UNIVERSITY OF PITTSBURGH Jjarlingtoii -M.emorial JLibrary t JL Digitized by tlie Internet Arcliive in 2009 witli funding from University of Pittsburgli Library System Iittp://www.arcliive.org/details/liistoiredelalouis001lepa H 1ST O I RE D E L A LOUISIANE. TOME PREMIER,^ H I S T O I R E J) E L A LOUISI.ANE, Contenant la Decouverte de ce vafle Pays; fa Defcription geographique ; un Voyage dans les Terres ; rHiftoire Naturelle ^ les Moeurs , Coutumes & Religion des Natu- rals J avec leurs Origines ; deux Voyages dans le Nord du nouveau Mexique, dont un jufqu'a la Mer du Sud ; ornee de deux Carces ^ de 40 Planches en Taiile douce. Par M. LjE P ^G S DU P RAT Zn TOME PREMIER. '^' *^ A P A R I S , 'DE Bup.E, TAiiie, furie Qual des Auguilins; a S. Paul. Che^:^ La Veuve Delaguette, rue S. Jacques, a rOlivier. .Lambert, rue de la Comeiie-Fi-..ncoire. V- 3430 V -\^^ PREFACE. fn^rfFTf A France depuls plufieum- |*r>|^-^;j annees s'intereffe aflez vive- iJ^^fi! menr auxEtabiifiemens qu'eife a clans la Lou^fiane^ pour que je crcye faire au Public un veritable prefent ^ en communiquant les connciiTances que j'ai cie ce '/afte Pays , oil j ai de- nieure feize ans. S'il ell toujour^ agreabie de prendre une idee un peu detaillee d'un Pays nouveau, iin'eft pas moins efTentiel de Ic conncitre exaclement; ^Pinterec queje prends aubien de nia Patrie j exigeque je lift decouvre le nouveau fonds de Coin* merce que la Nature lui prefente dans les Regions e!cignees,& que linduf- trie de rhornme pent preparer pour nous fournir par fon moyen un fur- croic de commodires & d'abondance^ Les faux jugemens qu'on a portes fur cette contree dePAmerique ,fem- blent m^me inviter un bon Patriote a aiij Vj PREFACE redreffer les idees & a en donner de juftes. On fcait tout ce que Ton a dit & penfe de defavantageux fur le Mi- flicipi 5 nom que le Vulgaire alTefte de donner a ce Pays ^ quoique le premier & le veritable foit celui de ia Louifiane que je lui confere. II eit done abfolument ndceffaire de de- truireces faux jugemens occafionnes par des Relations inlideles, fouvent pleines de malignite^ 6c prefquetou- jours d'igncrance : je ne puis done efpdrer d'en venir a bout qu'en pu- bliant cette Hifioire. On y verranon- feulement avec quelle impartiilite j'ai confidere la Louifiane , mais en- core avec quelle attention j'en ai exa- mine les produftions. Je donne dece Pays une Defcrip- tion ^eographique exacle & tres-de- taillee : j'ai mis dans le premier volu- me & en Jeur place deux Cartes de la Louifiane , une g^^nera'e & une plus petite a grands points^ lefquelles font biendii4erentes de celle5 qui ont pa- lu jufqu'a prefent ^ parce que j ai ete fur les lieux J que j'ai vu les originaux PREFACE. vl] des Cartes Efpagnoles , t< que j'ai eu d'aillenrs des coanoilTances certames dela parde de rCu-.ft & du Nurd,ou eitcette Province. Apres y avoir demeure quelques aimfes 5 j'acquis une connoiflaace pardculiere des Simples ^ & j'en en- voyai plus detrois cent a la Coaipa- gnie d'Occident ^ &c dont j'indiquat ies vertus. Je (is auUi quelques decou- vertes ^ qui aiiroient da , ce me fern-* bl- 5 calmer Taraeur de mes recher- ches; mns j'lvois un plaifir fecret a decouvrir tous ies jours queique chofe de nonveau;&afin que dans h fuire je p jffe ^cr^ utile au Public 5 i'entrepris un Voyage de cinq niois dansrinte- rieurd^-vS^Terres, pour m'affurerainft par moi-meme de? produSions mer- veiil-ufesde ce Pays . audi agn^able a la vue 5 qu'il feroir avamageiix a cul- tiver. La Defcription de ce Voyage ed fliivie de TArricIe qui traite de la Na- ture desTerres de la Louiiiane : j'y fais conn itre la quaiite de chaque terrein en pardculiwr , Ies Mines 6c aiiii viij ^ PREFACE, les Carneres qu'il renfernie , & les diHerentes efpeces de Flames qu'il peut produire. J'y fais rdgner un ordre qui doitfatisfaire Fefprit du Lefteur ; &touty eft detailld de maniere 5 que 3a Carte a la main , on pourroit de fon cabinet former !e plan d''une Fla- bitation avantageule^ & prefque avec autant de juPceile que (i Yen etoit fur ies lieux. Dans la feconde Partie de cette Hiftoire, jetraite des graines 6c des fruits, des arbres fruiders^ de ceux de haute futaye, de leurs qualiics & utilites^ des arbuftes^ desautres p!an- tes 6c de leurs proprietes^ des Ani- maux quadrupedes 6c des reptiles , des Oifeaux 6c des Poiffcns ^ avec des figures fur differents fujtts 3 en un mot je rapporte les produclions de la Louifiane^ que mes recherches m'ont permis d'acqudrir j 6c je ne parle que de ce qui eft prcpre a cePays. Apres ce detail , Je pafle a ce qui xegardeparticulierement ies Naturels de cette Province : je decris leurs • travaux fie leurs ouvrages ordinaires^ PREFACE. ^ k leurs habillemens ^ leuu hiftoire y leut firuation, les Etabliffemens ouPoftes Francois , 6c la Capitaie ; eniin les moeurs, la Languc 6c la Religion des Peaples delaLouifiane, leurs Fetes & leur maniere de faire la Guerre. La troilieme Parcie contient la fuite des mcxurs 6c des ceremonies reli- gieufe de cette Nation. L'origine des Peupies de TAme- rique eft une matiere affez curieufe dc'aflez intdreffante ^ qu'aucun Aa- teur n'a encore pu rraiter a fond )uf- qu a preient d'une iiianiere iadsfai- fante, faute d'avoir eu des principes folides far lefquels il fe fut appuye. Je ne me contenterai point de par- ler de forigine des Peupies de cette Colonic dont je fais PHilLoi.e ; je traiterai en meme terns d 2 celles de tons les Peupies de TAmdrique ea general. Je donnerai les preuves les plus convainquantes que Von puiffe defirer a ce fuier ^ fur lequel I'Hiftoire de I'ancien Monde ne nous dit rien de pofidf, Quoique celledu nouveau Monde ne foit point ecrite , ellenfi ay ^ PREFACE iaiffe pas que detrefure, du moim mVt eile paru iidele. Je confens au rcfl-e qu'on ne prenne ces preuves quq pour dcs con jcaures , dont je me fuis inilruir fur les iieux ; mais je penfe qu'on ibra c bi%e d'avoucr qu'elles lontiones.. Je iVai garde d'etendremes vues ffjf Favcnir: neanmoins je fuis charme d'avcir fak pendant monfe- jcur en certe Province les Decou- Ycn^s que je donne au PubKc^j par-^ ce qu'ii n'cft gu^res crcyable cu 'il fb trouve jamais parnii toutes les Na- tions de i'Anierique Sep^entrionale aucuu hcnime.qui par ia luire put donneraux Francois des conncifian- ces 'emblablesa'ceJles que j'ai ac- quiles p- r le moyen de ccux a qui j& m'en fuh. informe, attendu que cette Nation ne iubllfle plus.Plufieurs Sea- vans qui ontvu cetobjetdanslejf^ur- nal (Iconomique , nu j.'.avois inferd i vn Abrdgd de VHiftoire de la Loui- fiane^ m'ont temoigne que je devoid meure cet article plus derailid, & dans un meme Corps d'Ouvra-ge^ainfi que tout ce qui concerne la Lcuiiiane | PREFACE. t) &IesPeuplesqui rhabitent; & c'eft cequi m'a determine a y rravalller 6c a le^doaner au Public. Je decris enluite un Voyage depuiS le centre de cette Province, jufqua la Mer du Sud , & un autre au Nord-- Oasft de cette Colonie. Ces deux Voyages donnent de grandes con- noiffances touchant les Fcuples de ces contrees, & font tres- utiles ^a ceuK qui feroient curieux de fcavoir ladruatioii des Pays qui confinent , ou qui font peu ^loignds de Tendroit oil Ton croit devoir gtre la Mer de rOueft. Je fais enfuite le tableau de la Guerre centre les Natchez ^ & ce- lui de leuc deftrucVion. L'evenement du Maffacre ^des Francois aux Natchez a ete feu en France dans fon terns > &: a fair fremir d'horreiir les honnetes gens ; maisles circondances n'en ont ete connues que de tres-peu de perfonnes , lef- quelies pour la plupart ny ont nul!e- menr aj oute toi , parce que le fait paroit en effet iacroyable ; aufTi rne garderais-je bien de le racunter, s'il 5ci; VRtF ACE, n'y avoit pas encore quelque peu d^ perfonnes vivantes qui en font rechap- pees J m6me une a Paris qui eft affcz ccnnue , ceft M. Gonichon. Ay ant ainfi clonne une connoif- fance exaae de la Louiiiane > cle la nature QQioa Sol, de tout^^s fes pro- duQionS;, du caractere de ies Feu- pies 5 ie me permets quelques reiie- xioas iur ce qui occafionne ia Guerre dans ce Pays ^ 6^ je donne Ies moyens de I'eviter ; 6c li en eft oblige de Ja faire^ je prumets Ies moyens de s'en tirer avec avantage &: a peu de frais; de tellefbrte m6me , que fans expoier bcaucojp Ies Troupes 5 Ies plus forres Nations du Fays tremblcroient aa feul nom des Francois. Dans Farticle fuivantj Je traite de i'Agriculture, c'eft-a-dire de la ina- niere de cultiver & preparer Ie:^ prG=» du-£lions de ce Pays qui peuvent en- trer dans le Gommeice. Je parle en- fuite de celui que Ton y fair & que Ton y peut faire , tant avec i'Europe , qu'avec leslfles Francoifes de I'Ame- ?ique; & avec Ies Efpagnois ^ ainfi PREFACE xiij que des Marchandifes queceux-ci ap^ portent. Enfin mes derniei'es refle- xions s'etendent fur tous les avanta^ ges que Ton pent tirer fans peine de ce riche Pays pour la gloire da Roi , [e bisndefcnfervice, 6c le bonheur 3e ceux qui i'habitent. Malgre toutes mes recherches 8c Ties obfervations , ma'gre mes decou- i^ertes & mes experiences, j'ai cru ievoir communiquer mon Manufcrit original a des perfonnesrefpeciables^ Jul ont occnpd dignement 6c du'anc :)lurieurs annees les premieres places lans cette Colonic. Ces Officiers qui :onnoi(renr ceite Province , ni'ont *xhorte a faire imprimer promte- nent cette Hiftoire. l.etrcifieme volume de I'Hiftoire Critique de la Ph^lofopliie p^r M. I^s Laades^ page jp. parie de la ^ouifianij comme d'une terre ilerile y t fous le Sol de laque'le font des ^acs (burerroii^s qui nourriilent des jo^ffjns emp-ifonnes. La premiere te ces allegaci-.ns , c err-a-di e la fi^- t!Ute pretendue de ce Pays > efl de- 2iv PREFACE. puis quarante ans dementie par tous les Habitans de !a Colonic. Sa fertilite 5 tres-iuperieure a celle des plus heuieuxcl)matsderEurope, eft, reconnue ians contradiction. Quand z la fable des Lacs foutcrrains , ]e n'en ai jamais oui parJer dans le Fays : d'ailieurs ;, quoique je parle dun Can- ton ou il paroit quil y a des Mines de fel , parce qu ii en fort plufieurs fources d'eau falde , je n ai jamais €ntendu diie aux Naturels , dont je park la Langue, 6c qui y alloient- faire du fel , qu'il y eut ni en cet en- droits ni ailleurs des Lacs icuter- rainsj ni da poiffon empoifonne ; enforte que j'aurois laiffe ces ailega- tions dans Foubli qu'elles meritent, fans ie nom refpeaable de I'Auteur , du Livre qui ies rapporte ; mais quei- que reputation qui! (e foit acquife ^ dans la Republique des Lettres^ il j neS perfonnea r'abvi des meprifeSj : & Je dwis 3 fa mdmoire la juilicc de : publier que depuis mon retour en _ France, & dans plufieurs converfa- tions familieres que j'ai eues avec lui PHEFACE. XV a ce fujet, je I'ai trouve abfolument -revenu de ks fauffes idees ; i^ il eft convenu de bcime foi qu'il avoit adopte trop facilement ce que ion iui avoit dir« II en eft de meme a peu-pres d'un Auteur venerable qui rapporte la mort du Soleii Serpent - Pique , dont je parle auffi dans cette Hiftoire^ ilia met quelques annees plus tard que je ne fais , parce que j ai ete prefent a cette mort , & qu'au contraire il ne Fa apprife que depuis fon retour en France. Je Iui en ai parlc i! y a quelque terns , & il me promit alors de changer la datte de cette mort dans la feconde edition qu'il efpdroit faire de fon Ouvrage. Javertis le Public de ces chofes^ pour qu^il fcache fuire la difference dun Auteur qui a fejourne plufieurs lanndes dans le Pays dont il ^cric ji'Hiftoire, & qui en parlelaLangue, jd'avec ceux qui n'ecrivem que fur ides oui-dire, ou qui ne fcavenc point iia Langue du^Pay;- dont'jls ecrivent liHiftoire, Quandmcmeils yauroicnt xvj FREFACE. ete^ il n'eft pas iurprenant que ces Auteurs ayent ^le trompes.^ En- fin je m'eflimerai heureux 6c tres-de- dommage des peines & des foins que m'ont codte mes recherches 5 Ti cette Hiftoire peut 6tre utiie au lervice du Roi, & a I'avantage du Commerce de ma Patrie, puilque toure m.a vie jen'ai eu d^autre ambition nid'autres ddfirs J que de pouvoir me rendre mile au fervice du Roi & a I'Etat, HISTOIRE HISTOIRE D E LA LOUISIANE. PREMIERE PARTIE. CHAPITRE PREMIER, Decouverte de la Louisians„ EtuhUJJejnent des Francois fur la Riviere de Mobille ; M, de. S, Denis va an ncv.veau Mexique pour faire un Traiti de Commerce avec les Efpagnols, Or s qu e les Erpagnols fe furer:C etablis dans les grandes Antilles 5 ils ne tarderent pas a aller re- CODnoitre les cotes da Golfe du Mexique. Lucas Vafqucs: de Aillon aborda en ijao au Continent Toms L A ^2, "Hiftoire de la partie Septentrionale de ce Gol- fe , & fut favorablement recu des peu- pies du pays , qui lui firent des pre- fens en or , en perles & en lames d'ar- getit. Cette bonne reception Tengagea a y retourner quatre ans apres : mais les Naturels ayant change de fenticnent a fon egard , luituerent deux cens bom- mes y^ le contraignirent a fe retirer. En I 528 , Pampbile Nefunez mit a terre fur cette cote j & ayant regu des prennieres Nations qu'il rencontra , des prefens en or, qu elles lui firent connoitre par fignes venir des mon- tagnes des Apaiacbes , dans le pays qui porte aujourd'hui le nom de Fio- ride , il entreprit d'y aller , 6c s'en- gas^ea dans une route de vingt-cinq journees. Dans cette marche, il fut (1 fouvent attaque par les peupks nou- veaux qu'il decouvrit., & perdit tant de rnonde , qu'il ne penfa plus qua fe reiTibarquer avec ce qui lui en reftoi't : trcp heureux d'ecbapper lui-meme aux dangers aufquel il s'etoit imprudem- iiient expofe. La Pveiation de Dominique Soto; qui en 1539 aborda dans la Baye du S. Efprlt 5 ed fi romanefque, & fi con- ilamment dementie par tous ceux qui de la Lcidfianel %' ont voyage dans ce pays , que loin d'ajouter foi a ce que nous dit THif- tcrien de ce Capiraine 5 on doit etre au contraire perfuade -que fon entre- prife n'eut pas un heureux fucces ;• puifqu'ii n'eneft pas plus rede de vefti- ges que de ceux qui i^avoient precede, L'inutilite de ces tentatives ne rebuta point les Efpsgnols. Apres avoir de- couvert la Fioride , lis ne virent point fans jaloufie les Francois s'y etablir eti 1564, fous la conduire de R-ene de Laudoniere, que I'Amiral de Coiiany y avoit envoye , &: qui y avoit con- ftruit le Fort Caroiin , dont on voit encore les ruines fix lieaes au- ded'us de celui de Peni^icola, lis les y atta- qucrent peu de tems apres ; & Its ayant force a capituler ^ ils les egor- gerenc cruellement , fans aucun egard au Traite conclu aveceux. Con[^.me la France etoit alors plongee dans les malheurs des Gueres de Religion , cette adion barbare feroit.demeur^e impunie , fi un feul homme du Mont de Marfan , nomme Dominique de Gourgues, n'eut entrepris d'en tirer vengeance au nom de la Nation = II arma en 1 5 67 , pafla a la Fioride , prit trois Fores que ks Efpagnols A ij ^, Hifiohe avoient confcruits ; oc en ayant tue ur* grand nombre dans les difterentes at- taques , il pendit le refle. II etablit enfuite un nouveau pofte , & revint en France ; mais le defordre des affaires de FEtat ne pernnit point de foutenir cec Etabiifiement 5 &bient6r iesEfpa- gncls fe remirent erf poiTeiTion de ce pays , ou ils font encore. Depuis ce terns les Fran^gois paru- irent avoir oublie ces parages ; & ils ne penfoient point du tout a y tenter des decouvertes , lorfque les guerres qu ils avoient dans le Canada avec les Naturels , leur donnerent la connoif- fance du vaile pays qu ils poflcdent au- jourd'hui, Dans une de ces guerres , un Recollet non:ime le P. Hennepin , fut pris & emrnene chez les Illinois t comme il fcavoit un peu de Chirurgie , il fe rendit utile a ces peuples j, & en fut bien traice. Son calice Sc fa pate - ne qui briiioient a leurs yeux , Sc foil breviaire dans lequei ils le voyoient lire, contribuerent auili a le faire reft pedler , parce que routes ces chofes leur paroilToient etre des Efprits avec lefiuels ils'entretenoit. Jouiifant done d'une entiere liberte , ce Religieux parcourut le pays, 6c fuivit aifes long- de la Louifmne: f terns les bords du Fleuve S. Louis , Gu Mifficipi ; mais il ne put aller jaf- qu'a foil embouchure. Cependant il ne laiiTa pas de prendre poiTefTion de ce pays au nom de Louis XIV , & lui donna le nom de Louijiam, Lorfque la Providence lui eut facilite fon retour en Canada , il V fit le detail le plus avantageux de ce qu'il avoir vu ; 6c etant de retour en France , il en com- pofa une Relation qu'il dedia a M. Col- bert. Les connoiiTances qu'il avoir don- ries de la Louifiane ne tarderent pas a porter leur fruit. M. de la Salle , auiTi connu par Ton malheur que par fon courage , entreprir de traverfer jufqu'a la mer ces terres inconnues. II partir de Quebec en 161^ avec un gros Detachement; & etant entre chez les Illinois , il y conftruific le premier Fort que la France y ait eu. II lui don- Premiement fe fit fur la Riviere faTeS^.nefC; ^' ^lol^ill^ ^vec toute la facilite qu'on UJipfcilki pouvojt defirer j mais ces progres fa- de la Lcuifianf, ^ rent lents ; parce que ces premiers Ha- bitans n'avoient rien au-deilus des Na- tureis poar les neceiTites de la vie que leur propre induftrie , & quelques ou- tils grolliers pour donner aux bois les fa9ans les plus fimples. La guerre qu'avoit alcrs a foutenir Louis XIV , & les befoins urgens de I'Etat abforboient fans ceiTe Tatten- tion des Miniilres , & ne leur permet- toit point de penfer a la Louifiane, Ce que Ton crut alors pouvoir faire de mieux , fut de la donner en con- ceiTioii a quekque riche Partlculier , qui irouvant ion interet a mettre ce pays en valeur 5 feroit le bien de I'Erat , en travailiant au iien propre. La Louiua- ne fuc done ainfi cedee a M. Crozac. II eft a prefumer que fi M. d'Hiber- ville eut vecu plus longteais , la Co- lonie aurclt fait des progres confide - rabies ; mais cet illuilre Marin , dont I'autorite etoic grande , etant mort a ia Havanne , un longtems s'ecoula ne- ceifairement avant qa'un nouveau Gou- verneur arrivat de France. Celui qui ■ fut choifi pour remplir ce pofte, flit M. de la Motte Cadillac , qui debarqua dans ce pays au mois de Juin 1713. La Colonie n'avoit que fies mar- Ay 'lO Hijloire chandifes en petite quantite , & Far- gent etoit encore plus rare. On Ian- guiiloic plutoc qu'on ne vivoit dans un des plus exceiiens pays du monde , parce que Ton etoit dans i'impoiTibili- te de faire les travaux 6z les premieres avances que ies meilleures terres de- mandent. UneLetrre que Ton remit a M. de la Mctte ^ queique terns apres fon arrivee , paruc ouvrir une voye pour fortir d une fituation fi facheufe, Les Efpagnols ont long-tems re- garde la Louiliane comaie devant leur appartenir , parce qu'elie fait la plus grande partie de la Floride , qu ils> avoient decouverte les premiers, Les mouvernens que ie donnoient alors les Francois pour s'y etablir , reveiilerenr leur jaioufie ; lis con^^urent le deilein; de nous borner en s'etabliilant aux , Ailinais , Nation peu didante des. Kadlchiroches , ou quelques Frangois- avoienc deja penecre. Ibne trouvoient pas peu de difliculte a former cet Eta^ bliffemencj & ne fcachant comment: en- venir a bout , un Pere Ydalgo , Recollet^ s^avifa decrire aux Fran- <|ois pour les prier d^aider les Efpa- gnols a etablir une Miflion chez les Affinals* 11 £t trois copies defa Leura^ de la Louifiane. ^ 1 1 qu'U etivoya a rout hazard de trois co- tes difFerens vers nos habitations ^ ef- perant du moins que Tune des trois tomberoit entre les mains de quelques Francois. II ne fe trcnapa Doint dans fa con- jcdlure.Une de fes Lettres parviiu aux Frangois, & de poile en polte 6c de main en main fat remife a M. de la Motte. Ce General continuellemenc oceupe des befoins de la Colonie , & des moyens de la foulager , n'apper- Qut point dans cette Lettre I'intention des "Efpagnols. II n'y vit qu'une voye iure & courte de remedier aux maux pr^fens j en favorifant ies Ef- pagnols ,& faifant avec eux un Traite de Commerce qui procureroit a la Co- lonie ce qui lui manquoit , & dont les Efpagnols abondoienc ; c'efl ■ a - dire des chevaux , des befliaux & de I'ar- gent. II com.muniqua done cette Lee-- tre & fes intentions a M.de S. Denis , a qui il propofa de faire par terre le^ voyage du Mexique* M. de S. Denis, depuis qaatorze SBS qu il etoic dans la Louifiane , avoit fait de cotes & d'autrcs beaucoup de voyages. 11 fgavoit generalement tou- tes les Languesdesditferentes Nations^ A vi :r2^ ^ EifcGire qui rhabitetit , & s'etoit fait aimer & efiimer de ces peuplesj au point qa'ils Favoient reconnu pour leur grai^d Chef. Cc Gentilhomme , d'aiileurs plein de coui-age , de prudence & de force 3 etoit done le plus propre que. M. de la Motte put choifir pour exe- curer fon delTein. M.des/Denis Quclque peni'ole que fut rentrepri- part pen, ie f^ j,]^ j^ §; j^^^-g ^^^^ char^ea aVec *ue. plailir, c\: partit avec vingt-cinqhon- nies. Cette petite troupe auroit enco- re un peu figure , fi elfe fe fut confer- vee en fon entler 5 mais quelques-uns abandonnerent ?vL de S. Denis en che.- . min 5 &: plufieurs reflerent aux Nad- chitoches , chez qui ii paifa. li fur done reduir a parrir de ce lieu accomr pagne feulement de dix homnaes ^ avec lefquels il traverfa plus de cent cin- quante lieues de pays entieremenc dd- peuple 5 n'ayant ivomyq fur fa route aucune Nation jufqu'au Prefide ou Fortereffe de S. Jean Baptiile , fur la- Riviere dia Nord dans le. nouvea.u Mexique. Le Gouverneur de ce Prefide etoit D. DiegueRaimond, Oificier avance en age. II regut favorabiement M de S. Denis ^, qui lui dit que le motif ds: dk la. Louif.ane', x^- fon voyage eto.lt la Lettre du P. Ydal- go, & qa'il avoit ordre de paiTer a Mexico. Mais comme les Efpagnols ne iaiilent pas volontiers les Etrangers > voyager dans les terres de leur domi-- nation en Amerique , de peur que la vue de ces beaux pays ne donnent a ces Etrangers des idees dont les fuites pourroient etre contr'eux d'une gran- de confequence, D. Diegue ne voulut point permettre a M, de S. Denis de continuer fa route, fans avoir aupara- vant ie confentement du Vice-Roi. II . faliut done depecher un Courier a Mexico , 3c attendre fon retour. La lenteur de i'expedition , & celle du voyage iirent faire a M. de S. Denis un tres-iong fejour au Prelide de S* • Jean-Eapdfie , pendant lequel il ga- gna plus que les bonnes graces du Gou^ - verneur. D. Diegue avoit avec lui fa famille , qui confiftoit en un Ills , une lille veuve , la lille d'une autre de fes fillesqui etoit morte. Cette jeune per- fonne etoit deja d'age a etre mariee 5 & d^s au fortir de I'enfance elie avois dans Pefprit qu'elle n'epouferoit point d'Efpagnol , mais qu'eile etoit defli- nee a un Etranger. Get Etranger fe - fe troiiva etre M. de S, Denis, La: 14 Hiftoire tante Fayant pris en afFedlion ^-lui fir connoitre fa niece , & s^etant conve- nus de part & d'autre , on prit des mefares fi juiles pour en parier a D,. . Diegiie , qu'il y confentit avec plaifir. Ainii il fut arrete que M. de S. Denis au recour de Mexico eDOuferoit la De- moifelle. ■ Le Courier que les difpontions fal" foient attendre avec une double im- patience , arriva enhn avec la permii- fion du Due de Linarez , Vice Roi dn^ Mexique. Auffi-rot M, de S. Denis fe- mit en marche , & fe rendit a Mexico' le 5 Juin 171 5. Le Vice-Roi aimoit jiaturellcment la France , & fe propo- foit 5 lorfque ie terns de fon Gouver- nement feroit fini, de venir a Paris' paiTer le reile de fes jours. M, de S, Denis en fut done favorablement ac- cueilli , a quelques precautions pres ^* que le Due jugeoit a propos de pren- drCjpourne point eiTaroucher quelques ■ Officiers de Juilice qui Fenvironnoienr^ & dontle coeurconfervoit encore dans toute fa force Tancienne antipathie qui n'aque trop longtems regnee entre ies deux Nations. Les affaires ne trainerent point en longueur, Le Due de Linarez ayant ie la. Louificine. vf promis de faire un Traire de Commer- ce , lorfque les Efpagnols leroient aiix Affinals , M. de S. Denis fe chargea de les y etablir en retournant a la Loui=- ilane, Le Pere Ydalgo etoit alors a Mex> £o; ii vit M. de S. Denis, & fca- €hant ce qui etoin arreee avecieVi- ee-Roi & iai, il le pria den taire le fecret a fcnCompagV.on le P. Oliva- rez , efprit jaloux , inquiet &: dange- reux, dontil vouloit fe debaraiTer. M,^ de S. Denis le lui promit , iui tint parole , & ne penfa plus qu'a retourner au Prefidc ^^S, Jean-Baptiile. Le Po. Ydalgo de fon cote ne tarda pas asV. rendre^ tii^^i^™ r6 Hiftoire- VStM^ilL&ZSt^^S C H A P I T R E I f . Retour de M. de S, Denis: Ce Com- mandant etahlit les Efpa^nob aitx Ajjinah : M. de S» Denis part de ncuveau pour Mexico : Ses trai-erfes dans ce fecond Voyage, Son retour, LE retour de M. de S. Denis an Preiide de S. Jean-Baptifte fut bientot fuivi de fes noces , done les rejouilTances durerent quelques jours. Mo^del! Denii ^^ P^"^^^ enfuite a former la Caravane avec une Ef- qui dcvoit s'etabilr aux Alfinais , & F^snoie. ^M. de S. Denis lauTant fa femme chez fon ayeul , fe mit a la tete de cetre- troupe 5 & la conduifit heureufemens au lieu defline. Alors , en qualite de grand Chef , ayanr aiTemble ia Nation des Aliinais , il Texhorta a recevoir les Efpagnols , 6c a les bien traicer. La veneration que ces peupl-es avoient pour lui, les lit plier fous fes volontes , & la pro- meife qui! avoir faite au Due de Li- aarez fut ainfi fidelement accomplie, Les Aiiinais font a cinquante lieugs de It Loiiijzane. J J ies Natchitoches. Les Eipao:noIs fe trouvanr encore trop eloignesde noo.2y feibit (ervl de ce preiiuerhiabliiie- nient , pour en former an %ond cnez les AdaieSjNation qai eft adixUeues de notre pofte des Naachitoches-Par-la ils nous refifc-rrent da cote du CouchanE dans le voiiinage da Fleuve S. Louis : depuis il n'a pas tenu aeuxqu'ilsne nous ayent bornes du cote da Nord. Cefl ce que je rapporterai en^fon lieuv A cette Anecdote de leur HiRolre y j'aj outer?.! en deux mo':s celle de leur retabliflfement a Penlacola , iur la cote de la Floride , trois mois apres que M. d'Hiberville eur porte les pren^ers Habi;ans a la Louifiane , ce pays etant reUe inhabire par les Europeens deouis que la Garniion qu'y avoir bi'ie Bo^i- rdque de Gourgues , eut peri ou deier- te , faute d'avovr ete entretenue. Je reviens a M. de la Motte , & a M. de 8. Dcnn. Le premier tc-p\iT^ occupe du dellein d'avoir un Traite de Commerce avec les Eipagnols; 5c char- me du fucces qu'avoit eu le voyage au Mexique de M. de S. Denis, lui pro« • pofa d'y retoarner, ne doacant point que le Due de Linarez ne tint parole^, comme on la lui ayoit tenue, M. de S, 'I'B Eiflolre Denis, toujours pret a aller, & a qui fon mariage avec une Efpagnole de- voit donner de grandes prerogatives^ accepta la Commiiiion que iui donnoit fon General. Mais ilne falloic pas faire ce fecond voyage comme le prenaier ^ ii convenoit qu^il portat avec Iui des Enarchandifes , afin d'executer ce Trai- te , aufli-tot qu il feroit conclu , oc de s!indemniier de la depenfe qu'ii ailoit fiire. Quoique les magafins de M.. Crozat fulTent pleins , ii ne rut pas facile d'avoir des marchandifes. Les Conpimis n'en voulurent point donner a credit ; ils refuferent meme la cau- tion de M. de la Motte ; & on ne poa- volt les payer : car d'ou auroit-on tire de i'argent f Le pays n'en produit point. II falluc done que le Gouver- neur format une Connpagnie de ceuK qui etoient les plus folvables de la Co- icnie ; 6c ce ne fut au'a cette Com- pagnie , que les Commis le defOfmr- nerent a avancer ce qu'on leur deman- Defauts a-di- ^^QJi-^ Get expedient n'etoit point dti aires qui font ^ ■, ,t^ otn • •/• houer les gout de M. de C). Denis : li s en ou- ecnouer plus belles en- yrit a M. de la Motte . & Iui dit que dociiite , ra-ies Aliocies voudroient accompagner, vance,rindir=ou tous ou en partie , ce dont ils avoient repondu ;. & quau lieu (^uii de la Louijlane. i^ ctoic abfolument neceflaire que les efFets paruilenr n'appartenir qu'a lui feul , ils ne manqueroient jamais de faire connoitre quails en droient les propriecaires ; ce qui fuffiroit pour les faire coniiGper , le commerce n'ecant point ouvert entre les deux Nations. M. de la Motte fencit la folidire de ces raifons ; mais riaipolTibilite de faire autrement , le contrai^nic de palTer ou- tre ; & tout ce que^M. de S. Denis avoir prevu, ne tarda pas d'arriver. II partit dc la Mobille le- 13 Aouc 1716 , ercorte5commeiile craignoit > dequelques-uns de fes in tereiTes ;' 6c etanc arrive aux Allinais , ii y palfa riiyver. II fe mit en route le dix-neuf Mars de Tannee fuivante , & fe ren- dit au Prefide de S. Jean - Baptifle. M. de S. Denis annonca ces marchan- difes , comme etant a lui , afin d'ob- vier a la confifcation , dont autre- Bient il n'auroit pu les s-aranri: ; 2; 11 VOUiLic en faire quelques liberalites pour fe concilier I'amitie des E'.pa- gnols. Mais Tindocilite ,. I'avarice & I'lndifcretion desinteretfes rompit tou. tes fes mefures ; & pour n'en point voir la deroute entiere , il fe hata de partir pour Mexico. II arriva dans. 20 Hijloire cette vllle le 14- Mai 171 7. Le Djc de Linarez y etoit encore , mais ma- lade & au lit de la mort. M. de S. Denis eut cependant le terns de le voir, il en fut reconnu ; & ce Sei- gneur le fit reccmmsnder au Vice- Roi qui lui avoit fuccede. C*ecoit le Marquis de Balero , aulli contraire 3UX Francois que le Due leur etcit favorable. M. de S. Denis 5 ne foUicita pas longtems le Marquis de Balero pour conclure le Traite de Commerce ; il eut bien - tot a fonger a d'autres affaires. Le P. Olivarez fe trouvant alors a la Ccur du Vice-Roi , ne vit pas de bon oeil celui qui avoit eta- blirle P. Ydalgo aux A ill na is , & re- folut de fe venger fur lui du chagrin qu'il confervoit toujciirs , de n'avoir point ete de cette MiiTion. 11 s'unit avec un Officier nom.mie D. Martin iD'Alarcon, particulierement protege par le Marquis de Balcrc ; &: ils tra- vaillerent fi bien aupres de ce Sei- /.f.deS.Dems ^j^gj^-j, ^^g ^^„g \q ^^^18 GU'll sV e.it mis en pn- ^ -i.'. . t^ ;. i €^ t-^ -^ a Mexico, attendoit le moms, M. ce 5. De- nis fe vit arrete & mis au cachot. li n'en fortit que le 20 de Decembre de cgtte annee . par un ordre du Confeil. ion de la Lou'ifiane^ 2i fouverain de Mexico , auquel il avoir trouye moyen de faire prefenter plu- fieurs Requetes. Le Viceroi force de Pelargir , iui donna la viiie pour pri- fon. II ne s'agKTolt plus de Traite de Commerce. M. de S. Denis (ongea feu- lernenc a tirer partie de fes marchan- difes, done fon beau-pere D. Dieo'ue Raimond avoir fait paiTer ce qu'il avoit pii dans la Viile de Mexique , oii D. Martin d'Alarcon les avoir fair arre- ter , comma etanr de contrebande ; car il etoir un des EmilTaires de fon Protecreur , pour faire la chaffe aux Errangers , qui n'acheroienr pas che- remenr la permillion de vendre ce qu'ils avoienr apporte. M. de S. Denis ne pur rirer de fes efFets pilles (Sc avaries, que de quoi farisfaire a cerrains frais de Juflice, qui fonrenormes dans un Pays ou tour ed: or & argenr. Du rede il fubfifia au moyen de quelques retfour- ces, que la Providence iui fournir , & que i'on ne peur gueres comprendre , que lorfqu'on Iss a eprcuvees. Norre Prifonnier n'ayanr plus rien dans le Mexique qui I'inrereflar , que fa ^roprr perfonne , fongea ferieufement a la mertre en surete j car il avoir rou^ • S2 Hijioire jours de juftes fujets de craindre quel- ques mauvais traitemens de la part de ies trois ennemis declares Ayant done Fi fort furtive- rj^^^^ite Ics movens de fa fuite, il ibrtit '•inent de Mexi- j**- I c i^,_,o co^ de Mexico ie 2 5 Septembre 1 7 1 8 , iorfque la nuit approchoit, & s*erant mis en embufcade a une certaine dii- tance de la Ville, il attendit que fa bonne Fortune lui donnat le moycn de faire la route autrement qu'a pied. Vers Ics neuf heures du foir , un Ca- valier paiTa fort bien monte. Fondre fur lui a Fimprovifte , le demonter , fauter iur le cheval , tourner biide 8c & prendre le galop, ce fut Tcuvrage d'un nnoment pour M. de S. Denis, li courut jufq'o'au jour , (k s'ecarta alors du chemin pour fe repofer. Ce fur fa precaution continuelle jufqu'a ce qu'il fut pres du Prefidede S. Jean- Baptide , dont il n'approcha que la nuit 5 & uniquement pour parler a Qi femme, dans un endroit du jardin de D. Diegue ^ ou il fcavoit qu'eile avoir coutunne de prendre le frais ; de-la il continua fa route a pied , & enfin ar- riva le 2 Avril 17 ip a la Colonic Fran^oife , ou il trouva de grands chan- genaens. sonretoura p^^g Je trois ans s'etoient ecoules la Louihaae, dfe la Louijiane, 25 3epuis le depart de M. de S. Denis pour le Mexique, jufqu'a Ton retour. Pendant ce long efpace de tems la conceiTion de la Louifiane avoit paiie de M. Crozat a la Compagnie des Indes. M. de la Motte Cadillac etoic mort , & M, de Biainville , frere de Al. d'Hiberville , lui avoit fuccede dans ie Gcuvernement general; ]e Chef- iieude la Colonie n'eroitplus a la Mo- bille , il n'etoit plus meme au vieux Biloxi , ou ii avoit ete transfere. La nouvelle Orleans que Ton commencoit a batir , etolt devenue la ville Capi- tale de tout le pa^^s. M. de S. Denis alia done a la nou- velle Orleans trouver M. de Biain- ville , pour lui rendre compte de fon voyage. Le peu de fucces qu'il avoic cu, n'etoit pas propre a engager le nouveau Gouverneur a fuivre les idees de fon predeceiTeur : d'ailleurs il avoit les fienres propres & un plan de con-' duite tout diiterent , qu'il a conflam- ment fuivi pendant le tems qu'il a ete €n place. Ainfi M. de S. Denis n'eut qu'a fe retirer a fon habitation , ou quelques annees apres les Eipagnols lui envoyerenr fa femme , avec un equi- page de douze betes de Soname. Dans ^4 Hifloir ia fuite ie Roi lui donna la Croix de S. Louis, pour reconnoitre 6c recom- penfcr fes fervices. La Compagnie des Indes ayant fonde de gran^des efperances de com- irierce fur la Louifiane , fit pour peu- pler ce pa^^s des efforts capables de la faire bientot arriver a Ton bur. Elie y en voya dhs la premiere fcis en 171 8 , une Colonic de huit cens^ honumes 5 dont quelques - uns s'etabiirent a -la nouvelle Orleans , & les autres for- merent les habitations des Natchez, Ce fo avec cet embarquement que ^' ■ pafiai a la LouiHane. CHAPITRE Aeld Loul/tane; ^^^ CHAPITRE III, Emharquement de huh cens hommes ; que la Compagnie d'Occident envoye d la Louifiane ; ^rrivee &' fejour au Cap Frangois : Arrivee a Vljle Dauphine : Defiription de cette JJle : ■ Le Commandant General y regoit les ConceJJionnaires. IX 'Embarquiment fe fit a la Ro-^ -^ c^elle fur trois VaifTeaux , fg^voh r la Vi6loire , commandee par M. du RoufTel , la Duchejje de Noailles , par M.^ de la Salle , & la Flute la Marie, com- mandee par M. Japy , fur laquelle je m embarquai avec mes gens ; iMM.i de laHouflfaye & plufieurs autres Con- cefTionnaires etoientfur le meme Vaif- feaux. Les premiers jours de notre voya- ge nous eumes le vent contraire ; & quoique la mer ne fut pas fort grofle , plufieurs paifagers a qui ce terns falfoit peur , ayant oui dire que Ton voyoie JaRochelle, demanderent qu'on les 'iTiit a terre. Les Capitaines prevoyant lom.el. B V2(5 . Hifloire que la plipart y refteroient , n eurent garde de leur accorder leur demande , qui n^avoit d'autre caufe qu'une fray eur deplacee.puifquele terns netoit ca- pable d'epou venter que des gens qui p^ont jamais vu la mer. Les Capital- nes leur dirent qu il y avoit plus^de rifque a retourner au port que de reiter en pleine mer , & que d'ailleurs le vent changeroit dans peu. En efFet , le huitieme jour , il devint plus favora- ble , & ceux qui avoient voulu rega- gner le port, en auroient pour lors ete bien faches. Je ne vois rien d'ln- tereffant dans cette route julqu'anotre arrivee fous le tropique du Cancer ( I ), que Ton nomme le Solflice d'Eie. ^ . , Uufa^e eft, que quand un navire ed P^:r ''' par erne latitude , on fait h Bapthne, la coutume a pade en loi, delorte que perfonne n'en eft exemt, pas me- mele Capitaine ou fon Vaiifeau, s'lls n'y ont pas encore paffe ; les marelots ont etabli cet ufage pour avoir de quoi fedivertirau premier port. Cette ior- te de ceremonie a ere Tapoortce par- un trop grand nombre d'Aiiteurs , (0 CeH la borne cu le Soleil s'arrete ie. 2.0 Juin , d'ou enOiite ii retrograde. de la Louifianel sty pour en dire quelque chofe Ici ; en donnant la piece aux matelots on en eft quitte. Apr^s avoir paffe le Tropique du Cancer, le Commandant prit trop le Sud.Notre Capitaine qui etoit un Loup de mer (i) s*en apper^ut, &nous dit que nous prenions ie chemin des Eco- liers j en effet apr^s plufieurs jours de route , nous fumes obliges de nous re- lever vers le Nord & au large ; nous decouvrimes enfuite i'llle de S, Jean de Porto Rico , qui appartient aux Ef- pagnols. Quittant la vue de cette Ifle, nous apper^umes celle de 5". Domin- gue, 6c peu apres en continuant Ton vit la Grange, qui eft un rocher eleve au-delTus du Morne ou Ecore (2) , qui eft prefque a pic fur le bord de la mer ; ce rocher vu de loin , paroit avoir la figure d'une grange. Nous arrivames peu d'heures apres au Cap. Frangois^ qui n'eft diftant de ce ro- (i) On donne ce nom a ceuxqui ont ete fur mer aes leur enfance , & ont ccn:inue. (z) Morne ou Ecore eft une Montagne tres rapide & quelquefois a pic du cote de la raer ou des fleuves, & dont la pente eft plus douce du cote des terres ; ce qui paroit une montagne coupee, Bij 'llS- Bifloire clitr que de douze lieues. Nous fiirries deux mcis en mer avant Amvec :\u d'arrivcr au Cap-Francois, rant a cau- ^p-^ja.ncoi.. ^^ ^^^ vents contraires que nous eiimes ' en parranc , que par le rerardement que nous cauferent les calmes qui font fre- quens dans ces parages ; noire VaiiTeau d'ailleurs etant fort 6c peiant , nous avions peine a fuivre les autres , qui , pour ne pas nous quitter , ne por- toient que leurs quatre voiles nnajeurs , randis que nous en avions dix-fept a dix-huit. yents alires. C'eftdans ces parages que I'on trou- ve les vents alifes ; ces vents font ainfi nomnnes parce quails font doux 3 mais quoiqu'ils foient foibles , on feroit beaucoup de chemin , s'iis fouiSoient toujours , parce qu'ils vont de TEft a rCiiefl: fans varier; on n'y voit jamais d'orages^mais les calmes ou bonaces re- tardent fouvent de beaucoup 3 il faut alors attendrequelques jours, & qu'un Grain ramene ie vent (i)» L'on n'y, (i) Onnomme Grain ^ entermecemerj line petite tache dans Fair qui s'ctend fort *vite, & forme un nuage , lequel donne un vent qui d'abord eft roide , nrais dont la ra- -pid;tc' ne dure pas, quoiqu^ii y en ait aifez pour faire loute. de la Louifiane* 7 9 voit d'ailleurs rien de curieux , fi ce n.'eft la chafie que les Bonnes font aux Poijjons volans. LaBoniteeftun poif- fon dont la longueur va quelquefois jufqu'a deux pieds ; il eft fort friand du poilTon volant ; c'eft pour cela qu it fe tient toujours ou il y a de ces der- niers. La Bonite a la chair tres-deli-- eate & d'un bon gout ; pour ce qui eft du poidbn volants je me crois obli- ge d'en faire la defcription pour de- tromper les incredules , tels que ceux que j'ai trouve a Paris & en Province. Le PoiiTon volant eft de la longueur Po d'un Harang 3 mais plus rond. It lore de fes cotes en place de nageoires , deux aiies qui ont chacune environ quatre pouces de long fur deux de lar- ge a rextremite ; eiies fe ploient & s'ouvrent cornme un eventail-, 8c fonr rondes par le bout ; elles font compo- fees d'une membrane fort mince percee d'une infinite de petits trous , qui con- fervent i'eau quand le poiffon en fort ; pour fuire la Bonite qui le pourfuit^ il s'elance en I'air , etend les ailes , va droit devant lui fans pouvoir dinger fa route a droite ou a gauche , ce qui fait qu'aufri-tot que les toilettes d'eau gul rempliiT^nt les petits trous de fes B ii] 5 o HiJIoire ailes font feches , il retombe ; il ar- rive de-la que la meme Bonite qui lyi donnoic la chalTe dans I'eau , le pour- fuivant encore de la vue dans I'air , le regoit en rombanc dans Teau ; il arrive meme , & j'en fuis temoin oculaire , qu'il en tombe fur les vailleaux. Une nuit que je ne pouvois dormir , je fus joindre notre Capitaine qui fe prume- noit fur le pont ; une demie heure apres 5 le Capitaine fentit un coup fee dans le dos ; il fe tourna en colere , 6 demanda qui lui avoir jette quel- que chofe ; je cherchois cependanc au clair de la lune ce qu'on pouvoit lui avoir jette : un moment apr^s ayant trouve un PoiiTon volant , je me mis a rire , il fe tourna de mon cote , & fe mit de meme a rire des qu'il I'eut appergu. II le mit fur le champ dans un bocal d'eau-de-vie pour le montrer en France , a ceux qui ne croyent pas jLaBojilte, les voyageurs fur cet article. La Bo- nite , a fon tour , devient la proye des Matelots. lis font de petites poupees , qui imitentle poiifon volant. La Bo- nite trompee par cet appas , voulant avaler la poupee qu'elle prend pour un poiflbn 5 fe trouve prife elle-meme. Nous reilaines quinze jours au Cap de la Louiflane. 5 1 Francois ^ tant pour y faire du bois & de Teau , que pour nous rafralchir ; terme marin fort impropre en ce lieu^ puifqu'a ia lettre , il n^eft pas poiTible de fe rafraichir dans une fournaife ; en efFet c'etoic le terns ou ce pays eft brulast & ne peut procurer aucun ra- fraichilTemeRt , puifque dans cette fai- fon le foleil du midi darde diredlement fur la tete. La plupart de nos paiTa- .gers furent fi charn^es de voir ia terre !& d'y refter , que malgre les bons con- feils qu'on ne cellbit de leur donner, lis s'obftinerent ay vouloirdemeurer; je ne pus meme , par bienfeance , me difpenfer d'y aller a leur foliicitation, & je fus diner avec eux. Je les trou- vai dans une falle baflfe qui n'en eroic gueres plus fraicbe , quoiqu elle fut Repas au Cap inondee dans cette intention; ils n'a- ^^^"5°^^- voient pour tout habillement que leur cbemife & un petit bonnet de toile. On nous fervit une mauvai^e foupe,' fans herbage ni aucun autre legume ; le bouilU ecoit neanmoins tres-abon- dant en boeuf accompagne d'une vo- laille , mais le tout fi dur & Ci cor- rialTe , qu'une grande faim ecoit feule capable d'en faire manger. L'on nous fervit enfuite des poulets etiques , un B iv f^ 2 Hifloire ragout de cochons-marons ] qui etolt ie mets le moins mauvais du re pas ? des r&miers aiTez charnus. mais durs '& maigres ; enfin une pinradequi etoit palTcible & d'ailez bon gout , parce <|u'elle eft natureileaupays ou elle efl: ncurrie de bon grain. L'abondance de ce repas ne nn'ayant nullement fatif- fait , jc me vengeai iur le delTerc que je trouvai fort bon , n'etant compo- fe que de fruits & de confitures du pays , au lieu que la viande n'y vaut rien, Ce pays erant brulant, Therbe y eft trcs rare , & tous les animaux y languifilnt ; nous biimes du vin de Bordeaux qui fe trouva d'une afiez bonne qualite, reals de beaucoup trop- chaud pour etre bu avec quelque plai- fir ; ce que je ne dois pas omettre , c'eft que malgre la delicatell'e ^ la fomptuofite ce ce rcpas , il ne nous en coLita que quatrc francs par tetev Quelques Lettres que j'avois re- mifes a des habitans , me procurerent des connoiflances , ou je mangeal fou- vent , & ou je faifois , fans contredit, jneiileure chere que je ne ns a Tauber^ ge ; on fervoit touiours de beaux & bons poiflons , & les viandes etoient a ia d.aube ^ je revenQis cependant tons. de Id Louijiaite. 3^" les foirs fouper &: coucher a bord de no- tre VaiiTeau , non-feulemenr parce que ies vivres y etoient meilleurs qu'a ter- re , mais encore parce que je craignois de gagner la maladie du pays , vu que fix lemaines avant norre arrivee , il etoit mort quinze cens perfonnes d'une maladie epidemique, que Ton nomme ^^^^.^^^^^^'^ ^^^^^^ le Mai de Slam. Tout cela me donna Dlmingae , occaiion de reflechir fur la conduire de JJ^\^i^'!