OF TORONTO DUPL 3 1761 00471246 9 Rae ont à tn den Gi Qi #2 1) RARE d /7 2 de HISTOIRE MÉDECINE ARABE PAR ÉE-D°-LUCTEN-EECEERC EXPOSÉ COMPLET DÉS TRADUCTIONS DU GREC 179 SCIENCES EN-ORIENT LEUR TRANSMISSION A L'OCCIDENT PAR LES TRADUCTIONS LATINES a TOME PREMIER EC ES 52 — PARIS ERNEST LEROUX, ÉDITEUR LIBRAIRE DES SOCIÉTÉS ASIATIQUES DE PARIS, DE CALCUTTA, DE. NEW-HAVEN (ÉTATS-UNIS), DE SHANGHAÏ (CHINE), DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC. 28, RUE BONAPARTE, 28 18376 PRINCIPALES PUBLICATIONS DE L'AUTEUR RELATIVES A LA MÉDECINE ARABE TRADUCTION DE LA CHIRURGIE D'’ABULCASIS (Une deuxième édition en préparation). TRADUCTION DE LA VARIOLE DE RAZES. TRADUCTION DU KACHEF D’ABD ER-REZZAQ (Dictionnaire de Matière médicale). TRADUCTION DES SIMPLES D’EBN EL BEITHAR. (sous presse, dans les Notices et Extraits). CLERMONT (OISE), — IMPRIMERIE A, DAIX, RUE DE CONDÉ, 27, HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE PAR LE D‘ LUCIEN LECLERC EXPOSÉ COMPLET DES TRADUCTIONS DU GREC 155 SCIENCES EN ORIENT LEUR TRANSMISSION A L'OCCIDENT TOME PREMIER PARIS ERNEST LEROUX, ÉDITEUR LIBRAIRE DES SOCIÉTÉS ASIATIQUES DE PARIS, DE CALCUTTA, DE NEW-HAVEN (ÉTATS-UNIS), DE SHANGHAI (CHINE), DE L'ÉCOLE DES LANGUES ORIENTALES VIVANTES, ETC. 28, RUE BONAPARTE, 28 1876G , ; } : : Ë " AVANT-PROPOS Ayant achevé, il y a quelques années, la traduction du Traité des Simples d'Ebn el Beithär, nous voulûmes la com- pléter par les biographies d’une centaine de médecins arabes qui s’y trouvent cités..Le travail était à peu près terminé quand l’idée nous vint de l’étendre à toute l’école arabe. Mais c'était plus qu’un surcroît de notices que nous avions en vue. Nous nous proposàmes de faire l’histoire collective de la médecine arabe, d'exposer ses origines, son caractère, ses institutions, son développement et sa décadence, en entremélant des vues d'ensemble aux séries biographiques, au fur et à mesure des événements, Étienne, ou Astefan. Le nom d'Étienne est bien connu dans les derniers temps de l’école d'Alexandrie. D’une part nous connaissons Étienne d'Athènes ou Étienne d’Alexan- drie et Etienne le philosophe ou le chimiste, dont les écrits sont parvenus jusqu’à nous : de l’autre Étienne l'Ancien des Arabes, qui traduisit du grec en arabe, pour Khaled ben Yezid, des ouvrages d’alchimie et d’autres sciences. Les trois Étienne ne sont-ils qu'un seul et unique person- nage, ou bien sont-ils trois personnages distincts ? L'identité du deuxième et du troisième nous paraît établie par l'identité des travaux. imprimée sous ce titre déformé: Tacuini sanitatis Elluchasem Elimithar medici de Baldath. Arÿentorati. 1531. 42? HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE PREMIER. Quant au premier, nous devons observer que son nom n’est pas accompagné ici de l’épithète l'Ancien, que les Ara- bes joignent toujours au nom du maître de Khaled ben Yezid, pour ledistinguerd’Étienne, fils de Basile, traducteur comme lui. Nous savons aussi qu'on le distingue généralement du second. Mais n'est-il pas naturel qu’un médecin d’Alexan- drie ait aussi cultivé l’alchimie, qui s’est complue depuis si longtemps dans la vallée du Nil? Nous croyons devoir admettre l'identité de cet Étienne avec le collecteur des XVI livres et voici pourquoi. Étienne d’Athènes est l’auteur du commentaire sur le livre de la thérapeutique à Glaucon, qui nous est parvenu et qui a été imprimé en traduction latine. Or ce livre à Glaucon fait précisément partie du recueil des XVI livres. En somme, nous ne verrions dans ces trois Étienne qu'un seul person- nage. Freind a connu cet Étienne, la part qu'il prit à la rédac- _tion des XVI livres et leur destination. 3 Djasious. Nous le considérons comme identique avec ce Gosius qui nous est donné comme ayant traduit du grec en syriaque les Pandectes d’Aaron. (V. la Bibl. or. d’Assemani). On ne saurait le confondre avec ce Gésius dont parle Sui- das, qui lui fut antérieur d’un siècle, attendu qu'il vivait du temps de Zénon. Nous avons déjà parlé du cas que l’on fai- sait de ses commentaires. Nous ajouterons que parmi les écrits de Honein il en est un qui porte ce titre : Solution des doutes élevés par Djasious d'Alexandrie sur le livre des or- ganes souffrants de Galien. (1) 4° Marinous. Nous le croyons identique avec ce Mari- nous où Marianous dont il est question plus d’une fois dans Hadji Khalfa, et qui fut avec Étienne le maître de Khaled ben Yezid dans le grand art. C’est le Morienus des Alchimistes, dont les opuscules se rencontrent dans tous les recueils hermétiques. 5 Théodose. Nous ne conuaissons qu'un seul nom que (1) Djasious et Marinous sont quelquefois cités dans le Tedkira de Souidv. Ainsi n° 1024 et 1034, f. 48 et 50 de l'A. K. de Paris. il CHOIX ET RÉDACTION DES XVI LIVRES. 45 l'on pourrait rapprocher de celui-ci ; c'est Théodose le Pa- triarche, cité par Assemani parmi les plus célèbres méde- cins syriens, après SiméonditTaiboutha et l’évèque Grégoire. (Voyez Bibliot, Orient. IT. 315). Ge Palladius. Dans la forme arabe Afladious nous croyons qu'il est impossible de voir autre chose que Palladius. Les Arabes le connurent, et il est assez fréquemment cité dans le Continent de Razès. | 7 Jean le grammairien. Jean Philoponus est assez connu pour que nous n’ayons pas à nous étendre sur son compte. Nous dirons seulemert que les sommaires ou paraphrases qu'il fit des XVI livres de Galien sont mentionnés nomina- tivement par Ebn Abi Ossaïbiah. Mais il y a plus : ses écrits nous sont parvenus en traduction arabe, sous forme de re- eueil, et nous aurons bientôt l’occasion d’en reparler. De l’ensemble des noms que nous avons cités, il résulte que le travail des XVI livres se fit. au commencement du VII: siècle de notre ère. Nous ignorons combien de temps a pu durer l’enseigne- ment dont ces livres étaient là base ; mais ce qui nous paraît incontestable, c’est qu'il dut jeter un certain éclat, et qu'il prospérait encore lors de l'invasion musulmane. Nous en avons pour preuve le souvenir qu’en ont conservé les con- quérants et les traces multiples et profondes qu'il a laissées dans l’histoire de la médecine arabe. Nous aurons bientôt à continuer, chez les Arabes, l'his- toire des XVI livres. Nous verrons qu'ils leur accordent tou- jours une place à part dans leur énumération des écrits de Galien, qu'ils les adoptèrent aussi pour l’enseignement de la médecine et que plusieurs médecins en firent l’objet de leurs études et de leurs écrits, tant que dura chez eux le culte de la science. Ce sera toujours, bien que sur un autre théâtre, l'histoire de l'institution fondée par les médecins d’Alexan- drie. Le développement qu’elle acquit en passant à d’autres mains, nous donnera une idée de ce qu'elle dut être entre les mains de ses fondateurs. Avant d'aborder ce côté de la question, nons dresserons d'abord l'état des XVI livres. 44 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE PREMIER. II. — Ce qu’étaient les XVI Livres. La liste du Fihrist étant la plus ancienne, nous la pren- drons pour type. Elle figure en tête de la liste des écrits de Galien avec cette indication: État des XVI livres de Ga- lien qui sont lus par les étudiants. Après le XVIe on lit: En ‘dehors des X VI livres. Il en est de même pour le Kitab el hokama. Chez Ebn Abi Ossaïbiah, les XVI livres ne viennent qu’en troisième lieu; mais au livre VIe de son histoire il nous donne les renseignements les plus détaillés sur les XVI livres et les autres ouvrages de Galien qui leur servent de complé- ment. On trouve encore des listes complètes des XVI livres dans les biographies de Jean le grammairien et d'Aboulfaradj ben Thaïeb ; dans le Pantegni de Constantin, dans le n°444 du British Museum. Le fonds hébreu de Vienne en possède la collection complète. Le n° 1117 du fonds hébreu de Paris en contient XIV et le n° 1118 en contient X. Le n° 335 de Florence en contient XIII. Le n° 1356 du Museum a les VIII premiers. Quelques livres n’occupent pas constamment la même place dans la série. Le n° 444 du British Museum offre cette particularité que les XVI livres y sont classés par caté- gories, que l’on retrouve chez Ebn Abi Ossaïbiah. Dans le Ms. de Florence, dans celui de Vienne, et dans le n° 1118 du fonds hébreu, les livres de l’urine et du maragme se trouvent intercalés. Telle est la liste du Fihrist : 1. Livre des sectes (en médecine). 2. Livre de l’art (petit art). 3. Livre à Teutra sur le pouls. 4. Deuxième livre à Glaucon sur le traitement des ma- l adies. 5. Cinq livres sur l'anatomie. 6. Livre des éléments (selon Hippocrate). 7. Livre du tempérament. CE QU'ÉTAIENT LES XVI LIVRES. 435 8. Livre des propriétés naturelles. 9. Livre des maladies et des accidents (symptômes). 10. Des maladies des organes internes. 11. Grand livre du pouls. 12. Livre des fièvres. 13. Des crises. 14. Des jours critiques. 15. De la conservation de la santé. 16. De l’art de guérir (du grand art). Telle est ensuite la liste de Constantin ; et voici comment il est amené à la donner. Reprenant en sous-ordre dans le Pantegni, qui n’est autre qu'un remaniement du Maleki, la célèbre préface d’Ali ben Abbas, il dit ce qui suit: Galien fit des traités spéciaux sur chaque matière et le nombre de ses écrits s'élève à 140. On ne lit plus guère que les XVI livres qui sont : Periton hereseos medicorum, particula I. (Le premier mot donne beaucoup de variantes). Microtegni (le petit art), I. Pulsuum minores (tractatus), IL. Epistola ad Glauconem, II. De elementis, I. De complexione, IIT. De virtutibus natufralibus, IL. De anatomia, V. _ De morbo et accidenti, VI. Megapulsuum, XVI. De interioribus membris, XV. Criseos, III. Ymera criseos (des jours critiques), IL. De febribus, IT. Megategni, XIV. De regimento sanorum, XII. Nous allons maintenant prendre chacun de ces livres en particulier. Nous donnerons les variantes que présentent les divers documents quant aux titres que nous ramènerons aux titres classiques. 1° Des sectes en médecine. 40 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE PREMIER. Le titre de Constantin n’est autre chose qn’une imitation du grec. Cet ouvrage existe à Paris, n° 1043, A. F. sous le titre : Des sectes en médecine. C’est à tort que Casiri a tra- duit: De differentiis febrium. Le. catalogue de Florence, n° 335, a rendu par : De sectis. 2° Le petit art. C’est le traité de l’art médical, Ars medi- cinalis, et non le traité de la constitution de l’art, comme a traduit Casiri. La traduction arabe existe à Paris et à Flo- rence, n° précités, sous le titre de petit art. C’est proba- blement à Constantin que l’on doit l'introduction du mot microtegni, qu'ont adopté Les arabistes. Ali ben Rodhouan en fit un commentaire qui a été traduit en latin et plusieurs fois imprimé. Dans son prologue, il dis- cute ce titre de Petit Art. Honein écrivit une introduction à l'Art de Galien, qui fut aussi traduite et imprimée. Nous pensons que c’est la même qui est à tort attribuée à Jean, fils de Sérapion, par le catalogue des Mss. de Montpellier. 8 Du pouls, petit livre du pouls, du pouls à Teutron, (Theutra), petit livre du pouls, livre du pouls aux élèves: tels sont les titres divers de ce troisième livre. Nous n'avons ainsi qu’un seul traité spécialement dési- gné, le livre destiné aux commençants, spi rüv aquypüv vois ets “yonevois, mais Constantin divise le livre en deux parties. La seconde ne saurait être que le traité de l'usage des pouls, de usu pulsuum, rep yostus couypov. Ce livre se trouve encore à la suite des précédents dans les Mss. précités de Paris et de Florence. 4 Livre à Glaucon, de la guérison des maladies: c’est le livre bien connu de la thérapeutique à Glaucon. Les listes arabes indiquent seulement le deuxième livre, ce dont nous croyons comprendre la raison. Le premier traite des fièvres et ferait double emploi avec un traité des fièvres qui figure dans la liste. Le Ms. hébreu donne betheba et le n° 1356 du Britisch Museum fiesm etthabiä, du nom de la nature. Ces quatre livres se trouvent à la suite l’un de l’autre dans le n° 1043 de Paris, A, F. Le Ms: 444 du British Museum les donne comme formant une introduction. 5° Les cinq livres d'anatomie: On leur donne aussi le nom CE QU'ÉTAIENT LES XVI LIVRES. 47 de petits livres d'anatomie, par opposition aux Démonstra- tions anatomiques quisont les grands livres. Dans la liste de Constantin, dans l’index bibliographique d’Aboulfaradj ben Thaïeb et dans celle de Jean le grammairie#, dans les deux Mss. du British Museum, dans le n° 335de Florence et dans le n° 1117 du fonds hébreu, ces livres ne viennent qu’en hui- tième lieu. . Wexrich, qui ne savait pas ce qu'étaient les XVI livres, fait suivre la mention des V livres d'Anatomie de ces ré- flexions: «In Galeni operibus plura occurrunt, quæ de anatomià tractent: quorum tamen nullum V libris absolvi- tur. Quare difficile est dijudicare cuinam operum illorum liber Arabicus respondeat. » L'ignorance de Wenrich peut s'expliquer en ce qu'il ne s’est servi de la liste d’'Ebn Abi Ossaïbiah qu'après avoir épuisé celles du Fihrist et du Kitab el hokama, Ebn Abi Ossaïbiah nous donne le détail des V livres. On les trouve aussi détaillés dans le n° 1356 du British Museum et dans le Ms. 335 de Florence. (1) Ce sont les traités des os, des mus- cles, des nerfs et des vaisseaux. Les vaisseaux comprenant les veines et les artères, nous avons ainsi un total de cinq livres. 6° Des éléments. Quelques-uns de nos documents donnent le titre complet : Des éléments suivant Hippocrate. … T° Des tempéraments, 7: xpassov. Constantin a donné De …_ complexione, ce qui répond à l'arabe Kitàb el mizàdj. 8° Des propriétés naturelles, 72et duvuetov guolrov. 9 Des maladies et des accidents (symptômes). - Nous trouvons ici réunis des traités qui se suivent mais sont distincts chez Galien: des différences et des causes des LM maladies, des différences et des causes des symptômes. _ 10° Des maladies des organes internes. Constantin dit sim- — plement: De intérioribus membris. C'est le traité vulgaire- _ ment connu sous le titre: De locis affectis. (Ÿ Wenrich a fait deux citations du Ms. de Florence. Page 246, il . vciteles veines et les artères, et page 248 les os et les nerfs, aurquels # il joint abusivement les urines. Nous observerons que le livre des … muscles n’est pas cité dans le Ms. de Florence. 48 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE PREMIER. 11° Le grand livre du pouls, Megapulsuum, XVI, de Cons- tantin. Le chiffre donné par Constantin et ce qu’on lit dans le Kitab el hokama, que ce livre est divisé en quatre parties et seize discours, ne laissent aucun doute sur la détermina- tion de ce livre. Ce sont les quatre livres connus vulgaire- ment sous les titres: De differentiis pulsuum, de dignoscen- . dis pulsibus, de causis pulsuum, de prœsagiis pulsuum. M. de Sacy, le premier qui ait essayé, mais en vain, de déterminer les XVI livres de Galien, les avait reconnus dans ces quatre traités sur le pouls qui sont eux-mêmes divisés chacun en quatre parties. (Abdellatif, page 491). 12° Des fièvres. C’est le livre qui porte le titre: De diffe- rentiis febrium. 13° Des crises, De crisibus. 14° Des jours critiques, De diebus criticis. 15° De l’art de guérir. C’est le livre connu vulgairement sous le titre: De methodo medendi. Constantin lui a donné le titre Megatechni, par opposition au microtegni. C’est le grand livre de l’Art des Arabes. 16° Du régime à l’état de santé, kitàb tedbir el asihhà, De regimento sanôrum de Constantin. C’est le livre connu vul- gairement sous le titre: De sanitate tuenda. Tel est l’ensemble des XVI livres. Nous avons déjà vu que certains d’entre eux n’occupent pas la même place dans la série. Deux manières se présentent. L'une est particulière aux historiens et c’est celle que nous avons donnée d’après le Fihrist. L'autre paraît avoir pour type l’ordre adopté par Jean le grammairien, que l’on rencontre dans la liste de ses écrits, dans le n° 444 du British Museum, dans les divers recueils anonymes, dans la liste de Constantin et dans celle des écrits d’Aboulfarage ben Thaïeb. La principale diffé- rence porte sur le rang occupé par les livres anatomiques, qui est tantôt le cinquième et tantôt le huitième. Nous considérons aussi Jean le grammairien comme l’au- teur des titres nouveaux donnés à certains livres, tels que le petit et le grand livre de l'Art, les petits et les grands livres des Pouls, LR EE ses jiteras HE EC RS - Mrs CE QU'ÉTAIENT LES XVI LIVRES. 49 Jean le Grammairien est aussi l’auteur d’une classification des XVI livres que l’on trouve dans le n° 444 du British Museum. Les quatre premiers sont considérés comme une introduction ; les quatre suivants ont trait aux choses natu- relles; les six qui suivent ont trait aux choses contre na- ture. Le XV° a pour objet la conservation des choses natu- turelles, et c’est le livre de la conservation de la santé. Le XVIe à pour objet de combattre les choses contre nature, et c’est le traité de l’art de guérir. Nous avons cru inutile de reproduire nominativement chacun de ces livres, l’ordre suivi par Constantin, dont nous avons reproduit la liste, étant le même que celui de Jean le Grammairien. Cet ordre est aussi le même que celui du li- vre VI d'Ebn Abi Ossaïbiah, où l’ensemble des livres est di- visé en VII classes, et où l’on trouve de curieux détails sur leur contenu et sur les autres écrits de Galien qui leur ser- vent de complément. Ce passage est une citation d’Ali ben Rodhouàn. III. — Les XVI Livres chez les Arabes. L'histoire des XVI livres chez les Arabes nous paraît être le reflet de leurs destinées chez les Alexandrins. À ce titre nous la considérons comme le complément obligé de nos études précédentes. Cette histoire présente encore un autre intérêt. Nous serons étonnés, après leur vogue et les mul- tiples mentions qui en sont faites, qu’ils aient été méconnus par un bon nombre d’orientalistes, chez quelques-uns des- quels c'était un devoir de les connaître et qui n’avaient qu’à tourner la page pour en prendre connaissance. Les documents qui les concernent peuvent se ranger en trois catégories. 1° Les traditions historiques. 2 Les travaux ultérieurs dont ils furent l’objet. 3 Les Manuscrits qui nous les ont conservés. oÙ HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE PREMIER. 1° TRADITIONS HISTORIQUES. L'attention particulière accordée par les Arabes aux XVI livres et le cas qu’ils en firent, nous sont attestés par le rang qu'ils occupent dans les listes bibliographiques de nos histo- riens. Ils commencent tous les trois leurs listes des écrits de Galien par l'exposé des XVI livres, et, leur énumération finie, ils ajoutent: en outre des XVI livres. Un autre témoignage est celui de Constantin. Ce per- sonnag'e d’origine orientale mais mystérieuse, qui importa le premier la médecine arabe en Occident, au milieu du XI° siècle de notre ère, nous dit dans l'introduction du Pantegni, contrefaçon du Maleki d’Ali ben el Abbàs, que des nombreux écrits de Galien, on ne lisait plus guère de son temps que les XVI livres, et il nous en donne la liste que nous connaissons. Dans l’épilogue de son commentaire sur les questions de Honein, Ebn Abisadeq dit que les Alexandrins qui firent les résumés des XVI livres pour les élèves de l’école, estimaient que ces livres dispensaient de tout autre (1090 A. F. et 1003 du Suppl. de Paris). 2% TRAVAUX ULTÉRIEURS. Honein traduisit la majorité des XVIlivres. Hobeïch en tra- duisit trois ou quatre. Indépendamment de ces traductions, le n°1356 du British Museum le donne comme traducteur du ecueil, De plus le Kitab el hokama dit qu’il réduisit les XVI livres et les rédigea par demandes et par réponses. Vers le milieu du dixième siècle, Ebn Abil Achats, profon- dément versé dans la connaissance des œuvres de Galien, s’occupa des XVI livres et en arrêta les divisions et les subdivisions. Ebn Abi Ossaïbiah cite ses commentaires sur les livres des sectes et des fièvres. Le n° 987 du supplément de Paris contient ceux des éléments et des tempéraments. Un siècle plus tard, Aboulfaradj ben Thaïeb commenta le NT CORP Tr, CON PPT ee PR Te ne D ES Cor NE Sn LE & Ë d + dl : LES XVI LIVRES CHEZ LES ARABES. ol Recueil complet et fit de plus un Fruit des XVI livres, au- trement un résumé. Les commentateurs de Galien furent nombreux chez les Arabes. Ceux qui embrassèrent un certain nombre d’ouvra- ges s’adressèrent particulièrement aux XVI livres et con- servèrent les dénominations consacrées dans le Recueil. Nous citerons entre autre Ebn el Heïtsam et Ali ben Rodhouan. Le commentaire d'A ben Rodhouan sur le Petit Art fut traduit en latin et jouit d’une certaine vogue au moyen-âg'e. Il fut de plusimprimé. Au XI siècle, Aboul Fadl el Mohan- des étudiait les XVI livres, à l’école d’Aboul Medjed. Au XIIL siècle on s’occupait encore des XVI livres. Maimonides en fit des résumés, ainsi que de cinq autres livres de Galien. Rechid eddin ben Khalifa, oncle de l'historien de la méde- cine Ebn Abi Ossaïbiah, commençait à la même époque ses études médicales par la lecture des XVI livres. # MANUSCRITS. Manuscrits arabes. Le n° 444 du British Museum contient un sommaire des XVI livres par Jean le Grammairien. Nous avons déjà dit que les XVI livres sont classés par catégories. Le n° 1356 contient une partie du Recueil des XVI livres arrangés pour l'enseignement par les Alexandrins. Ce sont les VIII premiers livres. Dans ce Ms. sont donnés nominati- & vement les traités qui composent le livre de l’Anatomie. Le n° 335 de Florence, sous le titre Galent opuscula quædam medica, contient treize ou quatorze livres sur XVI Nous - disons treize ou quatorze, les deux livres des pouls étant représentés par une seule mention: de pulsibus. Les deux au- tres manquants sont le Petit Art et le livre à Glaucon. On js trouve aussi détaillés les écrits d'anatomie. Deux traités étrangers aux XVI livres: Des urines et du marasme, se trouvent intercalés: D2 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE PREMIER. Le n° 1043 de Paris, ancien fonds, contient insciemment, les quatre premiers livres, dans l’ordre où ils sont habituel- lement disposés. Le Fruit des XVI livres, peut-être celui d'Ebn Abil Achats, se trouve à Constantinople dans la bibliothèque de Koprili Zadeh. (Fluegel, Hadji Khalfa, tome VII). Manuscrits hébreux. Le n° 1117 du fonds hébreu de Paris contient XIV des XVI livres distribués à peu de chose près suivant l'ordre de Constantin. De même que dans le Ms. de Florence, on trouve intercalés les livres des urines et du marasme ; mais le traducteur a soin d’avertir que ces deux livres ne font pas partie du Recueil des résumés de Galien. Le caractère de ces livres est encore accusé par ce titre: Résumé de l’ou- vrage de Galien sur les éléments, par les Alexandrins, lelaleksandriin. La traduction hébraïque s’est faite en 1322. Le n° 1118 contient X livres sur XVI; les dix derniers, moins le grand livre du Pouls. A la fin du livre de la con- servation de la santé on lit: Par là se termine la totalité des résumés des Alexandrins. Le n° 1203 contient en arabe et en caractères hébraïques les trois derniers des XVI livres commentés par Maimoni- des, c’est-à-dire lestraités de febribus, de sanitate tuenda, de methodo medendi. La Bibliothèque de Vienne possède aussi les XVI livres traduits en hébreu. (1) Nous n'avons pas poussé plus loin nos investigations. Nous aurions probablement découvert d’autres Mss. des XVI livres; mais nous pensons que l’exposition que nous en avons faite suffit pour établir leur importance. On pourra s'étonner aussi qu’ils aient été méconnus par les écrivains dont nous allons parler. (1) Signalons une méprise de Lambeccius, qui a pris Honein pour l’auteur de la traduction hébraïque. Ajoutons que les traités des urines et du marasme se trouvent aussi intercalés. de féminins 2e. in : “r. ‘à + À ae 5 hou) de — mr x be DL dé à Ki # 14 É * S 7 sw = # : er LES XVI LIVRES CHEZ LES ÉCRIVAINS MODERNES. nt] 3 IV. — Les XVI Livres chez les Écrivains modernes. Malgré la masse considérable de documents que nous ve- nons de produire, beaucoup d’orientalistes sont passés à côté des XVI livres sans les reconnaître. Nous avons cru qu'il était intéressant de signaler ces méprises, dont quelques- unes sont véritablement inconcevables. Casiri n'a pas reconnu les XVI livres en tête de la notice de Galien qu’il donne d’après le Kitab el hokama, qu'il ap- pelle Bibliotheca philosophorum. Nous ignorons si c’est la faute de son Ms. que nous avons oublié de consulter à cet endroit lors de notre voyage à l'Escurial. D'autre part nous avons constaté bien des étour- deries de Casiri. C’est ainsi qu’il n’a pas reconnu la para- phrase du Tableau de Cébès par Aboulfarad;j ben Thaïeb dans son n° 883 aujourd'hui 888. Il n’a pas non plus reconnu les XVI livres dans la notice de Maimonides. Il rend ainsi ce passage : Galeni libros XXI in epitomem contractos libris XVI comprehendit. Son texte est fautif dans la fin de cette proposition. Il faut lire ainsi la fin : « Il fit des abrégés de 21 livres de Galien, c'est-à-dire de cinq en sus des XVI livres. » Nous sommes étonné que M. de Sacy n'ait pas rectifié ce texte dans son Abdellatif, page 491. Munk, dans sa notice de Maimonides insérée dans le Dic- tionnaire des sciences philosophiques, mentionne l’abrégé des XVI livres de Galien que les médecins arabes prenaient pour guides de leurs études, mais il ignore quels sont ces livres. Carmoly, dans son Histoire des médecins Juifs, n’en sait pas davantage et s’en réfère à l’Abdellatif de M. de Sacy. M. Rabbinowicz, dans son index bibliographique de Mai- monides, placé en tête de sa traduction du livre des Poisons, ne fait aucune mention de l’abrégé des XVI livres. L'auteur du catalogue du Britisi Museum conniît les 54 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. —— LIVRE PREMIER. XVI livres et nous dit même que leur rédaction était faite avant l’année 1190, mais il n’a pas connu le contenu du re- cueil. Les quatre derniers auteurs que nous venons de citer étant coreligionnaires de Maimonides, on est en droit de conclure que les documents hébraïques ne sont pas très explicites à l'endroit des compositions médicales de Maimonides, le pre- mier et le dernier surtout étant des érudits de premier ordre. à Nous avons déjà dit que l’illustre de Sacy avait cru re- connaître les XVI livres dans ce que les Arabes appellent le grand livre du Pouls, recueil de quatre ouvrages de Ga- lien relatifs au pouls et contenant chacun quatre chapitres. Wiüstenfeld, dans son histoire des médecins arabes, n’a pas parlé une seule fois des XVI livres à propos des auteurs qui les ont traduits, abrégés, commentés ou réduits à leur forme définitive. Cependant Wiüstenfeld opérait d’après Ebn Abi Ossaïbiah ; mais bien souvent il n’y a recours qu'après avoir fait usage de la Bibliotheca philosophorum de Casiri, ce qui l’induit plus d’une fois en erreur ou lui fait commet- tre des répétitions. | Les méprises de Wenrich sont encore plus inconcevables, en raison de la nature de son travail et des documents qu'il avait en plus que Wüstenfeld. Nous avons déjà cité son pas- sage relatif au petit recueil d'anatomie. Voici ce qu’il dit à propos des abrégés de Maïmonides : » Galeni libros XXI a Mose ben Mimoun in compendium redactos, librisque XWI comprehensos fuisse tradit Djemaleddinus; neque tamen, quinam illi fuerint libri, diserte memorat. » (Page 272). Ailleurs, page 269, il considère le petit livre des pouls comme un abrégé du grand livre. En un mot, les XVI livres lui sont complètement in- connus. On ne comprend pas comment les citations si nombreuses des XVI livres que nous avons mises en relief n’ont pas crevé les yeux à Wenrich, quand on le voit citer incessam- ment Mohammed ben Ishaq, Djemaleddin el Kofthy et Ebn Abi Ossaïbiah, Il faut bien admettre qu’à l'instar de Wüs- + Cm C4 LES XVI LIVRES CHEZ LES ÉCRIVAINS MODERNES. D) tenfeld il opérait autant que possible sur Casiri, au lieu d’al- ler prendre directement tous ses renseignements dans les originaux qu'il avait en main. Dans son travail sur le Zàdel Moçañfir d’Ebn Eddjezzar, à propos des attributions indûment faites à Constantin et parti- culièrement du Pantegni, M. Daremberg reproduit d’après Constantin la liste des XVI livres et dit en note : « Cette énumération fort intéressante pour connaître l’é- tat des études médicales du temps de Constantin manque dans Ali Abbas : il me faudrait plus de temps et d'espace que je n’en ai aujourd’hui pour la commenter dans tous ses détails ou pour la rectifier dans certains points. » On voit que M. Daremberg s’est mépris à l'endroit des XVI livres qu’il rattache à l’époque de Constantin. En eût- il abordé la discussion, étranger qu'il était aux sources ara- bes, il eût infailliblement échoué, quand nous voyons tant d’orientalistes passer à côté de la question. Il y avait cependant un siècle et demi qu'on pouvait lire dans Freind, qui avait reçu des traductions partielles de Sa- lomon Negri : » Abi Osbaia, le biographe arabe, fait mention de sept médecins d'Alexandrie, entre lesquels Étienne est l’un de ceux qui ont rédigé les œuvres de Galien en 16 li- vres, et qui, selon les différents sujets, les ont encore divisés _ en sept classes. Il ajoute que lire ces livres était leur unique étude, et qu'ils faisaient aussi leur unique occupation de les commenter et de les expliquer à leurs auditeurs. » Traduc- tion française, II, 400. Il n'entre pas dans notre sujet de faire l'histoire des der- niers médecins de l’école d'Alexandrie. Nous aurons, du reste, plus tard l’occasion d’en dire quelques mots, à propos des traductions qui furent faites de leurs œuvres. Nous ré- servons la notice d’Ahroun pour la placer à côté de celle de son traducteur en langue arabe. Cependant il est un homme que nous ne saurions passer sous silence, par la raison que son nom reste inséparable d’un évènement dont nous allons parler, l'incendie de la Bibliothèque d'Alexandrie, et cet homme est Jean le Gram- mairien, autrement dit Jean Philoponus. 56 IHISTOIRE DE LA MÉDECINE ARADE. — LIVRE PREMIER. Jean le Grammairien et la Bibliothèque d'Alexandrie. Un des évènements qui ont fait le plus de bruit dans l’his- . toire et qui ont été le plus contestés est l’incendie de la Bi- bliothèque d'Alexandrie par les Arabes. D'autre part une des existences contemporaines de cet évènement les plus curieuses et les moins connues est celle de Jean le Gram- mairien, autrement dit Philoponus. Nous allons nous occuper de l’un et de l’autre dans les limites que comporte notre travail et mettre au jour des do- cuments inédits tirés des écrivains arabes. L’historien des Dynasties, Aboulfarage, a passé jusqu’à présent pour le premier ou le seul auteur qui ait raconté, du moins formellement et in extenso, l'incendie de la Biblio- thèque d'Alexandrie par les Arabes. Tel est son récit: « Jean le Grammairien vécut jusqu’à la prise d'Alexandrie par Amrou ben el Aas. Celui-ci ayant reconnu son mérite et sa science le tint en considération. Il aimait à s’entretenir avec lui de philosophie, chose nouvelle pour les Arabes. Or Amrou était un homme intelligent et d’une conception facile. Jean lui dit un jour: Tu as inspecté tous les édifices d'Alexandrie et mis sous le séquestre tout ce qu’ils renfer- ment. Je n'ai rien à dire des choses qui te conviennent, mais il en est qui sont sans utilité pour vous et qui en ont pour nous. — Quels sont ces objets, dit Amrou ? — Ce sont, répondit Jean, les ouvrages de philosophie qui se trouvent dans les Bibliothèques de l'État. — Je n’en puis disposer, répondit Amrou, sans un ordre du prince des croyans, Omar ben Khattab. « La demande de Jean fut transmise à Omar, qui répondit: Quant aux livres dont tu as parlé, si ce qu’ils contiennent est conforme au livre de Dieu, le livre de Dieu nous suffit : si au contraire il est contraire au livre de Dieu, nous n’en avons que faire, il faut les détruire. En conséquence Amrou fit distribuer les livres aux bains d'Alexandrie pour allumer LA A LA BIBLIOTHÈQUE D'ALEXANDRIE. 57 le feu et l’on en brûla pendant six mois. Apprenez ce qui s’est passé et soyez stupéfaits ! » A ce récit on a objecté qu'il ne se rencontrait que dans Aboulfarage, et nullement dans les écrivains arabes ; puis on est allé jusqu'à supposer qu’Aboulfarage, en sa qualité d'évêque, aurait bien pu l’inventer de toute pièce pour char- ger la mémoire des Arabes d’un fait odieux. A cette dernière imputation nous pouvons répondre qu w’A- boulfarage écrivit ses Dynasties avec assez d'impartialité pour mériter l'estime des Musulmans. Pocock en donne une preuve entre autres, à savoir quelques lignes qui terminent un exemplaire de ce livre et qu’il croit de la main d’Ebn Khallican : « L'auteur de ce livre était un homme qui avait beaucoup lu, qui s'était appliqué avec fruit à l’étude de sciences va- riées, qui avait acquis dans la médecine une si rare habileté qu’on venait des contrées de l'Occident pour le consulter : bien qu’il fut chrétien, il compta parmi ses élèves un grand nombre d'hommes distingués d’entre les Musulmans. » On lit encore qu’il passait pour s’être fait Musulman dans ses vieux jours, ce qui de la part d’un écrivain musulman semble vouloir dire qu'il ne lui manquait pour être parfait que d’avoir embrassé l’Islamisme. Quant à la premiére objection, nous répondrons avec M. de Sacy (1) que l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie par les Arabes, bien qu’il ne soit pas raconté avec les mêmes détails, n’en est pas moins relaté sommairement par un écrivain arabe d’une grande valeur, Abdellatif, qui dit for- mellement que Amrou ben el Aas brûla la bibliothèque d’A- lexandrie avec la permission d'Omar, et nous ajouterons que Abdellatif était antérieur à Aboulfarage, attendu qu'il mourut en 1231. Nous apprenons d'Ebn Khaldoun, éminent et grave histo- rien, que des faits identiques se passèrent en Perse à propos des livres des Mages. Une lettre fut pareillement adressée au Khalife Omar et la réponse fut faite dans les mêmes termes. (1) Relation de l’'Egvpte. 240. 58 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. —— LIVRE PREMIER. Enfin Makrizy et Hadji Khalfa rapportent que des biblio- thèques furent brûlées par les Arabes aux premiers temps de l’Islamisme. Nous concluerons, avec M. de Sacy, que les témoignages plus ou moins explicites que nous venons de produire, inva- lident l’objection faite contre le récit d’Aboulfarage. ‘Mais il y a plus, et nous pensons qu’il ne restera plus rien de cette objection quand nous aurons dit ceci : Le récit d'A- boulfarage est emprunté de toute pièce et littéralement au Kitab el hokama de Djemaleddin. | Nous avons constaté cet emprunt tant dans l’exemplaire de Paris, n° 672 du supplément 145, que dans l’exemplaire de l’Escurial, n° 1778, qui n’est autre que la Bibliotheca phi- losophorum de Casiri, d’où il a tiré tant de notices. Nous disons que l'emprunt est fait de toute pièce, car on y rencontre aussi l’exclamation finale: Apprenez ce qui s’est _passé et soyez stupéfaits ! exclamation qui ne saurait nous étonner dans la bouche de Djemaleddin, l’illustre et pas- sionné bibliophile. Nous aurons plus tard à revenir sur ces emprunts d’Aboul- farage au Kitab el hokama, emprunts ignorés de Casiri, re- connus seulement dans ces derniers temps, et qui se mon- tent à une centaine de notices. On s’étonnera moins du si- lence d’Aboulfarage sur l’origine de ces emprunts, malgré qu'il ait parlé deux ou trois fois de l’auteur, si l’on se rap- pelle que c’est là un procédé assez répandu chez les Arabes. Ce passage est extrait de la biographie de Jean le Grammai- rien, Jahya Ennahouy, que personne jusqu'à nous ne paraît encore avoir consultée. Ce n’en est pas moins une des noti- ces les plus longues et les plus intéressantes du Kitab el ho- kama, et elle fournit de curieux renseignements, que nous mettrons bientôt à contribution, sur la personne de Jean ie Grammairien, dont la biographie nous paraît encore à faire. Aboulfarage n’a reproduit qu'un fragment de cette notice, où l’on trouve encore des renseignements plus Ou moins conformes à la tradition classique sur l’ancienne bibliothè- que des Ptolémées. Djemaleddin les avait puisés dans le alone ent ton dut Li. dl SORT RTS NME VORTEe : 1 Lio ii Di us Éd dat tir. 2 si nié JEAN LE GRAMMAIRIEN. 59 Fihrist de Mohammed ben Ishagq, et c’est là aussi qu'a puisé l'historien des médecins, Ebn Abi Ossaïbiah. Il faut remarquer cependant que Mohammed ben Ishagq et Ebn'Abi Ossaïbiah ne parlent pas de l'incendie de la Biblio- thèque d'Alexandrie par les Arabes. Djemaleddin puisa-t-il à d’autres sources que connut sans doute Abdellatif, qui mentionne le fait sommairement? ou bien le silence des deux écrivains précités fut-il commandé par un sentiment de pudeur nationale qui ne put retenir la plume de notre bibliophile ? Les études orientales élargissent incessamment leur cadre et défrichent tous les jours des terrains inexplorés. On peut espérer que de nouvelles lumières viendront éclairer ces questions. Quoi qu’il en soit, historien impartial de l’école arabe, nous avons dit tout ce qui est à sa charge comme tout ce qui est à sa louange. Pour nous résumer, nous dirons avec M. Matter (1) que l'existence et l'incendie d’une bibliothèque dans Alexandrie, au temps d'Omar, est un fait à rétablir dans l’histoire. La personnalité de Jean le Grammairien fut aussi l’objet de controverses. On a contesté que Philoponus ait pu vivre jusqu’à l’arrivée des Arabes devant Alexandrie. A cela nous répondrons avec M. Matter que l’on a confondu Jean Philo- ponus avec un autre Jean qui fut l’auteur de l’hérésie des Trithéistes. Certains documents arabes semblent avoir fait la même confusion. Quant à l'identité de Jean le Grammairien des Arabes avec Jean Philoponus elle ne saurait être mise en doute. Les Arabes connurent ce surnom de Philoponus et même ils en connurent l'étymologie. De plus l’'énumération qu'ils font de ses ouvrages concorde avec ce que l’on sait d’ailleurs. Les renseignements copieux qu’ils nous donnent fourniraient la matière d’une intéressante biographie. Jean fut d’abord batelier. Il transportait les habitués de l’école située dans une île d'Alexandrie. Leurs entretiens lui donnèrent le goût de la science. Il avait alors quarante ans. (1) Histoire de l'Ecole d'Alexandrie, I, 342, GO HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE PREMIER. Il n’en vendit pas moins sa barque et se mit à suivre les cours et devint lui-même un savant. Ses travaux se dirigè- rent principalement vers Aristote. On peut lire dans Ebn Abi Ossaïbiah la liste de ses com- mentaires et les retrouver dansla Bibliothèque de Fabricius. Son commentaire sur la physique ne comprenait pas moins ‘de dix volumes et Djemaleddin, dans le Kitab el hokama, nous apprend qu'il fut en sa possession. Dans cet écrit, il nous donne la date de sa composition, l’année 343 de l'ère de Dioclétien, ce qui nous reporte en l’année 626 de l'ère chrétienne. Djemaleddin ajoute: Il s’est donc écoulé plus de trois siècles depuis Jean jusqu’à nous et il paraît qu’il écrivit cet ouvrage dans sa jeunesse. Jean fournit donc une longue carrière. À côté des commentaires sur Aristote il faut citer en- core sa réfutation de Proclus, que Djemaleddin possédait dans sa bibliothèque; ses commentaires sur Porphyre, sur les vers dorés de Pythagore, etc. Nous avons déjà parlé de ses commentaires sur les XVI livres de Galien. Il en fit aussi sur les livres de l’Usage des parties, de la Thériaque, dela Saignéeet il écrivit un traité sur le pouls. On le trouve cité dans le Continent de Razès. Il écrivit enfin sur les annales de la médecine et nos his- toriens invoquent plus d’une fois son témoignage dans les questions de chronologie. Nous aurons à revenir sur Jean le Grammairien à propos des traductions. Premières Traductions. — Les Alchimistes. Si la grande bibliothèque était détruite il restait encore des savants et des livres dans Alexandrie. Jean le Grammai- rien survécut à l'entrée des Arabes, mais nous ignorons quel fut le terme de sa carrière. Parmi ses collaborateurs à l’œu- vre des XVI livres de Galien, nous en verrons deux qui, par des traductions, se firent les initiateurs des Arabes à lascience œrecque. PREMIÈRES ‘1RADUCTIONS. LES ALCHIMISTES. GI Un autre médecin qui nous est donné comme enseignant la médecine, se fit musulman et s’attacha à la personne d'Omar. La science grecque, qui avait déjà séduit Amrou, fit bien- tôt une conquète encore plus importante et plus féconde, celle d’un prétendant au Khalifat, Khaled ben Yezid. La passion de Khaled ne fut pas une admiration stérile. Désirant entrer en possession de la science grecque, il invita les derniers savants qui se trouvaient encore dans Alexandrie à traduire les livres des Grecs en arabe. Mais que ce fut par le fait de ces savants ou par le fait de Khaled, ces traductions qui s'adressèrent aussi aux ouvrages d'astronomie et de mé- decine, embrassèrent plus particulièrement les ouvrages d'alchimie. Ces deux causes furent sans doute en jeu, attendu que nous voyons d’une part celui de ces traducteurs qui nous est désigné nominativement, compter parmi les adeptes de l’art, et que d’autre part nous voyons Khaled provoquer aussi des traductions de la langue du pays, cette terre clas- sique de la science hermétique. L’alchimie, chez les Arabes, est un legs direct et immédiat de l’école d'Alexandrie. Ce sont ses derniers savants qui l'ont importée chez les Arabes où elle produisit des fruits sou- dains et merveilleux. Les études hermétiques marquent le premier éveil de la pensée arabe et ce fut par son côté le plus faible qu’ils ont attaqué la science antique. Chose étrange! nous voyons tout d’abord deux grands personnages appartenant aux familles qui se disputaient Pempire, un Ommaide, un Khalife désigné, Khaled ben Yezid; un Alide, un Imam, Djafar es Sadiq, se passionner pour l’alchimie, et le dernier former comme élève le fameux Géber qui en est resté la plus haute expression. Le cachet original des origines de l’alchimie chez les Arabes n’a pas encore été remarqué. Des noms légèrement altérés dans les traductions latines et qu’un peu d'attention suffisait pour restituer et rétablir à leur place, ont été méconnus. Les créateurs de l’alchimie chez les Arabes ont été rajeunis de trois siècles et transportés bien loin après leurs disciples. C’est ainsi que les historiens de l’alchimie ont méconnu la filiation des faits et sont allés chercher des origines fabu- O2 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE PREMIER. leuses à Byzance, tandis qu’il fallait rester sur le sol d'Alexandrie. Si de telles erreurs se comprennent chez l’auteur de l’A{- chimie et les Alchimistes, elles se comprennent moins chez l’auteur de l'Histoire de la chimie, qui nous a donné de bonnes études sur les alchimistes grecs et qui paraît avoir une porte ouverte sur l’Orient. On sait que l'Egypte est le berceau de l’alchimie et la pa- trie d'Hermès, qui donna son nom à la science. Elle ne cessait d'y être cultivée, au point que Dioclétien en prit ombrage et craignit que les ressources qu’elle pouvait créer ne fournissent des armes à la révolte. Ces traditions se main- tinrent pendant toute la durée de l’école et nous allons les voir représentées par ses derniers savants, qui les transmi- rent aux Arabes. Toujours vivaces, comme nous allons le voir, elles grandi- rent subitement sous l’impulsion de Khaled et atteignirent bientôt leur apogée dans la personne de Géber. ADFAR ET MORIENUS. Voici en résumé ce qu’on lit dans un opuscule intitulé : Liber de composione Alchemiæ, quem edidit Morienus ro- manus Calid regi Ægyptiorum, et qui fut traduit de l'arabe en latin sur la fin du XII: siècle. Il y avait à Alexandrie un philosophe chrétien, du nom d'Adfar, qui avait consacré de longues années à étudier le livre d'Hermès, et dont la renommée s'était répandue jusqu’à Rome. Un jeune romain, du nom de Morienus, en ayant entendu parler, quitta sa famille et se rendit à Alexandrie, où il de- vint le disciple d’Adfar qui lui révéla tous ses secrets. Quel- ques années après, Adfar étant mort, l'Egypte était gouvernée par Macoya, Celui-ci fut remplacé par son fils Gezid, qui le {ut par son fils Calid. Or Calid était un prince passionné pour la science. Il entretenait plusieurs savants et philoso- phes desquels il espérait apprendre la doctrine d’Hermès et ce te ES Ge A D Sd nié ADFAR ET MORIENUS. 63 particulièrement l'explication du livre d’Adfar. Morienus, qui s'était retiré, à la mort d’Adfar, dans un ermitage près de Jérusalem, entendit parler de Calid et vint le trouver à deux reprises. Morienus nous a laissé le récit de son entre- tien avec Calid dans un opuscule qui fait suite au premier. Il nous apprend qu’il se retira dans la solitude quatre années après la mort du; roi Hercule, c’est-à-dire de l’empereur Héraclius, ce qui lui suppose une longue existence. Nous sommes étonné que dans Calid, fils de Gezid, fils de Macoya, les historiens de l’Alchimie n'aient pas reconnu Khaled ben Yezid ben Maouya, et qu'il aient reculé l'existence de Morienus jusqu’au onzième siècle. N’auraient-ils pas dù aussi s'arrêter au nom d’'Héraclius? Quant au nom de roi donné à Calid, bien que Khaled ben Yezid n’ait pas régné, il est possible que, dans le cercle de ses intimes, le titre de Khalife lui ait été donné et que son installation ait été en rapport avec ses espérances. Avant de parler de Khaled, d’après les documents arabes, dégageons d’abord les deux personnalités moins importan- tes d’Adfar et de Morienus. Nous croyons qu’il y a de fortes présomptions pour ad- mettre l'identité, d’Adfar et d’'Ebn Abjar, dont le nom, comme tant d’autres, aura pu être altéré par les traducteurs. Ebn Abjar nous est donné comme professeur à Alexandrie lors de l'invasion arabe. Ne serait-ce point là le savant qui fit faire à Morienus le voyage d'Alexandrie ? Ebn Abjar se fit musulman. Cette apostasie ne serait-elle point un des motifs qui auraient engagé son disciple à se retirer du monde? Quant à Morienus une difficulté se présente. Peut-on le confondre avec le Morienus dont parlent le Fihrist, le Kitab el hokama et l’histoire des médecins, que nous avons vu con- courir à la rédaction des XVI livres de Galien ? Le doute est permis. Ebn Khallican et Hadji Khalfa s'accordent à donner le nom de Mourianous où Marianous à l’initiateur de Khaled dans la science du grand œuvre. Voici ce que dit le premier dans la notice de Khaled : Il apprit l'œuvre d’un moine grec, roumy, du nom de Mou- O4 H'SIOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE PREMIER. rianous, et parmi les trois livres qu'il a composés, l’un deux est consacré au récit de ses relations avec lui. À propos de l’alchimie et de la faible quantité d’élixir ou pierre philosophale nécessaire pour la transmutation des métaux, Hadji Khalfa cite un mot de Morienus, maître de Khaled ben Yezid. Au n° 12,698, il cite un livre d’alchimie composé par Morienus pareillement qualifié de maître de Khaled. Les écrits de Morienus ont été traduits en latin en 1182, dit Lenglet Dufresnoy, dans l’histoire de la philosophie her- métique, par Robert Castrensis, que M. Jourdain, dans ses Recherches sur les traductions d’Aristote, pense être le même que Robert de Retines. Nous ne savons pour quelle raison M. Hoefer a traduit par Robert de Chartres. M. Jourdain pense que la traduction de Khaled est du même auteur. Nous avons vu Étienne d'Alexandrie figurer parmi les médecins qui rédigèrent les XVI livres de Galien. Cet Étienne ne nous paraît pas pouvoir être différent de celui qui, d’une part, nous a laissé des ouvrages d’alchimie en grec, et de l’autre nous est donné par les Arabes comme ayant traduit du grec en arabe des ouvrages d’alchimie pour Khaled ben Yezid, bien que l'identité ne soit pas littérale- ment formulée. ÉTIENNE D’ALEXANDRIE OU L'ANCIEN ET KHALED BEN YEZID. Le rédacteur des XVI livres est dit Étienne d'Alexandrie ; de même aussi l’auteur des ouvrages d’alchimie qui nous sont parvenus sous ce nom. Les Arabes l’appellent K Étienne l'Ancien, pour le distinguer d'Étienne, fils de Basile, qui fut aussi traducteur, notamment de Dioscorides, mais qui vécut au moins un siècle plus tard. Étienne l'Ancien figure en tête de la liste des traduc- teurs donnée dans le Fihrist, avec cette mention : « Il tra- duisit pour Khaled ben Yezid des ouvrages d’alchimie et d’autres matières. » Ce fait qui donne de l'importance à Étienne n’en a pas moins été méconnu par Wenrich. Ce fait a aussi son importance historique. Ter Di ‘hits dE de é le tar, es à 5 0. _ ÊTIENNE L'ALEXANDRIE ET KHALED LEN YÉZID. 63 Il prouve que les traductions du grec en arabe commen- cèrent beaucoup plus tôt qu’on ne le croit généralement. Un autre passage du Fihrist est plus explicite. I1 y est dit que Khaled ben Yezid fut le premier pour lequel on traduisit des livres de médecine, d'astronomie et d’alchimie. Ailleurs il est dit que ces traductions portèrent sur les livres grecs et coptes ou égyptiens. Étienne fut le principal agent de ces traductions et c’est le seul dont le nom nous ait été conservé. - Nous lisons dans Hadji Khalfa qu'Étienne le grec, d’A- lexandrie, traduisit aussi la Logique et les Catégories d’A- ristote. Il nous est resté d'Étienne des ouvrages d’alchimie, les _ uns en manuscrits grecs et les autres en traductions la- E -tines +” Déjà Vanderlinden (De scriptis medicis, liber primus, 435) en signalait un à Leyde sous le titre : De divina et sacra arte chrysopæe. Ce manuscrit est sans doute le mème qui se trouve à Pa- ris dans les n°° 2275, 2325, 27 et 29 du fonds grec de la Bi- bliothèque nationale. Dans le n° 2275 cet opuscule commence au verso du f 21 et finit au verso du f 55. Il est suivi d’un traité de chimie de Zozyme avec figures. Tel est le titre latin donné par le cata- …._ Jogue: 6° Stephani philosophici œcumenici de divina et sa- “— cra arte auri conficiendi lectiones novem ad imperatorem à … Dicta Stephani. | 4 Heraclium, Étienne figure sous forme de traduction latine dans la Bi- __ bliothèque chimique de Manget. Ainsi, à la page 472, du l É _ premier volume, on lit: Questio Herculis regis à Stephano ë # alexandro. Puisque tu es le prince des philosophes de notre * temps, dit Héraclius à Étienne, que penses-tu de l'or, du 4 cuivre, du mercure, du plomb, du fer, etc ? Les réponses sont É courtes et substantielles. … Les mots: Herculis regis, nous font supposer que la tra- …_ duction s’est faite de l'arabe. Plus loin nous trouvons eucore une page sous le titre: e ”) CAR GG HISTOIRE DE IA MÉDECINE ARABE. — LIVRE PREMIER. Khaled ben Yézid ben Moaouyah, par la haute fortune qui l’attendait et qui lui fut ravie, ce dont il se consola noble- blement, est une des figures les plus originales et les plus intéressantes de l’histoire. Son père, le Khalife Yézid, mourut en 683, âgé de moins de quarante ans. Moaouyah IT, frère de Khaled, recueillit - l'héritage paternel et nevécut que quelques mois. Khaled eut bien quelques partisans, mais Mérouan finit par être procla- mé Khalife, Khaled ayant été trouvé trop jeune, à la condi- tion toutefois qu’il succéderait immédiatement à Mérouan. À défaut de date nous voyons approximativement jusqu'où doit remonter la naissance de Khaled: il devait avoir alors ‘de quinze à vingt ans. Cependant Mérouan oublia sa pro- messe et désigna son fils Abd el Malek pour lui succéder. Khaled en fit des reproches à Mérouan, qui avait épousé sa mère à son avénement au trône. Mérouan s’oublia jusqu'à traiter Khaled de bâtard. Khaled irrité rapporta ce propos à sa mère qui se vengea en donnant du poison à Mérouan, ou selon d'autres, en l’étouffant sous des coussins pendant son sommeil. Mérouan avait régné moins d’une année. Khaled renonça dès lors au pouvoir et consacra les vingt années qu'il survécut, sa mort étant arrivée en 704, à encourager les savants et cultiver la science et particulièrement l’alchimie. Un homme qui fut un éminent historien, mais qui vécut à une époque de décadence et dans les contrées les moins éclairées de l’islamisme, qui mena du reste une vie trop agi- tée pour être un érudit, Ebn Khaldoun a contesté que Khaled ben Yezid ait cultivé la science hermétique. On attribue, dit- il, certains procédés de l’art et certains dictons qui s’y rap- portent a Khaled ben Yezid ben Moaouyÿah, beau-fils de Me- rouan, mais comme nous savons parfaitement bien que Khaled était de la race arabe bédouine et que la civilisation de la vie nomade lui était bien plus sympathique, il a dû ignorer complétement les sciences et les arts. (1) Nous ne comprenons pas le raisonnement d’'Ebn Khaldoun, (1) Prolégomènes, traduits par M. De Slane: Notices et Extraits, XXI, 207. MR re ÉTIENNE D'ALEXANDRIE ET KHALED BEN YÉZID. 67 qui est la négation de la liberté et de la spontanéité humaine, que l’on constate chez les races aussi bien que chez les individus. Nous ne comprenons pas davantage certains écrivains mo- dernes, qui ont pour habitude de caractériser les races par les faits de leur enfance, sans tenir compte de leurs évolu- tions ultimes ; qui prétendent qu’un artiste, un poète doi- vent fatalement reproduire, comme un photographe, le mi- _ lieu dans lequel ils vivent et grandissent. Mais n'est-ce pas, aujourd’hui surtout, un fait général que l’ascension sponta- À née des individus à des sphères plus élevées ? Ne voit-on pas tous les jours des familles d'artistes et de savants s’éteindre, : tandis que d’autres montent et s’épanouissent ? Sur le ter- - rain de la médecine, ne voyons-nous pas aujourd’hui la plu- part de nos grands maîtres sortir de la pauvreté et arriver : par le travail à une vieillesse florissante et glorieuse ? Nous : insistons d'autant plus volontiers qu’on a dit trop souvent _ que les Arabes n'avaient pas le génie scientifique, comme . s’il ne fallait pas pour les juger embrasser la plénitude de ._ leur existence et de leurs manifestations, au lieu de se bor- _ ner à une phase de leur enfance. ._ Ebn Khaldoun ajoute : On n’avait encore publié ni même _ traduit les écrits laissés par les savants qui s'étaient adonnés À à la culture des sciences telles que la physique et la mé- - Ebn Khaldoun fait ici preuve d’ignorance, mais on est * encore plus étonné de lire quelques pages plus loin les li- … gnes suivantes: La philosophie est une science vaine en … elle-même et nuisible dans son application. “ Aux assertions téméraires d’un historien du XIV* siècle, - nous allons opposer le témoignage formel d’un auteur com- … pétent et plus rapproché des faits, car il vivait au X° siècle. … Cet homme est l’auteur du Fihrist, assez explicite sur Khaled ben Yézid. Il en parle à plusieurs reprises. Et d’abord : Kha- « led ben Yezid, appelé le philosophe des Mérouanides, était ur homme distingué, ami des sciences et cultivant le grand art. Il réunit les savants grecs restés en Egypte et leur fit Draduire les ouvrages d’alchimie du grec et du copte en 68 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, —— LIVRE PREMIER, arabe, « et ce furent là les premières traductions d’une lan- que dans une autre qui se firent dans l'Islam. » Et ailleurs : Le premier qui fit traduire les anciens ouvra- ges d’alchimie fut Khaled ben Yezid. C'était un homme élo- quent, poète, intelligent et judicieux. Ce fut le premier pour lequel on fit des traductions de livres de médecine, d'astronomie et d’alchimie. On rapporte qu’on lui fit cette observation : Qu’avais-tu à faire de t’'occuper d’alchimie? Ce à quoi il répondit: J’espérais le Khalifat et on me l’a enle- vé. 11 ne me reste que le grand œuvre pour être utile à mes frères et à mes amis. J'ai vu, dit Mohammed ben Ishaq, quatre livres de Kha- led, la grande et la petite feuille, ses conseils à son fils, plus un autre (dont le titre est illisible). Il écrivit aussi des poésies sur l’art et j’en ai vu environ cinq cents feuilles. Nous avons déjà vu que Mohammed place en tête des tra- ducteurs Étienne, et il ajoute: Ce fut lui qui traduisit pour Khaled ben Yézid des ouvrages d’alchimie et d’autres ma- tières. Ebn Khallican dit que Khaled était savant dans la méde- cine et dans l’alchimie et qu’il écrivit sur ces deux scien- ces, Il fut instruit dans l’art par le moine grec Marianous, et de ses trois écrits l’un est consacré à reproduire ses rap- | ports avec Marianous. Je pourrais en dire plus long, ajoute | Ebn Khallican, mais ce n’est pas le lieu. | Le récit de l'entretien de Khaled avec le moine Marianous est cité dans Hadji Khalfa, sous le n° 12,698. Hadji Khalfa cite au n° 10,133, un autre livre de Khaled, : intitulé le livre de la Miséricorde, divisé en quatre parties :. De la connaissance des peines, des poids, du régime, des. propriétés. On trouve encore au n° 7114, le livre de l’Art ad-. mirable sur l’explication des secrets de l’alchimie. ; Enfin, sous le n° 9016, nous trouvons la mention du Para- dis de sagesse, poème hermétique de Khaled ben Yézid, Le prince philosophe, qui ne contient pas moins de 2315 vers. « Le Divan de Khaled existe à la Bibliothèque de Béchi Kislar Aga. Hadji Khalfa, VIT, p. 205. { Il nous reste de Khaled trois livres en traduction latine LAURE A :. k «44 A : ï _ DJAFAR ESSADIQ, 69 Le livre des secrets, le livre des trois paroles, son entretien avec Morien. Le livre des secrets est un petit traité méthodique et subs- tantiel, divisé en 16 chapitres. On y trouve une citation de Géber, qui ne saurait être qu’une interpolation. Ces opuscules se trouvent dans les recueils hermétiques, et quelquefois imprimés à part et même traduits en français. Terminons par une dernière citation de Hadji Khalfa, V. 286: Le premier, dans l'Islam, qui s’occupa de la science chimique, en composa des livres, donna la composition de l'élixir et étudia les livres de philosophie fut Khaled ben Yézid, et le premier après lui qui s’illustra dans cette science fut Géber, qui la tenait de l’imam Djafar Essadiq. DJAFAR ESSADIQ. » Nous venons de voir un Ommiade se consoler de la perte d’un trône par la culture de la science, nous allons lui trou- ver un émule dans la famille rivale des Alides, dans son chef spirituel le sixième des Imams. Djafar, dit Essadiq ou le Véridique, naquit en l’année 699, cinq ans avant la mort de Khaled. On lui offrit l'empire qu'il refusa, se contentant de l’imamat. Il nous est donné comme ayant écrit sur l’alchimie, mais nous n'avons ren- contré aucun ouvrage SOUS SON nom. Toutefois on le trouve assez fréquemment cité comme au- torité dans les ouvrages hermétiques, et il est bien établi _ qu’il eût pour disciple le fameux Géber. On à prétendu, mais à tort, que le maître de Géber était Djafar le Barmécide. Nous avons la preuve du contraire. Il existe à la bibliothèque de Paris un manuscrit sous le nom de Géber, coté n° 1080 du supplément. Géber le cite souvent et quelquefois comme son maître, oustady. Djafar est surtout connu par des écrits relatifs à la divina- _ tion, dont plusieurs nous sont parvenus et se trouvent dans les collections orientales. Hadji Khalfa en a mentionné une dizaine. 70 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE PREMIER. L'un d'eux est le traité des convulsions, ikhtiladj, d'après lesquelles on devine l'avenir. Il est fréquemment cité dans un ouvrage de ce genre de la bibliothèque de Paris, n° 1068, ancien fonds. D’autres ont trait aux songes, à l'emploi magique des let- tres, à la géomancie. Le plus connu est celui qui porte le nom de Djefr, ou de petite Djefr, car la grande Djefr est l’œuvre d’Ali, qui la reçut par révélation. Elle fut écrite sur une peau de cha- meau, d’où lui vint son nom. La petite n’en est qu’un abrégé fait par Djafar. La Djefr contient les destinées de l’isla- misme. D’Herbelot rapporte qu'Abou Hanifa, quand il se pré- sentait devant Djafar était saisi d’un plus grand respect que quand il se présentait devant le Khalife Almansour. Djafar mourut en 765. En résumé, s’il nous intéresse par sa haute position etses écrits, il nous intéresse surtout ici pour avoir été le maître de Géber. Ajoutons qu'Ebn Khallican lui attribue cinq cents opus- cules et lui donne pour disciple Géber. GÉBER. Si le nom de Géber est bien connu, son existence l’est beaucoup moins. Tels sont les noms qu'il porte dans le Fihrist, le plus an- cien document dans lequel nous l’ayons trouvé mentionné, en même temps que le plus explicite : Abou Abd Allah Djaber ben Hayân ben Abdallah el Koufy, surnommé Essoufy. (1) Nous lui trouvons ailleurs, notamment dans Hadji Khalfa, les surnoms de Thoussy, Tharsoussy et même Magrerby, ce qui impliquerait, sinon l’origine, du moins le séjour à Thous, à Tarse, dans le Magreb. Le dernier surnom se trouve deux fois dans Hadji Khalfa, mais il nous paraît sus- pect. D’après le Fihrist l'opinion commune est qu'il était origi- (1) ILest dit aussi Abou Moussa, du nom d’un autre fils. GÈBER. 71 naire de Koufa, et qu’il y passa la plus grande partie de son existence. Toutefois le Fihrist n’ignore pas qu'on le fait naître à Thous et il rapporte un propos de Razès favorable à cette opinion. Le Kitab el hokama ne lui donne que les deux surnoms de Koufy et de Soufy. Ebn Khallican, dans la vie de Djafar ajoute Tharsoussy. Le surnom de Soufy a trait à la doctrine du Soufisme, dont il était un adepte. Nous ignorons la date de sa naissance, mais ses relations avec l’imam Djafar nous prouvent qu'il dut naître vers le commencement du VIIE siècle. Hadji Khalfa le fait mourir en l’année 776, date que nous avons en vain cherchée ail- leurs, mais qui nous paraît vraisemblable. Nous avons déjà dit que dans Djafar d’aucuns avaient voulu voir Djafar le Barmécide, et que cette hypothèse était infirmée par ce que nous lisons dans les écrits de Géber. Nous ajouterons que cette hypothèse est aussi rappelée mais combattue par l’au- teur du Fihrist, et quele Kitab el hokama, dans la notice de Djafar Essadiq, lui donne pour élève Géber. Il est vrai que l'on trouve dans la liste bibliographique donnée par le Fihrist un livre dédié à Djafar ben Jahya le Barmécide, qui mourut en 802 à l’âge de 38 ans. Au cas où cette dédicace serait authentique et non une interpolation, il faudrait peut- être reculer de quelques années la mort de Géber. Léon l’Africain a consacré quelques lignes à Géber, à pro- pos de la ville de Fez, où de son temps florissait encore l’alchimie : « Habent autem ejus artis multa opuscula à doctis viris conscripta, inter quos potiorem iocum habet Geber, qui centum annis post Mahumetem vixit, quem natione grœcum aiunt fidem abjurasse. » (1) On est allé souvent prendre des renseignements sur Gé- ber dans ce passage de Léon l’Africain : c’est la seule raison qui nous l’ait fait reproduire. On a dit que Géber passait sa vie en voyages, craignant pour ses jours. L'auteur du Fihrist dit qu’il tient d'un adepte de confiance, que Géber résidait surtout à Koufa et (1) 3. Leonis Africani descriptionis Africæ, liber IIT, folio 136, verso, Romæ, Anno restitutæ salutis M.D.XXVI. V. Idus Mart. 2 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE PREMIER. que du temps d’Azzeddoula on trouva dans cette ville, à l’endroit où se trouvait la maison de Géber un mortier con- tenant deux cents livres d’or. Il rapporte aussi que les écri- vains de son temps étaient en désaccord au sujet de Géber et de son origine, et que d’aucuns affirmaient que le seul au- thentique de ses livres était le livre de la Miséricorde. . Mohammed ben Ishaq n’ajoute pas foi à ces dires. IL voit dans Géber un homme laborieux et qui a couvert deux mille pages de ses écrits. Il rapporte aussi que les Sabiens le con- sidéraient comme un des leurs, et d'Herbelot croit qu’ilpro- fessait le Sabisme. Géber écrivit beaucoup. Il y avait deux catalogues de ses écrits, le grand contenant toutes ses œuvres, et le petit ne contenant que les écrits relatifs à l’alchimie. J’en ferai le recensement, dit l’auteur du Fihrist, tant d’après ce que j'ai vu que d’après le témoignage de personnes qui ont vu les autres. Cette liste se monte à plus de deux cents titres d’ou- vrages. À la fin, nous trouvons cité Géber lui-même qui dit avoir produit des quantités fabuleuses d’écrits sur la philo- sophie, les arts, la médecine, l’astronomie, etc. Nous nous en tiendrons aux livres dont nous avons les ti- tres. Ils ont trait non-seulement à l’alchimie, mais encore à la divination, à l'interprétation des songes, à la prestidig'ita- tion, à l'astronomie, à l’histoire naturelle, à la philosophie, à l'anatomie, à la médecine. Il est une série de Corrections de Pythagore, de Socrate, de Platon, d’Aristote, de Démocrite, etc. On y remarque dix livres suivant les doctrines de Balinas, l’homme aux talis- mans, dont nous avons établi l'identité avec Apollonius de Tyane. On y voit cités des commentaires sur Euclides et l’Almageste. : Sans doute, ces écrits sont d’une authenticité douteuse. Cependant il ne faut pas les nier formellement. D'une part, nous savons que Khaled fit traduire, outre les ouvrages her- métiques, des ouvrages d'astronomie et de médecine. D’au- tre part, dans les écrits qui nous sont restés, on trouve un traité de l’astrolabe attribué à Géber. Il n’est pas admissi- ble que ce dernier écrit fût l’œuvre d’un astronome espa- FU Je NE De D LES re NET PATTES 7 PR UT TT y GÉBER. io gnol, Djaber ben Aflah, l'existence de cet écrit ayant été constatée à Alexandrie, d’après le Kitab el hokama, comme étant de Djaber ben Hayan. Ce qui est incontestable, c’est que des livres d’astronomie et de médecine furent traduits antérieurement à Géber par ordre de Khaled ben Yézid. Il y a plus. Quand même le fait de ces traductions ne nous serait acquis, nous n’en devrions pas moins admettre que Géber eut à sa disposition des tra- ductions du grec, quelle qu’en fùt la provenance. En effet, rien ne nous autorise à supposer que Géber ait pu lire les savants grecs dans leur langue originale. Il y eut nécessairement avant Géber des traductions du grec en circulation : seulement nous ignorons sur quel au- teur en particulier elles ont porté. Le peu de manuscrits arabes qui nous reste de Géber n’a pas encore été compléte- ment étudié; peut-être que l'avenir nous réserve là-dessus de nouvelles lumières. Nous n'avons jamais eu l'intention de faire une étude complète et critique sur Géber, nous n’en avons ni le temps ni les moyens. Nous avons voulu seulement tirer des docu- ments jusqu'alors inexplorés une somme de renseignements suffisants pour donner de la consistance à la biographie de Géber, qui, jusqu'à présent, du moins dans les écrits que nous avons pu consulter, était vraiment dérisoire. On a droit de s'étonner en lisant ces mots dans l'Histoire de la chimie : « Yeber ou Géber. Son père s'appelait Moussa et il avait un fils nommé Haygan. (1) » On doit aussi consi- dérer comme du roman ce qui est dit de Géber dans l’His- toire des savants du moyen-âge de M. Figuier. Ce qui est Surtout inexact, c'est que Géber ait professé à Édesse. A l'époque de Géber, l’école d'Édesse n'existait plus depuis longtemps. (2) Nous dirons quelques mots des écrits de Géber qui nous sont restés. Et d’abord jetons un coup-d'œil sur ceux dont parle Hadhji (1) Deuxième édition, page 326. (2) Voyez Assemani, 74 HISTOIRE DE LA MÉDEUINE ARABE. - + LIVRE PREMIER. Khalfa, qu'on peut espérer retrouver quelque jour, s’il est vrai, comme le pense M. Mohl, que Hadji Khalfa n’ait consi- gné que les ouvrages existants. Il en cite une vingtaine, dont la majeure partie est con- sacrée à l’alchimie, considérée dans son ensemble ou dans ses détails. Le Kitab el Khalis, inscrit sous le n° 1083, nous paraît être l'original du Summa perfectionis, dont nous parlerons tout à l'heure. Le livre de La Miséricorde (qui se trouve en arabe à Paris) est inscrit sous le n° 10,133. . À propos du livre des Cinq Cents nous lisons: Ordinaire- ment les médecins résument l'esprit de leurs publications dans un écrit particulier qui sert comme d'introduction à leur doctrine: c’est ainsi que Géber recommande le livre intitulé les Cinq Cents. Nous trouvons aussi des écrits sur les minéraux, les pier- res, un livre des Propriétés, un appendice à un traité de l’as- trolabe ; enfin dans un autre il est question de la métaphysi- que de Géber. La Bibliothèque de Paris possède quelques manuscrits de Géber. Nous avons examiné l’un d’eux, inscrit sous le n° 1080, supplément. Ce volume, de 160 feuilles, contient vingt-et-un opuscules, parmi lesquels le livre de la Miséricorde, Xitab errahkma, qui commence à la feuille 138. La plupart de ces opuscules traitent des différents métaux, l'or, l'argent, le cuivre, le fer, le plomb, etc. À propos de l’étain, f 44, nous lisons: On rapporte ce mé- tal à Jupiter, appelé chez les Grecs et les Romains Zeus et chez les Persans Bardijis. L'imam Djafar est souvent invoqué ou cité comme son maître et même quelques chapitres sont donnés comme tirés de ses écrits. A propos de livre du Serment ou du Testament, Kitabel Ahed, nous lisons : Quand Djafar eut composé ce livre il me dit : O Djeber, j'ai découvert le secret de Dieu. es OO DT EU PIS EE ON TP PT ET NS GÉBER. 75 Ce qui nous intéresse surtout dans ce livre ce sont des passages relatifs à la médecine. Cette médecine est celle de Galien, qui est cité une fois, pour l'influence du physique sur le moral. Toute chose, dit Géber, a son opposé, qui est son antago- niste. Ainsi le chaud est l’opposé du froid, et le sec de l’hu- mide. Ainsi la bile est l'opposé de la pituite et le sang de l’a- trabile. Il y a de même opposition entre les éléments du remède et ceux de la maladie. Ainsi contre les affections biliaires on opposera les courges, le petit lait, le mucilage de psyl- lium ; contre les maladies du sang les substances froides et sèches telles que la Thabachir (concrétions du bambou), le vinaigre, les grenades ; contre les affections atrabilaires l’o- gnon, la roquette, l’eau miellée ; contre les affections pitui- taires, le castoreum, l’opopanax, l’asa fætida, etc. Géber donne de longs détails sur les diverses variétés de céphalalg'ie, parmi lesquelles il compte celle qui provient de l'abus du vin. La cadmie et la tuthie sont indiquées comme employées en collyres. A côté de Galien, nous voyons cités Socrate, Platon, Aris- tote, Porphyre, Andromaque, Osthanes, etc. Nous relève- rons la citation de Mahraris l’Indien, qui accuse des rela- tions avec l'Inde. Des ouvrages traduits et imprimés, le plus connu et le plus important est la Somme de perfection du Magistère, qui est un traité général de la matière. (1) Tel est son début: Toute notre science de la transmutation des métaux que nous avons extraite des livres des anciens philosophes et répandue dans nos divers écrits, nous en donnons ici l’abrégé. La Somme de perfection est en quelque sorte la philoso- phie de la science hermétique. Géber commence par établir là réalité de la science et réfute ses détracteurs. Si l’on nous objecte, dit-il, que l'espèce ne se transforme pas en une autre (1) Gebri Arabis Chimia, sive Traditio summæ perfectionis..., à Caspare Hornio, Lugdumi Batavorum 1668, petit in-12. 76 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE PREMIER. espèce, nous répondrons que c’est un mensonge. Ne voit-on pas un verse transformer en mouche et le froment en ivraie ? Ce n’est pas nous qui agissons, mais la nature dont nous sommes les serviteurs. Ce n’est donc pas nous qui transfor- mons les métaux, mais la nature, à laquelle, par un art ingé- nieux, nous aidons, préparant la matière et les moyens, car c'est toujours elle qui agit et nous ne faisons que la se- conder. (1) Il exige des adeptes des qualités et des ressources et il les met en garde contre de vaines espérances. Cette science, dit- il, ne convient pas aux pauvres; elle leur est plutôt con- traire. Ces conseils furent rarement écoutés. Hadji Khalfa cite cette imprécation, sous forme de jeu de mots, d’un adepte qui, sans doute, ne put réussir à faire de l'or: « Voilà l’homme qui a trompé les anciens et les modernes. O Géber, tu n’es qu’un casseur et non un réducteur (Djabir.) » La Somme de perfection est ordinairement suivie du petit traité de l’Investigation du Magistère. La Somme à été tra- duite en français par Salmon. Il n’est pas dans notre sujet d'entrer dans le détail des œu- vres de Géber. Pour leur ensemble et leurs éditions on peut consulter l’histoire de la philosophie hermétique. Ils font naturelle- ment partie de tous les recueils d’alchimie. On peut en lire des extraits dans l’histoire de la chimie par M. Hoefer. Le caractère de Géber et de ses écrits y est bien apprécié et nous sommes de son avis quand il dit que Géber est pour l’histoire de la chimie, ce qu'Hippocrate est pour l’histoire de la médecine. En somme Géber est une des plus grandes figures du moyen-âge. Nul homme de son temps n’embrassa un aussi vaste horizon, mais il concentra son regard sur un domaine dont il est resté le souverain. Ce qui le frappa, ce sont les transformations que subissent les corps par leur action réci- proque. S'il se trompadans l'interprétation de ces faits, il eut (1) Page 33. LES TRADUCTIONS ET LES MÉDECINE. Ai surtout le mérite de susciter pendant de longs siècles une phalange de disciples fervents dont les travaux ininterrom- pus préparèrent l’avènement de la science moderne. Nous parlerons plus tard des disciples de Géber. II. — LES TRADUCTIONS ET LES MÉDECINS SOUS LES OMMIADES. Nous avons déjà vu que des ouvrages de médecine figu- rèrent dans le nombre des traductions commandées par Khaled ben Yézid. Nous savons encore que ces traductions durent être connues de Géber et embrasser un large ensem- ble de connaissances. Seulement, nous ignorons sur quels auteurs en particulier elles ont porté. Il n’en est pas moins acquis qu'un travail d'infiltration scientifique se faisait à tra- vers les Arabes. Nous allons enfin mettre le doigt sur la traduction d'un livre dont l’auteur nous est connu, et même nous remarque- rons que la traduction de ce livre en langue arabe se fit sous la recommandation d’un Khalife. En même temps nous constaterons la présence d’un cer- tain nombre de médecins parmi les Arabes. IL est vrai que ce ne sont encore que des étrangers à leur service. Ce n’en est pas moins une préparation au grand évènement de l'i- nitiation des Arabes à la science, qui marqua la fin du VIIT* siècle et remplit le IX°. Ce chapitre se divisera donc A mr A en deux para- graphes : les traductions et les médecins. AHROUN, DJASIOUS ET MASSERDJOUIH. De ces trois noms de médecins, le premier est l’auteur d’un livre que les deux autres ont successivement traduit du grec en syriaque et du syriaque en arabe. Ahroun el quass ou le Prêtre, dit aussi Ahroun fils d’Ayan, est vulgairement connu sous le nom d’Aaron. Nos histo- 78 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. = LIVRE PREMIER. riens, Mohammed ben Ishaq en tête, nous apprennent qu’il vivait au commencement de l’islamisme. Il composa un compendium de médecine, en syriaque, di- sent-ils et Masserdjouih le traduisit en arabe. Il y a là un mot à rectifier. Nous lisons dans Assemani qu’Aaron n’était pas syrien, et que Gosius d'Alexandrie fit passer son traité de médecine du grec en syriaque. Aboulfarage a, suivant son habitude, reproduit ce passage, Dans l'édition qu’en a donné Pococke, on lit que la traduc- tion et la continuation en fut faite par Sergius, erreur que nous aurons tout à l’heure à redresser, et qui a été adoptée par Sprengel et par Wüstenfeld. - Ahroun ne nous est connu personnellement que par les quelques renseignements donnés par les médecins arabes. Son livre ne nous est pas parvenu, et nous ne le connais- sons que par les nombreux emprunts que lui a faits Razès dans le Continent. On peut lire dans Sprengel un choix de ‘ ces citations. Nous trouvons dans le Maleky d’Ali ben el Abbas un ju- gement porté sur le livre d’Ahroun. C’est à propos des motifs qui l'ont engagé à composer le Maleky. Ali met en avant l'insuffisance et les défauts des écrits de ses devanciers. Ce passage n’est pas identique dans la traduction latine et dans les Mss. de Paris et de l’Escurial que nous avons consultés. « Quant aux modernes, dit Ali, Ahroun a fait un livre où il traite de toutes les maladies, de leurs causes, de leurs symp- tômes et de leur traitement. Mais il est trop concis. D’ail- leurs la traduction en est mauvaise et peut égarer le lec- teur, surtout celui qui ne possède pas la traduction de Ho- nein. » La traduction latine ajoute à ces reproches d’avoir été trop bref sur les choses naturelles et non naturelles et de ne pas s'être occupé de l'hygiène et de la chirurgie, Relevons en passant une erreur de la traduction latine qui dans Honein a vu Jean, ce qui l’a fait tomber dans un con- tre-sens,. Quelle que soit la valeur de ces reproches, on peut dire cependant que c’est déjà un honneur pour Ahroun, d’avoir figuré parmi les grands médecins, passés en revue par Ali, sn hatidiéhder dé de SL ed or dd à pal ele disons dde aute cé nd à d | 1 5 4 3 DSC RER PATES EE ER AE TEE RER REP, a LE où ét Lt + AHROUN, DJASIOUS ET MASSERDJOUIH. 79 dont les écrits pêchent soit pour n'avoir pas embrassé la to- talité de la médecine, soit pour en avoir négligé certaines parties. Le compendium ou Pandectes d’Ahroun, était primitive- ment divisé en trente livres. Il fut, comme nous l’avons déjà dit, traduit du grec en syriaque par Gosius. Nous ne croyons pas qu’il soit possible de voir dans Go- sius un autre personnage que Djasious qui nous est déjà connu comme un des derniers médecins d'Alexandrie, qui concourut à la rédaction des seize livres extraits des œuvres de Galien, qui en fit d'excellents commentaires, et qui fut nécessairement contemporain d'Ahroun. On ne saurait le confondre avec ce Gésius, dont parle Suidas, qui fut antérieur d’un siècle, attendu qu’il vivait sous Zénon. Gésius, dit Suidas, était originaire de Pétra. Il s’ac- quit un grand renom, tant par son habileté dans la pratique médicale, que par l’ensemble de ses connaissances. En somme tout concourt pour nous faire voir un seul et même personnage dans Djasious, le rédacteur des seize livres et dans Gosius le traducteur des Pandectes d’Ahroun. Honein écrivit un livre dont tel est le titre : Solution des doutes élevés par Djasious d'Alexandrie sur le livre des Or- ganes souffrants de Galien. Voici la première traduction arabe sur laquelle nous ayons des renseignements précis. Elle fut l'œuvre d’un juif de Bassora, généralement con- nu sous le nom de Masserdjouih, mais qui porte aussi celui de Masserdjis, et c’est même sous ce nom qu'il est inscrit dans le Fihrist, Il traduisit, dit le Fihrist, du syriaque en arabe, et il composa deux écrits, sur les aliments et sur les médicaments, leur utilité et leurs inconvénients. Sous la ru- brique Ahroun, le Fihrist dit que son livre, divisé en trente chapitres, fut traduit par Masserdjis, qui en ajouta deux nouveaux. Cette dualité de noms a fait tomber dans une confusion que nous allons éclaircir. On eût pu l’éviter en recourant au Kitab el hokama, qui inscrit ce médecin sous le nom de 80 HISTOIRE DE LA MÉDECINE AKABE. — LIVRE PREMIER. Masserdjouih, mais ajoute qu’on l’appelle aussi Masserdjis. Malheureusementle Kitab el hokama n’a été connu que tout récemment et Wüstenfeld lui-même l’a complètement laissé de côté, pour, recourir suivant l’usage aux Dynasties d’A- boulfarage. ; On lit dans Aboulfarage, à l’article Ahroun, que ses Pan- . dectes se rencontrent en syriaque, divisés en trente chapitres et que Sergius en ajouta deux nouveaux. D'autre part, on lit à l’article Masserdjouih que ce médecin juif connaissait le syriaque et traduisit les Pandectes d’Ahroun en arabe, sous le règne de Mérouan, et cela sous l'autorité d'Ebn Djoldjol. (1) Ces deux passages ont mis Wüstenfeld dans l'embarras. Il comprenait bien qu’il était difficile d'attribuer la traduction des Pandectes à Sergius de Ras el aïn, contemporain de Jus- tinien, (outre qu’une traduction en langue arabe ne saurait être raisonnablement admise à cette époque). Voici comme il lève la difficulté. Il admet d’un côté qu’Ahroun pourrait bien avoir été contemporain de Sergius, et de l’autre il attri- bue les deux chapitres surnuméraires à Sergius et la tra- duction à Masserdjouih. Cette confusion tient donc à la double forme du nom de notre traducteur. Elle eût été évitée si l’on eût lu dans Aboulfarage Masserdjis, au lieu de Serdjis, et nous croyons pour notre part que c’est une restitution de texte à faire. Une autre difficulté se présente, celle de l’époque où cette traduction fut opérée. Cette difficulté provient d’une diver- gence dans les témoignages de Djemaleddin, l’auteur du Kitab el hokama, et de l'historien espagnol Ebn Djoldjol, cités par Djemaleddin, par Ebn Abi Ossaïbiah, et par Aboul- farage. Djemaleddin dit d’abord que Masserdjouih vivait du temps d’Omar ben Abdelaziz. Il rapporte ensuite le témoignage d’'Ebn Djoldjol, suivant lequel Masserdjouih fut chargé du temps de Mérouan de traduire en arabe le livre d’Ahroun. (1) Relevons en passant l'erreur de Sprengel qui ne fait qu'un seul personnage du juif Masserdjouih et d’Ebn Djoldjol, de Bassora. Il. 300. MASSERDJOUIH. SI La première assertion est personnelle à Djemaleddin. Quant à la seconde, il ne la donne que comme l'opinion d’Ebn Djoldjol. Nous croyons devoir nous en tenir à la première, qui nous paraît plus en rapportavec le caractère d’Omar ben Abd el Aziz qu’avecceluide Mérouan. Ainsi la traduction, au lieu d’avoir été faite dans les dernières années du VIT: siècle, serait reportée au commencement du VII. (1) Nous avons vu précédemment dans le passage cité d’Ali ben el Abbas que Honein avait fait une traduction du même ouvrage. Ebn Abi Ossaïbiah ne s’accorde pas complétement sur les écrits de Masserdjouih avec le Fibrist. Il lui attribue un compendium de médecine, un traité sur les aliments et un traité sur l'œil. Il fait remarquer de plus que c’est lui qui est désigné dans le Continent de Razès sous le nom de juif, El Thoudy. Ces citations du Continent sont souvent défigurées dans la traduction latine. Masserdjouih est encore cité un grand nombre de fois dans Ebn el Beithär, ce qui atteste une certaine valeur. Nous ne reviendrons pas iei sur un fait qui donne de l’im- portance à Haroun, la première mention de la variole, ayant déjà parlé précédemment de la première invasion de cette épidémie. Masserdjouih eut un fils appelé généralement Issa ben Masserdjis, qui fut aussi médecin et écrivit deux ouvrages, l’un sur les couleurs et l’autre sur les odeurs et les saveurs. Son nom figure parmi les traducteurs et on nous dit qu'il marcha sur les traces de son père ; mais nous ignorons quels - ouvrages il a traduits. (1) On peut invoquer aussi à l'appui de notre manière de voir, la place occupée par Masserdjouih dans les listes d'Ebn Abi Ossaïbiah, après Sabour ben Sahl. 82 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE PKEMIER, LES MEDECINS SOUS LES OMMIADES. SIMÉON-LE-MOINE. Aboulfarage et Ebn Abi Ossaïbiah parlent de Siméon, Chemaoun, moine syrien, comme d’un habile médecin. Il reçut le surnom de T'aïbouta, du nom d’un livre qu'il com- posa, et vivait sur la fin du VII siècle. Nons pensons que c’est à lui que se rapportent les citations du Continent. THÉODOCUS ET THÉODUNUS. Nous croyons que ces deux noms ne représentent réelle- ment qu'un seul et même personnage. Il n’est question que de Théodocus, Tiadoug, dansle Fihrist et chez Ebn Abi Ossaïbiah, pour tous les faits qui se grou- pent sous les deux noms. Cependant le Kitab el hokama et naturellement aussi Aboulfarage er distinguent deux. Mais : nous avons trouvé plus d’une répétition dans le Kitab el hokama, notamment à propos d’Oribase. D'ailleurs ces deux noms peuvent se confondre dans l'écriture arabe. Nous ne parlerons donc que d’un seul Théodocus. C’ètait un médecin distingué et en grand renom de son temps. Il fut le médecin du terrible Hedjadj, cet homme sangüinaire, qui naquit l’anus imperforé et que l’on dut opérer. Hedjadj consultait volontiers Théodocus. Quelques-uns de ses conseils et d’au- tres encore nous ont été conservés, [ls ont trait en général à l'hygiène. On raconte que Hedjadj étant pris d’une violente migraine, Théodocus lui ordonna un bain de pied. Sur quoi un eunu- que témoigna son étonnement qu'on traitàt les pieds pour une affection de la tête. Mais tu es toi-même üne preuve de l'excellence de ma prescription, lui répondit Théodocus ; de- puis que l’on t'a retranché les organes génitaux, ta barbe à tombé: | SIMÉON-LE-MOINE. THÉODOCUS ET THÉODUNUS. 83 Hedjadj avait l'habitude de manger de l'argile. Voulant s’en défaire, il demanda à Théodocus quel était le remède contre une pareille habitude. La volonté d’un homme de ta trempe, lui répondit Théodocus. Hedjadj cessa dès lors de manger de l'argile. Théodocus a réuni en dix préceptes ses idées hygiéniques : Ne pas manger tant qu'il reste des aliments dans l’estomac ; ne manger que ce que les dents peuvent broyer; ne pas _ boire immédiatement après le repas ; prendre un bain tous _ les deux jours; faire abonder le sang dans le corps; se pur- _ ger à chaque saison; ne pas retenir l'urine; aller à la selle : avant de se coucher; ne pas abuser du coït; ne pas épouser _ de vieilles femmes. __ Quatre choses sont fatales disait-il: Aller au bain à l'état _ de saturation; voir une femme après le repas; manger de | la viande sèche et salée; boire de l’eau froide à jeûn. ; Théodocus atteignit un âge avancé et mourut en l’année 3 708. Il laissa deux écrits : une grande collection adressée à _ son fils; un traité de la préparation des médicaments et des | succédanés. Le Kitab el hokama dit qu’il forma plusieurs _ élèvesdistingués, entreautres Fouratben Chahnata, israélite, : L' Le LE au le médecin de Hedjadj. L est plusieurs fois cité dans le Continent. U-HAKAM ” PÈRE DE HAKAM). ait la confiance du Khalife Moaouiah, au point -Ci lui fit accompagner son fils Yézid dans son pè- )l: Fe: le cent ans. CiT à distingué. 11 habitait Damas, où il atteignit un âge lussi avancé que son père. S4 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE PREMIER. On nous a conservé un fait de sa pratique. Passant un jour dans les rues de Damas, il rencontra un barbier qui, en pratiquant la saignée du bras, avait ouvert l’artère au lieu de la veine, et ne savait comment arrêter l’hémorrhagie. Hakam prit une pistache, la fendit en deux, enleva l’amande et appliqua une moitié de l'écorce qu'il maintint par un bandage aussi serré que possible. Il fit ensuite coucher le malade près de la rivière, le bras dans l’eau, jusqu’au soir. Le troisième jour un gonflement s'étant déclaré, il desserra le bandage. Au cinquième jour il l’enleva et laissa sur place la pistache qui tomba le septième jour. Il défendit ensuite au malade de toucher aux concrétions sanguines qui recou- - vraient la plaie et qui ne disparurent qu’au quarantième jour. Le malade fut complétement guéri. (1) ISSA BEN HAKAM EDDIMACHKY. Il est aussi connu sous le nom de Massih Eddimachky. Bien qu'il appartienne à l’époque des Abbassides, nous en parlons ici pour ne pas le distraire de son père et de son grand-père et aussi parce qu’il vécut et se forma en dehors du grand mouvement scientifique issu de Djondisabour. Il apprit la médecine à l’école de son père Hakam, et habitait Damas, d’où lui vint le surnom de Dimachky ou de Damasquin. Cependant il habita Bagdad où il nous est donné comme vivant au milieu des médecins distingués de son temps. On ne nous a laissé sur son compte que des anecdotes de peu d'intérêt scientifique. Nous en citerons une. Il reçut un jour à Damas Yousef ben Ibrahim, qui était affecté d’un rhume, et le traita avec des mets succulents et de l’eau à la glace. Yousef observa que ce régime ne convenait pas à un homme affecté de rhume. Issa prétexta l’influence du cii- mat, disant que des choses nuisibles dans l'Irak ne l’étaient pas à Damas. Cependant quand son hôte prit congé de lui, Issa lui donna une provision d'aliments préparés exprès, et lui (1) Ebn Abi Ossaïbiah et le Kitab el hokama, A7 DS RL RAS A NS CR Pr A RES Fed 2 OPEN Re EN TENTE à DRE 0 fe re A Cree PAUT . ABOU-HAHAM. HAKAM EDDIMACHKY. ISSA BEN HAKAM. 85 recommanda un régime alimentaire différent de celui qu'il venait de subir. Yousef lui manifesta son étonnement. Sur quoi Issa lui répondit: Un homme d'esprit, quand il reçoit un hôte, ne peut observer strictement envers lui les règles de la médecine. Issa ben Hakam laissa deux écrits, dit Ebn Abi Ossaïbiah : La Collection, et les Propriétés des animaux. Nous possédons, et on le trouve aussi mentionné dans le catalogue de la Bibliothèque de Munich, p. 372, un éerit attribué à Massih ben Hakam. Cet ouvrage porte le nom de Risalat el Harounya, en raison de sa dédicace à Haroun Errachid. Son titre de Risalat et son peu d’étendue nous font croire que c’est une œuvre différente des deux autres que nous avons citées. Il ne con- tient que 73 pages. Quant à la Collection, si elle a fourni, ce qu’il était naturel de croire, les nombreuses citations de Massih que l’on rencontre dans le Continent de Razès et dans les Simples d'Ebn el Beithàr (1), elle dut avoir des propor- tions beaucoup plus considérables. Du reste ces citations ne se trouvent pas dans notre opuscule. . Notre manuscrit ne nous paraît pas représenter la forme primitive de la Harounya. Bien souxent on prendrait l’auteur pour un musulman, et rien ne nous autorise à admettre que Massih ben Hakam ait quitté la religion de ses pères. De plus il y à dans ce iivre du décousu et des répétitions. En somme, c’est un traité sommaire d'hygiène et de méde- cine générale, exécuté d’après les doctrines de Galien. Il est terminé par un traité des propriétés des animaux qui pour- rait bien être celui que nous avons vu attribuer à Massih. On trouve dans cet ouvrage plusieurs citations de Galien et d'Hippocrate, ce qui indique la connaissance de ces auteurs avant le grand travail des traductions. On y trouve encore une fois celle de Dioscorides et de Mahraris. Il est une autre citation, que nous n’avons jusqu'à présent rencontré nulle autre part, c’est celle d’un médecin indien, 1) Nous en avons compté 150 dans Ebn el Beithâr. SG HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARAPE, — LIVRE PREMIER. dit aussi le philosophe, du nom de Falthis ou Falthious. Il est cité une vingtaine de fois. | En résumé la Harounya n’est pas un ouvrage d'une gran- de valeur, telle que nous la possédons. Nous avons rencontré en Algérie, sous ce même titre, plu- sieurs petits traités de médecine de dimensions difiérentes et ” d’une rédaction plus méthodique que celle du manuserit dont nous venons de parler, ce qui nous porte à croire que la Harounya put avoir jadis de l’importance et de la vogue, au point de donner son nom à des traités de médecine se rap- prochant plus ou moins de sa forme primitive. Nous avons déjà dit que Massih Eddimachky était souvent cité dans le Continent de Razès. Parfois la traduction latine a rendu le nom de Massih par Christianellus. EBN ATHAL. Ebn Athal était un médecin distingué de Damas. Le Khalife Moaouya se l’attacha, le combla de bienfaits et utilisa la connaissance qu'il avait des poisons pour se défaire des per- sonnes qui lui déplaisaient. Kbn Athal fut assassiné par le neveu d’une de ses victimes. Ebn Athal était chrétien. ZEINAB. Zeinab, femme de la tribu aes Beni Aoud s’entendait dans la pratique médicale, le traitement des blessures et des ophthalmies. On ne précise pas l’époque où elle vivait. DE din celte da ic té DS CS dt CS La FAMILLE DES BAKkATICHOU : _ Djorjdis ben Djabril. _ Issa ben Thaherbaht __ Autres élèves de Djordjis. __ Bakhtichou ben Djordiis. __ Djabril ben Bakhtichou. __ Bakhtichou ben Djabril. _ Massouih ou Mésué le père. _ Mikhaïl ben Massouïh, er" RE 7 vite ag è LES GRANDS TRADUCTEURS » Honein ben Ishaq. _Ishaq ben Honein. pipsond et Hakim ben Honein.) . Hobéïch. ect Ch cp ATBe ou de de LS NS È HIVRE IE. IX° SIECLE SIÈCLE D'EL MAMOUN OU SIÈCLE DES TRADUCTIONS [+ Parme, — L'ÉCOLE DE DJONDISABOUR ET LES pes PREMIERS MÉDECINS. Iouhanna ben Massouïh. Sahl ben Sabour. Sabour ben Sahl. Sérapion (Jean fils de). Salmouïh. Abdallah Etthifoury. Zakarya ben Thifoury. Israïl ben Zakarya. Abou Koreich. If° Parme. — LES TRADUCTIONS. 1° LES TRADUCTIONS EN GÉNÉRAL. 2° LES TRADUCTEURS. TRADUCTEURS DE DEUXIÈME ORDRE Première Période Sergius de Ras el Aïn. Étienne l'Ancien. Djasious ou Gosius. asserdjouih. Issa ben Masserdjouih, | Jacob d’Édesse. TRADUCTEURS DE DEUXIÈME ORDRE Première Période Sadjious. Djordjis ben Bakhtichou. Djabril ben Bakhtichou Bakhtichou ben Djabril. Daoud fils de Sérapion. Salmouïh. Elisa. Israïl ben Zakarya. Luca fils de Sérapion. Deuxième Frériode Abd Ichou ben Bahr. Abou Amrou ben Yousef, Abou Hassan. Salma. . Abou Nouh. Abou Otsman de Damas. Abou Rouh Essaby. Abou Yousef el Kateb. Abou Zéïd ben Noqta. Aïoub Errohaouy. : Aïoub el Abrach. Aïoub Errokky. Abou Hafs Etthabary. El Bathriq. Basile. Chahdy. Ebn Chahdy. Chemly. Dar Ichou. Ebn Naëma. Ebn Rabetha. Djiroun. Étienne fils de Basile. Fadhl Ennaïrizy. Habib ben Bahr. Hassan ben Sahl. Hedjadj ben Mather. Hélal d’Emesse. TIahya ben Bakhtichou. Jahyu ben Bathriq. Ibrahim ben Abdallah. Ibrahim ben Essalt. Ibrahim Kouaïry. Issa ben Assed. Issa ben Iahya. Issa ben Nouh. Ishaq ben Abil Hassen. IJousef Ennakel. Kaïda Errohaouy. Mansour ben Babas. Sallam el Abrach. Siméon,. Sergius fils d'Hélia. Thabary. Tsabet l'interprète. Théodore. Thomas. , Fadhl ben Mari. Théophile. Daria le Moine. Saliba. Beniout. Eddeheky. Merlahi. Dadouïh ou Zarouba. Keinoun. Moussa ben Khaled. Abou Nasr ben Naz. Asthat. Troisième Période Abou Bachar Mattaï Aboulfateh ben Mohammed, Aboulhassan Elharany. Aboulkheir ben Saouar. Aboul Ouéfa. Jahya ben Adi. Jahya ben Mohammed. Iouhanna el quass. Ibrahim ben Baks. Ali ben Ibrahim. Issa ben Zerà. Joseph le Prêtre. Issa Eanefissy. Nedhif el quass. Sinan ben Tsabet. Haditsy el Kateb. Ebn Bahloul. Aboulfaradj ben Thaïeb. Aboulfaradj Grégoire. 3° LES AUTEURS TRADUITS. PHILOSOPHES Hermès. Thalès. Pythagore. Empédoele. Anaxagore, Aristippe. Démocrite. Cébès Platon. Aristote. Théophraste. Plutarque. Ptolémée. Apollonius de Tyane. a Ve Fr Le EL A PHILOSOPHES Nicolas de Damas. Polémon. Artémidore. Alexandre d'Aphrodisias . sers orphyre. Libinins. Thémistius. Syrianus. Jamblique. Ammonius. Simplicius. Proclus. Macidore. Jean Philoponus. La Bible. MATHÉMATICIENS Euclide. Archimède. Apollonius de Perge Héron. biophante. Pappus. Diocles. Eutocius. Nicomaque. ASTRONOMES ET GÉOGRAPHES Marin de Tyr. Autolicus. Aristarque de Samos. Hypsicles. Hipparque. l'héodose. Ménélaüs. Ptolémée. Théon. Dorothée. 4° TRADUCTIONS DU PERSAN, DU CHALDÉEN ET DE L'INDIEN MÉDECINS DE L'INDE Sendahchar. Charak Quolhoman. Athra. MÉDECINS Hippocrate, Dioscorides. Rufus. Galien. Magnus. Archigène. Oribase. Philagrius. Alexandre de Tralles. .| Paul d’Egine. Jean Philoponus. Théommestus. TRADUCTIONS ANONYMES & AUTEURS CITÉS DANS RAZÈS Diogène. Dioclès. Criton. Arthémide. Erasistrate. Philumène. Asclépiade. Palladius. Antillus. Aétius. Étienne. Maxime, Polybe., Severus. Simplicius. Athoursoquos. Badigoras. Mahraris. Columelle, Costus. Aslimon. Missoussen. Auteurs Arabes Livres et Recueils. El Khouzy. Kanka. Sandjahal. Chanak. Djoudar. Saleh ben Bahla. Manka. HE Partie. — LES DERNIERS MÉDECINS. MÉDECINS DE PREMIER ORDRE Rabban Etthabary. Ali ben Rabban. Sarakhsy. Issa ben Massa. Ali ben Moussa Erridha. Abou Hanifa Eddinoury. Il. MÉDECINS DE DEUXIÈME ORDRE Gabriel l’oculiste. Moussa ben Israïl, Ibrahim ben Fezzarovn. Galeb. Yézid ben Iouhanna,. Abdous ben Yézid. Ibrahim ben Aïoub. Foutry. lousef Essahir. Ebn Kornib. Issa ben Ali. Elhalladjy. * Kbn Mahan, Ebn Ellahladj. Ibrahim ben el Mohdr. I. ALCHIMISTES Écrits d'Alchimie. Elèves de Géber. EI Akhmimy, Dhoulnoun. Abou Karan. Étienne. Mohammed ben Iézid. EI Alaouy. IV. NATURALISTES Ebn Ouahchya et l'Agriculture Nabathéenne. Djuhidh. V. SCIENCES PHYSIQUES ET MATHÉMATIQUES Physique. Géographie. Astronomie. Mathématiques. : VI. PHILOSOPHIE VII. ÉPILOGUE inc ren nés tn he Luc NEUVIÈME SIÈCLE INTRODUCTION _ La période que nous venons de parcourir, celle des Om- miadès, avait été caractérisée par deux faits généraux. Au début, nous voyons de grands personnages, nés sur les marches du trône, se passionner pour la science, mais n’en cultiver que le côté merveilleux, l’alchimie ; études qui aboutirent à la grande personnalité de Géber. _ Ala fin, ce sont des efforts plus modestes, mais plus sé- _ rieux, et déjà le Khalife Omar ben Abd el Aziz provoque la _ traduction d’Ahroun en arabe. Cette traduction répondait _ sans doute à des besoins instinctifs; cependant un demi __ siècle se passera avant que cette idée soit reprise sur une … plus grande échelle et se développe avec un ensemble et une intensité qui font du IX* siècle une époque unique dans _ les annales de l’humanité. % Le monde n’a vu qu’une fois le spectacle merveilleux que _ les Arabes vont nous offrir au [Xe siècle. Ce peuple de pas- L teurs, que le fanatisme a rendus soudainement les mâîtres _ de la moitié du monde, une fois leur empire assis, tout aus- . sitôt se préoccupent d'acquérir la science, qui manquait à sa grandeur. Seuls, entre tous les envahisseurs qui se dis- putent les débris de l'empire romain, ils ont ces préoccupa- tions. 92 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, —— LIVRE DEUXIÈME. Tandis que les bandes Germaniques se font une gloire de leur brutale ignorance et mettent un millier d'années à renouer la chaîne des traditions, les Arabes le font en moins d’un siècle, et ce sont eux qui provoquent le concours des chrétiens vaincus, concours heureux qui assure l'harmonie des races. A la fin du VIII siècle tout leur bagage scientifique connu se réduisait à la traduction d’un traité de médecine et à des livres d’alchimie. Le IX: siècle ne s’écoulera pas que les Arabes n'aient en leur possession toute la science de la Grèce, ne comptent parmi eux des savants de premier ordre, n'aient suscité parmi leurs initiateurs des hommes qui, sans eux, croupis- saient dans l'obscurité, et ne montrent dès lors pour la cul- ture des sciences exactes, une aptitude que n’eurent pas ces mêmes initiateurs, désormais dépassés. : Nous connaissons déjà l’école de Djondisabour, école tenue par des médecins nestoriens, et qui avait été fréquentée par Harets ben Kalada contemporain et ami du Prophète. C’est encore elle qui jouera le principal rôle dans la révolution scientifique dont Bagdad sera le théâtre, c’est elle surtout qui fournira le ferment qui va remuer tout le monde mu- sulman. Sur la fin du VII siècle le chef de l’école et de l'hôpital de Djondisabour est appelé à Bagdad pour donner ses soins au Khalife El Mansour. Georges amène avec lui sa famille et ses élèves : les honneurs et les richesses accueillent les nouveaux venus. Des faveurs plus éclatantes encore atten- daient les descendants de Georges, désormais attachés à la cour. Dès lors les vagues aspirations des Abbassides prennent un corps. Sur l'invitation d'El Mansour, Georges fait passer des ouvrages de médecine en arabe. Ses successeurs, no- tamment Haroun Errachid et El Mâmoun, continuent cette œuvre sous de plus larges proportions. On ne se borne pas à la médecine ; toutes les branches de la science vont être résolument attaquées. Un heureux concours de circonstances favorisa les “» INTRODUCTION. 93 ._ Abbassides. Non-seulement les élèves de Djondisabour af- _ fluaient à Bagdad : les splendeurs du Khalifat attiraient aussi les savants de la Perse et de l'Inde. _ Les Khalifes étaient encore merveilleusement secondés par une famille de ministres intelligents, les Barmécides. Enfin leur zèle pour la science fit parmi leurs sujets une foule de prosélytes. …_ C'était de la Grèce que s’inspiraient les Nestoriens et | l'école de Djondisabour : ce fut de la Grèce que les Khalifes 3 attendirent la lumière. Ils la firent explorer par des émissai- _ res qui en rapportaient des livres, et aussitôt des bureaux de traduction furent institués. Le merveilleux lui-même se mêlait à ces faits, et l’on dit qu'Aristote apparut en songe au Khalife EL Mâmoun. A l'instar des princes, les riches et _ les grands prirent des traducteurs à leur solde : une fièvre de science gagna tous les degrés de l'échelle sociale. Le siècle ne s'était pas écoulé que non-seulement les Arabes s'étaient assimilé les trésors scientifiques de la Grèce, mais _ qu'ils possédaient eux-mêmes de leur crù des savants, des __ philosophes, des mathématiciens, des astronomes, des mé- D decins. » _ Trois ordres de faits remplissent cette période. _ L'école de Djondisabour s’efface et livre son personnel à ‘ Bagdad. Avec la famille de Georges viennent les Sérapion et les Mésué. a, _ Le travail des traductions se fait avec entrain. On ne s’a- dresse pas seulement à la Grèce, mais encore à la Perse, à _ l'Inde, à la Chaldée. . Ce travail porte son fruit; les Arabes comptent déjà parmi _ eux des médecins et des savants de tout ordre. _ Telle sera donc la marche et nous suivrons en faisant | | l'histoire du IX° siècle : ._ 1° Nous parlerons d’abord des médecins qui procèdent de 4 boue de Djondisabour, en réservant toutefois ceux qui . nous semblent devoir figurer de préférence au chapitre des Traducteurs : ? Nous donnerons ensuite l’histoire des Traductions qui se divisera en trois sections : l’histoire des traductions en 4 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE — LIVRE DEUXIÈME, général ; la biographie des traducteurs, que nous prolon- gerons au-delà du IX° siècle pour n'avoir plus à y revenir ; enfin nous passerons en revue les ouvrages traduits. 3 Nous parlerons en troisième lieu des médecins de se- cond ordre, qui doivent plus ou moins leur savoir au tra- vail des traductions; des alchimistes ; des naturalistes et des . polygraphes qui intéressent plus ou moins l’histoire de la médecine et des sciences naturelles. Enfin pour compléter le tableau du IX: siècle et mieux caractériser le mouvement de renaissance qui s'opère, nous dirons quelques mots sur le développement que prennent dès lors les sciences physi- ques, mathématiques et philosophiques. Nous terminerons par une revue d'ensemble et sommaire du IX° siècle. és mcothe podne ir à à 4 TE are re PREMIÈRE PARTIE. MÉDECINS. La famille des Bakhtichou. | at et la clinique. Cet hôpital avait sans de l'importance, pour que Georges, interrogé par le le de Bagdad pourquoi il n’avait pas amené son fils ui, ait répondu que l'hôpital ne pouvait se passer de sa famille exerça l'influence la plus puissante sur la tion scientifique dont nous allons nous occuper. Ce as qu’elle ait produit des médecins de premier ordre, a taille de Razès ou d’Avicenne ; mais ses titres sont ail- pr ésence à Bagdad fut un événement. Au lieu des em- s auxquels les Khalifes avaient jusqu'alors confié r santé, c'étaient des savants qui leur arrivaient avec un rps de doctrines, et ils arrivaient à temps. Les horizons ment entrevus par les Abbassides se dévoilèrent, et un e nouveau leur apparut. Ils comprirent ce qui manquait rrandeur de leur empire, et certainement la présence xeorges à Bagdad fut en partie ce qui provoqua le tra- à ail des traductions, Georges lui-même prit sa part dans ce ravail: Ses descendants, sans y contribuer beaucoup person= 96 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈMÉ. nellement le favorisèrent, en prenant à leur solde des traduc- teurs. Plusieurs générations se succédèrent à la cour de Bagdad, avec des alternatives où la fortune l’emporta sur les revers, et ces hautes positions, faites à des savants chré- tiens, ne purent que mettre la science en faveur chez les Arabes et les entraîner à son étude. Pendant quatre siècles . cette famille produisit des hommes dignes de sa vieille re- nommée. DJORDJIS BEN DJABRIL BEN BAKHTICHOU, AUTREMENT GEORGES FILS DE GABRIEL, Depuis longtemps l’histoire de la médecine n’avait enre- gistré une existence aussi complète et aussi remarquable que celle de Georges ou Djordjis. Sa vie est une date, non- seulement parce que nous trouvons chez lui un médecin complet, attaché à un hôpital et formant des élèves, mais aussi parce qu'il peut être considéré comme le promoteur du mouvement scientifique en Orient. Il va paraître à la cour de Bagdad, et désormais les Abbas- sides s’attacheront des médecins éminents issus de sa famille et de son école, mais aussi favoriseront les études et les tra- ductions, afin que les Arabes puissent eux-mêmes former des savants. La présence de Djordjis à Bagdad fut l’étincelle qui devait y allumer le feu sacré. Chrétien nestorien, il était chargé de l'hôpital de Djondi- sabour quand en l’année 148 de l’hégire, 765 de l’ère chré- tienne, il fut appelé à Bagdad par le Khalife El Mansour. Forcé de partir subitement, il confia la gestion de l'hôpital à son fils Bakhtichou (dont le nom signifie la fortune du Christ) et à un de ses élèves Sergis, et en emmena deux autres Ibrahim et Issa ben Chahlata. Il fut accueilli généreuse- ment et guérit le Khalife atteint de dyspepsie. El Mansour voulait aussi qu'on fit venir Bakhtichou, fils de Georges, mais celui-ci fit observer que son fils était nécessaire à Djon- disabour, et lui proposa son élève Issa, qui resta attaché à la personne du Khalife. 4 GEORGES FILS DE GABRIEL, 97 Cependant Georges tomba malade, et voulut s'en retour- ner dans son pays, voulant, disait-il à Mansour, être enterré avec ses pères. Crains Dieu, lui dit le Khalife, et je te pro- mets le paradis. Je veux mourir dans la religion de mes pères, lui répondit Georges, et me trouver avec eux en pa- _ radis ou en enfer. . Le Khalife se mit à sourire, et le laissa partir après lui _ avoir adressé dix mille pièces d’or. Georges n’eut pas à se louer de son élève Issa, qui abusa | de sa position pour intimider les évêques et leur extorquer _ de l'argent. Ayant écrit ces mots à l’évèque de Nisibe au- . quel il demandait des vases de prix appartenant à l’église : « C’est moi qui tiens la santé du Khalife entre mes mains, » _ l’évèque montra la lettre au Khalife; Issa fut chassé et ses _ biens confisqués. . Mansour voulut que Georges revint à Bagdad, mais Geor- _ ges avait fait une chute, et envoya à sa place son élève . Ibrahim. Georges mourut en l’année 771 de notre ère: Ebn Abi Ossaïbiah place Georges en tête des traducteurs, et dit qu’il fut le premier qui, sur l'invitation d’El Mansour, ._ commença des trzductions d'ouvrages de médecine en arabe. “ Malheureusement, on ne dit pas quels furent ces ouvrages. — On ne dit pas non plus, fait observer Wenrich, si ces livres . furent traduits directement des originaux grecs ou d’après . le syriaque. Pour notre part, nous croyons que ces traduc- | 3 tions furent directes et nous en donnerons plus tard la rai- _ son. k Bien que nous ayons à revenir sur cette question des tra- k ductions, nous croyons cependant devoir en dire un mot ici. - La question des traductions n’a jamais été bien posée. Il y À . eneut de deux sortes : celles que les Syriens firent pour eux- … mêmes et celles qu'ils firent pour les Arabes. Ces dernières … nous paraissent avoir dù être directes, toutes les fois que les traducteurs connnaissaient le grec, et c’est la règle, ainsi #. que nous le verrons plus tard pour le grand travail des tra- ductions : on comprend en effet que dans ce dernier cas le —. passage par le syriaque n’a pas de raison d’être: [_ Quoi qu'il en soit, les traductions de Georges se firent en | Do 7 98 HISTOIRE LE LA MÊDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. arabe. Il connaissait cette langue ainsi que le persan. Quand il fut présenté au Khalife, il le salua en arabe et en persan, et Mansour admira non-seulement sa belle physionomie, mais aussi l'élégance de son discours. Dans le cas où Geor- ges n'aurait pas connu le grec, ce qui est invraisemblable, nous devrions admettre que ses travaux portèrent sur des tra- ductions déjà faites en syriaque. En tout cas, il ne paraît pas qu’ils portèrent sur ses propres ouvrages, du moins sur les Pandectes ou Kounnach dont il nous est donné comme l’au- teur, et qui acquirent de la célébrité, attendu que Honeïn les fit passer plus tard du syriaque en arabe. Georges est cité . fréquemment dans le Continent de Razès. ISSA BEN THAHERBAKHT ET LES DISCIPLES DE GEORGES. Issa ben Thaherbakht, né à Djondisabour, fut un des meil- leurs élèves de Georges, et se fit de son temps un renom comme médecin. Quand Georges tomba malade sur ses vieux jours, ce fut à Issa qu’il confia son hôpital. Issa écrivit un traité des médicaments, que nous avons trouvé plusieurs fois cité dans un traité de médecine de Soueidy intitulé Tadkira qui figure dans l’ancien fonds de Paris sous les n° 1034 et 1024. Nous croyons devoir rappeler ici les noms des autres élè- ves de Georges étrangers à sa famille, afin de donner une idée complète de l’école de Djondisabour. Quand Georges se rendità Bagdad il laissa l'hôpital à son fils et à son élève Sergis, et emmena avec lui un autre élève, Issa ben Chahlata dont nous avons vu les déportements. Quand la maladie l’empêcha plus tard de faire un second voyage, il envoya un autre de ses élèves, Zbrahim à la cour de Bagdad. Nous parlerons bientôt des Mésué. BAKHTICHOU BEN DJORDIS, OU BAKHTICHOU FILS DE GEORGES: Bakhtichou fut considéré à l’égal de son père, en l'absence duquel nous avons déjà vu qu'il était resté chargé de l'hôpi= tal de Djondisabour: BAKHTICHOU BEN DJORDJIS. 99 Le Khalife El Hady étant tombé malade, on fit venir en _ consultation Bakhtichou avec d’autres médecins, Abou Koreich, Thifoury et David fils de Sérapion. Bakhtichou ne put s’accorder avec le jaloux Abou Koreich, pharmacien vulgaire qui avait capté la faveur du Khalife pour avoir an- noncé, d’après l’urine d’une favorite, la naissance de deux princes. Il demanda à s’en retourner à Djondisabour. Haroun étant tombé malade, sur l'indication du vizir lahya ben Khaled, on fit venir dé nouveau Bakhtichou et on le mit eu présence des autres médecins. Cette fois Abou Koreich _ s’avoua vaincu. Prince des croyants, dit-il, personne de nous . ne peut tenir tête à cet homme: c’est l’éloquence en per- Ë sonne. Lui, son père et toute sa race sont des philosophes. __ On présenta de l'urine d’une bête de somme, et Bakhtichou en reconnut la provenance, nonobstant l'opposition d'Abou . Koreich. Eh bien, dit Haroun, que faut-il admiuistrer à —_ celui qui a rendu cette urine? — De l'orge, répondit Bakhti- —._ chou. Haroun se mit à rire, combla Bakhtichou d’honneurs _ et de présents, et le nomma chef de tous les médecins. C’estle …_ premier archiâtre que nous connaissions. Nous lui verrons _ bien des successeurs, et nous verrons aussi que cette dignité _ n’était pas une sinécure. . Nous ignorons la date de la mort de Bakhtichou. _ Sa consultation près de Haroun se passait en 787. (1) …_ Ilécrivit une collection ou Kounnach, et un aide-mémoire, _ Tedhkira, adressé à son fils Djabril. _. É L è 2 | 4 DJABRIL OU GABRIEL FILS DE BAKHTICHOU:; | Bu Djabril fut le plus célèbre, et malgré quelques disgrâces, _ le plus puissant et le plus heureux de la famille. . Son père Bakhtichou, l'avait envoyé à Djafar le Barmé- - (1) En 792 il était appelé à donner ses soins à Djafar, fils du vizir. L S'il fauten croire le Kitab el hokama qui, du reste en réfère au Fihrist. & 4 Bakhtichou servit les Khalifes, Haroun, El Amin, El Mamoun, El | - Motassem, El Ouateq et Moutaouakkel, mais il ya une ee aies avec son petit-fils. 100 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, —— LIVRE DEUXIÈME, cide tombé malade, l’année 175 de l’Hégire, 791 de notre ère, en lui disant: Mon fils en sait plus que moi et pas un médecin ne l’égaie. Djabril guérit Djafar. Cependant une des favorites de Haroun, par un violent effort de baillement, avait tellement étendu le bras qu’elle ‘ s'était luxé l’épaule. On s'était empressé de faire des fric- tions avec des onguents. Djafar envoya Djabril à Haroun. Djabril se chargea de la guérison pourvu que le Kkalife le laissât faire et ne se fâchàt pas. S'approchant alors de la jeune fille, il se pencha et lui prit le bas de la robe comme s’il voulait la découvrir. La pudeur alarmée de la jeune ‘femme lui rendit l’usage de son membre et elle étendit la main vers sa robe. La voilà guérie, dit Djabril. Haroun émerveillé, paya cette cure cinq cent mille drachmes, prit Djabril en grande affection et le nomma chef des médecins. À cet ingénieux traitement Djabril donna une explication, dit-on, qui ne nous paraît guère en rapport avec l’idée qui l’avait conçu. Telle était l'affection de Haroun pour Djabril, qu’il lui affirma que, pendant son pèlerinage, il avait prié pour lui et fait des vœux à la station d’Arafat. Il s’enquit des appointe- ments de ses officiers et fit traiter son médecin sur le pied le plus favorisé. À ses parents qui s’étonnaient de ses lar- gesses envers un chrétien, il répondit: Le sort de l’empire dépend du mien et le mien dépend de Djabril. Ayant un jour, à la suite d’excès de table, été frappé d’une congestion cérébrale, il dut la vie aux soins de Djabril. Une autre fois la sagacité de Djabril fut mise en défaut. Haroun méditait ce crime mystérieux qui a terni sa mémoire, la mort de Djafar. Pendant deux jours, malgré les instances -de Djabril, Haroun se refusait à prendre des aliments. Le crime exécuté, et en présence de la tête de la victime, Haroun dit à Djabril : Tu vois maintenant ce qui m'empèchait de manger; maintenant je suis en appétit. En effet le Kha- life se reput abondamment. Quand Haroun fut pris à Tous de la maladie dont il mou- rut, Djabril lui reprocha ses excès contre lesquels il avait fait d'inutiles observations. On l’emprisonna et sans l’inter— 1 SR "5 arf PR DJABRIL OU GABRIEL FILS DE BAKHTICHOU. 101 vention du vizir El Fadhl, il risquait de perdre la vie. Djabril avait servi Haroun pendant une vingtaine d'années et il en avait été comblé d’honneurs et de présents. Son cré- dit était grand et c’est par lui qu’arrivaient les faveurs. El Amin renchérit encore sur son père; mais survint El Mâmoun, que Djabril avait négligé, et qui donna l’ordre de l’emprisonner. Cependant Hassan fils de Sah], étant tombé malade, fut guéri par Djabril et il parvint à le faire élargir. Mâmoun lui-même tomba malade et fut obligé de se faire soigner par Djabril qui revint en faveur, Quand El Mâmoun se mit en marche contre les Grecs, en 828 de notre ère, Djabril était malade et donna son fils Bakhtichou pour accompagner le Khalife. Quelque temps après, Djabril mourut et fut enterré à Madaïn dans le couvent de St-Serge avec des honneurs extraordinaires. Malgré qu’il nageât dans l’opulence, il tendait toujours la main. Il fitinscrire par son secrétaire les sommes d'argent et les cadeaux qu'il avait reçus de différentes sources et le total dépasse le chiffre énorme de quatre-vingt-dix millions de drachmes. Ces largesses avaient tellement frappé Freind, qui n'avait pris de l’ouvrage d'Ebn Abi Ossaïbiah qu’une connaissance très-superficielle qu'il se prend à dire : Cet ouvrage ne peut servir qu'à nous apprendre les honneurs extrêmes et les pensions excessives que les médecins recevaient alors des Khalifes. Gabriel composa plusieurs écrits : 1° Une lettre à El Mâmoun sur les aliments et les boissons ; 2 Une introduction à la logique, où Wüstenfeld a vu, par inadvertance, une introduction à la médecine; 3 Un traité sur le coït; 4 Un abrégé de médecine; 5° des Pandectes ; 6° Un traité de la composition des parfums dédié à El Mà- moun. Gabriel favorisa aussi les traductions. Abd Ichou ben Bahr ben Mathrân en exécuta pour lui. On rapporte que sur ses vieux jours il ne dédaignait pas d'assister aux cours du jeune Honein et de l'appeler son maître. Comme on lui en 102 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. faisait l'observation, il répondit qu’il ne pouvait trop hono- rer ce jeune homme qui devait un jour, s’il vivait long- temps, éclipser Sergius (le traducteur). Les écrits de Gabriel sont cités par Razès, Sérapion et Mesué. Il ne servit pas seulement la science par ses écrits, il la servit encore par la haute position qu’il sut conquérir, . nonobstant sa qualité de chrétien. Il en fit une force morale et politique, et ses grandeurs dûrent contribuer à en propa- ger le goût parmi les Musulmans. Gabriel avait aussi un frère du nom de Georges ou Djordjis ben Bakhtichou, qui est cité par Aboulfarage parmi les médecins d'El Mâämoun. BAKHTICHOU FILS DE DJABRIL, OU BAKHTICHOU FILS DE GABRIEL. Nous avons déjà vu que son père l'avait donné au Khalife El Mâmoun pour l’accompagner dans son expédition contre les Grecs en l’année 828 de notre ère. Bakhtichou parvint comme son père au faîte des gTan- deurs et de la fortune, mais comme lui il connut les revers. À l’avènement d'El Ouatseq des envieux le desservirent et le firent exiler à Djondisabour. Cependant El Ouatseq se trouvant atteint d’hydropisie, fit appeler Bakhtichou qui ne put arriver avant la mort du Khalife. Avec Moutaouakkel la fortune sourit à Bakhtichou. Mais il vivait avec un faste singulier. Tout chez lui respirait le luxe et le raffinement. Il savait pendant l’été se procurer la fraîcheur de l’hiver, et pendant l'hiver la chaleur de l'été. Moutaouakkel se fit un jour inviter par Bakhtichou, qui déploya une pompe telle que le Khalife en prit ombrage et le dépouilla de ses biens. On raconte qu’au temps de sa fa- veur, étant un jour assis près du Khalife, celui-ci se mit à élargir et allonger une solution de continuité qui se trouvait aux vêtements de Bakhtichou, jusqu’à la ceinture, puis tout à coup il se mit à lui dire: Quand voyez-voûs qu’un fou est à lier? — Quand il déchire la robe de son médecin BAKHTICHOU, FILS DE DJABRIL. 103 jusqu’à la ceinture, lui répondit Bakhtichou. Le Khalife se mit à rire jusqu’à tomber à la renverse. Bakhtichou écrivit un traité des scarifications. Ce qui le recommande surtout, ce sont les traductions qu’il fit faire à Honein. On lui attribue ces mots: C’est mauvais de boire quand on à faim, mais c’est pire de manger quand on est _ rassasié. Il mourut en 870, laissant un fils, Obeid Allah et _ trois filles. MÉSUÉ ET SES FILS. Voici encore une famille de médecins chrétiens formés à l’école de Djondisabour, sous les auspices des Bakhtichou. Si la famille des Mésué ne fournit pas une aussi longue série de médecins distingués que celle des Bakhtichou, elle eut un membre plus éminent dans la personne de Jean, qui prit une part très active dans la diffusion de la science grec- que chez les Arabes, en même temps qu’il travaillait à la propager par ses nombreux écrits. MASSOUIH ABOU IOUHANNA, OU MÉSUÉ PÈRE DE JEAN. Massouïih était ce que nous appellerions un garçon phar- macien attaché à l'hôpital de Djondisabour, où il était chargé de la trituration des médicaments. C'était vers la fin du hui- tième siècle de notre ère. Ignorant jusqu’à la lecture, Massouih finit cependant par acquérir une grande connaissance des médicaments, des maladies et de leurs remèdes. Le médecin de l’hôpital était Djabril ou Gabriel, fils de Bakhtichou, qui tenait Massouih en amitié. Le voyant amoureux d'une esclave de Daoud fils de Sérapion, autre médecin de Djondisabour, il l'acheta huit cents drachmes, et la lui fit épouser. De ce mariage naqui- rent Iouhanna et Mikhaïl, autrement Jean et Michel. Massouih était depuis trente ans attaché à l'hôpital quand Djabril, on ne dit pas pourquoi, lui fit perdre sa position. Massouih, fort de son expérience, vint à Bagdad pratiquer la médecine. 0 104 HI:TOIRE DE LA MÉDECINE:ARAPE. — LIVRE DEUXIÈME. Il avait guéri d’une ophthalmie un serviteur de Fadhl fils de Rabi, vizir du Khalife. Errachid fut lui-même atteint de la même maladie. Gabriel, qui se trouvait à Bagdad, lui en- voya des oculistes qui le traitèrent sans succès. Le domes- tique fit appeler Massouih. Fadhl en parla à Gabriel qui le pria de faire venir Massouih. Comment, lui dit Gabriel, te voilà donc devenu médecin. Pourquoi me dis-tu cela, répli- qua Massouih : est-ce donc en vain que j ai travaillé trente ans dans un hôpital ! Fadhl fit donner à Massouih une pension de six cents drachmes par mois et des vivres pour cinq domestiques. Massouih fit alors venir de Djondisabour sa femme et son fils - Jouhanna. Errachid ayant donc été lui-même atteint d’ophthalmie, Massouih le guérit au bout de deux jours de traitement. Le Khalife lui assigna une pension de deux cents drachmes par mois, le combla de présents et lui fit prendre rang à côté de Djabril et de ses autres médecins. La sœur de Rachid tomba malade et Gabriel l'avait traitée sans succès. Si nous faisions venir, dit Rabi au Khalife, ce-. lui qui a travaillé trente ans dans les hôpitaux! Massouih fut appelé en consultation, et annonça la fin prochaine de la malade. Il ment, dit Gabriel. Rachid fit emprisonner Massouih. Cependant sa prédiction se réalisa. Rachid le fit appeler et lui fit une position et des appointements égaux à ceux de Gabriel. M MIKHAIL BEN MASSOUIH OU MICHEL FILS DE MÉSUÉ. Mikhaïl devint le médecin du Khalife El Mämoun qui avait pour lui beaucoup de considération, de confiance et d'amitié : il ne prenait aucun remède que ceux préparés par Mikhaïl et il le préférait à Djabril ben Bakhtichou. Mikhaïl ne nous est autrement connu que pour son an- tipathié contre les innovations. Il ne prescrivait, en fait de médicaments, que ceux qui étaient connus depuis au moins deux siècles. 2 MASSOUIH BEN IOUHANNA. MIKHAIL BEN MASSOUIH. ” 105 - On lui demanda un jour son avis sur la banane. Il n’en est pas question, dit-il, dans les écrits des anciens : aussi je n’ose ni la manger ni la recommander aux autres. Il n’employait jamais que le miel dans la préparation de loxymel et pour confire la rose : jamais il ne se servait du sucre. En un mot, il se conformait en tout aux errements des anciens. = JIAHYA OÙ IOUHANNA BEN MASSOUIH, VULGAIREMENT JEAN FILS DE MÉSUËÉ, OU ENCORE MÉSUÉ L'ANCIEN, Jean paraît être né vers l’an 777 de notre ère, si l’on en croit Léon l’Africain, qui le dit avoir vécu environ quatre- vingts ans. On lui a donné vulgairement le nom de Mésué l'ancien, pour le distinguer d’un médecin du même nom qui lui est postérieur, et dont les œuvres ont été traduites en latin et imprimées. Nous croyons devoir ajouter que les-noms d’Iahya et de Jouhanna sont la même chose sous deux formes différentes, parce qu’il est arrivé que l’on en a fait deux personnages. L'un de ces noms est la forme arabe et l’autre la forme syriaque. Nous relèverons encore une autre erreur. Les biographies de Michaud et de Hæfer donnent à son père le nom de Georges. Nous pensons que les auteurs de ces noti- ces se sont appuyés sur ce qu'on lit dans la Bibliothèque orientale d’Assemani. À propos des médecins qui furent em- ployés par les Khalifes, on lit en tête de cette longue liste: _ Georgius Mesue ejusque filius Johannes, etc. (1) Nous pen- . sons qu'il faut disjoindre les deux mots Georgius et Mésué. Le premier nous paraît devoir être appliqué à juste titre à Djordjis ou Georges, la première illustration de la famille, —_ qui fut appelé à Bagdad pour soigner le Khalife El Mansour. : Si l’on fait un seul personnage de ces deux noms, Georgius - Mésué, Georges fils de Bakhtichou, qui commença la gran- —._ deur de sa race, ne serait point nommé, ce qui ne saurait (1) Tome ITT, 2e partie, page 97. 106 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, == LIVRE DEUXIÈME. être admis. Ce qui nous semble aussi prouver notre manière de voir, c’est qu'immédiatement après Jean, fils de Mésué, est cité Bochtiesus magnus. Or nous pensons que cette citation s’applique à Bakhtichou, fils de Georges, qui laissa des écrits, tandis que l’autre Bakhtichou ne fut grand que par son faste. Enfin ce nom de Georges aurait dû se retrouver dans “ JeKitabel hokama, Ebn Abi Ossaïbiah, Aboulfarage et Léon l’Africain. D’après l’histoire de Mésué, il semblerait que son fils Jean a dû naître à Djondisabour. Léon l’Africain le fait cependant naître dans une bourgade voisine de Ninive. Ce que rapporte . ensuite Léon de l’arrivée de Jean à Bagdad ne s’accorde pas non plus avec le récit des historiens arabes qui l’y font ap- peler par son père, auquel la fortune venait de sourire. Léon lui prête aussi l’envie d’entrer dans les ordres, et même Saint-Martin, qui a écrit la notice de Mésué, dans la biographie de Michaud, dit que ce fut sous les auspices du patriarche Nestorien Timothée, mais que le goût de lascience le fit renoncer à l’état ecclésiastique. Nous ignorons sur quelles autorités s’est appuyé Saint-Martin. En tout cas, d’après les historiens arabes, ce serait plutôt sous les auspi- ces de son père que Jean se serait adonné à l’étude des scien- ces et de la médecine. Il ne tarda pas à s’y faire remarquer au milieu des savants qui commençaient à affluer à Bagdad. Léon rapporte que le Khalife Haroun Errachid, voulant confier le commandement du Khorassan à son fils Mâmoun, lui avait recommandé de s’entourer d'hommes de mérite. Le secrétaire de Mâmoun lui indiqua Jean fils de Mésué. Haroun s’étonnant que son fils ait fait choix d’un chrétien, Mâmoun lui répondit qu’il l’a- vait pris non pas pour sa religion, mais pour sa science, les chrétiens etles juifs pouvant seuls alors fournir des savants. Ce récit de Léon nous paraît suspect et peu en rapport avec l'esprit de Haroun. Du reste nous aurons souvent occasion de relever des inexactitudes dans Léon l’Africain, qui n’eut probablement pas le temps de prendre une connaissance exacte des personnages dont il nous a laissé la biographie. Suivant Ebn Djoldjol, cité par Ebn Abi Ossaïbiah, le Kha- LS D IAHYA OU IOUHANNA BEN MASSOUIH. 