reel er à DOS CRT a aa ho ACTTSETS ER La À Ce Sen: h, 3 ses en 1 (14 LY ‘ \ HE M (Rs n DU (EL HISTOIRE. PROD DE LA LOUISIANE» Contenant la Découverte de ce vafte Pays; fa Defcription géographique ; un Voyage … dans les Terres ; l’Hiftoire Naturelle; les _Mœurs, Coûtumes & Religion des Natu- res, avec leurs Origines ; deux Voyages dans le Nord du nouveau Mexique, dont un jufqu’à la Mer du Sud sornée de deux Cartes & de 40 Planches en Taille-douce. Par M. Le Pace pv PRAT à TOME SECOND. S PARIS, - ” * propre du Pays, puifqu’on l’a trouvé cultivé par les Naturels. Ilcroït fur une tige de fix, fept & huit pieds de hauteur ; il pouffe épis gros envi- ron de deux pouces de nn , fur lefquels on a compté fept cens grains & plus ; & chaque pied porte quelque- fois fix & fept épis, felon la qualité du terrein. Celui qui lui convient le micux eft le noir & leger ; la terre for- te lui eft moins favorable. Ce grain, comme on fçait , eft très- scnuulné fain pour les hommes & pour les ani- maux, fur-tout pour la volaille. Les Na- turels laccommodent de plufieurs fa- çons pour varier leurs mets ; la meil- Jeure eft celle d’en faire d la farine froide. Comme il r’eft perfonne qui, même fans appetit, n’en mange avec \ de la Louifiane, $ phifir, je donnerai la maniere de le pré- parer,afin que nos Provinces de France qui recueillent de ce grain en puiflent retirer la méme utilité. - On fait d’abord cuire à moitié cé bled dans Peau, puis on le fait égouter & bien fécher. Lorfqu’il eft bien fec’, On le fait grôler ou rouflir dans un plat fait exprès, en le‘mêlant avec des cendres pour empêcher qu'il ne brûle, & on le remue fans cefle afin qu’il ne prenne que la coùleut rouffe qui lui con- vient. Lorfqu’il a pris cette couleur, on pañle toute la cendre, on le frot- te bien, & onle met dans un mor- tier avec de la cendre de plantes de fa- violes féchées & un peu d’eau ; enfui- te on le pille doucement, ce qui fait créver là peau du grain & le miet tout entier eh gruau. On concafle ce gruan & on le fait fécher au Soleil, A près cette derniere opération, cette farine peut fe tranfporter partout & fegarder fix mois ; il faut cependant obferver qu'on ne doit point oublier de Pexpo- fer de tems en tems au foleil. Pouren manger , On en met dans un vaifleau le tiers de ce qu’il peut contenir ; on le remplit prefque entierement d’eau , & au bout de quelques minutes la farine. À ii Maricre d’ez faire une ben ne ncuiiiture, E. * Hifloire fe trouve gonflée & bonne à manger: Elle eft très-nourriflante, & eft une. excellente provifion pour les Voya- geurs & pour ceux qui vont en traite c'eft-à-dire , faire quelque négoce. Cette même farine froide mélée avec du lait & un peu de fucre peut- être fervie fur les meilleurs tables :;. dans le Chocolat au lait elle foutient très long-tems. On tire de l’eau de vie du Mahiz, &c on fait avec ce grain une bierre for- te &c agréable ; tout le Pays.&c fur-tout les Côteaux fourniffent du Houblonen: abondance. | nl Le Froment , le Seigle, lOrge rade, Por & l'Avoine viennent très - bien dans: se &l’Avoine, Ja Louifiane ; mais je dois avertir d’u- ne précaution qu'il eft néceflaire de: prendre à l’égard du froment. Lorf qu’on le féme feul, & comme on fait en. France , il croît d’abord à merveille » mais lorfqu’il eft en fleur, on voit au bas. de la tige quantité de goutes d’eau rouf- fe , qui s’y amaffent pendant la nuit à la. hauteur de fix pouces & difparoïflent au lever du Soleil. Cetteeaueft fi âcre,. qu’en peu de tems elle ronge la paille, & que l’épi tombe avant que le grain. fe foit formé. Pour prévenir ce male EYE de lu Lowfiane: heur, qui ne vient que de la trop gran: de force du terrein, il faut mêler le éhode pone froment que lon veut fémer , de fei- fémer le Fro gle & de terre féche, de telle forte qu'il y ait autant de terre que de fro- ment & defeigle. Le froment ainfi fé- mé clair eft à l’abri de tout accident. C’eft la méthode que j'aifuivie, & j'ai eu la fatisfaction d'envoyer à la nou- velle Orléans une gerbe defroment, pour défabufer ceux qui publioient qu'onne pouvoit en recuelllir dans ce Pays. Ainfi je fuis perfuadé que lorf- que par une culture afidue cette terre aura été un peu dépraifiée, on pourra- fans crainte y fémer le froment de la même maniere qu'on le féme en France, . Ce qui m’engagea à faire cette ex- _ périence, fut le fouvenir de ce que j'a- vois vû étant encore en France, dans une Province où je failois bâtir. Un jour que je m'amufois à chafler, j’ap- perçus un Lahoureur qui fémoit du fro- ment mêlé de feigle par moitié ; je lui en demandaiï la raifon , vû que la ter- re me paroïfloit excellente. Il me ré- pondif que cetre terre étoit à la véri- té très- bonne, mais en même tems trop neuve pour y fémer du froment pur ; qui ne pourroit sat l'acide de: in “Le Ris bes Févese 7 Hifloire : cette terre qu’il venoit de défricher & qui avoit été unBois taillis comme celui que je voyois à côté ; au lieu que le feigle ne craignant point cet acide , conferveroit ainfi le froment:il m'ajouta qu'il en ufoit ainfi toutes les fois qu'il fémoit une terre nouvellement défri- chée, J’ai vü de l'orge & de lavoine dans le Pays de trois pieds de haut. Le Ris que l’on cultive en ce Pays a été tiré de la Caroline. Il réuffit à mer- veille, & l’expérience y fait voir , contre le préjugé commun, qu'il ne veut pas avoir toujours le pied dans Peau. On en a fémé dans le Pays plat fans l’innonder, & on l’a recueilli bien nourri & d’un goût très délicat. Cette finefle de goût ne doit point furpren- dre, elle eft le partage de toutes les plantes qui croifflent loin des lieux aquatiques & fans le fecours des arrofe- mens, J'ignore fi depuis que je fuis revenu de la Louifiane on a effayéd’en fémer fur les Côteaux. On peut faire deux récoltes fur le même pied ; mais la feconde eff maigre fi on n'y met pas Peau. d On a trouvé dans ce Pays des Fa= violes rouges , noires & d'autres cou- leurs, que l'on a nommées féves de ce \ Pr CVES apalahes ? Sa Course ce Son Fruit Putes de Patales Cote plante ne porle {4 Zloure R Grane fe æ Racine | Se Fer dl T7 de la Louifiane. _ quarante jours , parce qu'il ne leur faut que ce peu de tems pour eroître & être bonnes à manger vertes. Les Féves Apalaches fontainfinom- mées , parce qu'on les a reçues d’une dé DE Nation de Naturels qui porte ce nom. fâches. Is les tenoient , felon toute apparen- ces, des Anglois de la Caroline, où elles avoient été apportées de Guinée, Leurs tiges rampent par terre de quatre à cinq piedsau moins de longueur; leurs feuilles font unies & à peu-près de la même forme que celle du lierre qui s’at- tache aux murs ; maiselles font molles & grafles ; ie font femblables aux favioles , quoique beaucoup plus peti- tes, de couleur de chair. bazanée , ayant une tache. noire autour de l’en- droit par où elles tiennent à lagoufe, qui eft de fix pouces de longueur, fou- vent de fept & huit, & où elles font au nombre pour ke moins de huit & quelquefois de quinze. Ges féves font tendres à cuire. & très délicates , mais douces & un peu fades. Les Patates font des racines. plus communément. longues. que grofies ; leur forme eft. inégale , & leur peau fine eft femblable À celle des ropinam- bours, Élles.ont la chair & un goût fu _ÀA.vs Les Pétates, Ce) Hifloire cré de bons marons. Pour en faire ve nir,on élev: la rerre en buttes:ou en fil. lon: élevés & larges d’un pied & demi, afin qu'elle loit moins humide & que le- fruit ait meilleur goût : aufh choifir-on: la terre la plus maigre, comme celle: des Côreaux : on coupe enfuite par- tranches les patates les plus menues,. en obfervant qu’il y air un œil à chaque tranche ; car c’eft de cet œil que fort: la plante & fon fruit. On en met quatre. àcing tranches dans la tête de la but- te ; en peu de temps elles pouflent des. tiges qui rampent fur terre, & qui ont. jufqu’a quatre pieds & plus de lon- gueur. On coupe ces tiges à la mi-Août à fept & huit pouces près. de terre, &: on les pante conchées en croix dou- ble,dans la têre d'autresbuttes que l'on. ne se Ces dernieres{ont les plus- € Leur culcure. imées, tant à caufe de l'excellence de leur goût, que parce qu’elles fe co:fervent mieux pendant l'Hyver. Pour les garder dans cette faïfon, on: les fait fécher au Soleil auffi tôt qu’el- les font arrachées ; on les ferre en un: lieu bien fec & bien clos , & onles cou- vre de cendre, fur laquelle on répand Miniere de de la terre bien féche. On les fait cuire- les fre cuire, Comme des marons daps la braize, au dé le Eomfiane,, | 4%" * four , ou dans l’eau ; mais la braize & le four leur donnent un meilleur goût, ‘1 Elles fe mangent féches ou coupées par tranches dans du lait fans fucre, parce qu’elles le portent avec elles ; on en fait auf de bonnes confitures. Quel- ques François en ont tiré de eau-de- vie. ou = Les Giromons font des efpeces de potirons. Il y en a de deux fortes : les Giromong uns font ronds, & les autres en forme de Corps de chaffe ; ces derniers font les meilleurs, ayant la chair plus ferme, d’un facre moins fade , contenant moins. de graines, & fe confervant beaucoup plus que les autres ; ce font aufñi ceux. dont on fait des confitures. Pour cet. effet on Les taille en forme de poire ou de quelqu’autre fruit , & on les confit ainfi avec fort peu de fucre, parce qu’ils Leur bonté. font naturellement fucrés. Ceux qui ne es connoiflent pas,font furpris de voir des fruits entiers confits, fans trouver’ au dedans aucun pepin. On ne mange: pas feulement les Giromons en confi- ture ; on les metencore dans la foupe.. onenfair des bignets, on les fricafle » on les fait cuire au four & fous la brai- Ze; & de toutes les façons ils font bons: étagréables.. | À vj; k 4 IE … Hifhoire : Melons,. Toute forte de Melons croïffent à ù fouhait dans la Louifiane ; ceux d’Ef- pagne, de France, & les melons An- glois , que l’on nomme melons blancs, y font infiniment meilleurs que dans les Pays dont ils portent ie nom : maisles plus excellens de tous font les melons “Melons d’eau, d’eau. Comme ils font peu connus en France , où Fon n’en voit guéres que dans la Provence, encure font-ils de là petite efpèce, je crois que lon ne trou- vera point mauvais que j'en donne la: defcription. ; | Sadefeñption: [A tige dé ce melon rampecomme "celle des nôtres, & s'étend jufqu'à dix ieds de lendroit d’où elle fort de ter-- re. Elle eff fi délicate, que lorfqu’on. l’écrafe en marchant deffüs , le fruit meurt ; & pour peu qu’on là froïfle , il s'échaude, Les feuilles font très dé- coupées, d’un verd qui tire fur le verd demer, & larges comme la maïn quand elles font ouvertes. Le fruit eftou rond comme les potitons,'ou long :: il fe trouve de bons melons de cette der=. niere efpece ; mais ceux dé la premiere efpece font plus eftimés:, & meritent de l'être. Le poids des plus gros pañlé. rarement trente livres ; mais celui des plus petits eft toujours au deffus de dix- RULORX Es » Fe de la Louifianes. 13 livres. Leur côte eft d’un verd Pales. mêlé de grandes taches blanches, & la: chair quitouche à cetre côte eft blan- che, crue, &.d’une verdeur défagréa- ble ; aufll ne [à mange-t-on jamais, L'intérieur eft rempli par une fubftan- s; bonne quis ce légere & brillante comme une neige lité. qui feroit de couleur de rofe : el'e fond dans la bouche comme feroit la neige même ,. & laifle un goût pareil à celui de cette eau que l’on prépare pour les malades avec de la gelée de grofeille. : Ce fruit ne peut donc être que très rafraîchiffant, & ikeft fi-fain que de quelque arie qae lon foit AttAqUÉ , on peut en fatisfaire fon appétit fans crainte d'en être incommodé. Les me- lons d’eau d° "Afrique ne font point à beaucoup près li délicieux que ceux de. l Louifiane. La graine-du melon d’eau eft placée Sa gratn@ comme celle du melon de France ; fa es figureeft ovale, plate, auffi- épaiffe à à Les extrémités que-vers foncentre, & a. environ fix lignes de long fur quatre de large : les unes l'ont noire & les autres rouge ; mais la noire eft la meilleure, & Cefl celle qu'il convient de fémer pour étre afluré d’avoir de bons fruits, pourvû qu’on ne la mette pas dans des. - 14 Hifloire ; terres fortes, où elle dégénéreroit &c. deviendroit rouge. | Légumes d'Ets. Tous le: Légumes que l’on a por- née tés d'Europe en cetteColonie y réufif- fent mieux qu’en France, en les met- tan: routes fois dans un terrein qui leur” convienne , car il y auroit de la fim- plicité, pourne rien dire de plus, de. croire que fes oignons & autres plantes: bulbeules y viendroient dans un terrein. moi & aquatique, lorfque par tout ail. leurs il leur faut une terre féche &. légere, : | de la Louifranez. 15 PHAPITRE TE Des Abres Fruitiers de La Louifiane. A Vigne eft fi commune dans la La Vienæ Eu Louifiane, que de quelque côté _ que lonaiïlle, depuis la Côte jufqu’à cinq cens lieues vers le Nord , on ne. peut faire cent pas fans en rencontrer ; mais à moins qu’il.ne s’en trouve quel- que ceps-heureufement expofé à décou- vert, on ne doit point s'attendre que fon fruit ait la maturité requife. Les: arbres aufquels. elle s’attache {ont fi: hauts. d’un feuillage fi épais, & leurs. intervalles fi remplis de cannes dans les bas fonds , que le Soleil ne peut échauf« fer la terre ni mürir le fruit de cette: plante.Je n’éntreprendrai point de dé- crire toutes les efpeces de raifins que ce Pays produit , il r’eft même puéres pote. fible de les connoïîtretoutes ; je ne par- Jerai feulement que de trois ou quatre. Le premicr Raïfin dont je ferai men- 4. fée tion n'en mérite peut-être pas le nom,. Fe quoique fon bois & fa feuille foient ns DITES aflez femblables à la vigne; ilne vient * IS H: fre point par grappes, & on n'en voit jas . mais tout au plus que deux grains en- {emble. I] a la forme à peu-près, la cou leur & {a chair de la prunede damas vio- let , & fon pepin qui eft toujours uni- que, reffemble fort à un noyau. Quei- que fon goût n’ait rien de gracieux , il: n'éft pas cependant de lâcreté défa- gréable du Raïfin que l’on trouve aux. environs de la nouvelle Orléans. Surle bord desPrairies on trouveune: Aütre efpe- vigne dont le farment reflemble à celui ces - du Raifin pineau de Bourgogne. On tire de fon fruit un vin affez patiable, lorf- qu'on 2 l'attention del’expofer au So- leil en Eté , & au froid én Hyver ; c’eft. une expérience que J'ai faite, & je dois. ajouter que je n'ai jamais pi en faire du: vinaigre. Ii eff un autre Raïfin que je ne ferai. Raïfin de Co. Point de difficulté de ranger: dans la. rinthe, - claffe des raïfins de Corinthe. Il en a le. bois, la feuille, la groffeur & le fucre, Le verdeur qu il conferve ne vient que. du défaut de maturité qu’il ne peut ac- uérir dans lombre. épaille des grands arb'es aufquels cette vignes’attache.S’il: étoit planté & cultivé en plein Champ, je ne doute point qu’ 1] n’égaiât le raifin.. de Corintke suquel je l' aflocie.. de la Louifiane. LR à _ Onatrouvéfur des Côteaux bienex- pofés,à la hauteur de trente & un degrés de latitude Nord, des Raïfins mufcats de couleur ambrée, de très bonne qua. lité& fort fucrés : toutes les apparen- ces font qu’on en feroit detrès-bon vin, comme onnepeut douter que ce Pays n’en produifit d’excellent, puifque dans le terrein humide de là nouvelle Orléans les plans que quelques Habitans de cet- te Ville ont apportés de France, ont fort bien réufi, & leur ont donné de bon vin. hi Fa Je ne puis m'empêcher à ce fujet de rapporter ce qui arriva dans cette Capi- tale à un Hlabitant , par où l’on pourra _ connoître quelle eft la fertilité de la RME 2 Louifiane. 1] avoit planté dans fon jar- même Eté. din une treille de ce mufcat, dans le | deflein d’en faire par la iluite un ber- ceau. Un de fesenfans entra avec un pe- tit Negre dans le jardin , qui fe trouva ouvert par hazard ; c’étoit au mois de Juin , tems où le raifin eft déja mûr en ce Pays. Ces deux enfans attaquerent une grappe de mufcat ; & n’efpérant pas avoir le temps dela mänger fur le lieu, ils réunirent leurs efforts pour l’arra- cher & l'emporter. Ils en vinrent à bout en caffant le bois d’où pendoit la grap- Mufcats 18 Hifloire Ç pe. Le pere furvint, & après le bruit ordinaire en pareille occafion, il cou- pa & tailla ce farment caffé. Comme on avoit encore plufieurs mois de bel- le faifon , le cep poufla de nouveau bois , & donna encore du fruit qui: mürit & fut aufhi bon que le premier. Le Piacminier, que les François de la Colonis nomment Placminier, a la feuille & le bois affez femblable à notre Piacminier. Neflier : fa fleur,large de quinze lignes, eit blanche, & compofée de cinq péta- les. Son fruit eft gros comme un gros. œuf de poule ; il a la: forme de nos ne- fles,mais {a chair eft plusdélicate & plus: fucrée, Ce fruit eft aftringent.. Lorf- qu'’ileft bien mêr, les Naturels en font- du pain, qui fe conferve d’une année à l’autre; & la vertu de ce pain, plus pat dope grande que celle du fruit, eft telle, minier. qu'il n’eft cours de-ventre ni diffenterie qu'il n'arrête ; aufli nen doit-on ufer’ qu'avec prudence & après s’etre purgé.. Pour faire ce pain , les Naturels écrafent le fruit dans des tamis fort clairs pour féparer la chair de la peau & des pepins. De cette chair,qui eft comme ane bouil, lie épaifle & de la pâte, ils font des: pains longs d’un pied & demi, larges: . d'un pied, & épais d'un doigt, qu'ils: de la Louifianes 19 mettent fécher au four fur un gril, ou bien au Soleil. De cette derniere façon le pain conferve plus de goût.C’eft une des marchandifes quils vendent aux François. i Les Pruniers font de deux efpe- ces : la meilleure eft celle qui donne des prunes violettes qui ne font point défagréables, & qui certainement Îe- roient bonnes fi elles ne croifloient point au milieu des Bois. Cette forte de ptuniers eft en tout femblable aux nôtres. L'autre efpece porte des pru- nes de couleur de cerife vive 3 le fruit en eft fi aigre, qu’on ne peut en manger 5. mais je penfe qu’on pourroit en faire des confitures comme de gro- feilles, fur-tout f on fe donnoit la peine de les cultiver en pleine terre. Dans cette Province les Merifiers ne font point rares ; leur bois eft très-beau , & leurs feuilles ne diffe- rent en rien de celles du cerifier. Le fruit mis dans de Peau de vie fait une bonne liqueur ; il n'eft pas nécef- faire d’y mettre du fucre, ce fruit en ayant aflez de lui-même. is à ( Les Affeminiersne viennent que fort avant dans la Haute-Louifiane : il fem- ble que ces arbres n’aiment point la cha- Pruniers Merifiege 20 Hifloire leur. Ils ne font point fi hauts que les pruniers ; leur bois eft extrêmement Afeminier: dur & liant ; car les branches baffes font quelquefois fi chargées de fruits, qu’el- les pendent perpendiculairement con- tre terre ; & fi on les décharge le foir des fruits qu’elles portent, le lende- main matin on les trouve redreflées. Le fruit reflemble à un concombre de -moyenne groffeur ; la chair en eft très- agréable &c très-faine ;:mais la peau qui fe leve a:fément laiffe aux doigts un aci- de fi vif, que fi fans les lavèr aufli-tôt . on les porte aux yeux, l’inflammation’ s'y met avec une démangeaifon infup- portable; mais ce mal ne dure qu'un: jour , & n’a point d’autres fuites Les Naturels avoient fans doute tie rés de la Co'onie Angloife de la Caro line les Pêchers &les Figuiers qu'ils: avo'ent, lorfqueles François fe font étae blis dans la Louifiane. Les Pêches font celles que nous nome Pêcher. Fi- mons Alberges ; elles font grofles com- sé me le poing , ne quittent pas le noyau, & ont une eau fi abondante, que lon en fait une efpece de vin. Les Figues font ou violettes ou blanches, groffes & d’un: affez bon goût. DAS 2: SL | : AS co OA TETE DD ZM donviron 20 pieds de haut % R Ko Lu 4 : Ja Æleur RP Ja Zoulle à > Son Lruit Ja Craie D th CONS AR, &e La Louiiane. “27 Culiure & Produit des Péchers. Pour avoir des Pêchers, on plante ‘des noyaux de Pêches à la fin de Fé- vrier : on laifle croître ces arbres, comme tous ceux du Pays en plein vent. Dès-la troifiéme année , on re- cueille au moins deux cens pêches fur le même arbre ; la quatriéme année en rapporte jufqu’à quatre cens, & l'arbre produit de même chaque année Pefpace de neuf ou dix ans, au bout du queltems il meurt, On fe confole aifément de cette perte, parce que Pon a.du terrein excellent & en quantité, pour en faire venir à difcrétion, ce qui ne coûte que la peine de mettre de tems en tems queiques noyaux en terre : d’ailleurs les récoltes abondan- tes que l’on a faites fur un arbre fi fé- cond & en fi peu de tems, font que lon fe conforme fans murmure , aux loix de la Nature, qui ne permet point que ces arbres vivent plus long-tems. Les Orangers &les Citronniers que l’on a apportés du Cap François, ont fort bien réufhi: cependant j'ai vû un Hyver fi rude,que les arbres de cette ef- pece furent tous gélés jufqu’au tronc. … Onlescoupaàärafe-terre, & ils repouf- 22 Fifloire ferent destiges plus belles qu’aupara- Drneero-Vant. Sices arbres ont réufli dans le “Orangers.Ci- que TL n | groniers. terrein plat & humide de la nouvelle ‘Orléans, que n’en devroit-on pas efpé- rer Gans une terre meilleure, .& fur des -Côteaux bien expofés? I1ne doit point paroitre étonnant que dans un Hyver très-rude , ces arbres ayent beaucoup fouflert ; ils étoient dans une terre trop aquatique, & il eft bon de faire atten- tion qu’on ne les encaïfle point comme en France, & qu’ils font ainfi expofés à toutes les injures de Pair. Les oranges & les citrons {ont aufl bons qu'ailleurs 5 mais l'écorce de l’orangeen particulier eft très épaifle, ce qui la rend plus con: -venable à en faire des confitures. Onne manque pas dans la Louïfiane de Pommiers fauvages femblables aux nôtres. Il s’y trouve à préfent des arbres fruitiers portés de France, comme pom- miers, poiriers pruniers, cerifiers & autres femblables, qui dans les terres bafles, produïfent plus en bois qu’en fruits 3 au lieu que le peu que j’avois aux Natchez, prouvoit que les terres Pormiers hautes leur font plus favorables, Poïricrs& ae Le Bluet eft un arbufte qui excé- _% de de peu nos plus grands grofeillers, que lon laifleroit croitre fans les arré- "de la Louifiane. 2% ter, Ses fruits font bleus & de la for- me de la grofeille, mais détachés les uns des autres & non par grappes. Ces grains ont un goût-de grofeille fucrée ; onen fait une liqueur très-agréable en les mettant dans de l’eau de vie,même fans fucre. On lui attribue plufieurs vertus,queje ne connois pas afflez pour pouvoir en répondre, Cet Arbufte fe plait dans une terre maigre & grave- Aeute: |: f La Louifianne ne produit point de Müriers noirs ; mais depuis la mer juf. qu'aux Arkanfas, où l’on compte deux &ens lieues de navigation par le Fleu- ve, on en trouve trés-communément de trois efpeces : l’une a fon fruit rou- ge clair, la feconde le porte abfolu- ment blanc, & la troifiéme blanc & fu- cré. La premiere de ces efpeces eft très-commune, mais les deux dernieres font plus rares. Avec les Müûres rou- ges on fait de très-bon vinaigre qui fe conlerve long-tems, pourvû que l’on ait la précaution, lorfqu’il eft fait, de le tenir à Pombre & bien bouché, au contraire de ce que l’on fait en Fran- ce. Au bout d'un voyage de cinq ou Plucts Müriet, fix mois’, jen ai trouvé dans ma mais {on , qui étoit très-bon & fait quelque +4 Hijhoire tems avant mon départ. On en fat inaigre de auf avec des mûres de ronces, mais 1l Büres. Olivierse n'eft pas tout-à fait fi bon que celui dont je viens de parler. Je ne doute ‘ A , - point qu'à préfent on ne s’applique . ferieufement à la culture des müriers, | pour nourrir des Vers à foye; travail quin'eft au fond qu’un ouvrage de fermes & d’enfans, fur-tout EME que les Pays voifins de la France, où elle fe fournifloit de foye, en ont ren- due lafortie difficile. Les Oliviers dans cette Colonie; font d’une beauté furprenante: la ti- ge jufqu'aux branches a quelquefois “trente pieds de hauteur, & un pied & demi de diametre. Les Proyençaux qui font établis dans la Colonie, affü- mate por.rent qu'avec ces olives on feroit d'aufs ves, fi bonne huile que dans leur Pays. On a prépare de ces olives pour les man- œer vertes, qui {e font trouvées auffl bonnes que celles de Provences j'ai lieu de croire que fi on en plantoit fur les Côtes, elles feroient d’un goût plus ‘fn. Les Noyers font en très-grand nom- bre dans ce Pays & de plufieurs efpe- ces: leur feuille eft femblable à celle des nôtres, & proportionnée à la Ce _ {eur | ù dla Pouifians 2 feur du fruit qu'ils portent (1). Il en eft de très-oros , dont le bois eft pref= que auffi noir que l’ébene ; mais il a fes pores très-ouverts. Leur fruit avec fon bois eft de la groffeur d’un œuf de poule ; la coque en eff très-raboteufe, fans céfures, & fi dur, qu'il faut un marteau pour la caffer. La chair eft er veloppée d’un bois fi fort, que quoi- qu’elle foit d’un très-bon goût, la diffi- culté de les tirer en fait perdre l'envie: cependant les Naturels en font du pain. Premiere ef- Commtils venoient en ramañler fur” ma Conceflion, où j'en avois un Bois de Haute-Futaye d’environ cent-cin- quante arpens , je fus curieux de voir par quelle induftrie ils parvenoient à détacher cette chair de fon bois. Je les vis, après avoir caflé & pilé les noix, les mettre dans de grands vaifleaux, où ils jetterent beaucoup d’eau ; ils frot- … cerent enfuite cette efpece de farine, … & la manierent long-tems entre leurs _ mains, de forte que le bois & l’huile … delanoix, qui eft très-abondante dans ce fruit, vinrent au-deflus de l’eau, & la chair dégraiflée tomba au fond par k LA (ya un autre Noyer dont le fruit eft Le même, mais dont le bois eft très blanc, Tome IL LL 4 26 27) Etre fon propre poids. Il eft à préfumer qu’en greffant ces arbres avec du Noyer de . France, on parviendroit à les rendre plus utiles. | Tsotfeme ee D’autres Noyers ont le bois trèse Pecee | blanc & très-liant. C’eft de ce bois que les Naturels font leurs pioches courbes pour farcler les Champs. La noix en eft plus petite que les nôtres, & la co- que plus tendre ; mais la chair en eft amere, que les Perroquets feuls peu- vent s’en accommoder ; elle eft pour eux le mets le plus friand, ce qu'ils té- moignent par leurs cris 7 lorfqw’ils font perchés fur quelques-uns de ces arbres. Ïl y a encore les Pacaniers dont le à uit eft une efpèce de noix fort petite, se ef & qu’on prendroit au coup d'œil pour je des noifettes , parce qu’elles en ont la forme, la couleur, & la coque auf tendre ; mais en dedans elles font figu- rées comme les noix : elles font plus dé al he licates que les nôtres, moins huilleufes Lance, & d’un goût fi fin, que les François en font des prâlines auff bonnes que celles d'amandes. Noïfeuter La Louifiane produit des noifettes ; mais en petite quantité, parce que le Noifetier demande une terre maigre & Pacaniers. f ï de La Louifiane. ar praveleufe, qui ne £e trouve dans cette Province que dans le voifinage de la Mer, & fur-tout vers la Riviere de Mobile. | On ne rencontre de Maronniers qu’à cent lieues de la Mer, loin des Rivieres au fond des Bois, entre le Pays des Chat-Kas & celui des Tchicachas : auf fi n’en a t-on qu’avec peine Leur fruit eft auffi gros & auf bon que ‘nos ma- rons de Lyon. Les Chataigniers ne viennent gue- res que fur les Côteaux les plus élevés, ceft-à-dire, dans les terres les moins grafles. Leur fruit eft femblable aux chataignes qui fe trouvent dans nos _ Bois. Il eft encore une autre efpece de Chataigniers que l’on nomme Chatai. . % l e Ch e gnier-gland, parce que fon fruit eft de Rat ap là forme du gland & vient dans une coupe pareille ; mais il a la couleur & le goût de la chataigne ; le bois & la feuille font les mêmes que du Chatai- gnier. En le voyant j'ai perf: qu’il étoit fans doute ce gland dont on dit que vivoient nos premiers peres, Le Copalm réunit deux grandes qualités; l’une, d’être extrêmement commun , l’autre de donner un baume dont les vertus font infinies; fon écor- B i) Maronniers Chataïgniere 8e d’ors —— 23 « Hiftoire | | Copim ce eft dure & noire , & fon bois fi ten- | dre & fi fouple,qu'en l'abbattant il fort | de fon cœur des baguettes de cinq à fix | | Sa defcripüon. pieds de longueur. On ne peut lem- | ployer à aucuns ouvrages à caufe qu’il travaille fans cefle, &c fe tourmente de relle forte, qu’il fe met dans des figu- res {urprenantes que l’on ne voit dans aucun bois du monde. Onn'ofe même le brûler parce que fon odeur eft trop forte, quoiqu'elle {oitagréable lorfque l’on n’en brüle qu'une petite quantité, Sa feuille eft découpée en cinq comme une étoile. | Je n’entreprendrai point de détail- ler toutes les vertus du baume de Co- palm, ne les ayant point toutes appri= fes des Medecins Naturels de la Loui- cesverus, : fiañés QUI feroient aufli étonnés de voir qu'il ne nous fert que pour faire des vernis , qu'ils Péroient lorqu'is voyoient nos Chirurgiens faigner leurs malades. Je dirai donc feulement ce qu'ils m'en ont découverts Ce baume eft un très excellent fé= brifuge : on en prend à jeun & avant fes repas dix ou douze goutes dans du bouillon : quand même on en mettroit davanragé , on ne doit pas craindre qu'il fffe aucun mal , il eft trop ami de Ja nature. Les Medecins Naturels ob- Qualité fin- guliei Ce orodiué Le Beaune de Jon des Le’, Copain , a S Cæ SEE EE ——— en — ( » ul OotesE Son£pr. mt 2 "1 fi] press 7 8 R. |“. LS ( un nue D f f 14 À . Gi HTTTE À AN || Ni lu lu \ DL Z NH | LA \ \ ju ! AA "7 de la Louifiane. 59 fervent de purger le malade avant de le donner. Il guérit les bleffures en deux jours fans.aucunes mauvai es fui- tes ; il eft ésalement fouverain pour toutes fortes d'ulcères, après y avoir appliqué pendant quelques jours un emplätre de lierre terrefire pilé. 1l guérit la pulmonie , illeve les obftruc- tions, il délivre de la colique & de toutes les maladies internes, il réjouit le cœur ; enfin, il renferme tant de vertus, que j'apprens avec plaïfir que tous les jours on lui en découvre de nouvelles, | # Son baume, Cédre, Ciprée ao Hifioire RCE CD DCE PE OP CHAPITRE LIL. © Des Arbres de hautes futayes : Leurs qualités + Leur utilité : Maniere de conftruire une Pirogue : Façon de la cire qui croît-fur l Arbre Cirier. Es Cédres blancs & rouges font très - communs fur la Côte ; ce bois, comme on fçait, eft incorrup- cible , tendre & facile à travailler , lé- ger , & par conféquent aifé à tran{por-_ ter, & d’une odeur agréable , mais fi forte qu’elle fait fuir tous les Infeétes.. Toutes ces propriétés l’avoient fait employer préférablement aux autres bois par les premiers François qui fe: font établis en ce Pays, pour former leurs maifons , qui étoient d’une char- ente peu élevée. : Le Cipre eftaprèsle Cédre le bois e plus précieux ; quelques-uns le difent incorruptible ; s’il ne l’eft pas ; il faut du moinsunelonguefuited’années pour le pourrir. L’arbre que l'on a trouvé en terre à vingt pieds de profondeur e- , << 0 TE [ | Li | | | PE | Ve | _ | | \ | ; | ù | "NS | \ù \ \k en | | de la Louifiane. 3x près de la nouvelle Orléans, étoit un cipre ; il n’étoit point corrompu ; ce- pendant fr en cent ans fa terre de la Bafñle Louifiarie eft augmentée de deux lieues , il eft néceflaire qu’il y ait plus de douze fiécles qu’il foit en terre (r). Cet arbre s’éleve extrêmement droit & haut, & acquiert une grofleur pro ‘portionnée. On en fait communément des Pirogues d’un feul tronc d’un pou ce & plus d’épaiffeur , qui portent des trois & quatre milliers , il s’en fait en- core de plus grofles : il y a un de ces ar- bres (2) au Bâton Rouge, qui a douze brafles de tour & une hauteur tout-à< fait extraordinaire: le cipre a peu de branches : fes feuilles font très-longues & menues, & l’on voit {ortir de fon pied des côtes qui luifervent de eontre- forts, & qui font faillantes quelquefois d’un pied & demi. Son bois eft d’une belle couleur tirant fur le rouge, il efttendre, leger, doux , uni ; lefl en eft droit, & les pores en font fins. I] ne fe fend point de lui-même, mais Fxeellenres feulement & fans peine fous l’outil de nue de ce (1) Voyez Tome I. Chap. XI. (2) Le Bäton Rouge eft une Habitation Françoife à vingt-fix lieues au - deflus de la nouvelle Orléans, B iv \ ES _— 2 | Hiftoire louvrier ; & quoiqu'employé prefque verd , il ne travaille jamais: he » U c’eft un bois qui fe prête à touteeque Jon demande de lui, Au refte cet ar- bre fe renouvelle d’une façon particu- lire. Quelque tems après qu’on l'a coupé, on voit fortir de fes racines un jet de la forme d’un pain de fucre, qui a toujours de groffeur le quart de fa hauteur. Il s’éleve ainf fans poufler aucune branche , quelquefois jufqu’au- delà de dix pieds, & c'eft par la tête qu’il fe développe, fans poufier ni feuil- les ni branches. . Le cipre étoit fort commun à la Louifiane ; mais on l’a fi peu ménagé, Je 9 son wutiré, qu'il eft devenu un peu rare, On l’ab- battoit dans le tems de fa féve pour avoir l'écorce , dont on couvroit les méifons par piéces de fix pieds de lon- - gueur, & l'on fcioit le bois en plan-. ches, que l'on vortoit vendre hors du. pays de côté & d'autre. Dans le com- mencement une planche d’un pied de large , de dix pieds de long, & d'un pouce & demi d’épaifleur, fe donnoit pour dix fols ; on m’aflure qu'aujour- d'hui elles valent trente fois prifes fur le lieu. | | Eonfrufion Je viens de dire que les Pirogues 3 d'une Piroguee | (a : > LE u CE - , Æ. pu. L. 0 UE à SAN “A 1 "de la Louifr ifiane. “pt | qui font un grand ufage dans ce Pays; fe faifoient d’un feul tronc de cypre. Pour faire une Pirogue ; on jette à bas ün arbre convenable que l’on fait tom- bér far un Ait de bois &” ‘de ‘cannes. On mét enfuite deflus le côté de l’ar- bre, qui doit faire le deffous de la Pi- togue ; on fait dans le milieu un trait de ligne , & un autre trait de chaque côté fur le bord à diftance égale , après quoi on forme le deflous & les deux bouts de la Pirogue : l’on fait _ encoré dans le deffous des trous avec une vrille dela profondeur que la Pi- rogue doit avoir d’épaifleur. On re- tourne l’arbre comme la Pitogue doit | être, & comme fi elle étoit déja à | Pos: on drefle le defus, on dfeufé l'ar- bre, en prenant bien garde den’6- ter du bois que jufqu'aux trous de vril- le qui marquent l’épaifleur du fond de la Pirogue ; ces trous fe bouchent avec des chevilles, qui entrent par force. Jon avoit propoé à M. Dartaguet- | te d'Iron, à qui appartenoit la Con- ceffion de Bâton Rouge , de lui faire une Pirogue de quatorze tonneaux (1) pour fon Cypre du Bâton rouge, d ue (1) Le tonneau péfe deux mille. Tome Il, Bv 54 . ott Pignon ou Ja Cranc de la Louifiane. 37 Louifiane, où les Abeilles s’établiffent en terre , pour mettre leurs tréfors à couvert des ravages des Ours qui en font très friands, & qui craignent peu leurs piqûres. Au prernier coup d’œil, son utilité tant par fon écorce que par fa hau- teur ,; on le prendroit pour l’efpéce de Laurier que les Cuifiaiers employent. Il vient en touffe dès le pied; fa feuill a la forme de celle du Laurier, mais elle eft moins épaifle & d’une couleur moins vive. Son fruit vient par bou- quets, & jetteune quantité de queues qui fortent du même endroit , longues d'environ deux pouces, au bout de chacune defquelles eft une efpèce de petit pois compolé d’une amande renfermée dans un noyau tout couvert de cire. Ses fruits fe trouvent fur l'arbre en très-grande quantité , & font d'autant plus aifés à cueillir , que ce bois eft extrémement fouple. Il vient à l'ombre des autres arbres aufli-bien _ qu’au Soleil, dans les lieux aquatiques, comme dans les terreins fecs & dans le pays chauds comme dans les froids 3. car quoiqu'il croiffe en abondance aux environs de la Nouvelle Orléans . qui Cft par les trente dézrés de lati- tude Nord, il vient également bien Sa defcriptioïf Ses fruits} Sa Ciree 38 | Fifloire fort avant vers le Nord, & l'on m'a affuré qu’il y en avoit dans Le Canada, Pays aufi froid que le Danemark. La Cire que cet arbre produit eft de deux efpeces ;. lune eft d’un jaune blanchâtre & l’autre verte. On a été longtems fans pouvoir les féparer, 8c on les confondoit enfemble felon la premiere méthode que l’on a fuivie pour les extraire, En effet on jettoit . es graines avec leurs queues dans une grande chaudiere d’eau bouillante, la: Cire fe décachoit , & alors on écumoit les graines & les queues. On laifloit Manÿere dela enfuite refroidir l’eau , la Cire fe f- faire, geoit, & on la mettoit en pain qui étoit d’un verd pâle. Cette Cire ce- pendant blanchifloit en moins de tems que la Cire des Abeilles. Un hazard , comme il eft affez ordinaire, a appris depuis peu la façon de féparer ces deux Cires. Sur les graines & leurs queues que l’on met dans un vaiffeau , on jette de l'eau bouillante en aflez grande quan- tité , pour qu’elles en foient furmon- tées. Peu après , c'eft-à-dire, envi- ron un Âiferere, on verfe cette eau dans un autre vaïffeau froid ; en ferez froidifant la Cire fe fige, & celle-là eft la Cire jaune blanchâtre qui ache- de la Louifiane. 23 ve de blanchir tout-à-fait , étant ex poflée au ferein pendant fix ou fept jours. On rejette enfuite l’eau fur les graines & les queues, & on les fait bouillir à difcrétion , jufqu’à ce que Von juge que toute la Cire en eft dé- tachée. L'une & l’autre fe tranfportent aux Îfles, où la premiere fe vend cent _fols la livre, & la feconde quarante fois. | Cette Cire eft fi féche, qu’elle fe cafe en plufieurs morceaux fi on la laifle tomber ; aufli dure-t-elle beau- coup plus long-tems que celle de Fran- ce ; ce qui fait qu'aux Jfles on la pré- fére à celle-ci qui s’amoilit à la chaleur de ces endroits , & ne dure pas plus que la chandelle ordinaire. Je confeil- lerois volontiers à ceux qui en culti- veront , de féparer la graine de la queue avant de la faire bouillir ou de faire aucune opération fur ce fruit ; parce que la queue eft plus verte que Son prixé . Sa bonté la graine, & qu’élle paroît décharger facilement fa couleur. - L'eau qui a fervi à fondre cette Cire Weft rien moins qu'inutile : elle a reçû de ce fruit une vertu fi aftringente, ’ el! d he le { ei RCE ’ ‘ fair qu'elle durcit le fuif que lon y fait fondre , au point que là chandelle que Utilité de leaf dans laquelle on a fondu la CirCe 40 … Fifloire Von en fait eft auf ferme & dure que la bougie de France. Cette même ver- tu la rend unSpécifiqueadmirable;pour le cours de ventre & la diffenterie , & fes effets font plus certains que ceux de PIpécacuana , après néanmoins que l’on -les François de la Louifiane le culti-. €otonnier. a préparé le malade felon la coûtume, _ On croira fans peine, après ce que je viens de dire de l’Arbre Cirier, que vent avec foin & en font des Planta- tions. Le Cotonnier eft un gros arbre qui ne mérite point le nom qu’il porte,fion ne le lui a pas donné à caufe de auel- ques barbes qu’il jette: fa feuille eft découpée en cinq pointes ; fon fruit qui renferme fa graine eft gros comme une noix & n’eft d’aucun ufage ; fon: bois eft jaune , uni , un peu dur, fans files , & très-propre à la Menui- ferie. Son écorce fine eft fort unie 3 celle de fa racine eft fouveraine pour les.coupures , & fi rouge qu’elle peut teindre en cette couleur. | E’A gacia eft le même à la Louifia- ne qu’en France, beaucoup plus com mun & moin droit. Les Naturels le. momment aux Natchez Tchiou-Outip, qui figniñie bois dur ; les Tchicachas en" 11 ré { LUS PHONE ’ AP, FES ANGES SNS LL RL) A: PT TL TITI FL 7 JE me 4 LIL , f, ZT 2) mr, LS M oh L # A: +2 ses ES he NON SS de la Louifrane. 2 GT Etay-Camaffa, ce qui fignifie la même chofe. Ils en font leurs arcs , parce _qu’il eft très-roide ; ils le regardent comme un bois incorruptible , ce qui engageoit les François d’en conftruire leurs Bâtimens : malgré fa dureté, il faut lui ôter abfolument toute fon écor- ce, parce que pour peu qw'ikenrefte, il prend racine, | _ Le Houx vient d’une hauteur & Ho d’une groffeur furprenante dans cette Province. J'en aï vûü de plus d’un pied _& demi de diamétre , & d’environ trente pieds de tige fans branches. … Le Mangiier eff très-commun dans toute l'Amérique ; il croît à la Loui- _ ffane dans le vo finage de la Mer fur le bord des eaux mortes. Il eft plus nui- fible qu'utile, en ce qu’il veut de la bonne terre, qu’il en occupe beau- coup , & que fes racines qui s’étendent dans l’eau empêchent l’abordage à ceux qui navigent , & donnent une retraite sûre aux Poiflons contre les travaux & Padreffe des Pêcheurs. Le Chêne abonde dans la Louifia- Chêne: ne : il y en a du rouge, du blanc Roue es du verd. Un Conftruéteur Malouin cs de Chênes: m’a afluré que le rouge étoit auffi bon que le verd , dont on fait tant de cas. + Manglien 4: : Hifloire | en France, Le Chêne verd eft plus commun vers le bord de la Mer qu’ail- leurs : en un lieu nommé Barataria, qui eft une efpéce d'Ifle dont j’ai par- lé (1), entre la Mer & les Lacs, on en voit une lifiére d’un quart de lieue de largeur , &c longue d’une lieue. _ Comme ces Chênés fe trouvent par tout , & principalement fur le bords des Rivieres , il eft facile de les tranf- porter où l’on veut , & cefera, quand on le jugera à propos, une grande ref- Leur qualité. fource pour la Marine de France. J'ou- bliois de parler d’une quatriéme efpece de Chêne, que l’on nomme Chêne noir, à caufe de la couleur de fon écor- ce : fon bois eït très-dur & d’un rouge foncé. Il croît fur les Côteaux & dans les Prairies. J’en avoit faitabbattre un -qui avoit un chancre ; ayant été lexa- miner après une pluie qui venoit de tomber , je vis qu'il en fortit une eau rouge comme du fang , ce qui me fit juger qu'il pouvoit être propre à la teinture. ti Le Frêne eft très-commun dans ce Pays, plus encore fur les Côtes de la Mer que dans les terres: cependantce- , Î Frène, (1) Voyez Tome I, Chap. XXI. y als SELCPPREE 15 25 ‘ < À 6 S « RE n' | FA: fe Tilleul a jéulle C vupeë | AN | FN) A £ Ne Ye | de la Louifiane, . 43 lui qui vient fur les Côteaux eft d’une meilleure qualité que l’autre, & moins fendant, Comme on le trouve plus fa- cilement, & qu'il eft plus dur que l'Or- me ; les Charrons s’en fervent pour fai. re des roues, qu’il n’eft pas néceffaire de ferrer dans un pays où il nya ni pierres ni graviers. _ L'Orme, le Hêtre. le Tilleul & orme, Hécre, le Charme font à la Louifiane les mê- Tilleul, Char- mes qu’en France ; le dernier de ces” “arbres y eft très-commun. | Le Tilleul du Pays a fon écorceéga- Tilleul du lement propre à faire des cordes telles Pays ue l’on en fait en France avec celle 4, Filleul ordinaire ; maïs fa feuille eft une fois plus grande , & faite comme - un Trefle allongé, dont la cime feroit coupée. Les Bois blancs font le Tremble, PAune, le Saule & le Liart ; ce der- Bois Blancss nier vient très gros, fon bois eft blanc & leger, les filamens font entrela- cés, ce qui a peut-être occafionné de lui donner le nom qu’il porte, car il il ef très-liant & fe fend difficilement; c'eft pour cela que l’on en fait de gran- des Pirogues. 44 _ Hifoire CHAPITRE LV. Des Arbufes & Excroi[[ances:Conftruc= tion d’un Canoï. nairement petit, & qui ne vient pas plus pros que la jambe, peut être arce qu’il eff très fouvent coupé , car es Naturels en font un grand ufage, Sa feuille eft d’un verd jaunâtre , ova- le , longue d'environ trois pouces, lar- ge de la moitié & luifante, ce qui la fair rellembler au Laurier amandé ; mais on les diftingue facilement en les \ brovant l’une & l’autre dans la main par l’odeur qu’elles donnent ; celle da Laurier étant aflez agréable, & celle du bois puant étant difgracieufe. Le bois eft jaune , & rend une eau d’une pareille couleur lorfqu’on le coupe dans fa féve ; Pune & Pautre d'auffi mauvai- Le ait fe odeur que la feuille. Les Naturels ture s’en. fervent pour les teintures, Ils le coupent par petits morceaux, le con caffent, puis le font bouillir dans l’eau, pañlent cette eau, & y mettent trem- _ Bois Ayac, | E Bois-Ayac eft un arbre ordi-- = mm, a — ——— à PR … Pois Lyc, ou, Pois puañt 7, 7 1h La Foulle tint en Jaune corrurte L Bou ie mar plur Pale l'2,9°44 | _ a ; qe Nérnt An AfCt MA til Nr a pi ten ANNEE 43 ne ; hr - de la Touifiâne. 4$ per les plumes & le poil qu’ils ont coû- tume de teindre en jaune , avant de les teindre en rouge. Ils obfervent pour cette opération de couper le bois en hyver ; mais lorfqu’ils veulent feule- ment donner une legére couleur à leurs peaux, car ils n’aiment guères le jau- ne , ils ne font aucune attention à la faïfon , & coupent le bois en tout temps. Je penfe que ce bois eft onc- tueux & réfineux, & qu'il viendroit, comme j'ai dit. plus gros & plus haut , fi on lui donnoit le tems de croître. Le Machonétchi ou Vinaigrier , eft un arbriffeau dont les feuilles ont quel- que reflemblance à celles du Frêne ; mais la queue à laquelle tiennent ces feuilles eft bien plus longue. Lorfque ces feuilles font féches, les Naturels les mêlent avec le tabac pour l’adou- cir, parce que pour furner ils n’ai- ment point que le tabac foit fi fort. La vertu du bois eft d’être aftringent s fi on le met dans le vinaigre, il en augmente Îa force. . L’Arbre nommé À palachine, eft un arbriffeau dont le bois ne croît point au-deflus de quinze pieds : fon écorce eft liffée ; fon bois pliant porte une graine, dont les Merles , Geais & au- Machonäché, Ses qualitésg… Apalachineà A6 Hifloire tres oifeaux noirs font très-friands. Sa feuille large comme le doigt par le haut , diminue jufqu’a fa queue où elle n’a que deux lignes de large ; elle eft toute dentellée ; cette feuille prife en Se defes guife de Thé eft bonne pour l’efto- po mac : les Naturels, pour en avoir une boiffon qui ennyvre , la font bouillir long-tems, & diminuent ainfi la li- queur, qui eft plus forte à proportion qu’elle eft diminuée. Be dan dE Bois d'Amourette ne croît point rettee | au-delà de dix ou douze pieds, & fa groffeur eft très médiocre. Il eft tout garni d'épines groffes , courtes & faci- les à détacher. Son bois renferme une moëlle prefque auffi groffe que celle du Sureau ; fa feuille approche pour Ja forme de celle de ce dernier. Cet arbriffeau a deux écorces comme tous ces arbres: l’extérieure eft prefque noi- re , intérieure eft blanche tirant un peu fur le rouge , mais très-pâle 5 c’eft celle-ci feulement qui rend cet arbrifleau recommandable : cette écor- Ses qualités, ce tient au bois , & à la vertu de gué- rir du mal de dents. Pour cet effet, on en prend gros comme une févé que lon met fur la dent malade, & onla mäche jufqu’a ce que la douleur celle, \ AMI M Riu D DPTET EN N MNT LAN , h A) n " | y ME AG AN LATE os LE 712 CAES L The g PE pi. FE A LD) fps; RIT, ECC RS == D z CL / CZ en Ta AS EE A, a Te Wa ANS ES | STE cuuille fer Croches = 7 cWsance : É Parbue Layie 8 CT TI Ja Zeulle THE delaLoutfiane. 47 Les Matelots & autres gens fembla- la pulvérifent , & en ufent en guife de noivre. - L’Epine de la Paffion ne vient pas beaucoup plus grande que ce que l’on nomme arbrifleau , mais fon tronc eft aflez gros pour fa hauteur. Son efpece ft en grande eflime chez les Natchez, fans que jamais j'aie pû fçavoir pour quelle raifon; je fçais feulement qu’ils difoient que ce bois étoit de beaucoup de yaleur(1). Le corps de l'arbre eft af. {ez gros à proportion de fa hauteur & de fes branches ; fa feuille eft com- me celle de PEpine noire; tandis que on bois eft verd , il n’eft pas fort dur ; mais {es épines font très-dures & per- Çantes, & longues au moins de deux pouces : à un demi pouce de leur naïf- fance, ces épines en ont deux petites qui font la croix parfaire. Le tronc de l'arbre même eft garni près à près de ces épines depuis la terre jufqu’à la “cime des branches , enforte que l’onne | sh en approcher, ni le couper fans beaucoup de précaution. … (1)Les Naturels fe fervent en leur Langue “de ce terme, pour exprimer ce qui eft ou très- ftimable, ou de grande conféquence, on fort Æxtraordinaire, é> ef Epîne de 14 aflione - Sureâle a vertu, Latänier. Ba defeription. Lerjr que celui des Indes Orientales 3 Ufge de fs rampañlent. Îl eft fort commun dans: feuilles. 