-f ^"^ ceux qui vont chercher fortune en ce pays-la , ( aux liles ) tandis que nous avons d'autres belles Colonies ; j'en concius que courir de fi grands rifques pour acheter de grands biens , fuflent- ils immenies , c'eeoit toujours les payee trop cher. Le Gap Fran9ois ef! (itue au Nord' de Vl^t de S. Domingue , dont nous pofledons la partie feptentrionale ; les Efpagnols font en poliellion de I'autre- partie. Geci n'etant point de mon' fujet , & la defcription de cette lile- ayant ete donnee plus d'une fois an pxiblic , je me borne a ce que je viens d^en rapporter. Nous partimes du Cap Francois avec ~ le meme vent & le plus beau terns da- monde ; nous palTames de-la entre I'Ifle de la Toriue ^ celie de S. Domingue ,. • Bv 3 4 Hijloire ou nous vimes le Port de Paix , qui eft vis-a-vis la Torcue j nous nous trouvames enfuite entre les extremites de riile de S. Domingue & de celle da Cuba , qui appartieni aux Efpagnols ; . nous fuivimes la cote meridionale de cette derniere^ laiilant a notre gauche rifle de la Jamaique &: celies du grand dc petit Kayeman , qui font fous la domination des Anglcis. Nous quit- tames enfin I'llle de Cuba au Cap S. Antoine , faifant route pour la Loui- fiane en fuivant le Nord- Quell: : nous vimes terre en y arrivant ^ mais fi plat- te , que quoique nous n'en fufnons eloi- gnes que d'une lieue , nous ne pumes la didinguer qu^avec beaucoup de pei- ne; nous n'avions cependant que qua- Arnvcearine trc brafles d'eau. On mit le canot a la Dauphine. jj^qy pour reconnoitre cette terre qui fe trouva etre Tlile de la CliandeUur : nous fimes voile fur le ,champ pour I'lfle MaJJacre , que Ton a depuis nom- inee Fllle Dauphine (i) : nous la de- couvrimes peu de terns apres ; nous y jettames I'ancre devant le Fort,en Rade (i) EUeeftfiLuee a troislieues numidi du Continent, qui ferme le Golfe Je Mexique au Nord, a 27 degrcs environ 35 minutes de latitude Nord 5 & a iSSdc'gres de longitude. «' de la Louijlane, ^^ Foraine , parce que le Port s'ctolt bou- che. Nous mimes trois mois a faire cette route , & nous n'arrivames que le :2 5 Aoui. Auifi-tot que Ton eiic jette Tancre & fait la manoeuvre neceiTaire en pa- reilie occafion , on chanta le Te Dmm , en adion de graces de notre heureux voyage , & d'sutant plus heureux • que peribnne n'etoit more , ni memc n'avok ere dangereufement malade. L'on nous m.it a terre avec tous nos Debar^--^ efFets. La Compagnie s'etoit engagee ^^^^^ de nous tranfporter avec nos gens 5c nos eifers a fes frais, de nous ioger , nourrir 6c tranfporter egalement juf- ques fur le lieu de nos Concellions* Je fus loge de meme que mes engages chez M. de la Pointe , ancien Capi- taine de VailTeau du Canada , Sc alors habitant ded^Ille Dauphine. Nous y etions aulTi nourris , mais ii n'en couta gueres a la Compagnii pour ce qui me regardoit ^ man bote qui avoit de bons pecheurs , me fit faire une chere exceliente en poiiions delicieux de la cote dont le Golte eH reriipli, tels que la Sarde , le Poiilon rouge , la Morue, TEilargeon, la Raie bouGlee5& quan- liiQ d'autres Poiilbns de toate eipece B vj "^S Hifloire ^e^c"f^'on ^e & des i-iieiileurs. La Sarde efl un granS Pciifon^ouge" PoiiToH dont la chair eft fine , 6c d^u.n> deiaMorue & tres-boii gout , I'ecaiUe moyennement fl^tl'ouven't fur grande eft grife : le PoiHon^rouge eft les cotes de la ^infj ficmme a caufe de fon ecailie qui oui-iane, ^^ rougc & large Gomme un ecu de fix livres fur les gros ; laMoruequc: Ton peche fur cette cote, eil de la. Bioyenne efpece Sc tr^s-delicate ; b E.aie eil la memequ'en France. A vant. de partirde cette He, il ne fera peut-- ^ etre point hors de propos d'en dire quelque cbofe. Fcurqnoi Pifle L'lile Mafiacre fat- nommee ainli; SS^rlTappS-pai-les premiers Francois qui y abor- ice iiie >,iaffa- clercnt , parcc qu au bord de cette lile on trouva one but re qui parut extraor- ' ^ dinaire dans une Tile toute platce , qui. paroidoit n'avoir ete formee que par les. fables que quelquegros coup de vent V' avoir jettcs, vu que toute la cote efl- tres platte , & que le long de cette cots ily aune chaine de pareiiles Ifles qui femblent fetenir par leurs poinres ies unes aux autx-es, & faire une^iigne: parallele avec la cote du Continent... Gette butte, dis-je, ayant paru ex- traordinaire, on i'examina de pres; ©n apper^ut en differens endroits des. Oi de morts fartir du peu d.e terre q^ui de la LouiJjanK 5^ ]^scouvro:t3 alors la curiofite enga- gea a gratter cette terre en plufieurs endroks; mais ne trouvant deifous qu'un tas d'oiTemens , ons'ecriaayec efFrci : ah Dieit , quel majjacre I L'*on a apprls des Naturels qui n'en font pas loin, qu'une Nacion voifme de eette lile , etant en Guerre avec une autre bien plus puiflante qu'elle , fat eontrainte de quitter la cote , qai n'efi:' qy?a trois lieues , Sc de pafler dans cette Ifie, pour y prolon^er fes jours ; que leurs ennemis fe confiant avec rai- fon en leurs forces , les pourfuivirent jufques dans leur foible retraire , .Sc^les-; dctruifirent entierement , dc fe retire-- rent apres avoir eleve ce Tropbee in-- humain a leur Barbarie vktorieufe, J'ai vuce funefte monument, qui mV fait juger que cette malheureuie Na- tion devolt etre encore allez no mbreu- fe vers fa fin, puifquil n'y devoit y avoir que ies os des Guerriers & des- Vieillards^ leurcoutume etant de fai- re Efclaves Ies jeunes femmes , ies lil- ies & Ies enfans. Telle eft i'origine du premier nom de cette Iil« , O'je Forr' changea anotre arrivee en celui d*Iile Dauphine ; il etoit , ce femble, de la' prudence^ d^ne lui pas killer an nomfi 5 ^ Kifloire odieux ^ pulfqu'elle eft le berceau Je la Colonie , comme la Mobille en eft la naiffance. mc&'upH^\ Cette Ifle eft tr^s-platte & route 4je, de lable blanc , comme routes ies au- tres, ainfi que la cote; fa longueur eft d'environ fept lieues de I'Eft a rOueft , & fa largeur d'une petite lieue du Nord au Sud , fur-tout vers le Le- vant , ou s'etoit forme retablilTement a caufe du Port qui fe trouvoit au Midi vers ce bout de I'Ifle , mais qui fut bouche par un coup de Mer peu avant notre arrivee ; le bout de i'Eft va en pointe ; elle eft aifez bien boifee de Pins ; mais elle eft fi aride & fi bru- iante a caufe de fon fable chriftailin , • qu'aucun legume n'ypeut croitre, & que ies beftiaux ont peine a y rrou- ver de quoi vivre Ce fejour ennuvant me donna , des mon arrivee , un ardent defir de le quitter promptement. Je me diffipai de mon mieux a h viniQ pendant trois jours que nous y fumes a attendre M. de Biainviile , Comman- dant General pour la Compagnie dans cette Colonie. Ce Commandant etoit alle marquer Tendroit ou Ton devoit batir ia Ca- pitale fur un des bords du Fieuve S. de la Louifiane, 3$ Louis ] ou elle eft a prefent , &: a ete nommee la Nouvelle Orleans , en Thon- neur de Monfeigneur le Due d'Orleans, pour lors Regent du Royaume. Le Commandant General arriva en- fin , & recut tous les ConcelTionnai- res ; le lendem^ain je fas le voir , & lui prefenrai la Lettre de la Compagnie, & en meme tems TAdle paile avec elle, qui conflatoient mon credit. II me dit qu'il etoit bien aife que j'eulTe cboifi ma Couceflion pres de la Capi- tale 5 parce qu'une bonne mdtairie pres d'une Ville , eft fouvent d'un meilleur rapport qu'une Terre Sei- gneurlale dans lesbois, plus propres a la Chafle qu'au Commerce. Je le priai de me faire partir le plutot qu'il pour- roit ; il rr,Q promit que je partirois par la premiere voiture qui feroit prcte. Trois ou quatre jours apres il me demanda fi je n'avois pas une Bouflole a cadran ; qu'il feroit bien aife den faire acquilition pour le fervice de la Compagnie ; je lui dis que j'en avois , &:que je m'en priverois volontiers pour le fervice de la Com.pagnie • nous con- vinmes d'un prix honrete , & je la lui cedai. Cette Bouifole etoit pour le depart de M. du Tilfenet, Capital- ^tP flijlolre ncj qui entreprenoit d'aller par terre depuis ceaelile juiqu'en Canada. Eii' eitec , peu de jours apres que j'eus c^de ma BouiTole , il partit de cette- lile avec quatorze Canadians ; il Te- fit mettre fur ia terre du Continent ^ ( comme il me I'avoit dit ) & a i'Eii- de Femboucbure de la Riviere de Mo- bilie ; puis prenant la route au Nord- Eft , alia puller chez les Aiibamons ; de-la gagna le haut des Rivieres , en- fuite le Fieuve S. Laurent qui le con-- duifit a Quebec, ii comptoit n'avoir- pas plus de cinq cens lieues a faire pour fe rendre a cette Capitale du^ Canada , Q*ou il revint Tannee fuivan- te par les Rivieres avec fa famiiie ; iL fur depuis m.on Commandant aux N^t*^ chez. de la Loidfmne^ ^^'t CHAPITRE IV. Depart de i^Auteur pour fa ConceJJion .• Lkfcription des endroits par lefquels il paJjL' Jiifques a la Nouvelle Or-', leans : Lettres-P atemes doiinces par le Rai , en forme a' Edit , en faveur de I EtabliJJement d^une Colonie a let ' Louifiane, LE terns de mon aepart taht deiire arriva enfin ; M. de Biainville m'en avertit quatre iours auparavant^ je le remerciai & m'y preparai avec au moins autanr de joye que de diligen- ce. Je partis avec mes Engages , mes effets & une Lettre par M. Paillou,, Major Gx^neral a laNouvelle Orleans, & qui y commandoit en I'abfence de M. de Biainville. Nous cotoyamesle Continent , & funics coucher a i'em- bouchure de la Riviere des Pafca- Ogoulas ; cette Riviere eft ainli nom- mee > parce que pres de fan ennbouchu- re& arEftd'uneBaye de naeme nom , iiabite une Nation que Fon nomnne Pafca-Ogoulas , qui fignitie Nation du Faia I fur quoi on peuc ren^rq^u^r qm 4^ fJi'^oire dans la Province de la Louifiane, le nom de plufieurs Peupks fe termine par ce mot Ogoula , qui ngniiie Na- tion , & que la plupart des Rivieres tirent leurs noms de la Nation qui ha- bite fur fes bords. Nous pafTames de- la devant le Biloxi, ou eioit autrefois une petite Nation de ce nom ; enfuite devant la Baye de S. Louis , laiiTant a notre gauche fuccefTivement llile Dau- phlne , I'Jlle a Corne , i'lHe aux Vaif- leaux & FJOe aux Chats. T^i fait la defcription de I'lfle Daa- Defcriptiondephine avant d'en parcir ; venons aux iliie4Corne.^j.^-3 f^i^antes. Mfle a Corne eft tres-platte & paffablement boifee , lon- gue d'environ fix lieues ; ^troite en pointe du cote de I'Oueft : je ne fgais fi pour cette raifon , ou a caufe de la quantite de betes a cornes qui y etoient , elle fut nommee ainfi j mais ce qui eft sur , c'eft que les premiers Canadiens qui s'etoient etablis a Plfle Dauphine ^ y avoient mis la plupart leurs beftiaux & ^n grande quantite; au moyen de quoi i\s fe font enrichis en dormant. Ces beftiaux n ayant point befoin dans cette Ifle d'etre gardes ni d'aucun autre foin , fe font multiplies de fa^on que les Maitres en ont re-; de la Louijiam, 4? tire de grolTes fommes a notre arri- vee dans la Colonie. 11 y auroit grand plaifir , d'avoir en France des Pares bien fournis de pareil gibier. En fuivant toujours I'Oueft , on trouve I'Ifle aux VaiiTeaux , ainfi nom. {?f.[f ^p;J°y"J| mee , parce qu'il y a un petit Port feaux. dans lequel it font mis a couvert en difFerens terns plufieurs VaiiTeaux; naais comme elle eft eioignee de quatre iieues de la Cote , 6l que celle~ci eft fiplatte, que les Chaloupes n'en peu- vent approcher plus pr^s que d'une de* mie lieue , ce Port devient tout a-fait inutile. Cette Ifle peut avoir cinq Iieues de long, & une grande lieue a la pointe de rOueft. Aupres de cette pointe eft ce Port, au Nord, qui regarde la terre ; du cote de lEft , cette Me peut avoir une demie lieue ; elle eft aflfez boifee , & n'eft habitee que par des rats qui y fourmillent. A deux Iieues de dlftance , en allant Defcriptionae toujours vers 1 Oueft , on rencontre ^^^^^^-^^^^^^ rifle aux Chats , ainfi nommee , parce que dans le terns qu'on la decouvrit , on y en trouva un gr?nd nombre; cette lile eft cres-petite , & n'a pas plus de demie lieue de diametre ; le bois y f ft i9y^lli en bas ^ ce qui determine 4$ Tiiftoire fans doute , M. de Biainvllle a j met- tre quelques pores avee lears femelles 5 lis fe multiplierent a telle quantice , qu'en I 722 , qu'on y fuc a la chafTe y on ne voyoir autre chofe , jufques-la qu'on jugea quil falloit qu'ils fe man- : gealTent les uns les autres ; on trouva aulTi q'l'ils avoient detruit les Chats. Toutes ces Ifles font tres - plattes ^ & ont le meme fond de fable blanc y leurs bo'is, fur- tout des trois premie- res , font des Pins ; elles font , a peu de chofe pres , a meme diftance du Continent? dont la Cote eft femblable. Apres avoir paife la Baye de S, Louis 5 dons j'ai parle , on entre dans les Chenaux quiconduifent au Lac de Pontchartrain^queron nomme a pre- fent le Lac de S, Louis ; de ces deux Chenaux, Fun eft le grand Chenal 5c Pautre le petit ; ils ont environ trois iieues de long , & font formes par une ehaine d'lftots entre la terre ferme &: Vl^c aux Coquiiles. Le grand Chenal eft au Midi. De I'ifle aux ^ous coucha-mes au bout des Che- eSo^uiiies* naux dans I'lfle aux Coquiiles : ion nom lui vient de ce qu'elle eft pref- que entierement formee de Coquiiles,, ^ue Ton. nomme dans les Ports de. Mer de la LoiiifiAm, ^^ 3-es Coquilles de Palourdcs , fans au- cun melange d'aucun autre Coquiilage ; ces Coquilles font de la mem-e ef- pece que celles que portent les jeu- nes gens de Paris au pelerinage de S. Michel. Cette Ifle ferme le Lac de S. Louis du cote de I'Efl , & lailfe deux iiTues a ce Lac a fes deux e\'tre- mi|es ; Tune par laquelle nous entra- mes , qui font les Chenaux , dont je viens de parler , & Tautre par le Lac Lac Bof^nei Borgne, Ce Lac communique encore par i'autre bout vers I'Ouefl 6c par un canal, au Lac de Maurepas ; il peuc avoir dix lieues de long , de lEd a rCuefl: , & fept lieues de large au Nord ; plufieurs Rivieres s'y jettent en cour^ant vers le Sud. Au Midi de ce Lac eft un grand Bayouc (i), que ion nomme le Bayouc S, Jean ; il vient d'aupres de la Nouvelle Orleans , 6c tombe dans ce Lac a la pointe aux Kerbes , qui avance beaucoup dans ce Lac 5 qui eft a deux lieues de Fine aux Coquilles. Nous pailames pres de cette . pointe, qui n'eft qu'un marais trem- blant : de-la on va au Bayouc Tchoupic (i) Bayouc eft un grand ruifTeau d'eair •nvorte , ou on ne voit que tres-peu^ OU sneme prefgue point de CQurant, j^6 Hipire (i), a trois lieues de la pclnte aux Herbes : toutes oes petites Rivieres qui fe dechargent dans ce Lac , ren- dent ces eaux prefque douces , quoi- qu'il communique a la Mer ; ce qui fait que Ton trouve dans ce Lac quan* tite de Poiflbns de Mer, & , a ce que Ton die , des Carpes qui pafiferoient en France pour roonftrueufes. Nous entrames dans ce Bayouc Tcboupic , a Tentree duquel il y a a prefent un Fort. On remonte ce Bayouc Tefpace d'une lieue , & Ton debarque ou ecoit autrefois le Village desNaturelsnomnnes Cola Pijfas, nom corrompu par les Francois ; le vrai nom de cette Nation eft Aquelon Pif fas, c'eft a dire la Nation des Horn- mes qui entendent & qui voyent. De cet endroit il n'y a plus qu'une lieue jufqu'a la Nouvelle Orleans , & au Fleuve S. Louis , fur lequel cette Ca- pitale eft conftruite. Plufieurs perfonnes qui pourroient avoir envie de pafTer dans cette Co- ionie 5 feroient fans doute bien aifes de (r) On nomme alnfi ce Bayouc, parce que Ton y peche le PoilTon Tchoupic^^ dont je donnerai la Defcription en fon lieu. de la Louifiane, ^y lireles Lettres Patentes en forme d'E- dit : que le Roi donna en confequence de ce nouvel Etabli{ren[ient j c'eft pour- quoi je crois les obliger de les inferer ici , puifqu'il eft difficile d'en trouver, fur- tout lorfque Je terns de la date s*e- loigne du notre. LETTRES PATENTES EN FORME D'EDIT, Ponam EtabliJJement d'une Compagnie de Commerce fous le nom de Com- pagnie d Occident; Donnees a Paris au mois d'Aout 17 17. » T O U I S par la grace de Dieu » i-/ Roi de France &: de Navarre : ^ A tous prefens & a venir , Salut. » Nous avons depuis notre avenement » Ua Couronne travaille urilement a ^ retablir le bon ordre dansnos Finan- " ces , &: a reformer les abus que les ^ longues Guerresavoient donneocca- ^ fiondyintroduire; &: Nous n'avons »5 pas eu moms d'attention au recablif- >j fement du commerce de nos Su- » jers , qui contribue autant a leur Z bonlieur que la bonne adnniniP.ra- 3> tion 'de nos Finances ; mais paf ?) la connoidance que Nous avons >5 prife de Tetat de nos Colonnnies fi- ,, tuees dans la partie Septentrionale D3 deTAmerique , nous avons recon- 33 nu qu'elies avoient d'autanr plusbe- ^y foin denotreprotedion que le (leur oD Antoine Crozat . auquel le feu Pvoi r> notre tres-honore Seigneur & Biza- syeuU ^voit accords par fes Lettres- x'patentes du mois de Septembre de 00 i'annee 1 7 i i. ie privilege du Com- x> merce exclufif dsns notre Gouver- « nement de la Louifianne, Nous a >) ties-humblenient fait fupplier de y> trouverbon qu'il Nous le remit , ce y^ que Nous lui avons accorde par ^r Arret de notre Confeil du vmgt >5 troineme jour du prefent mois ; & >> que leTraite faitavec lesfieurs Au- y> bert , Neret & Gayot le di>den^^e 35 jourdu moisde Maide I'annee 17OO. m pour la traite du Caflor de Canada >5 doit expirer a la fin de^la prefente OB annee. Nous avons ju;;e qu'il etoit 3) nece^^aire pour le bien de notre fer- •jo vice 6c Tavanra^e de ces deux Co- :» lonies, d'ttahlir une Compagnie en 30 etatd'cnioutenirle Commerce , & ?;> de d2 la Loidjiane, ^« » de faire travailier aux- diiferentes » cultures & plantations qui s'y peu- >3 vent faire. A CES causes & autres » a ce Nous mouvansjde I'avis de notre >;> tres cher & tres-anr.e Oncle le Due » d'Orlearis , Petit-fils de France, Re- » gent J de notre tres-cher & tres ame » Coufin le Due de Bourbon, de notre » tres>cher& ame Coufin ie Prince de » Conty , Princes de notre Ssng, de » notre tres-cher &c trtsamc Oncle le *> Due du Maine . de notre tres-cher & » trts-ame Oncle ie Comte de Tou- » loufe, Princes, legitimes, 6c autres » Pairs de France , Grands &l Notables J9 Perlbnnages de notre Royaume ; 6c » de notre certaine Science , pleine w Puiifance &AutoriteP\oyalej Nous 3> avons dit , flatue Sc ordoime , di- » fons , flatuons 6c ordonnons ^ voii- w ions &nouspiait. Article premier. ^y Qu'il foit forme en vertu des » Prefentes une Compagnie de CcnoLT, » merce fous le nom de Cc;'-i[agnie » d'Occident , dans laquelle il fera per- a^mfe a tous nos Sujets de quelque »> rang & mees ou a* former, & aax Corps &: s) Communautez , de prendre interet 33 pour telle fomme qu'ils jugeront a :» propos , fans que pour raifon dudit 23 engagement ils puilfent etre reputez 3) avoir deroge aleurs titres , qualitez » 6c noblefle ; notre intention etanc » qu'ils jouiiTent du benefice porte j> aux Edits des m.ois de Mai & Aout » de l^annee 1664. Aout i66(p, &: i> Decembre de I'annee 1701. que 55 Nous vouions etreexecutez fuivanc 53 leur form.e & tencur. » II. Accordons a ladite Compa- » gnie d'Occident le droit de fairefeu- M le pendant i'efpace de vingt-cinq 30 annees , a commencer du jour de Ten- » regidrement des Prefentes ,leCom- P merce dans notre Province 8c Gou- n vernement de la Louifiane , & le » privilege de recevoir a Fexclufion w de tous autres dans notre Colonic 33 df Canada , a commencer du pre- » mier du mois de Janvier de I'annee *d; 171?. jufques & compris le dernier >) DecciTibre de I'annee 1742. tous >> les Caftors gT3S & Tecs que les habi- y, tans de ladite Colonie auront trai- » te : Nous refervant de rcgler fur les ^ Me'oioires qui Nousfsront enyoyez de la Louipane, y t h dudit pays , ies quantitez des diffe- j> rentes efpeces de Caflors que la » Compagnie fera tenue de recevoir 3» chaque annee defdits Habitans de 35 Canada ^ & Ies prix aufquels elie fe- 35 ra tenue de Ies leur payer. » III. Faifons defenies a tous nos 30 autres Sujers de faire aucun Com- » merce dans I'etendue du Gouverne- n ment de la Louifianne pendant le » temps du privilege de la Compagnie 33 d' Occident , a peine de confifcation 33 des marchandifes & des Vailfeaux : » N'entendons cependant par ces de- « fenfesinterdire auxHabitans leCom- 35 merce qu'ils peuvent faire dans ladite 33 Colonie , foit entr'eux, foit avec 30 Ies Sauvages. 33 1 V. Defendons pareillement a » tous nos Sujets d'acheter aucun Caf- 3> tor dans I'erendue du Gouverne- >3 ment de Canada , pour le tranfpor- » ter dans notre Royaume , a peine » de confifcation dudic Caftor aupro- » fit de la Compagnie, meme des Vait a> feaux fiir lefquels il fe trouvera em- » barque. Le Commerce du Caftor 33 reftera neanmoins Ubre dans I'inte- » rieur de la Colonie , entre Ies Ne- » |;ocians 6c Ies Habitans qui pourront C ij 5*2 TJiJloire 33 continuer a vendre Sc aclieter efi' » Caftor 5 comme ils ont toujours 3B fait. » V. Pour donner moyen a ladite y> Compagnie d'Occident de faire des » etabliffemens folides , & la mettre en J) etat d'execater routes les entreprifes » qu'elle pourra former , Nous lui w avons donne, odlroye , & concede ; 5> donnons jodlroyons, & concedons s> par ces Prefentesa perpetuite routes ^ les Terres , Cotes, Ports, Havres, »5 & llles qui compofent noire Provin- 35 ce dela Louifianne ^ ainfi , & dans la y> merne etendueque Nous Tavions ac- 30 corde au (leur Crozat , par nos Let- 3> tres Paientes du quatorzieme jour 3> du mois de Seprembre mil fept cens » douze , pour en jouir en route pro- »priete, Seigneurie & Jullice ; ne » Nous refervanr autres droits ni de- a? voirs que la feule foy & hommage- 59 lige , que ladite Compagnie fera te- » nue de Nous rendre, &a nos fuc- » celTeurs Rois, achaque mutation de - 3> Roi 5 avec une Couronne d'or du 53 poidsdetrente marcs. » VI. Pourra ladite Compagnie » dans les Pays de fa conceflion , rrai^ » ter 6c faire alliance en notre nom avec de U Louifiane. S1> yy routes les Nations du pays , autres 3>que celles dependantes des autres 7> PuiiTances de I'Europe , &convenir » avec elles des conditions qu'elles ju- » gera a propos pour s'y etabHr , & 55 faire fon Commerce de gre a gre ; 00 & en cas d'infulte , elle poura leur 3. declarer la guerre, les attaquer oa » fe defendre par la voie des armes , >3 & traiter de paix & de treve avec » elles. J) VII. La proprietd des mines & » minieres que ladite Compagnie fera » ouvrir pendant le terns de fon privi- r> leo-e , lui appartiendra incommuta- » blement , fans etre tenue de Nous^ X payer pendant ledit terns , pour rai- 3> Ion defdites mines & minieres au- » cuns droits de Souverainete , def- >3 quels Nous lui avons fait ^ faifont » donparces Prefentes. >>ViII. Pourra ladite Compagnk » vendre & aliener les terres de fa con- » ceiTion a tels cens & rentes qu elle jo- >3 gera a propos, meme lesaccorder en ^ franc Aleu, fans Juftice, ni Seigneu- » tie. N'entendons neanmoins qu'elle D5 puilfe depoifeder ceux de nos Sujets » qui font deja etablis dans lePaysde » fa conceffion , des terres qui leur ont C iij 'J4 HiJIolre >5 ereconcedees, ou decelles que fang » conceflion ils auront commence a j> mettre en valeur. Voulons que ceux » d'entr'eux qui n'ont point de Bre- 30 vets , ou Lettres de Nous, foient te- 3> nus de prendre des conceflions de la » Compagnie, pour s'aflurer la pro- s'priete des terres dont ils jouilTent, >? lefquelles conceflions leur feront 35 donneesgratuitement, 33 IX. Pourra Udite Comragnie » faire corjflruire teis Forts , Cha- 55teaux, & Pkces quelle jugera ne- 3) ceiiaires pour la defenfe des Pr.ys 30 que Nous lui concedons ; y mettre » des Garnifons , & lever de^ gens » de guerre dans notre P^oyaume , » en prenant nos permiilions en la 30 forme ordinaire & accoutumee. » X. Ladire Comp?ignie pourra aufli j» etablir tels Gouverneurs , OHiciers^ 33 Majors 6c autres, pour commander » les Troupes qu'elle jugera a propos , » lelquels Gouverneurs & Officiers » Majors Nous feront prefentez par » les Direfteurs de la Compagnie pour 3> leur etre expedie nos Provifions ; & » pourra ladite Compagnie les defti- 35 tuer toutesfois & quantes que bon » luifemblera^ 6c en etablir d'autres a» de IdLouiJiam. S? yo en leurs places , aufquels Nous fe- » rons pareillemenr expedier nos Let- ^) tres fans aucune difficulte ; en attea- >5 dant rexpedition defquelles , leidits >3 Officiers poarront commander pen- » dant le temps de fix mois , oa un an- 3> au plus fur les CommifTions des Di- « recleurs ; & Teront tenus lefdits y> Gouverneurs & Officiers Majors de Nous preter ferment de fidelite. .5 XL Permettons a ceaxdenos » Olficiers milicaires qui font prefen- » tement dans notre Gouvernement de » la Louifiane , & qui voudront y 5> demeurer ; de meme qu'a ceux qui » voudront y palTer fous notre bon » plaifir, pour'y fervir en qualite de » Capitaines , ou de Subalrernes , dy » fervir fur les CommilTions de la ,, Compagnie , fans que pour raifon de » ce fervice , ils perdent les rangs 8c 35 grades qu'ils peuvent avoir aduelle- 3. ment, tant dans notre Marine, que » dans nos Troupes de terre ; voulant » que fur les psrmiiTions que Nous leur y> en accorderons , ils foient cenfez 6c 35 reputez etre toujours a notre fervice ; ,) & Nous leur tiendrons compte de i) ceux qu'ils rendront a laditeCompr- :>D gnie , comme s'ils Nous les rendoier.t 3} a Xous-memes, C ly $($ Biftoire » XII. Pourra sufTi ladite Compa- 30 gnie armer & ^quiper en guerre au- 3> tant de Vaifieaux qu'elie jugera re- 3> cefTaires pour raugmentation & la 3i fiirete de fon Commerce,fur iefquels ^ elle pJourra mettre tei nombre de ca- 3> nons que bon Iiii I'embiera , 6c arbo- ^j rer le Pavilion blanc fur TArriereSc » au Bermpre, & non far aucuns des au- ^y tres Mats ; & elle pourra auffi faire »fondre des canons a nos Armes , au 3> deiTous defquels elle mettra celles :>3 que Nous lui accorderons ci-apres. » X I II. Pourra ladite Compagnie , 30 ccmme SeigneursHautsJuiliciersdes ^ Pays de fa conceffion , y etablir des 35 Juges &: Cfiiciers par tout ou befoin =ofera, & ' "' Sc ou elle trouvcra a propos ; » & les dcpofer Si deftkuerquand bon c^ lui femblera ; lefquels connoitront de 3> routes affaires de Ju(^ice , Police , &: 33 Commerce , tant Civiles que Crimi- 5» neiles ; & ou il fera beforn d'etablir {» des Confeils Souverains, les Cfn- =0 ciers dont ils feront compofez, Nous pjferonr nommes & prefentes par les » Diredeurs Generauxde ladite Com- as pagnie ; & fur iefdites nominations , .^ les Provifionsleur feront expediees* a^ XI Va Les Juges de TAmiraute de la Lmdjiane. 57 3i~qui feront etablis dans ledit Pays de 3) la Louifiane , auront les memes fonc- 3> tions ,& rendronr la Juftice dans la 3> meme forme ; & connoi'tronc des 39 memes affaires , dont la connoilfance 53 leur eft attribuee, rant dans notre 35 Royaume , que dans les autres Pays 3? foumis a notre obeilTance ; & feront 33 par Nous pourvus fur la nomination C^ 3? de TAmiral de France. » XV. Seront les Juges etablis en atouslefditslieux, tenusde juger fui- « vant les Loix , & Ordonnances da 3) Royaume , & fe conformer a la Coii- 3>tume de ia Prevote & Vicomte de 35 Paris 5 fuivant laqueile les Habitant « pourront contracler , fans que Ton y » puifle inrroduire aucune autre Cod-- 3> tsme.pour eviter h diverfite, » XVI. Tous Proces qui pouiyont ^f naitre en France entre la Compa- » gnie & les Particuliers pour raifon 33 des affaires d^icelle 5 feront termines- 3> & juges paries Juges- Confuls a Pa- aoris, dont l,^s Sentences s'executeront » en dernier relfort jufqu'a la fomme 3> de quinze cens livres & au deflfus par ' ^> provilion , fauf Tappel en notre Cour 3> deParlement de Paris ; 8c quant au5S a>matieres Criminelles dans lefquelks C Y 2, la Compagnie fera partie , loit en de- 5. man dam , foil en defendant , ellesie- Doront jugees paries Jugesordinaires , >. fans que le Criminei puilfe attirer le 3D Civil , kquel fera juge comme il eit » dit cy deuus. , „ XVIL Ne fera pr.r Nous accorde » aucune Lettre dEtat ni de Pipy, >5 Evocation , ni Surfeance , a ceux qui » auront achete des effets de la Com- » pagnie, lefque^sferontcontraints au =. pavement de ce qu'ils devront, par » les voves , & ainfi qu'ils y ieront 3s> obliges. ^ » XVIII. Nous promettons a la- 3L, dite Compagnie de la proteger, & 33 defendre, & d'employer la force de 3,nos armes, s'il eft befoin, pour la X maintenir dans la liberte entiere de 2^ fon Commerce d>i navigation , Sc de 3) lui faire faire ralfon de routes injures » & mauvais traltemens , en cas que oc quelque Nation voulut entreprendre » con t re elle. :... XIX. Si aucuns des Diredeurs , « Caplt'.ines des Vaiffeaux , OfRciers, xCommis, ou Employez, aduelle- » ment occupesaux affaires de la Com,- » pagnie, etoient ^pris par les Sujtts »des Princes 6c Etats avec kiqueis de la Louijiane, S9 J) Nouspourricnserre en guerre, Nous » pTomettons de les faire retirer , on 3D echanger. » XX, Ne pourra ladite Compa- ss gnie fe fervir pour, fon Commerce 3> d'autres Vaifleaux que ceux a elle 3) appartenans, ou a nos Sujets armes » dans les Ports de notre Royaume 3D d'equipages Francois , ou ils feront 30 tenus de faire leurs retours; ni faire « partir lefdits Vaiflfeaux des pays de » fa concefiion pour aller a la Cote de 7> Guinee diredlement ; fous peine d'e- 3> tre dechue du prefent privilege,& de » confifcation des VaiiTeaux & des n-iar* » chandifes donr ils feront chargez. « XXI. Permettons aux VaiiTeaux » de ladite Compagnie meme a ceux » de nos Sujets qui auront permiflion jj d'elle ou de fes Diredeurs , de cou- » rir fur les VaiiTeaux de nos Sujets » qui viendront traiter dans les Pays a » elie concedes , en contravention de }> ce qui eft porte par les Prefent es ; 5c a> les prifes feront jugees , conforme- » ment aux Reglemens que Nous fe- » rons a ce fujet. » XXII. Tous les efFets , marcban- »difes, vivres, & munitions qui fe * trouveront embarques fur les Vaif- C vj £o Hijl'oirt ^3 de ladite Compagnie , feront cen* ^ fes & reputes lui appartenir ; a moins 3B qu'ii n'apparoiiTe par des Connoiife- 7i mens en bonne forme qu ils ont ete SD charges a fi-et par les ordres de la » Compagnie , fes Diredeurs , ouPre- » pofes. 35 XXIII. Voulons que ceux de nos 3o Sujets qui pafleront dans les Pays 3D concedes a ladite Compagnie,jouir- 3D fent des memes libertes & franchiies :» que s'lls etoient demeurant dans no- >:^ tre Royaume, & que ceux qui y » naitront des Habitans Francois du- * dit pays , & meme des Etrangers 2> Europeens , faiiant profedion de la » Ilellgion Catholique , Apoilolique 33 & Romaine , qui pourront s'y era» p3 blir, foient cenfes 6c reputes Regni- p> coles ; Sc comme tels capables de 33 toures 1 ucceilions , dons , legs , &c T> autres difpofitions, fans etre obligez y> d'obtenir aucune Lettres de neu- 33 trail te. *3 XXIV. Ec pour favorifer ceux de » nos Sujets qui s'etabliront dans ief- 39 dits Pays> Nous les avons declares 6c » declarons exemps rant que durera le » Privilege de la CompLignie , de tous w- droits ;, fubiides-6c impolltions ,, tels it let Lcuifiant. €% » qulls puiiTent etre, tant furies Per-' » lonnes & Efclaves , que fur les mar-^- » chandifes. a^X^V^ Les denrees & marchan- T> difes que la Compagnie aura deili- » nees pour les Pays de fa concellion j: a» & celles dont elle aura befoin pour 3^ la condrudtion 5 armement^ 6c avi- n tuaillement defes Vaiifeaux, feront: yi exemptes de tous droits , rant a NouS' 3» appartenans , qu'a nos Viiles , teis^ 5^ qu'ils puident etre , mis & a mettre y r> rant a renrree qu^a la fortie ; & en- » core qu'elles fortilTent de i'etendue n d'une de nos Fermes pour entrer 3> dans une autre, ou d'unde nos Ports » pour etre tranfportees dans une au- 30 tre 5 ou fe fera rarmement ; a la char-- »-ge que fes Commis& Prepof^s don-- 39 neront leurs foumiilions de rappor- 30 ter dans dix^huit mois , a compter CiKi-- 5> jour d^icelles , certificat de la de-- >) charge dans les Pays pour iefquelS' » elles auront ere deftinees ; a per- » ne, en cas de contravention, de payer' » le quadruple des droits ; Nous refer-- >5 vant de lui donner un plus long delaii 3) dans les cas & occurences que Nous: » jugerons a propos. 1^ ^XX-YL Peciarons par^illemeac 1^2 Hifloire X ladlteCompagnieexemptedes droit§ 5) depeage, travers , paill^ge, &autres » impofitions qui fe per^oivent a notre « profit es Rivieres de Seine & de 55 Loire , furies futailles vuides , bois , 3) mairain , & bois a batir VaifTeaux, » & autres marchandifes appartenan- 3> tes a ladite Compagnie , en rappor- 00 tant paries voituriers& condudleurs 53 des certificats de deux de fes Direc- s) reurs. V XXVII. En cas que ladite Com- » pagnie foit obligee pour le bien de 30 fon Commerce de tirer des Pays 3) Etrangers quelques marchandifes » pour les tranfporter dans les Pays » de fa conceffion , elies feront exemp- » tes de tous droits d'entrees & de 33 fortie , a la charge qu^elles feront de- ^ pofees dans les magazins de nos y> Douanes ^ ou dans ceux de ladite 3) Compagnie, dont les Commis des » Fermiers Generaux de nos Fermes, 2* & ceux de ladite Compagnie auront 33 chacun une clef , jufqu'a ce qu'elles 23 foient chargees dans les VaiiTeaux de » la Compagnie , qui fera tenue de » donner fa foumiffion de rapportei: 53 dans dix-huii mois, a compter dy j>? jour de la fignature d'icelle^certificat de la Lcuijlane^ 6^ » de leur decharge efdits Pays de fa 2> conceflion , a peine en cas de con- » travention de payer le quadruple des >a droits, Nous refervant lors que la » Compagnie aura befoin de tirer def- » dits Pays Etrangers queiques mar- 3) chandifes , doni Tentree pourroit etre >3 prohibee , de iui en accorder la per- x»mifrion, fi Nous le jugeonsapro- »poSjfurles etats qu'elieNous en pre- :>3 fentera. >3 XXVIII. Les marchandifes que » ladite Compagnie fei a apporter-dans » les Ports de notre Royaume pour » foncompte , des Pays de fa concef- 3> fion , ne payeront pendant les dix 3' premieres annees de fon privilege, 5) que la moitie des droits que de pa- » reilles marchandifes venant des liles 3) & Colonies Frangoifes de I'Ameri- jf> que doivent payer , fuivant notre 3i Reglement du mois d'Avril dermer | » & fi ladite Compagnie fair venir def- » dits Pays de fa concellion d autres » marchandifes que celles qui viennent » defdites liles & Colonies Franco!- » fes de I'Amerique, comprifes dans 35 notredit Reglement , elies ne paye- » ront que la moitie des droits que ^ payeroient d'autres marchandifes de ^4 Kifioire 3& meme efpece & qualite, venant des » Pays Etrangers , foit que lefdits- T> droits Nous appartiennent, ou ayent 33 ete par Nous alienes a des particu« 3> lier. Er pour le plomb , le cuivre , ^ » les autres metaux. Nous avons ac- J) corde & accordons aladite Coir.pa- j> gnie Texennption entiere de tous >3 droits, mis & a mettre fur iceux ^ » mais fi ladite Compagnie prend des 33 marchandifes a fret fur fes Vailfeaux , >3 elle fera tenue d'en faire faire la de- ?> claration aux Bureaux de nos Fermes 3> par les Capitaines,dans la forme or* 33 dinaire , & lefdites marchandifes » payeront les droits en entier. A Te- » gard des marchandifes que ladite » Compagnie fera apporter dans les 3d Ports de notre Royaumedenommez » en TArticle XV. du Regiement du 3> mois d'Avril dernier , ou dans ceuT< 30 de Nantes , Brefl , Morlalx ^ & Saint- 2> Malo, pour fon compte, tant des' » Pays de fa conceflion, que des liles » Fran^oifes de rAmerique,proyenant »de la vente des marcbandiks du cru » de la Louifiane , deftinees a etre a> porcees dans les Pays Etrangers , 33 elles feront mifes en depot dans les »-m»ga2ins des Douanes des Pons oix^ de la Louip^anel 6^ ^ eliesarriveront, ou dans ceux de la » Compagnie en la forme ci deilus pref- y> crite , juiqua ce qu'eiies foient enle- « vees ; <5c lor^ue les Ccmmis de ladite 33 (iompagnie voudrvont les envoyer » dans ies Pay. Etrangers par mer on 30 parterre parrranfirjcequi nefj pour- » ra que par les Bureaux defignes par » norredirReglement da mois d'Avril » dernier, ils feront tenus de prendre » des acquits a caution , portant fou- » million de rapporter dans un certain 3D temps certificat du dernier Bureau 3) de fortie, qu'eiies y auront paiTe , 6c 33 un autre de leur decharge dans ies =» Pays Etrangers. XXIX. Si la Gompagnie fait conf- » truire des Vaiflfeaux dans les Pays de » fa concefTion , Nous voulons bien, 30 loriqu'ils arriveront dans les Ports 9>denoLreRoyaume pour la premiere »fois3 lui faire payer par forme de i3 gratification fur notreTrefor Royal, » fix livres par tonneau pour les Vaii- » feaux du Port de deux cens torr- »neaux & au deifous, & neuf livres » aullipar tonneau pour ceux de deux »cinquante tonneaux & au delTus, & » ce en rapportan: des certificats des ^ Diredleurs de la Gompagnie aufdita ^66 Hi/ioire » PaySjComme lefdics navires y a"a-^ »ront ete conflruirs. » XXX. Permettons a ladite Com- » pagnie de donner des permilTions 35 particulieres a des VailTeaux de nos 3> SujetSj pour aller traiter dans les Pays 3> de fa conceilion , a telles conditions » qu'elie jugera a propos ; & voulons » que lefdits Vaiffeaux munis des per- jj miflionsde ladire Compagnie j jouif- 3> fenc des memes droits j privileges * »& exenaptions que ceux de la Com- yy pagnie, rant furies vivres, marchan- aodifes, ScefFets, qui feront chargez » fur iceux, quefurles marchandifes & 33 effers qu'ils rapporteront. y> XXXL Nous ferons delivrer de » nos magazins a ladite Connpagnie w tous les ans^ pendant le temps de fon >5 privilege , quarante miiliersde pou- 3) dre a fufil , qu'elle Nous payera au 3p prix qu'elle Nous aura coute. >i XXXII. Notre intention etant >5 de faire participer au Commerce de >) cette Compagnie, & aux avantages 55 que Nous lui accordons , le plus 25 grand nombre de nos Sujets que 3> faire fe pourra, &c que routes fortes » de perfonnes puiflTent s^y interelTer^ 3> fuivant leurs facukei». Nous voulons de la Louifianel 6j 7) que les fonds de cette Compagnie aafoieot partages en Adlions de cinq » cens iivres chacane, dont la valeur » fera fournie en Billets de TEtat , def- 35 quels les interets feront dus deouis » le premier jour du mois de Janvier » de la prefente annee ; & lorfqu'il » Nous fera reprefente par les Direc« 35 teurs de iadite Conripagnie, qu^il au- 3) ra ere delivre des Affllons pour faire 30 un fonds iuffifant , Nous feronsfer- » mer ]es Livres de la Coinpagnie. n XXXIII. Les Billets defdires Ac- >5 tions feront payables au porteur ^ « (ignez par ie Caiifier de !a Compa- » gnie , & vifez par un des Diredleurs. 35 II en fera deli y re de deux fortes, fca- » voir des Billets d'une Adion , 6c des 35 Billets de dix Adions. 55 XXXIV. Ceuxqui voudront en- „ voyer les Billets defdites xAdlions „ dans les Provinces , ou dans les Pays 35 Etrarsgers^ pourront les endolTer pour j5 plus grande furete , fans que les en- „ dolTemens les obligent a la garantie 3, del'Adion. „ XXXV. Pourront tous les Etran- 33 gers acquerir telncinbre d' Adions ,3 qu'ils jugeront a propos, quandme-, 5, me ils ne feroient pas refidensdans '62 HiJIoire 5, notre Royaume ; & Nous avons de- 3, clare & declarons ies Adions appar- ,, tenantes aufdirs Etrangers , non fu- ,, jettes au droit d'Aubeine,r!i a aucune 3, confifcation , pour caufe de guerre , 5, ou autrement ; voulant qu'ils jouif- 5, fenr defdites Adions Gomme nos Su-- 5. jets. » XXX VL Et d'autant que ies pro- afics & perres dans Ies Compagnies » de Commerce n'ont ricn de fixe ; a&: que Ies Aclions de ladire Com-- » pagnie ne peuvent etre regardees 30 que comme Marehandifes , Nousper- ajmettons a tous nos Sujets, & aux 38 Etrangers en Compagnie, ou pour » leur compte particulier, de Ies ache- »ter, vcndre, & commercer, ainli' gp que bon leur femblera. XXXVIL Tout Adionnaire por- teur de cinquante Adions aura voix deliberative aux AfTemblees; & s'il » ell: porteur de cent Adions, il aura 30 deux voix; &c ainfi par augmenta- 3D tion de einquante en cinquante. ' » XXXVI 11. Les Billets de T'Etat aregus pour le fonds des Adions- » feront convertis en rentes au de- » nier vingt-cinq, dont les intereils ss eourront a commencer du premiei: 39 de la Louifiane, 6p "j5 Janvier de la prefente annee fur 3> notre Ferme da Controlle des Ac- jo tes des Noraires, du petit Sceau , =o& Infmuations Lai'ques, que Nous » avons hypoteque, 6c afFedle, hy- » potequons dc affedons Ipecialement 33 au pavement defdites rentes : en » confequence il fera palTe en notre 23 nom au profit de ladite Compa- 3t)gnie,par las Commiii'aires de no- » tre Confeil que Nous aurons nom- 35 mes a cet efFet, des Contrats de qua- aarante nsille livres de rente, perpe- Mtuelle & hereditaire; chacun faiianc »la rente dun million au denier vingt- » cinq , fur les quittances de Finances iy qui en feront d^livrees par le Gar- « de de notre Trefor Royal en exer- 33 cice la prefente annee, qui rece- » vra de ladite Compagnie pour un » million de Billets de i'Etat a cha- » que payement; Sc ce jufqu'a con- yj currence des Fonds qui feront por- 33 tes pour former les Adions de « ladite Compagnie. « XXXIX. Les arrerages defdites 3) rentes feront payes; f^avoir, ceux a:'de la prefente annee dans les qua- si tre derniers mois d'icelle; &c ceux ^} des annees fjivantes en quatre paye- *^0 Hifloire 2> mens egaux de trois en trois mois; »par notre Fermier du ControUe des i> Ades des Notaires , petit Sceau 8c wlniinuations Laiques, au CaiiTier de aladite Compagnie fur fes quittances 00 vilees de trois des Dlredeurs , qui >3 lui fourniront Copie collationnee 30 des Prefentes , 6c de leur noiTiination 30 pour la premiere fois feulement. 3> XL, Les Diredleurs employe* 3) ronr au Commerce de la Compa- x> gnie les arrerages diis de la pre- i> fente annee des Contrats qui fe- » ront expedies au profit de la Com- « pagnie; leur defendons tres-expreC' »fement d'y employer aucune partie yy des intereils des snnees fuivantes^ 33 ny de contrader aucuns engage- » ment fur icelles ; Voulons que les 3> A6lionnaires foient regulierement 3> payes des interefis de leurs Adlions, ?> a raifon de quatre pour cent par » annee , a commencer du premier » du mois de Janvier de Tannee pro- 3>chalne, dont le premier payement 33 pour fix mcis fe fera au premier 5i Juillet prochain , & ainfi fucceffi- 30 vement. » XLI. Comme il eft neceflfaire i> qu'aufii-tot apres Tenregiflrement de la Louifiane, jf j^des Prefentes, ii y ait des perfon- *> nes qui prennent la Regie de tout jjce qu'il conviendra faire pour Tar*- «>rangement des Livres , & des au- » tres details qui doivent former les ^ commencemens de ladite Compa- ^ gnie , ce qui ne peut fouifrir aucun JO retardement; Nous nommerons pour 33 cette premiere fois feulement les w Diredeurs que Nous aurons choi- w fis a cet efFec; lefquels auront pou. » voir de regir & adminiftrer les » Arfaires de ladiue Compagnie ; la- 35 quelle pourra dans une Aflembleege- 30 nerale apr^s deux annees revolues, » nommer trois nouveaux Direcleurs, 3> ou les continuer pour trois ans. fi »elle le juge a propos; & ainfi fuc- » celTiveraent: de trois ans en trois ans , }? lefquels Diredleurs ne pourront etre » choifis que Fran9ois ou Regnicoles. » XLII. Les Diredteurs arreteronc 3> tous les ans a la fin du mois de De- w cembre , le Bi'an general des Af- y> faires de la Compagnie, apres quoi » ils convoqueronr par une affiche pu- i) blique PAlIembiee gc^ncrale de la- » dite Compagnie , dais laquelle les » repartitions des profits de ladite » Compagnie feront refolues & arr4- » tees. y2 BiJIoin » XLTII. Attendu le grjtnd norn- J) bre d'Aclions dent ladke Ccmpa- » gnie fera compoiee , Nous jugeons 3D neceflaire pour ia commodite de nos 33 Sujets 5 d'etablir un tel ordre dans ales payemens , tant des interefls; 33 que des rtpartitions , que chaque » Porteur d'Adions puiffe f^avoir le 3) jour qu'il pourra fe piefenter a la » Caifle , pour recevoir fans reir.ife 3y m delai ce qui lui fera dii. Pour » cet effet , Voulons que les rentes » defdites Aclions, enfemble les re- 3? partitions des profits provenans du ys Commerce, foient payees fuivant les j> Numero defdites Adions, en conr.- 30 mengant par le premier, fans que la 3) Compagnie puifle rien changer a » cet ordre ; & que les Diredleurs faf- jsfent afficher a la porte du Bureau :d de ladite Compagnie , & inferer dans » les Gazettes publiques les Numejo » qui devront etre payes dans la ie- 1) maine fuivante, >5 XLIV. Les Adions de la Compa- >9 gnie , ni les efrets d'icelle, enfemble >5 les appoinr.emens des Diredeurs , Of- » ficiers, &i Employes de ladite Com- » pagnie ne pourronr etre faifis par » aucune perronne^ 6c lous quelque >3 pretexte de Id Louijianel jf JD pretexte que ce puiile etre , pas m^- » me pour nos propres deniers & af- » fairest fauf aux Creanciers des Ac- » tionnaires a faire faifir 6c arreter en- »3 tre les mains du Caiflier general , a & teneur de Livres de ladice Com- 3> pagnie, ce qui pourra revenir auf- 33 dits Adlonnaires par les Comptes » qui feront arreces par la Compagnie, M aufquels les Creanciers feront te- i> nus de fe rapporter, fans que lef^ » dits Diredeurs foient obliges de leue » faire voir Tetat des efFets de la Com- » pagnie , ni de leur rendre aucun 3> compte, ni pareillement que lefdits » Creanciers puifTent ecablir des Com- » miiTaires ou Gardiens aufdits ef* 39 fets; declarant nul tout ce qui pour- B roit etre fait a ce prejudice. » XLV. Voulons que les Billets de a TEtat qui feront remis au Garde de » de notre Trefor Royal par ladite 30 Compagnie d'Occident , foient par 33 lui portes a PHotel de notre bonne » Ville de Paris ;auqucl lieu en pre- » fence du Sieur Bignon Confeiller a> ordinaire en notre Confeil d'Etat, 3> Aacien Prevot des Pvlarchands , du » Sieur Trudaine Confeiller en notre » Confeil d'Etat^ Prevot des Ma^- Tvme l. D 74 Hifloire ^> chands en Charge ; des Sieurs de »>Serre, le Virlois, Harlan, & Bou- 3> cot , qui ont figne les Billets de I'E- 33 tat avec eux , & des Officiers Mu- 3) nicipaux dudit Hotel de Ville qui 5> s'y trouveront , ou voudront s y jj trcuver; lefdits Billets de I'Etat fe- 50 rent briiles publiquement, inconti- X ntnt apres rexpedidon de chaque 30 Contrat , apres en avoir drefle pro- J) ces verbal , conrenant les Regiftres, v> Numero , & iommes; en avoir fait >) mention fur lefdits P\egiilres, &: les 30 en avoir decharge; lequel proems J) verbal fera iigne defdits Sieurs Pre- 33 vots des Marchands , &: autrcs de- » nomnnes au prefent Article. 