107 life Haroun Errachidchargea Jean, fils de Mésué, de traduire _ les livres que l’on avait trouvés à Angora et à Amouria, ainsi | que dans tout le pays grec, et le nomma chef des traduc- teurs. Aboulfarage rapporte aussi que Jean fut chargé par le Khalife Haroun de traduire les livres des Anciens. D'après le Fihrist et Hadji Khalfa, Jean serait même allé en Grèce à la recherche des manuscrits, mais seulement sous le règne d'El Mâmoun. Jean n’était pas seulement traducteur, il enseignait aussi la médecine et la dialectique, prenant pour base de son en- seignement les livres de Galien. Ses cours étaient fréquen- tés par les savants et les lettrés, en partie, dit-on, pour ses saillies, que l’on se plaisait à recueillir. Nous en donnerons un échantillon. Un jour il tomba ma- lade, à ce point qu’on désespéra de ses jours. Suivant la cou- tume des chrétiens, les membres du clergé vinrent prier chez lui. Tas de gredins, leur dit Jean, que faites-vous chez moi ? — Nous venons prier Dieu pour qu’il te rende la san- té. — Les pastilles de roses, répliqua Jean, valent mieux que les prières des chrétiens, durassent-elles jusqu’à la ré- surrection. …. Issa, fils d'Ibrahim, venait de se faire musulman quand Jean, fils de Mésué, rentrant chez lui trouva du monde qui _ l’attendait. Allez-vous-en, leur dit-il, et embrassez l’islamis- _ me: le Messie (Issa) vient de se faire musulman. Un prêtre vint un jour se plaindre à lui de maux d’esto- - mac. Prends l’électuaire el Khouzy, lui dit Jean. — Je l’ai . fait. — Prends celui de cumin. — J'en ai pris. — Prends . alors le macédonique. — J'en ai pris une jarre. — Prends « donc de l’ambrosia. — J'en ai pris et m'en suis trouvé mal. - — Eh bien, lui dit en colère Jean, fais-toi musulman : l’isla- . misme assainit l'estomac. _ On connaît sa réponse au Khalife El Ouatseq. Celui-ci pê- - chait un jour à la ligne en compagnie de son médecin. —._ Comme il ne prenait rien, vas-t-en, dit-il à Jean, malhéu- —_ reux, tu me portes malheur. — Prince des croyants, lui ré- …pondit Jean, ne dites pas que je suis malheureux. Je suis né F1) d'une esclave achetée par mon père, et cependant je suis 0" altin d édit in dÉ 108 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. —— LIVRE DEUXIÈME. devenu le favori et le commensal de plusieurs Khalifes et j’ai prospéré au delà de mes espérances. Cela ne peut pas se dire être malheureux. Mais si vous me le permettez, je vous di- rai qui l’on peut appeler malheureux. — Parle. — C’est un prince descendu de quatre Khalifes, Khalife. comme eux, qui laisse son empire et son palais pour se loger dans une ca- bane large de vingt coudées qu’un coup de vent peut sub- merger, et qui fait ce que font les plus malheureux des hom- mes. El Ouatseq fut blessé de cette hardiesse, et il eut pro- bablement sévi contre Jean, sans la présence de son frère Moutaouakkel. Malgré sa science, Jean ne passait pas pour un heureux praticien. Quand Salmouïh, médecin de Motassem, fut près de mourir, il recommanda au Khalife de ne pas s’abandon- ner à Jean, et de ne prendre de ses prescriptions que les moins compliquées. Il eut un fils de la fille de Thifoury, qui était peu intelli- gent. Ce fils étant tombé malade, Jean le saigna contraire- ment à l’avis de Thifoury, et on attribua sa mort à cette sai- gnée intempestive. Malgré la coopération de Jean au travail des traductions, il n’en est pas cependant qui nous soit restée sous son nom. » Il eut pour disciple Honein, qu’il jugea d’abord incapable d'étudier la médecine et qu’il rebuta par ses brusqueries, au point que Honeïn le quitta et s’en fut en Grèce se perfec- « tionner dans la langue du pays. 1 Jean mourut à Samarra en l’année 857 de notre ère. Il composa un grand nombre d’écrits dont quelques-uns seu- : lement sont parvenus jusqu’à nous. - Telle en est la liste : La démonstration, en trente livres. La vue attentive. Le complément et la perfection. ; Livre des fièvres, (sous forme dichotomique), traduit en latin. | Les aliments et les boissons. | Pandectes et Pandectes abrégées, adressées à Mimoun De la saignée et des scarifications. | IAHYA OU IOUHANNA BEN MASSOUIH. 109 _ De la lèpre tuberculeuse. Des substances. | Des pollutions nocturnes. _ Dela prééminence de l'estomac. (Stomachi repletio, Wüs- . tenfeld). __ De l'emploi et de la correction des médicaments pur- __ Du secret parfait. = De la correction des aliments. __ Des bains. _ Des poisons et de leur traitement. _ Livre de l'introduction. _ Livre des temps. _ Livre des attributs et des signes. _ Du dévoiement. _ De la décoction. - AS De la céphalalgie, ses causes, ses variétés et son traite- ment. __ Duvertige et du tournoiement. 4 Pourquoi les médecins doivent s ‘abstenir de traiter les femmes pendant certains mois de la grossesse. __ Del’examen des médecins. De l'examen des oculistes. De l’altération de œil. Du toucher des veines. ee la voix et de l’enrouement. à Eee 7 | 4 Du btioiont qui fait concevoir les femmes stériles. _ De e l'embryon. 4 bu _ Dela colique. | Curiosités médicales. _ De l'anatomie. - Du régime des purgatifs, suivant les temps et les tempé- uments. 110. HISTOIRE DE LA. MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. De la constitution de l’homme, de ses organes et des cau- ses des maladies, dédié à Mâmoun. Notre liste est beaucoup plus complète que celle de Wüs- tenfeld qui a donné celle du Kitab el hokama, probablement d’après Casiri, tandis que nous avons suivi Ebn Abi Ossaï- biah. Maintenant se présente une double question: que nous est-il resté des écrits de Mésué? Peut-on lui attribuer les traductions latines ou hébraïques qui portent ce nom ? 1° En fait de textes arabes, nous ne connaissons que deux écrits mentionnés par Casiri, sous le n° 888, et le n° 1,302 de la Bibliothèque de Leyde. - Le premier est intitulé: Propriétés des aliments. Nous avons rencontré dans notre liste un Traité des aliments et des boissons. Le deuxième écrit a plus d'importance. Nous avons traduit son titre Nouadher etthobb par Curiosités de la médecine. On pourrait traduire aussi par Raretés ou Secrets. Wüstenfeld considère cet ouvrage comme répondant aux Aphorismes de Janus Damascenus, mais il ne donne pas de preuves à l’appui de cette opinion. Nous croyons en avoir trouvé. Malheureu- sement ce Ms. a disparu de l’Ecurial, ainsi que nous l’avons constaté : mais le titre a son importance : il donne l’ouvrage comme dédié à Honein, disciple de Mésué. En tête des Aphorismes, nous trouvons en effet une dédicace à son fils bien-aimé pour lequel cet ouvrage a été composé. Puis à la fin nouslisons : « Præterea valde cœptum opus non negligere hortor propter quod me nimis lætificasti: et quod librum Galieni gloriosissimi transtulisti, cujus titulum ei placuit vocari megategni. Nunc autem deo gratias ago quod te hujus modi primum translatorem inveni. » De tels propos adressés à Honein ne sauraient convenir qu’à notre Mésué. Le manuscrit de Leyde ne laisse aucun doute sur la ques- tion d'identité. 2° On à sous le nom de Mésué la traduction latine d’un Traité dés fièvres, Ce traité figure dans notre liste bibliogra- phique. nc < PL] SAHL BEN SABOUR. 111 Nous croyons qu’il faut rapporter à Mésué le jeune, un ouvrage souvent imprimé et qui contient un traité des mé- dicaments purgatifs, un formulaire et la thérapeutique par- ticulière à chaque maladie. Mésué l’ancien, écrivit aussi sur les purgatifs. Nous avons rencontré quelques citations de cet écrit dans Ebn el Beithar, ainsi le Turbith. Nous avons comparé avec l’imprimé et nous n’avons trouvé aucune ressemblance. Ce que nous disons des traductions latines, nous l’appliquerons aux traductions hébraïques et nous considérons comme erronée l'attribution du catalogue des Mss. de Paris. Il y a d’ailleurs une raison péremptoire de chronologie. Dans l'ouvrage en question, nous trouvons cités : Razès, Ebn ed Djezzar, Ishaq ben Amran, Avicenne, etc. Jean nous est donné comme ayant pris une part active au travail des traductions. Cependant son nom ne figure pas dans les listes de traducteurs et nous ne connaissons aucune traduction donnée sous son nom. Il est probable que son rôle se borna à celui de directeur. L SAHL BEN SABOUR. Il était aussi nommé El Kousedj. Il était de l’Ahouaz et avait apporté dans Bagdad un cachet de terroir. C'était l’époque d’El Mâmoun, et Sahl se trouvait en compagnie des grands médecins de l’époque, Jean fils de Mésué, Geor- ges fils de Bakhtichou, Issa ben Hakam, Issa ben Abi Khaled, Zakarya Etthifoury, etc. Sahl était un de ces hom- mes qui vinrent un peu avant l’époque des traductions, et qui se firent par l'expérience. S'il était moins savant que ses confrères, il les égalait, dit-on, par la pratique. Tous redou- taient sa langue et ses malices. On nous en a conservé quel- (1) Nous trouvons dans le n°7131 du fonds latin de Paris, un traité de chirurgie de Mesué, traduit en latin, à Naples, par maître Ferra- nus, juif de religion. La réduction des fractures est rendue par le mot Algebra. Rien ne nous autorise jusqu'à présent à rapporter cet ou- vrage à Mésué l'Ancien. 112 HiSTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, = LIVRE DEUXIÈME. ques traits. En l’année 209 de l’hég'ire, il se dit un jour ma- lade, et fit venir des témoins pour leur dicter ses dernières volontés. Il instituait pour héritiers ses enfants, et en tête Georges et Jean fils de Mésué, alléguant qu’il avait eu com- merce avec leurs mères, et qu'il en reconnaissait la pater- nité. À ces mots, Georges bondit. Soufflez-lui du Coran dans l'oreille, dit El Kousedj, il est pris d’épilepsie. Une autre fois, un jour de fête chrétienne, il aperçut Jean, fils de Mésué, dans une tenue magnifique et il en prit om- brage. S’adressant à un chef de poste, il le pria d’adminis- trer à Jean, qu'il lui dit être son fils, une correction de vingt bons coups de bâton, lui promettant autant de pièces d’or. Jean fut saisi par les hommes du poste, et cria vainement qu'il n’était pas le fils de Kousedj. Tu le vois, dit Kousedj, il est fou. Jean reçut la voiée de coups de bâton. On ne dit pas quelle était la religion de Sahl, tandis que l’on fait remarquer, à propos de son fils Sabour, qu’il mourut chrétien. SABOUR BEN SAHL. Sabour était fils de Sahl el Kousedj. C'était un médecin savant et renommé, attaché à l’hôpi- tal de Djondisabour. Le Kitab el hokama nous apprend qu’il mourut chrétien l’année 255 de l’hégire, 869 de notre ère. Sabour était très versé dans la connaissance des propriétés des médicaments simples et de leurs combinaisons. Il com- posa un grand formulaire, Acrabadin Kebir, le premier probablement dont l’histoire nous ait conservé le souvenir. Ce formulaire, divisé en vingt-deux livres, fut générale- ment adopté dans les hôpitaux et les officines, et eut une grande vogue avant l'apparition du formulaire d’Amin Eddoulat Ebn Ettalmid. 1l paraît en avoir aussi composé un autre, Car on trouve cités dans le Continent de Razès un grand et un moyen antidotaires de Sabour. : Il écrivit aussi d’autres ouvrages. PREMIER E Dee" EME, de us “Aer SAEOUR BEN SAHL. SÉRAPION L'ANCIEN. 113 Untraité des propriétés des aliments, de leurs inconvé- nients et de leur utilité. Une critique de l’ouvrage de Honein sur la différence entre les aliments et les médicaments laxatifs. Un discours sur le sommeil et la veille. Un traité des succédanés cité par Hadji Khalfa et par d’Herbelot. À ce propos nous relèverons une erreur de l'édi- teur allemand de Hadji Khalfa, qni a rendu: Abdal el Adouyat par: compendium de medicamentis. (N°17, éd. Flue- gel.) Nous ferons remarquer ici que Sabour n’est cité cependant qu’une seule fois par Ebn Beiïthâr, à propos de la cuscute. La même citation se lit dans les simples de Sérapion. Il est quelquefois cité dans le Continent de Razès, et une fois on le trouve même cité de la sorte: Sabur in lapidario, ce qui semble indiquer que Sabour s'était aussi particulièrement occupé des minéraux. Nous n’avons pu constater la citation dans le texte. Nous devons relever les citations de Sabour dans Mésué. Nous les trouvons sous des formes diverses : Sabor, Sabor ben Girges, Sabor filius Girges, filius Girges, filius Girges rez medorum, Sabor rex medorum. Nous pensons que l’on doit voir dans le mot Girges une altération de Kousedij, alté- ration qui peut s'expliquer en admettant dans l’arabe une écriture défectueuse. Quant à la qualification de Rex, serait- ce la traduction du mot cheikh ? On lit de même dans l’an- tidotaire de Sérapion cette qualification de Rex, on trouve même des pilules sous le nom de Zacissuba regis medorum. Dans Iacissuba il serait encore permis de voir une altération de Kousedj. Enfin on trouve encore Xiraxeg regis medorum, qui peut se prêter à la même explication. JEAN FILS DE SÉRAPION, OU SÉRAPION L'ANCIEN. De même qu’il y a deux Mésué, il y a deux Sérapion, et on les a pareillement distingués par les épithètes d’ancien et de jeune. On les a aussi confondus, et c’est ainsi que Freind at- 8 114 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. tribue à Sérapion le jeune l’antidotaire qui appartient à l’ancien. Une des causes de cette confusion; c’est le peu de documents qui nous restent sur leur compte. Il en existe cependant, et Wüstenfeld s’est mépris en disant que les histo- riens et biographes arabes ne parlent pas de Sérapion l’an- cien. Nous allons prouver le contraire. Sérapion l’ancien est cité dans le Fihrist entre Jean fils de Mésué et le second Thabary. Il y est dit qu’il éctivit exclu- sivement en syriaque, qu'il vivait aux premiers temps de l’islamisme, qu’il composa deux traités ou Pandectes, l’un le grand en XII livres, l’autre le petit en VII, et que ces ouvra- ges furent traduits en arabe. “Le Fibrist est reproduit par le Kitab el hokama. On lit à lafin du VIIF- livre d'Ebn Abi Ossaïbiah, à propos des derniers médecins d'Alexandrie et à la suite d’Ahroun: « Jean fils de Sérapion, n’a écrit qu'en syriaque. Son père Sérapion eut deux enfants, tous deux médecins distingués, à savoir Jean et David(Ilouhanna et Dâäoud). Jean est l’auteur d’un grand traité en XII livres et d’un petit en VII. Il a été traduit par Haditsy le secrétaire, (1) pour Aboul Hassen ben Nefis, le médecin, en l’année 318 de l’hégire, etcette traduc- tion vaut mieux que celle de Hassen ben Bahloul. Il a été aussi traduit par Abou Bachar Matta. » Ces citations soulèvent une difficulté, celle de l’époque où vécut Jean fils de Sérapion. L’historien de la médecine, en le rapprochant d’'Ahroun, semble lui assigner le septième siècle, et le Fihrist ne paraît pas abonder en ce sens en di- sant qu’il a vécu dans les premiers temps de la dynastie (Abbasside) et en le plaçant entre Jean fils de Mésué et le jeune Thabary, ce qui nous porte au neuvième siècle. Nous verrons tout à l’heure qu’il faut s’en tenir à cette dernière date, si l'ont tient compte des autorités citées dans les œuvres qui nous sont restées de Sérapion. Le petit traité, Kounnach ou Pandectes, en VII livres, n’est autre chose que ce que nous possédons en traduction latine sous le nom de Sérapion et avec le titre de Practica ou Breviarium. (1) Le Fihrist donne ainsi ce nom : Mousa ben Ibrahim el Haditsy: . + re SÉRAPION L'ANCIEN. 115 Freind a déjà fait observer que les citations de Jean fils de Sérapion dans le Continent de Razès se retrouvent mot pour mot dans le Breviarium. Nous avons constaté la même iden- tité pour les citations faites par Ebn Beithàr. Nous sommes arrivé dernièrement à des preuves plus direc- tes. Il existe à la Bibliothèque de Paris un fragment de Jean fils de Sérapion, que les rédacteurs du catalogue ont mé- connu, et que nous avons déterré dans le manuscrit n° 1056, ancien fonds arabe. Le fragment va du folio 155 au folio 170, c’est-à-dire qu'il ne contient qu’une trentaine de pages. C’est dans ce même volume que nous avons aussi fait, entre autres découvertes, celle d’un fragment du Haouy de Razès, le seul que l’on possède à Paris. Le fragment de Jean fils de Sérapion, contient la fin du troisième discours, Magala, du Kounnach, et le commence- ment du quatrième. Le dernier chapitre du troisième dis- cours ou traité, est relatif à la colique et porte le numéro d'ordre 32, tout comme dans le Breviarium. Il est accompa- gné de cette indication : fin du troisième discours du Koun- nach d'Iouhanna ben Serafioun le médecin. Le titre du quatrième discours est ainsi conçu : Quatrième discours du Kounnach d’Iouhanna, comprenant trente cha- pitres.. C’est encore le chiffre du Breviarium. Suit l’exposé des chapitres et de leur contenu, qui est encore de tout point conforme à ce que nous trouvons dans le Breviarium. L'i- dentité du Kounnach et du Breviarium ou Practica est donc parfaitement établie. Les auteurs cités dans Sérapion seront pour nous l’indice de l’époque où il vécut. De même que dans toutes traductions latines, les seules autorités que nous puissions invoquer à défaut d’un manus- crit complet, parmi les noms cités dans le Breviarium, ‘il en est d'indéchiffrables. Mais il en est de parfaitementreconnais- sables et ce sont ceux d’Ahroun (dit aussi El Kessed, pour El qass, le prêtre), des fils de Mésué, de Humain (Honein), (1) — de Zacharya et d'Israël, (sans doute les deux Thifoury), de (1) Désigné aussi sous le nom d’Abou Zeïd. 116 HiSTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, —— LIVRE DEUXIÈME. Salmouïh, enfin de Gabriel et de ses écrits dédiés à EI Mà- moun. Nous passons sur les autres tant ils sont altérés dans la traduction latine. Jean fils de Sérapion, vécut donc jusque vers la seconde moitié du neuvième siècle de l’ère chrétienne. À propos des citations faites dans Sérapion, il n’est pas sans intérêt de relever les noms des auteurs anciens : c’est peut-être une preuve que beaucoup de traductions syriaques circulaient déjà de son temps. À côté des noms d’Hippocrate et de Galien, on lit ceux de Rufus, d’Asclépiade, de Paul d'Égine, de Magnus, de Philagrius, d’Archigène. Il paraît même que Sérapion aurait fait plusieurs emprunts textuels à Alexandre de Tralles, bien qu’il ne le cite pas nominative- ment. Ajoutons à ces noms ceux de Jean le Grammairien, et du Persan Bourzouïh. D'autre part, parmi les médecins arabes qui ont parlé de Sérapionet qui lui sont ainsi postérieurs, nous citerons Razès et Ali Abbas. Nous croyons devoir transcrire sommairement ce qu'en dit ce dernier. Dans les prolécomènes du Maleky, Ali Abbas expose les motifs qui l’ont engagé à écrire, à savoir les dé- fectuosités ou lacunes des ouvrages composés par ses devan- ciers, et parmi ces devanciers il compte Jean fils de Séra- pion. « Quant à Jouhanna ben Serafioun, dit Ali, son livre ne contient que le traitement par le régime et les médicaments, et il ne s’occupe aucunement des moyens chirurgicaux. De plus il a oublié de mentionner beaucoup de maladies, et sa méthode est vicieuse. Il traite des maladies par régions, mais sans les rattacher aux organes. Ainsi les maladies de la bouche, de la matrice, etc., sont rangées parmi celles de la surface cutanée. Enfin il a oublié de parler des poisons et des médicaments toxiques. » Ali fait une longue énumération des maladies oubliées par Jean fils de Sérapion. Nous repro- duirons le passage entier à propos d’Ali ben Abbas. Outre le fragment de Paris, il en existe aussi un à l'Escu- rial, sous le n°814, et la Bibliothèque bodléienne parait avoir un manuscrit complet de Sérapion sous le n° 598. PIRE SÉRAPION L'ANCIEN. 117 Le Kounnach fut traduit en latin par Gérard de Crémone sous le titre de Breviarium, et plus tard par Alpago, sous le titre de Practica. Il comprend deux parties. La première, qui se compose des six premiers livres, est un traité de médecine où les maladies sont exposées dans l’ordre que nous avons vu critiqué par Ali Abbas. La deuxième partie, ou le septième livre, est un formulaire en trente-sept chapitres, contenant les uns des œénéralités sur la thérapeutique, les autres, en bien plus grand nombre, un exposé de la préparation des différentes classes de médicaments composés. L'antidotaire de Sérapion est fréquemment cité par Mésué. On a aussi donné à Sérapion l'Ancien, le nom de Janus Damascenus et une édition en a été faite sous ce titre par Albanus Torinus. Nous avons aussi des Aphorismes sous le nom de Janus Damascenus, que nous avons rapportés à Mésué l'Ancien. Le Kounnach de Sérapion fut commenté par Aboul Has- san el Harrany. Nous avons pu prendre connaissance du Ms. de l’'Escu- rial. C’est un fragment de six feuillets seulement, qui pourtant ne manque pas d'intérêt: il contient le début de l'ouvrage, avec cet entète: Kounnach d’'Iouhanna ben Serafioun, traduit par Moussa ben Ibrahim el Hadechy, avec des additions d'Ebn el Bahloul. Ce dernier est qualifié plus loin d’Essarhany. Nous trouvons d’abord la table du premier livre, qui con- tient trente-deux chapitres dont la nomenclature est donnée: 1° Des nodosités, de l’ophiasis et de l’alopécie ; 2 De la chute des cils; 3 De la teigne molle, qui ressemble au favus; 4° Des furfures de la tète et de tout le corps} _ 5° Des poux de la tête et du corps; 6° De la céphalalgic causée par la chaleur du soleil, etc. Nous trouvons ensuite le premier chapitre. On voit que nous possédons bien là des fragments du Kounnach d'Tahya ben Serapion. 118 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARAPE., — LIVRE DEUXIÈME. SALMOUTIT BEN BAYAN. Honein rapporte que son père le considérait comme le médecin le plus instruit de son temps. Le Khalife Motas- sem, à son avènement à l’empire, en 833 de notre ère, l’atta- cha à sa personne et le tint en grande congidération. 11 l’appelait: mon père. On rapporte qu’il dit un jour: Je considère mon médecin Salmouïh plus que le cadhi des cadhis, car celui-ci ne gère que mes biens et Salmouïh est chargé de ma personne qui m'est plus chère que ma for- “tune et mon empire. Il le chargea même de sa correspon-— dance. Salmouïh n'avait pas une grande estime de la prati- que de Jean fils de Mésué, et quand il se sentit près de mourir, il recommanda à Motassem de ne pas s’abandonner entièrement à Jean. La première chose en médecine, disait- il, c’est d'apprécier l’intensité de la maladie, et c’est ce que ne fait pas Jean, malgré son érudition. À la mort de Salmouïh, Motassem s’abstint de manger, se fit présenter la bière, et y pria avec accompagnement de cierges et de parfums, à la manière des chrétiens, car Sal- mouïh était chrétien. Il passait pour fidèle à sa religion et pour un homme de bien. . Motassem ne survécut que vingt mois à la mort de Sal- mouïh, et l’on attribua l'issue fatale de sa maladie au trai- tement institué par Jean, contradictoirement aux habitudes de Salmouïh. On lit dans la vie d’Issa ben Hakam par Ebn Abi Ossaïbiah que Salmouïh partageait les opinions des moines, au sujet des aphrodisiaques et de leurinfluence funeste sur la santé. Salmouïh composa des ouvrages, mais nous n’en avons pu trouver letitre, le Ms. du Fihrist de la Bibliothèque de Paris, les laissant en blanc. (1) Il est cité quelquefois par Sérapion, Razès et Ebn Bei- thâr, chez ce dernier à propos du cresson alénois et du ca- nard. (1) Il en est de même dans l'édition donnée par Fluegel. (Gi Eau LES THIFOURI. ABDALLAH ETTHIFOURY. ZAKARYA. 119 Motassem étant mort le 21 octobre 841 (Elmacin), et n'ayant survécu que vingt mois à Salmouïh, celui-ci serait mort sur la fin de 839 ou au commencement de 840. LES THIFOURY. Les Thifoury étaient une famille de médecins chrétiens, et jouirent de quelque faveur auprèsdes Khalifes. S'ilsn'ont pas laissé d’écrits, leurs noms se trouvent mêlés à cer- tains faits qui offrent un véritable intérêt pour l’histoire de la médecine. L'un d’eux à le mérite d’avoir favorisé les traductions de Honein. ABDALLAH ETTHIFOURY. _ C'était un homme intelligent et disert, un des favoris d'El Hady le Khalife. Il était attaché en qualité de médecin à Thifour, frère de Khizräna, femme d'El Mohdy, et l’on dit même qu'il était affranchi de cette favorite. Quand le Khalife El Mansour envoya Mohdy SUrER Sen- gar, il emmena Khizrâna qui était enceinte de Moussa El Hady. Thifour était de l'expédition, et Thifoury l’accompa- gnait. L’urine de Khizrâna fut montrée à tous les méde- eins de l’armée. Abou Quoreich crut découvrir qu'elle était enceinte d’un garçon. Quant à Thifoury, nonobstant les instances de Thifour, il ne voulut pas se prononcer sur le sexe de l'enfant. Il devint plus tard le médecin d'El Hady. _ Ce qui recommande surtout le nom de Thifoury, c’est qu’il fit faire à Honein un certain nombre de traductions. Thifoury, d’après ces faits, vivait sur la fin du VIIE siècle de notre ère et au commencement du IXe. ZAKARYA FILS DE .THIFOURY. Zakarya ne nous est connu que par une anecdote que nous croyons devoir raconter. Il accompagnait Afchin, gé- 120 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME, néralissime de l'expédition contre Babek. Afchin voulut faire inspecter les commerçants de l’armée, et quand vintle tour des droguistes ou pharmaciens, il chargea Zakarya de cette inspection. Zakarya voulut préalablement lui raconter l’histoire du chymiste Joseph. El Mâmoun lui contestant la valeur de la Chymie, Joseph lui répondit que la chymie n’était pas une chimère, mais que lies droguistes en étaient la plaie. Comment cela, dit Mâmoun. Si tu leur demandes quelque chose, répliqua Joseph, qu’ils l’aient ou non, ils n’en délivrent pas moins. Que le Kalife essaye, et ii verra. Mämoun se mit à écrire le nom d’une localité voisine de Bagdad, et en envoya demander à tous les droguistes, et tous en délivrèrent, donnant les uns une poudre, d’autres des fragments de pierre, d’autres de la bourre. Afchin en fit autant, prit une liste de friandises, écrivit vingt noms et envoya demander ces objets chez les droguistes. Les uns dirent qu’ils n’en possédaient pas, et les autres en donnè- rent. Afchin fit sortir du camp tous ces derniers et écri- vit à Motassem pour lui demander des droguistes et des médecins auxquels on pût se confier, ce que le Kkalife s’empressa de faire. ; Nous voyons que Zakarya vivait dans la première moitié du IX° siècle de notre ère. ISRAÏL FILS DE ZAKARYA. Il nous est donné comme un médecin éminent. Il était attaché à la personne du vizir Fateh ben Khakan, et fut en crédit auprès des Khalifes et des grands personnages. Telle était sa position auprès de Moutaouakkel que le Khalife s'étant fait ventouser sans l’en avoir prévenu, lui fit donner, pour le calmer, trois mille dinars et une ferme d’un revenu annuel de cinquante mille drachmes. Israïl vivait donc au milieu du IX° siècle. ABOU QUOREICH ISSA ESSIDLANY. 121 ABOU QUOREICH ISSA ESSIDLANY (LE DROGUISTE OU LE PHARMACIEN). Abou Quoreich était un droguiste ou pharmacien de Bagdad, qui dut au hasard une importance et une célébrité de mauvais aloi. À C’est à titre de renseignement historique seulement que nous donnons sa biographie. Khizouran, favorite du Khalife El Mahdi chargea un jour une de ses suivantes de porter son urine à un médecin. La suivante la porta à un pharmacien, Abou Quoreich, qui habitait au voisinage du palais, la lui donnant comme celle d’une pauvre femme. Ce n’est pas d’une pauvre femme, dit Abou Quoreich, mais d’une sultane qui doit accoucher d’un prince. Khizouran, joyeuse de cette nouvelle, ordonna de remarquer l’officine. Quelque temps après elle se recon- nut enceinte, et envoya des présents à Abou Quoreich, puis elle accoucha de Moussa. L'aventure fit du bruit, et Georges, fils de Gabriel, contesta la légitimité de la prédiction et de- manda une contre-épreuve. Cependant, Khizouran devint enceinte de Haroun. On porta de nouveau l'urine au phar- macien, qui annonça encore la naissance d’un fils. Abou Quoreich fut dès lors en faveur auprès d'El Mohdy, nonobs- tant son ignorance en médecine, et devint un de ses méde- cins. On le vit plus tard appelé en consultation, et n’appor- ter dans les discussions que l’entètement de l'ignorance. Il accompagnait aussi le Khalife. Abou Quoreich vivait donc sur la fin du VII siècle de l’ère chrétienne. DEUXIÈME PARTIE LES TRADUCTIONS L — Des Traductions en général et de la culture du grec dans l'Asie centrale. C’est aux Nestoriens que les lettres grecques durent de s'établir et de se perpétuer dans l’Asie moyenne. La connaissance du grec n’était pas seulement nécessaire pour la connaissance et la traduction des livres sacrés, mais aussi pour entretenir des relations avec la Grèce, relations particulièrement établies dans les Conciles. Outre la Bible, on traduisit les Pères. Des offices de traducteurs furent ins- titués, et les noms de plusieurs docteurs nous sont parve- nus avec la qualification d’interprètes. Ces interprètes avaient un rang élevé. Nous les voyons figurer, ainsi que les médecins, dansles assemblées où se discutaient les dog- mes, les rites et les intérêts de la communauté nestorienne. Il en fut ici comme ailleurs. Le dogme religieux, tout en fermant son domaine à la discussion, n’en cherche pas moins à faire usage pour sa défense des armes que peut lui fournir le raisonnement, et il emprunte ces armes à la phi- losophie. Dès le milieu du V® siècle, Aristote fut traduit en syria- que par des savants de l’école d’'Edesse, Ibas, Cumas et Probus, dont le premier gouverna cette église de 435 à 457. Awant son épiscopat, Ibas avait déjà traduit des commen- taires de Théodore sur Aristote. A la mort d’Ibas, l’école d'Edesse fut détruite. Ses savants se réfugièrent en Perse, à Nisibe, et probablement aussi à LES TRADUCTIONS. 123 Djondisabour, dont l’école comptait déjà plus d’un siècle d'existence. Un siècle plus tard, Sergius de Ras el Aïn, contemporain de Justinien, traduisait des ouvrages de médecine et dephi- losophie. Ce fut le premier, dit Ebn Abi Ossaïbiah, qui traduisit des livres grecs en syriaque. Nous croyons Sergius ou Sergis des auteurs arabes, identique avec celui qu'Agathias nous dit avoir traduit du grec sur l'invitation de Chosroës dit le Grand, et qu’il nous donne comme un éminent interprète. Malgré les réserves d’Agathias on ne saurait refuser à Chos- roës un certain goût pour la science. On sait qu'il accorda une courte hospitalité aux philosophes proscrits d'Athènes. Dans une trève conclue avec les Byzantins, il mit pour condition qu’on lui enverrait le médecin Tribunus. Wüstenfeld n’a fait qu’un seul personnage de Sergius de Ras el Aïn, et de Sergius fils d’Hélia, qui traduisit du grec en arabe l’agriculture de Costus. A l’époque de Chosroës et de Justinien nous avouons ne pas comprendre une traduc- tion du grec en arabe, et nous repoussons la confusion de Wüstenfeld, ainsi que la traduction d'Ahroun par Serdjis. Les traductions de Sergius durent pénétrer à Djondisabour. Vers les premières années du VIT° siècle, Harets ben Kala- dad y fut étudier la médecine, et Mahomet dut à Harets une partie de ses connaissances médicales. Or, chez l’un et chez l’autre, on reconnaît facilement des réminiscences grec- ques. L’arabe se parlait-il à Djondisabour? Il est permis de le croire vu la proximité des Arabes de Hira qui mêlèrent si souvent leurs armes à celles des Perses. Georges fils de Gabriel, le premier qui illustra l’école, quand il fut présenté au Khalife El Mansour, lecomplimenta en arabe et en persan. Il est probable que l’enseignement officiel se faisait en syriaque. En effet, cette pléïade de médecins que nous voyons apparaître sous les Abbassides sortait de Djondisa- bouret ne comptait que des Nestoriens. Ensuite nous devons le croire aussi d’après la multiplicité des traductions syria- 124 HISTOIRE DE LA MÉDACINE ARARE. — LIVRE DEUXIÈME. ques et leur persistance après que l’on eut entrepris les tra- ductions arabes. Des traductions commandées en Egypte par Khaled ben Yézid tout ce que nous savons, c’est que dans le nombre quelques-unes eurent trait à la médecine. Elles pénétrèrent sans doute dans l'Irak, et Géber leur dut probablement ses connaissances, tant en médecine qu’en alchimie. La multi-. plicité de ses écrits ne prouve pas seulement l’étendue de ses connaissances, mais aussi la diffusion des livres où il les a puisées. ‘ La première traduction sur laquelle nous ayons des ren- seignements positifs, est celle des Pandectes d’Ahroun. Primitivementécriten grec, ce livre futtraduit en syriaque par un certain Gosius, dit Assemani. Ce Gosius ne peut être que le Djasious d'Ebn Abi Ossaïbiah. En tout cas, il n’a rien à voir avec le Gésius de Suidas. La traduction syriaque fut elle-même traduite en arabe par Masserdjouih. On a placé l’époque de cette traduction en 683 sous Mérouan; mais nous préférons nous en rappor- ter au Kitab el hokama qui la recule jusqu’au règne d’Omar ben Abd el Aziz, lequel l’aurait lui-même commandée. Le caractère d'Omar nous autorise à croire qu’il favorisa les sciences. Quant il parvint au Khalifat, dit Ebn Abi Ossaïbiah, l’enseignement fut transféré à Antioche et à Harran, d’où il se répandit dans les autres contrées musul- manes. C’est ainsi que déjà un Ommiade préludait au rôle dévolu bientôt aux Abbassides. En l’année 765 le Khalife El Mansour tomba malade et on lui indiqua comme le plus habile médecin de son temps Djordjis, chef des médecins de Djondisabour. Georges vint à Bagdad, et sa présence fut l’étincelle qui devait embraser le monde musulman du feu de la science. Ajoutons que Georges laissait deux de ses disciples à l’hôpi- tal de Djondisabour, etqu’il en emmenait un autre avec lui: les acteurs étaient prêts pour le rôle d’initiateurs qui allait leur être confié. Georges traduisit pour El Mansour de nombreux ouvra- ges grecs en arabe, dit Ebn Abi Ossaïbiah dans sa biogra= LES TRADUCTIONS. 125 phie. Wenrich fait observer que l'historien de la médecine arabe ne dit pas si Georges traduisit d’après les originaux, mais il nous semble ne s’ètre ici souvenu de Georges que d’après sa mention en tête du chapitre des traducteurs. Dans ce chapitre Ebn Abi Ossaïbiah dit seulement qu'il traduisit des ouvrages de médecine en arabe, mais ailleurs, dans l’article biographique, ils’exprime ainsi que nous l’avons dit plus haut. Or, comme évidemment ces traductions devaient être au bénéfice des Arabes et non pas à l'usage des élèves de Djondisabour, nous ne voyons pas pourquoi ces traduc- tions auraient passé par le syriaque. Si Georges fit plusieurs traductions, on ne nous signale qu'un seul ouvrage de son crû, et il ne paraît pas que son travail de traducteur portât sur cet ouvrage, attendu que Honein le traduisit plus tard du syriaque en arabe. Georges devait connaître le grec, dontlaconnaissance était nécessaire aux médecins de son importance, qui assistaient, aussi bien que les interprètes, aux assemblées du clergé nestorien. La connaissance du grec dut se maintenir pendant longtemps. Nous en avons pour preuve la persistance des traductions en langue syriaque, même au XIII siècle. (1) Si l’on en croit Hadji Khalfa, le Khalife El Mansour en- voya des ambassadeurs à Constantinople, qui en rapportè- rent les œuvres d'Euclide et des ouvrages de physique. On - les traduisit en arabe et ils furent lus avec empressement. Suivant Ebn Djoldjol, Haroun Errachid fit traduire à Jean, fils de Mésué, les livres grecs trouvés dansles villes d’Angora et d'Amouria et le nomma chef des traducteurs. Aboulfarage rapporte aussi que Jean fut chargé de traduc- tions par le Khalife Haroun Errachid. D’après le Fihrist et Hadji Khalfa, Jean serait même allé en Grèce à la recherchede manuscrits, mais seulementsous le règne d'El Mâmoun. Quoi qu’il en soit, ce qui reste agquis c’est que le mouve- ment commencé sous le règne d'El Mansour se continua Lu) Ajoutons qu'il y avait un autre centre d’hellénisme chez les Sa- biens de Harran, d’où sortit Thabet ben Corra. 126 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. sous celui de Haroun, secondé par les Barmécides, et prit tout son développement sous EI Màmoun. Ses instincts le poussaient dans cette voie, mais ce qui excita, dit-on, le zèle d'El Mâmoun ce fut surtout qu’il vit Aristote en songe. Il se mit aussitôt en relations avec l’empe- reur grec ef lui demanda la communication de tous les livres qui restaient des anciens. On résista d’abord, puis on se rendit, et sur l’ordre du Khalife, Hedjadj ben Mater, Ebn Bathriq et Salma s’en allèrent dans le pays grec faire un choix de livres qui furent livrés à la traduction. Les fils de Chaker, Mohammed, Hassen et Ahmed en recrutaient aussi. D’autres furent livrés par Costa ben Luca, et divers person- nages. Enfin Honein se rendit en Grèce pour y apprendre le grec. On dit qu’un choix fut fait parmi ces livres, et que ceux qui ne furent pas agréés furent livrés aux flammes. Le travail de traduction se continua avec la même ferveur sous les règnes d'El Ouatseq et de Moutaouakkel. Un homme dont nous respectons le caractère et la saine érudition, M. Munk, a dit que le besoin plutôt que le goût avait entraîné les Arabes. Nous ne saurions être de cet avis. Nous accordons aux Abbassides de plus larges idées. Et puis ce ne furent pas seulement les Khalifes et leurs ministres qui propagèrent le mouvement scientifique: un entraîne- ment général saisit même les simples particuliers dont un grand nombre remplirent généreusement à l'égard des tra- ducteurs le rôle de Mécènes. Enfin les traductions ne por- tèrent pas seulement sur des ouvrages de médecine ou d’agri- culture, mais de bonne heure, on s'attaque résolument aux parties purement théoriques de la science. Avant d'entrer dans le détail des traductions et de leurs auteurs, nous donnerons le nom des particuliers qui favori- sèrent ces travaux. C’est d’abord une justice à leur rendre ; c'estensuite une preuve à l’appui de ce que nousvenons dedire sur le caractère du mouvement scientifique chez les Arabes. Ebn Abi Ossaïbiah consacre la fin de son neuvième livre à la liste des particuliers qui favorisèrent les traductions en dehors de l’action officielle des Khalifes. Nous la reprodui- rons intégralement : SR id MN 5 an à de Li PORT TA 7 LES TRADUCTIONS. 127 « Chirchou ben Kothrob, de Djondisabour. Il ne cessa de protéger et de favoriser les traducteurs, leur procurant des livres de ses deniers. Il poussait aux traductions en syria- que plutôt qu’en arabe. « Mohammed ben Moussa l’astronome. Il était un des fils de Moussa ben Chaker, bien connus pour leur mérite et leur science ainsi que leurs écrits sur les mathématiques. Mohammed fut un des amis de Honeiïn, qui traduisit pour lui plusieurs ouvrages de médecine. « Ali ben Jahya, surnommé l’astronome. C'était un des secrétaires et un intime d'El Mâmoun, homme de mérite et qui avait du goût pour la médecine. Plusieurs ouvrages fu- rent traduits à son intention. Tsadry (Théodore) l’Evêque. Il était évèque de Kharkh, à Bagdad, (1) s'occupait à rechercher des livres et à les faire traduire. Les médecins chrétiens composèrent beaucoup de livres qui lui furent dédiés. « Mohammed ben Moussa ben Abd el Malek. On traduisit pour lui plusieurs livres de médecine. C'était un savant éminent, qui s’occupait de corriger les livres et d'en réta- blir les textes. « Issa ben Iounes l'écrivain. C'était un savant éminent de l'Iraq, très occupé à la recherche des livres anciens et aux sciences grecques. « Ali, surnommé El Fayoumy, du nom de sa ville natale, entretenait des traducteurs. « Ahmed ben Mohammed, l'écrivain. Il dépensait beau- coup pour les traducteurs. « Ibrahim ben Mohammed ben Moussa. Il s'appliquait à faire traduire les grecs en arabe et protégeait les savants et surtout les traducteurs. « Abdallah ben Ishagq s’occupait de la recherche des livres et de leurs traductions. « Mohammed ben Abd ei Malek Ezzeyat. Il dépensait pour les savants, les copistes et les traducteurs près de deux mille pièces d’or chaque mois. Plusieurs traductions d'ouvrages () Kharkh était un faubourg de Bagdad. 128 HISTOIRE DÉ LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. de médecine lui furent dédiées par les grands médecins, tels que Jean fils de Mésué, Gabriel fils de Bakhtichou, Bakhti-. chou fils de Gabriel, David fils de Sérapion, Elisa, Israïl fils de Zacharya, Ebn el Bathriq, Hobeïch ben el Hassan. » Ce qui prouve encore l'intensité du mouvement scientifi- que, c’est quel’on ne s’adressa pas seulement aux Grecs mais encore aux Persans, aux Indiens et aux Nàbathéens dont on traduisit les livres en arabe. Nous trouvons dans le Fihrist une douzaine de traduc- teurs du persan parmi lesquels nous nous bornerons à citer les fils de Noubakht, et Ebn el Mocaffa, le traducteur de Ca- lila et Dimna. Parmi les Indiens, on cite surtout Manka qui traduisit un livre indien sur les poisons. Parmi les traducteurs du Nabathéen, nous ; citerons Ebn Ouachchya particulièrement connu par sa traduction de l’a- griculture nabathéenne. Cet appel aux anciennes littératures de l’Asie datait déjà du temps d'El Mansour et de Haroun Errachid. Ce qui prouve que ces médecins de la Perse et de l’Inde avaient quelque mérite, c’est qu’ils sont fréquemment invo- qués dans le Continent de Razès à côté des médecins de la . Grèce. Haroun avait à son service un médecin indien, Saleh ben Bahla, qui acquit une certaine célébrité pour avoir guéri l’oncle du Khalife, Ibrahim, tombé en létharg'ie. Les Syriens ayant été les principaux initiateursdes Arabes, on s’est demandé souvent si toutes les traductions avaient passé par le syriaque. De nos jours quelques médecins et même des orientalistes croient encore que la plupart, sinon la totalité des traductions, ont passé du syriaque en arabe. Cette manière de voir nous paraît le résultat d’une étude incomplète et superficielle de la question. Nous sommes d’un avis contraire et nous apporterons à l’appui des faits et des considérations de diverse nature. Les premières traductions faites en syriaque par les Nes- toriens étaient à l’usage du clergé et des écoles. Nous avons déjà dit que l’enseignement devait se faire dans cette du cote Gift Ên l nut Lan dé me ie nt A à din je Sd Sté te dé dés PT LES TRADUCTIONS. 129 langue. Quand les Khalifes prirent à leur service des mé- decins chrétiens, quand surtout ils se proposèrent d’ins- truire les Arabes, les Nestoriens n’en continuèrent pas moins à former des élèves, et alors même que des traductions commencèrent à se faire en arabe, il s’en fit parallèlement en syriaque. Mais quand on eut apporté à Bagdad les livres de la Grèce, quand on eut des traducteurs connaissant le grec et devant travailler non plus pour les Syriens, mais pour les Arabes, c’eût été un non sens de passer encore à travers le syriaque. Les grands traducteurs d’alors connaissaient le grec: ainsi Tsabet ben Corra, Honein, son fils Ishaq et son neveu Ho- beïch, dont plusieurs traductions passèrent sous le couvert de son oncle. Dans la liste de leurs traductions, nous trou- vons les unes ensyriaque, les autres en arabe. Chez Honein (1) et chez Ishaq, les traductions en arabe dépassent de beau- coup celles en syriaque. Chez Hobeïch nous les trouvons tou- tes en arabe. Chacune de ces traductions sans doute avait sa destination, mais celles qui se firent alors en arabe durent généralement être directes. L'un des grands traducteurs de l'époque, l’émule de Honeïin, auquel il dispute la palme de traducteur, Costa ben Luca, versé dans la langue grecque, fit de nombreuses traductions du grec et toutes en arabe. (2) Il est encore un fait auquel n’ont pas songé les partisans du syriaque. Ce n’est guère qu’en médecine que les Syriens furent, à proprement parler, lesinitiateurs des Arabes. Dès l’époque des traductions, nous voyons les Arabes cultiver avec ardeur, outre la philosophie, les mathématiques et l'astronomie, demander des lumières, non pas seulement aux Grecs, mais encore aux Indiens et aux Persans. Tandis que les Nestoriens cultivent peu ce côté de la science, nous voyons (1) Cependant on lit dans le Fihrist que Honeïin traduisit surtout de Galien en syriaque et revisa beaucoup de traductions arabes. (2) Nous pensons qu’au début on utilisa des versions syriaques et qu on les fit passer en arabe, sauf à y revenir, afin de livrer aux Ara- bes, le plus promptement possible et le plus abondamment, les mo- numents scientifiques de la Grèce. 9 130 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. les Arabes produire des hommes éminents de très-bonne heure. Déjà, sous le règne d'El Mâmoun, nous voyons des astronomes mesurer un degré du méridien terrestre. El Kendy, le grand philosophe arabe, était aussi profondément versé dans les mathématiques et l'astronomie: plusieurs le considèrent comme connaissant le grec: Abou Machar le compte parmi les quatre grands traducteurs. C’est en vain que, dans la liste des traductions établie par Wenrich, nous avons cherché des traductions syriaques relatives aux scien- ces mathématiques, elles sont toutes en arabe, ce qui signi- fie pour nous qu’elles furent directes et faites pour les Ara- bes. Sur ce terrain donc les Arabes ne doivent rien aux Syriens. F Pour nous résumer, les grands traducteurs datant de l'époque où les livres grecs affluaient à Bagdad pour être mis entre les mains des Arabes, il est probable que la grande majorité des traductions qui nous sont parvenues, ont été faites directement; et l’on ne saurait admettre le passage à travers le syriaque que dans les cas particuliers où l’on pourrait en fournir des preuves positives, ceque nous aurons à constater. Quant aux traductions qui nous sont passées entre les . mains, notamment celles de Dioscorides et de Galien, les noms techniques, en très-grande quantité, y sont reproduits avec assez d’exactitude, à part les points diacritiques, et il nous semble qu’un passage par le syriaque eût apporté plus de trouble dans leur transcription. Notre manière de voir est d’ailleurs celle de plusieurs orientalistes éminents, et nous croyons devoir consigner ici leurs témoig'nag'es, À propos des traductions d'Hippocrate, Casiri prend chau= dement la défense des traducteurs contre Renaudot. Dans une lettre à Dacier, Renaudot prétend que les traductions arabes d'Hippocrate et des Grecs en général sont peu soi- gnées, infidèles et sans utilité pour l’épuration des textes oris ginaux. . Casiri lui oppose l’opinion d’érudits, tels que Saumaise; Golius, Erpénius, Pococke et Gravius, et il lui fait le repro- LES TRADUCTIONS. 131 che de n'avoir pas le droit d’être aussi tranchant. Reprenant la question pour ainsi dire ab ovo, Casiri expose les efforts inouïs des Abbassides pour se procurer les ouvrages des Grecs et les faire passer dans leur langue, leurs libéralités envers les savants et leur enthousiasme pour la science. Il conclut que les traductions arabes ne reposent pas sur les traductions syriaques, ainsi que l’insinue Renaudot, mais qu'elles découlent des sources grecques et sont l’œuvre de savants, connaissant parfaitement les deux langues. On ne saurait nier, dit-il, que ces traductions ont été faites alors que le grec était en quelque sorte une langue vulgaire pour les savants qui possédaient encore d'anciens manuscrits da- tant d’une époque voisine de celle des originaux. Quant à Honein, dont Renaudot lui-même reconnaît le rare mérite, il réunit, au dire de tous, toutes les qualités d’un éminent traducteur. Dans son introduction aux Aphorismes, il dit s'être abstenu de toute témérité, de toutchangement, de toute addition. Pour les passages obscurs, il a consulté plusieurs manuscrits grecs et plusieurs savants. Certainement, conclut Casiri, Renaudot aurait triomphé, il aurait imposé son opi- nion sur les Arabes au monde des lettres, si dans les tra- ductions d’Hippocrate et des autres médecins, collationnant avec les originaux, il avait reconnu et corrigé des fautes. C’est là ce qu’il aurait dû faire. I. 239. -_ Il est un ouvrage que nous ne saurions passer soussilence, qui est une sorte de traité ex professo sur la matière, et qui pourrait en imposer en raison du grand nom qu’il porte. Nous voulons parler du Traité De Interpretatione de Huet. Les documents arabes, entrés dans le domaine public, n’é- taient pas alors bien nombreux; d'autre part, Huet n'avait qu'une connaissance très-bornée de la littérature arabe. Il l’avoue lui-même, afin, dit-il, que l’on n’attende pas trop de lui, ce qui ne l'empêche pas de trancher des questions dont les éléments lui faisaient défaut. Huet ignore combien le grec était familier aux Nestoriens. Ï1 croit que les Arabes eux-mêmes furent traducteurs. IL dit leurs traductions lâches, diffuses, infidèles, Il accuse ces étrangers d’avoir enlevé, ajouté, bouleversé, Il ajoute 132 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LiVRÉ DEUXIÈME. qu'ils ne furent pas plus heureux pour la litté rature latine! Il cite quelques auteurs, tels que Galien, Aristote et au- tres, qui ne leur seraient pas venus des Grecs, mais altérés en passant par les Latins ! On souffre à reproduire de telles assertions. Mèmes erreurs dans les détails. : = Déjà M. Renan a signalé les erreurs dont fourmille le traité de Huet sur le chapitre des versions orientales. Dédoublant Constantin et le Viatique, il fait de l’un deux personnages, et de l’autre deux livres, dont il attribue l’un au juif Isaac et l’autre à Ebn Eddjezzar. Il cite une foule d'ouvrages que nous avons en traduc- tions latines et dont il dit les originaux arabes perdus ! Il juge aussi séverement et souvent avec raison les tra- ductions latines, qui se produisirent en des circonstances moins favorables, et sur lesquelles nous aurons à reve- nir. En somme, à l’époque où fut écrit le traité de l’Interpré- tation, les éléments de la question n'étaient pas suffisants, et l’auteur manquait de compétence pour la traiter. « La Bibliothèque du Roi, à Paris, dit Schmolders, possède des traductions d’Aristote, comparables en fidélité et en cor- _rection aux meilleures traductions latines, et tellement dis- tinguées par la critique circonspecte qu'on y remarque, qu'elles vont presque de pair avec les travaux modernes. » Ecoles philosophiques des Arabes, 92. Nous lisons enfin dans les Mélanges de philosophie de Munk : « Les ouvrages d’Aristote furent traduits en grande partie sur des traductions syriaques. On voit, du reste, par les nombreuses notes interlinéaires et marginales que porte le Ms. n° 882 (de la Bibliothèque de Paris) qu’il existait dès le X° siècle plusieurs traductions de différents ouvrages d’Aristote, et queles travaux faits à la hâte sous les Khalifes El Mâmoun et Moutaouakkel furent revus plus tard, corri- gés sur le texte syriaque ou grec, ou même entièrement refaits. « Le livre des Réfutations des Sophistes se présente dans notre Ms. dans quatre traductions différentes. La seule vue LES TRADUCTEURS. 133 de l'appareil critique que présente ce précieux Ms. peut nous convaincre que les Arabes possédèrent des traductions faites avec la plus scrupuleuse exactitude, et que les auteurs, qui, sans les connaître, les ont traitées de barbares et d’ab- surdes, étaient dans une profonde erreur. Ces auteurs ont basé leur jugement sur de mauvaises versions latines, déri- vées non de l’arabe mais de versions hébraïques. » Nous ne saurions donc admettre d’une façon générale ce qu’on lit dans l’Averroës de M. Renan : « Quant à la barbarie du langage d’Averroës, peut-on s’en étonner quand on songe que les éditionsimprimées de ses œuvres n’offrent qu'unetra- duction latine d’une traduction hébraïque d'un commentaire fait sur une traduction arabe d'une traduction syriaque d'un texte grec » p. 52. Du reste, nous reviendrons là-dessus à propos d’Aristote, et nous verrons ce que l’assertion de M. Munk a de trop absolu. II. LES TRADUCTEURS. Nous trouvons une liste d’une trentaine de traducteurs du grec seulement dans Ebn Abi Ossaïbiah. Le Fihrist donne la sienne aussi, dans laquelle figurent quelques noms nou- veaux. On peut recueillir encore d’autres noms, ce qui porte le chiffre des traducteurs de tout genre à une centaine. Si l'on se rappelle les noms des protecteurs, on verra quelle grande agitation le travail des traductions dut opérer dans le monde musulman. L'ouvrage de Wenrich, d’ailleurs si recommandable, nous paraît ici défectueux. Il a souvent admis des traductions opérées par des Arabes d’après des annotations de manuscrits, sans se demander si ces traductions étaient bien réellement authentiques, et s’il ne fallait pas y voir soit descommentai- res, soit simplement des attributions erronées. Il a passé lé- gèrement sur de graves questions que nous croyons devoir nous poser, à savoir: Les Arabes ont-ils joué un rôle per- sonnel et direet dans le travail des traductions? Dans quelles 134 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, = LIVRE DEUXIÈME. langues purent-ils en opérer? A quelles races ou commu- nions diverses doit-on les traductions ? Dans l’ensemble du travail, les traductions du grec en arabe comptent pour la grande majorité, au point que bien souvent on néglige de tenir compte des autres, qui ont cependant leur importance. On doit aux Nestoriens la ma- jeure partie de ces traductions. A côté d'eux se placent aussi les Sabiens de Harran, qui entretinrent longtemps la culture du grec. C’est à peu près exclusivement à ces deux groupes que nous devons les tra- ductions du grec en arabe. . Certaines personnes ont cru que les Arabes avaient coopéré personnellement à cette catégorie de traductions. Ce qui a pu contribuer à propager et accréditer cette opinion, c’est une. assertion doublement erronée, qui n’en est pas moins couverte du grand nom de d'Herbelot: « Averroës estle pre- mier qui ait traduit Aristote du grec en arabe. » En présence de cette assertion, ce que l’on éprouve c’est l’étonnementplu- tôt que le besoin de la réfuter. Ajoutons encore la distinction que l’on a oublié de faire entre les Arabes proprement dits ou Musulmans et les écrivains de race étrangère vivant au milieu d’eux et écrivant en langue arabe. Connaissons-nous des traductions du grec exécutées par les Arabes, ou antrement quelques Arabes surent-ils le grec ? Telle est la question que l’on n’a pas encore résolue définiti- vement, à notre connaissance du moins. M. Renan se prononce d’une façon générale pour la néga- tive. « Il n’y aurait pas, dit-il, beaucoup d’exagération à af- firmer qu’à aucune époque aucun savant musulman n’a connu le grec. » (1) J'ai essayé de prouver, dit-il encore, que ja- mais les études grecques n’ont été cultivées parmi eux. (2) Nous nous rangeons volontiers à cette dernière assertion On rencontre bien chez les Arabes une certaine connaissance de la lexicologie grecque et beaucoup d’étymologies sont (1) Hist. des lang. sémit., 2e éd., 291. (2) De philosophia apud Syros. A TE PT NT LES TRADUCTEURS. 135 données par eux, ainsi, par exemple, dans lestableaux synopti- ques qui terminent le Continent de Razès. (1) Mais ce n’est pas encore là une preuve de ce qu’on peut appeler raisonna- blement la culture du grec. Quant à la première assertion, nous croyons qu’elle esten- core discutable jusqu’à présent. Au sujet d'Abdellatif, M. de Sacy se prononce pour ia néga- tive et nous sommes de son avis. (2) Mais il est un homme pour lequel la question est plus dif- ficile à trancher, à savoir El Kendy. Plusieurs orientalistes éminents lui accordent la connaissance du grec. M. de Sacy admet qu’El Kendy a pu savoir le grec ou le syriaque, Ebn Abi Ossaïbiah le comptant au nombre des principaux traducteurs qui ont traduit en arabe les ouvrages d’Aristote. (3) Wüstenfeld compte El Kendy parmi les savants que le Khalife El Mämoun chargea de traduire les auteurs grecs. (4) M. Sédillot ne paraît pas admettre le doute et nous donne simplement El Kendy comme versé dans la connaissance de la langue grecque. (5) Comment croire, dit M. Jourdain, que le grec fut inconnu d'El Kendy ? (6) Puis il ajouteen note : « Dans un petit traité sur la sphère armillaire, Alkindi indique plusieurs causes de l’infidélité des versions arabes de l’Almageste, ce qui montre qu'il savait le grec. » (1) On en trouve aussi dans les listes de synonymies. (2) Relation de l'Egypte, p. 494. (3) Idem, p. 488. (4) Geschichte der arabischen Aerzte, p. 22. (5) Prolég. d'Oloug beg, XVIII; et Hist. des Arabes, p, 340. (6) Voici la phrase entière que l’on est tout étonné de rencontrer chez M. Jourdain : « Comment croire qu’elle fut ignorée des fils de Mouca, d’Alkindi, de Çosta ben Luca, d’Honein et de son fils Isaac, et de plusieurs autres traducteurs ou philosophes arabes que je pourrais citer ? » — Comment M. Jourdain a-t-il pu laisser tomber de sa plume les noms de Costa, de Honein et d’Ishaq sur lesquels le doute ne saurait être permis. 136 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, = LIVRE DEUXIÈME. Nous avons consulté le Ms. indiqué par M. Jourdain, qui occupe les folios 54 à 58 du n° 1157, ancien fonds arabe, et voici de quoi il est question dans cet opuscule. Un des amis d'El Kendy lui demande des éclaircissements sur la forme et l’usage d’un instrument destiné à déterminer la position du soleilet des astres, instrument mentionné dans le V° discours de l’Almageste. El Kendy répond que l’obscurité tient uniquement à l’élé- vation du style et à l’enchaînement des idées de l’auteur, d'où résulte pour les traducteurs du grec en arabe une dou- ble difficulté, bien saisir le sens et le rendre par desexpres- sions équivalentes, et que ces deux difficultés peuvent être soit isolément soit concurremment une source d'erreurs pour les traducteurs. Nous avouons, pour notre part, que la réponse d'El Kendy n'implique pas nécessairement la connaissance du grec, nous en verrions plutôt une preuve dans ce fait que les traductions attribuées à El Kendy portent sur le terrain des mathématiques, terrain qui ne fut pas cultivé par les Syriens. | Telles sont les autres considérations qui peuvent militer _en faveur de la connaissance du grec par El Kendy. On lit dans Ebn Abi Ossaïbiah et le Kitab el hokama qu'il traduisit plusieurs livres de philosophie, et qu'Abou Machar le compte parmi les quatre grands traducteurs qui ont paru dans l’Islamisme. On peut dire aussi que sa grande et pré- coce connaissance de la philosophie grecque porte naturel- lement à supposer qu'il fut avec cette science en communi- cation directe; sinon il faudrait admettre que de son temps le travail des traductions avait déjà fait de bien rapides progrès. La liste de ses écrits se monte à plus de deux cents. Il embrassa, dit le Fihrist, la totalité des sciences antiques. Un fait est hors de conteste, El Kendy a fait ou revu des traductions. Il revisa les traductions d'Autolyeus (1) et (1) Le Kitab el hokama. y LES TRADUCTEURS. 197 d’'Hypsiclès.(1) Nous apprenons même du Fihrist qu'il fit une traduction de la géographie de Ptolémée. (2) En présence de tous ces faits, ilest bien difficile de ne pas admettre qu’El Kendy connaissait le grec; mais en l'absence d’une assertion formelle relative au grec, nous croyons qu'il vaut mieux réserver encore la question, et admettre, en attendant, que les traductions d'El Kendy se firent d’après le syriaque. Nous ne croyons pas pouvoir refuser à ElKendy, la connaissance de cette langue beaucoup plus facile pour les Arabes que la langue grecque. Une hypothèse : aurait-il fait des traductions à deux, comme au moyen-âge ? Un homme d’une saine érudition, M. Munk, rapporte qu'El Kendy fut chargé de traductions par le Khalife El Mâmoun, ce qui peut faire supposer, dit-il, qu'il était versé dans le grec ou dans le syriaque. Rappelons notre hypothèse. Ne put-on pas employer quelquefois, pour les traductions arabes, le procédé des tra- ductions latines au moyen-âge, c’est-à-dire la collaboration à deux ou même à trois? El Kendy ne put-il pas participer à ces collaborations? Casiri, et après lui Wenrich, se sont fourvoyés à propos de Mohammed ben Moussa. Ils le donnent comme ayant traduit en arabe, d’après le syriaque d’Ayoub, des com- mentaires de Galien sur les Epidémies d’Hippocrate. La note de Honein, reproduite par Casiri, se trouve dans un Ms. identique de Paris (n° 1002* sup.) Mais il y est dit que la traduction fut faite pour Abou Djafar Mohammed et non par lui. Et puis, ce qu'il y a d'étrange, c’est que le texte donné par Casiri porte Abi Djafar au lieu d’Abou Djafar! (3) z Omar ben El Farkhan est compté parmi les grands tra- ducteurs, mais c’est tout ce que l’on nous apprend. Il est probable qu'il traduisit d’après le syriaque. (1) Hadji Khalfa, V. 152. (2) Un Ms. hébreu de Paris, n° 1028 contient la preuve qu'El Kendy savait le syriaque et peut-être le grec (Zotenberg). (3) Casiri, I, 251. Wenrich, 250, Nous y reviendrons. 133 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME, D'après le Kitab el hokama, Aboul Ouéfa traduisitle livre des grandeurs et des distances du soleil et de la lune d’Aris- tarque de Samos, ainsi que le traité des divisions d’Aris- tippe. Il aurait encore traduit Diophante, s’il fallait en croire Pococke dans sa traduction des Dynasties d’Aboulfa- rage, Mais le texte arabe donne fesser, que Pococke a rendu abusivementpar : interpretatus est. (1) Enfin Ennaïrizy nous est donné comme ayant traduit l’Almageste, par le Kitab el hokama. Nous admettons sans peine ces traductions, mais en les considérant comme faites du syriaque en arabe. Il en est encore quelques autres attribuées à des Arabes et admises par Wenrich, même du grec en arabe, et à des épo- ques de décadence. Nous les regardons comme apocryphes. En résumé, s’il est encore permis de douter que les Arabes aient traduit d’après le grec, il est plus admissible qu'ils ont traduit d’après le syriaque. 1] serait oiseux d'appliquer ce travail de critique aux tra- ductions d’après l’indien, le chaldéen et le persan. Nous men- tionnerons plus tard ces traductions et leurs auteurs. Pour cette catégorie de traductions nous ferons un choix et nous ne mentionnerons que ce qui rentre plus ou moins intime- ment dans notre sujet. Quant aux traductions qui procèdent du grec soit direc- tement, soit indirectement, nous mentionnerons autant que possible tous les travauxet tous les traducteurs, attendu que ces travaux ont pour nous un intérêt plus immédiat et que l'ouvrage de Wenrich nenous paraît pas suffisamment connu en France. Il serait d’ailleurs assez difficile de faire un choix parmi les traducteurs, la plupart d’entre eux ayant exploité plusieurs catégories d’écrits. C’est enfin le moyen de faire connaître ce grand fait aussi intéressant et aussi original que peu connu de l'initiation des Arabes à la science. Nous ne nous occuperons des commentateurs qu’à propos des ouvrages traduits, et nous devrons faire un choix parmi eux; leur énumération complète nous entraînerait trop loin, tant ils sont nombreux. (1) Hist. Dyn., page 338 du texte. HONEIN BEN ISHAQ. 139 Le grand nombre de commentateurs n’a rien qui doive nous étonner. Le génie différent des deux langues nous en donne l'explication. La phraséologie grecque, avec son am- pleur et ses inversions, devait être pour les traducteurs une cause d’embarras et pour les lecteurs une cause d'obscurité. Aussi beaucoup de traductions nous sont données comme défectueuses, et comme ayant été corrigées ou reprises à nouveau. Nous aurons l’occasion d’en signaler quelques- unes. Naturellement ces difficultés variaient suivant la na- ture de l’ouvrage. Parmi ceux qui nous sont familiers, il en estun dont la traduction dut être bien facile, c’est celle de Dioscorides. Il n’en est pas de même de Galien. En tête de nos traducteurs, nous allons donner d’abord les plus éminents, tels que Honeiïn et sa famille, Costa ben Luca. | Nous donnerons ensuite les traducteurs de second ordre en entier, pour n'avoir plus à y revenir, les disposant sui- vant l’ordre chronologique. Nous ne parlerons actuellement que des traducteurs du grec ou du syriaque en arabe, réservant les autres pour des chapitres particuliers où nous exposerons en même temps les acquisitions dont la littérature arabe leur est redevable. Si parmi les traducteurs il en est qui aient aussi de l’im- portance comme médecins, il en sera de nouveau ques- tion en temps et lieu. HONEIN BEN ISHAQ (ABOU ZÉID EL IBADY). Honein est la plus grande figure du IX* siècle. On peut même dire qu'il est une des plus belles inteliigences et un des plus beaux caractères que l’on rencontre dans l’histoire. La merveilleuse étendue de ses travaux, leur variété, leur supériorité et leur importance, les épreuves qu’il supporta noblement. au début et dans le cours de sa carrière, tout chez lui provoque l'intérêt et la sympathie. S'il ne créa pas le mouvement de renaissance en Orient, personne n’y prit 140 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, == LIVRE DEUXIÈME. une part aussi active, aussi sûre et aussi féconde. C’est un devoir autant qu’un plaisir de donner à sa biographie des proportions inusitées. Il naquit en l’année 809, d’une famille d'Ibadites, chré- tiens arabes qui s'étaient fixés à Hira, où son père Ishaq exerçait la profession de pharmacien. (1) De là son surnom d'El Ibady. Les gens de Hira passaient pour des Béotiens, et quand Honein vint à Bagdad se présenter à Jean, fils de Mésué pour être son élève, Jean le renvoya, prétextant que les gens de Hira n'étaient pas aptes à l’étude de la médecine. Cepen- dant Honein, qui s’en fut en pleurant, ne se découragea “pas. Il se rendit en Grèce, y séjourna deux ans, se perfec- tionna dans la langue du pays et en rapporta des livres. On lit aussi dans Ebn Abi Ossaïbiah qu'il étudia le grec à Alexandrie. Ce fait, qui aurait son intérêt s’il était avéré, n’est pas relaté dans le Kitab el hokama. ._ Honeïin s’en revint à Bagdad, voyagea dans la Perse, alla se perfectionner dans la langue arabe à Bassora, puis se fixa définitivement à Bagdad. Il s'était ainsi acquis une connaissance approfondie du syriaque, de l'arabe et du grec. S'étant mis à traduire l’anatomie de Galien, le vieux Ga- briel fils de Bakhtichou, l’écoutait avec un étonnement mêlé de respect, l’appelait son maître et voyait en lui un nouveau Sergius (le célèbre traducteur de Ras el Aïn). Jean fils de Mésué, fut pareillement émerveillé. [l ouvrit sa porte à Honein et le pria de lui faire des traductions. Honein fut aussi encouragé dans la voie des traductions par les fils de Moussa ben Chaker, qui l’employèrent avec Tsabet et Hobéïch. Ces protecteurs des savants dépensaient pour eux 500 dinars par mois. Honein était jeune encore quand le Khalife El Mämoun le chargea de traduire les grecs en arabe et de reviser les tra- (1) M. Saaguinetti adopte l’année 792, de préférence à l’année 809. Nous avons adopté cette dernière en raison d’un mot d'Ebn Abi Ossaïbiah qui dit que Honein était encore jeune, quand El Mâmoun le chargea de traductions. PCR OP 0 HOXEIN BEN ISHAQ. 141 ductions des autres. Les traductions de Honein lui étaient payées littéralement au poids de l'or. L'activité de Honein dut être prodigieuse. Sans parler de ses révisions, il commenta tout Hippocrate, traduisit une bonne partie de Galien, Oribase, Paul d'Egine, plusieurs écrits d’Aristote et de Platon, des mathématiciens, des astro- nomes, des philosophes, etc., associant à ses travaux son neveu Hobéïch et son fils Ishaq. Il écrivit encore une cen- taine d'ouvrages dont les uns restèrent classiques dans l’en- seignement et les autres attestent qu'il unissait la pratique à la théorie, tels que son traité des maladies des yeux. Le Khalife Moutaouakkel frappé de la réputation de Ho- nein le fit appeler et lui constitua une riche pension. Cepen- dant ayant conçu à son égard quelques soupçons d'’intelli- gence avec les Grecs, chers sans doute à Honein, il voulut l’'éprouver. ; IL le fit venir, le revêtit d’un vêtement d'honneur et lui donna un titre de 50,000 drachmes, puis il lui dit: Je désire que tu me prépares un remède secret au moyen duquel je puisse me débarrasser d’un ennemi. Honein répondit: Je n'ai jamais appris que des remèdes salutaires et je pensais que le Prince des Croyantsne m'en demanderait pasd’autres. Cependant si telle est sa volonté j’essaierai, mais il me faut du temps. Malgré délais et menaces, Honein n’en fit rien et le Khalife le fit mettre en prison. Honein y resta une année, qu'il employa à traduire et composer. Moutaouakkel le fit de nouveau comparaître, ayant étalé d’un côté des trésors et de l'autre des instruments de supplice. Le temps se passe, lui dit-il, et mes désirs ne sont pas remplis. Si tu obéis, ces trésors et d’autres encore sont à toi, sinon je te ferai périr dans les supplices. — J'ai déjà dit au Prince des Croyants, répondit Honein, que je n’avais appris à composer que des remèdes salutaires. Sur ce le Khalife lui dit: Console-toi, Honein ; tout cela n’était que pour t'éprouver. Mais à quoi donc a pu tenir ton refus? —A deux choses, répondit Honein, ma religion et ma profession. La première ordonne de faire du bien à nos ennemis, et à plus forte raison à nos amis. La seconde nous défend de nuire au genre humain, instituée 142 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. —— LIVRE DEUXIÈME, qu'elle est pour lui être utile. Tout médecin a fait serment de ne jamais délivrer de poison. — Ce sont là deux belles lois, répliqua Motaouakkel, et il combla Honein de présents. Le mérite de Honein ne pouvait manquer de lui susciter des envieux et des ennemis. Une épreuve nouvelle lui était réservée. Cette aventure, diversement racontée, mais iden- tique au fond, nous a été conservée par Honein lui-même dans un récit empreint de tristesse. Honein avait probable- ment rapporté de son séjour en Grèce de l’aversion pour le culte des images. C’est sur ce terrain que ses ennemis lui tendirent un piége, qui paraît avoir été imaginé par Bakhti- chou, fils de Gabriel et exécuté par Thifoury. D’après Aboul- ‘-farage ce serait le fait exclusif de Thifoury, auquel Honein aurait reproché sa vénération pour les images. Nous nous en tiendrons au récit de Honein. Bakhtichou fit exécuter une belle peinture de la Vierge, et la fit voir à Moutaouakkel, qui lui demanda si tous les chrétiens avaient pour cette image une pareille vénération. Oui, répondit Bakhtichou, excepté un de tes sujets que tu as comblé de tes bienfaits, qui est un impie et ne croit à rien. — Quel est-il, demandale Khalife. — C’est Honein. Moutaouakkel ordonna de le faire comparaître et lui dit: Tu vois cette image, c’est la représentation de votre Seigneur et de sa mère. — Dieu me garde, répondit Honein, de croire qu’il puisse être re- présenté ! Ce sont là simplement des images, comme on en voit dans les églises et autres lieux. — C’est donc chose insignifiante? — Comme l’a dit le Prince des Croyants.— S'il en est ainsi, tu peux cracher dessus. — Honein cracha sur l’image. Le Catholique ou chef de la communauté chrétienne fut appelé, et Moutaouakkel lui demanda ce que méritait un homme qui avait craché sur cette image. Si c’est un chré- tien, répondit le catholique, et si j’en avais le pouvoir il se- raitfustigé. Toutefois, je lui défendrai l’entrée de nos temples et je le mettrai en interdit jusqu’à ce qu’il se soit repenti sin- cèrement et se soit purifié par le jeùne et la prière. — Fais ce qu'il te plaira, lui dit le Khalife. Honein reçut cent coups d’étrivières, et fut mis aux fers dans la maison du Catholi- G ri 5, 5 é | Ca 2 4 e ES TE 0 HONEIN BEN ISHAQ. 143 que, où il resta six mois, frappé de plus de temps à autre. Il n’est pas étonnant que ces persécutions l’aient aigri. Ceux que j'ai instruits, dit-il, pour lesquels je fus généreux, que j'ai élevés au dessus de leurs concitoyens, m'ont rendu le mal pour le bien. Je n’en ai pas moins loué Dieu, et je me suis rappelé le propos de Galien que l’on peut tirer profit des inimitiés. Mais cependant comment rester calme! On me vi- lipende,on honore ceux qui me honnissent et on honnit ceux qui m'honorent. Ils voient la supériorité de ma science sur la leur, mes traductions qui leur ont livré la science de lan- gues auxquelles ils ne comprenaient rien, qu'eux-mêmes disaient supérieures à toutes celles qui les avaient précédées. Les hommes instruits de toutes les communions m’aimaient et me respectaient. Mais ces médecins chrétiens qui me doi- vent tout leur savoir en veulent à mes jours. Ils disent: c’est làce traducteur de Honein, qui a reçu pour ses traduc- tions un salaire comme en reçoit un artisan pour ses peines. Il se fait appeler Honein le médecin et non pas Honein le traducteur. Quand j'entends ces choses, mon cœur se resserre etil me prend envie de me donner la mort! L’envie n’a cessé d’habiter la terre depuis Abel! Si j'ai raconté ces faits, ajoute-t-il, c’est pour que l’homme intelligent comprenne que les calamités atteignent le savant et l'ignorant, le grand et le petit. Cependant Moutaouakkel tomba malade et Honein prit part aux consultations. Enfin on le tira de prison, et il com= parut chez le Khalife revêtu de riches vêtements, et au mi- lieu de ses ennemis, qui croyaient à son supplice. C’est donc à tort qu'on lit dans Aboulfarage, qu'après son excommuni- cation, Honeïn rentra chez lui et y mourut subitement de chagrin ou par le poison. I! paraît d’après Ebn Abi Ossaïbiah, que Honein fut nom- mé chef des médecins de Bagdad à propos de la publication de son livre : Des Questions. On s'accorde à placer la mort de Honein en l’année 260 de l'hégire, 873 de l'ère chrétienne. Bien que Honeïn ait beaucoup écrit en dehors de ses tra- ductions, c'est par elles surtout qu’il serecommande à la pos- 144 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. —- LIVRE DEUXIÈME. térité. Il marche à la tète de tous les traducteurs de son temps, non-seulement par la correction de ses traductions, mais surtout par leur importance et leur étendue. Son œuvre embrasse à peu près tous les chefs-d’œuvre de la médecine antique. On a dit que les traductions de Costa ben Luca avaient la correction de celles de Honein, mais Luca traduisit bien peu, comparativement à Honein. On a dit aussi que Honein avait bénéficié de la ressemblance de son nom avec celui de Hobéïch. Quand cela serait, malgré quelques attributions douteuses, il n’en resterait pas moins assez de gloire à Honein, et le mérite d’avoir formé des collabora- _teurs comme son fiis Ishaq et son neveu Hobéïch. Outre les traductions de son crù, Honein en revisa une foule d’autres. Il avait pareillement fait une révision des textes originaux d'Hippocrate et de Galien. Si l’on s’en rapporte au catalogue des livres de Galien dressé par Honeïin, il semblerait, dit l’auteur du Fihrist, qu’il en à plus traduit en syriaque qu’en arabe, mais il révisa beaucoup de traductions arabes faites par d’autres. Honein traduisit tantôt en syriaque et tantôt en arabe, sans doute suivant les cas. S'il traduisait pour Gabriel ou Mésué, pour ses coreligionnaires, il pouvait le faire en syria- que ; mais il en était autrement s’il traduisait pour les fils de Moussa, ou pour satisfaire aux désirs d'El Mâmoun. D’ail- leurs il traduisit plus d’une fois le même ouvrage à la fois en syriaque et en arabe. On a dit trop souvent, pour infirmer le valeur des traduc- tions arabes, qu’elles avaient passé du grec à travers le syria- que. C’est là une assertion gratuite qu’il est presque oiseux de réfuter. Quand se firent les traductions en arabe, com- mandées par les Arabes et pour les Arabes, il existait à peine quelques traductions en syriaque, et ce ne futpas à elles que l’on s’adressa. On recueillit à grands frais les originaux grecs, et on iles confia à des hommes qui savaient le grec et pouvaient en épurer les textes. Que si ces hommes firent aussi des traductions en syriaque, dont quelques-unes furent traduites de rechef en arabe soit pareux-mêmes soit par d’au- tres, c’est sans doute que les traducteurs tout en travaillant HONEIN BEN ISHAQ. 145 pour les Arabes, n’oubliaient pas leurs coreligionnaires qui devaient quelque temps encore tenir le sceptre de la science | et de la pratique en attendaut que se fit l'éducation des Ara- bes ; c’est aussi probablement parce que dans ce moment de ferveur on voulut employer le plus d’agents possibles pour | avoir plus de produits et que l’on confia des traductions en ; syriaque, à faire passer dans la langue arabe, à ceux qui ne connaissaient pas suffisamment le grec. | Honein et les siens, profondément versés dans la langue grecque, livrèrent aux Arabes des traductions irréprocha- bles, qui embrassaient la meilleure partie de la médecine grecque. Les traductions qui n’eurent pas la boune fortune de tomber entre les mains des maîtres de l’art, furent ensuite reprises et corrigées. | Nous allons donner aussi sommairement que possible la | liste des traductions de Honeïn, devant y revenir à propos à des auteurs traduits. Là, certains détails trouveront mieux leur place qu'ici. 4 Nous n’avons pas cru devoir nous en rapporter à Wenrich. Nous avons vérifié presque toutes ses citations et nous avons trouvé des erreurs et des omissions. Nous diviserons les au- - teurs traduits en deux catégories, savants divers et méde- cins. Cet ensemble de travaux encyclopédiques accuse chez Honein plus que la connaissance du grec et l’activité, il ac- cuse encore une large et facile intelligence. - Première catégorie, savants divers : Platon. La politique, les lois et Timée. ; Aristote. Honeiïn traduisit en syriaque une partie de l'Or- ganon, le Traité de la génération et de la corruption, celui de l’âme et un fragment de métaphysique. Il traduisit en arabe Jes Catégories, révisa une traduction des premiers Analyti- ques, traduisit (1) les Ethiques et la Physique s’il faut en croire un Ms. de Leyde. PE à (1) Dans la notice d'Alexandre d’Aphrodisias, Ishaq est donné comme ayant traduit les Sophistiques, la Rhétorique et la Poétique. Casiri qui a reproduit cette notice, p. 243, I, donne Ishaq dans le à texte et Honein dans sa traduction latine. EU 10 146 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME, Autolycus. De la sphère en mouvement. Euclide. D’après Ebn Khallican, Honein aurait traduit Euclide, fait qui n’a pas été mentionné par Wenrich. Nicolas de Damas. Sommairede la philosophie d’Aristote. — Des Plantes (ouvrage attribué à ph Le (1) Menelaüs. Des sphériques. Archimède. De la sphère et du cylindre. Apollonius de Tyane. Traité d’astrologie. Artémidore. De l'interprétation des songes. Alexandre d'Aphrodisias. Quelques opuscules. (2) Porphyre. L’'Isagoge. Thémistius. Commentaire sur le livre de l’âme. Deuxième catégorie. Médecins. Honein eut l’heureuse idée de s'adresser à peu près exclu- sivement aux deux maîtres de la science médicale, Hippo- crate et Galien, et le Kitab ei hokama fait observer qu’il eut soin d’en reviser les textes. Hippocrate : Epidémies. Pronostics. Aphorismes. De l'air, des eaux et des lieux. De la nature de l’homme. Du serment. Grand traité des maladies (aiguës). (3) De l’officine. (4) La naissance à huit mois. (5) Honein fit aussi des commentaires sur Hippocrate et Ga- lien. Nous suivrons, pour l’énumération des écrits de Galien, traduits par Honein, la liste donnée par le Fihrist, et qui se retrouve dans le Kitab el hokama. Nous ne voulons pas reproduire ici la liste des seize écrits (1) Nicolaï Damasceni, de Plantis, ex Isauci versione arabica: recensuit Meyer. Aboulfarage dit qu'il en possédait une traduction syriaque de Honein, (2) V. Casiri, I, 242. (3) Le Traité des maladies aiguës existe à Paris en arabe avec des caractères hébreux. (4) La plupart de ces écrits se trouvent à l'Eseurial (5) Cet écrit se trouve à Munich, PR EL EEE PO, sale Ne té TE NS HONEIN BEN ISHAQ. 147 de Galien arrangés par les Alexandrins pour l'enseignement de la médecine. Nous dirons seulement que Honein en tra- duisit les trois-quarts, les autres l’ayant été par Hobeïch, et qu'il les refondit aussi par demandes et par réponses, d'a- près le Kitab el hokama. Il existe sous le nom de Honein, au British Museum, n° MCCCLVI, un exemplaire des XVI livres arrangés par les Alexandrins. Il semblerait donc que Honein en fit une double traduction, l’une partielle de ces livres in- tacts et l’autre complète de ceslivres remaniés. (1) Après l’énumération des XVI livres, on lit dans le Fihrist: Livres en surplus des XVI. La grande Anatomie nous est donnée comme ayant été tra- duite par Hobéïch. Ce n’est pas autre chose que les Admi- nistrations anatomiques. Cependant les Mss. d'Oxford et du British Museum en attribuent la traduction à Honein. Des mouvements de la poitrine et du poumon. Traduction faite par Étienne et revue par Honein. Des maladies de l’âme, idem. De la voix, par Honein. Des mouvements des muscles. Traduction par Étienne, re- vue par Honein. De la nécessité de la respiration, idem. Des mouvements obscurs. Quelle que soit l’authencité de celivre, Wenrich a oublié de dire qu’il avait été traduit par Marcus de Tolède, d’après la version arabe de Honein, Johannitius. Il faut dire aussi, à l'appui de son authenticité, qu'il est cité souvent par Galien lui-même. De l’usage des parties, traduction par Hobeïch, revue par Honein, De la meilleure conformation, par Honein. Du bon état du corps, Honein où Hobéïch, suivant l’une où l’autre liste. Du mauvais tempérament, Honein. Des simples, idem. (1) Wenrich n’a rien compris aux cinq livres d’Attatomie, qui font partie des seize, p. 251 : V. ce que nous en avons dit, Le Fihrist at- tribue les Divergences en anatomie à Honein, d’après Wenrich. Il en est autrement dans le Ms. que nous avons consulté, 113 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. De l'accouchement à sept mois, idem. De l’atrabile, Honein ou Étienne. De la dyspnée, Honein. : Du marasme, idem. (1) Sur un enfant épileptique, idem. Des propriétés des aliments, idem. Du régime atténuant, idem. (2) De la médecine d’Aristote, (3) idem. Traitementdes maladies aiguës suivant Hippocrate, idem. Lettre à Thrasybule, idem. Qu'un bon médecin doit être philosophe, idem. Des vrais livres d'Hippocrate, idem. De l'examen du médecin (du médecin ?) idem. (4) De la secte (de la meilleure secte), idem. De la démonstration en XV livres. C’est seulement dans Ebn Abi Ossaïbiah que nous trouvons des renseignements sur cet écrit. Honein ne put en trouver une copie originale complète. Déjà Gabriel avait fait des recherches. Honein en fit dans la Mésopotamie, la Syrie, la Palestine et l'Egypte, et en trouva la moitié seulement à Damas, qu’il traduisit en syriaque. Des traductions en furent faites aussi par Aioub et par Issa ben Iahya, et par Ishaq en arabe. Ce livre ne se trouve pas dans les listes que nous possédons. Faudrait-il en voir une reproduction dans un chapitre de l’histoire philosophique, ouvrage du reste considéré comme douteux. De la connaissance de ses défauts, traduction de Thomas, revue par Honein. Le Timée de Platon. Sur ving't livres, Honeïin en traduisit dix-sept et Ishaq les autres. Du premier moteur, Honein. Grand livre sur la saignée, idem. (1) Casiri.a traduit par : de Stercore, I. 255. (2) Casiri a rendu par: de benigno regimine, id. (3) Casiri ne le mentionne pas. Id, (4) Casiri voit là des Observations. HONEIN BEN ISHAQ. 149 Introdu£tion à la logique. On attribue à Galien un opusecule sur les lavements, qui fut traduit en hébreu et plus tard en latin, d’après la version arabe de Honeïin. Razès, dans le Continent, dit à plusieurs reprises que cet écrit est plutôt de Rufus que de Galien. Il est un livre des plantes, rangé à juste titre parmi les douteux, qui fut traduit en arabe par Honeiïin et plus tard en latin. On lit dans la traduction latine que Honein fit cette traduction pour Abou Djafar Mohammed ben Moussa, parce que d’autres, qui avaient précédé la sienne, étaient défectueuses. Honein traduisit aussi des commentaires de Galien sur Hippocrate, qui nous sont restés, les commentaires sur les épidémies, les septenaires, etc. Le commentaire sur les épidémies, qui existe à l’Escurial et maintenant à Paris, est accompagné d’une annotation de Honeïn qui a été mal rendue par Casiri, et que nous allons reproduire, d'autant plus qu’elle contient de graves erreurs qui ont échappé à Wenrich et l’ont égaré. « Le premier livre des épidémies fut l’objet d’un com- mentaire de Galien, en trois parties. Aïoub le traduisit d’a- bord en syriaque, puis en arabe pour Abou Djafar Moham- med ben Moussa. (1) Galien fit sur le ITe livre un commen- taire en six parties. : « L’original grec me tomba sous la main, mais il y man- quait une partie, et de plus il y avait des fautes, des lacunes et de la confusion. Après l’avoir révisé et transerit en grec, je le traduisis en syriaque, puis en arabe, à l’adresse d’Abou Djafar Mohammed ben Moussa. (2) Cependant il se fit que je ne l’achevai pas complètement. Galien fit encore sur le VIe livre des épidémies un commentaire en huit parties, qui fut traduit en syriaque par Aïoub. « Tous ces commentaires sur les épidémies se retrouvent (1) On lit dans Casiri : Quos syriace Job, Arabice Abi Giafar Mo- Mis ben Musa transtulit. — Abi aurait dû cependant indiquer iri que ce mot était un régime et non un sujet. re) Casiri : quos et arabice postea 4bi Giafar Mohammed ben Musa convertit. —Toujours Abi, 150 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARAPE, —— LIVRE DEUXIÈME. dans mes écrits. Galien ne commenta que ces quatre livres. (1) Quant aux trois autres, c’est-à-dire le IV°, le Veet le VIT, il les rejeta comme apocryphes. « Il existe encore d’autres discours de Galien sur les épi- démies, où il reproduit tantôt la lettre et tantôt l'esprit d'Hippocrate, mais je n’en ai trouvé qu’en faible quantité. » Commentaire de Galien sur les Aphorismes d'Hippocrate, par Honein. Le manuscrit existe à Paris, n°985, A. F. Commentaire de Galien sur le livre des Septenaires, par Honein. Il en existe un exemplaire à Munich sous le n° 802. M. Daremberg en ayant obtenu l’extradition, nous en avons .pris une copie, que nous traduirons quelque jour, si Dieu nous prête vie. I1 existe encore dans les collections européennes quelques traductions de Galien attribuées à Honein, tandis que les historiens les attribuent à Hobéïch. (2) Oribase. - Honein a traduit le livre à son fils Eustathe, et la grande collection en soixante-dix livres. Paul d'Egine. Honeïn traduisit ses Pandectes, Theomnestus. Il existe à Paris, sous le n° 1038, ancien fonds, une tra- ‘ duction du Traité d’art vétérinaire de Theomnestus, par Honein. | Parmi les traductions revues par Honein, nous citerons celle de Dioscoride, exécutée par Etienne, fils de Basile. IL en existe à Paris, n° 1067 du supplément, un exemplaire chargé de notes précieuses, sur lequel nous avons publié un travail dans le Journal asiatique. Il est encore une traduction de Honein, qui était restée jusqu'alors ignorée, c’est la traduction de l’Ancien Testa- (1) Il y à nécessairement une lacune en cet endroit. Nous savons que Galien ne commenta que les trois premiers et le sixième livre des Epidémies, c'est-à-dire quatre en tout. La traduction par Honein de ces quatre commentaires existe à l'Escurial, Voyez pages 250 et suivantes, lre partie. (2) Le Commentaire sur le pronostic, traduit par Honein, se trouve à Oxford. , PT Te DO ENT + et PE TONNES VE 27 as. tien t-L' àis sé de HONEIN BEN ISHAQ. 151 ment. Le Kitab el hokama, dans la notice du roi Ptolémée, dit qu'il se fit traduire l'Écriture de l’hébreu en grec, et que Honein en fit la traduction du grec en arabe. (1) Au milieu de ses traductions, Honein avait encore le temps de composer des ouvrages. Nous avons les titres d’une centaine. Plusieurs de ces ouvrages ont trait à Hippocrate et à Ga- lien. Il commenta quelques écrits du premier. Le second l’occupa davantage. Honein fit des sommaires des seize li- vres de Galien, qu'il rédigea par demandes et par réponses. Il publia sous le titre de Fruit, des extraits des commentai- res de Galien sur les aphorismes, les pronostics, les maladies aiguës, les plaies de tête, les épidémies, l’officine, l'air, les eaux et les lieux et la nature de l’homme. Il dressa une liste des écrits de Galien et de ceux qu’il avait traduits. Son in- troduction au petit art de Galien a été traduite en latin et imprimée sous le titre /sagoge Tohannitii. Parmi les écrits originaux de Honeiïn, il en est deux qui eurent de l'influence sur l’enseignement et la pratique de la médecine chez les Arabes, ce sont les Questions et le Livre de l'œil. Les questions de Honein sont un traité élémentaire, une sorte d'introduction à la médecine, par demandes et par ré- ponses. Il eut les honneurs de plusieurs commentaires. Celui d’Ebn Abi Sadeq se trouve à Paris. Le livre sur l’œil, en dix discours, dont le dernier est de _Hobeïch, n'eut pas moins de crédit chez les oculistes arabes. Honein écrivit encore d’autres opuscules sur l’oculistique. Nous indiquerons sommairement les autres écrits de Honëin en les classant par catégories. Il écrivit plusieurs traités sur les aliments simples et com- posés ; sur la différence des aliments et des médicaments ; sur les caustiques ; sur le lait; sur le régime tant à l’état sain qu'en certains états morbides ; sur l'hygiène, les bains, la conservation des dents, les eaux pestilentielles, le coït, (1) Le n° 1167, A. F. de Paris, contient un écrit d'Hermès, qui aurait été traduit par Honein. 152 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, —— LIVRE DEUXIÈME, ete. Son opuscule sur le thatouillement se trouve à l’Es- curial. Il écrivit un traité sur l’anatomie de l’appareil digestif et un autre surles maladies de l'estomac ; d’autres sur le pouls, sur l’urine, sur les signes des maladies ; sur les fièvres, la dyspnée, l’épilepsie, les ulcères, les calculs. Les sciences physiques l’occupèrent aussi et il écrivit sur l’action du soleil et de la lune, sur les météores, sur la sa- lure de la mer, sur le flux et le reflux. Enfin il écrivit un traité d'agriculture. La Citons encore des traités de grammaire et de logique, des Catégories suivant Thémistius, un recueil de curiosités et sentences des anciens philosophes, des annales, et la rela- tion de ses infortunes. : Honeïin est fréquemment cité dans le Continent de Razès. Une douzaine de ses livres sont mentionnés, ce qui prouve qu’il était aussi-considéré comme praticien. ISHAQ BEN JHONEIN, ISAAC FILS DE HONEIN. Ishaq, élevé par son père Honeïin, s’occupa comme lui des ‘ traductions du grec en syriaque et surtout en arabe. Son intellicence en cela, dit le Kitab el hokama, égalait au moins celle de son père. Comme lui il fut attaché à la per- sonne des grands et des Khalifes et finit par devenir le fa- milier de Cassem ben Obéid Allah. Frappé d’apoplexie, il resta quelque temps paralysé et mourut en l’année 910 de notre ère. Comme le fait remarquer Ebn Khallican, Ishaq s’occupa plutôt des philosophes que des médecins. Parmi les ouvrages de Galien il traduisit les suivants : De la démonstration. , sur le Timée de Platon, Des sortes de raisonnements. Commentaire sur Aristote. Du premier moteur. À « Sur la médecine d'Erasistrate. x } ISHAQ BEN HONEIN. 153 Quelques-uns de ces ouvrages furent traduits concurrem- mentavec son père. Ishag traduisit plusieurs ouvrages d’Aristote : Les premiers et les deuxièmes Analytiques. De l'interprétation. Les topiques. La rhéthorique. La génération et la corruption. Le livre de l’âme. La métaphysique jusqu’à la lettre M. Le livre des plantes, attribué aussi à Nicolas de Damas. Il en traduisit aussi des commentaires : Les topiques. Commentaires d'Alexandre d'Aphrodisias et d’Ammonius. La génération et la corruption, commentaire d'Alexandre d’Aphrodisias. L’éthique, commentaire de Porphyre. L'âme, commentaire de Thémistius. Il traduisit d'Euclide : Les éléments. Les données. L’optique. Les proportions..(l) Tels sont ses ouvrages originaux: Livre des médicaments simples. Origines de la médecine. Des médicaments que l'on trouve partout. Correetifs des médicaments purgatifs. . Du traitement par les instruments tranchants. Des moyens de conserver la santé et la mémoire. Pandectes. Extraits d'Euclide. Sur les catégories, El Maqoulat. Isagoge. Mœæurs et propos des philosophes. ed de ion ot à de Ati 6. pu, unies aid dE " buse 25 Séaie mulet sin dS à à does és bo (1) Il existe encore à Oxford la traduction de la sphère et du cylindre d’Archimède, et à Florence celle ds la sphère en mouve- ment d’Autolyeus, attribuées à 1shagq. 154 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, —— LIVRE DEUXIÈME. \ DAOUD BEN HONEIN, DAVID FILS DE HONEIN. Il ne paraît guère s'être adonné aux traductions mais plu- tôt à la pratique de la médecine. On lit son nom parmi les traducteurs à la solde de Mohammed Kzzeyât,. HAKIM BEN HONEIN. On trouve cité dans le Continent de Razès un Hakim fils de Honein, dont nous n'avons pas retrouvé de traces ailleurs. HOBÉICI BEN EL HASSAN. La paralysie d’une main lui valut le surnom d'El Assam. Hobéïch était fils de la sœur de Honein. Celui-ci le forma dans la connaisssance des langues et l’associa au travail des traductions du grec en syriaque et en arabe. L'élève s’éleva à la hauteur du maître, au point que Honein acceptait ses traductions comme définitives et que plusieurs ont passé sous le couvert de Honein comme ayant la perfection des siennes propres. On a même dit que la réputation de Honein s’en ac- crut d'autant. Hobéïch vécut en qualité de médecin à la cour de Mou- taouakkel et de ses successeurs. Il atteignit donc probable- mentladeuxième moitié duneuvième siècle, mais nous igno- rons son âge et l’époque de sa mort. A part la traduction du Serment d'Hippocrate, toutes les traductions qui nous sont signalées comme étant de Hobéïch portent sur les ouvrages de Galien. Telle en est la liste. Grand et petit livre du pouls. Des causes et des symptômes. De la conservation de la santé. De l’art de guérir. Les six premiers livres furent revus par Honein. La grande anatomie, ou les administrations anatomiques. C’est à tort que les Mss. d'Oxford attribuent cette traduction à Honein. aa dat vu él a Main dumldt à ie dés ss) oué dé ET À à È RARE jé HE Ve DAOUD BEN KHONEIN. HAKIM BEN HOXNEIX. 155 Des divergences en anatomie. Anatomie ou dissection des animaux morts. Anatomie ou dissection des animaux vivants. De l'anatomie d'Hippocrate. De l'anatomie d’Aristote. Anatomie de la matrice. De l'usage du pouls.- Du bon état du corps, attribué aussi à Honein. Des opinions d’Hippocrate et de Platon. Des fontions des organes, revu par Honein. (1) Des mouvements insensibles, que l'on attribue aussi à Honein. Des habitudes. Du sperme. Du chyme. De la composition des médicaments suivant les genres et suivant les lieux. Les Arabes réunissent ces deux ouvrages, mais en donnant au premier le nom de KXatadjenè et au se- cond celui de Miamir. De l'exercice à la boule. De l'examen du médecin que l’on attribue aussi à Honein, Des mœurs. Du profit que les bons peuvent retirer de leurs ennemis. Que l'état de l’âme suit le tempérament. Introduction à la logique. Des lieux affectés. Des mots employés en médecine. De la ptisane. On voit que les travaux de Hobéïch ont porté sur les ouvra- ges les plusimportants de Gaiien. (1)C'’est à tort que Wenrich attribue la traduction de cet ouvrage à Ebn Abi Sadek. Il cite le Ms. 1044 de Paris. Nous avons examiné attentivement ce Ms. et nous y voyons que l’auteur se pose fran- chement comme un simple commentaterr. Dans le corps de lou- vrage on rencontre constamment ces mots ; qual el moufesser, propos du commentateur. C’est également à tort que Wenrich a considéré le même Ebn Abi Sadeq comme ayant traduit les Aphorismes d'Hippo- crate. 156 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. Hobéïch laissa aussi des'ouvrag'es de son crà. Traité des correctifs des médicaments évacuants. Traité des médicaments simples. Traité des aliments. Traité de l'hydropisie. Traité du pouls. Sérapion lui attribue un traité de la thériaque. Ce traité ne serait probablementpas autre chose qu’une par- tie des questions de Honein. Nous savons que Hobéïch termina cet ouvrage et que son travail commence à la thé- riaque. . Wüstenfeld s’est trompé à l'endroit de Hobéïch. A la suite de la notice sur Hobeïch ben el Hassan, il donne celle d’un autre Hobéïch ben Mohammed Aboulfadhl Kemal eddin Ettiflissy, qui vécut à une époque indéterminée. Oubliant de donner la liste des écrits de Hobéïch ben el Hassan, que l’on trouve cependant chez Ebn Abi Ossaïbiah, Wüstenfeld attribue au second Hobéïch (ou ben Hobéïch) un traité des médicaments simples, qui nous paraît devoir être rapporté à Hobéïch ben Hassan. Nous ne comprenons pas comment Wüstenfeld a pu placer ici le second Hobéïch, pour la seule raison d’une similitude de nom. (1) On peut se faire quelque idée des écrits de Hobéïch et de leur importance par les citations qui se rencontrent dans le Continent de Razès, dans Ebn el Beithar et dans Sérapion le jeune. Ces extraits accusent un véritable praticien, et une connaissance des médicaments puisée autre part que chez les Grecs, et c’est un fait qui nous paraît intéressant à signaler. Il prouve que déjà les Arabes puisaient ailleurs. Un certain nombre de médicaments nouveaux apparaissent chez Hobeïch. Nous voyons aussi que le traité des correctifs des médicaments évacuants était un ouvrage important. Quelques citations sont longues et ont de l'originalité: elles traitent plus encore de la thérapeutique que de la matière médicale proprement dite. (1) La liste des traducteurs donnée dans le Fihrist se termine par ce nom de Teflissy, qui ne nous est pas autrement connu. A pr Le dr de ne gl M CR de dé Qt dl des Dé nt ES SU Se ni Den de Sd re FRET mn. 0 3- SCENE COSTA BEN LUUA. 157 Telles sont les principales, qui ont trait au Turbith, au Convolvulus Nil, à lanoix vomique, à lacoloquinthe, au Dend qui n’est autre que le Croton Tiglium, à quelques espèces du genre Euphorbe, à l’aloës, aux myrobolans, etc. Dans les traductions latines du Continent de Razès et des simples de Sérapion le nom de Hobéïch est plus ou moins altéré. C’est par erreur que M. de Sacy, dans son Abdellatif, page 76, a écrit Djeich au lieu de Hobeïch. Nous avons pour cette dernière transcription non-seulement l’immense majorité des documents arabes, mais aussi les documents hébreux, où le doute n’est plus permis. COSTA BEN LUCA. Costa fils de Luca était grec et chrétien, originaire de Balbek, ainsi que l'indique son surnom de Balbeky. Nous ignorons l’époque de sa naissance et de sa mort. On nous dit d'une part, qu’il était contemporain d'El Kendy, et de l’au- tre, qu'il vécut sous le Khalifat de Moctader Billah, ce qi indique qu’il vit la première moitié du X° siècle. Il excellait dans la langue arabe aussi bien que dans la langue grecque et il connaissait de plus le syriaque. Ses traductions étaient estimées à l’égal de celles de Honein. Après avoir séjourné dans le pays grec et en avoir rapporté des livres, il fut appelé dans l’Irak pour travailler aux tra- ductions. Il fut plus tard attiré en Arménie par un prince du pays du nom de Sendjarib. Là il rencontra aussi le patriar- che El R’athriq pour lequel il écrivit divers ouvrages. À sa mort on lui éleva une coupole sur sa tombe, ainsi qu’on le fait, dit son biographe, pour les rois et les grands person- nages. Costa ne connaissait pas seulement les langues, mais aussi la médecine, la philosophie, les mathématiques, l’astronomie et la musique. Outre ses traductions, il composa divers ou- vrag'es. Casiri, sans citer aucune autorité, affirme que Costa tra- 158 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. duisit les Aphorismes d’'Hippocrate, et Wenrich a répété cette assertion. Ces deux écrivains lui attribuent aussi la traduc- tion des commentaires de Galien sur les Aphorismes. La seule autorité à l'appui de cette dernière assertion est un Ms. de Florence, n° 260, qui donne cette traduction comme ayant été faite en arabe par Costa d’après le syriaque de Honein. Les renvois au n° 985 de Paris, ancien fonds, ne prouvent rien, attendu que ce Ms. porte le nom de Honein seulement. Costa ben Luca traduisit surtout des ouvrages de mathé- matiques et d'astronomie, ainsi: les éléments d'Euclide et le supplément d'Hypsiclès, les ouvrages de Théodose, d'Aris- tarque de Samos, de Héron, les Ascensions d'Hypsiclès, l’al- gèbre de Diophante (oubliée par Wenrich). Il traduisit aussi une partie de la physique d’Aristote et lescommentaires d'Alexandre d'Aphrodisias et de Philoponus sur la physique, ceux sur le livre de la génération et de la corruption; les deux livres de Plutarque sur la pratique de la vertu et sur les opinions des philosophes en physique. Enfin il traduisit l’agriculture de Costus. Plusieurs des traductions demathématiquessont parventuies jusqu’à nous. . Tels sont ses ouvrag'es de médecine : Introduction à la médecine. De l’ordre à suivre dans les ouvrages de médecine. Des éléments. Des quatre humeurs (et non des qualités, Casiri). De la pituite, De l’atrabile. Des maladies du sang: (cité dans le Continent). De la veille. Du sommeil et des songes, De la force et de la faiblesse. De l'organe principal de l’économie. De la soif. Des poils (ou des cheveux). Du coït. Des bains. Des vents. Des aliments. Généralités sur les aliments. Ga fo re TN ES à 7 à à EN PEUT TND NN SRE, Rec ah roc de 505 Er GIE SSSUEe à DS EL EE | og C, = dé dis ie ul ét LÉ SES " v COSTA BEN LUCA. 159 De l'usage du vin dans les festins. Du régime dans le pèlerinage (au British Museum). Pourquoi les Ethiopiens sont noirs. Du pouls, des fièvres et des crises. Des indications de l’urine. Du foie et de ses maladies. De l’engourdissement. Des jours critiques dans les maladies aiguës. De la mort subite. Des contrepoisons. Comme on le voit Costa ben Luca n’a produit aucun ou- vrage capital sur la médecine. Cependant il est assez fré- quemment cité dans le Continent de Razès. Autres écrits: Des définitions suivant les Philosophes. De l’animal raisonnable et non raisonnable. Différence entre l’âme et l'esprit. Introduction à la logique. Des variétés chez les hommes. De la politique. Des sectes (philosophiques) chez les Grecs. Introduction aux mathématiques. Des poids et mesures. De l'algèbre. Commentaires sur Diophante. Des endroits douteux d'Euclide. Questions relatives au IIL° chapitre d'Euclide. De la sphère et du cylindre. Dés miroirs brûlants. Introduction à l’astronomie. De l’ordonnance des sphères. De la musique. Beaucoup de ces écrits sont adressés à des contemporains. Le traité de la différence de l’âme et de l'esprit a été tra- duit en latin par Jean d'Espagne en 1070, Les exemplaires Mss. en sont nombreux. 160 HISTOIRE DE LA MÉDECINÉ ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. EL KENDY. Abou Yousef Iakoub ben Ishag el Kendy futchez les Arabes celui qui entra le plus largement et le plus tôt dans le mon- vement scientifique provoqué par les Abbassides. On reste étonné, quand on parcourt la liste de ses nombreux écrits, qu'il ait pu s’assimiler sitôt presque toutes les branches des connaissances humaines. Il laisse loin derrière lui Khaled ben Yézid et l’imam Djafar Essadiq, comme lui de race princière. Embrassant un horizon plus vaste que celui de Géber, il marche sur un terrain beaucoup plus solide. Nul autre parmi ses contemporains ne saisit avec plus d’empressement et de facilité l’aliment intellectuel que la Grèce venait offrir aux Arabes. Il reçut le surnom d’El Kendy, parce qu'il appartenait à la famille princière de Kenda. On s'étonne que d’Herbelot en ait fait un Juif. Cette erreur cependant s’est propagée au point que M. de Sacy ait cru devoir en faire une réfutation en règle, et encore ne l’a-t-il fait qu'imparfaitement. IL fal- _lait remonter un peu plus haut l'échelle des ascendants d'El Kendy que l'on nous donne jusqu’à Kahtan. Comme le fait observer M. de Sacy, le père d'El Kendy, Ishaq ben Soubbah, était gouverneur de Bassora pour les Khalifes El Mahdy et Haroun Errachid. Mais il y a plus. Un de ses ancêtres, EL Achâts, fils de Quis, est compté parmi les compagnons du Prophète, ce qui est un argument sans réplique. Deux de ses ancêtres, EI Madi et Maouya régnèrent dans le Hadramaut, et d’autres dans l’Iémama et le Bahrein. É1 Kendy vint à Bassora, puis à Bagdad où il se livra tout entier à l'étude. C'était dans les premières années du IX: siècle, car nous ignorons la date de sa naissance. Ce fut la merveille de son siècle, disent les biographes. Il embrassa toutes les sciences. Nul ne connut comme lui la science des Grecs, des Persans et des Indiens, et il fut sur- MERS Lie: nets dit RS RU CT Dé ve le mé fut ns “Dé ni dé EL KENDY. 161 nommé le Philosophe, c’est-à-dire le Philosophe par excel- lence. Il dut connaître plus d’une langue, puisqu'il nous est donné comme ayant traduit plusieurs ouvrages de philoso- phie. Nous n’avons de données positives que sur quelques- unes de ses traductions, et encore ces données sont-elles in- complètes. Nous ne reviendrons pas sur la discussion à la- quelle nous nous sommes livré précédemment à son sujet, à propos des traducteurs. Nous dirons en deux mots qu'il dut savoir le syriaque et traduire de cette langue en arabe, et que peut-être il sut le grec. Il semble que pour s'assimi- ler aussi promptement un aussi vaste ensemble de connais- sances, il dut se mettre en communication directe avec les monuments de la Grèce. Quoi qu’il en soit, El Kendy n'en reste pas moins un phénomène intellectuel par la précocité, l'étendue et la supériorité de ses connaissances. Il nous est donné comme jouissant de la faveur des Kha- lifes El Mämoun et Motassem. C’est sous le règne de ce dernier, en 840 de l’ère chrétienne, qu'il observa pendant trois mois des taches sur le soleil, qu’il attribuait à l’inter- position de la planète Vénus. EL Kendy eut des envieux, et, parmi eux, on compte avec peine les fils de Moussa ben Chaker. Ils le desservirent au- près du Khalife Moutaouakkel, qui fit confisquer ses livres, dont ils formèrent une bibliothèque qui porta son nom. Cependant ces livres lui furent rendus quelque temps avant la mort de Moutaouakkel, ce qui prouve qu’El Kendy vivait encore en l’année 861 de notre ère. Un de ses ennemis finit par devenir son disciple. Ses opinions philosophiques lui avaient sans doute aliéné l'esprit d’Abou Machar, l’Albumasar des Occidentaux, alors occupé à Badgad à recueillir les traditions du Prophète. El Kendy lui adressa un savant mathématicien qui lui donna le goût de l'astronomie, et bientôt El Kendy partagea aussi le goût d'Abou Machar pour ces sciences auxquelles il se livra, dit-on, à l’âge de quarante-sept ans. Nous ignorons l’époque où il mourut. Wüstenfeld donne la date approximative de 873 par la raison qu'il fut contem- 11 1062 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. porain de Costa ben Luca, ce qui nous paraît fautif, attendu que Costa vécut longtemps encore après cette date. Spren- gel donne celle de 880, et nous dirons avec M. de Sacy, nous ne savons d’après quelle autorité. Si l’on se rappelle qu'il fut en faveur auprès d'El Mâmoun, on verra qu'El Kendy put à peine atteindre les limites extrêmes du IX° siècle. Malgré son surnom de philosophe, dit M. Munk, El Kendy est rarement cité par les philosophes arabes, ce qui prouve que ses doctrines n’avaient rien d’original: et puis elles furent éclipsées par les travaux plus importants d'Alfaraby. El Kendy n’en reste pas moins une haute et vaste intelli- gence. On en a la preuve dans la liste presque fabuleuse de ses écrits, qui se montent à plus de deux cents. Il témoigne éloquemment du goût et de l'aptitude de sa race pour les travaux scientifiques. . Sans reproduire cette liste intégralement, nous la donne- rons aussi complète que possible, passant sous silence les ouvrages qui nous sembleront moins importants ou faire double emploi. Nous suivrons la classification primitivement donnée par le Fihrist et adoptée par les écrivains ultérieurs. Philosophie, XVI traités. Traité de philosophie. Que l'étude de la philosophie exige la connaissance des mathématiques. De la classification des livres d’Aristote. De la division de la science humaine. Que la justice règne dans les œuvres du Créateur: De l'infini. — De la nature de l’intellect, etc. Que le monde n’est pas infini (ou éternel), etc. Logique, IX traités. Introduction à la logique. Divers traités sur l’organon et la physique, d’Aristote; etc. Arithmétique, XI traités. Introduction à l’arithmétique. De la numération indienne. PTE à CIE SET TS némamsecdes. De haut ont dt de dl ln PP ET EE Le TO LORIE el EL KEXDY. 163 Des nombres mentionnés par Platon dans le livre de la politique. De l'extraction des nombres. De la chronologie, etc. De la sphéricité, VIIT traités. Que l’univers, et ce qu’il contient a la forme sphérique. Que les corps élémentaires et les corps extrèmes ont la forme sphérique. Que la forme sphérique a plus de capacité que les autres. Déterminer l’azimut sur une sphère, ou tirer une ligne perpendiculaire sur une sphère. Que la surface de la mer est sphérique. De la planisphérie. Musique, VI traités. Art et histoire. Astrologie, XVII traités. Sous quels signes et quelles étoiles sont placés les diffé- rents pays. Des horoscopes et de leurs figures. De la durée de l'existence chez les ancienset les modernes. Des révolutions des astres. De l'influence des astres. Des météores. Pourquoi ii ne pleut pas en certains pays, etc. Géométrie, XXII traités. Commentaires et rectifications d'Euclide. De la construction des figures cylindriques. De la superficie des édifices. De la construction d’un cerele égal en superficie à un cylindre donné. De la division d’un cercle en trois parties. Rectification des quatorzième et quinzième propositions d'Euclide, Rectification d'Hypsiclès sur les ascensions: Dé la construction de l’astrolabe. Détermination de la méridienne et de l'azimutde la Kibla, De la construction d’un gnomon par voie géométrique. De la construction d’un gnomon sur une surface orientée, Cé qui est la meilleure condition. 164 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. De la construction d’un gnomon sur une demi-sphère, etc. Des sphères célestes, X traités. Que l’étendue de la sphère extrême est incommensurable. Que sa nature est différente des quatre éléments et qu’elle en constitue un cinquième. Que l’on ne saurait admettre que l’univers est une subs- tance infinie. De la nature de la sphère et de l’aspect azuré du ciel, etc. Médecine, XXII traités seulement dans Casiri. Ici nous ne suivrons plus le texte donné par Casiri, guide infidèle. Nous donnerons in extenso Ebn Abi Ossaïbiah. De la médecine spirituelle. De la médecine d’Hippocrate. Des aliments et des médicaments qui sont des poisons. Des fumigations qui assainissent l’air en temps de peste. Des médicaments qui détruisent les émanations toxiques. Des médicaments purgatifs. Des causes de l’hémoptysie. Du régime à l’état de santé. Des contre-poisons. De l'organe principal du corps humain (d'après Casiri il faudrait : que l’esprit est l’organe, etc.) De l’éléphantiasis. Description du cerveau. Des maladies du cerveau et de leur traitement. Des maladies pituitaires et de la mort subite. Des maladies de l’estomac et de la goutte. Des fièvres et de leurs espèces. Du traitement des indurations de la rate de nature atrabi- laire. De la corruption des corps animaux. Du régime alimentaire. De la préparation des aliments. De la vie. Des crises dans les maladies aiguës. Des médicaments éprouvés. Pharmacopée. De la différence entre les convulsions qui sont le fait Me VTT SP LL |'ESS EL KENDY. 165 des génies et de celles qui proviennent de l’altération des humeurs. . De la physionomie. De la cause des poisons. Des moyens de combattre la tristesse. Sommaire des simples de Galien. De l'utilité de la médecine. Du pronostic (placé par Casiri dans la section suivante). Une réflexion peut se présenter ici. On ne rencontre pas la mention du Petit Traité sur la graduation des médicaments, traduit en latin et imprimé. Nous pensons que cet opuscule appartient à la Pharmacopée, Acrabadin. De l'astrologie judiciaire, IX traités. De la prescience d’après les corps célestes (V. le pronostic). Introduction à l’astrologie. De l'utilité de l'astrologie et de ceux qui méritent le nom d’astrologues. Des indications tirées des éclipses. Controverse, XI traités dans Casiri. De la vérité des missions des prophètes. Démonstration du premier moteur. De la liberté et du libre arbitre. De l’unité de Dieu. Des différentes manières dont elle est comprise par les di- verses religions. Que l’unité de Dieu exclut la corporéité. Des parties indivisibles. Psychologie, V traités. Que l'esprit est une substance simple et incorrnptible. Que l'esprit préexiste avant sa présence dans le monde sensible. De la cause du sommeil et des rêves. Politique, XI traités. De la politique. | Moyen de rendre facile le chemin des vertus. Des mœurs ou de l'éthique. Des vertus, des propos et de la mort de Socrate. Des phénomènes (de la nature), X traités. 16G HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. De la cause cheIeute et prochaine de l'existence et de la corruption. Comment les éléments, le feu, l'air, l’eau et la terre sont des causes de corruption. Pourquoi les parties élevées de l’atmosphère sont froides tandis que celles qui touchent à la terre sont chaudes. Des phénomènes ou des feux qui apparaissent accidentel- lement dans l'air. Pourquoi il fait froid dans les jours dits ET Adjouz (fin de février). De la cause des nuages. Relation d’un grand événement arrivé en l’année 222 de l’'hégire. Optique, VIT traités. Détermination de la distance du centre de la lune à la terre. Construction d’un instrument propre à apprécier les dis- tances. Détermination de la distance du sommet des montagnes. De la prévision de l'avenir, II traités. Mélanges, XXX traités. Des pierres et des gemmes, de leurs gîtes et de leur valeur. De la teinture. Du fer et des épées, Des variétés du palmier (ou des abeilles, suivant la ponc- tuation). Des fraudes des alchimistes. Du flux et du reflux. Des corps plongeant dans l’eau. De la construction des miroirs brülants. Des vapeurs qui se produisent au centre de la terre d’où résultent des tremblements. De la cause du tonnerre, des éclairs, de la neige, de la grêle, des orages et de la pluie. De l’inanité de la recherche de l’or et l'argent (alchimie). Des chevaux et de l’art vétérinaire. Des sectes philosophiques qui observaient le silence. La liste donnée par Casiri est incorrecte et sa traduction hésite tn on à Ce EL KENDY. 167 l’est encore plus. On n'y trouve pas certains titres donnés par Ebn Abi Ossaïbiah, surtout en fait de médecine. Plusieurs ouvrages d'El Kendy ont été traduits en latin. Nous allons donner la liste de ceux que nous avons recueil- lis jusqu’à présent. Quelques-uns nous sont déjà connus. Liber Electionum (Kitab el ikhtiarat). De diebus criticis. De judiciis. De judiciis ex eclipsibus. De imbribus. Imprimé. De quinque essentiis. De intellectu et intellecto. De ratione. De somno et visione. El Kendy ne figure qu’au second rang parmi les médecins : les Arabes l’avaient justement nommé le philosophe. Il jouit cependant d’une certaine autorité et Razès a cité plusieurs de ses livres dans le Continent. Ainsi: Le livre des élections, ikhtiarat, que les catalogues ne font pas figurer dans la série médicale. Le livre de la goutte et celui des maladies articulaires. Le livre de la certitude de la médecine. Le livre de l'évacuation des humeurs. Le livre des remèdes purgatifs. Dans son Traité des pierres, El Birouny le considère comme le plus important de ses devanciers. Quant aux traductions d'El Kendy nous avons déjà dit qu’il les fit probablement d’après le syriaque et que si l’on avait des présomptions on n'avait pas la certitude qu'il ait connu le grec. Nous avons vu qu'il revisa les traductions d’Autolyeus et d'Hypsiclès et qu’il fit une traduction de la géographie de Ptolémée. Telles sont les seules traductions sur lesquelles nous avons pu recueillir des renseignements. En somme, si El Kendy n’est qu'un médecin de second or- dre, il se place au premier rang parmi les philosophes. Ce qui le recommande à notre admiration, c’est d'avoir pu em- 168 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. brasser si promptement un aussi vaste horizon, alors que les monuments de la Grèce venaient à peine de se produire. S'il n’a pas, comme le dit M. Munk, laissé une trace profonde dans le domaine de la philosophie, c’est que d’autres, après lui, purent plus aisément cultiver ce champ restreint, tandis qu’il embrassa l'encyclopédie de la science, et qu’il porta partout le cachet d’un esprit supérieur. El Kendy fitaussidesélèves. Le pluséminent fut El Saraksy. TSABET BEN CORRA. Aboul Hassan Tsabet ben Corra, vulgairement connu chez nous sous le nom de Thebit, occupe un des premiers rangs parmi les traducteurs. Il partage avec Costa ben Luca la gloire d’avoir secondé le goût des Arabes pour la culture des sciences mathématiques et astronomiques, en traduisant dans leur langue les écrits des principaux savants de la Grèce. Il naquit à Harran, d’une famille de Sabiens, en l’année 826 de notre ère. D’autres disent dix années plus tard. Il dut à ces conditions de pouvoir se familiariser avec la langue grecque, dont les Sabiens de Harran avaient toujours con- servé le culte. Sa vocation cependant se décida tardivement, et fut l'effet d’un heureux hasard. Il exerçcait à Harran la profession de changeur, quand Abou Djafar Mohammed ben Moussa, de retour de sa mission en Grèce, passa par Harran, vit Tsabet et fut frappé de son intelligence. Il l’'emmena avec lui à Bagdad et en fit son disciple. C’est à ce maître qu'il dut la direction que prirent ses études. Mohammed ben Moussa le fit admettre plus tard parmi les astronomes de Mothaded. On raconte que quand Mouaffeq mit aux arrêts son fils Mothaded, il permit à Tsabet de le visiter trois fois par jour, et Tsabet lui donnait des leçons de philosophie, de mathéma- tiques et d'astronomie. Quand Mothaded parvint au Khalifat, en l’année 892, il combla d’honneurs et de présents Tsabet, et l’admit dans sa familiarité la plus intime, au point qu’on CRE EM le din à nEa ln Er ne En he 2 ie dé ii é ve TSABET BEN CORRA. 169 les voyait se promener bras dessus bras dessous dans le par- terre du palais. Tsabet mourut en l’année 901 de notre ère. Tsabet se livra aux traductions, à la composition et à la pratique de la médecine. 11 connaissait parfaitement le grec, le syriaque et l'arabe, et, s’il faut en croire un Ms. de Paris, le persan. Nous avons déjà dit que les fils de Moussa ben Chaker l’entretenaient comme traducteur avec Honeiïin et Hobéïch, et qu’ils dépen- saientpour eux cinq cents dinars par mois. Ses traductions, qui touchèrent à peine à la médecine portèrent surtout sur les mathémathiques et l’astronomie. Il forma des disciples, parmi lesquels Issa ben Assid el Ansary, qui traduisait pour lui du syriaque en arabe. Tsabet ne se borna pas à traduire, il écrivit sur les sciences qu'il traduisait, et de plus il joignit la pratique à la théorie, comme astronome et comme médecin. Comme médecin, il reste au second rang. Il a cependant une certaine importance comme vulgarisateur. Il fit quelques commentaires sur Hippocrate et abréga le traité des eaux, des airs et des lieux. Il s’adressa surtout à Galien et fit des abrégés d’un grand nombre de ses ouvrages. Tels sont: Les médicaments simples. Les vomitifs. L’atrabile. Les aliments. Les jours critiques. L'art de guérir. Le mauvais tempérament. Le régime des maladies aiguës, d’après Hippocrate, Des organes souffrants. De la pléthore. Du marasme (Casiri, pour avoir mal lu le texte arabe, a traduit: Des excréments). L’anatomie de la matrice. L'’excellence de la médecine. Le livre de la saignée. 170 HISTOIRE DE IA MÉDECINE ARABE, =« LIVRE DEUXIÈME, Le traité du pouls. : Il écrivit aussi des ouvrages de son crû, ainsi: Questions de médecine. De la goutte. Des maladies des articulations. De la coloration blanche de la peau. De la variole et de la rougeole. Des maladies des reins et de la vessie. Du pouls. Des questions qu'un médecin doit adresser à un malade. Du repos qui existe entre les deux battements des artères en réponse à El Kendy. De l'embryon. Du temps convenable pour le coït. Du régime à l’état de santé. Du mauvaistempérament. Des formes du corps. -Des poids des médicaments. De l'anatomie des oiseaux. Nous renonçons à donner intégralement tous les ouvrages de Tsabet. On en compte près d’une centaine dans la liste du Kitab ‘el hokama. D'après Assemani il en écrivit cent cinquante en arabe et seize en syriaque. Peut-être ses traductions sont comprises dans ce nombre. Parmi ses ouvrages sur la physique nous citerons : De la cause des montagnes. Pourquoi l’eau de la mer est salée. On cite de lui ce mot: Ce qu'il ya de pire pour un vieillard, c’est un bon cuisinier et une jeune femme. Il écrivit plusieurs ouvrages sur la musique. Il commenta les écrits d’Aristote relatifs à la logique et à la métaphysique. Il écrivit un livre sur la coordination des sciences. Une réponse à l’opinion que l’âme est composée. Ses opinions philosophiques le firent exclure de la secte des Sabiens. TSABET BEN CORRA. 171 Ilécrivit plusieurs ouvrages sur le sabéisme, que l’on peut voir mentionnés dans Aboulfarage. Nous avons les titres d’une vingtaine d'ouvrages relatifs aux mathématiques et à l’astronomie. Nous nousabstiendrons d’en faire l’énumération, la liste de ses traductions que nous allons donner fera comprendre quelles étaient les études de Tsabet. Nous ferons seulement une réflexion : Quand on songe à ces écrits et qu’on se rappelle ceux d'El Kendy, on ne peut qu'être frappé de la promptitude avec laquelle la science grecque s'était répandue parmi les Arabes. Telles sont les traductions de Tsabet, Euclide. Les éléments. Un Ms. de Paris dit que la copie de Tsabet contenait 496 figures. Les Données et l'optique. Tsabet revisa la traduction faite par Ishaq. Les divisions, traduction revue par Tsabet. Archimède. De la sphère et du cylindre. De la superficie du cercle. Les lemmes. Apollonius de Perge. Les sections coniques. Un autre livre traduit par Tsabet, et qui n'existe plus en grec, fut depuis traduit en latin sous ce titre: De sectione rationis. _ Pappus. Commentaire sur le Planisphère de Ptolémée. Eutocius. Traité des lignes. Nicomaque. Introduction à l'étude des nombres. Suivant le Kitab el hokama, il en fit aussi un abrégé. Il semblerait d’après un Ms. du British Museum, qu'il au- rait traduit un autre ouvrage de Nicomaque sur les figures coniques. Autolycus. De la sphère en mouvement, 172 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME, Du lever et du coucher des astres. Théodose. Les sphériques. Ptolémée. L’almageste. La géographie. Les hypothèses. Il fit un abrégé du Tetrabiblon et écrivit un livre intitulé: De ce qu’il faut savoir avant de lire Ptolémée, qui fut depuis traduit en latin. Il traduisit de Galien: Du chyme. ” De la meilleure secte. Un Ms. de la bibliothèque de Paris, le n°1038, ancien fonds, le donne comme ayant traduit du persan un traité de médecine vétérinaire. M. Sédillot dit de Tsabet: « Cet habile mathématicien paraît avoir appliqué le premier l’algèbre à la géométrie. » Prolég. d'Oloug Beg, XXIII. Plusieurs ouvrages de Tsabet, sont parvenus jusqu’à nous et un certain nombre ont été traduits en latin. Ce qui recommande encore Tsabet, c’est qu’il introduisit “dans sa famille le culte de la science qui s’y maintint pen- dant plusieurs générations, ainsi qu’il en avait été pour la famille des Bakhtichou et qu’il en fut plus tard pour la fa- mille des Ebn Zohr. En somme, Tsabet fut une des plus belles intelligences du IX° siècle. Il se place au premier rang à côté de Honein, de Costa ben Luca et d'El Kendy. Moins versé dans la connais- sance de la médecine que le premier, il le fut beaucoup plus dans les sciences mathématiques, et en cela il a plus d’affi- nité avec El Kendy et Costa ben Luca. Personne plus que lui ne favorisa l'étude des mathématiques et de l’astrono- mie chez les Arabes. où TKRADUCTEURS DE SLCOND ORURE. . 17 IV. Liste générale des Traducteurs de second ordre. Nous rangerons la foule de ces traducteurs en trois pério- des : Période antérieure au IX: siècle, ou période de début; période du IX: siècle, ou période de ferveur ; période posté- rieure au IX: siècle, ou période de déclin. Parmi ces traduc- teurs il en est quelques-uns qui devront figurer plus tard parmi les médecins, quand leur importance médicale l’exi- gera. Première Zériode. Sergius. Le premier traducteur qui intéresse l’histoire de la médecine est Sergius de Ras el Aïn. Il traduisit, dit Ebn Abi Ossaïbiah, beaucoup de livres, mais ses traductions sont médiocres, à part celles qui ont été revues par Honein. Sergius, dit Aboulfarage, était un chrétien jacobite, qui traduisit en syriaque les livres des Grecs. C’est à tort que dans l'édition d’Aboulfarage donnée par Pococke, on attri- bue la traduction des Pandectes d’Ahroun à Sergius. Au lieu de Sergis, il faudrait mettre dans le texte Masserdjis, va- riante du nom de Masserdjouïh. D'ailleurs Sergius, contem- porain de Justinien, ne put traduire les pandectes de Ha- roun. Nous ne connaissons guère les ouvrages sur lesquels portèrent les traductions de Sergius. (1) Elles lui firent tou- tefois une grande réputation. Gabriel, fils de Georges: pré- dit à Honein qu'il seraitun autre Sergius. Étienne l’ancien. Nous ne reviendrons pas sur tout ce que nous avons dit précédemment des traductions d'Étienne, commandées (1) M. Renan cite parmi ces traductions les livres VI, VII et VIII des simples de Galien et le livre des jours critiques. I] se trompe quand ilavance, d’après Aboulfarage, que Sergius ajouta deux livres aux Pandectes d’Aaron. Cette addition est du fait de Masserdjouih, dit aussi Masserdjis. (De philosophia apud Syros, p. 26 et 27). 