Smithsonian Institution Libraries Gift'of THE SIL BOARD 1999 ET pe TR D = LL LL £a 4 4, LL 1 Hi (0 PP, LD WZ, L/ 4 LÉ \t RKN ANS RRQ NAN g, 4 4 ji il oo | HISTOIRE DE su L. fl CS ES PER CS D IL A MERTOL | E | SEPTENTRIONALE: Divifée en quatre Tomes. TOME PREMIER. : Contenant le Voyage du Fort de Nelfon, dans Ja Baye d'Hudfon, à l'extrémité de Amen “rique. Le premier établiffement des Fran- çois dans ce vaite païs , la prife dudit Fors de Nelfon, la Defcription du Fleuve de faint Laurent, le gouvernement de Quebec, des trois Rivieres & de Montreal nus 1534 _jufqu à 1701. Par Mr, 5 Bacawivitre DE LA POoTHERIE, mé à la Guadaloupe , dans l'Amerique Me. ridionale , Aide Major de ladire Ifle, Erichie de tr, an L'on 1 À % A fi IS 4 dE JEAN-LUC NION, au premier Pavila lon des quatre unes Ste. Monique. FRANC OIS DIDOT , à l'entrée du Quai di des Auguftins , à la Bible d’or. NO DOC XXI i à; ds Avec Aprobation & Privilege dis Roi. = 2 ENT f | KA & f ARS 7 Mo NSEIGNEUR LE DUC D'ORLEANS, REGENT DU ROYAUME. NW \ ex qu Ellea bien voulu accipter, ejt un des plus finguliers qu ait encor paru : Elle n'y verra que Tempêtes, que Combars , que Naufrages. L'Ejcadre du Ros deffinée en 1697. pour cette entreprife , à ek moins à combattre contre les Sauvages qui habitent cette partie de l' Amerique La plus Septentrionale ; que contre L Tome I, ä EPITRE. les Flots, les Tempères, les Glaces, les Bancs x les montagnes de NE-: ges. C'eft-la que la valeur des Fran- çois Je fit connoître toute entiere, € triompha des. obflacles les plus terribles que la nature puifle oppoler a l'intrepioité des plus fameux He- ros. En effet , pour arriver a la Baye d'Hudfon il falut traverfer une Mer immenfe que les Courans les Bancs de Sable ; les Orages continuels ex les Glaçons rendoient inacceflibles , mème au plus fort de la Canicule. . Toutes ces difficultez infurmontables a toute autre Nation ; n'ont fait qu'enfiamer le courage des François, qu: a limitation des Æleros qu les pouvernent ne trouvent rien qui Joit ‘capable de les rebuter. Quelle joye pour ceux qui compojoun£ cette Ef- cadre de revoir leur pais, aprés avoir effuyé tant de perils , Ex: d'apprendre que votre ALTESSE ROTALE . a bien vouin en agréer le recit! Per- _ fonne ne juge mieux des fairs eX= traordinaires énoncez dans les Rela- "4 PA TIRE. tions que ceux qui ont fait eux-mé- mes des actions toutes extraordinai= ves , ce qui m'a engagé à dédier à vorre ALTESSE RÔTALE cet Ouvrage ;qui ayant été compolé par le Sieur de la Potherie Commiflaire pour le Roi dans cette Efcadre ; eo qus S'eft trouvé a toutes les expedi- tions qui y font conrenuës , ne peut étre Jufpect d'aucune faufferé. Ce [e- roit 101 le lieu de m'étendre fur les vertus eroiques qu brillenr dans votre ALTESSE ROTALE; mais ce n'eft pas à un Ameriquain comme mot à prendre un effort fr baut : je laille donc aux plumes dé- hcates des François à traiter une matiere fr relevée. Trop heureux ft anon zéle €x mes profonds refbelfs ne déplaifens °4s a votre ALTESSE ROTALE , doit îe fuis DR dE ES = MONSEIGNEUR, . Le trés-humble & trés. obeïffant fervireur , DE LA POTHERIE, y Nrend au Public ce qui lui eft dû , en lui donnant cette nouvelle Relation de ZX la Baye d'Hudfon, la fin des Navigateurs , & fur tout de ceux qui font au fervice du Roi; ne doit pas fe terminer comme celle de la plüpart des autres Voyageurs , en vain plaifir de faire une longue Hi- fioire de leurs Voyages , à leur Pa- renté ou à leurs amis , & de la def- honorer fouvent par une infinité de HUE. On laiffe à ces fortes de gens leur maniere d'égaye r Îcurs Voyages , Ô l'on ne croit pas ètre obligé de les _fuivre. On croit au contraire devoir prendre une route touté oppoiée, & fe propofer dans certe Relation d'in luuire ere que de plaire. On ne AVERTISSEMENT. ditrien qui ne foit exaétement vrai : tout ce que l’on rapporte à l'égard des glaces, des terres, des mouüillages & des vents, eft la pure verié ; telle qu'on Fa éprouvée parmi les plus ef- froyables tempêres , fans qu'on y ait sien ajoûé n'y changé, qui puifle en . impofer au Lecteur ; d'autant qu'il ef d'une trop grande confequence , & même contre la probité d'un Auteur de tromper par de honteux menfon- ges le Public qui à de la bonne foi & de la confiance en fes Ecrics. | L'on n’a rien à fe reprocher dans cet Ouvrage , où l'on a fincerement _raporté les differens hazards que l'Ef- cadre a efluyez , foit pendant fa route penible &laborieufe ; foit à fon arri- vée dans fa Baye d'Hudfon , à l'ex- trémité de l’Amerique Septentriona- le , & danses grands travaux qu'elle a furmonté au cravers des glaces, a- -vant la -prife du Fort de Neélfon par les François. Le Leéteur remarquera aifément que dans les Combats de Terre & _ AVERTISSEMENT. de Mer, on n'a fiâté n'y blâmé pers< fonne , on a rendu Yuftice à tout le monde indifferemment, fans aucune prédile&ion n'y haine. On efpere auf que perfonne ne fe plaindra, & que le Public fera fatisfait d'une naï- veté qui ne fe trouve pas ordinaire+ ment dans la plufpart des Hiftoriens, quioutrent le plus fouvent leurs nar- rations ,; fondez fur ce qu'ils favent que le Püblic ne peut aifément s'é- claircir de leurs menfonges , à caufe de l'éloignement des lieux dont ils parlent. Il n’en eft pas de même de cette Hifoire , chacun s'y verra tel qu'il eft, & qu'il a paru dans les oc- cafions où il s'eft trouvé. Enfin on a fuivi avec la derniere fidélité les deux caraéteres eflentiels de l'Hiftor- re; qui font de ne rien dire de faux, & de ne point taire la verité. ec falla dicere , nec vera reticere. On ne fera pas de difficulté d’a- voüer que la narration y paroïtra d’a- bord un peu feche & fterile, & ceux qui la liront ne manqueront pas de AVERTISSEMENT. dire ce qu'à dit un des maitres de d'Art, qu'on ne fauroit trop égayer les narrations, qu'il faut quelque en- jouëment pour empêcher qu’elles en- nuyent le Lecteur. Tout cela peut êcre vrai , mais on changera ailement d'avis fi l'on fait reflexion qu’elles ne font pas toutes fufceptibles de ces a- grémens , & que sil y en à d'autres qui doivent être ferieufes pour in- ftruire , celle que l’on donne au Pu- .blic eft de ce dernier genre ,on n'aeû pour but que de lui faire part des dé. couvertes qu'on a faites en ce pais , qui eft fi peu connu , cette Efcadre étant la-premiere qui ait penetré fi a- vant dans l'Amerique Seprentrionale. Ce n'eft pas qu'après tout on eût pü fans beaucoup de peine y don- ner un tour de gayet£ & d'enjoué- ment, s'il eût éré abfolument necef- faire , & fi g'eûc été une faute de rap- porter les faits naturellement & fim- plement ; mais comme les Combats - &t les Naufrages ont quelque chofe de rrop trifte & de crop affreux pour AV ERTISSE MENT. leur devoir donner un air riant & ens joûé, on n'a pas crû devoir prendre pour une Loi indifpenfable l'avis de ce maitre de l'Art , fur tout dans une Hifoire où l'on ne parle que de ptécipices cachez fous des Bancs de. Néges , de montagnes de Glaces , de bancs de Sable , de Rochers affreux, de Sauvages inhumains ; & de tout ce qui eft le plus capable de donner de leffroi aux plus intrepides , & dont l'image qui en refte même aprés en étre échapé, eft trop vive & trop afigeante pour fouffrir de femblables ofnentens, PRIPILEGUE DU ROZ OUIS PAR LA GRACE DE DIEU, ROY DE FRANCE ET DE NAVARE , à nos ” amez & feaux Confeillers , les Gens tenans nos Couts de Parlemens , Maîtres des Requêtes ordi- naires de notre Hôtel, Grand Confeil , Prevôt de Paris , Baillifs , Senechaux, leurs Lieurenans Civils, “& autres nos Jufticiers qu'il apartiendra : SALUT. Notre bien-amé François Dipor Libraire à Pa- ris , nous ayant fait remonirer qu'il fouhaireroit continuër à faire imprimer un Ouvrage qui à pour titre Hifloire de l'Amerique Seprintrionale, mais | craignant cu q | traignant que d’autres Imprimeuts ou Libraires dà +ouluffent entreprendre de le faire imprimer , ven dre ou debiter , ce qui lui cauferoit une perte con fidetable : il nous auroit en confequence trés-hum- blement fait fuplier de vouloir lui accorder nos Lettres de Privilege fur ce neceflaires. A ces Causes, voulant favorablement traiter ledit Expofant » nous lui avons permis & permettons par ces prefëntes de faire imprimer ledit Livre en telle forme, marge , catatere , enun où plufeurs Vo- lumes , conjoinrement ou feparément , & autant de fois que bon lui femblera, & de le vendre, faire vendre & debiter par tout notre Royaume , pendant Je cemps de huit années confecutives , à compter du jour de la datte defdites Prefentes : Faifons défen_ fes à routes fortes de perfonnes de quelque qualité & condition qu’elles foient d'en introduire d'impref fion étrangere dans aucun lieu de notre obéïfflance, Comme aufli à rous Librairés-Imprimenrs, &au- tres , d'imprimer , faire imprimer, vendre, faire ven- dre , debiter , ny contrefaire ledit Livre en rout n'y en partie , ny d'en faire aucuns Extraits fous quel- que prétexte que ce foit d'augmentation, corre_ étion , changement de Titre ou autrement , fahs la permiflion expreffe & par écrit dudit Expofant , ou de ceux qui auront droit de lui , à peine de confif- cation des Exemplaires contrefaits, de, quinze cens livres d'amende contre chacun des contrevenas, dont un tiers à nous , un tiers à l’Hôtel- Dieu de Paris,, l’autre tiers audit Expofant, & de trous dé- pens , dommages & interêts , à la charge que ces Prefentes feront enregiftrées tout au long fur le Reviftre de Ja Communauté des Libraires & Im- primeurs de Paris ,.& cé dans trois mois de la datte « d’icelles : que l'imprefion de ce Livre fera faite dans ) notre Royaume & non ailleurs, en bon papier & eu beaux caracteres, conformément aux Reglemens Tome À id A dela Librairie;& qu'avant que del Un en vente, Je manufcrit ou imprimé qui aura fervi de Copie à à J'impreflion dudit Livre, fera remis dans le même État où l Approbation y aura été donnée , és mains de norre trés cher & feal Chevalier , Chancelier de France le Sieur Daguelleau, & qu Len fera enfuite remis deux Exemplaires dans notre Bibliotheque pu- blique, un dans celle. de notre Château du Louvre, & un dans celle de notre dir trés-cher & feal Cheva- lier , Chancelier de France le Sieur Daguefleau ; ; le gout à peine de nullité des Prefentes. Du contenu def- quelles vous mandons & SORA de faire joüir JExpofanc , ou fes ayans caules , pleinement & pai- fiblement , fans foufrir qu'il leur foit fair aucun trouble ou empêchement: Voulons que la Copie def. dites. Prefentes qui fera imprimée tout au long , au commencement ou à la fin dudit Livre, foit tenuë pour dûëément fignifiée, & qu'aux Copies collation nées par l’un de 10 amez & feaux Confeillers & Se - gretaires, foi foic ajoûtée comme à F Original. Com- mandons au premier notre Huiflier ou “Sergent de faire pour l’execurion d'icelles ous Aétes requis & peceflaires , fans demander autre p:rmiflion , & nonobftant Clameur de Haro, Charte Normande, & Lectres à ce contraire. C AR tel cft notre plaifir. Doxxs’ à Paris le deuxiéme jour du mois de Mai, . Jan de grace 1727. & de notre Régne le fixiéme, Par Je Roi en fon Confeil. C A R PI OT. Regiftré [ur le Regifire 4. de la Communauté des Librai, es @* Imprimeurs de Paris ; page 734e NO. 