48 Hifloire | Le Sureau eft femblable à celui de France, à exception de fa feuille quis eft plus dentellée ; le fuc de fes feuilles mêlé avec du fain-doux , eft également fpécifique pour les Hémorroïdes, j'enk ai vû l'expérience. : Le Latanier a fes feuilles faites enk éventail ouvert,& découpées à l’extrés mité de chacun de leurs plis : fon écor ce eft plus noueufe & plus raboteufe ue celle du Palmier. Quoique plus! il peut fervir aux mêmes ufages. Son bois n’eft pas plus dur que la tige d’un» choux , & fon tronc eft fi mol, que le: moindre vent fuffi pour le coucher par terre ; aufli n'en ai-je point vü qui ne la Bafle Louifiane , oùil n’y a point de Bœufs fauvages ; car ces animaux qui, -en font très-friands , & que cette nour= riture engraifle extrêmement, le manx gent par-tout où ils le rencontrent.) Les femmes Efpagnoles font avec les feuilles des chapeaux, qui ne péfent qu’un once , des capotes pour les fem= mes, & d’autres jolis ouvrages ; je ne doute point que linduftrie Françoife. ne les égale, lorfqu'’elle voudra mettre. Lalantier ps æ à Te D N RUN il « | Il it IE | l ï RC ESE BR es { pr | de la Louifane. é œuvre utfe matiére fi fouple & fufcep- tible de tant de formes. Le Bouleau eft telque celui deFran- ce. Dans le Nofd on en fait des Canots affez grands pour porter huit perfon- nes; on les nomme de huit places ; niere de faire ces Canots.Ceux qui vers lent conftruire un Canot, vont dans le temps de la féve choifir dans le Bois “un Bouleau de Îa groffeur convenable pour la voiture qu’ils ont envie de fai- re. Ils cernent l'arbre dès le bas du tronc, ils montent au haut de la tige u'ils cernent de même jufqu’au vif bois ; on fend enfuite l’écorce en ligne perpendiculaire depuis le cerne du haut jufqu'à celui du bas ; on leve cette écorce du haut en bas avec des coins de bois tantôt d’un côté, tantôt de l’autre , jufques à ce que l’écorce foit entierement détachée du corps de arbre. Quand on a cette écorce, on joint les deux coins de chaque bout pour faire les pinces, puis l'on coupe le ae [NN ufues & ointes de gomme ; vncoud Tome IT, ceux qui {ont .plus petits , fe nomment de même à proportion. Voici la ma- deflous de ces pointes pour faire & [achever les deux pinces, lefquelles fonc. Boulesgs Conftru&tos d’un Canot, ÉLO) Hifloire demêmelescourbes,on bouchêles trous & onles enduit de gomme.On fait dans le fond du Canot un plancher de fortes _écorces , afin qu’il ne fe créve pas lorf- qu’on le charge ; il y a un petit mâtAU— quel on met une voile proportionnée pour aller à la voile dans les Lacs =. dans les Rivieres on rame à la pagaie en fe tenant à genoux & bien en équi- libre. Lorfqu’on met à terre avec ces voitures, on décharge tout ce qui eff dedans ; on arrange le tout , lorfquil eft à terre, de façon que le Canot ren- verfé & porté fur quatre petites four- ches puifle fervir de couverture à tou tes les marchandifes. | Je ne doute point que la Louifiane ne produife dans fes Forêts une grande quantité d’autres arbres qui mérite- roient que l’on en fit mention ; mais Je n’en connois point , ni même n’ai point entendu parler que de ceux dont j'ai parlé dans les Chapitres précédens ; _ parce que les Voyageurs ,de qui feuls on pourroit en apprendre quelque cho- {e , s'attachent plutôt à chercher le gibier dont ils ont befoin pour leur fubfftance , qu'à obferver les pro- duétions de la Nature dans le regne de la Louifiane: sr végetal. J'ajouterai feulèment À ce que J'ai dit fur les arbres , ce que je fçais Par moi-même de deux excroiffances. L'une eft une efpéce d'agaric ou de champignon qui vient au pied du noyer, fur-tout lorfqu’il eft abattu. Les Na. turels qui ont une grande attention pour le choix de leurs alimens, les ra- maflent avec foin , les font bouillir dans Peau , & les mangent avec leur gruau, J’ai eu la curiofité d’en goûter, & je les ai trouvés fort délicats, mais un peu fades, ce que l’on pourroit aifément Corriger par quelque affaifonnement, L'autre excroiffance fe trouve com- Mmunément aux arbres fur les bords des Excroïifflances Barbe Efpai gnole, Kivieres , des Bayoucs & des Lacs:on la nomme Barbe Efpagnole, nom qui lui a été donné parles Naturels, après avoir vû les Efpagnols à plufieurs re- priles parcourir une partie de leur Pays, dès il y a plus de deux cens Quarante ans. Ils avoient de la barbe & la portoient affez longue , ce qui éton- noït ces Naturels ; & comme ils don- noient à cette excroiffance le nom dé Barbe, ils ajouterent le nom des Efpa- gnols qui en laifoient croître d’affez longue à leur menton. Cette Barbe Ef- C ij Sa defcriptions Frs sets es Sonutiiite, 0 Hifloire pagnole eft .une efpece de chevelure qui pend des groffes branches des ar- bres, & que l’on prendroit facilement pour autant de vieilles perruques , fur- tout lorfqu’elles volrigent au gré du vent. Comme-on ne bâtifloit au.com- _mencement à la Lowifiane , qu'en.tor- chis & .en boufillage , on s’en fervôit beaucoup pour faire les bâtimens meil- leurs. La couleur de la Barbe Efpagno- le eft grife ;.mais lorfqu’elle eft féchée ,4 fon écorce tombe & découvre des fila- mens noirs, aufli longs & aufli forts que les crins de la queue d’un Cheval.s Dans les premiers temps que je méta blis dans ce Pays, au défaut de paille dont on manquoit abfolument, j imagis pai de faire un Sommier avec ces ex croiffances. J’en fis donc ramafler unel srande quantité, & les fis mettre en uns tas, afin que.leurs écorces pouriflénten Au bout dchuicoudix jourson les étens dit au, Soleil, qui les fécha promptes ment , puis on les battir,. Cette opéras tion acheva de les dérouiiler de leuf écorce, & en même tems de leurs pets tes branches qui reffemblent à autant de petits crochets ; &c ce qui me refl fut abfolument comme du crin quin de La Louifrane: ; feroit point frifé. Quelques-unsafürent qüe la Barbe Efpagnole eft incorrupti- ble ; tout ce que je puis dire à ce fujet, c'eft que j'en ai trouvé fous de vieux arbres pourris qui s’étoit parfaitement confervée dans toute fa force. Ci SA Hifioire CHAPITRE, Des Lianes & autres Plantes : Leurs vertus : Des Fleurs. L À grande fertilité de la Louifiane y rend extrêmement communes les Lianes ou Plantes rampantes , qui à l'exception du lierre , font toutes diffé- rentes de celles que nous avons en France. Je ne parlerai que des plus re- marquables, afin de ne me point en- gager dans un détail qui pourroit de- venir ennuyeux. La Liane Barbue eft ainfi nommée,à Liane Barbue, caufe des barbes longues d’un pouce , crochues par le bout, & plus grofes qu'un crin de cheval, dont fa tige eft couverte. Il n’eft point d’arbre auquel elle aime à s'attacher autant qu'au Co- Sa fympathie PALM 3 8 la fympathie, (que l’on me pour le Co- paffe ce mot pour abréger ) qui la porte FaiMe palm, quand même il feroit Le plus éloi- gné, C’eft auffi l'arbre fur lequel elle à le chercher , eft telle que fi elle croît . entre un Copalm & tout autre arbre, elle tourne uniquement vers le Co- Ce de la Louifiarie. nt profite le plus : ellea, comme fon baume , la vertu de guérir la fiévre, & j'en parle après un nombre infini d'épreuves que j'en ai faites, dont au- cune ne m'a trompé, comme elles ont toutes également réufi à M. Prat lai< né , Medecin du Roiïà la nouvelle Or- léans, à qui j'en envoyai fur la Lettre qu'il m'en écrivit. | | | Les Medecins Naturels fe fervent de Maniere dé ce Simple contre la fiévre en cette ma- Jen _niere, Ils prennent un morceau de Îa Liane barbue long comme le doigt ; ils ‘ le fendent en plus de parties qu'il eft poflible , & le mettent dans environ . une chopine d’eau mefure de Paris, ïls font bouillir le tout jufqu’à ce qu’il foit diminué d’un tiers. Cette decottion eff “enfuite pañlée & tirée au clair, &leres _ mede eft préparé. Alors ils purgent le Malade, & le lendemain lorfque l'accès _de fiévre commence, ils lui donnent à boire le tiers de l’eau de Liane. Il ar- _ rive affez communément qu’il eft guéri du premier coup 3 mais fi la fiévre . revient, on le purge de nouveau , & le lendemain on lui fait boire un autre tiers de l’eau médicinale qui ne man- ue que bien rarement de faire fon \ . effet à cete feconde prife, Ce n’eft que | | C iv Ses vertus, F6 Hifhoire ee pour une plus grande füreté que l’on fait prendre la troifiéme partie.de la déco“tion. Ge remede à la vérité, eft amer ; mais il fortifie l’eftomach: avan- tage précieux qu'il a fur le Quinquina, - que l’on accufe de produire un effet con- traire. | Il eft une autre Liane aflez fem- blable à la Salfpareïlle , excepté que les feuilles viennent trois à trois; elle porte un fruit uni-d’un côté comme une noifette, & de l’autre auffi rabo- teux que ces petits coquillages , qui fervent de monnoie dans la Guinée, Je ne dirai rien de fes propriétés 3 elles ne font que trop connues par les femmes de la Louifiane , & par les filles fur-tout , qui très-fou vent y ont . recours. 5, Une autre Liane eft nommée par | les Médecins Naturels JaMedecine aux Fleches empoifonnées : elle eft grofle & . très-belle ; fes feuilles font aflezlon- gues, & les goufles qu’elle porte font minces ,. larges. d’unpoute & longues de huit à dix. | 3 VA salfareille, La Salfpareille. croit naturellement , à la Louifiane d’aufli bonne qualité. \ que celle du Mexique. Elle eft fi.con- \ nue qu'il eft inutile d'en parler.. QU, #à 3 ‘*. dela fr 57 . L'Elquine tient de la Liane & de la Ronce. Elle eff garnie de piquans durs comme les épines , & fes feuilles font oblongues comme celle des Lia- nes» Elle monte le long des cannes 5 fes tiges font droites, longues , lui- fantes & dures ; fa racine eft fpon- gieute & grofle quelquefois comme la tête, mais plus longue que ronde ; de forte que fa figure approche de celle des Topinambours. Outre la vertu fu- dorifique que l’Efquine pofléde comme la Salfpareille , elle a celle de faire croître les cheveux , & les femmes des Naturels s’en. fervent dans ce deffein avec fuccès. Pour cet effet elles pren- nent de la racine, la coupent par petits: morceaux , la font bouillir 6 & fe lavent la tête de cette eau. J’en ai vû plufieurs à qui les cheveux pañloient les ja & une entr’autres à qui ils defcen- doient jufqu’à la cheville du pied. Efquines Sa defçriptiohe Le Houblon vient naturellement xoubton fur les terres hautes dans les ravines. . On verra dans l'Agriculture la manie- re de le cultiver. Le Capillaire croît à la Louifiane plus beau & pour le moins aufi bon que.celui du Canada, qui a tant de réputation. Ïl vient dans ja ravinzs s V Capillaire. Ses qualitése Cannese 58 | Hifloire. des Côteaux dans des endroits abfolu= ment impénétrables aux raïons du So= leil les plus ardens. Sa hauteur ordinai- re eft d’un pied, & il porte une tête bien fourrée. Quelques vertus que nous connoïflions en France au Capil= laire , les Médecins Naturelslui en con- noiffent encore davantage, | Les Cannes ou Rofeaux dont j'af parlé fi fouvent, peuvent être confi- dérés de deux efpéces. Lesunes vien nent dans des lieux humides, hautes: de dix-huit à vingt pieds ; & grofes comme le poignet. Les Naturels en font des nattes, des tamis, des pe- tits coffres & plufieurs autres Ouvra= ges. Les autres qui viennent dans des terreins fecs, ne font ni fi hautes ni fr groffes, mais elles font fi dures, que ces Peuples fe fervoient des cliffes de ces cannes, qu'ilsnomment Conchac, pour couper leurs viandes , avant que les François leur euffent apporté des coû- teaux (1). Au bout d’un certain nom Dre d'années les grandes cannes por- tent du grain en abondance : ce grain affez femblable à l’avoine, fi ce n’eft qu'il (1) Conchac figaifie coûteau ; les Naturels nomment Corchac Les coûteaux que l’on leur traitée L de la Louifrane. ss … éfttrois fois plus gros & pluslong , eft foigneufement ramaffé par les Naturels qui en font du pain ou de la bouillie. Cette farine foifonne autant que celle de froment. Lorfque Îles cannes ont rap- porté leur graine, elles meurent , & de long-tems il n’en revient à la même _ place, fur-tout fi l’on y met le feu. La Plante du Plat de Bois eft ainfi nommée à caufe de fa racine qui eft de bois mince & plat, aflez fouvent découpé & même percé; fon épaif- feur eft inégale : quelquefois elle n’a que celle d’une ligne , quelquefois de deux , & fa largeur eft añez commu- Plat de Bois, Sa defcriptions _ nément d’un pied &c demi, De cette _grofle racine pendent plufieurs autres: petites racines droites , qui tirent le _ fuc de la terre. Cette Plante qui ne croit que dans les Prairies d’une mé- _ diocre qualité, pouffe des tiges droites êc dures comme du bois, de la hauteur d'environ dix-huit pouces , à la fom- mité defquelles font fes fleurs, peti= tes, purpurines , & par leur figure aflez femblables à celles de la Bruyere 3: fa graine même eft enfermée dans une efpéce de coupe de calice fermé , & en: quelque façon couronné: fes feuilles font larges d'un pouce, é longues au LS VI 60 Hifioire moins de deux , fans découpüres, d'en verd foi en & prefque canei lé. Sa ver- Sa vertu fPé- & fudorifique eft fi puiflante , que les cil iquée le , quoiqu’ils conno:ffent parfaitement bien le Salfefras, la Salfpareille, Vhte G: uine & aUTTeS:. | 1 used L' Herbe à ferpent-a-fonnettes;en Fan: Af:decine des ' Fos * h S::pens à fon. pue des Nude C udia-Coudlogouille, meeress 2 ce qui fignifie, Médeci ne du Serpent- | € | ine Defcriprion de à Dines S, à pour racine uñ Olgnon cetre belle femblable à celui dela Tubereufe, mais plante une fois plus gros ; fes Fe Tles font comme les fiennes, mêine forme, mé- me couleur à ayant contre terre des mouches couleur de feu , mais le dou- [e}] e plus larges & plus longues y & ar- mées vers leurs bords de piquans très- fins & d’une forte pointe à leur cime. Sa tige s’éle eve de trois pieds ou envi- Ton : à fa tête font cinq ou fix brins écartés les uns des autres, qui portent chacun une feur purpurine de cinq pé- tales, larges d’un pouce, mais tou- Médecins Nue ‘els n’employent qu’el: _ jours formées en coupe. La fleur en . tombant laiffe voir, quand elle eft fé- che, une tête groffe comme une petite 1 noix, mais approchante de la tête du Pavot. Cette tête eff partagée en qua- tre , par une efpéce de moulure ou de L 08 : LA LEE Il CT | || JPPET DL Fe | 7 4 Leo CCLrL0 contre pr Serpent a J'onnette . LS A de la. Louifiane. GE: goudron , & danschaque féparation on trouve quatre graines noires, plates conune des paftilles , également épaif- fes par:tout, & de la largeur d’une bonne Lentille, Lorfque cette tête eft mûre & qu’on la fecoue, elle rend le. même fon que la queue du Serpent-à- ç2 qualité fous fonnettes, & femble indiquer par-là veraine,. quelle eft la propriété de la Plante 5 car elle eft le reméde fpécifique contre. lesmorfures de ce dangereux Reprile. se. 4 Celui qui en a été mordu doit prendre Pemployers unoignon, en couper.avec les dents une partie aflez groile, la mâcher,, & l'appliquer fur la playe, où il convient de lattacher : en quatre ou cinq heu- res de tems elle tire tout le venin,fans que l’on en ait à apprehender ancunes mauvailes fuites. | Le Lierre Terreftre eft connu des Médecins Naturels, pour avoir beau- coup plus de. vertus, que nos Bota- niftes.ne m'ont dit lui en connoître :. il a entrautres vertus, celle de fou- lager les femmes dans les accouche mens ; lorfqu’il eft pris en décoctions. celle de guérir les ulcéres , étant écra- fé & mis en l'endroit ulcéré ; mais fur-cout je ne dois pas omettre de parler d’une de fes qualités, qui eft Lierre .Terrefs tiÉe Sa verti parti. guliere. > Achetchy. a defcription, = 62 Hifloire sA . PS MT d’être fouverain pour le mal de tête’; auquel on dit communément qu’on ne trouve point de reméde; fes feuilles : toutes vertes écrafées en aflez grande quantité , & miles en cataplafme fur la tête, guériffent promptement. L’in- : commodité que l’on trouve à faire ce reméde à une perfonne qui porte fes cheveux , me fit imaginer d'en tirer les fels , pour foulager un ami qui étoit fouvent attaqué de la migraine; j en mis dans de l’eau vulneraire que je lui donnai, & lui confeillai d’en ref- pirer de toute fa force quelques goû- tes par le nez ; ce que faifant deux ou trois fois , lorfque la migraine le pre- noit , il s’eft trouvé foulagé peu de : momens après. | L’Achetchy eft une Plante très-baf= e qui ne s’éleve pas plus de fix à fept pouces. Elle ne vient qu’à ombre des F'utayes : on n’en trouve point dans les Prairies découvertes: fa tige eft me- nue , & fes feuilles nont qu'environ trois lignes de longueur : fa racine eft « bien fournie de brins d’une ligne de « diamétre , pleine d’un fuc rouge com- me un beau fang de poulet. Ayant trouvé cette Plante , qui mr la premiere au Printems, étouftée, à ce Ja (ratne o 90 O 4 [ DTA debois Ja L'leur x - d Ÿ KES Sa de la Louiliane 6% qu’il me parut, par les herhes qui en= | tourroient, je crus devoir la cultiver, & j'en tranfplantai dans mon Jardin, où je la mis dans une terre legére & bien préparée. J’efperois qu’elle y pros fiteroit confidérablement ;. mais tout ce que je gagnai par mes foins, fut d’en voir la tête plus touffue , & les racines mieux nourries & plus abon- dantes 3 du refte elle n’avoit pas excé- dé d’un pouce fa hauteur naturelle. C’eft avec le fuc de cette Plante, ges qmiités que les Naturels font leurs Teintures pour La teintus rouges. Après avoir teint en jaune & “* d’une belle couleur de citron avec le Bois Ayac , comme j'ai dit ci-devant, ils font bouillir dans l’eau les racines de PAchetchy , & les expriment de tou- tes leurs forces : enfuite ils trempent dans cette eau bouillante ce qu’ils veu- lent teindre. Ce qui étoit blanc de fa nature , avant d’être teint en jaune, prend une belle couleur de ponceau 3; & ce qui étoit brun, comme [2 laine de bœuf, qui eft couleur de marron, devient d’un rouge brun, | Je ne parlerai point des Fraifes, qui Fraifes viennent d’un goût excellent, & enfi grande abondance , que dès le com- mencement d'Avril on en voit des Tabac. Chanvre. Lin. Fleurs, ‘64: Hifloire: Prairies toutes rouges, ni du Tabag | que l’on a planté dans la Louifiane, ër que Je referve pour Particle de l'As | nd he SOS : ï griculture. Mais je ne dois point‘pañler - fous filence , qu’il croït naturellement du Chanvre dans les terres voifines des Lacs , qui font à l’Oueft du Fleuve S. . Louis. Les brins en viennent gros comme le pouce,& longs d’environ fix pieds (1). Îls font femblables au nêtre, tant pour le bois que pour la féuille & l'écorce. Le Lin que l’on a fémé dans ce Pays eft venu haut de trois pieds. : re j: Je n'ai point eu conncifflance que dans cette Province la terre produisit des Mouflerons ni des Truffes ; mais: les Morilles y abondent dans leur fai- fon, &les Champignons dans lPau-. tomne. Ea douce température de ce Climat me perfuade. que toutes nos Fleurs y viendroïent à merveille : ce Pays a les fiennes propres: elles font fi 4bon-. dantes depuis le mois de Mai ju(- LD j / 74 e « qu’à la fin del Eté, qu'à peine peut- on voir l’hérbe des Prairies ; & fi va- ° 9 . riées, que l’on ne fçait laquelle regar- (1) Voyez Tome I. Chap, XXR. _ de la Lotifiane. 6$ der & prendre pour la plus belle, & R vüe fe trouve enchantée de la quan= tité. & de la diverfité de ces Fleurs. Je n’en donnerai cepéndant aucun dé- tail, parce que je ne me fuis point affez attaché à les connoïtre pour être en état fur cet article de contenter les Curieux. J’y ai vû des Rofes fimples & petites ayant peu d'odeur, & une au- tre efpéce de Rofe ayant quatre péta- les blanches, dont le piftil ; les étami- nes & l’odeur ne différent en rien de: nos Rofes Mufcades. Mais: de toutes: les fleurs de ce Pays, celle quimale plus frappé, parce qu’elle eft très com mune ê&c dure long-tems, eft celle que Pon nomme Gueule de Lion. Les fleurs Are à qui garniflent la tige , fes couleurs Lion ° # nuancées , fa durée de plus de trois “mois me la fait préférer à toutes les autres. Elle fait elle-feule un bouquet trés-agréable ; je la crois digne du rang “de beaucoup de fleurs très-belles, & que l’on cultive avec grande attention dans les Jardins de nos Rois (1). Pour ce qui eft du Coton & de PEn- digo, je remets à en parler dans le. Chapitre de l'Agriculture. Ë (1) Voyez Tomel, Chap. XXI. 66 Hifoiré Li CHAPITRE VI. Des Animaux Quadrupedes : Chaffe gén _ nérale & particuliere du Cheyreuil s4 Du Loup Marinier, A Vanr de parler des Fee : £ À que l'on a trouvés dans la Loui-* . il me femble que je dois dire! que tous ceux que l’on ÿ a portés de. France, ou tirés du nouveau Mexique & de la Caroline, comme Chevaux s Bœufs , Moutons, Chévres, Chiens Chats & autres , Ont parfaitement réuiu , & fe font multipliés fans peis ne, Cependant on doit faire attentions, que dans la Bafle Louifane, où le ter» rein ef humide & couvert, ils ne peu- vent être ni fi bons,ni fi beaux que dans. la Haute, dont le terroir eftplus fec où l'on trouve de vafles Prairies, &! L où le Soleil échauffe davantage la terre. Le Beuf fauvage eft de la taille de” Bof fauvage, DOS plus gros Bœuis , quoiqu'il paroiffes Sa defcription, la furpañler sa auf de fa laine lon- gue & très-frifée, qui le rend à l'œil. beaucoup plus gros qu’il n’eft en * - 4 Animauxs { \ Le EN ANS ÿS LA LU, 7) 6/7 CT) À, A) 1 Hp, LE EST SRE HE ES RE RL RTS Ss EE - RSR RÉ em sa (GROS (TE ( » 3 7 ANA NOUS SN 7 / Va} f at NS de la Louifiane. 67 Cette laine eft très: fine & très-épaifle y l& de la couleur foncée du Maron, ainfi que les crins qui font pareille- ment frifés & fi longs, que le plus fouvent le toupet qui eft entre les cor- nes de cet Animal tombe fur fes yeux , & l'empêche de voir ce qui eft devant fui; mais il a l’oüie & l’odorat fi fins que Pun fupplée à l’autre. Ïl a une boffe aflez confidérable dans l'endroit où le colfe joint aux épaules : fes cornes font groffes, courtes & noires ; il a de mê- L. lesfabots noirs. Les Vaches de éette efpéce ont les tetines en dedans, comme les Cavales ou les Biches. Ce Bœuf eft la viande principale des Naturels, & a fait long-tems aufli celle des François. Le meilleur mor- ceau , & qui eft extrêmement délicat, eft cette bofle dont je viens de parier. On va à la chaffe de cet Animal dans Thyver, & on s’écarte de la Baffe Loui- Son utilité fiane & du Fleuve S. Louis , parCe Sa chair, fon qu’il ne peut y pénétrer , à caufe de fuif, fa peau Pépaiffeur des Bois , & que d’ailleurs il aime la grande herbe qui ne fe trou- ve que dans les Prairies des terres hau=« tes. Pour l’approcher & le tirer, on va contre le vent, & on vife au défaut | de l'épaule afin de l'abbattre du pre= [ [l Cerf 68 Hifloire s mier coup ; caf s’il n’eft que bleffé:,l court fur l’homme. Dans cette chaffe lés Naturels ne tuent guères que dé Vaches, ayant éprouvé que la chaït des mâles fent le Bouquin ; inconvé: nient dont il leur feroit facile de la pré: ferver, s'ils fçavoient , aufli-tôt que fa bête eft morte , fui couper lesfuites, comme on fait aux Cerfs & aux San gliers. Ce ne feroit pas même le feul avantage que l’on y trouveroit : l’ef= péce ne diminueroit point, on en ti= reroit beaucoup de fuif, & lesmpeaux en feroient meilleures & plus gran des (1). RATS | Ces peaux font un objet de confis dération. Les Naturels les préparent avec leur laine:, bien, qu'ils les ren dent plus fouples que nos Bufñles, Ils les peignent en différentes couleurs ;! & s’en habillent:elles tiennent lieu aux: François des meilleures couvertures ;. étant tout à la fois très chaudes & très- lepéres, | à Le Cerf eft entiérement femblable à celui de France, fi ce n’eft qu'il eft: plus gros. On n’en trouve que dans: la Haute Louifiane , où les Bois font: (1) Voyez la Chaffe aux Bœufs & fon utilis 2 Se té, TomelsChap, XXII. de la Louifiane: Es Ghataigre, que le Cerf aime beau- coup, eft commune. | Le Chevreuil eft.très-fréquent dans cette Province , malgré lenombre que les Naturels en tuent. Les Chafleurs prétendent qu'il tient du Cerf, du Dain & du Chevreuil. Pour moi, m’ente- nant à ce que j'ai vû, je dirai qu’il eft haut de quatre pieds, que fon bois eft de plufieurs endouilletres épanouies en haut , & que fa chair eft féche comme celle.du nôtre , &a , quand il eff gras, le goût du Mouton. Il va par troupes, & n’eft en quelque façon point farou- che ; il eft d’ailleurs fort capricieux, il va & vient continuellement, & ne refte prefque point en place. Les Na- turels en pañlent fort bien la peau en blanc, qu'ils peignent après ; celles Que l’on apporte en France prennent à Niort le nom de Peaux de Dain. Mus.clairs que dans. la Bañfe , & où la grand,recourbé lur le devant, & chargé - Chevreuil, Les Naturels vont à lachafle du Che- Chafe du Ches yreuil quelquefois en commun, & {ou- vent en leur particulier. Le Chaffeur qui va feul à cette chafle , fe munit pour. cet effet d'une tête deChevreuil féchée, la cervelle ôtée , & la peau du col te- gant à la tête: cette peau eft garnie vreuil. Chaffe parti= ulieree #0 : Hifloire ES de cercles faits de cliffes de cannes, ( ces cercles font retenus en place ave@ d’autres clifles allongées vers la peau enforte que la mæn & le bras peuven entrer aifément dans cette peau. Le chofes ainfi difpofées , le Chaffleurv dans les endroits où il penfe qu’il peui y avoir du Chevreuil, & prend les pré cautions qu’il croit néceflaires pour nt point être découvert, Si-tôt qu'il ef voit un, il s’en approche à pas dé Joup en fe cachant d’une brouffaillek une autre, jufqu’à ce qu'il en foit affezs proche pourle tirer ; mais fi avant tout" cela le Chevreuil fecoue la tête, ce quiu eft figne qu’il va faire quelques caprio® les & courir plus loin , le Chafleurs prévenu de fa manie, contrefait cet animal en faifant le même cri que font ces animaux lorfqu’ils s'appellent en= tr'eux,ce qui très-fouvent fait venir le Chevreuil vers le Chaffeur; alors il faits paroître la tête qu’il tient en fa main; & lui fait faire le mouvement d’un“ Chevreuil qui broute & qui regardé de tems en tems; le Chafleur en atten=m dant fe tient toujours caché derrieren la brouffaille , jufqu’à ce que le Ches vreuil fe foit approché à la portée dus fufil; & pour le peu que le Chaffeur les CES TT. OS Se, OR HS à # PEU L'ANe" 2 fasse generale dt evreutl . rt a om td mé ommmen la mt | de la Louifiane. mx. ove enflanc, il le tire au défaut de épaule & le tue. C’eft de la forte qu’un Naturel fans compagnons de chafle, Lns chiens & fans courfe , vient à bout, ar une patience que nous ne fçavons oint avoir, de tuer un Chevreuil, nimal d’une legéreté qui nexcéde tout uplus que la quantité de vertiges qui > prennent à chaque inftant, & qui lemportent au loin , où le Chaffeur eft ligé d'aller en diligence le chercher, peur qu’une fantaifie nouvelle ne pigne pour toujours » & ne fafle perdre ainf le tems & la peine à fon inemi. Voyons maintenant comment sy prennent pour chaffer en com- saun , & attraper un Chevreuil vivant. Lorfque ces Naturels veulent faire Chaffe du Chet danfe du Chevreuil, ou qu'ils veu- EL en s'exercer joyeufemeut , ou méme orfque l'envie en prend au Grand So- eil, ils s’en vont une centaine à la chaf= ede cet animal qu'il font rapporter vi= ant ; c’eft pourquoi il y va beaucoup e jeunes hommes, qui fe féparent dans es Prairies où il y a des bofquets , pour. découvrir un Chevreuil. Si-tôt qu'ils € nt apperçu ; la troupe approche en croiffant très-ouvert : le fond du croif- änts’avance jufqu'à ce que le Chevreuil “© 72 Hifloire fafle quelques fauts & prenne la fait | | Se voyant devant une: troupe d'hon w mes , 1l fuit aflez fouvent vers une-dét pointes du croifflant ou demi- cercles cette pointe l'arrête, lui fait peur 8 le renvoye ainfi vers v autre pointe qüi eftà un quart c de lieue ou environ dif tante de l’autre ; cette feconde - en fait autant que la premiere, &c le Ju renvoye. 1 On continue ce jeu affez long-temss qui fe fait exprès pour exercer les jeu= nes gens , pour donner du plaifir a Grand Soleil ou à un autre Petit Sos leil qu’il nomme à fa place. Quelque “fois le Chevreuil cherche à fuir & 4 {ortir du croiffant par l’ouverture des pointes = mais alors ceux qui font -tout-à-fait à la pointe, fe préfentent pour le. faire rentrer, c le croiffant -s avance pour le tenir toujours enfer: mé entre les jeunes gens. Decetten na niere il arrive fouvent que les hommes wont pas fait une lieue de chemin, taff dis que le Chevreuil en a fait plus de vingt par tous les différens tours caprioles qu’on lui a fait faire d’un e à l’autre, jufqu’a ce qu’enfin tous lesh hommes fe joignent un peu plus, à êc ne font qu’un cercle, Jorlqu ils s'ape de la Louifiane. cp perçoivent que l’animal eft bien fati- gué. Pour lors ils s’accroupiffent pref- que à terre, quand le Chevreuil vient de leur côté, & aufli-tôt qu'il arrive auprès d'eux, ils fe relevent en criant, &e fe le renvoyent de l'un à l’autre bout tant que le Chevreuil peut fe foutenir. Mais enfin n’en pouvant plus de fati- gue , les jambes lui manquent , iltom- be & fe laifle prendre comme un ag- neau : ils prennent garde cependant de ne l’attaquer que par la croupe , afin d'éviter quelque coup de fes andouil. les ou de fes pattes de devant ; ce qui leur arrive encore quelquefois malgré toutes les précautions qu'ils prennent, S’étant faifis du Chevreuil , 1ls le préfentent au Grand Soleil , s’il ef préfent, ou à celui qu'il a envoyé pour lui donner ce plaifir. Quand il Pa vû à {es pieds, & quiladit: cej? bon, les Chaffeurs éventrent le Chevreuil & e reportent par quartiers à la caban- ne du Grand Soleil, qui en diftribue aux Principaux de la troupe , qui ont été de cette chaffe. . Le Loup n’a que quinze pouces de hauteur, & une longueur proportion. née; fon poil n’eft pas fi brun que ce- lui des nôtres, & il eft moins farou- Tome Il, ee Loups Son nafurele up hfa- 74 Hifloire | che & moins dangereux ; aufn ref femble-t. il plütôt à un Chien qu’à un Loup, & furtout: au Chien des Na- turels; qui ne différe de lui que parce, qu'il abboye. Le Loup ef très-com< mun dans les pays de chafle; & lorf- que le chafleur fe cabane le foir fur, le bord d'une Riviere, s’il en appers. çoit , il peut s’aflurer que les Bœufs ne font pas loin. On diroit que cet animal, qui ne peut attaquer le bœuf en troupeau, vient avertir qu’on le tug afin d’en avoir la curée, Les Lou font effe@ivement fi familiers , qu ils vont & viennent de tous côtés pouf trouver de quoi manger , fans s’emba- barafler si is font près des Habitations des hommes , ou s’ils en font éloignés, Deux Moyapente s'étant cabannés feuls fur le bord du Fleuve, avoient dé chargé | leur Î Pirogue, parce qu'il pleus vOIt après qu'ils eurent bien couverih le ue. ils fe coucherent. Les Voyas ceurs qui c: annee fur le Flenve ; ont coutume d'aller voir à l'endroit de leu LA 1e, toutes les fois es ils s’éVeil: lent, pour exarainer fi elle n’eft poifh détachée par la vague ou par quelqé coup de vent, Un de ceux-ci s'éräms éveillé s’en alla vers ia Pirogue ; Lee de la Louifiane. m$ quelle fut {a furprife de ne la plus trou- ver ! Cet accident étoit d'autant plus fà- cheux, qu’ils fe trouvoient alors écartés de plus de cinquante lieues de toute Ha- bitation. Ce Voyageur confterné appel- le fur le champ & à haute voix fon cama- rade, & tous deux enfemble regardent fur le Fleuve, pour tâcher de découvrir leur Pirogue ; la clarté de la Lune leur fut hbeureufement d'un grand fecours, ils lapperçürent affez loin qui s’en alloit au courant: l’un d’eux quitte fa chemife, met, une ceinture dans laqueile il pafle fon caffe-tête (ou hacherot), il fe jette dans le Fleuve à la nage, & rejoint fa Pi- rogue. Autre étonnement: il y apper= coit un Loup; ce qui ne l’empêcha point e monter promptement à ARR pu , réfolu de combattre l’ennemiqui, fansle ouloir , emmenoit fa Pirogue ; mais le Loup n'attendit point le commence- ment d’une bataille ; il fauta a Peau & difparût bien-tôt aux yeux du Voya- geur étonné, qui ramena fa Pirogue vis: à vis le cabanage. Lorfqu’il fut quef- tion de lamarrer, ils trouverent que l'amarre ( ou attache ) étoit mangée. Dans ces tems nouveaux de la Colonie, les cordesétoient très rares, c’eft pour- quoi nos Voyageurs s’étoient fervis de Di 76 Hifhire ; longues courroyés de peaux de Bœuf au lieu de cordes ; il eft à préfumer . que ce Loup étant defcendu dans la Pi rogue & n’y ayant pas trouvé de quoi manger , avoit fenti cette corde de cuir, Pavoit rongé de dedans la Pirogue & s’étoit ainfi mis lui-même dans une pri= fon flotantte;ce qui avoit occafionné la dérive de la Pirogue , lenlevement du Loup, & la furprife des Voyageurs. Loups noirs Jl parüt de mon tems dans le Pays; Esangers deux Loups très-grands & noirs ; les plus anciens Habitans & les Voyageurs affüroient n’en avoir jamais vû de {em- blables, & par cette raifon on jugea que c’étoit des Loups étrangers qui s’étoient écartés. On les tua fort heureufement: car l’un de ces deux étoit une Louve que l’on trouva pleine. On peut voi dans la premiere Partie de quelle ma: niere les Loups vont à la chafle au Bœufs (1) (1) Voyez Tome I. Chap. XXII, Guy CHAPITRE VIL Suite des Animaux Quadrupedes : Dé LOurs : Preuve qu'il n’efl point carna- 4 citer : Chafe aux Ours + Huile d'Ours : De quelques Animaux carnaciers. 4 Louifiane, parce que les neiges (Qui couvrent les terres du Nord, l’em- Péchant de trouver fa nourriture, lé IChaffent des Pays Septentrionnaux (1). Il vit de fruits, entr’autres de glands &c de raciries, & fes mets les plus déli- Icats font le miel & le lait ; lorfqu'il en rencontre , il fe laiffleroit plûtôt tuer Que de quitter prife. On s’eft donné lé plaifir de mettre en même tems deux Ourfons auprés d’une gamelle de lait que l’on avoir enfoncée en terre prefqué de toute fa profondeur. Ce fut à qui des deux empécheroit l’autre de goûter du lait, & ils remuerent tant leterrein, (1) Si on en apperçoit quelques-uns pen dant l'Eté , ce font des Ourions tardifs qui LÀ , L P . d HUE nétoient pas aflez fort pour fuivre la troupe jufques dans lé Nord. ue Di; de la Louifiane. 77 n°: s paroit l’Hyver dans Ja Ours: Sa nourriturés Les Ours ne mangent point de chaîire _parletémoignage d’un aflez grand noms _rnes ; ce qui n’eft jamais arrivé, malgré 78 Hifoe effayant avec leurs pattes de tirer La ga . ‘0 14 : meile à eux, qu’ils répandirent tout ce. qui étoit dedans, Malgré la prévention dans laquelle on eft que Ours eft carnacier , je pré» tends avec tous ceux de cette Province & des Pays circonvoifins , qu’il ne l’eft nullement. C’eft en vérité un mal, que les premiers Voyageurs aient eùû l’ef= fronterie de débiter dans le Public mile le contes que lon a crü aïifément, par ce que c'étoit du neuf. On n’a point voulu, on auroit même été fâché d’être détrompé; mais je dois dire la vérité, pour défabufer ceux qui voudront l’ens tendre, Au refte ce que je foutiens ich n'eft point un problême, c’eft un fait connu dans toute l'Amérique Septen- trionale, & du quel on peut s’affürer bre de perfonnes qui y ont demeuré, &c par les Marchands qui y vont & en reviennent continuellement. D'ailleurs il y a long-tems que perfonne n’auroit pü en rapporter des nouvelles, s’il écoit: vrai que ces animaux dévorent Les home: Fleur multitude & la faim extrême qu'ils ont quelquefois foufférte ; puifque mê= me dans Ce cas, ls ñe mangent point de la Louifiane. 79 la viande de Boucherie qu'ils rencon- “ trent. | * Les Ours pour vivre ne quittent point les bords du Fleuve; mais dans le temps que je demeurois aux Nat- chez, il y eut un Hyver fi rude dans des terres du Nord, que ces animaux defcendirent en grande quantité ; ils étoient fi communs qu'ils s’affamoient lesunslesautres,& étoient trèsmaigres. Fait qui proue ve que Îles Ours ne font point CafNaCiLISe La grande faim les faifoit forrir des Bois qui bordent le Fleuve ; on les vOyo courir la nuit dans les Ffabita- tions, & entrer dans les cours qui n’é- æoient pas bien fermées; ils y trouvoient des viandes expofées au frais, ils n’y touchoient point, & mangeoit feuie- ment les grains qu’ils pouvoient ren- contrer. C’étoit aflurément dans une pareille occafon &c dans un befoin auf- fi preffant, qu’ils auroient dû manifef- ter leur fureur carnaciere, fi peu qu'ils | euflent été de cette nature. Mais, dira-t-on peut-être, c’eft de lR chair vive qu'il leur faut ; ilsne mangent pointà la vérité, de chair morte ; ils dévorent un animal vivant & pour lors ils ont une proye qui leur convient. Pour moi,je ne leur prête point tant de délicateffe , & s’il en était 27. TR 4 À at { 80 Hifloire “1 ainfi, je penfe que dans la famine qu'ils effuyerent & dont je viens de parler, ils n’auroïent pas manqué de déchirer ee à belles dents la viande qu'ils auroient C.feuws. apperçue dans les Habitatiôns & dans les Campagnes; ilseuffent détruit quan- tité de perfonnes, ce qui n’eft jamais arrivé. Cependant pour répondre à l’ob- jection que l’on vient de me faire, je vais rapporter un fait qui aidera à déci- der la queftion, en obfervant qu'il eft dangereux de bleffler légerement cet. animal, parce qu'il revient au coup, fe dreffe contre fon ennemi, lembrafle, le ferre fortement contre fon eftomach, & vient à bout de l’étouffer. ; Fair qui prou. Deux Canadiens fe mirent en che- ve qwil ne dé- min pendant PHyver, qui eft le tems: vore point les ni Ha, ordinaire de voyager dans ce Pays. Ils. mirentàterre, Ér une batture de fable 3. un Ours traverfoit le Fleuve:lun de nos deux Voyageurs courut pour lui” couper le devant & le tuer, parce qu'il paroifloit gras, & qu’alors la chair en. eft bonne, & que l’huile que lon fait de fa graifle eft d’un bon profit. Son camarade qui étoit refté auprès de la Pirogue, éloigné feulement de lui de” trois cent pas, le regardoit faire; le” me 0 À Premier qui vouloit tuer l’'Ours , nelui ft qu'une légere bleflure ; lOurs fur le champ court fur le Chafleur, & l’é« touffe en peu de momens, fans cepen« dant lui donner un feul coup de dents, quoiqu'il eût le mufeau contre fon vi age, & quil dût être courroucé. Le camarade qui s’apperçut du danger , ac- courut au plus vite ; fa diligence fut inu= tile, Ours fe fauvoit dans le Bois, & fon ami étoit fans vie. Dans la vifite qu’il eut bien-tôt faite du mort, il trou- va que fon eflomach étoit enfoncé de deux pouces dans le plus profond de Pendroit où l’Ours l'avoir preflé. TI fut étonné de voir fonamiainfi abbattu fans avoir reçû d’autres coups;il remar- “qua feulement l'empreinte des griffes fur les reins , que l’Ours y avoit faite en 1 He ferrant. | | Si dans le tems que l'Ours eft en courroux , ou qu’il fouffre une faim in- autre animal, je demande en quelle oc- prendre © | la douceur du climat de la Louifiane,ou | le naturel propre de ces Ours, les dé- D y fupportable , il ne dévore ni homme ni cafion critique cette envie peut leur Que lon n’ajoute point encore que tourne & les empêche d'exercer la fus de la Louifiane. Sr’ Autre préufes D D us) 82:11! Fifioire ur reur vorace que nous connoïflons aux Ours de notre continent. Ceux-ci né font carnaciers que dans les relations fauffes que l’on en a données au Public; qui ajoute foi trop facilement à tour ce: qui eft nouveau & qui paroît extraor= dinaire. En fecond lieu , je dis qu'une efpece carnaciere l’eft de même dans um autre Pays: les Loups de la Louifiane font carnaciers comme ceux d'Europe ; quoiqu’ils different entr’eux; les Tigres: d'Afrique & ceux d’Amerique font les mêmes pour l’inclination mal-faifante ÿ les Chats fauvages de l'Amérique } quoique très-différens de ceux d'Euro- pe, ont le même goût pour les Souris, lorfqu’ils font apprivoifés ; il en eft de même des autres efpeces , qui font na= turellement portés à détruire les autres animaux ; & les Ours d’ Amérique n’a bandonneroient point les Pays couverts: de neïges, oùils trouveroient des hom- mes & des animaux à difcretion, pour aller au loin chercher des fruits & des racines, nourriture que les bêtes carna- cieres refufens de manger (1). | {1) Depuis que j'ai écrit cet Article de > J ai appris avec cértitude que danses, ontapnes de Savoye il y avoit de déux for ses d'Ours : les uns font noirs comme ceux dé KE de La Lovijiane. 83 … On voit des Ours aflez communé- 5 dans la Louifiane pendant l'Hy- ver, & on les craint fi peu que quelque- fois on prend le plaifir de les chalfer. Lorique les Ours font gras, c’eft-à-dire vers la fin de Décembre, ils ne peuvent courir aufli fort qu'un homme, parce ue leur graiffe les en empêche ; on peut hf rifque lestirer , & quand ils ne fe- roient que bleflés très-légerement, on en vient aifément à bout. Lorfqu’ un Ours retourne fur le Chafleur, celui- €i qui le voit venir, l'attend la bayon- nette au bout du fufil,& le perce faci- lement à a l’eftomach (2). D'un autre cô- * fi on n’eft point armé, on ne doit Fe craindre que jamais on en foit atta- qué , & d'ailleurs on peut courir & fe fuver, quoique ce cas n'arrive point ; que fi l’on tue des Ourlons qui fuivent Jeur mere, elle court contre celui qui met à mort un de fes petits. . Les Ourfines, ou femelles d La font pañlablement graffes tandis qu'elles Facilitéde tuer un Qurse 7 Chaïr des our fons excellen= TCe: fa Louifane., & ne font point car naciers ; les autres fontrouges & font aufficarnaciers que les Loups, Les uns & les autres étant bieflés: Drome furie Chaffeur. (1) D’autres fe fervent feulement du cafle= _#é frapper PQOurs. D vi Les Ours àrrie 2 stars PE 84 … Hiffoire | ù font pleines ; mais dés qu’elles ont mis” bas, elles deviennent maigres en peu ‘detems. J’en trouvai une un jour, cou" couchée & donnant à têter à trois Our fons ; je fçavois qu’elles étoient maigres” alors, mais j’avois grande envie de fes” petits pour faire mon voyage. Je fis réflexion enfuite que fi j'en tuoïs un , la mere viendroit fur moi, m’inquiéterois fort , fi même elle ne m’étoufftoit. Je. pris donc la réfolution de la tuer la pre- miere. Après ce coup les petits s’enfui- rent ; leur épouvante pafiée , ils revin-, rent pour teter: j'en tuai un, les deux, autres fe fauverent encore , à leur re- tour je tuai le fecond & enfin le troifié- me, pour nc point laifler fans mere un: Ourfon trop jeune pour pouvoir s’en: pañler. Peu après je rencontrai M. de S. Denisquiremontoit le Fleuve, pour fe rendre à fon Gouvernement des Nact: chitoches ; je lui donnaï un de ces Our-" fons qu’il reçût avec plaifir, parce que Ja chair de ce petit animal ef très-déli-. cate. Les Ours arriventordinairement vers. vent maigres & la fin de PAutomne 5 ils font maigres ù à la fndelAu- 1 il pe - le Nord. aiOTS ; Parce QU'IS n€ quittent CE INOIG. tomne , Poure que quand la terre étant trop couverte de neige, ne leur fournit plus les fruits 58 de la Eouifiane. 85 | qui font leur nourriture ; daïleurs dans | la route ils n’ont point trop detems pour | manger & font obligés fouvent de faire | beaucoup de chemin fans trouver en | grande fuffifance des mets convenables. C’eft donclorfque leurinftinét leur a fait | connoitre qu'ils n’ont plus de neige à craindre, qu’ils fe repaiflent à l’aife des | fruits qu’ils trouvent. J'ai dit que ces animaux ne s’écartoient pas beaucoup du Fleuve pour fe nourrir, quoiqu’ils foient en grand nombre ; c’eft fan s dou- te pour ètre plus à portée de le pañler Torfqu’ils s’imaginent trouver mieux de Pautre côté ; ils font cettetraverfée | avec beaucoud de facilité. C’eft pour cela qu'on trouve des deux côtés du: Fleuve pendant tout l'Hyver, un fen- ver fi battu, que j'y fus trompé la pre- miere fois que j'en appercûs : j’étois à plus de foixante lieues de routes Habi- | tations humaines, & fi je n’eufle remar- | qué l'impreffon des griffes, qui s’im- | priment dans le Bois où le terein eft | frais, j’aurois eu lieu de croire que ce | fentier auroit été formé par le paflage | d’un millier d'hommes qui euflènt été | nuds pieds ; ce qui auroit parû certain | au premier coup d’œuil à-un homme qui fe feroit effrayé : j’examinai les chofes Inpoliteffe ac- cidentelle des Ours. À 86 © foire 4 de près , & je remarquai par les dernie, res impreflions que le pied étoit plus* court que celui de l’homme, & qu’au bout de chaque doigt il y avoit l’em- preinte d’une griffe. Il eft encoreaob= ferver que dans les fentiers Ours ne fe’ pique pas d’une grande politefle, il compte être dans {es galleries & veut, avoir le pas 5 fi l’on voit un Ours venir à foi, il faut fe tirer hors du chemin, autrement il y auroit difpute entre les deux Voyageurs ; je penfe au refte que c’eft toujours le parti le plus fage de vivre en paix avec tout le monde, fur- ss lorfqu’on peut le faire à fi peu dé rais. et Les Our Aprèsunféjour de quelque tems dans @abannent. le Pays, & avoir trouvé des fruits em abondance , les Qurs font gras, & c’elt alors que les Naturels vont leur donner la chaïîle ; ils fçavent qu’en cet état les’ Ours fecabanent, c’eft-à-dire, fe met- tent dans de vieux troncs d’arbres morts: fur pied ; & dont le cœur eft pourri 3! c’eft-là que les Ours fe logent. Les Naturels vont faire leur tournée dans les Bois, & vifitent ces fortes de troncs? s'ils remarquent que les griffes foient marquées fur l'écorce , ils font affürés: qu’il y a un Ours cabané en cet endroits se EE De (0e dela. Lornfiane.. + - ST Cependant pour ne point fe tromper Chañfe des Na- | dans leurs conje@ures , ils frappent un ‘# aufli ne vit-il que des bêtes mortes qu'iltrouve, & avec une iem= blabie nourriture il eft furprenantqu'il fente le mufc. Plufeurs tiennent que. le Carancro eft notre Vautour. Les Efpagnols défendent de le tuer fous : peine de punition corporelle , parce que ne confumant pas en entier les Bœufs qu'ils tuent, ces Oifeaux mans gent ce qu’ils en abandonnent, qui fans cela, difent-ils, infecteroient l'air en” pourriffant fur la terre. | Le Cormoran eff aflez femblable au: Canard pour la forme , mais différent » pour le plumage qui eft beaucoup plus beau. Cet Oifeau fetient fur les bords” de la Mer & des Lacs, &rarement fur ceux des Riviéres. Il vitordinairement de Poiffon ; & comme il eft très-gou." Ju , il mange aufh de la chair morte, qu’un crochet qu’il a dans fon bec, lar-, ge comme celui du Canard , lui fert & déchirer, de Côrmoran, [A 0h ns à % s AL PQ de nn amer mm ee + env arr = he = Es de — (TR \ \ (KE SZ 77 LU È 7 parie CL) ! — ÉLÉLIT) fl N KR LA AUARS É de la Louifiane. 113 _ LesCygnes de la Louifiane fontvels Cygne, qu'en France, avec cette feule diffé- rence qu’ils font plus gros ; cependant malgre leur groffeur & leur poids, ils s’élevent fi haut en Pair, que fouvent on ne les reconnoît qu’à leur cri aigu: Jeur chair eft très bonne à manger, & leur graifle eft fpécifique pour les hu- meurs froides. Les Naturels font un grand cas des plumes de Cigne ; ils en font les Diadêmes de leurs Souve- rains, & des Chapeaux , & entreflent les petites plumes comme Îles Perru- quiers font les cheveux , pour fervir de couvertures aux femmes nobles : les jeunes gens de lun & de l’autre fexe fe font des paldtines de la peau garnie de fon duvet. L’Outarde eft un Oïfeau aquatique Outardes de la figure d’une Oye ; mais deux fois glus groffe & plus péfante ; fa plume eft couleur de cendre ; fes yeux font couverts d’une tache noire ; fes cris font différens de ceux de l'Oye. & plus aigus ; la chair de cet Oiïfeau eft très- bonne & d’un goût extrêmement fin, Le Grand-Gofier tient fon nom de fa groffe tête, de {on gros bec’, & fur- tout de fa grande poche , fans plume niduvet, qui lui pend au col. Il rem Gr and-Gofiers. 4 14 Hifloiré ét R plit cette poche de poiflon , qu’il dés gorge enfuite pour donner la nourritus re à fes petits. Les Matelots le tuent fur le bord de la Mer où il fe tient tous jours, pour avoir cette poche, dans la: quelle ils mettent un boulet de canon, & qu'ils fufpendent enfuite pour lui faire prendre la forme d’un fac, qui leur fert à mettre leur tabac. | 0e, Les Ovyes font les mêmes que les Ovyes fauvages de France ; elles abons dent fur les bords de la Mer & fur les Lacs; on les voit rarement fur les Ris viéres, | Canards, Il y a dans cette Province trois ef= peces de Canards. Les uns font nom- més Canards d'Inde , parce qu'ils font Canards dn. propres au Pays ; ils font prefque tout de _ blancs, & n’ont que quelques-plumes grifes ; ils ont des deux côtés de la tête des chairs rouges plus vives que celles du Dindon, & font plus gros. que nos barboteux ; la chair des jeus nes cit délicate & d’un très-bon goûts mais celle des vieux, & fur-tout des mâles, fent le mufc : ils font aufli pris vés que ceux d'Europe. El y en a d’au- tres, & ce font les Canards fauvages; plus gras, plus délicats & de meilleun! goût que ceux de France, mais au refle M Canards fau- VaBESe : _ NE à de la Louifiane, x11$ entiérement femblables ; ils font en fi grande quantité, que l’on en peut compter mille pour un des nôtres. Les troifiémes font les Canards-branchus ; als font un peu plus gros que nos Cer- celles ; leur plumage eft tout-à-fait beau , & fi changeant que la peinture me pourroit l'imiter ; ils ont fur la tête une belle houppe des couleurs les plus vives, & leurs yeux rouges paroïflent énflammés ; les Naturels ornent leurs Calumers ou Pipes de la'peau de leur @ol : leur chair eft très-bonne ; cepen- dant quand ils font trop gras elle fent Yhuile. Cette efpéce de Canard n’eft point paflagére , on entrouveen toute failon, & elle fe perche, ce quene font poinr les autres ; c’eft de-là qu'on les nomme branchus. | . Le Cercelles ne fonc point non plus Cercekless un Oifeau de pañage ; elles ne diffe- rent des nôtres.que par leur goût ex- quis. | … Les Plongeons de la Louiïfiane font | les mêmes que les nôtres ; mais lorf- Plongeon! qu'ils voyent le feu du baflinet,, ils plongent fi promptement, que le plomb | me peut les toucher ; c° qui les a fait _ nommer ÂMangeurs de Plomb. . Le Bec-fcie a fon bec en dedans pese Canards brans chuss Grue. Flamant, Spatule. Héron, 116 … Hifhoire + dentelé comme la lame d’une fcie ; of _goût;fa chair refflemble à celle duBœufs & fait de fort bonne foupe. | aquatiques , & fa chair eft fort bonnes dit qu'il ne vit que de Chevretress dont il caffe facilement les. FEES qi | en font tendres. | La Grue eft un Oiïfeau aquatique ‘4 très commun ; elle eft plusg roffe qu’un Dindon , très - charnue & d’un bon Le Flamant n'a point de plumes fut la tête ; mais feulementur peu de dus vet épars : * fa plume eftgrife , fa chaif affez bonne & fent très peu l Es À La Spatule tire fon nom dela forme) de fon bec long de fept à huit pouces, large vers la tête d’un pouce feulement, ÿ & de deux & demi vers l'extrémité ; ih n'eft pas tout à-fait fi gros qu’une Oyes fauvage ; fes cuifles & fes jambes font. de la hauteur de celles du Dindon : fon: plumage eft couleur de Rofe , & fes ailes plus expofées au Soleil font d’une teinte plus vive que le refte de fon corps Cet Oifeau eft du nombre des. Le Héron dans la Louifiane eft le même qu’en Europe, & o c{t pas meils leur en ce Pays-là qu’en celui-ci. M L’Aiprette eft un Oifeau aquatis que dont le plumage eft très-blanc & 1? # … * È 4 Mr } Pec-croche . FA la Louf ifiane, 117 ba des plumes en aigrettes aux aîles ès du corps , ce qui l'empêche de voler haut ; c’eft aufli de-là qu'il rire ‘en nom : fa chair fent beaucoup l'hui- LE parce qu’il vit de poiffon. - Le Bec-croche a en effet le bec cro- hu, avec lequel il prend les Ecrevif- es, dont il fe nourrit ; auffi fa chair 2n a le goût & eft rouge ; fon pluma- r & de la dou d’un Chapon, ou Poule d'Eau & le Pied-verd {ont s mêmes qu” en France. Mur que fon bec, quieftrouge, ft formé comme letranchant d’une ha- he ; il a auîi les pieds d’un fort beau à age; c’eft pour cela que l’on lui don- 1e g affez fouvent le nom de Pied _Rou- %: comme il ne vit que de coquilla- 2, il fe tient fur les bords de la Mer, Deon ne le voit dans les terres que lor{- £ ire annonce , & qui ñe tarde pas àla fuivte. d'autre avantage fur le nôtre que la auté du plumage auffi varié que PIris, 1 fçait que cet Oifeau va toujours & “ eft gris blanc, & il eft de la grofe ul prévoit quelque grand orage que LéLe ! Pêche-Martin ou Pêcheur , n’a cpntre le vent ; mais peut-être ignore- : Bec-eroches Poule d’eau Pied-verd, Le Bec-de-Hache eft ainfinommé , Bec-de-Hache ou Pied-rougee Pêche-Martin ou Pécheure 118 Hiftoire | t'on qu’étant mort il conferve la mêm Ss propriéré propriété, ce que j'ai reconnu. J’en fngulieré ayois un fufpendu à mon plancher par un fil de foye qui tomboit directement du milieu d’une rofe de Bouflole : c’eft un fait conftant que cet Oifeau tout mort qu'il étoit, tournoit coujours le bec du côté du vent. Les Naturels qui venoient chez moi , furpris d’un moue vement fi régulier , difoient qu'il fal- loit bien que fon efprit gouvernät fon corps, puifqu’après fa mort il faifoit encore ce qu’on lui avoit vû faire pen= dant qu’il étoit en vie. Goilan, Le Goïlaneft un oifeau aquatique qui ne s’écarte guères des bords de la Mer, & fur-tout des marais voifine de la Cô- te : il eft femblable à celui de France. L'Allouete & la Bécafine de Mer; Allouette & font des oifeaux aquatiques qui ne quit= . ‘tent point la Mer ; leur viande peut fe manger, n'ayant qu’un goût d'huile très-léger. | | Butor, . Les Butors font des oifeaux aquati- ques qui vivent de poiflon, 1 om le bec três-gros : ils font connus en Fran: ce , ainfi je n’en dirai rien davantage. La Frégate eft un gros oifeau qui fe tient le jour en lair, furla Mer vers la Côte; elle s’'éleve fouvent fort haut 4 Frégate. j de la Lobiffine, 119 ns doute pour fe promener, car elle e nourrit de re & tous les foirs ]le fe retire à la Côte. Cet oifeau pa- oit plus gros qu’il n’eft ; il a en effet eu de chair & beaucoup de plumes, lont la couleur eff grife ; il a les aîles À à longues, la queue f fourchue, &fend air d’une vîtefle extrême. Le: Damier eftun grand oifeau à peu Damier2 le bof près femblable à la Frégate, ul léger , mais un peu moins vite ; on plumage en général paroît plätôt que gris ; celui de deffous eft brun To ” diftribué dans le goût d'un chiquier , ce qui lui a fait donner le om qu'il porte. . Le Fol eft de couleur ; crie & roy ‘ros à peu-près comme une poule. Il a té ainfi nommé , parce qu il laiffe ap- “rocher l'homme jufqu’à en être pris à Amain ; mais auff il ne faut point fe rreffer de chanter victoire ; on doit en e temsavoir une gr M 1 attention uÀ lil ne morde point le doigt, ille cou néroit d’un feul coup dé bec. -Lorfqu’on voit ces trois derniers oi- eaux voler aflez bas au-deflus de later- e des Côtes, on eft aflüré d’une pro- haine tempête, qui ne manque jamais l'arriver ; 3 ces oifeaux font ainfi d’un Alcyon: je me fervis d’une lorgnette, quoiqu'i 120 Hifloire | augure bien different des Alcyons ; lor que les Narins voyent ceux-ci derrie leur Vaiffeau , ils efperent & font ordi nairement certains du beau tems po quelques jours. Puifque j'ai cité l'Alcyon, quoiq par hazard, je continuerai à en parle je dirai ce que j'en ai vû , & le Letter ne trouvera point mauvais que j'en do ne la defcription , puifque je dois cro re qu'il ne la point Iüe ; en effet je n°. jamais IG de quelle maniere éroit le pli mage de cet oifeau ; & quoiqu’on par fouvent des Alcyons, perfonne ne L décrit, L’Alcyon eft un petit oifeau de groffeur d’une Hirondelle, mais il a bec plus long & fon plumage auffi vic let: il a deux barres d’un jaune brur qui tiennent à l’extrémité des plum: de fesailes, & qui paroiflent fur fc dos; lorfqu’il eft pofé, fa queue € ferblableà celle des oifeaux ordinaire Je nai jamais eu d’A icyon en mair néanmoins pendant trois jours qu certain nombre de ces oifeaux nous fu viten Ver, j'ai eu tout le tems del examiner; pour mieux les connoître pouvoir m'appliquer plus long-tem _ de la. Louifiane: T21 refaffent éloignés du Vaiffeau sue d’un et de pierre. En partant de la Louifiane nous fü- nes fuivis pendant trois jours , de près, l'une centaine d’Alcyons; ils tenoient cie le derriere du Vaiffeau à la dif ance que je viens dedire, & on auroit furé qu'ils nageoient, parce qu’ils pient toujours au-deffus de l’eau com- enous y voyons les Cignes,ou les Ca- arcs > cependant j je ne pus jamais m ap- D encevoir qu'ils euffent des nageoires a ux pattes, de quoi j'érois fort furpris, lefis mon poflible pour m'inftruire des | Marins, comment cela {e pouvoit faire ; ais. je n'enpus tirer aucun éclaircifle- ent. Get oifean,wit.de petits, infectes is doute qui {e dérachent du Vaifeau n'voguant sicar on les voir. plonger de ms en terms, & ortir de l’eau pref- 4 à la même place: toutes ces obfer- tions -me firent- préfumer que ç'eft Ë remrou du -Vaiffeau qui lui donne le moyen, de le {uivrefans nager ; & ce qui fait beaucoup à mon fentiment,c ’eft que ice petit oifeau fe-trouve quelquelois Mors du remou , il eft obligé de voler pour y retourner, & fe remettre dans hrroute ordinaire : ce qu'il ne: manque point de faire ; PrAMpFEMEET; poiqu* au- _ Tome ll, “ordi 1 LL di 5 iffoiren D 7 | trement iln’avanceroït point ;8ènetrous veroit point fa nourriture. © à ‘Le remoudans une Riviere, eft dl coté de l’eau quiremonte vers la terres contre ke courant : le remou d’un Vaïfleau eft la paffée qu’il laiffe derriere lui:& qu fe connoît d’aflez loin ;°ce qui provient du vuide que le Vaïfleaufait.en-paflants & qui fe-remplit à l'inftant par Peau quil éroit à côté du Vaifleau. Cette eau w tombe en crochet ; enforte que le Vaifs feau ft pourfuivi , pour ainifi dire, pa® un courant , que l’on nomme en Merle) fillage du Vaiffleau. En tems de Guerre on profite de ce courant pour joindre plutôt l’ennemi que l’on pourfuit ; pars Ce que ce courant joint au même-vent qui pouffe le Vaifleau’que l'on chaffes précipite la route & lui fait joindre Pau tre, quand mémeilferoit meilleur Vor lier. | ÿ C’eft donc fur cette eau courantes qu’eft porté l’Alcyon ; de cette forteil ne fatiyue point, & il peut prolonger fa marche à fon gré. Au refte les Mate: lots, la plüpart même des Officiersh font fi fuperftitieux au fujer de cet Où feau, que fi un homme en tuoit, ou le fifoit du mal de quelque maniere qui ce für, ils le croiroient menacé des pl grands malheurs, HENEE A de la Louifiane. 