33 XLVI. Les Diredeurs auront a 55 la piuralite des voix la nonnination D-> de tous les Empiois , & des Ca- » pitaines & Ofiiciers fervans fur \^s » Vaiileaux de la Compagnie ; aulTi- >3 bien que des Ofiiciers Miiitaires , .-w de Juftice , & autres qui feront em- >> ployes d:jns les Pays de fa concef- to fion ; &: pourront les revoquer lorf- 30 quails le jugeront a propos : & lef- sj dites nominations de tous lefdits Of- 23 iicieis 6c Employes feront fignees 23 au moins de trois des Direc^eurs^ de la-Loiiijiane, . *^^ -3) ce qui fera pareille menc obfervepour » les revocations. » XLVII. Ne pourront iefdits Di- >•> redeurs etre inquieres ni contrjints » en leurs perfonnes & biens pour lej » Affaires de la Connpagnie, » XLVJII. JI-s arreceront tous les » Comptes rant des Coma^is &c Ena- a> ployes en France , que dans les Pays y> de la conceflion de 4a Cofiipagnie , 3? & des Correfpondans , ielquels X Connptes feront ftgnes aumoins de » trois defdits Diredcurs. » XLIX. II fera tenu de bens & X £dels Journaux de Caiife , d'Achats , » de Ventes, d'Envois , & dePvoifon » en parties doubles , tant dans la Di- ss redtion generale de Paris , que par a> les Commis 5c Commiflionnaires de » la Compagnie, dans les Provinces w & dans les Pays de fa conceflion , » qui feront cottes & paraphes par les 23 Dired-eurs ^ aufquels fera ajoute foi JO en Juflice. 30 L. Nous faifons don a iadite Com- s> pagnie des Forts, Magazins , Mai- ^) fons 5 Canons , Armes , Poudres ^ 9:> Brigantins , Bateaux , Pirogues Sc 3> autres Eifets & Uflenciles que Nous ?3 avons prefcntemenr a la Louifiane, ^■€ Hiftolre 3>y dont elle Tera mife en pofleflion fuf » nos ordres qui y feront envoyes ,» par notre Confeil de Marine. » LL Nous faifons pareillement don yy a ladite Compagnie des VailTeaux , ^ Marchandifes & EfFets que le Sieur 3y Crozat Nous a remis , aind qu'il eft « expUque par TArret de notre Con- T> fell du yingt-troifieme jour du pre- ^> fent mois , de quelque nature qu'ils j?> puiflfent €tre , & a quelque fomme ^ qu'ils puiflent monter ; i condition .» de tranfporter fix miile Blancs , & ,.» trois miile Noirs au moins , dans les » Pays de fa conceflion pendant la du* ,» ree de fon privilege. 35 LII. Si, apres queies vingt clnqan- .2> nees du privilege que Nous accor* » dons a ladite Compagnie d'Occident » feront expirees , Nous ne jugeons D> pas a propos de lui en accorder la » continuation ; toutcs les Ifles & Ter- 30 res quelle aura habitees , ou fait ha- 2> biter avec les droits utiles, Cens, P & Rentes qui feront dus par les p Habitans , lui demeureront a perpe- » tuite en taute propriete , pour en y> faire & difpofer ainli que bon lui 30 femblera, comme de fon propre he- ^ ritage , ftns que Nous puiflions re^; dt la Louijiaml ^'f s» tirer lefditcs Terres ou Ifles, pouif' » quelque caufe , occafion , ou pre- n texte que ce foit : a quoi Nous avons' >> renonce des-a-prefent ; a conditiofi' 3? que ladite Compagnie ne pourra ven- » dre lefdites Terres a d'autres qu^a >) nos Sujets ; ^ a Tegard des Forts > >3 armes &, munitions , il Nous fe- 53 ront remis par ladite Compagnie a => a laquelle Nous en payerons la va- 35 leur fulvant la jufte eflimation qu|^ » en fera faite, » LI [I. Comme dans rEtablilTe- >3 ment des Pays concedes a ladite 33 Compagnie par ces Prefentes, Nous 33 regardons particulierement lagloire 2> de Dieu, en procurant le Salut des » Habitanslndiens, Sauvages, &Ne-" » gres , que Nous defirons etre inf- » truits dans la vraye Religion, la- 3> dite Compagnie fera obligee de ba-; 3 tir ^ fes depens des Eglifes dans les 3) lieux de fes Habitations ; comme 33 aufli d'y entretenir le nombre d'Ec-; » clefiafliques s(pprouves qu'il fera ne-- 33 ceflaire : foit en qualite de Cures, s»ou tels autres qu'il fera convena- 2>ble, pour y precher le Saint Evan=^- 39- gile , faire le Service Divin , & y 5^admi^iflrer Iss Sacremens : le touc niij; 7^ ^ Hiftdire' » fous rautorite de I'Eveque de Qui- • bee; ladire Colonic demeurant dans 3» Ton Diocefe , ainfi que par le paf- » fe; 3c feront les Cures, & auiras 5> Ecclefiafliqucs que ladite Compa- » gnie entretiendra, a fa Nomination y> & Patronage. » LIV. Pourra ladite Connpagnie s) prendre pour fes Arnnes un Ecufibn 39 de Sinople, a la pointe ondee d'Ar- 30 gent fur iaquelle fera coucbe un Fieu- » ve au naturel, appuye fur une cor- s:> ne d^Abondance d^or au chef d'a- ^ zur 5 feme de ileurs de lys d'op , >» foutenu d'une face en devife auiS p» d'or 5 ayant deux Sauvages pour Sup- ^ ports , & une Couronne trefflee ; lef- » queiles Armes Nous iui accordons, » pour s^en fervir dans fes Sceaux 8c 59 Cachets , & que Nous lui permet- p> tons de faire mettre & appofer a 33 fes Edifices, VailTeaux, Canons, 5c s) par tout ailleurs ou. eiie jugera a ?9 propos. » LV. Pertnettons a ladite Compa- a> gnie de drefl'er & arreter tels Sta- » tuts & Reglemens qu il apparticr^- ^> dra , pour la Conduite dc Direftion 5p de fes Affaires & de fon Commer- 29. Qe, tant en Europe , q^ue dans 1^. de la Lomfiane, Jf ■» Pays a eile concedes: iefquels Sta- 3> tuts & Reglemens Nous confirms- 3? rons par Lertres Patentes, a fin que >5 les rnterjiles dans ladite Co.npa^ 39 ^nie foient obliges de les executer >y felon leur forme & teneur. a> L VI. Comme notre intention n'efl: >9 point que la protection partlculiere >3 que Nous accordons a ladite Cona- » pagnie puiife porrer aucun prejudi- » ce a nos autres Colonies, que Nous s> voulons egalement favorifer ; defen- 3> dons a ladite Compagni^ de pren- yy dre ou recevoir , fousquelque pre- 39 texte que ce foit , aucun Habitant s? etabii dans nos Colonies^ pour les » traniporter a la Louifiane , fans en a> avoir obtenu la Permillion par ecritr » de nos Gouverneurs Generaux auf- 30 dites Colonies, vifee des Intendans- y> ou CommiiTaires Ordonnateurs. >5 Si DONNONS EN MANDHMENT ^ 3B nos Ames & Feaux Confeillers les 33 Gens teaans notre Cour de Paris- » ment, Chambre des Comptes, & » Cour des Aides a Paris, que ces 3> Prefentes ils ayent a faire lire , pu- 53 blier , & regiftrer; & le contenu a»eniceUes garder^ obferver, ^exe-^ 31- cuter felon leur forme & teneur ; D iv ^6 Uijloire 5, nonobflant tous Edits^ Declarations I ^, Reglemens, Arrets, ou autres cho- 5, fes a ce contraires, aufquelles Nous ,y avons Jeroge , & derogeons par ces 3, Prefentes. Aux Copies defquelles 3, collationnees par I'un de nos arnes 5, & feaux Confeillers-Secretaires , ,5 Voulons que foi foit ajoutee comme J, a rOriginal : Cak tel eft notre plai- 3., iir. Et afin que ce foit choie ferme 5,, & ftable a toujours , Nous avons 5, fait mettre notre Seel a cefdites Pre- 3, fentes. Donn6 a Paris au mois „d'Aout^ I'an de Grace 17 17, & 5, de notre Regne le deuxieme. Signcj. 3^ L O U 1 5 ; E^ p/i^i ^w^vi , Par le Roi ^ ^5 Ls Due d'Orleans Regent , pre-i 3, fent. Phelipeaux. Vija , Dagues- ,, SEAU. Vu au Confeil J ViLLEKOYa 3, Et fcelle Qu grand Sceau de cire 33 verte. en lacs de Soye rouge & vertCe:.. RegiJIrees, oui Cf ce requerant le Pro-^ eureur General dii Roi, pour ttre exe^ cuteej felon leur forme Gr teneur, fans neanruoins que les Statuts qui feront ci' apres drefjh par la Compagnie d^Occi- dent , puijjent avoir execution qu'apris avoir eie confirmes par Lettres Paten- les du Roi rJgiJIrses m laCour^ & Cci de la Louipane. St p^es collationnees des prefentes Lettres itre cnvoyks aux Bailliages & Sene-- chaiiffes du ^ejjert , pour y itre lues , publiees (^ regiflrees ', Enjoint aux Sub-^: Jlituts du Procureur General du Roi d'y tenir la main , ^ d!en certifier la Cour dans un mdis, A Paris en Parlement^. le fix Septembre mil fept cens dix-fept* Signe, Gilbert, RegiJIrdes en la Cour des Aides , out le Procureur General du Roi, pour itre executees felon leur forme Gr teneur , &• queles Proces &* Differends qui naitrort^ a Voccafion des droits du Roy , percep'-. tion b' dependances d'iceux , feront infi truitsb' juges en premiere Inftance par les Juges qui en doivent connoitre , fauf V-appel en la Cour, A Paris, les Cham" hres ajfemhlees, le vingt-trols Decembre mil fept CQns dix-huit, Signe RQBEiVT»• 1) v! S"2^ Hiftbire GHAPITRE V. L'Auteiir eft mis en pcjfejjion de fan terrein: Vaine crainte que Von a dej Crocodiks : Erreur commune fur la maniere de penfer des Nxiturels: UAh- teur prend la refolmion £ alter s^eta-^- Mir aux Naichei.: A R K I V E au Baycuc Tchoupic.s le fieur Lavigne , Canadien , lue logea dans une cabane des Aquelcu- Pifias , deiqueis il avoir acbete le Vil- lage; il en donna d'autres a mes Oa- wers pour fe loger ; & nous fumes heaieux de trouver tous cnarrivantj de quoi nous metrre a Tabri des injures . de i'air ^ dans un endroit pour lors inhabite. Pea de jours apres monarrivee, j'achetai d'un Habitant F.^bteuraelie- vmfin une Efclave Natureile, afin de S^^JJef^'^ na'afsurer une perlbnne pour nous faire a manger^dans un Pays done je nn'ap- percevois que les Habitans laifoient ieur pofTible pour debaucher nos Ou- vriers, & fe les attirer par de beiles-^ fiom^lles.*. Nous ne nous enteiidiezia. de la-Lculftane, S^ point encore mon Efclave & moi ; mais }e me faifois entendre par fignes , ce que ces Naturals comprennent ai- femenr ; elle etoit de la Nation des Tchitimachas , avec qui les Francois etoient en guerre depuis quelques anr: nees. Je fus cherclier un emplacement fur le Bayouc S. Jean , a une petite de- mie-lieue de I'endroit ou devoit etre fondee la Capitale , laquelle n'etok encore marquee que par une baraque couverte de feuiiles de Latanier , &c que le Commandant avoir fait batir pour fe loger , 6i apres lui M. Paiilou, qu'il laiiToit Commandant de cePoile,- J'avois choifi cet endroit par prefe- rence , dans la vue de me defaire plus aifement de mes denrees » & de n'a- voir pas fi loin a les tranfporter ; j'a*' vertis de mon choix ?y1. Pailiou, qui vint m'en mettre en polTeirion au noni ' de la Compagnie d'Occidenr. Je batis une baraque fijr mon Habi- tation , environ a vingt - cinq toi- fes du Bayouc S. Jean , en attendant • que j'eude bati ma maifon ^ Sc des loge- ~ mens pour mes gens. Comme ma ba- raque etoic compofee de maiieres ex- treaiemeat combufiibles , je fai.ois t4 Hifloire faire le feu a une grande diftance ^ pour eviter les accidens ; de forte que ce feu etoit prefque a moitie chemin du Bayouc , ce qui donna lieu a une avanture qui me fit revenir des pre- juges que i'on a en Europe , en con- fequence des Relations quicourentde tems en terns. Le recit que je vais en dcnner , pourra peut-etre faire le me- me effet fur Tefprit de ceux qui pen- fent encore comme je penfois alors» L'Efciavcde 11 etoit prefque nuit, lorfque mon OoSr"*^^^^^^^^^ toifepr^sdufeu * un jeune Crocodile de cinq pieds de long , qui regardoit le feu fans re- muer : j'etois dans le jardin pres de-la | elle me fit des fignes redoubles pour me faire venir ; j'accourus. En arri- vant elle me montra ce Crocodile fans me parler, Dans le peu de tems que je Fexaminai , je reconnus que fa viie etoit fi ^x6q fur le feu , que tous nos mouvemens n'etoienr pas capables de ie diftraire ; je courus a m.a cabane chercher mon fufil, etant bien aflure de mon coup : mais quelle fut ma fur- prife en f^rtant de ma cabane , de voir mon Efclave un gros bois a la main qu'elle ieve en Fair , &l avec lequel eile afiomme cet animai f Me voyanfr dt la Loidjiane, $f Irrriver , elle fe mit a Iburire & me dit bien des chofes que je ne comprenois ,, pas ; mais elle me fit mieux entendre par fignes , qu'il n'etoit pas necelTaire^ d'avoir un fufil pour tuer cette bete , puifque le bois qaelle memontroic^. avoit ete fuffifant. Le lendemain Fancien Maitre de mon Efclave vint me demander du plant de falade , car j'ctois le feul qui euffe du jardinage , parce que j'avois pris mes precautions pour eonlerver les grai- nes que je tranfportois, Comme il f^a- Vaine crainte •voit parler la Langue vulgairedesNa- o-ocodiii'^^^ turels 5 je le priai de demander a cette fille , pour quoi elle avoit tue li precipitament ce Crocodile que je voulois tuer d'un coup de fufil ^ pour ne pas Texpofer a etre devo- ree : il fe prit a rire , & me dit que tous ceux qui arrivoient de France croyoient cet animal redoutable, quoi- qu'il ne le fut nullement , & que je ne devois pas etre furpris de ce que j'a- vois vu faire a cette fille , puifque fa Nation habitoit fur les bords d'un Lac qui etoit rempli de ces animaux ; que les enfans lorfqu'ils en voyoient des petits a terre , les pourfuivoient & les tuQient;.qu'alors les gens de ia cabane fortoientpour les ecorcher ; qu'il^ Us- ' emportoient , 6c en faifoient bonne ■ " chere, II lai parla , & me raconta ce qu'el- le venoit de lui dire ; que me voyant courir a ma cabane , elle avoir cru que j'avois peur , &c qu'elle ne le craignoic point 5* que (1 eile cut feu que j'avois envie de le tuer , elle-fe feroit ecar'Je & m'auroit laiiTe faire. Dans ces commencemens je ne fga- vois ni la Langue ;, ni les coutumes;-. encore raoins la maniere de penfer des Naturels . aufquels on donne le nonv, qui previent de fagon a ne leur accor- der prefque rien de ce qui fait I'lioni- me y pas meme-la figure que Ton s'i- magine fauifement ecre difFerente de la • ^Demelede notre. Prev^nu de la force , comme SJ^Sstureir*^ tous les Europeens qui ne fe donnenc point la peine de s'ea inftruire dans les verirables fources.un Habitant aa- cien dans le P^ys y me fie traiter d'un ■ fufila un Chef de Guerre des Ngturels voifins J'eis lieu d'erre lurprisde voir ' un General d'armee de ces Peuples avec un habit d'Arlequin , tout neuf , & qu'il avoi-t achete depuis peu ; ii m'apprcca plus d^une fois a rii-e avec cet habijlemeni ; avec lequel il fe qu^r* de la Louifiam. B'f tQit Sc fedonnoit des airs 5 il te croyoit reellement tres-diflingne de fes Cora- patriotes , au moy en de cet habit d'une nouvelle ordoanance , qu'il avoir paye hien cher , a ce que f appris ; mais il eft a rernarquer que ces Naturels don- nent ce qu'on leur demande pour cho- fes qui leur font plaifir , fur - tout il elle eft extraordinaire , comme Tetoit en effet Thabic dont il avoir fair Tac- quifirion,- Nous convinmes qu^ilme dbnne- roit pour mon fufil trente grolTes vo- lailles , il m'en donna_ ving.t fur le champ ; raais comme ies dix autres ne venoient point, aiTezvite a mon gre , jefus afon Village avec I'ancien Habi- tant; je repris ie fufil , & lui iis dire que je le lui remettrois lorfqu'il aa- roic acheve le payement , s'il n'aimoit mieux reprendre fes vingt volaillef. Ma fagon d'agir ne lui piut point ; il avoir envie demon fufd , & n'avcHt pas de quoi le payer ; c'eft pourquoi il prit le chemin de la Nouvelle Orleans pour fe plaindre au Gouverneur. Je fus mande pour deduire mes.raifons * M. de Biainvilleme dem.anda pourquoi j'avois repris mon fufil apres I'avoir mire | que .g'ecQij I'ufage ^ 6c que toas W\ Hifloire les jours on traitoic avec eux fans crairi*- dre de rien perdre ; mais qu il falloit attendre : je lui repondis qu'ayant le pouvoir en main, ii ne lui feroit pas difficile de me faire payer, oa que ce Sauvag€ reprit fes volailles y puif- que les memes exiftoient encore | STiais que je ne voulois pas etre duppe d'un Sauvage , que je regardois com- me une Bete brure ( car je les croyois - tels alors ). Le Gouverneur me repli- qua que je ne connoilTois pas encore ' ces gens-la , & que quand je les con- noitrois , je leur rendrois plus de jufli- ce : il dilbit bien vral ; j'ai eu le terns d^ me detromper , & je fuis perfuade que ceux qui verront le portrait fidele que j'en ferai ci-apres , conviendront avec mor , que Ton a grand tort de lonneg qua- nommer Sauvages des hommes qui rva- lues desNatu- ye nt faire un tres-bon ufage de leur' ^^'^* raifon , qui penfent jufle , qui ont de ia prudence, de la bonne foi , de la generofite, beaucoup plus que certai-- nes Nations policees , qui ne vou-^ droient point foufFrir d'etre mifes en^ comparaifon avec eux , faute de fga- voir ou vouloir donner aux chofes le - prix qu'elles meritent. Jq me plaifgis d^ns m,Qn Habitation ^ ; de la Louifiane, 8p & j'avois eu des raifons que j*ai rap- portees , qui me Tavoient fait prefe- ferer; cependant j'eus lieu de croire que Fair ne devoir pas y etre des meil- leurs , ce pays etant fort aquatique^ cette caufe d'un air mal-fain n'exifte plus aujourd'hui , depuis que Fon a de- friche le terrein , & que I'on a fait une levee devant la Ville. La qualite de la terre y efl: tres-bonne , puifque ce que j'y avois ferae y etoit tris-bien venu ; d'aiileurs au Printems ayant tccuve quelques noyaux de ^eches qui commencoient a germer , je les plantai ; TAutomne fuivant ils avoienc poufle des tiges de quatre pieds de haut , & les branches au-delTus etoient longues a proportion. Nonobilant ces avantages , je pris le parti de quitter cette Habitation pour en aller faire une autre a cent lieues plus^ haut ; je vais dire en peu de mots les raifons que je crus affez fortes pour m'y determiner. Mon Chirurgien vint me deman-- der fon conge , me faifant connoitre qu'il me devenoit inutile pres d'une Ville qui fe formcit , & ou il y avoir- un Chirurgien beaucoup plus habile que lui ^ qu'on lui avoit parle fi ayan^.~ $6 Hijfoire tageufement du Pofte des Natcliez r ©npfopofea q'-^'i^ dcfiroit d'autant plus aller s'y" ri\uceur d'ai- e:ablir , que n'v avant point de Chi- ler aux Nac- • A-. r •' • ^ ■ '^ r chez* rurgien , li y reroit mieux ion compter Je lui dis que inon caradere me dif- pofant a faire piaifir , je me porterois a I'ob! ger par preference , fi ce qu'il me diioir n'etoit point une pure in- vert on. Pour me prouver la verite- de ce qu'ii venoit de m'avancer , il fut a I'inilant chercher I'ancien Habi- tant qui m'avoit vendu mon Efcla- ve , Uquel me confirma la chofe , en m'afsurant que la beaut e du Pays des Natchez , jointe aux autres avantagss- que ion y trouvoit lui faiiolt aban-. donner celui- ci pour aller habiter I'au- tre , 6c qii'il comptoit en stre bieri' dedommage en tres-peu de terns. Sur ee recit je donnai conge a mon Cbi- rurgien , fans autre retribution que des promeSfes de prier Dieu toate fa vie pour moi. Mon Efclave etoit prefente au dif- eours que je viens de rapporter ; elle entendoit deja alTez bien le Francois ,. & moi la Langue vulgaire du Pays,, & auffi-tot que Tancien Habitant & mon Chirurgien furent (ortis , eile me tint, ca difcoiirs :. oc Tu devrois aulli^ de la Louijiane. pt » aUer dans ce Pays -la ; le Ciel y cfl 35 bien plus beau qu'ici ; le gibier y eil w beaucoap plus commun ; & comme ^^ j'y ai des parens qui s'y Tont retires » pc^ndant la guerre que nous, avicns- » avec les Francois, ils nous appor- 35 teroient les chofes dont nous aurions 33 befoin ; ils m'ont dit que ce Pays iy eft beau , que Ton y vir bien , 6c 2> que les honames y vivent fore x> vieux ». Des le lendemaln je fis a M. Hu- bert , Diredleur de la Compag^nie , le rapporc de ce que Ton m'avoi,t dit de^ Narch<;z : il me die qu'il etoit fi pei> fuade de tout le bien que I'on difoit de ce Canton, qu'il fe preparole pour y aller prendre fa concefiion , & y etablir une forte Habitation pour la Compagnie ; & continuant fon dif- cours : c< Que je ferois eharme , me 5a dit-il 5 fi vous voulkz aller en faire » autant 1 Nous nous ferions compa- ss gnie Tun a Tautre , & vous y feriez » fans contredit vos affaires beaucoup >3 mieux que dans Tendroit ou vous, » etes « . Son difcours 8c I'amicie que nous }^ ^^ '^^^^^^^ avions I un pour 1 autre , me determi- Bfi.reni entiereme;it y [q quiccai gea ^4 HiJIoire apr^s mon Habitation , & fus loger dans la Ville, en attendant roccafion de part'r, &: des Negres qui devoient arriver dans peu. Mais avant^ que de poufler plus loin cette narration , je crois etre oblige de rapporter ce qui- fe paiTa au fujet du Fort de Penfacola , fitue dans la Virginie. Ce Fort ap- partient aux Eipagnols , & fert d'en- trepot ou de relache aux Galllons d'EP pagne , lorfqu'iis partent de la Vera-; Graz pour retourner en Europe* *\Wi* He la Loulfiani, 95 CHAPITRE VI. Surprife du Fort de Penjacola par les Franfois: Les Efpagnols le repren^ nent : Les Francois I* ay ant repris U demolijfent. VEpvsle commencement de 17 19; le Commandant General ayant :.appris par les derniers VaifTeaux arri- ves , que la guerre etoit declaree entre la France & I'Efpagne , refolut de prendre le Pofte de Penfacola aux Ef- pagnols. II efl dans le Continent , a quinze lieues environ de Tlfle Dauphi- ne ; il eft defendu par un Fort de pieux al'entree de la rade , vis-a-vis eft un Fortin fur la pointe deTOueft del'Ifle Sainte-Rofe qui defend de fon c6tte Tentree de ia rade : ce Forxin n'a qu'une garde pour fa defenfe. Le Commandant General perfuade qu'il lui etoit impolTible de faire le Sie- ge de cette Place dans les formes,vou- lut la furprendre, fe confiant fur Tar- deur des Frangois & la fecurite des Elpagnols ^ quiignoroient encore que ^^ Jijfto'ire fious fufTions dars [Europe en guerrg ffveceux. Dans cette vue il rafieiLbla le peu de Troupes qailavolt.avecplu- fieurs Colons Canadiens 6c Francois nouveaux arrives, qui y furent voion- t&irement. M. de Chareauguiere Ton frere & I/ieutenant de Roi commandoic fous k)i, cnfuite M. de Hichcbourg Capitaine ', il arma cette Troupe , 6c ■apres avoir fait ies provifions necelTai- res en munitions de guerre dc de bou- che, il s'embarqua avec cette petite Armee , &: a la faveur du bon vent , il arriva dans peu a fon terme. Les Fran- cois mouillerent pres du Fortin 6c fi- rent ieur defcente Tans €tre app^r^us , fe faiiirent du Corps de Garde du For- tin , 6c mirent aux fers les Soldats de la Garde,' cette expedition fut fait€ en iTioins de demie heure. On habilla quel- ques Soldats Francois de leurs habits pour faciliter la furprife de TEnnemi. La chofe reuiTit a fouhait : le lende- maln des la pointe du jour on apper- ^ut le bateau qui portoic le detache- ,. ^ . ment de Penlacola i il venoit relever ]a fiirprennent Garde Qu T ortiD : on lit battre la mar- Penfacola. ^YiQ Efpagnole , les Francois deguifes les re^urent , les mirent aux fers 6c fe revetirent de leurs habits. Les Fran- de la Loidjiane, ^f cois deguifes paflferent dans le meme bateau , furprirent la Sentinelle , le Corps de Garde &: eniin la Garnifon , jufqu'au Gouverneur qui fut pris dans fon lit I tout fut fait prifonnier , &: il nV eut point de fang repandu. Le Commandant General , dans la crainte de manquer de vivres, fit par- tirles prifonniers fur un Vaifleau ] les fit fffcorterpar quelquesSoIdatsqueM. de Richebourg commandoit , pour les remettre a la Havane ; il laiifa dans Fenfacola M. fon frere poary comman- der , &. une Garnifon de foixante hom- ines. Sitot que le Vdiffeau Francois eu niouille a la Havane , M. de Riche- bourg fut a terre avertir ie Gouver- neur Efpagnol de fa commilTion ; ce- iui-cile regutavec politeiTe , & pour lui temoigner fa reconnoiffance , il le fit prifonnier de meme que les Officiers qui I'accompagnoient , fit mettre les Soidars aux fers & en prifon,oii ils fu- rerit pendant quelque terns expofes a la faim & aux infultes des Efpagnols , ce qui determi^ui plufieurs d'entr'eux de prendre pHTtl dans le few ice dT(^ pagne pour fe tirer de la mifere extre- nie dans laquelle ils gemiflbient. (^ueiques-uns des Fran^ojs nouvel. 5^^ Mijloire le/nent engages dans les Troupes Efpa- gnols inftruifirent le Gouverneur de laHavane , que la Garnifon Fran- coife que Ton avok laifTee a Penfacola ^toit tres'foible ; il reiolur a fon tour d'enle ver ce Forr par reprefailles. A cet efFet il fit armer un VaiiTeau de la Na- tion avec celui que les Francois avoienc conduit a la Havane ; le Vaifleau Ef- pagnol fe rangea derriere FMe Sainte- 'Ro^re,& le VaiiTeau Francois fe prefenta avec fon Pavilion naturel devant le Fort. La Seniinelle demanda par qui etoit commande le Vaiffeau ; on lui repondit que c'etoit par M. de Riche- bourg : ce Vaiffeau mouilla, ota le Pa- vilion Fran9ois , arbora celui d'Efpagne & raifuvadetrois coups de canon. A ce fignal dont les Efpagnols etoient con- venus , le Vaiffeau Efpagnol joignit le premier, puis fommerent les Francois de fe rendre. M. de Chateauguierere- fufa la proportion ; il tira fur les Ef- pagnols, &ron fecanona jufqu'a la nuit. Le lendemain la canonade continua jufqu'a midi que les Efpagnols ceffe- rent de tirer,pour fommer de nouveau le Commandant de rendre le Fort : il demanda quatre jours , on lui en accor- da He la Loidfiane, 97 2a deux ; pendant ce terns il envoya demander du fecours a fon frere qui n'e- toit pas en etat de iui en envoyer. Leterme expirejl'attaque rccomnnen- ^a ; le Connraandant fe defendir gene- reufement jufqu'a lanuit,dont lesdeux tiers de la Garnifon profiterent pour abandonner ieur Gouverneur , qui n'ayant plus qu une vingtaine d^'horn- LesEfpagnols mes fe vit hors d'etat de refifter plus g'^^'^f^^S.^i^ long- terns ; il demanaa acapituler, on cola, Iui accorda tous les Iionneurs dela guerre ; mais en fortant de la Place il fut fait Prifonnier avec tous fes Sol- dats : cetre infradtion a ia capituiatioa fut occafionnee par la home qu'eurent ies Efpagnols d'avoir ete forces a capi- tuler de ia forte avec vingt hommes feulement. D^s que le Gouverneur de la Ha- vane eut appris cette reddition du Fort , & s'imaginant follement avoir terralTe au moins la moitie de tous fes Ennennis , il ft de grandes rijouilTan-s ces dans fon lile 5 coname s'il eut rem- porte une Vidloire decifive, ou enleve aux- Frangois une Citadelle d'impor- tance, 11 fit aufli partir plufi^urs Vaif- feaux pour avirailler &: rafraichir fes Guerriers, qui felon iui devoient avoir Tome L E oS Hifloire beaucoup fatigue dans une adlion telle que je viens de la decrire. Le nouveau Gouverneur de Penfa- cola fit reparer & meme augmenter les fortifications de Ton Fort ; il envoya cnfuite le Vaiffeau le Grand Diahle , arme de fix pieces de canons pour prendre Tlfle Dauphine , ou tout au moins lui donner la peur. Le Vaifleau lis veuient le Saint]Philippe qui etoiten rade, en- prendre rifle ^^^ ^^j^s un trou , s'y afFourcha , mit p.uphine. ^^^^ fon canon du cotddeTEnnemi; & fit voir au Grand Diahk , que les Saints rdfiftent a tous les efforts de I'enfer Ce Navire par fa fituation iervoit de Citadelle a cette Me , qui n'avoit ni fortifications ni retranchemens , ni de- fenfe quelconque , fi on en excepte une batterie de canon a la pointe de TEft , avec quelques Habitans qui gardoient la C6te& enipechoient la defcente. Le Grand Diable voyant qu'il n'avangoit en rien . fut contraint pour fe delalfer d'aller pilfer en terre ferme THabitation dufieur Miragouine, qui etoit aban- donnee. Dans ces entrefaites arriya de Penfacola un Diablotin qui etoit an Pinkre pour aider le Grand Didle, Pes qu'ils furent reuni5i ils recomment- de la Louifiane: ar un oui. lis s'aflirent enfulte par terre , appuyerent kurs vifages fur leurs mains, le Porre-parole fans doute, pour fe recueillir avant de prononcer fa harangue, les autres pour garder ie filence , & tous pour reprendre ha- ieine luivant leur coutume, Dans cet intervalie , on nous avertit de ne point Tire ni parler pendant la harangue i ce qu'iis auroient regarde comme un grand mepris de notre part. Le Porte-parole , quelques momens apres, fe leva avec deux autres; Tun emplit de tabac la pipe du Calumet , Tautre apporta du feu, ie premier al- luma la pipe; le Porte-parole furna- ce le prefenta apres Favoir eiluye^ a M. de Biainville pour en faire au- tant : le Gouverneur fuma , nous en fjmes tous de meme les uns apres les autres; & cette Ceremonie finie, le Vieillard reprit le Calumet , le don- na a M. de Biainville afin qu'il ie gardat. Alors ce Porte-parole refta feul debout , & les autres Deputes fe raffirent aupres du prefent qu'ils avoient apporres au Gouverneur: ii confiftoit en peaux de Chevreuils; ti en quelques autres paffees en blanco Le Porte-parole etoit revetu d'une- ^11 a Uiftoire robe de plufieurs peaux de Caftofs coufues enfemble, & qui pouvoienc avoir cinq quarts de large en tous fens : elle etoit attachee fur Tepaule droite - & paflbit fous le bras gauche : il fe ferra le corps de cette robe, & com- menga la harangue d'un air majeftueux, en ces termes, & addreflknt la pa- role au Gouverneur: <3es Tchitiraa- » devant toi, nous avons tous entendu ^^^** « la parole de Paix que tu nous ^) as fait porter: le coeur de route » notre Nation en rit de joye juf- » qu'a treffaillir; les Femmes oubliant 53 a I'indant tout ce qui s'ed: paffe , ont w danfe, les Enfans ont faute comme « de jeunes Chevreuils , & couru com- » me s'ils avoient perdu le fens. Ta >3 parole ne fe perdra jamais ; nos ccfiurs » & nos oreilles en font rempiis , & s) nos defcendans la garderont aufli ^ long-tems que Tancienne parole du- >i rera (i). Comme la Guerre nous ?> a rendus pauvres , nous avons ete 55 contraints de chaffer pour t'appor- 3> ter de la Peileterie , & de prepa- (0 C'efl amfi que les Peuples nomment la Tradition , qu'ils ont grand foin dc confer- yti. fans aucune alteration. de la LouifianeZ tit J9 rer les peaux avant de venir; mais » nos hommes n'ofoient s'eioigner a » la chafle a caufe des autres Na- » tions , dans la crainte qu'elles n'eaf- » fentpas encore entendu ta parole, & » parce qu'elles font jaloufes de nous y =B nous ne fommes meme venus qu'en » trennblant dans le chemin, ju'qu'a >3 ce que nous eullions vu ton vifage. » Que mon cceur & mes yeux font » contens de te voir aujourd'hui , de j> te parler moi-menne, a toi-meme^ » fans craindre que le vent emporte a> nos paroles en chemin ! » Nos Prefens font petits, mais => nos coeurs font grands pour obeir » a ta parole. Quand tu parleras , tu » verras nos jacnbes courir & fauter >3 comme celle des Cerfs , pour faire » ce que tu voudras. Ici rOrateur ou Porte-parole fit une pofe ; puis elevant la voix , il reprit avec gravite : " Ah ! que ce Soleil eft beau au- a'jourd'hui, en comparaifon de ce s> qu'il etoit quand tu etois fache con- » tre nous ! Qu'un mechant homnie efl » dangereux ! Tu fgaisqu'unfeul atue » le Francois , dont la mort a fait toni- » ber avec lui nos meilleurs Guer- ^ti tlifioire n riers ; il ne nous refte plus que id 30 Vieillards, des Femmes 6i desEn- fy fans 3 tu as demande la tete da me- 33 chant hon:ime pour evoir la Paix ; « nous te Tavons envoyee , & voiia » le feul vieux Guerrier qui a ofe 35 1'attaquer & le tuer (1); n'en fois 30 point furpris, il a toujours ete un S5 vrai homme , & un vrai Guerrier: 53 il ed parent de notre Souverain , iy & ion coeur pleuroit jour &l nuit , 25 parce que fa femnrie & fon enfant » ne font plus depuis cette Guerre ; 53 mais il eft content «3c moi aufii au- 33 jourd'hui, parce qu'il a tae ton En- >) nemi Sc le fien. Auparavant le So- 2> leil etoit rouge, les cbeminsetoient 33 reiPxplis de rcnces & d'epines , les 30 nuages etoient ncirs , l*eau etoit trou* » ble Sc teinte de ncftre fang , nos » Femmes cleuroient fans celTe , nos ^ Enfans cricient de frayeur , le gi- 33 bier fuyoit loin de nous, nos mai- (j) C'ctoit le Pere 6e mon Efclave quf avoit etc prife dans -cette gu;rre , & il cro) oit qu'elie etoit morte ainfi que fa mere r mon Efclave etoit avec d'autrei fiiies & n'o- foit rien dire; j'eiois a portee de pouvoir la regarder , & je la voyois tantot fourire 6^ tSLiiiot verfer dts iarnies« de la Loidftane: i tf ^ Tons etoient abandonnees , & nos 3> Champs en friche , nous avions tous- » le ventre vuide , & nos os paroif- 35 foient. » Aujourd'hui le Soleil ell: chaud 33 & brillant, le Ciel efl clair, iioy 39 a plus de nuages , les chemins font 33 nets & agreables , Teau efl: fi clai- 33 re que nous nous voyons dedans; » le gibier revient , nos Femmes dan- 3P fent j-ufqu'a oublier de manger , nos 30 Enfans fautent comme de jeuneS 33 Faons de Biche, le coeur de toute » la Nation rit de joye> de voir qu^au* >3 jourd'hui nous marcherons par le me-; 33 me chemin , que vous tous , Fran- 3^ cois ; le meme Soleil nous eclaire- 5o ra : nous n'aurons plus qu'une me- 30 me parole, nos cosurs n'en ferons » plus qu^un , nous mangerons enfem- 3s ble comme freres ; cela ne fcra t-it V pas bon, qu'en dis tu? A ce Difcours prononce d'un ton ferme & allure , avec toute la grace & la decence, j'ofe meme dire, avec toute la m.ajefte poiTible , M. de Biain- ville repondic en peu de mots, en Ljangue vulgaire qu'il parloit avec fa- cilite ; iis les fit manger, mit en (I-j gne d'amitie fa main dans celle du Chan^ "114 tiijloire celier, & les renvoya fatlsfaits; j,j5:^, ^^^% ^^ Au fortir de cette ceremonie , i*e ne TEfclave plus jeune , je demeurerois chez Iui 5 3> j'irois a la cbalTe & a lapeche , jefe- a» rois un champ de bled^& tu me ver- » rois mourir aupres de toi; mais ta » m'a dit que ton Maitre alloit bientct 30 s'etablir aux Natchez, je vais y paf- 33 fer le refle de mes jours chez de mes » parers qui font les tiens, & je mour- 3d rai chez eux pres de toi : tu n'as qu'a ^ appeller ton Mait!'e 5 &dis lai qu'a- 30 vant de partir je veux Iui ceder moa 30 autoritefurtoi. « En effet j'avois dit plus d'une fois a cette iille, que fi elle vouloit s^attacher a moi , je luifervirois de pere; elle Fa- voit repcte au Vieillard , qui me ceda fes droits fur fa fille en la placant entre nous deux , me portant la main droite fur fa tete , 6l roettant la fienne par re Vialiard delTus ; il prononca enfuite quelques cede b i'Au- paroles.qui fi^nifioient qu'il me la don- teur fes droits ^ . ' ^ ri\] a \ ' ' ^ur fa fiik, noit pour ma iiile. Apres cette cercmo- j:i^e^6c avoir paiTe une huitaine chez raoij, i\ alia rejoinare ccux de fa Nations qui etoient fur le point de partir, 6c s'en etant rerourne avec eux , il fut, comme il I'avoit promis , demeurer aux Natchez , ounousapprimes depuis qu'il etoic mort peu de jours apres qu'il flit arrive. Au depart du pere de mon Efclave , nous nous trouvions tous trois aiTez xontens , & moi en particulier d'etre alfure d'une perfonne fideie & acta- chee a mes interets , & qui d'aiileurs ayant des parens aux Natchez , ne pourroit que m'etre utile dans mon nou- vel etabliiTiment , poar ies Ouvrages ks plus prelTes que j'aurois a y Faire par le moyen des Natureb ; en fin le tems etant propre pour iHDn depart je m'y difpoiai. [IiS Jllftoire CHAPITRE VIII. Depart de VAuteur pour les Natche^ * Defer ipdon de ce Voyage : Difficulte de comertir les Naturels : Etahlijje". mem de UAuteur aux Natchei, LE tems de mon fejour a la nou- velle Orleans commen^oit a me paro?tre long, lorfque j'appris Tarrivee des Negres, Quelques jours apr^s cette cette nouvelie , M. Hubert m'en ame- na deux bons que Ton m'avoit accordes par repartition : c'etoit un jeune Ne- gre age feulement de vingt ans . & fa feiTime qui etoit de menne age ; ils ne me revenoient enfemble qu^a treize cens vingt livres. Je partis deux jours apres dans une moyenne Pirogue avec eux feulement , fur ce que mon Efclave me dit que rous irions meme plus vite que les bateaux qui venoient avec nous ^ par- ce qu'elle etoit forte , qu'elle gou- verneroit & rameroit , ou nageroit en meme tems ; que pour moi qui tirois bienje n'avois qu'a emporter beaucoup^ de la Loulfiane, iij iSe poudre & de plomb , & que je trou- verois plus de gibier a tuer qu'il n'en faudroit pour nous & pour les Fran- cois qui remoncoienc dans les bateaux;- que pour reuflir a cette chaife, il falloie fe (ervir de Pagaies & non de rames qui par leur bruit font fuir le gi- bier (i). Je communiquai cet avis a des Voya-« geurs qui me dirent qu'elle avoic rai- fon ; je le fuivis , je nnis tous mes efFers dans le bateau de la Compagnie, je me refervai mon lit , une mallette , une poile, une broche , une marmite , une caiTerole, de la munition de bou- che & de chaflfe , & ma tente. J^avois beaucoup de poudre dans un petit baril, & je crusque quinze livres de plomb i-'Auteur re- r tv ' 1 raoHte le Flcu- me lumroient pour tout le voyage ; ye s. Loni?, mais Texperience que je fis en remon- p?"^' ^^^" ^'^^ tantlefleuve m'inftruifit que pour un Pays aufH rempli de gibier il falloit fai- re une plus grande provifion de plomb fl on vouloit s'amufer a tirer/ans meme aller chercher le gibier hors de la route que Ton tient. A peine fumes nousar- (i) Pagaie eft une petite rame dont on fe fert pour ramer en devant , fans toucher a la Pirogue : les Divinites des Fleuvds en tien*. neat ordinairemeat uae en main. %'-^'5 Ui^oire •rives a la concciBon de M. Paris du yernai , que je fus oblige d'en em- prunter quinze autres livres,prevoyar.C par la quantite que j'en avois ufe de-. puis vingt-huit lieues, que je n'en a\i- rois coint trop d'en prendre encore au- tant.' En conlequence de ce que j'avois eprouve , je menageois m^ proyiiion que je regardois comme tres petite,& je ne tirois alors que ce qui pouvoit ecre propre a nos repas ■, comme Ca- nards fauvages , Canards branchus , Cercelles, Becfcies & iembiables. Je voulus tuer entr'autres un Carancro pourpouvoir I'examiner de plus pres que je n'avcis encore pufaire ; je ie ti- rai a balle de meme que les Outardes ; ies Gruss 5c les Fianians (l ) s je tirois auHi fort fouvent de jeunes Crocodiles , dont la queue donnoit aux Efclaves de quoi faire de friands repas , de meme cu'aux Francois & Canadiens rameurs , quoique d'afHeurs mes Efclaves ayant la garde du gibier.ne s'en iailToient pas inanquer. ' Ces Crododiles me tont revenir i i- dee d'un monftrueux de cette efpece (t) Je parlerai de ces Oifeaux dans laDef- cnption que >e donnetai en ion iieu des Oi-. feaux de la Louifiane. de la Loivjiane. 12 r It^ue je tuai dansce voyage. Mon Efcla- vel'appercut( I )la premiere, il-ecbauf- foit au Soleil fu r ie bord du Fieuve a dix pieds environ plus haut que la iurface de I'eau • nous voguions pres de la terre , & fi la peur I'eut fait precipiier dans Feau, nous avions jufte llijet de crain- dre qu'etant vis- a- vis de nous , la mafTe enorme ne nous eut faic toumer & peut- etre noyer , fur tout dans un Ficuve audi profond qu'eft celui ia. Apres ces reflexions que j'eus bientot Lircs, on arreta fans bruit , je cculai une baile fur mon plomb , je ne voyois que ia le^e & t 'Autcur wa mon but etoic aiTez grus : je U viflu a!!'' ^^'"°:°^^^'^ A ceil, & de luite aprcs nrion coup nlong, ouvrit la gueule qui aurcit engiouti ua demi n.uid, ia refama a Tindant 6c ne fit plus aucun mouveiTient, Je mis a terre un peu'dudcfTouspour I'achever en cas qu'ii cue e;icore don- ni quclques fignes ae vie, mais je le trouvairoide oiort. Les bateaux arri- verent dar.s cet intervalie j M. de Me- ham qui en command oit un, voulut le mefurer , fa longueur fe crouva de dix- neuf pieds , fa tere de irois pieds 6c ( i) Les Na'-urels ont toujours Ics yeux aler* tes,par i'habitude qu'iis ont d'etre f.ii: leu ra gardes dans ies boil & dans Icurs voyages. Toia^ I. F 5 22 HiJIotre demi de long fur deux pleds neuf pou- ces de large , 6l le rede des autres par- ties a proportion ; j'oubliois de dire que ie ventre avoic trois pieds deux- pouces de large , & qu'il infedoit par fon odeurmuiquee. M. de Mebam me dit que deux ou trois ans aupara- yant, ii en avoit tue un de vingt-deux pieds de long. Quand j'aurois ete in- creduie a ce fujet, je n'aurcispu Te- tre en cette occurrence : d'ailleurs je I'avois appris par des temoins oculaires, Au refte on peut s'imsginer que c'e- toit un tres-vilain Lezard aquatique 6c un mcnilre alfreux (i). Apresplufieurs jours de navigaticf, nous arrivames a Tonkas le lende- main de Noel; nous n'avions point en- rendu la MelTe depuls notre depart, faute de Pretres qui n'erolent point communs dans cette Province : nous entendimes ce jour-lacelledeM. d'A- yion.des Miflions Etrangeres. II nous iitbeaucoupde careiTes, 6c nous recut grandenaent ; fa bonne reception & ies ibllicitations nous furent une occafiori d'y paiTer le refte des Fetes. Je m'in- (0 On verra la defcription du Crocodile ,eii Con lieup de la LeuipLanel Y2 ^' Formal a lui-meme fi Ton grand zele pour le faluc des Katurels faifoir beau- coup de progres ; ii me repondir pref- Difficulte de quelalarn^eaFc^ii, que nonobftanr le S:^:;^^^^!, protond relpecT: que c:s Peuples lui^oui^wne. portoient,a grande peine pouvoit-ii obtenir de batifer quelques enfans a i'arricle de la more , que ceux qui €toient en age de raifon s'excufoicRt d'embrafler notre fainte Religion , fur ce qu'ils difoienr erre trop vieux pour s'accourumer a s'ailujettir a des regies fi difficiles a obferver ; que ie Prince ( i ) depuis qu'il avoir tue le Mededn qui traitoit fon fils unique de la maladis dont ii etoicmort, avoir fait reTolution de jeuner tous les vendrecis de fa vie , fur les vifs reproches qu'il lui avoir fails de fon inhumanire. Ce grand Chef ne manquoic pas a la priere que M . d' A- vion faifoit foir & matin, les femmes & les enfans y aflidoient aflez r^gulie- rement , mais les hommes qui n'y ye-- (0 Les Princes fouverains de ces Nations fe nomment grands Chefs. Ainfi que Ton ne foit point furpris fi i'on le lert dans cetJr-' Hiiroire de ce mot pour exprimer le nom de celui qui \es i^ouverne j c'eil Tinterpreta- t;on que i'on a donnee au terme qui denote celui qui a en main la fouverain? PuiiTance# Fij noient pas fouvent , prenoient plus de plalfir a former la cloche ; du refte ils r.e laifiblent manquer d'aucune chofe ce zeie PaPieur. & lui fourniffolent tout ce qu'il temoignoit lui fake quelque plaifir. Nous etlons encore eloignesdevingt- cinq Heues du terme de notre voyage qui etoit le Canton des Natchez. Nous partimes des Tonicas pour achever notre route , furiaquelle nous ne vimes rien qui puiiTe intereffer le Ledleur, fi ce n'eft plufieurs Ecores qui tiennent enfemble : il y a enrr'autres celui que Ton ncmme {'Ecore Bt^/ic , parce qu'on V trouve plufieurs veines de terre blan- che , grafle & tres-nne, avec laquelle j'ai vufalrede tres-bellepoterie. Surle yneme Ecore on voit des veines d'ocre que les Natchez venoient prendre pour barbouiller leur porerie , qui etoit affez Jolie ;lorfqu'elle etoit enduite d'ocre , elle devenoit rouge apres fa cuiffon. Nous arrivames enfin aux Natchez apres avoir fait quatre-vingt lieues. Nous mimes a terre au debarquement qui eft au pied d'un Ecore qui a deux cens pieds'de haut 5 fur lacimeduquel paar^usmentedconftruir le Fort P.ofalie, entoure t^J^ '" feulement de pieux en terre s vers le de la Louifiane. ilf itillieu en montanr on trcjve le maga- fin vers quelqaes maifons d'H.iblcans, qui s'y fon: erablis , rarce qae la mon- tee n'cd plus firoide en cet eniroit: c efl aufli pour la meme ralibi qu'on y a confrruit le iMagafm. Lorfqae i'on eft au plus haur de cct Ecore, on decouvre tout le Pays qui n'efl qu'une belle & gfande plaine entrecoupee de petites monticules , fur lefquelles les Habitans avoient bati & forme leurs Habitations^ le coupd'ceii en etoii: charmant. Qaoique cette grande cote foit far le bord du Fleuve , Teau du Fort 5c toure celle qui tombe far le haut de cette Cote par les pluies , va fe rendra k une lieue plus b?.s dans une petite ri-^ viere, qui fe jette dans le fleuve a qua- tre lirues da Fort ; ce qui me parut aflez extraordinaire. En arrivant aux Natchez je fus tres^ bien re^u chez M. dela Loire de Flau- court Garde Magazin de ce Pofte; il nous regala de gibier qui abonde en cet endroit. Des le lendemain j'acbetai une maifon pres du Fort pour loger M. Hubert & fa famille en arrivant ^ jufqu'a ce qu'il eut bati fur fon Habi- tation. II m'avoit aufli prie de choifir deux F iij IT 126 Hijlolre terreins commodes pour former deux Habitations confiderables^dont une de- voit etre pour la Compagnie & I'autre pour lai.J'y fus d^s le fur-lendemain de rr.on arrivee avec un ancien pour me conduire & m'indiquer les endroits , pour en meme terns choifir un terrein pour moi ; je le trouvai des le meme jour, parce qu'ii efl plus facile de choi- fir pour foi que pour les autres. t-ofl de Je trouvai fur le grand cheniin du principal village d s Natchez au Fort, a miile pas de ce dernier, une cabane de Naturels furle bord du ch-min 5 en- touree dun terrein defriche;j'achetai le tout par le moyen d'un Interprere. Je fis cette acquifition avec d'autant plus de plaifir, que j'avois furle champ de quoi liie loger avec mesgens & mes efFets ;. le champ defViche etoit d'cnviron fiK. arpens pourfaireun jardin & planter du. jtabac , qui dtoit alors la feule denree qui occupatles Habitans. L'eau etoit pres de ma cabane & tout mon terrein etoit excellent , j'avois d'une part un coteauen pente douce, boife&foure de Cannes qui viennent toujours dans ies terreinslesplus gras ; derriere etoit une grande prairie , & de I'autre cote ^toit une furaye de Noyers biancs de de Id L.niifiane, "127 J)lus de cens r'.nquante arpens, avec de Therbe ddlbus. jufqu'au genouil. Tour ce terrein etoit generalement bon^- ia terre noire & iegere ; il contencit en tous quatre cens arpens d'une mefure plus grande que celle de Paris. Je pris les deux autres terreins que M. Hubert nn'avok charge de iui chercher , fur le bard de la petite riviere des Narcbez , cbacun a demie iieue du grand village de cette Na^ tion, a une Iieue du Fort, & mon ter- rein fetrouvoit au milieu de ces deux Babications & du Fort , & bornolt les Ceux autres. Je fus enfuite me loger iur mon terrein dans la cabanne que j'avois achetee du Naturel , je mis mes gens dans une autre qu'ils fe firent a cote de la mienne , de forte que je me trouvai loge a peu-pres comme nos Bucherons en France, lorfqu'ils tra« vaillent dans les bois. A psine fus-je inflalle far mon Ha- bitation je fus voir avec Flnterprete les autres Champs que les Naturels avoient defrichesfur mon terrein; je les achstai tous a la referve d'un feul que le Naturel ne voulut jamais me vendre: il etoit fitue de fa^on a me convenir ^ j'en avois envie ; & je Iui hor. F iv '1^9 HiJIcire rois paye bien plus cher, mais il me fkt impoffible de le faire cor.fentir a ma va- ionte. Jl me fit dire que fans le ven- dre , il me rabandonneroit auffi tot que j'aurois ecendu m.on dcFriche juf- qu'aupres du fien , au lieu qu'en reflant aupr^s de mioi fur fon terrein , je le trouverois toujours pret a me rendre fervice , & qu'il iroit a la chaiTe & a la pechepour moi. Cette reponfe me fatisfit , parce qu'il m'auroit fallu plus de vingt Ne- gres avant que j'eullepu I'approcher ; on m'aflura d'ailleurs qu'il eroit hon- nete homme; Sc bien loin d'avoir ea occafion de me plaindre de fon voifina- g^5 j'en ai eu au contraire toute forte de fatisfadion. de la Lowjiani* iz^ CHAPITRE IX. L'Auteur eft attaque dhine Sciatique / Entretiens fur deux Points d'AjIro^ nomie : VAuteur eft guerl par un Medecin NatureL 1L n'y avoit pas encore fix moisque je demeurois aux Natchez , que }e reffentis des douleurs a une cuifTe ; ce qui ne m'enspechoiE cependant point d'agir affez facilement a mes aifairesJ J'en parlai an Chirurgien Major qui m'en fit craindre les faites pour les- evirer jii me dit qu'ii failoitme faigner &que I'humeur fe detourneroit. La cbofe arriva com- ae il I'avoit dit , mals Thamear fe jet' a fur I'autre cuiiTe , 8c s'y fixa avec Caat de vaoience , que je ne pouvois pi is marcher qu'^avec des douleurs extrernes, Je lis confulter les Medecin^^ & Chirurgiens de la nou- pAuteureoss velle Orlean- . qui me confcilierent de ''^.'