794. conformés nt aux Reglemens, & norarament à l’ Arrée du Conféil d4 H A 1793. À Paris le 26. Mai. 172 Signé à DELAULNE ; Sindic, ; Ledit Sieur Didot à Aloce. au prefent Privilege 1à Fear Yean-Luc Nion Libraire à Paris , &c Jean. Baprifte achuël Pere , Libraire. Imprimeur à Roëüsn ; pour €n joie conjaintement fuivant l'accord fait enu’ eux. Fr H IST O.I1R'E UE a DB tir > LAMERIQUE _ SEPTENTRIONALE. LETTRE, LI. PARTANCÈ DE LA ROCHELLE. Evrconffances particulieres penaass la Tra- Verfe, defcription de Plaifance dans l'ifle - de Terre-Nenve ; © de fon Commerce: Le) : ir 4] ONSIEUR, | | Si vousne m'aviez permis 4 de vous faire la relation d’une partie de mon Voyage de l’Amerique Septentrio: A x | 2 2 Hiftoire de iale, je n’aurois eû garde de prendre cetre -berté. En effet, que pourrois.je vous dire jue vous ne fachiez beaucoup mieux que moi, qui ne m'étant trouvé que rarement dans des tempêtes ; viens ici vous en faire un recit qui paroît affez inutile pour vous, Monfeur , quienavez efluyé de fi rudes, &c dans des occafions tout autrement confide- rables , & qui les avez affrontées avec tant d'intrepidité & furmontées avec tant d’ha- bileré & de fagefle, Je vous avoüe que plus je fais reflexion à la liberié que vous m'avez donnée, plus je trouve qu'il ya de J'indifcretion à m'en fervir, mais fouve. nez-vous, s’il vous plait , que vous me l'avez permis, C'eft pourquoi je commen - cerai certe Relation, en vous difant que les vaifleaux du Roi, le Pelican , le Pal- mier ,le Weefph, le Profond, & le Vio- lent , étoienc à Chef de Baye aux rades de Ja Rochelle, prêts à faire voile lors que je . reçûs un ordre de Sa Majefté pour m'em- barquer Commiffaire à la fuite de certe Efcadre. | | Je réglai toutes mes affaires en moins: de deux ou trois jours, & m'embarquai fur le Pelican : Comme je n’avois point été à l’armement je voulus faire la revuë generale , & prendre connoilffance de l'Ef- cadre avant la Partance, Je la fis donc le DS l'Amerique. Septentrionale. | jour de Pâques, qui étoit le fepe Avi mil fix cens quatre-vingt dix. lept”, nous fimes voile le’ lendexiain à &; heures du matin, d’un vent d'Eft. Serigni . Lieutenant de Vaifleau, qui moñtoit le Palmier , fe trouva le Co. mändant en A brerice de Monfieur d’I- berville fon frere , Capitaine de Freoate ; que nous devions prendre à à Plaifance pour l'entreprife des Forts Anglois de la Baye d'Huüdfon , qui eft au Nord du Canada, Le Maquis de Château: Morand ,' Ca: | pitaine de Vaifleau , Neveu de Monfiedr le Maréchal de Foutvile: , qui s’enalloit aux fes de l Amerique , ‘avec plufieurs Vaif- feaux Marchands , nous convoya jufqu' au onziéme du même ‘mois , vingt à vingta cinq lieuës par ‘delà le Cap- de Fideg Terre ‘où nous nous $ feparämes® les” uns des autres: Les vents d'Eft nous furent tout.à: Le verbes pendant neuf jours, & s'ils euf- fenr'continué nous fuffions arrivez en peur de jours À Plaifance , mais ils changerent le vingt & un avéc une brume fort épaille & un ftoid auffi rude que das le mois de Janvier , &. commencerent à être fort _éontfaires' avec des broüillards extréme: | ad mé > en forte que la Mer devint: # À 4 4 Hifhoire de tout.à-fait tude , &. prefque impratis quable. li ny eut que la moufqueterie & le canon , que lo js tiroit de temps en temps l'efpace de vingt & un jour, qui nous empêécherent de nous féparer : : nous pou- vions alors dire avec un jufte lajet , que du Printemps nous.étions rentrez dans le plus rude Hiver, & nous avions tout lieu de craindre un ae naufrage , tant il ef difhcile de naviger fur les Mers, fans fe trouver expolez ide rudes coups de vents ; c'eft ce que nous. éprouvâmes bien. tôt A car Le vingt-cinq.du même mois le Weefph que montoit Chatrier , Enfeigne de vaif- feau, démäta de fes dus huniers , & le Londraiain le Pelican donna chafle d'un vent Sud, Sud-Oùü:(, far les quatre heu res du foir , à une corvette Angloile, de quatorze canons , & déja nous-nous: pro= poñons à en faire le butin, mais la jaye qui commençoit à naître parmi notre é- quipage ;. qui ne s’en voyoit qu'à une pe- tite portée, fut bien tôt ralentie par un orage DV PAR & plein, der nége > qui s'éle- -ya tout d’un cou … En.effer,, certe tite conftelation n’eûr - fi-16t paru , que tous les vents fe mi- rent de la partie ,, &. fe déchainanr horris L’'Amerique Septentrionale. f bleient l’on eut vû dans le moment des ens tout troublez, lors qu'on entendit un bruit fourd & confus, ; qu excitoient les Marœuvres. Le Ciel s’obfcurcit de telle forte, que nous ne pouvions nous reconnoître ; & nous nous prenions les uns pour les au« tres. : Il fembloit que cette vafte érenduë de Mer , formoit une montagne efcarpée , d’une baüteur prod'gieufe, fur laquelle nous étions. … Puis venant rout d’un coup à s’écrou- ler, formoir des abîimes dans lefquels nous paroiffions & être engloutis. Mais ils en furent raportez plus vire qu'ils n'étoient montez. En vain nous ef- forcions.nous de fortir de ces affreux abi- mes , lor{que limperuofité d’un autre loc nous. | élevoit jufques dans les nuës, où nous paroiflions comme fufpendus & im mobiles, | Tantôr la Mer paroiffoit comme une vafte & profonde Valée, entre deux mon- tagnes efcarpées , au pied. defquelles nous appercevions.les flots entr'ouverts. Le moment d'aprés les concavitez fe semplifloient ,.& la Mer demeurant nean- moins toûjours agitée , on voyoit les va 6 | Hiffoire de | oues s'enfoncer avec fureur dans le fable ;: prefque jufqu'au centre de laterre. : : Cette cruelle tempête dura deux jours: entiers , pendant lefquels nous effuyâmes tour ce qu'on peut s ‘imaginer de fatigues , & nous nous vimes plufieurs fois à la veile le de notre perte : Mais enfin il ne nous en couta que notre grand hunier , & ce fut un efpece de miracle pour nous d’en être quitte à fi bon marché, Ce fut auffi un : _grand bonheur pour la corvette Angloile à qui nous avions donné chaffe , car aprés l'avoir perdüë de vuë , nous: l'aperçümes- enfuite au vent une demie-heure aprés. dé: mâtée de tous fes mâts, ayant chaffé: a fec.. | Notre Efcadte fe trouva pour lors dif perfée jufqu'au vingt-fept que nous: trouvâmes le Profond ,: & le: vingt. huit: far le foir ; le Palmier vint nous ranget dans un affez picoyable étac. Serigni nous dit que la nuit du Vendre: di vingr-fixiéme au Samedi, le Palmier’ œTe Weelph s'étoient abordez + le pre: mier avoit eû tout fon éperon emporté ; & fa bouteille & fon ancre de bas. bord: rompuës. Il r’avoit n’y mât de Huné, n'y Perroquets , n y hune de Beaupré, point de Vergue de Civadiere ,:le Beaupté étant l'Amerigue Septentrionale. , tout dégarni ; rien n'étoit plus affligeant que ce fpectacle , joint à celui de l'équi- page qui étoit dans une extrême confter- nation. En effet, Le choc que s’étoient fait réciproquement les deux vaiffeaux dans une grande obfeurité ,avoit été fi violent que dans le temps que le Weefph rouloit , les canons de la feconde baterie , le fra- poiene entre la quille & la ligne de flot- tailon , & fon Beaupré donnant debout au corps dans le mât d’Artimon, le cafla en deux. Le coup fut d'autant plus favorable au Weefph, qu'il l'empêcha de fombrer . fous voiles. Dans le moment celui. ci n’a- yant plus paru, les Ofhciers du Palmier _ crürent pour lors qu'il étoit coulé bas. Quand nous n’aperçümes plus le Weefph revenir avec le Palmier , nous demanda- mes à Serigni s’ifne l’avoir point v, &ik nous fit comprendre qu’il croyoit lavoir, vû perir. | Comme il ne parut plus, nous ne fai vions qu'en penfer , & flottans entre l'ef. perance & la crainte , nous-nous imagi- nions tantot qu'il avoit relâché aux Aco- res, & tantot qu'il s’étoic perdu dans la tempête. | | Dans cette incertitude nous continuä- mes le refte de notre voyage , avec les fIOIS autres. | $ Hate de La bonne conduite de Serigni étoit ex: | trémement utile dans cette conjonêure ; où en vingt fix jours à peine vimes nous fix fois le Soleil, Pendant ce temps- à les maladies furvenoient de jour à autre dans notre bord. Le fcorbut commença à s’y infinuër & y regner generalement, Notre malheur ne fe termina pas à ce- la , car les vents vinrénc cout à fait con- fraites. Les Pilotes ne Éfoisht plus où ils € toient, il n'y avoit pas moyen de pren- dre Hauteur : ; enforte que nous étions tous au defefpoir. Toute notre confolation étoir &% voir quelquefois grande abondance d' oifeaux, qui nous fervoient comme de prélages pour nous faire conjeéturer que nous n'é- tions pas loin du grand Banc : cepetidant nous ne pouvions” ‘2 arriver, Nous nous trouvâmes à la fin banquez Je feptiéème Mai ; fur les quatre heures aprés midi. _ Les Pilotes trouverent quarante cinq . braffes d’eau, fond de gravaille, noirâtre un peu pourri | 8 plat, nous carguâmes nos voiles | pour avoir le plaifir de pêcher de la Morte, Nous en primes une grande quantité qui fervic de rafraïchiflement à 2 - l'Amerique Septentrionale. ÿ nos équipages , La plüpart des volailles & des moutons qui avoient été embarquez pour cer effet, étans morts de froid ou des coups de Mer qui pafloient continuel. ement fur le pont, ou de maladie, com- me nous avons dit ci deflus. Le Violent même que montoit Bigot enfeigne de Vaifleau , fe trouva entre deux ‘eaux pendant un temps aflez confiderable, jufques là que des coups de Mer briferent des épontilles en fon fond de cale, Nous apareillämes deux heures aprés d'un vent d'Eft quart Nord-Eft, qui ne dura guere, car les vents changerenten- core. | | Pendant ce temps-là neanmoins nous arrivames fur le Boulevard ; mais les brumes augmenterent toüjours, _— Aprés creize jours de tempête nous connûmes terre fur les quatre heures du foir, à quatre lieucs au Nord Oüeft quart- Oùüeft, | Les fentimens des Pilotes de l'Efcadre furent partagez , l’on crût que ce pouvoic être le Cap de Saint-Laurent de l’ifle de Terre-Neuve: c'eft pourquoi nous revirà. mes de bord pour éviter cette Côte, & .portâämes vers le Sud, Nous reconnümes encore terre le feize, fur les dix heures du matin ; mais les brumes empéchereng 10 Hiftoire de | de nous en trop approcher, de crainte de quelque naufrage, Les fentimens furent derechef partagez. Nous fimes venir le Pilote du Profond , qui nous dir que c'é- toit le Chapeau rouge de l'ifle de Terre- Neuve, dont nous n'’étions éloignez que de fix Réuée tout au plus. _ Nous nous retirâmes la nuit, & le dix- feptiéme le temps s'étant éeliret:, nous vimes du vent de Sad Oùüelt quart de Sud , le Cap de Sainte-Marie. C'éft la premiere Terre que l’on reconnoït ordi- nairement pour entrer dans la Baye de Plaifance, I eft au quarante fixiéme de- gré, vingt min. de lat. Nord , à quatorze lieucs de Plaifance. Nous entrâmes dans cette Baye, laiffant le Cap fur les fepr heures du foir , au Sud- Sud ER , environ trois lieuës & demie , aprés eue cargué nos bafles voiles, & les _ huniers. Le calme nous prit {ur la minuit, Le vent fraichiffant le dix huit, nous fimes trois bordées , aprés lefquelles nous | moüillâmes {ur les ‘dix heures du matin à la pointe verte , qui eft habitée des Fran- çois, à une Haue de Plaifance ; & aprés beaucoup de farigues & de mauvais temps que nous eûmes dans notre route, nous entrâmes enfinle même jour dans le Port, le Weefph y arriva trois jours