174 HISTOIRE DE LÀ MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. par Khaled ben Yézid, qui furent, dit le Fihrist, les pre- mières traductions opérées dans l'Islam. Étienne eut des collaborateurs, et les traductions du grec et du copte en arabe portèrent sur des ouvrages de méde- cine, d'astronomie et d’alchimie. Elles durent se répandre chez les Arabes, et c’est là pro- bablement que Géber puisa ses connaissances encyclopé- diques. Dans le courant du VIT siècle, Djasious ou Gosius tradui- sit, du grec en syriaque, les Pandectes d’Ahroun. Masserdjouih ou autrement Masserdjis fit passer en arabe la traduction de Gosius, vers le commencement du VIT* siècle. Issa fils de Masserdjis, est compté parmi les traducteurs, mais nous ignorons ce qu’il à traduit. Jacob d'Edesse, mort en 710, traduisit en syriaque plu- sieurs ouvrages d’Aristote. (Assemani). . Sadjious. Nous placerons ici le traducteur d’Apollonius de Tyane, le prêtre Sadjious, dont l’époque est inconnue. Il semblerait qu’outre le livre des Secrets de la création, qui existe sous son nom à la Bibliothèque de Paris, n° 959, ‘il traduisit d’autres ouvrages d’Apollonius. On lit en effet dans ce manuscrit: C’est moi, Sadjious le commentateur, qui ai traduit le Livre des causes de Balinous. M. de Sacy pense que Sadjious était chrétien, attendu qu'il réfute Bardesane, Marcion et Porphyre dans l’introduc- tion qui précède la traduction proprement dite, Il ajoute que cette traduction dut être faite en syriaque avant de passer en arabe. (1) On peut tirer une induction sur l’époque de Sadjious, de ce fait qu'Apollonius de Tyane est cité par Géber. : Georges où Djordjis fils de Bakhtichou. Ce chef de l’école et de l'hôpital de Djondisäbour, dont l’arrivée à Bagdad fut la cause occasionnelle de l'initiation des Arabes à la science grecque, fit des traductions pour (1) Notices des Manuscrits, tome IV, p 107. dan eee Sr S É S ed n e dut Sp ait ir Ciara ut ES TRADUCTEURS DE SECOND ORDRE, 175 El Màmoun, ainsi que nous l’avons dit précédemment, mais nous ignorons sur quels écrits elles ont porté. Parmi les traducteurs à la solde de Mohammed ben Abd el Malek Ezzeyât, nous en trouvons quelques-uns qui ne nous sont pas sigualés d'autre part. Djebrail ben Bakhtichou. Bakhtichou ben Djebrail. Daoud ben Sérapion. Salmouïh ben Baïan. Elisà. Israil ben Zakarya Ettiphoury. Nous ignorons absolument ce qu'ils ont traduit. Il est encore un traducteur qui ne nous est connu que par un Ms. de la Bibliothèque de Paris, sup. n° 876. IL contient le livre des pierres d’Aristote, qui aurait été traduit par Luca fils de Sérapion. Nous ignorons si ce Sérapion est de la famille de Sérapion l’ancien. Deuxième Période ou IXe Siècle, Le 1X° fut le siècle de ferveur pour les traductions et c’est ce qui fait son cachet et sa grandeur. Les Arabes étaient ar- rivés au faîte de la puissance. Ils régnaient du Gange à l'Atlantique. Un élément de grandeur, la science, leur man- quait encore et ils étaient en voie de l’acquérir. Leur éducation scientifique, déjxcommencée dans le siècle précédent, prit dans celui-ci un merveilleux essor, Provo- qué par les souverains, il fut secondé par leurs sujets, saisis d’un véritable enthousiasme. Le siècle ne s'était pas écoulé, qu'ils pouvaient compter chéz eux dé nombreux ét habiles astronomes, un philosophe El Kendy et revendiquér uñe partie de la gloire de leurs collaborateurs; les Mésué, Honein et sa famille, Tsabet ben Corra; Costa ben Luca, etc: À côté de ces grands noms, s’élevaient une foule de tra- vailleurs plus modestes dont nous allons énumérer les travaux. : ]76 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. Il en est quelques-uns sur lesquels nous n’avons pas de renseignements bien positifs et que nous avons cru devoir placer dans cette période. Il en est d’autres sur lesquels nous aurons à revenir à titre de médecins. Ne pouvant les classer chronologiquement avec exactitude, nous avons pris le parti de les ranger suivant l’ordre alphabétique. Abd Ichou ben Bahr. (Habib ben Babhriz du Fihrist ?) Fils du métropolitain de Mossoul, il était ami de Gabriel fils de Bakhtichou, pour lequel il fit des traductions. Il en fit aussi beaucoup sur l'invitation d'El Mâmoun (s’il est iden- tique avec Habib). … Abou Amrou Youhanna ben Yousef. Il est dit aussi El Kateb, ou l'écrivain, et c’est probablement le même que celui qui est cité dans le Continent de Razès sous les noms d’Abou Amrou et d'El Kateb. Le Fihrist lui attribue la tra- duction d’un livre de Pédagogie de Platon. Wenrich pro- pose au lieu de Platon, de lire Plutarque. - Abou Djafar Mohammed ben Moussa. C'est à tort que Wenrich lui attribue la traduction des commentaires de Galien sur le livre des Epidémies. Rien n'autorise à considérer Mohammed ben Moussa . comme traducteur. Il n’en fut pas moins un savant, culti- vant les sciences, en même temps qu’il les encourageait, comme M. de Luynes, et il écrivit surtout sur les mathéma- tiques et l’astronomie. Ce qui semblerait indiquer qu’il con- nut une autre langue que l’arabe, ce sont ses commentaires sur les coniques d’Apollonius. Abou Hassan et Salma furent chargés par Iahya ben Khaled le Barmécide de revoir une traduction de l’Alma- geste que ce vizir avait déjà fait exécuter précédemment, mais dont nous ignorons l’auteur. (On lit aussi: Abou Hayan, Aioub et Chemäoun). Abou Nouh ben Essalt est cité par le Fihrist dans la foule des traducteurs. Abou Otsman Saïd ben Iakoub de Damas, nous est donné comme un excellent traducteur, Il traduisit en arabe, peut- être d’après le grec, bien que son nom ait une physionomie D I IE CT EE RP OS PPS Re él ie ddl mate! ? RSA NR RE SE TRADUCTEURS DE SECOND ORDRE. 177 musulmane, divers ouvrages d’Aristote, d'Euclide, d’Alexan- dre d’Aphrodisias, de Porphyre et de Pappus. (1) Abou Rouh'Essaby, c'est-à-dire le Sabien. Il traduisit en arabe, sans doute d’après le grec, dont la connaissance était répandue parmi ses coreligionnaires, des commentaires d'Alexandre d’Aphrodisias, sur la physique d’Aristote, tra- duction qui fut revisée par Iahya ben Adi. Abou Yousef el Kateb ou l'écrivain. C'était un traduc- teur de force moyenne qui traduisit plusieurs ouvrages d'Hippocrate. Abou Zéïid ben Nokta. Il traduisit du grec en arabe les sphériques de Théodose. Aioub Errohaouy, ou Job d’Edesse. C'était un bon traducteur, connaissant bien les langues, mais plus encore le syriaque que l’arabe. Aïoub el Abrach, ou Job le lépreux. Il traduisit du grec en syriaque et en arabe et ses traduc- tionsétaient médiocres. Cependant les dernières approchaient de celles de Honein. Il traduisit une partie du commentaire de Galien sur les épidémies d’Hippocrate d’abord en syriaque, puis en arabe pour Mohammed ben Moussa. Nous avons eu déjà l’occasion de relever l'erreur de Casiri, qui attribue la traduction en arabe à Mohammed ben Moussa, erreur qu’a partagée Wenrich. Aïoub traduisit aussi une partie du li- vre de la démonstration de Galien pour Djebraïl ben Bakhti- chou. Il s’occupait aussi de médecine, dit Ebn Abi Ossaïbiah ; et nous le trouvons cité dans le Continent de Razes. C’est lui que la traduction latine désigne sous le nom de Job lentigi- nosus. Ce dernier mot est la traduction d'El Abrach. Aioub ben el Cassem Erroqgquy, Job de Roqga. Il est auteur d’une traduction de l’Isagoge de Porphyre. Au dire du Fihrist il traduisait du syriaque en arabe. (1) Les traductions d’Euclide et de Pappus semblent indiquer chez Abou Otsman la connaissance du grec, les Syriens n'ayant pas cul- tivé les mathématiques. Nous le croyons auteur d'un traité d’algèbre, qui fut traduit en latin, (n° 7266 ct 9335 de Paris) sous le nom de Saïd A bou Otsman, que M. Chasles a visé, comptes-rendus de l’Ac. des Sc., Année 1841. 12 178 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. Abou Hafs Omar ben el Farkhan Etthabary. Il ne paraît avoir traduit que d’après le persan, aussi est- ce dans cette catégorie de traducteurs, qu’il est rangé par le Fihrist. On sait qu’il est compté parmi les quatre grands traducteurs. El Bathriq (Abou Yahya). Il vivait sous le Khalife El Mansour, pour lequel il fit des traductions, excellentes dit Ebn Abi Ossaïbiah, mais infé- rieures à celles de Honein. Sérapion le jeune parle des tra- ductions de Galien par El Bathriq; 85, 194, 197, 309 et 374. Il traduisit aussi en arabe le Tetrabiblon dé Ptolémée. Basile, dit l'interprète. Basile traduisit les quatre premiers livres des commen- taires de Porphyre sur la physique d’Aristote. Nous lisons dans Cazouïny (1) qu’il accompagnait Haroun Errachid au siége d’Angora et qu'il y lut en présence du Khalife une inscription lapidaire en grec. Basile est sans doute le père d’Étienne dit Étienne fils de Basile. Chahdy, de Karkh, faubourg de Bagdad, traduisit du syriaque en arabe le traité de l'embryon d’Hippocrate, dit Wenrich. Cette version est aussi attribuée à son fils. Ebn Chahdy. C’est le fils du précédent. Il se livra comme son père aux traductions. Il finit par le surpasser, mais toutefois sans s’é- lever au-dessus de la médiocrité. Il traduisait du syriaque en arabe. Wenrich lui attribue la traduction d’un livre du Re- pos d'Hippocrate, mentionné par Ebn Abi Ossaïbiah. Cette mention nous a échappé. Le livre du Repos ne se trouve pas non plus dans les listes bibliographiques d’Hippocrate. Nous pensons que Wenrich aura confondu avec le livre de l’em- bryon. Chemly. Il est cité dans la liste du Fibrist. Ii traduisit concur- remment avec Tsabet et Hobéïch, le livre du Chyme d'Hip- (1) Wüstenfeld, IT, 341. On lit aussi dans le Fihrist que Besile _était au service de Doulieminin. Re étend os ne à SA IN a de die, ose NTE ae de MES IN qu = SU ARE 2e EE on ha on of aies 7 ddl “herve nt ce dima une dits tiaints ‘id Èt ÈS Le TRADUCTEURS DE SECOND ORDRE. 179 pocrate. Ii traduisit aussi le commentaire de Thémistius sur la lettre L de la métaphysique d’Aristote. Dar Ichou. Il est donné par le Fihrist comme ayant traduit pour Ishaq - ben Soieiman ben Ali el Hachemy, du syriaque en arabe. Ebn Naëma. Abd el Messih Ebn Naëma el Homsy ou d'Edesse, tra- duisit en syriaque les commentaires d'Alexandre sur les Sophismes d’Aristote, et en arabe la deuxième partie des commentaires du même sur la physique, suivant le Kitab el hokama. Wenrich pense qu'il faut lire, au lieu d’Alexan- dre d’Aphrodisias, Jean le Grammairien d'Alexandrie, d’a- près le Fihrist. Ebn Rabetha (et Djiroun). Il est simplement cité dans la liste du Fihrist. Il l’est aussi dans certaines copies d'Ebn Abi Ossaïbiah, ainsi dans celle du musée britannique et dans celles données par Wüsten- _feld et Reiske. Ces mêmes listes le donnent sous cette forme : Djiroun ben Rabetha. Serait-ce une erreur, c’est-à-dire un dédoublement ? Le fait est que le Ms. du Fihrist de Paris donne Étienne fils de Basile entre Djiroun et Ebn Rabetha. Il en est de mème dans l'édition de Fluegel. Étienne fils de Basile. Ebn Abi Ossaïbiah dit que ses traductions approchent de celles de Honein pour la perfection. Toutefois celles qui nous sont connues sont ou revues où faites en collabora- tion. Il traduisit surtout les écrits de Galien, ainsi : Des mouvements de la poitrine, traduction revue par Honein. | Des causes de la respiration, idem. Des mouvements des muscles, idem. Du rôle de la respiration, idem. De la pléthore. De l’atrabile. De la saignée, en collaboration avec Îssa: Des sortes de raisonnement, avec Ishaq. Une traduction d’Étienne quinous estparvenue et qui existe 180 HISTOIRE DE LA MÉDEUINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. à Paris, à l’Escurial, à Oxford, est celle de Dioscorides, Elle fut aussi revue par Honein. Il traduisit aussi le Traité des médicaments usuels d’Ori- base. Nous croyons devoir signaler deux graves erreurs de Casiri. Au lieu de voir la respiration dans le mot Nefs, il y a vu l’âme, et a traduit en conséquence, L 254. Fadhl ben Hatem Ennaïrizy. C'était un persan. Il nous est donné, d’une part, comme ayant commenté l’Almageste, Euclide, le Tétrabiblon, etc. ; d'autre part, comme ayant fait une traduction de l’Alma- geste, traduction qui fut revue par Tsabet. Nous ignorons s’il traduisit d’après le syriaque ou le persan. Sa notice dans le Kitab el hokama parle seulement de commentaires. Habib ben Bahr ben Mathran (ou ben Bahriz). Il était de Mossoul et traduisit plusieurs ouvrages pour El Mâmoun. Tel est le récit du Fihrist. Ce Habib serait-il identique avec l’Abd Ichou d'Ebn Abi Ossaïbiah, ou serait-il son frère? {1) ET Hassan ben Sahl. Tout ce que nous en savons c’est qu’il était de la société d’lahya ben Bathriq. N’était-ce qu’un protecteur ? ElHedjadj ben Yousef ben Mather. Il travailla pour El Mâmoun, dit le Fihrist, et traduisit les Éléments d'Euclide et l’Almageste. D’après le Fiïhrist et le Kitab el hokama, Hedjadj aurait fait des traductions des Éléments, l’une dédiée à Haroun Errachid et l’autre à El Mâmoun. La traduction de l’Almageste est pareillement relatée. Les deux autorités que nous venons de citer, en parlant des écrits d’Aristote, font traduire par Hedjadj un Traité du miroir. C’est à tort que Casiri, I, 306,a vu là un commen- taire, ce qui a entraîné Wenrich dans la même faute, ou plutôt à une contradiction, 161, 174. (1) D'après le Ms. 1028 du fonds hébreu de Paris, Habib ben Bahriz aurait traduit du syriaque en arabe, l’Arithmétique de Nico- maque. OP PAP | | | MERE ONE RÉ ar nd yerx AR Al Se ina enite À 08 4 de et ét en mt de V À phbbel RE Dt L S it n à ” ; hi : 3 à TRE RETARDER NEO TRADUCTEURS DE SECOND ORDRE. 181 ‘ Hélal d'Émesse. Il traduisit les quatre premiers livres des sections coni- ques d’Apollonius de Perge. Wenrich s’est encore fourvoyé ici à la suite de Casiri, qui donne ces livres comme révisés par Ahmed ben Moussa ; quos emendavit Ahmed ben Musa. Le texte dit simplement que la traduction se fit sous les auspices d'Ahmed. Nous aurons aussi plus d’une fois à cons- tater des erreurs de Casiri, adoptées par Wüstenfeld de confiance. Les assertions de Casiri ne doivent jamais être acceptées que sous bénéfice d'inventaire. Tahya ben Bakhtichou. Il fit plusieurs traductions en syriaque. Iahya ben el Bathriq (Abou Zakarya). Jean fils d'El Bathriq, dont nous avons parlé précédem- ment, n’était pas considéré comme très versé dans la con- naissance du grec et de l’arabe. C'était un affranchi de Mà- moun. Il traduisit en syriaque et en arabe. On cite de lui les traductions suivantes : Hippocrate : des Signes de la mort, qui se trouve à Paris, n°102. Platon : le Timée. On trouve dans le recensement des livres de Platon deux livres sous ce nom, l’un traduit par Fahya ben Ady et l’autre par Iahya ben el Bathriq. Nous pensons avec Wenrich que l’un de ces livres pourrait être le traité de Timée de Locres, de l’âme et des mondes, considéré comme un abrégé du livre de Platon. Aristote : des Animaux. Casiri dit à tort que la traduction se fit en syriaque. (1) Le texte du Kitab el hokama porte que la traduction se fit par Iahya, et qu'on en trouve aussi une traduction syriaque. Du ciel. Livre de la politique et conduite des souverains. IL ne s’agit pas ici du livre bien connu de la politique d’Aristote, et c’est inutilement que Wenrich, qui s’est mé- pris ici, a cherché à expliquer les dissemblances par l’infi- délité des traductions. (1) TI, 306. 182: misrTOoIRR DE LA MÉDECINE ARABE. -— LIVRE DEUXIÈME, Il s’agit d’un autre ouvrage d'une attribution douteuse, qui est aussi connu sous le nom de Livre du secret des se- crets, qui fut traduit en latin par Philippe de Tripoli et abrégé par Jean d'Espagne, et sur lequel nous reviendrons à propos d’Aristote. Jean nous est donné, dans la liste des traducteurs, comme sachant le latin, et c’est d’après le latin qu’il aurait fait la traduction arabe. Le texte arabe existe à Paris sous les n® 944 et 945, A. F. Il débute par une introduction où Jean nous dit qu’il a d’abord traduit l'ouvrage du grec, iounany, en latin, roumy, puis en arabe. C’est à tort que les traduc- _tions latines, dont il existe plusieurs exemplaires à Paris, ont rendu le mot roumy par arabice ou chaldaice. L'ouvrage fut aussi traduit en hébreu, et il en est resté plusieurs exemplaires. Ainsi le n° 896 du fonds hébreu à Paris, le donne sous le nom de Mystère des mystères, sans reconnaître son identité avec le Liber secreti secretorum. Alexandre de Tralles: de la Pleurésie. Galien : de la Thériaque à Pison. Ptolémée: le Tétrabiblon, Cette traduction est mentionnée dans la vie d'Omar ben Farkhan. (1) Ibrahim ben Abdallah. C'était un chrétien. Il traduisit en arabe le huitième livre des Topiques d’Aristote et la Rhétorique. On lit dans le Fihrist: Iahya ben Ady, assistant à la vente des livres laissés à sa mort par Ibrahim ben Abdallah, vit les commentaires d'Alexandre sur la Physique et sur le Ife livre des Analytiques, adjugés au prix de 8,000 dinars ; et il n'avait pu obtenir du même Ibrahim le texte des So- _ phistiques, de la Rhétorique et de la Poétique, au prix de cinquante dinars. — Casiri reproduisant ce récit, d’après le Kitab el hokama (Bibliotheca philosophorum), a commisune étourderie. Il porte la première somme à 300,000 dinars, dans sa traduction, tandis que le texte ne donne que 3,000. (1) Casiri, I, 362. . 1 À | ; 1 TRADUCTEURS DE SECOND ORDRE. 183 Ibrahim ben Essalt. Il paraît avoir pris pour modèle Sergius de Ras el Aïn. C'était un traducteur de force moyenne. Il traduisit : Aristote: le 1°‘ livre de la physique, (le Fihrist). Galien : Destumeurs. — Conseils pour un enfant épileptique, en syriaque eten arabe. Ptolémée : le Tetrabiblon, traduction en arabe, revue par Honein. Ibrahim Kouairy. IL est cité par le Fihrist dans la foule des traducteurs. Ji fit plusieurs commentaires sur l'Organon. Issa ben Assid. C'était un chrétien de l'Irak et un élève de Tsabet ben Corra. Il était habile à traduire du syriaque en arabe, dit le Kitab el hokama. Nous ne connaissons qu’une de ses traduc- tions, mentionnée par le même livre dans la vie de Tsabet. C’est la traduction du livre de Tsabet: Qu'il existe un repos entre les deux battements artériels. Ce livre avait été écrit en syriaque et Tsabet en revit la traduction arabe. Issa ben lahya ben Ibrahim, de Damas. C'était un disciple de Honein. Il traduisit du grec en arabe et composa des ouvrages. Telles sont ses traductions : Hippocrate : Pronostics (commentaires de Galien). Aphorismes ? (admis par Wenrich). Du régime des maladies aiguës, III livres. Des humeurs, (avec le commentaire). Du serment, idem. Des plaies de la tête, (des fractures, Le Fihrist), Les épidémies, (avec le commentaire). De la nature de l’homme. à Issa collaborait avec Honein, qui traduisit le texte des Pronostics et laissa les commentaires à son élève, Galien : De la saignée. Du pronostic. 184 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME, Des antidotes. Dé la démonstration (une partie). Du premier moteur. Quelques-unes de ces traductions furent aussi exécutées, soit par Honein, soit par Étienne. Oribase : Le livre des LXX chapitres (Collection). Issa ben Noukh. Il est cité parmi les traducteurs. Ishaq ben Abil Hassen el Kateb. Il n’est connu que par un opuscule de l’Escurial : Réponse à Galien sur le possible, par Alexandre d’Aphro- | disias. Jousef Ennakel, Joseph l'interprète. Abou Iakoub Iousef ben Issa, médecin de profession, était élève d’Issa ben Taherbaht. On dit ses traductions médio- cres et son style barbare. Kaïdha Errohaouy, ou Kaïdha d’Edesse. Quand Honein était surchargé de besogne, il se faisait aider par Kaïdha, dont il revoyait les traductions. Mansour ben Babas. On le dit plus habile en syriaque qu’en arabe: Sallam el Abrach. C’est, ditle Fihrist, un des anciens traducteurs. Il vivait du temps des Barmécides. Il laissa une traduction de la physique d’Aristote. Siméon, Chemäoun. Il traduisit (avec un certain Aïoub), les tables de Ptolémée pour Mohammed ben Iahya ben Barmek, ainsi que d’autres ouvrages. Sergius ben Hélia. Il n’est connu que par une citation de Hadji Khalfa, n° 10,037, qui le donne comme le meilleur traducteur de l'Agriculture grecque de Costus, ouvrage qui nous est par- venu et qui existe notamment à Oxford, et qui fut aussi tra- duit par Costa ben Luca, Eustathe et Iahya ben Ady. Nous aurons à revenir sur la personnalité de Costus ; mais nous devons observer ici que Wüstenfeld s’est trompé en fai- ke PR à NE à Pr va ne à ddl 1 te dti dé ds à sd de + 2 hPa grrr PEL! PE AU LS Ed PRE N D TRADUCTEURS DE SECOND ORDRE. 185 sant de Sergius ben Helia le même personnage que Sergius de Ras el Aïn. Théophile. D’après le Fihrist, il traduisit les Sophismes d’Aristote en syriaque, traduction rendue en arabe par Iabhya ben Ady. Thabary. Rabban Etthabary, qui nous occupera plus tard comme médecin, était un juif du Thabarestan, d’où lui vint son surnom. Il traduisit l'Almageste, et on fait observer que dans sa traduction se trouve un chapitre sur la réflexion des rayons lumineux, qui manque dans les versions de Tsabet ben Corra et d'El Kendy. Tsabet l'Interprète. (Tsabet ben Kama). Ce fut un traducteur de valeur médiocre, qui traduisit le livre des Chymes de Galien. Tsadry, ou Théodore. (Théodore Sankal.) Ebn Abi Ossaïbiah le cite parmi les promoteurs de tra- ductions, et le Fihrist parmi les traducteurs. C’est proba- blement le même qui traduisit en arabe les premiers Analy- tiques d’Aristote, traduction revue par Honein. Thomas. Il traduisit le livre de Galien sur les maladies de l’âme ou les défauts. - Le chapitre des traducteurs d’'Ebn Abi Ossaïbiah, repro- duit par Wenrich, est conforme au Ms. de Paris, quant au nombre. D’autres Mss. ajoutent d’autres noms ; ainsi ceux qui servirent à Reiske et à Wüstenfeld et celui du musée britannique. On trouve encore dans le Fihrist d’autres noms plus où moins défigurés. Nous allons en faire l’inventaire autant que possible. . Le Fihrist: Fadhl ben Mary ben Aiïoub (Fluegel: Fetsioun). Théophile ou Roufil? Daria le moine. Saliba ? Hyabetsioun ou Beniout (Fluegel) Merlahy? qui travaillait avec Eddeheky, (idem). 186 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. Musée brit. : Zarouba ben Manahou (Wiüst. Dadouïh et Reiske Darvia ben Mandjouih). Keinoun l'interprète (Reiske et Wüst.), Moussa ben Khaled. : Abou Nasr ben Naz (Abou Nasr ben Aouy, Fluegel). Asthat (Reiske, Ostanus). Dans la vie d'Alexandre d’Aphrodisias nous trouvonsmen- tionné un commentaire de Macidore, traduit en arabe par Abou Bachar Etthabary ? (1) Asthat el Kendy. Asthat ou Eustathe, déjà cité ci-dessus, nous est connu par plusieurstraductions. Nous le plaçons ici, n'ayant aucun renseignement sur l’époque où il vécut. Il traduisit l'Agriculture de Costus. Le chapitre N de la métaphysique d’Aristote, avec les com- mentaires d'Alexandre. Le livre de la génération etdela corruption d’Aristote avec le-commentaire de Macidore. Troisième et dernière Période ou Période de déclin, Nous rencontrerons encore au X° siècle des traducteurs de mérite; mais les siècles suivants seront à peu près stériles. Le travail des traductions est clos et alors s'ouvre l’ère des commentaires. Abou Bachar Mattai. Abou Bachar Mattaï ben Younes, de lacommunion nesto- rienne, était de Dorkana, faubourg de Bagdad où les Nes- toriens avaient établi une école. Il fréquenta de plus diffé- rents maîtres, tels que Kouairy, Ebn el Kornib, Roufil et Benjamin. Ces deux derniers étaient des religieux jacobites. Il était réputé comme le premier dialecticien de son temps. Il mourut en l’année 941. Ses traductions portèrent à peu près exclusivement sur () Il y a probablement confusion avec Abou Bachar Mattaï, non- obstant l'adhésion de Wenrich. Et TRADUCTEURS DE SECOND ORDRE. 7 17 Aristote, dont il fit aussi des commentaires. Il traduisit ou commenta: De l’interprétation (commentaire). Les Il‘ analytiques, en arabe. - Une partie des topiques (commentaire). - Les sophismes, en syriaque. La poétique, du syriaque en arabe (se trouve à Paris). La lettre L de la métaphysique, en arabe. Une partie du ciel et du monde. Les commentaires d'Alexandre d'Aphrodisias sur la méta- physique, sur le ciel et le monde, sur la génération et la cor- ruption, ainsi que ceux de Macidore sur ce dernier ouvrage. On lui attribue la traduction d’un traité de géométrie de Platon. Il traduisit aussi des commentaires de Macidore sur le livre des Météores. Nous relèverons ici deux erreurs de Casiri. Il a rendu les mots: El atsar el alaouya par de astrorum in- fluxu. C'est aussi à tort qu'il a lu Abou Bachar Etthabary au lieu de Mattaï. Abou Bachar traduisit le Kounnach de Jean fils de Sérapion. 11 traduisit enfin un opuscule d'Alexandre sur la Provi- dence, en réponse à Démocrite et Epicure, qui existe à l'Escurial; et un commentaire de Thémistius sur la physique d’Aristote. “Aboulfateh ben Mohammed, d'Ispahan. Un M3. de la Bibliothèque de Florence lui attribue la tra- duction des sections coniques d’Apollonius. C’est probable- ment une traduction faite d’après le persan. Nous en igno- rons du reste l’époque. Aboul Hassan el Harany, ou de Charres. I traduisit deux ouvrages de Philagrius, le traité de l’impe- tigo, et le traité des vents. Plusieurs savants Sabiens ont porté le nom d’Aboul Hassan. Aurions-nous affaire avec Tsabet? Aboul Kheir el Hassan ben Saouar, dit Ebn el Khammar. C'était un chrétien, disciple d'Iahya ben Ady. Il traduisit du syriaque en arabe les ouvrages suivants: Aristote : l’Ethique et les Météores. Théophraste : les Questions. 188 [HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME, Il traduisit encore un autre ouvrage diversement écrit dans les Mss. Le Fihrist donne Lakes, le Kitab el hokama Labiset Ebn Abi Ossaïbiah, Julien ou Elien d'Alexandrie, — Nous le retrouverons comme médecin. Aboul Ouéfa. Il naquit près de Nisabour en 939 et mourut en 998. C'était un mathématicien et un astronome éminent. Il ouvrit une école à Bagdad. On lui attribue la traduction du livre d’A- ristarque de Samos sur la grandeur et la distance du soleil et de la lune et la correction du traité algébrique dit des Dé- finitions d'Aristippe. Nous ignorons si ce fut du syriaque ou du persan. Aboulfarage lui attribue, après le Fihrist, un commentaire sur le traité de Diophante. Le texte dit fesser, que Pococke a rendu à tort par interpretatus est. Woepcke ad- met, à tort suivant nous, la traduction de Diophante par Aboul Ouéfa. Nous croyons plutôt qu’il commenta celle de Costa ben Luca. (1) Jahya ben Adi (Abou Zakarya). lahya ben Adi, chrétien jacobite, eut pour maîtres Abou Bachar Mattaï et El Faraby. [traduisait du syriaqueen arabe. Teiles sont ses traductions: Platon : Les Lois et le Timée (avec commentaire de Plutarque). Livres à Criton, sur les lois. Aristote : Les Catégories avec commentaire d'Alexandre d’Aphrodi- sias. Les Topiques et les commentaires d'Alexandre et d’Ammo- nius sur les IV derniers. Les premiers Analytiques. Les Sophismes avec commentaires d'Alexandre. Il en fit lui-même un commentaire. La Poétique avec le commentaire d'Alexandre, et le com- mentaire de Thémistius. Commentaire d'Alexandre sur la physique. Commentaire du même sur les météores. (1) D’après un Ms. de Leyde, Abou Saïd Abdallah traduisit en arabe le L. d'Hippocrate sur les Inhumations prématurées. A 0 Le els cu is Lie ie SE SES SSSR TRADUCTEURS DE SECOND ORDRE. 159 Le livre de l'âme avec le commentaire de Macidore. La métaphysique, une partie. Commentaires de Thémistius sur le L. du ciel. Théophraste: Les mœurs, les météores, la métaphysique. Costus: l'Agriculture. Tahya ben Mohammed. D’après un Ms. de Leyde il aurait traduit les sphériques de Théodose. Cela nous paraît suspect. Louhanna el quass, ou le prêtre. Iouhanna ben Yousef ben el Harets ben Bathriq, savant appliqué à l'étude d’Euclide et des mathématiques, traduisit du grec. Voilà ce qu’en rapportent le Fihrist et le Kitab el hokama, Ibrahim ben Baks ou ben Bakous. C’est à tort que Wenrich écrit Takouin au lieu de Bakous. Ibrahim traduisit le Sens et le Sensible, et les causes des Plantes de Théophraste. D’après le n° 882 du fonds arabe de Paris, il aurait traduit les Sophismes d’Aristote du syriaque en arabe. Ali ben Ibrahim ben Baks. On nous apprend seulement qu'il traduisit à l'instar de son père. Issa ben Zera. - Abou Ali Issa ben Ishaq ben Zera ben Marcous traduisit du syriaque en arabe. Telles sont ses traductions : Aristote: Les Sophismes, d’après le Fihrist. Les Catégories, d’après un Ms. de Paris. Cing livres de Nicolas sur la philosophie d’Aristote. Les parties des animaux, avec le commentaire de Jean le Grammairien. D’après le Fihrist, il commença aussi la tra- -duction du livre des animaux. Joseph le Prêtre. Ii fit des Triangles d’Archimède une traduction d'après le syriaque, revue par Sinan ben Tsabet. . Tssa Ennefissy. C'était un médecin au service de l’émir Seifeddoula, qui lui 190 HISTOIRE DE LA MÈDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. payait une triple solde, dont une à titre de traducteur du #y- riaque en arabe. Nedhif el quass erroumy, ou le prêtre chrétien. C'était un médecin savant, traduisant du grec en arabe. Adhad eddoula le comprit parmi les médecins attachés à l’hô- pital qu'il fonda à Bagdad. Il traduisit peut-être Euclide, ayant découvert un exemplaire plus complet que les traduc- tions courantes, ainsi qu’on le lit dansle Fihrist, Sinan ben Tsabet. Il traduisit en arabe les lois d'Hermès et les Généalogies et Annales des Sabiens. Haditsy el Kateb (Moussa ben Ibrahim). | © Il traduisit en l’année 930, du syriaque en arabe, le Koun- nach, ou Pandectes de Jean fils de Sérapion, vulgairement connu sous le nom de Sérapion l’ancien : avec addition, dit un Ms. de l’'Escurial. | Ebn Bahloul (El Hassen el Aouany). - D'après un Ms. du British Museum, n° 1309, il semble avoir traduit un traité de géographie de Sérapion, qui ne nous est pas connu d’ailleurs. Ebn Abi Ossaïbiah le donne commeayant traduit les Pan- ‘dectes. D'après un Ms. de l’Escurial il n'aurait fait que les augmenter. (1) En tout cas, sa traduction nous est donnée comme inférieure à la précédente. Ces deux traductions ne sont pas mentionnées par Wenrich. Aboulfarage ben Thaïeb. Aboulfarag'e Abd Allah ben Thaïeb, chrétien nestorien du XI° siècle, nous est donné par son homonyme, l’auteur des Dynasties, comme ayant traduit du grec en arabe Aristote, et aussi comme ayant traduit la Bible en arabe. Quoi qu'il en soit de ces écrits, nous savons qu’Aboulfarage était très familier avec l'antiquité grecque. Parmi ses écrits on compte une trentaine de commentaires sur Aristote, Hippocrate et Galien. Il est un écrit que nous devons signaler, le Fruit des seizelivres de’Galien, sous forme de sommaire. 11 commenta; (1) Ebn Babloul est cité dans Assemani parmi la foule des méde= eins nestoriens, sous la forme: Bar Bahloul. diudie »- PS TD LES AUTEURS TRADUITS. 191 s’il ne traduisit pas en arabe, le tableau de Cébès, dont nous avons retrouvé un fragment ignoré à l'Escurial, sous le n° 888, ancien 883. Au XIII siècle Aboulfarage Grégoire, autrement dit Bar Hebrœus, faisait encore des traductions, et ce furent les der- nières. Aboulfarage connaissait le grec, le syriaque et l’a- rabe. Il traduisit de l’arabe en syriaque les parties d’Avicenne relatives aux indications et au pronostic. 11 fit même une traduction syriaque du canon d’Avicenne, qui ne fut pas achevée. Il fit un sommaire des questions de Honein en syriaque. Un commentaire sur les Aphorismes d’Hippocrate, et un abrégé de Dioscorides, accompagné de figures, furent écrits en arabe. Il écrivit aussi un graud ouvrage où il recueillit toutes les opinions des médecins. Tous ces traducteurs que nous venons de passer en revue, procédaient directement ou indirectement de la Grèce. Nous verrons plus loin les emprunts des Arabes aux littératures de l’Orient. LES AUTEURS TRADUITS. Nous avons vu que le nombre des traducteurs, à nous connus, s'élève à une centaine. Ce chiffre élevé témoigne de l'intensité et de l'étendue du mouvement intellectuel qui se produisit à Bagdad. L’énumération des ouvrages traduits nous renseignera sur la nature de ce mouvement. Il fut es- sentiellement scientifique. Les Arabes ne demandèrent rien aux poètes de la Grèce! le génie et la religion des deux peuples étaient trop diffé- rents pour qu'ils pussent se rencontrer sur le terrain de la poésie. D’une part, il n’y avait pas de place pour la mytho- logie grecque dans la langue du Coran : de l’autre les Arabes étaient déjà assez riches de leur propre fonds. Il en fut à peu près de même pour l’histoire, du moins 192 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. dans les premiers temps, et nous n’avons pu rencontrer le nom d’un traducteur qui s’en fût occupé. Les Arabes cependant ne restèrent pas étrangers aux évé- nements historiques de la Grèce, non plus qu'aux faits qui intéressent plus particulièrement l’histoire des sciences, mais ils paraissent avoir puisé bien rarement aux sources originales. 1ls sont assez abondamment, sinon toujours exactement, renseignés sur tout ce qui intéresse la science et les savants. Un seul historien de l’Occident paraît avoir passé dans la langue arabe, et ce qui est étrange c’est qu’il s’agit non pas d’un grec mais d’un latin: c’est presque le seul contact ‘connu des deux littératures. Cette traduction paraît devoir être admise. Orose est cité par Ebn Abi Ossaïbiah, dans la notice d’Esculape, de manière à faire croire qu'il le cite de première main. D'ailleurs il figure dans Hadji Khalfa, n° 10,626. _ Nous trouvons une citation d’Eusèbe dans la vie de Ga- lien, par Ebn Abi Ossaïbiah. Est-elle directe, cela est pos- sible. On peut voir, dans les Prairies d'Or, que les Arabes . avaient quelques notions sur l’histoire de l'Occident. On en découvrirait davantage encore dans les ouvrages perdus de Maçoudy. Comment ces notions arrivèrent-elles aux Arabes, ce n’est pas le lieu de le rechercher. Nous dirons seulement que les Nestoriens durent composer des écrits historiques en arabe, et que les astronomes grecs livrèrent aux Arabes un certain fonds de chronologie. Quant aux faits qui intéressent l’histoire des sciences et des savants, nous avons des renseignements plus précis. Les écrits de Jean le Grammairien sont souvent invoqués en pareille matière. Ensuite les chrétiens, initiateurs des Arabes, écrivirent aussi sur les annales des sciences. Le Fibrist est riche en renseignements sur les savants de la Grèce. Les autorités les plus fréquemment invoquées, tant par Mohammed ben Ishaq que par Djemaleddin et Ebn Abi Ossaïbiah, sont Honein et son fils; Ishaqg ben Ali Errohaouy, Obéid Allah ben Djabril et Ebn Bothlan. LES AUTEURS TRADUITS. 193 Ce fut donc à peu près exclusivement sur des ouvrages de science que portèrent les traductions provoquées par les Abbassides : elles embrassèrent la médecine, la philosophie, les mathématiques et l'astronomie, et toutes ces sciences gagnèrent à la culture arabe. Quand on jette un coup d'œil sur l’ensemble de ces tra- ductions, sur les savants qui, pendant cinq siècles, ne ces- sèrent des’en inspirer et de les féconder par leurs écrits, on s'étonne que des écrivains modernes aient pu refuser aux Arabes le génie scientifique. Il nous semble que le génie scientifique se produit de deux manières et se reconnaît à deux signes, d’un côté la classi- fication méthodique d’un ensemble de faits donné, de l’au- tre la culture des sciences abstraites. Les Arabes marchèrent dans l’une et l’autre voie. Quant à la première, nous les voyons de bonne heure préoccupés de classer suivant un ordre systématique, les notions et les faits afférents à la médecine, et c’est dans cet esprit que furent exécutés le Maleky d’Aly ben el Abbas et le Canon d’Avicenne. Nous les voyons aussi passionnés pour Aristote, le génie scientifique par excellence. Parmi les philosophes grecs, dit M. Munk, ils choisirent de préférence Aristote, sans doute parce que sa méthode empirique s’accordait mieux que l’idéalisme de Platon avec la tendance scientifique et l’esprit positif des Arabes. Nous pourrions ajouter à ces paroles que les Arabes eu- rent des émules, et que la science moderne s’est plus inspi- rée d’Aristote que de Platon. Si l’on refusait aux Arabes le génie scientifique, comment expliquer l’ardeur et le succès avec lequel ils cultivèrent les mathématiques et l'astronomie ? Nous céderons ici la parole à un homme qui fait autorité, à M. Sédillot : e” « Ce qui caractérise surtout l’école de Bagdad à son dé- but, c’est l’esprit véritablement scientifique qui présida à ses travaux. Marcher du connu à l’inconnu, se rendre un compte exact des phénomènes pour remonter ensuite des 13 194 HISTOIRE DE LA MÉDHCINE ARABE, => LIVRE DEUXIÈME. effets aux causes, n’admettre comme vrai que ce qui à été démontré par l’expérience, tels sont les principes enseignés par les maîtres. Les Arabes étaient au IX: siècle en posses- sion de cette méthode féconde qui devait être, si longtemps après, entre les mains des modernes, l'instrument de leurs plus belles découvertes. » Prolég. d'Oloug Beg, 23. Et ailleurs : « L’école de Bagdad marqua son passage par des progrès incontestables: pendant sept siècles elle est à la tête de la civilisation et remplit avec éclat l'immense in- tervalle qui sépare les écoles d'Athènes et d'Alexandrie de l’école moderne. Les mathématiques pures deviennent l’ob- jet d’études suivies ; des traités ex professo développent les “principes de l’arithmétique et des rapports des nombres. L’algèbre perfectionnée s'étend jusqu'aux équations du troi- sième et du quatrième degré. La trigonométrie se trans- forme par la substitution des sinus aux cordes et par l’em- ploi des tangentes dans les calculs. » Lettre à M. de Hum- boldt, 25. = Une dernière citation : « De quelque côté qu’on tourne ses regards, on voit tou- jours les Arabes nous précéder dans les innovations utiles - et dans les perfectionnements d’une civilisation avancée. S'ils ont été nos maîtres en algèbre et en géométrie, dans les sciences naturelles, dans les arts mécaniques, si nous leur devons nos chiffres et notre système décimal, la bous- sole, le pendule, la poudre à canon, l’alcoo!, etc., on ne peut s'étonner de retrouver chez eux ces écoles, ces académies, ces correspondances mathématiques qui font la gloire des sociétés modernes, ces encyclopédies qui résument méthodi- quement les travaux de plusieurs siècles, ces dictionnaires bibliographiques où les titres de plus de 20,000 ouvrages dif- férents, reproduits avec exactitude nous révèlent l’une des plus vastes littératures que l’on connaisse, trésor inépuisa- ble auquel il n’a manqué que l'imprimerie. » Les livres et les auteurs dont nous allons parler, nous sont en partie connus par l’histoire des traducteurs. Nous croyons cependant faire plus qu’une répétition oiseuse en classant les ouvrages traduits d’après leurs auteurs: LES AUTEURS TRADUITS. 195 Il est bien des détails qui ne conviennent qu'ici. Le recen- sement des traducteurs ne peut donner une idée nette de l’ensemble des écrits livrés aux Arabes dans chaque branche des connaissances humaines, tandis qu’on l'embrasse par- faitement par la méthode que nous avons adoptée, de classer les auteurs par catégories. Il est enfin des auteurs dont les écrits furent traduits et dont nous ne connaissons pas les traducteurs : ils vont donc être mis en lumière ici pour la première fois. Nous diviserons les auteurs en quatre classes : Philoso- phes et naturalistes, mathématiciens, géographes’ et astro- nomes, médecins. Bien que nous ayons pour objet à peu près exclusif l’his- toire de la médecine et des sciences accessoires chez les Arabes, nous n’avons pas cru pouvoir nous borner aux mé- decins. Jusqu'à présent on s’est fait des idées fausses ou incomplètes sur le travail des traductions. Le seul ouvrage qui traite de la matière, celui de Wenrich, ouvrage excel- lent, n’est pas connu suffisamment en France, où il n’a pas été traduit, ce qui le relègue un peu à l'écart. Nous n'avons pu résister au désir de le reprendre en sous-œuvre, de Le con- trôler, de le complèter, de le rectifier parfois, et de le pré- senter dans un meilleur cadre. Cet ensemble complet des traductions fera bien mieux connaître le milieu scientifique dans lequel se mouvaient les médecins qui, bien souvent eux aussi, furent de grands philosophes, et qui doivent nous occuper à ce titre. Après l’exposé des auteurs dont les traductions nous sont signalées avec où sans le nom du traducteur, nous passe- rons la revue d’une foule d'auteurs, mentionnés surtout dans le Continent de Razès, que nous croyons en grande partie avoir été traduits en arabe, mais dont quelques-uns peuvent se trouver là cités de seconde main. Quelques-uns de ces noms méritent d'être mis au jour. Malheureusement la Bi- bliothèque de Paris ne possède qu’un misérable fragment du Continent, C’est pour avoir le texte en main que nous avons fait le voyage de l'Escurial, les traductions latines ne donnant ces 196 HISTOLRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. { noms que sous une forme le plus souvent travestie et mé- connaissable. Nous pensons que bien des traductions se sont faites obs- curément sans avoir été signalées par les biographes. A l'appui de cette opinion, nous avons un passage d'Ebn Abi Ossaïbiah qui dit que la plupart des médecins qu’il cite après les Alexandrins, furent traduits et se retrouvent chez Razès. On pourrait même s'appuyer sur Djemaleddin et Hadji Khalfa, qui indiquent beaucoup d'ouvrages apparem- ment traduits, sans indiquer le nom des traducteurs, s’il est vrai que ces deux écrivains n’ont mentionné que les écrits en circulation chez les Arabes. Il est encore un genre d’écrits qui contribuèrent puissam- ment à la vulgarisation de la science grecque, ce sont les commentaires. Nous avons déjà dit que le génie différent des deux langues les rendait souvent nécessaires. Nous n'avons pas cru devoir à chaque ouvrage traduit, mention- . ner le nom des commentateurs, dont la liste est parfois trop longue, à moins qu’il ne s'agisse d’un travail plus qu'ordi- naire. I. — Les Philosophes. HERMÈS. Les Arabes se sont beaucoup occupés du père de l’Alchimie. Nous n’avons pas à reproduire ces récits, que chacun peut liredans Alboulfarage, dans la traduction d’Ebn AbiOssaïbiah par M. Sanguinetti et dans d'Herbelot. Nous dirons seulement qu'ils en admettent trois. Le premier ne serait autre que l'Enoch des Hébreux ou Idris ; le deuxième est Babylonien et le troisième Égyptien. C’est le dernier qui aurait porté le surnom de Trismégiste. Mohammed ben Ishaq nous a conservé dans le Fihrist le nom d’une douzaine d'ouvrages attribués à Hermès, qui doi- vent être considérés comme existant de son temps. (1) (1) Le British Museum possède, sous le n° 1517, un opuscule d'Her- mès, intitulé: El Malathis, qui se trouve mentionné dans la liste du Fihrist, LES PHILOSOPHES. 197 D’Herbelot en mentionne deux : Les paroles secrètes d'Her- mès et Le lever de Syrius, qui se trouve à Paris. D’autres ouvrages d’'Hermès se trouvent aussi dans les di- verses collections orientales. Nous croyons inutile d’en faire le recensement. Nous préférons reproduire quelques rensei- gnements positifs sur les traductions qui en ont été faites en arabe. Il est plus que probable que ces ouvrages figurent parmi les traductions ordonnées par Khaled ben Yézid, ces traduc- tions ayant porté en grande partie sur l’alchimie. Toutefois, nous avons quelques renseignements sur des traductions ultérieures. 1ls ont trait à deux ouvrages seulement, ce qui prouve sans doute qu’il en restait peu à traduire après le siècle de Géber. Le n° 1167 de Paris, ancien fonds, contient un ouvrage d'Hermès sur les influences spirituelles. Honein l'aurait trouvé parmi les écrits d’Aristote et l’aurait traduit du grec en arabe. Nouslisons dans la vie de Sinan ben Tsabet qu'il tradui- sit les Lois d'Hermès en arabe. (1) THALÉS. _… Nous apprenons du Fihrist que deux de ses écrits furent traduits en arabe. PYTHAGORE. ._ Ebn Abi Ossaïbiah lui consacre un long articleen grande _ partie emprunté à Porphyre. Tels sont les écrits mention- $ 4 _néspar l'historien arabe et que l’on retrouvait encore de son a 5 temps hi _ Traité d’arithmétique. (1) Nous possédons encore, sous le nom d’Hermès, la table d’'Éme- raude, le traité de la pierre philosophale, le traité de la composi- tion, les signatures, qui ont été imprimés. Il existe aussi des opus- cules en grec inédits. V. Langlet-Dufresnoy. 198 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. l Du sommeil et de la veille. Livre des tables. De la nature du corps et del’âme. Lettre au Tyran de Sicile. Lettre à Sicaïs (ou Siphanes) sur la détermination des si- gnifications. Les vers dorés. Lettre à Médésius ? Lettre sur la politique rationnelle. Le Fihrist ajoute que ces écrits se rencontrent aussi avec des commentaires de Jamblique. _ On sait queles vers dorés ont été trouvés dans un Ms. de Leyde contenant un recueil fait par Miskaouïh, avec le ta- bleau de Cébès. Nous avons fait une pareille rencontre, igno- rée de Casiri, dans un Ms. de l’Escurial, avec cette diffé- rence qu'ici le collecteur n’est pas Miskaouïh, mais Aboul- farage ben Thaïeb. .- Le n° 888, ancien 883, contient après le livre des lavements de Galien, un commentaire d’Aboulfarage ben Thaïeb sur les vers dorés de Pythagore, avec un commentaire d'Hiéro- clès, en 24 feuilles. Le texte arabe pourrait ou même devrait se lire Proclus, mais nous croyons devoir lire Hiéroclès, dont les commen- taires sont bien connus. La fin du volume contient un commentaire du même Aboul- farag'e ben Thaïeb sur le tableau de Cébès, mutilé et réduit à six pages. Il semblerait ainsi que l’on ait eu l'habitude de réunir ces deux écrits. Les Arabes écrivent toujours le nom de Pythagore sous la forme Fitsagouras. Nous aurons à parler plus tard d’un homonyme, donné sous la forme Badigouras, et qui nous paraît être un des derniers médecins de l’école d'Alexandrie. EMPÉDOCLE. Ebn Abi Ossaïbiah le donne comme un des grands philo- sophes de la Grèce. Les autres sont Pythagore, Socrate, LES PHILOSOPHES. 199 Platon et Aristote. Il le fait vivre du temps de David et appren- dre la sagesse, à l’école de Lokman, en Syrie. Hadji Khalfa et Aboulfarage, l’auteur des Dynasties, lui attribuent un traité contre la résurrection de l’âme et a fortiori du corps. C’est le même, sans doute, que l’auteur du Kitab el hokama vit à Jérusalem. Le premier lui attribue aussi un traité de Métaphysique. ANAXAGORE. Le Kitab el hokama dit que l’on a traduit quelque chose de ses écrits. ARISTIPPE DE CYRÈNE. Le Kitab el hokama, dit que l’on traduisit son livre des Dé- finitions, qui fut revu par Aboul Ouéfa. DÉMOCRITE. Les Arabes reconnaissent plusieurs Démocrite, dont ils font des personnages distincts, un médecin, un philosophe etun alchimiste. En tout cas ils distinguent le Phéapuhe des deux autres, ou tout au moins du médecin. Il-possédèrent sous le nom de Démocrite un traité sur l’ - rine, qui dut être traduit en arabe, car on le trouve cité dans le Continent de Razès. %. C’est au philosophe qu'ils rapportent le traité d'Agricul- ture, dont Ebn Ouachchyah nous est donné comme le tra- ducteur. À ce propos, Wenrich, admettant les éloges donnés à ce traité par les anciens, ajoute: Verum haud videtur ._ verisimile opus illud ab Abderitano, generis humanii irrisore, _ perfectum esse. __ Nous devons relever cette étrange assertion de Wenrich. 4 Il suffisait de lire la biographie de Diogène de Laërce pour . se convaincre que l’Abdéritain fut autre chose qu'un simple _ rieur. Diogène ne lui attribue pas moins de soixante-dix ou- 200 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. vrages, dont il donneles titres, etparmi lesquels précisément un livre sur l’Agriculture et un autre sur les Plantes. Démo- crite put donc, avant Rabelais, marier le rire à l’érudi- tion. De graves témoignages attestent d’ailleurs la science de Démocrite. Dans son traité de la Génération, Aristote discute fréquemment les opinions de Démocrite, et Théophraste mentionne ses travaux sur les plantes. Quant à l'Agriculture, tous les écrivains spéciaux, Varron, Columelle et Palladius le signalent comme un de leurs de- vanciers et Columelle le donne formellement comme abdéri- tain. Les Arabes ontpartagé cette estime. Le traité d’Agricul- ture de Démocrite est fréquemment cité par Ebn el Aouam. Démocrite et Costus, dit Ebn el Aouam, sont les princes de la science agricole. Comme complément en faveur de Démocrite, nous allons _-en Citer un autre qui a bien sa valeur, et qui nous permettra de conclure que les Arabes se sont trompés en admettant deux Démocrite, un philosophe et un médecin. On lit dans l’Introduction des œuvresd’Hippocrate tradui- tes par Littré: « Démocrite futle plus savant des Grecs avant Aristote et universel comme lui. L’anatomie, la physiolo- gie, la diététique, les épidémies, la fièvre, peut-être la rage et les maladies convulsives, tout cela avait été traité par lui. Le nom d’ulcère phagédénique se lit dans ses écrits. Il com- posa: De la nature de l’homme. Des humeurs. Des pestes. Des causes touchant les animaux. Le pronostic. La diète ou le régime. Les fièvres. De l’éléphantiasis. Des maladies convulsives. Ces ouvrages lui sont attribués par Cœælius Aurélianus. » Démocrite est encore cité dans le Continent à propos de la LES PHILOSOPHES, 201 paralysie et de la coxalgie. Mésué le cite une vingtaine de fois au moins. Le livre des Animaux dut être aussi traduit en arabe, at- tendu qu’on lit dans Hadji Khalfa: Démocrite, dans le livre des Animaux, en décrit les mœurs et les utilités. (1) Il nous reste un livre d’alchimie sous le nom de Démo- crite. Ameilhon (Notices et Extraits, VI), ne saurait admet- tre, dans sa forme actuelle, qu’il soit de l’Abdéritain. Quand au fonds il n’osese prononcer, et suppose que c’est une com pilation d’un autre Démocrite qui vivait au troisième siècle. _ Cet ouvrage fut connu des Arabes. CÉBES. Nous ignorons par qui fut traduit le célèbre ouvrage du disciple de Socrate, connu sous le nom de Tableau de Cébès. On sait qu’il a été publié en texte arabe, grec et latin par Elichmann et Saumaise, d’après un manuscrit de la Biblio- thèque de Leyde, contenant aussi les vers dorés de Pytha- gore et d’autres opuscules de morale recueillis par Mes- couih. Nous avons eu la chance d’en découvrir un nouvel exem- plaire, abrégé et malheureusement incomplet, car il ne se compose que de six pages, dans le Ms. 888 de l’Escurial. Ce manuscrit contient différents ouvrages d’Aboulfarage ben Thaïeb. Le Tableau de Cébès se trouve à la fin du volume, et n’a pas été reconnu par Casiri. On peut, jusqu’à un cer- tain point, pardonner cette méprise à Casiri, l'écriture étant défectueuse et le titre se présentant sous une forme qui, de prime abord, ne saurait être lue que: Tefsir Lourganous ; mais avec un peu d'attention on voit que la ponctuation est (1) Les Arabes connurent encore les ouvrages philosophiques de Démocrite, attendu qu'on lit dans le Kitab el hokama : C’est lui qui prétend que les corps sont composés de particules indivisibles ou d’atomes. Il a écrit là-dessus des ouvrages qui ont été traduits “en syriaque, puis en arabe. 202 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. { défectueuse et qu’il fautlire : Tefsir Lour'’ous Kabous : Expli- cation de l'énigme de Cébès. Tel est le titre complet: Exposition, sous forme abrégée, de l'énigme de Cébès par le cheikh Aboulfarage Abdallah ben Thaïeb. Aboulfarage ben Thaïeb était contemporain de Miskaouih et mourut quelques années après lui, vers le milieu du XT° siècle. On lit tout d’abord : Le but de l’énigme de Cébès, est de montrer la manière dont les hommes entrent dans le monde, comment ils s’y répartissent et comment ils en sortent. Il se divise en quatre parties suivant la répartition des hommes. Vient ensuite l’exposition de chacune de ces parties. « La première partie représente l'entrée dans le monde... Dans la deuxième partie est représentée une femme aveu- gle et sourde, assise sur une pierre arrondie, la main éten- due et figurant la Fortune. Elle est figurée la main étendue par la raison qu’elle prend et qu’elle donne, et sur une pierre arrondie pour indiquer son peu destabilité, etc. » Le même manuscrit contient encore une paraphrase des vers dorés de Pythagore par Aboulfarage ben Thaïeb, ce qui prouve que Miskaouih n'était pas le seul à se préoccuper des monuments de la sagesse antique. En 1793, Lozano publiait à Madrid, d’après l'édition d’'El- lichmann, une nouvelle édition du texte arabeavec une dou- ble traduction espagnole, le tout précédé d’un prologue, et suivi de proverbes arabes. Lozano soupçonne que Miskaouih est l’auteur de la tra- duction arabe : « Que sea este mismo Ahmed ben Mescowia quien interpreto la Tabla de Cebes de Griego en Arabe no se puede affirmar ; ma que fué capaz de hacerlo, se colige de lo que dice el Abul Pharah en la historia de las Dynastias, (pages XVITII-XIX) et plus loin (pages XX-XXI) : y es muy verisimil que el traductor de la Tabla de Cebes sea el Mismo Mescowia. » Il est inutile de réfuter l'opinion de Lozano. A cette époque, on ignorait encore comment se fit le tra- LES PHILOSOPHES. 203 vail des traductions. D’Herbelot avait dit, et après lui Casiri, Rossi, ete., répétaient qu'Averroës avait traduit Aristote. PLATON. Nous avons déjà dit que la philosophie de Platon fut loin d'avoir la vogue immense qu’eut celle d’Aristote, et M. Munk nous en a donné la raison. Les Arabes connurent de nom tous les ouvrages de Platon. Ils nous en donnent une liste aussi complète que Diogène de Laërce, mais tous ne furent pas traduits. Le Fihrist en donne la liste d’après Théon d'Alexandrie. La Politique fut traduite par Honein. Les Lois le furent par Honeiïn et par Iahya ben Adi. Honein, lahya ben Adi et Ebn el Bathriq concoururent à - la traduction ou à la révision du Timée. (1) On lit dans le Fihrist qu’un livre sur l'éducation des en- fants fut traduit par Abou Amrou Iouhanna ben Yousef (liste des traducteurs). L'auteur du Fibrist a vu un traité des Sophistes, traduit par Ishaq ben Honein et de la main d’Iahya ben Adi, avec un commentaire de Macidore. Un livre des proportions fut traduit par Iahya ben Adi. Abou Bachar Mattaï traduisit un traité de géométrie. Le Fihrist dit que l’on trouve plusieurs lettres de Platon. Il donne une liste copieuse de ses écrits. Un ouvrage attribué à Platon, sous le titre de Kitab errouabi existe à la Bibliothèque de Munich. Citons encore un livre à Criton sur les lois, traduit par Iahya ben Ady. Les Arabes connurent aussi un autre Platon qu'ils appel- lent l’homme aux cautères, Saheb el Key. Il aurait composé, dit le Kitab el hokama, un livre sur la cautérisation et | Galien lui aurait fait des emprunts. (1) Nous avons déjà dit que l’on rencontre le Timée deux fois dans la liste des écrits de Platon, donnée par le Fihrist. 204 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. L ARISTOTE. « Aristote, dit M. Munk, fut considéré comme le philoso- phe par excellence, et si l'on a eu tort de soutenir que les philosophes arabes se sont traînés servilement à sa suite, du moins il est vrai qu’il a exercé une véritable dictature pour tout ce qui concerne les formes du raisonnement et de la méthode. On se tromperait cependant en croyant que tous les philosophes arabes partageaient cette admiration sans aucune restriction. » Déjà, comme nous l'avons vu, les Syriens avaient traduit Aristote dans leur langue. Honein en fit de nouvelles tra- ductions, et secondé par son fils Ishaq, il fit passer presque tout l’Organon en syriaque. D’autres ouvrages furent tra- duits dans la même langue, ce qui prouve que les Syriens, touten travaillant à l'initiation des Arabes, song'eaient encore henrichir leur littérature. Les traductions arabes furent beaucoup plus nombreuses. Honein et son fils en produisirent, soit d'emblée, soit après les avoir déjà exécutées en syriaque. D’autres versions ara- bes nous sont données comme faites d’après le syriaque par des traducteurs qui n’en connaissaient pas moins le grec. Cette particularité, que nous signalons, à son importance. On a trop souvent dit, sans examen et pour déprécier les tra- ductions arabes, qu'elles avaient été faites d’après le syria- que par des traducteurs ne connaissant pas le grec. Les traductions dont nous venons de parler ont évidemment une toute autre valeur que des traductions de seconde main ; les traducteurs qui opéraient d’après le syriaque, ou qui s’en aidaient, ne pouvaient certainement pas faire abs- traction de leur connaissance de la langue grecque. Nous donnerons la nomenclature des écrits d’Aristote telle qu’on la trouve dans le Fihrist. Organon : I. Catégories. Elles furent traduites du grec en arabe par Honein. Elles le furent du syriaque par Iahya ben Adi et [ssa ben LES PHILOSOPHES. 205 Zerà, qui ne traduisaient pas d’après le grec. Ce dernier tra- duisit aussi un commentaire d'Alexandre d’Aphrodisias. Divers commentateurs grecs furent traduits en syriaque et en arabe. (1) II. De l’Interprétation. Ce livre fut traduit par Honeïn en syriaque et par Ishaq en arabe. Nous ne voyons pas pourquoi Wenrich pense que la dernière version en fut faite d’après la première. Divers. commentaires grecs furent aussi traduits. Les Analytiques. III. Le premier livre fut traduit en arabe (probablement d’après le grec) par Théodore, et Honein révisa cette traduc- tion. Honein en fit aussi une syriaque, qui fut achevée par Ishag. Une traduction arabe d’après le syriaque, par Iahya ben Ady, se trouve à Paris. IV. Honein fit une traduction partielle en syriaque du deuxième livre, et Ishaq une traduction complète qu’Abou - Bachar Mattaï fit passer en arabe. V. Topiques. IShag ben Honein en fit une traduction syriaque qui fut rendue en arabe par lahya ben Ady. Abou Otsman Eddimachky en traduisit sept chapitres et Honein ben Abdallah le huitième. On en trouvait de plus une ancienne traduction. Abou Bachar Mattaï en traduisit le 1°’ livre. Les commentaires d’Ammonius et d'Alexandre furent tra- duits en arabe par Ishag ; et plus tard par lahya ben Ady. VI. Les Sophismes. Ebn Naëma et Abou Bachar Mattaï les traduisirent en syriaque. Jahya ben Ady en fit une traduction arabe d’après Théophile. Ils furent aussi traduits par Issa ben Zerà, d’après le Fihrist, ainsi que par fshaq, aussi d’après le Fihrist, té- moignage, du reste, reproduit par le Kitab el hokama dans la vie d'Alexandre d'Aphrodisias. Enfin d’après une note . (1)Plusieurs noms sont donnés par le Fihrist. Nous rappellerons ici qu’il a l'habitude de signaler les ouvrages que l'on ne trouve plus. Il paraît qu’on possédait celui de Jamblique. 206 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. de Hassen ben Saouar dans le Ms. n° 882, ils l’auraient été par Ibrahim ben Baks. VII. Rhétorique. Elle fut traduite en arabe par Ishaq ben Honein. On en trouvait une traduction ancienne et une autre d’'Ibrahim ben Abd Allah. VIII. Art poétique. Il fut traduit du syriaque en arabe par Abou Bachar Mat- taï et par [ahya ben Ady, avec les commentaires de Thémis- tius. Ishaq en fit aussi une traduction arabe, suivant le Kitab el hokama, dans la vie d'Alexandre d'Aphrodisias. _Jahya ben Adi rapporte que pour les trois livres des Sophis- mes, de la Rhétorique et del’Art poétique, traduits par Ishaq en arabe, il offrit cinquante écus que l’on refusa. IX. Physique. Elle fut traduite en arabe par Honein, s’il faut en croire un Ms. de Leyde. Déjà, dit le Fihrist, elle avait été traduite du temps des Barmécides par Sallam el Abrach. Ibrahim ben Essalt traduisit le 1°" livre. Le texte avec les commentaires d'Alexandre furent traduits mi-partie par Costa ben Luca et Ebn Naëma. Abou Rouh Essaby et Dimachky en traduisi- ‘rent chacun un livre. Basile traduisit un commentaire de Porphyre sur les IV premiers livres. Abou Bachar Mattaï traduisit les commentaires de Thémistius en syriaque. On traduisit en arabe un commentaire de Jean le Grammairien, dont un exemplaire en dix volumes appartint à l’auteur du Fibrist. X. Livre du Ciel et du Monde. Ebn el Bathriq en fit une traduction arabe qui fut revue par Honein. Abou Bachar Mattaï traduisit le l‘' livre, Le commentaire de Thémistius fut traduit en arabe par Iahya ben Adi. XI. De la Génération et de la corruption. Honein a traduit ce livre en syriaque et son fils en arabe, ainsi qu’Abou Otsman Eddimachky. On rapporte qu'Ibrahim ben Baks le traduisit en arabe d’après le commentaire d'Alexandre d’Aphrodisée. Abou Bachar Mattaï le traduisit aussi. Costa traduisit la 1'° partie, LES PHILOSOPHES, 207 Le commentaire de Macidore fut traduit par Eustathe et par Abou Bachar Mattaï qui fut corrigé par Iahya ben Adi. En- fin le commentaire de Jean le Grammairien fut traduit en syriaque et en arabe. Le syriaque est dit préférable. (1) XII. Les Météores. Le grand commentaire de Macidore fut traduit par Abou Bachar Mattaï. Celui d'Alexandre fut d’abord traduit en arabe. Plus tard lahya ben Adi le traduisit en arabe d’après une version syriaque. (2) Aboul Kheïir ben el Khammar traduisit les Météores du syriaque en arabe. (3) D'après un Ms. du Vatican, cette tra- duction aurait été faite aussi par Iahya ben Bathriq. XIII. De l’Ame. Honein le traduisit en syriaque et Ishaq en fit une se- conde version. Macidore en fit une paraphrase qui fut tra- duite en syriaque par lahya ben Adi. On traduisit de même celle de Simplicius, qui fut aussi traduite en arabe. Thémis- tius en fit un commentaire, dont Ishaq fit d’abord une tra- duction arabe d’après une mauvaise copie. Ce ne fut qu’au bout de trente ans qu'il trouva une copie parfaitement cor- recte. La traduction de l’'Ame est attribuée à Honein par Hadji Khalfa. XIII. Du Sens et du Sensible. On ne cite pas de traducteurs, mais Abou Bachar en laissa des commentaires, ce qui prouve que le livre fut traduit. XIV. Histoire des animaux. Ebn el Bathriq la traduisit en arabe. Il en existait une meil- leure traduction syriaque. Issa ben Zerâ en fit aussi une tra- duction, ainsi que du livre des organes des animaux avec un commentaire de Jean le Grammairien. Nicolas en fit un abrégé qui fut traduit par Issa ben Zerâ en arabe, avec ré- vision du texte, — Tous les traités relatifs aux animaux furent traduits, et réunis sous un seul titre. (1) Le Fihrist. Aristote. (2) Id. id. | s (3) Id. Ebn el Khammar, Pour Aristote, nous nous sommes appuyé sur le Fihrist très riche en presents, et négligé par Wenrieh: 208 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. XV. Métaphysique. Les livres de métaphysique furent traduits par Ishaq. Mo- hammed ben Ishaq trouva cette traduction jusqu’à la lettre M qui fut traduite par Iahya ben Adi. Une traduction jusqu’à la lettre N avec le commentaire d'Alexandre fut faite par Eustathe el Kendy. Abou Bachar Mattaï traduisit la lettre L avec le commentaire d'Alexandre en arabe, ainsi que le commentaire de Thémistius. Chemly traduisit aussi cette lettre. Honein traduisit plusieurs parties des métaphysiques, ainsi que son fils Ishaq (avec les commentaires.) Un commentaire de Syrianus sur la lettre B fut traduit “en arabe. XVI. Ethique, à Nicomaque. Le Fihrist et le Kitab el hokama ne s'accordent pas sur ia traduction de ce livre. L'un l’attribue à Ishag et l’autre à Honein. On lit cependant chez l’un et l’autre qu'Iahya ben Adi en avait de nombreuses parties de la main d’Ishaq, avec le commentaire de Thémistius. Le Fihrist donne de plus la traduction comme accompagnée du commentaire de Por- phyre. — La morale à Eudème est simplement citée. Ebn el Khammar traduisit l’éthique en arabe. On traduisit en syriaque le commentaire de Thémistius. XVII. Livre du miroir. Il fut traduit par Hedjadj ben Mater. XVIII. Livre de la politique, à Alexandre. Ce n’est pas des livres bien connus d’Aristote que nous voulons parler. Ils furent connus des Arabes mais non tra- duits. Nous voulons parler du livre intitulé: De la politique et de la conduite des souverains, qui fut traduit par Iahya ben Bathriq, etplus tard traduit en latin sous le titre : Liber Moralium de regimine dominorum ou secretum secretorum. Wenrich s’est mépris sur ce livre qu’il confond avec la po- litique proprement dite. XIX. Les Œconomiques. Il en existe une traduction arabe à l'Escurial, n° 888. XX. Le livre des Plantes. Les Arabes, aussi bien que les Modernes, considèrent D NN me LES PHILOSOPHES. 209 Aristote comme l’auteur du livre des Plantes. Des doutes cependant se sont élevés. Aboulfarage ben Thaïeb écrivait au XI° siècle un traité des Plantes, considérant celui d’Aristote comme au-dessous de la réputation de l’auteur. D’autre part on en attribue un aussi à Nicolas de Damas, et Hadji Khalfa le donne comme une paraphrase de celui d’Aristote. (1) Meyer, dans l'édition latine qu’il a donnée de cet opuscule, le rapporte à Nicolas de Damas. (2) Quoi qu’il en soit, cet écrit fut traduit en arabe par Ishaq fils de Honein, avec des corrections de Tsabet ben Corra. XXI. Livre des Pierres et livre des Minéraux. Ces deux livres sont considérés par les Arabes comme étant d’Aristote, et plusieurs savants du moyen-âge ont adopté cette opinion. Dans le livre des Pierres, dit Hadji Khalfa, n° 9773, Aristote en décrit six cents. Kazouiny, dans sa description des minéraux, ne marche qu’appuyé sur Aris- tote. Il existe à la Bibliothèque de Paris un Traité des Pierres d’Aristote traduit par Luca fils de Sérapion. C’est la seule citation à nous connue de ce traducteur. XXII La Théologie. El Kendy en fit un commentaire, et Abou Otsman eddimachky une traduction. XXTIL. Les Arabes eurent en main plusieurs autres écrits d’Aristote sur lesquels nous ne pouvons nous étendre, d’au- tant plus que nous n’avons plus de nom de traducteur à re- cueillir, et puis un certain nombre de ces écrits sont dou- teux. (3) On traduisit en arabe les petits traités connus sous le no de parva naturalia, mais le nom des traducteurs ne nous est pas connu. Aboulfarage ben Thaïeb nous est donné comme ayant encore traduit Aristote, du grec en arabe, au XI° siècle de notre ère. On peut lire dans Casiri et dans Wenrich la longue liste (1) Ne 10,564. (2) Nicolaï Damasceni, de Plantis, L. II, Lipsiæ 1841, , (3) Ainsi le livre des Propriétés des éléments, qui fut traduit en latin, le livre des Causes, des Lettres à Alexandre et à sa mère, etc. 14 210 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXiÈME. des écrits attribués à Aristote par les Arabes. Nous dirons seulement un mot des ouvrages de médecine. Plusieurs ouvrages d'anatomie et deux de médecine sont compris dans la liste de Diogène Laerce. Les Arabes en comptent plusieurs dans leurs listes. Ainsi: du régime des aliments, du vin, du coït, du pouls, de la san- té et de la maladie, de l’hémorrhagie, le livre dit Zatricous, généralités sur la médecine, les questions médicales, les questions naturelles. (1) Ces traités se rencontrent ailleurs que dans les catalogues. Le Continent de Razès fait des emprunts au Traité des Ques- tions médicales, aux questions naturelles, aux questions sur le coït, à l’anatomie d’Aristote. On ne traduisit pas seulement Aristote, mais encore ses commentateurs parmi lesquels nous rencontrerons bientôt Nicolas de Damas, Alexandre d’Aphrodisias, Jean le Gram- mairien, Thémistius, etc. Quant aux commentaires faits par les Arabes, ils sont par trop nombreux et d’ailleurs nous n’avons pas à en faire l’his- toire. Nous citerons seulement les noms les plus éminents parmi les commentateurs: El Kendy, Tsabet ben Corra, Costa ben Luca, Ishaq ben Honein, Alfaraby, Razès, Avi- cenne, Ahmed ben Thaïeb, Ebn Badja vulgairement Aven- pace, enfin le plusillustre de tous, qui partagea pendant le moyen-âge la gloire d’Aristote, le commentateur par excel- lence, Echcharih, en un mot Averroës. Cet ensemble considérable detravaux, traductions et com- mentaires, nous semble prouver que les Arabes entrèrent en pleine possession de l’œuvre d’Aristote, et directementdu grec en arabe. Si les traductions latines du moyen-âge fu- rent si défectueuses, c'est peut-être que les traducteurs ne purent faire un choix parmi les monuments à traduire. Un coup d'œil jeté sur l’ensemble des traductions d’Aris- tote nous paraît de nature à combattre les préjugés qui rè- (1) On lit dans Ebn Abi Ossaïbiah, qui donne du reste une biblio- graphie assez confuse d’Aristote, que ce livre portait aussi le nom de Mahal, Razès l’a fréquemment cité sous ce nom. LES PBILOSOPHES. 211 gnent à leur égard, préjugés qui se sont de là étendus à __ toutes les traductions arabes en général. On a fait remonter jusqu'aux traductions primitives opé- . rées en arabe les défectuosités des traductions latines du | moyen-âge. On a dit que le travail primitif était défectueux par la rai- son surtout que lestraductions arabes avaient généralement été faites d’après le syriaque, ce qui impliquait l'ignorance du grec chez les traducteurs au service des Abbassides. On _ oubliait que les Arabes avaient non-seulement recueilli sur | place ce qu’ils avaient pu des monuments de la Grèce, mais | qu'ils l'avaient fait explorer par des émissaires ; (1) que la _ plupart des traducteurs auxquels on s’adressa savaient le Ps grec, condition qui dut nécessairement préoccuper les Ab- - bassides, et qui ne fut pas difficile à remplir, soit chez les ‘4 _ Nestoriens, soit chez les Sabiens de Harran; que certaines, _ les plus difficiles, celles qui fructifièrent particulièrement 1 _ chez les Arabes, les traductions de mathématiques, ne pro- . cédaient pas des Syriens, ne s’adressaient pas à eux, incom- . pétents et inhabiles à les féconder, traductions dont la plu- - part sont le fait de Tsabet ben Corra; on oubliait enfin l’ap- il imposant de critique apporté dans les plus importan- … tes, notamment dans celles d’Aristote, et lepeu de traduc- . tions syriaques préexistantes. 4 Nous venons de voir les traductions d'une vingtaine d'é- . crits d’Aristote et de nombreux commentaires. Nous avons . rencontré un nombre égal de traducteurs. À part deux ou | “trois cas, plusieurs traducteurs sont intervenus pour cha- E= | 88, ce qui fait une moyenne de 4 pour chaque écrit. Il en E “2 est où nous voyons figurer les noms de 6, 7 et même 10 tra- …— ducteurs. Cela prouve combien les Arabes ont dépensé d’ef- . « Je n'ai pu, dit Honein, me procurer au complet l'original grec de - la Démonstration de Galien. Déjà Gabriel s'était mis à sa recherche. 4 Mc -même je le recherchai dans l’lrak, la Syrie, la Palestine et -lEgypte, et ce n’est qu'à Damas que je pus en trouver la moi- 212 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. forts pour avoir une connaissance pleine et sûre du texte d’Aristote. Il ne faut pas croire cependant que les premières traduc- tions ont été les plus mauvaises, la plupart ayant été faites par des maîtres. Nous avons vu les noms de Honein et d’Ishagq figurer une douzaine de fois. Nous avons aussi vu ceux de Costa etde Tsabet qui ne leur étaient pas inférieurs. Des 23 personnages qui traduisirent Aristote plus de la moitié savaient le grec. Ce sont Basile, Costa, Ebn Naëma, Eustathe, Honeïin, Ibrahim ben Bathriq, Ibrahim ben Essalt, Abou Bachar Mattaï, Théophile, Tsabet, auxquels on peut ajouter Abou Saïd Eddimachky, et Hedjadj ben Mather, qui traduisirent des mathématiciens. Si la plupart d’entre eux ont fait des traductions en syriaque, cela prouve d’a- bord qu’on avait les originaux grecs, et cela peut s’expli- quer. Sans doute les Syriens étaient désireux d’avoir de nou- velles traductions dans leur langue, et les Arabes ne pou- vaient qu'avec le temps se passer d’eux. Quant aux traduc- tions déjà faites en syriaque, on les utilisa probablement pour répondre plus vite aux désirs des Abbassides. Nous avons dépouillé ces traductions d’originaux et de commen- taires. Elles se classent à peu près ainsi: présumées du grec en arabe, les auteurs connaissant le grec, 36 ; données com- me du syriaque, 22; du grec en syriaque, 16; douteuses, 15. Ainsi, plus de la moitié des traductions arabes d’Aristote procéderaient directement du grec, 43 sur 72 (les syriaques déduites). Il existe à Paris un manuscrit qui parle hautement en fa- veur des traductions arabes, c’est le n° 882 de l’ancien fonds, qui contient l'Organon. Pour certaines parties il n’y a pas moins de quatre traductions en regard. Pour toutes on nous donne leur filiation qui remonte à deux ou trois degrés jus- qu'à l’autographe. Çà et là, nous trouvons des variantes ti- rées des traductions syriaques. Déja M. Munk avait relevé une partie de ces faits, et nous avons cité ses paroles. La Re- naissance a-t-elle fait mieux? Voyez encore ce que nousdi- sons plusloin des traductions de Galien. Les neufdixièmes en ont été faites par deshommes sachant pertinemment le grec! () LES PHILOSOPHES. 21 THÉOPHRASTE. Les Arabes ont connu plusieurs ouvrages de Théophraste, ils en ont traduit quelques-uns. Cependant son nom appa- raît assez rarement dans leurs écrits. Il semblerait qu’il dût en être autrement pour le Livre des Pierres et pour les Livres des Plantes, eh bien ! c’est à peine si le livre des Pierres est cité et nous n’avons pas rencontré de citations du livre des Plantes. Cela tient sans doute à ce que Théo- phraste fit de la science pure, et que les Arabes cultivèrent la botanique au point de vue pratique et surtout médical. Dans le grand Traité des simples d'Ebn Beïthar, nous trou- vons trois citations : elles sont relatives au succin, au crys- _ talet à l’albâtre. Il en est une aussi relative au crystal dans _ Mifâchy, qui cite le Livre des Pierres. (1) Voici ce que l’on rencontre dans le Fihrist, à propos de Théophraste : « C’est l’un des disciples d’Aristote, son neveu, un de ses exécuteurs testamentaires, et après sa mort, son successeur - "dans l’enseignement. Il composa les livres suivants: Traité . de l'âme; Traité des phénomènes météorologiques, traduit par Tsabet ben Corra ; Traité des mœurs; Traité du sens et du sensible, en quatre parties, traduit par Ibrahim ben _ Baks; Traité de Métaphysique, traduit par Abou Zakarya Jahya ben Adi; Traité des causes des plantes, traduit par Ibrahim ben Baks. » A l'article Aboulkheir ben Saouar ben Khammar, le - Fihrist nous le donne comme ayant traduit les Questions - de Théophraste. On aurait donc traduit Théophraste en _ syriaque. PLUTARQUE. Costa ben Louka traduisit du grec en arabe les Opinions _des philosophes en matière de physique, et le Traité de | l'exercice. (Wenrich : de la pratique de la vertu). — (1) Nous avons aussi rencontré une citation de Théophraste dans …— les Tableaux synoptiques du Haouy. 2]4 INSTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, —— LIVRE DEUXIÈME, Les Arabes ne connurent que peu d'écrits de Plutarque. On sait du reste qu'ils ne demandèrent à la Grèce que la science. Ils admettent un autre Plutarque, ou plutôt ils ont fait de Plutarque un double personnage. Ils attribuent au der- nier un Traité des fleuves et des montagnes et un Traité de la colère. Nous avons rencontré dans El Birouny une cita- tion curieuse du Livre de la colère, à propos du pavillon hexagonal qui fut envoyé à Néron. El Birouny le dit de crystal, tandis que Plutarque parle seulement de sa richesse, (N° 905 de l’Escurial.) Dans la liste des ouvrages de Razès, nous en trouvons deux qui se rapportent à Plutarque, l’un relatif à son com- mentaire sur le Timée et l’autre intitulé: Complément du livre de Piutarque. PTOLÉMÉE. Les Arabes connurent un philosophe de ce nom, de la secte d’Aristote, qui rédigea la liste des écrits de son maître. Après une longue énumération d’écrits, on lit dans Ebn Abi Ossaïbiah : Voilà, dit Ptolémée, tous les ouvrages que je lui connais. Le biographe arabe en cite encore un grand nombre d’autres. Wenrich pense qu’il s'agit d’un Ptolémée cité par Por- phyre dans la vie de Plotin. Le Fihrist, qui le cite parmi les philosophes naturalistes, lui attribue un Extrait d’Aristote. APOLLONIUS DE TYANE,. Le nom d’Apollonius de Tyane s’est altéré chez les Arabes. On le trouve le plus souvent cité sous la forme Balinas. Mais en tête des écrits qui nous en sont restés, on trouve aussi la forme qu'on lit Belinous, qu'il serait plus exact de lire Boulonious. La nature de ces écrits fait naturellement penser à ceux LES PHILOSOPHES, 215 d’Apollonius. Il eût été bien étrange, en effet, que des écrits de la nature de ceux d’Apollonius n’aient pas attiré l’atten- tion des Arabes, amis du merveilleux. Dans un mémoire inséré au Journal asiatique, nous avons démontré par de nombreux témoignages, l'identité de Ba- linas et d’Apollonius, identité déjà mise en avant par M. de Sacy. Une certaine similitude de noms l'avait fait prendre pour Pline. (V. d’Herbelot). Les écrits d’Apollonius durent être du nombre de ceux que l’on traduisit pour Khaled ben Yézid. La preuve de ces traductions ressort implicitement de ce faitque les ouvrages d’Apollonius, l’homme aux talismans, furent connus de Géber, ainsi qu’on le voit dans la liste de ses écrits, donnée par le Fihrist. On lit autre part dans le Fihrist que Balinas était de Tyane. Le Livre des secrets de la nature, par le sage Belinous, a été traduit en arabe par un prêtre du nom de Sadjious, qui ne nous est pas autrement connu. M. de Sacy à fait sur ce livre, qui nous est parvenu, (1) un savant mémoire inséré dans le tome IV des Notices et Extraits. Le n° 916 de l’Escurial contient un livre du sage Boulinas sur les influences sidérales, traduit par Honein. C’est proba- blement le même ouvrage qui figure à Paris, dans le fonds hébreu, sous le n° 1016, sous le nom de Balianous, et qui D traite également d’astrologie. Il nous est donné comme tra- duit en hébreu d’après l’arabe de Honein. NICOLAS DE DAMAS. Il naquit à Latakieh, dit le Kitab el hokama. Wenrich se borne à citer son livre des Plantes. Mais c’est ce même livre des plantes dont. nous avons déjà parlé pré- cédemment à propos d’Aristote, auquel on l’attribue géné- 4 _ ralement, et que Meyer, dans une publication, antérieure À Félndactà cellé de Wenrich, revendique pour Nicolas de Ps Damas. Le traité des plantes a été traduit par Ishaq, fils de (1) Paris, n° 959, British museum, n° 444. 216 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. Honein, et la traduction revue par Tsabet. Le Kitab el ho- kama revendique également le livre des Plantes pour Nicolas. Honein traduisit en syriaque son abrégé de la philosophie d’Aristote, qui dut passer en arabe, attendu que nous le trouvons cité dans le Continent de Razès. Issa ben Zerà traduisit en arabe l’abrégé des Animaux d’Aristote. Il traduisit également cinq discours sur la philo- sophie d’Aristote. Parmi les citations de Nicolas dans le Continent, il en est une relative à l'influence des vents sur la conception. POLÉMON OU PHILÉMON. La dernière lecture, que l’on rencontre dans les Mss. ara- bes, est sans doute une faute de copiste. Son traité de la Physiognomonie, a été traduit du grec en arabe, nous ignorons par qui. Philémon est fréquemment cité dans un écrit du même genre, qui existe à Paris, n° 963, suppl. ARTÉMIDORE. Nous lisons dans le Fihrist que son Traité de l’Interpréta- tion des songes fut traduit par Honein. ALEXANDRE D'APHRODISÉE OU D'APHRODISIAS. Alexandre d’Aphrodisée fut un grand commentateur d’A- ristote, et à ce titre jouit d’une haute estime chez les Arabes. Ses commentaires se vendirent à des prix fabuleux. Deux d’entre eux furent payés trois mille pièces d’or. Nous ne rentrerons pas dans le détail de ses traductions ; (1) nous dirons seulement qu’elles furent l’œuvre des plus éminents traducteurs, tels que Honein, son fils Ishag, Iahya (1) Voyez Aristote. LES PHILOSOPHES. 217 ben Adi, Costa ben Luca, Abou Bachar Mattaï, Ebn Naëma, Abou Otsman Eddimachky, Abou Rouh Essaby. Plusieurs de ces traductions se firent en syriaque. Alexandre fut même l’objet de commentaires. Parmi ses productions, quelques-unes ont trait à la physi- que et à la médecine, voilà pourquoi Ebn Abi Ossaïbiah lui a consacré une notice dans laquelle il n’énumère pas moins de quarante-cinq de ses productions, parmi lesquelles nous citerons un traité sur la mélancolie, (1) un traité sur la vi- sion et qu’elle ne se fait pas par des rayons émanés de l'œil. Un Ms. de l’Escurial, actuellement le n° 798 contient une quinzaine d’opuscules d'Alexandre, parmi lesquels nous en signalerons sur la couleur, sur la vision, sur la sensa- tion. Les autres ont un caractère plus particulièrement phi- losophique. Le Traité sur la sensation est évidemment identique avec un Ms. latin déjà signalé par M. Jourdain, et qui se trouve à la Bibliothèque de Paris, fonds St-Victor, n° 171, sous ce titre : Tractatus Alexandri Affrodisei de sensu secundum verbum Aristotelis. PLOTIN. . Plotin fit des commentaires sur les œuvres d’Aristote. Le Kitab el hokama dit que l’on traduisit de ses œuvres en syriaque, mais qu'il ignore s’il en fut traduit en arabe. Le Fihrist se borne à citer Plotin parmi les philosophes naturalistes. PORPHYRE. Des écrits de Porphyre, les uns nous sont dits avoir été traduits en syriaque et les autres en arabe. Honein traduisit en syriaque l’Isagoge ou introduction de (1) Dans la traduction latine du Haouy, on lit Alexandre d’Aphro- disée, alors que le texte donne seulement Iscander, en plus d’un endroit. 218 JINSTOIRE DE LA MÉDEGINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME, Porphyre et no: bibliothèques en ont conservé des exem- plaires. On traduisit dans la même langue un Traité sur les élé- ments; un Traité sur l’intellect en réponse à un philosophe, dont le nom se trouve écrit Pammachus (1) dans le Kitab el hokama; l'Histoire des philosophes dont le IVe se trouvait en syriaque. Ce dernier ouvrage dut être aussi traduit en arabe, attendu qu'Ebn Abi Ossaïbiah donne de longs détails sur Pythagore, qu'il dit tirés de la vie des philosophes par Porphyre. Bar Hœbreus, ainsi que Aioub ben el Cassem Erroqquy tra- duisirent en arabe l'/sagoge ; Basile ses commentaires sur la physique d’Aristote, et Abou Otsman Eddimachky son In- troduction des raisonnements, qui doit répondre à l'Introduc- tion aux choses intelligibles, que nous connaissons comme un de ses écrits perdus. Enfin Porphyre eut des commentateurs parmi lesquels nous citerons Razès et Averroës. Razès écrivit une critique des commentaires de Libanius sur Porphyre. LIBANIUS. On dut le traduire en arabe, attendu que Razès compte parmi ses écrits une critique des commentaires de Libanius sur Porphyre, ainsi que nous l’avons déjà vu dans la notice précédente. Libanius est mentionné dans le Fihrist parmi les philoso- phes naturalistes. THÉMISTIUS. Parmi ses commentaires sur Aristote, on traduisit en syria- que ou en arabe ceux sur l’âme, sur la génération, sur la mé- taphysique, sur le ciel et le monde, sur l'éthique et sur la physique. Les traducteurs étaient Honein, Ishaq, Abou Ba- (1) Nous pensons avec M. Renan qu'il fant lire Jamblique. Mit écas den inc dm RTE LES PHILOSOPHES. 219 char Mattaï, Iahya ben Adi. Les commentaires sur les Caté- gories furent à leur tour commentés par Honein. (1) Le Fihrist et le Kitab el hokama nous donnent Thémis- tius comme le secrétaire de Julien, qui quitta la secte chré- tienne pour embrasser celle des philosophes. Tlsluiattribuent une lettre à Julien sur la politique et un traité sur l’âme. D'après Aboulfarage, Thémistius, dans sa lettre à Julien, l’aurait détourné de persécuter les chrétiens, lui disant que la diversité des cultes était une chose agréable à Dieu. Le commentaire de Thémistius sur le livre du ciel et du monde fut traduit en arabe par Iahya ben Adi. Iahya ben Adi traduisit peut-être en arabe ses commentai- res sur la métaphysique d’Aristote. L'auteur du Fihrist les vit écrits de la main d'Iahya. JAMBLIQUE. On traduisit en syriaque et en arabe une partie de ses commentaires sur Aristote. AMMONIUS. Ishaq fils de Honein et Iahya ben Adi traduisirent ses commentaires sur les Topiques d’Aristote. On traduisit égale- ment son commentaire sur les Catégories. SIMPLICIUS. On traduisit en syriaque et eu arabe son commeïftaire sur l’Ame d’Aristote, que le Fihrist dit un bon commentaire. Le’Kitab el hokama et le Fihrist lui attribuent un com- mentaire sur les Éléments d'Euclide, cité dans le n° 955 du supplément arabe de Paris. (2) On traduisit aussi les commentaires de Themistius sur les Analytiques postérieures, attendu que nous en possédons une ver- sion latine qui procède incontestablement de l’arabe. Voyez les re- cherches de M. Jourdain sur les traductions d’Aristote, 2° édition, pages 166 et 405. 220 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE LEUXIÈME. PROCLUS. On traduisit en arabe son Institution théologique et ses commentaires sur les vers dorés de Pythagore. On en fit aussi une version syriaque oubliée par Wenrich. Tsabet en entreprit une traduction, que la mort arrêta. Razès écrivit un livre sur les parties discutables des œuvres de Proclus. Nous ignorons s’il eut à sa disposition d’autres ouvrages que les Institutions. Le traité de Proclus sur l'éternité du monde fut réfuté par Jean Philoponus, et cette reéfutation fut traduite en arabe. ‘L'auteur du Kitab el hokama la possédait dans sa bibliothè- que. Le Fiïhrist mentionne aussi comme ayant été traduits en syriaque le Gorgias de Platon et le Phédon qui fut traduit en arabe par issa ben Zerà. MACIDORE. On traduisit de lui, en syriaque et en arabe, des commen- taires sur quelques livres d’Aristote : ainsi les livres de la ‘Génération et de la Corruption, des Météores et de l’Ame ; un commentaire sur les Sophistes de Platon. JEAN LE GRAMMAIRIEN OÙ PHILOPONUS. Malgré quelques écrits et ses travaux sur Galien, Jean Philoponus appartient plus à la philosophie qu’à la méde- cine. Il est surtout un commentateur d’Aristote. Les Arabes connurent ces commentaires et la plupart durent être traduits dans leur langue ; mais nous n'avons de renseignements que sur quelques-uns d’entre eux. Les commentaires sur la physique furent traduits en arabe par Costa ben Luca et Ebn Naëma. Ils sont cités par l’auteur du Kitab el hokama et le passage est curieux. On y lit que l’auteur écrivait en l’année 343 de l'ère de Dio- clétien, qui équivaut à l’année 627 après J.-C. Cette date peut PATATE EE ONE CNRS TO ES A UN CL ee tee à EM ae RE D LES PHILOSOPHES, - 221 entrer comme un document précieux dans la controverse bien souvent élevée à propos de l’époque où vécut Jean Philo- ponus. Issa ben Zerà traduisit du syriaque en arabe les commen- taires sur les Animaux et les Organes des animaux. Un commentaire sur le livre de la Génération et de la Corruption fut traduit en syriaque puis en arabe. Djemal eddin fait observer que la seconde traduction, dérivée de la première, ne la vaut pas. Nous avons déjà parlé de sa réfutation de Proclus, que l’auteur du Kitab el hokama possédait dans sa bibliothèque et dont il faisait grand cas. LA BIBLE. Nous croyons devoir placer ici une traduction qui n’a encore été signalée jusqu'à présent par personne que nous sachions. Cette traduction est citée brièvement et incidem- ment dans le Kitab el hokama à propos de Ptolémée, le fondateur de l’école d'Alexandrie. Après avoir parlé de la traduction de l’Écriture du grec en hébreu, traduction qui n’est autre que celle des Septante, l’auteur ajoute, « et c’est cette même Écriture que Honein ben Ishag traduisit du grec en arabe. » Ce fait de la traduction de la Bible en arabe est du plus haut intérêt. IL peut servir à expliquer certains faits qui avaient été mal interprétés. + C'est ainsi que l'on avait soupçonné El Birouny d’ètre Juif par la raison qu’il est plus versé que ses coreligionnai- crés dans les antiquités hébraïques. Aux faits déjà connus, nous en ajouterons un que nous avons récemment découvert dans le Traité des pierres de cet auteur. A propos du cuivre, il dit que dans le livre du prophète Samuel, on parle de l’ar- mure de Goliath et que toutes ies pièces étaient en cuivre, sans qu’il soit question du fer. Ajoutons qu'il se sert de l’expression Kouliad qui est, dit-il, le même que Djalout. Il faut bien encore admettre que les Arabes avaient une 222 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, —— LIVRE DEUXIÈME. traduction de la Bible, quand on voit un auteur cité par Aboulféda signaler les étranges imperfections du système religieux des Juifs et les lacunes du Pentateuque, où il n’est question ni de l’immortalité de l’âme, ni de la vie future, ni du paradis, ni de l’enfer, où les récompenses sont toutes mondaines, ainsi que les châtiments, etc., etc., etc. Voyez l’Historia anteislamica, publiée par Fleischer, p. 159. Les Évangiles avaient été traduits du syriaque en arabe par le patriarche Jean, sur l'invitation d’Amrou ben Saïd. IT. — Mathématiciens. EUCLIDE. Les Éléments. Hedjadj en fit deux versions, l’une pour Haroun et l’autre pour Et Mâmoun. Ishaq ben Honein en fit une qui fut revue par Tsabet. Abou Otsman Eddimachky en traduisit une partie. Costa ben Luca traduisit les deux derniers livres attribués à Hypsiclès, Il paraît que les copies variaient. On lit dans le Fihrist: Le médecin Nedhif m'a raconté qu'il avait vu dans l’origi- nal grec le X° livre d’Euclide contenant quarante figures de plus que les exemplaires courants, qui en contiennent cent neuf et qu’il avait songé à traduire ce supplément en arabe. Le texte des Éléments à été publié à Rome en 1594. Un Ms. de Paris, n° 1129, dit que la version de Hedjadj contenait 486 figures et celle de Tsabet 496. Nous en troù- vons 491 dans une édition que nous avons sous les yeux. Ishaq ben Honein traduisit les Données et l'Optique, tra ductions qui furent revues par Tsabet. Il traduisit aussi 16s Proportions. Une traduction des Divisions fut revue par Tsabet. On ignore qui traduisit les Phénomènes. El Kendy nous est aussi donné comme ayant corrigé le livre d’Euclide, sans doute les Éléments. Un commentaire de Pappus sur le X° livre des Éléments, +, w 5 = * LES MATHÉMATICIENS. 228 fut traduit en arabe par Abou Saïd Osman Eddimachky. V. ci-après Pappus. (1) Les commentateurs arabes furent nombreux, et parmi eux on cite des noms illustres, El Kendy, Costa, Avicenne, etc. (2) Euclide fut traduit en persan et en arménien, mais on ne cite pas de traduction syriaque. Nous aurons à relever d’au- tres faits analogues. D'après Ebn Khallican, Euclide fut aussi traduit par Honein. ARCHIMÉDE. Le Traité de la Sphère et du Cylindre fut traduit par Ishag ben Honein et par Tsabet ben Corra. Il existe à la Bi- bliothèque Bodléienne. Il en existe un Commentaire à Paris, sous le n° 955 bis, du supplément arabe. Tsabet ben Corra traduisit le traité de la superficie du cer- cle et les Lemmes. Ces deux ouvrages existent dans nos collections. On a publié à Florence, une traduction latine des Lem- mes, d’après la traduction de Tsabet, par Abraham Echel- lensis. Gravius en publia à Londres en 1659 üne édition arabe latine. La première édition parut avec les V*, VI et VII: Livres des Coniques d’Apollonius, et nous allons en re- parler. Dans cette œuvre Echellensis fut aidé par le ma- thématicien Borelli. Le Prètre Joseph fit une traduction du syriaque des Trian- gles, revue par Sinan ben Tsabet. _ Nous pensons que le Traité des Lignes spirales, contenu dans le n° 955 de l'Escurial et donné sous le nom de Sou- mides doit être restitué à Archimède. Il y a sans doute là une lacune et Soumides qu’il faut lire Choumides est la fin du nom d’Archimède. (1) Casiri a rendu le nom de Pappus par Valens. I, 340. (2) Le n° 955 du supplément arabe de Paris contient des commen taires sur les Éléments; 224 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. Le n° 955 de Paris, supplément, contient un Traité d’Ar- chimède sur la construction d’une clepsydre compliquée de figures mobiles et chantantes, traité qui paraît exister aussi au British Museum dans le n° 1326. Ce n’est autre chose que l’'Organum musicum hydraulicum rangé par Fabricius parmi les ouvrages perdus d’Archimède. Les Arabes connurent d’autres ouvrages d’Archimède. Le Fihrist en énumère une dizaine parmi lesquels un traité de balistique. Sinan ben Tsabet, El Kendy, El Batany, Ebn el Heitam, commentèrent Archimède. APOLLONIUS DE PERGE. Les quatre premiers livres des Sections coniques d’Apollo- pius furent traduites par Helal d’'Emesse, sous les auspices d'Ahmed ben Moussa. C’est à tort que Casiri donne cette ‘traduction comme revue par Ahmed ben Moussa. Le texte dit mot à mot: entre les mains d’Ahmed ben Moussa. Wen- rich a adopté cette erreur. Tsabet ben Corra traduisit les trois livres suivants. (1) On sait que l’on ne possède en grec que les quatre pre- miers livres, et que Borelli découvrit un Ms. arabe à Flo- rence, quand Viviani s’occupait de reconstituer les quatre derniers. On en fit une traduction latine avec l’aide d’Abra- ham Echellensis. Elle contient une paraphrase d’Aboul- fateh d’Ispahan, auquel on a voulu à tort en attribuer la traduction arabe. D’autres Mss. existent dans nos collections. Tsabet ben Corra traduisit le livre de la section ration- nelle, qui existe à la Bodléienne. Il traduisit aussi le livre de la Proportion déterminée et peut-être la rencontre de deux lignes qui s’écartent un tant soit peu de l’angle droit, du moins il le possédait. Les n°5 955 de Paris et 1336 du British Museum, attri- (1) D’après le Fihrist, on ne possédait que quatre figures du VIIIe livre. LES MATHÉMATICIENS. 225 buent aussi à Apollonius un traité sur la construction de l'orgue hydraulique. Apollonius eut des commentateurs, dont Ebn el Heitam. HÉRON. Il existe plusieurs savants de ce nom, sous lequel les Arabes ont connu plusieurs écrits. Costa ben Luca traduisit en arabe un traité sur la manière d'élever les corps pesants (c'est le Barulcus). On traduisit aussi des commentaires sur Euclide. (Leyde). La B. Bodléienne possède un traité de méchanique et d’hydraulique. Hadji Khalfa cite un traité des machines de guerre. DIOPHANTE. On sait que Diophante est considéré comme l'inventeur de l’algèbre, ou du moins d’un système de calcul n’admet- tant encore qu'un signe et n’employant pas les lettres, mais qui devait conduire la science à sa forme actuelle. On a voulu donner les Arabes comme inventeurs de l’algèbre, - maisils reconnaissent eux-mêmes qu'ils la doivent à Dio- phante. Voici ce qu’on lit dans le Kitab el hokama: Son livre sur l’algèbre a été traduit en arabe et c’est sur lui que 1 s'appuient ceux qui cultivent cette science. L'ouvrage de Diophante avait été commenté par l’infor- . tunée Hypatia. Il le fut plus tard par Aboul Ouéfa. Ebn el … Heitam laissa des notes sur Diophante. D’après M. Sédillot, les Arabes seraient redevables de leurs aissances en algèbre aux Grecs exclusivement, tandis ‘4 ,; d’après Colebroke, ils les auraient empruntées aux In- diens. Les Arabes adoptèrent dans leur dénomination des : % puissances un système différent de celui des Grecs, ce qui —… prouve qu'ils ne leur avaient pas tout emprunté. La traduction de Diophante est attribuée par Ebn Abi 15 226 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. Ossaïbiah à Costa ben Luca, fait ignoré par Wenrich. De plus Costa en commenta une partie. PAPPUS. Wenrich ne l’a reconnu ni dans le Fihrist ni dans le Kitab el hokama, et Casiri l’a pris pour Valens ; mais l’iden- tité n’en est pas moins incontestable, malgré l’incorrection des copies qui tient à l’essence même de l'écriture arabe, Ces deux documents lui attribuent un commentaire sur le Planisphère de Ptolémée, qui fut traduit en arabe par Tsabet ben Corra. Le Kitab el hokama lui attribue aussi un Commentaire sur le dixième livre d'Euclide. Ce Livre, qui fut traduit par Abou Otsman Eddimachky, a été récemment imprimé (chez Didot), sans que l’on ait re- connule nom de Pappus donné sous la forme indéterminée de Bls (Balis?) Il en existe une traduction latine, ne 7377 du fonds latin de Paris. DIOCLES. Un Traité des miroirs brülants, existe à l'Escurial, I. 382. Nous ignorons quel peut être ce Dioclès. En tout cas on peut rapprocher ce livre d’un livre du même genre, traduit par Gérard de Crémone, sous le nom de Tideus, qui se trouve aussi dans le n° 9335 du fonds latin. EUTOCIUS. Honein traduisit son Commentaire sûr la sphère et le cylin- dre d'Archimède, et Tsabet ben Corra son Traité des lignes. On traduisit aussi un commentaire sur le Tetrabiblon de Ptolémée. - OR EN LR ed à D EI TS ati 'A jrs cie ne er me 2 ar He RS nr a hr Sn TE gs a LES MATHÉMATICIENS, 227 NICOMAQUE. On ne s’accorde pas sur l’époque où il vécut. Les uns le placent avant et les autres après J.-C, Il était de Gérase en Cæœtésyrie et pythagoricien. Les Arabes se sont trompés à son endroit et l’ont confondu avec Nicomaque, père d’Aristote et médecin de Philippe. Il nous a laissé deux écrits, une introduction à l’arithmé- tique et un manuel d'harmonie. - Ces deux écrits sont relatés par le Fihrist et le Kitab el Hokama. Le Fihrist ajoute que l’on fit des abrégés du grand traité de musique. Le British Museum possède deux Mss. de Nicomaque, sur le calcul et sur les figures coniques. 1° L’Introduction à la science des nombres, par Nicoma- que de Gérase, le pythagoricien, traduite par Tsabet ben Corra. Le Kitab el hokama dit que Tsabet en fit un abrégé. D’après le n° 1028 du fonds hébreu de Paris, Habib ben Bahriz aurait traduit l’arithmétique de Nicomaque. 2 Le livre des figures coniques. Parmi toutes ces traductions de mathématiciens, il est un fait à observer, c’est que nous ne trouvons plus ici, comme à propos des philosophes, l'indication de traductions du grec en syriaque et du syriaque en arabe. Toutes ces traductions se font directement et exclusivement du grec en arabe. Cela prouve deux choses, que les Syriens n’avaient nile goût ni l'aptitude pour les sciences mathématiques et que les Arabes les avaient à un haut degré. On peut conclure, d’après le contenu du n° 955 de l’Escu- rial, que d’autres mathématiciens grecs ont été traduits en arabe. III. — Astronomes et Géographes. MARIN DE TYR. Le/Passagé Shivant de Macçoudy fait croire qu'il a été tra- duit : « J'ai vu les sept climats enluminés de diverses cou= 228 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. leurs, dans plusieurs livres ; ce que j'ai vu de mieux en ce genre, c'est le traité de géographie de Marin, et la représen- tation faite pour le Khalife El Mâmoun, figure pour la confec- tion de laquelle plusieurs savants de ce temps avaient apporté le concours de leurs lumières. On y avait retracé le monde avec les sphères célestes, les astres, le continent, la mer, les terres habitées, celles qui sont désertes, les régions occupées par chaque peuple, les grandes villes, etc. Cette re- présentation vaut beaucoup mieux que les précédentes qui se trouvent dans la Géographie de Ptolémée, dans celle de Marin et autres. » AUTOLYCUS. Son livre de la sphère en mouvement fut traduit par Ho- nein et par Tsabet ben Corra et revu par El Kendy. Une traduction du lever et du coucher des astres fut revue par Tsabet. Le livre de la sphère existe à Paris, n° 955 du supplément arabe. ARISTARQUE DE SAMOS. Son livre des grandeurs et des distances du soleil et de la lune fut traduit en arabe par Costa ben Luca et commenté par Aboul Ouéfa. D’après le Kitab el hokama il existait de lui un Traité de la division des nombres. HYPSICLÉS. Costa ben Luca traduisit les deux derniers livres des Elé- ments qui lui sont attribués et les Ascensions qui furent revues par El Kendy. Le Kitab el hokama lui attribue un Traité des corps célestes et de leurs distances. HIPPARQUE. On traduisit en arabe son traité du Secret des astres, dont Djemal eddin fait un grand éloge. Il ajoute qu'Hipparque ASTRONOMES ET GÉOGRAPHES. 229 vint trois cents ans après Méthon et Euctémon, dont !’iden- tité n’a pas été reconnue par Fleischer, dans son historia ante islamica. Un traité d’algèbre, qui aurait été traduit, puis annoté par Aboul Ouéfa, lui est attribué par le Fihrist. THÉODOSE. Les sphériques furent traduites -en arabe par Costa ben Luca, Tsabet ben Corra, Abou Zéid ben Nocta et Jahya ben Mohammed. Costa ben Luca traduisit aussi Les Jours et les nuits et Les Habitations qui furent commentées par El Kendy. MÉNÉLAUS. Les Sphériques furent d’abord traduites en syriaque, dit le Kitab el hokama, puis en arabe. Cependant les exemplaires qui en restent les donnent comme ayant été traduites du grec en arabe par Honeïin. Nous avons déjà fait remarquer la rareté des traductions syriaques d'ouvrages de mathéma- tiques. _ Le Kitab el hokama lui attribue aussi un Traité sur le moyen de reconnaître les proportions des corps composés. Le n° 955 du fonds arabe de Paris contient des écrits de Théodose et de Ménélaïüs. PTOLÉMÉE. On sait que du titre d’un livre de Ptolémée, Suntaxis me- É 1 gistè la grande collection, les Arabes ont fait Almageste, nom qui est resté. Une première traduction de l'Almageste _ fut entreprise par ordre d'Tahya ben Khaled le Barmécide. —_ Ayant été reconnue défectueuse, il la fit reprendre par Abou Haïan el Salma. Elle le fut encore plus tard par Ho- | 4 nein, Hedjadj beniMather et Tsabet ben Corra. La Riblio- 230 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. thèque de Leyde en possède une traduction anonyme faite par ordre de Mâmoun. Le Fihrist nous apprend qu’elle fut l'œuvre de Hedjadj ben Mather. La Géographie fut d’abord traduite en syriaque. El Kendy en fit une traduction arabe, dite mauvaise par le Fihrist, et bonne par le Kitab el hokama. Tsabet ben Corra en donna une meilleure. Le Tetrabiblon fut traduit en arabe par Ibrahim ben Essalt et cette traduction fut corrigée par Honeïn. Il le fut aussi par Abou lahya el Bathriq. Siméon traduisit les Tables pour Mohammed ben Khaled. Tsabet ben Corra traduisit les Hypothèses. Le Centiloquium fut aussi traduit en arabe ainsi que le Planisphère, dont Tsabet traduisitle commentairede Pappus. Nous renonçons à donner la liste des nombreux commen- tateurs de Ptolémée. Tsabet écrivit une introduction à l’AI- mageste qui a été traduite en latin sous ce titre : De his quæ indigent expositione ante quam legatur Almagesti. I1 semblerait, d’après le Fihrist, que les Arabes eurent d’autres écrits de Ptolémée ; c’est ainsi qu’il cite un com- mentaire du Fruit par Ahmed ben Yousef, Du reste des exemplaires de la traduction du Fruit nous sont parvenus. THÉON D'ALEXANDRIE. Le Fihristet le Kitab el hokama citent quatre ouvrages de lui: une {ntroduction à l’Almageste, la Sphère armillaire, les Tables de Ptolémée et l’Astrolabe ; maïs ils parlent seu- lement d’une ancienne version de l’Introduction. D’autre part nous connaissons, d’après le Kitab el hokama, un livre de Tsabet ben Corra sur les erreurs de Théon à propos des éclip- ses de soleil. DOROTHÉE. Le Fihrist et le Kitab el hokama citent de lui plusieurs ouvrages, dont la liste a été incomplètement donnée par Wenrich. Ils ajoutent que ces livres (qui ont trait à l’astrolo- dd AE ee ie à à dm: parts) red de hs TU UE DS ONE PTE NI ee NS RE AR ne a fax RE eu a ñ HR" d NE La LES MÉDECINS. 231 gie) ont été commentés par Omar ben el Farkhan, ce qui prouve qu’ils ont été traduits en arabe. On voit que les Arabes firent preuve pour les sciences mathématiques d’un goût et d’une aptitude qui firent défaut aux Syriens, leurs initiateurs. IV. — Les Médecins. HIPPOCRATE. Les œuvres d'Hippocrate comptaient probablement parmi les ouvrages traduits en syriaque par Sergius de Rasel Aïn. Elles durent nécessairement figurer à l’école de Djondisa- bour, où l’on enseignait et pratiquait la médecine grecque. Les Syriens qui, tout en travaillant pour les Arabes, son- geaient encore à leurs coreligionnaires, n'avaient donc plus guère, au IX* siècle, à s'occuper d'Hippocrate. Voilà pour- quoi l’on ne nous mentionne plus alors de traductions d’Hippocrate en syriaque. Si des traductions en syriaqué pu- rent alors être mises entre les mains des traducteurs qui ne savaient pas le grec, afin de répondre plus promptement aux vœux des Khalifes, il ne paraît pas cependant qu’il en fut ainsi pour les traductions d’Hippocrate. L’immense majo- rité de celles qui nous sont connues furent exécutées par des hommes éminents et connaissant le grec, tels que Honein, son élève Issa ben Iahya, son neveu Hobéïch et Costa ben Luca? C'est à peine si deux traductions d'ouvrages de peu d'importance nous sont données comme ayant été faites du syriaque par Chahdy etson fils. Nous lisons dans Ebn Abi Ossaïbiah que les livres d'Hip- pocrate considérés comme authentiques se montaient à une trentaine, et ceux employés dans l’enseignement à douze, qui sont: L L embryon. La nature de l’homme. Les airs les eaux et les lieux. 232 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. Les aphorismes. Le pronostic. Les maladies aiguës. Les maladies des femmes. Les épidémies. Les humeurs. : L’aliment. L’officine du médecin. Les fractures, lesluxations et la réduction. Il ajoute que beaucoup d’autres lui sont attribués et il donne la liste d’une cinquantaine. En raison de l’importance d’Hippocrate nous donnerons la liste de ses écrits, en commençant par ceux dont la traduc- tion nous est connue, soit par le témoignage des historiens, soit par les monuments arrivés jusqu’à nous. D'ailleurs il ressort des citations faites par les Arabes que plusieurs tra- ductions ont été faites qui ne nous sont ni signalées, ni connues. Aphorismes. Ils furent traduits par Honein, et plusieurs exemplaires ‘ nous sont parvenus. Il en existe un à Paris n° 1040, A.F. Casiri (IL. 234) donne aussi comme traducteurs Costa ben Luca et Issa ben lahya, mais sans citer d’autorités à l’appui de son assertion. À l'égard de Costa ben Luca on peut seu- lement citer un Ms. de Florence, n° 260. Wenrich et Wüs- tenfeld ont adopté l'opinion de Casiri, le premier sans la contrôler, le deuxième en renvoyant au Ms. de Florence. Wenrich se trompe en donnant aussi comme traducteur Abderrahman ben Ali, qui n’est autre qu'Ebn Abi Sadeq, qui fit simplement des commentaires sur les Aphorismes, dont il existe plusieurs exemplaires à Paris. Les Arabes n’admettent que VII livres dans les Aphoris mes, et encore le septième ne paraît-il pas aussi complet que ceux qui sont entre nos mains. Nous avons consulté une dizaine de Mss. de Paris, avec ou sans commentaires. Quelques-uns s'arrêtent à l’aphorisme les individus à chairs molles, coté n° 59 dans l’édition de Vanderlinden, un autre RAR Si RS di éd: i bat Ma de 2 pe at 14 EP RARE RP REA LES MÉDECINS. 233 aux sueurs abondantes, n° 61, un autre, le plus complet, aux fièvres continues et crachats sanguinolents, n° 69. Les Arabes songèrent aussi à classer méthodiquement les Aphorismes. Il en existe un exemplaire à Paris, n° 998 bis du supplément, divisé en XII chapitres. Il existe aussi des commentaires des Aphorismes par Ga- lien, sur lesquels nous aurons à revenir. Parmi les nombreux commentateurs arabes des Aphoris- mes nous ne citerons que ceux qui existent à Paris, sous les noms d'Ebn Abi Sadeq (Abderrahman ben Ali), Ebn Enneñis, Ebn el Koff, Ebn Menfah. Nous aurons du reste à indiquer les autres en s nétnt de leurs auteurs. Épidémies. Nous manquons de renseignements sur la traduction des Épidémies. Ce livre fut évidemment traduit, attendu que nous le trouvons cité par les auteurs arabes, notamment par Razès dans le Continent, par Ebn el Beithar, etc. Il ne nous est arrivé qu’en compagnie du commentaire de Galien, dont nous parlerons plus tard. Pronostics. Ce livre fut traduit par Honein, et il se trouve à Paris, avec le nom du traducteur. Le rédacteur du catalogue a rendu abusivement le titre par : {ntroduction à la science. Issa ben Iahya traduisit aussi les Pronostics. Il en existe à la Bodléienne un commentaire par Mohaddeb eddin ben Ali, sur lequel nous reviendrons en temps et lieu. Du régime dans les maladies aiguës. Il fut traduit par Issa ben Iahya. Il en existe un exem- plaire donné par Casiri comme traduit par Honein. Des airs, des eaux et des lieux. Honein en traduisit deux livres. De la nature de l’homme. Honein le traduisit avec le commentaire de Galien. Des signes de la mort. Il en existe à Paris, n° 1022, A. F., une traduction par Jahya ben Bathriq. Des ulcères. 234 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. Il en existe une traduction à la B. Bodléienne. De l'embryon. Chahdy en fit une traduction d’après le syriaque. Des symptômes, Ce livre est cité par Hadji Khalfa, n° 9776. Des humeurs. Issa ben lahya le traduisit avec le commentaire de Galien. Le serment. Il fut traduit par Honein, Hobéïch et Issa ben Iahya. Traitement des maladies de l'œil. Il en existe à la Bodléienne deux exemplaires. Des plaies de tête, Il fut traduit avec le commentaire de Galien par Issa ben Jahya. Traité des plaies, Il est mentionné par Hadji Khalfa, n° 10,019. Des fractures et de la réduction. Il est mentionné par Hadji Khalfa, n° 10,422, On sait que d'Herbelot a vu là un traité d’algèbre. Grand traité des maladies. Il fut traduit par Honeïin avec un commentaire de Galien. Du repos. Il fut traduit du syriaque par Ebn Chahdy. Les Septenaires. Il en existe une traduction avec le commentaire de Galien, par Honein, à la Bibliothèque de Munich. Nous avons pu en prendre une copie, et en donner une à la Bibliothèque nationale. On peut lire dans la traduction de M. Littré une savante dissertation sur cet ouvrage controversé. De l’épilepsie. La mention faite de ce livre par Ebn Abi Ossaïbiah fait croire qu'il en avait pris connaissance. De l'extraction des flèches. D’Herbelot s’est mépris au sujet de ce livre. Le mot flèches est rendu par foussoul, qui veut dire aphorismes, tandis qu’il faut lire noussoul. Hadji Khalfa donne cette dernière lecture et ajoute que noussoul est le pluriel de nasl, qui si- gnifie flèche, cequi a échappé à Wenrich. (H. Khalfa,'n° 601.) LES MÉDECINS, 225 De l'officine du médecin. La traduction est attribuée à Honeiïn et à Issa ben Iahya. De l’æœdème ou de la tuméfaction. Wenrich, et Flueg'el dans son édition de Hadji Khalfa, ont rendu le titre sous cette forme que nous ne saurions admet- tre : De testiculorum hernia. S'agirait-il du traité Deflatibus ? De la superfétation. (1) Il est cité par Hadji Khalfa, n° 10,039. De la fièvre chaude, cité par Hadji Khalfa, n° 10,069, De l'aliment, cité par Hadji Khalfa, n° 10,346, De la saignée et des ventouses. Il est cité par Hadji Khalfa, n° 10,371. De la naissance à huit mois. La Bibliothèque de Munich en possède un exemplaire. Nous trouvons encore cités dans le Continent de Razès les livres de l’ancienne médecine, de l’eau d'orge, du ré- gime et un commentaire du livre des fractures par un au- teur que la traduction latine a rendu par Herilius et qu’on pourrait lire Simplicius. Tels sont les autres ouvrages mentionnés par Ebn Abi Ossaïbiah, dont il n’a pas encore été question : Des maladies des vierges. Des régions du corps. Du cœur. De la génération de l’homme. De l’hémorrhagie. Des giandes. Lettre au roi Démétrius. Préceptes. Loi de la médecine. Ordonnance de la médecine. Des chairs. Du pronostic par l’altération de l’air. Des prénotions. De la nature des animaux. (1) Petis de la Croix a fait une singulière méprise. Il prend le mot Habl pour corde, nerf, et voit là un Traité des nerfs. nn LI ES pe de 236 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME, t Des signes des crises. Introduction à la médecine. De la naissance à sept mois. Des convulsions ou de la manie. De la veine axillaire. De l'urine. Lettre au roi Antiochus. De la médecine inspirée. Lettre à Artaxerxès. Lettre aux Abdéritains, concitoyens de Démocrite, en ré- ponse à celle qu’ils lui avaient adressée, le priant de venir soigner Démocrite. "Des variations des saisons et des correctifs des aliments. De l’organisation de l’homme. Des couleurs. De la luxation. Des prorrhétiques. Du serment, traduit du grec par Honein. Il serait peut-être téméraire d'affirmer que toute cette der- nière liste contient des écrits existants encore du temps d’'Ebn Abi Ossaïbiah. Quant à ceux qui la précèdent, il est - incontestable qu’ils furent entre les mains des Arabes, Hadji Khalfa n'ayant mentionné que des ouvrages existants. DIOSCORIDES. Après les noms d'Hippocrate et de Galien, il n’en est pas de plus populaire parmi les Arabes que celui de Dioscorides. Ses cinq livres font, avec les Simples de Galien, la base de leur matière médicale, autour de laquelle ils accumulèrent de nombreuses acquisitions. Il n’est pas exact de dire comme Wenrich d'Ebn Beithar : Totus fere ex Dioscoride pendet. Dans le grand ouvrage d'Ebn Beithar, Dioscorides ne compte guère que pour un quart. Dioscorides paraît avoir été traduit en syriaque. Il le fut en arabe et directement du grec, sous le khalifat de Moutaouakkel, c’est-à-dire au milieu du IX° siècle par dE ide tira der TP he A ST RSS EG LES MÉDECINS. 237 Étienne fils de Basile, et sa traduction fut revue par Honein. Au siècle suivant, elle le fut de nouveau en Espagne, et l’histoire de cette révision nous a été conservée par Ebn Djoldjol. M. de Sacy en a donné la relation complète dans son Abdellatif. Nous la reproduirons en l’abrégeant. Astephan ou Étienne ne connaissait pas les équivalents de tous les noms grecs mentionnés dans Dioscorides, et l’on ne saurait s’en étonner, quand les critiques modernes ne se sont pas encore aujourd’hui mis d'accord là-dessus. Il conserva donc la transeription grecque pour les noms inconnus. Quant à ceux qu'il connaissait il fit suivre le mot grec de son équivalent arabe. C’est ce que l’on peut voir dans une copie de cette traduction qui existe à Paris et sur laquelle nous avons publié un mémoire dans le n° de jan- vier 1867 du Journal asiatique. Les titres des paragraphes se présentent généralement ainsi: Kinnamoumon et c’est le darsiny, le cinnamome ; Libanous, et c’est le Koundour, l’encens; Mali et c’est l’assel, le miel; Alectourides, et ce sont les deddjädj, les poules ; etc. Étienne paraît avoir fait à la suite de sa traduction quelques additions où il aurait noté les synonymies d’abord inconnues : c’est ce qui résulte de notes marginales de l’exemplaire cité. Parfois il s’est trompé dans ses déterminations ; c’est ainsi que Ebn Bei- thàr lui reproche d’avoir pris le Gingidium de Dioscorides pour le fumeterre. Étienne espérait que des savants combleraient plus tard les lacunes de sa traduction. Or, en l’année 948, le Khalife de Cordoue, Nasser Abder- rahman reçut des présents de l’empereur de Constantinople Romain, et parmi ces présents se trouvait un exemplaire de Dioscorides enrichi de figures. Mais ce livre était en grec et personne à Cordoue ne savait lire le grec. Sur la demande de Nasser, Romain fit partir un moine du nom de Nicolas, quiarriva à Cordoue en 951. Nicolas se mit en relations avec quelques médecins, occu- pés déjà de la détermination des noms techniques de Dios- corides. Parmi eux se trouvait le savant juif Hasdaï ben Chaprout, qui jouissait à la cour d’une grande considéra- 2838 HISTOIRE DE LA MÉDEUINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. tion, le même qui reçut Jean de Gorze, envoyé à Cordoue par l'empereur Othon (1). On en cite cinq autres, qui ne sont pas connus d’ailleurs. Le travail commun de ces hommes aboutit à la reconnaissance des médicaments et à la rectification des termes grecs, dont il ne resta plus qu’une dizaine, dit le narrateur, sur lesquels on conservât des doutes. Le Dioscorides arabe de la Bibliothèque de Paris, qui 4 séjourné en Espagne, porte la trace de ces travaux de cri- tique. On paraît avoir conservé le texte original, mais les marges du livre sont littéralement couvertes de notes, dont un grand nombre s'appuient sur l’autorité d’Ebn Beîthar. Beaucoup de synonymies sont données, qui manquent dans le texte. Ces notes ont encore un autre et double intérêt. D'abord -elles donnent beaucoup de synonymies qui sont dites appartenir à la langue des étrangers de l’Andalousie, c'est-à-dire à la langue latine. Nous en avons relevé près d’une centaine. Parmi ces noms il en est qui ont conservé une physionomie franchement latine ; d’autres sont encore aujourd’hui les noms de ces plantes en Espagne, On y trouve même quelques synonymies Berberès, qui accusent le passage des Almoravides et des Almohades en Andalousie. Un autre mérite de ces notes c’est qu’elle accusent des herborisations. Beaucoup de stations de plantes sont men tionnées, telles que Séville, Malaga, Dénia, Grenade, Elvire, Alméria, etc. La botanique fut donc cultivée tout particulièrement en Espagne, et nous en donnerons tout à l’heure une nouvelle preuve. Parmi ces notes, de provenance diverse, il en est une série que nous regrettons beaucoup de ne pouvoir rapporter à un nom. Elles sont précédées de cette indication : De mot. Seraient- elles d’Aboul Abbas dit Ennabaty ou l’herboriste, qui fut compatriote et contemporain d'Ebn Beithar, et qui,s’il ne (1) Voir sur Hüsday une brochute de M. Luzzato. nd ea rad Le nee à: ce de dent ES de St fr, + " ÿ \ si 22 EE, 7 mt à + res d'ou el ph à A SUN ES =" site we LT Re LE LES MÉDECINS. 289 l’égala pas en érudition, le surpassa peut-être dans la connaissance pratique des plantes. En somme cette copie arabe de Dioscorides est un monu- ment unique pour l'étude de la nomenclature botanique chez les Arabes. Son état de vétusté en réclamerait une nouvelle transcription. Ebn Djoldjol, qui vit encore le moine Nicolas, écrivit un livre sur l'explication des noms des Simples de Dioscorides. Il en écrivit un autre consacré à l'exposition des médicaments inconnus à Dioscorides. Un autre médecin célèbre de l'Espagne et qui vivait au onzième siècle, Ebn Guéfit, dont Wenrich n’a pas reconnu l'identité pour n’avoir pas lu jusqu’au bout la série de ses noms, fit un nouveau travail de critique sur la nomenclature botanique tant de Dioscorides que de Galien. Ebn Beithar compte parmi ses ouvrages, un commentaire sur Dioscorides. Abdellatif en composa un abrégé. Enfin Aboul Abbas ennabaty composa aussi une explica- tion des noms de simples qui se trouvent dans Dioscorides. Il existe à l’Escurial un exemplaire assez mal exécuté du reste et incomplet de Dioscorides, où les synonymes arabes font défaut dans le tiers environ des cas. En lisant ce ma- nuscrit, on comprend la nécessité du travail de révision dont fut chargé le moine Nicolas. ÉUFUS D'ÉPHÈSE: Rufus; dit Ebn Abi Ossaïbiah, naquit à Éphèse et fut lé premier médecin de son temps. Galien l’a cité, et en faisait grand cas. Le Fihrist n’est pas plus explicite, et le Kitab el hokama, suivi par l’auteur des Dynasties, le fait contempo- rain de Platon. On croit généralement que Rufus vivait au commencement du second siècle de l’ère chrétienne: Telle est la liste de ses œuvres donnée par Ebn Abi Ossaï- biah : Traité de la mélancolie, un de sés meilleurs écrits. 240 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. Traité en quarante livres ou chapitres. Des noms des organes. De la cause de l’hydrophobie. De l’ictère et de la bile. Des maladies des articulations. De la diminution des chairs. Du régime à suivre en l’absence de médecin. De l’enrouement. De la médecine d'Hippocrate. De l’usage du vin. Du traitement des femmes stériles. Préceptes sur la conservation de la santé. De l’épilepsie. 1 De la fièvre quarte. tie De la pleurésie et de la pneumonie. À Traité du régime. ; Du coït. 4 Traité de médecine. | Des opérations des hôpitaux. ( Du lait. 1 De la distinction ? /ferqg) ou du hoquet ffouäq). F Des vierges. Des marisques. Du régime en voyage. De la fétidité de la bouche. Du vomissement. Des médicaments mortels. Des remèdes à employer dans les affections des reins et de la vessie. S'il est utile d’user largement de remèdes dans les repas. Ici nous différonsde Wenrich, dont le texte n’est pas conforme à celui du Ms. de Paris. Des tumeurs indurées. De la mémoire. De la suppuration. Des blessures. Du régime des vieillards. Des préceptes des médecins. M SE LE3 MÉDECINS. 241 Des lavements. De la parturition. De la luxation. De la suppression des règles. Des maladies chroniques suivant Hippocrate. Des classes de médicaments. Des questions que le médecin doit faire aux malades. De l'éducation des enfants. Du vertige. De l'urine. Du vin dit d’une nuit ? C’est sous toute réserve que nous donnons ce titre, que l’on ne trouve pas dans Wenrich. Des fluxions au poumon. Des affections chroniques du foie. De la suppression de la respiration. De l’achat des esclaves. Du traitement d’un enfant épileptique. Du régime des femmes enceintes. De l'indigestion. De la vue(ou du Peganum, ainsi que traduit Wenrich). De l’iléus. De la sueur. Notre liste donne une dizaine d’écrits dont les titres ne se trouvent pas chez Wenrich. Si les biographes arabes ne nous fournissent aucun ren- seignement sur les traductions de Rufus, il n’en est pas moins incontestable que ses ouvrages ont été traduits en arabe. Nous en avons la preuve dans les nombreuses cita- tions que nous rencontrons dans Sérapion, dans Mésué, dans le Continent de Razès et dans les Simples d'Ebn el Beithar. Le Continent cite une douzaine de livres de Rufus qui se retrouvent la plupart dans notre liste, à part cependant les suivants : Livre des poisons. De l’hypochondrie. Livre du peuple. Cet écrit pourrait être celui que nous avons vu désigné sous ce titre: À qui n’a pas de médecin. présent. 16 242 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. Il est probable que le livre ainsi désigné par Razès : Du régime à suivre contre l’obésité, n’est autre que celui de la diminution des chairs. Razès estime que le traité de la colique et des lavements attribué à Galien est bien de Rufus. GALIEN. Les Arabes se sont beaucoup occupés de Galien. Son im- portahce nous paraît légitimer les détails dans lesquels nous allons entrer. Les documents les plus explicites sur les traductions de ses écrits se trouvent dans le Fihrist. Ils ont été reproduits dans le Kitab el hokama. (1) Ebn Abi Ossaïbiah s’est plus particulièrement occupé de Sa personne et de ses écrits. Il cherche d’abord à établir l’époque où il vécut, s'appuyant sur Obéïd Allah ben Djabril, qui paraît avoir traité cette question. Nous trouvonsici une dissertation en règle où, entre autres autorités, sont cités les Septante et Eusèbe de Césarée. On remonte jusqu’à la création et l’on donne un intervalle de 5,180 années entre Adam et Darius. Nous trouvons ensuite la série des empereurs romains depuis César jusqu’à l’épo- que de Galien, dont la naissance est fixée à la 10° année du règne de Trajan. Nous supposons que l'erreur tient à la confusion des noms, particulièrement de celui d’Antonin. Viennent ensuite des synchronismes entre la naissance de J.-C. et son ascension (qui est donnée juste) et la naissance de Galien. Suivant une tradition qui remonte à Jean le Grammairien, Galien aurait vécu 87 ans. Maçoudy, cité par Ebn Abi Ossaïbiah, mettrait un intervalle d'environ deux cents ans entre Jésüs-Christ et Galien, ce qui répond à ce (1) On peut rapprocher la statistique suivante de ce que nous avons dit à propos des traductions d’Aristote. Sur #5 noms de tra- ducteurs, nous voyons figurer Honein 43 fois, Hobeïch 29, Etienne 8, Ishaq 3, etc., tous sachant pertinemment Île grec! | | | | | “bits AE à si ri tit : L 4 E | ‘4 nil . + pps dE = = M$) fl SEP Le D Lt sn. LES MÉDECINS. 213 que nous lisons dans Les Prairies d'or (II. 306). Une autre citation de Maçoudy relate que son tombeau se trouve à Farama (Péluse) où il mourut. On lit pareillement dans Ebn Haucal que le tombeau de Galien se trouve à Farama, ce qui rappelle cette autre tradition qui le fait mourir en Pales- tine. Nous trouvons dans Ebn Abi Ossaïbiah une citation cu- rieuse de Galien qu’on peut lire aussi dans la notice du Kitab el hokama, reproduite par Casiri (1). Le passage serait extrait du commentaire de Galien sur la République de Pla- ton, et il a trait aux chrétiens. Galien y parle avec admira- tion de la pureté de leurs mœurs et de leurs vertus. Nous lisons ensuite qu’au récit qu’on lui fit des miracles opérés par le Messie à Jérusalem, Galien s’enquit s’il restait encore de ses disciples, et que s'étant mis en marche pour s'y rendre, il mourut en route. Nous donnerons encore une anecdote. Djabril fils de Bakhtichou accompagnait Haroun dans son expédition con- tre les Grecs. S’étant trouvé à deux parasanges de la patrie de Galien, il demanda au Khalife la permission d’aller la visiter et d’y rester quelque temps atin qu’il pût dire qu’il avait bu et mangé dans la patrie de son maître. Haroun le fit accompagner par une escorte de mille cavaliers. De nombreux renseignements sur Galien sont empruntés à l’émir Mobacher ben Fateq, dons nous dirons plus loin la passion pour les livres. Galien fut en vénération parmi les Arabes. Ils l’appellent généralement l’éminent Galien. On trouve dans le Fihrist une liste des principaux ouvra- ges de Galien avec le nom des traducteurs, liste qui a été reproduite dans le Kitab el hokama et qu'on peut lire dans . Casiri (2). Nous la reproduirons intégralement, toutefois en l’anno- tant, mais sans déranger la série: . Wenrich, qui a procédé autrement; ne s’est pas douté dé (1) I, 253. (2) E, 254. 