123 Où dit que cet Oifeau fait fon nid au bord de la Mer avec dugoimon, qui eft une écume de Mer gluante; qu’enfuite il le poufle à la Mer lorfqu’elle monte; _& dans un tems où le vent venant de terre l'emporte au large: les Alcyons font encore aidés dans cette navigation d’une de leurs aîles, qui eft élevée en VPair du côté du vent. Quelques-uns prétendent que cette aïîle en Pair ayant la figure d’une Voile latine, fut une oc. cafion aux premiers Marins d’en mettre _de femblables aux Navires, en copiant cet Oifeau Pilote. en Bipdos, Des Oifeaux des Bois : Chaffe aux Pi: 124 Hifloire LEE A PA TRIER geons Ramiers : Leur quantité prodi-* gieufe : Chaffe aux Etourneaux. à | QE E lesOifeaux aquatiques def quels nous venons de parler dans “le chapitre précédent, il y en a dans les Bois de tant d’efpeces différentes , qu’il n'eft point poffible d’en avoir une con noiffance exacte ; d’ailleurs on ne péne“ tre pas aifément dans les Bois qui fonts fur les Rivieres, parce qu’ils font trop» fourrés.;ils nourriffent néanmoins beau coup d’oifeaux que nous ne connoiffons! point , & dont la defcription feroit quel« que plaïfir à notre curiofité; mais fans. m'écarter de la route que j'ai fuivie juf= qu’à préfent, je ne parlerai que des oi {eaux que je connois particulierement en ayant tué la plus grande partie pou les examiner à loifir. | 4 - Les Dindons font l’efpèce d’oifeaux qui fe trouve le plus généralement dan : cout le Pays; ils font plus beaux , plus gros & meilleurs qu'en France. Les , #À cd 7 dela Louifiane. r2f. plumes du Dindon font d'un gris de maure , bordées de la largeur de trois à quatre lignes de couleur d'or ; les peti- tes plumes font auffi bordées de la mé- me couleur, de la largeur d’une ligne au plus: les Naturels en font plufieurs ouvrages; entr’autres ils font des éven- tails avec la queue , & les François font un parafol de quatre queues jointes en- femble. Les femmes des Naturels tref- fent les plumes du cofps , de même que les Perruquiers en France treflent les cheveux: ces plumes aïnfi treflées lont attachées fur une vieille couverte d’é- corce qui fe trouve en duvet des dezx côtés. Sa chair eft plus délicate, plus Hiuue Œ pIUS AULEUIENLE UUS Cie QU nôtre. Il va par troupe, & avec un chien on peut en tuer beaucoup: j'ai parlé ailleurs de cette chaffe {1). Je n’aijamais pu avoir des œufs de Dindons pour en faire éclore, & con- noître s'ils font auffi difficiles à élever en ce Pays qu’en France, puifque le c'imat eft prefque le même : mon Ef- clave m'a dit que dans fa Nation & dans fon village on en avoit eu , & qu’on les avoit élevés fans autres foins que + (1) Voyez Tome I. Chap. XVI. Fi 126. Hifloire ceux. que l’on prend pour-des jeunes: _ Poulets. | | Fafan, Le Faifan eft le plus bel oifeau qu’on puiffe peindre. ; durefte entiérement | _ femblable à ceux d'Europe. Je ne fçais fi c’eft la rareté de cet oifeau qui fait que l’on en a tant d’eftime ; on mange en France des faifans qui ne valent pas de bons chapons. Dans mon voyage des terres j'en tuai quelques-uns , mais, je leur ai toujours préféré un morceau de filet de Bœuffauvage, & à mon goût là boffe de ces bœufs vaut mieux que cent faifans. | Radis Les Perdrix de la Louifiane font tout au plus de la groffeur des tourte- relles ; leur plumage eft le même que celui de nos perdrix grifes, elles ont auf le fer à cheval ; elles perchent fur lès arbres , & on les voit rarement en. compagnie ; elles fiffent deux coups de fuite & trés-fort : c’eft {ans doute: ce qui les a fait nommer par les Nat- chez Hô-ouy , mot qui exprime leur maniere de fiér. La chair en eft blan- che & délicate, mais elle n’a pas plus de fümet que tout le gibier du Pays, qui n’a qu'une fineffe de goût. Li Bécale. La Bécafle efttrès-rare, parce qu’elle. 4 FN ETES g D Mn Le = Fe 2 pX Le LP LC LS 1 de Le Louifiane: ‘127 ne fé trouve que dans les Pays inhabi- tés 3 elle eft femblable à celle de Fran- ce; fa chair eft blanche & n’a aucun fumet. ;.mais elle eft au moins auff dé- dicate & plus grofle , ce qui vient de Vabondance &: de la bonté de la nour- Miturei note | } La Bécaffine eft beaucoup plus com pe que. “mune que la bécafle ; j'en ai tué fou- | vent avec un de nos Commandans des _ Natchez , qui venoit me prendre pour ‘y aller à la Chaffe tout auprès de mon Habitation ;:ce qui mautorife à croire qu'elles ne s’'épouvantent pas beaucoup des hommes, puifqu’elles reftoient tou- jours dans-le même endroit, quoique jy pañlañle: fouvent : Les Bécafines font très-délicates, la chairen eft blan- che & d’un meilleur goût que les nô- tres. | : Je fuis dans la perfuafion que la Cail- le eft très-rare dans la Louifiane ; j'en ai: quelquefois entendu ; mais je men ai. jamais và , & jé:ne fcache aucun François qui en ait: appris davantage fur le compte de cet oifeau ; ainfi com- me Je ne parle point de ce que j'igno- re; je.me crois difpenfé d'en donner la ‘defcription.. PA | 1 Il a plû à quelques: Colons- de: la Ortolam Caïille, 128 PR Hifhoire \sh | Louifiane de nommer Ortolan un pe=" tit oifeau qui enla le plumage, mais qui dans tout le refte de fes parties ne” lui reffemble:en aucune maniere. 11" Corbijeaus Le Corbijeau eft auffi gros que la bécaffe & très-commuün.; fon plumage varié de diverfes couleurs nuancées eft tout-à fait différent de’celui de la bé- cafe ; fon bec qui eft courbe eft d’une couleur jaune rougeâtre , eftplus long que celui de la bécaffe ; il en eft de:mé- me de fes pieds ; faichair eft plus ferme & d’un goût pour le moins aufli fin. É Se ci s" Perroquer Le Perroquet de la Louifiane r’eft point auffi gros que:ceux que d’on ap- porte o rdinairementien France. En .gé- siéral fon plumage eft d’un beau verd Céladon & fa tête eft coëffée de cou- leur aurore qui rougit versle bec, 6e fe fond par nuance avec le verd du co= té du corps. Il apprend difficilement à parler, & quand il le fçait , il'en fait rarement ufage ; femblable en cela aux Naturels qui parlent peu.’ C’elft fans doute parce qu'unPerroquet filentieux ne feroit pas fortune auprès de nos Dames, que lon nevoit point de ceux- ci en France. Hs vontroujoursencoms pagnie, &s’ils ne font pas.grand bruit, #77 &ant privés, enrevanche ils:en font 22 de la Louifiane. 129. beaucoup en l'air qui retentit au loin de eur cris aigres. Ces oifeaux font ordi- . mairement leur nids dans des trous qu’ils aggrandiflent après qu ils ent été.com- mencés par les Pics-bois. Ils vivent de noix d’un efpece qui eft tendre & amé- re , de pacanes, de pignons, de lau- riers à tulippes & d’autres graines, . La Tourterelle eft en tout {embla- ble à celle de France ; mais on en voit Deus... | “4 Les Pigeons Ramiersfontenfipro- digieux nombre, que jé ne crains point A a . d’exagérer en aflurant que quelquefois _ leur multitude dérobe la clarté du So- ‘leil, J'en vis un jour que j'étois fur le bord du Fleuve S. Louis, qui fe lui- voient a la file le long du Bois:cette fi Je fuc fi longue, qu'ayant tiré.mon pre- mier coup de fufil , j’eusile tems de le recharger trois fois ; maïs la rapidité » de leur vol étoit fi grande, que quoi- que jene tire pas mal, de mes quatre … coups je n’en pus. abattre que deux. . … Ces oïfeaux ne viennent à la Loui- pommags . fiane que pendant l’'Hyver, & reftent quileaufe. en Canada pendant l'Eté, où ils man- … gent lesprains, comme ils mangent V5 Slands dans la Louifiane ; les Cana- diens on mis tout en ufage pourles eme —4 Tourterelle, pêcher de leur faire tant de mal, &. -n'ont pü en venir à bout: dans la Louis fiane au contraire on les fouffre volons « tiers, parce qu’ils n’ÿ mangent que / des glands. Cependant fi lés Habitans . de ces deux Colonies allôient à la chaf- fe de cesoifeaux., dé Ja maniere que je lai fait, ils les détruiroient infenfible- ment, & les Cänadiens für-tont ‘y ga- gneroient beaucoüp ; puifqu’en*dértrut: fant leur nombre, ils féroient dés moif- fons plus abondantes. Cette Chaflé qui | fé faitde telle forté qu'il faut porter plufieurs fics pour mettre en fûreté le gibier, , mérite que j’en donne un pe- | ACER 0 1 s ee SesPa-- En fe promenant dans lés hautes fus Seau. tayes , il faut regarder au piéd des ar= bres. qui ont le plus de branches, & examiner fi l’on y voit une grande quantité de fiente ; lorfque l’on en a. trouvé un tel que je le dépeins , on doit le remarquer: de façon que l’on puiffle le‘reconnoitre en y allant un peu avant la nuit. Avant dé partir on fe mu- it de morceaux de pots caflés, ou à, Jeur défaut, on prend dés affètes de. terre au nombre de cinq ou fix ; on y ajoute environ deux onces de fouffre en poudre , & on n'oublie point de fe. 4 de la Lowifiane. 151 munir de trois ou quatre facs & d’un ti- . {on allumé. Lorfque l’on eft arrivé, on a foin de difperfer le fouffre dans les têts de pots & de les placer à: diftance à-peu-près égale deflous lPextrémité dela rondeur de larbre ; on met le feu au fouffre à mefure qu’on les place , & on fe retire du côté que le vent vient, dans la crainte d’être incommodé de Podeur du fouffre. Tout étant.ainfi dif- poié , on ne fera pas long-tems: fans à entendre tomber une grêle de Ramiers; on ira les ramafler lorfqu’ils ceffleront de tomber ; ce qui arrive fitôt que. le . fouffre eft fini, Pour s’en tirer plus commodément & avec un plus grand” _ avantage , il faut avoir tout prêts des flambeaux de cannes féches , ou de paille, (felon le- Pays ) afin de fe pro- curer une lumiere fuffilante pour pou- voir enlever tout le gibier qui eft tom- _bé fous Parbre. Cette chafle eff facile ; les Dames peuvent en prendre le plai- - ir, puifqu'il n'ya d’ailleurs ni fatigue ni danger d’être bieñé, Quoique ce que j'ai dit jufqu’à pré- Quantié pro ent de ces oifeaux fuffife pour faire nn voir leur nombre.qui pañle c: qu’on en | | Rae dire, je vais rapporter à ce ujer un fait qui prouve encore leur. NE, Leur fnfhin 132. … Hifhoire j. quantité prodipieufe, & dans lequel on remarquera en même-terns quelle eft Jeur induftrie pour fe procurer la nour- riture. J’aurois pû inférer ce fait dans le narré de mon Woyage dans les terres; mais j'ai crû devoir réferver pour cha- que efpece d'animaux , ce qui les con- cernoit , afin qu'il y eût plus de fuite; j'y ai cependant laiffé le Caftor, il fem ble que la circonftance le demandoir. Dans ce Voyage je traverfar plu- fieursfois le Fleuve, & ce futaprès une de ces traverfées , que, tandis que l’on : faifoit des paquets, j’entendisun bruit fourd qui venoit du bord du Fleuve : au-deflous de nous, & quiétoit appor- té par le vent qui venoit de ce côté-là. M’appercevant que le bruit continuoit toujours également , je fis préparer la pirogue au plus vite, m’y embarquai avec quatre hommes, & defcendis en. gagnant le milieu du courant, afin d’é- tre à portée, dans le befoïn , de mere- tirer de quel côté du Fleuve je fouhai- a. terois. Plus nous defcendions, plus le bruit augmentoit ; mais quelle fut ma furprife lorfque je fus aflez près de l’en- droit où fe faifoit le bruit, pour y fixer ma vûe ? Je vis que ce bruit venoit d’u+ ne colomne grofle & aflez courte fur lé 4 de la Louifiane, 133% rivage du Fleuve : j'en approchai de façon à pouvoir diftinguer, que c’étoit une légion de Ramiers qui montoient & defcendoient continuellement du haut en bas d’un chêne verd,où chaque ramier montoit fucceflivement pour y … donner deux ou trois coups d’aîle pour en abattre du gland (r), puis defcen- . cendoit pour manger les fiens ou ceux que d’autres avoient abbattus 3 mais: J'activité avec laquelle ils montoient & defcendoient faifoit un mouvement perpétuel, qui formoit cette colomne dont jai parlé. Le bruit étoit caufé par: le murmure de cette multitude, & ce bruit étoit ce qui avoit piqué ma cu- riofité avec jufte raifon, puifque nous. “étions alors éloignés de plus de qua- rante lieues de toute Habitation. Cet- . te action générale me fit admirer l’in-- duftrie de ces animaux pour vivre, fans. que l’on apperçoïve dans Pinftinct qui. leur donne cette induftrie, aucune mar- . que d'avarice ou de parefle ; chacun fe * faifant un devoir de travailler égale- ment , & de ne ramaffer que la quanti- té de glands qu'il peut à-peu-prèsavoir _ abbatta. ET Nr n (1) Ceglandeftrond, de la groffeur d’une: petite noifette, & a très-peu d'amerfumes f çÇ: LL A. 134 Wifloire- Gornei Ile, à Corbeau, Hibou. . @houerte, . Pie. Merle. _ Etourneau, Les Correilles font communes à la Louifiane ;. leur chair eft meilleure à manger quecellé descorneilles de Fran: ce, parce qu'elles.ne mangent point de chair morte.; elles peuvent certaines ment en avoir l'inclination aufli bien que les nôtres ; mais les Carancros leur en défendent l'approche. Jenefçaiss’il y a des Corbeaux dans ce Pays;.je puis du moins affurer qu’il y enatrès peu, ne me fouvenant point d'en avoir jamais VüSs: Les Hiboux font plus gros & plus blancs qu’en France, & leur cris bien plus. effrayant. La Chouette eft la mé- me que la nôtre. ; mais beaucoup plus rare. Ces deux oifeaux font plus com- muns.dans là Bafle Louifiane. que dans la Haute. La Pie n’a que le.cri femblable à ce-. lui des Pies d'Europe ; elle eft plus dé- liée , totalement noire , fon vol & fes mouvemens très- ne &. ne refte guéres que vers la Côte. Les Merles font noirs .par: tout le corps, fans en excepter les.pieds ni le. bec, & font prefque une fois plus gros que les notres ; leur ramage eft dtffé- rent, leur chair eft plus dure. Les Etourneaux font de deux efpes. dé: la Louifjane. 13 ces , les uns font gris mouchetés, les autres font noirs ; tous- ont le moi- gnon de l'épaule d'un très-beau rouge. Ils font oifeau de pañlage comme enr France ; on n’én voit que l’'Hyver, mais ils viennent en fi grande quantité, . qu’on en a pris d’un feul coup dans dés flets jufqu’à trois cens &, plus. Voici. de quelle maniere fe fait cette chaffe. On doit avoir un filet de foye, qui café aux foit très-long & étroit: lorfqu’on veut Ftounceaus le tendre, on va nettoyer un endroit | près du Bois ; on fait une efpèce de fen- tier dont la terre eft battue & rrès-unie. On tend les deux parties du filer dés deux côtés du fentier, fur lequel on fait une traînéé dé ris, ou d’autres graie nes ; on va de là fé mettre en embufca- de derriere une brouffaille, à.laquelle répond la corde du tirage. Quand les. Etourneaux en valant paffent au-deflus de.ce fentier , leur vûe perçante décou- vre l’appas ; fondre deffus, fe trouver pris dans les filets;n'eft l'affaire que d’ün -inftant: on eft contraint delesaffommer, , à fäns quoi il feroit impoñlible d’enramale. fer un fi grand nombre. “ Frs M, + eu 336 Hifloire \ |: CHAPITRE IV. Suite des Oifeaux : Des armes &: de l& nourriture du Pic-bois : Du Colibri où Oifeau Mouche : Des Infeéles volans.… , L ue T° Pic-bois , tel en général qu'on! Pic-bois À, le voit en France, eft de deux ef= pèces par rapport au plumage : les uns font gris, mouchetés de blanc: les au= tres ont la tête & le col d’un rouge ex- trêmement vif,-& le refte comme les premiers ; ce qui produit un effet char= mant à la vûüe, & forme un très-bel oi- feau. si Les Pic-bois ne vivent que de Vers qui fe trouverñt dans le bois mort, & non de Fourmis, ainfi qu'un Auteur moderne veut le faire.croire, faute d’a- voir étudié la nature des chofes qu'il rapporte. Quelle apparence d'ailleurs que ces oïfeaux aillent percer un arbre pour y trouver des Fourmis, qu'ils trous veroient aifémentäterre,s’ilss’en nour= rifloient ; de plus les Fourmis font leur demeure & leur magazin en terre, où elles font plus chaudement en Hyver 3. Sanourritures. | de la Louifiane. +37 Ben tout tems en plus grande füreté : on peut ajouter que les Fourmis ne fe nourriflent point de bois, mais de grai- nes: Je pourrois encore dire que les ar- mes dontlanature a pourvu ces oïfeaux pour:fe nourrir, démontrent qu'ils vi- vent de Vers & non de Fourmis. On peut rapporter dans les hiftoires, des _chotes faufles que le lecteur ne fçauroit ‘contredire 3 mais en lifant le fait de cet Auteur de la maniere qu’il le raconte, “on y trouve de la contradiction , & on s’apperçoit facilement que la chofe n’eft point naturelle. Revenons aux Pic-bois, … Pour fe nourrir des Vers qui sen- gendrent dans le bois mort, ces oifeaux s’attachent à ces troncs fouvent dé- pouillés de-leur écorce; de forte qu'ils “ont obligés de fe tenir avec leurs pat- “tes le ventre collé contre l’arbre; ils prêtent l'oreille pour entendre fi le Ver ronge le bois, de quoi il s’apperçoi- vent aifément. Si le Pic-bois n’entend rien vers le bas de l’arbre, ilmonte peu- à-peu en fautant, toujours le ventre contre le tronc, jufqu'à ce qu’enfin il entende un Ver ; pour lors il redouble _fonatrention, & lorfqu’il.eft affuré du Mieu oùeft l’infecte, il perce l'arbre en cet endroit, pique le Ver avec fa lan-- 138 Hifloire " ue dure & très-pointue, @ tire fa proye hors de fon réduit peur s’en re- paitre.. | | ". $esarmes, Pour cet effet la Nature lui a donné des armes convenables à cette chañlex il a des griffes dures & très-aigues pouf s'attacher au bois mort, un:bec très- dur & fait en forme d’une petite hache, un col fouple & long pourfaire travail- ler fon bec utilement , enfin une langue armée à fon bout: d’une-pointe dure & très: perçante ; cette pointe ef garnie en dedans de plufieurs barbes dures, quoique fléxibles dans leur pofition, la pointe pique-le Ver, lesbarbes le re- tiennentscette langue allonge de trois à quatre pouces felon le befoin. Telles font les armes de cet Oifeau & la def= cription de fa langue, qui n’eft nulle- ment gluante, comme:le prétend faufle- ment l’Auteur déja cité : le leéteur peut porter fon jugemenr.. | Hyrondelless. Les Hyrondelles en:ce’Päys, ont Martinet. À | jaune ce que les nôtres-ont blanc, & elles habitent les Bois. Par-tout ail- leurs où-on voit des Hyrondelies, dans les Villes on y voit auffi des Marti nets; cependant je n’en ai vû aucun que la Louifiane ailleurs-que dans-les OSe. BG 3 "FR de la. Louifiane. 139, Le Roffignol ne.differe point du nÔ® Roffignole: re pour la forme & le plumage ; fi ce: vefl.qu'il a le bec un peu plus long; mais il a celade particulier qu'il chante soute l’année, quoique rarement, &: qu'il eft affez familier: H ef très-facile 4e l'attirer fous le pignon d’une maifon. jù les Chats ne puiflent aller, en y met-- rant.une petite late & à manger, avec. un morceau de calebace où il fait fon nid : alors on peut s'aflurer qu'il ne.fon- gera point.à déménager. . “ro * Le Pape eft un oileau dont le pluma- papes. ft rouge &noir ; ila été nommé ainfi. peut étre à caufeque fa couleur le fait Iparoïtre plus vieux., & que l'on choifir. les plus avancés en âge pour remplir cette dignité ; ou parce que {on ramage: ef doux , faible & rare; ou.enfin par ce qu'il falloit un oifeau de ce nom dans: cette Colonie, où il y avoit déja deux. pèces d'Oifeaux , dont Les uns fe noms F nent Cardinaux & les autres Evêques. … Le Cardinal doit fon nom au rouge Cardinal éclatant de fon plumage ,. &à un petit: Capuchon quil a. fur le derriere de la: tête. qui reffemble. affez à celui d’un: camail. [Left gros comme ün Merle , mais moins allongé; fon bec eft gros ;. or. &. noir, ainfi que. fes pattes : il e AS Hifioire 0 fife d’un ton net, mais haut & fi pére çant , qu’il romproit la tête dans dés maifons, & qu’il n’eft agréable qu’en pleine campagne & dans les Bois. On: Pentend fréquemment en Eté, & l'Hys ver feulement fur le bord des Rivieres® quand il a bû : car cette faifon il ne fort point de fon nid , où 1} garde conti= nuellement la provifion qu'il a faite pendant le beau tems. On y a trouvé en effer du grain de Mahiz amañlé juf- qu’à la quantité d’un boiffeau de Paris, Ce grain eft d’abord artiftement cou vert de feuilles , puis de petites bran- ches ou buchettes, & il n’y a qu’une feule ouverture par où l’oïfeau puifle entrer dans fon maœfin Evèqu. L'Evêque eft un oïfeau plus petit que le Serin ; fon plumage eft bleu ti= rant fur le violet , & fes aïîles qui lui fervent de chape, font tout-3-f:it vio= fettess on voit par-là l’origine de fon nom. Il fe nourrit de plufieurs for: tes de petites graines, entr'autres de Widiogouil & de Choupichoul , efpece de Millet naturel au Pays. Son gofier eft fi doux, fes tons fi flexibles, & fon ramage fi tendre,que lorfqu’une fois om l'a entendu, on devient beaucoup plus géfervé fur l'éloge du Roffignol. Som de la Louifiane. PA hd. dure l’efpace d’un Mifèrere | lans tout ce tems il ne paroît pas re- pére haleine: il fe repofe enfuite Jeux £ ois autant , pour recommencer iufh-tôt après. Cette alternative de chant & de repos dure deux heures. le prenois un fi grand plaifir à enten- Are ce charmant oifeau , que je confer- opis , fur lequel il en venoit un fe per- cher, quoique jen 'ignoraffe point qu’un “oup de vent pouvoit déräciner cet ar- dre, qui étoit ifolé, & le renverfer fur ma mailon à mon grand dommage. je Le Colibri, ou Oifeau - mouche , 2 l tant plumé 1 n’eft pas plus gros qu’un NEinneton : la couleur de fon plumage n'a rien defixe, elle change felon fon " pofition au jour, & fur-tout au So- “4 l; alors il péroît un émail fur un ond d’or qui charme les yeux. Les lumes les: plus longues de fes ailes Le, la même longueur & pointu com- une alêne; fa langue eff comme une illé à coudre ;. fes yeux font rou- es | vifs & [1 , & fes pieds ref- e lent a ceux d’une groffe Mouche. Son: vol +. qui approche de celui de la | Fe Erin, , eff rapide, tout petit La el » vai toujours un Chêne près de mon Colibri, ou Oi- feau - Mouche. f nt que fept à à huit lignes , fon bec Le] On nepear les &ant: un de mes amis néanmoins eut conferver vi- NADSs apperçü. Liane, qui écoit trop grande pour que Mon ami s’approcha avec autant de lé= la coupa , & empoxta le Oolibri pris +42 Hifoire ft, qu'on l'entend toujours avant qu dele voir. Quoiqu'il ne vive , ainfi qu TAbeïlle, que de fuc de fleurs , 11m fe pofe point deffus comme elle , ‘maïs fe foutenant en air fur'fes aîles , il'en fuçe la fübftance, & patle d'une fleu à l’autre , ‘avec la rapidité d'un éclair. Rien n’eft plus agréable que de lui voi faire ce petit manége dans un champ de tabac, dontune partie elt en fleurs il prend les fleurs depuis la cime jufqu'à celle qui approche le plus de terre, ül ne fe pofe ‘fur aucun pied , quoiqu'il les vifite tous fans oublier une fleur de chaque pied ; il va de la forte d’un bout à l'autre du champ. jufqu’a ce qu'il ne trouve plus de ce qu'il re= chérche. Pour fe procurer ce plaifir, il faut fe cacher de façon à n'être poitit Il eff rare de prendre un Colibrivi- un jour le bonheur d’en attraper uns qu'il avoit vü entrer dans la fleur d'une fon bec, quoique paffablement long, pût de dehors atteindre jufqu’au fonds géreté que de vitefle , ferma la fleurs LS de la Louifiane. 143 onnier. On lui fit au plutôt une cage, ec des cartes, comme les enfans en ont des coffres , .& l’on découpa des ärreaux : on eut grand foin de fee @ Colibri des fleurs fraîches, & de Oùt ce dont les gifeaux ont coutume “€ manger ; mais on ne put jamais l’ex- ter à “prendre aucune nourriture. nourut au bout de quatre jours , de ‘hagrin , fans doute, d’avoir perdu la berté. Après fa mort il étoit laid en omparaifon de ce qu il paroifloit étant ps 4" ru 1! =.) Li e Troniou eit un petit oifeau de la Troniou, “roffeur du Moineau franc , fon pluma- re eft auflile même ; mais fon bec eft dus délié: {on ramage femble appren- 1e {on nom à ceux qui l'enrendent. … -€s François élevent dans cette Pro-,, Lune à nce des Dindons de l efpèce que l’on rope. en France, des Poulardes, des Cha- des Poulets d’un très-bon goût; Pigeonneaux fur-tout par la déli- rateffe & la fineffe de leur goût fe font “fimer des Européens: au-deflus de tout e qu’ils ont mangé en aucun endroit lu Monde ; la Poule Pinrade Y eft dé- icieufe. Il eft croyable que toute cette lolaille n’eft fi fucculente, que parce L le eft nourrie de graines de bonne 144 REX Es pee Re. 144 | Hifloire ne qualité, telles que font le Riz & ahiz. À Ver-àSoye, Nous avons dans la Louifiane de 1X fortes de Vers-à-foye; l’un y a été ap porté de France, Lautre eft nature] at Pays ; je me réferve à en parler , ai0f que de leur ouvrage, dans l'article de V Agriculture. Verä-tabac Le Ver à tabac eft une Cherile 8 la groffeur & figure du Ver-à* “oy > « | fa figure eft un verd celadon bardel de blanc argenté ; il porte fur la cro pe un piquant de deux lignes dé lon Cet Infecte en péu de jours fait beau: coup de ravages : pour Jen empêcher on à foin dans le tèms que le tabac mon“ té, d'aller tous les matins ôter de def as le tabac, & F 'écrafer entré deux co sp d peaux. fe Chenifles, Pendant l'Eté on trouve qüclqu Ver luifanr, Chenilles fur les Plantes ; cet Infeck eft rare dans cette Colonie. Les V Iuifaus font les mêmes qu'en F rc Papillon. Lés Papillons : hé font point à beat coup près fi communs qu’en France; € qui dénote,comme} je viens de Fe y 2 moins de Chenilles ; mais ils d’une incomparable beauté, &ontI Le: plus brillantes coùleurs. On voit de dés Prairies des: Sauterelles noires € me de la Louifiane 145 marchent prefque toujours, fautént ra- rement & volent encore moins : elles Sautérelles Ch CV ab font grofles comme le doigt, quelque . fois comme le pouce , & longues de trois ; leur tête proportionnéeau Corps eft faite comme celle de Cheval : les petites aïles de deflous au nombre de quatre, {ont d’un très-beau pourpre ; Mes Chats en font très-friands. Il s’en voit de plufieurs autres efpèces. ” Les Abeilles de la Louifiane fe lo- igent fous.terre, pour garantir leur miel du ravage des Ours qu ‘en font textrémement friands , au point qu'ils bravent leurs piquûres; dans la Louifia- me elles fe mettent dans des troncs d’ar- Bres comme en Europe; mais où on en voit le plus, c’eft dans l'intérieur des Ours ne vont jamais ; les Abeilles con- oïffant par leur inftin@t que leurs en- nemis trouvent leurs nourritures dans les Bois fourrés fur les bords des Ri- wieres ; loin des Bois qui font dans les terres. ‘: | Les Taons font de deux efpèces ; il yen a de jaunes- bruns comme en Fran. ce, ce font les Taons jaunes ; il y en eur couleur. Dlomell, : ï G° Abeilles terres, dans les Bois de Futayes où les : Taons jaunes & noirs. rauffi de noirs qui portent Le nom de TR Hifloire Guipe. Les Guêpes dans ce Pays viennentn faire leur demeure & leur magafin de” miel auprès des mäilons où eiles fen-" _teût de da Niaide. 06040 emo Plufieurs François qui n’aimoient! point leur voifinage , leur donnoiïent la chafle, & les détruifoient tant qu’ils. pouvoient;je n’en faifois pas de même; je fçavois qu’il ne reftoit point de Mou-« ches où les Guêpes habitoïent ; ainfi au, lieu de les chañer , je les attirois par quelque morceau de viande attachée! en Pair. | EE Les Frappes- d’abord font des Mou- bord. ches longues & jaunâtres, que l'on nomme ainfi, parce qu’elles piquent dans le même inftant qu’elles fe po-.. fent. Les Mouches ordinaires de Fran- ce font aufi en grande quantité à la Louifiane. | 1. \ à Monches Can. Les Mouches Cantarides font tres- taridess nombreufes ; elles font plus grofles qu’en Europe, & ont un fi grand aci- de, que fi peu qu’elles touchent la peau en pañlant, dans le mêmeinftant l’ampoule paroït , même aflez grofle : ces Mouches fe nourriffent de feuilles de Frêne. Les Mouches vertes ne paroiffent Mouches ver-que tous les deux ans, & les Naturels tes, | de la Louifiane: 147 &nt la fuperftition de les regarder com- me le préfage d’une bonne récolte. C’eft dommage que les Beftiaux en foient incommodés à ne pouvoir ref- ter dans les champs: car elles font d’une beauté parfaite, une fois plus grofles que les Abeilles ; elles fonc du plus beau verd celadon, &c leur dos reffemble à une cuirafle d’or cifelé & “bruni, dont le deffein confidéré au mi- crofcope eft tout-à-fait admirable. Les Mouches luifantes font très- mouches ts communes ; lorfque la nuit eft fereine , fantes, elles font en fi grande quantité , que fi la lumiére qu’elles jettent étoit conti- nuelle , l’on verroit auñi clair que par une belle Lune. . Ce n’eft point des Fourmis ordinai- Fonrmis-Mou- res que fortent les Fourmis- Mouches, ceæ que lon voit fur tout s'attacher à Là fleur des Acacias, & qui difparoiffent aufli-tôt que cette fleur eft tombée : car quoiqu’elles foient de la forme des Fourmis, elles font & plus grofles & plus longues que les autres, qui fer- vent a perpétuer l’efpèce que nous con- moiflons. Elles ont la tête quarrée; leurcouleur eft rouge tirant {ur le bran bordé de noir, & leur pattes font noi- es; leurs ailes au nombre de quatre | Gi 148 Hifhoire 1 font griles & rouges, & elles volent comme les Mouches; ce que ne font pas les Fourmis volantes, quine font telles que par métamorphofe , & après avoir pañlé par l'état de Chryfalide , ayant été précédemment Fourmis rempantes.… _ Les Demoifelles font en aflez grand" Demoifelles, nombre ; on ne-cherche point à Les dé" truire, parce qu’elles fe repaiflent de Maringouins, qui eft l’efpèce d’Infec-" tes la plus incommode. | Les Coufins:ou Maringouins fe font! CoufinsouMs- fait une grande réputation dans toute ringouins PA mérique, par leur multitude, pars . Pimportunité de leur bourdonnement & le venin de leurs piquûüres , qui cau- fent une démangeaïifon in{upportable ; & forment fouvent autant de petits ul- céres , fi l'on n’a foin auffi-tôt de paf= fer de fa falive fur l'endroit piqué. On: en eft moins tourmenté dans des lieux bien découverts; mais on left toujours, & l'on n'acommunément d'autre préfer- vatif contre leurs attaques, que de faire le foir de la fumée dans la maifon pour les chafler. J'ai été aflez heureux pour trouver quelque chofe de plus ef: ficace ; c’eft de brûler un peu de foufs fre Le foir & le matin, & l’on peut s’aflus rer que cette fumée fait mouiir fur le’ Ra Lu à L de la’ Louifiane. 149 champ tous ceux qui s’y trouvent, & que l'odeur qui fe conferve long-tems . pour les Infeétes dont l’odorat eft ex- trémeinent fin:, leséloigrent pour‘ plu- fieurs jours. Une heure fuffit pour la diffiper au point qu’elle n’incommode point les hommes: HR te : Parle même moyenonfe débarrafle Mouches ou “des Mouches & des Moufquites:,. dont Moufquises. là piquüreeft douloureufe & très-fré- .quente dans le peu de tems qu’ils cou- rent ;- Car ils ne felevent qu’au Soleil- couchant , & fe retirent à la nuit. Il nen.eft pas de même des Brüûlots APR éeux- ci, quoiqu'ils ne foient pas plus gros que-la pointe d’une épingle, font infupportables aux gens de travail dans la campagne. Ils volent dés le lever du Soleil, & ne fe retirent qu’à fon cou- cher ; les bleflures. qu’ils font brülent comme le feu. Ve | Le Lavert eft un Infe@e large d'en- pavere viron trois lignes, long de douze , & j ren a qu'une d'épaiffeur. Il pafle par es moindres fentes dans les maifons, & fe jette principalement la nuit fur les plats, même couverts, ce qui le rend très-incommode pour ceux dont les maïfons ne font encore bâties qu’en bois ;.maisles Chats en font fi friands, à À Gij Fourmie FETe) Hifhoire qu’ils quittent tout pourfe jetter fut eux aufli-tôt qu'ils les apperçoivent.w Dés qu’en défrichant on fe trouve un peu éloigné des Bois, on en eft entié- rement délivré, ie) On voit à la Louifiane des Fourmis: _ blanches qui paroiffent aimer le bois mort : Des perfonnes qui avoient été aux Indes Orientales , m'ont afluré, qu’elles étoient toutes femblables à celles que dans ces Régions on nome me Cancarla, & qu’elles perçoient le verre , expérience que je n'ai point fai- te. [l y a dans la Louifiane, comme en France, des Fourmis rouges & noires & des Fourmis volantes de même que les nôtres. A de la Louifiane. LÉ PALPITRE KIL Des Poifons : Des Huitres & autres Coquillages. AE I Lu me refte plus qu’à parler des Poiflons , fur lefqueis je ne m’éten- drai pas beaucoup, quoiqu'ils foient CRE en prodigieufe quantité, parce que de . mOn tems on ne les connoïfloit pas en- . core tous, & que l’on n’éroit pasalors . aflez exercé à les prendre. En effet la | A : re 154) \ plüpart des Rivieres étant très pro- fondes , & le Fleuve S. Louis ayant . trente-cinq à quarante braffes d’eau, . comme je l’ai déja dit, depuis fon em- bouchure jufqu’au Sault S. Antoine, on conçoit afément que les engins dont . o#fe fert en France pour la Pêche, ne peuvent être à la Louifiane d’aucune utilité, puifquil eft impoñlible qu'ils aillent au fond de l’eau, ou qu'ils y plongent du moins aflez avant pour Jaifler aux Poiflons peu de moyens d’é- :chapper. On ne peut donc faire ufage que de la ligne, avec laquelle on prend "gout le Poiffon que l’on y mange fur la Pt Gun. @aibue, La grandee Re Hifloire Riviere. Entrons dans le petit détail! que je vais en donner. ; La Barbue eft de deux efpéces , la’ grande & la petite. La premiere a juf= qu’à quatre pieds de long , & l’on n’en. voit point de cette efpéce de plus pe- tites que deux pieds de long , les plus. jeunes fans doute fe tiennent au fond: de Peau. Cette efpéce a la tête très- grolle , & dès là le corps qui eft rond: va en pointe jufqu’à la queue. Ce Poif- _ on eft fans écaille & fans arrêtes , ex- La petite. cepté celle du milieu ; fa chair eft très- bonne & délicate, mais un tant foit peu fade, à quoi il eft facile de remé- dier : au refte elle eft fort femblable à. la chair de Morue fraiche du Pays: on. la mange à toutes les fauces aufquelles. on peut manger un Poiflon, & on la trouve bonne de toutes les manieres, qu’on peut l’accommoder. f’en falois. tous les ans un baril pour pafler le ca- rême,. & je l’eftimois au moinsautant. que la Morue verte. La petite Barbue a depuis un pied: jufqu'à deux pieds de long ; elle a la tête auffi large # proportion que la grof- fe ; mais elle n’eft point fi ronde, & ne va pas fi fort en pointe ; fa chair ne. fe leve point par écailles ; mais ellé efts a’sOULC SNNNSS @ osttl" D dela Poufiane 153 plus délicate : du refte elle eft fembla- ble à la grande. . La Carpe eft:monfirueufe dans le: Carpés FleuveS: Louis ; je veux dire que lon n'en voit point de plus petites que de: deux ‘pieds de long, & on-en trouve. beaucoup de trois & de quatre pieds. Les Carpes ne font point fi bonnes vers: le bas du Fleuve : plus on remonte, plus leur goût eft fin, à caufe du fa- ble qui y eft ensflez grande quantité. Elles mont que peu d'œufs & de lai-- tes, fans doute patce qu’elles font trop: vieilles ; fil'on n’en:voit point de pe- tices dans le Fleuve, e’eft qu’il n’y a que les grofles qui mordent à l’hame- çon, & que ne pouvant pêcher au filet, on ne peut avoir que celles que on pê- che a la ligne. Comme tous les Poif- fons. d’eau douce: cherchent la plus claire & la plus vive , une grande par- tie des Carpes s’échappent par les eaux. qui débordent du Fleuve, &: qui fe déchargent dans les-Lacs; c’eft là auffi que l’on en prend de petites, de moyen-. nes & de grofles ;. on y. pêche d’au- tant plus volontiers , que l'on en trou- ve à difcrétion, &c qu’elles font d’un: goût meilleur re dans de Pleawes ete 0 Le Cafle-Burgo eft un poifion excel. caf-Burgos G.v. I$4 Hifloire | : lent ; il eft ordinairement d’un pied & d’un pied & demi de long , il eft rond fon écaille eft dorée ; il a dans la gueu- Je deux os taillés en forme de lime, pour cafler le coquillage que l’on nomme Burgo, d’où lui vient fon nom ; il eft très-ferme, quoique délicat ; la meïl- 4 leure facon eft de le manger au bleu, . La Raye bouclée fe trouve dans le: Faye Bouclée, Fleuve jufques auprès & même vis à ! vis la nouvelle Orléans & non plus haut ; elle eft trés-bonne & nullement coriace ; du refte elle eft la même que celle qu’on voit en France, | Le Spatule eft ainfi nommé à caufe” qu il fort de fon mufeau la forme d'une {patule qui eft de la figure de celle de nos Apoticaires ; elle eft de la longueur d’un pied, le bout eft large de deux pour- ces au moins; & iln’y a qu’un pouce de largeur depuis le mufeau jufqu’aux trois. quarts de fa longueur. Son corps n'ex- cede point deux pieds de long ; il n’eft ni rond ni plat, mais quarré, ayant à fes côtés & deflous des arrêtes qui for ment un angle, comme celles du dos en: forment un. On ne pêche que des Brochets d’enr viron un pied de long : comme ce poif- fon eft vorace, peut-être que le poiflon Spatules Bro CHGTeT | de la Louifiane. 1$S ärmé le pourfuit autant par jaloufie que par goût ; le Brochet,outre fa petitefle eft fort rare. Le Tchoupic eft un très-beau poif- Tchoupic: fon ; plufeurs le prennent pour la Trui- te , parce qu'ils le voyent moucheté de même, mais mal-à-propos; il s’en faut tout qu'il ait ni le mérite ni l’inclina- tion de la Truite, puifqu’il eft fi mol, qu'il n’eft bon qu’en friture, & qu'il préfere l’eau trouble & dormante à Peau vive & courante ; le Fchoupic eft court, la Fruite eft aliongée,fa chair eft ferme, elle fe plaît dans les Rivieres où elle rencontre des pierres & des ro- chers, & fa nature la porte à monter | toujours contre l’eau la plus rapide : il .eft ailé de voir que la difference de ces. _ deux poiffons eff rotale, | | La Sardine du Fleuve S. Louis peut avoir trois à quatre doigts de large, & fix à fept pouces de long; elle eft bon- _ ge & délicate; j'en falai une année plein : % grand pot d'environ quarante pin- tes ; ces Sardines falées me firent plai- . fir.en tems & lieu: tous les François -qui en mangerent les reconpurent Sar- … dines par la chair, les arrêtes &c le goûr. . Eiles font paflageres comme celles que Jon mange en France. Les Naturels G vj Sardinez 356. Hifhoire les prennent lorfqu’elles remontent 18 plus forr du courant, avec des filets qu'ils ont à cet effet feulemenr. pau. Le Pataffa eft ainfr nommé par les: | aturels, parce qu'il eftplat, ce qui fignifie fon nom: c’eft lé Gardon du. Pays, car fon goût & fes arrêtes font . les mêmes. que celles du. Gardon de France. Poiflonarmé, Le Poiffon-armé tire fon nom de fes. armes & de fa cuirafle: fes armes font des dents très- pointues qui ont une li gne de diametre & autant de diftance, & fortent de trois lignes & plus en de- hors de la machoire ; mais l'intervalle. des grandes dents eft‘rempli par dés. dents bien plus courtes ; ces armes an- noncent fa voracité.. Sa cuirafle n’eft: autre chofe que fa peau garnie d’écaïl- des blänches & auffr dures que l’yvoire 3. elles ont une ligne d’épaifleur:: 11 y.en a fur le dos deux- rangées de chaque. côté qui reflemblent tout:à-fait au ‘gs : d’un efponton ; il y a même une queue de trois lignes de long, qui eft au bout. oppofé à’ celui de la pointe, que les. Guerriérs Naturels faifoient entrer dans. le bout du bois dela fléche, le colloient avec de la collé de poiflon, & lioientle” _toutavec des chifles de plumes auflicok… de la Louifrane. . à s?° ées: cette écaille peut avoir en tout neuf lignes de long, fur trois à quatre dans fon plus large, avec fes côtés tranchans : la chair de ï: > poiflon eft du- re @c peu appétiflante ; fes œufs nepeu- vent qu'incommoder ceux qui en Mman- | geroiént, | On trouve beaucoup d’Anguillés Anguilless. . dass le Fleuve S. Louis ; on en pêche … dé très-groffes dans toutes les Rivieres . & dans lés Bayoucs.. Tout-ié bas du Fleuve ‘2Bondé en Ecrévifes - - Ecrevifles : dans lé rems que je fu.s ar- . rivédans ce Pays, larerre étoit couver- Dte de petites élévations-en forme de. Tours de là hauteur de fix à feptpouces, que les Ecrevifles fe faifoient pour pren- _ dre l'air hors de l’eau ; mais depuis que _Pona garanti l'intérieur des terres par » dés levées, elles ne fé montrent plus: … lorfqu’on en défire, on lés péchèe dans. _ es foffés avec une cuifé de grenouille, Les on eft afluré qu’en peu de momens on en a pour un grand plat ‘elles fonc fort: Bonnes... Les Chevrettes font dés diminutifs cy d’Ecreviffes ; ; elles ne font.ordinaire- ment que de la groffeur du petitdoigt - … & longues de deux à trois pouces ; elles portent leurs œufs comme les Écreril Cvrettes r58 Hiffoire. ,. 4 fes ; en cuifant elles ne deviennent jæ mais plus rouges que la couleur de ro= {es pâles ; elles font d’un goût plus fin que les Écrevifles ; & quoique dans les autres Pays la Mer foit leur demeure ordinaire , on les voit à la Louifiane dans la Mer, & en quantité à plus de cent lieues en remontant le Fleuve. Depuis quelques années on a fait ve= nir de France des filets à pêcher, pour s’en fervir dans le Lac S. Louis, qui eft affez plat pour y pêcher à une lieue au large. Ce Lac communique avec la Mer par deux iflues aflez étroites: l’eau en eft faumate; (ou muitié douce, moitié falée, } ce qui provient de plu- fieurs Rivieres qui fe déchargent dans ce Lac par fa Côte du Nord ; de même que trois à quatre gros Bayoucs qui y tombent du côté du Midi. Ce Lacn'eft qu’à deux lieues de la nouvelle Orléans, la premiere par terre, la feconde par un Bayouc qui y conduit. L'on trouye dans ce Lac plufieurs fortes de poiflons de Mer, comme Soles, Plies Mulets Rayes, Rougets & autres; de même du poiflon d’eau douce, comme Car pes, Brochets, Tchoupic & femblables. On trouve près de ce Lac des Elui= Huitre, PIN tres, en fortant par les Chenapx en | de la Louifiane. rs fuivant un peu la Côte ; elles y font enr quantité, très-bonnes, mais aflez peti- tes. Au contraire en fortant de ce Lac, & paflant par un autre petit Lac que. Von nomme le Lac Borgne, gagnant enfuite vers les embouchures du Fieu- ve, on y trouve des Huitres qui ont quatre ou cinq pouces de large, fur fix à fept de long ; ces grandes Huitres ne: font bonnes qu’à être fricaflées , n'ayant -prefque point de fel, mais d’ailleurs grofles & délicates. + Aprés avoir parlé des Huitres de la Huïtres Brèms. *Louifiane, nous dirons un mot de cel- °"°# les de S. Domingue que l’on trouve _fufpendues aux arbres; il me paroïît qu'on peut les nommer Huitres bran- … chues, puifqu’elles fe tiennentaux bran- . ches des arbres qui fe trouvent fur les . bords de la Mer. Les Critiques auront, je veux dire, s’imagineront avoir beau * jeu fur ce petit article ; je les laiflerai venir; je les crains même fi peu, que Je fuis affuré qu'ils demeureront aflez. tranquilles, lorfqu’ils auront vü de quoi _ 1] s’agit. Quoique bien des perfonnes foient dans ie cas d’avoir vû de ces. Eluitres branchues, je fuis certain que la plûüpart de mes leéteurs ne feront 160 Hifloire _ point ennuyés en apprenant commetié® ce fait arrive. En entrant dans le-Port du Cap. François, lorfque nous y paffâmes pour aller à la Louifiane, je vis pour la pre= miere fois des Huitres fufpendues aux branches d’arbriffeaux ; j'enfus furpris+ je priai M. Chaineau , qui étoit notre Capitaine en fecond, de me tirer de peine, & de m’expliquer une chofe que. Je ne concevois pas trop :ille:fit fur le champ. » Ces arbriffeaux que vous » voyez, me dit-il, font très-bas &c: »-d’un bois fi foible, que-quand la ma- » rée eft haute & un peu émue, elle. »-fait baifler les branches jufques fur le. ».fond du Rivage ; alors s’il fe trouve. » quelques Huitres-en cet endroit, el: » les fentent la verdure , elles sou »-vrent, & s’y attachent, de forte. ».qu’à la Mér baffle eiles y reftent fuf- » pendues (r)..» Fel eff le prétendu Phénomêre : que l’on ne crie. donc: point à l’impofture au fujer de mes. Huitres branchues ; je fuis même per-. fuadé que perfonne ‘ne conteftera’ce (1) On vient de donner au Publie une. Hiftoire Naturelle du Senégal, dans laquelle PAuteur rapporte le même faits Ne - _ de la Louifiane. 16 fait qui eft connu des Marins : il eft' daleurs naturel. & très poflible: au lieu que f… je difois que les Chats de: la Louifiane vont à la pêche de l’'Hüi- tre, & qu'ayant mis une de leurs pattes: dans l’écaille qui fe refferre auffi-tôt ». ils reftent dans cette polition, jufqu'à ce que la marée revienne ; fi dis-je, Je jarlois.-de là forte, vn quon autorifé: âne pas me croire, puifque l'Huitre. n'ouvre fon écaille qu’à la marée mon- tante, & que quand elle s ouvriroit ; ce ne feroit point de maniere à être. prife de la forte: d’ailleurs y a:t-il un. Chat dans le monde qui auroit la pa- tience de refter 4 ou $ heures dans. une fituation aufñ douloureufe , & au- roit-ilenvie après cela d'y retourner fou-- vent au même prix © De plus, la ma- rée qui revient fera-t-elle ouvrir cette Huitre? le Chat qui craint l’eau tout au moips autant que. lé feu, fouffrira- til qe la-marée l’entraîne avec l'Hui. tre Je ne puis en vérité m'imaginer. comment un Auteur peut avoir le front de faire prélent au Public d’inventions. auf : impertiñentes qu’élles font impof- fibles. Pour moi je foufcris. volontiers. À ma condamnarion * lorfque dans lés. dits ou defcriptions que je rapporte. r62 Hifloire | on trouvera la moindre contradictions je n'avance rien à tort & à travers, dont je ne fois2Auré ; je fais profeffion de dire ce que je fçais, & rien de plus. _ Moucles où Vers Îes embouchures du Fleuve, Moules. on trouve des Moucles ou Moules qui n’ont pas plus de fel que les grandes Huitres dont j'ai parlé : cette douceur eft occafionnée par les eaux du Fleuve qui fe jettent à la Mer par trois gran- des embouchures, & par cinq autres petites; toutes ces embouchures en outre ont des marais noyés & coupés de quantité de petits Bayoucs,qui jet- tent dans la Mer tant d’eau à la fois, que l’eau de cette partie de la Côte ef faumate ; tout ce terrein aquatique contient plus de dix à douze lieues, Il y a auffi de très-belles Moucles fur le bord Septentrional du Lac S, Louis, fur-tout dans la Riviere aux Perles ; elles peuvent avoir fix à fept pouces de long . & n'ont point de goût, par la même raifon que Jj ai dit que les autres n’en avoient point. Celles dont je parle ici renferment quelquefois des: perles affez grofles ; maïs fi la pleine Mer donne du mérite aux Moucles & . aux Perles, fi celles-ci fe trouvent dans des endroits profonds, quel mérice peuvent avoir des Perles formées dans qui doit leur être étrangere f » De tous les Coquillages de fa Côte, Je plus gros eft le Burgo, qui eft con- mu en France ; mais il y en a un d'une Ibien moindre groffeur, que lon nom- Ime de même, quoique de figure bien différente : fa nacre eft belle & forte ; le deffus eft noir afflez communément ; il s’en trouve de bleues qui font plus eftimés ; oh les a long-tems recherchés D: faire des tabatieres. Il ya piufieurs autres coquillages, qui ajoutés à la colleion de ceux que poffedent quan= tité de perfonnes curieufes, augmente- roient la fatisfaétion qu’ils ont d’em- bellir de chofes rares leurs Cabinets de œuriofités naturelles. » Il y a beaucoup d’autres efpeces de Poiflons dans la Louifiane, defquels je ne parlerai point , parce qu’on les voit rarement & qu'ils n’ont point un mé- rite qui flatte. Dans la premiere Partie de cet Ouvrage j'ai parlé de quatre for- tes de Poiffons , qui font la Sarde, le Poifflon-rouge, la Morüe & l’Effur- \geon , qui tous ont une chair délicieu= Le (1). i … 1) Voyez Tome ÏI, Chap. I, de la Louifriane: 16%. ün coquillage étranger & dans une eau Coquillages CHAPITRE XIIL Travaux des Naturels de la Louifiane® Conftruttion deleurs Cabannes. % Es. travaux-des Naturels. font ff! peu de chofe en comparaifon des! nôtres, que je me ferois bien gardé de les rapporter , fi des perfonnes de difz tinttion ne me les euflent. demandés » afin de faire connoîtrel'indufirie de cés peuples, & jufqu’où peut-aller la force de limagination, lorfqu elleeft forcée de fe procurer les fecours dont la na= ture humaine a un befoin continuelg Cette induftrie étoit d'autant plus né» ceflaire aux Naturels de l'Amérique, qu'ils fé font trouvés dans ce Contis nent, dénués d'outils, &: hors d'état: par conféquent de travailler, de chafs fer , de s’habiller & de fe bâtir. En fortant de l'A fie par l’Efthme qui la joignoit autrefois avec FAmeriques,, je les vois trembler de froid, &.en arris vant chercher du bois pour faire du: feu. [left vrai qu'avant de partir, ils! pouvoient avoir emporté. des. haches de la Touifiane. 165$ four abattre du bois & des briquets jour faire du feu ; mais le fer malgré adureté s’ufe enfin aufli , bien que les sutres chofes utiles ou néceffaires à la me. Je les fuis & les conduis jufques dans le Pays où je les ai vûs ; là leurs “erremens ufés, peut-être depuis long- fems, ne.peuvent -être remplacés par 4 lemiblables ; ils ne trouvent plus de + sailloux pour faire du feu. Un de la troupe plus induftrieux s’a- “fe de prendre une petite branche morte & féchée fur l'arbre , de la grof- “eur du doigt; il la tourne avec vio- “ence en l’appuyant d’un bout fur un bois mort & non pourri, jufqu’à ce qu'il voye fortir un peu de fumée ; alors ramafflant dans le trou la poufliere que ceément, le feu y prend, il y joint de la res inflammables, & fait ainfi du feu. Les Haches, quoique plus groffes que les Briquets prirent fin auffi : avec quoi ces Naturels qui n’ont que leurs bras es abattre du bois? Carilen faut pour fe chauffer , pour cuire les wiandes , pour fe loger , pour faire des arcs & pour d’autres ufages, defquels Phomme ne peut fe pañler, Il faut des # Ke frottement a produit , il fouffle dou- mouffe bien féche, & quelques marie .Maniere de fa: -re du‘fem Les Hache, | ne. 156 Hifloire ; haches : on cherche par-tout, ontrot ve enfin des cailloux d’un gris foncé ée d’un grain fin, tel à peu près que l& pierre de touche. Soit que ce cailloux foit naturellement plat, foit qu’ils l’eufs fent applati fur d’autres pierres dures! & propres à manger des matieres auf très - dures , comme pourrait être le! grais que l’on trouve dans la Louifias e, ils firent des haches. Ces haches de cailloux font épaiffes d’un bon pous ce par la tête , d’un demi pouce aux trois quarts de leur longueur ; le tails Jant eft forméen bifeau , mais non trans chant , & peut avoir quatre pouces de large, au lieu que la tête n’eft large que de trois ; cette têce eft percée d’un trou] à pafler le doigt, pour être mieux af fujettie dans la fente d’un des bouts du manche , & ce bout lui-même bien lié pour ne pas fendre davantage. | Mais voici un autre inconvénient® ces haches en cet état ne pouvoient “ couper le bois net, mais feulement le mâcher, c’eft pourquoiils coupoient toujours le bois rafe terre, afin quelle feu qu’ils faifoient au pied, confumäât plus facilement les filandres ou fibres du‘bois que la hache avoit maché, En fin avec beaucoup de peine & de pas & ence ils venoient à bout d’abbatrre “rbre. Ce travail étoit long : auf fans ces tems ils étoient bien plus oc- ipés qu’à préfent qu'ils ont des ha« “hes que nous leur traitons ; ii eft ar- rivé de là qu'ils ne fe baiflen: plus pour üper un arbre, ils le coupent à la iureur qui leur eft la plus commode. “Ces fortes de haches ne pouvoient juper la viande , il falloit des coû- aux ; on fait rencontre d’une efpéce canne aflez petite , on la fend en juatre, chaque quartier fait un coù- “eau qui coupe bien pour peu de tems ; “la vérité ilen faut plus fouvent ; mais eureufement la matiere n’eft'point ra- : ils nomment ces cannes Conchac , lmême que nos coûteaux. Ts firent des arcs avec du boïs d’A.- vacia qui eft dur & fendant , ils y mi- sent des cordes faites d'écorce de bois. “Is formerent leurs fléches avec le bois jui porte ce nom, & qui eft fort dur 1) ; ils mettoient la pointe de ce bois “urcir dans le feu 3 mais à prélent & depuis ces commencemens ils ont tué es animaux qui leur ont fourni de quoi : 1) Ce bois ne vient guères que de la hau- reur d’un homme ; fes tiges font très-droites k trés dures, de la Louifrane. 