aprés, auf ED ) 4 PE 2 À OU TUE : L'RAU # mi du: RAS LUN ee", : l Amerique Septentrionale: 1 FA eh peine d'apprendre des nouvelles du Palmier, que le Palmier l’écoit d° appren- dre des res | _ Le radoub qu'il falut faire de ces deux 4 vaifleaux, fut caufe que nous ne pûmes ak ler à l'Acadie , felon les ordres que nous avions reçüés. Nous n’eûmes que le temps de nous difpofer pour la Baye d'Hudfon, qui étroit le feul fujer de notre voyage. ; Nous trouvâmes heureufement Mon: | fieur d'Iberville, qui deux jours aprés no- tre arrivée détoit continuer l’entiere de ftruétion de la Colonie Angloile, “ eft établie dans l’Ifle de Terre. Neuve : Nas - | avant de vous en rapoitér les crétin, ées , il eft à propos de tracer ici la défcri- ption de Plaifance , dont le Port eft l’un des plus beaux qui fe puilfe voir, tant par {a fituation naturelle que par raport aux differens ouvrages dont ileft fortifié : il eft d’une fi grande étenduë qu'il y peut moüiller plus de cent cinquante aeaug de Guerre rels qu'ils puiflent être, Son entrée eftun Goulet , où il n’y a que le pallage d’un navire. Le Pilote qui voudra y entrer tiendra le milieu le plus qu'il pourra , ( ce qui n’eft pas fort facile, a caufe d'un grand Courant & des MD de marée ) & l’on porte une Auffiere fur a grande Grave, pour ne point ranger | 2 / di 1: © RE CRE se) \ \d CA * ÿ Mes E 16 | Hifhoire de | le Fort, qui eft cout bordé de Rochers: Plaifance eft dans un païs plat, divifé en deux parties par ce Goulet, dont l une eft la grande Grave & l’autre ‘Je quartier du Fort, qui eft au pied d'une montagne d'environ cent trente toifes de hauteur , fur laquelle eft une Redoute bien forti- fée, la nature ayant rendu Je païs haut inhabitable, n’i produifant que de la mouf. fe & de petits fapins , parce que l'on n'y trouve pas un demi pied de terre ,a voulu. former un païs plat de trois quarts de lieuc de lons , que l’on apelle la grande Grave ; elle eft entre deux montagnes qui font à pic. Celle du Sud Sud. Oüeft en ef feparée par un petit courant d’eau qui ve- nant du Goulet forme un Lac nommé la petite Baye, où il ya grande abondance de Saumons. Le long dece courant font des échafaux qui font des cabanes où l’on fale les Moruës ; le toit & les murailles de ces échafaux fohr des feñillages de fapins, auffi-bien que les maifons des habitans qui forment une ruë ; ces maifons font couvertes de mouffe , les moutons paiflent Je plus fouvent des hérbesdéffus. La gran- de Grave eft une étenduë de galets, fus lefquels l’on mer fecher la moruë. On a- pelle galet de grandes pierres p lates qui font en ces endroit. | | Los TS A . Maison sur la quelle un Mouton paitr. B.Cour Mason. C. galets où prerre : \ » a da sarl Ho ie 4 éd AUTRES 3% D ntm VA LUI et Vutttté il "f {4 y ÿ | _ l'Amerique S'eptentricnale. 17 4 Comme la moruë fait toute la richefle de Terre Neuve, vous voulez bien Mon- fieur que je vous dife de quelle manicre- elle fe prépare , les foins & les peines qu il ÿ faut aporter font grandes , je ne r£îtere point ce que c'eft qu'un échafaur, n’y come me ilef"bâri, il s'agit de favoir que c'eft l'endroit où l’on habile les mortes. L'on _ y trouve un Piqueur, un Décoleur , un \ Trancheur, & un Saleur, qui y travaillent, On peut dire avec raifon de ces maifons qu'elles-fonttoutes la richeffe des habitrans de ce païs , & qu'elles reflemblent parfai- tement à celle à qui Virgile donne Îe titre de Royaume. Panperis © tuguris con- geffum cefpie cnlmen. | Pour connoïtre les fonéions des per fonnes qui y font employées , il faut fa- voir que le Piqueur ouvre la moruë. _ * Le Décoleur arrache les entrailles , lé foye , & coupe la tête. de oi Le Trancheur lui Gte l'arêre , & la faie glifler dans un Efquipot , qui eft un pete refervoir qui va en pente. Le Saleur la reçoit dans une broutte, qu’il conduit en un endroit où 1] fait la Sae line de la maniere que je le vai raporter- Il étale une couche de moruë de neuf ou dix pieds de long , fur laquelle il jette: du fel , & fucceflivement d’autres couches | B > REV A:, Qt Sa 19 MR UE D 0 CL | Fune fur l’autre, de l’épaifféur de trois pieds , elles demeurenten cerétar cinq à fix jours afin que le fel puifle s'imbiber, au bout defquels deux hommesles porteng à la mer dans un lavoir ,qu'ils frottent 8c Javent avec un goupillon pour en ôter le fel. On les mec enfuite en pâte, c'eft-à- dire en malle. Elles y reftent deux jours ; & aprés la faint Jean un feulement , à caufe de la chaleur. On les étend aprés fur la Grave, le dos fur le galet , & on les re- tourne le foir, où elles demeurent jufques au lendemain à neuf heures du matin, & fi le temps eft beau on les retourne encos re;enfuire on les retire de là pour les mec. tre en mouton, c'eft-a dire cinq ou fix les unes fur les autres, la queué dans la tère, & la tête dans la queuë Aprés-quoi s’il fait beau temps on les étale comme je viens de dire, & fur le foir du même jour on les met encore en mouton pendane trois jours & trois nuits. On les meten- fuite en pile, qui eft faite à peu prés com- me un pâlier de bafle court, qui contient. quelquefois trois cens quintaux. On les retire de cette pile pour les mettre de re. . chef fur la Grave, & l'aprés-dinée on les: remet en pile l’efpace d'un mois pour les faire fuer, fans plus les éventer , c'elt.a- dire fans les étaler fur la Grave, & onen charge aprés les vaifleaux. r Amerique Séptentrionale. rÿ . H ya beaucoup de gibier dañs toute l'Ifle ; on y trouve du Caribou, de l'Ori< gnac h Caftor , & des Renacds : les Per dris y font fort délicates. Lors que l'on va. un peu loin à la chaffe l’on porte une Bouf: {ole , car l'on court rifque trés fouvent de ne plus trouver le lieu de fa demeure. Les Fraifes y font en fi grande quantité qu'il y en à autant que d'herbe dans les bois; au refte il y a beaucoup de defagremens « dans cette Colonie. Deux Barques longues, de quatre pie= ces de canon, avec trente hommes d’é- quipage chacune: peuvent defoler & rui- ner les Graves de la Baye ,enlever ou cou- ler bas toutes leurs Bifcayennes lors qu’el- les reviennent de la Pêche. Les Habitaris ne joiiffent d'aucune douceur de la vie ; ils n’ont point de Jardinages parce que toute la terre n’eft remplie que de galets, fur lefquels ils font fecher leurs Morues dans les endroits où les pierres ne fe trou- vent point. La terre eftune Moufle, où rien ne peut produire, Le bled ny ion point, n’y ayant aucun fruitde France que des Fraifes, ce qui dégoute la. plüpart des Habitans _& fait qu ils aimeroient mieux le Cap Breton, car je leur ay fouvent en- tendu dire que fi L'on connoifloit à la Cout k merite de l’ifle du Cap Breton , -& Le ES D LT. dt ne l'on vouloit le peupler, il n’y a point d'Ha: bitans à Plaifance qui ne quitta volontiers cette Ville , fi on leur permettoit , pour s’aller établir dans l'Ifle du Cap Breton. En éfer , c’eft une trés belle Ifle , à la côte de l’Acadie , vis-à-vis la pointe du Sud de l’Ifle de Terre-Neuve , qui forme l’en- trée du Golphe de faint Laurent. La terré ÿ eft admirable. Ce ne font que Plaines, que Préries, que Forèêts remplies de Chë- nes ,d'Erables, de Cedres ,de Noyérs, 8 des plus beaux Sapins du monde , & des: plus propres pour la Mâture. L'onpour- roit y conftruire des Moulins à fcièr pour faire des Planches de Sapins ,de Novers, & de bordages de Navires , qui feroient d'un grand Commerce pour la France. L'on y feroit une feconde Normandie fi l'on vouloir y planter des Pepins de Pommes , le Calvile fur vout y féroit d’un goût exquis comme celui de lAcadie. Le Chanvre y vient naturellement, & l'on y en trouve des campagnes toutes remplies. Le Bled y feroir plus beau qu'à Quebec : le Houblon y viendroit aufl. La chaffe aux Outardes , aux Oyes: fauvages , aux Perdris de France, aux Ge- hinotes de bois ,aux Tourterelles, aux Ca- pards , aux Pluviers, aux Sarcelles , aux Beccafines , & à voute forte de Gibier . l'Amerique Septentricnale. 1r de tiviere y régne de toutes parts. Je ne parle point de la Peileterie du Canada , qui ny manqué point, LAMPE L'on n’auroit pas fi loin à aller pour faire la Pêche de la Moruë comme à Plai- fance ; & l’on n’y courroit point le même rifqué , d'autant qu’elle s’y fait prefqué terre à terre tout le long de l'Ifle. Il ne me refte plus qu'à vous aflurer que je fuis trés parfaitement, MONSIEUR $ Vôtre trés-humble, &c. 25 Hifhoire de a . IL LETTRE Deffrnibion prefqu'entiere de La Colonie Angloife en l'Ifle de Terre- Nenve » en 1696 , Œ 1697. | MOTS o \ Vous m'avez toûjours aimé dés ma ten: tre jeunefle , & je vous ai toüjours honoré; La parfaite amitié eft comme un lien fa- éré qui attache fi étroitement le cœur de deux amis , que rien au monde n’eft capa- ble de le rompre. Pour moi qui vous ai confacré le mien, je veux encor vous re- nouveller en cette occalion ce que j'ai de plus cher par l attachement inviolable que j'ai à vos interêts. Recevez je vous prie _ une defcription de l’Ifle de Ferre Neuve que je vous envoye. Il s’eft fait pendant cette Guerre des actions fi heroïques ,.que jamais Monar- chie n'a fourenu la gloire de fon Prince avec tant d'éclat que celle de la France, La réputation des armes du Roi s'étant ré- | dis jufques aux endroits de la terre les l'Amerique Septentrionale. 233 plus éloignez, les Canadiens ont voulu fai. re voir de leur côté qu'ils n’étoient pas moins paffionnez à foûrenir les interêts de Sa Majefté que les autres fujets. Etanimez de certe noble ambition, ils ont donné en plufieurs ocafons des marques aflurées de leur fidelité. Vous voulez bien, Monfieur,. que je vous faffe un recit de quelques a- étions particulieres où je les ai vûs occu- pez pour le fervice du Roi dans le temps que j'arrivé à Plaifance. Vous y trouverez une maniere de faire la guerre tout-à-fait differente de celle de l’Europe. Le climat & la fituation du païs y contribue beau- coup. Et quoi qu'elle tienne un peu du ca- raétere des Sauvages avec quiils font toû- jours en guerre, ils ne laiffent pas de venir - … glorieufement à bouc de leurs entreprifes. _ Les Anglois ont cette maxime, lors qu’ils s’établiffent dans les Colonies , de mettre en ufage tour ce qui peut contribuer aux commoditez de la vie, autant que le cli- mat des païs où ils fe trouvent le peut per- mettre. Legrand nombre de Havres qu'ils occupoient en l'Ifle de Terre-Neuve, fai- foit voir que c'en étoit une des meilleures d'Angleterre, Monfieur d’Iberville con- noïffant la richeffe de cette Ifle , crût qu'il étroit du fervice du Roi d’en arrêter le cours, &c qu'en dérruifant tous les endroits PA ny L, 44 Hifforre de qu'ils habitoient , le Commerce en ferois interrompu. Il prit la hberté de reprefen ter à Monfieur de Pontchartrain qu'ilétoit dangereux d’avoir de fi puiflans voifins aux environs de Plaifance , & s’offrit d’en faire l’entreprife. . | | Sa Majefté lui accorda de prendre pour cet éfet des Canadiens, & lui commanda de fe joindre l'Eté de 1696. avec Mr. du Brouillan Gouverneur de Plaifance. : Les Vaïffeaux le Pelican, le Comte de Touloufe , le Phelipeaux , le Vendôme, l'Harcour , & deux Brulots, montez par des Maloüins, devoient faire les attaques pat mer. e | Monfieur d'Iberville étant occupé à fai- re des expeditions dans l’Acadie fur les Anglois ne püûrt arriver affez à temps; ce qui obligea ce Gouverneur de faire voile avec ces Vaifleaux, | Il prit plufeurs petits Havres , dans lefquels il fe trouva plufieurs bätimens chargez de Moruës ; mais il furvint entre lui & les Maloüins une mes-intelligence qui empêcha la prife de faint Jean, qui. éroir la Place la plus confiderable de toute. l'Ifle. 11 fur obligé de s’en retourner à Plaifance, où ilerouva Mr. d'Iberville qui. éroit arrivé de l’Acadie, prêt à partir pour: Je joindre, ne l'ayant pû faire plitôr, parce nor qu£ - Amerique S eptentrionale. 