2414 IISTOIRE DE LA (MÉDECINE ARABE; — LIVRE DEUXIÈME. ce qu'étaient les seize livres de. Galien, que nous connais- sons déjà, et qui figurent en tête de la liste, avec cet énoncé : « Etat des seize livres de Galien que les médecins lisent aux élèves. » Ebn Abi Ossaïbiah place également les seize livres en tête de sa liste, mais il parle préalablement du catalogue établi par Galien, qu’il dit divisé en deux parties dont la première comprend les ouvrages relatifs à la médecine, puis il indi- que le livre de Galien sur l’ordre suivant lequel on doit lire ses livres. Telle est la liste du Fihrist, que nous comparerons à celle du Kitab el hokama donnée par Casiri : * « Des sectes, traduction de Honein. » Casiri s’est trompé en traduisant: De febrium differentiis. Ce livre existe à Paris, n° 1043, À. F. Il semblerait que le Ms. fût le commencement d’une col- lection des seize livres, attendu qu’il en donne quatre et cela dans l’ordre que nous allons suivre. * « Dupetit art, traduction de Honein. » (De l’art médical.) Casiri traduit encore à faux : De constitutione artis medicæ. " « Petit livre du pouls, à Teuthra. Traduction de Honein et. de Hobeïch. » (Du pouls aux commencçants ; de l'usage du pouls). Cette traduction est attribuée d’autre part à Honein seul. “ « À Glaucon, sur le traitement des maladies, traduction de Honein. » ‘ « Cinq livres d'anatomie, traduction de Honeïn. » Wenrich se demande ce que peuvent être ces cinq livres, et parmi les ouvrages d'anatomie de Galien il n’en voit pas qui se divisent en cinq livres. Ils sont désignés dans Ebn Abi Ossaïbiah et dans un Ms. du British Museum que nous avons déjà cité précédem- ment (1). Ce sont les traités des os, des muscles, des nerfs, des veines et des artères. * « Des éléments, traduction de Honein. » (1) Ne 1356. —— alle J “ rÉ [4 LES MÉDECINS. 245 * « Des tempéraments, traduction de Honeïn. » * « Des facultés naturelles, idem. » * « Des causes et des symptômes des maladies, traduction de Hobéïch. » Le Kitab el hokama donne encore Honein. * « Des maladies des organes souffrants, traduction ce Hobéïch. » Le Kitab el hokama dit Honein. « Le grand livre du pouls, dont trois parties traduites par Hobéïch et une par Honein. » * « Des crises, traduction de Honein. » « Des jours critiques, idem. » : * « De la conservation de la santé, traduction de Hobéïeh. » * « De l’art de guérir, traduction de Honeïn. » D’après le Kitab el hokama, Hobéïch fit cette traduction dont Honein révisa les six premiers livres. * « Des fièvres, traduction de Honein. » - Nous lisons ensuite : Livres en dehors des seize livres : * e Livre de la grande Anatomie ou des Administrations anatomiques, traduction de Hobéïch. » On sait que les six derniers livres sur XV n'existent plus qu’en arabe. La Bibliothèque de Paris en a fait prendre une * . médiocre copie sur l’exemplaire d'Oxford. « Des dissidences de l’anatomie, traduction de Hobéïch. » « De la dissection des animaux morts, idem. » « De la dissection des animaux vivants, idem. » « De l'anatomie d’Hippocrate, idem. » « De l’anatomie d’Aristote, traduction de Hobéïch. » « De l’anatomie de la matrice, idem. « Des mouvements de la poitrine et du poumon, traduc- tion d’Etienne, revue par Honein. » « Des maladies de l’âme, traduction d'Étienne revue par Honein. « De la voix, traduction de Honein. » « De l’usage du pouls, traduction de Hobéïch. » « Des mouvements des muscles, traduction d’Étienne. revue par Honein. » 246 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. « De l’usage de la respiration, traduction d'Étienne, revue par Honein. » « Du bon état du corps, par Hobéïch. » Le Kitab el hokama dit Honein. « Des opinions d'Hippocrate et de Platon, traduction de Hobéïch. » « Des mouvements insensibles, traduction de Honein. » Le Kitab el hokama dit de Hobéïch. « De la pléthore, traduction d'Étienne. » * « De l'usage des organes, traduction de Hobéïch, revue par Honein. » « De la meilleure constitution, traduction de Honein. » * « Du mauvais tempérament, traduction de Honein. » * « Des simples, traduction de Honein. » « Des tumeurs, traduction d'Ibrahim ben Essalt. » « Du sperme, traduction de Hobéïch. » Le Kitab el hokama dit de Honein. « De l’accouchement à sept mois, traduction de Honein. » « De la bile, traduction de Honein. » Le. Kitab el hokama dit d'Étienne. « De la dyspnée, traduction de Honein. » « Du pronostic, traduction d'Issa ben Iahya. » « De la saignée, traduction d’Issa ben Iahyaet d'Étienne. » « Du marasme, traduction de Honein. » Une lecture vi- cieuse à fait traduire à Casiri : De Stercore. « Sur un enfant épileptique, traduction syriaque et arabe, de Honeïin. » Le Kitab el hokama, dit d'Ebn Essalt. * « Des propriétés des aliments, traducrion de Honeïin, » « Du régime atténuant, traduction de Honeiïin. » « Du chyme, traduction de Tsabet, de Chemly et de Ho- béïch. « De la médecine d’Aristote, traduction de Honein. » Nous ne trouvons pas ce livre mentionné dans le Kitab el hokama. « Du traitement des maladies aiguës, d'Hippocrate, tra- duction de Honein. » : it D aie LES MÉDECINS. 247 « De la composition des médicaments, traduction de Hobéïch. » Voir une note ci-après. _« Des antidotes, traduction d’Issa ben Ali. » Le Kitab el hokama dit Issa ben Iahya. « De la thériaque, traduction d'Iahya ben Bathriq. » « À Thrasybule, traduction de Honein. » « De l'exercice à la boule, traduction de Hobéïch. » « Qu'un bon médecin doit être philosophe, traduction de Honein. » « Des vrais livres d'Hippocrate, traduction de Honein., » « De l'examen du médecin, traduction de Honein. » « De la meilleure secte, traduction de Tsabet. » « De la démonstration, en XV livres, dont il reste seule- . ment quelques-uns. » « De la connaissance de ses défauts, traduction de Thomas revue par Honein. » (1) « Des mœurs, traduction de Hobéïch. « De l’utilité que les bons peuvent retirer de leurs ennemis, traduction de Hobéïch. » « Sur le Timée, traduction de Honein et d'Ishaq. » | « Que les facultés de l’âme suivent le tempérament, tra- duction de Hobéïch. « Introduction à la logique, traduction de Hobéïch. » « Que le premier moteur n'est a mu, traduction de Honein. » « Des sortes de raisonnements, ‘traduction d'Étienne et d'Ishaq. « Commentaires d’Aristote, traduction d’Ishaq. » L'auteur du Kitab el hokama dit aussi qu'il a vu un grand traité de la saignée plus étendu que le traité courant, et qu'il fut traduit par Honein, avec une introduction. Pour abréger, nous avons cru devoir simplement noter d’une astérisque les traductions qui nous sont restées. Nous allons poursuivre l’'énumération des autres ouvrages de Galien, d’après Ebn Abi Ossaïbiah. (3) Casiri s’est fourvoyé en traduisant : De Tremore, palpitatione et spasmo, 248 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. \ Extrait des livres de Marin sur l'anatomie. Extrait des livres de Lycus sur l'anatomie. Des choses que Lycus ignorait en anatomie. Des erreurs de Lycus en anatomie. Des différences dans les organes similaires. De l’anatomie des organes de la voix. Honeïn le considérait comme apocryphe. Les modernes l’admettent, malgré sa rédaction. De l'anatomie de l’œil, même réflexion de Honeïin. Sur leserreurs relatives à la distinction du sang: et de l’u- rine. Des propriétés des médicaments laxatifs. Des habitudes. De l’org'ane de l’odorat. Des signes des affections de l’œil. Des causes occasionnrelles. Des tremblements, des frissons et des convulsions. Des parties de la médecine. De latrabile. Des périodes des fièvres. Du pouls, en réponse à Archigène. Des opinions d’Aristote sur la thérapeutique. Des médicaments faciles à trouver. . De la thériaque, deux traités. Ici commence une série de commentaires sur Hippocrate. Commentaires sur le serment, les aphorismes, les fractu- res, les luxations, le pronostic, (1) le régime des maladies aiguës, (2) les ulcères, les plaies de tête, les épidémies, les humeurs, les prénotions, l’officine du médecin, les airs, les eaux et les lieux, l'aliment, la nature de l'embryon, sur la nature de l'homme, sur le bon médecin qui doit être philo- phe, sur les livresauthentiques ou non d'Hippocrate, sur les termes d'Hippocrate. Nous trouverons plus loin d’autres commentaires, mais considérés comme apocryphes par Honein. * (1) Il en existe à Oxford une traduction par Honein. * (2) Il existe à Paris, traduit par Honeïn en arabe et en caractères hébreux, F, H, 1203 ja EST my dé Pa AR ere à mg An ct og 2 roro à DÉS A RE SSL SE S LES MÉDECINS. 249 Nous ferons quelques observations sur les précédents. * Le commentaire sur les Aphorismes fut traduit par Honein et il en existe un exemplaire à Paris, n° 985. A. F. Nous avons déjà dit que la traduction de Costa était pro- blématique. $ * Le commentaire sur les épidémies fut en partie traduit en syriaque et en arabe par Aïoub. Il en existe à Paris une traduction de Honeïin, n° 1002 du supplément arabe. Nous avons déjà parlé de la note qui le termine, mal comprise par Casiri en ce qui concerne Moham- med ben Moussa, erreur adoptée de confiance par Wenrich. Nous continuons l’énumération d'Ebn Abi Ossaïbiah. On trouve ici un livre de controverse sur les quatre élé- ments dont nous n’avons pu bien déchiffrer le titre. Du coma. De la substance de l’âme. * De l'expérience médicale, (traduit en latin). De l’enseignement de la médecine. (1) Sommaire de l’expérience ? Des termes de médecine, dont la première partie fut tra- duite par Hobéïch. _ Deladémonstration, en XV livres, Honeiïn ne put en trouver un original complet. Après les recherches de Gabriel, il en fit lui-même dans l'Irak, la Syrie, la Palestine et l'Egypte, et n’en trouva que la moitié à Damas. Aïoub en traduisit ce qu’il trouva. Une traduction en fut faite par Honein, en sy- riaque, et une autre par [ssa ben I[ahya, qui fut rendue par Ishaq en arabe. V. p. 247. Du fondement de l’art. Commentaire du Ile livrede l'interprétation. V. ci-devant. De ce qu’il faut faire contre la loquacité. Des chefs de secte. De la consolation. Des prescriptions d'Hippocrate. Du médecin. _ (1) Nous ne comprenons pas comment Wenrich a pu rendre le texte, qu’il donne dureste par De ptisana. p. 259. 250 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARAPE, — LIVRE DEUXIÈME, L Discours sur la physique. De la médecine d’après Homère. Que les attributs sont incorporels. Si les organes du fœtus se forment tous simultanément, Si le fœtus dans la matrice est un animal. Que l'âme ne meurt pas. Du lait, | Du dessèchement de la chair (ou de son allégement). De l'urine, Réponse aux partisans de la troisième secte. Des causes des maladies, De l'ictère. Des humeurs suivant Praxag'oras. Du besoin de la saignée au printemps. Tels sont les ouvrages qu'Ebn Abi Ossaïbiah, d’après Honein considère comme authentiques. Il donne ensuite la liste d’autres écrits attribués à Galien. Commentaire des maladies des femmes d'Hippocrate. Commentaire du régime à l’état de santé, ‘ Commentaire des septenaires, traduit par Honein. M. Littré, dans son édition d’Hippocrate, a fait sur ce livre - une longue et savante dissertation, à laquelle nous ren- voyons. Malgré que Galien, comme le dit M. Littré, l'ait regardé comme faussement attribué à Hippocrate, nous n’en possédons pas moins une traduction arabe du commentaire de Galien sur le livre des septenaires. On sait qu’il existe une traduction latine tronquée, n° 7027 du fonds latin. A l’époque où écrivait M. Littré l’existence de la traduc- tion arabe n’était pas encore connue. Cette traduction existe à la bibliothèque de Munich, n° 802, et elle est donnée comme étant de Honein. Ce Ms. ancien et d’une exécution soignée est un petit in-8 de soixante-quatre feuilles. Il date de 471 de l’hégire. M. Daremberg ayant obtenu une extradition de ce livre, nous en avons pris une copie que nous traduirons quelque jour si Dieu nous prête vie. Le Ms,paraît complet, mais le texte d'Hippocrate n’est pas intégralement rendu dans toutes les citations. Galien y CS LÉ LES MÉDECINS. 251 parle de plusieurs de ses livres, des causes des maladies et des crises, des fonctions des organes, etc. Le livre des septenaires pose en principe que le nombre sept domine tout. Il le trouve dans l’univers, les planètes, les vents, les saisons, les plantes et les animaux, l’homme, la tête, l'esprit vital, les voyelles et même la terre, dont la tête est représentée par le Péloponèse. On ne saisit pas bien les rapports de cette doctrine avec la théorie des fièvres qui termine le livre. Commentaire du livré de la médecine des pauvres. De la réduction. De la mort soudaine. Des lavements et de la colique, (traduit par Honein). Du sommeil et de la veille. * De l'interdiction d’inhumer avant “as aus heures. De la providence. Lettre à la reine? sur les secrets des femmes. Lettre à ? sur les secrets des hommes. Des remèdes secrets. De l'extraction du suc d’herbes. Des succédanés. Sur l’action du soleil, de la lune et des astres. Des couleurs. Réponse à ceux qui ont écrit sur les types. De la nature de la sensation. Des plantes. Il s’en fit une traduction latine d'après celle de Honein. Sur les opinions attribuées à Érasistrate. Des saveurs. : De l’hydrophobie ou de la rage. Des causes adhérentes. Commentaire du livre de Polyhe sur le régime à l’état de santé. ; _ Surles médicaments détersifs. En somme, ajoute Ebn Abi Ossaïbiah, il est encore d’au- tres livres de Galien que l’on ne trouve plus, et qui se trou- — vent mentionnés dans son livre intitulé le Pinax, c'est-à-dire dans son catalogue, 252 HISTOIRE DE LA MÉDRCINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. L 442 Nous citerons encore quelques autres écrits mentionnés par Wenrich, et dont nous n’avons pas trouvé trace. Synopsis des dialogues de Platon. Des époques des maladies. Des médicaments émétiques, De l’intellect. Qu'Hippocrate a dépassé tout le monde sur la connaissance des temps. Nous devons dire un mot sur deux ouvrages de Galien. Les Arabes ont réuni, mais en deux parties, les livres de la composition des médicaments suivant les genres et celui de la composition des médicaments suivant les lieux. Ils ont ‘ donné au premier le nom de Xata Djanes, et au second celui de Miamir. Ces expressions se sont conservées chez les arabistes du moyen-âge ; ainsi dans Guy de Chauliac on lit le Catageni, le Miamir, le Techni de Galien. MAGNUS D'ÉPHÈSE, OU D'ÉMESSE. Magnus d'Éphèse était contemporain de Galien qui le cite à propos du pouls. Serait-il le même que Magnus d’Émesse mentionné par le Fihrist et le Kitab el hokama, qui lui attribuent un livre sur l’urine? Ce livre existe à Paris au fonds hébreu, n° 1202, en arabe et en caractères hébreux. Magnus est cité plusieurs fois, à propos de l’urine, dans le Continent de Razès. Le Kitab el hokama cite un autre Magnus, d'Alexandrie, qui aurait vécu au VITe siècle de notre ère. ARCHIGÈNE. On pense qu'il vécut sous le règne de Trajan. Toùs nos historiens parlent de lui, mais sommairement. Ebn Abi Ossaïbiah dit que l’on traduisit en arabe les ou- vrages suivants : Des maladies de la matrice, ET TT À ] LES MÉDECINS. 253 De la nature de l’homme. De la goutte. On en trouve d’autres cités dans le continent de Razëès : Des maladies chroniques. Du diabète. Du vomissement et du vomissement par l’hellébore. De la bile. De l’atrabile. Son nom se trouve altéré sous plusieurs formes, dans le Continent traduit en latin. ORIBASE. Le Kitab el hokama admet deux Oribase, l’un qu’il appelle l’accoucheur et l’autre qu’il dit médecin de l’empereur Julien. Nous n’en trouvons qu’un dans le Fihrist. Tels sont les ouvrages qu'ils lui attribuent : Un livre en IX parties, adressé à son fils Eustathe, et tra- duit par Honein. (C’est la synopsis). Un traité d'anatomie. Un traité des médicaments usuels, traduit par Étienne fils de Basile. Un traité en soixante-dix chapitres, traduit en syriaque par Honein et par Issa ben Iahya. C’est la Collection médicale, dont nous ne possédons qu’une partie. Un livre à Eunape, en quatre parties, traduit par Honein. Les Mss. donnent Eunape comme fils ou père d’Oribase, dont il n’était que l’ami. | Ce dernier écrit n’est mentionné que dans le Fihrist et le Maleky. Wenrich n’en a pas parlé. C’est probablement une répétition du Traité des médicaments usuels ou faciles à se procurer. Dans la préface du Maleky, Ali ben Abbas passe en revue les médecins qui l'ont précédé, et pour motiver son travail, signale les lacunes de chacun d’eux. Chemin faisant il arrive à Oribase, Nous citerons ce passage: « Quant à Oribase, dans 254 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. son livre adressé à Eunape et au public, il a procédé som- mairement, ne disant rien des choses naturelles et passant rapidement sur les causes. Il en est de même dans son livre à son fils Eustathe, en IX parties, où il ne dit presque rien des choses naturelles, c’est-à-dire des éléments, des tempé- raments, des organes, des humeurs, des forces, des pro- priétés, des esprits. Dans ces deux écrits il ne dit rien dela chirurgie. Quant à son grand livre en soixante-dix chapi- tres, je n’en trouve qu’un seul où il soit question de l'ana- tomie. » Nous ferons quelques réflexions sur ce passage, qui se trouve aussi reproduit dans le Pantechni de Constantin, et que M. Daremberg a mis en regard du Maleki pour établir le plagiat de Constantin. (1) Disons d’abord que les Arabes donnent à tt Eunape, comme le fils d’Oribase, dont il fut seulement l’ami. Le mot Æunapus nous paraît avoir été écrit en arabe de telle sorte qu'on a pu lire Oceanus, et nous pensons que telle peut être l'explication du nom d’/mmensus donné par le Pantechni au prétendu fils d’Oribase. Certains Mss. arabes, ainsi celui de Paris, donnent le livre “en soixante-dix chapitres comme dédié à la Reine, et nous trouvons cette particularité dans la traduction latine. M. Daremberg a cherché l'explication de cette dédicace dans ce fait que Suidas mentionne un livre d’Oribase peri basi- leias. Nous croyons que l’explication est plus simple et qu’il faut lire Malik, roi ou empereur, au lieu de Malika, reine. Il y aurait donc là simplement une petite erreur de copiste. On sait que la grande collection d’Oribase, porte en tète cette dédicace : Dive Juliane Cæœsar. Le Ms. de l’'Escurial ne porte pas cette dédicace : le mot Malek ne s’y trouve pas. Il est encore une autre altération, à propos du livre adressé à Eunape et au public. C’est ce livre que le Pantechni appelle L. de Republica. Oribase a été mis à contribution par les médecins arabes. Il est fréquemment cité dans le Continent de Razès, dans (1) Archives des missions scientifiques, IXe cahier, p. 509; . | LES MÉDECINS 230 Sérapion, Mésué, Ebn el Beithar, etc. Dans le Morny d'Ebn el Beithar nous trouvons cité un autre livre d’Oribase : A qui n'a pas de médecin présent. (1) Ce livre nous parait être l’'Euporiston, des médicaments faciles à trouver. "1 PHILAGRIUS. Il n’est pas mentionné, dit le Fihrist, dans les Annales des médecins d'Ishagq fils de Honein. Tout ce que nous savons sur l’époque de Philagrius, c’est qu’il est antérieur à Oribase, qui l’a mis à contribution. Aétius nous en a aussi conservé des fragments. Tels sont les écrits mentionnés par Wenrich : De l'impétigo, traduit en arabe par Aboul Hassan de Harran. Des affections des dents et des gencives, traduction du même. À qui n’a pas de médecin présent. De la colique. Des signes des maladies. De la goutte. Des-calculs des reins. . De l'hépatite. De l’ictère. Du cancer. De la morsure des chiens enragés. Le Ms. du Fihrist que nous avons consulté en porte d'au- tres que Wenrich n’a pas trouvés dans le sien. De la sérosité citrine. De l’hystérie. De la préparation de la thériaque au sel. On trouve encore d’autres ouvrages cités dans le Continent de Razès, outre ceux dont nous venons de parler, qui sont cités pour la plupart. | Un grand et un petit compendium, Kounnach. (1) Supplément arabe, n° 1029, folio 20%, 256 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. L Le petit compendium porterait aussi le titre de Livre au peuple. Livre des trois discours, assez fréquemment cité. Traité de la phthisie. Traité du diabète. Le traité de la goutte et celui de la rage portent chacun une dédicace ; mais ces noms étant dépourvus de points dia- critiques nous renonçons à les reconstituer. Citons encore: Livre du traitement des maladies. La traduction latine du Haouy ou Continent donne sou- vent Philaretus quand le texte donne Philagrius. De plus ce dernier nom est fréquemment défiguré. Ali ben Rodhouan recueillit des recettes du livre de Phi- lagrius sur les boissons utiles et agréables à l’état de ma- ladie. ALEXANDRE DE TRALLES. Il vivait au VIe siècle de l’ère chrétienne. On cite de lui : Traité des maladies des yeux, avec une ancienne version arabe anonyme. De la pleurésie, traduction d’Ebn.el Bathriq. Des vers intestinaux, avec une ancienne version. Ebn el Beithar lui attribue un traité des maladies chro- niques, et Razès un compendium, un traité de la mélancolie et un livre de l’estomac. PAUL D'ÉGINE. Paul d'Égine, dit le Kitab el hokama, connu sous le sur- nom d’Accoucheur, fut un médecin célèbre dans son temps et habile dans la connaissance des maladies des femmes. Aussi les accoucheuses venaient-elles lui demander des con- seils. Il survécut à Jean le Grammairien et vit les premiers temps de l’Islamisme. Il habitait Alexandrie. Parmi ses livres En dl ee en dd à ne nn de À ; É L Lt D RRQ La uns cit td soi lis] ET rTe LES MÉDECINS. 251 sont ses Pandectes de médecine, qui furent traduites par Honein et un traité des maladies des femmes. Ebn Abi Ossaïbiah ajoute un traité sur le régime et la thérapeutique des enfants. Après Hippocrate, Galien et Dioscorides, Paul d'Égine est peut-être le médecin grec le plus fréquemment cité par les Arabes. On peut s’en assurer en lisant surtout le Continent de Razès. Abulcasis a mis à contribution son VI: livre et parfois il le reproduit textuellement. On peut s'étonner qu'il ne l’ait pas cité; mais c’est une habitude assez commune chez les Arabes. Ali ben el Abbas lui reproche, comme à Oribase, de n'avoir pas été complet. JEAN LE GRAMMAIRIEN OU PHILOPONUS. Nous l’avons déjà compté parmi les Philosophes : il a droit aussi à prendre place parmi les médecins. Nous savons qu'il prit part au choix que firent les Alexan- drins parmi les œuvres de Galien pour servir à l’enseigne- ment de la médecine. Quelques-uns de ses travaux nous sont arrivés, mais un seul avec le nom de Jean le Grammairien. Le x° 444 du Musée britannique contient le Recueil des seize livres de Galien coordonnés par Jean le Grammairien et traduits en arabe. Nous avons déjà donné la liste de ces li- vres et nous n’avons pas à y revenir. Le n° 1356 contient un autre Reeueil des seize livres abrégés par les Alexandrins et traduits par Honein. Ne connaissant ces deux Mss. que par le catalogue, nous ignorons si leur contenu est identique, et si le second appartient aussi à Jean le Grammairien. Ce recueil est incomplet et s’arrète aux livres d'anatomie dont il nous donne le détail. Le n° 1117 du fonds hébreu de Paris contient à peu de choseprès les seize livres de Galien, dont quelques-uns sont annotés comme exécutés par les Alexandrins. Le n° 1118 en contient une dizaine et se termine par le traité de la conservation de la santé, qui nous est donné 17 258 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, == LIVRE DEUXIÈME. comme le dernier livre du Recueil. Jean n’est pas plus nommé ici qu’au n° 1356 du British Museum. : Dans la liste des ouvrages de médecine de Jean le Gram- mairien, Ebn Abi Ossaïbiah commence par les seize livres de Galien, puis énumère les suivants : Livre des fonctions des organes. De la thériaque, De la saignée. Le Continent de Razès mentionne plusieurs fois le com- mentaire de Jean sur le livre du pouls de Galien. THÉOMNESTUS. Le n° 1038, À. F. de la Bibliothèque de Pariscontient deux ouvrages de médecine vétérinaire. Le premier nous est donné comme ayant pour auteur Théomnestus et pour traducteur Honein. Il se compose de 47 feuilles. C’est moins un traité méthodique qu’une série de recettes données aussi souvent sous le nom d’Absyrte que sous celui de Théomnestus. On trouve encore d’autres noms assez mal écrits que nous n’avons pu mettre en regard d'aucun de ceux qui figurent dans le recueil des vétérinaires grecs. (1) La patrie de Théomnestus nous est donnée sous une forme incorrecte où l’on pourrait voir Nicopolis. M. Clément Mullet, qui s’est aussi occupé de ce Ms. dans sa traduction de l'Agriculture d'Ebn el Aouam, n’y voit pas une véritable traduction de l'ouvrage grec, mais plutôt une traduction de morceaux détachés. La deuxième partie de ce volume, qui contient 123 feuilles, hous est donnée comme une traduction arabe, faite d’après le persan, par Tsabet ben Corra. L'auteur n’est pas nommé. (1) Il est un de ces noms que l’on serait tenté de rendre par Agonothèle. tdi dent diet LES TRADUCTIONS ANONYMES. 259 Les Traductions anonymes et les Auteurs cités dans le Continent. Les citations faites par les Arabes de certains médecins grecs nous autorisent à croire qu’il y eut des traductions dont les historiens de la médecine ont négligé de nous signaler les auteurs. Sans doute il est de ces citations que l’on peut croire de seconde main. Il en est certainement d’empruntées à Ga- lien. C’est ainsi que dans un Recueil anonyme de thérapeu- tique de la Bibliothèque de Paris, n° 1024et 1034, À. F., qui n’est autre que le Tedkirat de Soueidy, nous trouvons plu- seurs citations de Cléopâtre, qui viennent évidemment du Traité de la composition des médicaments selon les lieux. On peut en dire autant de celles de Chrysis, de Cratévas, de Diogène, etc., et peut-être même deCriton, qui se trouve cité par un grand nombre d'auteurs. Cependant il est un passage d’Ebn Abi Ossaïbiah qui nous autorise à croire que quelques-uns de ces auteurs ont été traduits. Après avoir énuméré sommairement les médecins grecs des derniers temps il ajoute: « On rencontre la plupart de leurs livres, et Razès en a inséré beaucoup de passages dans son Haouy ou Continent. » Ce qui nous autorise à croire que Razès citait parfois de première main, c’est qu'il lui arrive souvent de citer les li- vres en mème temps que leurs auteurs. IL y a donc un certain intérêt à relever ces noms, qui bien que de second ordre, n’accusentpas moins l'extension que la médecine grecque avait prise chez les Arabes, même par ses plus modestes représentants. Ce qui nous engage encore à les passer en revue, c’est que beaucoup de noms ont été tronqués ou même fabriqués de toute pièce par les traducteurs du Haouy, au point de les ren- dre méconnaissables pour qui n’a pas vu les textes. On pourrait, jusqu’à un certain point, appliquer cette in- ._ vestigation à Sérapion, mais nous nous bornerons à Razès: 2600 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, == LIVRE DEUXIÈME, Les Auteurs cités dans le Continent de Razés. Nous n’avons jusqu'à présent donné place dans notre gale- rie qu'aux médecins les plus éminents, dont les traductions nous sont formellement dénoncées par les historiens. Il en est beaucoup d’autres dont les œuvres furent traduites, et dont les noms figurent, comme le dit Ebn Abi Ossaïbiah, dans le Haouy ou Continent de Razès. La mise en lumière de ces noms a un grand intérêt: elle prouve.quelle extension avait prise en Orientla médecine grecque, même par ses plus modestes représentants. D’autres que nous se sont occupés déjà d’en faire le recensement, mais ce travail devait néces- sairement être défectueux, opéré sur la traduction latine. Il faut avoir comparé le texte avec cette traduction pour se faire une idée des transformations que ces noms ont subies en passant à travers lelatin. Si quelques-uns pouvaient être suffisammeut reconnus, un grand nombre restaient indéchif- frables. Il fallait donc recourir au texte pour la confirmation des premiers et l'établissement des seconds, et c’est pour cela que nous avons fait le voyage de l’Éscurial, où l’on trouve la collection la plus complète des copies du Haouy. Il serait fastidieux d’étaler tous ces travestissements, qui portent non-seulement sur les médecins grecs, mais encore sur les médecins de l'Orient dont les œuvres ont été mises à contribution par Razès, sur les noms des livres et sur les ter- mes techniques. Nous devons cependant en dire quelques mots, d’une manière générale, avant de signaler pour cha- cun des auteurs dont nous aurons à parlerici, les altérations qu’il a subies sous la plume du traducteur, que ce soit sa faute, que ce soit celle des copistes arabes, où même des copistes européens, ou enfin des imprimeurs. Nous pensons en effet que les causes d'erreurs sont multiples, mais la prin- cipale, à notre avis, est l'ignorance et l’étourderie du traduc- teur. (1) (1) Il ne faut pas trop s'étonner de ces faits. La collation de plu- sieurs exemplaires n’était pas possible alors comme aujourd'hui. RE RS dm à à de à. dns dés | is «bé 2 SE L hs és int soi. ne L'Art) de VriE A SU" oi A Le re, LUS: mu Lee ne, de SDS TS LT AUTECURS CITÉS DANS LE CONTINENT. 261 Parlons d’abord des médecins dont il a été question précé- demment. On sait que certains livres de Galien sont adressés à des personnages. On en a fait l'auteur du livre, et c’est ainsi que nous lisons, à propos du livre à Glaucon, Dirit Galaricon, etc. Certains titres des œuvres de Galien ont été de mème pris pour des noms d'auteurs. Le livre des médicaments selon les genres est appelé par les Arabes Xatadjenes. De ce mot, assez souvent répété, on a fait un médecin et même un chi- rurgien : Catagenisius, ou Catagenisius chirurgicus. Il en a été de même pour le livre des Chymes et nous lisons: Dirit Caymousia. Nous tairons les formes innombrables sous lesquelles se produit le nom de Philagrius, mais nous devons dire quele latin donne bien souvent et indüment Philaretus, en place de Philagrius. Polybe se rencontre de même à la place de Paul. D'un mot mal écrit peut-être, on a fait un auteur et nous rencontrons Platon, dans la traduction latine, là où le texte arabe donne le mot lakin, cependant. Du mot /ladÿ, ou Aladj, traitement, on a fait le nom d’un médecin. | À propos de la Pivoine, en arabe Faounya, Razès dit qu'il a vu son nom (dans un tableau synoptique de synonymes) en regard du mot Glulkcusidè. Là-dessus on lit dans la tra- duetion latine : Pœonia appellatur in libro Aly Fascary, etc. Nous allons maintenant donner la liste des médecins cités dans Razès, dont les traductions ne nous sont pas signalées d'autre part. DIOGÈNE. Il ne saurait être question du cynique, désigné d'ailleurs par les Arabes sous le nom d'El Kelby, bien qu’il ne soit pas resté étranger à la médecine. Nous pensons qu’il est ques- tion de Diogène d’Apollonie, qui fut quelque peu antérieur à Hippocrate, Il est cité notamment à propos de la paralysie. 262 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — JIVRE DEUXIÈME. L PIOCLES. Parmi ses quelques citations, il en est qui nous semblent d’une lecture facile. D’autres pourraient laisser du doute ; mais, d’après les textes que nous avons eus sous les yeux, nous ne croyons pas qu'on puisse lire Théophile comme l’a fait la traduction latine. De ces citations, il en est de relatives à la paralysie, au rhumatisme, à la sciatique. L’une d'elles, ayant trait à la mélancolie, serait tirée du 11° livre des Orga- nes souffrants. Nous n’avons pu jusqu’à présent tirer parti de cette indication. | CRITON. Criton est mentionné par nos trois historiens comme au- teur d’un Traité de la cosmétique ou de la beauté. C’est le même livre qui est assez souvent cité dans Razès et qui l’est aussi dans Ebn Beithar. Les citations de Razès sont des recettes contre le larmoiement, contre la chute des cils, contre l’abondance du lait, contre la flaccidité des ma- melles, contre les fissures de l’anus, contre les défauts des ongles, etc., enfin pour faire disparaître les traces de la variole. Nous devons rappeler à ce propos que Razès à cru recon- naître la variole parmi les affections cutanées décrites par Galien. Le nom de Criton est presque toujours défiguré dans la traduction latine. Ainsi on y lit: Cliton, Caritan et Car- taten. TIMÉE. Razès paraît en admettre deux, attendu que l’un est sou- vent cité sous cette forme: Thimaous et Thobby. Il en est question à propos des affections cérébrales, de l'hysté- rie, etc. AUTEURS CITÉS DANS LE CONTINENT DE RAZÈS. 263 ARTHAMIDES. Cet auteur, sur le compte duquel nous n’avons pu recueil- lir aucun renseignement, aurait écrit un Traité sur la culture ou le perfectionnement de la voix. Il est cité deux ou trois fois. ANAXANDER. C’est la forme sous laquelle paraît en latin un auteur dont le nom, mal écrit d’ailleurs, pourrait se lire Asalsikon? et qui est remplacé dans l’autre par la qualification d’inconnu. Il est cité à propos de la strangurie. LEUCOPHRAGIS ? Nous lisons à peu près sous cette forme que la chaux vive convient contre les ulcères cancéreux. La traduction latine donne Lucubrachis. à ÉRASISTRATE. Nous le trouvons cité plusieurs fois, ainsi à propos de la paralysie du foie et de ses abcès. Il est même donné comme auteur d’un livre d'anatomie. Ce nom est quelquefois assez mal écrit pour que la traduction latine ait pu y voir Aristote, mais comme la lecture Érasistrate est forcée dans plusieurs cas, nous l’avons adoptée pour tous. PHILUMÈNE. Nous considérons, suivanttoute probabilité, ce nom comme Véquivalent de l'arabe Philomou, que la version latine a rendu par Philomeus. Il en est RE à propos des mala- dies de l'estomac. 264 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. ASCLÉPIADE, OU ASCLEPIUS. Il n’est cité qu’une seule fois. D’après Archigène et Asclé- piade, lit-on dans le Haouy, les Ethiopiens vieillissent vite. LISANOUS ? C'est ainsi que nous croyons pouvoir donner, sous forme dubitative, le nom d’un auteur d’un Traité des Pierres, qui recommande le port de la marcassite contre la lèpre. . Vu la nature superstitieuse de ce traitement nous serions tenté de voir ici une altération du nom d’Apollonius de Tyane. La traduction latine a lu Libarius et Lilarus. PALLADIUS. Nous ne croyons pas qu'il soit possible de lire autrement le nom que nous trouvons écrit dans l’arabe sous la forme Bladious ou Fladious. La traduction latine a lu Palladius, Baladius et Philarius. Palladius est cité à propos des ulcères de la vessie et des reins ; des abcès des reins, qu’il dit siéger dans l'enveloppe et non dans la substance rénale ; à propos de la suppression des règles, qu'il dit annoncer la grossesse en l’absence de frissons et de fièvre, proposition qui, soit dit en passant, est relevée par Razès comme contraire à la vérité, ete. Il dit aussi quelque part que les personnes à l’état de santé n’ont pas besoin de médecins. Parmi ses citations nous distin- guerons celles-ci: Palladius, dans les Aphorismes ; Palla- dius dans les Aphorismes où il est question du lait. ANTYLLUS. Li Antyilus est fréquemment cité par Razès. Ainsi à propos de l'opération de la cataracte, des tumeurs, des varices, du CT Eee SE ST PT VS ut — écie n à MEN ES PRE TA Te at D ue US US AUTEURS CITÉS DANS LE CONTINENT DE RAZËS. 265 cancer, de la hernie, de l’opération de la taille. La descrip- tion du catéther et de son mode d'emploi lui est empruntée in extenso. Nous n'avons pas rencontré le titre d’un livre. Nous croyons aussi devoir rapporter à Antyllus une citation mal écrite sous la forme Anthilous. ATHLAOUS, AÉTIUS ? On trouve ce nom assez fréquemment cité, parfois avec l'addition d’'£Ebn fils de, soit Ebn Thalaous, et nous trouvons dans le latin tantôt Thalaus, tantôt Filius Thalai. Les cita- tions ont trait aux ophthalmies, aux vomissements, aux hernies, aux squirrhes, aux scrophules, aux tumeurs œdé- mateuses, etc. À propos de. l'affection cholérique, hidha, nous lisons : Du livre attribué aussi à Galien, contre cette affection ; si l’on remarque une altération des aliments dans l'estomac, etc. Nous n'avons pu jusqu’à présent vérifier si ces pages peuvent se retrouver dans Aétius, mais nous inclinerions à croire que ce nom a pu, par une série de dé- gradations dont nous avons plusieurs exemples dans la tech- nologie arabe, arriver à la forme définitive Athlaous. Nous pouvons citer, par exemple, Apollonius de Tyane qui s'est converti en Balinas, le Pont-Euxin qui, de Ponthos, s’est transformé en Nithech, etc. Toutefois, il y a certaines mentions d’Aétius où il est plus facile de le reconnaître, d’au- tant plus qu'il porte souvent l’épithète ET Amdy. Nous le trouvons aussi mentionné par Ebn Abi Ossaïbiah parmi la foule des médecins de l'école d'Alexandrie. (1) Dans un traité d’oculistique anonyme, qui figure actuelle- ment à l’Escurial sous le n° 894, nous trouvons une citation d'Ebn Thalaous et une autre d'El Amdy. Quoi qu'il en soit, il est positif qu'Aétius a été traduit en arabe. Nous en avons trouvé dernièrement, à l'Escurial, l’assertion formelle dans le Traité des Pierres d'El Birouny. (1) Nous devons dire qu'Ebn Abi Ossaïbiah cite Ebn Thalaous ou Barthalaous, quelques lignes avant Aétius : mais cette partie de son livre est bien confuse. 266 IIISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. =« LIVRE DEUXIÈME. À propos du diamant il y est dit: Du traité d’Athious el Amdy, qui a été traduit en arabe par... Le nom de l’auteur se trouve malheureusement mal écrit et indéchiffrable, mais il n’en reste pas moins acquis qu'il s’agit ici d'Aétius d’A- mide. D’autres que nous avaient déjà songé sans doute à retrouver Aétius chez Razès, attendu que nous lisons dans l’informe compilation d’Amoreux, que Razès a emprunté beaucoup à Aétius: mais nous ignorons à quelle source a puisé Amoreux. ÉTIENNE. Nous le trouvons une fois cité comme auteur d’un livre sur l’urine. Il y a bien encore une autre citation, mais comme il s’agit d’une question de synonymie, nous pensons que cette citation doit être rapportée à Étienne, le traducteur de Dioscoride. MAXIME. Ce nom n’est pas parfaitement lisible dans les Mss. de .l'Escurial. Peut-être en était-il de même dans le texte tra- duit, le latin ayant rendu par Mahsafñis. Nous croyons notre lecture aussi bonne que possible. Il est question de Maxime à propos du sang de bouc, conseillé pour opérer la matura- tion des phlegmons. PYTHAGORE D'ALEXANDRIE. Il est cité à propos des indications que peut fournir l’urine relativement à la digestion. PAUL OU POLYBE. Il est quelques citations que nous croyons devoir attri- buer à Paul d’'Egine, bien que le nom soit mal écrit, suivant nous, par la faute des copistes arabes, On peut lire Boulbous EL le ie cibcuse. PE Te D EE DE NP TONI CUT I VENT SR TE nie nu taie D tdi ANT: doc à AUTEURS CITÉS DANS LE CONTINENT DE RAZËS. 267 ou Boulibous. Pour quelques-unes de ces citations, nous avons pu confronter deux manuscrits, et lun d’eux portait Boulss ou Paul d'Egine. La traduction a même écrit Apol- lonius. SEVERUS. C’est ainsi que nous croyons devoir transcrire, ou bien encore Souarinous, d’après certaines transcriptions de l’a- rabe, le nom d’un auteur cité à propos de la rage, de l’hel- lébore et des affections de l’œil. SIMPLICIUS. Nous donnons ici pour mémoire ce nom qu'il faudrait écrire Senflious, pour s’en tenir à la lettre de l’arabe. Le latin a rendu par Sferilius. L'auteur aurait commenté le livre des fractures d'Hippocrate. ATHOURSOQ0S. Telle est la forme la plus généralement reproduite de ce nom que la traduction latine a rendu sous vingt formes différentes. Cet auteur est cité très-fréquemment dans le Haouy. Il est cité un peu moins souvent dans le Traité des Simples d'Ebn Beithar, et ces Citations portent générale- ment sur des remèdes empruntés aux animaux. Du caractère de ces citations en général, et du caractère particulier de certaines d’entre elles, nous croyons qu'il est possible de voir dans Athoursoqos, dont le nom aura pu se modifier avec le temps, un auteur dont il est question dans Galien. Du reste ce rapprochement avait été fait déjà par Fabricius. Dans le X° livre des médicaments simples, à pro- pos des aberrations de Xénocrate, qui employait comme médicament la chair humaine, et des prescriptions aussi _ étranges de certains médecins qui recommandaient l'usage 268 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME, d'animaux fabuleux ou d’un abord impossible, Galien ajoute: « J'ai trouvé qu'un certain Atheuristi conseillait cette sorte de traitement. Mais je crois qu’il n’en a aucune expérience personnelle, et je ne parlerai ni des basilics, ni des éléphants, ni des chevaux du Nil. » Parmi les prescrip- tions d’'Athoursogos, consignées dans le Haouy, nous trou- vons la fiente de canard, l’urine humaine, vieille et puante, ete. Les citations d'Ebn Beithar ont le même caractère. Dans les tables de synonymies qui terminent le Haouy de Razès, nous trouvons Athoursoqos is le livre sas Pierres de Théophraste. BADIGORAS: Badigoras est très fréquemment cité dans le Haouy. IL l’est de même fréquemment dans Ebn Beithar, c’est-à-dire une trentaine de fois. Il l’est moins souvent dans Sérapion. Toutes ces citations prises dans leur ensemble ont un carac- tère particulièrement accusé dans Ebn Beithar, mais saillant aussi chez les autres, c’est d’avoir trait à des substances ti- rées de l'extrême Orient, substances qui ne furent pas con- _nues des anciens Grecs. C’est ainsi que les citations d’Ebn Beithar portent sur l’Emblic, l’Andahiman, substance indé- terminée, tirée du Kerman, le Kadhy (Pandanus odoratissi- mus), le Sadrouân que nous croyons une lichénée tirée de l’Oman, le Bétel, le Kicht ber Kicht qui n’est autre chose que l’Helicteres ixora, etc. Chez Razès nous trouvons cités l’Azé- derach, le Bell (Œgle marmelos), le Sell et le Fell, etc. Enfin dans Sérapion nous trouvons cités les Myrobolans, la Zé- doaire etl’Arec. Tout cela n’a pas empêché le traducteur alle- mand d’Ebn Beithar, Sontheimer, de voir dans Badigouras le célèbre Pythagore. Pour ce qui nous concerne, nous inclinerions à voir dans Badigoras un homonyme de l’illustre philosophe, que les événements auraient conduit, comme plusieurs autres, à la cour du roi de Perse, ou bien à Djondisabour, où il aurait pu prendre connaissance de tant de substances exotiques, dont on ne rencontre pas la mention dans Paul d'Égine. MP Ne & TRAITÉS D'AGRICULTURE. 269 MAHRARIS. * Nous manquons également de renseignements sur Ce per- sonnage, qui se trouve néanmoins cité par divers auteurs arabes. Son nom se rencontre dans le Traité des Simples d'Ebn Beithar, dans l'Agriculture d’Ebn el Aouâm et dans le Fihrist. Razès lui donne la qualification de Hakim, Ebn Beithar, celle de Roëmy, et Ebn el Aouâm, celle d'Zounäny. Ce serait donc un Grec ? Les citations d’Ebn Beithar sont au nombre de six. L’une d'elles, relative aux propriétés abor- tives de la Cannelle, se retrouve dans Razès. Les autres ont trait aux propriétés de l’opium, du stellion, de la taupe, de la pastenag'ue et de l’aloës. Ebn el Aouâm cite Mahraris à propos de la plantation des arbres. Il se serait donc occupé d'agriculture. D'autre part, le Fihrist se borne à mentionner son nom dans la foule des auteurs qui ont écrit sur l’alchi- mie. Nous ne croyons pas cependant pouvoir conclure avec Meyer, dans son histoire de la botanique, à l'identité de Mabraris avec Hermès, malgré même que la Bibliothèque Bodléienne semble incliner à cette confusion. I, 3 partie, 1,027. Traités d'Agriculture. Ce serait ici le moment de parler des livres d'agriculture, que l’on trouve, il est vrai, mentionnés ailleurs, mais plus fréquemment cités dans le Continent. Nous réservant de faire de nouvelles recherches sur l’agriculture grecque, sur Costus et sur Jounious, etc., nous nous bornerons actuelle- ment à une simple mention, sans autre discussion. - On trouve cités dans le Continent, trois traités d’Agricul- ture, celui de Jounious, que nous admettrons provisoire- . ment comme identique avec Columelle, celui de Costus, et l'Agriculture persane. 270 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. Le mot Jounious prêtant beaucoup à des erreurs de copis- tes, il ne faut pas s'étonner si toutes les traductions latines l’ont altéré. Celle du Haouy le rend quelquefois par Tritus et même par Bonoset. Ces altérations ont engagé Meyer en des discussions stériles. Parfois on pourrait lire aussi Paul et le latin a rendu par Paulus. Costus a été souvent méconnu par le traducteur latin qui écrit Costa, au lieu de Costus. Costa ben Luca fut le traduc- teur en arabe de cette agriculture grecque. On trouve plusieurs fois citée l'Agriculture persane. Il se pourrait que cet ouvrage fût identique avec le précédent, car nous lisons dans la notice consacrée à Costus par Hadji Khalfa que son ouvrage fut aussi traduit en persan, langue nécessairement connue de Razès. Citons encore une bévue du traducteur. Il lui est arrivé de rendre le mot Fellaha, Agriculture, par: De libro Fallax. Rien n’accuse l’agriculture nabathéenne. Du reste Ebn Ouahchya, contemporain de Razès, ne mit pas la dernière main à son œuvre. Les Médecins arabes cités dans Razès. Nous allons donner ici la liste des médecins de l'Orient cités par Razès, pour une double raison. La plupart appar- tiennent au siècle dont nous retraçons l’histoire ; ensuite ce sera le moyen de ne pas scinder notre travail sur le Haouy. Comme nous manquons de renseignements sur un grand nombre d’entre eux, et qu’il nous est impossible de les clas- ser suivant un ordre chronologique, nous avons pris le parti de les classer suivant l’ordre alphabétique. Nous tairons ici les médecins indiens, dont nous avons fait un article spécial. ABOU AMROU: Nous le trouvons quelquefois cité avec la qualification d'El Kahhal, c’est-à-dire l'oculiste. F1 serait peut-être LES MÉDECINS ARABES CITÉS DANS RAZÈS. 271 identique avec l’auteur cité sous le nom d’ET Kateb qui s’est pareillement occupé d’oculistique, et le nom complet » serait probablement Abou Amrou ben Iouhanna ben Iousef el Kateb, qui est le nom d’un traducteur, dont nous avons ER El Kateb est rendu dans la traduction latine par otarius. ABOU DAOUD. Îl'est cité à propos des affections de la luette. ABOU DJ ORREIDJ ERRAHEB. Abou Dijorreidj, dit Erraheb, c’est-à-dire le moine, est simplement cité par Ebn Abi Ossaïbiah dans la foule des petits médecins qui parurent aux confins de l'établissement de l’Islamisme. Razès mentionne un de ses livres. Abou Djorreidj est cité vingt-cinq fois dans Ebn Beithar, et il est une citation que l’on trouve à la fois dans Ebn Beiïthar et dans Razès, celle relative aux différentes espèces de Dend ou de Croton. ABOU HILAL EL HOMSY. Nous l'avons déjà vu comme traducteur. Il est cité plu- sieurs fois à propos du régime. ABOUL HASSAN LE CHIRURGIEX:. Plusieurs médécins ont porté le nom d’Aboul Hassan. Parmi eux, il en est même un qui porte le nom de Chirur- gien, et qui fut attaché en cette qualité à l'hôpital fondé par Adhad eddhoula ; mais il faudrait lui supposer une bien lon- ne existence pour admettre’ qu il ait déjà pu être cité par 272 HISLOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. —— LIVRE DEUXIÈME. ABDALLAH BEN IAHYA. Il écrivit un Kounnach cité plusieurs fois. On lit encore : Jahya ben Abdallah. Nous pensons qu’il s’agit d’un médecin philosophe, dont nous avons déjà parlé, qui revendique ces deux noms, mais qui est beaucoup plus connu sous le nom de Sarakhsy. Parmi les écrits de Razëès, il en est un à l'adresse d’Ahmed ben Thayeb essarakhsy, où il prend la défense de Galien. Ahmed ben Thayeb est cité notamment à propos de l'urine. La traduction latine a rendu son nom par: Laudatus filius Boni, traduisant au lieu de transcrire. On lit encore : Che- mec filius Tayp. Nous parlons ailleurs de Sarakhsy. EL BASRY. Nous le trouvons cité comme auteur d’une compilation sur l’œil. Il nous est impossible de savoir s’il est identique avec Ebn Sirin el Basry qui écrivit sur l’interprétation des songes, ou bien avec Issa ben Massa, que nous trouvons quelquefois cité dans Ebn Beithar avec la qualification d'El Basry. AÏOUB EL ABRACH. ÿ Nous ne parlerons ici de ce médecin, dont nous avons déjà parlé à titre de traducteur, que pour signaler la forme étrange que revêt parfois son nom dans la traduction latine. C’est ainsi qu'on lit : Job Lentiginosus, ce qui est une traduc- tion dé l’arabe ET Abrach, et Job Pinzolicus, dont l’explica- tion nous échappe. EBN FARAS. Il est cité à propos de la cataracte. CNT EUEIT OR PT rés dei Mn ET an ot dé e " F re La pa Por Se RS et à MER AS LU Head ie oi séiéo de c nt SX Et tete fn AE LETS Fr LES MÉDECINS ARABES CITÉS DANS RAZÈS. 273 EL FARSY. Le Kounnach ou Compendium d’Ebn Abi Khaled el Farsy est très souvent cité, soit isolément, soit avec le nom de l’auteur. Nous croyons que la traduction latine a tort de rendre ces mots: Xounnach el Farsy, par : un livre persan. Nous croyons que ce mot el Farsy doit toujours être con- _sidéré comme le nom de l’auteur. Ce nom d'El Farsy a mème été quelquefois rendu par : Priscianus. HAKIM BEN HONEIN. Cet auteur est aussi quelquefois cité par Ebn Beithar. Nous ignorons si c’est un fils de l’illustre Honein. Les historiens n’en parlent pas. La traduction latine rend quelquefois son nom par: Sapiens filius jubeir ou joan- nis, etc. HAMDAOUY. Cet auteur est cité à propos de l’urine. Il y a aussi une autre citation sur le même sujet d’un Ebn Amraouy qui 4 peut être identique avec le premier. MOHAMMED BEN KHALED. Il est cité comme auteur d'expériences médicales. ISRAÏL. Nous le trouvons cité comme médecin de Soleiman bet 18 274 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. IOUSEF ETTELMID. Il est cité comme auteur d’un Mémorial, et on trouve quel- quefois dans la traduction latine son nom sous cette forme: Infusus discipulus. TERMEDY. Parmi ses quelques citations, nous relèverons celle d’une pommade contre la variole confluente. La traduction latine l’a quelquefois rendu par: Tamarindi. ASLIMON ET MEISSOUSEN. Nous avons réservé ces deux noms pour clore la liste des auteurs cités par Razès, afin d'appeler plus particulièrement sur eux l'attention. Du reste ils se distinguent des précé- dents sous un double rapport. Ils se sont plus spécialement occupés des maladies des femmes, le dernier surtout, et puis, vu l’importance de leurs citations, nous sommes éton- né de n’avoir pu rencontrer autre part aucun renseigne- ment sur leur compte. Quant à la lecture de leurs noms il y a bien quelques variantes, mais nous ne croyons pas qu'il soit possible de les établir autrement, Il est indifférent de lire Achlimon ou Achimoun au lieu d’Aslimon. Le dernier nom, Meissoussen, a bien quelques variantes faütives dans la traduction latine, mais le texte arabe a pris le soin, à plu- sieurs reprises, d'en régler la lecture sous la forme que nous avons adoptée: Meissoûsen. La traduction latine donne souvent Misus, ASHIMON. Aslimon où Achlimon nous est donné comme auteur d’un Kounnach où Compendium: Il est cité plusieurs fois à propos de la paralysie et du ca LES MÉDECINS CIZÉS DANS RAZËS. 279 tétanos, Il conseille la thériaque dans l’épilepsie. Contre le cancer il prescrit les purgatifs, et dans l’éléphantiasis il conseille la saignée dela saphène. Quant aux maladies des femmes, nous le voyons cité à propos de la surabondance du lait, à propos de l'ædème des pieds qui survient chez les femmes enceintes et chez les convalescents, etc. Il donne la recette d’une fumigation propre à faire reconnaître la grossesse, il conseille plusieurs moyens pour faciliter l'accouchement, entre autres l’aristo- _ loche et les bains, il indique ce qu'il faut faire après la sor- _ tie de l’arrière-faix. __ Pourrait-on voir dans Aslimon une altération de Philu- _ menus, qui écrivit aussi sur les accouchements ? MEISSOUSEN (MOSCHION). _ Les citations de Meissousen portent exclusivement sur les _ organes génito-urinaires, particulièrement de la femme, et . ce n’est sans doute qu'incidemment qu’il s’est occupé des . calculs chez l’homme. _ ILnousest donné comme auteur d’un livre sur les accou- É chements ou sur les femmes enceintes, el qgouabel. Ce livre _ est quelquefois cité sans nom d'auteur, comme s’il était _ inutile de le qualifier davantage. _ Les passages cités sont généralement assez longs, et ils _ portentsur toutes les questions qui intéressent la femme en 1 dehors ou à l’état de grossesse. Nous citerons d’abord le traitement qu’il indique dans la 4 a” un bain d’huile et de vin, puis des onguents et _ une canule pour empêcher les adhérences,. Be Il fixe les limites extrèmes des âges propres à la conception ; à15 et à 40 ans. É. _ Il indique les divers traitements emménagogues à em- ‘ ployer suivant les divers tempéraments: 4 Nous citerons textuellement le passage suivant: le fœtus {«…. urine parle cordon. Si vous voulez vous en assurer, ne l’en- — levez pas au nouveau né, et tant qu'il restera, il s'en écou- 276 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. lera de l'urine. Si vous l’enlevez, l'urine reprendra son cours naturel vers la vessie. Citons encore la métrorrhagie, les divers procédés et les divers médicaments à employer pour l'arrêter, l'inflamma- tion de la matrice et les polypes utérins. Il s’est aussi occupé des calculs. Il veut préalablement que l’on fasse usage des eaux thermales avant de recourir à l’o- pération. Les eaux thermales, dit-il, dissolvent les calculs. Là-dessus Razès fait observer que cette proposition est trop absolue. Il parle aussi d’une certaine pince pour l'extraction des calculs. Enfin, il prescrit les injections de lait dans les affections chroniques de la vessie. Jusqu'à nouvel ordre nous croyons que l’on peut voir dans Meissoussen le nom altéré de Moschion. Les Livres et Recueils. Il y a dans le Haouy de nombreuses citations d'œuvres anonymes ou collectives dont nous devons parler. Le Mokhtär. Jusqu'à présent nous n’avons pu reconnaître la paternité de ce livre. Le Mabâäl. Nous en dirons autant de celui-ci, qui est plus fréquemment cité. Le titre pourrait faire croire qu'il s’agit du livre bien connu et si souvent commenté de Honein, Les Questions. Mais nous ne pouvons nous y arrêter, attendu que nous trouvons citées les Questions sous leur titre natu- rel, Masaîl. Outre le nom de Mabal, le latin a donné à ce livre ceux de liber problematum, liber de problematibus, etc. Les Questions naturelles d’Aristote, sont aussi connues sous le nom de Mabal. Formulaires. Outre les grand et petit formulaires, qui doivent ètre rap- portés à Sabour ben Sahl, bien qu'ils ne soient pas toujours accompagnés de son nom, nous en trouvons aussi sous la forme de Formulaire moyen, et Formulaire ancien. Oculistes. Nous rencontrons plusieurs fois la collection des oculistes due D La if. fosse dit 2 T7 ve LES [AVRES ET RECUEILS. 271 et le livre sur l'œil par demandes et par réponses. On trouve pareillement cités dans le Breviarium de Jean fils de Séra- pion les Oculistes de Bagdad. Expériences des hôpitaux. Ce livre est souvent cité surtout pour les faits de chirurgie ; on trouve aussi bien souvent : les chirurgiens, nos collègues des hôpitaux. Enfin Razès cite beaucoup d'observations qui lui sont propres. El Khouzy et el Faïk. Voilà deux noms par lesquels nous terminerons, et nous avouerons humblement n'être pas fixé à leur égard. Faudraïit- il voir dans le premier Mésué le père? Nous inclinerions à voir dans le second Hippocrate, par la raison seule que Ga- lien, dans son commentaire sur les Septenaires, lui donne sou- vent cette qualification. Nous avons relevé une cinquantaine de citations relatives à El Khouz dans la traduction latine du Continent, mais on en rencontre aussi ailleurs. Sérapion l’ancien nous en a donné 3, Sérapion le jeune 26, Mesué 8, Ebn el Beithär 44, Avicenne 13 et le Tedkira de Soueïdy un assez grand nom- bre. Le fait de la citation d'El Khouz par Sérapion l’ancien nous reporte aux premiers temps de la médecine arabe, c’est-à- dire au commencement du IX: siècle de notre ère. C’est là ce qu'il y a de plus important et de plus positif. Les citations sont absolument sèches, et en dehors d'elles, nous ne trou- vons aucun autre renseignement. Le nom lui-même a des variantes. Le texte A’Ebn el Bei- thar et ce que nous avons parcouru de celui du Continent donnent presque toujours ET Khouz, mais parfois El Khouzy. Cette dernière forme compte pour un tiers dans la traduction latine de Razès. Chez Avicenneon lit ET Khouzyet El Kanzy, mais ici on ne sait pas si l'on a affaire à un qualificatif ou à un substantif. Chez Soueïdy on trouve toujours El Khouz. La traduction hébraïque des Simples de Sérapion donne toujours - El Khouzy. (1) Les traductions latines des deux Sérapion et (1) Xe 1187 du fonds hébreu, méconnu par le catalogue. 278 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. de Mesué donnent constammentiÆl Kanzi, d'où l’on pourrait conclure qu’elles ont été faites sur l’hébreu. Autre chose. La traduction latine de Razès présente quel- quefois dixerunt au lieu de dixit El Khuz, et le texte arabe légitime cette traduction. On lit pareillement chez Ebn el Beithar, et cela assez souvent, qualet, au lieu de qual, ce qui concorde avec la traduction de Razès. Ce fait, la forme do- minante El Khouz, l'absence d'indications caractéristiques d’un personnage sembleraient autoriser à voir dans El Khouz les doctrines de l’école de Djondisabour, située dans le Khou- zistan. Les citations portent partout sur la matière médicale, On voit apparaître quelques substances nouvelles, ainsi le Boull, Œgle marmelos; le Thabachir, concrétion du bam- bou, le Dioudar, le Guilandina bonduc, etc. Traductions du Persan, du Chaldéen et de l’Indien, Les Arabes ne s’adressèrent pas seulement à la littérature grecque, mais encore aux littératures de l'Orient. Si la mois- son fut moins riche sur ce nouveau terrain, elle eut cepen- dant son importance et mérite d’être signalée. Toutes les sciences profitèrent de ces emprunts, et particulièrement la médecine, les mathématiques et l’astronomie. Les relations rares jusqu'alors et peu connues de l’Orientavec l'Occident, prirent enfin de la consistance et, grâce aux Arabes, enrichi rent le domaine de la science. L'Inde et la Perse fournirent un contingent considérable à la médecine, aux mathémati- ques et à l'astronomie, et la Chaldée livra de curieux docu- ments sur l’histoire naturelle et l’agriculture des époques les plus reculées. Tous ces documents devaient bientôt pas- ser des mains des Arabes aux nations de l'Occident qui, jus- qu’alors, n'avaient guère connu de l'Orient que ses produits naturels. Nous ignorons si les traductions du chaldéen furent | provoquées ou spontanées. Quant à celles du persan et de l’indien on ne saurait dou- TRADUCTIONS DU PERSAN. 27 à ter qu’elles n'aient été encouragées. Les Barmécides ne pou- vaient oublier leur littérature nationale, et nous savons qu’Iahya ben Khaled envoya des émissaires dans l'Inde pour étudier les produits du pays et son histoire. Nous trouvons dans le Continent de Razès bien des cita- tions d'ouvrages persans: rien ne nous force à admettre que Razès les ait lus dans la langue originale et les ait traduits en arabe pour leur donner place dans le Continent: il y a donc présomption qu'ils avaient passé en arabe. TRADUCTIONS DU PERSAN. Les notions scientifiques de la Perse lui vinrent de deux sources, l'Orient et l'Occident, l'Inde et la Grèce. Nous n'avons pas à revenir sur la fondation de l’école de Djondisabour, sur la protection accordée à la science et aux savants grecs par Chosroës dit le Grand, sur les traductions qu'il fit opérer par Sergius, sur la connaissance qu'il avait lui-même de la philosophie grecque, au point qu’il possédait Aristote et que le Timéede Platon n’avait pas de secrets pour lui. Chosroës provoqua donc sous de plus petites proportions le travail entrepris plus tard par les Abbassides. (1) Quant aux Indiens, nous rappellerons Bourzouih et son voyage dans l'Inde, d'où il rapporta le cèlèbre roman de Ca- lila et Dimna; nous dirons aussi que Chosroës avait à sa cour des médecins de divers pays parmi lesquels on cite un In- dien. La science persane, alors qu’elle attira les regards des Arabes manquait donc d'originalité, car rien ne nous fait voir que les greffes étrangères aient pris en Perse le mer- veilleux et prompt développement qu’elles prirent chez les Arabes. Puisant aux mêmes sources que les Persans et plus larg'e- ment, les Arabes ne leur firent nécessairement que de faibles emprunts. (1) Voyez Agathias. Nous rappellerons tout à l’heure ces traduc- tions en parlant d'Ebn el Mocaffa, R80 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. Nous avons bien les noms d’un certain nombre-de traduc- teurs du persan en arabe, mais nous n’avons que des rensei- gnements très bornés sur les ouvrages qu'ils firent passer d'une langue dans une autre. Traducteurs. ABDALLAH BEN MOCAFFA, Le plus célèbre est Abdallah ben Mocaffa, qui vivait du temps d'El Mansour. Persan d’origine et de religion, il se convertit à l’Islamisme. On lit dans le Fihrist qu’ancienne- ment les Persans avaient traduit des ouvrages de logique et de médecine, et que ces ouvrages furent traduits en arabe par Ebn el Mocaffa. Nous ignorons si ces traductions portè- rent en partie sur les écrits qu’Ebn el Mocaffa fit passer du _ persan en arabe et qui sont: les Catégories d’Aristote, les Analytiques, l’Interprétation, l’Introduction ou Isagoge de Porphyre. On sait qu’il traduisit aussi Calila et Dimna. Il composa aussi des écrits qui ne rentrent pas dans notre su- jet. Ce qui nous paraît attester la traduction d'ouvrages de médecine du persan en arabe, c’est le grand nombre de mots persans, surtout de matière médicale, qui sont restés dans la langue arabe, les uns conservés intégralement, les au- tres légèrement modifiés. Nous ne croyons pas que la part prise par les Arabes au commerce des drogues venues de l'Orient puisse rendre suffisamment compte de ces faits. Tels sont les autres noms de traducteurs donnés par le Fibrist. Les fils de Noubakht, Moussa et Yousef, qui traduisaient pour Daoud ben Abdallah ben Hamid. Ali ben Zeyad Ettemimy. Il traduisit de l’astronomie. El Hassen ben Sahl. Ahmed ben Iahya ben Djaber El Beladory. Ben Salem el Kateb. Ishaq ben Jézid. Il traduisit l'Zkhtiar Nameh. TRADUCTIONS DE L'INDIEN ET DU CHALDÉEN. ?81 Mohammed ben Eddjahem el Barmeky. Hecham ben Cassem. Moussa ben Issa el Kourdy. Dadouïh ben Chahrya d’Ispahan. Mohammed ben Bahram ben Mathiar d'Ispahan. Bahram ben Mordanchah. Omar benel Farhan. Nous trouvons plusieurs fois cité chez les écrivains arabes un médecin de Herât, Ebn Hazardar el Haraouy. Le Continent de Razès parle aussi quelquefois d’un compen- dium persan, ou d’un auteur persan, Kounnach el farsy. TRADUCTIONS DE L'INDIEN. Ces traductions furent beaucoup plus importantes que cel- les du persan, aussi avons-nous cru devoir consacrer un ar- ticle spécial à la médecine des Indiens, autant qu’elle se trouve représentée chez les Arabes. Nous connaissons les nomsde deux traducteurs de l’indien en arabe, Manka, médecin de Haroun Errachid, et Ebn . Dehh an attaché à l'hôpital des Barmécides. Les Indiens paraissent avoir fourni aux Arabes un contin- gent considérable de connaissances astronomiques. Le livre connu sous le nom de Send hend fut traduit dès l’année 773 par Mohammed ben Ibrahim el Fazary, et plus tard sous le règne de Mâmoun abrégé par Mohammed ben Moussa el Khouarezmy. On a prétendu que les Arabes devaient aux Indiens la connaissance de l'algèbre, opinion qui n’est pas celle de M. Sédillot. _ Dans la notice de Kanka, le Kitab el hokama parle aussi de traités de musique etd’arithmétique qui seraient parvenus des Indiens aux Arabes. TRADUCTIONS DU CHALDÉEN. * Ebn Ouahchya traduisit du Nabathéen en arabe plusieurs ouvrages, parmi lesquels le célêbre traité d'Agriculture Na- bathéenne dont nous parlerons plus loin. 282 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME, De la Médecine et des Médecins de l'Inde, Après les Grecs, ce sont les Indiens qui apportèrent le plus fort contingent de connaissances médicales aux Arabes, On peut même dire que leur apport, après celui des Grecs, est le seul sur lequel nous ayons des renseignements étendus et précis. La supériorité des Grecs n’empêcha pas les Arabes de s’a- dresser aux Indiens, et le cas qu’ils en firent est attesté par les nombreux emprunts consignés dans le Continent de Razès, dans Thabary, dans Ebn el Beithar, dans Sérapion, etc.,, mais surtout dans le Continent. Ces fragments réunis pourraient déjà nous donner une idée suffisante de la méde- cine indienne. Les Arabes ne pouvaient rester étrangers à la médecine des Indiens. Dès la plus haute antiquité, bon nombre d’aro- mates et de médicaments arrivaient de l'Inde à l'Occident. Les Arabes comptaient parmi les agents de leur transport, et le bénéfice que leur rapportait ce commerce leur fit une réputation de richesse exagérée, en même temps qu'ils pas- sèrent souvent pour producteurs tandis qu’ils n'étaient que courtiers. On dit que Harets ben Kaladah poussa jusque dans l’Inde ses excursions. Plus tard Iahya ben Khaled le Barmécide envoya dans l’Inde un émissaire chargé d’en étudier les médicaments. Ce fut peut être à la suite de cette mission que des médecins indiens vinrent se fixer à la cour de Bagdad. Les relations entre les Arabes et les Indiens devaient bientôt devenir plus intimes et plus fréquentes à la faveur des événements politiques. Nous verrons plus tard Abour- rihan el Birouny faire de l’Inde l’objet de ses explorations. Quant à la médecine indienne, ses origines sont encore DE LA MÉDECINE ET DES MÉDECINS DE L'INDE. 283 peu connues. Ce qui nous importe ici c’est de constater qu’a- vant l'éducation scientifique des Arabes, les Indiens possé- daient sur la médecine de nombreux ouvrages que les Ara- bes ne crurent pas devoir négliger alors même qu'ils étaient en possession de ceux des Grecs. Déjà quelques savants se sont occupés de la médecine in- dienne. On peut lire, dans les Analecta de Dietz, le dépouil- lement d’une centaine d'ouvrages de médecine dont l’ensem- ble accuse déjà une science constituée. Malheureusement l’époque de ces monuments est incertaine. Il est cependant permis de croire que la médecine des Indiens, aussi bien que leur littérature, remonte à une haute antiquité. Les tradi- tions médicales, chez les Indiens aussi bien que chez les Grecs, serattachentaux plusancienssouvenirsmythologiques, En France les origines de la médecine indienne n'ont en- core été étudiées que par MM. Briau et Liétard. 1l nous a semblé que l’exhibition des fragments de médecine indienne que nous trouvons chez les Arabes pourrait être un utile complément à ces études. Ces fragments seront encore une date et auront ainsi leur utilité, car il paraît que les docu- ments sanscrits ont pour cachet une absence complète de données chronologiques. A côté des questions de fait, les origines de la médecine indienne soulèvent des questions de doctrines auxquelles _ les Arabes ont touché et que nous devons relater. L’ancienneté de la médecine indienne, ses analogies avec la médecine grecque et certaines traditions autorisent à po- ser cette question : quelle est la plus ancienne de la science grecque ou de la science indienne, et l’une d’elles procède- t-elle de l’autre ? Sans avoir la prétention de résoudre cette question, nous ne pouvons la passer sous silence. Les Arabes s’en étant déjà préoccupés, ce sera notre excuse de l’avoir posée. A propos des origines de la médecine, Ebn Abi Ossaïbiah rapporte ce qui suit: « Abou Soleiman rapporte qu'il tient d’Ebn Ady que les Indiens possèdent des sciences sublimes touchant la philosophie et il pensait que la scienceavait été transmise par eux aux Grecs. » 284 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. Une anecdote curieuse nous a été conservée. Ibrahim ben Mahdy tomba en léthargie. Le nestorien Djabril le crut mort. L'Indien Saleh ben Bahla le rappela à la vie par un sternutatoire, disent les uns, par l'implantation d’une ai- guille sous l’ongle, disent les autres. Haroun Errachid était présent. Prince des Croyants, lui dit Djafar, Djabril suit la médecine des Grecs, et Saleh celle des Indiens. Un fait non moins curieux se lit dans l’ouvrag'e d’Abou Mansour Mouaffeq ben Ali, édité par M. Séligmann. La théorie des éléments se produit chez les Indiens aussi bien que chez les Grecs, avec de légères différences. Comparant les doctrines des uns avec celles des autres, Abou Mansour s'exprime ainsi: « L’humide et le sec procèdent du chaud et du froid. Or, comme l'effet ne saurait être supérieur à sa cause, les médecins grecs se trompent en admettant qu’un médicament peut être chaud au premier degré et sec au se- cond. Les Indiens pensent autrementet je suis de leur avis. » Si les Grecs eurent quelques notions sur la médecine des Indiens, ainsi que nous le voyons dans Strabon, les Indiens aussi connurent les Grecs, et nous verrons bientôt à l’article Sandjahal qu’un livre indien fut écrit sur les différences qui existent entre la médecine des Indiens et celle des Grecs. Entre tous les médecins de l’Inde, il en est quatre que nous trouvons particulièrement cités par Razès, Ebn Beithar et Sérapion le jeune, et il est à remarquer que l’on en trouve rarement la trace ailleurs. Ce sont Sendahchar, Quolhoman, Charak et Athra. ; Nous trouvons de plus chez Razès des citations fréquentes d'ouvrages anonymes. En dehors de ces citations, quelques autres noms nous ont été conservés par les historiens. Nous commencerons par les premiers. SENDAHCHAR. Que ce nom soit celui d’un livre ou d’un homme, c’est ainsi que nous avons cru devoir le lire d’après l’ensemble des documents que nous avons eus à notre disposition, Dietz DE LA MÉDECINE ET DES MÉDECINS DE L'INDE. 289 et Wüstenfeld ont adopté la lecture Sendhichän, d'après Ebn Abi Ossaïbiah seulement. Razès lui fait de fréquents emprunts. Nous en citerons quelques-uns. L'aloës est l’évacuant de l’atrabile. La preuve d’un vomissement salutaire est quand il se ter- mine par une émission de bile. Les vomitifs sont avantageux dans l’incontinence d'urine. Contre les angines, administrer l’eau chaude et contre le hoquet l’eau salée. Les vers intestinaux sont annoncés par des accès de fiè- vres erratiques, de la pâleur, des palpitations et quelquefois de la céphalalgie. | L'usage du coco est salutaire dans les affections de la ves- sie. | Dans Ebn Beithar on trouve cités le Riz, le Lycium, le Mungo, la Banane, l’Acore, etc. CHARAK. C’est l’auteur indien le plus fréquemment cité par Razès. Nous reproduirons quelques citations. Si les aliments se digèrent mal, si l'estomac est lourd, sa- chez qu'il y a là un afflux de pituite : faites vomir avec une décoction de noix vomique, de moutarde et de poivre long. Contre le tic facial, employer les sternutatoires. Contre le hoquet, faire des affusions froides sur l’estomac. Contre les calculs, administrer une préparation composée L de graines de melon, de carthame, de safran et de litho- spermon. Charak donne le mode de préparation du suc de Lycium. Il dit la noix métel tonique à la dose d’un mitsqual ; et la traduction latine s’est trompée en rendant par hermodactyle. Le nom de Charak est parfois écrit de manière à pouvoir se lire Susrud, mais dans la majorité des cas son nom est parfaitement lisible. Dietz a mentionné dans ses Analecta plusieurs ouvrages de Charaka. Il cite entre autres un livre intitulé: Charaka 286 HISTOIRE DE IA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. sanhita, qui n’a pas moins de 480 feuilles, etqui contiendrait l’œuvre entière de Charaka. (1) Nous pensons qu’il faut distinguer Charak de Chanak, dont nous parlerons tout à l’heure. QUOLHOMAN. C’est aprèsCharak, l’indienle plusfréquemment cité par nos auteurs arabes. Nous avons en vain cherché le nom de Quolhoman dans les Analecta de Dietz. Il conseille l’ammi comme digestif, et le doronic comme carminatif. Dans l’hydropisie il donne l’urine de chameau et l’emblic. Pour accélérer l’accouchement il prescrit des fumigations avec le Costus. Ebn Beithar le cite à propos du Guilandina bonducella, - du Basilic, du Costus, du Musc, de la Banane. ATHRA. C’est l’auteur le plus farement cité. Il conseille l'usage du lait dans la dysurie, Il décrit la manière dont il faut s’y prendre pour adminis- trer les lavements. Nous pensons que cet auteur, qui est généralement cité avec l’épithète d’Indien, n’est pas différent de l’Athreyas, dont nous lisons la merveilleuse histoire dans les Analecta de Dietz. Athreyas aurait reçu d’Indra lui-même l’Ayurveda, ou la science de la vie, puis il aurait institué des écoles et formé des élèves qui recueillirent ses leçons. Elles furent ré- digées par Charaka, lequel vivait à l’époque où Vichnou existait sous la forme de poisson. Ces récits fabuleux attestent au moins la haute antiquité (1) Ebn Beithar ne donne que trois citations de Charak, A propos de l’emblic, Charak l’appélle le roi des médicaments, Li] DE LA MÉDECINE ET DES MÉDECINS DE L'INDE. 287 de la médecine chez les Indiens, et rappellent l’Apollon et l’'Esculape des Grecs. Nous mentionnerons aussi quelques emprunts faits à des ouvrages anonymes. | A propos du Cadi (Pandanus odoratissimus) nous trou- vons cité un livre des noms indiens, sans doute des noms techniques particuliers à la médecine. On sait, d’après Razès, que le Cadi était, chez les Indiens, le spécifique réputé in- faillible de la variole. Contre le hoquet nous voyons recommandées les onctions sur l’épigastre avec le Castoreum. Contre l’hémorrhagie on applique la poudre d’os de sèche. Contre les calculs administrer la myrrhe. Contre la diarrhée, chez les enfants, donner de la présure de lièvre: à ceux qui pissent au lit donner de l'extrait de feuilles de cyprès. Pour compléter nos renseignements sur la médecine des Indiens nous allons maintenant céder la parole à Ebn Abi Ossaïbiah. KATKA OÙ KANKA. Îl compte au premier rang parmi les plus anciens et les _ plus éminents médecins de l'Inde. IL connaissait la méde- _ cime et les médicaments tant indigènes qu’exotiques. C'était un des hommes qui connaissaient le mieux l'univers, la disposition des sphères et les mouvements des. astres. Abou Machar le dit un des plus grands astronomes de l'Inde. Tels sont ses écrits : Le Nemouzar, traité sur les âges; le Secret des naissances ; le grand et le petit Livre des conjorctions ; Compendium de médecine; Livre du jugement ; Livre des origines du monde. — (On trouve aussi dans le Kitab el ho- — kamaune notice sur Kanka, reproduite par M. Sédillot.) SANDJAHAT.. …. Ce fut un des médécins de l’Inde les plüs savants et les _ plus habiles eten même temps umgranid astronome. Il a 208 HISTOIRE DELA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. L écrit un grand livre sur les naissances. Quelques-uns pré- tendent que le nom de Sandjahal est un nom collectif qui représenterait différents auteurs ayant écrit sur la méde- cine et sur d’autres sujets, tels que Bakhar, Daker, Djabhar, Rahak, Ankar, Andi, Sakah, Djari. C’étaient des savants qui cultivaient en même temps la philosophie, la médecine et l'astronomie. Les Indiens recueillirent leurs écrits et on en à traduit beaucoup en arabe. C'est ainsi que j'ai trouvé dans le Haouy de Razès et dans d’autres ouvrages, des em- prunts faits aux auteurs indiens, notamment au livre de Chirak (Charak), qui fut traduit du persan en arabe par Abdallah ben Ali, après avoir été traduit de l’indien. J'en ai trouvé d’autres faits au livre de Susrud, qui traite des ma- ladies et de leurs remèdes, livre qui fut traduit par ordre d’'Iahya ben Khaled. {1) Parmi les œuvres de Sandjahal sont: Le livre del’Idan ou Nidan, qui expose les caractères de 404 maladies sans indication de traitement; le livre de Sendhi- chan et son commentaire; le livre du pronostic ?; le livre _ des divergences entre les médecins de l’Inde et ceux de la Grèce, sur la chaleur et le froid, les propriétés des médica- ments et les saisons de l’année; un commentaire sur les mé- dicaments les plus usités; le livre du traitement des femmes enceintes suivant les Indiens ; le livre de Roussa l’Indienne sur les maladies des femmes; le livre du sucre suivant les Indiens ;. le livre de Ray l’Indien, sur les serpents et leurs venins; le livre du diagnostic des maladies par Abou Kahil ; le livre de Noufassal, comprenant cent maladies avec leurs remèdes. CHANAK. C'était un médecin habile et expérimenté. Îl entendait éga- lement les sciences ct la philosophie et avait du renom comme astronome. Les grâces de sa parole le faisaient re- chercher par les souverains de l’Inde. Il composa plusieurs ouvrages: Traité des poisons en cinq parties, traduit de l’in- (1) D’après le Fihrist, Manka fut l’auteur de cette traduction, £ Me Te d. hd ne es - 2h nu DO UNS Aé S REA DE LA MÉDECINE ET DES MÉDECINS DE L INDE. 289 dien en persan par Manka, sous la direction d’Abou Hatsem pour Iahya ben Khaled le Barmécide, et plus tard pour Mâmoun sous la direction d’Abbas ben Saïd eddjouhary, qui fut chargé delelire au Khalife (traduction mentionnée aussi par Hadji Khalfa); le livre de l’art vétérinaire (traduction citée aussi par Hadji Khalfa); traité d'astronomie ; le choix des perles, ouvrage composé pour un roi de l'Inde. DJOUDER. Il occupait une place distinguée parmi les savants et les . médecins indiens. Il excellait non-seulement dans la méde- cine, mais aussi dans la connaissance des ouvrages de phi- losophie. IL composa un livre sur les naissances, qui fut traduit en arabe. Tel est le récit d’Ebn Abi Ossaïbiah. On trouve de plus dans le Fihrist la mention de deux tra- ductions opérées par Ebn Dehhan, d'ouvrages dont les titres ne nous apprennent rien sur leur contenu. Nous en finirons avec les médecins indiens par la notice de deux médecins contemporains de l’époquedes traductions et qui contribuèrent chacun de son côté à propager la mé- decine indienne chez les Arabes. SALEH BEN BAHLA. Il était venu de l’Inde, versé dans la médecine de son pays, et passait pour habile dans le pronostic. Il vivait dans l'Irak à l’époque de Haroun Errachid, et ce qui le mit en réputation ce fut la cure d’Ibrahim, oncle du Khalife. Ibrahim était tombé dans une léthargie telle qu’on le croyait mort. Saleh fut aussi appelé en consultation. Ayant fait pénétrer une aiguille sous l’ongle d’un doigt de la main gauche, Ibrahim retira aussitôt la main. Crois-tu, Prince desCroyants, dit Saleh à Haroun qui était présent, qu’un mort sente ainsi? Ibrahim sortit aussitôt de sa léthargie, disant avoir rêvé qu'un chien lui mordait le doigt. Ce faita été raconté au- trement et on a dit que le moyen employé par Saleh était un sternutatoire. 19 290 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. MANKA. Nous avons déjà cité son nom parmi les traducteurs de l’indien, et nous avons cité notamment sa traduction du li- vre des poisons de Chanak et le livre de Susroud. Nous ajouterons qu’il fut aussi attaché comme médecin à la personne du Khalife Haroun Errachid. Il travaillait aussi pour Ishaq ben Soleiman, auquel il dédia une synonymie des médicaments indiens. À propos de la médecine indienne et comme complément de l’histoire des sciences au IX: siècle, nous rappellerons ici que les Arabes firent d’autres emprunts à la science indienne. Non-seulement ils lui empruntèrent un système de numéra- tion, mais c’est encore une question débattue de nos jours de savoir jusqu’à quel point ils leur sont redevables de leurs connaissances en algèbre, qu'ils tinrent d'autre part des Grecs, ce qu’atteste la traduction de Diophante et les tradi- - tions arabes. Nous ne pouvons nous engager dans une dis- cussion où les spécialistes ne s'accordent pas, mais nous rappellerons que Wallis, cité par Montucla, fait observer que les Arabes ont adopté dans leurs dénominations des puissances un système différent de celui de Diophante, opinion réfutée par M. Sédillot, Matériaux, etc., 369. On peut aussi consulter les travaux récents de Wæpcke publiés dans le Journal asiatique. Troisième Parme. — LES DERNIERS MÉDECINS. Nous entendons par là ceux qui, généralement, ne précé- dèrent pas le mouvement des traductions, ou n'y prirent qu'une faible part. . I. — Médecins de premier ordre. LES THABARY. Thabary le père ou Rabban Etthabary. Sahl, israélite, né dans le Thabaristan, en reçut le sur- LES DERNIERS MÉDECINS. 291 nom de Thabary. Ses mérites lui valurent aussi, dit son fils, le surnom de Rabban, ce qui veutdire: notre excellent, notre maître. Les noms de Rabb, Rabban ou Rabbin, dit le Kitab el hokama, se donnent à ceux qui excellent dans la juris- prudence des juifs. Il est généralement connu sous le nom de Rabban Etthabary, que l’on écrit aussi vicieusement Zein Etthabary. Il se forma dans la pratique de la médecine, dit encore son fils, d’après l’exemple de ses ancêtres. Après avoir habité le Thabaristan, il vint dans l’Irag et se fixa à _ Sorrmenra. Rabban Etthabary s’occupa non-seulement de médecine, | mais encore de mathématiques, d'astronomie et de philoso- phie. De plus il fit des traductions. 3 Abou Machar, vulgairement Albumasar, dit qu'il a vu _ dans la traduction de l’Almageste, faite par Rabban Ettha- _ bary, un passage sur la réflexion des rayons lumineux, que _ l'on ne rencontre pas dans les traductions d'El Kendy, de . Tsabet ben Corra et de Honein. Ceci indique une traduction ._ en arabe et probablement d’après le syriaque, qu'il lui était . plus facile de savoir que le grec. C’est là tout ce que nous . savons des traductions de Thabary. Nous ignorons d’après _ quelles autorités Wüstenfeld a pu dire que ces traductions . étaient faites d’après l’hébreu, et Carmoly qu’il traduisit … une foule d'ouvrages. Rien ne nous autorise à admettre qu'il . y eut alors des ouvrages de médecine en hébreu, malgré » que nous ayons déjà constaté l’existence de quelques méde- cins juifs: | + On rencontre dans le Continent de Razès des citations de —_ Thabary, sous des formes diverses, mais il est assez difficile è . de dire Ce qui peut appartenir au père et ce qui appartient - au fils. Si l’on nous parle des traductions de Thabary le père, - on ne nous donne le titre d'aucun livre qu’il aurait pu écrire. d _ On rencontre aussi, dans les Simples d’Ebn el Beithar, en- {« viron soixante-dix citations, qui pourraient être de Thabary L \! 202 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. ALI BEN RABBAN ETTIHABARY. Aboul Hassan Ali fils de Rabban Etthabary naquit dans le Thabaristan, où il fit ses études et exerça la médecine. Une guerre l’en fit sortir et il vint se fixer à Rey. Là, il eut l'honneur de former un éminent élève dans la personne de Razès. Il compta aussi parmi ses disciples Ebn el Aïn Zerby. Plus tard il vint se fixer à Sorrmenra, où il commença le Firdous el hil:ma, qu’il acheva la troisième année du règne de Moutaouakkel, c’est-à-dire en l’année 850. Il avait d’abord été secrétaire de Maziar ben Khacan. S'é- tant converti à l’islamisme, le Khalife Motassem le prit en considération et l’admit dans son intimité. C’est la première des conversions du judaïsme à l’islamisme que nous ayons à constater : nous en verrons bien d’autres. Il arrive quelque- fois que les historiens ajoutent à propos de ces conversions : et ce fut une conversion solide. On ne nous dit rien de celle de Thabary le jeune. Ali ben Rabban a laissé plusieurs écrits dont telle est la nomenclature : Le Paradis de sagesse, Ferdous el hikma, traité de méde- cine. Les avantages du don. Le cadeau des rois. Des pandectes. Del’emploi des aliments, des boissons et des médicaments. De la conservation de la santé. C’est sans doute par inad- vertance que Wüstenfeld traduit: Liber de custodia veri. Nous parlerons tout à l’heure de ce livre. Livre des charmes. Livre des ventouses. De la classification des médicaments. Le Paradis de sagesse existe au musée britannique sous. le n° 445. Le catalogue donne longuement le contenu du li. vre, qui se divise en sept parties. Nous allons en donner un. aperçu. LES DERNIERS MÉDECINS. 203 I. Cette partie traite des éléments, de leurs transforma- tions, de l’existence, de la corruption, etc., en un mot, des généralités de la science. A propos des éléments, nous trou- vons un paragraphe traitant ce sujet: Réponse à ceux qui prétendent qu’il y a cinq éléments. Ceci ne doit pas nous étonner. Thabary était versé dans la médecine indienne, et l’on sait que les Indiens admettaient un cinquième élément. Il. De la génération, des tempéraments, des organes, de l'esprit, des passions, de l'hygiène, etc. III. Des aliments. IV. Pathologie et thérapeutique générales et particulières. V. Des propriétés des corps, des couleurs, de la fusion, de la combustion, de la putréfaction, de la végétation. VI. Propriétés des fruits, des légumes, des chairs, du lai- tage, des condiments, des odeurs, des simples, des animaux, des médicaments composés. VII. Des pays, des eaux, des vents; de la certitude de la médecine ; des astres ; de la science médicale ; du régime à l’état de santé ; des causes des maladies, etc. Nous trouvons au début de l’ouvrage quelques renseigne- ments sur Thabary le père. Il existe à la Bibliothèque Bodléienne, sous le n° 578, un ouvrage dont le titre annonce le contenu : De sanitate tuenda ac conservanda tractatus ex Indorum et Græcorum scriptis concinnatus, ubi potissimum de potu cibisque sanis disseri- tur. L'auteur est le Reys Abou Ali ben Rayan (qu'il faut rétablir ben Rabban). Ce livre est évidemment celui que nous avons rencontré au début de l’index bibliographique et sur lequel Wüstenfeld s’est mépris (page 159). Thabary paraît d’après les citations du Continent de Razès, avoir été versé dans la connaissance de la médecine indienne, et l'on trouve quelquefois cette citation : Thabary d’après les Indiens. On trouve aussi dans le Continent, et ici nous parlerons d’après l'original arabe, les citations formelles d’Ali ben Rabban, ce qui le distingue de son père. On trouve cité Thabary, dans la certitude de la médecine. 294 RISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME, SARAKHSY, Aboul Abbas Ahmed ben Thayeb Essarakhsy fut un dis- ciple d'El Kendy. Profondément versé dans les sciences antiques et dans celles des Arabes, disert et bon-écrivain, il avait, dit le Fihrist, et après lui ses copistes, plus de science que de jugement. D'abord précepteur de Motadhed, il devint son commensal et son intime. Le Khalife le consultait sur les affaires de l'Etat. Lui ayant un jour confié un secret inté- ressant des tiers, Sarakhsy le divulgua, et le Khalife le sacrifia à la vengeance de ses ennemis. Saraksy a laissé de nombreux écrits qui ‘attestent la va- riété et l'étendue de ses connaissances. Nous en donnerons la liste intégrale comme un indice de l’état où était arrivée la culture intellectuelle, même chez les écrivains de second ordre. Motadhed régnait de 892 à 902. Sarakhsy vécut donc toute la seconde moitié du neuvième siècle et sa vie se pro- _longea, comme nous l’apprenons, par un ses livres, de soixante à soixante-dix ans (1). Abrégé de l’Isagoge de Porphyre. Extrait des catégories d’Aristote. — de l'interprétation. — des analytiques. Livre de l’âme. Des sophistications et du commerce, grand et petit traité. On lit autrement dans le Fihrist édité par Fluegel. Récréations des esprits. Livre de jeux et d’amusements, dédié au Khalife. L'auteur avait soixante et un ans quand il composa cet soda: Grand et petit traité de politique. Introduction à l’étude des astres. Grand et petit traité de musique. Des routes et des royaumes. (C'était un traité de géogra- phie dans le genre de celui de Khordadbeh, qui porte le même titre.) (1) D'Herbelot donne pour la date de sa mort les années 276, 286 et 288 SL SE See Lo Sat ONE TN et PU MES OT VEN NORTRE RP er eee LP LES DERNIERS MÉDECINS, 205 De l’arithmétique et de l'algèbre. Introduction à l’art médical, où il combat Honein. Livre de questions. _ De l’excellence et des annales de Bagdad. De la coction ou des préparations par coction, à Motadhed. Provision du voyageur et service des rois. Livre des sociétés ou associations. Réponse à Tsabet ben Corra. De la lèpre et du vilitigo. De l'utilité des montagnes. Histoire de la secte des sabéens. _ Que les choses créées ne possèdent par elles-mêmes ni le mouvement ni le repos. De la nature du sommeil et des songes. De l’intellect. Du précepte de Pythagore (vers dorés). Propos de Socrate. De l’amour. Du froid des jours dits El adjouz (fin de l'hiver). Des étoiles nébuleuses ? De la divination. Du jeu des échecs. De l'éducation de l'âme, à Motadhed. De la différence du nahou des Arabes et de la logique. Des fondements de la philosophie. Des phénomènes atmosphériques. Réponse à Galien. Réponse à Ebn Maouih. De la coloration des cheveux. Que. les parties se divisent à l'infini. Des caractères de l’âme. De la vie de l’homme. Sur la dialectique, suivant la doctrine d’Aristote. On lit dans les Mines d’or de Maçoudy: « Ahmed ben Thayeb, l'ami d'El Motadhed Billah, composa pour ce prince un ouvrage sur le même sujet, et qui traite de l’histoire du . monde: il y est presque toujours en contradiction avec | L Khordadbeh, aussi je serais porté à croire que ce livre luia 296 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. été faussement attribué, car sa science était bien supérieure à une pareille œuvre. » Traduction de MM. Barbier de Mey- nard et Pavet de Courteille, IF, 72. On lit dans Kazouiny (IL. 261. Wüst.), un mot de Sarakhsy, qui accuse un grossier disciple d'Épicure. ISSA BEN MASSA. Nous avons peu de renseignements sur ce médecin. Ebn Abi Ossaïbiah lui donnant une place entre les Mésué et Honein, nous devons croire qu’il fut leur contemporain. (1) Ebn Beithar nous fournit quelques indications. Il le cite quelquefois sous la forme d’Issa el Basry et d'Ebn Massa el Basry. Nous devons en conclure qu’il naquit à Bassora. Nous apprenons de plus qu’il exerçait la médecine à l’hô- pital de Merou. Ainsi, à propos du Peganum harmala, nous - trouvons cette citation: Pour notre part, à l’hôpital de Merou, nous l’administrons pour évacuer l’atrabile et la pi- tuite. Il est excellent contre l’épilepsie. A l’article Nym- phœa, nous lisons : Il en existe à Merou une espèce ui a de la chaleur, de la pénétration et de la subtilité. Nous l’employons quand nous voulons provoquer la chaleur dans les affections froides, et nous nous en sommes bien trouvé. Il cite encore une espèce de melon particulière à Merou. Les citations d’Ebn Massa dans Ebn Beithar sont g'énérale- ment courtes, et ont trait aux médicaments aussi bien qu'aux aliments. Un seul article est étendu, celui relatif au miel. Le Kitab el hokama et Ebn Abi Ossaïbiah s'accordent à nous donner Ebn Massa comme un des bons médecins de son temps et un excellent praticien. Tels sont les ouvrages qu'ils lui attribuent : Des propriétés des aliments. (1) Nous lisons d'autre part, dans la vie d'Ibrahim ben Aioub el Abrach, une anecdote du temps de Motaouakkel, relative à Ibra- him, et rapportée d’après le récit d’Issa ben Massa qui en fat le témoin. LES DERNIERS MÉDECINS. 297 A qui n’a pas de médecin présent. Questions sur la génération. Cet opuscule de huit feuilles, que nous avons vu à l’Escurial, est plus théorique que pra- tique. Des causes pour lesquelles on ne médicamente pas les femmes enceintes. Du lever des astres. De la saignée et des scarifications. De l’emploi des bains. On trouve de plus cité dans le Continent de Razëès le livre du Régime. Il est encore question d’Issa ben Massa dans le Fihrist, qui ne mentionne que les deux premiers ouvrages. ALI BEN MOUSSA ERRIDHA. Bien que cet homme ait peu marqué dans l’histoire de la médecine, nous ne pouvons le passer sous silence, tant à cause de son importance politique, que par la preuve qu'il nous donne de la considération qui s’attachait alors à l’étude de la médecine. Ali était le huitième Imam, et nous avons déjà vu par l'exemple d’un de ses aïeux, Djafar Essadiq, que l'étude de la science était héréditaire dans sa famille. Il composa et dédia au Khalife El Mâmoun le Livre doré üe la médecine, mentionné par Hadji Khalfa sous le n° 6220, et dont la Bibliothèque de Florence possède encore un exem- plaire. Il écrivit aussi sur la médecine du Prophète. Ali était né en 770 de notre ère. On sait que les Alides, écartés du trône, avaient conservé la souveraineté morale et religieuse et comptaient de nembreux et dévoués partisans. Mâmoun vit dans ce fait un péril pour l'empire, et crut _ pouvoir le conjurer en associant Ali ben Moussa au trône. En l’année 816 il le déclara solennellement son successeur. Cependant les Abbassides étaient par trop nombreux. On se révolta et Bagdad élut pour autre Khalife son oncle Ibrahim. Mäâmoun et Ali marchèrent contre les rebelles. Mais, à 298 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. Tous, Ali mourut subitement, les uns disent d’une indig'es- tion de raisin, les autres de poison, l'accident ayant trop bien servi la cause des Abbassides. Ali n’en fut pas moins un objet de vénération. Enterré près de Tous, son tombeau devint un centre de population qui prit dès lors le nom de Mechhed Ali, ou simplement de Mechhed, c'est-à-dire lieu du martyre d’Ali, nom qu'il a conservé, et qui à fait oublier l’ancien; ce fut dès lors un lieu de pèlerinage plus vénéré même que celui de la Mekke. Ali mourut en 818. Le surnom d’Erridha, l’agréé, lui fut donné lors de son accession ou trône. ABOU HANIFA EDDINOURY. Abou Hanifa Ahmed ben Daoud fut surnommé Eddinoury du nom de sa patrie Dinaouer, localité de l’Iraq persique. Jusqu'à présent c’est le plus éminent botaniste de l'Orient et nous sommes étonné que l’historien de la médecine l'ait oublié. Nous savons très peu de chose sur son compte, malgré la considération qui s'attache à son nom. Aboulféda, qui l'appelle l’Auteur du Livre des Plantes, fixe la date de sa mort à l’année 282 de l’hégire, ou 895 de notre ère. Hadji Khalfa, outre cette date, donne celle de 290 et il a été suivi par D’Herbelot et Casiri. Nous trouvons quelques lignes sur son compte dans un Manuscrit de la Bibliothèque de Paris, n° 1022, supplément arabe. Ce manuscrit est un commentaire de l’Ardjouza d’Avicenne, et l’auteur complète son œuvre par une courte notice sur chacun des auteurs cités. Abou Hanifa, qu'il appelle aussi Abou Abdallah ben Ali el Achchâb, ou l’her- boriste, tiendrait le premier rang dans la connaissance des plantes etles propriétés des médicaments. Il aurait cons- tamment voyagé pour connaître leurs lieux de naissance et leurs noms. La date de sa mort est indéchiffrable. Hadji Khalfa lui attribue des traités sur la logique, les successions, l'algèbre, l'astronomie, un traité de la substance M SR SR FN TELE ENT MR TP OUT = ne pu 2 ns ot AE PES “ep LES DERNIERS MÉDECINS. 299 de l’univers, et enfin le Traité des Plantes qui nous inté- resse particulièrement. Casiri lui rapporte aussi un traité d'agriculture et d’art vétérinaire que M. de Sacy croit iden- tique avec le Traité des plantes, ce qui est douteux. C'est dans Ebn Beithar que nous pouvons apprécier le mérite d’Abou Hanifa. Nous y trouvons cent vingt citations. Il est également cité dans Sérapion le jeune. S'il manque dans le Continent de Razès, cela tient sans doute à ce qu’il fut, ainsi que nous allons le voir, plus botaniste encore que médecin. Il est quelquefois cité par Ebn el Aouâm. Dans Ebn Beïthar, tous les chapitres commencent par la description des plantes: et c’est toujours en tête que figure Abou Hanifa. Nous ne l'avons pas rencontré dans la partie thérapeutique proprement dite. Quelquefois il figure seul. Parmi ses citations, il en est une cinquantaine concernant des plantes nouvelles, inconnues des anciens, avec lesquels on ne lui reconnaît pas d’attaches apparentes. Ses articles portent le cachet de l'observation directe. Il a surtout observé dans l’Oman. Il a pris aussi des informa- tions notamment à Sorra. Parmi ses articles originaux nous citerons ceux relatifs à l’Arak, au Bétel, au Tamarin, au Séné, au Cadi, au Mahaleb, au Bananier, au Coco, à l’'Ouars (Memecylon tinctorium), etc. Il est à remarquer qu’il ne parle jamais que de plantes, et que son nom ne se rattache à aucun médicament des autres règnes. Il se préoccupe des synonymies, et il en donne souvent surtout tirées du persan. Parfois il est cité sous le nom d’Ahmed ben Daoud, ainsi aux articles Zerneb, Oucchar (Asclépiade), etc. D'après ce que nousavons dit d’Abou Hanifa, il semblerait qu’il y eût déjà en Orient un certain mouvement scientifi- que spontané, indépendant et antérieur à celui récemment provoqué par les Grecs, issu peut-être de Djondisabour. On le croirait d'autant plus volontiers que l’on voit aussi Abou —._ Hanifa citer à quatre reprises un de ses devanciers, un bota- — niste du nom d’'Abou Zeyad, une fois écrit Ebn Zeyad. Ce | 1 personnage serait peut être identique avec un certain Abou —._ Abdallah Mohammed ben Zeyad ben el Arabi, cité par — Hadji Khalfa comme un polygraphe, et quelquefois aussi 300 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. par Ebn Beithar. Nous trouvons une fois dans Abou Hanifa la qualification d'El Araby. Dans Ebn Beithar les citations ont plutôt trait à des questions de synonymie qu’à des des- criptions, ce qui convient bien à un polygraphe. Quoi qu’il en soit, nous relèverons un mot d'Abou Hanifa, à propos du mélilot. Il dit l'avoir vu dans l'Irak, où les Na- bathéens lui donnaient le nom de Handagouqua. Le nom de Nabathéens s'était donc encore conservé. Relevons aussi un autre fait relatif au fameux Perséa, dont les Arabes ont fait le Lebakh. Abou Hanifa dit avoir appris d’un homme sûr qu'aux environs d'Encina, dans le Saïd, il en existait encore quelques échantillons. Abou Naïm Ali ben Hassan Basry, suivant Hadji Khalfa, releva les fautes du livre d’Abou Hanifa, et le célèbre Abdellatif en rédigea un abrégé. Abou Hanifa cultiva aussi l'astronomie et à ce sujet on trouve de curieux détails dans un travail de M. Caussin, Notices et extraits, tome XII. En 335 de l’hégire on montrait à Dinaouer la maison sur laquelle on l’avait vu observer les astres. Il laissa un écrit sur les constellations. R° Quelques Médecins de second ordre. Parmi les médecins dont les noms nous ont été conservés, il en est quelques-uns qui n’ont pas de valeur scientifique, mais auxquels se rattachent certains faits à divers titres in- téressants. Nous avons cru devoir leur consacrer une notice sommaire. DJABRIL OÙ GABRIEL, OCULISTE DE MAMOUN,. Rien ne prouve que Djabril appartenait à la famille des Bakhtichou. C'était l’oculiste de Mâmoun qui l’aimait à cause de la légèreté de sa main, et lui faisait une solde de nille drachmes par mois. Djabril pénétrait le premier cha- QUELQUES MÉDECINS DE SECOND ORDRE. 301 que matin auprès du Khalife et prenait soin de ses yeux. Son indiscrétion lui valut une disgrâce. Comme on lui de- mandait un jour ce que faisait Mâmoun, il répondit qu’il dormait. Le Khalife en fut piqué et lui dit qu'il l'avait pris comme oculiste et non comme nouvelliste. La pension de Djabril fut réduite à cinquante écus. MOUSSA BEX ISRAÏL, DE KOUFA. C'était, dit-on, un médecin de valeur moyenne, mais versé dans la littérature et l'astronomie. Il fut attaché au service d’Ibrahim ben el Mahdy. Né en 129 de l’hégire, il mourut en 222 (826 de l'ère chrétienne). IBRAHIM BEN FEZZAROUN. Il accompagna dans l’Inde, en qualité de médecin, Gassan ben Abad. Il fit là quelques observations d'histoire natu- relle et recueillit des savants de l’Inde une étrange tradi- tion qui prouve tout au moins que l’on croyait alors la mer des Indes fermée. D’après cette tradition le fleuve indien et le Nil auraient une source commune, de laquelle chacun d’eux s’échapperait, l’un pour arroser l’Inde, et l’autre pour arroser le pays des Noirs et se jeter dans la mer de Roum. (Méditerranée). GALEB, MÉDECIN DE MOTHADED. _Galeb mourut en accompagnant à Amide le Khalife Mo- thaded. Il eut un fils du nom de Saïd, qui lui succéda dans la confiance du Khalife. IÉZID BEN IOUHANNA BEN KHALED. Il nous est donné comme un médecin savant et un excel- lent praticien. 11 fut attaché à la personne du Khalife el 302 HISTOIRE DELA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. Mäâmoun. Une cure l'avait déjà recommandé à l'attention de Haroun Errachid. Il futaussi en relations avec Ibrahim ben Mahdy. ABDOUS BEN IÉZID. Abdous paraît être le fils du précédent. On nous cite de lui la cure d’uneviolente colique par l’administration de cer- feuil, de fenouil, d'huile de ricin et d’hiera picra. Il paraît avoir joui d’une certaine considération, attendu qu’un ouvrage de sa composition, intitulé Mémorial de thé- rapeutique, estfréquemment cité dans le Continent de Razès. * Le Kitab elhokama le donne comme habile dans le diagnos- tic. IBRAHIM BEN AÏOUB EL ABRACH. C’est le fils du traducteur. Ayant traité avec succès Ismaïl, frère du Khalife Mouattaz, Quabidja mère du prince lui fit parvenir un cadeau de dix mille drachmes (une badra, somme réduite par d’autres à sept mille drachmes). Moutaou- - akkel en fit parvenir autant, et sa mère crut devoir faire un nouvel envoi. L’émulation se prolongea au point d’abou- tir à seize badra. Quabidja crüt alors devoir en finir. Si tu avais continué, dit Moutaouakkel, je continuais aussi, Ibrahim devint le médecin de Mouattaz. ABOU IAHYA EL MEROUAZY. C'était un Syrien, savant dans la dialectique et pratiquant avec éclat la médecine à Bagdad. Il eut pour élève Abou Bachar Mattaï. IOUSEF ESSAHIR. . On lui donne aussi le nom de Iousef el Qass, c’est-à-dire Joseph le-prêtre. C'était un chrétien prêtre et médecin: ET D ET RE Er te D AE É A il ANE RE el à œ QUELQUES MÉDECINS DE SECOND ORDRE. . 303 Quant au nom de Sahir il signifie le veilleur, et ce nom lui fut donné parce qu’il passait la majeure partie de la nuit à travailler. On dit aussi que la cause de son insomnie était un cancer de la tête, et qu’en examinant ses écrits On y dé- couvre qu’il devait être affecté de cette maladie. Il vivait du temps du Khalife el Moctafy et composa des Pandectes ou Kounnach assez fréquemment citées dans le Continent de Razès. On lit parfois dans la traduction latine du Haouy: Esseher id est vigilans, sive vigilator. EBN EL KORNIB. Abou Ahmed el Hossein ben Ishaq ben Ibrahim el Kateb, surnommé Ebn El Kornib, philosophe naturaliste, était très versé dans les sciences naturelles des anciens. Il écrivit une réponse à Tsabet ben Corra sur les repos qui existent entre les battements des artères, et un traité des genres et des espèces. ISSA BEN ALI. Wüstenfeld a confondu ce médecin avec le célèbre oculiste arabe. Nous croyons devoir les distinguer. Voici d’abord ce qu’on lit dans le Fihrist : Issa ben Ali, élève de Honeïin, à composé un livre sur les avantages que l’on peut retirer des organes des animaux. Au huitième chapitre d'Ebn Abi Ossaïbiah, chapitre qui manque dans certains manuscrits, ainsi que l’a remarqué Wüstenfeld dans sa nomenclature, page 134, nous trouvons — une notice un peu plus détaillée, et qui se lit ainsi dans le - manuscrit de Paris: Issa ben Ali était un médecin distingué, —_ quis’occupa de philosophie et composa des ouvrages sur — cette matière. Il eut pour maître Honeïin ben Ishaq et fut un 1 de ses meilleurs élèves. IL a composé un ouvrage sur les FA utilités des animaux, et un sur les poisons. …. Nous devons dire que le manuscrit du Kitab el hokama, —… tel qu'il se trouve à la Bibliothèque de Paris, fait la même … confusion que Wüstenfeld, mais nous avons constaté des ré_ 304 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. pétitions et des confusions dans ce manuscrit, et nous pré- férons nous en rapporter au Fihrist et à Ebn Abi Ossaïbiah. D'autre part ce dernier nous donne, au chapitre dix, la biographie de l’oculiste sous le nom d’Ali ben Issa, et il ajoute qu’on ditaussi Issa ben Ali. Telle est peut-être la cause de la confusion: la communauté des noms. EL HALLADJY. lahya ben Abi Hakim el Halladjy, médecin du Khalife Motadhed, composa un traité du régime à suivre dans l’amai- grissement causé par le fait de la bile, et le dédia à ce prince. EBN MAHAN. Ebn Mahan Ilakoub Essirafy que nous plaçons à côté du précédent, à l'instar d'Ebn Abi Ossaïbiah, composa jun traité de médecine à l’usage des voyageurs et des sédentai- res. EBN ELLAHLADJ. Ebn Ellahladj vivait à l’époque du Khalife el Mansour, et quand ce Khalife accomplit le voyage de la ME il se fit accompagner par Ebn Ellahladj. Ebn Ellahladj est l’auteur d’un compendium plusieurs fois cité dans le Continent de Razès, notamment à propos des af- fections thoraciques. Ainsi que plusieursautres, ce nom est défiguré dans les traductions latines. IBRAHIM BEN EL MOHDY. L'illustre musicien cultivait aussi la médecine. Le Fibrist mentionne deux de ses écrits: un traité de la coction et un livre sur la médecine. À la suite d’Ibrahim, nous trouvons aussi une courte notice ALCHIMISTES. 309 littéraire sur le Khalife el Mâämoun et nous nous faisons un devoir de la signaler. Il nous est donné comme le Khalife le plus savant dans la jurisprudence, et nous trouvons de lui trois ouvrages ayant trait à la politique et à la religion. III. —— Les Alchimistes. Géber eut des disciples qui continuèrent à cultiver l’alchi- mie et firent eux-mêmes des élèves. ; Nous avons précédemment éclairci les origines de l’alchi-- mie chez les Arabes. Nous dirons aussi quelques mots de son état pendant le neuvième siècle. Cette période n’a pas mieux été connue que la précédente par ses historiens. Il y a dans le Fihrist un curieux chapitre sur cette ma- tière. Mohammed ben Ishagq y donne la liste des adeptes de- puis les temps les plus reculés, à partir d'Hermès, la nomen- clature des principaux écrits qui en traitent, enfin de cour- tes notices sur les Arabes qui s’y sont distingués. Dans la liste des adeptes, il y a malheusement beaucoup de noms altérés que nous ne pouvons restituer d’après un seul manuscrit. On peut cependant y reconnaître la plupart des noms qui figurent dans le manuscrit grec de Paris, n° - 2250, dont Lenglet-Dufresnoy, puis M. Hæfer ont reproduit - le passage. Quelques noms qui manquent se retrouvent plus loin à propos des écrits. La liste du Fihrist est aussi plus longue, presque du double, attendu qu’elle donne les pre- miers adeptes arabes. La nomenclature des écrits est plus explicite, et donne parfois quelques renseignements sur les auteurs. Ils sont au nombre d’une quarantaine. Nous en citerons quelques-uns : Deux livres de Dioscorus. Deux livres de Marie la Copte, un grand livre, et un autre où il est question de sa réunion avec les philosophes. _ Le livre du soufre rouge. Le livre d'Étienne. Le livre d'Eugenius. Le livre de la reine Cléopâtre. 306 HISTOIRE DE LA' MÉDEUINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. Le livre de la reine Balkis. Le livre de Serdjius de Ras el Aïn adressé à Kouïri, évêque d'Edesse. Le livre de ? adressé à l’empereur Adrien. Le grand et le petit livre d’Orus. Le livre du philosophe Théodore. Le livre d’Andria, d'Ephèse, à Nicéphore. Le livre de Démocrite. Le livre de Zosime. Le livre de Germanus, patriarche de Rome. Le livre de Sergius le moine. Le livre de Magnus le philosophe. Le livre de Bathernus. Le livre de Djamasb. (1) Trois élèves de Géber sont cités par le Fihrist. Ce sont : El Kharquy, Ebn Aïadh et Ikhmimy, ces deux derniers égyp- tiens. | : Parmi les auteurs cités, il en est d’une époque postérieure, tels que Razès lui-même, dont nous ne parlerons pas ici. On rapporte à Ebn Aïadh un livre intitulé Xitab el Afsäh, que d’autres attribuent à Aboul Abbas Ahmed ben Soleiman.. Otsman ben Souïd fut surnommé EI Ikhmimy, du nom de sa patrie Ikhmim, ville d'Egypte. C'était un alchimiste émi- nent, qui entretenait une correspondance avec Ebn Ouah- chiah. Il composa plusieurs ouvrages: Le livre du soufre rouge. Le livre de l'exposition. Lelivre des rectifications. Un autre des annotations. Un livre contre D’houlnoun. Un livre des instruments des anciens. Un livre de la dissolution et de la concrétion. Un livre de la sublimation et de la distillation, etc. D'houlnoun, dont il vient d’être question, était aussi d’Ikhmim. 11 fut disciple de l’Imam Malek, et fut appelé à (1) A propos de ces livres, l’auteur a soin de nous direqu'ilne « parle que de ceux qu’il a vus, ou sur lesquels il a reçu des rensei= gnements sûrs, ALCHIMISTES ET NATURALISTES. 307 Bagdad par le Khalife Moutaouakkel. C'était un homme pieux, pratiquant la médecine et l’alchimie. On le considère comme le chef des Soufis. Il laissa des écrits sur l’alchimie dont il existe encore des exemplaires dans nos bibliothèques. É Abou Karan était un alchimiste ayant foi dans son ari, dit le Fihrist, et considéré par les adeptes. Il commenta le __ Traité de la miséricorde de Géber, et composa plusieurs ou- _ vrages, entre autresun traité du pouls. Étienne le moine, de Mossoul, écrivit plusieurs ouvrages de chimie qui ne parurent qu'après sa mort. _ … Aboubekr Ali ben Mohammed el Alaouy, du Khorassan, L. voyagea pour se mettre à l’abri de la persécution. IL écrivit _ plusieurs livres sur l’alchimie. _ Mohammed ben lézid surnommé Dinas écrivit un livresur _ la préparation des teintures et de l'encre. Passons sur Aboul Abbas Ahmed ben Soleiman, Ishaq ben _ Nasir, Abou Djafar Mohammed ben Ali, et finissons par _ Aboul Hassen Ahmed el Hachalil. Ce dernier était un ami _ de l’auteur du Fibrist. Il avait foi dans son art, dit Moham- _ med ben Ishag, mais je ne m’en suis pas aperçu, car je l'ai . toujours vu pauvre et malpropre. IV. — Naturalistes. . Abou Bekr Ahmed ben Ali ben Kis, dit Ebn Ouahchyah, . futaussi l’un des coryphées de la science hermétique. M. Quatremère ne s’en est pas douté, car il cite comme une cu- _ riosité un traité de magie nabathéenne traduit par EbnOuab- _ chiah, et mentionné par Hadji Khalfa. _ Le célèbre chaldéen cultiva tout ce qui touche au mer- _ veilleux, les secrets, les charmes, l'astrologie, la prestidigi- | tation, de même que l’alchimie. Nous nous abstiendrons de |. citertous les livres que lui attribue le Fihrist, et qui se mon- tent à une vingtaine. …. Nous en citerons seulement quelques-uns d’un ordre plus _ élevé: “ Du culte des idoles chez les Chaldéens. ME ol RCE LT PONT 308 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. De la vie et de la mort et du traitement des maladies, par Raoutha ben Samouthan le chaldéen, traduit par Ebn Ouahchiah. Traité des poisons, qui est aussi une traduction. Traité des médicaments, suivant les Nabathéens. Traité des sacrifices. Ce qui recommande Ebn Ouahchiah, c’est la traduction du célèbre traité d'Agriculture nabathéenne, L'Agriculture Nabathéenne. Tout n’est pas encore dit sur l'Agriculture nabathéenue, après les travaux de savants orientalistes français et étran- gers, en tête desquels il faut placer M. Quatremère. Malheu reusement les Manuscrits sont rares, ce qui en rend l'étude difficile, et cependant une étude sérieuse et complète de ce curieux monument serait du plus grand intérêt, non seule- ment pour l’agriculture et les sciences naturelles, mais en- core pour la philologie, l’ethnographie et l’histoire. L’exhu- mation des caractères cunéiformes lui donnerait encore un intérêt de plus. Jusqu'à présent nous n’avons pu consulter que les manus- crits de Paris. Il n’en existe à proprement parler que deux, lesautres n’étant que des imitations. Nous y reviendrons. Le premier, n° 882, supplément arabe, nous est donné comme un abrégé et ne contient qu’une centaine de pages. Tout ce que nousen dirons, c’est qu’il est aussi une imitation plutôt qu’un abrégé. Le n° 913, ancien fonds, est Le texte même de l’Agriculture nabathéenne, mais il ne comprend que deux livres sur neuf, le deuxième et le troisième : encore a-t-il une lacune d’une cinquantaine de pages. Il contient trois cents feuilles. Ebn Ouahchiah n'eut pas le temps de mettre la dernière main à son œuvre. C’est ce qui résulte surtout de ce qu'on lit à la feuille 285, verso. Par disposition testamentaire, il chargea de sa mise au net Abou Thaleb Ahmed ben el Hossein ben Ali ben Ahmed ben Mohammed ben Abd el Malek Ezzeyât, à qui sa veuve remit le manuscrit dans un LE ST DR rc nd RD CR ER ORE Er a Res cs L'AGRICULTURE NAPBATHÉENNF. 309 certain désordre. fl y avait notamment des blancs, ainsi à l'article de la vigne vingt pagesrestaient en blanc. L'éditeur se demande si l'original était tel, ou si le traducteur recula devant l’article consacré au vin, car il passait pour être affilié à la secte des Soufis. La langue dans laquelle était écrit le traité d'Agriculture est dite tantôt nabathéenne, tantôt chaldéenne ; mais on fait observer que les Nabathéens occupaient le territoire de Babylone avant les Chaldéens. Koutsami est l’auteur du livre; mais la composition primitive est comme noyée dans une foule de suppléments empruntés à divers auteurs subséquents, ou introduits par le traducteur lui-même, Ebn Ouahchiah, qui prend sou- vent la parole en son propre nom. Il y a un article sur le Rh. Ribes, que l'éditeur croit avoir été surajouté. Les auteurs qui ont le plus ajouté à l’œuvre primitive de Koutsami sont Sagrit et Iambouchad. Celui-ci, le dernier venu, était antérieur à Abraham. On invoque aussi le témoignage d'Adam, de Seth et d'Hénoch. On cite mème comme antérieur à Adam, et comme ayant écrit sur l’agriculture Douaïabi, le Prince des sages, qui aurait adressé son livre au syrien Merdaïad. Viennent ensuite Thamiry le chananéen, Machy ennahry qui écrivit un livre adressé à Thamiry, Machy le syrien, . Kamach ennahry, Rouahtha le médecin. Les Nabathéens nous sont donnés comme versés plus que tous les autres peuples dans la connaissance des plantes. Il est un fait qui semblerait infirmer l'antiquité de l’Agri- culture nabathéenne, c’est que les qualités élémentaires des plantes sont données, mème dans les livres attribués à Adam, au point de vue de la chaleur, du froid, de l’humidi- té et de la sécheresse. Mais ne peut-on pas admettre que la théorie des éléments précéda la science des Grecs, qui, du reste, vinrent de bonne heure en Orient puiser une partie de leur science. Nous avons vu d’ailleurs les Indiens en posses- sion de la théorie des éléments. L'agriculture était aussi en honneur, et dans le II* livre 310 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. nous rencontrons une éloquenteinvective contre les fainéants de toutes les religions, qui, méprisant le monde, se retirent dans la solitude. Dieu, est-il dit, veut quela terre soit cultivée et qu’elle favorise ainsi la propagation de l’espèce humaine. Néglicer l’agriculture, c’est ouvrir la porte au mal et à la corruption, Le corps a besoin d'aliments et d'habitation, et la meilleure occupation de l’esprit est la recherche de ces choses. Pour cela le laboureur fatigue et sue, tandis que ces imposteurs viennent lui demander l’aumône. Les Nabathéens nous sont donnés comme usant volontiers d’un langage énigmatique et figuré.’ Telles sont les matières traitées dans les deux seuls livres * que contient le Manuscrit de Paris. Dans le IE livre, il est question des phénomènes et des variations atmosphériques, de l'influence de la lune et des astres, des saisons, du climat, des qualités diverses da la terre et des engrais. À propos des mois, il est dit qu'ils tirent leurs noms d’an- ‘ciens personnages éminents et vertueux, qui vivaient dans les premiers temps. Ainsi le mois de Tamouz (juillet) n’est autre que celui d’un sage qui n’était ni Chaldéen, ni Chana- . néen, ni Irakien, ni Djeramka, mais appartenait à la race qui, la première, occupa le sol. Les deux Tisrin prirent ce nom de deux frères éminents dans les sciences. Nous lisons au commencement du IIIe livre qu’Ebn Ouahchiah le composaiten l’année 291 del’hégire, qui répond en majeure partie à l’année 904 de l’ère chrétienne. Ce livre est consacré aux plantes potagères, à la vigne et à quelques arbres et arbustes. Un curieux passage nous donne la synonymie d’un certain nombre d'expressions techniques nabathéennes. On en cite même de particulières à des fractions nabathéennes, tels que les Djeramka. Meyer, dans son histoire de la botanique, a recueilli une liste déjà longue de ces termes nabathéens, puisés surtout dans Ebn Beithar: mais il faudrait consulter plusieurs manuscrits pour en établir définitivement la lecture. | Telles sont les principales plantes mentionnées : L'AGRICULTURE NABATHÉENNE. 311 Le girofle, l’estragon, la citronelle, le Rh. Ribes, les marum, la coriandre, le pourpier, l’épinard, l’arroche, la _ blette, les rumex, la corète, le taraxacum, le fénu-grec, le fumeterre, le chou, le fenouil, l’aneth, la luzerne, le chou- fleur, l’'aubergine, les courges, le concombre, le melon, le porreau, etc. Beaucoup d’autres plantes sont mentionnées aussi, mais sous des noms nabathéens. Comme leur détermination nous entraînerait à des détails déplacés ici, nous remettons ce travail à notre traduction d'Ebn Beithar, où nous avons déjà traité plusieurs de ces questions. Nous allons relever sur quelques-uns de ces végétaux ce qui nous a semblé le mériter. A propos du girofle, Ebn Ouahchiah dit qu'on l’emploie pour tuer le ver des dents, et il fait cette réflexion qu’à son âge, 60 ans, il n’a jamais vu de ver dans les dents, et qu’en réalité il n’y a que des humeurs putrides. Il dit la citronelle importée de l'Inde à Babylone. . Au dire d’Iambouchad, l’épinardne serait autre chose que l'arroche cultivée. | . Le chou compte plusieurs espèces. Le médecin Rouahtha signale dans son usage plusieurs inconvénients. Le chou-fieur est cultivé pour sa tête. La luzerne est cultivée comme fourrage, particulièrement par les gens de Nivive. À propos de Nivive nous ajouterons quenous avonsrencontré deux autres citations de cette ville, ainsi à propos de l’épinard. Cette citation a été relevée par M. de Candolle dans sa Géographie botanique, et eile a été pour M. Quatremère une des preuves de l’antiquité de l’A- _ griculture nabathéenne. L’auberg'ine est dite d’origine persane. Un article d’une douzaine de pages est consacré au melon, Battikh. Tous les auteurs d'agriculture en ont parlé. Sa cul- ture exige de grands soins. Il est beaucoup d'espèces qui diffèrent pour le volume, la forme, la couleur, l’état de la surface et la douceur plus ou moins prononcée. Après les plantes alimentaires vient la vigne qui n'occupe pas moins de cent quarante feuilles. Outre les autres auto- 312 HISTOIRE DE.LA MÉDECINE ARAPE. — LIVRE DEUXIÈME. rités que nous avons déjà citées, on voit paraître en plus Sardana le chananéen et Siahy le djeramka. Une large place est occupée par la vigne dite thériaque. Tous les auteurs en ont parlé, depuis l’antique Douïaby, qui lui reconnaissait plus de cent vertus, jusqu’à Adam, Sagrit, Tambouchad et les autres. Cette vigne est caractérisée par des dimensions restreintes dans son ensemble et dans ses parties, qui lui avaient fait donner le nom de Djada, crépue ou rabougrie, et par des graines petites, arrondies, d’un rouge clair, d’une saveur douce amère, ramassées en un point de la grappe. Nous chercherons maintenant à compléter l’histoire de l'Agriculture nabathéenne par les ouvrag'es qui l’ont imitée ou qui l'ont mise à contribution. Le manuscrit 882 nous paraît plutôt une imitation libre qu'un abrégé. L'ordre n’est pas le même de toutpoint. Après des généralités de culture, ilest question des arbres puis des plantes alimentaires et autres. Nous relèverons ses conseils ‘hygiéniques relatifs aux personnes, à l’eau et aux habita- tions. Ces derniers semblent une réminiscence d'Hippocrate. Du reste la seule autorité citée est celle de Démocrite. Cha- que localité, dit l’auteur, doit avoir un médecin, un vétéri- naire, des bains, etc., et, à défaut de médecin, un homme expérimenté. Nous ajouterons que la plupart des recomman- dations des plantes ont trait à la médecine. Le manuscrit 883 contient 84 feuilles. L'ordre suivi n’est pas non plus celui d'Ebn Ouahchiah, mais ici il est assez fréquemment cité. Le compilateur est un certain Taibogha. La citation d’'Ebn Beithar prouve qu'il est postérieur au XIIÏ° siècle. Le manuscrit 884 est supérieur aux précédents. Le nom de l’auteur n’est pas très lisible, mais les citations d’Ebn Bei- thar et d'Abdellatif reportent la composition du livre au moins au XIITe siècle. C’est donc encore ici une compilation : nuis la forme a une certaine originalité. Tel est le plan de fouvrage. Il se divise en neuf parties: I. Description des plantes; IL. Des terres et des engrais ; IIE. Des grains ; IV. Des légum”s; V. Des végétaux dont le fruit a une écorce; VIT. De L'AGRICULTURE NABATHÉENNE. 313 ceux qui ont un noyau; VII. De ceux qui n’ont ni écorce ni noyau ; VIII. Des plantes odorantes; IX. Des arbres à manne et à gomme. Tous les auteurs qui ont écrit sur l’agriculture et la bota- nique sont mis à contribution et, au premier rang, Ebn QOuahchiah. Il est un livre cité qui soulève quelques obser- servations. IL porte le nom d'Agriculture égyptienne. Jus- à qu’'alors nous avions cru que le titre d'Agriculture copte _ était une altération d'Agriculture nabathéenne, altération qu’explique l'écriture arabe, mais ici il n’y a pas de doute. On ne lit pas Agriculture copte, mais égyptienne, fellaha mesrya. Serait-ce une erreur de l’auteur? Nous inclinons à le croire, attendu que nous ne connaissons pas d’autre part d'agriculture égyptienne. Nous trouvons une Agriculture romaine, fellaha roumya, sous le nom d’Ebn Bassal l'Anda- lou. Un autre auteur espagnol est quelquefois cité : Aboul Kheir. Nous trouvons cité un livre des secrets d'Ebn Ouahchiah. Ce traité d'Agriculture est d’une bonne rédaction et bien rem- pli. Nous en citérons quelques traits. Il en est, dit l’auteur, qui accordent aux plantes le sentiment, le mouvement et le sommeil. Ailleurs il leur accorde les sexes et il cite pour preuve le palmier. Le palmier, dit-il, a les passions de l’homme, il a des soucis, du chagrin, de l’amour: on voit la femelle se tourner du côté du mâle, et s’il est absent, dé- périr et ne pas donner de fruit. Il est encore un ouvrage qui peut servir à compléter nos _ renseignements sur l'Agriculture nabathéenne, en tant que ; 4 représentée par les deux livres du manuscrit de Paris, c’est le traité d'Agriculture de l’espagnol Ebn el Aouam, récem- ment traduit par M. CI. Mullet, et déjà publié en texte et en traduction espagnole par Banqueri. L’Agriculture naba- théenney est citée environ trois cents fois, et ces citations _ portent tant sur le titre du livre que sur les auteurs qui en font le fonds. C’est à la publication de Banqueri que l’on a dû d’abord de comprendre toute l’importance de l'Agriculture : nabathéenne. De graves questions se sont élevées à propos de ce livre 314 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. et l’on s’est particulièrement demandé quelle pouvait en être ladate, Telle est la conclusion des recherches auxquelles s’est livré M. Quatremère : « On peut donc, si je ne me trompe, regarder comme très vraisemblable que ce livre fut écrit dans l’espace de temps qui s’écoula entre l’époque où Bélésis affranchit la Babylonie du joug des Mèdes et la prise de Babylone par Cyrus. Peut-être, dans ce laps de temps, pour- rait-on s'arrêter au règne de Nabuchodonosor II du nom, » Cette haute antiquité a été niée d’une part, et reculée de l’autre. Telles sont les principales raisons de M. Quatremère, Un monument tel que l'Agriculture nabathéenne implique une civilisation puissante et autonome. Le fait qu’il n’y est pas question ni du christianisme ni de certaines grandes cités dont la fondation nous est connue, le rejette nécessairement au-delà de l’ère chrétienne. Il y voit même un certain cachet officiel. . Sans adopter la date précise donnée par M. Quatremère, nous croyons avec lui à la haute antiquité de l’Agriculture nabathéenne. Les traditions historiques sont unanimes sur les Chaldéens. De très bonne heure de grands empires furent fondés dans la Chaldée, et les sciences y furent cultivées. Que les traditions consignées dans l’Agriculture nabathéenne ne puissent pas être admises intégralement et sans contrôle, nous l’admettons, mais nous croyons que, derrière elles, est un fonds de vérité, et nous ne pouvons rejeter parmi les fables tant de personnages et tant de travaux mentionnés. Nous ne pensons pas que le livre, dans la forme où il nous est arrivé, remonte à la date de M. Quatremère., Nous pen- sons plutôtqu’il est le développement d'ouvrages antérieurs. Quoi qu’il en soit, l'importance del’Agriculture nabathéen- ne est hors de doute, et nous appelons de tous nos vœux une étude complète et sérieuse, une traduction même, car ce n’est qu’en traduisant un ouvrage qu’on arrive à bien le posséder, tant en lui-même que dans ses tenants et aboutis- sants. Un tel travail rendrait les plus grands services à l’histoire, à la philologie, à l’ethnographie, à la géographie et aux sciences naturelles. Le peu que nous en connaissons NATURALISTES, 315 nous a déjà permis de relever quelques opinions émises par M. de Candolle, dans sa Géographie botanique. “Le n°1093 de la bibliothèque de Paris, ancien fonds arabe, . contient un abrégé de l'Agriculture nabathéenne, qui n’a | pas été reconnu par le catalogue. EDDJAHIDH. Abou Otsman Amr ben Bahr ben Mahboub el Kinany î Elleithy el Basry, fut surnommé Eddjahidh, à cause de la : saillie de ses yeux. Comme Khique un de ses surnoms, il 4 maaait à à Bassora. Djahidh était d’une laideur repoussante, à ce point qu’une _ femme le fit un jour, à son insu, poser pour le portrait du _ diat le, et que le Khalife Moutaouakkel qui, sur sa réputa- L. tion, voulait en faire le précepteur de son fils, le renvoya 4 avec un cadeau de dix mille dinars, aussitôt pe l'eût vu. … Djahidh mourut à Bassora en l’année 255 de l’hégire, 868 - de l’ère chrétienne, à l’âge de quatre-vingt-seize ans. 4 11 écrivit plusieurs ouvrages, entre autres un sur les < sectes musulmanes, et fut lui-même chef de secte. Maïs le 1 _seul qui nous intéresse ici est son livre sur les Animaux qui 1 a fourni quelques citations à Ebn Beithar. S'il faut en croire dji Khaïfa, cet ouvrage ne doit pas avoir d'originalité, Djahidh étant plutôt un littérateur qu’un naturaliste. he: ‘Il composa aussi un traité sur le Garum, qui n’est pas _ cité par Wüstenfeld, et auquel Ebn Beithar a emprunté un k: . Il est encore cité à propos de l’ours, du loup et du #2 ne 897 de l'Escurial contient un abrégé du livre des - animaux de Djahidh. C’est un ouvrage farci de citations, de sies et d'anecdotes, où l’histoire naturelle tient peu de À l'article chien, des faits de bestialité, par trop com- 316 HISTOIRE DE LA ‘MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME, V. — Des Sciences physiques et mathématiques chez les Arabes au IX° Siècle. Bien ‘que ces sciences ne soient pas comprises dans le cadre que nous nous sommes imposé, nous n’en croyons pas moins à propos de les passer sommairement en revue. Ayant fait l'inventaire général des traductions du grec en arabe, il convient d'exposer comment les semences diver- ses recueillies par les Arabes depuis la Grèce jusqu’à l’Inde ont fructifié chez eux, avec une merveilleuse précocité. D'ailleurs sur ce terrain nous rencontrons un certain nom- bre de médecins. Et puis c’est le moment opportun non- seulement de compléter l’histoire du siècle d'El Mâmoun, ce siècle si grand et si peu connu, mais encore de montrer l'enthousiasme et l'aptitude des Arabes pour toutes les branches des sciences humaines, aptitude que l'ignorance leur a contestée. PHYSIQUE. Sur ce terrain les quelques noms que nous allons rencon- trer sont des noms de médecins, ou de philosophes revendi- qués aussi par la médecine. Dans cette longue liste des écrits d'El Kendy, que nous avons donnée presque in extenso, nous en trouvons plu- sieurs ayant trait à des questions qui relèvent de la physi- que. Tels sont ces écrits: Des météores. — De la formation des nuages. — Un traité des pierres, mis à profit par El Birouny et Tifachy. — Pourquoi les parties élevées de l'atmosphère sont plus froi- des que celles qui touchent à la terre. — Les vapeurs qui se forment dans l’intérieur de la terre et d’où résultent des tremblements. — Des variations de température suivant les saisons. —- De la construction d’un instrument pour appré- cier les distances, etc. Son livre des pluies a été traduit en latin et imprimé. Honein s’occupa aussi des sciences physiques, Il écrivit les - 4 q d *Æ % Ê È PHYSIQUE. 