167 Coûeux; Ârcg D.” ŒEiéches. _ Peaux. plus ordinairement armées 168 Hifloire ‘4 faire des cordes avec de la peau trem= pée qu'ils tordoient enfuite ; ils ont aufli tué des Oifeaux defquels ils ont tiré des plumes pour garnir leurs ‘flé: ches, qu’ils font tenir avec de la.colle de poiflon, qu'ils fçavent faire. Ils font quelquefois des fléches avec de petites cannes dures ; mais ce n’efl que pour les Oifeaux ou pour les Poïf ons: celles qui étoient pour le Bœuf ou pour le Chevreuil étoient armées avec de groffes efquilles d’os ajuftés en pointe, mais dans un bout fendu de la fléche ; la fente & l’armure liées avec des cliffes de plumes , le tout bien im: bibé de colle de Poiflon. Leurs fléches pour la eu {ont ’écaîilles du Poiflon-armé : fi ce font des fléches pour la Carpe ou pour la Barbue qu #ont de gros poiffons, ils fe contentent d’attacher un os pointu par les deux bouts, enforte que le premier bout perce & fait entrer la fléche & l’autre bout qui s'éloigne du bois , empêche que la fléche ne forte du corps -du oiflon ; d’ailleurs la fléche eft atta- chée avec une ficelle à un bois qui fur- nage, & qui ne permet point que Ce poïlflon aille au fond , ou fe perde.” | OS de la Louifiane. 169 … Les fléches les faifoient vivre ; mais Al falloit {e couvrir ; les peaux n’étoient plus fi rares , puifqu’on pouvoit tuer des bêtes : il étoit donc queftion de pafler ces peaux ; ils en avoient fans doute apporté le fecret, mais il fal- loit quelques outils pour gratter la peau ; on peut en faire tomber le poil £n la faifant tremper , encore faut-il Ja racler ; faute de fer, on imagina @applatir un os de Bœuf qui fervit à la même opération ; enfuite après bien des recherches, on éprouvaque la cer- welle de chaque animal fuffit pour paf. fer fa peau, de Caftor & autres dont ils fe font des tobes ou couvertures , afin que le poil les tienne plus chaud. Pour coudre ces eaux , ils fe fervent de nerfs battus & filés ; pour percer la peau , ils em- ployent un os de la jambe du Héron ; alguifé en forme d’alêne. Fous les hommes ont recherché dans tous les tems à fe raflembler & à de- eurer enfemble, tant pour le plaifir dela fociété, que pour fe procurer les uns aux autres les befoins ordinaires de là vie, ou pour être plus en état de fe | Tome IT, : Le La peau de Bœuf,quoique pañée,a : toute fa laine, de même que les peaux Cabanneës SR 770 Hifoire défendre contre les attaques de l’enne= mi. Les deux premiers motifs de cette réunion font infpirés par la nature mê me, qui y trouve fon foulagement & fa fatisfa@ion ; au lieu que la troifiéme raifon pour laquelle les hommes ont été obligés de fe faire desHabirations com= munes,<émontre une firuation malheu= reufe , puifqu’ils fe voyent tous les jours à la veille de défendre leurs vies & celles de leurs proches contre d’au- tres hommes,avec lefquels ils devroient vivre dans une paix & une union auñli douce qu'avantageufe en toutes ma- nieres. | Mais l'homme auroiït été trop heu= reux fans doute, s’il n’eût pas oublié que tous les autres font fes freres : en effet dès que le genre humain s’eft muls tiplié , les hommes forcés de vivre fé= parément les uns des autres, à caufé de leur multitude dans les mêmes con: trées, ne fe fouvinrent plus qu'ils for: toient tous du mêine pere ; 1ls crurent voir dans d’autres hommes une efpéce différente de la leur; portés au mal dès leurs tendres années, ils fe livre rent à toute l’impétuofité d’un amoutf propre offenfé ; ils fe firent des guer- res cruelles ; on n'aime point ia def- truction de fa Nation, encore moin | 1 | dela Loufiane. 7 telle de fa race ou la perte de fa propre vie; quand les forces font féparées, elles fuccombent bien-tôt ; fi elles font réunies, elles fe prêtent des fecours mutuels ; on‘convint donc de fe loger les uns près des autres. ‘Pour cet effet on bâtit des Cabannes au lieu de Ten- mes, parce que celles-ci n’étoient pas d'une longue durée, il en falloit fre | wrop fouvent ; elle n’avoient point aflez de folidité pour réfifter aux grands coups de vent ; elles ne pouvoient ga- rantir de toutes lesinjures de l'air, elles Étoient d’ailleurs trop petites pour con- tenir toute une famille felon la coutume des Orientaux : aufli nos Américains fongerent-ils à conftruire des Villes fui- want leursmoyens& les materiaux qu’ils avoient le plus commodément,pour ré- fifter aux infultes des ennemis. Nos François accoutumés à voir des Villes décorées de beaux édifices,s’imaginent qu'une Ville doit être compofée de mai- lonsfaites de pierres de taille,& rénfer- "mer dans fon enceinte des Temples fu- perbes, de fomptueux Palais, des Ponts magnifiques ; mais ceux ‘qui ont pris la peine de s’inftruire de ce que pou- voit être une Ville, ont appris que ce étroit autre chofe qu’une plus grande H i} Er Hifioire È quantité de logemens réunis en un mêx me lieu, & que la différence des bâti mens n’influoit que fur la plus ou moins! grande richefle de la Nation qui com pofoit la Ville ; nous n’avons pas mê- me de peine à croire ce que l'Antiquité nous apprend à ce fujet, que les pre mieres Villes n’étoient que des chau-\ mieres raflemblées , dont la moins dé- fectueufe fervoit de Palais au Souve- rain ; il n’étoit pas poffible de faire au« trement. Nous voyons encore que dans: les commencemens de la Monarchie -__ Françoife le plus grand Seigneur dans: Paris n'étoit point à beaucoup près fi bien logé, que l’eft aujourd’hui le Vas let de Chambre d’un Fermier Général. Que lon ne foit donc point furpris fi je nomme Ville ou Village, un amas de chaumieres qui forment le féjour des Américains dénués des arts & des inftrumens propres à bâtir. Ainf n'ayant que du bois, de la terre & de la paille avec quoi on puifle bâtir, ils méritent _ plutôt des louanges que du blâme, d’a: voir f{çû fe faire avec de telles matie» res, des logemens bien clos & cou verts capables de réfifter à toute la! … violence des vents & des autres incoms Couftrution modités du tems. k: uuecabaanée Les Cabannes des Naturels font tou: { ? 1008 d ï de la Louifiane: 173 es un quarré parfait ; il n’y en a point qui ait moins de quinze pieds de large “entout fens, mais il y en a quienont . ‘plus de trente : voyons leur maniere “de les conftruire. | … LesNaturels vont dans les Bois nou- weaux chercher des perches de jeunes noyers de quatre pouces de diamétre, Mur dix-huit à vingt pieds de long; ils plantent les plus groffes dans les qua- à coins pour en former la largeur &c “le dôme ; mais avant de planter les autres , ils préparent l’échaffaut : il eft “eompofé de quatre perches attachées “enfemble par le haut, & les bouts d’en “bas répondent aux quatre coins ; fur “ces quatre perches l’on en attache d’au- dtres en travers à un pied de diftance 3 ee tout fait une échelle à quatre fa- ces, ou quatre échelles jointes en- MHemble. … Celfait, on planteen terre les au- Mres perches en ligne droite entre celle des coins ; lorfqu’elles font ainfi plan- mées, on les lie fortement à une perche “qui les traverfe en dedans de chaque Mäce ; à cet effet on fe fert de grofles sclifles de cannes pour les lier à la hau- teur de cinq ou fix pieds fuivant la grandeur de la Cabanne , c’eft ce qui n. HA #74 - Hifloire forme les muraïillès ; ces perches d bout ne font éloignées les unes d autres que d'environ quinze pouces 5» un jeune homme enfuite monte au bout d’une des perches d’un coin avec une corde dans les dents, il attache la cor- de à la perche, & comme il monte en dedans , la perche fe courbe, parce que ceux qui font en bas tirent la corde pour faire courber la perche autant qu'il eft néceffaire : dans le même tems un autre Jeune homme en fait autant à la perche de l’angle oppoté ; alors les deux perches courbées à la hauteur _ convenable , on les artache fortement: _ & uniement ; on en fait de même des perches des deux autres coins , que l’on: fait croifer avec les premieres: enfin on joint toutes les autres perches à | pointe, ce qui fait tout enfemble.| figure d’un berceau en cabinet de jar= din, tels que nous les avons en Fran ce. Après cet ouvrage on attache de cannes fur les bas côtés ou murs à huit pouces environ de diftance en travers, jufqu’à la hauteur de la perche dont:j'ai parlé, laquelle forme la hauteur. de murs. | Ces cannes étant ainfi attachées, 0 fait des torchis de mortier de terres D de la Louifiane : 197$ “dans lequel on met fuffifamment dé la Barbe Efpagnole : ces murs n’ont pas au-delà de quatre pouces d’épaiffeur'; onne-laiffle aucune ouverture que la porte, qui n’a que deux pieds au plus de large , fur quatre de hauteur; & il y en a qui font bien plus petites. On couvre enfuite la charpente que je viens de décrire:avec desnattes de can- nes, en mettant le plus liffé en dedans de la Cabanne, & on a foin de les:at- tacher les unes aux-autres , de manïere qu'elles joignent bien. : « Ils font après cela beaucoup de fa- gots d'herbe, de la plus haute qu’ils “peuvent trouver dans les bas fonds, ‘qui a quatre à cinq pieds de long ; elle fe pofe demême:que la paille dont on fe fert pour couvrir les’ chaumie- “res : o7 attache cette herbe avec de grofles cannes & des clifles auffi de “cannes. Quand la Cabanne eft couverte d'herbe ; on couvre le tout de nattes de cannes bien liées-les: unes aux au- tres, & par le bas on fait un cercle “de Lianes tout autour de la Cabane 5 puis on rogne l’herbe également, & de cette forte quelque grand que foir le vent , il ne peut rien faire contre:la Æabanne ;, ces couvertures durent vingt ans fans y rien faire, Hiv | 176 fetes t SONT Il y à apparence que ces Peuples raffemblés , & compofant une Ville &w ou un Village, devinrent plus féden-« Cuiture de là taires, ne pouvant comme auparavant # emporter leurs demeures qu’ilsavoient” rendues ftables en les bâtiffant, Ils cul- tiverent la terre , afin qu’elle pourvût à leur nourriture ; ils s'adonnerent à lat culture du Mahiz , foit qu'ils l'euflent trouvé en Amérique, foit qu’ils leuf= fent apporté de la Scythie ou de la Tartarie qui en produifent. Ce graim efttrès-bon & très-nourriflant, de mé= me que le Choupichonl qui vient fans: quon le cultive. Ils inventerent une Pioches, Pioche pour farcler le Mahiz & cafler: les cannes pour faire le champ : quand: les cannes étoient fêches , ils y met= toient le feu, & pour fémer le Mahizs ils faifoient un trou avec la main, où is en mettoient quelques grains. Ces: pioches font faites comme une L capi= tale ; elles tranchent par les côtés du bout bas qui eft rout plat. 4 Moulins des … Ce n’étoit point aflez pour nos gens: Nawrek, davoir du grain, il falloit le mettre: en état d’être mangé : mais comment, l’écaller ou en ôter le fon fans moulins! ou fans piles ? Les Moulins devoients paroïtre impoñlibles à faire dans ur rs 144 br: 0 DE #. “A _ dela Louifiane 197 Pays où les pierres ne paroiffent point, dans lequel même ils ne pouvoient faire “des piles de pierres ; ils furent con- “traints de faire de ces dernieres avec du “bois. Ils n'avoient point d'outils pour les creufer ; il fallut donc avoir recours au feu pour couper l’arbre , le rogner …& le creufer : pour cet effet on faïfoit “un bourlet de terre pétrie au bout qui “fe trouvoit en haut, & qui étoit celui “que l’on vouloit creufer ; on mettoit …le feu dans le milieu, & on fouffloit “avec un chalumeau de cannes : que fi “le feu mangeoit plus vite d’un côté “que de l’autre, on y mettoit auffi-tôr. “du mortier de terre , & on continuoit mainfi jufqu’a ce que la pile füt affez lar- » ge & affez profonde. % LE Le -4 Wii \ V À * 178 - Hifloire. 4 de PAZ NY, EN TIA un. cr af CHAPITRE XIV. Suite des Travaux des Naturels : Fabrz= que de leurs meubles, 6 de leurs voi- dures par eau. . Ussri-TôTque ces Nations fe Poterie, Z À furent décidées à unEtabliflement fixe , il fallut penfer à la maniere la plus sûre & la plus commode pour faire. cuire lé Mahiz & les viandes ; on s’i- magina de faire de la poterie ; ce fut fouvrage des femmes. Elles allerent ;, chercher dé la terre grafle, la mirent en poufliere , rejetterent les graviers fi elles y en trouverent, firent un mor- tier aflez ferme, puis fur un bois plat établirent leur -attelier., fur lequel elles formerent leur poterie avec les doigts, & l'uniffant avec un caillou qui \ s 1 « nl fe conferve avec un grand foin pour: cet ouvrage: à.mefure que la terre fé- che , elles en mettent d’autre en ap- puyant de la main de Pautre côté 5w après toutes ces opérations elles la font: > cuire à grand feu.. are Ces femmes font aufli des pots-d’une 4 N/ Sr 4 _ de la Towifiane. 170 - grandeur extraordinaire , des cruches javec'une médiocre ouverture, des gas «melles, des bouteilles de deux:pintes à long col, dés pots ou cruches à met- tre l’huile d'Ours qui tiennent jufqu’à quarante pintes, er.fin des plats & des afliettes à la Françoife; j'en avois fait - fätre par curiofité fur le modèle de ma … fayance , elles étoient d'un affez ‘beau rouge ; je les donnai avant de revenir “en France. | Pour façonner le grain après qu’il Tamis . …eft pilé , ii f Hoir des Tamis, des Cri- bles & des Vans; les chiles de cannes férvirent à faire ces ouvr:ges : les ta- mis font plus-ou moirs fins , {elon l’u- fige auquel on les -deftines” | ._ Ceux qui fe fonr trouvés près des piecsa pès Rivisres, ont eu‘envie fans doute de cher, manger du Po“lon, & ont tâché de profiter des vivres que le local eur _préfentoir ; il ne falloir d’ailleurs qu’u- ne femme enceinte qui en eût vû de beaux pour en defirer 5 la comolaifan ce du mari d'un côté; le defir qu'il. .pouvoit avoir du fien de manger,don= . nerent occafion’à la fabrique des Fi- Jets pour prendre ces Poiflons ; ces: Fileis font maillés commie les nôtres, , Hy}, 180 + Hifloire : : |. & faits d’écorce de Tilleul : les gros} ‘4 {e tirent avec la flêche. | ‘4 Les Filets fervent ordinairement A0 prendre les petits Poiffons ; les Natu=w rels en font en même tems un fac pour. les emporter ; cependant lorfqu” ils en. ont beaucoup , ou qu'ils ont pris à la lis gne quelque gros poiflon, ils font fur le lieu un inftrument propre à lestranf=" porter une & deux lieues , même plus s’il eft néceflaire. Pour cet perl ils pren-. nent une brañche d’un bois verd & fous ple de la groffeur d’un pouce & demi # ils le joignent avec force par les deux. bouts, ce qui a la figure d’une raquerte en grand ; {uf ce bois ils tendent plu= pee écorces en croix, y meitent des: feuilles en affez grande quantité, po- fent le poiflon fur ces feuilles qu'ils couvrent de même ; lorfque le poiffon: & les feuilles font DEL liés & tiennent fortement au bois qui eft la bäfe du tout, ils y attachent leur colier , & tranfportent ce fardeau comme ils pOr= teroient une hôte. On verra dans ce Chapitre la defcription des colliers des Naturels, qui font auf des cordes de’ la groffeur qui leur convient, avec des. écorces de tilleul ; comme ils en ont des filets. Do: de la Louifiane - 18T .… Des cabannes pour fe mettre cou Lits] wert du froid , de la pluye, du vent & pour fe retirer dans le befoin, étoient : Un doute un grand avantage pour nos peuples nouveaux ; ils s’étoient pro- ‘euré en outre des outils & quelques commodités les plus néceffaires ; mais après avoir bien travaillé & fatigué “route une journée , il étoit naturel de. “prendre du repos de façon à délaffer le “corps, afin qu'il füt en état de conti- nuer fes travaux > coucher fur la dure “fans fe trouver mieux de temsentems,: auroit été pour eux quelque chofe de crop violent ; il fut donc réfolu d’in- « venter une maniere de fe coucher plus doucement qu'à l'ordinaire : voici la conftruétion des lits qu'ils imaginerente. Ces lits font élevés d’un pied & de- mi de terre ; fix petites fourches plan “rées portent deux perches traverfées de . trois bois fur lefquels on met des can- … nes f1 près les unes desautres, que cet » avoir tués nous-mêmes auparavant ÿ » ce trait eft connu de toute l’Euro= » pe; »je laïfleà mes Lecteurs le foin de refléchir fur les caraéteres des An= glois & des Naturels. | Depuis le commencement de cette guerre de la Nouvelle Angleterre, on n'entend de la part des Anglois que des plaintes contre nous, de ce que toutes ces Nations font nos alliées: à qui peu= vent-ils s'én prendre après une action d’inhumanité auffi criante ? Action que les Naturels qui enétoient témoins ont eu foin de faire Açavoir : a toutes les au- tres Nations quin approuvéront jamais! “rien. de femblabie. Je pourfuis l’Hiftoire abregée de ces: Peuples, & je-prendrai la Riviere de: Mobile , depuis fon embouchure en la remontant , pour voir de côté & d’au= tre les Nations qui en font voifines. La plus proche de la Mer & de Ja Riviere de Mobile eft la petite Nation. des Chatôts, compotée d'environ qua» % de la Lou: ” ane. rs fahte cabannes : ils font amis des Fran- sois auxquels ils rendent tous les fervi- ces que l’on peut exiger d’eux en ras Ils font Catholiques, ou répu- els. … Au Nord des Chatôts eft PEtablif- ément François du Fort-Louis de la Mobile : ; il en eft affez près Un peu au Nord du Fort-Louis eft Thomÿss Nation des Thomez, qui eft auffi ite & aufh ferviable que celle des Gharôts ; on dit aufli qu ils font Ca- : pins: ils font amis able lim- 4 6 del j'aurai a OCCa- fon de parler ; l’une & l’autre confer- e foigneufement le feu éternel ; mais s en confient ja garde à des hommes j ans la forte le + afion où ils font qu’il ny a point de leurs filles qui voulût Micrifier {a liberté à la garde du feu éternel. La Nation des Taenfas eft peu confidérable & n’a qu’une centaine de “cabannes. … En fuivant le Nord & la Baye, on Mobilieas “trouve la Nation des Mobiliens, au- “près de embouchure de la Riviere de Mobile dans la Baye d: même nom: / CO | 14 Hifhoire î Le vrai nom de cette Nation eft Yo will; de ce mot les François ont fai Mobile , enfuite ils ont nommé Mobile ja Riviere & la Baye, & Mobiliens les Naturels de cette.Nation. : Toutes ces petites Nations étoient en paix à l’arrivée des François, 8 {ont encore, parce que les Nations qui font à l’Eft de la Mobile les met: tent à couvert des courfes des Iro: quois ; les Tchicachas d’ailleurs les re: gardent comme leurs freres, parce qu’ils ont, à quelque chofe près M même langue, ainfi que ceux de l'Efk de la Mobile, qui font leurs voifins Pachea-Ogou- En reprenant vers la Mer & à POuef Le. de la Mobile, ef la petite Nation de Pachca-Opoulas, que les Françoi ‘nomment Pafcagoulas ; cette Natiot eff fituée fur les bords de la Baye qu’ porte fon nom qui fignifie Natonil pain (1). Cette Nation n’eft compol& que d’un Village contenant au plus une trentaine de cabannes: quelque Canadiens fe font établis auprès d’eu & vivent enfemble comme freres, pat ce que les Canadiens étant naturelle ment tranquilles, connoiffant d’ailleu! le caractere des Naturels , fçavenit vi (1) Pachca, du pain, Ogoula, Nation, Vr{ | de ta Louifiane. 21$ ire avec les Nations de l'Amérique ; mais ce qui contribue principalement à cette paix durable, c'eft qu'aucun Soldat : ne fréquente cette Nation. En arlant des Narchez, j ai fait voir com- bien la fréquentat: on des Soldats eft uifible à la bonne intelligence que l’on doit conferver avec ces Peuples, pour en tirer les avantages que l’on en efpe- re CE} F (2) bye Tome I, Chap. XIII. À % ‘# ME 7 # CEA 0 Tome IT, de K Chackase 216 Hifloire | | CHAPITRE XVILL EE Suite de l’'Hifioire des Peuples de la Lou fiane : Des Nations qui font à PEJE du Fleuve S. Louis. R ES fuivant la Riviere des Pachca- À Ogoulas qui tombe dans la Baye de ce nom, on trouve au Nord la grande Nation des Chat-kas fuivans la prononciation de ces Peuples, que les François nomment Chaétas ou Té- tes plates. Je dis la grande Nation des Chat kas, car je n’en connois point de fi nombreufe, & n'ai entendu parler d’aucun Peuple qui les égalât en quan- tité. On compte dans cette Nation vingt-cinq mille Guerriers ; il eft vrai qu’elle peut avoir un pareil nombre d'hommes qui prennent ce nom; mais je me garderai bien de leur en accor der les qualités. | Suivant la tradition des Naturels, cette Nation a pañlé fi rapidement dans les autres terres, & eft arrivée fi fubi: tement, que quand je leur demandois d'où venoient les Chat-kas, il me ré- de la Louifiane. 217 pondoïent qu’ils étoient fortis de def- : ous terre, pour exprimer avec quelle urprife on les avoit vû paroître tout d’un coup. Leur grand nombre Impo- fit du refpect aux Nations près def- queiles ils pañloient ; leur cara@ere peu martial ne leur infpiroit point la fureur des conquêtes ; de cette forte ils font arrivés dans une terre inhabirée que : perfonne ne leur a difputée; ils ont vé- cu fans trouble avec leurs voifins 16e ceux-ci n'ont ofé s’inftruire fi les autres Étoient braves; c’eft fans doute ce qui les a fait croître & augmenter au nom- bre qu’ils font aujourd’hui. … On les nomme Tétes-plates, & je Me fçais trop pourquoi on leur a donné me nom plutôt qu’aux autres, puifque tous les Peuples de la Louifiane l’ont auifi plate ou peu s’en faut ; au refte il W'eft naturel à aucune Nation d’avoir a tête plate; cette forme de leur tête provient de la maniere de les attacher dans le berceau , comme je le dirai dañs l'article de leurs ufages, . Les Chatkas font fitués À environ quatre-vingt lieues au Nord de la Mer; als s'étendent plus de l’Eft à l'Ouelt, que du Nord au Sud. | | . Pour aller des Chat-kas aux Tchi= Tebicachag Ki] 218 Hiffoire | gachas il n’y a point de chemin en droit te ligne , ou il feroit rude & très diffi- | cile; parce que fi on prenoit cette roux te, il faudroit traverfer deux chaînes! de Montagnes & beaucoup de Bois ,k où l’on feroit obligé de monter & deb defcendre continuellement ; il n’y aus roit à la vérité par cette route qu’envib ron foixante lieues; mais on aime mieux! prendre un chemin un peu plus long ; que fa beauté rend plus court; on res monte le long de la Riviere de Mobile, La Nation des Tchicachas eft trés= belliqueufe ; ils font grands & bien for= més de corps, & ont les traits fort ré=! gulers; ils font fiers, propres &c glo= rieux. Il paroît qu'ils font les reftes d’une Nation bien peuplée & très-noms breufe, que fon humeur martiale a pos tée à faire la Guerre à plufieurs Nations qu’ils ont détruites à la vérité ; mais. qui en fe défendant ont beaucoup af- foibli ceux. ci. Ce qui me feroit encore! une raïifon de croire que cette Nation! a été très-confidérable, c’eft que tous tes Les Nations qui font dans les envis rons des Tchicachas, & que je viens! de nommer, parlent la Langue Tchica= cha, quoiqu'un peu corrompue , & ceux qui la parlent Je mieux s'en fonÿ) gloire, ; , ÉSS rs « EE TS : D de la Louiiane. 519 Peut-être devrois je retrancher de Æe nombre les Taenfas qui étant une branche des Natchez, ont confervé leur Langue naturelle , quoiqu’ils par- lent tous la langue Tchicacha éorrom- ‘pue,que nos François nomment la Laän- &ue Mobilienne, Pour ce qui eft des Chat-kas, je penfe qu'étant venus après les autres & en très-grand nombre, ils ont confervé leur Langue en partie,dans laquelle ils entremélent quelques mots de la Langue Tchicacha ; quand ils m'ont parlé, c’étoit en cette derniere Langue. mue pi En reprenant la Côte pour aller au Colapiffss Fleuve S. Louis, lon trouve une DS Nation d’environ vingt cabanes s “les François les nomment Colapiflas 3 leur nom eft Aquelou-piflas , mot qui fi- gnifie hommes qui entendent & qui voyent. Cette Nation demeuroit a une lieue près de l’endroit où eft aujourd’huf a nouvelle Orléans : ils font à-préfent au Nord & près du Lac S. Louis. Cet- te Nation eft de petite conféquence 3 Hs parlent une Langue qui approche de celle des Tchicachas ; on n’a jamais eu grande fréquentation avec eux. … J'arrive fur le bord du fleuve S, Oumar Louis ; je le fuivrai du côté de l'Ef, K ii Le 220 Hifloire À lequel fera bientôt pañlé ef revue; je remonterai jufqu aux derniéres Nationsk connues. | : La premiere Nation que je rencontré eft celle des Oumas, qui fignifie Na=# tion rouge : ils font fitués à vingt lieuess de la nouvelle Orléans, où je les ai vüs” à mon arrivée en cette Province, Des les premiéres années de la Colonie, il s’y eft établi des François dont le vois firnage leur a été dommageable , par Vufage immodéré de l'eau-de-vie. | Vis à vis la riviere Rouge en re= montant le fleuve, on trouve les reftes dela Nation des Tonicas, laquelle a toujours été très attachée aux Fran= cois ; ils ont même fait la guerre avec nous ; le chef de cette Nation étoit le véritable ami de la nôtre, Comme il étoit plein de bravoure & toujours prêt à faire la guerre pour vengerles Frans çois, le Roi lui avoit envoyé le brevets de Brigadier des armées rouges, & un cordun- bleu , d’où pendoit une médails le d'argent qui repréfentoit le mariage du Roi, & au revers la Ville de Paris # j'en ai oublié la légende ; le Roi lui envoya aufli une canne à poignée: d’or. IL méritoit certainement l'honneur qu’on lui faifoit , fi l’on. fait attention! Tonicas, : de la Louifiane. 2äx à fon bon cœur pour les F rancois 3 6 de fon côté il {e faifoit gloire d’avoir ces marques honorables & de les por D | nos | … Cette Nation parle une Langue d’au- tant plus différente de celle des autres, que ces Nations n'ont point lalettreR, au lieu que celle-ci en a beaucoup ; elle a aufli des ufages différens. » Ce Chef des Tonicas décoré des bienfaits du Roi , étoit le même dont j'ai déja parlé , & qui nous accompa- gna avec une troupe de fes Guerriers dans l’expédition contre le village de la Pomme qui étoit de la Nation des Natchez ;ily fut dangéreufement blef- fé ; mais fes Medecins le guérirent em peu de temps. J’ai rapporté ce fait dans la premiére Partie (1). | La Nation des Natchezétoit une des plus éftimables de la Colonie dans les premiers tems , non-feulement fuivant leur tradition , mais encore fuivant cel- les des autres peuples, à qui leur gran deur & la beauté de leurs ufages don- noit autant de jaloufie, que d’admira- tion. Je pourrois faire un Volume de €e qui les concerne en particulier ; mais (x) Voyez Tome I, Chap, XV. Kiv Grigras. 555 Hifi L comme je ne parle qu’en raccourci ai Peuples de la Louifiane, je parlerai d'eux comme des autres ; &fr j'en dis un peu plus ». C'eft qu'il yaen effet: beaucoup plus de chofes à en rapporz ter. | Quand j’arrivai en 1720 aux Nat= chez, cette Nation étoit fituée fur la petite riviére qui portoit leur nom ; le grand village où demeuroit le grand Soleil étoir tout-à-fait fur fes bords » @& les autres étoient autour de celuis ci : ils étoient deux lieues plus haut que le Confluent de cette riviére , qui eft au-deffus & au pied des grands écores des Natchez ; il y a quatre lieues de-là à fa fource, & antant juiqu' au Fort Robe & eux étoient à une lieue de ce HO Ïl yavoit parmi eux deux petites Nations qui-s’y étoient réfugiées. La plus ancienne adoptée étoit celle des Grigras, nom qui paroit leur avoir été donnée par les Francois, parce qu’ils prononcent fouvent ces deux fyllabes y lorfou’ils parlent entr'eux , ce qui les faifoit reconnoître Etrangers aux Natchez avec qui ils demeuroient, 6e qui ne pouvoient prononcer l’R, non! | de la Louifiane 223 plus que les Tchicachas & tous ceux que j'ai dit avoir à peu-près la même Langue que ceux-ci. … Les Thioux étoient une autre pe- Tous tite Nation qui s’étoit mife fous la pro- | ection des Natchez : ils avoient auffi beaucoup d’R dans leur Langue ; c’é- toient les foibles reftes de la Nation des lhioux qui avoit été une des plus “fortes du Pays , mais dont le peuple étoit trés-mutin ; ce qui fut caufe, di= {ent les autres Nations, de leur défaite &c de leur deftruétion par les Tchica= chas , auxquels ils n’ont jamais voulu . céder , que quand ils n’ont plus ofé fe "montrer, étant trop foibles pour s’op= pofer aux efforts de leurs ennemis. - . Les Natchez , les Grigras & les ÆFhioux pouvoient enfemble inettre fur pied environ douze cens hommes de guerre. Cependant la tradition aflu- re que les Natchez étoient la Nation: la plus puifflante de toute l’Amérique Septentrionale , & que tous les peuples les regardoient eomme fupérieurs & leur portoient du refpect. Pour en don- ner une idée feulement, je dirai qu'au- vrefois les Natchez s’étendoient depuis: Manchac, qui eft à cinquante lieues de la Mer, jufques à la pue: d'Ouaba= | 254 Hifloire che qui ef à environ quatre cent fois xante lieues de la Mer ; qu'ils avoient ciaq cent Soleils ou Princes 5 on peut de-là juger combien cette Nationétoit” nomb'eufe ; mais l’orgueil: de leursw rands Soleils ou Souverains,& celui des autres Soleils joint aux préjugés du Peuple, a plus fait de ravage & a plus. contribué à la deftruétion de ce grand peuple , que n’auroient pü faire les” guerres les plus fanglantes. Voyons comment la chofe eft arrivée. | Les Souverainsétoient defpotiques ; | & avoient _depuis long-tems établi la funefte coûtume de faire mourir avec eux un nombre de leür Peuple, hom- mes & femmes ; on en faifoit mourir à. porportion à la mort. des fimples So-. leils. Les Peuples de leur côté s'étoient: laiflés prévenir que tous ceux qui fui- voient leurs Princes dans l’autre monde pour les fervir, étoient heureux ; que fans peine & fans craindre la guerre ils avoient tout-à-fouhait ; qu'ils n "y fouf- froient ni du chaud ni du froid, & qu’ils mangeoient tout ce qu'ils pouvoient dé. firer;qu’enfin pour comble de bofiheur ! on ne pouvoit plus fouffrir ni mourir. | Il eft aifé de comprendre par le ré< çit que je viens de faire qu’un ufage 5 de Ta Louifiane 52 auf meurtrier eft capable de détruire la Nation la plus nombreufe, fur-tout lorfque les Princes font en aùfi grand nombre qu’ils étoient chez les Natchezs ces Princes d’ailleurs laiffant après eux des enfans qui à leur tour travailloïient à la deftruction de leur Nation. Il eft à croire que cette barbare cou tüume aura déplu à quelques-uns de ces Soleils plas humains que les autres, ce qui leur fit prendre le parti de fe reti- rer dans des endroits éloigrés du gros de la Nation ; car nous avons deux branches de cette grande Nation qui fe font écartées , & qui confervent la plus grande partie des coûtumes des Natchez ; ce font les T'aenfas dont jai parlé & quifont furles bords de la Mo- ble : ils confervent lé feu éternel &: plufieurs autres ufages de la Nation: qu'ils ont quitrée ; ce font en fecond lieu les Tchitimachas que les Natchez l'ont toujours regardés comme leurs fre- res. Dans les mœurs & coütumes des Peuples dela Louifiane , j'aurai occa-, fon de parler plus particuliérement des: Natchez, | Horn À quarante lieues plus au Nord que ÿaout es Natchez, toujours à l’EfE du Fleuve S, Louis ,eff la riviere des Yazoux,; qui 1 k. Vi à 226 Hificire L a pris {oh nom d’une Natiof que de | nommoit les Yazoux qui avoient envi- ron cent cabanes fur le bord de cetten ol | Riviere. | Coroas: Près des Vazoux & fur lamême Ri- vicre,étoit la Nation des Coroas,com-. pofée d'environ quarante cabanes. Ces. deux Nations prononçoient lesR. | Chaachi- Ou. Our le même Riviere étoit encore” amas les Chaftchi-Oumas, nom qui fignifie. Ecreyifjes rouges 3 cetre Nation n'a, voit tout au-plus que cinquante caba-. nes. Auprès de la même Riviere réfi= doient les Oufé Ogoulas, ou la Na= tion du Chien ; elle pouvoit avoir foixante cabanes. | Tapouffas, Les Tapouffas auffi habitoient les bords de cette petite Riviere , & n’a voient guères que vingt-cinq cabane, nes. Ces trois dernieres Nations ne prononcent point R, & paroiflent être des branches des ha d'autant. plus qu’ils parlent leur Langue. Depuis le maflacre du Pofte des. Natchez , dont je ferai mention en fon, lieu » ces cinq petites Nations qui, étoient de leur complot, furent invi= tées de détruire les François leurs voi" fins » puis fe retirerent tous aux Tchi-, Oufé-Ogoulase 1 de la Loufane 22} Æachas , avec lefquels ils ne font plus qu'une Nation. / . Ily à eu autrefois plufieurs Nations dans ce vafte pays ; mais plufieurs ont été détruites ; d’autres n’ofant plus pa= “oitre , ou ne pouvant plus foutenir la guerre contre leurs ennemis, font “allées, comme celles-ci, fe refugier chez leurs voifins, & fe mettre fous “leur protection, afin de n’être plus at- “taquées dans la fuite. … Au Nord dela Riviere d'Ouabache mrnoss vers les bords du Fleuve S. Louis, ha= - bite la Nation des Illinois qui ont don- .né leur nom à la Riviere, de laquelle ils habitent les bords. Ils font divifés en plufieurs Villages; tels font les Ta- maroas, les Caskaquias, les Czou- _quias » les Pimitéouis & quelques au- tres. C'eft auprès du Village des Ta= - maroas, qu’eft un Pofte François, où font établis plufieurs de nos François : Canadiens. | | Ce Pofte eff un des plus confidéra- bles de la Louifiane ; ce qui ne paroî+ “tra point furprenant , fitôt que l’on {çaura que cette Nation a été comme la premiere dans la Découverte de cet- . te Province, &c qu’elle a toujours été _ très-fidellement alliée aux François : : à | 328 iiketiN. 4 avantage qui naît en grande partie del la bonne maniere dont ufent les Cana diens pour vivre avec les Naturels de l'Amérique ; cependant on ne doit pas” croire que ce foit le peu de courage qui les rende paifibles , puifque leur valeur eft très-connue. La Nation des Iilinoïis eft une dé celles qui prononcent la lettre KR. | Renard, En remontant plus au Nord, l’on trouveuneaflez grande Nation que l’on nomme les Renards, avec lefquels on a eu la guerre il y a près de quarante ans, mais depuis ce long efpace de temps je n'ai point entendu parler que l’on ait eu avec eux quelque démêlé. Sioux, Depuis les Renards jufques au Sault S. Antoine on ne trouve aucune Na- tion ; on n’en voit même que cent lieues ou environ au deffus de ce Sault qui eft la grande Nation des Sioux ; lon dit qu’ils habitent en plufieurs Vik: lages difperfés, tant à l’Eft qu’à l’Oueft: du Fleuve S. Louis. Ces Peuples ne Ont connus que des Voyageurs ; oneft ainfi obligé de s’en rapporter à cequ’ils: nous apprennent de ces Naturels que Von ne fréquente pas. «h de La Louifiane: 229 _ CHAPITRE XVIII. Suire de l'Hifloire des Peuples de la Loui= pie : Des Nations qui font à POuéfé » du Fleuve S. Louis. PRES avoir décrit le plus exacte Æ À ment qu'il a été poflible toutes les Nations qui font à l'Eft du Fleuve S. Louis, tant celles qui font encla- vées dans la Colonie de la Louifiane : 5 “que celles qui leur font voifines , &c qui | ont quelque rapport avec elles ; il con« vient de reprendre les Nations qui ha- L itent à l’Oueft du Fleuve, depuis la Mer en remontant vers le Nord, com- ne j'ai fait pour les Nations de PER, JF ai fuivi cet ordre dans l’article de la “nature des terres ; je le fuivrai de mé- meici, afin de ne point fatiguer le Lectéur , & qu’en lifant ce que j'écris des uns & des autres, il puifle, la “Carte à la main , les trouver plus ai- Hément, que s’il étoit obligé de tra- werfer le Fleuve à plufieurs reprifes ; “ou de revenir d’une extrémité de la Province à à l’autre, _ 330 Hifloire Tchäbuachas , Entre le FleuveS. Louis & ces Lacd à à & les Ouachas, 3e remplis par les eaux des débordemens. Tchitimachas, de ce même Fleuve, eft une petite Nation qui fe nomme les Tchaoua= chas, & le petit Village des Ouachas}; qui ne font qu'une même Nation : mais! toutes deux enfemble fons de fi petite conféquence , qu’à peine les François: de la re les connoiïffent-ils au< trement que par leur nom. Aux environs des Lacs defquels ; je viens de parler, habitent les reftes d’u- ne Nation qui a été autrefois afñleZ confidérable : mais dont on a fait dé= truire une partie par les Peuples nos alliés. J'ai déja dit qu’ils éroient fre- res des Natchez ; & lorfque je fuis ar- rivé à ma Conceflion dans le Pofte de de ces derniers, y ai trouvé plufieurs. Tchitimachas qui s’y étoient refugiés pour éviter de périr dans la guerre qu’on leur faifoit auparavant. Depuis la paix que l’on a faite avec eux en 1719, non-feulement ils font. reftés tranquilles, mais même ils {e: tien, nent fi fagement folitaires , qu’ils prés férent de vivre commeils faifoient cent ans avant l’arrivée des François, plutot” que d’avoir d'eux des fecours qu'ils eroyent fuperflus, & d’être en méme de la Louifiane: GES à femps obligés de les fréquenter. Au refte cette Nation n’a jamaïs eu Mine guerriere:& s’ils ont eu la guerre avec nous, c'eft parce qu'un de leurs jetits Chefs, tua un Miffionnaire qui Dfcendoit le Fleuve. Après avoir per- ‘du un aflez bon nombre de leurs Guer- Miers , ils demanderent la paix qu’on leur accorda, à condition qu’ils appor- teroient la tête de l’affaflin ; ce qu'ils firent, en venant préfenter le Calumet de Paix au Commandant Général de la “Colonie (1). Le long de la côte de l’Oueft de Atac-apass près de la Mer eft une Nation que l’on nomme les Atac-Apas, ce qui fignifie les Mangeurs d'hommes : ils font ainfi “nommés par les autres Nations, parce “qu'ils font dans la déteftable coûtume “de manger les hommes qui font leurs “ennemis , ou qu'ils croyent tels. Ces Antropophages ont fans doute “un autre nom qui eft propre à leur “Nation ; mais je ne leur en connois “point d'autre, ni n'ai pû rien apprens dre à ce fujer, Le pere de mon Efcla- ve, qui étoit lhitimacha, avoit des “parens dans cette Nation ; il y alla avec à femme & mon efclave, qui pour lors (1) Voyez Tome I, Chap, VIE, 5 33% H iffoire étant fort jeune, n’a jamais pü me dré quel é étoit leur véritable nom , faute de s’en être fouvenu pour fa grande j jeu nefle. Ces Peuples ne font fréquentés part aucuns Européensiles Naturels des aus tres Nations y vont comme chez les aus tres Peuples ; mais s'ils prennent quel ques uns de leurs ennemisen guerre, ouf quelqu’ un qu’ils ne connoiffent pas, &g qu'ils le croyent leur ennemi, ils ne font! aucune difficulté de les manger. À l'occafion de ce Peuple,je me fens preifé d’inftruire mes Leéteurs des pré- eautions que l'on doit prendre ; “lorfque: Von voyage dans certaines contrées 3 ils ne feront peut- -être point fâchés ae lire laventure d’un Officier de confi- dération de la Louifiane, qui fut pris Hfiftoïire de M, de Belle . Ifle Officier à la Louifane, par ces Antropophages dès les premiers temps de la Colonie. Le Commandant Général ayant des raifons pour envoyer à l’Oueñt des em- bouchures du FleuveS. Louis , & fça- chant qu ’un Navire arrivant de ‘Francèl étoit à la Balife ( ou au bas du Fleuve )" fit partir un Brigantin, dont le Capi= taine portoit des ordres à celui du Na-… vire arrivant de lui donner un Officier" avec un petit détachement des Lroupes de la Louifiane. 232 qu'il amenoit à la Louifiane, » Le Capitaine du Brigantinavoitavec lui M. de Charleville, Canadien, qui pofledoit a fond la maniere de fe con- duire avec les Naturels ; il avoit ac- quis ce talent parles voyages qu’il avoit fait parmi les Nations du Pays. J'ai dit ailleurs que M. de Charleville avoit été juiques au-deflus du Sault S. Antoine ; dans l'intention de découvrir la fource du Fleuve S. Louis, & qu’il en avoit été détourné par les Sioux. M. de Char- Jeville étant connu pour habile Voya- geur fut envoyé fur ce Brigantin, & on avoit raifon de compter fur fa ca- pacité au fujet de lentreprife projet- tée ; mais la capacité n’eft pas toujours un parant affuré de la réufite, malgré toutes les précautions que lon prend, maloré les moyens que l’on employe pour parvenir sûrement aux fins qu’on fe propole. … L'Oficier arrivant qui fut nommé pour être fur ce Brigantin étoit M. de Belle-Ifle , le Sergent étoit le fieur Silveftre & quelques Soldats. Ils mi- rent à terre aux environs de k Baye S. Bernard ; je ne fçais quel étoit l’or- dre qu’on leur avoit donné, j’étois alors occupé à faire mon voyage dans les ter= 234. Hifoire 4 res ; jai feulement appris que M. Belle e-Ifle,M. de Charleville & le Écur. Silveftre étant à terre , & trouvant let Pays extrémement beau à leur gré & très-propre à la chafle , voulurent en goûter le plaifir, & le favourer à longs traits 3 M. de Charleville n’étoit point tout-à-fait d'avis de pourfuivre ff au loin dans terres ou dans les Bois mais les deux autres plus jeunes &c fans, expérience n écou iterent point les res montrances au 11 leur fit à ce fujet. Cependant le Capitaine du Brigan: tin les avoit averti de ne point s’écar« ter du Navire, de peur qu'ils ne fe perdiflent 3 il leur dit auffi de revenis de bonne heure, & que s'ils tardoient à fe rendre à bord, ilferoit tirer, afin que le bruit du coup leur indiquât le Port : que fi le lendemain jour de {om départ , ils n’étoient point de retour, il feroit tirer un coup de canon pour le coup de partance , & que deux heu- res après il mettroit à la voile, {ur=, tout fi le vent étoit aufli bon qu il é étoit. alors. | Nos Chaffeurs,quoique bien avertis, s’enfoncerent dans les Bois, fans dou te en pourfuivant quelque gibier) qui les y attira peu à-peu ; un Che<* à de la Louifrane. 223$ vreuil étoic très propre à les jetter dans cette erreur. Cependant le Soleil couche, on tire à bord du Brigan. tin pour les appeller, mais plus on tire, plus ils s'écartent du Port & de la Mer: il entendoient les coups de fufil qui les appelloient, mais le bruit des coups eur paroifloit venir du côté oppolé 3 g'eft ce qui arrive dans les Bois, lorf. que le vent eft contraire au coup. Is Le N la pointe du jour on tira le coup dé œanon de partance , on attendit non= feulement deux heures , comme on \en étoit convenu, mais même jufques près midi que ne voyant perlonne ;, 6 Roc leva l'ancre & partit. . Ces Chafeurs égarés n syant que peu de munition furent bien:ôt atta- Qués de la fa m3; M. de Charlev ie vou- oit faire PEf pour gagner le Fleuve, £s compagnons ne lé écouterent POÈdE » Al les quitta, & on n’a jamais pû {ça- woir ce qu'il étoit devenu, Le fieur Sil- veftre refta au pied d’un arbre , où ac- Cablé de faim & de fatigue, il finit aps “paremment {es jours. … M.de Belle-lfle fort & plus coura- n> combattit rs la mifére & la 236 Hiftoire à. perçut un Rat de bois, animal aflez gros & qui ne marche que d’un pas lent ; le même inftant vit prendre, af fommer, écorcher & dévorer ce gibier fi defiré. Que ce repas précipité fut délicieux au goût de notre Voyageut affame ! il reprit des forces & continual - faroutes, | | Peu après il eut à fa rencontre uñi _ Chevreuil ; il prit fi bien fes mefures qu’il ne tira pas en vain, car il més nageoit le peu de poudre qui lui refs toit, de peur qu'elle ne vint à lui mans -quer au befoïn ; mais le coup de fufil" attira des Naturels Atac- Apas qui l'in: veftirent avant même qu’il eût pü les - voir ; lufage des Naturels étant de s'approcher à pas de Loup des hom= mes ou des animaux qu’ils veulent fur prendre , à quoi ils réufliffent parfai= tement. M. deBeité M. de Belle-Tfle étonné de fe voir ie de pris voulut d’abord faire quelques rés Antropapha- fiftances qui lui furent inutiles ; il fe Bese modéra, & ce fut pour lui le bon par* ti: il ft entendre par fignes à ces Na turels qu’il s'étoit égaré ; ils n’eurent point de peine à le comprendre & mê= me à le croire , puifqu'ils le voyoients {eul, de la Louifiane. 237 S'il eût connu la coûtume des Natue ‘els , il les auroit imités en pareil cas 3 ls ne fçauroient faire un pas qu’ils ne regardent de tous côtés ; & fur tout lorfqu'on s’eft écarté & que lon fe trouve dans des Pays inconnus ; il faut toujours faire le guet autour de loi, afin de ne point être furpris à “improvifte. Un autre ufage encore qu'il eft bon de fçavoir , c’eft que dés qu'on s’apperçoit que l’on va être dé- jouvert , il faut aller à ceux que l’on voit, & lorfqu on en approche , met- “re bas les armes , pañler par-deflus , Jour leur donner à entendre qu’on ne veut pas s’en fervir contre eux ; en arrivant on leur tend la main, quieft parmi les Naturels la maniere de faluer : omfait enfuite entendre par fignes que ‘on eft égaré, & il ne faut pas oublier de montrer un vifage riant & d’avoir “air gai, pour ne point leur donne: de “oupçon ; aufli avec ces précautions l’on d'a rien à craindre ; on doit au con- raire fe promettre que l'on recevra eux tous les fecours néceflaires. … Il y avoit déja quelques mois que lefclavage de M. de Belle-fle duroit chez les Atac-apas, lorfqu'une Nation vint leur apporter le Calumet de Paig. 238 Hifloire L. Cette Nation étoit du nombre de cel les qui font dans les terres Éfpagnoles du nouveau Mexique ; mais en même tems elle étoit de celles qui reconnoifs foient & refpe@oient M. de S. Denis: alors Commandant des Naétchiroches: Les Députés de cette Nation s’appet= Çûrent à la mine & aux manieres de Mi de Belle-Tfle, qu’il étoit François, & dans la penfée de faire plaifir à M. de S. Denis, ils réfolurent entr'eux de fauver ce François ; maïs ils fe donnes rent bien de garde de faire connoître leur furprile aux Atac-Apas, chez lef= quels ïls étoient venus avec le fymbo= le de la Paix. Ils épierent le moment de le trouver feul; ils le trouverent & en profiterent pour lui faire comprens dre par figne, qu’ils étoient voifins de M. de S. Denis, qu'ils lui nommerent, À la prononciation de ce mot,M. dé Belle-1fle fut au comble de la joye, & quoiqu'il n’eût jamais été à portées d'entendre parler de cebrave Commans dant, puifqu’il arrivoit de France, il comprit a ce nom qu'il étoit F rançois. 1 ces Envoyés lui AREA figne auffi qui eût à écrire, & qu'ils envoyeroïent fon écrit à M. des. Denis. Notre Efclaver ravi de trouver une occafion aufli fas NT if pe | . de la Louifiane. 239 dde * Ù A worable pour fe tirer de la fervitude, fe précautionna d’une L'avrgs de Din- don, il fit de l'encre dans une petite coquille avec de l’eau & de la braife, Zele des Nan & trouva encore fur lui un petit mor-Spns dc ceau de papier blanc qui lui étoit refté “par grand hazard ; il écrivit au moyen de ces mauvaisinftrumens une demie li- me, dans laquelle il difoit à M. de S. Beni : » Je fuis Officier de la Loui- > fiane , perdu avec M. de Charleville, T1 donna ce papier fans que fes Maîtres s’en apperçuflent ; ceux de la Nation qui vouloient le fauver lui firent enten- dre de ne point s'impatienter, & qu’ils alloient envoyer deux hommes à M, ide S. Denis. En effet deux de ces hom- imes partirent pour les Na@chitoches, & ceux qui étoient 1eftés aux Atac: apas feignirent que leurs deux camara- des étoient perdus. On fçavoit à peu- près le tems qu’ils devoient revenir " & on alloit au-devant d'eux dans les Bois, d’où ils ne fortoient pas, afin de ne point être apperçûs ; ils fe tenoient ainfi cachés, & n2 fe découvroient qu'à ceux de leur Nation, à qui ils di- rent que M. de S. D:ris leur avoit or- donné d'amener avec eux ce François, ou de ne jamais paroïître devanit lui, Romeil. v< | | | 240, Hifloire Ceux qui venoient d'apprendre cette" nouvelle , avertirenten fecret M. de Belle Ifle d’aller dans le Bois , d’un cô- té qu’ ‘ils lui indiquerent; que Ik ils trou=. veroit leurs gens cachés ; ils les trou ya & ils lui remirent une Lettre de M.. de S. Denis, dans Jaquelle ce Com- mandant lui marquoit qu'il n’avoit qu’à fuivre ces deux hommes pour revenir, & qu 1} n’avoit rien à craindre ayeceux, Ce fut ainfñi que M. de Belle-Ifle échappa à un efclavage, qui peut-être n'auroit fini qu'avec fa vie. Je l'ai con- nu depuis ce tems avec plaifir, & de- puis mon retour en France, j'ai été lié d'amitié avec fa famille. | Il eft à propos de remarquer ici ; que dans cette vafte Province nous:n’a- vons connu d’Antropophages que les ‘Atac- apas ; & que depuis que quelques François les ont fréquentés, ils leur ont donné tant d'horreur de cette 2bo- minable coutume de manger leurs fem- blables, qu'ils ont promis de ne plus fuivre cet ufage à à l'avenir; aufh on n’a point entendu dire depuis ce tems qu ils lent prati uée, q j PY êt : PAPE es B ayout C Te as ÉtOleNt autre ontrée qui porte L eur nom: Ci 16tte L. de la Louifiane. 24T Nation eft confondue avec d’autres auf quelles elle s’eft jointe. Les Oqué-Louffas forment une pe- tite Nation qui s’étoit cachée à POueft & au deflus de la pointe coupée, de la- quelle les François ignoroïent même jufques au nom. Je fis rencontre un jour d’un homme de cette Nation qui m'apprit qu'ils habitoient fur les bords de deux petits Lacs dont l’eau paroîe noire , à caufe de la quantité de feuilles qui couvrent le fond, de ces Lacs, d’où ils prenoient le nom d'Oque-Loufas , qui fignifie Eau noire. Depuis les Oqué-Louffas jufqu’à la Riviere rouge, on ne trouve aucune autre Nation ; mais au-deflus du rapide de cette Riviere. il y a fur fes bords la petite Nation des Avoyels. Ge font leux qui ont amené aux François de Ia Louifiane, des Chevaux, des Bœufs 18 des Vaches ; je ne fçais en quelle Foire ils les achettent, ni en quelle Monnovye ils Les payent ; la vérité eft que ces Beftiaux ne coûtoient que vingt livres piece. Les Efpagnols du nouveau Mexique en ont une fi gran- : de quantité , qu’ils n’en fçavent que faire, & on leur fait plaifir de les en Idébarrafler, A préfent les Françoisen | Oqué-loufasg | ki Avoyelz ! | À 242 … Hifloire "4 ont plus qu’il ne leur en faut, & fur - ‘tout des Cheval - | Environ cinquante lieues plus haut Waëchitoches-en remontant la Riviere rouge , habite: la Nation des Naétchitoches ; ils font. près du Pofte François qui porte leur nom ; la Riviere rouge fe nommoit auf= -fide même. Ils ont toujours été ais des François. Cette Nation eft aflez confidtrable , étant compolée d’envi- ron deux cens cabannes ; ce Peuple n’a jamais étéami des Efpagnols; plus loin on trouve des Branches de cette Na tion ; mais elles ne font pas nombreu- Les. : À cent lieues du Confluent de la Cadodaquioux Re ei 1 d iviere Rouge on rencontre la grande Nation des Cadodaquioux. Elle eft di- vifée en plufieurs branches qui s’éten- dent aflez au loin. Cette Nation, aïn- fi que celle des Naëtchitoches , a une Langue particuliere ; cependant iln’y a point de villages dans ces deux Na- tions , où il n’y ait quelqu'un qui parle Ja Langue T'chicacha,comme dans rou- tes les autres Nations de la Louifia- ne ; on la nomme la Langue vulgaire ; ele eff dans cette Province ce qu’eft la Langue Francque dans le Levant. Depuis la Riviere Rouge jufqu'a. PU nÉ> es Du. dela Louifiane. 24% “celle des Arkanfs il n’y a aucune Na- tion. [l y en avoit une fur la Riviere Noire ; c'étoir les Ouachitas qui avoient Ouachitasi donné leur nom à cette Riviere. Il ne Mrefte rien à préfent de cette Nation;les Tchicachas l'ayant détruite en grande partie, & le reftes’étant retiré chez les Cadodaquioux , chez lefquels les Tchi- cachas n’ofent les inquiéter. Les Taen- fas étoient auffi dans ce Canton, fur une riviere de leur nom; ils fe font réfugiés fur les bords de la Mobile dans le voi- finage des Alliés des Tchicachas qui L les laiffent tranquilles. | « À quatre lieues du Confluent de la a gnrie, Riviere des Arkanfas & fur fes bords,ré- …fide la Nation qui lui a donné fon nom, Cette Nation eft aflez forte ; les Na- turels en font auffi bons Guerriers que chafieurs habiles. Les Thicachas tou- Jours inquiets.onr voulu faire Pépreu- we de la bravoure de ceux-ci ; maisils les ont trouvés fi fermes, qu’ils n’ont point jugé à propos de continuer à fça- voir quelle étoit leur valeur, fur-tout depuis que les Kappas & une partie des Kappas. ilinois fe font retirés chez-eux de mê- Mitch'gamias, me que les Mitchigamias. Airfi il neft plus mention des Kappas ni des Mitchigamias , depuis qu’ils fe font ré- | L iij 1! 