^'^-j/'^^i'^t , , , . ' . o c:ns d< les Chi- prendre des bains aromanques , oc que rurgiens fur fa- s'ils eroient inutiles il falioit repailer en Sciatiaue^^ ^ France pour y prendre les eaux& m'y baig:ner. Cette reponfe me Tatisiit d'au» F V 150 HiJIoire tant moins queje n'erois point pour ce- la ailure de ma guerifofi, &: que ma fi- tuation preiente ne mepermettoit poinn de repalTer en France. Je crois que cer- te miicrable maladie provenoit en par- tie de la pluie que j'eus dir le corps pendant prefque tout notre voyage , t'z que ce pouvoit etre auiH quelque fruit de la guerre & des fatigues que j'avois efTuyees dans plufieurs cannpa- gnes que j avois faites en AHenaagne, Comme je ne pouvois fortir de ma bicoque , plufieurs honnetes gens' du voifmage avoient la bonte de venir de terns en terns me tenir ccmpagnie^ j'a- vois deja quelques bons voifms, puif- que le jour de notre arrivee qui etoit le 5* Janvier 1720 , nous nous trouva- anes au moins douze a table chez M, de Flaucourt, chez lequel nous fimes ies Rois. Du rxmbre de ces charitables voi- fins etoit le R, P. de Viile ; ce digne Briigieux etoit plein d'erudition, ii etoit membre d'une Societe qui a pro- duit un fi grand nombre de Scavans, que fa Science ne fat point pour moi un fujet d'etonnemc/nt. II m'honora fou- .vent de fes vifites , & je profitai de mon mieux des vives iumieres qu'il repan- de la Loiiijiane, 131 idoit dans nos converfations : 11 at- tendoic que la glace qui alloit venir du Nord fut pailee pour monter aux Illinois ; cetre relache me prccura beau- coup de fatisfaclion , elie adoucitren- nui infeparable de la folitude ou ma maladie me retenoit , & le chagrin que me donnoit Fevafion de mes deux Negres* Dans ces entretiens qfie nous avions enfemble fur route forte de fujets , 6c dans lefquels je me faifois un devoir d'ecouter beaucoup , & de faire plus de quedions que de donner des de- cifions, nous tombames un jour fur ies- fyflemes du Monde. Le R..P. de Ville ,' qui fgavoit qiie j'avois fait mon Cours de Mathematiques, m'interrogea afon tour , & vouluc fgavoir mon fentiment fur cette quedion : Co mm cm p cut- on recorder le fyfttme de MM, de V Aca- demic Royale des Sciences avec UE- criture Sainte f « Ces MM. , contU » nua-t-il , prerendent que le Soleil eft » au centre du Monde ^ & que la Terre 30 & Ies autres Planetes tournent au- 30 tour du Soleil j le fyfleme au con- so traire de rEcriture dit , que la Terre X ell au centre , & que ie Soleil &: » Ies autres Planetes tournent autour F vj 13^ f^^floire » de la Terre 5 de quelle maniere pen- 30 fez-vous que Pon peut concilier ces » deux fyftemes qui paroiiTent fi op- » pofes ? 3D Je lui dis que je le priois de preter attention a une idee qui me vencit;, & qui pourroit donner quelque Acedi-a des^claifciilement a fa propofuion. » On fleux fyilemes „ ^g Dcut douter , lui d^s-ie, queFU- fur les ievolu- .^ r- n/ri-j dons du soieii >> nivers He io!t une Macnine , dont &de la Terre, » iQytes IcS Parties font intlmemenc » liees les unes aux autres ; & il eft 3) inutile dans roccafion prefente de fe j> defendre , comme que'ques - uns ^ 3) en difant que Dieu parloit aux hon?x- 3i rnes felon leur maniere de penfer; 3i difons done plutot , que Dieu etant j> FAuteur de cette Machine , il en » connoiffoit parfaitemenu toutes les 3) parties 5 & le Mechc.nifme, & qu'il 33 in;pira a Jofue d'arrerer la Machi- 35 ne du Monde , par fon premier mo- 5> bile ; c'eft-a-dire que le Soleil etant 20 au centre du Monde &c tournant far » lui meme , donnoit le mouvement a i>5 toutes les parties de i'Univers ^ or il 3) eil de la prudence d^un fage & f^avant » Mechanicien d'arrecer fa machine par 39 le prem.ier mobile plutot que par une 35 piece eloignee , qui doit avoir un aj mouvement beaucoup plus rapide i de la Louifiaml I3ff S ainfi Jofue ordonnanc au Soleil de » s'arreter , ordonnoit a route la Ma- » chine du Monde de fufpendre Ton » mouvement; & 11 fuivoit ea ce point » Tordre de la Mechanique; ainfi il pa- 30 roitc|uele{y{lemederAcademien'eft » point contraire aux Livres faints ». Le P. de Ville me dit qu'ii n'avoit ja- mais lu ni entendu dire ce queje venois- de lui dire ; mais que mes raifons lui pa- roilToient jufles , & d'autanc plus fa- tisfaifantes , que par ce moyen Ton. pouvoit accorder ies deux fyflemes j n'y ayant plus rien dans i'un qui re- pugnat a Tautre. Depuis mon rerour en France, j'eus occafion etant a Fon- tenai-le-Comte en Poitou , d'en par-- ier en 1747 aux RR. PP. RouiTeau & Map-ras , anciens Profeffeurs de Phi- lofophie , qui parurent fatisfaits de ma facon de refoudre cette diliicalte. Le P. de Viiie revint peu de jours, apres , & me dit que notre derniere. converfation lui avoir occafionne piu- fieurs reflexions Aftronomique?;qu'eI-, le I'avoit jetre entr'autres fur reloigne- ment que i'on donne ordmairemenc de- la Tcrre au Soleil , que I'on dir etre de rrence millions de lieues ; que cerce dlllanc^ etanc imiiivinfe., elk rendt^it l^d Hifioire iriconcevable la difiance des autres Planetes a la Terre ^ & me pria de iui dire mon fentiment a ce fujet. Je Iui repondis que je n'erois point Aflronome; quecependant j'allois Iui obeir ^ ^c Iui faire part de mes refle- xions 5 depuis ma folitude involontaire, » Je ne crois pas , Iui dis-je , que De la diftance » la Terre foil a beaucoup pres fi eloi- de kjen-e au ^ ^^^^ ^.^ g^l^.^ ^^^- p^^^ ^,^^^^ ^^^^ j> le faire croire. Je ne pretens pas 5> vous faire un jufte calcul de la dif- 2y tance que je donnerois de la Terre 5) au Soleil^ fuivant mon idee ; mais 53 feulement vous faire comprendre a 3^ peu pres en deux mots la grande ?> difference de I'eloignemient qu'on Iui 'jr> donne ordinairement , de cclui que 55 je prefume qu^on doit Iui donner. 5> Pour connoitre cet eloign em.ent , il 3a n'y auroit qu'a multiplier la circon- a> ference de la Terre par trois cent :» foixante cinq jours & quart, un pea 3> moins qu'elie efr a faire fa revolu- 3> tion ^nnuelle 5 & pour lors le raVon 3) de fon Orbite fera h difiance qui fe >3 trouve entr'elie & le Soleil. Le R» P- de Ville me dit que je Iui ouvrois ies yeux fur le moyen de connoitre la vraye difiance de la Terre au Sa- de la Loul/iane, '^If Cependant raon mal ne dlmlnuok point 5 & plus il fe prolongeoit , plus j'en apprehendois de facheufes fuitesa Je prls la refolution de me fervir a cet efFet d'unChirumen ou Jongleur ( I ) , . .^-'^uf^ur fe que 1 on m mdiqua , & qui me dit qu il fa sdadnue me gueriroit en fucant I'endroit de ma P^r un jon- douleur. II me fit quejques fcarinca- "'^^ tions avec un eclat tranchant de cail- iou 5 routes de la grandeur d'un coup de lancette , & difpofees de facon qull pouvoit les fucer routes a la fois^ ce qu'il fit en me caufant des douleurs extremes ; il fe repofoit de terns a autre apparmem.ent pour m.e faire valoir fon travail ^ & me tint ainfi Fefpace de demie heure. Je lui fis donner a man- ger & le renvoyai apres Tavoir paye , I'ufage etant trop bien etabli dans tous pays de payer ceux qui traitent les ma- ladies, quo! qu'il en puifie arriver. Le lendemain je me fentis un peu foulage ; je fas me promener dans mon champ ; on me donna confeil dans ma promenade de me mettre entre les mains des Medecins Natchez, que Ton » (i) Jongleur ell parmi les Nature's un Chiru:gien, Devin, & meme Sorcier felon ie Vulgaire, -31 1 6 Tiijlcire me dit avoir beaucoup de fcietice j & qui faifoient des cures qui tenoient du miracle : on m'en cita pluiieurs exem- pies qui me furent confirmes par des perfonnes dignes de foi. Que n'aurois-je point fait pour ma guerjfon f Entre les mains de qui ne me ferois-je point mis , vu les dou- ieurs que je reilentois ? Le remede d'ailleurs etoit tres fimple felon I'ex- plication que Ton m'en fit ; il ne s'a- gilToit que d'un cataplafme ; on I'ap- pliqua fur la partie foufFrante , & an bout de huit jours je fus en etat d'al- ler au Fort. Je fus parfaitement gueri , puifque depuis ce terns je ne m'en fuis nuUement reiTenti. Quelle fatisFa(3:ion. pour un jeune homme qui fe trouve en pleine fame apres avcir ete con- traint de garder la maifon Tefpace de I'Auteur gue-quatre mois & demi , fans avoir pu m de fa scia- f^^j-rij. ^^ indant I Mes amis que j'al- tique: fon JSie-, . . j r/^- • c grs meurt. lois remercier , m en teiiCirerenr , oc j'etois auifi joyeux que peut i'etre un. Maiure qui vient de perdre un boa ^ Ke^re. ^ion Ne^re venoit de mourir d'une Haxion de po trine , qu'il avoic attra- pee dans fa fuite psnduPtmamaladiey fa jcuneffe 6c fon defaut d'experieiiCQ de la Loidf.ane, iqj lui firent faire cette folie , efperant de pouvoir vivre dans les bois ; mais il trouva des Tonicas (i), Nation Ame- ricaine a vingt lieues des Natchez; ils remmenerent a leur Village : mon Ef- clave & fa feniTia furent rerais entre les mains d'un Francoisychez iequei ils travaillerent , & par ce moyen gagne- renr bien leur vie. M. de Montplaifir qui venoit aux Natchez , me fit la gra- ce de payer ieurs vivres , en donna une decharge, 6c me les amena, dont je lui eus grande obligation. M. de Montplaifir eroit fans con- tredit un des plus aimablcs Cavaliers de la Colonie ; tout le Monde lui ren- doit cette judice; la Compagnie Ta- voit fait venir de Clerac en Gafco- gne, pour regir fon Habitation aux Natchez , y faire cultiver du Tabac 6c montrer aux Habitans a le fabri- quer, la Compagnie ayanr appris que ce Pofle en produifoit d'excellenr^ & que les Habitans de Clerac en pof^ fedoient parfaitement la culture Sc la maniere de le bien faconner. CO Les Tonicas ont toujours ete amis des Francois* 538 HifLoin CKAPITRE X, Defcription Geo^rapJiique dc la Loid-^ fiane : Ciimut de cetce Province, c Oir.me je n'ecris que ies chofes dont je fuis temoin , ou que j'ai apprifes par roes decouverces 8c mes experiences^ je tache de Ies rappcr- ter dans leur rems :• ainli il etoit ne» eelTaire que je fuffe ccabli dans le Pays, avant d'en donner une con- noilTance sufTi exadle que je vouiois que fut la Defcription Gecgraphique particuliere & deraillie de la Loui- fiane. Qu'on ne foit done point far- pris 5 fi je ne Fai point mife plutot dans le Corps de cette Hirtoire. Bornesaela La Louifiane fituee dans la partie l^ouifiane, Septentrionale de rAmerique, eft bo?- nee au ?>Iidi par le Golfe du Mexi- que, au Levant par la Caroline, Co- lonie Angloife, 6c partie du Canada, au Couchant par le nouveau Mexi- que , au Nord en partie par le Ca« nada : le refle n'a point de bornes ^ cette grande Riviere jufqu'a i'en- a> droit oil elle taute, que de cet en- :» droit jufqu'a la grande Eau. » (i) Sur ces eclairciiTernens on peut afsu- rer que ce Fleuve doit avoir quinze a ieize cens lieues de fa fource a foa embouchure , puifqu^il y a huit cens iieues du Sauk S. x^ntoine a ia Mer, Cette conjcdure e(l d'autantplus pro- bable , que loin dans les terres duNord life jette dj.ns ce Fieuve quantite de Rivieres d'un cours ailez long ,' que ■ meme (i) Cell ainfi que ces Peuples nomment ia Mer. de la Louifiane: 145* ineme au-deflus du Sauk S. Antoine , on trouve dans ce Fleuve jufqu^a rrente & rrente- cinq bralTes d'eau,^& de la ,,^°f I'^^^i/j! iargeur a proportion , ce qui ne peutve s. Louis , venir d'une Iburce peu eloignee ; je ce^faf<[u'l°"ii puis ajouter que toutes les Nations des ^icr, Naturels , qui Font appris de ceux qui font le moins eloignes de la fource , penfent de nTieme acet egard. On peut done a prefent flatuer fur la longueur de laLouifiane j puifque Ton tient deja feize cens lieues du Fleuve S. Louis. II eft aife de comprendre par tout ce que je viens de dire , pourquoi on donne le nom de Fleuve a celui de S, Louis , & qu'on ne nomme que Rivie- res les eaux courantes qui s'y jettent; la Geographic veut avec raifon que le nom de Fleuve foic donne a la Riviere qui prend fes eaux de plus loin , & qui conferve fon nom juiqu'a la Mer; &: qu'au contraire on donne le nom de Riviere aux eaux de fource, qui per- dent leursnomsenmeme tems qu'eiies le perdent dans le Fleuve. Reprenons ce Fleuve depuis fa four- ce jufqu'a la Mer. Quoique M. de Charieville n'ait point vu la fource du Fleuve S. Louis , il apprit qu'un bon r.ombre de Rivieres y conduifoient. Toms L G leurs eaux ; 11 en a vues meme au-HeP^ fus du Sault S. Antoine , qui avoient plus de cent lieues de cours , & qui venoient des deux cotes fe rendre dans ce Fleuve ; il n'en fgavoit point le nom, aind je ne parlerai que de celles qui fontau-deflous du Sauk S. Antoine , & qui font connues. II eft bon d*obferver qu'en defcen- dantle Fleuve depuis le Saulc S. An- toine 5 la droite fe trouve a FOuefl. (ou Couchant), & la gauche a T Eft (ouLevant). La premiere Riviere qu'on trouve depuis le Sault Be quelques lieues ->!? w'\fne P^^^ bas, eft la Riviere S, Pierre, ii^ie, Croix* & vient de TOueft; plus bas a i'Eft, eft la Riviere Sainte Croix : elies font toutes deux paffabiement groiles: il s'en trouve quantite d'autres beaucoup plus petites dont le nom n'importe point. On rencontre eniuite celle de Moingona qui vient de I'Oueft (l)j environ deux cent-cinqunnte lieues au- deiTous du Sault; elle a plus de cerit- cinquante lieues de long. Depuis cette Ri/iere jufqu'a celle des Illinois j il fe jette dans le Fleuve quantite de petites Rivieres ou RuilTeaux a droi« (0 Ceti£ Riviere eft en partie lalece de la Lou\Jianel Y47 fe & a gauche. Celle des Illinois Riviere ia vient de I'Eft . & prend fa fource fur ^"^^°^^- les Frontieres du Canada; fa lon- gueur eft de deux cent lieues. La Riviere du Mijjouri vient d*en- Riviere du viron huit cent lleues , courant du ^^^^''^^* Nord-Oueft au Sud-Eft; elle fe de- charge dans le Fleuve , quatre a cinq lieues au-delTous de celle des Illinois. Cette Riviere en regoit beaucoup d'au- tres , en particulier celle des Can- ^ Riviere des zes, qui a plus de cent-cmquante neues de cours, De la Riviere des Illinois, & de celle du Miflburi , on compte cinq cent lieues jufqu'a la Mer, & trois cent jufqu'au 5ault S. Antoine, Du Miflfouri jufqu'a rOuabache, il y Rivjered'Ouii ,. 2 • r bache. a cent lieues; cetre derniere le nom- me ordinairement ainfi , quoiqu'on lui donne plufieurs aurres noms ; c'efl par cette Riviere que I'on va en Ca- nada , depuis la nouvelle Orleans juf- qu'a Quebec. Ce voyage fe fait en ^9"^^ cie u remontant le Fleuve depuis la Capi-LoJ'i'i^ang'^i ^* tale jufqu'a I'Ouabache , que Ton re- Quebec. monte de mcme jufqu'a la Riviere des Miamls ; on continue cette derriere jufqu'au Portage : des que Ton eft arrive a cet endroit on va chercher des Naturels de cecte Nation, qui Gij '148 Hijfolre font le Portage Fefpace de deux lieuesl ie chemin fait, on trouve une petite Riviere qui tombe dans le Lac Erie, ou Ton change de voiture : c'eft-a- • dire, que I'on a remonte en Piro- gues 5 3c que Ton defcend le Fieuve S. Laurent jufqu'a Quebec en Canots d'ecorce de Boulleau. On eil: de me- me oblige de faire des Portages fur ce dernier Fieuve , a caufedes Saults ou Cataradles qui s'y trouvent en plu- fieurs endroits. Ceux qui ont fait ce Voyage m'ont dit qu'ils conaptoient dix huit cent iieues depuis la nouvelle Orleans, jufqu'a Quebec. Quoiqu'a la Loui- liane, on regarde FOuabache comme la principale Riviere de celles qui viennent du cote du Canada , 6c qui reunies dans un nr.eme lit, forment la Riviere a laquelle on donne commu^ Dement le nom d'Ouabache , cepen- dant tous les Canadiens voyageurs alTurent que celle que Ton nonnme O- hyo & qui fe jette dans TOuabache, vient de beaucoup plus loin que.certe derniere, ce qui devroit'etre une rai- ^'(^7oT^ fon de lui donner le nom d'Obyo^ jTiais i'uf ge a prevalu. ' DeDuis rOuabache 6c du meme c6- de la Loidfiane, ^ 145) te jafqu'a Manchac , on ne voit que trh-peu de Rivieres & tres petites 5 qui fe jettent dans le Fleuve, quoi- qu il y ait pr^s de trois cent cinquante lieues de I'Ouabache a Manchac;ce qui fans doute paroitra extraordinaire a ceux qui ne connoilTent pas le Pays^ La raifon que Ton en peut don- lier paroit toute naturelle & fe rend fenfible : dans toute cette partie de la Louifiane qui eft a I'Eft^ du Fleu- Ve S. Louis 5 les terres font telle- ment elevees dans le volfinage da Fleuve, qu'en beaucoup d'endroirs les eaux pluviales s'ecartent des bords da Fleuve, & vont toir.ber dans des Ri- vieres qui fe dechargent direftemenr dans la Mer ou dans les Lacs; une autre raifon tr^s-vraifembiable, c'efl: que depuis TOuabache jufqu'a la ?rler, il ne tombe de pluye que par ora- ge ; ce qui eft compenfe par les ro- fees abondantes , pour ce qui regar- de les plantes qui n'y perdent rien, L'Oaabache a trois cent lieues de cours, & rOhyo prend fa lource cent lieues plus loin. En continuant la defcente du Fleu- ve S. Louis, depuis I'Ouabache juf- Ta'a la Riviere des Arkanfas , Ton G iij ISO Hi/Ioire ne^remarque que peu de Rivieres Ss ailes petites , donr ja plus confide- T^Z'''-'^ f^. c^lie de S. Francois, qui n'eft eloignee que de trente & quei- Gues lieues de celle des Arkanfas, C'efl fur cette Riviere de S. Fran- cois, que les ChalTeurs de la nou- velle Orle'ans vont tous les hyvers faire la provifion de Viandes/alees , de Suif, Sc d'Huile d'Curs pour ap- provifionner cette Capitale. m^ere d,s La Riviere des Arkanfas qui eft trente-cmq heues plus has & a deux cent de la ncuvelle Orleans , eft ain- fi nommee a caufe de la Nation des Naturels de ce nom, qui habitent fes bords un peu plus haut que fon con- fluent dans le Fleuve. Le cours de cette Riviere efl de trois cent lieues, fa fource eft a la meme latitude que Santa-Fe du noaveau Mexiquo, dans les Montagnes duquel elle tire fes eaux; elle remonte un peu Fefpace de cent lieues vers le Nord en fai- ^Bivkreblan.fant^un coude anplati, fe retourne de-la vers le Sud-Eft & jufqu'au Fleu- ve : elle a une Catr^rade ou Saulta plus de moitie de fon cours; quel- ques-uns la nomment la Riviere blan* €he, parce que dans f^n cours ellf de la Louifiane. i^i fe^oit une Riviere de ce nom. Ls pointe coupee eft environ quarante lieues plus bas que la Riviere des Arkanfas ; c'efl un long circuit que le Fleuve faifoit, & qu'il a abrege en coupant cette pointe de terre. Au deflbus de cette Riviere en defcendant.on n'appergoit gueres que des RuifiTeaux ou de tres-petites Ri- vieres^ excepte celle des Yazous, a^i^^^-^^^'* foixante lieues plus bas; cette Ri- viere n'a qu'environ cinquante lieues de cours , & les Bateaux ne peuvent la remonter bien Idin; elle a pris Ton nom de la Nation que je viens de nommer, qui habitoit fur fes bords avec quelques autres toutes aiTes foi- bles, qui y habitoient aufli (i). Depuis cette petite Riviere, orx n'en rencontre que de tres-petites jufqu'a la Riviere Rouge ; on Pa nom- jT.ee dans le commencement Riviere de Marne , parce qu'elle eft a peu- pres grolTe comnoje la Marne qui fe RWIere rouge jette dans la Seine ; les Nadlchitc- ches habitent fes bords, & on la (i) Vingt-huit lieues au-deflbus ^i-'^a ob 2::::^^ .: - -jII tombe une tres- petite Riviere ; dans le Lac de Maurepas , qui ^ft a j i Eft de Manchac, En fuivant VEd: , ; on peut paiTer de ce Lac dans celui de S. Louis, par une Puviere que for- menr les eaux de celle d'Amite. En ^ fuivant le Nord de ce Lac, fe trouve a lEft la petite Riviere TandgUpao , Riviere Tand Tome i, G V gi-pao. tJ4 JJiJloire Rfvfefe ae ^" ^" ^'^*^ ?^^'^ • ^^'^^ fuiV^tlt tOuJourS <^uefoii(fte. I'Eft, on arrive a la Riviere de Quefonc- te, ou des Chataignes-Glands ; elle eft longue & belle , & vient des Chatkas, Rivisre de ^H pourfuivant la meme route , on Caftin-Bayouc rencontre celle de Cajiin Bayouc ; on peut fortir enfuite du Lac par le Che- nal qui borde la meme terre,& fuivant Riviere aux TEft on voit la Riviere aux Perks , qui tombe dans ce Chenal. Plus loin fur la cote , qui eft de rOueft a I'Eft , on trouve la Baye S. Louis , dans laquelle fe rend une peti- te Riviere de cenom; en avangant en- core on rencontre la Riviere des Paf^ P.ful%tZ^^-Ogoulas; on ^vm^en^n ^ la Baye Sas. de la Mobile, qui a plus de trente BayedeiaMo-lJeuesdeprofondeurdansles terres, ou Mie. qWq re^oit la Riviere du meme nom , Riviere deJa 9^^ ^ environ cent cinquante lieues du ^lobile. Nord au Sud ; toutes celles dont je viens de parler , & qui ne fe jettent point dans le Fleuve , vont de meme du Nord au Sud. 4> V *J dt U Louifiam, tSS chapitre XI. Suiu de Ici Defcripdon Geographlque r La baje Lou'ifiane ejl une Tern rap- portee, JE reviens a Manchac ou j'ai laiiTe le Fleuve S. Louis. A peu de dif- tance de Manchac on rencontre la Ri- viere des Plaquemines ; elle ef!:^ 4 I'OueftjC'edplutot un Bayouc quu- ne Riviere. Trois ou quatre lieues plus bas eft la Fourche. Cette Fourche eft Le Ci£ad dr un Chenal a TOueft du Fleuve , par le- i^ Fourche. quel s'ecoule une partie des eaux des. debordemensdu Fleuve. Ceseauxpai^ fent par plufieurs Lacs , & de la a la Mer par la Baye de VAfienfion. Pour Baye de i?Ar« ce qui eft des autres Rivieres qui font <=enfion.. a rOueft de cette Baye, perfonne de la Colonie n'a jamais pu dire leurs noms ; ainfi je les nomme fur la Carte comme les Geographes. Les eaux qui tombent dans ces Lacs ne font pas feulement celles qui paflent par ce Chenal , mais encore celles qui Ibrtent de ce Fleuve lorfqu'il deborde de cote & d'autre 3 car de route I'eau G vj ij^ Hip ire qui fort du Fleuve fur fes cotes perpen- diculaires , il n'en rentre jamais una goutte dans fon lit , ce qui doit s'en- tendre feulement dans lesterres bafles, c'eft>a-dire cinquante a foixanre lieues de la Mtr du cote de TEft, & plus de cent lieues du cote de TOueft. On s'etonnera fans doute qu'un Fleuve qui s'efl: deborde ne regoive leseauTc qui plus dans la fuite fes eaux . ni en tout Fic !ve n'y "^ ^^' pattie. Lc lujet de cette lurprifs lentrent ja- eft trcs-raifonnable , puifque Ton voir partout le contraire arriver, & que des autres Pays Etrangers on n'a jamais appris une nouvelle de cette nature. J'en ai ete furpris,& je n'en fuis pas refte a une furprife flerile ; j'ai fait mes efforts dans toutes les occafions qui fe font prefentees, pour ne pas demeurer dans une ignorance plus chagrinante & beaucoup plus a charge,que les pel- nes que I'on fe donne pour la decou- verte des objets qui nous etonnenc avec raifon. J'ai done etudie avec ap- plication cequi pouvoit caufer un efFet qui me paroiifoit reellement extraordi- Tiaire^Sc je crois I'avoir trouve. lerterres ^e- Depuis Manchac jufqu'^ la mer il v puis Manchac ^„^_ o ^ j ^ font desterres ^ ^pparence, oc meme despreuves, que appone ej^ toutcs Ics tcrres que Ton y vQit & que de la LoUiJiane, If J I'on y cultive font des terres rappor- tees, au mcyen des vafes que leFleuve charie par fon debordemtnt annuei,qui commence au mois de Mars par la fon* de des neiges du Nord, 6c dure envi- ron trois mois. Ces terres vafeufes produifent aifement des herbes & des rofeaux. Quand le Fleuve deborde i'annee fuivante , ces herbes & ces ro- feaux arretent une partie de ce limcn ^ en forte que les herbes qui font derrie- re ne peuvent plus en retenir une (i grande quantite , puifque les premieres en ont arrete la plus grande partie, 6c par une confequence neceflaire , les autres plus eloignees & a proportion qu'elles font ecartees du Fleuve5en peu-^ vent beaucoup moins retenir : de cette forte ]a terre s'elevant par iuccefllon de tems,les berges ou bords du Fleuve fe font trouves plus haut que les Cotes perpendiculaires du Fleuve : de meme aulTi ces Lacs voifins qui font des deux cotes font des redes de la mer, qui ne font pas encore remplis» Les autres Fleuves ont des bords fermes & conf- truits des mains de la Nature, c'eft une terre qui eft la meme que celle du Con- tinent , & qui y a toujours cte adheran- te : ces fortes de bords au lieu de s'aug- wire menter^ diminuent ou en s'affalfant, ©it meme en s ecroulant dans le lit du Fieuve : les bords du Fieuve S. Louis au contraire croififent & ne peuvent di- sninuer dans les terres balTes & rappor- tees,^parceque la vafe qui tous les ans eft depofee fur les bords, les augmen- te, ce qui fait encore que le Fieuve feretrecit , au lieu de manger les terres & de s'elargir comme font tous les au- tres Fieuves connus. II ne doit done plusetre fi furprenant que les eaux du Fieuve S. Louis unefois forties de foa lit ne puifTent plus y rentrer. Par continuation du menae fujet Sc pour prouver Taugmentation des ter- res, je rapporterai ce qui eft arrive pres de la nouvelle Orleans. Un Habi- tans fit creufer un puits a une petite diftance du Fieuve pour fe procurer une eau plus claire; on trouva a vingt piedsde profondeur un arbre couche, qui avoit trois pieds de diametre: la hauteur de la terre etoicdonc augmen- tee de vingt pieds depuis la chute ou Tarret de cet arbre , tant par la vafe rapportee , que par la pourriture des feuilles qui tonribent tous les hy vers & quele Fieuve charie en une quantite jnconcevable. En effet il entrains beau* de la Louijiam^^ ly^ coup de vafe^parce qu'il coule Fefpace de douze cens lieues au moins au tra- yers d'un Pays qui n'eft que terre, ce que faprofondeur prouve d'abondant. 11 charie une infinite de feuilles , de Cannes & d'arbres , qu'il tranfporte fur fes eaux,dont la largeur eft toujours de plus de demie lieue , quelquefois de cinq quarts de lieue. Ses bords font couvertsde beaucoup de bois^quelqua- fois d'un lieue de largeur de cote & d'autre depuis fa fource jufqu'a fon- enfibouchure. Rien dor:c de plus aife h imaginer , que ce Fleuve enmene &: roule avec fes eaux une quantite pro- digieufede vafe, de feuilles , de Can- nes, & d'arbres qu'il deracine conti- nuellement, & que la mer rejettanr routes ces matieres , elles doivent ne- celfairement produire les terres dont il eft queftion & qui croilTent fenfible- ment. A I'entree de la palfe du Sud-Eft: on avoit conftruit un petit Fort que Ton nomme encore la Balife ; ce Fort ^toit bati fur un Illot hors de I'embou- chure : en 1754. il etoit en cet endroic, & j'ai appris qu'il etoit a prefent a une demie lieue dans le Fleuve : la terre depuis vin^t ansa done gagn^ cet ef- pace dans la mer, Reprenons mainte- "iSo ^ Uifloin nant la fuite de la Defcription g^eo-gm- phique de la Louifiane. La cote eft bornee a TOuefl par la BayeS.Ber-Baye S. Bernard ou debarqua M. de la Salle ; il tombe une petite riviere dans cete Baye^ 11 y en a quelques autres qui dechargent leurs eaux cntre cette Baye & celle de rAfcenfion , ks Co- ions ne frequentent prefque point cette cote. Du cote de TEft la cote eft bor- nee par le Rioperdido, que les Francois nomment par corruption Riviere aux ^operdido. Perdrix, /via/jeri^'^o figniiiant Riviere perdue que les Efpagnols nommerent ainfi a propos , puifqu'elle fe perd fous terre , & reparoit enfuite pour ailer fe jetter dans la mer un peu ^ I'Eft de la iVIobille 5 fur laquelle s'etoient etablis ies premiers Colons Francois. Depuis la Fourche jufqu'a la mer , il n'y a aucune riviere ^il n'eft pas meme pollible qu'il y en ait apr^s ce que j'ai rapporte : on trouve au contraire a peu de diftance de la Fourche un autreChe- .- Tial ^ I'Eft , que I'on nomme Bayouc de h Sueur-, il eft plein de vafes molles & communique avec les Lacs qui font a i'Eft. ^ Aux approches de la mermen trouve k environ huk lieues de la principale de la Louifiane, i(?l embouchure du Fleuve S. Louis , la PaflTe a Sovok , & une lieue plus bas la PaiTe a laLoutr e;cQS deuxPailes ne font Paffes podt que pour des Pirogues. Des cetre en- f^^^ f^ ^ droit il n'y a plus de terre a pouvoir Louis, mettre le pied , parceque ce font des Marais tremblans jufqu'a la mer;c'efl-la audi que Ton trouve une pointe qui fe- pare les embouchures; celle de la droi- te eft nommee la Paffe duSud,d\e por- te fa pointe de l*Oueftdeux lleues plus loin en mer que les pcintes de la PaJJh du Sud'Ejl qui efl a gauche de celle du Sud. Dans les commencemens les Na- vires entroient par la Paflfe du Sud-Eft, mais avant d'y defcendre , on trouve a gauche la Faffe de VEft qui eft celle par laquelle on paiTe a prefent. A chacune de ces trois PaiTes , il y a ^it^ une barre comme a routes les rivieres du monde ; celles ci ont trois quarts de lieue de large,fur lefquelles il n'y a que huit a neuf pieds d'eau : mais il y a un Chenal qui coupe la barre , lequel etant fujet a changer fouvent , le Pilote Co- tier eft oblige de fonder tous les jours pour s'alTurer de la Paife ; ce Chenal a dix-fept a dix-huit pieds d'eau en eau baife(i). (i} Je ne parleral point deslfles qui (on% 16% HiJIoire Cette Defcripiion dolt fuffire pour faire connoitre que Patterage eft diffi- cile ; la terre d'ailleurs paroit a peine a deux lieues en mer , ce qui fans doute fut une occafion aux Efpagnols de donner a ce Fleuve le nonn de Rio-ef- condidoj'^iwiQTC cachee. Ce Fleuve eft prefque toujours trouble 3 c^ qui pro- vient deseaux du MifTouri, puifqu'a- vant cetre jondlion Feaudu Fleuve efl tres claire. Je ne dois pas oublier de dire qu'aucun Navire ne peur entrer Fii refler dans le Fleuve lorfque les eaux font haures , a caufe du nombre pro- digieux d'arbres &c de la quantite de bois mort qu^il eniraine , lefqueb joints aux tarnies , aux feuilies , au Ji- nion,& au fable que la mer rejette a la cote J augmentenc continuellement les terres & les fait avancer dans le Golfe dtr Mexique comme un bee d'oi- feau. ©ivi/Ton de la Je ferois naturellemetit porte a divi- tei^TbaL ^^' ^^ Louifiane en haute & baife.a cau- '{ede h grande difference , quant an fond de ia terre,qui fe trouve entre les frequentes dans le Fleuve' S. Louis ; ce ne font a proprement parler que des lilots qui produifent quelques arbres, quoique le £§15 lein ne foh qu'un fond de fable. de U Louijiane* l6j aeux principales parties de cette vafte contree. La haute feroit celle ou rori trouve des pierres , dont les premieres fe rencontrent entre les rivieres des Natchez & des Yazouts , qui forment un Ecore de grais tres- fin, & la borne- roit a Manchac ou finiffent les terres hautes.LabaffeLoufianes'etendroit de- la jufqu a la mer. Le fond de la terre fur les coteaux efl une glaile rouge & eft ficompadle, qu'elle pourroit fer- vir de fondemens folides a tous les edifices qu'on voudroity elever. Cette glaile eft couverte par une terre pref- que noire & legere, d*un excellent rap- port. L'herbe y croit a la hauteur du genouil, Sedans les fonds qui fepa- rent ces foibles collines, elle eft plus haute que le plus grand homme. Vers la fin de Septembre on nr.et le feu aux lines & aux autres fucceiTivementj & au bout de huit ou dix jours I'herbe nouvelle a deja cru d'un demie pied. On jugera faciiement que dans de tels paturages les troupeaux s'engraifient extraordinairement. Le Pays plat eft aquatique,& paroit avoir ete forme par tout ce qui arrive vers la mer, comme i'ai ditailleurs.J'ajouteraiqu'afTes pres des Natchitoches* on trouve de§ 1^4 Biftoire bancs de Coquilles de Palourde?; teller que celles dont eft formee I'lfle aux coquilles. Certe Nation voifine die que leur ancienne parole leur apprend que ia mer venoit autrefois jufqu^'a cet endroit ; les fennmes de cette Nation €n vont amaffer , elles en font de la poudre qu'elles melent avec la terre dont elles font leur poterie , qui eft re- connue pour la meiileure. Cependant je ne confeiilerois point de fe fervir in- dif^ereroment de ces coquilles pour cet ufage, parce que de leur nature elles petillent au feu ; j'ai done lieu de pen- ler que celles que Ton trouve aux Nadt- chitoches n'ont acquis cette bonne qua- lite, qu'en fe dechargeant de leurs fels parun fejour de plufieurs fieclesqu'el- les ont fait hors de la mer. Si Ton peut ajouter foi a la tra- dition de ces peuples , & ft Ton veut raifonnerfur lesfaits que j'ai rapportes, on fera naturellement porte a croire , comme tout dans ce Pays le demontre , que la baife Louifiane eft un Pays ga- gne fur la mer , & dont le premier fond eft un fable cryftallin, blanc comme la neige , fin comme la farine , & tel que celui qui fe trouve tant au Levant qu'au Couchantdu Fleuve S. Louis, ^ il de la. Louiflam* x6f tie faut point defefperer que dans les iiecles a venir la Mer & le Fleu ve n'en falTent une terre femblable a celle de la bafle Louiiiane. Le Fore de la Balife - Fort de l| nous fait connoitre qu'un Siecle fuific Balifet pour etendre ia Louifiane de deux lieues vers la Mer. Telle efj: ia Defer! ption geographi- que que j'ai cru devoir donner dans un detail alTez particulier , pour faire con- noitre cette Province a ceux qui pour-- roient y voyager, ou qui, fans fortir de France, pourront s'inflruire a leur aife de la qualite de cette Colonie & de fa iituation. iiS^ Hljloire CHAPITRE XI I. Voyage de VAuteur au Biloxi : Eta-^ bUJJemem des ConceJJions : VAuteur decouvre deux Mines de Cuivre : Son retour aux Natchei : Phenomena L A feconde annee de mon etablif^' fement aux Natchez , je partis pour la nouvelle Orleans ; je voulois veodre moi meme mes marcbandifes 6c denrees , au lieu de les vendre a des Marchands voyageurs qui fouvent veu* lent fe faire payer un peu trop cher de leurs peines. Une autre raifon me fai- foit encore entreprendre ce voyage : j'avois appris par des voies certaines que Ton interceptoit toutes les Lettres qui partoient pourFrance^& n'ofant me confier a perfonne pour mes Lettres, je ne voulois m'en rapportcr qu'a moi- meme. Avant de defcendre le Fleuve , j'al- lai au Fort pour demander au Com- mandant s'iln'avoit point de Lettres pour ie Gouvernement : nous n'etions pas grands amis avec ce Commandant de la Louipane: x^j ides Natcljez , qui vouloit faire fa cour au Gouverneur aux depens d'autrui. II avoir des Lettres a envoyer a M, de Biainviile j jele fgavois , il me die qu'il n'en avoic point : je me fis donner par le Commis principal un billet qui por- toit ce refus a ma demande : le meme Commis me pria d'emmener dans ma voiture un format de la Compagnie, & me donna un autre billet pour me faire payer des vivres que j'aurois fournis a ce forgat pendant le voyage. Je ne me preflfai point , & je m'arretai de tems en tems pour vifiter mes amis qui de- meuroienc le long du Fleuye ; de cette forte le Commandant eut tout le tems d'envoyer fesLettres & d'ecrire auGou- verneur que j'avois refufe de les pren- dre. ^^ Lorfque je fus a la nouvelle Orleans, ^^^.^^.^ ^^ 3 appris qu'il etoit arrive des Concef- piufieurs Con- fionnaires au nouveau Biloxi : ie iu- Sm^'^.""' ^" geai done a propos d y aller , tant pour vendre mes denrees , que pour trouver quelque moyen fur de faire tenirmes Lettres en France. Arrive au Biloxi. je fus faluer M. de Biainville: ce Gouverneur me demanda fi j'avois des Lettres pour lui, je lui repondis que je les avois fait demander, mais qu'on me les avoit refufees. II me dit avec t'6B Hiftoire ^ froideur que Je n'avois point voulu m'eTi charger : pour toute reponfe je lui montrai le certificat du Comnriis prin- cipal , a quoi il ne put repondre qu'en me difant que du moins je ne pouvois nier que j'eufie emmene furtivement un for9at de la Compagnie, Je lui re- pliquai que le Conrimandant des Nat-i chez lui en imvoroit ; 5c pour le lui prouver , je lui fis voir le billet du Corn- mis principal 5 parlequelii prioit MM.' les Diredeurs de me rembcurfer les vivres du format que j'avds bien vou- lu defcendre , & qu'il renvoyolt, par- ce qu il lui etoit inutile. Cette expli- cation & ces reponfes par ecrit ie mi-; rent , commeon peutbien s'imaginer , de tres mauvaife hunaeun Je me reti- rai : dcs le jour meme je rencontrai M; d'Artaguette d'Iron Lieutenant de Roi , quim'invita d'aller fouper chez lui , je ne pus m'en defendre , parce qu'il me dit que tous les Chefs de ConcefTions y Ibupoient pour la me-^ itie raifon pour laquelle il m'invi-, toit. Je m'y rendis d'autant plus vo-: lontiers que je preiumois que i'aurois la fatisfafticn de voir ces Conceflion-^ naires qui etoient tous mes amis. Sur la iin du fcuper nous tinmes confeil pour. ie la Louijiane, 16$ p'Otir decouvrir le moyen de faire par- venir nos Lettres en France ; nous le trouvames , & nous nous en fervimes par la fuite. Le Biloxi efl fitue vis-a-vis I'lfle aux VailTeaux , & a quarre lieues de cette Ifle. Je n'ai jamais pu deviner pour quelle raifon on fit dans cet en- droit le principal ErabliiTement de la Colonie , ni pourquoi on vouloit y ba- tir la Capitale; rien ne repugnoit plus Etatii/T::mcat au bon fens , puifque non-feulement ^'"^ ^-^^^^^ les VailTeaux ne pouvoient en appro- cher que de quatre lieues , mais encore, ce qui genoit le plus , c'efl: qu'on ne pouvoit rien apporrer des Navires , qu'en changeanr trois fois de ba- teaux de plus petits en plus petits ; encore falloit-il aller a i'eau plus de cent pas avec des petites charettes pour decharger les plus petits bateaux. Ce qui devoit encore eloigner de faire TE- tablllTement au Biloxi, c'eft que le ter^ rein efl d^s plus fteriles, ce n'efl qu'uFi fable fin , blanc & brillant conime la neige , fur lequel il eft impoflible de faire croitre aucun iegume ; on y etoit en outre extremement incommode des rats qui y fourmillent , & fe logent dans le fable , & dans ce terns ils ron- Toirn L H I'jo Hifloire geoient jufqu'au bois des fufils ; la di- fette y avoir dee fi grande, que plus de cinq cens perfonnes y etoient mor- £es de iaim , le pain y etoit fort cher, & la viande tres-rare'; il n'y avoir que le pcidbn donr cet endroir abonde , qui y flit alTez commun. Cctte diferre provenoir de Farrivde des ConcelTions qui etoient venue • rou- tes eniemble , de (brre qu'il ne s'y trou- va pas aflez de vivres pour les nourrir, ni de bateaux pour les rranfporrer aux lieux de leur dedination , comme la Compagnie y etoit obligee. Ce qui en fauva'quelques-uns , fut la grande quan- tire d'huitres qu*iis trouvoienr fur la core, encore eroienr-ils obliges d'etre dans i'eau juiqu'a la cuilTe a une por- tee de carabine du bord. Si cet aliment en nourriiToit plufieurs , il en rer.doit malade un grand nombre , ce qui eioic encore occafionne par ie long terns qu lis relloienr dans I'eau. EtatlifTemens Ces Concefiions eroient celle^ de |ons'°''^^^' M. Law , qui devoir avoir quinze '^^^' cens perfonnes , pour la former , com- pofees d'AKemans, de Provengaux, gjc. Son terrein eroir defigne aux Arkanfas ; ii avoir quatre lieues quar- ries , (k eioit erige en Duche j; de la Louifianel tjt i\ avoir les Equipages pour une Com- pagnie de Dragons , des Marchan- difes pour plus d^un million : M, Le- vans en etoit rAdminiftrateur , & avoir une chaife roulante pour vi- liter les difFerens Poftes de la Con- ceflion. Mais M. Law manqua , la Compagnie s'empara de routes les Marchandifes & Efrets ; les engages refterenr en petir nombre aux Arkan- fas , puis furenr tous difperfes 6c mis en liberte : prefque tous les Ailemans s'etablirent a huir lieues au-deffus & a rOuefl de la Capirale. Cette Con- ceilion perdit pres de milie perfonnes a rOrient av:.nt de s'embarquer , 6c plus de deux cens au Biloxi. La Conceflion de M. le Blanc, Mi- niflre , s'etablir aux Yazoux ; il avoir pour AlTocies MM. de Belle-Ifle.d'Af- feld & de la Jonchere ; par la fuite elle eut la Terre Blanche aux Nat- chez. Celle de Koly aux Natchez ; elle avoir achete celle de M. Huberr. Celle de M. d'Artaguette au Ba- ton rouge 5 a ving - fix lieues de la Nouvelle Orleans. Celle de M. Paris du Vernai aux Bayagoulas , a vingt-huit lieues de la Capitale. H ij 172 ' Hiflo'ire Celle de M. Paris de Montmartel aux Illinois , compofee de Mineurs j pour exploiter les Mines de ce Can- ton. Celle deMezieres aux Ecoresblancs, a trente-neuf lieues de la Nouvelle Orleans. Celle de Meufe a la Pointe Cou- pee , une lieue plus haur. Celle deVillemont lur la Riviere Noi- re a cent vingt lieues de la Capitale. Celle de Chaumont aux Paska O- goulas , fur la Riviere de ce nom. Celle d'Epinay aux Cannes brulees; a dix lieues environ de la Capitale. Je ne parle point de celles qui etoient venues en menne-rems que moi en 17 1 8; ce detail feroit plus ennuyeux qu'inf- tru6lif. Toute cette mifere dont j'ecois temoin au Biloxl , me determina a al- ler a quelques lieues fur cette cote paf- fer une huitaine chez un ami qui me recut avec plaifir ; nous montames a cheval pour vifiter Tinterieur du P;:ys a quelques lieues de la Mer ; je trou- vai les cempagnes aflez belles , mais bien moins fertiles que le long du Fleu- ve j eiles fe fentent un peu du voifina- ge de la cote , qui n'a prefque point: jd'autres plantes que des Pins a perte DecoHverte nes He vue & quelques Cedres rouges 3c blancs. Lorfque nous fumes dans la P^aine, ^^^j^^^^f je furetai tous les endroits que je crus du CuiyA-e. meriter mes regards .