317 ouvrages qui suivent: Des couleurs. — Des météores. — De l’arc-en-ciel. — Du flux de la mer. — Pourquoi l’eau de la mer est salée. Enfin dans la liste des écrits de Sarakhsy nous rencontrons ceux-ci: Des phénomènes atmosphériques. — De l'utilité des montagnes, sujet traité aussi par Tsabet ben Corra. GÉOGRAPHIE ET MATHÉMATIQUES. La science géographique chez les Arabes, dit Reinaud, s'appuya, presque dès l’origine, sur les principes mathéma- tiques. On lit dans M. Sédillot (Histoire des Arabes) : « En 820 après J.-C., Al Mämoun ordonne que de nouvelles observa- tions soient faites à Bagdad, et la Table vérifiée corrige l’AI- mageste: il veut aussi que les longitudes terrestres soient déterminées avec plus de précision et le Resm el Ardh (des- cription de la terre) reproduit le système grec mais avec de notables améliorations... On peut croire qu’une partie de ces améliorations était due aux savants nestoriens qui avaient conservé intact le dépôt des connaissances des derniers temps de l’école d'Alexandrie, et dont les Khalifes s’assurè- rent l’utile coopération par leurs bienfaits. » Nous croyons devoir faire ici quelques observations. Et d’abord, que les traditions de l’école d'Alexandrie aient été soigneusement et particulièrement conservées par les Nes- toriens, c’est ce qui ne nous est pas démontré, bienque cette assertion se soit fréquemment reproduite. Les Nestoriens et les Arabes succédèrent, dans le temps, à l’école d'Alexandrie, mais les uns et les autres héritèrent de la Grèce toute en- tière et non pas seulement de l’école d'Alexandrie. Ensuite il est un fait très curieux à propos des mathéma- tiques et des sciences qui en relèvent. Quelle qu’ait étélacompétence des Syrienstraducteurs, quel qu'ait été leur rôle dans l'initiation des Arabes, il n’en est pas moins vrai que les Arabes, une fois les traductions ter- minées, entrèrent résolument, et restèrent à peu près seuls dans les voies de la science que leur avaient ouvertes cer- 318 HISTOIRE DE-LA\MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. tains Syriens. Noas l'avons déjà fait remarquer, parmi toutes les traductions qui se rattachent aux sciences mathémati- ques, il en est extrêmement peu qui se soient faites en syria- que. Sur une soixantaine, on n’en peut compter que six en syriaque. (1) Parmi lestraducteurs en arabe, nous voyons fi- œurer 20 fois Tsabet ben Corra, 9 fois Costa ben Luca, 6 fois Honein, 5 fois son fils Ishaq, puis Hadjadj ben Mather, Eddi- mackhy, etc. Cette statistique nous paraît éloquente. Du reste les Arabes avaient aussi fait appel à d’autres civilisations que celle de la Grèce, et ils avaient mis à contribution la Chaldée, la Perse et l’Inde, etces diverses traductions s'étaient faites par d’autres mains que celles des Syriens. Nous ne pensons pas que M. Sédillot nous sache mauvais- gré de ces observations, qui sont à l’avantage de la race arabe dont il a constamment cherché à démontrer l’aptitude et la valeur scientifiques. Ajoutons encore une dernière 0b- servation. C’est particulièrement sur le terrain des sciences mathématiques queles historiens nous parlent detraductions ayant été revues par des Arabes. Ils opéraient sans doute un travail de critique plutôt qu’une véritable traduction. ASTRONOMIE: Parmi les savants qui la cultivèrent avec succès nots cités rons en première ligne deux hommes éminents qui nous sont déjà connus, El Kendy et Tsabet ben Corra, le premier arabe de race princière, et le second d’origine et de religion sabienne. El Kendy estun de ces génies encyclopédiques dont nous avons vu de nos jours un spécimen dans M. de Humboldt, El Kendy nous étonne par la précocité, la hauteur et l’é- tendue de ses connaissances : on peut dire de lui qu’il est le neuvième siècle fait homme. Ayant donné précédemment et à peu près complétement la longue liste de ses ouvrages, 3 (1) Nous en comptons trois sur lesquelles dut opérer El Kendy, auquel nous ne pouvons encore définitivement accorder la connais- sance du grec, | RS CRT EE DSPACE ET TT Te = ËÈ PERMET sé. ait di ni ipnisl i Las ci ie dés 1 dus mil de rpm ne Se Poires s fs. hs Nina detils tés per ASTRONOMIE. 319 nous y renverrons pour tout ce qui se rapporte aux mathé- matiques et à l'astronomie. N'ayant donné qu’une liste restreinte des écrits de Tsabet ben Corra, nous allons produire ici la plupart de ceux qui ont trait aux sciences dont nous nous occupons actuelle- ment. Introduction à l’Almageste. Cet ouvrage fut traduit en latin sousle titre : De iis quæindigent expositione antequam legatur Almagestum. Il fut connu de Bacon. De la division de la terre. De la sphère. De la sphère en mouvement. Des sphères, de leurs nombres et de leurs mouvements. De l’année solaire. : De l’immobilité du Zodiaque. Du triangle rectangle. Des figures sécantes. Du cône et du cylindre. Des figures d’Euclide et de l’Almageste. Résolution de problèmes mathématiques, etc. Au IX: siècle appartient encore un médecin qui cultiva l’astronomie, et dont l’époque a été indûment rapportée au XIE, par M. Sédillot. Nous voulons parler d'Abou Hanifa Eddinoury, qui nous est déjà connu comme botaniste. Il écrivit un traité des Constellations, Anoua, et à ce propos nous citerons un passage d’Abderrahman Essoufy : e J'ai trouvé sur les Anoua beaucoup de livres dont le meilleur est celui d’Abou Hanifa Eddinoury. Me trouvant à Dinaouer en 355 (946 de J.-C.) je logeai dans la chambre qu'avait habitée Abou Hanifa, et plusieurs personnes respectables me dirent que pendant nombre d’années il avait observé les étoiles au-dessus de cette chambre. » (Notices et Extraits, tome XII, Caussin). Déjà même sur la fin du VIIT* siècle, nous voyons les Ara- _ bes écrire sur l’astronomie. Machalla, dit M. Sédillot, écrivit un traité sur l’astrolabe et l’armille. EI Fezzari, dit l’auteur du Fihrist, fut le premier, dans l'Islam, qui construisit un astrolabe. Au IX" siècle appartiennent plusieurs astronomes, qui ont 320 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. écrit des ouvrages, dont la plupart ont eu l’honneur d’une traduction latine. Ce sont El Batany, vulgairement Albatenius; Alfargan ; Albumasar, élève d'El Kendy; Mohammed ben Moussa el Khouarezmy, qui fut le bibliothécaire d'El Mâmoun ; les fils de Moussa ben Chaker, etc. Enfin ce fut vers le milieu du IX° siècle qu’un degré du méridien fut mesuré dans la plaine de Sennaar par Send ben Ali, Khaled ben Abd el Malek, Ali ben Issa et Ali ben el Bahtary. MATHÉMATIQUES. Ici nous laisserons la parole à deux spécialités, MM. Sé- dillot et Chasles. « On a longtemps prétendu, dit le premier, que les Arabes _navaient fait que copier les Grecs. On ne peut plus main- tenant soutenir une semblable thèse sans être taxé d’igno- rance et d'erreur. Les Arabes introduisirent les tangentes dans les calculs, et substituèrent aux méthodes anciennes des solutions plus simpies en proposant trois ou quatre théorèmes qui sont le fondement de notre trigonométrie moderne. » « Montucla, dit M. Chasles, pensait que les Arabes avaient eu l’idée heureuse d'appliquer l'algèbre à la géométrie. Cette conjecture est devenue un fait certain par la publica- tion de l'ouvrage de Mohammed ben Moussa (en 1836, par Rosen) et par celle d’un fragment d’algèbre, où les équa- 4 tions du troisième degré sont résolues géométriquement. La trigonométrie est une des parties des mathématiques que les Arabes cultivèrent avec le plus de soin, à cause de ses applications à l'astronomie. Les premiers progrès datent d'El Bategni. : Les Arabes attachèrent une grande importance à la cons- truction des cadrans. Dès le IX° siècle, des géomètres célè- La bres s’en occupaient. C’est à cet art que se rapportaient sans 4 doute deux ouvrages d’Alkindi, intitulés: De horolog. scia= M MATHÉMATIQUES. 321 thericorum descriptione et De horolog. horisontali præstan- ‘ tiore, et les deux suivants de Thébit ben Corah : De horo- metria seu horis diurnis ac nocturnis, et de figura linearum quas gnomometrum (Styli apicis umbra) percurrit. Ce der- nier titre semble annoncer que Thébit se servait de la considération des sections coniques dans la construction des cadrans. » On a souvent agité deux questions : l’une de savoir à qui des Grecs ou des Indiens les Arabes sont le plus redevables de leurs connaissances en algèbre, la seconde de savoir quelle part leur revient et à quelle époque se fit la transmis- sion du système de numération qui porte leur nom. Il nous suffit d'indiquer ces questions pour rappeler les titres scien- tifiques des Arabes. Outre les savants dont nous avons invo- qué les témoignages, on peut aussi consulter entre autres, les travaux récemment publiés par M. Voepke, dans le Journal asiatique. Parmi les ouvrages d'El Kendy, nous en trouvons une dizaine sur la science des nombres. Sarakhsy écrivit aussi sur l’arithmétique et sur l'algèbre. VI. — La Philosophie arabe au IX° Siècle. Nous ne pouvons passer sous silence la philosophie. Elle est surtout représentée par un homme, mais cet homme est un esprit d'élite, que nous avons déjà rencontré au pre- mier rang sur toutes les voies ouvertes à l’activité intellec- tuelle des Arabes, cet homme est El Kendy. I publia de nombreux écrits dont on peut voir la liste complète dans Casiri, sous la double rubrique philosophie et logique. Nous n’en rappellerons qu’un seul, qui repré- sente bien l'esprit de celui que les Arabes appelèrent le — Philosophe par excellence; tel en est le titre : Que l’on ne —_ peut acquérir la science de la philosophie sans une étude _ préalable des mathématiques. | Aucun philosophe musulman, dit Ebn Djoldjol, ne suivit À de plus près les traces d’Aristote. 21 322 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME, Il composa, dit M. Munk, un grand nombre d'ouvrages philosophiques qui devaient répandre parmi les Arabes la connaissance de la philosophie péripatéticienne, mais que les travaux plus importants d'Elfaraby firent tomber dans l'oubli. Quoi qu'il en soit, c’est encore assez pour El Kendy d’avoir ainsi débuté en maître dans la carrière philosophique. El Kendy avait formé un disciple, qui malheureusement ne vécut peut-être pas assez pour pouvoir donner la mesure de ce dontil était capable. Nous voulons parler de Sarakhsy, dont nous avons déjà plusieurs fois rencontré le nom. Ses écrits philosophiques sont presque aussi nombreux que ceux de son maître et s’inspirent des mêmes doctrines. À côté d'El Kendy nous citerons encore Costa ben Luca, dont le Traité de la différence entre l’âme et l’esprit fut tra- duit en latin. et jouit d’une certaine vogue au moyen âge. VII. — Épilogue. Avant de quitter le IX° siècle, nous ne pouvons nous em- pècher de nous retourner en arrière, et d’y arrêter un ins- tant notre regard. Ce siècle, dont nous ne séparons pas les règnes d'El Mansour et de Haroun Errachid, est un des plus grands siècles dont l’histoire nous ait conservé le souvenir. Il est grand non-seulement par son élévation relative au milieu de la décadence contemporaine, mais aussi par l’ori- ginalité de l’œuvre entreprise, la ferveur et la promptitude avec laquelle elle fut conduite, l'emploi généreux des agents et la grandeur des résultats. C’est à ce siècle que le nom arabe devra de vivre éternellement sur la terre et dans les cieux. Quelque grande que soit la part de gloire qui revient aux Abbassides et à leurs ministres, l’empressement avec lequel la race arabe répondit à leur appel, malgré les antipathies politiques et religieuses, sa persistance à marcher résolû+ | | ÉPILOGUE. 323 ment dans la voie tracée, accusent de nobles instincts et des aptitudes auxquelles on était loin de s’attendre, qui méritent l'admiration de la postérité. Cette admiration sera plus vive encore si l'on jette un coup d'œil sur ce qui se passait en Occident en des circons- tances analogues. Une invasion s’y était faite aussi chez des peuples d’une intelligence cultivée, mais une invasion de barbares étran- gers aux choses de l'esprit, persistant à les dédaigner et à les abandonner aux peuplades vaincues, se complaisant dans leur ignorance et même s’en faisant un titre pour établir des distinctions de castes qne nous voyons survivre à toutes les révolutions et à tous les progrès. Un homme supérieur à sa race, mais n’en ayant pas dépouillé tous les instincts, Char- lemagne, contemporain de Haroun Errachid, usa sa longue existence autant à protéger son vaste empire qu’à le policer. Sa mort fut le commencement d’une ère nouvelle de ténèbres, de troubles et d’anarchie. Il ne pouvait en être de même en Orient. Entre tous les conquérants du monde romain, les Arabes seuls avaientl’heureux privilége d’une culture intellectuelle. Cette culture était ce qu’elle fut toujours dans l’adolescence des nations comme dans celle des individus, essentiellement poétique. Le siècle qui précéda l'Islam est l’âge d’or de la _ poésie arabe. La possession de l'empire devait mdrir cette race intelli- gente. Prenant pour maîtres leurs vaincus, les Arabes entrè- rent résolûment dans les œuvres de la virilité: leurs maîtres furent bientôt dépassés. Trois ordres de faits résument le IX° siècle. Les Arabes font sortir des hommes éminents d’une obscu- rité stérile, ils revendiquent l'héritage de la science grecque, n… ils s’en montrent les dignes héritiers. __ Si la famille des Bakhtichou, qui fut la cause occasionnelle . de la Renaissance arabe, ne compta pas d'hommes réeille- —._ ment supérieurs, elle contribua du moins à les faire éclore, —._ et produisit pendant plusieurs siècles des médecins distin- M gués. A côté d'elle se placent les Mésué et les Sérapion: DE ; Le « 324 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE DEUXIÈME. C’est particulièrement chez les traducteurs que nous ren- controns des hommes d'élite. Le contact immédiat avec la science grecque féconda leur intelligence. Honein, Costa ben Luca, Tsabet ben Corra furent des savants de premier ordre. Leurs traductions, qui embrassè- rent tant de sujets divers, ne témoignent pas seulement de leurs connaissances, mais leur perfection en accuse la sûreté. À quelque distance d’eux viennent se placer le fils et le neveu de Honein. .. Dans la foule des traducteurs, qui se montent à une cen- taine, on compte bien des noms éminents, ainsi Abou Otsman de Damas, Basile et son fils Étienne, Ebn Naëma, Hedjadj ben Mather, Jean fils d'El Bathriq, Ibrahim ben Essalt, Abou Bacher Mattaï, Iahya ben Adi, Ibrahim ben Baks, Issa ben Zérà, Aboulfaradj ben Thaïeb. Quatremère dit à propos des traductions: Il faut pourtant ; avouer que ces emprunts faits aux autres peuples ne furent . pas toujours judicieusement choisis. Cette manière de voir nous paraît contredite par les faits. D’une part, on ne saurait refuser la compétence aux hom- mes qui dirigèrent le travail des traductions ; de l’autre, il suffit de jeter un coup d'œil sur la liste des traductions que nous avons donnée aussi complète qu’il nous à été possible de le faire, pour s'assurer du choix judicieux qui fut fait entre les originaux grecs. Nous comptons une trentaine de philosophes, parmi les- quels Platon, Aristote largement représenté, Théophraste, Nicolasde Damas, Alexandre d’Aphrodisias, Plotin, Porphyre, Thémistius, Jamblique, Procius, etc. Les mathématiques sont représentées par Euclide, Archi- mède, Apollonius de Perge, Diophante, Pappus, Euto- » cius, etc. L’astronomie et la géographie le sont par Hypsiclès, Hip- parque, Théodose, Ménélaüs, Ptolémée, etc. La médecine par Hippocrate, Dioscoride, Galien plus complet que nous ne le possédons, Rufus, Archigène, Ori- base, Philagrius, Alexandre de Tralles et Paul d'Egine. Parmi une soixantaine de noms, il en est trois seulement Re ds ÉPILOGUE. 325 dont une censure austère pourrait discuter l'opportunité, ceux d’Hermès, d’Apollonius de Tyane et d’Artémidore. Pour notre part, nous avouons que leur absence serait non-seule- ment inexplicable mais regrettable. - En somme il nous semble que les grands noms de la science grecque sont bien représentés, et qu'il était difficile de faire un meilleur choix parmi les écrivains de second ordre. Quant à la valeur des traductions, ce que nous avons déjà dit de la compétence de leurs principaux auteurs nous dis- pense d'y revenir. | Mais les traducteurs ne se bornèrent pas à traduire. Ils composèrent dans toutes les branches des sciences de nom- breux écrits, où la vulgarisation devait se faire plus facile- ment encore que dans la simple reproduction d’écrits com- posés dans une langue étrangère. Parmi les traducteurs écrivains nous citerons particuliè- rement Honein, son fils Ishaq, Costa ben Luca et Tsabet ben Corra. , _ A côté des traductions du grec, il faut rappeler aussi celles faites de l’Indien, du Chaldéen et du Persan. _ L'Inde paraît avoir, en matière de mathématiques et d’as- tronomie, fourni un contingent presque égal à celui de la Grèce. Nos savants sont encore à discuter aujourd’hui si c'est à la Grèce ou à l'Inde que les mathématiciens arabes doivent le plus. Quant à la Chaldée, nous citerons l'Agriculture naba- théenne, dont l'importance ne peut que grandir, aujourd’hui qu'une partie du voile qui recouvrait cette antique civilisa- tion est déjà soulevé. Ce ne furent pas seulement les traducteurs qui enrichi- _ rent déjà d’écrits originaux la littérature arabe, leurs élèves _entrèrent aussi dans la lice. Nous nous bornerons à citer sans commentaire le nom d'El Kendy, qui se rencontre partout avec un ample cortége d’écrits et souvent avec une supériorité qui fut naturelle- ment éclipsée par ses successeurs. - Son disciple Es Sarakhsy marcha dignement sur ses traces L 2326 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE DEUXIÈME. La science fut cultivée jusque sur les marches du trône. L’Imam Moussa, Khalife désigné, plus malheureux encore que Khaled ben Yézid, écrivit sur la médecine. Nous ne reproduirons pas les noms des nombreux méde- cins de second ordre que nous avons donnés précédemment. Il en est d’autres encore qui se produisent dans le Conti- nent de Razès : ce qui atteste que la science grecque avait déjà pénétré l'Orient, que les traductions avaient déjà porté leurs fruits. Au moment où se fermait le IX° siècle, Razès était dans toute la plénitude de son talent. Nous ne voulons pas répéter ici ce que nous avons dit, il ‘ ya quelques pages seulement, des travaux accomplis en physique, en géographie, en astronomie, en mathématiques et en philosophie. Nous signalerons seulement la part à peu près exclusive que prit la race arabe dans cette culture des sciences exactes, et nous rappellerons les noms des fils de Moussa ben Chaker, Mohammed, Ahmed et Hassan, qui ne se bornaient pas à encourager la culture des sciences, mais les cultivaient eux-mêmes, ainsi que nous l’avons vu de nos jours chez le duc de Luynes. Le IX° siècle vit donc la science grecque, non seulement importée, mais déjà naturalisée sur le sol arabe, Nous verrons cette culture se continuer avec ferveur pen- dant quatre siècles et ne faiblir qu’à la suite des grandes commotions qui bouleversèrent l’Asie. C’est là un événement dont il nous semble que l’on n’a pas suffisamment apprécié l'importance. Nous avons déjà fait remarquer cette heureuse coïnci- dence des musulmans vainqueurs initiés à la science par les chrétiens vaincus, et ses conséquences pour l’harmonie des races. Les conséquences ne furent pas moindres au point de vue scientifique. Les Arabes seuls étaient alors capables de re- cueillir l'héritage de la Grèce, et ils remplirent dignement ce rôle providentiel. On sait généralement, et nous le dirons plus tard en dé- tail, combien leur fut redevable notre moyen âge. Effacez A ÉPILOGUE. 327 les Arabes de l’histoire, a dit Libri, et la renaissance des lettres sera retardée de plusieurs siècles en Europe. Les Arabes, a dit Humboldt, font reculer en partie la bar- _ barie qui déjà, depuis deuxsiècles,a couvert l'Europe ébran- _ lée par les invasions des peuples ; ils remontent aux sources éternelles de la philosophie grecque; ils ne se bornent pas _à sauvegarder le trésor des connaissances acquises, ils l’a- grandissent et ouvrent de nouvelles voies à l'étude de la nature. 7 LIVRE III eh X° SIÈCLE REVUE SOMMAIRE DU DIXIÈME SIÈCLE IL — PERSE. Razès. 932 Aboul'- Hassan Ahmed Chr. Aboulkheir ben Saouar, 991 Etthabary. Id. Abou Sahl el Messihy. 1001 El Comry. Abou Soleiman Essed- Alfaraby. 950 jestâny. Abou EE Mouaffeq . ben Ali. IT. — [IRAK. S.M, Sinan ben Tsabet. 942 Erroq Tsabet ben Sinan,. FE 3 en Saïar. Ishaq ben Tsabet. A boul Hossein ben Omar. | S. Tsabet ben Zahroun. 975 Founoun. |. S. Hilal ben Ibrahim. Chr. El Merouazy. _ OS. Ebn Ouassif Essaby. Aboul Hassan ben Kech- __ Chr. lahya ben Bakhtichou. keraïa. _ Id. Bakhtichou ben Iahya. Abou Iakoub el Ahouazy. De Id. tie Allah ben Djabril. Abou Saïd el Iamany. …_ Id. Djabrilben Obéïd A ah 1005 Saad ben Bacher. M. ld. éïd Allah ben Djabril 1058 Iahya ben Saïd. | ? pion Osmar Saïd, Daniel. mn. Chr. Issa ben Zerû. Ebn Abil Achats. 970 EL. 4 Id. Ibrahim ben Baks. J. El Qousaïn. b 4 Id. Ali ben Ibrahim. Ali ben Errahba. Fr Id. Iahya ben Adi. Aboul Hossein Eddje- +: 4 Id, Nedhif Erroumy. raïhy. \ FF | 4 | À [l A boul Kheiïr Eddjeraïhy. Ali ben el Abbas. Abou Saïd el Ardjany. Temimy. Abou Sahl. — Maçoudy. 957 Ebn Dilem. Les Frères de la Pureté. Hassen ben Abi Naïm, III. — ÉGYPTE. Saïd ben Naoufel. Chr. Iousef Ennesräny. Hassan ben Zirek. Chr. Saïd ben Bathriq. 940 Khalef Etthoulouny. Chr, Kissan. 988 Nesthas ben Djorreidj. Aboulfateh ben Moqua- Ishaq ben Nesthas. cher. El Balsy. Aïan ben Aïan. 995 . ju a ben Rlazzan et $S, IV. — MAGREB. Ishaq ben Amran. 905 ? Ebn Eddjezzar. 1009 , Soleiman el Israïly. 060 | J. Dounach ben Temim. V. — ESPAGNE, Abd elMalek ben Habib. Saïd ben Abd Rabbihi. Abdallah Elchafky. Amrou ben Bariq. Iahya ben Semina. 927 Asbar’ ben Iahya. Moslama el Madjrithy, 1007 Mohammed ben Temlih. Ahmed ben Khamis. Aboul Oualid ben el Ki- Hamed ben Berracha. nany. Chr. Djouâd. Abou Abdallah. — 1028 Id. Khaled ben Yézid. Ahmed ben Hafsoun. Id, Ebn Mesouka. Abou Bekr ben Djaber, Amran ben Abi Amr. Etthakify. Mohammed ben Them- Hâroun el Asdy. _ Joun. Mohamiwed ben Ham- Iounes Elharrany. doun. à Ahmed ben Ioures, Ishaq ben el Heitsam, Omar. — Ebn Djoldijol. Chr. Ishaq. Arib ben Saïd el Kateb. 960? M. lahya ben Ishaq. Ebn Samadjoun. 1201 Abou Becr ben Sadj, Abulcasis Ezzahraouy. 1013? El Arif, Hasdaï ben Chaprout. REVUE SOMMAIRE DU X° SIÈCLE. — Le IX:° siècle nous a présenté ce spectacle, unique dans l’histoire, d’un peuple de pasteurs que l’enthousiasme reli- . gieux avait rendus maîtres du plus vaste empire qui se soit jamais vu, se préoccuper tout aussitôt d'acquérir la gran- deur intellectuelle qui leur manquait, et transporter la science de la Grèce dans leur langue, étonnée de ces nou- veautés. Nous avons vu le zèle de ces néophytes se produire sur le terrain de la science avec autant de ferveur qu'ils en avaient montrée dans leur prosélytisme religieux. Au Xe siècle nous allons voir que cette passion pour la science n’é- tait pas un caprice passager, mais répondait à des besoins et à des aptitudes. La greffe importée de la Grèce a grandi; elle produit déjà des fruits merveilleux. (1) Le mouvement intellectuel au Xe siècle se résume en deux ordres de faits. D’une part, l'initiation scientifique, en même temps qu’elle se complète, se propage à tous les mem- bres de la vaste famille musulmane. De l’autre les Arabes, non-seulement s’'émancipent de leurs initiateurs désormais impuissants à les suivre dans les voies qu’ils leur ont ou- vertes, mais s'engagent déjà dans des voies inconnues des —…._ Grecs, soit en fécondant les notions qu’ils en ont reçues, soit . en systématisant l’ensemble des connaissances dont ils sont les possesseurs. Le travail des traductions se prolonge encore, tantôt il exploite de nouveaux filons, tantôt il reprend en sous-œu- (1) Miraturque novas frondes et non sua poma. 332 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. vre des travaux défectueux ou inachevés. Il se complète aussi par les commentaires, rendus parfois nécessaires par le génie différent des langues. Le IX° siècle ne nous avait guère présenté chez les Arabes qu’une personnalité hors ligne, El Kendy. Au X° siècle les rà- les sont changés. Les chrétiens ne produisent plus que des sa- vants de second ordre, et c’est chez les Arabes qu'il faut chercher les hommes supérieurs, tels que Razès, Alfaraby, Ali ben el Abbas, Abulcasis, autour desquels se pressent une foule de médecins, de mathématiciens, d’astronomes et de géographes. Non-seulement les rôles sont changés, mais la scène s’est prodigieusement agrandie. Restreinte pendant le IX° siècle à peu près à l'Irak, elle s’étend au X° de l’Oxus à l’Atlanti- que et du Nil au Caucase. Nous manquons de renseignements pour suivre pas à pas durant le IX° siècle les progrès de l’infiltration scientifique _àtravers l'empire musulman, mais les faits constatés au X° siècle accusent partout son existence. Indépendamment de quelques voyages individuels à nous connus, le pèlerinage de la Mekke en fut probablement le plus puissant véhicule. C’est ainsi que le fanatisme trouvait dans la science un déri- vatif et un calmant. Telle était la puissance de l’impulsion primitive, que les révolutions politiques, les dissensions intestines, le morcelle- ment du Khalifat ne purent en arrèter le cours. _ Siles Khalifes subalternisés n’ont plus la même influence, nous les voyons cependant encore intervenir en faveur de la science. L’un d’eux réglementa la pratique de la médecine. Le fils du Khalife El Moktafy, Djafar, était profondément versé dans la connaissance des philosophes anciens et mo- dernes, et cultivait lui-même l’astronomie. Un fait arrivé en l’année 931 de l’ère chrétienne prouve l'extension qu'avait déjà prise la médecine à Bagdad, en même temps qu'il fut l’occasion d’une loi de police médicale, Un malade ayant succombé par la faute d’un médecin, le Khalife décida que désormais personne n’exercerait la mé- decine, à moins d’avoir été examiné par Sinan ben Tsabet. RME Tr RU US Te fs Vi 27 rs Ge rpm RES PA Cr ot REVUE SOMMAIRE DU DIXIÈME SIÈCLE. 533 Le nombre des médecins qui se présentèrent de Bagdad et des environs depassa le chiffre de huit cents, et encore on dispensa de l’examen les médecins attachés à la cour et ceux qu’une habileté notoiresemblait mettre au-dessus des épreu- ves. Adhad eddoula, qui régnait effectivement à Bagdad comme nos anciens maires du Palais, fit revivre un instant les tra- ditions des premiers Abbassides. Il protégea .les savants et fonda des mosquées, des écoles et des hôpitaux. L'hôpital el Adhedy, ainsi nommé du nom de son fondateur, fut immé- diatement pourvu de vingt-quatre médecins, répartis en des services divers, et dont un certain nombre nous sont connus. Nous dirons plus tard le moyen imaginé pour s'assurer de l'emplacement le plus salubre de la grande ville. Deux familles conservaient encore à Bagdad les traditions de leurs ancêtres: celle des Bakhtichou quai avait présidé à l'initiation scientifique des Arabes, et celle de Tsabet qui l’a- vait puissamment secondée. C'est à l’'émir Adhad eddoula qu’Ali ben el Abbas dédia son Maleky, le premier ouvrage qui ait réuni dans un fais- ceau méthodique et complet toutes les branches de la méde- cine, entreprise hardie que l’antiquité grecque n’avait pas encore tentée. Déjà un essai plus modeste avait été fait par Abou Sahl el Messihy dans le Meya. .Ce que nous constatons à Bagdad se reproduit ailleurs. En Perse, Razès était protégé par les souverains, auxquels _ il dédiait ses ouvrages. En même temps qu'il écrivait le Continent, vaste répertoire de la médecine ancienne et mo- _ derne, enrichi de sa propre expérience et sans prétention _ dogmatique, il donnait ses leçons à de nombreux élèves qui eux-mêmes en donnaient à d’autres. La philosophie était en- core à cette époque représentée en Perse par Alfaraby. . En Syrie, les savants trouvaient un protecteur dans l'émir à Seifeddoula. En Egypte, nonobstant le caractère violent du chef des | L- Toulonides, les sciences furent encouragées par lui et par ses …—. successeurs. Ahmed ben Touloun fitconstruire un hôpital et la mosquée qui porte encore aujourd’hui son nom. À cette 334 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. mosquée était annexée une école dont les cours s'ouvrirent en sa présence. Les Fathmides suivirent les mêmes traditions. Le célèbre astronome Ebn Iounis était encouragé dans ses travaux par les Khalifes El Aziz et El Hakem. D'autre part le vizir Djouhar faisait construire la célèbre mosquée El Azhar, qui fut pen- dant de longs siècles une pépinière de savants et se montre encore aujourd’hui digne de son passé. Dans le Magreb, la médecine brilla pendant le Xe siècle d’un éclat malheureusement passager. En Espagne, les sciences et les arts n'étaient pas moins en- couragés par les Ommiades qu’en Orient par les Abbassides. "Le trône fut occupé pendant un demi-siècle par un prince intelligent, Abderrahman, troisième du nom, dignement remplacé par El Hakem. | C’est l’époque la plus brillante du Khalifat de Cordoue. Si les sciences brillèrent alors d’un moindre éclat que les _arts, On leur posait les solides assises d’un édifice futur. Partout on fonda des écoles et des bibliothèques d’une richesse inouïe, S'il faut en croire les historiens, la Biblio- thèque roÿale de Cordoue ne contenait pas moins de 600,000 volumes, et son catalogue en avait exigé quarante- quatre. (1) El Hakem n’était pas seulement un protecteur des savants, il était savant lui-mème et ne lisait pas un nie ad qu'il ne l’enrichît de ses annotations. Telle était la splendeur des écoles de l'Espagne, qu’elles attirèrent l’attention de l’Europe ignorante et barbare, et que Gerbert passa pour ÿ être venu puiser sa science. IL pa- raît bien avéré cependant qu’il ne les visita pas, n'ayant pas dépassé Barcelone et s'étant contenté de quelques livres traduits en latin. Au milieu d’une foule de savants modestes, dont les noms nous ont été conservés, deux hommes seulement sé déta- chent de la foule. L’un est Moslama, de Madrid, savant mathématicien et astronome, qui fit de nombreux et illus- (1) Casiri; II, 38. A gs REVUE SOMMAIRE DU DIXIÈME SIÈCLE. 339 tres élèves. L'autre est Abulcasis, le plus haut représentant de la chirurgie dans l'école arabe. Il faut citer aussi un fait de l’histoire scientifique de l’Es- pagne, l'envoi, par l’empereur de Byzance, du texte grec de . Dioscorides, dont la traduction fut revue avec une certaine solennité. Non-seulement la médecine et la philosophie, mais aussi les sciences mathématiques étaient cultivées partout avec ardeur. C'était l’époque d’El Batany, d’Aboul Ouéfa, d’Ab- derrahman Essoufy, d’'Ebn Iounis, dont les noms ont retenti dans notre Occident. | Les observations astronomiques se poursuivaient partout Le avec zèle et tenacité. Les Beni Amadjour en continuèrent _ pendant près d’un demi-siècle. ; La géographie de l'Asie, peu connue des anciens, s’enri- chissait par les travaux d’'Ebn Haukal et d’Istakary. Abou Zéïd publiait une relation de l'Inde à la Chine. _ Alors vivaient aussi le savant polygraphe Massoudy, et _ l’auteur du Fihrist, Mohammed ben Ishaq, dont l’ouvrage _ étonne par la somme de documents qi ’il renferme sur les _ savants de la Grèce (1). _ En résumé le X° siècle accuse la prise de possession et la _ mise en culture par les Arabes de la science de la Grèce. _ Si l’on jette un coup d'œil sur la liste que nous avons _ donnée des savants au X® siècle, on verra que le nombre _ des chrétiens s’amoindrit. En même temps apparaissent - quelques juifs, qui deviendront plus nombreux aux siècles _ suivants. _ La multiplicité des centres de lumières et le besoin de _ inéthode et de clarté nous font maintenant un devoir de _ diviser l’histoire de la médecine par contrées. Nous la sui- . vrons d'Orient en Occident. | (1) Ïl est encore un ouvrage que nous devons mentionner, c'est le . célèbre Recueil connu sous le nom de Présent des Frères de la pureté, . que l’on pourrait appeler l'Encyclopédie des Arabes. Il rappelle en À effet, sous plus d’un rapport, l'Encyclopédie du XVIIIe siècle. Sous A xte de rendre à la religion musulmane sa pureté primitive, par 4 son alliance avec la philosophie, il ne tendait pas moins qu’à la _ renverser. [J. — PERSE. Si dès à présent nous traitons à part des médecins per- sans, ce n’est pas qu’ily eût déjà en Perse une école distincte et un centre permanent de lumières comme dans l'Irak. Les médecins dont nous allons parler vinrent puiser leurscience à Bagdad, avant de la répandre dans leur pays. Ces germes ne tardèrent pas à grandir et à fructifier, etsi la Perse ne compte pas comme d’autres contrées de l'Islam un cortége nombreux de savants, un ensemble imposant d'institutions scientifiques, pendant deux siècles elle eut l'honneur de fournir à l'Orient ses deux plus grands mé- decins. Le plus illustre des médecins persans au X° siècle et même de toute l’école arabe, Razès, étudia la médecine à Bagdad, puis revint à Rey, sa patrie, où il passa une bonne partie de son existence, et y termina ses jours. Il y enseigna la méde- cine à de nombreux élèves, qui eux-mêmes en instruisaient d’autres. La présence de Razès en Perse ne pouvait man- quer de provoquer l’étude et la diffusion de la médecine, et elle dut être une des principales causes de ses destinées ultérieures dans cette contrée et dans les contrées voisines. A côté de ce grand nom il en est deux autres assez re- commandables, ceux d'El Messihy et d'El Comri qui tous deux eurent l'honneur de compter Avicenne parmi leurs disciples. Le premier habitait le Khorassan et futen grand crédit auprès du prince du pays. LUE CLS ? RAZÈS. 337 PU TE, 0 + 0, VIT. » Parmi les illustrations de ce siècle nous ne pouvons oublier le philosophe El Faraby, qui est aussi revendiqué par la mé- decine. Nous rappellerons enfin l'existence d’hôpitaux, à Rey, tenu par Razès; à Merou, que nous avons cité à propos d’Ebn Massah, et probablement à Ispahan. RAZES. (Abou Becr Mohammed ben Zakarya). Si nous avons dit d'El Kendy qu'il fut le premier philoso- . phe qui ait paru chez les Arabes, nous pouvons dire de _ Razès qu'il fut leur premier grand médecin. On peut faire un autre rapprochement entre ces deux hommes. De même _ qu'El Kendy nous étonne par l'étendue et la précocité de ses connaissances en matière de philosophie, Razès n’est 4 pas moins remarquable par la connaissance approfondie des | travaux de ses devanciers en matière de médecine, et c’est # à juste titre que nous avons donné son nom au X° siècle. - Razès naquit à Rey, d’où lui vint son nom de Razy. Nous . ignorons la date de sa naissance, mais ce fut probablement . au commencement de la seconde moitié du IX° siècle. Il . passa les trente premières années de son existence étranger » à la médecine, ce qui doit faire supposer une longue exis- . tence, vu l'étendue de sesconnaissances et le grand nombre _ de ses écrits. - Ilse passionna d’abord pour la musique, puis il se livra à . l'étude de la philosophie et de la littérature et cultiva la . poésie. 11 exerça même la profession de changeur. | _ On raconte qu’une visite, qu’il fit à l'hôpital de Bagdad, détermina sa vocation. On rapporte même les faits observés . dans cette visite. Ce que l’on raconte au sujet de la fondation . du grand hôpital de Bagdad par Adhad Eddoulah, et de . la part que prit Razès à son installation, ne résiste pas à la - critique. Il aurait été choisi parmi beaucoup d’autres méde- » cins et après des éliminations successives pour choisir l’em- . placement de l'hôpital, aurait suspendu en divers endroits 22 338 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, —— LIVRE TROISIÈME, de la ville, des morceaux de viande, et aurait considéré comme le plus salubre l'endroit où la putréfaction en au- rait été la plus lente. Ainsi que le fait observer Ebn Abi Ossaïbiah, Razès était antérieur à Adhad Eddoulah; et s’il fut attaché à cet hôpital, ce fut avant sa restauration par le prince Bouïde. Déjà il avait été chargé de celui de Rey. C’est entre ces deux villes surtout qu'il partagea son existence, et c’est à Rey qu’il paraît avoir terminé ses jours. Il fit aussi quelques voyages, et à ce propos nous devons parler de ceux qui lui sont indûment attribués. Léon l’Africain, dont les vies des Philosophes et des Médecins fourmillent d'erreurs, fait aller Razès au Caire, puis en Espagne, où il aurait fait une œuvre merveilleuse et dédié son livre, dit El Mansoury, à El Mansour, ministre du Khalife Ommiade. (1) Nous savons pertinemment que le prince auquel Razès dédia le Mansoury était El Mansour ben Ismaïl ben Ishagq fils du prince de Khorassan. Le fait est mentionné pour la première fois par l’auteur du Fihrist, qui recueillit ses renseignements à Rey de la bouche d’un vieillardqui avait connu Razès. ElOuarrag(2) apprit du même vieillard que Razès avait une forte tête, qu’ilétait généreux, bon conseiller, ne faisant aucune distinction de personnes, doux avec les pauvres, constamment occupé, suivi par de nombreux élèves lesquels en avaient d’autres à leur tour. Quant au livre de la Médecine royale, Razès le dédia au prince Aly fils du souverain du Thabarestan, A propos d'El Mansour, on raconte aussi une anecdote que nous relaterons, sans lui accorder toutefois plus d'importance qu’elle n’en mérite. On sait que Razès cultiva l’alchimie, et ce n’est pas nous qui lui en ferons un reproche. Il nous sem- ble que les alchimistes, surtout ceux de la taille de Razëès, devaient rencontrer dans la pratique de leur art bien des (1) Ce voyage est mentionné par Wüstenfeld. Avant de recourir aux sources, nous l’avions admis d’après lui, dans une courte notice sur Razès, mise en tête de la traduction de son traité de la variole, LI . L Li . \ mais le silence des auteurs orientaux nous le fait rejeter comme une de ces erreurs si communes chez Léon. (2) Surnom de l’auteur du Fihrist, RAZES. 339 _ séductions. Ils durent souvent faire des découvertes mer- | veilleuses, qui les délassaient de leurs labeurs, mais que _ l’état imparfait de la science et des moyens d’expérimenta- . tion condamnaient à une stérilité relative. Ils semaient, et | les chimistes ont récolté. Razès, dit-on, fit hommage à El _ Mansour de son livre sur la Certitude de l’Alchimie et _ reçut un présent de mille pièces d’or. Cependant le prince _ voulut voir Razès à l’œuvre. Ilse mit en frais pour des expé- _ riences qui, malheureusement, ne réussirent pas. Là-dessus, El Mansour se serait emporté jusqu’à frapper à la tête Razès, _ qui, à la suite de ce mauvais traitement, aurait contracté la _ cataracte qui affligea ses vieux jours. Suivant une autre tra- _ dition la cataracte serait venue à Razès pour avoir trop pré de fèves. _ On rapporte aussi que Razès, ayant fait venir un ocuiiste pour l’opérer, lui demanda combien il y avait de tuniques dans l'œil. L'oculiste n'ayant pu répondre, Razès aurait refusé de se confier à un praticien aussi ignorant. D’autres d sai que Razès, invité à se faire opérer aurait répondu : j'ai tant vu le monde que je ne tiens plus à le voir. ._ L’historien de la médecine prétend que Razès ne cultiva chimie que dans sa jeunesse. IL est sûr toutefois qu'il s’y É aa sérieusement car il y a consacré de nombreux ouvra- ges, dont quelques-uns ont été traduits en latin, et se trou- vent imprimés dans les recueils hermétiques. Le même historien rapporte que Razès avait une cuisine excellente, ce jui tenait à ce que ses ustensiles étaient dorés; que des ïièces d’or, venues de lui, perdirent avec le temps leur cou- eur primitive, etc. Quoi qu’il en soit de ces dires, les travaux de Razès se ortèrent surtout sur la médecine et la philosophie. _ Son premier maître à Bagdad, pour la médecine, fut le eune Thabary. El Balkhy lui enseigna la philosophie. Razès était également zélé pour l'étude et pour la prati- ue de son art. On vantait son expérience, l’habileté de son liagnostic, la sûreté de sa thérapeutique. Il a consigné plu- ieurs faits de sa pratique dans ses écrits, notamment dans le ontinent, où ilne manque jamais d'apporter son contingent SEE ET RTE ca ds dE ÿ ÿ L NL 340 xISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. après avoir cité ses devanciers. Il a même des écrits qui ne sont autre chose que des recueils d'observations. Nous rapporterons un fait mentionné par Ettenoukhy. Un jeune homme de Bagdad vint à Rey le consulter. Il crachait le sang. Après l’avoir examiné, Razès écartant l’idée de phthisie etd’abcès, lui demanda s’il n’avait pas bu en route. Le malade répondit qu’il avait un jour bu dans une mare. Razès songea aussitôt à une sangsue. Il se procura une grande quantité de lentilles d’eau, en ingéra de force dans les voies digestives du malade, qui finit par vomir, et rendre au milieu des lentilles d’eau une sangsue. Razès jouissait d’une grande considération tant à Rey que dans le Djebal. Les grands du pays avaient recours à lui, et les savants les plus éminents de son époque entrete- naient avec lui une correspondance attestée par plusieurs écrits de Razès, rédigés sous forme de lettres. La date de sa mort est controversée. On la fixe générale- ment à l’année. 320 de l’hégire, 932 de notre ère, et c’est celle qu’ont adoptée Ebn Djoldjol et Hadji Khalfa. Quelque temps auparavant, il était venu à Rey un certain Ebn el Hamid, qui, à la mort de Razès, acheta de sa sœur, … pour une forte somme, le manuscrit du Haouy, qui était . resté inachevé, et auquel ses élèves donnèrent la forme sous laquelle il nous est parvenu. ; Razès a beaucoup écrit. On le trouvait toujours chez lui, | dit-on, occupé à composer ou à mettre au net. Le nombre 1 de ses ouvrages dépasse deux cents. Quelques-uns ne sont que des opuscules, des lettres, des monographies, mais il en » est d’une étendue considérable, tels que le Mansoury et sur- Î tout le Haouy ou Continent. La liste la plus complète et la … plus explicite nous a été conservée par Ebn Abi Ossaïbiah. 4 | Son défaut est de nous donner les ouvrages pêle-mêle et sans 1 ordre de matières: aussi la lecture en est fastidieuse. Voilà. pourquoi sans doute Wüstenfeld s’est abstenu de la repro=. duire, ce qui l’a fait tomber dans des erreurs et des répéti= tions que nous devons relever, parce qu’elles portent égale ment sur le catalogue de l’Escurial. 4 Wüstenfeld a commencé par énumérer les ouvrages tra RAZËS. - E 341 duits et imprimés, puis les ouvrages conservés dans nos bibliothèques, dont il a consulté les catalogues, notamment celui de Casiri. Mais le catalogue de Casiri est défectueux à l'endroit de la médecine. Certains titres sont erronés. Wäüstenfeld les a reproduits, et en achevant sa liste au moyen du Xitab el hokama et de l’Aïoun el Anba, il a re- produit les mêmes ouvrages sous des titres nouveaux. C’est ce que nous ferons remarquer plus tard. Au lieu de suivre pas à pas les listes des écrivains arabes, nous classerons les écrits de Razès par ordre de matières, donnant d’abord les plus importants en médecine, et glis- sant parfois sur ceux d’une faible importance, nous réser- vant d'en donner plus tard une liste complète. A l'instar de Galien, Razès a composé de nombreuses mo- nographies, mais il a composé aussi plusieurs ouvrages embrassant toute la médecine pratiq ueou l’ensemble des connaissances médicales. De ces ouvrages, le plus considérable et le plus important est sans contredit le Haouy ou Continent. Il lui donna ce _ titre parce qu’il contient tout un corps de médecine prati- que. Il y a condensé les opinions de tous les médecins an- . ciens et modernes, contrôlées et complétées par son expé- : rience personnelle. C’est done autre chose qu’une simple compilation, car il prend souvent la parole, et ne craint - pas de contredire parfois les princes de la médecine grec- que. Il commence par les maladies locales, à partir de la tête, _ puis il traite des maladies générales, ensuite des venins et _ des poisons, des médicaments et de leurs synonymies. On comprend, et Razëès le fait ressortir, combien ce dernier - article avait de l'intérêt, la médecine arabe se trouvant en- . combrée d’une foule de termes exotiques venus de la Grèce, . dela Perse et de l'Inde. Le tout est distribué en vingt-deux » livres, mais il paraît que la distribution n’est pas identique . dans toutes les copies. Outre sa valeur intrinsèque, ce qui donne au Continent 1 un mérite et un cachet particulier, c’est précisément cette …. mention de tous les médecins qui ont précédé Razès. 342 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, —= LIVRE TROISIÈME, Parmi les anciens nous en trouvons dont les ouvrages sont perdus, et à propos des modernes, nous sommes étonné de la grande quantité d’écrits sur la médecine déjà publiés avant lui. Les noms de ces médecins ont été la plupart singulière- ment travestis dans la traduction latine. Quelques-uns ne sont pas reconnaissables. On en a fait le recensement, mais ce travail ne pouvait être fait d’une facon fructueuse qu’en opérant sur le texte arabe, et c’est pour cela que nous avons entrepris le voyage de l’Escurial. Nous donnerons ici un ré- sumé des découvertes auxquelles nous ont conduit nos recherches, nous réservant d’en traiter l’ensemble dans un travail spécial. Nous commencerons par les Grecs. On ne pouvait guère s'attendre à trouver du neuf relativement à Hippocrate et à Galien, mais nous trouvons des documents curieux rela- tifs à des médecins de second ordre. Quelques nouveaux écrits apparaissent, et parmi ceux qui nous sont connus, il en est que nous ne savions pas avoir été traduits, ce qui agrandit d'autant le champ des traductions. A côté d'ouvrages d’Aristote relatifs à la médecine, nous rencontrons les noms de Démocrate, de Diogène, de Criton l’auteur d’un traité de Cosmétique, d'Érasistrate, d'un Arthé- mide qui aurait composé un livre sur la culture ou l’embel- lissement de la voix. Dans les âges suivants on trouve Nicolas de Damas, Rufus avec une douzaine décrits mentionnés ; Archigène avec une escorte moindre ; Philagrius, avec une liste plus considéra- ble, Antillus, Palladius, Oribase, Alexandre, Paul d'Égine, Magnus, Étienne, Jean le Grammairien, sans compter quel- ques noms d’une lecture douteuse. A l’époque de transition nous trouvons Siméon, Ahroun, Tiadouk ou Théodocus, Masserdjouïh. Nous placerons ici le nom de deux auteurs sur le compte desquels nous sommes jusqu’à présent dénué de renseignements positifs, Aslimon, peut-être Philumène, et Misoussen (probablement Moschion). Ce dernier est l’auteur d’un traité des Accouchements fré- quemment cité par Razès. ‘HE A ES LE à = é ae is ap ee bu A RTS Len CRE LT ar ES ee AMEL RAZÉS. | _ 843 Parmi les noms iliustres chez les Arabes nous citerons Gabriel, Georges et Bakhtichoua ; la famille de Honein, lui, son fils Ishag, un autre du nom de Hakim, et son neveu Hobéïch ; El Kendy ; Mésué et Sérapion; Thabary père et fils ; Costa ben Luca, Massih de Damas, Tsabet ben Corra, Ebn Massa, Ahmed ben Thayeb (Essarakhsy). Parmi les noms moins brillants on compte Abdous, l’au- teur du Mémorial, Salmouïh, Aïoub el Abrach, Abou Djor- reih Erraheb, Ebn el Lahladj, El Bathrig, Abou Hilal d'É- messe, El Basry, Sabour, lousef Essahir. Quelques-uns ont été négligés par les biographes, tels que Termedy, Iousef Ettelmid, Abdalla ben Iahya. De la Perse, nous voyons citer l'Agriculture persane et le Compendium d'Ebn Abi Khaled el Farsy. Les Indiens fournissent un contingent cobutbtté lé et . nous rencontrons les noms fréquemment cités de Charak, . de Sendahchar et de Quolhoman. On lit aussi parfois le nom d’Athra l’Indien, et même nous avons cru découvrir, à travers les incorrections du texte, le nom de Susruta. Sou- _ vent on lit, sans autre qualification: un livre indien, Aux _ Indiens se rattache aussi le nom de Mohraris. Les sources chaldéennes sont représentées par l’Agricul- _ ture, assez souvent citée, et que pour plusieurs citations ._ nous regardons avec certitude pour être l'Agriculture chal- _ déenne. On trouve aussi le livre des Talismans qui peut . être rapporté au traducteur de l'Agriculture chaldéenne, Ebn Ouhchyah, ou bien peut-être à Apollonius de Tyane. . Quelques citations paraïssent aussi devoir être rapportées à _ ce dernier. C’est ici le moment d'ajouter que certaines cita- . tions sont empruntées à un livre attribué à Hermès. _ Il est une autre Agriculture, l'Agriculture grecque de . Costhus, bien connue des Arabes, dont un exemplaire existe À à la Bibliothèque Bodléienne, mais sur laquelle nous ne sau- . rions encore nous prononcer, qui se trouve aussi quelquefois - mise à contribution. Enfin nous ajouterons ici que l’on _ trouve deux ou trois citations avec le nom plus ou moins . altéré d'Iounious, que l’on est convenu jusqu’à nouvel ordre, - de considérer comme identique avec Columelle, Junius. 344 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. == L\VRE TROISIÈME, Parmi les noms mystérieux, il en est un que nous serions tenté de considérer comme représentant Mésué le père, c’est celui d'El Khouz ou d'El Khouzy, à moins qu'il ne représente l’école de Djondisabour. Il en est encore deux pour lesquels nous sommes réduit à des conjectures, mal- gré qu'ils reviennent très souvent, ce sont ceux d’Athour- soqgos et de Badigoras. Leurs noms ont une physionomie grecque, mais ils ne sauraient être bien anciens, car ils parlent de substances de provenance indienne, que les an- ciens Grecs n’ont pas connues. Le dernier se trouve aussi qualifié d’Alexandrin. À côté de ces noms, il faut citer quelques ouvrages anony- mes fréquemment invoqués par Razès. Ce sont d’abord des formulaires, puis des compendiums, deux au moins relatifs à l’oculistique, ensuite un recueil d'observations faites dans les hôpitaux, Tedjareb el Marestan. Il y a dans ce dernier recueil des procédés thérapeutiques et des observations in- téressantes. On trouve aussi dans Razès bien des faits em- pruntés directement à la pratique des hôpitaux. Il est encore deux ou trois noms, peut-être plus, sur lesquels nous ne pouvons actuellement nous prononcer. D'ailleurs, les manuscrits de l’Escurial, bien que nombreux, ne représentent pas tout à fait intégralement le Haouy, et nous éprouvons encore le besoin d’en consulter d’autres avant de nous prononcer définitivement. On comprend aussi que ces noms, surtout les noms étrangers, se trouvant défi- gurés par leur passage à travers l’arabe, il faut consulter plusieurs documents avant de les restituer. Ce n’est pas ici le lieu de traiter in extenso des transfor- mations qu'ont subies les noms propres et les termes tech- niques sous la plume des Arabes, et surtout du traducteur en latin; mais nous devons cependant en dire quelques mots. On sait que les mots arabes, avec des points diacritiques absents ou mal placés, peuvent subir une foule de lectures. Le traducteur n’y a pas fait défaut, ce qui prouve qu'il man- quait de moyens de contrôle et même qu'il ne s’est pas relu. Quelques noms sont écrits sous des formes très variées, où VR A i DEN nes — nts … RAZÈS. 345 lon ne rencontre la bonne que rarement. Ainsi Tiadouk, Abou Djorreidj, Bakhtichou, Archigène, etc. Il en est qui sont complètement méconnaissables, ainsi dans Job Pinzoli- eus, il est difficile de reconnaître Aioub el Abrach. Parfois au lieu du nom véritable on trouve celui d’un autre méde- ci. Par exemple, on lit fréquemment Philaretus au lieu de Philagrius, et Costus au lieu de Costa. Il arrive aussi que les noms arabes sont traduits au lieu d’être simplement transcrits. Au lieu de Saher, nous lisons Vigilans ; au lieu de Massih nous lisons Christianellus. D’autres fois, d’un nom de livre on fait un nom d'auteur, ce qui arrive maintes fois pour le livre de Galien, des Médicaments selon les genres, Katadjenes ; ce qui arrive aussi pour le livre des Chymes: dixit Chamousia. ; Les mêmes confusions se reproduisent à propos des ter- mes techniques. À propos du Dryopteris, on litqu’il ressemble à la fougère, ce que le traducteur a rendu par : Duruanta- laus quod assimilatur narcisso. La pivoine est dite se trouver (dans une table de synonymes) en regard du mot Glucuside, -et le traducteur a rendu cela par: Pœonia appellatur in libro Ali Fascari. On a même trouvé des noms d'auteurs dans une particule, ainsi du mot Lakin, mal lu, on a fait le mot Platon, ce qui peut faire tourner la tête à un érudit qui ne peut recourir au texte arabe. | De ces travestissements, il en est qui sont incontestable- ment du fait du traducteur, mais il est aussi des variantes que nous croyons devoir mettre sur le compte des copistes ou des imprimeurs. Relativement aux transcriptions du grec en arabe nous citerons un fait qui a un certain intérêt philologique. Le mot Archigène est rendu de trois manières, en supposant bien entendu les points diacritiques à leur place respective. On pourrait les rendre ainsi avec nos caractères latins: Arkhidjanes, la forme la plus commune, Arkidjanes et Archidjanes. Ceci nous semble prouver que le X des Grecs ne sonnait pas de la même manière à toutes les oreilles. En résumé le Haouy n’est, si l’on veut, qu’une mosaïque, mais faite de morceaux précieux, tant ceux empruntés par l’au- 340 HISTOIRE DE. LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. teur que ceux qu’il a tirés de son propre fonds. On a fait des abrégés du Haouy et nous en avons rencontré un à l’Es- curial, qui prouve que l'original fut transporté de bonne heure en Espagne, caril est l'œuvre du savant médecin Ben Ishag, dit le Vizir, Abderrahman en Nacer lui ayant conféré cette dignité. Nous en parlerons ailleurs. Un autre abrégé composé au XIT° siècle existe à Florence. Quant aux manuscrits du Haouy il en existe à la Bibliothè- que Bodléienne et à celle de l’Escurial, ceux-ci à peu près complets. Paris n’en à qu’un fragment qui était inconnu, quand nous en fîmes la découverte dans le n° 1056, ancien fonds. Il traite des fièvres. Au XIIL° siècle Farraguth faisait du Haouy, sous le nom de Continent, une traduction latine qui a été plusieurs fois imprimée, et qui contient deux volumes in-folio. Après le Continent, l'ouvrage le plus connu de Razès est le Mansoury, dont nous avons déjà raconté l’origine. Il n’a pas l’étendue ni l'importance du Continent, mais il embrasse, sous des proportions restreintes, la généralité de la science. Il se divise en dix livres. Le premier traite de l'anatomie, le 2° des tempéraments, le 3° des aliments et des médicaments, le 4° de l'hygiène, le 5 de la cosmétique, le 6e du régime en voyage, le 7e de la chirurgie, le 8° des poi- sons, le 9° des maladies en général, et le 10° des fièvres. Le Mansoury a été traduit en latin par Gérard de Crémone et plusieurs fois imprimé. Le 3° livre se rencontre aussi impri- mé avec Sérapion, et le 9e fut souvent commenté. Tels sont les deux ouvrages les plus importants de Razès. Ali ben Abbas, dans sa préface du Maleki, exposant que les motifs qui l’ont conduit à écrire son livre sont l'absence d’un livre complet, embrassant la médecine en des proportions suffisamment étendues, arrive à ces deux écrits de Razès. Au Mansoury, il reproche sa brièveté, qui n’en fait qu'un abrégé. Au Continent, il reproche sa méthode un peu décou- sue, de s'être restreint à la médecine proprement dite, et encore d’avoir négligé la chirurgie. Il reconnaît du reste que le fonds est excellent, et que c’est le résumé de tout ce qu'ont écrit lesmédecins de tous les temps et de tous les pays. RAZÉS, 347 Une autre grande composition de Razès est le Djami, ou Recueil, qui embrasse, à la façon du Continent, non pas seu- lement la médecine pratique, mais toutes les branches de l’art, I1 y a même un chapitre, le dernier, qui traite des écrits de Galien oubliés dans le catalogue donné par Ho- nein. Un autre livre se rapprochant du précédent est le Fakhir (1). Avec le Mansoury, on a imprimé plusieurs opuscules de Razès sous le titre collectif de Opera parva Abubetri. Ce sont : les divisions, les antidotes, les maladies des articula- tions, les maladies des enfants, les aphorismes, les pronostics, les faits d'expérience, les observations médicales, le régime, les propos d'Hippocrate, ce que doit être un médecin, un for- mulaire, la prophylaxie des calculs, les cautères et les ven- touses, les propriétés des animaux. Un des ouvrages de Razès, qui restera dans les annales de la médecine comme le premier ouvrage sur la matière, est son traité de la variole et de la rougeole. Avant lui déjà, la variole avait été mentionnée par Haroun, et dans une traduc- tion française que nous avons donné de ce traité, nous avons fait voir que la légende des oiseaux ababils représentait probablement une épidémie de variole, et qu’en tout cas, la première mention positive remontait au célèbre Rabiah ben Mocaddem, qui en était affecté au moment de son héroïque trépas, en l’année 602 de notre ère. Le traité de la variole, de bonne heure traduit et imprimé sous le titre de pestilentia, a été publié dans le siècle dernier par Channing, en texte et en traduction latine, M. Grenhill en a donné une traduction anglaise. (1) Le Fakhir ou le Précieux, est aussi un traité de médecine pra- tique, exécuté dans des proportions beaucoup plus restreintes que le Continent. Les maladies y sont exposées, suivant la même mé- thode, des pieds à la tête. Les devanciers de l’auteur y sont égale- ment mis à contribution, seulement nous ne les trouvons pas en aussi grand nombre que dans le Continent, et les attaches de l’ou- vrage avec les Grecs sont beaucoup plus étroites. L'auteur apporte aussi son contingent. La B. de Paris, possède sous le n° 1004 de l’ancien fonds, la 1re partie de cet ouvrage, qui s'arrête aux affec- tions de l'estomac. 348 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE TROISIÈME, Un des bons ouvrages de Razès, qui se trouve dans plu- sieurs bibliothèques européennes, est son traité des Correc- tifs des aliments. Il est question dans ce livre non-seulement des aliments à l’état naturel, mais aussi de toutes les prépa- rations culinaires et des boissons. En raison de cette variété d'aliments et de boissons, il serait à désirer que cet ouvrage fût traduit et accompagné d’un commentaire, car les ali- ments et les boissons ne sont que rarement décrits, mais appréciés au point de vue de leur action sur l’économie, de leurs inconvénients et des moyens de les neutraliser. Il existe à l’Escurial, n° 887 du nouveau catalogue, deux opuscules de Razès dont Casiri a complétement méconnu le ‘ titre et le contenu. Le titre sommaire du premier signifie qu’il faut user de souplesse et de condescendance quand il s'agit de supprimer les goûts ou les appétits des malades. On a pris le mot appétit, chahoua, dans le sens d’appétit vénérien. La première note que nous rencontrons sur les _pagesde garde, porte, même en espagnol : Del dano que pro- cede del coïto por la salud. Une notequi suit porte en latin : De exacta et exquisita diligentia adhibenda in curatione affectus quo quis impotens est seu ineptus ad venerem. En vrai mou- ton de Panurge, Casiri a catalogué cet opuscule sous ce titre: De viris frigidis et ad venerem ineptis eorum que cu- ratione. Ce qui est étrange, c’est que l’un des annotateurs s’'appuye sur ce qu'il a lu dans le corps de l’ouvrage pour appuyer sa traduction du titre. Il suffirait, pour établir la fausseté de cette version, de la formule plus explicite du titre dans la liste donnée par Ebn Abi Ossaïbiah : Que les méde- cins ignorants aggravent l’état des malades en contrariant leurs appétits. C’est à peu près ce qu’on lit au début de l’ou- vrage, et Razès ajoute que l’on commet aussi la même faute au sujet des hommes bien portants. Cette idée est reproduite sous une autre forme dans un opuscule inséré à la suite du premier dans le même volume. ” Casiri a traduit le titre par: De immoderata calore, ne comprenant pas le sens du mot hommya, qui veut dire diète, régime. Ici encore il suffirait de lire attentivement le commencement de l’opuscule. En voici le début: Un régime RAZÈS. 819 excessif, une alimentation trop restreinte, un usage abusif des médecines ne conservent pas la santé, tout au contraire, etc. Wäüstenfeld, au lieu de comparer avec la liste d'Ebn Abi Ossaïbiah, s’en est tenu de confiance à l'interprétation de Casiri, ce qui l’a fait non-seulement endosser une erreur, mais tomber dans une répétition. Le même ouvrage est reproduit au n° 32, cette fois sous le couvert d’Assemani, dans cette forme : Quod nimis thermarum usus noceat. Ce qu’il a fait pour le deuxième ouvrage, il l’a fait pour le premier. Après avoir reproduit le titre de Casiri : De viris frigidis et ad venerem ineptis eorum que Curatione, nous retrouvons au n° 125 le titre véritable : Quod medicus non s0- Lum prudens esse debeat, sed ægrotorum desideriis indulgens. Il est encore un autre manuscrit de l’Escurial que l’auteur du catalogue, avec une étourderie dont nous avons constaté bien des exemples, attribue à Razès. Un mauvais petit fragment de médecine, où Casiri a rencontré par hasard les tumeurs, à côté d’une foule d’autres maladies, où l’on trouve cité Avenzoar, voilà ce qu'il a pris pour un Traité des Tu- meurs de Razès, et Wüstenfeld a inscrit ce titre dans sa liste. Le n° 887 de l’Escurial contient un autre opuscule de Razès sur l’usage des fruits avant ou après le repas. L’au- teur, écartant une conclusion générale, énumère les fruits les uns après les autres, et conclut pour chacun d'eux en particulier. C’est ainsi qu’il proscrit l’usage du coing avant le repas, et qu’il le considère comme salutaire à la fin et comme aidant à la digestion par son action tonique sur l'estomac. Cette fois Casiri ne s’est pas trompé non plus que Wüs- tenfeld en le produisant, mais Wüstenfeld n’en a pas moins donné une seconde fois le même livre au n° 51. Il en a fait de même pour la saignée qui figure sous ces deux formes: De venæ sectione et de sanguinis missione, etc. Nous avons parcouru à l’Escurial un petit traité de Razès sous le titre de Secrets de l'Art médical, qui ne justifie pas son titre. L’opuscule est assez court et ne contient que des propositions aphoristiques ou des recettes. 390 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. Il en est une relative à l’auteur, qui accuse avoir éprouvé sur ses vieux jours un affaiblissement de la vue et des facultés génitales. Cet ouvrage se ressent de la vieillesse de Razès. Ce qui rend fastidieuse la lecture des listes des écrits de Razès, que nous ont données le Kitab el hokama et l’Ouioùn el amba, c’est que les ouvrages y sont exposés pêle-mêle et sans ordre de matière. Nous avons pensé qu’il valait mieux, après avoir donné les principaux, grouper les autres, et en passer sous silence quelques-uns des moins importants, sauf à donner plus tard et sous forme de note la liste in extenso . d'Ebn Abi Ossaïbiah. Nous commencerons par les ouvrages de médecine. Que l’organisation de l’homme est bien entendue. Du plaisir. De l'habitude. De la soif. Des saveurs. Différentes descriptions: du cœur, du foie, de l’œil, de l'oreille, des testicules, des articulations. De la vision, qu’elle ne se fait pas par des rayons émanés de l'œil, De la prééminence du sens de la vue. Des paupières et de l’utilité de leurs mouvements. Pourquoi l'œil se resserre à la lumière et se dilate dans l'obscurité. Des fonctions des org'anes. Comment s'opère la nutrition. Des causes qui relient le cœur aux viscères, Du coït. Pourquoi les émanations du semoum tuent les animaux, Pourquoi l’automne eng'endre des maladies. Introduction à la médecine. À qui n’a pas de médecin présent, connu aussi sous ce titre : » De la médecine des pauvres: Examen du médecin (dans les opera parva). Qu'un médecin ne peut guérir toutes les maladies: RAZÈS. & 391 Que des maladies légères peuvent être difficiles à guérir. Des maladies obscures. Des maladies mortelles. De la goutte et de la sciatique. _ Des calculs. __ De la colique. Des hémorrhoïdes. __ Des maladies cutanées. De la lèpre. __ De la paralysie. _ Du tic facial. Du coryza. _ De la saignée. GT Du régime alimentaire dans les maladies, Des opérations chirurgicales. De la réduction des fractures. | Pourquoi les parties excisées ne s’agglutinent plus. __ Des vins qui enivrent. _ Des vins qui n’enivrent pas. __ Dulait. __ De la neige. De l'eau refroidie par la neige. _ De l'argile. _ Des médicaments. . De la préparation des médicaments, à son élève Iousef ben _ Jakoub. ._ Des purgatifs chez les tempéraments chauds. Des succédanés. __ Formulaire. Pourquoi si peu de gens arrivent à un âge avancé. _ Pourquoi tant de gens s'adressent aux mauvais médecins plutôt qu'aux bons. 2 De la médecine royale ; traitement des maladies, particu- ; lièrement par les aliments. _ Des hôpitaux. | A ces livres nous ajouterons plusieurs extraits ou com- mentaires de Galien, et des lettres adressées à divers contem- porains, tant sur des questions de doctrine que sur des ques- tions de fait. 302 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. Alchimie. Quelle que soit l'époque de son existence à laquelle Razès cultiva l’Alchimie, ce qui est certain c’est qu’il a composé plusieurs livres sur l’Art. Nous citerons d’abord un livre en douze chapitres où il traite de toutes les questions afférentes à l’alchimie. Nous en trouvons encore beaucoup d’autres dans la liste de ses œuvres. Ainsi un livre sur la probabilité de l’alchimie, un autre sur sa certitude, un livre sur la pierre jaune, un autre sur l'or et l'argent, une réponse à El Kendy qui avait écrit sur la futilité de l’alchimie, un livre sur l’As de Géber. Enfin il en est plusieurs sur le contenu desquels nous ne saurions actuellement nous prononcer, le mot hikma pou- vant avoir une double acception : celle d’alchimie ou celle de philosophie. Le nom de Razès figure dans les recueils hermétiques, et quelques productions sous le nom d’Abubetri lui doivent être attribuées. Philosophie. Ces écrits sont nombreux: nous citerons les plus impor- tants. Divers écrits sur la logique et la métaphysique, dont quel- ques-uns en vers. Plusieurs écrits sur l’Organon d’Aristote ou sur les matiè- res qui y sont traitées. Quelques écrits sur l’âme, et son incorporéité. Du libre arbitre. De la matière. Du vide et du plein, du temps et de l’espace. Plusieurs écrits contre l’éternité du monde. Que le monde a été créé avec sagesse. Des propriétés des choses, Pourquoi les bêtes et les reptiles ont été créés. Quelques écrits sur certains ouvrages de Libanius, de Pro- clus et de Plutarque. Plusieurs écrits en réponse aux matérialistes. Sur la métaphysique de Platon, et sur celle d’Aristote. PERSE. 353 De la médecine spirituelle. Des songes. Des qualités que doivent avoir les élèves. 4 Quelques ouvrages ont particulièreñent un caractère reli- | gieux, ainsi : _ Des anges. De la foi. De la bonne voie. Nécessité de la prière. Des fautes imputées aux saint. Des prodiges et des prophéties. De ce qu'ont ignoré les philosophes. Quant aux ouvrages relatifs aux sciences naturelles et Pen painnee, nous citerons : _ Du mouvement: qu’il est spontané ou naturel. _ Des opinions fausses en physique. Pourquoi l’aimant attire ie fer. > Plusieurs ouvrages sur la sphéricité de la terre, entre au- _ tres celui qui a pour titre : _ De la forme du monde, que la terre est sphérique, qu’elle est placée au milieu des sphères, qu’elle a deux pôles sur 1 lesquels elle tourne, qu’elleest plus petite que lesoleil et plus L. grande que la lune. . Que ce que nous voyons en haut dans ce monde ne saurait _ être admis ainsi. _ Que le coucher du soleil et des astres est indépendant du | mouvement de la terre. _ Contre ceux qui prétendent que les astres ne sont pas _ Du degré de confiance à accorder à l’astrologie. _ Livresur les mathématiques. - Razès laissa un Compendium sur la musique, qui avait été _ la passion de sa jeunesse. . Ilécrivit enfin son autobiographie. _ En résumé Razëès fut le premier grand médecin qu'aient produit les Arabes, et l’on peut même dire qu’il ne fut sur- _-passé ni peut-être égalé par aucun de ceux qui vinrent 1 après lui. On ne saurait lui comparer qu’Avicenne et Aven- ? 33 304 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. zoar ou bien encore Ali ben el Abbas. Comme praticien, le premier lui est incontestablement inférieur. Quant au second, s’il l’égale à ce point de vue, Razès lui est supérieur pour l’étendue de ses connaissances et de ses travaux. Le Continent de Razès n’a pas la savante ordon= nance du canon d’Avicenne, mais on doit savoir gré de sa réserve à Razès. Il comprit que le moment n’était pas encore venu de faireun traité completet dogmatique de la médecine ; mais il ne se borna pas à faire un simple inventaire de la science de ses devanciers, il la soumit au contrôle de sa lon- gue et vaste expérience. Le temps lui manqua pour donner à ce vaste répertoire une forme véritablement scientifique, et en élaguer les répé- titions et les longueurs, qui lui ont été justement reprochées par Ali ben el Abbas, dont le Maleki a pour caractéristique l’ordre et la mesure. ABOUL KHEIR HASSAN BEN SAOUAR BEN EL KHAMMAMR, Aboul Kheir el Hassan ben Saouar ben Baba ben Bahnam, dit aussi Ebn el Khamtmar, naquit en l’année 331 de l’hé- gire, 942 de notre ère. C’est par erreur que le texte arabe d'Ebn Abi Ossaïbiah donne l’année 381, comme le fait re- marquer Wüstenfeld, qui en prouve la fausseté par des syn- chronismes. Mais Wüstenfeld aurait pu voir que la date de 331 est donnée par le Kitab el hokama et le Fihïist. Celle de 381 serait probablement celle de sa mort, qui ne nous ést pas donnée. Aboul Kheir était chrétien, C'était aussi un homme intél- ligent, versé dans les sciences antiques et médecin Consom- mé. L'exercice de son art l’éleva au plus haut degré de consi- dération, et son mérite lui fit pardonner sa hauteur. Etait- il appelé par des gens modestes et honnêtes, il s’y rendait à pied en disant: Je fais cette course en expiation de celles que j'ai faites pour des gens malhonnèêtes et puissants. Était-il appelé par un prince, il s’y rendait à cheval, en grand ap- pareil, escorté parfois d’une troupe de trois cents cavaliers. MAÉ AÉS n C e S s à à À | PERSE. 309 C’est ainsi, dit Ebn Rodhouan, qui nous a conservé ces faits, Ë qu’agissaient Hippocrate et Galien et d'autres savants méde- _ cins. __ Aboul,Kheiïr avait eu pour maître en philosophie le savant _ traducteur Jahya ben Adi. . Ilfut lui-même traducteur et traduisit plusieurs ouvrages _ du syriaque en arabe. _ Tels sont d’autre part les ouvrages de son crà : De l’examen des médecins. De la constitution de l’homme et de son organisation. Du régime des vieillards. Nous pensons que c’est ainsi _ qu'il faut traduire ce que Wüstenfeld arendu par De institu- à tione prœceptorum. _ De la maladie sacrée où épilepsie. _ Des femmes enceintes. Des phénomènes qui sont produits dans l'atmosphère par $ ss vapeurs, tels que le halo, l’arc-en-ciel, etc. A Des concordances entre les opinions des philosophes et L elles des chrétiens. 4 De la vie des philosophes. Le Fihrist donne cet ouvrage comme lui appartenant, et le Kitab el hokama comme une traduction. — De la prospérité. Des amis et de l'amitié. _ Abrégé de l'Isagoge de Porphyre. b Commentaire de l’Isagoge. 2 De la discussion survenue entre Lahÿa ben Adi et Ibrahim ben Baks sur la nature du feu. _ Telles sont ses traductions, qui sont nettement > di par le Fibrist et le Kitab el hokama : _ Des météores, d’Aristote. f Ë Questions de Théophraste: . Nous avons déjà parlé de la vie des philosophes. un D tton est diversement er ae x lit dans 3295 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. Le Fihrist et le Kitab el hokama disent: Traduction des quatre livres qui se trouvent sur la logique. Mais ils ne s'accordent pas sur le nom de l’auteur, du moins leurs manuscrits. Le premier donne Lakis et le deuxième Lebes. Nous ne savons de quel autenr il peut être question. . Wenrich n’a parlé ni de ce dernier ouvrage ni de la vie des philosophes. ABOÛ SAHL EL MESSIHY. Abou Sahl Issa ben Tahya el Messihy el Djordjany était originaire du Djordjan et chrétien de religion, comme l’in- diquent ses surnoms. On dit aussi qu’il habita le Khorassan et qu'il fut en faveur auprès des souverains. On nous vante ses connaissances théoriques et pratiques, son éloquence, son habileté dans la composition et l'esprit excellent de ses écrits. Ce qui le recommande encore c’est d’avoir compté parmi ses disciples Avicenne et d’avoir influé sur sa vocation médicale. Avicenne lui dédia quelques-uns de ses ouvrages. Abou Sabhl el Messihy mourut en l’année 1000 de notre ère à l'âge de 40 ans. Le plus important de ses écrits nous est parvenu. Il porte le titre de Kitab el Meya, (1) ce qui ne veut pas dire les cent livres, comme on l’a traduit abusivement et en particulier Pococke dans sa traduction des Dynasties d’Aboulfarage, p. 233, mais le livre en cent chapitres. Telle est en effet sa. distribution. Le Meya est un traité sommaire et complet de médecine, divisé en cent chapitres etcontenantdecinqàsix centspages. … C’est le premier ouvrage en ce genre que nous ayons ren-—. contré jusqu’à présent, c’est le premier essai d’encyclopédie (1) Le Meya se trouve à Oxford sous le n° 582. La bibliothèque de 4 Paris en possède deux exemplaires, sous les nes 1009 et 1010 de l'ancien fonds. Le premier ne contient que les trente premiers cha= pitres. 4 Gapqus ar PERSE. 307 médicale tenté par l’école arabe, et en quelques sorte le pro- gramme du Canon d’Avicenne. On pourrait dire que le premier tiers de cet ouvrage est consacré aux généralités qui servent d'introduction à la mé- decine proprement dite, à l'hygiène, aux aliments, aux mé- dicaments; le deuxième à la médecine générale, et le troi- sième à la médecine spéciale et pratique. C’est dans son cadre un ouvrage bien concu et bien exécuté. _ Amin eddoula en fit l’objet d’annotations et le recomman- dait comme un excellent et substantiel résumé. Il le fut aussi de la part de Noman ben Abirrdha el Israïly, qui avait pris cet ouvrage à cœur sur les recommandations de ses maîtres. La bibliothèque de Paris possède cet ouvrage sous le n° 1024 du supplément. Tels sont les autres écrits d'Abou Sahl el Messihy : Exposition de la sagesse dont Dieu à fait preuve dans la L création de l’homme. Ce livre faisait l'admiration d’Ebn Abi Ossaïbiah. De la science de la nature. Traité de médecine générale en deux parties. Traité de la variole. Traité de la peste, dédié au roi Malek el Adel Khouaresm- chah ben Mämoun. Extrait de l’Almageste. De l'interprétation des songes. On cite encore un traité du pouls. ABOU SOLEIMAN ESSEDJESTANY. Abou Soleiman Mohammed ben Dhaher ben Bahram fut surnommé Essedjestany du Sedjestan, sa patrie. On le nomme encore El Mantaky, ou le Dialecticien. Ami et élève d'Tahya ben Ady, il cultiva aussi la philoso- phie et la littérature. Il écrivit un traité sur l’organisation des facultés humaines ; un traité sur la dialectique ; des réponses à des demandes qui lui étaient adressées ; des notes sur la Philosophie et les curiosités ; que les COTPS : 358 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE —— LIVRE TROISIÈME. célestes ont une nature spéciale et sont doués d’une âme raisonnable. Ebn Abi Ossaïbiah, dans son livre I‘, fait deux citations de Sedjestany. Telle est la première : « Ebn Ady m'a assuré que les Indiens possèdent des sciences sublimes touchant la philosophie, et il pensait que la science avait été par eux transmise aux Grecs. Je ne sais d’où lui est venue cette . Opinion. » La seconde a trait à Esculape et contient des erreurs historiques. ABOUL HASSAN AHMED ETTHABARY. ._ Aboul Hassan Ahmed ben Mohammed, natif du Thabaris- tan, reçut le surnom d’Etthabary. Il était au service de l’émir Rokn eddoula ben Bouïh, et mourut en l’année 970. Il écrivit un compendium de médecine, connu sous le titre de Traitements hippocratiques, dont il existe trois exem- plaires à Oxford. Il semblerait que cet ouvrage ait traité d’une façon toute particulière de l’œil et de sathérapeutique. Un autre Ms. à Munich. n° 810. Il est bien souvent cité sous ce même titre dans un Traité d’oculistique de Khalifa ben Abil Mahassen, qui existe à Paris sous le n° 1043 du supplément. Quelques-unes de ces citations semblent avoir été inter- calées après coup. EL COMRY. Abou Mansour el Hassen ben Nouh el Comri nous est donné par Ebn Abi Ossaïbiah comme le médecin le plus distingué de son temps pour son excellence dans la pratique de la médecine, son excellente méthode, sa connaissance des principes de la médecine, et son habileté dans la pratique de l’art. Il était en faveur auprès des souverains. Chems eddin Abd el Hamid ben Issa rapporte qu’Avicenne assistait avec profit aux lecons d'El Comry, déjà avancé en PERSE. 359 âge. Les relations d'El Comry avec le jeune Avicenne, éta- blissent qu’il prolongea sa carrière jusque vers la fin du X° siècle. . El Comry composa sous le titre R'any ou Many un com- pendium de médecine, où il traite parfaitement de toutes les maladies et de leur traitement, et passe en revue les opinions des anciens et des modernes et particulièrement celles de Razès. Cet ouvrage se trouve à la Bibliothèque Bodléienne, sous le n° 642. Il se divise en trois parties : des maladies internes, des maladies externes et des fièvres. B. de Florence, n° 247. à Il écrivit aussi un traité des causes des maladies. ALFARABY. "TETE Abou Nasr Mohammed ben Mohammed ben Tarkhan, que les Musulmans considèrent comme le prince de leurs philo- sophes, reçut le surnom d’Alfaraby du nom de sa ville na- tale, Farab dans le Turkestan, ou suivant d'autres, Fariab dans le Khorassan. Il se rendit à Bagdad, où il étudiad’abord la langue arabe, puis la philosophie. Il eut pour maîtres Abou Bachar Matta et Iahya ou Jean fils de Djilân (dit Djelabad par Casiri et Pococke). Ses débuts furent laborieux, car il était pauvre, et il lui arriva parfois de se retirer le soir dans les corps de garde pour y profiter de leur lumière. Bientôt il professa lui-même à Bagdad et compta de nombreux et éminents élèves. Il se retira plus tard à la cour de Seif eddoula, prince d'Alep, qui le reçut avec distinction. Ayant accompagné ce prince à Damas, il y mourut en l’an- née 950 de l’ère chrétienne. Alfaraby compte plutôt parmi les philosophes que parmi les médecins. Il se passionna pour Aristote, dont ses écrits reproduisent les doctrines. Il rapporte lui-même avoir lu deux cents fois le traité de l’âme, et cinquante fois la phy- sique d’Aristote. Avicenne déclare qu'il a puisé toute sû science dans les ouvrages d’Elfaraby, et Munk pense q 360 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. l’usage fait par Avicenne des écrits d’Alfarabv, est peut- être la cause de leur grande rareté. On lit aussi, dans les Mélanges de philosophie juive et arabe, que Ebn Tophaïl ne faisait pas un très-grand cas de la philosophie d’Alfaraby, que sa doctrine n’était pas orthodoxe, qu’il ne paraissait pas admettre l’immortalité de l’âme, et que d’autre part Mai- monide estimait beaucoup son livre de la politique. Les autres sciences ne lui étaient pas étrangères, et parmi une centaine d'ouvrages que lui attribue Ebn Abi Ossaï- biah, on remarque des commentaires sur Porphyre, Alexan- dre d’Aphrodisée, Euclide et Ptolémée. Le même biographe nous a conservé un curieux fragment d’Alfaraby sur l’école d'Alexandrie. On y lit, entre autres choses, qu'Auguste fit traduire les œuvres d’Aristote, qu’il chargea Andronicus de les prendre pour base de son ensei- gnement à Alexandrie, et qu’il en fit porter des copies à - Rome. Quand le chritianisme domina dans Alexandrie, les évêques se concertèrent pour fairedans les œuvres d’Aristote, un choix de ce qui pouvait être enseigné. A l’avénement de l’islamisme, l’enseignement finit à Alexandrie et fut trans- porté à Antioche. Nous ne pouvons entrer dans le détail des œuvres d’Al- faraby. Nous dirons seulement qu’outre la philosophie, il cultiva aussi l’astronomie, les mathématiques et même la musique. Cependant nous devons parler de son ouvrage intitulé : Thça el Ouloum, sorte d’encyclopédie où il traite sommaire- ment de la classification des sciences et de leur objet. Munk pense que nous avons un abrégé de cet ouvrage dans ia tra- duction latine imprimée sous le titre Compendium omnium scientiarum, dont il existerait à Paris une meilleure traduc- tion manuscrite. Quant aux ouvrages de médecine nous trouvons une mé- decine théorique et pratique traduite en hébreu et existant à la Bibliothèque de Paris, des objections à Galien, des objec- tions à Razès, des traités sur les organes des animaux, sur les concordances entre Hippocrate et Platon, ainsi que entre Aristote etGalien, sur la physique et sur les météores. PERSE, 361 Enfin nous devons citer un traité sur la certitude de l’al- chimie. Malgré l’assertion de Munck, il existe cependant un nom- bre assez considérable de manuscrits d’Alfaraby dans nos bibliothèques, ainsi qu’on peut s’en assurer. La Bibliothèque de Paris en contient plusieurs tant en hébreu qu’en arabe. V. le cat. des Mss. hébreux rédigé par M: Zotenberg. Plusieurs ouvrages nous sont restés en tra- duction latine. ABOU MANSOUR MOUAFFEQ BEN ALI. Abou Mansour vivait dans le courant du X: siècle de no- tre ère. Il habitait Hérat, et porta le surnom de Haraouy. Il écrivit en langue persane, (1) sous forme alphabétique, un traité de matière médicale, dédié au prince Nouh ben Mansour, le Samanide, qui nous est connu comme ayant protégé les savants, et mourut en 987. L'auteur et son livre ne nous sont connus que par un tra- vail de M. Seligman, exécuté d’après un manuscrit unique. D’après ce qu’en dit l'éditeur, l’ouvrage ne paraît pas d’une grande importance. Au milieu d'emprunts faits à ses devan- ciers, l’auteur a cependant quelques parties originales. Son intérêt est surtout historique, ainsi que nous l’avons déjà fait observer précédemment. Les citations portent sur des médecins grecs, syriens, arabes et indiens. La position de l’auteur le mettait en quel- que sorte au confluent de ces divers courants scientifiques. Les médecins grecs figurent au nombre d’une dizaine, parmi lesquels Dieuchès, et Philotimus que nous n'avons pas vu cité autre part. Ont-ils été traduits ou bien les cita- tions sont-elles empruntées à d’autres écrivains ? Les médecins syro-arabes sont un peu plus nombreux. Les [ndiens sont au nombre de quatre ou cinq. Ces dernières citations sont particulièrement intéressan- (1) Les traditions persanes se réveillaient à mesure que le Khali- fat décliuxit, et notre auteur paraît avoir un faible pour le parsisme. 362 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. tes. À propos de la théorie des éléments, l’auteur met en comparaison les doctrines des Grecs et celles des Indiens et il se prononce pour ces dernières. Nous en avons déjà parlé à propos de la médecine des Indiens. Abou Mansour avait voyagé dans l’Inde et y avait étudié la médecine du pays. 7e II. — L'IRAK. Le travail des traductions opéré, Bagdad perdit nécessai- rement un peu de son importance comme centre de lumie- res. Toutes les fractions du vaste empire musulman étaient venues faire leurs provisions de science, et de nouveaux foyers s'étaient partout allumés, bien qu’elle en restât le principal. D'autre part le Khalifat était en pleine décadence, et démembré : le mouvement scientifique procédait surtout ‘de l'impulsion primitive. C’est à l’émir Adhad eddoula que les lettres et les sciences furent le plus redevables au X° siècle, et c’est à peine si nous rencontrons quelquefois la main des Khalifes subal- ternisés. Adhad eddoula, sur la fin du X* siècle, fit revivre un instant les beaux jours des premiers Khalifes Abbassides. Ami des arts et des sciences, il protégea ceux qui les culti- vaient. Il fit construire des mosquées, des écoles, des hôpi- taux, des bibliothèques. L'hôpital, qui de son nom porta celui d'El Adhedy, fut construit avec grandeur, et immédia- tement pourvu de vingt-quatre médecins traitants. Les services y étaient distingués par catégories de malades. Il y avait des fiévreux, des blessés, des ophthalmiques, et les médecins y étaient répartis suivant leurs aptitudes. Nous entrerons dans plus de détails sur cet établissement, quand nous ferons l’histoire des hôpitaux, et nous nous bornerons maintenant à ajouter que la fondation de cet hôpital parut un assez grand événement pour que son anniversaire fût plus tard célébré par des fêtes annuelles. 364 HISTOIRE DE LA MÈDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. C'est à l’émir Adhad eddoula qu’Ali ben Abbas dédia le Maleky. Nous avons déjà vu la dignité de chef des médecins confé- rée notamment à Honein. Mais chez Sinan ben Tsabet, ce ne fut pas seulement un titre honorifique. Nous racon- terons dans sa biographie comment il procéda à l'examen de tous les individus exerçant la profession médicale. Pendant ce siècle se prolongea le travail des traductions. La médecine fut surtout représentée dans l'Irak par deux familles de médecins avec lesquelles nous avons déjà fait connaissance, celle de Tsàbet et celle des Bakhtichou qui conserva des représentants notables au-delà des limites du X: siècle. Cependant nous comptons déjà quelques noms parmi les Arabes, et dans ce groupe de médecins attachés à l'hôpital fondé par Adhad eddoula, parmi ceux qui nous ont été ‘conservés, presque tous sont des noms arabes. Toutefois, à Bagdad, nous verrons longtemps encore le nombre des mé- decins chrétiens balancer celui des musulmans. Ce fut surtout dans la culture des sciences mathémati- ques que le génie arabe se donna carrière. Ajoutons que le X° siècle fut celui du polygraphe Mas- soudy. En somme l'Irak, au X° siècle, se maintint digne de la hauteur où il s'était élevé pendant le siècle précédent, autant par les institutions que par les hommes. Si peu d'hommes réellement supérieurs fleurirent à Bagdad, ce fut encore là surtout que l'Asie vint s’instruire, et ce fut à Bagdad que se forma le plus grand médecin de l’école arabe, l’illustre Razès, puis Ali ben Abbas, dont le Maleky est le premier corps complet et méthodique de médecine composé par un Arabe, livre dont la vogue ne céda qu’au Canon d’Avicenne. te Ve PE RS ET EE RL E— L'IRAK. 365 I. — Les Sabiens. ABOU SAÏD SINAN BEN TSABET. Sinan se montra digne de son père Tsabet ben Corra. Si dans la liste de ses ouvrages nous ne rencontrons pas d’écrits relatifs à la médecine, ses importantes fonctions annoncent un médecin distingué. Sa biographie est une des plus inté- ressantes que nous ayons à enregistrer. Nous ignorons la date de sa naissance, mais nous connais- sons celle de sa mort, qui eut lieu en 331 de l’hégire, 942 de notre ère. Il servit les Khalifes Moctader Billah, Kaher et Radhy. Le premier lui conféra la charge de chef des médecins. Kaher voulut qu'ilse fit mulsuman. Sinan résista d’abord, puis céda. Cependant, peu confiant dans le Khalife, il s’enfuit dans le Khorassan, d’où il revint ensuite à Bagdad, qu’il habita jus- . qu’à sa mort. Son fils Tsabet écrivit des Annales, où il a consigné deux faits de la vie de son père, qui sont des dates dans l’histoire de la médecine. Nous lui céderons la parole, mais en l’abrégeant. « Mon père était chargé non-seulement de l'hôpital de Bag- dad, mais encore des autres hôpitaux. Or, une année d'épi- démie, le vizir Ali ben Issa lui écrivit une lettre où il disait: J’ai réfléchi sur la situation des troupes. En raison de leur nombre et de l'éloignement de leurs habitations, il doit y avoir beaucoup de malades manquant du nécessaire. Il faut que des médecins leur soient spécialement affectés, qu'ils les visitent chaque jour pour leur distribuer des médicaments et des boissons, qu'ils aïllent dans tous les corps de troupes soigner les malades et se rentre compte de leurs besoins. Mon père se conforma toute sa vie à ces prescriptions. Le vizir lui écrivit une seconde lettre : J’ai pensé que les cam- pagnes devaient aussi avoir des malades et manquer de médecins pour les soigner. Il faut leur en envoyer avec des provisions de médicaments; qu’ils séjournent dans chaque 300 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME, localité le temps nécessaire et qu’ils se transportent partout. Mon père obéit encore. « Des médecins lui arrivèrent. On lui écrivit aussi des campagnes que les malades étaient nombreux, qu'aux envi- rons de Nahr el Malek les juifs étaient en majorité et récla- naient aussi des soins. Mon père en informa le vizir et lui demanda ce qu'il fallait faire, l’informant toutefois que le réglement des hôpitaux accordait des secours aux Zimmis (sujets non musulmans) tout aussi bien qu'aux Croyants. Le vizir répondit : J'ai compris ce que tu m'as écrit, et ton avis est le mien. Il faut traiter les zimmis et même les animaux. Les hommes d’abord, puis les animaux ; les musulmans les premiers, puis les zimmis. Ce qui reste après les dépenses faites pour les musulmans doit être employé pour les autres malades. Fais-le savoir à tes collègues: qu'ils se rendent dans les campagnes et dans les localités infestées par l’épi- démie autant que la sécurité des routes le leur permettra. « Lesdépenses de l'hôpital étaient assurées par un immeu= ble engagé par la mère de Moutaouakkel, et une partie des revenus de cet immeuble appartenait aux Beni Hachem. L'administrateur, Abou Sahr, favorisait les Beni Hachem au détriment de l’hôpital. Mon père en informa le vizir Ali ben Issa, et lui apprit que les malades manquaient de charbon, de vêtements et d’approvisionnements. Une lettre sévère fut adressée à Abou Sabr, et il lui fut enjoint de don= ner à l'hôpital la part qui lui revenait et d'assurer l'exécution de ce service. « En l’année 306 mon père ouvrait l'hôpital dit Esseyda pour lequel on dépensait chaque mois six cents pièces d’or: « La même année il engag'eait le Khalife Moctader à fondef ün hôpital qui porterait son nom. Le Khalife Moctader y dépensait chaque mois, de ses revenus, déux cents pièces d’or: « En l’année 319 (931 del’ère chrétienne) il arrita qu'un homme mourut par la faute d’un médecin. Il fut dès lors interdit à tout médecin d’exércer, avant d’avoir été examiné par mon père et d'en avoir reçu un diplôme. Il s’en présenta de Bagdad et des énvirons plus de huit cents (le Kitab el Hokama dit huit cent soixante) sans compter ceux que leur 2 L'IRAK. . 367 notoriété dans l’art de guérir dispensait de cet examen, et ceux qui étaient attachés au service du sultan. » Nous n’avons rien rencontré qui nous autorise à admettre que ces examens officiels se continuèrent par la suite et que Sinan ait eu des successeurs, dans ces fonctions d’exa- minateur. Dans le nombre des examens faits par Sinan, il y en eut un que sa singularité afait relever par les écrivainsétrangers à la médecine. Un vieillard se présenta à Sinan, bien mis et d’un aspect imposant. Il fut reçu avec tous les égards que semblait commander un extérieur aussi recommandable. Je désirerais, lui dit Sinan, entendre quelques propos du doc- teur, afin d’en faire mon profit. Le vénérable candidat tira alors de sa manche un papier contenant des pièces d’or, et les offrit à Sinan, en lui disant : Je ne sais ni lire ni écrire, mais j'ai une famille à nourrir, et je te prie dé ne pas m'en lever ce qui nous fait vivre. Sinan sourit, et lui répondit : A une condition, c’est que tu n’entreprendras jamais le traite- ment d’un malade que tu ne connaisses parfaitement sa ma- ladie, et que tu n’emploies jamais la saignée ni les purgatifs que dans des cas bien évidents. C’est ce que j'ai fait jusqu’a- lors, répondit le vieillard, et je n'ai jamais administré que de l’oxymel et des juleps. Sinan le congédia. -Sinan composa plusieurs ouvrages d’histoire, de mathé- matiques et d'astronomie. Il fut aussi traducteur. Dans la prémière catégorie, nous citerons les annales des tuis de Syrie, les annales de sa famille, la religion des Sa- biens, une traduction arabe de leurs rites et de leurs prières. Dans la seconde, des commentaires sur des éléments de géométrie ; des lignes tracées dans ün cercle, dédié à Adhad eddoula; des commentairés sur les ouvrag'es d'El Kouhy, des commentaires sur le livre des triangles d’Archimède dont une traduction du syriaque en arabe avait été faite par le prêtre Yousef, traduction qui fut revue par Sinan. Enfin dans la troisième nous citerons un traité de l'équi- ioxe, dé la division dés jours dé la semaine suivant les pla< nètes, des sciences astronomiques. li traduisit aussi le traité des lois d'Hérmès. 3068 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. Un catalogue de ses ouvrages avait été établi par un de ses anciens coreligionnaires, le sabien Ibrahim ben Hilal. ABOU’L HASSAN TSABET BEN SINAN. Ainsi que son père, il fut médecin des Khalifes, et il servit Mottaquy, Mostacfy et Mouty. En l’année 313 il fut chargé du service d’un hôpital, où il enseignait la médecine, pre- nant pour base de ses leçons Hippocrate et Galien. Il n’a pas laissé d’écrits sur la médecine, et ce qui lere- commande à notre attention, c’est qu’il futchargé de soigner le malheureux Ebn Mocla. On sait que ce célèbre calligra- phe, qui passe pour avoir donné aux caractères arabes leur forme définitive, devint aussi vizir, et qu’ayantencouru, pour divers motifs, plusieurs disgrâces succcessives, il fut con- damné à avoir la main, et plus tard la langue coupée. Tsabet fut chargé d'aller le panser. Je le trouvai, raconte-t-il, dans ses annales, livide comme du plomb, affaibli et agité par la souffrance. À ma vue il se mit à pleurer. Son bras était gonflé. Sur le lieu de l’amputation était de la fiente mainte- nue par un linge grossier. Sur l’extrémité du membre était une ligature qui entrait dans les chairs. Je l’enlevai et fis remplacer la fiente par du camphre. Un autre jour il se mit à pleurer en disant: cette main qui a servi trois Khalifes et qui a copié deux fois le Coran, on l’a coupée comme on fait pour un voleur. Quand plus tard on lui coupa la langue, il tomba dans un tel abandon, que n’ayant plus personne pour le servir, il puisait de l’eau lui-mème, s’aidant de sa main gauche et tenant la corde entre ses dents. Tsabet a laissé des annales où il raconte les événements survenus depuis l’année 295 jusqu’à l’époque de sa mort, dont nous ignorons la date. Tsabet eut un frère du nom d’Zbrahim qui cultiva l’astro- nomie, et laissa un fils du nom d’/shaq qui s’adonna à la médecine. L'IRAK. 369 Autres Médecins Sabiens. A côté de la famille de Tsabet, nous trouvons encore quel- ques Sabiens qui se firent un nom dans la médecine. Le plus marquant est Aboul Hassan Tsabet ben Ibrahim ben Zahroun. Son père Ibrahim était aussi médecin, et ha- bitait Harran, l’ancienne Carrhes. Aboul Hassan était un médecin expérimenté, judicieux, n’acceptant la tradition que sous bénéfice d'inventaire. Ebn Bothlan le cite dans son livre où il parle du traitement récemment institué contre certaines maladies telles que la paralysie, que l’on avait antérieurement l'habitude de combattre au moyen de mé- dicaments excitants. Un jour l’émir Abou Daher fut frappé d’apoplexie, et tous les médecins le croyaient mort. S’il en est ainsi, dit Aboul Hassan, une saignée ne saurait lui faire de tort. On lui permit de la faire, et le malade revint à la santé. Aboul Hassan expliqua la maladie par la suppression de pertes hémorrhoïdaires, et sa cure par leur remplacement par la saignée. Obéid Allah ben Djabril cite encore des faits de la pratique d’Aboul Hassan, qui témoignent de son expérience médicale. On en trouve dans Aboulfarage qui annoncent plutôt de la hardiesse que de l'instinct médical. Aboul Hassan commenta le compendium de Jean fils de Sérapion et mourut en 365 de l’hégire, 975 de notre ère. Il eut un frère, Hilal ben Ibrahim, qui pratiqua la méde- cine à Bagdad avec succès et distinction. Il fut attaché à la personne de Touzoun, Émir el Omra, qui, pour une méde- cine active le récompensa si généreusement que Hilal en fut soucieux. Si cet ignorant, dit-il à son fils Ibrahim, me ré- compense de la sorte pour un purgatif dont j’ai dù combattre l'intensité, pour une cause futile je puis encourir sa disgrâce. EBN OUACIF ESSABY OU LE SABIEN. Il vivait au milieu du X°+ siècle, et jouissait à Bagdad d’une grande réputation comme oculiste. Ben Younes rap- 24 370 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. porte qu’un jour qu'il allait le voir, il vit à sa porte sept malades attendant leur tour d'opération (de la cataracte). L'un deux lui offrit 80 drachmes, lui affirmant que c'était là toute sa fortune. Mais un geste le trahit et fit voir une cein- ture pleine de dinars. Ebn Ouacif le renvoya comme men- teur et ne voulut pas l’opérer. II. — La Famille des Bakhtichou. : Nous sommes restés au livre précédent sur Bakhtichou ben Djabril, médecin de Moutaouakkel, mort en 870, laissant . un fils du nom d’Obéid Allah. ! Pendant un siècle et demi nous rencontrons encore des médecins issus de cette famille. Meyer, dans son histoire de la botanique, a dressé un tableau de la race, d’après ce qu’il a trouvé dans Wüsten- feld. Cet arbre généalogique ne nous paraît pas irréprocha- ble, certaines filiations n'étant pas bien établies. Nous allons voir bientôt que certaines filiations admises par Wüstenfeld reposent sur des hypothèses. IAHYA BEN BAKHTICHOU Jean, fils de Bakhtichou Nous ne le connaissons que par quelques mots d'Ebn Abi Ossaïbiah, qui le donne comme ayant traduit plusieurs ou- vrages en syriaque, sans qu'il sache s’il en a traduit en arabe. Wüstenfeld à supposé que cet Iahya ou Jean était le fils de ce Bakhtichou ben Djabril ; mais nous avons vu que Bakhtichou n’avait laissé en fait de postérité mâle, qu'un fils du nom d’Obéid Allah, et puis l’époque de notre traducteur ne nous est pas donnée. D'ailleurs il faut bien admettre que cette famille fut nombreuse et que nous n’en connaissons pas tous les membres. Nous verrons tout à l’heure, à propos d’un Djabril ben Obéid Allah, qu’il avait des oncles à Bag- dad, dont l’historien de la médecine a tu les noms. L'IRAK 371 BAKHTICHOU BEN IAHYA Bakhtichou fils de Jean. Celui-ei pourrait être fils du précédent. Le Kitab el Hokama, et après lui Aboulfarage, nous donnent ce Backhti- chou comme étant attaché à la personne du Khalife Mocta- der, qui régna de 908 à 932, et jouissant auprès de lui, en même temps que Sinan ben Tsabet, d’une grande consi- dération. OBÉID ALLAH BEN DJABRIL BEN BAKHTICHOU. Wüstenfeld a supposé qu’il était un petit-fils du Bakhti- chou, médecin de Moutaouakkel : cela est possible, mais ce que Wüstenfeld affirme à tort, c’est qu’il est l’auteur du Parterre de médecine, Raoudhat Etthobb, que nous dirons bientôt être l’œuvre d’un homonyme, son petit-fils. Tout ce que nous savons de cet Obéid Allah, c’est qu'il laissa un fils du nom de Djabril, dont nous allons parler. DJABRIL BEN OBÉID ALLAH Gabriel fils d'Obéid Allah. Laissé orphelin par son père, il s’en vint pauvre à Bagdad et se mit à étudier la médecine sous différents maîtres, notamment sous El Ouassithy. En même temps il suivait les hôpitaux. Ses oncles l’avaient recueilli, mais ils letraitaient un peu rudement, lui trouvant l'esprit lourd et paresseux. Cependant un envoyé du Bouïde Moëz Eddoula était venu à Bagdad, apportant au Khalife des présents, parmi lesquels on nous cite des nains et un âne rayé, probablement un Zèbre. Il avait avec lui une femme äffectée d'hémorrhagie que les médecins du Kerman, de la Perse et de l'Irak avaient inutilement traitée. Djabril la guérit et fut comblé de présents. Dès lors ses oncles le tin- 312 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. = LIVRE TROISIÈME. rent en honneur. L’ambassadeur, à son retour, raconta le fait, et Djabril fut mandé auprès d’Adhad eddoula, dont on connaît le goût pour les choses et les gens d'esprit. Gabriel composa, à son intention, un traité sur les nerfs ou les mus- cles de l’œil. Gabriel fut encore envoyé soigner un autre prince malade. Ceci se passait en 357 de l’hégire, 967 de notre ère. Cependant Adhad eddoula entrait dans Bagdad et avec lui Gabriel, qui fut attaché au grand hôpital fondé par l’émir. Il touchait, à ce titre, une pension mensuelle de trois cents drachmes, et autant comme médecin particulier du prince. Il passait deux jours par semaine au palais. Saheb ben Abad se trouvant affecté à Rey d’une maladie de l’estomac, Adhad eddoula lui envoya Gabriel, ‘qui com- posa pour ce personnage un compendium de médecine, où il traitait de toutes les maladies, de la tête aux pieds. Gabriel était depuis plus de trois ans de retour à Bagdad quand un prince du Dilem, Khosrouchahse trouvant malade, Gabriel lui fut envoyé. Là, sur l'invitation de Khosrouchah, il composa deux traités, l’un sur la céphalalgie sympathi- que d’une affection du diaphragme, et l’autre sur cette ques- tion que le sang est l'élément le plus précieux du corps. À son retour à Bagdad il se mit à composer un grand traité de médecine dédié à Saheb ben Abad etintitulé El Kafy, ou le suffisant. Il composa de plus un livre sur les concor- dances entre les prophètes et les philosophes, un livre con- tre les Juifs, et un autre sur l’emploi du vin dans le sacrifice. Après un voyage à Jérusalem il fut encore demandé à Rey, puis à Mossoul, enfin à Meyafarikin où il mourut en 1005 à l’âge de 85 ans. Pour compléter l’histoire de la famille, nous allons donner la biographie du dernier membre connu, Obéid Allah ben Djabril, bien qu’il appartienne au XI° siècle. Il habitait Meyafarikin où nous avons vu que son père était mort, et passait pour un éminent médecin et versé dans toutes les sciences cultivées par les chrétiens. Ebn Botlan fut un de ses amis. Il cessa de vivre en 1058. Il com- posa plusieurs ouvrages. Des différentes sortes de lait. — L'IRAK. 373 Des beaux faits des médecins. — Comment on peut arriver à conserver sa descendance. — De la nécessité des mouve- ments respiratoires. — Curiosités tirées des Anciens. — Mémorial du résident et provision du voyageur. — Livre des Propriétés. — Le Parterre de médecine. Wüstenfeld nous paraît s’être mépris en traduisant l’an- tépénultieme titre par: Liber memorialis Cogitantis, etc. Le mot Hadhir, sédentaire, nous paraît être ici mis en oppo- sition avec Moçafir, voyageur. Nous croyons encore que Wüstenfeld s’est mépris en attri- buant le Parterre de médecine à un autre Obéid Allah, dont nous avons parlé précédemment. Le Parterre de médecine, Raoudhat etthebb, existe à l'Es- curial et à Paris. Nons avons vu les deux Manuscrits et ils sont identiques à peu de choses près ; le nombre et le titre des chapitres étant absolument le même. Le premier répond au n° 889 ancien 884, et le second au n° 1066, ancien fonds. L’un contient 40 feuilles et l’autre 32. Nous avons lu dans le Ms. de Paris: On m'a prié de composer un abrégé de mon livre connu sous le titre de Mémorial du résident et Provision du voyageur ; et je lui ai donné le nom de Parterre de médecine. Cet ouvrage contient 50 chapitres consacrés aux généralités de la philosophie et de la médecine. Ainsi : Qu'est-ce que le genre, l'espèce, la différence, la propriété, l'accident, la substance, la quantité, la qualité, l'élément, la complexion, l'humeur, l'organe, la force, l’action, l’âme, l'esprit, l’intel- lect, le désir, la sensation, l'imagination, la pensée, la mé- moire, le mouvement, le temps, l’espace, l'existence et la corruption, la maladie, le sommeil, les songes, le pouls, la crise, la maladie, la cause, le signe, la santé, l'aliment, le médicament, etc. Il existe à Paris, sous le n° 1077 de l’ancien fonds, un traité des Propriétés des animaux par Obéid Allah ben Djabril. La forme, le caractère, les habitudes de chaque animal sont brièvement exposés avant d'en venir aux propriétés. Il existe chez les Arabes plusieurs ouvrages de ce genre, qui 374 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME, portent tous le cachet du merveilleux et de la crédulité, tout comme celui dont nous parlons. Le manuscrit de Paris a cela de particulier qu’il est accom- pagné de la représentation des animaux. Ces figures sont généralement assez mal réussies. IIT. — Médecins traducteurs. Parmi les traducteurs de second ordre, dont nous avons donné la liste en son lieu, il en est quelques-uns qui se dis- tinguèrent aussi comme médecins. Pour ne pas ouvrir une digression, nous ne les avons alors considérés que comme traducteurs. Nous allons maintenant en parler sommaire- ment à titre de médecins. ABOU OSTMAN SAÏD BEN IAKOUB EDDIMACHQUY OU DE DAMAS. Cet auteur ayant vécu pendant le premier quart du dixième siècle, nous le placerons ici avec ses congénères. Tsabet ben Sinan rapporte qu’Ali ben Issa le vizir, en l’année 302 de l’hégire (914 de l’ère chrétienne) fonda un hô- pital qu’il dota de ses biens, et qu’il y attacha Abou Otsman Saïd, ainsi qu'aux autres hôpitaux de Bagdad, de Médine et de la Mekke. Abou Otsman publia des Questions tirées du livre de Galien sur les mœurs. Nous le croyons auteur d’un traité de Géométrie qui existe en traduction latine à Paris, n° 7266 et 9335. ABOU ALI ISSA BEN ZERAA. Abou Ali Issa ben Ishaq ben Zeraa ben Marcous fut un traducteur et un philosophe plutôt qu’un médecin. Parmi ses traductions, deux seulement se rattachent à la médecine, le livre. des Animaux, et le traité des {Organes des animaux d’Aristote. C’est pour un autre motif que nous le mention- L'IRAK. 379 nons ici. D’après Ebn Botlan il fut le premier auquel on fit application d'idées nouvelles en thérapeutique. Et d’abord les historiens ne s'accordent pas sur les dates de sa naissance et de sa mort. Le Kitab el hokama donne les années de l’hégire 381 et 398, tandis que nous trouvons dans Ebn Abi Ossaïbiah 381 et 448. Quoiqu'il en soit, Issa ben Zerâ était un homme sec, vif, sédentaire, occupé constamment à lire, à traduire et à com- poser. Il aimait les aliments épicés etles salaisons, et parti- culièrement la moutarde. Sur ses vieux jours il travaillait jour et nuit à la composition d’un traité sur l’immortalité de l’âme. D’autre part il s’occupait de commerce, et il avait des concurrents qui le desservirent auprès du sultan. Ces occu- pations et ces contrariétés aboutirent à de la fièvre, du délire - et une attaque d’apoplexie, Comme il était tenu en grande estime, les principaux médecins, tels que Ebn Baks, Ebn Kachkeraya, Abou Mansour Saad ben Bachar, etc., se réuni- rent en consultation pour le traiter. Or on avait jusqu'alors l'habitude de traiter la paralysie, le tic facial et autres affections de ce genre par des médicaments chauds et exci- tants. Abou Mansour fit observer que ces maladies prove- naient de causes excitantes, et qu'il fallait, contrairement à l’opinion des anciens, les traiter par des moyens contraires. Ifit donc usage d’émollients et le malade revint à la santé. Issa ben Zeraa était chrétien jacobite. IBRAHIM BEN BAKS OU BEN BAKOUS. Ibrahim était aussi habile médecin |que savant traducteur. Ayant perdu la vue, il n’en continua pas moins l’exercice de la médecine. Il fit partie des vingt-quatre médecins qu’Adhad eddoula attacha à l'hôpital fondé à Bagdad vers l’année 980 et qui de son nom prit celui d'El Adhedy. Il composa un compendium de médecine et un formulaire y faisant suite, un traité pour prouver que l’eau pure est plus fraîche que l’eau d'orge, un traité sur la variole. 916 JISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. APBOUL HASSAN ALI BEN IBRAHIM BEN BAKS. Ainsi que son père, il fut aussi éminent médecin que tra- ducteur. Il était très adonné à sa profession, et il fut égale- ment attaché à l'hôpital El Adhedy. Il composa peu, et ne * laissa que des opuscules dont nous ne connaissons pas les titres. Il mourut en l’année de l’hégire 394, 1003 de l’ère chrétienne. C’est donc à tort que Wüstenfeld, page26, a placé ces deux médecins dans le neuvième siècle. JAHYA BEN ADY. Abou Zacharya Jahya ben Adi, chrétien jacobite, natif de Takrit, fut un philosophe et un dialecticien aussi éminent que traducteur. Cependant, bien qu’il soit compris par Ebn Abi Ossaïbiah parmi les médecins, on ne trouve aucun ou- vrage de médecine parmi ses écrits, non plus que dans ses traductions. Il avait eu pour maîtres Abou Bachar Matta et Alfaraby. Telle était son assiduité à la composition qu’il remplissait cent pages dans vingt-quatre heures. | NEDHIF ERROUMY. Nedhif el qass erroumy, c'est-à-dire le prêtre grec, se fit une réputation surtout par ses traductions du grec en arabe. Il fut du nombre des vingt-quatre médecins chargés par Adhad eddoula du service de l'hôpital El Adhedy. On rap- porte que Nedhif ne fut pas aussi heureux dans ses cures que dans ses traductions. L'IRAK. ST7 IV. — Autres Médecins. ERROQQUY. = Abou Bekr ben Mohammed ben Khelil, dit Erroqquy sans doute parce qu’il naquit à Rocca, nous est donné comme un savant médecin et un bon praticien et comme ayant formé des élèves. Il fut le premier à commenter les ‘questions de Honein. Obéid Allah ben Djabril rapporte qu'Erroqquy ne composait qu'excité par le vin. Il mourut en l’année 330 de l’hégire, 942 de notre ère. MOUSSA BEN SAYAR. Abou Maher Moussa ben Yousef ben Sayar était un savant et un bon praticien. Il écrivit un traité de la saignée comme complément du compendium d’Ishaq ben Honeiïn. Le Kitab el hokama lui attribue aussi des commentaires sur Jean fils de Sérapion. Moussa ben Sayar compta parmi ses disciples l’illustre Aïi ben el Abbas qui se glorifiait de l’avoir eu pour maître. : ABOUL HOSSEIN BEN OMAR. Aboul Hossein ben Omar Eddakhely ne nous est connu que comme ayant été le médecin du Khalife el Moty. FOUNOUN. Au dire d’'Ebn Abi Ossaïbiah, Founoun était médecin de Bakhtiar, qui en faisait grand cas. Nous pensons qu'il est identique avec Abou Nasr Finoun, que le Kitab el hokama nous donne comme un médecin distingué attaché au service de l’émir Azz eddoula Bakhtiar. 3178 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. == LIVRE TROISIÈME. EL MEROUAZY. Abou Iahya Ibrahim el Merouazy professait avec distinc- tion la médecine à Bagdad. Il était aussi versé dans la phi- losophie, et il commenta les Analytiques d’Aristote. Il eut pour élève le célèbre traducteur Abou Bachar Mattaï. ABOUL HASSAN BEN KACHKERAYA. C'était un médecin renommé pour la sûreté de sa pratique. Il fut attaché à l’émir Seif eddoula ben Hamdan. Il comptait ‘aussi parmi les médecins attachés à l'hôpital El Adhedy. Ilécrivit deux ouvrages de médecine, dontun compendium intitulé le Haouy. Il avait un frère moine, qui se fit une notoriété pour un lavement contre la diarrhée. ABOU IAKOUB EL AHOUAZY. Il compta parmi les médecins de l’hôpital El Adhedy et écrivit pour prouver que l’oxymel aromatique est plus chaud que la thériaque. © ABOU SAÏD EL IAMANY. Renommé comme médecin savant et bon écrivain, il com- posa des commentaires sur les questions de Honein et un discours sur l’examen des médecins. ABOU MANSOUR SAAD BEN BACHER. Abou Mansour est cité par Ebn Bothlan comme le premier qui aitinauguré, dans l'hôpital de Bagdad, la substitution des saignées et des réfrigérants aux médicaments excitants MA UE NS ue RAC E- me Et A ER ES RES ER L’IRAK. 379 que l’on employait dans les affections cérébrales d'origine congestive. Il fit enlever les médicaments chauds et excitants et les remplaça par l’eau d'orge et les tisanes. Certaines cures le mirent en crédit. Il guérit entre autres, par une saignée, un vizir affecté decongestion sanguine que les médecins de Bag- dad réunis en consultation, avaient cru mort. Un autre vizir, pris de violentes coliques, fut guéri par le même traitement. ABOULFARADJ IAHYA BEN SAÏD. C'était, dit-on, un médecin savant et un bon praticien. Il est aussi noté par Ebn Bothlan comme partisan de la mé- thode nouvelle. DANIEL. Il ne nous est connu que par un acte de brutalité dont il fut la victime. Il était médecin de Moëz eddoula, qui lui dit un jour : Selon toi le coing pris avant le repas constipe, et pris après il relâche. — Cela est la vérité. — Cependant j'en ai pris après le repas et il m'a resserré. — Il n’en est pas généralement ainsi. Là-dessus Moëz eddoula lui donna un coup de poing dans la poitrine en lui disant : Vas apprendre comment on se comporte avec les rois. Daniel se retira, pris d’un crachement de sang à la suite duquel il succomba quel- que temps après. EBN ABIL ACHATS. Abou Djafar Ahmed ben Mohammed ben Ahmed ben * Abil Achats, originaire de Perse, quitta son pays dans le dénûment et vint se fixer à Mossoul où il mourut dans un âge avancé vers l’année 970. La guérison d’un enfant de Nasser eddoulah fut le point de départ de sa réputation et de sa fortune. 380 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. C'était un homme d’un esprit distingué et judicieux, versé dans les sciences médicales et philosophiques. Il forma de nombreux élèves, et l’un de ses fils, Mohammed, fut un médecin renommé de son temps. * Il laissa plusieurs écrits. L’un d'eux sur la métaphysique nous est donné comme excellent. Tels sont les autres relatifs à la médecine. Des médicaments simples et des médicaments composés. De l’aliment et du nourri. De l’estomac et de ses maladies. De la phrénésie et de la pleurésie. De l’épilepsie. De la mélancolie. De l’hydropisie. De l’éruption du sang. De la variole et de la rougeole. De la colique. De la lèpre et de l’impétigo. Du sommeil et de la veille. Des animaux; il en existe un Ms. à Oxford. Ebn Abil Achats avait une connaissance approfondie de Galien. Il commenta les Sectes et les Fièvres, et nous avons de lui à Paris, n° 987 du supplément, un commentaire sur les Éléments et les Tempéraments. Ce fut lui qui établit les divisions et subdivisions des seize livres de Galien. EL QUOUSAÏN. C'était un médecin juif de Mossoul, qui se fit 1usulman et qui écrivit, selon l'habitude, une réfutation de la religion qu’il venait d'abandonner. Il est inscrit, sans date, à la suite d’Ebn el Achats. ALI BEN ERRAHBA. Il était en grande faveur auprès du Khalife El Motaky, dont ilétait le médecin, concurremment avec Bakhtichou et Sinan ben Tsabet. L’IRAK. 381 ABOUL HOSSEIN EDDJARRAÏDY, OU LE CHIRURGIEN. Nous connaissons deux médecins de ce nom, renommés tous deux pour leur habileté dans la pratique chirurgicale, auxquels Adhad eddoula confia la direction de l'hôpital El Adhedy qu’il venait de fonder. Nous connaissons aussi deux chirurgiens de ce nom. L'un d'eux, renommé à Bagdad, naquit en 966 et mourut en 1051. L’autre fut attaché par Adhad eddoula au service de l'hôpital El Adhedy. ABOUL KHEIR EDDJERRAÏDJY. Abou Saïd et Abou Sahl1, tous deux surnommés El Ardjany, sont donnés par le Kitab el hokama comme ayant servi la dynastie Bouïde. EBN DILEM. C'était un médecin chrétien qui vivait à Bagdad au com- mencement du X° siècle. ABOU ALI HASSEN BEN ABI NAÏM. C'était un médecin renommé de son temps à Jérusalem, où il enseigna la médecine à Témimy. ALI BEN EL ABBAS EL MADJOUSSY. On peut s'étonner qu’il nous soit resté si peu de renseigne- ments sur la personne d’Ali ben el Abbas, l’un des plus grands médecins de l'Orient. Généralement, on lui donne le surnom d'El Madjoussy, le mage, ce qui indique une origine persane, mais quelquefois on le dit fils de mage. Quoi qu’il eh soit, nous savons qu’il était originaire de l’Ahouaz. 382 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. Il eut pour maître un médecin distingué, Abou Maher ben Saïar, mais il paraît qu'il dut à l’étude autant qu'aux leçons du professeur. Frappé de ce fait, que parmi tous les ouvrages anciens et modernes, aucun n’embrasse la miéde- cine dans la totalité de ses parties, il se proposa de remplir cette lacune par un livre auquel il donna le nom de Maleky, livre royal, et de Kamel, livre complet. Il en fit la dédicace ‘à l’homme de son siècle qui protégea le plus les travaux de l'esprit, Adhad eddoula. On ne nous dit pas cependant qu'il ait pris du service dans le célèbre hôpital fondé par us à Bagdad. Il vécut jusqu’en 994. Le Maleky, dit l’auteur du Kitab el hokama, jouit d’une grande vogue jusqu’à l’apparition du Canon d’Avicenne, qui le fitun peu négliger. Le Canon est supérieur par la théorie, mais le Maleky l’est par la pratique. À cejugement nous pourrions ajouter que le Maleky nous ‘paraît aussi bien ordonné que le Canon : si les proportions en sont moins vastes, le tissu en est plus homogène et plus serré. Ce livre marque un grand pas fait par la médecine en Orient. Un Arabe ose faire ce qu’il n’avait pas trouvé chez les Grecs, enfermer toute la médecine dans un seul ouvrage. Il ne s’agit plus ici, comme dans le Continent de Razès, de l'inventaire de tous les faits légués à la médecine pratique par les anciens et les modernes. La science est embrassée dans sa généralité, toutes ses parties coordonnées ; les faits que chacune revendique, soumis au contrôle de la critique et de l’expérience, viennent se ranger dans leurs cadres res- pectifà. Le Maleky, traduit en latin en 1127, a été Aides fois imprimé. Au lieu d’en donner l'analyse, nous croyons ne pouvoir mieux le faire connaître qu’en reproduisant à peu près intégralement son introduction. Cette préface, qui rend parfaitement le caractère et le but du livre et qui atteste lé grand sens de l’auteur, restera comme une des plus belles pages dans l’histoire de la médecine: Ali ben Abbas passe en revue les plus éminents médecins, tant anciens que modernes. Il Éonstate qu'Hippocrate êt md dun ni ete, de vos ne Sd RAMRSS.-- mt 06 SA PE ee he et 0 ST SOU TE L'IRAK. 383 Galien n’ont pas écrit d'ouvrage d'ensemble ; que le défaut de l’un est la concision, et celui de l’autre, la prolixité. Il signaleles lacunes d'Oribase, de Paul d’Egine, puis d’Ahroun, de Jean fils de Mésué, et de Jean fils de Sérapion: C’est à Razès, le plus éminent des modernes, qu'il s'arrête le plus longuement. Il fait voir que le Continent, restreint d’ail- leurs à la médecine pratique, n’est qu’une compilation dont les parties sont mal ordonnées et sans liaison, que les cita- tions, par cela même qu'elles visent à être complètes, en- traînent des répétitions et des longueurs qui rendent l’ou- ÿrage inabordable au commun des médecins. En somme, il constate qu’il n’existe pas de livre complet, et qu’une saine iméthode ne se rencontre nulle part. Voilà, ce nous semble, üne preuve que le génie de la science n’a pas fait défaut à la médecine arabe, car il ne consiste pas seulement à en reculer les bornes, mais aussi à porter la lumière et l’ordre dans un ensemble de faits connus. LE MALEKY. « En toutes choses il faut commencer par louer Dieu... (Suivent des éloges et des vœux à l’adresse d’Adhad ed- dôula...) & La science de l’art médical étant la plus éminente de toutes les sciences, la plus importante par sa puissance et ses dangers, la plus utile de toutes parce que tous en ont besdin, j'ai voulu la renfermer dans un livre complet sur l’art médical, contenant tout ce qui est nécessaire au méde- cin et à tout le monde pour conserver la santé à ceux qui la possèdent et la rendre aux malades, n’aÿant trouvé chez aucun des médecins anciens où modernes de livre complet, quicontienne tout ce qui est relatif à la pratique et à la science médicale. « Hippocrate, qui est le prince de l’art et le premier qui en ait écrit; a composé de nombreux ouvrages sur toutes les branches de la médecine. L'un d'eux est un grand recueil comprenant tout ce qui est nécéssaire à celui qui veut posséder cet art, et c’est le livre des Aphorismes. Il serait 384 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME, facile de réunir tous ces livres et d’en composer un seul qui renfermerait tout ce qui est nécessaire pour la perfection de cet art. Mais Hippocrate a fait usage dans ses écrits d’une telle concision, que beaucoup de ses paroles sont obscures et ont besoin pour le lecteur d’un commentaire. « Quant à Galien, si grand et si excellent, il a composé de nombreux ouvrages, dont chacun n’embrasse qu’une des ‘ parties de la science. Mais il a des longueurs et des répéti- tions dans l'établissement de ses démonstrations et de ses preuves en réponse à ceux qui suivent la voie des sophistes. Je ne trouve aucun de ses livres complet au point de vue que j'ai exposé précédemment. « Oribase et Paul d’'Egine ont aussi écrit des livres, où chacun d’eux s’est efforcé d’être complet. Pour ma part, j'ai trouvé Oribase incomplet dans le petit livre qu’il a adressé à son fils Eunape et au public. Il n’y parle pas des choses - naturelles et il est très-bref sur les causes. (1) Il en est de même pour le livre qu’il a dédié à son fils Eustathe et qui contient sept chapitres. Il n’y a parlé des choses naturelles, des tempéraments et des organes que très-sommairement. Dans ces deux ouvrages, il ne traite aucunement de la chi- rurgie. Quant à son grand ouvrage, en soixante-dix chapi- tres, je n’y en ai trouvé qu’un seul où il soit question de l’anatomie des viscères. « Quant à Paul d'Egine son livre ne mentionne que très- peu les choses naturelles. Les causes, les signes, les diverses espèces de traitement sont bien exposées avec développement mais non avec méthode. « Quant aux modernes je ne trouve chez eux aucun livre qui traite la matière complétement. « Ahroun a composé un ouvrage où il décrit les maladies et leur traitement, leurs causes, leurs signes et autres choses de ce genre, mais il le fait d’une manière brève et sans développement; de plus la traduction est mauvaise et peut égarer le lecteur ; bien des passages ont besoin d’explica- (1) Voyez plus loin ; voyez aussi l’article Oribase, à propos de ses écrits. L'IRAK. 339 tions, surtout quand on ne possède pas la traduction de Honein ou de son école. « Quant à Jean fils de Sérapion, il a composé un livre où il ne mentionne, en fait de traitement des maladies, que la thérapeutique par les médicaments et le régime, sans s’occu- per de la chirurgie. De plus, il a passé sous silence beaucoup de maladies. C'est ainsi que parmi les maladies du cerveau il ne parle pas de la lycantropie, de l’amour, de la résolu- tion des membres par suite de coliques. Parmi les maladies de l’œil il ne parle pas du traitement de la suppuration qui se proûäuit sans ulcération, du traitement des taies et de l'albugo, ni du traitement de l’exophthalmie d’une façon convenable. I1 ne parle pas du traitement du cancer de l’œil, de l’œdème, du chémosis, des indurations, du grèlon, du squirrhe, de l’exubérance des cils, de l’orgeolet, de l’ec- tropion, de l’adhérence des paupières ni des autres maladies des paupières, ni de la mydriase. « Parmi les affections de l’estomac, il ne parle pas du traite- ment du lait caillé dans l’estomac, ni du sang. Il ne parle pas du traitement des tumeurs noueuses, des glandes, de l’éléphantiasis, des tumeurs anévrismales produites par la déchirure des artères. Parmi les maladies de la matrice, il ne parle pas de celle dite el quoub, de ia môle, des polypes, des fissures, des ulcères, du gonfiement et des vapeurs uté- rines. Parmi les maladies de la verge, il ne parle pas de l'érection qui ne s'accompagne pas de désir du coït. Dans les affections de la surface cutanée, il ne parle pas des ver- rues, du ver de Médine, des varices des jambes, de celles du testicule, des gerçures des poignets et des pieds, du gonflement des doigts dit chamlis? (1) du panaris, de la blancheur des ongles, des framboises de la face. Il ne parle pas du traitement des piqûres vénimeuses. Il ne parle pas du traitement des poisons, des médicaments toxiques, des piqûres faites par les scorpions, du pou de vautour. Il ne parle pas non plus des ulcères pour lesquels on emploie les (1) Nous lisons à Paris samlis et à l'Escurial chemlis. 