544 Hifloire | fugiés auprès des Arkanfas qui les ont. adoptés ; tous enfemble ne faifant plus qu'une même Nation. | | On a déja vû depuis le commence-" ment de cette Hiftoire des Naturels dew la Louifiane , que plufieurs Nations dew ces Peuples s’étoient jointes à d’au-" tres , foit parce qu'ils ne pouvoients : . plus réfifter à leurs Ennemis , foits se parce qu’ilsefpéroient fetrouvermieuxw wie aure, €n fe confondant avec une autre Na tion. Je fuis bien aife à cette occa- fion de faire connoître que cesPeuples! refpectent le droit de l’hofpitalité, & que malgré la fupériorité que pourroït avoir une Nation fur une autre & fur celle qui fe feroit réfugiée chez elle , le droit de lhofpitalité emporte. Ceci fe fera plus aifément comprendre par une fuppofition. Une Nation de deux. mille Guerriers fait la guerre, & pour: fuit violemment une autre Nation de. cinq cens Guerriers ; celle-ci fe retire ‘chez une Nation alliée de ceux qui les pourfuivent, & qui n’eft compofée que: de trois cens Guerriers ; fi elle adopte! celle de cinq cens , les premiers quoi qu'au nombre de deux mille, mettent bas les armes, & ne font pas plus de mal à leurs ennemis qu’à ceux qui les ont reçüs chez eux, qui par ce moyen} | de la Louifiane. ‘34Y … deviennent alliés de leurs entiemis. Un Ec&teur prévenu à Pordinaire contre la . maniere de penfer de ces Peuples, n’au- _ toit eu garde de s’imaginer qu'ils fai- foient des alliances de cette efpèce. Outre ces Arkanfas,ily a eu des Au: - teurs qui ont voulu trouver quelques Nations fur leur Riviere 3 je ne puis affurer qu’il n’y en ait jamais eu ; mais je puis foutenir, pour en être témoiñ oculaire, que fur les bords de cette Ri- viere , ni même jufqu’au Miffouri,on ne rencontre aucune Nation. Tout près de la Riviere du Miflou- Ofges rieft une Nation que Pon nomme les Ofages ; ils font fur une petite Riviere à laquelle ils ont donné leur nom. On _ dit que cette Nation a été aflez confi- dérable autrefois ;aujourd’huielle tient le milieu par le nombre de fesGuerriers, La Nation des Miflouris eft très- Miflourts confdérable ; elle a donné fon nom à la fameufe Riviere que nous nommons … le Miflouri ; parce que cette Nation eft - la premiere que nous ayons connue en entrant dans cette Riviere, & qui Toit la plus proche de fon Confluent ;, quoiqu elle en foit éloignée de plus de quarante lieues. 3 Les François ont eu un ee affez | | M 1 246 Hiftoire près des Miffouris , pendant le temss que M. de Bourgmont y a été Com-. mandant ; mais peu de tems après qu'il les eût quitté , ils égorgerent la Garnifon Françoile ; j'en ai déja par- lé ; cet évenement imprévû a toujours étonné lorfque lon a voulu en cher- cher la caufe (1). Les Efpagnols, de même que nos autres voifins, toujours jaloux de notre fupériorité fur eux , formerent le def- fein de s'établir aux Miffouris , à envi-. ron quarante lieues des Illinois, afin de nous bornerde plus près à Oueft ; cette Nation eft fort éloignée du noue veau Mexique,qui eft la derniere Pro- vince des Efpagnols du côté du Nord. Îls penferent que pour mettre leur Colonie en fûreté, il convenoit de dé- truire entiérement les Miflouris. Mais n’entrevoyant point de poihbilité à- exécuter ce projet avec leurs feules forces, il entra dans leur plan de faire amitié avec les Ofages, Peuples voifins des Miffouris, & fouvent en guerre avec eux, efpérant de les gagner à force de prélens , & de les engager par! là à furprendre & détruire leurs voifinse Dans cette idée ils formerent à Santa : (1) Voyez Tome I, Chap. XXIV, : a PER de La Por ane. 220 à pe une Caravane d'hommes, de feim- bines & de foldats , ayant un Jacobin pour Aumônier, & un Ingénie ur pour Chef & Pod ur. avec les chevaux & les beftiaux néceffaires ; car c’eft chez eux ‘une fage coutume de faire marcher enfemble toutes ces chofes, La Caravane s'étant mife en route, fe trompa dans fa marche & arriva ché les Miffouris, croyant trouver les Ofa- ges qu’elle cherchoit. Ainfile Conduc- teur de la troupe fit parler {6n Inter- prête au Chef des Miflouris, comme s'ileût été celui des Ofages, & lui dit qu'il vénoit faire alliance avec eux pour détruire enfemble toute la Nation des Miflouris leurs anciens ennemis, Le grand Chef des Mifouris,difi- mulant ce qu’il devoit to d’un tel effein, témoigna de la Joe aux Ef- pagnols « d .leur promit d'exécuter. avec eux un projet qui les Aatroit beau- Æoup. Pour cet effet il les invita à fe reépoler quelques jours de leur voyage, ‘en attendant qu ileûr afemblé RsGu.r- fiers & tenu cor afeil avec les vieilaras 5 ail ft grande chere à fes hôtes & fic pa- Toitre une amitié fincere. [pr rent jour Henfemble pour pa rtir dans trois Jours 5 mais dès la nuit de cet arrêté, les Mif- Liv 248 Hifhoire fouris furent au point du jour au camp des Efpagnols , les aflommerent tous, excepté le Jacobin, ayant remarqué qu’il étoit le Chef de la priere & étoit fans afmes ; joint à cela que la fingu- larité de fon habit ne l’annonçoit pas pour un Guerrier, Les Miffouris le gar- derent quelques mois, & fe diverti- rent à lui faire faire le manége fur un | + : L cheval les jours qu’il faïifoit beau tems. _ Le Jacobin, quoique carefié & bien nourri, n’étoit point fans inquiétude 5 c’eft pourquoi profitant un jour de leur confiance, il prit fes précautions pour s'évader un jour de manège, ce qu'il fit en effet à leur vüe : on a fçu ces chofes des Miflouris mêmes , lorfqu’ils furent porter aux François des Illinois les ornemens de la Chapelle avec la Carte , comme je vais le rapporter. t É Les Miflouris honteux d'avoir été. dupés par l’Aumonier fugitif,ne fe cru- rent pas fuffifamment dédommagés de ce qu’il leur avoit appris le manége, ou du moins diverti, lorfqu’il montoit .à cheval en leur préfence. Ils réfolurent d'aller aux Illinois chez les François. qui y font établis,pour traiter avec eux. les Ornemens & tout ce qui concernoit » la Chapeile , le Jacobin ayant eu plus de foin de fa liberté que du tranfport . "de La Louifiane. 249 de fa Chapelle , puifqu’il auroit été découvert. Les Miflouris s’étant char gés de ces ornemens arriverent enfin aux Illinois. Dès qu’ils furent près de PEtabliflement des François,ils fe pare: rént chacun d'une des piéces de la Cha- pelle : celui qui avoit fur fa peau la plus belle Chafuble, marchoit à la têtes ceux qui portoient lesChafubles fe fuivoient, venoient enfuite les Porte-Etoles fui- vis de ceux qui avoient les Manipules à leur col; on voyoit après ceux-ci trois ou quatre Naturels revêtus d’Au- bes , d’autres de Surplis ; les Acoly- tes , contre l’ordinairé, marchoiïent à , la queue de cette Proceflion d’un goût ‘fi nouveau , ne fe trouvant point affez parés de porter à la main, en danfant en cadence , une Croix ou un Chan- delier. Je ne fçais à quel rang mar- choient ceux qui portoient les Vafes facrés ; ces Naturels ne connoiflant point le refpect qui leur eft dû, les avoient profanés ; je fuis feulement cer- tain qu’un d’eux avoit trouvé le fecret de percer la Patêne qu’il portoit pen- due à fon col. Que lon s’imagine le fpectacle ridicule , que pouvoit offrir aux yeux l’ordre bizare de cette Pro- Æeflion telle que je viens de la décrire, Lvj 259 Hifloire & arrivant à la maifon de M. de Bois S\ Briant, Lieutenant de Roi, en fau, masse 3 7 tant par mefure , Le Calumet déployé | fuivant la coûtume de faire une Am | baffade. Les premiers François qui virent ar- river cette troupe de Malcarades d'u ne mode nouvelle , coururent en riant en porter ia nouvelle à M. de Bois- Briant: Cet Officier qui avoit autant de piété que de bravoure , fut pénétré de douleur à la vûe de ces Naturels , &c ne fçavoit quoi penfer de cet évé- nement : il appréhendoit. qu’ils! n euf-! fent défait quelques Partis de François: en voyage, ne pouvant s imaginer ce! que ce pouvoit être; mais lorfqu'il puti les appercevoir de loin, fon chagrin S évanouit , il eut même bien de: lan peine à s'empêcher d’en rire commeless autres. Les Miflouris, lui -raconterent» comment les Efpagnols avoient -voulu? es détruire, & qu'ils lui Lapportoient} tout ce qu À VOYOI ; n'étant point, à leur ufage, & que s’il vouloit.; pou} voit leur donner des marchandifes qui feroient plus.de leur goût, ce-qu'il fit;à il les envoya enfuite à M. .de Brain=# ville, Commandant Général. à. Ils avoient apporté la Carte géo- ” de la L'ouiliarte. 2$T graphique qui avoit "fi mal conduit les Efpagnols ; après lavoir examinée, ‘elle me parut meilleure pour POueft de notre Colonie, qui fa eux; que pour les Pays qui nous concernent. C'eft d’après cette Carte que lon doit courber (1) la Riviere Rouge, & celle des Arkanfas ; comme je Pat diten fon _ Heu ; & faire partir la fource du Mif- fouri dé plus pris de l'Oueft que ne font : ee Géographes : puifque les EC pagnols doivent mieux connoître ces Pays-là que les Françoïs qui en ont donné des Mémoires. Les principales Nations qui habi- ALP AOE HUE . tent fur les-bords ou aux environs du fouri. Miffouri font les Miflouris , les Can- chez, les Othouez, les Pin blancs, les Pants noirs , fes Paniraahas , les _ Aïaouez & les Padoucas ; la Rs grof- fe de toutes es Nations eft ceile des * Padouces ; les plus petites font les * Aïouez , les Othouez & les Ofiges ; ; les autres font aflez rire les. Au Nord de toutes ces Nations & sioux, près du Fleuve, Lou , on prétend | qu'une partie des Sioux fair fa réfiden- cé ; d’autres foutiennent qu’ils habi- k (= P Voyez Tome g + XXII @ _XXH $! Se Hifloire - tent tantôt d’un côté , tantôt de l’auæ tre du Fleuve ; felon que j'ai pû fça= voir des Voyageurs, je ferois tenté de” croire que cette Nation occupe à la fois les deux côtés du Fleuve S. Louis; Je croïs avoir dit ailleurs qu'ils font cent lieues au-deflus du Sault S. An- toine, Nous ne devons pas nous inquié- ter encore de ce qui peut faire à nos intérêts dans ce Pays éloigné 3 il faut qu'il s'écoule bien des fiécles avant que nous ayons pénétré ces Contrées Sep= tentrionales de la Louifiane. ES de LCA ol En nm TS NP RE cet 72 de la Louifiane. 2$$ CHAPITRE XIX Etabliffemens ou Pofies François : Du Pofie de La Mobile : Des embouchures du Fleuve S. Louis : Situation &' Def= … cription de la nouvelle Orléans. | S ANS avoir égard aux Etablifie= ment les plus confidérables que les François ont faits dans la Louifiane , Je commencerai leur defcription par le plus ancien ; de-là je tiendrai la route que j'ai fuivie dans la petite Hiftoire -qué je viens de donner des Naturels de cette Colonie , & dans la defcription de fa nature des terres : par ce moyen . _Fidée du Lecteur n’étant point tranf- portée d’une extrémité de la Colonie à l’autre , fon intention fera aifément fätisfaite. Cet ordre géographique que je fuivrai ne m'empêchera point de dé- figner leur ancienneté. | L’Etabliffement de la Mobile fut le Etablifement premier fiége de la Colonie dans cette % 18 Mobile, Province : c’étoit à cet Etabliflement. que réfidoïent le Commandant Géné- 1, le Commiflaire Général, l'Etat 154 Hifloire | È Major , &c. Comme les Vaiffeaux S pouvoient entrer dans la Riviere d Mobile, & y ayant un petit Port à PIfle Dauphirie , on avoit fait un Eta- bliffement proportionné au Port, & on avoit mis un Corps de Garde pour” fa fureté ; ainfi l’on peut dire que ces! deuxEtabliflemens n’en faifoient qu’un, tant par la proximité du terrein, que“ par la relation nécefsire qu'ils avoient Pun avec l’autre. L’Etabliflement de la Mobile eft cependant à dix lieues des fon Port fur le bord de la Riviere de même nom ; & l’Ifle Dauphineïeft vis- a-vis l’em bouchure de cette Riviere à quatre lieues de la côte. | Quoique l Etabliflement de la Mo- bile {oit le plus ancien , il n’eft pas a beaucoup près le plus confidérable ; ik n’y eft refté que quelques Habitans, las plus grande partie des premiers l'ayant uitté pour s'établir fur le Fleuve S Tout depuis que la Nouvelle Or-" léans cft devenue la C:pitale de la Co lonie. :Cet ancien Poîte eft le fé'our ordinaire d’un Lieutenant de Rois d’un Commiffaire Ordonnateur ,“d’uns Tréforier ;ilyaun Fort de 4 beftionss terraffé & paliffadé ,avec Garnifon. 4 Ge Pofte tient en refpect la Narion® | î À la Léif tanes 255 .æe Chatkas, & coupe la communi- cation des Anglois avec eux 3 il pro+ tége les Nations voifines & les retient dans notre alliance ; il foutient enfin vec les Chatkas & autres Nations no- tre Commerce de Pelleterie qui eft confidérable. | » La même raifon qui a fait connoître NT: Fort de Ton Ha néceflité de ce Pofte, par rap POrT becbec. aux Chatkas, a fait voir auffi qu’il étoit Réceffaire de bâtir un Fort à Tombec- bec,pour arrêter les Anglois dans leurs ‘entreprifes ambitieufes du. côté des Tchicachas:ce Fort n’eft conftruit que depuis la guerre que nous avons eue lavec les Thicachas en 1736. _ Aflez près de la Riviere de Mobile celui des Pacte reft le petit Etabliffemenc des Pachca- °+080uls (Ogoulas , duquel j’ai parlé ailleurs, IE n'eft compofé que d’un très-petit nom- Are de Canadiens amateurs de la tran- “quillité, qu'ils préférent à tous les avan- œages que la fortune prefente dans le ‘Commerce ; ils fe contentent d’une vie champêtre & frugale , & ne vont à la Nouvelle Orléans que pour acheter leur “néceffaire (1). _ Depuis cer Etabliffement jufqu’à la Nouvelle Orléans,en paffant par le Lac (1) Voyez TomeIl, Chap, XVL | 356 Hifloire S. Louis , il n'y a eu aucuñ Pofle Po le préfent ; il ÿ a eu autrefois & i ! médiatement avant la conftruction de la Capitale , les vieux & nouveau Bis" loxi; Etabliflemens qui ont mérité un oubli auffi long que leur durée a été courte (1): ï Pour procéder avee ordre & facilis té, nous remonterons le Fleuve des puis fon embouchure. “7.30 Le Fort de la Balife (2) dont ; donné la defcription, eft à l’entrée du Fleuve S. Louis par les vingt - neuf dégrés latitude Nord , & par les deux cens quatre-vingt-lix dégrés trente! minutes de longitude. Ce Fort eft bâti! fur une Jfle à une des embouchures du! Fleuve ; quoiqu'il n’y ait que dix-{ept pieds d’eau dans le Chenal ; j'y ai và. entrer des Vaifleaux de cinq cens ton neaux. Je ne fçais pourquoi on laïfle cette entrée dans cet état? mais ce n’eft pas à moi fans doute à en deman« der les raifons, puifqu’ilne manque pas! d’y avoir en France des Ingénieurs ha= biles dans la partie de l’'Hydrauliqued Cette partie des Mathématiques eff celle à laquelle je me fuis le plus at+ (x) Voyez Tomel. Chap. XII, & XX, 4 (2) Voyez Tome I, Chap XXe Li. de la Louifiane. 257 Maché ; ainfi je fçais qu’il n’eft pas aifé d'approfondir ou creufer le Chenal nal à la barre d'une barre de maniere à n’être plus du Fleuve S+ obligé d’y toucher, & que les frais en font confidérables. Mais mon zéle pour cette Colonie n'ayant fait faire des re- flexions fur ces pañles ou entrées du Fleuve , & connoiflant à fond le Pays 16c fa nature, j’ofe me flatter d’en ve- nir à bout au grand avantage de la Province, & de m’entirer à mon hon- neur, à peu de frais, & d'une façon à n'avoir point à recommencer : ce que je n’avancerois pas d’un Pays & d’un terrein que je ne connoitrois point DRE CeecEs 0 Je dis que ce Fort de la Balife eft bâti fur une Tfle ; je crois que c’eft raffez faire entendre que cette Forte. refle eft irréguliere;la figure & la gran: deur de cette petite Ifle ne le permet: tant pas autrement. En remontant le Ffeuve,on ne trous verien avant d'être arrivé au Détour à PAngiois ; en cet endroit dont j'ai déjà parlé (1) le Fleuve fait un grand cir- cuit, de forte que le même vent qui améne les vaifleaux , leur devient cons craire lorfqu’il s’agit de pañler ce Dé= … () Voyez Tome I, Chap. XXe MECS LE 568 . ."'HOPE CN tour. C’eft pour cela que l’on a jugé à propos d’y conftruire deux Forts , un. de chaque côté du Fleuve pour Fete les entreptifes des Etrangers : ces Forts font plus que füffifans pour s'oppofer au pañlage de cent Vaïfleaux , parcé qu'ils ne peuvent remonter le Fleuve que l'un après l’autre , & qu'ils ne fau- toient ni mouiller Pancre, ni venir à terre pour sy amarrer. Vi L'on trouvera peut être extraordis aire que l’on ne puiffe mouiller en cet endroit ; je pente que l’on fera de mon fentiment, lorfque Pon fçaura que le fond du Fleuve n’eft qu’une vafe molle p'efque entieremeñt couverte de bois mort ; & cela eft de même durant plus de cent lieues. Pour ce qui eft de met- _tré à terre , il eft également comme impofhble & très-inutile de le tenter ». parce que endroit où font ces Forts: n’eft qu’une langue de terre entre le Fleuve & des maraïs : ainfi quelmoyen qu'une chaloupe & un canot viennent à terre apporter des cordages pour) amarrer un Vaiffeau à la vüe d’un Fort bien gardé,& comment faire une tran- chée dansune langue de terre affez mols. le © Telle eft la fituation de ces deux Forts, qui en peu de temps peuvent. de La Louifiane: | 259 Jr nt {ur le bord intérieur du Croiffant que décrit le Fleuve, & de la Nou- felle Orléans qui en eft très proche. « ompte fix lieues par eau toujours en j burnant , ce détour , ayant la figure lun C prefque fermé. Les deux côtés u Fleuve font bordés d’Habitations ui font. plaifir à la vüe ; cependant L jomme ce voyage eft long par eau, in le fait fouvent à cheval par terre. Le difficultés extrêmes que l’on a à emonter le Fleuve à à la voile, en par- culier au détour 2 à l’Anglois > pour les raïfons que j'ai dites à cette occa- Mion & dans la premiere Partie (1) de cet Ouvrage, m'ont fait imaginer une machine très-fimple, & peu difpen- Mieufe pour faire remonter aifément les À Jaiffeaux jufques à à la Nouvelle Or- "à | Capitale ; ; au lieu que par la voye que je propofe ils ne feroient pas huit k burs pour y arriver, même avec le Nenc contraire 3 ainfi on iroit quatre Thoue , ou en virant fur le Cabeftan, ù Lo Voyez Tome k Chap. XX. cevoir du fecours des Habitans qui . De cet endroit à la Capitale, on éans. Les Navires font quelquefois un Maniere facile bois pour faire la route de la Balife à de remonter le Éleuves Louis fois plus vite qu'en fe fervant de la D. 10 69 Hifloire 4 Cette Machine pourroit être dé ofée à la Balife , elle feroit livrée au Vaiffeau pour aller contre le courant, & il la! remettroit lorfqu'il partiroit. Il eft en: core à propos d’obferver que cette Ma= chine n’Oteroit rien aux Forts, & qu’ils auroient toujours les mêmes moyens pour arrêter des Vaifleaux ennemis qui s’en ferviroient, 1 Situation dela La nouvelle Orléans Capitale de fa nouvelle Or- Colonie, eft fituée à l’Eft & fur le léanse bord du Fleuve S. Louis par les tren- te degrés de latitude Nord. Dans le tems que je fuis arrivé à la Louifiane, cette Ville n’exiftoit que par le nom, puifqu’en débarquant , j’appris que M. de’ Biainville : Commandant Général étoit allé en marquer la place, d’où il revint trois jours après notre arrivée à l’Ifle Dauphine. h. Il avoit choiïfi cet endroit par pré: férence à beaucoup d’autres plus beaux & plus convenables; mais pour ce tems-là , celui-ci fuffifoit ; d’ailleurs tous les hommes ne voyent pas aufi loin les uns que les autres. Comme le principal Etabliflement étoit alors à la Mobile, il étoit à propos de placer cette Capitale en un lieu d’où l’on püt facilement communiquer avec ce Pof: OT dela Louifiane. 68 fe ainfi on ne pouvoit mieux choifir , que cette Ville étant fur le bord Fleuve , les Vaiffeaux, fuflent-ils de de tonneaux, peuvent mettre le cô- à terre, rnême aux eaux bañles, ou it au plus ils n’ont qu'un petit pont faire avec deux de leurs Vergues pour | 1ler leurs briques & leurs balots, (ar 1 l'équipage. Cette Ville u’à une lieue du Bayouc S. Jean ir hr s’embarque pour aller à la Mo- le , en paflant par le Lac S. Louis & elà île long de la Côte toujours terre terre; c’eft la communication qu oit néceffaire alors. » Je m’imagine aifément que fi on vou- de aujourd’hui bâtir une Ville dans ete Province, on choifiroit un lieu Mez élevé pour n'être point fujet au l ébordement ; ; que d’ailleurs le fond 9 feroit affez folide pour pouvoir por- | pee grands Edifices de pierres , &c he la pierre de taille feroit près de rte Ville. \ | Ceux qui ont été afflez loin dans le ÿs, &c qui n’y ont point vü de pierres, bmême les plus petits cailloux dans as de cent lieues de terrein de fuite, 6 diront fans doute que cette propo= io: eft japoñqble, puifqu'ils n’ont. de “ Defcriprion de ‘ pret lanouvelieOr. la partie de la Ville qui fait face à leans ya de la pierre & des carrieres fov res, & s’il y en avoit dans la Colonie 262 eofinire is © | point remarqué qu’il y eüt des pierre propres à bâtir dans les Cantons qu'il ont parcourus. Je pourrois leur donne pour réponfe & leur dire, qu'ils or des yeux & ne voyent point. Cepen dant j'avouerai que tous les homme ne font point obligés de connoïître # Ïà terre,de laquelle ils peuvent fe con tenter de connoître la qualité propre ce qu’ils veulent y fémer ou planter mais un Architecte doit en fcavoir di vantage ; J'ai confidéré de près la natu re de ce Pays. j'y ai trouvé des carrie je devois les trouver, puifque mo état & ma profeffion d’Architecte de voient m'en avoir procuré la facilité. Après avoir donné l’emplacemer de la Capitale, il convient que je dé crive l’ordre de fa conftruction. La Place d’Armes eft au milieu € Fleuve; dansle milieu du fond de cett Place , eft l'Eglife de la Paroiïfle fou Vinvocation de S. Louis, deffervie pe lesRR. PP. Capucins. Leur maifon e au côté gauche de l'Eglife; le côt droit contient la Prifon & le Corpsd garde ; les deux côtés de la Place fon n. L IOUISIANE. | : z Place IT AR | 2 Eglise Parocnsiale|| 4 SL ogement des VE à : 4 É Capucine Cures. 4 Gouvernement | & Lnatendance | 6 Consel Tf | 7.7 Caxernes Fe CL Magaruns 2 Corps de garde et Prison TL u KReflguuser l’rsulines et | Lopüal 22 Poudriere 123 Levée ES 200 So Thérer = ESS ——— Z Place d_. Zrme NE > Torres. : BR re j Æchelle 204 use 2 Eglise Parocrriale\\ | | ] 5 7 2gement der | C apucrs Cures | ; 7 | 4 4 pi | SE Gouvernement Li 7.7 Caxernes | C6 Magazuns || ] T 2ù ( ‘orpr de garde la | | | | u Æ et Prison | 2 Réhiquusesr SET 5 Znlendance 6 Conseil Ursulines et ULopital 22 loudrire / 19 Zevee ’ SE HE Fleuve S: L OUIS ; 5e À LES De-d 2 É 4 3 Les PU Te is Re MEN on er à 3 Es Hal CA RE SI = A. FE 41 RL à & # $ NE 8 À = 0 nr ;, 4 Le CAT ï % \ PET RL REA PRTRESS bn nome ent ages der MNT AT) RU 20e AN ME ER * ST ;, ee PA UE DORE LR POTERIE, En “2 F4 Eu ï . L: TA LE ue HAN | à 1 1 dl 4 3 PCR SRE RTS Ge nr k < 5" A © ° >. te , po? ‘re CRM S7 cul 0 PRLUEE" É } Ft Rt ’ l . p, PR À Fi di y MELI RAIN a ra Fe CNE ; AE + 4 Le j . Dal f < ! Cou k PRO 16 Fr : L : ECS ni! “ ns Lo DO + e AE À (4 F ES =. de la Louifiane. 26% écupés par deux corps de Cazernes ; Place eft toute ouverte du côté du le euve. loutes les rues font tirées au cor- au en long & en large , elles fe cou- 4 & fe croifent perpendiculaire- + Ces rues partagent la Ville en D. -cinq Ifles, onze de longueur r le Fleuve, & ‘fix de profondeur ; s Jfles ont chééine. cinquante toifes | quarré ‘& font chacune divifées en juze emplacemens pour loger autant Habiraäns. L’Intendance eft derriere 5 Cazernes de la gauche, & le Maga- it général derrière celles de la droite, tique l’on regarde la Viile de deflus bord du Fleuve. Le Gouvernement au milieu de la partie de la Ville,de iquelle oh va de la place à l'Habita- on des RR. PP. Jéfuites., qui eft près 6 la Ville. La Maifon des Religieufes Jrfulines cft tout au bout de la Ville \droite, dé même que l'Hôpital des | defquels elles ont foin. Ce e je viens de décrire fait face au Meuve. | Sur le bord du Fleuve, regne une vée tant du côté de la Ville que du [Môté oppoté, depuis | ie Détour à l’An- \£ élois jufques à la Vale, & environ dix : - k bi 2h M 2:66 Eifloire lieues au-deflus; ce qui fait environ quinze à feize lieues de chaque côté du Fleuve que l’on peut faire en caroffe” ou à cheval fur un terrein auf uni qu une table... 11. La plus grande partie des maïfons fonc bâties de briques ; les moindres” font des charpente & de briques. La longueur des levées dont je : viens de parler fuffic pour faire. connoî« tre que fur ces deux côtés du Fleuve ils y a beaucoup d'Habitations près.lesk unes des autres, chacun faifant une le“ vée pour mettre fon terrein à couvert. de linondation qui ne manque point chaque année, de venir avec Île Prin- tems: alors sil y a quelques. Navires au Port de la nouvelle Orléans, ils. partent promptement, parce que la prodigieufe quantité de bois morts ou déracinés que le Fleuve charie, s’amaf: feroit au-devant du Vaiffeau, & feroit! rompre les plus yros cables. 4 . Tout au bout du, Bayouc $. Jean; au bord. du: Lac $. Louis, il y a une. redoute &une Garde pour en deffen= dre l’entrée.à ceux à qui on doit la re fufer. | Depuis ce Bayouc, à la Ville, une, partie de {es bords fonc habités par des (4 «de la Louifiane. 26 7 ÆCotons, de même que le bord aflez lorg d’un autre-Bayouc; les Habita- “ions de ce dernier portent le nom de mo Après ces Habitations qui font fs Ftablifemens Je Fleuve juiqu’ au-delà des cannes bri. %"*Oumas. les, on n'en trouve point jufqu'aux Oumas qui eft une petite Nation de ‘ce nom; cet Etabliffement eft peu con- fidérable , quoiqiril {oit un des plus anciens après la Capitale ; il eft à l’Eft du Fleuve. Le Bâton Rouge ef auffi à PES duLe Béton Row Fieuve, &'diftant de vingt fix lieues” de la hodvelle Orléans ; c'étoit autre- fois la Conceflion de M. d’Artaguette d'Iron : c’eft-là que l’on voit ce fameux Ciprès duquel un Charpentier de ba- teaux vouloit faire deux Pirogues , June de feize tonneaux, & l’autre de quatorze. Comme le Ciprès. eft un bois rouge, quelqu'un des premiers Voya- geurs qui arriverent dans ce Canton, s'avifa de dire que cet arbre féroit un beau bâton; on l’a nommé enfuite le Bâton Rouge: :fa hauteur n'a pü encore être mefurée ; elle eff à perte de vue Ga | _ À une lieue au-deça de la petite ; Fo coupée font les petits Ecores, _ (r) Voyez Tôme I, Chap, IL. M i] 265 Hifloire in où étoit la Conceffion de M. Te Mar- Les pétirs éco. Quis de Mézieres. IL y avoit à cette zes. Concefñonun Directeur &un Sous Di- recteur ; mais le Chirurgien trouva le fecret de refter le feul maïtre. L’en- droit eft fort beau fur-tour dans les ! derrieres des petits Ecores, où on monte en pente douce: à côté de ces” Ecores tombe dans le Fleuve un petit Ruiffleau dans lequel.une Fontaine dé- charge fes eaux ; elles font fi attrayan- tes pour les Bœufs fauvages, que lon _en.trouve fort fouvent fur fes bords. C'eft dommage que ce terrein ait été abandonné ; il y avoit de quoifaire une très-belle Conceflion; on auroit auf pû faire un bon Moulin à eau fur le Ruifleau dont je viens de parler. - Pofe de la À quarante lieues de la nouvelle Or- pointe coupéc. [éans, eft:la Pointe coupée: cet en- droit eft aïnfi nommé, parce que le Fleuve y faifoit un détour de dix lieues & formoit la figure d’un cercle, lequel n’étoit ouvert que d'environ cent & quelques toifes, par où ils’eft.frayé un chemin plus court & où toutes {es eaux pañlent à préfent; la Nature feuie n'a, point fait cette opération, mais un peu. d'aide fait beaucoup dans l’occafion. Deux Voyageurs defcendans le Fleu- 1 | de la Loiifiane. 269 … ve furent obligés de s'atrétér en cet . endroit, parce qu’ils virent au loin que la lame étroit très grofle ; levent pouf. … foit contre le. courant &: le Fleuve étoit débordé;, deforte qu'ils n'oferent . pañer outre : tout auprès d'eux pañloit » un petit Ruiffeau caufé par le débor- - dement, qui pouvoit avoir un rie de profondeur fur quatre à cinq de! arpe, … tantôt plus, tantôt moins, Un de ces Voyageurs fe voyant à rien faire , prit fon fufil &fuivit ce petit Ruiffeau pour … tâcher de tuer quelque Gibier. [l n'eut pas fait cent toifes qu'il fut dans une extrême furprife d’ apercevoir un grand . jour, comme lorfau’on eft fur le‘: point . dé fortir d’une épaiffe Forêt : il avan- … ce, il voit une grande étendue d’eau qu'il prend pour un Lac ; mais regar dant fur fa gauche 1l voit les perits Ecores dont je viens de parler, & il fçavoir ; par fa propre experience qu'il falloit faire.dix lieues pour y arriver: _ 1] reconnoit à cette:vue que ce font les eaux du Fleuve. fl court en avertir fon. … Camarade ; celui-ci veut s’en aflurer ; certains qu'ils en font tous deux,ils Fu cident qu'il faut couper les racines qui { trouvent dans le pañlage & creuler les endroits les pl us élevés: ils eflayez Miij, so FRS ER Ed cesoael te fours ve SR h re ee ne 7 pee ti sr RAR Re TS ME EE ‘270 Hiftoire | rent enfin d'y faire pañler-leur Pirogue. en la pouffant. Ils y réuffirent au-delà de leur attente ; l’eau qui: venoit les. aidoit tant par fon poids, qu’enfoule- vant le derriere de la Pirogue par fon volume qui augmentoit par l’obftacle, qu'elle rencontroit. [ls fe virent en. peu de tems dans le Fleuve à dix lieues plus loin qu’ils n’écoient ure heure au: paravant ; c’eft à-dire, s’ils euffent fuis vi le lit du Fleuve, comme on étroit contraint de faire auparavant. Le petit travail de nos Voyageurs. avoit remué la terre, les racines.en par. tie courées n’étoient plus un obftacle au cours de Peau , la pente dans ce pe- tit trajet étoit évale a celle que le: Fleuve avoit dans les dix lieues de cir- cuit qu’il faifoitsenfin la Mature aidée, quoique foiblement , fit le refte. Dans le tems que je remontai la premiere: fois, tout le Fleuve y pañloit, & quoi- qu'il n’y eût que fix ans que ce Chenal, füt fait, l’ancien lit du Fleuve étoit. prefque rempli de vafes qu'il y avoit dépofées, & j'y ai vü les arbres d’une groffeur qui auroit dû furprendre d’être. devenus auffi forts en fi peu de tems. C’eft en cet endroit que l’on nomme, la Pointe coupée, que la Conceflion de h Î dela Louif 1ane.. 271 M. de Meufe ve établie ; c’eft à … préfent un des plus confidérables Pofe um ces de la Colonie: il y a un Fort, une. - Garnifon & un Officier pour la coin- mander, Le Fleuve eft bordé d’un cô- nré & de l'autre d'Habirans qui fort * quantité de bon tabac: 11 y a un Inf. . pectéur pour l'examiner & le recevoir-. afin que les marchands ne fuient point trompés : ceux qui font du côté de: » POueft ont par derriere des Côtes Ê& . des terres hautes qui font de très-beaux … Pays, comme jc l? ai rapporté allleurs( 1). à _ J’oubliois de dire que deux lieues . plus haut que le Bâton Rouge, éroit la . Conceffion de M. Paris du Voie on Bayoue- + nomme cet Etabliffement les Bayouc- 19°" Ogeu- _ Ogoulas, à caufe d’une Marion da momquiyé étoit autrefois. C’eft à l’Oueft - du Fleuve, & à vingt-huit lieues dela » nouvelle CES _ (x) Voyez Tomel. Chap. XXI. NE 1% CHAPITRE XXx. Suite des Etabliffémens François : Du Pojte des Naëtchitoches : Du Pofle des MNatchez & de celui des Yazous. Pcofte des Na À } "IN GE lieues. plus haut que la chitoches, Pointe coupée & à foixante lieues. de la nouvelle Orléans, on renconire la Riviere Rouge. Il yaun Pofte Frans çois dans une ffle que forme cette Ri- viere ; on y a. bâti un Fort, dans le= quel il y a Garnifon , fon Commandant & des Officiers. Les premiers Habi- tans qui fe font établis en cet endroit étoient des Soldats de ce Pofte, qui avoient eu leur congé après leur tems de fervice achevé ; ils fe mirent à faire du tabac dans cette Ifle; mais le fable fin que Ke vent emportoit fur les feuil- les de tabac, le rendoit d’une mauvai- fe qualité ; ce qui les détermina à quit- ter l’Ifle, & à s'établir en terre ferme. où 1s trouverent un bon terrein {ur le- quel ils firent de meilleur-tabac. On nomme ce Pofte des Natchitoches, à. çaufe d’une Nation de ce nom qui eft. 10 d la’ Louifiane: 3 dans le voifinage ; c'étoit le Pofte o commandoit M.deS. Denis. | Plufieurs Habitans de la Louifiane y ont éréantirés par l’efpérance d'y faire une fortune rapide, parcé qué n'étant éloignés que de fept lieues des - Efpagnols, ils s'imaginoient fäire:cou- ler juiqu’à eux une bonne partie du précieux métal que le nouveau Mexi- que produit | en abondance; mais leur: attente a été fruftrée, car:le Pofte EC : pagnol, nommé les re , eft moins en argent que les plus pauvres Villa- geois de: Europe ; ces Efpagnols lont . mal mis, mal nourris & toujours prêts ) à acheter les. marchandiies des Frans çois à crédits Que lon ne s'imagine pas au refté- _ que je veuille en faire accroire au fujet des Efpagrols .du nouveau Mexique ; On: pourra du moins en juger par l’é- bauche que je vais fairé dés Habitans qui fonr même plus près des mines que _ es Adaïes ; je tiens le récit fuivant d’un François qui avoit hazardé d’ailer commercer chez eux ; il parlera. lui- _ même. : : a » Je fus un jour, me dit-il | avec Tibtéau d'en » deux mulets chargés: 4e marchandi: ménare Etya- enol du Otis _» sà.la premiere cabane 1e PR EE Mexique La 7 OÙ 274. Fitoire- | » çus pour m'informer du chemin que: » je devois tenir. Je vis fur la porteun. » grand homme aflez brun de corps &c » de cheveux avec une meuftache noire: »qu'il retrouffa plus de vingt fois avant ». que je fuffe affez près de lui pour lui: » demander le chemin ; il étoit pieds. » nuds, & n'avoit pour tout habille+ >» ment fur le corps qu’une culotte dont: > les canons defcendoient jufques fur: » fes talons ; fa chemife faite de deux, » peaux n’avoit aucune couleur que l’on: > puiffe nommer non plus que la culotte. >» je puis feulement dire qu’elles étoient: » très prafles, & avoit fur la tête un. » mouchoir dans le même goût. À près. >» lavoir falué poliment, je lüi deman- » dai le chemin que je défirois fçavoir s. » il me rendit le falut avec toute la: » gravité Efpagnole, & fans répondre » à ma demande : avez-vous là, me: _» dit-il, des marchandifes quiméritent:. » d'être vues ? Je lai répondis que j'en: »avois qui pourroient lui convenir :: » arrêtez donc, ajouta-til, & que je. » voye s'il yena qui me plaifent.Je ne: » me fis point prier, parce que l’heure:, »-du diner approchoit ; je déchargeai, x mes balots & mis païître mes Mulets.. » Comme j'entrois le premier ballat, OY 22 à ii 4 ? re Ale j dé La Louiffane: Lan “»: je vis une femme accroupié qui fai _» foit du feu : m ’entendant lui fouhai- . » rer le bonjour, elle abatrit fon voile :» pour me répondre & me regarder ; _» elle pouvoit au moyen des trous & o des déchirures me voir aifément, de » même que je pouvois auf la ce _ »dérer, malgré l’obftacle apparent qui > cachoit fon vifage. Elle étoit jolie, >» & un fourire gracieux me fit juger .» que mon arrivée ne lui déplaifoic » point. Elle n’avoit que {on voile fur: » la rête, & pour tout habillement un. ._» COrcet & une. juppe. qui tenoient en= ._» femble ; le corcet étoit fi échancré:, .» que toute fa gorge paroifloit fans: » que l’on pût appercevoir qu elle eût » une chemife, J'e ne tardai pas à voir: _» deux dignes rejettons de cette illuf- -»ttre famille, qui poavoient avoir huit _»adixans, & habillés dans le goût de: notre. premier Pérelorfqu'il fortit des. > mains du Créateur. »J’avois:à peine. défait un ions, æ que je vis laver avec une épongeune. » toiile cirée qui avoit fervi d'ernbal=, :>> lage ; C’ he lanapge fur laquelle on: æ mit un plat de: bois fait par les Na . >» turels ; ce-plat étroit furchargé d’une: a Dionins. G'épis de Mahiz grillés, 6. ie v}. 226. Hifloire » à l’inftant le maître m’invita à diner # _».comme j'avois marché, j’avois be » foin de me repofer 3 la Dame me » préfenta une felle de bois, ce qui. » obligea un des enfans- à refter de- » bout, parce qu’il n'y en-avoit que: » quatre. Je fis avecappetit ce repas: » frugal en buvant deux grands coups. » d'eau dans un morceau de calebace 5. n je fçavois que. les Efpagnols font. æ glorieux , & je me doutois que ce- » Jui-cine voudroit point recevoir d’ar- » gent pour mon écot, je voulus l'en. » dédommager par un préfent ; je ti- -». rai de ma poche une petite bouteille: » cliffée où j'avois de leau-de- vie # . » j'en donnai un coup à boire au ma- » rl,]J'en verfai pour la femme qui ie. » refufa, | » Je montrai-enfuite mes marchan-. » difes.[km’acheta deux piéces de toit. -» le de Bretagne qui font de fix aulnes. » chacune ; deux piéces. de Platille de » même longueur ; c'étoit-pour la Da= ».me; parce que leurs chemifes ne pa- » rciflent pas : aufli certe toille n'eft. » point propre-à paroître ; elle eft fi. » claire que quandune-Négreffe en por- #.te, fa peau noire paroït au travers. >» Ellesen mettent cependant lorfqu’ek. 4 de. là Loui/! ane, 2 trles peuvent en avoir, & alors tous. -les endroits où pañe l'aiguille eft. + coufu & brodé de fil bleu. » Je vendis auffi à cet Efpagnol une. .»paire de bas de foye rouge ponceau à » coins brodés d'argent, & une piéce » dé dentelle pour fa ces Quand il. >» fallut me payer, ilme fit entrer dans » la chambre à coucher, puifque jy vis. w deux lits par terre fér. des planches » faites à la hache ; un dé ces lits étoit >» fans doute:pour le pere & la mere, . » l’autre pour les enfans ; j'apperçüs » aufhi pendus au croc un pourpoint ; . +» une cullotte dé velours verd, & une. » chemife garnié qui Le © avoir » été blanche ; cette chemife couvroit: » une épée.dont j je vis.le fourreau {or- 12 tir; il’ y avoit à côté un petit coffre … » qui étoit fans doute la garde robe de » la Dame, celle des .enfans paroifloit > Jeur Ge du chevet. Enfin l’on ou- … » vrit lé coffre fort; c’étoit un tas. » d'environcinq à fix cens Piafires dans. » un coin de cette chambre par terre , . . » couvert en talut d’une grande peau. * » dé Cerf; on me e compta mOn argent = for un grând banc qui étoit tout au- _» près. Jeremerciai PFfpagnol, & quit- _ ætai fans regret ce Château de Bou. 278 “Hifioire: | zillage & couvert de grandes herbes. » Ciel! dis-je alors en moi-même. ».fi nous. ne fommes pas mieux bâtis. » que les Efpagnols lorfque nous nous » établiflons , au moins fommes nous: » mieux habillés ; & fans porter du’ » velours lés Dimanches, nous avons » le corps proprement couvert ; & fi: » nous n'avons. pas tant de Piaftres » nous avons en revanche la vie agréa ble ; nous avons des grains, de la: » viande de chaffle & de bafle-cour 5: » nous avons le Poiffon & les légumes. » en abondance ; les-moindres Habi- » tans ont dans notre Colonie. toutes: » cescommodités, ce qui, à monavis,. » vaut irfinimentmieux que de mourir! > de faim auprès d’un tas de Piaftres.. Tel eft le reçit que me fit ce Colon. de la Louifiane:; iltrouva la même cho-. fe à peu-près dans beaucoup d’autres: endroits-dont il me parla ; maisce que: je viens de raprorter doit fuffire pour: faire connoître la différence extrême: des Etablifflemens Efpagnols à ceux de: notre Colonie. ae à | Sortons maintenant de la Riviere. Rouge & remontons.le Fleuve qui eff: le plus grand chemin de la Colonie &c: qui le fera toujours de plus en plus, fes de La Heat. 279 fon que la Province fe peuplera. _ Du Confluent de la Kiviere Rouge Pofte des Nar” ‘en remontant comme nous avons fai chezs. jufqu’à préfent, on trouve à- trente- lieues environ au deflus le pofte des Natchez-duquel j'ai déja parlé, & dont: je ferai obligé. de faire mention encore. pus d’une fois. Que le Leéteur ne trouve point mau- vais de ce que je dis fouvent rant de: lieues à peu-près ou environ. On ne peut rien affurer de jufte par rapport : à la dif- tance des lieues dansun Pays où onne. voyage que par eau : ainfi ceux qui re- montent le Fleuve ayant plus de peine, & mettant-plus de temsque-ceux qui Le defcendent , eftiment les uns & les au- tres la route plus au moins longue felon que le chemin leur dure : d’ailleurs lor£=. que l’eau eft haute;elle couvre des paf. fages qui abregent fouvent de beau-. Dup-. Les Natchez font fitués par lestren- te - deux dégrés à quelques minue. “tes près de latitude Nord, & à envi- on deux-cens quatre-vingt dégrés de longitude. Le Fort de ce Pofte eft à “deux cens. pieds à pic au-deffus 7 eaux bafles. De ce Fort on étend fon: point de vûe jufques à l'horifor du cô- 280 Hilloire- 1 té de l’Oueft du Fleuve, c’eft-à-dire-dà: côté oppofé à celui où eft le Fort,. quoique ce côté de l'Oueft foit cou vert de bois, parce quele pied du Fort eft bien plus haut que.les arbres : du: mêmecôté que le Forteft fitué la terrë fe foutient affez à égale hauteur & ne diminue qu’en pente douce dont:on ne s’apperçoit prefque point , fe perdant: infenfiblement. d’une monticule à l’aue- tre. | u La Nation qui a donné fon nom ce Pofte étoit dans ce Pays-là même, à* une lieue du débarquement fur le Fleus ve,& fituée fur le bord d’une:perite Ris viere qui n’a que quatre à cinglieues de: cours jufqu’au Fleuve. Fousdes Voyaz geurs qui pañloient & s’arréroient en cet endroit , alloient voir les Naturels. Natchez ; la-lieue de chemin qu’ils fai- {oient eft dans un fibeau &:f1 bon Payss. les Naturels éroient ñ ferviables & fi: familiers , le féxe même y-étoit fi ais mable, que tous les Voyageurs ne €: lafloient point de faire l'éloge de ce: Canton & des Naturels qui l’habis toient. 7 Les juftes louanges-que l’on en fai foit y attirerent des Habitans en af {ez. grand nombre , pour déterininer la: à “ Hi ; | f | de x Louifiané. | ‘o$r Compagnie a ordonner que l’on y conf k truifit un Fort , tant pour foutenir lès ie François déja établis & ceux qui y viendroient par la fuite que pour en impofer à cette: Nation. La Garrifon nétoit que de trente à quarante hom- mes, un Capitaine, un:Lieutenant', un Sous-Lieutenant & deux Sergens. “ Il yavoic un Magazin de la Com- pagnie pour aider les Habitans dont le nombre {e multiplioit de jour en jour ;+ malgré tous les efforts d’un des princi- baux Supérieurs qui % a apporté tous les obflacles que l’on puifle imaginer ÿ cependant nonobftant les progrès de -cetEtabliflement & les éloges qu’on lui: donnoit & qu'il méritoit , Dieu la abandonné à la fureur de fes ennemis, ‘pour tirer vengeance des péchés qui sy commettoient ; & fans parler de ceux ‘qui ont échappé au maffäcre général, Pofte des Ya=- ïl.en eft péri plus de cinq cens. cp _. Quarante lieues plus haut que les Natchez eftla Riviere des Yazoux. La Conceflion de M, le Blanc Minifire de la. Guerre.y étoit établie à quatre lieues du Fleuve, en remontant cette petite Riviere. Il y avoit un Fort & une Com- . pagnie commandée par un Capitaine ; “un. Lieutenant, un Sous-Lieutenant &: < + 282 Hifhbire deux Sergens : toute cétte Compagnie de même que les engagés étoient à ls folde de ce Miniftre. ‘ Ce Pofîte étoit três-avantag eufement placé, tant pour le bon air 8 la qualité #8 la terre pareille à celle des Natchez \ ue pour le débarquement qui étroit très-aifé & pour le Comæerce avec Îles Nations, fi l’on avoit feû les attirer & les conferver ; mais le voifinage dés Tchicachas touJours amis des Angloi S, & toujours excités par ces derniers à. nous inquiéter ,.étoit un obftacle prefe que infurmontable qui empéchoit de: réuflir ; & ce Pofte en conféquence étoit menacé de périr tôtou tard, coms | me il eft arrivé.en 1722 par ces miféras Hifoire du bles T'chicachas. ee Ritter |, Los deux ergens de la Garnifon fe e fa femme & de fon enfant, C'urent autorifés à fe faire chacun ure: Cabanne dans un terrein de leur choixs. malgré lesavis réitérés qu’on leur don: na de la molle complaifance des Offi= ciers, 1ls y couchoïent toutes les nuîtss Ces deux Sergens étoient mariés ; l’un: éroit le fieur des Noyers , qui faifoit les affaires de la Compagnie ; le fecond: étoit le-fieur Riter plus éloigné du Fort. que le premier. Rendant une nuit tranquille un Pari | - nt | F û dé la Louifiane. 283: de dix à douze Tchicachas s'approche. rent au ciair de la Lune auprès de la. Cabanne du Sr. Riter qui étoit couché. & endormi dans fon lit, ainfi que fa. femme & un fils qu’ils avoient de treize à quatorze ans. Les Tchicachas étant: tout près de la porte, l’ouvrirent en la. pouffant , & entrerent très doucement : 44 la Cabanne comme ils ont coutu- me de faire; mais malgré leurs précau- tions, le Sergent fe faifit d’un fufil qui étoit le feul qui ne ft point chargé de uir qu'ilavoit dans fa Cabanne. Il crie plufieurs fois qui va-la.? N'entendant “aucune réponie, il voulut lâcher fon. Coup ; mais comme par malheur le fufil m'étoit point chargé, le coup ne partit: point.Les Echicachasalors fans lui done. mer le tems d’en prendre un autre,ou de charger celui qu’il tenoit, fe jetterentc fur lui & laffaffinerent. d’un coup de. …cafe-tête , lui leverent la:chevelure, 1& le laifferent pour mort dans le milieu de faCabanne baigné dans fon fang. Les lautres en même temps semparerent de h femme,qui eut foin avant d’être prife. defe munir d’un grand coûteau à gaine qu’elle coula dans fa manche : ils em. menerent pour la faire Efclave dans. ur Nation ; deux de ces Barbares la. 584 ri Hifloire craînerent fur le chemin pOur y.atten dre les autres. Le bruit qui fe foifoit dans cette Ca bane reveilla le fils du Sergent Riter qui fe leva & courut en chemile ver: le Fort , en criant de routes fes forces » au pv ; les ennemis tuent mor x pere “ ma mere. Un Tchicicha coù- rut après cet enfant & latteignit aflez près pour lui tirer une flêche qui Jui perça le poignet. Le jeunehomme com: trefaifant le mort, le Tchicecha le crüt mort & s’approcha pour lui lever la chevelure à la hâte ; il eut la conftance de fe la laiffer lever partie PAE.pafl rié, la peau étant encore trop tendre pour être levée entiere. Le même ennemi voulut en outre lui couper la Borges mcis l’enfant fut affez heureux pour n’æ voir que la peau coupée ; fa perfévé- rance lui fauva fa vie. [Le-fieur des { Noyers s’éveilla au bruit de tout ce qui: venoit de fe paffer ; il tira un coup de fufil, cria aux armes , .& mit ainfi lake Le au Fort. 1 La femme du Sergent Riter étoit ce pendant avec fes deux gardiens dans une ravine: elle crut fon mari .& fon. fils morts : -elle entendoit venir les au“ tes Tchicachas ; ne voyant donc pluss | delu Louiliane. 285$ dune refflource pour leur échaper, n'étant gardée que par deux hom- nes , elle.réfolut de s’en défaire ; d’un Oup de fon:grand couteau elle tua un érces Naturels; l’autre évita le coup t ne le reçut qu’à la cuifle ; il crias es autres doublerent le ‘pas & arrive- ent à l’inftant ; alors celui qu'elle avoit leflé , la tua "& s’enfuit avec les au- res. Ce fut ainfi que mourut cette émme pleine de courage, & qui ai- na mieux perdre la vie avec fa famille que d’être Elclave des Barbares qui ve- joient d affaffiner fon mari & fon fils. - De fon côté la Garnifon fortit & Courut au bruit. On rencontra le fils iuSergent , que des Soldats porterent au Corps de Garde ; 5 les autres allerent au plus vite à la Cabanne du Sergent qu'ils trouverent étendu par terre & nud.fans chemife ; il avoit perdu toute connoiffance par la quantité de fang | qui étoit forti de fes playes: on fit à la hâte un brancard fur lequel on le porta au Fort dans le Corps de Garde où étoit déja fon fils, lequel voyant M. Baldy , Chirurgien de la Conceffon, S *empreffer à! foulager fon pire, s'écria : D. Meffieurs , fecourez mi a ie premiers #:MmOon pere ft vieux.& n’en reviendra | 96 Hifloire » pas, au lieu que je fuis jeune & qui » y à beaucoup plus d’efpérance que je » guérirai». M. Valdeterre, Com= mandant de ce Pofte, ne voulut pas que le Chirurgien les touchät ni l’un ri J'autre,que pour-laver leurs bleffures & ‘recovüre la peau du col du jeune home me. M. Valdeterre fe confioit entiére- ment à une pierre de compofition de la grofleur d’une noix & qui approchoit de la couleur de chair 3 il la mit quels que temps dans de l'eau tiéde qui prit la même couleur; il en fit feringuer dans les playes des deux Bleflés ; il ims biba enfuite de cette eau des compref- fes que l'on banda fur les bleflures ; on continua à les imbiber de même de cinq en cinq heures, fans les ôter pendant l’efpace de huit jours. Au bout de ce tems on levalescomprefles, les playes fe trouverent guéries & il n’y refloit plus que les cicatrices. | Le Détachement qui étoit forti dur Fort ne trouvant point la femme du fieur Riter, pourfuivit les ennemis qui fuyoient & laifloient aprèseux une par= tie des effets qu’ils avoient emportés de la Cabanne de ce Sergentiils vouloient. mieux courir , à cet efret ils abandon-" nerent prefque tout leur butin, Nost de la Lou f ane. 287 oupes trouverent auffides bois gra- 4 ik É Ës par lefquels on connoît quelle eft a Nation ennemie, Enfin au retour on fouva le corps de la Dame Kiter & lui qu’elle avoit tué; mais on leur voit levée la chevelure à tous deux, parce que-ce font des trophées que l’on la garde de laiffer à Pennemi. . Les Françoisrevinrent au Fortavec € qu'ils avoient trouvé dans le chemin & le cadavre de l'Héroïne Françoife d’ils enterrerent. Un Naturel Illinois toit préfent au retour du Détache- nent. maisayant vû revenir les Fran- Lois fans dépouilles des ennemis & fans iutre avantage que celui de les avoir hañés, il demanda de la poudre & des balles ; ; on lui en fournit ; 5 il partit ivec fon fufil & quelques vivres & fe nit à les pourfuivre, Il en atteignit rois qui n’avoient pü fuivre les autres s parce qu'un de ces trois étoit celui qui avoit été bleilé par la la Dame Riter ; il avoit beaucoup de peine à DATE c'eft pourquoi il avoit deux de ces ca- narades pour l'accompagner. Ce Na- | turel Illinois les ayant ainfi découverts, le fuivit jufqu’ au foir ; il.fe tint caché toute la nuit à quelque diftance de leur Cabanage ; puis vers le RIRE du jour 4 ês “88 | Hifloire_ 1: il tomba fur eux à l'improvifte , tua’les! d-eux Tchicachas qui éroient en fanté., & faifir le bleffé , qui lui dit par qui &e comment il avoit été ; il le tua auf. leva les trois chevelures & les. apporta a M. Valdeterre, qui le contenta par la récompenfe qu’il lui donna. | Les Tchicachas qui avoient fait cette indigne action , furent aflez effrontés pour venir quinze Jours après apporter le Calumet de‘Paix , fous prétexte que -c'étoit de jeunes gens de leur Nation, qui avoient fait ce coup: ils couvrirent cette excufe d’un préfent au Comman- dant François, lequel reçut très-bien & le préfent & l’excufe. L’on crut bien bien faire de leur montrer les deux blef- fés ; il me femble qu’il auroit fufh de leur faire connoître par d’autres voyes qu'ils n’étoient pas morts ; aufli la vue de ces ennemis fit une fi grande révo- lution au fieur Riter, que fa playe fe rouvrit, une fiévre chaude le faific 5 & malgré tous les foins que l’on prit de lui pendant trois jours & trois nuits. on ne put parvenir à lui conferver la vie. Le fils guérit parfaitement ; jele ‘vis quelque tems après, lorfqu'il fut. fur le point de repaffer en France ; où -M. le Blanc lui avoit obtenu les Inva+ valides 4 ve ad FR CNE ES S 4 de La Louifiane: 289. lides ; pour lui aflürer du pain le refte de fes jours. : J’ai appris tout ce détail par M. Bal. dy que J’avois fait nommer Chirurgien Major de l’Habitation du Roi , peu après que l’on m'en eût confiéla régie. on HN ‘Ni — ESS ses 200 Hifloire CHAPITRE EME Suite des Etabliflemens François : Du Pofte des Arkanfas & de celui des Il= linois, HS 6 O1xANTE lieues plus haut que rs les Yazoux , & à deux cens lieues: de la Nouvelle Orléans, font les Ar kanfas à l'Oueft du Fleuve S. Louis: A Pentrée de la Riviere qui porte ler nom de cette Nation, il y a un petit Fort qui foutient ce Pofte, qui eft le fecond de la Colonie par fon anciens neté ; en donnant la découverte de la Louifiane, j'ai parlé. de l’origine de cet Etabliflement (1). US C’eft bien dommage qu’un fi bon êe fi charmant Pays foit éloigné de la Mer de plus de deux cens lieues ; je ne veux point omettre de dire que le Fromentÿ vient à merveille , fans qu'il foit jamais beloin d’engraïfler la terre ; mais la crainte que j'ai que l'onne m’accufe de répéter ce que je puis en avoir dit (2) (1) Voyez Tome I, Chap. I. (2) Voyez Tomel, Chap, XXII, & XXI, kanïass D de la Louifiane: 201 “dans l’article de la nature du terrein ; me fait taire fur fon éloge. Je fuis fi prévenu en fa faveur , que je me per- fuade que la beauté de fon climat influe fur le caractere de fes Habitans , qui font en même tems trés-doux & très- braves, puifqu’avec les qualités paci- fiques que tout le monde leur connoît, ils font d’une bravoure fans reproche : ils ont toujours eu pour les François une fidélité à toute épreuve , fans y être portés par la crainte ou par linté- térêt ; ils vivent avec les François qui font près d'eux plutôt en freres qu’en _voifins; & il eft encore à arriver que V'on ait vû quelque méfintelligence en- tre les deux Nations. | Des Arkanfas pour aller aux Illinois on trouve la Riviere de S. François, trente lieues plus au Nord & du même côté, c’eft-a-dire à l'Oueft : on yavoit conftruit un petit Fort depuis monre- tour en France. De même à l'Eft du Fleuve S. Louis, mais plusau Nord, On rencontre à environ trente & quel - ques lieues la Riviere à Margot près des Ecores à Prud’homme : on y avoit aufli bâti un Fort, nommé de PAf- fomption , pour une expédition con- tre les T'chicachas qui font à-peu-près à ; pe 5 5 Ne 292 . Hifloire | par la même latitude. Ces deux Forts ontété totalement détruits par les Frans çois après cette expédition, parce qu’on ne les croyoit plus néceffaires. [left cependant aflez croyable que le Fort de l’Affomption en auroit impofé aux Tchicachas qui rodent toujours en ces Cantons. D'ailleurs les Ecores à Prud’- homme renferment du Fer & du Char- bon de terre; qui fçait fi on n’en aura point befoin quelque jour à venir ? Ces Mines, à mon fentiment , font bien plus utiles aux hommes que celles d’ar- gent ; d’un autre côté le Pays eft très- beau & d’une excellente qualité ; il y a beaucoup de Prairies, ce qui rend Je chemin fi aifé aux Tchicachas, qu’ils en font leurs galleries; c'eft aufli ce qui me rappelle un fait trop glorieux pour les François, pour le laiffer dans l’ou= bli ; & qui fera trop voir en mêmetems que les Tchicachas ne penfent point {ouvent à bien faire, & qu'ils feront toujours les mêmes , tant que l’on ne les détournera point par adrefle de com- mercer avec les Anglois. M. Rodot, Canadien, ayant été ag tiré à la Louifiane par les recits flat Æeurs qu’on lui avoit fait de cette Co- Jonie, la trouva en effet fi fort de fon he . de la Louifiane. ‘293 goût qu’il ne crût pas pouvoir vivre ieureux , s’il n’y venoit finir fes jours HD ce Hiftoire de avec fon pere qu’il aimoit tendrement. 