je l'avois remplie, elle pefoit une livre 7 onces 6 gros; ainfi {a quantité d'eau qui étoit en expérience, pefoit 14 onces 1 gros & demi. Le 8 Jan- vier au matin, le tout ne pefoit plus qu'une livre 7 onces 3 gros; ainfi l'eau avoit perdu, en fe congelant, 3 gros de fon poids. Le 9 au matin, le thermomètre de M. de Reaumur étant à un degré au deflus de la congélation, la glace & le vaiffeau qui la contenoit fe trouvèrent précifément du même poids qu'ils étoient la veille, immédiatement après la dernière pefée; & le même jour à fept heures du foir, quoique la glace que j'avois placée depuis le matin dans une chambre fermée, mais fort loin du feu, fut prelqu'entièrement dé- gelée, je n'y obfervai que quelques grains de diminution. J'expofai cette eau de nouveau à la gelée pendant la nuit fuivante, & le lendemain 10 du mois, à 8 heures & demie du matin, le thermomètre étant à un degré & demi DES SCIENCES. 255 au deflous de zéro, la maffe d'eau congelée fe trouva d'un gros 24 grains moins pefante que ne l'étoit le 8 à pareille heure celle de la première congélation. Le 11 au matin le thermomètre étoit remonté à 3 degrés au deflus de zéro, & le temps étoit à la pluie; la glace, qui commençoit à fondre, avoit perdu par cette elpèce de dégel un gros de fon poids, Il fuivoit clairement de cette première épreuve, que l'eau ne laiffe pas de s'évaporer malgré le froid, & jufqu'à ce qu'elle ait perdu toute fa liquidité pour fe changer en glace; mais il ne s’enfuivoit pas moins évidemment que la glace une fois formée ne fouffre plus d'évaporation, du moins tant que le degré de la température de Fair ne diffère pas de.beaucoup de celui de la congélation. Seroit-il donc pof- fible, comme la prétendu M. Gauteron , qu'un froid plus grand produifit ce que ne peut faire un moindre froid , c'eftà-dire, que l'air procurât d'autant plus l'évaporation de la glace, qu'il a moins d'aétion fur elle? ou pluftôt l'action de l'air fur l'eau & fur la glace ne varie-t-elle qu'à raifon du froid & du chaud ? Les expériences fuivantes pourront fervir à refoudre ce problème. J'avois expolé, le 8 Janvier au matin, fur Ja tablette de la cheminée d'une chambre où il y avoit bon feu, une grande tafle de porcelaine du poids de 9 onces 6 gros, & qui contenoit une mañle de glace pefant une livre moins un gros, en laquelle s’étoit changée de l'eau qui s'y étoit gelée en entier pendant fa nuit précédente. Le foir du même jour , ce mafñif de glace, qui toit entièrement dégelé, avoit perdu 5 gros & demi de fon poids. Je remis dans le même vaiffeau i 3 onces d’eau bouillante, qui {e trouvèrent converties le lendemain, par leflet de la gelée, en une mafle de glace pefant 12 onces 6 gros. Cette eau congelée, qui demeura pendant toute {a journée du 9 dans la même chambre que la précédente, mais fort éloignée du feu, n’avoit perdu le foir qu'un gros de fon poids, quoiqu'elle füt entière- ment dégelée. Ces deux expériences prouvent donc avec affez de vrai- 256 MÉmotREs DE L'ACADÉMIE ROYALE femblance, que la glace, du moins Jorfqu'elle dégèle, di- minue d'autant moins en pefanteur par l'eflet de l'évapo- ration , qu'elle eft expofée à un air moins chaud. C'eft donc déjà un préjugé contre l'opinion qui s'eft introduite depuis quelque temps parmi les Phyficiens, favoir, que la glace perd d'autant plus de fon poids par évaporation, que air eft plus froid. Voici encore une autre expérience qui prouve contre Je même préjugé. Le 9 Janvier, à 9 heures du foir, le thermomètre de M. de Reaumur étant à un degré au deflous de la congé- lation, je mis en expérience, dans autant de tafles de terre blanche d'Angleterre, de figure cylindrique, & de 2 pouces & demi de diamètre, trois différentes portions d’eau, chacune du poids de 2 onces : je renfermai lune de ces tafles dans une armoire proche d’une cheminée où il y avoit bon feu; jen pofai une autre fur une table de marbre dans la même chambre, mais à plus de 1 $ pieds du feu, & je plaçai la troifième fur l'appui extérieur d'une croifée regardant le nord: le ciel étoit dans ce moment très-brillant & étoilé, & le froid fort cuifant. Je n'eus rien de plus preffé le lendemain dès le matin, que de faire la pelée de mes vaifleaux; celui qui avoit été renfermé près de la cheminée avoit perdu un gros de fon poids; le fecond n’avoit perdu que 24 grains; & le troifième, dont l'eau étoit devenue glace, n'avoit di- minué que de 12 grains. Ainfr l'eau du premier vaiffeau n'avoit perdu qu'un feizième de fon poids, celle du fecond qu'un quarante-huitième, & celle du troifième qu'un quatre- vingt-feizième. J'étois aflurément bien en droit de conclurre de-là que l'eau s'évapore d'autant plus, qu'elle eft expofée à un air plus tempéré ; & que plus l'air eft froid, moins eft grande l'éva- poration; d'où s’'enfuivoit néceffairement que les effets étant toûjours proportionnés à leurs caufes , l'évaporation de Ja. glace devoit être prefque nulle, & d'autant plus nulle, que la violence du froid s'éloigneroit davantage du premier degré de a congélation. Mais cette vérité fi fimple, fi naturelle, fr conforme DES" SNC'T E NC E 8, 257 conforme aux lumières de la raifon & aux idées populaires , que l'on regarde un peu trop fouvent comme méprifibles, étoit contradiétoirement oppolée à ce que nous apprennent les expériences faites à Montpellier pendant l'hiver de 1709, delquelles il fembloit réfulter que l'évaporation des liquides eft en raïfon direéte de l'intenfité du froid. J'ai oblervé, dit M. Gauteron, que plus le froid a été grand, plus l'éva- poration des liqueurs a été confidérable*, [1 n’en fillut pas davantage pour m'engager à fufpendre mon jugement, jufqu’à ce que de nouvelles expériences m’euflent fait connoître indu- bitablement de quel côté l'on devoit fe ranger pour ne pas tomber dans l'erreur. Les différentes réflexions que j'avois faites jufqu'ici, m'a- voient conduites à penfer que ce que l'on avoit pris à Mont- pellier pour un effet immédiat du froid, pouvoit être bien pluftôt celui de quelqu'autre caufe qui f trouve pour l'ordi- naire compliquée avec le grand froid : plufieurs circonftances fortifioient ma conjecture, Premièrement, tout le monde convient que rien ne favorife plus l'évaporation des liquides que le vent auquel ils font expolés. En fecond lieu, M. Gauteron, auteur des expériences de Montpellier, dit avoir cbfervé que l'évaporation, tant des liquides que de Ha glace, a été proportionnée, non feulement à la violence du froid, mais encore à celle du vent qui fouffloit alors. Troifièmement enfin, j'avois obfervé dans la dernière des expériences que j'ai rapportées ci-devant, que l'air étoit fort calme, quoique le froid fût aflez piquant, & c’étoit-là vrai-femblablement {a raifon pour laquelle l'évaporation avoit été fr peu confidérable dans cette expérience. J1 y avoit donc tout fieu de foupçonner que le vent feul produit f'évaporation de la glace, & que le froid n'a par lui-même aucune part à cet effet. Il ne sagifloit plus que d'interroger la Mature même fur cet article, & d'écouter attentivement fa réponfe. Voici le journal dés expériences qué j'ai faites à ce füjet. Le 20 Janvier à 9 heures du foir, le thermomètre de M. de Reaumur étant à un demi-decré au deffous de Mém. 175 3, A :@ * Mémn, Acad. des Sc, 17094 258 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE zéro , j'expofai à la gelée dans mon laboratoire, dont je Jaiffai la fenêtre ouverte, deux quantités égales d'eau dans deux vaifleaux de forme différente: l'un de ces vaifleaux étoit une tafle cylindrique de terre d'Angleterre, de 2 pouces & demi de diamètre, qui peloit, étant vuide & bien fèche, 2 onces 6 gros 9 grains, & avec l'eau froide que je verfai, dedans, 6 onces 7 gros & demi & 18 grains; ainfr elle contenoit 4 onces un gros & 45 grains d'eau: l'autre vaifleau étoit une large foucoupe de verre, qui pefoit 6 onces un gros & 40 grains, dans laquelle je mis autant d'eau qu'il y en avoit dans la tafle précédente, en forte que cette foucoupe pefoit avec fon eau 10 onces 3 gros 13 grains. Le même foir, je mis encore en expérience dans le même lieu une grande jatte de porcelaine, qui peloit, étant vuide, 9 onces 4 gros 29 grains, & avec de l'eau bouillante que je verfai dedans jufqu'à un pouce près de fon bord, une livre $ onces 7 gros $ grains; ainfr elle contenoit 12 onces 2 gros 48 grains d'eau. Le lendemain matin 21 Janvier, je ne trouvai point de glace dans aucun de mes vaiffeaux , c'efl pourquoi je me contentai de peler celui dans lequel j'avois mis de l'eau bouillante ; il ne pefoit plus qu'une livre $ onces 2 gros, ainfi l'eau avoit perdu en fe refroidiffant depuis la veille, $ gros $ grains de fon poids. Il me fallut enfuite attendre le retour de la gelée, qui n'arriva que le 23 au foir; alors je tranfportai mes vaifleaux fur une croilée expofée au Nord, afin de leur faire éprouver l'effet du froid dans tout fon entier. Le 24 Janvier, à 8 heures & demie du matin, le thermomètre de M. de Reaumur étoit à 4 degrés au deffous de la congélation : je ne pefai dans ce moment que la jatte de porcelaine, dont je trouvai le poids d'une livre $ onces tout jufte; ainfi F'eau qu'elle contenoit n'avoit perdu que 2 gros depuis le 21 au matin, c'eft-à dire, dans l'efpace de trois fois vingt-quatre heures. On fera peut-être furpris de la petite quantité de Tlévapo: ration, j'en fus étonné moi-même ; mais afin de multiplier les expériences de comparaifon fur lefquelles on püt afleoir DÆS SCIENCES 25 un jugement certain, j'ajoütai aux trois vaifleaux dont j'ai déjà parlé, un quatrième, c'étoit une grande jatte blanche de terre d'Angleterre, du poids de 11 onces 6 gros, dans laquelle je mis un gros morceau de glace de figure fort irré- gulière , & qui par conféquent préfentoit beaucoup de furface à l'air: ce glaçon peloit, avec fon vaifleau, une livre r 1 onces 1 gros & demi; ainfi il pefoit à lui feul 1$ onces 3 gros & demi. Je ne fache pas qu'on ait fait des expériences femblables à celles-ci, fur d'auffi groffes mafles de glace. Le même jour 24 à 9 heures du foir, le thermomètre étoit remonté de 2 degrés, ceft-à-dire qu'il n'étoit plus qu'à 2 degrés au deflous du terme de la glace: je fis la pefée de tous mes vaifleaux, & je trouvai que la jatte blanche dont je viens de parler en dernier lieu, avoit perdu depuis le matin, c'eft-à-dire, pendant l'efpace de douze heures, 2 gros 66 grains de fon poids; la jatte de porcelaine avoit perdu dans le même efpace de temps un gros & demi & 18 grains, ce qui fait une quantité prefque égale à celle qu'elle avoit perdue pendant trois fois vingt-quatre heures, lorfqu'elle étoit dans une chambre à l'abri du vent. La tafle blanche qui étoit en expérience depuis le 20, navoit perdu en tout depuis ce temps-là qu'un demi-gros de fon poids, & la foucoupe de verre, qui étoit aufir en expérience depuis le même temps, avoit perdu 2 gros. Ma pefée finie, je remis mes vaifleaux en expérience, & jé leur en ajoûtai encore un nouveau; c’étoit un verre à boire, du poids de 2 onces un gros, qui pefoit avec l'eau bouillante dont je le remplis, 6 onces $ gros & demi, & qui contenoïit par conféquent 4 onces 4 gros & demi d'eau. Le 25 à 8 heures du matin, le thermomètre étoit à 3 degrés & demi au deflous de zéro, & le poids de mes vaifleaux étoit comme il fuit. La jatte blanche péfoit une livre 10 onces $ gros & demi, ainfi la glace avoit diminué d'un gros 6 grains depuis k veille au for. La jatte de porcelaine peloit une livre 4 onces $ gros, KK ij 260 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE la glace avoit par conféquent perdu un gros 18 grains de fon poids. La taffe: blanche pefoit 6 onces 7 gros, elle n'avoit donc perdu que 18 grains de fon poids. La foucoupe de verre pefoit 10 onces demi -gros, elle avoit donc perdu demi-gros & 13 grains, _ Le verre à boire pefoit 6 onces 3 gros & demi, ainfr l'eau avoit perdu 2 gros de fon poids par la congélation depuis la veille. Pendant toute la journée du 2$ & celle du 26, foufla un vent très-violent. Le 26 à 8 heures & demie du matin, le thermomètre étoit à $ degrés au deffous de zéro, & à 3 heures & demie après midi il étoit remonté de 3 degrés & demi, en forte qu'il n'étoit plus alors qu'à un degré & demi au deffous de la congélation : ce fut à cette heure que je pefai mes vaifleaux. La jatte blanche pefoit une livre r 0 onces 2 gros 1 2 grains, ainfi la glace avoit perdu 3 gros 24 grains de fon poids. La jatte de porcelaine peloit une livre 4 onces 2 gros & demi, ainfi la glace avoit perdu 2 gros & demi de fon poids. La tafle blanche ne pefoit plus que 6 onces 6 gros 30 grains, la glace avoit donc perdu 42 grains de fon poids. La foucoupe de verre ne pefoit plus que 9 onces 6 gros 30 grains, la glace avoit donc diminué de 2 gros 6 grains. Le verre à boire ne peloit plus que 6 onces 2 gros 40 grains , ainfi la glace avoit perdu depuis la veille 68 grains de fon poids. Le 27 à 9 heures du matin, le thermomètre étoit à $ degrés & demi au deflous de zéro, & le vent étoit beaucoup diminué depuis la veille au matin. La jatte blanche peloit 1 livre ro onces 1 gros, ainf la glace avoit diminué d'un gros 12 grains. La jatte de porcelaine peloit 1 livre 4 onces 2 gros 1 8 grains, elle avoit donc diminué de 18 grains. La tafle blanche pefoit 6 onces 6 gros 18 grains, donc la glace avoit perdu 12 grains. DES SCIENCES. 261 La foucoupe de verre peloit 9 onces 6 gros. ainfi la glace avoit perdu 30 grains. Le verre à boire peloit 6 onces 2 gros 24 grains, par _conféquent la glace avoit perdu 16 grains. Le 28 à 8 heures & demie du matin, le thermomètre étoit à près de 5 degrés au deflous de zéro. La jatte blanche peloit 1 livre ro onces tout jufte, ainfi la glace avoit perdu 1 gros de fon poids. La jatte de porcelaine peloit 1 livre 4 onces 1 gros & demi & 18 grains, donc la glace avoit perdu un demi-gros de fon poids. La taffe blanche peloit 6 onces 6 gros 9 grains, donc la glace avoit perdu 9 grains de fon poids. La foucoupe de verre pefoit 9 onces $ gros 30 grains, donc la glace avoit perdu 42 grains. = Le verre à boire pefoit 6 onces 2 gros 12 grains, ainft la glace avoit diminué de 12 grains. On a pû voir par plufieurs des obfervations précédentes; que l'évaporation de la glace étoit d'autant plus grande que le vent fouffloit avec plus de force. Pour n'en convaincre encore plus pofitivement , je pris le parti le 28 au foir, de placer tous mes vaifleaux, qui avoient été jufqu’alors en plein air, dans une chambre fans feu, dont la fenêtre étoit ouverte, qui regardoit le foleil levant, & où le vent de bife ne pénétroit que par réflexion & fort indireétement. Le 29 Janvier à 9 heures du matin, le thermomètre étoit à 3 deorés au deflous de zéro. La jaite blanche pefoit une livre 10 onces moins 16 grains , ainfr fa glace avoit perdu 16 grains de fon poids, La jatte de porcelaine pefoit une livre 4 onces 1 gros +, ainfi la glace avoit diminué en pefanteur de 18 grains. La tafle blanche pefoit 6 onces 6 gros $ grains, fa glace mavoit donc perdu que 9 grains, La foucoupe de verre pefoit 9 onces $ gros jufle, pa conféquent fa glace avoit perdu depuis la veille 30 grains de fon poids. Kk il 3562 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Le verre à boire, que j'avois, par curiofité, couvert d’un carreau de vitre, avoit exactement confervé fon même poids. I fembléroit fuivre des oblervations de ce jour, que l'é- vaporation de la glace efl moindre à raïon de la dimi- nution du froid; mais on peut répondre à cela que cette moindre évaporation dépend pluflôt de ce que les vaifleaux étoient à l'abri du vent, comme il paroît par cela feul que la glace du verre qui étoit couvert d'un carreau de vitre, n’a point fouflert d'évaporation : on va voir, par les obfervations du jour fuivant , la vérité de cette affertion mife dans tout fon jour. Le 30 Janvier, le thermomètre étoit, à midi pañé, à un degré au deflous de zéro; ainfi la liqueur étoit remontée de 3 degrés & demi depuis 8 heures & demie du matin, car il marquoit alors 4 degrés & demi au deffous de zéro. Ce même jour, le vent foufoit depuis la veille beaucoup plus fort qu'il navoit fait précédemment. La jatte blanche peloit une livre 9 onces 6 gros 56 grains , ainfr la glace avoit diminué d'un gros. La jatte de porcelaine pefoit une livre 4 onces 1 gros tout jufte, ainfi fa glace avoit diminué d'un demi-gros. La tffe blanche pefoit 6 onces $ gros 1 30 grains, ainfi fa glace avoit perdu 11 grains de fon poids. La foucoupe de verre peloit 9 onces 4 gros & demi, ainfi fa glace avoit diminué en pefanteur d'un demi-gros. Le verre à boire, qui depuis la pelée de la veille avoit été découvert, pefoit 6 onces 2 gros; par conféquent fà glace avoit perdu 12 grains de fon poids. Le 31 Janvier, qui fut le dernier jour de mes 6bferva- tions, le thermomètre étoit à 2 degrés un quart au deffus de zéro, ainfr il dégeloit. La jatte blanche pefoit une livre 9 onces 6 gros 25 grains, la glace commençoit à fondre , élle étoit détachée du vaifleau, & il y avoit un peu d'eau au fond; elle avoit dônc diminué de’ 31 grains en décelant. La jatte de porcelaine peloit une livre 4 onces demi-gros, DES, SCIENCES. 263, ainfi Ja glace avoit perdu par le dégel un demi-gros de fon poids. La tafle blanche pefoit 6 onces $, gros ! 24 grains, ainfr fa glace n'étoit diminuée en poids que de 6 grains. La foucoupe de verre peloit 9 onces 4 gros 12 grains, fa glace étoit donc diminuée de 24 grains. Enfin le verre à boire étoit du poids de 6 onces 1 gros & demi & 30 grains, ainfi la glace n’avoit perdu que 6 grains de fon poids. ; IL réfulte bien clairement de toutes ces différentes expé- riences, que la glace perd plus ou moins de fon poids tant qu'elle refte expofée en plein air, mais que cette diminution de poids n'eft point du tout proportionnée à la violence du froid, puifqu'elle eft quelquefois plus grande lorfqu'il fait moins froid, & réciproquement moins grande quelque- fois lorfqu'il. fait plus froid; qu'au contraire Ja quantité de cette évaporation, fi l'on veut l'appeler ainfr, répond toûjours au, degré de force. avec lequel fouffle Le vent dont Tair eft agité, de manière que, la glace perd moins de fon poids dans la même température d'air, par cela feul qu'elle eft placée à Fabri du vent; & que quelque froid qu'il fafle, elle conferve toûjours fon même poids, pourvû qu'elle demeure dans un air calme & tranquille. La vérité de cette * dernière propofition va-paroître d’une façon encore plus évi- dente par le récit d'une expérience qui, toute fimple qu'elleeft ; mérite bien l'attention des Phyficiens, par rapport aux confé- quences qui s’en enfuivent, relativement aux recherches qui font l'objet du préfent Mémoire : le hafard feul m'a fourni l'idée de cette expérience. : Il y avoit dans. un coin de mon laboratoire une cruche. de grès, capable de contenir environ quinze à feize pintes, & qui n'étoit alors qu'à moitié pleine d’eau ; elle étoit fermée: avec un bouchon de liége, & étoit reflée expofée à l'ac- tion,de la gelée depuis le commencement du froid. Je mavifai vers la mi-Janvier de déboucher ce vaifleau, pour: voir sil. étoit encore temps de le fauver des eflets de {a 264 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE gelée, & je vis, avec autant de plaïfir que de furprife, que toute la face inférieure du bouchon, & tout l'intérieur de la cruche, à compter depuis la furface de la glace jufqu'à l'ouverture extérieure de ce vaifleau , étoient tapiflées d’une légère couche de neige très-blanche & très-fine, qui imi- toit, on ne peut pas davantage, ces fortes de fublimations que les Chymiftes appellent des fleurs; & qu'ils ne viennent à bout d'obtenir que par une voie bien différente de celle-ci ; favoir, par le fecours du feu, & d’un feu même quelquefois très-violent. La première idée qui me vint, fut qu'on devoit regarder cette efpèce de fublimation comme un effet, & comme une preuve en même temps, de l'évaporation de Ia glace, Je n'étois pas encore alors bien affermi dans les doutes qui n'étoient déjà venus, & qui fe font changés depuis en certi- tude, au fujet de cette évaporation ; cependant je réfolus dès- lors de répéter la même expérience en petit, & d'en fuivre le progrès jour par jour: pour cela je pris, le 18 Janvier, un fücrier de terre blanche d'Angleterre, de figure cylin- drique, & qui peloit feul, étant vuide, 4 onces $ gros & demi 21 grains, & avec fon couvercle, 6 onces 2 gros 48 grains ; j'y verfai de l'eau froide jufqu'à la diftance d'un pouce de fon bord, & après Favoir recouvert, je le pefai de nou- veau; fon poids étoit de 1$ onces 3 gros 12 grains, par conféquent il contenoit 9 onces demi-gros d'eau : je plaçai ce vaifleau, à $ heures & demie du foir, fur une croifée expofée au nord; le thermomètre de M. de Reaumur étoit dans ce moment à zéro, & refta à peu près de même juf- qu'au 20, à 9 heures du foir: j'avois foin de temps en temps de lever le couvercle, & d'en regarder attentivement la fürface intérieure, pour voir fi je n'y apercevrois pas quelque marque d’évaporation, aufli-bien que d'examiner fi l'eau commençoit à fe congeler. Ce ne fut que le 22 du mois, c'eft-à-dire au bout de quatre jours d'expérience, que je trouvai l'intérieur du couvercle mouillé de plufieurs gouttes d'eau ; de même que cela arrive au couvercle d'un vaiffeau qui contient bheMSTe TE NC s: 265 contient de l'eau bouillante. Le lendemain 23 , on apercevoit dans l'eau quelques lames ou feuillets de glace, & les gout- telettes d'eau qui étoient attachées au couvercle s'y étoient congelées & changées en une belle neige des plus blanches; mais la congélation totale de Feau ne fut parfaite que le 24 au matin, le thermomètre étant alors à 4 degrés au deffous de la congélation : cétoit-là le moment de redoubler d'at- tention pour s'aflurer de l’évaporation de la glace. Je pefai, chacun féparément, le vaiffeau plein de glace & fon couvercle garni de neige; le poids du premier étoit de 1 3 onces 6 gros, & celui du fecond d'une once $ gros 12 grains: ainfi l'eau, en fe convertiflant en glace, n'avoit perdu de fon poids que la quantité de 21 grains, puifque le poids du couvercle n'étoit augmenté que de cetie quantité, & que d’ailleurs le tout enfemble peloit toûjours 1 $ onces 3 gros 12: grains, Je recouvris enfuite mon vaifieau, & l'expofai de nouveau à la gelée, qui, quoique très- forte, n’avoit encore apporté le 2$ aucun changement au poids, tant du vaifleau que du couvercle, que chacun avoit confervé exactement le même que je l'avois obfervé d'abord. Le 26 au matin, la gelée avoit été ft forte pendant la nuit précédente, que mon vaif feau s'étoit fendu en long par leflort de la dilatation de la glace ; mais je ne trouvai pour cela ni le poids du cou- vercle augmenté, ni celui du vaiffleau diminué. Je con- tinuai ainfr le refte du mois à pefer tous les jours ce même vaiffeau & fon couvercle, chacun féparément; mais le poids, ni de l'un, nt de l'autre, ne s'eft jamais trouvé différent de ce qu'il étoit immédiatement après que l'eau eut été entière- ment changée en glace. Enfin le 31 Janvier, qui étoit le treizième jour depuis l'expérience commencée, le vaiffeau plein de glace & garni de fon couvercle , pefoit encore exactement les 1 $ onces 3 gros 12 grains avec lefquels il faifoit équilibre la première fois que je l'avois empli d’eau. On peut tirer de cette expérience plufieurs conféquences curieufes & intéreffantes. D'abord il s'enfuit que le froid, en tant que froid, bien loin d'augmenter & de favorifer l'évaporation Mér. 175 3° MU ES! 266 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de l'eau, fert au contraire à la ralentir & à la diminuer com fidérablement , puifqu'un volume d'eau du poids de 9 onces & plus n'a perdu en quatre jours de temps que 21 grains de fon poids par évaporation, pendant qu'on a vû plus haut que 2 onces d'eau expofées à la gelée en plein air & dans un vaifleau d’un bien plus petit diamètre, avoient perdu x 2 grains en moins de douze heures : Fagitation de fair qui touche la fürface de l'eau eft donc l'unique caufe de fa plus grande évaporation en temps de gelée. Secondement, il fuit de la même expérience, que l'éva- poration de l'eau dépend en grande partie d'un mouvement qui fe pañle dans fon intérieur, tant qu'elle conferve l'état de liquidité, & que le contat de l'air libre ne facilite cette évaporation que comme caufe auxiliaire, c'eft-à-dire, qu'autant qu'il entraîne fans cefle & tranfporte plus loin les particules qui fe détachent de la furface de l'eau, ce qui donne lieu à d’autres de prendre leur place & d'être chaflées en dehors à leur tour, pour être entraînées de même par Fair qui les frappe. En troifième lieu, il fuit de cette expérience, que l'eau ceffe entièrement de s’'évaporer aufli-tôt qu'elle eft convertie en glace, pourvü qu'elle foit à l'abri de l'agitation de fair extérieur ; par conféquent la diminution de poids qui arrive à la glace, lorfqu’elle eft expofée en plein air, n'eft point Teflet du froid, & encore moins celui de quelque force qui agiflant dans l'intérieur de la glace, en divife & en détache plufieurs particules infenfibles, qu'elle poufle peu à peu jufqu'à la fuperficie de la mafle congelée, & qu'elle chafle enfuite dans l'air environnant. On voit par-là qu'il y a une grande différence entré Feau & la glace, par rapport à l'évaporation : l'eau s'évapore en tout temps, même fans éprouver le contatt de l'air extérieur; la glace au contraire ne fouffre plus d'évaporation dès l'inftant qu'elle ceffe d'éprouver ce contaét : la véritable caufe, la caufe première de l'évaporation de l'eau, eft le mou- vement inteftin qui agite fans cefie les particules de ce liquide; ndiihatul > dé 2 + natif DES SCTENCES. 267 Tévaporation de la glace, au contraire, n'a pour caufe qu'un agent extérieur, favoir, le mouvement de Fair qui touche ce corps folide : lévaporation de l'eau eft un effet néceflaire de la nature de ce liquide, en tant que liquide, au lieu que l'évaporation de la glace n'eft qu'un effet accidentel ; enfin la glace n'eft que paflive dans fon évaporation, tandis que l'eau eft active lorfqu'elle s’évapore. Mais pourquoi ne pas trancher le mot ? L'évaporation de l'eau eft une véritable évaporation , & celle de la glace n'en eft point une. Quelque fingulière que puiffe paroître cette opinion, il eft cependant très-facile de fe convaincre de fa vérité : il fufht pour cela de faire réflexion qu'il répugne que lorfque l'air eft aflez froid pour qu'il gèle, cet air puifle fondre la glace & rendre liquides les particules qu'il en détache, & qui, par leur diflipation, caufent la diminution de poids, qu'on appelle vulgairement l'éaporation de la glace. Ces particules infenfibles ne peuvent donc être qu'une pouffière extrémement fme, que fair enlève à chaque fois qu'il pañle & repañle fur la glace, contre la fuperficie de laquelle il frotte, à peu-près de même qu'une lime ou une rape emporte les parties les plus fuperficielles d’un morceau de bois ou d’un corps métallique. Chaque particule de cette pouffière eft donc un glaçon extrêmement petit, & par conféquent un petit corps folide & dur, qui difière autant de chaque par- ticule des vapeurs qui s'élèvent de l'eau, que l'eau elle-même diffère de la glace. Le volume total de cette pouffière eft donc un aflemblage d'autant de petits atomes de glace, c'eft- à-dire, de petits corpufcules très-fecs & très-froids, qui, s'ils étoient rapprochés les uns des autres autant qu'ils peuvent l'être, formeroient un corps folide, comme ils faifoient avant leur defunion, au lieu que les particules des vapeurs aqueules font autant d'atomes liquides dont la réunion produit un corps pareillement liquide. Il y à donc la même différence entre une véritable évaporation & le nuage infenfible qui s'élève de la glace par le frottement de l'air froid, que celle qu'on doit mettre entre la diflolution de certains corps Li j 268 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE folides & la poudre imperceptble à la vüe, qui s'élève dans l'air lorfqu'on les frappe, qu'on les brife ou qu'on les frotte un peu rudement. Quoi qu'il en foit, de quelque nom que fon appelle ce que l'agitation de l'air froid enlève & détache fans cefle de deffus la glace, il eft du moins bien conftant que cette pré- tendue vapeur n’eft que de la glace réduite en une poudre impalpable : or s’il arrive que cette poudre glaciale, fournie par les glaces du Nord, & par les neiges dont les plus hautes montagnes font couvertes en tout temps, fe répande dans l'air en grande quantité & foit tranfportée par les vents d'un climat dans un autre, elle eft très-propre à y produire ces froids fubits qu'on obferve quelquefois, & que l’on eft fort embarraflé d'expliquer par une fimple privation de chaleur & par la feule abfence de la matière du feu. M. le Roy, de cette Académie, na fait part à ce fujet d'une obfervation qui fe trouve dans le quarante-deuxième volume des Tranfaét. philofoph. / année 1742, n° 465) & qui mérite de trouver place ici comme une preuve expéri- mentale de la théorie qu'on vient d’expofer. M. Middleton ; Capitaine du vaifleau de guerre anglois /a Fournaife , dans fon Mémoire fur les effets du froid au fort du prince de Galles, fur la rivière de Churchill dans la baie d'Hudfon, rapporte (p. 1 63) que les brouillards qui viennent des régions polaires, paroiffent fenfiblement contenir un nombre infini de petits gla- çons ou flalactites de glace auffi fins que des fils & des cheveux, & aufli pointus que des aiguilles : ces glaçons fe logent dans les habits ; & fi le vifage ou les mains font découvertes, ils y excitent des ampoules aufii blanches que le linge & aufli dures que la corne. Et plus bas / page 1 64) il attribue à la même caufe le froid plus vif que ne l'indique le thermomètre, que l'on fent en Angleterre certains jours quand le vent du nord fouffle; ce font, dit-il, apparemment de pareils glaçons, apportés par ce vent, qui caufent ce froid, mais qui étant imperceptibles, échappent à notre vüe, ES RCD DES SCIENCES. 269 OBSERVATION DE LA CONJONCTION ECLIPTIQUE DE MERCURE A DEC Al 2 BNC 0 ELLE Arrivée le 6 Mai 1753 au matin, FAITE A L'OBSERVATOIRE ROYAL; Avec des Recherches fur l'Inclinaifon vraie de l'orbite de certe Planète, par rapport au plan de l'E‘chprique, Par M. LE GENTIi. KE me borne, comme lon voit, dans ce Mémoire, à rendre compte à la Compagnie, 1.” de mes obfervations fur le dernier pañlage de Mercure devant le Soleil, & des conféquences que j'en ai tirées touchant quelques principaux éléinens de la théorie de cette Planète; 2.° de ce que j'ai fait pour déterminer F'inclinaifon vraie de l'orbite de Mercure fur l'Ecliptique. Les autres élémens de la théorie de cette Planète, qui font fon moyen mouvement, fon aphélie & fon excentricité, demandent, pour être déterminés avec pré- ‘ cifion, un bien plus grand nombre d’obfervations : j'aurai occafion d'en parler dans un autre temps. Le 6 Mai de Ia préfente année 175 3, peu de temps après le lever du Soleil, j'effayai de faire quelques obfervations avec le quart-de-cercle de deux pieds, dont je devois me fervir conjointement avec M. de Thury; mais ce quart-de cercle ayant d'abord été placé en dehors fur la terraffe inférieure, étoit fi confidéra- blement agité par le vent, que je ne pouvois le plus fouvent diftinguer, avec toute la précifion requife en pareil cas, les approches, foit des bords du Soleil, foit de Mercure, au fil perpendiculaire & à lhorizontal de la lunette, de forte que je n'ai fait aucun ufage de ces premières obfervations, qui LI iÿ 30 Juin 1753: »70 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ne ie paroiffent pas aflez füres. Le Soleil s'étant enfin élevé au dellus des toits des maifons qui jufqu'alors nous avoient empêchés de nous placer dans la tour orientale, & le quart- de-cercle y ayant été rapporté (ce qui fut fait vers 5° 30°) nous fumes pour lors à l'abri du vent. Je continuai d'ob- ferver jufqu'à près de 9 heures 30 minutes Mercure & le Soleil dont les bords, pendant tout le temps de l'obfervation, ne furent cependant pas exempts d'un tremblement & d'une ondulation affèz marqués. Ces apparences fe font encore fait voir au temps de la fortie de cette Planète, quoique le Soleil fût alors à une très - grande hauteur au deflus de l'horizon, de forte que je ne crois pas trop dire en aflurant que ce phénomène (quelle qu'en foit la caufe) a dû diminuer un peu de l'exactitude de cette dernière oblervation. Je rapporte ici mes obfervations dans ordre que je les ai faites, où l’on voit que j'ai eu foin de prendre les deux bords du Soleil *, foit en obfervant au fil perpendiculaire, foit en obfervant au fil horizontal de la lunette, condition abfolument néceffaire à cette méthode : lon voit aufii dans deux colonnes à côté les différences d’afcenfion droite & de déclinaifon qui réfultent de ces obfervations. J'ai calculé ces différences jufqu’à la précifion des 1 005 de fecondes, parce qu'une feconde de temps étant égale à 1 $ fecondes de degré, je n'ai pas cru pouvoir me flatter de réuflir à déterminer J'afcenfion droite & Ia déclinaifon de Mercure avec toute l'exactitude que peuvent donner les obfervations, fi je ne faifois entrer dans mes calculs ces fortes de fraétions. * Pour l'intelligence de chaque obfervation & des fignes (© & 5), il faut faire attention à ce qui fuit. Les deux premiers fignes qui re- préfentent le Soleil, marquent, l’un ou premier, l’attouchement de fon bord précédent au fil vertical : le fecond , l’attouchement de fon bord fupérieur au fl horizontal. Les deux fignes qui fuivent & qui repréfentent Mercure, marquent, l’un Je pañlage du centre de cette planète par le fl vertical, l’autre le paflage par le fil horizontal ; enfin les deux derniers fignes qui repréfentent encore le Soleil , marquent , lun le bord füivant qui quitte le fil vertical , l’autre le bord inférieur qui quitte le fil horizontal. en rene . del DES SCIENCES 274 s" 32° 4 4" © Différences Différences A di di hd nnnane 1 HER SE à Ft HSE . 36: 11, 12. 10) N2OUO : EE donc 7. 30. 43 HE es cn Nr de 22 3 + 19 (donc 9. 13-114 / 36,55, EN 2oscs 2 en afcenfion droite. à en déclinaifon. 2 © 313 y Kdonc 5h34’ 461 re) + 45 4700 21+© ni _94 “ nr. 17 755 2 ec. 755 +. 14: 0O + 23: © . 45 x\donc 6. 23. 47 72 pu Hi 72 + ISÈF + 46 . 215 © CR Re re D Pa ee 3 © 247 © + 14 9 donc 7. r5. 42 MA LEE 27 HAro xs AUOT 7 EP IE Lee] 190 + 462 ie ORNE MRT AN 12 © z % + 48 © 504 © 272 MÉMorIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE h ’ Différences Différences 9 à. 34.0 en afcenfion droite. f en per 9. 10. 45 © 18. 57 # | donc 9" 19° 48"1 2 86 " 12 17 Name 4624 Aer 9+ 21. 23+0 9. 22. 28 © Comme le Soleil devenoit de plus en plus difficile à obferver, à caufe de fa trop grande hauteur, & que d'ail- leurs je croyois avoir un nombre fufhfant d'obfervations pour en tirer toutes les conclufions que je pouvois fouhaiter, j'employai le refte du temps à me préparer à l'obfervation de fa fortie. J'avois, pour cela, fait drefler deux échelles doubles fur la terrafle inférieure, vis-à-vis & tout proche l'appartement qui communique à la tour orientale, afin d'être à l'abri du vent de nord-eft qui fouffloit affez fort : javois aufli placé à côté de moi ma pendule, à laquelle Jeus foin de faire marquer les mêmes minutes & fecondes que marquoit celle du cabinet; ce qui me devoit être.d'un grand fecours, puifque j'en étois affez près pour pouvoir en- tendre battre les fecondes. Enfin, à roh 18° 47”, les bords de Mercure & du Soleil me parurent fe toucher; & à 10h 21° 42", il me parut entièrement forti. Selon mon ob- fervation, cette planète a employé 2° 55" à fortir : j'ai aufli eftimé le moment auquel elle m'a paru à moitié fortie, & j'ai jugé que ce moment eft arrivé à ro 20° 12". Je me fuis fervi, pour faire cette obfervation , d’une lunette de 15 pieds, à liquelle j'avois appliqué mon micromètre, garni de deux oculaires de $ pouces de foyer chacun, & de 22 lignes dé largeur, placés fun fur Fautre, & entre lef- quels j'avois laiflé un très-petit intervalle, pour empêcher feulement qu'ils ne fe touchaffent. C'eft avec ce même micromètre, fait & conftruit par le fieur Roifin, très habile Horloger, que j'ai obfervé le diamètre apparent de Mercure, après J'avoir fucceflivement Fe LL + mroioutes -d DES MOTCOME NhC2E 16 27% la lunette de 32 pieds, à celle de 15 dont je viens de parler, & enfin à celle de 7. pieds & demi, pour laquelle ce micromètre eft principalement deftiné; mais comme cette obfervation demande un examen particulier, tant par rapport aux moyens que J'ai employés pour connoître exactement Ia valeur des parties de mon micromètre, que par rapport aux conféquences qu'on peut tirer de ce diamètre oblervé, j'ai cru devoir en diflérer la publication jufqu'à ce que j'aie raf- femblé toutes ces chofes fous un même point de vüe, pour en faire l'objet d'un Mémoire féparé. | J'ai aufli été très-attentif à examiner avec quelle préci- fion l’attouchement intérieur des deux bords & Ia fortie totale me paroîtroient fe faire; mais, quelque foin que j'aie pris à regarder les bords de Mercure & du Soleil, je n'ai point vû la lumière du bord de cet aftre fe féparer en deux, & couler le long des bords de Mercure, pour le laifler pafler, avec une vitefle telle, qu'on en püt marquer l'inftant à moins de 2" de temps: cette phafe au contraire me parut très-difficile à déterminer, puifqu'après avoir écrit mon réfultat & être re- tourné à ma lunette, je doutai encore pendant plufeurs. {e- condes. Je n'eus pas les mêmes doutes fur linftant de a fortie totale, car Mercure étant prêt à fortir, ce qui reftoit alors de fon difque apparent fur celui du Soleil me parut fous la forme de la pointe d'un petit cone qui diminuoit très-fenfiblement , & dont enfin là difparution totale fe fit apercevoir f1 diftinétement, que j'ofe aflurer qu'elle s’eft faite, à mon égard, en moins de deux fecondes. La différence de 16" que je trouve entre mon obfervation & celle qui a été faite à la lunette de 32 pieds par M. de Thury, qui a vü le contact intérieur des deux bords plus tard que moi de cette quantité, prouve, ce me femble, ce que j'ai dit fur ce contact; au lieu que pour la fortie totale, les deux lu- nettes n'ont donné aucune différence, Mém. 1753 if . Mm 274 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE RoYALE TaB1E des Afcenfions droites | Déclinaifons | Longitudes & Latitudes de Mercure pour le temps vrai de chaque obfer- tion rapportée ci- deffus, en fuppofant le lieu du Soleil pris des Tables de M, Caffini, & l'obliquité de l'E chptique de 2341281 20" Afcenfion droite, Y Déclinaifon Bor, Longitude, _ | Lat. Auf "35" 31"l43tait 12" [164 34 12" |45t 49" 6"|1 41 . 16. 28:43. 18: 11116, 32. 9 |45.45. 36 |2. 46 < .31. 2924/4317. 33 [16 31. 57 45.45. 5$ |2. 50 + 13: 593|43e 16. 25 |16. 29. 58 |45.43. 34 |4. 25 ..20. 36:|43. 16. 202|16. 29. 49 5|45. 43. 25 |4. 31] Pour avoir la conjonétion de Mercure au Soleil, j'ai employé l'obfervation de 5h 3 5'+, comparée à cellé de 7h 1’ 4, Ces deux obfervations fe trouvent à très-peu près à égale diflance du moment de la conjonction: j'en ai vérifié le réfultat par une autre obfervation que j'ai faite à 7h 16’1, qui n'eft elle-même guère moins éloignée du moment de la conjonction que les deux précédentes. Pour ce qui eft de l'inclinaifon de l'orbite, & de la latitude de Mercure au temps de la conjonétion, j'ai employé la première obferva- tion & les deux dernières : celles-ci ne font éloignées entre elles que de 6”, mais elles le font de 3h À de la première; en voici de réfultat, VS NN E'ZTÉMENS calculés d'aprés la Table précédente, en fuppofant le demi-diamètre du Soleil de 1553" = Conjonétion de Mercure au Soleilà .......... 6h 36° 15° Paflage de Mercure par le milieu du Soleil à ..... 6. 29. 39 Latitude au temps de la conjonétion . ......... 2. 334 Plus petite diftance des centres . . .... 2x0 ML Vo 2. 312 . Corde que Mercure a dû décrire dans le Soleil . .. .. 3123 Temps que Mercure à mis à la parcourir. . ...... 7. 41. 00 Mouvement horaire de Mercure . ..... se. 4 10% Inclinaifon apparente de l'orbite . .....,...,, 10 5° 44 DENT, NS CL 'E NICE, S 275$ TABLE des Longitudes & Latitudes de Mercure väes de la Terre, réduites au centre du Soleil, en fuppofant le rapport des diflances de Mercure au Soleil & à la Terre, dans la pro- portion de ces deux logarithmes 4, 65 6441 .….4,745614, ” c'eff-à-dire, comme 45 336 efl à 55669. Longitudes, Latitudes Auflrales. 5" 35° 31”2 1 154 40! 10" O2 LA 7. 16. 20 + LS STE ET 0 0. 3: 24 AM MONET IE Ie 15+ $3- 24 0. 3. 29 9. 13. 59% I. 16. 6. 42 0. $. 26 9. 20. 36+ I. 16. 7. 28 0. 5. 34 Ces réduétions m'ont donné les Elémens fuivans : La latitude au temps de Ja conjonction . ...... 3° M’ou8! Le mouvement horaire vrai de Mercure . ...... 7. 15 Z Le lieu du nœud afcendant . .... RAC PCA As il SSL LE LENS ta Et l'inclinaifon vraie de l'Orbite de. ....... : 7e. $. 00 Je vais maintenant rendre compte des autres obfervations qui m'ont fervi à déterminer avec plus d'exactitude l'incli- maifon de Yorbite de Mercure, par rapport au plan de TEcliptique, & les expofer dans le plus grand détail. Les Aftronomes favent que cette inclinaifon déduite des feules obfervations des paflages de cette planète fur le Soleil, eft confidérablement différente felon qu’on emploie des obfer- vations plus ou moins exactes, & en même temps plus ou moins éloignées les unes des autres : les moindres erreurs dans les obfervations peu éloignées, influent confidérablement fur l'inclinaifon de l'orbite, & ces erreurs fe trouvent d'autant plus diminuées que les obfervations font plus éloignées entre elles ; c'eft,ce qui, m'a engagé à rechercher l'inclinaïfon .de l'orbite de Mercure par d’autres obfervations que celles des paffages de cette planète fur le Soleil. Le moyen le plus für _de parvenir à la ,connoiffance de cet élément de la théorie de Mercure , eft, comme on le fait , de choifir le temps auquel . gette planète fetrouve à 90 degrés de diftance de fes nœuds, M m à 276 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ou au moins très-proche de fes plus grandes latitudes ; mais ceux qui ont éprouvé combien il eft difficile d’apercevoir Mercure à fon paflage au méridien, n'auront pas de peine à convenir que quoique cette méthode offre aux Aftronomes un très-grand nombre d'obfervations toutes également propres à remplir Fobjet qu'ils pourroient fe propofer, il ne leur arrive cependant que très-rarement d'être aflez heureux pour en faifir quelques-unes, Mercure fe dérobant , pour ainfi dire, prefque continuellement à leur vigilance; c’eft de quoi M. de la Hire s’eft plaint dans les Mémoires de l'Académie, il y a déjà bien des années. Je pourrois avec raifon dire Ja même chofe que ce favant Aftronome, puifqu’ayant fouhaité d'avoir, vers la fin du mois paflé & vers le commencement de celüb-ci, quelques obfervations de cette planète, tant par rapport à l'inclinaifon de fon orbite que par rapport à fon excentricité, & ayant en conféquence pris toutes les pré- cautions poflbles, nous n'avons cependant pü réuffir à la voir, mème dans le plus beau temps. J'avois appliqué au quart- de-cercle mobile de 6 pieds, ma lunette de 8 pieds, & l'ayant dirigée le 27 Mai au foir, à l'aile boréale de la Vierge, j'attendis le jour fuivant au matin, par un très - beau temps, Mercure qui ne parut point, & qui, felon le calcul de la Connoiffance des Temps & celui que j'en avois fait, devoit avoir ce jour la même déclinaifon que l'étoile à fon pañlage au méridien. Il m'eft cependant arrivé d’obferver cette planète dans le mois d'Oétobre, lorfqu'elle étoit plus près du Soleil, & qu'elle avoit près de 30 degrés de hauteur méridienne de moins que dans la circonftance préfente. Au défaut d’une pareille obfervation, dont l'attente n''avoit fait différer la publication de celle-ci, j'ai fait ufage, pour la recherche de l'inclinaifon de l'orbite de Mercure, d’autres obfer- vations faites dans les mêmes circonftances, c’eft-à-dire, dans des temps où cette planète étoit vers les limites de fes plus grandes latitudes, ce qu'il m'a réuffi d’obferver en deux différentes fois, comme on va le voir par le détail que j'en donne ci-après. J'ai fuppofé dans mes calculs la longitude du nœud afcendant #1 DES SCIENCES. 277 de Mercure, telle que je viens de l'établir, c’'eft-à-dire, de 1 154 24 14". Cette longitude comparée à celle que M. Häalley a fixée en 1677, par fes propres obfervations, favoir, de 1{ 144 21" 3", donne le mouvement du nœud afcen- dant de Mercure de 14 3° 1 1” dans l'efpace de 7 $ ans 6 mois, ou de 14 23° 41"en 100 ans. Or la préceflion moyenne de l'équinoxe étant pour le mème temps de 14 23’ 20", il en réfulte que fi le nœud de Mercure a un mouvement réel, il eft prefque infenfible, puifque la différence d'avec la première étoile du Bélier ne feroït que de 2 1" en 100 ans felon l'ordre des fignes. J'ai encore conclu , en partant des mêmes points, le mouvement annuel du nœud de 50” 2%, & fa longitude ou fon époque pour l'année 1700, de 11 154 39° 32”. En 1750,le $ Oétobre, j'obfervai le paflage de Mer- cure au quart-de-cercle mural à 1° 31° 17" de temps vrai, dont Ôtant 2"+ pour la déviation de cet inftrument à Ja hauteur. de 24d 37° 20", où étoit Mercure, on aura le paflage de cette planète au méridien à 1h 31° 15". Lafcen- fion droite du Soleil étant alors, felon les Tables de M. Ciffini, de 1914 10° 8", j'ai conclu celle de Mercure pour le même temps, de 2134 58 53". Si maintenant, de la hauteur méridienne trouvée ci-deffus, on ôte 6' 40", tant pour l'effet de la réfraction, que parce que le mural hauffoit alors de 4° 30”, on en pourra condlurre la hauteur vraie de Mercure de 24d 20° 40”, & enfm fa déclinaifon méridionale de 164 39° 10": de ces élémens, on tire la longitude de cette planète de 2174 18° 19", & fa latitude auftrale de 24 ç0! 23". Le lieu du Soleil étoit, pour ce moment, de 6f 1 24 8° 2"+, & par conféquent l'angle à la Terre de 2 CARE La diftance de Mercure au Soleil, prife fur lorbite * de cette planète, étant exprimée par ce logarithme 4. 643 198, & celle du Soleil à fa Terre par cet autre 4. 999404, j'en ai conclu angle au Soleil de 784 31 23" L, la latitude de Mercure, vüe du Soleil, de 64 31° 23", & fa longitude, aufhi vüe du Soleil, de of 234 38° 29", éloigné de 684 X J'ai réduit cette diftance à l'Ecliptique, ainfi que dans l'exemple fuivant, M m ii 278 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE I À 48" de fon nœud afcendant, ce qui donne l'inclinaifon de l'orbite de cette planète de 71 1 00" +. En 1751, le 6 Mai, M. de Thury oblerva le pañlage de Mercure au méridien à 1h 00" 47" + de temps vrai; l'afcenfion droite du Soleil étoit alors de 434 4 A7 Nec par conféquent celle de Mercure de 584 16’ Fr: J'ob- férvai en même temps, au feéteur de 6 pieds de rayon, la hauteur méridienne de cette planète de 22d 40'+ 556 TZ parties, qui valent 6” ae ce qui donne la hauteur appa- rente de Mercure de 634 20° 34”, & fa déclinaifon fepten- trionale de 224 10° 15", fa longitude de 604 50" 36", & fa latitude boréale de 14 $1° 15". J'ai fuppofé que la UE du fefteur fait avec le fil à plomb un angle de 494 ! 4o", tel que je l'ai trouvé cette même année 1757, par Ardlurus & la Lyre. Le lieu du Soleil étoit alors de 1f I we 33° 14"+, & par conféquent Fangle à la Terre de 1 54 1721" 2 1 brie de Mercure au Soleil, prife fur fon orbite, étant repréfentée par ce logarithme 4. 588828, & celle de la Terre au Soleil par cet autre s. 004326, on en peut condlurre angle au Soleil de 1084 31° 23", & la latitude, auffr vüe du Soleil, de 3f 27d 1° s1” enfin la longitude héliocentrique de Mercure, de 3° 27d 1" 51”, éloigné de 714 39° 20" de fon nœud, ce qui donne linclinaifon de l'orbite de cette planète de Gd $ 9° 30" +, plus petite de 1” + que par la détermination précé- dente ; de forte que fi l'on prend un milieu entre ces deux déterminations, & qu’on fuppofe a vraie de 7d oo" 15", cette inclinaifon fera feulement de 1 $” plus grande que elle qu'on trouve dans les Tables de M. Caffini, mais plus grande de 55° ‘que celle que M. Hälley a établie dans fes Tables de 64 59" 20". J'ai eu égard, dans les calculs précédens , au mouvement du nœud , “mais j'aurois abfolament pü négli- ger cette petite correction, puñfqu'une erreur d'un decré dans le lieu du nœud n’en peut caufer qu'une de 2 fecondes dans Finclinaifon de l'orbite, lorfque Mercure fe trouve aux «en- virons de fes plus grandes latitudes, LEA ne RS D'ENs, $C TE NuC:E ;S 279 OO OO RE CU, E RC Es SUR LES ORGANES D E LA VOIX DES QUADRUPEDES ET DE CELLE DES OISEAUX. Par M. HERISSANT. E premier objet de l’Anatomie, & le plus intéreffant pour nous, eft la connoitlance des parties qui entrent dans la compofition du corps humain: elle nous fournit fouvent des lumières par rapport à cet objet important, lors même qu'on étudie les parties intérieures des animaux dont la ftructure femble s'éloigner le plus des nôtres. Cette dernière étude, qu'on nomme fl Anatomie comparée ; a toüjours au moins des faits extrémement curieux à nous apprendre, lorf- qu'elle nous fait voir combien diffèrent entr'eux les organes que Auteur de la Nature a employés dans différens ani- maux pour parvenir à une mème fin, pour produire des effets affez femblables. Ceux qui font deftinés à former la voix de homme; avoient été affez mal obfervés par les Anciens : la trachée-artère ayant quelque reflemblance avec une flûte, ils s'en étoient . tenus à regarder la formation de la voix humaine comme celle des fons qui font rendus par cet inftrument. Galien femble être le premier qui ait pris la glotte pour le principal organe deftiné à la produire. Mais il avoit été réfervé à l'illufire M. Dodart de nous apprendre dans deux excellens Mémoires imprimés parmi ceux de l'Académie, à admirer comme il mérite de l'étre, un infhument f1 fimple en apparence ; il y a fait regarder k glotte comme un inftrument à cordes à à vent en méme Arnëès 170% Ÿ 1706, Mém. Acad, an, 1700, Page 262. 280 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE temps, incomparablement plus parfait que ceux de Fun & de l'autre genre que l'art met entre nos mains. M. Ferrein a depuis publié un grand & favant Mémoire, parmi ceux de l'Académie de 1741, dans lequel il s'eft propolé de donner de nouvelles lumières fur la méchanique de la formation de {a voix de l'homme. Les organes employés à former celle des animaux de différentes clafles, n'ont paru dignes de plus d'attention qu'on ne leur en donne. Les quadrupèdes & les oifeaux de chaque efpèce favent rendre des fons qui leur font particuliers, par lelquels ils fe font entendre entreux, qui expriment leurs beloins, &, s'il eft permis de le dire, leurs defirs & leurs fen- timens. En quoi les organes ‘qui leur ont été accordés pour former ces fons, reffemblent-ils à ceux qui nous fervent pour là même fin, & en quoi difièrentls? Les recherches que j'ai faites pour n'en inftruire, m'ont valu des obfervations qui fourniront deux parties dans ce Mémoire, la première {ur les organes de la voix des quadrupèdes, & la feconde fur ceux de la voix des oifeaux. Les comparaifons que j'aurai à faire d'organes à organes, demandent que lon fache que les Phyficiens conviennent unanimement aujourd'hui que la glotte, ou pluflôt fes lèvres, font ceux de la voix humaine. On jugera pourtant encore mieux des effets que font capables de produire les parties qui peuvent être particu- lières à certains animaux, fi lon a une idée de la manière dont agit la glotte de l'homme : auffi crois-je devoir rappeler celle que le célèbre M. Dodart nous en a donnée, & dans {es propres termes. « La voix, dit-il, ne peut être formée que par la glotte… » les tons de fa voix font des modifications de la voix, ils » doivent donc être produits par les modifications de la glotte. » Or la glotte n'eft capable que d'une feule modification: cette » modification eft l'éloignement & l'approchement mutuel » de fes lèvres. Ce doit donc être par-à, qu'elle produit les » différens tons de la voix. Cette modification comprend deux » circonftances. L'une capitale, & première pour la production de d F- DES SCiENC-ES. 285 de la voix. L'autre qui n’eft qu'une conféquence de celle-là, « mais une conféquence fi néceflaire & fi infaillible, que la « première ne peut-être fans la feconde. La première eft que « les lèvres, depuis le plus bas ton, jufqu'au plus haut, fe bandent « de plus en plus ; la feconde, que plus elles fe bandent, plus « elles s’'approchent. Il s'enfuit de la première, que leurs vibrations « feront d'autant plus fréquentes qu'elles approcheront de leur « ton le plus haut, & que la voix fera jufte, quand les deux « lèvres feront également bandées ; & fauffe, quand elles le feront « inégalement, ce qui s'accorde parfaitement avec a nature « des inftrumens à cordes. Il s'enfuit de la feconde, que plus « elles haufferont le ton, plus elles s'approcheront, ce qui « s'accorde parfaitement avec les inftrumens à vent gouvernés « par des anches. Les degrés de contention dans les lèvres « font la première & principale caufe des tons, mais leurs « différences font peu fenfbles, & difficilement aflignables. « Les degrés d'approche ne font que des fuites inféparables de la « contention, première caufe des tons; mais il eft plus aifé de « concevoir & d’affigner ces degrés. T'enons-nous-en donc À pour « donner une idée plus précife de la chofe, & difons, cette « modification confifte dans une tenfion d’où s'enfuit la fubdi- « vifion nombreufe d'un intervalle d'une très -petite étendue ; « mais quelque petite qu'elle foit cette étendue, elle eft, phyfi- « quement parlant, capable d'une fubdivifion infinie.» Le même Auteur ajoûte ? « on ne peut comparer la caufe ui met en branle les lèvres de la glotte ( qu'il appelle « vocale ? ) qu'à celle qui fait réfonner cette efpèce d’inftrument « (fi toutefois on le peut ainfi nommer) qui réfulte de l'effet « d'un vent impétueux donnant dans le papier entrouvert qui « jointun chaffis mal collé avec Ja baie d'une fenêtre. J'appellerai, dit-il, cet inftrument, chaffis bruyant, pour abréger. » Les fentimens d’admiration dont M. Dodart avoit fà fe remplir pour cette glotte qui, quoique fi fimple en appa- rence, produit des. modifications de fons fi variés, il les a fait pafler dans tous les Phyficiens ; mais comme s'ils euflent cru tout Part de fa Nature épuifé dans fa conformation, il Mém. 175 3. . Nu A n = Mn, Acad. an. 1700» page 258. bAn.1 70 7à page 66. 282 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE ne femblent pas avoir daigné chercher fi les organes de Ja voix des quadrupèdes n’avoient point de particularités dignes d’être connues. Des voix plus imparfaites que celle de Jhomme auront d'autant mioins paru avoir exigé une méchanique qui leur füt propre, que ces animaux ont une glotte; mais n'ont-ils rien de plus? agit-elle chez eux comme dans l'homme, à cela près qu'elle agit plus grofliè- rement? eft-elle un organe auffi effentiel à la formation de leur voix ? C’eft ce qui a fait l'objet des recherches qui entreront dans la première partie de ce Mémoire. Parmi les quadrupèdes, il y en a à qui la Nature n'a donné comme à l'homme, pour principal organe de leur voix, qu'une glotte, & de ce nombre font plufieurs de ceux qui nous font les plus familiers, tels que le chat, le mouton, le taureau, le cerf, &c. Un dromadaire mort à Paris depuis peu, & dont j'ai fait la diffletion, m'a auffi fait voir que les animaux de fon efpèce n'ont pour unique inftrument de leur voix qu'une glotte : il y a pourtant quelques variétés entre celle de différens animaux, mais peu frappantes , & auxquelles il feroit trop long de m'arrêter ; auffi mettrai-je ces animaux dans la claffe de ceux que j'appelle à organe fimple. Je placerai dans une feconde clafle les quadrupèdes que je nommerai à organe compoé, parce qu'ils ne font pas réduits à avoir feulement une glotte. Parmi ceux-ci il y en a, commé parmi ceux de la première clafle, qui font jour- nellement fous nos yeux, qui ont des organes plus com- pofés qu'on ne s’attendoit à leur en trouver. On ne s'ima- gineroit pas que la Nature fe fût mife, pour ainfi dire, en plus grands frais pour faire hennir un cheval, pour faire braire un âne & un mulet, pour faire grogner un cochon, que pour rendre la voix humaine capable de nous faire entendre les fons les plus agréables. Elle a pourtant donné à quelques-uns de ceux-ci, outre la glotte, une membrane tendineufe, difpofée avec beaucoup d'art, qui doit concourir à la formation de la voix & y avoir même la principale part; elle a accordé à d’autres plufieurs membranes de nature DES SCIENCES: 283 différente; elle en a pourvû d’autres d'efpèces de facs plus où moins amples, & plus ou moins épais, qui dans quel- ques-uns font membraneux, & dans quelques autres offeux ; d'autres ont reçû d'elle en partage, & membranes parti- culières, & facs: d'autres enfin ont dans leur larynx une certaine cavité ou une efpèce de tambour capable de rendfe des fons très-forts, comme on en jugera par les exemples que je vais rapporter de ces organes de la voix plus ou moins compolés. Tous les fons en général font produits par les vibrations promptes & fubites, qui fe füccèdent rapidement, des petites parties des corps fonores qui meuvent & agitent l'air avec une grande vitefle. Les vibrations, les trémouflemens des lèvres de la glotte n'euffent pas fufh pour produire le hen- niffement du cheval. Cette efpèce de chant, s'il eft permis de lui donner ce nom, commence par des tons plus ou moins aigus, accompagnés de tremblottemens & entrecoupés, & finit par des tons plus ou moins graves, par être plus ou moins rauque, & comme fait par fecouffes. Cette feconde partie du henniffement eft dûe aux lèvres tendineufes de Ia glotte (que M. Dodart * appelle cordes dans homme) ; mais Yautre left principalement à une petite membrane à reflort (A, planche 1°) dont a pofition indique Fufage. Quoi- que je ne fache pas qu'aucun Auteur en ait fait mention; elle eft aifée à trouver quand on a dans fes mains le larynx & d'un cheval, elle eft tendineufe, très -mince, très-fine & très-déliée; fa figure eft triangulaire, elle eft pofée à plat fur chaque extrémité des Ièvres de la glotte (B, même pl.) du côté du cartilage thyroïde /C), & porte par conféquent en partie à faux (D). Cette membrane n'étant que lâchement aflujétie en cet endroit, peut aifément trémouffer dé haut en bas & de bas en haut fur les lèvres tendineufes de a glotte, à peu près comme trémouffe la languette de métal renfermée dans le corps des tuyaux d'orgue. On mettra fous fes yeux le jeu de cette membrane, & on f convaincra que c'eft fon jeu qui produit principalement Nni * Mém. Acad « af. 1700, pe 280, lig. 20; 286, ligne 1; 291, ligne 20; 292, ligne 7» Ce 284 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE les fons aigus du henniflément, f1 Yon prend un larynx dé cheval récemment tué, qu'on le comprime d'une main fur fes parties latérales pour étrécir la glotte, qu'enfuite on poule de fair fortement par la trachée-artère; alors on entendra très-diftintement le fon aigu, qu’on imitera plus parfaitement fi on lance l'air par petites fecoufles. Il y a plus, c'eft que fi l'on fait une légère incifion tranf- verfalement aux fibres tendineufes des lèvres de la glotte, du côté des cartilages arythénoïdes, & qu'on vienne à pouffer de l'air de même que je le viens d'indiquer, alors les mêmes fons aigus fe font entendre comme auparavant , quoiqu'on ait procuré par cette fection un relâchement manifefte à ces lèvres. | On réuffit encore mieux à faire réfonner la membrane à reflort, fi lon introduit par la partie inférieure du larynx un chalumeau de la groffeur du petit doigt, placé un peu au defflous de cette membrane; alors fi on foufile par le cha+ Jlumeau, on voit au premier coup d'œil avec quelle promp- titude elle trémoufle, & on entend le fon éclatant du hen- niflement. On fe fera une jufte idée de la méchanique par laquelle un cheval rend des fons femblables à ceux qu'on a formés en foufflant dans une trachée-artère de cet animal, f: l'on en obferve avec attention un dans le temps qu'il hennit. On voit que cet animal, après avoir fait une grande infpiration, refférre infenfiblement fa poitrine & la rend, pour ainfi dire, immobile, tandis que le diaphragme agiflant de concert avec les mufcles du bas-ventre par de petites fecoufles, fait fortir l'air avec impétuofité & à diverfes reprifes par la glotte, qui s'étrécit alors par l'approchement de fes lèvres plus ou moins bandées; ce qui fait que cet air fe portant avec violence fous la membrane à reflort du côté de laquelle il fe trouve né- ceffairement dirigé par la ftruéture des parties, la foûlève & la frappe avec une violence extrême & à plufieurs reprifes, pour y exciter des vibrations promptes & des trémouflemens entrecoupés. En un mot, le méchanifme par lequel cçtte DRE ISICAT'E N:C-E S 285 membrane eft mife en jeu, eft précifément le même que celui que nous obfervons chez nous lorfque nous faifons des éclats de rire. Au refte, le fon éclatant du henniffement eft d'autant plus aigu, que la membrane tendineufe & à reflort eft plus ou moins fine & déliée, que fes attaches font plus ou moins fâches, &c. car cela varie fuivant les fujets. Quant aux fons graves & par fecouffes, qui terminent fe henniflement, il eft certain qu'ils font excités par les tré- mouflemens plus on moins lents des cordons forts & épais qui forment les lèvres de la glotte, lefquels fe débandent lorfque le fon clair & aigu cefle de fe faire entendre: l'ex- périence confirme cette vérité, Ce n'eft pas pour plaire à nos oreilles par fa voix, que le quadrupède qui a été pris pour le fymbole de l'ignorance, en a en partage une fi rauque, fi forte & fi étonnante, qu'elle feroit très-capable d’effrayer celui qui l'entendroit de près pour la première fois. Les organes qui étoient néceffaires, puifqu'ils ont été employés, pour faire rendre à lâne des fons fi defagréables, n'en font cependant pas moins dignes d'être connus; ils ont été bien plus multipliés que ceux qui produifent des fons que nous cherchons à entendre; ils offrent une méchanique qui fera admirée par tous ceux qui font fenfibles au plaifir de voir les belles variétés que la Nature a mifes dans fes ouvrages. Le fon rauque de la voix de l'âne n’eft pas, pour la plus grande partie, produit par le trémouffement des lèvres de Ia glotte, mais principalement par celui d’une partie qui paroît être plus ou moinstendineufe /A, planche 11) & qui eft aflu- jétie lâchement en manière de tympan fur l'ouverture d'une efpèce de caiffe de tambour, formée par un profond enfon- cement du cartilage thyroïde /B, méme planche )- Ce tympan a une direction prefque verticale, & eft fitué à l'extrémité des lèvres de la glotte (C); là il y a une petite ouverture qui communique dans cette caifle derrière le tympan [D ). Au defflus des lèvres de 1a glotte, on trouve encore deux grands facs affez épais , dont l'un eft à droite & f'autre à AT Nanii 286 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE gauche: chacun d'eux a une ouverture prefque ronde, &e comme taillée en bifeau, teurnée du côté de celle de Ia caifle { E). Telle eft à peu près la ftructure & l'arrangement des pièces ui forment principalement le fon éclatant qui fe fait en- tendre de loin à chaque expiration, lorfqu'un âne fait agir les organes de la voix. Une efpèce de tambour, quoique différent de ceux dont nous faifons ufage, eft ici le princi- pal agent; & les deux facs qui font au deflus des lèvres de la glotte, paroiflent être des agens auxiliaires. Mais comment ces pièces font-elles mifes en jeu? c'eft ce qui nous refte à examiner. Des infpirations & des expirations font répétées coup fur coup par l'animal ; il fait des infpirations fi confidérables , qu'il en femble prêt à être fufloqué, par la difhculté qu'il a d’infpirer l'air librement, parce que la glotte fe rétrécit : au contraire, dans le temps des expirations, le méme animal aroît être foulagé, parce que les lèvres de la glotte fe re- chent fufhfamment pour permettre à l'air de s'échapper fa- cilement du poumon. Dans le temps des infpirations, on entend une efpèce de fiflement ou de räle, plus où moins aigu, excité par l'air qui fe brife avec effort fur les lèvres de la glotte, fuppofce étrécie, ce qui fait que cet air paflant entre ces lèvres plus ou moins bandées, y excite des vibrations & des trémouflemens capables de produire le fon de voix plus ou moins aigu qu’on entend lorfqu'un âne infpire Pair, pour le rendre après cela avec des éclats de voix effrayans. L'air étant pouflé violemment par la trachée-artère pour fortir par la glotte, s'engouflre, pour la plus grande partie, dans la cavité du tambour, en fait trémoufler violemmient l'efpèce de tympan dont j'ai déjà parlé; d'où réfulte un fon plus ou moins éclatant, fuivant que ce tympan eft plus ou moins épais, & que l'air qui l'agite y excite des trémouflemens plus ou moins prompts. Nous paroîtrions avancer très-gratuitement que les lèvres de Ja glotie ne contribuent prefque en rien à la formation DES SCIENCES. 287 de ce fon de voix éclatant, fi nous ne rappoïtions pas les expériences qui nous Font démontré, & qui font aïfées à répéter. Si on prend un larynx d'âne, qu'on en détache prefque entièrement les lèvres de la glotte du côté des cartilages arythénoïdes, { F, planche 1 Le) & qu'on poufle de Pair avec force par um chalumeau de la grofieur du petit doigt, qu'on aura eu attention de placer un peu en deflous de l'ouverture qui communique dans le tambour, alors on imitera très-parfaitement le fon de la voix dont il eft queftion, quoique les lèvres de la glotte n'aient plus pour lors prefque aucune tenfion. On peut faire la même expérience en foufflant avec la bouche par la trachéeartère, pourvû quon ait la précaution de comprimer fufifamment le larynx fur fes parties latérales, avec une main qu'on y appliquera pour cet efiet. Le mulet a une voix qui fe rapproche beaucoup de celle de fon père, & ne reflemble nullement à celle d’un cheval qui hennit : aufi les organes par lefquels il en forme les fons, font prefque autant multipliés que ceux de la voix de l'âne, & conflruits à peu près de la même manière. Le tambour d'une compofition fr fingulière, qui fe trouve au larynx de Vâne, & qu'on ne voit point à celui du cheval, a été accordé au mulet. Voilà donc un animal qui doit fa naiffance à deux animaux d'efpèce différente, qui a en partage une partie d'une fhudure très-fingulière, propre au mâle; c'eft un fait dont la connoiffance ne fauroit être. indifférente à ceux qui cherchent à répandre du jour fur le myftère de la génération, & qui penfent, comme M. de Reaumur, avec beaucoup de vrai-femblance, que les mulets de diffé- rentes eflpèces d'animaux doivent nous fournir les faits les, plus propres à décider laquelle des opinions entre lefquelles on eft partagé par rapport à cette importante matière, eft vraie. C'eft encore un animal que nous ne mettons pas au rang des nobles, & qui eft très-bien placé dans celui des plus 288 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE mal-propres de tous , qui va nous fournir un exemple d'uné difpofition particulière des organes de la voix. Celle du cochon n'écorche pas moins nos oreilles que celle de läne, Jorfqu'il pouffe des cris extrêmement perçans & aigus: ces cris font bien moins fupportables que le grognement qui lui eft plus ordinaire. On vient de voir que dans le cheval, dans l'âne & dans le mulet, les lèvres de la glotte n'ont que peu de part à la formation de la voix, qu'elles n'en font pas les princi- paux agens: il en eft de même dans le cochon , dont les cris variés ne font point excités, pour la plufpart , par lac- tion des lèvres de la glotte, mais par le trémouflement de deux grands facs membraneux dont parle Caflerius en ces termes: Æoramina duorum ventrium per que aër ingreditur ad “grunnitunt in porcis efficiendum. Chaque fac eft fitué au deflus d’une des lèvres de la glotte, l'un fur la droite, & l'autre fur la gauche / À, planche 111). Mais ce qu'il y a ici de remar- quable, c'eft que chaque lèvre /B) eft refendue dans prefque toute fa longueur, comme fr elle devoit former une petite glotte particulière /C), outre la glotte ordinaire: cette fente de chaque lèvre eft l'endroit par où elle communique avec le fac qui lui appartient, c'eft l'ouverture du fac: ce font ces rands facs qui font mis en mouvement pour produire la plufpart des différens fons de voix particuliers à cette efpèce d'animal: voici coniment. Lorfqu'un cochon veut poufler quelques cris, il faut né- ceffairement que fa glotte s'étrécifle, ce qui fait que l'air qui eft chaffé du poumon, trouvant de la difficulté à s'échapper, fe porte en partie dans les grands facs où il trouve moins de réfiftince à entrer, leur ouverture fe préfentant en fon chemin ; il gonfle ces mêmes facs, y excite des trémoufle- mens d'autant plus prompts & d'autant plus violens, que Vair y eft lancé avec plus ou moins de force, d'où réfultent des fons de voix ou des cris plus ou moins perçans. I eft aifé de fe convaincre de cette vérité fur des arynx de D'EtSV SCT E Nc ES 289 de cochons récemment tués* ; pour cela, il faut fouffler avec la bouche par la trachée’artère, en comprimant fuffifamment le larynx avec une maiñ fur fes parties latérales : auffi -tôt on voit, au premier coup d'œil, que les deux facs battent & trémouflent l'un contre l'autre, & cela parce que ac- tion de l'air qui entre dans ces deux facs, & quitend à les remplir & à les gonfler, eff contre-balancée jufqu'à un cer- tain point par celle du courant d'air qui s'échappe de la glotte, ce qui produit néceflairement des vibrations dans la mem- brane qui forme chaque fac. L'air intérieur, ou l'air des facs, tend à les approcher lun de l'autre, à les faire battre un contre l'autre; & le courant dé l'air de la glotte, qui fe trouve trop rétrécie, les écarte: de-là naît une efpèce de confliét qui produit des allées & des retours, en un mot des vibrations dans la membrane de chaque fac. Si on enlève entièrement ces facs après les avoir adroi- tement détachés de Fintérieur d’un larynx, fans pour cela altérer les lèvres de la glotte, on a beau alors pouffer de Yaïr comme auparavant, les mêmes {ons de voix ne fe font plus entendre. L'ufage des facs eft encore mieux prouvé lorfqu'on caufe un relâchement aux fibres tendineufes des lèvres de {a glotte, en deur faifant une feétion tranfverfale du côté des cartilages arythénoïdes, fans endommager les facs; car fi l'on pouffe enfuite de fair par la trachée, avec les mêmes précautions ue ci-deffus, on excite néanmoins fur le champ prefque les mêmes fons de voix qu'on avoit entendus quand toutes les parties étoient entières : je dis prefque, parce qu'il eft cer- tain que pour que les fons de voix {e forment bien diftinc- tement dans toutes fortes de larynx, il faut que toutes. les parties de l'intérieur du larynx foient faines & ‘entières; car *, Pour bien faire l’expérience: dont il éft ici ape il faut fe fer- vir de larynx fi parfaitement imités, fur-tout fr on life macérer-ces larynx-dans- l’eau Mém. 1753. e cochons récemment - tués,; fans quoi les_cris me font pas pendant plufieurs jours ; ce qui fait perdre le reffort des parties & les'em- péche:-de-trémoufler avec afféz de promptitude/pourrendre Iles fons’de voix qu'on veut exciter. + Oo 290 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE on ne fauroit difconvenir qu'elles ne contribuent, chacune en leur particulier, à la perfection des différens fons de voix. Au refle, fi l'on examine attentivement un cochon lorf- qu'il poule les différens fons de voix qui lui font propres, on reconnoît fur le champ que les fons aigus comme les fons rauques de fon grognement, font conflamment excités dans le temps que l'air eft chaffé des poumons; ce que nous ne faurions parfaitement imiter (en parlant des fons rauques du grognement) qu'en infpirant brufquement l'air par les nar- rines, & tenant la bouche ouverte. Quoique les oifeaux femblent fe rapprocher plus de nous par leur voix que les quadrupèdes, puifqu'il y en a parmi eux qui nous font entendre des chants très-agréables , qui apprennent à chanter des airs, & qui parviennent à imiter notre parole, les organes de leurs voix diffèrent beaucoup plus de ceux de la nôtre que les organes de la voix des quadrupèdes, & ont un plus grand nombre de fingularités à nous montrer. Notre glotte eft placée à fentrée de Ja trachée-artère; ils en ont une auffi à l'entrée de ce canal (À, fig. 1°, pl IV 3 à mais dont les lèvres étant incapables de faire des vibrations affez promptes dans leurs parties infen- fibles, ne contribuent prefque en rien à fa formation des fons. ; C'eft ce qui a été très-bien oblervé. & prouvé par M. Per- rault, qui leur reconnoît un fecond larynx qu'il appelle Zaryux interne, qu'il ne femble pourtant pas leur avoir accordé aflez généralement. Ce larynx interne eft à l'endroit où finit le tronc de la trachée-artère, c’eft-à-dire, à l'endroit de fa bifur- cation; (B, méme figure) c'eft-là que font placés les organes qui fervent principalement à la formation des fons: ces organes doivent’ être diftingués d’un grand nombre d'autres employés dans les oifeaux feulement à fortifier les fons & à les mo- difier. Je n'ai pas encore trouvé un feul oifeau à qui ce a- rynx interne, ce larynx fitué au bas de Ja trachée, manquât, mais je lai vû très-diverfement configuré. Les organes principaux deftinés à la formation de Ja voix des oïfeaux, confiftent en différentes membranes plus ou moins (4 }, DES SCcrENcESs 291 ‘déliées, plus où moïñs tendues & placées en divers fens. : Dans certains oifeaux , comme foie, &c: il y a quatre de ces membranes {C, méme figure) figurées’& difpofces à peu près comme les deux piècés des anchés de hautbois. Cés quatre membranes’ étant difpolées deux par deux, forment, comme on fait, deux efpèces d'anches membraneufes, dont Aa partie fupérieure prend naïflance de deux embouchüres offeufes & oblongues du larynx interne; ces anches fe 'ter- minent enfuite par leur partie inférieure à l'origine des deux premières bronches de la trachée /D, même figure). Quoique ces membranes difpofées en manière d'anches plus ou moins parfaites, fuivant l'efpèce d'oifeaux, foient les organes principaux deftinés à la formation de la voix des oifeaux , il eft pourtant certain qu'ellés ne font pas les feules qui y concourent : j'en ai découvert encore d'autres ui font en aflez grand nombre, dans l'intérieur des princi- pales bronches du poumon que M. Perrault nomme poumon charnu. Elles font pofées tranfverfilement les unes fur les autres ; leur figure & leur arrangement peuvent être com- parés à de petites toiles d'araignée qui feroïent tendues dans l'angle arrondi que formeroient deux murs voïfns lun de Jautre, où ces toiles fe trouveroient placées les unes au deffus des autres /voyez l'intérieur ‘des’ bronches de la figure 1", planche 1V). La fuite de ces petites membranes fr minces pofées de la manière que je le viens de dire, & toutes prêtes à trémoufler, offre un fpeétacle qui ne fauroit manquer de paroître admirable à tout Phyficien. La figure de chacune de ces petites membranes eft une efpèce de croiffant, & elles fe trouvent atiachées par leur circonférence circulaire à la paroï du tuyau, de manière qu'elles font un peu inclinées vers fe bout par lequel pafle Fair qui vient du poumon: ces membranes ne fe trouvent que dans une moitié de la bronche ou du tuyau coupé felon fa longueur, l'autre moitié laiffe un libre pañlage à l'air, mais qui ne peut aller en avant fans agitér Les membranes ainft difpofées les unes au'deflus des autres. Outre les membranes dont.je viens de parler, -& qui fe Oo ïi 292 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE font trouvées dans tous les oifeaux que j'ai eu occafion de dif. féquer, on en rencontre encore d'autres pofées en divers fens dans certaines parties offeufes ou cartilagineufes affez amples. Ces parties ont différente figure & font fituées les unes vers la partie moyenne de la trachée-artère /Woy. la fig. re, plw) & les autres vers fa partie inférieure; (4, fig. 2€, même pl.) elles fe rencontrent aflez fréquemment dans certains oifeaux aquatiques du genre des canards. On trouve enfin dans tous les oïfeaux une autre mém- brane plus ou moins folide, { A, pl. v1) dont l'ufage eft f effentiel, que fans elle la voix ne fauroit fe former diftinéte- ment. Elle eft fituée prefque tranfverfalement entre les deux branches de l'os connu fous le nom d'os de la lunette (B): elle termine de ce côté-là une cavité aflez ample, qui fe rencontre conftamment à la partie fupérieure & interne de la poitrine /C). : Telles font les parties qui concourent toutes enfemble à la formation de la voix des oïifeaux. Elles font mifes en jeu par l'air des poumons qui font connus fous le nom de poumons membraneux , qui y excite des fecouffes & des tré- mouffemens plus ou moins prompts, felon que fon pañfage eft plus ou moins rapide. Lorfqu'un oifeau veut crier ou chanter, l'air renfermé dans les facs du ventre & de la poitrine eft forcé d'en fortir par l'effort que font fur lui les mufcles deftinés à cette fonction : la plus grande partie de cet air eft lancée par les bronches principales du poumon charnu, où rencontrant d'abord en fon chemin les petites membranes à reffort qui y font arrangées les unes fur les autres, y excite des tré- moufflemens capables de produire certains {ons qui fervent à fortifier ceux des anches membraneufes que ce même air y occafionne enfuite de la même manière. Mais ce qui eft très-digne d’être remarqué, c'eft que l'autre portion de Fair qui na pu s'échapper par la trachée-artère dont la glotte fupérieure s’étrécit pour en retarder le cours, & pour modifier les fons de la voix, s'échappe en même temps des DENSYSAENIENN CIE: 293 facs de la poitrine par de petites ouvertures qui lui donnent paffage pour sélancer dans la grande cavité qui eft fous Yos de la lunette, & où les anches membraneufes font à découvert & comme flottantes; {D, planche v1) à il frappe de toutes parts la furface externe de ces anches, & contre-balance faction de l'air qui paffe dans leur cavité; ce qui caufe néceffairement les fecoufles & lés trémouflemens wès-prompts & très-actifs dont dépend {a voix de ces animaux. C'eft ce dont il eft aifé de fe convaincre, parce que leur voix cefle de fe faire entendre auffi-tôt qu'on perce {a membrane de los de la lunette pour laiffer échapper Fair qui contre-balance celui qui traverle l'intérieur des anches, & que les {ons font reproduits dès qu’on bouche exactement cette ou- verture avec le doigt. On peut faire cetté expérience fur toutes fortes d’oifeaux morts depuis peu, en pouflant de l'air dans les facs de la poitrine par le moyen d’un chalumeau qu'on aura introduit dans une petite ouverture qu'on aura pratiquée entre deux côtes près du fternum; ear alors on entendra très-diftinc- tement le fon de la voix propre à Fanimal dont on fe fera fervi, comme, par exemple, une oie, & on lui fera faire fes différens gazouillemens fi l’on procuré de petites fecouffes avec les doigts fur la membrane de l'os de la lunette comme il fe pratique fur la clef des flûtes traverfières, & fi on ouvre & ferme alternativement le bec de cet animal pour retenir ou faire fortir l'air de la poitrine avec plus ou moins de liberté, EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE L | DS planche repréfente un larynx de cheval, ouvert & élargi d’une manière fuffifante du côté des cartilages arythénoïdes, pour pouvoir en faire obferver facilement l’intérieur. A, petite membrane à reflort, pofée tranfverfalement & à plat fur chaque extrémité des lèvres de la glotte. B, les lèvres de la glotte. C, le cartilage thyroïde. D, Yendroit où la membrane à reflort porte à fuxe Oo ii 294 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE PL ANNICEA ET I Cette planche repréfente un larynx d'âne ouvert du côté des -Cartilages arythénoïdes, pour en confidérer l'intérieur. A, partie plus ou moins tendineute, qui eft aflujétie lâche- ment en manière de tympan polé prefque verticalement fur une efpèce de caifle de tunbour formée par un profond enfoncement du cartilage thyroïde. PB, le cartilage thyroïde. C, les lèvres de la glotte. D, l'ouverture qui communique dans la caiffe de tambour. Æ, deux autres ouvertures prefque rondes, qui communi- quent dans deux grands facs placés l’un à droite & l'autre à gauche, au deflus des lèvres de la glotte. F, cartilages arythénoïdes. PLANcHE IIL Cette planche repréfente un larynx de cochon, fendu & ou- vert du côté des cartilages arythénoïdes, pour en voir l’intérieur. À, deux efpèces de facs prefque membraneux, dont chacun eft fitué au deflus d’une des fèvres de la glotte. À, a, un de ces facs rempli de coton, pour le rendre plus fenfible & plus apparent. B, les lèvres de la glotte, dont chacune eft refendue dans prefque toute fa longueur. C, deux efpèces de petites glottes, dont chacune eft nie par l'écartement des fibres de chaque lèvre de la vraie glotte, Ces petites glottes (qu’on pourroit appeler labiales) ou pluftôt ces fentes font les ouvertures qui comidient dans les grands facs À. Pix ANCCHE I V. La fioure 1,7° repréfente la trachée-artère d’un ‘canard ordinaire. 2 eh EAN . A , #4 + A, elpèce de glotte qui fe trouve à l'entrée de Ia trachée- artère du canard & des autres oïfeaux. 2, le larynx interne. €, quatre membranes difpofées deux par deux, pour former les deux efpèces d’anches membraneufes qui s brvente à la parüe inférieure de la trachée-artère de beaucoup d’oifeaux, 2, les deux premières bronches de la trachée, DES SCIENCES. 295 La figure 2 repréfente un poumon charnu d'un canard. Les premières bronches de ce poumon font fendues dans toute leur longueur pour faire voir les petites membranes ou toiles membra- neules qui s’y rencontrent, & qui s’y trouvent placées en grand nombre les unes au deflus dés autres, de manière qu’elles ne fe trouvent que dans une moitié de la bronche ou du tuyau coupé felon fa longueur; l'autre moitié laifle un libre paffage à l'air, PLANCHE V. La figure première repréfente une trachée-artère d'oifcau aqua- tique du genre des éanards. La Partie moyenne de cette trachée eft fort dilatée naturellement, pour former une cavité aflez ample dans laquelle il fe rencontre plufieurs petites membranes ou toiles membraneufes (A) pofées en différens fens, de manière cependant qw’elles ne fe trouvent que dans une moitié de cette cavité ; afin que l'air puifle pafler librement par l’autre moitic. La figure 2 repréfente une trachée-artère de canard, à [a partie inférieure de laquelle fe trouve aflez ordinairement une partie prefque offeufe en forme d’une efpèce particulière de Hbyrinthe, dans laquelle partie il fe rencontre plufieurs toiles membraneufes (A) pofées en divers fens. PLANCHE VL Cette planche repréfente un canard plumé pour y faire voir ce.qui fuit: | À, membrane plus ou moins folide, fituée prefque tranfver- falement entre les deux branches de l'os de la lunette. B, Vos de Ia lunette. C; cavité aflez ample qui fe rencontre à Ja partie fupérieure & interne de la poitrine des oifeaux. D, l'endroit de cette cavité où les anches membraneufes fe rencontrent à découvert & comme flottantes, C0 296 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royazr ANALYSE. "CHAT Ml Q V,E DU PB CAT T IT, De laquelle il réfulte une analogie entre le Plomb ÊT ce Jémi-métal. PURMENMOIMENRS NT CE M OFLUR:E. Par M GEOFFROY le Fils. E bifmuth eft un fémi-métal compofé de parties difpofées en facettes blanches & brillantes, mais qui quelquefois ont une couleur de bleu foncé, tirant fur le pourpre. Cette matière, d'apparence métallique, eft très-caflante, puifqu’elle fe pulvérife fous le pilon, & elle fe fond à une chaleur très - douce. Comme elle ne fournit aucune préparation ufitée en Mé- decine, & qu'elle n'eft d'ailleurs employée que par les Potiers d'étain qui s'en fervent pour rendre étain plus blanc & plus fonore, il n'eft pas étonnant que fa nature ne foit pas parfaitement connue. M. Pott.eft le feul qui nous ait donné un traité un peu détaillé fur ce fémi-métal; & dans Finten- tion où j'étois de lexaminer, j'ai pris pour guide ce célèbre Chymifte. J'ai commencé par répéter les opérations décrites dans fon traité, & c'eft ce qui ma fourni les idées du travail dont je vais rendre compte. M. Pott a dit *ique 2 onces 3-gros de bifmuth calciné à feu ouvert, fe réduifoient en une chaux qui ne pefoit plus que 2 onces 1 gros +; donc il perd, felon lui, trois trente- huitièmes de fon poids. J'en ai calciné la même quantité dans une poële de fer, L * Voyez Pott exercitationes chymicæ de Wifinutho, p. 172. Nam ex uncüs duabus ê7 drachmis tribus evanuerunt fub calcinatione drachma una 7 Jémis, en « Mem . de UAe R.des Se.1783 Pag 296 Pl 9. em de LAe Rider Ses Pag 496 Pl 9 L] Men. de L'Ac.R des Se.1788. Zag.296. Pl. J Higram del et de Il J Mem. de Ac R des Sc.1763. P. EPL NN \1 NU) \NN Mem de LAc R des Se1769 Pag 296 Pla 2 J hgram del st Se | Mern. de VAc.R des Sc.1788. Pay. 296. Plio È Mer. de VAR der Se1753 Pay. 296 Plis — = = ï Voyes l'errata à: | J'ngram del ebSe R des Se 1783 Pay. 296. P118 de l'Ac Mer. Hem de L'Ac R dar Se 1783 Pay 206 LL wm JA dt Ve JL gr Dem, de LAe,R. des Se, r 53, Pag. 296. Pl 44. Dem de ÜAe À: des Se. 1783 Pay 296 Plug Pla. VI Voyes L'erratn 7 Igram del et Se 7, au MES SCIENCES. 297 en Fagitant, lorfqu'il a été en fonte, avec un gros fil de fer. Le bifmuth ayant été tenu d'abord à une chaleur très-douce, n'a point fumé, & il m'a rendu 2 onces 3 gros 28 grains + d'une chaux verdatre & aflez fine; ainfr il a augmenté à Cette calcination d'un quarante - huitième de fon poids. Comme le rélultat de mon expérience eft totalement contraire à celui de M. Pott, elle meft devenue fufpecte fur la foi d'un Chymifte de fa réputation: j'ai cru que farfenic qu'on foupçonné dans ce métal, pourroit avoir fcorifié quel- ques parties du fer de la poêle, qui produifoient l'augmen- tation de poids de la chaux. Ainfi J'ai calciné de nouveau 2 onces 3 gros de bifmuth dans un vafe de terre cuite non verniflée, en l'agitant avec un tube de verre dont j'avois arrondi l'extrémité en le fon- dant au chalumeau, afin d'être certain que le promenant fur le plat de terre, il n'en détacheroit aucune particule. Cette opération ma rendu 2 onces 4 gros + de chaux; c'eft une augmentation de trois trente-huitièmes ou environ; mais cette chaux étoit moins verdtre, plus brune, moins fine & moins parfaite que la première, car j'y diftinguois encore quelques parties métalliques. … Comme il auroit pû fe faire, malgré mes précautions, que par le frottement de la chaux le tube eût détaché à là longue quelques molécules terreufes du vafe dont je me fer- vois , Jai voulu répéter l'opération dans des vaiffeaux qui ne puffent faïfler aucun doute fur l'exactitude du produit. J'ai calciné 2 onces 3 gros de bifmuth dans une cap- fule de verre, enduite de lut en dehors, & je me füis fervi, pour lagiter, du même tube que j'avois employé dans lo- pération précédente; mais au bout de quelques inftans le tube s'étant éclaté, les fragmens de verre que je trouvois dans Ja chaux m'ont obligé à recommencer cette opération, dont le produit auroit été incertain. … Je fai répétée avec la même quantité de bifmuth que Jai calcinée dans la capfule de verre luttée; mais au lieu du tube de verre, je me fuis fervi, pour F'agiter, d'un fil de fer Mëm, 1753. 2: r 298 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fort menu, & que j'avois pelé exaétement. A la fin de là ‘calcination, j'ai eu 2 oncés 4 gros 34 grains d'une chaux brune & grenue, & le fil de fer n'avoit pas diminué du plus petit poids. Aïnfr lè bifmuth avoit augmenté à cette calcination de près dé trois trente-hüitièmes de fon poids, augmentation que je ne puis attribuer à aucune caufe étran- gère; par conféquent je crois pouvoir conclurre que le bif- muth, lorfqu'il n'éprouve que le degré de chaleur néceffire pour être réduit en chaux, m'attaque pas le fer, du moins d'une manière fenfible. Muis les différens réfultats que toutes ces opérations m'a- voient donnés, & qué je ne pouvois attribuer qu'aux de- grés de chaleur plus ou moins grands que j'avois employés, me donnoïent encore lieu de foupçonner que peut-être a chaux qui avoit reçü l'augmentation de’ poids la plus fen: fible, étant chaufiée plus vivement, perdroit non feulement cette augmentation, mais niême encoré une partie du pre- mier poids du bifmuth ; car il n''étoit impoñfible d'imaginer que M. Pott, dont la réputation eft fi bien établie, eût pà avancer comme conftant, un fait qui ne pouvoit {e vérifier. Pour éclaircir mes doutes, j'ai calciné dans une poële de fer, à une très-vive chaleur, une once de Ia chaux qui avoit éprouvé la plus grande augmentation de poids; & au bout de deux heures de calcination, en Fagitant continuellement, fon poids ne s’eft trouvé ni augmenté, ni diminué. Mes doutes étant levés par cette expérience, & Faugmentation de poids du bifmuth à fa calcination étant conftatée de la manière Ia plus certaine, il ne me reftoit plus qu'à prouver que les dif. férentes augmentations de poids que j'avois eués dans mes expériences, ne venoient point de la nature des vaifleaux qui n'avoient fervi, mais feulement de l'inégalité du degré de chaleur qu'ils avoient éprouvé. Pour cet effet, j'ai effayé de calciner du bifmuth fous la moufle d’un fourneau de coupelle, en l'agitant dans un teft avec un crochet de fer, & par ce moyen j'ai réduit en une heure de temps 4 gros de bifmuth en une chaux brune & grenue, qui peloit 4 DIE: SW CHU E N,CLE Se» ù 299 gros 27 grains. Convaincu que je pouvois employer ce moyen avec fuccès, j'ai fait chauffer en même temps fous la moufle, au même deuré de chaleur, un teft plat & mince, & une cap- fule de fer de la même forme, tous deux exactement tarés. J'ai mis dans l'un & dans l'autre demi-once du même bif muth, & je les ai agités tous deux avec deux crochets de fer d’un poids exactement connu. Au bout de 16: minutes, je n'ai plus aperçu de métal en bain dans la capfüule de fer, il étoit tout réduit en une chaux grumeleufe: Le bifmuth que je calcinois dans le teft, n'a été dans le même état qu'au bout de 20 minutes. Trois quarts d'heure m'ayant paru fuffre pour calciner encore plus exaétement le bifmuth contenu dans Jun & l'autre vale, je les ai retirés au bout de ce temps, & les chaux étant refroïdies, je les ai peles; celle qui avoit été préparée dans le fer, avoit augmenté de 31 grains, & Jautre, faite dans le teft, feulement de 30 grains. Avec des réfultats f peu différens, il ne me paroît pas poffible de croire que la nature des vaifféaux contribue à Ja variété de ces mêmes réfultats. J'ai mieux aimé rifquer le détail circonftancié, & peut- étre un peu trop long, de ces opérations, que de laiffer quelque doute fur l'exactitude de ces expériences, qui fe touvent contraires à un fait.avancé par, M. Pott. Ainfr le bifimuth a déjà cela de commun avec le plomb, qu'il augmente de poids à la calcination , mais cette propriété ne lui eft pas particulière; les autres fémi-métaux, comme l'antimoine & le zinc, l'ont auffi - bien que le bifmuth. M. Pott a dit que la chaux de bifmuth, fondue fans ad- dition, fe change en un verd jaune &. tranfparent : j'ai répété l'opération, &. j'ai eu effeivement un .verd d'un jaune foncé, femblable au verd de plomb. Cinq minutes de grand. feu dans un fourneau de fonte ont {ufr pour vitrifier 4 onces de chaux de bifmuth: le même degré de chaleur & le même cfpace de temps ont fufit pour changer en verre une pareille quantité de chaux de plomb; mais.il y a cette différenceentre le verd de plomb & le verd de. bifmuth , que le premier, Ppi De Wifuufo, Pr 173: 300 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE dès qu'il commence à fe former, ronge fi promptement les terres , qu'il perce le creufet avant que toute la matière foit vitrifiée, au lieu que le verd de bifmuth fe fait facilement dans un de nos creufets de Paris ; il le corrode à la vérité, mais le temps néceffaire pour la vitrification ne lui fuffit pas pour le percer. Ainfi la chaux de bifmuth fe vitrifie fans addition , comme celle du plomb : la chaux d'antimoine a auf cette propriété, mais le verre qui en réfüulte diffère de celui du plomb & de celui du bifmuth, en ce qu'il ne corrode pas la terre du creufet dans lequel on le prépare, au lieu que les deux autres là corrodent puiflamment, quoiqu'avec une vitefle inégale; propriété qui leur étant commune, me fert de feconde preuve pour démontrer une analogie entre le plomb & le bifmuth. Les expériences rapportées dans la fuite de ce Mémoire, font des preuves encore plus fenfibles de cette même analogie, qu'on ne fait qu'entrevoir ici. J'ai voulu tenter de faire du mafficot & du minium avec le bifmuth, comme on en fait avec le plomb; mais ces procédés n’étant décrits d’une manière bien détaillée dans aucun Auteur de Chymie que je connoïfle, il m'a fallu tenter plufieurs moyens pour païvenir, sil étoit poflible, à faire ces deux opérations en petit fur le plomb. J'ai fait du maflicot de plomb en chauffant pendant deux heures dans un teft, fous la moufle d’un fourneau de cou- pelle, une chaux de plomb fine, faite fans addition. La même opération, répétée fur le bifmuth, n'a fourni de méme un maflicot de bifmuth, mais d'un jaune un peu moins beau que celui du plomb. J'ai eflayé de faire du minium de plomb, en exécutant tous les procédés décrits dans les différens Auteurs de Chy- mie, mais aucun ne m'a réufh. Un Etranger qui prétendoit Tivoir vû faire en Angleterre, m'aflura qu'on le préparoit en calcinant du plomb avec du fel marin & un peu de foufre dans un fourneau dont la flamme ièche continuellement la matière: & if ma ajoûté que cette opération eft fi dangéreufe, que DES SCIENCES. 