* je trouvai apr^s fcet examen deux Mines de Cuivre , dont le metail eroit apparent ; elle<5 peuvent etre a une dennie iieue de dif- tance Tune de 1 autre ; il eft a croirg qu'elles font rres-abondantes , puif- qu'elles fe decelenc de la forte fur la furface de la terre. Quand je nne fus afTez promene , & que je ne previs plus que je pouvois trouver de quoiJatisFaire macurioiite, ,, Retour ce * • -n\ ' \ • ■ 1 Aateur aux je retournai au iDUoxi ^ ou je trouvai Natchez, deux bateaux de la Compagnie qui fe preparoient a partir pour la Nouvelle , Orleans, & une groiTe Pirogue qui ap- partenoir au R. P. Charlevoix, Jefuite, dont le nom eft tres-connu dans la Re- publique des Lettres ; je retournai avec lui a la Nouvelle Orleans : je comprois avec raifon avoir une place dans les bateaux de la Compas^nie ; mais M. Hubert a qui le R. P. vint faire fes adieux , le pria de me pren- dre avec lui , & que je lui tiendrois compagnie ; il y confentit ; mais je I'engageai a donner auffi paffage a M, H iij 174 EiJlGire de S, G'illes , frere de M. de la Loire- Flaucourt , qui m'avoic prie de le pren- dre avec moi ; parce qu'en arrivant de Frarxe , on eft embarrafl'e , fur-rout dans un pays neuf ^ comme etoit alors la Louifiane. Phc'nomene Peu de terns apres mon retour du Bioxi aux Natchez , il iurviDt un Phenonnene , qui effraya toute la Pro- vince j refFroi etoit d'autant plus jufte- ment fonde, que perfonne ne pouvoic en devin^r la caufe , m en prevoir les efFets, que Ton craint toujours malgre la force du raifonnement, qui devient inutile lorfque Fon n'a aucune connoiP fance du fujet. Tous les matins pendant huit jours on entendoit un bruit fourd quoique fort, depuis la Mer aux Illinois , qui montoit du cote de I'Oueft ; I'apres- / rtiidi on I'entendoit defcendre du cote de FEft , le tout avec une vitelTe in- croyable ; & quoique le bruit parut appuye fur I'eau , elle ne fremiiToit point , & on ne fentoit fur le Fleuve ■ pas plus de vent qu'auparavant. Get effroyable bruit n'etoit que le prelude de la tenripete la plus violente ; cet Ouragan Je plus furieux qui eut jamais paru dans la Province , dura trois jours* de la Louifiane. I7> 6omme 11 montoit du Sud Oueft^ au Kord-Eli , il allongeoit tous les eta- bliflemens qui etoient le long du Fieu- ve ; on s'en reiTentoit a quelques lieues- plus ou moins fort , fuivant que i'on etoit plus ou moins eloigne ; mais dans- les endroits ou paila le Fort de TOu- ragan , il renverla tout ce qu'il ren- contra dans Ton chemin , qui etoit de" lalargeur d'unbon quart de iieue, en- force que Ton eut pris pour une ave-^ nue faite expres , I'eodroit ou il avoir paiie,qui etoic totalemcnt applati , &: avoit les cotes droits, Les plus gros arbres etoient deracines , & leurs bran- ches brifee-s a platte terre , de meme cue les rofeaux des bols ; dans les prairies rherbe m^me,qui n'avoit alors que fix pouces de haut , & qui eft fort fine , ne put fe garantir d'etre foulee , flerrie &: collee a terre. Le fort de I'Ouragan paila a une Iieue de mon Habitation , neanmoins ma maifon qui etoit de pieux en terre, eut ete renverfee , fi je ne TeuiTe promptement appuyee avec un a^rbre , le gros bout en terre , &r cloue a la mailbn avec une fiche de fer de iept a huic pouces de long : plufieurs bati- mens de notre Pofte" furent renverfes: H iv t J 6 ^ Hiftoire mais nous fumes heureux dans cette Colonie que le fort de cet Ouragan Tit palTa pas ^ direftement fur aucun Pofle , & qu'il traverfa obiiquement leFleuve fur un pays rotalement in- habite. II arriva vers le mois de Mars en 1722. Comme cet Ouragan venoit de la partie du Sud , il gonfla tellement la Mer , que le Fieuve refoula contre fon courant ^ jufqu'a monter a plus de quin- zepieds* de la Louijiane. 177 CHAPITRE XIIL Premiere Guerre avec les Natchez : Caufe de cette Guerre : Les Nam- rets app orient le Cdumet de Paix a rAuteur, L A meme annee far la fin de TEte, nous eumes la premiere Guerre avec les Narchez. Comme f ai declare que Je parlerois plus de cette Nation que de route autre , parce que je Tai plus partkulierement connue , j'efpere que Ton me difpenfera de rapporter ce qui s'eil patTe ailleurs. Ce n'eft pas que je n'enaye eu quelque connoiiTance , mais on rifque toujours beaucoup a faire fond fur les relations d'autrui.dans des affaires de la nature de ce)le - ci,oii il eil diinciie des'exempter de partiaiite. Je ne puis meme toucher celles qui fe font paflees fous mes yeux fans ufer d'une grande referve. Quoique les details de cet etabliife- ment des Erancols a la Louifiane puif- fent paroitre affez iadifFcrens a ceux qui viendront apres nouS; je rencontre H V 178 Tliftoire cependant , a mefureque j*ecris , toul ies dangers qui etonnent les Ecrivains des Hiftoires Modernes. Les morts ^ les vivans font egalement a menager , - 6c la verite que Ton connoit eft d'une delicateffe a exprimer qui fait tomber la plume de la main de ceux qui rai- ment. Je ferai neanmoins mes efforts pour donner une efquiife fidelle de ce qui eft arrive aux Natchez , ou fe font palTes ies plus grands evenemens de la Colcnie : ce que je ne dirai point fe trouvera quelque jour dans les Memoi- res que i'onpublic-ra& quiexiftent ac- tuellement en manufcrits, comme ceux de M. de S. Denis , & quelques autres dont j'ai profite pour la decouver- te dela Louifiane. Etati'iTcment i^es Francois s'etablirent aux Nat- tier-M-ancois T r T -- • 1 1 aus Natchez, chez lans aucune contradiction de la part de ces peuples , qui loin meme de les traverfer , ]eur rendirent beaucoup defervicesj 6c leur furent d'un fecours tres-elTentiel pour avoir des vivres ; ceux que laCompagnie des Indes avoic envoyes avec fa premiere Fiotte av?;nt €te retenus a la nouvelle Orleans. Sans les Naturels ils feroient peris de faim & de mifere; ca^ quelqu'exce'lent que foit unnouveau Pays, il faut TeiTarter de la LGuijiane. I79 le defricher , renfemencer & attendre tout au moins la premiere moiflon : en efFet il faut etre bien jufte dans fes ope- rations pour fl;ire precifement ce qu il faut du premier coup & n'avoir point h recommencer. Mais pendant ce terns il faut vivre, & la Compagnie 1 avoit bienreconnu , puifqu'elle avoit envoye avec leshuit cens hommes qu elle tai- foit paffer a la Loulfiane de quoi les nourrir trois ans de fuite. Les Celxion- naires & Colons reduirs a traiter ( ache- ter par echange ) des vlvres avec les Natchez, virent par44 dilTiper leurs - avances & ne purent former un etabliUe- ment auffi confiderable qu'iisl auroient fait,s'ils n'eulient point perdu leur lang le plus pur par ces faignees auffi tre- quentesque neceflfaire^. ^ Cependant il en rdfulta un bien:. c'eft que les Natchez attires par la ta- cilite de traiter desmarchandifcsaupa- ravant inconnues chez eux, comme u- fils,poudre,plomb,eaa^de-vje In- ge , draps & autres cbo^.es femblables , aumoyend^un echange dctoutce dont .1 1 4„:atn- c'afrac'iereiit de plusen LesNatchez plus a^^x Francois & feroient [eltes ^^.^_ amis ws-utiles, file peu de (atisfac- tion que kur donna le Commandant da ^ H vj ^iBo ^ Hijloire Fort Rofalle de la mauvaife adllotif d'un de fes Soldats n'eut alliene leurs efprits. Ce Fort couvroit rHabitation des Natchez & protegeoit celle de Sainte Catherine , qui etoic fur le bord ^^«crt neglige', de la petiie Riviere des Natchez. Mais la defenfe & la protedlion etoienr quel- que chofe de bien mince ^ car ce Fort n'etoit que de palilTades , ouvert par lix breches , fans folTe , & n'avoit qu'une tr^s-foible garnifon. D'un autre cote lesmaifons des Habitans , quoiqu'en afliez grand riombre, n'avoient sucune ' force par elles-nieraes 3 les Habitans difperles dans la Campagneschacun au milieu de fes champs , loin de fe preter une force mutuelle , comrae ils auroient fait s'ils euffent ete reunis , avoient chacun au premier accident befoin de lecours. Un jeune Soldat du Fore Rofalie avoit fait quelques avances a un vieux Guerrier d'un Village desNatchez (i) qui devoit lui donner en retour du bled. Vers le commencement de i;rly- Ca.redecetteXf'^^ ^7^5^ ce Soldat logd pr^s du Gue/re. Fort^le vieux Guerrier y fut le voir, le : . (0 Ce Village etoit celui de \3>Pomme Blanche : cha^ue Village a fon now. parti- culler. de laLouifiane. rgl Soidatlui demanda fon bled. LeNacu- rel repondit doucement que le bied n'etoit pas encore ailez fee pour i'egrai- ner, que d'ailleurs fa femme avoir ete maladej & qu'il le payeroit aufli-tot qu'il leroit poffible. Le jeune homme peu content de cette reponfe mena^a le vieillard de lui donner des coups de baton. Aufii-tot celui-ci qui etoit dans la cabane du Soldat , fut indigne de cerre menace & lui dit qu'il vint voir dehors lequel feroit le plus fort. Sur ce deli le Soldat criant a raflaiTin appelle la Garde a fon fecours.LaGarde accou-; rut 5 & le jeune homme la preila de ti- ter fur le Guerrierqui. retournoit a fen Village d'un pas ordinaire , un Soldac fut allez imprudent pour le faire. Le vieillard tom.ba du coup. Bien-tot le Commandant fut averti de ce qui ve- il oir aQ^Q. pafier, & fe rendit furle lieu, ou les temoins , car il y en avoir de Fran9ois & de Natchez, ou les temoins , dis-je, i'inflruifirentdu fait. La jufti- ce & la prudence vouloient qu^il fit fu- bir au Soldat un chatiment exemplai- re 3 mais il Ten quitta pour une repri- mande, apres laquelle les Naturels fi- rent un brancard & emporterenc leur Guerrier qui mourut ia nuit fuivante It 2% B'ijloire defesblefTures, quoique le fufil n'eut ete charge que de^gros plomb. La vengeance eft la pafTion domi- nante des peuples de T Amerique : ainfi I'on ne doit point s'etonner que la mort de ce vieux Guerrier ait fouleve tout fon village contre les Fran9ois, lerefte de la Nation dans ce commencement ne prit point part a la querelie. Le-premier efFet du reiTentiment des- Hoflilke des Natchez tomba furun Francois nom- ^^atchei. j^^ ^ Guenot, qu'Ws furprirent re- tournant duForta Sainte Catherine ^ & furun autre Habitant qu'ils ruerent dans Ton lit. Bientot apres ils atraque- rent tout a la fois THabiration de Sain- te Catherine , & celle qui etoit fous le Fort P.ofalie. C'etoit dans certe der- niere que j'avois etabli ma demeure. Je me vis done expofe. ainfi que beau- coup d'autres , a payer de mes biens , & peut-etre de ma vie la temerite d'un Soldat & la trop grande douceur de fon Capitaine. Mais comme je connoif- fois deja le caradere des peuples a qui nous avions affaire, je ne defefperai point de fauver Ton & Tautre. Je me barricadai dans ma maifon ; & m'etant mis en etat de defenfe , lorfqu'ils vin- rent la nuit , felon leur coutume . pour de la Louijiane, rSj: me furprendre, ils n'oferent m'atta- quer. Cette premiere entreprife que je ju- geai bien devoir etre fuivie d^une Sc meme de plufieurs autres, me fit pren- dre le parti , des que le jour fut venu , de me retirer fous le Fort , ainfi que faiibient tous les Habitans, & d'y por- ter toutes les provilions que j'avois en mon logis. Je ne pus executer mon delTeinqu'a moitie : mes Efclaves ayant commence par tranfporter le meilieur, ?. peine fus-je arrive fous le Fort, qua- le Commandant me pria de me mettre a la tete d'un detachement d'Habitans pour aller au fecours de Sainte Cathe- rine. II y avoit deja envoye toute fa Garnifon , ne fe refervant que cinq hommespour la garde du Fort , & ce fecours ne fufHroit pas pour degager I'Habitation que les Narurels en grand nombre preiToient vivement. Je partis fans difFerer. Les coups de fufil fe faifoient^entendre de loin, mais le bruit celTa auffi-tot que je fus arrive ,. & les Nature's parurent s'etre retires ; ils m'avoientfansdoutedecouvertdans ma marche , & la vue d*un renfort que je conduifois leur en avoit impofe* L'Oilicierquicommandoit le detache- ^§4 Uifloire ment de la Garnifon, & que je relevoli,' retourna au Fort av-ec fa Troupe , 6c le Commandement m'etant ainfi devolu, je fis alTembler tous les Negres , & leur ordonnaj de couper routes les brouf- failles 5 qui couvrant la Campagne fa- vorifoienr Tapproche de TEnnemi juf- qu aux porres des maifons de cette con- ceilion. Cette operation fe fit fans au- cun trouble , fi ce n'efl une douzaine de coups defufilquelesNaturels tirerenr des bois oii ils etoient caches au-de- la de la Riviere^ car la plaine des envi- rons de Sainte Catherine etant abfolu- ment nettoyee de tout ce qui pouvoit les mafquer, ils n'oferent plus y pa- roKre. .Kcgodatians. Cependant le Commandant du Fort Eofalie faifoit agir aupres du Serpent Pique , ufin que ce grand Chcfde Guer- re calmat cecre partie de fa Nation , & procurat la paix. Comme il etoit de nosamis, \\ y travailla efiicacement, & les hofiilites celTerent. Lorfque j'eus paife vingt-quatre heures a Sainte Ca- therine , je fus releve par un nouveau detacbement d'Habitans que je relevai a mon tour le lendem.ain. Ce fut a cet- te feconde garde que je m^ontai, que le Village avec qui on etoit en guerre ^ de la Louifiane, iSj ni'envoya par fes deputes le Calumet ,p^',^.,^'f^^^^^^ de Paix. Mon premier mouvement fut Caium^t de de le refufer , f^achant que cethonneur ^^^^^ ^ ^'^'^'^' etoit du au Commandant du Fort, & ii me paroifl'oit d'autant plus delicat de Ten priver que nous n'etions pas trop bien enfemble. Cependant le danger evident d'occafionner la continuation de la Guerre en le refufanc, me deter- mina a I'accepter , apres neanmoins avoir pris I'avis de ceux qui eroient avec moi , qui tous le jugerent a pro- pos pour menager ces peuples a qui le Commandant etoit devenu odieux. Je leur demandai ce qu'ils vou- loient , ils me repondirent en trem- blant , la paix : « Cela eft bon , leur »repliquai-je , mais pourquoi m'ap- 3> portez- vous le Calumet de Paix f ^> C'efi: au Chef du Fort qu'il faut le 33 porter pour avoir la paix. Nous 3> avons ordre, me dirent-ils , de te 55 Tapporterd'abord, fi tu veux le re- 33 cevoir en fumant feulement dedans ; 35 nous le porterons apres au Chef du 33 Fort J mais fi tu ne veux pas le rece- ss voir, les ordres portent que nous 33 n'avons qu'a nous en retourner. cc Je leur dis done que je voulo's bien fumer dans leur Calumet , a condition 1^6 Bijfloire qu'ils iroient le porter au Chef du Fort, lis me lirent une harangue, eile dura peu, quoi qu'clle fut tres- fiateufe ^ on me difpenfera de la rapporcer pour la raifon que Ton peut aifemenr deviner: Je reroiidis a leur harangue , qu'ii etoir bon que nous repriflions notre fa9on de v'lvre enfernble , & que les Frangois & les hommes Rouges cu- bliaiienr entierement ce qui s^etoit pa('e 5 qu'a mon egard j'avois du cha- ■ grin de n'avoir plus de maifon , mais que j'en allois batir une trjs- promptement , & qu'aufli tot que ]j. La Maifon deferois logc j'oublirois que Tancienne fejljT"^ ^"^ ^^^^^ ^^^ brulce; enfin qu'ils n'avoienc qu'a porter le Calumet au Chef du Fort & de la aller dormir chez eux. Telle fut riflue de la premiere Guer- re que Ion eut avec les Natchez qui ne dura que trois ou quatre jours. Deslelendemainje fusvifite par le Serpent Pique , qui me demanda fi j'a- vois toujours le coeur gros de ma mai- fon bruise , qu'il alloit parler a fes Guerriers pour mecouperdu bois & en faire une autre. Je iui dis que ce n'e- toient point fes Guerriers qui avoient brule ma maifon & mes vivres. 11 me repondit : » je t'entens , demain tu fs-* de la Louifune, l2f ^ rns content, trouves-toidebon matin :>3 dans i'endroic ou tu veux barir , je 3) m'y rendrai avec les Guerriers du j> Village de la Ponnme , & tu leur diras ^> ce que tu as envie de faire. En effete il fe tranfrorta avec une trentaine d'hommes fur le terrein que je lui avois indique : je fus aflez occu- pe pendant tout ce jour a faire abbat- tre des arbres , les jours fuivans je fis travailkrpourlacouverture.On ne fair point travailler ces Naturels fans leur LesNacurels r ' • I • ^ a ■ preparenc les fourniraumoins la nournture neceiiai- Jnat^riauxpour re , mais le Serpent Pique avoit pour- bath- une autre vu a tout ; d'autres Naturels venoient^^^^Jf ^'^'^'' &apportoient a manger plus qu'il n'en falloit pour les travailleurs 6c pour les Efclaves. Ainfi je fis en peu de terns une maifon que j^achevai avec deux Ne- gres males qui m'etoient arrives. Les Natchez lui donnerent le nom de Maifon forre , parce qu'elle eroit a Tepreuve de la balle & qu'il y avoit des meurtrieres de tous les cotes. Le Commerce ou Lt Traite fe reta- blit comme elle etoit auparavant , & ceuxquiavoient fouffert quelque dom- mage ne penferent plus qu''a lereparer, Quelque tems apres on vit ?river de la nouvelle Orleans le Major General que 5S8 Eipire % leGouverneurdelaLouifianeenvo^'oitf ♦ pour ratifier cette Paix. II le fit , & la fecurite de part & d'autre devint audi parfaite que fi Ton n avoir jamais rien eu a demeler. II auT oit etc fort a fouhaiter que les chofes fuiTcnt reflees fur un fi bon pied. Places dans un des bons & beaux Pays dumonde, en iiaiton erroiteavec les Naturels de qui nous tirions beaucoup de connoiiTances fur la nature des pro- ductions de la terre & fur les animaux de route ei^vecc dont elle e(l peupiee , ainfi que des Pelleteries & des vivres ^ & aides par eux dans beaucoup d ou- vragespenibles, nousnavions befoin que d'une paix profonde pour former des erablilfemens folides , capables de *iious faire oublier I'Europe : maisla Providence en avoir aurremenr or« donne. i ie U Louijiane: i ^^ CHAPITRE XTV. Serpent a fonnettes monfirueux : PH^. jicmene extraordinaire* L'Hyver , qui furvintpeu apres cet* te guerre fut fi rude , qu'on ne fe fouvenoit point d'en avoir vu d'aulli froids. II tomba du verglas en alTez grande abondance DOur etonner les plus vieux Grand froi3 ct qui efl de moi mon coear eft » ' vjjours le meme pour toi & pour » tous mes amis , jt; ne fcals point j> changer, pourqaC'ivhangcstu done? Ii fut du teiT.s a me repondre,. & je m'appercus que je Pembarraf- fois par ce que je lui difois. II n'al- icit au Fort que quand le Comman- dant lui failbt dire de venir : celui- €1 m'en avoit pa- le , & prie en me- me-tems de le fonder^ vu que i'ln- terp/ete ne lui rendolt point de bon- nes reponfes , & qu'il ecoit a propos. de s'etForcer de decouvrir s'il n'y (t) Noco , je ne fcais , efl un term? qui vent dire , non qu'on ne fcait point la chofe 5 che centre Dotre Nation ; parce que » de tcus les Frangois qui etoienr a » la Guerre , perfonne autre que toi J) n'a fonce far eux. Tu as rort,lui 3> repliquai-je J de penfer de la forte; 35 M. de Biainville etant notre Chef ^:> de Guerre, nous devons iul obeir, » de meme que roi tout Soleil que 3> ta es, tu ferois oblige de tuer ou 3> faire tuer ceiui a qui ton frere ie 33 Grand Soleil t'ordonneroit d'cter 30 la vie : bien d'autres Francois que sy moi ont cherche I'occafion de les » atraquer, comme M. de Biainville ?> ravoit ordonne; pluneurs Francois 3) one fonce fur la preniiere cabane, 35 & ii y en a eu un de rue du pre- 33 mier coup de fufii que les Natchez 30 one tire. II me dit enfuite : » Je n'ai pas 3> approuve^ comme tu fgais, la Guer- 33 re nue nos gens ont faite aux Fran- 3> cols, rour venp:er la mort de leur 3> parent, puifque je kur ai fait po:^ de la Loulfiam, 20 \ ^ tsr le Calumet de Paix aux Fran- 23 cols; tu ie fcais , puifque tu as f-i- » me le premier dedans. Eft-ce que 33 les Francois ont deux cceurs, un 3> bon aujourd'hui Sc demain un mau- « vais f pour ce qui eft de mon fre- ^> re & de moi , nous n'avons qu'un 35 coeur & une parole : dis-moi done , » ii tu es 5 comme tu le dis , mon » vrai ami , ce que tu penfe de touc 30 cela 5 6c ferme ta bouche pour tout 2> autre; nous ne fcavons tous que 33 penfer des Francois, qui.apres avoir 3) commence la Guerre , ont donne 30 la Paix 5 5c Tont oHerte eux-me- =3 rnes; puis dans le terns que nous » fommes tranqaiiles nous croyans en » Paix 5 on vient nous tuer fans rien => dire. » Pourquoi , continua-t-il d'un air » chagrin, pourquoi les Francois font » ils venus dans notre Terre f nous w ne rommes point alles les chercber: » ils nous ont demande de la terre , j> parce que celle de votre Pays etoit i> trop petite, pour tous les hommes » qui y etoient. Nous leur avons die » qu'ils pouvoient prendre de la ter- 3) re ou ils voudroient , qu'il y en x> avoic aiTez pour eux & pour nous, I vj »leJ nous eclairat, que nous n^,ar, » chenons par ie m^me chemin (A - que nous leur donnerions de ce que «non3av,onsi,ourvivre,ciuenrus «descharaps; nous I'avons fait, ce- =» la n eft-u pas vrai ? . - Q;iel befoin avions-nous des Fran- « So.s f avant eux ne vivions-nous » p. mieux que nous ne faifons, « puifque nous nous privons d'une » partie da notre bled (2) , du Z - b,er & du poiiion que nous tJns -pour leur en faire part fen quoi -aonc avions.nous befoin d'eux ? - etoit-ce pour leurs fufiis f noa's - nous f.rvions de nos arcs & de '> nos fleches qui fuiEfoient pour -nous fere bienvivre: etoit-ce ?our -> roug;esf nous nous paffions avec -cnaudes; nos femmes travailloient S^-uSence! '^?'^«'^°"= %"^fi«« la bonne in-- K , r, e /; p ' ^"' f*^-'* P"ncipa!e nour- de la Loulfiane^, aof 5? a des Couvertes de plumes pour 3:' Fhyver , & d'ecorce de meuriers » pour i'ete , cela n'etoit pas fi beau; » mais nos femmes etoient plus iabo- :>3 rieufes & moins glorieufes qu'elles 33 ne font. Enfin^ avant larrivee des iy Francois nous vivions comme des « hommes qui fgavent fe pafier avec » ce qu lis ont ; au lieu qu'aujour- 3> d'hui nous marchons en Efclaves 3^ qui ne font pas ce qu'ils veulent. A ce difcours auquel je ne m'e- tois point attendu , je ne fc^ais ce qu'un autre auroit repondu^ mais j'V voue fmcerementque fi a mes pre- mieres paroles il avoit paru embarraf- fe, je letcis veritablement a mon tour. » Mon coeur , lui repcndis-je, » entend mieux tes raifons que mes s> oreilles, quoiqu'elles en fcient piei- » nes 3 6c quoique j^ave une langue » pour repondre, mes oreilles nont « point entendu les raifons de M. de » Biainvilie pour te les dire; mais => je fcais qu'il falloit avoir la tete => qu'il a demandee . pour avoir la » Taix. Quand nos Chefs nous com- » man dent , nous ne demandons pas » pourquoi : je ne te p.us dire autre » chofe 3 mais pour te faire voir que 20(5 ^ Bifloire » je fuis toujours ton veritable ami ; ^n' PrS/t "^ ^'^^ ici un^beau Calumet de Paix, Serpent Pigu ", " 9^6 je voulois porter en mon Fays; » je fgais que tu as ordonne a tous » tes Guerriers de tuer des Aigles » blans pour en faire unj parce que » tu en as befoin ; je te le donne 7^ fans dejjein, pour te prouver que :» rien ne m'efl cher quand il s'agit >> de re faire plaifir. J'allai ie chercher 8c le lui donnai ; en lui difant que c'etoit fans delTein (i). Les Naturelsefliment autant un Calumet de Paix qu'un fufil : j'avois orne celui-ci de clinquant & de fils d'argenr , que j'avois defaits d'ail- ieurs; deforre que fuivant leur edime mon Calumet valloit deux fufils. II en parut extreraement content , le remit avec precipitation dans Ton etui , me ferrala main en riant ^ 6c me nomma fon veritable ami. Hulled'Our.. L^Hyver tira a fa fm , & dans peu les Naturels devoient nous appcrter de Fhuile d'Ours a traiter ; j^efperois que par fon moyen j'en aurois a traiter de (i) Ce terme fam deJJeln^ fignifie fans anteret , fans autre mauvaife intention , que celie que Ton fait paroia'e en parla.nt ou en agiiTant, de Id Louijiane, ±0J "ia nielU^re par preference ; c'etoit le feul dedommagement tiue j'attendois de mon Calumet. Mais je fas agrea- blemenr trompe ^ il nrrenvoya un Faon (l) d'huile d'Ours,ri gros qu'un hom- me puilliint & fort fuccomboit fous le fardeau ; il me i'envoyoic ^ ms di: le porreur , fans defiein , comme a fon vrai ami. Ce Faon contenoit trente- ^ un pots mefure de ce pays , ou foi- xante-deux pintes mefure de Paris ^ ies Loix & Coutames font les memes par route la Louifiane que dans la Ca- pitale du Royaume, Trois jours apres le Grand Soleil ?/-'" -e I'huik fen frere m/envoya un autre Faon de ^''* la meme huile ; j'en trouvai quarance pintes dans celui-ci ; ainfi m.a genero- lite m.e valut cent deux pintes d'huile. La plus commune fe vendoit cette an- nee vingt ibis la pinte . u ie pouvois etre aflfure que la mienne n'etoit point . de celle qui fe vendoit le mcins cher, Depuis quelques jours il m'etoit ve- Tiu a i'oeii gauche une fifiule lacryma- Fiftuieiacryi le, qui rendoit un humeur de fort """^.^ ^"''''^'^^"- mauvais preiage , loriqu'on la prel- f i) D?.ns la Defcription dc VOur' , on trouvera celie du Y:ion , & la maniere de le fair.. 11 o§ H>j%ire foit : je la fis voir a M. de S. Hllaire ; Chirurgien habile, qui avoir travaille environ douze ans a i'Hotel-Dieu de Paris. II me dit qu'il etoit necefl^.ire d'y employer le feu ; que malgre cette operation ma vue ne feroir point al- teree , que je Taurois aufli bonne qu'au- paravant , maisfeulemenr que mon oeil feroit eraiile , que fi je n'y faifuis tra- vailier promptement > I'os du nez fe carieroit. Ces raifons me chagrlnoient beau- coup ay ant a craindre & a fouffrir , j'y etojs cependant refolu lorlque le Grand Soleil Sc ion frere arriverent de grand matin avec un homme charge de gi- bier pour moi ; fe les remerciai & leur dis qu'il falioit refter a en manger leuf pare 5 ils i'accepterent. Le Grand Soleil s'appercut que j'a- vols une grolleur a Toeii & me demanda en m erne. terns ce que c' etoit : je le iui montrai & iui repondis que pour le guerir on m'avoit dit qu'il falioit y mettre le feu ^ mais que j-avois de la peine a m'y reibudre , parce que j'ap- prehendois lesfuites. II neme repondic rien, &fans rr/en avertir, il ordonna a celui qui avoit apporte le gibier d'air de la Loidfianei icp ler ehercher fon Medecin, & de lui dire qu'il l*attendoit chez moi. Au inoyen de la diligence du Meflager & duMedecin 5 ce dernier arriva une heu- re apres. Le Grand Soleil lui conmrnan- da de voir mon oeil & de faire en forte de me guerir : apres I'avoir examine , le Medecin dit qu'il me gueriroit avec des Simples Sc de I'eau. J'y accordai avec d'autant plus de plaifir & de faci- lite , que par ce medicament je ne cou- roisaucun rifque. Des le foir meme le Medecin vine avec ies Simples pilees enfemble , & ne faifant qu'une feule boule qu'il mit avec de Teau dans un baflin creux , il me fit le Medecin pancher la tete dans le baiTm , enforte duGrandsoieil •*• -111 • eruent 1 Au- que men oeii nr.alade trempoit tout ou-^eur. vert dans i'eau. Je continual pendant huit ou dix jours fbir & matin, apres quoi je fus bien gueri fans autre opera- tion & fans qu'il y parut, & jamais de- puis n'en ai eu aucune atraque. 11 eil aifc de comprendre par ce re- cit , combien Ies Medecins Naturels de ia Louiiiane font iiabiies : je Ies ai vus faire des cures furprenances fur nos Frangois meaies , fur deux entr'autres qui s'etoient mis entre ies mains d'urt Chirurgien Francois qui s'etoit eta- ^10 Tiilloire bli dans ce Pcfte. Ces deux malaxes deyoienr pafier par les grands remedes | mais ripres avoir ete traires pendant quelque tems , leur tete s'entla de telle forte qu-^uo d'eux fe fauva du Chirur- gien avec autanr d'a,dl;te que feroit \xn Crirnincl des mains "de la JuHice , s'll ^SS^d^S: '" ^'^"^^^^ ^;5!^^^^^" favorable. II fut decinsNacu- trouver iiTi Medecln Natchez qui le" reLc. gu(f ,;, ^^^ j^^j^ -^^^^ . ^^^ camarade ref- tach-z le Chirurgien I^Van^ois ou il mourut trois jours aprcs la fuite du pre^ ir.ier, que j'ai vu trois ans apres jouir d une fame parfaite. Dans la guerre que fai rapportee h dernitre , le Grand Chef des Tonicas iios Alli6 fut bleifd d'une baile qui iui perca la joue , fortir de delTous la machoire pourrenrrer dans le corps , A'oii dh erolt fur le point de fortir vers romoplate, & etoit reflee entre cuir & ciiair ; k bleifjre etoit difpofee de la forte , parce que dans le tems qu'on tira liir l^ui , il s'etoit courbe, comme ceux deia Troupe, pour faire ie coup de tuiil i.e Chirurgien Frangois qui en avoit foin & qui le panfoit avec gran- de precaution, etoit habile , & n^cpar- - gnoit rien pour f^ guerifon : mais les iviedearis de ce Chef qui le vifitoient de la Louijianel * 2 1 i lous les joars , demanderent au Fran- cois combien-fejems ii feroita guerir: celui-ci repondic qa^il feroit au moins fix femaines. lis ne repliquerent point : mais s'enallerent furle champ faire un brancard, parlerent a leur Chef, ie mirent delTus , Temporterent & le rrai- terent a leur maniere, il ne leurfallut que huit jours pour le guerir radicale- menc. 11 n'y a perfonne dans la Colonie , qui jornore ies faics que je vlens de rap- porter. CesMedecins one fair un grand nombre d'aurres cures dont la narra- tion demanderoit un volume particu- lier ; je me fuis contente de rapporter feulement ces trois que je viens de ci- ter , pour faire voir que des maux que i'on regarde ailleurs prefqae comma in- curables, defquels on ne guerir qu'au bout d'un long terns, & apres avoir beaucoup foufferr , des maux , dis je , de cette efpece font iz.u^i'is fans opera- tion douloureufe*^ en peu de tems par les rvjedecins Naturels de la Loui- fiane. La Compagnie d'Occident infer- I'Aufeuren^ mee que cetre Province p^oduifoir p'g.'^'p,^;'^^. quanrite de Simples , dont les verrus 5^0 Mmpies,, connues des Naturels leur donooien: 5l& ^ Uifloire tant de facilite a guerir toutes forte^ de maladies , donna ordre a M. de la Chaife qui venoit de France en qualite de Diredeur General de cette Colo- iiie,de faire faire la recherche des Sinfi- pks propresa la Medecine & a la tein- ture , par ie moyen de quelques Fran- cois qui pourroieni: avoir le fecrec des Naturels. Je fus indique a M. de la Chaife, qui ne fai/bit que d'arriver,il m'ecrivit en me priant de donner mes loins a cette recherche; je le fis avec plaifir & m'y liyrai de grand coeur^ parceque je fyavois que la Compagnie faifoit continuellement ce qu'elie pou- voit pour le bien de la Colonie. Lorlque je penfai avoir faic a cet egard cequipourroit larisfaire la Com- pagnie , je tranfplantai en terre dans des paniers de canne, plusdetrois cens Simples avec leur< numeros, & un Me- moire qui detallloit leurs qualites , & enfeignoit la maniere de les employer. Jappris qu'on les avoit mis dans un Jardin boianique fait expres par^rdre dela Compagnie. de la Louijiane^ ojV CHAPITRE XVI. Voyage de I'Auteiir dans les Terres de la Louijiane : 11 prend des Natiireh pour Vaccompagner : Terns defon de- part : Chajje aux Dindons : Decou-. r rears : S ignaux, DEpuis monarrlveea la Loui- fiane j'avois tache d'employer mon tems a m'inilruire de tout ce qui m'etoit nouveau, & je irretois appli-: que a chercher des objets dont la de- couverte put erre utile a la Societe. Je refolus de faire un voyage dans les terres. Ainfi apres avoir laiiTe mon Habitation en bon etat & dor:nemes ordres a mes gens 5 apres que j'eus prie mon voifin & ami d'avolr roeii a mes interets & qu'il m'eiit promis d'y ap- porter fes foins, je me difpofai a faire 'un voyage dans 1 interieur de la Pro- vince , pour connoitre la nature du fol & de toutes fes produdions , & pour faire desdecouvertes dontperfonne ne parloit ; pour trouver aufli s'il etoit pofTible^ deschofes que peripnne iie ^14 ^^''^' . .. recherchoit, psrce qu'on ne voit^ riett faute de prendre la peine de lortir de la maifon , & que I'on s'imagine que ia terre ell: obligee de prevenir 1 homme €n tons fes beioins , & de lui prefenter ' toutes preparees les richeffes qu die polTede , & dont il.voudroit jouir ians ies avoir , pour ainfi dire , achetees aii prix de fes travaux. Je fas dans i'obligation avant de partir, de confulterun ancien Habitant fur la fituation de queiques Rivieres , & fur Queiques autres connoiiiances que je dlHrois avoir pour plus grande furete pendanr certain terns de ma rou- te ; il me decela & communiqua mon delTein k plufieurs autres qui comma lui vQuloient venir faire voyage. II me de- couvrit aux autres, parce que je navois point voulu Fadmettre a me tenir com^ pagnie ; mais il ne gagna rien a reveler monfecret, puifque je fus inflexible, & que je perfifiai dans m.a reiolution malgre les vives foliicitations que Ton me fit 6c que Ton croyoit capables de m^ebranler. Ces genss'imagmoient lans doute que ma fortune ailoit devenir I'Auteur ne^^j||,^j^^e au moyen de ce voyage , ils rsfraHi. auroient defire prcfirer dece que j'au- pour ccmpa- ^ois pu decouvrir, mais Us auroient ei^ g-ncns de voya? ^ de la Loui/iane, 2 T f grand tort de penfer de h forte, Je voyageois pour m'inflruire & pour Pu- tiatedu Public ; m?Js je voulois arre leul pour me comporrer a mon aife, pour examiner ies chofes ^ Joifir, pour aller de quel cote jefouhaiterois , 6c y ciem:-urer autant de rems oue je le ju- gerois k propos, Je ne voulois point de. Cornpagnie, ne voulant partager avec* perfonne la gloire des connoilfances que j'acquererois & queje mepromet- tois dans ce voyage. iMa troifi^me rai- Ion enfin fat Texemple, non de M. de la Saile , ils n'auroienr eu aucune bon- nerairondem'a(ra{nner,mais celui de ;'r ?:/^' -^^"^^ Sl"^ etant parti de h Mobile avec vingt-cinq hommes ne put en emmener que dix aveciui, une parole 1 ayant abandonne en chemin , Ies autres s'etant etablis aux Natchi- toches. M. de S. Denis avoit trop de prudence pour faire marcher de force dcs gens dontle fervicen^auroit pfi que lui nuire plurot que de lui ^tre avanta- geux. 1 1 pouvoit Ies punir ou Ies faire marcher ; ii ne i^t ni fun ni I'autre • qu aurois- je done faic d'une demip dou^ zamed-Habitaiis^qu'alavdritef^roient te. Franeof. pamsde grand ccsur, mais qui n'au- nepeuVe^S roient point eu la conflance d'etre iur "" '^^ ^^''''' V wwiw iWA voyages. ^\^ Eiftoire ^ ^ leurs jambes toute une journee, de nionrer, de defcendre , de faire des cajeux pour pailer desRivieres,de cou- cher fur les feuilles , de cabaner tous les foirs , de chaffer pour avoir de quoi vivre , d'etre a leur tour pour ailer a la decouyerte,quiauroienc eu peur de ie perdre , ou qui auroient fui a la vue d'unebete fauvagefLes Francois n'ont point tant de patience : ils ne font point d'aiUeursallez forts, pour fati-i guer de fagon a porter toutes les uften- ciles neceifaires ainfi que les prcvi- {Ions ; ils m'auroient tourrnente pour revenir, puifqu'ils n'auroient rien vu decurleux felon ieur maniere dep-cn- fer, ils auroient ere bien-tot degoutes de manger delaviande dune main , & de Faut^e de la viande feche au lieu de pain, ii nous auroit fallu quatre iits pour fept que nous aurions ete : de qui nous ferions nous fervis pour les por- ter, & iesautres chofes que Ton tranf- porte aifement dans les voyages qiie Ton fait dans les Pays habites & civi-: UfesfD'ailleursn'ayant aucune auto-: rite fur mes compagnons de voyage ; j'aurois ete oblige ou de retourner fur, mes pas , oa de voyager feul ; le pre- mier m'auroit ete infupportable , le ' . chagriq de la Louijiane: ^Xj cliagrin m'auroic accable, le fecond m'etoit impoilibie ^ je pris done avec moi dix Natarels que je preferai aux Francois , avec lefquels je n'aurois pa executer la rnoindre partie df^s choies que je ni'ecois propofees. Les Narurels font infatigables, ils I'-^uts'ir font robufres & deciles, ils ont Tad- t^""^^' dreile fuffifanre pour la chiiile ; & coni- me je devois etre feul de Francois avec eux , je devois auili m'attendre que les peribnnes qui viendroienc avec moi ne feroient point fi fatigiiees que fi nous euffionsete plufieursHabirans. On ver« ra par la fuite de cette Hiiloire, & en parricnlier dans ce voyagejla differen- ce d'un ccmpagnon a un autre , & que f avois eu raifon de preferer les uns aux autres. Je choifis les dix Naturels qui me parurent de I'humeur la plus traitable, & les plus propres a fupporter la fati- gue d'un voyage qui devoit fe faire pendant I'Hyver. Je leur fis coniDren- dre le delTein de toute Fentreprife. Je leur dis que nous eviterions de paffer chjz aucune Nation, &: que nous ne verrions que des terres inconnues & que perfonne n'habitolt , parce que je ne voyageois que pour decouvrir des Toim L K S I 8 HiJIoire chofes dotit aucun homme ne pouvoit me donncr des connoilTances. Cette ex- plicarioPx ies fatisfit, & ils me promirent que j'aurois lieu d'etre content de ieur conipagnie.Iis me iirent neanmoins en- core une autre objedlionv ils me dirent qu'ils avoient peur de fe perdre dans Ies Pays qu'ils ne connoiiToient pas. Pour difliper ieur crainte,je Ieur montrai une bouiible , & je levai toute la diiiiculte en ieur expliquant la maniere de s'en fervir , pour ne point s'ecarter de la route qu'on devoit tenir. lis Furer.t . charmes du moyen facile que je venois . de ieur dccouvrir pour fe bien condui- re, & me dirent qu'iis comprenoient ce que je ieur enfeignois. ck'par't^''^pclr ^^^^s partimes dans ie mois de Sep- vovager aife. tembre qui ed: la meiUeure (aifon pour menc dans c -. j r» l-u'^s, commencer un voyage dans ce rays ; premierement , parce que pendant i'E- te Ies herbes font trop haures & trop erDbarralTantes pour pouvoir voyager, aulieu que dansle mois de Septeiiibie on met le feu aux prairies dont alors le s herbes font feclies ; le terrein devier.t uni 6c facile pour la marche : auili voii-" on dans ce terns des fumees qui durert plufieurs jours & qui parcourent m long efpace de Pays ^ queique fuis CQ de la Louijiane, 2ipf vlngta trente lieues de long far deux oa trois pieds de large plus ou moins, felon que levent eft plus ou moins vio- lent. En fecond lieu cetre faifon eft la plus commode pour voyager dans les terres , parce qu au moyen de la pluie qui tombe ordinairement apres que les herbes font brulees , le gibier fe re- pand dans les prairies & fe plait a pai- tre I'herbe nouvelle , ce qui fait que les voyageurs trouvent de qjoi vivre plus aifeinent dans ce terns que dans tout autre ^ & fi on n'en trouvoit que ra- rement dans les contrees que Ton rraverfe , il ieroit prefqu'impoifiblc de voyager & deremplir en meme terns fon intention en voyageant. Ce qui faciiite encore les courfes en Automne ou au commencement de 1 Hyverf c'eft que les ouvrages pour lorsfont finis, ou au moins le p'us fort en eft fait : il n'y a plus qu'a fuivre _, un peu de fymfufHt pour le refte. Quoique nous fbll^ons afdires de ^^^^^' ^ trouverdu gibier, je ne laiifai pas de faire une petite provifion de vivres pour les premiers jours. Mes Naturels portoient ces vivres , les munitions pour la chaiie , leurslits & le mien, du linge pour moi, la chaudiere avec fa Kij 2 20 Hi (In ire calTfrole pour L. coiivrin&nous en fer* vir a faire cuire nos viotides. Pour rou- te charge j'avois un habit aflez leger 6c rr.on (bnl, j'ernmenai auiTi un de mes chiens , je fcavois qu'ii ne me feroit point inutile. Les prenniers jours le gibier fut affez rare , parce qu'ii fuit le voifmage des hommes, li on en exceptele Chevreuil qui eft repandu par toutes les parties Ch-.'remis & du Pavs , fcn naturel etant de courir icjdnx. ^^^ ^^ u^ induTeremment ; ainii dans ces commencenaens nous funnes obliges de nous contenter de cette viande. Nous rencoritrionsfouvent des Perdrix dent jeferai la defcription en fon lieu ; les Naturels n'en tuent pas parce quails ne tirent point au vol , j'en tuai quelques- unes pour changer de mets; des le fe- cond jour pour avoir encore«mieux de quo! vv.e regaler, on nr/apporta une Poule dTnde ; le decou vreur qui Tavoic tue me dit que dans le meme endroit il y en avoir beaucoup d'autres^mais quei'on ne pouvoit leur rien faire a moins que Pi]^icr5? ^^^d'avoir unchien. J'avolsbien entendu parler de la chaiTe aux Dindons , mais je ne m'erois pas encore trouve dans I'-occafion favorable de la faire, jem/y fis conduire par le chafleur 6c j'em^me- de Id Loidjlane, S2t nai mon chien. 4^rnves fur les lieux nous ne fumes pas long- terns a decou- yrif les Dindes qui prirent la fuice avec rant de vitelTe, que le Nature! le plus allerte auroit perdu fon terns a les courir. Mon chien les approcha en peu de momens , ce qui les obligea de pren- dre leur vol & de fe percher fur les premiers arbres ; rant qu'ils ne font point pourfuivis de la forte , ils fe con- tentent de courir & on les a bientot perdu de vue. Je m'approchai de leur retraite^, je tuai le plus gros, j'en tuai un fecond & mon decouvreur un troi- fieme ; nous ne voulumes en tuer que ces trois, nous en avions fuiiifamment* Si notre befoin prefent en euc exige un plus grand nombre , nous etions les maitres de tuer toute la bande, parce- que pendant tout le terns qu'ils voyent des hommes, ils ne quittent pcintl'ar- bre ou ils fe font perches ; les coups de fufil ne les epouvantent point , ils fe contentent de regarder celui qui tom- be & de faire un gazouillement craintif ^ iors de fa chute , de forte que Ton peut aifement les avoir tous jufqu'au der- nier, quelque nombreufe que foit leur troupe. Avant de pourfaiyre mon voyage Dscouvrewrff. K iij 2 22 nijtoire dans les terres , ii eil bon dedirentr mot de mes decouvreurs. J'en avois tOL>jours trois , un devant & deux fur les cotes, ils etoienr ordinairemenc cioignes de moi d'une i:eue 6c ce meme elpace ies feparok. Leur erat de decouvreurs ne les empechoic point de porter chacun leur lit & ieurs vivres pour environ trente-fix heures €n cas de befoin. Quoique ceux qui ctoient aupres demoi fuitentplus char- ges , je ies envoyoiscependant, tantot Tun , tantot Tautre ou fur une monta^ne voiline , ou aans un valicn aiiez pro- che , & i'en avois de la forte trois on quatre au moins tant a ma droite qu'a ' ma gauche, qui decouvroient a peu de diftance^ j^en uiois ainfi , alin que je n'euflfe rien a rnereprocher da cote de la vig^ihnce, puifque j'avois commen- ce a prendre la peine de faire des de- couvertes. s^gnaux, ji ^^q!^ quefrlon enfuite de nous faire entendre les uns aux autres mal- gre norre eloignemenr , nous convioi- mesde certains (ignaux qui font abfo- lument necefiaires en pareiiles occa- fions. Tous les jours a neuf heures du ma- tin , a midi 6c a trois heures on taifoic dz la Loirjiane, S23 *ne famee , ce fignal etoit i'heure mar- quee pour faire une petite aire 5 pouif fcavoir fi on fe fuivoit les uns les au- tres 5 & fi on etoit a psupres a ia dif- tancedont nous etionsconvenus. Ces fumees fe faifoient sux heures que je viens de dire , qui font les divi- sions du jour felon iesTSaturels. lis di- vifent les jours en quatre parties egales^ dont la premiere contient la moitie da la matinee, la feconde efl a midi , la troifieme connprend la moitie de I'a- pres-midi, & la quatrieme depuis la moitie de i'apres-midi jufqu'au foir ; c'etoit felon cet ufl^ge que nos fi- gnaux fe faifoient mutueliement. Suif le foir on faifo^t dans I'endroit ou je me trouvoisjOu danscelui que j'avoischoi- fi par preference, on faifoit, dis-je , une fumee qui ecoit le lignal de rappel pour fe rendre au cabanage, Mais quand un decouvreur avoic trouve quelque chofe de particulier fe- lon que je leur avois dit , & conforme aux inilructlons que je leur avois don- Tices , le fignal d'appel etoit de faire deux fumees a une petite diftance Tune de I'aurre. J'en faifois dememelorfque je voulois les avertir de venir a moi, A ia premiere fumee on s'arretoit ; fi au Kiv ire 3224 Hijloi-i bout du terns marque on n'en voydt point une autre , on pourfuivoit ce que Ton avoit commence a faire ; fi au con- traire on appercevoit une feconde fu- mee , on partcit vers Fendrolt d'ou ve- noit la fumee , de forte que fouvenc on fe rencontroit , parce qu un decou- vreur , des qu'il avoit commence a faire la fecondj fumce , partoit 6c venoit an deyantde nous. de la Louijiane. 