4e Ga. {1 retourna donc en Canada pour en- dien, gager le Vieillard à y venir avec lui ; 3 y réuffit & le conduifit'heureufement jufques dans le Fleuve S. Louis. Ils le defcendoient avec joye de fe voir, à ce qu'ils croyoient , hors de tout dan- ger: M. Rodot avoit amené un ami qui les accompagnoïir ; le foir les prit aux Ecores à Prud’homme dont nous venons de parler; ils mirent à terre au- deflous, fe cabannerent , firent du feu, ajufterent la marmite ; ils prierent le pere d’en avoir foin, & le laïflerent feul dans le Cabannage. Comme M. Rodot fçavoit que le Pays étoit plein de pi- bier , ilemmena fon ami à la chafle. Les Tchicachas qui étoïent dans les envi- rons, furent attirés au Cabannage par la fumée qui le décela. Ils arriverent à pas de loup, furprirent le Vieillard fans armes , firent à la hâte des ballots ‘du bagage de nos Voyageurs, & con- traignirent M. Rodot pere , à mar- ‘cher pour en faire une victime à leur Village. : po M. Rodot le jeune voyant la nuit approcher , ferendit promprement au | N ii] D 204 Hifhoire | Cabannage dont il n’étoît pas éluignés. fon ami ne l’avoit point quitté ; ils en- trerent: mais quel fut l’étonnement de: M. Rodot de ne plus voir fon pere ni fes effets ! Sa douleur fut extrême 54 mais fans perdre du temps en vainsk raifonnemens ou en lamentations inuti-# les , ils partirent armés de leurs fufilsk & de leurs cafle-têtes, de même qu'ilsé étoient arrivés ; & dirent qu'ils tien- droiïent confeil en chemin. Ils fuiventé Ja pifte dansle Bois pendant le peu dek jour qui leur refte, entrent dans la prai- rie, voyent de loin les ravifleurs, &ch les fuivent en évitant de fe découvrir.# Lis les diftinguerent aflez bien pour en# compter treize : ce nombre reconnu »M ils arrêterent qu’il falloit attendre le point du jour pour les attaquer , parcel que c'eft le temps que les hommes dor= ment le mieux quand ils ont été in-# quiets pendant la nuit , cornme ceux! ci devoient l'être. Labor À peine le petit point du jour pa< rut.il, que laïffant leurs fufils & leurs! munitions, M. Rodot & fon ami net prirent que leurs caffe-têtes, & fe cou-k lerent près des ennemis dont le feu lesh guidoit, Sitôt qu’ils arriverent , ils S’'é crierent : » Mon pere, ténez-vous cous! de La Louifiane: 295$ » ché, & dites fans cefle : courage ». En prononçant ce peu de paroles, ils _affommerent les Tchicachas fait-à-fait qu’ils levoient la tête ; ils firent cette expédition avec tant de promptitude, que pas un d’eux n’eut le temps de pren- dre aucune arme pour fa défenfe, & furent tous mis à mort dans le même inftant. - Le cœur de M. Rodot fut ennivré de Joye à la vûe de ce cher pere délivré, & qui navoit aucun mal que d’être fa- tigué d'avoir été affez vite, & de ne _ pas avoir repofé; car il étoit d’ailleurs fort âgé & aflez foible. Ils firent des paquets de tout le butin & de leurs ef- fers ; & quoique M. Rodot prit le plus gros, il fe chargea encore de fon pere, & mirent ce bon Vieillard & les balots à la lifiere du Bois, & allerent à plu- fieurs reprifes chercher le refte pour de-là s’embarquer & s’en aller. Lo _ Jefçavois cette hifloire depuis quel- que tems, lorfque je vis M. Rodot pour la premiere fois ; mais ce nouvel Enée & fon pere, que je connus avec toute la fatisfaction poffble , me la ra- conterent eux-mêmes avec plaifir. M. Rodot avoit une taille de fix pieds , & étoit gros à bg 3 C'É- t | 4 Poîfte des Jiti- noiss : 296 Hifloire toit l’homme le plus doux pour le ca- ractére, & le plus fort que j’aye jamais connu ; i! avoit en outre autant d’hon- neur que de fentimens, Nous n’avons plus d'Etablifiemens François à rapporter dans la Louifiane que celui des Illinois ; c’eft dans cet endroit de la Colonie que nous avons eu le premier Fort. Aujourd’hui l'E- tabliflement François eft fur le bord du Fleuve , & auprès d’un des Villages de la Nation des Illinois. Ce Poîte eft commandé par un des principaux Ofi- ciers; M. de Bois- Briant qui étoit Lieutenant de Roi y a commandé. Il y à à préfent beaucoup d'Habi- tans François du Canada & de l'Euro- pes mais les Canadiens font au moins | les trois quarts de ce grand nombre d'Habitans. Les RR. PP. Jefuites en font Curés, & y ont une belle Habi- tation dans laquelle il y a un moulin. En faifant creufer les fondemens de ce « moulin , on trouva une carriere de pierres rondes & applaties , d’environ « deux pouces de diamétre , de la figure . d'un bonnet de Scaramouche à fix cô-. tés , dont la rainure étoit garnie de pe- » tits boutons gros comme la tête d’un « Camion ; il y avoit de ces pierres qui » de la Louifiane, ‘ 297 . Étoïent les unes plus grofles, les autres plus petites; entre ces pierres qui ne pouvoient être jointes, il ne s’eft point trouvé de terre. Les Canadiens qui font en grand nombre à la Louifiane font la plüpart aux [linoiss ce climat leur convient mieux fans doute, parce qu’il eft plus près du Canada qu'aucun autre de la Colonie : d’ailleurs en venant du Ca- nada ils paflent toujours par cet Eta- blifflement ; ce qui fair qu'ils y reftent par préférence. Ceux qui étoient ma- riés ont amené leurs femmes ; des au- tres, les uns ont époufé des Fran- Çoifes , les autres ont ont pris des fem- mes parmi les Naturels. [l y à même eu des Dames qui fe font hazardées à faire ce long & pénible voyage , pour venir finir leurs jours dans un Pays que leurs Compatriotes regardoient comme un Paradis terreftre: Madame du Tiflener, qui étoit du grand monde, y eft venue avec M, du Tiffenet fon époux ; elle aimoit ce qui flattoit fa curiofité, & c'étoit ce même goût qui lui avoit fait époufer M. da Tiffenet. L’avanture qui / , . : a élevé .cet Oficier, eft fi extraordi- naire ; que je ne crains point d'être _ blâmé en la rapportant ; je la tiens de v.: Hiftoire deM, du Tiflenete 208 . Hiffoire Rene plufieurs Canadiens , & m’a été confir: mée par lui-même. M. du Tiffenet étroit né à Paris de parens aifés, mais trop craintifs pour confentir à fe féparer de leur fils, qui. vouloit abfolument fervir ; 1l n’étoit pas de taille à pouvoir être accepté dans un Régiment pour foldat ; c’eft ce qui lobligea à s'offrir à un Officier qui engageoïit pour le Canada les jeu- nes gens qui vouloient y aller de bonne volonté ; il fut reçu & nommé le Ca- der, Dans le temps de fa réfidence à Quebec, fon efprit & fa politeffe le fi- rent aimer d’un Marchand qui lui ditun jour : » Vousavez, Monfieur, de lef- » prit & de laétivité; je vous vois des » difpofitions à faire quelque chofe, x vous réufliriez , que n’allez-vous en » Traite;vous gagneriez de quoi vous » pafler de vos parens , qui s’opinia- + trent à ne vous rien envoyer, dans » l’efpérance que vous retournerez + chez eux. Cela feroit bon, répondit » M. du Tiflenet, fi j’avois de quoi » acheter des Marchandifes 3 mais » n'ayant rien , comment voudriez- » vous que je m’y prifle pour aller » traiter chez quelque Nation? Il ne » tiendra qu'à vous, reprit le Mar= de la Louifiane. 299 » chand ; je vous avancerai des Mar » chandifes , fi vous le fouhaitez ; & » je le ferai d’autant plus volontiers » que vous me paroiflez honnête hom- » me, & que vous avez bonne vo- » lonté «, | L'offre fut accepté, le Marchand chargea un grand canot , afin que fon Traiteursordinaire n’eût point lieu de fe plaindre. Ce Traiteur fçavoit la Langue de la Nation où ils alloient ; ils partirent, & pendant le Voyage M. du Tiflenet apprit la Langue, & fut bientôt au fait de tout. Le défir du gain & fur-tout de faire fes affai- res {ans le fecours de fes parens , lui auroit fait entreprendre des chofes en. core plus difficiles, s’il eût trouvé l’oc- cafion de travailler à fon avancement, Après un aflez log voyage.ils arr.- vefent enfin à la Nation où ils efpé- roient faire leur Traite de Caftors & d'autres pellereries ; mais quelque dili- gence qu’ils euffent pû faire , ils avoient été prévenus par d’autres l'raiceurs , . enforte qu’il n’y avoit plus rien à etpé- rer pour eux. Loin qu'une fitrifte nou-. velle les décourageât, elle ne fervit . qu’à leur faire chercher & trouver des de 300 Hifioire moyens de fe dédommager ailleurs de ce contre-tems. | Pour y parvenir il fut réfolu dans leur petit confeil qu'ils poufleroient leur route plus loin,jufqu’à une Nation de laquelle on avoit parlé au Traiteurs cette Nation étoit une branche de cel- le où ils fe trouvoient pour lors & qui. parloit la même Langue ;'on,lui avoit ajouté qu'aucun François n°y étoit en- core allé, & qu’ils pourroïent même y faire encore mieux leurs affaires; mais qu’il ne falloit parler que par fignes, afin que croyant n'être pas entendus, ces Naturels ne fe cachaffent point pour arler enfemble au préjudice de ceux à qui ils auroient #faire. Nos Traiteurs firent diligence & y - arriverent enfin comme ils l’avoient défiré : ils firent les fignes néceflaires pour donner à connoïtre qu'ils venoient . pour traiter ; Comme 1l n’y avoit que l’ancien Traiteur & M. du Fiffenet qui {cuffent parler la Langue , ils n’avoient point à craindre qu’ils fuflent décelés par leurs Rameurs. | On les reçut affez bien, & onleur donna une Cabanne. À vant de pouffer plus loin cette narrarion ; il eft à pro- É de la Louifiane, 30% Pos que je prévienne le Lecteur que M. du Tiffenet portoit une perruque naturelle quiétoit très-bien faite ; qu’é- tant encore enfant il avoit eu une ma- _ ladie à la tête, de telle forte que la plus grande partie de la peau avoit été enlevée, & qu'il éroit honteux de n’a- voir des cheveux qu’en quelques en droits de la tête ; pour y remédier de fon mieux il fe râfoit fort fouvent la tête, afin qu’il ne parût point qu il n’a- voit pas de cheveux qu’en quelques en- droits ; il faut ajoûter que le matin de leur arrivée il s’éroit râfé la tête, Le lendemain qu’ils furent à cette . Nation, ils crurent bien faire d'étaler leurs Marchandifes, & de les mettre toutes dans un beau jour ; ils les mi- rent fur des nates au milieu de la Ca- banne , & leurs fufils dans le fond. Ils allerent de-là dans la Cabanne du Chef de la Nation, où il y avoit déja nom- bre de Naturels affemblés ; ils leur f- rent figne de venir, & après être arri- vés au lieu des Marchandifes, les Fran- çcois fe mirent devant leurs armes. Les Naturels rendus à la Cabanne des François, furent dans l’admira- tion de voir tant de Marchandifes, qui les éblouiffoient par leur beauté & leur 302 Hiftoire diverfité , eux fur-tout qui n’avoient jamaïs rien vû de François. À cette vûe is dirent tout haut, s’imaginant que les Traiteurs ne les entendoient pas: » comment pourrons nous acheter tou- » tes ces belles Marchandifes ? Nous » nmattendions pas les François, & » nous n'avons point de Pelleteries, » &c il eft trop tard pour en aller faire » à préfent ». Un de ces Naturels dit aux autres: » Îl n’y a pas d’autres » moyens pour avoir leurs Marchan- » difes que de leur lever la chevelure, » les tuer, les jetter dans la Riviere, » & nous aurons tout. | M. du Tiffenet qui avoit appris la Langue en route, entendit tout ce difcours ; il dit en même temps aux François de prendre leurs armes , & prit lui-même fon fufil, & tout de fuite dit aux Naturels en leur Langue : » Tu » veux donc ma chevelure £ Tiens, » la voilà, ramafles-la, fi tu ofes le » faire »: [| jetra fa perruque en pro- nonçant ces paroles, & fa tête pelée & fraichement râfée parut n'avoir jamais eu de cheveux. L’étonnement des Na- turels ne peut s'exprimer ; ils étoient tous auf trembläns que fi la foudre füt tombée à leurs pieds ; la parole leur D de la Louifiane. 307 manqua , & ce filence dura unie demie- _ heure, & jufqu’à ce que M. du Tife- _net parla d’un ton ferme & dit : » Prens » donc ma chevelure, puifque tu en » avois tant d'envie ». Le Grand Chef prit la parole & dit : » Nous avons crû » que vous étiez des hommes comme _»nous, mais nous voyons bien que » vous êtes des efprits, puifque vous » parlez comme nous & que vous pou- » vez quitter vos cheveux quand vous _ » voulez ; toi, à quifontles cheveux, . » reprens-les, & vous tous, efprits, > laïflez nous en repos ; nous ne pou- » vons traiter vos Marchandifes, parce _» que nous n'avons point de Pellere- » ries & qu'il eft trôp tard pour en al- » ler faire : mais ne foyez point fâchés » contre nous, je vais parler à tous » mes gens & leur dirai de vous ap- » porter fans deffein leurs robes de » pelleterie «. | Alors M. du Tiffenet reprit fa per- ruque, la rajufta fur fa tête en leur mpréfence , & leur parut comme fes pro= pre cheveux ; autre étonnement qui les fit encore trembler ; M. du Tiffenet au contraire leur parla avec plus de ferme- té & leur dit : » Nous partons de= » main, puifque notre préfence vous 304. Hifhoire | » fait tant de peine «, Les autres F'rañ- çois furent furpris de la hardiefle d’un jeune homme de dix-fept ans, qui dans une occafion fi périlleufe avoit trouvé fi promptement le moyen efficace de les tirer du rifque où ils étoient, & avec plus de fermeté que n’euflent peut- être fait des hommes de quarante ans. Voyant qu'ils ne pouvoient débiter leurs marchandifes , ils replierent les plus groffes ; maïs ils n’avoient pas en- core fini , que les Naturels leur appor- terent toutes les robes de Caftors qui éroient dans le village : Le Grand Chef qui vint avec eux dità M. du Tifle- net: » ne fois point fâché contre nous, » ne nous fais point de mal ; va-t-en » avec tous te: Camarades, voilà ce » que nous te donnons fans deflein ec, Alors M. du Fiffenet leur donna des couteaux , des alênes, de la raffade , de très-petits miroirs, du fil de léton &-quelques autres bagatelles dont ils furent enchantés , n'ayant encore rien vû de femblable ; mais 1ls étoient encos re bien contens d’être débarraflés de ces prétendus efprits qu'ils appréhen- doient plus que Fon ne fçauroit dire 5 & s'ils euflent eu autres chofes à don- ner que leurs robes, ils lauroient tout +. . de la Louifrane. 30$ donné pouf ne plus être avec des ef- . prits du Canada. - Pour nos Marchands, ils furent de . Jeur côté très fatisfaits d’avoir fur-tout . échappé au danger qui les menaçoit ; ils firent d’ailleurs un profit égal & mé- me plus grand que celui qu’ils auroient fait, s’ilseuflent traité toutes leurs mar- chandifes, & ils les avoient derefte ; ils étoient chargés de robes deCaftors que _ on nomme!Caftors gras; ce Caftor eft celui qui a fervi aux Naturels pour les couvrir 3 il vaut le double de celui que l’on nomme Caftor fec, qui eftlordi- naire. | | *" Sitôt que nos Voyageurs furent de retour à Quebec,le bruit de cette avan- ture fe répandit & parvint jufques au _ Gouverneur qui manda M. du Tiffe- net ; il lui confirma la vérité du fait tel qu’il lui étoit arrivé.LeGouverneur ju- geant par cette action qu’il mériroit d’être Officier , le fit Enfeigne ; il écri- vit en Cour & on le fit Lieutenant ; il fut depuis Capitaine : il a pañlé à la Louifiane,oùil a été mon Commandant & mon ami au Natchez, Je nai pas crû devoir ajoûter des ré- flexions aux Hiftoires que j'ai inférées dans cet Ouvrage ; parce que n'étant 306 Hifloire que pour infiruire de la maniere de fe. comporter dans les différentes occa- fions où on je trouve dans ce Pays , mes Lecteurs en tireront les confé- quences qui fuivent naturellement. Cel- le de M. du Liffenet en particulier ap- prend aux Traiteurs à ne jamais faire étalage de toutes leurs Marchandifes à la fois; qu’il ne faut au contraire neles montrer que petit-à-petit, & une de chaque efpece , ou felon qu’on les de- mande. À mefure que l’on débite on en fait voir d'autres , & l’on continue de la forte tant que les Marchands ont de quoi fatisfaire. M. du T'iflenet n’a point étélle feul à qui pareil danger foit arri= vé;ilenacouté la vie à plufieurs pour s'être conduit autrement que je viens | de le dires | | Ce FÈ VERT 3 # L à! ; x : “. SESUR ES < PSS TS TRÈS $ Le SE SR FSU MS EN pr SSSR —— AQ rs SR | RE OS PUPIL) 7P zodrr / ; à, SNS rs > RTS ne ne x $ -: - 1 te Louifiane. 307 s. CHAPITRE XXII. Des Moœurs & Coutumes des Peuples de la Louifiane , 6 particulierement de celles des Natchez & de leur Langue. D As l’Hiftoire abregée que j'ai faite des Peuples de la Louifiane, & dans beaucoup d’autres endroits où jen ai parlé, on a pü remarquer que le carattére de ces Nations n’eft pas le même, quoiqu'elles foient voifines les unes des autres ; ainfi qu’on ne s’atten- de pas que dans la Defcription de leurs Mœurs on trouveune uniformité par- faite , ni que je rapporte toutes les dif- férences qu’ils s’y rencontrent : il n'en réfulteroit mr bigarure défagréable qui déviendroit à charge, en brouil- lant fans cefle des idées qui ne peuvent être trop claires. Mon deflein n’eft que de faire connoîïtre en genéral par le ca- ractére de ces Peupiles,la route que l’on doit tenir pour en tirer un bon parti dans le Commerce. Cependant je par- lerai plus particulierement des Narchez qui formoient un Peuple aflez nom- Portrait des Naturelse Se _ . Hifhoire Le reux, avéc qui j'ai vécu Pefpace de huit ans, & dont le Souverain, le Chef de Guerre & le Chef des Gardiens du Temple , ont été de mes amis particu« liers. Leurs Mœurs étoient d’ailleurs plus douces, leur maniere de penfex plus vraie &c plus remplie de fentimens , leurs Coûtumes plus raïfonnables , ,& leurs Cérémonies plus naturelles & plus férieufes ; ce qui rendoit cette Nation plus brillante & la diftinguoit entre tou- tes les autres; il étoit même aïfé dere- connoitre qu’elle étoit beaucoup plus policée. . Tousles Naturels de l'Amérique en général font très-bien faits ; on n’en voit que très-peu au-deflous de cinq pieds & demi , & beaucoup au-deflus ; ils ont la jambe comme faite au moules elle eft nerveufe ; & le gras en eft fer- me : ils ont les reins longs, la tête droite & un peu platte par le haut 3 leurs traits font réguliers : ils ont.les yeux noirs, les cheveux de même cou- leur, gros & droits : fi l’on n’en voit point qui foit extrémement gras & re- plets, aufli n’y en a-t-il point d’aufii maigres que des étiques. Les hommes, pour l'ordinaire, font mieux faits que les femmes ; ils font plus nerveux, & À : " ENS » RO D. “5. D. us 2e mn PUIS ONE RE NI UE EE. UE DRE MR NME RU T D de. mer N à Q — il Se | nl Il ni | LI] I] I] [L I à SIS 7 NI LA # RSS PE, /, Hd, VA = ape x? 2P = + RS à 7 a, 2 nr 7 UT dl; e tr se LL = NN - AK —_— EE \N\ RE A EE NAS a KRSE RE NS — (] L CL LL | LES D rt 7 PL, = LZ LLLLZ LLZ #4, FL 2 LT, NN LI, LE LA 4 Fs LR à CZ de la Louïfiane: 309 les femmes plus charnues ; les hommes font tous grands, & les femmes font d’une moyenne grandeur ; mais les uns & les autres font aflez bien proportione nés dans leur taille & dans leur hau- teur, ne s’en trouvant point comme en Europe d’une figure gigantefque, ou auf courts que des Nains. Je n’en ai vû qu'un feul qui n’avoit que quatre pieds & demi de haut, qui quoique bien proportionné, n’ofà paroître de- vant les François que trois ou qua- tre ans après leur arrivée ; encore ne l'eut-il point fait, fi par hazard quel ques François ne l’euflent decouvert. J’ai toujours été porté à croire que les foïns qu’ils prennent de leurs enfans dès leur naïflance,contribuoient beau- coup à les bien conformer , quoique le Climat y fafle auffi fa part, car les Fr) Créols François de la Louifiane font tous grands, bienfaits & d'un beau . Ho | ” Sicôt qu'une Naturelle eft accou- Chée, elle va au bord de l’eau ; elle s’ylave, en fait de même à fon enfant ; de là elle vient fe recoucher & arrange fon enfant fur le berceau qui eft tout ,, 7 Créol eft un enfant né dans un Pays €loïgné, de pere & mere de la même Nation. LD 310 À Hiflotre L 2 d 1 | 4 Berceau des Prêt. Ce berceau a environ deux piedé« enfans. & demi de long , fur huit à neuf pou- ces de large ; il eft artiftement fait de cannes droites dans la longueurdu ber- ceau , & au bout elles font coupées à moitié, & repliées en deffous pour fai- re le pied , le tout n’a qu’un demi pied de haut : ce berceau eft très - leger, | puifqu’ilne péle pas plus de deux livres : ! il eft fur Le lit de la mere , qui peut ainfi | donner aifément à têter à {on enfant , lequel étant dans uneCabanne chaude, ne peutavoir froid fi peu qu’il foit cou- ! vert: cet enfant étantbercé de long en ! long , ne peut avoir le cerveau ébranlé | | | | | | | comme ceux qui font bercés de côté. | de la maniere qu’on le fait en France & ailleurs,& qui par-là courent rifque d’ê.. tre renverfés, danger que les Naturels | Manierede les ne craignent point. On fait une couche emmailloter, Jévere de Barbe Efpagnole fur laquelle on pofe l'enfant : la mere lui attache les jambes, les cuifles & les hanches. . laiffe le ventre & l’effomac libre; les M bras & les épaules font auffi attachés ; M la tête eft pofée fur un petit couffin de peau rempli de Barbe Efpagnole,leque n’excéde par le deffus du berceau ,en- forte que la tête eft auffi bafle que le épaules, & tient à ce couffin par de pos LT LL ET ETES æ— 2er; Un { 4! D EAN AWAUR A 4h ) (4) 5 V h } ! fl f / Î DYUA A jf î | AN St <= RN de la Louifiane. 31T attaches qui font des bandes de peau de Chevreuil en double fur le front 3 c’eft ce qui leur rend la tête plate : l'enfant en cet état ne peut nullement remuer ; on le berce en long, en fai- fant aller le berceau fur deux bouts de cannes qui font deux rouleaux. Dès que l’enfant a une lune , ils lui mettent fous le genouil une jarretiere faite de laine de Bœuf, qui eft très- douce ; puis au deffus de la cheville du pied, on lui ferre les jambes avec des fils de la mé- me laine, de la hauteur de trois à quatre pouces, fuivant l’âge de l’enfant , qui porte ces ligatures jufqu’à ce qu’il ait atteint fa quatriéme ou cinquiéme an+ | nées. | Les enfans des Naturels {ont blancs rsprunifene en naiffant; mais ils bruniflent, parce leurs enfayse qu’ils les frottent d'huile d’Ours-étant petits, pour les expofer au Soleil, Ils les laiffent fe traîner à quatre fans les promener fur leurs jambes, encore trop foibles pour porter le poids du corps. Jis les frottent d'huile peur deux rai- {ons ; premierement pour rendre les nerfs plus flexibles , enfecond lieu pour empêcher les Mouches de les piquer, quand ils font ainfi tous nuds & abans donnés à eux-mêmes. : 212 Hifloire On he met point ces enfans fur leur Exercice des JeUNCS LERSe Le Chef viell. Aarde ambes qu'ils n’ayent plus d’un an; & Loefauils commencent à fe redrefler d'eux-mêmes , ils ont toujours une jeune fille de dix à douze ans qui les tient alors par-deflous les aïffelles. Ils les laiflent têter autant de tems qu'il plaît à ces enfans , à moins que la mere ne fe trouve enceinte , alors elle ne nourrit plus. ” | Quand les garçons approchent dou- ze ans, On leurs fait un arc & des flé- ches proportionnés à leurs forces. Pour les exercer, on met une petite botte de foin grofle comme le poignet, & longue comme la main , liée de quatre liens au bout d’une perche un peu ap- pointée , & qui eft hors de terre d’en-. viron dix pieds. Celui de ces jeunes garçons qui jette bas la botte de foin, remporte le prix de louange que lui donne un Vicillard qui eft toujours prés {ent ; celui qui tire le mieux eft nom- mé le jeune Guerrier ; celui qui tire le. moins bien, & qui fuit de près le plus: adroit eft nommé l’apprentif Guerrier, & ainfi des autres que l’on prend par les fentimens plutôt que par les coups. Comme dès leur plus tendre enfance on les menace du Vieillard, s'ils font: | mu | de la Louifiane: 213 . tins; ou s'ils font quelque malice, ce qui eft rare, ils le craignent & refpec- * tent plus que tout autre. Ce vieillard _eft le plus vieux de la famille , affez _ fouvent le bizayeul ou trifayeul, car ces Naturels vivent long-tems ; & quoi- qu'ils n’ayent des cheveux gris que quand ils font bizayeuls, on en a vû qui étoient tout-à-fait gris , fe laffer de vivre ,ne pouvant plus fe tenir fur leurs : jambes fans avoir d’autre maladie ni ‘infirmité que la vieilleffe , enforte qu’il falloit les porter hors de la cabanne, pour prendre l’air ou pour ce qui leur toit d’autre néceffité ; fecours qui ne font jamais refufés à ces vieillards. Le _ refpect que Yon a pour eux eft fi grand . dans leur famille , qu’ils font regardés comme juges, leurs confeils font des ÂArrets Un vieillard chef d’une famille eft appellé Pere par tous les enfans de la même cabanne , foit par fes neveux & arrlere-neveux ; les Naturels difent _ fouvent qu’un tel eft leur pere ; c'eft le chef de la famille ; & quand ils veu= lent parler de leur propre pere, ils di- {ent qu’un tel eft leur vrai pere. S'il arrivoit aux jeunes gens de fe Difputes æ battre, ce que je n’ai vû ni entendu di- mn re pendant le tems que j'ai demeuré Tome EL, ati 3.314. «-dEifidirer près d'eux, on les menaceroit de les fire cabanner très loin de la Marion, comme gens indignes d'habiter avec les autres ; & on le leur répéte fi {ou- vent, que s'ils fe font battus, ils n’ont garde de recommencer. J’ai déjà dit que je lesavois étudiés affez long-tems; mais je nai jamais appris qu'il y ait eu de ces difputes ou batteries entre les jeunes gens ou les hommes faits. Hs n’ont chez eux aucune Police que ‘Jaraifon, parce qu'en. fuivant exaéte- ment la loi de Nature, ils n’ont aucun débat, & ainfi- n’ont point befoin de: juges. A imefure que les.enfans croiffent ,: Exercices. des Les hommes & les femmes prennent le jeunss perfon- | res des deux 10in- d'accoutumer- Ceux de leur fexe Po! f Lu aux travaux & aux exercices qui leur | conviennent, & on n’a point de peine. à les y occuper ; mais il faut convenir que les filles & les femmes travaillent plus que les hommes & les garçons , jefquels n’ont pas beaucoup d’autres travaux que ceux d'aller à la chafle,à la pêche, à couper du bois,dont la femme porte le plus menu ; ils ont enfin les champs de blé à faire ëc à farcler ; les jours de repos ils s’amufent à faire des : pioches à leur façon, des rames , des. de la Louifiane. 1F | avirons ; mais ces outils une fois faits À | c'eft pour long-tems ; au lieu que la | femme a fes enfans à élever, le Mahiz à piler pour nourrir le famille, entrete- nir le feu, fabriquer quantité d’uften- ciles,qui font d’un travail affez long & ne durent point beaucoup de tems, comme la poterie , des nattes, des ha- billemens , & mille autres chofes fem- blables, dont j'ai parlé dans Particle des travaux des Naturels(r). . Lorfque les enfans ont dix à douze 5, Le. AT ans , on les accoûtume peu-à-peu à tume à Porter porter de petits fardeaux que l’on aug 5 fardeaux. mente avec l’age. Un Voyageur m'a dit que les Nations du Nord font por- ter de très-gros fardeaux À leurs en- fans .; j'ai eu peine à le croire , parce que J'ai toujours remarqué que toutes ces Nations fans exception ménagent beaucoup la jeunefle , & que toutes {ont du fentiment qu’il ne faut point mener loin les jeunes gens,ni les marier qu'ils -n’ayent environ ViBgt-cinq ans, & qu'autrementils s'énerveroient. Sans doute que celui qui les a vâ porter de grofles charges, n'avoir point pris gar- .de à'ce qu'ils portoient ; ces Jeunes _ gens étoient en voyage en la compagnie © (1) Voyez Tome I, Chap, XIV. \ | Oij Æxerecice de la 316 Hifloire de leurs peres & leurs meres , il falloit porter de la viande féche que l’on nom- -me les plats côtés ; c'eft une viande fort mince que Îes chaffeurs levent fur les côtes du Bœuf ; perfonne n’ignore combien peu il yen a : quand elle eft boucannée & féche, elle eft à peu près -comme de la peau en parchemin ; ainfi ‘un gros paquet ne peut péfer que vingte divres : il eft vrai qu'à n’en juger qu'à Ja vüe, on ne peut s’imaginer qu'un jeune homme puifle porter un fi gros ‘ballor ; mais-j’ai toujours penfé que des gens auffi raifonnables ne donnent pas les plus péfantes charges à leurs en- #ans, puifqu’ils les ménagent en tout ; afin que dans la fuite leurs corps foient en état de faire par eux mêmes des cho- fes qui demandent beaucoup de forces La courfe eft de tems en tems le- -courfe pour les xercice des jeunes garçons ; mais on ne BAT ÇONSe permet pas qu'ils s’y épuifent par la longueur du terreïin ,.ni en recommen-= çant à courir, de crainte qu’ils ne s’é- chauffent trop. Les plus légers à cette -exercicebadinent quelquefois.ceux qui #ont plus péfans, mais le vietliard qui les conduit empêche que la railierie maille trop loin ; car il évite foigneu- {ement les fujets de querelle & de dif: { an ‘ de la Louifiane. SÉT &orde parmieux ; c'eft fans doute pour cette raifon qu'ils ne les laïffle jamais lutter , afin de couper chemin à tout ce qui pourroit faire naître entr'eux quelque divifion. Je me perfuade aifé- ment que cette éducation jointe à læ douceur de leur caractere & à celle du: climat , les rend aufü fociables que nous les voyons entr'eux & avec ceux qui fçavent les connoître. | . Afin que cette jeunefe s'entretien- 1 cons & ne dans cette légéreré que la courfe lesfiles fe bai- exige en même tems qu’elle la donne, dun Le on accoûtume de bonne heure les jeu- comme enEté. nes gens à fe baigner tous les matins, pour fortifier les nerfs & pour les en- . durcir au froid & à la fatigue, en outre pour es apprendre à nager , afin de: pouvoir fuir ou pourfuivre lennemi. Pour cet effet il y a un vieillard propos fé pour les appeller tous les matins de’ l’année jufqu’à ce qu'ils fçachent bien: nager, garçons & filles fans exception 3: autre travail pour les meres qui y vont pour enfeigner leurs enfans qui fontcon: traints d'y aller dés l'age de trois ans :. ceux qui fçavent déja paflablement na- ger font un très grand bruit dans ?Hy- ver en battant l’eau pour chaffer lesCro+. _godiles & pour s'échauffer ;le vieillard: 1} A Eu Hifioire le leur dit, ils doivent le croire. Travaux con Tout ce que j'ai rapporté jufqu’à gnuels dés bréfent, fait voir fuffifamment que les femmes qui ne \ L E sen plaignent femmes font très affujetties au travail, point. & je puis affurer que je ne leur ai pref- que jamais vû de bon tems ; cependant je ne les ai jamais entendu fe plaindre de leurs peines, fi ce n’eft de celles que donnent les enfans, ce qui proviene autant du foin que donne l’amour ma- ternel , que des occupations qu’elles ont autour d'eux ; au refle les travaux de leur état leur étant devenus fami- liers dés leur tendre jeunefle, eiles s’y livrent fans répugnance. | Emulation des On prévient les filles dès leur enfan- ce que fi elles font pareffeufes ou mal- adroites, elles n’auront jamais qu’un Jourdaut pour mari ; on leur donne par ce moyen de l’émulation, & c'eft’à qui fera mieux 3 j'ai rernarqué dans tous les Pays que j'ai fréquentés, que les files faioient bon ufage de cette menace. @ccupations Que Fon ne croye pas pour cela que desgarçons es jeunes hommes reftent entierement oififs ; leurs occupations à la vérité ne font pas de fi longue durée, mais elles font beaucoup plus pénibles;& comme is ont befoin de plus de force, la raifon demande qu'ils ménagent davantage de [a Louifiane. 310 eur jeunefle , fans les exempter des | “exercices. On à grande attention dene _Jes point battre dans leur enfance, de peur qu'’ün mauvais coup ne les biefle. Je laifle au Lecteur à décider lequel je, éruca vaut mieux d'infpirer des fentimens aux tion, enfans par la crainte quelle qu’elle foit, ou de les frapper pour leur donner une éducation qui s’évanouir,dès qu’ils font hors d’atteinte aux coups qu'ils étotent obligés de recevoir pour ap- prendre à bien penfer. C’eft en ménageant de la forte la ;eu- nefle, que le corps croit, fe forme & fe fortifie fans peine. Seulement lorf- guils font dans l'adolefcence, ils fui- “vent les hommes à la chaffe pour enap- prendre les rufes, & s’accoûtumer à avoir de la patience. Du refte on neles employé à aucun travail qui foit rude, pour ne point les énerver & Îles rendre incapables d’aller à la guerre,& de fai- re des trayaux qui exigent beaucoup de force. Mais lorfqu’ils fonc hommes faits ils font le champ ou défert, & le préparent à recevoir la femence ; ils vont à la chaffe & à la guerre, paffent _ les peaux, abattent le bois & font leurs arcs & leurs flêches, & s’entraident 320 Hiftoire uns les autres à conftruire leurs cabanes: Traëition de Je conviens cependant qu'il leur ces:cugles. refte bien plus de tems qu'aux femmes mais Ce tems n’eft pas toujours perdu 3- je le trouve au contraire fort bien em- ployé. Ces Peuples n’ont point le fe- cours de écriture, & ne peuvent con- ferver leur propre Hiftoire que par la Tradition :ainfi il leur eft impoñfible de l’apprendre que par des entretiens fré- quens. Les vieilards en font les dépo- fitaires 3 & comme elle a été aflez f- délement tranfmife de génération en génération, ils la nomment l'ancienne parolle. Ce qui contribue beaucoup à la: conferver dans toute fa pureté, c’eft qu'ils ne l’enfeignent point indifférem- ment à tous les jeunes gens, Cette Fra- dition eft toute leur fcience, & l’uni- que autorité fur laquelle ils puiffent ap- puyer leurs raifonnemens ; c’eft pour- quoi là raifon leur fait wivement fentir qu'ils ne doivent point prodiguer ce trélor, & que le moyen le plus für de ne point altérer cette Tradition, eft de ne point confier ce précieux dépôt à des gens qui n’ont point la prudence néceffaire pour en faire un bon ufage , ou qui en peu de tems le rendroient. tout difforme,par des additions ou des de la Louifiane. Évid _ réticences également funefles à la vé- _rité. Ils choififfent donc pour cet effet dans les jeunes hommes ceux dont ils ont la meilleure opinion, pour les inf- truire des chofes paflées ; ce choix au refte leur eft très-facile, parce que les enfans font toujours fous leurs yeux , & que les vieillards fonc très à portée de les connoître , lamême Cabanne: renfermant ordinairement la même fa- mille. PS | | La plôpart des Natchez parloient aflez bien la Langue vulgaire, & je la fçavois de facon à pouvoir me faire entendre pour ce qui regardoit Les be- foins de la: vie & pour ce qui concer- noit Ja Fraitesmais je défirois aufliap- prendre laLangue de cetteNation;pour être en état de parler aux femmes qui: ge parlent point la Langue vulgaire, & qui fouvent nous apportoient beaucoup: de chofes néceïlaires à la vie, & j'étois Éien aife de pouvoir les interroger & leur répondre ; ce qui augmentoit mon envie de fçavoir leur Langue étroit celle de m'inftruire de l'Hifloire de cette Nation,qui me fembloit diftinguée en- tre les autres, & que j'avois oui venter pour fon efprit & fes bonnes qualités. Je dis donc à mon efclave de faire: Ov pb. Fifhoire venir chez-moi quelques uns de fes pa rens qu’elle avoit parmi ce Peuple;par les bonnes manieresque j’eus pour celui, qu'elle me fit voir, je Pengageai à me procurer quelque entrevûe avec ceux qui étoient en dignité. Le premier que je connus, fut le Chef. des Gardiens du Temple. Je m'atta- chai à le cultiver, fans déroger à la fu- périorité que nous avons naturellement fur eux par nos lumieres, nos fciences & nos arts. Je fus charmé de tenir un homme,qui mieux que tout autre pou- voit me donner les.inftruétions que je fouhairois fur leur Religion, fur leur Temple que j'avois vü.dès les premiers jours de monarrivée, & du feu éter- nel que l'on y confervoit, Ce qui me faifoit encore un grand plaifir, c’eft qu’il fçavoit la Langue vulgaire;javois par ce moyen beaucoup plus de facili- té. Je lui fis tant d'amitié, & je me , conduifis avec lui d’une façon fi droite, fi franche & filibérale, me conformant en tout pour la vie civile à leurs u'ages: que je m’aflurai, pleinement de fa con- fance : je m'en fisun véritable ami ; &. comme je trouval en lui toute la can- deur, l'efprit & la prudence que je pou- de la Louifiane. - 323 vois défirer , je lui accordai fincére- ment mon amitié. Ce fut par fon en- treprife que je fis la connoiffance du Grand Soleil, ou Souverain de la Na- tion, &. de-fon frere le Serpent- piqué qui en étoit grand Chef de guerre ; Je m'acquis ainfi en peu de tems une gran- de confidération parmi les Natchez. J’appris aifément la Langue du Peuple, & ne tardai point à en fçavoir un peu. de celle des Nobles, par la fréquenta- tion que j’eus.avec les uns &les autres, & l’applicatien que jy apportai. Je me garderai bien de donnericiun | Diéionnaire des Natchez;ce feroit une ae dés chofe très-inutile,puifque cetre Narion, ou pour mieuxdire,le peu qui en eft ref- té, s'eft confondu avec les T chicachas ou s'eft retiré ailleurs. Pour ce qui eft de la Langue vulgaire, elle s’apprend mieux par lufage que par principes s. d’ailleurs cette Langue n’eft plus finé- ceflaire que dans le temps que je de- meurois dans cette Province,parce l’on n’eft plus fi voifins ni en fi grande re- lation avec les Natureis. Je dirai donc feulement que la Lana gpe. des Natchez eft aifée à prononcer .. expreflive dans ces termes ; ils parlent _ beaucoup en figure comme les Orien+- O v4, Se ss Hifoire taux; les Natchez en particulier plus que les autres Peuples de la Louifiane. Ils ont deux Langues, celle des No- bles & celle du Peuple ; elles font tou tes deux très-riches : je vais rapporter deux ou trois exemples de ces deux Langues ; la chofe fignifiée eft la mé- me, quoique les paroles n’ayent aucu- ne refflemblance. Lorfque j’appelle um homme du Peuple ; je lui dis, aquenan, qui fignifie écoute; fi au-contraire je veux parler à un Soleil ou Noble , je: lui dis magani, écoute. Un homme du Peuple eft-il arrivé chez moi f Je lui dis tachté-cabanaëlé, te voila, ou , je: fuis bien-aife de te voir, ce qui équivaut à notre bon jour ; à un Soleil ; je dis la même chofe par le mot apapesouya= iche. Enfuite felon leur coûtume je dis à l'homme du Peuple, perchi, afis- toi ; mais fi c’eft un Soleil , je lui dis, caham , qui fignifie aufli affis-toi. Ces mots doivent fufire pou: faire voir la différence de deux Langues, qui au furplus font la même dans les autres chofes , puifque cette différence de Langue n’exifte que dans ce qui con- cerne les perfonnes des Soleils & des Nobles à la diftinétion du Peuple. Les femmes parlent la même Lan= RSS 2 ke RES de la Louifianes 25: _ gue que les hommes ; mais elles fonc _ mignardes dans leur maniere de pro- noncer , au lieu que les: hommes ont _ la parole plus férieufe & plus grave : & cette prononciation différerite eft fi: fenfible, que les hommes, & même les: femmes,fe mocquent de ceux qui par- lent comme elles ; défaut que les Fran- Cois ne contractent que par la fréquen- tation plus grande des femmes que des: hommes. Je n’ai appris cette différen- ce qu’en fréquentant les Nobles qui: me l'ont fait remarquer ; le grand So- leil dit même un jour au dernier In- treprête: » Aprens-donc à parler à » des hommes ; tu parles la même Lan- » gue que les femmes ». De cette forte: je Mme mis en étar de comprendre ce que l’on pourroit me dire, & de me faire entendre ; je ne penfai plus en- fuite qu’à faire des queftions au Gar- dien du Temple fur leur Religion, fur leurs Ufages, leur Origine, & fur tout ce qui pouvoit piquer ma Curio- fité à leur fujet. ENS 226 | ie i # CHA PITRENRANRET. De la Kelivion des Naturels. J Evo a feavoir dû Gare. dien du Temple ce que lui & fes Compatriotes penfoient de Dieu. Dans à Langue vulgaire Coufliné fignifñie Ef- prit ; ichito, grand ; & comme tous les Naturels , quelque Langue. qu’ils par- lent , employent le mot de gr and Ef- prit, pour exprimer le mot de Dieu oo je lui demardai en fa Eangue Natchez ce qu'il penfoit du gran Efprit, Coyo- cop-cliguip ; parce qu’en leur Langue que je içavois paflablement, Coyocop fignifie Ejprit , & chguip , figniñe. grand : je nie trompois cependant : ; CAF. de même qu’en François le mot'grand ne fignifie pas toujours la hauteur ou. la longueur ; maïs bien des qualités re-. levées, comme lorfque lon dit : ua grand Roi, un grand Général ; de mê- me le mot cliguip a les déts fignifi- cations, & malpré cela; je n'avois pas: encore atteint par ce mot à lidéequ'ils. ent de Dieu, Le Gardien du Lemple: : de la Louifiane. van ._medic donc qu’ils-ne le nommoient pas ; . ainfi, mais Coyocop-chill, Pour don: ris donnent à: ner une véritable idée de ce que figni- CR. fie ce mot chill,. je me fervirai d’un exemple. Les Natchez nomment oua le feu ordinaire ; ils nomment le So- leil. Qua-chill 3. ce qui fignifie le feu très-grand., le feu-fuprème ;. ainfi en donnant à Dieu le nom.de Coyocop= chill:, ils entendent l’Efprit infiniment grand, l’Efprit parexcellence ; & l'Ef prit ;. felon leur maniere de”penfer , auf élevé au-deffusdes autres Efprits, que le: Soleil Pemporte- par fa chaleur fur: le feu élémentaire. Je me fuis crû obligé de donner cette-explication, & d'apporter eet exemple, pour déve- lopper l'idée qu’ils ont de Dieu par le nom qu'ils lui donnent. | I} me dit donc que D'ieu.étoit fi puif- Dieu Créateur: fant, que toutes chofes n’éroient rien fi e°ur- Puiée auprès de lui; qu’il avoit fait tout ce quenous VOYONS, CE que nous pouvons voir, & tout ce que nous ne pouvons point voir; qu'ilétoit fibon, quil ne pourroit faire de mal: à quelqu'un, quand même il le voudroit ; qu’ils pense foient que Dieu avoit fait toutes cho- fes par fa volonté ; que cependant les petics Efprits qui écoient les Serviteuts. 528 “Hifloftér! * de Dieu pouvoient bien par fon ordré: . avoir fait dans l'Univers les beaux ou- vrages que nous admirons ; mais que’. Dieu lui-même avoit formé l’homme: de fes propres mains. | Petits Epic, Il ajouta qu'ils nommioïent ces pe- tits Efprits Coyocop-téchou , ce qui fig- nifie Serviteur libre , mais aufli foumis’ & auffi refpettueux qu’un Efclave ; que: ces Efprits étoient toujours préféns de- vant Dieu, prêts à exécuter {es volon: tés avec une diligence extrême : que l'air étoit rempli d’autres Efprits dont les uns étoient plus mauvais que les: autres ; qu'ilsavoient un Chef, encore. plus mauvais qu'eux tous ; mais que Dieu lavoit trouvé fi méchant, qu'il lavoit attaché pour toujours; de forte que ces autres Efprits de Pair ne fai foient plustant de mal, fur-rout quand on les prioitde n’en rien faire 5 car c'eft parmi ce Peuple une coûtumere- ligieufe de jeûner & d’invoquer les Ef- prits aëriens pour avoir de la pluye ou: Jeure des Ne. du beau temps, felon le befoin: jai til vû leGrand Soleil jeûner pendant neuf jours confécutifs, re mangeant que du- grain de Mahiz fans viande ni poiflon , ne buvant que de l’eau & ne s’appro- chant point des femmes durant tout ce 4: de la Loufrane. +329 temps. Ce qu'il en fit alors étoit par ‘complaifance pour quelque François ;. qui fe plaignoient qu'il y avoit long- temps qu'iln’avoit plû ; ces gens, peu: -prudens, ne prenoient point garde que malgré le défaut de pluye les biens de: la terre ne fouffroient pas, parce que la rofée eft fi abondante en Eté, qu- elle fupplée avantageufement à ce dé- faut. | | Le Gardien du Templem'ayantavan- Cécn dé cé que Dieu avoit formé l’Homime de Phommes fes propres mains, je lui demandai s’il fçcavoit comment cela s’écoit fait. Il me répondit que felon leur ancienne paro- le, Dieu avoit pétri de la terre glaife . telle que celle dont on fe fert pour faire la poterie , qu’il en avoit fait un petit homme, & qu'après l’avoir examiné & trouvé bien formé , il avoit fouflé fur fon ouvrage ;. qu’aufli-tôt ce petit homme avoit eu vie, quilavoitcrà., âgl, marché, & s'étoit trouvé homme fait trés-bien conformé. Comme il ne me parloit pas de la femme, je lin- terrogai fur la maniere dont 1l croyoit: qu’elle eût été faire: il me dit qu’ap- paremment elle lavoit été de la même: façon que l’homme, que leur ancienne: parole ne leur en difoit rien , & qu’elle: 230 Hifloire "1 leur apprenoit feulement que homme avoit été formé le premier , le plus fort & le plus courageux , parce qu'il: de voit être le Chef & le foutien de la femme qui fut faite pour être fa eom- pagne. Je ne manquaï point à ce fujet , non plus que fur celui des Efprits aëriens , & les prieres qu'ils leur adrefloient, de reifer fes idées, & de les ramener’à la vérité que la Religion:nous entei- gne , & que les Livres faints nous orit tranfmife. Îl m’écouta avec une gran de attention & me promit d’appren= dre tout ce que je luï difois aux Vie. lards de fa Nation, qui certainement | ne l’oublieroient point, en ajoitant Origine dur eu Eternel.- que nous étions bienheureux de pou- voir retenir de fi belles chofes par le moyen de l’Etoffe parlante : c’eft ainf qu'ils nomment le papier écrit & les livres. Après ce préliminaire j'allai droit à mon but, & je voulus fçavoir de lui qui leur avoit appris à bâtir un Tem- pile, d'où leur venoit le Feu eternel qu’ils confervoient avoit tant de foin , & l'Inftitution de leurs Fêtes. Per- fonne , lui dis-je, ne le fçait parmr nous, & je te prie de m'en infiruire,. de Ta Louifiane: 33È pi me répondit en ces termes. ” » Dois - tu v’étonner que les Guer- > riers François ignorent ces chofes £ » Ils font jeunes, ne voyent que des + jeunes femmes avec qui ils s'amiu- » fent ; que peuvent- elles leur appren- » dre , finon ce qu’elles-mêmes ont ap- n. pris ‘de Rursmeresê Et que fçavent > leurs meres © Rien du tout. Ees 2 Vieillards aui gardent l’ancienne Pa- » role (on doit fe fouvenir que € c'eft la » Tradition)n’en parlent ; jamais devant > les femmes ;.ils choififlent même par- » mi les hommes pour l'enfeigner ceux » en qui is reconnoiffent le plus d’ef- » prit ». Le Gardien du Temple par ce mot d'Efhrit entendoit de la Me- moire ; ces Peuples dans leur fimpli- cité ne pouvant comme nous, diftin- tinguer Pun de l’autre, &ne dou- tant point que l’on puiffe avoir’ del ef- rit , lorfqu'on manque de mémoire; Fe connoiflois leur façon de penfer, ainfi je ne Pinterrompis point,& il con- tinua de la forte: _ » La Charge que j'ai m'oblige de » fçavoir tout ce que tu me deman= » des : ; Je vais donc te:contenter, écouz » tes-moi. Ï y a un très-grand nombre » d'années qu'il parut parmi nous uni. #32 Hifoire 2 homme avec fa femme qui defceri: » dit du Soleil. Ce n’eft pas que nous » crufions qu’il étoit fils du Soleil , ni » que le Soleil eût une femme dont il » naquit des enfans 3 mais lorfqu’on >» les vit l’un & l’autre ils étoient en- » cote fi brillans que Pon n’eut point » de peine à croire qu'ils venoient du: » Soleil. Cet homme nous dit qu’= » ayant vü de là haut que nous ne nous’ # gouvernions pas bien, que nous n°a- » vions pas de Maître, que chacun de: > nous fe croyoit avoir aflez d’efpric » pour gouverner les autres dans le: » temps qu'il ne pouvoit pas fe con- » duire lui-même , ilavoit pris le parti » de defcendre pour nous apprendre AT | ». à Mieux vivre, Beaux précep. > Îl nous dit encore que pour: être: tes: » en état de gouvernèr les autres , ik. » falloit fçavoir fe. conduire: foi-mé- » me, & que pour vivre en paix en< » trenous, & plaire à PEfprit fupré- » me, il étroit indifpenfable d’obferver » ces points: De ne tuer perfonne que | À » pour la défenfe de fa propre vie ; de: | »ne jamais connoître d’autre femme »# que la fenne ; ne: rien prendre qui : » appartint à autrui; ne jamais mens > tir ni s'ennyvrer,& n'être point avae ile la Louifiane. 32% ÿ re, mais donner lihéralement & avec »joye de ce que lon a, à ceux qui #nont point, & partager généreufe- > ment fa nourriture avec ceux quien > manquent, _ » Cet homme nous pénétra par ces # paroles, parce qu’il les difoit avec ».autorité , & qu'il S’attiroit le ref- > peét des Vieillards mêmes, quoiqu'il » ne les ménageât pas plus que les au- #wtres. Les Vieillards :s’aflemblerent » donc, & réflolurent entr’eux, que »-.puifque cet homme avoit tant d’ef- » prit, que de.leur enfeigner ce qui » étoit bon à faire , il falloit le recon- » noître pour le Souverain, d’aucant » plus que les gouvernant lui-même, _» il les feroit fouvenir mieux qu'aucun » autre de.ce qu’il leur avoit appris. » Ainfi ils allerent de grand matin à a la Cabanne où on l’avoit mis cou- » cher avec fa femme, & on lui fit la » propofition d’être notre Souverain. » Il refufa d’abord, difant qu’il ne fe- » roit point obéi, & que les défobéif- » fans ne manqueroïent pas de mourir; »_ mais enfin 1l accepta l’offre qu’on lui 5 faifoit aux conditions fuivantes : __.» Quenousirions habiter un autre 2 Pays meilleur que celui où nous 234 Hifhire » étions, & qu'il nous montreroit à » que nous vivrions dans {à fuite com >» me il nous l'avoit enfeigné la veil= » le; que nous promettrions de ne ja, » mais reconnoître d’autres Souve= » rains que lui, & ceux qui defcen- » droient de lui & de fa femme ; que Nobleffe, » la Nobleffe fe perpetueroit par les » femmes, ce qu il nous expliqua de » la forte, Si j'ai, nous dit-il, des en » fans mâles & fernelles , ïls ne pour» >» ront fe marier enfemble , étant fre >» res & fœurs , à quoi il ajoûta ques > le garçon prendroit dans le Peuple, | » une fille qui lui plairoit ; que cet » homme feroit Souverain , que fes fils” » ne feroient pas même Princes ,) Mais. » feulement Nobles ; que les enfans de! » la fille au contraire feroient Princes » & Princefles ; que l’aîné des mâles » feroit Souverain , & la fille aînée » Princefle , pour donner le Souve-« » rain ; que les defcendans du Souve-. » rain & des Princes dérogeroient , &c » non ceux de la fille, quoique certe » fille Princefle ou autre Princefle eût, » époufé un homme du Peuple ; qu’ » ainfi les Princes & les Princeffes ne” » s'allieroient point enfemble , non » plus que les Coufins germains & les | de La Louifiane. 235 » fus de germains ; &'qu'enfin au dé- faut de la fœur du Souverain ,, fa 2 », plus proche parente feroit la mere de » fon Succeffeur. Pourfuivant fon dif- » cours, il nous dit enfin que pour ne » point oublier les bonnes paroles qu'il » nous avoit apportées, on bätiroit » un Temple , dans lequel les feuls » Princes & Princeñes ( les Soleils &c » les Soleilles } auroient droit d'entrer » pour parler à PE/prits que dans ce » Temple on conferveroit éternelle- > ment un Feu qu'il feroit defcendre » du Soleil d’où il fortoit ; que le bois » dont on le nourriroit feroit un bois » pur & fans écorce ; que l'on choifi- » roit dans la Nation huit hommes fa- » ges pour le garder & l'entretenir jour » puit ; qu'ils aurolent un Chef qui fe- » roit chargé de leur faire remplir leur » devoir, & que celui qui y manque- » roit feroit mis à mort. Il voulut en- » core qu’à l’autre extrémité du Pays » que nous habiterions , ( & notre Na- » tion étoit alors beaucoup plus éten- » due , qu’elle ne l’eft aujourd’hui) on » bâtit un fecond Temple, où lon gar- » deroit pareillement du Feu que l'on Temples » y auroit porté du premier, afin que » s'il venoit à s'étéindre dans l’un, on Fêtes 436. - .. SERRE et » entrouvât dans l’autre pour le ral » lumer ; & il nous avertit que fi » malheur arrivoit jamais, la mort s’és ».tendroit fur.notre Nation, jufqu’à ” ce que le feu fût rallumé, | .… ».On lui promit d’obferver & d’exé® # cuter toutes ces chofes, & alors il » confentit d’être notre Souverain # » mais il ne voulut pas qu’on l’appel= » ât autrement que Thé, ce qui fignis ».fie Toi. Cependant après fa mort, fes: a defcendans furent nommés Soleils, à >» caufe qu’ils fortoient.originairement » du Soleil, & que Thé étoit fi bril= > lant, qu’à peine pouvoit-on le re= » garder. Il fit donc conftruire des æ Temples , établit des Gardiens du » Temple, huit pour chacun, & à » chaque Temple un Chef des Gar- » diens 3 & en préfence de toute la » Nation, il fit defcendre le feu du So-. » leil fur du bois de noyer qu’il avoit / / 3° fi°r : » préparé, .