3017 les ouvriers employés à ce travail périffent ordinairement au bout d'un petit nombre d'années, s'ils le continuent. N'ayant pû réuffir à exécuter cette opération en petit avec fuccès, il m'a été impoffble de faire du minium de plomb; ainfi il n'eft pas bien étonnant que je n’aie pû en faire avec le bifmuth. On a cru pendant long temps que le plomb étoit le feul métal propre à purifier l'or & argent par le moyen, de la coupelle. En 1727, feu M. du Fay fit part à la Compagnie d'un moyen qu'un Artifte* lui avoit appris pour purifier l'or + Antoine lorfqu'il étoit mêlé avec quelque matière étrangère, telle que Amand. lémeril, qui le rendoit aigre & caffant. Ce moyen, qui eft rapporté dans l'Hiftoire de l'Académie royale des Sciences de la même année / page 3 1 ) confifte à coupeller cet or avec une grande quantité de bifmuth. Depuis ce temps-là, M. Pott nous a appris que l’on pouvoit purifier Fargent à la coupelle par le moyen de ce fémi-métal, mais il a négligé de remarquer De Wifmuho, les précautions fans lefquelles il eft impofible de réuffir dans ?- *# cette opération; ceft ce que je vais tâcher de détailler ici. Lorfque Fon veut coupeller de Fargent avec le bifmuth, il faut conduire l'opération à peu-près comme fi on cou- pelloit avec du plomb, avec cette différence, qu'il faut un feu beaucoup plus vif pour que le bifmuth fe découvre ou fe mette en bain chair, qu'il ne le faut pour le plomb; car à la chaleur qui fufht pour faire découvrir le plomb , le bifmuth véoète fur la coupelle, & fe change en une matière demi-vitrifiée, qu'on ne peut enfuite faire difparoitre que par le feu le plus violent, Ainfr, pour faire découvrir le bifmuth le plus tôt qu'il eft poffüble, c'eft-à-dire, pour chafler de deflus fa furface a pellicule qui doit fe ranger en fcories fur les bords de Ia coupelle, il faut, la coupelle étant échauffée peu à peu, a poufler au fond de la moufle du fourneau d'effai, puis, lorfqu'on y aura mis le bifmuth, placer fur le devant quelques charbons ardens; par ce moyen on donnera au bifmuth un degré de chaleur qui le mettra en bain clair très-promptement , : Pp ii 302 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaALE c'eft-à-dire, au bout d'une minute ou environ. Mais il faut avoir foin, dès qu'il commence à fe découvrir, de diminuer fubitement la chaleur, en Ôtant les charbons, & même en amenant la coupelle fur le devant de la moufle, fans quoi le bifmuth jaillit prefque auffr-1ôt qu'il eft découvert. On peut éviter cet inconvénient, en échauflant le métal moins vivement & moins brufquement, mais alors il eft beaucoup plus de temps à fe découvrir: le bifmuth jaillit lorfqu'il eft trop chaud, & en jailliffant il nous fournit des fingularités qu'on ne trouve point dans le plomb lorfqu'il fait le même effet, & que je n'ai vü décrites dans aucun Auteur. Quand le bifmuth eft prêt à jaillir, il fume vivement d'abord, puis il fe couvre d’une flamme bleue fort légère, & dans l'inflant, du milieu du métal enflammé il s'élève une multitude de glo- bules brillans & fort petits, qui font accompagnés d'une fumée affez abondante : cet effet ne reflemble pas mal à celui d’une gerbe d'artifice. Le plomb, lorfqu'il jaillit, ne nous fournit aucun de ces phénomènes : on voit alors des globules de métal qui s'élancent de dedans la coupelle; ces globules font beaucoup plus gros & moins brillans que ceux du bifmuth, & ils ne s'élèvent pas en grand nombre à la fois. Lorfque le bifmuth eft en bain clair & circulant, on met l'argent que l'on veut affiner ; l'argent, en le refroidifant, exige qu'on le réchauffe promptement par Fapproche de quelques charbons ardens; mais lorfqu’il commence à fumer, on peut le conduire avec le même degré de chaleur que l'on emploie pour laffinage de l'argent par le plomb. L'argent coupellé avec le bifmuth donne à la fin de l'effai les couleurs de l'iris, comme lorfque l'on fe {ert du plomb : il me paroiît même que ce phénomène fe foûtient plus 1ong-temps à la fin d'une coupelle par le bifmuth. Pour connoître fi le bifmuth affinoit aufli-bien que le plomb, j'ai commencé par coupeller 1 8 grains d'argent avec 2 gros de plomb, & je l'ai trouvé à 1 1 deniers 1 0 grains i, J'ai affiné enfuite pareille quantité du même argent avec un égal poids de bifmuth, & je l'ai trouvé au même titre: DIE SM4S ic TE NC Es. o ce même effai répété avec huit efpèces de bifmuth diflérentes, ne m'a jamais fourni aucune variété dans les réfultats. On fait que feize parties de plomb fuffifent pour détruire une partie d'alliage contenu dans de l'argent que l'on veut affiner : jai voulu voir fi la même quantité de bifmuih fufhroit. . Pour cet effet, j'ai fondu dans un creufet 1 2 grains d'argent de coupelle avec 6 grains de cuivre rouge, & ayant coupellé ce petit culot avec 1 gros 24 grains de bifmuth, ce qui fait feize parties contre une d’alliage, j'ai eu un bouton de fin qui pefoit exactement 12 grains ; ainf le bifmuth, employé dans la même proportion que le plomb, affine également bien. I! eft important de connoître la richeffe du bifmuth dont on fe’ fert pour les eflais: je crois qu'il eft dans le même cas que le plomb, c'eft-à-dire, que tout le bifmuth en général contient de l'argent, & que le plus pur eft celui qui en contient le moins; car, de huit efpèces de bifmuth que j'ai éflayées, je n'en ai trouvé qu'une feule qui füt affez pauvre pour que le bouton d'argent, produit de 2 gros, füt prefque infenfible à a vûe fimple ; les autres n'ont fourni des boutons affez forts : ainfi il eft de conféquence de défalquer leur poids de celui du bouton d'argent de l'efflai, car il y a tel bifmuth dont 2 gros m'ont rendu un bouton d'argent pefant un tiers de grain. J'ai dit que j'avois remarqué que la chaleur trop vive faifoit jaillir le bifmuth, & afin de voir fr ce jaïlliflement pouvoit fe foûtenir affez long-temps pour que tout le bifmuth f diffipa en globules, jai mis du bifmuth dans une coupelle très-chaude, afin de produire cet effet. Il a donné la gerbe, mais quoique j'entretinfle toûjours le même degré de chaleur, elle n'a duré qu'une demi-minute ou environ, & elle n’a plus reparu. J'ai répété l'expérience dans une coupelle beaucoup plus chaude encore que la première, & cette fois le bifmuth n'a point jailli du tout; j'ai pouflé le feu jufqu'au degré le plus vif, en fermant l'entrée de la moufle avec des charbons ardens , mais inutilement : ainfi, pour enflammer le bifmuth; De Wifmuthe, D: 146% 304 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royaze il faut un degré de chaleur vif, mais difficile à déterminer: J'ai aperçû alors, le bifmuth étant auf chaud qu'il pouvoit l'être, qu'en donnant un peu d'air à la moufle ce fémi-métal fournifloit une fume jaune, épaifle & fort abondante, qui, à l'approche d'un morceau de fer froid, fe condenfoit & sy attachoit en fleurs jaunes : j'examine ces fleurs à la fin de mon Mémoire. M. Pott a dit que le bifmuth fe change en un verre qui simbibe dans les coupelles, cependant je croyois avoir remarqué que le verre une fois formé ne peut sy imbiber. Pour m'en aflurer, j'ai pris deux coupelles que j'ai fait rougix fous la moufle du fourneau d'effai : lorfqu'elles ont été bien rouges, j'ai mis dans l'une 10 grains de verre de plomb fimple, & une pareille quantité de verre de bifmuth dans l'autre; j'ai tenu ces deux coupelles au feu pendant quatre heures, en les faifant pañler fucceffivement par tous les différens degrés de chaleur: pendant ce temps, {es deux verres ont toüjours été en bain clair & très-fluide, & cependant les coupelles n'en ont pas imbibé la plus petite partie. Etant donc bien convaincu que le bifmuth ne fe change point en verre avant d'entrer dans les coupelles, j'ai foupçonné qu'il fe changeoit en litharge, de même que le plomb; & l'infpetion des çoupelles dans lefquelles j'avois pañlé du bifmuth feul, fervoit encore à me le confirmer, parce que leur furface intérieure étoit garnie de feuillets talqueux & brillans. Pour conflater la formation de la litharge du bifmuth par une expérience, jai mis 8 onces de ce fémi-métal dans une grande coupelle bien rougie : lorfqu’il a été en bain clair & brillant, & qu'il a commencé à fumer, j'ai amené la coupelle à l'entrée de la moufle, de manière que le bain refroidi par ce moyen na fait apercevoir au bord de cette coupelle un cercle de litharge , qui ne s’'imbiboïit point : je l'ai enlevée le plus exactement qu'il m'a été poffible avec une lame de fer mince formée en cuiller, & cette matière, qui étoit brune au lortir de la coupelle, prenoit au bout de quelques inftans LÉ DES ScrENCESs. 305 inflans une couleur rouge de cerife, & reftoit fimplement jaune, lorfqu'elle étoit totalement refroidie; enfin c'étoit une vraie litharge de bifmuth, parfaitement femblable, à la vûe, à celle du plomb. La propriété que j'avois reconnue au verre de bifmuth, de corroder les terres comme le fait le verre de plomb, na fait croire qu'on pourroit peut-être employer ce fémi-métal avec fuccès, pour féparer le fur contenu dans les mines, en vitrifrant toutes es matières qui tiennent le métal embarraflé: ceft ce que l'on fait avec le plomb, lorfqu'on fcorifie une mine pour l'effayer ; & j'étois d'autant plus encouragé à tenter ce moyen, que M. Juncker * parle de cette opération par le bifmuth, comme d’un efai qui wavoit pas encore été fait, & comme d’une découverte qui étoitréfervée aux Chymifles. Pour'en faire l'effai, j'ai prisun morceau de mine de Ste. Marie-aux- mines, tenant cuivre & argent ; je l'ai pilé, puis rôti exactement dans un teft fous la moufle, à la manière ordinaire; enfüite j'ai mélé un gros de cette mine rôtie avec une once de plomb granulé, & d'autre part j'ai mêlé un gros de la même mine rôtie avec une once de bifmuth pulvérifé. Ayant mis chacun de ces mélanges dans un teft, je les ai placés tous les deux fous la moufle du fourneau de coupelle : le plomb a découvert & s'eft mis en bain clair au! bout de xo minutes: le bifinuth, à ce mére degré de chaleur, n'a pas pû être amené au mème état ; mais l'ayant chauffé plus vive- ment, il a découvert 6 minutes après le plomb, ceft-à-dire, au bout de 1 6 minutes. Je fes aï tenus l’un & l'autre au degré de chaleur néceffaire pour faire circuler les hétérogénéités de la mine ‘dans le bain de ditharge, qui f formoit dans les deux tefts, julqu'à ce que la litharge, en frvitrifiant, eût vitrifié ces matières, de manière-qu'il ne reftoit plus dans chacun des tefts que deux matières liquéfées, féparées l'une de l'autre, &'toutes. deux parfaitement claires. Celle de deflus étoit, dans Fun des tefts;:du plomb, & dans l'autre, du bifmuth, Li Quæ q'idem cujufvis periti Chyÿmici dexteritati é7 folertiæ pérquirenda relinquuneur. Confpeëtus Chÿimiæ, t4b. XL1, de Bifinutho. iii Mém. 1753. - Qq 306 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE tous les deux vitrifiés, avec les parties étrangères de la minez & celle de deflous étoit le refte du plomb ou le refle du bifmuth non vitrifiés, qui devoient contenir le fin de la mine, Alors j'ai retiré le tefl contenant la mine vitrifiée avec le plomb, & je l'ai laiflé refroidir pour le caffér enfuite, & au lieu d'en faire autant pour la mine fcorifiéé avec le bif muth, je l'ai coulée dans un petit gocet de cuivre chauffé & graifé, parce que le bifmuth étant très-aigre, il y a appa- rence qu'en caflant le teft j'aurois-brifé le culot de ce fémi- métal tenant le fin, en plufieurs petits morceaux dont il m'auroit été impoflible après cela de féparer parfaitement les fcories ; au lieu qu ‘ayant confervé le culot entier par ce moyen, je fuis parvenu à les détacher entièrement à petits coups de marteau & avec beaucoup de patience, L'un & autre de ces culots féparés de leurs fcories, lefquelles étoient précifé- ment de la même couleur, n'ont plus pefé que demi-once: je les ai paflés à la coupelle, & le culot de plomb m'a rendu un bouton d'argent pefant 7 grains Le bifmuth ne m'a point hiflé de bouton, parce que la coupelle s'étant fendue pendant l’eflai, l'argent eft entré dans ces fentes, où il.étoit divifé en un fi grand nombre de petits globules , qu'il m'étoit impofñfible de les raffembler ; ainfi j'ai été obligé de recom- mencer l'expérience avec la même mine, & cette fois elle a téuffr parfaitement, car le bifmuth coupellé n'a laïffé un bouton d'argent péfant 7 grains, comme en pee j'avois: ‘eu par le moyen du plomb. Ainfi le bifmuth peut fervir, comme le. plomb, pour eflayer les mines par la fcorification. L'expérience que j'ai rapportée à la fin dé l'article de Ja coupelle, m'ayant convaincu que le bifmuth donne des fleurs fans addition ; Jai cherché à en -raffembler une quantité fnfble, & j'y ai réuffi dans l'expérience fuivante. J'ai mis dans une grande coupelle bienrrecuite ,: 8 :onces de bifmuth, & je l'ai chauffé affez vivement au _commencé- ment, pour : le, faire jaillir 8. l'enflammer. Dans l'inftant de linflammation ; j'ai : rétiré ubitement a rcoupelle, que. jai PL ° EUX N ES DES SCIENCES. 307 couverte d'un entonnoir de verre; il s'eft rempli d'une vapeur blanche, & l'ayant ôté auffi-tôt que ces vapeurs ont ceflé de s'élever, je l'ai trouvé enduit intérieurement d'une très-petite quantité de fleurs aflez blanches. J'ai repouffé fa coupelle dans le fond de la moufle, dont j'ai rempli l'entrée avec des char- bons ardens, afin de donrier au bain le degré de chaleur le plus violent, qui eft celui qui m'a toûjours paru réuflir le mieux pour faire élever une fumée épaifle, & qui fournifie beaucoup de fleurs. Au bout de dix minutes, {a coupelle &c la moufle étant d'un blanc fi égal qu'il étoit difhcile de les diftinguer du premier coup d'œil, j'ai ôté les charbons qui fermoient l'entrée de la moufle, & ayant retiré promptement la coupelle, j'ai pofé deflus un autre entonnoir de verre qui la couvroit exaétement, & dont j'avois rétréci ouverture du bout, afin de n'y‘Jaifler de paflage pour fair extérieur, que ce qu'il en faut précifément pour faciliter l'élévation des fleurs. Au bout d'une minute ou environ, le bain ne fourniffant plus-de vapeurs, &c commençant même à fe figer, j'ai enlevé ’entonnoir, & j'ai repouflé la coupelle pour la chauffer de nouveau auflr vivement quela première fois. Les fleurs qui s'étoient attachées dans: ce’ fecond entonnoir, étoient d'un jaune pâle: fept minutes ont fufñ pour remettre le bain en état de fournir des fleurs, & j'ai continué à en raffembler en opérant comme -je l'ai -dit ci-deflus, jufqu'à ce que je me fois aperçü que la ‘coupelle commençoit à fuir, ce qui ne meft arrivé qu'au bout de trois heures; alors mon entonnoir étoit chargé d'un enduit -affez épais de fleurs très-fines :&c d'une belle couleur d'orpiment. | : ai tenté a fublimation du bifinuth dans des aludels for- més avec fix creufets coniques difpolés à cet effet. Le creufet inférieur étant enfermé :dans un fourneau de fonte , le creufet fupérieur avoit: à.f« pointe lune ouverture: d'une digne: de diamètre, par laquelle j au >bout d'un quart -d'heure où envi- ron/, j'ai vi -fortir un jet de vapeurs affez fort pour éteindre une bougie préfentée. à. 3..pouces au deflus de cette ouver- ture. Cinq 2 ns du fourneau s'élevant. Qaqi 308 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE extérieurement auffi haut que le dernier aludel, a mis le feu à cette vapeur, & a rempli tout l'intérieur des aludels d'une flamme bleue, comme on le voyoit facilement en regardant perpendiculairement par l'ouverture du creufet fupérieur; c'eft ce qui m'a obligé, pour prévenir cet inconvénient, de couvrir le deflus du fourneau , afin d'empêcher cette flamme de monter trop haut. Les vapeurs ont continué à s'élever pendant une heure prefque avec la même violence, & ces vapeurs étoient toüjours inflammables. Au bout de ce temps, j'ai laifé refroidir les aludels; mais les ayant délutés, je n’y ai trouvé aucunes fleurs, On a déjà vü, à l'article de la coupelle, que le bifmuth contient des parties qui s'enflamment. L'expérience que je viens de détailler en eft encore une preuve f1 convaincante, qu'il n'eft. plus poffible d'en douter, quoique M. Pott * nie cette inflammabilité, que d’autres Chymilie avoient aperçüe, de fon propre aveu. N'ayant pü, par mes creufets montés en aludels, ramaffer des fleurs de bifmuth, j'ai mis 4 onces de ce fémi-métal dans un creufet de fer, fur lequel j'ai arrangé cinq grands aludels ; mais pendant Lpt heures de:bon feu dans un four- neau à vent, je n'ai pà raflembler que 1 gros 20 grains de fleurs jaunes, parfaitement, femblables à celles que j'avois obtenues par le moyen de la coupelle & de Fentonnoir. Au bout des fept heures, comme: il:nes’élevoit plus de fumée, j'ai enlevé les aludels, &ÿ j'ai trouvé le bain de bifmuth couvert d'une pellicule vitrifiée, qui empéchoit l'élévation des fleurs ; & même le creufet étoit percé, ayant. été corrodé par de bifmuth pendant ces fépt heures de feu violent, comme il lauroit été. pan du: plomb. | J'ai répété cette opération dans d'autres vaifleaux, fs que 1e bifmuth ayant rongé le creufet:de- fer, j'aiicru que:cela pouvoit peut-être avoir mis obfticle: à à fublimation ; mais ees tentatives ont été inutiles, L’ opération: faite dans lé-creufet * (Id experientia hon cohfirmat, nêc juod fi üb fix a cœruleam former; quod _— lesitur, De Wifmutho, p{ræsethirs Din i pO DES SCIENCES. 309 de fer, eft celle de toutes qui m'a donné Ha plus grande quantité de fleurs. : M. Pott a dit * que l'expérience ne confirme pas ce que M. Kraütermann, M. Bôcler & quelques autres Chymifles ont avancé, que le bifmuth eft affez volatil au feu pour qu'il sen aille prefque tout en vapeurs, & qu'il refle peu de matière fixe. J'ai voulu en faire l'expérience, afin de fivoir combien le bifmuth contient de parties volatiles, & quelle eft la matière fixe qui refte après qu'on les a chaflées par le feu. Pour cet effet, j'ai mis dans un creufet 2 onces de bifmuth, & au bout de quelque temps je fuis parvenu à lui donner le degré de chaleur propre à le faire découvrir; alors il s’en eft élevé une fumée aflez abondante: j'en ai reçû dans un entonnoir de verre une certaine quantité, qui s'eft condenfée en fleurs parfaitement femblables à celles que j'avois eues par la coupelle & par le moyen des grands aludels. Ces vapeurs- senflammoient au fortir du creufet; ainfi je ne pouvois les retenir dans l’entonnoir qu'en le pofant fur le creufet, de ma- nière qu'ilen fermät totalement l'ouverture, & je m'apercevois alors que la fumée diminuoit fenfiblement ; & même cefloit totalement au bout de quelques inftans; mais elle fe renouveloit & devenoit fort abondante lorfque j'enlevois l'entonnoir, ce qui prouve inconteftablement que le contaét de l'air extérieur eft néceflaire pour l'élévation des fleurs : par conféquent ä étoit impofhble que je puffe réuffir à en obtenir une certaine quantité en traitant de bifmuth dans des vaifleaux fermés, comme je lavois toûjours fait. Mais, dans cette expérience, le bifmuth ne fumant que fort lentement, une partie s'eft convertie en litharge, qui, en { vitrifiant enfüuite, à percé le creufet. - J'ai répété Topération en me fervant, au lieu de creufet, d'un de ces pots de grès dans lefquels on enferme le beurre de Bretagne; & lorfque te bifmuth s'eft découvert, j'ai dirigé * Quod vero in igne aded volatilis exiffat, ut nilil ferè remaneat, proue à Kraütermanno Dm. D. Büclero êT alüs affirmatur, id expérientia 107% confirmat, De Wifinutho, p. 145. ] É Qa ii 310 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE deflus le bain le vent d’un foufflet qui hâtoit fon évaporation ,: & par ce moyen une heure de temps a fuffi pour faire éva- porer en fumée 2 onces de bifmuth, à l'exception de 24 grains de litharge, qui font reftés au fond du pot de grès. Cette expérience, répétée plufieurs fois avec le même fuccès, m'o- blige de conclurre que le fait avancé par Mrs Kraïütermann, Bôcler, &c, eft conforme à l'expérience, Pour tâcher de connoître la naure des fleurs de bifmuth dont je viens de parler, j'ai tenté de les fublimer en les chauffant pendant une heure à feu nu dans une cornue de verre; & comme il ne s'en eft pas élevé la moindre partie, cette expérience m'a prouvé qu'elles étoient fixes. Je m'en fuis encore afluré par un autre eflai ; J'en ai mis quelques grains for un charbon ardent, la chaleur leur a donné une couleur rouge, mais qui nétoit que pafagère, car elles font rede- venues jaunes en fe refroidiffant ; & quoiqu'elles euffent demeuré $ minutes fur le charbon toüjours allumé, il ne sen eft pas exhalé la plus petite portion, mais une partie s'elt reflufcitée en bifmuth. Bien certain alors que ces fleurs. étoient fixes, j'ai voulu favoir fi elles n’étoient pas arfénicales : pour cet eflet, j'ai chauffé vivement 6 grains de ces fleurs entre deux plaques de cuivre de rofette, qui ne m'ont point paru changer de couleur; & fi ces leurs étoient aifénicales, le cuivre auroit dû blanchir. J'ai fait encore une autre expé- rience, j'ai fublimé dans une cornue un mélange de parties égales de ces fleurs & de pyrite fulphureufe pulvérifée: cette opération m'a fourni des fleurs de foufre dont la couleur n'étoit point altérée ; & fr ces fleurs avoient été fenfiblement arfénicales , elles auroient dû teindre en rouge le foufre qui s'élevoit des pyrites. Aïnfi il me paroît qu'on peut conclurre de ces deux expé- riences, que les fleurs de bifmuth fans addition ne font point arfénicales, J'ai effayé de répéter fur le plomb les opérations par le moyen defquelles j'avois obtenu des fleurs de bifmuth fans, addition, & celle qui m'avoit fervi à détenmainér la quantité, DES SCIENCES. 311 des parties volatiles contenues dans ce fémi - métal. En opérant fur le plomb traité par le moyen de la cou- pelle, comme j'avois fait fur le bifmuth pour en fublimer des fleurs, j'ai eu de même des fleurs de plomb d’un blanc un peu jauhâtre, ou d'une couleur citrine extrêmement claire. Ces fleurs font fixes, comme celles du bifinuth; mais elles diffèrent de ces dernières en ce qu'elles contiennent une portion d’arfénic, très-petite à Ja vérité, mais cependant aflez fenfible pour blanchir légèrement le cuivre rouge, & pour donner au foufre fublimé des pyrites une petite teinte de rouge. Pour connoître le degré de volatilité du plomb, jai mis quatre onces de plomb dans un de ces pots de grès dont jai déjà parlé, & lorfqu'il seft découvert, j'y ai ap- pliqué le vent d'un foufflet. Le plomb fumoit alors bien plus abondamment que le bifmuth , mais en même temps la litharge fe formoit très-promptement à fa furface; & forfque tout le bain en a étécouvert, en continuant de fouffler, j'ai aperçû fur cette ditharge des couleurs de l'iris, telles qu'elles fe montrent à la fin d'un effai d'argent à la coupelle. Ces couleurs étoïent produites & foûtenues par Le vent du foufflet; car dès que je difcontinuois de de faire jouer, elles ceflüient totalement, & elles reparoiïfloient auffi-tôt que le foufflet recommençoit à agir; ainfi je crois ne pouvoir les attribuer qu'au refroïdiflement fubit que chaque coup de fouflet caufoit à a litharge. Trois quarts d'heure ont fuffi pour faire éva- porer en-fumée la moitié du plomb que j'avois mis dans le potde grès, le refte s'étant converti en litharge. J'ai reffufcité cette litharge en plomb, lequel a perdu les trois quarts de fon poids par une feconde opération femblable à la pre- mière : jai reflufcité encore une fois la litharge reftée, & une troifième opération femblable aux deux premières a fait évaporer tout le plomb en fumée, à l'exception d’une portion de litharge fi petite, qu'il auroit.été difficile de la reflufciter. Ainfi on voit que par cette opération tout le plomb peut être volatilifé : le bifmuth le peut être aufii en entier ; car, en reflufcitant Îa litharge qui refte à la fin de la première 312 Mémoires DE L'ACADÉMIE Royate opération , une feconde opération fuffit pour difliper tout le bifmuth. | Je crois avoir démontré dans ce Mémoire, qu'il y a de Panalogie entre le plomb & le bifmuth. Car 1° ces deux métaux augmentent de poids dans fa calcination. r 2.° Les chaux fimples de lun & de l'autre fe vitrifienc fans addition, & dans le même efpace de temps, avec un degré de chaleur égal. 3.” Le verre de plomb & le verre de bifmuth corrodent tous deux les terres, quoiqu'avec une petite différence. 4° J'ai réufi à faire du mafficot avec le bifmuth de même qu'avec le plomb. s+ Le bifmuth employé en même proportion que le plomb, affine également bien l'argent. 6.” Le bifmuth, de même que le plomb, me paroît contenir toujours une portion d'argent. 7. Le bifmuth fe convertit en litharge fur la coupelle, de même que le plomb. 8.° Le bifmuth peut fervir, auffi-bien que le plomb, à effayer par la fcorification les mines tenant or & argent. 9." Le bifmuth & le plomb donnent tous les deux des fleurs fans addition. 10. Enfin le plomb & le bifmuth peuvent être totale- ment volatilifés, Dans un fecond Mémoire, j'examinerai fr cette analogie fe foûtient en traitant ces deux matières avec les acides & différens fels. RECHERCRES DE SM SCIE N CES 313 RE NC E RG ES SUR LA: THEORIÉ DE MERCURE. Par M DE TuHuRrv#. D ayant été fufffamment inftruite par le Mémoire de M. de 'Ifle, à l’occafion du dernier pañlage de Mercure fur le Soleil, des différens réfultats du calcul de ce palace, fait fur les Tables dé Mrs de 1 Hire, Halley, Street, &-enfin fur celles de mon père, je crois qu'il feroit inutile de les rappeler ici. Mon deflein, dans ce Mémoire, n'eft point de chercher à juftifier les Tables de mon père, mais de profiter de la première obfervation que l'on ait faite à Paris du pañlage de Mercure par fon nœud defcendant, pour rectifier des Tables dont les élémens étoient fondés fur les obfervations faites dans le nœud oppolé. Je vais rendre compte à l'Académie des moyens que j'ai mis en ufage pour y parvenir. Ü fuffit d'ouvrir les Mémoires de l'Académie, pour y trouver un grand nombre de recherches & de réflexions fur la théorie de Mercure: lorfqu'il a fallu établir le moyen mouvement de cette planète, l'on auroit defiré de trouver des obfervations faites dans êmes points de fon orbe, & dans des temps a mais les obfervations de Ptolomée étoient fr groffières & fi incertaines, que cet Af tronome ne croyoit pas que cette planète pût pañler direc- tement fur le Soleil. Képler, dont les Tables (appelées Ru- dolphines) repréfentoient avec le plus d'exactitude le lieu de Mercure, nous avertit dans les Ephémérides de 1617, qu'il n'ofoit efpérer que fon calcul pût repréfenter le lieu de Mercure dans les conjonétions avec une précifion de plus dun jour. Ces Tables ont été corigées dans la fuite par Men. 175 3. . Rr 3174 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE M. Bouillaud & par plufieurs autres Aflronomes ; mais malgré ces corrections, mon grand-père ajoûte dans les Mémoires de lAcadémie de l'année 1707 /p 341) ces termes: Z nous eff toñjours re 14 quelque PRE Jur le moyen mouvement de Mercure, tant à caufe de la grande incertitude des ob bfer- vations, anciennes , qu'il faut comparer pour cet effet avec .les modernes, que par la diffuulté qu'il y a de bien feparer les inégalités de cette Planete de fon mouvement apparent. Les Aftronomes n'ont pas été moins embarraflés forfqu'il a- fallu déterminer f'aphélie & l’excentricité de Mercuré. M, Bouillaud qui le premier, après Képler, a déterminé avec mé- thode ces élémens, en employant les oblervations de Wat- therus, de Gaflendi &. les fiennes, marque expreflément qu'il ne prétend pas pouvoir déterminer! !affez précifément fon moyen, mouvement, non plus que ces deux élémens; &c d'ailleurs, quand même il feroit parvenu à déterminer la pofi tion de l'aphélie & l'excentricité del'orbe, il refteroit toùjours une difhculté dans la diftribution de la première inécalité ; & l'on ne fauroit préfumer que les obfervations immédiates faflent diftinguer la meilleure manière de cette diflribation, puifque la moindre erreur dans les digreflions de Mercure en produit une très- grande dans les a que Mercure fait: au Soleil. Les obférvations des conjonétions de: Mercure avec: le: Soleil, qui font les plus propres pour déterminer la pofition des nœuds, ne peuvent sa employées pour déterminer l'indlinaifon de Forbite, qui fuppofe les oblervations les plus éloignées du nœud; car l'inchiaifon eft mefurée par la plus grande latitude; qui eft à 90 degrés, diflance dés nœuds. M. de la Hire, ‘qui avoit pà profiter de fix obfervations: du paffage de Mercure fur le Soleil, faites dans le fiècle: pañlé, & de plufieurs obfervations quil avoit faites [lui-même de cette planète, pour dreffer des Tables qu'il'a données au Public, fut fort furpris de voir que fes Fables, qui avoient repréfenté avec beaucoup d'exactitude le pañage de Mercure au méridien , le 2 2 Oétobre 1699, la première fois qu'il I LE: 94 MSC: HE :N1 @ ES LES avoit vü cette planète au méridien , & plufieurs autres pet fages de la même planète obfervés en 1707, 1705 & «1707, annonçoient le paflage de Mercure fur le Soleil de 1707, viible à’ Paris, tandis que les Aftronomes les plus attentifs. n'aperçurent rien, fur le Soleil, qui avoit paru toute la journée : F'oblervation qu'il avoit faite le 12 Avril de la même année ( & dont nous parlerons dans Ja fuite) du pañfage de Mercure au méridien, &. où il n'avoit remarqué qu'une très-petite différence entre Ja Jongitude & Ja latitude obfervée, & celles qui rélultoient du calcul de ces Tables, feinbloit lui promettre une grande précifion. M. de la Hire père *, fit *Voy. Am à cette occafion différentes recherches pour rectifier le caleul 277? 2% des Ephémérides de l Académie, qui anñonçoient cette con- jonction le $ Mai à 11° 20’ du matin; mais il en réfultoit toüjours qu'on. auroit dû. voir Mercure pendant Ja moitié de fon cours, & lui-même, maigré fon attention, n'avoit rien vü. | | Mon père, dans fa conftruétion de fes Tables, a eru devoir faire ufage des oblervations des conjonétions de cette planète avec le Soleil; & comme il avoit un affez grand nombre d'obfervations exactes du paflage de Mercure fur le: Soleil dans le nœud defcendant, où Mercure avoit été vû fept fois, il eft parvenu: à repréfenter avec affez d'exactitude toutes les obfervations. arrivées dans. ce nœud, I nen eft plus de même de celles qui font arrivées dans le nœud oppofé. La feule obfervation qu'il avoit employée dans cette circonftance, étoit celle d'Hevelius, faite en: r 661; & quoiqu'il ait reconnu lui-même des erreurs dans le réfultat du. calcul de cet Aftronome, le défaut de meilleures obfer- vations, la engagé à reifier ce calcul. IE y a apparence qu'il na découvert qu'une partie des erreurs, & que celles qui lui ont échappé ont été la fource de toutes celles qui fe font manifefkées dans l'obfervation des paffages de 1740 &. de 175 3; où les Tables de mon-père s'éloignent de l'obfer- vation, dans la première de 18 minutes, & dans la feconde de 20 minutes ; & il y avoir à craindre que l'erreur, qui ; Rrij 316 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE va en augmentant, ne fe multipliât à l'infini, fi on ne la corrigeoit. H feroit trop long d'expofer ici tous les différens calculs que j'ai faits pour vérifier fur les obférvations mêmes tous les élémens qui entrent dans la théorie de Mercure : il me fuffra de faire remarquer que les réfultats n'ont donné des différences fi confidérables, qu'il m'a paru que le feul moyen que je pouvois employer avec fuccès pour rectifier les Tables, étoit celui de comparer les différences entre le calcul & lobfervation au temps des conjonétions de cette planète avec : le Soleil; & il eft certain que f1 de la longitude de Mercure, déduite de nos Tables dans la dernière oblervation de 175 3, j'eufle retranché 18 minutes, différence que jai remarquée entre lobfervation de M. Vintrop en 1740, & le réfultat de nos Tables, ces Tables ainfr corrigées auroient repréfenté avec une très-grande exactitude le dernier paflage. Cette méthode de rectifier les tables par les différences . que l'on remarque entre le calcul & l'obfervation, eft la feule, à ce que je penfe, que l’on puifle pratiquer dans les planètes dont l'excentricité eft fort grande, & dont le mouvement eft fort irrégulier : c'eft celle que plufieurs Aftronomes ont fuivie pour rectifier les Tables de la Lune, & fi lon n'eft pas encore parvenu à connoître toutes les caufes & fa quantité des équations qui entrent dans les élémens de Ja théorie de cette planète, on a au moins la connoiflance de l'erreur des Tables dans les différens poins de fon orbite, d'où l'on peut tirer un très-grand avantage pour corriger le lieu de Ja Lune. Nous ne faurions cependant diffimuler que nous manquons d'une fuite d'obfervations de Mercure faites dans une de fes révolutions, & que nous ne pouvons même efpérer de les avoir: il faut un ciel très-clair pour apercevoir Mercure dans le mé- ridien, & fouvent même on nele voit pas quoiqu'il foit dans la circonftance la plus favorable pour être aperçu. En dernier lieu, je l'ai cherché lorfqu'il pafloit une heure & demie avant le Soleil, & qu'il avoit une déclinaifon beaucoup plus petite DES SCIENCES. Lt ue celle de cet aflre, & je n'ai pû l'apercevoir, tandis que je l'ai obfervé quelquefois au méridien à 1 rh 30’, une demi- heure avant le paffage du Soleil. L'on ne fauroit trop compter fur les obfervations faites le matin & le foir avant ou après le lever du Soleil ; car, indépendamment de la difficulté de trouver une étoile fur le parallèle de Mercure, à laquelle on puifle le comparer, l'on doit craindre Finégalité des réfrac- tious horizontales qui changent irrégulièrement le lieu apparent de la planète. J'ai donc été obligé de borner mes correétions aux fimples obfervations des conjonétions de Mercure avec le Soleil; & après avoir cherché par différentes combinaifons quelle étoit la longitude moyenne, celle de l'aphélie & de fon nœud qu'il falloit admettre pour repréfenter dif con- jonétions de cette planète obfervées dans l'un & autre nœud, enfin quelle quantité de moyen mouvement annuel tant de Mercure que de laphélie & du nœud. il falloit fuppofer pour concilier toutes ces obfervations, je me fuis arrêté à celle qui m'a paru le plus approcher du vrai. Mais je ne faurois trop avertir les Aftronomes, que je ne prétends point que les élémens que je vais foumettre à leur jugement foient les véritables, parce qu'ils ont l'avantage de repréfenter toutes les. obfervations faites jufqu'à préfent. Nous voyons dans les Elémens d'Aflronomie de mon: père f/page 610) la comparaifon qu’il fait de la longitude moyenne de Mercure & de fon aphélie, rélultante de fhypothèfe elliptique fimple & de celle de Képler. La première de ces hypothèfes donne là longitude moyenne de Mercure le 9 Novembre 1690, de 11264 14' 56", celle de l'aphélie de 8f 104 51 50", & l'excentricité de 244 $ 5’ 4", tandis que la fêconde donne la: longitude moyenne de 1f 264 $1° 12", plus avancée de 36”, celle de laphélie de 81 124 22’ 2 5”, plus avancée de 144, & enfin la plus grande équation de 244.3, plus petite de 5 2° que fuivant l'autre hypothèle; & ce qui ef digne de remarque, c'eft que ces deux hypothèfes, dont les prin- cipes & les élémens font différens, repréfentent avec la même précifion les obfervations des années 1631, 1672, 1723 ’ Rr ïïj 318 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & 1736. Quelle raïifon pourroit-on avoir pour donner la préférence à l'une fur l'autre? Il me refte préfentement à expofer les élémens que jai employés pour fa correétion des nouvelles Tables. J'ai fuppofé l'époque de a longitude moyenne de Mer- cure, de celle de l'aphélie, & l'excentricité les mêmes pour Vannée 1 63 1, que celles que donnent les Tables de mon père ; j'ai feulement ajoûté ro minutes à l'époque de à longitude du nœud: à l'égard du moyen mouvement de Mercure, de fon aphélie & de fon nœud, j'ai trouvé qu'il falloit retrancher depuis cette époque 6 fecondes par an für le moyen mouvement, 20 fecondes fur celui de l'aphélie, & s des fur celui du nœud ; moyennant cette correétion, j'ai repréfenté toutes les obfervations telles qu'on les voit dans la Table fuivante, où lon ne remarque qu'une différence d'une minute entré les lieux calculés & les lieux obfervés. J'en excepte cependant celle d'Hevelius, que j'ai regardée comme défectueufe. Il m'auroit été facile d'approcher encore plus près de l’obfervation , fi j'euffe été affuré de connoître la longitude du Soleil à une demi - minute près. Æpoques. Longitude moyenne: Lieu de l'Aphélie. Lieu du Naud. LG zu 4 ns om bigE "MS net 1661. |2h 6 véra2|8- ire 38 dr: lzo ty 1677 preneur re U8 rca eh 1Éégoan 12 au an Benin bis eds 16975 |7. 26: 56:44 |8. 1240 8 38 1. 14 dmugo 17230 174 Sn 4luxé of 8sy2e 94 38 [rcagab seio: 1736: 162128 46 53 182 12.047 38 pl 13-027 1740. 2; 7. 44 46 18. mass 38 lu 15. c16.4x0 27435 1718 54e 8m ds 238) Ste rs2:2 LA53e hé raburandaonteiuB) dress | ni. l2srule De ces élémens j'ai conclu la longitude de Mercure au temps de fa conjonction, avec le Soleil, DES SérEenNcEs 319 | Époque. Temps vrai. | Longitude de Mercure. | Longitude du Sail, r651. # Nov |A 750 |1f 14% 41 24" |1f 14% 41° 36" 1661. 8 Mai. 4 O7. 13. 28. 24 |7. 13. 33. 0 1677. 7 No. O. 30 IL u5. AAMO PIS. 144. 30 1690. 10 Nov. 6. ‘6 |1. T8. 20. 12 |{. 18. 20. 40 1697. 3. Nov. Se S DUTUe Te ROMA ONE Te ES ch S 1723. 9 Nov. SN 20N Te 10e 47 3 |1. 16, 47. 11 19736: 11 Nov! ar. 15 Vr. Vo. 25. OMS TO RENE 740: 2 Ma |! 10: 40 [7h 2\ 42. : 6 |7. 12. 42: 53 274 (si NoVT PO." 22 Tr 17 57 SU Tr 12, 37. 0, 1753. K Mai. 6. ce APN S Ts IT 2e AT Nos! aurions fuhatté pouvoir comparer à nos Tables reétifiées; le pañlige de 1707, obfervé à Coppenhigue par M: Roëmer mais come it 'ellopas poffblé déreohelurre rich idelcertainde d'obfervation de cèt Aftronôme , j'äï caleulé lobfervation de Merture faite! au réridien par ‘M. ' dela Hire, quelques jours avant éelui où eft arrivé de paflige de cetté planète fur Le Soleil. Voici lé détail dé lobfervation dé M, de‘ la Hire, telle qu'elle 'eft Fr dés! Mé: mbires de l Aeadéntie de! 1707. Le 12 Avril 17071 He! éénitre” de Mérähe a pa. sel _ métidiet à rhr1 7% après _ &' fe hauteur Méri dienne vriie étoit alots de 5184 sin 31". M: de la Hire’ déduit de cette obfeivation 1à longitude de’ Mercure ‘de r© prd 28" 33", & fa Jatitude boréale dé 24 Xe al: ec Nastre «Les Tables dé et Aflfünôme donnent lohpiuide dé’ Mercure pour cé tempside 10 1 14 30° 45", & falatitude de Al y5" 06") avec une différence féülemient de’ z! Lan M liongitude,& dé 1’ $" dans H latitude, 2 Ayant! calculé fur n68 Tables rectifiées La ôngltade de Mercure au ternps dé fn paffige tu Méridien, j'ai trouvé, en fuppofant 13 lonoitudé{ roÿénne de Métcure ‘pour l'mhée! 1707, dé afl28%ir3"%#; celle dé laphélie dé Bt p24 1838", & cellé du nœud’ de M r44 28" $ 6”, là longithde sx dé Meféure de 104 rd 3$229")8c fa latiiude dé 24 Mém. Acad. 1707, page 1997. 320 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE 34° 5"; d'où il réfülteroit que nos Tables s'éloigneroient encore plus de Fobfervation que celles de M. de la Hire, puifque, felon notre calcul, il y auroit une différence de 3° 4" dans Ja longitude, & de 2° $” dans la latitude, entre l'ob- PAR & le réfultat de nos Tables. Après avoir vérifié plufieurs fois mon calcul fans y trouver les erreurs que je cherchois, & étant aufli certain que les nouvelles Tables ne pouvoient s'écarter de l'obfervation d'une auffi grande quantité, que je pouvois l'être de l'exactitude de l'oblervation, de, M. .de la Hire & de fon calcul, j'ai pris le parti de calculer de. nouveau lobfervation de M. de la Hire ; & en fuppofant lafcenfion droite du Soleil de 204 14 20", & la différence d'afcenfion droite entre Mercure & le Soleil de 174 53/:30", j'ai trouvé l'afcenfion droite de Mercure de 384,7" 50"; retranchant de la hauteur mé- ridienne: vraie de, Mercure, 5-84 153$ 31", la hauteur de JE- ae, 41,9; $0" , Jai: trouvé la déclinaifon de Mercure de 174 4340"; & en fappofnt lobliquité de l'Ecliptique de 234 25° 30",.jai trouvé la longitude de Mercure de Li a: 5 0, &, fa latitude de 24 34/47" Ce nouveau calcul diffère de celui de M. de Ja Hire de 4° 3" dans Ja longitude, -&.de 2147" dans la latitude; & ce qui eft digne de remarque, c'eft que ce nouveau calcul rapproche le réfultat de nos {L'ables der l'obfervation, de façon qu'iln'y a plus que 59 fecondes. de différence daus la longitude, & 42 fecondes dans la Jatitude, tandis que les Tables de M. de la: Hire diffèrent de plus de 6 minutes dans la longitude, &: de plus de 2, minutes dans Ja latitude : or fes 6 minutes d'erreur dans. fa- -pofition de Mercure dans l'endroit de l'orbe où il étoit au temps de. fon paffage fur le Soleil, devoient produire une différence de près de quatre heures dans les phafes de cette édipf ; il n'eftdonc plus étonnant que les Tables de M. de 1 Hire, qui: paroifloient repréfenter fr exaétement Jes. -obfer vations au méridien, aient annoncé là conjonétion de Mercure: du $ Mai 1707, vifible à Paris, tandis: que Jes Aflronomes les -plus -attentifs, n’ont . rien aperçü ; & a découverte DÉS SCIENCES 32€ découverte de cette erreur, par le moyen de nos Tables corrigées, parle plus en leur faveur que tout ce que je pourrois dire pour prouver la vérité des élémens que j'ai employés. Voici d'autres obfervations de Mercure, faites hors des conjonctions, que j'ai comparées avec le réfultat des nou- veaux élémens. Toutes, à l'exception de la dernière, ont été faites par M. de la Hire, & font rapportées dans les Mé- moires de l'Académie *, *Années 17 0 6 d'1707 Obfervations de Mercure ; faites hors des Conjonélions. Ed Epoques. Paffage au mérid. | Longitude obfervée, Longitude calculée. | Diff. long. | Latie. obfervée.| Larir. calculée. | Différ. lat. 6699-22 O&.|roh 58 26/60. 124 5! 58" |6f rad 8 46"| 2 48"]2d 7 og"|2d 6 s"| 1 4 23 O&.|10. 58. 20416. 13. 31. 44 |6. 13. 34. 7 | 2. 23 |2. 5. 32 |2. $. 40 | 0. 8 24 OG.frr. 1. 5326. 14. 59. 22 16. 15. 1. 32 | 2. 10 Î2. 4. 54 |2. 4. 30 | o. 24 fzos. 18 Juillet} ro. 47. 5 |3. 8. 27. 48 |3. 8. 28. 43 | o. $$ |o. 39. 15 |o. 29. 27 | o. «2 25 Juillet|«r. 16. 8 |3. ar. 33. 33 |3. 21. 36. o | 2. 27 |o. $r. 2 |o. sr. 15 | o 13 #707. 14 Juin |ro. 37. 24 [2. 2. 53. 25 |z. 2. $2. 1 | 10 14 [ae 55. or |r. $$. 30 | o. 29 1$ Juin | 0. 39. 56 |2. 4. 32. 62. 4. 30. 42 | r. 24 |r. 44 16 |1. 44. 16 | o. 19 p7so. $ O&.| 1. 31. 15 |7. 7. 18. 40 |7. 7. 19. 32 | o. $9 |2. so. 46 |2. 50. 46 | o. j6 Je donnerai dans un fecond Mémoire, les réfultats de plufieurs obfervations de Mercure faites dans fes plus grandes digreflions, & dont j'ai fait ufage pour déterminer directement l'équation du centre de Mercure, que j'ai trouvée de 234 $0" environ plus petite que celle qui eft marquée dans les Tables de mon père, & à laquelle cependant je nai point voulu narrêter jufqu'à ce qu'elle ait été confirmée par des obfer- vations que je me ‘propofe de faire cette.année, & dont je rendrai compte à la Compagnie. REMARQUE. Si lon fuppofe la plus grände équation du centre telle que je lai trouvée, il faut, pour repréfenter toutes les con- jonctions de Mercure, ajoûter 2 minutes aux époques de Ja Jongitude moyenne, & 14 minutes à celles de l'aphélie, & fe fervir de l'équation qui convient aux degrés d'anomalie Men. 1753: A: 14 322 MÉMOIRES DE L’ACADÉMIE ROYALE moyenne, telle qu'elle eft marquée ci-deffous. Ainfi l’époque de la longitude moyenne de Mercure étoit en 1631, de 7f 12d 1° 31”, & celle de aphélie de 81 164 14° 17", & en 1753 de 1 284 23” 29”, & celle de l'aphélie de 8f r3d 19° 8". J'ai auffi déduit des mêmes obfervations la plus grande diftance de Mercure au Soleil de 46766 parties, la plus petite de 30704, & la moyenne de 3 8292. Anomalie moyenne. Equation du centre, bn tbe veile 1e) out «ide 1 06)S S7 Do "ER. À) sein LOS 2185 RS A PRET CL AM es lire bte + Os r0: BA0SiG L 28 SROURE SAPIN RHOSAN ETES 9-39: 18 Fe tete eente fre are) »! etais 9e 9 19 PE rl REED PE I ET 8. 38. 59 DS LA pee: SE liées ve ete sal ia CP EM LOL sh helséshannel Née Hélohelis 14». 2+ 49 LINGE à see rl tenRaNe 13. 4600 5 MURS NT INSUR PM SPE MEHR SE 13 PDU OA eue gr eue sie le a 12 ne Ne D (ON MEET SMART VE 12. 37. 47 DES SCIENCES 323 SUR LE COURS DU SANG : DANS LE FOIE DU FŒTUS HUMAIN. PREMIER MEMOIRE. Par M. BERTIN. T° cours du fang dans le cœur du fœtus a occupé les Anatomiftes modernes, & les paflages de ce fluide dans le foie ont fixé l'attention des Anciens. Frappés de fappareil {ngulier de ces vaifleaux, de leur entrelacement, de leur multiplicité, ils en ont füivi les détours avec plus de foin que de fuccès: quoiqu'ils fe foient égarés dans ce labyrinthe, ils ont cru qu'ils y avoient trouvé le fil qui pouvoit les guider. Dans cette idée, qui n'étoit pas fans fondement, ils ont pro- noncé que le cœur ‘étoit un organe fubordonné au foie ; que ce vifcère, pour me fervir de leurs termes, étoit le laboratoire du fang, le fecrétoire des levains de la digeftion, l'origine de toutes les veines, enfin l'organe par excellence ; organe qui, felon eux, étoit le premier ouvrage de Ja Nature dans les temps de notre formation, & qui contribuoit le plus au développement des autres parties. Les Anatomiftes modernes au contraire ont voulu élever fur les ruines du foie l'empire du cœur, & Vétendre fur toute la machine animale. Quel- ques-uns, prévenus contre les idées des Anciens, n’ont pas fait difficulté de donner à leurs ouvrages ce titre bizarre; Epitaphe du foie, c'eftà-dire, VE pitaphe du plus grand & d'un des plus effentiels des vifcères du corps humain : l'on diroit qu'on ne s’eft appliqué qu'à dui retrancher les ufages fans bornes que Galien lui avoit donnés. De nouvelles re cherches fur les vaifleaux & fur les différences fi marquées du foie du fœtus & de Fadulte, ont été regardées comme Sfi 324 MÉMOIRES DE LACADÉMIE ROYALE fuperflues : le canal veineux a paru être le nœud des difficultés & le terme de ces différences. IL faut cependant convenir que tous les Anatomiftes font d'accord fur une différence importante entre le foie du fœtus & celui de l'adulte : tous conviennent que le foie du fœtus eft traverfé par une grande veine appelée veine ombilicale, & que cette veine apporte dans le foie du fœtus un liquide travaillé par les organes de la mère; qu'elle rapporte en même temps une grande quantité de fang qui a déjà circulé dans les vaiffeaux du foctus ; & que le fang du fœtus & celui de la mère, confondus & mélés enfemble dans les détours de la veine ombilicale, font portés de la fubftance du foie jufqu’au cœur. Mais quelles font les véritables routes que fuivent ces liquides depuis leur entrée dansde foie jufques au cœur ? quelle eft la direction de leur mouvement ? quelle eft l'é- conomie de leur diflribution dans la fubftance du foie! quel eft le rapport entre la quantité du fang qui remonte du pla- centa dans le foie & celle du fang de la veine porte! c'eft ce que l'on a ignoré jufqu'à préfent, & ce que je me propole d'examiner avant que d'entrer dans les détails de la ftructure, & d'en tirer les conféquences qui auront avec elle un rapport néceflaire. Il eft important que je donne une idée de la doctrine des Anciens & de celle des Modernes fur la ma- tière que je me propole d'examiner. Galien avoit donné dans un excès; il prétendoit que le foie n'étoit formé que par la veine ombilicale, Arantius au contraire prétend que la veine ombilicale eft formée par a veine porte. Le grand Harvey avance qu'elle fe jette dans la veine cave, fans fournir aucune branche dans la fubftance du foie. Le plus grand des Anatomiftes de l'antiquité donne trop à la veine ombilicale, parce que le foie paroïffoit être à fes yeux l'organe par excellence. Harvey ,‘au contraire, pré- venu contre ce vilcère, ne fe perfuadoit point que la veine ombilicale formât un appareil admirable de vaiffeaux dans la fubftance du foie. L'on fait combien les idées de ces deux Médecins, fur Le développement du fœtus, font oppofées. et + GT SUR on D UE "A 4: ro DES SCIENCES 32 IL paroît que la véritable ftruéture de la veine ombilicale n'avoit pas échappé à Euftachi; je la trouve, avec M.rs Lamy & Senac, foiblement repréfentée dans la première figure de la planche xxv11. Ce qui rend cette figure auffi dé- feétueufe qu'elle l'eft en eflet, c'eft que vrai-femblablement Euftachi ne l'a pas fait defliner d'après le fœtus; il a tranf- porté fur le foie d'un adulte, ou d'un enfant qui avoit ref- piré, une image que l'examen du foie du fœtus lui avoit fait naître, mais que le temps avoit affoiblie, & même défigurée : de forte que, s'il étoit permis de foupçonner que cet Ana- : tomifte eût fait defliner d’après fon imagination ou fa mé- moire quelques-unes de fes figures, je penferois que la pre- mière de la planche xxvi1 feroit de ce nombre; car, quoiqu’en dife M. Albinus, de telles fautes ne font point de la nature de celles que l’on peut attribuer à des Deffinateurs. Aïn jene fais pas difficulté de dire, avec M. Senac ?, « qu'Euf tachi a joint les vaiffeaux hépatiques du fœtus à ceux de Yadulte, » Je pafle ici très-lécèrement fur cette importante _ figure, qui a beaucoup exercé l'attention & la plume de plu- fieurs Anatomiftes célèbres. Son examen & celui des expli- cations qui en ont été données par de grands Médecins, tels que M.'s Lancifi, Bianchi, Morgagni, Albinus, me paroiflent aflez intéreffans pour tenir place dans un des Mémoires qui fuivront celui-ci. Le mélange des diflérens vaifleaux que Euflachi a voulu repréfenter dans cette figure, a été, ainfi que le remarque M. Senac, une véritable énigme, qui, pour être expliquée, auroit, dit M. Albinus, befoin du na- geur de Délos. | Galien b avoit précédé Euftachi dans la découverte. des branches que la veine ombilicale répand dans le foie. Loin de s'attribuer l'honneur d'une telle découverte, il dit expref- fément que cette ftruéture étoit connue de tous les Profefeurs d'Anatomie : il paroît même très-clairement qu'il a vû la jonction d'un rameau , que j'appelle la tige de la veine om- bilicale, avec la veine porte; il a reconnu la divifion de la veine ombilicale: l'une des branches de cette divifion donnoit \ Sfii 2 Traité du Cœur, t. IL, <€ page ZI. 5 Zibro de Fatum forma- rione, Dehuiano fatu. 326 MÉMoiREs DE L'ACADÉMIE ROYALE naiflance aux veines hépatiques, & celles-ci à la veine cave; l'autre produifoit la veine porte, & de celle-ci naifloient toutes les veines des inteflins (a). Le canal veineux avoit échappé aux recherches de Galien ; l'honneur d’une telle découverte étoit réfervé au célèbre Arantius. La réunion des racines ou des rameaux inférieurs de a veine ombilicale en un feul tronc, & non pas en deux, comme on l'avoit cru depuis Galien jufqu’au temps d'Arantius, la difpofition des rameaux de cette veine en forme de réfeau fur le placenta, lextravafion du fang dans les cellules de ce vifcère, l'exiftence de ces cellules conftatée, la difpofition du cordon, fon étendue, fes enveloppes nettement expolées, fon infertion, non au centre du placenta, mais plus près d'une des moitiés du contour de ce vifcère que de l'autre, exactement déterminée, l’ouraque réduit à fa jufte valeur, fallantoïde profcrite, ne font pas les feules découvertes qui nous rendent précieux l'ouvrage d’Arantius fur la formation du fœtus. Le paffage du fang de la veine ombilicale n’étoit fondé que fur la difpofition des rameaux de la veine ombilicale & fur celle des rameaux hépatiques de Ja veine cave. L'on croyoit que le fang fortoit des cavités des vaifleaux, qu'il s'extravafoit avant que d'entrer dans les veines hépatiques. Jamais les yeux des hommes n'avoient aperçu une continuité de fubftance & de cavité entre la veine cave & la veine ombilicale. Arantius la voit le premier; la defcription qu'il en donne eft fi exacte, qu'elle a fervi de règle à la poftérité pour chercher & trouver cette communication des veines du foie avec la veine cave. Plufieurs l'ont faifie avec avidité, charmés d'y trouver des raifons capables de faire triompher la doétrine de Galien fur le développement du fœtas, de la plus grande des difficultés qu'on pût lui oppoler (b), ou d'y trouver le fondement d'un (a) Nec mihi primo cognita, dit Ga- | (b) La plus grande difficulté qu’on lien en parlant de cette première di- | püc oppofer à Galien étoit le défaut vifion, fed difféétionis Profefforibus | decontinuité entre la cavitéde la veine omnibus eciam perfpectaeft, Gal. ibid. | ombilicale& celle de la veine cave. DES SCIENCES. 327 fyftème dont ils fe font peut-être crus les inventeurs. Fabricius ab Aguapendente a connu avec plus d'exaéitude la diftribution de la veine ombilicale, qu'aucun des Anato- miftes qui l'ont précédé ; il a décrit & repréfenté dans d'ex- cellentes figures, la double terminaifon de cette veine & les rameaux qu'elle répand dans le foie. Riolan n'ignoroit pas cette double terminaifon ; Dominicus de Marchettis a vû une fois ceite future; M. Ruifch l'a aperçue une fois für un veau nouveau-né. Cet Anatomifte, éclairé des lumières de la circu- lation du fang, va un peu plus Join que les Anatomiftes que je viens de citer; il conclut de la ftruéture qu'il avoit faifie fur le veau, qu'environ la moitié du fang de la veine ombilicale pafle de cette veine dans la veine cave, & que fautre moitié fe diftribue dans le foie. Mais comment cette autre moitié fe diftribue-t-elle ? c'eft fur quoi M. Ruïfch ne dit rien: il ne dit pas même fi c'eft le {eul fang de lombilicale qui paffe par le canal veineux. Son fentiment ne répand donc qu'une lueur de vérité fur d’épaiffes ténèbres. | La ftruéture propolée par Fabricius n'a pas échappé au favant Hlaller 2 : peut - être auffi ne la doit-il, ainfi Que MoÏ, + Comment. vr, qu'à fes propres travaux. Elle a été aflez bien repréfentée par ?. 308. M. Chefelden b. Hobokenuse fa fait deffiner d'après le veau : PÉPE “loi tous ces Anatomiftes, d'accord avec Fabricius, avancent D md vi la veine ombilicale, dès fon entrée dans la fciffure tranfverfe fe 27 du foie, répand plufieurs branches dans li fubftance de ce vifcère; mais aucun d'eux n’a fi clairement exprimé {a double terminai{on de la veine ombilicale que Fabricius, & fa planche à cet égard eft plus exacte que tout ce que j'ai vü fur ce fujet. Harderusd à connu les rameaux que la veine ombilicale répand à y Apiar, dans le foie; & ces rameaux, comme le remarque M. Hallere, *° # font des branches très-nombreufes & très-grandes, telles, dit-il,‘ 2% care en un mot, que celles que la veine porte des adultes donne dans cet endroit : Ex toto itinere, etiam ubi hepaticä carne tegitur, Priufque quam finum edit (umbilicalis vena ) neque parvos, fed Jibeat à ad eam imprimis conjundionem numerofiffimos ramos tales quales eis üfdem Jocis adulorum vena portarum edit. 2 328 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Quelqu'exaéte que foit la defcription de Fabricius fur fa diflribution de la veine ombilicale dans le foie, quoiqu'elle foit inconteflablement la meilleure qui ait paru, elle n'a point été capable de faire ouvrir les yeux fur le vrai cours du fang dans le foie du fœtus: toute fimple, toute vraie qu'elle eft, elle eft tombée dans l'oubli, où du moins elle a oppofé un trop foible obftacle pour empêcher les Anatomiftes de fe livrer à des idées tout-à-fait oppolées à celles qu’elle préfente; mais on doit convenir que pour en fentir la beauté, il faut avoir été plus loin que Fabricius dans fe chemin de la vérité, il faut l'avoir faifie. La defcription de cet Auteur ne découvre qu'une partie de la ftruéture: il a frayé une grande partie de la route qui devoit conduire fes fuccefleurs à des vérités qu'il ne pouvoit guère apercevoir fans une exacte connoif- fance de la circulation du fang. C'eft ainfr que cette grande découverte, prête à éclorre dès le temps de Galien , eft reftée enfevelie depuis cet Ana- tomife- jufqu'au temps de Servet, de Columbus, de Cé- falpin & d’Harvey, quoique Galien eût developpé, avec bien de l'exaétitude, prefque toutes les parties qui ont fervi de degrés à Harvey pour arriver à fa découverte, & la préfenter appuyée de ces preuves folides & parée de tous ces ornemens qui foûmettent la raifon & portent la convic- tion dans les elprits les plus prévenus. Pour prouver que la ftruéture propofée par Fabricius n’a éclairé perfonne fur le vrai cours du fang dans le foie du fœtus, quoique cette ftruéture ait été adoptée par plufieurs Ana- tomiftes modernes, il me fuffra de faire connoître fommaire- ment le fentiment univerfellement répandu fur le cours du fang dans le foie du fœtus. Tout le fang, dit-on, qui eft apporté au foie par {a veine ombilicale, entre dans le finus de la veine porte; arrivé dans ce finus, il fe fait jour, fuivant quelques Auteurs, à travers le fang de la veine porte: une partie de ce fang paffe direc- tement, & fans fe mêler avec celui de la veine porte, dans le canal veineux, & de ce canal dans la veine cave; le refte du DES SCIENCES. 32 du fang de la veine ombilicale fe mêle avec le fang du fins de la veine porte, & s'achemine avec celui de la cavité du finus dans toutes les branches que ce finus répand dans la fubfs tance du foie. Suivant d'autres, tout le fang que la veine om- bilicale verfe dans le finus de la veine porte, fe mêle & fe confond avec le fang de cette veine, & ces deux fortes de fang, je veux dire celui de la veine porte & celui dé la veine ombilicale, mélés & confondus, s'acheminent de la cavité du finus pour pénétrer enfemble dans le canal veineux, & de ce canal dans la veine cave: mais le diamètre du canal veineux n'étant pas affez grand pour tranfmettre tout le fang de la veine ombilicale mêlé avec celui de la veine porte, cette quantité de fang qui ne fauroit s'infinuer dans la veine cave par la route du canal veineux , y arrive cependant par plufieurs veines qui naiffent du finus de la veine porte, {e rami- fient à la façon des artères dans la fubftance du foie, & portent le fang dans une multitude innombrable de tuyaux veineux d’une fineffe extrême. Ces tuyaux imperceptibles à leur naïf fance, forment, en {e réuniffant , de petits troncs, & ceux-ci de plus grands, qui fe terminent enfin dans le tronc de la veine cave inférieure immédiatement au deflous de l'oreillette droite du cœur & de l’ouverture tendineufe du diaphragme ; ce font les veines hépatiques. Tel eft le fentiment qui a réuni tous les fuffrages depuis Ja découverte de la circulation du (ang. La connoiffance des branches de la veine ombilicale dans la fubftance du foie, branches connues de Galién & des Anatomiftes de fon temps, décrites & repréfentées, par Fabricius & par plufieurs Ana- tomifles modernes, n'a pas été capable même d’ébranler les fondemens d’une opinion fi oppolée à la véritable ftruure des parties, & aux loix que fuivent les fluides dans leurs vaifleaux. Il ne s'agit point dans ce Mémoire d'examiner fi le fang pañle en eflet des rameaux des veines qui, à la façon des ‘artères, fe diftribuent dans le foie du fœtus, dans les branches que la veine cave répand dans le foie; c'eft une. vérité reconnue, & qui n'aura jamais de contradiéteurs: mais Mém, 175 3: a 11 330 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE il ne s'agit rien moins que de changer les routes & les direc- tions que l'on a aflignées aux deux colonnes de fang qui arrivent au foie, l'une par la veine ombilicale, l'autre par Ja veine porte. La defcription que’je me propofe de donner de la veiné porte & de la veine ombilicale dans le foie, doit donc être très-différente de éelle que Jon a donnée jufqu'à ce jour. H fera prouvé dans ce Mémoire & dans les füivans, que la veine porte ne forme pas dans le foetus humain de fmus, qu'elle na pas mème dé branche gauche, & que cette veine ne fait que fa moitié d'un canal que l'on appelle dans Yadulte, Oranche droite du finus de la veine porte. Je ferai connoître que cette veine ne fournit de raméaux que dans le lobe droit du foie; que tout le lobe gauche, & une partie confidérable du lobe droit, ne reçoivent leurs veines que ‘de la veine ombilicale; & que cette veine, après s'être unie à la veine porte, répand des branches dans toute l'étendue du lobe droit : doélrine que je crois nouvelle, parce qu'on a prétendu jufqu'à préfent que la branche gauche du finus de la veine porte fixoit l'étendue & les limites de la veine om- bilicale ; quele fang de la veine porte f répandoit dans toute la fubflance du foie; & que la moitié du fang de cette veine, mélé & confondu avec le fang de la veine ombilicale dans la branche gauche du finus, entroit & dans le canal veineux, & dans toutes les veines qui fe difiribuent dans le lobe gauche. \ Après avoir fait connoître quels font les véritables ra- meaux de la veine porte dans le foie du foetus humain, quels font ceux qui doivent leur naiffance uniquement à {a veine émbilicale , j'expliquérai les loix que fuit dans fon cours le fang de la veine porte, quelles font celles que fuit le fang de la veine ombilicale: j'aflignerai au fang de chacune de ces deux veines, les routes & les directions qu'il fuit, & je prouverai qu'il eft impofhble qu'il en fuive d'autres que celles que je lui fixerai, où pluftôt que Ja main de la Nature lui a fixées, mais dont on ignoroït l'étendue & les Jimites. Après avoir réduit la veine ‘porte à fa jufle valeur dans DES SCIENCE S °33r le foie du fœtus, je la rétablirai dans tous les droits dont “elle jouit dans l'adulte, je lui rendrai le fmus dont je la dé- pouille pendant l'ouvrage de notre formation; elle s'emparera de tous les rameaux & de toutes les branches de la veine ombilicale. © Je prouverai que dans le fœtus renfermé dans le fein de la mère, le fang de la veine ombilicale circule dans toute la fubftance du foie, que lui feul fe répand dans la moitié 1de-la fubflance de ce vifcère, & que la moitié reflante de la fubflance du foie reçoit encore :au moins la moitié de fon fang de la veine ombülicale, en fuppofant les vitefles du fang de {a veine ambilicale égales aux viteffes du fang de a veine porte. + Je prouverai que le fang de la veine porte fuit dans fon mouvement dans le foie une direétion de gauche à droite, lau dieu-que l'on à au jufqu'à préfent qu'au moins la moitié de ce fang fuivoit une direction de droite à gauche; que c'eft le fang de la veine ombilicale qui va chercher, pour ainfi dire, le fang du tronc de la veine porte, pour s'unir à lui & circuler de compagnie dans le lobe droit, au lieu que l'on a prétendu que c'étoit le fang de la veine porte qui . venoit s'unir au fang de la veine ombilicale, pour circuler enfemble dans le Iobe gauche. : Je ferai connoître que dans te foetus, d'abord qu'il eft né, prefque tout le même fang qui circuloit de gauche à droite par un mouvement fubit & tout-à-fait oppolé, commence à circuler de droite à gauche, qu'il entre fubitement dans des routes qui lui étoient inconnues & entièrement étrangères ; routes qui, devantla naïffance, appartenoient uniquement à fa . veine ombilicale, & qui par un changement fubit deviennent propres à la veine porte; routes enfin dans lefquelles le fang de da veine porte commence alors de circuler, & qu’il ne ceffera plus de fuivre jufqu'à la fin de nos jours. Ün-projet auffr étendu exigera des détails: c'eft au déve- Toppement de chacun des vaïfleaux fenfibles: qui: fe diftri- buent dans le foie du fœtus, que je dois ce que fon jugera Tti 332 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE nouveau dans cet ouvrage. Une expofition de la ftruéturé, exacte & fuivie, des conféquences tirées des notions les plus fimples du cours de nos fluides, en feront la bale. Je vais commencer par fexpofition anatomique de la tête de la veine ombilicale. J'appelle, avec Galien, rête de la veine ombilicale , toute la partie de cette veine qui fe plonge dans la fubftance & dans les fciflures du foie : je ne parlerai que très-fuccinctement dans ce Mémoire des rameaux inférieurs de cette veine, qui, fuivant le même Auteur, peuvent en être regardés comme les racines. Cet Anatomifte, dont li- magination étoit auffi vive que féconde, comparoit la veine ombilicale à un arbre, & je doute que l'on puifle, en moins de mots, en donner une plus jufte idée. Les veines fans nombre qui donnent naiflance à la veine ombilicale dans le placenta, étoient les racines de cet arbre, le cordon ombi- lical en étoit le tronc, les veines que l'ombilicale répand dans le foie en étoient les branches. Defcriprion de l'extrémité fupérieure de la veine ombilicale. Depuis l'ombilic du fœtus, le tronc de la veine ombilicale monte un peu obliquement de gauche à droite jufqu'à la fciflure tranfverfe du foie; en y entrant, il fe recourbe pour prendre peu à peu une direction horizontale de devant en arrière, conformément à celle de la fciflure dans laquelle il eft reçû. Il pénètre quelquefois, dès l'inflant de fon entrée, à travers une portion de la fubftance du foie für laquelle il eft appuyé; il marche de devant en arrière, & un peu à giuche; il fe dilate & forme une efpèce.de finus; l'endroit de {a plus grande dilatation de ce finus répond au milieu de la fciflure tranfver{e ; il donne dès fon entrée dans la fciflure plufieurs branches, & continue d'en donner à mefure qu'il parcourt la longueur de la fciflure; il entre dans la fcifiure longitudinale fans prefque avoir rien perdu de fa groffeur malgré le grand nombre de branches auxquelles il a donné naiflance; il fe place à peu près fur le milieu de la {ciflure | D'E sr Sc i E N° CE Ss 333 longitudinale, un peu plus à gauche qu'à droite; [à il forme une efpèce de tête arrondie ; de cette tête fortent deux veines qui, à raifon de leur diamètre qui eft très-grand, & de l'im- portance de leur ufage, demandent une attention particulière. Les deux veines qui naïflent de la tête arrondie de a veine ombilicae, font d'un diamètre différent : l’une fort de la partie poftérieure de la tête de lombilicale & eft prefque dans da direction du tronc ombilical, c’eft le canal veineux: l'autre fort de la tête de la veine ombilicale, un peu plus bas que la précédente, plus antérieurement & plus à droite. J'appelle cette veine branche droite de l'ombilicale, où tige de l'ombilicale ; je Yai indiquée /2) dans la figure. La branche droite ou tige de lombilicale eft d’un dia- mètre un peu plus grand que le canal veineux; elle eft placée entre le lobe de Spigelius &. entre ceite éminence du foie qui fépare la véficule du fiel de la fciflure tranfverfale anté- rieure; elle fait un angle aigu avec l'ouverture du: canal vei- neux, de forte qu'entre cette veine & {e canal veineux l’on aperçoit une efpèce d'éperon qui avance beaucoup dans fa cavité du tronc de l'ombilicale : elle forme une convexité vers la partie poftérieure du foie, & une concavité qui re- garde le devant -de:ce vifcère; de fa convexité fort une petite veine dontle tronc eft fort court, & fe divife aufli-tôt en deux petites branches qui fe plongent dans la fubftance du lobe de Spigelius. Le tronc de cette branche droite continue de marcher de droite à gauche, fans donner. d'autre branche confidérable que celle que je viens d'indiquer: Après un:trajet d'environ quatre lignes de longueur, cette branche $unit au tronc de la veine porte, dont la direétion eft de bas en haut & de gauche à droite. La branche droite de l'ombilicale fortifiée prefque de moitié par le tronc de la veine porte, forme un canal court, dont la capacité eft double de la fienne. J’appelle ce tronc court qui réfulte de la réunion de la branche droite de ombilicale-avec Ja veine porte, tronc! de réunion, où veine dy lobe, droit du foie, où confluent de ‘la veine ombilicale & Ti 334 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de la veine-porte; je Vai indiqué /{) dans la figure. Le tronc de réunion, après un trajet de deux à trois lignes, fe divile en deux branches principales, quelquefois en trois Ces deux branches marchent fuivant la direction du tronc qui les produit ; leur direétion eft de gauche à droite: elles fe divifent auffi-tôt en plufieurs petits troncs, ceux-ci en plufieurs branches qui fe fubdivifent en une multitude éton- nante de rameaux, & tous ces rameaux occupent, dans leur | plus grande étendue, à peu près les deux tiers du lobe droit du foie ou la moitié de fa fubflance totale de'ce vifcère ; mais tous ces rameaux, ainfi que les branches qui les pro- duifent, vont de gauche à droite conformément à {a direction des troncs (b), ({), (p) auxquels ils doivent leur naïffance. Telle’eft la diftribution de la tige de la veine ombilicale: il eftiaifé d'en conclurre que cette veine répand fes rameaux dans des parties très-éloignées de la fciflure tranfverfale an- térieure du foie, Le canal vemeux, ou la branche poftérieure de l'extrémité du tronc ombilical, eft affez fouvent plus petit de près d’un tiers que la tige que je viens de décrire; mais j'ai trouvé bien des variétés dans la grandeur de ce canal. Ï naît un peu plus haut que la branche que je viens de décrire ; fa direction eft à peu près la même que celle du tronc ombi- lical; il marche de devant en arrière & un peu de droite à gauche & de bas en haut; il fe place dans une {ciffure plus fuperficielle que celle que j'ai appelée Jciffure tranfverfale an- térieure ; j'appelle celle-ci fciffure tranfverfale poflérieure; à ne donne aucune branche fenfñble, fon diamètre eft à peu près égal dans toute fon étendue; prêt à fe terminer, il forme dans plufieurs fœtus une efpèce d'ampoule & fe dilate, fa partie dilatée monte aflez rapidement vers la veine cave; il sinfère dans celle des veines hépatiques fupérieures, qui eft Je plus à gauche de toutes les veines que le foie fournit à la veine cave. De Îa réunion du canal veineux avec la veine hépatique que je viens d'indiquer, il réfulte un tronc vei- neux très-court & très-gros, qui s'infère dans le tronc de LT, NT DES SCIENCES. 335 la veine cave immédiatement au deffous de l'ouverture ten- dineufe du diaplragme: en fe terminant dans le tronc de la veine cave, & prelque au même «endroit où il reçoit le canal veineux, cœ tronc reçoit encore da veine diaphragma- tique gauche. : :. eh di: Après avoir décrit les deux principales branches qui naif fent du tronc de là veine ombilicale, comme celles dont {a conmoiflanceseft la plus intéreffante, je vais décrire les bran- ches qui naïffent du tronc de ceue même veine, placé dans la fciflure tranfverfale antérieure du foie. Ces branches: font très-nombreufes; il ;y. en a plufieurs dont le diamètre eft tiès-confidérable, quoique toûjours in- férieur au diamètre du canal veineux & à celui de la branchée droite. Les premières & les plus antérieures des branches qui naiflent du tronc ombilical dans la fciffure tranfverfale antérieure, ne font pas ordinairement d'un .diamètre aufr grand: que les füivantes; elles ont une direction: oppofée à celle ides lautres iveines., leurs ‘ouvertures dans a: cavité du tronc regardent en arrière: les autres au contraire regardent obliquement de derrière en devant, & préfentent leurs ou- vertures au courant du ang qui coule dans la veine ombi licale. Ces: premières: veines jettent peu.de rameaux, &:elles pérdent leur cavité dans plufieurs endans, peu de temps après leur -naïffance : elles fe changent ,ainfi que le canal veirieux, en de petites fibres ligamenteufes; quelquefois auffi, elles donfervent eur. cavité ainfi que les autres branches qui naif. fntidalhtbnevmbhilical.so; cour slcusvliieo sul &t au # Les autres branches: qui naiffent du) tronc ‘ombilica dans: la fciflure tranfverfale antérieure, font:très-nombreufes; al en fort du bord fupérieur de ce tronc &-de des :delx| côtés; quelquefois mème il‘en naît de petites de fon boïd :infbrieur.! Quand le tronc de Ja veine ombilicale & toutes les diffé: rentes branches--qui «en maiffent font bien remplis de cire colorée ; filon coupe ces branches à da diftancerde ideux à trois lignes durée dont elles inaïffent,, œ tronc -paroût| tout hériflé de pointes qu'il pléfonte de toutes pairs:Sudansprolque « 336 MÉmoïres DE L'ACADÉMIE ROYALE toutes les directions poflibles. Ces efpèces de pointes font les extrémités coupées des vaifleaux remplis de cire: on voit alors très-diftinétement la direétion de ces vaifleaux à lin£ tant de leur naiflance, & la grandeur de leur diamètre; le bord inférieur du tronc eft la partie qui en eft le moins re- couverte. Parmi ces branches, il y en a de petites, il y en a de plus groffes ; celles qui naiflent du bord gauche ou du côté gauche du tronc ombilical, ont un plus grand diamètre que celles qui naiffent du côté droit de ce même tronc: quand on {e donne la peine de les fuivre jufque dans leurs petites diflributions, & jufqu'aux lieux où elles fe rencontrent avec les dernières ramifications des veines hépatiques, on voit très- clairement que ces branches fe répandent de droite à gauche jufqu'à l'extrémité du lobe gauche la plus éloignée de la fi fure tranfverfe. À côté de ces grandes branches qui naïflent du côté gauche du tronc ombilical, on en voit de plus petites qui prennent la même direétion que les grandes, c'eft-à-dire, qui vont, ainfr qué les grandes, de droite à gauche, & qui fe perdent dans le lobe gauche, mais dans des lieux moins éloignés de la fciffure ; enfin, de toutes les branches qui naiflent du côté gauche du tronc ombilical, nulle ne fe prolonge de gauche à droite, aucune ne fe répand dans la fubftance du lobe droit. Les branches qui naiffent du côté droit du tronc ombilicaf dans la fciflure tranfverfale antérieure, font non feulement, ainfr que je viens de dire, plus petites en général que celles qui naiffent du côté gauche, mais même elles ne fe répandent pas auffi loin qu'elles dans: la fubftance du foie. IL nait plu- fieurs branches du! côté droit du tronc ombilical, toutes ont une direction: oppoféé à celle des branches qui naiffent du côté gauche, toutes vont de gauche à droite. | : Les branches qui. naiffent de la: partie fupérieure, ou du côté fupérieur du tronc ombilical, fe répandent moins loin que. celles qui maiffent de fun & de l'autre bord es # eue RENE SN Sc rE N'C'E si 337 elles fourniffent des rameaux au lobe droit, d'autres vont dans le lobe gauche. Le tronc ombilical , après avoir traverfé la fciffure tranf- verfale antérieure, continue de marcher de devant en arrière, comme pour traverfer la {ciflure longitudinale & gagner la fciffure tranfverfale poftérieure; mais il finit fon cours dans {a fciflure longitudinale. C’eft dans cet endroit qu’il forme une efpèce de tête, de laquelle j'ai dit ci-deflus que naïfloient le canal veineux & la tige de la veine ombilicale. * Entre les branches que le tronc ombilical fournit de l'endroit que je viens de déterminer, deux fe font ordinai- rement diftinguer par leur groffeur, le diamètre de chacune de ces deux branches eft quelquefois prefqu'égal à celui du canal veineux : lune de ces veines eftordinairement à droite, & l'autre fur la gauche de la tête du tronc ombilical; elles fe répandent dans la partie poftérieure de la fubftance du foie, leurs divifions & fubdivifions en rameaux font très-nombreufes. Toutes les différentes branches que je viens de décrire, occupent un fi grand efpace par leurs divifions & fubdivifions dans la fubflance du foie, que je puis aflurer qu’elles fe répan- dent dans la moitié de la fubftance totale de ce vifcère. Car premièrement le lobe gauche ne reçoit pas d’autres veines que celles qui naïffent du côté gauche du tronc ombilical, & il ma paru que celles qui naïfloient du côté droit de ce même tronc, & qui toutes dans leur cours ont une direction de gauche à droite, {e répandoïent dans une partie confidé- rable du lobe droit. Toutes ces branches, dans leur cours, fe rencontrent par leurs plus fins rameaux avec les extrémités capillaires des veines que la veine cave répand dans le foie, quelques-unes s’anaftomofent par des branches fenfibles avec les rameaux des veines hépatiques à l'endroit de leur termi- naifon , elles forment des pinceaux vafculaires ; mais les petits vaiffeaux dont chaque pinceau eft compolé, autant que l'œil aidé de la loupe peut les fuivre, ne font pas couchés les uns fur les autres dans un ordre parallèle, ce font comme autant de petits rayons qui partent d'un centre commun. ; Men, 175 3, Yau 338 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE Avant que ces différentes veines fe terminent en efpèces de pinceaux vafculaires dont je viens de puler, elles fe croient la plufpart avec les branches des veines hépatiques ; quelquefois une même branche de la veine ombilicale fe croile avec plufieurs veines hépatiques, quelquefois avec une feule, & quelquefois la branche de l'ombilicile arrive juf qu'aux endroits où elle dégénère en pinceaux vafculaires fans fe croifer fenfiblement que par des rameaux très-petits. Quoiqu'il fe fafle un entrelacement bien fingulier des branches de la veine ombilicale & de la veine porte avec celles que la veine cave répand dans le foie, l'on peut dire en général que les groffes branches de la veine ombilicale & de fa veine porte {e diflribuent plus vers la concavité du foie que vers la convexité, & que les branches principales que la veine cave répand dans le foie occupent la partie fupérieure ou fa convexité du foie. Jufqu’à préfent je n'ai parlé que des branches & des rameaux de l'ombilicale dans le foie ; il n'eft pas moins néceflaire que j'entre dans quelques détails fur la diftribution de la veine porte dans le foie du fœtus. Defcriprion de la veine porte dans la fubffance du foie du fœtus. Cette veine eft une efpèce d'arbre vafculaire, prefque fm. blable à arbre ombilical de Galien: fes racines font éparfes fur la furface des inteftins, du méfentère, de l'eftomac:; elles naiflent aufli du pancreas, de la rate, des glandes du méfen- tère & de l'épiploon. Elles forment d’abord trois veines diftin: guées , dont la plus grande eft appelée veine méfentérique, la plus petite eft nommée veise hémorrhoïdale interne , la troi- fième eft appelée veine fplénique. Ces trois veines fe réuniflent en un feul tronc, connu fous le nom de sronc de la veine porte. Ce tronc monte obliquement de gauche à droite ; il paffe d'abord devant le duodenum, & enfüite derrière cet inteftin : il reçoit dans fon afcenfion oblique la veine coronaire ftoma- chique & la veine cyftique; il’arrive enfin, en continuant de- DES MINE TE N° CES 339 marcher avec la même obliquité de gauche à droite, à l'extré- mité droite de Ja grande {ciflure ou fcifure longitudinale du foie, & forme, de concert avec la branche droite de la veine ombilicale , le tronc veineux que jai indiqué /f) ; il fait un angle aigu avec le tronc que j'ai indiqué (4 ) ou branche droite de Ja veine ombilicale. L’angle qu'il fait avec les deux canaux (b) & (/), eft à peu prèsle même dans le veau nouveau né, De cette réunion de la veine porte avec la tige ou branche droite de l'ombilicale , eft formé le tronc de réunion. Ce tronc eft long d'environ trois à quatre lignes ; fa direélion eft hori- zontale de gauche à droite; fon diamètre eft plus grand de moi- tié, & même plus, que le tronc de la veine porte; ïf eft auffi de moitié plus grand que celui de la branche droite de la veine ombilicale. L'aire de ce canal paroît au moins égale à l'aire du canal (4), & à l'aire du tronc de la veine porte. Ce tronc, ainfi que je l'ai dit en décrivant la tige de la veine ombilicale, répand une très-grande quantité de rameaux dans le lobe droit du foie; ces rameaux appartiennent par conféquent autant à la veine ombilicale, & même plus, qu'à la veine porte. Ces rameaux étant bien remplis de cire colorée, & exactement dégagés de a fubflance du foie, repréfentent un bouquet de vaifeaux très- nombreux : le fang qui circule dans ce bouquet vafculaire vient de deux fources très-différentes ; plus de la moitié de ce fang vient de la veine ombilicale ; l'autre moitié, & même un peu moins, eft fournie par la veine porte. La veine porte & la veine ombilicale, réunies enfemble dans le canal que j'ai indiqué //) , & confidérées avec leurs troncs & leurs racines , repréfentent deux arbres vafculaires qui tirent Jeurs racines de deux terreins différens. Ces deux arbres s'incli- nent & fe penchent lun vers l'autre, & entrelacent leurs bran- ches pour former un feul vifcère; l'ombilical eft l'arbre de Galien ; la veine porte eft l'arbre d’Arantius & de tous les Anatomiftes depuis Arantius: chacun de ces deux arbres val- culaires répand des rameaux plus où moins nombreux, relati- vement à la groffeur de fon tronc. L'arbre ombilical eft de beaucoup plus gros que la veine porte : il étoit jufte que fes Vuï « 340 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE rameaux & les branches qu'il répand dans le foie , fempor- taflent fur le nombre de ceux que la veine porte jette dans ce vifcère, & que cette différence füt comme la différence du diamètre de ces deux troncs, La veine porte, unie avec 1 branche droite de l'ombilicale, trace l’image d’un petit arbre, avec le tronc duquel la Nature a provigné une branche d'un arbre plus grand & prèt à périr : elle a fait cette union, afin qu'après le defléchement & la déca- dence du tronc & des racines du grand arbre, la fève du petit fe répandit dans les branches du plus grand. Telle eft la diftribution du tronc de la veine porte & du tronc de la veine ombilicale dans la fubftance du foie de fœtus. Ceite diftribution eft conftante ; if n'y a de variétés que dans le diamètre plus ou moins grand des branches qui naïflent du tronc ombilical, & dans celui du tronc de la veine porte. Il n'y a nulle variété für l'exiftence des deux branches capitales, dont lune eft le canal veineux , l'autre eft la tige de la veine ombilicale. Ces deux branches exiftent toûjours, & ont toù- jours à peu près la direction que je leur ai donnée dans la defcription que je viens de tracer. La feule infpection de cet appareil de vaifleaux veineux ; tel que je viens de le décrire, n'eft point fufhfante pour prof crire une erreur accréditée par fon antiquité, & fur les écrits de tous les Anatomiftes qui ont travaillé à l'hiftoire du foie. L'on fait avec. quelle lenteur les découvertes fur la circula- tion du fang ont pris le deflus : les idées d'Harvey fur des vaifleaux plus exaétement développés & mieux connus que ceux que je viens de décrire, n’ont trouvé grace; pendant fa vie de ce grand médecin, qu'aux yeux d'un petit nombre de Savans. L’efprit , avant de fe foûmettre à des vérités nouvelles, a droit d'exiger qu'on les lui propofe dans tout leur jour. Ces confidérations m'impofent la néceffité de reprendre les endroits les plus intéreffans de la defcription anatomique que je viens de donner des vaifleaux veineux du foie, & d'en tirer des conféquences qui puiffent établir la doétrine que je propofe fur le cours du fang dans la fubftance du foie du foetus. pD'Eise Sc 1 E N G Es. 341 Pre MIRE) RNC I ol ROMANE AUTRES Le tronc de la veine ombilicale produit lui feul le canal veineux, à toutes les branches veineufes placéès dans la fciffure tranfverfe à fur le milieu de la Jéiffure longitudinale du foie du fœrus. S'il eft démontré par Î Anatomie, que la branche droite (4) de la tête du tronc ombilical eft réellement une branche de lombilicale, & qu'elle ne peut aucunement être regardée comme branche de la veine porte, il fera prouvé que toutes les veines qui fortent du grand tronc veineux qui eft placé dans Ja fcifiure tranfverfe & fur le milieu de la fciffure longi- tudinale, font branches de la veine ombilicale, En efiet, elles ne peuvent naître que de la veine porte ou de la veine om- bilicale ; il feroit inutile de m'arrêter à prouver qu'elles ne viennent point de la veine cave: or ce feroit aller contre tout ce que l'Anatomie nous offre de plus pofitif, que de regar- der les veines qui font places dans la fciffure tranfverfe comme branches de la veine porte, & fe refufer au témoignage des fens que de prétendre qu'elles ne naiflent pas immédiate- ment du gros tronc veineux que j'ai dit être placé dans la fciflure tran{verfe. En effet, pour que les veines qui font placées dans la fciffure tranfverfe puffent être regardées comme branches de la veine pote, il faudroit que la branche indiquée /4) füt elle-même branche de la veine porte. L’Anatomie nous fait voir qu'il ne fauroit y avoir ni rapport ni communication entre la veine porte & les branches dont il s'agit, qu'à la fa- veur de la veine indiquée /b), & que j'ai appelée branche droite de la téte de la veine ombilicale. H refte donc, pour qu'il foit prouvé par lAnatomie que les branches veineufes dela fciflure tran{verfe du foie n'appartiennent point à la veine porte, mais à la veine ombilicale , de faire connoître que la veine indiquée (4) eft réellement une branche de La veine Vu ii 42 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ombilicale, & qu'elle ne fauroit être raifonnablement prile pour une branche de la veine porte. SECOND COROLLAIRE La veine indiquée (D) dans la figure, è7 que j'ai appelée dans l'expofition anatomique que je viens de donner de la veine ombilicale, branche droite, ou tige de la veine ombilicale, 4f en effèr une branche de cette veine, à" ne peut être regardée comme branche de la veine porte. La veine indiquée {b) eft un canal long d'environ 4 à lignes, dont la direction eft à peu près parallèle à la Iongueur ” de la fciffure longitudinale. Ce canal, ainfr que je l'ai avancé ci-deffus, fe termine, par fon extrémité gauche dans la tête du tronc ombilical, & par fon extrémité droite dans un confluent indiqué //), dont la grandeur eft double de la fienne & de celle de la veine porte. Ces vérités une fois établies fur les mefures du confluent //), fur celles du canal /b) & fur celles du tronc de la veine porte, il eft prouvé que le canal /b) ne peut pas étre branche de Ja veine porte, parce quecetie veine eft d'un trop petit diamètre pour produire le canal (/) dans lequel elle fe termine, pour donner naiflance en mème temps à deux, & quelquefois trois branches veineufes très-confidérables qui naiflent de ce canal, & pour produire le canal (b). Conument en effet, fi le canal //) eft du double, & quelquefois des deux tiers plus grand que lé tronc de la veine porte, & f1 ce canal répand des branches dont la groffeur répond à l'étendue & à la grandeur de fon diamètre, la veine porte feule pourroit-elle lui donner naïffance? Or, fi la veine porte n'eft pas capable de produire elle feule le canal /f), fr ce canal eft en eflet le double de la veine porte, s'il eft né- ceflaire que la branche /4), de concert avec ‘la veine porte, concoure à le former, il eft à plus forte raifon impoffible qu'elle donne naiflance à la veine indiquée /b), & que la veine indiquée (b) ne foit pas branche de la veine ombilicale DES SCIENCES. 