2$ que tous fes Canad:ens n’étoient ii en- core! arrivez du Canada. -Monfeur d’Iberville s'étant chargé de D hicre deftruétion de ces Havres par Tertre , ne le croiant pas fi facile par Mer, fe difpofa de partir pour en faire la tenta. tive, mais Mr. du Brouillan voulant avoir part à une entreprife qui ne pouvoit être que fort glorieule, à laquelle il n'avoit pù réuflir avec quinze à feize cens hommes, lui arrêta fes Canadiens. Ceux-ci déclen rerent ouvertement qu'ils ne vouloient point luisobeïr , voulant s'en retourner en Canada, & qu ils {e retireroient dans les bois plätôt que de l'accompagner. Ils fe plaignirent qu'en partant de Quebec on ñne leur avoit point dit qu'ils dûflent le re- connoiître pour leur Commandant, & ils favoient même qu'ils étoient aux frais de Mr. d'Iberviile, dont ils avoient recû 1 de l'argent. Monfieur du Brouillan fachant que Mr. d'Iberville avoit ordre de faire la Guerre . feul en Hiver, ( ce qu’il avoit toûjours regardé comme impoflible ) lui fit cepen- dant parler Demuid, Capitaine d'une Com- pagnie d'Infantèrie en Canada, qui étoir venu conduire le détachement dès Cana- diens , qui lui dit que Mr. du Brouillan ao feulement fe rrouver à la prife de Tome JT. C 26 Hiftoire de fainc Jean, avec de fes Habitans ; fans entrer dans aucune prétention fur les a: wantages qu'il en pourroit tirer. Lors qu'un Commandant poflede le cœur de ceux qui font fous fon obeïflance, il lui ef aifé de les manier , & de leur infpirer des fentimens autant qu'il le juge à pro- pos. Jerrouve que la conduite de Mr. d'T- berville fut cout à fair judicieufe dans une conjoncture aufli embaraffante que celle où il fe crouvoit. 11 favoit d'un côté la confequence qu'il y avoir de commencer par le Nord de l'Ifle ; & d’ailleurs il étroit . perfuadé que les Anglois fe ferojent for- tifiez de nouveau ,dans l’aprehenfon où ils pourroient être que les François ne re- vinffent encore. Enfin aprés avoir calmé les efprits irricez des Canadiens , qui ne {ont pas fi maniables , il fe détermina d’al- ler à faint Jean. Éturdth 318 Monfeur du Brouillan s’embarqua fur le Profond , & fit voile pour Rognouge, lieu du rendez. vous. Monfieur d'Ibervil'è aprehendant quelques coups de vent affez frequens dans cette faifon, qui le jettant au large auroit p l’obliger d’aller en Fran- çe avec fix vingt hommes qui étoient à fes frais & dépens, prit le chemin deterre. La répuration qu'il s’éroit acquife par- gi differens peuples Sauvages , obligea — | l'Amerique Septéñtrionale. 27 _ Piérre-Feanbeovilh, Chef de Guerre des Abénaquis, de quitter fa nation pour être témoin oculaire de ce qu'on difoit de lui. Ge Chef voulut favoir 1fr Mr. d'Iberville faifoit mieux la guerre aux Anglois, que Jui ne la leur faibic , & aux Iroquois fes ennemis. C’eft un homme d’une trés-belle taille ; de trente- huit à quarante ans. Il a dans les traits de fon vifage un air rout à fait martial. Ses actions & fes manieres font connoîïtre qu’il a les fentimens d’une belle ame. Il éft d'un fi grand fang froid qu'onne l’a jamais vû rire, Il a enlevé feul en fa vie plus de quarante chevelures. Il n'étoit point naturel de faire une cam- pâgne de cinq ou fix mois fans avoir quel- que: Ecclefaftique. Monfieur l'Abbé Bau- | doüin, qui avoir été autrefois Moufque- taire, éleve de Mr. l'Abbé Fronfon , & prefentement Miffionnaire dans l’Acadie ; voulant donner des preuves de fon zéle accompagna Mr. d'Iberville. : … Is partirent tous de Plaifance le jour de . la Fouffaints de l’année 1696. pouraller au fond du Port, quia prés de deux lieuës de profondeur.lls monterent le lendemain dans les bois environ une demie lieuë ,& Je troifiéme jour marcherent dans un païs mouillé, couvert de moufles, où ils enfon- . goient, caflant avec les jambes les glaces, Rs 28 Hiffoire de Cette marche dura neuf jours | dans des bois fi épais qu'à peine pouvoit-on pafler, étans obligez de traverfer des Rivieres ,; des Lacs jufques à la ceinture , dans un temps où le froid étoit fort rude. Ils arri- verent le dix du même mois à Forillon, où Mr. d'Iberville fe rendit le premier avec dix hommes qu’il détacha des autres. Les vivres commençoient à leur manquer de- puis deux jours : Ils trouverent fort à pro- pos une douzaine de Chevaux qui leur fervirent de nourriture , dans l’attente où ils étoient des vivres qui étoient embar- quées dans le Profond. Monfieur du Brouil- Jan étant arrivé le premier à Rognouge,, détacha -Rancogne Ofhcier de fa Garni- fon , avec quelques Soldats qui prirentun Anglois , lequel s'étant échapé en donna avis à faint Jean, Le Gouverneur de cette Place ne manqua pas d'envoyer au plü- tôt un détachement confiderable à la dé-” couverte. On rencontra l'Officier Fran- çois; on en vint aux mains , & il fut ob ligé de fuccomber fous le grand nombre. On lui tua un homme , on en blefla un au- tre , & on lui fit quatre prifonniers. Cet Officier s’en revint à Forillon avec trois hommes demi-morts de faim & de froid. Pendant que Mr. d’Iberville alloit en Canot joindre Mr. du Brouillan, il envoya l D risus Seprentr ohale. 26. de Plene à Cabreüil, avec douze hommes, joindre deux Anglois qui avoient été dé- couverts. Celui ci enleva quantité de vi- vres , & emmena douze prifonniers , qui déclarerent qu il y avoit cent hommes le long de la côte , jufques à à Bayeboulle, qui commencoient à faire des habitations. Monfieur du Brouillan ayant renvoyé le Profond en France avec quelques prifon- niets, arriva à Forillon avee cent hommes, Ce fat-là où ils prirent les expediens les plus feurs & les plus convenables. Il falut pour cet éfet faire plañeurs dé couvertes : c’étoit l'unique moyen de con À noître la force des ennemis, & d’ aprendre en même temps s l ne: rés venoit point d'Angleterre quelques vaiffeaux de guerre: Mr.d'iberville étant la têre de cent VINQte quatre Canadiens. , parmi lefquels fe trou- verent plufieurs Gbarilsbommies , quatre Officiers, & le Chef de Guerre des Abena- - quis ; qui le fuivoit toûjours dans tous fes mouvemens , fe mit en chaloupe pour Ba- yeboulle, qui eft à fix lieuës de Forillonr. Ïls prirent en arrivant un Vaifleau Mar- chand d'environ cent tonneaux, dont lé. quipage s'enfuit dans les bois avec les ha= birans du lieu. Vingt Canadiens partirent pour faint Jean. Dix autres courant les bois enleve C3 30 :iffoire dé es, rent cinq hommes, parmi lefquefs fe trou: va le Capitaine de ce Vaifleäu qui étroit partid’'Anpgleterre avec deux Vaiffeaux de guerre de cinquante & foixante & douze pieces de canon, qu’il avoit quitté fur le Grand Banc, & quil croyoit devoir être arrivez à faint Jean. Defchaufours fe dé- tacha avec fix Canadiens pour Ouitflifba- ve : Six autres firent crois prifonniers & une femme. Quatre Matelots fe jerterent du coté des François : Deux Canadiens du Parti qui étoit allé à fainc Jean, revinrenr. Le refte obfervoit le Petit Havre , qui eft à cinq lieucs de Bayeboulle , avec un pri- fonnier; qui leur aprit qu'il n’i avoit à faine Jean que trois Navires Marchands, mais ils n’oferent s’écarter de peur que les tra- ces de leurs Raquetes ne les filent dé- couvrir. | | Ces découvertes étant faites l’on va droit à faint Jean. Monfieur d'Iberville ayant choifi Montigni, Lieutenant d’une Com- pagnie d'Infanterie en Canada, pour fon Lieutenant, partit le premier avec fept Canadiens pour fe rendre maïtre des hau- teurs d'où l’on pouvoit découvrir Mr. du Brouillan qui conduifoit fon détachement: & comme il étoit impoflible d’avoir des chevaux & des chariots pour porter Îles bagages dans des chemins impraticables., | l'Amerique Septéntrionale. chaque Canadien étoit chargé de fes mu. nitions. Trois heures aprés cette marche, Mr. d'Iberville ayant rencontré ceux qui revenoient de la découverte de S. Jean. arrêta trente Anglois du Petit-Havre , qui avoient découvert les notres. Il les atra_ qua, & paflant une Riviere trés rapide jufqu’a la ceinture fe rendit maître de ce _ lieu, où il trouva de la refiftance par les retranchemens que les Anglois y avoient faits. Les ennemis y perdirent trente. fix: hommes, & il y eut quelques prifonniers: Le refte gagna faint Jean. Les néges aug menterent beaucoup ,; & comme il s’agif- foit de vaincre ou de mourir, l’on marcha le 28. Novembre en ordre de bataille. Montigni marchant cinq cens pas de- vant la Troupe faifoit l'Avant garde avec trente Canadiens Meffieurs du Brouillan d’Iberville fuivoient avec le Corps. Les habitans de ce Gouveïneur étoient à la tête , avec ordre cependant de laifer paf- fer les Canadiens en cas d'attaque. Aprés deux lieuës & demie de marche , l’Avane- garde découvrit à la portée du piftolet les ennemis, qui étoienr au nombre de quatre- vingt,poftez d'une maniere fi avantageufe dans un bois brûlé, qu'ils étoient à cou- vert derriere des rochers. Montieni fe voyant découvert anima fes gens qui don. 32 Hliflaire dés nerent tête baiflée deflus. Monfieur FAb- bé Baudoüin exhotta en peu de paroles les Canadiens ; & leur ayant donné l’Ab- folution Generale, chacun jetta les hardes dont il étoit chargé. Monfeur du Brouil- lan les attaque à la têre, Mr. d'iberville fe jerte fur la gauche, où il les prend en flanc à l'abri des rochers. Le Combar s'opinià- tre une demie heure. On en tuë pluñeurs ; des autres plient. Celui- ei l'épée à la main, avec le Chef des Abenaquis, donne deffus; les autres fe battent en retraite, Ils fe re- fugient à à faint Jean ; sil les y force. Ils fe -jettent dans deux E opté, il les leur fait a- bandonner , s’en rend AE & fait tren- te prifonniers avec quelques familles. Le refte fe fauve dansun grand Fort ,& dans: une Quaiche qui étroit dans le use. Sur ces entrefaires Mr. de Brouillan ar. riva avec la Froupe. Demuid fe miravec foixante hommes dans Le Fort le plus pro- che du grand, qui en étoit éloigné d’une portée de canon , & le gros fe campa dans Ja Ville. Ce Fort étroit paliffadé, revêtu : FE terrafle de trois pieds de haut. La Quai- che profita d’un vent favorable. Les en- nemis y mirent leurs meilleurs éfers , & y.embarquerent prés de cent hommes. Hs perdirens dans cette pourfuite cinquante l' Amerique Septentrionale: 33 hommes. Le Trompette de Mr. du Brouil - lan y fut tué. Trois de fes gens & deux Canadiens y furent legerement bleffez. L'éfperance qu'avoient les Anglois que les deux Vaifleaux de Guerre oil incefflamment , étoit un obitacle pour que Fon fe rendit F tôt maître du grand Fort. dans lequel deux cens hommes s’étoient jettez fort précipiramment ; felon le ra- port de quelques-uns qui avoient pris no- tre parti. Il étroit à propos de fe faire un chémin: découvert pour reconnoitre le Fort. De- muid & Montigni , avec foixante Cana- dieris , brôlerent pour cet éfet les maifons voifines. Ce Fort eft fur la côte du Nord- Oüeft, à mi-côte , commandé par deux hauteurs, toutes deux diffantes à une por tée de full. Il eft de figure quarée, flan. qué de quatre Baftions , entouré d’une par lifflade de huit pieces de canon de quatre livres de balle avec un Chemin couvert. mais pour lors "plein de néges ,;un Se levis, une Terrafle élevée , & ‘épaife de trois pieds. I y avoir au oiliee une petite Tour. di AR d'une demie portée de fu- fil d’un Ruifeau , fur laquelle étoient qua- tre pieces de canon de quatre livres de balle , & une cave au deflous qui lervois | de Magalin à à poudre. 