11 y a là , sans doute unc altération que nous n'avons pu jusqu’à présent dé- terminer. 25 386 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. banis ? ni des abcès. De plus, son exposition des maladies n’a pas d'ordre. Beaucoup de maladies qui auraient dû être rat- tachées aux organes qui en sont le siége, sont exposées à propos de la surface cutanée : c’est ainsi qu’il y rapporte les maladies de la matrice, le traitement de l'anaphrodisie et la spermatorrhée. C’est encore dans ce même chapitre qu’il parle de la mauvaise odeur de la bouche et du nez et de ” l'expulsion des sangsues (introduites dans la gorge), tandis qu’il aurait dû les ranger suivant l’ordre des organes. En somme, son exposition manque de méthode. Cependant il est complet dans ce qui a trait au traitement des maladies, à leur description, à l'exposé de leurs causes et de leurs symp- tômes. « Quant à Massih, il a suivi les errements de Haroun. Il s'étend peu sur les choses naturelles et non naturelles, La partie théorique de son livre est vicieuse et prouve qu'il ne - savait pas composer un livre. C’est ainsi qu'il donne les règles de la préparation des médicaments au septième cha- pitre de son livre, suivies de l'exposition des choses naturel- les. Il parle ensuite des affections et des maladies à partir de la tête, commençant par où il devrait finir et finissant par où il devrait commencer. « Quant à Mohammed ben Zakarya Errazy (Razès), dans son livre dit El Mansoury il traite sommairement de tout ce qui regarde l’art médical et ne néglige rien de tous les su- jets qu’ilaborde, mais il est concis et abrégé, et c’est du reste le but qu’il s'était proposé. Dans son livre connu sous le nom de Haouy (Continent), j'ai trouvé qu’il parle de tout ce qui importe aux médecins pour la conservation de la santé et le traitement des maladies par l'emploi des médicaments et des aliments. Il expose les signes des maladies et ne néglig'e rien de ce qui est nécessaire à qui veut apprendre cet art pour le traitement des maladies. Mais il ne parle pas des choses na= turelles, ainsi de la science des éléments, des tempéraments, des humeurs, non plus que de la structure des org'anes et de la chirurgie ; la matière de son livre est disposée sans ordre ni enchaînement, sans caractère scientifique; il ne la divise pas par discours, sections, chapitres, ainsi qu’on devrait l’at- er re ts) -Liie né aces a aan nn - à ‘ts lce L'IRAK. 387 tendre de sa science, de ses connaissances en médecine, et de son talent d'écrivain. Certes, je ne nie pas son mérite, sa science, ses connaissances dans l’art médical et dans l’art d'écrire. » Ali cherche ensuite quelles purent être les causes des dé- fectuosités du Haouy. Peut-être Razès ne voulut-il faire qu’un aide-mémoire pour sa vieillesse. Le destina-t-il au public? on sait que la mort l’'empêcha d’y mettre la dernière main. Sa rareté tient à ces défauts. _ « Dans sa description de chaque maladie, de ses causes, de ses signes, de son traitement, il rapporte ce qu’en ont dit tous les médecins anciens et modernes depuis Hippocrate et Galien jusqu’à Ishaq ben Honein et tous ceux qui vécu- rent dans cet intervalle, ne laissant passer rien de ce que chacun a écrit sans le consigner dans son livre, de sorte que tous les ouvrages de médecine s’y trouvent contenus. C’est un fait que les grands médecins s'accordent dans leurs des- criptions des maladies, leur nature, leurs causes, leurs symptômes, leur traitement : il n’y a chez eux que des diffé- rences du plus au moins, leurs procédés étant les mêmes dans cette voie. Les choses donc étant telles, il n’y avait pas besoin d’exhiber les propos des anciens et des modernes, ce qui entraîne des répétitions qui se ressemblent et diffèrent à peine les unes des autres. S’il y a chez eux quelques diver- gences elles portent sur l'emploi de médicaments d’espèces différentes, mais se ressemblant par leurs propriétés et leurs actions, comme par exemple le coing, la poire, la nèfle, ou bien le gingembre, le poivre et le poivre long, médicaments qui, bien que d’espèce différente, n’en ont pas moins des pro- priétés et des actions pareilles, seulement plus ou moins prononcées. Il fallait réduire le nombre des citations des anciens, se borner aux témoignages des savants les plus sé- rieux, les plus complets, les plus autorisés, dans la mesure du nécessaire, par ce moyen le livre aurait acquis plus de valeur; en perdant une longueur démesurée, il aurait été recherché et transcrit et se trouverait dans toutes les mains, tandis qu’on ne le rencontre que chez un petit nombre de sa- vants. 388 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABi. — LIVRE TROISIÈME. « Quant à moi, j'exposerai dans mon livre tout ce qui est nécessaire pour la conservation de la santé et la guérison des maladies et dont un habilemédecin ne saurait se passer. » M. Daremberg a publié la préface du Maleky en regard de celle du Pantegni, dans son travail sur le Viatique, afin d’en établir l'identité. Nous ferons à ce sujet quelques observations. Les ouvrages de Galien cités dans le Pantegni et dont il n’est pas question dans le Maleky, sont précisément ceux que les Arabes appellent les seize livres. Nous en avons parlé. Quant aux livres d’Oribase, le premier estadressé à son fils Eunape et au public. Voilà le livre De republica du Pante- gni. Quant au mot /mmensus, nous ne voyons guère qu'une hypothèse. On aurait peut-être lu le mot Eunape Oceanous. Une variante marginale du Ms. de l’Escurial se prêterait encore à cette interprétation. Le second livre est dédié à son fils Eustathe. Dans la traduction latine du Maleky, nous avons reconnu quelques erreurs. Au lieu de: Magnus autem hypocras qui ante hanc artem fuisse perhibetur, il faut lire : qui princeps, imam, hujus artis fuisse perhibetur. Un peu plus haut, le mot camere accosté d’un point d’in- terrogation, est représenté dans l’arabe par ce mot: Khazna, qui signifie trésor, dépôt, magasin, lieu de garde, etc. Le sens est donc: J’ai voulu renfermer la science dans un livre complet. Dans la suite, dont nous avons omis la traduction, on voit Harac et Feresie représenter assez mal l'Irak et la Perse, et Charhitu au lieu de Xharbeq représenter l’hellébore, etc. Ali ben el Abbas est cité une trentaine de fois dans le Traité des Simples d’Ebn Beithar, sous le nom d'El Mad- Joussy. TÉMIMY, , ‘ Mohammed ben Ahmed ben Saïd Ettemimy vivait au y dixième siècle de l’ère chrétienne. El habitaitJérusalem, d'où L' | LÉ éd die 7 à té Na mn ne à L'IRAK. 389 le surnom d'El Moquaddessy, qui lui fut donné. Son aïeul Saïd était aussi médecin et fut un de ses maîtres. Témimy fut attaché au service du gouverneur de Ramila, et suivit en Egypte [akoub, vizir des Khalifes el Moëz et EI Aziz, au- quel il dédia son livre connu sous le nom de Madat el Ba- ga. Ebn Abi Ossaïbiah ne lui consacre que quelques lignes, complétées par le Kitab el hokama, et le dit très versé dans la connaissance des médicaments simples et bon praticien. Témimy a laissé plusieurs ouvrages. Wüstenfeld a commis une légère erreur sur le titre du premier, le Madat el Baqua, qu’il rend ainsi: Augmentum durationis vitæ restauratione corrupti appetitus et cautio a noxa pestis. D’après la version du Kitab el hokama, version dont un peu de réflexion fait comprendre la rectitude, bi aslah fassed el haoua, il faut lire : Par la purification de V’air corrompu, et non: Par la restauration de l’appétit dé- pravé, attendu qu'il s’agit de peste. Ses autres ouvrages sont: Un traité détaillé sur la thériaque, adressé à son fils Ali. D’après le Kitab el hokama, Témimy aurait composé sur la thériaque plusieurs traités d’étendue diverse. Un traité sur l’ophthalmie purulente. Un traité intitulé : ET Fahs ou el Akhbar dont nous igno- rons le contenu. Le Morched, oublié par Ebn Abi Ossaïbiah, et qui est ce- pendant un ouvrage d’une grande valeur, où il est traité des aliments etdes médicaments simples. Il n’en existe malheu- reusement que la moitié à la Bibliothèque de Paris, n° 1088, ancien fonds. Le manuscrit de Paris commence au chapitre XI et se ter- mine par le chapitre XIV. D’après ce qui nous reste, le Morched est un ouvrage re- marquable par un essai de classification et par l’abondance et l'originalité des renseignements. Le chapitre XI traite des mannes et des bitumes. Aux man- nes sont annexées les substances sucrées. Les mannes sont des rosées, des vapeurs qui tombent du ciel, variables suivant l'air, les lieux, la terre et les plantes sur lesquelles 399 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. elles tombent. Parmi elles figure la laque, qui ne saurait être prise pour une gomme par la raison qu’elle n’a aucune attache vasculaire avec la branche sur laquelle elle repose. On y voit aussi figurer l’Ouars, qui serait un cryptogame dans le genre des Lecanora, et que l’auteur recommande comme un spécifique de l’héméralopie. La section des Bitumes est curieuse. Elle comprend les Momies, et l’auteur en relate une espèce recueillie sur le ri- ‘vage des Ketama dans le Magreb, et qui se récolte encore de : nos jours de Bône à Djidjelly sous le nom de Bellima. C'est une substance de la consistance et de la nature de la poix, que les femmes emploient comme masticatoire et dont l’ori- gine est encore un mystère pour nous. Est-ce une épave ou un produit naturel dans le genre de l’ambre ? _ Le bitume de Judée nous vaut un long et curieux article sur la Mer morte et la nature de ses eaux, où l’on voit que l’auteur a longtemps observé et parle d’abondance. Toute cette section mériterait d’être reproduite intégrale- ment. Le chapitre XII traite des terres et des sels. Parmi les terres figure le Djoux djoundoum, que l’auteur confond avec le lichen des rochers des anciens. Dans la biographie d’Ishaq ben Soleiman nous avons rap- porté une intéressante anecdote à ce propos. Le Djouz djoundoum portait aussi le nom de Tabachir. Témimy saisit l’occasion de nous parler du véritable Taba- chir. Bien qu’il provienne du liquide concreté des bambous encore verts, il ne compte pas moins parmi les substances terreuses. Témimy contredit l'opinion de Galien qui prétend que l’on ne peut tirer de sel de l’eau de la Mer morte. Les riverains, dit-il, n’en usent pas d’autre, seulement celui des berges orientales est bon parce que les terres ÿ sont bonnes, et celui de la rive opposée est mauvais parce que les terres y sont mauvaises. Dans le chapitre XIIT il est question des métaux. Le XIV® traite des pierres. Nous y voyons invoquer l’au- torité d’Ebn Djezzar, ce qui prouve deux choses: que cet auteur aurait écrit un traité sur les pierres, que les biogra- Te D US EE DO DE DORA TENTE So ORNE L'IRAK. 391 phes ont oublié de mentionner, et qu’il y avait alors des relations suivies entre l'Occident et l'Orient, Ebn Djezzar étant un contemporain de Témimy. Nous possédons ainsi deux dates pour fixer approximati- vement l’époque de Témimy. Il fut attaché au vizir d'El Moëz et d'El Aziz. Or ce dernier cessa de vivre en 975 de l’ère chrétienne. Il cite Ebn Djezzar. Or celui-ci mourut vers l’année 1009. Témimy vécut ainsi probablement jusque vers la fin du dixième siècle de l’ère chrétienne. Le Kitab el hokama place son séjour en Egypte vers l’année 376 (986). Témimy estcité soixante-dix fois par Ebn Beithar, et bien souvent à propos des huiles composées. La plupart de ces extraits portent le cachet que nous avons signalé comme étant celui du Morched, c’est-à-dire qu’ils sont le fruit de l’observation. Témimy n’est pas étranger aux Grecs, mais il ne les ac- cepte que sous bénéfice d'inventaire et nous avons déjà dit qu’il relevait une assertion de Galien. Un-certain nombre de passages ont un intérêt particulier pour la Palestine, ainsi les articles relatifs à l'huile de Zaq- qoum, au Sylibum, au Bitume des Juifs, ete. Il y a là des renseignements toujours bons à consulter. Parmi les autres articles remarquables nous citerons ceux relatifs au sycomore, au caroubier, au saule, à l'huile de roses, au scinque, à la bière, etc. M. de Sacy dans Abdellatif, après avoir cité le long arti- cle de Témimy sur le bitume, donnesa biographie d’après le manuscrit d'Ebn Abi Ossaïbiah de la bibliothèque de Leyde. Il y a là quelques détails intéressants que nous n’avons pas rencontrés dans le manuscrit de Paris. « Ce médecin s’est particulièrement occupé de la composition des antidotes et contre-poisons, et a composé divers ouvrages sur la matière. Il avait beaucoup profité à Jérusalem des leçons d’un moine chrétien, nommé l’abbé Zacharie, fils de Thaouaba. » M. de Sacy lui reproche d’avoir confondu ce que Galien dit du Persea avec ce qui concerne le sycomore. D’après ce qu’on lit dans Témimy, notamment à l’article Sylibum, on peut conclure qu’il y avait de son temps un certain nombre de chrétiens résidant en Palestine. 492 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARAPE, — LIVRE TROISIÈME. MAÇOUDY. Aboul Hassan Ali ben el Hossein ben Ali fut surnommé El Maçoudy, du nom d’un de ses ancêtres Maçoud, contem- porain de Mahomet. Il naquit sur la fin du II siècle de l’hégire. Dès l’année 300, il se mit à voyager, visita la Perse, l'Inde, Madagascar, l'Arabie, et habita tour à tour l'Égypte et la Syrie. On fixe l’époque de sa mort en 346 ou 957 de l’ère chrétienne. Les études et les voyages de Maçoudy lui acquirent une somme incomparable de connaissances et de documents qu'il à consignés dans un grand nombre d'ouvrages. M. de Sacy nous a relaté le titre d’une vingtaine, dont quelques-uns. n'ont pas moins de vingt à trente tomes. Le plus connu est celui qui porte le titre de Mouroudj eddeheb oua maden eddjouhar, Prairies d’or et mines de. _ pierres précieuses. Il en à déjà paru la plus grande partie, c’est-à-dire sept volumes, texte et traduction, par MM. Pa-. vet de Courteille et Barbier de Meynard. Il y a de tout dans cet ouvrage, qui est en quelque sorte le résumé des nom- breux écrits de l’auteur. Si la méthode est absente, l'intérêt ne fait jamais défaut. L'histoire naturelle, la physique et même la médecine y occupent une assez large place. On s'étonne aujourd’hui du jugement de Reiske, qui n’a- vait vu dans les Prairies d'Or qu’un tissu de divagations. Nous n’avons pas ici à parler des autres ouvrages de Ma- coudy. Pour cela, on peut consulter l’intéressante notice de M. de Sacy, à propos du Xitab ettenbih, ou livre de l’aver- tissement, publiée dans les Notices etextraits des manuscrits. Nous trouvons cinq citations de Maçoudy dans Ebn Bei- thar, à propos du Guilandina bonduc, du bétel, du mercure, du Kesmouta, plante que nousn’avons pu déterminer et qui serait mentionnée dans lelivre des Poisons, lequel n’est pas compris dans la liste bibliographique de M. de Sacy, enfin à propos du muse. L'article du muse, reproduit aussi par Avicenne et Séra- ET RS ee D ON ME EI PSC SE DIT L’IRAK. î 393 pion, est peut-être encore aujourd'hui ce que l’on peut lire de plus complet sur la matière. Nous relèverons ici deux. petites erreurs des traducteurs de Maçoudy. La première c’est d’avoir pris le nard pour la lavande. La seconde c’est d’avoir donné deux incisives à chaque mâchoire, tandis que le texte n’en porte réellement qu'à la machoire supérieure, ce qui est du reste conforme à la vérité. Les ouvrages de Maçoudy ont un intérêt tout particulier au point de vue de la somme des connaissances que possé- dèrent les Arabes sur l’histoire ancienne de l'Occident. Les Prairies d’or en contiennent beaucoup, mais les autres ou- vrages, auxquels il renvoie et que nous n’avons pas, en pro- mettent une masse encore plus considérable, dont les traduc- tions à nous connues, ne rendent pas suffisamment raison. Ilest probable qu'ils les puisèrent dans les ouvrages des Syriens écrits en arabe. C’est ainsi que nous voyons citer par Djemal eddin, Mohammed ben Ishaq et Ebn Abi Ossaïbiah, les noms d'Eusèbe, d’Orose, ceux d’'Obéid Allah, de Honein, de son fils, d’Ishaq ben Ali Errohaouy, d'Obéid Allah ben Djabril, d'Ebn Botlan, à l'appui de leurs renseignements. L'avenir lèvera sans doute quelques-uns de ces voiles. Les Frères de la Pureté. Parmi les productions du X° siècle, il est un écrit anonyme sur lequel nous devons nous arrêter, à savoir la célèbre en- cyclopédie des Frères de la pureté (ou de la sincérité). Cet écrit nous intéresse d’abord au point de vue des scien- ces naturelles, qui sont comprises dans son cadre. Mais il a surtout de l’intérêt en ce qu'il représente bien la situation actuelle de l’esprit arabe, épris de la science grec- que mais entravé par les croyances religieuses, et rêvant l’accord de la raison et de la foi. C’est à ce double point de vue que nous l’étudierons, et cela d'autant plus volontiers qu'il est trop peu connu, dumoinsen France, où l’on n’a sur son compte que des idées générales et sommaires. Il serait à 394. HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, —— LIVRE J'ROISIÈME. désirer que l’on en fît une traduction, qui aurait certaine- ment pour effet de détruire des préjugés. Ce ne sont pas précisément les sciences cultivées par les Arabes qui gagneraient à cette exposition ; nous les connais- sons d'autre part, et ici on s’occupe plutôt de la théorie que des détails: mais on verraitun côté curieux de leur philo- sophie. Le but avoué des Frères de la pureté était l'alliance de ls philosophie avec l'Islam. Nous verrons bientôt ce qu’il faut penser de cette alliance, sur laquelle, du reste, l’orthodoxie musulmane ne pouvait se méprendre. Quant à la philosophie en question, elle est elle-même un mélange de celle d’Aris- tote et de celle de Platon, la première pour la forme, la deuxième pour le fonds. C’est à Bassora, dans le courant du X° siècle que cette œu- vre fut composée. Elle porte le titre de: Tohfat akhouan essafa, présent des Frères de la pureté ou de la sincérité. Il ‘en existe à Paris un exemplaire, n° 1845 du supplément, qui compte 530 feuilles in-folio d’une écriture fine et serrée. C'est donc plutôt une esquisse qu’une véritable ency- clopédie. Les Frères de la pureté formaient une société secrète qui paraît s'être recrutée particulièrement chez les Motazélites : ce qui en indique le caractère et les tendances. Leur ency- clopédie parut sous le voile de l’anonyme, ce qui était pru- dent; aussi ne sait-on pas encore positivement quels en furent les auteurs. Le Kitab el hokama met cependant quel- ques noms en avant. Ils prétendaient, lit-on dans la curieuse notice de Djemal eddin, que la loi, souillée par l'ignorance et altérée par l'erreur, ne pouvait être rendue à son état de pureté que par la philosophie; que l’on atteindrait ce but par l’alliance de la loi et de la philosophie grecque. Les sciences sont divisées en quatre catégories, dans les- quelles sont répartis les 51 traités. I. Sciences mathématiques et logiques, 13 traités. IT. Sciences naturelles, y compris celle de l’homme, 17 traités. III. Métaphysique, 10 traités. FT ee TON Ur CT pe TUE EE ETS ONE L’'IRAK. 395 IV. Théologie, 11 traités. Dans la première partie, sur laquelle nous ne ferons que passer, nous voyons d’abord l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie, la musique, la géographie, puis la Logique, les Catégories, l’Interprétation et les Analytiques d’Aristote. Tels sont les chapitres de la deuxième partie, où nous ren- controns encore Aristote au premier rang: 1° De la matière et de la forme, du temps et de l’espace. 2 Du ciel et du monde. | æ De l'existence et de la corruption. 4 Des météores ou faits atmosphériques. 5* Des minéraux. 6° De la nature et des éléments et de leur action. 7° Des végétaux. 8° Des animaux. 9% De la constitution du corps humain. 10° De sa physiologie. Des sens et des notions. 11° De la génération. 12° Du microcosme. 13° De l’âme individuelle. + 14° De la faculté de connaître et de ses limites. 15° De la vie et de la mort. 16° Du plaisir et de la douleur. 17° De la diversité des langues. Tel est le titre développé du quatrième traité: Des météores, Afsar alouya, où l’on se propose d’exposer l’origine des phénomènes de l’atmosphère, des changements survenus dans l'air par le fait de la lumière et des ténèbres, du chaud et du froid ; de la répartition des vents ; des éma- nations et des vapeurs qui s'élèvent dans l’air de la mer et des fleuves, etc. Les minéraux sont divisés “en trois classes, en raison de leur plus ou moins de promptitude à se constituer à l’état parfait ou définitif. Ils sont aussi considérés au point de vue de leur consistance et de leur aptitude à la fusion. Ils pro- viennent de vapeurs et de liquides souterrains, inégalement soumis à l’action du chaud et du froid. Les montagnes, soulevées au sein des eaux par des vapeurs 3906 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. intestines, se fragmentent, et les eaux repoussées se nivellent etdessinent les contours des contrées. Aussi bien que les vé- gétaux et les animaux, les minéraux sont inégalement répar- tis. Le feu est l’agent universel auquel les minéraux sont soumis. Ici nous voyons déjà se produire les doctrines philosophi- ques du livre. Tous les phénomènes qui se manifestent dans les corps sont le fait de l’Ame universelle, que l’on appelle aussi Nature. Dieu n'intervient que pour les tirer du néant. Il en abandonne ensuite le gouvernement aux Anges, qui sont ses ministres, et il ne s’en occupe pas personnellement et directement. Un peu plus loin, nous lisons à propos des végétaux que ce que l’on appelle Forces ou agents naturels en philoso- _phie, est ce que l’on appelle les Anges en religion. Nous voyons encore ici, par anticipation, se produire cette allocution : Sache, à mon frère, que ton âme est une partie de l’âme universelle, qu’elle est une force d’entre les forces universelles. Les végétaux sont étudiés sous bien des points de vue mais sans originalité. La sensibilité leur est accordée, et la preuve c’est que leurs racines prennent une direction déter- minée. Ils ne connaissent pas la douleur, impuissants qu’ils seraient à en écarter les agents. Les végétaux ont été créés avant les animaux, auxquels ils fournissent leur nourriture. Par la même raison les animaux ont été créés avant l’hom- me, car tout s’enchaîne et c’est un axiôme qui n’a pas besoin de démonstration. Les trois règnes s’enchaînent aussi en série linéaire, de telle sorte que leurs extrêmes se touchent. mutuellement. Ce qu’il y à de plus remarquable dans le Traité des Ani- maux, que nous nous dispenserons d'analyser, est un conte philosophique où se trahit aussi l’esprit du livre. Tel en est le sujet: Les animaux lassés de la tyrannie de l’homme prennent pour arbitre le roi des Génies, qui écoute leurs longues doléances (1). * (1) Elles sont exprimées surtout'par les animaux domestiques, PU Le LS ME GEST pie Mises ÉLUS E NA Lo PROD E ado a CO ! É à - L’IRAK. 397 Nous voudrions pouvoir donner ici le discours de la Gre- nouille, en réponse à celui d’un prince indien, qui avait fait de la nombreuse population de son pays un titre à la supré- matie de l’homme. La grenouille lui oppose l’infinie variété des habitants des eaux douces et salées, qui échappent à la connaissance de l’homme. Du reste M. Garcin de Tassy a publié la traduction, d’après l’Indoustany, du livre des Animaux. Malgré les accusations multiples et plus ou moins méri- tées portées contre l’homme, le roi des Génies lui conserve la suprématie, parce que La science est un de ses attributs. Vient ensuite la physiologie de l’homme, qui est le mi- crocosme, et l'exposition de ses analogies avec le macro- cosme. Un chapitre intéressant est celui de la croissance des âmes, qui se nourrissent de science et de sagesse, comme les corps se nourrissent d’aliments et de boissons. L'âme particulière a, comme le corps, ses maladies, son régime et sa thérapeutique, ses douleurs et ses plaisirs à elle. Tels sont les chapitres de la troisième série : _ 1° De la création des esprits, suivant Pythagore. 2 De la création des esprits, suivant les Frères. 3° Du macrocosme. 4 De l’intellect et de l’intelligible. 5° De la cosmogonie. 6° De l’amour et de l'amitié. 7° De la résurrection. 8° Des sortes de mouvements. 9 Des causes et des effets. 10° Des définitions et des descriptions. Quatrième série : 1° Des croyances et des sectes religieuses. 2 De la voie qui conduit à Dieu. 3° De la doctrine des Frères et de l’immortalité de l’àme. 4 De l'association des Frères de la pureté. 5 De la foi. 6° De la loi divine et du prophétisme. 398 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. 7° De la prière. 8 Des forces ou agents spirituels, et qu’il en est dans le monde d’immatériels. 9° De la Providence. 10° Organisation de l’univers et enchaînement des êtres. 11° De la magie, de la divination, des sorts, etc. L’exposé de ces chapitres suffit pour faire voir la distance qui sépare la doctrine des Frères de la pureté, de celle du . Coran. La combinaison de ces deux éléments était impossi- ble, et l’un ne pouvait jouer à l'égard de l’autre que le rôle de dissolvant. La doctrine des Frères de la pureté, malgré de nombreuses concessions, malgré un système habile d’in- terprétation, était la négation du Coran. On le comprit bien ainsi de part et d'autre. Quelle qu’ait été la pensée intime des Frères de la pureté, qu’ils aient voulu tenter le mariage de la raison et de la foi, revendiquer simplement l'indépendance de la pensée, battre sourdement en brêche un dogme qui les tenait à la gêne, qu'ils aient voulu tout cela à la fois, ils ne se trompèrent pas sur la portée de leur œuvre, sur les colères qu'elle allait soulever, et ils se cachèrent prudemment sous le voile de l’anonyme. Un jugement sévère est porté sur cette œuvre dans le Kitab el hokama, et suivant son habitude, Aboulfarage se l’est approprié dans ses Dynasties. Telle en est la conclusion dans la version de Pococke : In summa, discursus sunt qui affectum quidem moveant, sed et ad metam neutiquam per- tingant, nec probationes et argumenta manifesta adhibeant. Nous savions déjà que chacun des traités de ce livre est plutôt une esquisse, une philosophie de la science, ou une introduction, conçue d’après un but déterminé, plutôt qu'un traité substantiel. Jusqu'à présent nous n’avons rencontré chez les médecins qu’une seule citation des Frères de la pureté. Elle se trouve dans l’Oculistique d’Ebn Abil Mahas- sen, n° 1043 du supplément de Paris, fo 162, et a trait à l'or. Quoi qu'ilen soit, il nous a semblé que cette œuvre méri- tait d’être mise au jour. RS ee NO TS I SN I III. — L'ÉGYPTE. Nous avons raconté précédemment les efforts dépensés par Khaled ben lézid pour faire revivre à Alexandrie la science grecque et transmettre aux Arabes ce qui était resté de sa célèbre école. De l’œuvre de Khaled il ne resta guère que la culture de l’Alchimie, que les Alides et Géber transpor- tèrent ailleurs, mais qui conserva toujours des adeptes en Égypte. Les traditions scientifiques n'étaient pas cependant com- plètement effacées en Égypte, où les Jacobites conservèrent toujours une certaine culture intellectuelle, mais les scien- ces ne reparurent véritablement qu’à la suite du grand tra vail opéré à Bagdad. Ce qui nous semble attester l'existence de cette culture intellectuelle, c’est que parmi les quelques médecins que nous voyons apparaître en Égypte, sur la fin du IX: siècle, la plupart étaient chrétiens, Ce fut surtout quand l'Égypte, cessant d'être une simple province de l'empire musulman, recouvra son indépen- dance et vécut de sa vie propre, qu’elle rentra dans ces voies où elle avait jadis marché si glorieusement, où elle devait bientôt encore, pendant un siècle ou deux, tenir le sceptre de la science en Orient, alors que les Abbassides le laissaient tomber de leurs mains débiles à Bagdad. Ce fut vers la fin du IX° siècle que les liens qui rattachaient l'Égypte à l'Irak se relâchèrent ou se rompirent. Nous avons passé sous silence les noms de quelques médecins qui appar- tiennent déjà à ce siècle, pour en donner l’histoire au dixième, afin de donner à notre récit plus d’unité. Malgré certains actes de violence, dont nous parlerons 400 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. bientôt, les lettres et Les sciences furent redevables aux Tou- lonides. Leur chef, Ahmed ben Touloun, était fils d’un esclave turc. S’il ne dépouilla pas complètement la barbarie de sa race, il n’en fit pas moins preuve d'activité et d’intel- ligence. Il dota Fostath d’un riche hôpital, et fit construire la mosquée qui porte son nom et qui s’est conservée jusqu’à nos jours. À cette mosquée était annexée une école, et il ‘ assista en personne à la première leçon qui y fut donnée. Tous les vendredis des consultations gratuites y étaient données aux pauvres. Son fils Khomarouyah marcha sur ses traces. Parmi toutes ses fondations on cite une sorte de musée zoologique où l’on _conservait des animaux vivants. se Aprèsla courte domination des Toulonides, vint celle aussi courte des Ikhchidites, qui furent bientôt remplacés par les Fathmides de Caïrouan. En l’année 972, Moëz eddoula entrait au Caire. L'Égypte allait être, pour deux siècles, à l'abri des révolu- tions. C’est à partir de ce moment que les sciences y prirent une marche ascendante. Cette même année, le vizir Djouhar faisait construire la célèbre mosquée dite ET Arhar, à laquelle fut annexée une école, sorte d'université où l’on enseignait toutes les scien- ces, et qui devint une véritable pépinière de savants, où l’on accourait de toutes les parties de l'empire musulman. Si le dixième siècle fut en Égypte assez pauvre en hommes remarquables, car parmi les quelques noms que nous aurons à relater, un seul a de l’importance, celui de Saïd ben Batbrik, autrement dit Eutychius, c’est à ses institutions que l'Égypte dut de faire revivre aux onzième, douzième ef treizième siècles, les beaux jours de l’École d'Alexandrie. SAÏD BEN NOUFEL ET HASSAN BEN ZIREK. Au lieu de Saïd ben Noufel, Marcel, dans son Histoire de l'Égypte, écrit Saïd Théophile. Cette lecture peut être bonne, les caractères arabes s’y prêtant; mais nous sommes obligé L'ÉGYPTE. 401 de conserver Noufel, que nous avons trouvé dans tous nos manuscrits, bien qu’il s'agisse d’un chrétien. Saïd ben Noufel, médecin habile, était attaché à la per- sonne d’Ahmed ben Touloun, mais il ne prenait le service qu'autant que l'émir quittait sa résidence pour voyager ou entrer en campagne. En résidence, le service était faitpar un autre médecin, Hassan ben Zirek. En l’année 269 de l’hégire, 882 de notre ère, Ahmed, qui régnait sur la Syrie aussi bien que sur l'Égypte, était allé la défendre contre les attaques de Mouaffeq, frère du Khalife abbasside Ei Motamed. S'étant arrèté à Antioche, il y futpris d’une diarrhée bilieuse, pour avoir abusé, disent les histo- riens, du lait de buffle. Saïd était alors à sa campagne, aux environs d’Antioche, l’émir le fit appeler et lui reprocha mal à propos sa lenteur, impatient et violent qu'il était. Saïd lui prescrivit la diète, mais l’émir ne voulant pas se sou- mettre à ce régime, sa maladie empira, ses forces tombèrent et il songea à s’en retourner en Égypte, se faisant d’abord porter en litière, puis transporter sur une barque. À son arrivée, il se souvint de Saïd ben Noufel et de sa prudence et lui dépêcha son secrétaire. Celui-ci lui fit observer que l'émir bien qu'instruit et disert, avait du sang de barbare dans les veines, qu'il fallait user de ménagements à son endroit. et que d’ailleurs il avait songé à se défaire de lui; en un mot, il fit comprendre à Saïd que s’il était bon médecin il ne compre- nait pas la position de médecin del’émir. Ma position, répli- qua Saïd, est celle de la souris avec le chat, mais autant vaut la mort qu’un pareil commerce. Il proposa une consultation. Les médecins se rendirent au Palais, et parmi eux le vieil Hassan ben Zirek. En les recevant, Ahmed les prévint qu'ils aient à se mettre d'accord, sous peine de perdre leurs têtes. Le pauvre Zirek fut tellement effrayé qu’il s'enfuit tout tremblant, et mourut le lendemain. Ahmed fit comparaître Saïd et lui dit: Sache que la seule campagne que tu aies à exploiter est ma santé. Saïd lui demanda combien il avait mangé de coings. Deux, répondit Ahmed. Tu les as mangés pour ton appétit, répondit Saïd, mais non pour ton traite- ment. À ces mots Ahmed s’emporta contre lui et commanda 6 AQ2 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. qu’on lui administra deux cents coups de fouet. Saïd ne sur- vécut que deux jours à ces violences. . Nous avons dû raconter ces faits, dont certains auteurs contemporains se sont emparés pour montrer, sous un faux jour, la position des médecins en Orient. Il faut remarquer d’abord qu'ii s’agit ici d’un fils d’esclave turc qui, malgré la culture de son esprit, avait conservé, comme le disait son se- . crétaire, quelque chose du barbaïe. On ne trouverait qu’un autre fait de ce genre, celui d’Ishag ben Amran, et encore fut-il la victime d’un prince qui ne respecta pas même sa famille. Quant à quelques autres médecins, qui moururent de mort violente, ce fut sous l’imputation de crimes. Jamais la médecine et ses représentants ne furent aussi honorés et aussi magnifiquement récompensés que chez les Arabes. KHALEF EL THOULQUNY. Abou Ali Khalef, affranchi de Touloun, le servit en qua lité de médecin. Il était très versé dans la connaissance des maladies de l'œil et de leur traitement, et il composa sur ce sujet un livre intitulé El Kefaya, commencé en 264 de l’hé- gire et achevé en 302 (914). Nous croyons que c’est lui qui est mentionné dans Ebn Beithar, sous le nom altéré de Khalef el Thobny. NESTHAS BEN DJORREÏDI. Il était chrétien et vivait sous lé règne d’Ichkhid, IL com- posa un compendium de médecine, et une lettre à Zéid ven Rouman l’Andalous, sur l’urine. | ISHAQ BEN IBRAHIM BEN NESTHAS. C'était apparemment le petit-fils du précédent, [1 était aussi chrétien et médecin distingué. Le Khalife El Hakem avait confiance en lui, le nomma chef des médecins et l’attacha à L'ÉGYPTE. 403 sa personne. Il mourut sous le règne de Hakem et fut rem- placé dans son poste par Ali ben Rodhouan. EL BALSY. D’après Ebn Abi Ossaïbiah, c'était un médecin versé dans la connaïssance des médicaments simples, et qui composa sur ce sujet un livre intitulé Ettekmil, dédié à Kafour el Ichkhidy. Kafour mourut en 966 de notre ère, après avoir été régent sous deux princes, puis lui-même souverain de l'Égypte. El Balsy vivait donc sur la fin du dixième siècle. Ebn Beithar cite le Tekmil une quinzaine de fois. Il est à remarquer que ces citations ne portent jamais sur des médi- caments d’origine grecque, maissouvent de provenance in- dienne. Ii en est quelques-uns que nous n’avons pu détermi- ner, En somme les citations d'El Balsy prouvent un obser- vateur, Nous signalerons entre autres sa citation relative à . la martre, qu'il dit venir du pays des Turcs. MOUSSA BEN EL R'AZZAN (EL AÏZAR)? Son nor1 patronymique se trouve encore écrit EL Azar ou El Aïzar. C'était un israëlite. Le Khalife Fathmide Moëz Lidi- nallah se l’attacha dès son arrivée en Égypte. En même temps, il s’attachait son fils Ishaqg ben Moussa, et, à la mort de ce dernier, en l’année 363 de l’hégire. il le remplaça par son frère Ismaïl ben Moussa, et son neveu lakoubben Ishaq. La mort d’Ishaq avait été précédée de celle d’un frère, quise fit musulman et porta dès lors le nom d’Aoun Allah ben Moussa. Le chef de la famille vivait encore. Moussa était renommé pour sa science et son habileté. Il avait aussi une grande connaissance des médicaments, et il composa une préparation qui jouissait de propriétés apériti- ves etcarminatives, qui calmait les douleurs de l’état mens- truel et favorisait l'écoulement des règles. 11 composa un livre sur les préparations pharmacentiques dédié à Moëz, un 404 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE TROISIÈME. autre sur la toux, et un troisième sur les subtilités de la science. (1) IOUSEF ENNESRANY. Comme l'indique son surnom, il était chrétien. C'était un médecin instruit et un savant. Iahya ben Saïd rapporte dans ses Annales que la cinquième année du règne d'El Moëz, Yousef fut nommé patriarche de Jérusalem, et qu’il exerça cette fonction trois ans et huit mois. Il revint en Égypte où il mourut, et fut enterré dans l’église de Saint-Théodore. SAÏD BEN BATHRIQ OU EUTYCHIUS. Il naquit à Fostath en l’année 876 de l’ère chrétienne, le _dimanche 27 de Doulhadja de l’année 263 de l'hégire. Ebn Abi Ossaïbiah, qui nous donne ces détails, dit que la première année du Khalifat de Caher billah, il fut nommé patriarche d'Alexandrie, et il ajoute qu'on l’appelait Outoquious, nom légèrement altéré dans l'original. Il garda cette dignité sept ans etsept mois, et il eut des difficultésavec ses administrés. Se trouvant au Caire pris d’une grave dyssenterie, ilcomprit que sa fin était prochaine, et retourna à Alexandrie où il ne tarda pas à mourir, en l’année 328 de l’hégire, 940 de notre ère. Il avait un frère qui fut aussi renommé comme médecin et qui s'appelait Issa ben Bathriq. Saïd ben Bathriq, dit Ebn Abi Ossaïbiah, était très instruit dans les sciences cultivées par les chrétiens et dans leur religion. Nous sommes étonné de n’en trouver aucune men- tion dans les Annales d’Aboulfaradie. Eutychius composa un traité de médecine, mais ce qui l’a fait connaître en Orient ce sont ses compositions historiques et polémiques. Tels sont ceux que lui attribue son biogra- (1) On lit dans le Kitab #l hokama : Moussa ben El Aïzar ou El Aïzan. Il prépara aussi pour Moëz un sirop de tamarin dont la for- mule serait donnée par Témimy dans son livre intitulé Madat el baga. D bd à" as L'ÈGYPTE. 405 phe: Discussion entre un chrétien et un dissident; — Collier . de perles eu trois livres, dédié à son frère Issa, où il traité du jeûne des chrétiens, de leurs annales, de leurs fêtes ; livre qui fut continué sons le nom d’Annales supplémen- taires par un de ses parents Iahya ben Saïd ben lahya. Le Collier de perles a été publié sous le titre d’Annales par Sel- den et Pococke. Selden a aussi publié les Annales de l'église d'Alexandrie. . On cite encore d'Eutychius des Annales de Sicile et une lettre qui se trouve à la Bibliothèque de Paris. Eutychius, d'après Ebn el Beithar et Sérapion le jeune, paraît avoir traduit en arabe les Simples de Dioscorides et de Galien. Voyez, dans Sérapion, les chapitres 194 et 374. On pourrait toutefois rapporter ces traductions à un autre Ebn Bathriq, son contemporain, dont nous parlons au chapitre des traducteurs. KISSAN. Abou Sahl Kissan ben Otsman, médecin chrétien, vivait en Égypte du temps de Moëz, et mourut en 378 de l’hégire, 988 de l’ère chrétienne. C’est tout ce qu'en dit l’auteur du Kitab el hokama. ABOUL FATEH MANSOUR BEN CHEMLAN BEN MOQUACIIER. Aboulfateh était chrétien. Il fut d'abord médecin du Kha- life el Aziz qui le tenait en grand honneur. Etant un jour _malade et ne pouvant se rendre auprès du Khalife, celui-ci ayant appris qu'il se portait mieux lui écrivit cette lettre : « Au nom du Dieu clément et miséricordieux, que Dieu accor- de à notre médecin la santé et ses grâces! Nous avons appris l’heureuse nouvelle que Dieu t'avait rendu la santé. Or la santé que Dieu accorde à notre médecin nous est aussi - chère que la nôtre. Nous le prions maintenant qu'il te conserve le corps et l'âme toujours dispos. » 40 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. Aboulfateh jouit auprès d'El Hakem de la mème faveur. Cependant il ne put le guérir d’une tumeur chronique du pied, et le Khalife fut obligé d’avoir recours à un pauvre chirurgien juif qui le guérit au bout de trois jours. Hakem le combla de largesses, l’admit au nombre de ses médecins privés et lui donna le surnom d'El Fakir ennafi, ou du pauvre bienfaisant. Aboulfateh mourut sous le règne d'El Hakem et fut remplacé par Ishaq ben Ibrahim ben Nestas. Il est question un peu plus loin, dans Ebn Abi Ossaïbiah, d’un autre médecin du nom d'Ebn Machar ou Ebn Mokacher dont la mention nous paraît une faute de copiste, et que nous croyons identique avec le précédent. AYAN BEN AYAN L'ÉGYPTIEN,. _ Ilest mentionné dans certaines copies d’Ebn Abi Ossaïbiah, et dans Hadji Khalfa comme auteur d’un compendium. Il mourut en 995. DE ET en Do PRE, PEN 7-6 ER dE Lr br L ET L = e%, WT 4 Let ns ds NS er ddr e dima th ns à is PE PR F : * té Li s Me 5 é D ER ent ns sé du à) p SR! Ce uni M dan SE bi à à ’ D) IV.— LE MAGREB De tous les états musulmans, le Magreb fut le seul où la science ne prit pas définitivement racine et ne brilla que d'un éclat passager. Et encore l’apôtre de la médecine dans cette contrée en fut le martyr. Dès le commencement du X° siècle, Ishaq ben Amran quit- tait l'Orient pour se rendre dans le Magreb sur l'invitation de Zyadet Allah, prince aglabite de Caïrouan. Nous dirons bientôt sa fin déplorable. Ishaqg ben Amran eut pour disciple Ishaq ben Soleiman l'Israélite, qui lui-même fut le maître d’Ebn Djezzàr. Nous devons en passant faire remarquer cette preuve de la tolé- rance arabe, cette transmission de la science qui ne fait pas acception de religion, dout nous verrons partout de conso- lants exemples. Après ces trois médecins éminents, recommandables tous les trois, le premier pour son malheureux apostolat, les deux autres pour avoir fourni des éléments d'instruction à notre moyen âge, nous n’aurons plus guère à parler de cette terre inhospitalière qu’à propos de Constantin l’Africain, dont elle fut la patrie. C’est à peine si, plus tard, on recueille sous les Hafsides quelque nom de savant. Quant au reste du Magreb nous en parlerons sommaire- ment plus tard pour constater une fois de plus que de toutes _ les contrées envahies par l’Islamisme, le Magreb fut la plus stérile, 408 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. ISHAQ BEN AMRAN. Ishaq ben Amran appartient plutôt au IX siècle, mais nous l’avons réservé pour le X', afin de ne pas le distraire ” des deux médecins qui continuèrent son œuvre dans le Magreb. Il y apporta la science et y périt misérablement, victime de la brutalité du prince imbécile qui l’avait appelé dans ses états. Ce prince nous est donné sous le nom de Zyadet Allah ben Aglab. La dynastie des Aglabites en compta trois de ce nom. Il ne saurait être question que du dernier. En l’année 908 de l’ère chrétienne, il se frayait le chemin du trône en faisant assassiner son père par ses eunuques, puis aussitôt il faisait - crucifier ces eunuques et déporter une trentaine de ses pa- rents qui ne tardèrent pas à être mis à mort. En 909, obligé de fuir devant le Mohdy victorieux, il se retira en Égypte, puis à Jérusalem, où il périt dans la misère et la débauche. Tel est le prince qui fit venir de l'Orient Ishaq ben Amran originaire de Bagdad, s'eng'ageant à le laisser repartir quand il lui conviendrait. Ishaq fixa sa résidence à Caïrouan, où Soleiman el Israïly vint le rejoindre et se constitua son disciple. Cependant Ishaq ne put s’accorder avec Zyadet Allah, tant par le fait du caractère de ce prince que par l’arrivée d’un médecin juif d’Espagne. Ishagq était chargé de vérifier les aliments de Zyadet Allah, mais quand il en admettait un, le juif le refusait, et quand il en repoussait, le juif en auto- risait l’usage. Ishaq voulait s’en retourner, mais Zyadet Allah ne le voulut pas et décida la mort d’Ishaq. Il ordonna qu'on lui ouvrit les veines des bras et qu’on laissât le sang couler jusqu’à ce qu’il mourut. Telle fut la fin de l’apôtre de la médecine dans le Magreb! Le corps d’Ishag fut ensuite mis en croix et laissé en pâture aux oiseaux ! Ishaq ben Amran a laissé plusieurs ouvrages. Il les écrivit probablement sinon tous, en partie du moins, avant son arri- LE MAGREB. 409 vée dans le Magreb, où il ne résida qu'un petit nombre d'années. Des médicaments oies. Lettre à Saïd ben Noufel sur les médicaments réputés curatifs. Recueil de passages d'Hippocrate et de Galien sur le vin. Le principe et le complément de la médecine. De la saignée. | De la mélancolie (1). De l’hydropisie. De la blancheur du pus, des RP del’urine et du sperme. Du pouls. Des causes de la colique et de son traitement. Le plaisir de l'esprit. Aucun de ces écrits ne nousest parvenu, que nous sachions, mais nous trouvons l’auteur fréquemment cité par les écri- vains postérieurs. C'est ainsi que Ishaq ben Amran est cité plus de cent cinquante fois dans Ebn el Beithar. Parmi ces citations, il en est une relative au schœnanthe récolté à Cafsa, ce qui prouve qu'Ishag avait déjà étudié le pays ; mais Ishaq est bien plus pénétré de la matière médicale de l'Orient. ISHAQ BEN SOLEIMAN EL ISRAÏLY. Abou Iakoub Ishaq ben Soleiman était israélite, ainsi que l’indique le surnom d’Israïly qui lui est plus particuliè- rement affecté qu'à ses coreligionnaires et sous lequel il est cité. Il naquit en Égypte, probablement vers le milieu du Xesiècle, et vécut dit-on plus d’un siècle. Nous-aurons plus tard à discuter l’époque de sa mort. Il exerçait la profession d’oculiste quand il fut invité à se rendre dans le Magreb par le prince Aglabite Zyadet Allah, qui lui envoya cinq cents pièces d’or. Il accepta et se rendit (1) Le texte arabe se trouve à Munich, n° 8056 en 30 feuilles. A10 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. == LIVRE TROISIÈME. à Caïrouan, où il trouva Ishaq ben Amran qu'il adopta comme son maître. (1) A la chute des Aglabites, Ishaq ben Soleiman passa au service du Fathmide el Mohdy. Témimy, dans le Morched, nous à conservé une anecdote que nous allons rapporter. « Un jour, le docteur Zeyad ben Khalfoun entra chez le . Mohdy qui lui demanda ce qu'était le Djouzdjoundoum. — C’est, lui répondit Zeyad, une drogue qui nous vient de l’Inde. Peu après entra Ishaq, et le Mohdy lui demanda son avis sur le Djouzdjoundoum. — As-tu demandé celui de Zeyad, répliqua Ishaq ? — Oui. — Et qu’a-t-il dit? — Que c'était une drogue de l’Inde. Ishaq se mit à rire et dit: Il s’est trompé.— Qu'est-ce donc ? — C'’est'la terre de Barca. (2) Ishaq vécut dans le célibat. Comme on lui demandait un jour s’il ne serait pas heureux de laisser après lui des en- fants. Mais, répondit-il, je laisse mon traité des Fièvres. — ‘ D’autres disent qu’il énuméra quatre de ses ouvrages. Ishaq fut encore attaché à la personne d'El Mansour, deuxième successeur du Mohdy. Les relations et la mort d'El Mansour nous sont racontées avec plus où moins de détail par Ebn Khaldoun, Ebn Khallican et l'historien des Hafsides, El Keirouany. Ces renseignements, tout en nous faisant connaître la position d’Ishaq, nous serviront à établir la date controversée de sa mort. Tel est le récit d'Ebn Khallican, que nous abrégeons: « Abou Dhaher Ismaïl ben Mansour, après avoir été assailli (1) M. de Sacy, dans son Abdellatif, a donné la biographie d’Ishaq ben Soleiman, d’après Ebn Abi Ossaïbiah. On peut la lire pour y trouver quelques détails insignifiants et un échantillon de la ma- nière un peu décousue du biographe arabe. Il est dit que la rencon- tre d’Ishaq avec Zyadet Allah se fit au camp d’el Orbus, ce que M. de Sacy a rendu vicieusement par Alaris. On y voit aussi que le nouveau venu ne tarda pas à juger le mauvais esprit de la cour Aglabite. (2) Témimy ajoute: « La terre de Barca est la terre d'Andalousie, dont les Espagnols font dans l’espace d’un jour du vin qu’ils boivent et qui les enivre. Ishag parle de cette terre dans son livre des Ali- ments à l’article vin. » Pour nous, le Djouzdjoundoum est une hecanora. Sun ré oele d mcns miss EE ee De ee RE Ed : « EUR Pose & rare À LE MAGREB. 411 par une pluie violente etun vent froid se rendit à Mansou- rya, où il mourut en l'année 341, et voici comment. En entrant dans la ville, des frissons le prirent et il voulut aller au bain. Ishagq le lui défendit, mais le sultan n’en fit rien. De l’insomnie survint, et Mansour demanda s’il n’y avait pas à Kaïrouan un médecin qui pût le soulager. On lui amena un jeune homme du nom d’Ibrahim, qui lui administra des narcotiques et le sultan s’assoupit. Ishaq vint alors et voulut entrer, mais on lui objecta que le sultan dormait. Si ce som- meil est l’effet de médicaments, dit Ishaqg, ce sommeil est mortel. Mansour en effet succomba et on voulait mettre à mort Ibrahim. Il n’y a pas de sa faute, dit Ishagq. Il a fait ce que prescrivent les médecins, mais vous ne l’avez pas ren- seigné sur la nature de la maladie. On a donné au prince des remèdes qui éteignent la chaleur naturelle, et il est mort. » Ebn Abi Ossaïbiah fixe la mort d'Ishaq ben Soleiman à l'année 320 de l’hégire, date adoptée par Hadji Khalfa. Nous ne saurions souscrire à cette date, en présence des témoignages unanimes des historiens arabes sur l’interven- tion d’Ishaq ben Soleiman lors du décès d'El Mansour. Nous croyons donc qu'Ishaq ben Soleiman vivait encore en l’an- née 341 de l’hégire, 953 de notre ère, ce qui du reste s'accorde avec ce que l’on nous raconte de sa longévité. Ishag laissa plusieurs écrits, dont nous allons donner la liste d'après Ebn Abi Ossaïbiah : « Le traité des Fièvres, ouvrage qui n’est inférieur àrien de ce qui a été composé sur cette matière. J'ai vu le témoignage suivant écrit de la main d’Ali ben Rodhouan : Je déclare, moi Ali ben Rodhouan, que ce livre est très-utile, et que c'est l'ouvrage d’un homme d’un rare mérite. J'ai mis en pratique la plus grande partie des choses prescrites dans ce . livre et je n’ai rien trouvé à y ajouter. » (1) Traité des médicaments simples et des aliments. Traité des urines, abrégé d’un plus grand. (1) Le texte existe à Constantinople. V. Hadji Khalfa, VII. B. . Kopril Zadeh 412 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, == LIVRE TROISIÈME. Traité des éléments. Traité des définitions et des prescriptions. Jardin de la philosophie, où se trouvent aussi traitées des questions de théologie. Introduction à la logique. Introduction à la médecine. Traité du pouls. Traité de la thériaque. Traité de philosophie. Très-peu de ces ouvrages nous sont parvenus en texte arabe et l’on peut s’en étonner quand on pense aux traduc- tions latines qui en ont été faites. Le livre de l’urine existe à Oxford, celui des fièvres à _ Leyde et celui des aliments à Munich. Ces trois ouvrages, le Traité des éléments et celui de l’hydropisie, non mentionné par Ebn Abi Ossaïbiah, se trouvent à Paris en traduction hébraïque. D’autres Mss. hébreux se trouvent aussi dans diverses collections. On a traduit en latin et imprimé les ouvrages suivants, sous le titre: Opera omnia Isaac, israelitæ — Salomonis Arabiæ regis filii adoptivi : Liber de definitionibus. — de elementis. : — dietarum universalium. — — particularium. — deurinis — de febribus. Liber Pantegni Isaac ysraelitæ filii adoptivi Salomonis regis Arabiæ, quem Constantinus aphricanus monacus montis Cassinensis sibi vindicavit. — Nous savons que le Pantegni n’est pas d’Isaac. Ici nous ferons une réflexion. Le titre du livre des aliments et des médicaments a été mal rendu par Dietæ generales et D. particulares. Il valait \ mieux dire : Generaliter et particulariter. | En effet, il est question d’abord des aliments et de quelques À médicaments en général dans la première partie, et en parti- culier dans la seconde. 3 LE MAGREB. 413 EBN EDDJEZZAR. Abou Djafar Ahmed ben Ibrahim ben Ali ben Abi Khaled, dit Ebn Eddjezzàr (le fils du boucher), naquit à Caïrouan au commencement du X° siècle de l’ère chrétienne. Il eut pour maître Ishaq ben Soleiman el Israïly. Ebn Eddjezzàr était un homme sobre, austère, méthodique, tout entier à l'étude de la médecine et de sa pratique, qu'il exerçait généreusement. Indépendantde caractère, il ne vou- lut pas, comme ses prédécesseurs dans le Magreb, être atta- ché à la personne des princes. Il dépassa l’âge de quatre- vingt ans. Hadji Khalfa place la date de sa mort vers l’année 400 de l’hégire, autrement en l’année 1009 de notre ère. M. de Slane, d’après Eddeheby, la fixe en l’année 350 de . l’hégire, 961 de l’ère chrétienne, Ebn Khallican ayant sans doute oublié de la donner. Pour notre part nous repoussons cette date et voici pourquoi. Nous avons déjà vu, dans la notice d’Ishaq ben Soleiman, qu’il vivait encore en 341 de l’hégire, 952 de J.-C., date de la mort de son client, le prince Fathmide El Mansour, et qu'il vécut, à ce que l’on dit, plus d’un siècle. Quoi qu’il en soit de cette longévité nous pou- vons très bien admettre qu’Ishaq ben Soleiman survécut de quelques années au Khalife El Mansouret qu’il atteignit au moins l’année 961 (350 de l’hégire). D’autre part il nous semble raisonnable d'admettre qu'Ebn Eddjezzär, disciple d'Ishaq, dut survivre à son maître environ la valeur d’une génération. Il nous semble donc qu'il vaut mieux s’en tenir à la date donnée par Hadii Khalfa. Wäüstenfeld a donné la date 1004, nous ne savons d’après quelle autorité. Ebn Eddjezzär laissa, à sa mort, une collection d'ouvrages demédecine qui fut trouvée du poids de vingt-cinq quintaux. Ilécrivit plusieursouvrages, dont le plus célèbre est le Zad el Moçafir, Provision du voyageur, qui fut traduit par Constantin sousletitre de Viaticum, et plus tard en grec, sous celui d’E- phodes. Il a été récemment l’objet d’un double travail de la A14 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. part de MM. Daremberg et Dugat, où ces deux savants ont ap- porté chacun leur contingent de connaissances pour élucider la question du Viatique. (1) M. Daremberg s’est attaché surtout à démontrer que le moine Constantin, cru longtemps l’auteur du Viatique, n’en est que le traducteur de mauvaise foi, un plagiaire, attendu qu'il en à tu l’origine, et que cette traduction a été faite sur ‘ l’arabe et non sur le grec. M. Dugat a donné la biographie d'Ebn Eddjezzâr d'après Ebn Abi Ossaïbiah, deux chapitres, texte et traduction, la table des matières et des notes sur les médecins grecs et arabes cités par l’auteur. Ces deux études nous dispensent d’entrer dans de nouveaux détails. Nous parlerons seulement d’un Ms. de l’Escurial, dont Casiri a fait un compte-rendu inexact, le n° 857. Tel est le titre que lui a donné Casiri: Peregrinantium commeatus, autore Ahmed ben Ibrahim, medico hispano, vulgo Ebn el . Hozar el Caruni. Wüstenfeld a pris ce Ms. pour un exem- plaire du Viatique. Voici les réflexions que nous a inspirées sa lecture. Ce n’est pas une reproduction fidèle du Viatique, c'en est tout au plus une refonte ou une copie de fantaisie. Quelques chapitres se trouvent avec des titres identiques, mais ils sont au nombre de 70, au lieu de 155. Les quelques lignes arabes qui se trouvent en tête indiquent du reste un abrégé. Quant au nom de l’auteur, il a été mal lu par Casiri. Nous croyons que dans ces caractères incorrects on peut très bien lire Ebn Eddjezzàr el Quirouany ‘au lieu de Ebn el hozar el Carouny. Enfin la qualité d'Espagnol, medico hispano, est tout à fait de l'invention de Casiri. Cela ne doit pas surprendre quand on a comparé les Mss. de l’'Escurial au catalogue. Casiri en a fait tout autant pour le n°892, ancien 887. Son Iahya ben Mohammed ben el Maudy; Espagnol, n’est autre que Jahya ben Mohammed ben Elloboudy, syrien et non pas espagnol, qui vivait au VIT® siècle de l’hégire, et non pas au IVe. À Il est généralement connu sous le nom de Sahib Nedjem (1) Dugat, J. asiatique, 1853. Daremberg; Archives des Méssions, IXe cahier. È \ ; LE MAGREB. 415 eddin ebn Elloboudy. La Bibliothèque de Paris possède de lui, sous le n° 1056, ancien fonds, un abrégé du Canon d A- vicenne. | Tels sont les autres ouvrages d'Ebn Eddjezzàr: . L'JItimad, ou des médicaments simples. _ Le Bourya, ou des médicaments composés. Des moyens de prolonger l'existence. . Un livre d'histoire dont le titre répond à celui bien connu de l’Art de vérifier les dates _ De l'âme, suivant les diverses opinions des anciens. De l'estomac, ses maladies et leurs traitements. De la médecine des pauvres. Des succédanés. (1) Des maladies qui proviennent de causes identiques avecdes pee différents. - Du danger de saigner sans nécessité. Du coryza et de son traitement. Du sommeil et de la veille. Observations ou expériences de médecine. (2) De la lèpre tuberculeuse, ses causes et son traitement, Livre des propriétés. Livre de nouvelles. Des causes de la peste en Egypte, de ses préservatifs et de son traitement. _ Lettres à quelques frères sur le mépris de la mort. _ Des maladies du rectum. - De l'éducation ou préceptes de conduite. Des fièvres. De la conservation de la santé. Histoirede la dynastie, oùil raconte l'apparition du Mohdy dans le Magreb. (3) Ebn Eddjezzâr est cité par Ettémimy et par Tifachy comme . (1) Casiri s’est encore ici trompé, n°891, en donnant l'auteur comme fspagnol et du VIe siècle. Wüstenfeld, qui a reconnu Ebn ga rad n'en à pas moins fait un double emploi. _ (2) Cetouvrage existe à Constantinople. (3) M. Dugat donne cet ouvrage comme découvert par M. de Slane, cependant ilse trouve mentionné dans le texte consulté par Wüsten- feld, etreproduit à la fin de son histoire des médecins arabes, p. 12. 416 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. auteur d’un traité des Pierres, tantôt sous la forme d’Ah- med ben Abi Khaled, tantôt sous celle d'Ebn Eddjezzàr. Ebn el Beithar, qui le cite une trentaine de fois, lui attri- bue aussi un livre des poisons. Ces citations n’ont du reste pas de cachet, à part une qui a trait à la manne qui tombe à Castilya, dans la régence de Tunis, ce qui prouve qu'Ebn Eddjezzâr connaissait les produits du pays. La iB. Bodléienne contient, sous le n° 579, des fragments qui appartiennent peut-être au Zad el Moçafñir. La B. Na- tionale a une copie faite par M. Dugat, d’après un Ms. de Dresde. DOUNACH BEN TEMIM. Nous nous en rapporterons pour ce personnage, du reste assez obscur, à ce qu’en à dit Munk dans sa notice d'Ebn Djanah, Journal asiatique, 1850. Dounach est aussi connu sous le nom d’Adonim, et porte le surnom d’Abou Sahl. C'était un juif de Caïrouan, d’une famille originaire de Bagdad, qui naquit au commencement du X° siècle. Il fut le disciple et l’ami du célèbre Ishaq ben Soleiman el Israïly, avec lequel on l’a confondu, parce qu’ils écrivirent tous deux un commentaire de l’Zecira. Il fut aussi, pour la même raison, confondu avec Jacob ben Nessim. Dounach compte parmi les premiers Juifs qui s’occupèrent de leur grammaire. Il s’occupa aussi de l'écriture, de mathé- matiques, de philosophie et de médecine. Dans le commentaire susdit il cite, entre autres ouvrages qu'il a composés, un traité sur le calcul indien et un traité d'astronomie dédié au Khalife Fathmide El Mansour. Il paraît avoir écrit sur les simples, attendu que nous le trouvons cité trois fois dans Ebn el Beithar. La première citation n’est qu’une question de synonymie, à propos de la gentiane. La deuxième est relative au gingembre et il re- commande de choisir celui qui est récent. La troisième a trait à la rose. « Il en est, dit-il, de jaunes, et j'ai entendu dire qu’il y en avait de noires dans l'Irak. La meilleure est a Ed a LE MAGREB. 417 celle de Perse, qu’on dit ne pas s'ouvrir. Il faut choisir celle qui a le plus d’odeur, d’un rouge prononcé, à pétales serrés. » Voici pourquoi Munk n’a connu que cette dernière cita- tion. Il s’en est rapporté à Sontheimer, qui, pour les denx autres, écrit Rufus, au lieu de Dounach. Dans les manuscrits que nous avons consultés, on peut lire quelquefois Douis au lieu de Dounach, ce qui est une faute de copiste, mais nous avons rencontré constamment ben Temim. V. — ESPAGNE. Les Arabes ne trouvèrent pas d’initiateurs en Espagne, et ils durent emprunter à l'Orient la semence qui devait porter chez eux de si beaux fruits. Nous rencontrons bien dès l’abord quelques noms de médecins chrétiens, mais nous ne croyons pas qu'ils aient pu puiser à d’autres sources que les Arabes, dont la langue leur fut bientôt familière. Le pèlerinage de la Mekke fut sans doute pour la science un puissant véhicule, mais, en dehors du voyage religieux, nous en connaissons d’autres qui avaient la science pour objet. Mohammed ben Abdoun se rendit en Orient, fut chargé quelque temps du service de l'hôpital de Fostath, et s’en revint en Andalousie. Iounes de Harran quitta son pays pour s'établir en Espa- . une. Ses deux fils, Ahmed et Omar, allèrent passer dix années en Orient et étudièrent la médecine à Bagdad sous Tsabet ben Sinan, et l’oculistique sous Ebn el Ouacif, tous les deux d’origine sabienne. Amrou ben Hafs allait à Caï- rouan du temps d'Ebn Eddjezzar et enrapportait le Viatique. Makkari a consacré un chapitre aux Espagnols qui se ren- dirent en Orient (n° 704, ancien fonds arabe). D'autre part des orientaux furent attirés en Espagné par les souverains du pays. Le IX: siècle avait déjà compté un prince ami des savants, À ; et qui lui-même était un poète, Abderrahman, deuxième dt . nom. Mais ce fut surtout au dixième siècle que les Omméfas ESPAGNE. 419 des d’Espagne se montrèrent les dignes émules des Abbas- sides. Le X° siècle fut le plus brillant pour l'Espagne musul- mane. Il fut presque rempli tout entier par les règnes de deux princes qui, sur un trône solidement établi, encoura- gèrent les lettres, les sciences et les arts. Abderrahman, troisième du rom, dit Ennasser, était en relation d'amitié avec plusieurs princes chrétiens. On connaît la célèbre ambassade qui lui fut envoyée par l’empereur d'Allemagne Othon-le-Grand, et qui était conduite par Jean de Gorze, dont le fanatisme ne put troubler la sérénité et la courtoisie d’'Abderrahman. Une autre ambassade, qui fut un évènement heureux pour la science, lui vint de Constantinople. Parmi les présents que l’empereur Romain adressait au Khalife, se trouvait un exemplaire grec de Dioscorides avec les figures des plantes merveilleusement peintes. « Pour profiter de Dioscorides, disait Romain dans sa lettre, il faut un homme qui possède parfaitement le grec. Quant à Orose (dont un exemplaire était aussi envoyé) vous pouvez trouver chez vous des latins qui peuvent le lire. » Or, personne à Cordoue ne savait le grec. Ennasser pria donc Romain de lui envoyer un homme sachant le grec et le latin, et en l’an- née 951 arriva le moine Nicolas. Il y avait alors à Cordoue un certain nombre de médecins qui s'occupaient activement à reconnaître les médicaments cités par Dioscorides et restés inconnus. Parmi eux on comptait surtout le juif Hasdaï ben Cha- prout, le même qui reçut Jean de Gorze, Abou Othman Djezzâr, le médecin Mohammed ben Saïd, Abderrahman ben Heitam, Abou Abdallah Sakaly qui parlait le grec. Par leurs soins on parvint à reconnaître les noms de tous les simples de Dioscorides, à part une dizaine (1). Lemoine Nicolas fut le premier qui composa à Cordoue la grande thériaque, dite El Farouk. Il s'était lié d'amitié avec L|| . . le juif Hasdaï ben Chaprout qui était aussi en faveur auprès (1) Pour d'autres renseignements sur ce fait, voir les articles 6 | Dioscorides et Ebn Djoldjol, 420 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. du prince et que l’on dit même avoir été son ministre (1). Ces faits témoignent de l'esprit de tolérance qui régnait à la cour d’'Abderrahman Ennasser. Nous n’avons pas à raconter ici les travaux comman- dés par Abderrahman, mais nous ne pouvons passer sous silence la construction d'Ezzahra, dont il fit sa résidence, et . d’où le célèbre Abulcasis tira son surnom d’'Ezzahraouy. Hakem fut le digne continuateur de l’œuvre de son père. Il envoyait par tous les pays des émissaires pour lui recruter des livres et particulièrement en Orient. Il adressa mille pièces d’or à son parent Aboulfarage el Ispahany, l’auteur du célèbre recueil de chants arabes connu sous le nom de -Kitab el Agany, et il en obtint un exemplaire avant que l'ouvrage n’ait paru dans l'Irak. Il entretenait des copistes et des relieurs, et il institua dans l'Espagne des bibliothèques telles que l’on n’en avait jamais vues de pareilles ni avant ni après lui. (Makkari). Le catalogue de sa bibliothèque ne contenait pas moins de quarante-quatre volumes, et on rapporte que le nombre des volumes se montait à six cent mille (Casiri, IT, 33). Le fameux général El Mansour, qui gouverna de fait sous lerègne de Hecham, protégeait aussi les savantsetse plaisait dans leursociété. S'il faut en croire Léon l’Africain et Conde, Abulcasis aurait été attaché à sa personne en qualité de médecin. Ces encouragements ne tardèrentpas à porter leurs fruits. À travers une foule de savants obscurs nous voyonsapparai- tre déjà quelques hommes éminents. Le plus illustre de tous est Abulcasis, qui embrassa dans ses écrits, publiés sous le titre collectif de Tesrif, la totalité de la science médicale, mais qui s’est fait un nom surtout comme chirurgien. À côté de lui nous pouvons encore citer Ebn Djoldjol qui s’adonna particulièrement à l’histoire ma- turelle médicale et compléta Dioscorides. La plupart des médecins de second ordre dont nous aurons (1) Voir aussi la notice de M. Philoxène Luzzato sur Abou Yousouf Hasdaï Ebn Schaprout. Lot dde Find 6 dé « ESPAGNE. 421 à parler étaient attachés à la personne des Khalifes Abder- rahman Ennasser, et de Hakem el Mostancer. Le premier en admit plusieurs dans son intimité, leur confia des charges importantes ou leur conféra la dignité de vizir. Nous avons déjà parlé du juif Hasdaï ben Chaprout qui comptait parmi ses ministres. Les sciences mathématiques et astronomiques brillèrent aussi d’un vif éclat dans la personne de Moslema, qüi fit plusieurs bons élèves, dont nous parlerons au siècle suivant. A cette époque, Gerbert habitait Barcelone, qu’il ne paraît pas avoir dépassée. Nous savons positivement qu’il réclama plus tard la traduction de deux livres arabes, l’un d’arith- métique et l’autre d'astronomie. Ces écrits sortaient sans doute de l’école de Moslema. Gerbert a passé pour un magi- cien. Il est probable que ses connaissances hermétiques pro- venaient de la même source, Moslema ayant aussi cultivé l’alchimie. Nous ne pouvons oublier ici le célèbre calendrier de Cordoue. En somme, c’est à la grandeur et à la solidité des assises posées au X° siècle que l'édifice scientifique de l'Espagne musulmane dut de pouvoir s'élever et se maintenir pendant les guerres civiles qui désolèrent les siècles suivants et de produire enfin son magnifique couronnement au XIT° siècle, au milieu de la double invasion chrétienne et berbère. Observations générales sur les Médecins de cette période. Nous n’avons que d'assez maigres renseignements sur les médecins espagnols du X+ siècle. Ce qui fait surtout défaut, ce sont les dates : nous ne pouvons en assigner qu’à un petit uombre d'entre eux. De plus, Ebn Abi Ossaïbiah, qui est à peu près notre seul guide, a dans sa nomenclature fréquem- ment interverti l'ordre des temps. Il met côte à côte des mé- decins distants l’un de l’autre de plus d’un siècle. C’est ainsi qu’il place après des médecins du VI: siècle de l’hégire Ebn Samadjoun, qui appartient au IV* d’après la date donnée par Vhistorien lui-même dans la notice de ce médecin. 422 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME, : Nous n’en avons pas moins recueilli tous ces noms en suivant la nomenclature d’Ebn Abi Ossaïbiah toutes les fois qu’il ne se mettait pas en contradiction avec lui-même. Le nombre considérable de médecins, si obscurs qu'ils soient, accuse au moins un grand développement de la médecine en Espagne. ABD EL MALEK BEN HABIB ESSALAMY. Nous ne le connaissons que par les extraits d’Ebn el Kha- tib donnés par Casiri. C'était un fécond polygraphe, qui aurait, nous dit-on, écrit plus de mille ouvrages sur toutes sortes de sujets, et soixante sur la médecine seulement. Il mourut à Cordoue en l’année 289 de l’hégire, 901 de l'ère chrétienne (IT, 107), ABDALLAH BEN MOHAMMED EL CHAKEFY. C'était un philosophe et un médecin éminent, qui mourut à Cordoue en 1012, laissant un livre intitulé : Observations confirmées par l’expérience (Casiri, IF, 130). JAHYA BEN IAHYA. Iahya ben Yahya ben Essmina, de Cordoue, nous est donné comme instruit dans les mathématiques, l'astronomie, la médecine, la logique, la jurisprudence, les hadits, l’histoire et la poésie. Il voyagea dans l'Orient et mourut en l’année 815 de l’hégire, 927 de l’ère chrétienne. ABOUL CASSEM MOSLAMA BEN AHMED EL MADJRITHY. Il habitait Cordoue et vivait du temps d'El Hakem. C'était plutôt un mathématicien et un astronome qu'un médecin. Cependant il ne dut pas être étrang'er à la médecine, attendu qu'il compte des médecins parmi ses disciples. Il surpassa, dit-on, les astronomes qui l'avaient précédé en Espagne, ce qui suppose que cette science était déjà cultivée bien que ESPAGNE. 423 l'histoire n’en dise rien. Il étudia l’Almageste de Ptolémée, composa un traité sommaire comprenant les tables d’Alba- tani, commenta celles de Mohammed ben Moussa et réduisit ses années persanes en années arabes ; enfin un traité de l’astrolabe. Les Bibliothèques de Paris etde l’Escurial ont de lui un traité d’alchimie, et la Bodléienne un traité des pierres précieuses, Il existe aussi à l'Escurial un traité de la géné- ration des animaux. Il vécut jusqu'en l’année 1007 de notre ère. Moslama fut sans doute un de ceux qui secondèrent le plus efficacement les efforts d’'Abderrahman et surtout d'El Hakem. Il fut en tout cas le premier grand nom de l’Espa- gne savante et compta parmi ses disciples Ebn Samedj, Ebn Soffar, Ezzahraouy, El Kermany, Ebn Khaldoun, dont nous n’aurons à parler que dans le siècle suivant. ABOU DJAFAR AHMED BEN KHAMIS. Il était de Tolède, et tout ce que nous savons sur son compte, c'est qu’il cultiva les mathématiques, l'astronomie ct la médecine. HAMED BEN BERRACHA. Il vivait sous l’'émir Mohammed ben Abderrahman, et c’é- fait un habile médecin de Cordoue. DJOUAD., C'était un chrétien. Il vivait au temps de l’émir Moham- med et il laissa son nom attaché à un looch et à un sirop. KHALED BEN IÉZID. Khaled ben Iézid ben Rouman était chrétien. Ce fut un médecin renommé de son temps, et il excellait dans la chi- rurgie. Nesthas, médecin du Caire, lui adressa une lettre sur l'urine. 42% HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. Khaled laissa un fils aussi médecin, mais qui fut inférieur à son père. EBN MELOUKA. C'était aussi unchrétien. Il vivait sous l’émir Obéid Allah . et au commencemeut du règne d’Abderrahman Ennasser. Il pratiquait la chirurgie et on voyait, res trente siéges à sa porte pour l'usage des clients. AMRAN BEN ABI AMR. C'était un médecin intelligent, qui fut attaché à l’émir Abderrahman. Il a écrit un compendium. MOHAMMED BEN FATEH BEN THEMLOUN. Il nous est donné comme le médecin le plus renommé de son temps. | Ebn Djoldjol relate une cure qu'il fit sur le fils du vizir Abdallah ben Bedr, affecté d’un ulcère. IOUNES EL HARRANY. Iounes vint de l'Orient s'établir en Espagne sous le règne de Mohammed ben Abderrahman. Il était habile médecin et se fit une réputation à Cordoue. On nous a conservé sur son compte une curieuse anecdote. Il avait apporté un remède secret, un électuaire contre les coliques, et il ne le délivrait qu’au prix de cinquante dinars. Il fit fortune avec son remède. Cependant cinq médecins, parmi lesquels Hamed et Djouad, se concertèrent et se cotisèrent pour l’acheter. Chacun d’eux en emporta un fragment et le soumit à l'analyse. Ayant mis par écrit ce qu'ils en pensaient, ils vinrent chez Iounes lui faire part de leurs conjectures et lui dirent: Si nous avons rencontré juste, ton remède est connu; si29n en qualité de RDA 0 aa rene AA LEE ESPAGNE, 425 médecins nous te prions de livrer ton secret. Iounes avoua qu'il ne leur manquait que de connaître les doses et il leur donna la formule de ce remède, qui fut depuis vulgaire en Espagne, sous le nom de Marits el Kebir. Ebn Ouafed (Eben Guefith) paraît en avoir fait le sujet d’un traité. AHMED ET OMAR, FILS DE IOUNES. Sous le règne de Nasser, en l’année 330 (942 de notre ère), ils s’en furent dans l'Orient, où ils restèrent dix années. Ils étudièrent à Bagdad sous Tsabet ben Sinan ben Tsabet les livres de Galien, et l’oculistique sous Ebn Ouassif. Ils ne rentrèrent en Espagne qu’en 351 et se fixèrent à Zahra où ils furent attachés au service de Mostancer billah, quiles préférait à tous autres. À la mort de son frère, Ahmed resta au service de Mostancer qui le tenait en grande considéra- tion. C'était un homme affable et d’un esprit solide. Il con- naissait parfaitement les médicaments simples et composés. Ebn Djoldjol rapporte qu’il y avait chez lui douze garçons occupés à la préparation des médicaments. Il avait obtenu d'en délivrer gratuitement aux pauvres. Il employait sa science, dit son biographe, à consoler ses amis, ses voisins et les pauvres. Il laissa à Cordoue la réputation d’un habile oculiste. C’est peut-être lui qui apprit à Abulcasis que, dans l'Irak, on pratiquait l'opération de la cataracte avec une ai- guille creuse. ISHAQ, DIT LE PÈRE DU VIZIR. C’étaitun médecin chrétien, expérimenté et bienfaisant. IL vivait sous l’émir Abdallah. IAHYA BEN ISHAQ. Il vivait sous l’émir Abderrahman Ennacer Lidinillah, (1) (1) Ebn el Khatib (dans Casiri) le rapporte au premier Abder- “red et le fait auteur d'un traité de médecine intitulé Zbrisam, la ie, 426 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, —— LIVRE TROISIÈME, qui avait en lui la plus grande confiance, le tenait en grande considération, en fit un vizir et lui confia pendant quelque temps le gouvernement de la ville de ? Jahya quitta la religion de son père et se fit musulman. C'était un médecin intelligent et savant, et un habile chirur- gien. Il composa un traité de médecine en cinq volumes, d’après la doctrine des Grecs, dit Ebn Abi Ossaïbiah, ce qui prouve que les traductions avaient pénétré dans l'Occident. Ebn Djoldjol rapporte un fait de sa pratique. Un homme de la campagne vint un jour le réclamer à grands cris s’é- criant qu'il allait mourir de douleur. Le vizir lui demanda ce qu'il avait. J’ai la verge enflammée et gonflée, dit le ma- lade, et je n’en puis dormir. Le vizir lui fit chercher une pierre lisse, lui fit placer l'organe malade par dessus, et appuyant avec la main il en fit sortir du pus et au milieu de ce pus un grain d'orge. Tu es un homme dépravé, dit-il au campagnard: tu as abusé de ta monture, et tu as rencon- tré un grain d'orge qui t'est resté dans la verge et que voilà, Vas-t'en, tu es guéri. Le campagnard avoua le fait. L’anec- _ dote se trouve aussi dans le Kitab el hokama. C’est bien à tort que Reiske (Mon. med.) a voulu trouver dans ce fait un cas de syphilis. SOLEIMAN ABOU BEKR BEN SADJ, Ii vécut du temps de Nacer, qui le prit à son service, et même lui confia le gouvernement de Sadouna. Soleiman était un médecin habile et connaissant les secrets de son art, EBN OUM EL BENNIN, DIT EL ARIF. Il était de Cordoue. L’émir Nasser se l’attacha en qualité de médecin, et en raison de sa sag'acité, il le consultait fré- quemment et l’admettait dans son intimité. C'était un mé- decin distingué. LT US DÉS. D fs Me ét ni ie . ESPAGNE. 427 SAÏD BEN ABD RABBIHI. Affranchi de l’'émir Hecham, Saïd était neveu du poète Ahmed ben Mohammed ben Abd Rabbihi, auteur du livre dit El Aquad. Ayant un jour demandé une audience à son oncle il fut repoussé. Comme il était aussi poète, il fit parve- nir à son oncle un quatrain que nous traduirons de cette ma- nière : Si vous me refusez un moment d'entretien, J'ai pour me consoler Hippocrate et Galien. Dans mon isolement ils me viennent en aide: Leurs écrits à tout mal apportent un remède. L’oncle répliqua sur le même ton: Voilà donc tes amis: Hippocrate et Galien, Ce sont des invités qui ne dépensent rien. Pour eux dédaigne tout: mais crains qu'il ne t'arrive, | De trouver un beau jour le diable pour convive. Saïd était un médecin distingué. Il avait une méthode par- ticulière de traitement pour les fièvres. H écrivit un poème sur la médecine qui prouve la connaïis- sance qu'il avait des doctrines anciennes. Il écrivit aussi des observations de médecine et un dispensaire cité par Ebn Beithar. Il excellait dans le pronostic et dans la connaissance des faits atmosphériques. AMROU BEN HAFS BEN BARIQ. Il alla passer six mois à Caïrouan auprès d'Ebn Djezzar, et rapporta en Espagne le Zad el Mocçafir. Il fut attaché au service de Nasser, ainsi qu’à la personne du grand fauconnier et mourut jeune. ASBAR BEN IAHYA. Il était au service de Nasser. C'est le premier que nous voyons mentionné comme ayant préparé pour le prince les 428 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TRO!SIÈME, pilules ou pastilles d'anis, préparation dont nous ignorons la formule. MOHAMMED BEN TEMLIH. C'était un médecin savant et versé dans la littérature. . Il fut attaché au service de Nasser et fut aussi le médecin et l’intime de Mostancer Hakem, qui le chargea desurveiller les constructions ajoutées au sud de la mosquée de Cordoue. Cette construction fut achevée en 398 (1008). Le. nom de Mohammed était inscrit sur le Mihrab en lettres d'or. Il écrivit un livre de médecine. | ABOUL OUALID MOHAMMED BEN EL HOSSEIN BEN EL KINANI. Il servit Nacer et Mostancer. C'était un médecin savant, bienfaisant et désintéressé. ABOU ABDALLAH BEN EL KINANY.. C’est le neveu du précédent, qui fut aussi son maître en médecine. Abou Abdallah fut, dit-on, un esprit délié, une intelligence facile, un médecin instruit et versé dans les sciences. Outre son oncle, il eut plusieurs maîtres dont on nous a conservé les noms, que nous donnerons ici à titre de curiosité. Ce furent Mohammed ben Abdoun eddjily, Omar ben Iounes el harrany, Ahmed ben Hafsoun le philosophe, Abou Abdallah Mohammed ben Ibrahim Ennahouy, Abou Abdallah Mohammed ben Mesaoud ennahry, Mohammed ben Mimoum dit Marcous, Aboulcassem ben Nedjem, Saïd de Sarragosse, Aboul Harets l’évêque, élève de Raby ben Zaïd l'évêque et le philosophe, Abou Merin ennahry, Mos- lama el Madjrity. Quelques-uns de ces noms nous sont déjà connus : d’autres sont intéressants à divers titres. Abou Abdallah fut médeëin et RE CU = pe F AE RATE" Te d'A L hi i ST OU ei DRE fi > tn duc En nc æ nie " ? ESPAGNE. 429 d'Abou Mansour ben Abi Amr et de son fils el Modhaffer. Il mourut vers l’année 420 (1028) à près de 80 ans. Ebn Beithar cite un Ebn Kinany qui recueillit l’Aconit Anthora à Sarragosse. Abou Abdallah s’y était retiré ct y mourut peut-être. AHMED BEN HAKAM BEN HAFSOUN. Médecin instruit et versé dans les sciences philosophi- ques, il fut attaché au Hadjeb Djafar et servit el Mostancer jusqu’à la mort de Djafar, où il cessa de faire partie du conseil des médecins. Nous relèverons ces derniers mots, qui ont une grande importance bien que peu explicites. ABOU BEKR AHMED BEN DJABER. _ C'était un médecin éminent, au service d'El Mostancer. La famille de Nacer le tenait en grande considération. ABOU ABD EL MALEK ELTHAQUIFY. Outre la médecine il s’occupa de littérature et de mathé- matiques et étudia les livres d'Euclide. Il fut médecin de Nacer et de Mostancer et fut aussi atta- ché à l’arsenal. Sur ses vieux jours il fut pris de cataracte. HAROUN BEN MOUSSA ET, ASDY. C'était un éminent chirurgien. Il servit Nacer et Mostan- cer. (Wustenfeld écrit El Adouy). MOHAMMED BEN HAMDOUN EDDJILY EL ADAOUY. En l’année 349 (960) il se rendit en Orient, habita Bassora, puis vint à Fostath, où il fut chargé de l’hôpital, position 130 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. dans laquelle il fit preuve d’habileté. Sedjestany lui enseigna la logique. En l’année 360 (970) il revint en Espagne où il servit Mostancer et Mouyed. Il passait pour le médecin le plus éminent de Cordoue. Il a laissé un livre intitulé Elteksir. Il s'était aussi occupé de mathématiques. (Il est dit aussi ben Abdoun.) ABDHERRAHMAN BEN ISHAQ BEN EL HEITHAM. Il naquit à Cordoue et fut un des grands médecins de l'Espagne. En l’année 951 de notre ère, il faisait partie des médecins chargés d’aider le moine Nicolas à la détermina- tion des plantes mentionnées dans l’ouvrage de Dioscorides, dont un exemplaire original avait été envoyé au Khalife Nasser, par Romain empereur de Constantinople. & Ilécrivit aussi un traité de médecine sous le nom d’Zktifa ou le livre suffisant ; le complément et la perfection des médicaments purgatifs; un relevé des erreurs contenues dans l’Ittimad d’Ebn Djezzàr. Ebn Beithar cite quelquefois Ebn el Heitsam et notam- ment son livre dit el Iktifa, à propos du Stellion. EBN DJOLDJOL. La notice d'Ebn Abi Ossaïbiah sur Ebn Djoldjol a été donnée in extenso par M. de Sacy dans son Abdellatif, Nous en reproduirons le résumé, Ebn Djoldjol était le surnom d’Abou Daoud Soleiman ben Hassan. Nous ignorons les dates de sa naissance et de sa mort, mais son nom se rattache à des événements connus, C'est ainsi que nous savons qu'il fut le médecin du Khalife Ommeyade Hecham; qui régnait dans la seconde moitié du Xe siècle, Son nom se rattache aussi à un événement importants dont il nous a conservé le souvenir, dont nous avons déjà parlé précédemment; mais que nous devons rappeler ici: SD RÉ bn 4 UT gum ut Torhe d ténor local, mit mice mot tie tete ait us Dans ét dE CU, SC tés RER RE + ESPAGNE. 431 Nous croyons que cet événement fut la cause qui détermina la direction qu'Ebn Djoldjol imprima à ses travaux scienti- fiques. En l’année 948 de l'ère chrétienne, le Khalife Nasser Abderrahman reçut des présents de l’empereur byzantin Romanus, et parmi ces présents se trouvait un exemplaire de Dioscorides enrichi de figures. Ce livre était en grec et personne ne pouvait le lire à Cordoue. Abderrahman écrivit à l’empereur de lui envoyer un homme capable de déchiffrer le manuscrit, et Romain désigna le moine Nicolas, qui arriva à Cordoue en 9%51. Nicolas se mit en relations avec quelques médecins, qui s'étaient déjà préoccupés de la détermination des termes techniques de Dioscorides. Parmi eux se trouvait un savant juif Hasdaï ou Khachda ben Chaprout, qui jouissait à la cour d'une grande considération, et le même qui reçut Jean de Gorze envoyé à Cordoue par l’empereur Othon. On cite cinq autres noms, qui ne nous sont pas connus d’ailleurs, à part Ebn el Heïitham. Le travail commun de ces hommes aboutit à la connaissance des médicaments et à la rectifica- tion des termes grecs, dont il ne reste plus qu’une dizaine, dit le narrateur, sur lesquels on conserve des doutes. Nous avons vu à l’Escurial une copie assez mauvaise de Diosco- rides, incomplète, où les synonymes arabes font défaut dans le tiers environ des cas. En lisant ce manuscrit, on comprend la nécessité du travail de révision dont nous parlons. Ebn Djoldjol vit le moine Nicolas, et il écrivit lui-même sur le sujet en question. Un de ses livres est l’explication des noms de médicaments simples mentionnés dans l’ou- vrage de Dioscorides, écrit à Cordoue en 982. Un autre livre est le supplément des médicaments simples inconnus à Dioscorides. Dietz l’a reproduit dans son travail sur Ebn Bei- thar. Ebn Djoldjol écrivit aussi un traité de la thériaque; une exposition des erreurs commises par quelques méde- cins enfin une histoire des médecins qui fleurirent sous le règne de Hecham. (1) Ebn Abi Ossaïbiah cite souvent Ebn (1) On lit dans Djemal eddin : Il composa un petit ouvrage sur les Annales des savants, Tarikh el hok ma. 432 HISTOIRE DE LA MÉUECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. Djoldjol. Nous pensons qu’il a dù écrire encore autre chose, en raison des citations faites par le même Ebn Abi Ossaïbiah et par Ebn Beithar, citations qui ne paraissent pas directe- ment provenir des ouvrages susdits. Ebn Beithar le cite une trentaine de fois dans son traité des simples, tantôt sous son surnom, tantôt sous le nom de Soleiman ben Hassan. Le travail biographique d’Ebn Djoldiol prouve que la science avait déjà, au X*siècle, de nombreux représentants cn Espagne. ARIB BEN SAÏD EL KATEB. t . Nous connaissons ce médecin d’abord par un livre de sa composition qui existe à la Bibliothèque de l’'Escurial. Casiri l’appelle Garib : cependant nous avons lu constam- ment Arib. Il vivait sous le règne de Mostancer, an milieu et vers la fin du dixième siècle de notre ère. Son livre, qui porte le titre de Génération du fœtus et traitement des femmes enceintes et des nouveau-nés, est un véritable et complet traité d'accouchement, où il traite de tout ce qui s’y rapporte, et poursuit l'enfant jusqu'à la puberté. Il est divisé en quinze chapitres et contient quatre-vingt- six pages. Les cinq premiers traitent de la semence, des organes génitaux et de la procréation des sexes, le sixième de la gestation et de sa durée, le septième du régime des femmes enceintes, le huitième de l'accouchement, le neu- vième de l'allaitement, le dixième de la dentition, les sui- vants du régime des enfants dans leurs âges successifs, le quinzième de la puberté. Le fonds de cet ouvrage est tiré d'Hippocrate et de Galien. On y trouve encore cités Aristote et Archigène. Il reproduit aussi les opinions ayant cours chez les Arabes, mais sans leur accorder une entière confiance. Il cite mêmeles Indiens comme ayant la prétention de posséder des recettes pour la procréation des jumeaux. see, oi ESPAGNE. 433 On sait que chez les Arabes la durée légale de la gestation est de quatre ans. L'auteur rapporte un propos de Ouafedÿ suivant lequel les femmes de l'Iémen prétendraient que la durée de leur grossesse n’est pas inférieure à deux ans, et à ce propos il s'écrie : Dieu est tout puissant. Dans ce chapitre, le sixième, il rapporte deux faits inté- ressants d’inhumation précipitée, dont l'un arriva de son temps en l’année 340 de l’hégire, 951 de notre ère. Dans le chapitre de l'accouchement, il dit que la sage- femme doit être expérimentée, habile etmunied’instruments. Les causes de dystocie sont de trois provenances, dé la part de la mère, de la part de l'enfant, d'accidents exté- rieurs. (1) Il mentionne comme présentations vicieuses celle du côté ot celle de la tête avec un des membres supérieurs ou infé- rieurs. | Dans ces cas, la sage-femme doit introduire la main dans la matrice et remettre l'enfant en position convenable avant de chercher à l’extraire. À propos du choix d’une nourrice, il rappelle que les Arabes ont une expression pour désigner le lait d’une femme enceinte, et que, suivant une tradition du Prophète, les femmes enceintes chez les Grecs et les Persans donnaient le sein sans inconvénient. Ç Pour la division des périodes de l'enfance, il s'appuie sur Hippocrate. Il en fait de mème pour les âges en général, et ilcite l'ouvrage des Septenaires, ouvrage perdu, dont nous ne possédons plus qu’une traduction arabe, dont nous avons pris copie sur le Ms. de Munich, et que nous ferons quel- que jour passer en français, si Dieu nous prête vie. Toutes les maladies particulières à l'enfance sont traitées .. successivement dans les chapitres consacrés aux différents _ âges. Il entre dans quelques détails à propos de la variole. Dèsson apparition, dit-il, on doit appliquer une ventouse à la nuque. Durant la maladie on doit tenir le ventre libre. . (1) Ajoutez l’arrière-faix et ce sera une citation de Paul d'Egine. _ Son nom ne se rencontre pas dans Arib. 28 434 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. Il s'occupe aussi de la parole et de la marche, enfin il traite de la circoncision, de l’époque où l’on doit la faire, c’est-à-dire de huit à dix ans, et du procédé opératoire. Le plus avantageux lui paraît l’incision pratiquée avec un rasoir, après avoir préalablement appliqué une ligature 8 sur le prépuce, afin d'éviter de blesser le gland. Dans le dernier chapitre, celui de la puberté, il en cite ‘ plusieurs faits de précocité. C’est ainsi qu’on vit à Sana une femme de dix ans être mère. L'illustre Amrou ben el As aurait été père à douze ans. (1) Il poursuit ensuite l’homme dans ses différents âges jusqu'à la décrépitude. Le Traité d’Arib est inscrit dans le catalogue de l’Escurial sous le n° 828, aujourd’hui 833. Casiri donne à l’auteur le nom de Garibaï. Arib ben Saïd paraît avoir écrit un traité d'Hippiatrique. Nous le trouvons en effet cité deux fois à propos des chevaux . dans le traité d'Agriculture d’Ebn el Aouam (IE, 31 et 33 de la traduction de M. Clément Mullet) et aucune de ces cita- tions ne se rencontre dans un autre ouvrage dont nous allons parler. Elles appartiennent donc à un traité spécial. Ce qui, dans ces derniers temps, a donné surtout de la noto- riété au nom d’Arib est un calendrier dont il est l’auteur, qui est vulgairement connu sous le nom de Calendrier de Cordoue, et qui porte en arabe le titre de Xitab el Anoua; livre des anouas. Par anouas, les Arabes entendent certaines étoiles, dont le lever et le coucher sont des indices de temps, et ils donnent le nom de Kitab el Anoua à leurs Almanachs: Ce livre existé en arabe avec caractères hébreux sous le n° 1082 du fonds hébreu de Paris, et en latin sous le n° 9335 du fonds latin. [1 est dédié au Khalife el Hakem, surnommé Mostancer, dont l'avènement au trône date de l’année 961. Libri qui, le premier, le publia dans son His- toire des sciences mathématiques en Italie, s'était d’abord mépris sur Mostancer, dont il avait fait un Khalife de Bag- dad, qui régna trois siècles plus tard. (1) Dans un autre chapitre, il mentionne un cas de monstruosité : Deux bustes sur un même tronc. TT 2 I RS INT. ESPAGNE. 435 L'objet du livre est annoncé dans une introduction. En tête de chaque mois, sont des généralités qui en indi- quent le caractère, l'humeur prédominante, les moyens de la neutraliser, la convenance du mois avec certains tempé- raments, l'opportunité ou FROPPOTENRE des saignées et des évacuations. A‘la fin, ce sont des de qui touchent plus particu- lièrement à l’agriculture, mais aussi à la récolte des simples et à des préparations domestiques et officinales. Outre les faits d'astronomie et de météorologie, on trouve dans le cou- rant du mois les fêtes célébrées par les chrétiens d'Espagne. On y rencontre aussi des faits relatifs à la médecine. Ainsi le 5 juin est le jour où l’on chasse les vipères pour la thé- riaque. Le 8 juillet, les purgatifs sont proscrits dix jours avant la canicule. En octobre, on change de vêtements. Le commencement des saisons est aussi noté. Nous avons dit que le calendrier se rencontre sous les deux formes, arabe et latine. Ces deux formes ne diffèrent pas seulement par quelques détails, mais aussi par le nom de l'auteur. Tandis que l’arabe donne Arib ben Saïd le se- crétaire, le latin donne Arib fils de Zeid l’évêque. M. Dozy qui a publié dernièrement les deux textes en regard, malheureusement sans annotation, ce quienlève du prix à sa publication, incline à croire que la rédaction, telle que nous la possédons actuellement, est une compilation faite postérieurement. Pour notre part, nous admettrions vo- lontiers que le travail primitif fut l'œuvre du secrétaire, et qu'il fut plus tard accommodé par l’évêque. (1) Le texte arabe donne un grand nombre de fêtes chrétien- nes, mais il en est quelques-unes qu’il ne pouvait guère . donner. Telle est celle de Pélage, qui subit le martyre sous … le règne d'Abderrahman, père de Hachem, ce qui a fait le . sujet d'un poème de Hrosvita. Le mot adjem qui représente constamment les chrétiens nn nr, ns ton D - (1) Nous avons vu plus haut, dans la notice d’Abou Abdallah ben el Kinani, citer parmi ses maîtres un élève de Rabi fils de Zaïd — l'évêque et le philosophe. Aurions-nous ici le véritable nom de l’au- …. teur du calendrier ? 436 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. dans le texte arabe, est rendu quelquefois enlatin par le mot latini, mais plus souvent par le mot christiani. Le livre d’Arib est plusieurs fois cité dans l’Agriculture d’'Ebn el Aouam. EBN SAMADJOUN. Ebn Samadjoun est un sujet de controverse relativement à l’époque où il vécut. Ebn Abi Ossaïbiah, dans son chapi- tre des médecins espagnols, le relècue au milieu des méde- cins du V{° siècle de l’hégire. Malgré cela, dans sa notice, il le dit contemporain du Hadjib Mohammed ben Abi Amr surnommé Elmansour, (1) (que M. de Sacy dans son Abdel- latif et d’après Casiri dit être mort en 392), et il affirme qu'Ebn Samadjoun est mort en cette même année, 1001 de notre ère. Dans un recueil de notices qui accompagne un commentaire de l’Ardjouza d’Avicenne, n° 1022 du supplé- ment arabe de Paris, l’auteur adopte la même date, 392 de l’'hégire. Ebn Abi Ossaïbiah nous donne Ebn Samadjoun comme un médecin distingué, ayant une connaissance toute particulière des médicaments simples, et possédant tout ce que les anciens et ses devanciers ont écrit sur la matière. Il considère son traité des Simples comme un livre excellent. Outre le traité des Simples, il cite aussi d’'Ebn Samadjoun un Formulaire. Nous ne possédons pas le traité des Simples, mais les ci- tations qui en sont faites accusent sa valeur. Elles sont dans Ebn Beithar, au nombre d’une quarantaine et elles accusent effectivement chez Ebn Samadjoun l’érudition plu- tôt que l’observation directe. C’est ainsi qu’il parle de l’Azéderach, de l’Aconit Napel, de la Roqua, du Zerneb, des Myrobolans, d’après Honein, Hobéïch, Abou Hanifa, etc. Nous le trouvons encore cité fréquemment dans le Ted- kirat de Soueidy et ailleurs, notamment dans Abdellatif. (1) C'est le fameux capitaine qui aimait aussi les savants ct les É lettrés, et que Léon dit avoir eu Abulcasis pour médecin. ESPAGNE. 431 ABULCASIS Aboul Cassem Khalef ben Abbas Ezzahraouy). Abulcasis est resté dans l’histoire de la médecine comme la plus haute expression de la chirurgie chez les Arabes. C’est aussi l'autorité la plus fréquemment invoquée par les chirurgiens du moyen âge. Malgré le bruit qui s’est f1it autour de son nom, il nous reste bien peu de renseignements sur son compte. L'opinion qui le fait vivre en Orient ne vaut pas la peine d’être discu- tée. Nous savons positivement qu’il naquit à Zahra, localité voisine de Cordoue, fondée en l’honneur de la favorite Zahra par Abderrahman, troisième du nom, en l’année 936 de notre ère. Telle est l’origine du surnom d’Ezzahraouy. L'époque de son existence a été un sujet de controverse. On s’en rapporta d’abord à Léon l’Africain, qui lui consacre unecourte notice dansses biographies. Léon le donne comme médecin du grand capitaine Elmansour, et le fait mourir en l’année de la guerre de Cordoue, 404 de l'hégire, 1013 de l'ère chrétienne. Nous verrons tout à l’heure que cette date ne doit guère s’écarter de la vérité. Vint ensuite Casiri, qui fit passer Abulcasis du X° au XIe siècle de notre ère. Il affirme d’abord, dans le premier volume de son catalogue, page 173, que tousles historiens espagnols le font mourir en l’année 500 de l’hégire; puis dans le deuxième volume, page 136, il donne la traduction libre d’un passage d’Eddhobby et reproduit la même date. Ce passage est le même qu'on lit en tête de l'édition d’Abulca- sis, dans la lettre adressée par Casiri à Channing, éditeur du chirurgien arabe. A la suite d'Eddhobby, Casiri cite comme faisant l'éloge d’Abulcasis un historien des médecins espa- gnols, Abou Mohammed Ali, qui ne nous est pas autrement connu. Nous avons voulu vérifier la citation d’Eddhobby dans l'original, c'est-à-dire dans le n° 1676 de l’Escurial. Après avoir fait l'éloge d’Abulcasis, de sa science et de son livre 438 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. intitulé Ettesrif, Eddhobby ajoute qu’il mourut après l’an- née 400. Voilà ce que Casiri à rendu par l’année 500 de l’hég'ire. Cela peut sembler étrange à qui n’a pu contrôler Casiri, mais non pas à nous, qui l’avons trouvé souvent en défaut en comparant son catalogue avec les Mss. de l’Escu- rial. C’est ainsi que lui, qui donnait à Channing des rensei- gnements sur Abulcasis, n'a pas reconnu sa Chirurgie dans .le n° 871-6, qui en contient la bonne moitié avec les figures si caractéristiques des instruments. Anongret opus satis amplum, écrit-il simplement, Le Tesrif d'Abulcasis est mentionné par Hadji Khalfa sous le n° 3034. Suivant son habitude, Hadji Khalfa donne la date de la mort de l’auteur, et de même que chez Eddhobby nous lisons chez Hadji Khalfa que l’auteur du Tesrif mou- rut après l'année 400 de l'hégire. Certaines copies d'Ebn Abi Ossaïbiah mentionnent Abul- casis, mais nous ignorons si elles donnent une date. Wüs- _tenfeld adopte la date de 500, probablement d’après Casiri. La date donnée par Eddhobby et par Hadji Khalfa, bien que vague, est dans le vrai. Déjà cette question avait attiré l'attention des éditeurs du British Museum, qui rappellent, d’après Makkary, que Ebn Hazm, né en 994 de notre ère, se dit le contemporain d’Abulcasis. M. Dozy a eu la bonté de nous transmettre le passage de Makkary et de nous appren- dre de plus que Ebn Hazm était mort en 436 de l’hégire, 1063 de notre ère. Les expressions sommaires employées dans ce passage, je l’ai vu, je l’ai connu, nous semblent signifier que Ebn Hazm, tout en étant contemporain d’Abul- casis, était moins âgé que lui. Nous trouvons dans Conde un renseignement dont nous ignorons la source, mais qui nous paraît bon à recueillir : « Dans la maison du vizir Issa ben Ishaq et de Calef ben Abès elzahrawi, deux médecins célèbres par leurs connais- sances dans toutes les sciences et en particulier pour leurs savants ouvrages de médecine, se tenaient des conférences d'hommes appliqués aux sciences physiques, astronomiques et mathématiques. Tous deux étaient médecins d’Abderrah- man, et d'autre part si vertueux et si bienfaisants que leur dt éd bd #7 À DER ER ESPAGNE. 439 maisons étaient ouvertes le jour et la nuit, et leurs cours remplies de pauvres qui attendaient leurs consultations. » Abderrahman est mort en 961 de notre ère, et Abulcasis était un de ses médecins. En rapprochant ce fait du récit d'Ebn Hazm on est conduit à regarder comme vraisemblable les dates données par Léon l’Africain, qui fait mourir Ezzah- raouy en l’année 1013, à l’âge de 101 ans. Nous avons encore un moyen de reconnaître approxima- tivement l’époque d’un auteur, c’est de relever les citations des écrivains postérieurs. C’est ce que nous allons faire, et cela pour une double raison. Contrairement à l'opinion de Freind, qui avance qu’Abul- casis n’a été mentionné par aucun auteur arabe, nous le trouvons cité par un grand nombre de médecins, tant de l'Occident que de l’Orient. Parmi les premiers, nous citerons ses compatriotes Erra- fequy, auteur d’un traité d’oculistique existant à l’Escurial, qui vivait sur la fin du XIe siècle, et l’auteur de l’Agricul- ture, Ebn el Aouam, qui vivait dans le courant du XI. Les seconds sont en beaucoup plus grand nombre. Ainsi, nous trouvons des mentions d’Ezzahraouy dans le Nihyat el Idrac, formulaire du XITI° siècle (1036, A. F.); dans les Simples etle Morny d’Ebn el Beïithar (1029, sup., etc.); dans le Menhadj Eddokkan de Cohen et Attâr (1086, À. F.); dans le Tedkirat el Mohdya de Soueidy, qui date de la même épo- que (1024-34, À. F.) ; dans les traités d’oculistique de Salah eddin ben Yousef (1042, sup., et 1043) et d’Aboul mahassan ; dans la Chirurgie d’Ebn el Koff (1023, sup.), et enfin dans les Simples de Sérapion. Quelques-unes de ces citations ont de l'importance, et nous aurons à y revenir. Il semblerait donc qu’Abulcasis a joui d’une plus grande réputation en Orient qu'en Occident. Cela tient probable- ment à plusieurs raisons. Abulcasis à une importance bien accusée, surtout comme chirurgien. Or, nous savons que la pratique chirurgicale n’était pas en honneur en Espagne. C’est Abulcasis lui-même qui nous l’apprena, et nous savons d'autre part qu'Avenzoar la dédaignait. Nous savons aussi que l'Espagne ne produisit qu'au XI: siècle ses grands 410 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. inédecins, et que la science s’y alimentait des produits de - l'Orient. Enfin, nous avons entre les mains beaucoup plus de monuments de la médecine arabe de provenance orientale que de provenance espagnole. Les écrits d’Abulcasis ne soulevèrent pas moins de contro- verses que sa personne, et les discussions furent plus stériles encore. Ce n’est pas cependant que les éléments de la ques- tion fissent défaut. Ils existaient sous plus d’une forme. Le moyen âge en eut pleine possession; puis la tradition dispa- rut, et les historiens même les plus éminents ne surent pas la retrouver. Il y a quinze ans, quand nous publiâmes la traduction de la Chirurgie d’Abulcasis, nous lui consacrâmes une maigre notice. Il nous semblait qu'après Casiri et Chan- “ning il ne restait plus guère à glaner, Nous étions dans une profonde erreur. Par des recherches multiples et continues, par l’étude surtout que nous avons dû faire des manuscrits hébreux, nous sommes parvenu, non sans une certaine satisfaction, à reconstituer l’œuvre complète d’Abulcasis. Il serait trop long et peut-être de peu d'utilité de relever toutes les méprises des historiens qui nous ont précédé. L'exposition que nousallons faire de documents aussi copieux que nouveaux permettra, par la comparaison, d'apprécier l’inanité des notices consacrées jusqu’à présent à notre au- teur. On s’étonnera que le jour ne se soit pas plus tôt fait, même avec les documents depuis longtemps tombés dans le domaine public et que l’on oubliait d’exhumer. Abulcasis publia l'ensemble de ses œuvres en un corps d'ouvrage qu'il divisa en trente livres et auquel il donna le titre de Tesrif. Tel est le titre en entier: Ettesrif limen’adjaz’'an Ettalif, ce que l’on a diversement interprété. Le désaccord éclate sur- tout à propos du mot tesrif, que d’aucuns ont envisagé isoié- ment ; et cela devait être. Ce mot ne saurait être compris si on le détache de ce qui le suit. Mais il y a plus: le titre entier lui-même ne saurait être bien compris si l’on n’a la parfaite connaissance du contenu de l'ouvrage, ce qui jusqu’à présent n'était arrivé à personne ; d'autant plus que le mot tesraf et sa racine ont des acceptions multiples et variées. Il semble- dé Rad, a Dore en 9 FPE ro LT à ESPAGXE. 441 rait qu’un des traducteurs hébreux lui-même, Mechoulam, s'est trouvé embarrassé, car il reproduit le titre arabe, Kitab ettesrif, que Chem Tob a rendu par l’hébreux Chimouch, qui répond au latin servitor. Tel est l'ensemble des interpréta- tionsdiverses du titre que nous avons recueillies : le Pétis de la Croix, La Pratique, pour ceux qui ne savent pas composer les remèdes : > Channing, Collectio, in illius usum cui desunt aliæ compositiones. æ Wüstenfeld et Fluegel, Concessio ei data qui componere non valet. 40 Catalogue hébreu, le livredesmanipulations, pour celui qui est incapable de composer des recettes. Quant au mot tesrif isolé, la B. Bodléienne, l’a rendu par praæis, Carmoly par service ou pratique, et Rossi par mé- thode. Si le Tesrif n’était qu’un formulaire, les titres cotés n° 1 et n°4 pourraient être admis ; mais l’antidotaire n’est qu’une partie de l’œuvre. Le Tesrif est une véritable encyclopédie médicale, et on doitse le rappeler pour comprendre son titre. Nous adopterions volontiers celui-ci : La Pratique {ou bien Présent), à qui ne peut recueillir {une collection médicale complète). à La collection complète fut traduite en latin, mais nous ignorons à quelle date et par qui. Dans le courant du XII° siècle, Gérard de Crémone traduisit la Chirurgie, et rien ne nous autorise à le considérer comme ayant traduit les œu- vres complètes. Dans la longue liste de ses traductions don- née dans le manuscrit 14,399 du fonds latin de Paris, la même qui avait été déjà donnée par M. Boncompagni, nous lisons seulement: Liber Açaragui de Cirurg'ia, Tractatus III. On détacha aussi de l’ensemble des trente livres le premier et le deuxième sous le titre Liber Theoricæ nec non Practicæ Asaharavii, et le vingt-huitième sous le titre Liber Servito- ris. Nous aurons à revenir en particulier sur chacun de ces trois fragments détachés du Tesrif, qui furent plusieurs fois imprimés à part, les seuls que l’on considère vulgairement comme représentant l’œuvre d’Abulcasis, ct dont le premier 442 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. a été souvent et à tort pris comme représentant le Tesrif. Nous dirons seulement ici que la critique historique s’est bornée jusqu’à présent à discuter l'identité par la comparai- son de la Chirurgie avec la Théorie et la Pratique, sans remonter à la collection dont ils ne sont que des fragments. Quel qu’en ait été l’auteur, la traduction des œuvres com- plètes d’Abulcasis se fit de bonne heure en latin et se pro- duisit sous le titre d’Alsaharavius ou Açaravius. Il est pos- sible que l’on ait détaché et transcrit à part les livres consa- crés à la thérapeutique, à l'instar de ce que l’on a fait pour lachirurgie parexemple. En effet, à propos de thérapeutique, nous voyons aussi les auteurs du moyen âge renvoyer, non pas au livre d’Alsaharavius, mais à l’Antidotaire où au Grand Antidotaire. Quoi qu’il en soit, il est incontestable que les œuvres com- plètes d’Abulcasis ont paru intégralement réunies sous le titre d’Alsaharavius, et divisées en trente parties. Les preu- ves en sont multiples, et nous allons passer en revue les documents qui les fournissent. Le n° 7016 du fonds latin de Paris contient un opuscule qui porte pour titre: Liber de calculo compilatus ex pluri- bus libris. On y lit: « De libro Zahravi. Cibaria eorum qui lapidem patiuntur hœc sunt. Panis frumenti levioris et rarioris quod possit inveniri, mundati ab omni arena et pulvere, etc. » Le livre XX VI du Tesrif est celui qui traite spécialement des aliments dans les diverses maladies. Que l'extrait ci-dessus soit tiré du Tesrif, nous en avons la preuve en ce que nous trouvons la même citation dans le Morny d’Ebn el Beïthar, à propos de l'alimentation des cal- culeux: « Extrait de Zahraouy et d’autres. Du pain fermenté de froment, poreux, léger, net de toute partie terreuse et de graines, etc. » n° 1029 du supplément arabe, folio 291. Au XIV® siècle, nous trouvons dans Guy de Chauliac en- viron deux cents citations d’Abulcasis. Il paraît que le morcellement dont nous avons parlé tout à l’heure existait déjà de son temps. Nous le voyons, en effet, mettre en ques- tion l'identité d’Abulcasis et d’Açaravi et renvoyer à l’Anti- er vi nel D à ete AE ru de EU VRNS Made otre ENT Es LE mn , FD Po chat à ., Er Sn da ; ESPAGNE. 443 dotaire, au Grand Antidotaire, dont il cite nominativement les vingt-et-unième et vingt-troisième parties. Cependant la collection complète du Tesrif ou d’Asaharavius existait indivise, ainsi que nous allons le voir. Au XV: siècle, nous trouvons une dizaine de citations de l’œuvre d’Abulcasis chez un médecin italien, Ferrari, autre- ment dit Mathieu de Gradibus. En raison de la nature deson sujet, il ne renvoie guère qu’à un livre, le vingt-sixième, qui traite du régime alimentaire, et il le fait sous cette double forme: Azaravius in particuia XXVI, Abulcasis in XXVI particula Azaravii (Consilia secundum vias Avicennæ, Lugd., 1535). Vers la même époque, un autre médecin italien, Santes de Ardoynis de Pesaro, publiait un Traité des poisons (Liber de venenis, Venet., 1492), où l’on rencontre à chaque page le nom d’Abulcasis: nous n'avons pas moins de cent vingt citations. Il semblerait ici que l’on s’est mépris sur la valeur du mot Alsaharavius, attendu que les citations se font constamment sous cette forme: Abulcasis in secunda parti- cula Azaravii, Abulcasis in septima particula Açaravii, etc. Santes paraît voir dans le mot Acaravius un titre du livre plutôt qu’un surnom de l’auteur. Le livre des poisons n’en est pas moins, pour la question qui nous occupe, d’une importance capitale. Il nous fournit un double renseigne- ment : il prouve que son auteur possédait la traduction complète et intégrale du Tesrif ; il nous fournit des rensei- gnements sur le contenu de la moitié de ses trente livres. Ce qui prouve que Santes possédait le Tesrifen entier, c’est que bon nombre de citations renvoient à ces livres qui en ont été depuis détachés, à savoir le trentième, le vingt- huitième et le deuxième. Nous ne possédons pas moins de soixante-dix citations empruntées au deuxième livre, c'est-à- dire au livre de la Pratique. Les citations portent sur quinze livres, dont tels sont les numéros d'ordre : 2, 3, 4, 5, 7, 9, 13, 15, 17, 18, 23, 24, 25, 28, 30. On pourrait donc, avec ces renseignements, reconstituer à peu près l’œuvre d’Abulcasis. Nous croyons inutile de relater ici la matière de chacun de ces emprunts, ayant 444 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE TROISIÈME. bientôt à revenir sur l’économie distributive du Tesrif. Nous dirons cependant que du livre III au livre XXV, il n’est question que de médicaments composés, ce qui explique pourquoi le Tesrif est cité sous le nom d’Antidotaire, et l'ob- servation de Hadji Khalfa, que les médicaments composés en occupent la majeure partie. (1) En 1609, Schenck publiait la Biblia iatrica, où nous lisons . ce qui suit, à propos d’Abulcasis: « Ejusdem Alsaharavi Antidotarius ms. inf° paginis 310 et sectionibus 23 exstat in medica Bibliotheca schenkiana. Sed et Abulcasis Antidota- rium apud Matheum Bresserum exstare fertur. Unde dili- genti Alsaharavii Theoricæ et Praticæ nec non Abulcasæ atque Galaf librorum collatione et lectione facile apparebit -unius auctoris esse hœc omnia ; nec male de re medica pro- meriturum quisquis ea publice faceret. Desiderantur hujus auctoris 3 libri ali, idque ex proæmio Antidotarii constat, quorum. I De ratione victus sanorum et œgrorum ; II De _ Alimentis et apparatu eorum ; III Explicatio vocabulorum medicorum, Antiballomenon, Pondera et mensuræ. » Nous ferons quelques observations sur ce passage. Il existait donc encore, au commencement du X VIT: siècle, deux exemplaires plus ou moins complets de la traduction latine du Tesrif. Qu'étaient-ce que ces vingt-trois sections dont se composait le manuscrit de Schenck? étaient-ce les vingt-trois derniers livres, comme dans le numéro 415 du fonds hébreu de la Bibliothèque Bodléienne ? ou bien étaient- ce les vingt-trois livres qui traitent des médicaments com- posés, car tel est précisément leur nombre, et que l’on aurait pu réunir à part,ainsi que nous l’avons déjà ditprécédemment. Quant aux trois autres livres, le premier répond au livre XX VI du Tesrif, et le troisième au livre XXIX. Le second nous paraît une méprise ou le dédoublement du premier. (1) Dans la dédicace de son édition de la Théorie et de la Prati- que, Riccius s’écrie avec emphase qu’il necomprend pas quelle noire destinée, quelle influence fatale a tenu dans un obscur cachot le nom d’un homme qui ne le cède qu’à Hippocrate et à Galien, et qui fut connu du seul Mathieu de Gradibus. Riccius oubliait Guy de Chauliac et Santes. Freind n'en a pas moins adopté les déclamations de Riccius. | ne - choc dontiioatet nf let dns écnaatihes à: 5 D PR eV de PS Ut ESPAGNE. 445 On voit que Schenck se prononce pour l'identité d’Albu- casis et d’Alsaharavius, identité dont on a fait honneur à Freind. Ce qu’il y a de plus étonnant, c’est qu’un manuscrit de l’Alsaharavius paraît devoir exister encore en Angleterre. Dans sa Chirurgie, Abulcasis fait de nombreux renvois à ce qu’il appelle la Division des maladies, ce qui n’est aute que le livre de la Théorie et de la Pratique, renvois qui ont été vérifiés tant par Freind que par Channing, et que nous-même avons trouvés exacts. Il en fait d’autres encore à ce qu'il a écrit précédemment, et notamment une fois au dix-huitième livre, où il traite des caustiques. Channing a signalé les fo- lios où se trouvaient des renvois dans l’Antidotaire. Il l’avait donc à sa disposition. Les recherches que nous avons faites dans le Catalogue de la Bibliothèque Bodléienne n’ont pu nous faire retrouver l’Antidotaire. I1 résulte des documents que nous venons de passer en re- vue que le Tesrif a été exploité par plusieurs médecins du moyen âge, que du temps de Scheuk il en existait encore deux exemplaires connus, et qu’il en existe peut-être encore un en Angleterre. Avec ces documents, on peut reconstituer un peu plus de la moitié du Tesrif. Les auteurs arabes que nous avons signalés comme ayant parlé d’Abulcasis, nous citent bien le Tesrif, mais ne nous donnent aucun renseignement. sur ses divisions. Ils ne ci- tent que le trentième livre, qui traite de la chirurgie. Et encore rencontre-t-on chez quelques-uns une variante qui se produit aussi dans certaines traductions latines, où la chirurgie porte le numéro 10 ou 11. M. Perron nous a com- muniqué un manuscrit qui n’est qu’un abrégé, où la chirur- gie porte le numéro 10. On en serait peut-être autorisé à conclure que, dans les abrégés, le nombre des livres était réduit au tiers. Ebn el Beithar, dans le Morny, fait de nombreux emprunts au livre qui traite du Régime dans les maladies, le livre XXVI, mais il ne donne pas le numéro de ce livre. Nous étions en possession de ces documents quand nous nous mîmes à l'étude de l’hébreu, espérant trouver de nou- 446 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. veaux renseignements dans les manuscrits de la Bibliothè- que nationale. Notre espoir n’a pas été déçu. Le peu de con- naissance que nous avons pu acquérir de la langue hébraï- que nous a suffi pour confirmer nos précédentes acquisitions et en faire de nouvelles. Malheureusement, tous ces manus- crits ne contiennent que des fragments du Tesrif. En les réunissant tous, on n'arrive qu'a la moitié des trente livres. Les livres III à XVII inclus font défaut. Tel est le contenu de chacun de ces manuscrits. Les numéros 951, 1162, 1167 et 1168, contiennent les deux premiers livres, autrement dit la Théorie et la Pratique. Le numéro 1163 contient les livres XVIII à XXX. - Le numéro 1164 contient les livres XXI à XX VI. Une note donne la traduction latine de leur contenu. Cette note a été prise ou reprise par Carmoly. Le numéro 1165 contient le livre XXV. Le numéro 1166 contient le livre XXX ou la Chirurgie. Le numéro 1162 fournit en outre la liste des trente livres avec leur contenu, mais dans un caractère si fin et si difficile à lire, que nous avons eu de la peine à en tirer quelque parti. En somme, la Bibliothèque nationale possède en traduc- tion hébraïque les livres I et IT, et les livres XVIII à XXX. La Bibliothèque Bodléienne est plus heureuse; elle possède l'ouvrage entier sous les numéros 414 et 415. Le contenu des trente livres justifie pleinement ce qu’on lit dans Hadji Khalfa, à savoir qu'il est surtout question dans le Tesrif des médicaments composés. En effet, il en est question dans vingt-trois livres sur trente. La répartition des médicaments composés dans chacun de ces vingt-trois livres n'étant pas faite suivant une méthode régulière, nous pensons qu’il serait sans intérêt d'en donner la nomenclature. Quant aux autres livres, nous allons en donner le content en laissant d’abord de côté ceux qui ont été imprimés, sur lesquels nous reviendrons plus tard. Le livre XXVItraitedu régime alimentaire dans les divers états de maladie et de santé. Nous avons déjà signalé les ESPAGNE. 447 nombreux emprunts faits à ce livre par Mathieu de Gradibus et par Ebn el Beithar. Le livre XXVII traite des médicaments simples et des aliments, rangés par ordre alphabétique. Ce livre est inté- ressant à plus d’un titre. Il peut d’abord éclairer sur la véri- table transcription de certains mots arabes à points diacriti- ques douteux. Il peut encore aider à la détermination des Simples. Enfin, les synonymies vulgaires qui sont données ont un intérèt tout particulier. Nous les considérons comme du fait du traducteur ; elles ont un cachet tel qu’on ne sau- rait les rapporter à Abulcasis, malgré qu'il écrivit quelque temps après la célèbre révision de Dioscorides. C’estdu reste ce qu'affirme Steinschneider dans le Catalogue du British Museum, numéro 7125. Les synonymies vulgaires données aussi par Ebn el Beithar ne portent pas une livrée aussi mo- derne. La traduction hébraïque était faite à Marseille par Chem Thobb dans le milieu du XIIF° siècle. Nous allons en présenter quelques échantillons. | Noms arabes. Noms vulgaires. Noms modernes: Adhfarettheib. Blagti bisanti. Blattes de Byzance. Bouadouq. Aouillanous. Avellana. Holba. Finougrik, Fenugrec. Halazoun. Limassa. Limace. Ouinagri. Vinaigre. Kharbek asoud. Alibourous nigra. Ellébore noir: Dar felfel. Fifari loung. Poivre long. Rasianedj. Finoulii. Fenouil; Zibaq. Bibardjenth. Vif argent. Zadi. Ouitrioul. Vitriol, Thabachir. Asfoudioum. Spodium. Kousbouretelbir. Kafñilous ouiniris Capillus veneris: Kourats boustany. Fourous doumestikous Poireau cultivé. Kourkoum. Tirra marîta (1). : Curcuma. _Sadaf. Couquila. Coquillage. Dafdha. Garnoulia. Grenouille. Ounnab. Djoudjoubes:; Jujubes. Aneb ettsaleb Mourilla. Morelle. Ousfour. Safran ourtoulan. Safran. Assa erraay. Ouirdja fachtoura: Virga pastoris. * sunR Arissoun. Hérisson, Riglissa. Réglisse. Su, Sigl. Seigle. Chahtaradj. Foumous tirra. Fumeterre. (t) Terra merila est an d:s noms que portait ancienaemeat le curcurid. 448 HISTOIRE DE LA MÉDEUINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. Le livre XXIX traite des synonymies, des succédanés, des poids et mesures. À proposdes synonymies, nous ferons les mêmes réflexions qu’à propos des simples. Nous rencontrons ici des synony- mes à physionomie latine, qui ne nous sembient pas remon- ter à l’époque d’Abulcasis. Nous en citerons quelques-uns : Noms arabes, Noms vulgaires. Nems modernes, Bassal el far. Cepa marina. Seille. Behmen abiodh. Ben Album. Behen blanc. Thin Makhtoum. Tira Sigillata. Terre sigillée Iklil eddjebel. Rous Marinous, Romarin. L'ordre alphabétique suivi est l’ordre hébreu. . Nous retrouvons, à propos des succédanés, les mêmes expressions. Ainsi Djouskiamoun, Laouisticum, fastinadja, Cassia fistoula, etc. Il ÿ aurait là, ce nous semble, quelques études intéressantes à faire pour la philologie. Nous allons maintenant aborder les parties du Tesrif qui ont été imprimées. I. Livre de la Théorie et de la Pratique, Liber Theoricæ necnon Practicæ. Nous avons déjà dit que c’étaient les deux premiers livres du Tesrif. Nous avons dit aussi que l’on igno- rait qui les avait traduits. C’est à tort que l’on ena fait hon- neur à Riccius, qui n’en fut que l'éditeur. Cette édition parut en 1519. Il semblerait qu’elle avait été déjà précédée par une autre, car nous lisons dans Haller: Alteram editionem video citari. Aug. Vind. 1490. Le titre du livre en indique l’ordonnance et le contenu. La première partie, première du Tesrif, contient la Théo- rie ou les généralités de la médecine. C’est quelque chose comme le Mansoury de Razès, le premier livre du Canon d’Avicenne, le Colliget d’Averroès. Dès les premières pages, l’auteur rappellequ’il avait eu des devanciers dans ce genre d’écrits: « Libri vero introductorii plures sunt, scilicet liber introductorius honen, L. introductorius Razis, L. introduc- torius ben Algezar, L. introductorius Galeni et L. introduc- torius Isahac ben Amran qui dicitur Kethab Aluazha (sans doute le Xitab Nozhat ennefs, les Délices de l'esprit). » C'était donc une introduction à la médecine qu’Abulcasis ESPAGNE. 449 a voulu composer, et c’est à ce point de vue qu'il faut se placer pour juger son œuvre. Ce livre est divisé en seize traités. La deuxième partie, la Pratique, deuxième livre du Tesrif, traite des maladies en particulier, de la tête aux pieds; seu- lement, les derniers chapitres s’écartent de cette règle, et tel en est l’objet: . Traité XXVI. Du régime des enfants. — XXVIL Du régime des vieillards. —. XXVIIL De la goutte et du rhumatisme. — XXIX. Des abcèset des plaies. — XXX. Des poisonset des venims. — XXXI. Des affections externes (de la peau. — XXXII Des fièvres. C’est par inadvertance que plusieurs écrivains ont répété que chacune des deux parties contenait seize chapitres et en tout trente-deux. Le total serait de quarante-huit. . Dans son Traité de chirurgie, Abulcasis renvoie souvent au livre de la Pratique, et il le désigne ainsi : Livre des divisions des maladies, Tegâsim el amrâdh. Dans le livre de la Pratique, il renvoie pareillement au livre de la Chirurgie, quand la maladie comporte un traite- ment chirurgical et que l’on a épuisé le traitement par les médicaments sans succès. . Nous trouvons au vingt et unième Traité un passage qui mérite d’être relevé et qui, jusqu'à présent, nous avait échappé. Il s’agit des affections de la vessie, et le paragra- phe porte pour titre : Du calcul de la vessie. Tel est ce pas- sage : | « Et si cum hoc regimine non exierit, studeat implere ipsam (vesicam) cum instrumento quod nominatur alnul, apud viam transitus, vel accipiatur instrumentum subtile quod nominatur mashabarebilia, et suaviter intromittatur in virgam, et volve lapidem in medio vesicæ, et si fuerit mollis frangetur et exibit ; si vero non exiverit, oportet incidi, ut in cirurgia determinatur. » Voilà donc de la lithotritie. Malheureusement, nous n’a- vons pu déterminer ni le vrai nom ni la forme des deux 29 450 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. instruments cités, et le procédé n’est pas relaté dans la Chi- rurgie. Nous avions dans le temps signalé le broiement pour les calculs arrêtés dans l’urèthre au chapitre LX de la Chirurgie; mais ici nous nous trouvons en pleine vessie. Freind, tout en admettant que celivre est écrit avec beau- coup d'ordre et de méthode, fait remarquer que beaucoup de passages des derniers livres, et particulièrement à propos de la variole, sont empruntés à Razès. Dezeimeris, après avoir cité l'observation de Freind, dit qu’il y a plus ici qu’une imitation de Razès, et signale les parties originales de l’ou- vrage. On lit aussi dans Haller : Adparet librum non esse indignum qui sit Albucasis opus. Terminons en disant que la traduction latine est très- . mauvaise, et qu’un très-grand nombre de mots techniques sont simplement transcrits de l’arabe au lieu d’être traduits par des équivalents latins. Nous avons indiqué les manuscrits hébreux de Paris qui contiennent les deux premiers livres du Tesrif. La traduction n’est pas identique. L’une est faite par Chem Tob et l’autre par Mechoulam. Nous ferons à ce sujet quelques observa- tions. On lit chez Mechoulam (dont nous n’avons que les deux premiers livres) : ef je Lui ai donné le nom de Tesrif, Kitab ettesrif, titre transcrit de l’arabe. Ce passage nous a échappé dans Chem Tob, mais nous lisons à l’explicit du trentième livre, manuscrit 1163: Fin de la chirurgie qui termine le livre dit Sefer hechemouch; ce qui répond à Liber servitoris. Comme nous l’avons déjà dit, cette diffé- rence de traduction a son importance pour l'interprétation du mot Tesrif. Autre différence : dans les deux manuscrits de Mechou- lam, nous trouvons en tête les mots hébreux hafets he che- lem, que le catalogue de Paris a rendu par Bijou parfait. Nous pensons qu’il faudrait peut-être les rendre par: De la conservation de la santé. Il: Livre XXVIII ou Liber sérvitoris, Préparation des simples (1). Ce livre fut traduit en latin vers la fin du XIIT° (1) Ces mots terminent l'argument du livre XXVII donné par le manuscrit hébreu n° 1162; sn ATEN PRESS ;_» ET PR TE ; ESPAGNE. 