347 I eft donc prouvé, en comparant le diamètre de fa veine porte: avec la veine indiquée /b) & avec le confluent indiqué (f), que la veine (b), loin d’être une branche de la veine porte, concourt avec elle à produire le confluent //) du lobe droit du foie. Sila veine porte produiloit 1 veine /4),ou, ce qui re- vient au mème, fi le canal /b) étoit branche de la veine porte, ce canal devroit être au moins égal au canal /f); car, dans cette fuppofition, de quel fang le canal /[) pourroit-il être gonflé? il ne donneroit paflage qu'au réfidu du fng qui n'auroit pà s'infinuer dans la veine /4): or il eft évident que Je canal indiqué //) eft de beaucoup plus grand que la veine (b); par conféquent la veine /b) concourt avec la veine porte à produire le confluent /{). Or fi cela eft ainfi, la veine (b}) ne peut, à aucun titre, ètre regardée comme branche de la veine porte. La direction du tronc de la veine porte eft telle, que le courant du fang dont elle eft remplie eft dans une direction de gauche à droite, conformément à Ja direction: du confluent //) : or fi cette direétion eft conflante, fi elle eft favorable au cours du fang du canal /{) vers les branches qu'il - répand dans le lobedroit, elleeft contraire au cours du fang du canal /f) vers le canal (b). En efet, l'angle aigu que forme BR veine porte en fe rencontrant avec le canal (b) dans le confluent (f), eft une efpèce de digue qui dirige le fang vers les branches qui naïflent de ce confluent, & qui le détourne de l'ouverture du canal /). Je fais qu'une telle digue ne feroit point un obflacle infurmontable, fi le fang verfé par la veine porte dans le confluent /f), ne trouvoit pas des iflües, & fi: le nombre & la grandeur des branches du confluent ne répondoient pas à fon diamètre; mais ces iflues font réelles , leur nombre & leur grandeur répondent à Ia grandeur du con- fluent (/): par conféquent il n'y a nulle raifon de penfen que le fang verfé par la veine porte dans le canal ([; fur- monte l'obftacle que cette digue lui oppofe, reflue contre fon: Propre cours vers l'ouverture du canal (4), furmonte la réfif. tance de la colonne du fang ombilical, traverfe ce canal, & sinfinug dans le grand tronc ou: finus de la veine ambilicales 44 MÉMotREs DE L'ACADÉMIE ROYALE De-là il fuit que la colonne du fang de la veine (b) & celle de la veine porte font deux ruifleaux qui fe réuniient dans le confluent /f), & que ces deux ruifieaux concourent à le produire, à raïlon de leur grandeur relpective. Or le canal /b) eft d'un diamètre au moins égal à celui de la veine porte, du confentement même de M. Häaller, qui eflime Ja branche gauche du finus de la veine porte 400, & le tronc de cette veine 400; par conféquent le canal / 2) contri- bue autant que la veine porte à produire le confluent, qui eft à peu près double du tronc de la veine porte. Il eft donc prouvé par la feule infpection des parties , par les mefures du canal /2) & du tronc de la veine porte, & par celle du confluent, que le diamètre de cette veine eft de beaucoup trop petit pour qu'elle donne elle feule naiflance au canal (f) & aux veines qui naïflent de ce canal: or, fi cela eft ainfi , n'eft-on pas fondé à en conclurre que le canal (d) Sou- vrant par fon extrémité gauche dans le tronc de la veine ombilicale, eft produit par ce grand tronc, & qu'il produit lui-même, de concert avec la veine porte, le canal indiqué ({), canal qui eft la veine commune ou le confluent du lobe droit ? | Si la veine porte produifoit le canal /4), elle donneroit naiflance à deux canaux , dont lun feroit double du fien, & l'autre lui feroit égal, c'eft-à-dire en quelque forte qu'elle produiroit un canal trois fois plus grand qu'elle ne feroit elle-même : or une telle idée eft contraire à la raifon & à la diflribution ordinaire des artères du corps humain. La ftructure même du canal { 2) fournit des preuves fo- lides que ce canal eft branche de fa veine ombilicale. Son calibre eft plus grand à fon ouverture dans le grand tronc ombilical, qu'à fon ouverture dans le confluent; la puiflance qui le dilite, eft donc plus grande à fon ouverture dans le tronc ombilical, qu'à fon ouverture dans le confluent : la di- rection de fon ouverture dans le tronc ombilical eft dans ha direction la plus favorable, pour que le fang de la veine gmbilicale s'infinue avec toute fa force dans fa cavité ; la direction DIE $S, S CIE N CE 345 direction de fon ouverture dans le confluent eft contraire au cours du fang , qui, en fortant du tronc dela veiné porte, feroit eflort pour s'infinuer dans fa cavité. De ces diflérentes railons, & de l'éxpolition anatomique que j'ai donnée de la diftribution de la véine ombilicale & de la veine porté, Ton doit donc condlurre que la veine in- diquée (4) eft réellement la branche droite ou la tige de la veine ombilicale : lon en doit, avec la mème certitude, déduire le corollaire fuivant. TROISIÈME COROLLAIRE, Le canal indiqué (f)* eff un confluent ou canal de réunion, produit en partie par la veine ombilicale, à" en partie par la veine porte. A extrémité droite de la fcifure longitudinale fe pré- fente un canal veineux , long d'environ quatre lignes, & prefque auffi gros que long , placé dans la direction du canal (b), & un peu dans celle du courant du fang de la veine porte. J'ai donné quelques raifons de la dénomination que je lui donne ; elles paroîtront encore plus clairement par la fuite, Dans ce canal, quoique fort court , l'on doit diftinguer deux extrémités, une gauche & autre droite ; deux grands vaifleaux s'ouvrent dans fon extrémité gauche , l'un de ces vaifleaux eft placé fupérieurement, ceft la branche droite ou tige de la veine ombilicale indiquée / 2) ; l'autre eft in- férieur cell fe tronc de la veine porte : {on extrémité droite donne naiflance à deux ou trois. grandes veines , dont les troncs fe cachent dès leur naïffancé dans la fubftance du foie. ; - Ces deux ou trois veines capitales s'écartent l'une del’autre; & fe répandent dans la fubftance du lobe droit, par une multitude prefque innombrable dé rameaux. En développant &. en fuivant tous les rameaux fenfibles de ces deux où trois «"*# Ce canal; füivant [e fentiment ordinaire, eft Ja branche droite du #inus de la veine porte, j Mém, 175 3: | FAURE NX 346 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE branches , & en comparant l'efpace & l'étendue de la fubftance du foie dans laquelle ils fe répandent , avec la mafle entière de ce vifcère, J'ai obfervé qu'ils fe répandoiïent dans la moitié du foie. Je l'ai jugé ainfi, non feulement par la comparaifon de l'étendue du foie dans laquelle ils fe répandent, avec celle dans laquelle ils ne fe répandent point, mais aufli en exa- minant le diamètre de chaque branche principale du confluent, & en füivant fcrupuleufement tous les rameaux fenfibles que ces différentes branches fourniffent dans'la fubftance du foie. Pour fe convaincre que le canal indiqué //) eft en effet un confluent formé par la branche droïte ou tige de la veine ombilicale , & par le tronc de la veine porte , il fufflit d'exa- miner attentivement la grandeur & la direction du canaf ([), du canal (2), du tronc de Ja veine porte, & des prin- cipales branches du canal ff), fur des pièces injectées , ou dans le foie d'un fœtus bien injecté ; car l'on y voit très- diftinétement que le tronc //) doit au moins autant à la tige de Fombilicale qu'à la veine porte. L'on aperçoit en même temps que la tige de fombilicale & le tronc de la veine porte vont l'un & l'autre de gauche à droite, & forment , en fe terminant dans le tronc {f), un angle dont la pointe eft placée prefque au centre, où un peu au deflous du centre de aire du tronc /f). Cet angle eft une «efpèce d'éperon qui dirige dans le confluent {/) & vers les ouvertures des veines qui naifent de l'extrémité droite du confluent , les deux co- Jonnes de fang, dont l’une vient de l'ombilicale, & l'autre de Ja veine porte: éeft une digue qui empêche le fang de l'om- bilicale d'entrer dans la veine porte, ou de s’oppofer à fon libre dégorgement dans le confluent indiqué //), & qui empêche en même temps la colonne du fang de la veine porte de s'oppofer au libre épanchement du fang de la veine ombi- licale dans le confluent. Cette efpèce de digue eft plus où moins marquée, fuivant les fujets ; cela dépend de l'obliquité plus ou moins grande dans la direction du tronc de la veine porte. Dans le veau, par exemple , cette veine fe jette tout droit dans le confluent , D'E S: SCIE N CE. 1 47 & fait un angle droit avec le canal / 4), & un angle droit avec le canal //). Dans le fœtus humain, au-contraire ; fon, infertion eft toûjours oblique de .gauche | à droite; & par conféquent la direction du courant-du fang dont elle. ef remplie , eft de gauche à droite; ainf. que a diretion du mouvement du fang de la branche droite de la veine ombi.. licale. J'ai vi des fœtus dans lefquels on pouvoit diftinguer fur la furface du. canal de réunion {/), la partie de ce canal, formée par la tige ou branche. droite de fombilicale , & la partie que formoit le tronc de la veine, porte ; de forte ‘que le canal {f) repréfentoit en quelque forte les deux vaiffeaux /p) & /b) adoffés l'un für l'autre. Deux crénelures, une en devant, l'autre en arrière , indiquoient fauffement. une doifon , mais développoient véritablement le myftère que je me propofe de difliper aujourd'hui. Les deux crénelures ou enfoncemigns fuperficiels régnoient le long du canal //) ; ce canal enétoit, partagé en deux moitiés inéyales ; la fupérieure me paroifloit, plus grande que inférieure , & répondoit tellement, à l’ou verture du canal /4), qu'il fembloit que la colonne.de fang, de ce canal traverloit le confluent fans fe méler avec Ja co, lonne du fang de la veine porte ; l'inférieure, qui étoit, plus: pétite, répondoitau tronc de la veine porte. La quantité de. fang queila veine porte répuidoit dans le confluent , étoiten quelque forte déterminée & évaluée: par la grandeur appa- rente de cette moitié inférieure du confluent ; le tronc-de. la véine porte, ainfi qu'il arive conftimment dans tous les fu jéts ; s'ouvroit dans d'extrémité gauche du, confluent ; 1a, moitié fupérieure de ce confluent donnoit-naiffançé Par fon: extrémité droite /à une grande veine qui fe divifoit auflitôt en deux ow trois branches, &celles:ci en une multitude: étonnante de rameaux qui ! fe répandoient jufqu'aux., parties du lobe droit les plus éloignées de da: fcifiure longitudinale. La moitié inférieure du confluent, qi, ainfi que je J'ai dit, paroifloit être la:continuation dela veiné-porte, s'ouvroit, par fon extrémité droite dans une grande veine, qui, ainfi que celle. XMf 348 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE que je viens de décrire, fe répandoit par de grandes & de très-nombreufes branches dans les parties du lobe droit les plus éloignées de la fciffure longitudinale, de même que dans les parties les plus voifines de cette fcifiure. Ces détails paroîtront! peut-être ennuyeux , mais ils font néceflaires : c'eft à la fcrupuleufe attention avec laquelle j'ai fuivi les vaiffeaux (4, f, p,) & leurs rameaux, que je dois fa folution de la plus grande difficulté que fon puiffe oppofer au fentiment que je propofe fur le cours du fang dans le foie du fœtus. Car sil eft prouvé par l'Anatomie , que le canal (0) n'eft en aucun fens une branche de la veine porte, & que la veine porte & lui conduilent de ‘concert leur fang dans le canal /f), pour être réparti de ce canal ou con- fluent . dans le tiers ou la moitié du lobe droit du foie, Vancienne doétrine eft détruite, & celle que je propole eft mé un ‘point d'évidence auquel il feroit difhicile de fe refülër. Ce tronc où confluent , dont la capacité eft affez or- dinairement deux fois plus grande que celle de la veine porté , recoit conflamment dans fon extrémité gauche deux veines qui sy inférent à peu près dans la direction de l'axe de fa longueur : de fon extrémité droite fortent deux veines qui! dès leur naïflance , répandent une multitude prodigieufe de’branches. Quels font ceux de ces vaiffeaux auxquels il doit fa naiffance? Il eft évident qu'il ne la doit pas aux deux vêines qui s'ouvrent dans fon extrémité droite; une telle idée feroit contraire à toutes les loix de la circulation. Pour péu que lon fafe attention à leur diftribution , l'on eft con- vaincu qu'elles doivent leur naïflance au confluent //) , au Jieu de la lui donner. I refle à conclurre que ce confluent eft produit ou par Ja branche droite de la veine ombilicale , ou par la veine. porte , ou bien tout à la fois par la branche droite de lom- bilicale & par la veine porte. $ Or j'ai prouvé qu'il m'étoit pas produit par la veine porte féulement, & qu'il n'étoit pas produit par la: feule branche droite de l’ombilicale : par conféquent il eft prouvé que le: fe SN SAGALIE, Ni, C :Ei Se 349 canal //) eft produit par ces deux veines, avec cette feule différence que l'ombilicale y contribue plus que la veine porte; différence qui doit étre comme la différence du calibre de la branche droite /b) de l'ombilicale avec celui de la veine porte; différence qui, dans certains fujets, eft confidérable. De ce que je viens d'avancer dans ce corollaire, & de lexpofition anatomique de la veine ombilicale & de la veine porte, nous pouvons donc conclurre que ces deux veines verfent leur fang dans le canal //): le grand nombre de rameaux qui naiffent de ce confluent, ne fert qu'à faire connoïtre le befoin où il eft de recevoir une quantité de fang proportionnée à fon diamètre. Une partie du fing qui lui eft néceflaire pour remplir les vaifleaux qui naïflent de fon extrémité droite, lui eft fournie par la veine porte : cette veine fe termine dans fa cavité; l'air, les fondes , les liqueurs colorées, l'injection la plus groffière, tout ce que l'on introduit dans la veine porte, paffent librement dans la cavité de ce confluent; la veine porte eft dans la meilleure des directions pour fe dégorger avec aifance dans fa cavité. Mais ce canal eftau moins double, & fouvent trois fois plus grand que la veine porte, quoique les iflues qu'il a dans la fubftance du lobe droit foient très-nombreules & très-libres; donc il reçoit beaucoup plus de fang que la veine porte ne peut lui en fournir. Mais il a été dit ci-deflus, & J'Anatomie démontre, que Ja branche droite ou la tige de là veine ombilicale, dont le diamètre eft, dans la plufpart des fœtus, plus grand * que celui de la veine porte, s'insère dans ce confluent de concert avec la veine porte & par une direction peu différente; par conféquent la tige de l'ombilicale non feulement forme plus de la moitié de ce. confluent, mais fournit plus de Ja moitié du fang que ce confluent tranfmet dans la partie droite de Ja fubftance du foie. D'ailleurs l'air, les fondes, les injec- tions pouflées dans la tige de l'ombilicale, pénètrent avec * Suivant les mefüures de M. Haller, le diamètre du canal (4) eft égal à : par rconféquent on doit regarder. comme une :vérité létablie für le témoignagé des fens, que toutes les branches qui, dans a fciffure tranfverfe, fe plongent dans a fabftance du foie, ne font. nullement branches de ta veine porte, & n'ont nul rapport avec cette veineso 25% 1 0h: 5 Mém. 1753: dre 354 MÉmoires DE L'ACADÉMIE ROYALE Pour apercevoir très-clairement la naiflance de ces diffé. « Hrar. lt J, Tentés branches , il fuffit, à l'exemple de Diemerbroek *, de cap. XXX I poufler de Fair dans lé grand tronc ombilical ; car alors, non feulement ce grand tronc fe: gonfle, mais toutes les branches dont il s’agit fé gonflent en même temps, dans quelque di- rection qu'elles foient placées. J'ajoûte dans quelque direc- tion qu'elles foient placées, afin que l'on en conclue que quoique parmi ces branches il y en ait quelques-unes dont la direction eft de derrière en devant, & par conféquent peu favorable à l'entrée du fang, cette direction n’eft point une raifon qui autorife à penfer que le fang qui eft apporté au foie par la veine ombilicale, ne puifle pas s’infinuer dans des vaiffeaux dont la direction eft différente de celle que fuivent ordinairement les branches veineufes à la fortie du tronc qui les produit. La ftruétuie que je viens d'expofer paroït très-clairement, mème fans injection ; mais il faut convenir qu'une injection folide, pouflée dans ces vaifleaux, donne tant d’aifance à les füivre jufque dans les lieux où leurs petits rameaux vont fe ren- contrèr avec ceux des branches de la veine cave, qu’on les conduit tous fans aucune peine depuis feurs RNA dans les branchies de a veiné cave jufque dans le tronc ombilical, & depuis ce tronc jufqu'à leurs dernières diftributions. SEPTIÈME COROLLAIRE. Les branches du confluent ({) naiffent de la veine porte & de la veine ombilicale. Les rameaux du confluent {//) font très-nombreux, quand on fe donne {a peine de les fuivre jufqu’à leurs plus petites diftributions ; & f, après les avoir tous dégagés , on compare l'étendue de la fubftance du foie où ïüls fe diftribuent , avec la totalité de da fubftance de ce vifcère, l’on trouve qu'elle répond à peu près à la moitié de la fubftance totale. Or il a été prouvé ci-defius que le confluent //) eft produit par la veine porie & par la tige de la veine ombilicale; par conféquent 1es DES SCIENCES. | 35 branches /7r) du confluent //), & tous Jes rameaux de ces branches, naiffent de la veine porte & de la veine ombilicale, HuiITiÈME CoOROLLAIRE. La veine porte fournir près du quart des vaiffeaux veineux qui, à la façon des arreres, fe diflribuens dans la fubflance du foie du fœtus. IL eft prouvé par l'Anatomie, que tout 1e lobe gauche du foie reçoit fes vaiffeaux du bord ou du côté gauche du tronc ombilical placé dans la fciflure tranfverfale antérieure. IL eft encore prouvé par l'Anatomie, qu'une grande partie du lobe droit reçoit fes veines du bord droit de ce même tronc; caï l'on voit ordinairement une branche très-grande prendre naïflance de ce tronc à l'endroit même où le canal indiqué (4) prend Ja fienne. De plus, lon aperçoit depuis cet endroit jufqu'à l'entrée du tronc ombilical dans da {cif- fure tranfverfe, plufieurs autres veines plus petites, à a vérité, que celles que je viens d'indiquer, plus petites encore que la plufpart de celles qui naiffent du côté gauche, mais qui occu- pent toute la partie du lobe droit qui avoifine la fciffure tranf verfe, & qui toutes naïffent vifiblement du tronc ombi- Lical, Or fi l'on ajoûte cette partie du foie à toute Ja fubftance du Îobe gauche , l'on trouvera qu’elle répond au moins à Ja moitié de la fubftance totale du foie ; par conféquent la veine ombilicale fournit elle feule la moitié des vaifleaux- de la fubftance totale du foie, & elle les fournit dans le chemin qu'elle parcourt depuis fon entrée dans la fciflure tranfverfe, jufqu'à ce qu'elle fe termine par une efpèce de tête, de laquelle j'ai dit que naïfloient le canal veineux & kB tige de la veine ombilicale. S'ilieft prouvé par d'infpection & -par la comparaifon de l'étendue de la fubftance du foie où les branches latérales du tronc ombilical fe diflribuent , que cette veine répand fes. branches dans-Ja moitié de Ja fubftance du foie , il eft prouvé en même temps quee confluent indiqué ( répand les y 356, MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fiennes dans la moitié reflante; car, pour que cette confé- quence ne füt pas exacte, il faudroit qu'il {e trouvât dans le foie quelqu'autre branche veineufe dont on ne püt pas rap+ porter l'origine, où au tronc ombilical, ou au confluent // EE or il eft démontré par l'Anatomie, qu'il n'y en a aucune; c'éft un fait que j'ofe avancer comme une ftruéture conftante dans le fœtus humain. Il en faut cependant excepter une petite branche qui nait du canal /b), & qui fe diftribue dans le lobule de Spigelius. Heft donc très-clairement prouvé, en fuppofant la diftribution des branches du tronc ombilicai telle que je viens de la décrire , que le confluent indiqué //{) répand ‘fes ranieaux dans près de la moitié de la fubftance du foie. Le confluent indiqué (//) fourniffant lui feul les veines qui fe répandent dans la moitié droite du foie , il fuit né- ceffairement , en admettant la ftruéture & la formation de ce confluent telle que je les ai propofées dans l'expofition ana- tomique de la veine ombilicale, dans celle de la veine porte, & en fe rapelant ce que j'ai dit dans le troifième Corollaire, il fuit, dis-je, évidemment, que la veine porte fournit la moitié des vaifleaux qui fe diftribuent dans la moitié droite du foie, ou le quart de la totalité des vaifleaux veineux qui, à la façon des artères , fe diftribuent dans la fubftance de ce vifcère: * En eflet, dans! les trois endroits que je viens de citer ; c'éftà-dire, en décrivant la veine ombilicale , la veine porte, & dans le troifième Corollaire , j'ai développé de là façon qui n'a paru la plus conforme à la ftruéture, l'origine ‘du confluent (/f) ; j'ai avancé qu'il étoit prefqu'autant formé ‘par la veine porté que par la tige de la veine ombilicale ; je fuis entré dans le détail des raïfons qui m'autorifent à regarder ce canal comme le lieu de la réunion de lombilicale avec la veine porte. I repréfente en quelque forte ces deux veines, je veux dire, le tronc de. la veine porte, & la tige de la veine ombilicale , adofiées l'une fur l'autre, & donnant maiffance à trois branches très-srandes qui fe répandentidans. BHis IN 1 EN CES 357 Je lobe droit. Or file confluent //) eft autant formé par fa veine porte que par la veine ombilicale , il eft évident que la veine porte contribue autant que la veine ombilicale à fa naiflance ‘de toutes {es branches du confluent ; donc fr toutes les branches qui naiflent du confluent //) fe répandent dans la moitié du foie, ou, ce qui revient au même, donc fi toutes les branches de la moitié droite du foie naiflent du confluent //), le quart des branches veineufes de Ja totalité du foie naït de la veine porte. I eft aifé de concevoir que quand je dis que la veine porte donne naïfflance à la moitié des vaifleaux du confluent ou au quart de Îa totalité des vaifleaux du foie , je nr'expli- que comme fi la fubftance de la veine porte & celle de Ja tige de l'ombilicale ne méloient pas enfemble leurs élémens & leur fubftance, pour produire les vaiffeaux du lobe droit: je Vai fait ainfi pour faire mieux fentir Ferreur où l’on étoit de regarder la veine porte comme la feule fource de toutes les . veines du foie ; mais il efttrès-certain qu'il n'y a pas un ful rameau dans toute cette multitude innombrable de rameaux qui naïflent du confluent, qui ne foit en partie formé par la veine ombilicale & par la veine porte ; tous appartiennent également à ces deux veines. L'on ne doit pas exiger dans cette fupputation une exac- titude géométrique ; elle eft fimplement fondée fur Ja com- * paraïfon que j'ai faite de cette partie de la fubftance du foie, - dans laquelle le confluent //) répand tous les rameaux aux- quels il donne naïflance. H m'a paru que cette partie faïloit à peu près la moitié de fa fubftance totale du foie ; de-là il eft aifé de conclure que la fomine des rameaux du confluent fait : a moitié de la fomme totale du fyflème dés vaifleaux veineux : du foie. Confidérant que le confluent //) étoit autant produit par la tige de la veine ombilicale, que par le tronc de Ja. veine porte, de-là j'ai conclu que la veine porte donnoit naïflance à la moitié des vaifleaux veineux du lobe droit , ow au quart dela totalité des vaifleaux veineux du foie, J'ai inutilement eflayé de connoître ces rapports en mefu- Y}y i 358 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoraLe rant les ouvertures des branches veineufes qui naiflent du tronc ombilical placé dans la fciflure tranfverfe, & celies des branches veineules qui naïflent de l'extrémité droite du con- fluent ; il y a trop de variétés dans la grandeur de l'ouverture de chacune de ces branches, pour que les mefures puiffent faire connoître le rapport des rameaux du confluent //) avec les rameaux qui naifient du tronc ombilical placé dans la fciffure tranfverfe. Il n'en eft pas de même du rapport des troncs entr'eux , il n’en eft pas de mème non plus du rapport des principales branches avec les troncs ; lon peut connoître ces rapports par des melures exactes. Le finus ombilicaleit 1 200 ou 12, la veine ombilicale avant fon entrée dans le foie eft 900 ou 9 , la veine porte efb400 ou 4, la tige de l'ombilicale eft 400 ou 4, le confluent eft environ 8 ou 800 , le canal veineux eft 200 ou 2 : toutes ces mefures s'accordent avec celles de M. Haller. Il n'y a de différence que fur le canal veineux, que M. Haller eftime 121, & d’autres fois 196: cette difiérence eft prefqu'infenfible ; ainfi la veine ombilicale eft à la veine porte comme 9 eft à 4. La tige indiquée /b) eft égale à la veine porte; le canal veineux eft à la tige de l'ombilicale comme 2 à 4, & le confluent eft la tige / 2) réunie avec le tronc de la veine porte. Ainfi, du fnus ombilical eftimé 1 200 ou 12 , quatre parties ou 400 fe répandent dans le lobe droit pour former avec la veine porte le confluent 800 ou 8 ; les huit ou 800 parties reftantes forment les vaifleaux de l'autre moitié du foie, & le canal veineux. : Par ces rapports on fe forme aifément une jufte idée du développement de tout le fyflème veineux du foie du fœtus; ils font auffi très-utiles pour déterminer la quantité de fang qui peut pafler, en un temps égal, dans les canaux dont ils font connoître la grandeur refpective. D'RIS 8. C/1:E.N CES. 359 NEUVIÈME CoOROLLAIRE. La veine porte ne forme point de Jfnus dans le Jœtus humain. L'on appelle fus de la veine porte la branche droite & la branche gauche de fa première divifion que forme cette veine dans le foie de l'adulte : l'on a été fondé à accorder un tel nom aux deux premières branches que donne le tronc de la veine porte, parce que 1 fomme de leur diañnètre, comparée au diamètre du tronc de la veine porte , l'emporte de beaucoup. Je conviens facilement que cette diflinction que lon à faite du finus de la veine porte dans l'adulte, n'eft pas fans fondement: mais fi l'on fe rappelle 14 ftruture de la veine porte dans le fœtus » & fa diftribution telle que je l'ai tracée ci-deffus, lon concevra facilement qu'une telle diftinétion eff contraire à l' Anatomie. Car premièrement il a été prouvé que Ja branche indiquée (b) dans le fœtus humain » branche qui répond à la branche gauche du finus de la veine porte dans l'adulte, eft {a tige de la veine ombilicale, Par conféquent, dans fe foctus humain S k partie gauche du finus de la veine porte n'exifle point. En fecond lieu, il a été prouvé que {a branche droite du finus de la veine porte dans l'adulte, eft dans le fœtus un confluent qui appartient autant à Ja veine ombilicale qu’à l1 veine porte, & que la cavité de ce confluent répond exactement à la groffeur du tronc de 1a veine porte & à celle de la tige de la veine ombilicale : car f le confluent, ainfi que je l'ai avancé, eft 8 ou 800, fi la veine porte eft 4 ou 400, & fi la tige de la veine ombilicae ef 4 ou 400, Îa cavité du confluent répond exactement aux cavités des deux vaifleaux qui le produifent, & par conféquent exclut toute idée de finus. L'on dira peut-être que dans la defcription que j'ai donnée du canal indiqué /4 ) ou tige de l'ombilicale, j'admets moi- même une continuité de fübftince & de cavité entre te 6o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE canal & entre la veine porte, & telle à peu près que celle que j'établis entre ce canal & entre 11 fubflance & la cavité du tronc ombilical, & que par conféquent il eft indifférent qu'on regarde le canal indiqué /2) comme branche de la veine porte, ou comme branche de la veine ombilicale. Mais feroitil indifférent que lon regardät le canal veineux comme branche de a veine cave, où comme branche de la veine ombilicale, fous prétexte qu'il y a continuité de fubftance entre le canal veineux & entre la veine cave, fr par de telles expreflions l'on vouloit faire connoître que le fang pañle de la veine cave dans le canal veineux ? Seroit-il indifférent de regarder le canal artériel comnie branche de Jaorte ou de l'artère pulmonaire, fi l'on vouloit faire enten- dre, en l'appelant branche de faorte, que le fang pale de Vaorte dans le canal artériel, & de ce canai dans l'artere pul- monaire? Des dénominations fi contraires à la nature & aux ufages des parties qu'elles caraétérifent & qu'elles indiquent, ne devroient-elles pas être bannies pour toüjours du langage des Anatomiftes? Or je crois que fi lon veut bien faire une férieufe atten- tion à Ja defcription du canal /) & du confluent //), & de Y'infertion de la veine porte dans le canal //), lon aura des raifons auffi folides de penfer que le canal (2) eft branche de l'ombilicale, que celles qui nous font regarder le canal veineux comme branche de cette mème veine, & le canal artériel comme branche de l'artère pulmonaire. I n'eft pas difficile de prouver que les Anatomifles qui regardent le canal indiqué /4) comme la branche gauche du finus de la veine porte, prétendent, par une telle dénomi- nation , que le fang de la veine porte pafle par le canal in- diqué /b}, en fuivant une direction de droite à gauche pour s'infinuer dans la cavité du grand tronc ou finus ombilical placé dans la fcifure tranfverfe du foie. S'il refte quelques doutes fur l'interprétation que je donne ici aux expreffions des Anatomiftes, ils feront diffipés par Texpoliion que je. donnerai dans le fecond Mémoire de je eur ’DHESs SCrENcts 365 feur doétrine; ils le feront de même, par une feéture atten- tive de leurs ouvrages. : Par ces réflexions , il fera aifé de concevoir pourquoi je tme fuis trouvé dans la néceffité indifpenfable de changer toutes les expreflions dont on s'eft fervi dans l'hifloire du cours du fang dans le foie du fœtus humain. La conformité de ces expreflions au véritable fens de 1a doctrine de tous ceux qui les ont employées, loin de faire balancer en leur faveur, eft une raifon de plus pour les chan- ger comme contraires à ce qu'une Anatomie exale nous fait connoître de la ftructure & de la diftribution des vaiffeaux du foie, comme oppolées aux loix qué füivent nos liqueurs pendant le grand ouvrage de notre formation & pendant le temps des changements furprenans qu'éprouve tout le fyflème de la circulation du fang dans les: inftans de notre naïffance. Guiïdés fur la diftribution que j'ai donnée de la veine ombi- licale, l'on peut apprécier l'excès dans lequel Galien avoit donné dans la peinture admirable qu'il nous a tracée de l’é- tendue immenfe de cette veine & de fes influences dans le développement de nos refforts : elle ne forme pas, ainfi que ce grand Anatomifte l'a avancé, toute Îa fubftance du foie; elle entre en fociété & én commerce avec la veine porte, pour produire le plus grand de nos vifcères, ou du moins pour lui apporter du fang quand il eft produit & quand fe cœur eft développé : car il n'eft nullement prouvé que dans les premiers temps de notre formation, la veine ombilicale ne foit pas la feule veine du foie. L'erreur de Galien n’eft donc pas auffi grande que le penfent les Anatomiftes mo- dernes : plus l' Anatomie du foie eft fuivie avec exaditude, plus elle nous autorife à prononcer avec Galien, que cette veine eft la grande veine du foie, qu'elle eft, pour ainfi dire, la fource de toutes les autres veines, & que c'eft à fes extré- mités que fe forme la fubftance même ou le parenchyme du foie. La difiribution de la veine ombilicale, telle que je l'ai tracée, nous fait concevoir pourquoi le foie du fœtus eft Men. 1753, . Zz * Page4o9 Ÿ 411. 362 MÉMOIRES -DE L'ACADÉMIE ROYALE incomparablement plus grand que dans l'adulte, relativement à la grandeur des autres parties. Cette différence eft quelque-. fois énorme : Riolan* a vû dans l'embryon de trois mois, le foie defcendre au deffous de fombilic, & remplir les deux, régions que nous appelons les hypocondres : je Jai quels quefois vû, ainfi que Riolan, remplir prefque toute la capa-, cité du bas-ventre dans des fœtus à terme. J'ai plufieurs fois remarqué que plus les embryons font petits, plus le foie eft grand, femblable en cela au placenta. | La raifon de ces phénomènes anatomiques eft fondée fur la grande quantité de fang que la veine ombilicale apporte au foie ; quantité qui, ainfi que je le prouverai dans la ‘fuite, furpaffe de beaucoup celle qui eft apportée au foie par la veine porte. Comment en effet le foie du fœtus ne feroit-il pas plus: grand que le foie de l'adulte, puifqu'outre la quantité de fang qu'il reçoit de la veine porte dans l'adulte, il reçoit dans le foetus prefque tout le fang qui coule dans les artères ombili- cales, &.une grande quantité de fluides qui entrent des cel- lules de Ja matrice dans celles du placenta, & des cellules du placenta dans les racines de la veine ombilicale. Il eft vrai que lon n’a point trouvé de règle certaine pour évaluer la quantité des liquides qui pañfent de la mère à l'en-, fant : l'on peut cependant aflurer que cette quantité, dans les derniers temps de la groffeffe, ne peut pas être de beaucoup moins grande que celle qui pafle par les veines lactées, le, canal thorachique, & peut-être par les racines de la veine porte, d'abord que l'enfant refpire. Or il eft ailé de fe con- vaincre qu'il en pafle beaucoup par ces vaiffeaux après le naiflance de l'enfant; il prend, comme l'on fait, beaucoup de nourriture d’abord qu'il refpixe: avant que de naître, il la tiroit des vaiffeaux de J'uterus de fa mère, après fa naif- fance il la tire des conduits laiteux de fes mamelles. La quantité des liquides qui pénètrent de l'uterus dans le foie du fœtus, eft donc comme la quantité du lait que fuce Y'enfant du fein de fa mère d'aboïd qu'il eft né, ou pluftôt comme la quantité du chyle qui paffe par le canal thorachique, . DES SCIENCES. 363 & peut-être par les racines de la veine porte, après la naiffance, Le lobe gauche du foie du fœtus eft plus grand que te Tobe gauche du foie de l'adulte, & quelquefois prefque auff grand que le lobe droit. D'abord qu'il eft né, fon foie di- minue} le lobe gauche diminue plus que le droit : avant la maïffance le foie préfentoit une maffe d'un volume énorme, dans laquelle on ne diftinguoit qu'avec peine les fciffüres ou enfoncemens que l'on appelle ordinairement /es portes du foie. Cette mafle prefque informe, fi on la compare à {a vraie figure du foie de Fadulte, defcend aflez fouvent jufqu’aux os des iles. L'enfant naît, & cette mafle remonte peu à peu, la diftinétion du foie en lobes fe fait apercevoir, les fciffures fe développent & s'étendent, l'ifthme qui tient cachée fa fciflure tranfverfe, difparoït ou s’affoiblit, le bord des fauffes côtes devient le terme de l'étendue du foie, Ce grand changement n'eft point l'ouvrage de quelques mois, mais aflez fouvent des premières années de notre vie: cinq ans fuffifent quelquefois à peine pour que le foie re- vienne au terme que je viens de lui fixer. Le foie, après cette diminution qui, ainfr que je viens de le dire, lui donneune forme plus régulière, ou au moins plus conforme à celle que nous lui voyons dans l'adulte, commence à croître de nouveau, mais dans a proportion de l'augmentation fucceffive du cœur & des autres vifcères. Il n'en eft donc pas du foie comme des autres organes de notre machine: il prend d'abord un accroifflement rapide; arrivé au dernier terme de cet ac- croiflement prématuré, fa fubftance diffère peu de celle de Ja ratte; il eft comme un fecond placenta, de même que le placenta eft un premier foie ( les Anciens & plufieurs Mo- dernes appellent le placenta, foie utérin); il eft l'organe dans lequel f fait le fecond affinage des fucs qui doivent nourrir Yenfant renfermé dans le fein de fa mère; & quoique l’on äperçoive dans fon tiflu un appareil admirable, &° méme régulier, d'une infinité de vaifleaux, l’on remarque | {ur -la furface extérieure, où fur les dehors de ces vaifleaux, 8e dans les intervalles qui les fparent ; un tiffu prefque {pongieux, : Zzi 364 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROTALE tel à peu près que celui de la ratte humaine; fa fubflance eft molle, friable, gluante, & quelquefois toute fanglante. L'enfant refpire, les fibres du tiflu fpongieux du foie fe rapprochent, elles forment des tuniques extérieures ou des gaines aux vaifleaux , le diamètre de chaque veine du lobe gauche diminue, quelques-unes perdent leurs cavités & fe changent en fibres ligamenteufes ou membraneules, le canaf veineux s'affaiffe, la veine ombilicale fe change en Jigament, le fang de la veine porte qui circuloit uniquement dans la moitié droite du foie, & fuivoit une direétion de gauche à droite, commence à circuler de droite à gauche, il f divife en deux colonnes, la veine porte déploie fon finus, la veine ombilicale ferme le fien , le fing de la veine porte fe répand dans toutes les veines du lobe gauche, toutes ces veines s'affaiflent un peu; c'étoit du fang onmbilical qu'elles étoient gonflées, ce fang ceflant de couler elles reviennent fur elles- mêmes. La diminution du lobe gauche doit donc être plus grande que celle du lobe droit; mais celle du lobe droit n'en eft pas moins réelle, quoique plus petite, il eft privé de toute cette quantité de fang qui fe répand après la ligature du cordon dans le lobe gauche : le foie doit donc diminuer dans fa totalité, Pendant que toutes ces merveilles s'exécutent, les fucs épanchés dans les. intervalles des vaifleaux, ou fe diffipent, ou font repris par les vaiffeaux affaifés. Les mufcles de la relpiration font autant d'agens qui déterminent ces fucs à reprendre la route des vaifleaux. À mefure que le foie diminue, fa fubftance acquiert de la fermeté & prend une confiftance nouvelle. Cette première décadence du foie fe répare peu à peu , les mufcles de la refpiration accélèrent le cours des liqueurs dans la veine porte devenue alors l'unique veine du foie; les artères méfentérique & coœliaque qui, pendant que l'enfant eft renfermé dansle fein de la mère, font d’un diamètre extrême- ment petit, fe dilatent ; les artères hépatiques, à peine vifibles dans le fœtus, deviennent d’un diamètre confidérable ; la force du cœur & celle des artères augmentent, le foie croit auf (DES SCIENCES | 365 de nouveau; mais la marche de cette augmentation eft lente, elle eft uniforme & régulière. Le cœur & les artères font les agens qui influentle plus fur ce fecond accroiflement du foie, accroiflement qui ne doit finir que dans l'âge parfait, c'eft- à-dire, à cet âge dans lequel tous nos refforts font arrivés au terme de leur étendue naturelle. Le premier accroiflèment du foie fe fait par lafHuence abondante des liquides que la veine ombilicale répand dans le foie, le fecond par une appofition Jente & fucceffive de ces mêmes alimens auxquels chaque jour nous avons recours pour reculer Finftant qui fufpend l'union de la matière & de la Puiflance immortelle qui anime nos reflorts. EXPLICATION DE LA FIGURE. : a, Tr ONC de la veine cave. .&,. tige ou branche droite de Ha veinelombilicale. ecc, branches gauches de la veine ombilicale, K : d, Ha plus grande de ces branches. | ; . ii, Branches droites de la veine ombilicale. 0, R plus groffe de ces branches! p; letronc de la veine porte coupé. g;, les deux branches du confluent. l | rrr, les rameaux que les deux branches du confluent répandent dans 1 fubftance du foie." J, le confluent de l’ombilicale & de la veine porte; ou le canal de réunion, . tt, les rameaux que les branches gauches jettent. ÿ zu, le tronc de la veine ombilicale un peu dilaté.en forme de finus. . E w, le canal veineux. }: veine hépatique gauche, dans Ie tronc de laquelle s’infêre fe canal veineux. “Vya ls . Tables de M, Caffiri, 366 MÉMOrRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe OBSERVATION DE L'ECLIPSE DE VENUS PAR LA LUNE, Faüe à l'Obférvatoire le 27 Juillet au matin. Par M. DE THuRry. [ A différence que l'on a pû remarquer entre Îles réfultats du calcul de cette écliple, fait fur les mêmes tables *, par Mes Maraldi & de la Caille, m'avoit engagé à vérifier non feulement les calculs de ces deux Aftronomes, mais encore la pofition de la Lune & de Vénus dans la circonftance où fe trouvoient alors ces deux planètés. Ayant calculé l'obfer- vation de la Lune au méridien, fane le 2 $ Juillet au ge où le bord bts de cette planète à paflé à 7h 10° 20" à la hauteur de $74 49" 0", j'ai trouvé, en fuppofant le paflage du demi-diamètre de la Lune, de 1” 9" de temps, fa paral- laxe de hauteur de 3046”, l'afcenfion droite du Soleil de 11244 37" 10", celle de la Lune de 514 5455", & fa déclinlon de 1 64 53 * 36"; d'où j j'ai déduit la longitude de Ma: Lune de 1123448" 50", & fa latitude de 1d 5’ s Nos tables donnent la longitude de cette planète de if 2 a 49° 36", plus grande de AE & la latitude de 14 55° 21”, ‘plus grande de 1 6". Par l’obfervation faite le 26 Juillet, où le pafage du bord fuivant de la Lune : méridien a été oblervé à 8h s’ 34” à la hauteur de 594 40° o" à peu près, j'ai trouvé, en Men le paffage du demi-diamètre de là Lune de 1° , la parallaxe ie hauteur de 29’ 47", l'afcenfion droite dk Soleil de 1254 38° 28", celle de la Lune de 664 44’ 29", & fa déclinaifon de 184 43' 36"; d'où j'ai déduit Hem. de l'A: R des Se, 1768: Pay 66. Lla6 Mem de l'AcR der Se, 1758 lag N66 Vi SAR A+ C— SR: ÈS Tran dl eue DE-S. SCIENCES: 367 fa longitude de 21 84 0° 2 ji & fa latitude de 24 59° 13". Les Tables donnent la longitude de 2f 74 50° 48”, plus petite de 37", & la latitude de 34 o’ 1.6”, plus grande Ayant calculé l'obfervation de, Vénus faite au méridien le 26 Juillet au matin, où cette planète a patñlé à 8h $ 5 34" à la hauteur de 594 43° 25", on trouve, en fuppo: fant fon afcenfion droite de 794 34° 26", fa déclinaifon de 184 33° o", fa longitude de 24 20’ 58", & fa latitude de 49 34' o". Les Tables donnent le lieu de cette planète de 2f 204 $' o”, plus petit de 28", & la latitude de 44 34° 36", plus grande de 3 6". Ces obfervations préliminaires annonçoient l'exactitude des Tables dans cette circonftance, & ne nous permettoient plus de douter que Vénus ne fut écliplée par la Lune. Je me fuis fervi, pour faire cette obftrvation , d'unelunette de 1 8 pieds, avec laquelle j’ah refnarqué que lorfque Vénus approchoit du bord éclairé dé’la Lune, le coté concave du croiffant de Vénus, qui ‘regardoit le bord convexe de la Lune, paroif foit d’une couleur rougeâtre bien différente de celle du côté oppofé, &,.queila nuance augmentoit à mefure que Vénus approchoit du bord dela Lune; ce que je ne pouvois attri- buer à la différente pofitionide Vénus dans Ja-Lune, ayant eu l'attention de placer cetté planète au miliéu de Ia lunette, À 4h 8° 57” la première corne de Vénus m'a paru toucher le bord éclairé de la Lune, à 4h 0° 27" j'ai eftimé J'attouchement de la feconde comme, à 4h 0' 46" Vénus a difparu dans un inftant : ces trois obfervations ont » été faites avec une très-grande exactitude. Je n'ai pas été … auffi content de l’obfervation de l'émerfion faite avec la même … Junétte; car comme il ne m'étoit pas poffible de voir dans le champ de la lunette tout le diamètre de la Lune, j'étois obligé de changer à tout moment la lunette, pour pointer au hafrd à l'endroit où j'eftimois que Vénus fortiroit; & à £ ] A CA CERN TENT Fe mA ! YRA RUE 197: Voyéz Mén: 1715. Voyez Mén. 1721, pe 24» 368 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYAÉE sh 11"10" jai aperçu Vénus, à 5" 11° 44" elle m'a paru entièrement fortie. Il ne me refloit plus à faire que l’oblervation de ces deux lanètes au méridien : j'ai fait celle de Vénus à 8h 54 407 À la hauteur de $od 48" 5 5", mais je n'ai pü voir la Lune qui étoit cachée par une efpèce de brume qui s’étoit répandue dans l'air au lever du Soleil. | MEMOIRE DES SCIENCES. 369 M E MOIRE SUR PLUSIEURS MORCEAUX D'HISTOIRE NATURELLE, Tirés du Cabinet de S. À. S. M. le duc d'Orléans. Par M GUETTAR D. A1 1 à l'Académie, en 1715 1, des obfervations d'Hifloire Naturelle, que M. Lieutaud, Chirurgien, envoyé par la Compagnie des Indes à la Cochinchine, avoit faites fur ce Royaume, & fur l'ifle de France, où il avoit touché dans fa route. À fon Mémoire étoient joints quelques-uns des mor- ceaux dont il parloit dans fes obfervations. L'Académie parut, en adoptant ce Mémoire, defirer quelques éclairciflemens. Comme M. Lieutaud n'avoit pü, dans le peu de temps qu'if avoit refté dans ce pays, entrer dans quelque détail un peu circonftancié, & que le plus fouvent il ne parloïit qu'en gé- néral, je lui demandai de vouloir bien n'éclaircir diflérens points qui avoient befoin de lumières : cés éclairciflemens font venus ; mais la mort ayant enlevé M. Lieutaud, on les doit à M. le Juge, Confeiller au Confeil fupérieur de F'ifle de France. Perfonne n'étoit plus en état de les fournir que M. le Juge, qui demeure dans cette ifle depuis plufeurs années, & qui ayant des correfpondances faciles avec ‘la Cochinchine, en a eu une hiftoire naturelle qui, comme il me le marque, vient de bonne main, & d'une perfonne inf truite. J'ai donc cru que pour entrer encore davantage dans les vües de l’Académie , je devois réunir toutes ces obfervations, & en faire un corps auquel je joindrois les remarques & les réflexions qu'auroient pü me fournir les matières qui avoient été envoyées dans différens temps. Pour rendre encore le tout plus intéreffant, j'y ai fait entrer les obfervations fur e volcan Mém. 1753. + Aa Li * Page 163 Ê fui. Staladite, 7o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de l'ile de Bourbon, dües à M. Fréri, Chirurgien du vaifleau e Glorieux, & plufieurs autres de M. Daprès, Capi- taine de ce vaifleau, & qui eft fi connu des amateurs de l'hydrographie marine, par fon Flambeau de la mer. M. Daprès, à fa perfuufion de feu M. le duc d'Orléans, fe chargea de faire aufli de fon côté des remarques de cette nature dans les endroits où il pourroit aborder , & c'eft à lui que fon a été redevable de celles qui concernent le cap de Bonne- efpérance, Rio-Janeiro & Madagafcar en partie, Mrs Lieu- taud & le Juge ayant déjà envoyé quelques morceaux cu- rieux de cette ifle, comme on le peut voir dans le volume des Mémoires de l'Académie pour l'année 1749 *, Afin de mettre un ordre dans ce que j'ai à dire, je diviferai ce Mémoire en deux parties ; la première renfermera ce qui regarde les minéraux, & la feconde les animaux. PiR EME RUE PP AURT LE. Des Minéraux. ] ’A1 tâché, dans les Mémoires qui ont précédé celui-ci, de faire connoître les fofliles de quelques endroits de l'Eu- rope, de Amérique feptentrionale, de l'Afie & de l'Afrique, C'eft de ces deux derniers pays, de l'Afrique fur-tout, que ceux dont j'ai à parler ici ont été tirés. Tous ces foffles font de la nature de ceux qui fe vitrifient; il n'en faut excepter que le fpath, qui eft fouvent réuni aux mines, & une ef pèce de flalactite qui vient des montagnes des Hottentots, à environ trente lieues du cap de Bonne-efpérance. Cette fla- laétite, de même que la plufpart de celles que nous connoif fons, fe calcine, devient au feu d’un très-beau blanc, fe dif fout avec vivacité à l'eau forte, & paroit être d'une matière fpatheule : le morceau qui a été envoyé, eff à l'extérieur d'un blanc fale tirant fur le jaune; il eft long de plus d'un pied, & il paroit avoir fait partie d'une mafie plus confidérable; il eft en quelque forte compofé de trois fufeaux réunis enfemble par quelqu'un de leurs côtés; leur intérieur eft D'EPSM SENTE NictESOMIM 37 brillant , formé d’aiguilles qui, par leur arrangement, font des efpèces d'étoiles qui font plus ou moins régulières, fuivant ue les aiguilles le font elles-mêmes; enfin cette fhlaclite ef en général de la nature de celles des grottes d'Arci, de la caverne de Caumont près Rouen, de la grotte d’Antiparos, des carrières à plâtre de Montmartre proche Paris, de celles de Coufon à quelques lieues de Lyon, & d'un grand nombre d'autres. Une efpèce de minéral, que l'on croit communément être, de même que les ftalaétites, formé par une eau qui dépofe les parties dont elle étoit chargée, mais qui en diffère par Ja propriété de fe vitrifier , eft le cryftal de roche. Depuis long temps l'on fait que l'ifle de Madagalcar fournit de ce cryftal. Flacourt, dans l'hifloire qu’il a donnée de cette ïfle, dit * que le long de la rivière de Monanghourou, il y a de belles pierres de ‘cryffal ; telles; qu'il y en a qui ont plus de quatre pieds de groffeur. Je ne fache pas que l'on nous ait, depuis Flacourt , fait connoître cette pierre un peu plus exac- tement. Cet Auteur femble n'avoir été frappé que de la grof- feur des morceaux qu’il avoit vüs : le plus intéreflant auroit été de favoir fr ce cryftal étoit d'une belle ‘eau , s'il n’étoit pis, comme lon dit communément , rempli de fils, & neigeux ; défauts qui lui Ôtent beaucoup de fon prix. Les morceaux qu'on a reçüs ne font pas tous également beaux, eu égard à leur groffeur & à leur tranfparence; les plus gros, qui le font de près d’un pied en tout fens, n'ont même d'a- vantageux que cette groffeur , fi c'en eft une dès qu'ils n'ont pas cette tranfparence néceflaire pour être de quelque ufage: bien loin de l'avoir, ils font prefque opaques. Deux de ceux qui font tranfparens, & qui ont bien un demi- pied de long , fur un pouce où deux d’épaifleur, font d'une très: belle eau: {a glace formée par de l'eau qui s'eft gelée, & qui eft la plus nette & la plus tranfparente, n'a rien au deflus de ces morceaux; ils n'ont guère, pour tout défaut, que de renfer- mer quelques petites bulles d'air qui fe font dilatées lors de la formation de ce cryflal: c& bulles font plus abondantes Aai Cryftal de roche. * Flac. Hif. de Madagaf. page 25. Paris, 1061, in-g. Picrres opaques. 72 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE dans les autres, ils ont même de ces efpèces d'écailles qui forment des iris. La réunion de ces défectuofités rend ces morceaux peu propres aux ouvrages auxquels on emploie le cryftal dé roche, & qui demandent qu'il foit aufli parfait qu'il puifle fe trouver. Il paroît cependant, par les deux qui font tranfparens, que Madagafcar fourniroit de ce foffile, qui auroit toutes les qualités requifes. Aucun de ceux que j'ai décrits n'avoit de figure régulière, ils paroifloient tous n'être que des éclats détachés de plus gros blocs ; ainfi Jon ne peut déterminer fi ces mafies font à facettes ou à pans, & fi elles ont la figure régulière que l'on connoïit au cryftal de roche. Les montagnes des Hottentots , d'où l'on a tiré la flaladtite dont j'ai parlé ci-deflus, donnent aufli de ce même cryftal, mais en petits cryflaux, s'il eft toûjours femblable au grouppe qui a été envoyé. Ce grouppe, qui peut avoir quelques pouces de long & de large, n'eft qu'un compolé de cryflaux à fix facettes & à fix pans, qui font opaques, lavés de jaune, & qui n'ont au plus qu'un demi-pouce ou un pouce de long. Ces cryftaux font tous réunis & ramaflés fur une pierre d'une nature & d'une couleur femblables, mais fans figure déter- minée. Un autre amas pareil, qui vient de la Cochinchine, en difière par la petiteffe de fes cryflaux , & parce qu'il n'y en a pas! d'entièrement bien formés. Il paroît que l'ifle Rodrigue doit avoir de ces derniers, puifqu'il s’en eft trouvé des pièces détachées parmi différentes pierres prifes au hafard dans cette ifle. Lorfque l'on cafle les pierres dont fon bâtit à Mahé dans Yinde, lon trouve quelquefois dans leur intérieur des efpèces de cailloux arrondis fans facettes, gros comme une noix ou un œuf de pigeon, ou qui font un peu au deflus ou au deflous de cette groffeur: leur tranfparence n'eft pas des plus grandes, mais la taille leur donne celle que peuvent avoir le caillou de Médoc , ou les pierres de cette nature, Les autres pierres que je dois examiner ici, font opaques; les unes n'ont point fouffert dans leur compofition, elles n'ont point été foûmifes à lation des feux foûterrains, qui a agi fr les fecondes : les premières ont retenu la forme qu'elles DES PIS CUT LE NCLENS 373 avoient d'abord reçûe, les autres font en quelque forte vitri- fées : elles font dûes à des volcans qui, après avoir mis en fufion les pierres du fein des montagnes où ils font allumés, les ont ainfi jetées hors de ces mêmes montagnes. L'on peut diviler celles qui n'ont pas paflé par cet état violent, en pierres fimples & en compolées ; les fimples ne font qu'un amas de matière homogène, en prenant ce terme dans fa plus grande généralité, & en ne faïfant point attention aux parties intégrantes qui peuvent être de différentes natures ; il entre dans la formation des compofées plufieurs matières que l’on peut aifément diftinguer à la vûe fimple : celles du premier genre font d’une couleur uniforme, ou elles font marbrées: on ne doit pas cependant entendre par cette uniformité de couleur , qu'elle foit dans toutes la même, mais que chacune de ces pierres en a une qui lui eft particulière, qui n'eft point ou peu variée, qui n'elt pas formée par bandes, ou marquée d'un grand nombre de taches de couleurs différentes, comme peuvent être celles des marbres. Les plus fimples de celles - ci font les fchites ou pierres feuilletées: de trois qui font de la Cochinchine, l'un eft ver- dâtre, d’un grain fin & uni; deux autres d'un verdâtre plus clair ou plus foncé que le premier, en différent fur-tout par leur tiflu ; il femble qu'ils foient compofés de fibres longi- tudinales : on les prendroit même pour cette efpèce de pierre fibreufe, dans laquelle l'amiante fe forme fouvent, & qui en eft comme la matrice; de plufieurs autres qui font d’endroits différens, Fun eft auffi d'une couleur de glaife verdâtre, ten- dre, friable & doux au toucher ; un autre eft gris, également uni & life, mais un peu plus difficile à caffer: un troi- fième left encore plus, il eft méme un peu graveleux; fa couleur eft d'un jaune fale. Un de cette dernière couleur, diffère des trois autres en ce qu'il renferme des parties de quartz blanc, qu'il a quelques taches d’un brun ferrugineux, & qu'il eft beaucoup plus dur qu'aucun de ceux-ci. Des deux fuivans, le premier a une couleur de tartre où de: lie de vin rouge, d’une dureté plus ou moins grande, & * À aa ii Schites, Quartz. 374 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE eft quelquefois parfemé de petites paillettes talqueufes, d'un blanc argenté; le fecond eft couleur d'ardoife commune , & d'une dureté qui approche de celle des pierres qui font le premier banc des ardoifières. Ces fchites font tous du cap de Bonne-efpérance, excepté celui qui renferme du quartz, qui vient de Rio-Janeiro ; les autres ont été pris dans la baie de la Table, ou vers la montagne du Lion. C'eft encore de ces deux derniers endroits que les pierres que je vais maintenant décrire ont été tirées. Quoique la figure rhomboïde, lozange ou trapézoïde que ces pierres ont ou affectent, que leur couleur qui eft femblable à celle des précédentes, ou qui n’en diffère que parce qu'elles font un peu plus où un peu moins foncées, quoique ces propriétés, dis-je, la figure für-tout, puffent faire regarder ces pierres comme des fchites, leur dureté cependant étant telle qu’on peut aifément en tirer du feu au moyen du fer trempé, je crois devoir les mettre au nombre des quartz d'un grain très-fin, très-uni & très-liffe. La plufpart font traverfés fans ordre, de lignes d’un quartz blanc, qui les feroient d’abord prendre pour une efpèce de marbre; mais l'expérience feule de l'eau forte, qui n'a aucune prife fur ces pierres, conflate leur nature. Les veines de quartz blanc dont je viens de parler, annonceroient que les endroits du cap de Bonne efpé- rance où lon a pris les autres fortes, en fourniroient aufft de blancen mafle, quand on n'en auroit pas reçû des morceaux qui font entièrement de cette couleur, & un peu lavés de rouge ou de brun. C'eft encore au nombre des quartz qu'il faut, à ce qu'il me paroït, placer une pierre prife dans Ja baie de la Table, & une autre femblable tirée de Rio-Janeiro. Cette pierre approche cependant beaucoup du grès; elle en a mêmen quelque forte le grain, & lon pourroit à toute rigueur la ranger avec cette pierre. Quoi qu'il en foit, celle de Ja Table eft fableufe, d'un gris terreux ; l'autre eft d'un blanc mêlé de gris, avec des caflures en petites écailles très-brillantes & de petits points gris de lin, qu'on prendroit à la loupe pour autant de petits criflaux colorés. DES SCIENCES. 375 Les pierres veinées dont j'ai formé Ja feconde partie de la divifion qu'on peut faire des pierres dont Jai à parler, font encore des quartz des environs de 1a montagne du Lion; elles font compolées de bandes étroites, grifes ou verdâtres, tranfverfales , & qui gardent un certain parallélifme. Ces pierres prennent un poli gras, que les précédentes, qui font de cette efpèce, pourroient aufli prendre fi on vouloit le leur donner, puifqu'elles font auffi dures, aufli fines, fi on en excepte cependant celle qui reffemble au grès. Les pierres dans la compofition defquelles il entre des parties vifiblement différentes, peuvent toutes fe rapporter aux genres du granit & des pierres talqueufes qui font mélées de grains de la nature de ceux du granit. Une de ces pierres eft gris de lin & blanche, & renferme très - peu de petites paillettes argentées : elle eft fi tendre, qu'on pourroit la regar- der comme une terre qui auroit pris quelque confiftance ; elle vient de Rio-Janeiro. Une, prile à la montagne de la Table du cap de Bonne-efpérance, eft plus dure, d’un jaune terreux, & parfemée de femblables paillettes talqueufes ; une autre de Foule-pointe dans l'ifle de Madagafcar , efl formée de paillettes d’un talc jaune ou verdâtre ; une quatrième de a Cochinchine, fe diftingue für - tout par de petites pointes relevées ordinairement de côtes ou de flries, & d’un beau noir de jayet : ces pointes font mélées à des paillettes talqueufes argentées. Quant aux granits, celui qui eft Je plus dur & le plus fufcepiible de poli eft de Rio-Janeiro : il eft d'un gris blanc, d'un grain ferré & peu garni de paillettes talqueufes. La mon- tagne du Caignou qui eft à deux cens vingt lieues du Sénégal Ten montant le Niger, & à quinze lieues de Galam , dans l'en- droit où l’on foupçonne une mine d’or, renferme un granit dont les grains ne font pas auffi bien liés que ceux du granit de Rio- Janeiro ; ils font de l1 même couleur, & un peu plus gros. Ce granit eft parfemé intérieurement de paillettes d'un brun argenté à l'extérieur, d’autres d'un Jeune mat ; mais ces paillettes Jetées dans l'eau régale ne fe diflolvent point ; mifes avec & Pierres talqueufes, Granits. Pierres de volcans. 376 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fans borax, fous le chalumeau à fouder à la lampe, elles ne fe fondent pas, elles fautent feulement par éclats, & paroiffent ainfi n'être réellement que du talc. La différence de couleur de ces paillettes qui ne font qu'à l'extérieur & de celles qui font intérieures, m'avoit fait d'abord penfer que les premières avoient appartenu au fond du terrein où le granit avoit été pris, qu'elles n’étoient point parties compofantes du granit, qu'elles s'y étoient feulement introduites, & qu’elles pouvoient être des parties de cet or que l’on foupçonnoit dans cet endroit ; mais les expériences m'ont defabufé, comme elles doivent, je crois, defabufer tout autre qui pourroit avoir été féduit comme moi. Les unes & les autres font auffi-bien de talc que la pierre qui les renferme eft de granit, fur lequel on ne pourroit pas faire les difficultés que les trois fuivans pourroient occafionner: l'un pourroit être regardé comme un fchite très-dur, rempli de grains femblables à ceux des granits; il eft d'une couleur de lie de vin parfemée de petits points noiratres, l’autre eft d’un jaune pale avec de pareils points. I! pourroit être fimplement pris pour une pierre graveleufe, de même que le troifième, qui n'eft qu'un amas de grains aïlez gros, d'un blanc fpatheux, liés très-peu enfemble par une matière terreufe, jaunâtre & mêlée de quelques paillettes talqueufes qui font également très-rares dans les deux premières efpèces : cellegi eft de Rio-Janeiro, les deux autres font de la baie de la Table. Je pale maintenant aux pierres qui, paï l'action des feux foûterrains, ont changé de nature. Ces pierres font en plus grande partie de l'ifle de Bourbon. Avant que de les faire connoître, je dois rapporter la defcription du volcan même de cette ifle, & par reconnoiffance pour M. Fréri, qui a eu le courage de furmonter tous les obftacles qui fe font pré- fentés dans la vifite qu'il a faite de cette montägne, & pour l'exactitude de la defcription même qu'il a bien voulu faire, conformément aux éclairciflemens que j'avois demandés. « Ayant formé la réfolution, dit M. Fréri, d'aller au: » volcan de l'ifle de Bourbon, qui eft éloigné par terre de » vingt-deux lieues du quartier de S.t Denys, & qui n'eft qu'à une PREFSMASÉCONE NaCeEOMIiM 3x une lieue & demie de la mer, je côtoyai les bords de l'ifle avec. plufieurs :perfonnes qui m'avoient promis de m'y ac- compagner, mais qui mé manquèrent de parole, craignant de trouver de trop grandes difficultés. J'étois monté à cheval un lundi neuvième du mois d'Août 175 1, avec un Contre- maitre du vaifleau qui avoit voulu me fuivre, & un Noir, que M: le : Gouverneur m'avoit prêté, pour: me rendre au quartier de S.f Benoit, où je n'arrivai que ler 1 dudit mois:, « Je fus loger chez M. Hubert Capitaine du: quartier , quime donna tous les éclairciflemens propres à fatisfaire ma curio- fité. Il me forma un détachement de quatre Créoles du pays, bién armés, grands, vigoureux: & ‘connoiflant: bien le pays, avec trois bons Noirs pour fervir à porter les provifions: :0 1 Lé. 12 dudit mois, je partis à trois heures après midi avec-mon détachement ; nous paflames la rivière des Mar- fouins, qui borde le quartier de S.t Benoît, & nous allames coucher à deux lieues de-là à l'habitation du nommé Samfon. Le 13, jequittai mon cheval, qui m'étoit inutile à çaufe des mauvais chemins!,&:des rivières, M’étant imis en marche’, je traverfai Ja rivière de l'Eft fur les épaules d'un de mes Créoles ; & trois quarts d'heure après nous trouvames une petite rivière qu'on nomme la Bonne-efpérance ; elle coule fur de gros caillous que l'on appelle des galets : nous la paffames facilement ,,& à {on autre bord nous rencontrames des. ve£ tiges de l'ancien pays brülé par le volcan, qui jadis avoit fait couler de la fonte qui forme uné matière noirâtre jufqu'au bord de la mer qui brifoit violemment dans cet endroit. Nous montames un rocher fort difficile & fort roide: pour pouvoir en venir à bout, il falloit couper avec la hache les branches & les racines qui s'oppoloient à notre. paflage. De-Rà nous defcendimes fur une matière que je ñe. peux comparer qu'au mächefer, & dont la pente me fit trembler; cependant il falloit defcendre. Je mis le pied fur cette ma- tière qui s'écrouloit fous moi & me faifoit appréhender une chüte prefque inévitable, de forte que je commençai à me repentir d'avoir entrepris ce voyage. Je me contenois. dans Mém. 1753: . Bbb L4 € œ c 378 MÉMoIREs DE L'ACADÉMIE ROYALE » un équilibre des plus jufles, parce que je ne pouvois nrat- » » 4 » traper à rien de folide ; enfin, avec la patience & la peine, je parvins au bas de ce précipice. IL me fallut attendre ceux qui m'accompagnoient , & qui delcendirent tous fans autre mal que quelques gouttes de fang qui découloient des pieds des Créoles, qui des ont cependant très-durs. Je les panfai , m'étant pourvû de linge & des chofes néceffaires pour ceux qui auroient eu le malheur de fe blefler. Enfuite nous paf fames fur plufieurs couches de fonte & de matières entaflées les unes fur les autres, reflemblantes extérieurement à celle dont les gueufes de fer font compofées , & remplies intérieu- rement de petites cellules rondes comme celles de certains os fpongieux, ce qui les rend moins pefantes que le fer. À un quart de lieue plus loin , nous entrames dans une forêt de lataniers, benjoins, tacamahacas, palmiftes & bananiers, où quantité de ces arbres étoient tombés par la violence d'un ouragan qui y avoit exercé fa fureur il y avoit environ fept mois. Leurs abattis formoient des barrières qui nous obli- geoient de nous fervir continuellement de la hache pour pouvoir avancer. La pluie nous incommodoit beaucoup, & nous ne trouvions aucuns fentiers. Nous fumes obligés de nous arrêter à une baraque de feuilles dont nous réparames la couverture pour y pañler le refle du jour & la nuit. Elle fut fort tranquille, & je faifois faire bonne garde, crainte étre attaqué des Noirs Marons: c'étoit le fujet pour lequel on m'avoit donné quatre hommes armés. Le famedi 14, à huit heures & demie du matin, nous continuames notre marche jufqu’aux cafcades. Nous paflames au pied d’une montagne qu'on appelle le Piton rond, parce qu'elle eft effectivement ronde; elle eft couverte d'arbres verds. Nous marchames pendant un tiers de lieue fur de cette matière dontijai parlé plus haut ; elle efl'avancée jufque dans la mer, où elle a formé des quais dont les bords font très-bizarres & irréguliers. On y voit des tables ifolées contre lefquelles la mer vient fe brifer: d’autres endroits font voir des efpèces de portiques anciens , qui reffemblent aflez à DIET SM SC) 2 E NI CUEN S0 li 379 l'entrée des arènes de Nifmes ; & quoique ces amas-de::ma- tière fondue’ aient plus de cinquante pieds de hauteur au - bord de la mer, elle s'y brife & fait rejaillir fes eaux plus . de’trente pièds au deflus. En chemin faifant, nous iuames . des merles, des hupes & des chauve-foutis, que nous man- geames. Ces oifeaux, quoique moins fauvages qu'en Eu- rope, étoient réfugiés dans des endroïts quinou$étoient prefque inaccefhbles , {oit par des abattis d'arbres’ ou par des montées & les defcentes rapides, & par’ les ravinsifecs qu'il faut traverler , & qui font fr gliffans qu'il eft impoffible de n'y pas tomber. Nous paflames fur le Piton rouge, qui eft diftant d'une lieue du Piton rond. Il eft formé-d'une terre rouge qui a été ‘brûlée, & qui conferve encore f1 couleur rouge, comme on le peut voir par les morceaux que j'en ai apportés. En bien des endroits, cette matière eft écrafée ou comme pilée & concafice en petits morceaux. Nous en chargéames nos fufils pour tirer aux oïfeaux , mais Ja force de la poudre la brife & rend le coup inutile. Nous defcen- dimes du Piton rouge, & à une demi-lieue delà nous tra- verfames un ruiffeau agréable qui mous fournit des chevrettes « & des anguilles. Ce ruiffeau eft formé par des'chûtes d'eau fort claire, qui tombent du haut d'un rocher, & dont l'a£ pe“ fait plaifr ; ceft-là ce qu'on appelle les cafcades. Nos Noirs y ont pêché des poiflons dont la variété & la beauté des couleurs attiroient mon admiration. Le dimanche 15: nous continuames notre route: nous côtoyames Ja mer, en mar- chant fur des morceaux de roches entaffées les unes'fur les autres. Îls ne nous préfentoient que des éminences aigués & très-glifflantes, des trous qu'il falloit enjamber hardiment & attendre des embellis pour éviter la mer, qui brifant beau- coup dans ces endroits, nous auroit meurtris contre es rochers, & nous auroit entraînés avec elle. J'avoue qu'en cet endroit le dépit me prit, & que je ne pus n'empécher de m'impatienter contre un chemin fr mauvais. Mais que dis-je? il n'y avoit ni chemin, ni paflage : nous trouvames cepen- dant la fin des roches. Nous n'avions ‘plus qu'un chien Bbbij « ARR AR À A À À 8 $ L) 380 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE » de trois que nous avions amenés avec nous; il en étoit » rrefté deux entre ces roches, par la difficulté d'en pouvoir » dortir: ». Enfin à 10 heures du matin, le dimanche 15, nous » vimes le fommet du volcan couronné de vapeurs femblables » à celles qu'on voit fur T'able-baie au cap de Bonne-efpérance; » mais celles du volcan font plus brunes. Nous nous affimes » fur de lancienhe matière fondue, mais qui neft pas fi an- » cienne que celle que nous avions trouvée au petit pays brülé. » Celle-ci-étoit avancée dans la mer plus de $o toiles, & fur » cette matière on voyoit une ravine dans laquelle il ne couloit » pas alors d'eau; elle venoit des montagnes adjacentes à celle « du volcan ; la-furface de fon fond étoit un peu polie, mais » remplie de trous: & d’inégalités : un limon vert & fort glif- » fant la couvroit par-tout. Nous paflames encore une petite » forêt qui avoit pris naiflance deffus l’ancienne matière fondue, » dontles pointes élevées nous faifoient fouvent tomber, n'étant » pas encore fufffamment couverte de terre; ce qui fe fera dans » la fuite par la chüte des feuilles & des arbres qui pourriront » & en accroîtront le volume. C’eft ainfi que les forêts fe ré- » génèrent dans bien des endroits où le volcan à paflé. Nous » remontames par un ravin fort raboteux, barré par des arbres; » & ayant jugé qu'il falloit fe mettre le lendemain à portée de » voir dans deux heures la fournaife, nous montames le plus » que: nous pumes VETs les dernières fouilles. Là nous con£ » truifimes. des barraques de feuillages , nous coupames du bois » pour nous fécher & nous chaufler, & envoyames chercher » de l'eau qui fe ramafle dans des creux, & dont on remplit » nos bouteilles & nos calebafles. Nous paffames une nuit fort » defagréable à caufe de la pluie, & notre feu fut éteint plufieurs » fois. » Le lundi 16 nous montames fur de la matière couverte » de moufle, & nous traverfames une efpèce de marais où je faillis à me rompre les bras & les jambes. La pluie, les trous, les. pointes, des matières fondues , les épines,. l'herbe que » j'avois par-deffus la tête, tout cela me mettoit dans un état H Ë DEN SCT E Nic: Es. 381 déplorable ; cependant à force d’enjamber & de me faire tirer des mauvais pas où je tombois, je parvins à une fonte de matière dont on voyoit l'épanchement près de la fournaife. Cette matière nétoit point defcendue jufqu’à la mer, elle en étoit éloignée de deux lieues, elle avoit coulé le mois précédent. À une portée de fufil fur la droite, le volcan en avoit jeté en crevant & en éclatant, dans la campagne, qui avoit la vraie figure de mächefer; celle-là n'a pas coulé, parce qu'elle eft plus calcinée que l'autre: à la gauche je voyois une fonte qui formoit un écoulement qui sétoit porté à foixante toiles ou environ dans la mer; cela reffem- bloit à une rivière noire, ayant bien trente toifes de largeur. Nous remarquames une heure de temps la face & l’ouver- ture de ce mont enflammé, il l'étoit peu pour lors; beaucoup de brouillards & de vapeurs le couvroient, mais nous dif. tinguames de petites pointes de flamme & de fumées noires: nous en approchames d'une petite demidieue, & plus près qu'aucun autre Européen eût encore fait. J'ai apporté de toutes ces différentes matières pour les faire voir à ceux qui pourroient en être curieux. ». Celles que l'on a reçües de M. Fréri font des efpèces de lavanges qui reffemblent-à des écumes de matières fon- dues, des pierres ponces & de ces efpèces de pierres que Yon compare ordinairement, comme M. Fréri l'a fait, à du mâchefer. Les écumes font, à l'extérieur, profondément fil- lonnées; ces fillons afleent une figure courbe, & ils font par leur profondeur que cette finface eft conféquemment relevée de côtes aflez groffes & arrondies: la furface infé- rieure, ou le deflous, eft remplie de cavités qui, dans certains morceaux, font de plus d’un pouce de diamètre, & dans d'autres d'une ou de deux lignes feulement. L'intérieur de ces écumes eft fpongieux, c’eft-à-dire qu'il eft rempli d'une quantité prodigieufe de très-petits trous arrondis. Lorfque cette quantité neft pas auflr grande, les morceaux font plus pefans & plus compactes. La couleur de ces lavanges eft ordinairement d'un noir mat: ce noir eft quelquefois brillant Bbb ii Voyez la figure qui efl à la fire de ce Mémoire. 382 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & changeant; il paroît, dans certaines pofitions, varié de bleu & de rouge; il fait, comme l'on dit communément, la gorge de pigeon. Les pierres qui reffemblent au mâchefer ne font point fillonnées; leur figure, comme celle du mà- chefer, et des plus irrégulières; leur intérieur n'eft pas aufli fpongieux que celui des Javanges, & la plufpart même font folides, ce qui les rend fpécifiquement plus pefantes que les lavanges. Un morceau pris fur les elpèces de quais dont M. Fréri parle, eft pefant de façon à faire penfer qu'il con- tiendroit des parties métalliques. La couleur du plus grand nombre de ces morceaux eft noire ou gris de fer, d'autres font d'un rouge de rouille de fer; celles-ci ont été priles fur Ja montagne appelée le Piton où la Montagne rouge, nom ui lui vient fans doute de la couleur de ces matières: celles du fond du terrein font beaucoup plus petites, elles ont la même couleur rouge, ou elles font noirâtres. Toutes ces ma- tières, qu'elles foient du Piton rouge, du pays brülé, du bord de la mer, des quais, ou de la montagne même du volcan, toutes ces matières, dis-je, renferment des points noirs & jaunâtres, qui font des parties d'une matière vitrifiée. La Iéoè- reté de certaines écumes n'eft rien en comparaifon de celle d'une autre de ces pierres, celle-ci reflemble aux pierres ponces blanches & fibreufes, dont on fe fert pour polir dans plufieurs arts & métiers, & elle eft entièrement pareille à celle qu'on voit dans tous les cabinets, où elle eft employée pour effacer l'écriture. Ces pierres n'ont pas les parties vitrifiées jaunes où noirâtres des autres pierres. de volcan. IL paroît que le volcan de F'ifle de Bourbon eft dans le + Ve es CS où celui du Puy-de-Domme a été*, Les matières fondues Mém. 1752. Page 27° que le premier jette ne font pas apparemment de nature à former des maffes qui puiflent donner naïffance à des rochers propres à fournir de la pierre qui püt entrer dans les bàti- mens, comme celle d'Italie & de Volvic. Les laves qu'on a reçûes d’abord & dans le dernier envoi de M. le Juge, font de l'ifle de France, elles y entrent dans les bâtimens : ces laves font aufr pleines que celles d'Italie, & ne font pas DES SCIENCES. 393 fpongieufés comme celles de Volvic; leur couleur eft noi: Mén. 1752. râtre, & leur fubflance parfemée de points vitrifiés de Ia couleur de ceux dont j'ai parlé. L'ifle de Bourbon cependant auroit, de même que l'ifle de France, des lives différentes, il eft vrai, de celles dont je viens de faire l'examen, sil étoit prouvé qu'une pierre noirâtre, parfemée de taches blan- ches, & femblable à uné du Mont-d’or & de Viterbe en Italie, füt réellement une pierre de volcan; mais il ne m'a pas été plus facile de décider ce point par rapport à la pierre de l'ifle de Bourbon, que par rapport aux autres: fes taches blanches, comme celles des pierres du Mont-d'or & de Vi- terbe, paroiffént, vûes à la loupe, être félénitéufes ou alumi- neufes. Au réfte, toutes les montagnes de l'ifle de France font compolées de laves, fuivant M. le Juge. Des obfervations de détail fur cette ifle, que j'ai eues depuis celles-ci, demandent cependant qu'on mette quelque reftriction à cette propofition générale : ces obfervations font düûes à M. Fufée Aublet, Apothicaire-major de l'ifle de France, Il les avoit faites à la priere de M. de Bombarde, dont les amufemens fe font tournés depuis quelques années vers différens objets d'Hifloire Naturelle. M. de Bombarde ayant bien voulu me les communiquer, j'ai cru ne pouvoir mieux faire que de les inférer ici. « En marchant fur du fable & des pierres vitrifiables , dit M: Aublet (des lettres duquel j'emploierai prefque toûjours « les termes) je ne voyois que des édifices de pierres calcaires, « ou pluftôt de madrépores pétrifiés , mariés cependant avec « des laves. Ces laves fe trouvent à l'enfoncement, für les coteaux voifims , aux Pompelmoufles , à Æloc, à la Montagne- « longue, à Pidlerbok, à Moko, aux plaines de Viliine & de « S.1-Pierre & à la montagne du Corps-de-garde ; elles y font « très - confidérables, prefque toutes roulées avec de Ja terre « martiale, qui fait à peu-près le fond du terrein de cette ifle, « qui eft femblable à celui des8.5-Yago, moins altéré cependant, « và qu'il eft couvert d'arbres. Le terrein de l'ifle de France « n'efl, jufqu'à cinq pieds & plus au deflous de la terre cultivée, « ñ ñ A ñ y Ÿ y“ Ÿ ol Ÿ 384 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE que d'une matière appelée ici Zuf: ceft une efpèce de terre glaife très-fablonneufe, où il y a du fer en grain, ahtéré par le feu du volcan & diflous par les eaux : on aperçoit dans cette terre de petits brillans jaunâtres qu'on foupçon- neroit être de l'or, & que je ne crois être que du fpath cryf tallifé & coloré par la diffolution du fer. Le tuf forme quelque- fois plufieurs couches autour des morceaux de laves confidé- rables qui ont été roulés, & qui fe détachent de ce tuf en manière de bézoards minéraux : expolé à Pair, ce tuf f durcit quelquefois, mais il fe détruit le plus fouvent, comme la marne ordinaire. La terre étant donc communément mar- tiale dans l'ifle de France, on rencontre quelques tas de fer dont les mafles pofées à l'air libre tombent en efflorefcence avec facilité, & en appuyant le pied deflus on ne diftingue plus la mine de la terre. On peut donc dire qu'en général l'ile de France n'eft qu'un compofé de matières jetées par le volcan , ou qui ont été altérées par fon action fur elles; auflr, à une certaine diftance de Ja mer, on ne foule aux pieds aucune pierre qui n'ait reffenti les eflets du volcan ; & les roches, qui font comme vitri- fiées, font très-dures à tailler. On ne doit pas être étonné de la quantité de ces matières, le pays a été bouleverfé par les fecoufles les plus violentes ; le haut des montagnes ne diffe- re pas des lieux les plus bas : les cafcades du réduit , ainfi appelées à caufe de la chûte des eaux qui tombent en formant des cafcades dans cet endroit, peuvent facilement fervir à prouver ce dérangement ; elles occafionnenit des précipices de la hauteur des montagnes. Lorfqu'on defcend dans ces pré- cipices, comme je l'ai fait, dit M. Aublet, on n'y reconnoît aucune régularité dans les couches; les différentes matières y font mêlées avec confufion, & ne font point placées les unes au deflus des autres, dans cet arrangement ordinaire à l'intérieur de la terre: les plaines même fe fentent de cette irrégularité, elles font couvertes de matières que les ouragans ont entraînées des montagnes. En un mot, les effets du volcan ont été fi violens dans cette ifle, que la plus haute, montagne d'ici, DES SCIENCES. 385 d'ici, appelée Piderbok, n'eft pas auffi élevée que la pus petite colline de Provence; les terres font bouleverfées &c mélées avec des roches confidérables. Les ravages de ce volcan fe font fait fentir même jufque fur des bords de {a mer; j'en ai du moins remarqué quelques veltiges à la baie du Tombeau, où eft le moulin à poudre : cette baie eft en avant de l'ifle, je ai parcourue pendant « près d'une lieue, & je n’y ai rencontré, continue M. Aublet, ue des débris femblables à ceux qu'on trouve aux en- virons de Lifr & de Mari, villages de France, & des en- virons de Meaux en Brie. Le fable de la baie du Tombeau n'eft, comme celui de ces deux endroits, formé que par la deftruétion des madrépores & des coquilles /a), & dont étoit aufi compofé un banc qui s'élève dans la mer & fur lequel on marche quand la vague fe retire (4). Ce banc n'eft pas le feu de cette baie : on y trouve, du moins à plus de quarante pieds de profondeur, des roches ou mafles larges de douze ou quinze pieds, & qui ne font qu'un amas de madrépores & de rétépores pétrifiés, mélés avec de la lave du volcan , live qui m'a fait dire plus haut qu'on remarquoit jufque fur les bords de la mer les effets des éruptions de cette mon- tagne. Plus loin que ces roches, on retrouve encore des (&) Dans le temps que l’on im- primoit ce Mémoire, j'ai eu oc- cafion d’aller à Lifi & à Mari. L’e- xamen que j'ai fait des fables des environs de ces endroits, m'a fait connoître que la comparaifon que M. Aublet fait du fable des bords de la mer de l’ifle de France avec celui de ces villages, demande à être entendue avec reftriction. Ces fables font à la vérité remplis dans quel- ues endroits de coquilles entières & brifées, mais ils ne font pas eux- mêmes des débris de ces coquilles, älsfont de vrais fables vitrifiables qui ne fe diflolvent pas à l’eau forte, & quitiennent entièrement de a nature de ceux d'Etampes, au lieu que Mém. 175 3. celui de l’ifle de France eft calcinable, & que les acides agiffent fur lui. (b) A paroît qu'ilen eft de même du fable des bords de l’ifle de l’Af cenflon, de celui au moins qui fe trouve dans l’anfe des François. Ce fable, dont je fuis redevable à M. Vabbé de la Caïlle qui Fy avoit pris, fe diflout à l’eau forte prefqu’entiè- rément; quoique de diférenses cou leurs, le jaune y domine: fes grains, qui font lenticulaires, font d’un bril- lant aflez vif, qui ne fe diftingue cependant qu’à la loupe. Ce brillant eft, à ce qu'il paroît, celui que les coquilles & les autres corps dont An CY « il eft compofé avoient lorfqu'ils étoïent entiers, CEE » y ÿ S ÿ y Ÿ > M 386 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE midrépores roulés par la mer, & calcinés par le foleil. If n’eft pas poflible au refte de découvrir dans ces creux dès madré- pores confervés : il y a lieu de croire qu’il n'y en a pas eu d’'enterrés qui n'aient été roulés & expofés long-temps au foleil; il faut abfolument aller avant en mer & en tirer avec des crochets, fi on en veut avoir qui ne foient point altérés. On ne rencontre même fur la plage que des coquilles défr- gurées par le roulement des flots. Les mafles de madrépores & autres corps marins ainft accumulés, n'ont pà qu'élever les bords de la mer & la faire reculer de plufieurs pieds. En effet, à quatre ou cinq cens as du bord, la terre n'eft autre chofe qu'un fable fem- blable à celui des villages de France dont il a été parlé plus haut, & qui n'eft couvert que d'un petit chiendent dur, roide & très-court. Le terroir n'y produit rien autre chofe, fr ce n'eft au bord même de la mer, où lon trouve une efpèce d'arbrifieau & un très-beau pittonia de la grandeur d’un prunier, & dont la tête s’arrondit comme celle des orangers. Une preuve encore plus convaincante que la terre a augmenté au moins de quarante pieds, c'eft qu'on tire, en creufant dans la plaine, des madrépores & des rétépores pour faire de la chaux : les plaines font fermées par de petites collines couvertes de débris de madrépores : on tire même à côté du Camp, de belle craie mélée avec de la pierre coquillière remplie de madrépores, & il y a une carrière de pierre à chaux près de l'hôpital. C'eft d'une femblable pierre que l'églife eft en partie bâtie, les laves ayant été aufir, comme pour les autres bâtimens , employées pour cet édifice. » Ce font ces rochers & ces carrières de pierres calcaires qui m'ont fait dire avant que de rapporter les obfervations de M. Aublet, que la propofition générale de M. le Juge, par laquelle il prétendoit que toutes les montagnes de l’ifle de France. n’étoient faites que de laves, demandoit à être un peu modifiée, On pourroit cependant en quelque forte dire que ce font de nouvelles acquifitions que la terre a faites; que ces acqui- {tions même ne font pas confidérables, comparées à l'ancien _ DES" S'CTE NC ES. 387 terrein; que ce ne font que des efpèces de dunes ajoûtées à l'ile, & qui n'y forment qu'une efpèce d'accident qui ne doit pas empêcher de recarder toutes les montagnes de l'ifle comme un compolé de matières du volcan. Ces raifons avoient même été caufe que j'avois cru ne devoir pas parler de ces madrépores des bords de la mer, avant que j'eufle vû les obfervations de M. Aublet, quoique M. Lieutaud m'eût marqué, & que je fufle même par la lecture de plufieurs voyages faits dans cette ifle, que les bords de la mer y font couverts de coraux, de madrépores & autres corps de cette nature enfouis où non en terre, avec lefquels on fait une très- bonne chaux qu'on emploie utilement dans cette ifle où il n'y a, dit M. Lieutaud, que des pierres dures & peu ca- pables de cuiflon, c'efkà-dire, de {& calciner. Je parlerai dans la feconde partie de ce Mémoire, des madrépores de cette ifle, & du fable que M. Aublet dit en être formé; je me contenterai ici d'ajoûter quelques remar- ques fur les pierres du volcan de cette ïfle, à celles que j'ai déjà rapportées ci-devant. Ces nouvelles remarques ont été faites {ur les pierres envoyées par M. Aublet à M. de Bom- barde, & dont M. de Bombarde a bien voulu me faire part. Ce n’eft point fur les laves pleines & dont on bâtit à l'ifle de France, que j'ai à rapporter quelque chofe de nouveau : je n'ai vûü dans les morceaux de cet envoi que ce que j'ai déjà dit plus haut; la couleur de ceux-ci étoit la même, leur confiftance femblable, & ils étoient parfemés des mêmes arties vitrifiées, jaunes ou noirâtres, & à peu près en quan- tité femblable : cette quantité eft bien peu confidérable, fr on la compare à celle d'un autre morceau, non pas de cette lave, mais d'une forte de lavange, c'eft-à-dire, de ces pierres que le volcan jette auffi, mais qui ne forment que de petites mafles, au lieu de rochers ou de grands bancs qui par leur nombre donnent naiffance à des carrières confidérables. Un morceau de lavange donc n'étoit, pour aïnfi dire, qu’une mafle | compofée de grains de verre de différente groffeur, d’un jaune ou d'un brun foncé, & qui font la gorge de pigeon ccij 388 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE par les diflérens reflets de la lumière : ces grains rempliffent les trous dont la pierre eft criblée. Comme ces trous font en très-grand nombre, les grains de verre font la plus grande portion de cette pierre, de forte que s’il étoit poflible de tirer ces grains des trous où ils font enclavés, la pierre devien- droit alors très-légère, & une pure pierre ponce du nombre de celles qui font dures. Un autre morceau prefque aufft rempli de grains vitrifiés, mais beaucoup moins apparens, & pluftôt argentés que de toute autre couleur, étoit fingulier en ce que les parois de fes cavités étoient en quelque forte à demi-vitrifiées elles- mêmes. Les caflures vües à la loupe paroiffent brillantes, & il femble quil ne falloit peut-être qu'un peu plus de durée ou de vivacité dans le feu pour vitrifier entièrement cette pierre, qui, au refte, eft noirätre. Les autres efpèces de ces pierres n’ont rien de bien particu- lier, elles font plus ou moins lourdes, fpongieufes, cendrées, brunes ou noirâtres, parfemées de grains de verre & de quel- ques petites parties blanches, peut-être quartzeufes. Il en faut excepter cependant une, qui reflemble beaucoup à ces rouffiers dont il a été fait mention dans mon Mémoire fur les Poudin- gues, & fur-tout à ceux qu'on appelle du nom de bitun, Cette pierre de volcan n'’eft, à proprement parler, qu'un amas de petites pierres qui ont paflé par le feu, liées entr’elles par des matières probablement ferrugineufes, ce qui me feroit penfer que c'eft cette forte de pierre qui porte le nom de uf à l'ifle de France. * Une feconde forte de ces mêmes pierres exige encore de moi que j'en faffe une mention particulière; elle eft lourde, pleine, & d'un rouge brun foncé: on la prendroit d'abord pour une efpèce d’ochre. Il pourroit bien fe faire en effet que ce fût une terre ferrugineufe, comme l'ochre, qui eût reçu la couleur qu'elle a, de l'action du feu du volcan, lequel a cer- tainement agi fur elle, puifqu'elle renferme des grains de verre noir & aflez gros. Enfin, des pierres tendres, lévères, d'un jaune lavé de DES SCIENCES. 389 blanc, ou pluftôt des terres un peu durcies, mont paru n'être que des elpèces de cendres jetées par le volcan; les grains vitrifiés qu'elles contiennent, donnent lieu de le penfer. Les ifles de France & de Bourbon ne font pas les feules de ces parages qui aient probablement fouffert des eflets des volcans ; il paroît que l'ifle Rodrigue eft dans ce cas: il s'eft du moins trouvé parmi les fubftances apportées de cette ifle par M. Daprès, quelques petites pierres ponces rougeitres, & femblables pour la dureté à des lavanges. Une de ces _ pierres renferme un morceau de matière vitrifiée aflez con- fidérable, & qui reffemble à du cryftal de roche; un autre eft couvert d'une matière quartzeufe, ondée comme certaines ftalactites, & plufieurs de fes trous en font remplis. IL eft parlé dans lhifloire de l'Académie * de pierres ponces dont la mer étoit couverte dans un efpace de plus de cinq cens lieues entre le cap de Bonne-efpérance & les ifles de Saint-Paul & d'Amfterdam. Si ces pierres ponces ne font pas dûes à quelques-uns des volcans dont je viens de parler, mais qu'elles foient, comme on a lieu de le foupçonner, du fond de la mer, d'où elles auront été vomies par quelque feu foû- terrain, tout cet efpace de mer paroïît être rempli de matières propres à s'enflammer & à former des volcans. * Voe Hif. 17$ 29 P+ 23° De plus, fi deux morceaux de pierre de Madagafcar, lefquels . ont été pris au port du fud-eft de cette ifle, près d’une mon- tagne , & dans un endroit où l'on a fouillé à dix ou douze pieds de profondeur; fi, dis-je, ces morceaux qui ont été envoyés pour de la mine de fer font, comme je le penfe, des laves ferrugineufes, Madagafcar aura eu anciennement quelque vol- can. La furface extérieure de ces pierres eft percée d’un grand nombre de trous comme les pierres ponces, & la plus fpon- gieufe contient dans fa fubftance des parties vitrifiées, jaunes ou noires, qui par leur nature caraétérifent les pierres de . volcan; ce que j'ai tâché de prouver en 1752 *, dans un Mémoire fur des volcans éteints de la France. Il eft vrai que la couleur de ces laves & l'endroit où on les trouve, contribuent à les faire prendre pour de la mine de fer; elles Ccciij * Voyez Mém, de l’Académe 1752: 390 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE font d'un gris ou d'un jaunâtre ferrugineux, & on fouille réellement de la mine de fer dans ce canton. Quand les mers de l'Afrique ne renfermeroient pas dans Jeur fein d'autres ifles connues pour avoir des volcans, que celles dont j'ai parlé dans ce Mémoire, ces mers devroient être regardées comme en étant aflez bien fournies; mais je ne doute prelque pas qu'outre celle de l’Afcenfion , dont je vas dire quelque chofe, il n'y en ait encore plufieurs autres. Je ne n'attacherai pas à nvaflurer de ce point, ne voulant parler ici que de celles dont j'ai eu des pierres ponces & des laves. Je dois celles de l'ifle de l’Afcenfion à M. Jacke Bran- Jay, Chirurgien d'un vaifleau de la Compagnie des Indes, auxquelles il en a joint qui font du cap Bernard. Généralement parlant, les pierres de ces deux endroits n’ont rien de bien particulier , ni qui diffère beaucoup de celles dont il a été queftion jufqu'à préfent: il feroit même, à ce que je crois, fuperflu de m'arrêter à décrire ces pierres; ce font toûjours des laves plus ou moins pleines & parfemées de grains de verre, de même que les pierres ponces, qui varient par leur pefanteur, leur lévèreté ou leur couleur ; propriétés qui re- viennent à celles des pierres des volcans dont j'ai parié. Je ne püis cependant m'empêcher de faire une mention particu- lière d'une efpèce de pierre ponce de l'ifle de l'Afcenfion. Cette pierre, plus que toutes celles que j'ai vües jufqu'à préfent, montre des marques de l'aétion du feu des volcans ; non feu- lement elle eft parfemée de parcelles ou de grains de verre, mais elle eft enduite d’une couche vitritiée qui retfemble beaucoup à une efpèce d'émail d'un blanc laiteux , ou d'un brun tirant fur le noir. Cet émail naturel, de même que ceux qui font düs à Fart, pourroit bien être un compolé de quelques parties métalliques & falines; fa couleur, qui le fait reflembler beaucoup à certains laitiers de mine de fer, donneroit lieu de foupçonner qu'il eft entré dans fa compofi- tion des matières femblables à celles dont ces Zaitiers font compofés. Enfin ayant, d'après M. Aublet, comparé le terrein de DAEUSHNS C; L'E N° CE S 391 l'ile de l'Afcenfion à celui de S.t-Iago, (une, & même la plus grande, des ifles du cap Verd) je fuis néceflité de parler des pierres du volcan de cette ifle, puifque j'ai eu de ces pierres que M. Aublet a envoyées avec celles de l’ifle de l'Afcenfion. Les premières différent bien peu de ces dernières; il y en a de pleines, de fpongieufes, & même de celle qui reffemble aux grifons ou au bitun dont il a été queftion en parlant des pierres de Fifle de France femblables à celles-ci. Au moyen de toutes ces obfervations fur les pierres de volcans, on voit que l'Afrique eft en grande partie entourée d'ifles dans lefquelles il y a des montagnes qui brülent atuel- lement, ou qui anciennement ont été en feu, & qui ne font maintenant en repos que pour jeter peut-être par la füite avec plus de violence. Je laiffe aux autres à faire les réflexions que ce nombre de volcans pourra faire maître, pour pafler à la defcription des autres foffiles dont j'ai à parler dans ce Mémoire, & je commencerai par les mines de fer. La plus curieufe des mines de fer dont j'ai à parler, quoi- que peut-être une des moins riches en métal, eft formée en Poules d'un pouce ou deux, jufqu'à un demi - pied de dia- mètre. Ces boules font compofées de deux couches, dont l'extérieure eft d'une ligne ou deux d'épaiffeur, brune ou jaune, l'intérieure d'un gris de fer un peu verdtre, parfemée de pe- tits points brillans qui, vüs à la loupe, paroiffent être des parties pyriteufes jaunes ou noires, & quelques-unes de celles- ci reflemblent à ces efpèces de gouttes ou lames que l'on remarque fur plufieurs mines de fer. Quoique ces boules foient très-pefantes, je les croirois autant terreufes que fer- rugineufes. L'ifle de France en donne auffi également com- pofées de deux couches, mais qui font moins pefantes, -& pluftôt grifes que verdâtres; elles approchent beaucoup de celles qui font renfermées dans les pierres du puits de Pege de Clermont en Auvergne, mais je ne les crois pas bitu- -mineufes comme celles-ci. Une autre mine de fer, du même “endroit de Madagafcar, qui reflemble, pour la figure, à a première, mais qui en diffère beaucoup par la groffeur de Métaux, 392 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fes boules, en eft un amas de petites, de la groffeur d'un pois , qui font réunies enfemble, & de la couleur de fer ordinaire, Ces mines font communément appelées mines de fer en grains ou en pois; quelques autres morceaux n’ont rien de particulier, & ils me paroiflent de nature à devoir donner du fer aigre comme les précédentes, excepté celle qui eft en pifolite. Si toutes les mines de fer de l'ifle de France étoient femblables à plufieurs morceaux que l'on a reçüs, ces mines ne feroient pas non plus des plus riches : ces morceaux font légers, terreux , ils fe lèvent par écailles irrégulières, d'un jaune de rouille, ou d'un gris bleuâtre ; d'autres, & ceux-ci doivent être plus riches, font com- pates, folides, pefans, & femblables, pour là couleur, aux premiers. Je regarde encore comme une mine de fer, une pierre qui eft par grandes taches rouges d'ochre & gris de er, trouvée dans les ravins du port du nord-oueft de cette ifle; quelques morceaux renferment de petits cryflaux cu- biques, blancs, ramaflés dans des cavités, & réunis enfemble fans ordre. Ces mines font les feules que l'on y connoifle; c'eft du : moins ce que penfe M. Lieutaud dans fes obfervations fur cette ifle. On avoit, felon lui, foupçonné d'abord cette mine, parce qu'en portant une bouflole dans un certain côté, Faï- guille aimantée varioit, & qu'on trouvoit d’ailleurs en beau- coup d'endroits la terre couverte d'une efpèce de mâchefer : il y a fur-tout un canton où il paroit des vefliges d'une mine de fer fondue par quelque feu foûterrain, qui a laïffé au milieu un vuide très-fpacieux. Cette vafte caverne fe trouve à peu rès dans le milieu de Fifle. L'ifle Rodrigue en donne que l'on prendroit pour un _compolé d'éclats de boules de différentes groffeurs, qui au- roient été réunis après qu'on les auroit eu cafés, ou pluftôt, à la couleur près, qui eft la plus commune des mines de fer, pour des flalaétites irrégulières & fans figure bien déter- inée. L'on trouve fur les bords de là mer du cap de Bonne- elpérance des amas de graviers quartzeux, liés enfemble par ‘une AORDÉE S SCI EN CE s 39% une matière ferrugineufe , qui fait la plus grande partie des mafles qu'elle forme avec les graviers: cette quantité fupérieure au refte des parties compofantes, me fait placer cette pierre parmi les mines de fer, pluftôt qu'avec les pierres mêmes. Celles-ci femblent indiquer des mines de fer au Cap, mais leur peu de pefanteur feroit foupçonner qu'elles ne fe- roient pas riches : les indices fe changent en certitude, par ce que Kolbe rapporte dans fon hifloire du cap de Bonne- efpérance. « Il eft certain, dit cet Auteur, qu'on trouve dans ce pays quantité de mines de fer : les Hottentots en avoient même découvert beaucoup avant l'arrivée des Européens. » Un royaume aufit confidérable que la Cochinchine, donne fans doute aufli beaucoup de ce métal; on en a reçü. deux morceaux qui font pefans, quoiqu'ils aient des cavités qui font remplies d’une matière de même nature, qui forme des efpèces de véficules ou des éminences à demi-globulaires, & des lames flriées & brillantes. Les mines de fer font prefque les feules que l'on ait envoyées : il y avoit cependant avec elles un morceau de mine de plomb, ou d'antimoine de la Cochinchine ; il eft en lames féparées & difperfées dans une matière blanche & fpatheufe, ou avec une qui eft d'un rouge d'ochre, & qui, avec ces parties, forme différentes couches qui donnent une certaine marbrure à cette mine. Quoique _ je puñle, & que je duffe peut-être même placer la terre de Galam, d'où l'on prétend tirer de l'or, dans l'article des mines, je n’en parlerai cependant que dans le fuivant, où j'exami: nerai les terres qui ont fait partie de l'envoi. Cette terre de Galam eft d'un jaune rougeître, aflez fine, & prefque femblable à celle de nos mines de fer; elle eft parfemée de paillettes talqueufes, d'un jaune doré & brillant. Ces paillettes font communément regardées comme de vrai or; mais foümifes à la lampe, elles ne fufent point, & chan- gent feulement de couleur. Les terres des environs de Confiance, au cap de Bonne- efpérance, font différentes par cette dernière propriété; celle qui fait le fond du terrein eft d'un blanc cendré, remplie de Mém. 175 3: -, D'dd 104 Terres, > > > La > Ÿ 394 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE petits graviers, ou pluflôt de petits cryftaux blancs irréguliers, de la nature de ceux dont les granits font compofés. Parmi ces graviers, qui font abondans, on remarque que!ques paillettes talqueufes argentées. Une autre, qui eft du pied des vignes du haut Conftance, eft d’un gris jaunâtre & terreux; elle contient aufli du gravier & des paillettes talqueufes très-petites & dorées. Ces paillettes fe voient auffi dans une qui fe tire de près de Confiance, mais elle n'a pas de gravier, & elle eft d'un gris plus terreux. C'eft fans doute de quelques-unes de ces terres dont Kolbe parle, lorfqu'il dit « qu'on trouve dans les contrées du Cap une grande quantité d'argile ou de terre glaife, dont les ufages & les couleurs font différentes; qu'il y en a de blanche, qui paroît comme mêlée de paillettes d'argent. » Ces paillettes font fans doue ta'queufes, & nullement métal= liques. Une terre que l'on regarde dans le pays comme miné- rale, ne me paroït pas plus riche que celles qui ont des parties talqueules ; elle eft jaunâtre, très- fine & très- douce au toucher : quelques morceaux font veinés de blanc, & con- tiennent de petits graviers. L’ifle de Bourbon en fournit une que l'on a trouvée à quarante-cinq pieds de profondeur dans le quartier de Sainte-Marie, à deux lieues du bord de la mer ; elle eft d'un affez beau blanc, elle renferme quelques pail- lettes talqueufes argentées, très- petites, & eft parfemée de taches noires qui paroiflent être dües à une matière végétale qui seft pourrie. Cette terre prend aifément corps, elle fe durcit un peu, propriété qui pourroit la faire facilement regarder comme une pierre tendre & de la nature de la marne; elle ne diffère d'une qui eft de Rio-Janeiro, que parce que celle-ci eft d'un rouge d’ochre, qu'elle eft plus graveleufe, & que fes paillettes font d’un jaune d'or. La terre à Jabourer de ce dernier endroit eft à peu près femblable à celle des vignes du haut Conftance, elle eft feulement d'un gris plus terreux & ne tire pas fur le jaune. L’ifle Rodrigue en fournit une femblable à la première de Rio -Janeiro, elle eft également d'un rouge d'ochre auffi fliptique, & elle adhère avec autant de force à la langue, fes paillettes font auffi conhe LT DMEMSMISECT E Nice is 395 dorées; mais elle eft parfemée de points blancs qui paroiïflent être autant de grains fpatheux. Quoique toutes ces terres an- noncent un pays femblable à ceux des granits & des pierres talqueufes, par le talc & les graviers fpatheux ou quartzeux dont elles font remplies, aucune ne le défigne autant qu'une que les Sauvages de Madagafcar mettent en pains de figure cubi- que; elle eft noire, remplie de parties talqueules, brillantes, d'un brun argenté, ce qui donne à cette terre un air d’al- quifou. Cette terre pourroit bien être celle dont les potiers de terre frottent leurs vafes, qui, fuivant Flacourt, reflemble à de l'antimoine, & rend ces vales clairs & reluifans comme s'ils étoient vernis. Quoique la terre dont je vais parler ne foit que le dépôt fait dans une marre de l'intérieur de l'ifle de France, & qu'elle ne dûüt peut-être pas entrer en preuve de la nature du terrein de cette ifle, je crois cependant u'ayant dû être entraînée des montagnes voifines de FA marre, elle peut trouver ici fa place. Cette terre eft noire » &, comme toutes celles qui ont été lavées, elle eft très- fine, dégagée de toute matière graveleufe & étrangère, & reflemble beaucoup aux terres que l'on trouve dans les en- virons des mines de charbon de terre. - «Une matière, dont l'enchaînement & l'ordre de ce Mé- moire ont empêché de parler jufqu’à préfent, & qui auroit fans doute été mieux placée avant l’article des métaux, ef le foufre. Il y en avoit dans l'envoi un morceau tiré d’une mine peu éloignée des Bains-chauds qui font proche le cap de Bonne-efpérance : ce foufre, comme celui qui eft minéral &” opaque, eft lourd , d'un jaune luifant dans fes caflures, &c un peu verdätre; jeté fur les charbons, il donne une fumée épaifle, jaune, qui fe change en une flamme bleue lorfqu'en foufHant on parvient, ce qui ef aifé, à l'enflammer ; enfin, ce foufre eft entièrement pareil à celui des environs de Pouz- zol, du Véfuve, de l'Etna, de l'Hécla, & de plufieurs autres montagnes femblables. Kolbe ne parle point de cetie mine de foufre; de plus il n’eft pas facile de déterminer fi les bains près defquels ce foufre fe tire, font de ceux qui étoient connus D dd j Soufre: 396 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE à cet auteur : Kolbe dit feulement que le Cap fournit des eaux chaudes, telles que font celles des eaux des fameux bains qui {ont dans la colonie de Waveren, & éloignées du cap de trente lieues. Ces derniers ne font pas fans doute ceux dans le voifi- nage defquels la mine de foufre fe trouve, puifque M. Daprès a remarqué qu'ils font proches du Cap. Les auteurs fyftéma- tiques, tels que M.'s Linnæus & Vallerius, regardent le foufre minéral comme une efpèce de pyrite, & conféquemment le placent avec les vraies pyrites: je les fuivrai en cela, & je parlerai ici de deux pyrites de la Cochinchine. Elles ne dif- fèrent en rien de celles que nous trouvons en Europe : uné et parfaitement femblable aux.pyrites cubiques, fi communes dans-les fchites & les ardoifes; les autres font des dodéca- ëdres irréguliers, d’un jaune pyriteux, qu'on voit non feule- ment dans ces mêmes pierres, mais aufli dans plufieurs autres, & même dans les olaifes. à Ce feroit fans doute donner trop d'étendue à cette partie de inon Mémoire, que d'y joindre les obfervations que j'ai pü recueillir des Ouvrages dans lefquels if eft parlé des pays où les endroits dont il a été queltion ici font placés. Je renverrai donc à ces mêmes ouvrages, & je me contenterai de rapporter quelques réflexions qui naiflent de ce que jai dit dans ce Mémoire & dans quelques-uns de ceux qui l'ont précédé. J'ai fait voir en 1746, qu'une très-grande partie de la France étoit remplie de fchites, de pierres talqueufes & de granits: voulant enfuite prouver que ces granits étoient femblables à ceux d'Egypte, j'ai, en 1751, comparé 'E- gypte & la France enfemble, & j'ai fait voir que non feu- lement l'Egypte, mais que la Syrie, la Perfe, la Grèce en étoient également remplies, où qu'il y avoit lieu de le foup- çonner. En 1752, des foffiles pareils venus de l Amérique feptentrionale , m'engasèrent à en faire la comparaifon avec ceux de mème nature dont la Suifle eft en partie compo- fée: je tâchai de plus de déterminer que les uns & les autres pouvoient être femblables à ceux du Groenland. Ces mêmes foffiles font aujourd'hui envoyés de lieux de l'Afrique bien DEISHALSIG ILE N C Es. 397 éloignés de ceux dont on a parlé; ils fe retrouvent dans” un bout oppofé & dans des ifles qui font au delà de cette ex- trémité; ils paroiflent encore dans un autre côté de l'Amé- rique, & prefque à l'oppofite de la partie de l'Afrique dont il a été queftion dans ce Mémoire. Ii femble donc qu'une très-grande partie de la Terre, pour ne pas dire Ja plus grande, eft compofte de femblables foffiles : je n’aurois, pour en avoir une entière conviction, qu'à rapprocher fous un même coup d'œil les obfervations difperfées dans les Auteurs qui ont parlé d'une infinité d'endroits des quatre parties du monde, comme de l'Ethiopie, du Monomotapa, de la Chine, de {a Tartarie, des ifles du Vent, du Pérou, d'un très-grand nombre des royaumes de l’Europe, comme de l'Italie, de l'Efpagne, de la Prufle, de la Suède, de la Mofcovie, & de tant d’autres, Un pareil détail ne feroit pas, comme je Yai dit plus haut, convenable ici; il mérite lui feul un morceau à part, comme je me propofe de le faire: je me bornerai ici à rapporter les obfervations fur la Cochinchine, dont il eft parlé dans le Mémoire procuré par M. le Juge. Ce Mémoire ne fe trouvant nulle part, il en eft d'autant plus précieux ; je n'en extrairai cependant que ce qui regarde précifément l'objet prélent. « La qualité du terrein de la Cochinchine n'eft pas, dit TAuteur de ce Mémoire, la même ,par-tout, & la variété œ en eft fi grande, qu'il eft très-difficile d'en donner une def. e cription bien jufle & bien exaéte, fur-tout par rapport AUX « difléens endroits d'une même province; car tantôt il eft {a- « blonneux , tantôt il eft pierreux ou graveleux , tantôt auffi Pré- « fente t-il une terre ferme & folide: celui qui eft du côté de la « mer efl prelque toùjours fablonneux , & pierreux ou graveleux « aux environs des montagnes. Î1 y a dés provinces où l'on « trouve beaucoup plus de fable que dans d’autres ; telles font « celles de Dinhcat, de Cham, de Quängnghi, & plus par- « ticulièrement encore celle de Cyampa, qui eft remplie de « montagnes de fable qu'on appelle ambulantes , à caufe que lex yent les tranfporte du nord au fud, & du fud au nord , felon .. Ddd ii Ÿ 8 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE » les différentes faifons de l'année. Quoique le fable Le plus » commun foit blanc, if y en a cependant dans quelques endroits » du Dôunai, du Cyampa & des provinces boréales, qui eft » prefque rouge: on en trouve aufli dans quelques-unes des » provinces auftrales qui eft d'une couleur brune & griftre; » l'un & l'autre eft très-fin, & en même temps admirable pour » Je tabac & les melons-d'eau, qui y viennent parfañement » bien. Le gris eft encore excellent pour le coton & pour le » palma Chrifi. On trouve beaucoup de terrein pierreux ou » Sraveleux dans les provinces de Phuyeñ, de Quininh, de » Cham & de la Cour: il eft dans ‘quelques endroits d’une » couleur de gris de fer,.dans d’autres il tire un peu fur le » rouge, & dans quelques-uns auffi if eft prefque noir. » Les pierres ne font qu'en trop grande quantité dans tout » le pays à caufe de {a proximité des montagnes *, mais il » N'y en a point qui foient propres à bâtir, à moins qu'on » ne les fit travailler, ce qui coûteroit des peines & des dé- » penfes très-grandes. J'ai va à l'extrémité de la province de » Phuyeñ, du côté du nord, de grandes pierres qui reflemblent » beaucoup au marbre, & je doute fi elles n'en font pas; les » unes font blanches avec des veines noires, d’autres font un » peu rouges, & parfemées de veines blanches. On trouve de » véritables cryftaux dans un endroit de fa province de Cham, » & dans celle de la Cour beaucoup de pierres talqueufes > remplies de petits cryftaux ; il y a auffi des pierres d’aimant » à l'extrémité de fa province de Cham du côté du fud. Je > n'ai point vû de craie en Cochinchine, continue l'Auteur, » & je doute qu'il y en ait; on ne connoït pas non plus “ “ y endroits dans plufieurs provinces où * La longueur de la Cochinchine, il n’y a point de chemin entre la mer qui fe prend du nord au fud, n’a guère plus de 1 $ o lieues; fa largeur de Peft à l’oueft eft fort inégale, & en même temps très-petite, fur-tout fi l’on n’y comprend que le bas pays ; car l’efpace de terrein qu’il y a de- puis la mer jufqu’aux pieds des mon- fagnes, ne Contient pas plus de 15 & 20 lieues, IT fe trouve même des & les montagnes, de forte qu'il faut en monter quelques-unes pour aller d’une province à une autre. Il eft vrai cependant qu’elle eft un peu plus étendue aux deux extrémités du Royaume, & principalement dans celle du fud, qui confine avec le Camboge, ENS MMS CT EN C'E'S 399 Y'ardoife ni le charbon de terre: je ne fache point qu'il y ait des glaifes bleues ou vertes, je n'en ai remarqué que de rouges, de jaunes & de plombées. . Quant aux fontaines minérales, celles qui font chaudes fe trouvent aflez communément dans le pays; il y en a dans la plufpart des provinces, mais les Cochinchinois n'en con- noiflent pas la vertu: elles font remplies de petites chevrettes rouges & d'autres petits poiflons, ce qui doit paroître d'au- tant plus furprenant que j'ai vü dans la province de Phuyeñ des troupeaux entiers de buffles, qui avoient perdu prefque toute leur queue pour s'être couchés dans les endroits remplis des eaux qui fortent d'une de ces fontaines, qui eft à l'extré- mité de la même paroifle du côté du fud. On aura peut-être eine à le croire, la chofe eft cependant très-certaine. Ce qui fait la principale richefle des montagnes, c'eft l'or que l'on tire de celles de Cham, de Quininh & de Phuyeñ, par le lavage; car les Cochinchinois ne favent point d’autres méthodes que celle-là, Les mines de fer font fort communes dans toutes ces provinces & dans celle de Quängnghia , &, je crois, dit l'auteur du Mémoire, celles de cuivre, & même d'argent, fi les Cochinchinois étoient un peu plus induftrieux qu'ils ne le font. I y a de très-beau plomb dans quelques endroits du Phuyeñ; mais les Cochinchinois ne sattachent qu'aux mines d'or & de fer. » | H y a quatre chofes à remarquer dans ce paflage, 1° le peu de pieries propres à bâtir à caufe de leur trop grande dureté, 2.