3 ‘a Hifloire dé Pendant que les Canadiens mettoient le feu à toutes ces maifons , Mr. d’Iber- ville s’étoitavancé avec une + RE pro- che le Fort pour les {oûtenir, & Mr. du Brouillan refta au pofte pa dr avec les fiens. 1! fe fic plufieurs efcarmouches dans le temps qu'on alloit reconnoïrre le Fort. Les ennemis n'y eurent qu'un homme tué. Ceux-ei ne demanderent qu'a tempo- rifer ; & comme ils étoient refolus de fe. défendre, l’on envoya chercher à Baye- boulle su Mortier ; des Bombes & de la oudre qu'on y sx aûl laiflé. L'on peut dire qu ‘une Place eft à moi- tié rendué lors qu'un Gouverneur parlez mente. Il fortit Le trente Decembre un homme avec Pavillon blanc pour parler d'accommodement. L'on convint de pare &c d'autre d’une entrevûé.. Le Gouver+ neur Anglois fe fant à la probité des Fran gois ÿ vint Jui même ; avec quatre des principaux Bourgeois , “qui aprehendant que l’on ne vit _ lé mauvais état où ils étoient réduits , ne voulut permettre que aucun des notres entrât dans fon Fort. Ils infifterent à ne fe rendre que le lende- main, Ils fe fläroient que le vent change. roit ; & que les deux Vaifleaux de Guerre qu ils avoient vüs l'obvoyef deux jours auparavant à deux lieuës au large ,entre- l'Amerique S'eptentrionale. 3$ toit dañs le Port. Belle efperance pour des perfonnes accablées, mais vaine & futé dans une conjonéture où l’on fe voit pref- {é de fi prés , car on lui refufa ce delai. L'aprehénfion où ils étoient d'être pris d'affaut les fit balancer. ils s’étoient per- fuadez que les Canadiens refflembloient aux Iroquois, nation impitoyable à à leurs ennemis. Hs s’attendoient qu’on leur en- leveroit la chevelure. Maxime de guerre ufitée chez la plufpart des Sauvages du Nord , qui ayant pris leurs ennemis leur | enlevent Ja peau qui couvre le crâne, & c'eft le Trophée le plus authentique ‘de leur valeur. Trophée, dis je, qui fert de _ monument à la gloire d’ un Sauvage , qui pafferoit pour un homme de peu de cou- rage fi venant de la ouerre il n'en rapor- toit plufieurs avec lui: H faiut donc capi- tuler 1e même jour. Enfin ls conclurent Que la Place feroit rendue à deux heu- res ja midi. ue la Garnifon & les Habitans for- tiroient du Fort, fans armes, Qu'ils auroient one fauve, & ne leur feroit faite aucune infulte n'i à leurs Fem- mes & leurs Filles. Qu'il ne leur feroit ôté aucun habille. prent qu ‘ils porteroient fur eux, 26 Hifforre de | | . Qu'il feroit fourni deux bà timens pour les cranfporter en Angleterre. . Qu'il leur feroit donné des vivres pour deux mois du jour de leur embarquement. Lhermite, Major de Plaifance, porta la Capitulation à la Garnifon & aux Habi- tans , qui la fignerent, & la raporta au Gouverneur. Anglois, qui étoit refté.au Camp, qui la ratifia. L'évacuation de la Place fe fit fur le champ. I en fortit cent : foixante hommes, fans compter les fem mes & les enfans. Demuid eut.ordre d'i refter avec foixante hommes de garnifon, Comme Mr. d'Iberville devoit conti- nuër la guerre le refte de lHiver , ilne pûr fe défaire de {es Canadiens. L'on ne voulut point expofer à l’invafñon.des An- glois un endroit que Jon n’avoit harcelé qu'avec peine & beaucoup de farigues, qui à la fuite du temps leur auroic pû fer vir de retraite. L'on fut conttaint de de. molir le Fort & de brûler toutes les habi- tations , à la relerve de quelques maifons qui furent confervées pour les malades, qu’il fur impoflible de tranfporter au tra- vers des bois, 2#vO Saint Jean eft un trés-beau Havre, dans lequel 1l y peut tenir plus de deux cens Vaiffeaux. Son entrée eft large d’une pe- cire portée de fufil, entre deux montagnes LES - l Amerique Septentrionale. 37 trés! hautes , avec une batterie de huit ca- nons en cet endroit. Les habitans étoient au nombre de; cinquante-huit , trés bien établis fur la côte du Nord, le long du Havre, dans l’efpace d’une demie lieué. . Il yavoic trois Forts , l’un du côté du bois à l'Oüeft , un autre au milieu qui a- voit pour Gouverneur un habitant qui l'a- bandonna à l'arrivée des François , & le troifiéme étoit celui où les François s’at- tacherent. | Ce dernier défendoit l'entrée du Havre { quoique de loin ) fur lequel il comman- doit entierement , & fur une bonne partie des maifons fituées aux environs, dans lef- quelles étoient les meilleurs éfers, que l'on fut contraint de brüler la veille de la Capirulation. | »! La terreur s'étant répandue parmi les Anglois les obligea d'abandonner plufieurs endroits, & de fe refugier à Carbonniere- Leurs efpions alloient & venoient pour aprendre la cataftrophe de faint Jean. :Montigni eur ordre de Mr. d'Iberville de paffer à travers les bois avec douze hommes pour fe failir de Portugalcove, à fix lieués de faint Jean, en la Baye de la Conception. Il enleva une Chaloupe qui venoit de Catbonniere pour aprendre les nouvellés de faint Jean. Deux de fon parti do | Lu " Hifforre de raporterent qu ‘il avoit fait trente prifon. niers,.que la Quaiche fortie de faint Jéan Ÿ étoit arrivée , & qu il y avoit un Vaif- feau Marchand. Tous ces détachemens fre infenfible. ment cent prifonniers. Kividi fe trouva trop proche deS. Jean pour qu'on le laifa fi tranquille. Neûf habitans bien érablis _ fuivirent le même fort que leurs voifins.: "+ MroIEe de faint Jean étant faite, Mr. du Brouillan fe difpofa de partir pour Plaifance. 11 s’étoit trouvé hors d'état de continuËr d’autres entreprifes, & il faloir étre d'une complexion vigoureufe pour refifter plus long-temps aux fatioues que. F'on fouffre dahs, ce climat, Conde bé étoit obligé d' éfectuer la Capitulation, il donna un Brulot à deux cens cinquante Anglois our s'en retourner eñ Angleterre , & lé Porn qui avoit été pris à Bayeboulle | dans lequel quatre vingt autres devoient paler en France: Celui ci fe perdie à la cote d'Elpagne , où les Efpagnols firent üne aflez mauvaife reception aux Fran çois, qui furent dépoüillez, Monfieur d'Iberville prit de fon côté tous les moyens pour fe rendre maître des autres Havres. Il eft de la politique d’un Commandant de ménager le peu de mon- dé qe ‘il a lors qu'il fe trouve “obiigés dé Amerique Septertrionale. 39 _ faire pluñieurs expeditions ; mais il n’eit -pas naturel que cent hommes düûflent | triompher de mille. Les Canadiens s'é- toient fait cependant une Loi d’en venir à bout : Et comme je veux déveloper tou- tes les attaques & les décéntes qu'ils firent chez les Anglais , je les conduirai, Mon- fieur , infenhiblement {lon les differens ouvemens où ils Le trouverent engagez. 1l faut qu’un Ganadien foir convaincu de la valeur de fon again pour qu'il lui obeïile, Il eft vrai que tous les Officiers de Mr. d'Ibérville ne refpiroient que la gloi- re. Ils favoient parfaitement bien leuc de | voir , ainftil pouvoir {e fier à leur bonne conduite, / Aprés qu'un parti qui avoir té détruire À Portugalcove une batterie de huir pieces de canon qui étoient à l'entrée de fon Ha vre , fituation qui ne peur être forcée par mer ;que la Periere u de retour du Cap S. François & de Tofcove, où il fr treize prifonniers ; que l'on eut “brûlé. environ quatre-vingt Chaloupes, & que l'on fe fut rendu maitre de trente- cinq lieuës de païs dans la Baye de la Conception, Mr. d'I- berville partit Le treize Janvier 16 97.avec tout fon monde. L'on eut le temps de faire des Raquet- tes pour le voyage , fans A étoit im 2 49 Hiffoire de 4 poffible de marcher. Elles ont à peu prés la figure de celles de Jeu de Paume, mais beaucoup plus grandes. Il y a deux petits bâtons en travers , un trou au milieu qui s'apelle l’æœillet, large du bout de la plante des pieds, qui fe trouvant à la rencontre d’un de ces bâtons donnent le mouvement pour marcher. Il y a à l’entour de l’œillet deux courroyes qui attache le foulier, qui eft un efcarpin, fait de peaux d’Orignac ou de Caribou , fouple comme un gan. Par le moyen de ces Raquettes l'on peut tracer des précipices pleins de néges les plus inacceflibles, pers atrte Il étoir à ptopos de frayer les chemins, Montigni fe rendit pour cet éfer à Portu- galcove , où les autres fe rendirent en- fuite. Ils y fejournerent deux jours à caufe de la quantité prodigieufe de néges qui tomboient. L'on remarqua qu'il ni avoit rien d’aprochant en Canada de cette a- bondance. | | 7 Montieni repart derechef avec trente _ hommes des plus vigoureux: l'on préci- _ pite la marche & on le joint en un jour! ce qu'il ne pût faire qu'en deux. L'on con:- tinuëé fon chemin, les verglats briferent les Raquetes. Les uns tombent à faux, les autres font prefque enfevelis dans la nége, Montigni tombe lui-même dans une " r rie $ eptentrromale. AT Riviere, y laifle fon fufñl & fon épée pour ni pas perdre la vie, Enfin l'Avant-garde arrive au fond de la Baye, qui eft à Hit cinq lieuëês par terre de faint Jean , où elle rend douze Anglois ,.& dans l attente de Mr. d'Iberville qui conduiloit la troupe : Montigni alla par mer en canot au Havre- men, où il en prit encore autant qui arri- Soient de Carbonniere. Gette marche ne tendoit qu’à ce lieu ci. C’étoit la retraire d'un grand nombre d’ Anglois, qui par un petit trajet alloient & venoienta l Ifle voi- fine qui porte le même nom. Le chemin étroit trop long par terre pour fe rendre à Carbonniere ; ;il eut fallu: -faire trente lieuës pendant que l’on y pou- voit aller par mer en deux ou troisheures.. Le radoub des Chaloupes {e fit à Ha- vremen pour la Parrance : l'on en équipa trois, &un Efquif, dans lefquelles cent vingt quatre Canadiens s'embarquerent. Aprés avoir cingié trois lieuës au laroe vent devant, |’ be aperçüt quatre Chalou- pés, qui fe doutant que les François ve- noient à FIfle de Carbonniere, revirerent. de bord... & porterent l'alarme par tout. C’eût été. une temerité de challer plus loin, Oh laiffa en paflant Brige, babitation: “aflez bien établie, oùil ÿ avoit envirorr foixante hommes - , pour donner dans Pot- D ‘3 Ms Hifforre de tegrave , que l’on prit. L'on y trouva cent dix hommes, la plufpart bien armez, fans compter les femmes & les enfans. Cet en- droit eft fort beau. Le grand nombre de befteaux qu'il y avoit fervit dé rafraîchif. femens à des gens qui fcûrent bien en pro- fiter. Ceux de Brige paroifloient être trop tranquilles. Comme ils ne venoient point au fecours de leurs voifins, Mr. d’Iberville: les envoya fommer , avec ordre aux trois, principaux de le venir trouver à Carbon- “hiere avec toutes leurs armes à feu. C'eüt été un trop grand émbarras de fe charger de tant de prifonniers : la deftruétion de: leur habitation fuffifoir. Hot 4 Montigni fut détaché a la pointe du jour avec cinquante hommes , dans trois Cha- loupes , pour fe faifir de Moufquith, qui. ‘eft entre le Havre de Grace & Carbon= niere , & le refte s’embarqua pour lIfle de ‘Carbonniere en cinq autres , fur les neuf heures du matin. 