22 5 CHAPITRE XVII. Suite du voyage dans les terres : UAu" tear tue un Bo^uf fauvage : Dico'd- vreuregare: Chevreidl blanc : Decou^ vei'tedu Gyp: : Defcription du lit ds VAuteur : Decouvene d^um Mine de crifial de roche : Fertilite du Pays : Abondance de gihier : Carriere de Pldtre, NO us marchames quelques jours fans trouver aucune chofe qui fixatmon attention par rapport au lu- jet de mon voyage : ma curiofite n'e- toit point fatisiaite a mon gre. II eft vrai cependant que j'etois de- dommage d'un autre cote ; nous par- ^^^'^ ^^^^^ courions un charmant Pays , qui a bon droit auroit pu donner de vraie^idees de Payfages a nos Peintres les plus doues d'imagination. La micnne etoit tres-flattee a la vue 9cs belles campa- gnes diverfifiees de prairies alTez gran- des & tres a^rtables ; ces plames etoient entremel^es de l.ofquets plan- tes par les mains de k Nature , elks '22 6 'Hifloire ecoiententrecoupees de coteaux allon- ges en pente douce & de vallons tres fourres & garnis de bois qui fervent de retraiteaux animaux les plus crain- tifs , comme les bouquets mettent les bixufs a couvertdes rofees abondantes du Pays. II V avoitlong> terns que j'avoJs en- vie de tuer un Bcsuf fauvage de ma main ; la viande de ceux que tuoient mescompagnonsde voyage ne me pa- roiPibir pss fi fucculente ni d'un gout H fin J que devoir etre a men idee la viande de ceiui que je tuerols. Je dis done en prefence de tous que le pre- mier troupeaude BoeuiSj que nous ver- rions, je vouiois contenter mon envie en tuant un deces Boeufs Nous ne paf- lions point de jour fans en voir plufieurs iroupeaux , dont les moindres exce- doient le nombre de cent trente ou cinquante , ainfi j'eus dans peu occa- iion c^me fatisfaire. Des Je iendemain matin nous en vi- mes un trouoeau qui etoit de plus de I'Auteur tue j 'i ^ > - / miEcEuffauva- ^'-"^ cens ; ie vent etoit tel que je ge ; Poiir^uoi. pouvois kdeiirer, il etoit devant nous & pailbit fur le troupeaM 5 ce qui c^i un grand avantage a cetr?tha(ie , par- te que ii- le vent vient de derriere 3c f^.-ir^ de la Louifiane. porte fur ies Boeufs , ils vous eventenc &: fuyent avanc d'etre a la portee dii fufil', au iieu que qaand le vent yieni: du troupeau fur Ies Chafleurs, ils ne fuyent que quand ils diftinguent de la vue, Ce quifavorife encore beaucoup, c'eil: quon peut en approcher de trb- pres, parce que le crin friiequi def- cend d'entre Ies cornes fur les^ yeux de ces animaux eft fi toufFu , qu'il leur ein- barrafle extremementla vi:e. De cecte forte j'approchai d'eux a belle portee ^ & je choi(is celui que je voulus 6-: j'a- vols prefque la tcmerite de me com- parer dans cette cccafion a un de ces PatriarcLes de rAncien Tedamenr , lorfqu'ils dengncier.t du m/ilieu de leurs troupeaux nombreux , le Eoeuf 6c le Chevreau quMs vouloient facri- fier ou faire msnger a leur famille , X% y prenoient encore plus de plaifir , fi c'etoit pour regaler des botes qui leur arrivoient. Je choifis un des plus gras de ces Boeufs.je le tiraiaudefaut de Pepaule, 6i rl tomba roide mort^les Naturels qui me regardoient faire , ecoknt fur leur gardes pour ietirer, fi je ne Feufle bleiTeque legerement, parce que dan^ ie cas d'une le^sre bielfure, ccsani- Kv} '2.2S Eijhlre maux font fujets a retourner fur Id • chaiTeur qui ne fait que les bieiTer. Quand lis le virent mort du coup Sc >ourrt?^^°a ^^^^ ^^" autres prendre la fuite , ils me viande bonne dirent CH riant : tu tues des males 5 a manger. veux-tu faire du fuif f Je leur repon- dis que je i'avois fait exprcs pour' leur apprendre ia maniere de le rendrebon quoiqu'il tut male. . Je luilisfendre le ventre tout chaud & oter fur le champ les fuites, on iui enleva la bolTe , ia langue <& les filets, Je fis mettre un iilet fur la braife & leur en fit gouter a tous ; ils convin- • rent que cetce viande etoit fucculente ^ & d'un tres-bon gout. Avantagede . J^ p'^"^s de-la occafion de leur remon- tuer des iicEufs trer que s'ils tuoient des Boeufs au lieu ^esVacljcs. petuer toujours des Vaclies, comme ils avoient coutume , ils trouveroient une grande difference dans le profit qu'ils en retireroient y qu'avec les Fran- cois ils ftToient bon Commerce du fuif que les Boeufs ont en abundance , que la viande du B«uf ell: beaucoup plus delicate que celle de la Vache ; -un troifieme profit qu'ils en feroientferoit de vendre les peaux bien plus cher,puif- qu'elles feroient plus belles, enfin que I'eipece de ce gibiei; fiavantageux au de la Louifiane^. ^2^ Pays ne fe detruiroit pas, au lieu qu'en tuant des Vaches, ils affoibjiffoient ex- tremement la race de ces animaax. Soupe li Mes compagnons s'appergarent que Camp-jiis* j'aimoisla foupe, 6c quoiqu'ils aimaf- fent beaucoup le pain , ils earent la complaifance de s'en paifer , aimant mieux porter le builcuic long • terns que de m'en voir prive j je di:; ceci a propos d^une Xoupe que je fis avec du bouillon fait d'os a moele du gros Bopuf que j'avois tue. Je la trouvai d*un gout exquis , mais un peu grafle , le refte du bouillon fervit a cuire du gruau de Mahiz que Ton nomme Saga- cnite J qui valloit a mon gout les meil- leurs mets de France ; h bolfe auroit ete digne de ia table d'un Souverain. Dans la route que je tenois, je fui- vois plutot les Cores que les plaines : au delTus de quelques-unes de ces Co- tes, j'ai tiouve en qu^Iques endroits des monricuks qui etoient pelees partie par parde,& qui iaiiToient voir une glai- {t ferme 'ou matrice pure & de Pefpece de celle de Gallam^ ceux qui fe connoif- fent en Mineralurgie , enrendent ce que je veux dire.Le peu d'herbesqui y cvoiC- foit languiffoit , de meme que trois ou quatre arbres tous contrefaits 6c qur ui* . 250 tJlJioire toient pas plus gros que la jambe. Je £s couper un de ces arbres 6c je vis avec furprire qu'il avoit plusdefoi- Xante ans.Les environs etoient d'autant plus fertiles qu'ils s'eloignoient plus, Pres de-la nous vimes du gibier de rou- te efpece & en abondancej6c jamais vers le fommet. 'Cofe 5e Nous palTames le Fleuve S, Louis- roueft plus pluiieurs fois fur des Cajeux (i) pour ^6ta'de ml' viriter des montagnes qui excitoient ma curiofite J'ai remarque que Pun & i'autre cote avoit chacun leur avsnta- ge ; cependant celui de I'Ouefl: efi plus arrofe ; il paroit auiFi plus fertile , rant pour les'mineraux que pour ce qui re- garde I'Agriculture , a iaquelle il fem- ble beaucouD plus prcpre que le cote de i'Eft. Decouvreur Malgre les precautions de nos fi- gnaux, un de mesdecouvreurs s'ecarta un jour , parce que ie terns avoit ete couvert d'un brouillard , de forre qu'il r.e revint point le foir au Cibsnage : 3"cn fus tres-inquiet & je ne pus dor- mir , attendu qu'il n'etoit point reve- Eu, quoiquon eut repcte ies fignaux (i) Cajeu eCi un radeau fait de plufieurs fa- gots de Cannes , crcifes les uns fur les autres, C cfi «n por*ton ^uei'on fait JJiu'le champ. c^are de la Louifiane. 231 d'appel jufqu'a la nuic fermee que je fis mettre le feu a une prairie bafle qui avoir ete epargnee , tandisque routes les aurresavoienr ete brulees avant no- tie depart. Dis la pointe du jour je fis faire un fignal qui fe repetoit a chaque inflant ; Ton continua ce fignal jufqu'a neuf hei;res que ce decouvreur arriva a no- tre cabanage de la veille, d'ou nous n'etions point partis pour I'attendre. Je lui dis a fon arrivee que fon ab- fence m'avoit caufebeaucoup d'inquie- tude : Je lui donnai un coup d'eau-de- vie , & lui dis de fe repofer un peu avanc que de manger. Apres un quart-d^heure de repos i! fe leva , vint s'alleoiraupres de moi & medit : « Je n'ai pas fainn de manp:er3 =3 mais j ai taim de te parler ^ ouvre tes . =0 oreilles. «- 3' Hier un peu apres ton fignal du » milieu du jour , je vis beaucoup de blan^sr^^^'''^^ y> Chevreuils enfemble qui marchoient 33 d'un pas tranquilie comme des Guer- 30 riers. A leur tete il y avoir un Che- » yreuil tout blanc & aucun ne pa{foit » devant lui; j'avois deja oui dire a nos » Vieiilards qu'ii y avoir des Chevreuils » blancs qui conduifoient les autres ^ ^l'^ Hiftoire » mais Je n'en avois jamais vus. lu 33 marchoient droit a un vallon fourre 35 comme pour le paffer, je me coalai 3D avec viteiTe dans le fond pour les ecu- 3D per, mais ils le fuivirent fur la terre ro haute fans y defcendre. Je les fuivis 30 pendant quelques tenns pour elfayer -« deles couper&detuer le Chevreuil » blanc^pour t'en apporter la peau; ils 3D traverierent une terre haute qui eft 33 couverte de pierres aflez petites qui » coupolent naes fouliers & mes pieds ; » je les ai laifTes , & je t'apportois ces » pierres ; & en meme tenns je me fuis » perdu , ce n'a ere que ce matin que =0 j'ai appervu la fumee bien-ioin. Je recus ces pierres avec plaifir , parce que je n'en avois point encore ^Decouverte yues d'aucune efpece dans lePays, a ce Gjps I'exception d'un grais dur & rouge qui fe trouve dans une Morne fur le bord du Fleuve. Apres avoir bien examine celles que men decouvreur m'sppcr- ■' toit, je connus cue c'etoit du Gyps : j'en emportai q^el ]ues morceaux , & a mon retour chez moi je Texaminai plus attentivement ; je le trouvai tres- clair, tranfparen-r & friable . je le cal- ri£r^^" ^^ cinai, il devin^ rres bianc : j'en fis ua pcu de marbre faclicCo Cette v^e me de la Loidjlane, 25 f fit efperer que ce Pays produifant du placre, il po'drroit y avoir ailleurs de la pierre a batir , au refle le platre eft d'une grande utiliie. Je lui demandai s'il fe fouviendroit bien de rendroic de maniere a pouvoir m'y conduire ; ii me dit qu'il etoit af- fure de le retrouver , je voulois voir par moi-meme cet endroit ; nous par- times vers midi,nousfimes environ trois lieues avant d'y arriver ; je me repo- fai fur la montagne , & Ton Rit pres du Bois dans une gorge faire le caba- nage : je vifitai rendroit, qui me parut etre une grande carriere de platre qui feroit un jour plaifir a la Colonie. Pour ce qui eft du Chevreuil blanc , j'avois entendu direamonEfclave Na- Turelie,& du meme Pays que fon pere, ayant des parents aux Atac- Apas, qu'il Ty conduifit avec fa mere , & qu'en chemin ils trouvoient beaucoup de Chevreuils par bandes , qu'ils en vi- rent une bande entr'autres qui la fur- prit fore, parce qu'elle en appergutun blanc qui marcboit a la tere du rrou- peau. Son pere lui dit que cela etoic rare, mais qu'il en avoir deja vu deux autres a plufieurs annees de diftance, Comme je n'ajoutois pas abfolument ■'^3'4 Hijloire grande foi au ve§it que cette fille me fal- , ^ foit:alorSjiem''enetoisinrormeadesan- ciens Naturels qui me direnc que c'etoic ia verire^mais que c^euoit chofe rare,en« core n'etoit-ce que dans les Pays qui n'e- toient point frequentes par les Chaf- feurs , que Fufage etoit de nommer cer animal blancje Noble ChevreuiUEtant aiufi prevenu , ce regit du decouvreur lie me furprlt point , il me conSrma au contraire dans Fidee que j'avois au-. paravane. Le vent s'etant mis ala pluie , nous nous determinames a nous mettre h tabanace de ^ouvert ; j'y confentis voiontiers , me f^jour. '' fentant un peu fatigu^ , quoique }> ne portaiTe ricn; je prefumai que mes Na- turels qui ne laiflbient pas d'etre char- ges devoient avoir beioin de quelques repos : ii faut dans de pareils voyages fur-tout conduire fes gens avec pru- ' ' dence&humanite.L'endroitoulem?a- vais terns nous prit etoit fcrt propre a faire fejour. En allant a ia cha& on decouvrit a cinq cens pas dans la gorge un rullTeau d'une eau tres-claire, c'e- toit un endroit fort coiTimode pour un abreuvoir de Boeufs ^ leTquels etoien: €n grand nombreautour de nous. Mes NcrCurels eurent bien-tot conf- truits une cabanne bien fcrmee jlu co^ de la Loui/iane, "2 55* te Ju Nord, ou elle avoit le fond, Comme nous voulions au moins y ret- ter une huitaine , on la nt de fagon qu'elle ne lailToit point pafler le froid 3 pendant la nuit je ne reilentois point les rigueurs de TAguilon , quoique je fufi'es couche a la legere felon I'ufage des voyageurs; qui ne logent, comme nous faifions, que fur leur terrein & dans leur propre Pays , & qui fans payer partent pour un autre gite 6c ne mecontentent perfonne. Mon lit etoit compofe d'une peau j^^^^...^ . d'Ours 6i de deux robes de Boeuf : la du ikde'f Ai^ peau d'Ours ayant le blanc du cote ^^"'^'^* de la terre portoit fur les feuillages & le poll en deflus pour fervir de pail- laiTe, une des robes de Bceuf ployee en deux fervoit de lit de plume , la moi- tie de Tautre robe de Boruf fous moi fervoit de matelas, Sc Tautre de cou- verture^ trols Cannes ou branches en demi'Cer^le,dont Tune a la tetei'autre au milieu, la troifieme au deffus despieds foutenoient une toile que Ton nom- ine 3-tne : c'eto't mon imperial & mes rideaux qui me ^araittirioient des injures deTaircc des piqures des Ma- ringouins, M.^s Naturals avoient leurs jits ordinaires de chaiTc & de voyage ^ '^ 3 ^ Hijloire tirs des Na-^^^ confident en une peau ce Che^ tuieisen voya-vreuil & en une robe de Ba^uf , ils les ^** portent tou jours avec eux lorR]u'i!-s comptent coucher hors de leurs Vil- lages. Nous nous repofanaes. pendant neuf jours & fimes grande chair en viande de Boeufs choifis , en Dindons , Cocqs 6cPoules, en Perdrix , en Faifans 6c autres y je tuois ces derniers , les Na- tureis n'ayant jamais pu tirer aucun oi- feau au vol- La decou verte que j'avois faite du pla- tre m^engagea a chercher apres notfe fejour dans tous les environs & a plu- fieurs lieues a la ronde i j'etois las enfin de battre de fi belles campagnes fans de* couvrir la moindre chofe , & ma refolu- tion etoit prife de m'enfoncer dans le Nord^lorfqu'au fignal de midi le decou- vreur de devant m'attendoit pour me inontrer une pierre brillante & coupan- te : cette pierre etoit de la longueur & de la groffeur du pouce & auffi quarree qu'un Menuiiierauroitpu faireunmor- ceau de bois de pareille grofieur Je pen- fai que ce devoir etre du criilal de roche: pour nn^en aflfurer je pris une groiTe pier- re a fufii de la main gauche en pr^fentant la tete,je frappai fur ia pierre a fufil aveq dela Louifiaiu: 2157 vne des arg-es dj cniial de m^me que 1 on fait avec yn briquet,]^ fis beaucoup plus de feu que i'on n'en eut tire avec le plus fin acier : chacun de mes compa-' gnons de voyage voulut en faire au' tant , d: on ne coiTa qua iorfque ia pier- re fuc hors d'etat de pouvoir fervlr davantage ; cependanr mal^re la quan- tite de coups que le morceau de criilal avoit recus , li n'etoit pas feulernent raye. _Nous dinames en cet endroi^; j'exa- minai ces pierres & je trouvai des mor- rod^"''^''^ ^^ ceaux de cette matiere de diverfe grof- feur , les uns quarres , ies autre-, a fix faces bien egales oc unies comme des giaces de miroirs , tres cranfparens , fans aucunes veines ,^ ni taches. Quel- ques-uns de ces morceaux force lent de terre comme des bouts de pou.rres di deux pieds & plus de long , d'aucres en ailez grande quantite depuis fept jufqu'aneufpbuces, fur tout ceux qui etoient a l?x pans ; il y en avoit un tres- grand nombre de moyens & de petits, Mes gens en vouloient prendre 8c les emporter , je les detourn-ii de ce deilein en leurdifant » A quoi bon fe char- ts ger de tout cela f j'avoue que ces » pierres font alTez belies a la vue , ^5 5 Tlijloire 5) mais auffl elles font plus dures que 2) le fer ou i'acier le mieux trempe : 23 avec quoi done les travailler ? Quel 2) merite enfin peuvent avoir ces pier- >:> res^fi elles ne font point travailleesfJe ^ jetrai alorstoutes celles que j'avois,a » Fexception d'ume que j'avois cachee, j^fans qu'iiss'en fuffent appercuSeJe leur 2) fis jetter les leurs comme deschofes 33 qui ne valient pas la peine de les por- 2y ter. Ma raifon eroit que je craignois « que quelque Francois voyant ces » pierres ne gagnata force de prefens i) ces Natureis pour decouvrir cet en- D3 droit. De men cote je remarquai bien lalatitude5& jeiaivis(i) en partantun sirde vent marque pour joindre une riviere aue je. connoiiTois : je Us cette route fous pretexte d'aller chez une Nation,rour y faire provifion de farine froide dont nous manquions & qui eil d'un grand fecoursen voyage.^ Nous arrivames apre.s fept jours de marche a cerce Nation chez laquelle nous fiimes fort bien recus. Mes chaf- feurs apportoient tousles jours beau- couD de Canards & de Cercelles ,6c (i) Remarque pour retrouver la mine dQ criftai de roche* de lei Louiflane. ^ ? 5 je ne mangeois gueres que de ces der- nieres ; on nous fit de la farine froi- de 3c du gruau pour renouveller nos vivres. Je traitai a de ces Naturels une grande pirogue de Noyer noir qui qui devoit me fervir a defcendre la ri- viere , dc remonter enfuire le Fleuve. Nous nous quinames contens les uns des autres apres une huitaine de fe- jour. J'avois un violent deTir d'aller au' Nord plus que je n'avois encore fair , pour tacher de decouvrir quelques Mi- res. Nous nous eiTibarquames, & Ton- zieme jour de notre route , je fis de- charger tout ce qui etoic dans la piro- gue, laqueile je fis cacher dans Peau quietoit baiTe alors; de cette forte je ne craignois point qu'on me la pric. De tout ce que nous avions , je fis £ure les charges de fept hoinmes , car les decouvreurs ne portoient que ieurs fufil'i & Ieurs lits , ils changeolent tous les jours,& trois autres les remplacoienc pour partager la charge tour-a-toun ^ Les chofes ainfi diipofees, nous par- Fmilite da :imes felon fintention que j'avois d'al- ^^ys- ' ^ er vers le Nord. Je remarq'uai to„s les ours avec un nouveau piaifir, qu.^ plus ipus avancions de ce cote , plus'ie Fays '2^0 B'iftoire Abondance ^^oitbeau, fertile 6c abondant en gi-; ^' '"* bier de route efpece ; les troupeaux de Cerfs & de Biches y font nombreux , t. ' on rencontre des Chevreuiis a cheque pas ; on ne peut marcher un jour fans voir des troupeaux de Ba^ufs , quel- quefois cinq'& fix , de plus de cent Boeufs cbacun ; les autres efpeces de gibier s'echappent a la viie du voya- ^eur a cbaque Inilant , comme fi la pre- sence de leur Roi leur imprimoit un ref- pedt craintifau point de ne pouvoif' foutenir Ion afpeft. Dans les voyages de Tefpecede ce-. Pvamspe des [^j. q^ ^ on precd toujours ion gite au- t^Z^' pres da bois & de Teau ou on s^arr^te de bonne heure pour avoir le terns de faire la chaudiere. Alors au coucher du Soleil que tout dans la Nature efl tran- quillejOneft ravi du ramage enckanteur des difFerens oifeaux, que Fon diroic s'etre refervece moment favorable a la douceur & a rharmonie de leur chant , pour celebrer fans trouble & plus a I,ur aiie Ics bienfairs du Createur ; on ies voir s'efforcer a I'envie Tun de Fau- tre, de rendre leurs aclionsde grace au Tcut-Puiiiant qui ieur a procure une nourriture bienfaifante . & preferve 6.ts ferres des oifeaux de proye , a la < - vuei de laLouipanel 2J^t Yue defquels ces foibles botes des bois femblent erre aneanns , Scregardent: f^loignementde I'Epervier comine une vie nouvelle de las^juelie ils ont grand foin de temoi^-ner leur vive reconnoif-. fancea TKtre Supreme , par lesairs les plus tendres & la muiique la pxus di- verfifiee. De mcme le lendemain depuis le lever de TAurore juiqua celui du So- ieil , ils recommenccnt leurs chanfons & font agreablenient retencir les bof- quets de la joye qu'ils reiTentent de ce que la lumiere leur eft rendue , au moyen de laquelle ils efperent d'echap- per aux griffes meurtrieres de leurs en- nemis,& de trouver comme le jour prer cedent des vivres conven..bles. Mais fi dans les bois & proche des Bru't de^ oT- fontaines ou des petits ruilleaux , on ^^f""" ^^'•'^"" goute le piaiiir a entendre le chant meiodieux des oifeaax, on n'a qu'a faire le cabanage (ur le bori du Fleave> dts Rivieres ou fur le bcrd des Lacs j on ed aill-ire de paTer une bonne partie de la nuit fans dor n:rr, par la tinLamare que font lesoif:-aax aquati- ques 5 :rel«- que font les Gru2Sj les Fla- mans , les Outardes , les Ojc nous ecions a la jufte difiance qu'ii leurmaniere f^i^loit pour n'etre point appergus , & defaireiemor- pour Douvoir Ics confidcrer .* Ics uns tier & de le r T • J • i it tranfpoiter. i^^iioient QU mortier , ies autres le cha- rioienc fur leurs queues aui fervoicnt de la Louljiane, 247 3e traineaux : je remarquai qu'ils fs mettoient deux a cote Tun de I'autre , Tun ayant la tete vers la queue de I'au- tre j& le chargeoient ainfi mutuelle- merit , trainoient le mortier qui etoit allez ferme fur la levee ou d'autres ref- toient pour le prendre , le mettoient dans la rigole & rafFermifToient a grands coups de queue. Le bruit que Teau faifoit aupara- Les CaftofSf vant par fa chute celTa bientot, & la ^tll'jf '''' > breche fut fermee en tres peu de terns. Un Caftor frappa deux grands coups de queue; dans le monaent iis fe mi- rent a I'eau fans bruit , 6c difparurenr. Nous nous retirannes pour prendre un peu de repos dans notre cabane. J'a- vois eu envie d'en tuer un, mais j'at- tendis au lendemain , parce que je leur preparois bien plus d'ouvrage que ce- lui de la nuit & qui fatisferoit plus par- faitement ma curiofite ; au lieu qu'en tirant , etant tous dehors , j'aurois nC- que de les faire tous fuir dans le bois* Nous reflames au cabanage jufqu'au jour ; mais fi tot qu'il parut, je fus avi- de demefatisfaire.je lailTai deux demes gens pour faire les charges. Des quails les eurent preparees , ils vinrent nous L iv ' ^4S Bijloire ■ - joindre, car nous n*avions point peur des voleurs ou nous etions. Mes Naturels firent tous enfemble unebreche afles grande & afles profon- de pour que je vide la conflrudion de cecte chauflee , de laquelie je donnerai dans un moment la defcription ^ nous faifions alors aflez de bruit & nous ne menagions plus rien. Ce bruit & I'eau <]ue les Caitors virent baiiler en peu de temslesirquieta, au point que j'en vis un a difFerentes reprifes venir ailez prcs de nous pour examiner ce qui fe paf- foit. Comme je craigncis que Peau man- quant ils ne prifient ia fuite dans les Buis^ nous quirrames la breche ^ 6c ailames -ous cacher tous autour de i'Erang pcui en tuer un feulemienr, ann .-^e I'examJner de pres. Je ferois plu'or rcii-i trois jours en cet en- drott r-.M r en avoir un^ parce q:;e je n'-hwui: jamais vu que des p^aux brunes cu^gri^-sj les' Caliors done je patle eroienr de cecte derniere couleur & m'avoicnt parii plus beaux, je vculois en avoir un pour I'exami- ner, Xes Callors H v en eut un qui fe hazarda de la Louifiane, 24P Smaller fur la breche apr& s'en erre ^Jennent pour 1 / 1 r r • o / farmer lachauf^ approche plulieurs rois, ql retournefee, comme auroit fait un efpion : j'ecois embufque dans le bas 6c au bout de la chaulTee; je le vis revenir, il vi- '. fita la breche , puis frappa qaatre coups, ce qui lui fauva la vie, par- ce que je le tenois en joue : mais ces quatre coups fi blen appliques me firent jug-er que c'etoit le lignal d'appel pour faire venir tous les au- tres comme la r.uit precedente; cela me fit crcire auffi qu^il pouvcit etre rinipecleur des travaux , & je rt'eus garde de p river h Republique des Cafi.ors d'un de fes membres, qui paroiiioin iui ctre fi neceilaire. J'at- tendis done quil y en parut d'au- tres: peu de tems apres il y en cut un qui venoit- paiTer aupres de moi pour aller au travail; je ne fis aucu- ne difficuke de le jetter par terre, dans i'a-Turance que ce n'etoit qu'un manoeuvre. iMon coup de fufil les fit retourner a leurs cabanes plus promp- tement que n^auroieni; fait cent coups L'Autair 6t de la queue de leur Infpedeur. Si- n^nt'^toi^^^i* tot que j'eus tue ce Caftor, j'appel- f"i^e, laimes ccmpagnons; 6c trouvant que I'eau ne s'ecouloit point alTez vite ^ L V 2.^0 Hijloire je fis aggrandir la breche & vifitai le mort. Defcnption ^^ remarquai que ceux-ci font desCaltors. p|us petits d'un tiers que les bruns ou ordinaires, niais ils fcni faits de la meme fagon ; lis ont la memo te- te, les memes dents tranchanres, les memes barbes» les jambes aufi: cour- tes, les pates egalea-.ent garnies de grifFes 6c de membranes ou nageoi- res , & font a proportion en tout femblables aux autres : la feule diffe- rence ell: que ceux-ci font d'un gris cendre & que le grand poll qui de- paiTe le duvet , eft argente. Apres routes les defcriptions que Ton a don- iiees des Caftors^ ce que je viens d'en dire me paroit fuffifant. Pendant cette vifite , je faifois couper des branches, des Cannes & des rofeaux ; quand je crus qu'il y en avoit aifez , je les lis jetter vers la queue de I'Etang, afin que nous "^ puiftions pader fur le peu de vafe qui s'y trouvoit i je fis en meme terns tlrer quelque coups a plomb, fur les cabanes qui eioient plus proches de nous. Le bruit dcs coups de fufil & des grains de plomb qui fe faifoit en- tendre fur les toits des cabanes, Iss de la Louijiane. 251' lit tous fuir dans les Bois avec le plus de vitefTe qu'iis purent* Nous arrivames enfin a une cabane dans laquelle il ne reftoit pas fix pquces d*eau. Je fis defaire le toit fans rien eafler^ pendant ce petit travail, je ae?'''' cabtn°2 vis le bois de tremble qui etoit dref- desCaftg^^v fe delTous la cabane, pour leurs pro- yilions. Je remarquai quinze morceaux de bois dont Tecorce etoit mangce en partie; la cabane n'avoit auiii que quinze cellules autour du tronc du milieu, par lequel ils fortent, ce qui me fit penfer qu'lls ont chacun la leur; je me contentai d*avoi* confi- dere ceile-ci, ne doutant point que celles qui font plus grandes , ont auf- fi plus de cellules. Un de mes amis m'ayant enCwndu parler de ces animaux de la maniere que je viens de faire ce recit, me- dit qu'uD auteur moderne & refpcc- table ne traitoit point cette mariere; de meme que moi ; qu*a la verice y, cet Auteur n'avoit point voyag^ , Sc quil n^avoit pu parler des Caftors, que fuivant les Memoires qu'on lui avoic fournis. J'ai lu cet Auteur aveC plailir, mais je me fuis appercu qu'ei^ L yj 2.^2. Hifloire plufieurs occafions , on lui avoit ac- cufe faux. C'efl pourquoi je vais don- ner une efquifte de I'architedure de ces anirr.aux amphibies & de ieurs Villages: je nomme ainfi le lieu de Ieurs demeuresj d'apres les Canadiens & les 'arurels du Pays, avec h[^ quels je fuis d'accord, oc conviens que ces aniiDaux meritent d'autant plus d^etre dlfiingues des autres , que je trouve leui inflind de beaucoup fa- peri;:;ur a celui dcs autres animauXe Je ne pouiTerai pas plus loin ie paral- lele , il deviendroit oflen^ant. Les cabanes des Cailors font ron- des 6c ont environ dix a douze pieds de diametre , fuivant le nombre qui doit y di^meurer 6c y avoir fon do-' micile fixe : j'entens que ce diametre doit etre pris fur le plancher a en- viron un pied au-deilus de feau^ quand eile eil: bord a bord de la chauifee; mais comme le haut ell en pointe ^ le bas eil bien plus large que ie plan- clier: ainfi on doit fe figurer que tous les montans de la cabane font comme les jambes d'un A majufcule dont le trait du milieu efi: le plan- cher. Ces montans font choifis , & i'on pourroit dire bien mefures . de la Louifiane* 2 5 J' jpuifqu'ala hauteur que doit etre conf- truit ce piancher, il y a un crochet pour porter des barres qui par ce moyen font le tour du plancher ; ces barres portent des traverfes qui font les folives^ des Cannes & des herbes achevent ce plancher, qui a un trou dans le milieu pour fortir quand Fen- vie teur en prend, & les cellules re- pondent toutes a cette ouverture. La chaulTee eft formee de bois en fautoir ou comnie un X majufcule , mis de^u^chauiilfc? pres a pres & retenus par des bois de toute leur longueur, qui fe con- tinuent d'un bout a i'autre de la cbauf- fee , & font pofes fur la croifee des fautoirs; ie tout eft rempli de terre paitrie & frappee a grands coups de queue. Le dedans de la chauflee n'a que peu de talus du cote de I'eau ; mais il eft en talus plat par dehors , afin que I'herbe venant a cronre fur ce talus , elle empeche les eaux qui y paiTent d'emporter la terre. Je ne leur ai point vu couper le bois ni le conduirej mais il eft a pre- ^^^^^^l^;'"-/^ fumer qu'ils font ce travail comme letranfpcrtentJe font lesautres Caftors , qui ne com-"^^^^^' pent jamais que du bois tendre, & fe fervent pour cec efrct de quatre '^f4 ^ 'Hijioire dents extremement trancHantes qu'ils ont fur le devant; ils pouflfent & rou- lent ce bois devant eux fur la terre^ ils le conduifent de meme fur I'eau , jufqu'a Tendroit ou ils veulent le de- poier. J'ai obferve que ces Caflors gris etoient plus fenfibles au froid que ceux de I'autre efpece j c'efl fans doute pour cette raifon , qu'ils sap- prochent plus du cote du Midi, de la Louijiane, 2:ff CHAPITRE XIX. Suite du voyage dans les terres : Decow verte dhine Mine de plomb : Rencontre d\m Voyageur extraordinaire : Indi^ ces de Mines : Autres indices de Mi" Ties d'Or : Retour de FAuteur dfon Habitation^ NOus partimes de cet endroit pour gagner une terre haute qui fembloit fe continuer au loin. Nous arrivames au pied de cette hau- teur des le meme foir, mais la jour- nee avoir ete trop forte pour y mon- ter ce jour-la. Le lendemain nous allanies jufqu^au fomnnet; nous vi- mes que cette terre etoit plate , a Texception de quelques buttes de ter- re 5 de difiance a autre ; il n'y pa- roiffoit que tres-peu de bois , enco- re moins d'eau, & tr^speu de pier- res , quoiqu'il y a apparence qu'il y en a en dedans , puifque nous en apper- gumes en un endroit ou la Cote s'e-. loitecroulee. Nous vifitames exaclement tout ce 5j(5^ ^ ^ mjloire terrein eleve ; mes gens & moi nous' fimes des recherches de cotes & d'au- tres, & nous ne decouvrimes dans un bofquet qu'un arbre deracine, dans le corps duquel nous trouvames de i'eau de piuye, dont nous ncus con-* tentames faute d'autre. Nous avions fait ce jour-la plus de cinq lieues; cependanc nous n'etions pas a trois iieucs du cabanage d'ou nous etions parcis le mating mais je m'etois en- tete a chercher fur cette hauteur, perfuade queje devois y trouver quel- que chofe. Cette terre haute auroit ete tres-commcde poury confiruireun Chateau en bel air, car de fes bords on decouvre extremement loin. Le lendemain ayant encore par- couru environ deux lieues & demie^ on me fit le fignai d'appel fur ma droite: j'y courus a rindanr; lorf- que je fus arrive ie decouvreur me montra une fouche qui fortoit de ter- re a ia. hauteur du genouil, & qui etoit grolTe de huit pouces de dia- awminTd:?^^^^- ^^ ^'"i"^^^ i'avoit pris de t^iomb. ^'_oin pour une fouche d'arbre , & fut iiirpris de voir du bois coupe dang un Pays qui paroiitbit n'avoir jamaig ete frequenie : mais lorfqu'il en fu^ de U Louijlane: 257 'afleZ pres pour en juger^ il vit a la figure que c'etcit autre chofe qu'un tronc d'arbre coupe ; ce fut par cetce raifon qu'il fit le fignai d'appel. Je fus charme de cette decouver- te qui etcit une Mine de plomb h j'eus du plaifir aufli de voir ma per- feverance recompenfee; mais en par- ticulier je fus ravi d'admiration ,en voyant la merveilleufe produ(5]:ion & la force de ia terre de cette Provin- ce , qui contraint ^pour ainfi dire , les mineraux a fe manifefter eux-me- mes. Je fis caiTer un peu de cette Mine, & j'en donnai un petit mor- ceau a porter a chacun de mes Na- turels. Je ccntinuai a faire quelques rechercbes aux environs , & j'apper- cus de la Mine en plufieurs endroits* Nous retournames coucher a nctre dernier cabanage a caufe de la com- modite do I'eau . qui etoit trop ra- re fur cette terre haute. Nous partimes de la pour nous rapprocher du Fleuve ; dans tous les endroits ou nous pafiions , nous ne voyons que des rro'!peaux innom- brables de Boeufs fauvagcs, de Cerfs, de Chevreuiis & d'autrcs animaux de toute efpece^ fur-tout pres des 2^S Hijloire Rivieres & des Ruifleaux ; ainfi kns que j'en fafTe la remarque ici , on- prefume aifez que nous faifions gran- ff^^vo^grr Lo'-rqu'on eft en voyage, on eft extraordinaire, toujours flatte de rencontrer d'autres voyageurs qui relTencent le meme plaifir: nous en rencontrames un qui etoit d'une liumeur & d'une efpece bien difFerente : il prit la fuite des qu'il nous vit; plus nous I'invitions a nous attendre , plus il s'efFor^oit de s'eloigner de nous. Un de mes Na- turels voyant que fes camarades ap- pelloient en vain ce Voyageur , jetta- la charge en difant: » Je vais le cher- 2> cher puifqu'il ne veut pas nous at- » tendre : il courut , le d'^pafla & le ramena pres de nous, ou il fut for- ce de refi:er au moyen d'un coup de fufil. Cetoic un Ours qui s'etoit ecarte de fa troupe ou qui vouloit voyager; ces animaux fuivenc tou- jours les Bois fourres , parce qu'ils y trouvent les alimcns qui leur convien- nent , au lieu que les Prairies font pour eux des terres fleriles. A pres avoir marche cinq jours, je vis a ma droite une Montagne qui ine parut aliez elevee pour exdtej^ de la Louijiane, 2^^ ma curiofite. Des le lendemain ma-* tin , je dirigeai ma route de ce co- te la; nous y arrivames fur les trois heures apres midi. Nous nous arre- tames au pied de la Montagne ou ii y avoir une belle Fontaine qui for- toit du Roc; j^aimai mieux perdre un peu de la journee & m'aiTurer d'une bonne eau qui n'etoic pas froi- de. Le jour fuivant nous montames indke deMS.- jufqu'au haut ; le delTus en ed: pier- ^^s, reux ; & quoiqu'il y ait alTez de terre pour nourrir des plantes, elles y font cependant fi rares, qu'a pei' ne en trouveroit-on deux cent dans un arpent : 11 y a de nneme tres-peu d'arbresj encore font-ils maigres &c chancreux ; toute la pierre que j'y trouvai eft tres-propre a faire de la cbaux ; mais je doute que Ton aiile la chercher en cet endroit, a moins que cette chaux ne foit pour aider a batir les maifons des voifins , que cette Monragne ne manquera pas de s'attirer un jour , par la paffion vio- lente qu'ils auront de fouiller dans- fes entrailles. Nous primes de la une route qui pouvoic nous cqnduire a notre Piro- '^6o Hijlcire gue; peu de jours nous fufHrent pouf y arriver , on ia tira de I'eau &c nous paffames la nuit dans cet en- _ droit. Le lendcmain nous traverfa- ^^ mcs le Fieuve ; en le renaontant ncus tuames une Ourfe, puis fes petits , car pendant I'hyver les bords du Fieuve en font gi:rnis , & il efl: rare de ie remonter fans en voir pluiieurs dans un jour le traverfe^, pour allei* chercber de quoi vivre ; dc ce n'efl que Faute de trouver de quoi fur les bords, qu'ils s'en ecartent. Je pourfuivis rna route en remon- tant le Fieuve jufqu'anx Ecores a Prud'homme , cu 7ork m'avoit fait en- tendre que je ti'onverois queique cho- fe d'avantageux pour la Colonic ; ce fut ce qui piqua ma curicflte. Arrives a ces Ecores, nous mimes a terre } apres qi'oi on debarqua les paque^s, on les nnonta fur le bord de la Core, on cacha la Pirogue dans i'eau, & des ce jour je cherchal & trcuval la Mine de fer dont on m'a- Mine de fer. voit (Jonne les indices. Apres m'en e're alTure , je fis beaucoup de recher- clics dahs ks environs, pour y trou- ver do ia CapLine; mais 11 me fut impomble d'en decouvrir: je crois de la Loiiifiane, '26 1 icependant que i'on pourroit en trou- ver plus haut, en remontant le Fleu- ve , mais je iaifTe ce foin a ceux qui dans la fuite voudront entre-i prendre rexploitation de cetteMine: au refie je fus un peu dedommage de ma peine ; en cherchanc, je trou- Charbon ^ vai les marques de Charbon de terre ^^"■* dans le volfmage , ce qui feroit an moins auifi utile dans le refte de la Colonie , qu'en cet endroit. Apres avoir Fait mes reflexions 3? je me determinai a retourner dans peu a mon Plabitation. La faifon des femailles approchoit, & Fherbe etoit deja affez haute pour nous fatiguer en marchant. Je fis en confequence partir le plus age de mes Narurels avec un jeune homme^ pour de^cen- dre la Pirogue au lieu -meone ou nous I'avions cachee avant de rcmonter le Flcuve, & ou il devoit rous rtten- dre. Pour nioi qui ne quitto's qu'a regret ces belles contrees , je uris le parti d'aller les joi-dre par terre, afin de ne point me fe arer fi - toe de cet aH:reable Pays. Nous n'avions a porter que ce qui nous etoit abio- lument neceiltire ; ainfi nous pou- yions aller plus a la iegere^ de for- ^^(?2 Hi/to ire te que fic-us tie craignlmes point dd nous enfoncer un peu dans les terres, ou nous avions I'agrement de rencon- trer beaucoup de Gibler. Je vis dans ce petit ecart une monticule toute pellee 6c aride , n'ayant dans le haut que deux ar- bres tres-Ianguiilans & prefque point uS^l ^' d'herbes, r^non quelques petites touf- fes aflez eloignees les unes des au- tres qui hKlo'n une glaife tres-foli- de ; le bas de cette monticule etoit moins fterile , 8c les environs fertiles ' . - comme ailieurs. Ces indices me R^ rent prefumer qu'il pourroit y avoir une xViine d'or en cet endroit Je retournai eniin du cote du Fleuve , pour rejoindre ma Pirogue. De meme que dans tout ce Pays & dans tcut le haut de la Colonie, on trouve beaucoup de BcEufs , Cerfs ,' Chevreuiis & autres glbier, on y trouve aufTi beaucoup de Loups, quelques Tigres & Pichous, ainfi que des Carancros, tous animaux car- ralTiers defquels je donnerai la def-; cription. Lorfque nous fumes pres du Fieuve , nous fimes le fignal de reconnoifiance ; on nous repondit quoi- que d'un peu loin. Ce fut alors que de la Louifiam; 2^1" tties gens tuerent du Boeuf pour bou- caner, afin de pouvoir le conferver & en avoir pendant quelque terns. Nous nous embarquames enfin, & '^ttow^ d« defcendimes le Fieuve, jufqu'a une^'^"''"^^ bonne lieue du debarquement ordi- naire. Les Naturels cacherent la Pi- rogue & s^en allerent a leur Village. -De mon cote je n^ie rendis vers la nuit a nnon Habitation, ou je trou- vai mcs Efclaves furpris & joyeux en mcme-tems de nnon retour ino- pine. Mon cher voifin qui avoir bien voulu prendre foin de mes interets .pendant mon ablence , ne fut pas moins etonne de me voir arrivercom- me fi je venois de la chaile da.^.s le voifinage. Mes compagnons de voya- Voifinagei ge apporterent ^ Finflart d'arr^s. inon ht & un peu de viande frakhe , en attendant que le iendemain, iis spportafTent le refte. Tetois reellement fatisfait d^etre arrive dans ma maifon , de voir mes ii^lclaves jouifians d'une parfaite fan- te, e>c toutes mes afEires en bon or- are; mais j'etois foriement occupe de la beaute des Pays que j^avois vus; jaurois deTire £nir mes jours oans ces charmantes Solitudes, ^ioi- £'^4 HLfloire Refiexicnde^ne du tumulte du monde, de Fava- '"''"■' lice & de la fourbene: c'eft la , dir foh'je en moi-rrieme , que Fon gcii- te miiie plaiiirs innocens, & qui le rcpetenc avec une fatlsfadion tou- jours nouvelle : c'eft ia que Pon eft exempt de la critique , de la medifan- ce & de ia calomnie ; c'eft dans ces riantes Prairies qui s'etendent (ouvent a perte de vue, & ou Ton voit tant de differentes efpeces d'animaux, que Ton a lieu d'admirer les bienfaits da Createur ; c'eft ia enfin , qu'au doux murmure d'une eau pure & vive ; c'eft ia difois je, qu'encbante des con- certs des oifeaux qui rempliiTent les bofquets voifins , Fon peut contem- pler agreablement les merveiiles de la Nature & les examiner a loifir. J'avois eu des raifons pour cacher Hion voyage, j'en eus de plus fortes pour garder le fecret fur ce que j'a- vois pu decouvrir , afin de pouvoir en profiter dans la fuite s mais les traverks que j'ai efluyeesj & les in- fortunes de ma vie , m'cnt empecbe jufqu'a prefent de profiter de nies decouvertes en retournant dans ce cbarmant Pays , & meme de les fai- re coniioitre an Public. CHAP* de la. Louifianel 2.^y CHAPITRE XX. Bela nature des terres de la Loulfiane : Des terres de la Mobile / De celles de la Cote de VEJl : Des terres qui font depuis l' embouchure diiF leave S, Louis jujqua la nouvelle Orleans. T E s Lumieres que je venois d'ac- -L/ querir dans mon Voyage des ter- res du Pays y me furent d'uxn grand fecours pour connoirre la nature du Sol de la Louifiane. Mes connoifLn' ces anterieures jointes a cele;-ci,& a ce que j'ai appris par la fuire , me fourniiTenc i'occafion de parkr de la nature des terres de cette bcile Pro- vince , & d'indiper a quelle produc- tion chaque Coniree peut etre plus propre. Lqs perfonnes qui auroienc envie de les cultiver pour un Etablif- fement qu'elles auroient deTir dy fai- re , pourroient meme avant leur de- part de France , choifir le terrein fe- lon I'efpece de comm.erce auquel el- ks voudroients'addonn^r. Ce qui eft encore d'un grand avantage d.ns cec ToimL M "^•6 6" Hifioire te Colonle , c'eft que fouvent dang ia meme Habitation , on peut s'appii- 43uer a pluiieurs fortes de cultures , qui reuffifrent les unes auifi-bien que les autres a la fatisfadion de i'Ha- bitant. Pour decrire avec quelque ordre la nature d'un Pays , j'eftime qu'il faut parler d abord de I'endroit par lequel on y aborde , qui pour cette raifon doit etre le mieux connu, Js commencerai done par la Cote , je ■ remoncerai enfuite le Fleuve, au con- traire de ce que j'ai faic dans laDef- cription Geographique , ou j'ai de- crit le Fleuve depuis fa fource juf- qu'a Ton embouchure dans la Mer. La Cote qui a ere la premiere ha- bitee , s'etend depuis Rio Per dido juf- qu'au Lac S. Louis ; ce terrein eft uri' fable tres-iin , blanc comme la neige , & fi aride quil ne peut produire que des Pins , des Cedres & quelques Chenes verds. La Riviere de Mobile eft la plus ^Jj^^^^^^^^^^confiderahle de cette Cote de lEft: " ' * elle rouUe fcs eaux fur un (able pur qui ne peut les troubler ; mais fi ceite ec-^u eft claire , d^k le fent de -^ flerilice de fon lonA^ c'eft-a-dire^ de la Lcuif^ane. 26*7 qu'll s'en faut de Leaucoup qu'eiie foic aufH poiifonneufe que le Fleuve S. Louis. Ses bords & le voifinage de cctte Riviere, font aiTez peu fer- tiles depuis fa fource jufqu'a la Mer ; le terrein eflpierreux, & ce n'eft pref- que que du gravier mele d'un peu de terre. Quoique ces terres ne foient point denies, il y a une difFerence totale de leurs produdions a celles des terres qui font aux environs du du Fleuve. II s y trouve des Mon- trgnes, mais je ne fcais s'il y a des pierres propres a batir; je n'y fuis point alie pour m'en informer, & les perfonnes qui y ont voyage n*etoient gueres capables de m'en inflruire, a moins qu'elles n'euilent vu des pier- res taillees & pretes a ecre mifes en oeuvre. Aux 'environs de la Riviere des Allbamons, les terres y font meilleu- resjcetre B.iviere tombe dans la Mo- bile au deflns de la Eaye du meme nom. Cette Baye peut avoir une tren- taine de lieues de long apres avoir reg 1 Ja Mobile qui vient du Nord .au Sud, & a un cours d'environ cent cinquante iieues. Ce fut fur Jes bords de certe Riviere que fut forme le Mij 2.68 H'lfioin premier EtablilTement des Fran.^ois dans la Louifiane , lequel a fubfifle ]uiqu'a ce que Ton eur etabii ia nou- velle Orleans , aujourd'hui Capitale de cette Coionie. Les terres &: I'eau de la .Mobile re font pas feulement infrudueuies a I'^gard des plantes & des poifTons 5 ia nature des eaux & du terrein con- tribue auifi a empecher la raultiplica- tion des animaux : les femnnes meme Font eprouve. J'ai appris de Madame Hubert J dont le mari etoit a mon arrivee ConQmiilaire Ordonnateur de la Coionie , que dans le terns que les Francois etoient dans ce Poile , il y avoit fepr a huit fennmes ficriles , qui etoient routes devenues feccndes depuis qu'elles s'etoient etablies avec leurs maris fur les bords du Fleuve S. Louis, ou on a bati la Capitale ^ tranfporte rEtablilTenrient. Le Fort S. Louis ,de la Mobile €toit le Pofle Francois : ce Fort eil fur le bord de cette Riviere, pres dune autre petite, nonnmee la Riviere aux chiens, qui tombe au Midi de ce Fort , dans la Baye. Quoique ces Pays ne folent pas a ;beauco,up pres aufli fertiles, comme de la Louijiane, 2 dp jc IVi dit 5 que ceax des environs du Fleuve S. Louis, il faut cepen- dant obferver que I'interieur des ter- res eft d'une qualite fuperleure a cel- les qui font pres de la Mer. A la Cote du cote de TOueft dd la Mobile , on trouve des Ifles done j'ai parle en arrivant .dans le Pays,- & des Illots qui ne meritent point que Ton en parle. Depuis les fources de la Riviere des Paika Ogoulas jufqu'aux foarces de celle de Quefonde qui tombe dans le Lac de S. Louis ^ ies terres font legeres & fertiles, mais un peu gra- veleufes a caufe du voifinage des montagnes qu'elles ont au Nord: ce Pays eft entremele de coteaux allon- ges , de belles prairies , de quantire de bofquets , & quelquefjpis de Bois fourres de Cannes , particulierement fur les bords des Rivieres & des Ruif- feaux, Ce Pays eft tres-propre a I'A* griculture. Les Montagnes que j'ai dit que ces terres avoient au Nord, font a peu-pres la figure d'un cbapelet , qui auroit un bout aflfez proche du Fleu- ve S. Louis, & Tautre fur le bord de la Mobile. Le dedans de cette I\l iij ^10 Eiftohe chaine efl rempli de Coteaux qui fonr alLz fertiles^enherbes. Simples, fruits dii Pays, chataignes fauvages, cha- taignes-glandst^ marons, aujffi gros & pour le moins auffi bons que ceux de Lyon, Au Nord de cette cbaine de Mon- tagncs, eft le Pays des Tchicachas, tres beau & d^gagd ^e Mcntagnes ; il na que des Cotes tr^s-^allonf/e.s & douces, des bofquets ^ des prairks ferules, qui, au Printems , font rou- tes rouges par I'abondance des frai- fes ; elles preferjtent en Ere le plus bel email par la quantite 3c la di- verflte des fleurs ; en Auromne dt^ que Ton a mis le feu aux herbes, elles font couvertes de champignons. Tous les Pc,ys dont je viens de parler font^emplis de gibier de tou- te efrke. Xes Bceufs fe trouvent dans les terres plus elevees; les Per- drix aiment beaucoup les Bois clairs , comme font les bofquers dans les prai- ries ; les Cerfs fe plaifent dans les grands Bois, les Faifans ont la meme inclmation , le Chevreuil qui efl vola- ge fe trouve par tout, parce que dans queiqueenJroit qu'il puiiTe erre, il a de quoi brourer. JLes Ramlers en Fy^ de la Loidftam, ' 2.'j'i V^r volent avec rant de rapidite^ qu'ils- parcourent beaucoup de Pays en peu d'heures ; les Canards & autre gibier aquatique font en fi grand nombre , que par tout ou il y a de I'eau , on efl: allure d'en rencontrer beaucoup plus qu^il n'efl: pofTible d'en tirer , quand meme'on neferoit autre chofe : ainfi on trouve du gibier en tout lieu , & du poilTon en abondance dans les rivieres. Reprenons la Cote, qui quoique pla- Tenesdefa^ te &: aride a caufe de fon fible , eft fe- C6te de FEft^ condeen poilfons delicieux & en co- quillages excellens. Mais ee fable crif- railin qui incommode la vue par fa blancheur , ne feroit-il point propre a a faire quelque belle compofition f Je lailTe ici aux S^avans a trouver de quel ufage ce fable pourroit etre en France, ou les Arts font parvenus a un ft haut degre de perfed.on. Si cette Cote eft plate elle a en ce- la un avantage : on diroit que la Na-- ture a voulu la faire ainfi , pour etre par elle n- erne cefendueeontre les def-5 eentes des Fnnea.is. Si en fortant de la Baye des Paska- Agoulas. nous fuivons encore I'Oueft, nous avons en notre rencontre la Baye du vieux Biioxi ^ ou Ton avoit baci un^ |72 Hijlohe Fort , & commence un EtabliiTement ■ mais une incendie poulTee par un vent violent detruifit en peu de momens ce que ]a prudence auroit du ne pas conftruire, ^ Ceux quiavoient etabli le vieux Bi- loxi , ne pouvoient fans doute quitter e nvage de la Mer ; ils s'etablirent k 1 Uueit , & tout pres le nouveau Bilo- xi/ur un table egalement aride & dan- gereux a la vQc. Ce fut en cet endroit qu_arnverent_ les grolTes Conceffions , qui s ennuyoiint estr^mement d'etre lur untcrreininculte.o^ ''' «oit im- f offible de trouver le moindre leVume aquelqueprixqueceffit.