° le grand nombre des pierres talqueules, 3.° la rareté de la craie, ou plufiôt fon manque total, 4. la fré- quence des eaux minérales chaudes. Ces quatre obfervations me font croire que la Cochinchine eft en total ou en grande partie d’un terrein femblable à ceux d'Europe, & fpéciale- ment à celui de la France, que j'ai appelé dans mon premier Mémoire fur cette matière, pays fchitteux où métallique. En effet, la dureté des pierres de la Cochinchine ne vient, felon moi, que de ce qu'elles font des granits ou des quartz, que tout le monde fait être très-durs. Les pays de l'Europe où ces LC 3 « € « 400 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE deux fortes de pierres fe rencontrent, font fouvent abondans en pierres talqueufes, comme à la Cochinchine : la craie y eft également rare, ou elle y manque pluftôt entièrement, & les eaux minérales chaudes y font au contraire fort communes. Ce qui nrempèche donc de placer entièrement la Cochin- chine dans une bande fchitteule, eft le doute où l’auteur du Mémoire cité ci-deflus refte fur l'exiftence de la craie dans ce royaume : fon doute feroit cependant plus favorable au fentiment de ceux qui ne l’admettroient pas, qu'à celui de ceux qui y feroient contraires; mais comme il eft dit de plus dans ce Mémoire, qu'il y. a beaucoup d'endroits de la Co- -chinchine qui font fablonneux ou graveleux , il pourroit fe faire que ce royaume renfermât un pays rempli de craie, & un de fable, comme je l'ai fait voir pour la France, la Suifle, le Canada & l'Egypte. H feroit poffible qu'il y eût dans la Cochinchine un de ces culs-de-facs qui s'étendent jufqu'aux grandes montagnes, & qui font remplis d'un amas confidérable de corps marins de toutes efpèces, qui font peut- être les feuls endroits qui en renferment, & qui, par confé- quent , doivent leur origine à la mer qui aura été bornée ar ces hautes montagnes. Mais, fi j'allois plus loin, j'antici- perois fur le Mémoire que j'ai annoncé plus haut, & que je me propofe de préfenter à l'Académie le plus tôt qu'il me {era poffble. On trouvera la feconde partie de celui-ci, dans un autre volume, f l'Académie l'agrée. LA Figure ci-jointe repréfente un morceau de Lavanges, relevé de côtes, dont il eft parlé à la page 387, OBSERVATION 16. Pag. goo.Pl c1753. Men. de LAc.R.des 5 ————— < ———— ——— 53 Pay geo Pl16 Mer. de LA: R. der Tigra AA de ni | DES ScrenNceEs 40, OBSERVATION DE BECLIPSE DE VENUS PAR LA, LUNE, Faite à l'Obfervatoire, le 27 Juiller au matin. Par M. LE GENTIL. E me fuis principalement attaché à bien faifir Je moment de limmerfion & de l'émerfion totale de Vénus fous le difque de la Lune, ces deux phales étant les plus certaines ; j'avois une lunette de trois pieds feulement, montée fur une petite machine parallaétique; j'ai toûjours confervé Vénus & le bord de la Lune qi devoit éclipfer cette planète, dans le centre de Îa lunette. À 4h 13 48"2+ de la pendule, Vénus s'eft entièrement cachée: elle a reparu toute entière à 4h 1 6° 46"2+, la pendule avançoit alors de $” 6”. Une minute ou environ avant que Vénus ait été cachée par la Lune, la partie concave de fon croiflant qui regardoit la partie convexe du croiffant de la Lune s'eft bordée d’un rouge très-vif; cette couleur a ceflé de paroïître quand la concavité du croiffant a été totalement cachée par la Lune. Ce phénomène qui avoit déjà été remarqué en 1715, par plufieurs Aftro- nomes de cette Académie, à l’occafion d’une femblable éclipfe de Vénus par la T nne, eft très-digne de remarque: en effet, dans l'éclipfe de Jupiter par la Lune qui arriva la même année, on ne vitaucune couleur autour de cette planète; c'eft pourquoi il fra bon d’être attentif à l'éclipfe de Mars, qui doit arriver le 21 du préfent mois au matin, & d'examiner fi les mêmes couleurs paroiflent autour de cette planète comme on es a vûes autour de Vénus, où fi, fmblable à Jupiter, Mars n'en aura point. r+ Men, 1753. es 1°" Août 1753: + Le 28 Juin bLe2$ Juillet 402 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE H TSF O'FR ENBEO PE R-ETOIN, Par M. DE REAUMUR. E Formica-leo, qui eft refté inconnu pendant tant de fiècles, duquel au moins les Anciens n’ont fait aucune mention, eft aujourd'hui un des infectes es plus renommés; il eft un de ceux qu'on ne manque guère de citer, lorfqu’on veut donner des exemples des procédés finguliers par lefquels les plus petits animaux fe montrent dignes de notre attention. On ne manque pas de raconter avec quel art il forme dans le fable, ou dans une terre fine & mobile, un entonnoir au fond duquel il fe tient à l'aflüt pour fafn & fucer enfuite les infectes que leur imprudence a fait tomber dans le piége qu'il leur a tendu. Il n'eft pourtant pas le feul qui fache ufer de cette rufe, & à qui il foit abfolument néceffaire d'y avoir recours pour ne pas mourir de faim; un infecte d'une forme fort différente de celle du formica-leo, fe creufe auffi un en- tonnoir dans le fable ou dans une terre pulvérifée, & fe loge dans fon fond pour la même fin. C'eft un ver de la. claffe de ceux qui n'ont point de jambes & qui doivent fe transformer en mouches qui n'ont que deux aïles, au lieu que le formica-leo fe métamorphofe en une mouche qui en a quatre, & qu'il eft pourvû de fix jambes. Ce ver, plus rare au moins dans le Royaume que le formicz Lo, n'a point eu, comme l'autre, des Hifloriens qui aient rapporté avec afez de détail la fuite de fes actions pendant la durée de fa vie. H en a été parlé pour la première fois dans l'Hifloire de Académie de 1706, page 7, & ce qui en efl dit dans cet endroit n'eft pas aflez exact, & laïfle à defirer un récit plus éirconftancié de fes façons d'agir, & d’avoir fa figure gravée &, celle de la mouche en laquelle il {e transforme. On ? a nommé formica-vulpes , poux le diflinguer du formica-leo ; mais celui-ci n'eft pas moins renard par fa rufe que l'autre, DES SCIENCES. 403 & cé dernier n'eft pas moins lion par fa force & par fa voracité que le premier: j'aimerois donc mieux appeler le nouvel infeéte ver-lon. Ce nom apprend ce qu'il eft dans fon premier état, & combien il eft redoutable aux autres infectes. J'ai valu au ver-ion, depuis deux ans, un Hiftorien qui me difpenferoit de le devenir en fecond, s'il n'eût écrit les obfervations que cet infe6te lui a fournies, dans une langue qui n'eft pas aufli répandue que la françoife. Un feul de ces vers que M. de Geer a eu en fa pofleflion pendant quelques mois, & qu'il étoit obligé de ménager plus qu'il n'eût voulu; lui a fait voir ce que ce ver montre de plus remarquable : peut-être eüt-il trouvé des particularités qui m'ont échappé, fr, comme moi, il en eût eu un grand nombre qu'il lui eût été permis d’obferver & de manier dans toutes les faïfons. Quoique les formica-leo m'euflent fouvent rappelé le fou: venir des vers carnaciers conmme eux, qui en veulent à Ia même proie, & qui pour sen faifir emploient la même rufe, ç'a été inutilement que j'ai cherché des vers-lions aux environs de Paris & ailleurs, dans les lieux où il me fem. bloit qu'ils devoient aimer à s'établir. L’efpérance de les pou: voir obferver ne me fut donnée que par une lettre du 11 Février 175 1, de M. Rebory , alors Curé de la Palud, dio- cèfe de Riez en Provence. Dans fes promenades il donne fon attention aux objets qui la méritent, & il fe plaît à me faire part de ce qu'elles lui ont offert de fingulier. Un des articles de la lettre dont je viens de parler, étoit une queftion intéreffante pour moi; il n'y demandoit f je connoiffois un tit ver blanc, toijours repli fur lui-même, qui creufe une foffe comme le fourmi-lion , qui s'y tient en embufcade, qui jette de la pouffiére en l'air pour faire tomber fa proie dans le trou. Je ne doutai pas que ce ver ne fût celui que javois defiré de voir depuis bien des: années. ‘Tant d'autres infeftes que j'ai fait voyager fans qu'ils aient péri, mé donnoient lieu d'ef- pérer que! plufieurs vers de cette efpèce pourroient venir de Provence à Paris fans mouriren chemin, f ‘on les envoyoit Eee ï 404 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYaLeE avec quelques précautions: connoiffant d’ailleurs la difpofition de M. Rébory à me faire plaifir, je pus me promettre qu'il prendroit celles que je lui indiquerois pour les faire arriver en bon état. Je le priai de remplir une petite boîte, de terre réduite en poudre, ou du fable fin dans lequel ces vers fe tiennent, de mettre dans cetie terre pulvérifée ou dans ce fable un bon nombre de vers-lions, & de m'envoyer la boîte par a pofle. D'une douzaine & plus qu'il y renferma, trois à quatre feulement fe trouvèrent en vie à leur arrivée: ç'en fut aflez pour fatisfaire l'envie que j'avois de les voir, mais je crus que j'avois befoin d'en être mieux fourni pour étudier Jeurs manœuvres, & m'inftruire de toute leur hiftoire. La boîte dans laquelle ils étoient venus, s'étoit entrouverte en chemin; une partie du fable en étant fortie, les versions avoient été expofés à dés balottemens qui furent funeftes au plus grand nombre, & auxquels aucun n'auroit été expolé fi la boîte füt reftée très-pleine. Comme M. Rebory n'avoit appris que ces vers n'étoient pas rares dans fa Paroiffe, je le priai de m’en renvoyer de nouvelles & de plus grandes provifions, & de prendre les précautions néceflaires & faciles pour empêcher pendant la route le fable de fortir de la boîte. Il n'a pas manqué de le faire: auffr ‘ceux de trois ou quatre autres envois dont chacun en con- tenoit au moins une cinquantaine , arrivèrent chez moi en très-bon état, & fans qu'il en füt péri en route plus de trois à quatre. Ces vers-lions ont encore une qualité qui leur eft commune avec les formica-leo , laquelle donne la facilité de les envoyer très-loin fans qu'il leur en coûte la vie. Ils font capables de foutenir les plus rudes & les plus longs jeûnes : ils peuvent pafler des femaines, & même bien des mois, fans prendre de nourriture, & ne meurent pas pour cela de faim; en général les animaux de proie ont befoin de pouvoir foûtenir une longue privation d'alimens. Ées vers-lions peuvent réfifter à de beaucoup plus longs voyages, même par la pofle, que celui de Provence à Paris, DIE NSMISLICIÉ E Not Ets 405$ j'en ai fait l'expérience. 1 y à toute apparence qu'on ne les trouve pas dans les pays du Nord, ou que du moins ils n’y font pas connus, puifque M. Linnæus n'en a fait aucune mention dans fon Syflème de la Nature. En Suède, règne une Reine pour qui le plus agréable de tous les délaffemens eft d'oblerver & d'admirer les productions de la Nature ; fon goût l'a conduite à raffembler celles de tous les genres dans des cabinets qu'elle a formés elle-même, où elle va les étudier dans les momens dont fes grandes occupations lui permettent de difpofer. Les vers-lions me femblèrent dignes de paroître devant des yeux auxquels je ne craignois pas que leur petitefle les rendit méprifables, devant des yeux qui voient dans les plus petits êtres animés la puiffance fans bornes & la fuprême intelligence du Créateur de l'Univers. J'ofai donc envoyer douze de ces vers à cette Reine fi éclairée; des circonftances qui euflent pü être évitées, furent caufe qu'un feul arriva en vie au Palais de Stockholm: il y fut bien accueilli par la Souveraine, qui le remit à M. de Geer pour le foigner & l'obferver, il ne pouvoit être confié à perfonne plus capable de l'un & de Fautre. Ça été dans la fuite en obéiffant à fes ordres fi refpectables, qu'il a fait imprimer dans les Mémoires de l'Académie de Suède, les curieufes obfervations que ce feul ver lui avoit fournies. Ceux de ces vers dont il a été parlé dans FHifloire de YAcadémie de 1706, avoient été obfervés aux environs de Lyon: le Lyonnois & la Provence ne font pas cependant les feules provinces du Royaume où ils fe perpétuent, & où ils foient connus aétuellement ; ils le font en Auvergne. M. Ozy, Apothicaire à Clermont, en a envoyé par la pofte, de pris aux environs de cette dernière ville, à M. de Malesherbes premier Préfident de la Cour des Aïdes, qui me fit la galanterie de me les remettre le jour de leur arrivée; ils étoient tous, ou prefque tous, en fort bon état ; dès la première nuit qu'ils paflèrent chez moi, quelques-uns fe firent des enton- noirs, & les autres ne tardèrent à s'en conftruire que julqu’au lendemain au foir. a Eee ii 406 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Les lieux où les vers-lions fe tiennent, font femblables à ceux où les formica-leo habitent, & fouvent les mêmes : quoi: qu'ils n'aient aucun commerce avec ces derniers , il eft très- ordinaire de les trouver avec eux: les uns & les autres ont une même fin, de former des entonnoirs dans un fable délié, ou dans une terre pulvérifée: les uns & Jes autres femblent favoir que les entonnoirs creufés dans cette terre où dans le fable, feroient expolés à être détruits par la pluie, s'ils n'en étoient pas à l'abri; & que quand la pluie qui tomberoit fur ces entonnoirs, leur laifleroit leur forme, elle Ôteroïit aux grains dont ils font compofés la mobilité qui ici eft eflentielle, L'eau, en les collant les uns contre les autres , Oteroit aux parois du trou la difpolition à sébouler, ces grains donneroient alors des appuis fixes aux infectes qui tenteroient de fe tirer du piége dans lequel ils feroient tombés. C'eft donc au pied des murs dégradés, ou au pied de certaines roches dans des endroits où elles ont des parties faillantes & dirigées prefque horizontalement, que les vers-lions & les formica-leo s'éta- bliffent lorfque ces endroits offrent des efpèces de grands auvens, qui mettent à couvert de la pluie un terrein fablon- neux, ou une terre réduite en poudre. Les entonnoirs des formica-leo occupent ordinairement Îles premières places, les plus extérieures de ces efpèces de petites grottes, & ceux des verslions font plus dans lenfoncement : on diftingue les trous coniques de ces derniers, en ce qu'ils font plus profonds que ceux des formica- leo de même diamètre. Au refte, les plus grands trous des premiers égalent à peine en ouverture ceux des formica-leo du moyen âge. Ce verlion qui, par fes inclinations & fes rufes, a tant de reffemblance avec le formica-lo, en diffère extrêmement par fa figure: celui-ci a fix jambes, un corps court un peu aplati, une tête dont la forme eft conftante, qui porte deux cornes, dont le bout de chacune tient lieu d'une bouche, Le verdion manque abfolument de jambes *; il a un corps long par rapport à fa grofleur, & terminé par une tête * de celles que j'ai nommées ailleurs à figure variable ; elle «ft charnue , DES SCIENCES. 407 & par-R il eft permis à l’infeéte de l'alonger ou de Ia raccour- cir, de la rendre plus grofle ou plus déliée; elle eft pourtant toûjours plus menue que le refte du corps: par fon bout, qui peut être regardé comme la bouche, le verion fait fortir, quand il lui plaît , les bouts de deux efpèces de dards écailleux*, pofés * Fig. $ & parallèlement l'un à l'autre, comme ceux des vers mangeurs de 8, 4. pucerons; ils ont chacun un étui écailleux: lorfqu’on cherche ces deux étuis dans la dépouille que linfecte a laiffée dans le temps où s'eft faite fa transformation en nymphe, ou dans Jes changemens de peau qui l'ont précédée, leur couleur brune & leur volume les rendent fenfbles; leur forme eft arron- die & oblongue ; ils font plus gros à leur bout poftérieur qu'à l'antérieur, Le corps de.ce ver eft d'un blanc fale, qui a quelquefois üne nuance de couleur rougeître; fes chairs ont une tranf- parence qui laïfle voir une matière brune dont eft rempli Fintérieur de fa partie poftérieure ; il eft rare de le trouver | affez étendu en ligne droite pour pouvoir mefurer fa longueur ; | ä ne prend cette pofition alongée *, qu'après être refté quel x Fig. s. À que temps, depuis qu'il a été tiré hors du fable, fur un corps 1 dans lequel il ne peut s'introduire, comme fur une feuille # de papier ou fur un livre: aufir cette attitude en eft-elle une forcée pour lui, qu'il ne prend que dans la néceflité. Si on mefure alors les plus grands, on leur trouve 8 à 9 lignes au plus de longueur; leur partie poftérieure *, qui eft le tiers au * p, moins de cette longueur, eft l'endroit où üls font le plus gros; leurs anneaux , en s'approchant de Ia tête, vont en di- minuant de laroeur & de diamètre; la tête eft la partie la plus déliée, & fe termine prefque en pointe. Lorfqu'on vient de le tirer du fond de fon entonnoir, il oît ordinairement fous la figure d'une S *, la tête en ter- *Fig. 1, 2 mine le bout fupérieur *; le ventre eft placé comme celui & 3- de la lettre, mais différens vers de cette elpèce, tirés de leur ** trou, ou le même tiré différentes fois du fien, contournent leur corps en S de figure fort différente : quelquefois ils ne font que plier leur corps en deux parties qui font parallèles 408 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE l'une à l'autre, quelquefois ils le mettent en équerre: quand ils font logés à leur gré dans leur entonnoir, leur partie an- “Fig. 9. térieure eft à découvert * & étendue en ligne droite, & la poftérieure eft cachée fous le fable, & fait avec l'autre un angle dont la cavité eft du côté du dos: cet angle n'eft pas toüjours fe même, il eft quelquefois obtus, quelquefois droit, & rarement aigu. On verra ce qui exige quele ver-lion ait ainfi conftamment fon corps plié en deux, quand nous le confidèrerons travaillant à fe rendre maitre de quelque in- fete tombé dans fon trou. Le dernier anneau eft a partie la plus large du corps; en deflus, il eft un peu aplati & taillé en plan incliné ; il fe termine par quatre mamelons coniques, mais plats, dont chacun porte à fa pointe un poil roide, une efpèce de petite épine. Cette partie reffemble affez à une main ouverte qui n'auroit que quatre doigts plus écartés les uns des autres à leur origine, que ne le font ceux d'une main humaine. L'anneau qui précède celui-ci, a en deflus fa circonférence poftérieure hériflée de 8 à ro petits crochets roux, qui font avec le corps un angle dont la cavité eft tournée vers la tête. Sur le deffus du dernier anneau, versie milieu de fa Jlon- # Fis. 6,/,[. gueur, on aperçoit, avec la loupe, deux points roux * qu'on eft porté à regarder comme les: deux principaux des ftig- mates qui fervent à la refpiration , ces points étant placés comme le font les fligmates de la plufpart des vers qui fe transforment en des mouches à deux aîles. On n'héfite plus à accorder la même fonction à ces deux points roux, lorf- qu'ayant cherché à voir dans l'intérieur du corps ce que la tranfparence des chairs permet que lon y voie, on aperçoit deux tuyaux ‘blancs, dont chacun aboutit à un des points jaunâtres. Ces tuyaux ne peuvent être pris que pour deux troncs de trachées. L'anus, plus aif à voir que les deux fligmates dont nous venons de parler, eft fur le milieu du même anneau & plus près de l'extrémité du corps, felon la longueur duquel * Fiz, 6, g. celle de la fente qu'il forme eft dirigée *; elle eft oblongue, & * D'EIS) SCME N CE 5 " 409 7 &crparoît rebordée. La pofition de cet anus qui f trouve du côté du dos, :eft une fingularité dont nous avons déjà donné un.exemple dans l’hiftoire de ce ver mal propre, toûjours cou- vert de fes: excrémens, qui devient le joli fcarabé du‘is. Cette pofition de lanus du.-ver-lion, feroit douter fr le côté que nous prenons pour le dos de linfefte, n'eft pas celui du ventie, fi lon n’avoit pas obfervé que lorfqu'il veut marcher , quand le côté où.eft l'anus eft en deflous; il fait des efforts pour le ramener én deflus, &)que cæ n'eft qu'aprèsy être parvenu qu'il marche à fon’ aile; le côté du ventreleft un peu plus aplati que d'autre. ang Quoique la vüe fimple ne faffe point découvrir de poils à ce ver; {1 on l’examine avec une forte loupe, on l'en trouve très-fourni ; fes anneaux en font bordés de chaque côté, les uns plus, les autres moins; chaque poil a pour bufe la pointe d'un mamelon triangulaire; il a de ces poils de lon: gueurs &:groffeurs fort différentes; on en remarque fous le ventre à la fin du pénultième anneau une rangée de f1 gros & fi roides, qu'ils reflemblent à des épines*. Sur le cinquième anneau, du côté du dos, eft'une partie qui échapperoit à la vûüe fimple d’un obfervateur médiocrement attentif ; elle n’a guère que la groffeur d'un grain de fable*; * Fig. 8, re * Fig. 6 & cependant quand on l'examine avec une forte loupe, on eft 7,1. porté à lui foupçonner ds ufages importans ; elle paroît faite alors conime une de ces jambes des chenilles, quenous avons nommées jambes membraneufes, à :couronne de:crochets com: plètes, elle eft de même:entourée de petites pointes moins droites & très-courtes: c'eft un mamelon qui peut s'ouvrir & fe fermer plus ou moins; il a une cavité dans le centre de laquelle j'ai cru apercevoir quelquefois un corps conique très- brun, qui doit être de corne, & femble faitien manière de dard dont la pointe:eft un peu moufle. Cette partie ne m'a paru être d'aucun ufage au ver lorfqu'il marche, mais il a grande apparence qu'il y a un temps où elle lui eft bien importante : c'eft celui où il travaille à fe rendre maître d’un infeéte qui fait tous fes eflorts pour dui échapper, elle lui Mém. 1753: ° Fff 410 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fert à Je mieux faifir , & ferviroit aufli à lui porter des coups funefles, fi elle étoit munie du dard de Fexiftance duquel je w'ai pû aflez m'aflurer ; la pofition de ce mamelon ne nous permet pas de le voir lorfqu'il agit, il eft alors caché à nos yeux par l'épaïfleur du corps. | Si on pole le ver qu'on vient de tirer de fon trou fur un plan au deflous duquel il ne puifle pénétrer, il y refte pen- dant quelque temps plié en 5, ou en deux parties qui forment uné forte de crachet, quelquefois il fait voir alors qu'il fait fauter comme fautent les vers du fromage, en débandant fa partie poftérieure, c'eft-ä-dire en la ramenant brufquement à faire un angle plus ouvert avec la partie antérieure : il fe poufle en haut obliquement ; ïl s'élève en l'air quelquefois d'un-demi-pouce , ou même d'un pouce pour retomber à 7 à 8 lignes plus ou moins de l'endroit où il étoit aupa- ravant: onde détermine aflez fouvent à faire ce faut, ende touchant légèrement avec une pointe roide, comme celle d’une épingle ou d'un canif; mais il y a des temps où il refte dans fa place malgré toutes les agaceries qu'on lui fait; il prend plus volontiers le’ parti de marcher, alors il efface tous les x Fig. s. coudes que fon corps formoit *, & non content de Yavoir redreflé , il falonge pour porter fa tête en avant le plus loin qu'il lui eft poffble; il fait fortir enfuite, de l'ouverture qui * Fig. 6, a. la termine, ces deux petits dards ou crochets *, dont nous avons déjà parlé, qu'il pique dans le corps fur lequel il eft pofé; ils lui donnent un point fixe fur lequel il tire fon corps, & ceft ainfi qu'il fait un pas qui n'eft jamais bien grand, & après lequel il en peut faire un fecond & plufieurs autres fucceflivement. Lorfque le ver-lion arraché de fon trou, eft pofé für le fable même dans lequel ce trou a été creufé, où fur du fable {emblable, il ne tarde guère à chercher à s'y enfoncer; il ne manque pas alors de redreffer fon corps, de poufier fa tête fous le fable & de fe tirer deflus; c'eft alors qu'il fait des pas de haut en bas, comme nous venons de lui en voir faire horizontalement: après chaque pas, une nouvelle partie de DE#S SCFENCES 4tt fon corps fe trouve cachée, & bien-tôt le corps em entier éft couvert de fable. LE 45 Ordinairement ce n'eft que plufieurs heures après que fe ver-lion s’eft introduit daris le fable ou dans une terre pulvé- ifée, qu'il fonge à s'y faire un entonnoir *: les uns fe mettent * Fig. 9 & plus tôt à l'ouvrage & les autres plus tard, felon apparemment !°° qu'ils y font plus où moins excités par le defir de’nanger, mais généralement le foir eft pour eux le temps du travail, ils ne s'y livrent pas volontiers pendant le jour: qu'on aille: les obferver lorfque la nuit approche, & encore mieux lorf- qu'elle eft venue, dans le lieu où l'on en a raflemblé un bon’ nombre, & qu'on éclaire avec une ou plufieurs bougies, on les trouvera prefque tous occupés. Ceux qui navoient pas d'entonnoir, sen font un, & lés autres réparent les éboule- mens qui peuvent être arrivés au leur; ils l'aggrandiflent, le tendent plus profond, plus large & plus régulier. Le formica-leo commence toûjours par tracer l'enceinte du coné creux qu'il veut forrmér dans le fible, le ver:lion ne fait pas déterminer ainfi le plan de l'ouverture qu'il veut creufér: tout ce qu'il fait, eft de jeter du fable en l'air dansune direétion/6blique, qui lé faffe tomber à quelque diftance de l'endroit où il: a été pris, & par de-là le bord fupérieur du trou, si y en a déjà un de formé. Lorfqu'il en commente un, il eft caché fous 4e fble, dont la couche qui récouvré fon dos eft affez mince: en élevant brufqément fa partie fupérieure, il! fait voler en Vair un jet de celuii qui la couvroit : dés mou- vemens pareils, répétés plufieurs fois, après de très-courts intervalles, mettent bien-tôt une grande portion de fon corps à nu & le’centre d'untrou qui va’ être rendu plus” profond & plusdarge, éft rnarqué: Lé ver-liofitne tarde pas à/achever de’ tirer une graride partié du:refté dé’foncorps de deflous’ le fable, carcle corps eft prefque toûjours en vüe pendant le fort durtravail ; il 'eft extrémement flexible, & l'infédte à befoin qu'il le foit, ca! ce’ n'efl qu'au moyendes inflexions qu'il‘ lui donne, qu'il sen f@rt comme d'une forte: de pelle pour prendre dû fable & le’jeter par:delà le‘ bord du ‘trou ; | Fffij *Fig.9,a,p. 412 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE.ROYALE tantôt il contourne fa partie antérieure de manière que le dos ou le defflus de fa partie antérieure fe :tronve , prefque en deflous pendant que le refte du deflus du corps conferve fon élévation naturelle ; alors c'eft la portion du ventre qui ré- pond à la partie antérieure, qui fait l'office de pelle pour prendre le. fable & pour le poufler en Yair; tantôt, &. c'eft fa façon de travailler la plus ordinaire, le deffus de la partie antérieure pafle fous le fable, s'en charge &.le jette. Je n’en- treprendrai point de décrire toutes les différentes contorfions que f'infecte donne comme il lui plaît à fon corps qui eft rond , pour s'en fervir à exécuter ce qui fembleroit demander un, inftrument plat : je dirai feulement qu'il varie ces fortes de contorfions de bien des manières; j'en ai vû quelquefois qui, ayant fait prendre à leur corps la forme d’un compas à deux jambes inégales, tournoient. autour de la plus courte, faite par la partie poftérieure, fans ceffer de jeter du fable avec le bout de leur partie antérieure. Cette façon de le jeter étoit uèspropre à former un cone: je l'ai déjà dit, le trou que: le’ ver-lion parvient à faire, eft plus profond proportionnel- lement que celui du formica- leo ; la pente en efk plus rapide; linfecte inconfidéré, qui ‘avance par-delà le bord du préci- pice, en.a-d’autant. moins de prife pour fe retenir ,:& pour s'empêcher de-tomber, au fond. , svt SE Quand l'entonnoir. eft devenu afez profond au gré du ver- lion, il s'y met à l'affût; il attend, fans fe donner le moindre mouvement , que,quelque proie vienne le. dédommager des peines que lui a coûté le piége qu'il a dreflé : pour Fordi- naire, une grande partie de fon corps y'eft à découvert *, &:n'en ef guère plus ;vifible, ou, pour parler. plus ‘exaéte-: ment ;| plus aike à. recpnnôître pour ce qu'elle eft. On croit, voir uh -petit morcéau!de bois; polé. tranfverfalement &, horizontalement, à une aflez petite diflance du fond de l'en: tonnoir: Quoïque!je füfle que le petit corps que j'apercevois devoit être celui du ver, fa forme droite, fon immobilité, ! fa roideur apparente am'ont. déterminé quelquefois à avoir, recours À [a loupe pour me:tirer du doute que ces apparences L'ILE ., DAr:sMISI CI 'E NoC:EuS 413 me faifoient naître malgré moi: l partie poltérieure & le fommet de l'angle qu'elle concourt à former, font alors dans le fable, & la tête y eft enfoncée dans l'endroit diamétra- lement oppolé. . Le moment ft attendu par le ver-lion & le plus intéré£ fant pour lOblervateur, eft celui où la mauvaife fortune de quelque petit infecte, d'une fourmi, d'une petite mouche, d'un ver, l'a conduit au-delà des bords d'un précipice où il ne rencontre qu'une pente roide compolée de grains qui s’éboulent fous les pieds qui veulent s'appuyer defius; il tombé au fond de ce petit précipice. Ce brin de bois en apparence, ce ver-lion f: immobile, fe donne dans l'inftant des mou- vemens très-vifs pour. s'en emparer: il n'eft pas muni comme le formica-leo de deux cornes qui. forment une pince admi- rable pour faifir-& percer le malheureux infecte. Dépourvû de jambes &' de crochets, comment 1e verHion va-t-il faire pour le retenir & s'en rendre maitre? avec fon propre corps plus flexible que celui d'un. ferpent, il tend à Fembraffer; il tâche de parvenir à en faire une ceinture à celui de lin- fete * :: quand ül y eft parvenu, il le ferre pour lui ôter tout pouvoir: de s'échapper, & il en difpofe enfuite à fon gré, c'eftä-dire qu'il ne tarde guère à le percer & à le fucer avec le bout de la tête qui eft reflée libre, & qui eft armée d'inftrumens convenables , des deux dards dont nous-avons, parlé. C'eft auffr alors que lui eft utile ce mamelon creux; placé fur de cinquième anneau pour. mieux retenir la proie:i la pofition dé ce mamelon qu'on ne peut voir tant que le ver-ion tient un infecte faifr, apprend que c'eft le dos qui eft immédiatement appliqué autour de cet infeéte. ) + C'eft: dans les inftans où l'infecte dont lever-lion veut. _f rendre maitre, a encore la! liberté de faire ufage de fes forces, qu'il importe à notre ver qué’la partie poftérieuré defon corps forme un angle avec l'antérieure *, les. efforts que fait l'infecte infortuné pour s'échapper, entraîneroient le ver vorace s'il ne trouvoit pas unappui confie lequel il püt fe: retenir, Le fable dans lequel fa ni chi} 75 engagée: Fi * Fig. 10 & * Fio. 6& 73 M 414 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE en devient un pour lui; le ver-ion ne fauroit être entraîné fans qu'une mafie de fable épaiffe & auffi longue que la partie poftérieure le foit: au lieu que fi celle-ci étoit en ligne droite avec le refte du corps, le fable ne s’oppoferoit que très-peu, que par un foible frottement au déplacement du ver. Tous les infeétes, au refte, qui tombent dans l'entonnoir du ver-lion, ne deviennent pas fa viétime : il y en a qui lui font trop fupérieurs en force, j'ai vü fouvent des mouches À qui j'avois Ôté les ailes, & des fourmis des grofles efpèces: lui échapper; quelquefois même des infectes qui ne lui font pas fupérieurs en force, ont le bonheur de fe fauver; malgré toute {on adreffe le ver-lion ne parvient pas toüjours aflez, vite à faire avec fon corps une ceinture à celui du petit animal dont il veut s'emparer : l’infeéte qui connoïît la gran- deur du péril où il eft, fe débat de toutes fes forces, & quelquefois avec fuccès. II fe dégage du verion, & tâche de grimper le long des parois de l'entonnoir; les difficultés qu'il trouve à vaincre pour monter le long d’une pente trop roide, font encore augmentées par une pluie de fable qui lui tombe continuellement fur le corps; le ver-lion, défefpéré, pour ainfi dire, de ce que fa proie lui échappe, fe fert de toute l'adreffe qu'il a de faire voler du fable en Fair. II fe donne alors des mouvemens femblables à ceux qu'il s'eft donnés pour creufer fon entonnoir, dirigeant autant qu'il eft en lui les jets de fable vers l'infeéte qui travaille à efcalader l'entonnoir. Celui-ci retombe dans le fond du précipice, & cette feconde chûte eft quelquefois plus malheureufe que la première, il y eft arrêté & la vie lui eft Gtée; fi l'infecte eft aflez fort pour fe tirer encore du lien dans lequel le ver-lion: a voulu le ferrer, il fait de nouvelles tentatives pour grimper le long des parois, les chûtes fe répètent plufieurs fois, & fr l'infeéte eft trop fupérieur en force, le ver-lion cefle de réi- térer des attaques qui lui ont mal réuffi: fa proie lui échappe & fe fauve, & il fe trouve dans un entonnoir dont le déla- brement eft grand, le fable qui seft éboulé de fes parois en a rendu les pentes trop douces & trop praticables; mais te ot dit tu DES SCIENCES. 415 tout ce defordre eft reparé au plus tard vers la fin du jour. Dès que le ver-lion eft parvenu à ceindre avec fon corps celui d'un infecte; il ne tarde guère à lui porter des coups mortels, à lui percer le ventre ou le dos & à le fücer, les inftrumens avec lefquels il y parvient, font ces dards dont nous avons parlé plus d'une fois. Ils m'ont paru afez femblables à ceux dont font armés les vers mangeurs de pu- cerons, les uns & les autres de ces vers voraces font appa- remment agir de la même manière des inftrumens qui leur ont été donnés pour la même fin, leur unique fonction n'eft pas de percer, ils agiffent aufli comme des piftons. Lorfqu'on n'aura que de trop grofles fourmis ou de trop groffes mouches à offrir aux vers-lions qu'on gardera chez foi pour fe donner l’'amufement de leur voir faire toutes leurs manœuvres, on afloiblira le trop fort infecte, avant que de le jeter dans leur entonnoir; on roulera Ja fourmi entre {es doigts en la preflant, on lui arrachera quelques jambes, on arrachera celles de la mouche, à une ou deux près, & fur-tout fes aïlés; mais qu'on ne tue pas l'infeéte dont on veut que le ver-lion fe nourrifle. Ils ont une délicatefle femblable à celle des formica- leo, jamais ils ne tentent de fucer celui qui leur. a été préfenté totalement privé de vie, ne vint-il que de la perdre dans 'inftant ; il fuffit au refte, que F'infecte qu'on a mis à leur difpofition, foit encore capable de fe donner quel- ques légers mouvemens pour qu'ils ne balancent pas à l'atta- quer ; quand fon corps eft trop gros, pour que le ver-lion lui faffe du fien une ceinture complète; il n’en embraffe qu'une portion ; alors il tarde peu à faire fortir de la tête qui trouve au bout du court lien , les dards & à les plonger dans Tintérieur du patient. Il refte plufieurs heures à pomper ce que le corps d'une groffe mouche peut lui fournir. Nos vers-lions ne doivent pas paler toute leur vie fous 1a forme que nous leur avons vüe jufqu'ici, ils doivent devenir des mouches, & ne peuvent parvenir à cette métamorphofe qu'après avoir fubi celle qui les met dans un état où ils font incapables de marcher , dans celui de nymphe. Parvenus à leur * Fig. 12. Are Fig. 12, €, * Fig. 416 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE dernier terme d'accroiflement, ils fe transforment donc en nymphe, & cela fouvent fans s'éloigner de leur entonnoir: pour fe préparer à ce changement d'état, ils n'ont pas befoin comme les formica-leo & tant d'autres infectes, de fe conf: truire une coque, & de s'y renfermer ; il leur fuffit de fe défaire de leur peau, ce qui fufht auffi aux vers qui donnent Jes mouches tipules, & entr'autres celles des efpèces les plus communes dans les prairies ; leur nymphe * reflemble auffr beaucoup à celle en laquelle fes vers tipules fe métamor- phofent ; la partie antérieure la plus menue du corps dans le ver eft la plus groffe dans la nymphe ; là font raflemblées à l'ordinaire, au deffous de la tête, les ailes & les jambes, tout le refte du corps eft menu & d'une groffeur aflez égale; à l'extrémité poftérieure, paroît le plus fouvent une membrane fèche & flafque*, qui eft la dépouille dont elle s'eft tirée pour paroître avec la forme qui lui eft propre. Mes obfervations ne m'ont point appris affez précifément le nombre de jours que l'infecte pañle dans l'état de nymphe; je ne crois pas qu'il aille jamais à plus de quinze, & j'ai eu lieu de juger que fouvent il n'eft que de dix à douze, peut- étre même de moins. J'ai renfermé dans des poudriers les nymphes que j'avois cherchées & trouvées fous le fible, afin que les mouches qui en devoient naître ne m'échappañent pas; j'y ai vû voler celles des unes au bout de trois à quatre jours, & celles des autres au bout de cinq à fix : il me reftoit à favoir le nombre de ceux qui s’étoient écoulés depuis la première transformation, jufqu'à celui où elles avoient été imifes dans le poudrier; les recherches que j'avois faites en différens temps pour trouver des nymphes, ne me permettent pas de penfer qu'il y en ait eu de celles que j'ôtois de defflous le fable, qui fuffent fous cette forme depuis plus de cinq à fix jours: Cette mouche* qui vient dan ver affez petit, né fauroit être d'une grandeur confidérable; fi on s'eft rappelé ce qui afété établi pour règle dans les Mémoires pour fervir à FHittoire des Infectes, ce ver étant de ceux qui ont une tête à figure variable, DES ScrENcCcESs. 417 variable, on aura jugé d'avance que fa mouche ne devoit avoir que deux aïles. Au premier coup d'œil on lui trouve beaucoup de reflemblance avec des mouches de vers tipules : elle a comme celles-ci fix aflez longues jambes, & un’ long corps ; mais quand on lexamine avec quelque attention, on lui trouve des reflemblances plus réelles & plus caractériftiques avec des mouches de vers mangeurs de pucerons : quoique celles-ci aient communément le corps court , il y en a quelques efpèces qui l'ont alongé. Celui des mouches de cæs derniers vers eft rond, quelquefois prefque cylindrique, celui de notre nouvelle mouche a cette même forme: elle n'a point cette efpèce de bouche entourée de plufieurs bar- billons, propres aux tipules ; celles-ci font fouvent parées par de très-élégantes antennes à barbes de plumes; les antennes de la mouche du ver-lion * font femblables à celles des mouches des vers mangeurs de pucerons; elles font courtes, elles confiftent en une tige prefque cylindrique, fur laquelle eft articulé un bouton qui n’a guère que le tiers de la fon- gueur de la tige, celui-ci eft affemblé par une articulation avec une efpèce de palette oblongue de l'extrémité de laquelle fort un très-long poil. La couleur dominante de cette mouche eft un brun de marron clair; c'efl celle de fa tête & de fon corcelet, mais les anneaux de fon corps n'ont pas cette feule couleur, ils font bordés de jaunâtre : le ventre n'a point de jaune, il eft par- tout d'un brun rougeitre; les quatre premières jambes font entièrement d'un jaune très-pâle, les deux dernières beaucoup plus grandes que les autres, font plus rougeîtres & ont des teintes-de brun en quelques endroits. a été près de la fin de Juin que me font nées les pre- mières mouches des vers-lions que j'avois reçûs à la fin d'Aoùût de l’année précédente; plufieurs alors étoient fort petits, & plufieurs d'une grandeur au deffus de la médiocre. Il y a donc toute apparence qu'il n'y a chaque année qu'une génération de ces mouches; & ce n’eft encore que dans le ças où les vers font bien nourris; mais lorfqu'on leur fait faire Mëm. 1753. . Geg * Fig. 13, ae 418 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe de trop rudes & trop longs jeûnes dans les mois où fa tern- pérature de Fair eft au moins douce, fi le befoin de manger ne les fait pas périr, leur transformation en nymphe en eft retardée jufqu’à l'année fuivante, & s'ils font traités aufli mal pendant cette feconde année, leur transformation eft reculée jufqu’à la troifième année. EXPLICATION. DES AIGURES: Lzs figures 1, 2, 3 é 4 repréfentent le ver-lion à peu près de grandeur naturelle, & chacune le montre différemment contourné. Ces attitudes font celles qui lui font le plus ordinaires ; il prend un grand nombre d’autres courbures moyennes entre les précé- dentes. La figure 5 Je fait voir du côté du dos, étendu en ligne droite, attitude qu'il ne prend guère après avoir été tiré de fon entonnoir, que lorfqu'il a refté quelque temps pofé fur un plan au deffous duquel il ne peut pénétrer. Dans les figures 6, 7 ér 8, le ver eft repréfenté groffi au microfcope, & étendu en ligne droite comme dans la figure 5. Dans la figure 6, c’eit le dos qui eft en vüe; il paroït de côté ou de profil dans la fgure 7, & on en voit le deffous ou le côté du ventre dans la figure 8. Les mêmes parties font indiquées dans ces différentes figures par les mêmes lettres. a, la tête. Dans les figures 6 à 8, les deux dards avec lefquels l'infecte perce la proie dont il s’eft faiff, & qui lui fervent pour fe tirer en avant, y font portés en devant de la tête. Dans la figure 7, les dards, fa tête elle-même & Ie premier anneau font rentrés dans le fecond. P, la partie poftérieure terminée par quatre appendices qui lui donnent quelque reflemblance avec une main ouverte qui n’auroit que quatre doigts écartés les uns des autres, g (figures € 7 7) Vanus. SJ (figure 6) les deux ftigmates poftérieurs. r (fgures 7 à 8) poils longs & roides. am (figures € à 7) eft un mamelon creux dont le contour D #51181C 17 EN CEis 419 du bord eft garni de poils courts & roides qui peuvent faire la fonétion de petites épines pour aider le ver à re- tenir fa proie. Les bords mêmes du mamelon y peuvent fervir; ils font capables de tenir très-ferrée Ia partie dont ils fe font faifis: c'eft ce qui m'a été prouvé par la réfiftance confidérable qu’on éprounvoit en voulant faire fortir d’un de ces mamelons un petit grain de fable entré dans fa cavité. La figure 9 montre un entonnoir creufé dans le fable: un ver- lion 4, p, paroït comme un petit bâton dans cet entonnoir, ayant fa partie antérieure 4, & fa partie poftérieure p, cachées fous le fable. La figure ro repréfente un autre entonnoir dans lequel eft tombée une fourni dont {e ver-lion s’eft rendu maître ; f: la fourmi; le ver z lui fait de fon corps une ceinture, & ïl eft occupé à le fucer; g, fourmi qui tâche à grimper au haut de l’entonnoir. La figure 1 1 eft la coupe d’un entonnoir femblable à celui de la figure précédente , qui fait mieux voir comment la partie anté- rieure 4 du ver s’eft entortillée autour de fa fourmi ff, & com- ment la partie poftérieure p du ver eft pofée fous le fable, où à caufe de fa courbure elle donne un appui au ver contre les ef: forts de la fourmi, qui ne fauroient le retirer en enhaut fans lui faire foûlever une mafle de fable trop confidérable, La figure 12 eft celle d’un fourreau de nymphe de ver-lion, qui repréfente très-bien Ja nymphe, & qui de plus fit voir en 1, l'ouverture :par laquelle la mouche eft fortie; en £ eft la peau que le ver a quittée lorfqu'il s’eft transformé en nympbhe : elle y eft pliffée. y La figure 13 fait voir la mouche fous la forme de quelle pa= roît le ver-lion après fa dernière transformation. a,a, antennes de [a mouche. Gegi 420 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE OUBSE RAT. diO N D'UXPASS A GED EMMERCURE SUR LE DISQUE DU SOLEIL, Le 6 Mai 1753 au matin. Par M. PINGRéÉ. Te fait cette obfervation au Mont-aux - Malides près Rouen: par des opérations trigonométriques plufieurs fois réitérées, j'ai trouvé de lieu duquel j'obfervois plus fep- tentrional que la Cathédrale de Rouen d'environ une minute un dixième, & plus occidental de 3 fecondes de temps feu- lement. J'avois réglé ma penduleles jours précédens par des hauteurs correfpondantes du Soleil, & par des fignaux qui n''étoient donnés de l’obfervatoire de M. le Cat: on m'en donna le jour - même de l'obfervation à midi. Le 6 Mai au matin, nous primes toutes les mefures poffibles, M. Bouin, Chanoine Régulier de l'églife de Saint Lo, à Rouen, depuis Membre de F Académie de la même ville, & moi, pour faire le plus d'obfervations qu'il nous feroit poffible: nous n’étions pas riches en inftrumens ; deux lunettes, June de 5 pieds, l'autre de 4 & quelques pouces, conflituoient prelque tout notre Obfervatoire. Pour en tirer le meilleur parti , nous les avions garnies de réticules formés par quatre fils s'entre-coupant exactement à angles de 45 degrés : ces lunettes étoient excellentes, & elles ne pouvoient ne pas l'être, étant de la façon du fieur Canu Opticien, & Membre de lAca- démie de Rouen; les oculaires avoient tout au plus un pouce de foyer. le ciel fut auffi ferein que nous pouvions le defirer ; mais un vent très-vio'ent penfa déconcerter tous nos projets : pour ne point nous éloigner de la pendule, & cependant pour être Mem. de l'Ae. R dei Se.1753. Pag. 420, Pl 17: Fig. 3. Pig. 2 Fi. 7 ram del & fe id DES SCIENCES. 421 moins expofés à la violence du vent, noûs fumes contraints d'obferver dans un lieu , & dans une pofture extrèmement incommodes, nonobftant ces précautions, le vent dérangeoit fouvent les lunettes ; lorfqu'il nous laïfloit un peu derelâche, nous avions foin d'imprimer une marque particulière aux obfer- vations que le vent fembloit m'avoir pas dérangées. Ayant arrangé fur une carte ou figure toutes les obfervations, mar- quées de ce figne, elles nous ont paru s’accorder aflez bien, excepté peut-être une ou deux ; les petites irrégularités que nous y avons trouvées, ayant pü manifeflement être occa- fionnées par moins d’une demi-feconde d'erreur dans le temps des obfervations. Je crois pouvoir joindre ici trois ou quatre obfervations, qui ne font point, il eft vrai, affectées du figne favorable; mais dont le rélultat s'accorde trop bien avec celui des autres, pour pouvoir les foupçonner d'erreur : le vent avoit agité l'infrument, mais ne l'avoit pas apparemment dérangé. M. Bouin obferva d'abord le pañlage de Mercure & des deux bords du, Soleil par le fil horizontal, & par le fil ver- tical du réticule de fa lunette; mais foit que l’objet fur lequel il régloit la pofition du réticule ne füt pas parfaitement vertical, {oit qu'il füt trop expolé à l'aétion du vent; les pofitions de Mercure déduites de ces obfervations font trop difparates, Pour que j'en puiffe faire ufage. 1 Je donnoïs à mon réticule une pofition telle qu'un des fils fût parallèle à l'Equateur ; ce que je reconnoiflois lorfque Mercure à la première obfervation, ou une tache affez ap- parente vers le bord oriental du Soleil aux obfervations füi- vantes avoit exactement fuivi le fil parallèle, J'ai trouvé que cette tache avoit 12° 32" d'afcenfion droite plus que le centre du Soleil, & qu'elle étoit plus feptentrionale de 3’ 43" à 8 heures préciles. I Mercure pale au fil horaire à. . : . $* 16! 40" La rache eft au même fil à. . . . . $. 17. 10 La tache au fil oblique à . . . , . 5. 17. 262. Ges ü) 422 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE MERCURE { MERCURE | MERCURE | La TACHE au au au au 1er filoblique. | fil horaire. |, 24 fil oblique. | fil horaire. Oblervations. - | TE |$ 24 Oil ee 40 5: 24 54515. 25. 9 LL Ac a EL SNS ME EUI| 05 NES PV] 181004 3: 40, 35 |5.140. 154 |5. 41. 107 NA ANROTIL 28 Ms 243. %010/60 431 2025430037 VI. |$. 49. 44515. 50. 4215. 50. 24215. 50. VII. |5. 56. 42 |5- 57- UN i20 A CM nono : . 116. 12. 28 en baditie tra . 40. 13516. 40. 40 JÉIQ EME SRE à ADMET REIE 590 RE L . . 46. C'eft ici la dernière de mes obfervations. Entre fept heures & demie & huit heures, j'ai obfervé la pofition de la tache qui m'avoit dirigé, & j'ai déterminé fon lieu fur le difque du Soleil ainfi que je l'ai dit ci-deflus : ma lunette étant devenue trop longue pour le lieu où nous obfervions, je me fuis mis à la pendule, & M. Bouin a continué d'ob- ferver en faifant fuivre au bord inférieur du Soleil un des fils du réticule. DES SCTÉÈNCES 453 MERCURE |Bordprécédent| MERCURE MERCURE | Bord fuivant NUMERO‘ à du Soleil au au du Soleil des un fil oblique.| au fil horaire. | fil horaire. 24 fil oblique. | au fil horaire. Obfervations. nu SAM slam Sam s \4 M NS HANONTT 0. —_— | ——_— | ————…—…—…—…—…—— | ——— |——— La hauteur du Soleil augmentant toûjours, il n'étoit plus pofible de jouir du réticule; cependant pour ne point perdre le temps qui reftoit jufqu’à la fortie de Mercure, M. Bouin plaça fa lunette au hafard; de manière cependant, qu'il püt obferver le pañage de la Tache & celui de Mercure par trois fils du réticule. Mais il étoit dans une fituation trop gégante, pour qu'une telle opération lui réuflit : voici la plus tolérable des obfervations qu'il fit par cette méthode; le centre du réticule étoit entre les deux routes, XXVIIL Mercure à un fil à oh 56° 23” àun 2efdlà 9. $6. 41 äunzefilà 9. 56. 524 La Tache un fl à 9. 58. 1 àun 2efilà 9. 58 32 àun 3 flà 9. 59. 26 Je ne manquai point d'Oblervateurs pour la fortie de Mercure, mais il fallut obferver en plein air pour employer de grands inftrumens: M. Bouin, avec une lunette de 17 x pieds, m'avertit du premier attouchement des bords à 104 424 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE 14 17"+, & du dernier à 10h 16° 38". Un Confeiller au Parlement, avec une lunette de ro pieds, détermina les mêmes inftans : un autre Confeiller, avec une moindre fu- nette, m’annonça la fortie entre 1 oh 20’ 14" & 10h 16’36": tous {e plaignoiïent de l'agitation de léurs lunettes par le vent. M. de Prémagny, Secrétaire de l'Académie de Rouen, feul à l'abri, avec une lunette de 6 pieds à quatre verres, marqua Île commencement de la fortie à 14° 16”, & la fin à 1 6° 40”: tous s'accordent à mettre la fortie du centre à ro" 15° 28". M. le Cat à Rouen, avec une lunette de 12 pieds, fixa la durée de la fortie entre 10" 13° 53" & roh 16° 26", ce qui donne la fortie du centre 19" + plus tôt que nous ne l'avons vüe; différence qui m'étonne d'autant plus, que nos pendules étoient réglées l'une fur autre à trois fecondes près, à caufe de la différence des méridiens. J'étois moi-même à ma pendule, & je fuis für d'avoir marqué exaétement. Pour déduire de nos obfervations les circonftances principales du paflage de Mercure fur le difque du Soleil, j'ai d'abord calculé Je mouvement de la tache fur le difque du Soleil ; ce mouvement commençant à devenir très-fenfible, puifqu'il étoitde plus de 5” + par heure. Ayant trouvé le lieu de a tache pour tous {es inftans auxquels j'en avois befoin, j'ai conclu la différence d’afcenfion droite & de déclinaifon entre Mercure & le centre du Soleil, à l'heure de chaque obfer- vation du paflage de Mercure par le fil horaire: fuppofant enfuite la parallaxe du Soleil de 10 fecondes, & par confé- uent celle de Mercure de 18 fecondes, j'ai diminué ou augmenté les différences trouvées proportionnellement à l'effet que la différence des parallaxes devoit produire dans les af- cenfions droites & les déclinaifons; voici le réfultat de ces calculs. La déclinaifon de Mercure, à l'égard du centre du Soleil, a toûjours été méridionale: fon afcenfion droite, orientale dans les huit premières obfervations, & occidentale dans celles qui ont fuivi la neuvième; à la neuvième; Mer- cure paroifloit à l'Orient du centre, mais il étoit réellement à l'Occident, du moins felon cette obfervation. NumErQ HEURE |Différence , Différence vraie. Différence vraie. M. Sue ar NO ACER ST RS RL EE St EL -o 0e elo o -pwls A QU = Us Û es ] œ NN N A à on ha hi D lu D Rp RD R|R D = = 0/0 o . CCR AN RS RE RUE TA Jai choiïfi entre ces obfervations, les fept premières & les fix dernières comme les plus diftantes, & par conféquent les 1 P dl plus propres à fournir des réfultats certains ; je les ai combinées Mém. 175 3° . Hhh 426 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE en plus de vingt manières différentes; j'ai exclu des réfültats, ceux qui s'écartoient trop des autres, tels que ceux qui dé: pendoient principalement de la dédié lon de la vingt-fixième obfervation ; j'ai pris le milieu entre les autres rélultats ; en réduifant les diflances géocentriques en héliocentriques j Jai fuppolé le rapport des diftances de Mercure au Soleil & à la Terre, tel que le donnent les Tables de M. Halley, comme 45327 À 55679. La conjonction de Mercure avec le Soleil en afcenfion droite, ef arrivée à 6h 40’ 27", la déclinaifon de Mercure [2 étant alors de 2° 39,5. L'angle de lorbite de Mercure avec le cercle de décli- naifon, paflant par le centre du Soleil au moment de Ia conjonction , étoit de 624 44 o"; mais l'angle du cercle de déclinaifon avec celui de latitude, étoit de 164 $0° 43"; donc angle de l'orbite de Mercure avec le cercle de lati- tude, étoit de 794 34’ 43", ce qui donne 104 2 5° 17" pour Yinclinaifon apparente de l'orbite de Mercure à l'écliptique. Le mouvement horaire géocentrique de Mercure fur fon orbite étoit de 4° 1"; fur l'écliptique il n'étoit que de 3° 57"; le mouvement horaire héliocentrique étoit de 4° $6" fur l'orbite, & de 4’ $1",5, réduit à l'écliptique. Ces mouve- mens ainfi déterminés, donneroient Îa fortie du centre de Mercure une minute environ plus tard que nous ne l'avons obfervée: il faut donc fi uppoler, où que ces mouvemens étoient d'une feconde environ plus précipités, ou pluftôt que le mouvement de Mercure étoit accéléré vers la fin de fon pañlage, ce qui ne peut être vrai qu'à l'égard du mouvement géocentrique. Du milieu du pañlage de Mercure à fa conjonction en afcei fion droite, Mercure a décrit fur fon orbite un arc de 1’ 3",1, ce qui donne en temps, 18" 12"; donc le milieù du pañlage fera arrivé à 6h 22° 15", la moindre diflance géocentrique étant alors de 2° 2:",75, & la moindre dif tance héliocentrique de 2° $4",1 De la moindre diftance à la conjonction édliptique, jé D BMSMNSAE TE étang trouve fur l'orbite de Mercure 0" 26",7. Cette diflance, ré- duite en temps, donne 6*°39" =. Mercure a donc été en conjonction écliptiqué avec le centre du Soleil à 6° 28" 44"; Ja conjonction apparente elt arrivée uné minute plus tard ; Mercure avoit alors une latitüde géocentrique vraie de 2° 24", 15, & une latitude héliocéntrique de 2° 57", $ auftrale. L'effet de 11 parallaxe a fait paroître ces latituçes d'environ 6 . fecondes plus fortes. La diftance apparente du lié de la conjonction au nœud de Mercure s'eft trouvée, fur l'écliptique, de 13° 3,7; & cette diftance, à raifon de 3° 57" par heure, donne 3h 18’ 25” entre le pañlage de Mercure par fon nœud & fa conjonction écliptique: Mercure étoit donc en fon nœud defcendant à 3h 10° 19" + Un efpace de 13° 3,7, vû de fa Terre, auroit paru de 16! 2",7,sil eût éfé vü du Soleil. Ainfr au moment de la conjonction de Mercure, la Terre, vüe du Soleil , auroit pau difante du nœud apparent de Mercure de 16° 2°,7; je dis du nœud apparent, car dans tout ce calcul j'ai fuppofé la Terre ou le Soleilimmobile; je n'ai confidéré que le mou- vement de Mercure, relativement à lun ou à l'autre de ces deux aftres : il eft vrai cependant que dans l'efpace de 3h 18’ 25", qui fe font écoulées entre le paflage de Mercure par fon nœud, & fa conjonction, la Terre n'eft point reftée immobile; elle a parcouru 7’ 59" de l'écliptique dans le même fens que Mercure: il faut ajoûter ces 7° 59" à 16" 2",7, diflance apparente déjà trouvée; & Ia diflance vraie entre le lieu de la Terre, au moment de la conjonction, & celui du nœud de Mercure, aura été de 24° 1" + Le lieu de la Terre, au moment de la conjonction, étoit, {elon la Connoïffance des Temps, en m 15447" 31" +, _& la Terre étoit plus avancée que le nœud; donc le lieu du nœud defcendant étoit en m 15423" 30",& par confé- quent celui du nœud afcendant en 8 154 23° 30". Enfin puifque le rayon eft à la tangente de l'inclinaifon vraie de l'orbite de Mercure, comme le + la diftance hhij 428 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE vraie du lieu de la conjonction à celui du nœud, eft à la tangente de la latitude héliocentrique au moment de la conjonction, on trouvera qu'il réfulte de mon obfervation que l'inclinaifon vraie de l'orbite de Mercure à l'écliptique eft de 74 o' 6"; mais il faut avouer que cette opération eft bien délicate, & que la moindre erreur, dans les déter- minations précédentes, en occafionne ici une bien confidérable. On eft bien moins fujet à cet inconvénient, en obfervant Mercure dans {es limites : les erreurs ne fe multiplient point, celle de la détermination du lieu du nœud n'influant même alors en rien fur fa latitude. CAPI HT ; AANOTE MUSCLE IN C'ENS. 429 © COMPARAISON RAISONNEE DES PLUS CELEBRES PHENOMENES DE L'ELECTRICITE, Tendant à faire voir que ceux qui nous font connus jufqu'à préfent, peuvent fe rapporter à un petit nombre de faits qui font comme les fources de tous les autres. Par M. l'Abbé NOLLET. A PRÈS avoir {ü dans nos Affemblées, tant publiques que Mens particulières, fix Mémoires afez amples fur l'Ele@ricité, te publique apres Pa- . . ., EU . EN ; , A Je craignois, fi j'en rifquois un feptième, qu'on ne s'ennuyât ques 1752. de m'entendre toüjours traiter de la même matière. Peu fi- tisfait d’ailleurs des peines que je n'étois données pour vérifier 4 des faits très-importans * dont l'examen ne m'a valu que le regret de les voir s'évanouir, j'avois comme abandonr cette étude pour me livrer à des recherches d’un autre genre. Mais : on parla des expériences de Philadelphie, on en parla par- tout & d'une manière à exciter la curiofité & l'admiration; . jy fus fnfible comme tout le monde, & plus encore par une forte d'intérêt affez naturel aux gens qui entendent agiter des queftions dont ils fe font long-temps occupés: je lûs les lettres de M. Franklin quand elles parurent; je me mis .au fait de fes idées & de fes manipulations; infenfiblement & comme malgré moi, il me prit envie de voir & d’exa- miner les faits contenus dans cet Ouvrage, & de les com- parer avec ceux qui nous étoient déjà connus: je repris done mes tubes & mes globes de verre, & je me mis à électrifer de nouveau, fact de "ai, * Les guérifons d’une infinité de maladies qu’on prétendoit avoir faites £n différens endroits de l’Jtalie par le moyen dePEledricité. Hhk iij 436 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE I! s'en faut bien que je fois au bout du travail que j'ai entrepris; quand on traite une queftion par la voie de l’ex- périence, il eft aflez ordinaire que l'expérience même nous ouvre de nouvelles routes & nous entraîne vers d'autres ob- jets qui font diverfion pour un temps, & qui empêchent que les premières vües ne foient fi-tôt remplies. On verra par la fuite de cette leélure que j'ai été plufieurs fois diftrait par des incidens qui méritoient que je n'y arrêtafle; mais quoiqu'il me refle encore beaucoup à faire, je crois être en état de prouver dès-à-préfent que les phénomènes électriques confidérés philofophiquement, ne font pas en aufli grand nombre qu'ils le paroiflent à la plufpart de ceux qui s'en occupent par curiofité, & qui s'effraient de voir combien ils fe mültplient. Si je fuis aflez heureux pour le prouver : d'une manière bien convaincante, je pourrai me flatter d’avoir rendu quelque fervice à la Phyfique; car s'il eff agréable pour les Savans, & avantageux pour les Sciences, qu'on admire les nouvelles découvertes, je crois auffi qu'il eft dangereux pour le progrès de nos connoïffances, & peu flatteur poux ceux qui travaillent à les étendre, de poufler fon étonnement jufqu'au défefpoir de fe perfuader & d'infpirer aux autres qu'une recherche qu'on ne veut où qu'on ne peut pas faire {oi-mème, eft au deflus des efforts de l'efprit humain. C’eft pourtant ce que nous voyons arriver tous les jours au fujet de l'électricité : frappé de la multiplicité des faits & de leur fmgularité, on na pas le courage d'en chercher les caufes; on fe perfuade même & l'on fe plaît à dire qu'il feroit inu- tile de lavoir; cela vient, je penfe, de ce que la plufpart de ceux qui fe conduifent ainfr, ne connoiffent ces nouvelles merveilles que par le bruit public qui exagère tout, qui change tout, qui confond tout, ou pour Îles avoir vüs en forme de fpe‘tacle, & avoir cru mal-à-propos qu'on leur multiplioit les phénomènes lorfqu'on ne faifoit que varier les procédés. Ce que l’on nomme Æ rableau magique, d'après M. Fran: klin, & que tout le monde semprefle de voir depuis trois | DES SCIENCES, 431 mois, eft un exemple que je puis citer pour preuve de ce que j'avance : combien de perfonnes fe font imaginé & s'ima- ginent encore, que c'eft une nouveauté réelle ? Cependant aux yeux d'un Phyficien, tant foit peu au fait de la matière, ce n'eft que l'expérience de Leyde, dans laquelle, au lieu d'une bouteille en partie pleine d'eau, on emploie un grand ‘ carreau de verre enduit de part & d'autre avec des feuilles de métal : l’eftampe qui le couvre & dont il tire fon nom, n'eft qu'un voile qui cache l'appareil, pour rendre l'effet plus myftérieux. Au commencement de l'année 1746, M. Mufchenbroek, en nous faifant part de ce phénomène qui eft devenu f fameux depuis, & que tout le monde connoît aujourd’hui fous le nom d'expérience de Leyde, nous apprit en même temps, que le fuccès en étoit plus für & plus grand lorfque - la bouteille étoit touchée extérieurement par un corps animé, ou pole fur un fupport de métal ; j'examinai auffi-tôt cette nouvelle découverte, par des épreuves multipliées & variées de toutes les manières que je pus imaginer, & au mois d'Avril fuivant, rendant compte de mon travail à l'Académie, je me crus dès-lors en droit d'avancer la propofition que voici: « dans l'expérience de Leyde, tout confifte à communiquer une forte électricité au verre; or tout ce qui s'applique exactement à la furface intérieure du vaifleau, tout ce qui peut ménager un mouvement libre aux rayons de matière électrique fera plus propre qu'autre chofe à cet eflet. » -Cela fe vérifia un an après par de nouveaux procédés, dont M. Jallabert me fit part avant de les publier, comme il Ja fait depuis par la voie de limpreffion : on peut voir en lifant le vive chapitre de la première partie de fon livre, que dès l'année 1747, il éleétrifa des miroirs & des carreaux de vitre, en les plaçant entre deux métaux, ou bien entre un métal, & un corps animé, & qu'il s’en fervit pour faire reflentir de rudes commotions à ceux qui vou- lurent l'éprouver. On ft donc par-là avec toute la certi- tude poflible, que la forme du verre n'étoit point effentielle « Mén. Acañ, 1746, € p, 6, LC 432 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE au fuccès de l'expérience, & qu'une couche de métal appli- quée à l’une des fürfaces pouvoit faire aufft-bien & même mieux que l'eau qu'on met ordinairement dans la bouteille, c'eft-à-dire, rendre le verre plus propre qu'il ne left de lui- même à s'éleétrifer par communication. Rendons cependant juftice à M. Franklin, (& au docteur Bevis, qui avoit fait avant lui tout ce qu'il y a d'efféntiel dans le tableau magique *) fon procédé me paroît plus réfléchi, plus conféquent & plus für que tout ce qu'on avoit tenté auparavant pour forcer les effets de l'expérience de Leyde, quoiqu'il ne nous dife point pour quelle raifon il's'eft déter- miné à dorer un grand carreau de vitre deflus & deflous, en prenant foin de réferver une bordure large de quelques doigts tout autour, où le verre reftät nu de part & d'autre, je ne puis croire que cela fe foit fait fans deflein ; je trouve plus raifonnable & plus honnête de penfer, que la bordure de verre non dorée a été pratiquée pour répondre à la partie de la bouteille qu'on doit laïfler vuide au deflus de feau, & qu'on toucheroit fort inutilement par dehors, quand on veut répéter l'expérience de Leyde avec commotion. Un grand carreau a paru préférable à un petit, fans doute parce que l'on favoit à Philadelphie comme en Europe, qu'une bouteille fort ample & mince, réuflifloit mieux que celle qui l'étoit moins. Il eft vrai pourtant que dans les principes de M. Franklin on devoit fe contenter d'obferver la bordure non dorée à celle des deux furfaces qui reçoit l'élefricité du conduéteur , car f1 le fluide éleétrique ne peut traverfer Yépaiffeur entière du verre, comme ce Phyficien le prétend, fi la furface oppofée à celle qu'on électrile, ne peut que perdre fon feu à mefure que l'autre s'en charge, à quoi bon ifoler le métal dont elle eft couverte? Je fuis fiché de voir qu'un auffi habile homme ait pris le parti de croire que le verre eft abfolument imperméable à * Voyez dans les Tranfaétions philofoph. un Mémoire de M. Watfon, Iû à 1a Société Royale le 21 Janvier 1747, fous ce titre que je traduis gn françois: Recherches fur la nature 7 Les propriétés de l'E'leétricité. Di -Eù SU 1S2C 4 E :Ni G E IS. 433 Ja matière électrique, & que lui ou fes Editeurs traitent d'Olférvateurs fuperfriels, ceux qui ont embraffé l'opinion contraire : {1 je n’avois que des plaintes à former contre cette expreflion, j'attendrois une autre occafion que celle-ci pour en parler; mais le point de Phyfique dont: il s'agit, eft im- portant en matière d'électricité : :&aux faits que J'ai cités en différens temps, pour prouver que le feu électrique pafle réellement à travers le verre, j'en puis maintenant ajoûter d’autres qui m'ont paru mériter l'attention de l'Académie & du Public. Dès la première fois que j'éleétrifai un morceau de verre mince & plat, préparé comme je fai dit ci-deffus, je compris de la manière fuivante le méchanifine de cet effet. La feuille de métal appliquée d’une part au conduéteur & de l'autre au verre, communique à celui-ci l'électricité qu'elle reçoit à caufe de l'étroite union qu'elle a avec lui, & parce que le fluide qui coule rapidement dans les pores du métal, & qui cherche à paffer plus loin, preflé par celui qui le fuit, trouve plus .de facilité à pénétrer dans l'épaifleur du verre qui eft mince, qu'à glifler entre l'air & les bords de ce même verre, qui ont un ou deux pouces de largeur. La diffculté de faire pafler la matière électrique au travers du verre diminue encore confidérablement par d'application intime d'une autre feuille de métal à la furface oppofée. Le premier enduit facilite limmerfion du fluide électrique dans le verre, fon émerfion eft aidée par le fecond; car ce nouveau milieu beaucoup plus pénétrable pour lui que ne left l'air de latmofphère, qu'on peut regarder (en matière d'éleétricité } comme étant de la nature du verre, le reçoit &: le retient dans fes pores, jufqu'à ce qu'on préfente: à quelque endroit de cet enduit métallique un. corps: que le fluide puifle enfiler avec facilité, & qui lui permette de fuivre.la rapidité du mouvement dont il eft animé par le globe & par le conducteur. Le trait de fe qui paroît alors, n'eft pas le produit d'un feul filet de matiëre électrique qui pañle direétement d'une fuface à J'autre du verre; à leudroit où on le provoque: Mém. 1753. In Mém. Acad, 1746, p. CŸ frivanres. 434 MÉMOIRES: DE L'ACADÉMIE RoYaALE je le regarde pluflôt comme un aflemblage de rayons, qui de toute ka furface, & peut-être des deux en même temps, fe précipitent vers le petit efpace, où leur mouvement fe trouve facilité. Je pente de la même manière pour tous les corps d'une certaine étendue, qu'on éleétrife par communi- cation , & qu'on fait étinceler avec le bout du doigt, ou autre- ment : on peut voir fur cela des explications plus détaillées dans un de mes Mémoires imprimés dans le volume de 1747. Je ne raifonnois alors que par conjectures & en failant valoir l'opinion qui me paroifloit la plus probable; maintenant j'ai une preuve à produire qui me femble décifive, c'eft qu'il m'arrive fort fouvent, lorfque je rends les étincelles affez fortes pour percer un carton, qu'au lieu d'un feul trou, j'en trouve pour chaque épreuve deux, trois, & quelquefois quatre. Voilà, je penfe, comment la matièreéleétrique peut s'élancer en aflez grande quantité du verre électrilé entre deux enduits: de métal: je n'ajoûterai rien ici touchant l'explofion qui fe fait lorfqu'on fait communiquer le verre éleŒifé avec le conduéteur par le moyen d'un corps ou d’une fuite de corps: de la nature de ceux qui s'éleétrifent facilement par voie de communication : Je m'en tiens à ce que j'en ai dit en 1746, lorfqu'ayant examiné l'expérience de Leyde nouvellement découverte, j'en rendis compte à l'Académie ; tout ce que Jai eu occafion de voir depuis ce temps-là touchant l'élec- uicité, bien loin de me faire changer d'opinion, m'a fourni au contraire de nouvelles preuves qui me la rendent de jour en jour plus plaufible. Mais j'ai promis de nouveaux faits pour prouver que le verre eft perméable à la matière élec- tique; il eft temps de les produire. Je pris un récipient de machine pneumatique, d'une forme à peu près cylindrique , ayant près de quatre pouces de dia- mètre, dix de hauteur, terminé & ouvert en fa partie {u- périeure par un goulot femblable à celui d'une bouteille. Je fis pafler dans ce goulot le col d’une de ces bouteilles minces: de verre, qu'on nomme foule à médecine, & je Vy arrêtai avec du maftic, de manière que le ventre de la bouteille {e DMELSL, $C LE N:C Es: trouvoit en dedans, & fon orifice au niveau de celui du ré- cipient; la jonction étoit aflez exacte pour ne donner au- cun pañage à l'air extérieur; & entre les deux vaifleaux il y avoit un efpace de trois quarts de pouce : ayant établi cet appareil fur la platine d'une machine pneumatique, & ayant raréfié l'air du récipient , autant qu'il me fut poflible, je mis de l'eau dans la bouteille à peu près jufqu'aux trois quarts de fa capacité, & j'y conduifis l'éléctricité avec une tring'e de fer & un bout de fil d'archal qui pañloit au travers d’un bouchon de liége, comme dans l'expérience de Leyde. / Voyez la figure premiere). On n'eut pas pluftôt commencé à éleétrifer, que la bou- teille & l'intérieur du récipient brillèrent d’une manière ra- viflante: mais la lumière qui formoit ce beau fpectacle dans lobfcurité, n'étoit point diflufe ni répandue uniformément dans tout fefpace; on la voyoit très-diflinétement fe t:- mifer, pour ainfi dire, du dedans au dehors de la bouteille, former en plufieurs endroits des cones lumineux, dont la bafe appuyée au ventre: de la bouteille, fembloit former un foyer à quelque diftance de à, après quoi chaque jet, venant à rencontrer la furface intérieure du récipient, fe divifoit en plufieurs ruifleaux de Ja plus vive lumière, qui fe précipitoient de haut en bas, jufqu’à la platine de la machine pneumatique. Je ne puis mieux rendre cet eflet, qu'en le comparant à celui que feroit vrai-femblablement un phofphore liquide qui, forcé de couler rapidement parde petits trous pratiqués à da bouteille, continueroit de fe répandre en plu- leurs petits jets ferpentans dehaut en bas, après avoir été fe brifer contre a paroi du récipient ; avec .cette différence cependant que dans mon,expérience, la plufpart des jets de lumière, qui patent de la bouteille, &qui en coulent avec continuité, changent de place perpétuellement, & font: voir de mème ceux qui {e xépandent fur le verre du récipient: onen remarque néanmoins de temps en temps quelques: uns qui femblent fe fixer, & j'imagine que ce font ceux qui xencontient quelques pores plus :ouverts dans l'épaidleur de ; | j Hi 436 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE la bouteille , où qui répondent à des émanations plus fortes & plus conflantes de fa part du fil de fer plongé dans la bouteille, Je dois ajoûter encore qu'ayant foûtenu pendant quelques temps l'électrifition, le vaifleau extérieur fur le haut duquel j'avois tenu une main appuyce, prit aflez de vertu par le feu éleétrique dont il étoit touché intérieurement, pour me faire fentir une vive commotion quand je touchois le conducteur’ avec l'autre main, Quand on a vü ce que je viens de rap- porter, fi lon s’obfline à dire que te fluide électrique ne pañle point au travers du verre, il faut que la prévention foit abfolument invincible. Avant de paflér à une autre preuve, il me refte encore à expofer quelques ciréonftances affez intéreffantes du fait que je viens de rapporter. Ces écoulemens lumineux, qu vont d'a- bord avec tant de rapidité, perdent peu à peu de ! ‘eur fplen- deur & s'éteignent enfin tout-à fait, quoiqu'on prenne foin de foûtenir jé vuide au même degré dans le récipient, & l'électricité de la part du globe: alors fi lon donne quelques coups de pifton', quoique le vuide n’en augmente point , à en juger par le ‘mercure d’un baromètre d'épreuve, on fait. renaître dans le récipient des élincémens de lumière inftan- tanée; & aflez fouvent les premiers effets qui avoient dif- paru, fe raniment pour quelques inflins. En général, feux fe foûtiennent plus conflamment & avec moins de va- riations quand le rccipient eft Joint avec de à cire mofe à la platine de la machine pneamatique, que quand on fe fert d'un cuir mouillé, felon là pratique ordinaire; c'eft apparem- ment parce que dans ce dernier cas, lhumidié du cuir, attirée par la bouteille, change l'état de fa furface, engorge fes pores, &c. comme cela fe conçoit aifment. J'ai remarqué encore que les écoulemens de matière en- flimnie , qu'on voit fe précipiter de haut en bas, font plus marqués, & fubfiftent plus long-temps quand on fait l'ex= périence avec un récipient de 8 ou ro pouces de hauteur, que quand on en einploie un plus long; il y a toute piEUS" 2820 4 .E INI GES apparence que ces feux font animés par le choc de fa matière électrique qui vient de la platine de métal à la rencontre de celle qui émane de la bouteille, & que ce choc diminue ainfr que les effets qui s’enfuivent, à mefure qu'on augmente da diftance entre les deux corps d'où procèdent ces deux cou- rans de matière, Lorfque les feux de la bouteille & ceux du récipient font éteints, le vuide fubfiftant, on les ranime, maïs fous d'autres formes, en tirant des. étincelles du conduéteur, ou en tenant a main appuyée fur l'endroit où le col de la bouteille eft cimenté au récipient. Par le premier moyen, je veux dire, en faifant étinceler la verge de fer qui conduit l'élericité la bouteille devient entièrement lumineufe , & repréfente on ne peut pas mieux le feu des éclairs; par le fecond, on fait couler du col de la bouteille ou pluftôt du maflic qui la * joint au goulot du récipient, une infinité de -ruifleaux de h plus vive lumière, qui tombent le long du verre & qui fe répandent dans le: vuide : outre cela on voit. naître en plufieurs endroits du ventre de la bouteille des aigrettes permanentes d’une lumière plus foible, mais à laquelle on ne diftingue point de rayons comme:à celles que l'électri- cité produit en plein air. {Voyez la fig. 2.) »* Enfin il arrive fouvent, quand l'électricité eft foite, que la bouteille éclate fans fe cafler, & dans ces inflans.elle paroït uniformément pleine d'une lumière extrêmement vive & ferrée, & dont la couleur tire un peu au violet, Comme il me reftoit quelque fcrufule fur cé que le récipient & la bouteille étoient de deux pièces, joimés en- femble par une matière diffreme qu'on : auroit peut - être foupçonné d'avoir quelques part: aux effets dont je viens de faire mention, je recommençai plufieurs fois la même éxpé- rience avec une efpèce de fiole cylindrique, qui avoit en- viron 9 pouces de‘haut, 2 pouces L:de dimètre, & dent le’cul rentoncé de près de 3: pouces, récevoit futceflivement de l'eau, du mercure où telle autre liqueur que: Je: voulois employer. J'ai vûravec ce nouveau: Vaifleau-tout:.ce que iii 438 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe j'avois obfervé avec le premier; ou s'il s'eft trouvé quelques variétés, elles ne changeoient rien à la nature des faits. En voici un qui prouve encore inconteftablement, felon moi, que le fluide éleétrique fe filtre facilement au travers d'un verre mince, ou dont l’épaifleur n'eft point augmentée par quelque matière dans laquelle il ait peine à pénétrer. Lorfque je lus dans l'ouvrage de M. Franklin, que pour faire l'expérience de Leyde, il falloit que le feu électrique pañlât d'une furface du verre à l'autre, par le corps ou par la fuite des corps qui établit une communication entre elles, je trouvai cette idée ingénieule, & même aflez vrai-fem- blable, eu égard à quelques-unes des expériences fur lef- quelles elle eft appuyée, & à certains faits qui me revin- rent dans lefprit: mais cette opinion fuppooit que le verre étoit imperméable à la matière électrique ; elle paroifloit même avoir pris naïflance de cette fuppofition, &. j'avois déjà des preuves palpables du contraire. I me parut plus facile d'interpréter dans mes principes ce qui fembloit favo- rifer a prétention de M. Franklin, que de la concilier avec des faits qui la détruifoient évidemment. Dans un Mémoire que je lus en 1747, & dans lequel j'ai expolé les circonftances favorables & nuifibles à l'électri- cité, j'ai fait voir par une expérience dont le détail eft affez curieux, que les aigrettes lumineufes quon voit commu-- gent de forme & perdent prefque toute la divergence de leurs rayons, lorfque la partie du fer d'où elles s'élancent aboutit dans de vuide; l'inflrument dont je me fuis fervi pour cela, étoit une bouteille de verre à deux goulots diamétralement oppolés, dont d'un étoit cimenté à la verge de fer, de manière que le bout de cette verge s’avançoit jufqu'au milieu du vaifleau , & l'autre orifice étoit garni d'un robinet par le moyen duquel on pouvoit faire de vuide & le con- ferver dans la bouteille. Je ne püs point faire cette expé- rience fans n'apercevon que le verre devenoit : fortement élefique, & qu'il le devenoit affez pour faire reflentir une Mén. Acad. 2 / Ve 1747:p.188 nément au bout d'une verge de fer éleétrifée, chan Ÿ Juvantes. d Eust\Sr.e 1 E Nt C ms: 439 forte commotion à ceux qui le tenant d'une main, excitoient avec l'autre une étincelle du conduéteur. Quand je n'aurois eu que cet effet à me rappeler, il auroit fufft pour me rendre fufpecte l'opinion de ceux qui prétendent que le fluide éleétrique ne traverfe point fépaif- feur entière du verre, & qu'on ne peut faire l'expérience de Leyde, qu'en établiffant une communication extérieure entre les deux furfaces: je dis, pour me la rendre fufpecte, car à la rigueur on pouvoit m'objecter que la verge de fer avancée de quelques pouces dans l'intérieur du vaifleau, quoiqu'elle ne le touchät point, fervoit à former cette com- munication f+ eflentielle de la furface interne avec celle du dehors; je fongeai donc à prévenir cette difficulté, & pour cet effet je pris un de ces matras de verre mince, dont on a pompé l'air & fcellé le col hermétiquement pour les rendre lumineux, en les frottant avec la main dans un lieu obfcur. Je fis entrer le col de ce vaifleau dans un canon de fufil que je fufpendis avec des cordons de foie, comme il eft re+ préfenté par la troifième figure, & je fis électrifer le tout. À peine eut-on commencé que je vis le fluide électrique couler rapidement & fans difcontinuer, du canon de fer dans Yintérieur du matras, fuivre les mouvemens de ma main quand je lapprochois d’un côté ou de Yautre, remplir tout le vaifleau d’une lumière diflufe & très-vive quand je tirois une étincelle du canon, augmenter & s'animer de nouveaux feux lorfqu'on approchoit le doigt du métal vers le bout oppolé au col. Outre ces effets qui fe pafloient en dedans, on failoit étinceler de toutes parts la furface extérieure du matras éleétrifé, en y préfentant un corps non éleétrique; & fi ce corps étoit animé, le fluide lumineux qui en fortoit vifiblement , fe répandoit comme une vapeur dans lépaiffeur du verre jufqu'à une certaine étendue. J'appliquai la paume de la main à la fürface de ce vaifleau; & je fentis dans toute la partie appliquée de petits picote- mens, lefquels , felon toute apparence, étoient autant de petites étincelles produites par le choç des deux matières, je veux 440 MÉMOIRES DE LV’ACADÉMIE RoYALE dire, celle qui étoit pouflée du dedans au dehors par les pores du verre, & celle qui venoit.de la main non éledri- que, vers de corps cleétrifé. Ayant tenu la main ainfi appli- quée pendant quelques inflans, je préfentai l'autre au canon du fufil pour en tirer une étincelle, & je fus frappé comme on l'eft ordinairement dans l'expérience de Leyde, & comme je m'y attendois bien. D'autres que moi l'ont éprouvé depuis, & n'ont pas pà difconvenir qu'on ne fentit de terribles com- motions, fans avoir affaire aux deux furfaces du verre. Parmi nombre de corps que j'ai éprouvés fur un carreau de verre enduit de métal, pour favoir ceux qui feroient le plus aifément percés par l'étincelle électrique, je n’en ai pas encore trouvé qui réufliffent mieux que le papier & le carton; mais en fuivant ces expériences dans le détail defquelles je ne puis entrer maintenant, j'ai prefque toüjours obfervé que le plus grand effort fe fait à la partie qui touche le verre enduit: J'en juge premièrement par l'ouverture du trou, qui eft plus grande en cet endroit, & qui va toüjours en dimi- nuant jufqu'à l'autre furface; fecondement par la couleur qu'on aperçoit communément autour de cette ouverture: fi c'eft un corps combuftible, fes environs font rouflis & à demi- brûlés, & fi c'eft un corps plus dur, comme du verre, par exemple, on le trouve aflez communément taché d’une petite portion de l'enduit métallique enlevée au carreau électrifé; troifièmement enfin par une bavure, qui fe voit prefque toüjours à la partie du trou la plus éloignée du verre. Ces trois efets rapprochés m'empèchent de croire que le trait de feu qui perce ainfi une main de papier, qui tache ou qui brife un morceau de verre mince, foit uniquement dirigé vers le carreau de vitre fur lequel tout cela fe pafle, & que cette matière enflammée s'y précipite, pour fe répandre dans la furface que l'on prétend en être épuifée, & qui pourtant p'en a pas l'air, à en juger par tous les fignes déssee qu'elle montre. Mais fi le trait de feu qui perce ainfi des corps folides; n'a point fon action dirigée vers le verre électrilé , comme il DES SCIENCES. 