1] falut ranger la côte de cette Ifle. Les Anglois crürent que les Fran çois venoient y faire décente : ils tirerent plufieurs coups de canon , & paroïfloient environ deux cens hommes logez dans des. baraques. L'on ne fit que doubler l’Ifle pour fe rendre à Carbonniere , où Monti- gni avoit tué , fait pluñeurs prifonniers , & avoit pourfuivi les autres a travers les 27 » / lAmerique Seprentrionale. 43 bois, qui s’éroient jettez dans Nieuperli. can , à fix lieuës de Carbonniere. Ce Ha- “vre avoit vingt-deux habitans les mieux bâtis de Terre-Neuve: l’on y trouva des gens de cent mille francs de bien, qui a- voient tout fait tranfporter ailleurs. Le Commerce y étoit confiderable. L'Ifle de Carbonniere tenoit fortà cœur a Mr. d'Iberville; il favoit de quelle im- portance il éroit de s'en rendre maître, & il connoifloit en même temps qu'outre Fafliere du lieu la faifon étoitun grand ob- flacle à une pareille entreprife. C'eft un Rocher à pic , efcarpé de tout côté, qui commande la mer. Il n'iavoit qu'un petit débarquement à la pointe de l'Oüelt, à portée de piftolet d’un retranchement de. - Chaloupes, où il y avoit quatre canons de fix livres : il faloit un calme pour y abor- der , & encore c'étoit tout ce que pouvoit faire deux Chaloupes : on les fomma de fe rendre ,& ils le refuferent. Quand on fe trouve un peu à l’abride l’infulre de fon: “ennemi, & que l’on fe void dans une fitua- tion affez forte pour difputer le terrein.. ïln'eft pas naturel de plier fi-tôr. Les meil- Jeurséfets de la colonie Angloife y avoient -été tranfportez ; ils avoient donc dequoi pafler le refte de l'Hiver, dans lefperance - qu'on leur envoyeroit du fecours d'An- gleterre, | Li dé. hf | _ Le temps devint rude plus que jamais. Mr. d'Iberville envoya furle minuit deux Chaloupes: l'on raporta quele Keffac étoit toüjours gros à l’Ifle, & que l’on n'i pou- voit débarquer. La mer calma un peu le lendemain rente Janvier. Quatre-vingt hommes s’embarquerent du côté de l’Eft & du Nord. Une Sentinelle demande d’u- ne voix tremblante qui vive? Montigai fans s’émouvoir fait doubler la rame, les autres le foütiennent : ils veulent mettre pied à terre, le verglats & le Reffac les en: empêchent. Le Senvinelle tire deflus fans bleffer perfonne, & ceux du Corps-deé. Garde arriverent fur ces entrefaites, po- ftez fur une hauteur capable d'arrêter mil-- le hommes... : : |. #b | Une retraite faite à propos eft plus avan tageufe à un Commandant que de facri- fier mal à propos lélice de fes-troupes,. lors qu'il doit les: ménager pour.d’autres endroits dont il veut fe rendre maître in- fenfiblement. | M Le Havre-de-Grace qui étroit un lieu: auffi confiderable pour le commerce que -Carbonniere , éroit trop fufpe&. L'on -micle feu, C'étoir le premier établifie- ment de la Colonie Angloile. Il y mourut: il y a trois ans un habitant âgé de quatre- vingt-trois ans,.né dans le lieu ,ce qui fait: "J _ l'Amerique Septéntrionale. ‘4G connoître qu’ils habitent cette Ifle depuis _long-temps. Pendant que Boifbriant Enfeigne d'une Compagnie de Canada, faifoit oc prilonniers, & que de Plene fit main balle | à Saumoncove fur vingt hommes, entr'au- tres fur le fecond Gouverneur je faint Jean , dont j'ai déja parlé , la Perade fous- Lieutenant fut détaché pour tenir en bride ceux de Portugalcove & de Brige, qui a- volent une trop grande relation avec l’Ifle de Carbonniere. Le manque de paroles qe” ils eurent dans la fuite du temps, leur attira Montigni & Boifbriant, avec qua- tante-cinq Canadiens, qui mirent le feu chez eux zil ne faloit plus fe fier à leur -bonne foi. On en ramena les habitans. ‘qui la plüpart avoient encore des armes, Le vent de Sud-Oüeft étant favorable pour aller à Bayever, à dix lieuës du Nord ‘de Carbonniere , entre les Bayes de la Fri. nité & dela Conception. Mr d’Iberville s'embarqua le 3. Février avec so. hommes danstrois chaloupes. Ils pattirent la nuit. -& atriverent à la pointe du jour à ais Jieuës en deçà. Ils la paflerent fort defa- greablement, Un Canadien eût même un doigrdu pied gelé. Les meilleurs coureurs donnerent dans un bois où ils prirent deux - Anglois qui s’en alloient au Vieux Perli- ge Fiffoire de can,& fept autres qui en revenoienr, Com: me 46 déclarerent que Fon m'avoir point | de connoiflance de là marche des Fran- cois, & qu’il ÿ avoir plufñieurs Chaloupes prêres à partir pour l’Ifle de Carbonniere, Mr. d'Iberville y alla attaquer quatre- vingt hommes , qui fe rendirent à difcrez tion. On lés garda à a vüé , à la referve de deux qui allerent à Bayever de fa part, pour affurer les habitans qu'ils aurôient le même quartier. Deux des principaux, fous Ja bonne foi de leurs Comparriotes , Ville rent fe rendre caution ; mais trente à qua- rante des. plus dhenéts fe fanuverent dans les bois & en Chaloupes. Monfieur d’iber- ville y arrivant le fixiéme: Février trouva : les habitans fort foûmis: I: y prit une Cha- loupe de fix hommes qui arrivoient de FIfle . ; que l’on avoit envoyé fçavoit s’il pourroient s’i rendre avec leurs biens. Boifbriant fe contenta d'emmener les principaux à Carbonniere. Le refle des Canadiens attendoient Mr. d'Iberville au Vieux Perlican où il retourna. C'eft un: lieu trés confiderable , où il y avoit di- neuf habitans , plufieurs Magafins de mo- ruës, & beaucoup de befteaux. On y laifla Ja plüpart des habitans , à la referve de quelques-uns , fort contens tous de leur fort, mais qui oublierent facilement les: d' Amerique Septentrionale. 27 graces qui leur avoient été acordées. Ce. Hcove qui étoit à deux lieuës, fervir d'a. file une nuit : l’on y trouva une trés gran- de quantité de befteaux , fans habitans ; qui avoient tout abandonné, : A mefure que l’on fe rendoit maître de +ous ces Havres l’on y arboroit le Pavillon François, Nieux Perlican qui étoit à deux Jieuës par delà fut auffi entierement aban- donné. Les habitans fe crurent plus en fureté en gagnant le Havrecontent , qui avoit donné alle à ceux ci. L'on y trouva un petit Fort, qui étroit une Maifon forti- fiée à l'épreuve du moufquer , avec des Meurtrieres haut & bas, Ils fe trouverent _ bloquez. Que pouvoient faire des gens quifevoyant dans des allarmes continuel. les n'entcendoient parler: de moment à autre que des Canadiens, qui n’aimoienc gueres'à leur faire grace ? Ils favoient ce- pendant que Mr. d'Iberville agifloit gene- reufement avec eux. Cette confiance les ‘obligea de lui envoyer un Irlandois qui commandoit en Chef , pour le prier de leur acorder la vie fauve. Trente hom- mes fortirent avec leurs femmes & jeurs enfans de cette retraite, qui était munie de quantité de vivres. On y laiffa Def. chaufours Gentilhomme de l’Acadie, ayeg dix hommes pour ÿ commander, + VO : Hiffoire de Comme nous avions beaucoup de pris : fonniers, nous étions bien aife de faire un échange. Nous voulions avoir aufli trois Irlandois qui avoient pris parti aveceux, que ceux de l'Ifle de Carbonniere Min enlevez. Une Chaloupe fut détachée pour cet éfer. Ils refuferent cétre propofition, On y envoya unefeconde fois. Ils: deman-: derent un Anglois pour un François, & trois pour un Irlandois. On le leur accor- da. L'on choifir pour l'échange un endroit hors de la portée du canon de l’Ifle & de terre. Montioni s'irendit avec cinq Fran- çois, & le Lors d’Anglois qu'ils avoient demandez , entr'autres le frere du Com- mandarit de l’Ifle , qui auroit mieux aimé tefter chez les François que de rifquer de- rechef fa vie. Un Efquif de fix hommes partit en même temps .de l’Ifle fans mener nos gens. Montigni leur demanda le fujet de cer oubli? Ils propoferent que le frere de leur Commandant allät jufques à l'Ifle, qui rameneroit les François : on le leur refufa , & ils s’en retournerent. Le Com mandant , le Lieutenant ,.& le Major ,re- vinrent Éc aucun François. Montigni eût tous les fujets du monde de fe plain: dre de leur procedé. Un de ces Officiers déchargea {on fabre fur lui, ilen para le coup, & route la peine, qu il eûtidans Cette l' Amerique Septentrianale. 49 cere rencontre fut de les faire pañer bon gré mal gré dans fon Canot , & d'em- mener le leur. Ils donnetrent d’aflez mau- aifes raifens à Mr. d'Iberville , lui repre- fentant qu'ils n’éroient pas les maîtres chez eux, & que s’il vouloit les renvoyer cela leur donnetoit-occafion de faire l’é- chañge avec plus d'autorité. Ils étoient en trop bonnesi:mains pour meriter que l’on eûr derechef tant de créance en leur pro- bité::On leur permit feulement d'envoyer dé leur part des prifonniers, qu’on y retint encore prefque tous , menaçant de faire feufur-les François qui y retourneroient. Deux Sauvages eurent beaucoup de foin de la conduire de ces trois Officiers , juf- ques au Havrecontent. | : Quelque temps aprés ils propoferent de faire rendre l'Ifle ; & d’obliger ceux qui y éroient de reconnoïvre le Roi, pourvü qu'il leur’fut permis de-faire la pêche de la mo- ruëépendant l'Eté. Montigni s'étant char géi d'eux en laifla partir un pour cer éfet , ayant obligé les deux autres de payer dix millefrancs s’il ne revenoit point. Son vo- _yage fut fans fuccez. Ils offrirent tous trois dix mille livres pour avoir leur liberté, ce qui leur fut refufé. Pendant que Mr. d’I- berville fit un-tour à Plaifance pour y ap- prendre des nouvelles de France , Mont. " Tome Z, | ps 5e. Nc Æifforre de gni & la Periere eurent ordre de ne bler à Bayeboulle deux cens des meilleurs prifonniers. Boifbriant de fon côté quié- . toit au Havyrecontent , avec un détachez ment, devoit obferver les mouvemens que J'on “PA vers Carbonniere, Monfieur d’I- berville’ revint par-mer de Plaifancé avec Mr. l'Abbé Baudoüin , au fond de la Baye de Cromwel. Il y rencontra la Periere | avec cinq Chaloupes & foixante prifon- niers. Il étoit venu aux mains avec quan- tité de gens qui étoient décendus de-l'Ifle. Le choc fur un peu rude. Il en tua onze dans cetre occafñon, & prit crois femmes, Le vieux Perlican., ; pour qui l’on avoit eu tous Jes égards: poflibles , avoit repris les armes pendant ce temps contre {a pa- gole. Ses habitans qui donnoient des avis {ecrets à l'Ile de Carbonniete für tousiles mouvemens des François, fuivirent un fort gel qu'ils fe l'étoienc attirez parleur in- difcretion, Monfieur d° Iberville sp arriva | Ja nuit du treize Mars , où il aprit qu'il y avoir un bâtiment de ‘foixante tonneaux chargé de vivres , nouvellement arrivé d' Angleterre, dans lequel onze habitans g'étoient mis pour le défendre contre les François en cas d'attaque, Pendant que quatre chaloupes le ferroient de prés, il y en eut qui donnierent avis à ceux. de Ba- Pr pe û Ps nl de 2 À F1 VA PAT | SN e : LAN K 5 e A nan Cr) = MAS RER k $ \ \ 1 ’ TALEN E LLE / if LAN URE, RE ———- DD) PTS En LU 11 TT FE: : ÿ ST re : LEE T Trees EE ÿ te fm Z FE LS = e / ms prit romnrertiite 2 pong art prete Il yen ET OS CA : <_nssettorh ms 2 pores rs de RAT Mere 24 une Aa RE pe ra ze ET NT TP OR EPS a É FES e PALIR D Em AA = LIN 4 “4 | l Amerique Sepreñtrionale. SE. _ everde l'arivée des François. Il