&orjeurs Enpges mouroient de faim dsns la Colonie la plus fertile qu'on puiffs de'- couvrir dans tout le Monde. J ai jfTez ait connoirre dans men Voysge au Bi- ioxi les autres inconve'niens qu'i! y avoit,a lailler fubfifler un Etabliilment fi peurcflecLi, & auffi contraire au Commerce du Pays,que couteux&in- commode au Habitans. En ftivant la meme route & la m5- me Cote vers lOueft , les terres y font toujours les mdmes , jufqu'^ la petite Baye deS. Louis & fuVaux Che- naux qui conduifent au Lac de ce nom. de la Louijiane. 273 La profondeur des terres efl d'une bonne quaiite , propre a TAgriculture^. & a faire un beau Pays ; la lerre y efl legere & un peu graveleufe : la Cote au Nord de la Baye S. Louis eft d'u- ne nature difFerente & beaucoup plus fertile. Les terres qui font plus eloi- gnees. vers le Nord de cette derniere C6te,ne font pas fort diflantes du Fieu- ve S. Louis ; elles font aulTi plus abon- dantes en produdion , que celles qui font a TEflde cette Baye par la meme- Latitude. Pour fuivre la Cote de la Mer juf- qu'aPenribouchui-edu Fleuve S. Louisy ilfaut aller prefqueau Sud en quittant les Chenaux dontf ai parie ailieurs, & pafler entre I'lfle aux Chats que Ton- laille a gauche ^ & llfle aux Coquilles- que f onlailfe a droite. En faiiant cette route en idee , on paffe fur des Bancs prefque a fleur d'eau , cou verts d'un^ infinite d'lllotsjtDn lailfe a gauche les JflcJS de la Chandeleur, qui ne font que dcs amas de fable qui ont la forme^ d'un boyau coupe par morceaux relies font peu elevees au dellus de la Mer ^ & a peine y trouve-t-on une douzaine de p antes^de meme que dans les Mots- voiiins dont je viens de parler. On laif-* Mv 274 Hijloire ie a droite le Lac Borgne , qui ell un autre iifue du Lac S. Louis ^ &c con- tinuant la meme route & la rencontre des Illots ailez loin, on trouve un pea de Mer nette, & la Cote a droire, ci'i n'eft qu'un maiais trcmblant forme peu-a peu par une vafe tres-molle/ur laquelle nailTent quelques roieaux» Cette Cote conduit en peu a la PaiTe de TEftj qui efl une des Bouches da Fleuve que Ton trouve borde d'un pa- reil terrein , s'il ed permis de lui don-- ner ce nom, II y a encore la PafTe du Sud Ell: Gu ell la Baiiie , & la Pa& du Sud qui svance plus en mer. La Balife e(l un Fort bati fur une lile de fable ,. ralTu- re par un grand nombre de pilotis lies d'une bonne charpeore : il y a des lo- gemens pour les OfHciers 5^pour la Girnifon ; il y a ?^uili une Ariillerie fuiiiiante pour defendre Tentree du Fleuve ; c'eil: la que*1'on prend le Pi- iote de la Barre pour faire entrer les Navires dans le Fleuve. J'ai parlc de ces deux PaiTes dans la Defcription Geographique de cet Guvrage : ainfi .entrons promptement dans ie Fleuve ; nous en ferons beaucoup plus fat is- ' faits j toutes les Paffes ou entrees de la Louifianel ctjf 3u Fleuve font auffi afireufes a la vue , que I'interieur de la Colonie eil char- manr. Ces marais trembians continuant blan?.- encore environ fept lieues en remon- tant le Fieuve , a I'entree duquel on trouveune Barre de trois quarts de iieue de large ; on ne peut la pafler fans le Pilote de la Barre, qui feui con- noit ie Chenal. Toute la Cote de FOueft eft fembla- ble a ccile dont j'ai parle depuis la Mo- bile jurqu'a la Baye S. Louis , c'efl a- dire egalement plate , formee d'un fa- ble pareii , & une Barre d'iiles qui al«' longe la Cote, 6c defend la defcente; la^ Cote continue ainfi en alianr a i'Ouell: y jufques a la Bave de I'Afcenfion & me- me un peu plus loin. Le peu que je dis de cette Cote doit fuiiire;le detail que je ferois de fon terrein ne pouroit etre qu'ennuyeux , puifqu'il eil: aufn flerile, 6: femblable en tout a ceiui dont j'al parie. Je rent re dans le Fleuve & pafTe avcc viceiTe ces marais trembians, in- capables de foa:enir des hommes , & qui ne peuvent que fervir de retraite a desLegions deMaringouins ou Cou- lins^,<3c a quclques Oifeaux aquatiques ,- M vj tene 227^^ Hiftoin qui fans doute y trouvent de quo! vi- vre enfurete. ^^angue de ^^ r^j.^.-^. j^ ^^^ marais , on trouve une Largue de tcrre de chaque cotedu Fieuve 3 c'efl a la ventc une terre fer- ine , mais accompagnee de marais femblabics a ceux de lentree du Fku- ve. Darant Pefpace de trois a quatre lieuesjcette Langue de terre eft denuee d'arbres, mais enfuite elle en efi: cou- verte , de fagon qu^elle arrete les vents dont ies Vaitleaux ont befoin pour re- monter le Fieuve 6c arriver a la Capi- tale. Cette terre, quoique tres eiroite continue avec ies arbres qu^eile porte jufqu'au iDeVowri r^>2g/<7/j^ lequel eft garde par deux Forts , Tun a droite , Fautre a gauche du Fieuve. i'A^iJ^'^'^ ^ L'origine du nom de Detour a I'An- glois fe rapporte de differentes manie- res ; & ceux qui veulent en raconter THiftoire far^s la f^^avoir, en compofent une a leur mode : coutun.e trop ordi- naire a ceux qui n'ont d'autre but que , de parler & non d'inftruire les autres. Je penfe diiferemment : je me fuis informe aux plus Anciens du Pays , a quelle circonftance ce Detour devoir fon nom. lis m'ont dit qu'ayant le premier de la Louijiane, S7f EtabliiTement des Francois en cetre Colonie , les Anglois ayant entendu parler de la beaute du Pays , qu'ils avoient deja vifite fans doiue en y al- lant de la Caroline par terre , elfaye- renc de s'emparer de i'entree du Fieu* ve 5 & de remonter , pour fe fortifier dans le premier terrein folide qu'ils trouveroient. Excites par cette jalou- lie qui leur efl naturelle , ils prirent les precautions qu'ils crurent convenables pourreuflir. De leur cote les Naturels qui avoient deja vu ou entendu dire que plufieurs Hommes Biancs (iesFran(;ois)avoient defcendu &: remonte le Fleuve en dif- ferentes fois ; les Naturels , dis- je ^ qui n'etoient peutetre pas trop contens d'avoir de tels voifins , furent encore plus efFrayes de voir entrer un Navire dans le Fleuve, ce qui les determinaa les arreter en chemin i mais il leur fut impoflible, tant que les Anglois eu- rent du vent dont ils profiterent jufqu'a ce Detour. Ces Naturels etoient les Ouachas & les Chaouachas qui habi- toient a TOuefl du Fleuve , & au def- fous de ce Detour. II y en avoir d^un cote & de I'autre du Fleuve , ils fe ca* choient dans les cannes ^ regardoieBc ■57S Wfloire les Anglois & les fuivoient en montant" fans ofer les attaquer, Lorfque les Anglois furent a Fen- tree de ce Deiour , le peu de vent qu'ils avcient leur nmanqua : voyant en outre que le Fleuve tournoit exrre- mement , ils deiefpererent de reullir , lis voulurent s'aniarrer en cette en- droit, 11 fallut a cet eifet porter des cordages a terre ; mais les Naturels leur tirent grand nonabre de fleches, jufqu'a ce qu'un coup de canon tire en Tair les diiTipa^ & fur un fignal aux An- glois de regagner le Vailieau , dans la crainte que les Naturels ne vinilent en en plus grand nombre ies mettre en pieces. Telle ed Torigine du nom de ceDe- tour ; le fleuve en cet endroit fait la figure d'un Croiflant preique ferme ,- de iorte que le nieme vent qui amene un VaifiTeau lui eft fouvent contraire lorfqu il eft arrive au Detour , Ceft- pourquoi ies Navires s'annarrcnt & ne remonrent qu^a la Thoue ou en virant kCabeftan. Ce Detour a fix a fept iieues, quelque uns lui en donnent huit plus ou moins felon que le chemin leur dure. Les terres qui font aux deux cotes de de la Louifian'e: Ol^$' re detour font habitees, quoique la profondeur n'en foit pas confiderabie ; immediatementaprtsce Detour eilfi- tuee ia nouveile Orleans Capitale de eette Colonic, a I'Eft du Fleuve Scfur' le bord. Si en cet endroit du Fleuve on tire one ligne perpendiculaire , oa trouve a une lieue derriere la ville un Bayouc qui peat porter de gros ba- teaux a raaies. En iaivanc ce Bayouc Fefpace d une lieue , on va au Lac S, Louis , & iorrqu'on a rraverfe obiique- menrcelui-ci , on trouve les Chenaux qui conduifent a la Mobile par ou fai commence a decrire la nature du ter-- reinde laLouiiiane. Le terrein ou eft ficuee la nouveile Des terr^ Orleans etant une terre rapportee par 5;_^:J/^i^J"'qJ.! les vales de meme que celle qui ell au leans, deffous QC au deffus afTez loin de cetie Capitale , eft d'une bonne qua'ite pour 1' Agriculture , ft ce n'eft meme qu'el- le eft forte & plutot trop graiTe que mnigre. Cette terre etant plate & les eaux des debordemens Tayant noyee pendant piufieurs fiecles , elle ne peut manquer d'etre entretenue en humidi- te n'y ayant d^ailleurs qu'une levee qui empeche le Fleuve de la couvrir d'eau : elle feroic meme trop huniide' 2 So ^ Hijloire & ne pourroit etre cultivee, fi on n'eut fait cetre levee & des fofTes pres les les uns des autres pour facilicer Tecou- lement des eaux ; par ce moyen on Fa mife en ecac d'etre cultivee avec fucces. Depuis la nouvelle Orleans jufqu'a Manchacja rEll duFleuve, vingt-cinq iieues plus haut que la Capitale, & 'juf- qu'a la Fourche a rOuefi: , prefque vis- a-vis Manchac & a peu de diftance , les terres font de la meme efp^ce & de la meme qualite que celles dela nouvelle Orleans. de la Loidjzane. 281 CHAPITRE XXI. Qualite des terres quijont au-dejfus de la Four die : Carriere de pierres a hdtir^ Terres hautes de VEJi : Leurfertilite prodigieufe : Cote de rOueJi : Terres del'OueJI: Salpkre. DU cote de POueftau deflus deb Des tems Fouiche, les terres font alTez ^"j,/"^"^, au^ plates, mais exemptes dans leur proton- Fourche, deur des debordemens. L'endroit de ces terres le plus connii fe nomrae Baya-Ogoula, nom forge des mots Bayouc & Ogoula , qui fignifioit la Nation qui habite pres du Bayouc , y ayanc eu en ce lieu une Nation de ce nom quand les premiers Francois ont defcendu le Fleuve S. Louis ; c'eft a vingt-huit lieues de la Capitale. Mais du cote de I'Ed: les terres font blen plus hautes , puifque depuis Man- chac jufqu'a la Riviere Ouabache elles fe foutiennent entre cent & deux cens pieds plus hautes que le Fleuve dans fes plus grandes eaux : la pente de ces Terres haifi terres s'ecarte perpendicuiairement du ^^. ^^ i'^ft. 2^2 Biftoire Fleuve , qui de ce core ne revolt qae peu de rivieres & meme tres petites ft Fon except e celles des Yazoux, enco- re n'a-teile pas plus decinquante iieues^ de cuurs. Toutes ces terres haures font enr core furmonrees en bien des endroits j de petites monticules j bufes & coteaux^ aliongc^s , la pente des uns & des au- tres ell afiez douce, Ce n'ell qu'en s'^- eartant un pcu du Fleuve qu'on trouve ces terres haures avoir par deiTus de petites montagnes qui paroiilent toutes de terre, quoiqu'efcarpees , fans que Ton apper^oive ie moindre gravier ou une petite pierre. La qualiie de ces terres hautes efi: d'etre noires & legeres, d'environ trois picds fur ies Coteaux ou monticules* Cette premiere terre efl foutenue d'u- ne glaife rougeatre extremement fo- lide , Ies endroits Ies plus bas entre ces Coteaux font de la meme nature , mais la terre noire a jufqu'a cinq a fix pieds d'epaiiTeur: alnfi i'herbe qui y croit eft de la hauteur d'un hommc . quoi qu'el- le foistres-menue 6c tres-fine , au lieu que rherbe de la meme prairie fur Ies Coteaux ne paHe gueres la hauteur da genouil ^ elie ell encore de la memg de la Louifiane, 285 liauteur dans les bois de haute futaye 6c fur les plus hautes elevations , a moins quM ne fe trouve deOous des chofes qui ncn - feulement rendenc Fberbe plus courte , mais I'empechenc meme d^y nakre par la force des exha- laifons, ce qui n*arrive point ordinal- rementfar les Coteaux quoiqu*^levds, mais frulement far les montagnes pro- pren:ient diti,s. Mon experience dans T Architeclure Pierres h b^ m'ayant appris que plufieurs carrieres^i^* fe font trouvees defious une glaife pa- reille acelle-ci, j'aitoujours eu dans ridee qu'ii devoir y en avoir dans ces Coteaux. Depuis ces reflexions , j'ai euocca- fion dans mon voyage dans les terres de fortifier mes conjedlures. Nous etions cabannes au pied d'une Core ^ qui etoic efcarpee de notre cote & pres d'une fontaine ; i'eau que Ton m'en ap- porta etoit tiede 8c pure. J'allai voir cette fontaine qui me pa- rut fcrtir d'un trou lequel avoit ete forme par I'eboulement dela terre, je me baiiTai pour mieuxvoir, j^apper- ^us de la pierrequi a la vue me parut propre a banr ^ ie deiTus etoit de cette- glaife particuliere au Pays. Je fus uhsz .284 Hiftoirz fatisfait de m'etre alTure qu'U y avori de la pierre a batir dans cette Colo- nie, ou Pon crolt qu'il n'y en a point, parce qu'elle ne fort ^ pas de terre pour fe declarer elle-meme. II n^eft pas etonnant qu'il ne s'y en trouve point dans la balTe-Loui- • On ne voit fiane, qui n'eil qu-'une terre rapportee Srtk^par les vafbs; mais il eft bien plus Coteaux.pcur- extraordinaire de ne pas voir un caii- ^^'''' lou ni meme une petite pierre fur des Coteaux pendant I'efpace quelque fois de plus de cent lieues ; c'efl ce- pendant ce qui eft ordinaire dans cette Province. Je crois devoir en donnner une raifon qui me paroit alTez vraifembla- ble. Cette terre n'a jamais ete fouil- lee, elle eft fort epaiife au-deffus de la Glaife; celle-ci qui eft extreme- ment dure couvre la pierre qui ne peut fe manifefter , en etant fi forte- ment empecliee ; il n'eft done point fi furprenant que Ton n'appergoive aucune pierre hors de terre dans ces Plaines ^ fur ces Coteaux; fi on croit en avoir befoin , on ne peut gueres moins faire que d'ailer la trou- ver. FemHtede Toutes c€s terres hautes font or- de la Leidjiane, ogy cinairement des Prairies ^ & des fu- ^es terres ^q tayes avec de Thcrbe jufqu'augenouil : I'Eft* le long des ravines ce font des Bois foures dans lefqutison trouve des Bois de route efpece, meme des fruits du Pays. Prefque routes ces terres de TEfT: Bofauets? font telles que je viens de les decri- je ; c'eft-a-dire, que les Prairies font -fur les Coteaux dont la pente eft plus douce; on y voit aufli desFu- layes , & les Bois fourres font dans les bas fonds, Dans les Prairies on voit de diflance a autre des bofquets de chenes tres haurs & fort droits, jdont les arbres font au nombre de quatre-vingc ou de cent au plus; il y en a d autres d'environ quarante ou cinquante, lefquels femblent etre plantes par main d'homme dans ces Prairies , & pour fervir de retraite aux BcEufs, aux Cerfs & autres ani- ir.aux 5 & les mertre a I'abri des orages .& de Taiguillon des Taons. Les Futayes font prefque touiours ^^t^yzs routes de noyers blancs , ou routes de chenes; dans ces derniers on trou- ve quantite de nnorilles, mais en re- vanche, il croit une efpece de cham- pignons au pied des noyers coupes, t%6 EiJIoire que les Naturels ramalTent avec fomt fen ai gouies que j'ai trouvcs de bon gout; j'etois perfuade qu'ils ne mangent rien qui ne (oit tres-fain; c'eft pourquoi je ne fis point de dii- ficulte de gourer de cette forte de champignons. Les Prairies ne font pasfeulement l^rairies. couvertes d'herbes propres au paca- ge, elles porrent encore quantite de fraifes au mois d'Avril; les mois fui- vans le coup d'oeil ell charmant, a peine voit on Fherbe , a mpins que ce ne foit celle que Ton foule aux pieds ; les fleurs qui font alcrs daiis tOQte leur beaute^ prefenre a la vue le fpedacie le plus ravifiantj elles font diverfifiees a Finfinij j'en ai rc- marque une en particulier, qui fevoit rornemenc des plus beaux parterres: c'ed ia gueule de lion dontje par- lerai. r^M.. Ces Prairies fourniifent non-feule- ment a la vue de quoi la ravir , el- : les produifent encore en quantite de Simples excellentes 5 ainfi que les- fu» tayes , tant pour la Medecine que pour ia Teinture. Quand routes ces herbes font brulees 6l qu'il furvient une petite pluye , des champignons ds la Louip.anel ^^f 3'un tres-bon gout prennent la place ^ blanchiiTent route la furface de ces Prairies. Les Naturels ne man- gent pas plus de champignons que des m.orilles Ces Coteaux en Prairies &ces fu- Glbieri -tayes font abondantes en Bosufs, Cerfs & Chevreuils, en Dindes/ en Perdrix & en route forte de gibier^* on y trouve eri confcquence des Loups, des Pichous & autres betes x:arnacieres , parce qu'en fuivant les autres animaux, ils detruifent & man- gent ceux qui font trop vieux ou -trop^ g* as ; 6c quand on y va a la chaile , iis font certains d'avoir la cu- ree ; ce qui les engage a fuivre les ChaiTeurs. Ces terres hautes produifent natu- rellement des muriers dont les feuil- les plaifent beaucoup aux Vers a fove; r Indigo y croit de meme le long des t)ois fourres, fans culture. II s'y rrou- rv.^f du 1 abac nature! , a la cul- da tenein de- ture duquel ainfi que des autres ef- ^'^'^ /^^-''■nchac peces de laoac, ces terres ionz tres bache. propres. Le Coton s'y cultive aufli a profit ; on y fait venir du Frcment &L du Lin plus aifemenc & meiilear 'en bas vers la Capitale. h terie ^s'BS Hiplre y etatit trop grade , ce qui fait quk la verite Pavoine y vient plus baute que dans les terres dont je park; mais le Coton de meme que les autres den- rees n'y font pas fi fortes ni fi fi- nes , & font fouvent de moindre rap- port pour le profit, quoique le ter- rein foit d'une nature excellente, Enfin cette partie de terre haute ; qui fe trouve a i'Efl: du Fleuve de-. Mines. P^^'^s Manchac jufqu'a la Riviere d'Oaa- bache, peut & doit avoir des Mi- nes ; on y en trouve de Fer & de Charbon de Terre tout aupres. 11 n y, a point d'apparence de mines d' Ar- gent ; Kiais il pourroit y en avoir d'Or5memede Cuivre& de Plomb. Retournons a Manchac ou j'ai lail?» fe le Fleuve ; je le paflferai pour vi- fiter le cote de rOuefi comme j'ai fait celui de I'Ed:. Je commencerai v-^'T'pJl'par la Cote de TOued qui dt h ^ptc de i £it. r i,T-n meme que celle de FEfl ; on peut feulement remarquer quelle eft enco- re plus aride 8c plus fterile. En quit-- tant cetce Cote de fable blanc & cri.ftallin pour aller vers le Nord j on trouve cinq a fix Lacs qui commu- niquent les uns aux aurres , & qui font fans doute des reftes de la Mer. - ' - Entre cle la Louifianti ci 89' Entre ces Lacs & le Fieuve, efl iine terre rapportee far le fable & formc'e ■des vafes du Fieuve, comme je J'ai dit j entre ces Lacs ce ne font que des fables , fur lefquels il y a fi peu de terre que le fond de fable paroir; auffi n'y voit-on que peu d'herbes de pacages que quelques Bosufs ecar- tes viennent manger : ii n'y a point d'arbres , fi Ton en excepte une Co- te fur le bord dun de ces Lacs , qui eft to'jte couverte de chenes verds , , qui font propres a la conflrudlion des VaiiTeaux. Ce terrein peut avoir une lieue de long fur une demi-lieuc de large; on a nomme cet endroit Baratdria, parce qu'il eft enfernne par ces Lacs & par leurs ilTues, ce ,e\^rnier"' qui forme a peu-pres une Ifle en terre ferme, comme etoic celle dont Sancho Pan^a fur fait Gouverneur. Ces Lacs font remplis de Carpes monflrueufes rant pour leur groileur que pour leur longueur: ces Carpes s'echapent du Fieuve & de fon eau trouble dans le tems de fon debor- dement, pour chercher une eau plus ciaire: ce qui doit etonner, c'eft qu'il y ait tant de poiiTons dans ces Lacs, y ayant une qu^ntite innombrabie de TomeL N 2.<;;0 HiJIoire Crocodiles. II y a dans les environs de ces Lacs quelques petites Nations de Naturels qui vivent en partie de cet animal amphibie. Entre ces Lacs & les bords du Fleuve , il fe trouve quelques her- bages claims , entr'autres du Chanvre naturel qui y vient comme un arbrif-" feau, & tres-branchu : il ne doit pas etre furprenant que ce Chanvre aic beaucoup de branches & afTez Ion- gues > puifque chaque plante eil tres- ecartee Tune de I'autre; de ce cute on voit peu de Bois , fi ce n'eft en approchant du Fleuve. A I'Ouefl de ces Lacs on trouve de tres-bonn.^s terres couvertes en beaucoup d'endrolts deFutayes , dans leiquelies on peut ailement ccurir a cheval; on y trouve du Bocuffau- vage qui ne fait que paflcr , parce que i herbe de ce pacage ed arr.ere Ibus les arbres; c'efl: pourquoi le Boeuf preiere i'herbe des prairies, laquelle crant expole^ aux rayons da Soleil. en de vient beaucoup plus fa- voureufe. En s'cloignant encore plus vers rCuefl, on trouve les Boisbien plus fourrt's, parce que ce Pays eft ex^^ ds la Loidfiane^ sl^i tremement arrofe; on y trouve quan- tite de Rivieres qui fe jettent dans la Mer ; dc cq qui contnbae a la fer- tilite de cette terre , c'efl la quanti- te de RuifTeaux qui tombenc dans ces Rivieres. Ce Pays abonde en Chevreuils Sc autre glbier : il v a peu de Boeufs, Bonne terrt mais 11 promet beaucoup de richelles a ceux qui Fhabiteront , par la bon- ne qualite de fes terres. Les Efpa- gnols qui nous bornent de ce cote- la en font aifez jaloux : mais la gran- de quantite de terres quils polTedent dans TAmerique ^ leur a ore I'idee d'y faire des EtabliiTemenSjquoiqu'ils ^ TeufTent connu avant nous; cependanc ils fe font donnes des mouvemens pour traverfer nos delTdns , quand ils ont vu que nous y penfions. lis n'y font point etablis: qui pourroic empecher que Ton y fit des Eiabiif- lemens avantageux ? J^ reprens le bord da Fleuve au-def- fus des Lacs & des terres au deOTus d^la fourche , que j'ai alTez fait connoicre pourn'etre pas des meilleures, & jere- monce vers le Nord pour fuivre le memc ordre c^ue j'ai ^enu en dcn- N ij ^^2 'Hifioire nant la Defcription de la nature des terres de TEft. Les bords du Fleuve font d'tine terre graffe 6c forte , comme j'ai die ailleurs ; nvais ils font beaucoup moins fujets a rinondation. Si Ton avan- ce un peu vers rOueft, on trouve des terres qui s'elevent peu- a peu, & font d'une tres bonne qualite; il y a nneme des Prairies que Ton pour- roit dire n^avoir point de fin , fi elks n'etoient entrecoupees de petits bef- quets : ces Prairies font couvertes de Bceufs fauvages &c autre gibier , qui y vivent d'autant plus paifiblemenr , qu'ils ne font point chaffes par les hommes, qui ne frequentent nulle- ment ces contrees ; ni inquietes par les Loups ou les Tigres qui fe tien- Kent plus au Nord, Le Pays que je viens de decrire eil tel que ^*e le dis jufqu'au nouveau Mexique ; il s'eleve aifez doucement aux approches de la Riviere Rouge qui le termine vers le Nord, jufqu'a une terre haute qui n'a p^s plus de cinq a fix lieues de large & une iieue feulement en certains endroits 3 elle eft prefque plate > n'ayant que quei- de h Lculfiane", 293: ques buttes a une ailez graride dii- tance les unes des autres : on y trou- ve audi quelques Monragnes d'une moyenne hauteur qui paroiiTent ren- fermer plus que de la pierre. Cette terrc haute commence a quel- ques lieues du- Fleuve , & continue ainfi jufqu'au nouveau Mexique: elle s'abaiiTe du cote de la Riviere Rou- ge, par replis , ou elle eft diverfifiee alternativementde Prairies & de Bois. Le delTus de cette hauteur au con- traire n'a prefque point de Bois ; il y eroit une herbe fine entre les pier- res qui y font communes: les Bos'ifs viennent paitre cette herbe, lorfque les pluyes les chaiTent des plaines; autrement ils n'y vont gueres, parce quails n'y trouvent ni e^iu ni falpe- tre. On dolt remarquer en pafTant , que tout le pied fourchu aime extreme- ment le fel , & que la Louifiane en general renferme beaucoup de falpe- tre ; ainfi on ne doit pas etre fur- pris fi le Boeuf, le Cerf , & le Che- vreuil ont plus d'inclination pour certains endroits que pour d'autres, quoiqu'ils foient fouvent chiilTes. On doit feulement ccnclure qu'il y a plus N iii Sali-etre. ^294* Uiftclre de falpetre en ces ^endroits , cuen ceux qu'ils ne frequentent que rare- ment ; c'eft ce qui m^a fait remar- quer que ces animaux apres leurs re- fedlions ordinaires, ne manquent gue^ res d'aller dans les Torrtns ou la terre eft coupee, meme dans la glai- fe ; la ils lechent cette glaife, lur- tout apres la pluie , parce qu'ils y trou- vent un gout de fei qui lesy attire. La plupart de ceux qui ont fait cette re- marque s'imaginenr que ces animaux mangent la terre ; ils ne cherchent en ces endroits que le fel qui eft pour eus un appas ft violent, qu'il leur fait bra- ver les dangers pour ie fatisfaire. de la Louifiane. ^2p5* CHAPITRE XXII. Qualite des Terres de la Riviere Rouge : Pcjies desNaElchitoches : ¥iine d.Ar^ gent : Des Terres de la Riviere Noire. LEs bords de la Riviere Rouge du cote de fon confluent font af- fes bas,& quelquefois noycs par les debordenaens du Fleuve ; mais fur-tout le cote du No^d , qui n'efl qu'une terre marecageufe Tefpace de plus de dix lieues en remontant aux Nadcbito- cbes, jufqu'ace que i'on ait trouve la terres deU Riviere Noire qui tonribe dans \d. ?vi- Riviere Rou- viere Rouge. Cette derniere prend fon ^^* rorn de la couleur de fon fable qui eft rouge en plufieurs endroits ;; on la nomme auffi Riviere de Marne , nom que quelquesGeograpbesluidonnent & que Ton neconnoit point dansle Pays. Quelques-uns lui donnent le nom de Riviere des Na(R;chitoches , parce qu'ils habitent fes bords : le nom de Riviere Rouge lui eft demeure. Depuis la Riviere Noire, le cote du Nord de la Rivi:^re Rouge n'eft qu'ung Niv ^9^ mjloirt terre tris le'gere, m^me fabloneufe, oCi 1 on trouve plus de Sapins que d'autre^- arbres ^ on y voit aufTi quelques ma- rais I mai3 ces terres.quoiqu'elies ne fe- loient point fldriles fi on les cultivoir , ^eleroient point desmeilleures^elles fe ^ounennent de la forte vers les bords deia Riviere, feulement jufqu'au rapi- cie^que ion rencontre danscecte Rivie- re a trenre lieues du Fleuve S. Louis, ee rapide n'efl rien moins qu'un faut ; 11 eit vrai qu on ne peut gueres le re- monrer k h rame Icrfqu'on efl char^^ 11 faut mettre a terre & tirer. II me ^emDle que fi Ion fe fervoit dela Gaffe ou Perche,dontIes Mariniers fe fervent iur .a i^oire & autres Rivieres de Fran- ce, on furmonteroit aifement cet obfla- c\2j, mais dans cette Colonie on n'eft point dans le gout d'inventer ce qui peut foulager dans lestravaux ; on eft" leulement dans Fufage de fuivre la rou- tine donnee par les premiers Habitans qui n'etoient pas aflurement d'habiles Artiites. ^ ^Le cote du Midy de cette Riviere ja.qu au rapide,eil tout- a fair different ducote qui kii eft oppofe; il efl un peu plushaur,&s'^Ievea mefure qu'il ap- proche dela hauteur dont j'ai parM - de la L^uifiane, 2517 la qualite eO: auiTi trts difFerente; cet- te lerre eft bonne & iegere, elle pa- roit difpofee a recevoir routes les cul- tures qu'on dcTirera y faire , & i'on peut en route aflfurance efperer d'y reuilir : elle produic narurellemenr de tres-beaux Bois francs & de la Vigne en abondance , c'eft de ce cote que Ton a trouve du Mufcar. Les derrieres one leurs Bois plus nets, & des Prairies en- tre-coupees de belles Furayes : de ce core les arbres fruiciers du Pays font connmuns^ fur-tout les Pacaniers & les Noyeis : ces arbres n'annoncent jamais une mauvaife rerre. Depuis le rapide jufqu'au Nadlcbi- tDches , les deux cotes de cetce Rivie^- re font ailes femblables aux terres dont je viens de parler. A gauche en re- montant, eft une petite Nation que Ton; nomme les Avoyelles^^ qui n'eil' con- r.ue que par les fervices qu'elle a ren- dus a la Colonie , par les Cbevaux , Baeufs & Vaches qu'elle efl alie cher- cher aa nouveau Mexique pour les Frangois de la Louifiane. J 'ignore le fin du Commerce de ces Naturels ; mais je f9ais que malgre Ls peines du VoyagCjCes Befliaux i'un parmi I'autre^ ne revenoientj tous frais faits ,6c form^~ 2 9 S UiJIoire de leurs mains qa'a environ deux piflo^ les la piece ; je dois prefunaer de la qu'ils les ont a bon marche dans le nouveau Mexique : ce n'efl point au refle ce qui doit nous inquieter ; le meilleur eft que nous avons a la Louifiane par la voie de cette Nation , de tres beaux Chevaux de Tefpece de ceux de la vieille Efpa- gne , lefquels , s'ils etoient drefTes 3 pourroient monter ks premiers Sei- gneurs de la Cour. Pource qui eft des Boeufs & Vachesj ils fonttels que ceux de France , les uns & les autres font a prefent tr^s-conamuns dans la Loui- fiane. Le cote du Midy n'apporte dans la Riviere Rouge que de petits ruilTeaux. Du cote du Nord & aflez pr^s des Natchitoches > eft , a ce que I'on dit , ane Source d'eau tres- falee, qui a qua- tre lieues feulement de cours. Cette Source des en fortant de terre, forme une petite Riviere qui dans les chaleurs laiffe du fel fur fes bords : ce qui pour- roit le faire croire plus aif(fment , c'eft que le Pays d^ou elle tire fon origine renferme beaucoup de fel mineral qui fe manifefte par plufieurs fburces d'eau falee , & par deux Lacs fales dont je parlerai bien-tot. Enfin en remontant de Li Loidfliine. 2pp en trouve le For: Francois des Nacl- chitochss , bati dans une Me que forme la Riviere Roage. -n p j Cette Ifle n'eft que de fable,& H fin ^^^^^^J" que le vent Temporte comme de la pouiriere;de forte que leTabacque Ton y a cultive dans les commencemens en etoit rempli : la feuille de Tabac eranc d\in veiu tres fin retient aifement ce fa- ble , que le moindre fouffie porre par- tout , cequi eft caufe que Ton ne fait plus de Tabac dans cetlile, mais feule- ment des vivres , comme du Mahiz , desPatates, desGiraumoDs, & autres, aufquels le fable ne peut fa-re aucun dommage. M. de S. Denis qui a e-e long terns Commandant decoPofl: dt-sTsadchiro- cbes qui ont toujours ete amis desFran- 9ois / auroit merite d'etre Gouverneur de toute la Colonie ; il etoit auffi pru- dent dans fa maniere de Gouverner qu'il eroit brave Officier ; il a feu tou- te fa vie fe faire aimer &refpeae!-, tant des Francois que des Naturek. Ces • derniers lui ecoient fi attaches , que rien ne leur coutoit , d^s qu il etoit queftion de fon fervice. Ces peuples n'ont rien de plus cber que leur bber- t c,ac preferent la mort a r'efclavage , ^ N vj JOO' nijtoire meme a la domination d^aucun Sou- verain , quelque douce qu'elle puilfe etre. Cependant vingt ou vinp-t-cinq Nations avoient trouve en la peiTonne- de M. de S. Denis un cbanne fi puif- fant 5 qu'oubliant qu'elles etoient nees libres , elles s'etoient donnees a lui vo- lontairement ; les Ghefs & le peuple , tous voulurent Favoir pour leurGrand^ Chef, enforte qu'au moindre figne ii auroit pu fe mettre a la tete de trente- mille homnnes tires de ces Nations , qui de leur propre mouvement s'ttoienc foumifes a fes ordres. II n^eut pas e:e befoin qu'il eut ete les trouver lui-me- me pour les faire venir, il eut fuffi que M. de S. Denis tragat fur le papier une' jambe bien Fornnee & des figures hiero- glyfiques qui euffenc defigne la guerre :■ la jan^be bien formee le defignoit lui- meme, parce quails le nonamobrit le Chefa la grofle jambe. Pour defigner la guerre, on fait la figure d'un calTe- tete;pourmarquerletenrisauquel on a befoin defecours, on defigne les moi« par de,s Lunes , & les jours de plus par des I , de cette forte i fi Ton eR prefTe d'a voir du fecours , on marque feule- - nient autanc d'l, qu^il faut de jours pour^ ftire ia roate j on deilgne la Nation. de la LouLpane, 3.01 qu'on veut attaquer par la figure qui lui efl propre. Le nombre des Guer- riers ne fe marque point , les Chefs des Nations envoyent leurs Guerriers;. on.r9ait ce que chaque Nation peuten fournir, ainfi on fait fcavoir fon inten- tion a autant deChefs qu'il eft neceiTai- re pour completter le nombre d'hom^ nies que Ton fouhaite. Les Heches defi-- gnent aufli la Guerre , mais feulemenf pour la declarer 5 ce font alorsdeux; fiechesen Saultoir ^crafe. Lorfque M. de S. Denis eft mort , tous ces peuples Font pleure' & re- grette , comme de bons enfans pleure- roient leur pere ; mais ce qui doit en- core furprendre dansle changement de- fentimens de ces peuples en faveur de M. de S. Denis , c'eftque la plupart de- ces Nations font furies terres des Efpa- gnols, & qu'ilsauroient du plutot s'ac- tacher a eux qu'aux Francois. Les qua- lites perfonnelles de M. de S. Denis Favoient emporte fur route forte de confiderations ; & telle eft la force de la vertu qui fe fait refpeder par tous les hommes , quoique peu la prati- quent. J'aurai occafion de parler dans peu du caraClere de ces Peuples, & de.. c«ux-ci enparticulier.;, a Tegard de M». 302 Hijlolre de Saint Denis.pour faire voir que leur devouement a ce Commandant etoit fmcere , puifqu'il fjiifoient leurs efforts pourlui rendre fervice a fon inf^u com- me fous fesyeux , avec un defintereiTe- ment inconnu parmi les Nations po- licees. A feptlieues duPodeFran^oiSjlesEf- pagnols en ont erabli un,ou ils onttou- jours refidcjdepuisque M. de la Motte Gouverneur de la Louifianne y eiit don- ne les mains. Je ne fgais par quelle fatale politique cet EtablKiement fut afTure aux Efpagnols , mais je f^ais que fans les Francois , les Naturels n'auroient jamais fouffert que les Efpagnols s'eta- bliflfent en cet endroit. Quoi qu'il en foit^le voifinage de ces Etrangersy a attire plufieurs Francois, qui fans doute le font imagines que les pluyes qui venoient du Mexique rou- ioient & apportoient avec leurs eaux de ror,qui ne couteroit que la peine de le ramafier.Mais quelle efl i'utilire de ce beau metal, finon de rendre vains & parelTeux les hommes , chez qui ii efl fi commun, & de leur faire n^gliger la culture dela terre qui eft la vraieridief- fe, par les douceurs qu'elle procure a Fhomme ^ 6c par Ks avantages qu'ellc de la Louijiane, 30 j lui fournit au rooyen du Commerce. Plus hauc que les Natchitoches habitent les Cadodaquioux , dont les villages epars prennentdifFerens noms, Aflez pres d'un de ces villages , on a d^couvert uneMine que Ton a trouvee uittt d'Ar* abondante & d'un metal tr^s pur ; j'en gent. ai vu Tepreuve, la matiere en ed tr^s* fine. Get Argent eil cache en parties in- vifibles dans une pierre de couleur de maron , laqu'elle eft fpongieufe , aflfez legere& facile a fe calciner ; elle rend cependant beaucoup plus qu'elle ne promet a la vue. L'epreuve de cette Mine futfaite par un Portugais nomme Antoine , qui avoit travaille aux Mi- nes du nouveau Mexique, d'ou , je ne fgais pourquoi, il fe fauvoit ; ii paroif- foit polTeder fon metier ; il vifita en- fuite d'autres Mines beaucoup plus au Nord ; mais il atoujours donne la pre- ference a celle de la Riviere Rouge. Cette Riviere au rapport des Efpa- ^.^^^^ ^^ j^ gnols prend fa fource par les trente- Riviere Ro»r deux degres de latitude Nord ; elle ^^* court environ cinquante lieues au Nord- Eft , fait un grand coude du cote de TEft , puis de-la en fuivant ie Sud- Eft , qui eft Tendroit ou nous commengons ii la connoitrCjelle vient tomber dgns k 3-04 flifloln Fieuve S. Louis , vers les trente-un dc- gres quelques minuttes. J'ai dit un peu plus haut que la Ri- viere Noire fe dechargeoit dans la Ri- viere Rouge 5 dix lieues au defTus du confluent de celle-ci dans le Fieuve ; nous aiions la reprendre & la fuivre ^ apres que nous aurons obferve que les- poilTons de toutes ces Rivieres qui communiquent avec le Fieuve, font les. Tones dc la niemes quant a I'efpece , mais beaucoup RivicreNoire.rneilleurs dans la Riviere Rouge & la Riviere Noire , parce que I'eau de ces Rivieres eil plus claire & plus vive que celle du Fieuve, qu'ils quittent tou- jours avec plaifir ; ce gout delicat & plus fin qu'on leur trouve, peut aufll provenir des nourritures qu'ils pren- nenc dans ces Rivieres. Les terres dont nous allons parler font au Nord de la Riviere Rouge ; on peut les diftinguer en deux parties, qui font a la droite &.a la gauche de la Ri- viere Noire en la remontant jufques a fa fource & meme jufqu'a la Riviere de^ Arkanfas. Cette Riviere eft nommee la Riviere Noire 5 parce que fa profon- deur lui donne cette couleur , qui eft encore augmentee par les Bois qui la bordent dans toute la Coionie. Touted. de la Louifiane^ ^cf Tes Rivieres ontleurs bordscouverts de Bois , mais celle ci qui eil aflez etroite, les branches la couvrent 8c la rendent d'une couleur noire au premier coup d'oeil. Onluidonne quelquefois le nom de Riviere des Ouachitas , parce qu'il y a- eu fur fes bords une Nation de ce nom, qui nefubriile plus : je concinue- rai a la nommer de fon nom ordinaire,' Les terres que Ton trouve d'abord des deux cotes , font bades , 6c conti- nuent ainfi I'efpace de trois a quatre lieues , jufqu'a ce qu'on ait trouve la- Riviere des Taenfas , ainfi nommee a caufe d'une Nation de ce nom q^ui ha- bitoit fes bords ; cette Riviere des Taenfas n'efi: a proprement parler qu'un Chenal fait par les eaux du deborda-- ment du Fleuve. Cette Riviere qui a fon cours prefque paraliele au Fleuve, fait la feparatton des terres baifes d'a- vec les Coteaux ; ainfi je ne parlerai pas des terres qui font entre le Fleuve & cette Riviere des Taenfas , puifqu'el- les' font les memes que dans la balfe- Louifiane. Les terres que Fon trouve en re- montant la Riviere Noire, font a peu pres les memes entr'elles , tant pour la^ n^iture du terrein , que pour leurs boB- '^66 tiijloire nes qualites. Ce font des Coteaux al- longes , qui peuvent ecre regardes en general comme une tr^s-vaflePrairie di- verfifiee de petits bofquets, & qui n'efl: coupee que par la Riviere & les Ruif- feaux qui font hordes de Bois jufqu'a Jeurs fources. Les Boeufs fauvages & les Chevreuils y font par troupeaux. Aux approches de la Rivierre des Ar- kaniasjes Cerfs &: les Faifans commen- cent a etre tres-communs ; on v trou- ve ks autres efpeces de gibier comme a 1 Eildu Fleuve : il en eft de me me des frai'es, des Simples, des ffeurs&des ^ .,. ,j champipfnons. La feule difference eft fcterrein. que ce cote Qu x^leuve elt plus egal , n'ayant point des Cotes 11 bautes & fi difterences du refte du terrein ; pour ce qui ell des Bois,ils font telsjqu^a i'Ell du Fleuve , excepte que vers TOueft il y a beaucoup plus de Noyers & de Pacaniers.qui font une autre efpece de Noyer dont les noix font plus ten- dres 5 ce qui attire dans ces cantons un plus grand nombre de Perroquets. Ce que je viens de dire eft general a ce coLe, voyonsce quilui eftparticulier. de la Louijiane, 307 CHAPITRE XXIII. Ruljjedu d!eau falee : Lacs falis : Ter- resde la Riviere des Arkanfas : Mar- bre rouge jafpe: Ardoife : Plitre.' Ckajfe aux Bxufs : Battiares du Fku" ve, LOrsqu'on a remonte la Rr-^ viere Noire environ trente lieues ,■ on trouve a gauche un RuiiTeau d'eau falee , qui vieni: de I'Cueft j en remon- tant ce Ruifleau environ deux lieues,on tombe a un Lac d'eau falee, qui peut d'e^"faiSe! avoir deux lieues de long fur uTie de large ; une lieue plus haut vers le Nord , on rencontre un autre Lac d'eau falee , prefque aufii long 6c auHi large que le premier. Cette eau paife , fans doute , par quelques Mines de Selj elle ale gout de Sel jfans avoir Tamercume de Teait dela Mer. Les Naturcls viennent d'af- fez loin dans cet endroit pour y chafler pendant Thy ver, & pour y faire du feL Avant que les Frangois leur euf- fent traites des chaudronS; iis faifcient La^s faleSJ^ joS ^ mjloire fur le lieu des pots de terre pour cette operation : quand ils ont dequoi fe charger , ils s'en retournent dans Icurs pays charges de fel ^ de viandes fe- ches. Vers I'Efl de la Riviere Noire , on ne voit rien qui annonce des Mines ; mais a I'Ouefl , on diroit qu'il doit y en avoir, a certames marques qui tromperoient bien des peribnnes qui croyent s'y connoirre ; pour moi , je ne voudrois point garantir qu'il y euc -m^Z^t^A^^^ ^^^'^^s dans cette partie de terre, qui fembie en promettre r je ferois plus volontiers porte a croire que ce font des Mines de Sel , peu eloignees de la furface de la terre , qui par leurs efprits volatils & acides , empcchent les plantes de croitre en ces endroits. Quelques dix a douze lieues plus liaut que ce Ruiffeau , eft un Bayouc , pres duquel s'etoient retires les Nat- chez rcchappespar leur fuiee , d'etre * faits Efclaves avec le rede de leur Nation , que Meflieurs Perrier de- truifirent ou reduifirent en efclavage par ordre de la Cour , comme je le dirai en fon lieu. Je ne fais la def- cription du lieu de la retraite des Nat- chez , que fur h rapport d'autrui ^ de la Louifiane, ,03 n ayant pfi aller k cette Guerre. La Riviere Noire prend fa fource , aflez pres de la Riviere des A rkan- las dans laquelie tombe une bran- che de cette fource, au moyen dequoi on peut communiquer de I'une a I'a*- tre avec une moyenne voiture (t) Au refte cette Riviere Noire feroit en etat de porter bateau par tout , fi elle etoit nettoyee des bois tombe's dans Ion ht , qui la traverfent le plus fou- vent & tiennent fa largeur. El'e re- ?oit quelques RuifTeaux ; elle abonde enpoiflGns excellens & en Crocodiles ' Je n ai aucun doute que ces terres ne foient tres-propres a rapporter , & produire routes les dencees que i'ai dit pouvoir ^tre cultivees avec fuc- c^s du cote de I'Efl du Fleuve , op- pofe a celm-ci/ficen'eflle canton qui fe trouve entre la Riviere des Ta- enfas & le Fleuve S. Louis ^ cette terre etant fuiette a I'inondarion , ne feroit bonne que pour le Riz. Je crois que nous pouvons a pre'- J'\ f^^'f^ communication dansla Riviere * olte dQ c^ nom. ^lO Tlijloire fent pafler au Nord de la Riviere des Arkanfas , qui prend fa fource dans •Scnrce ic des Mcntagnes voifincs & a rEfl de vwe tl'I/- Santa-Fe ; elie remonte enfuite un pea ^aafaj. au Nord 5 d'ou elle fe rabat vers le Sud un peu plus bas que fa fource ; de cette forte elle fait prefque une ligne paralleleavec la Riviere Rouge. Cette Riviere a une cataradle ou fault a cent cinquante lieues environ de fon RWiae!""' confluent ; avant d'etre arrive ^ ce Cankre de ^'^'^^^ 3 ^11 trouvc uHC csmercde Mar- Marble 'rouge bre rouge jafpe , une d'ardoife & une [f'd^^pitt tie platre; des voyageurs y ont y^ ' des paillettes d'or dans un petit Kuii- feau; mais connnne ils alloient cher- cher un rocher d'Emeraudes, ils ne daignerent point s*amufer a^ ramailer ces particules d'or ; le tenDS etoit pre- cieux , il falloit en profiter pour quel- que chofe qui en valut mieux la peine, Le Chefde ces Voyageurs etoit fi RocKer d'E- affure de trou ver ce rocher d'Emerau- cieraude. ^^^ ^ ^^j- j p^.-^ ^^^c lui un hcn^me qui fe difoit Ingenieur , afin que cet hom- me habile par les connoiffances^ qu il ■ avoir de la Nature , lui facilitat les moyens d'enlevcr ce rocher par gros morceaux. Pour s'ailurer de la reulfite, ce foi-difant Ingenieur inventa un^ de la Louijlant, '^it machine qui avoit des reilbrs tr^sr* \ forts^ puifqu'il falloit deux hommes '' pour la tendre : en (e detendant, cette machine devoit faire le meme efFet que les Beliersdont les Anciens fe fer- voient dans les Sieges de Places for-" tifiees y la tete du c6t€ qu^eile devoit frapper le rocher en queflion , avoit la figure d'un A majufcule. Je crois que fi avec un outil de cette fagon on en euc decache un morceau un peu gros , on auroit du en faire un grand nombre de petits ; on auroit mer me reduit en poulTiere une trop grande quantite d^une matiere fi rare & fi pre- cieufe. Cette Riviere des A rkanfas eft rem- De gros ba- pliedepoiiTons: eileabeaucoupd'eau, '^'"^ p^"^.