441 il me femble qu'on en doit convenir, après les trois obfer- vations que je viens de citer: il faut donc néceffairement qu'il vienne de ce verre même ou de l'enduit fur fequel on applique les corps qu'on veut percer; or comme il y a toute l'épaifleur du verre entre cet enduit & celui qui reçoit l’élec- tricité du conducteur, il eft évident que les émanations électriques ne peuvent pafler de l'un à l'autre fans traverfer le verre. Cette tranfmiffion eft certainement plus naturelle à penfer, que d'admettre dans le verre une abondance prefque inépuifable de feu élettrique, & une porofité fingulière, qui auroit peine à fe concilier avec les principes d'une Phyfique raifonnable, & que l'expérience même defavoue. J'ai dit plus haut, & je crois avoir prouvé en rendant juftice à M. Franklin, que l'emploi qu’il a fait des carreaux de vitre couverts de métal deflus & deflous en réfervant une bordure, étoit le procédé le plus réfléchi & le plus conféquent de tous ceux par lefquels on a effayé auparavant de forcer les effets de l'expérience de Leyde; j'ai ajoûté que c'étoit aufli le plus für, & je le prouve par la réflexion fui- vante. Il y a longtemps qu'on s'eft aperçû que le trait de feu qui s’élance de la bouteille étoit quelquefois affez puiffant pour Ja cafler; j'en garde encore, de ces vaifleaux, qui après l'expérience fe font trouvés percés d'un trou rond de 3 à 4 lignes de diamètre, fans autre caffure que quelques petites fêlures au bord du trou. Cet effet me paroît bien auffi mer- veilleux que celui d'une main de papier, percée d'un côté à l'autre; mais je ne fuis pas le maitre de faire cafler ma bouteïlle quand je le veux, ni encore moins de la percer fans la brifer entièrement. Ces effets dépendent de quelques circonftances que fon ne connoît point encore affez, où qui ne fe rencontrent qu'en certains cas & rarement*, au lieu que par le moyen du carreau de verre préparé à la manière du * Depuis la leéture de ce Mé- | bouteille à médecine, en faifant l’ex- more, j'ai appris par un grand nom- | périence de Leyde, fr on la tient à bre d'expériences, que quand l’é- | pleine main, & qu’on. ait un doigt lectricité eft un peu forte, on cafe | diftant de quelques lignes de {à fur: : Gu lon perce préfque toûjours une | ‘face. ; Mn, 1753. . KKKk 442 MÉMOIRES DE L'ÂACADÉMIE ROTALE Doëéteur Bevis & de M. Franklin, il eft prefque immax- quable de trouer un paquet de douze ou quinze cartes à jouer, cinq ou fix cahiers de papier à lettre, pofés les uns fur les: autres, plufieurs morceaux de cuir de veau femblable à celui. dont on fait des fouliers, &c. & lon doit toûjours faire cas. des procédés fürs, non feulement parce qu'ils nous font opérer avec fuccès, mais encore parce qu'il n'y a guère que ceux-là: fur lefquels nous puiffions porter nos réflexions pour tâcher d'arriver à la connoiffance des caufes, Je termine donc ce premier article en difant que l'expé- rience de Leyde, faite à l'ancienne ou à la nouvelle manière, eft toûjours le même phénomène : il s'agit d'éleétrifer par communication, du verre:, ou-toute autre matière qu'on puiffe toucher fans lui ôter @ vertu. Qu'on éledrile ce corps, par le: moyen de l'eau, comme nous l'avons appris de M. Mufichen- brock, ou en fupprimant l'air qui le touche & qui l'empèche: de s'éleétrifer, comme je l'ai enfeigné il y a plufieurs années ,. ou bien enfin en y appliquant des feuilles de métal autant: qu'il en faut pour faciliter l'entrée de à matière électrique; fans donner lieu à f& diffipation, comme on le pratique à: Philadelphie, je ne vois dans tout cela qu'une forte éleétricité, laquelle, lorfqu'on tire létincelle, agit en même temps: par deux côtés oppofés fur le même corps : je dis plus, ces traits de feu fi redoutables, & que je regarde depuis long-temps comme des échantitlons de la foudre, je les crois les mêmes, à la différence près du degré de force, que les étincelles ordi: naires qu'on fait naître entre un corps éleétrifé & un autre corps qui ne l'eft pas, puifque dans des circonftances favorables à fa vertu éle&trique, ces étincelles tuent: des animaux, & font ref fentir des fecouffes dans tous les membres de ceux qui les exci- tent, comme je l'ai déjà rapporté dans un autre Mémoire. Un autre article fur lequel j'aurai moins à dire que fur le premier, concerne ce qu'on nomme / pouvoir des pointes dans les expériences de Philadelphie: c'eft encore un phénomène qui n'eft pas nouveau en Europe, fi l'on veut le réduire à fa jufle valeur, & le dépouiller de certaines merveilles, que je DURS CI E NC ES 443 crois un peu exagérées. Dès que l'on commença à fe fervir de globes de verre au lieu de tubes pour éleétrifer, tout le monde remarqua qu'une pointe d'épée, celle d'un couteau, un bout de fil de fer, tenu dans la main, brilloit d’une petite lueur lorfqu'on le tenoit tourné vers le verre électrique, à Ja diftance de quelques pieds; ceux qui fe donnèrent la peine de réfléchir fur cet effet, & qui virent que ces pointes approchées de plus près, brilloient d'un feu plus vif, & qu'enfim, à a diftance de quelques pouces, cette lumière augmentée en . volume, fe montroit fous la forme d'une aigrette qui avoit une direction affez bien marquée vers le globe : ceux, dis-je, qui firent ces obfervations, dès le commencement ou depuis, n'eurent pas de peine à comprendre que cette lumière n'étoit autre chofe que la matière éleétrique affuente (dont on a d’ailleurs tant de preuves) animée jufqu'à l'inflammation par le choc de l matière élerique efffuente du verre frotté. Feu M. du Fay, & beaucoup d'autres Phyficiens après lui, ont tranfmis l'électricité au loin par une fuite de corps qui ne fe touchoient pas, par des bouts de fil de fer & par des bouts de corde, placés dans une même direttion à plus d'un pied de diftance les uns des autres: & tous ceux qui font un peu ‘au fait des expériences électriques, ont foin que leur conducteur n'ait point à fa furface quelques bavures ou filamens qui faflent des aigrettes lumineufes, parce que Fufage leur a appris que ces petites prééminences qui s'avan- cent dans Fair, font comme autant de canaux par fefquels la matière éleétrique fe diffipe en pure perte. La raïfon même de ces eflets n'eft pas bien difficile à trouver ; car dès que l'on fait d’ailleurs que l'air qui envi- tonne le conduéteur eft un milieu bien plus difhcile à pénétrer pour le fluide éleGrique, que du métal où un corps animé, il n'eft pas fort étonnant qu'en fe préfentant avec un poinçon à la main à une certaine diftance d'un corps élecrifé, on amène à foi les émanations dont il eft prêt à fe décharger, & qu'on diminue d'autant le refte de fon atmofphère. Ce qu'il y a de fingulier, & qui mérite attention des Kkkij 444 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Phyficiens, c'eft que le même poinçon ne fafle point par {a tête ce qu'il fait par la pointe: cette curieufe obfervation fut faite il y a environ cinq ans par M. Jallabert, Profefleur de Phyfique à Genève, & Correfpondant de cette Académie, fous le bon plaifir duquel je la publiai quelque temps après dans mes Recherches fur les caufes particulières des phénomènes éledtriques, en ajoutant les raifons par lefquelles il m'a paru qu'on pouvoit expliquer cet effet. M. Franklin nous a donné le même fait, mais plus étendu, plus détaillé & confidéré fous d’autres points de vüe: les effais que j'ai faits d'après lui, n'ont appris véritablement que les corps pointus font plus propres que les autres à recevoir de loin l'électricité, comme je favois déjà qu'ils l'étoient à difliper cette vertu; mais je ne puis convenir avec lui qu'une pointe préfentée à un pied de diflance empêche qu'on ne puifle électrifer un corps d'un volume raifonnable, ni qu'une aiguille à tricotter dont la pointe s'avance au-delà du canon de fufil fur le bout duquel elle feroit pofée, empêche le canon de s'éledrifer au point de produire quelques étincelles. J'ai éprouvé le contraire bien des fois, & dans des temps mème où l'électricité n'étoit pas bien forte *. Je fupprime maintenant Îes autres articles qui ont rapport au titre de mon Mémoire, pour m'accommoder aux limites du temps, & pour rendre compte d'un fait qui doit inté- refler, non feulement ceux qui s'appliquent aux expériences de l'électricité, pour faire de nouvelles découvertes , mais auffi les perfonnes curieufes qui les font répéter en leur préfence. | Au mois de Février dernier, un globe de cryflal d’Angle- terre bien conditionné, épais de plus d'une ligne, & qui me fervoit depuis deux ans, éclata comme une bombe entre les mains de mon valet qui commençoit à le frotter, & les morceaux dont les plus grands n'avoient pas plus d'un pouce de largeur, furent lancés de toutes parts à des diftances * Voyez fur /e pouvoir des pointes Ta fixième de mes lettres à M. Fran- Klin, & les expériences rapportées à la fin de cet ouvrage, que j'ai publié depuis la Icéture de ce Mémoire. ' DIE st (Sc FE N' © Ets 445 confidérables; je fuis für que ce globe n'avoit aucune félure, parce qu'un moment auparavant j'avois vifité & nettoyé toute fa furface avec un peu d'efprit de vin & un linge fin: il n'a reçu ni choc ni fecoufle, & l'air du dedans avoit une communication fort libre avec celui du dehors, par des trous pratiqués à fes poles; d’ailleurs le frottement qui ne failoit que commencer, n'avoit pas encore eu le temps de dilater le fluide. En faifant des recherches dans les lettres de mes corref- pondans, j'ai trouvé que le R. P. Beraud à Lyon, M. Boze à Wittembero, M. le Cat à Rouen, & M. le Préfident de Robien à Rennes * avoient éprouvé de femblables ruptures , lorfqu'ils s’y attendoient le moins, & plus je réflechis fur les circonflances, moins je vois d'apparence à expliquer ces efpèces d’explofions, par Faétion de Fair, fût-elle aidée même de la force centrifuge, imprimée aux parties du verre par le mou- vement de rotation ; mais je crois que cecift encore un effet de la matière électrique, qui ébranle, je ne fais quand, ni comment, les parties du globe & qui les met en état de fe quitter , & de partir au premier frottement qu'elles reçoivent. : Quelle que foit la caufe de cet accident, ä peut arriver, puifque noùs en avons des exemples; il eft darigereux pour eux qui font préfens, & nous ignorons dans quelles circonf- tances nous en fommes menacés : il. eft donc prudent de s'en défier, & de ne s'approcher des globes de verre, que quand ils ont été: frottés pendant un certain temps avec des couflinets, alors on a lieu de croire que les parties ayant réfiflé aux premiers frottemens, ne font pas dans le cas d’é- clater, quoique l'on continue de les frotter; car on a obfervé que les globes qui ont péri de cette manière, n'ont foûtenu que cinq ou fix tours de roue. +. Comme la curiofité fe porte maintenant à voir forcer les effets de Télectricité, par l'expérience de. Leyde, & qu'il eft incommode & même dangereux de s’expoler foi-même à l'action de ce trait de feu qui perce, ou qui brife les * J'ai appris depuis que pareïlle chofe étoitarrivée à M. Sabatelli à Naples, kk iïj 446 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIF ROYALE corps de la plus grande réfiflance; je dirai en deux mots, comment on peut produire ces effets fans en rien reflentir, en rappelant ce que je pratiquai en 1746, lorfque j'effayai pour la première fois de tuer des oifeaux par des coups d'élec- tricité. Jé ne fis que les attacher aux deux extrémités d'une règle de métal, que je tenois par le milieu, où j'avois fixé un manche de cire d'Efpagne ou de verre : l'expérience ayant réuffr jufqu'à caufer la mort de l'un & de d'autre animal, dorfqu'un bout de la règle répondant à la bouteille, l'autre étoit porté près du conduéteur pour y exciter une étincelle, il eft évident qu'un pareil morceau de métal pourra fervir en toute autre occafion, pour répéter l'expérience de Leyde avec fuccès ; le manche que j'ajoûtai alors à ma règle de métal, eft même une précaution de trop; car l’action du feu élec- trique, dans cette occafion , prenant le chemin le plus court, comme l'expérience nous l'a fait connoître, on peut tenir la règle dont je viens de parler avec la main nue & par fon milieu, fans appréhender de participer notablement à l'effet qui f pañle d'un bout à l'autre. Je me fers très -commodé- ment d'un fil de fer /fig. 4) gros comme une plume à écrire, ..courbé en forme d’anfe à panier, & dont les deux extré- mités font tournées en anneaux, parce que j'ai remarqué depuis long-temps, que les corps arrondis étoient plus propres que d'autres à exciter de fortes étincelles. J'appuie un de ces anneaux fur le corps que j'ai intention de foûmettre à l'expé- rience, & avec l'autre, j'excite l'étincelle au conducteur, & quoique je tienne linftrument à pleine main, je n'en reffens jamais la moindre incommodité. Je reprendrai dans d'autres Mémoires le deffein que j'ai annoncé par le titre de celui-ci, & j'ofe efpérer de prouver aflez clairement, qu'en matière d'éleétricité, on commence à nous donner pour nouveautés des découvertes qui n'en ont que l'apparence, & des idées que l'expérience dément. @ L Mem. de l'Ac.R.des Se.1753, Pay. 46 PLIS. ! | _— —| Hem de l'Ae.R der Se 1758 Pay 46 PLIS. DES SCIENCE S. 447 MEMOIRE HOUR LELECTRICITE, Où l'on montre par une fuite d'expériences, qu'il y a deux efpèces d'Electricités, l'une produite par la condenfation du fluide électrique, 7 l'autre par fa raréfaction; à7 qu'elles ont chacune des: Phénoménes. particuliers qui les caractérifent: parfaitement. PREMIERE FARTI-E. Par M. Le Roy. h qe u T le monde fait que la Phyfique n’a de fondemens {olides, que ceux. qui font appuyés fur les faits; mais parmi ceux qu'un heureux Hafard peut nous faire découvrir. tous ne. font:pas également importans : Îles uns, comme i{olés: pour nous, ne nous apprennent rien, finon qu'ils exiftent , tandis que les autres nous fournifient mille connoiffances nou- velles,.& font commedes coups de lumière qui nous aident: à percer les obfcurités de la Nature, L'objet qu'un Phyficien doit donc: fe. propofer, en travaillant fur une matière, c’eft de saffurer dela vérité de ces faits qui paroiffent par leur: nature, les plus propres à y répandre un grand jour. Parmi ceux qui dans l'Eledricité: font dans ce cas, c'eft- à-dire, qui une fois bien prouvés, répandroïient de grandes lumières fur la caufe de: fes phénomènes, il en eft peu, je- crois, qui méritent mieux. d'être conflatés que ceux qu'ont: avancés M. Franklin & quelques Phyficiens Anglois,, fivoir, quernous pouvons: raréfier le fluide éleétrique dans les: corps. éleétrifables par communication, & que, par cette opération, . ïous pouvons leur communiquer la. vertu électrique, ou pour. 14: Novemb. 1753 448 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE parler le langage du Phyficien de Philadelphie, que nous pouvons les électrifer ex moins *, Pour mieux faire comprendre ce que ces Phyficiens en- tendent par la raréfaction du fluide électrique dans les corps électrifables par communication, il eft à propos de dire deux mots de leur fentiment fur fa nature de ce fluide, & d'expliquer comment ils conçoivent qu'on peut le raréfier dans ces corps, ou, ce qui revient au même, qu'on peut di- minuer la quantité qu'ils en contiennent, Suivant leur opinion, le fluide électrique eft fort élaftique, il eft répandu dans tous les corps non éleétriques non élec- trilés, il y eft de la même denfité, & il ne fe manifefle dans ces corps, ce qui eft auf l'opinion générale, que lor{qu'il y eft plus denfe ou en plus grande quantité que dans l'état ordinaire, alors on dit qu'ils font électrifés. Or fr, lorfqu'ils font dans cet état, on en approche d'autres de la mème nature, où le fluide foit moins denfe, ou dans fon decré de denfité ordinaire, la proximité de ces derniers corps le fait fortir des premiers (dans lefquels il eft plus condenfé) fous différentes formes très-fenfibles, comme d’étincelles, d’ai- grettes, &c. Effets qui, felon les mêmes Phyficiens, ne doivent être attribués qu'à la différence des denfités refpectives du fluide dans le corps éle&rifé, & dans celui qui ne l'eft pas. Pour raréfier, felon eux, le fluide électrique dans un corps életrifable par communication , ou diminuer la quantité qu'il en contient, il ne faut que le faire communiquer avec Je couffin, ou la perfonne qui frotte le globe, lorfque le conducteur le touchant toûjours, ce couffin, ou la perfonne, font , ainfi que le bâtis de la machine, abfolument ifolés; car dans cette difpofition, le fluide életrique, fe raréfiant dans la perfonne qui frotte, ainfi qu'ils le prétendent, il doit fe raréfier de même dans les corps qui communiquent avec elle, * On voit par cet énoncé, qu’il | verre, dans l'expérience de Leyde, n’eft pas queftion ici de ce qu'a dit | mais fimplement de léleétrifation M. Franklin de l’éleétrifation en | des corps non électriques par eux- plus & en moins des deux fifaces du | mêmes. £ on aANeT ESS 40 À EN GE 16 449 fon élaficité faifant qu’il fe condenfe ou fe raréfie toûjours au même degré dans les corps qui communiquent enfemble, Pour prouver que le fluide électrique fe raréfie dans a perfonne qui frotte, ils allèguent plufieurs expériences, & principalement celle-ci qui paroït, à la vérité, difhcile à expliquer fans fuppofer au moins fa raréfaétion, ou dans cette perfonne, ou dans le conducteur; c'eft que, quoiqu'elle pa- roiffe aufli électrique que ce dernier, elle peut cependant en tirer des étincelles ; étincelles qui font même, ce qui eft très-remarquable, beaucoup plus fortes que celles qu'un corps non éleétrique non éle&rifé en tireroit. «Or, difent-ils, cela ne peut venir que de la raréfaétion du fluide éleétrique dans la perfonne, ce qui rendant la différence des denfités refpec- tives de ce fluide dans elle & dans le conduéteur, plus grande que celle des denfités de ce même fluide dans le conduéteur & le corps non éleGrifé, fait que les étincelles qu’elle tire du conducteur font beaucoup plus fortes que celles qu'en tire le corps non éleétrifé. » Quoique l'expérience que nous venons de rapporter, femble prouver beaucoup en faveur de la raréfaétion du fluide élec- . trique, cependant, foit que ne nous indiquant point, comme je l'ai dit plus haut, dans lequel des deux, du conduéteur ou de la perfonne qui frotte, cette raréfaction a lieu, elle n'ait pas paru aflez décifive: foit qu'on ait cru, ce qui paroît aflez fondé, qu'il falloit un plus grand nombre d'expériences pour conflater un fait de cette importance , l'ékéricité en moins n'a pas été généralement admife; d'habiles Phyficiens, dont le fentiment eft d’un grand poids dans ces matières, ont même combattue: felon eux , nous ne pouvons électrifer les corps que d’une feule façon ; & les phénomènes que l'on attribue à la raréfaction du fluide électrique, ne viennent uniquement que de ce que les uns font plus électriques que les autres. A la vérité, il eft difficile d'imaginer d'abord comment les différens phénomènes que nous préfentent les corps élec- triques , particulièrement celui de la répulfion, comment, Mém. 175 3. es 61 450 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE dis-je, ces phénomènes peuvent s'opérer par la raréfaétion du fluide électrique; cependant lorfqu'on les examine de plus près, on voit que cela n'eft pas impoñlible: & lexiftence d'une électricité en moins, paroït alors affez probable, pour mériter au moins qu'on vérifie par les expériences, fi elle a lieu ou non. En eflet, fi l'on convient une fois que la feule différence des denfités du fluide électrique dans le corps électrifé, & dans celui qui ne l'eft pas, fufht pour produire les aigrettes & les étincelles qui fortent du premier quand on en ap- proche le fecond, pourquoi les mêmes eflets n'arriveroient-ils pas encore en approchant de ce fecond corps un troifième, où le fluide feroit autant raréfié qu'il étoit condenfé dans le premier ? car alors la différence des denfités refpeétives du fluide éleétrique dans ce premier corps électrifé par conden- fation, & dans le fecond non élettrifé, feroit la même que celle des denfités du fluide de celui-ci, & du troifième corps éle@trifé par raréfaétion. De plus, nous ne fommes pas affez inftruits des caufes de l'attraction & de la répulfion des corps électriques , pour affirmer que ces eflets ne peuvent pas avoir lieu par la raré- faction du fluide électrique, comme par fa condenfation, quoique ces deux opérations foient contraires; enfin, fi l'on avoit de la peine à comprendre comment deux opérations, ainfi oppofées, peuvent produire en général les mêmes effets, il ne feroit pas difficile de trouver des exemples qui feroient voir que cela peut arriver : ainfr, qu'on imagine pour un inftant un récipient, dont une des ouvertures foit recouverte d'un parchemin , on voit clairement qu'on pourra produire le mème effet, c'efkä-dire crever le parchemin, en raréfiant l'air dans le récipient, ou en Py condenfant. Toutes ces différentes confidérations me déterminèrent à maflurer par des expériences fuivies, s'il y avoit en eflet une électricité en moins, ou pluftôt par raréfaction ; car dans la fuite, je ne me fervirai plus que de cette expreffion, qui me paroït plus phyfique, & exprimer plus clairement ce ÉD MG GAC {TE 1 CARS ASx dont il eft queftion : j'y étois d'autant plus porté, qu'il étoit fort important, comme je l'ai avancé, de bien conflater fr cette efpèce d'électricité exiftoit ou non, En eflet, fans entrer dans le détail des conféquences que lon en pourroit tirer, il eft clair qu'elle prouveroit, r.° que le fluide électrique ne vient pas du verre; 2.° qu'il ne vient pas de Fair au moins principalement ; & enfin que ce fluide eft véritablement ré- pandu dans tous les corps électrifables par communication ; ce qui, jufqu'ici, na été qu'une fuppofition appuyée à la vérité fur des préfomptions très-fortes. Pour faire ces expériences avec beaucoup d’exactitude, & avec tous les foins qu'elles exigeoient, je pris différentes précautions ; fachant que je ne pouvois me difpenfer, comme on le verra plus bas, de me fervir des étincelles pour nraf fürer par les diftances d'où elles partiroient, de la différence de condenfation du fluide électrique dans différens corps ; je préparai pour les tirer, un inftrument que j'ai imaginé il y a long-temps. Par cet inftrument, on peut être à très- peu-près für que les différentes diftances d’où les étincelles partent, naiffent uniquement du plus ou moins de force de l'électricité, ce qui ne peut arriver lorfqu'on les tire à la ma- nière ordinaire. Car felon cette manière, on peut, quoique électricité refte toùjours la même, faire partir ces étincelles de plus près ou de plus loin ; non feulement en les tirant de corps de figures & de volumes différens, mais encore en les tirant de parties plus ou moins liffes de la furface d'un même "corps. L’inftrument dont je viens de parler eft conftruit de la manière fuivante. Dans un tube de verre TT (fig. r) recouvert par les deux _ bouts, de deux plaques PS, PJ, fe meutlibrement, mais fans jeu , une balle de métal B adaptée à l'extrémité d’une verge de fer quarrée WW, cette verge pañle à travers un trou de la même forme percé dans la plaque PS, & dans laquelle.elle Sajufte parfaitement. On voit par cette difpofition, qu'on peut bien: faire mouvoir la:balle dans le tube, d’un bout vers l'autre; mais quon ne peut lui faire prendre. d'autre mouvement : Lil ï 52 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE fur l'extrémité de la verge qui déborde la plaque PS, font mar- qués des degrés, afin qu'on puiffe juger de la diftance où la balle fe trouve de la plaque P7; pour une plus grande précifion , on pourroit en place de ces degrés, adapter à l’extrémité de la verge une vis qui feroit la fonction de micromètre, D'après la defcription de cet inftrument, il eft facile de concevoir comment on s'en fert, & comment il remédie aux inconvéniens dont nous avons parlé plus haut. On voit en premier lieu qu'en le prenant par le tube, & le faifant toucher par la plaque P7, fur le corps électrique dont on veut tirer une étincelle, cette plaque s’électrife au même degré que ce corps, & qu'au moyen de la verge WW, on peut approcher graduellement de la même plaque, la balle Z {qu'on en tenoit auparavant fort éloignée) jufqu'à ce que Vétincelle parte: ce qui arrive dans l'inftant, où cette balle fe trouve à la diftance requife, pour que cet effet ait lieu; diftance que l'on reconnoît par le nombre de degrés marqués fur cette verge. On voit en fecond lieu que ces diflances ne peuvent venir ici que de la différence de la force élec- trique, puifque l'étincelle part toüjours entre es mêmes corps, la plaque P7 & la balle P, & que c'eft toüjours des mêmes points de la balle & de la plaque; car tous les mouvemens de cette balle fe réduifant à s'éloigner ou à s'approcher de la plaque, fans qu'elle en puifle prendre d'autres, les différens points de fa furface inférieure doivent toûjours regarder les mêmes points refpe“tifs de cette plaque. Pour déterminer même encore plus précifément le point d'où doit partir lé tincelle, on recouvre de cire d'Efpagne la plus grande partie de la furface de la balle qui regarde la plaque PZ Les machines à électricité ordinaire étant fi pefantes qu'on ne peut les ifoler autrement que par des gâteaux de réfine, qui fouvent n'arrêtent léleétricité qu'imparfaitement, je fis faire, uniquement pour porter le globe, un bâtis affez léger pour être foûtenu par des fupports de verre, & cependant aflez folide pour réfifter aux ébranlemens caufés par le mous vement de la roue. Voyez la figure 2, Fr DiEMSMA COTE NUCiErS Au lieu d'une perfonne pour frotter le globe, je me fervis d'un couffin recouvert de papier doré. Ce couffin qui donnoit beaucoup d'éledricité, me parut préférable dans cette occafion, à caufe de fa forme & de fon peu de volume. A ce fujet, je dirai en paffant que le verre frotté par les métaux, devient fort électrique: fi l'on a avancé le contraire, c'eft que, faute d'avoir bien obfervé de quelle façon le frottement excite l'électricité dans les corps, on a attribué à la nature des métaux ce qui ne venoit que de ki forme fous laquelle on les employoit. Dès que cette forme fera telle, qu'ils puiffent fléchir aflez pour toucher le verre & le frotter également dans un grand nombre de points tout à la fois, ils le rendront auffi électrique que le frottement des mains, & plus que celui du chamois, du bufle, &c. c'eft ce que j'ai découvert l'été dernier, & dont je me fuis affuré par un grand nombre d’ex- périences , ayant rendu un globe fort électrique en le frottant avec du papier doré, du clinquant, & de ces feuilles qui fervent à étamer les glaces /a). Je plaçai le bâtis dont je viens de parler, fur des fupports de verre de 2 pieds de haut, au milieu d'une chambre & loin de toutes fortes de corps; la roue deftinée à faire tournerde globe en fut éloignée de plus de 10 pieds, & elle ne lui communiquoit du mouvement que par un cordon de foie bien propre & bien fec. Par ces différentes précautions j'étois comme affuré qu'aucun corps ne pouvoit dérober le fluide électrique du bâtis ni lui en tanfmettre; enfin pour que la vertu électrique quelconque que pourroit acquérir le couffin fe communiquât au bâtis, il y avoit un fil de fer qui alloit de Fun à l'autre /voyez la figure). Le bâtis étant de bois, on n’en pouvoit tirer des étincelles, ce qui étoit pourtant néceffaire (b). Pour re- (a) Le P. Bina dans fon livre’ intitulé elecfricorum effecluum expl- catio, imprimé à Padoue en 1751, dit auffi qu’on peut électrifer le verre en le frottant avec des métaux, & je reconnois avec: plaifir que je me fuis rencontré avec lui fur cet article; mais dans le femps où je faifois mes ex- périences , fon livre ne nous étoit pas encore parvenu , ou du moins je n’en avois aucune connoiffance. (b) On fait qu'il ne fort du bois qu'un feu très-rare, qui en général n'étincelle ni ne pétille, comme celui qu’on tire des métaux & des corps animés LII iÿ 454 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE RoYALE médier donc à cet inconvénient, je plaçai deflus une bombe qui communiquoit aufir avec le fil d'archal. Quand dans Ja fuite je dirai, afin d'éviter des longueurs, qu'on à tiré des étincelies du bâtis, on fous-entendra toüjours que c'eft de cette bombe qui en faifoit partie. Tout étant ainft difpofé & un conduéteur touchant au globe, je commençai mes expériences : je m'occupai d'abord à vérifier les faits que M.rs Watfon & Jallabert difent que Jon obferve, lorfque le bâtis d'une machine d'électricité eft ainfi ifolé, & je trouvai que l'expérience les confirmoit pleine- ment. Ainfi dès que le olobe fut en mouvement , je vis que le conducteur & le bâtis devenoient électriques, qu'ils atti- roient l'un & l'autre des corps légers , & que le bâtis donnoit des étincelles comme le conduéteur. Je remarquai de plus que lorfqu'une perfonne pofant fur le plancher, touchoit le bütis, elle augmentoit confidérablement l'électricité du con- ducteur, & vice verfa qu'elle augmentoit celle du bâtis lorf£ qu'elle touchoit ce conduéteur ; que le même effet avoit en- core lieu en tirant fimplement des étincelles de lun ou de Yautre, c'efl-à-dire, qu'en en tirant du bâtis, on augmentoit l'électricité du conducteur, & réciproquement qu’en en tirant de celui-ci, on augmentoit celle du bâtis. Quoique ces faits fort finguliers & fort curieux par eux-mêmes, ne naiffent que de la raréfaétion du fluide électrique dans le bâtis, & de fa con- denfation dans le conduéteur, comme on le verra plus bas, ils ne font cependant pas fufhifans pour décider, fi c'eft à ces deux diflérens états du fluide électrique dans ces corps qu'on doit les attribuer. Car de fimple vûe, ils paroîtront aflez faciles à expliquer en difant que l'électricité du bâtis & celle du con- duéteur font de la même nature, & que l'augmentation de celle du premier, lorfqu'on touche le fecond, n’eft que l’inverfe de ce qui arrive lorfque l'on touche le bâtis où le couffin : or comme dans ce dernier cas, on a une forte de certitude qu'on fournit au couffin de la matière qui fert à électrifer le conducteur, on croira de même que lorfqu'on touche celui-ci, on lui fournit de la matière qui fert à éleGrifer le bâtis. DES SCIENCES 455 C'eft effectivement Ià L'idée qu'en donnent M."* Jallabert & Wat{on, le premier dans fon ouvrageintitulé, Æxpériences fur l'Eledricité, &c. le fecond dans fon Effai fur Electricité, publié en François en 1748 ; mais lorfque lon voit enfüite, comme je l'obfervai, que les étincelles que le bâtis tire du conduéteur font beaucoup plus fortes que celles qu'en tire une perfonne pofant fur fon plancher, ainfi que j'ai dit plus haut que le prétend M. Franklin, on reconnoît bien-tôt que le renverfement du cours de l'électricité, ne peut avoir lieu dans cette expérience: c'eft auffi ce que je penfai, & ce qui commença à me faire croire qu'il pouvoit bien y avoir en eflet une raréfaction du fluide électrique. Pour, m'afurer plus parfaitement que les étincelles tirées par le bâtis du conduéteur étoient plus fortes que celles qu'en tiroit quelqu'un pofant fur Le plancher, je m'y pris de la manière fuivante, Monté fur des fupports de verre, & faifant Ja fonétion de conduéteur, en laiflant repofer mes doigts mollement fur le globes fans frotter, je tirois des étincelles du bâtis avec l'inf tument dont j'ai donné la defcription ; enfuite de quoi une perfonne pofant fur le plancher, en tiroit aufli avec ce même inftrument de moi & du bâtis. Ayant répété ces expériences plufieurs fois avec beaucoup de foin, une efpèce d'éle&ro- mètre m'indiquant continuellement fi l'électricité reftoit toû- Jours la même, je remarquai conftamment que les étincelles que je tirois du bâtis l'emportoient de beaucoup pour la force fur celles que cette perfonne tiroit ou du bâtis ou de moi. Le réfultat de ces expériences étant auffi conforme à ce qu'a avancé M. Franklin, je fis réflexion que f1 eflective- ment le fluide électrique fe raréfioit d'une part, tandis qu'il fe condenfoit de l'autre, il devoit s'enfuivre néceflairement que le couffin ou le bâtis communiquant avec le conduéteur par un corps quelconque éleGrifable par communication, il ne devoit y avoir aucune életricité, ni dans celui-ci, ni dans celui-là, parce que ce qui féroit pompé ou exprimé à chaque inftant du couffin pour être condenfé dans le conduéteur, fergit 456 MÉmorrREs DE L'ACADÉMIE ROYALE reftitué de même à chaque inflant au premier; c'eit effecti- vement ce que les faits me montrèrent. Afin de faire cette expérience avec plus d’exactitude, je fis encore comme dans celle dont je viens de parler, la fonction de conducteur; & voici ce que je remarquai: 1.° je donnois les fignes de la plus forte électricité, ainfr que le bâtis, lorfque mes doigts repofoient fur le globe dans un point diamétra- lement oppofé au couffin; 2.° aufli-tôt que je m'éloignois de ce point, & que j'approchoïis mes doigts du couffin, foit en les mouvant dans le {ens dont le globe tournoit, foit dans le fens contraire, je devenois ainfr que le bâtis moins élec: trique; enfin dès que mes doigts fe trouvoient fort près du couffin, il en partoit une étincelle, après quoi je ne donnois plus aucun figne d'électricité non plus que le bâtis, avec quelque vivacité même que l'on tournàt le globe. De cette expérience je tirerai en paflant deux conclufions, qui me paroiflent, quoiqu'étrangères ici, ne devoir pas être oubliées; la première, que l'endroit le plus convenable pour faire toucher le conducteur au globe, eft celui qui eft direétement oppolé au couffin, ou aux mains de la perfonne qui frotte; la deuxième, que les grands globes ont cet avantage fur les petits, ainfr que fur les cylindres, que la diflance entre le couffin & le conducteur eft toujours plus grande. Le fuccès de cette expérience formant une nouvelle preuve en faveur de l'élericité par raréfaction , j'examinai enfuite ce que donnoiïent les phénomènes de fattraétion ; car on fent bien que ces phénomènes devoient fuivre ceux des étin- celles. J'obfervai d'abord que les corps non électriques non électrifés, attirés par le bâtis ou le conducteur , l'étoient moins que de femblables corps éleétrilés par le premier ou par le fecond, & attirés enfuite refpeétivement par le conduéteur ou par le bâtis; que l'attraction obfervée dans ce dernier cas, étoit la même que celle que l'on remarquoit entre les mêmes corps & le bâtis, quand le conduéteur communiquoit avec le plancher, & entre ces corps & le conducteur, lorfque g'étoit au contraire le bâtis. J'oblervai de plus qu'à cet égard i en ” CN DES SCTENCEs 457 il en étoit de même des étincelles; c'efkà-dire, q'e celles que l'on tiroit du conducteur, le bâtis communiquant avec le plancher, ou que lon tiroit de celui-ci lorfque c'étoit au contraire le conducteur, étoient les mêmes & de la même force ue celles que les corps électrifés par le bâtis tiroient du conducteur, Comparons maintenant les réfultats de ces différentes expériences avec les phénomènes que l'on doit obférver’ en fuppofant que le fluide électrique foit effectivement raréfié d'une part & condenfé de l'autre, c'eft-à-dire, ou dans le conduéteur où"dans le bâtis, & que les mafles refpe‘ives de ces deux corps, foient à peu près les mêmes, & égale- ment bien ifolées: il eft clair, 1. que le fluide électrique ne pourra être condenfé dans le conducteur, qu'il ne foit autant raréfié dans le bâtis, & par conféquent que les étincélles que lon tirera de l'un & de l'autre, feront à peu près égales; c'eft aufli ce que les expériences ont montré: 2.° que la difé- rence des denfités du fluide élerique contenu dans un cor s non électrique non éleGrifé, & de ce même fluide contenu dans le conducteur ou dans le bâtis, ne fera que la moitié de celle qu'il y aura entre les denfités refpectives du fluide élec- trique dans le conducteur, &dece même fluide dans le bâtis ; les étincelles que tiroit du bâtis une perfonne électrifée par le conducteur , étoient, comme on la vü, beaucoup plus fortes que celles que tiroit ou du conducteur ou du bitis quelqu'un pofant fur de plancher: de même les corps élec- trifés par le bâtis, étoient attirés bien plus fortement par le conducteur que les mêmes corps non éleétiifés. Or cela ne pourroit abfolument avoir lieu , fr les corps électrilés par le bâtis, avoient une électricité de la même nature que celle du conducteur. Il eft évident, en troifième lieu, que la différence- des denfités du fluide électrique, dans le conducteur & dans le bâtis, fera précifément égale à celle qui fe trouvera entre les denfités refpeétives de ce même fluide dans le conduc- teur & dans un corps non éledtrifé, lorfque le bâtis commu- niquera avec le plancher. Enfin on voit que cette différence Mém, 175 3: . Mnm 458 MÉMOIRES DE L’'ACADÈMIE ROYALE fera encore évale à celle qu’il y auraentre les denfités refpectives du fluide éleWrique dans ce bâtis & dans le corps non élec- tifé, quand ce fera au contraire le conducteur qui commu niquera avec le plancher; car lorfque le bâtis n'y communique pas, la différence des denfités relpectives du fluide électrique dans le batis & dans le conducteur, étant, comme nous avons dit, double de celle des der refpedives de ce même fluide dans un corps non électrifé & dans ces mêmes corps , il eft clair qu'en établiflant une communication entre le plancher & le conducteur ou le bâtis, on ne fait qu'ôter à celui-ci, ou ajoûter à celui-là une quantité de fluide élec- trique toûjours la même, & par, conféquent , que dans ces trois fuppofitions, les différences ‘des denfités du fluide élec- trique contenu dans le bâtis, dans le conduéteur &c dans un corps non électrique non électrifé , font refpectivement les mèmes. Les expériences font encore ici parfaitement d'accord avec ces fuppofitions; on a vü que les étincelles que l'on tiroit du conducteur où du bâtis, lorfque celui-ci ou celui-là communiquoit avec le plancher, étoient les mêmes, que celles que tiroit du conduéteur un corps élerifé par le bâtis. Les expériences donnant des réfultats aufir conformes à ce que l'on vient de fuppofer qui devroit arriver dans le cas où il y auroit condenfation du: fluide életrique d'une part, & raréfaétion de l'autre, foit dans le conduéteur, foit dans le bâtis, il s'enfuit que nous ferions bien fondés à en conclure qu'eflectivement il y a raréfaétion du fluide éleétrique dans cette difpofition, des chofes, c'efl-à-dire, lorfque le bâtis & le couffin font ifolés, & qu'ainfi nous pouvons par ce moyen: produire les phénomènes de l’életricité par la raréfaction de- ce fluide dans les corps, commeon le fait à l'ordinaire par fa condenfation ; mais nous pouvons nous, tromper de tant de manières, & il eft fi important en Phyfique de ne donner pour principes que. les faits conflatés par un grand nombre d'expéiences, que j'attendrai pour en tirer cette conclufiom générale, que d'autres expériences, encore plus: décifives, Y'ait rendue DEAN certuinés ri . ” LI DES SCIENCES. 459 DIC ON D EPA R OLCE. Où l'on rapporte les expériences qui confirment d'exif- zence des deux E‘lectricités par condenfation à par raréfaction ; June dans le condu&teur , èr l'autre dans le’ couffin, à où l'on décrit en même temps les Phénomènes qui caraëérifent ces deux efpèces d'E ledricités. Dans le Mémoire que je ûs le 14 de ce mois, je f- niflois en difant que j'atiendois, pour en tirer cette conclu- fion générale, que nous pouvons produire les phénomènes de T'Eeltricité par la raréfalion du fluide électrique dans les corps, comme par fa condenfation, que d'autres expériences , encore plus décifives, l'euffent rendue abfolument certaine; j'ajoûtai même alors que quoiqu'il y eût tout lieu de croire que le fluide’éleétrique fe raréfioit dans le couffin & fe condenfoit dans le conduéteur, aïnfi que le prétend M. Franklin ,-comme je l'ai dit plus haut, je ne connoïflois cependant aucune expérience qui püt décider nettement la queftion, les phéno- mènes, pour la plufpart, paroïffant les mêmes de part & d'autre, le bâtis attirant les corps légers, ainfr que le conducteur, donnant des étincelles de même, & les corps électrifés par ce bâtis fe repouffant entre eux, comme le font ceux qui font électrilés par le conducteur. Ayant examiné cette matière depuis, & ayant fait de nouvelles expériences *, je puis aujourd’hui parler plus pofi- tivement, & dire que nous pouvons effectivement condenfer & raréfier le fluide életrique à volonté dans les corps, & qu'il ne faut pour cela que les faire communiquer avec le conduéteur ou le couffin, lorfque celui-ci, ainft que a machine à élec- tricité, font ifolés: je remarquerai à ce fujet, qu'on feroit tenté de croire que c’eft pluftôt par conjetture, que pour lavoir expérimenté, que M. Franklin a avancé la même chofe; car * Ces expériences. furent faites peu de jours après la lecture de Ja première partie de ce Mémoire. M mm ij 460 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE dans cette dernière fuppofition, il feroit étonnant qu'il n'eût pas découvert ou rapporté les phénomènes dont je vais parler, & qui montrent fi clairement que le fluide électrique fe ra- réfie dans le couffin, & fe condenfe dans le conducteur. Les différentes expériences que j'ai rapportées dans la pre- mière partie de ce Mémoire, m'ayant convaincu que le fluide éleétrique devoit être raréfié ou dans le couffin ou dans le conducteur, je fis les réflexions fuivantes; 1.° que fi le fluide eft raréfié d'un côté & condenfé de l'autre, il doit former un courant tendant du corps où il efkcondenfé, vers celui où il eft raréfié; 2.° que les pointes ayant la propriété de pouffer , comme de tirer le feu électrique , au moins felon M. Franklin, il s'enfuivoit qu'en oppofant lune à Yautre deux pointes, l'une communiquant avec le bâtis par un fil de métal, & l'autre de même avec le conducteur, je devois voir le fluide éleétrique fortir de celle où il feroit condenfé, & entrer dans celle où il feroit raréfié, ou pour tout dire, que je devois voir une aigrette à la première, & un point lumineux à la feconde. ÿ On ne fera pas fuipris de me voir avancer, qu'il devoit y avoir une aigrette à la pointe où le fluide feroit condenfé, puifque cela eft conforme à l'opinion générale; mais qu'il devoit y avoir wn point lumineux à la pointe, où le fluide feroit raréfié, c'eft ce qui pourra paroître fingulier à quelques perfonnes. Pour prouver donc que cela devoit être aïnfr, je rappoiterai l'expérience que j'ai faite, afin de reconnoître par moi-même fi ces points lumineux, où points de lumiére -qu'on voit aux pointes des corps qu'on approche de ceux qui font decrifés par condenfation ; fi ces points de lumiere, dis-je, font produits, comme le prétend M. Franklin, par l'entrée du fluide électrique & non par fa fortie, ainfi que le penfent - d'autres Phyficiens. Je préfentai au conduéteur à deux pieds de diftance , un fil d’archal de vingt-fept pouces de long, recouvert d'un tube de verre de la même longueur, excepté que le bout de ce fil fort aigu, le débordoit d'un quart de ligne ou à peu près; & je remarquai que malgré ceute efpèce “RFA is DES SCIENCES 461 d'enveloppe, ce fil déroboit beaucoup d'éleétricité au con- duéteur, au point que dès qu'on ly préfentoit, deux fort belles aigrettes qui étoient à fes angles difparoiffoient : or comme / point lumineux fubfifloit toujours à l'extrémité de la pointe du fil de fer, de même que s'il n'avoit pas eu d’en- veloppe; que le feu électrique du conduéteur fe diffipoit fen- fiblement par la préfence de cette pointe, & qu'il ne pouvoit trouver d'accès que par cet endroit; j'en conclus que ce point lumineux étoit formé par le feu qui y entroit. I] fuit de là que toutes les fois qu'une pointe de métal reçoit le fluide électrique d'une’autre pointe, elle a wr point lumineux , tandis que celle qui le fournit a une aigrette. J'oubliois de dire que pour être für que le fluide éleétrique ne s’infmuoit pas entre le fl de fer & le tube, ils étoient joints l’un à l'autre au bout par dela cire d'Efpagne ; ceci étant établi, paflons à notre expérience, Je fis faire deux pointes de fer auf égales qu'il me fut pofflible, afin d'ête comme für qu'elles auroient au même degré. la propriété de chafler le fluide électrique, & je les plaçai, comme on le voit dans la figure 2, fur un fupport de verie F, l'une C, communiquant par un fi d'ar- chal D avec la main 4, qui eft cenfée faire la fondion de: conduéteur, & l'autre À communiquant par le fl d'archal & avecla main Æ, cenfée de même faire celle de couffin : tout éta.tainfi difpolé, & ayant bien privé la chambre de toutes lumières, cétte expérience & les fuivarites ayant été faites dans l'obfcurité, je fis tourner le globe, & j'eus la fatisfaction de voir qu'il y avoit conftamment, comme on de voit dans la figure, une aigrette à la pointe € éleétrifée par le con- ducteur, & un point lumineux à la pointe R éle&rifée par le couffin. On pourroit croire que la-pointe éleftrifée par ce couffin, n'avoit wr point lumineux que parce que fon élec- tricité étoit plus foible que celle du conduéteur ; mais je puis aflurer que pendant tout ce temps-là, & le couffin & le bâtis donnoient tous les fignes d’une éleétricité aufli forte que le conduéteur : afin de m'aflurer pleinement que l'aigrette de la pointe à laquelle ce dernier communiquoit fon électricité, M ma ii j 462 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ne venoit pas de fa figure, je retournai le fupport dé verre, c'elt-à-dire que je fis communiquer avec le conducteur , la pointe R qui auparavant communiquoit avec le bâtis, & de même avec celui-ci, la pointe € qui communiquoit avec le conducteur, & je revis encore le même phénomène, favoir, aigreite à cette pointe À, éleélrifée alors par le conduéteur, & le point lumineux à Yautre C. Pour n'aflurer que la diffé- rence de ces phénomènes ne venoit pas des différentes mafes du bitis & du conduéteur, & que fon unique caule étoit la raréfaition du fluide électrique d'une part, & fa condenfation de l'autre, je répétai ceite expérience d'une autre manière ; je fis monter fur des fupports de verre, deux perfonnes qui communiquoient refpectivement avec ces pointes, l'une faifant la fonction de conduéteur, & l'autre celle de couffin: ces perfonnes.font cenfées repréfentées ici par les mains 47 & F° J'obfervai encore, dès que le globe commença à tourner, les mêmes phénomènes refpeclifs que ci-devant; alors je dis à ces deux perfonnes de changer réciproquement de fonétion, & je vis auffi-tôt l'aigrette changer de côté, & partir de 1 pointe, qui auparavant n'avoit qu'un point lumineux, & ce point être tranfporté à celle qui avoit l'aigrette. Cet effet étoit fi fûr, que quoique j'euffe prévenu les perfonnes dont je viens de parler, de changer fouvent de fonétion, fans m'en avertir, & que ces expériences fe fiffent dans l’obfcu- rité, j'étois cependant toüjours en état, par /e point lumineux & par l'aigrette, de nommer & la perlonne qui frottoit & celle qui recevoit l'életricité; je ne n'y trompois jamais. On voit donc que les maffes refpeétives du conduéteur & du bâtis ne changent rien à ces phénomènes, & par conféquent qu'ils naiflent uniquement de la différence des denfités refpec- tives du fluide électrique dans lun & dans l'autre: par cette même raifon, l'effet étoit encore le même lorfque la per- fonrie qui frottoit le globe communiquoit avec le plancher, parce que, comme nous l'avons montré plus haut , le fluide étant alors d'autant plus condenfé dans la feconde, qui failoit la fonétion de conducteur, qu'il étoit moins raréfié dans la D'B)9\ SI E'I.EN E-E:S . 463 première, la différence des denfités refpectives de ce fluide dans la feconde perfonne, & dans un corps non électrique non éle‘ifé, devenoit dans ce cas, égale à celle qui fe trouvoit auparavant entre les denfités refpectives de ce même fluide dans la perfonne qui frottoit, & dans celle qui faifoit la fonétion de conduéteur. ‘ Ces différentes expériences, foûtenues de toutes celles que jai rapportées dans la première partie de ce Mémoire, pou- voient fuffire pour prouver que le fluide électrique fe raré- fioit dans le bâtis & fe condenfoit dans le conduéteur : mais j'obfervai qu'en fuivant toujours le fil de Fanalogie, il s'en- fuivoit que fi les corps électriques par condenfation ont à leurs pointes des aigrettes, & les non électriques qu'on leur préfente, dés points lumineux, il s'enfuivoit, dis-je, que ces derniers préfentés à des corps pointus, où le fluide feroit raréfié, devoient avoir, à ces inèmes pointes, des aigrettes, & ceux-ci, des points lumineux ; le rapport de la denfité du fluide éleétrique dans les corps éleéhifés par condenfation, à celle de ce même fluide dans ceux qui ne font élerifés en aucune façon, étant du même: genre que celui de ces derniers corps à ceux qui font életrifés par raréfaéion. J'en fis l'eflai, & jereconnus que cette expérience fournifloit encore une nouvelle preuve en faveur de l'éleétricité par rarefaélion ; car lorfque J'approchois la pointe d'un corps métallique, non électrifé, de celle d'un autre corps du même genre éleétrique par raréfatlion, je voyois à la première une belle aigrette, & à la feconde un point lumineux. De forte que le même corps qui, pr fenté au conduéleur , navoit que ce point, pendant que le conduéteur avoit une aigrette,.ce même corps, dis-je, préfenté à un autre éle@rifé par le bâtis, avoit une belle aigiene, tandis que les angles de celui-ci d'avoient que des points lumineux: les petites barres métalliques P A, montrent. une partie de cet effet; on voit à la première pré- fente à. la: pointe C, communiquant avec le conduéteur un point lumineux, & à la feconde: préfente à l’autre pointe À, une aigrette, Cet effet eft fi marqué, que quelqu'un qui ne 464 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe feroit pas inftruit, croiroit la barre À éleétrifée au lieu de la pointe À. Il eft de même on ne peut pas plus conftant; car il ny a pas de corps -métallique pointu, de quelque figure que foit fa pointe, qui, éleétrifé par condenfation , ait une aigrette, lequel n'en ait une aufli lorfque n'étant point électrique, on le préfente à un corps auffi életrique par ra- réfaétion que ce même corps pointu fétoit auparavant par condenfation ; & réciproquement point de corps métallique pointu qui, prélenté à un corps électrique par condenfation ait un point lumineux, lequel n'en ait un auffi lorfqu'élec- trique par raréfaétion on en approche un corps non électrique non électrifé, & fouvent même fans cela; les corps électrifés , de cette façon ayant des points lumineux fpontanés, comme ceux qui le font par condenfation ont des aigrettes *. On voit par tout ce que nous venons de rapporter, qu'en artant de la denfité du fluide éleétrique dans un corps non éleétrique non éleStrifé, comme d'un point fixe , l'électricité du bâtis & celle du conduéteur font dûes à deux états oppoés de ce fluide dans lun & dans l'autre, c'eft-à-dire, que dans le premier elle naît de Ia raréfaétion ou de la diminution de denfité du fluide , enfin de fon exhauflion, & dans l’autre de fa condenfation. Car les phénomènes relatifs à cette denfité font dans le bâtis directement contraires à ce qu'ils font dans le conducteur ; celui-là ayant à fes angles des points lumineux pendant que celui-ci a des * Ayant été conduit, comme je viens de l’expofer par une fuitede yaifonnemens , à la découverte des phénomènes quicaractérift ent l’éleétri- cité par raréfaction ; j'ignorois abfo- lument, lorfque je lûs ce Mémoire à Académie, qu'aucun de ces phéno- mèênes eût été obfervé par d’autres Phyficiens. Depuis, j'ai appris que le favant P. Bécaria en parle dans fon * traité, Dell’ Ellettricifino artificrale e naturale , imprimé à Turin en 3753, dont je ne fais même s’il y gn avoit aucun exemplaire à Paris, lorfqueje faifois mes expériences; & aigrettes, & les corps non que M. Watfon dans un petit traité Anoloïs, intitulé, Plus amples Re- cherches fur la nature &T les pro- priécés de lEleétricité, citeen preuve de la raréfaétion du fluide électrique dans la machine ifolée, /4 flamme bleue qu’on voit au bout d’un fil d’ar- chal moufle qu’on en approche; mais il ne paroît pas qu’il connut encore les points lumineux des corps élec- trifés en moins, & qu'il eût fait atten- tion à tous les effets qui devoient né- ceffairement réfulter de la raréfaétion du fluide électrique dans les corps. électriques DIE:SUS CL E NICE S 465 électriques non électrifés qu'on approche de ce premier, ayant des aigrettes pendant qu'approchés du fecond, ils n'ont que des points lumineux. Or comme le fluide électrique eft accumulé ou condenfé dans le conducteur, ce dont il femble qu'on ne puiffe douter, après les preuves que diffé- rens auteurs en ont données, & ce qui fera encore confirmé par une expérience dont je parlerai dans un moment; if s'enfuit qu'on ne peut de même douter, qu'il ne foit raréfié dans le couffin & dans le bâtis avec lequel il communique, & par conféquent qu'il i’y ait, comme je l'ai avancé, une électricité par rarefadtion comme par condenfation. S'il reftoit encore quelques doutes fur la première, le fait fuivant fuffiroit feul pour les détruire entièrement : en effet, il en prouve l'exiftence fans replique, & montre avec la dernière évidence, combien on fe tromperoit en voulant comme je l'ai dit dans la première partie de ce Mémoire) expliquer l'éleétricité du bâtis & fon augmentation, lorfque le conduéteur communique. avec le plancher, par. le ren- verfement du cours ordinaire de l'électricité. Le fait dont je veux parler, eft celui-ci; on remarque conflimment qu'en même temps que la vertu éleétrique du bâtis angmente par cette communication du conduéteur avec le plancher, au point qu'elle eft toute auffr forte que dans la manière d’élec- trifer ordinaire, on remarque, dis-je, que tous les phéno- mènes dont je viens de parler, augmentent auffi & deviennent plus fenfbles : ainfr les corps pointus préfentés à ceux qui font électrifés par le bâtis, ont alors des aigrettes beaucoup plus belles, & les points lumineux de ceux-ci font beaucoup plus apparens. I eft certain cependant que fi la vertu élec- trique du bâtis étoit de la même nature que celle du con- duéteur, les corps électrifés par ce bâtis auroient dans le cas où fon éleéricité feroit très-forte, des aigrettes à leurs pointes, & ceux qu’on leur préfenteroit des points lumineux, n'y ayant aucune efpèce de raifon pour qu'alors ces phénomènes n’euffent pas lieu : car tout ce que l'on pourroit alléguer de la foi- blefle de l'électricité du bâtis qui féroit que dans un autre cas, if ne donneroit que des points lumineux , ne pourroit plus Mn. 1753: . Nnn 466 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fubfifter; mais C'eft, comme on vient de le voir, ce'qui feroit abfolument contraire aux expériences. Enfin fi malgré tout ce que je viens de dire & de rap- porter, la difficulté de comprendre (ainfi que je l'ai dit plus haut) la répulfion des corps électrifés par rarefaction, failoit encoie douter de l'exiflence de cette électricité, je renverrois à ce que j'ai dit au commencement de ce Mémoire à ce fujet, & j'ajoûterois que fi lon a cru jufqu’ici pouvoir expliquer la répulfion des corps électriques par condenfation , par cette efpèce de matière que l'on fent comme un fouffle autour des corps électriques, & qui paroït s'en émaner continuellement , cet pour n'avoir pas obfervé aflez exaétement ce qui fe paffe dans cette répulfion ; car entre deux corps éleétrifés au mème degré, cette émanation n'a aucunement lieu, ou au moins n'eft pas fenfible. Il y a plus, c’eft que fi l'on oppofe à l'aigrette d'un corps électrique par condenfation, un corps dont l'éleétricité foit égale & du même genre, il la fait dif paroïtre dans le moment; comme un éteignoir éteint une bougie, de mème deux pointes oppofées bien direétement lune à l'autre, s'enlèvent réciproquement leurs aigrettes: il paroït donc conflant par ces différentes expériences, qu'entre deux corps életrifés au même degré, il n’y a point d’effluence de matière au moins fenfible, & par conféquent que cette œufe de la répulfion n'eft pas certaine. Quoique je me flatte d'avoir fuffifamment prouvé l'exif tence des électricités par condenfation & par raréfathon, je ne puis m'empècher de rapporter une expérience que j'ai faite, & qui en met la preuve en quelque façon fous nos yeux: dans cette expérience je frottai un globe avec un papier doré percé au milieu d'un trou d’un pouce de diamètre & collé fur la bäfe d’un entonnoir de verre de neufou dix pouces de haut que je tenois par fon petit bout. Il parut d'abord un peu d'élec- tricité au conduéteur; mais en ayant tiré quelques étincelles, elle difparut bientôt, quoique je continuaffe toûjours de frotter : alors ayant fait entrer par le trou du tuyau de l’en- tonnoir , une pointe de fer, j'en vis auffi-tôt fortir un grand jet de feu ou une belle aigrette de deux pouces de long, & De SNSl'C EE NC ENS 467 dans le même temps le globe & le conduéteur devinrent électriques : cet eflet étoit fi fenfible & fi prompt que dans F'inflant que l'aigrette partoit de la pointe, j'en voyois naître une au conduéteur ; enfin il étoit fi marqué qu'on auroit dit d'une liqueur que je verfois & qui fe répandoit initantané- ment de lentonnoir par le globe au conduéteur : fi je re- tirois l'entonnoir de deffus le globe, après avoir frotté pendant quelque temps & fans avoir fourni de feu électrique par ma pointe, fon papier doré fe trouvoit alors fr électrique par raré- action, qu'en en approchant des corps non électriques non électrifés , il en partoit de fortes étincelles, ou des aigrettes ( flon les différentes figures de ces corps) qui lui enlevoient bien-tôt fon électricité, c'eft-à-dire, qui lui fournifloient le fluide dont il manquoit. On voit donc dans cette expérience, comment le conducteur séleétrife par un fluide qu'on y ajoûte, & comment le couffin s’électrife par un fluide qu'on en Ôte. Elle nous montre même par quel méchanifme fe fait l'électrifation ordinaire des corps; elle nous fait voir que le verre frotté ne les éleétrife qu'en ce que dans cet état, fes pores deviennent autant de petites bouches où pompes, qui fucent ou expriment le fluide électrique des corps qui le frottent our le rejeter ou le condenfer dans ceux qui le touchent. + L'élericité par raréfaélion étant une fois prouvée, il s'enfuit ue le fluide électrique ne Vient pas du verre, puilque fi cela étoit, le globe communiqueroit au bâtis la même efpèce d’élec- tricité qu'au conducteur; vérité qui eft encore conftatée par l'expérience que nous venons de rapporter: il s'enfuit de même ue ce fluide ne vient pas de l'air, au moins principalement; car fi cela étoit,on ne pourroit le raréfier dans ces corps, l'air pouvant leur fournir de nouveau fluide électrique à chaque in{- tant par le contaél intime où il eft avec eux, ainfr qu'il rempli- roit un tuyau ouvert par les deux bouts dont on voudroit le pomper. À ces conféquences, je pourrois en ajoûter plu- fieurs autres affez importantes , mais jeme contenterai de faire remarquer, 1. que l'électricité par raréfaction nous montre qu'il pourroit bien y avoir tel agent dans fa Nature qui élechriferoit les corps, en y raréfiant le fluide électrique, ou Nnni 468 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE en diminuant la quantité qu'ils en contiennent, ce qu'on n'avoit pû foupçonner jufqu'ici, cette opération étant même plus fimple que celle par laquelle l'on conçoit ordinairement que les corps s'éleétrifent*: 2.° qu'il y a une grande analogie entre un aimant & un fyftème de corps électrifés par con- denfation & par raréfation, les corps aimantés par un pole, fe repouffant & attirant ceux qui font aimantés par l'autre, comme ceux qui font électriques d’une même façon fe re- pouffent, pendant qu'ils attirent ceux qui le font d’une façon contraire ; enfin que le choc de l'expérience de Leyde n'eft qu'une fuite, pour ainfi dire, des deux électricités par conden- fation & par raréfaction; une bouteille de Leyde fe chargeant dans un inflant, quand on fait communiquer le bas, ou fon enveloppe avec le bâtis, & le crochet avec le conduéteur , & ne pouvant abfolument fe charger lorfqu'on les fait commu- niquer de même avec deux corps électrifés au même degré; c'eft ce que je me propofe de montrer dans un Mémoire où je compte donner l'analy{e de cette expérience. ADDITIONS en forme de füupplément au Mémoire précédent, où l'on fait voir par plufieurs expériences que zous les feux que l'on obferve aux extrémitésdes corps préfenrés à ceux qui font éleérifés par condenfation, (foir que ces derniers foient éle@triques par eux-mêmes ou non) fonr formés par l'entrée du fluide ou feu éleétrique dans ces corps, & non par fa fortie. L. O RSQUE javançai dernièrement, que les feux que l'on obferve aux extrémités des corps, d’un doigt, par exemple, préfenté à un globe de verre éleétrique, font produits par l'entrée du fluide élettrique dans ces corps, M. l'abbé Nollet parut aufli furpris de cette propofition que fi rien n'eût été * Cette conjectureaété pleinement | plufieursfoisque letonnerre éleétrifoit juftifiée par les obfervations de diffé- ‘| les corps par raréfaction. M. Canton, rens Phyficiens, & particulièrement | dela Société Royale de Londres, dit par celles du R. P, Bertier de l'Ora- | même dans les Tranf. Philof. qu'ils toire, Correfpendant de l’Académie | font plus fouvent éleétrifés de cette Royale des Sciences, qui a obfervé | manière, que par condenfation, DES SCIENCES. 469 plus clair & plus décidé que le contraire, c'eft-à-dire, que ces feux font produits par fa fortie ; mais cette propofition eft fi peu nouvelle, ainfi que celle que j'avois avancée auparavant & qui revient au même, favoir que les feux que lon voit aux pointes des corps préfentés aux corps non électriques élec- trifés, font produits par le fluide électrique qui entre dans ces corps, que je ne ferois pas embarrafié de citer plufieurs Auteurs qui ont penfé comme moi à ce fujet : cependant je me con- : tenterai de dire qu’il eft extrêmement difficile (comme on peut en faire convenir tout Obfervateur non prévenu) de décider, par la fimple infpeétion de ces feux, de la route qu'ils tiennent, s'ils fortent ou s'ils entrent, quoique néanmoins, comme je me fais fort de le montrer, leurs apparences foient très-diflérentes de celles des feux que l'on voit aux mêmes corps, lorfqu'ils font électrifés; car ces feux forment alors de véritables aigrettes, produites, felon l'opinion la plus générale & la mieux établie, par le fluide électrique qui en fort. Or dans un cas où un fait eft équivoque, les règles de la faine Phyfique, ou de la Phyfique expérimentale, nous prefcrivent d’avoir recours aux phénomènes qui y ayant quelques rapports, peuvent le mettre dans toute fon évidence. Ainfi les Chymiftes, lorfqu'ils ne peuvent, par une analyfe fimple ou immédiate, reconnoître les différentes fubftances qui compofent un mixte, ont recours à une analyfe plus compolée. J'ai donc cherché de même fi je ne pourrois pas. découvrir quelques phénomènes dont les réfultats combinés. enfemble, m'apprendroient ce que je devois penfer fur la direction des feux dont je viens de parler : je nai pas eu de peine à y parvenir; ce font ces phénomènes, dont je vais rendre compte à l'Académie, & qui, m'ayant prouvé la vé- rité de mes deux propofitions, n'ont porté à les avancer. La crainte d'être troplong m’avoit empêché d’en parler d’une ma- nière détaillée dans mon Mémoire: mais comme cela devient néce{faire aujourd’hui, je l'ajoûterai ici en forme de fupplément. Pour procéder avec plus de méthode, je rapporterai «d'abord les expériences qui prouvent ma propofition, par rapport aux corps préfeniés à ceux qui étant électriques par N nn ii 470 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE eux-mêmes, font rendus effectivement éleétriques par le frottement, la chaleur, &c. enfuite celles qui létablifient par rapport aux autres non électriques par eux-mêmes, & électries par communication. | On fe rappellera que dans l'expérience rapportée vers Ja fin de mon Mémoue, j'ai dit que lé globe frotté pendant quelque temps avec un papier doré, collé fur la bale d'un entonnoir de verre, celle de paroïître électrique, ou au MOINS, ne le paroït que très-peu, ainfi que le conducteur, dès qu'on a tiré quelques éüncelies de ce dernier, mais qu'aufli-tôt qu'on inuroduit une pointe de fer dans le tuyau de l'enton- noir , il fort de cette pointe une belle aigrette qui rend à l'inftant & le globe & le conducteur fort électriques. A cette expérience, j'ajoüterai que fi, dans ces momens où le globe & le conducteur ne paroiffent pas életriques, on approche le doigt ou une pointe de fer du globe, on ne verra aucun feu au bout, quoique dès que vous l'approchiez du papier doré, vous en vifliez fortir une belle aigrette, tendant vers le papier; aigrette qui rend électriques à l’inftant le globe & le conduéteur : ce qu'il y a ici de très-remarquable, c'eft que cette aigrette fe détourne de la direétion de l'axe de la pointe, pour s'approcher du papier, fuyant, pour ainfi dire, le verre, L'aigrette ayant fourni de la matière ou du feu électrique, au globe, c'eft-à-dire, l'ayant électrilé, fr vous lui préfentez une pointe, elle aura pour lors à fon extrémité un point lumineux qu'elle navoit ni ne pouvoit avoir auparavant , uifque le globe n'ayant point de feux, n’en pouvoit donner. L'électricité du conduéteur, étant comme zéro avant qu'on eût approché la pointe du papier doré, ou qu'on l'eût fait entrer dans l'entonnoir, & ce conducteur étant devenu électrique comme le globe, aufli-tôt la fortie de l'aigrette de cette pointe, il me paroît que ce n’eft pas une conféquence forcée que d'en conclurre que le conduéteur, comme les autres corps du même genre, ne devient électrique que par l'ad- dition d'un feu électrique, ou formant l'éle&tricité, foit qu’il reçoive ce feu du couffin ou de la perfonne qui frotte , par : le moyen du globe, foit qu'il le reçoive d'un autre corps DES SCIENCES. 471 auquel on f'avoit déjà communiqué ; car faigrette de feu qui part de la pointe de fer introduite dans l’entonnoir, & qui électrife le globe & le conducteur, paroït la même, à tous égards , que celle qui partiroit de la même pointe élec= tilée. Et comme un corps qui f@roit dans le voifinage de cette pointe deviendroit électrique en recevant le feu de fon aigrette, il s'enfuit que le globe & le conducteur s'électrifent par le même moyen, c'efl-à-dire, par ce feu électrique qu'ils reçoivent de la pointe introduite dans l'entonnoir. Or, puilque toutes les fois que l'on ajoûte de ce feu à ce corps, on l'électrife, il en réfulte que toutes les fois qu'on lui .en retranche, on doit le defdledrifer, & de même que fi on le deféletrife, c’'eft qu'on lui en a retranché *, Ceci étant établi, pañlons maintenant aux expériences. Si vous préfentez le doigt au globe, précifément au deflus des mains qui frottent, vous voyez au bout de votre doigt un petit feu rare: & à l'inflant, s'il y a des aigrettes au conduéteur, elles difparoïffent, & fon électricité diminue : c'eft un. fait trop certain pour qu'on puiffe le contefter; il en fera de même de tout corps non électrique que vous préfenterez au globe ; & plus il fera aigu, plus cet effet fera marqué. Ainfi un fil de fer très-pointu, préfenté au globe, diminuera l'électricité du conducteur, prefque comme fi on le préfentoit à ce dernier, Si vous enveloppez ce fil d'un tuyau de verre, dès que fa pointe débordera, & que fon autre extrémité aura commu- nication avec le plancher, l'effet fera encore le même; enfin il ny aura pas de cas où cet effet n'ait lieu. On prouvera plus bas que fi le fluide éleétrique fe diffipe ici, ce n'eft pas en entrant par les côtés du fif après avoir pénétré le verre, mais en entrant par la pointe de ce fil. Or puifque l'éledricité du conduéteur diminue en préfen- tant ce fl au globe, que cette vertu confifte uniquement dans une matière ignée qu'il reçoit vifiblement du globe à chaque inflant; & qu'enfin nous voyons cette matière ignée, ou le * On doit fe rappeler qu'il eft ici queltion de corps électriques par condenfarion ; comme il eft dit dans le titre de ce fupplément, 472 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royare feu éelétrique, à l'extrémité du corps qu'on lui préfente, j'en infère que cette matière y entre; car fi elle en fortoit, on ne pourroit concevoir comment elle feroit diminuer l'é- lericité du conduéteur, au lieu de Faugmenter comme elle le devroit, puifque nous avons vü que l'électricité & fon augmentation fuivoient toûjours l'addition de ce feu: mais ce qui montre encore mieux la force de cette conféquence, c'eft que fi vous préfentez votre doigt à la partie fupérieure du globe, c'eft-à-dire, à celle qui va des mains au conduc- teur, vous verrez à fon extrémité un feu très-marqué, & l'éle&ricité du conducteur diminuera; que fi au contraire, vous préfentez votre doigt au deflous, vous y verrez bien un feu, mais il fera beaucoup moins apparent que le premier, & le conduéteur ne perdra nullement de fon électricité, à moins que dans cette expérience vous ne vous en approchiez trop près: je viens de dire un doigt, cependant vous y meitriez bien tous les cinq doigts, pourvû que vous ne frottiez pas le globe, que le conduéteur n'en perdroit pas plus de fon électricité, Enfin, fi une perfonne fe place au dehors de la machine, & que montée fur des fupports de verre & bien ifolée , elle frotte ie globe, pendant qu'une autre, placée direftement à l'oppoñite, ne faffe que le toucher avec le bout de es doigts, on verra au bout des doigts de celle-ci de ces feux qui pour- ront paroître à quelques-uns en fortir, mais qui cependant y entreront bien certainement , puifque la perfonne qui frotte deviendra, par ce moyen, éleétrique par raréfacfion. Ceci, pour le dire en paflant, nous fournit une manière fort fimple de faire les expériences de cette elpèce d'électricité ; on s'af- furera facilement que cette perfonne eft électrique par raré- Jalion , en la faifant communiquer avec un corps métallique quelconque ifolé: car alors ce corps aura à fes angles des points lumineux, & ceux qu'on lui préfentera, des aigrettes ; phénomènes qui, comme je f'ai fait voir, caractérifent les corps électrifés de cette manière. Je conclus donc de tout ceci, que tous les corps préfentés au globe en tirent le feu électrique ; que celui que nous voyons à leur extrémité eft ce DE SMSTC"/I E N°C ES; ce mème feu qui y entre; & que s'il nous paroît quelquefois en fortir, c'eft par une apparence trompeufe, dont if ne feroit pas, je crois, abfolument impoffible de rendre raifon. Quant aux pointes métalliques préfentées aux corps non électriques éleétrifés, tout le monde convient aujourd'hui qu'elles leur dérobent l'électricité ou le feu électrique, & que c'eft avec d'autant plus de facilité qu'elles font plus aigues. Or il eft fi naturel de penfer, avec M. Franklin, que ce petit point de feu ou point lumineux, que l'on voit à l'extrémité de ces corps, eft produit par le fluide éleétrique qui y entre, que j'ai cru qu'il fufhfoit de rapporter mon expérience du fil de fer, pour faire voir que c'étoit effectivement ainfi que cela fe pafloit ; cependant on regarde cette expérience comme incapable de prouver l'entrée de ce feu dans ces corps, pré- tendant que l'électricité pénètre à plus de deux pieds de dif tance du conducteur, le tuyau de verre, pour entrer par les côtés de ce fil, & de-là pafler dans le plancher. C’eft aux perfonnes qui entendent la matière, & qui font infhruites des expériences de l'électricité, à juger de {a force de cette ob- jeétion ; mais comme, de quelque nature que foient celles qu'on nous propole, il y a toûjours à gagner, en les éxami- nant par la voie des expériences, j'en ai fait quelques-unes en conféquence, qui me paroiflent prouver, fans replique, que les points lumineux que nous voyons aux pointes pré- fentées aux corps électriques, font produits par un fluide qui entre dans ces pointes. J'ai enfermé un fil de fer fort aigu par le bout dans un tuyau de verre, que j'ai recouvert de deux autres, en forte que les côtés de ce fil étoient défen- dus par près de deux lignes d’épaifleur de verre. Tout étant ainfi difpofé, & la pointe du fil débordant les tuyaux de verre d'une demi-ligne, je les ai placés fur un fupport de verre, de façon que cette pointe tournée vers le conducteur, en étoit diftante d’un pied; enfüite j'ai examiné quelle étoit à cette diftance , l'éle&tricité tranfinife au fil de fer, & j'ai trouvé qu'elle étoit très-fenfible, qu'on tiroit des étincelles de ce fil, & que lorfqu'on approchoit Min 175 3, ° Coo 474 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE la main de l'extrémité la plus éloignée du conduéteur, on y excitoit une aigrette aflez marquée. If eft bon de dire que pendant tout ce temps-là, il y avoit wi point lumineux à a pointe ou à l'autre extrémité de ce fi. Or, dès que je ca- chois cette pointe, l'électricité du fl s'afloiblifioit confidé- rablement, en forte qu'il n'y enrefloit qu'extrêmement peu: pour cela, je n'étois pas même obligé de la couvrir avec de la cire d'Efpagne, je n'avois qu'à pafler devant une petite lame de verre de dix lignes de large, & detrois pouces de long, auffi1ôt Féleétricité difparoifloit prefqu'entièrement, pour ne pas dire tout-à-fait. La quantité du fluide électrique qui pañloit lorfque la pointe étoit cachée, étant auffi petite que je viens de le rapporter, & celle qui pañoit lorfque cette pointe étoit découverte étant beaucoup plus confidérab'e, j'en conclus que la plus grande partie de ce feu ou fluide, pour ne pas dire le tout , entroit & pafloit par la pointe, & en y entrant formoit Ze point lumineux ; la quantité de ce feu qui pouvoit entrer par les côtés, étant, comme je viens de le dire, trop petite pour y ètre comparée, & conféquemment que lor{que le feu électrique fe diffipe par la préfence d’une pointe, c'eft qu'il entre par cette pointeen y formant ## point lumineux. Il fuit de tout ce que nous venons de rapporter, que tous les feux que l'on oblerve aux extrémités des corps, préfentés aux corps éleétrifés par condenfation (it qu'ils foient éleétri- ques par eux - mêmes Où non) {ont des feux produits par le fluide éleétrique qui entre dans ces corps, puifqu'ils font toûjours accompagnés de la diminution du feu électrique des corps électrifés auxquels on les préfente; & que ces feux n'entrant point par les.côtés ou les faces latérales des corps pointus, ou du moins n'y entrant que dans une quantité prefqu'infenfible, il faut, de toute néceflité, qu'ils entrent par les pointes, ce qu'ils font fous la foime de points de lumière : car les divers rayons de matière éleétrique fe trou- vant comme raflemblés & concentrés à l'extrémité de ces pointes, ils doivent en conféquence y former w point lumineux, PA Mem de lA4c_R. des Sc.1783. Pay. 474 Pl10. M de lAeR da e 1758 Pau #74 Pia dngram del t We BD 'ENSMISNC ILE Nic ms 475 EXAMEN DE DEUX QUESTIONS CONCERNANT L'E'LECTRICITE: Pour fervir de Juire au Mémoire intitulé, Compa- raifon raifonnée des plus célèbres Phénomènes de l'Electricité, &c. Par M. l'Abbé NoLLET. N°: premières découvertes fur les caufes de Electricité nous ont appris que cette vertu eft l'action d'un fluide qui n'eft point l'air que nous refpirons, & lon eft convenu en très-peu de temps, que les rayons de cette matière animée d'un mouvement progreflif, formoient une atmofphère autour du corps électrilé. i Les fentimens fe partagèrent enfüuite fur la direction de ce mouvement; les uns prétendirent que les jets de matière électrique partoient du corps éleétrifé comme d’une fource commune; les autres foûtinrent au contraire que ce fluide univerfellement répandu dans l'air & dans tous les autres corps, f dirigeoit par une pente naturelle vers celui qu'on électrile, comme vers un nouvel efpace qu'on lui ouvre; & ce qui embarraffa le plus, c'eft qu'on produifit de part & d'autre des preuves qui parurent également convaincantes. Tout bien confidéré, le plus grand nombre des Phyficiens qui fe font occupés de ces recherches, ceux qui s'y font le plus diftingués, ne voyant rien d’incompatible dans ces deux effets, & ne trouvant ni dans fun ni dans l'autre feul de uoi rendre raifon des phénomènes, fe déterminèrent à les oct tous les deux enfemble, & s’accordèrent à regarder l'atmofphère électrique comme étant compolée d’une infinité rayons, les uns procédant du corps éle&rifé, les autres Sy portäht de toutes parts. f Oooïi 12 Novemb. 1755: « Mémoires de ” l'Acad. 1745. P- 107: > ÿ » > Ÿ 476 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE C'efl ce double effet que j'annonçai en 1745 *, fous le nom d'effluences & d'affluences Jimultanées, non comme une découverte fuflifamment conftatée alors, mais comme une conjecture très-plaufible, à laquelle l'expérience m'avoit con- duit: dix ans de réflexions & d'épreuves me l'ont fait re- garder depuis comme un principe, un premier fait auquel je crois qu'on peut rapporter tous ceux qui concernent l'é- lectricité. Cependant depuis quelque temps on nous parle d'élechi- cités en plus & en moins, d'éleftricités refineufe & vitrée, « qu'il faut, dit-on, diflinguer comme autant d’efpèces, parce que chacune d'elles a fes phénomènes particuliers qui la caracté- rifent parfaitement, & que ces diftinétions nous fourniflent de nouvelles lumières fur les caufes de l'éledtricité:» ne re- fufons point les lumières qu'on nous offre, fi elles doivent nous montrer des erreurs à rétraéter ou des vérités réelles à recueillir, mais foyons en garde contre les fauffes lueurs qui ne peuvent qu'éblouir & qui ne font voir que des phan- tomes ; ne perdons point de vûe fur-tout cette règle que tout Phyficien doit fe prefcrire, de »'admettre pour caufes phyfi- ques que celles qui font vraies, c'eft-à-dire, bien prouvées, & qui fufffent pour rendre raïon des effets qu'on cherche à expliquer. C'eft dans cet efprit & avec ces difpofitions que j'entreprends d'examiner, 1.° s'il faut admettre deux fortes d'électricités, l'une pofitive ou en plus, Vautre négative ou en moins; 2. fi l'ectricité du verre diffère eflentiellement de celle du foufre, des réfines, des gommes, &c. Cet examen fe partage naturellement en deux parties qui feront la ma- tière de deux Mémoires, DES SCIENCES. 477, PREMIERE PARTIE. Sur la prétendue diflinttion des Ele&ricirés en plus à” en moins. M. Watfon, un des premiers Phyficiens qui aient décou- vert & prouvé /es effluences & affluences fimultanées (a), voulant, il y a environ huit ans, expliquer un fait rapporté dans un ouvrage de M. Boze*, & qu'il avoit rencontré lui-même dans le cours de fes expériences, s'exprima de manière à faire croire qu'il n'avoit égard dans ceté occafion qu'à un feul courant de matière électrique, déterminé par léleétrifation à fe porter d’un corps dans un autre. On voit qu'il a con- fidéré cette matière comme un fluide qui peut fe condenfer, fe raréfier & s'étendre de l'endroit où il y €n a plus vers celui où il y en a moins, & qu'il a compté fur les mou- . vemens qui pouvoient naître de cette propriété, pour rendre raïfon du phénomène qu'il avoit en vüe & de quelques autres de Ja même nature. M. Watfon a-t-il prétendu par-là introduire une nouvelle _efpèce d’életricité? c'eft ce que je ne puis croire. Première- : ment, parce qu'il ne paroïît pas qu'il ait rétracté formelle- : ment fa première opinion, je veux dire celle des effluences & afHluences fimultanées, avec laquelle cette nouveauté feroit fuperflue & même incompatible; fecondement, parce qu'on peut penfer que dans cette occafion il n’a prétendu parler que de celui des deux courans qui fe fait le plus fentir, & qui a le plus de part aux effets apparens. Quoi qu'il en foit, H me femble que c’eft-là ce qui a donné Tidée des éle&tricités en plus & en moins M. Franklin, le premier qui ait introduit cette diftinétion, n'a parlé que cin ou fix mois après la lecture du Mémoire de M. Waion /&) : s (a) Dans un ouvrage compolé en | sions pour fer vir à l'explication de la anglois, & waduit depuisen françois, | marure 7 des pronriérés de l'Elec- publié à Parisen 1748; fous ce titre: | rréciré. Suite dés Expériences ê7 Obferva- | ‘(b) Le Mémoire de M. Watfon O0 0 iij * Recherches für lacaufe & la véritable thécrie de l’E"leétricire, P:41: 478 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE il Seft exprimé comme lui, & à l'occafion du même fait ; & ceux qui tiennent aujourd'hui pour cette opinion, avouent ils la doivent à M. Franklin. Ce dernier Auteur nous dit en propres termes, qu'un corps s'électrife de deux manières; premièrement, s'il reçoit. plus de matière électrique qu'il n'a coûtume d'en contenir, ou sil fe trouve, avec la quantité qu’il en contient naturellement, dans le voifinage d'un autre corps, qui n'en a pas fa dofe ordinaire ; c’eft là ce qu'il appelle électricité pofitive ou en plus. Secondement, un corps s’éleétrile encore, dit-il, s'il perd, en tout ou en partie, la quantité de mutière électrique dont if eft naturellement pourvü, & c'eft ce qu'il nomme électricité négative Où en moins. Que l'on réduife la queftion à favoir, fi lon peut augmenter ou diminuer la quantité naturelle de matière électrique contenue dans un corps, je la regarderai comme étant d’une légère importance ; je conviendrai même, pour abréver la difpute, qu'il fe fait une diminution au moins momentanée de cette matière, par les premières émanations qui précèdent & qui déterminent les affluences. Mais en vain avons-nous tenté cette voie d'accommodement : les partifans de M. Fran- klin foûtiennent, fans en vouloir rien rabattre, qu'un corps eft électrifé dans toutes les formes par cela feul, qu'il a plus ou moins que fa dofe ordinaire de matière électrique, ou feulement parce qu'il eft auprès d’un autre corps qui en a plus ou moins que lui. Deux ou trois Auteurs qui ont adopté cette doétrine, fuppofent donc, avec M. Franklin, 1.” que dans toute élec- tricité il n'y a jamais qu'un feul courant de matière, c'eft- à-dire que le fluide électrique pafle du dedans au dehors du corps électrifé en plus, & qu'il vient au contraire du dehors au dedans de celui qui eft éleétrifé en moins. 2. Ils attribuent au fluide électrique une élflicité, en a été Iù à Ja Société royale le 22 | d'électricité en plus & en moins eft Janvier 1747; la premiére leure de | du 28 Juillet de la même années M. Franklin où il foit fait mention Es FRE "7 DRÉRSNST COLE INUC PES 479 vertu de laquelle il eft fufceptible d’une grande condenfation, & capable de s'étendre uniformément dans les nouveaux ef- paces vuides où moins remplis qu'on lui préfente. 3.° Selon ces mêmes auteurs , air de l'atmofphère ne fournit point de matière électrique aux corps électrifés en moins, foit qu'il n'en ait pas, foit que celle qu'il contient ne puifie s'en dégager. 4 Ils ajoutent qu'il en eft de même du verre & des autres fubltances qui s'électrilent par frottement : quelques- uns mème d'entre eux, -non contens de fuppofer le fait comme certain, s'avancent jufqu'à vouloir nous en dire les railons. Je n'arrête à ces quatre fuppofitions, & je demande d’a- bord {1 l'on s'eft mis en droit de les faire par des obfer- vations bien réfléchies, par des faits qui les indiquent nécef- fairement ou du moins d'une manière plaufible; car autrement le fyflème qui en réfute, ne peut paffer que pour une imagination hafardée , pour une produétion étrangère à la Fhyfique expérimentale, ceux qui s'appliquent à cetie fcience devant avoir pour règle inviolable, de n'admettre pour caufes que celles qui font prouvées, indépendamment de l'ufage qu'ils | en doivent faire. J'ai revü depuis deux mois, & j'ai examiné avec beaucoup d'attention les écrits de M. Franklin & de ceux qui ont pris fon parti, j'ofe aflurer que je n'ai trouvé aucune preuve directe des affertions que je viens de rapporter; mais en place de ces preuves, on y trouve perpétuellement ces façons de raifonner très-peu concluantes: « tel ou tel effet, dit-on, peut s'expliquer avec telle ou telle fuppofition., donc ce que je fuppole dans mon explication eft une réalité. » Ce’ qui prouve bien abus de ce raifonnement, c'eft que fouvent la fuppofition qu'on à faite eft démentie par l'expé- rience, & que l'explication qu'on a prétendu en tirer, devient plus naturelle & plus vrai-femblable, fi fon fuppofe le con- taire ou f1 l'on ne fuppofe rien de ce que lon a fuppoté ; on n'y raifonne pas d'une manière plus légitime, quand on eflaie de combaure des faits évidens, mais incompatibles « 480 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE avec le fyflème qu'on a entrepris de défendre: « ces faits, » dit-on, ne peuvent pas ètre vrais, car felon nos principes, il doit arriver toute autre chofe ». N'eft-ce pas le cas de ré- pondre tant pis pour les principes qui conduifent à nier ce qui eft évident : je ne crains point qu'on prenne ceci pour des imputations injuftes, f1 lon fe donne {a peine de par- courir feulement les écrits dont je parle, & avant la fin de cette lecture, j'aurai plus d'une occafion de juftifier ce que j'en dis. Dans mes Litres fur l'éledricité, & principalement dans la cinquième qui eft adreflée à M. Franklin, après avoir objetté ce défaut de preuves pofitives dont je viens de parler, jai fait voir que de toutes les expériences rapportées en faveur de fon fyftème, les unes n'ont que des rélultats douteux ou cafuels, que le plus ou le moins d'électricité fait paroître ou difparoître quand on le veut, & que s'il y a dans les autres des eflets plus réels & plus conftans, ils ne prouvent rien pour la prétendue diflinétion des élettricités en plus & en moins, parce qu'on peut fans violence, les rapporter au principe des effuences & affluences fimultanées , qui a fur _cette hypothèle, l'avantage d'être un fait bien établi, & re- connu aujourd'hui par le plus grand nombre des Phyficiens éleétrifans ; M. Franklin ne ma point encore répondu : j'ai lieu de croire que ceux qui ont entrepris de le faire pour lui, n'ont point trouvé de raifons bien folides à n’oppoler, puif qu'ils n'ont fait que me répéter des raifonnemens que j'avois réfutés d'avance, éluder les difficultés que j'avois formées, & nier des faits que j'avois pris foin de conflater de la manière la plus authentique, qui font aujourd'hui de la plus grande notoriété, &c qu'ils ne peuvent ignorer eux-mêmes ; c'efb ce qu'il me fera aifé de prouver fr je trouve Foccafion & le temps de revenir à ces difcuffions. Ce qu'il y a de certain, c'eft que les partifans les plus zélés & les plus éclairés de M. Franklin, n'ont pas trouvé les fondemens de fon hypothèfe aflez folides, puifqu'ils avouent que la foiblefle de fes preuves eft une des principales raïfons qui les ont déterminés à en chercher DES SCIENCES. 481 chercher de meilleures. Voyons jufqu'à quel point ils ont réuffr. De quelle manière, par exemple, entreprend-on de nous perfuader que dans toute électricité il n’y a qu'un courant de matière? C’eft en produifant des expériences dans lef- quelles on ne voit, dit-on, le fluide électrique fe mouvoir que dans un fens; & en alléguant des raïfons qui tendent à établir l'impoflibilité des deux mouvemens oppofés que nous * ui attribuons. Au premier de ces argumens, je réponds, que s’il eft permis de s’en rapporter à ce que l'on voit & à ce que l’on fent, je puis citer nombre d'expériences , la plufpart faites & gonnues avant qu'il füt queftion d'aucun fyftème fur les caufes de léledtricité, & par conféquent non fufpectes, lefquelles nous mettent fous les yeux des marques non équivoques des deux courans que lon nous contefle: qu’il me foit permis d'en rappeler ici quelques-unes des plus connues. Ne fait-on pas qu'un corps électrifé de quelque manière que ce foit, attire & repoufle en même temps, & par le même endroit de fa furface , les corps légers qu'on lui préfente? Ne voit-on pas toûjours l'écoulement d'une liqueur quel- conque s’accélérer, foit qu’on électrife le vafe qui la contient, foit qu'on le tienne feulement auprès d'un corps électrifé? & ces deux effets n'ont-ils pas lieu en même temps? Ne provoque-t-on pas également de ces deux manières la tranfpiration des animaux & T'évaporation des liqueurs qui font dans des vafes découverts? “Un corps flexible, & d’une certaine étendue, comme un ruban, un bout de fil, une feuille de métal très-mince, ne -montre-t-il point, par les différens plis qu'il prend vis-à-vis d'un tube nouvellement frotté, qu'il et {ollicité à fe mou- voir par des impulfions contraires & fimultanées ? Enfin, fi on veut voir d’un même coup d'œil les deux actions oppofées du fluide élefrique, & fe procurer une image fenfible de l'atmofphère qu'il forme autour du corps électrilé, que on attache autour du conduéteur autant de Mém. 175 3. - Ppp 4832 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fils de lin qu'on voudra, qui aient chacun trois ou quatre pouces de longueur, qu'on le fafle pañler par le centre d'un cercle de telle matière que ce foit, qui ait deux ou trois pieds de diamètre, & qui foit garni de pareils fils, on verra les premiers fe drefler comme autant de rayons perpendicu- laires à la furface du corps électrifé, & les autres tendre de toutes parts à ce même corps comme à un centre commun. ( Figure r ). Cet eflet ne manquera pas de fe répéter fur toute la longueur du conducteur, foit qu'on emploie plufieurs cercles à la fois, foit qu'on tranfporte le même d’un bout à Yautre. En faut-il davantage pour nous apprendre que le fluide invifible, qui fe met en jeu par léleétrifation , fe meut en même temps en deux fens oppolés, puifque les corps qu'il agie & qu'il entraîne, nous indiquent vifiblement cette double direction? En vain voudroit-on éluder cette conféquence fi naturelle & fi plaufible, en difant: sous ne favons pas comment Je Jont les attractions à" répulfions électriques. Si vous ne le favez pas, je ne puis croire au moins que vous vous plaifiez à ignorer; de tous les phénomènes de ce genre, c'eft le plus ancien, le plus frappant, le plus für, & par conféquent le premier à étudier. Il n’eft pas vrai-fem- blable que vous dédaigniez d'en connoître la caufe ; & rien eft-il plus capable de vous éclairer dans cette recherche, que les faits dont je viens de faire mention ? Ne convenez- vous pas, avec tous les Phyficiens, que l'électricité eft l'effet d'une matière qui fe meut? quand une matière ef invifible comme celle-là, comment peut-on mieux juger de la direc- tion de fon mouvement, que par celui qu'elle communique à des corps vifibles? Ne nous en rapportons-nous pas aux girouettes, pour apprendre de quel côté vient le vent? & quand on voit les nuages aller en fens contraire les uns des autres, ne s’accorde-t-on pas à dire qu'il y a deux courans d'air oppolés entre eux! Mais eft-il impoffible, me dira-t-on, qu'un feul courant de matière opère, par quelque modification que nous ne th à à DES SCIENCES. 483, connoiflons pas, les effets mentionnés ci-deflus? & n’avons- nous pas fur les caufes de l'électricité, plufieurs théories qui nous viennent de bonne part, & dans lefquelles on ne compte que fur les émanations du corps életrifé, ou fur les afHuences qui lui viennent des corps voifins ! Comme je ne connois pas toutes les reffources de la Nature ni leurs limites, je ne vois ni la poffibilité ni l'impoflibilité de quelque caufe différente de celle à laquelle j'attribue Jes attractions & répulfions électriques : mais je crois agir en Phyficien, lorfque je m'attache à celle dont j'ai des preuves fufhfantes, & avec laquelle je puis rendre raïfon des phéno- mènes. Je fais que d’habiles gens ont efflayé d'expliquer le méchanifme de l'électricité, n'ayant égard qu’à un feul cou- rant de matière, mais je fais auf que plufieurs d'entreux ont abandonné leurs opinions pour embraffer la M'E & fans vouloir faire ici la critique de celles qui reftent, j'ofe avancer qu'il n’y en a aucune qui explique d’une manière plaufible & vraiment phyfique, le phénomène des attractions & répulfions fimultanées avec toutes fes circonftances, celui des étincelles également fenfibles aux deux perfonnes entre lefquelles elles éclatent, &c. É | Enfin sil faut des preuves encore plus décifives pour fe convaincre de la réalité des deux courans de matière élec- tique, fi lon s'obftine à ne les reconnoître que quand ils fe montreront non feulement par leurs effets, mais encore par eux-mêmes; fans convenir que cela foit néceffaire, je veux bien me foûmettre à cette condition. Nous avons des expériences aufli füres que celles dont j'ai parlé, & dans lefquelles le fluide électrique devenant lumineux & aflez denfe pour exercer fur notre peau des impulfions fenfibles, nous découvre de la manière la plus claire le mouvement progreflif de fes rayons, l'arrangement qu'ils prennent entre eux, & les différentes direétions qu'ils fuivent. Préfentez le bout du doigt, l'anneau d'une clef, le bord d'un écu, & généralement tel corps que vous voudrez choifir dans fa claffe de ceux qui séleétrifent aifément par commu Pppi 484 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE nication , à la diftance de 8 ou 10 lignes vers l'équateur du globe de verre tandis qu'on le frotte, vous verrez couler de tous ces corps des jets de matière enflammée, affez femblables aux aigrettes lumineufes que lon remarque aux angles d'un conducteur d'électricité (fig. 2). Qu'un homme convenablement ifolé fe fafle életrifer ; qu'il tienne une de fes mains étendues comme À (fig. 3), & qu'un autre homme debout fur le plancher en approche peu à peu le bout du doigt ou un morceau de métal qui ait une pointe fort moufle; vous verrez d'abord ce doigt non électrique parfemé de points lumineux, après quoi s'il s'avance un peu plus vers la main électrifée, & que l'électri- cité foit paflablement forte, vous verrez partir de tous ces points autant de jets enflammés qui formeront une aigrette bruyante, & qui fe fera fentir comme un fouffle léger fur la peau de la perfonne élettrifée : vous remarquerez les mêmes effets fi l'honune électrique dirige fon doigt vers fa main de celui qui ne l'eft pas. Si l'on me contefle ces faits, prétendant que la direction de ces courans de matière électrique eftsdouteufe, j'en ap- pelle au témoignage des plus habiles Phyficiens éleétrifans qu'on pourra confulter dans Ecrit imprimé à la fuite de celui-ci, fous le titre de Réponfe au fupplément d'un Mémoire, érc. D'ailleurs il n'en eft pas de ces phénomènes comme de ceux qui paroiflent par accident dans l'atmofphère, ou qui ne reviennent que rarement; les effets dont il s'agit ici font entre nos mains, je les ai déjà fait voir aux Commif faires nommés par l'Académie*, & je fuis prêt à les repré- fenter quand on voudra. Obfervez ce qui fe pafle aux extrémités dun conducteur quelconque , tandis qu'on l’électrife avec un &lobe de verre dans un temps favorable à ces fortes d'expériences ; vous ne manquerez pas de voir {a matière électrique fortir en même * M.55 Bouguer, de Montigny, de Courtivron , d’Alembert & le Roy. Voyez le Journal des Expériences qui eff à la fin de mes Lettres fur 1 EeGricité, imprimées fous le privilége de l’Académie. Lost. LA DES SCIENCES. 