s’y trow: vawun petit bâtiment où plufieurs s’embar- querent; qui ne refpiroient qu'une occa- fon auffi favorable pour pañfer à l'Ifle. On fe rendic à la fin maître du bâtiment du vieux Perlican , dans lequel fe trouverene i8 hommes bien armez , avec trois pie- ces de canon. L'on mit le feu à toutes les habitations, & à celles de Bayever,& l’on fit foixante prifonnieis que l’on y trouva. Monfieur d’Iberville fe difpofoit à ache- ver de ruiner tout ce que les: Anglois a voient de Havres en ce païs-là. Il ne leur reftoit:plus que Bonnevifte qui eut fuivi le fort des autres mais notre arrivée in- terrompie fes defleins ; & fauva par hafard cette derniere Place aux Anglois. Nous le trouvâmes à Plaifance , d’où il devoir partir pour:-cette derniere» expeditions Mais ; comme celle de la Baye de Hadfon étoit tout autrement importante, & que c’ctoit le fujet de notre voyage ; il envoya : retirer fes Canadiens ‘pour s’embarquer fur notre Efcadre. C'’eft une chofe admirable , Monfieur , que cent vingt-cinq Canadiens , tels que vous les voyez , fe foient rendus maîtres d'une figrande étenduë de païs dans la fai- fon la plus cruelle que l’on puiffe s’ima. giner, Le froid , la pluye, la nége , la faina | Là CE NT {tn LL, & la foif devoient être autant d’obftacles, Ils firent cependant plus de fept cens prifonniers , & tuerent en differentes oc- cafions plus de deux cens hommes} n’en ayant eu des leurs que deux bleffez. : Les habitans de cette Colonie vivoient fans aucune religion , & il leur auroit été difficile de dire celle qu’ils profefloient. Le Sexe y éroit entierement corrompu, Vous verrez ici, Monfeur, un dénom- brement des habitans de chaque Havre qu'ils pofledoient , des Pêcheurs, des chaloupes qu'ils y avoient, & de la quan: tité de moruës qu'ils y péchoient: Les Anglois ont avoïé eux-mêmesique Îe Commerce montoit à dix-fepc millions tous les ans. 11 leur faudra plufeurs an nées avant qu'ils reviennent à leur pre mier état. Je fuisavec paflionÿ ou 1:40 À 89 à Le HR COLE dr +: a 4 4 # Ju HARDCORE DIE EE 3; + ù Vu. VAE 6 MONSIEUR, Ê > +, 4ù y’ : "3 4 4. s RE. ra j y { 1? #4 | + : | [ i «a * € À Votre trés humble ,&e. + “pag TR 53 ni Er JE ii AA 8 pr. EME Cha-| Quine LHom.\ Habi- lou taux de mes, |tans. |pes. | moruess DR Rognouge. 120 7 4009 E l: 4 |: È 4909 1 l' 1 Fremouze. , He Aigueforte. … | IT: F otillon. 8 004 Caplinibaye. 1009 Cabreüil, LAB + 1000 Brigue. LATE 1$09œ Torheave. : 2509 PART EET Ta No Ouitiifbaye Baycboulle. | 3 | 1509 CT, LL 2 10 | 10000. à gs 2 s à À è L | Le petit Havie.| 801 14 | r6| 8000 Saint Jean. |: |300 Kividis . | À 40 799 . 149 221 110$0® -$? Urzs 62500 9 gi 4500 Le € “ ÿ4 TA Hifire de ATUR Baye de la Ge & de la Trinité. k .Cha= g Quin= : se Habie lou- de mes. htans. Vpes. E morues. TForbaye. œ— 18 ve m4 "2 400 Baye de la Conception au # ord-Oüeft.” Lohbe tone # É roë | Havremen. 3 (006 Baye quinfcoye. 2 | 10 00 Brige. 120 60 00 Portegrave. trs Hailinfcove. 3Î 7 FER Bairobert. #1 3 7 Briancove. | 6| me Havre de grace. ; 1 £ : 7 Fi Moufquith. M bd Les Carbonniere. 59 22 00 Croquefcove. 5! 2500 Kelinfcove. 4 12000 Bayever. | 16 131008 FAmeri que Seprentrionale. … S$$ 4 Payer de le Frinité au: Sud. ro Et à [Cha us .{ Hom | Hab,= | /on- | taux de mes. ltan$, pes. | moruëss Le Vieux Perli- [130] 19 se can. As Le L'ance arbre. Celicove:. Nieupedien..| .6a];.# Havrecontent. | 20] : #4 | Au Nord. Arcifle. No 12 = [ 2[ 1000 La Trinité © | 24/2, | © #{° 2060! PT u Ci “ktetutte ht tye À 7 19316: 47) : 60 32800 Total des Quintanx de moruës 188800. Es 3e … Hiffoiré de si RERIRIRERILINIREMIMTE IT LETTRE. | Defcription dé détroit de la à Baye à de H ne Evenemens confiderablés. | Nouvelle déconverte... | | Nouvelle alliance avec les Efquimaux sr Cap de Digne, an C2. degré 4ÿ: minnà _tes latitude Nord. Combat \dn Profond dans | des Glaces Jens - #re- les. .Angloiss | 54 Moutr: Encore, sut je idhaa c'e unicrime contrele. bien-public d'i intérrom pre par de Jongs-difcôurs les: oceupations importan- tes d’une perfoñne deftinée à foûrenir feu- le les embaras & ies fatigues infeparables des grands emplois -Fofe croire neéanu moins que vous ne blämerez pas la liberté que je prends de vous faire le détail du Détroit de la Baye de Hudfon,de vous en- tretenir de l'Alliance que nous avons faite: avec une Nation qui. jufqu'ici nous étoit peu connuë, & de vous faire part de la Re- lion du combat du Vaifleau du Roi parmi \ ae. Fire" ' ; » : 1 4” 3 . “JL T2 FA Vds "Ti 2) (2 A © A7 x ù à ! Tom.1. pag. 56. GE AU M LUE JAN ANNE NIUE OO ONE AE IEEE ONE OL NE HUE ONE LUN DHE OM} NON UE HN I] BEC - NN in NA Re DU SN RRRERCRRERER BPREECNREN :SS EEE ETS RES SE S RSS RE S RE RL 2 DS NN ARRETE s 3 LS Te s NS ss NAN TE ne DECO PTS ss NN sa MAS à Ni ; DR RSS DEEE SE CT SATA IV Mens ne ss TT ass ROLE EEERERR RE ET s ss SI SN RES RPRENENET)) SERES ES ETSS Pins) RE Nas ns = nn mar ; Cegid #08 V6 RE ECTE F Le Pre Fa È ECS F _— UN LT ‘ à TN nn cn MY = _ = RE SNS LNEUR RS in pa SANS RSS ES ERA RON Un putain np Sas me SRE TS ET LLELETE API) NN ONLELLE PTS > EUIETE à { Irron ras 2e RAS SE ARS RNA NN 7 33 55544 usrsss SSSR TU, ae nes bu ARR Us re AN SS » DR OR SSSLS OREETCESTEERSS AR ER ASS = AUS OS AE CPL ECS D SERRE NT PR ARTE D 3 RSS S - em RS ARR ARTS ANS à Sas TER RRRRRSSS Lans EE RSR EN Si ù NET ES be de ns nr € RS do NN Ÿ La EN | ee a LUTTER TZ, ve TT a $ EN as, = À DR à RE me AT ANS SN pe Dal RE TS RER SEN ane mans g SN el SEE a s NS, w RE ne _ ARTE, à F PIE ne TP COS NT re SES D OT PILES ù PERMET Ré SUR ER UE — RSS rs OS jm mnnnms À | © LENS Fi error = deLs PPS real Ms LE SÉLAURENT LL LE OU OU ONE VAE AO UT OL HU UE CE UN HE ONE LOL HUE HE | | | un DD Ir +: ns rS 1 qe + LAURENT D 1e SE a | 5 | à Î F1 À 8: l'Amerique Septentrionale. $% es glaces contre les Anglois. Je fçai Mr. que les grands Hommes ne fe délaflent “dun travail d' efprit que par un autre , & que toûjours occupez des fon@ions de Jeur Miniftere , ils ne fe divertiffent qu’en quittant une occupation importante pour une occupation moins grande & moins ferieufe. C’eft ce que tout le monde fait que vous faites depuis fi long-temps que vous portez feul le poids de deux Inten- dances confiderables ; & que quand elles vous laiffenc quelque loifir, vous croyez ne le:pouvoir mieux employer qu'a vous entretenir des Sciences & des belles Let tres :& il femble a AA efprir prenne de nouvelles forces dans ces chañgemens d'entretien. : Je me flâte , Monfisur, que celui que je vais vous faire d’une partie de mon Voyage, n'eft pas tout-à fait indigne de vous-occuper quelques momens. Nous fines voile le huitième: Juillet d un vent de Sud Sud _Oüeft de Plaifance. Nous l'obvoyämes toute la journée dans Ja Baye , & aprés avoir doublé le Cap de Sainte Marie, nous rangeâmes cette co- £e d'umivent de Nord-Otielt , fur laquelle il'paroiffoit d'agreables pâturages. Nous- aprochâmes une lieuë du Cap de Trepas,. qui fait : l'opofite. de Sainte Marie. Nous: vimes à la même diftance au Nord-Eft e.. quart-d'Eft celui dé Benne, Sur les quatré heures du matin le Cap de Raze nous-pa» put à fix lieués au: Nord: Oüelt quart. d'Oùeft , & fur les huir heures celui de faint François nous reftoit au Nord Nord: Oüett. | SH TR TSI Plus nous élevions-vers le Pôle:, plus les jours croifloient ; mais les chaleurs di minuoient , & le froid faifoir infenfble. ment! impieffiodiioy 2F lus somoqgueno .. Nous aperçûmes le dix-fept, &trois lieuës , au vent ; une Montagne flotante de glaces de trois cens pieds de hautéur', qui avoit la figure d’on painde fucre: Nous pouvions étre-au ÿ ;:deg.' 564 minut: Je ne doute pas, Monfieur , que cela neipa- roille bien furprenant., mais la fuite du Voyage fera connoître bien d'ausres:ves rite auffi furprenanees,> © S2ev0 V aout Rien n'eft plus fächeux qu de fe:trott: ver dans une tempêre; mais c'éft quelque chofe de bien plus fort lors qu’elles arri- vent dans ces quartiers. Nous efluiämes le vingt-quatre un coup de: vent au 60: deg. 9. min. de Nord Nord Oüeft, qui dura huit heures. Toutes’ nos manœuvres étoient.couvertes de verglats, &nos équi: pages fouffrirent beaucoup. Le:Pälmier eut fon Beaupré rompu. Ge n’étoit cepen- dant qu'un commencement des peines &s À % LA w l’Amerique S'eptentrisnale. so des fatigues que nous devions avoir dans la fuite de la plus rude navigation. Nous connumés le vingt:cinq du courant que nous aprochions de la Zone Froide , &: nous ne yvimes ce jour-là qu'objetsaffreux, car faifant la route du Nord Nord-Oiieft, pous ceommençâmes à donner fur les huit heures :du matin dans un Banc de glaces. : La premiere rerre de ce climarque nous connumwmes le lendemain fur les huit heures du foir fut l'Ifle de Kefolntien. Elle eft au 62. deg. 33. à 34. de variation Noïrd-Oùüeft. Elle.fait l'embouchure du détroit de la Ba- ve de Hudfon; avec les Ifles Boutonnes , qui font au 61-deg. 10. minut. Elles font Nord &:Sud, diftantes les unes des autres d'environ 14:à 15. lieuës, L'Ifle de Refolution peutravoir huit lieucs de longueur Eft-& Oüeft. Quand oneft du cotéde l'Oùett , elle paroït avoir la figu- re d'un Croïffant. H y a deux petites Ifles a/deux lieués de diftance du coté du bout de l'E. Elle eft éloignée de la Terre-Fer« me’ldu:Nord d'environ fix à fept lieués. ! :Gomme nous fimes la découverte de deux aurres Ifles :voifines inconnuës aux François, parce que l’on-a crû autrefois que ce n'étoir qu'une Ifle, au lieu que nous en-avons connu deux autres. Nous apel- âmes l'une l'Ifle la Sale, & l’on voulur €0o Hifoire de “bien apeller l’autre Lepoqie ; es font Sud & Sud Sud-Oùüeft. La Sale , qui a environ trois: Heuës de tour, éleignée de crois de la Refolutions £atrac une embouchure pour entrer dans | le détroit. Laporherie eft à trois lieuës dé vs Ref: lurions| dans l’'Eft de la Sale Elle a envi- _Eon quatre lieucs de touri : Î Les vents depuis le Sud: Oüeft (ufques al "Oùüeft qui nous étoient contraires, 8 les marées qui portoient beaucoup au Nord ñnous ayant jettez parmi ces Ifles ;inous éloignerent de la veritable: embouchure de ce détroit. Le palfage entre la: Refilu- tion & la Sale s'étant trouvé bouchéx pat ‘un Banc de glaces, nous fumes contraints de l’obvoyer deux jours pour en ténter quelqu'autre. La Mer étoit pour lors com- me un Etang. Elle faifoit cependant un bruit qui cauloit un bouillonnement. Je voulus aprofondir la caufe d’unéfer frâds mirable : & confiderant la fcituation de toutes ces côtes , je n'aperçüsaucun Ro: cher (carelles me paroifloienc fort faines ) &cil faut que le Navigateur fache que les bords:de ces Ifles,& generalement de tout le Détroit, font à pique d’une élevation prodigieufe. Je voulus en penetrer davan- tage l'origine, Enfin Ass plufeurs refle- xIons , l'Amerique Septentrionale. Ex &Ions , voyant que nous n’étions qu'à une demie lieuë de la Sale, je m'embarquai dans un Efquif le vingt-huit pour y con- noitre le terrain. Cette découverte me donna occafion de favoir d’où pouvoit naî- tré la grandeur & la groffeur prodigieufe de tant de glaces , qui font veritablemenc des Ifles flotantes que l'on trouve dans æous ces climats. | s'éleve des hauteurs prodigieufes de gla- ces ; qui font des fpectacles affreux, & il rrive que toutes ces À valafles d’eau qui ombent de ces p:écipices , entraîtient des 2 Æifloire de terres & des rochers , ce qui me fut con= irmé dans la fuite en ‘voyant! une des plus _ groffes montagnes de glaces au Nord de l'Ifle dela Refolution ; fur laquelle il y a= Voit quantité de terre ëc de rochers. J'arrivai a la Sale, où il me falut grims ‘per pour monter en haut; je ni trouvâi Pas an pouce de terre. J' aperçüs quantité de ces précipices qui tendent à la mer, dansé defquels il y avoit beaucoup de néges, &c je trouvai tout au haut un Etang d'eaü douce d'environ trois cens pas de circuit. Un Philofophe auroit eû matière de fai. ze de beaux raifonnemens fur le boüillon- siement qui s’excite fur la mer entre ces Jfles. Te croirois , Monfieur , que l’embou- chure du détroit:, fermé par les Bancs de glaces ordinaires, ‘qui ont quelquefois plus | de quarante pieds d'épaifleur , arrête le çours du Flot qui vient de l'Ocean avec impetuofité pour y € entrer : Et comme les bords de ces terres qui font à pique font _ extraordinairement élevez, il ne fe peut que ces hauts précipices n’ayent une pa- reille fuite jufques au fond de la mer, car J'on y trouve jufqués à cent quarante braf- fes. Ainf la mer trouvant de la refiftance: entre ces creux cachez où il faut qu'il Y ait aufli beaucoup de Birre qui fe rrouvant fra ; par tour çes remous de MAIÉES , CXa ES V'Ameñique Septéntrionale, 6j &ite ce boïillonnement , qui n'eftpropre. ment qu'une fermentation, & le Nitre y eftenfñ grande abondance , que je le ra- mallois cous les matins fur les plaques de: plomb de nôs canons , & même dans le moment que l’on feignoit nos malades ,; l'ouverture de la veine en eétoit toute bordée. 