& lorfqu’il fut allumé on » en porta avec beaucoup d’attention » & de refpe@ dans l’autre Temple, » qui étoit à extrémité de notré Pays. » 11 vécut très-long-temps, vit les en- » fans de fes enfans ; enfin il inftitua » les Fêtes telles que tu le vois«. . Tel fut le difcours du Gardien du NE | Temple AE M r 4 A fl ù pe vw -_ de La Louifrane. SE : Temple par lequel on peut connoître que la docilité avec laquelle la Nation des Natchez fe foumit aux fages loix / de cet homme extraordinaire qui pa- rut tout-à-coup au milieu d'eux, té- moigne un bon fond de caractere. En effet ils font doux, humains , véridi- ques & très charitables; plus d’un Fraré Çois a éprouvé dans eux cette dernie- re qualité. | | I ne me parla point de Sacrifices, de Libations ni d'Offrandes , parce 4e fronge qu’ils n’en font point. Tout leur culte : confifte à entretenir le feu éternel , & c’eft à quoi le Grand Soleil veille avec une attention particuliere par-deflus Le Chef dénGardiens du Temple. Celui qui régnoit de mon tems & que j'ai connu particulierement , alloit voir tous les jours dans fon Temple file feu fubfftoit. Sa vigilance avoit été exci- tée par la frayeur que lui avoit impri- mée un ourapan terrible qui avoit pañlé dans ce canton, & avoit duré deux jours. Comme ce Pays, ainfi que je Pai déja dit , eft fort beau , & que l’airy eft généralement pur & ferein , cet * évenement extraordinaire avoit paru lui annoncer quelque chofe de finiftre ; _& la ferme perfuafion où le Peuple eft Tome TL 2 au : Hifroire que lextinétion du feu facré entraîne infailliblement la mort d’un grand nom- bre d'hommes, lui avoit fait appréhen- der que ce fecond accident fe joi- gnant au premier , toute la Nation ne périt. L’Hiftoire des Natchez le con- à firmoit dans cette crainte par l'exem- ple d’un mæheur dont ils n'avoient en- core pô fe relever. C’eft ce que me ra- conta le Grand Soleil un jour qu’il im'évroit venu voir,en cestermes: | rendus ta » Notre Nation} me dit-il, étoit Non des 5 autrefois très - nombreufe & très- TC » puiffante ; elle s'étendoit plus de >» douze journées de l'Orient à l’Occi- _» dent, &-plus.de quinze du Midi au » Septentrion: On comproit alors cinq » cens Soleils; & tu peux juger par-là » quel étoit le nombre des Nobles, » des Corfidérés & du bas Peuple. Tu » fçais qu'iky a toujours dans le Tem- » ple deux Gardiens pour entretenir » le feu facré. Or dans les:tems pafès » ilarriva que lun derces deux hom- » mes {ortit pour quelqu’affaire Re on que pendant qu'il étoit dehors fon » compagnon s'endormit ; € laiffa éteindre le feu. À fon réveil voyant > le feu éreint.la frayeur le taifit ; mais » comme fon compagnon n’étoit point PA de la Louifiane. 239 » ericore revenu , il prit le parti de ca. ‘» cher fa faute, parce qu’il le pouvoit # facilement , afin d’éviter la mort qu’il » avoit méritée. Îl appella donc le » premier pañlant , & le pria de lui ap- » porter du feu pour allumer fon ca- » lumet ( fa pipe ) ; ce que celui-ci fit » volontiers , fçachant bien qu’il n’eft » point permis de toucher au feuéter- # nel que pour l’entretenir, & que lon » n'en peut faire aucun ufage. _ » Ainfi ce feu fut rallumé avec du \ure des » feu profane. Aufli-tôt la maladie fe des soleils. » mit parmi les Soleils ; on les vit. » mourir les uns ap és les autres en peu » de jours, & il fallut envoyer après » eux dans le Pays des Efprits beau- » coup de Peuple pour les fervir. Cet- »te mortalité dura quatre ans, fans # que lon püût deviner ce qui l'occa- » fionnoit : neuf Grands Soleils qui » fe fuccéderent moururent dans cet » intervalle, & une infinité de Peuple » avec eux. Enfin au bout de ce tems » le Gardien lui-même tomba malade, » Ce méchant homme fentant qu’il ne » pouvoit-pas vivre long-tems, fit dire » au Grand Soleil d’abord qu'il avoit » quelque chofe à lui communiquer de >» fi grande imporiance, que s'il mou- F4 240 Hifroire » roit fans le lui reveler, tousles Natz _» chez mourroïent. Le Grand Soleil » alla le voir au plus vire. Aufi tôt » que le malade lapperçut, tout fon » corps trembla , & il parut ne pou- » voir plus parler : cependant’, il dit, » quoiqu'avec peine, ces mots: n Je vais mourir, c’eit pourquoi il » m'importe peu que ce foit là maladie »-quime tue, où un homme ; je fçais » que je fuis un méchant homme d’a- » voir fi long tems caché, pour con- » ferver ma vie, ce que je devois dire, >» Je fuis caufe de la mort de ma Na- » tion ; ainfi je mérite la mort ; mais, » que je ne lois pas mangé par les x chiens. » Le Grand Soleil comprit par ces » paroles que cet homme étoit coupa- » pable de quelque grand crime, & » qu’il convenoit de le raflurer pour » tirer de lui fon fécret qui paroïfloit » être de la derniere importance. I] lui » dit donc qu'il pouvoit compter quoi- » qu'il eût fait , qu'on ne le feroit point » mourir & qu'il feroit enterré ; que » ce qu’il lui promettoit étoit auffi vrai » qu'il éroit vrai que le Soleil leur pe- » re les c » feh2 + clairoit tous les jours, & qu’il f é ; àt de parler avant que la mort de la Louifiane. 341 » le prévint. Sur cette parole le. mé- » chant Gardien confefia tout ce qu'il » avoit fair, que je v’ai raconté. » Auffi-tôt le Grand S lcit affeny- Le feu doir ve. nir du Soleil. æ bla les vieillards, & par leur avis on » réfolut d'aller des ce jour-là même ar- > cher dufeu de l'autre Temple ; cela “fut exécuté, & les Soleils cefferent » de mourir «, Gerte exprefñon d'arrae cher du feu mayant paru extraordi- sr je demandaiau Grand Soleil ce elle fignifioit. » Il me répondit qu’il Eloi que le feu fût emporté par vio- > lence, & qu ilyeûtd du pr répandu, » à moins que chemin faifant on ne vit » Je tonnerre tomber fur un arbre & Y > mettre le feu; qu’alors on pouvoit » $ "épargner la peine d'aller plus loin & > prendre d de ce feu ; mais que cepen- » dant celui Fe Saleil étoit. toujours > préférable « Jéerne era: point ce que.je lui disèce fujet, parce qu’autant que linf- truétion que j'effayai de lui donner étoit à Pepe pour luï, autantelle fe- roit déplacée pour le Leéteur ; cepen- dant je ne puis paffer fous floue Vé- tonnement où je le jettai, en lui difant ue rien n’étoit moins extraordinaire que de faire defcendre du.feu du. So: P ii) 242: Hifloire | leil, & que j'étois en état de le faire: toutes les fois qu'il me plaifoit. Sa fur- prife fut extrême. » Cela me pañle. dit- oil ; eft-il poffible qu’un mortel puifle % » faire venir du-feu du Soleil ? Je fçais » que les Frarçoïs ont beaucoup d'ef-- » prit, & qu'ils font des ouvrages que: ». NOUS ne coMmprenons point , Mais ce- » ci ne dépend pas de l’adreffe des mains: » jefçais en mème-temsque tu n’aimes. » point le menfonge ; mets donc mon. » efprit en reposen couvrant mes yeux. pures Je me réfolus à le fatisfaire. Javois: defendre du Chez moi deux loupes, & jérois cer- en reenee ou téinement le premier François qui en. Snuverrinavec eût porté à la Louifiane : je prisla plus nie loupe, Letite avec un morceau d’amadou tel: que les Naturels la préparent ; je mis. : Pamadou au foyer du verre, puis je: rononçai d’un ton ferme le mot Ca- heuch qui fignifie viens, comme fi j’euf-. - fe commandé au feu de defcendre. Un. inftant après l’amadou fuma , je foufflai- &c le feu parut au grand étonnement du Grand Soleil & de toute fa fuite, dont- une partie trembloit, & leur Prince ne paroifloit guères plusafluré. L’amadou étant en cendre fur le copeau où je l’a- vois allumé , il me le demarda, je le- lui donnai avec le copeau ; il fe fit ap- de la Louifiane. 343 porter des feuilles de noyers avec lei- quelles il l’enveloppa & donna le tout a un de fes Guerriers. Le Grand Soleil ayant vû le feu prendre à l’amacoue ne pür cacher fon étonnement ni s'empé- cher de s’écrier » Ah! que cela eft ex. 7 traordinaire «. Je le confirmai dans fon idée en lui difant que j’aimois & ef- timois extrémement cette machine fi utile, parce qu’elle avoit un grand mérite , & qu’elle venoit de mon ayeul qui. étoit un homme très-fçavant. Enfin me demanda fi unautre hom- Me que moi pourroit faire ce qu’il m’a- voit vü faire avec cette machine ; je lui répondis que tout homme le pouvoit;, & que s’il vouloit je lui ferois faire la méme opération ;ilme dit qu'ille vou- droit bien , mais qu’il appréhendoit de gèrer cet inftrument. » Quoi donc, lui » répliquai-je ,\un homme comme toi. æ doit-il avoir peur d’une chofe qui »n'eit ni efprit ni animal vivant. Jele raffurai de façon qu’il fe détermina à en faire l'épreuve lui-mêime ; & c’étoit au moyen de quoi je téendois de lui ven- die ma loupe à proportion du mérite que lui donnoic fa rareté , & le befoin qu'il en avoit en conféquence de leurs {uperflitions touchant le Feu éternel à Piy 3 44 Hifioire À mais en attendant je me difpofai à lui tenir les mains de peur d'accident. Le rando Je mis donc-un autre morceau d’&æ . Lil fair M: madou telle qu’ils la font-eux mêmes dre du feu du fur un copeau de bois de noyer ; il m’é- me È 1 toit aifé d’avoir de ce bois, puifque Jen avois cent cinquante arpers fur mon Habitation, & je n’en brülois point d'autre; mais j’étois bien aife que cette occafion m'en eût fait avoir dans ce moment, fçachant que ce bois entroit dans leurs mifteres pour quels que chofe: Je lui mis, dis-je, à la main gauche ce copeau préparé, & la loupe dans la main droite, & lui tins les deux mains avec les miennes. Tou- res chofes ainfi difpofées , je lui dis de parler comme j'avois fait pour faire defcendre le feu du Soleil : il prononça. en effet le mot caheuch ; maïs il étoit fi peu aflüré, qu'il bégayoit plutôt qu'il ne parloit. Peu d’inftans après le feu fé déclara par la fumée, & la loupe & le copeau lui tomberent des mains ; com- me j'étois prévenu que la chofe ne manqueroit point d'arriver, je retins le tout ;- & j'avoue que j’eus bien de la peine à m'empêcher de rire ; mais mor intérèt demandoit que jeufle un air- myftérieux, UN a Ua la Louifiane. | ae | Sitôt que le feu eût paru par 4 1üs mée qu'il fit, en laïffant éc chapper le Tout de {es mains ; il s'écria plus épou- vanté que la premiere fois : » Ah! » cette chofe eft fuprenante ! quelle merveille ! Je ne crois pas que l'on Goi- ve trouver étrange que cet homme ait été dans une furprife extrême. Ces Naturels font pleins de bon f fens , mais que l'on fe mette à leur place pour un moment: ft nous eufons eu aufli peu d'éducation que ces Peuples, & que _ nous n’euflions jamais rien vû d’ex-, traordinaire dans aucun genre, ou qui approchät de ce dont nous partons, nous ferions certainement auffi. furpr' is qu'ils le font la premiere fois qu'ils voyent des chofes réellement très-fur- prenantes, & que de lui-même le: Pa humain nimagine point, & qu ne conçoit point il plus fouvent, lorf- . même qu’il en reconsoit l exiftence. Plufieurs Guerriers qui avoient ac- compagné ce jour là le Grand Scleil furent auf. furpris que lui, il yen eut même qui ie furent beaucoup plus, puifque je les vis tren fiers mais ce Feu étant facré pour eux, la crainte les faififloit plus que d’une autre chofe: encore. É ous ce qui toucha ce feu , fut : PY | 346 Hifloire : AO amaflé avec refpect, & porté religreu=- fement au Temple par fonordre, après: avoir enveloppé le tout de feuilles de - noyer, & lié décorce du même arbre: pour que rien ne fe perdit. | Cette Ieupe Ma loupe en conféquence de fes gran. éroir d'un des qualités étoit d’un grand avantage. . Se C'étoit un moyen certain d’avoir du: feu du Soleil même, pour rallumer le: Feu éternelfi par malheur il venoit à: s’éteindre ; de délivrer par là la Nation d’une grande mortalité, de. lui ôter même la crainte de cet événement fu- nefte , enfin de n’être pas dans la dure: néceflité d’aller avec fatigue s'expofer: à aller arracher ce feu d’ün autre Tem- ple au prix du fang de quelqu'un de la Nation. Toutes ces raifons mürement réfléchies firent fentir au Grand Soleil : de quelle importance lui étoit la poffef- fion de ma Loupe: ilstinrent confeil dans ma cour afin d’en délibérer fäns ,. + pour ainf dire, la perdre de vüe. Je. profitai de cesmomens pour aller dans mon champ, comme fi J'Y eufle eu une affaire ; mais dans le fond pour y rire à mon aife de la fcêne que.je venois. d’occafionner. Je revins peu après; car s’ils avoiént: - grand envie de faire acquifition de ma de la Louifre ane. 347 Loupe ; je n’avois garde de : mahquer ime belle occafion de m'en déféire avantageufement, À peine fus-ie ren- tré dans ma maifon,que le Grand Soleil me joignir, me dit d'entrer dans ma chambre ; jy entrai, il me fuivit. Dés que nous nous âmes affis pour nous re- _pofer , il me prit la main, & me la ferra en me difant: » N’es tu pas mon vrai pres »amif Je lui répondis d’un ton fer- » me: » oui je le fuis : Je fois plus ton x ami, pourfuivit-i il ; que de tous les. . »autres François, quoique je les aime » tous : voici pourquoi ; c'eft que beau- » coup de François portent tout leur- . »‘efprit fur la langue, au lieu que tu » porte le tien dans toute ta têre & 2 ton COrps; ouvres donc tes oreilles. » pour entendre la parole de ton ami, > ouvres aufli ton cœur pour recevoir. » 1: mien; je parle, écoute. Je fuis. »'un vrai homme ; je connois les hom- » mes par leur elpr. t & par leur cœurs. » la plûpart des hommes ordinaires ont. »envie de tout ce qui brille à leurs: » yeux, fans regarder fi la chofe qu’ils > détirent a une certaine valeur ÉrOanee _» moi je penfe tout autrement; quand: » Je vois: quelque chole qui a de lé: cat, je. la laifle aux curieuxs maiss E vi; Le Grand So- leil achete la loupe, 348 Hifloire > quand je vois des chofes utiles, je. » les défire ; fi ces chofes font néceflai- » res à ceux qui les poflédent, je m’in- >» forme fi elles leur font.cheres ; fi ces » chofes leur font cheres, je. les-leur » laiffe, mais fi au contraire ils difent » qu’il n’en eft pas ainfi, je leur traite » ces chofes, dans la. penfée qu’ils fça- » vent où en retrouver d’autres.. Ce » que tu m’as montré me paroit une » chofe extraordinaire ; & quoique » j'aye été chezles Chefs François qui »font venus ici, je n’ai point. vü une » aufh belle chofe ; je fçais que rienne » t’eft cher pour moi ni pour mon fre- ».re; mais fi.j’ai envie de ce que jai æ vü, ce n’eit.pas pour que tu me la » donne fans deflein, (fans intérêt) » traites le tout ce que tu voudras, fi » tu n’en as pas trop befoin, parce que » je le ferai payer à toutes les familles » dela Nation, en outre je leur parle- » rai afin qu’ils t’ayent encore obliga- ». tion de leur vouloir bien. céder une >» chofe qui les fauve de la mortalité. Je lui répondis que rien ne métoit cher pour lui & pour fon frere. & que quoique je portafle tous les Natchez dans mon cœur , je ne lui cédcis cepen, dant ma loupe que parce. qu'elle la. de la. Louï ifiane. 3 A9 faifoit plaifr, & qu ’elle éroit nécef- faire à tous; que d’ailleurs-je ne de- _mandois que des chofes pour vivres. comme du mabiz & des volailles , du: gibier & du poiflon quand-on lui en apporteroit. | It m’offrit vingt barils de mahiz (1), vingt volailles , vingt Dindons, & dit: qu'il menvoyeroit du gibier & du poiflon toutes les fois que fes Guerriers lui en apporteroient,êc fa promeffe fut ponctuellement exécutée. Il me pro- mit aufli de. n’en rien dire aux Fran. çois, de peur que l’on ne me fçût mau- vais gré de m'être défait d’une chofe fi : précieufe. Je lui donnai un morceau de bois pour lui marquer la jufte dif- tance qu'il devoit y avoir d’une: main à Pautre lorfqu’on faïloit l'opération ; je lui donnai auffi toutes les inftruGions : néceflaires à ce fujet, puis il s'en te- tourna chez:lui. Dès le jour même ikmanda pour le Jendemain,au cas que le Soleil fut bien clair, tous les Soleils hommes & fem- mes, les Nobles & les plus diftingués d'entre les Confidérés, & tous ceux. que leur emploi attachoient au fervice (1) Lie baril de:Mahiz pefe cent cinquante livres, . 350: Hifloire du Temple. Tous ceux qui furent man= dés fe rendirent pour le quart du jour;. c'eft-à dire fur les neuf heures du ma-. tin: peu après leur arrivée, on fit l’é- preuve de la machine fi ventée ; l’on: fut un peu plus de tems qu’il n’en fal- loit ordinairement , faute d’expérien-. ce ; mais la-chofe réuffit au grand éton- nement de toute l’aflemblée. Le Peuple: toujours curieux de pénérrer les fécrets: de la Cour chez ces Peuples comme: parmi les Nations de l’ancien monde , ayant appris que les Soleils, les No=. bles & les Confidérés avorent étéman- dés , s’étoient rendusaux environs du: . Temple & n’o'oient approcher de cette. affemblée refpe@:ble ; ilss’aprerçurent même de la furprife de leurs Supérieurs.. lorfque le feu parut ; leur curiofité en. augmenta beaucoup, mais elle n’en: fac pas plus inftruite ; l'on recommen- ça plufieurs fois ; puis le Grand Soleil parla à l’afflemblée.& leur dit qu'il avoit” fait de moi l’acquifition de cette piéce rare , que je la lui avois cédée plus par amitié pour lui,que par intéret, &qu’el-- le étoit un fouverain préfervatif du: plus grands des inalheurs qui puiffe ar-- river à la Nation , puifque par fon: moyen on pouvoit arracher du feu du: _ 4 de lu Louifiane, 357: "Soleil même ; il ajouta qu'il m'avoit: * promis vingt barils de Mahiz & vingt volailles ; qu'ils n’avoient qu'à parler: dans les villages qui. leur écoient fou- mis , & me.les faire apporter inceffäm- ment chez moi :que pour le gibier &: le poiffon il donneroit dès le lendemain {es ordres à tous les Guerriers pour que je n’en manquafñfe point : à l'heure mê- me il donna ordre à-fon frere le Ser-. pent Piqué& Grand Chef de Guerre, de porter fa parole à fes Guerriers fitôt: que le Soleil feroit levé; il défendit: d’en parler aux gens du Peuple, mais- de leur dire feulement que tous les Nat- chez m’avoient beaucoup d'obligation. . out ce difcours & le narré de ce qui: s’étoit pañlé me furent rapportés lelen- demain matin, par mon ami qui écoit: préfent en fa qualité de Chef des Gar- diens du Temple, en m'apportant du: gibier de la part du Grand Soleil qui commençoit à s'acquitter de fa pro. mefle. | 2 “ Les Fêtes font | en même tems CHAPITRE XXI. Suite des Moœurs des Naturels : Des Fêtes. des NWatchez 1) Eruisque j'eusfaitau Grand So- À 7 lJeil l'ineftimable préfent de ma pe- tite Loupe, les vifites que me rendoit e Gardien du Temple devinrent fi fré- Reïigieufes & quentes, que j'eus toute la commodité politiques, poflible de m’informer des Fêtes des Natchez, qui font des cérémonies tout à la fois Religieufes & Politiques : car le Grand Soleil exaét à fa parole, neme laïfloit point manquer de gibier , & le Gardien du Temple , d'ailleurs mon ami particulier, étoit trop pénétré de {on devoir , pour ne pas exécuter avec une fcrupuleufé exactitude les ordres qu’il recevoit. En effet ces Peuples font-élevés dans une fi parfaite foumif- fion à leur Souverain, que l'autorité qu’ils exercent fur eux eft un véritab'e defpotifme qui ne peut être comparé qu’à celuides premiers Empereurs (H- À tomans. Îl'eft comme eux, maître ab- | folu des biens & de la vie de fes Sujets 3 4 de la: Louifiane. ST a ilen difpofe à fon gré, fa volonté eft fa _raifon ; & par un- avantage dont Îles Ottomans n’ont jamais joui, il n’a point ni d’attentat fur fa perfonne, ni de mouvemensféditieux à craindre. Qu'il ordonne que l’on mette à mort un hom- me qui laura méritée ,. le malheureux profcrit, ni ne fupplie, ni ne fait inter- céder pour fa vie, ni ne cherche à s’é- vader:; l’ordre du Souverain s'exécute: furle-champ ; & perfonne n'en murmu- re, Les parens du Grand Soleil partici- pent plus ou moins à cette autorité, fes- Jon la proximité du fang, & l'ona vü: Je Serpent Piqué faire tuer trois hom- mes qui avoientarrêté @& déja lié, pour faire mourir, un François qu’il aimoit: beaucoup;quoique l’on fütalorsen guer- re avec les Natchez. Ce François érois M. de S. Hälaire, Chirurgien de l’é- tabliffement de Sainte Catherine, peu. diftant dû Fort Rofalie : ilavoit été ap- ellé à ce Fort, & dansle chemin il nr avoit été pris par les Natchez qui s’é- toient mis en embufcade. À lheure que: j'écris ceci, M. de S. Hilaire eft en- core vivant à Paris &.en bonne fanté, _ J’äidit queces Fêtes font également: Religieufes & Politiques,Religieules en: ñe quelles.paroiffent être inflituées. C'ommence- ment de j’an- néce ; Se | Hifloire pour remercier le Grand Efprit des: biens qu'il a envoyés aux hommes; Po- Htiques en ce que les Sujets y payent à: leur Souverain le tribut qu ls doivent: car quel que foit le grand d'empire qu il a fur eux, quoique: plufieursie donnent à lui pour le fervir , & qu'un nombre ne Guerriers s'attache 2 à fa perfonne pou le fuivre partout où il va ,& Hate pour lui, cependant il ne be aucunes: impol fitions réglées, & ce qu'il reçoit® de ces Peuples | paroit moins un droit 4 qu'un hommage volontairement rendu. & un témoignage d'amour & de re connoiflance. "M Cette Nation commence fon année ÿ. ainfi qu’on l’a fait long tems en Euro: pe, au mois de Mrs: & la divife en treize Lunes. Cette treiziéme Lune: eff ajoutée pour achever l’année, 82 aire avec le tems accorder.le cours de cette Planette avec celui du Soleil, A. chaque nouvelle Lune on célébre une: Fête qui prend fon nom des fruits prin-" cipaux que l’on a cueillis dans la der, niere Lune, ou des animaux que Von a: coutume de chañeeétliie garderai. bien de faire le détail de routes ces. F8. 1 tes ; le reçit en deviendreit trop fati- 4 guant ; je me contenterai d'en décrires, nt sec Das RE ge FE: M ; dela Louiflane 355 quelques unes le plis briévement qu'il, me fera poflible ; mais toutesfois avec: _affez d’étendue pour faire connoître au jufte le génie deces Peuples. - La premiere Lune eft celle du Che- ciémonie dé vreuil.. Le renouvellement de lPannéela premiere: nu, s 2 Pre: Lune, qui. efti répand une joye univerfeile. Pour ren- "au Ches- dre cette fête plus célebre, on y repré- vreuils. fente un événement intéreflant pour eux, & dont ils confervent précieufe- ment la mémoire. Anciennement un Grand Soleil ayant tout-à coup enten-. du un grand tumulte dans fon Village, forcit précipitamment pour l’appailer, & tomba entre les mains d’une Nation: ennemie qui étoit venue les furpren- dre 3 mais les Guerriers ayant aufi-tôt couru à fon fecours, le reprirent &c mirent les ennemis en fuite. Pour re- tracer ce trait honorable de leur-hiftoi-- re , tous les Guerriers fe partagent en. deux corps difingués par la couleur de leurs plumes: les uns les ont blanches, . les autres, qui repréfentent les enne- mis, les ont rouges, Les deux Trou. pes fe mettent-en embufcade aux envi. _rons de la cabanne du Grand Soleil ;: _ & celle des ennemis, à la tête de las. quelle eft le Grand Chef de Guerre en: fort la premiere. Elle s’'avance à petits. 356 Hifhoire: pas, en faifant beaucoup de mouves mens & de contorfions, & rent de grands cris, Le Grand Soleil {ort alors de chez lui dans toute fa parure ; mais fe frottant les ÿeux comme sil venoitw de s’éveiller: les ennemis fe jettent furw lui, & fe difpofent à l'emmener, lorfss que les autres Guerriers-accourent 6e le retirent de-leurs mains. Cetre aC= tion fe pañle fans qu’il arrive aucun acciw dent de part: ni d'autre & fansquerel-« les, mais non fans bruit. Les cris des” ennemis font dés cris de mort en atta=h quant, ceux de la Nation attaquée font des cris de crainte & d’effroi, il s’en fait entendre qui femblent être propres \ à les encourager ; mais l'ennemi conti nue les cris de. mort tant que le Grand . Soleil eft entre fes mains ; la Nations. qui court aux ennemis, les approche 3. les uns-& les-aurres font: beaucoup de. mouvemens qui dénotent les rufes de. l la Guerre, .ce qui-dure une demi-heu+ re. Pendant ce tems le Grand Soleil fe « défend avec un caffe-tête à l’ancienne « moce, fait entierement de-bois ; il jet+ te à bas grand nombre d’ennemis , fans cependant les toucher ; le feul figne du . coup les renverfe , & le coup approche 1 en effet fi près de. ‘la tête , que l’on dit A “nés de la Louijiane. 357 roit qu'il les frappe réellement. Je fus furpris de voir jouer un fi beau-rôle ayectant d'activité & d’adrefle à ce vé- nérable vieillard le Grand Soleil, dont les regards jettoient la terreur dans le cœur de fes ennemis, ce qu’ils témoi= gnoient par leurs cris différens ; car il eft bon d’obferver que tous ces cris quoique fans aucune articulation, font diflin&@s & ont leur fignification. En- fin la Nationattaquée arrive & joint les ennemis ; ces derniers frémiffent en voyant la fureur peinte dans les yeux, & les geftes des arrivans ; les cris changent ; ceux qui repréfentent les Natchez en affomment une grande quantité, lefquéls fe relevent quand les Natchez ont pañlé fut eux : enfin l’ennemi fuit & on le pourfuit jufqu’au Bois qui eft reprélenté par un bouquet de-cannes que l’on laïifle toujours pour les. jeunes gens. Les‘ Natchez alors ra- menent leur Prince , & fatisfaits d’une viétoire auf complette , & d’avoir re<- tiré le Grand Soleil d’un fi grand dan- ger, pouflent des cris de joye, dont l'air retentit, & que les échos des Bois voifins répétent à leurtour. Toute la Nation qui voit fon retour » témoigne fa fatisfaction par des crisredoublés de se. Hifloire : joye mêlée d'amour , qui paroiffent na: turels 3 les vieiilards , les femmes & les enfans qui font fimples fpectateurs fur. les bords de la place, s’efforcent à l’en- -vi d’imiter les Guerriers par Jeurs cris de joye ; enun mot lallégreffe géné- rale eft fi vive & fi naturelle qu’elle of= fre un fpectacle intéreflant, & j'avoue fincérement que j'ai prisautant de plai- fir à cette guerre feinte qu’à aucune Piéce comique que j’aie Jamais vûe repréfenter fur le Théâtre. Ce qui eft vrai, c'eft qu’une bataille de ce genre fixe extrèmement l’atrention du fpec- tateur,parce que ce n’eft qu’une pantost mime, & qu’outre les geftes il faut fça- voir diftinguer Les différeis cris, Le Grand Soleil ayant été reconduit à fa cabanne , s'y repofe & fe délaffe des grands mouvemens qu'il s’eft don- nés, qui font tels qu'un A teur âgéde trente ans auroit bien de la peine à les foutenir fi long-tems ; ce Prince en avoit néanmoins quatre-vingt-dix & plus. Pendant qu’il fe repofe, les Guer- riers qui repréfentoicnt les ennemis rentrent parmi le Peuple les uns après les autres ; & feignant ignorer fi leur Souverain eft bleffé ou non, parce qu'ils ne lé voyent pas paroître, pouf, 5 de la Louifrane. D fenc des foupirs fi plaintifs qu'ils font pitié aux Etrangers. T'ource : Spectacle | €ft très amufant ; & ne m'en tenant point entierement à ce que me difoitle Chef des Gardiens du Temple, j'ai voulu voir ces Fêtes de mes propres weux , & je les ai vûes plus d’une fois. À peinele Grand Soleil s’eft-ilrepo- Hé une demie-heure.qu’il fort fans cou- monne ; alors les cris de joye & de fa- lut re (hédtueuk fe font entendre de “toutes parts; mais ils ceflent dès qu'ils RE il prend le chemin du Tem- pe Ë il s’arrête au milieu de la place “vis-à-vis le Temple, devant lequel il fait une efpece d'adoration en s’incli- mant profondément ; & fans plier les genoux il ramañle un peu de terre qu'il jette fur fa tête , enfuite fe tourne fuc- «ceflivement vers les quatre Parties du Monde en faifant la même chofe de cha- ‘#4 côté : puis fans chargerde place, il regarde fixement le T:mple qu'ila au midy, il étend les bras horifontale- ment (ou en croix ) & fins aucun mouvement non plus qu’une ftatue ; 1l refle en cette attitude environ une de- Mie heure : le Grand Maïtre des céré- IMmonies vient le relever & en fire au- ant, celui-ci eft relevé lui-n.êmeau 260 | Hifloire ‘bout d’un pareil tems :par le Grand “Chef de Guerre .qui n'y réfle pas ‘moins. Pendant Pefpece de priere que fait -ce Prince, on gardeun profond filen- ce ; & quand ileft rentré chez lui, les -Cris plaintifs recommencent, & ne finif- fent que quand les deux Chefs ont fait leur cérémonie, parce qu’alors le Grand ‘Soleil fort de fa cabanne , paré des or- nemens qui annoncent fa dignité, qui font la couronne ou diadême de plu- mes que (1) j'ai décrit dans l’article des babillemens ; un collier de grofle perles &.de plume pend au diadême. On ap- porte fon Trône qui eft un grand efca- beau à quatre pieds, fait d’un feulmor- ceau de bois. Sitôt que le Souverain _-paroît fur fon Trône, les cris d’allé- greffe fe font entendre & durent jufqu’à la fin de la Fête. Ce Trône eft couvert d’une belle peau bien peinte, &.ornée de diverfes ouvrages ; il s’aflied fur fon Trône, & les Guerriers lui couvrent les épaules d’une belle robe de Bœuf, & les pieds de plufieurs pelleteries ; les femmes lui font des préfens de dif- férente natureen pouffant de grand cris: & (2) Voyez Tome II, Chap. XV, “ de la Louifiane; 266 üe joye , & la derniere qui eh apporte termine la Fête. | | Toutes ces cérémonies finies en de=. hors, les Soleils reconduifent le Sou- verain dans fa cabanne ; s’il y a des Etrangers, il les fait inviter à manger ; on peut refter à faire un tour de pro- menade jufqu’au foir , fi on veut voir la danfe qui fe fait toujours chaque Fête dans la cabanne du Grand Soleil, quia au moins trente pieds fur chaque face & environ vingt pieds de haut : elle eft ainfi que le Temple, fur une butte de terre raportée d'environ huit pieds de haut fur foïxante de large, \ La feconde Lune qui répond à no- tre mois d'Avril eft celle. des Fraifes. Les femmes & les enfans en ramaffent de grandes quantités, &. comme les frailes abondent dans ce Pays, on peut juger fi le Grand Soleil en manque > les François fe fentent aufi de cette moiflon, Les Guerriers font leurs pré- fens de canards branchus, dont ils fe précautionnent par une chaffe qu'ils font exprès. | La troifiéme Lune eft celle du peric Bled. CetteLune eft fouvent attendue avec impatience , Leur récolte du Lros Tome IT, 262 Hiftoire : Fin bled ne fuffifant jamais à les nourrié d’une moiïflon à l’autre. | La quatriéme eft celle des Melons d’eau, & répond au mois de Juin. Ce mois & le précédent font ceux où la Sardine , dont j’ai parlé, remonte dans le fort du courant du Fleuve. La cinquiéme Lune eft celle des Pé- ches ; elle répond à notre mois de J uil- let. Dans ce tems on apporte auffi des raifins , fi les oifeaux en ont laiflé mü- gir. | La fixiéme ef celle des Mires : elle fe trouve dans le mois d’Août. À cette Fête on porte aufli des volailles an Grand Soleil. er SRI RES Tavisk E EAN a, 7 Ë % CHAPITRE XXV. Suite des Mœurs : Fête du Bled : Des autres Fêtes. À feptiéme Luneeft celle du Da- Fete du Bled À hiz ou gros Bled. CetieFête eft 2 714 Ton- ‘fanscontredit la plusfolemnelle detou- tes 5-elle confifte eflentiellement à man: ger en commun & d'une maniere re ligieufe du bled nouveau qui a été fé- mé dans cette intention avec les céré- -monies convenables. : Lorfqu’on veut femer ce bled , on Les feufs oüers choifit un terrein neuf, qui de mémoi- "isrs défi. re d'homme n’a point été défriché. On Frs coupe les cannes, les lianes ,. les ceps. de vigne , & tout ce qui fait un bois fourré son pelé les arbres jufqu’au bois depuis le bas de Parbre jufqu’à la hau- : teur de deux pieds 3 tout ce qui eft - coupé :& couché fur terre peut avoir deux pieds d'épaifleur ; on le laiffe ainfi pendant quinze jours , enfuite on y met le feu lequel eft fi ardent & monte fi haut, qu'il brûle la cime -dés arbres, fait defcendre la féve qui feroit mon- Qi S 64 Mt ne hi ES tée , brûle les racines des cañnes & des. autres broffailles du moins en grande partie, enforte qu'il ne repoufle que quelques cannés vertes, dont les ra- cines étoient fi profondément en terre que le feu n’a pû les endommager ; mais elles meurent dans l’année. Tout ce qui regarde le travail de ce champ & la culture de ce bled fe fait “uniquement par les Guerriers depuis qu'ils ont commencé à défricher juf- qu’au moment de la Fête, & le Grand Chef de Guerre eft toujours à leur tê- te. Ce font eux non-feulement qui dé- frichent le champ &c le mettent en état de recevoir la femence, ce font eux en- core qui fement le mahiz & farclent autant de fois qu’il en eft befoin; les moindres opérations ne font point in- dignes de leurs mains; ce feroit une profanation fi quelqu’autre y touchoit ; & s’il arrivoit qu'un Naturel, autre qu'un Guerrier,y mît la main, ce bled eff fi refpecté & fi facré, qu’il croiroit ne point devoir fortir du champ, mais bien y périr miférablement. Tonne pour LOrique le bled approche de fa ma- mette le bled, turité, les Guerriers vont à la place où ce bled doit fe manger & où il fe maa- ge tous les ans : au bord de cette pla ce Le . de la Louifiare. 326$ Don: : 4 RER M» | 4 . ils font un efpèce de grenier qu'ils noin- ” ment Momo-ataop, ce qui fignifie ferre - de valeur ou ferre refpectable ; cette place eft aflez grande, elle eft cepen- dant prefque toujours émbragée par la hauteur exceflive des arbres qui l’en- vironnent;elle eft couverte d’une belle peloufe dont on coupe l’herbe de tems en tems, afin qu’elle ne vienne point trop haute pour le terns de la Fête. Les arbres qui forment l'enceinte de cètte place font un grand bofquet fans aucune broffailles ; il n’y a deflous _ qu’une herbe de la hauteur du genouil autour de la place ; mais plus loin elle eft comme ailleurs de quatre à cinq pieds. ce bled , eft de forme ronde élevée au-® _ deflus de la terre de deux pieds; elle eft garnie de nattes de cannes en de- dans : le fond porte fur de grofles can- nes eñtieres, le dehors en eft auñli gar- ni, parce que les dents des Rats toutes - bonnes qu’elles font , ne peuvent y fai- re d'ouverture, à caufe du vernis natu- rel qui les couvre; ce qui les empêche aufli de monter le long de la ferre pour entrer par la couverture, qui par la maniere dont elle eft faite , met ce bled Qi] La ferre qu'ils font pour y dépofer fioure de cer. e tonne of Crre, 366 Fiftoire oh à couvert des plus gros orages. Les François nomment cette ferre la Tonne à caufe de fa figure ronde. | Foutes chofes ainfi difpofées & pré- parées pour la moiflon,& le bled étant mûr, les Guerriers vont le cueillir ; ils ie mettent dans des mannes de cannes, le portent à la ferre, où d’autres Guer- riers le prennent, montent à l'échelle &c le jettent dans la ferre qui a plütôt la figure d’une tour que d’une tonne ; eu égard à fa groffeur & à fa hauteur. Quand ce bled eft entierement ferré, on le couvre bien & on Pabandonne fans crainte des voleurs. On avertit le Souverain que tout eft prêt pour la Fête ; 1l donne le jour qu’il lui plait pour le mange: en commun & en fa préfence. Lit Fe | Chances a Le jour dela Fête étant fixé, quel- Grand Soleil ques Jours auparavant on prend Îles & de toute la grrangemens néceflaires à cette céré- ation fur la ù Ke Ç | place en plein monie. On bâtit la cabanne du Grand alle Soleïl vis-à-vis la ferre, &c celle du Grand Chef de Guerre à côté de cette ferre. Celle du Souverain eft fur une élevation d'environ deux pieds de ter- re rapportée ; elle eft faite d'herbes & de feuillages par les Guerriers; dans ce même tems les Guerriers de chaque Du de la Louifiane.: 307 . famille vierinent faire la cabanñe pour . toute la parenté. | Le jour delaFête étant enfin arri- Trône & vet- _ vé, toute la Nation s'apprête dès le Gt Gras _ point du jour ; les vieillards, les jeunes gens, les femmes & les enfans partent au lever du Soleil ; chacun émporte les uftenciles néceflaires pour préparer le bled ; & tout en arrivant ils amaflent le bois pour faire le feu dans fon tems. Les vieux Guerriers préparent le bran- _ card fur lequel le Grand Soleil doit être porté. Ce brancard eft compoté de quatre barres rouges qui fe croifent aux quatre coins du fiége, qui eft en- _ foncé d’environ un pied & demi ; tout le fiége eft garni en dedans de peaux de Chevreuils ordinaires, parce qu’on ne les voit pas; celles-qui pendent au dehors font peintes en deffeins de leur goût & de différentes couleurs ; elles cachent fi bien le fiége , que l’on ne peut voir la matiere dont il eft compos fé : le derriere de ce fiége eft couvert comme le fiége des équipages que nous nommons Soufllets ; il eft couvert de- hors & dedans de feuilles de laurier à tulippe ; la bordure du devant eft gar- nie de trois cordons de fleurs; celle qui fort le plus en dehors on rouge iv [en 368 Hifloire “ elle eft accompagnée de chaque côté d’un cordon de fleurs blanches. | Rae Ceux qui préparent cette voiture cranfroe dufont les premiers & les plus anciens Grand Soleil, Guerriers de la Nation 3 ils le char- __ gent fur les épaules des huit qui le fortent feulement du village ; enforte qu’il n’y en refte que feize, parce que tous les autres font partis peu après le lever du foleil, avec leur grand Chef & ceux qui commandent les Guerriers: fous fes ordres ; illes difperfe de cent en cent pas & en met huit à chaque reiais; pour cet effet il choifit parmi les Guerriers ceux qui font les plus forts & les plus vigoureux; les autres attendent avec lui leGrand Soleil fur la place pour le recevoir. sondépar, Ces difpofitions faites , & le poteau des Guerriers rougi & planté par eux- mêmes au milieu de la place avec céré- monie ( car le grand Chef de guerre doit le venir, tandis que les Guerriers l’affermiflent , ) le Grand Soleil au quart du jour fort de fa cabanne orné de fon diadême & de fes autres parures qui marquent fa dignité : à l’inftant les Guerriers qui font reftés pour le porter pouflent plufieurs cris redoublés fuc- ceflivyement & avec tant de véhémence, st SE M NN \ - E e e | averti à la place, quoiqu’elle foit éloi- de la Louifiane. ire Que ceux qui lesentendent peuvent être _affurés que ces hommes ne font point _pulmoniques : comme les Guerriers des . relais ne font éloignés que de cent pas les uns des autres,ils entendent les pre- miers cris, les répétent fur le champ, enforte que dans une minute on en eft gnée de demie lieue. Le Grand-Soleil s’affit dans le bran- card revêtu des ornemens qui convien- nent au rang fuprème ; car le feul bon fens a fait connoître à ces Peuples, que ces ornemens font les marques de : la Souveraineté ; & dans les cérémo- nies leurs Princes en portent toujours, finon'le tout, du moins une partie. Alors les huit plus vieux Guerriers le mettent en cet état fur les épaules de ceux qui le doivent porter; les cris font continués depuis la fortie de fa _Cabanne jufqu’à ce qu'il foit hors du villâge ; c’eft l'affaire au plus de deux minutes. Ceux qui le portent & ceux qui le reçoivent le font avec tant de vitefle & d'adrefle, qu’un bon cheval ne pourroit les fuivre qu'au petit ga- lop'; car. ceux qui l’attendent à cha- qué relais, l'enlevent de deflus les épaules de ceux qui arrivent avec tant Q y 370 Flijloire HU de légéreté, qu’il n'arrête point & ne ceffe d’allér avec la même vitefl ; de forte que cette courfe n’a pas, felon moi , la durée de fix à fept minutes au lus. RULES À Sonanivée A peine l’apperçoit-on dans la place, | que toute la Nation qui l’attend rem- plit l'air & les Bois voifins de fes cris de joye. Le Grand-Soleil arrive dans la place par le côté de la cabanne qui lui eft préparée. Avant de defcendre, il fait pofément tout le tour de la place ; lorfqu’il eft devant le bled , il le falue de trois hou hou hou aliongés & faits avec refpeét; toute la Nation répond à ce falut par neuf autres how hou qui ne font point confus , de forte qu’au neuviéme il met pied à terre & s’affied fur {on Trône. Tous les Guerriers qu’il a laiflés ders rière lui le fuivent à leur aife, mais fans s’arrêter , & il ne refte dans tou- tes les cabannes de la Nation que les L de La Louifiane. LE: leur portent à manger des mets prépa- rés de ce bled. Le Grand Soleil kiffe repofer les Ornenens Guüerriers & donne le temps de fairele feu nouveau qui provient d’un frotte- ment violent de bois contre bois ; tout tout autre feu feroit profane ; dans cet intervalle le Grand-Soleil s’entre- tient avec les fimples Soleils ou Prin- ces, qui font ornés d’un petit diadème, dont les plumes qui le furmontent nont pas plus de quatre pouces & font toutes égales ;1l ny a que le grand Chef de guerre, qui étoit alors frere du Grand - Soleil qui foit diftingué _ des autres Soleils ; il avoit une grande plume blanche attachée à fa cadenette, au bout de laquelle étoït une houpe rouge qui portoit une aigrette de a même couleur ; cette plume furmon- toit les autres de tout fon diadème d'environ deux pouces _ Borfque ce grand Chef de guerre voit que tous les Guerriers attendent les ordres à la porte des cabannes de leurs familles , il part avec quatre Guer- tiers prépofés & nommés pour diftri- buer le bled aux femmes ; il fe pré. fente avec eux devant hadr:5" > & | Se V3, Ed) ffioire LYS : dit au Grahd-Soleil: Parles, » j'attetis > ta parole. Or Eérémonte de Alors ce Souverain fe leve, fort defa L dittribution cabanne, fait fesinclinations vers les: No quatre parties du Monde en commen-. çant vers leMidi.Sitôt que leChef & les. Guerriers font rendus à la ferre 3 il éleve fes bras & fés mains vers leCiel où il dirige fon regard & dit : » Donne le bled ;& fur le champils’affied;le Grand »Chef deGuerre le remercie par un feul hou allongé & s’en va: les Princes & Princefles dont les cabannes font voifi- nes le remercient auf par trois hou; enfuite tous les hommes en font au- tant à neuf reprifes, mais trois à trois a peu de diftance ; les femmes & tous les jeunes gens de l’un & de Pautre {exe gardent un profond filence, & préparent leurs mannes pour aller cher- cher du bled ; ils vont à la ferre, dès que les remerciemens du peuple font faits. Dans le tems des remerciemens, les quatre Guerriers arrivés avec leur grand-Chef, montent chacun à une échelle , découvrent la ferre en dili- gence, jettent les débris au loin, & donnent du bled aux femmes Soleilles, Le | YU dela Louiiane. 375 F| êc aprés elles à toutes les femmes in- - différemment qui fe préfentent. Sirôt … qu'elles lont reçu, elles courent & . fuyent comme fielles l’avoient dérobé ; celles qui font reftées dans les cabannes vont au-devant des autres & femblent vouloir le leur arracher, elles le dé- chargent fur des peaux & Pégrainnent à la hâte, À peine en ont-elles pour HENRE di en faire une pilée, qu’elle le mettent _ dans leurs mortiers ou moulins pour Pécaller; le pot eft fur le feu avec de Veau bouillante où prête à bouillir, on y jette ce grueau que l’on prefle de cuire ; aufli-tôt qu’il eft cuit, on at- tend lordre de le manger; & on n’y touche jamais auparavant, : Toute cette opération fe fait avec ‘use fi grande diligence,que lon diroit qu'ils n’ont mangé de quatre jours; les Servantes du Grand-Soleil, quoi- qu’en grand nombre , n’ont pas fitôt préparé fon manger que les autres, parce qu'elles ne fe preffent pas, afin de donner aux autres femmes le tems de préparer le leur. Dans Pintervalle | de tous ces mouvemens, les Guerriers Loire qui font alors oififs, s’amufent à chan- ter des chanfons de guerre au fon du pot qui leur fert de caifle. 374 Hiffoire HAE = Lorfque l’on voit que tout eft cuir ce que l’on eonnoïît lorfquon voit üne femme à la porte de chaque caban- ne, le Porte-parole ou Chancelier dit au Grand - Maître des Cérémonies ; Eillpaill, vois, fi les vivres font cuits. On apporte en deux plats au Grand- Soleil , un de chaque forte ; il fe leve, on lui donne un de ces plats ; il fort & le préfente aux quatre parties du Monde, puis lenvoye au grand Chef de Guerre en difant à haute voix: Pachcou, mangez: & e’eft alors que tout le monde mange, PORN Le repas dure affez long-tems, par Le fepas, ” ce que les Guerriers mangent les pre- miers , enfuite les garçons de tel âge qu’ils foient , excepté ceux qui rétent > enfin les femmes & les enfans man- gent , & 1left à propos de mettre des intervalles, afin que les femmes ayent le tems de piler d'autre Mahiz & de le faire cuire , parce qu’on ne mange que de ce grain jufqu’à ce que tout le bled | de la ferre foit mangé. | l'Chinfénsée À mefure que le Guerriers ent fini Guerre. eur repas, ils fortent & fe tiennent de- bout devant leurs cabannes. Dès qu'ils fonten nombre fuffifant , ils forment des deux côtés dela place deux chœurs ÈS . ,. , dela Loufiane 357$ à. qu fe tépondent & chanterit des chan. {ons de guerre. Ce concert ne dure qu’« . une demie-heure,& finit au mêmeinftant * que le Grand Chef de Guerre va frapper un coup contre le poteau. Ce fignal qui fait taire les Chanteurs ouvre la Sçéne des déclamations : le Grand Chef la à commence tout de fuite ;.il raconte fes Le Guerier _ exploits & le nombre d’ennemis qu'il a exploits tués 3 il finit fon ditcours d’un ton éle- vé, à quoi ceux qui ont connoiffance des faits qu'il a avancés répondent par à. un grand hou pour en certifier la vérité, # Tous les Guerriers à tour de rôle, fui- varit le dégré d’eftime où ils font, font Ja même chofe que leur Chef ; & en- fin les jeunes hommes ont la permif- fion d’aller frapper au poteau & de dire , non ce qu’ils ont fait, puifqu’ils n'ont point été à la guerre , mais ce qu’ils fe propofent de faire. C’eit une efpece d'exercice pour eux, auquef leurs parens & leurs amis ont foin de les préparer ; car comme c’eft un hon- heur pôur eux de bien parler en pu- blic, c’eft une honte de s’en acquitter mal. Les Guerriers leur applaudiffent par un hou, qui, comme on voit, elt d’un grand ufage , ou témoignent leur peu deflaisfaétion en baiffant la tête & 376 Hifloire gardant le filence. Le défir de mériter Vapprobation publique pour le préfent, _ & d'acquérir dans la fuite la même gloire dont jouiffent les Guerriers , excite dans la jeuneffe une vive émula- Danfe géné. Cependant la nuit arrive. Alors on Yale, entoure la place de plus de deux cent torches faites de cannes féches, que l’on a {oin de renouveller: elles font de la groffeur d’un enfant chacune, & liées en cinq endroits. À la grande clarté qu’elles répandent , on danfe ordiaai- rement jufqu’au jour.' Les danfes font toujours les mêmes, & qui en a vü une les a vü toutes, Voici quelle en eft la difpoñition. Au milieu de l’efpace vui- de & proportionné au nombre de ceux qui doivent danfer, un homme s’affied par terre avec un pot dans lequel il y a un peu d’eau, & qui eft couvert d’u- ne peau deChevreuil extrêmement ten- due. Il tient ce pot d’une main, & de l'autre il bat la mefure. Autour de lui les femmes fe rangent en cercle, éloi- ænées les unes des autres, & ayant leurs mains dans un rond de plumes fort étroit qu’elles tournent en danfant de _ gauche à droite. Les hommes enfer- gent les femmes dans un autre cercle, pr * osé VA À À | ) AU » 1YS 2 SS 4 SE SS æ MS FR RC 4 ss ] DO "Ti KT r, Ai 4 44 ( Re RS 7 Sn RATE nm + ne LUN dv - de la Louiliane. les; ils ne fe tiennent point par la main, mais ils laiflent entr’eux un ef- pace quelquefois de fix pieds. Chacun a fon Chichicois avec lequel il bat la -mefure : le Chichicois eft une calebace percée par les deux bouts , & traverfée par un bâton, dont la partie la plus longue fert de manche, & dans laquelle on a mis quelques petites pierres où des fêves féches. Comme les femmes tournent de gauche à droite, les home mes tournent de droite à gauche, & tous fuivent la mefure avec une juftef- _{é qui a droit de furprendre, Les inter valles que les uns & les autres laïffent entr’eux leur donne la commodité de {ortir de la danfé lorfqu’ils font fati. gués & d'y rentrer fans y caufer aucun / trouble: les cercles fe rétreciflent & s’élargiffient felon le befoin, toujours en gardant la mefure, &les Danfeurs pouvant fe repofer & être remplacés par d’autres ; (car dans les grandes fa- milles tous ne danfent pas à la fois, } leurs danfes durent ordinairement tou- te la nuit. L’on comprendra fans peine que lon pourroit danfer perpétuelle= ment de la fôrte , les Acteurs pouvant fe retirer fans l'interrompre & y ren- Qu'ils forment à quelque diftance d’el- N M ë 1 458 OR ON trer de même lorfqu’ils ont repris leur ;. forces. Au refte je dois dire que dan | cette Fête il n’arrive jamaisnidéfordre, ni querelle, non-feulement à caufe de la préfence du Grand Soleil, & de la. bonne habitude où ils font de vivre en. paix ; mais encore parce que l'on n'y - ange que le bled facré & que l’on n’y boit que de Feau, 2: 40 40m Le jour étant vénu,perfonne rie pa= toit plus dans la place, jufqu’à ce que le Grand Soleil forte de chez lui vers les neuf heures du matin. Il fe promes ne quelques momens feul avec le Grand Chef de Guerre, & fait battre la caif- fe ou le pot qui leur en tientlieu, con= tre le poteau. Les Guerriers s’empref- fent aufli-tôt de fortir de leurs caban« nes, & forment deux Troupes qui fe diftinguent par la couleur des plumes dont leurstêtes font parées. L'une les Deux partis de 4 blanches & tient le parti du Grand Same . Soleil ; Pautre les a rouges, & eft pour fore. le Grand Chef de Guerre. C'’eft alors que commence le jeu de la pelottes petit balon de peau de Chevreuil, hi comme le poing , rempli de Bar- e Efpagnole. Les deux Chefs fe jettent cette pez lotte quelque tems l’un à l'autre. Les : _ de la Louifiane: PR. deux Troupes font extrêmement at- tentives à tous leurs mouvemens ; caë au moment que l’on y penfe le moins ; Le Grand Soleil la jette dans le plus épais des Guerriers qui font alors tous mêlés & confondus les uns dans les autres. Il ne faut point que cette pe- Jotte tombe ou quelle foit emportée on l’arracheroit par force à celui qui s’en feroit faifi, & perfonne ne le fe- coureroit ; la défenfe eft exprefle fur ce point. Comme cette pelotte a deux buts, fçavoir la cabanne du Grand So- leil & celle du Grand Chef de Guerre. il faut qu’elle foit pouflée & portée par des coups donnés de la paume de la main, à l’une de ces deux cabannes. C'eft un véritable plaifir que de voir _voltiger cette pelotte tantôt d’un côré, tantôt de l’autre de la place ; quelque- fois s’entretenir dans le milieu, puis paroître décidée à toucher à l’un des bouts, & dans le dernier moment re- poufñlée par une main ennemie dans fa premiere incertitude. F’action des _ Guerriers & la pañlion innocente dans laquelle ils entrent pour avoir l’hon- neur du jeu, ne va pas fans bruit. La crainte, l'inquiétude & le dépit ont Jeurs cris différens : celui de la joye 580 Hifhoire Pemporte fur tous. Le jeu dure ordi nairement deux heures, & les Guer- riers fuent à grofles gouttes. Enfin la pelotte touchant une des cabannes , le divertiflement finit. La Troupe qui tient pour cette cabanne ayant ainff gagné la partie, reçoit du Chef du. parti contraire un préfent confidérable, & à le droit , en figne de fa victoire de porter les plumes qui le diftinguent jufqu’à l'année fuivante, ou jufqu’à la premiere fois que l’on jouera à la pélot= te. Enfuite de ce jeules Guerriers font la danfe de guerre au fon du pot ; . après cette danfe ils vont fe baigner s. exercice qu’ils aiment beaucoup, fur- tout lorfqu’ils font un peu échauffés ou fatigués. ; Le refte du jour fe pañle comme le. précédent, & la Fête dure auf long- tems qu’il y a du bled à manger; car on n’en remporte point au Village ; & même quand il n’y en a plus à diftri- buer , on fait la vifite de toutes les ca- bannes pour fçavoir combien il en refte à chaque famille. Où lon en trouve une trop grande quantité, on fufpend. à la porte un coton de mahiz , & ceux qui n’en ont pas aflez font avertis par li du lieu où ils en trouveront, Ainft _ s dela Eoufianez :38i koüt fe trouve également réparti & en même tems confommé. Le rapport étant fait au Grand So: leil ; il fait battre le pot , & donne or= dre de retourner au Village. Les Guer- tiers fe difpofent en relais pour repor- +er leur Souverain comme ils Pont ap- porté s & quand il eft arrivé, il les en- voye à la chaffe tant pour lui que pour eux. C’eft ainfi que fe termine la gran= de Fête du bled. | * La huitiéme Lune eft celle des “Dindons, 8& répond à notre mois d'Oc- tobre. C’eft alors que cette volaille _ fort des Bois épais pour venir dans les Bois clairs manger la graine d’orties qu'elle aime beaucoup. Les orties à la Louifiane ne m’ont point paru de la même efpèce qu’en Europe: elles ont les feuilles larges & la graine beaucoup plus groffe que celle que nous voyons ici Ë La neuvieme Lune eft celle du Bœuf. On va dans ce tems à la ehafle de cet animal. Comme il s’écarte toujours de quelques lieues des Cantons habités par les hommes, on a la précaution d'envoyer à la découverte pour fça- voir de quel côté il fe jette. Dès que Von en eft inftrul',tout le mende part , 202; Hifloiré jeunes & vieux, filles & femmes, $ moins que celles-ci n’ayent des petits enfans; car cette chafle étantrude, il y a de l’ouvrage pour tout le monde. Plufieurs Nations attendent plus tard à y aller , afin de trouver les Bœufs en plus grande quantité, & les Vaches plus grafles; j'ai dit ailleurs que les ‘Naturels ne fçachant point couper les fuites du mâle auffi-tôt qu’ils l’ont tué, ils ne les tirent que lorfqu'ils font gras pour en avoir la graifle, fans en‘empor= ter la chair qui n’eft bonne à manger que quand on a pris cette précau- tion (1). | La dixiéme Lune eft celle de l'Ourse Dans ces tems de chafle les Fêtes ne #ont pas grandes, parce que les Guer- riers étant tous en campagne , EMME« nent beaucoup de monde avec eux. La onziéme qui répond à notre mois de Janvier eft celle de la Farine froide. On a dans ce tems beaucoup d’Outar- des, d’Oyes, de Canards & autres femblables gibier. La douziéme eft celle des Chataignes- glands. Ce fruit eft déja depuis long- tems ramañlé ; mais néanmoins cette Lune en porte le nom. (1) Voyez Tome II, Chap. VL de la Louïfrane: 383$ > Ænfin la treiziéme eft celle des Voix. On l’ajoute pour achever l’année. C’eft alors que l’on cafe les noix pour en faire du pain, en les mêlant avec de la farine de mahiz. Les Fêtes que j'ai vû célébrer dans le grand Village des Natchez, où réfi- doit le Grand-Soleil, fe célebrent pa- reillement dans tous les Villages de la Nation qui font gouvernés chacun par un Soleil , aufquels les peuples portent les mêmes refpeëts & font les mêmes préfens. Ces Soleils font tous fubordonnés au Grand - Soleil, dont abfolument perfonhe ne partage l’au- Lomé. ni ; | _ Voilà ce que j'ai pü apprendre en particulier de la Religion des Natchez. Je n’ai vû chez eux ni aflemblées, ni facrifices , ni aucunes autres cérémo- nies qui marquaflent un culte reglé. Les Charlatans ( ou Jongleurs, com me les François les ont nommés, ) que Yon a vûs chez quelque Nation du Canada faire l’office de Prêtres & de. Docteurs, & qui chez les voifins des Natchez font le métier de Devins, font bornés chez ceux-ci aux fonctions de fuccer les parties douloureufes du 1 3284 Hifloire | “corps , après avoir fait quelques fcarit fications avec un éclat très mince de: caillou : ces fcarifications ne tiennent pas plus de place qu’il en faut pour A 4 être fuccées toutes enfemble. * An _f Ne VS a] 3 ZA È NT SU LINE 1 ‘hr At ru Si UNIT re h RD -- p “ ! ALT À LA PLU Ë ALU ITR Alt" J in TI TNAL si] CHAP= de la Louifiane. 