451 siècle par le juif Abraham et Simon de Gênes. Des traduc- tions à deux se faisaient fréquemment en Espagne. Un juif ou un musulman rendait le texte arabe en langue vulgaire et un lettré le transcrivait en latin (1). | Nous allons reproduire le début de ce livre. Cette citation nous montrera d’abord quel en est l’objet, puis nous verrons que c’est indèment qu’on lui a donné le titre dé Liber ser- Dixitaggregator hujus operis. Postquam ego collegi librum hunc magnum in medicinis compositis qui est Liber magni juvamenti quem nominavi Librum servitoris, et complevi libros suos omnes secundum voluntatem meam, inveni in multis medicinis compositis libri hujus medicinas multos simplices quæ indigent preparatione. Previdi igitur aggre- gare omne quod est necessarium in hoc, etc. L'auteur a donc voulu consacrer ce livre à la préparation des médicaments simples, à leur mise én état. Mais ce n’est pas à ce livre que revient le titre de Liber servitoris, c’est aux précédents livres, qui traitent des médicaments compo- sés, que le moyen âge appelait l’Antidotaire. Il serait inté- ressant d’avoir un texte arabe en main. Nous croyons que l’on trouverait ici le mot T'esrif. La traduction hébraïque de — Chem Tob a donné le mot Chemouch, que nous avons déjà “ vu correspondre au mot Tesrif donné par Mechoulam. —_ Le Liber servitoris fut plusieurs fois imprimé. Tel est le titre de l'édition de 1471, qui se trouve à la réserve de Paris : _ Liber servitoris Liber XX VIII Buchasi Benaberaserin trans- . latus à Simoë januëse interprete Abraû judeo tortuosièsi. Le 4 titre n’a pas toujours été aussi défiguré. Ainsi, nous lisons …_ (1}Steinschneider, dans le Catalogue du British Museum, n° 7406, … incline à croire que la traduction latine s’est faite d’après l’hébreu, ou tout au moins en présence de l’hébreu, et il se fonde tant sur la {4 concordance des traductions hébraïque et latine, que sur l'emploi (| du mot chemous qui répond à servitor, ce dernier mot ne pouvant guère procéder de l’arabe tesrif. Ni l’une ni l’autre de ces deux rai- sons ne nous a convaincu. La première nous paraît faible; quant à “la seconde, on sait que, sous l'impulsion d’Alphonse, les traductions d'après l'arabe fleurirent au XIII: siècle. CSS M D és sou pd £ + Énvi-e 452 HISIOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. -— LIVRE TROISIÈME. le nom d’Abulcasis sous cette forme plus correcte dans le manuscrit 10,236 du fonds latin: Bulcasin ben Chelef ben abes azarui. L'auteur divise les médicaments simples en trois classes, suivant leur origine minérale, végétale ou animale. Son livre porte un profond cachet d'originalité, et il abonde en renseignements curieux non-seulement pour l’histoire de la matière médicale, mais aussi pour l’histoire de la chimie et de certains arts industriels. Ebn el Aouâm, dans son Traité d'agriculture, a pensé qu’il n’avait rien de mieux à faire que d'emprunter de toutes pièces la préparation de l’eau de roses au livre d’Ezzahraouy. On peut comparer le Liber servitoris avec l'édition arabe espagnole de l’Agricul- ture par Banqueri (II, 30), ou avec la traduction française de M. Clément Mullet (II, 380 et 392), et l’on verra qu’il y a parfaite conformité. Un passage assez étendu du vingt-huitième livre du Tesrif a été reproduit par Ebn el Beithar dans son Traité des sim- ples, Kitab el Moufridat, à savoir la préparation de l'huile de briques. | Nous signalerons encore un paragraphe qui rappelle les célèbres cachets d’oculistes. Tel en est le titre: Modus fa- ciendi sigillum quo sigillantur trochisci. L'auteur décrit mi- nutieusement la manière de préparer, avec de l’ébène, du buis ou de l’ivoiré, un cachet sur lequel on grave en creux et en sens inverse le nom des tablettes. Le manuscrit de Paris, n° 10,236, reproduit la figure du cachet que nous n’a- vons pas rencontrée dans les éditions imprimées. On trouve encore dans ce manuscrit, sous la rubrique forma colandi potiones et decoctiones, des figures de filtres que nous n’a- vons pas rencontrées non plus dans les éditions imprimées. . Ce n’est donc pas seulement dans sa Chirurgie qu’Abulcasis a inauguré l'ère, aujourd’hui si florissante, des illustrations. Ajoutons, enfin, qu’Abulcasis ne se borne pas à décrire M. la préparation des médicaments simples, mais qu'il s'occupe : aussi tout particulièrement de leur conservation, et qu’il 1 indique la matière des récipients qui conviennent à chacun d'eux. $ Le foie Loge Pret ne hip DS ESPAGNE. 453 En somme, le Liber servitoris est l’œuvre la plus originale d'Abulcasis et méritera d’être toujours consulté (1). Nous croyons qu’il en existe un exemplaire arabe au British Museum ; nous lisons, en effet, sous le n° 985, le titre d’un ouvrage attribué à Zahraouy, sur la pratique ou l'entretien des drogues, et qui commence précisément de la même ma- nière que le Liber servitoris: < Sachez que les médicaments sont de trois sortes : minéraux, animaux et végétaux. » Ce début se lit aussi dans un manuscrit arabe-hébreu de Paris, le n° 1213 ; mais ici le doute n’est pas permis. Nous avons pris pleine connaissance de ce manuscrit, écrit en langue arabe et en caractères hébreux ; ils’agit bien d’abord des médicaments simples, mais c’est pour arriver aux médi- caments composés et à la thérapeutique. On pourrait admet- tre que l’auteur, qui n’est pas nommé, s’est inspiré du Tesrif. III. Livre XXX ou Chirurgie. — De tous les ouvrages d’Abulcasis, la chirurgie est celui qui a popularisé son nom et qui tient la place la plus importante dans l’histoire de la médecine. . Nous avons déjà dit que dans le Tesrif il occupe la tren- tième et dernière place, mais que certains documents lui en assignent une différente. Ainsi, des deux manuscrits arabes de la Bodléienne, l’un lui donne le n° X et l’autre le n° XI. Le manuscrit de M. Perron, qui n’est d’ailleurs qu’un abrégé, l'intitule dixième livre. Dans le Nour el ouyoun, n° 1042 du supplément arabe de Paris, ilest donné généralement comme le trentième et une fois comme le dixième. Le manuscrit arabe de Paris lui assigne le n° XXX. Dans les traductions latines, tant manuscrites qu'imprimées, il occupe le même rang. L’explicit du n° 7127 du fonds latin de Paris se termine ainsi : et est tricesima particula libri açaragui quem composuit Albucasim. C'est encore ce qu'on lit dans l'édition de Strasbourg, 1532, et dans celle de Venise, 1520. Haller cite un manuscrit qui portait Liber decimus. * (1) Il y a certes lieu de s'étonner que Wüstenfeld mette en doute l'attribution du Liber servitoris à Abulcasis (Geschichte, n° 147). On s’étonnera moins que ce doute ait été reproduit dans la Biographie Didot. 454 HISTOIRE DE LA MÉDECINÉ ARABE. — LIVRE TROISIÈME. Le titre des imprimés varie. Ainsi on trouve Liber chirur- gicæ ; Albulcasæ de chirurgia libri tres; methodus medendi prœcipue quæ ad chirurgiam requiruntur libris IIT expo- nens. Vers le milieu du XIT° siècle, à Tolède, Gérard de Crémone traduisit en latin la Chirurgie d’Abulcasis. Un siècle plus tard, Chem Tob la traduisit en hébreu. Onla traduisit même en provençal, etil en existe un exemplaire à la bibliothèque de Montpellier. Ces traluctions contribuèrent puissamment aux progrès de la chirurgie au moyen âge. Parmi les écrivains de cette époque, les uns avouèrent hautement ce qu’ils devaient au . chirurgien arabe, les autres se parèrent de ses dépouilles anonymes. Nous ne pouvons mieux faire que de placer ici un passage emprunté à l'Histoire littéraire de la France. « Il y a un fait digne d'attention dans l’histoire de la chi- rurgie en France dans la seconde moitié du XII siècle : plusieurs docteurs italiens abandonnèrent leur patrie à la suite des troubles suscités par les Guelfes et les Gibelins, se réfugièrent sur le sol françaiset y importèrent les doctrines et les ouvrages d’Abulcasis, de ce célèbre médecin arabe d'Espagne qui passe pour avoir été le restaurateur de la science médicale. Cette importation semble dater de l’arri- vée à Paris d’un docteur de l’école de Salerne, appelé com- munément Roger de Parme. Après lui vinrent Bruno de Calabre, Lanfranc, Taddée, Louis de Reggio, Hugues de Lucques, Nicolas de Florence, Valescus de Tarente, Louis de Pise, Auguste de Vérone, Silvestre de Pistoie, Armand de Crémone et plusieurs autres. Guy de Chauliac ne fournit pas de nom depuis les Grecs jusqu’à Guillaume de Salicet : on comprend que Lanfranc, qui arriva en France vers 1290, ait dit: « Les chirurgiens français étaient presque tous idiots, « sachant à peine leur langue, tous laïques, vrais manœu- « vres, et si ignorants qu'à peine trouvait-on parmi eux un « chirurgien rationnel. » « Nous serons alors moins étonnés de voir dans les écoles françaises Abulcasis prendre rang à côté d’Hippocrate et de ET PTT PL É \& t£ ESPAGNE. 455 Galien, et former avec eux une sorte de triumvirat scienti- fique. » La chirurgie se divise en trois parties. La première traite de la cautérisation, la deuxième de la médecine opératoire par les instruments tranchants, la troisième des luxations et des fractures. Ce qui fait l'originalité de cetouvrage et une partie de son mérite, ce qui a contribué sans doute à sa vogue, c’est l’intro- duction, jusqu'alors inusitée, des figures d'instruments à côté du texte. On pourrait réduire le nombre de ces figures à 150 ; mais en tenant compte des variantes, on dépasserait 200. I] faut bien le dire, le fond de la chirurgie d’Abulcasis est le sixième livre de Paul d'Égine, et l’on pourrait s'étonner que ce nom ne soit pas prononcé, que cette origine ne soit pas indiquée; mais c'était une habitude chez les Arabes, dans les ouvrages de synthèse, de fondre les emprunts de l’auteur avec ce qui lui appartient en propre, à moins qu’il ne s'agisse d’une autorité comme celle d'Hippocrate et de Ga- lien. Ils en usaient de même sur le terrain de la littéra- ture tout comme sur celui de la science. Roger de Parme et Guillaume de Salicet usèrent des mêmes procédés envers Abulcasis. _ La chirurgie n’en accuse pas moins un grand et émi- nent praticien. Très-souvent, à côté du précepte, Abulca- sis fournit une observation tirée de sa pratique; le chapitre de l'extraction des flèches abonde particulièrement en faits de ce genre. Ce qui recommande l’auteur, c’est qu’au début de son li- vre il pose la connaissance de l'anatomie comme la base de la chirurgie ; c'est qu’il est prudent et qu'il conseille de ne pas s'engager témérairement dans des opérations diffi- ciles. A l’appui de ces conseils, il cite plusieurs cas où l'i- gnorance de l’anatomie entraîna des terminaisons fatales. Toute imparfaite que puissse paraître aujourd’hui la chi- rurgie d’Abulcasis, les historiens sont unanimes à reconnaî- tre son importance relative et son heureuse influence sur les progrès de l’art. BLEN à Guy de Chauliac l’invoque plus de deux cents fois. 456 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. Fabrice d’Acquapendente considère Abulcasis comme une des notabilités de la science. «44 Haller constate qu’Abulcasis a indiqué la ligature des ar- tères avant Ambroise Paré. Portal le considère comme le premier qui ait fait usage du crochet pour l’extraction des polypes. Freind lui consacre une longue étude et le regarde comme le restaurateur de la chirurgie. Une autre chose fort remar- quable, dit Freind, et qui lui est entièrement particulière, c’estqu'’il avertit son lecteur partout où il y a du danger dans l’opération, précaution souvent aussi utile que les descrip- tions détaillées des autres touchant la manière se en dans . chaque cas particulier. Il est le premier que jesache, ditSprengel, quiaitenseigné la manière d'opérer la lithotomie chez les femmes. Cepen- dant alors, les opérations chez les femmes ne se faisaient que par les matrones, sous la direction d’un médecin; aussi les chapitres relatifs aux accouchements ont-ils été diversement jugés : les uns y voient d'excellents préceptes, les autres en jugent la pratique barbare. | Nous avons indiqué précédemment un procédé de litho- tritie, fait qui était resté jusqu’à présent presque inaperçu. Abulcasis, dit Malgaigne, est le premier qui ait songé à appliquer un bandage comme à l'ordinaire dans les fractures et à y tailler ensuite avec des ciseaux une ouverture de la grandeur nécessaire. C’est aussi le premier quise soit occupé des luxations anciennes. L'ouvrage d’Abulcasis restera dans l’histoire de la médecine comme la première expression de la chirurgie $e constituant à l’état de science distincte et se fondant sur la connaissance de l'anatomie. Les figures dont il est orné sont une heureuse et féconde innovation qui lui assure un souvenir impérissa- ble. Cette innovation ne tarda pas à porter ses fruits. On re- trouve les figures d’Abulcasis dans le Traité d’ophthalmolo- gie d’un autre Espagnol, Erraféquy (Escurial, 835); on les retrouve en Orient dans les traités de Salah Eddin ben Yousef et de Khalifa ben Abil Mahassen. Chez ce dernier, les figures occupent deux pages et sont d’une exécution par- Nb a dt éd - à mn - TT SR TROT EU UNE DRE nn ein ESPAGNE. 457 faite (n° 1043 du supplément arabe). Enfin, on les retrouve dans la Chirurgie d'Ebn el Koff._ * Le texte arabe de la Chirurgie a eu les honneurs de l’im- pression; il y a un siècle que Channing en donnait une édition arabe latine. C’est en partie d’après cette édition et en partie d’après le manuscrit de la Bibliothèque nationale que nous avons fait notre traduction française, il ya une quinzaine d’années. Ce travail, fait en Algérie, devait être imparfait. Depuis lors, nous nous sommes constamment préoccupé d’Abulcasis ; nous avons fait une collation plus minutieuse du manuscrit de Paris et nous avons aussi con- sulté le manuscrit de l’Escurial qui à échappé à Casiri. Nous regrettons de n’avoir pu jusqu’à présent nous familiariser avec les traductions hébraïques. Nous pensons toutefois que cette notice témoignera de nos efforts pour améliorer une nouvelle édition. Nous terminerons par une citation de Rossi : « Alcuni suoi poemi sulle malattie e sulla loro cura vedonsi _ parimente nel codice 743 della Biblioteca dell’ universita di « 11 mio gabinetto presenta nel codice 1344, il suo Trat- TATO DEL RIMEDI DELL’ OCCHI0, trasportato dell’ arabo da Natan Amateo. » Serait-ce un fragment de la Chirurgie ? ABOU YOUSOUF HASDAÏ BEN CHAPROUT. Nous avons déjà vu ce médecin juif figurer parmi les per- sonnages qui travaillèrent à la révision des œuvres de Dioscorides. Telle est la notice que lui consacre Ebn Abi Ossaïbiah, traduite par M. Munk: . « Hasdaï ben Ishag, versé dans l’art de la médecine, était _ au service d'El Hakem fils d’Abderrahman. Il était au nom- bre des auteurs juifs au premier rang dans la connaissance de leur loi. Il fut le premier à ouvrir à leur population d’Andalousie la porte de leurs connaissances en fait de juris- 458 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE TROISIÈME. prudence religieuse, de chronologie, etc. Auparavant ils avaient été obligés de s'adresser aux juifs de Bagdad pour faire venir de chez eux le calcul d’un certain nombre d’an- nées afin de connaître les procédés de leur calendrier et les commencements de leur année. Mais Hasdaï ayant été atta- ché à El Hakem et ayant obtenu près de lui une position . très élevée, parvint par lui à se procurer tout ce qu'il dési- rait en fait de livres des juifs de l'Orient. Depuis lors les juifs d'Andalousie connaissaient ce qu'’auparavantils avaient ignoré et étaient dispensés de la peine qu'ils avaient été obligés de se donner. » M. Philoxène Luzzato publia depuis une notice étendue sur Hasdaï, où il établit quelques faits nouveaux. Il pense que Hasdaï occupait auprès d'El Hakem la posi- tion de ministre des finances. Il raconte la part que prit Hasdaï à la restauration du roi de Léon Sanche Ie, et parle _de la lettre qu’il écrivit au prince des Khazars qui s'était avec son peuple converti au judaïsme. Hasdaï protégeait ses coreligionnaires et entretenait des correspondances avec les savants juifs, qui le traitent de prince. Il serait mort vers 990, laissant un fils digne de lui du nom de Yousouf. | Ce fut aussi Hasdaï (Hasdeu des chroniques latines), qui reçut Jean de Gorze, ambassadeur d’Othon le Grand auprès d’'Abderame III. LIVRE IV XI° SIÈCLE REVUE SOMMAIRE DU ONZIÈME SIÈCLE I. — PERSE. Avicenne. 1036 El Birouny. Eben Mendouih. Miskaouih. 1030 Essedjary. El Azraquy. Ebn Abi Sadek. 1072 Abou Noaïm. 1038 EI Ilaky. Il: IRAK. Chr. Aboulfaradj ben Thayeb.1043 El Barakhchy. S. Haroun ben Sad. 1052}; - ben Aly Chr. Eben Bothlan. 1065 | Chr. Zahid el Olama. Saïd ben Hibat Allah. EI Makily. C.M. Eben Dijezla. 7 109 Ennily. Eben Bahtouih. Issa ben Aly. Ebn el Ouassithy Mésué le jeune. 1015 IIT. — SYRIE. El Biroudy. x vel ben Mouhoub. hafer). | obarek el Haleby. 1096 Esso ù hot ben Dhafer. IV. — ÉGYPTE. Ebn el Heitsam. 1038 Aly ben Rodhouan. 1061 Abou Bacher. ci bep Soleiman. Mobacher ben Fateq. Ishaq ben Iounes. J. Afranim ben Aselfan. J. Slama ben Rahmoun. J. Mobarek ben Slama. Omar ben Aly el Mously. V.— MAGREB. Constantin. VL — ESPAGNE. Ebn Essamedij. 1029 Ebn Essoffar. Ebn Khaldoun. 1056 Ezzahraouy. El Kerman y. 1066 Aboul Arab Yousef. 1038 Aboul Bagounech. 1052 Ebn Ouafed. 1074 Erramly. Ebn Eddeheby. 1063 Ebn Ennabbach. Abou Djafar ben Khamis. EE Ebn el Khayat. 1055 El Kaoual, . Ishaq ben Caftar. 1056 Ebn el Hedjadj. Témimy. El Bécry. 1096 J. Ebn Dianah. J.M.Aboul Fadhl Khachdaï. Ben Chehid. 1034 Ebn el Heitsam. 1063 Abdallah ben Younes. 1037 Re Me Te TOUT CNE a É : Le 4 11 14 LE Le | 7, a er age REVUE SOMMAIRE DU X[° SIÈCLE La diffusion des sciences et leur culture par toutes les par- ties de l'empire musulman, fondée au X° siècle, se maintint et s’affermit pendant le XI° malgré les révolutions qui l’agi- taient et déplacaient le pouvoir. Sans entrer dans le détail des événements nous devons en signaler cependant les traits les plus saillants. À Bagdad, les Khalifes continuent à subir la tutèle des étrangers. À celle des Bouïdes, succéda celle des Seldjouci- des: Alp Arslan entrait à Bagdad en l'année 1055. Cependant les sciences trouvèrent encore des protecteurs chez ces nouveaux maîtres. Alp Arslan eut l’heureuse idée de prendre pour ministre Nizam el Moulk, et ce fut encore celui de sou successeur Malek Chah, le plus grand prince de la dynastie. Nizam el Moulk était non-seulement le pro- tecteur des savants, mais il occupait parmi eux une des pre- mières places. Il fonda des écoles dans les villes de Hérat, W’Ispahan et de Bassora. Mais sa fondation la plus célèbre est la fameuse école de Bagdad, comme sous le nom de Medres- sat ennizamia. Cette belle existence, de près d’un siècle, fut tranchée par le fer d’un assassin. A l'Orient, l'empire était démembré par les Gaznévides. Mahmoud, qui résidait à Gazna, se plaisait dans la compa- gnie d'El Birouny et de Firdoussy. Il avait même invité Avicenne, qui préféra son indépendance. L'Égypte maintint son autonomie, mais elle eut ses cala- mités. Nous voyons d’abord l’imbécile Hakem protégeant aussi les savants, mais persécutant les dissidents. Le long “règne de Mostancer est marqué par les discordes civiles, la peste, la famine et le pillage de riches bibliothèques. Ce ne 462 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. fut que vers la fin que le visir Bedr Eddjemaly rendit à l’E- gypte son ancienne prospérité. L'Espagne fut pareillement éprouvée. La dynastie des Ommiades s’éteignit au milieu des troubles civiis, l'Espagne se morcela et dans ces agitations nous avons encore à déplo- rer des sinistres pour les livres. En dépit des circonstances, nous voyons cependant les sciences poursuivre leur cours tant en Orient qu’en Occi- dent. Si nous enregistrons un nombre un peu moins considéra- ble de savants, nous comptons autant d'hommes supérieurs, dominant la foule et laissant après eux une trace de leur passage. Les productions médicales continuent à prendre une allure indépendante et déjà un certain cachet d'originalité. Les Arabes se sentent déjà riches de leur propre fonds. Nous voyons apparaître certains écrits non moins remarquables par la nouveauté de la forme que par la valeur du fonds. Au premier rang de tous les médecins du X[J° siècle se place Avicenne. Avec un génie différent de celui de Razès, il pesa d’un poids encore plus grand sur les destinées de la médecine, Le Canon d’Avicenne, conçu suivant un plan plus large que le Continent, avec une méthode plus rigoureuse, embrassant toutes les parties de la science, eut une influence capitale sur les destinées de la médecine, non-seulement dans les limites du monde musulman, mais en dehors de ces li- mites chez les nations chrétiennes. L’Orient ne cessa de l’é- tudier et de le commenter en tout ou en partie: l'Occident le prit, pendant des siècles, pour base de son enseignement, après l'avoir traduit en latin. C’est encore au XIe siècle qu’appartient un homme peut- être d’origine arabe et converti au christianisme, qui le pre- mier importa dans l'Occident non-seulement les œuvres des médecins arabes, mais celles d’Hippocrate et de Galien, qu’il traduisit en latiu, et fit sortir l’Europe barbare de sa longue torpeur. Nous voulons parler de Constantin l’Africain. En même temps que les attaches avec les anciens se lais- sent de moins en moins apercevoir, nous voyons le chiffre CPE PT SU PE ie UE ET ES IE REVUE SOMMAIRE DU ONZIÈME SIÈCLE. 463 des médecins chrétiens diminuer et n’apparaître pour ainsi dire que dans l'Irak. Dans les sciences étrangères à la méde- cine et relevant des mathématiques, nous ne voyons que des noms arabes. En même temps les Juifs se montrent plus nombreux sur la scène. Si nousjetons un coup d’œil rapide sur les diverses contrées de l’Islamisme, nous voyons d’abord en Perse Avicenne, presque toujours en voyage, rencontrer dans toutes les par- ties de la haute Asie des aliments pour ses travaux, former des élèves et compter El Birouny parmi ses amis et ses cor- respondants. À Bagdad, ce sont Eben Botlan, Eben Djezla et Aboulfa- radj ben Thayeb, les deux premiers donnant à la médecine et à l'hygiène une forme d’exposition plus commode pour l’enseignement, etle dernier, familiarisé avec les Grecs, com- menter leurs philosophes aussi bien que leurs médecins. A cette époque nous croyons aussi devoir rattacher le célèbre oculiste Aly ben Issa. La Syrie commence à se réveiller, et se prépare au rôle qu’elle doit jouer dans les deux siècles suivants. En Égypte, les sciences sont cultivées avec ferveur en dé- pit des troubles politiques. Ce qui caractérise l'Égypte à cette époque, c’est la quantité prodigieuse de livres qu'elle recueille, l'importance presque fabuléuse de ses bibliothè- ques publiques et privées: La mosquée El Azhar est toujours uné pépinière de sa- vants, où se forme le grand mathématicien Ebn el Heitsam, dont la fécondité nous étonne. En même temps apparaissent l’oculiste Omar ben Aly, et le grand médecin Aly ben Ro- dhouan, qui fut nommé chef des médecins en Égypte. En Espagne, les élèves sortis de l’école de Moslema culti- vent la médecine aussi bien que les sciences mathématiques. Parmi les médecins et naturalistes nous citerons Ebn Ouafed qui fut traduit en latin sous le nom d’Eben Gueñfith, le géo- graphe El Bécry, l’agriculteur Ebn el Hedjadj, enfin le pre- mier médecin de la famille des Avenzoar. 464 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. LIVRE QUATRIÈME. Parallèlement à la médecine marchaient les autres sciences. Dans l’extrême Orient, El Birouny, penser éminent, étudiait l'Inde et traduisait les ouvrages sanscrits, écrivait le Canoun el Massoudy, traité de géographie mathématique dédié à Massoud fils de Mahmoud, en même tempsqu'ils’oc- cupait de physique et d'histoire. À Bagdad, Omar ben el Kheyam cultivait les mathéma- ‘ tiques, réformait le calendrier persan, réformation connue sous le nom d’ère Djélaléenne, d’un surnom de Malek Chab, et dirigeait l'observatoire fondé par Nidham el Moulk, dont nous avons déjà signalé les fondations scientifiques. En Égypte, alors que s’éteignait Ebn el Younis florissait Ebn el Heitsam, peut-être le plus profond et le plus fécond des mathématiciens arabes. En Espagne, les mathématiques et l’astronomie étaient cultivées par les disciples de Moslemah et par Arzakel, et Bécry composait un remarquable traité de géographie. Ajoutons qu’en Orient la philosophie était représentée par le célèbre Gazzaly, qui finit par se retourner contre sa nour- rice et s'éteindre dans le mysticisme. Il fut à la tête de la Medressa Nidhamia. Nous devons enfin ajouter ici le nom d’Avicenne, qui ne cultiva pas exclusivement la médecine, mais les autres sciences, et jusqu’à l’alchimie. On sait que son ouvrage dit El Chefa se trouve imprimé avec po Canon. L — PERSE. La Perse eut encore, comme au siècle précédent, l'honneur de produire le plus grand médecin de l’époque. Razès eut un digne successeur dans Avicenne. Avec des génies différents, on peut dire que ces deux hommes arrivèrent à une égale hauteur. Razès était un pra- ticien plus consommé, Avicenne avait des tendances plus particulièrement portées vers la philosophie, et la connais- sance qu'il avait de la médecine, il l'avait puisée dans ses lectures autant que dans la pratique, doué qu’il était d’une merveilleuse facilité d’assimilation. Mais il possédait à un haut degré le génie scientifique, en tant qu'il s'applique à porter la lumière et l’ordre dans un ensemble de faits donnés. Ce que Razès avait fait avec réserve et sous forme d'inventaire méthodique et partiel dans le Continent, Avi- cenne le fit d’une façon complète et systématique dans le Canon, le plus grand corps complet de médecine que l’on ait publié jusqu'alors. - La vie un peu errante d’Avicenne et les ressources qu'il rencontrait partout pour continuer ses études et ses travaux sont une preuve de la diffusion des sciences en Perse et dans la haute Asie; mais nous n’y apercevons pas un centre fixe de lumières comme à Bagdad, au Caire et plus tard à Damas. . Avicenne eut cependant des élèves, ainsi Ebn Abi Sadek, _ Elllaky, El Mendouih. Parmi ses amis on compte aussi . El Birouny qui avait, outre ses connaissances dans les scien- ces naturelles et mathématiques, une connaissance toute particulière des littératures des Juifs et des Indiens. —_ Une autre preuve de la diffusion des lumières en Perse, c'est la grande quantité des écrits d’Avicenne adressés à ses “ contemporains. 30 466 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME. AVICENNE. Avicenne est un phénomène intellectuel. Jamais peut-être on ne vit une intelligence précoce, facile et étendue se pro- longer et se soutenir avec une aussi étrange et aussi infati- gable activité. Il eut des maîtres, mais il se fit surtout lui- même par des lectures assidues, doué qu'il était d’une merveilleuse facilité d’assimilation. De bonne heure en possession d’une immense érudition, il la féconda par son génie, attaqua en maître toutes les branches de la science, et révéla particulièrement sur le terrain de la médecine son esprit organisateur, Sa vie est marquée du cachet de l’ori- ginalité, par sa mobilité et son excentricité. Placé dans la haute Asie, il y atteint un développement complet et nous le voyons courir incessamment du Turkestan à l'Irak persan, s’arrêtant çà et là pour y entreprendre, y commencer ou y achever quelques volumineuses compositions. "Les ressources qu’il rencontre dans ces pays lointains, qui confinaient aux frontières de la Chine, la multiplicité des savants avec lesquels il se met en relations, nous prouvent combien avait été puissante l’irradiation scientifique éma- née de Bagdad. Ces faits et la valeur personnelle d’Avicenne nous autorisent à décrire avec des détails inaccoutumés cette existence vag'abonde et si remplie. Avicenne nous a raconté lui-même la première moitié de sa vie, et nous croyons ne pouvoir mieux faire que de lui céder la parole. « Mon père était de Balkh et vint habiter Boukhara du temps de Nouh ben Mansour. Il se maria dans un village voisin, du nom d’Afchana, et c’est là que je naquis ainsi que mon frère. Nous retournâmes à Boukhara et l’on me donna un maître pour m’enseigner le Coran et les humani= tés. Je n’avais pas encore dix ans que je possédais le Coran et une bonne partie des humanités, au point que cela parut un prodige. Mon père me fit apprendre le calcul auprès d’un marchand d'herbes qui connaissait le calcul indien: PERSE 467 _« Un philosophe du nom d’Abou Abdallah Ennately vint alors à Boukhara. Mon père le recueillit à la maison pour en faire mon précepteur. Il m’enseigna la logique dont je possédais le mécanisme sans en connaître l'esprit. (On lit dans le Kitab el hokama que cet enseignement se fit avec le livre de l’Zsagoge). Je me mis à étudier seul, m’aidant par la lecture des commentaires. Il en fut de même pour le livre d'Euclide. J'étudiai sous la direction de mon maître cinq ou six propositions, puis j’étudiai seul tout l'ouvrage. J'avais entrepris l'Almageste quand Ennately nous quitta. « C’est alors que je m’adonnai à l'étude de la médecine, complétant mes lectures par l'observation des malades, ce qui m’apprenait bien des faits de thérapeutique que l'on ne trouve pas dans les livres. J'avais alors seize ans. « Je me consacrai alors à la lecture pendant une année et demie. Toutes les fois que je ne pouvais saisir un raisonne- ment, je me rendais à la mosquée et j'adressais mes prières au Créateur afin qu’il m’aplanît les difficultés. « La nuit, chez moi, à la lueur d’une lampe, je lisais et j'écrivais, et quand le sommeil me gagnait, que je sentais mes forces faiblir, je prenais un verre de vin pour les soute- nir, et je recommençais mes lectures. Tout en sommeillant, j'avais l'esprit rempli de mes études et parfois, en me réveil- lant, je voyais des questions obscures s’éclaircir. Je conti- nuai de la sorte jusqu’à ce que j'eusse une connaissance complète de la dialectique, de la physique et des mathéma- tiques. Je me dirigeai ensuite vers la Théodicée et les ou- vrages de métaphysique. « Cependant je ne pouvais en comprendre le sens bien que j'eusse lu mon livre quarante fois au point de le savoir par _ cœur, et je désespérais de jamais y parvenir. « Me trouvant un jour chez un libraire, il m’offrit un livre Ke qui était à vendre. Je le repoussai en disant que cette science . n'était bonne à rien. Achète-le, répliqua-t-il, son maître a — besoin d'argent et il ne t’en coûtera que trois drachmes. Je [À l'achetai. C'était l'ouvrage d'El Faraby sur le but de la méta= L physique. De retour à la maison je lus ce livre et par lui je | » compris celui que je savais déjà par cœur. Je fus au comble D citer si id ft étemtiat Études die ne SR Le: Le és 468 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME. de la joie, je rendis grâce à Dieu et je répandis d’abondantes aumôûnes. « Le prince Nouh ben Mansour étant tombé malade, je fus appelé en consultation et pus ainsi pénétrer dans sa riche bibliothèque. « À l’âgede dix-huit ans j'avais complété l’étude de toutes ces sciences, les ayant alors plus présentes à l’esprit qu’au- jourd’hui, où elles sont plus mûries, mais toujours les mêmes, sans que j'aie depuis rien ajouté à ce que j'en savais. « Un de mes voisins, Aboul Hassan el Aroudhy m’ayant prié de lui faire un recueil de toutes les sciences, je lui en fis un sous le titre de Madjÿmoua. « Un jurisconsulte, Abou Bekr el Barguy, m’ayant prié de lui en faire un commentaire, j'en écrivis vingt volumes. J'avais alors vingt et un ans. « Mon père étant venu à mourir, je fus chargé d’un emploi et obligé de quitter Boukhara. Je me dirigeai vers le Djor- djan, cherchant l’émir Cabous, qui se laissa prendre et mou- rut en prison. Je me rendis alors au Daghestan où je tombai gravement malade, puis au Djordjan, où je fus accueilli par Abou Obéid Eddjordjany. » Ici finit le récit d’Avicenne. Le reste de sa vie nous a été conservé par Djordjany. Nous le laisserons parler. « Un homme du pays, Abou Mohammed Echchirazy, ami des sciences, lui acheta une maison où chaque jour j'allais étudier l’Almageste. Là il composa plusieurs de ses ouvrag'es sur la logique, sur l'astronomie, le commencement du Canon, l’abrégé de l’Almageste et d’autres encore. Il alla ensuite au Djebal, continuant toujours à écrire, puis à Rey où il se mit au service de la princesse et de son fils Madjed Eddoula, qu’il guérit de la mélancolie. Il y resta jusqu'à l’arrivée de Chems Eddoula. C’est là qu’il composa le livre de la Création et de la Résurrection. « Il dut ensuite se retirer à Cazouin, puis à Hamdan. Cepen- dant Chems Eddoula se trouvant affecté de colique, l’invita à venir le trouver. Avicenne le guérit, l’accompagna dans une expédition puis devint son vizir. Mais les soldats mé- k. OR PR ESC AE EE PAU STE PAP . 4 hf "+ nat ÿ PERSE. 469 contents de lui l’assiégèrent dans sa maison, le retinrent aux arrêts et demandèrent sa mort. Chems Eddoula pour les calmer leur accorda son exil. Avicenne fut obligé de se cacher pendant quarante jours chez un certain Abou Saïd ben Dahdoul. Chems Eddoula tomba de nouveau malade et rappela Avicenne qui le guérit encore et fut réintégré dans son vizirat et sa faveur. Il se remit à composer, travaillant la nuit, en raison de ses occupations auprès de Chems Eddoula. Celui-ci, en guerre avec Boha Eddoula fit une seconde rechute, et succomba pour n'avoir pas suivi les conseils d’Avicenne. « Lefils de Chems Eddoula offrit aussi les fonctions de vizir à Avicenne qui refusa, et alla se réfugier chez un pharma- _ cien du nom d’Abou R’aleb. Là il se mit à travailler de- rechef au livre dit Echchefa. « Cependant Tadjel Moulouk surprit une correspondance d’Avicenne avec Ala Eddin auprès duquel il projetait de se retirer, et l'enferma dans une forteresse. Avicenne parvint à s’en échapper, déguisé en souf, et grâce à moi gagna Ispahan où il fut dignement accueilli par Ala Eddoula. Tous les vendredis, des savants se réunissaient autour de lui. Là il acheva le livre de la Chefa, ses ouvrages de logi- que et l’Almageste, fit un abrégé d’Euclide, écrivit sur arithmétique, sur la musique et acheva divers autres « Il accompagna l’émir à Hamdan et fut chargé par lui … d'opérations astronomiques. « Avicenne était robuste, mais adonné aux femmes, ce qui » lui enleva de ses forces. Ayant été pris de coliques en même . temps que d'accès d’épilepsie, un premier traitement lui rendit un peu de santé. Mais ne s'étant pas ménagé, la —…._ maladie récidiva. Comprenant alors que tout traitement —._ devenait impuissant, il tomba dans le découragement et dit : . le directeur de ma santé s’est retiré de moi, tout traitement — devient inutile. Après quelques jours, il mourut à Hamdan, - en l’année 428 (1036), à l’âge de 58 ans. (1) » (1) D'après M. Schlimmer le tombeau d’Avicenne existe encore, . mais tombant en ruines. 470 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE QUATRIÈME, Aboulfarage prétend qu’Avicenne fut le premier entre les philosophes qui se livra aux excès du vin. 1l ajoute, et nous trouvons la même tradition dans le Ms. de Paris d'Ebn Abi Ossaïbiah, qu’Avicenne eut pour maître le médecin chrétien Abou Sahl el Messihy, l’auteur du livre dit Elmia ou le livre aux cent chapitres. Nous trouverons en effet parmi les livres d’Avicenne, le traité de l’Angle, dédié à Abou Sahl el Messihy. On a donné souvent Avicenne comme un débauché, dont les excès auraient abrégé l'existence, mais on n’a pas assez songé à ses excès intellectuels qu’il a pratiqués si constam- ment et si prématurément. Sa précocité et sa fécondité, au milieu d'une vie si tourmentée, tiennent du prodige. Nous avons vu chacune de ses étapes marquée par une composition nouvelle, qui semblait ne rien lui coûter. Quant à son voyage en Espagne, c’est une fable. On peut en dire autant de ses études à Bagdad, suivant Léon l’Africain; Avicenne, ainsi que nous l’avons vu n'ayant jamais mis le pied dans le bassin du Tigre, et comme nous l’avons déjà fait observer, Avicenne se fit lui-même. Il embrassa toutes les sciences et dans toutes se montra supérieur. Cette supériorité est attestée par les surnoms qui lui furent donnés de Reys, prince, et de Cheikh, maître, comme quidirait le prince de la science, le maître par excel- lence. Fréquemment il est cité sous ces titres de Cheikh erreys, et l’'équivoque n’est pas permise. Dans l'étude de ses ouvrages, nous commencerons par ceux relatifs à la médecine. Il n’a pas ainsi que Razès et même que beaucoup de mé- decins de second ordre écrit de nombreux ouvrages sur la médecine, mais l’un d’eux est une vaste composition qui en embrasse toutes les parties : nous voulons parler du Canon. } Ce mot pris du grec signifie la règle. Avicenne s'était M proposé de faire un traité classique et complet de médecine. Le Canon rappelle le Continent de Razès, mais surtout le Maleky d’Ali ben el Abbas. Ce sont là les trois grands corps de médecine les plus importants que les Arabes aient FL produits. PERSE. 471 Razès n’embrassa que la médecine pratique. Ali ben el Abbas et Avicenne embrassèrent toute la science médicale. Leurs ouvrages se distinguent encore du Continent, en ce qu’ils se proposèrent de coordonner méthodiquement toutes les parties de la médecine, tandis que chez Razès il n’y a aucune prétention à la méthode. Le Maleky diffère du Canon en ce qu’il est plus concis et pius restreint, et que l’auteur, adoptant la médecine comme constituée, les divergences ne portant que sur des faits secondaires, fond en un seul corps toutes ses acquisitions, sans se préoccuper de les recommander par des noms d’au- teurs. , Le Canon a de plus larges proportions et partant est plus complet ; aussi fit-il oublier le Maleky, malgré son grand mérite et son volume plus accessible à tous. Le Canon se divise en cinq parties: généralités de la science, matière médicale, maladies particulières, maladies communes aux divers organes ou régions, pharmacopée. La première partie, qui est en quelque sorte la médecine théorique ou générale, fut souvent commentée sous le titre . de Koullyat el Kanoun, généralités du Canon. Le deuxième livre du Canon fut de son temps le traité le ‘ plus complet des médicaments simples. Il comprend environ huit cents paragraphes et on ÿ voit apparaître un certain nombre de médicaments nouveaux. Quant aux autres, c’est Dioscorides et Galien mis en pièces et reproduits méthodi- quement suivant un ordre invariable. Nous avons traduit ce livre, que nous avons renoncé à produire aussitôt que nous avons pu nous procurer Ebn el Beithar. Le texte imprimé à Rome est criblé d'incorrections. Nous ferons observer, à propos de la troisième partie, qu’Avicenne, bien qu'il ait traité de l’anatomie dans la pre- mière, y revient dans la troisième, et avant de parler des maladies particulières à chaque organe ou à chaque système d'organes, commence par en faire l’anatomie et la physio- loge. Le Canon fut aussi, dans son ensemble, l’objet de com- 472 HISTOIRE DÆE LA MÉDECINE ARABE. -—— LIVRE QUATRIÈME. mentaires. En raison de son volume on en fit des abrégés dont le plus célèbre est celui d’Ebn Enneñis, qui parut sous le titre de Moudjiz et qui fut imprimé à Calcutta en 1828. Il fut traduit en latin par Gérard de Crémone et par Alpagus et plusieurs fois imprimé. On en fit aussi des éditions partielles parmi lesquelles nous mentionnerons celle de Plempius. C’est à ces traductions qu’Avicenne dut de dominer l’ensei- gnement et la pratique de la médecine en Europe pendant environ cinq siècles. On fit plus que traduire le Canon, on en imprima le texte arabe à Rome en 1593. Ce volumineux in-folio, qui contient aussi des œuvres philosophiques d’Avicenne, est, malgré les incorrections du texte, un monument unique dans la typo- graphie orientale, et son caractère est resté type. Parmi les traductions en d’autres langues, nous signale- -rons seulement celles en hébreu, dont il existe plusieurs exemplaires à la Bibliothèque de Paris. Les biographies d’Avicenne, publiées récemment dans la biographie de Didot et le Dictionnaire encyclopédique, trou- vent singulière la division du Canon. Cette appréciation nous paraît elle-même singulière. Nous la repoussons d’abord quant à la distribution générale de l'ouvrage, qui nous paraît se prêter assez bien au but d’Avicenne; quant aux subdivisions, qui se subdivisent elles-mêmes, nous ne comprenons pas que l’on en fasse un crime à l’auteur, nous y voyons plutôt un cachet de méthode et de clarté. On pourra lire dans Sprengel une appréciation plus détail- lée de la valeur médicale du Canon. Après le Canon, l'ouvrage de médecine le plus considéra- ble d’Avicenne est son abrégé de médecine en vers, qui porte dans l'original le nom d’Ardjouza, du mètre Redjerz, et qui prend aussi celui de Mendhouma, ou poème. C’est ce que l’on connaît chez nous sous le nom de Canticum ou Cantica, adopté par les traducteurs, Armengand et Alpagus. Il y a lieu de s'étonner que Wüstenfeld, tant dans la biblio- graphie d’Avicenne que dans celle d'Averroës, n'ait pas v+ PR OS PT A RE RME an Le ne Mae CNT UNS. INT ed ns br dt ns, den dde Po SA COM SAME OP PERSE. . 478 compris que ces deux titres ne portaient que sur un seul et même ouvrage. Le mérite de l’Ardjouza, et le cas que l’on en faisait sont attestés par ses nombreux commentaires. Le plus connu est celui d’Averroës, qui fut pareillement traduit en latin. Il en existe un autre à la Bibliothèque de Paris, sous le n° 1022, supplément, qui n’est pas sans mérite. Il est plus développé que celui d’Averroës. Il cite fréquemment des hadits ou propos du prophète que nous n’avons pas rencontrés dans les recueils spéciaux, et il se termine par une biographie de tous les auteurs cités. Une seule a de la nouveauté, celle d’Ebn Enneñis, commentateur et abbréviateur du Canon. Ce commentaire de l’Ardjouza fut écrit en 788 de l’hégire, 1386 de notre ère, par Mohammed ben Ismaïl. Nous lisons dans cet ouvrage qu'Avenzoar, qui ne professait pas une grande vénération pour le Canon, tenait en grande estime l’Ardjou- za, disait qu'il contenait tous les principes de la science et valait mieux qu’une collection de livres. Dans le Ms. 1022 que nous avons cité, le commentateur a passé par-dessus le vin, et lors de la reproduction du poème, non commenté, cet article, qui du reste se borne à une quinzaine de lignes, n’est écrit qu'en marge. La traduction latine qui a opéré sur un exemplaire complet, a traité du vin. Le Canon et l’Ardjouza, sont les ouvrages d’Avicenne dont les textes se rencontrent le plus communément dans nos bibliothèques européennes. Un autre ouvrage d’Avicenne d’une étendue beaucoup moindre et d'une médiocre valeur est le traité des médica- ments cordiaux. Il fut aussi traduit en latin, et se trouve le plus souvent imprimé avec le Canon. Le traité de l’oxymel a été aussi traduit en latin. Michel Scot traduisit son abrégé des Animaux d’Aristote. C'est ici le moment de parler des ouvrages d’alchimie, qui furent aussi traduits en latin. Ils sont adressés à Aboul Hassen Essoheily, auquel Avicenne adressa aussi un traité sur les constellations. On le trouve dans les recueils d’al- chimie. dde aid …… 474 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. = LIVRE QUATRIÈME, On a déjà fait remarquer certains passag'es du traité qui, dans les traductions, porte le titre : De Conglutinatione lapi- dum. Avicenne y devance son siècle notamment dans le deuxième chapitre où il traite de la formation des montagnes, Elles sont produites, dit-il, par des causes essentielles et par des causes accidentelles. Parmi les causes accidentelles il cite les tremblements de terre. Nous citerons un autre fait qui ne nous paraît pas avoir été relevé. Il parle de corps de substance cuivreuse qui tom- bèrent en Perse, avec déflagration, et dont on ne pouvait obtenir la fusion. Il ajoute qu’il tomba aussi un morceau de fer du poids de 100 marcs que l’on porta au roi du pays qui ordonna que l'on en fit des épées, et il dit que, suivant l'opinion des Arabes, les épées des Allemans, qui sont de la meilleure qualité, sont fabriquées avec ce fer. Parmi les autres ouvrages de médecine, qui ne furent pas traduits en latin, nous citerons: De la chicorée. Compendium de médecine, traduit en hébreu (Oxford). Du pouls, en persan. É Des propriétés naturelles. Principes de thérapeutique. Vingt questions de médecine. Notes sur les questions de Honein. De la colique. Il existe à la Bibliothèque de Paris n° 1085 et 1093 de l’ancien fonds, un poème médical d’Avicenne autre que celui connu sous le nom d’Ardjouza ou Canticum, et d’une éten- due beaucoup moindre. Casiri a mentionné sous le n° 868 (du nouveau catalogue) uu écrit d'Avicenne, de vingt-et-une feuilles seulement, qui certes ne répond aucunement au pompeux éloge qu’il en fait : « Compendium, quod latinae adhuc litterae nesciunt et plane rarum de multis expetitum. » La Bodléienne possède aussi deux poèmes d’Avicenne autres que le Canticum. ee PnÉ Père" À DO ES SEM er ARE D PERSE. 475 Il existe à la Bibliothèque de Florence des fragments d’une traduction syriaque par Aboulfarage. Il n’entre pas dans nos vues de donner la liste des autres écrits d'Avicenne. Leur somme totale se monte à environ une centaine. Nous dirons seulement qu’ils ont trait à la philosophie, à la métaphysique, à la logique, à la physique, aux mathématiques, à l'astronomie, à la musique, à l’alchi- mie, à la religion, etc. Nous ne pouvons cependant prendre congé de cette grande personnalité sans parler de son rôle comme philosophe, et à cet effet nous emprunterons les paroles d'un juge compé- tent, M. Munck. « La philosophie d’Avicenne est essentiellement péripatéti- cienne, On y remarque généralement une méthode sévère. I1 cherche à coordonner les différentes branches des sciences philosophiques dans une suite très rigoureuse et à montrer leur enchaînement nécessaire. Dans l’Alchefa (1) il divise les sciences en trois parties : 1° Supérieure (métaphysique) ; 2 Inférieure (physique); 3° Moyenne (mathématiques). On reconnaît dans ces divisions le fidèle disciple d’Aristote ; mais on trouvera qu'ici comme ailleurs Avicenne expose avec beaucoup de clarté et de précision ce qui, dans les écrits de son maître, n’est exprimé que d’une manière vague et indécise. Bien qu'il paraisse faire des concessions aux Motecallemin (scholastiques), il n’hésite pas à admettre avec les philosophes l'éternité du monde. Il admet encore que la connaissance de Dieu s'étend sur les choses universelles, mais il attribue aux âmes des sphères la connaissance des choses partielles. La théorie de l’âme a été traitée par Avicenne avec un soin tout particulier. Il proclame hautement la permanence individuelle de l’âme humaine. Il admet positivement l'inspiration prophétique, reconnais- santqu’il y a entre l’âme humaine et la première Intelligence un lien naturel, sans que l’homme ait toujours besoin de recevoir par l'étude l'intellect acquis. (1) Il se trouve imprimé à la suite du Canon. 476 IHTISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE QUATRIÈME, Quoiqu'il ait fait de nombreuses concessions aux idées reli- gieuses de sa nation, il n’a pu trouver grâce pour l’ensemble de sa doctrine, qui, en effet, ne saurait s’accorder avec les principes de l’Islamisme, et c’est surtout contre lui qu’Al Gazzali a dirigé sa Destruction des Philosophes. » (1) Une citation de M. Hauréau nous fera comprendre l’in- fluence exercée par Avicenne au moyen âge. ‘_« À la fin du XILe siècle, Gérard de Crémone avait traduit en latin son Canon, D. Gundisalvi ses Commentaires sur les livres de l'âme, du ciel et du monde, ainsi que sur la Physi- que et la Métaphysique, et le juif Avendeath son analyse de l’Organon. On possédait ainsi, dès le commencement du XIII siècle, toutes les œuvres philosophiques d’Avicenne, qui furent imprimées à Venise vers la fin du XVe. Leur succès fut immense dans les écoles du moyen âge, et Bruc- ker a pu dire sans exagération: « Usque ad renatas litteras non inter Arabes modo, verum etiam inter christianos, do- minatus est Avicenna tantum non solus. » (2) | Avicenne est peut-être la plus belle intelligence de l’école arabe. Parmi ses devanciers deux seulement peuvent lui être comparés, El Kendy et Razès. S'il n’embrassa pas, comme savant une aussi grande étendue de sujets que le premier, il eut plus de profondeur, et d'autre part El Kendy compte à peine comme médecin. S'il est inférieur au second sur le ter- rain de la médecine pratique, il lui est de beaucoup supé- rieur sur celui de la philosophie. Parmi ceux qui l’ont suivi on ne saurait lui comparer qu’'Avenzoar et Averroës. Il a, re- lativement au premier, la même infériorité que vis-à-vis de Razès, mais Avenzoar ne fut qu’un médecin. Quant au second, il peut lutter avec lui comme philosophe, mais comme mé- decin la comparaison n’est pas à établir: Averroës le com- mentait comme il commentait Aristote. Ce qui frappe dans Avicenne, ce n’est pas seulement sa passion pour la science, mais sa préoccupation d’y apporter l'ordre et la méthode. C’est en définitive le plus haut repré- (1) Mélanges de philosophie juive et arabe. (2) De la philosophie scholastique, RÉ Sd dd de PERSE. 477 sentant de l'école arabe sur le doubie terrain de la médecine et de la philosophie. Il existe à la Bibliothèque nationale, sous le n° 1002 du supplément, une traduction arabe des Sectes de Galien. Sur la première page on lit un titre de propriété. Nous croyons avec M. Reinaud que ce propriétaire n’est autre qu'Avicenne. D'ailleurs la date porte 407 ou 409 de l’hégire et les carac- tères ont un cachet archaïque bien prononcé. EBN MENDOUÏH. Abou Ali Ahmed ben Abderrahman ben Mendouïh el Isfahany, naquit à Ispahan, ainsi que l'indique son surnom. Ce fut un des médecins renommés de son temps et il servit plusieurs princes. Nous ne savons pas au juste l'époque où il vécut, Hadji Khalfa ne donne pas la date de sa mort, contrairement à son habitude. Il paraîtrait, d’après un on-dit, rapporté par le Kitab el hokama, qu’il fut attaché à l’hôpi- tal el Adhedy, à l’époque de sa fondation. Ce qui est positif, c’est qu'il était en correspondance avec Avicenne. Si nous manquons de renseignements biographiques sur Ebn Mendouïh, nous connaissons les titres d’une quaran- taine d'ouvrages qu'il a produits, mentionnés tant par Ebn Abi Ossaïbiah que par Hadji Khalfa. La plupart sont adressés à des personnages contemporains dont les noms ne noussont pas connus d’ailleurs, et dont trois ou quatre sont qualifiés médecins. Généralement ce ne sont que des opuscules, rissa- lat, consacrés à des monographies. Pour en rendre la liste moins fastidieuse à lire, nous les rangerons par catégories. _ Nous placerons en tête trois ou quatre compendiums ou In- troductions à la médecine. Lettre à Djahidh, en réponse à ses attaques contre la mé- decine. Trois opuscules sur le régime. Du régime du voyageur. De l’action des boissons. Des vins, de leurs avantages et de leurs inconvénients 478 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.= LIVRE QUATRIÈME. Ici nous trouvons employé le terme générique Cahoua, et dans un autre opuscule celui de Nebid, vin artificiel. Que l’eau ne nourrit pas. De la bière, deux opucusles. Des membranes de l’œil. De la mydriase. De l'estomac et de ses maladies. De la colique. ‘ De la faiblesse des reins. Des hémorrhoïdes, à Avicenne. De rhumatisme du genou. Du prurit. De l’impetigo. Des poux et de leur origine. Des maladies de l'enfance. Du coït. Du tamarin. Du camphre. De l’eau de roses. Du millet comme topique. Aux médecins de l'hôpital d’Ispahan. De l’âme et de l’esprit suivant les Grecs. ESSADJARY OU ESSENDIARY. Aboul hassan Thaher ben Ibrahim ben Mohammed bet Thaher Essadjary était, dit-on, un savant médecin et un excellent praticien. Nous ignorons la date précise de son existence. Il composa un guide de thérapeutique adressé au cadi Aboul Fadl Mohammed ben Hamaouih. (Nous lisons ici Iladj, traitement, ce que Wüstenfeld paraît avoir lu Salah). — Des commentaires sur le pouls et sur l'urine. — Une classification des Aphorismes d’Hippocrate. — Le n° 998 bis de la Bibliothèque nationale, supplément arabe, contient les Aphorismes d’'Hippocrate classés par ordre de matière. Serait-ce l’œuvre d'Essadjary, le Ms. étantanonyme ? où 0e cmd | | | | ER NTI ES PT PER PT pe à 1 e di CE PERSE. 479 EBN ADI SADEK. Aboul Cassem Abderrahman ben Ali ben Ahmed ben Abi Sadek était de Nisabour. Médecin distingué, il cultiva aussi les sciences et la philosophie etjouit d’une grande réputation d’éloquence. Il s’attacha particulièrement à l'étude et à l'interprétation des ouvrages de Galien. L’historien de la médecine signale comme un ouvrage parfait son commen- taire sur le Traité des fonctions des organes de Galien, qu’il compléta par des emprunts faits tant aux autres ou- vrages de Galien qu’à ceux d’autres médecins. Il terminait ce livre en 459 de l’hégire, 1066 de notre ère. On dit qn'Ebn Abi Sadek fut un des disciples d’Avicenne. Tels sont ses autres ouvrages : Commentaire des questions de Honein. Commentaire des Aphorismes d’Hippocrate, Commentaire des Pronostics. Chroniques. Les commentaires d'Ebn Abi Sadek noüs ont été conservés. La Bibliothèque nationale possède les commentaires d'Hippocrate et de Honeïin, plus un commentaire sur l’usage des parties de Galien. EL ILAKY. Abou Abdallah Mohammed ben Yousef Cherf eddin el Ilaky fut un des disciples d’Avicenne. Il nous est donné comme un savant philosophe et un habile médecin. _ Il composa un Abrégé du Canon d’Avicenne et un Traité des causes et des symptômes des maladies. La Bibliothèque nationale possède, sous le n° 1019, du supplément, l’abrégé du Canon fait par el Ilaky et commenté par Essamnany: 480 HISTOIRE DE I.A MÉDECINE ARABE, — LIVRE QUAYRIÈME, AL BIROUNY. El Oustad, Le Maître, Abourrihân Mohammed ben Ahmed, reçut le surnom d'El Birouny, de Biroun, ville de l'Inde, suivant l’opinion la plus commune. Bien qu'il ait surtout cultivé les sciences physiques, ma- thématiques et astronomiques, et même l’histoire, il s’occupa aussi de médecine. Il fut l’ami d’Avicenne et entretint avec lui un commerce épistolaire. Il fit une étude particulière de la science des Indiens, chez lesquels il habita longtemps, ainsi que de celle .des Grecs. Ce qui le recommande aux médecins, c’est un Traité d’his- toire naturelle médicale, qui a échappé à Wüstenfeld. Il le mentionne cependant mais sommairement dans le texte arabe qu’il a donné à la fin de son livre, et il n’en parle pas dans la liste des ouvrages d'El Birouny. Le texte donné par Wüstenfeld est incomplet et ne contient que ces quelques mots : Des drogues au point de vue médical. On lit de plus dans le manuscrit de Paris que l’auteur traite des carac- tères des médicaments, de leurs synonymes, des diverses opinions des anciens, médecins et autres, le tout disposé par ordre alphabétique. Ce livre ne nous est pas parvenu. Il est un autre ouvrage qui n’a pas encore été étudié que nous sachions, et que nous avons pu consulter à l’Escurial, c'est le Traité des Pierres précieuses dédié au sultan Chihab Eddoula Aboul fateh Moudoud ben Masoud ben Mahmoud. Le Manuscrit de l’Escurial, le seul que nous connaissions, contient cinq cents feuilles à quinze lignes à la page. Déjà le sujet avait été traité. El Birouny cite plusieurs de ses devanciers, parmi lesquels, et au premier rang, l’illustre EI Kendy. Bien que l’auteur cite Aristote, Galien, Diosco- rides, Aétius et même Ptolémée et Plutarque, on ne trouve aucune mention de Théophraste. À propos du Livre des Pierres, il se borne à dire qu’on l’attribue à Aristote. Parmi les autres citations nous relèverons encore celles d’Apollo- Se I ET PRES PO ET à nes 1024-94 de Paris, A. F. PERSE. 481 nius de Tyane sous la forme Balinas, de Géber et d’Abou Hanifa eddinoury. El Birouny s'occupe aussi de l'emploi médical des pierres. (1) * Nous ne pouvons entrer dans tous les détails de ce livre, mais nous devons en produire ce qui nous a paru le plus intéressant. Les Pierres précieuses et les métaux y sont traités, surtout au point de vue de l’histoire naturelle, du commerce et de l’industrie, mais il est aussi question des propriétés médicaies des pierres. Le corail est déjà mentionné comme récolté sur les rives de la mer franque. Dans le livre des Pierres, dit l’auteur, la racine est appelée Mordjän, et la partie rameuse Boussad. ‘A propos de l’aimant, il est dit que Géber en vit un mor- ceau qui soutenait un fragment de fer du poids de cent drachmes. La porcelaine est assez longuement traitée et l’on trouve dans cet article des renseignements curieux. Il y avait déjà, du temps d'El Birouny, des amateurs qui faisaient des collec- tions, et des vases atteignaient le prix de dix dinars, qui équivalent à cent cinquante francs. | L'article du cuivre contient une curieuse citation : « On lit dans le livre du Prophète Samuel la description des armes de Kouliad le Palestinien, autrement dit Djalout. Toutes sont en cuivre, et, dans leur énumération, il n’est pas _- question du fer. » Cette observation nous en suggère une autre. On sait qu’El Birouny fut soupçonné d’être d’origine juive et cela pour sa grande connaissance des livres hébreux. Nous le trouvons, sur ce terrain, cité par Aboulféda dans ses Annales antéislamiques. Il est un fait que nous croyons avoir » le premier découvert, qui peut nous expliquer l’érudition . d'El Birouny. La Bible fut traduite en arabe par Honein. Ce . fait mentionné par Djemal eddin, dans la notice de Ptolé- on y à plusieurs citations de ce genre dans le Tedki'a de Souidy, 31 482 HISTOIRE DE LA MÉDECIN® ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. mée, roi d'Egypte, à propos de la traduction des Septante, n’avait pas encore été remarqué. El Birouny parle d’un procédé de ramollissement du fer par un mélange d’arsenic. Il faut mentionner aussi un passage curieux sur la comparaison des armes blanches de Damas avec celles de l'Inde. ” Ajoutons que l’on trouve dans cet ouvrage deux tableaux des valeurs commerciales des pierres précieuses. (1) Parmi les autres écrits d'El Birouny nous ne citerons que les principaux. Deux traités, l'un sur la fabrication et l’autre sur l'usage _ de l’Astrolabe. Le Canoun el Masoudy, traitant d'astronomie, de géogra- phie et d'histoire. Les tables astronomiques, dédiées au sultan de Gazna Masoud ben Mohammed. Un traité sur la Kibla. De la planisphérie. Le Kitab el Atsar el baquya, récit des faits des siècles passés, cité par Aboulféda. Il a passé de la Bibliothèque de l’Arsenal à la Bibliothèque nationale, Introduction à l’astronomie. De la correction du langage. Catalogue des écrits de Razès. La plupart de ces ouvrages nous ont été conservés. MISKAOUIH, Abou Ali Ahmed ben Mohammed Miskaouih appartient autant au X° siècle qu’au XI°, car il fournit une longue carrière. Il était trésorier de l’émir Adhad Eddoula, dont il avait la confiance. C'était un des hommes les plus éminents de la Perse, appliqué à l'étude des anciens, versé dans la (1)-La citation de Plutarque et du livre de la colère a trait au pa- villon hexagonal qui fut envoyé à Néron. El Birouny le dit de crystal, tandis que Plutarque parle seulement de sa richesse. PERSE. 483 philosophie et la médecine tant pratique que théorique. Il vécut jusqu’en 1030. Miskaouih composa un traité des médicamentssimples, un traité des boissons et un traité des préparations alimentaires dont l’excellence nous est vantée. Ses autres ouvrages portent sur l’histoire et la philoso- phie. Ce sont: Le Compagnon du solitaire, contenant de courtes anecdotes et des maximes ingénieuses ; l’'Expérience des peuples, chroniques menées jusqu’en 372, année de la _ mort d’Adhad Eddoula, ouvrage cité par Aboulféda dans ses _ annales antéislamiques ; le grand et le petit Livre du Salut. On a de Miskaouih un recueil d’opuscules empruntés aux sages de l'Orient et de la Grèce, qui existe à Leyde et à Oxford, et duquel on a tiré la traduction arabe du célèbre _ tableau de Cébès. Lozano, l'éditeur espagnol, s’est laissé aller à cette idée qu’un homme tel que Miskaouïih pourrait _ bien être l’auteur de cette traduction. Le Grâce à M. de Sacy, nous savons à quoi nous en tenir sur le Recueil de Miskaouibh. Il porte le titre d’Adab el Arab ou el Fars, ou maximes des Arabes et des Persans. C’est à tortqu’on l’a confondu avec le Djaouidan Khired, l'Éternelle Raison, livre persan contenu dans ce recueil. Voyez les Mémoires de l’Institut, tome IX. à Nous avons dit ailleurs qu’un Ms. de l’Escurial éident, ) à l'instar de celui de Leyde, les vers dorés de Pythagore et le tableau de Cébès commenté par Aboulfaradj ben Thaïeb. EL AZRAQUY. Il ne nous est connu que par un écrit mentionné par Hadji Khalfa, reproduit sans doute par d’Herbelot. Cet écrit, cité au n° 1153, porte le titre d'Elfya, ce quisignifie le millénaire Let telle en est la raison. Il fut composé pour Touranchah, neveu de Thogrul, qui était tombé dans l'impuissance. Le Mfonds de l'ouvrage est l’histoire d’une femme qui a des rela- …tions avec un millier d'hommes. Le texte était accompagné le figures variées, que d'Herbelot qualifie bonnement d’im- 48% HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME. pudiques, et que Hadji Khalfa dit être de nature à exciter l’appétit vénérien. El Azraquy vivait donc dans le courant du XT° siècle. ABOU NOAÏM. Abou Noaïm Ahmed ben Abdallah el Isfahany, natif d’Is- pahan, vivait au XIJ° siècle et mouruten 1038, d’après Hadji Khalfa, n° 7877, qui mentionne son traité de la Médecine du Prophète, au milieu de plusieurs autres. Cet ouvrage paraît avoir joui d’un certain crédit, attendu que Tifachy, au dire du même Hadji Khalfa, n° 7615, en fit ‘ un résumé. Nous trouvons encore l'ouvrage d’'Abou Naïm, cité dans des écrits du mème genre, ainsi dans celui qu'a traduit M. Perron, à propos des dattes et de l'oliban. Nous savons déjà ce qu'étaient ces traités de la médecine du Prophète, un recueil des traditions relatives à la médecine, enregistrées méthodiquement et plus ou moins appuyées par les opinions des médecins. ABOUL ABBAS DJAFAR BEN MOHAMMED EL, MOSTARFIRY. Hadji Khalfa mentionne aussi de lui sous lé même n° une médecine du Prophète. Aboul Abbas mourut en 1040. IL. — IRAK. La culture des sciences se maintint pendant le XI° siècle à Bagdad. Les traditions d’Adhad Eddoula reparurent avec autant d'éclat chez un homme qui, dans une position moins éminente, celle de vizir, provoqua constamment et durant une longue existence la création d’établissements d'utilité publique. Nous voulons parler de Nidham el Moulk, qui périt malheureusement sous le poignard d’un assassin, Ami des sciences et savant lui-même, il créa des écoies en même temps que des hôpitaux. Il est à observer que les plus éminents médecins de cette période sont des chrétiens, ainsi Ebn Bothlan, Ebn Djezla qui se convertit à l’islamisme, ainsi Aboulfaradj ben Thaïeb. Celui-ci était nourri de la lecture des Grecs tant médecins que philosophes. Il commentait les écrits de Galien, les Vers dorés de Pythagore, le Tableau de Cébès, et reprenait en sous- œuvre le Traité des Plantes d’Aristote. Nous ne citerons que pour mémoire le célèbre oculiste Issa ben Ali que nous avons cru devoir placer dans cette période. Nous avons à signaler une forme de composition qui pa- raît avoir pris alors naissance dans l'Irak, et qui fut souvent imitée, la forme de tableaux synoptiques. C’est sous cette forme que furent publiés deux écrits aux- quels la traduction latine a donné une certaine notoriété, les Takouim ou tableaux de médecine et d'hygiène d'Ebn Botlan et d’Ebn Djezla. Cette forme avait évidemment un grand avantage dans l’enseignement de la médecine, si le fonds manquait d'originalité. 486 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. Nous signalerons aussi, pendant cette période, la fonda- tion d’un hôpital à Meyafarikin. Parmi les médecins attachés à l'hôpital El Adhedy, nous n'avons recueilli que deux noms, ceux de Saïd ben Hibat Allah et de Haroun ben Sad, dernier représentant dans la science de ces Sabiens qui fournirent tant de savants. Disons encore que ce siècle fut celui de Gazzaly, placé par Nidham à la tête de l’école dite Nidhamya. ABOULFARADJ BEN THAÏEB. Aboulfaradj Abdallah ben Thaïeb était un prêtre nestorien, versé dans les sciences religieuses, philosophiques et médi- cales. Sa facilité de composition était telle que la plupart de ses ouvrages s'écrivaient sous sadictée, et il en produisit un grand nombre. Avicenne l’estimait beaucoup comme médecin, mais n’en faisait pas très grand cas comme philosophe. Aboulfaradj étaiten correspondance avec lui ainsi qu'avec Ebn el Heïtam. Il vécut jusqu'en 1043. La plupart de ses productions sont des commentaires : ce- pendant il en est aussi d’originales. Les commentaires médicaux portent sur les Epidémies et les Aphorismes d’'Hippocrate; sur les seize livres de Galien adoptés par les Alexandrins pour l’enseignement, dont nous avons donné la liste autre part; le livre des Fonctions des organes du même, et les Questions de Honein. Il fit aussi un résumé des seize livres de Galien. : Quant à ses commentaires philosophiques, ils portent sur les Catégories, l’Interprétation, les Analytiques, les Topiques, la Rhétorique, l'Art poétique etles Animaux d’Aristote ; sur l’Isagoge de Porphyre. Les ouvrages originaux relatifs à la médecine sont: Des propriétés naturelles. Du vin. De l’œil. D el OT RS TO PV ITS M RS 01 UE nr Le L'IRAK. 487 Pourquoi toutes les humeurs ont des évacuants, à l’excep- tion du sang. Recueil de propositions sur la médecine et la philosophie, De la divination des objets perdus et de la valeur des signes en médecine, en justice et en philosophie. Sur le terrain de la philosophie il écrivit: Des sectes philosophiques. Des parties indivisibles ou des atômes. Nous ne le suivrons pas sur le terrain de la religion, du dogme, de la controverse, des pratiques religieuses, etc. Nous nous bornerons à citer le livre: A ceux qui prétendent que Marie est mère de Dieu. Nous parlerons maintenant d’un Ms. de l’Escurial, dans lequel nous avons rencontré plusieurs opuscules d’Aboul- faradj, dont nous citerons les plus intéressants, Il s’agit du n° 888 du catalogue actuel. Le n°2 du Ms. est un Traité des Plantes. « Quand j'ai vu, dit Aboulfaradj, le Traité d’Aristote sur les plantes si défec- tueux, si peu en rapport avec les autres ouvrages de cet homme divin, j'ai recueilli chez les anciens tout ce qui pou- vait le compléter. » Ce traité contient quatre-vingts feuilles. La forme en rappelle celle des Causes de Théophraste, que l’auteur n’a pas mentionné, bien qu'il ait été traduit en arabe. Tels sont les titres des chapitres: Pourquoi ou quelle est la cause ? despiquants, des gommes, des fruits, des écorces, des plantes mâles et des plantes femelles, des parties des arbres et des plantes, racines, tiges, branches, écorces, ra- meaux, feuilles, fleurs, fruits, graines, sucs, etc. C’est en somme de la botanique générale. Les n° 3, 4, 5, 6, traitent des odeurs, des cheveux, de l’es- prit et de l’âme, de la soif, par Aboulfarad;j. Le n° 8 est un commentaire d’Aboulfaradj sur les vers do- rés de Pythagore commentés par Proclus. Après des fragments des lois de Platon et des économiques d’Aristote, nous trouvons un traité du coïtpar Issa ben Massa, dont nous avons parlé en son lieu. Le volume est terminé par un fragment d’Aboulfaradj, qui 488 HISTOIRE DE LA MÉDRCINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME. a échappé à Casiri, dont nous avons, dureste, pendant le peu de temps que nous avons séjourné à l’Escurial, constaté plu- sieurs erreurs ou inadvertances. Ce fragment, qui est malheureusement incomplet et ne contient que six feuilles, n’est autre chose qu’un commen- taire sur le célèbre Tableau de Cébès. Le titre est mal écrit, et ne saurait guère se Lire que: Tefsir l’arganous Kabous, au lieu de Tefsir lour'ouz Kabous, explication de l'énigme de Cébès : mais en lisant quelque peu on voit bientôt de quoi il s'agit. La transcription Kabous au lieu de Kabis, est éga- lement celle que nous avons rencontrée dans l’édition espa- gnole de Lozano. Nous ne reviendrons pas sur le tableau de Cébès, dont nous avons déjà parlé à propos des traductions, et à propos Ge Miskaouih. Aboulfaradj ben Thaïeb enseignait la médecine et compta parmi ses élèves Ebn Botlan. La Bibliothèque nationale possède un commentaire d’A- boulfaradj sur les éléments et les tempéraments de Galien, n° 1097, A. F. HAROUN BEN SAD (BEN HAROUN). Abou Nasr Haroun ben Saad ben Haroun Essaby, était, ainsi que l’indique son surnom, un Sabéen de Bagdad, où il se fitune réputation comme médecin. Il devint même méde- cin en chefde l'hôpital El Adhedy, et mourut en l'année 444 de l’hégire, 1052 de notre ère. Il n’est mentionné que dans le Kitab el hokama, et nous nous étonnons qu'Ebn Abi Ossaïbiah l’ait passé sous silen- ce, attendu qu’il est doublement intéressant et comme repré- sentant de sa race et comme médecin en chef du célèbre hôpital. Pour exprimer cette dignité le texte arabe se sert de l'expression sarour: ou sarrou. CLR CR PS D de me — cé L'IRAK. 489 EBEN BOTHLAN. Aboul Hassan el Mokthar ben Hassan ben Abdoun ben Sadoun ben Bothlan était un médecin chrétien de Bagdad. C’est lui dont les traducteurs latins ont travesti le nom sous la forme Æluchassem Elimithar. - Ileut pour maître Aboulfaradj ben Thaïeb et pour ami Ali ben Rodhouan, avec lequelil était en correspondance. (1) … Après avoir habité la Syrie, il se rendit en Egypte, puis à Constantinople où il séjourna une année. C'était, au dire d’'Ebn Abi Ossaïbiah, en l’année 446 de l’hég'ire, 1054 de notre ère. Une peste s'était déclarée dans la capitale de l'empire Byzantin, tellement intense qu'après avoir rempli les cime- tières on avait présenté quatorze mille cadavres à l’église Saint-Luc. (2) D’après le même auteur, Ebn Bothlan était encore à Antioche, en 455 de l’hégire, 1063 de l'ère chrétienne, attaché à un hôpital, tandis qu'Aboulfaradj, l’auteur des Dynasties, rapporte que, fatigué de ses voyages, il se retira dans un monastère d’Antioche, où il serait mort en 444. Ebn Bothlan était laid et noir, et disait qu’il ne convenait pas à un médecin d’être beau. IL écrivit plusieurs ouvrages. - Traité de l’administration des purgatifs. . De l'introduction des aliments dans le corps, de leur diges- tion, de leur issue et de leurs résidus. Lettre à l’adresse d’Ali ben Rodhouan. Aboulfaradj nous en donne le sommaire, qui accuse un excellent esprit. Ebn Bothlan s'était rendu en Egypte auprès d’Ali ben Rodhouan. Les deux savants eurent de vives discussions, mais ne purent s'entendre et se quittèrent aigris. C’est alors qu'Ebn Bothlan écrivit sa lettre dont nousdirons un mot. Il (1) 11 eut aussi pour maitre Aboul Hassan Tsabet ben Ibrahim ben Haroun el Harrany qui ne nous est pas connu d’autre part. (2) Cette peste sévit aussi en Egypte et en Arabie. Ebn Abi Ossaïbiah cite d’après Ebn Bothlan plusieurs savants qui succom- bèrent. 490 HISTOIR& DE LA MÉDECINE ARABE.— LAVRE QUATRIÈME. établit d’abord l'ignorance d’Ali ben Rodhouan dans la science des anciens. Il combat ensuite une opinion d’Ali, que l’étude des sciences peut se faire dans les livres, sans qu’il soit besoin d’un maître. Eben Bothlan établit la supé- riorité de l'enseignement oral. Plus loin il se moque d’un disciple d’Ali ben Rodhouan et deses idées. Pourquoi des médecins habiles ont quitté l'habitude qu’a- * vaient les anciens de traiter certaines maladies telles que la paralysie, le tic facial, la résolution par des médicaments chauds, et emploient aujourd’hui un traitement réfrigérant. Ce traité fut écrit à Antioche, où l’auteur était chargé d’un service d'hôpital, en l’année 455 de l’hégire. Introduction à la médecine. Du conflit des médecins. Défense des médecins. Défense des prêtres. De l’achat des esclaves. Il existe à Paris, sous len°1056 de l’ancien fonds, un opus- cule d’Eben Bothlansur les maladies des moines. Cet opuscule divisé en quarante-deux chapitres se résumeen une douzaine de pages. Il ne présente guère d’intéressant que les chapi- tres des aliments en temps de jeûne, et sur les parfums em- ployés dans les églises. L'ouvrage le plus important d'Ebn Bothlan et qui a donné le plus de notoriété à son nom est son traité d'hygiène, qui porte le titre de Takouïm essahha, état ou assiette de la santé. Cet ouvrage, sans être remarquable par le fonds, est ingé- nieux et nouveau pour la forme. Cette forme est celle de tableaux synoptiques, et nous penchons à croire qu'Eben Bothlan en est l'inventeur. Son émule, Eben Dijezla, qui publia l’état du corps et de ses maladies, sous la même forme, est bien son contemporain, mais plus jeune que lui. L'ouvrage contient 280 paragraphes, dont le développe- ment se fait sur deux pages en regard, divisées par quinze colonnes verticales. La 1'e est le n° d'ordre, la 2° contient le nom de l’objet en question, là 3° sa nature au point de vue des quatre éléments, la 4 le degré, la 5° le choix à faire, la 6° les | | un tonte 0 cuis AA at Tin jé — L'IRAK. 491 adjuvants, la 7* les inconvénients, la 8° les correctifs, la 9 les humeurs produites, la 10° les tempéraments conve- nables, la 11° la saison, la 12° l’âge, la 13° le pays, la 14 les autorités, la 15° contient quelques détails renfermés dans trois ou quatre lignes en moyenne. Une seizième section, qui occupe le haut et le bas des pages, traite à un point de vue général la matière de l’ou- vrage et ses diverses parties. Elle se divise en quarante chapitres. C’est ainsi que le 1°* chapitre donne le moyen de reconnaître la nature des aliments, le 5° traite de leurs cor- rectifs, le 7° des fruits en général, le 11e du pain, le 12° des légumes, le 17°des viandes en général, le 19° des poissons, le 22e des aliments qui s'excluent l’un l’autre, le 24° des signes d’une bonne digestion, le 26°, des sucreries, le 27° des prépa- rations pour les dents, le 28° des eaux, le 29° du vin, le 31° du dessert, le 32e de la musique, le 33° du sommeil, le 34 des purgatifs et du coït, le 35° de l'exercice, le 36° et le 37° des bains, le 38° des fumigations, le 39° des sirops, le 40° de l’air, le 41° de l'assiette des habitations. Nous avons dit que le nombre des paragraphes se montait à 280. Les deux premières centaines ont trait aux produits des différents règnes, non pas seulement à l'état simple, mais à l'état de combinaison. Il y a là quelques chapitres curieux de préparations culinaires, de condiments et de pharmacie domestique. Il est ensuite question de l'exercice, des eaux, des vête- ments, des habitations, des saisons, etc. Le Takouim essahha fut traduit en latin, nous ne savons par qui, et imprimé sous le titre: Tacuini sanitatis Ellu- chasem Elimithar medici de Baldath. On ajoute aussi : Filii hahadum filii Du cellani. On voit que le titre a été simplement transcrit, et les noms de l’auteur étrangement défigurés. Nous n’en connaissons qu’une édition, Strasbourg, 1531, qui est d’une exécution remarquable. Le peu de succès de ce livre tient peut-être à sa traduc- tion, qui est aussi défectueuse que possible. Bien des noms techniques ne sont pas traduits mais sim- plement transcrits, et cela parmi les plus vulgaires. C’est 492 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME. ainsi que le mot houlou douceur, sucreries, n’a pas été compris, mais rendu sous la forme Kalde et Choloc. Le texte arabe existe à l’ancien fonds de Paris sous le n° 1020? , il en existe aussi à la Bodléienne. SAÏD BEN HIBAT ALLAN. Aboul Hassan Saïd ben Hibat Allah ben el Hossein, méde- cin distingué, très versé dans l'étude de la philosophie, servit les Khalifes Moctady et Mosthader, qui régnèrent dans la seconde moitié du XI: siècle. Il fut aussi attaché au célèbre hôpital de Bagdad dit el Adhedy, composa quelques ouvrages et forma plusieurs élèves. Le Mor’ny, ou Livre suffisant, en médecine, qui existe à Paris sous les n° 1007 et 1075 de l’ancien fonds, n’est autre chose qu’un résumé de médecine pratique, disposé sous forme de tableaux synoptiques. Telles en sont les divisions : Maladies, causes, symptômes, traitement. Ce résumé est excellent dans son cadre. Il pourrait fournir à un dictionnaire de bonnes et courtes définitions des maladies. (1) De la préparation des médicaments indiqués dans le Mor’ny. De la constitution de l’homme. Cet ouvrage se trouve à la Bibliothèque Bodléienne. De l’ictère. Des définitions et des différences. Un livre intitulé Telkhis ennidhamy, fut sans doute dédié au célèbre Nidham el Moulk, qui fut pour les sciences au XI° siècle ce qu'avait été l’émir Adhad eddoula au X°. Nous en ignorons le contenu. Livre de la consolation ou du contentement. Réponse à des questions de médecine. Outre ces ouvrages, mentionnés par Ebn Abi Ossaïbiah, Hadji Khalfa cite encore un Traité des causes et des symp- tômes. (1) Le Mor’ny est dédié au Khalife Moctaür. DR PR po RSC ul 2 L’IRAK. 493 Saïd forma plusieurs élèves, parmi lesquels Ebn Djezla, Amin eddoula et Aboul Barakat, le juif converti. EBN DJEZLA. Aboul hassan Ali ben Issa ben Djezla el Kateb el Bagdadi, est aussi appelé dans le Kitab el hokama et dans Aboulfa- faradj, son copiste, Abou Ali Yahya ben Issa. La première nomenclature se lit non-seulement dans Hadji Khalfa, mais aussi en tête d’un beau manuscrit du Tacouim que nous avons trouvé à Constantine, et dont nous avons pris copie. Quoi qu’il en soit, il est plus généralement connu sous le nom d'Ebn Djezla. I1 naquit à Bagdad, probablement au commencement du onzième siècle de l’ère chrétienne, et mourut, suivant Hadji Kkalfa, l’an 493 de l’hégire, qui répond à la dernière année du onzième siècle de notre ère et à la première de l’occupa- tion de Jérusalem par les Croisés. . Le Kitab el hokama le fait mourir en 473, et Aboulfaradij, qui s’est assimilé sa notice à peu près textuellement, adopte la même date. Nous croyons cependant devoir préférer celle de Hadji Khalfa par la raison qu’Ebn Djezla dédia plusieurs de ses ouvrages au Khalife Moctady qui monta sur le trône en 468. Ebn Dijezla étudia d’abord la médecine chez des chrétiens de Bagdad, ses coreligionnaires. On lui donne encore pour maître Saïd ben Hibat Allah. Le désir lui vint aussi d’étu- dier la logique et il fréquenta l’école d’Abou Ali ben el Oualid, alors chef des Motazalites. D’Herbelot nous paraît dans l’erreur quand il avance qu'Ebn Djezla enseigna lui- mème la logique à Abou Ali et que le disciple convertit le maître. Nous croyons plutôt à ce qu’on lit dans le Kitab el hokama qu’Abou Ali fut le maître d’Ebn Djezla pour la logi- que, et qu’à force de lui vanter l'excellence de l’Islamisme et de lui exposer les preuves de sa vérité, il finit par le conver- tir. À la suite de cette conversion, Ebn Djezla fut choisi comme secrétaire par Abou Abdallah eddamigany, cadhi 494 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.= LIVRE QUATRIÈME. des Kadhis, ou comme le dit d’Herbelot, chancelier du Khalife Moctady. Comme il est arrivé plus d’une fois en pareil cas, notamment à plusieurs médecins juifs ou chrétiens, Ebn Djezla paya sa bienvenue dans l’islamisme en écrivant contre ses anciens coreligionnaires. Cet ouvrage, qui paraît avoir suivi de près sa conversion, fut écrit en 466 de l’hégire et adressé à un prêtre chrétien du nom d’Elie. Ebn Djezla fut un homme de bien. Non-seulement il trai- tait ses malades gratuitement, mais il leur fournissait encore des médicaments. En mourant, il lég'ua ses livres à la mos- quée d’Abou Hanifa. Ebn Djezla composa plusieurs ouvrages. Ainsi le livre des conseils ou quintessence des définitions, Kitâb el ichäâra fi telkhis el ibâra, dont nous ignorons le contenu; un Traité de l'excellence de la médecine et de ses rapports avec la justice. Mais ses deux ouvrages les plus connus sont le Menhad;j etle Tacouim, dédiés tous deux au Khalife Moctady. Le premier porte le titre de Menhahj el bayän fima ista- mel el insân, c’est-à-dire Exposition méthodique des objets employés par l’homme. C’est un traité, sous forme alphabé- tique, des médicaments et aliments simples et composés. 1l en existe un exemplaire à la Bibliothèque de Paris, qui ne contient pas moins de 360 feuilles in-folio. Dans sa préface, qui se prolonge jusqu’à la feuille 23 et contient des généra- lités sur les médicaments, l’auteur annonce qu’il a consulté les ouvrages des maîtres, mais que, pour ne pas allonger son livre, il se bornera à citer les noms des plus éminents tels que Hippocrate, Dioscorides, Rufus, Oribase, Paul d'E- gine, Ishaq, Razès et Ali Abbas. A l’époque où parut le Menhadj nous ne voyons guère, pour la matière médicale, d'ouvrage à lui comparer comme ampleur que le second livre du Canon d’Avicenne, qui lui est certainement inférieur. Le Menhadj dut avoir un certain crédit pour qu’'Ebn Beïithar se soit donné la peine de composer un écrit destiné à en relever les erreurs. Il y a effectivement dans le Menhadj quelques confusions, que nous avons constatées. Dans son Traité des Simples, Ebn Beithar en relève quelques-unes, notamment celle relative aux lotus mais il ne le cite pas moins d’une nntsttlite Du ER Te PR PPS EE VOIR ONE SE SERRE CS RP dt ones ie née deu us Di ) di fn ASS D 2 oct mat band doté nn Dbéitns. ju L'IRAK. 495 quarantaine de fois. Malgré ses défectuosités, le Menhadj nous paraît bon à consulter pour la composition de certaines pré- parations alimentaires, que l’on trouverait difficilement ail- leurs, même dans le Traité des correctifs des aliments de Razès. Nous avons particulièrement remarqué celle de l’ali- ment connu sous le nom d’Isfidabadj. L'ouvrage le plus connu d’Ebn Djezla est le T'acouim el abdân fi tedbir el insân, c'est-à-dire état du corps relative- ment au régime de l’homme. C’est un traité sommaire de pathologie, rédigé sous forme de tableaux synoptiques. Ces tableaux sont au nombre de 44 et contiennent chacun, en deux pages, l’histoire de huit maladies, cequi en fait en tout 352. La première page contient le nomde la maladie, le tem- pérament, l’âge, la saison, le pays, la gravité, les causes, les signes, l'indication des évacuants, le traitement royal et le traitement facile. Quant à cette expression de traitement royal, tedbir maleky, nous en trouvons l'explication dans la nature des moyens indiqués, qui ne sont pas à la portée de toutes les bourses. La seconde page donne le traitement or- dinaire. Le Tacouim paraît avoir été l’un des livres les premiers publiés sous cette forme, attendu qu’Aboulféda en adoptant la forme synoptique pour sa géographie, Tacouim el bouldân, dit l’avoir empruntée à Ebn Djezla. Il existe à la Bibliothè- que de Paris un exemplaire du Tacouim el abdân, exécuté par le même copiste que le Tacouim essahha d'Ebn Botlan, et concourant à former avec lui le n° 1024, ancien fonds. En haut et en bas des pages sont des généralités sur les divers groupes de maladies, généralités qui ont été comme pour le Tacouim essaha, mises en avant sous forme d’introduction, car le Tacouim a été lui aussi traduit en latin et imprimé à Strasbourg en 1532. Cette traduction, accollée à celle d’Ebn Botlan, a fait confondre les deux auteurs. Celui d'Ebn Djezla a été travesti comme celui d'Ebn Botlan. Tel est le titre de cette traduction: Tacuini egritudinum et mor- borum fere omnium corporis humani cum curis eorun- dem, Buhu hylyha byn Gezla autore, On voit que l’on s’est trompé sur le sens du mot Tacouim, 496 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE QUATRIÈME. qui ne signifie pas en arabe tableaux, ce qui est rendu par Djedoul, mais bien état, assiette. L'ouvrage est dédié au roi très-chrétien Charles de Naples, que l’on a confondu avec Charlemagne. Tel est l’ordre suivi dans le Tacouim el abdan. Il commence par les fièvres un peu trop multipliées, puis les maladies de la peau, les plaies, les venins, les poisons, . puis les maladies des divers appareils et organes, de la tête aux pieds. Il se termine par des généralités d’un bon esprit et des pronostics. Les maladies des femmes sont assez ru traitées, mais On y voit par une pratique dont il a été aussi question de nos jours, à propos de l’hystérie, que l’on devait en confier -Je traitement à des sages-femmes. Il est question des moyens d'empêcher la conception, mais l’auteur a soin d'observer que cela ne doit se pratiquer que dans certains cas et dans l'intérêt de la femme. En somme le Tacouim el abdan estun assez bon résumé de médecine, qui se recommande autrement que par sa forme originale. Le n°1021 anciens fonds de Paris, qui contient le Menhadj el Beïan, se termine par une biographie d’Ebn Djezla, em- pruntée à plusieurs sources. On y dit que sa conversion à l’islamisme fut bonne, et l’on vante sa réfutation à l’adresse des chrétiens et des juifs, qui ont altéré les écritures, où se trouve annoncé l’avénement de Mahomet. On sait que les Arabesont rapproché le mot Paraclet du mot Mohammed. On dit aussi quesa mort arriva sur la fin de Châban de l’an- née 493, ce qui nous porterait au mois d'août de l’an 1100. EBN BAHTOUIH. Aboul Hossein Abdallah ben Issa ben Bahtouih, fils de mé- decin, était d'Ouasith. Il laissa quelques écrits, qui sont la reproduction des doctrines des anciens. Ainsi le livre des Prolégomènes, dit aussi le Trésor des médecins, qu’il dé- diait à son fils en l’année 1029; de l’abstinence en méde- cine. | | 4 } | | ; ; L 4 s : F Fe CRT F = PS NET E : ! UE 0 Eire ES ms ne de er Sade ee . > - à … ie or 2 be, reg EL VERRA NT RSS SM PENE 1-0 128 Te re RE L’IRAK. 497 EBN EL OUASSITHY. C'était peut-être le fils du précédent. Tout ce que nous en savons, c’est qu'il fut attaché au Khalife Mosthader qui le tenait en considération. Il vivait donc vers la fin du XÏ° siècle. ABOU DHAHER EL BARAKHCHY. Mouaffeq eddin Abou Daher el Barakhchy ne nous est guère connu que par une. anecdote qu'Ebn Abi Ossaïbiah raconte aussi dans ses origines de la médecine. Il traitait un hydropique qui se mit à manger des saute- relles et guérit. On reconnut que ces sauterelles s'étaient nourries sur des tiges de mézéréum, d’où l’on conclut que c'était au mézéréum qu'était due la guérison. La cure fit du bruit dans Ouassith. ISHAQ BEN ALI ERROHAOUY. La notice d’Ishaq de Roha manque dans le Manuscrit de Paris. (1) Wüstenfeld le fait vivre sur la fin du XI° siècle et lui attribue un livre qu’il intitule: Jnstitutio medici. C’est probablement celui dout parle Ebn Abi Ossaïbiah sous le nom d’Adeb etthobib en divers endroits, notamment dans les notices de Salmouih et de Jean fils de Mésué. Ce serait sans doute un livre où l’histoire se mêlerait à la morale. ZAHID EL OLAMA. Abou Saïd Mansour ben Issa Zahid el Olama, chrétien nes- torien et frère du métropolitain de Nisibe, exerçait la méde- (1) Il est mentionné dans la liste donnée par Reïiske, miscel. med., 50, - 3? 498 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. LIVRE QUATRIÈME. cine au servicede Nasser Eddoula, le même à qui Ebn Botlan dédia son livre intitulé Daouat elathibba. Nasser Eddoula se trouvait à Meyafarikin, quand sa fille tomba malade, et il promit son poids d'argent à qui la guérirait. Zahid el Olama lui rendit la santé et conseilla à Nasser de consacrer cet ar- gent à la construction d’un hôpital, qui ferait honneur à sa mémoire, et ce conseil fut suivi. Des sommes considérables - furent dépensées, et des immeubles affectés à l’entretien de cet hôpital. On y réunit tous les instruments et tout le ma- tériel nécessaire aux malades. On ne pouvait trouver rien de mieux, dit l’historien de la médecine. Zahid el Olama écrivit un livre sur les hôpitaux; un re- cueil par demandes et réponses des cas traités à l'hôpital de Meyafarikin ; enfin un traité des songes. EL MAKILY OU EL MAQBILY. Abou Nasr Mohammed ben Yousef el Maquily, que Wüs- tenfeld écrit El Macbil, passait pour un bon médecin. Il écrivit un traité sur le vin et des commentaires sur les ques- tions de Honein. ENNILY. Abou Sahl Saïd ben Abd el Aziz Ennily (ou Eunobly) avait la réputation d’un bon médecin et d’un bon écrivain. Il composa un sommaire des questions de Honein et des expli- cations du commentaire de Galien sur les Aphorismes d’'Hip- pocrate. ALI BEN ISSA OU ISSA BEN ALI. Nous savons déjà que ce nom soulève des controverses. Pour les uns, il ne représente qu’un seul médecin, et pour nous il en représente deux. L'IRAK. 499 La première opinion peut s'appuyer sur Djemal eddin el Kofthy, Hadji Khalfa et Assemani. La seconde sur Ebn Abi Ossaïbiah, et même implicite- ment sur Mohammed ben Ishag, l’auteur du Fihrist. Djemal eddin mentionne un seul Issa ben Ali, qu’il fait - disciple de Honeïin et auteur du Tedkirat el Kahhâlin, ou Mémorial des Oculistes. L’Ali ben Issa d’Assemani, qu’il dit auteur du Tedkirat, est évidemment le même. Quant à Hadji Khalfa, il ne mentionne non plus qu’un Ali ben Issa, l’auteur du Tedkirat. Ebn Abi Ossaïbiah en mentionne deux, le premier au chapitre VIII, traitant des médecins qui fleurirent au com- mencement de la dynastie Abbasside, et le second au chapi- tre X, parmi les médecins de l'Irak. Il donne le premier comme l’un des meilleurs disciples de Honeïin, et comme l’auteur des deux ouvrages: Des avantages que l’on peut retirer des organes des animaux; des Poisons. Quant au second, voici ce qu’il en dit: « Ali ben Issa, dit aussi Issa ben Ali, oculiste consommé, composa un livre intitulé Tedkirat el Kahhâlin, livre célèbre, indispensable à tout oculiste et universellement admis à l’exclusion de tout autre. Toutefois la partie pratique de l’ouvrage vaut mieux que la partie théorique. Il mourut après l’année 400 de l’hé- gire. » Ceci nous reporte après l’année 1010 de notre ère, c’est -à- dire un siècle et demi après Honein, d’où il suit que notre oculiste ne peut être son élève. Mohammed ben Ishag dit Issa ben Ali disciple de Honein, mais il ne lui attribue qu’un écrit, celui-là même dont parle «_ Ebn Abi Ossaïbiah: De l'avantage qu’on peut retirer des animaux. Cet Issa n'est donc pas l’oculiste. Du reste, Mo- {« hammed ben Ishagq n’a pu parler de l’auteur du Tedkirat, le …._ Fihrist s’arrêtant à l’année 377 de l'hégire, 987 de notre D re. Outre le témoignage d'Ebn Abi Ossaïbiah, ce qui nous We porte encore à ne pas admettre le premier Ali ben Issa 1 comme l'auteur du Mémorial des oculi tes, c'est que Honein, 590 ILSTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE,-—— LIVRE QUATRIÈME, son maître, avait déjà composé deux ouvrages sur l'oculis- tique, et nous avons de la peine à croire que son disciple ait traité de nouveau la matière. Nous avons cherché dans les écrits des médecins arabes des mentions qui puissent nous apporter quelque lumière, mais nous n'avons rien trouvé de concluant. Dans l'introduction placée en tête du Mémorial des ocu- listes, Ali ben Issa nous dit qu’il s’est approprié tout ce qu'il a trouvé de mieux dans les écrits de Galien et de Honein. Il semblerait qu'un disciple de Honeiïn ne se serait pas borné à une mention aussi sèche de son maître, cité purement et simplement à la suite de Galien, qui a reçu la qualification la plus honorable. Reiske admet comme nous la dualité des personnages connus sous le nom d’Ali ben Issa, dans ses Opuscula medica ex monumentis Arabum. Au chapitre VIII, n° 30, ilcite (Je- sus) Issa filius Ali, car ces deux noms se trouventsouventin- tervertis. C’est évidemment ici le disciple de Honein, dont le nom se lit un peu plus haut. Au chapitre X, consacré aux médecins de l'Irak, n°43, on lit, au lieu d’une simple mention: « Alius filius Isal Kahhali, cujus opus de morbis oculorum, quod autor noster summopere laudat et valde commendat chirurgicis tanquam eo carere nequeant, eleganter scriptum possideo. » Cette annotation marque d'autant mieux la ma- nière de voir de Reiske qu’elle est unique dans cette longue "et sèche nomenclature. La reproduction des deux Ali ben Issa ou Issa ben Ali se retrouve également dans la liste de Nicoll. Wüstenfeld n’a reconnu qu’un seul Ali ben Issa, le fai- sant disciple de Honein et l’auteur du Tedkirat el Kahhâlin ou Mémorial des oculistes; mais il a commis une méprise. Il renvoie précisément à cette notice du chapitre X d'Ebn … Abi Ossaïbiah, qu’il n’aura pas lue sans doute, caril y est dit qu’Ali ben lssa mourut après l’année 400 de l’hégire, ce qui ne saurait convenir à un disciple de Honein. Ne pourrait-on pas encore objecter à l’opinion qui fait de l’auteur du Mémorial un disciple de Honeïn, que Honeiïn et Hobeïch ayant écrit déjà sur les maladies des yeux, il n’est L'IRAK. 501 pas probable qu’un disciple ait fait un nouveau traité sur le même sujet. : Quoi qu'il en soit, les nombreux médecins arabes qui ont écrit plus tard sur l’oculistique ont toujours tenu le Mémo- rial en grande considération, et l’ont toujours cité à côté de celui de Honein. Mais il est un livre où l’on trouverait certainement une mention du Mémorial et de son auteur, s’il était contempo- rain de Honein, c’est le continent de Razès. Or il n’en est rien, et c’est pour nous une preuve que le Mémorial et son auteur n’appartiennent pas au IX: siècle. Nous nous en tenons donc au second Ali ben Issa d’Ebn Abi Ossaïbiah, et nous pensons qu’il a prolongé sa carrière jusqu’au commencement du XIe siècle. On lit dans Assemani qu’Ali ben Issa, qui aurait aussi porté les noms de David Aboul Hossein, aurait quitté la secte nestorienne pour embrasser la communion grecque. Le Tedkirat se divise en trois parties. La première est consacrée à la description de l'œil, la seconde aux maladies qui sont appréciables aux sens et la troisième aux maladies qui ne sont pas appréciables aux sens, telles que la myopie, l’héméralopie, etc. L'auteur nous annonce dans son introduction qu'il s’est appuyé surtout sur Galien et sur Honein. On rencontre, en effet, le premier assez souvent cité soit pour des questions de doctrine soit pour des formules (1). On rencontre aussi le nom de Paul d'Égine et celui de Criton. Dans le Ms. de Paris on trouve une note d’encre différente relative à l'aiguille à cataracte creuse, dont on donne même la figure, mais ceci est une interpolation. Le Mémorial des oculistes fut traduit de bonne heure, on ne sait par qui, et publié sous ce titre : De cognitione infir- mitatum oculorum et curatione eorum. On l’a souvent imprimé avec les œuvres d’Abulcasis et de Guy de Chauliac. (1) On peut observer, à propos de la cataracte, qu'Issa réfute par trop vivement Honein pour croire qu’il était son disciple. 502 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. Guy de Chauliac emprunte beaucoup à Jesu hali. Nous citerons un passage du chapitre de la cataracte : « Si cette humidité s’assemble entre la cornée et l’uvée, comme le prouve Jésus ou entre l’albuginée et le crystallin, comme signifie Galien au X° de l'usage (des parties) il ne me chaut d’en déterminer à présent (traduction de Joubert). » Sans exagérer la valeur du Mémorial d’Issa ben Ali, . valeur inférieure à celle de plusieurs écrits arabes du même genre, mais supérieure en tout cas à la monographie vul- gairement connue sous le nom de Canamusali, on peut s'étonner que Sprengel n’en ait pas parlé dans son histoire de la médecine. En 1845, Hille publiait à Dresde un échantillon du Tedki- rat sous le titre Alii ben Issa monitorium oculariorum specimen, annonçant une prochaine édition du texte arabe, qui n’a point paru. Après une assez longue introduction, où il trace une es- quisse historique de l’ophtalmologie, il donne la traduction du premier livre, puis la liste des chapitres des deuxième et troisième, le tout comprenant soixante-quatre pages. Hille se range de l’avis de Wüstenfeld, et considère Ali ben Issa comme le disciple de Honein. Il emprunte égale- ment à Wüstenfeld tous les éléments de son esquisse de l’oculistique chez les Arabes, esquisse qui n’a par conséquent rien de neuf, mais qui renferme quelques erreurs et bien des lacunes, que nous signalerons en passant et par occasion. Hille prétend à tort que les Arabes sont redevables aux Romains. Il confond Alexandrie avec le Caire (p. 32), Djaber ou Géber avec Djafar (34), fait d’Issa ben Ali un traducteur (37), admet d’après Léon l’Africain le voyage de Razès en Occident, etc. Quant aux lacunes, il n’a pas reconnu, pas plus du reste que Wüstenfeld, Omar ben Ali el Mously dans Canamusali, et il a méconnu de nombreux ouvrages d’oculistique écrits par les Arabes. Il en existe cependant dans nos Bibliothè- ques ; ainsi celui d’Ebn Ouafed ou Ebn Guefith à l’Escurial ; le Nour el ouioun de Salah eddin ben Ilousef, la Netidja d'Elquissy, le Kafy d’Ebn Abil Mahassen, qui existent tous L'IRAK. 503 les trois à Paris. Nous connaissons encore une monographie de Tsabet ben Corra, fréquemment citée par les oculistes postérieurs et d’autres ouvrages encore, les Arabes ayant cultivé l’oculistique plus particulièrement que toute autre partie de la médecine. Pour être complet, Hille aurait dû signaler ce fait, entrevu déjà par Abulcasis, de l'opération de la cataracte avec une aiguille creuse et par succion, et la pratique de cette opération par extraction. M. Sichel a rendu compte de la publication de Hille dans le Journal asiatique d'août 1847. Il a comparé avec le texte arabe de Paris celui de Dresde dont on obtint l’extradition, et il a trouvé que les deux copies proviennent d'un même original, mais ayant chacun des variantes ou des gloses qui les complètent réci- proquement. Comme spécimen il a donné le chapitre 7 du livre II relatif à l’adhérence des paupières. La lettre sur l’oculistique, citée par Wüstenfeld comme existant à Florence, ne paraît pas autre que le Tedkirat. On attribue encore à Ali une liste des mots syriaques introduits dans l’arabe et un traité du Planisphère, mais nous donnons ces renseignements sous toute réserve. Le Tedkirat existe dans plusieurs bibliothèques. Il y a une vingtaine d'années, en Algérie, nous avions cru le rencontrer à la suite d’un compendium du Marocain Ben Azzouz, mais après une collation plus attentive nous avons reconnu que notre Ms., tout en prenant pour base le plus souvent le Tedkirat, différait par d’autres emprunts, notamment à Paul d'Égine, et ne suivait pas constamment et pas à pas le Tedkirat. ISSA BEN ALI EL ASDY. Sous le n° 898 de l’Escurial est inscrit un magnifique in- folio d'environ cinq cents pages, traitant de la chasse par les oiseaux. L'ouvrage est divisé en deux parties. La pre- mière traite des oiseaux chasseurs, de leur histoire naturelle, de leur éducation et de leur emploi, avec une incroyable richesse dedétails : le tout entremêlé d’anecdotesetde poésies. 504 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARADE.-— LIVRE QUATRIÈME. On rencontre là des oiseauxauxquels on n’accorde pas habi- tuellement l’aptitude à chasser. La deuxième partie traite de l’alimentation, de l'hygiène et de la médecine des ani- maux, ainsi que de l'emploi de leurs organes. Dans cette partie le chien tient une large place. Casiri désigne aussi l’auteur : Issa ben Ali Hassan el Asdy, de Grenade, et le fait vivre au septième siècle de l’hégire. D'autre part nous trouvons inscrit sousle n° 1367 du Musée britannique un ouvrage traitant absolument de la même matière, dont le manuscrit est toutefois incomplet. Le cata- logue porte d’abord cette observation que l’auteur a dû vivre au cinquième siècle par la raison qu'il mentionne Kirouach, - prince de Mossoul. On rappelle ensuite le Manuscrit de l’Escurial et son au- teur, puis on affirme l'identité des deux ouvrages. Un ma- nuscrit turc procédant évidemment du n° 1367 dit formelle- ment que l’auteur est [ssa ben Ali ben Hassan el Asdy. En conséqnence nous adoptons cette dernière version d’au- tant plus que nous avons plus d’une fois surpris Casiri rat- tachant indûment à l'Espagne des auteurs étrangers. Le catalogue du Musée britannique mentionne, parmi les auteurs cités, Errathriq, qui l’est aussi, dans le n° 987 du sup- plément de Paris. MÉSUÉ LE JEUNE. Les historiensauxquels nousavons habituellement recours n’en parlent pas. Nous ne le connaissons que par Léon l’A- fricain et par les écrits qui nous sont restés sous son nom. Au dire de Léon, C. XT, de Mesuach Christiano, c'était un chrétien jacobite né à Mardin. Il fit à Bagdad des études de philosophie et de médecine dont Avicenne était la base. C’est à tort qu’on l’a donné comme disciple d’Avicenne, Léon se borne à dire que le professeur, suivant l'usage, lisait les écrits d’Avicenne à ses élèves. Il se rendit plus tard en Egypte, où il devint un des fami- liers du Khalife Fatmide El Hakem, et s’acquit des richesses non moins que des honneurs. I1 mourut en l’année 406 de L'IRAK. 505 l'hégire, 1015 de notre ère, à l’âge d'environ 90 ans. Ona voulu reporter la date de sa mort à l’année 1018, sous pré- texte que ces années étant solaires, il avait en réalité vécu 93 années lunaires. Nous ne voyons pas la nécessité de cette restitution, Léon n'étant affirmatif que pour cette date. Nous verrons plus tard que les écrits de Mésué lui assignent en effet une place vers cette époque. Léon se borne à dire que Mésué écrivit sur la préparation des médicaments composés. Telle est bien la nature des écrits qui nous sont parvenus sous le nom de Mésué, mais seulement en traduction latine. L'auteur est ainsi désigné : Joannes filius Mesue filii Hamech filii Heli filii Abdela regis Damasci, ce que l’on peut rendre par Jean fils de Mésué ou de Masouih fils d’Ahmed (1) fils d’Ali fils d’Abdallah. On ne saurait prendre à la lettre ces expressions regis Damasci relevées par Assemani, qui fait observer grave- ment qu'après l'occupation de Damas par les Arabes, la souveraineté ne revint pas aux chrétiens. Dans ce passage assez confus, Assemani va jusqu’à compter quatre Mésué, tan- dis qu’il n’en existe réellement que deux. En l'absence d’un texte original, on peut hasarder des conjectures, que légitime le peu de correction des traductions latines. On peut admettre qu'il y avait, dans l'original, hakim ou cheikh. Nous trouvons d’autre part, dans la tra- duction de Mésué, Sabour, bien connu pour son Formulaire, qualifié de Rex medorum. Ce qui nous reste des œuvres de Mésué forme un ensem- ble qui se divise en quatre parties. La première traite des correctifs des médicaments, De consolatione medicinarum et correctione operationum earum dem. La deuxième traite des médicaments simples purgatifs. Elle se divise en deux sections, médicaments qui présentent des inconvénients et médicaments qui n’en ont pas. Les deux sections comprennent en tout 54 médicaments. (1) Dans les noms propres tels que celui d’Ebn eddjezzâr, la traduc- tion latine rend toujours Ahmed par Hamech. 506 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. LIVRE QUATRIÈME. La troisième partie est un formulaire des médicaments composés, grabadin. Nous croyons inutile d’en donner la nomenclature. Mésué emprunte ses formules aux anciens et aux modernes et en donne aussi de son crû. Dans la quatrième, de egritudinibus, il traite des médica- ments propres à chaque maladie en particulier. Cette partie ne fut pas achevée. Les maladies comte ‘ par la tête et s'arrêtent au cœur. Dans les éditions de Mésué on trouve une continuation par Pierre d’Abano. Nous savons que Mésué l'Ancien composa pareillement un traité sur la correction des médicaments purgatifs. Il n’y a là qu’une coïncidence mais non pas une identité. Nous en avons la preuve en ce que nous lisons dans Mésué le Jeune le nom d'Ebn Eddjezzâr et bien certainement celui d'Avicenne sous la forme Ali senis, sans parler de Hamech, qui peut représenter Razès. Il est une autre citation, que . nous considérons comme altérée, et sur laquelle nous aurons à revenir. On peut s'étonner que, parmi les noms de ses de- vanciers, Mésué ne mêle jamais celui de son homonyme. Le Traité de l’Ancien est donné comme existant en hébreu, au fonds hébreu de Paris. Quelques analogies observées d’a- près le catalogue, nous ont laissé du doute, de même que cette désignation de Jean de Damas qui convient plutôt à Mésué le Jeune qu’à l’Ancien. D’autre part, certaines dis- semblances nous ont fait suspendre notre jugement jusqu’à ce que nous puissions prendre connaissance des Manuscrits. hébreux et les comparer àla traduction latine de Mésué. On lit dans les annotations d’Alpagus insérées à la suite du Canon: Et ego vidi librum arabicum filii Mesue anti- quioris, sed librum filii Mesue posterioris nullibi in arabico reperire potui. Mésué le Jeune aurait-il repris en sous-œuvre le travail de l’Ancien ? La quatrième partie n’est guère qu’un mémorial de thé- rapeutique. Après une courte définition on ne trouve guère en fait de pathologie que ce qui est strictement nécessaire pour comprendre l’indication des divers médicaments. On a discuté l’époque de Mésué. Les derniers auteurs cités L'IRAK. 507 le ramènent à- la date donnée par Léon. Nous avons déjà dit qu’on trouvait une citation suspecte. Il s’agit de celle d’Avenzoar. Nous pensons qu’il faut lire Ebn Zezar, Ebn Djezzar. Si l’on admettait Avenzoar on ne comprendrait pas comment Mésué, après avoir cité tous les grands méde- cins qui ont précédé Avicenne, n'aurait cité aucun des médecins compris dans l’espace d’un siècle et demi qui sépare Avicenne d’Avenzoar. Avicenne est le plus récent des auteurs cités, ce qui concorde avec Léon l’Africain. Mésué cite aussi les Grecs. À ce propos nous relèverons quelques citations qui prouvent qu'il était crédule ou mal informé. . Il parle d’une poudre composée par Aristote pour Alexan- dre dans laquelle il entre des myrobolans, du girofle, du camphre et du sucre tabarzed, ou crystallisé. Il cite une formule de Galien dans laquelle il entre du séné. Très souvent il emprunte à Démocrite. . En somme l’œuvre de Mésué n’est qu’une œuvre médiocre. On ne peut s'expliquer sa vogue, car elle n’en eut qu’à titre de formulaire. (1) Nous ignorons quand et par qui fut faite la traduction latine. Certaines transcriptions nous sembleraient indiquer qu’elle a pu procéder de l’hébreu. Ainsi la fréquence d’Eben Zezar au lieu d'Eben Gesar, Sapor rex medorum, qui ne nou semble guère pouvoir procéder de l'arabe, etc. | ( Mésué fut imprimé de bonne heure. On en compte plus de trente éditions complètes ou partielles. III. — SYRIE. Tout ce que l’on peut dire de la Syrie pendant cette période, c’est qu’elle préluda modestement au rôle brillant qu’elle devait jouer dans les siècles suivants et surtout dans le treizième siècle, en dépit des événements ou des révolu- tions dont elle fut le théâtre. EL BIROUDY. Aboul Faradj ben Djordjis ben Youhanna ben Sahl ben Ibrahim, chrétien jacobite, dit El Biroudy, du lieu de sa naissance, n’était d’abord qu’un simple cultivateur des envi- rons de Damas. Un jour qu’il allait à la ville, vendre une charge de chih (Armoise judaïque) dont on se servait pour allumer les fours, il rencontra un médecin pratiquant des scarifications à un homme atteint d’épistaxis, précisément auprès de l’en- droit d’où s’écoulait le sang. Il s'arrêta et dit au médecin: Pour arrêter le sang, on saigne chez nous dans un autre endroit que celui où il coule. La saignée ne se fait que pour détourner le cours du sang. Ton malade en a déjà trop perdu. Le médecin trouva l'avis bon, s’y conforma et l'hémorragie s'arrêta. Frappé du bon sens d'El Biroudy, il lui proposa d'étudier la médecine. El Biroudy l’écouta et pour cela vint se fixer à Damas. Plus tard il s’informa d’un bon maître, et on lui indiqua Aboul- faradj ben Taïeb. El Biroudy se rendit en conséquence à SEL at on de 06 bd PARTIR Ce PTE TT PERS | OS ET IE fa. LA SYRIE. 509 Bagdad, où il suivit les leçons d’Aboulfaradj et devint un médecin habile. En même temps il s’occupait de philosophie. Enfin il retourna à Damas où il se fixa et mourut probable- ment dans le milieu du XI: siècle. EL Biroudy entretenait une correspondance avec Ali ben Rodhouan et quelques autres médecins de l'Egypte. C’est ainsi que les traditions médicales allaient reprendre leurs cours à Damas, après une longue interruption. DHAFER BEN DJABER ESSOKRY. Né à Mossoul, Dhafer vint à Bagdad où ilsuivit les leçons d'Aboulfaradj ben Thaïeb, s'occupant aussi de philosophie et pratiquant le bien. Il vint ensuite à Alep, qu’il habita jusqu'à la fin de sa carrière. En 1089, il vivait encore. Là il enseigna la médecine et forma des élèves. Au XII: siècle, Ebn Abi Ossaïbiah retrouvait encore des traces de son école. Dhafer écrivit un livre sur cette thèse: que la mort arrive chez l'animal parce que les aliments cessent d’être assimilés. ABOUL FAHDL MOUHOUB BEN DHAFER. C'était le fils du précédent. I habitait Alep où il avait la réputation d’un bon médecin. Il écrivit un extrait des questions de Honein. DJABER BEN MOUHOUB. Fils du précédent, il se montra digne de lui et pratiqua la médecine à Alep. MOBAREK EL HALEBY. Mobarek ben Sara Aboul Kheïir Etthabib el Haleby, mé- decin chrétien, se trouvait en résidence à Alep, quand Ebn Botlan y passa, et depuis lors s'établit entre eux une cor- 510 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. respondance. Il était encore à Alep lors de l’arrivée des Turcs. Un jour qu’il se trouvait chez leur chef Rodhouan, celui-ci, pris de vin, lui proposa de se faire musulman, ce que Mobarek ayant refusé, Rodhouan le frappa d’une épée qu'il tenait à la main. Dès lors Mobarek cessa ses visites et se réfugia à Antioche, puis à Tyr, où il mourut vers 490 de l’hégire, 1096 de l'ère chrétienne. TN PU OL SP IV. — L'ÉGYPTE,. Pendant cette période, les sciences continuèrent à se déve- lopper, malgré les troubles et l'instabilité du pouvoir disputé par des ministres ambitieux. Parmi les vizirs qui se succédèrent durant le règne long et agité de Mostancer, il en fut qui protégèrent les arts et les sciences, notamment le vizir Bedr ed Djemaly. La mosquée d'El Azhar commençait déjà à porter ses fruits. C’est à son ombre que se forma le plus fécond mathémati- cien de l’école arabe, Ebn el Heitsam. C’est là sans doute aussi en partie que se forma Ali ben Rodhouan, bien qu'il préférât l’étude solitaire à l’audition d’un professeur. Nous avons dans ces deux hommes umexemple frappant de ce que peut le goût passionné de l'étude et la tenacité. Parmi les médecins notables, nous citerons encore Omar ben Ali, l’auteur d’un traité d'oculistique dédié au Khalife el Hakem, que nous croyons identique avec celui qui fut traduit en latin et imprimé sous le nom de Canamusali. . Ce qui prouve la diffusion des lumières en Égypte c’est la merveilleuse richesse de ses bibliothèques. Les Fathmides en avaient créé une au Caire composée de dix-huit chambres remplies de livres : on y comptait 2,400 Corans. Un vizir, en une seule fois, en fit enlever la charge de 25 chameaux. Une autre collection fut pillée par les Berbères Louata, qui enle- vèrent les couvertures et jetèrent les feuillets: telle était leur quantité que les sables les ayant recouverts en firent une butte, dite la Colline des livres. (Voyez Quatremère.) 512 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. Les bibliothèques privées étaient à l’avenant. Le vizir Afdal, fils de Bedr Djemaly, laissa une collection de 500,000 volumes (Quatremère). L’émir Mobacher ben Fateq et le Juif Afranim en avaient aussi de considérables. Ali ben Rodhouan fut nommé chef des médecins d'Égypte. EBN EL HEITSAM (Alahzen). Abou Ali Mohammed ben el Hassen ben el Heïtsam est, après Avicenne, le savant le plus remarquable du X[° siècle. - S'il n’eut pas la merveilleuse précocité d’Avicenne, car il se mit tard à l’étude, s’il n’édifia pas une œuvre aussi consi- dérable que le Canon, il aborda tant de sujets d’un ordre élevé, il composa tant de livres ou d’opuscules, le nombre s’en monte à deux cents parmi lesquels un traité d'optique universellement admiré, qu’on peut se demander lequel des deux eut l'intelligence la plus élevée et la plus étendue, la plus prodigieuse facilité d’assimilation. , Ebn el Heitsam est un génie encyclopédique. La médecine est son côté le plus faible. Il ne fit guère que des compila- tions et rien ne nous dit qu’il ait été un véritable praticien. Il est un philosophe, un physicien, et par-dessus tout. un mathématicien. Nous le suivrons sur ces divers terrains malgré l'embarras que nous éprouvons parfois en présence de termes techniques avec lesquels nous sommes peu familiers. Sa personnalité est trop grande pour être négligée. C’est une des gloires de la race arabe et c’est aussi une date dans l'histoire des sciences. D'ailleurs, son nom a retenti chez nous dans ces derniers temps et on ne lui a rendu qu’une partie de la justice qui lui est due. Depuis bien longtemps, l'attention des savants s’est portée sur lui. Un traité d'optique, déjà connu de Roger Bacon, fut traduit en latin sous l’un de ses noms. On admira le livre, sans rien savoir sur l’auteur, et quand son nom se produisit au complet, d’un personnage on en fit deux et ce malentendu LA L'ÉGYPTE, 513 n'a pas encore cessé. Nous aurons bientôt à faire l’histoire de ce curieux imbrogilio. Ebn el Heitsam naquit à Bassora en l’année 354de l'hégire, 965 de notre ère. C’est lui-même qui nous l’apprend dans une notice de ses écrits où il dit qu’en l’année 417 il avait 63 années (lunaires). On rapporte qu’il devait être gouverneur desa ville natale, que son esprit était tout entier aux bonnes œuvres, à l'étude et à la contemplation ; puis qu’on remarqua chez lui de la bizarrerie, une sorte de dérangement, qu’il donna sa démis- sion pour se livrer tout entier à ses goûts et qu’il se mit à voyager. Arrivé au Caire il se fixa dans la célèbre mosquée d'El Azhar, où il commença par transcrire Euclide et l’Al- mageste et à vivre du produit de ses copies. C'était proba- blement dans les premières années du règne d'El Hakem, qui date de 996. On raconte qu'Ebn el Heitsam s'étant vanté de pouvoir construire un appareil qui mettrait l'Égypte à l’abri des inondations du Nil, il fut appelé par Hakem, mais qu'ayant ensuite parcouru le pays et reconnu des impossi- bilités d'exécution, il contrefit le fou pour ne pas encourir la colère du souverain. Toute sa vie était consacrée à l’étude et à la composition. Il connaissait parfaitement la langue et la littérature arabe. C'était d’ailleurs un homme bienveillant et charitable. Il nous à laissé la liste méthodique d’une partie de ses œuvres. Il divise les sciences philosophiques en mathémati- ques, physique et métaphysique, et ses écrits sont rangés suivant cet ordre. Arrivé au n° 70 il ajoute : « Sans compter beaucoup d’autres écrits dont j'ai dressé le catalogue. Les affaires et les voyages en ont interrompu le cours, ainsi qu'il arrive souvent et qu’il est arrivé à Galien, comme il le dit lui-même. Si Dieu m’accorde la vie, j'espère en composer encore sur ces sciences. Voilà ce que j'ai cru devoir exposer relativement à ce que j’aiécrit. Je l’ai fait pour me conserver un souvenir dans la mémoire des savants et des philosophes, car, comme dit Aboulcassem ben el Ouizir Aboul Hassan Ali ben Issa : Le savant peut mourir et se survivre par sa science, tandis que l’ignorant meurt tout entier. » sy 514 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME. Son biographe nous signale encore un catalogue de l’année 429. Ebn el Heitsam mourut l’année suivante, 1038 de l’ère chrétienne. Nous avons hésité à donner intégralement la liste de ses écrits : elle est démesurément longue, car elle n’en comprend pas moins de deux cents. De plus elle porte sur des matières avec lesquelles nous ne sommes pas familier, d’une tech- ‘” nologie difficile, et nous n'avions qu’un manuscrit à notre disposition. Nous la donnerons cependant, non-seulement en considé- ration de l’auteur qui n’a pas été jusqu'ici suffisamment apprécié, mais parce que cette liste est une date dans l’his- toire des sciences. Elle montre combien de questions agitait “un savant égyptien au XI: siècle de notre ère. Jusqu'à présent on n’avait pas eu recours à la liste d’'Ebn Abi Ossaïbiah, (1) et l’on s'était contenté de celle du Kitabel hokama, reproduite par Casiri, qui ne contient qu'environ 60 écrits. Nous n'avons pas cru devoir, ainsi que nous l'avons fait quelquefois, refondre cette liste et en classer les éléments par ordre de matières. Les lecteurs qui voudront recourir à l'original pourront plus facilement corriger nos traductions quand il y aura lieu, car il en est quelques-unes dont nous ne sommes passûr, Nous les avons du reste indiquées pour la plupart. pra Nous avons passé sous silence une dizaine d'articles, dont la majorité n’était qu’une répétition etdont quelques autres n'étaient pas nettement écrits dans le texte arabe. Mathématiques. Commentaire des Éléments d'Euclide. Extrait critique d’Euclide et d'Apollonius. Commentaire de l'Almageste. Sommaire des éléments du calcul. De la perspective, d’après Euclide et Ptolémée, Solution de théorèmes géométriques. R (1) Ou du moins on n'en avait parcouru que la moitié: L'ÉGYPTE. 515 Solution de théorèmes es par la voie de l’al- gèbre. Solution de théorèmes PRES et arithmétiques. Eléments de géométrie. De l’arithmétique commerciale. Des constructions, avec figures. Commentaire des sections coniques d’Apollonius. Du calcul indien. De l’azimut de la Kibla, avec tables. Des rapports du droit avec les mathématiques. Sur les observations astronomiques. Introduction aux mathématiques. Que l’hyperbole et les deux lignes qui l'accompagnent ne se rencontrent jamais. | Réponse à sept questions théoriques adressées de Bagdad. De la composition et de la résolution mathématiques, aux élèves. ; Extrait du livre d’'Ibrahim ben Temnan. Déterminer la distance entre deux localités par voie géo- métrique. Éléments de problèmes arithmétiques, avec leur solution. Solution des parties obscures du V° livre des éléments d'Euclide. —= Démonstration de la figure d’Archimède sur la division d’un angle en trois parties. « Quant à mesouvragesen physique et en mathématiques _ j'en ai composé quarante-quatre. » Commentaire de l’Introduction de Porphyre et des IV livres d’Aristote sur la logique. Abrégé du précédent. De la poésie, d’après une traduction du grec en arabe. Commentaire du livre de l’âme d’Aristote, etc. Des rapports entré le microcosme et le macrocosme. Du syllogisme. De la démonstration. _ Du monde, son origine, sa natuÿé et sa perfection. De la création et des créatures. De la forme du monde. 5106 HISTOIRE DE LA MÉDEOINE ARABE. = LIVRE QUATRIÈMÉ. Réponse à Jean le Grammairien sur ses objections à Aris- tote, à propos du ciel et du monde. Lettre à quelqu'un sur le même sujet. Réponse à Aboul Hassan Ali ben el Abbas, à propos des opinions des astronomes. Réplique à la réponse du même. De la distinction ? Du désir de la mort, d’après les anciens. Du désir de la mort, d’après les modernes. Réponses aux scolastiques qui prétendent que l’action de Dieu est intermittente. Qu’au delà du ciel il n’y a ni plein ni vide. Réponse à Abou Hachem, chef des Motazélites, sur ses objections au livre d’Aristote sur le ciel et le monde. Sur les Djebariens et les astrologues. De la supériorité physique de l’Ahouaz sur Bagdad. Aux savants, sur le sens de. ? Qu'il n’y a qu’un côté pour saisir les vérités. Que la démonstration n’a qu’un sens, mais qu'il en est d’artificielles en mathématiques. De la douleur et du plaisir. De la nature des trois sortes de plaisirs. Que les hommes s'accordent sur le bien, mais qu'ils diffè- rent sur le but et les moyens. | De la preuve de la création. De la certitude de l’astrologie. Des existences et des destinées. De l'intellect. Contre ceux qui pensent que les arguments sont égaux. Réponse à un Motazélite dè Bassora. De l'écriture d’après les anciens. Conseils aux écrivains. Que le savant se révèle par son œuvre. Réponse à un dialecticien. De la substance de l’âme universelle. De l'opinion d’Aristote que la faculté rectrice réside dans le cœur. ; Réponse au dialecticien Ebn Essamedj de Bagdad. TRS PE RS EN EN ES TES - L'ÉGYPTE. 517 « Etat de la médecine d’après les écrits de Galien, trente volumes. » | (Sur les XVI livres de Galien qui nous sont connus, il en est cité XIV que nous passerons sous silence. - De la démonstration. De l’usage des organes. Des opinions d'Hippocrate et de Platon. Du sperme. De la voix. Propriétés des médicaments simples. Des médicaments composés. Du bon et du mauvais chyme. . Que les qualités de l’âme suivent le tempérament. Du mauvais tempérament. De la pléthore. De l’emploi de la saignée. Du marasme. De la meilleure constitution. Des aliments d'après Hippocrate et Galien. « Ce que j'ai composé sur les sciences des anciens. » Que les choses spirituelles et temporelles sont du ressort de la philosophie. Commentaire de la physique d’Âristote. Sur le lieu et le temps, d’après les doctrines d’Aristote. Lettre à Aboulfaradj ben Thaïeb sur diverses questions de physique et de PRPATRIQUR, où il combat les em de Razès. Contre ceux qui prétendent que le monde est composé de parties indivisibles. Sur la pratique des observations astronomiques. ‘De la certitude des prophéties. Lettre sur certains livres d’Ebn el Raouendy. Lettre sur l’action des sons musicaux sur les animaux. Que la preuve que le monde a été créé, donnée par ies sco- lastiques, est mauvaise. Réponse aux Motazélites sur les attributs de Dieu. Réponse aux Motazélites sur les prédictions. 518 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE QUATRIÈME. Réponse à des questions de mathématiques adressées de Bagdad en l’année 418. Réfutation de l'erreur de ceux qui prétendent que Dieu ne crée plus. Lettre sur les grandeurs et les distances des corps célestes. Commentaire sur les Météores d’Aristote. Commentaire sur les Animaux. Des miroirs brûülants. : Extrait de la partie pratique de l’Almageste. De la substance visuelle et du mécanisme de la vision. ‘ Réponse à Aboulfaradj ben Thaïeb à propos des opinions de Galien sur les propriétés naturelles du corps humain. (Tout ce qui précède est tiré d’un manuscrit autographe). De la forme du monde. De la perspective, en VII livres. . Pratique des observations astronomiques. Des astres qui apparaissent dans l'air. De la lumière de la lune. De l’azimut de la Kibla. De l’arc-en-ciel et du halo. Des inégalités de hauteur des astres. Des cadrans horizontaux. De l’aspect des astres. Des centres de sections. Des centres de contacts ? Principes ou éléments de géométrie des surfaces. Mesure de la surface de la sphère. Mesure de la surface des solides. Des miroirs brûlants par cercles. Des miroirs brûlants par segments. Des figures en croissant ou des figures de la nouvelle lune (deux traités). Des centres des grands cercles. Des centres des cercles. De l’azimut. Sur les erreurs dans les observations astronomiques. Que la sphère a plus de capacité que les corps terminés par des plans. LE PO Te L'ÉGYPTE. 519 De l'optique, selon Ptolémée. De la certitude des actions sidérales. Extraire quatre lignes entre deux lignes. De la quadrature du cercle. Détermination exacte de la méridienne. Propriétés de la parabole. Propriétés de l’hyperbole. De la cause des arcs de temps, relativement à leur éléva- tion ? Des crépuscules (El Athlal). Que l’on voit du ciel plus de la moitié. Solution de questions obscures du premier livre de l'Alma- geste. Solution de difficultés relatives aux solides dans le livre d'Euclide. De la division des grandeurs diverses mentionnées dans la 1" figure du X° livre d’Euclide. Sur les variations de la perspective. Extraction d’un côté d’un heptagone. Division de la ligne employée par Aude dans le traité de la sphère et du cylindre. Inscrire un pentagone dans un carré. De la voie lactée. Extraire le côté d’un cube. De la lumière des astres. De l'influence de la lune. « De harmonia numerica » (Casiri, Sédillot). Du mouvement sur un plan. De l’analyse et de la composition. Des connues. Solution de difficultés du XIT° livre d'Euclide. Solution de difficultés du Ie' livre. Des calculs erronés ? Réponse à des questions de géométrie. De la lumière. Du mouvement des spirales. Réponse à propos de la voie lactée. Solution dedifficultés relativesau mouvement desspirales. 020 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATPIÈME. Solution de difficultés dans Ptolémée. Des choses indivisibles. Des lignes horaires. De la balance, ou du levier. Du lieu. Déterminer la base des montagnes. Du calcul indien. De la base des corps triangulaires. Des propriétés des cercles. De la figure des Beni Moussa. Inscrire un heptagone dans un cercle. Déterminer l’élévation du pôle. Construction d’un compas. De la sphère en mouvement. Théorèmes de géométrie. Théorèmes de mathématiques. Description des éclipses. De la plus grande ligne qui tombe sur un segment de cercle. Du mouvement de la lune. Théorèmes des contacts. Commentaires de l’arithmétique. Commentaires du Canon (d’Euclide). Division du trapèze. Des mœurs. Des mœurs des écrivains. De la politique. Annotations d'Ishaq ben Iounis sur le livre de Diophante. Théorèmes d’algèbre. Théorèmes d’arithmétique. Comme on le voit, dans cette longue liste la médecine est faiblement représentée, par une trentaine d’écrits qui nesont autre chose que la refonte de ceux de Galien, et sans aucun ouvrage original. Ebn el Heitsam est essentiellement un mathématicien et un philosophe. Ajoutans encore qu'il traite de beaucoup de questions de physique touchant à la médecine. . La liste donnée par Casiri est assez incorrecte. M. Sédiilot | Ÿ L'ÉGYPTE. 