85 temps par ces deux parties oppofées /fg. 4): du côté du globe, elle prend la forme d'une frange umineufe dont les rayons fe raréfient & s’afloibliffent à melure qu’ils approchent du verre; de l'autre côté, ‘elle s’élance en forme d'’aigrette plus épanouie , tant qu'on n'en approche aucun corps dans lequel elle ait un accès plus facile que dans l'air. Nous voyons encore là les deux courans bien marqués; il eft comme vifible par ces deux écoulemens en fens con- traire, que les pores du conduéteur, comme autant de ca- naux, {e partagent entre les filets de matière éleétrique qui s'élancent au dehors en forme d'aigrettes, & ceux de 1a même matière qu'on voit arriver à la furface du globe. Nous pouvons croire que la même chofe fe pafle dans toutes les colonnes d'air qui aboutiflent à un corps éleétrifé, à cela près que le fluide électrique ayant plus de peine à sy mou- voir que dans du métal ou dans un corps animé, il ÿ par- court moins d'efpace & n’y conferve pas aflez de force pour s'enflammer & briller à nos yeux. Voilà une partie des faits qui nous mettent fous les yeux les. effluences & affluences éleétriques, j'en pourrois citer d’autres qui ne font pas moins décififs ; je les fupprime ici pour ne pas rendre ce Mémoire trop long, & parce qu’ils fe trouvent pour la plufpart dans les Ecrits que j'ai publiés fur cette matière: j'obferverai feulement que -ces réfultats d'où je tire . mes preuves, ne font pas de ceux qui n'ont lieu que dans quelques cas particuliers, & qu'une légère circonftance de plus ou de moins fait varier ou difparoître ; ce font de ces faits généraux , qu'on a toüjours vüs & qu'on verra toûjours ; . quand il y aura une éleétricité bien marquée, & que les ex- périences fe feront feulement avec les conditions les plus connues & les plus effentielles. Mais que dire au fujet de ces effets dans lefquels on n'a- perçoit, dit-on, qu'un feul courant de matière électrique? Je dis qu'on n'y a vû que la moitié de ce qu'ii y avoit à voir, & voici les raifons qui me font parler ainfi: dans ces expériences qui font en petit nombre (fi l’on en confidère Pppij * Voyez Mém. Acad. 1747, p.102 Ÿ fuir. 486 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaALr le fond & non l'appareil), & que j'ai répétées bien des fois & examinées avec un Phyficien /4) qui a fait fes preuves en matière d'électricité ; j'ai toüjours vû que le corps élec- trifé (en plus ou en moins, comme on voudra le dire) at- tiroit & repoufloit en même temps & par le même côté, & qu'entre lui & un autre corps non éleéhrilé, il y avoit des étincelles toutes femblables à celles qu'on voit éclater dans tout autre cas. Or comme je l'aï déjà dit dans mes lettres à M. Franklin, comment veut-on nous perfuader qu'un corps qui exerce des répulfions, ne fait que recevoir la matière électrique qui lui vient du dehors, & que celui vers lequel nous voyons voler les corps légers, ne fait qu'ex- haler celle qu'il a de trop? comment imaginer qüe fun ou l'autre courant agiflant feul, imprime des mouvemens di- reétement oppolés à celui qu'il a? Je vois bien maintenant pourquoi lon a commencé par dire, nous ne favons pas com- ment fe font les attractions © les répulfions électriques ; mais ceux qui le favent pour avoir réfléchi fur les faits rapportés ci-deflus , trouveront fans doute qu'on a tort de fuppofer un feul courant de matière afHuente autour d’un corps qui repouffe prefqu'autant qu'il attire, ou de n'attribuer que des efHuences à celui qui attire prefque autant qu'il repoufñle. Il y a de l'affectation à rejetter comme des fignes équi- voques, les attractions & les répulfions : j'ai prouvé il y a plus de fix ans *, que de tous les fignes d'électricité, il ny en a aucun qui ne puifle nous tromper, par des circonftances que jai tâché de faire connoître ; mais bien loin d'en conclurre que nous duflions faire un choix arbitraire de celui qui paroïtroit le plus favorable à nos idées, il n'a paru au contraire qu'un homme prudent & impartial devoit les confulter tous, quand cela efl poñlible: & en effet, pourquoi n'entendre qu'un témoin, sil y ena plufieurs qui peuvent dépofer du même fait? (a) M. du Tour, Correfpondant de l’Académie, & Auteur de plufeurs : bons Mémoires fur P'Electricité, imprimés dans les volumes des Savans E angers, en ge — D di. 10 0 CGR EE PT DES SCIENCES. 437 On nous objeéte que fi nous avons attribué jufqu’à préfent la répulfion électrique à cette matière qui fort de toute part du corps éledrifé, & que l'on fent comme un fouffe autour de lui, c'e? pour n'avoir pas obfervé affez exa@ement ce qui fe pale dans cette répulfion, & Von nous repréfente comme un fait ignoré ou négligé de notre part, que les aigrertes difparoiffent entre deux corps électrifés au même degré ; ce qui montre, ajoûte-t-on, qu'il n'y a plus d'effluences, au moins fenfibles. Left vrai, & je crois que perfonne de nous ne l'ignore, que deux corps életrifés perdent leurs aigrettes lumineufes vis- ä-vis lun de l'autre; cette obfervation eft une des plus an- ciennes & des plus connues : mais quand ces feux font éteints, quand ces effluences ceffent d’être fenfibles à la vûe, eft-ce à dire qu'elles font anéanties, & peut-on le penfer, quand on voit que les attraétions & les répulfions continuent ? S'il arrive quelquefois que cette oppofition des deux conducteurs fafle ceffer l'électricité dans un & dans l'autre aux endroits oppolés, ce n’eft pas merveille alors s'il n'y a plus d'effluences lumineufes, cet effet ne doit pas fubfifter plus que les autres, quand la vertu électrique dont il eft le figne n'exifle plus. Mais ces étincelles qu'on nous donne, je ne fais pourquoi, comme le figne le plus für à confulter, croit-on qu'elles ca- drent mieux avec la fuppofition d’un feul courant, que les attractions & répulfions fimultanées dont on cherche à fe dé- barrafler ? Je penfe qu'un Phyficien qui ne voudra pas fe faire ilufion & qui réfléchira férieufement {ur cet eflet, aura peine à le concevoir, s’il n'y confidère autre chofe qu'un jet de matière électrique dont la denfité & la vitefle augmentent à mefure que le corps éleétrifé s'approche de celui qui ne l'eft pas. On fait que l'étincelle éleftrique éclate avec une forte de précifion, c'eft-à-dire, que l'inflammation, le bruit & la douleur , par lefquels elle fe rend fenfible, ne pañfent point par des degrés d'augmentation qui précèdent, ni par des degrés de diminution qui fuivent : l'effet eft tout ce qu'il peut être dans linftant qu'il paroït, & dès qu’il s'eft montré, il n'eft plus, quoiqu'il refte encore de quoi le produire; car 488 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE un corps avec une certaine dofe d'électricité peut fournir, comme l'on fait, à plufieurs étincelles fucceflives, mais qui font toûjours féparées les unes des autres par des intervalles de temps. Cela s'accorde mal avec l'idée d'un feul jet de matière électrique qui s'écoule du corps où il y en a-plus vers celui où il y en a moins: imaginons que c'eft mon doigt qui fournit cette matière à celui d'une autre perfonne ; pourquoi, lorfque j'en approche peu à peu, ce petit torrent de matière inflammable, dont la rapidité augmente alors par degrés, ne s'échaufle & ne rougit-il pas de même jufqu'à l'inftant de fon inflammation parfaite? par quelle raifon le bruit qu'il doit faire n'a-t-il pas les mêmes progrès? d'où vient que ce fluide, à mefure qu'il pénètre dans un corps animé en plus grande quantité & avec plus de vitefle, n'y caufe point une fenfation qui aille en augmentant comme fa force? en un mot, j'ai peine à comprendre comment ces eflets n’augmen- tent ni ne diminuent par proportion, quand il eft évident que la caufe à laquelle on les attribue doit pafler par différens degrés d’intenfité. D'ailleurs quand ce courant de matière électrique eft établi, & qu'il coule avec une liberté qui le rend très-rapide dans . le corps où il manque, je demande encore d’où vient qu'il éclatte tout d'un coup avec tant de bruit ? c’eff, dit-on, comme l'air qui rentre dans un vaifleau où on a fait le vuide. Quoique cette comparaifon pèche eflentiellement par plus d'un endroit, & que je fois en état de montrer que l'explofion des étincelles électriques ne fe pafle point dans les corps mêmes qui les excitent, mais dans l'intervalle qui eft entre eux, je veux bien admettre, pour faire voir en peu de mots que fr elle prouve quelque chofe, c’eft tout le contraire de ce que Ton fe propole. Quand on ouvre fubitement un vaifieau épuifé d'air, celui de l’atmofphère, en s’y précipitant, frappe les parois intérieures, lefquelles tranfmettent le choc au fluide environnant, & le font retentir. Cet effet peut avoir liu deux ou trois fois, fans qu'on renouvelle le vuide, pourvü DMES DCJIENCES 489 pourvû que le vaifleau dans lequel on l'a fait foit d'une cer- taine grandeur, & qu'il fe referme avant que tout l'air qui peut y tenir sy foit introduit. Mais fi, avant la première épreuve , ou dans l'intervalle d'une épreuve à l'autre, on laiffe rentrer l'air infenfiblement de quelque manière que ce foit, l'effet qu'on s’eft propolé d’abord manquera néceffairement. C'eit ce qui devroit arriver, ce me femble, à un corps életrifé en moins vis-à-vis d’un autre corps qui auroit plus de matière électrique que lui, & qui feroit un peu moins près qu'il ne faut pour faire éclater l'étincelle ; car puifque rien n'empêche alors la matière éleétrique de paffer de l'un dans Pautre, pourquoi avec un peu plus de temps, ne reprend-elle pas fon équilibre en filénce? pourquoi après quelques minutes Tétincelle éclate - t-elle encore, & par quelle raifon, dans le cas d'une forte électricité, l’épanchement de la matière électrique, après une première étincelle, s'arrête-t-il pour donner lieu à une feconde, à unetroifième, &c? L'exemple de Fair qui rentre dans le vuide, bien loin de nous aider à comprendre comment le fluide électrique éclate en entrant dans le corps qui eft difpofé à le recevoir, nous montre donc au contraire aflez vifiblement, que les étincelles élec- tiques ne peuvent pas naître d'un fimple écoulement de cette matière, qui ne feroit que pafler de l'endroit où il y en a plus, dans celui où il y en a moins. J'ajoute encore une réflexion. Quand une étincelle éclate entre deux corps animés, lun & l'autre la reflentent éga- lement, & fi elle eft forte, la fenfation qu'elle excite, paile le bout du doigt, remonte dans le bras & quelquefois plus loin: fi cela vient, comme on le prétend, d'un feul courant de matière enflammée qui diftend & fecoue les fibres ner- veufes du corps dans lequel il entre, je voudrois favoir com- ment ce choc devient rétroactif, & fe rend également fen- fible à la perfonne d’où procède l'écoulement. Une fimple éruption , telle qu'on la fuppofe, ne doit pas produire cet effet; plus elle trouve de facilité en avant, moins elle doit - & replier ou fe réfléchir fur elle-même. Mém. 175 3: . Q qq 490 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE On n'a point à répondre à toutes ces difhicultés, quand on confidère l'étincelle électrique comme le choc & f'in- flammation fubite de deux courans de matière qui vont fun contre l'autre avec une vitefle & une denfité qui augmentent à mefure que l'on diminue la diflance entre les deux corps; mais cela fuppofe des effluences & des affluences fimultanées que Jon a bien réfolu de ne point admettre, & contre lef quelles on objecte les raïfonnemens que voici. Il n'eft pas vrai-femblable, dit-on, qu'un conduéteur qui regorge, pour ainfi dire, de matière électrique "qui la laifle échapper de toutes parts, & dans lequel on continue d'en : faire entrer, puille admettre dans {es pores une matièré af- fluente que je fuppofe n'y venir que pour remplir des, vuides: on ajoûte que quand il y auroit place pour cette matière, les effluences & les affluences ayant des mouvemens oppolés entreux ne manqueroient pas de fe heurter & de s'arrêter réciproquement. Je pourrois me contenter de répondre à ces dificultés, qu'il s'agit d'un fait & non d'une hypothèle, & que quand un fait eft prouvé, comme celui-là l'eft aujourd'hui par des expériences & par des obfervations décifives, il eft plus rai- fonnable d'en étudier la poffibilité, fi on ne la conçoit pas, que d'en nier l'exiftence; mais voyons où eft le défaut de vrai-femblance, & limpoffibilité qu'on prétend y trouver. Quand le conducteur reçoit la matière électrique & qu'il la difperfe autour de lui, eft-il donc d'une conféquence néceflaire que tous fes pores foient occupés par ces émanations? Les filets de matière enflimmée que nous voyons couler de ce même conduéteur vers le globe, & qui commencent en même temps & même plufiôt que les aigrettes qui paroiffent à l'autre bout, ne nous indiquent-ils pas qu'il y a dans ce même corps des routes frayées par des écoulemens qui vont en fens contraire? Ce qui fe pale à cet égard dans une barre de fer qu'on élerife, peut fe faire auffi dans l'air qui l'en- vironne ; ce n'eft point une chofe inconcevable ni fans exemple dans la Nature, que deux fluides divifés par jets aïllent en | l DYEJS US CALE NC ES 491 fens contraire lun de l'autre: on conçoit fans peine que deux perfonnes qui fe jetteroient de l’eau ou du vent avec des feringues & des foufflets terminés comme des arrofoirs, ne manqueroient pas de s’atteindre fi elles étoient à une dif tance convenable. | Je ne prétends pas dire par-à que la matière éleétrique efluente ne rencontre pas celle qui vient au conducteur, & que ce choc ne ralentifle le mouvement de l'une & de l'autre; au contraire je compte beaucoup fur cette coliifion pour ex- pliquer l'inflammation qui rend ces matières lumineufes aux endroits où elles ont afiez de denfité & de vitelle: mais je comprends en même temps, que malgré cela elles peuvent conferver aflez de mouvement pour produire les phéno- mènes que nous voyons, foit que de part & d'autre la plus forte emporte la plus foible dans fa direétion, foit parce qu'il y a quantité de rayons qui pañlent les uns entre les autres fans fe rencontrer. Après avoir défendu les efluences & affluences fimul- tanées contre ceux qui les attaquent, j'ai quelques remar- ques à faire fur les éleétricités en plus & en moins qu'on s'efforce de mettre en leur place. J'avois repréfenté à M. Franklin que cette prétendue diftinction ne nous offroit pas des caufes vraiment phyfiques, & qu'en difant tel phéno- mène eft l'efiet de l'électricité négative d'un tel corps, on s'exprimoit d’une manière peu inftruélive: on a cru fe mettre à l'abri de ce reproche en changeant les expreflions , en appe- lant élecfricité par condenfation du fluide électrique ou par exces, celle qu'on nonunoït pofitive ou en plus; & élericité par raréfaclion du fluide éleGfrique où par défaut, celle quon avoit qualifiée de négative où en moins: mais outre que ces nouvelles dénominations font plus longues & plus incom- modes dans le difcours, il me femble qu'elles ne font pas plus lumineufes que les premières , & qu'elles ne cadrent guère avec les idées que les phénomènes les plus com- muns nous donnent de {a vertu électrique; rien n'eft plus propre à nous égarer que d'attribuer ainfi des effets que nous Qgaqi » >] ÿ 492 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE voyons, à une vertu indéterminée dont on évite d'examiner & d'approfondir la manière d'agir. Jugeons-en par la comparai- fon fuivante, qu'on nous donne pour une railon, & à laquelle on revient plus d'une fois avec une forte de complaifance. « I n'y a pas, dit-on, de quoi s'étonner fi le fluide électrique produit les mêmes eflets en fe raréfrant comme en fe con- denfant, il a cela de commun avec l'air: qu'on prenne par exemple, un vaiffeau qui ait une large ouverture, & qu'on le couvre d'une feuille de parchemin bien étendue & collée à fes bords; on verra cette peau s’enfoncer vers le fond du vaifleau & fe rompre avec éclat, foit qu'on raréfie l'air par dedans, foit qu'on le condenfe par dehors. Il eft donc pof= fible, ajoûte-t-on, que l'électricité par raréfaétion nous montre les mêmes phénomènes que l'éleétricité par condenfation ». On ne feroit point arrivé à cette conféquence qui contient une erreur, fi l'on n'avoit point reçu l'élecfricité par raréfadion, comme une vertu quelconque, en faifant abftraétion de tout méchanifme, & fi lon eût fait plus d'attention à ce qui fe paffe dans l'exemple qu'on nous a cité; en effet, avec un peu de réflexion, on auroit reconñu que ce nft pas le vuide qu'on fait dans le vaifleau, qui plie ou qui enfonce le par- chemin : dans ce cas comme dans l'autre, c'eft toûjours la pref£ fion de l'air extérieur, qui produit immédiatement l'effet dont il s’agit; on a confondu mal à propos la caufe occafionnelle avec la caufe efficiente. Ce ne feroit pas un grand mal, & je n'en parlerois pas; fi l'électricité ne nous mettoit fous les yeux que des faits auffi fimples que celui du parchemin qui s'enfonce: on en feroit quitte pour dire, que l'éledricité par raréfaction donne occafion à l'électricité par condenfation de produire ces eflets que nous prenons pour des attractions, ou, pour parler plus phyfiquement, & plus clairement, on diroit que le fluide électrique raréfié dans un corps, détermine celui des Corps voifins à fe porter vers lui, & à poufler vers fa furface les corps lévers qui fe trouvent fur fa route. Mais ce qui rend la comparaifon abfolument inadmiffible, moon PPT PT a, dns m'uS DS CL € NOC/ENS 49 & l'argument qu'on en tire tout-à-fait défelueux, c'eit la difparité manifefte qu'il y a dans les eflets comparés: celui du parchemin qui s'enfonce ou qui fe crève par l'eflort de l'air, eft fimple & unique; le phénomène électrique auquel on le compare, eft toüjours double & en deux fens oppolés, (car il s’agit d’attrations & de répulfions fimultanées) : pour faire valoir l'exemple qu'on nous cite, il faudroit donc qu'en faifant le vuide dans le vaifleau, ou en comprimant l'air par dehors, on vit les différentes parties du parchemin tendu, {ortir de leur plan commun, les unes pour s'abaifier , les autres pour s'élever ; ce qui certainement n'arrivera jamais. es termes d'électricités ew plus & en moins introduits par M. Franklin, ne déterminoient rien fur da manière dont le fluide électrique pouvoit diminuer dans un corps, & augmenter dans un autre; c'étoit déjà beaucoup d'avoir fup- polé ces diminutions & augmentations avec une certaine durée, parce qu'elles font difficiles à concilier avec l'opinion très-naturelle & très-plaufible, dans laquelle on.eft depuis long-temps, que {a matière électrique réfide par-tout & dans Y'air même de l'atmofphère. En admettant cés plus & ces moins on pouvoit attendre que lexpérience nous montrât comment ils fe font: mais on prévient fes décifions, par ces mots de condenfation & de raréfaction, & par le fens qu'on a pris foin” d'y attacher. Pardà le fyftème fe trouve encore chargé d'une fuppofition aflez gratuite, qui confifte à regarder la matière életrique comme un fluide capable de fe reflèrrer oufde s'étendre dans un efpace fort différent de celui qu'il occupe naturellement; ce qui ne manquera pas d'être contefté, par quiconque ne voudra admettre que ce qui eft- nécefflaire pour l'explication des phénomènes & füufffamment rois | | En effet, on peut concevoir, comme on l'a fait juiqu'à préfent, que la matière électrique s'élance du dedans au dehors du corps que l'on frotte, animée par l'action des parties mêmes de ce corps, lefquelles font mifes en vibration par le frottement ; que par ces émanations il sy fait une efpèce Q qq ii 494 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de vuide où d'épuilement momentané, qui détermine a matière électrique de l'air ambiant ou des corps voifims à S'y porter, par la feule tendance qu'elle a, comme tous les fluides ( compreflibles ou non } à fe répandre uniformément, dans tous les efpaces difpolés à la recevoir. On comprend encore fort aifément que les jets quiss'élancent du corps frotté ou du conduéteur, peuvent enfiler les pores d'un autre corps, & en faire fortir, à melure qu'ils y entrent, une pareille quantité de matière. Dans tous ces mouvemens, qui fufhfent pour rendre raifon des phénomènes, on ne voit pas qu'il foit aucune- ment nécellaire d'attribuer au fluide électrique cette com- preffibilité, niecette force expanfive & fpontance qu'on lui fuppole: quand fes parties feroient dures, pour ainfi dire, comme des atomes, je ne vois pas pourquoi tout cela n’ar- riveroit pas de même. I eft vrai que nous regardons communément cette ma- tière, comme un fluide élaftique, parce que cette idée sac- corde mieux avec l'opinion où nous fommes, que la matière électrique & celle de la lumière font la même, quant au fond, & que d'ailleurs, il eft plus naturel de penfer qu'elle a du reflort, que d'imaginer qu'elle n’en a pas, & que fes parties foient parfaitement molles, ou d’une dureté abfolue. Mais faut-il croire pour cela que ceux qui lui ontfättribué ce reffort, font d'avis qu'elle foit compreflible à peu près comme une mafle d'air, qui s'étend ou fe -efferre confidérablement, felon l'efpace qu'on lui donne à remplir, ou la forcequ'on emploie pour la comprimer? L'élafticité d’un corps nefe mefure point par fon degré de flexibilité, mais par fa réaétion plus ou moins prompte, plus ou moins complète; le verre & l'acier trempé ont bien plus de reflort que Ja plume ou la laine, quoiqu'ils foient fufceptibles d’une compreflion bien moins fenfible. Pour moi, quoi qu’on en dife, je mai jamais penfé ni écrit que la matière életrique füt élaftique avec une grande flexi- bilité ; jamais je n’ai eu beloin de recourir à cette fuppofition, 4 pes IS CE ENT GENS: 495 &fi jy eufle été porté par quelque confidération, je ferois fans doute revenu fur mes pas, en réfléchiffant fur la vitefle extrême avec laquelle cette matière fait fentir fes effets, à l'extrémité Ja plus reculée d'un conduéteur long de deux mille pieds ou davantage : eft-il probable qu’en moins d’une feconde de temps, elle chaffàt devant elle un filet de ma- tière de cette’ longueur ; fi fon.eflort fe déployoit fur un fluide auffi flexible qu'on le fuppole ? peut-on dire avec vrai- femblance, que ce qui paroît fi promptement au dehors & à de fi grandes diflances, ait été précédé par une conden- fation confidérable de toute la matière électrique contenue au dedans ? les étincelles, les inflammations, ce qui fe pate dans l'expérience de Leyde, tout cela bien médité annon- ce-t-il lation ou le choc d’une matière molle & flexible? ajoütez à toutes ces difficultés, celle de concevoir comment un fluide peut fe condenfer & fe comprimer dans des corps Ms travers lefquels on eft obligé de convenir qu'il pale avec la plus grande facilité, : On répondra peut- être à cette dernière objeétion, que ces corps font enveloppés d'air qui eft une fubftance de la claffe de celles qui s’électrifent par frottement, & dans lef- | quelles la matière électrique ne pénètre pas; moyennant cette enveloppe, dira-t-on , la condenfation dont il s’agit peut fe faire dans le conduéteur. Voilà encore une fuppofition , qui de vrai-femblable qu'elle eft avec certaines modifications , & lorfqu'on la contient dans les limites indiquées par l'expérience, devient infoûte- nable & vifiblement faufle, parce qu'on fe permet de lui donner toute l'étendue qu'exige le fyflème auquel on veut la faire fervir. On a obfervé dans nombre d’occafions, & c'eft une chofe affez généralement reconnue maintenant, que lai de notre atmofphère eft un milieu moins perméable au fluide éleétrique, que les animaux, le métal & quantité d'autres corps qui font bien plus denfes; & lon en a concu avec quelque raïfon, que l'air devoit être rangé dans la claffe des fubftances qui s’éleétrifent mieux par frottement que par 496 MÉmorres DE L’ACADÈMIE ROYALE communication: mais fi l’on a des raifons pour penfer ainfi de ce fluide, il y en a encore davantage pour ne point admettre cette imperméabilité abfolue qu'on lui fuppole, & fans laquelle il ne pourroit contenir la matière électrique qui feroit eHort pour s'étendre du dedans au dehors des conducteurs. On va plus loin, on prétend que fair ne contient point du tout de matière électrique, & qu'il n'en peut point fournir aux corps où elle manque. Jamais prétention n'a été, je penfe, moins fondée, ni plus facile à détruire; il fufht de réfléchir un inftant fur les phé- nomènes les plus communs, pour voir qu'elle ne peut fe foûtenir: quon me dife, par exemple , comment les corps légers, qui flottent dans la mafñle d'air la plus vafle & la plus calme, font amenés au verre nouvellement frotté ou au conducteur qu'on électrile, fi ce n'eft par des rayons de matière électrique? n'efl-ce pas dans fair que nous voyons ces aigrettes lumineufes qui s'avancent de plufieurs pouces au delà du corps d'où elles s'élancent, & qui confervent encore un mouvement très-fenfible à des diflances plus grandes? les conduéteurs ne reçoivent-ils pas l'électricité les uns des autres, nonobftant des mafles d'air de plus d'un pied d'épaiffeur? Cette dernière remarque nous apprend, non feulement que l'air eft perméable au fluide éléctrique, qu'il le reçoit & qu'il le rend; mais qu'il en eft toüjours rempli, comme les autres corps : car fans cela il me paroit impoñlible d'expliquer ni de comprendre comment cette matière pourroit pafler d'un corps à l'autre. Suppofons deux tuyaux, comme À B & CD (fig $s), que le premier foit vuide & ouvert, que l'autre foit plein d'une liqueur quelconque tendant à s'écouler par Porifice C; fi le milieu qui remplit l'efpace ZC eft imper- méable à cette liqueur, quelque difpofition que le tuyau AB ait à la recevoir, il ne lui en parviendra pas une goutte, parce qu'il ne {e fera aucun écoulement par lorifice €’; f1 au contraire, le milieu BC eft de nature à s'imbiber de cette liqueur, cet effet aura lieu avant qu'il en entre dans le tuyau À 2, & même quand ce tuyau n'y feroit pas. Il eft \ BAEMSMASVCNT E NUIGUEISS 497 IL eft aifé de faire l'application de ceci à deux die d'électricité. On verra avec un peu de réflexion, que fi l'air qui les fépare étoit imperméable à la matière électrique, elle ne pourroit pafler de lun à l’autre que dans le cas d’un contact immédiat ; & puifque l'expérience nous montre que cette condition n'eft pas néceflaire, il eft donc évident que l'air de Vatmofphère dans lequel fe trouvent plongés tous les corps qui contiennent le fluide électrique, doit en être rempli en raifon de fa porofité: car pourquoi en feroit-il dépourvû si ne réfifle point invinciblement à l'eflort que fait conti- nuellement ce fluide pour s'étendre! Si l'on fe retranche à dire, que l'air de notre atmofphère neft perméable à la matière électrique que parce qu'il eft humide & mêlé avec des fubftances étrangères, je répondrai, que j'ignore abfolument ce que feroit à cet égard une mafe d'air parfaitement pure & réduite à fes parties propres : la fuppofition que j'attaque ayant été faite pour fervir à l’ex- plication des phénomènes électriques qui fe paffent dans air de l'atmofphère, c'eft uniquement de celui-là qu'il doit étre queftion ici. Il eft vrai que les différens états dont il eft fufceptible laiffent à la vertu ledtrique plus ou moins d’é- nergie; mais il n’y en a aucun qui rende fes effets ab{olu- ment nuls, & lon peut dire après des obfervations bien réitérées & bien füres, que la circonftance qui les favorife le moins, n'eft point celle d'un air bien fec, & en apparence le plus pur. Les mêmes Auteurs qui ne croient pas que la matière électrique puiffe venir de l'air, ajoütent qu'elle ne vient pas non plus ni les globes ni des tubes de verre que l'on frotte; & c'eft encore une affertion dont il faut au moins fixer le fens. Veut-on nous apprendre par-là que ces inftrumens ne fourniflent point, de leur propre fonds, toute la matière élec- trique qui fe met en jeu par une éleclrifation foûtenue; & que les pores du verre, comme autant de petites bouches, (pour me fervir de fexpreffion de M. Watfon) ne font que la recevoir pour la rendre l'inftant d'après? c'eit répéter ce qui a Mém. 175 3° -Rrr 498 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE été dit y a dix ans, & qu'il eft inutile de prouver aujour- d'hui. Ou bien veut-on nous faire entendre que le verre nou- vellement frotté ne met rien du fien dans les premiers effets qui s'enfuivent, ou parce qu'il manque du fluide électrique, ou parce qu'il ne peut fe défaifir de celui qui lui appartient? c'eft fuppoler, fans aucun befoin, ce qui n’eft ni prouvé ni probable. Si la matière électrique eft la même que celle de la lumière ou du feu élémentaire, comme tout le monde le penfe, à quelle fubftance convient-il mieux d'en avoir dans fes pores, qu'à celle qui a paflé par les plus grands degrés de chaleur, & qui eft effentiellement tranfparente? Et pour- quoi le verre frotté, à qui l'on veut bien accorder la pro- priété de recevoir la matière électrique-des autres corps pour la jeter ailleurs, n'auroit-il pas celle de lancer d'abord une. partie de ce qu'il en contient dans fes pores? il paroît même que ce dernier efet doit néceffairement précéder l'autre: les expériences qu'on pourroit alléguer contre, prouvent tout au plus, que les feules émanations qui appartiennent au verre, ne peuvent fournir ni à de grands effets, ni à des effets d’une longue durée. Les expériences & les obfervations de M. Franklin ayant été regardées, par fes partifans mêmes, comme des preuves trop foibles pour établir la diflinétion des électricités en plus & en moins; & l'expérience de M.rs Watfon & Boze, remaniée de différentes façons, laiffant apercevoir dans tous les cas où il y a électricité ; des attractions & répulfions f- multanées fort incommodes à ceux qui ne veulent admettre qu'un feul courant de matière éleétrique à la fois, on a pris le parti, comme je l'ai remarqué plus haut, de donner l'ex- clufion à ces fignes d'électricité, & de ne s'en rapporter qu'aux: « Del Eli. effets accompagnés de lumière. Le P. Bécaria ?, après M. cu nu Watfon b, obferva que quand la machine électrique, & b coche celui qui frotte le globe font ifolés, & qu'on préfente à l'un Pre ou à l'autre le bout d’un fil de fer, il fort de celui-ci une ai- l'Etéridé, $ grette de matière enflammée, dont les rayons font diftincts ve & divergens entre eux, au lieu quon n'y aperçoit qu'une D'eistiS oi E No ris 499 lumière pleine, arrondie, beaucoup plus petite, & comme tranquille quand on le préfente au conduéteur. La différence de ces deux effets lui parut une découverte importante & un figne infaillible pour diftinguer les corps électrifés en moins de ceux qui le font en plus; il aflure conformément à cette idée, que l'aigrette qui paroït dans le premier cas, & qu'il nomme / fuoco elkttrico, eft un courant de matière qui coule de fer vers la machine qui s’épuife, dit-il, en four- niffant au globe; & que le point lumineux du fecond cas, qu'il nomme f'elletta, n'eft autre chofe que la matière électrique émanée du conduéteur, laquelle fe porte vers le fil de fer, & qui s'enflamme en y entrant. Rendons juftice aux auteurs de cette obfervation; le fait eft réel dans certaines circonftances qu'il eft aifé maintenant de prévoir & de réunir: on peut en tirer parti pour con- noître aflez fürement de quel côté la matière électrique coule avec plus de force, lequel des deux courans eff le plus fort, le plus apparent. Mais comme il me femble que M. Watfon n'en a point fait affez de cas, je penfe auffi que le P. Bécaria a donné dans l'excès oppolé : en voulant ériger ce phénomène en principe, il lui a attribué plus de valeur qu'il n'en a, & il en a interprété les apparences trop favorablement pour le fyfème qu'il avoit entrepris de défendre. Ce qui me fait parler ainfi, c'eft qu'après l'avoir long-temps examiné, j'ai trouvé qu'il n'étoit pas conftant, & que dans bien des oc- cafions , il fe montroit avec les marques certaines de deux courans fimultanés. Si le corps qu'on préfente au conduéteureft mince & fort aigu, le feu qui paroît à la pointe, n'eft eflec- tivement qu'un point lumineux; & comme fon mouvement eft imperceptible , quiconque a intérét de fuppofer que c'eft une matière qui entre dans cette pointe, peut le croire, ou s'obftiner à le dire, fans qu'il foit poffible de lui prouver le contraire par la feule infpeétion dif fait: mais fi ce corps ef! moins pointu, qu'il faffe partie d’une grande mafle, & que l'électricité foit paflablement forte, { toutes circonftances qui ne changent point l'efpèce ) je fuis für qu'un obfervateur, fans d'ETAI 500 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE préjugé, reconnoïtra avéc un peu d'attention, que ce feu au lieu d’être arrondi & comme immobile, prend la forme d'une petite flamme alongée qui s'élance par accès vers le conducteur : & fi fon tient d'une main ce fil de fer ifolé au bout d’un bâton de cire d'Efpagne, ou autrement, à la diftance d'un pied, & que de lautre main on touche de temps en temps le bout oppofé à fa pointe, on verraique le feu dont il sagit reprend toüjours une nouvelle vigüeur par ces attouchemens, ce qui autorile à le confidérer comme un écoulement de la matière électrique, que ce fil de fer reçoit ou de l'air qui l'environne, ou des autres corps qui font aflez près de lui. On m'oppoleroit en vain la précaution qu'on a prife de le revêtir entièrement d'un tube de verre, ou de deux lun fur l'autre, pour empêcher qu'il ne reçüt la matière électrique d'ailleurs. On doit favoir que ce fluide fe tamife au travers d'une telle enveloppe, au point de la faire cafler quand on ly force: il eft vrai que c'eft avec difficulté, mais on a dû remarquer aufli qu'en pareil cas, le feu eft plus petit & moins vif à la pointe du fer. Remarquons encore que dans cette expérience , la même pointe à laquelle il ne paroît qu'un très-petit point lumineux lorfqu'elle elt à un pied de diftance du conduéteur, brille d’un feu plus confidérable, qui prend une forme plus alon- gée, & qui paroît animé de ce mouvement fenfible dont j'ai fait mention, à mefure qu'on s'approche davantage : & au même degré de proximité, un corps de la même nature, mais plus moufle, plus arrondi, fournit fouvent une aigrette qui {e dirige vifiblement vers le corps élerifé avec un fouffle qui ne permet pas de douter de quel côté vient cette ma- tière lumineufe. Ce point de lumière, dont on veut faire un caraétère diftinétif, peut donc varier, comme on le voit, par Ja figure du corps, par fä*diftance, par le degré de force de la vertu électrique, en un mot par des circonflances indé- pendantes de l'elpèce d'électricité dont on veut qu'il foit le figne le plus für. AM ENSAUS OUT EN CEAIS sot Il en eft à peu près de même de f'aigrette qui fe voit au bout d’un fil de fer quand on l'approche de la machine ifolée, ou du couffin qui frotte le globe. Il eft vrai, & c'eft une chofe qui étoit digne de remarque, que ce feu diffère ‘par fa grandeur & par fa forme, de celui qui paroît commu- nément aux pointes, vis-à-vis d’un conduéteur qu'on élec- trife; mais on aperçoit aufli une pareille aigrette au bout du même fii de métal, lorfqu'on le tient un peu au defius de fendroit du globe qui vient d'être frotté par le couffin: cette partie du verre eft-elle donc éleétrifée en moins, elle qui eft chargée de tranfporter la matière électrique au con- duéteur!? ce fait, avec ceux qui font repréfentés par les figures 2 € 3,ne prouve-t-il pas que ces aigrettes ne défignent pas à coup für, comme on le prétend, les corps où l'on préfume que le fluide électrique eft raréfié, & qu'on dit être éleétrifés ‘en moins. Enfin, pour montrer que ces aigrettes qui fe dirigent vifiblement vers la machine ifolée, ne font pas feulement de la matière électrique qui fort du fil de fer, mais que ce feu eft animé par une matière femblable qui vient en fens con- traire, & qui pafle d'un bout à l'autre de ce métal, je ne veux employer d'autre expérience que celle-là même, für laquelle il paroit que lon compte le plus pour prouver lexiftence des deux électricités par condenfation & par ra- réfaction. On fait frotter le globe, à la manière du P. Bina, avec une feuille de métal tendue & collée aux bords d’un grand entonnoir de verre ou de quelqu'autre vale équivalent; on poufle le fil de fer par le canal de l'entonnoir, jufqu'à ce qu'il foit à une proximité convenable du globe / fig. 6), & l'on obferve que dans ces circonftances, 1° laigrette eft beaucoup plus belle; 2.° que toutes les fois qu'on la fait paroître en avançant le fil de fer, l'électricité augmente vi- fiblement dans le conducteur; 3." que l'entonnoir étant fé- paré du globe, on tire des étincelles de la feuille de métal attachée à fes bords. Dans tout cela je m'aperçois que des effets ordinaires & connus; je vois que le globe frotté reçoit Rrr ii so2 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE du fer qu'on en approche, plus de matière électrique qu'il n'en recevoit de l'air environnant, ce qui fait augmenter par proportion l'électricité du conducteur; je vois que la feuille de métal qui frotte le globe ilolé, étant ifolée elle-même par le vale de verre auquel elle eft attachée, s'électrife à Ja faveur du conducteur ou du fil de fer qui fournit l'aigrette, comme dans l'expérience de M. Boze; je vois que l'aigrette eft plus belle & plus grande dans l'entonnoir qu'en plein air, parce que la matière qui fort du fil de fer eft animée par toute celle qui vient de la partie frottée du globe ou de la feuille de métal qui le frotte, & que les parois de l'en- tonnoir empèchent de fe diffiper ailleurs. Mais dans tout cela je cherche en vain des marques de cette condenfation & de cette raréfaction que ces effets nous mettent, dit-on, fous les yeux. Ce qu'il falloit voir dans cette expérience, & que l'on a manqué d'obferver, c'eft qu'à Vautre bout du fil de fer, je veux dire, à celui qui eft hors de l’entonnoir, il paroît prefque toüjours une petite Jueur qui eft l'origine d'une aigrette dont les rayons font éteints, mais qui fe manifeftent par un fouffle très-fenfible & capable d'agiter aflez fortement la flamme d'une bougie. Si laigrette eft le figne certain de électricité en plus, & que le point lumineux foit celui de l'électricité en moins, je demande aux partifans de cette opinion, laquelle des deux on doit attribuer au fil de fer employé dans cette expérience ; il faudra foûtenir, ce me femble, qu'il eft életrifé pofitive- ment par un bout, & négativement par l'autre ; que le fluide eft en même temps condenfé & raréfié dans le même in- dividu (ce qui eft incroyable) ou bien lon conviendra de bonne grace que cette diftinétion n'eft pas fondée, & que dans toute électricité il n’y a qu'une feule & même matière qui fe meut en deux fens oppolés. DES SCIENCES. 503 RÉPONSE au fupplément d’un Mémoire li à l’Aca- démie par M. LE RoOY, le 22 Décembre 1753, à imprimé dans ce volume, p. 468. À loccafion du Mémoire dans lequel M. le Roy avoit entrepris de prouver qu’il y a deux efpèces d’éleétricités, l'une produite par condenfation, Vautre par raréfaétion du fluide électrique, conformément à la doctrine de M. Franklin, je citai un fait qui me paroïfloit incompatible avec cette opi- * nion, & qui peut-être ne l'étoit pas; mais fur la réalité duquel . je n'imaginois pas qu'on püt difputer: cependant M. le Roy ayant prétendu qu'il étoit fort douteux, nous expofa peu de jours après fes raifons, par la leéture d'un fecond Ecrit, dans lequel il entreprend de prouver que le fait eft faux, & dont voici le début. « Lorfque j'avançai dernièrement, dit-il, que les feux que l'on voit aux extrémités des corps, d'un doigt, par exem- ple, prélentés à un globe de verre, font produits par l'entrée du fluide électrique dans ces corps, M. Abbé Nollet parut ‘auffi furpris de cette propofition, que fr rien n'eût été plus clair & plus décidé que le contraire, c'eft-à-dire, que ces feux font produits par la fortie; mais cette propofition eff fi peu nouvelle, ainfi que celle que j'avois avancée auparavant, & qui revient au même, favoir que les feux que lon voit aux pointes des corps préfentés aux corps non électriques éleGtrifés, font produits par le fluide électrique qui entre dans ces corps, que je ne ferois pas embarraflé de citer plufieurs auteurs qui ont penfé comme moi à ce fujet: mais je me con- tenterai de dire, qu'il eft extrêmement difhcile de décider par Vinfpection de ces feux de Ja route qu'ils tiennent, s'ils entrent ou s'ils fortent, comme il eft facile d’en faire convenir tout Obfervateur non prévenu . . .» M. le Roy ajoûte quelques lignes après; « or, comme dans un cas où un fait eft équi- voque, les règles de la faine Phyfique, ou de la Phyfique expé- rimentale, nous prefcrivent d'avoir recours aux phénomènes à A ñ An Li) n ñ n n An ñ = ñA a R n LA) An n n Li « LS » >) » » » » » so4 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE qui, y ayant quelque rapport, peuvent le mettre dans toute fon évidence... j'ai de même cherché fi je ne pourrois pas découvrir quelques phénomènes, dont les rélultats combinés enfemble ne m'apprendroient pas ce que je devois penfer fur la direction des feux dont je viens de parler; je n'ai pas eu de peine à les découvrir: ce font ces phénomènes dont je vais rendre compte, & qui n'ayant fait voir la vérité de mes deux propolitions, ont fait que je les ai avancées. » L'état de Ja queftion eft donc de favoir fi les feux qui fe voient entre les globes de verre ou entre le conducteur & les corps non électriques qu'on leur préfente , font des émanations qui coulent des corps éleGrifés vers ceux qui ne le font point; M. le Roy fe déclare pour lafhirmative fans reftriétion, & moi, fans nier ce qu'il défend, je foûtiens que la partie prin- cipale & la plus apparente de ces feux eft un courant de matière électrique devenue lumineufe, & qui fe porte des corps non éleétrilés vers ceux qui le font. Puifque M. le Roy a été fi touché de Ja furprife que j'ai fait paroître, lorfqu'il me difputa le fait en queftion, il con- vient que je commence par dire, quelle a été la caufe de mon étonnement ; c'eft que véritablement, fuivant le reproche qu'il m'en fait, je regardois & je regarde encore comme une chofe clairement décidée, que ces franges ou pinceaux de ma- tière enflammée qu'on voit aux bouts des doigts ou au bord d’un écu, quand on le tient à 7 ou 8 lignes de diftance, au deflus d’un globe de verre qu'on électrife, font réellement des émanations qui viennent de ces corps à la furface du verre. I! s’agit maintenant de favoir, fr j'ai tort de penfer ainfi; mais comment décider cette queltion? eft-ce en con- foltant des réfultats combinés & interprétés felon la théorie qu'on imagine ou qu'on adopte, ou bien en recueillant les témoignages des Oblervateurs le plus en état d'en juger, & qui n'aient aucun intérêt de prononcer pour moi pluftôt que pour M. le Roy: fi l'on fe pique de fuivre fcrupuleu- fement les règles, je ne dis pas feulement de 4 faine Phy- Jique, mais d'une critique judicieufe, je ne crois pas qu'on balance Dirtsw Ste r r'NlcrEls sos balance fur le choix entre ces deux moyens; fe dernier pa- roîtra fans doute le moins fufpect & le plus propre à terminer la queftion: je fais qu'en matière de Phyfique, ce font les raifons pluflôt que les autorités qui décident, mais je penfe que les autorités font des raifons quand il s'agit d'obferver un fait & d'en conftater la réalité. Allons donc aux voix, confultons les Phyficiens qui ont le plus écrit fur l'Electri- cité, & qui pañlent pour en avoir le mieux obfervé les phé- nomènes, tels que M:rs Wilfon, Waitz, Winkler, Wat{on, Boze, Windler, Mufichenbroek, Allamand, les P P. Bel- grado, Gordon, Garo, Béraud, &c. M. Willon, dans un Ouvrage imprimé en Anglois en 1746, après avoir expliqué quelques phénomènes d'éleétri- cité, continue ainfi, fuivant une traduétion que je tiens de M. le Roy: «on expliquera de la même manière une autre expérience faite dans une chambre obfcure, favoir, /a lumiere divergente qui fort d'un corps non électrique, tendante au globe de verre qu'on élelrife ». M. Waitz, dans fa Diflertation qui a remporté 4 Prix de l'Académie de Berlin en 1745. «Si l'on fait tourner rapi- dement, dit-il, un olobe de verre ou de porcelaine, & qu'on Je frotte avec un couflin, il s’éleétrifera, & alors f l'on ap- proche de Ja Jurface le doigt où un morceau de métal, on verra fortir de Pl corps plufieurs ruiffeaux de feux qui feront entendre une forte de fifflement.» j Dans un Ouvrage de M. Winkler, imprimé à Leipfck en 1746, & intitulé, de la vertu électrique de l'eau élec- trifée dans des vafes de verre, on lit ce qui fuit: « Quand on approche le bout du doigt ou un morceau de métal d'un vaifleau de verre plein d'eau qu'on éle‘ife, on voit, mème pendant le jour, une lumière qui s'écoule de ces cor, PS » M. Watfon dans le Mémoire qui a pour titre, Suite des experiences 7 obfervations pour fervir à l'explication de la nature cr des propriétes de l'Elettricité, s'exprime ainfr: «Le courant de matière électrique qui va des corps non éledtrifés à ceux Mém. 1753. . SIL L< 2 La 3 ÿ > Page 24: Edit. 1748, ?. 229. Page 252. so6 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE qui le font, devient fenfible au tact : on le fent comme le foutHe d'un vent frais. » -M. Boze, dans fon troifième Mémoire intitulé, de Ælec- tricitate inflammante ©" beatificante, imprimé en 1744, parle en ces termes: Globus & contrà cufpidibus manus tangitur: 1bi in loco obfcuro attentè adhibeas oculos, videbis non totam digi- torum lucere extremitatem quæ immediaté à globo raditur, fed effe fluxum punéulorum, forum quaf Jubilium decem, viginti,. in cute orientiunt. Le Docteur Windler, dans un Ouvrage imprimé à Naples en 1747, fous ce titre, Tentamina de caufä Eleétricitaris, dit: Æxperimentu. inflitutum cum flellä que corpori elecrifato admovetur, globulos ex ejus punis excedentes, nobis demonffrat anté oculos. On it dans les Inflitutions de Phyfique de M. Mufichen- broek: Quando altera virga metallica, in apicem conicum ter- minata , ponitur in eädem retlä produttä cum priori, ad inter- vallum paucorum pollicum, ut elecricitas à prim& virgä in al- teram tranfilire potuerit, excitatur ab elkéricitate à Jecundä ad primam virgam , alter penicillus radiorum lucentium priori fimilis, d forme adverfæ, aded ut tm duo penicilli conici fuis bafibus fe Jpedtent, nou tamen fefe tangere videantur, Le P. Belgrado, Jéfuite, dans un Ouvrage imprimé à Parme en 1749; fous ce titre, i Fenomeni elettrii Co! À Co- rollari, écrit ce qui fuit: S mettano a fronte una dell'akrra due punte di fpada... da amendue le punte uffirano fintille, &e. On trouve dans le tome vingt-quatre de la Bibliothèque Britannique, un Mémoire de M. Allamand, dans lequel il dit: « Souvent on diroit que le feu fort du corps non élec- trifé, qui s'approche de celui qui left ; je crois même que cela arrive bien des fois, &c.» Voici de quelle manière s'exprime le P. Gordon, dans fes Elémens de Phyfique expérimentale: S digitus aut aliud corpus propiis accedat corpori giranti, ê corpore illo admoto, lux verfus corpus elecricum quafi erumpere , ©" cum flridore &7 fibil in illud ferri ob{ervatur. plais SCT IENNICNELS. 507 Dans une Différtation du P. Béraud, couronnée par J'A- cadémie de Bordeaux en 1748, on lit ces paroles: « Si on électrife fortement un globe de verre, & qu'on approche de ce globe, à la diflance de 3 ou 4 lignes, un morceau de métal, le bout du doigt, &c. on voit auffi-tôt jaillir de ces corps des traits de flamme, par la raifon que j'ai dite dans l'article précédent ». Le P. Garo, dans une lettre imprimée en 1753, repré- fentoit ceci au P. Bécaria: Effendo ad bujo accofferete un dito al vetro ffropicciato, chiaramente vedrete la lucente elertrica materia portarfi continuamente dall voflro dito al vetro. I parut à Venife en 1746, un Ouvrage anonyme, inti- tulé, dell’ Ellettricifmo; c'eft, à mon avis, un des meilleurs qui aient paru fur cette matière, & des plus élégamment - écrits. J'ai ouï dire qu'il étoit d’un Officier au fervice de l'Empereur, & cela eft d'autant plus vrai-femblable, que l'au- teur paroît fort au fait de tout ce qui s’eft paffé en Alle- magne ‘par rapport à la matière qu'iltraite : quoi qu'il en foit, voici ce qu'on lit à la page 310, /e duique ad una palla di vetro che ff fa girare dalla machina , quando s’avvicina un dito, efce prima adeffa una colonna di luce che s'alza colla punta dalla fuperfiie della palla per toccar la coloma lucente che gli vien in contro : qual difficolta avremo di concludere, rc. \ À toutes ces citations qui n'ont pas befoin de commen- taires, fi je voulois joindre le témoignage des autres Phy- ficiens éleétrifans, qui n'ont peut-être point parlé aflez for- mellement de ce phénomène dans leurs écrits imprimés ; mais à qui je fais qu'il eft parfaitement connu, je pourrois citer Mrs du Tour, le Cat, de Romas & plufieurs autres, fans craindre d’en être defivoué : mais je finis en rapportant “encore un témoignage qui ne doit point être ignoré de M. le Roy, & qui me paroït plus propre qu'aucun autre à lui apprendre pourquoi j'ai été ff furpris de le trouver d’un avis contraire au mien, touchant le fait fur lequel nous difputons. S{fÿ 508 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ExTRraiT des Regiflres de l'Académie Royale des Sciences, du 23 Août 172. « M. l'Abbé Nollet ayant demandé des Commiflaires pour , être témoins de plufieurs expériences qu'il avoit faites con- , cernant l'Electricité, l'Académie nomma M.rs Bouguer, de Montigny, de Courtivron, d' Alembert & Roy , qui ayant été préfens aux expériences contenues au Journal qu'il en a Iü, atteflèrent unanimement que les réfultats leur avoient paru tels que M. l'Abbé Nollet les a énoncés : En foi de quoi j'ai figné le préfent Certificat, après avoir paraphé le Journal dont il s'agit. À Paris ce 2 Septembre 1752 ». » » 2» » L Signé GRANDJEAN DE FOUCHY, Secrétaire perpétuel de l’Académie Royale des Sciences. Or, les articles 21 & 22 de ce Journal, atteftés par M. le Roy, portent ce qui fuit: 21. « Un homme s'électrifa fur un gâteau de réfine, en tenant dans fa main la bouteille de Leyde, tandis qu'on tiroit des étincelles de fon crochet. Cet homme, en cet état, préfenta fes doigts à un demi -pouce près du globe de verre que l'on frottoit, & l'on en vit couler , des jets de feu continus, comme il arrive à ceux qui ne font » point éleétrifés. 22. Cette même perfonne, après avoir tenu la bouteille , comme précédemment, préfenta fon doigt à la main d’une ,, autre perfonne qu'on éleétrifoit avec le globe, &7 Jon en vi Jortir une aigreite lumineufe , dont le vent fe fit Jentir à la per- fonne élkérifee qui la recevoit fur fa main ». Voilà les raifons que j'ai eues de m'étonner du parti que prenoit M. le Roy; s'il a été étonné lui-même de voir que je le fufle, je laille à penfer maintenant lequel de nous deux a eu tort de l'être. M. le Roy dit qu'il ne feroit pas embarraffé de citer pl- fieurs Auteurs qui penfent comme lui touchant le fait dont il eft queflion entre nous, J'admire aombien cette expreflion 2 w ÿ DES SCIENCES. s09 eft mefurée, für-tout depuis que j'ai fait une revüe de tous les ouvrages qui ont paru fur l'éleétricité avec une certaine réputation; j'ai rencontré en effet deux Auteurs, de l'opinion defquels M. le Roy auroit pà fe prévaloir en faveur de 1a fienne il y a deux ans: mais depuis ce temps-là, l'un des deux a changé d'avis; de forte qu'aujourd'hui s'il en failoit citer plufieurs, je crois qu'on feroit bien embarraffé: j'ajoûte à cela que celui qui refte, eft un témoin récufable, ainf que M. le Roy & moi dans le cas préfent, C'eft le P. Bécaria, partifan déclaré des éleétricités er plus & en moins, & par conféquent intéreflé à ne point voir ce que je foûtiens: ce n'eft pas que je foupçonne fa bonne foi, ni celle de per- fonne, mais ne fait-on pas qu'on eft expolé à fe tromper, même dans les faits, quand on eft prévenu pour ou contre un fyftème auquel ils peuvent avoir quelque rapport? M. le Roy ne voulant point s’en rapporter au témoignage des yeux, pour la vérification d'un fait fur lequel prefque tous les Phyficiens font d'accord, au point de l'exprimer à peu près dans les mêmes termes, m'oppofe des raifonnemens & quelques expériences, tendant à prouver que ce fait ne peut pas être; mais dois-je me prêter à cette difcuffion ? Deux hommes qui ne voient pas, comme quinze autres aufli habiles qu'eux, & moins fufpeéts de prévention, doi- vent-ils balancer l'unanimité de leurs fuffrages ? eft - il temps de chercher fr une chofe eft poffible, lorfque tant de témoins atteflent fa réalité, lorfqu’on l'a atteftée foi-même, & qu'elle fe montre évidemment à quiconque fe met à portée de Ja voir? Si je ne confultois que mon intérêt, je pourrois, je crois, marrêter ici, & regarder a difpute comme terminée à mon avantage: mais les difficultés qu'on me fait, pouvant donner lieu à des explications qui jettent quelque jour fur les matières qui ont rapport à notre diflérent, Je fuivrai le fupplément de M. le Roy jufqu'à fa fin. Il continue donc en rappelant une expérience de fon Mémoire, par laquelle il paroît que l'éledricité fe ranime dans le globe & dans le conduéteur, on Ré un ii] » » “ Ë Li 10 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RotALe fil de fer faifant aigrette, derrière le couffin ifolé fur Îes bords d'un entonnoir de verre. Voici le raifonnement qu'il tire de-là, & qui doit être comme la bale de tout ce qu'il va m'objeter par la fuite. « Puifque toutes les fois, dit-il, qu'on ajoute de ce feu à un corps, on léle&trife, il s'enfuit que toutes les fois qu'on lui en retranche, on doit le defé- lectrifer; & par conféquent fi on le deféle&trife, c'elt qu'on lui en retranche ». Peu de lignes après, M. le Roy obferve que les aigrettes du conducteur difparoiflent à fon extrémité la plus éloignée du globe, lorfqu'on préfentele doigt à f'en- droit de ce même globe qui eft entre Fautre bout du con- duéteur & le couflin; d'où il conclud, r.° que la difparition des aigrettes annonce que le conducteur fe deftleétrife : 3.° que cette defélectrifation dénote un retranchement de Ja matière qui failoit fon éleGricité: 3.° que ce retranchement du feu éleétrique eft l'effet du doigt qu'on préfente au globe, ce qui prouve, felon lui, que les jets de matière enflammée, qu'on voit entre le doigt & le globe, viennent uniquement de celui-ci; & que fi les yeux nous difent le contraire, c'eft une illufion. Voilà, comme on voit, une route affez longue & affez détournée pour parvenir au but qu'on s'eft propolé; il refte à favoir fi elle eft auffi füre qu'on le croit, & fi l'on doit la préférer à une obfervation immédiate & dégagée de tout fyflème. Ce qui me paroït d'abord aflez fingulier, c'eft d'entendre dire à M. le Roy, « puifque toutes les fois qu'on ajoûte du feu électrique à un corps, on l'électrile, i/ s'enfuit qu'on doit le deféleérifer toutes les fois qu'on lui en retranche »: SH étoit vrai que l'élé&tricité, confidérée en elle-même, ne fût qu'une fimple addition de matière électrique, la conféquence que l'on tire ici feroit aflez jufle; mais dévroit-on l'attendre de quelqu'un qui a pris la plume tout exprès pour défendre l'électricité en moins ; & qui nous dit formellement, d’après M. Franklin, « qu'on peut électriler un corps en le dépouil- lant, en tout ou en partie, de la matière électrique qu'il * contient naturellement; & qu'en cet état, il eft capable de DR EySM ASC RE Nr@ESo UE SES produire tous les eflets qui paffent pour les fignes d'éle@ri- cité» M. le Roy nous expliquera fans doute cette énigme, ou bien il conviendra que fon Mémoire n'eft pas d'accord avec le fupplément *. Au refte, difons-le une fois pour toutes, la matière lec- trique n'eft point l'électricité, comme l'air n'eft point le vent, comme la matière du feu n'eft point la chaleur: on s'expo- fera toûjours à faire de mauvais raifonnemens quand on voudra confondre lune avec l'autre; c'eftà-dire le fujet avec fes modifications. La vertu éleftrique confifle effentiellement dans les mouvemens du fluide qui lui eft propre; il pourroit fe faire que cette matière fût arrêtée ou retenue dans un corps, par l'oppofition de celle qu'on ÿ voudroit ajoûter, comme elle pourroit y arriver avec liberté à mefure que ce corps sépuiferoit d'ailleurs ; je me contente de préfenter ceci comme poffible, parce que je nai pas befoin d'en prouver la réalité pour faire fentir qu’on ne raifonne pas jufte en difant: « puifque toutes les fois qu'on ajoûte de ce feu à un corps, on l'élec- trife, à s'enfuit que toutes les fois qu'on lui en retranche, on le deféledrife ; & qu'on auroit tort de prendre ceci pour une régle générale; fr on defélerife un corps, c'efl qu'on lui re- tranche de fon feu éleétrique. M. le Roy navoit pas befoin de tous ces raifonnemens, ni même de l'obfervation qu'il cite à la füite, & que je connois comme lui, pour me faire entendre que le doigt préfenté au globe détourne une partie de {a matière électrique qui iroitau conduéteur, & qu'il y a véritablement un écoulement de cette matière, du globe vers le doigt; perfonne ne compte plus que moi für cet effet, fans lequel j'aurois peine à dire com- * La propofition dont il s’agit ajoûte de ce feu à ce corps, on l'é- dans cet article, étoit très-exaétement lectrife, &c.s & de lareitreindre par telle que je la rapporte, Jorfque M. le Roy lut fon Supplément à V Aca- démie , & elle eft encore telle dans nos regiftres d’où je l'ai tirée. Je vois que M. le Roy a jugé à propos de la rendre moins générale, en imprimant ainfr, « puifque toutes les fois qu'on une note & par le titre auquel il ren- voie, titre qui n'eft pas au manuf crit dont j'ai eu communication : je ne fais cette remarque que pour éviter le reproche qu’on pourroit me faire d'avoir fait à M. le Royune dif- culté qui porteroit à faux. LA n 6 n La $12 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE ment cette matière paroït enflammée : mais ce que je foûtiens, c'eft que ces émanations ne font point feules , qu'il y a un courant du doigt vers le globe, & que ce dernier, beaucoup plus fort & plus marqué que l'autre, eft le feul qui frappe la vûe par fon mouvement progrefüf. Si la matière qui vient du doigt, ou du fil de fer préfenté au deflus du globe entre le couflin & le conduéteur, n'y produit pas le même effet que l'aigrette qu'on y fait arriver par le dedans de l'en- tonnoir,, il faut s'en prendre à la différence des circonftances: dans ce dernier cas, le feu électrique répandu dans le couffin, s'applique par plus d'endroits & avec plus de force à la furface du verre dans linftant même du frottement. Dans Jautre cas, l'écoulement qui vient du doigt eft ralenti par le choc de la matière qui s’élance du globe, ne sy applique ‘ pas de même, & trouve les pores du verre moins dilatés; en un mot, nous avons de bonnes raifons pour dire que la ma- tière qui fort du doigt a moins d'accès dans le verre, que celle du verre n'en a dans le doigt ou dans du métal. Enfin M. le Roy nous annonce encore une expérience, qui va prouver, dit-i, fans replique cette propofition, que es points lumineux que nous voyons aux extrémités des corps pré- fentés à ceux qui font électriques , font produits par un fluide qui y entre; fi l'on ajoûtoit, & par un fluide qui en Jort, notre difpute fur ce point feroit terminée, car je le répète encore, je füuis intimement perfuadé, que dans tout phénomène élec- trique il y a deux courans de matière oppofés entr'eux : mais ce qu'il ne faut’ pas perdre de vüe, c'eft que dans celui dont il s'agit, M. le Roy prétend que le feu qu'on aperçoit a pour feule & unique caufe les émanations qui viennent du corps élechifé; c'eft donc là ce que doit prouver fans replique fon expérience que voici. On enferme un fil de fer fort pointu dans un tube de verre, ou dans plufieurs, es uns fur les autres, & on le tient ifolé ayant la pointe découverte vis-à-vis d'un conduc- teur d'éledtricité, qui en eft éloigné d'un pied. On obferve, 1.” que ce fil de fer devient électrique, 2.° que fa pointe eft DES SCIE NC:E\s. 5% eft lumineufe; 3.° que fon extrémité la plus éloignée du con- duéteur donne une aigrette, quand on en approche la main; 4. que tous ces eflets diminuent confidérablement quand on tient une lame de verre devant la pointe qui eft tournée vers le conducteur. Après avoir bien examiné ces réfultats, je demande à M. le Roy, quel eft celui qui prouve fans replique que le point lumineux vient uniquement du feu électrique qui entre par la pointe du fil de fer, car je n'en vois aucun qui fatisfafle à {a promefle ? prétendroit-il qu'il ne peut entrer aucune ma- tière électrique dans toute la longueur du fil de fer, à caufe de l'enveloppe dont il a pris foin dele revêtir? mais j'ai fait voir plus d’une fois à M. le Roy, dans des expériences de cette efpèce, que les tuyaux de verre les plus épais s’'éledtrifent jufqu'à fervir à faire l'expérience de Leyde, & jufqu'à fe brifer en morceaux. Si. la matière électrique peut fe tämifer du de- dans au dehors, pourquoi ne pafleroit-elle pas du dehors jufqu'au métal qui y eft renfermé? D'ailleurs, puique le fluide éleétrique fort vifiblement en forme d'aigrette par le bout qui eft le plus éloigné du conducteur, par quelle raifon ne pour- roit-il pas fortir aufli par la pointe qui eft découverte? Après ces raifonnemens, répétons l'expérience citée par M. le Roy; mais au dieu d’un fil de fer menu & fort aigu, qui rend prefque imperceptible les effets qu'il faut examiner, prenons une verge groffe comme le doigt, dont la pointe foit moufle, fufpendons-la, non à un pied de diftance, mais à quelques pouces près, & vis-à-vis de la main étendue d'un Obfervateur qui fe faffe électrifer fortement; dans tout ceci, je ne propole rien qui change les conditions effentielles: je fuis garant qu’au lieu d’un point lumineux, on verra au bout de la tringle de fer, un feu plus alongé, avec un mouvement progreffif très-marqué vers l'homme qui fert de conduéteur, & que celui-ci fentira contre fa main un vent léger & frais, qui montrera fans replique la direction de la matière enflammée ; & cette direction ne fera pas celle que lui attribue M. le Roy. Je fais, comme tout le monde, que l'électricité d'un Mém. 1753: st LÉ $14 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROyaALr conduéteur diminue fenfiblement quand on y préfente un corps fort pointu ; mais en fuppofant qu'une pointe enlève la ma- tière électrique au conduéteur, (car je conçois que cela pourroit fe faire autrement) jai rendu raifon de cet effet dans ma fixième lettre à M. Franklin, par des conjedures que je crois plaufibles, & que j'ai appuyées par des expériences : mais quand ces explications n'auroient pas toute l'évidence poffible, les faits qu'elles renferment, n'en font pas moins fürs, & prouvent invinciblement que de la pointe non éleétrifée qui devient lumineufe, vis-à-vis d'un conducteur, il émane réellement une matière à laquelle il eft comme indifpenfable d'attribuer la plus grande partie de l'effet qu'on aperçoit. H eft étonnant que M. Îe Roy, avec le deffein formé de m'attaquer fur ce fujet, n'ait fait aucune mention de ces preuves pour les combattre : quand les fiennes auroient toute la force qu'elles n'ont pas, la queftion fur laquelle nous fommes partagés, bien loin d'être éclaircie, n'en feroit que plus problématique , tant qu'il n'auroit pas détruit les raifons que j'ai pour perfifter dans mon fentiment. . Ne peut-on pas conclure de tout ceci, que M. le Roy seft engagé à nier un phénomène fur la certitude & la no- toriété duquel il n'avoit point aflez réfléchi; & que les moyens qu'il a employés pour foûtenir fa prétention ne font pas fufhfans ? Dim. de CAR. ds Se3768 Pay: &4. Pl, Fig. 4. 7 : “ . A dé DES SCIENCES. st SUR LES DILATATIONS DE L'AIR DANS L'ATMOSPHERE. Par M BouGuERr. I. N°: devons aux Phyficiens modernes Ia découverte de Ja propriété fingulière qu'a Y'air de fe condenfer pré- cifément dans le rapport des forces qui le compriment : ft nous preflons ce fluide, il nous fait reffentir une plus grande réfiftance à mefure que nous augmentons fa compreffion , & il fe réduit toüjours à un volume d'autant plus petit que ha force que nous employons eft plus grande. Ce n'eft pas fimplement lorfque fair reçoit une nouvelle condenfation , qu'il fait éprouver fon élaficité : fi. on le laifle fe dilater , il tend à f dilater encore davantage, & fon effort eft toüjours exactement moindre dans le même rapport que la même mañle fe trouve étendue dans un plus grand efpace. Il eft cependant naturel qu'un reffort, à force de fe relâcher, cefle d'agir; & fans doute que fair, lorfqu'il eft exceflivement dilaté, n’exerce plus auffi cette force avec laquelle il travaille à s'étendre: mais l'expérience ne nous a point encore appris quel eft le terme où le reflort de l'air devient, pour ainft dire, nul; de même que nous ignorons combien il faudroit comprimer ce fluide, pour qu'il ne fût plus poflible de le condenfer, parce que toutes fes parties fe repoleroient les unes fur les autres. On a réduit l'air à des efpaces beaucoup + pluspetits que ceux qu'il occupe naturellement ici bas; on < a d'un autre côté laiflé fe dilater cent & deux cens fois k plus qu'il ne le feroit fur le fommet des plus hqutes mon- .tagnes; mais l'effort qu'il a fait pour s'étendre davantage, a \ toûjours été exactement proportionnel à fon degré actuel de condenfation, ou en raifon inverfe de fes dilatations. JL n'eft pas néceffaire de s'arrêter à expliquer les moyens Titi s16 MÉmoiREs DE L'ACADÉMIE ROYALE dont on s'eft fervi pour découvrir cette première loi qu'obferve l'élafticité de l'air. Le goût de la Phyfique eft fi général, que je puis fuppolér qu'on a ces matières préfentes: je me contenterai de dire que lorfqu'on veut éprouver le reflort de ce fluide déjà dilaté, on l'introduit ordinairement dans un baromètre, en melurant l'efpace qu'il y: occupe dans fon état naturel. L'air s'étend, en agiffant par fon élafticité, fur le. haut du mercure qu'il oblige à defcendre ; cette force fert de fupplément pour faire équilibre avec le poids de l'air ex- térieur, & on la mefure par la diminution que foufire Ja hauteur même du mercure. Nous avons fait cette expérience ün très-grand nombre de fois, foiten commun, foit en parti- culiér dans le voyage du Pérou: nous étions tous enfemble lorfque nous la fimes à la Martinique ; nous la répétames, M. de la Condamine & moi, fur le morne de S.t Louis dans l'ifle de S.: Domingue; nous l'avons faite au bord de la mer du fud & en divérs endroits, au haut de la cordelière du Pérou, nommément fur le fommet pierreux de Pitchincha, montagne adjacente à Quito, dont fa hauteur verticale efb de 2434 toiles, & où le mercure dans le baromètre ne fe foûtenoit qu'à 1 $ pouces 1 1 lignes. J'ai toùjours trouvé, fans aucune exception, que les élaflicités de la même mafle d'air fuivoient exaétement le rapport de fes denfités. Je n'ai remarqué que des différences d’un tiers de ligne, ou tout au plus d’une demi-ligne fur des quantités d'air de fix à fept pouces, quoique dilaté jufqu'à occuper un elpace double ou triple, lorfque le tube a été parfaitement cylins drique. Dans les autres cas, il m'a toûjours fufh de melurer;, non pas les fimples longueurs, mais les capacités mêmes du tube, pour reconnoître x fource du défaut. Aïnfi je puis ré- poudie, fur le rapport obfervé dans les élafticités, de deux ou trois millièmes parties : on verra bien-tôt qu'il eft utile de favoir combien font petites les erreurs dans lefquelles on peut tomber en faifant ces expériences. J'ai donné le nom de premiére loi à cette propriété qu'a V'air d'agir à la manière d'un reflort, & d'augmenter ou de DES SCIENCES. S17 diminuer de denfité précifément dans le rapport des poids qui le compriment, parce qu'on en a tiré une conféquence importante, qu'on peut regarder comme une feconde loi : Vair dont l'atmofphère eft formée, étant comparable à une infinité de reflorts entaflés les uns fur les autres, les parties inférieures doivent fe trouver beaucoup plus comprimées que les fupérieures ; c'eft ce que foupçonna M. Pafcal aufli- tôt qu'il eût reconnu, par les premières expériences faites fur le Puy de Dôme, que l'atmofphère avoit de la pelanteur : mais les Phyficiens qui vinrent enfuite, entre autres M.'s Hughens, Mariotte & Halley portèrent leur réflexion plus loin. De ce que l'air { condenfe exaétement dans le rapport des poids, ils en conclurent que les condenfations dans fatmofphère devoient fuivre les termes d'une progreflion géométrique, Jorfqu'on confidéroit des points toüjours différemment élevés d'une quantité égale: en effet, fi on divife toute la hauteur de l'atmofphère en une infinité de couches ou tranches de même épaiffeur, la condenfation de fair en chaque tranche fera proportionnelle à la pefanteur de tout Fair qui fera au deflus. Plus cette pefanteur eft grande, ou, ce qui revient au mème, plus il y a d'air fupérieur, plus la compreflion aug- mente, & en conféquence , la quantité d'air contenue dans cette tranche. Cette quantité a toüjours le même rapport avec le poids de l'air fupérieur. Les pefanteurs, ou les quan- tités d'air depuis le haut de Fatmofphère, reçoivent par con- féquent des augmentations toûjours exactement proportion- nelles lorfqu'on defcend; & ces pelanteurs croiffent donc comme les termes d’une progreflion géométrique. Telle eft la feconde loi qui nous met en état de porter la vüe fur toutes les parties de latmofphère, en nous apprenant l'ordre felon lequel les dilatations de l'air font diftribuces dans toutes les hauteurs au deflus de la Terre, pendant que la première loi, dont l'autre eft une fuite, nous donne fimplement les forces élafliques qu'a la même mafle, felon fes divers états de dilatation ou de condenfation. On seft afluré de l'exactitude de 1a première loi, & il Tit ii] 518 MÉMOIRES DE L’'ACADÉMIE ROYALE efttrès-facile de vérifier fa feconde dans toute la région bafle de l'atmofphère, en eflayant une méthode très-fimple qu'elle fournit, pour déterminer la hauteur des montagnes par les expériences du baromètre. Les pefanteurs de l'air fupérieur, à l'égard de chaque tranche, augmentant en progreflion géo- métrique à melure qu'on prend des points qui font plus bas, &. dont les hauteurs diminuent en progreflion arithmétique, le concours de ces deux différentes progreflions nous rappelle naturellement les logarithmes qui rélultent, comme on le fait, de la combinaïfon des progreflions géométrique & arithmé- tique. Les hauteurs au deflus du niveau de la mer, qui fuivent {a feconde progrefiron , tiennent lieu de logarithmes, par rapport aux condenfations de l'air & aux hauteurs du mercure dans Je baromètre, qui font en progreflion géomérique. Ainfr après avoir fait l'expérience du baromètre au bas & au fommet d'une montagne dont on a meluré géométriquement {a hau- teur, il n’y a qu'à prendre la différence des deux logarithmes des hauteurs du mercure; & fi on la compare à la hauteur de la montagne melurée, on trouvera par de fimples propor- tions, la hauteur de toutes les autres montagnes fur lefquelles on aura fait également l'expérience du baromètre, Cette règle s'eft trouvée exacte dans tout le haut de Ja cordelière du Pérou, comme je l'ai dit expreffément dans Le livre que j'ai publié par ordre de l'Académie, fur les opé- rations faites aux environs de l'Equateur. Le fol de la partie plus habitée de la province de Quito, eft élevé de 1 3 à 1400 toifes, & on peut monter encore plus haut de plus de 1000 toiles. Dans cet efpace, & 6 à 700 toiles plus bas, c'eft-à-dire dans un efpace vertical de plus de 17 à 1890 toifes , la feconde loi fur l'élafticité actuelle de l'air pris à différentes hauteurs, eft éxaétement obfervée: les dilatations augmentent en progreffion géométrique lorfqu'on monte; & ce qui en ef une preuve, c'eft que la méthode de trouver les hauteurs des montagnes par les logarithmes, en fe fervant des expériences du baromètre, réuffit parfaitement : on peut même abréger alors le calcul, quoique déjà très-court, dans lequel cette DES ScirENcEs $19 pratique engage. Si on prend la différence des logarithmes des hauteurs du mercure exprimées en lignes, & qu'on ne fe ferve que des quatre premières figures après la caractérif tique, il fuffra d'en retrancher une trentième partie, pour avoir la hauteur de la montagne exprimée en toifes. Cette opération fr fimple, eft équivalente à une proportion. La Nature, en nous préfentant des logarithmes dans atmofphère n'a pas rencontré la forme arbitraire que nous avons donnée aux nôtres, qui font dépendans entre autres chofes de lé- chelle de notre numération : les logarithmes de F'atmofphère font proportionnels à ceux de nos ‘Tables, mais ne font pas précilément les mêmes. If faut donc, en augmentant ou en diminuant les nôtres, les réduire à ceux que nous fournifient les condenfitions de l'air: voilà pourquoi il faut faire fur nos logarithmes, le changement qu'on vient de prefcrire; & ül a fufh, pour le régler, de comparer une fois pour toutes, les logarithmes des hauteurs du mercure avec la hauteur d’une feule montagne. La règle particulière que cette comparaïfon m'a fournie, eft fujette à peine à des erreurs de 7 à 8 toifes, fur des hauteurs de 15 à 1600 dans le haut de la Cordelière: Je mercure fe foûtenoit à 1 $ pouces 1 1 lignes fur le fommet de Pitchincha, comme je l'ai déjà dit, & il fe foûtenoit à 2x pouces 2 lignes À à Carabourou, extrémité feptentrionale de notre première bafe. Si Jon réduit ces deux nombres en lignes, qu'on prenne la différence de leurs logarithmes, en retranchant une trentième partie, & en n'employant que les quatre premières figures qui fuivent la caraétériftique, il vien- dra 1209 toiles pour l'élévation de Pitchincha au deffus de autre pofte, au lieu que j'en ai trouvé 1208 par la mefure géométrique: je prendrai pour fecond exemple, des expé- riences auxquelles je n'ai eu abfolument aucune part ; elles furent faites fur Chouffaï, montagne qui a fervi à nos trian- gles. M. Godin trouva que le mercure fe foûtenoit en haut à 17 pouces 10 lignes?; & qu'en bas, dans un village ou bourg nommé Alaufi, qui eft fitué au pied de la montagne, 520 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyALr le mercure fe foûtenoit à 21 pouces 1 ligne +. Si l'on fait ufage de Ja règle, il viendra 698 toiles, ce qui ne diffère que d'une toile de Ja hauteur (697 toiles) trouvée géo- métriquement par M. Godin. Je pourrois juftifier cette règle par plus de trente autres exemples : mais ce qui eft très-digne de remarque, & ce qui forme le fujet d'une queftion que nous nous propofons prin- cipalement d'éclaircir, c'eft que la méthode, dans le temps même qu'on lui conferve toute {a généralité, ne réuffit point dans la partie mférieure de la Cordelière; elle ne réuflit point fur toutes les autres montagnes de la Zone torride, & nous devons ajoûter qu'elle a encore moins de fuccès en Europe, comme l'ont reconnu tous les Phyficiens qui ont examiné cette matière avec foin: plufieurs d’entre eux ont même, par cette raifon, tâché de fubftituer quelques autres méthodes à celle qui eft fondée fur les propriétés des logarithmes. Ces méthodes font connues, & elles peuvent avoir l'avantage de convenir à certaines régions & aux montagnes dont la hau- teur eft renfermée dans certaines limites; mais elles fuppofent toutes que les dilatations de Fair, à différentes hauteurs, ne fuivent pas une progrefron géométrique, quoiqu'il foit certain, par une infinité d'expériences répétées fur le fommet des plus hautes montagnes du monde comme au bord dela mer, & dans la Zone torride comme dans les Zones tempérées, que les élafticités de chaque maffe d'air font exactement propor- tionnelles à fes divers degrés de condenfations. Ainfi de ces deux loix, qui paroïffent déduites fi natu- rellement lune de l’autre, il réfulte une de ces contradictions dont on voit encore d’autres exemples, lorfqu'on veut ap- pliquer la Géométrie à la Phyfique. Je n'entreprendrai pas de rapporter combien on a hafardé de différentes hypothèfes pour fauver l'inconvénient dont il s'agit, Quelques Phyficiens ont dit que la chaleur qu'on éprouve proche la furface de la terre, altéroit la feconde loi ou troubloit la progreflion géométrique que devroient fuivre les dilatations ou les con- denfations de l'air à différentes hauteurs. Il eft vrai que cette confidération éme À à pain. DES SCIENCES. sr confidération éft importante, & qu'elle frt quelquefois à réfoudre la difficulté; mais le plus fouvent elle ne fait que laugmenter : la chaleur eft plus forte en bas qu'à une céftaine 2 n na A “hauteur, & cependant l'air en bastft prefque toüjours plus -condenfé à proportion que ne le comporte la régle. Si Yon cherché la hauteur d'une montagne de 3 à 400 toifes en prenant pour terme de comparaifon, des montaghes encore moins hautes, on fe trompera prefque toûjours par défaut: preuve certaine que les quantités d'air indiquées par les hauteurs ‘du mercure dans le baromètre, occupent à proportion moins d’efpace proche de terre, qu'à une certaine hauteur, & que Tair inférieur a moins d’élaflicité, malgré l'action de la chaleur qui travaille à J'augmenter , d'où il fuit que toute cette ma- tière a befoin de nouveaux éclairciffemens. Quelque foibles que foient ceux que je vais donner, je fuis für qu'on ne les régardera pas comme inutiles sils fervent à fixer davantage nos idées fur la nature d'un fluide que nous avons intérêt de connoître: d'ailleurs ils nous féront peut-être découvrir une méthode plus exacte & plus générale, de déterminér la hauteur des montagnes par lé fecours du baromètre, IT On diftingue affez l'effort actuel que fait un reflort d'acier, & le degré de force ou de roïdeur de ce reffort comparé à un autre. Un reflort très-foible eft-capable d'un effort confi- dérable , & au contraire un reflort très-fort n'agit que foible- ment, fi on ne fe comprime, ou fi on né l'ésnd que très- peu. Nous devons faire la même diftinétion à l'égard de air, en regardant comme deux chofes ab{olument différentes l'éaf. ticité dont il éft capable dans un certain état, & fa vertu élaftique confidérée en général. Comme’ nous fomnies “poités näturellement à fuppofer une conformité parfaite toutes Les fois que nous napercevons pas d'inégalité, nous nous ima- ginons aïlément que toutes lés parties d'air grofher font s les unes aux autres & parfaitement femblables ; mais nous réformerons ce préjugé, ft nous faifons un peu d’atten- tion aux phénomènes de ce fluide. L'air eft de tous lés corps Mer. 1753 . Vuu s22 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE le plus compreflible, & on peut, ce femble, en inférer que lorfqu'il fe réduit à un moïndre efpace, quelques - unes des parties de chaque molécule fe rapprochent ou fe replient les unes fur les autres; mais ces petites parties qui fe replient, ont-elles toutes, quelque figure qu'on puifle leur attribuer , précifément les mêmes dimenfions, la même longueur, la même grofleur? S'il s'y trouve la moindre diflérence, les parties de l'air ne feront pas pour cela hétérogènes ou d'une autre nature; cependant le degré de leur élafticité ne fera pas le même, l'intenfité de leur refort fe trouvera différente. On ne pourra pas juger de lélafticité d'une partie par celle d'une autre, & il ne faudra pas non plus, comme on ne fa fait que trop fouvent, appliquer à une feule. les différences u'on aura néceffairement remarquées dans plufieurs. Pour répandre du jour fur ce fujet par un exemple , fup- polons qu'on fafle faire plufieurs reflorts par différens Ou- vriers, chaque reflort fera reffentir une élafticité qui changera proportionnellement à la quantité dont on l'éloignera de fon état naturel, pourvû qu'on ne l'expofe pas à un trop grand changement d’extenfion. Tous ces reflorts obferveront donc la même loi dans leur élafticité, mais quant à l'intenfité de ceite force, elle fera abfolument différente dans tous, à moins qu'on n'ait travaillé exprès à Îeur donner précifément le même degré de roideur. L'écalité entre les intenfités des reflorts ou les vertus élaftiques, fuppofe le concours d'un grand nombre de conditions qui ne fe rencontrent prefque jamais dans les ouvrages de Fart, & qui doivent fe trouver encore plus difficilement dans ceux de la Nature. H n'eft pas néceflaire de comparer l'élaflicité d’une branche d'arbre ,à celle d'un rofeau que le moindre vent fait plier; deux. bran- ches d'arbre n'auront jamais exactement ni la même longueur, ni le même diamètre: & ces différences en entraïîneront dans les élafticités qui pourront être très-inégales, quoiqu'elles foient toûjours proportionnelles dans chaque corps aux quan- tités de la flexion. Ceci a quelque rapport au principe des indifcernables de DES SCIENCES. s23 M. Leibnitz, principe auquel il vaudroit peut-être mieux donner un nom tout contraire Ce Philofophe prétendoit que légalité ou la conformité parfaite entre les corps, étoit abfolument impoñhble; il lui fufifoit de jeter les yeux fur les chofes les plus communes pour fe mettre en état de le prouver. Lorfqu'on parcourt les bords d'une rivière, on trouve en certains endroits un fable très-fin, en d'autres du fable formé de grains beaucoup plus gros. Cherchez les endroits où les grains paroiflent le plus égaux, & examinez-les à la loupe, vous verrez qu'ils diffèrent toüjours beaucoup entr'eux. La même diverfité fe trouve par-tout, lorfqu'on regarde les objets avec foin & d'aflez près. L’intenfité de la force élaf- tique eft du mème ordre, parce qu'elle dépend entrautres circonftances des dimenfions du corps & de fa figure. Lorf- que vous pliez une règle d'acier, la réfiftance que vous ref- fentez eft proportionnelle aux flexions , mais la force même eft plus ou moins grande felon, entrautres différences , que la règle eft plus ou moins large & difléremmet épaifle; ainfi il ne faut pas confondre la loi que fuit l'élicité avec Yintenfité de cette force. Cette derniere eft infiniment plus fujette au changement que l'autre; elle tombe dans le cas de cette variété infinie ou de cette difiemblance que la Nature a pris foin de répandre par-tout, au lieu que la première en eft comme indépendante. Ù On admettra encore plus aifément cette diftinélion à l'égard de Fair, fi on fait attention à la manière dont il fe hifle abforber par certains corps, & à celle dont il s'en dégage enfuite. L'air ne peut pas manquer dans tous ces paflages, de fouffrir des changemens fenfibles qui altèrent l'intenfité de fon reffort, puifque nous favons par les expériences de, M. Hales, que ce fluide perd quelquefois prefqu'entièrement fon élafticité. Il y a fans doute bien des degrés intermédiaires entre les changemens extrêmes que ce grand Phyficien a obfervés: mais les altérations tombent-elles fur la loi que fuit 'élafticité, ou fur l'intenfité même de cette force? On peut aflurer que c'eft fur la feule intenfité; qu'un reflort foit Vuuïi 24 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fort ou foible, fes élafticités font toüjours proportionnelles à fes flexions: on remarquera aufli que lorfque nous avons exa- miné l'élafticité de Fair en le renfermant dans le haut d’un baromètre, & que nous avons fait cette expérience quelque- fois fur le fommet des plus hautes montagnes, d’autres fois dans des endroits bas ou dans des forêts dont l'air étoit épais &. chargé de vapeurs, il n'eft pas poflible que l'obfervation ne foit tombée fouvent fur des parties dont le reflort étoit afloibli très - confidérablement. Les élafticités ont toûjours néanmoins été conformes à la première loi, quoique nous fifions foufirir à l'air des changemens beaucoup plus grands que ceux qu'il peut recevoir dans l'atmofphère depuis le niveau de la mer jufqu'au fommet des montagnes. Chaque mafle d’air a toûjours fait fentir plus ou moins de force actuelle, felon qu'elle a été plus ou moins comprimée : mal- gré cela la vertu du reflort s'eft pü trouver très-différente; & on ne s’en eft pas aperçü parce qu'on ne comparoit entr'elles ue les forces relatives de la même mafle. IL fuit de là que le théorème général qui portoit que dans Yatmofphère les dilatations de l'air ou fes condenfations aug- mentent ou diminuent felon les termes d'une progreflion éométrique en s'éloignant de la terre, doit recevoir de très- grandes reftrictions. La progreflion géométrique auroit lieu fi toutes les parties d'air avoient la même vertu élaflique, f elles étoient toutes comparables à des refforts de même roi- deur , fi chaque mafie d'air tranfportée plus haut ou plus bas produifoit précifément le même effet que celle dont elle prendroit la place; alors il ne fe trouveroit dans les conden- fations de l'air ou dans fes élaflicités aétuelles, que la feule différence qu'y peut introduire le poids des parties fupérieures, felon qu'elles forment une colonne plus ou moins longue, ou felon qu'on confidère des points plus hauts ou plus bas, Mais puifqu’en faifant même abftraction de la chaleur, chaque: partie d'air a un degré propre & diflinét de vertu élftique, ou que fintenfité de fa. force eft différente, la progreffion géométrique ne doit point convenir aux dilatations de He SCIE N:-C,R 6 M 528 l'atmofphère à différentes hauteurs ; nous devons même ajoûter qu'il ne nous eft pas pofflible de trouver à priori d'autre règle, ou de fubftituer d'autre progreffion à la géométrique, puif que nous ne favons ni les limites entre lefquelles font renfer- mées les élaflicités différentes des particules d'air, ni les quantités d'air qui ont le même degré d'élafticité. On voit bien en général que s'il fe trouve une très-grande, différence entre les intenfités du reflort, les parties d'air plus élaftiques monteront néceflairement au haut de l’atmofphère, les parties, douées de moins de vertu éaftique, refteront en bas; & toutes celles qui jouiront d'une élafticité moyenne ; fe placeront dans le milieu de fa hauteur. Une partie d'air qui auroit, je ne dis pas une vertu élaftique double ou triple de celle qu'a Fair que nous refpirons, mais feulement plus grande d’une moitié ou d'un tiers, ne pouroit pas refter en. équilibre ici bas avec les autres qui l'environneroient ; fon trop: grand reflort l'empêcheroit de f condenfer affez pour acqué, rir un poids capable de la retenir en bas: ainfi, en s’élevant, elle iroit chercher le haut de l’atmofphère où doit fe raffembler tout l'air beaucoup plus élaftique que le nôtre. Si au contraire une partie a trop peu de reflort, elle fe réduira à un trop petit efpace par le poids de latmofphère qui la comprime; elle aura par conféquent trop de pefanteur par rapport à fon volume, & elle fe précipitera infaïlliblement vers le bas. S'il ne sagifloit que d'une pofhbilité purement géomé- tique, on aflureroit que les parties d'air très-différentes par leur reflort pourroient recevoir dans J’atmofphère un autre: arrangement: fair le plus élaftique pourroit refter en bas & au deflous de l'air qui a le moins de reflort. Suppofons, pour. donner un exemple de la poffibilité dont nous parlons, qu'il y ait précifément une égale quantité d'air de chaque élafticité fpécifique différente, & que ces élafticités fuivent les termes d'une progreflion arithmétique; dans ce cas 'air Je plus élaf. tique pourroit être placé en bas, & arrangé de manière que les élafticités fpécifiques fuffént exprimées dans toutes les couches, par les ordonnées d'un triangle dont le fommet feroit au haut de l'atmofphère, 556 MÉMorREs DE L'ACADÉMIE ROYALE Ce'triangle dont les ordonnées marqueroïent les diffé- rentes vertus élaftiques de l'air eft repréfenté par À B D, dans la figure première où AB eft la hauteur de l'atmofphère : il eft vrai que vers le bas les parties de l'air feroient compri- mes par une plus grande pelanteur ; mais ces mêmes parties étant auffi plus élaftiques, elles fe réduiroient au même degré de denfité. En haut là force comprimante feroit plus petite, mais la force de reflort étant moindre dans le même rapport, la denfité fe trouveroit encore la même. Ainfr dans cette hypothèle, les dilatations de l'air ne croitroïent pas en mon- tant: toutes les couches contiendroient là même quantité d'air, les denfités féroïent parfaitement égales entr'elles depuis le bas de latmofphère jufqu'en haut, & elles feroient repré- fentées par les ordonnées du rectangle BC. Tout néanmoins refteroit abfolument en repos & en équilibre par cette dif- tribution, quoique l'air le plus élaftique füt fitué par-tout au deflous de l'air moins élaftique. Müis il faut bien le remarquer ; cet équilibre qui paroît fi parfait ne feroit pas de la nature de ceux qui fe rétabliffent d'eux-mêmes, lorfque quelques agens extérieurs les altèrent ; ainfi fa poffibilité ne feroit que géométrique, & il feroit phyfiquément impoffible que cette difpofition des couches fubffât. Il ne feroit pas néceffaire d'un orage ou d'une tem- pête pour la déranger ; la plus petite agitation de fair, le moindre vent qui en rencontrant quelque obftacle fe refléchit vers le haut , occafionneroit un bouleverfement total, & l'at- mofphère prendroit fur 1e champ un arrangement tout con- aire; l'air le plus élaftique paflant en haut, & le moins élaftique en bas. On peut regarder l'arrangement précédent comme la der- nière des difpofitions poflibles que peut prendre l'air lorfque les parties les plus élaftiques de ce fluide font fituées en bas. En eflet, quoique les élafticités fpécifiques foient repréfentées par les ordonnées du triangle AB D (figure 2), dont le fommet eft au haut de l’atmofphère, 'air peut fe trouver dans un état permanent, ou avoir une certaine force pour À | D Es 1810 /1E IN CE Se 2527 _coñferver fon arrangement malgré Faétion d'une caufe con- le] traire qui ne foit pas trop puiflante. Il fuffit pour cela, que Fair plus élaftique foit encore plus chargé, à proportion qu'il n'a de reflort; car dans ce cas, la denfité ira en aug- meñtant vers lé bas, & chaque couche tendra par conféquent à conferver fa phce par une: partie de. fa: pefanteur, C'eft ce qui arrivera en particulier: fi es quantités d'air, contenues dans chaque couche, où gui font d’une éhfhicité fpécifique diférente, font repréfentées par les ordonnées d'une parabole BC qui foit d'un degré quelconque "m, ou dont l'équation foit y = x”; les abfciffes x étant prifes fur la ver- ticale 4B depuis le haut 2 de l'atmofphère. Les quantités ou les pefanteurs de tout l'air fupérieur, à l'égard de chaque point £, feront alors repréfentées par les aires G BE de cette parabole, & elles feront proportionnelles aux ordonnées correfpondantes Æ7 d'une autre parabole 8 A du genre "» —- 1, fupérieur d'une unité à celui de la première. Pour nous expliquer en d'autres termes ; les ordonnées de BC marquent les denfités en chaque point, ou les quantités d'air contenues dans chaque couche, pendant que les ordonnées de l'autre parabole À A, plus élevée d'un degré, expriment la fomme des orgonnées de la première, ou les pefanteurs de Fair fupérieur, ou encore des hauteurs du mercure dans le baromètre. Cela fuppolé, il ne nous refte plus qu'à nous aflurer fi l'élafticité actuelle fera réellement -capable en chaque endroit de fatmofphère, de foûtenir le poids de l'air fupé- rieur. Le degré actuel d’élafticité dans chaque couche, déperid de la denfité de l'air & de l'intenfité de fon refloit : & il.eft certain que plus le même efpace contient d'un air plus élafti- que;,-plus, cet air fait d'effort pour s'étendre; -c'eft-à-dire .que 'élaflicité adtuelle,. à. Ja hauteur du point Æ, eft comme.le produit de GE par EF, ou par B E ; mais ce produit des ordonnées d’une parabole par fes abfciffes, eff continuellement comme les ordonnées_£ 7 d'une parabole 2,7; plus haute d'un degré. Aïinfi on.voit que l'élafticitéadhuelle. fera centi- nucllement ; proportionnelle à a force comprimantestout 523 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE -reflera par conféquent en équilibre, ou dans un état conflant, . & tendra à y refler; mais if ne faudra pas qu'il intervienne de force étrangère trop puiflante, car fi l'arrangement s’altéroit une fois, il ne fe rétabliroit plus. Les différentes couches de notre atmofphère ayant depuis très-long-temps pris l'arrangement qui convenoit à leur élaf- ticité, les diverfes intenfités du reflort de l'air doivent con- tribuer cependant encore aux alternatives ou viciflitudes que nous remarquons continuellement. Deux vents contraires, en fe rencontrant, doivent obliger prefque toûjours l'air com- primé dans le point de concours à s'échapper par en haut. Mais fi cet air qui s'élève a moins d'élaflicité fpécifique, il fe condenfera toüjours trop, & il ne pourra pas manquer de retomber au bout d’un certain temps par fon propre poids. Le premier mouvement fera donc fuivi d'un fecond, qui ne fera caufé que par la différente intenfité du reflort de fair: ces changemens doivent fur-tout arriver dans fe bas de l'at- -mofphère , fans cefle chargé du nouvel air qui fe dégage des corps terreftres, où la chaleur agit davantage par fes alterna- tives, où la rencontre des vents contraires eft plus fréquente, où l'air, toûjours en action par fon reflert, cherche continuel- lement un équilibre qu'il ne trouve jamaiss Vers le haut l'état des éhofes et plus permanent, quant à la dilatation ou con- ‘dénfation de Fatmofphère; les vents y font comme de larges ‘fleuves quimarchent d'un mouvement uniforme & horizontal; & sils fe rencontrent , ils paflent aïifément au deflus ou au deflous les uns des autres, fans occafronner de nouvelle com- preflion. Outre cela, tout l'air également élaftique s'étant placé à ‘une certaine diflance de la terre, & y formant une otbe plus où moins épaifle, felon que h quantité de cet air, dont le vefloit aa même intenfité, eft plus où moins grande; ibeft abfolument indifférent, dans tout cet efpace, que cer- taines parties foient portées plus haut où plus bas, elles font précifément l'effet de celles dont elles prennent la phce; & dércetté forté, liprosréflion géométrique des dilatations n'y éft que peu tioubke. Voili pourquoi on peut trouver, par | le DES SCIENCES. 