335 € » ST ART so PRES RTE FAR CAE HAE M SUB A dE s de Ÿ \ CHAPITRE XX VI Suite des Meæurs : Céremonies du WMa- rlage, ] L n’eft pas concevable avec quelle À MER réemineneé À exactitude la préeminence des hom- des hommes. mes eft gardée parmi ces peuples. Dans quelque A ffemblée que ce foir, ou dela Nation en général, ou de plufieurs familles enfemble , ou d’une feule fa- mille en particulier , lesplus petits gar- çons ont le pas fur les femmes les plus âgées ; & lorfque dans le repas on dif- tribue la nourriture, on ne la préfente aux femmes qu’après que tous les mâ- les ont reçu leur part, de forte qu'un garçon de deux ans eft fervi avant fa mere. | Les femmes toujours occupées fans Lesfemmes en: être jamais diftraites ou féduites par Pt Emile les galanteries des Amans, ne penfent les ia paix qu’- point à réclamer contre un ufage dans 5 Y °** lequel elles ont été conftamment éle- vées ; & n'ayant jamais vû d'exemple qui y fût contraire , elles ne s’en écar- tent point, elles nen ont pas même Tome II, ‘Autorité pa- tesrnelle infini ment refpeëa- d } Le iberté des garçons & des ” fi] les. 286 Hifloire la moindre idée. Ainfi foumifes par habitude autant que par raifon, elles entretiennent par leur docilité la paix qu'elles reçoivent dans leurs familles : paix qu’elles feroïent bien-tôt éva- nouir, fi comme ailleurs, elles pré- tendoient avoir droit de la donner. L'autorité paternelle , comme je l’ai déja dit , n’eft pas moins inviolable & facrée que la préeminence des hom- mes. Elle eft encore.chez les Naturels de la Louifiane telle qu’elle étoit dans le premier âge du Monde. Les enfans appartiennent au pere, & tant qu'il vit, ils font fous {a puiffance ; ils de- meurent avec lui, eux, leurs femmes & leurs enfans; toute la famille eft renfermée dans la même cabanne. Le vieillard feul y commande, & il n’y a que la mort qui mette fin à fon empire. Comme ces peuples ont peu d’affaires entr'eux, ou pour mieux dire, n’en ayent point du tout, on ne voit point éclater cette autorité paternelle plus parfaitement que dans les mariages. Lorfque les garçons & les filles font dans un âge parfait de puberté, ils fe fréquentent familiérement, & en ont la liberté : les filles prévenues qu’elles Be feront plus maftrefles de leur cœur de la Louifianes 207 dès qu’elles feront mariées , fçavent «en difpofer à leur avantage pour en former leur garderobe au prix de leurs plaifirs; car dans ce pays- là, comme ailleurs, rien pour rien. Bien : Join que leur prétendu y trouve à redi- re, il fait cas au contraire du mérite de fa future à proportion des fruits qu’elle a produits : mais quand ils font mariés, ils n’ont point d’amourettes ni le mari ni la femme, parce que, pisse vas. * Jeur cœur n’eft plus à eux. [ls peuvent rare quoique répudier leurs femmes; cependant il eft PPS: fi rare de les voir fe quitter, qu’en huit années que j'ai demeuré leur voi. fin , je n’en ai vû qu’un feul exemple ; encore étoit - ce parce que la femme étoit très - méchante de laveu des Natchez auffi bien que de celui des François; ils prirent chacun les enfans de leur fexe. Au refte on ne voit pas dans leur mariage que les femmes apportent à leurs maris des enfans étrangers ; elles font malheureufement trop inftruites dans cet art par les femmes , pour que cela arrive jamais. Si un garçon & une fille fe convien= | nent & s'ils défirent de s’époufer,, Maniere d'ac corder un gar- ce ne fontnileurs peres ni leurs parens, son & une fil- Ki on de in si EN EL 388 Hifloire Teiprécrutions EnCOre moins leurs meres ou leurs RE di parentes qui fe mêlent de traiter de faire de mau- Cette affairé ; Ce font uniquemerrt les vaife alliance, Ch:fs des deux familles qui font ordi- nairement bifayeuls & quelquefois plus. Ces deux vieillards ont une entrevûe dans laquelle, après que la demande de la fille a été faite de la part du garçon ; ils examinent s’il y a quelque parenté entre les deux partis qui veu- lent fe marier , & à quel degré, car juf- qu’au troifiéme degré inclufivement ils ne fe marient point. Cette entrevüe des. vicillards fuppofe que l'alliance leur convient , & qu'auparavant elle a con- venu aux peres , aux ayeux & aux au- tres en reinontant jufqu’aux chefs des familles ; car fi quelqu'un d’eux la dé- fapprouve , elle ne fe conclud jamais. Chez ces Nations que nous traitons. de Sauvages, les Loix ne fouffrent point d'interprétation, pour autorifer” les enfans à faire entrer dans la familie de leurs peres des femmes qui ne leur conviennent point,&c à leur donner une poitérité qui leur déplairoit dès le. moment de la naiffance ; de même. l'avarice . l’axbition & plufieurs au- tres pañions fi connués dans lPan-. cien Morde , n’étouffent point dans! les peres le fentiment de la Nature! lé RS ne reg ct de la Louifane. 389 qui nous fait défirer que notre fang e perpétue, & ne les porte point à contrarier le ars enfans hors de propos, encore moins à forcer leur inclination. Par un accord admirable & bien digne d’être imité, on ne marie que ceux qe s'aiment, & ceux qui s'aiment ne _ font mariés que lorfqu’ils conviennent _ à leurs parens. Jleft rare que les garçons fe ma- tient avant d'avoir atteint l’âge de vingt-cinq ans ; ju qu’à cet âge ils font regardés comme encore trop foibles, fans efprit & fans e EXPÉHIENCS. Lorfque les vieiliards font d’accord pour le mariage & qu ’ilsen ont mar- qué le jour , on fait les préparatifs _ néceffaires pour le célébrer. Les hom- mes vont à la chaffe , les femmes pré- parent le Mahiz, & parent la c: banne du garçon autant que leur adreffe & leurs facultés le permettent. Le jour déterminé étant venu, le vieillard du côté de la fille fort de fa cabanne & conduit la fille à celle du IArCON toute la famille le fuit en ordre & en filence, & ceux qui rient ne le font que modérément. Cérémonie du. Ïl trouve au dehors de cette rakan- mariage. ne tous les parens da garçon, qui le Ri j1] | 290 Hifloire | reçoivent & le faluent avec leurs cris de joye ordinaires qui font plufeurs hou hou. Il entre ; le vieillard du côté’ . du prétendu lui dit: Cabananéke, te voilà; à quoi il répond : Afanatte, oui. Le premier vieillard reprenant la parole, & lui montrant d’un air joyeux les lits qui fervent de fiége, lui dit: Peichi , afis toi, Ces peuples , comme on voit, ne font pas grands compli- menteurs, &@& ils ne fe traitent pas inieux entr’eux qu’ils ne nous traitent quand nous allons les voir. Tel eft leur caractere filencieux ; ils croiroient perdre du tems à des chofes tout au moins inutiles , s'ils parloient plus qu’il n’eft néceflaire abfolument. J’a- jouterai que c’eft parmi eux une coû- tume aflez fage de faire repofer celur qui arrive avant d'entamer la conver= fation. Le tems qu'ils donnent pour : refpirer elt d’environ un demi-quart d'heure. : Après ce tems de repos , les vieil- lards fe levènt, & faifant avancer en« tr'eux les prétendus, ils leurs deman- dent s'ils font contens de fe prendre lun & l’autre & s’ils s'aiment. [ls leur font cbierver qu'ils ne doivent point. fe marier , s’ils n’ont pas une envie fincere de bien vivre enfemble; que“ Un. dé la Lodifane. 30€ perfonne ne les contraint à s'unir, & que fe prenant l’un l’autre de leur pro- pre choix, on les rejetteroit de la fa- mille s’ils'ne vivoient pas en paix. Après cette remontrance , le propre pere du garçon apporte le préfent que doit fai- re fon fils, &le lui met entre les mains: le propre pere de la prétendue s’avance auf , & fe met à côté de fa fille. Alors lé garçon dit à fa future: » Veux-tu » de moi pour ton mari? » Elle ré- sond : » Je le veux bien, & j'en fuis » joyeufe ; aimes moi autant que je #t’aime ; car je n’aimé & n'aimerai » jamais que toi. » À ces mots lé _ prétendu couvre la tête de fa fiancée du préfent qu'il a reçu de fon pere, &luidit:» Je t’aime , c’eft pourquoi » je te prends pour ma femme. & voilà » ce que je donne à tes parens pour » t’acherer:» puis il donne le préfent au pere de la fille, Le marié porte une aigrette au haut de fa cadenette qui pend fur fon oreil- le gauche, à laquelle eft attaché un brin de chêne en feuilles, & dans fà main gauche un arc & des fléches. L’ais grette qui s’éleve témoigne qu'il doit être le maître ; le brin de chêne, qu’il ne craint point d'aller aux Bois, n1 dé Riv Marques de portent CIX ÉpOuxe * {2 a, ie © Fe 292 Hifloire : coucher dehors pour chafler ; l'arc & les fléches fignifient qu’il ne redoute oint lennemi, & qu’il fera toujours prêt à défendre fa femme & fes enfans. La mariée tient dans fa main gauche une petite branche de laurier, & dans fa droite un épi de Mahiz que fa mere lui a donné dans le teims qu’elle a reçu avec fon pere le préfent du marié. Le hurier fignifie qu’elle fe confervera toujours en bonne odeur, & l'épi de Mahiz , qu’elle aura foin du ménage & de préparer à manger à fon mari. Les mariés s’étant dit ce que je viens de rapporter, la fille laifle tomber Fépi de Mahiz qu’elle tenoit dans fa main droite, laquelle elle préfente à fon mari qui la prend aufñfi de fa main droite en lui difant : Je fuis ton mari; elle lui répond: » Et moi ta femme. Alors le mari va prendre la main à toute la famille de fa femme ; puis il méne fon époule à fa famille afin qu’elle faffe la mêine cérémonie ; enfin il la conduit vers fon lit, & lui dit: » Voilà notre lit, tiens le propre ; ce, qui fignifie qu'elle prenne garde de fouiller la couche nuptiale, C’eft ainfi que les Mariages des Naturels fe célebrent: j’avois appris wT | | de la Louiliane, 303 toutes ces chofes d’un ancien Habitant François; le Serpent piqué me les fit voir dans une occafion de Mariage; il eft vrai qu'ils fe cachent ordinaire- ment des Francois, parce qu’ils font fujets à rire de la moindre chofe qui leur paroït extraordinaire : d'ailleurs cesPeuples ne peuvent s’accommoder, non plus que toutes les autres Nations du Monde, des libertés que les Fran- cois prennent par-tout ailleurs que chez eux. Après la célébration du Mariage, LR diéte le repas fe fait; puis on joue chacun après le maria {elon fon fexe & fon âge, & enfin vers 8° le foir on fe met à danfer jufqu’au jour. Le milieu des cabannes eft tou- jours libre , parce que les lits de la famille font rangés felon leur longueur contre les murs. On peut fe rappeller ou revoir la defcription que j’ai don- née de la Danfe dans le Chapitre pré- cedent. | La Næion des Natchez eft compofée ,, Nebleffe du de la Nobleffe & du Peuple. Le Peu- Nohes, k ple {e nomme en leur langue Miche- ÎMiche-Quipy, ce qui fignifie Puanr, nom toutefois dont ils s'offenfent, & que l’on ofe prononcer devant eux, car on les mettroit de ns v 394 Hifloire - humeur. Les Puants ont une Langus | entiérement différente de celle de la Nobieffe , à laquelle ils font foumis au dernier point: celle des Nobles eft douce, grave & aflez abondante ; les: noms fubftantifs s’y déclinent comme dans le Latin, fans articles. La Nobleffle eft divifée en Soleils, en Nobles & en Confiderés, Les Soleïls font ainfi nom- més, parce qu’ils defcendent. d’un homme & d’une femme qui leur firent accroire qu'ils fortoient du Soleil, comme je l'ai dit plus amplement en parlant de leur Religion. | Cet homme & cette femme qui don: nerent des Loiïix aux Natchez eurent des enfans, & ordonnerent que leur race feroit toujours diftinguée du gros de la Nation, & qu'aucun de leurs defcendans ne feroit mis à mort pour quelque caufe que ce fût, mais qu'il finiroit {es jours tranquillement comme la Nature le permettroit. Le foin de conferver leur fang pur & fidele leur fit encore établir un ufage dont on ne - voit d'exemples que dans une Nation de Scytes , dont parle Hérodote. . Comme leurs enfans étant freres & fœurs ne pouvoient fe marier entre de La: Louif jane. dos faire pour avoir lignée que les uns & les autres époufaflent des Puants & des Ses ja Puantes; ils voulurent, pour prévenir Nobleife. les fuites fâcheules de Vinfidélité des femmes, que la Nobleffe nefe tranfmit que par les femmes. Leurs enfans mâles & femelles furent nommés également Soleils & refpeités comme tels ; mais avec cette différence que les mâles ne jouirent de ce privilége que pendant leur vieëe perfonnellement, Leurs en- fans n’eurent plus que le nom de No: _ les, & les enfans mâles des Nobles : ne Lee plus que Confidérés. Ces Confidérés pouvoient néanmoins par leurs exploits Guerriers remonter au rang des Nobles,-mais leurs enfans redeviennent Confidérés , & les enfans de ces Confidérés ,ainf.que ceux des: autres, furent confondus dans le Peu- _ ple & mis au rang des Puants. Aïnfi le fils d’une Soleille ,; ( ow femme Soleil > eft Soleil comme fa mere ; mais fon fils n’eft plus que Noble, ‘fon petite fils que Confidéré, Tr arriere-petit= - fils que Puant; d'où il arrive: que ces Peuples par leur longue vie, voyant fouvent la quatriéme génération, il eft très-ordinaire à un Soleil de voir KR vj 396 Hiftoire {a poftérité confondue dans Île bas peuple (1). Les femmes font à Pabri de ce défa- grément. De mere en fille la Nobleffe fe foutient, & elles font Soleilles à perpétuité, fans fouffrir aucune altéra- tion dans leur dignité. Cependant elles ne parviennent jamais la Souverai- neté , non plus que les enfans des So- leils ; mais le fils ainé de la Soleille la plus proche parente de la mere du Soleil regnant, eft celui qui monte fur le Trône lorfqu’il vient à vaquer. Le Soleil regnant porte le titre de Grand Soleil, ; | Comme la poftérité des deux pre- miers Soleils s’eft beaucoup multipliée, on conçoit aifément que plufieurs de ces Soleils ne fonc plus parens, & qu’ils pourroient s’allier entr'eux, ce qui conferveroit leur fang affez com- munément fans aucun mélange ; mais (1) Les Soleils cachent avec tant de foin cette dégradation de leurs defcendans , qu'ils ne fouffrent jamais que l’on en inftruife les Etrangers ; ils ne veulent pas qu’on les con- noiffe pour être de leur race, ni qu’eux mêmes s’en vantent, n1 que leurs gens s’en entre- tiennent entreux ; c’eft beaucoup quand les aycux difent qu’un tel leur eft cher, : | de la Louifiane. 397 une autre loi établie en même tems y oppofe un obftacle invincible, à caufe de celle qui défend de faire mourir aucun Soleil de mort violente. C'eft qu’il fut ordonné que lorfqu’un Soleil ou une Soleille viendroit à déceder , fa femme ou fon mari feroit mis à mort le jour de fon enterrement, pour lui aller tenir compagnie au Pays des Efprits. Cela ne pourroit s’exécuter,fi la femme & le mari étoient tous deux Soleils ; & cette aveugle & barbare coutume eft fi exa@tement obfervée, que les Soleils font dans l’heureufe nécefité de fe méfalier. | | . Soitqu’ils fe laffaffent de cette Loi, >: / 1.1. Vifite de la ouqu'ils défiraffent que leurs Solells Gasde soleil. fortiflent du Sang François, la femme le & de fa fille a ; _ le ._ à Auteur Grande Soleille vint un jour me voir 5 fez matin pour que je fufle encore u lit; elle étoit accompagnée de fa Île unique âgé de quatorze à quinze ns, jolie & bien faite. J’avois lufage > ne laiffer entrer perfonne dans ma ambre tandis que j’étois couché ; ais mon Efclave me dit que la Grande oleille vouloit me parler, & ne me it point que fa fille étoit avec elle. ette femme étoit âgée’; je dis qu'on a1fitentrer, | 308 Hifhoire 1 0 Elle entre avec fa fille ; ce qui m’éx . tonna , ferme la porte, me tend la: main que je lui ferre ainfi qu’a fa fille, &c leur dis de prendre des fiéges & de . s’afleoir ; la mere mit fa chaïife devant mon lit , enforte qu’elle étoit vis-àvis: de moi & touchoit à mon lit; fa fille qui d’abord s’étoit placée derriere elle, quitta fa chaïife & s’aflit fur le pied de mon lit d’où elle me regardoit fans cefle. Lorfqu’elles furent ainfi à leur repos la mere me tint ce difcours. » Nous fçavons tous, & je fçaïs en » mon particulier que tu es un vrai: 5 homme, que tu ne ments point, & » que tu ne Jjettes point tes paroles en: ® l'air (1 }, tu parles comme nous, tu » es comme notre frere & comme le » frere de tous les Soleils , & nous: » voudrions que tu le fufles véritable- » ment. J’ai bien des chofes à te dire : >» c'eft pourquoi ouvres tes oreilles & > ton cœur, pour entendre &c recevoir » mes paroles; car je t'ouvres le mien » mais fermes bien ta bouche, & ne » l’ouvre jamais pour jetter au vent (D Quand on parle leut Langue on eft tou- jours de leursamis, & furtout f on a de la probité & qu’on ne leur manque point de pa- toles ul de la Louifiane. 09 » ce que je vais té dire, n'en parles >» même Jamais à mes freres que lorf- , » qu'ils t'en parleront ; nous n’avons » tous trois de même que cette fille » qu'un cœur & une parole. » Jefuis trop vieille pour avoir des » enfans qui puiflent parler après mes » freres ( leur fuccéder } ; & il feroit » beaucoup de valeur fi notre famille » venoit à être pour toujours dans la terre (éteinte ). [l n'y a plus que » deux jeunes Soleils qui puiflent par- x ler après mes freres ; car le troifiéme » pa qu'une jambe, (2) & il faut être __» fans tache pour parler & être obéi . » deshommes Guerriers, & de toute la . » Nation des Natchez ». En cet en- droit eile s'arrêta un inftant, puis elke dit : » Parlerai-je« © Elle fit encore »une pofe & reprit ainfi:» Mais ferai- _læ je écoutée? Elle fut à cette fois » affez long-tems fans parler. Pendant æ tout ce tems je fis bien des réfle- » xions fur ce que je voyois & fur ce (1) Ce jeune homme avoit eu la jambe caflée au deflous du genouil ; & pour le gué- rir, Les Medecins Naturels n’avoient point trouvé d'autre moyen que de lui couper la jambe à la jointure ; il fus ainf parfaitement guéri, | j 400 Hifhire » que je venois d’entendre , & cepen- » dant je ne pouvois deviner ce que » tout cela fignifioit; je ne pouvois » croire d'ailleurs ce que les apparen- » ces pouvoient me donner à penfer, » Je rompis le filence & lui dis: » Mes » oreilles font ouvertes depuis long- » tems, & je n’entens autre chofe que x le bruit du vent. | Elle reprit fon difcours & me dit: » Ma fille que tu vois là eft encore » jeune; mais fielle a le corps d’une » femme, elle a l’efprit d’un homme; » c’eft pour cela que je n’ai point craint » de amener avec moi, & de lui laif- » fer entendre la parole que je viens » t’apporter, parce qu'elle {çait fermer » fa bouche. 2 Depuis près d’une Lune mes freres » & moi avons parlé de toi & ils di- > foient fouvent : Depuis que le Chef » à la Belle Tête( 1) fçait parler notre > Langue, il a chaffé les brouillards æ épais qui couvroient la Nation & >» qui nous empêchoient de voir clair ; p il nous a donné de l’efprit, & nous a (1) Ils me nommoient ainfi, parce que j'é- tois Chef ou Commandant des Habitans du Pofte des Natchez & à caufe de mes che- veux, de la Louifiane. 401 » fait connoître que nos ufages détrui- » {ent notre Nation ; que leurs Coûtu- » mes étoient bien plus fages ; que les » Soleils & les Nobles s’alioient en- >» femble , & que les enfans par ces » alliances de Nobles à Nobies ne pou- » voient qu'être Nobles : qu’il y avoit » de l’inhamanité à vouloir que la » femme fuivit le mari ou que le mari » fuivit la femme : que le grand Efprit » qui avoit fait tous les hommes les » aimoit tous, & trouvoit mauvais » que les femmes fiffent mourir leurs » femblables, & que c’éroit une erreur » de prétendre que cette femme en _» mourant avec fon mari fût encore >» fa femme dans le pays des Efprits, » de même que de croire que dans ce » pays-là on a le gibier & tous les æ vivres à fouhaits & fans peine, puif- » que les Efprits n’ont point befoin de » manger; qu’à l'égard des femmes _» l’erreur n’étoit pas moins grande, » puifque les Efprits n’étoient plus ni #» hommes ni femmes, & ne pouvoient _» plus habiter enfemble & n’avoient » plus de Nation diftinguée ; que s’il » y avoit des hommes & des femmes, » ce feroit pour habiter enfemble & » peupler ; que les Efprits étant immors OR Hifhoire | | 5 tels & toujours dans un état de jeuü+ 5 neffe , leur nombre fe multiplieroit à 5 l'infini ; ce qui étoit faux &c contraire 5 à la raifon, | LP 4ù » Tu as entendu ce que je t’ai dit ; s Gr c'eft ce que mes freres m'ont dit; » tu peux comprendre à préfent com- » bien tes paroles nous font cheres ; » tu vois que nous les renfermons dans >» notre cœur de peur que le vent ne les emporte. Nous connoïffons bien » à préfent que nos Coûtumes ne valent » rien; mais comment les couper » (en arrêter le cours?) Il faudroit » pour cela qu’un Soleil ou un Noble sépoufit une Soleille qui le voulûs » bien auf; mais nos jeunes Soleils » n’ont pas affez d'efprit pour entendre » raifon fur cette importante affaire; » & encore moins pour faire naître s cette affaire, & encore moins pour » faire naître cet ufage parmi nous : il » n'y à plus de femme Soleille pour s’y » oppoler que celle-ci , qui y confent » volontiers, pourvü que tu devienne » fon mari, parce que tu aurois la pro- » tection des François, tu aurois aufi » lefprit affez ferme pour faire exé- » cuter cette Loi. : Je coupai fon difcours en lui difant : 1 de la Louifiane. 40$ * 5 Me prens-tu pour un Puant? parce . sque les femmes Soleilies n ’époufent | - » que des hommes du Peuple ; & je » feignois n'avoir pas compris le » fens de ce qu elle mavoit dit. Elle me répondit que non; qu'au contraire c’étoit pour parvenir à étein- dre leur ufage que je leur avois fait connoître auffi mauvais qu’il étoit en effet , êc pour établir parmi eux notre ufage qui étoit beaucoup meiileur. Elle m'ajoûta que depuis qu’elle fré- quentoit les François elle avoit enten- du dire la même chofe , & que fes fres res & elle connoiffoient que cela étoit vrais» c’eft pourquoi, continua-t= » elle, nous voudrions luivre ta paro- » le; mais nos Soleiis n’ont pas la pa= » role affez forte pour fe faire obéir 3 des Nobl les, qui ne manqueroient pas 2-de s’oppofer à cette nouvelle Coû- æ TUMED. Depuis long-tems Je fçavois par expérience , qué rien n’eft plus à crain= dre qu’une femme méprifée; mais ce: pendant il falloit lui répondre dune maniere qu elle n’eût plus rien à répli= quer , fans néanmoins rougir de la Reli- gion que je profefe ; ; il falloit de plus faire enforte qu’elle n’allât point faire 404 Hifioire la même propofirion à quelque tête fans cervelle, qui en acceptant pour- roient expofer le Pofte François à à quel que événement funefte. Je lui répondis donc ainfi: » Vous fçavez tous que nous con- » noiflons le Grand Etprit, que nous le » prions tous les jours chez nous, & » que tous les fept jours nous allons » le prier chez le Chef Noirft). Nous » avons la parole du Grand Efprit & » l’étoffe parlante ( le papier ) qui » nous dit tout ce que le Grand Efprit » veut que nous faffions : il nous défend » de prendre des femmes qui ne prient » point, parce qu’elles éléveroient nos » enfans comme elles ; & fi tu vois » quelques François qui prennent de » vos filles, ce n’eft que pour un terms, » & parce qu'ils n'en ont point de >» celles qui prient : d'ailleursil ne fe- >» roit pas bon que je prife pour fem- » me une Soleiile ë que je la quittafle » quelque tems après. Ce n’eft pas que » je Ja trouve Mu > au Con- »traire Je la trouve jolie & elie me >» plairoit beaucoup, parce qu’elle a le (1) Ils nomment ainfi les Prètres ; & ils nomment les François Nañoulou, qui fi ignifie les Prianse de la Louifiane. 40$ - » cœur bon & l’efprit bien fait. La vieille Soleille parut contente de mes raïfons , & n’a jamais ceflé de me faire confidence de ce qu’elle fca- voit ; la fille ne dit rien, & je m'ap- perçus qu’elle n'étoit pas fatisfaite. Elles s’en furent toutes deux , & je ne crois pasavoir vü la fille depuis ce jour, Elle fut mariée peu de tems après , & j'appris par une de fes parentes qui lui avoit dit qu'il n y avoit que moi qui eufle du fel ; elle Pavoit priée de venir m'en traiter ; » parce que , lui » dit-elle, je l’aime, & il eft beaucoup » de valeur pour moi d’aller chez luiæ. _ On peut voir par ce récit qu'il ne faut que du bon fens pour faire enten- dre raifon à ces Naturels & pour con- ferver long-tems leur amitié ; on-peut encore décider que les démélés que l’on a eus avec eux font plutôt venus de la part des François que de la leur. Quand on les traite trop rudement, ils font pour le moins aufli fenfibles que d'autres : c’eft à ceux qui ont befoin de les fréquenter, de tâcher d’avoir feule- ment de l’humanité , & ils trouveront en eux des hommes. 406 Hifloire Ÿ L à f : g : CHAPITRE XXVIL Ufages communs aux Peuples de l’'Ame- rique Septentrionale : Préparatifs de la Guerre. | FE mefuisattaché plus particuliére- } ment à la Religion, aux Fêtes & aux Ufages des Natchez qu’à ceux des autres Nations, non-feulement parce qu'ayant été leur voifin l’efpace de huit: ans, je les connois beaucoup mieux que les autres, mais encore parce que les cérémonies chez ces Peuples font plus nombreufes & plus majeftueufes que chez les autres Nations dela Louifiane. Pour ce qui eft des Ufages en géné- ral de toutes lesNations de l'Amérique Septentrionale, je vais les rapporter dans le même article puifqu’ils font à peu près les mêmes, & que leur manié- re de penfer & d'agir n’a prelque point de différence. | QE | Tous ces Peuples n’ont aucune Re- ligion marquée par quelque culte exté- rieur : les plus grandes marques que l'on peut reconnoïtre qu’ils ont une. ( de la Louifiane. 407 _£fpèce de Religion , font les Temples € le Feu éternel que quelques-uns Y1ewr croyais entretiennent , mais avec beaucoupce moins d’attention & de refpect que les . Natchez : plufieurs même ne le con- fervent plus, & leurs Temples ne fer- vent plus qu’à renfermer les offemens des morts. Cependant il n’y a point de ces Peuples qui ne reconnoïflent un Etre Suprême qu'ils ne prient nulle- ment , à caufe de la croyance qu’ils ont que Dieu qu’ils nomment le Grand Ef- prit, eft fi bon, qu’il ne pourroit faire du mal, quelque fujet qu’il pûr en avoir. Îls croyent qu'il y a deux Grands Ef prit, un bon & un mauvais ; ils n'in- voquent point le bon, comme je viens de dire ; maisils font des prieres au mau- vais pour détourner de leurs perfonnes . & de leurs. biens les maux quil pourroit leur faire. Ils prient le mauvais Ef- prit , non pas qu'ils le croyent tout puiffant, c’eft le bon qu’ils croyent tel mais parce qu’il gouverne Pair, les fai- ons, la pluye, ie beau tems, & toutce qui peut faire du bien ou du mal aux productions de Ja terre. Ils font trés- Tuperftitieux à l’égard du vol des-oi- Leurs fuperft- feaux & du paflage de queïques ani- tions. maux étrangers dans leur Pays. Îls ont Leurs priérési \ beur courage, 408 Hiftoire 1 beaucoup d’inclination à écouter & à" croire les Devins, furtout pour décou- vrir l'avenir, & ils font entretenus dans cette erreur par les Jongleurs qui y trouvent leur compte. | | J'ai dit quetousles Naturels en gé- néral étoient bien conformés & leurs membres bien proportionnés , parce qu'ils ont tous la même maniere d'éle- ver leurs enfans. Les Tchicachas font les plus fiers & les plus arrogans, ce qu’ils tiennent fans doute de la fréquen- tation familiere qu'ils ont avec les An- glois de la Caroline ; ils {ont coura- geux ; qualité qui peut leur être de- meurée de cette inclination martiale qui les avoit portés à faire la guerre & À détruire plufieurs des Nations leurs voifines ; fureur qui ne les a quittés qu'après avoir été eux-mêmes extré- mement affoiblis par ces Guerres. Tou- tes les Nations qui font au Nord de la Colonie font auf braves queles Tchi- cachas ; mais ils font plus humains & n’ont point leur fierté déplacée. Toutes ces Nations du Nord & tou- tes celles de la Louifiane, nous font in- violablement attachées. depuis notre établiffement dans cette Colonie; le malheur des Natchez qui étoient fans - con: . de la Louifiane. 409 contredit la plus belle de toutes ces Nations & qui nous aimoient , n’a rien de commun avec la bonté naturelle du caractere des autres Peuples, & ne doit Lerr caratiere rien diminuer de leurs fentimens. Tous ces Peuples font prudens & parlent peu ; ils font fobres dans le manger; mais 1is aiment l’eau-de vie avec paf- fion, quoique d’ailleurs ils ne boivent jamais de vin, & ne connoiffent ou ne veulent apprendre à connoïtre aucune | compofition de liqueur. Ils fe conten- Leur boifon, tent dans leurs repas de mahiz préparé en différentes manieres ; ils fe nourrif- fent aufli de viande & de poiffon, Les viandes qu'ils mangent leur font con- nues pour faines, autrement ils n’en mangeroient point ;en conféquence j’ai conjecturé que la viande de Chien, pour laquelle nous avons beaucoup de répugnance, doit néanmoins être aufli bonne qu'elle eft belle, puifqu'ils en . font tant de cas qu’ils Pemployent par préférence dans les repas de cérémo- nie: ils ne mangent point de petit gi … bier, parce qu'ils en trouvent aflez du plus gros, & qu’ils n’eftiment point abfolument les choles par la délicateffe : j'en ai và de crès-familiers ne vouloir point manger de ragoüt, mais feule:. dome, S Léur nourri CUT Es 410 . Fifloire | ment au bouilli & du rôti, & difoiens pour raifon, qu'ils étoient plus fains que nos mets apprêtés dont ils ne man- | geolent Jamais; ils leur auroient préfé- ré du gruau de mahiz qu’en cette Colo- nie l’on nomme Sagamite. Les Naturels de la Louifiane font propres, excepté les Chat-Kas dont la malpropreté eft dégoutante par la graifle de laquelle ils fe frottent la peau & les cheveux ; ils n’y manquent point tous les jours afin d’entretenir la fou- pleffe des nerfs. Ce qui augmente la malpropreté de ces Peuples, c’eft la fumée du bois de Pin à laquelle ils font fouvent expofés ir vont à la chafle dans les Pinieres ; ils ne brûülent que des Pins, & fe mettent à la fumée Tes Chatkäs pour fe garantir des Maringoins, & pe alors leur peau & tout leur corps de- viennent très-malpropres. Les Chat- Kas font peu courageux, ils ne fe pi- quent pas même de l'être, quoiqu'ils peuvent mettre fur piedvingt-cinqmille Guerriers ; mais on va voir quels Guer- æiers en comparaifon des T chicachas. Nous eumes une guerre avec Îles Tchicachas ; nous envoyämes contre eux les Chat-Kas nos alliés au nombre de trois mille, aufquels on donna beau: | de la Louifiane, air fermez jamais vos oreilles, n’ayez » point peur du froid, n'héfitez pas » de vous jetter à l’eau pour fuir, s’il p le faut, & dans ce cas cichez bien + votre retraite, fur-tout ne craignez » point les fléches de l’ennemi,& faites » voir que vous êtes des hommes & de » vrais Guerriers ; enfin fi vous en _» trouvez l’occafion, ufez toutes vos » fléches fur les ennemis , & après » quoi frappez, aflommez, jufqu’à ce + que vos caffle-têtes foient enyvrés du » fang des ennemis. Cette harangue achevée le vieux Guerrier emplit de tabac la pipe du Calumet ; il donne à fumer au Grand Chef de Guerre & à tous les autres Guerriers fuivant leur rang : les jeunes - 424 Fifloire gens qui n’ont point encore été à la guerre viennent auflil fumer comme pour s'enrôler dans cette Milice ; le vieux Guerrier fume le dernier & remet le Calumet à la perche. Après cette cérémonie, le grand Chef de Guerre va prendre un morceau de viande de chien ; les autres après lui en font autant, fe mittent hors du cercle des plats & mangent en mar- chant fans cefle, pour fignifier qu’un bon Gnerrier doit être continuelle- ment en action & fur fes gardes. Fauffeallarme, LOrfque le repas eft commencé, un es jeunes gens va à deux où trois cens pas derriere une brofflaille avec fes armes; il fait le cri de mort: fur le champ tous les Guerriers prennent leurs armes & courent du côté que le cri s’eft fait entendre; lorfqu'ils font près de l'endroit , le jeune Guzrrier fort & fait de nouveau le cri de mort auquel tous les Guerriers répondent par le même cri. | Ts reviennent enfuite reprendre leur viande qu'ils avoient jettée fur lher- be; le jeune homme ou un autre fait la même chofe deux autres fois; en- fuite on apporte la boiffon de guerre : elle eff faite d’une quancisé de feuilles à | de la Louifrane. 425$ d'A palachine bouillies dans affez d’eau pour être cuites malgré leur dureté; c’eft en les prelfant fortement qu'on entire cette boiffon qui enyvre: alors le repas finit & on va au poteau der- riére lequel on plante la perche du Calumet. Tous les Guerriers SANDER en ui peloton à cinquante pas de ce Poteau, pce du repass qu'ils font, autant qu'ils peuvent, ref- fembler à un homme, fur-tout pour la groffeur de la tête ; ils le rougiffent, & les Guerriers vont à leur tour fraç- per à ce Poteau. À ce: effet celuiquiy va prend fon cafle tête, & court de toute fa force eü faifant le cri de mort Jorfqu'il y arrive: il lui donne un coup de caffe tête ; Là il raconte fes Faits militaires avec emphafe, & infulre le Poteau qui repréfente l'ennemi ; à la fin de fon difcours il a grand foin de prononcer la derniere fyliabe de toute la force de fa poitrine , à quoi les au- tres Guerriers révondent par un grand hou tiré du fond de leffomach. Dans tout ce que racontent ces Guerriers les uns après les autres auprès de ce Poteau , il y en a plufizurs, qui échauf- fés par leur boiffon de guerre en difent plus qu’ils n'en ont fait; mais ils ont. 426 it % la complaïfance de fe pardonner mt: M tuellement cette fanfaronade. li; Danfede Guer- Si-tôt que tous les Guerriers ont M F8 frappé au Poteau , ils font la Danfe de * deGuerre les armes à la maïn ; ils quit- tent & reviennent fans s’interrompre. Les Guerriers font feuls toutes ces cérémonies ; le refte de la Nation n’en approche pas, elle s'entretient au con- traire dans le triftefle. Ils font ce repas: & cette Danfe trois jours de fuite, après lefquels on part pour la Guerres : Les femmes pendant ce tems & même un peu auparavant,préparent des vivres pour leurs maris ; les vieillards s’occu- pent à roupgir les cafle-têtes & à gra- ver l'écorce fur laquelle eft le figne hiéroglyfique de la Nation qui attaque & qui marque le nombre des Guer- riers; ilen eft de même du figne du Grand Chef de Guerre & de celui qui les commande. His attaguenr +, Leur maniere de faire la Guerre eft toujours par d'attaquer par furprile ; aïnfr quand ils RS approchent des Viliages où ils vont déclarer la Guerre, ils ne marchent que la nuit & relevent après eux les herbes qu’ils ont foulées , afin de ne point être découverts ; la moitié de la Troupe véille , tandis que les autres dorment ne Lee D de La Louifiane. 427 dans le fort duBois Le moins fréquen- té. Quelques vigoureux Guerriers choififlent une belle nuit pour aller à la découverte & chercher quelque cabanne écartée, afin de faire leur coup avec moins d'éclat & plus de füreté ; s'ils en trouvent , ils averti. fent leur Troupe, après s'être aflurés qu'il y a quelqu'un, foit en ayant vü fortir ou entrer ou entendu dormir. Alors toute la Troupe s’'avance à Leur maniere k ï | Û e livrer bas petit bruit & fe pofte auprès de la ik, cabanne ; elle y entre au point du. _ jour, & à la faveur du feu qui y brûle toute la nuit; ces Guerriers qui atta= quent affomment les homes à mefure _ qu'ils s’éveillent, tâchent d’en emme- ner un vivant ; ils levent les chevelures des morts, prennent les femmes & les enfans qui n’ofent crier de peur d’être tués, les attachent tous & fe retirent avec autant de promptitude que de fectet ; près de cette cabanne ils lait fent le Tableau hiéroglyfique appuyé contre un arbre, & par- devant ce Tableau ils plantent en fautoir deux fléches rougies. [ls repañfent -enfuire par les Bois avec grande diligence & font beaucoup de détours pour cacher leur route. : 428 Hifoire Efclivage M peuvent emmener quelqu'un Rene & des des ennemis à leur Nation , on les prennen. feçoit honorablement ; fi ce font des femmes ou des enfans, on les fait: efelaves ; ils fervent en cette qualité, après qu’on leur a coupé les cheveux extrêmement courts ; maïs fi c’eft un homme qu'ils ayent fait prifonnier, la joye eft générale & leur gloire efta {on comble ; en arrivant près de leur Nation ils font le cri de Guerre à trois repriles ; & dans ce cas quelque fati-. gués que puiflent être les Guerriers, ils vont tout de fuite chercher îes trois perches néceffajres à la conftruction Histächentæa. de linftrument funefte où ils doivent voirunernemi faire mourir l'ennemi qu'ils ont pris ; sontpuileie veux direle Cadre fur lequel ils eadre, immolent cruellement la malheureufe victime de leur vengeance, De ces trois perches longues d’en- viron dix pieds, onen place deux en terre ; elles font droites & à un bon Defciptien & Las de diftance l'une de l’autre, on les fupplice du ca- À cadre, affure de façon qu’elles foient folides ; la troifiéme eft coupée par moitié pour traverfer les deux qui font plantées, la premiere eft à deux pieds aa deflus deterre, & l’autre cinq pieds au-deffus de la premiere. Ces perches ainfi ajuf- ER LT pe Mr ET , CPPPI7 A+ 2 mr ——, DE: Re eù 6TÉ- dT.7 2 : de la Louifiane. 42% _tées & liées en{emble le plus forte- . ment qu'ils peuvent & qu'il eft néce{- faire, forment effectivement un Cadre; & c’eft d'où les François ont tiré le nom de cette machine patibulaire, Les Naturels attachent le Patient au pied de ce Cadre, & des qu’il eff là il chante la chanfon de mort jufqu’à ce qu’on lui leve la chevelure. Après que les _ Guerriers Pont ainfi actaché,il leur eft permis d'aller manger ;le Patient , s’il en a envie peut alors faire fon dernier repas ; les anciens Guerriers le gardent, chacun peur ie voir; mais il n’eff point permis de lui parler , encore moins de Finiulers. Lorfque les Guerriers ont fait leur repas, ils viennent dans la place où eft planté leiCadre auquel le Patient eft attaché; on le fait un peu avancer & tourner tout fon corps afin que lé Peu- ple puiffe le voir. Celui qui Pa pris lui, On aa donne un coup de cafle-tête de bois patient, au bas du derriere de la tête en faifant le cri de mort; Payant ainfi étourdi, il lui coupe la peau qui eff autour des cheveux , met le genouil {ur fon front, rend fes cheveux à pleine main, dé- pouille le crâne, fait le cri de mort en \ 430 Hifhoire F levant la chevelure le mieux qu’il peut fans la déchirer. | Après qu’on a levé la chevelure aus Patient ,ils lui attachent une corde à chaque poignet, jettent les bouts des cordes fur la traverfe d’en haut , que plufieurs prennent & tirent pour l'en, lever dans le tems que d'autres le fou- levent , lui mettent les pieds fur la tra- verfe du bas, & les lui attachent aux coins du Cadre ; ils en font autant aux mains , au coin du Cadre en haut; de forte que le Patienten cet état a lecorps libre & tout nud, & les quatre mem- bres forment une Croix deS. André. Dès le tems que l’on commence à lever la chevelure au Patient, lesjeu- pes gens vont chercher des cannes féches , les écrafent & en font des pa- quets ou fagots de toute la longueur des cannes, qu’ils lient en plufieurs en- | droits; ils apportent aufi d’autres can- One brâteen NES féches qui ne font ni écrafées ni plufieurs en- liées, avec lefquels les Guerriers s’exer- droits dueorps. Cent fur le Patient. Celui qui l’a pris, prend le premier une feule canne écrafée, l’allume & brûle lendroit qu’il juge à propos ; mais il s'attache principalement à lui brûler en partie le bras avec lequel il L / de la Touifiane. 43€ #eft le mieux défendu ; un autre vient qui le brûle aïlleurs ; ceux-ci avec Jeurs pipes remplies de tabac féché & \embrafé lui brûlent un endroit du pied ; ceux-là font rougir un clou avec lequel ils lui percent le pied ; tous en- fin les uns après les autres fe vangent de leur mieux fur ce Patient , lequel, tant qu'il lui refte des forces, les em- ploye à chanter la chanfon de mort, qui , tout bien examiné , équivaut aux cris douloureux , aux pleurs & aux gémiflemens; l'ufage décide &faittouts Fermeré de On en voit qui fouffrent & chantent das - Pas continuellement pendant trois jours & mens trois nuits, fans qu’on leur donne un _werre d’eau pour les défaltérer ; & il n'eft permis à qui que ce foit de leur en donner quand même ils en demane deroient , ce qu’ils ne font jamais, fans doute parce qu’ils fçavent que le cœur de leurs ennemis eft inflexible ; en effet il faut convenir que fi les Naturels font bons amis pendant la Paix, ils font enGuerre enneris irréconciliables. Il arrive quelquefois qu’une jeune _ femme qui aura perdu fon mari à la Guerre , voyant le Patient dès qu’il arrive tout nud & hors d’érat de ca- cher fes défauts, s'il en a, le demande " #, 1 n 4 432 Hifloire ; pour fon mari & on le lui accorde” fur le champ. 31 JT arrive auffi que quand il fouffreft trop long- terrs , une femme pitoyable“ allume un flambeau de cannes, & quand 1 eft bien enflmé, elle le fit mourir en un inftant, en lui mertant ce flam- beau à l’endroit le plus fenfible ; & la fcéne tragique finit de la forte. | Defcription La décl:ration de Guerre dont j'ai arab parlé n’ft que le prélude de ce qu’elle peudediftance annonce par le Tableau qu'ils laifent du Ville près du Village qu’ils ont attaqué ; quand on cé La “Li , clarelaGuerre, Voici de quelle maniere eft fait ce É Tableau. Tout au haut du Tableau à droite ,eft le figne hiéroglyfique qui défigne laNation qui déclare la guerre, enfuite un homme nud facile à recon- noitre, lequel a un cafie-têre en main; fuit une flêche difpofée comme pour aller percer une femme qui fuit les cheveux épars & flottans en l'air ; im- médiatement devant cette femme eft le figne propre de la Nation à laquelle on déclare la Guerre; tout ceci eft fur une même ligne , & la vérité eft peinte fur cet endroit du Tableau ; ce qui eft au- deffous neft pas fi certain, aufñi n’y compte-t-on pas beaucoup. Gette ligne commence par- le figne d’une Lune de la Louifiane. | 433 _ Lune qui doit fuivre dans peu; Les jours qui viennent après font des], & la Lune par une face fans rayons : on voit un hommme qui a devant lui beaucoup de fléches qui femblent aller frapper une femme qui fuit ; tout cela annonce qne quand une telle Lune aura tant de jours , ils viendront en grand nombre attaquer une telle Nation. Les Nations alliées en font autant de leur côté, mais il eft rare que la Nation qui a infulté ou fait des hofti- lités , trouve des alliés, même dans les Peuples qu’elle traite de freres. Je ne parlerai point de leurs Siéges . de Places ni de leurs batailles rangées, ils ne connoiflent rien de ces chofes. Tout le mal qu'ils fe font ne vient que par furprife, par efcarmouche ; c’eft en quoi confiftent leur adreffle & leur courage ; la fuite n’eft nullement hon- teufe pour eux, la valeur eft aux j2m- bes, & tuer un homme endormi où à J'affut,-eft tout aufli glorieux poir eux que de fe bien battre & rempor- ter une victoire fignalée. Lorfqu'une Nation eft trop foible our foutenir la guerre, elle tâche 4 Naturels en : ; À tems de Cuire Je ne puis mieux repréfenter ces Forts, x, ; de {e faire un Fort pour fe dé‘endre. Tome, RS D feription s Forts des 434 Hifloire ; qu’en les comparant à la figure d’un cercle de futaille, dont on a coupé Tofier ; ce cercle fe lâche & le bout extérieur s’écarte du.bout intérieur, enforte qu'il. fe trouve une entrée en tournant pour s’introduire dans le cer- cle fais pafler par-deflus ; c’eft par cet- te ouverture que l'on entre dans le Fort dont l’entrée eft gardée par une demie tour & la fortie de même ; en outre fi l’on eft en grande crainte, cette entrée Ou pañlage eft bien fourrée de ronces & d’épines. ” Ce cercle eft d’une grandeur pro- portionnée au nombre de Guerriers &c du refte de la Nation qui s’y retire , lorfque les enremis font aux appro- ches ; il y a cependant quelques caban- nes au dehors, où fe font dans les momens de tranquillité les chofes les lus néceflaires a la vie, comme la cuif- fon des viandes & du mahiz ; ces caban- nes d’ailleurs foulagent le Fort qui eft toujours très étroit lorfque toute la Nation cft obligée de s’y retirer. La muraille de ces Forts eft compo- fée de gros pieux , qui font des corps d'arbres d’une brafle de tour, de cinq à fix pieds en terre ,& de dix en de- hors & appointés par le haut; les joints _ delu Louifiane, 435 de ces pieux, quoique ronds font cou- verts en dedans d’autres pieux d’un: _ pied de diamêtre; cette muraille eft garnie en dehors de demies tours à quarante pas de diftance les unes des autres ;1ls les font fans doute pour em- pêcher l’efcalade. Le pied des pieux eft appuyé en dedans par une banquet - te de trois pieds de large , & autant de haut, laquelle eftelle-même appuyée de piquets frettés de branchages verds pourretenir la terre qui eft dans cette banquette. | Les plus: inftruits de ces peuples ,. tels qu’étoient les Matchez par nos fol- dats font à environ cinq pieds au-deflus. de cette banquette un efpéce d’auvent avec des éclats d'arbres, pour fe met- tre à couvert de la grenade. Ils ont auf des meurtriéres qui n’ont qu'une ouverture en dehors , & deux en de- dans qui répondent toutes deux à la premiere ; ces meurtriéres font immé- diitement au-deffus de la banquette. Au milieu du Fort eft placé un ar. bre , dont les branches font coupées à hukt ou neuf pouces du corps de l’ar- bre pour fervir d’échele. Cet arbre leur fert de guérite , d'où un jeune homme en faction peut découvrir l'Ennemi de Tij ”— + Eh Prél: minaire ec Paix, 236 Hifhoire loin. Autour de cette échelle font quel- ques cabannes pour mettre les femmes & les enfans à couvert de la fléche de chû- te. La porte de ces Forts eft toujours du côté de l’eau ; fi on peut les empêé- cher d’en aller prendre, on eft affuré qu’ils feront réduits en peu de jours. Lorfque les Naturels font las de fai- re la guerre ou pour mieux dire, lorf- qu'ils font hors d’état parleur petit nombre de réfifter à leurs ennemis, ils s’adreflent à une Nation neutre & amie de ceux avec qui ils veulent faire fa _paix:ils vonten Calumet chez cette Nation par des pays qui ne font point fréquentés , ils menent avec eux des ef- claves qu'ils ont faites pendant cette guerre ; ils donnent ces efclaves à ce peuple avec des préfens pour acheter la paix par le moyen de ces Commif- fionnaires à qui on l'accorde, parce qu’ordinairement ces médiateurs pren- nent le parti des fupplians, les retirent avec eux & les adoptent, comme je lai dit ailleurs, pour ne ( 1 ) faire plus enfemble qu'une même Nation & fous un même nom, Si au contraire les en- nemis acceptent la paix qui leur eft pro pofée par la Nation neutre, les fup- (1) Voyez Tomell, Chap, XVII, ES de la Louifiané. 447 plians vont porter le Calumet de paix & des préfens ; de cetteforte la paix eft conclue (2 ). Lo Il faut obferver ici qu’il arrive quel- quefois qu’en allant attaquer les autres, . ils perdent quelques-unsde leurs Guer - riers ; pour lors ilslevent promptement, . s'ils le peuvent, la chevelure à ceux des leurs qui font tués » pour ne point. Jlaifler de fujet de gloire à leurs enne- mis, & en même tems des marques de: leur défaite. Aurefle quand ils retour- nerent chez eux, de quelque manie- re que les chofes fe foient pañlées , le: Grand Chef de Guerre paye à la famil- le ceux qu'il ne ramene pas; ce qui: rend ces Chefs plus foigneux de ména-- ger leurs Guerriers. | (x) Voyez Tome I. Chap, VIT. ÆEin.du Tome fecond,. LT hr x me OX On SE Ne 2 A SERRE | DES CHAPITRES Contenus en ce Volume. CHAPITRE PREMIER. D ES Graines & Légumes : Pre- caution qu’il faut prendre pour Jémer le Froment. pag. 1 Cap. 11, Des Arbres Fruitiers de la Louifiane. 15 CHap. III. Des Arbres de hautes fra: Leurs qualités : Leur urili- : Maniere de conftruire une Piro- sa Façon de faire La cirequi croît ” P Arbre Cirier. CHap IV. Des Arbufies : Des Exerôf. Jances : Conflruëtion d’un Canot d’é- corfe. 44a Caar. V. Des Lianes: De quelqu’au- gres Plantes: Leurs vertus: Des Fleurs. 54 | DES CHAPITRES. 433 Cuapr. VI. Des Animaux Quadrupe- des : Chaffe générale & particuliere du Chevreuil : Du Loup Marinier,. 66 Cap. VIE. Suitedes Animaux Qua- : _ drupedes : De l'Ours : Preuve quil : n’efé point carnacier : Chafe aux Ours : Huile d'Ours : De quelques Animaux carnaciers. 77 Car. VIII Suitedes Animaux Qu drupedes : Des Reptiles. 93 Car. IX. Des Oifeaux Carnaciers > Aquatiques. 109 Car. X. Des Oifeaux des Bois : Chaffe aux Pigeons Ramiers : Leur quantité prodigieufe : Chafle aux E- tourneaux. NUÉB4 CHar. XI. Suite des Oifeaux : Des armes > de la nourriture du Pic-bois : Du Colibri ou Oifeau Mouche : Des Infeéles volans. 136 CHar. XEI. Des Poiffons : Des Hui- tres © autres Coquillages. ÉÇT Car. XIII. Travaux des Naturels de la Louifiane : Conftruétion de leurs Cabannes. ‘164 Car. XIV. Suite des Travaux E ou- vrages des Naturels:Fabrique de leurs meubles , © de leurs voitures par eau 178 Cap. XV. Habits & Ornemens des Naturels de la Louifiane. 190 440 TEA IBEURE | CHar. X VI. Hiftoireou Defcription: … des Nations Naturelles de la Loui- fiane. | 203; Des Nations qui font a l'Eft de cette Colonie. L GHar. XVII. Suite de Hifloire desPeu<. … ples de la Louifiane : Des Nations qui: | font à PES? du Fleuve S. Louis. 216 CHapr. XVIII. Suite de PHifloire. : des Peuples de la Louifiane: Des Na: tions qui font a l'Ouéft du Fleuve S.. Louis. ah: CHar. XIX. Erabliffemens ou Pof- tes François : Du Pofte de la Mobile + Des embouchures du Fleuve S. Louis: Situation & Defcription de la nouvelle. Orléans. Capitale de ceite Province.. | nv. CHar. XX. Suite des Erablifémens. François :. Du Pofte des Naëkchito- ches : Du Fofie des Naichez: Du Pofle des Yazous. 272: CHar. XXI. Suite des Etabliflemens François : Du Pofte des Arkanfas : Du Fojle des Illinois, 200: CHar. XXII. Des Mœurs & Cou- tumes des Peuples de la Louifiane, & particulierement de celles des Narchez:: De la Langue des Natchez. 307 CuHar. XXIII. Della kelision des: dVaturels.. ci _ 326: DES CHAPITRES. 441 Car. X XIV. Suite des Mœurs des Naturels : Des Fêtes des Natchez. | | | 352 Cuapr. XXV. Suite des Moœurs : Fête il À ÿ du Bled : Des autres Fêtes. 363 CHA P. XXVI. Suite des Mœurs : Cérémonies du Mariage. 238$ Car. XXVII. Ufages communs aux Peuples de Amerique Septentrionale : Déclaration de Guerre : Préparatifs de la Guerre, 406 Caar. XXVIIT, Suite de la ue : Feflin de Guerre : /liraque pe fur- prife : Supplice du Ca. nu Defcrip- tion des Forts des IVaturels en rems de Guerre, 420 Fin du la Table de Tome Second. Ye LE al Er } / u L "p. FT ég X2F# STARS À) . 'APIT ARE es > fa 4 ÿ \ “ at »" à ù s “Es — + FLE" ; tes : Lœ di RES LA ‘ , | CCE à L . mien 4 : " LR | k