^";= ayant un cours de deux centcinquante ou'au sauitds lieues^ el'e peut porter de gros ba- ^K^'™^'^^^ teaux julqu a la cataracte : les bords fontcouverts de Bois comme toutes les autres Pvivieres du Pays; elle re- coit dans fon cours plufieurs RuilTeaux ou petites Rivieres de peu de confe- quence , a moins que Ton n'ote de ce nombre celle que I'on nomme la Ri- viere Blanche^ Sc qui fe decharge dans ie courbe de celle dont nous par Ions, ^ au-deiTous de fon fault. ^12 Hiftolre Dans tout le Nord de cette Rivie- Beaute ^rbon- re , on trouve des plaines a perte de fl'm^ ^ ^^^'vue 5 qui font des Prairies immerrfes entrecoupees de bofquets , & a peu de didance les uris des autres ; ce font tous Boisde haute Futaye ainfi que de petites Forets , ou Ton pourroitaife- ment courir le Cerfr-on rencontre dans ces cantons grand nombre de ces ani- maux, de mentie que d-es Bo^ufs fauva- ges ; les uns & les autres vont pat troupes quelquefois de cent cinquan- -te ; les Chevreuils y font aufTi tres- :Communs. A force d'avolr vu de ces animaux qui s'efFrayerit au moindre bruit . fur- tout aux coups de fufiij'ai penfe a une chaffe aux manicre de les chaffer , comme i'on dit ifcufs, qyg £qj^^ Igg Eipagnols du nouveau Mexique , qui ne ks eftaroucheroit point , & qui tourneroit au grand avatitage des Habitans qui auroient • abondamment de ce gibier dans leurs conrrees : cette chalTe pourroit fe faire dans i'Hyver & des ie commencement du mois d'Odlobre,que lesPrairies font brulees , jufqu'au mois de Fevrier. ^ .,. , , Cette chaile n'efl ni couteufe ni in- Fanhte de , i i , *-*'te chafle, commode ; on a dans ce pays des cne- vaux a peu de frais , dc on les nour- rit de la Louifiaml 315 rlt de meme prefque pour rien ; cha- que chafleur eft monre fur un cbeval , & ell: arme d'un croiifant un peu ou- vert 5 dont le dedans doit erre bien t ran chant ; le haut du dehors doit avoir une douille pour y mertre une ham- pe ou manche ; on iroit plufieurs a cheval chercher un de ces troupeaux deBoeufs , on les attaqueroit toujours le vent au dos. AulTitot qu'ils fentent I'homnne , ils fuyenc a la verite i mais a la vue des chevaux ils modereroient leur frayeur 5 ainfi ils ne precipire- roient point tant leur courfe , au lieu que le coup de fufil les epouvante au point qu'ils fe fauvent a routes jam- bes. Dans la chaffe dont je parle , les plus legers fuiroient aflez vite; mais les vieux, & meme les jeunes de' deux ou trois ans font fi gras que leur pefanteur les feroit bienuot joindre : alors le chafleur drelTe frapp eroit le BoEuf de fon croiffant , & en donne- roit un coup au-deiTus de chaque jar- ret , lui couperoit le nerf &: I'accule- roit • facilement ; pins de celui - la a un autre , jufqu^a ce que Ton en eut arrere le nombre que Pon foahai- teroit. Le Bocufainfiaccule, eftepou- yante ^ il veut fuir 6c ne.'peut aller Tomz I, O Ba;u 314 Hiftoin loin I tous les efforts qu'il fait pour fe fauver , ne fervent qu'a lui faire per- dre plus de fang ; il s'affoiblit, il tom- be , il laiiTe a fon ennemi ia iiberte de rachever a fon aife, GraifTe extra- Les perfonnes qui n'ont point vu ordinaire das ^g ^es Boeufs , croiroHt difliciiement ce que je dis de leur graiile , mais ils ' doivent penfer que des B-xufs qui font nuit 6c jour dans des parurages abon- dans d'une herbe fine 6c des plus friande 5 doivent s'engraiiTer prompte- rnent 6c d^s leur jeune(fe ; j'en ai une preuve certaine dans nos B(sufs do- mediques. ^ 11 n'y avolt que peu de iaureaux dans le"Qaarcier des Natchez, lorf- qu'on y amena les premieres Vaches, ce qui fut caufequ'arBabitation de la Terre blanche , qui etoit pres de chez moi, on en conferva un jufqu'a Fage de deux ans ; il commenca alors a n'etre plus enetat de couvrir les Vaches ;6c fi par hazard il arrivoit qu'il put fau- ter fur une , il lui caifoit les reins par fpn extreme pefanteur. On fut oblige de le tuer faute d'avoir quelqu'un qui f^ut couper les males : fon col etoit prefque auffi gros que fon corps , & on lui trouva pres de cent cinquante livres de fuif. de la LouiJiane» 5 1 5 On peut juger par ce que je viens de dire,quel profit feroient de tels chaf- feurs far les peaux & les fuifs de ces B'Xufsj les cuirs en feroient plusgrands utiike de & mieux nourris , la laine feroit en- ^^^^^ ^^^ii-Qi core une augmentation de benefice. Je puis ajouter que cette chafTe ne di- minueroit point Tefpece , ces Boeufs gras n'etant ordinairement que laproye desLoups 5 pLiifqu'ils font trop pefans pour pouvoir s'en defendre. II efl vrai que les Luups ne trouve- roient pas leur compte a les attaquer chaffent'^r dans le troupeau ; on fcait que les ^ceuft^ Boeufs Sc Vachesfe rangent en rond, les plus forts dehors , les plus foibles en dedans ; les forts affez pres les uns des autres prefenrent lescornes a Ten- nemi , qui n'ofe les attaquer dans cette difpofition : mais les Loups , comme tons les autres animaux , ont leur inf- tin.fl particulier pour fe procurer la Rourricure necelfaire. lis s'en appro- chent de fa^on que les Bxafs les fentent de loin , ce qui les fait fuir : rls avancent toujours d'un pas slTez egal , jufqu'a ce que voyant l:s plus gras efTouffles , ils les attaqjent devant & derriere; un des Loups iaifit 'e Boeuf par les fuites , le renverfe & les autres Tetranglent. P ij ^if) BijQoire Ces Loups etant plufieurs enfemble ; n'en dciruifent pas pour un feul , raais toujours autant qu'ils peuvent avanc de manger ,* car c'ell la coutume du Loup d'en tuer dix ou vingt fois plus qu'il ne. lui en faut , fur- rout loriqu'il le peut avec faciiite , 6c qu'il n'eft point inquiete dans fa chade. Quoique le Pays que je decris ait de tres-grandes Plaines j je ne pretens pas donner a entendre qu'il n'y ait point de Coteaux jmais ilsy font plus . • rares qu'ailleurs , fur- tout du cote de FOueft : en approchant da nouveau Mexique, on appcrcoit de grands Co- teaux & quelques Montagnes , dont quelques-unes font aifez hautes. Jenedois point omettre ici quede- puis ies terres balles de la Louifiane , le Fleuve S. Louis abeaucoup de battures Bittures du de fable en le remontant , qui paroit Fi u'/2 s. tres-fec , apr^s que Ies eaux fe font retirees a la iin de fon debordement ; ces battures font plus ou moins lon- gues, il y en a d'une demie lieue de long,quinelaiilent pas d'a voir une bon- ne largeur. J'ai vu Ies Natchez &c au- tres Naturels femer une graine qu'ils nommoient Choupichoul , fur Ies bat« ■ ' tures ; ce fable n'etoit nullement cul- de Id Louifiane. 5 17 tive , & les femmes & les enfans avec leur pieds couvroient tellement quel- lement cette graine fans y regar- der de pres. Apres cette iemaiile , & cette efpece de culture , ils atten- doient l'Automnej& recueilloient pour lors une grande quanrite de cette grai- r.e : ils la preparoient comme du mil- let 5 & elle etoit ties-bonne a manger. Cette plante eil ce que Fon nomme Bdle Dame fdurcge . qui vient en tout pays, mais il lui faut une bonne terre; ^ quelque bonne qualite qu'alc une rerre en Europe , elle ne vient que d'un pied& demi de haut ; & fur ce fable du Fleuve , fans culture elle s'e- leve jufqu'a trois pieds & demi &: importe peu de l^avoir les noms qu^el- les peuvenc porter a prefe^nt , etant d^ailleurs dans un pays auffi peu fre- quente cue celi.i-ia. La plus connue des Rivieres eft eelle des Ol^ges ,^qur o^!;f ''''■ tire fon nom d'une Nation qui habire fes bords, & que Ton nomme lesOfa- ges : eile fe jette dans le Miiiouri aflfez pres de Ton confluent. La plus grande Riviere connue qui t^OHibe dans^ie MiiTouri , ed la Rivie- O vi re desCanzez: die a pres de deux: cens lieues de cours dans un trcs beau pays. Suivant ce que j'ai pu apprcn- dre da cours de cette grande Rivie- re , elle court depuis fa fource juf- qu'aux Canzez de rCueil a FEft; depuis cette Nation elle fe precipi- te vers le Sud, ou elle regoit la Ri- Ca^zl? ^'^ vjere des Canzez, qui vientde i'Ouefl|: la elle fait un grand coude qui finic dans le voifinage des Miflburis, re- prend enfuite fon cours vers le Sud- Eft, pour perdre enfin fon nom avec fes eaux dans le Fieuve S. Louis a quelques quatre lieues plus bas que la Riviere des Illinois. FortduMif- II y a eu pendant quelque terns un foun. pof^e Francois dans une Jlle de quel- ques lieues de long vis-a-vis les Mif- fouris^; les Francois avoient etabli ce Fort a la pointe de VEd : on le nom- moit le Fort d'Orleans. M, le Che- valier de Bourgmont y a comnnande . afTcz de terns pour gagner Fannitie des ■ Narurels des Pays voifins de cette grande Riviere; il avoit mis en paix routes ^ces Nations, qui avantfon ar- rivee etoient toutes en guerre ; ces Nations du Nord etant toutes beau- coup plus bdliqueufes que celles du de la Louifiane. ^if Depuls le depart de ce Comman- dant, ils ont ec:or2:e toute la Garni- ^ ^^ Ion y auGun rran90is n ayant pu en ^^ ^^ p^^^g^ echapper pour en rapporter la nou- velle , on n'a pu fgavoir fi c'etoit la faute des Francois , ou s'ils I'ont fait par pure trahifon.- Pour ce qui regarde la qualite de ce Pays 5 je laiiTe au Ledleur a s'en inflruire dans un Extrait que j'ai fait en abrege du Voyage de M. de Bourg- mont aux Padoucas; je le donnerai dans la fuite de cet Ouvrage, apres que j'au- rai parle de Torigine des Peuples de-: TAmerique. Celt une Relation origi- ginale , & fignee de tcus les OfHciers qui I'accompagnoient , 6c de plafieurs- autres qui eroicnt du Voyage : j'ai era; qu'un Journal de Voyage donne au- long pourroit ennuyer ; mon inten- tion n'etant que de com.muniquer au Public ce qui peut lui etre utile, je.' me fuis conrente d'extraire ce qui pou- voit concerner le caraclere de ces Peu- ples , la qualit^ du terrein , & de tra- cer la route a ceux qui auroient 1 envie: d'y voyager. Dans ce Voysgede M. de Bourg- mont, il n'eO: fait mention que de ce. que i'on rencontre depuis le Fort d'Or-^. • ^i6 Hijloire leans, d'ou il parrit pour aller aux Pa^ doucas ; ainfi je dois parler d'une chofe' affe^ curieufe pour erre rapporree , &' qui fe trouve fur le bord du Miflburi. On y voit un Ecore aflfez haut , mais 11 droit du cote de Teau, que le rat Ic plus agile ne pourroit y naonter : du milieu de cet Ecore fort une malTe de de pierre rouge niouchet«fe de blanc, Pierre tres- comme le Porphyre ; il v a cette dif- tendre fembla- ..> ^ / • i -^ i bieaupor- icrence , que ceiui clont nous parlons phyie.- eft prefque tendre comme dutuf; il eft couvert d'une autre qualite de pierre qui n'a nul merite , le deffus eft une terre comme furies autres Co- teaux. Les Narurels du Pays qui con- noifl'enc ce que peut valoir ceile-ci , ont imagine d'en detacher des parties' ^ coups de ileches; ces morceaux toni- bent dans Feau , & ils vent les cher- cher en plcngeant : iorfqu'ils peuvent en avoir des morceaux affez gros pour en faire des Cahimers , ils les fa^on- Rent avec des couteaux 6c des alcnes; cette pierre fe travaille aifement & fouffre la violence du feu ardent. On nomme Calumet , une pipe qui a une douiiie de deux ou trois pouces de ]ong , & au cote oppofe la figure- d'une hache ^ au milieu du tout ^ la' dela Louifiane, '^27 botte de la pipe pour mettre le tabac *■ ces fortes de pipes font tres-eftimees parrni eux. Tout le Nord du Miffouri nous efl' totalement inconnu, a moins qu'on ne veuilles^en rapporter auxdiverfes Re- lations que dinerens Voyageurs en one faites; mais auquel donner la prefe- rence ? En premier lieu ils fe contre- difent prefque tous : je vois d'aiileurs les plus experts les traiter de fourbes : ainfi j'ainTie mieax ne m'arreter a aucun. J'ai cependant faitceque j*ai pu pour tirer quelques lumieres de ces Voya- geurs que j'ai frequentes & connus veridiqnes ; mais c'etoit par malheur des gens fi grclTiers , que ce qu'ils m'ontdit^ ne m.erite point d'ecreecrit. Ce que j'ai trouve de mieux a ce fujet , me vient d\in Natural, qui etoit nd avec tant d'efprir & d'amour pour ks Sciences , qu'ii aurolc merite de re- cevoir une autre education. Je le rap- porrerai en fon lieu , tant pour faire connoitre des Pays que les Europeens ne connciilent point, que pour faire voir ce que les Narureis font capables d'entreprendre , & que l^efprit eflde tout Pays comme de tous Eta!:s. Kepafibns done mainrenant ie Fleu^ 5^8 Bipire ve S. Louis , pour reprendre h Def- cription de terres qui font a YE^i , & que nous avons quittees a la Riviere Riviered'Oua-dOuabache Cette Riviere eil eloi- ^^""^'^ gnee de 460 lieues de la Mar: on efti- me qu'elie a quatre censiieues delong J depuls fa fource jufqu'a fon confluent dans le Fleuve. On" la nomme Oua- bache , quoique fuivant rufage ordi- naire , elle devroit porter le nom d O- hyo 5 ou belle Riviere , puifque l'"0- liyo efl connu fous ce nom en Cana- da, avant que fon confluent mt: con- TiU ; & comme TOhyo prend fa fource- plus loin que les trois autres , qui fe confondenr enfemble avant que de fe dechpirgerdans le Fleuve S. Louis , il devroit fa ire perdre le nom aux au- tres 3 mais I'ufage a prevalu dans cerre , occaficn. La premiere Pviviere qui fe jetre dans rOhyo , & qui nous foit connue , efl celle des Miamis qui prend Voyage dii fa (ource vers le Lac Erie. Canada a la ^? n -n • • j nf • .Lcuiiiane. ^ ^^^ par cette Kiviere des .viiamis que les Canadiens viennent a la Loui- fiane. Pour cet effet ils s'embarquent fur le Fleuve S. Laurent , remontent ce Fleuve , paiTent les Catarsdres juf- qu'au fond du Lac Erie, cu ils trou- vent une petite Riviere , fur laquelle ils remontent aulli jufqu'a un endroit de la Loidfiane, S ^ 9 que Fon nomme le Portage des N ia- mis. lis ne roontent plus des qu'ils y font arrives ; ils vont au Village des ^ Miamis chercher desNaturels dececte Nation , qui viennent pren.lre leurs e£- fets, 6cles tranfportent fur leurs dos a deux lieues de-la jufques fur le bord de la Riviere de leur nom que je viens de dire fe^ietter dans TOhyo : de-1^ ils defcendenc cette Pvivi^e , entrent dans rOuabache , &c eniin le Fieuve S. Louis qui les conduit a la nouvelle Orleans , Capitale de la Louifiane : on compte dix-huit cens lieues de la Capitale du Canada a celle de la Loui- fiane, par les grands detours qu'il faut faire. La Riviere des Miann/is efl ainfi la Riviere dsg- premiere du cote du Nord qui fe jette ^es' chVoua- ^ dansTOhvo, enfuiie celle desChaoua- nons, cdie nons au Midy , & enfin celle des Chd- ^" ^^^^^^"^^• raquis ; lefquelles routes enfemble fe jettentdans le Fieuve S. Louis ; c'eft ce que nous nommons I'Ouabache , &: que Ton nomme Obyo en Canada & dans la Nouvelle Angleterre. Cette Riviere eft beile , tres- poiilbnneufe & navigable jufques pres de fa fource, Au Nord de cette Riviere ell le Canada , qui prend plus a TLft c^ue 330 Hlftoire la (burce de TOhyo , & s'etend juf- qu au Pays des Illinois, II importe peu ^ de difpurer iei des limites de ces deux Colonies voifines , puifqu'elles appar- tiennent toutes deux a la France ; ainll le Roi efl le nn.aitre de fixer fes bornes dans ies endroirs <3c dans le terns qu'il jugera a propos. Les terres des Illi- nois font reputees de la iouifiane 5 nous y avons un Poile pres d'un Vil- lage de cette Nation que Pon noname Taniarouas. Le Pays des Illinois eft tres-bon ; il^ abonde en Boeufs & autre gibier, C'eA. a'! Nord de I'Ouabache que I'on cornmcvce a voir les Orignaux : on ^ dit que ces animaux tiennent du Cerf & du Exuf 3 en efFst , on me les a de- peint d'une nature beaucoupplusgrof- fiere que celle duCerf j ieur bois tient quelque choie du Cerf , mais il ell plus ' court & plus maffif ; la viande en eft , dit-on ^ alTez bonne. Les Cygnes font communs dans ces contrees , de meme que les autres Oifeaux-aquatiques. Des Terres De toute la Colonie 5 le Pofte Fran- plus aifement du Froment , du Seigle , & autres grains qui approchent de la nature de ceux-ci 3 ii ne faut qu ua de la Louifiane. 53 i peut grater la rerre avant les femail- Fromcntds^ }es;.cette culture fi facile fuffit pcur^^^^*^^^* que la terre en produife autant que Ton peut natureliement en defirer : on m'a aflfure que dans la derniere Guerre les farines de France etoient rares , les Il- linois en defcendirent a la Nouvelle Orleans plus de huit censmilliers dans un feul hyver. It y vient aufli du Ta- bac , mais il a de la peine a mur Jr ; routes les plant es qui y font tranfpor- tees de France y reufTiiTent bien , ainli que les fruits. II y a dans ces Pays une Riviere qui .^i^;^'^^ ^^s prend fon nom des Illinois ; c'eil: par ^^^^^^ ** cette Riviere que les premiers Voya- geurs font venus du Canada dans le Flei]rve S. Louis : ceux qui venant du Canada n'ont affaire qu'aux Illinois , y palTent encore : mais ceux qui veulent fim.plement aller vers la Mer , defcen- dent par la Riviere des Miamis dans rOuabache , & de-ia dans le Fleuve* II fe trouve des Mines dans ce Pays ; il y en a une nommee la Mine de la Mothe ; c^q{\: une Mine d^Argent , de laquelle on a fait I'epreuve , d^ mMe que de deux Mines de Plomb , qui etoient ii abondantes lorfqu'cn les a 3 3^ Bijloire trouvees, qu elles vegetoientau moln^ d'un pied & demi hors de terre. Tout ce qui eft Nord de la Pviviere des Illinois n'eft pas beaucoup frequen- te , & par confequent pen connu. La grande etendue de laLouifiane fait pre- lumer que ces Cantons ne viendronc de long- terns a notre connoiilance , a moins que quelque curieux n'y aille pour ouvrir des Mines que I'on dit y etre en hon nombre & de grand rap- port. de la Louifiane, ^^^ CHAPITRE XXV. Dei Negres : Du choix des Ncgres: De leurs maladies : De la maniere de les tr alter pour les guerir / Dela maniere de lesgouvermr* LEs NegresfaifanttouslestravaLiic de rAgriculture , fur-tout de la BalTe-Louifiane , il me paroit tres-im- portant de dire a leur fujet tout ce qui peut inftruire les perfonnes qui vou- droient s'y aller etablir. Les Negres font une efpece d'hom- mes qu'il faut gouverner autrement que les Europeens , non pas parce qu'ils iont noirs, ni parce qu'ils font Efclaves , mais parce qu'ils penfent tout autrement que les Blancs. Premierement on les previent des i'enfance que les Blancs ne les ache- rent que pour boire leurfsmg^ ce qui vient de ce que les premiers Ncgres qui ont vu les Europeens boire du vin de Bordeaux, fe font imagines que ce vin etoitdu fang , parce qu'il efl d'un rouge fonce , de forte qu'il n'y a que ^ 534,. HiJIolre Fexperlence du contraire qui pullTe les diiTuader ; mais comme il ne revient aucun de ces Efclaves experimentes dans leur Pays, le memeprejuge rede toujours en Guinee , dou on ies tire. Eien des gens qui. ne font point au fait de la maniere de penfer des Negres , croiroient que cet avis imporreroit peu pour ceux qui font deja vendus chez les Francois. Cependant Ton en a vu arriver de facheufes fuites , fur-touc s'ils ne trouvent aucun ancien Efclave de leurs Pays en arrivant de chez-eux. Quelques^uns d'eux fe font tues ou noyes piufieurs ont deferte^ceque Ton nomme fe rendre Maron) & cela dans Fapprehenfion qu'on ne but leur fan-o-. Dans ce cas de defertion ils penfent re- tourner dans leur Pays, & pouvoir vi- vre dans les Bois avec les fruits qu'ils croyent par- tout auffi communs que chez-eux • d'ailleurs ils croyent qu'ils trouveront leur Nation en tournant autourdelaMer, ce qui n'eflpasfur- prenant , ces peuples etanttres-bornes du cote des Sciences. lis font tres fupcrditieux & atta- ches a leur prejuges & a des coIiHchets qu'ils nomment des^nVgrii ;ainfi il ne ks leur faut point oter ni leur en par- de la Louijiane, 5 g j^ ler , parce qu'ils fe croiroient perdus Ci on leur ocoit ces minuties ; les anciens Negres Efclayes les defabufent en tres peu de terns. La premiere cbofe que vous devez faire lorfque vous achates des Negres, c eft de les faire vifiter par un habile Chirurgien &: honnete homme, pour connoitre s'ils n'ont point quelque ma- ladie venerienne ou autre : pour cee elFet on les fait mettre nuds comme la iTiain, foit homme, foit femmes y on les vifite depuis la plante des pieds juf- qu'au fommet de la tete, enfin entre les doigts des pieds & des mains , dans la bouche , dans les oreilles , fans ex- cepter les endroits naturellement ca- ches 5 quoiqu'ils foient alors a decou- vert. Vous d^manderez a votre Chirur- gien Viiiteur s'il connoit la maladie des Fians , c'efl le virus de Guinee , qui efl incurable pour beaucoup de Chi- rurgiens Franqois,quoique tres-habiles dans les maladies des Europeens ; mais prenez garde d'y erre trompes , car votre Chirurgien le pourrcit etre lui- meme j c'eft pourquoi foyez-y vous- nieme, Scremarquez bien fi fur toutes % % 6 Tiifiolre les parties du corps du Negre vous TiQ voycz pas quelques endroits dela peau du Negre oude la NegrelTe, qui, quoi- que tr^s noir , foit aulTi uni qu'une glace de irarcir & fans aucune eleva- -tion ou tumeur : eel a ell aife a remar- quer , parce que tcute la peau d'une perfonne qui va nue eft crdinairement ridee. Ainfi vous le pouvez rebuter fi vous voyez ces marques ; il y a tou- jours aux ventes des Negres arrivans, -des Chirurgiens experts qui les ache- tent ; plu{]eurs meme y ont fait fortu- ne : maisils ne rnettent leur fecret en pratique que pour eux. Le fcorbut eft encore une maladie mortelle , & dont plufieurs Negres vcnant de Guinee font attaques; Ton la connoit aux gen- cjves, mais quelquefois cette maladie eft Ci inveteree qu'elle fe declare exte^ rieurement : alors il y apeu deremede. Si cependant quelqu'un de mes Lec- teurs avoic le malheur d'avoir quelque Negre attaque d'e Tune de ces mala- dies, je vais luienfeigner de quoi les fauver en les mertant en etat de pou- voir etre radicalement gueris par les Chirurgiens ,* car je ne veux pas me brouiller avec ceux-ci : j'avertis que ^^ de la Louijiane^ 3i'7. ^ j'ai appris ce fecret d'un Medecin Ne- gre qui etoit fur rHabitation du Roi , quand j'en pris la regie. II ne h\xt jamais mettre k fer dans le Pian , il feroic meme morcel de s'ea fervir ; mais pour parvenir a ouvrir le Pian , vous prendrez de la rouille de fer reduite en poudre impalpable & paffee au tamis fin ; vous detremperez enfuite cette poudre avec du jus de Ci- tron J jufqu'a ce qu'il foit en confif- tence d'onguent , que vous etendrez fur un linge graiflfe de vieux-oin , ou de fain-doux frais, fans fel , faute d'autre - vous appliquerez Fonguent fur le Pian. & le renouveilerez foir & matin : de cette forte le Pian fera ouvert en tres-^ peu de terns & fans aucune incifion. L'ouverture etant faite , vous pren-: drez du fain-doux fans fel , gros com- me un oeuf d'Oye , dans lequel vous in- corporerez une once de bonne There- bentine ; apr^s quoi ayez un gros de Ver de-gris pulvcrife & trempe demie journee dans de bon vinaigrejque vous vuiderez par inclination avec les ordu- res qui furnageront ; egoutez bien le Ver de-gris fur un linge, puis vous I'a- jouterez avec le refte. Toutesces ope- rations fe font fansTai^e du feu. Toat Toim L E 2»3^ Hijloire €tantbienincorpore enfemble avec une fpatule J votre onguent fera fait , vous en penferez le Plan; puis apres faites fuer votre Negre le plus que vous pour- rez , & il fera gueri. Sur-tout prenez bien garde que votre Chirurgien ne le traite avec du Mercure , comme j'en ai vus , ce qui les fait mourir. ^PourieScor- ^ y^^^^^ ^^ Scorbut , il n'eft pas moins a craindre que les Pians ; cepen- dant vous en viendrez a bout , fi vous faites exadement ce qui fuit. Prenez du Cochlearia , 11 vous en avez quelque plantes, du Lierre ter- reflre que plufieurs nomment Therbe de S. Jean , da Creflfon de fontaine , ou de ruilTeau , faute du premier ,& ^u defaut de CrefTon d'eau, fervez- vous de Creflbn fauvage ; prenez de ces trois herbes ou de ces deux der- nieres, fi vous n'avez pas de Coch- learia , pillez-les , & les arrofez avec du jus de Citron pour en faire une pate liquide que le Scorbutique tiendra lur fes deux gencives en tout terns , excepte lorfqu'il mangera , jufqu'a ce qu'il ait les gencives bien nettes. Dans le meme terns vous nelui laif- ferez boire que de la tifane , compofee ^e deux poignees des herbes que je de la Loui/iane, 3 5P viefts de nommer; vous les pillerez rou- tes entieres apres avoir lave la terre qui peut tenir aux racines, ou qui peut fe trouver ailieurs : joignez y un Ci- tron frals coupe par rouelle & pille avec ces herbes j vous mettrez tremper ces herbes avec le Citron dans une pin- te d'eau pure mefure de Paris ; mettez Je tout dans une terrine avec gros com- me une bonne noifette de fei de nitre en poudre & purifie ; vous y mettrez auifi un peu de caftonnade , afin que ce Negre ne fe degoute point fi aifement. Apres avoir trempe du foir au iende- main, vous tirerez cette tifane & la paflerez en exprimant fortenaent; le tout fe fait a froid ou fans feu ; telle eft la dofe pour une bouteille d'eau mefure de Paris. Mais comme le Ma- lade en doit boire deux pintes par jour, vous en pouvez faire plufieurs pintes a ]a Fois fur cette proportion, 6c continuer aflez long terns, Dans ces deux maladies il faut bien nourrir les Malades & les faire fuer ; ce feroit s'abufer de croire qu'il faut qu'ils feffent diete ; 11 faut donner tie bons alimens, mais peu a la fois; un Negre non plus qu'un autre ne peut foutenir les remedes avec des pij 3 /p Fiiftcivz mauvais aiimens, encore moins avec la diete, mais il faut en proportion- ner la quantite a Fetat du Malade 6c a la qualire de la maladie : au refte les bons alimens font ia nfieilleure par- tie des remedesaux gens qui fontnour- ris grcflierement. Le Negre qui m'a ap- .prisces deux remedes , voyant le foin que je prencis de;. Negres & Negrefies^ m'apprit sufii a gucrir toutes les niala- dies aufqueiles les femnr^es font fujet- tes , car les NegreiTes n'en font pas plus cxemtes que les Bianchesp Maniere de gouverner les Negres. Quand un Ncgre'ou Negreflfe arri- ve'chez vcus, il eil-a propos de le ca^ relTer, de lui donner quelque chofe de bon a manger avec un coup d'eau de vie ; il efl bon de Phabiller des le meme JGur , de lui donner une couyerture 6c de quoi le coucher ; je fuppofe que les autres ont ete traites de meme, parce queces marques d'humanite lesfiattent ic les attachent a leurs miaitres. S'ils font fatigued ou affoiblis de quelques voyages ou maladies,faites-lestravailler peu, mais occupez les toujours tanc qu'ils peuvent le fupporter , fans les b ^ de la Louijiane, 5^1 lalffer jamais oififs hors des repas. Ayez foin d'eux dans leurs maladies, tant pour les remedes que pour les alimens , qui doivent etre plus fucculens que ceux dont ils ufent ordinairement ; vous y eres intereCTe , tant pour leur conferva- tion que pour vous les attacher ; car quoique plufieurs Frangois difent que les Negres font ingrats , j'r.i eprouve q'l'il eil tres-aife de fe les rendre afFec- tionnes par ks bonnes fagons , & en leurfaifant juflice, comme je le dirai ci-apr^s. Si une Negreflfe accouche, faites-Ia foigner en tout ce qui lui fera necellsi- re; & que votreepoufe^ fi vous en avez une , ne dedaigne pas d'en pren- dre foin elle-meme , du moins d'y avoir roeil. Un Chretien doit avoir attention que ce's-enfans foient batifes , & inf- truits J puifqu'ils ont une ame immor- telle ; on doit alors faire donner a la mere une demie ration de plus & une chopine de lait par jour, pour I'aider a nourrir Ton enfant. La prudence demande que vos Ne- gres foient loges a une diftance fuf- fifante pour n'en etre pas incommo- de,, cependant alTez pr^s pour s^apr P iij 542 Eijloire percev^ir de ce qui fe pafTe parmi eux. .Quand je dis qu'il ne fauc pas les mettre fi pr^^s quails puifTent vous incommoder, j'entens par la puan. teur qui ef} naturelle a quelques Na- tiojis de Negres , tels que font ies Con- ges , hs Angols , les Aradas , & au- tres j c'efl pourquoi il eft 4 propos qu'il y ait dans leur Camp un Baignoir de madriersenfonce'sen terre d'un pied, ou d un pied & derai au plus , qu'il n'y ait jamais plus d'eau que de cette pro- fondeur , de peur que les enfans ne sV iioyent : il faut en outre qu'il y ait des bords, pour que les plus petits nV puif. lent entrer j il faudroit une mare au- oelius& hors du Camp pour fervir a y entretenir de I'enu & a nourrir du poil- fon. ^ Ce Camp des Negres doit etre ferme de paliiiades avec une* porta fermante a clef: les cabanes doivenc ecre ifolees, a caufe du feu, & ti- rees au cordeau, tant pour la propre- tc que pour la facilite de connoitre les cabanes de chaque Negre ; mais pour etre moins incommode de leur odeur naturelle. il faut avoir la pre- caution de mettre ce Camp au Nord de votre maifon , ou vers le Nord- de la Louffiane, 3-4.5 Eft, pnrce que les vents qui fouf- flent de ces cotes- la ne font jamais fi chauds que les autres , & que ce n'eft que quand ils ont chaud qu'ils exhalient une odeur infuportable. Ce que je viens de dire fur Todeur des Negres qui fentent mauvais ( / ) 5 doit vous faire prendre garde de ne les aborder au travail que du cote que le vent vient, de n'en point lailler appro- cher vos en fans , lefquels outre le mau- vais air 5 n'en peuvent jamais apprendre rien de bon, ni pour les moeurs , ni pour 4'education , ni pour la Langue. De la je conclus qu'an pere Fran- cois & fa femme font bien ennenais de leur pofterite, lorfqu'ils donnerrt a leurs enfans de telles nourrices; car le lait etant le fang le plus pur de la femme , il faut etre maratre pour donner fon enfant a nourrir a une Etrangere de cette efp^ce , dans un Pays tel que la Louifiane, ou les meres ont toutes les commodites pour fe faire fervir, pour faire porter 6c accommoder leurs enfans ^ qui peuvent par ce moyen , etre toujours fous leurs yeux ; il ne rede done a la me- (0 Ceux qui fentent le plus mauvais, font ceux qui font les moins noirs* P iv §44 ftijloire re que le foible foin d'allairer fon enfant & de fe decharger du lait qui le hourrit. Je ne veux point m'amufer a criti- quer la mollefle & I'amour propre des femmes qui facriiient ainfi leurs en- fans; on voit affez d'aiileurs combien la Societe y eft interelTee; je dirai feulement que pour tel fervice que ce puifife etre, ^ la maifon , je ne confeille pas de prendre d'autres Ne- gres & Negrefles , jeunes & vieux, que^ des Senegals qui fe nomment entr'eux Djolaufs, paree que de tou'S les Negres que j'ai connus , ceux-ci ont le fang le plus pur ; lis ont plus de fidelite & Tefprit plus penetrant que ks autres , & font par confdquent' plus propres a apprendre un metier ou a fervirj il eft vrai qu'ils ne font pas fi robufles que les autres pou-r les travaux de la terre, & pour re- iifter a la grande chaleur. Cependant les Senegals font le^ plus noirs, & je n'en ai point viis qu! euifent de I'cdeur ; ils font tres- reconnoilfans, & quand on f^ait fe les attacher, on les voit facrifier leurs propres amis pour fervir leurs mai- tres. lis font l^ns Commandeurs des de la Lcuifiane, 5 ^ ^ autres Negres, rant a caufe de leur fide- lite & leur reconnohTance, que parce qu'ils femblent ctre nes pour comman- . der. Comma ils font orgueilleux. on peur aifement les encourager a ap- prendre un mejier ou a fervir dans la maifon, par la diflindion qu'ils acquereront fur les autres Negres , & la proprete que cet etat leur procu- rera dans leurs habillemens. Quand un Habitant veut gagner du bien , & conduire fon Habitation avec oeconomie , il doit preferer foa interet a fon plaifir , & ne doit en prendre qu'a la derobee; il doit etre le premier leve & le dernier cou- che, afin d'avoir I'oeil a tout ce qui fe pafle dans fon Habitation: a la verite il efi de fon interet que fea Negres ^travaillent bien , mais d'un travail egal & modere. fans les rui- ner par des travaux violens & con- tinuels aufquels.ils ne pourroient te- nir long- terns; au lieu que ne les faifant travailler que continuellement & tranquiilement , ils tie ruinent point leurs^ forces ni leur temperamment; ilarrive de-la qu'ils fe portent bien, & travaillent plus long-terns & plus agreablem.en.t ; au refie il faut coa- P y iiGire S4^ ^i/? venir que la journee efl afTez longud a qui travaille bien, pour meriter 1@ repos du loir. Pour les accoutumer a ce travail, void de quelle maniere j.e m'y pre- nois ; i'avois foin de prevoir Touvra- fi;e qu'U falloic faire avanr que celui qu'iis faifoient f^t fini , & j'en pre- venois le Commandeur en ieur pre- fence, afin quils ne perdiiTent pas le terns, les uns a venir demander ce qu'ils feroient & les autres a atten- dre la reponfe ; en outre j'allois plu- fieurs fois dans la journee les voir , par des endroits caches, faifant fem- blant d'aller a la chaffe ou d'en re- vcnir. Si je les trouvois a s'amuler, je les grondois; de meme quand ils me voyoient venir , s'ils trayailloient trop vite, je Ieur difois qu'ils fe fa- ,; tiguoient, & qu'ils ne pourroientcon- tinuer un travail auiTi rude pendant tout le jour fans etre harralTes, & que je ne voulois pas qu'il en^fut ainfu Quand je les furprenois a chanter en travaillant & que je m'apperce- vois qu'ils me decouvroient , je Ieur criois d'un ton joyeux : courage, mes enfans, j'aime a 'vous voir le coeur gai pendant que vous travaiUeZ; mais de In Loidjiam, ^s^ cfiantez doucement , afin de ne pas vous fatiguer, & vous aurez ce loir un coup de Tafia (l) pour vous don- ner des forces & de ia joye; on ne fcauroi: croire I'effet que ce difcours faifoic fur leur efprit, par I'aliegrefle que Ton voyoit paroitre fur leur vi- fage, & Tardeur au travail. S'il eil: a propos de ne palTer au- cune faute effentielle aux I- egres^ il eft aufli neceffaire de ne les charier que lorfqu'ils I'ont meritCj apres ur>e ferieufe recherche & un examen ap- puye d'une certitude parfaite, il ce^ n'eft que vous les prenicz fur le fait ^ mais quand vous etes bien convain- cu du crime j ne faites point de gra- ce , fous proteftation ou aflurance de leur part , ou par follicitation : cha- tiez-les proportionnement au mal qu'ils ont fait ; cependant toujour* avec humanite, afin de les mettre dans le cas de convener en eux-me- mes qu'ils ont^ merite le chatiment qu'ils ont re^u ; un Chretien eft in- digne de ce nom lorfqu'il chatie avec" cruaute , comme je f9ais quo Ton faic (i) Le Tafia efl una liqueur for^e faite avec le marc de fucre , que les Negres ai- ment beaucoupr P vj J4^ fJiJiolre dans quelque Colonie , jufques-la qu'il^ rejouiffent leurs convies d'un fpedacle qui lient plus de la barbaric que de I'humanire : en fortant d'etre fouettes, faites-les balTiner aux endroits doulou'- reux avec du vinaigre , dans lequel vous aurez mis du fel & du piment , meme un peu de poudre a tirer (i). Comme TexperienGe nous apprend que ia plupart des hommes nes d^un€ baffe extradion & fans education , fon-t fu jets au larcin dans la neceffite , il n'y a li-n de furprenant de voir des Negre3 yolejrs lorfqu'ils manquent de tout, eonime j'en ai vus beaucoup mal nour- ris, mal vetus & couches fur la terre. II n'y a qu'une reflexion a faire : s'ils font Efclaves, il efl vraiaufH qu'ilsfont liomnnes &capables de devenir Chre- tiens jvotre but d'ailleurs eft d'en tirer du profit: n'eft-il done pas jufte d'en avoir toutle foin qui depend de vous f Nous voyons tous ceuxquientenden>t: le gouvernement des chevaux, avoir une attention extraordinaire pour les !burs , foit qu'ils foiem pour ia felle , fo" t qu'ils foient pour le trait. Pendant ks froids ils font bien couverts, 6c • (0 Le Pimem fe cwltive dans les jardii^ I de la Louifiane, 545^ dans des ecuries chaudes ; pendant I'Ete ils ont une toille oa capara^on fur le corps pour les garantir de la pouffiere, en tout terns une bonne li- tiere pour les coucher; tous les ma- tins bien nettoyes de leur fumier , bien errilles & brolTes, le crin & le poll fait. Si on demande a ces Mai- tres pourquoi ils fe donnent tant de peine pour des betes, ils vous repon- dront que pour titer un bon fervice d'an Cheval, il faut en avoir beau- coup de foin, & que ced I'interet de celui a qui il appattient. Apres eet cxemple peut-on efperer du tra- vail des Negres qui manquent bien fouvent du neceflaire f peut-on exi- ger de la fidelite d'un homme a qui on refufe ce dont il a.le plus grand befoin ? Quand on voic un Negre qui travaille bien & avec zele , on a cou- tume de lui dire pour Tencourager, qu'on eft content de lui , be qu'il eft vin bon Negre r mais quand quelque Negre qui parle Francois entend un pareil eloge , il fgait bien dire , Mon- Jit, Negre mian mian boucou trabail boucou , quand Negre terir bon Maitre , Negre veni bon ; ce qui fignifie : Mon- Ceur , quand un Negre eft bien nour- 5ro fiiUre ■"^ ., nijtcnre f^is voir auffi ,.e leur Se.^:^'^:,^ "la joint ^ fhumanite: mzhft Z leurconfeiiiepasmoins'de ^^2r toujoursd'eux,fansparoicreIes«ab! dre parce qu'U eft'auffi dan™ de faire voir I un ennemi cachlquW le craint, que Ap I,m f • ^'"'"'^ 4" o" lice. ^ ^^"■^ ""e injuf. cun k1 '^^ "/ P°;"^ faire coucherau- cun W dans k „,|„,e maifon en ne<;- r5-t i . "^ °^ •«"« caba- nes tachez de leur donner a chacun une femme pour ^viter le libertSe tir;7£:T^vousd::s meux a une Habitation que les en- tans roais fur-tout ne foufFrez voL qu-lsquittentJeursfen^niesquanS de Id LGuifiane. ' 3Sf prefence ; defendez les batteries fbus- peine du fouet , fans cela ks femmes en feronr naitre tres-fouvent. . Ne fc5lifFrez point que vos Negres emportent leurs enfans dans la Plan- tation quand iis commencent a mar- cher, ce qui diftrait les meres ^ du travail & gate les Plantes cultivees; fi vous en avez un certain nombre , il vaut mieux employer une vieille Negreflfe a les garder dans le Camp , h qui les meres laiiTent quelque chofe a manger pour leurs enfans , vous y gagnerez bien plus 3 fur-tout ne foufj frez jamais qu'elles les menent au bord de Teau , ou il y a trop a craindre. Pour nourrir vos Negres plus dou- cement , il leur faut donner toutes les femaines une petite quantite^ de fel & des herbes de votre jardin pour rendre leur Coufcou (i) plus man- geable. ' Si vous avez quelque vieux ^egre ou quelque convalefcent , occupez-le a la peche , tant pour vous que pour vos iNegres , vous le regagnerez bien. II eft encore de votre mteret de (i) Le Coufcou eft une gralne qu'il font avec de la farine de Riz ou de Mahis , qui eft bonne & trempe bien dans le bouillon. ^S* Hifloire ' leur donner un canton de terrein neiaf a defricher au bout du votre , & de es engager a en faire un champ h l£Lir profit pour fe mettre plus bra- ves , avec le produit que vous leur acbetez equitablement ^ il vaut mieux qu lis s'occupent h cela les Dimanches, quand ils ne font pas Chretiens, que de faire pis: enfin rien n'eft plus k craindre que de voir les Negres s'af- fembler les Dimanches, puifque fous pretexte de callnda (ou de danfe ) on les yerroit quelquefois s'adembler des trois a quatre cens enfemble faire un efpece de Sabbat qu'il eH toujours prudent d'eviter, puifque c'efl dans ces aflemblees tumultueufes que fe tra- fiquent les vols & que les crimes fe commettent : c'efl-1^ aufll que fe for. ment les revokes. Enfin avec de Pattention & de lhumanite,K)n vient aifement about des Negres, & on a le plaifir de tL- rer grand profit de leurs travaux. Fm da Tome premier^ ♦ TABLE DES CHAPITRES Contenus en ce Volume, CHAPITRE PREMIER, £TABLISSEMENTdes Francois fur la Riviere de Mobile : M. de S. Denis va au nnupeau Alexique pour faire un Traite de Commerce avec les Yjfpagnols, pag* i Chap. II. Retour de M, deS, Denis: Ce Commandant etablit les Efpagnols aux Ajjina'is : M. de S, Denj^ part de noupeau pour Mexico : Ses traver- fcs dans le fecond Voyage : Son re- tour, ' iS Chap. III. Emharquemem de huit cens how.mes ^ que la Compagnie des Indes envoy a a la Louifiane: ArrU 254 DES CHAPITRES, yie &'fejoiir au Cap Francois : Arri" vie a rifle Dauphine : Defcription de cette IJle: Le Commandant General y regoit les ConceJJionn aires, 2S Chap. IV. Depart de FAuteur pour fa Concejjion : Defcription des en- droits par hfquels il paje jufques d la NouielleOrlians : Lettres Pateh^ les donnecs par le Roi , en forme dE- dit . enfaveur de rEtahliJfement d'une Colonic a la Louifane, ^r Lettres Patentes en forme d'Edit , por- tant EtahliJJement fous le nom de Contpagnle d'Occident , donnees i Paris au mois d'Aout 1 7 i 7. 47 Chap. V. VAuttur eft mis en pof fejfionde fonterrein: Vaine crainte que Von a des Crocodiles: Erreur commune fur la maniere de penfer des Naturels: UAuteur prend la refolu- tion d'aller s'etablir aux Natche^. 82 Chap. VI. Surprife du Fort de Pen- facola par les Frangois: Les Efpa- gnols le reprennent : Les Frangois V ay ant repris le demoiiffent, 93 Chap. VII. Calumet de Paix des Tchitimachas .\ Lcur Haramyue au Commandant General : Avanture fmguliere. jq^ Chap, VIII, Depart de FAuteur pour TABLE 3;y lesNatche^: Defer iption de ce Voya^ ge: Difficult^ de convertir les Na^ turels : Etallijjement de VAuteur aux Natcke'{, 1 1 8 Chap. IX. VAuteur ejl attaque d'une Sciatique: Emretkm fur deux Points d'Ajironomie : VAuteur efi guiri par un Medecin Naturel, I2p Chap. X. Defcription Geographique de la Louifiane : Ciimat de cette Province, 138 Chap. XI. Suite de la Defcription Geographique: La h ajje Louifiane eft une Terre rapportie, 155 Chap. XIL Foyage ds VAuteur au Biloxi : Etahlijement des Concef" Jtons : UAuteur dicouvre deux Mi" nes de Cuivre : Son re tour aux Nat^ che^ : Phenomene, - 166 Chap. XIII. Premiere Guerre aveo Us Natchei : Cauf de cette Guer^ re : Les Naturels apportent le Ca-^ lumet de Paix a VAuteur. 177 Cpiap. XIV. Serpent afonnettes monf- trueux ; Phenomine extraordinaire. 189 Chap. XV. Le Gouverneur furprend les Natchei avecyoohommes: Dif- cours du Serpent Pique au fujet de cette Guerre , b' dela Paix qui Vdr. j;^ DES CHAPITRES. 2/oh precedee : Le Medecin du Grand Soleil guerM' Auteur dune Fiftule la- crymale: Cures furprenantes des Me- decins Naturels : UAuteur enpoye a la Compagnie plus de 300 Shn^ pies. 197 Gh AP. XVI. Voyage de UAuteur dans les Terres de la Louifiane : II prend des Naturels pour raccompagner :' Terns defon depart: ChaJJe aux Din- dons : Decomreurs : Signaux, 215 Chap. XVII. Suite du Foya?^edans les terres .* UAuteur tue un Bo^uf fau^ vage : Dccouvreur egare : ChevroUiL hianc : Decouverte du Gyps : Defcrip- tion du lit de VAuteur : Decouverte d'une Mine de Crijlal de- rocke : Fer^ tilite du Pays : Ahondance de gibier : Carrier e de Pldtre, 225 Chap. XV HI, Suae du Voyage dans les terres : Decouverte d^un Village de Cajlors gris : UAuteur les fait travailler : // en tue an : Defcrip- tion de lews Cabanes, 24^ Chap. XIX. Suite du Voyage dans les terres : Decouverte dhine Mine de Plomb : Rencontre d'^un Voyageur extraordinaire : Indices de Mines : Autres indices de Mines d^Or i Ke- TABLE 5J7 tour de VAuteur a fon Habitation; Chap. XX. De la nature des terres de la Louifiane : Des terres de la Mobi^ le : De celles de la Cote de VEJl : Des terres qui font depuis I' embouchure du Fleuve S. Louis jufqu'd la nouvelle Orleans, 2 5*: Chap. XXT. Qualitides terres qui font au'dejjus de la Fourche : Carriere de Pierres a bdtir: Terres hautes de I'Ejh Leur fertilite prodigieufe : Cote de VOueJi.-Terres de VOuepSalpitre, 2 8 1 Chap. XXII. Qualite des terres de la Riviere Rouge • Pojies des Nac- tchitoches :■ Mine d' argent t Dester^ res de la Riviere Noire. 297 Chap. XXIII. Rmffeau d'eaufalie: Lacs falis : Terres de la Riviere des Arkanfas : Marbre rouge jajpe : Ar- doifi : Pldtre : Chajfe aux Boeiifs : Battures du Fleuve. 507 Chap. XXIV. Des terres delaRivie- re de S. Frangois : Mine de Mara- mec Gr autres: Mine de Plomb : Pier- re tendre femblable auPorpkyrex Des terres du Mijfouri: Des terres qui font au Nord de VOuabache : Des terres des Illinois : Mine de la Mothe ^ mtres. * ojp 5^8 DES CHAPITRES. Chap. XXV. DesNegres.-DuChoix des Negres : De leurs Maladies : De la mankre de hs traiter pour les guerlr: Dela maniere de Us gou" yerner» ♦ - S )3 Fin de la Table des Chapitres. :?: ; iied using the Bookkeeper process. l.feLt.aliZing agent: Magnesium Oxide Treatment Date: Dec. 2004 PreservationTechnologies A WORLD LEADER IN PAPER PRESERVATION 1 1 1 Thomson Park Dnve Cranberry Township. PA 16066 (724)779-2111 I