529 le moyen des Jogarithmes, les hauteurs des montagnes, ou pluftôt les différences de leurs hauteurs, en fe fervant du baro- mètre dans tout l'intervalle compris entre 6 ou 700 toifes de hauteur, & 2400 ou 2500. La neige perpétuelle, dont les fommets des montagnes plus élevées font continuellement cou- verts, même dans la Zone torride, interdit les expériences à une plus grande hauteur ; mais il y a tout lieu de croirequela même règle feroit applicable plufieurs lieues plus haut, & il n’arrive toüjours en tout cela, que ce qu'il étoit facile de prévoir. On s'étoit propolé jufqu'à préfent de trouver immédiate- ment les hauteurs abfolues des montagnes, en confidérant le niveau de Ja mer comme premier terme ; les raifons que nous venons d'expofer, prouvent qu'il faut néceffairement prendre les chofes dans le fens contraire, & partir toûjours de points très-élevés, qui foient fitués dans cette région fupérieure, où l'intenfité du reflort de l'air eft exaétement la même, & où la hauteur du mercure eft en même temps moins variable. IL faut remarquer aufli que les circonftances dans lefquelles nous nous fommes trouvés, nous ont obligés de charger toû- jours nos baromètres fans faire chauffer le mercure. Lorf- qu'on,a donc des expériences faites de la même manière für les plus hautes montagnes d'Europe, on pourra trouver, par la différence des logarithmes, combien elles font moins éle- vées que celle de la Cordelière du Pérou, & on en inférera enfuite a hauteur abfolue. Le P. Sébaftien Truchet obferva, par exemple, furle Mont-d'Or, quele mercure s’y foûtenoit à 22 pouces 2 lignes: cette hauteur, comparée à 1 $ pouces x 1 lignes, qui eft la hauteur du mercure fur Pitchincha, fera trouver que le Mont-d'Or eft moins haut quel'autre montagne de 1391 toiles, & qu'il a par conféquent 1043 toiles de hauteur, ce qui ne diffère que de $ toiles de la hauteur (1048 toiles) déterminée géométriquement par M." Caffini. Mais ne feroit-il pas poflible de rendre la méthode pré- cédente abfolument générale? Je vais rendre compte en peu de mots, de mes tentatives fur ce fujet, en commençant à remplir un engagement que j'avois pris, & je confirmerai Men. 1753: , X XX s30o Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE en même temps tout ce que je viens de dire touchant les différentes intenfités du reffort de l'air. Lilul M. Varignon propofa en 1705, un inftrument fous le nom de manomtre, qui devoit faire connoître l’élafticité ac- tuelle de Fair. Cet Académicien prétendoit réunir les pro- priétés du baromètre & du thermomètre, en renfermant, dans une efpèce de double fiole, une certaine quantité d'air, fur lequel Fair extérieur devoit agir par l'entremife d'une li- queur qui devoit être ordinairement du mercure: Il eft vrai que lorfque la pefanteur de l'atmofphère devenoit différente, ou lorfque la chaleur augmentoit ou diminuoit, Fair con- tenu dans l'inflrument , & plus ou moins preflé par le mer- cure, devoit changer de volume ; mais pour qu'il fuivit exactement les changemens de l'air extérieur, il falloit, comme le fuppoloit gratuitement M. Varignon , que l'air, dans tous les lieux de la Terre & dans tous les temps, fût également élaftique, ou qu'il me fe trouvât dans fon reflort d'autre dif- férence que celle qu'y peut introduire la chaleur ou le poids différent de la compreflion, au lieu que nous croyons avoir déjà aflez montré qu'il sy trouve encore une autre inégalité qui a fa caufe dans l'air même. Si la pefanteur de l'atmofphère & la température extérieure ne recevoient aucun changement, fi Je baromètre & le thermomètre marquoient toûjours les mêmes quantités, le manomètre devoit marquer toüjours aufli le même degré d'élaflicité : cependant il étoit très-poflible que Y'air extérieur ne fe trouvât pas le même, & qu'il fût plus ou moins condenfé, puifqu'il fufhfoit pour cela qu'il furvint de lair différemment élaflique dans le lieu de Pobfervation. I peut venir en penfée qu'on réuffiroit aifément à perfec- tionner le manomètre, en changeant quelque chofe dans fa conftruction, & fur-tout en introduifant de nouvel air dans l'inflrument chaque fois qu'on veut s’en fervir. Pour fe con- vaincre qu'on ne corrigeroit rien par cet expédient, on n'a qu'à fe fuppofer dans un endroit où l'air eft très-peu élaftique: on ne connoit pas létat de cet air, lorfqu'on en prend un DES SCIRNCES. s3t certain volume pour le foûmettre à l'expérience ; cet air eft très-comprimé à caufe de {on peu de reflort, & on en in- troduit trois ou quatre pouces dans l'intérieur du manomètre; il y occupera un efpace exactement égal, ou bien il fe ré- duira à un moindre volume, s'il fe trouve expofé à une nou- velle preflion, par le poids du mercure qui entre dans la com- pofition de l'inftrument. Dans ce fecond cas, la compreffion, caufée par la pefanteur de latmofphère, fera augmentée par le poids du mercure, & la condenfation de l'air intérieur croîtra précifément felon ce rapport; ainfi on vérifiera fimplement ce qu'on favoit déjà à l'égard de la propriété qu'a l'air de fe condenfer, mais on ignorera toûjours fi la mafle renfermée a peu ou beaucoup de vertu élaftique, puifqu'elle doit fe com- primer dans le même rapport lorfqu'on la charge par des poids différens, quelle que foit l'intenfité de fon reffort. | Il m'a donc fallu néceflairement avoir recours à quelqu'autre expédient, pour conflater ces différences plus intimes, dont l'élafticité de l'air eft capable. On peut peler, avec d'excellentes balances, le poids d’un certain volume d'air, comme d'un pied cubique : il m'eût fufh, en employant ce moyen, de voir combien il s'en manquoit que les pefanteurs du même volume ne répondiffent à la force qui caufoit la compréffion. Lorfque je montois ou defcendois, la colonne d'air qui agifloit fur le baromètre, devenant plus ou moins longue , il n'étoit queftion que d'examiner fr la pefanteur d'un certain volume d'air changeoit précifément dans le même rapport que la hauteur du mercure ; il eft évident que toutes les fois que la pefanteur du même volume d'air fe trouve avoir, dans les différens lieux , un rapport conftant avec le poids de 'air fupérieur ou 1 hauteur du mercure, l'élaficité fpécifique eft exactement la même. Mais il étoit bien difficile à un voyageur de réduire ce moyen en pratique, quoiqu'il fût le plus direét de tous ceux qui fe préfentoient à moi; c'eft ce qui m'obligea de me tourner vers un autre côté. Las J'avois fait, en divers endroits de‘la Cordelière, beaucoup d'expériences fur la longueur du pendule à fecondes, & X xxij 532 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE j'avois toûjours remarqué que les pertes du mouvement, ou les diminutions que recevoient les excurfions du pendule , étoient d’une partie proportionnelle dans des intervalles de temps Égaux , lorfque les vibrations n'avoient qu'une certaine étendue. M. Newton avoit obfervé ces pertes, dans le deffein de comparer les réfiflances que faifoient, au mouvement, les différens milieux dans lefquels il faifoit fes expériences, & il me parut que je pouvois me fervir du même moyen pour découvrir les diverfes denfités de l'air. Comme je voulois, pour la commodité des expériences, que le pendule perdit une partie confidérable de fon mouvement en très-peu de temps, je me fervis d'un corps qui avoit une affez grande furface, quoiqu'il ne pefat pas beaucoup, & j'examinois com- bien il employoit de temps à perdre toûjours la même partie de fon mouvement: j'ai encore aétuellement ce pendule qui pee 2 livres 6 gros ; fa furface eft équivalente à une furface cylindrique de 66 pouces quarrés, & je l'attachois toüjours à un fil de 6 pieds de longueur. | Lorfque j'étois à Quito, où le mercure fe foûtenoit dans le baromètre à 20 pouces 1 ligne, ce pendule employoit 147 2 ofcillations fimples à réduire l'étendue de fes demi- excurfions de 100 lignes à 80: fi je paflois dans un air plus rare en montant, ou dans un air plus condenféen def- cendant , je m'apercevois du changement lorfque je réitérois Yexpérience. La plus grande denfité faifoit perdre en moins de temps au pendule, la même partie de fon mouvement, & c'étoit tout le contraire lorfque Fair étoit plus dilaté: les viteñles du pendule étoient très-fenfiblement les mêmes dans toutes ces expériences ; d'où il fuit que la différence que j'ob- fervois, n’étoit produite que par la feule denfité de Fair. Les ofcillations fimples étoient d'environ une feconde &c demie de temps, & il eft vrai qu'elles n'ont pas été rigou- reufement de 11 même durée dans tous les lieux, mais l'erreur n’a jamais pû devenir de quelque conféquence ; d'un autre: côté, je me fervois de vibrations d'une certaine grandeur, & j'avois évité exprès d'employer celles qui font trop petites ; RPC TIM MIE M RE ET TT te DES SCIENCES. 533 afin d'apercevoir plus diftinétement leurs diminutions fuc- ceffives, & de n'avoir auflt rien à craindre des eflets de la ténacité de l'air ou de fefpèce d'entrelaffement de fes. parties les unes avec les autres, j'ai outre cela quelquefois varié l'ex- périence. Le corps qui me fervoit de pendule eft creux; & je pouvois augmenter aifément fon poids en introduifant dans fon intérieur des bales ou des grains de plomb, lorfque {a denfité de l'air étoit plus grande; au dieu d'en, juger par le temps plus court dans lequel l'étendue des vibrations {e ré- duiloit de cent lignes à quatre-vingt, j'augmentois la pefanteur du pendule jufqu'à ce qu’il employât précifément le même nombre -d'ofcillations pour faire là même perte, & {es pe- fanteurs dans les deux cas me marquoient le rapport des den- fités de Pair. Ce moyen seft accordé avec l'autre; en les employant à diverfes heures de la nuit. & du jour, il ne s’eft trouvé tout au plus de diflérence qu'une demi-ofcillation ou une ofcillation entière, quim’a paru convenir toûjours avec a dilatation, plus où moins grinde que caufoit, la chaleur actuelle. Ces expériences que j'ai faites dans des endroits fermés, ont toutes concouru à n'äpprendre que dans le haut de la Cordelière -du Pérou, les condenfations de l'air répon- doient exiétément aux pefanteurs de: fatmofphère : il. y, a toüjours| eu. un:-xapport conftant entre les denfités de; ce milieu ttouvées par lé moyen-‘du pendule &: les pefanteurs indiquées par le baromètre. silos ohidisus Ainfi fair eft: également élaftique où l'intenfité de fon reffort eft la même fur tous les fommetsidés hautes montagnes: d'exactitude avec-laquelle les logarithmes me. donnoient les hauteurs lorfque je:me fervois, du baromètre, me J'avoit déjà fait connbître affez; mais j'en avois une nouvelle preuve-dans égalité de: rapport que je trouvois continuellement.entre les denfités de fair & la hautéur du mercure. Lorfque je def. cendois ou que je montois,, le poids de la partie fupérieure de air, augmentoit ou diminioit, la preflion devenoit plus grande ou «moindres mais puifque les denfités de l'air fe touvoient toûjours | exactement ;-proportionnilles: aux; forces ,compri- X xx ii 534 Mémoires DE L'ACADÉMIE Royazer mantes, c'étoit une marque que tout cet air avoit la même vertu élaftique: je ne commençai à y remarquer de diffé- rence fenfible que lorfque je m'éloignai du Pérou pour m'en revenir en Europe. Je pañlai par Popayan, ville qui eft fituée dans l'intérieur de la Cordelière à une moindre élévation au deffus du niveau de la mer que Quito, dans un endroit où la chaleur eft déjà fort grande, le mercure s'y foûtenoit dans le baromètre à 22 pouces 104 lignes; mais la denfité de l'air n'y confervoit plus le même rapport avec la hauteur du mercure, & elle étoit trop grande à proportion. Le pendule qui avoit befoin à Quito de 147+ ofcillations fimples pour perdre la cinquième partie de fon mouvement, eût dû à Popayan employer 1 29 + ofcillations pour fouflrir la même perte, au lieu qu'il la fouffrit en 125$ ou 126 ofcillations : l'air étoit donc moins élaftique, & il létoit moins que dans tout le haut de la Cordelière, fon reflort avoit moins d'in: tenfité, & ceft par cette raifon qu'il fe condenfoit plus que ne fembloit l'exiger fe poids qui le comprimoit. Je trouvois dans les circonftances {ocales une explication natu- relle du changement que j'obfervois ; le pays qui eft en partie couvert de bois, n'a préfque pour fol que de l'argille pénétrée d'eau, & il n'étoit pas étonnant que fair qui s'en élevoit par la chaleur, fe trouvât moins élaftique que dans les poftes plus découverts, plus hauts & moins humides. Je fortis en: fuite de Ia Cordelière par le pas redoutable de Gouanacas en traverfant la chaîne de montagnes orientales, pour venir chercher la rivière de la Magdeleine, & je continuai à joindre toûjours le long de fes bords que je fuivois, les expériences dupéndule à celles du baromètre. Je trouvai que la’ vertu élaftique de l'air croïfloit-à mefure que je defcendois ; l'air étoit réellement plus condenfé ; mais conformément à Ja diftinétion que nous avons établie, la vertu élaftique même étoit de plus grande en plus grande: elle augmenta jufqu'à environ 200 toifes au deflus de fa furface de la mer, elle ceffa enfüite de croître, & elle diminua après cela jufqu'à la mer Une des premières utilités de_ces recherches, c'eft qu'elles DES Sci1ENCESs. ñous font entrevoir le moyen de trouver par le baromètre la hauteur des montagnes qui ne font que médiociement élevées, & qui formoient une exception à la règle générale. Toutes les fois que comparant les expériences du pendule avec celles du baromètre, on trouvera entre les denfités de Tair & les hauteurs du mercure, le rapport que j'ai trouvé à Quito, ce fera une marque que la vertu élaftique de l'air fera la même, & il n’y aura qu'à retrancher comme vers le fommet de la Cordelière , une trentième partie des logarithmes des hauteurs du mercure pour avoir par leur différence celle des hauteurs des montagnes exprimées en toiles. Suppolé qu'on trouvât de fincommodité à faire les expériences avec un pendule de fix pieds, il ne feroit pas difficile de le réduire à un autre pendule plus court, & d'en rendre l'eflet exactement le même, en changeant fon poids ou la grandeur de fà für- face. Les denfités de fair ne feront pas toûjours proportion- nelles aux hauteurs du mercure; elles feront fouvent trop grandes ou trop petites, comme je l'ai effeétivement trouvé en m'approchant de la mer. Alors la règle qui réuflit dans le haut de la Cordelière aura befoin d’une équation; fi l'air eft trop denfe, la même quantité occupera moins de place, ainfi on fera obligé de faire une légère diminution à ta hauteur trouvée par les Jogarithmes: fi au contraire fair eft trop peu condenfé à proportion de la hauteur du mercure , if occupera plus d’eff pace, & il faudra donc augmenter la hauteur fournie par la première règle. Il femble que l'augmentation ou 1a diminution qu'il faut faire à chaque hauteur donnée par les logarithmes, ne devroit pas être proportionnelle à tout l'excès ou tout le défaut de denfité de Fair; mais que cette correction devroit être en- viron trois fois moindre, puifqu'il ne s'agit ici que du chan- gement d'extenfion que reçoit le fluide dans le fens de fà hauteur : fuppofons que la denfité de l'air augmente tout-à- coup d'une dixième partie, fes molécules fe rapprocheront es unes des autres felon les trois différentes dimenfions de l'étendue, & elles ne feront par conféquent plus voifines 536 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE les unes des autres que d'environ une trentième partie dans le fens vertical. Ainft une augmentation d’une dixième partie fur la denfité, ne feroit perdre à Fair que la trentième partie de fon volume verticalement; & il faudroit donc lorfqu’on veut déterminer la hanteur des montagnes par le baromètre, n'appliquer au réfultat donné par les logarithmes, que le tiers de la correction que femble demander l'excès ou le défaut de denfité de l'air indiqué par le pendule. C'eft ce qui feroit vrai fans doute, fi la condenfation étoit uniforme dans l’éten- due de chaque couche tout autour dela Terre, & fi toutes les parties de l'air étoient en repos; mais ce fluide n’eft jamais dans un équilibre parfait, & fon mouvement ajoûte vrai-fem- blablement à l'effet que produifent fes différentes dilatations : c'eft peut - être ce qui a contribué à me faire trouver qu'on devoit augmenter ou diminuer les hauteurs données par. les logarithmes à proportion de tout le défaut ou l'excès de conden- fation. Il nya fallu au moins faire une correétion aufii forte À toutes les parties de la hauteur de la Cordelière trouvées féparément, afin qu’elles fiffent par leur fomme la hauteur totale, & ç'a été la même chofe pour le Piton du petit Goave, {ur lequel je fuis monté exprès en repaffant par l'ifle de Saint- Domingue dans mon retour, à la fin de 17 53° J'ai fait entrer dans la troifième figure les réfultats de prefque toutes ces expériences ; la ligne AB repréfente la hauteur de la Cordelière auprès de Quito: les ordonnées de la courbe € D expriment par leur longueur les hauteurs du mer- cure dans le baromètre exprimées en lignes ; c'eft précifément comme fi l'on couchoit horizontalement en chaque endroit les hauteurs du mercure, 2 D eft cette hauteur fur Pitchincha, le pofte le plus élevé, / H eft la hauteur du mercure à Po- ayan & CA au bord de la mer à l'embouchüre de la rivière de la Magdeleine ; les ordonnées de l'autre courbe DFK qui ferpente par rapport à la première, & qui eft en partie ponétuée, expriment les condenfations de l'air, qui fuivoient en haut comme nous l'avons vû, les hauteurs du mercure ou les forces comprimantes, mais qui s'en écartoient très- fenfiblement D ENS OS C'ILE N CHEN SIA fenfiblement en bas. J'ai pris dans la partie fupérieure les hau- teurs mêmes du mercure, pour exprimer les denfités de Fair, à caufe de la proportion qu'elles avoient entrelles en cet en- droit: dans les endroits plus bas elles fe font trouvées moin- dres par rapport au poids de l'atmofphère, fi on excepte Popayan qui eft environ 800 toiles au deflus du niveau de la mer, & où le contraire eft arrivé. J'ai marqué dans fa méme figure le nom des lieux où les expériences ont été faites. On trouvera la fituation de ces lieux dans la Relation abrégée du Voyage fait au Pérou /page LXXX11); Je ne me fuis pas fervi fur Pitchincha du pendule que j'ai décrit, mais jy avois fait des expériences avec d’autres pendules, & j'avois remarqué la perte de leur mouvement dans un certain nombre d'ofcillations. Une particularité mérite une extrème attention; les den- fités fe font trouvées les mêmes à la Plata & à Baché, de forte que dans un efpace qui, mefuré verticalement, eft d'environ 330 toifes, l'air avoit, ce me femble, cette diftribution qui eft toüjours fur le point de fe déranger, & que nous avons re- gardée ci-devant comme la dernière entre toutes celles qui font poflibles. Mais il y a eu un intervalle de temps confi- dérable entre les expériences faites dans ces deux lieux; outre cela la pente du terrein y eft prefque infenfible, & l'air qui rampe fur ce fol à peu près horizontal doit s’échauffer beau- coup, principalement vers Baché, le pofte le plus bas. Nous devons ajoûter qu'une difpofition qui ne féroit pas phyfr- quement pofhble dans toute l'étendue de l'atmofphère, peut l'être dans une certaine partie; les chofes peuvent y être dans une viciflitude continuelle, & fe remettre continuelle- ment dans le même état. On voit dans la même figure, une troifième ligne courbe GM qui indique les élafticités fpécifiques de l'air, ou les intenfités de {on reflort; comme toutes les parties d'air font également élaftiques vers le haut, les ordonnées de cette troifième courbe font égales entr’elles, c’eft-à-dire, que la ligne courbe qui exprime par fes ordonnées les vertus élaftiques ou Mém. 175 34 « Y yy 8 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE les élafticités fpécifiques, dégénère vers le haut en ligne droite parallèle à fon axe: la ligne eft réellement courbe dans fà partie inférieure, & fes ordonnées qui avoient un #éninium à la hauteur de Popayan, avoient, comme je l'ai déjà dit, un maximum à la hauteur d'environ 200 toifes au deflus de la furface de la mer. La relation qu'il y a entre ces trois courbes, celle des pe- fanteurs de latmofphère que fournit le baromètre, celle des condenfations que donnent les expériences du pendule, & celle des intenfités du reflort de l'air qu'on déduit des deux premières, donne lieu à différens problèmes très-faciles. On peut toûjours trouver une de ces courbes quand on connoît Jes deux autres, & il fufñt que celle des élaficités foit donnée pour que les deux autres le foient auffi ; fes ordonnées étant égales aux foûtangentes de la courbe des pefanteurs de l'air, ou des hauteurs du mercure dans le baromètre, & les or- données de la troifième courbe, celle des denfités étant comme les pefanteurs de l'air fupérieur divifées par les élafticités fpé- cifiques. On pourroit, en faifant des expériences encore d'un autre genre, tracer une quatrième courbe, & féparer dans fatmofphère Fintenfité propre du reflort, de l'intenfité acci- dentelle qui vient de la chaleur. Mes obfervations m'ont donné les intenfités actuelles qui réfultent des deux caufes jointes enfemble, c’eft pourquoi j'ai pà me borner à la con- fidération de trois lignes courbes: plufieurs raïfons m'engagent àne pas infifler fur ces dernières remarques qui font étrangères à ce Mémoire. D'ailleurs, ce n’eft pas en fuppofant donnée quel- qu'une des courbes, & en travaillant fur cette connoiflance hypothétique qu'on perfeétionnera cette partie de la Phyfique générale; c'eft pluflôt en multipliant les expériences, & en cherchant pour divers temps, dans différentes régions, & dans des poftes plus ou moins élevés au deflus du niveau de la mer, un aflez grand nombre d'ordonnées de ces mêmes courbes, pour fe mettre en état de les tracer & de les comparer. ES RAD Mem. de l'Ac.R. des J'e1783 ag. #38 P 1. 191 Lg. B Elaskc Jpef. à G haut. Barom ! 178 et Densue Prichincha -2434 Toues 300 kg Le Baæom : 288 Densie 335 à LÀ ge EF 46 $ Den A 194 Er M = ———— — - — — Mem de l'A: 2 “1783 Tag 538 TÙ n Elashe a : | ue Darom 178 et Dennte Puhincha fa Lay Î (haut Barvm. et Dens | | 274 3 do Popayan 382 TR et Barvm 573 Densite ? 2. 434 Zones > D do 4 Hut Bavm IL£ Plata 286 Dune = 922 le Haut Barmm | Bache EL Hondz È Wipeuu de) la Mer d06 # Dent À 7 Jaarum Se Deis S'C'FTE N CES 539 ŒPBSE RIFALT FO N PNAOUERE" CL I PSE Er. SO L'ETL, Faite à Thury le 26 Octobre 1753. Pa M. MARALDI. ous avons obfervé, M. Caffini & moi, féclipfe du Soleil du 26 Octobre, à Thury. Le temps y a été plus favorable qu’à Paris; les nuages qui au commencement de l'écliple étoient tranfparens, nous permettoient de voir le Soleil au travers, & quelquefois même ces nuages étant chaffés par un vent de nord-eft, le Soleil a paru fort net & fort brillant, de forte que nous avons obfervé très-exacte- ment le commencement & la plus grande phafe de l'écliple, & nous croyons être fürs de la fin à 1 $ fecondes près. Pour mefurer la grandeur de l'éclipfe, M. Caffini avoit adapté per- pendiculairement à l'axe d'une lunette de 9 pieds, un carton blanc divifé en douze parties par des cercles concentriques, dont l'extérieur comprenoït exaétement image du Soleil. Je me fuis fervi d'un réticule placé au foyer d’une lunette de 7 pieds, & garni de treize fils ou cheveux parallèies & également éloignés les uns des autres, dont les deux extrêmes comprenoient exactement le diamètre du Soleil. Voici les phales que nous avons obfervées. A 8h 33° 56" temps vrai, commencement de l'éclipfe très-exaét, 8. 39. 32 l'éclipfe eft d'un doigt. 8. 52. 2 l'éclipfe-cft de trois doigts. 8. 59. 2 l'éclipfe eft de quatre doigts. Les nuages devinrent enfuite plus épais & plus fréquens, & ne nous permirent de voir le Soleil que mal terminé ou pendant des intervalles de temps trop courts pour pouvoir mefurer l'augmentation de l'écliple; cependant ils fe difli- pèrent vers le milieu, & nous laifsèrent le temps de déter- _Yyyi 540 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE miner la plus grande: phafe, que nous trouvames de 8 doigts 45 minutes à oh 51° 33": mais lorfque l'éclipfe commença à diminuer, le Soleil fe couvrit totalement, & nous ne le vimes plus que vers la fin. À 10) 59’ 4’ nous vimes encore une petite échancrure fur le bord du Soleil. 10. $9. 34 il nous parut bien terminé. Nous avons auffi obfervé à Thury l'occultation de l'étoile B du Capricorne fous le difque de la Lune, arrivée le 5 Octobre, que je joins ici. À 8! 42 5s"du foir, temps vrai, immerfion de l'étoile B du Capricorne fous le difque obfcur de la Lune. 9. 58. 26 Emerfon. Cette étoile eft fortie dans une ligne droite tirée du Promontoire aigu, & tant foit peu au deflus de Mare criflum; elle étoit précédée d’une petite étoile que M. Caffini a obfervée avec une lunette de quatorze pieds, & que je n'ai pü voir avec ma lunette de fept pieds. DES SCciENCESs. s41 DESCRIPTION ANATOMIQUE De l'état dans lequel fe font trouvés les Os ramollis d’une Femme. Par M MoRAN D. NNE-ELISABETH QUERIAU, femme du nommé SUPIOT, eut au mois de Septembre 1747, une couche à la fuite de laquelle elle refta boiteufe des deux côtés, une feconde en Juin 1748, & une faufle couche en Février 1749. Une chûte qu'elle fit fix femaines après, lui occafionna une douleur avec enflure à une jambe jufqu'à la hanche, fans qu'il y eût de dérangement dans les parties folides. Au mois de Septembre, les mêmes accidens parurent de l'autre côté, & les douleurs fe répandirent dans tous les membres. La malade, traitée alors comme d’un rhumatifine, & fort valé- tudinaire, n’en eut pas moins en Avril 1751, une quatrième couche d'autant plus heureufe que l'enflure parut fe diffiper, mais elle refta impotente des extrémités inférieures, Environ fix mois après, {es douleurs augmentèrent, & fon commença à remarquer dans fes urines un fédiment blanc, que quelques-uns prirent pour une matière laiteufe: c’eft alors que la malade s'aperçut que fes jambes éprouvoient une contraétion involontaire de la part des mufcles, qui les ployant peu à peu de dedans en dehors, ainfi que les cuifles, recourba infenfiblement les deux extrémités infériemes vers le haut des bras d’une façon fi extraordinaire, que le pied gauche lui devint un petit couflin pour appuyer fa tête. On reconnut aifément que cette moileffe des os étoit générale : ceux de la poitrine changèrent la conformation extérieure de cette capacité, ceux des extrémités fupérieures femblèrent {e tordre en différens fens, & peu à peu la milade Yyyi 542 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE devint fi contrefaite, qu'il y a peu d'exemples d'une maladie pareille * portée à ce point-là. . Au mois de Juillet 1752, cette femme, qui jufque- là avoit fupporté aflez patiemment une maladie fi étrange, & qui n'avoit pas même eu de dérangemens bien marqués dans {es fonctions naturelles, tomba dangereufement malade, ayant fièvre, refpiration laborieufe, toux & crachement de fang. Au mois de Septembre, fes règles manquèrent en forme, & elle fut accablée d'une foule de nouveaux accidens qui la condui- firent au tombeau le 9 Novembre de la même année, âgée de trente-cinq ans. Un plus grand détail ne feroit que préfenter à l Académie une répétition de ce qui en a été publié, & de ce que mon fils en a dit dans un petit ouvrage imprimé, L'on s'imaginera aifément que ce cadavre devint l'objet de l'attention des gens de l'Art, & que plufieurs Médecins & Chirurgiens s'empreffèrent de lexaminer. Comme j'avois füivi la maladie, je n'en étois pas moins curieux que les autres, & me propofant de connoître l'état de ces os dans le plus grand détail, j'avois fait un projet que je croyois raifonnable; mais il falloit, pour qu'il eût fa pleine exécution, fe conten- ter de faire un examen fuperficiel du cadavre, en préfence de ceux qui s’ctoient affemblés pour l'ouverture: lon ne fe prêta point à mes defrs, on déroba quelques membres, & l'on en coupa d'autres pour avoir des morceaux d'os amollis. Je n’en fuivis pis moins le deflein que j'avois formé; un Mémoire que je préfentai à M. le Comte d’Argenfon , motivé fur Ja crainte que javois qu'on n'abandonnat à la pourriture les * On peut confüulter l’Hiftoire de l'Académie, année 1700. {Voyez la même obfervation dans Courtial, des maladies des Os.) L'hiftoire de Ber- narde d’Armagnac par Lambert, D. M. Touloufe, 1700. Mercures de Mars-& Avril de la même année. L'hiltoire de Pierre Sisa , par Abra- ham Bauda. La même dans Courtial. Aa Hafnienfia, om. HI, obf. 24. Obfervation de M. Anel dans Je premier volume de la Bibliothèque de Médecine. Fernel de abditis rertin caufis, libr. 11, cap. 9. Æollier, obf. 7. Velfchii Sylloge. Nicol. Fonrani confulrationes. Biblioth. raifonnée , tomes XXXVI & XXX VII. Th. Bartholin. cent. 6, hift. 40. Selecla medica ÆFrancofurtenfia, tom. 1V. Tranfact. Philofoph. &c. DUENS LS C1 EN CE NS. s43 efféts d'un phénomène fi extraordinaire, fut accueilli du Mi- niftre, & des arrangemens autorifés par des ordres fupérieurs me mirent en pofleffion du cadavre. Je déclare qu'indépendamment des Jumières que j'efpérois en retirer pour moi-même; j'ai eu eflemtiellement en vûe de plane à l'Académie, en faifant préparer devant moi un fque- lette auffi rare, dont je lui fais préfent aujourd'hui. Par ce qui vient d'être dit, il eft aifé de voir que les defcriptions qu'on a données de ce fquelette n’ont pû êire qu'imparfaites, & que celle qui va fuivre eft la feule qui doive être regardée ‘comme complète, 5 Dé la Tôétre. Le diamètre tranfverfal de la tête étoit naturel , Mais la voûte du crâne fort écrafée, & les futures entièrement effacées. Les deux lames des os du crâne étoient confondues, & ne failoient avec le diploë qu'un corps fpongieux & rou- geâtre, capable de plier fous les doists comme du buffle pré- paré, lorfqu'en ayant coupé un morceau on le prefoit en différens fens. On pouvoit même lui conferver cette con- fiftance, en continuant de le manier ainf 3 M. Hérifiant en a montré un dans cet état. L'épaiffeur des os du crâne en général étoit doublée, & elle avoit jufqu’à cinq lignes en quelques endroits; ils fe laifloient couper aifément, & préfentoient au fcalpel une con- fiftance moindre que celle du cartilage : la coupe fraîche d'un morceau montroit dans la fubftance diploïque des cellules d’inégale grandeur, dont il fortoit du fang en les comprimant. J'en ai mis dans un étau pour ferrer les deux lames autant qu'elles pourroient l'être, & à force. d’écrafer la fubfance in- termédiaire, les limes collées l’une à l'autre n’ont laiffe qu'un morceau fort mince, qui, en fe defféchant, acquit la confiftance naturelle au crâne. Les offelets de l'ouïe, que l'on fait être fingulièrement {o- lides pour leur épaiffeur, étoient amollis, & excepté le conduit auditif offeux, le refte de l'oreille interne avoit la confiftance MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE de celle du fœtus : il en étoit de même pour l’ethmoïde & fe fphénoïde. Les apophyfes orbitaires du coronal étoient aplaties, le bord de l'ouverture des orbites tout-à-fait rond, & l'orbite du côté droit plus petite que du côté gauche, L'os unguis étoit membraneux, & fon demi-canif moins profond que dans l'état naturel. De tous les os de la face, ceux de la pommiette avoient le plus de confiflince; les futures harmoniques de ces os ne fe diflinguoient point. La mâchoire inférieure étoit fort aplatie à la fymphylfe du menton, & los dont elle eft compofée étoit amolli à peu près au même point que ceux du crane. Les dents étoient branlantes, parce que l4 fubftance alvéo- laire des mâchoires étoit molle; cependant leurs racines étoient très-adhérentes aux alvéoles, & au furplus elles avoient con- {ervé leur dureté naturelle. L'os hyoïde éoit, en fa pièce principale, moins folide qu'à Vofdinaire, fes cornes étoient de confiftance cartilagineufe, & à peine pouvoit-on apercevoir les petits os triticés. Du Tronc. Comme par le recourbement des extrémités inférieures vers le haut du tronc, le corps fembloit finir en imitant la figure d'un terme, il ne préfentoit de longueur à mefurer que depuis le fommet de la tête jufqu'à la fymphyle du pubis, & dans cette étendue il avoit 2 1 pouces : l'épine en particulier avoit 13 pouces+ depuis la première vertèbre du col jufqu'à l'os facrum, & en fuivant la courbure des vertèbres 1 $ pouces. Les vertèbres du col étoient fort proéminentes en devant, & un peu dejetées du côté gauche; celles du’ dos, depuis la première jufqu’à la feptième, fe courboient de gauche à droite, & depuis la feptième jufqu'à la dernière, de droite à gauche; celles des lombes fuivoient cette même inclinaifon. Les cinq dernières vertèbres du dos, & celles des lombes, n'étoient point dans la proportion ordinaire: il s’en falloit donc a mn dent md ut de nn. _Ÿ ie | de dé RS à, Ste DÉS" SCT E Nice, s45 donc beaucoup, en réuniffant toutes ces circonftances, que l'épine du dos eût-fa configuration naturelle, comme on {a avancé dans quelques Ecrits. Les vertèbres des lombes étoient plus molles que celles du dos, & celles-ci plus que celles du col; en général les apo- phyfes épineufes étoient plus molles que les tranfverfes, & celles-ci plus que les obliques. L'os facrum étoit raccourci au point qu'il n'avoit que 21 lignes de longueur, fa bafe étoit large de 3 pouces, le coccyx fort recourbé en dedans, & fon extrémité tournée à gauche. Les premières & la dernière côte des deux côtés ont con- fervé leur courbure naturelle; toutes les autres en foimoient de fort irréoulières, foit entr’elles du même côté, foit com- parées d'un côté à l'autre: en général elles étoient toutes amollies, cependant plufieurs étoient reftées caflantes, & quel- ques-unes des vraies étoient comme repliées fur elles-mêmes vers l'extrémité fternale. Le fternum fembloit avoir confervé, au moins en apparence, une forte de folidité; cependant il fe coupoit aufli aifément ue les os du crâne. ; Du fommet d’un os desifles à l'autre, le baffin étoit large de 8 pouces+, les os des ifles étoient minces, fort aplatis, & comme cartilagineux, l'ifchium gauche paroifloit déjeté en dehors, le diamètre tranfverfal des échancrures ifchiatiques étoit de 7 à 8 lignes: le trou ovalaire avoit dans fa plus grande étendue en longueur 2 pouces+, la cavité cotyloïde 17 lignes d'ouverture & 10 de profondeur. Des extrémités. Quelques différences entre les deux extrémités fupérieures, m'engagent, pour une plus grande exactitude, à en faire la defcription féparément. Du côté gauche, la clavicule depuis l'extrémité fternale juf. qu'au delà de fa partie moyenne étoit confidérablement courbée & faïllante en devant , fa fubftance fembloit être cartilagineule, -& lorfqu'on la prefloit il en fortoit une liqueur gluante. Mén, 1753 + ZLzz 546 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE L'omoplate avoit 3 pouces 10 lignes de long, & depuis ha cavité glénoïde jufqu'à l'angle poftérieur 2 pouces 1 1 lignes de large. Sa côte fupérieure, ainfi que fon épine, formoit — différens plis ; fon angle inférieur efl tellement recourbé de derrière en devant & de bas en haut, qu'il touche prefque la tête de l'humerus. L'humerus avoit, en le mefurant de fa tête aux condyles inférieurs, fuivant une ligne droite, $ pouces de long, & en fuivant les différentes courbures , 8 pouces +; la tête de cet os, alongée de derrière en devant, a fon hémifphère un peu aplaii; fon col, à fa partie fupérieure, faifoit angle avec la tête; là l'os fembloit être café, & de cette partie jufqu'aux condyles il faifoit un demi-cercle; il avoit dans fa diaphyfe 8 lignes + de diamètre. Le cubitus a, depuis l'olécrâne jufqu'à fon autre extrémité, 6 pouces + de longueur, le radius un pouce de moins, le cubitus 3 lignes, de diamètre à fa partie moyenne, Île radius 6 lignes; la fubftance du cubitus, à fa partie moyenne, fem- bloit être devenue ligamenteule; celle du radius avoit une confiftance cartilagineufe ; les deux os fe recourbant en dedans, formoient un angle en dehors vers leurs parties moyennes un peu fupérieures. Les os du carpe avoient confervé leur figure & leur fitua- tion naturelles ; ils étoient beaucoup moins amollis que les autres os: ceux du métacarpe & des phalanges avoient pref- que leur {olidité naturelle, excepté les extrémités des trois premiers os du métacarpe. Du côté droit, la clavicule, & cette portion de la poi- tine qui lui eft parallèle, étoient notablement enfoncées. L'humerus, & les deux os de lavant-bras, étoient beaucoup plus contournés & en zigzag que du côté gauche. Pour les os de Ja main, mêmes obfervations qu'à ceux de la gauche. Je voulus eflayer fi ces os étoient fufceptibles d'un plus grand amolliffement en les faifant macérer dans l'eau pen- dant plufieurs jours, & je n’y remarquai point de changement. Quant aux extrémités inférieures, confidérant à part celles DES SGIENCES s47 du côté droit, la tête du fémur, fortie de la moitié de la cavité cotyloïde, avec une portion de fon ligament rond, fe portoit en devant & en dehors: elle étoit devenue ovale; elle prétoit à limpreffion du doigt, & elle étoit, ainfr que fon cartilage, froncée en diférens endroits, le col fort court, grêle & très-mol. Le grand trochanter, plus gros que dans l'état naturel, eft fort mol dans tous fes points, excepté en quelques endroits où s’étoient confervées des parcelles offeufes. La partie antérieure du fémur, jufqu'à environ fa partie moyenne inférieure, prélentoit au toucher quelques endroits cartilagineux; mais depuis cette partie juiqu'aux condyles , ce n'étoit plus qu'une efpèce de gaine membraneufe, contenant un fluide fanguinolent, épais , noirâtre, dans lequel il fem- bloit que li fubftance offeufe fe füt convertie. A fa partie poftérieure, cet os étoit prefque par-tout membraneux ; les condyles étoient fort mols, cependant les cartilages dont ils font incruftés avoient à peu près leur fermeté naturelle. La longueur du fémur, prife fuivant une digne droite depuis la tête de los jufqu'au milieu des condyles inférieurs, étoit de 9 pouces, & en fuivant fes courbures, de 1 r pouces +. La rotule avoit prefque fa folidité naturelle à fa face interne: fes deux cavités étoient plus profondes qu'à l'ordinaire, & les cartilages qui les recouvroient (ce qui eft fort à remarquer} étoient prefque entièrement détruits : toute farticulation du genou étoit aflez ferrée, & les ligamens en paroiïfloient contractés. La longueur & le volumé du tibia étoient à l'ordinaire: à fon extrémité fupérieure, cet os étoit inégalement mem- braneux & cartilagineux jufqu'à fa partie moyenne fupérieure ; dins cet endroit, toute la fubftance de l'os étoit changée en un canal abfolument membraneux, dans l'étendue d’un grand pouce ; au deflous il y avoit encore quelques portions offeufes, mais feulement dans fa partie antérieure & latérale interne, car dans la partie poftérieure le tibia étoit prefque par -tout membraneux, rougeâtre, & comme charnu. La malléole in- terne avoit un peu plus de confiftance. Z zzij 548 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE L’extrémité fupérieure du péroné étoit fort grofle & très- molle; le long de fon corps, extérieurement, on remarquoit de petites lames offeufes en différens endroits; mais il étoit entièrement membraneux dans fes faces externe & interne, la malléole externe gonflée & fort molle. Les os du pied avoient leur configuration naturelle, mais ils étoient amollis; l'aftragal étoit ankylofé avec le naviculaire. Je ne puis faire la defcription de l'extrémité inférieure gauche , parce qu'elle fut partagée entre plufieurs curieux qui l'enlevèrent. Je foupçonne que les os pouvoient avoir fouffert à peu près les mêmes changemens, & que la diffé- rence eflentielle devoit être en ce que le recourbement avoit - été porté encore plus loin que celui de Fextrémité droite. En eflet, du vivant de la femme Supiot, elle avoit fon pied à côté de l'oreille, & tourné de façon que la plante fervoit de couffinet à fa tête lorfqu’elle repoloit de ce côté. De quelques autres parties du même corps. La diffection des mufcles des extrémités a fourni les re- marques fuivantes. Les os des extrémités inférieures ayant fouffert le plus de dérangement, celui qui devoit en réfulter dans les mufcles devoit être le plus fenfible: effectivement, le vafte externe, le faliia lata , le grêle antérieur, étoient plus courts, plus fermes & plus épais que dans l'état naturel , tandis que leurs antago- nifles, le biceps, le demi-nerveux, le demi-membraneux, le grêle interne, le couturier, étoient très-minces, fort alongés, & fe déchiroient aifément: ceux des extrémités fupérieures avoient à peu près la même difpofition; le deltoïde, par exemple, étoit fort raccourci & aflez ferme, le grand rond, moi & lâche. Tout cela s'explique aifément par le recour- bement des: 6s, fuivant la direétion vicieufe qu'ils avoient fuivie. Quant aux vifcères, la dure-mère étoit confondue avec le crâne : la faulx, plus épaifle que dans l'état naturel, éoit portée fort à gauche, & par conféquent l'hémilphère droit . l DES SCIENCES. 549 du cerveau avoit plus de volume que le gauche. On à trouvé du fang épanché dans les deux ventricules, & le plexus cho- roïde variqueux. Le cœur & les gros vaifleaux contenoient des concrétions polypeules, & le fang dont elles étoient formées , étoit très- noir, Tous les vifcères du bas-ventre étoient fort fains, & les deux reins contenoient des fabies affez gros, dont il fera parlé dans un inftant. Comjettures fur la caufe de ce phénomène: Entre les différentes hypothèles auxquelles la formation des os a donné lieu , il en eft une qui tireroit grand avan- tage de ce phénomène. Quelques-uns foûtiennent que dans les vaifleaux qui compofent les membranes & les cartilages originaires dont les os doivent enfuite être formés, coule avec le fang, un fuc terreftre & crétacé, qu'ils difent méme pouvoir être aperçu dans les vaifleaux un peu gros de ces cartilages; que l'os n'eft fait que de l'affemblage de ces parties terreflres en repos, qui, féparément prifes, font autant de petits os; qu'elles continuent de fe porter aux os pour entre- tenir leur folidité, & même augmenter jufqu'à un certain : âge; & qu'enfin lorfque les os ont acquis leur plus grande confiftance, les membranes & les cartilages qui leur avoient, pour ainf dire, fervi de moules, s’oblitèrent tout-à-fit. Cela polé, il s'enfuivroit que fi, par une caufe quelconque, Ja matière de l'offification celle de fe filtrer & de £ dépofer dans les vaifleaux offeux, les os doivent infenfiblement perdre leur folidité, & qu'alors les mufcles agiffant fuivant leurs directions & leurs points d'appui, les os longs doivent fe courber en divers fens; ceux qui font voûte, doivent fübir des preflions inégales, de façon à s’enfoncer en des endroits, & à {e relever en d’autres. Mais féroit-ce parce que la matière offeufe cefle de fe former dans le fang, ou parce qu'elle f porte ailleurs que dans les os, que ceux - ci pourroient en être privés? La Z 22 ïü so MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE maladie dont if eft queftion dans ce Mémoire, préfente une circonftance fort remarquable, qui ferviroit encore de preuve à ce fyftème. Dès les commencemens de la maladie de la femme Supiot, on obferva dans fes urines un fédiment blanc, terreux, cré- tacé, lequel expofé à différentes épreuves a paru tenir de la nature du gyple. Cette femme en a rendu une prodigieufe quantité; & Jorfqu'elle en rendoit beaucoup, elle difoit que fes membres travailloient. C'elt ainfi qu'elle exprimoit la contraction des mufcles, par laquelle les parties fe ployoient involontairement. Enfin cette matière étant mêlée avec différens acides, tels que le vinaigre diflillé & autres, y devenoit foluble. Si, à toutes ces confidérations, l'on joint l'expérience con- nue, que le vinaigre ramollit les os /a),& autorité de M. Van-fwieten, qui eft tenté de regarder cet amolliffement par maladie, comme l'effet d’une cacochymie acide du fang, (b) on pourroit, en admettant cette difpofition dans les liqueurs de la femme Supiot, expliquer comment fes fibres offeufes ont été amollies, ou même difloutes, & ajoûter qu'elle ren- doit par les urines la matière offeufe, tenue en diflolution dans la maffe par l'acide fuppofé. Ce qui prouveroit encore que cette matière n’appartenoit point du tout aux urines, & que les voies urinaires n'en étoient que le tamis, c'eft que j'ai trouvé dans les deux reins, & à l'origine des baflinets, une autre matière dépofée tout- à-fait différente, & telle que les urines en forment ; je veux dire des fables affez gros, de forme irrégulière, & d’un rouge faffrané. Au furplus, ne m'étant point propofé d'expliquer le phénomène, mais feulement de le décrire, je ne donne tout ceci que comme de fimples conjeétures. Il me refle à faire remarquer que les os qui compofent (a) Dum liquor in quo fervabat | nodumtorquere potuerit. Van-fwieten fetum humanum Ruyfchius, acidior | Comment. in Aphor. Boerhaave juffo fadlus erat, cojtæ fic emollitæ | tom. 1, édit. 1745, p. 939 à7 füiv. fuerunt , ut illas vario modo fleétere (b) Ibidem. non tantüm, verdmn funiculi inftar in DHE.S, :S,CJL'E NC PS S51 Je fquelette, tel qu'il eft aujourd’hui, n'ont point confervé Ja confiflance qu'ils avoient lors de la mort du fujet. Quatre ou cinq jours après avoir été préparés & féparés des chairs, ils acquirent plus de fermeté, principalement ceux du crâne. J'ai cru diffiper l'humidité ‘dont ils étoient abreuvés , en les faïfant tremper quelque temps dans l'efprit de vin, & j'efpérois par- R les prélerver de la pourriture lorfqu'ils viendroient à fe- cher; cependant j'ai eu de la peine à les défendre des infeétes qui, malgré ces précautions, les ont ataqués en plufieurs endroits: cela fuppoeroit des os fort gâtés par l'elpèce de maladie dont ils étoient afle@tés, & néanmoins les”têtes des os, qui formoient le genou gauche, & que j'avois mifes à part pour quelques obfervations, n'étant pas encore bien defféchées , ont été prefque entièrement mangées par des fouris. J'ai joint à ce Mémoire deux Planches curieufes & fort exactes, dont la première repréfente la femme maiade, telle qu'elle étoit dans fon lit, réduit à la moitié des lits ordinaires u & la feconde donne l'idée du fquelette, tel qu'il eft confervé dans le Cabinet de l’Académie, à une jambe près, 552 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE OCDE RP IA TPOMN.S BOTANICO-METEOROLOGIQUES, Faites au château de Denainvilliers, proche Pluviers en Gätinois, pendant l'année 175 2. Par M. pu HAMEL. AVERTISS EM ENT. [SE Obfervations météorologiques font divifées en fept colonnes, de mème que les années précédentes. On s'eft toüjours fervi du thermomètre de M. de Reaumur, & on part du point zéro, ou du terme de a glace: la barre à côté du chiffre, indique que le degré du thermomètre étoit au deflous de zéro; quand les degrés font au deflus, il n'y a point de barre; — o défigne que la température de l'air étoit précifément au terme de la congélation. Il eft bon d'être prévenu que quand il a fait chaud plu- fieurs jours de fuite, il gèle quoique le thermomètre placé en dehors & à l'air libre marque 3 & quelquefois 4 degrés au deflus de zéro; ce qui vient de ce que le mur & la boîte du thermomètre ont confervé une certaine chaleur; c'eft pourquoi on a mis dans a feptième colonne, Gelée. Les Obfervations ont été faites à huit heures du matin, à deux heures après midi, & à onze heures du foir. JANVIER. LS ST LT ZZ SZ RS CE ES SE EE EE ne CS 2 TT EE ji PR LL LS LS LS MT Li MT A ALAIN INA Al \\ À il RE | AU ARENA \ TNT Mer del AcR des Se. z Page 583. PL. 23 ZA LC LZ CZ Pe RL il | Il Fa ZZ | | DT | D DES SCIENCES. 553 d JANVIER. Jours du | VENT. Mois. Matin | Midi. | Soir. een es eee ones 8 Degrés.| Degrés, | Degrés.|pouc. lign. THERMOMÈTRE. | Baromètre ETAT DU CIEL. I S. 7 Bbizoezitioz grande pluie & vent, 2 SAR 6 7 6 |27. 9 |couvert. 3 S£ 7 9 9 |27. 1 !|grande pluie & vent, A S.20 S 7 42127. 7 |couvert & humide. 5 |: S::0. 3 4 22/27. 9 |grande pluie & grêle. 6 N. 2 4 © |27. 11 L|il commence à geler le foir. 7 Na, [=2 4 2 |2y7. 10 |belle gelée blanche à glace. $ S. ©. 2 4 Oo |27. $ |couvert & pluvieux. gt UN. O0; o 2 |— +|27. 3 [pluie & neige. 10 N- |—2 1 |—2 }2 4 |beau avec nuages. tir | N. O. |—1 © |[—1 |27. 6 |remps couvert le matin & neioe le foir. 12 N. |—r11) o |— 1|27 8 |fombre & neige. 13 Ne J— :l— 2-2 27. 10 ltemps fombre, j 14 N. |— 2] 11] o |27. 11 [couvert & brouillard. 15 N. () © |—32/28. 1 |beau temps, gelée blanche. 16 N. |—5 |—2 |—2£}28. o |beau temps, il dégèle au foleif, 297 MINS AN EN CO o |—1 |27. 8 |fombre & couvert. | £ 18 S. |—2 (o) o |27. 7 [grand brouillard toute la journée. 19 S 'o 3 1 |27. 7 |remps humide & brumeux. 20 |:S.E. 11] 41] o |27. 6 |beau & variable. 21 S: o | sil 6 127. 3 |couvert & pluvieux. HE MEESA 4 71| 72427. 2 |beau temps & doux, le ciel enfumé. 23 S! $ 6 3 [27. 5 [beau & variable. 24 S. I s 6 |27. 1 |beau temps tout le jour. 25 52 6 8 s |27. 1 |couvert & pluvieux. 26 à: S 7 4 |27. 1 £|variable avec pluie. 127 5 4 s 41/26. 10 |pluie toute la journée, 128 N. I 3 12 1 £|temps fombre. Boul eN4E o 31] 14/27. oo |temps couvert. 30 S: 4 7 | .3 |27. 24ltemps couvert. BI lUN:E 3 s 4 |27. 2 [temps couvert. HAL aa $54 MÉMOIRES DE L'AÂCADÉMIE ROYALE Quoiqu'il ait gelé très-fouvent pendant le mois de Jan- vier, & qu'il y ait prefque toûjours eu de li neige fur le revers des foflés, on peut dire en général que ce mois à été plus humide que froid, le thermomètre n ayant pas defcendu plus de $ degrés au defious de zéro. La rivière d'Eflone z débordé deux fois, On a avancé les labours pour les mars, parce que la terre: n'étoit point gelée fous la neige. Les blés étoient bien verds fans être forts. Le blé a diminué pendant ce mois d'environ trois livres par fac, de forte qu'on trouvoit du blé vieux à vingt-quatre livres, & du nouveau à dix-huit ou vingt; cependant les gerbes rendoient fort peu. Un fermier de Beauce n'a retiré que vingt-quatre facs de mauvais blé chargé de graïnes, dans vingt-quatre arpens de terre: l’avoine a aufli diminué, & ne coûtoit que fix livres. Les perce-neige & Fellébore noir à feuilles de renoncule ont fleuri vers la fin du mois. Les fources les plus élevées fur la côte ont ceffé de pouffer. Les perdrix commençoient à s’apparier, & on prenoit des mâles à la chanterelle. Les vignerons ont achevé pendant ce mois de donner aux vignes la façon d'hiver. Déc lMSLCUT EAN QUELS: 555 FEI TRAPBENR Tours THERMOMÈTRE. du | VENT. | TT | Baromètre TA IDU CIE L. Er Matin | Midi. | Soir. | Fr] Dre] Degrés. Dégrés. pouc, | I SEC: s 9 4 127. 1 [beau & variable. 2 AILANAUE: 3 7 6:|26. ro |couvert & pluvieux. 3 S. 6 | 7 42/26: 41 |pluie à verfe, bruine le foir. 4 12 4 9 8 |27. 2 |brouillard le matin, variable le foir. S S. S 8 6 |27. 6 |variable avec pluie. 6 S, 6 6 52/27- 7 |pluvieux tout le jour. 7 N. 2 $ 3 127. 9+|couvert fans pluie. 8 S: 2 ONE 2 |27. 10 |couvert. 9 Se I 8 3+[27- 10+|couvert, gelée blanche. 10 N. E. r2l 6 12/28. oO |beau temps, gelée blanche. MINCE à) EU 4 o |27. 11 |grand brouillard & givre. 12 S: NA 4 4 |27. 9 [temps couvert. 13 N. o 4 |— £27. 9 [grand vent, temps couvert, grêle. 14 | N. o 2 |—2 |27. 8 |beau & variable. 15 Net 3 |—2 |27. 8 neige toute la journée. 16 N. |—2 |— | o |27. 7 |petite neige le matin. 17 N. |—1£— 12 |27. 7 {neige toute la journée. 18 N421=—53 12] © |27. 8 |temps couvert. 19 dr... ë o I o |27. 7+|pluie fine tout le jour. 20 Sri lu 2 o |27. 7-+|couvert & variable. 21 S. E. (o] 3 4 |27. 5$ |[couvert, bruine & verglas. 22 510 4 7 4 |27. 5 |variable avec pluie & vent. 2 540! S 7 4 |27. 6 |beau & variable avec nuages. 2410]: SVO: 3 6 32/27. 6 [beau avec nuages. 25 S: S 6 s |27- 7+|pluvieux toute la journée. 20 :| SE. S 7 s£|27. 6 |couvert, fans pluie, 27 | N. O0. 3 6 2 |27. 9 |beau temps, il pleut la nuit. 28 | N.E. I S 2 |27. 9 [beau temps, gelée blanche. 29 | S.E. 21 5 3 |27. 9 |beau temps, gelée blanche. | EP, EE Aaaa i) 556 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoyaLe Pendant ce mois, l'air a toûjours été froid & incommode, néanmoins le thermomètre n'a pas defcendu plus de 3 degrés au deflous de zéro, & il a fouvent monté à $ & 6 degrés au deflus ; auffi les cornouillers & les noilettiers ont fleuri; les chatons des noifettiers font alongés, & on a vû fur les tapis des fleurs de päquettes. Les blés étoient très-verds, néanmoins le prix en a un peu augmenté; le vieux fe vendoit vingt-fept livres dix fols, le nouveau vingt-quatre livres, & l'avoiné fept livres le fac. On a continué les labours"pour les mars, & les vignerons ont commencé à tailler la vigne, pa” DAEESMSTENE NE EMOnLM 887 J VENT. PM? | Biromètré ÉTAT Du-CrELz. Matin | Midi. | Soir, : nes | mme cmnmnne | mr meme “| Degrés. | Degrés,| Degrés.| pouce. lign. 2 S. 5 6 4 |27. 9 |varable, pluie & grêle. 15e: S. D ETS 2 [284 o [beau temps’; (velée blanche. 3 STE © 6 2 |27. 8 :}beau-temps, gelée blanche. An |Fi9S LES 1 7 52|127-. 8 |beau temps, gelée blanche. ds SE. 5 | 9+| 42127. ro |heau témps, brouillard. 6 E: ait coibruzil2r :8 [beau temps £ arand brouillard, 7 |-:8. 25 | 92/8/2741 Jgrand ventifroid. LLRNTA : : 5 6 | 12 9,127. 117 .|beau temps. , L "9 SF O: 8 riz $ | SU ME IE temps. | 10 NS 14. | 7 4 128. 2 {belle gelée. 12: | N. O. F2 24t -S 4 28: ,1: |beau fixe, petite sèlée blanche, MIN O: 1 | 9 5 :|28...0 |beau fixe, celée blanche. 119 LIN: 2 |....l...,1......[pluie & tonnerre. 14 N. TS 4 127. 7 lcouverr, vent froid: 15 SO: 6 4 8 127. 8 |beau avec nuages! 16 N. 3! 6 0! |28+ ot! | variable. 17 N. |—:1 3 |- 0 28: oO [grand vent, gelée à glace. 18 | N.E. o s 1, |28. 1 [grand vent, oelée à glace. 19 | N.O. |—1 6 3 |28. ï Aoelée à glice, beau fixe. 20 S. 4 | 10 7 |27. 9 |temps couvert. 21 S: 8 9 | 10 |27. 10 [couvert & brumeux, 22 Se 8 9 8 |27. 9+|couvert & humide, 23 S. 8 | 10 8 |27. 9 [couvert 24 S. 8 9 6 |27. 3 [grand vent & pluie, 25 ©. 2 S 3 |[27- 6 |ventfroid, pluie & neige fondue. 26 O. 3 9 4 [27 3 |grandepluie & vent. 27 ©. 1 6 1 |27. 6 grêle, neige & grand vent, 28 O. 2 5 5 |27. 6 [gelée à glace. 29 ©.: 4 | 29 | 5 [27 6 |oiboulées. 30 O: Lez PE 2 |27. S$ |giboulées, 31 Aaaa il 558 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Il a régné pendant tout ce mois un vent fort hâleux, qui a beaucoup defléché la terre. Le commencement étoit ec & fort doux; mais quoique le thermomètre n'ait pas def- cendu à plus d'un desré au deflous de zéro, il eft tombé vers la fin des ondées de gréle & de neige qui rendoient Yair fort incommode: ces fraîcheurs ont fait jaunir des blés, néanmoins le prix s'eft entretenu le même au marché. Au commencement du mois les boutons des poiriers coms: mençoient à groflir. Vers le 9, on voyoit quelques papillons citrons. Le 12, on trouvoit des fleurs de violette aux endroits expolés au midi, & les abricotiers étoient en fleur. Vers le milieu du mois les narcifles jaunes & les hya- cinthes étoient fleuris. Le 20, on voyoit des abeilles fur les fleurs des abrico- tiers, & les péchers commençoient à fleurir. A la fin du mois les péchers étoient en pleine du & les grofeillers avoient des feuilles. On à fort avancé les femailles des grains printaniers pen- dant ce mois, & les vignerons bont continué de tailler fa vigne, dont le bois paroifloit bien conditionné. DE SAS Cli E INICLE (s. s 59 AVR IL, THERMOMÈTRE, TM | Baromètre ETAT pu CrELz. Matin | Midi. | Soir. Desrés. | Degrés. | Degrés. |pouc. digm EEE ES ere ne à I I 6 2 |27. 7 |gibouléés. 2 o s 3 |27. 6 belle celée blanche. 3 QAR DC) 6 127.. 5 |pluie le foir, le refle beau. 4 4 4 | 3 127. 5 |giboulées. s 2 $ 1 |27. 7 |vent froid & grêle. 6 I 5 15127. 7 |variable, giboulécs. 7 1:| 62 3 |27. 6°|couverr, gelée blanche, \ 8 3 S 3 |27- 3 petite pluie froide & vent. 9 4 9 32127. : 8 |beautéinps, vent froid. 10 2 9 4 [27-11 8° \benu temps, vent froid, 11 2 9 $ |27- 5 |beau temps. 12 2 S 2 |27.. 8,:|variable. 13 3 8 3 127.7 [grand vent froid. 14 4 | 10 $ |27- 8 |variable. 1ÿ AFS 4. | 10 s |27+ 9 |beau avec nuages. 16 QUE 4 | ro 6 |27. 10 |beau temps, selée blanche. HSE s<| 12 8 |27. 10 |beau-fixe. k E 6 T'1$ | 12 |27. 7 |beau & chaud. " 7 lr2 9 |27. 6 |beau & variable. à 7 | 12 8 |27. 6 |il pleut la nuit, beau le jour, É 8 | 14 9 127. 7 lbeau & couvert: 8 | 15 | 11 |27. 6: |beau & variable. . O. | 10 | 13:| 9 |27+ 6 |couvert & brumeux, . O. 921 13 9 |27. 6 |petite rofée. . O. 9 | 13 9 |27. 7 |bruine. à 9 | 15 9. |27. 9 |beau avec nuages, 8 | 10 53,27 9 |beau & froid. 3 PE 72127. 8 |beay temps. ; : 7 CES 8 |27. 8. [beau &moins froid. : ©. 9 | 13 | 10 |27. 7 |couvert après midi. D pepe $s60 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Quoique le thermomètre n'ait pas beaucoup defcendu au - deflous de zéro, le vent de nord, qui a toûjours été violent, rendoit l'air fort incommode, &. defléchoit beaucoup la ‘terre: Malcré cette fécherefle, les avoines ont levé, mais elles étoient fort bafles, & avoient grand befoin d'eau. Les blés avoient pas beaucoup d'herbe, mais elle étoit fort verte. Quoique plufieurs fleurs d’abricotiers afenl été endém- magées, il refloit encore beaucoup d’'abricots. Les feuilles. des pêchers étoient chifflonnées , ou, comme difent les jardiniers, brouies. Les boutons de la vigne groffiffoient. Plufieurs efpèces de poires, comme le doyenné, avoient noué deurs fruits ; les autres étoient en fleur, ainfi que les cerifiers. Le 3, on a commencé à voir quelques pro-fearabées. Le'9, l'épine blanche commençoit à prendre un peu de verdure, & on vit les premières hirondelles : le 1 6, on en- tendit chanter le roffignol & le coucou:le 19, la vigne commencçoit à pleurer, & les marroniers, ainfi que quelques tilleuls, avoient des feuilles : le 2 3, les pommiers & les pruniers étoient.en fleur, & les leigles, à l'abri des maifons, com- mençoient à montrer leurs épis. À la fin du mois, on a commencé À. voir des nous | Les fermiers ont labouré pendant ce mois les gucrets; fes: vignerons ont donné la première façon du printemps aux vignes ; mais ils ne pouvoient piquer les échalas, parce que la terre étoit trop dure; néanmoins quelques fuites! qui avoient tari pendant l'hiver, ont recommencé à couler. Le prix du blé seft éntretenu pendant ce mois entre vingt-trois &-vingt-fix livres. Pluñieurs enfans ont été attaqués de fièvres malignes. MAI. on or don ME er mn mé Le “ne de td lé at Pt et pie fs Sicr EIN°C'E s6r M A L ERNEST EP EOEN VE TCLGE LE AIDE IRIS POITIERS EEE DOI IE DENT NET EEE TEns THERMOMÈTRE. du | VENT. | a | Baromètre Eramiblu Cie. Mois Matin | Midi. | Soir, I S. 12 | 16 | 10 |27. 6 |le temps chargé de nuages. eo SO: IUro M|Ere 7 |27: 7 beau temps. 3 S. O. 7- | 12 8 |27. 6 |couvert & variable. 4 ©. 8 | 12 8 127. 7 |variable & froid. s Se 8 | 13 | 10 |27. $silorande pluie. 6MIRS. AO. 7x2 7 |27: 4 |vent froid, pluie & grêle. 7 S°E. CAM EE 7 127. 3 [couvert & brumeux. 8 SO: 7 | 10 7 |27- 6 [gelée blanche, rofée. OM SE O: 8 | 12 | 11 |27. 7 |pluvieux. NON SO 4 9 $ |27: 9 |variable avec pluie. 11 S. ©. 6:| 12 7 |27+ 9 |variable avecpluie. 12 O. 8 | 14 | 10 |27. 7 |variable avec pluie. 13 N. 10 14 9 |27. 9 [variable fans pluie, 14 | N,E. 7 dix 9+|27- 7 |beau, gelée blanche & rofée, 15 N. 9 | 15 | 11 |27. 6 |beau avec nuages. 16 S. 16 17 9 127 3 [lourd & couvert, 17 O. 8 | 12 7. |27+ 30|giêle. 18 SAO} 9 7 7 |27- 6 |pluie & grêle. 19 S. 7 | 13 | r1 [27 8 |bruine. 20 N. 12 | 18 | 13 |27. 9 |beau avec nuages. 21 N. 9 | 16 | 13 27. 9 l'heau foleil piquant. 22 N. 12 | 15 | 11 |27. 9 |beau avec nuages. 23 N. 11 | 15 | 101]27. 9 |variable avec pluie, 24 [N.N.O.| 10 | 13 | 10 |27. 9 |beau & variable. 25 O. 10 | 15 | 12 |27. 8 |variable. 26 N. 9 | 12 2127. 8 |beau & froid. 2 N. 9 ! 13 7 |27. 8 lbeau & froid, 28 N. 9 | 14 9 |27. 9 |beau avec nuages. 29 | NE. | 11 | 17 | 10 |27. Oo |beau temps, gelée, 30 N. 13 | 17 | 132|27. 8 |le temps difpofé à l'orage. PANIMSTE: 13 | 202] 15 |27. s2|le temps enfüumé & vent mou. ARE EEE PE ne ve RM TE ET: TT 562 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Les ondées de grêle & de neige qui ont continué ar commencement du mois, ont rendu fair fort incommode; & le vent häleux qui a régné pendant tout le mois, a fait que la terre a toûjours été {1 sèche, qu'on a difcontinué les labours. Le 6, les boutons des ormes & de la vigne commençoient à s'ouvrir, & un cep de vigne de Canada, que nous avons en efpalier, avoit des bourgeons de 8 pouces de longueur : le 21,on vit beaucoup de papillons blancs. Les blés étoient toûjours fort bas, mais bien verds. Les avoines fouffroient beaucoup de {a fécherefle. Les fraicheurs prefque continuelles, qui ont gâté les fleurs: des pommiers, n'ont pas fait beaucoup de tort à la vigne. Il y, aeu peu de hannetons: vers la fin du mois, la vigne de Canada étoit en fleur, mais il n’y a pas eu un grain qui ait noué, Les fainfoins étoient en fleur, quoique fort bas. Le prix du blé a un peu augmenté; il y en a eu de vendu vingt-huit livres , & l'avoine neuf. PE MSN PS GT ME UINIIC MES: 563 PU HT. - THERMOMÈTRE. 5 À du VENT. | | Baromètre FTATMDIU Cr Er. Mois. Matin | Midi. | Soir. FUArE. Degrés.| Degrés. pré, pou lin, - MAT ee ; S. 11 16 13 |27. 4 [lourd & couvert. à S. II 16 11 27... 6 |lourd & pluvieux. 3 S. O. 12 | 17 12 [27% 7 |variable. 4 E. 11 17 | 14 |27. 7 lbeau tempsavec nuages. s EX 15 | 19 | 21 |27. $ |beau & chaud. 6 S. 15 | 20 | 18 |27. 7 |forte pluie à midi. > S. 15 | 20 15 |27. 6 |pluie & tonnerre. Ü 9 S. 1$ 18 14 |27. 7 |variable avec pluie. | 9 S: VE SN DS 7 16 = 8 |brouillard. to S. 1$ 15 14 |27. 7 |variable & lourd. He S. O. | 13 | 17 | 14 |27. 7 [temps couvert, petite rofée. en S. O. | 15 | 20 | 19 |27. 6 |variable le matin, tonnerre le foir. 13 S. 13 , 18 | 13 |27. 9 |beau temps. PDT SE iat ro Psy [27- 7 |beau temps. 1$ N. 13 | 21 | 13 |27. 11 |beau temps avec nuages. 16 N. 13 | 21 | 16 |27. 9 |beau & chaud. 17 | NE. | 17 | 21 | 15 |27- 9 |beau temps. 18 | NE. | 13 18 13 |27. 10 |beau temps, vent frais. 19 IN-N.E.| 13 | 21 | 17 |27. 9 20 N. 17 | 23 | 16 |27. 9 21 | S. O. | 163] 21 | 17 [27 5 à N. 162) Male ie beau temps. 23 N. DE nu CNE EN ATEN 24 N. ns tr Nr 6127.09 25 O0. OIL | 16 |27. 8 |beau, tonnerre à l’oueft. 26 N. 16 | 21 16 127. 8 |beau temps. 27 S. 15 | 22 | 16 |27. 6 beau & difpofé à lorage. 28 S. AN REX 15 |27. 7 |beautemps. 29 S. 17 | 23 17 |27. S$ |pluie & tonnerre. 10 |27. 5 :|couvert le matin, pluie Ie foir. asser 129] O un © cs a = = RS ET TC “| mine ARMES Bbbbÿ 564 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE La fécherefie a continué pendant tout ce mois, néanmoins il eft furvenu quelques pluies qui ont fait beaucoup de bien aux orges & aux avoines. Le 4, les cantharides ont commencé à paroître fur les chévrefeuilles & les frènes. Le 5, la feuille des blés étoit rouillée, néanmoins ils commençoient à épier, quoique la paille füt fort courte : vers ce temps on a fervi les petits pois, les fraifes, les artichaux & les cerifes précoces. Le 12, il eft furvenu un orage affez confidérable avec de la pluie, qui a fait beaucoup de bien aux blés & aux avoines. Le 17, on ferroit les fainfoins, les blés étoient en fleur, & les avoines épioient. Le 25, la vigne étoit en pleine fleur, & les orangers commençoient à fleurir. EEAC feigles commençoient à jaunir, on avoit coupé des efcourgeons, & on fouhaitoit de la pluie pour les avoines & pour recommencer les labours. Le 30, les blés étoient hors de fleur; & quoiqu'ils euffent peu talé, ils étoient aflez fournis, parce qu'ils avoient peu fouffert pendant l'hiver. La fleuraifon de la vigne a été aflez heureufe, & les vigne- rons fe font occupés à donner la feconde façon. EO NO en OMS Cu but — Ê] C3 Le] 14 ns D D D D LU) D D D D Nb © NN ou BR y Lo m © D + = = = O ©° NN © Die SSL CTUESN- CAES CUT I MEL T: THERMOMÈTRE. Pa TS Matin | Midi. | Soir. 10 | 15 II 13 LS QIVr2 | 13 Is 12 13 17 |. 14 PAT] PARA IUEE 12 MHZ IE 12 || 19 15 14 | 18 15 15 | 20 17 15 15 15 10 | 16 | 13 12 17 | 12 12 | 16 | 12 13 |16 | 14 13 1720 EE 13 | 18 | 13 13 | 18 | 14 14 | 19 | 14 15 19 | 12 12 18 14 14 19 16 | 16 | 20 13 12 | 21 15 14 | 22 | 20 16 | 20 17 14 | 18 |°14 I 3 15 1 3 12 18 13 12 | 18 16 15 | 18 | 14 12 | 15 13 Baromètre TAF DIU AC LE L. à PE rm à pouci en "à 27. 7>|couvert. 27. 7 pluie & tonnerre. 27. 6F|couvert & variable. 27, 6 |grande pluie & tonnerre. 27. 7 |temps humide. 27: . 6 |temps humide tout le jour. 27. 7 |beau avec nuages. 27: $ |beau avec nuages. 27. 51 fpluiela nuit, tonnerre le jour. 27: ÿ |grande pluie avec de la grêle. 27. 6 |grande pluie le matin. 27. 4 |couvert, pluie & tonnerre le foir. 27. ‘7 |grande pluie tout le jour. 27. 8 |pluie par ondées. 27. 8 |temps froid, ondées de pluie, 27. 7 (|pluietchaude. | 27.. 7 |variable & pluvieux. 27. 6 |yariable le matin, orage le foir. 27. 7+|beau & variable, 27. 9 |béau temps. . | 27. 9 |beau avec nuages, 27. 9 |beau avec nuages, 27. 10 |beau avec nuages, 27. 7 |beau & chaud. 27. 7 |rofée, tonnerre. 2 8 + | beau avec nuages. 27. 10 [variable avec pluie. 27. 11 |variable, petite pluie. 27. 10 |beau temps. 27. O9 |beautemps, vent frais, 27. 7 |beau & variable, | Bbbb iÿ 566 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Quoique ce mois ait été orageux & pluvieux, fa terre étoit fort sèche s'il fe pafloit quelques jours fans pleuvoir ; néanmoins les pluies ont été très-avantigeules pour les blés & les avoines, mais on a eu bien de la peine à fanner les foins & à ferrer les feigles qu'on a commencé à fcier le 1 8. Le 20, on a fervi cette prune qu'on nomme /4 jaune hâtive, parce qu'elle mürit avant toutes les autres. Le 24, on a commencé la moiflon des méteils. A la fin du mois, on fervoit encore des abricots avec des pêches, plufieurs efpèces de prunes, des melons, & on a commencé à couper les froments. La grêle du 10 a defolé vingt-cinq Paroifles, & elle a paffé fur un coin de nos terres , qu'elle a fort endommagé. Dans plufieurs endroits il s'eft formé dans les grappes des vers qui détruifoient beaucoup de verjus, mais en général Ja vigne faifoit aflez bien; car quoiqu'il y eût beaucoup de grains coulés, il en refloit néanmoins affez de bons pour fournir les grappes dans le temps de la maturité : les vignerons don- noient les derniers labours. A la fin du mois, on a porté au marché du feigle nouveau, qui fe vendoit neuf à dix livres, & du froment depuis dix- neuf jufqu'à vingt-trois livres. DES ScrENCESs. s67 A OU SE Jours THERMOMÈTRE. du [VENT | Sr | Baromètre Er AT DU ICE L. Mois. Matin | Midi, | Soir. ES Degrés. | Degrés. | Degrés.|. pour. lign. SO: 12 | 17 | 12 |27. 7 |variable & chargé. 2 | N.O. | 12 15 | 13 |27. 8 |variable avec pluie. LES AO 12 | 18 | 16 |27. 8 |beau avec nuags. 4 | SE 14 | 17 | 16 |27. $ [beau le matin, grande pluie le foir. $ Se 15 | £7 | 14 |27. 3 |grande pluietout fe jour. 6 S 12 | 17 | 13 |27. 4 [pluvieux tout le jour. 7 S. 12 | 12 | 13 |27+ 8 |pluie par verfes: 8 | SO. | 12 | 18 | 14 |27. 9 |variable fans pluie, 9 É 13 18 17 |27+ 8+|beau temps. 10 | SO. Frs | 17 | 13 |27. 7 [couvert & pluvieux. . II N. 11 | 14 | 11 |27. 7+|pluie & bruine, le vent très-froid, F2 || 25: IT | 42 | 13 |27. 6 |bruine, vent très-froid. -13 N. |, 16 |. 20 | 13 |27. :9 |beau temps avec nuages. 14 | NO, | 13 | 18 | 13 |27. 8 |beautemps avec nuages. 15 O. 12 | 17 | 12 |27. 7 2|orande pluie l'après midi. 16 |} N.O. | 12 | »7 | 15 |27. 8 |beau & variable fans pluie. 17 | NE. | 11 | 18 | 15 |27. 7 |beau temps. l 18 N. 12 | 18 | 14 |27. 6 |beau temps. 19 E: 14 | 20 | 17 |27. S$ |beau temps, l'air étouflant & lourd. 20 N. 16 | 21 | 16 |27., 6 |grand vent, orage fans pluie. 21 N. 14 | 19 13 |27. 8 |brouillardle matin: 21 0 10S 15 | 19 | 14 |27. 8 |beau temps. 23 O. 14 | 16 | 10 |27. 7 |couvert, pluie l'après midi. 24 ©. 10 | 17 | 13 |27. 8 |variable, 2$ ©. 11 | 18 27. 7 |beau avec nuages. 26 S. 14 | 18 27. 7 |variable avec pluie, 27 | S. O. | 13 | 18 27- 9 |beau avec nuages. 28 | S. O. | 14 | 18 couvert & pluvieux. L29 N. 15 | 18 beau temps. 30 | N.E. | 12 | x9 27. 10 |beau temps fixe, 31 N. 15 ! 2x 27. 9 |beau temps fixe, si ST re HS 568 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Ce mois a été pluvieux & frais, ce qui a rendu la moiflon très-difficile. La paille du froment étoit fort courte, mais les épis étoient affez longs & bien garnis de bons grains: c'eft dommage que les grains femés euffent peu talé. Comme on a été fort long-temps à femer les avoines, il y en a eu qui ont müri avec les blés, & celles-à commen- ” çoient à germér quand les interruptions des pluies ont permis de les enlever. Le temps eft venu très-favorable aux avoines tardives, & il y en a eu peu qui ne foient pas parvenues à une bonne maturité; nous en avons vü faucher après ven- danges dans des terres fortes: celles-là fourniffoient beaucoup de paille, mais très-peu de grains. On a fervi des figues vers le milieu du mois. Malgré les pluies du mois d’Août, le niveau des eaux a baiflé. Le froment pour les femences s'eft vendu vingt-fix livres; celui de moûture, dix-fept à vingt-trois livres, & l’avoine huit à neuf livres, | SEPTEMBRE, ie. DES SCIENCES. 569 SEPTEMBRE. THERMOMÈTRE. TT M | Baromètre ETAT DU CIEL. is. Matin | Midi. | Soir. I ME. e. a fa 27. _ beau temps fixe. 2 a 1$ 19 14 127. 9 |fombre & couvert. 3 vs (Es II 17 13 7 9 |beautemps fixe. 4 . | 11 | 19 À 17 [27. 7 |beau temps fixe & chaud. s ë 17 j 19 | 17 |27. 6 |couvert & chaud, tonnerre au loin. 6 ; 12 | 17 | 11 27. 8 {grand vent, petite ondée à midi. 7 IN°RE 8 ESA | "TN I27- 19 = temps. 8 SE. 8 15 13 |27. 8 |couvert. 9 S. 13 | 17 | 14 |27. 7 |couvert, petite pluie & tonnerre. 10 S. 14 | 17 | 14 |27. 7 |variable & couvert. II S. 13 | 17 | 15 |27. 6 [pluvieux tout le jour. 1 (SN O: 14 | 17 | 13 |27. 7 [pluvieux tout le jour. 13 S. 14 | 18 15 |27. 7 fbeau, mais variable. 14 S. 14, Mug nul27119 Ë pluie & tonnerre après midi. 15 O. 12 16 10 |27. 10 {brouillard le matin, il éclaire la nuit. 16 | S. ©. 9x0 le 008 I N. 14 | 16 | 11 |28. o #4 E. 10 | 16 | 11 |27. 11 beau temps. 19 S. 11 17 | 13 127. 9 20 S. 10 | 16 | 12 |27. 9 |pluie l'après midi. 21 S. 13 | 17 | 15 127. 8 |beau & variable. 22 | N.E. | 12 | 16 | 10 |27. 10 |variable le matin, beau l'après-midi. 23 N. 8 | 15 | 12 |27. 11 |beau temps fixe. 24 E. 8 | 16 | 13 |27. 8 |beau temps. 25 Se 12 | 17 | 13 |27. 10 |variable. 26 N. 11 16 11 |27. 11 |beau temps, 27 N. 10 | 17 | 12 f27. 11 |beau temps. ù 28 N. 11 | 16 | 12 |27. 11 |beau temps. 29 E. 12 | 18 | 13 |27. 9 |beau & chaud, 30 N. {|....|....| 10 |27 8 |variable. Méêm. 17:53: +. Ccce 70 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Il eft tombé peu d'eau pendant ce mois; mais l'air ayant toûjours été frais, les raifins ont peu müri. Vers le 15, les vignes plantées dans les terres légères fe dépouilloient, & les feuilles des tilleuls jaunifloient. A la fin du mois, on trouvoit dans les vignes des grappes prefque noires, d’autres qui étoient rouges, & d'autres qui ne commencoient point à tourner. Vers ce temps, prefque toutes les hirondelles étoient parties. Graces à la féchereffe, les melons qui ont müri pendant ce mois étoient beaucoup meilleurs que ceux qui avoient mür& en Août, D'E st S C)i E Nic'Ers. s71 UC 1:00 Bik-E TORRES THERMOMÈTRE. VENT. | mr | Baromètre ETAT Du CIEL. | Matin Midi. | Soir. Degrés, | Degrés. | Degrés.| pouc. lign. I N. 6 | ro 6 |27. 10 |beau, vent froid, il a gelé, 2 N. 6 | 11 8 |27. 10 |beau, orand vent froid. 3 N. GA 7 127. 10. |beau temps, le vent froid. 4 Er 6 | 10 6 |27. oO :beau temps. 5 N. 6 | 17 9 |27. 9 |temps couvert. 6 E; 9 12 9 |27. 9 {temps couvert. 7 E. | 8 | 12 8 |27. 9 +|temps couvert. | 8 N. 4%l 11 8 |27. ro |beau temps, gelée blanche. 9 SAND ISL RES 9 |27. 8 [beau temps. 10 S. 9 | 15 | 11 |27. 8 beau & variable. II SE: 8 18 12 (27. 7 [chaud à midi. ane En ro rs 8 |28. o |beau temps, aurore boréale. 13 E, $S | 12 61128. o |beau temps, aurore boréale. 14 | N.E. 2PET 7 |27. 11 |brouillard, beau temps, 15 E. 3 lux 8 127. 10 |brouillard, beau temps. 16 N. 7 lu1 6 |28. o 7 E. 3 | 10 suI28-000 18 | NE. | 4 | 12 s |27. 11 ÿbeau temps. 19 N. 3 11 PAIE 20 N. 4 | 11 72710 21 | N. 3 9 4 |27. 9 |beau temps, gelée blanche. 22 E. 2 9 6 |27. 10 |brouillard, gelée blanche. 23 | N.E. 3 | 11 6 |27. 10 |heau temps, gelée blanche. 24 N. 4113 8 |27. 9 |beau temps, gelée blanche. 25 | NE. 4 | 14 | 8 |27. 10 |brouillard, gelée blanche. 26 N. 4 | 14 8 |28. o 27 N. æ | 13 4 |28. 0 L 28 | NE. > Wie 8 L28. o beau temps, gelée blanche. 29 | $. E. 4 | 10 8 |27. 11 ol IN°NE. 8 | 10 5 |28: 2 |beau temps, grand brouillard. 31 | N.E. I 8 3 |[28. 2 |beau temps, gelée à glace. LEE SERRES Cccci 572 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Il n'eft pas tombé une goutte d'eau pendant ce mois, & le vent ayant toûjours été au nord, l'air a été froid & in- commode. On à commencé la vendange avec le mois, & comme la maturité des raifins étoit fort inégale, les perfonnes attentives ont d'abord fait cueillir les raifins mürs, & elles ont fait plufieurs cuvées dont le vin s'eft trouvé de qualité fort différente. Le 8, les fafrans étoient en pleine fleur, & comme ifs en ont donné abondamment, on avoit peine à fatisfaire en même temps à éplucher cette fleur & aux travaux des vendanges. Quoique la terre füt très-sèche & en pouffière, on a femé prefque tous les blés dans ce mois. tél 2 he out die on rte dns Dherst IS (CAT E UN! CHERS: 573 NOVEMBRE, SN ( ire THERMOMÈTRE. du | VENT. | a | Baromètre ETAT DU CIEL. Mois. Matin | Midi. | Soir. y Fe Degrés, | Degrés.| poucs lign. I S. o 8 6:|27. 9 |selée blanche aflez forte. 2 S. 3 8 2 |28. oO |petit brouillard humide. 3 N.E. o 7 12/28. 1-+|celée à glace, beau temps. 4 N. |—: 6 2 |28. Oo |brouillard, gelée à glace. s S. ©. I 7 7 |27: 10 |velée blanche, temps fombre & noir. 6 O. AN TR) E +..[27. 1071petit brouillard. 7UNNrO Ne 8 5 |27: 9 |beau & variable. 8 S. 3 8 4 |27. 3 gelée. 9 S. 8 7 $ |26: . 22|grand:vent & petite pluie. 10 S. 7. | 10 8 |27. 6 petite pluie & vent. LE ©. 5. 6 4 |28. © |petite pluie. 12 S. O. | 3 S s 128. Tr |temps couvert. 13 N. I 6 3 [28 +F [beau temps, gelée blanche. 14 NEC 8 4 |28. 1 |beau temps, gelée blanche. 15 N. 4 8 s |28. o |beau temps, grand brouillard. 16 N. 4 8 6 |27. 10 |brouillard humide. 17 N. | 4 6 4 |27. 9 |temps couvert. 18 N. 4 6 4 |27. 7=+|grand vent, temps couvert fans pluie. 19 N. |- I 3 [—1 |27. 6 |beau temps, gelée à glace. 20 N. j—32:| :1 a 1 |27. 9. |beau temps, vent froid. 21 N. |—1 3 2 |27. 9 pluvieux. 22 S. 3 7 4 |27. 7 [variable 23 S10. 4 6 3 |27. 7 pluvieux. 24 S. s 7£t 8 ,27. 9 |pluvieux. 25 S. 8 | 10 8 Le 10 |pluvieux. 2 N. 3 6 3 |28. 2 |variable & pluvieux. 27 NA 4 1 |28. # |beau temps, gelée blanche. 28 N. o 4 2 {28. o |brouillard & givre. 29 N. 4 $ © |27. 10 |beau temps. 30 N. — 1 3 |[—12527. 11 [beau temps, il gèle à l'ombre. BARRE - DIRE TT ET. Cccciij 574 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Ce mois seft encore pailé fans pluie, les rofées & les brouillards pouvoient à peine empêcher la pouflière : l'air a continué d'être froid, & il a gelé quelquefois à glace. Les fermiers ont profité des petites rofées pour faire pañler un rouleau fur les blés, afin de rompre les mottes. A la fin du mois, il y avoit beaucoup de terres enfe- mencées où on n’apercevoit la pointe des premières feuilles que dans le bas des pièces: on ne voyoit rien fur les hau- teurs, où la terre étoit plus sèche. Quelques fermiers crurent devoir refemer ces endroits; mais les autres ayant cherché la femence en terre, & l'ayant trouvée auffi faine que dans le grenier, jugèrent qu'il étoit inutile de répandre de nouvelle {emence. On étoit véritablement, & avec raifon, inquiet de ne point voir fortir de terre des grains qui y étoient depuis deux mois; car on ne pouvoit douter que quantité d'animaux & d'in- fectes n'en détruififfent beaucoup : ces craintes occafionnèrent un peu d'augmentation {ur le prix du froment ; il fe vendoit vingt-trois & vingt-quatre livres, & Favoine huit à neuf livres. SCTENCES. 575 L A ns An ete DES arr THERMOMÈTRE. du VENT. | | Baromètre Mois. Matin | Midi. | Soir. “ou Degrés. | Degrés. | Degrés.| pouc. lign. 1 N: |—21| : 284 2x 2 N. |—3 o ARRET ua N. |—2 15 27. II 4 N. 4 4 | 25127. LI 5 N. 2 S 2 |[28. o 6 N. I 2+ 1 |27. 10 AAINIS OO: 2 S 4 |27. ‘9 8 | NO. I 2 |—1 {27.0 g | SO. |—71:i| 2 1 |27. 10 10 |"N. E. I ONCE AU II Si 5 67] 8 |27. 6 12 S. | 6 8 8 |27. 4 13 Si 5 ZA lez 6 14 S. 9 | 107] 9 |27. 6 15 S. $ | 7 NON Eee 16 | S. O. 4 5 MEANS 17 Se 2 8 6 |27. 8 18 Sd 7 9 27-47 19 S. 8 7aln 4127-57 20 S. 4 7 MEGA 21 S. 8 6 GMA 22 S. I 6 OA. "0 23 S. 7 321. S270 6 24 S. 8 | 10 | ro |27. 7 25 |O.N.O.| 6, 7 |—10|27. 7 Ham S110$|217 6 | 8 |27. o: 27 N. 4 2 icl2zs 28 N. 2: | à 2 ,|27. 6 29 N. 2 — 3-3 |27 7 Nes Ir lez 7 dan ds déeal-t 27 18 nee men ETAT DU CI1eEz beau temps, vent très-froid. couvert, gelée blanche. grand brouillard , gelée à glace. couvert & pluie, couvert. couvert. couvert & pluvieux, beau temps, variable. beau temps. couvert. grand vent & bruine. variable avec pluie. grand vent , couvert & humide, temps couvert. grand vent froid. grand vent & mol. grand vent , temps pluvieux. grande pluie le matin. temps pluvieux. grand vent, temps pluvieux. beau temps. beau temps, forte gelée blanche, grand vent, temps pluvieux... beau temps, srand-ventiforcé, temps pluvieux. couvert le matin, beau le foir. gelée. grand vent froid, beau temps. grand vent froid, beau temps beau temps froid ._ —. Due umbne co 576 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Quoiqu'il ne foit point furvenu de pluies abondantes pen- dant ce mois, le commencement a néanmoins été humide, & à la fin du mois les blés étoient à peu près dans l'état où ils font ordinairement à la ‘L'ouffaints. RE CAPITULATION. Les mois de Janvier & de Février ont été fort humides, mais la fécherelle a régné pendant les mois de Mars, Avril, Mai & Juin: celui de Juillet & le commencement d’Août ont été fort pluvieux; le refle de l'année set paflé prefque fans pluie. L'hiver a été fort doux; quoiqu'il ne foit point furvenu de fortes gelées au printemps, l'air a toüjours été très-froid, & il a gelé affez fréquemment jufqu'à la fin de Mai. Les mois de Juin & Juillet ont été affez chauds; le mois d’Août a été frais, & le froid a été incommode pendant les mois de Septembre & d'Oétobre : il n'y a point eu de fortes gelées pendant les moïs de Novembre & de Décembre. ANECELS: H faut fe fouvenir que les blés avoient bien levé l'au- tomne 1751; comme il ny a point eu de fortes gelées, ils n'avoignt point fonffert pendant l'hiver; mais le printemps ayant été aflez fec & froid, ïüls font reftés dans l'inaction jufqu'au mois de Juin, où ils ont monté en tuyau fans avoir talé & fans avoir beaucoup pouflé en feuilles. La fécherefle de ce mois a fait que les tuyaux fe font peu éle- vés, & que la paille eft reftée aflez courte; de plus, il ef furvenu dans ce temps des brouillards qui ont rouillé les feuilles, & on craignoit d'être réduit à une très-médiocre récolte; ce qui feroit arrivé, fi la rouille avoit attaqué les tuyaux, & sil n’étoit pas furvenu en Juillet des pluies d'o- rage qui ont fait prendre un peu de verdeur aux blés qui jaunifloient & alloient mûrir avant que le grain füt bien formé: ils font rentrés en sève, l'épi eft devenu aflez gros & seft rempli.de bon grain. Les DES ScrENCESs. s77 Les pluies ont rendu le commencement de fa moifion très-pénible; néanmoins peu de grains ont germé dans les javelles. Comme la paille étoit fort courte, les granges n’ont point été remplies, mais {es gerbes rendent affez en grain; quatorze à quinze gerbes donnent quatre-vingts livres de froment. Le grain eft de bonne qualité, quoiqu'il foit mélé de différentes graines: il y a eu du niellé & du charbonné en quelques endroits, mais beaucoup moins qu'en 1750 & 1751. Depuis la moiffon, le prix du fac de blé d'élite, pefant 240 liv. a varié entre vingt-deux & vingt- huit livres. AVOINES. On fait que la terre a été très-sèche pendant les mois de Mars & d'Avril; les vents häleux & le foleil enlevant tout d'un coup le peu de pluie qui tomboit de temps en temps, il sen eft fuivi que les labours ont fouvent été interrompus à caufe de la dureté de la terre, & on a été réduit à pro- fiter des pluies pour labourer immédiatement après: fouvent elles n'étoient pas aflez abondantes pour pénétrer les terres fortes. Ces accidens ont fait qu'on a été fort Jong-temps à mettre les avoines en terre; toutes ont été femées dans fa _ pouflière, & ont été long-temps à fortir de terre; mais les pluies d'orage font venues fi à propos qu'elles ont bien réuli, car fi on en excepte quelques-unes des plus tardives, qui n'ont donné que du fourrage, les autres ont fourni beau- coup de paille & de grain. Néanmoins l'avoine a toûjours été chère; elle s’eft vendue huit & neuf livres le fac; ce qu'on peut attribuer à ce qu'il sen eft fait en 1751 une grande confommation, parce que les fermiers qui avoient très-peu recueilli de froment, ont affouré leurs troupeaux avec de lavoine. ORGES. Les orges n'ont pas bien réuffi, {a plufpart n’ont donné que le double de la femence. Mém, 175 3: . Dddd 578 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE GROS LÉGUMES. Les pluies d'orage étant venues à propos, les pois, les féves, les haricots, les vefces, les lentilles, ont bien réuffi, SAINFOINS. Les fainfoins ont fleuri prefque au ras de terre, c'eft pour: quoi l'herbe étoit fort courte, mais bien fournie; ainfi la ré- colte de ce fourrage a été médiocre pour la quantité, mais de très-bonne qualité. Forns. Les mois de Mars, Avril, Mai & Juin ayant été fort fecs, l'herbe des prés eft reftée baffle, & les fraîcheurs qui ont duré jufqu'en Juin ont fait qu'elle a fleuri fort tard, de forte que les prés n’ont été bons à faucher qu'en Juillet ; mais alors les pluies étant continuelles, la plus grande partie des foins ont été perdus. Nous avons pris le parti de les laïffer fur pied jufqu'au beau temps, pue l'herbe commençät à jaunir, & nous les avons ferrés fort à propos: à caufe de cette trop grande maturité, ils font un peu jaunes, néanmoins la qua- lité en eft bonne, ils font de bonne odeur, & les chevaux sen accommodent bien. Nous avons dit que l'herbe étoit bafle, mais elle étoit bien fournie du pied; & comme elle avoit pris fon accroiffement pendant la fécherefle, elle a peu diminué en {e defléchant, & la récolte a été affez bonne. CHANVRES Comme on sème le chanvre dans des terreins bas, qu'on nomme des courtils, il y en a eu d'inondés par le débor- dement des rivières: outre cela, le canton qui en fournit le plus dans notre province ayant été grêlé, la filafle eft fort chère; celle qui eft brute ou en branches, fe vend fept à huit fols la livre. SAFRANS. La récolte du fafran a été des meilleures pour la quantité DIE ss. $C LE N CE" 579 & pour la qualité; auffi la livre ne s’eft-elle vendue que dix- huit à dix-neuf livres, quoique la plus grande partie ait coûté fix livres, feulement pour l’éplucher. ABEILLE S. Elles ont très-bien fait l'été pour la récolte de la cire & du miel, mais il y a eu peu de bons efains, & les paniers qu'on a changés ont péri à la fin de l'automne, parce que la grande fécherefle a rendu les fleurs automnales fort rares. VINS. Dans le temps de la taille, le bois étoit dur, c’eft un bon figne ; mais la moëlle étoit abondante, & les boutons petits, ce qui n'annonce pas beaucoup de grappes : les vignes en ont. cependant été aflez bien garnies ; il n'y en a eu que peu d’en- dommagées par les gelées du printemps. Les fraîcheurs de l'été ont fait couler beaucoup de grains, néanmoins il en reftoit affez pour que les grappes, parvenues à leur maturité , fuffent bien garnies. La fraîcheur ayant continué depuis la fin d’Août jufqu’à la vendange, les raifins ont eu bien de la peine à mürir, & nous avons été obligés de faire trois vendanges & trois cuvées, pour ne point mêler les raifins mürs avec les verds, ce qui a donné du vin de différente qualité. La première cuvée , qui feule mérite attention, a bouilli aflez promptement, & n'a jeté qu'une écume couleur de rofe; néanmoins ce vin a une aflez belle couleur, & eft le meilleur que nous ayons recueilli depuis 1743 : on en eft uniquement redevable à la féchereffe du mois de Septembre, qui a con- tinué en Oétobre pendant la vendange ; car fi on avoit ven- dangé pendant la pluie, on auroit fait d’aufli mauvais vin que année dernière. .… Quoïqu'on ait laïffé les raïfins de la feconde cuvée aux vignes dans l'efpérance où l'on étoit qu'ils müriroient, leur qualité eft inférieure au vin de la première. La toifième cuvée, qui a été vendangée plus de trois {e- maines après la première, a très-peu de qualité. Dddd i $8o MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE La récolte a été de quatre à cinq pièces par arpent de cent perches, qui ont chacun vingt-deux pieds de longueur: c'eft bien peu pour le Gätinois. Les vignes plantées dans les terres Iégères s'étant dépouillées de bonne heure, tout le vin a été de la qualité de la troi- fième cuvée. Ces vins de différentes qualités ont été vendus des prix fort différens: il y en a eu dans Îes mêmes caves qui fe ven- doient un tiers plus que d’autres. INSECTES. I ny a prefque point eu d'hannetons ni de chenilles, excepté celle du chou, qui na fait qu'un très-médiocre tort à ce légume, quoiqu'il y ait eu une prodigieufe quantité des papillons blancs qui les produifent. On a lieu d'appréhender qu'il n'y ait beaucoup de chenilles Fannée prochaine, car on voit un grand nombre de bagues & de fourreaux fur les arbres. Les cantharides ont dépouillé tous les chévrefeuilles, es lilas, le xylofleon, & prefque tous les frênes, excepté ceux à fleur, qui ont le grand avantage de n'être jamais attaqués par cet infecte. FRUITS. Il y a eu beaucoup de cerifes, un peu d’abricots & de pèches , très-peu de poires, encore moins de prunes & de pommes, point de coings, beaucoup de noix, de noifettes, d’azerolles, de fenelles & de nèfles, peu de châtaignes, point de glands ni de faines. CRTIB ET IENR: I y a eu beaucoup de cailles, de orives & d'alouettes, mais ces deux derniers oïfeaux ont toujours été maigres, & nous n'avons prefque pas eu de perdrix. Outre que les pluies d'orage & la grêle ont fans doute fait périr beaucoup de nids, comme les blés étoient fort bas, les perdrix ont fait leurs DES SCrENceEs. 581 nids dans les fainfoins, où ils ont été perdus. Nous avons eu médiocrement de lièvres, & on a remarqué qu'on né trou- voit prefque point de fangliers dans les forêts d'Orléans & de Fontainebleau. SEMIS ET PLANTATIONS. Les femis d'arbres que nous avons faits , ont affez bien réufli, & la reprile des arbres nouvellement plantés à été fort. heureufe : nous avons feulement perdu beaucoup de beaux merifiers, plantés depuis deux ou trois ans; ils font morts fubitement d’un épanchement de gomme. LicŒnvs jé ‘cp Ells-nsBhrrér s Quoiqu'il foit tombé affez d’eau en Décembre pour faire germer les blés, qui étoient en terre depuis près de deux mois, Vair a toüjours été trop froid pour qu'ils aient pû beaucoup profiter; ainfi le 16 Décembre ils ne faifoient que fortir de la terre, qui ne prenoit aucune apparence de verdure. A la fin du mois, les blés étoient communément dans l'état où ils font ordinairement à la Touffaints. FEV ANT: DEEUNR Li -D\E SIUE: AD :Y: Les fources fort élevées fur la côte, qui avoient paru l'an- née dernière, ont tari; mais celles qui étoient plus bafles, ont toûjours fourni beaucoup d'eau. MALADIES Il n'a régné cette année aucune maladie épidémique, ni fur les hommes, ni fur les beftiaux. Ddddiÿ 5832 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE OBS ER VA TM O'N De la conjonction de l'Etoile 8 du Capricorne avec la Lune, FAITE AU CHATEAU ROYAL DE VINCENNES. Par M. LE GENTIL. "Appartement où j'ai fait cette obfervation eft à l'extré- mité de l'aile gauche du Château du côté du midi, & attenant à celle des tours qui porte le nom de tour de la Reine. Cet appartement eft à 23" de temps à l’eft de l'Ob- {ervatoire royal, & dans le parallèle de l'églife du Fal-de-Grace. Le $ Octobre 1753 au matin, jour de loccultation de l'étoile, je pris plufieurs hauteurs du Soleil avec un quart- de-cercle d'environ 2 pieds + de rayon: je n'eus l'après-midi que deux correfpondantes, mais qui différoient à peine entre elles d'un fixième de feconde, J'en ai conclu le midi vrai à ma pendule à 1 1h46" 12"+. J'ai enfuite placé le quart de-cercle le plus exactement qu'il ma été poflible dans la direétion d'une ligne méri- dienne que j'avois tracée dans Tappartement : il y avoit au foyer commun des deux verres de la lunette de ce quart-de- cercle, un réticule où étoient des fils qui fe croifoient au centre, en faifant des angles de 45 degrés. À 7h2°31"2+ de la pendule le bord de la Lune touche le premier oblique inférieur. A 7h2°35"+ le bord de la Lune touche le premier oblique fupérieur. A 7h 3 1"2+1e bord de la Lune au fil horaire. A 7h s’35 + l'étoile au premier oblique inférieur. "2 l'étoile au fil horaire. A 7h 6" 52" A 7h8" 9"+ l'étoile au deuxiè me oblique inférieur. DES SCIENCES. 583 Pour obferver limmerfion, qui s'eft faite fous a partie obfcure de la Lune, je me fuis fervi de {a lunette du quart- de-cercle. A 8h27'45"2 l'étoile a difparu. A l'égard de émerfion , qui devoit arriver par la partie éclairée de la Lune, j'ai employé une lunette de 18 pieds. A 9 44° 34" l'étoile eft fortie. Le 6 Octobre au matin, j'ai pris les mêmes hauteurs cor- refpondantes que j'avois prifes la veille après midi; j'en ai conclu le minuit vrai à 118 46" 2”. 584 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE OB SERV ATOM 'S De l'Occultarion de lEïoile e du Taureau à de l'Occuliation de Vénus par la Lune, FAITES À L'OBSERVATOIRE ROYAL EN 1757. Par M. MARALDI. E r$ Janvier de cette année 175 3, le ciel qui avoit été couvert toute la journée, s'étant un peu éclairci vers les fix heures du foir, je regardai la Lune avec une lunette de 1 8 pieds, & je vis l'étoile « du Taureau, qui en étoit encore bien éloignée: en effet limmerfion de cette étoile n'arriva qu'à 6P 48" 21", temps vrai, quoiqu'elle füt marquée à 6h 15" dans la Connoïflance des Temps. Cette étoile fut cachée par le bord obfcur de la Lune, dans une ligne droite tirée par une éminence qui étoit au bord de la partie claire de a Lune, au haut de mare humorum, & par la tache de Bouillaud. J'oblervai fon émerfion avec la même lunette à 7h 5448" avec beaucoup de précifion; elle parut {ortir du bord éclairé de la Lune vis-à-vis le‘ haut de are crifium : je fis enfuite les obfervations du paffage de l'étoile € de la Lune & d’Aïldebaran par le méridien. La différence qu’il y a eu entre l'obfervation & le calcul de cette occultation, vient de ce queles Tables de M. Caffini font le lieu de la Lune trop avancé, & la latitude trop grande, comme je m'en fuis afluré par l’obfervation faite au méridien, par laquelle j'ai trouvé la longitude de la Lune à 8h23’ s9", temps vrai, de 21 54 33" 52”, & Îa latitude feptentrionale de 14 59' 29”, au lieu que les Tables donnent la longitude de 2° 54474", & la latitude de 24 1° 40”, avec une différence de 13° 12" dans la longitude, & de 2° 11" dans la latitude ; de forte qu'ayant employé ces correc- tions dans un nouveau calcul de cette occultation, j'en ai trouvé les phafes à une demi-minute près de l'obfervation. Le 27 DES SCIENCES 585 Le 27 Juillet, au matin, le ciel étant ferein, j'ai obfervé f'occultation de Vénus avec une lunette de 7 pieds. A 4h 8’ 37" temps vrai, une corne de Vénus paroît toucher le : bord de Îa Lune. 2 4. 9. 21 l'autre corne touche le bord de la Lune. 4. 9. 44Timmerfion totalc de Vénus fous le difque de la Lune. 4. 11. 