521 l'a corrigée parfois, mais en conservant la traduction latine. Le traité des Connues géométriques a été l’objet d’un tra- vail de M. Sédillot, inséré dans ses Matériaux pour servir à l'histoire des sciences mathématiques, I. 378. L’original existe à Paris, n° 1104. La B. Bodléienne et celle de Leyde possèdent des com- mentaires d'Ebn el Heïitsam sur Euclide. Cette dernière pos- sède en outre un traité de la sphère, un traité des bases des montagnes, un autre sur la ligne d’Archimède, un autre sur les miroirs ardents, enfin un commentaire de sa Perspective. Nous croyons devoir nous arrêter sur le traité de la Perspec- tive, auquel Ebn el Heïitsam doit sa célébrité, mais dont la paternité fut longtemps méconnue et n’est pas encore bien établie. C’est d’ailleurs, à notre avis, le meilleur moyen de rendre à son auteur la part de gloire qui lui revient, en détruisant une équivoque trop longtemps prolongée. L’'Optique d’Ebn el Heitsam fut traduite de bonne heure, sous le nom d’Alhazen. L’estime qu’en faisaient les Arabes est attestée par ces mots d’Ebn Khaldoun : « Le plus célèbre des musulmans qui aient écrit sur cette matière est Ebn el Heïtsam. » Le traité d’Optique dut venir de bonne heure en Espagne. M. Jourdain pense que l’on doit considérer Gérard de Crémone comme l’auteur de la traduction latine, mais il ne dit pas sur quoi reposent ses présomptions, probablement sur ce que Gérard de Crémone traduisit un opuscule d’Alha- zen sur le Crépuscule, dont nous n'avons pas retrouvé net- tement le titre dans la liste de ses œuvres. Le traité d’Optique était connu de Roger Bacon, qui le lut peut-être dans l'original, car, dit-on, il savait l’arabe. Il en faisait grand cas, attendu qu’en parlant destravaux de Ptolé- mée et d’Alhazen sur l’optique, il s’exprime ainsi: Nullum falsum dicunt ; in omnibus recipiendi ; florem philosophiæ explicant sine falsitate qualibet. Jourdain, Recherches, 389. Un siècle après Gérard de Crémone, un contemporain de Bacon, le Polonais Vitello, se nourrissait du livre d’Alhazen et en prenait la substance pour composer son livre dela Pers- pective. Dans le courant du seizième siècle, l'Optique d’Alhazen 522 xISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE QUATRIÈME, était imprimée par les soins de Ramus et de Risner, qui édita aussi Vitello. Ici nous devons nous arrêter un instant pour relever des erreurs relatives au rôle de traducteur attribué tantôt à Vitello (Sédillot, Histoire des Arabes, 386), tantôt à Risner (Jourdain père, Biographie universelle de Michaud ; Sédillot, Histoire des Arabes, 351). Nous avons lu attentivement les préfaces et dédicaces qui accompagnent la double édition d’Alhazen et de Vitello, et nous n’y avons rien rencontré qui autorise à conclure que le premier fut traduit par le second. Les éditeurs disent le contraire. Vitello paraît vouloir dissimuler ce qu’il doit à El Hazen et le cite rarement. Mais ses emprunts ont été mis en évi- dence par l'éditeur commun, dans l'édition double, et ces emprunts reviennent presque à chaque page. L'auteur de la notice de Vitello, dans la Biographie universelle, reproche à Montucla et à Brisson d’avoir prétendu que « La gloire d’avoir découvertetannoncé à l'Europe les premiers éléments de l'optique n’appartient point à Vitello, qui ne fait que tra- duire ce que deux siècles avant lui El Hazen avait publié en arabe. Ces deuxphysiciens, ajoute M. Gley, n’auraient point hasardé cette opinion s'ils avaient comparé entre eux El Hazen et Vitello. » Eh bien, c’est précisément cette compa- raison, facile à faire dans l'édition double, qui prouve com- bien Vitello doit à El Hazen. Risner a eu le soin de noter tous ces emprunts. Il les reconnaît dans sa dédicace à Cathe- rine de Médicis, tout en accordant à Vitello le grand mérite d’avoir fait une œuvre mieux exécutée et plus complète que celle de son devancier. On y lit en effet: « {n X libris opticis quos ex Alhazeno imprimis, deindé à græcorum authorum fontibus hauserit, arte mirandis accessionibus amplificavit.… opticorum longe maximam nobilissimam que partem ex Alhazeno desumsit. » Plus loin il ajoute: « Si artis opifex atque author habendus sit qui arti formam animam que dedit, Vitello jure optimo opticæ artis author habetur. » Vitello ne fit donc que reconstruire et embellir l’édifice commencé par Alhazen, auquel il emprunta ses matériaux. M PA I IN NO PT EN ES TO étés ee L'ÈGYPTE. 523 D'ailleurs Vitello lui-même, dans sa dédicace à Guillaume de Morbeka, donne assez à entendre qu'il s'est proposé pour but de reproduire avec plus de méthode les travaux de ses devanciers: « Libros itaque veterum tibi super hoc negotro perquirenti occurrit tædium verbositatis arabicæ, implica- tionis ‘græcæ, paucitas quoque exarationis latinæ, meque putans vacare otio, sub amoris nexu quo tibi conjungor, vo- luisti constringere uttibi hoc laboris tibi placiti onus subirem. At ego, quod de ordine entium olim conscribendum suscepe- ram capitulum, in tempus removi, præsentisque operis dis- pendium pro meæ possibilitatis viribus, quibus hic impar fateor, adii conscribendum. » Ce n’est donc point là ie travail d’un savant dont les recherches sont dirigées constamment vers une spécialité, et qui écrit d’abondance. Relevons en passant une erreur de M. Gley. Guillaume de Morbeka n’était point le frère de Vitello. Celui-ci était Po- lonaïs et celui-là Flamand. La citation que nous venons de _ faire montre comment il faut entendre le mot fratri, mis en tête de la dédicace. Quant à Risner, pour se convaincre qu'il ne fut aucune- ment traducteur d’Alhazen, il suffit de lire son épître à Catherine de Médicis. M. Gley en a cité un passage : « Ramus et moi nous cherchions depuis longtemps Alhazen. En ayant enfin trouvé deux Manuscrits, j'ai employé une année en- tière à les publier. » Il semblerait implicitement résulter de cette citation que Ramus a découvert le texte arabe d’Alha- zen, inconnu de Vitello. Mais qu’on lise attentivement cette épître et on verra que la découverte de Ramus n’a pu porter que sur des traductions latines, que Risner s’est borné au rôle d’éditeur intelligent, et que le rôle de traducteur lui fut étranger. : « Diligentiam sane et doctrinam in arabe homine mira- bilem deprehendi, nec ad modum quod animadvertere po- tuerim à veteribus græciæ opticis adjutam quamobrem cum luculentum quidem scriptorem et copiosum opticum sed valde confusum perspexi, id mihi P. Ramo suasore et authore 52% HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. consilium sumsi. Annum integrum in authore isto restituen- do et conformando (Ramus) occupavit. » On voit en somme que dans cette édition revue, corrigée et classifiée sous forme de chapitres, le rôle le plus impor- tant est encore celui de Ramus. Tous les historiens de la science ont reconnu le mérite exceptionnel du traité d’Optique d’Alhazen, mais on ne par- Jait pas d’Ebn el Heïtsam, ou s’il en était question c'était pour en faire un autre personnage. Il serait oiseux de relever toutes les citations qu'on en a . faites. Nous voulons seulement nous placer sur le terrain de l’époque actuelle. Les hommes spéciaux eux-mêmes ont maintenu le dédou- blement et la confusion. Nous ne citerons de M. Sédillot que son Histoire des Ara- bes, parce qu’il y a condensé des documents épars dans ses autres publications, et que celle-ci est la plus accessible au commun des lecteurs. Malheureusement il a négligé d’en revoir certaines parties, que les nouvelles acquisitions bi- bliographiques lui eussent permis de corriger. Tantôt il voit Ebn el Heitsam dans Alhazen, tantôt il en fait deux personnages. C’est ainsi qu’à la page 351 nous lisons: Le plus illustre des successeurs d'Ebn Iounis, Hassan ben Haithem, composa plus de 80 ouvrages. Il a fait un traité d'optique traduit par Risner. Page 304 on lit: Si nous avons à regretter l’ouvrage que Hassan ben Heithem écrivit sur la vision directe réfléchie et rompue, du moins nous pouvons citer l’optique d’Alhazen. À la page 386, il fait traduire l’optique d’Alhazen cette fois par Vitellion le polonais. Nous détacherons quelques morceaux d’une longue et in- téressante citation de M. Chasles, page 371. G « L'optique a été traitée chez les Arabes par un grand nombre d'auteurs dont le plus célèbre est Alhazen. Son ou- vrage, qui nous est parvenu, se recommande par des consi- dérations de géométrie savantes et étendues. On y remarque surtout la solution d’un problème qui dépendrait en analyse d'une équation du 4° degré. Il s’agit de trouver le point de ae D à éd ne à à-mb JÉCE 2 L'ÉGYPTE, . 525 réflexion sur un miroir sphérique, le lieu de l'œil et celui de l’objet étant donnés. L'ouvrage d’Alhazen fait honneur aux Arabes et nous devons le regarder comme ïrorigine de nos connaissances en optique. Vitellion y a puisé utilement pour la composition de son traité d'optique. Enfin Hassan ben Haiïithem, qui mourut au Caire en 1038, a composé un ou- vrage original sur les données géométriques, qui est une imitation et une continuation du livre des Données d’Eu- clide. » Comme on le voit, ce sont toujours deux savants au lieu d’un. Mais cequ’il y a de plus étonnant c’est que Wüstenfeld, dans sa bibliographie d’Ebn el Heitsam, ne touche pas à ces questions, ne mentionne même pas le traité de l’'Optique et se borne à une liste bibliographique sommaire, d’une incroya- ble brièveté. Il ne se doute pas qu’il s’agit d’Alhazen. Nous pensons que l'importance du sujet nous fera pardon- ner les longs développements dans lesquels nous sommes entré. ALI BEN RODHOUAN. Nous avons déjà vu dans Ebn el Heitsam ce que peuvent la résolution et la tenacité. Nous en verrons un autre : exemple dans Ali ben Rodhouan. S'il n’arriva pas aussi haut, il partit de plus bas. C’est en outre un des plus dignes carac- tères de médecins que nous offre l’histoire de la médecine arabe. (1) Aboul Hassan Ali ben Rodhouan ben Ali ben Djafar naquit à Ghizeh vers la fin du X° siècle, peut-être vers 980. Nous ignorons l’année de sa naissance, mais nous savons qu'il vécut plus de soixante ans, car il en avait cinquante-neuf quand il rédigea son autobiographie. Il serait cependant possible de déterminer cette date, car il nous a donné lui-même son thème généthliaque. (1) Ali ben Rodhouan professe de très nobles sentiments. Cepen- dant Djemal eddin le peint en noir et ne le considère que comme un vulgaire compilateur. V. Aboulfarage. Dyn. 834. 526 BISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME. Nous n'avons pu le déchiffrer, mais nous en citerons l’en- semble, comme curiosité. Il naquit alors que le soleil était dans le Verseau, la lune dans le Scorpion, Saturne dans le Sagittaire, Mercure dans le Capricorne, Mars et Jupiter dans le Verseau, Vénus dans le Sagittaire. C’est à lui-même que nous devons les détails de sa curieuse existence. Son père était boulanger ou chaufournier. À dix ans il vint au Caire, déjà instruit, et à quinze il étudia la médecine. Nous allons lui laisser la parole : « Comme il faut que tout homme ait un état, et que la médecine est une profession pieuse, je l’embrassai. D'ailleurs les signes sous lesquels j'étais né le voulaient ainsi. Mais j'étais pauvre, et je rencontrai bien des difficultés. Je gagnai ma vie par l'astrologie, l’enseignement et l'exercice de la médecine. Je continuai mes études assidues jusqu’à l’âge de ‘trente-deux ans, où je me trouvai dans l’aisance. La méde- cine me rapportant plus que le nécessaire me laissa du superflu. Dès ce moment je réglai mes dépenses de telle sorte, qu'après celles nécessaires à ma santé, je pusse faire des aumônes et conserver des économies pour les mauvais jours. Après mon travail de la journée, j'examine l’emploi que j'en ai fait. S'il y a du bien, je m’en réjouis, s’il y a du mal je m’en afflige et prends la résolution de n’y plus retom- ber. J'ai composé cinq livres extraits des ouvrages de morale des anciens. J’ai aussi composé des extraits d’autres savants, — Suivent les noms d'Hippocrate, de Galien, de Dioscorides, de Rufus, d’Oribase, de Paul d'Égine, de Razès; de livres de pharmacie et d’agriculture, de Ptolémée, de Platon, d’Aristote, d'Alexandre (d’Aphrodisias), de Thémistius et d’Alfaraby. — Je vends ces livres ou je les garde, » Ces derniers mots expliquent comment nous avons des ouvrages d’Ali ben Rodhouan, qui ne sont pas mentionnés dans les listes qui en sont données ; ainsi le Tetrabiblon commenté, qui fut traduit en latin. On ne lui connaît pas de maître sous lequel il ait étudié, dit Ebn Abi Ossaïbiah. Nous dirons bientôt qu’'Ali croyait la lecture plüs profitable que les leçous. Il est probable qu'il ÉRE r u on MO pue _ L'ÉGYPTE. 527 dut à ses études solitaires la raideur qu’il apporta dans la controverse et que son biographe signale dans ses observa- tions sur Honein et sur Razès, ainsi qu’à l'endroit d’Aboul- faradj ben Thaïeb. Plusieurs savants de son époque étaient en correspondance avec lui. Ali ben Rodhouan fut attaché au Khalife El Hakem et fut nommé chef des médecins d'Égypte. Il habitait une maison située près du vieux Caire, dont Ebn Abi Ossaïbiah vit en- core des restes au XIII siècle. En l’année 445 de l’hégire, 1053 de notre ère, une famine se déclara, bientôt suivie de peste qui s’accrut encore les années suivantes, au point que le Khalife Mostancer dut faire lui-même les frais de 80,000 sépultures, puis s'enrichit par de nombreux héritages. Au milieu de ces calamités, Ali ben Rodhouan recueillit une orpheline, qui paya ses bienfaits en lui volant des objets précieux et environ 20,000 dinars. Elle échappa à toutes les recherches, et Ali ben Rodhouan en perdit la tête. Il survécut ainsi jusqu’en l’année 1061. (1) Nous parlerons toutà l'heure des écrits d’Ali ben Rodhouan mais avant nous citerons les propos qu’ou lui prête relative- ment au médecin, et qui rappellent le Serment. Le médecin selon le cœur d’Hippocrate, dit Ali, est celui qui réunit sept qualités : I. Il doit être sain de corps et d’es- prit ; IL. Il doitavoir le corps et les vêtementspropres et une bonne tenue ; III. Il doit garder les secrets des maladeset ne rien divulguer de leurs maladies ; IV. Il doit s'occuper exclusivement de la guérison des malades et ne pas songer à la rémunération qui lui en reviendra ; se donner aux pau- vres de préférence aux riches ; V. Il doit chercher à être savant et utile autant que possible ; VL Il doit avoir le cœur pur et exempt de convoitise, détourner les yeux des trésors et des femmes qu’il voit dans les maisons des grands et se (1) Telles sont les raisons qui nous portent à croire qu'Ali vécut environ 80 ans. Il se produisit tard; il servit El Hakem, qui mourut en 1021; à la date de son autobiographie, qui précéda l’année 1055, il avait 60 ans ; enfin il vécut encore jusqu’à l’année 1061, d’après Ebn Abi Ossaïbiah. 528 HISTOIRE DE LA MÉDRCINE ARABE, — LIVRE QUATRIÈME, garder de les convoiter ; VII. Il doit être sûr et fidèle, ne préparer aucun poison et ne pas en divulguer la prépara- tion, ne pas donner d’abortif, soigner ses ennemis comme ses amis. Par un corps sain il entendait celui dont chaque organe accomplit sa fonction spéciale. Pour apprécier cet état du corps il entre dans des détails intéressants qui rappellent l’ensemble des épreuves subies dans nos conseils de révision. Pour reconnaître les défauts il prescrit l’exploration des organes de chaque région par le toucher et par la vue, tant de près que de loin, afin de juger de l'ouïe et de la vision, de s'assurer de l’état de la langue et de la parole, de faire soulever des corps pesants, serrer, marcher de face et par - derrière, de faire coucher le sujet parterre, de tâter le pouls, de faire des questions pour apprécier l'intelligence et le caractère, etc. Nous ignorons quelles étaient les prérogatives attachées au titre de chef des médecins en Egypte, s’il comportait, comme nous l’avons vu à Bagdad dans la personne de Sinan ben Tsabet, le contrôle de la profession. En tout cas le carac- tère et les principes d’Ali ben Rodhouan durent exercer une influence salutaire sur les médecins de son temps. Il a laissé de nombreux écrits, environ soixante-dix. Ils portent sur la médecine et la philosophie en général. Aucun d'eux n’a l'importance ni l'originalité qui recommandent un homme à l'admiration de la postérité. Ali ben Rodhouan ne peut prendre place que parmi les médecins de second ordre. Il écrivit plusieurs commentaires sur Hippocrate et surtout sur Galien, dont quelques-uns nous sont parvenus. Ainsi des commentaires sur les Sectes, sur le petit livre de l'Art, sur le petit livre du Pouls, sur le livre à Glaucon, sur la Guérison des maladies, sur les Éléments, sur les Tempéra- ments, sur les Commentaires des œuvres d'Hippocrate, sur la méthode de l’un et de l’autre. Nous rappellerons encore les noms qu'il à cités dans son autobiographie. Comme tant d’autres il commenta aussi les questions de Honein. Telles sont ses productions originales en médecine : Eléments de médecine. ) : ï 4 » nu De NET ls ts L'ÉGYPTE. 529 Pandectes de médecine. Mémorial de médecine. Ouvrage inachevé. Notes sur la médecine. De l’excellence de la médecine. De la manière d'étudier la médecine. Ce dernier ouvrage ne nous a pas été conservé, mais nous savons, par Ebn Abi Ossaïbiah, qu’Ali ben Rodhouan consi- dère l’étude dans les livres comme préférable aux leçons d’un maître. Cette opinion, réfutée par Ebn Abi Ossaïbiah, fut aussi combattue par plusieurs contemporains, notamment par Ebn Bothlan. Deux lettres adresséespar Ali ben Rodhouan à Ebn Botlan touchent sans doute à cette question. IL écrivit aussi pour expliquer son désaccord avec ses contemporains. Plusieurs de ses ouvrages ont trait aux aliments et aux médicaments. Traité alphabétique des simples. De l'orge. Du lait d’anesse, tous deux adressés au médecin Juif Abou Zakarya ben Sada. Des purgatifs. De la préparation des disons et des électuaires. Du livre de Témimy sur les aliments et les médicaments. Divers recueils de recettes tirées d'Hippocrate, de Galien et de Philagrius. De ce qui doit se trouver dans l’officine du médecin. Tels sont les autres ouvrages relatifs à la médecine. De l’air du Caire. Des moyens de combattre ce qui, dans la ville du Caire, est nuisible au corps. _ De la conservation de la santé. Des propriétés naturelles. Solution des doutes d’Iahya ben Ady sur la chaleur. Que chaque organe se nourrit de l’humeur qui lui ‘st spéciale. Du coït. Des fièvres et de leur variétés. Des fièvres et de leurs périodes. De la dyspepsie. De la lèpre noueuse. 34 030 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME. De l’éléphantiasis chez les enfants. Sur un Cas d’hémiplégie gauche. Des tumeurs. De la chronicité dans les maladies. Réponse à des questions sur le pouls. Tels sont ses ouvrag'es étrangers à la médecine : De l’origine de la science. : Du rôle de la logique dans les sciences. De l'excellence de la philosophie. Du nécessaire et du contingent. Lettre sur la matière. De l’existence et de la corruption. Que tous les individus dans chaque espèce sont nés d’un -père. Des moyens d’être heureux. Du bonheur. Différence entre les bons et les mauvais. Commentaire du traité de Pythagore sur la vertu. De l’immortalité de l’âme. De l’immortalité de l’âme selon Platon et Aristote. De l'unité de Dieu suivant les philosophes. Réponse à Afranim et à Ali ben Zerà sur les divergences en matière de religion. ". Réponse à Razès sur la métaphysique et les prophéties. De la mission de Mahomet d’après l'écriture et les philo- sophes. Correspondance avec Ebn el Heïtam sur l’hégire. De l'astrologie. Rappelons que son commentaire sur le Tetrabiblon de Ptolémée, qui a été traduit en latin et imprimé, n’est pas cité par Ebn Abi Ossaïbiah. Des écrits sur Aristote, Platon et Porphyre. De la politique. Du gain licite. Autobiographie. Le commentaire sur l'art de Galien a été traduit en latir et imprimé. L'ÉGYPTE.: FES »31 ABOU BACHER. Il vivait du temps du Khalifeel Hakem et comptait parmi les bons médecins. À ces quelques renseignements nous ajouterons que son nom est accompagné d’une qualification que Wüstenfeld n’a pas comprise, et qu’il a rendue ainsi: Thabib el Adhymia. Cela ne signifie rien et nous croyons qu’il faut lire: Thabib el Fathmya, médecin des Fathmides. Abou Bacher aurait été probablement attaché à la cour. ALI BEN SOLEIMAN. C'était un médecin éminent, cultivant aussi la philosophie et les mathématiques et incomparable, dit son biographe, comme astronome. Il vécut sous El Aziz, El Hakem et Eddaher. Il composa les ouvrages suivants: Abrégé du Continent de Razès. Recueil d'observations, d'expériences et de faits curieux tirés surtout d’Hippocrate et de Galien. Mémorial. Notes de philosophie, commencées à Alep en 1020. EL MOBACHER BEN FATEQ. L’émir Mobacher ben Fateq el Amry compte parmi les sa= vants et les bibliophiles de l'Égypte. . C'étaitun homme avide de sciences, recherchant la société des hommes d'élite, et pratiquant les bonnes œuvres. Ali ben Rodhouan fut un de ses amis. [1 enseigna la philoso- phieet les mathématiques, et compta parmi ses élèves Aboul Kheir Saläma. | Les livres étaient sa passion. Il avait une riche bibliothè- que, où il passait tout son temps à l’étude et à la composition. Quand il mourut, sa femme, qui avait sur le cœur les mo- _ mentsque son mari passait avec les livres, à son détriment, . les jeta dans un grand bassin, d’où ils furent en partie ret : 232 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME, rés, maisendommagés, et c’estainsi que l’onen reconnaissait plus tard la provenance. L'émir Mobacher écrivit, entre autres livres, un Recueil de sentences et de maximes et un Traité de médecine, Le premier livre est cité plusieurs fois par Ebn Abi Ossaï- biah dans ses origines de la médecine. ISHAQ BEN IOUNES. Il passait pour un médecin savant et un bon praticien, et comme versé dans la philosophie. AFRANIM BEN ASELFAN, Ce nom d’Afranim est quelquefois écrit Afratsim. C'était un Israélite. Malgré l'opinion d’Ali ben Rodhouan que la lecture était préférable pour l’étude de la médecine, il n'en donnait pas moins des leçons et Afranim fut un de ses meil- leurs élèves. Il servit les Khalifes, et il y gagna la fortune et les hon- neurs. (this Les livres étaient sa passion, comme celle de l’émir Mo- bacher. Non-seulement il en achetait, mais il s’attachait à leur transcription. [l entretenait continuellement des copis- tes, parmi lesquels on cite Mohammed ben Saïd dit Ebn el Melsaka. Un Arabe de l'Irak lui proposa un jour de lui en acheter, et Afranim consentit à lui céder 10,000 volumes. Cependant El Fadhl ben el émir Habous, en ayant eu connaissance, ne voulut pas que ces livres sortissent de l'É- gypte et dépêcha quelqu'un qui paya la somme convenue et fit transporter les livres dans la Bibliothèque d'El Fadhl. Afranim n’en laissa pas moins à sa mort plus de 20,000 vo- lumes. Dans ce nombre la médecine était largement repré- tée. Afranim laissa quelques écrits. | Notes et observations de médecine, sous forme de com- pendium. “L'ÉGYPTE. : | 593 Mémorial d'hygiène, dédié à Nasser eddoula, quand il quitta le Caire pour Alexandrie (en 1068). Que la bile prédomine en été et les autres humeurs en hiver. SALAMA BEN RAHMOUN. Aboul Kheir Saläma ben Mobarek ben Rahmoun était Israélite. Il étudia la médecine sous Afranim et la philoso- phie sous Mobacher ben Fateq. Il s’appliqua particulièrement à l'étude et à l'explication des ouvrages de Galien. En même temps il étudiait les livres de physique, de métaphysique et de philosophie. Quand Abous Salt Ommeya vint d'Espagne en Egypte, vers l’année 1116, dit l’auteur du Kitab el hokama, Salama ben Rahmoun se lia d'amitié avec lui, et Abous Salt le men- tionne dans la relation de son voyage en Egypte. - Salama ben Rahmoun écrivit quelques ouvrages. … De la série des êtres. De la métaphysique. Pourquoi la pluie est rare au Caire. . Pourquoi les femmes du Caire engraissent quand elles commencent à vieillir. MOBAREK BEN SLAMA. Mobarek ben Slama, fils du précédent, fut un des bons médecins du Caire, et nousleplaceronsici pour n’avoir pas à y revenir au siècle suivant. ABOUL CASSEM OMAR BEN ALY EL MOUSLY, CANAMUSALI DU MOYEN AGE, : Ebn Abi Ossaïbiah en dit quelques mots que nous repro- duirons intésralement : « Omar ben Aly el Mously (natif de Mossoul) était un 534 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME. oculiste célèbre et un praticien renommé, cité pour le trai- tement des maladies oculaires et l'emploi de l'instrument tranchant. Il se rendit en Égypte où il demeura. Il écrivit un sommaire des maladies des yeux et de leur traitement tant par les médicaments que par les instruments, qu’il dédia au Khalife El Hakem. » C’est la première fois, à notre connaissance, que ce nom se produit dans tout son jour. Nous verrons cependant qu'il a de l'intérêt et qu’il occupe une certaine place, modeste il est vrai, dans l’histoire de la médecine. Omar a été méconnu par Wüstenfeld, qui se borne à le mentionner ainsi, dans sa liste des médecins égyptiens, . page 141: « Ammar (Amman) ben Ali el Mausili. » (1) Plus loin, à la page 161, il le cite encore, mais sans se douter de l'identité, parmi les médecins dont il ignore l’époque. Cette citation est empruntée à Casiri, qui cite son Traité d’oculis- tique sous le titre: Liber selectus, de oculorum morbis, ne 889 de son catalogue. On peut s'étonner que la citation de Casiri n’ait pas fait reconnaître à Wüstenfeld l'identité et l’époque d’Omar. Ce sont les mêmes noms, et dans la liste des médecins égyptiens Omar précède un médecin dit des Fathmides. Il est vrai que Wüstenfeld a lu malencontreuse- ment El Adhimia, qui ne signifie rien, au lieu de Fathmya. L'ouvrage d'Omar, qui porte en arabe le titre de Moun- tekheb, extrait, sommaire, titre donné aussi par Casiri, est cependant bien connu des médecins arabes. Un oculiste espagnol du XII siècle, Errafequy, dont un exemplaire existe à l'Escurial, le cite parmi ses devanciers, "mais lui reproche une excessive brièveté. Un oculiste du XIIT° siècle, Salah eddin, auteur d’un remarquable traité d’oculistique intitulé Nour el Ouyoun, la lumière des yeux, fait de nom- breux emprunts à Omar. Nous reproduirons le plus im- portant. Omar ben Aly paraît avoir eu l'habitude d’opérer la cata- racte par succion, et c’est à son livre que Salah eddin em- prunte le procédé opératoire. Dans ce passage Omar prétend (1) Amman est aussi la lecture adoptée par Reiske, p. 53. RÉ Sd ” L'ÉGYPTE. 535 que personne avant lui n’avait employé ce procédé, ce qui est une erreur, Nous lisons en effet dans le Nour el Ouyoun cette citation de Tsabet ben Corra qui repousse l'aiguille creuse et son emploi : « Ce procédé n’est pas sûr et il ne faut pas ajouter foi à ceux qui prétendent qu’il leur a réussi. En effet il y à dans l’œil des humeurs plus ténues que la cata- racte, et si l’on tente l'opération par succion, on attirera plutôt les humeurs de l'œil que la cataracte elle-même. D'ailleurs la cataracte est recouverte d’une enveloppe qui est encore un obstacle à son issue par la succion. » : Omar n’en raconte pas moins comment l’idée lui vint d'imaginer ce procédé, dont il a fait je maintes fois en Egypte, et qui lui a réussi. Le procédé a les mèmes préliminaires que le SpiGEERe ordi- naire. Seulement, comme l'instrument est un peu plus gros, onpratique l’incision préalable de la cornée pour faciliter son introduction. On dirige l’une des trois facettes de l'aiguille, celle qui est munie d’une ouverture, sur la. cataracte, et l’on fait aspirer par un aide. L’aspiration doit être modérée et continue, tant pour ne pas dépasser le but que pour empê- cher le retour des matières aspirées. D'après une observa- tion rapportée par Omar, son procédé aurait, sur le procédé ordinaire, l'avantage de ne pas exiger le décubitus dorsal, mais seulement le bandange des yeux. Tous les praticiens ne furent pas aussi heureux. Un ocu- liste renommé, sur lequel nous manquons jusqu’à présent de renseignements précis, Mansour, cité dans le Kafy d’Ebn Abil Mahassen, dit qu’il a vu des gens employer ce procédé, etqui, en même temps que la cataracte, attiraient l'humeur albuginée. Ce procédé paraît cependant avoir eu quelque vogue. Abuleasis dit qu'il le sait en usage dans l'Irak. On lit abso- lument la même chose dans un traité d’oculistique, existant à l'Eseurial sous le n° 876, donné par Casiri commeanonyme, et'que n&us rapportons à Ebn Ouafed, autrement dit Eben Gueñith. Le Kafy, dont nous venons de parler, qui existe à Paris, sous le n° 1043 du supplément arabe, contient deux tableaux D26 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. d'instruments d’oculistique exécutés avec une élégance très remarquable. Parmi ces instruments on voit figurer l'aiguille creuse. Le Mountekheb d'Omar ben Ali existe à l’Escurial, sous le n° 889 du catalogue de Casiri, ainsi que nous l’avons indiqué précédemment. Ce manuscrit est malheureusement en mau- vais état. Il a été relié à tort et à travers, après avoir été sans doute mis en javelle. Bien que Casiri ne l'annonce pas, une certaine feuille annonce un traité d'Ebn Ouafed, vulgai- rement Ebn Guéfith, qui se trouve dans un autre volume. Les deux ouvrages annoncés par Casiri ne nous paraissent pas autre chose que deux parties disloquées du Mountekheb, l’une afférente au traitement par les médicaments, l’autre relative aux maladies et à leur traitement chirurgical. Lors de notre séjour à l’Escurial, occupé surtout à étudier le Continent de Razès, nous ne pûmes donner que quelques instants à beaucoup d’autres Manuscrits également intéres- sants. Nous transcrivimes de celui-ci une dizaine de pages. Il en contient 260, à 15 lignes. En le parcourant, une chose nous frappa, la mention d’une aiguille à cataracte creuse, et la description du procédé opératoire. Nous ne songions pas alors à rapporter ce procédé à notre oculiste et ce n’est qu'après avoir pris connaissance du Nour el Ouyoun et avoir mis en présence le Ms. de l'Escurial avec la citation du Nour el Ouyoun que la lumière se fit. Nous ne conservâmes plus aucun doute, le fragment qui parle de l'aiguille creuse et de l'opération de la cataracte par succion est une partie intégrale du Mountekheb d'Omar ben Aly. Entre le manus- crit de l’Escurial et celui de Paris il y a identité parfaite. Mais il y a plus. Nous croyons positivement qu’Omar ben Aly el Mously n’est autre chose que le Canamusali du moyen âge, auteur d’un petit traité d’oculistique imprimé habituellement à côtédu Monitorium d’Issa ben Ali. D’Aboul- cassem el Mously il n’y a pas bien loin de Canamusali, et l’histoire des traductions de l’arabe en latin nous fournit des altérations de noms propres bien plus étranges que celle-ci. Se Nous savons que l’on va nous objecter une difficulté de L'ÉGYPTE. 537 chronologie. Les quelques maigres notices que nous avons rencontrées sur Canamusali, le font appartenir au XIII siècle, mais sans nous dire d’après quelle autorité. Hille, qui en a parlé dans son spécimen d’Ali ben [ssa, dit qu’il vivait quelque temps avant l'entrée des Tartares à Bagdad, mais il ne dit pas où il a pris ce renseignement. Nous ignorons encore à quel titre il en fait un Arménien. L’esquisse de l’histoire des oculistes arabes donnée par Hille, dans son introduction, manque absolument d’origina- lité et partant de crédit. Il n’a fait qu'emprunter à Wüsten- feld sans donner rien de neuf, et partant il a oublié bon nombre d'oculistes et de faits intéressant l’oculistique, dont il est question dans notre histoire. Nous avons déjà relevé ces lacunes à propos d’Ali ben Issa. En somme, l'autorité de Hille est sans valeur aucune. On peut faire une autre objection. Canamusali nous est donné comme étant de Bagdad, non-seulement dans le titre, mais dans le corps du livre. Nous lisons même au prologue du livre V : Ego Canamu- sali fui in Baldach coram caliphi, etc. À cela nous répon- drons d’abord qu'Omar ben Aly, natif de Mossoul, a dû séjourner à Bagdad avant de se rendre en Egypte et qu'il peut citer des faits de sa pratique dans l'Irak. Nous pensons aussi que l’on aurait bien pu prendre Mossoul pour Bagdad, ou bien encore qu'Omar ben Aly a pu, dans certains Ms., être qualifié de Bagdady, en raison des études et du séjour qu'il a dù faire à Bagdad. Si jusqu’à présent nous ne pouvons établir péremptoire- ment l’identité d'Omar ben Ali el Mously et de Canamusali, par la concordance de la traduction latine de ce dernier avec le Ms. de l’Escurial, cela tient d'abord à la confusion avec laquelle se trouve relié ce manuscrit, puis à la faible quan- tité d'extraits que nous en avons pris, en raison du peu de temps à notre disposition. Si nous n’avons pu retrouver dans Canamusali la mention de l’aiguille creuse d'Omar ben Ali, nous trouvons cependant une certaine ressemblance générale entre le Ms. et la traduction latine, à savoir la division de 538 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. l'ouvrage en deux parties, d’une part des médicaments, de l’autre des procédés opératoires. Dans Canamusali, les cinq premiers livres ne sont pas autre chose qu’un formulaire. Le sixième traite des opéra- tions, et le septième du régime alimentaire. Dans l'édition imprimée, on lità propos de ce dernier livre : Quæ sequuntur addita non Canamusali. Dans le Ms. 10,234 du fonds latin de ‘ Paris on lit simplement: Explicit liber sextus, incipit sep- limus. di Canamusali, au commencement de ces chapitres et sous forme de prologue, se donne comme ayant, à l’instar de l’abeille, emprunté aux Chaldéens, aux Hébreux et aux Indiens. Parmi les rares autorités citées, nous remarquons, après Hippocrate et Galien, Almansor, Nous ignorons s’il est identique avec un auteur de Tedkira cité par Ebn Abil Mahassan et que nous ne connaissons pas d’ailleurs. .. Au prologue du 2° livre nous rencontrons encore Alman- sor, Jean Damascène, le grand Mahomet, puis un autre Mahomet portant un surnom qui serait peut-être celui de Razès. FRA Citons encore le passage du livre V qui pourrait servir à établir la date de ce Mahomet: « Et hoc collyrium fecit Magister Machomethus, philosophus de Arabia pro calipho de Baldach qui steterat per tres annos quod non viderat. » Nous n'avons pu jusqu’à présent reconnaître ce Khalife. RE RL 2 on dt A hs nn - +) re Stories HET ARS V.— LE MAGREB CONSTANTIN L'’AFRICAIN. Bien que nous nous réservions de traiter de Constantin à propos des traductions de l'arabe en latin, dont il eut l'honneur d’inaugurer l'ère, nous ne pouvons cependant le passer ici sous silence, car il est un produit de l’école Constantin est un être amphibie. De son existence nous ne connaissons bien que la seconde moitié, celle qu’il passa en Italie, au Mont-Cassin. Quant à la première, les détails dans lesquels entre son biographe, Pierre Diacre, ne sau- raient être admis que comme le fruit de l’imagination se donnant carrière sur un fonds dont la réalité ne sauraitêtre contestée. : Au dire de Pierre Diacre, Constantin serait né à Cartha- ge, ce qui veut dire probablement Tunis, et serait allé à Babylone, sans doute Bagdad, ou le Caire, étudier la grammaire, la dialectique, la physique, la géométrie, l’arith- métique, les mathématiques, l'astronomie, la nécromancie, la musique, et la physique des Chaldéens, des Arabes, des Perses et des Sarrasins. Il aurait même poussé jusque dans l'Inde, puis traversant l'Éthiopie, il serait revenu en Égypte, dont il se serait assi- milé toutes les sciences. Après avoir consacré trente-neuf années à ses études, il serait retourné dans son pays, où 540 HISTOIRE DR LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE QUATRIÈME. tant de mérite lui aurait suscité des envieux. Ayant appris que l’on en voulait à ses jours, il se serait embarqué secrè- tement pour Salerne. Après être resté quelque temps ignoré, il aurait été reconnu par le frère du sultan de Babylone, qui s’y trouvait alors, puis ilaurait été magnifiquementaccueilli par le duc Robert (Guiscard). Quelque temps aprèsilse serait retiré au Mont-Cassin, où l’abbé Didier, Desiderius, l'aurait ‘admis au nombre de ses moines. Là il aurait traduit ou com- posé un grand nombre d'ouvrages, dont on donne la liste, et sur lesquels nous reviendrons plus tard. L'éditeur dit en note qu'il étudia l’hébreu, le syriaque, le chaldéen, le grec, le latin, l'italien, le persan, l'arabe, l’é- gyptien, l’éthiopien et l’indien, puis il le donne comme floris- sant vers l’année 1072. (1) Telle est la première moitié de l’existence de Constantin, que nous avons cru devoir reproduire en entier. Il est assez difficile de savoir quelle part de vérité peut se trouver dans ce récit romanesque. Jusqu'à présent nous avons fait de vaines recherches pour trouver une mention de Constantin chez les Arabes. Les trente-neuf années dont on nous parle sont peut-être l’âge qu’il avait lors de son retour dans son pays. Îl n'aurait fait ainsi que passer rapi- dement dans les diverses contrées de l'Orient, ce qui pour- rait expliquer le silence des auteurs arabes sur un homme d'un mérite réel. Quoi qu’il en soit, Constantin l’Africain ne fait pas moins partie de l’école arabe. Ses divers écrits, tant de son crû que traduits, attestent une science peu commune, et son nom figure avantageusement parmi ceux de ses anciens co- religionnaires. ; Nous aurons à y revenir plus tard, quand nous ferons l’histoire de la médecine arabe en Occident, c’est-à-dire l’histoire des traductions de l’arabe en latin, dont Constantin a donné les premières. 7. Cette seconde partie de son existence ne sera pas sans (1) Petri Diaconi Monachi de viris illustribus Casinensibus, stu- dio J. B. Mari Romani. Lutetiæ, 1666, p. 45. LE MAGREB. 341 gloire, malgré l'habitude fâcheuse et d'une explication dou- teuse de taire le nom des auteurs arabes traduits, dont les ouvrages parurent sous son propre nom. Quoi que l’on doive penser de ce procédé, Constantin ea a pas moins l'honneur d’avoir provoqué en Europe un com- mencement de renaissance médicale, et à ce titre occupera toujours une place importante dans l’histoire de la médecine au moyen âge. (1) (1) La provenance de l'arabe n’en est pas moins accusée tantôt par Constantin dans ses préfaces, tantôt par les copistes; mais le nom de l’auteur ne paraît pas. VI, — ESPAGNE. Le XT° siècle fut pour l'Espagne un siècle de malheurs. La race des Ommiades s'étant abâtardie, les descendants d'EI Mansour ne se contentèrent plus du titre de Hadjib et aspirèrent au Khalifat. La guerre civile désola Cordoue pen- dant de longues années, l'empire se démembra et les princes chrétiens profitèrent de ces troubles. La science devait souffrir. Plusieurs hommes éminents fu- rent masacrés dans Cordoue, et le grand chirurgien Abul- casis, que Léon fait mourir dans la guerre civile de Cordoue, fut peut-être du nombre (1012). Ce siècle ne nous offrira donc que des personnalités de se- cond ordre, cependant en assez grand nombre encore. C’est d’abord l’école de Moslema, cultivant la médecine à côté des mathématiques. Ce sont ensuite les noms connus d'Ebn Ouafed, dont nous avons fait Eben Guefith, et de Bécri, qui cultivait l’histoire naturelle en même temps que la géographie. Nous voyons aussi paraître des ouvrages d’a- griculture touchant à l’histoire naturelle. Un traité curieux de clinique médicale, que nous avons découvert à l'Escurial, nous paraît appartenir à ce siècle. Il faut signaler aussi comme un caractère de l’époque un nombre plus considérable de savants juifs, dont un se fit musuiman et parvint au vizirat. À ce siècle appartient le premier des Avenzoar, que nous remettrons au siècle suivant, afin de présenter en un seul faisceau tous les membres de cette illustre famille: Éboensn tin at rindit mar te 2 TON. PP RE DS TE NS ST D du Dm DL 2 LE 2 GS ee gt ESPAGNE. 343 Malgré cet affaissement; les efforts dépensés au X° siècle par les Ommiades ne furent point stériles, et le X[° siècle a du moins le mérite d’avoir préparé le XIL°, le plus grand siè- cle de l'Espagne musulmane. EBN ESSAMEDI. C'est un des élèves que Moslema léguait au XIe siècle. Ainsi que son maître, il fut avant tout mathématicien et astronome. Cependant il nous est donné comme s’étant aussi occupé de médecine. Il laissa plusieurs ouvrages. Des commentaires d’Euclide, sous forme d'introduction aux mathématiques. De la nature des nombres. Des calculs usités dans le commerce. Un grand traité de mathématiques. Des tables astronomiques établies d’après le système du Sendhend. | Un traité de la construction et de l'usage de l’astrolabe. Il mourut à Grenade sous le prince Djious ben Ziry ben Menad le Sanhadjite, en 420 de l'hégire, 1029 de notre ère, à l'âge de 59 ans, et son biographe a soin de nous dire que ce sont des années solaires. EBN ESSOFFAR. Aboul Carsem Ahmed ben Abdallah ben Oinar ben Soffar étudia d’abord les mathématiques et l’astronomie à Tolède, ‘puis s’en vint suivre les leçons de Moslema el Madjrithy. Lors de la guerre civile, Ebn Essoffar quitta Cordoue et vint à Denia, près de l’émir Modjahed el Amry, où il fut rejoint par plusieurs de ses disciples. Il y mourut à une époque in- connue. Ebn Abi Ossaïbiah, dans sa notice d'Ebn Essoffar, ne dit pas qu'il ait cultivé la médecine. Il lui attribue un traité de l’astrolabe et des tables astronomiques. Ebn Essoffar avait un frère, Mohammed, qui passa pour le meilleur constructeur d’astrolabe en Andalousie. O44 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME. EBN KHALDOUN. Abou Moslem Omar ben Ahmed Khaïdoun el ben Hadramy, d’une famille distinguée de Séville, fut un élève de Moslema, et cultiva la philosophie, les mathématiques, l'astronomie et la médecine. Il mourut à Séville en 1056. Bien qu'élève de Moslema il était plus ancien qu'Ebn Essoffar, attendu que celui-ci nous est donné comme ayant été son disciple. EZZAHRAOUY. Aboul Hassan Ali ben Soleiman Ezzahraouy fut aussi dis- ciple de Moslema, qui lui enseigua les mathématiques. Il était sans doute de Zahra, de même que son illustre homo- nyme Abulcasis avec lequel M. de Slane l’a confondu, dans sa traduction des prolégomènes d’Ebn Khaldoun. Il cultiva aussi la médecine et composa un livre intitulé les colonnes, dont nous ignorons le contenu. _ EL KERMANY. Aboul Hakam Omar ben Abderrahman ben Ahmed ben Ali el Kermany, de Cordoue, et suivant d’autres de Malaga, s’en fut en Orient à Harran, où il étudia les mathématiques et la médecine. Il en rapporta en Espagne le Livre des frères de la pureté, et se fixa à Saragosse. Il y exerça la médecine et se distingua dans la pratique de la chirurgie. Il mourut à Saragosse en 1066 à l’âge de 90 ans, ou même plus, dit le Kitab el hokama. ABOUL ARAB IOUSEF BEN MOHAMMED, C'était un médecin éminent et savant, que l’on plaçait im- médiatement après Ebn Abdoun, le premier médecin de Cor- doue, dont nous avons parlé au siècle précédent, Sur ses ESPAGNE. D19 vieux jours il se donna à l'ivresse et fut délaissé. Il vécut au-delà de l’année 1038. ABOUL BAGOUNECH. Abou Otsman Saïd ben Mohammed ben el Bagounech na- quit à Tolède. Il vint à Cordoue suivre les ieçons de Mos- lema, de Mohammed ben Abdoun et d'Ebn Djoldjol, puis il s’en retourna à Tolède et s’attacha à l’émir Eddaher Ismaïl ben Dhoulnoun, qui en fit son intime et son conseiller. Il étudia aussi le Coran, la philosophie et les mathématiques. Il étudia la médecine dans les œuvres de Galien, mais il ne fut jamais un bon praticien et n’eut pas l'instinct médical. Il mourut en 1052 âgé de 75 ans. EBN. OUAFED (Eben Guefith) Aboul Motharref Abderrahman ben Mohammed ben Abd el Kebir ben Iahya ben Ouafed Ellakhmy, dont nous avons fait Eben Gueñfith, appartenait à l’une des meilleures familles de l'Espagne. =. Il était de Tolède et naquit en l’année 389 de l’hégire, 998 de l'ère chrétienne. Il s’appliqua particulièrement à l’étude de Galien et d'’Aristote, mais surtout à l'étude des médica- ments simples, où il surpassa tous ses contemporains. Il composa sur cette matière un livre où il fit entrer tout ce qu’avaient dit Galien et Dioscorides, etqui passait pour un ou- vrage complet et bien ordonné. L'émir Dhoulnoun lui conféra la dignité de vizir. D’après ÆEbn el Khathib, cité par Casiri (II, 131) il mourut en 467 (1074). Ce qui caractérise Ebn Ouafed ce sontses grandes connais- sances en matière médicale et en thérapeutique. Il avait, dit Djemal eddin, des procédés simples et faciles pour traiter les maladies graves et insidieuses. Tel était le principe qui 35 D4G HISTOIRE DE LA MÉDEUINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. réglait sa thérapeutique. Il employait autant que possible les aliments dans le traitement des maladies. Quand il devait employer les médicaments, il donnait la préférence aux médicaments simples sur les composés. Quand il devait employer des médicaments composés, il employait de préfé- rence les moins compliqués. Tels sont ses écrits : Des médicaments simples. Ce livre, dit l’auteur du Kitab el hokama, contenait cinq cents feuilles et l’auteur mit vingt ans à en recueillir et en assurer les matériaux. Ce que nous avons en traduction latine, de Medicamentis simpli- cibus, en est probablement un fragment. Expériences médicales. Traité des maladies des yeux. L’oreiller médical. Cet ouvrage nous a été conservé. Wüs- tenfeld, d’après Casiri, l’indique dans le n° 828 de l’Escurial, ‘ sous le titre Manuductio ad artem medicam. Mais Casiri s’est trompé. Il a lu Rached au lieu de Ousad, qui se lit par- faitement. C’est en somme un mémorial de thérapeutique, où l’auteur donne des recettes pour les diverses maladies, à commencer par la tête; ainsi des formules de g'argarismes, confections, potions, fumigations, cataplasmes, collyres, robs, pastilles, pilules, etc., sans compter les PHEANARE de la saignée. Nous y avons remarqué une recette curieuse, pour traléèr le dévoiement chez les rois : Prescrire comme aliment du riz cuit avec de l’eau de roses, des pigeons rôtis; des confitures de coing, des boissons d’eau de grenades avec du sucre, etc. On rencontre aussi des observations relatives à des malades qui se sont adressés à lui. À la fin du volume on rencontre la formule d’une prépa- ration recommandée par les médecins francs contre les affections de l’estomac et du foie. Ce sont des excitants tels que le girofle, le galanga, l’ambre, l’agalloche, la cannelle, le nard, le cardamome, le mastic, le gingembre, le safran; unis à la rhubarbe, à l’agaric et à Apr donnés sous forme pilulaire. lu ciné, ESPAGNE. 047 -Ebn el Khatib, cité par Casiri, lui attribue un traité du Sommeil et un traité d'Agriculture (II, 131). On a traduit aussi un opuscule d'Ebn Gueñith sur les bains. Il composa aussi le Kitab el Mor'its, que Wüstenfeld a rendu sans doute par Liber auxiliaris. Nous préférons y voir ce remède secret rapporté par Ilounous el Harrany, que nous avons déjà vu sous ce même nom. ERRAMLY. Il habitait Alméria du temps d'El Maouïn. C'était un méde- cin renommé pour sa bienfaisance. Il écrivit un Parterre de médecine. EBN EDDEHEBY. Abou Mohammed Abdallah el Azdy Eddeheby était aussi un philosophe et un alchimiste. Il mourut à Valence en 456 (1063) et laissa un livre sur cette thèse : Que l’eau ne nour- rit pas. _ EBN ENNABBACH. - Il porte aussi le nom d'El Bedjay, sans doute parce qu'il - était originaire de Beja. 11 habitait les environs de Murcie. C'était un bon praticien cultivant aussi la philosophie ét la pose: ABOU DJAFAR BEN KHAMIS. Il était de Tolède. Sa médecine était celle de Galien. C'était aussi un mathématicien. EDDARMY. = Aboul Hassan Abdertahman ben Khalef Eddarmy étudia la médecine dans Galien, sous la direction d’Ebn el Bagounech: OS HISTOIRE DE LA MÉDEGINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. C'était un homme ingénieux, un habile praticien, faisant preuve de sagacité dans les cas difficiles. EBN EL KHAYAT. Abou Bekr Iahya ben Ahmed ben el Khaiat étudia les . mathématiques sous Moslema. Il dirigea ensuite ses études vers l'astronomie et s’y fit un renom. Il était attaché comme astronome à Soleiman ben Hakem ben Ennacer, à l’époque des troubles de l'Espagne musulmane. Il servit ensuite lémir El Mansour Iahya ben Ismaïl ben Dhoulnoun. Il s'occupait aussi de médecine et la pratiquait avec habileté. - C'était en outre un homme doux et bienfaisant. Il mourut à Tolède, en 447 (1055) à l’âge de près de 80 ans. MOUNEDJEM BEN EL KAOUAL. C'était un juif de Saragosse, habile médecin et s’occu- pant de philosophie. Il écrivit un traité sur la logique. ISHAQ BEN KAFTAR. C'était un juif au service de Mouaffeq el Amri et de son fils Akbal Eddoula. Outre la médecine il cultivait aussi la philo- sophie et connaissait parfaitement la littérature et la juris- prudence des Juifs. C'était aussi un homme d'esprit et plein d’aménité. Il mourut à Tolède en 448 (1056) à l’âge de 75 ans. EBN HEDJADJ. E1 Khatib Abou Omar Ahmed ben Mohammed ben Hedjadj est l’auteur d'un traité d'Agriculture, intitulé le Morny, cité par Ebn Beithar, et mis à contribution par Ebn el Aouâm. Voici ce qu’en dit ce dernier dans l'introduction de son li- vre: « J'ai pris pour base de mon travail ce qu'a écrit le ESPAGNE. 549 ‘Cheikh savant et illustre Abou Omar ebn el Hedjadj, dans son livre qui porte le titre de Mor’ny (le suffisant) qu'il com- posa en l’année 446 (1073 de J.-C.). » Traduction de M. CI. Mullet, tome I°', page 7. A la page suivante, Ebn el Aouâm parle aussidu livre de Hedjadj de Cordoue, qui serait sans doute la patrie de notre auteur. Ebñ el Hedjadj paraît avoir écrit d’autres livres que le Morny, si l’on s’en rapporte au passage suivant d'Ebn el Aouâm: Ebn el Hedjadj dit dans le Morny, un des livres qu’il a composés sur l'agriculture, etc., page 380. Aut. cit. Nous verrons plus tard, en parlant d’Ebn el Aouâm, qu'il eut d’autres devanciers dans la carrière agricole. MOHAMMED ETTEMIMY. Il ne nous est connu que par un écrit qui existe à l'Escu- rial, sous le n° 887, ancien 882. C'est un manuscrit d’une trentaine de feuilles, acéphale, mutilé, relié à tort et à tra- vers. Nous allons voir cependant qu'il mérite une mention, d'autant plus que le catalogue de l'Escurial s’est trompé sur l’auteur et son livre. Casiri s’est mépris d’abord sur le nom de l’auteur. Le nom qu'il adopte est celui d’un personnage cité incidemment. Il s'est bien plus mépris sur le contenu de l’ouvrage. _ Le nom de Mohammed Ettemimy est cité plusieurs fois en tout ou en partie dans des conditions telles qu'il est néces- sairement l’auteur du livre. Quant au livre, Casiri y a vu un manuel d'examens à l'usage des candidats au titre de médecin. Amoreux qui l'a reproduit, a fait à ce propos quelques plaisanteries que l’on peut lire dans son informe compilation, page 134, sous le titre Abou Djafar Ahmed ben Ishaq el Hassaini. La méprise de Casiri s'explique par une lecture superficielle du livre, faute qu'il commet trop souvent. Cet ouvrage n’est pas autre chose qu’un recueil d’obser- vations prises aux consultations d’un médecin et recueillies 550 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME, par son élève. On comprend qu'à ce titre il mérite notre attention. Pour notre part, c'est le premier de ce genre qui nous soit tombé sous la main. Il se divise en séances ou consultations, et ces séances sont au nombre d’une cinquantaine, complètes ou non. Telle en est la forme habituelle. Un malade se présente. Le médecin l’observe, le questionne, et le fait observer par son élève, ce ‘qui amène des questions échangées entre l’un et l'autre. Le maître fait ses prescriptions et il lui arrive souvent de ques- tionner l'élève sur ce qu’il sait de la maladie représentée. Si l'élève ne la connaît pas bien, le maître en parle ex-pro- fesso ainsi qu'il arrive chez nous dans les conférences faites après la visite. Si d'autre part l'élève a remarqué dans le diagnostic, le pronostic ou le traitement quelque chose qui l’a frappé, il en demande l'explication au maître qui la lui donne. Voilà -comment Casiri, après une lecture très superficielle de l'ou- vrage, a pu le prendre pour un manuel d'examens. La nationalité de l’auteur ne comporte aucun doute. Quant à son époque voici les raisons pour lesquelles nous l’avons placé au XIe siècle. Un malade affecté de tumeur frambésiforme de la joue se présente, ayant été déjà traité à Talavera par un certain Ebn Aflah (que nous ne pouvons identifier avec l’astronome de ce nom) puis à Tolède par plusieurs médecins. Une femme, affectée de polype du nez, se présente en l’an- née 62, qui fut revue quelques années après. Rapprochant cette date de la citation de Tolède, qui fut conquise vers la fin du XI: siècle de notre ère, nous avons dû croire que cette date écourtée 62, appartenait au cinquième siècle de l’hé- gire, soit donc l’année 462 qui répond à l’année 1069 de notre ère. Il se pourrait que notre auteur habitât Tolède alors encore au pouvoir des Musulmans, ou bien les envi- rons. Il est encore quelques autres citations, mais dont nous ne pouvons tirer parti. Ainsi Abou Djafar Ahmed ben Issa el Hachemy et non el Hossein, que Casiri a pris à tort pour l’auteur du livre, tandis que l’élève appelle Temimy son père, son oncle, et dit formellement à la séance XI° que le RE 1e | = ESPAGNE. 591 malade se présenta à lui. Il est encore question d’un Man- sour, et d’un Fakih ben Abi Rochd. Ce Mansour, dans des lettres qui suivent l’ouvrage , est dit avoir écrit à l’un de ses confrères de Badajoz, dit Ebn Thifour. Nous avons dit que le nombre des consultations était d’une cinquantaine, mais le livre étant mutilé, nous ne savons s’il en comportait davantage. Quelques-unes ont trait à la même maladie, avec des conditions différentes. Nous reproduirons in extenso deux consultations, ce qui suffira pour donner une idée du livre et de sa manière. La première séance, qui se trouve au milieu du recueil par la faute du relieur, est précédée de quelques mots ne formant pas un sens complet, mais prouvant que l’ouvrage commen- çait par une préface ou une introduction. La voici au com- plet : Er Il lui vint un homme racontant qu'il souffrait d’un violent mal de tête. Mon maître lui dit: Est-ce par devant ou par derrière, et comment ressens-tu des battements dans les tem- pes? Il répondit : Comme si l’on me donnait des coups de marteau sur le devant du crâne. — Prescription : Tu pren- dras de la camomille, des feuilles de roses et des têtes de pa- vot, tu mêleras le tout dans une marmite et tu y verseras de l’eau en quantité suffisante pour le recouvrir ; tu feras bouil- lir, puis tu te pencheras sur les vapeurs émanées du vase. Fais cela pendant trois jours, matin et soir, et tu guériras. Aliments: quelque chose de mou et de relâchant. Il guérit. XVIe séance : Un homme se présenta, disant avoir à la paupière supé- rieure un boutoncomme une verrue. Mon maître m'ordonna d'aller m'assurer avec la main si la tumeur était mobile ou non. Je le fis, etelle était mobile comme sic'eùt été un grain de pois sous la peau. Je lui en rendis compte et il me pres- crivit de renverser la paupière et de regarder s’il y avait une saillie à l'intérieur. Je le fis et ne trouvai rien. Il dit alors : C’est la maladie appelée grêlon. Frictionner avec de l'huile d'olives et placer un topique avec du pain chaud. Le malade le fit pendant quelques jours et guérit. — Dois-je le faire sortir, dis-je à mon maître. — Oui, répondit-il, si tu 002 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. sais ce que c’est que le grêlon et combien il y en a d'espèces. Eh bien, il y en a trois. — Le maître fait alors l'histoire du grêèlon et de ses variétés. À la X[° séance, à propos d’une autre affection de l’œil, il fait la description anatomique de cet organe. À la XIV: séance, il est question d’un héméralopique. Le maître lui prescrit du rognon de bouc rôti, sans autre . médication. Là dessus l'élève s'étonne et demande au maître comment il peut traiter une maladie sans médicaments. Le maître répond que l'aliment prescrit combat la cause de la maladie. Ailleurs il est question d’une tumeur lacrymale. Elle est traitée par une composition de vertde gris, d’aloës, demyrrhe et d’orpiment, puis le maître dit à l'élève qu’on la traite aussi par la cautérisation avec le fer rouge et il entre dans les dé- tails du traitement. Unelong'ue séance est consacrée àunphthisique Le maître } fait particulièrement remarquer à son élève la forme des on- gles. Après un traitement sans succès, le maître finit par | dire au malade qu’il renonçait à le traiter et qu’il ait à faire | son testament. L'élève demande au maïtre la raison d'un pro- nostic aussi grave. Le maître lui dit qu'il s'agissait d’un sujet tombé dans le marasme. L'élève demande si la maladie avait des analogues. Le | maître répond affirmativement, et lui fait l’histoire de la _ phthisie, du marasme et de la fièvre hectique. Ë Une observation intéressante aussi est celle d’une hernie. Le maître fait pratiquer le taxis par son élève et traite par la suture. Dans une autre observation, il emploie le cautère. Citons encore une observation d’hémorrhoïde sèche, traitée par la ligature. Nous croyons avoir dit suffisamment pour faire compren- dre la nature de cet ouvrage et son intérêt, tant au point de vue du fond que de la forme et de la méthode d’enseigne- ment de la médecine par la clinique. Pr. à, ; — Fm ee mn es PT TT VTT { JU [de ESPAGKXE. EL BÉKRY. « Abou Abdallah ou Abou Obeïd Abdallah ben Abd el Aziz el Békry, de Murcie, d’une famille de princes espagnols, était très versé dans la connaissance des médicaments sim- ples et de leurs propriétés, de leurs emplois de leurs noms, de leur administration et de tout ce qui concerne cet objet. Il a laissé un livre sur les principales plantes et arbres de l’Andalousie. » Voilà tout ce qu’on lit dans Ebn Abi Ossaïbiah, du moins dans certaines copies, et voilà probablement la cause pour laquelle cette courte mention a échappé à M. de Slane, qui ne la cite pas dans son introduction à la description du Magreb, autre ouvrage d'El Békry D’après l’éminent orientaliste que nous avons cité, Békry aurait vécu pendant presque tout le onzième siècle de l’ère chrétienne, étant mort en l’année 487 de l’hégire, 1094 après Jésus-Christ, à un âge très avancé. On lui donne encore le nom d’El Corthoby, en raison d’un long séjour qu’il aurait fait dans la ville de Cordoue. Outre l'ouvrage édité et traduit par M. de Slane, et qui porte le titre de Messalek oua Memalek, les Routes et les Royaumes, Békry serait encore auteur d’un livre sur la mis- sion de Mahomet, de commentaires sur Abou Ali el Cali, d’un traité sur la dérivation des noms propres. Il est cité une dizaine de fois dans Ebn Beithar. Parmi ces citations nous signalerons la description de l’ombellifère qui produit l’asa fœtida, et celle de la fougère, dont il donne le nom berbère Khalendj qu'il dit équivalent du grec Erikè, et dont il dit que la racine est employée en Espagne à faire un charbon excellent pour les forgerons. ILest probable que Békry aurait pu fournir un contingent plus considérable à Ebn Beithar. Dans sa description du Nord de l'Afrique nous trouvons çà et là quelques faits cu- rieux d'histoire naturelle. C’est ainsi que sur la route d’Ar- mat à Fez il rapporte que l’on rencontre beaucoup d’eu- 594 HISTOIRE DE LA MÉDECINÉ ARABE. — LIVRE QUATRIÈME, phorbes, fourbioun, arbrisseau épineux, à tiges herbacées, d’où découle un suc laiteux, jouissant de propriétés pur- gatives. Il parle assez longuement de l’Arganier. Il rapporte un fait que nous avons entendu reproduire en Algérie, mais nié par les Marocains, à savoir que pour se procurer l'huile d’Argan on récolte les fruits, on les donne à manger aux bestiaux, ensuite on en ramasse les noyaux, on les fait cuire après les avoir broyés, puis on en obtient de l'huile par la pression. de ABOUL OUALID MEROUAN EBEN DJANAN. Tel est le nom arabe d’un savant juif, connu chez ses coreligionnaires sous le nom de Rabbi Iouna. À la courte notice que lui consacre Ebn Abi Ossaïbiah: nous ajouterons les renseignements puisés dans une mono- graphie de Munk, Journal asiatique, 1850. D’après l'historien arabe, Ebn Djanah, savantdialecticien, s’adonna particulièrement à la langue arabe et à la langue hébraïque, fut un habile médecin, et composa un livre inti- tulé Telkhis, où il traite des médicaments simples et de leurs doses. Nous n’avons pas rencontré de date, mais Eben Djanah est placé avant Khachdaï ben Ishaq, ce qui semblerait signi- fier qu’il lui est antérieur. Il n’en est rien, mais d’autre part on a eu tort de le reculer au XIIe siècle, et Munk a prouvé qu’il appartient au XIe. Dans sa grammaire Eben Djanah dit qu’il quitta Cordoue pour se rendre à Saragosse lors des troubles qui éclatèrent dans la première ville, ce qui nous place en l’année 1012. Il devait alors avoir dépassé vingt ans. Le fait d’une polémi- que entre Eben Djanah et Samuel ha Naghid, ajoute Munk, prouve aussi qu’il florissait dans la première moitié du XIe siècle. Munk le suppose plusieurs fois cité par Ebn el Beïthar. Nous n’avons rencontré qu’une citation à l’article Adryoun. Munk ajoute qu’il est cité plusieurs fois dans le n° 1034 de l’ancien fonds arabe. Il fallait dire 1024 et 1034, car ce sont ESPAGNE. D99 deux parties d’un même ouvrage de Soueidy, sorte de Mé- morial thérapeutique dans le genre du Morny d’Ebn el Bei- thar, mais plus concis et plus farci de noms propres. Nous avons remarqué une quinzaine de citations. Quant au mérite d’Eben Djanah comme grammairien, on peut consulter un long travail de M. Behrnauer publié dans le Journal asiatique, 1861 et 1862. Pour les autres écrits on peut lire Munk, etc. ABOUL FADHI, KHACHDAÏ. C'était un petit-fils de Khachdaï ben Chaprout. Il naquit à Saragosse, où sa famille s'était retirée. Il avait fait une étude sérieuse de la langue arabe, culti- vait l’'éloquence et la poésie, excellait dans l’arithmétique, la géométrie et l’astronomie, en même temps qu'il s’occupait de musique, de philosophie, de physique et de médecine. Il se fit musulman, les uns disent par amour, les autres par ambition, peut-être pour les deux motifs à la fois. Sa position de Zimmi le tenait dans une position subalterne, pour laquelle il ne se sentait pas né, et il en souffrait. Après sa conversion il devint vizir et secrétaire du roi de Sara- gosse Abou Djafar Ahmed ben Houd. On raconte qu’un jour, lisant un livre en présence du prince, un de ses collègues Aboulfadhl ben Dabbar, ou le fils du corroyeur, voulant l’humilier, lui demanda si le vo- lume qu’il tenait à la main n'était pas le Pentateuque. Oui, répondit le juif converti, et le volume est relié d’une peau tannée par on ne sait trop qui. La réplique divertit beaucoup le prince, et l’agresseur en mourut de honte. Aboulfadhl Khachdaï, dit Ebn Abi Ossaïbiah, était encore jeune en l’année 458 (1066). Pour plus de détails, on peut lire la notice de Munk. Les médecins dont les noms suivent ne nous sont connus que par Casiri. 056 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE QUATRIÊME. BEN CHEHID. Abou Amer Ahmed ben Abd el Malek, vulgairement connu sous le nom de Ben Chehid, de Murcie, orateur, poète : incomparable et médecin estimé, mourut à Cordoue en 1034. EBN EL HEITSAM. Ebn el Heitsam de Cordoue, médecin très renommé, écri- vit sur les aliments, les poisons, les propriétés et la nature des simples. [1 mourut en 1063. Nous voyons par les dates que cet Ebn el Heitsam est différent de celui dont nous avons déjà parlé. ABDALIAH BEN IOUNES. Abdallah ben Iounes ben Talha ben Amran né à Oran, vint habiter Séville. C'était un habile médecin, très versé dans la science des nombres. Il mourut en 1087. HISTOIRE DES INSTITUTIONS MÉDICALES CHEZ LES ARABES. L'histoire de la Médecine serait incomplète si l’on se bornaïit à la biographie des hommes qui se sont distingués par sa pratique et son enseignement : ce n’en est là qu’une partie. Il en est une autre : celle des Institutions, qui n’est pas moins importante que la première. En effet, si les hommes passent, les institutions restent. Elles accusent le progrès accompli et assurent le progrès à venir, elles fournissent à l'étude des encouragements et des aliments, elles protègent la santé publique et l’exercice ré- gulier de la profession, elles en indiquent le caractère et le développement, le crédit et la considération ms puise aux médecins. Ces institutions apparaissent de ot pie chez les Arabes. Maugurées à à Bagdad, elles s’établissent partout où se répandit l'invasion musulmane, avec plus ou moins d'éclat, mais surtout dans les grandes cités, siéges de la souveraineté. Sous le titre d'institutions médicales, nous comprendrons les hôpitaux, les écoles, les bibliothèques, les inspections générales de police, les inspections plus particulièrement médicales, enfin les fonctions, titres et dignités conférés aux médecins. Nous commencerons par Bagdad et nous dirons préala- blement quelques mots de l'hôpital de Djondisabour, qui fut en quelque sorte le berceau de la médecine arabe. 11, D58 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE QUATRIÈME. I. — Hôpitaux. DJONDISABOUR. Nous ignorons à quelle époque remonte la fondation de J’hôpital de Djondisabour, et de combien de temps la précéda celle de la célèbre école nestorienne. Vers la fin du VIIT: siè- cle il était en plein fonctionnement. C'est de Djondisabour qu’en l’année 765 de l’ère des tienne, le Khalife el Mansour, atteint de dyspepsie, fit venir à Bagdad, Djordjis ben Djabril, ou autrement Georges, fils de Gabriel. Georges était à la fois chef de l'hôpital et de l’école de médecine. En quittant son service, il en confia l’intérim à son fils Bakhtichou et emmena avec lui son élève Issa ben Chahlata. À la mort de Georges, Bakhti- chou le remplaça dans ses fonctions. Voilà donc ainsi que nous l’avons déjà dit ailleurs, le pre- mier exemple de la médecine régulièrement pratiquée et enseignée dans un hôpital. L'hôpital de Djondisabour fut aussi le berceau d’une autre famille de médecins. Mésué le père en fut le pharmacien pendant quarante ans, avant d’aller se fixer à Bagdad avec son fils. Djondisabour ne tarda pas à tomber dans Lobsohrilée les Bakhtichou s'étant fixés à Bagdad auprès des Khalifes. Ce fut à Bagdad que se concentra dès lors le mouvement scien- tifique. À quelque temps de là nous voyons cependant encore Sabour ben Sahl attaché à l'hôpital de Djondisabour. Sabour fut l’auteur d’un Formulaire, le premier dont nous .ayons connaissance et qui fut employé dans les hôpitaux et les officines jusqu’à l'apparition de celui d’Amin Eddoula ebn Ettalmid, qui le fit oublier. 1 1 [de INSTITUTIONS MÉDICALES CHEZ LES ARABES. BAGDAD.. Bagdad ne tarda pas à posséder un hôpital. Dès le com- mencement du IX° siècle, concurremment au travail des Traductions, nous voyons Jean fils de Mésué chargé d’un hôpital à Bagdad où il enseignait la médecine. C’est là qu'il compta parmi ses élèves le célèbre traducteur Honein ben Ishag, dont il avait d’abord désespéré de pouvoir faire un médecin. C'est au X° siècle que les hôpitaux se multiplièrent dans la grande cité. L’historien de la médecine nous a conservé de curieux détails sur leur fondation. Nous lisons dans la vie d’Abou Saïd Otsman de Damas, le traducteur, qu’en l’année 302 de l’hégire (914 de notre ère), le vizir Ali ben Issa fondait à Bagdad un hôpital qu’il dotait de ses biens, et qu’il en confia la direction à Otsman qui fut en même temps chargé d’inspecter les autres hôpi- taux de la ville, ainsi que ceux de Médine et de la Mekke. Nous avons sur ce vizir de plus amples renseignements, consignés dans la vie de Sinan, le fils du célèbre Tsabet ben Corra, qui paraît avoir remplacé quelques années après la date précitée, Abou Saïd Otsman, et ces renseignements sont, tirés de la biographie de Sinan, écrite par son fils. -Ces renseignements nous ont paru si intéressants que nous les reproduirons in extenso dans leur forme originelle. e Lewizir Ali ben Issa était chargé de la surveillance gé- _nérale des hôpitaux, alors que le service en avait été confié à mon père par ordre du Khalife Moctader. Une année les malades se multiplièrent et le vizir écrivit à mon père: J'ai pensé à la situation des troupes et vu leur nombre et la na- ture de leurs habitations, il m'a semblé que les malades _ devaient manquer du nécessaire. Le personnel des médecins doit aussi être insuffisant. Il faut que des médecins leur soient attachés spécialement, qu'ils les visitent chaque jour, qu'ils les soignent, qu'ils visitent tous les corps de troupes et qu’ils leur distribuent des aliments et des médicaments 06) HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. « Mon père exécuta ces prescriptions. Vint une nouvelle lettre du vizir.J’ai pensé, disait-il, que les campagnes avaient nécessairement des malades et pas de médecins pour les soigner. Il faut leur en envoyer avec des provisions demédi- caments. Ils séjourneront dans les localités le temps néces- saire, puis ils se transporteront dans une autre. Mon père se conforma à ces ordres. Cependant les médecins qu'il avait envoyés, arrivèrent à Saoura dont la population était presque entièrement juive. D’autre part on lui écrivait des campagnes, que les malades étaient très-nombreux et qu'aux environs de Nahr el Malek les Juifs, qui étaient en majorité, réclamaient aussi des soins. Mon père transmit ces nouvelles et demanda ce qu’il fallait faire. Ne connaissant pas les intentions du vizir, il lui rappelait que les règle- ments des hôpitaux accordaient des secours aux Zimmis aussi bien qu'aux musulmans. Le vizir répondit : J’ai compris ce que tu m'as écrit et ton avis est le mien. «Il faut traiter les zimmis et même les animaux : les mu- sulmans d’abord, puis les zimmis. Ce qui reste après le trai- tement des musulmans doit être dépensé pour les autres ma- lades. Ecris cela à tes coliègues : Qu'ils se rendent dans les campagnes et dans toutes les localités envahies par l’épidé- mie autant que la sécurité des routes le permettra. » « Les dépenses des hôpitaux reposaient sur un immeuble engagé par la mère de Moutaouakkel, mais une partie des revenus appartenait aux Beni Hachem. L'administrateur Abou Sahr, favorisait les Beni Hachém au détriment des hôpitaux. Mon père en informa le vizir Ali ben Issa et lui apprit que les malades manquaient de charbon, d’approvi- sionnements et de vêtements. Une lettre sévère fut adressée à l'administrateur Abou Sahr et il lui fut enjoint de donner strictement aux hôpitaux la part qui leur revenait. « En l’année 306 mon père ouvrait l’hôpital dit Esseida fondé sans doute par une princesse Abbasside) pour lequel on dépensait chaque mois 600 dinars. La même année mon père engageait le Khalife à fonder un hôpital qui porterait son nom, et Moctader y affecta un revenu de 200 dinars par mois. » INSTÉFUTIOSS MÉDICALES CHEZ LES. ARABES. 561 Sinan est le A dont nous aurons à parler plus tard à propos de la police médicale. Razès était alors à Bagdad, où il fut quelque témps chargé d'un se + d'hôpital. é ” Onen ait le médecin en chef d’un autre établissement dont nous aHons raconter la fondation, mais c’est une erreur, attendu que Razès n'existait plus à L'époque de cette fon- .dation A Qu7 de notre ëre, Adhad Eddoula le Bouïde, vainqueur à Tacrit, entrait dans Bagdad, où il règna de fait l'instar de nos maires du palais sous les rois fainéants. Adhad Eddoula fit revivre un instant les beaux j jours des miers Abbassides. Ami des sciences et desarts, il protégea D qui les cultivaient, et marqua son court passage au pouvoir par de nombreuses et utiles créations;parmi les- duellés nous n ’axons à signaler que l'hôpital qui, de son nom, _ fütappelé Et Adhedy. Tel fut l'accueil fait à cette fondation que des réjouissan- ces publiques furent instituées pour. on célébrer l'anni- versaire, Avant de construire l'édifice on xoulut reconnaître l'endroit le plus salubre de Bagdad. es la tradition erronée dont nous avons parlé, Razès aurait été chargé et aurait employé le moyen suivant. Il FR PS des morceaux de viande en divers en- droits de la ville et aurait signalé comme le plus salubre celui où la putréfaction se serait faite le plus lentement. L'hôpital Cons truit, on y ättacha un personnel de vingt- quatre médecins dont les noms nous ont été en partie conser- _vés. P armi | s plus connus nous citerons Nedhif le prêtre grec, qui raduisait de sa langue en arabe; Ibrahim ben Bakous, aussi traducteur ; Aboul Hassen ben Kechkeraya ; Abou Iakoub el. Ahouazy ; ; Djabril ben Obéïd Allah, de la famille des Bakhtichou de Djondisabour; Aboul Hassan Tsabet ben Sinan, petit-fils de Tsabet ben Corra ; Abou Mansour Saïd ben Becher, etc. Ce dernier est particulière- ment Connu par la révolution qu’il introduisit dans la thé- rapeutique et dans son hôpital, à savoir la substitution des 36 562 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME. réfrigérants aux toniques dans le traitement de certaines maladies afférentes aux centres nerveux. Les malades étaient divisés par catégories et les médegins placés suivant leurs aptitudes. Il y avait des Services de fiévreux, de blessés et d’ophthalmiques. Il y avait même des rebouteurs. Dans le courant du XIe siècle nous n'avons recueilli les noms que de deux médecins ayant été attachés à l'hôpital El Adhedy. Cependant il est difficile de crôtre que ces fonc- tions n'aient pas été remplies par des hommes tels que Ebn Bothlan et Ebn Djezla. L'un d’eux est Saïd ben Hibat Allah qui fut aussi attaché à la personne des Khalifes Moctadi et Mosthader et qui écrivit plusieurs ouvrages de médecine, - dont un, le Morny, existe à la Bibliothèque de Paris, sous le n° 1007, anc. fonds. à L'autre est Abou Nasr Haroun ben Sad, Sbien de religion, . mentionné seulement dans de Kitab el hokama, comme Chef des médecins et chef de l'hôpital El Adhedy, et qui mourut en 1053 de l'ère chrétienne. R Dans ce même siècle nous trouvons cité un administrateur, le cadi Abderrahim ben Ali el Morzabany. Le XIIe siècle nous donne plusieurs noms: Abou Nas Saïd, fils d'El Messihy ; Saïd ben el. Atredy; Amin Eddoula ebn Ettalmid, qui passa pour le plus savant médecin de son temps et composa un formulaire auquel dut céder l’ancien formulaire de Sabour ben Sahl ; enfin Ebn el Marystania, qui écrivit l’histoire de cet hôpital. Le dernier fonctionnaire de l'hôpital El Adhedy dont nous ayons rencontré le nom n'est pas un médecin, mais nous devons le citer comme une preuve de la permanence de cet établissement. En l’année 612, dit Eddeheby, c’est-à-dire en l’année 1215 de l’ère chrétienne, mourut Ahmed ben Ahmed, économe de l'hôpital El Adhedy. Les hôpitaux de Bagdad, comme ceux de l'ancienne Grèce, conservaient des registres d'observations. Nous en avons la preuve dans le Recueil d'observations des hôpitaux fréquem- ment cité dans le Continent de Razès. On y trouve égale- “ge = + 4 + | À k È LA INSTITUTIONS MÉDICALES CHEZ LES. ARABES. 563 ment cité le» Recueil des oculistes de Bagdad, qui l’est aussi das ne | 4 ë ; MEYAFARIKIN. La fondation d’un hôpital ‘s'y fit dans les circonstances % suivantes. Dans _le courant dust siècle, Zahid el Olama prètre nestorien ét médecin, frère du métropolitain de Nisibe, dÿant guéri la fille de Nasser Eddoula, fut largement récom- ME et employa l'argent qui lui fut offert à la construction hôpital à Meyafarikin, ville de l'Irak arabe. Il y réunit les instruments et tout le matériel nécessaire au traite- + 3e malades. Il écrivit même un livre sur les hôpitaux. É + Li # Perse. . Nous trouvons quatre hôpitiux mentionnés dans la Perse, à Merou, à Rey, à Ispahan et à Chiraz. L' he — ; " MEROU. Au IX: siècle, Issa ben Massa le traducteur, était attaché à l'hôpital de Merou. C’est lui-même qui nous l’apprend dans les quelques fragments de ses ouvrages cités dans le Traité des Simples d'Ebn Beithar, À propos du Nymphæa et d’autres médicaments, il nous parle de l'emploi qu’il en faisait à son hôpital de Merou et des résultats obtenus. C’est ainsi qu'il recommande k Peganum Harmala contre l’évilepsie. Le REY C’est la patrie du célèbre Razès qui fit le service de son hôpital. C'est aussi là qu'il passa ses derniers jours. CG4 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE —= LIVRE QUATRIÈME. ISPAHAN. æ Tout ce que nous savons de l'hôpital d'Ispahan, c’est qu’Ebn el Mendouïh, un des disciples présumés d’Avicenne etfécond écrivain, adressa une lettre aux administrateurs de cet hôpital. CHIRAZ. dé 3 Nous savons qu’il existait un hôpital à Chiraz, attendu que . Cothob eddin Chirazy, médecin éminent et commentateur d'Avicenne, commença ses études médicales dans l'hôpital de cette ville, où son père avait un service. Nous citerons encore Dhya eddin el Cazrouny. Syrie. Nous connaissons en Syrie trois villes pourvues d'hôpital : Jérusalem, Antioche et Damas. JÉRUSALEM. Rachid eddin ebn Essoury, le zélé botaniste, qui herbori- sait dans les montagnes du Liban, accompagné d’un peintre chargé de reproduire les plantes à leurs divers états de déve- loppementet mème dans leurs différentes parties, fut attaché à l'hôpital de Jérusalem. Il mourut au milieu du XIIEe siècle de notre ère. Ilakoub ben Saclab fut aussi attaché à l'hôpital de Jérusalem. ANTIOCHE. L'existence d’un hôpital à Antioche nous est revélée par le service qu’y fit Ebn Botlan, l’auteur du T'acouim essahha, qui fut traduit en latin et imprimé sous le titre Tacuini, F + © INSTITUTIONS MÉDICALES CHEZ LES ARABES. 965 , ER; < " sanitatis. Quant au nom de l’auteur, Aboul Hassan el Mokh- tar, le traducteur en a fait Elluchäsem Elimitthar, si ce n’est toutefois la faute des copistes ou des imprimeurs. E” Y DAMAS. _Nous avons d’amples renseignements sur les-hôpitaux de Damas, et nous connaissons les noms d’un grand nombre de médecins qui y Éd TN ou y enseignèrent la méde- cine. Nous connaissons particulièrement un hôpital à Damas, celui qui fut fondé par le célèbre N ue le Noradin de nos chroniques. $ 11 paraît toutefois qu'il y eut plusieurs hôpitaux à Damas. Nous croyons en avoir la preuve dans la qualification de Grand Hôpital donnée à celui que fonda Noureddin. Ces fondations paraissent avoir été l’une de ses préoccu- : pations. Nous lisons en effet, dans l’histoire des Atabeks d'Ebn el Athir, que Noureddin fit construire d’autres hôpi- taux que celui de Damas, mais que celui-ci fut le plus consi- dérable. (1) C'est aussi, de tous les hôpitaux de l'Orient, celui sur lequel nous avons le plus de renseignements et nous pou- vons donner une assez longue liste des médecins qui y furent attachés. « Un des premiers fut Aboul Medjed ben Hakam. À l'issue de son service, Aboul Medjed se rendait dans la grande cour tendue de tapis, et y restait trois heures à professer et faire des conférences avec les élèves. C’est dans la biogra- phie de ce médecin qu'Ebn Abi Ossaïbiah dit que Noured- din avait doté cet établissement d’une bibliothèque médicale. Mouhaddeb eddin Ennagqach était suivi de nombreux . élèves. IL fut aussi attaché à la personne de Noureddin et mourut en 1178. Ebn Mathran, le superbe et fastueux médecin de Saladin, (1) I fit aussi construire, dit le même historien, des colléges à - Alep, Hama, Damas et ailleurs. 56G HISTOIRE DE LASNÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME. ne nous est pas donné positivement comme chargé d’un ser- vice régulier à l’hôpital, cependant il figure comme acteur dans un fait qui s’y passa. Un jour il convint avec Ben Hamdan Eddjerraïdy de pratiquer la ponction sur un hydro- pique. Ebn Mathran tenait le pouls du malade. Voyant ses forces diminuer, il fit suspendre l’écoulement et appliquer un bandage, recommandant de ne pas l’enlever avant deux . jours. Mais le malade, qui avait éprouvé du soulagement, pressa tellement sa femme qu'elle le lui enleva. Une aboñt- dante évacuation de liquide se fit, le malade perdit ses forces et mourut. Nous n'avons pas rencontré d'autre mention dé Ben Hamdan Eddjerraïdjy chez les historiens de la médecine. Mohaddeb eddin ben Elhadjeb, médecin de l'hôpital Ennoury, fut aussi médecin de Takieddin ét de Saladin et vécut jusqu’en 1195. Aboulfadhl el Mohendis avait construit les portes de l’hô- ‘pital dans lequel il devait un jour entrer comme médecin traitant. Homme intelligent il avait étudié les mathéma= tiques pour se perfectionner dans l’art de travailler le bois, puis s'était voué définitivement à la médecine. Mouaffeq eddin Essalmy avait d’abord professé le droiît avant d'étudier la médecine. Il mourut en 1207. Saad eddin, fils du précédent, fut non seulement attaché au service de l’hôpital, mais servit plusieurs princes et fut nommé chef des médecins. Radhy eddin Errahaby fit le service du grand hôpital etde la citadelle. Cherf eddin fils de Rahaby, outre son service à l'hôpital, enseignait la médecine dans une école pour laquelle Mohaddeb eddin ebn Dakhouar avait donné sa maison. Kemal eddin el Homsy tenait à son service hospitalier. Il se refusa à servir les princes et ne leur accorda que des consultations. Omran el Israïly, tout juif qu'il était, fut chargé du ser- vice du grand hôpital de la citadelle et des maisons royales. De même que le précédent il refusa constamment de s’atta- cher à la personne d’un souverain, INSTITUTIONS MÉDICALES CHEZ LES ARABES. 267 Sadid eddin ben Refiqua fut aussi chargé du service du grand hôpital de la citadelle et des maisons royales. C'est lui qui opérait la cataracte avec une aiguille coudée. # Mohaddeb eddin ebn Dakhouar jouissait d'une grande réputation. Avec lui, dit Ebn Abi Ossaïbiah, finit la race des grands médecins. IL se rencontra, dit le même historien, dans le sogvice de l'hôpital, avec Omran el Israïly et Radhy eddin Errahaby. On ne vit jamais un tel concours d'hommes habiles et ‘ce qu’il en résulta pour les élèves et les malades fut merveilleux, Ebn Dakhouar donna sa maison pour y fonder une école de médecine, à la condition que Cherf eddin y entrerait comme professeur. Il fut aussi nommé chef des médecins et mourut en 1230. Nous connaissons encore comme médecins de l'hôpital Ennoury Mouaffeq eddin ben Essarraf; Rachid eddin ben Khalifa, l'oncle de l'historien de la médecine, qui y fut chargé d’un service d’ophthalmiques ; Ebn Abi Ossaïbiah lui-même ; enfin l’auteur des Dynasties, Aboulfaradj, nous apprend lui-même qu’il fut chargé de service à l'hôpital Ennoury, en même temps que Djemal eddin, frère de Cherf eddin. Avec un tel ensemble de ressources scientifiques, on comprend comment Damas fut, au XIITLe siècle, une pépinière demédecins et éclipsa le Caire et Bagdad. On lit sur cet hôpital une anecdote curieuse dans Abdel- latif, Relation de l'Egypte, p. 441. « À Damas, dit Khatib Dhaheri (Ms. A. n° 695) est le Bimarestan, établissement qui n’a jamais eu son pareil dans le monde. « Il est arrivé à ma connaissance, à l’occasion de cet hôpi- tal, une aventure assez bizarre, que je veux rapporter. En l’année 831 (1427), je vins à Damas: j'avais avec moi un particulier persan d’origine, homme de talent, de goût et de beaucoup d'esprit. Il faisait cette année le pèlerinage de la Mekke et pratiquait tous les actes de religion qui sont pres- crits par les quatre sectes orthodoxes, se conformant à toutes les quatre en même temps. Quand il fut entré dans cet hôpital et qu'il eut vu les aliments qu’on y distribuait et toutes les 568 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARALE. — LIVRE QUATRIÈME, commodités et les douceurs dont on y jouissait et qu’on ne saurait nombrer, il conçut le dessin d'y demeurer, contre- faisant le malade, et y resta pendant 3 jours. Le médecin étant venu à lui pour savoir quelle était sa maladie et lui ayant tâté le pouls, reconnut ce qu’il en était et lui preseri- vit de prendre ce qui lui plairait d'aliments, de poulets fins, de confitures, de sorbets et de fruits de toute espèce. Trois jours s'étant écoulés, il lui écrivit une ordonnance dont le sens était qu’un hôte ne doit pas rester chez celui qui lui accorde l'hospitalité au-delà de 3 jours. On dit que depuis que cet hôpital a été construit Le feu ne s’y est jamais éteint. » , LE - Égypte. Les institutions médicales en Égypte ont un certain caractère qui les distingue de celles de Damas et de Bagdad. Nous n’y rencontrons pas un aussi grand nombre de mé- decins éminents chargés du service des hôpitaux, mais nous y trouvons davantage de médecins inspecteurs chargés de la police de leur profession. D'autre part un des hôpitaux du Caire, tardivement fondé, a eu la bonne fortune de se conserver jusqu'à nos jours et même de rester, aux yeux du vulgaire, comme modèle de l’hôpital musulman. Son nôm même a été considéré comme typique, bien qu’il ne soit que la corruption d’un nom très anciennement et généralement adopté. Nous voulons parler du Moristan. Les études médicales suivirent en Égypte une marche ascendante, et au XII° siècle le Caire en était le plus brillant foyer de l'Orient. C'est au X° siècle que nous trouvons la première mention d’un hôpital. À cette époque, Mohammed ben Abdoun, ori- ginaire de l’Andalousie, vint passer quelques années en Égypte et fut chargé du service de l'hôpital de Fostath. Il existait plusieurs hôpitaux au Caire. L’un d’eux portait le nom de Nacery. Nous n’avons pu jusqu’à présent retrouver la date de sa fondation, mais nous connaissons les noms de plusieurs des médecins qui y furent attachés. Comme ils INSTITUTIONS MÉDICAIES CHEZ LES ARABES. 569 appartiennent à la fin du XI siècle et au commencement du XIE, nous pensons qu il fut fondé par Saladin, qui lui aurait donné le nom de Nacery en l'honneur du Khalife Ennacer et en reconnaissance de la confirmation qu'il en reçut dans la souveraineté de l'Égypte et de la Syrie. Du reste Saladin s'appelait aussi Malek Ennacer, et dans cer- faines monnaies on voit réunis les noms du sultan et du Khalife, portant tous les deux le surnom de Nacer. Aboulfadhl Daoud ben Abil Beyân l’israélite fut attaché "à Thôpital Ennoury vers le commencement du XIIT- siècle. Ebn Abi Ossaïbiah, qui fut aussi chargé de service dans le _ même hôpital, rapporte qu’il put apprécier le rare mérite de ce médecin juif, la sûreté de son diagnostic et l’excel- lence de sa pratique. Aboulfadhl composa un formulaire traitant des médicaments employés dans les hôpitaux de l'Égypte, de la Syrieet de l'Irak, dont l’historien de la méde- cine fait l'éloge. Neñis eddin ben Zobéïr, qui fut nommé chef des médecins de l'Égypte, avait à l'hôpital Ennacery un service d'oph- thalmiques, qui fut suivi par l’oncle d’Ebn Abi Ossaïbiah. Ibrahim ben Reis Moussa, fils du célèbre Maimonide, fut chargé d’un service dans un des hôpitaux du Caire. Aboul hedjadj lousef, israélite aussi, fut attaché à un Môpital en qualité d’oculiste. Le père d’Ebn Abi Ossaïbiah suivait ses visites, tandis que son oncle suivait celles de Djeral eddin. Le premier fut plus tard inspecteur des ocu- listes. Cette multiplicité d’oculistes prouve que les ophthalmies furent de tout temps endémiques en Égypte. Nous avons déjà parlé de l'hôpital qui a conservé jusqu’à nos jours le nom de Moristan, altération de Bimarestan, qui veut dire hôpital en persan. S'il fant en croire le grand ouvrage de la commission d'Egypte, Makrisi rapporterait sa fondation à la fille de Moëz Lidin Allah, c'est-à-dire qu'il aurait été fondé vers la fin du Xe siècle de l'ère chrétienne. Ce que nous allons dire de cet hôpital est tiré du même ou- vrage et repose sur la même autorité, que nous regrettons de n'avoir pu consulter. 070 HISTOIRE D£ LA MÉDECINE ARABE, -— LIVRE QUATRIÈME. Dans l’origine les aliénés seuls y étaient admis, et plus tard on l’ouvrit à toutes sortes de maladies. Chaque espèce de maladies avait des salles particulières et des médecins spé- ciaux.Des revenus considérables assuraient aux malades un entretien confortable, et aux médecins de riches appointe- ments, Des malades sujets à l’insomnie avaient des salles à part où ils trouvaient des musiciens et des conteurs pour les distraire. D’autres distractions étaient données aux conva- lescents. Enfin les malades guéris ne sortaient qu’en rece- vant cinq pièces d’or, ce qui leur permettait de vivre avant d’être obligés de se livrer à un travail pénible. | Le sultan Kalaoun restaura cet hôpital vers la fin du XIILe siècle et y annexa une école de médecine, À l’arrivée des Français en Égypte, à la fin du XVIIT siè- cle, on comptait encore dans le Moristan, outre lesaliénés, une cinquantaine d’autres malades. L'histoire ne fait pas mention d’un autre Moristan, dit M. Jomard, auteur de ce Mémoire. Ce que nous avons dit précédemment fait justice de cette assertion, à moins que l'on ne veuille entendre par Moristan un hôpital exclusive- ment réservé à des aliénés,. M.Jomard ajoute: Les gens du lieu m'ont appris l'existence d’un autre Moristan et la tradition m'a appris en outre l’exis- tence d’un hôpital pour les femmes, fondé par Abderrahman Kikyeh. Outre les grands hôpitaux il y avait encore en Egypte de petits établissements hospitaliers connus sous le nom de Tekyeh. Médine et la Mekke. Voici ce qu’on lit d’après M. de Sacy dans l’histoire de la Mekke par Cothob eddin el Hanefy : En l’année 816 de l’hégire (1413-14 de notre ère), le Chérif Hassan rebâtit l'hôpital de la Mekke, originairement fondé par le Khalife Mostancer (au IX: siècle). Il le pourvut de tout ce qui était nécessaire au service des pauvres et des malades. Il ordonna que les pauvres qui voudraient s’y faire traiter y INSTITUTIONS MÉDICALES CHEZ LES ARABES, 071 demeurassent jusqu’à ce qu’ils eussent recouvré la santé et que quand il n’y en aurait pas, les revenus fussent consacrés à l'avantage des pauvres malades. Quant à l'hôpital de Médine, nous avons déjà vu précé- demment qu’il avait été placé sous la surveillance d’Abou Otsman et de Sinan filsde Tsabet, concurremment avec celui de la Mekke. C’est là seule inention que nous en ayons rencontrée. Maroc. Léon l’Africain nous apprend qu'il y avait à Fez des hôpi- taux et des hospices avec des salles exclusivement réservées auxaliénés. D’après Casiri, Mohammed ben Cassem aurait été chef de l'hôpital de Maroc vers le milieu du XIVe siècle (LI, 78). | Espagne. .Nous manquons de renseignements sur les hôpitaux de l'Espagne. Tout ce que nous avons pu recueillir se réduit à ceci : vers la fin du XIL: siècle, Abou Ishagq Ibrahim, origi- naire de Bougie, vint habiter Algésiras et fut attaché à l’hô- pital de cette ville. Nous ne croyons pas cependant que les Ommiades d’Espa- gene, ces dignes émules des Abbassides, aient oublié les hô- pitaux au milieu des fondations de toutes sortes qu'ils multiplièrent dans ce pays de prédilection. Il existe à l’Escurial un Manuscrit coté n° 887 (ancien 882), sur le compte duquel Casiri s’est mépris et qui est un curieux échantillon de la pratique médicale chez les Arabes d'Espagne. Il ne s’agit pas d’un hôpital, mais de consultations don- nées à domicile. Casiri n’a fait que feuilleter le Manuscrit, comme cela lui est arrivé si souvent, du moins pour la mé- decine, et il y a vu un manuel d'examens à l’usage des can- didats au titre de médecin. 072 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRiÈME. Là-dessus Amoreux, qui cite la notice de Casiri, se livre à des plaisanteries qu’on peut lire dans sa compilation. Cet ouvrage, Comme nous venons de le dire, n’est autre chose qu'un Recueil d'observations, prises aux consultations d’un médecin par son élève, et à ce titre il nous paraît précieux, attendu que c’est le premier que nous ayons jusqu'à présent rencontré sous cette forme. Outre les prescriptions relatives au traitement des malades faites par le maître à son élève, le premier fait de temps en temps aw second des questions sur les maladies représentées, puis quand il le juge à pro- pos, il se livre à des développernents dogmatiques sur ces maladies. Voilà comment une lecture superficielle a pu faire croire à Casiri qu'il s'agissait d’un manuel pour examens. ®e n’est pas ici le lieu de nous étendre davantage sur ce Manuscrit, mais nous avons cru qu'il n’était pas hors de propos d’en parler. Ajoutons encore que Casiri s’est trompé sur le nom de l’auteur. Celui qu’il a mis en avant n'est qu'un personnage cité. Le nom de l’auteur est Mohammed Ettemimy. Il. — Les Écoles. - Nous avons déjà vu, à propos des hôpitaux, que la méde- cine y était enseignée par les médecins chargés du service de ces établissements. Nous avons vu aussi que l’enseignement médical se faisait en dehors des hôpitaux dans des établissements particuliers. Ainsi à Damas Mohaddeb eddin ebn Dakhouar donna sa mai- son pour y fonder une école de médecine. On enseignait aussi la médecine concurremment avec les autres sciences dans ces colléges, le plus souvent annexés à une mosquée et entretenus sur les mêmes fonds. (1) Il y avait encore les écoles privées où n’entraient que les (1) Comme encouragement aux sciences nous n'avons pas ici à rappeler les premiers Abbassides et la famille des Barmécides, mais nous devons placer à côté de ces noms glorieux ceux de l'émir Adhad Eddoulah et de Nidham el Moulk. LA + € ; INSTITUTIONS MÉDICALES CHEZ LES ARABES. 573 élèves agréés par le professeur. C’est ainsi qu'Aboul Barakat, vu sa qualité d’Israélite, s'était vu refnser par Hibat Allah, médecin de Bagdad, l'entrée de son école. Cependant Aboul Barakat corrompit le concierge, et obtint dans le vestibule une place d’où il pouvait entendre les lecons du maître. Un jour le professeur interrogea les élèves, qui ne surent que ré- pondre. Aboul Barakat s’avança et répondit si bien qu'à par- tir de là Hibat Allah lui ouvrit son école. Ce que l’on rapporte de Fakhr eddin el Razy est prodi- gieux. Il marchait quelquefois dans les rues accompagné de plusieurs centaines d'élèves. Quant à son homonyme le célèbre Razès, on dit qu ‘il avait des élèves, lesquels en avaient d’autres eux-mêmes, qui en ‘avaient à leur tour. | On sait que les Khalifes ne dédaignaient pas d'assister quelquefois aux lecons des professeurs et à ce propos nous rapporterons un fait du même genre. Quant Honein ouvrit son cours de médecine à Bagdad, le vieux Djabril ben Bakh- tichou venait souvent l'entendre et disait qu’il profitait à -ses leçons. Nous avons déjà dit que Honein commença l’é- tude de la médecine à l’école de Mésué et que celui-ci eut un moment l'intention de la lui interdire, sous prétexte que les gens de son pays, c’est-à-dire de Hira, n’avaient aucune ap- he pour les sciences. fils se formaient aussi à l'école de leurs pères, et c’est ainsi que nous trouvons chez les Arabes ce que nous serions tenté d'appeler des dynasties de médecins. Telles furent les familles des Bakhtichou, des Tsabet, des Honeïn, des Aven- zoar, pour ne citer que les plus illustres. Quelquefois le « père écrivait pour son fils. Nous avons en ce genre un Mé- morial d’Avenzoar. D’autres fois les pères donnaient des maîtresàleurs enfants, et ils leur en donnaient généralement plusieurs, soit à la fois, soit successivement, chacun d’eux n'étant chargé d’en- seigner qu’une science. On peut lire notamment dans la vie -d’Abdellatif, donnée par M. de Sacy dans sa traduction de la description de l'Égypte, combien de soins on prenait pour compléter l'éducation scientifique d’un adolescent. D74 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE QUATRIÈME. Les biographes et chroniqueurs arabes nous donnent fré- quemment la liste minutieuse des professeurs qui enseignè- rent à tel ou tel savant l’une des diverses branches des connaissances humaines. On trouve particulièrement de nombreux renseignements de ce genre dans la chronique d'Eddeheby (Bibliothèque de Paris, A. F. N. 753). On nous dit aussi de tel médecin qu’il lut sous la direction de tel maître tel ou tel ouvrage fondamental, comme Hippo- crate, ou Galien. C'était en effet une habitude générale de prendre un livre en renom pour base de l’enseignement et de le commenter en présence des élèves. Dans cette longue série de siècles que vécut la médecine arabe, les traditions scientifiques forment une chaîne conti- nue dont nous pouvons suivre les anneaux à travers les âges. Pour la grande majorité des médecins nous savons d’où leur vint la science et à qui ils la transmirent. Ali ben Rodhouan écrivit un livre où il prétendait qu'il était plus avantageux d'étudier la médecine dans les livres que sous un maître. En cela il fut contredit par Ebn Botlan et par d’autres. Ebn Abi Ossaïbiah, qui nous rapporte ces faits, combat aussi l’opinion d’Ali ben Rodhouan par de so- lides raisons. À une certaine époque l’usage s'établit que les professeurs donnaient aux élèves une sorte de diplôme, Jdjdza, qui était une garantie d’études complètes. Une institution religieuse, le pèlerinage de la Mekke, fa- vorisa singulièrement la diffusion des sciences dans le vaste empire musulman. C'était une occasion pour les pèlerins de compléter leurs études, soit en achetant des livres, soit en écoutant de nouveaux maîtres. On venait du Magreb et de l'Espagne, de la haute Asie suivre les écoles de l'Egypte, de l'Irak et même de Ia Perse, quand un professeur y était en renom. L’hospitalité arabe et les fondations pieuses étaient une ressource précieuse pour ces voyages scientifiques. Nous connaissons aussi des médecins qui offrirent une large hos- pitalité à des savants pauvres. Nous allons maintenant céder la parole à l'un des hommes INSTITUTIONS MÉDICALES CHEZ LES ARABES. 275 les plus éminents qu’ait produits l’Islamisme, et nous le fe- rons. d'autant plus volontiers qu'il est un peu question de notre Algérie, que nous avons vue occuper si peu de place dans l’histoire de la médecine arabe. Voici ce qu'écrivait Ebn Khaldoun vers la fin du XIVe siècle de notre ère : « À l’époque ou Caïroun et Cordoue étaient les métropoles du Magreb et de l'Espagne, la civilisation y avait fait beau- coup de progrès : les sciences et les arts y trouvaient de grands encouragements et formaient un océan rempli jus- qu'aux bords. ” Vers le milieu du VIF siècle, le cadi Aboulcassem ben Zeitoun quitta l’Ifriquya pour aller suivre les cours de Fakhr eddin Errazy, et s’en revint à Tunis. Ebn Choaïb, berbère de Dokkala, en fit autant. Abou Ali Noureddin des Mechdälla, quitta le pays des Zouaoua et se rendit en Orient. À son retour il se fixa à Bougie, où ses disciples conserventen- core la tradition de sonexcellent système d'enseignement. Un de sesdisciples, Amran el Mechdally, alla se fixer à Tlemcen. Depuis la ruine de l’enseignement à Cordoue et à Caïrouan, Fez et les autres villes du Magreb n’ont aucun système d'instruction passable. La tradition de l’enseignement n’a pas été interrompue en Orient. Quelques grandes villes telles que Bagdad, Basra et Coufa, ont pu tomber en ruines après avoir été les dépôts de toutes les sciences, mais elles ont été remplacées par d'autres encore plus grandes, d'où la science s’est répandue dans l'Irak persan, de là dans le Khorassan et la Transoxiane, puis au Caire et dans les pays voisins. Autant que je puis en juger, les sciences ne se trouvent de nos jours que dans le Caire, et cela parce que l'Egypte a joui, depuis plusieurs milliers d'années, d’une grande pros- périté et d’une civilisation bien établie, Les gouvernements des derniers siècles ont bâti un grand nombre de colléges auxquels ils ont assigné des immeubles ouaqgf. Les ouagfs sont très nombreux au Caire et produisent des revenus considérables, dont une partie est consacrée à l'entretien des étudiants et au traitement des professeurs. (De Slane.) » 070 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE QUATRIÈME. III. — Jardin Botanique. Casiri nous a conservé le nom d’un botaniste dont mal- heureusement il n’a pu nous donner l’époque. Mohammed ben Ali ben Farak, surnommé El Chafra, natif de Corella, était médecin du prince de Guadix et renom- mé dans son art. Il était particulièrement très instruit en botanique. Recherchant toutes les plantes rares et curieuses, voulant les observer dans leur 501 natal et les récolter lui- même, il s’'aventurait à travers les lieux les plus abruptes et les contrées les plus sauvages. Il établit dans les dépendances. du Palais un jardin bota- nique installé avec le plus grand soin. IV. — Police Médicale. TITRES, DIGNITÉS ET FONCTIONS. — POSITION SOCIALE DES MÉDECINS. Dans le cousin du IX*siècle, nous voyons bien des méde- cins occuper à Bagdad une haute position, notamment les Bakhtichou. Nous voyons encore le titre de chef des médecins conféré par Moutaouakkel à Honein, et par Motadhed à Ghalib. Cependant nous ignorons si ces fonctions compor- taient la surveillance de la profession médicale, ce qui nous paraît vraisemblable, ou si ce n’était qu’un simple titre honorifique. Quoi qu’il en soit, au commencement du X° siècle, un accident provoqua l'intervention de l'autorité. En l’année 931 de notre ère, un médecin se trompa et le malade mourut. Aussitôt le Khalife Moctader publia un édit interdisant la pratique de la médecine à quiconque n’aurait pas été exami- né par Sinan ben Tsabet, son médecin, fils du célèbre Tsabet ben Corra. De la ville de Bagdad et des environs huit cent soixante médecins se présentèrent, exclusion faite des _ INSTITUTIONS MÈD'CALES CHEZ LES ARABES. 911 médecins attachés à la cour et de ceux que leur capacité bien reconnue mettait au-dessus d’un examen. Quelle que put être l’élasticité du titre de médecin, nous devons cepen- dant nous étonner du grand nombre d'individus ayant la prétention de le porter. Sans doute il y avait là bien des em- piriques, de vulgaires marchands de remèdes, bien des gens n'ayant que de faibles attaches à la révolution scientifique qui venait de s’opérer à Bagdad. C’est ce que prouve l’anec- dote suivante rapportée par les historiens. Un des candidats se présenta, avec des dehors tellementavantageux, que Sinan- ne Crut pas devoir le soumettre à une épreuve et se contenta de lui dire qu'il désirait avoir de lui quelque maxime sur l’art, qu’il conserverait pour en faire son profit. À cela notre homme répondit, en tirant un papier contenant de belles pièces d'or: Comment ferais-je pour écrire ne sachant même pas lire; mais j'ai une famille à nourrir et je prie Monseigneur de-ne pas lui enlever son pain. Sinan se mit à sourire et lui imposa des conditions de pratique restreinte qui furent acceptées avec plaisir. Ce qui semblerait prouver que les fonctions d’examinateur étaient attachées au titre de chef des médecins, c’est qu’au XII° siècle nous voyons encore à Bagdad Amin Eddoula procéder à un semblable examen et même rencontrer un vieillard qui avait aussi plus d'extérieur que de science. Remarquons en passant qu’'Amin Eddoula, mort en 1164, en pleines eroisades, tout chrétien qu’il était, n’en fut se moins nommé chef des médecins à Bagdad. La police de la médecine était aussi exercée par le Moh- tasseb. Ce fonctionnaire n’était autre chose qu'un Inspecteur de police, ayant dans ses attributions la surveillance de la profession médicale et de toutes celles qui s’y rattachaient, comme celles de pharmacien, de droguiste, de parfumeur, de ventouseur, etc. Pour de plus amples renseignements sur cette institution nous renverrons à un travail de longue haleine publié il y a une dizaine d'années dans le Journal asiatique. (1) , (1) Il est seulement à regretter que l’auteur n'ait pas mieux connu le français. nu. o1 D78 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE.— LIVRE QUATRIÈME. + Le Mohtasseb se rencontrait aussi en Espagne, et même le mot est resté dans la langue espagnole. Les fonctions de chef des médecins et d’inspecteur ne furent pas seulement instituées à Bagdad, mais aussi en Syrie et en Égypte. Nous en trouvons deux cas à Damas : Mohaddeb eddin ebn Dakhouar, et Sadid eddin ebn Refiqua. Nous en trouvons davantage en Égypte. Le premier médecin en chef fut un chrétien, Ibrahim ben Nestas, et cette fonction lui fut confiée par le Khalife El Hakem d’étrange mémoire. Dans le XI° siècle Ali ben Rodhouan fut nommé chef des médecins d'Égypte. Au siècle suivant nous trouvons Sadid eddin dont le titre de Reïs el Athibba resta désormais inséparable de son nom. Au XIITe siècle, ce furent Nefis eddin ben Zobeïr et Djemal eddin ben Otsman. Le célèbre Ebn Beithar fut à la même époque nommé ins- pecteur des droguistes et des herboristes. Enfin le père d'Ebn Abi Ossaïbiah fut nommé inspecteur des oculistes. Plusieurs médecins furent investis de la dignité de vizir. Pour quelques-uns ce fut peut-être un titre honorifique, à l'instar de ce qui s’est fait de nos jours en Egypte pour le titre de Bey : du moins nous ignorons jusqu’à quel point ie titre impliqua la fonction et s’ils se bornaient à ce qui concer- ne la profession médicale, Pour un certain nombre ce fut bien positivement une fonction politique. Nous savons que l’illustre Avicenne fut malheureux dans son vizirat, qu'il mécontenta les soldats et qu’il dut se cacher pour échapper à leurs violences. Plus malheureux encore fut Rachid eddin, l'historien des Mong'ols, vizir de Gazan Khan et d’Oldjaïtou, dont nous n'avons pas à retracer ici la mort violente, mais dont nous parlerons bientôt comme bibliophile. En Syrie la dignité de vizir fut conférée à Nedjém eddin Tahya ben el Loboudy, à l’israëlite Mohaddeb eddin Essa= INSTITUTIONS MÉDICALES CBEZ LES ARABES. 579 miry, pour qui ce ne fut pas une sinécure, ainsi qu'à sOn neveu Fakhr eddin ben Essaaty. Dans l'Irak Aboulfaradj ben Touma, chrétien, fut élevé à la dignité de vizir. En Espagne nous avons recueilli les noms d’Iahya, de Khasdaï, d'Ebn Guéfith et d’Ebn Tophaïl le célèbre auteur du Hay el Iagdan publié par Pococke sous le titre de Phi- losophus autodidactus. Enfin nous trouvons aussi le titre de vizir accolé au nom d’Avenzoar. Un grand nombre de médecins furent attachés à la per- sonne des souverains des diverses dynasties musulmanes. J1 serait par trop long et fastidieux d’en donner la liste, car il faudrait y inscrire les noms de presque tous les médecins éminents et une foule d’individualités d’un ordre secondaire. Il est cependant un fait que nous devons mettre en lumière. Les premiers Abbassides avaient confié généreusement leur personne et leur éducation scientifique à leurs sujets chrétiens, malgré les protestations de quelques zélés musul- mans qui voyaient là un danger pour l’islamisme. Leurs successeurs ne se départirent jamais de ces tradi- tions. En Égypte l’imbécile Hakem, qui voulait se faire passer pour un Dieu, n’en avait pas moins à son service des médecins chrétiens. Les croisades elles-mêmes ne purent effacer le souvenir de ce neuvième siècle, le siècle d’El Mâmoun, où chrétiens et musulmans avaient en commun dépensé tant d'efforts pour conquérir la science grecque. Nous connaissons une quinzaine de médecins attachés au service de Saladin: les deux tiers sont des juifs ou des chrétiens. Les successeurs de Saladin n’agirent pas autrement. Malek el Mouadhem avait à son service ét emmenait dans sesexpéditions le médecin chrétien lakoub ben Saclab, cet homme d’une mémoire extraordinaire, qui lisait Galien dans le texte et récitait ses commentaires sur Hippocrate comme s’il eût eu le livre sous les yeux. L’historien de la médecine Ebn Abi Ossaïbiah fit une campagne avec lui. L'histoire de la médecine arabe est remplie de faits qui attestent d’une part la tolérance des vainqueurs et de l’autre 080 HISTOIRE DÉ LA MÉDECINE ARABE, — LIVRE QUATRIÈME. la considération qu’ils portaient à la profession médicale. Cette considération, légitimée par de longs services, fut telle que certains médecins en abusèrent. On connaît l’histoire de Gabriel fils de Bakhtichou. Nous rappelleronsle cas d’'Ebn Mathran, médecin de Saladin, chrétien d’abord et converti plus tard à l’islamisme. C'était un homme intelligent et ins- truit, mais égoïste, aimant le faste et rempli d’orgueil. Un jour un autre médecin chrétien, pareillement attaché à la personne du Sultan, Aboulfaradj, vint trouver Saladin et lui exposa qu'ayant des filles à marier, il était embarrassé pour leur faire un trousseau. Saladin lui répondit qu'il ait à lui présenter une note de ce qui lui était nécessaire. Elle se montait à une valeur de trente mille drachmes, et Saladin donna l’ordre d'acheter le tout. Ebn Mathran le sut et dès lors fit à Saladin de plus rares visites. Saladin comprit la jalousie et tit délivrer à Ebn Mathran l'équivalent du cadeau fait à Aboulfaradi. On vit aussi parmi les médecins arabes quelques actes d’intolérance. Nous avons déjà parlé de Hibat Allah refu- sant l’entrée de son école au juif Aboul Barakat. Il eut un imitateur dans Radhy eddin Errahaby qui ne voulait pas admettre de Zimmi parmi ses élèves. Il ne dérogea que pour deux dont un fut Omran el Israïly. Mais il faut dire que Radhy eddin était un original dont les singularités ont été signalées par les biographes.C’estainsi qu’il refusait d'aller visiter les malades chez lesquels il fallait monter des esca- liers, disant que les escaliers étaient la scie de l’existence. Nous avons déjà cité plus d’un médecin qui refusèrent de s’astreindre au service exclusif d’un souverain. C'est ainsi qu'Omran el Israïly refusa, nonobstant l’offre d'une pension mensuelle de 1500 drachmes. . Jamais les médecins ne furent aussi magnifiquement récompensés que par les princes musulmans, suivant en cela lexemple qui leur avait été donné par les premiers Abbassides. * La famille des Bakhtichou fut comblée de largesses par Mansour, Haroun et Mâmoun. Djabril ben Bakhtichou fut le plus opulent de tous. Il tint compte de toutes les sommes - INSTITUTIONS MÉDICALES CHEZ LES ARAPES: n8l d'argent et de tous les cadeaux qu’il avait reçus et leur ensemble s'élevait à la somme fabuleuse de quatre-vingt-dix millions de drachmes : on nous en a conservé le détail. C'est à propos de ces largesses, que Freind, qui ne connut ‘guère d'Ebn Abi Ossaïbiah que ses notices sur les Bakhti- chou, s’est avisé de dire qu’il n’y avait d’autres renseigne- ments à tirer de cet historien sur les médecins arabes que la générosité des Khalifes à leur égard. Quand une cure inespérée se faisait dans une famille régnante. c'était un assaut de libéralités entre tous les membres et les libéralités ne faisaient aucune acception de ‘croyance. A la médecine revient l'honneur d’avoir rendu possible en Orient l'harmonie entre les vainqueurs et les vaincus, en en- chaînant les premiers par la reconnaissance, en créant pour les uns et les autres un terrain neutre, celui de la science où s’arrêtaient les antipathies de races et de religion, terrain sur lequel l'Europe en proie à la barbarie ne se présenta que trop tard. ‘ Mais c’est aussi un honneur pour les Arabes de n'avoir pas oublié ce qu’ils devaient aux chrétiens, quand ils les eurent dépassés dans les voies de la science, de leur avoir accordé leur confiance même à l’époque des croisades. Alors que les croisés entraient dans Jérusalem, les portes de Tolède récemment conquise, s’ouvraient à Gérard de Crémone et à toute une légion de savants qui s’en allaient demander à l'étranger les moyens d’étudequ'ils ne pouvaient trouver dans leur patrie. Les Arabes d'Espagne payèrent aux ca‘holiques d'Europe la dette que leurs ancêtres avaient contractée envers les Nestoriens d'Asie. La scolastique fit dès lors une connais- sance complète avec Aristote, et la médecine reçut en même temps qu'Hippocrate et Galien, Razès, Avicenne, Ali ben el Abbas, Abulcasis, etc. Avant de quitter le terrain des religions, nous dirons un mot des quelques médecins qui passèrent de l’une à l’autre. Nous connaissons une vingtaine de médecins ou de fils de 58? HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE, = LIVRE QUATRIÈME, médecins qui se firent musulmans. Les deux tiers étaient des Juifs, ce qui ne doit pas nous étonner. La position des Juifs, malgré la tolérance musulmane, était inférieure à celle des chrétiens. Les Arabes n’avaient pas les mêmes raisons de les ménager, et puis ils ne pou- vaient oublierle poison de Khaibar. Les Juifs gagnaientdonc matériellement àse convertir. Maisne pourrait-on pas admet- tre aussi qu’ils furent frappés de la supériorité du dogme mu- sulman sur le dogme mosaïque, où les questions vitales de toutes les religions même les plus grossières, sont passées sous silence, telles que l’immortalité de l'âme, la vie future, le paradis et l’enfer. Ces lacunes du Pentateuque et son caractère matérialiste ont été relevés par les écrivains musulmans : on peut lire à ce propos un passage d’'Aboulféda. La position des chrétiens était différente. Ils pouvaient en changeant de religion trouver une conception supérieure de la Divinité plus en rapport avec leurs instinct de race, (1) mais c'était une compensation insuffisante, la conception de Dieu et de son unité pouvant s’allier à un système religieux incomplet et défectueux, ainsi que nous l’avons vu pour le Mosaïsme (2): aussi peu de médecins chrétiens se firent-ils musulmans. Les Juifs ne furent inquiétés pour leurs croyances qu’en Espagne, et encore les persécuteurs étaient-ils des Berbères. Le Languedoc et l'Égypte recueillirent les proscrits et bénéficièrent de leur science. Parmi ces derniers comptait l’illustre Maimonide. Saladin avait plusieurs médecins juifs à son service. Un fait curieux à noter, c’est que la plupart de ces rené- gats payaient leur bienvenue chez les musulmans par une réfutation de la religion qu'ils avaient abandonnée. C’est ce que fit Ebn Djezla, l’auteur du Tacouïm el Abdan, imprimé en traduction latine sous le titre de Tacuini œgritudinum. (1) Les Nestoriens se refusaient à donner à Marie le titre de Mère de Dieu. Nous trouvons parmi les ouvrages d’Aboulfaradij ebn Thaïeb celui-ci : À ceux qui disent que Marie est mère de Dieu. (2) On peut en dire autant de l’Islamisme, dans une moindre mesure. INSTITUTIONS MEDICALES CHEZ LES ARABES, 583 V. — Les Bibliothèques. Nous ne voulons pas refaire, après Etienne Quatremère, l’histoire des bibliothèques et du goût des livres chez les Arabes. Nous nous bornerons à quelques emprunts et nous ajouterons des faits nouveaux tirés de notre histoire de la médecine arabe. Avant même la grande initiation des Arabes à la science grecque, le goût des livres s'était déjà répandu chez eux. Nous en avons la preuve dans ce que nous savons de Khaled ben lézid, qui dès le VIT: siècle de notre ère faisait traduire au grec en arabe, de Djafar Essadiq et surtout de Géber. Jusqu’alors les Arabes n’embrassèrent de la science que le côté merveilleux. Cependant Géber ne resta pas exclusive- ment sur ce terrain qui est en quelque sorte resté son domaîne. Nous trouvons dans le Fihrist une liste nombreuse de plus de deux cents ouvrages de Géber et l’auteur nous avoue qu'il n’a consigné que ceux qu'il avait vus ou qui lui ont été signalés par des personnes dignes de foi. Il en donne cependant quelques-uns d’après les écrits de Géber, lui- même. Dans cette foule d'ouvrages il n’est pas seulement question du Grand Art, mais aussi d'histoire naturelle, de médecine, de philosophie, etc. Tant d’écrits accusent des lectures étendues et variées, et partant une riche biblio- thèque. Toutefois le goût des livres ne devint général qu'avec le IX: siècle qui laissa chez les Arabes un ferment scientifique d’une incomparable activité. Dans toutes les parties du vaste empire musulman, nous voyons apparaître des bibliothèques publiques et privées. Dans la seconde moitié du IX® siècle, Mostancer faisait construire un collége qui porta son nom et qui possédait une bibliothèque de 80,000 volumes. Les Fathmides construirent au Caire une bibliothèque où 18 chambres étaient remplies de livres. Celle du Palais en contenait 2,000,000. 384 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — JAVRE QUATRIÈME, La Bibliothèque de Tripoli, qui fut brûlée par les Franes, ne contenait pas moins, dit-on, de trois millions de volumes. Au milieu du XIE siècle, dans une émeute, cinq bibliothè- ques brûlèrent à Nichabour. Un siècle plus tard le Hafside Abou Zacharya laissait à Tunis une bibliothèque de 36,000 volumes. Nous savons par Léon l’Africain que les livres abondaient jadis à Maroc et à Fez. L'Espagne fut aussi passionnée pour les livres. Casiri mentionne soixante-dix villes pourvues de Bibliothèques. Celle de Cordoue comptait 600,000 volumes et son catalogue seul 40. Ces renseignements, que nous aurions pu multiplier, sont presque tous empruntés au travail de Quatremère. Nous allons parler des bibliothèques privées des médecins, d’après les documents qui nous ont servi à composer leur histoire. À part ceux relatifs à Rachid eddin et à l’auteur du Kitab el hokama, ils sont tirés d’'Ebn Abi Ossaïbiah c’est-à-dire qu'ils sont inédits et inconnus à Quatremère. Ebn Djezzàr, l’auteur du Viatique, laissa à sa mort à Caïrouan une bibliothèque du poids de vingt-cinq quintaux. Amin Eddoula ebn Ettalmid,chef des médecins à Bagdad, en laissa une considérable, que l’on nous à de même esti- mée par son poids. Le goût des livres fut très-vif en Égypte, cette patrie du papyrus. Dans le courant dn XIe siècle, l’émir Mobacher ben Fateq versé dans toutes les sciences et même dans la médecine, était un grand amateur de livres. Il vivait presque cons- tamment au milieu d’eux, mais on ne nous en à pas donné le chiffre. À la mort de l’émir, sa veuve qui avait sur le cœur les moments que ces livres lui avaient fait perdre, les jeta dans un grand bassin, d’où quelques-uns furent retirés mais endommagés : c'était à ces mouillures que l’on recon- naissait leur provenance. À la même époque le médecin juif Afratsim entretenait chez lui des ateliers de copistes et de relieurs. Il vendit un jour dix mille volumes à un habitant de l'Irak, vente qui PE SO TT OT AE EE INSTITUTIONS MÉDIUALES CHëZ LES ARABES. L8) fut rétrocédée au bénéfice de l'Etat, et n’en laissa pas moins vingt mille à sa mort. Un autre médecin juif, Omran el Israïly, recueillit une bibliothèque qui passait pour une merveille. Ebn Mathran avait la passion des livres. Il entretenait trois copistes, continuellement occupés. Le nom de l’un d’eux nous a été conservé, Djemal eddin. Aboul Modhaffer ben Mouarref ne se contentait pas d’avoir une riche bibliothèque et d'y passer la plus grande partie de son existence : tous ses ouvrages portaient des épigraphes écrits de sa main et relatifs aux matières dont ils traitaient. L'homme qui dépensa le plus pour les livres fut Rachid eddin, l’historien des Mongols, attaché à la personne de Gazan Khan en qualité de médecin et de ministre. Il ne dépensa pas moins de 60,000 dinars (900,000 francs) pour la transcription des ouvrages qu'il composa, pour les vignettes et les cartes qui les accompagnaient. Il déposa un exem- plaire en grand format de ses ouvrages dans l'édifice affecté à sa sépulture. Avec les revenus attachés à la fondation, on devait en faire des copies sur grand papier.de Bagdad et en envoyer aux grandes villes de l'Asie. Un vrai bibliomane fut l’auteur du Kitab el hokama, Djemal eddin el Kofty, auquel nous devons tant et de si précieux renseignements sur les savants tant anciens que modernes. Les livres étaient son unique passion et il vivait au milieu d'eux dans le célibat. Il en recrutait de tous les pays. À sa mort il légua au prince de Haleb (M. Quatremère dit de Damas) sa bibliothèque, estimée cinquante mille dinars, c’est-à-dire six cent mille francs. On raconte de Djemal eddin des choses extraordinaires. Il lui tomba un jour entre les mains une excellente copie du livre des Généalogies d’Essafady, mais il y manquait un volume. Il courutaussitôt à sa recherche. Quelqu'un lui dit en avoir vu quelques pages sur le marché des bonnetiers. Il s’y rendit. L’ouvrier lui avoua qu'il en avait possédé quelques feuilles, mais qu’il en avait fait des formes. Dje- mal eddin fut attéré. Pendant plusieurs jours il cessa de se rendre au palais comme il en avait l'habitude, et il prit le D86 HISTOIRE DE LA MÉDECINE ARABE. — LIVRE QUATRIÈME, deuil de ce livre, comme on le fait pour un homme décédé, et les principaux habitants de la ville vinrent lui faire des visites de condoléance. Les Arabes n’eurent pas seulement des bibliothèques, ils eurent aussi des bibliographes, ainsi pour ne citer que les plus éminents: Mohammed ben Ishaq Ennedim, l’auteur du Fihrist, et Hadji Khalfa, récemment édité par Fiuegel. ‘ Bien que les historiens ne parlent pas de la bibliothèque de Mohammed ben Ishaq, il faut qu’elle ait été bien riche, tant son livre abonde en documents bibliographiques aussi sûrs que variés. Le Fihrist, écrit au X° siècle, atteste deux choses : la connaissance intime que les Arabes avaient déjà faite avec les savants de la Grèce et le grand nombre d’é- crivains qui avaient déjà marché sur leurs traces. Quant au Dictionnaire encyclopédique de Hadji Khalfa, nous nous bornerons à rappeler qu’il ne contient pas moins de vingt mille articles. C’est ainsi que l'Orient précéda de plusieurs siècles l’'Eu- rope dans la voie de la bibliographie. Nous avons encore d’autres preuves de l’abondance des livres en Orient, ce sont malgré les désastres que subirent les bibliothèques par le fait des guerres et du fanatisme, la grande quantité qui s’en est exporté en Europe et la quan- tité remarquable aussi qui en reste dans les grandes villes musulmanes. V. H. Khalfa, éd. Fluegel, VIT Tome. Aux faits que nous avons déjà produits nous en ajouterons quelques autres. Une horde de Berbères Louata surpriten Égypteun convoi de livres, le pilla pour ses riches reliures et jeta le reste en si grande quantité qu'il s’en forma deux buttes qui furent dites les Collines des Livres. Il y eut aussi des auto-da-fé de livres, mais du moins on respecta les auteurs. Ilousef Essebty raconte que vers la fin du XIIe siècle de notre ère, il vit à Bagdad brûler en place publique les livres d’Abdessalem par les soins d'Ebn el Marestanya. On jeta dans le feu des ouvrages d’astronomie d’Ebn el Heitam. Et cependant, dit Essebty, l'astronomie loin de conduire à l’impiété conduit à la foi. INSTITUTIONS MÉDICALES CHEZ LES ARABES. 587 Les mêmes faits se produisent en Espagne. L’Almohade Iousef el Mansour voulut faire disparaître les ouvrages de philosophie. El Hañfidh, le fils du grand Avenzoar eut seul le droit d’en conserver, mais avec la charge de les confis- quer là où il les trouverait. Les ennemis d'El Hañidh l’accu- sèrent de faire de ces livres une lecture assidue. El Mansour fit saisir et emprisonner l’auteur de la dénonciation, et dé- clara que quand même toute l'Espagne témoignerait contre El Hañfidb, il n’en croirait rien. Mais ce fut bien pis lors de la conquête espagnole, Conde estime à un million le nombre des livres brûlés. Ximenès, dit son historien Fléchier, brûla de sa main plus de cinq mille exemplaires du Coran, sans épargner les enluminures, ni les riches reliures d’or et d'argent. (1) Il fallait que l’Es- pagne capturât des vaisseaux chargés de livres pour avoir cette riche collection, dont Casiri a dressé le catalogue. (1) C'est aussi le moment de s'écrier comme Djemal eddin à pro- pos de la Bibliothèque d'Alexandrie: Écoutez et soyez stupéfaits ! Ce vandalisme a régné longtemps en Espagne. Nous avons observé à l’Escurial bien des manuscrits où linvocation à Mahomet est biffée ou raturée. On lit à la fin du n° 833 de l'Escurial: Ce livre n’est bon à rien, parce qu'il parle beaucoup de Mahomet, FIN DU PREMIER VOLUME. TABLE DES MATIÈRES DU PREMIER VOLUME EN D lee I ER CR RER nn Livre PREMIER, — De la Médecine arabe jusqu'a la chute des Ommiades : Liste des Médecins, ............ tate Nr eme Livre DEuxiÈèME.— Neuvième Siècle ou Siècle des Traductions : Liste des Médecins, des Traducteurs et des Auteurs traduits. FAUOdUCÉION sé sudo sve doc race 0e CT OR Epllogue ;.5: ...::: Min ns Tai us" née Res Livre TROISIÈME. — Dixième Siècle: Liste des Médecins.... ...... side sie 2 00 ie SUN TEEN Revue sommaire du Dixièéme Siecle....... sous. Livré QUATRIÈME. — Onzième Siècle: Liste des Médecins.......... dsl AVE das best SERRES Revue Sommaire du Onzièeme Siècle...,...,,. ...... A A Histoire des Institutions médicales chez les Arabes...... s pages AVIS. — Le Hurrièse Livre, contenant l'Histoire des Traductions Arabes et Latines, terminera le Ile Volume. à POP e CLERMONT (91SE). — IMPRIMERIE A. DAIX, RUE DE CONDÉ, 27. RÉCENTES PUBLICATIONS LIBRAIRIE ERNEST LEROUX ?8, RUE BONAPARTE, 28 DOCTEUR I. LECLERC Kachef er-Roumouz. Traité de matièré médicale arabe d’Abd er-Rezzaq l’Algérien, traduit et annoté. Un vol. in-80, % 10 fr. DOCTEUR G, AUDIFFRENT … Des Maladies du Cerveau et de l’Innervation. Un fort vol. MDN Un à, , : RE ee D à ne Du Cerveau et de l’Innervation. Un fort vol. in-8o. 6; DOCTEUR E. SÉMÉRIE Des Symptômes intellectuels de la Folie. Un vol. + te TOR TO a Te te Ci ee 14 DOCTEUR BROCA - Revue d’Anthropologie, V- année, Abonnement annuel. 20 fr. RICHARD. BOUCHER Divan de Férazdak. Texte arabe et traduction. Livraisons LA mes Chaque livraison =," +." "4R fr: M. SCHWAB Bibliographie de la Perse. Un vol. in-&, , . , g3fy 50 HENRI FOURNEL Les Berbers. Etudes sur la conquête de l’Afrique par les Arabes, _ d’après les textes arabes imprimés. Tome Ier. Un beau vol. grand PR PS ia an Ti durs 0 se 53 CO GIRARD DE RIALLE Mémoire sur l’Asie centrale, ses populations, ete. Un vol. in-8o. , ° . 0 ü Q . . . + . . . 0 . . C0 . 3 fr. 50 DELAPORTE Vie de Mahomet. Un beau vol..in-8, >: / : : <,./40# : CLERMONT (OISE). — IMPRIMERIE A. DAIX, RUE DE CONDÉ, 27. OR EE FE AAMEN EE 0 me. 21 R Leclerc, Lucien 143 Histoire de la medecine L4 arabe 4 à Biological & Medical PLEASE DO NOT REMOVE CARDS OR SLIPS FROM THIS POCKET UNIVERSITY OF TORONTO LIBRARY AE AE es SEE pe ae Re Res 7e 1 ee 4 ES rer 2e: RE ni EL h ü MR NE EAUrE HAS Hu \ RAR poste SREHTS Ua LU Qu LW : : FE es RSR LR ne es PER 72) Prend DPF à ER F7: AIT Le : y den rt y } AU VAL " 4 1 , sou Dia a in Sn en rie AAURENE