9 commencement de l’'émerfon. Quelques fecondes avant que la corne de Vénus ait touché le bord de la Lune, j'ai aperçû une couleur rouge qui s'é- tendoit depuis le bord de la Lune jufqu’à la partie claire &c concave de Vénus, & qui a paru jufqu'à ce que cette partie claire & concave de Vénus ait concouru avec le bord de fa Lune, de forte qu'il m'a femblé que cette couleur s'étendoit feulement fur la partie obfcure de Vénus, ou qu'elle étoit effacée par la lumière de cette planète, qui d’ailleurs ne n'en paroïfloit pas altérée. L'empreffement que j'ai eu de marquer le temps du commencement de l’'émerfion, nva fait manquer & l'obfervation de l’émerfion totale, & l’occafion de remar-- quer fi l'on y voyoit la même couleur; car lorfque je revins à ma lunette, Vénus étoit totalement fortie, & l’on ne voyoit aucune couleur. Je ne crois pas qu'on puifle attribuer cette couleur à la fituation de Vénus dans ia lunette, puifque lorfque j'ai commencé à voir ce phénomène, Vénus étoit au centre de la lunette, & j'ai eu foin de Fy tenir pendant 1 durée de limmerfion, Mén. 1753: . Eece 22 Décemb, 1753: 586 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE PARALEELE DEÉSMBLEUVER DES QUATRE PARTIES DU MONDE, Pour fervir à déterminer les hauteurs des montagnes du Globe phyfique de la Terre, qui s'exécute en relief au dôme du Luxemboure. Par M. BuACHE. [7 Globes terreftres que l'on a faits jufqu’à préfent, n'ont eu pour objet que le fimple plan géographique tracé fur des boules, fans avoir égard aux éminences ni aux iné- galités des térreins que l'on aperçoit fur la furface de la Terre, non plus qu'aux profondeurs de la mer, que l'on peut ce- pendant déterminer les unes comme les autres du niveau de la mer, qui eft un terme commun entre les deux. Il eft aifé de juger que pour l'exécution du plan en relief que l'on s'eft propolé, il s'agit de connoître les hauteurs de ces grandes chaînes de montagnes, dont les unes ceignent notre globe d'Occident en Orient, & les autres du Septentrion au Midi, comme jen ai fait voir le plan au mois de Novembre de l'année dernière, déterminé par les fources des fleuves. Il s’agit maintenant d'avoir l'élévation de ces hauteurs par rapport au niveau de la mer; mais comme nous n'avons qu'un très-petit nombre de ces hauteurs connues & déter- minées par les obfervations géométriques & du baromètre, jai cru qu'on pouvoit recourir à la connoiflance que nous donne la pente de quelques rivières en conféquence des obfervations de nivellemens ou des expériences faites fur leur vitefle, &c. Cela peut nous conduire à déterminer la dif- férence de la hauteur de leurs fources à leurs embouchüres; car il me femble qu'il réfulte de-à que connoiffant la pente du cours des rivières, l'on peut fixer l'élévation des ligux DIE s, SCTENCES. 537 d'où elles prennent feurs fources, de même que fi la hauteur des montagnes eft connue, l'on peut aifément conclure la pente des rivières qui en fortent. De la comparaifon de ces diflérens moyens joints à quel- ques autres que je me propofe d'employer, j'ai lieu d'efpérer de pouvoir découvrir fa pente commune des rivières , & d'établir une eéfpèce d'échelle qui fervira pour celles fur lefquelles l'on n'aura aucune obfervation: Je ne parle ici que des rivières dont le cours eft uniforme & non interrompu, c'eft-à-dire qui ne font pas traverfes par des fauts ou ctaractes, ou des lacs, ou qui fe perdent par deflous terre, &c. Quoique ces dernières ne puifient fe confidérer de la même manière que celles que j'appelle wriformes , cependant je crois en général que malgré ces variétés, les unes & les autres peuvent avoir une efpèce d’analogie dans le rapport de leurs cours avec leurs pentes. Je fuppole, par exemple, que le cours de deux grandes rivières foit de même longueur, pris dans la direction de la fource à l'embouchüre, mais que l’une foit traverfée par des cataractes ; alors je foupçonne que malgré que celle-ci ait fes pentes d'eau plus ou moins rapides, il en pourra réfulter que la diflérence des hauteurs totales fera à peu près la même. Mais c'eft ce qu'un examen particulier fur cet objet, & fur les autres indiqués ci-deflus, mettra en état d'aflurer. Afin de rendre plus fenfbles les comparaifons, j'ai cru dévoir expofer aux yeux de la Compagnie un nouveau plan qui repréfente la fuite des fleuves que je mets en parallèle, & difpofés fur une même échelle. Autour de leurs fources & de celles des rivières qu'ils reçoivent, fe voit la nappe d’eau que je fuppofe être dans l'intérieur des montagnes qui forment leurs baffins. ' Je pourrai dans la fuite faire d’autres réflexions fur ce fujet; par exemple, je me propofe de tracer fur le relief des terres du globe phyfique, des lignes parallèles à la furface de la mer, comme je l'ai fait dans fon intérieur par rapport au relief de la Manche. De cette façon, au lieu de fuppofer Yabaïflement des eaux pour découvrir le terrein qui fait la Ecee ij 588 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE liaifon de l'Angleterre avec la France, je ferai le contraire fur le globe phyfique ; car en fuppofant les élévations des- eaux au deflus du niveau réel de la mer, on apercevra les terres qui fe couvriroient par l'augmentation fucceffive du volume des eaux, en forte qu'il ne refteroit plus enfin que le fommet des plateaux que j'ai fait remarquer dans mon plan phyfique : de cette confidération, j'efpère tirer quelques conféquences utiles pour d’autres objets. Ce que j'ai l'honneur de préfenter à la Compagnie eft une invitation pour lui demander fes avis & me permettre de la confulter, à mefure que je ferai ufage des obfervations prifes de fes Mémoires ou de ceux de fes Membres, comme des Savans étrangers. Les obfervations faites au Pérou fur les hauteurs des mon- tagnes, feront pour moi une bafe à laquelle doit fe rapporter le réfultat des détails particuliers: il en fera de même de celles qui ont été faites au Nord, qui ne font pas moins de conféquence, eu égard à la fituation du terrein, dont le caractère ft abfolument différent de {a partie de Amérique où l'on a obfervé. Si je fais fur cela quelque chofe qui mérite attention, ce fera aux lumières que j'efpère recevoir de la Compagnie que lon en fera redevable; & je crois devoir dire que je ne fuis en état d'exécuter mon Globe phyfique de neuf à dix pieds de diamètre, que par la facilité que m'a procuré M. de 1a Condamine en me prêtant fon obfervatoire, L'ALLEMAGNE le Weser 2 dans la Mer d'AMemagne & alo le Rh: dans La Mer d' o pds 2768, p RANCE page #88. PI, 24: coidental tal et la Garonne : 60 qui. + Jette dans « l'OÔcean Eeee iij PoroGcNE LA la Vistule À qui se jette dans luM. Baltique LA RussrEe Occidentale Freures DE l'Oder ; J le Niemen 3 dans laMerBaltique dans laMex Baltique Dire] la Duna 2 qu sejete dans la Mer Balique D em | du etve ï ES ga 2e jte dns 1 la Mer Baltique Cf de Finlande | Dévelap ement aol + yann de l'Oder Fzruves PRO TI RATER Essar DUN PARALIELE DES FLEUVES DE 1EUROPE qui ont leurs EMBOUCHURES iunnediatement dans 1 Oc ou dont les Eaux sy jettent par les Mens BALTIQUE et MEDITERRANET, EAN, É pour servir d'exemple du Parallele des Fleuves disposes en hauteur surune même ligne, et selon La distance la plus È courte des Sources aux Embonchures quien sont comme les Bases, avec Le Developem'du Cours de chaque Fleuve És Les deu lignes de points qui envirennent le Bassin Terréstre ronnent avec les Rivieres qui sy rendent, 2“ la Nape d'eau GE. des Fleuves, desianent I*la Chaine de ÉTÉ qui Les erwis supposée dans l'interieur de ces Montagnes °lé = = e| Freures DE SALE Le FRANCE O L'rAIL TE DE) Lo] 2fo0| Developer | Lere [re du D, Dévelop et ue Ce Parallel: de le Douro à e Tage Ÿ’]laGuadian Le Gnndilquérss Zucar l'Ebre #2 ; quse jte dans danslOéean| | dunstOcean| | dans l'Ocean | Pcaiter | dans la Mediterranee) dans la Mediterrance Mediterrance l'Ocean rance ï . par le 6. de Venise DE ALLÉE MAGNE Men. FLEUVES DE de l'Acad * LA Lies Se. 1788 e 588. PL,24 RANCE We Écextales l'Élbe qui seyelte dans la Mer FirEuvEs le We rt dans La Mer ne # le Rhin °° dans La Mer d'Aleragne TL A la Seyne dun l'Ocenapier la Mancke i&, ‘lo imené en le Danube qu se jette dans la * Va Mer Noire e #0. Runere Ta Drave 30 Br ss À iron 510 Lieues A E L % ë LA y Es A % wale Le Developement est + & a jde la vis lle Nieste dans La Mer Noire 26 Bassin du Niester Le Nieper qui se jate dans aMer Noire se e. 2 ® ol à 4 A1 £ Q DS 4 La, e la Loire dans l'Oce an e la Graroune = ; es Bassin gr Fleuves dressé par Phil. Buache, doit Âre suivi de ceux des autres parties du Monde, pour servir à Lexéculion du Globe Physique en relie}; de 9 pieds qui s'evecute au Luxembourg, suivant Le Systeme propose dans des Mem. de LAe. de 1752 de la Garonne qui se jette dans l'Ocean RussrEe Meridionale qui se jette dans la Mex Noire par la Aer d'Asof environ 400, Lienes le Dévelopement est d munes 5 DES SCIENCES $89 OBSERVATIONS METEOROLOGIQUES FAITES A L'OBSERVATOIRE ROYAL PENDANT L'ANNEE M. DCCLIII Par M. DE FoucuHy#. Sur la quantité d'eau de Pluie. pouc. dign. pouc: -Jisn N Janvier.. o 84 | En Juillet..... o 1124 ess à 2 7 4 Février... 1 9% Août... 1 2% , 3 $ Mars...... o 7 Septembre.. o 45 2 Li je 3 Avril... 2 3% Otobre.... 2 42 Manon er mit é Novembre... 3 94 . & 4 $ Juin...... o 9* Décembre... 1 34 2 5 7 8+ 1ù0 oi La quantité de pluie tombée dans Îes fix premiers mois de l'année a été de 7 pouces 8 lignes +, celle des fix derniers mois de 10 pouces o ligne ?, & par “conféquent la quantité de pluie tombée pendant toute l'année de 17 pouces 9 lign.+, plus grande d'un pouce une ligne+ que l'année moyenne, déterminée en 1743 de 16 pouces 8 lignes. Obférvarions fur le chaud è7 [ur le froid. Le plus grand froid de l’année eft arrivé le 27 Janvier à s heures du matin, la liqueur du thermomètre de M. de Reaumur eft FACE à 9 degrés? : au deflous de la congé- lation, l’ancien thermomètre placé à à côté marquoit 1 1 degrés. La plus grande chaleur eft arrivée le 7 Juillet, la liqueur du thermomètre de M. de Reaumur eft montée à 30 degrés au deflus de la congélation, l’ancien marquoit alors 84 degrés + Eeee ii 590 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE Sur le Baromirre. Le baromètre fimple a marqué la plus grande élévation du mercure à 28 pouces $ lignes, le 24 Janvier, par un vent de nord-eft ; le plus bas où il foit defcendu a été à 26 pouces 3 lignes, le 4 Avril, par un vent de fud-oueft & un temps très-pluvieux. Déclinaifon de l'Aiguille aimantée. Les 25 & 28 Février 1753, une aiguille de 4 pouces déclinoit de 17 degrés 20 minutes vers le nord-oueft, = = ap nf Loan © forts soie Red RSS ER por) MESSIEURS DE LA SOCIETE Royale des Sciences établie à Montpellier, ont LA \ 2 L4 . 2 « . envoyé à l’Académie l'Ouvrage qui fuit, pour entretenir l'union intime qui doit être entre elles, comme ne faifant qu'un feul Corps, aux termes des Statuts accordés par le Roi au mois de Février 170 6. SECOND MEMOIRE SUR LE VERD DE GRIS Par M MonTET. D 2% Je Mémoire que je donnai fur le verd de gris il y a environ deux ans, je m'engageai à éclaircir plu- fieurs faits qui concernent le détail de cette opération. Je vais tâcher aujourd'hui de remplir une partie de mes engagemens, d'après les obfervations & les nouvelles expériences que j'ai faites; mais auparavant , je me crois obligé de faire quelques additions eflentielles à la defcription que j'ai donnée du pro- cédé du verdet, & d'y joindre quelques réflexions propres à répandre un nouveau jour fur cette matière, n'ayant d'autre but en cela que de ftisfaire la curiofité des Chymifles, & de contribuer à l'utilité publique. La plufpart de ceux qui font du verd de gris ne font pas entièrement uniformes dans la manœuvre de cette prépar ation; ils fuivent tous, quant au fond, fa même méthode, mais avec 592 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royare des différences plus ou moins marquées : je vais mettre toutes ces variétés fous un même point de vüe. J'ai dit dans mon premier Mémoire, qu'après avoir mêlé les rafles avec le vin, ce qu'on appelle avner, on avoit foin de les retourner en tout fens, pour qu'elles fuflent bien hu- mectées : j'ajouterai que quand on ne met pas les rafles toutes à la fois dans le vale, on les remue mieux, & que lorfqu'on fait ce mélange du vin & des rafles, il faut les bien battre enfemble, jufqu'à faire écumer le vin; mais on ne peut bien faire cette manœuvre qu'avec la moitié des rafles qui entrent dans chaque vafe. Dès qu'on a battu dans un vaifleau le vin & les rafles, on les agite de même dans un fecond , après quoi on met les rafles du fecond dans le premier, & ainfi de fuite. Toutes les rafles qui entrent dans un vafe ayant été bien pénétrées par le vin, la fermentation fe fait beaucoup mieux, cette agitation rapide, communiquée au vin, favorifant fa décompofition. Plufieurs particuliers qui font du verdet, remuent les rafles au bout de deux, trois, quatre, cinq & fx jours, fuivant que : la faifon plus ou moins froide & le vin plus ou moins fpiri- tueux les preffent; c'eft pour empêcher qu'elles ne s'échauffent trop. La fermentation acide commençant alors, la chaleur dénote que le vin fe décompofe. Ils obfervent de tenir les pots bien bouchés, afin que la fermentation ne fe fafle pas trop vite: d’autres au contraire trouvent cette manœuvre défectueufe, parce qu'elle interrompt le mouvement inteftin qui s'excite dans le vin par le moyen des rafles, & fait perdre ce premier efprit qui s’eft développé par ce mouvement: c'eft par cette feule raifon que la plufpart ne remuent plus les rafles après avoir aviné; la fermentation n'étant point troublée, & fe faifant par degrés, on ne perd rien de l'efprit & de l'acide le plus volatil, qui eft le véritable diflolvant du cuivre. Parmi ceux qui manœuvrent de cette manière, les uns, quand ils aperçoivent que la fermentation eft en bon train, les autres, quand elle tire vers fa fin, mettent les rafles fur deux morceaux de bois, dont chacun ordinairement eft un parallélépipède DES SCIENCES. 597 parallélépipède de dix pouces de longueur, d’un pouce trois lignes de largeur, & de fept lignes d’épaifleur, Ils placent ces deux morceaux de bois en forme de croix, à un ou deux pouces de diftance de la fuperficie du vin changé en vinafle : la plufpart attendent que la grande chaleur des rafles {oit pañlée; ils les laiffent dans cette fituation trois ou quatre jours, pour faire, difent-ils, monter 'efprit ; au bout de ce temps ils couvent, & ont foin d'ôter du. vale la vinafle & les morceaux de bois *, Cette méthode a fes avantages; les rafles s’égoûtent par-fà d'une humidité fuperflue, & le vin achève tranquillement de fe décompoler , l'acide & l'efprit le plus actif s’élevant par une méchanique pareille à celle qui fait monter, dans la diftillation du vin, l'elprit ardent qui entroit dans fa compofition. Ce que je vais dire des moyens employés pour connoître le point requis de la fermentation acide, eft d'une extrême importance, puifqu'il ne s’agit de rien moins que de déterminer avec précifion le moment auquel on doit mettre les rafles avec des lames de cuivre. On reconnoît, indépendamment des autres marques que j'ai données dans mon premier Mé- moire, que la fermentation eft au degré requis, & qu'il faut couver, à une pellicule extrêmement mince, qui fe forme: la furface du vin changé en vinaffe (lon dit alors quele vin eft couvert). Je ne puis mieux comparer cette pellicule qu’à celles qui fe forment dans les fources d'eaux minérales vitrio- liques, ferrugineufes: tous les Chymiftes favent qu'il s'en forme dans toutes les liqueurs qui font fujettes à paffer à la fermen- tation acide, On ne peut bien apercevoir cette pellicule que quand les raflés {ont fufpendues fur des morceaux de bois: pour da bien voir, il faut d'abord: plonger la main dans le vale, * Il ne faut pas confondre cette [ jdu win, en les plaçant fur deux more pratique avec une méthode qui étoit | ceaux de bois en fautoir ; ce qui eft fort en ufage autrefois, mais dont | fort différent du procédé que je viens on a reconnu les inconvéniens: fui- | de décrire. {Voy, Mém. de l’Acadé- vant cette ancienne méthode , on ne Inie Royale des Sciences, année 175 0, "méloit point les rafles avec le vin, | pages 294 &7 295.) on les expoloit feulement à ]a vapeur Mém, 175 3. SC FÉE 594 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE. & fe faire jour par un de fes côtés, après quoi l’on prend doucement les-dernières rafles ; qui font les plus voifines de la fuperficie.du vin, & avec le fecours d’une chandelle allumée on diflingue très-bien la pellicule lorfqu'elle eft formée; au- trement,, les raflés étant mélées avec le vin, pour: peu qu'on les remue, elles la détruifent , & il eft prefque impotlib'e de l'apercevoir. La méthode que je viens de rapporter eft plus “exacte qu'aucuné autre; c’eft par elle qu'on s'aflure, que le vin ne donne plus de cet acide uni à la partie inflammable qui s'élève & s'attache aux rafles, & qui étant le premier diffolvant du cuivre, influe effentiellement fur la réuffite de l'opération. Voici un autre moyen pour reconnoître quand la fermen- tation eft finie: on va Vifiter de temps en temps les pots de verdet, on Ôte le couvercle, & fr on aperçoit que le deflous -eft mouillé, ceft une marque que le vin fe décompole, & -qu'il fe fait alors une vraie diftillation: humidité du cou- -vercle augmente par degrés, -& dure plus ou moins de temps, à proportion de la bonté du vin & du degré de chaleur qui le prefle. Dès que le deflous du couvercle eft fec, après cette grande humidité, on peut être affuré que le vin a ceflé de fournir, en fe décompofant, le diflolvant volatil du cuivre, & que les rafles font prètes pour le couvage. On peut encore, pour juger file vin fe décompolfe, pafier ‘la main fous le rebord courb£ du pot; s'il eft mouillé, c'eft une ‘marque que la fermentation eft en bon train; & lorfque Yhumidité diminue, cela indique que la fermentation tire vers fa fin. On n'aperçoit cette humidité fous le rebord des vafes, que quand ils ont été bien imbibés de vinafle, & qu'on s'en eft fervi cinq ou fix mois pour :cette opération. Voici un autre indice, non moins afluré que ceux que je viens de rapporter, pour reconnoître le moment précis où il faut couver. J'ai dit dans mon premier Mémoire, que fi on mettoit fur les rafles une plique de cuivre chauffée, pofte de plat à un des côtés du vale, & bien couverte de rafles, fa couleur fe changeoit, en fix heures, en verd d’éme- raude ; J'ajoüterai qu'au bout de deux jours on découvre fur p'le:sy SCO 'E N1C-E NS 59 la partie verte de cette lame, quelques taches blancheätres qui indiquent fürement, comme je l'ai fouvent éprouvé, que la fermentation a atteint le degré requis. On x ‘encore un figne beaucoup plus certain pour con- noître le point de cette fermentation, au moyen du degré de chaleur que marque le thermomètre pofé fur les rafles: ce ne fera que fur la fin de ce Mémoire que je rapporterai les expériences que j'ai faites là-deflus, & les conféquences qu'on en doit tirer. Certaines femmes, qui font le verdet avec fuccès, lorfqu'elles avinent, entretiennent les bords du vafe toûjours fort humides, en les frottant bien avec du fel marin réduit en poudre fine. On fait que le {el marin a la propriété de. s’humecter à l'air, fur-tout quand on lui offre beaucoup de furface, ce qui fa- vorile conflamment fa diflolution: les vapeurs humides qui. s'élèvent du vale, & celles de la.cave, contribuent encore beaucoup à lui donner cette forme déliquefcente, à laquelle il tend d’ailleurs naturellement, à caufe d’une eau mère qui lui eft prefque toûjours unie: Ces femmes, outre cela, jettent du même {el fur les rafles, quand elles avinent; d'autres en faupoudrent les lames de cuivre ;: quand elles font'au relais, comme je lai dit dans mon premier Mémoire. Dès que la fermentation eft au point defiré, & qu'elle a bien réuffr, on mêle bien les rafles, & on les met par couches avec les lames: de cuivre chauflées. I ne faut pas que ces lames foient trop. chaudes quand ones. mêle avec les rafles, en auroit moins de verdet, comme l'expérience me la appris ; auffr les femmes connoiffent fi fort cet inconvénient, que dès qu'elles veulent couver, & que les lames font trop'chandes, elles les laiffent refroidir. » b stvitaisli 2at Les rafles qui ont été bien foulées de ce premier diflolvant dont nous avons parlé, le fourniffent.peu: à peu aux lames de cuivre, & cette diffolution eft plus ou moins lente, flon le plus oule moins d’acide qui-eft contenu dans les rafles, füivant da: faifon-plus ou moins froide : en été, elle s'opère ordinairement en moins: de temps ,: depuis wa dix 1] 596 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE jours: en hiver, elle dure quelquefois jufqu'à quinze jours: On reconnoît que les rafles n’ont plus de difflolvant à fournir aux plaques de cuivre; lorfque leurs furfaces commencent à blanchir, comme je l'ai dit dans mon premier Mémoire, À l'égard de ce que j'y ai avancé, que les furfaces des lames de cuivre blanchifloient au bout de trois ou quatre jours, & quelquefois davantage, je dois avertir que les expériences für léfquelles je me fondois, avoient été faites avec des rafles peu impregnées de ce diflolvant, & que le local étoit un raiz de chaufiée, où tantôt le thermomètre de M. de Reaumur marquoit le 1°$m, & tantôt le 1 8me degré au deflus de zéro: en ce cas, les furfaces des plaques de cuivre blanchifloient plus tôt à caufe de ce degré de chaleur, & parce que le diffol- vant-étoit peu abondant dans les rafles; d’ailleurs les vafes. étoient trop expolés à des courans d'air, qui devoient néceffaire- ment faire évaporer une partie du même diflolvant. Toutes ces caufes doivent concourir à abréger fa durée du couvage, &, ce qui en eft une fuite néceflaire, à faire aper- cevoir plus tôt les points blancs. Il y a des caves dont le degré de chaleur accélère cette diffolution ; quoique les rafles {oient foulées autant qu'elles peuvent l'être du diflolvant du cuivre; mais ordinairement, plus les fames de ce métal reftent au couvage fans blanchir, ce qu'on appelle cotomner, plus on a de verd de gris. | J'ai choift, pour faire mes expériences, une cave où le verdet réuffit:dans la dernière perfection; le/couvage y dure ordinairement dix jours tant au printemps qu'en été, &r:quel- quefois jufqu'à quinze jours en hiver. J'ai ‘obfervé dans plufieurs caves, qu'il ne faut pas ôter les lames de cuivre du couvage, que les furfaces ne commencent à blanchir; car fi elles étoient trop vertes quand-ôn:les Ôte du vale pour les mettre au relais, le: verdet fe -gonfleroit peu & ne fe fouleroit pas bien d’eau ou des autres liqueurs dans lefquelles on le trempe; ilaugmenteroit peu aurelais,, il ne fe feroit pas bien fur certaines lames, comme parlent les femmes. J'ai aperçû fur des lunes qu'on avoit Otées trop DÉS SCIENCES. 597 tôt du couvage, qu'au relais ces mêmes lames reftoient vertes, d'un verd foncé : celles du fond du vafe font toûjours plus vertes que celles de fa furface, parce que le peu d’eau qui eft unie au diflolvant contenu dans les rafles, s'écoule par f fituation perpendiculaire vers le fond du vale, & entretient ainf les lames de cuivre plus vertes, par l'eau qui y eft plus abondante dans les cryftallifations de fes lames, & qui eft moins expofée à s'évaporer, de même que le diflolvant; auffi les cryftallifations ne fe font bien apercevoir que fur {es première, feconde, troifième & quatrième couches de lames de cuivre, qui font au haut du pot: voilà pourquoi fi on prend une lame de cuivre du couvage bien couverte de verdet, & qu'on Fexpole par degrés à un air plus fec que celui d'où on l'a tirée, on s'apercevra à tout moment qu'elle changera de nuance à mefure que le verdet perdra de fon humidité. Je vais donner ici quelques conjeétures pour tâcher de rendre raifon de ce que j'ai fait oblerver, qu'il ne faut pas retirer trop tôt les lames de cuivre du couvage, ni les y laiffer mon plus trop long-temps. - J'ai dit que quand on 6toit trop tôt le cuivre du couvage, on voyoit au relais certaines lames dont le verdet ne fe gonfloit pas & reftoit toûjours d'un verd foncé: cela peut dépendre de plufieurs caufes; premièrement, les lames de cuivre n'ayant pas blanchi au couvage, la diflolution n'’eft pas finie, & le fel neutre métallique n’eft pas formé; fecondement , f1 les lames de cuivre font trop vertes quand on les met au rélais, la partie colorante de ce métal n’eft jointe qu'avec une petite quantité de cet acide le plus volatil & le plus chargé de phlogiftique, qui, comme je le crois, commence à développer le phlogiftique du cuivre. Cet acide n'ayant point de bafe; & n'étant uni que foiblement avec la partie colorante du cuivre, ne fauroit s'étendre ni sunir quand il eft au relais ; quoiqu'on y ajoûte de l'eau, parce que cette eau trouvant plus de difficulté à sunir au phlogiftique du cuivre qu’au {el neutre dont elle eft le véritable diflolvant , il arrive qu'elle n'y fjourne pas, & que le verdet ne fe gonfle point, & par F£fF ü 598 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE conféquent il ne fe fait point de nouvelle diffolution; le verdeé refle fur ces lames de cuivre toüjours d'un verd foncé, n'ayant pas pû, comme nous venons de le dire, être étendu dans l'eau ou dans les autres liqueurs dans lefquelles on trempe ces. lames, ce qui n'arrive point quand on les a retirées à propos du couvage. Û On doit auffi être attentif à ne pas laifler durer trop long- temps le couvage, & à mettre les lames de cuivre au relais dès qu'il paroît quelques points blancs, autrement toute Îa partie colorante du cuivre fe fépareroit : voici l'explication de cet autre phénomène. Le cuivre étant au couvage, eft atta- qué par le diffolvant contenu dans les rafles; ce diffofvant eft compolé de deux parties, d'un acide & de la partie in- flammable : cette dernière partie développe le phlogiftique du cuivre & s'y unit, l'acide & la terre métallique dépouillés de leur phlogiftique s'uniffent de leur côté & forment ce {el neutre dont j'ai parlé dans mon premier Mémoire; la partie colorante du cuivre fe fépare peu à peu à mefure que les cryflallifations augmentent, parce que le fel formé ne fait pas d'union avec elle tant que les lames de cuivre font au cou- vage, ce qui vient du peu de contaét de l'une & de l'autre, & du manque d’eau ou d'acide, Il fuit de-Rà que fi on taiffoit blanchir toute la furface de la lame, toute la partie colorante tomberoit dans le vafe & laïfferoit à nu fes cryftallifations, ce qui feroit un verdet peu coloré & moins abondant. I] faut done que les lames, quand on les Ôte du couvage, ne foient ni trop vertes, ni trop blancheîtres ; dans le premier cas, le verdet ne fe gonfle pas au relais, dans le fecond il perd fa partie colorante; & je penfe qu'il eft fi néceflaire que le fef neutre foit formé, lorfqu'on met les lames de cuivre au relais, que c'eft, felon moi, ce qui fait l'abondance du verd de gris, parce qu'au relais fes cryflallifations augmentent par l'eau ou par l'acide qu'on y ajoûte, qui, en étendant la première diflo- lution, en opèrent une nouvelle ; la partie colorante étant preffée par les lames de cuivre, par leur fituation de plat où de champ, s'unit à ce fel neutre qui eft étendu par l'eau, par Ia = parrsh Sc RE NC E So! s99 vinaffe ou par le vin, & forme un verdet moins verd qu'au couvage, à caufe de la fur-abondance d'eau ou d'acide, On juge avec raifon que la diffolution fera maigre, quand des rafles étant prêtes pour le couvage, on les tire du vafe trop sèches, & qu'elles n'ont pas de force étant préfentées au nez. J'ai vü fouvent, lorfque la fermentation a été portée à fa perfection, & qu'on veut fentir les rafles dans le pot, ou qu'on les tire du vafe, qu'on n'en peut fupporter l'odeur que fort peu de temps; elle eft fi pénétrante, en été fur-tout, qu'elle feroit capable de renverfer l'artifte, s'il s’en approchoit :trop. J'ai moi-même éprouvé, quand je commençai à def- cendre dans les caves, que lorfqu'on alloit couver, & que Yon méloit bien les rafles dans une corbeille pour les mettre avec les lames de cuivre, je ne pouvois m'en approcher pour les fentir fans être forcé d’éternuer, effet que j'obfervai dans bien des perfonnes qui n'étoient pas plus accoûtumées que je ne l'étois alors à cette opération. Quand je couvois moi- même & qu'il falloit me baïfler pour bien méler les rafles en les tirant hors du vafe, je fentois une vapeur forte qui s'élevoit des rafles & qui venoit frapper vivement mon odorat, comme auroit fait le {el volatil le plus pénétrant: cette com- motion n'obligeoit quelquefois de relever {a tête, fur-tout quand j'avois employé d’excellent vin, &wque la fermentation avoit été bien dirigée. J'ai parlé ailleurs d’une odeur d’éther qui fe fait fentir, principalement en été, quand on entre dans une cave où fon ‘fait actuellement une grande quantité de verdet : cette odeur, qui feroit d’abord penfer qu'on y dulcifie des acides minéraux avec de l'efprit de vin, eft encore un moyen de juger de Ia réuffite de l'opération, & ce moyen ft connu des femmes qui préparent le verd de gris. Le fuccès de cette opération dépend donc entièrement de Tabondance de ce diflolvant contenu dans les rafles, abondance qui fe rend fenfible par la durée du couvage, & par l'efpèce de cryftallifation & de mouffe qui fe forme fur la plaque de cuivre, & qui doit être relevée, épaifle, garniffant bien 6oo MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoTAL# toute la lame d’un verd foncé & velouté: cette cryftallifation que je vais décrire, & que j'ai fait deffiner, a été choifie fur an grand nombre de lames de cuivre dans une cave où j'ai fait la plufpart des expériences que je rapporterai dans ce Mémoire, & où, comme je l'ai déja dit, le verd de gris fe fait au mieux. La cryflallifation du verd de gris qui s’eft faite fur les plaques de cuivre par le couvage, efl en forme de hé- riflon de châtaigne ( voyez la figure première qui repréfente le fragment d'une de ces plaques); c'eft un globule d'un verd céladon, hériflé de beaucoup d'aiguilles blanches & tranfpa- rèntes, plus fines qu'un cheveu / voyez les fig. 2 à > qui repréfentent ce globule tel qu'on le voit au microfcope): l'amas confus & irrégulier de tous ces cryflaux produit la mouffe informe qui couvre la plaque dans les diflolutions abondantes; auffi a-t-elle un coup d'œil fatiné, qui provient de ce que fa furfaice eft couverte d'aiguilles : l'épaifleur de cette mouffe, dans les meilleures diflolutions, n'a guère plus d'un quart de ligne. Cette cryflallifation, comme celle de tous les fels, a fes variétés, qui dépendent de l’arrangement plus ou moins parfait des aiguilles : ainfi, dès qu'elles ne fe rangent que d’un côté, elles reflemblent à un éventail {voyez fig. 4); s'il n'y en a que cinq ou fix, elles forment une étoile {voyez fig. 5). Au refte, tout ce-que je viens de dire n'a lieu que Torfque la diffolution a été bien faite, & qu'on a laïfé paffer le temps néceffaire pour la fermentation : fr l'on a couvé trop tôt, on n'a qu'une diflolution maigre, & les phénomènes qu'on ob- ferve font tout différens de la plufpart de ceux que je viens de rapporter. Je fus témoin, il y a quelquetemps, en allant vifiter une cave, d’un fait qui établit ce que je viens d'avancer: 1 femme qui y fafoit du verd de gris avoit couvé avant le #mps propre à faire une bonne diffolution; je vis, en cou- chant un thermomètre fur les rafles & fur les lames de cuivre qui étoient au couvage, qu'il s'y attachoit beaucoup de gout- telettes d'eau, & que la diflolution du cuivre paroifloit avoir un coup d'œil de rouille tirant fur le noir; on voyoit à la furface des lames de cuivre, de ces mèmes gouttelettes d'eau, & où DES SCIENCES: 6or & où étoit cette eu, il n'y avoit point de diffolution : tant que le couvage dura, j'y laiffai mon thermomètre que j'allois vifiter tous les jours, & je maperçüs qu'il indiquoit un degré de chaleur prefque auffi fort que dans la fermentation, & qu'il étoit toûjours mouillé. On me demanda mon avis, je dis qu'il falloit. laifler durer le couvage jufqu'à ce que les gouttelettes d’eau difparuffent, ce qu'on exécuta : quand on n'aperçut plus de gouttelettes d’eau attachées aux furfaces des limes de cuivre, mon thermomètre ne fut plus mouillé, & alors on Ôta les lames du couvage pour les mettre au relais. On voit par cet expolé, que cette femme avoit couvé trop tôt, que le vin. qu'on avoit employé étoit fort fpiritueux, _ & que plus il l'eft, plus il tarde à fe décompoler. C'elt une règle en Chymie, que dans toutes les décompofitions des corps, la première partie qui fe décompofe emporte avec elle quelqu'autre partie de ce même corps non décompofée, & c'eft fans doute ce qui eft arrivé dans cette fermentation : les rafles étoient imbibées d'une partie du véritable diffolvant, & d'une autre partie du vin qui n’avoit pas eu le temps de fe décompofer, parce qu'on avoit couvé trop tôt: ces rafles étant mêlées avec les lames de cuivre chauffées, la partie du vin non décompofée dont les rafles étoient pénétrées, com- mença à fe décompofer par cette chaleur, & on fait que dans toutes les décompofitions il y a de l'eau emportée, ce qui dépend du plus ou du moins que le diffolvant en con- tient, & celui - ci eft du nombre de ceux qui en contiennent beaucoup. Le véritable diflolvant, comme plus volatil, fe fépara de l'eau, attaqua le cuivre & le diflout; & l'eau ne pouvant s’égoûter à caufe des lames de cuivre, s’attacha aufi à la furface de ce métal, & où elle étoit il:n'y eut pas de diffolution ; Le bon diffofvant étant en petite quantité, & étant éténdu avec cette eau, l'empéchoit d'agir. Lorfque je vis für les lames de cuivre ces gouttelettes d’eau , qui étoient affez abon- dantes, je dis que quand les rafles n’en donneroient plus, la diflolution blanchiroit, & que quand toutes les furfaces du cuivre feroient blancheâtres (Je veux dire qué les cryftallifations : Mém. 1753. . Gegg 602 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE fe feroient apercevoir } l'eau ayant beaucoup d'affnité avec les fels, sy joindroit, étendroit la diflolution, & empécheroit par-là que la partie colorante du cuivre ne fe féparät; ce qui répondit parfaitement à mon attente. Je vis effectivement que lorfqu'on retira les lames de cuivre du couvage où elles avoient refté trois ou quatre jours plus qu'à l'ordinaire, le verdet qui étoit fur les lames de cuivre avoit une couleur de verd pâle, & que les cryftallifations étoient bien apparentes, le fond fatiné formant une mouffe pareille à celle qu'on aperçoit fur les murs des maifons après les grandes pluies, & qui, {elon les obfervations de M. de Reaumur, eft une véritable plante. Enfin on auroit dit que ce verdet fortoit du relais pour être raclé, auffi s'enlevoit-il aifément à caufe de l'humidité qu'il contenoit; ce qui n'urive pas à celui qu'on tire du couvage après une bonne diflolution, car dans cette dernière circonftance il adhère fortement aux lames. Je conclus de cette expérience, qu’il faut que la fermentation foit au point requis : fi elle étoit trop avancée, ou qu'elle füt finie, on n'auroit qu'une maigre diflolution; d'ailleurs le verdet qui provient d’un diflolvant peu abondant en phlogiftique, outre qu'il n'eft jamais en fort grande quantité, n’a pas cette belle couleur, tantôt d'un verd céladon , & tantôt d’un bleu céladon. Lorfqu'on retire les lames de cuivre du couvage pour les mettre au relais, on juge au premier coup d'œil que da difolution a bien réuffi, quand on aperçoit de petites touffes d'un verd céladon, qui forment fur toute la lame tirée du couvage de petites monticules qui annoncent d'avance qu'au relais cette première diflolution augmentera beaucoup. Quand cetie première diffolution eft telle que je viens de Pindiquer, on peut être afluré d'avoir une abondante récolte de verd de gris: on met ces lames au relais, on les pofe de plat les unes fur les autres à un coin de la cave, & on les laifle dans cette fituation pendant trois jours fans les mouiller; on les trèmpe enfuite par une de leurs extrémités dans de la vinafle ou dans de l'eau, & on les retourne en tout fens afm que les lames de cuivre foient humeélées par-tout également; 4 DÉS CS CM Ê NC EE 60; on les hifle pendant huit jours dans cette fiuation, & au bout de ce temps on les mouille avec la même liqueur ; les uns les laiffent encore cette feconde fois dans cette fituation, les autres les pofent de champ; d'autres n'obfervent pas cette méthode, ils les laiffent pendant tout l'été de plat; mais le plus grand nombre, après la première immerfion, les pofent de champ fur des rafles qui ont fervi à faire le Verd dé gris : on empêche par-là qu'il ne fe mêle des ordures, & on favo- rife de plus la diflolution; on 1es mouille pour la troifième fois après avoir laiffé pafler encore huit jours. Bien des parti- culiers obfervent exaétement cette règle, de mettre un inter- valle de huit jours entre une trempe & la fuivante. I! eft eflentiel d’obferver qu'à {a feconde & à la troifième immer- fion, il faut, avant de plonger fes lames de cuivre dans l'eau ou dans la vinafe, les féparer l'une de fautre; elles font quelquefois fi adhérentes, qu'elles réfiftent fortement à cetté féparation, ce qui eft une marque certaine qu’elles ont befoin d’étre mouillées ; car lorfqu’elles fe féparent aïfément, elles ont beaucoup d'humidité, & on ne les fépare lune de l'autre qu'afin qu’elles foient humedtées plus’ également. J'ai dit qu'on trempoit les lames dans la vinafle ou dans l'eau; c'eft qu'il y a, fur cette partie du procédé, peu d'uni- formité entre les particuliers qui font du verd de gris: en effet, quoiqu'il foit défendu par un arrêt du Confeil & par une ordonnance de M. lIntendant, de mouiller les James de cuivre avec eau, plufieurs perfonnes nemploient que cette liqueur pour les mouiller, pendant qu'elles reftent au relais; ils prétendent que Ja vinafle ronge trop le cuivre, & que l'eau en diflout moins. Tout ce que je puis dire far da différence qu'il y a du verd de gris mouillé avec l’eau d'avec celui qui eft mouillé avec la vinaflé, c'eft que la vinaffe donne une furz abondance d'acide à la première diffolution, & qu'elle fait au relais une difiolution nouvelle, en forte que le verdet qui en provient ne fe gonfle pas tant que celui qui eft mouillé avec l'eau ; d’ailleurs il eft plus adhérent aux lames de cuivre, on ne les racle päs fr aifément ; & il'refte. 1oûjotrrs de +: Ggegi 604 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE rouille attachée; fa couleur eft d’un verd plus foncé, parce que la première diffolution n'eft pas fi étendue que celle du verdet qu'on a trempé dans l'eau. Cette fur-abondance d'a- cide lui donne plus de corps, aufir voit-on quelque chofe de plus régulier dans les cryftallifations de certaines lames, quand elles font au relais; on n'y voit que rarement ces petits matelas qu'on trouve fur celles qui n'ont été trempées qu'avec de l'eau. Le verdet mouillé avec l'eau, eft d'un verd moins foncé; cette eau étend la première diflolution, l'acide qui en- troit dans Ja compofition de ce diflolvant, fe trouvant en état d'agir par l'eau qu'on lui donne, fait une nouvelle dif. folution, qui f gonfle beaucoup plus que lorfqu'on le trempe avec la vinafle; par-là il fe forme une mouffe épaiffe, peu adhérente à la lame; auffi la racle-t-on aifément, fans qu'il refte fur la plaque de cuivre aucune rouille : par ce moyen on met à profit la nouvelle diflolution opérée par l'eau, & le cuivre fe diffout moins par cette manœuvre. Il eft vrai que ce verdet, expolé à l'air, diminue de poids un peu plus que ne fait celui qui a été mouillé avec la vinaffle; on en fent aflez la raifon, fans que je l'explique. J'ai expofé au foleil huit onces de ce verdet trempé dans l'eau, jufqu'à ce qu'il ait été bien fec; elles fe font réduites à trois onces trois gros, c'eft-à-dire qu'il a perdu par cette deflication cinq gros de plus que celui dont jai parlé dans mon premier Mémoire, & qui avoit été mouillé avec la vinafe. Il paroît, par tout ce qui vient d'être dit, que le verdet mouillé avec l'eau, eft un peu inférieur à l'autre qu'on a mouillé avec de la vinafle en ce qu'il a moins de corps *, Je crois cependant qu'on ne doit faire aucune difficulté d'em-- ployer le premier, pourvû qu'on l'ait fait un peu plus fécher, & que le marchand qui l'envoie ait été exaét à le faire paîtrir. avec de la vinafle : cette vinafle avec laquelle on le paîtrit, lui donne cette fur-abondance d'acide qu'il n'a pas eue au relais. Je ferai remarquer fur le verdet préparé avec les lames. * J'ai appris que quelquesparticuliers, en petit nombre, trempent les James dans de Peau mêlée avec de la vinaffe ou du vin, DIE Sr*S: GNT EN CHE SN. 17 l'OS de cuivre neuf, & qu'on a mouillé avec la vinaffe pendant qu'il étoit au relais, que fi on le fait difloudre dans de l'eau bouillante, cetie diffolution filtrée & évaporée à la chaleur de Fatmofphère dans un vaiffeau de verre, donne conftimment des cryftaux rhomboïdes qui ne s'altèrent pas à l'air, qui con- fervent leur même figure, & qui ne font feulement que noircir à leurs furfaces. Quelques particuliers couvrent les lames de cuivre qui font au relais, d'un linge {ec, lorfque les caves font trop humides, & d'un linge légèrement trempé dans l'eau ou dans a vinallé, quand es caves font sèches. Ces différentes méthodes ont chacune leur utilité; on garantit mieux par-à les lames de toutes fortes d'ordures, & ces lames perdent moins de leur humidité: dansies caves où le relais eft fec, on les découvre pour l'ordinaire à la dernière trempe, afin qu'elles ne foient pas fi humides quand on les racle. Tous ceux qui font.du verdet n'obfervent pas tout ce que je viens de dire; il y en a qui le pofent à terre & qui ne le couvrent pas: on doit être attentif à ne mouiller. pas trop les James de cuivre; le verd de gris étant trop étendu par facide ou par l'eau, e travaille pas; on veut dire par-là que la diflolution fe fait léntement, parce que l'acide fe trouve noyé dans beaucoup d'eau. La fituation inclinée des lames favorife l'écoulement de l'eau , de la vinaffe on du vin dans lefquels on les trempe, autrement. ces liqueurs emporteroient le verdet. J'ai oublié de dire que uand on vales mouiller pour la deuxième, troifième, & dans autres. cas pour la quatrième & cinquième fois ; on doit exa- miner fi les lames de cuivre font humides; car fi elles ont affez d'humidité pour augmenter la diffolution, il faut différer de les: tremper: pour mieux s’en aflurer, on les touche; & fi elles ne: font pas aflez humides, on leur donne un nouveau diflolvant. On reconnoît encore qu'e ‘elles en ont befoin, au verdet . qui eft fur les bords des lames de cuivre, lequel paroît moins verd qu'à l'ordinaire, & aux furfaces de ces lames, qui deviennent blan- cheâtres: c'eft alors qu'il, faut les tremper ou. Jeur donner un autre vin, commé;on le dit communément. …. “ee Géeg il 606 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE Royaze Le temps du relais n'eft pas fixé, comme je l'ai dit ailleurs en hiver, on y laifle le cuivre plus long-temps qu'en été, parce que a fermentation eft plus lente, & qu’on ne fe preffe pas de racler les lames de ce métal pour les employer à une feconde opération, & principalement fi le relais eft bon. En été, la fermentation fe fait plus vite, & on y laifle les lames moins de temps; cependant on leur donne, pour l'ordinaire, trois vins, pour parler encore le langage des particuliers. La plufpart des femmes qui réuffiflent dans cette opération; font dans l'ufage de laifler le cuivre au relais de quinze à trente jours en été, & jufqu'à foixante jours en hiver: dans les fabriques bien montées, on met, comme je l'ai dit, un intervalle de huit jours entre une trempe & celle qui fuit, & on ne mouille que trois fois : quand la diffolution n'eft pas abondante, on l'y laifle très-peu, parce qu'il y perd pluftôt que d'y gagner. De toutes ces raifons, on doit conclurre qué le fuccès de ce procédé eft attaché à la première diffolution, laquelle dépend d’une bonne fermentation ; que l'acide le plus pénétrant, uni à la partie inflammable du vin, eft fi nécef faire pour commencer d'attaquer le cuivre, que fr l'opération échoue au relais, le nouvel acide ou Feau qu'on y ajoüte ; agit que proportionnellement à la première diffolution. Tous les endroits d'une cave ne font pas également propres pour le relais ; quoique la première diflolution ait été bien faite, le verdet ne s'y fait pas, c’eft-à-dire qué la première diflo< lution n’augmente pas & ne fe gonfle point: il faut un endroit qui ne foit ni trop humide, ni trop fec; voilà pourquoi ont effaie fouvent tous les endroits d’une cave, pour trouver celuï qui eft le plus favorable : quelquefois on cherche inutilement ; il y a des caves où la fermentation fe fait bien, où la diflo- lution réuffit, & où cependant on ne fäuroit trouver un en< droit propre pour faire le relais; inconvénient très-préjudi< ciable aux particuliers. | Depuis quelque temps, certains particuliers qui font du verdet avec fuccès, voyant les difficultés qu'on trouve dans certaines caves pour faire le relais, fé font avifés de faire : 11 x DE: Si :$ CG L'E N:C.E S. . 607 confhuire, à uncoin de leur cave, de petits caveaux pour mettre le cuivre au relais; Ja plufpart s'en trouvent bien, à caufe fans doute que l'évaporation y eft. moins confidérable, L'acide & l'eau qui s'élèvent du cuivre, n'étant pas fi fujets à s'évaporer, {e trouvent retenus dans un petit efpace , ce qui entretient le verd de gris dans cette efpèce de déliquefcence qu'il doit avoir quand il eft au relais. | Dès qu'on veut racler! les lames de cuivre Pour en em- porter le verdet, on voit qu'il a bien réufii, à {on épaiffeur & à la quantité qu'en fournit chaque pot, Un pot contenant de- puis quatre-vingt dix pièces de cuivre jufqu'à cent, doit donner dépuis une livre de verdet jufqu'à deux livres &. demie: sil rend deux livres, ou deux livres quatre onces, les particuliers difent pour lors qu'il y a bonne récolte. Où juge encore de la réuffite, par l'adhérence réciproque de chaque lame, quand on veut les féparer; car alors le verd de gris d’une ame s'applique fur l'autre, & en laifle une qui d'un côté en eft dépouillée fans la racler, ce qui forme de petits matelas qu'on emporte tout d'un coup avec le couteau. On voit.bien fou- vent. que Ja couche de verdet, qui touchoit directement la lame de cuivre, enlève avec elle une partie de cuivre non diflous, qui a cependant perdu beaucoup. de fon phlogiftique, ce qui fait que [a lime de cuivre eft bien dépouillée de verdet, & qu'elle fe racle aifément : mais cette féparation ne fe fait bien que quand les lames de cuivre ont été miouillées avec leau : elle ne { fait point .exaétement quand. elles font. mouillées avec La vinafle ou le vin, + On aperçoit, fur plufieurs lames qu’on tire du relais pour Les racler, des aiguilles en fi grand nombre, & fi fort couchces les unes fur les autres, qu'à peine peut-on y découvrir quelque figure un peu régulière, à moins que la première diflolution: n'ait été fort maigre, ce quiarrive du-cuivre neuf. - On voit feulement fur les lames de petites toufles gre- nues, qui, examinées avec le microfcope , ne font autre chofe ue des faifceaux d'aiguilles, dont la plufpart font en forme FH fort ferréés les unes. contre les autres (voyez la figure s 608 Mémoires DE L'ACADÉMIE ROYALE fixième, qui eft de grandeur naturelle, deffinée avec peine; d'après un autre fragment ide cuivre, parce qu'il n'y a rien de régulier). Les femmes difent alors qu'il eft bien gréné *: c'eft une marque que le relais eft bon. Il fe fait un gonflement général dans la cryftallifation; fa moufle acquiert de l'épaiffeur, qui va dans les bonnes opérations jufqu'à une ligne, & f& vouleur devient moins foncée qu'elle n'étoit au couvage. ? Dans les bonnes fabriques , les lames de cuivre. fubiffent confécutivement pendant trois ans, & quelquefois pendant quatre où cinq ans, un grand nombre d'opérations fans fe rompre ni {e plier par aucun de leurs côtés: je fuis perfuadé que fi tous ceux qui font du verdet employoient de bon vin, les fames de cuivre feroient plus tôt ufées; l'expérience me l'a démontré, bien entendu que la durée des James doit dépendre: de leur épaifleur, qui n'eft pas toùjours égale, Quand on na pas le temps d'expofer à l'air les James de cuivre, on les fait chauffer & fécher en même temps, au moyen d'un chauffoir qui eft une efpèce de fourneau: par-à’ on a toutes les faines à portée, à mefure qu'on les range dans les vafes avec les rafles, & on épargne du charbon; fur-tout dans les grandes fabriques, où tout doit vifer à = conomie ; d'ailleurs, ce fourneau fert à chaufler la cave dans l'hiver, quand cela eft néceffaire. Autrefois on faifoit ces chaufloirs de bois ; on les fait aujourd'hui de pierre, pour éviter les accidens du feu. | Ce fourneau, peu chymique, ne demande pas de grandes précifions ; on proportionne fa grandeur au nombre de pots de verdet que lon veut faire, ou que la cave peut contenir: on bâtit ce fourneau ordinairement à un coin de la cave, d’une mâçonnerie d'environ fix pouces d'épaiffeur, de trois pieds de longueur, de vingt pouces de hauteur, & de dix-huit pouces de largeur; au milieu de la longueur, on conftruit une porte pour pouvoir y introduire un réchaud plein de feu où un brafier: on garnit ce fourneau , à fix ou fept pouces de fa * Il eft bon d’avertir, pour l'exactitude des faits, que le verdet deffiné a été mouillé avec de l’eau pendant qu’il étoit au relais. ‘ hauteur, Di is S 4C°1.E NI CES 609 hauteur, de barres de fer rondes, qu'on place à fa diftance de deux ou trois pouces lune de l'autre; & à fix ou fept pouces au deflus, il y a un couvercle de bois qui ferme exactement: On met fur ces barres de fer les lames de cuivre, pofées de champ, on les couvre d'un linge, & on introduit dans ce four- meau un réchaud avec un peu de charbon allumé ; de cette manière, on fait fécher & chauffer aifément les lames : ‘fi c'eft la cave qu'on veut échauffer, on Ôte le couverclé de bois, & la chaleur pénètre par-tout. Puifque j'ai parlé du chauffoÿr, ilsne fera pas inutile de dire un mot d’une efpèce de table fur laquelle on racle les lames de cuivre. Cette table eft pour l'ordinaire hexagone, & quelque- fois octogone, felon la quantité de verdet qu'on fait: il y a toutautour un rebord de cinq ou fix pouces de hauteur; cette figure donne la commodité à plufieurs femmes de fe ranger autour de la table fans s'incommoder. On place au milieu de cette table un morceau de bois de cinq ou fix pouces de diamètre, de forme circulaire, & élevé de deux, trois ou quatre pouces, fur lequel on met un chandelier quand on veut racler de nuit; on y met pendant le jour les lames de cuivre qu'on entafle les unes fur les autres. Ce morceau de bois fert de plus à foûtenir une planchette que chaque femme a devant foi, pofée horizontalement depuis fe rebord de la table: cette’ plancheite foûtient la lamie de cuivre lorfqu’on la räcle. + Après qu'on a enlevé leverdet, s'il eft trop humide, on Pétend fur un linge pour le faire fécher, enfuite on le met dans:des facs de toile, on le porte au bureau du poids du Roi devant l'Infpeéteur, pour juger s'il eft de la qualité requile, ceft-à-dire, s'il n'eftpas trop humide & s'il n'eft point mélé avec des:icorps étrangers; delà on le porte chez des mar- chands commiflionnaires, qui, après l'avoir acheté, le pré- parent, comme je l'ai dit dans mon premier Mémoire, pour l'envoyer dans les différens pays: : Voïlàtout ce que j'avois à ajoûter à la defcription de fa fabrique du verdet. Je vais entrer maintenant dans le détail de la fermentation du vin néceffaire pour bien faire le verd de’ Mém. 175 3° . Hhhh 6x0 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE gris, & je tâcherai de faire voix dans mes réflexions far les différens phénomènes qui {e préfenteront, à quoi on doit attribuer les grandes variétés dont cette fermentation eft fut ceptible, & quelles en font les véritables caules. Pour bien faire fentir toutes ces chofes, & pour les rendre d'une ma- nière claire & diftinéle, il paroit nécellaire d'expofer avec quelqu'étendue ce qui concerne, 1° la qualité des vins, 2.° la chaleur, 34° Fair & le local. ‘Tout le monde fait que les vins des environs de Mont- pellier font très-propres pouï le verd de gris, parce qu'ils font pour l'ordinaire fort fpiritueux , & qu'ils ont encore une autre qualité qui doit influer néceffairement fur la diffolution du cui: vre, c'eit d'être fort colorés & de donner beaucoup d'acide: On pourroit faire fur cette matière un traité fort anrple, &:qui feroit très-utile. On fait que chaque terroir, fuivant fa qualité particulière & fon expofition, doit donner un vin différent, J'avois avancé dans mon premier Mémoire, que les vins verds, aigres & doux n'étoient pas propres pour faire le verdet, non plus que ceux des j jeunes vignes; j'ajoûtois que Je croyois cependant qu'on pourroit s'en fervir en y ajoutant de l'eau de vie, mais qu'il falloit, pour n'en aflurer entièrement, que je fiffe certaines expériences : tout ceci a beloin d’une expli- cation que j je vais donner. | Les vins verds ne conviennent pas, parce que l'acide y: prédomine , & que le principe inflammable y eft: en petite quantité. Un vin de cette efpèce donne toüjours peu d’eau de vie: quand on l'emploie tout feul, à la moindre chaleur il pafle tout à coup à la fermentation acide, & par conféquent il ne peut guère fournir, en {e réduifant en vapeurs, de! ce diflolvant qui doit imbiber les rafles pour faire une bonne diffolution: l'eau de vie qu'on en retire par da diftillation, eft fi acide, que j'ai fouvent éprouvé qu'elle tire des nie en. abondance quand on veut la fentir, ou quand:on la verfe d'une bouteille dans un vaifleau évafé. Cette fermentation ne fe fuit pas par degrés, à caufe duspeu d'efpritardent qui entre dans la: compofition de. ce vin :facide uni à la patie inflammable: DES SCIENCES. 6ri étant développé par cette fermentation, & fe trouvant en petite quantité, comme nous l'avons dit, fournit peu aux rafles de ce menftrue duquel dépend toute la réuffite de cette opération. Certains vins font fujets à saigrir dans le tonneau, comme ceux qu'on a recueillis les vendanges ayant été plu- vieufes : cette fur-abondance d'eau côficourt à les faire aigrir, parce que cette eau met en mouvement & à découvert les autres parties du vin qui font plus étendues, & il s'enfuit de-là une fermentation qui change le vin en acide. Les vins des jeunes vignes font encore fujets à s’aigrir facilement, par Ja für- abondance d’eau qu'ils contiennent, auffi on ne peut guère {es garder dans ce pays plus d'une année fans qu'ils s'aigriffent : les chaleurs de notre climat häteroient cette fermentation, fi on n'avoit pas la précaution de tenir ces vins dans les caves, qui ordinairement font fort profondes & fort fraîches. Onemploie communément les vins dont je viens de parler, en les mêlant avec d'autres qui foient plus vieux & plus fpi- ritueux, ou en y ajoûtant de l’eau de vie où de l'efprit de vin; mais il faut obferver que fi le vin étoit fort aigre, toutes ces additions feroient inutiles; il faut alors le laiffer totalement décompofer, pour faire du vinaigre. J'ai vû employer par plufieurs perfonnes , avec affez de fuccès, ces fortes de vins fujets à s'aigrir ; ils m'ont aflez bien réuffi à moi-même. IH eft vraï qu'on n'a jamais une aufir grande quantité de verdet que lorfqu'on emploie de bon vin fpiritueux, le verdet' eft toûjours maigre. Nos opérations ne fauroient auffi bien com- biner les principes des corps, que le fait 11 Nature, dont Part imitera toûjours imparfaitement les productions. Il fuit naturellement de ce qu'on vient de dire, que les vins du Nord, qui ont peu de phlogiftique, ne féroient pas propres à faire le verdet, quand même on y ajoûteroit de. l'eau de vie; le peu de verd de gris qu'ils donneroient, ne dédommageroït pas des frais qu’on {eroit obligé de faire. Les vins rouges qui ont de fa liqueur (c'eft-à-dire qui font doux) ne font pas propres pour le verdet, comme font prefque” tous les vins d'Efpagne & d'Italie. Ces vins, quand on fes Hhhh ij } 612 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE foûmet à la fermentation acide, donnent, en fe décompofñint, beaucoup de parties graffes & mucilagineules qui engraifent les rafles & les vafes; d’ailleurs, l'eau de vie que ces vins donnent, ui eft quelquefois affez abondante, paroit moëlleufe, & elle n'eft pis fi séche que celle qu'on tire des vins généreux. Les vins doux peuvent être employés à fre le verd de gris, comme ceux qui font aigres, en les mêlant avec d'autres vins de bonne qualité, ou en y ajoütant de l'eau de vie, comme aufli ceux qu'on tire du prefloir. Cette dernière efpèce de vin a beaucoup de parties hétérogènes, & fa couleur eft plus foncée. Tous ces vins ne donnent jamais tant de verdet que ceux qui font aigres, auffi le vin aigre ou verd eft toûjours préféré au doux, parce qu'il n'engraifle pas les rafles & les pots; le particulier même n'emploie guère le vin doux que quand il la de fon crü. J'ai dit dans mon premier Mémoire, que la couleur: du vin n'influoit point fur le fuccès de cette opération: j'ai de- puis reconnu le contraire, par un grand: nombre d'expériences que j'ai faites, ainfi que plufieurs particuliers. On remarque conftamment que ceux qui achettent le vin pour faire le verdet, n’en achettent jamais de blanc, & que ceux qui en ont de leur crû, ne l'emploient à cette préparation que quand ils ne: peuvent pas le vendre, & mème que lorfqu'il commence à s'aigrir, ils laiflent continuer la fermentation acide pour faire du vinaigre blanc: ainfi les vins blancs font moins propres pour le verd de gris que les vins rouges, ce qui peut venir de la différente qualité de ces vins, & de la manière de les préparer. Pour rendre ceci plus fenfible, je vais dire un mot de la manière dont on prépare les vins rouges & les vins blancs aux environs de ceite ville. * Quand on vendange à Montpellier & aux environs, après qu'on a coupé le raïfin, on l'égrène dans une efpèce d'ange; on fépare par-là les rafles du grain de raïfin, enfuite on jette les grains de raifin fur une claie de bois, placée {ur unecuve faite de mâçonnerie, qui eft plus ou moins grande, fuivant la: quantité de raifins qu'on recueille; il ÿ en a qui contiennent DES ScrENCESs. 613 depuis quatre muids jufqu'à trente; le muid contient cinq cens foixante-{eizé pots : on foule fur cette claie, avec les pieds, les grains de raifin; & à:melure qu'on les écrafe, le moût pafle à travers les ouvertures de cette chie, & on fait paffer le marc du raifin par une autre ouverture faite à fon rebord. La cuve étant prefque pleine, on laifle aller la fermentation, le vin fe forme, la peau du raifin lui donne {a couleur, qui eft plus où moins foncée, fuivant l’efpèce dé raifin, & la durée de Ja fermentation. fpiritueufe. Chaque particulier laifé fer- menter plus où moins fon vin, fuivant le goût & la couleur qu'il veut lui donner: s'il le life peu de temps, le vin eft moins coloré & plus délicat; s’il le laiffe pluslong-temps, le vin eft plus couvert, plus tartareux, & d'un goût tirant fur Tâpre; mais le temps de cette fermentation, dans les années ordinaires, n'eft guère moins que de trois à quatre jours, & le plus fouvent de huit; en certaines années, on a été forcé de laiffer le vin dans la cuve une quinzaine de jours: la plus grande chaleur de la fermentation fpiritueufe eft ordinairement de 20 à 25 degrés au deflus de zéro du thermomètre de: M. de Reaumur, elle n’a été cette année 17 5 6 qu'à 22 decrés dans une cuve où il. y'avoit fix muids ide vin. Quand on a foûtiré tout le vin, on prefle le marc, & le vin qui eu découle, s'appelle vin du prefloir, qu'on met à part. : Dans certains cantons, principalement dans es Cévennes, on prépare les vins fans ôter les rafles, parce que ces vins font: peu fpiritueux , & qu'ilsont befoin des rafles pour accélérer la fermentation: ces rafles, qui ont été dans la cuve pendant que cette fermentation s'eft faite, font beaucoup meilleures que les autres pour faire le verd de gris, comme l'ont éprouvé certains particuliers ; elles ont une autre qualité que celles qu’on emploie ordinairement, elles font foulées des parties les plus actives du vin, & c'eft ce qui favorife la difiolution du cuivre. De on doit condlurre que des rafles qui ont fermenté avec le vin, font préférables à celles qu'on tire en égrénant les faifins quand on vendange. » En général, les vins du. bas-Languedoc font plus colorés Hhhh ü} 614 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE que ceux des autres provinces de France, fur-tout de celles qui font plus vers le nord; voilà pourquoi des marchands de vin de Paris fe fervent de nos vins pour donner de la couleur & de la, force à certains petits vins de Bourgogne. | Les vins blancs fe fontautrement que les vins rouges : quand on vendange, on égrène les raifins blancs comme les rouges, après quoi on les foule bien dans une efpèce d'auge; onles fait pafler enfuite à travers une corbeille où de moût s'écouley & le marc qui refle eft mis au prefloir. On verfe tout le moût qui a découlé de la corbeille & du prefloir, dans des tonneaux qu'on a placés à un raiz-de-chauflée : la fermentation fe fait lentement , faute d'un agent véhément pour accélérer le mouvement inteflin, comme dans les vins rouges. Pendant tout le temps qu'elle dure, elle jette beaucoup de matières mucides, qui fortent en partie par le bondon du tonneau ; les plus pefantes fe précipitent au fond. ILeft effentiel, pendant que cette fermentation fe fait, d'avoir du moût en réferve pour remplir le tonneau, à caufe de la grande déperdition qui sen fait. Après que la grande fermentation eft pañée, on foûtire le vin dans d'autres tonneaux: on eft obligé quelquefois de faire fouvent cette manœuvre, à caufe de l'ibondance des matières mucilagineufes & hétérogènes. On voit clairement-par cette defcription ; que la fermen- tation des vins blancs {e fait avec beaucoup de lenteur, ce qu'on doit attribuer au manque de levain & à la qualité du raifin , inconvéniens qui n'ont pas lieu dans les vins rouges; auffi les vins blancs ne fe dépouillent-ils jamais bien detoutes! les matières grafles, quelque foin qu'on ait de les clarifier : ces matières mucilagineufes ne manquent jamais d’engraiffer les rafles & les pots, lorfqu'on les foûmet à la fermentation: acide. On a recours à bien des moyens pour rendre les vins blancs qu'on a foûtirés plufieurs fois, auffi clairs que l'eau; les uns y jettent des copeaux pour précipiter les matières les plus pefantes, les autres fe fervent de plufieurs colles, comme celle de poiflon, d’autres de blanc d'œuf, de lait, &c. on met encore dans une forte de vin blanc qu'on appelle clairette, de la 11 AY per 8 SI 0 P & NCciÉ a! Gr ‘caffonade pour l'adouéir afin qu'il foit plus agréable à boire, Le mulcat,-qui de‘tous-ès vins blancs eft le plus précieux & le plus exquis, fubit quélquefoïs le même fort : quand if eft clair comme de f'eau , il'éft certain qu'on la elarifié avec la colle de poiflon, ou le blane d'œuf, 'enle fouettant bien: ceft éelui qui donne le plus d'u de Vie’, principalement celui de Rivelahes én Roufliflon, parte’qW'ôh tort la grappe du raifin fur la fouché avant que de Lx coùper: par cette ima- nœuvre l'eau fur-abondänte Sévapore, fléau de vie que donné le mufcat et très-abondante & confervé l'odeur du raifin. ! Le vin mufcat qui eft fec, de même que les vins blancs fecs, comme. celui qu'on. appelle Picardan , & qui n'ont pas été altérés par de pareilles mixtions, donnent affez de verdeti: mais Je mufcat en: donne. toûjours beaucoup plus. que tout vin blanc , comme je l'ai éprouvé plufeurs fois, de même que certains particuliers qui Font employé. Du refte, on réuflit mieux en fe fervant des vins blancs durant l'hiver que pendant l'été; dans cette dérnièré faifon ; ils engraïffent'plus les rafles & les pots; d'ailleurs, on ne boit guère les. vins blancs .dans ce pays -ci que quand: il: fait-bién froid, ils paroiflent meilleurs quand le! froid Tes a touchés. Mais Ja méthode la. plus avantageufe d'employer. ces. vins, eft de les’ mêler avec deux tiers ‘dé vin’ rouge," 8x! encorè on 14 jamais tant de verdet qu'en donné lé bon Vin rouge employé feul: le verdet fait. avec. le:win: blanci eft, toûjours maigre ; parce que les rafles &'les pots font engrañfiés. Ce’ n'eft pas que.cettelorte de vin ne-puifiel donner quélquefois plus d'eau de vie que le vin rouge;: mais dans fx décompofition , te difolvant qui s'élève én Vapeurs pol © domtuniquer aux: rafles, ef fi enveloppé-dans ces matières; graffes, qu'ilen perd, la plus grande’ pattié dé” fo activité. La: férmentation na donc pas agi avec tantde force fur les vins: blancs que fur les vins-rouges, elle na pas’atténué cettewifcofité dont ils font toûjours fufceptibles ; &"pour prôuvér cé qué je viens. de dire;, c'eft que.quand envavine avec.ces; fortes..de vins, ils laïffent les mains poïfiéés &e qué quand on! veut couver avec 616 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE des rafles qui ont été avinées avec de pareils vins, on reconnoit au toucher qu'elles font grafles, & à la vüe elles paroiffent huileules ; la, vinafle qu'on retire après l'opération eft muci- lagineufe, & laifle précipiter un, limon fort gras; les vins blancs fecs donnent moins de ces matières grafles. | Indépendamment de tout ceique je viens d’alléguer, je ferois porté à ;croire que la partie colorante du vin rouge contribue à. rendre le: verd de gris plus abondant & plus parfait, le phlogiftique & l'acide, qu'elle contient opérant une plus grande diflolution de cuivre *. 12 Plus * Ce que je viens de dire de la | Vû dans cette ville une maifon qui partie colorante de nos vins, doit être | avoit!icroulé depuis pres de trénte- appliqué à leur confervation:, L’on fix, ans, & qu'on avoit voulu relé- voit ordinairement que les vins rou- | ver au bout de ce temps-la; en ges, fur-tout ceux qu'onrecueille des | ôtant lés décombres, on trouva un vieilles vignes ; dans de bons terroirs | tonneau de -vin , dont le bois étoit pleins de cailloux, fe confervent plus | tout pourri, cependant le tonneau Ilong-temps que les vins blaucs, qui | reftoit dans fa même forme: on vou- ne peuvent guère pañler uné année! | lut le percer, il fallut aller bien Ii faut avoir le foin de les mettre | avant pour tirer le vin, qui fe trou- dans un endroit frais, & que les | va prefque décoloré, il avoit pris bouteilles foient bien bouchées: on | la couleur du vin paillet; d'ailleurs doit excepter de cette régle 16 muf:| il étoit fi excellent , qu’on croyoit cat & le picardan, & quelques autres boire un élixir; aufli le sarda-t-on qu'il feroit trop long de rapporter, | comme une potion cordiale, pour qui peuvent fe conferver aflez long- | s'en fervir au befoin. Il s'étoit fait temps. J'ai vû,-chez un. particulier; une fr grande incruftation autourde cé de cette ville, du vin rouge de Saint- bois pourri du tonneau, que le tartre George, qui étoit en bouteille depuis qui s'étoit dépofé, avoit pris la forme près de quarante ans: ce vin, dans: | du tonneau ; la partie colorante da les bouteilles, étoit clair comme de :!, vin y avoit aufli contribué, &-tout Veau; en fe décolorant, il avoit fait | cela empéchoit l'air & lhumidité d’y une incruftation aflez épaifle , atta- | pénétrer, c'éflce qui conferva ce vin chée aux parois du verre, laquelle |;pendant un auffi long temp: + : 3 n’étoit autre chofe que letarwre,, & |. On voit par-là: que la partie colo- la partie colorante que ce vin avoit | rantedu vin contribue à {à confetva= dépofée: par ce long féjour. Ce ivin | tion; que le tartre qu’il dépofe dans le - étoit de fort bon goût , il, étoit: bal- | vaifeau où on le tient, empêche l'air famique & fentoit Ie goudron; on | d’ypénétrer. Le vin blanc'de ce pays P'auroit pris pour du vin de Chérès, | ne dépolfe prefque point de ce tarte: ilavoit perdu prefque tout fon acide, »|: je 1ne fais fur quel fondement les où celui qui pouvoit lui refter étoit | pharmacopées , & une foule d'Au- enveloppé dans des matières grafles. :| teurs, récommandent le tartre blanc Une.perfonne de confidération ; du ‘| de Montpellier ; je n’en ai jamais vû, Puy en Vélai, m'a dit qu'il avoit | tout celui que nous avons ,eft rouge, DES SCrENCES. 617 Plus un vin rouge donne d'eau de vie & d'efprit, plus il eft propre pour le verd de gris; ainfi, quand le particulier qui en fait, emploie de bon vin rouge qui brüle bien & qui eft bien fpiritueux, il doit être afluré d'avoir une bonne ré- colte de verdet, pourvû que les autres caufes qui concourent à cette opération ne foient point dérangées dans leur ation. C'eft donc principalement du choix du vin que dépend le fuccès de cette préparation. Les vins de Saint-George, de Saint-Drezery & de quelques autres terroirs des environs de Montpellier, font extrêmement renommés: fi on n'aimoit pas mieux les réferver pour les boire, ce qui eft plus avantageux à tous égards, on pourroit les employer pour le verd de gris; ils donneroient pour chaque pot deux livres & jufqu'à trois livres de verdet, pourvû que toutes les autres caufes fuffent d’ailleurs dans l’état convenable. Le verd de gris fait avec des liqueurs qui n'ont pas tant de phlogiftique que nos vins, diffère en couleur. Un Néco- ciant de cette ville me dit qu'on lui avoit écrit de Londres, qu'on avoit expofé en vente dans cette ville, du verdet pré- paré en Pruffe & en Hongrie avec le marc de la bière: ce verdet, provenant de ce diflolvant, avoit une couleur fort pile, & n'étoit pas fi propre que celui que nous préparons, pour les différens ufages où on l'emploie. Le marc de la bière n'a pas un acide qui contienne tant de parties inflammables que nos vins; & d’ailleurs, pour bien faire le verd de gris, if faut un diflolvant réduit en vapeur, & qui foit abondant, pour bien pénétrer & imbiber les rafles; c’eft ce qu’on ne peut bien faire avec la bière ni avec fon marc, qui 2 M de & il donne beaucoup de cryftal & de crême de tartre, dont nos fabriques fe fervent avec beaucoup de fuccès, & ceft le feul qu'on y emploie , comme je le ferai voir dans peu dans un Mémoire que je dois donner là- deflus. Il y a quelques années que, ayant befoin d’une certaine quantité de tartre blanc, je fus obligé de m'in- fermer des lieux où je pourrois en Mém. 1753. trouver, on me dit que j’en trouverois en Vivarais; effcétivement j’en tiraï de ce pays. Un fameux teinturier: de cette ville, qui emploie beaucoup de tartre pour fes teintures, m'a afluré qu'il n’avoit jamais vü, non plus que moi, du tartre blanc de Mont-, pellier, & que tout le tartre de cette efpèce qu’il employoit, il le tiroit de Florence, 1 . liii 618 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE RoYALE matières mucides, Qui dit un diflolvant réduit en vapeur, dit un diffolvant volatil; aufr voit-on que l'urine fermentée, de même que tous les alkalis volatils, quand on préfente à leur vapeur les lames de cuivre, dans le temps que la fermenta- tion putride commence, donnent une belle diflolation bleue. Ce verdet pourroit être employé à plufieurs ufages, mais a volatilité du diflolvant y eft fans doute un obflacle , ainff que fa puanteur jointe à celle du cuivre, qui eft naufeabundke : ce verdet feroit bon à fentir, comme les fels volatils, dans certaines maladies, & je crois que fa force fe foûtiendroit plus long-temps que celle des {els purs, à caufe de la bale métallique. Nos vins donnent, outre beaucoup. d'eau de vie, de l'acide & beaucoup de tartre, qui s'attache aux parois du tonneau pendant que le vin y refle; il le dépofe par cetie fermentation lente qui fe fait à la cave, & le tarwe y eft {1 abondant, qu'il eft prefque fuffifant pour nos fabriques de cryftal de tartre, quoiqu'elles fe foient fort multipliées, & que la confommation en foit fort confidérable pour les teintures. Enfin nos vins nous donnent aufir un excellent vinaigre ;. qui eft fait de la manière la plus fimple du monde ;.on le: prépare avec les feules rafles ; celles qu'on tire des raifins muf- cats, doivent être préférées; d'autres le font avec le marc du raifin, Ce ne font pas des vinaigres frelatés comme ceux qu'on fait à Paris, dont les vinaigriers font un fecret, & qu'ils rendent plus fort par différentes drogues qu'ils y mêlent. Nos vinaigres donnent beaucoup d'acide, & je crois qu'ils font les plus forts du Royaume, fur-tout ceux qui feroïient faits avec nos vins les plus fpiritueux. J'ai remarqué que lorfqu'on employoit de bon vin, om avoit une vinafle plus forte, & principalement quand Ja fer- mentation mavoit pas duré long-témps: on retire des vafes. cette vinafle pour couver, & on la jette dans de grandes anges: ou tonneaux , que l'on tient dans un coin dela cave, pour y mettre tremper les rafles. (Je dirai en paflant que les rafles. neuves doivent tremper dix jours, & que les autres qui ont "Ur nd. R ENRS, , d DES SOEUR TE NC EuS 619 fervi, ont befoin que de huit jours.) On fe fert encore de cette même viaaffe pour ferrer les pores des pots neufs, & pour paitrir le verdet : on pourroit la difliller dans de grands alem-, bics de cuivre étamés fort bas: il feroit mieux de le faire dans des cornues de verre, mais cela exigeroit une plus grande dé- penfe: on retireroit par cette diflillaion une partie de l'acide contenu dans cette liqueur , qui, étant uni à une petite partie d'efprit inflammable, eft un bon diffolvant des sommes ré- fines, & qui pourroit fervir à d'autres ufages où l'on emploie l'eau de vie; mais, pour réuflir dans cetie opération, il faut diftiller a vinaffe immédiatement après l'avoir tirée du vale, autrement elle acheveroit de fe décompokr, & alors on n'auroit qu'un efprit de vinaigre très-foible. La vinafie diftillée pourroit être employée à faire du {el de faturne ; je penfe même qu'on pourroit s'en fervir pour faire de la cérule, fi on étoit en ce pays-ci dans l'ufage de la préparer. Nous avons fuffifamment parlé du vin par rapport au verd de gris; pañions à ce qui regarde le degré de chaleur néceflaire pour cette opération. On fait qu'en général la température de Fair eft beaucoup moins incgale dans les caves que dans les autres endroits plus élevés des mailons. C’eft fans doute ce qui détermina les pre- mieres perfonnes qui firent du verdet, à fe préparer dans de femblables lieux, pour le mettre à l'abri des variations dont les corps expolés au grand air ne font que trop fufceptibles. J'ai vû conflimment que les caves qui n'avoient pas beau- coup d'ouverture, comme celles qui n'en ont qu'à la voute, ou qui ont une voûte fort bafle, & qui ne prennent jour que d'une autre cave voifine avec hquelle elles communiquent, devoient être choiïfies par préférence pour y faire le verdet, fur-tout en hiver, temps où le verdet eft fort dérangé. Par cette conftruétion, le froid y pénètre moins, parce qu'on peut les boucher plus exaétement que les caves qui‘ont leur entrée fort large, & où l'on va par de grands paflages. Les caves dont je viens de parler, font aflez communes à Montpellier ; mais fi elles ont leurs commodités en hiver, elles ont leurs li i 620 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE incommodités dans les autres faifons: j'en ai vû un grand nombre où le verdet fe faifoit affez vite en hiver, tandis qu'au changement de faifon, par exemple, quand on pañloit de Fhiver au printemps, la fermentation étoit fort lente. Je mis le rs Mars dernier, dans une de ces caves, un bon thermo- mètre gradué fuivant les principes de M. de Reaumur, j'allai vifiter cette cave tous les jours à deux heures après midi, Ja fermentation dura jufqu'au 1 $ Avril; le thermomètre fut toù- jours au 8me degré au deflus de zéro, excepté les deux derniers jours, qu'il s'élevaau 10€: un thermomètre que J'avois mis dans un vafe, & que j'avois placé au milieu des rafles, fe tint au rome degré pendant tout le temps de la fermentation , aufli le verdet fut-il fi maigre qu'il ne valoit pas la peine qu'on prit de le racler. La femme qui le préparoit pour un particulier de cette ville, lui fit entendre que mes thermo- mètres étoient la caufe de cette perte; ce particulier le crut bonnement, & fur le champ on ôta mes thermomètres de la cave & du vafe: tant il eft vrai que l'ignorance a pour com- pagne fidèle la fuperftition! mais ce mauvais fuccès n’avoit réellement d'autre caufe que la négligence & l'ignorance de Yartifle, qui m'avoit pas fait mettre du feu à la cave pour Féchaufler, de forte que la fermentation avoit été fi lente qu'elle avoit duré trente jours; elle fe fit peu à peu & infen- fiblement, quoiqu'on eût employé le même vin qui avoit déjà donné beaucoup de verdet ; par cette fermentation ff lente, l'efprit & l'acide le plus pénétrant fe diffipèrent peu à peu, & les rafles ne furent foules que d’une très-petite quan- tité d'acide qui avoit perdu fa volatilité. Ce n’eft pas la feule cave où j'aie vü commettre de pareilles fautes: la plufpart des femmes qui font le verdet pour des particuliers, lefquels d'ordinaire n’entendent rien à cette pré- paration, leur font croire tout ce qu’elles trouvent bon; quand elles ont laiflé paffer la fermentation, quoiqu’elles connoiffent parfaitement qu'elle eft paflée, elles couvent toûjours, & Ia diflolution du cuivre eft alors fi maigre, qu'elles difent que le vin n'eft pas bon, ou elles cherchent quelqu'autre fubterfuge DES ScrÉNeCESs. 621 pour fe mettre à l'abri des reproches qu'on feroit en droit de.leur faire. J'ai été témoin plufieurs fois de {eur méprife, il n'y a qu'à les voir manœuvrer pour en juger fainement ; elles viennent vifiter de temps en temps leurs caves de verdet, & après cette vifite elles fixent le temps où elles viendront pour couver, comme fi la température de l'air devoit être toüjours la même: dans tout cela, le particulier feul eft trompé, il perd fon vin, & la dépenfe qu'il a faite n'eft pas compenfée, à beaucoup près, par le profit. L'hiver dernier , par fon extrême rigueur, a été fort défa- vorable au verd de oris, qui n’a paflablement réufi que dans un petit nombre de caves bien fituées, & où la température de Fair étoit afez évale pour que la fermentation pût at- iindre le degré néceflaire, en quinze, vingt & vingt-quatre jours, avec le fecours du feu bien adminiftré. Dans d’autres caves, le vin, quoique mêlé depuis deux mois avec les rafles, ne donnoit aucun fisne de décompofition ; toutefois la fer- mentation eft à la fin parvenue au point requis, mais on n’a eu qu'une récolte de verdet très - médiocre : le grand froid a empêché le vin d'entrer en mouvement, & c'eft ce qui Ya confervé. Mais ce qui eft furprenant, c'eft ce qui eff arrivé en un grand nombre de caves, où, après avoir aviné, on a été obligé au bout de trente, quarante, cinquante , foixante jours, de jeter le vin & les rafles, & de faire écurer les pots, parce que tout s'étoit moifi; la fermentation acide s’étoit faite fi lentement, que la partie du vin la plus volatile s'étoit dif. fipée, & enfin le vin avoit pañlé à la fermentation putride, ce qui avoit formé fur la finface du vin cette moififlure fr confidérable qui avoit engraiffé les rafles à un tel point , qu'il ne fut plus poflible de s’en fervir. Le froid a été fi violent, que la liqueur du thermomètre de M. de Reaumur eft defcendue dans certains endroits de la ville, à 7 & 8 degrés au deffous de zéro; ce qui, joint à une exceffive quantité de neige, a fait périr une partie de nos oliviers, prefque tous les lauriers-francs de nos palliffades, une partie de nos figuiers, & en certains endroits Le laurigr- Liii üj 622 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE thym. Enfm le froid a été fi grand, que depuis 1709 où n'avoit pas vû une pareille lenteur dans le progrès de la fer- mentation acide : le grand nombre des particuliers qui font du verdet, ont jeté, comme je l'ai dit, leur vin & leurs rafles, & principalement ceux qui avoient aviné quand les grands froids fe firent fentir, & qui n'avoient pas employé de bon vin fpiritueux ; d’autres plus avifés, voyant que le froid étoit {1 long & fi rude, firent mettre dans chaque vale un bon verre d'eau de vie, par cette manœuvre ils tirèrent. parti de leur vin, & il ne s'endormit pas, comme difent les femmes. Nonobftant toutes ces précautions il fallut, pour ainf£ dire, calleutrer les portes des caves & faire boucher les foù- piraux par une bonne maçonnerie. La trop grande chaleur eft préjudiciable à cette opération, mais non pas tant, à beaucoup près, que le grand froid: trop de chaleur prefle la fermentation acide, & le vin fe décom- polant avec trop de rapidité, la partie la plus volatile fe diffipe hors du vafe, & ne s'attache pas aux rafles, qui dans cette circonftance font toûjours sèches, parce que le véritable diflolvent du cuivre n’a pas eu le temps de les pénétrer peu à peu, comme dans les bonnes préparations ; c'eft la raifon pourquoi dans certaines caves cette fermentation fe fait en été en cinq, fix, fept & huit jours, & fi on n'eft pas attentif à faifir ce moment précieux pour couver, on n'a qu'une dif: folution imparfaite: il convient d'avoir, pour ces fortes’ de caves, des perfonnes bien inftruites & bien vigilantes, qui fichent profiter de tous les avantages que peut donner une. fermentation fi prompte. Le meilleur guide feroit en cela un bon thermomètre, comme nous Fallons voir, Je vais maintenant rapporter plufieurs expériences que j'ai faites dans une cave que j'ai choifie, parce que le verdet y réuffit bien toute l'année, & que c'eft le particulier qui le prépare lui-même. La température de cette cave a été ex- primée par 114, 124 & 13 degrés au deflus de zéro du thermomètre de M. de Reaumur : dans les caves où ce même thermomèue n'eft qu'à 6, 7, 8, 9 degrés, la fermentation ts eh piElS ASICPIRENN, CLELS, 623 fe fait très-mal; à ro degrés elle fe fait lentement. On avina le 22 Avril; la chaleur de la cave a été, tant que cette fermen- ” tation a duré, à F24+ au deflus de zéro : les 22, 23, 24, 25, j'avois plongé a boule d'un thermomètre dans le vin qui étoit en fermentation, il fut toûjours au même degré que dans les autres endroits de la cave; le 25, les rafles com- mencèrent à s’échaufler un peu, & j'y mis deflus un ther- momètre qui, le 26 à deux heures après midi, marqua r 642, c'eft la plus grande chaleur que j'aie obfervée; le 27, le ther- momètre de la cave à 1247, celui qui étoît fur les rafles étoit à 154; le 28, le premier au même degré, le fecond ‘un peu ‘au deffous de 154; le 29, les deux thermomètres à12+& à 1427; le 30,àù 125 & à 13; le premier Mai, les thermomètres de la cave & du vafe étoient au même deuré, je veux dire à 122; alors je dis à la femme que fon vin ne travailloit plus, & qu'elle pouvoit couver; elle me répondit qu'il falloit laiffer abattre les efprits: cette femme vouloit dire par-là que fi on couvoit dans le temps que les rafles étoient dans cette grande force, on n'auroit pas une bonne diflolution, & qu'il falloit pendant un jour laïffer œlruer - éette grande agitation ; le lendemain 2 Mai on couva. Voici une autre opération que j'ai fuivie fort exaétement, mas je n'ai plus plongé la boule du thermomètre dans le vin, je lai toüjours mife fur les rafles: le 3 Mai, j'avinai avec un vin plus fpiritueux que celui qui avoit fervi à la pre- mière opération , la température de la cave répondoit au 1 2m ‘ degré au deflus de 1 congélation; le 4, le thermomètre de la cave étoit à 124, & celui qui étoit fur les rafles à 1 241; le 5, le premier étoit à 1 24, & le fecond à 1544; le 6, au même degré; le 7, à 124 & à 141; de 8, à 12 &à x 54; le 9 & le 10, de même; le 17, à 12 & à r4d2; le 12, à 13 & à 144; le 13, à 12 & 1342, & on couva le même jour. La première opération a été faite avec le vin que le particulier dont je parle employoit ordinairement dans à cave, J'ai fait moi-même tout le détail de la feconde opé- tation, ayant placé uñvalé parmi ceux du même particulier, 624 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE & nvétant fervi d'un excellent vin: aufli s'aperçoit-on aifé- ment que la chaleur de ce vin seft foûtenue plus long-temps pendant fa décompofition, parce qu'il contenoit plus d’efprit ardent que fautre. J'avois mis dans ce vale quatre-vingts pièces de cuivre qui ne peloient que 13 livres 9 onces, jen ai retiré 2 livres de verdet: les lames de cuivre ont été mouillées trois fois, obfervant huit jours d'intervalle, & toû- jours avec de l'eau. J'avinai avec ce même vin un vafe, que je plaçai à un coin de ma chambre fituée au fecond étage, la fermentation {e fit fort bien, & elle ne dura que depuis le 16 Mai juf- qu'au 25; mais jeus la précaution de boucher le vale avec une étofle de laine, & je mis fur cette étoffe un autre pot renverlé, afin que l'air n'y pénétrât pas fi aifément, dans un endroit expolé à être ouvert plufieurs fois le jour: pendant que cette fermentation fe fit, la chaleur de la chambre ne pañla pas le 1 $me degré, & la plus grande chaleur des rafles ne fut qu'à 1642 J'avinai dans le même endroit un val avec du mufcat; mais la chaleur de la chambre n'étoit qu'à 1642, & celle des rafles fut à 1942: c'eft la plus grande chaleur que j'aie obfervée, malgré cela j'eus peu de verdet, les rafles étoient engraiffées, Il fuit des expériences précédentes, & de beaucoup d’autres dont le détail feroit ici trop long, que la fermentation acide néceflaire pour la formation du verd de gris ne réuffit jamais mieux, tout le refle étant égal d’ailleurs, que lorfque le ther- momètre de M. de Reaumur eft à 10 & 1 14, &c. & juqu'à 144 au deflus du terme de la congélation. Je vais parler maintenant de l'air & du local, pour mettré fin à ce Mémoire. L'air eft utile en bien des cas, & nuifible en d’autres; il ne doit être ni trop fec ni trop humide: lextréme féchereffe de l'air fait trop évaporer l'humidité de la cave; cette fécherefle fe communique aux rafles, une trop grande partie du diflolvant que leur fournit le vin, lorfqu'il eft en fermentation, s’élevant en vapeurs, & les rafles perdant auffi une partie de l'acide & de l'eau dont elles ont été pénétrées ; DES SCIENCES 625 pénétrées : c'eft ce qui oblige certains particuliers qui font du verdet dans des caves trop sèches, d'aviner tôutes les fois avec. des rafles bien trempées dans la vinaffe; je veux dire qu'après avoir ôté les lames de cuivre du couvage, on retire aufli les rafles, quoiqu'elles ne foient pas engraiflées, on les remet tremper, & on avine avec d'autres qu'on a toûjours en ré- ferve, qui font bien trempées, & toûjours ainfi de fuite, tandis que dans les caves qui font fort humides on avine avec Jes mêmes rafles dont on a tiré les lames de cuivre, & lon fait cette manœuvre jufqu'à ce que les rafles foient grafles, pour lors on les fait fécher & iremper : dans un autre cas on les rejette, c'eft quand elles font trop brifées ; elles ne {e réduifent en petits morceaux que par la vétufté, & alors elles ne font pas propres pour faire ce qu'on appelle en Chymie ffratum fuper fratum , parce que les lames de cuivre feroient trop entaffées l'une fur l'autre, qu'il n'y auroit pas entrelles affez d'elpace, & que le diflolvant volatil poufé par l'air, n'agiroit pas auffi efficacement que quand elles font entières. Les caves qui font trop sèches, ne font pas bonnes ur le relais; je penfe que cela ne vient que de l'air qui defsèche trop vite les lames de cuivre, voilà pourquoi dans ces fortes de caves on les couvre d'un linge mouillé : trop d'humidité n'eft pas moins nuifible. Jamais Jair n'eft plus humide dans ce pays-ci, que quand le vent eft aù fud-eft; auffi remarque-t-on que lorfque ce vent fouffle avec violence, la fermentation néceflaire poyr Je verd de gris eft toüjours dérangée plus ou moins, fuivant lexpoñition de la cave. À l'entrée du printemps, les caves commencent à devenir hu- mides, & alors l'air extérieur eft plus chaud que celui de la cave; ceft auffi dans ce temps que bien des caves font dérangées par rapport à la fermentation acide: dès que les particuliers s'en aperçoivent, ils font déboucher les foüpiraux des caves, pour que l'air extérieur plus chaud s'y introduife; quand une fois cet air y eft introduit, la fermentation fe fait plus régulièrement. Cela dépend encore de la différente pofition Mém 1753. . Kkkk 626 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE ROYALE des caves, & de leur profondeur : voilà pourquoi on voit quelquefois dans une maïfon où il y a plufieurs caves, que dans Yune le verdet fe fait bien, tandis que dans l'autre il va fort mal. Dans les grandes chaleurs, on bouche les ouvertures des caves, & on les ouvre aufli de teinps en temps pour leur donner de l'air, quand celui de la cave eft trop froid. En général, la plufpart des particuliers de Montpellier font leur verdet à la cave; je n'en ai vû que quelques-uns qui Je fiffént au raiz de chauflée, & quelques’autres aux différens étages de la maïfon, où ils réuflifloient très-bien, fuivant l'em- placement & l'afpet de leur maifon : je penfe qu'il fe feroit auffi-bien dans ces endroits en certains quartiers de la ville, parce que les rues de Montpellier étant fort étroites , une trop grande évaporation feroit moins à craindre. L'été ef la faifon la plus favorable pour le faire dans de femblables lieux. Le verdet qu'on prépare à Pignan, village éloigné de Montpellier de deux petites lieues, ne fe fait qu'au raiz de chauffée dans des céliers, & il y réuffit très-bien. J'ai éprouvé moi-même qu'au premier & au fecond étage il fe fait fi vite, que la fer- mentation ne dure pas en été plus de quatre, cinq, fix, fept & huit jours. I faut avoir foin de bien boucher toutes les ouvertures par où fair peut pénétrer, car autrement il fe feroit une fi grande évaporation, & les rafles feroient fi sèches, qu'on n'auroit prefque point de diflolution, à moins que l'em- placement de la maifon ne füt d'ailleurs favorable, & même en ce cas-là les rafles font toûjours sèches, & on ne-voit pas, comme quand on le fait à la cave ou au raiz de chauffée, que le deffous du rebord du pot foit mouillé, ce qui an- nonce que lorfque le vin fe décompole, il fe fait, comme je Jai dit, une grande évaporation. On doit être fort attentif, quand on prépare le verdet dans ces endroits élevés, à faifir le moment pour couver, fans quoi point de réuflite ; le cou- vage même ne dure pas long-temps: il faut fe fouvenir auffr . de ne pas manquer d'aviner toujours avec des rafles bien wempées; d'ailleurs le relais ne peut jamais être bon conune OS OF DIE SIMS NE MEN UE ef MAN 62% à la cave, le nouveau diflolvant avec lequel on tremperoit les lames de cuivre feroit -bien-tôt defléché, & ï m'auroit pas le temps d'étendre la première diflolution , hi d'en faire une nouvelle; ainfi on feroit toüjours forcé de faire le relais - à la cave, où dans un autre endroit un peu humide, qui ne -füt pas expolé aux courans d'air : on pourroit le faire avec du able bien arrofé de vinafle, fur lequel on mettroit des rafles qui auroient déjà fervi, mais il feroit toûjours fec dans la plufpart des maifons. Il me paroït, & je ne crains pas même de Y'avancer en finiflant ce Mémoire, qu'il y auroit un autie moyen pour bien faire en tout temps le verd de gris; ce {eroit de faire conftruire un local à un raiz de chauffée dont Fexpofition füt à l'abri du grand air & du foleil, de n'y faire que peu d'ouvertures qui fe fermaflent exaétement, & que le deffus fût une voûte bafle faite en forme de dôme, pour l'échauffer quand cela feroit néceffaire; on ÿ conftruiroit un fourneau dans un autre gout que celui qui eft en ufage, ou bien fon placeroit un poële dans le milieu; le degré de chaleur convenable feroit réglé par le moyen d'un bon thermomètre. Je fuis perfuadé que pourvû qu'on employät de bon vin, & que l'opération füt dirigée par une perfonne éclairée, on pour- roit, dans un lieu tel que je viens de l'indiquer, faire beaucoup de verdet en tout temps, & en établir de grandes fabriques: on pourroit encore faire les pots plus grands, & les fermer plus exactement avec d'autres couvercles d’une autre forme : mais pour tout cela il faut-faire des expériences en grand, & fur un grand nombre de pots, fans quoi il n'eft pas poffible de rien donner de pofitif, fur-tout à l'égard du verdet qu'on feroit au premier, au fecond & au troifième étage; car c'eft une règle certaine dans cette opération, que plus on fait de pots de verdet dans une cave, mieux on réuflit à faire cette pré- paration. On a toûjours une règle füre pour eflayer de faire cette opération de manière à ne pouvoir pas s'y tromper, fur- tout fi l'on eft un peu Chymifte: dès qu'on mettra un ther- momètre fur les rafles , le degré de chaleur fera connoître fr 628 Mém. DE L'ACADÉMIE ROYALE DES ScIENCESs. les rafles font prêtes, parce que quand la fermentation eft faite, le thermomètre du vale eft à peu près au même degré que celui de la cave. Enfin, pour ne rien oublier, j'ai vû conftamment dans le grand nombre de caves que j'ai vifitées, que quand la fermentation du vin ne duroit que dix, onze & douze, & quelquefois jufqu'à quinze jours, elle donnoit toûjours beaucoup de verdet, principalement quand elle par- venoit en douze jours au degré requis. EXPLICATION DES FIGURES. La Figure première repréfente un fragment de lame de cuivre fortant du couvage, avec fes cryftaux en forme de hériflon de châtaigne. La Figure 2 démontre le hériffon vûü au microfcope , avec fon globule verd à fon centre. La Figure 3 offre le hériflon vû au microfcope, n'ayant qu'un très-petit globule. La Figure 4 fait voir l'éventail ou aigrette. La Figure j repréfent l'étoile à fix ou fept aiguilles, La Figure 6 démontre le même fragment de lame de cuivre fortant du relais, qui eft recouvert d’une croûte informe, mais grénée. t à U Mer. de l'Ac.R. des Se,1768. Pag. 628. PL 26. Mer. de lAeR 1763 Pag 6n8. Pl 26 =— = = Tyran LA @ Ve dns