4 ; ie . Un Pilote experimenté doit éSnnoïtre le fort & le foible detous les parages où il fe trouve , & il eft quelquefois fort à plaindre lors qu’une nouvelle experience doit lui aprendre l'endroit où ileft. Ceux dé notre Efcadre favoient leur métier,mais ils n'étoient jamais venus dans ces climats, Nous demeurâmes en Pane la nuit fous: - l'Ile la Sale ; & nous fimes voile à la pointe du jour le trente Juillet pour pai- fer entr'elle & la terre ferme. Cet efpace qui a environ deux lieuës de largeur, fut nommé Détroit d'Iberville. Nous fommes: _ les premiers François qui ayons fairs cette: découverte, Nous entrèmes dans ce petit: ‘pañlage d'un veut de Sud Ojieft , qui vint- aprés fur les huic heures du matin au Sud: Sud Eft , lequel nous porta dans le Dé- troit, & à une demie lieuë en dedans fur une diflance de la terre-ferme du Nord .: notre Vaifleau rangea une Roche à une portée de piftoler, qui étoit cachée à fleur F > Dre“ A C4 _ Æifloire de d'eau , qu'un Remoul de marée nous ft apercevoir. La mer étoit tout à fait unie. Elle le fut toüjours jufques au débouque- ment.Cette ferenité vtent de tous les Bancs de glaces qui fervent d’abri contre les vents ; fans cela il n’i auroit point de vaif- feau qui ne fut brifé, pour peu que la mer s'élevèt, & il y a affez d’autres dangers à efluyer. Nous aperçümes en entrant des montagnes de néges extrémement élevées fur la terre, qui avoient plus de huit lieuës de longueur ; & nous donnâmes dans un: Banc de glaces qui avoit une étenduë de: toutes parts , autant que la vüé pouvoit porter. Le Pelican frayant toûjours ce che- ! min le premier , lorfque d’un vent d'Oüeft Nord-Oiieft, nous commençcämes pour la: feconde fois à denner dans des Bancs de glaces. Les differentes bordées que nous étions obligez de faire pour éviter les abordages,, donnoient occafion de faire autant de mou: vement dans le maniement des manœu- vres, & quelque adrefle qu’euffent nos Pi- lotes il étoit impoflible de les éviter. Rien n’étoit donc de plus affreux que de fe voir dans cette vafte étenduë ,où à pei- ne pouvions-nous difcerner l’eau d’avee autant de Rochers de glaces, contre lef- quels nos Vaifleaux heurtoient à tout mo- d'Amerique Septentrionales 6 rent. Aprés les avoir doublez pendant trois heures nous aperçümes un Eclairci, c'eft-à-dire un efpace d'eauouilniavoit point de glaces. Nous donnämes dedans, .& mimes en Pane bord fur bord ,jufques à trois heures du matin. Cer Eclairci dura’ peu. Plus nous avancions, plus il fe pre- {entoic encore devant nos yeux de ces pro: digieufes étenduës. Le Pelican qui étoir _tüjours à la cête ( les trois autres nous fui- *vant de file } faifoit de fon côté tous fes forts pour adoucir nos amertumes, Il fiet bon gré mal gré des ouvertures à travers, mais ceux-ci n'ayant pü nous fuivre fe trouverent renfermez.: Ils nous firent fi- ghal à une lieu que les glaces n'ayant plus de courant’, leurs éforts devenoient vains & inutils. Il étoit, Moñfieur , affez tou chant de nous voir hors d'état de pouvoir’ leur donnef aucun fecours. Ils grapinerent fur le champ. Nous le fimes auffi en nous mettant a côté d'une glace de quatre à cinq’ cens pas de longueur, für laquelle nous envoyames des Marelots porter des Gra- pins pour tenir en arrêt notre Vaifleau, Il miavoit pour lors point de fuit ,aiant Le’ plaifir de voir coucher & lever le Soleil _ prefque en même temps, & on lifoir fa cilement à minuit, | Les courans font fort rapides dans leg 66 ‘ L iffoire de d commencemens de ce détroit. Ils nous . porterent d'un vent de Nord Nord-Eft, vers l'Ifle du Pol & de la Salamande ; qui. fonc ER & Oüeft, prenant un quart du _ Nord-Oüeft, que nous aperçümes fort fa- cilement de fix grandes lieues en dedans. & à deux de la côte du Sud, au 62, d. 7. m. 37. d. de variation Nord-Oüeft , por tant leurs noms de deux Vaifleaux Fran- çcis qui les rangerent en 1694. Nousne’ pümes faire dans la fuite des routes aflu=. rées. Les vents devinrent variables, & tou-. tes ces groffes glaces que nous apercevions. à tout moment nous en faifoient faire au- tant de differentes. NE Ets Les courants & les vents du Sud-Oùüeft aflemblerent une infinité d’'Ifles flotantes, à la côte du Nord. Tous ces objets pleins, d'horreur tenoient l’efpace de trois lieuës: de largeur, fur quatre à cinq de longueur. 1] fembloit que ç'eüt été une des plus gran- des Villes du monde qu’un tremblement de terre eut mife fans deflus deffous. Je m'entretenois quelquefois avec un Pilote qui avoit été aux 80. desrez Nord ; il m'a- voüa que rien n'aprochoit de ces horreurs. Il s’étoit trouvé à la verité parmi des gla- ces à la pêche de la Baleine , avec cette: difference qu’elles étoient ordinairement goutes unies à la furface de l'eau. à | | li ii nr SERRE 14) W A \\ Ne = SR NDNEREON ei re ‘5 2e te à le Pre + me IK N SS En. À NS S Le AS SERRE Le mn a go 22 1 /: ï I] | in j pe on ef e e ce re md er cn | l 1 | ai D | Î er a. —— | | =. 0. 2m ue an SR RS | | | KK “ ÿe fat wsrsr De + sa £ LLRLPEEA LAS, 224 :Î; }j LE LL ALES RL LL LIL PP #4 ES An d 1 EAier Septentrionale. 67 _Les-vents de Sud nous porterent vers: ll Cap Haur, qui eft au 62. deg. 30. min. C'eft une pointe de terre ferme du Sud. fortélevée, que l’on découvre de 15: “lieuës» À lOüeft des Ifles du Poli & de la Sala mande. Nous laiffañes ce Cap à huit heu- res du foir le deux Août à l’Eft de l'Ifle du Cap Charles ; & le bout du Oùüeft de cer- te Ifle eft environ à fix lieuës de terre qui eft au 63. deg. 8.m. 37.4. 30.m. de varia- tion Nord Oüeft, qui peut avoir dix ou douze lieués de tour , à cent lieuës dans Je détroit. Il étoit de la diète confeqieites de ñe pas trop nous éloigner les uns des au- ges. Notre Vaifleau apareilla le quatre Août fur les cinq heures du foir , pOur tà- cher de joindre le Palmier qui étroit le plus’ proche , les autres étant à une lient & de. mie de rious.. Nousne pûmes aborder la glace où il étoit que le lendemain à fepr' heures du matin , ayant laiflé le Cap de: Digne au Sud Sud- Oüeff , à fix lienés de: nous, & l’Ifle de N atingan quieftàal'Oüeft de Salfbré nous reftoit au Nord Nord- Oüeft. Pendant que nous y étions grapi= nez nous y fimes quarante bariques d'eau douce , trés-bonne à boire. Ce n’eft pas Monfieur , une chofe furprenante , parce que les pluyes tombant fur les glaces ÿ (4:14 TUE Eifdire dé on, font comme une efpece de Citerñe’, & venans à fondre Les néges , ces eaux fon- duës ne fe fenirent point de l'acreté & de’ la’ falure de celle dé la mer. Il'faurcepen- dant , pour leur ôter PET mettre de:: failles :‘fans cela il” Peau de vie dans les feroit dangereux de les’boire pures, &: l'on coureroit rifque d’avoir des tranchées’ violentes: RFA 24 pe Il furvient quelquefois toût à coup de: fi grands débordemens de glaces, que dans’ le moment que l’on! croit être bien gra piné, tout s'ouvre, Comme noùs étions: dans l'attente de quelque moment favo- rable’ pour pouffer notre route , la glace fur laquelle nous étions fe roi pit malheu- reufement par les gtands'courants. Notre: Vailleau fut entraîné fans pouvoir fe cou. vernet,& aborda poupe en poupe le Pals mier fur les quatre heures du matin. Cette faillie fur fuivie d'un'‘incident bien plus’ cruel , car notre Brigantin l'Efquimau de: trente tonneaux ,-qui nous avoit toüjours: fuivi entte les glaces , fut écrafé proche de: ce dernier : & à ‘peine les douze homnies de fon équipage purent fefauver. La per- te de ce petit Bâtiment nous coûta cher dans’ la fuite. Sarcroït d'embafras, car à peine eûmes nous apareillez: une heure aprés d'un ventide Sud Sud: Oùeft ,ayanr mens RS 0 ‘ FOR lAmerique Septentrionales gr trouvé à la fonde foixante brafles d'eau, que parmi tout ce cahos & cet enchaîne- ment , les courants nous entr'aînerent ,; quoique grapinex ; Nn MOINS d'une demie heure , a une portée de full boucanier ,: de trois Roches , qui éroient à une demie lieu de Natingan ; & le moindre petit: vent qui nous eut affalé à la côte nous eut fait perdre {ans refource. Quel efpoir à des’ gens dégradez; fur une Ifle fterile, où iF ni avoit pas un pouce de terre, Il nous fa- Juc regrapiner au plûrot fur une autre gla: ce, mais le Palmier chaffa toüjours à terre. Ée Znzar nous reporta derechef le len demain fur Natingan , quoique grapinez » & nous nous trouvames engagez entre des glaces échouées fur des Rochers. Nous: fmes extrémement embaraflez, car pour: éviter d’être jettez tout à fait: à la côte, d'où nous n'étions qu'à une petite portée . \ de canon, à quatorze brafles nous força. mes les glaces d’un vent d’Eft Sud.Eft. Il ya deux bäâtures d’une lieuë de longueur,» & l’on trouve le fong de cette côte plu- fieurs petites Ifles bordées de Rochers couverts à Marée bafle ,. fur le(quels des: glaces s'échoüent qui ne le patoiffent pas être ,ce qui trompe beaucoup. Les vents Yarierent enfuite, Les courants nous ra- _porterent fur Suifbré, qui eftune autre like: nn oi : A foite. de | re L à crois lieucs à l'Eft Sud-Eft de HIS Ea met y baiffe fept heures & en monte. fix. Les courants paroiflent Sud Eft, Nord: Oüeft : & ces deux les font ER Sud: ER à Oùüeft Nord-Oùeft. Nous grapinämés encore le fast far une même glace pendant que le Weefph &'. Je Profond demieurerent: engagez le Long de Natinçan. Le Palmier eut le temps de radouber à côté d'une glace fon Gouver. nail & la Gorgere de fon Eperon qui a- voient Été FOMpPUËS » & il n'iavoit point LÉ de vaifleau qui n'eut des pieces emportées. Les courants nous portoient _& rapot- toient , avecun petit vent qui nous foûte= noit contre ceux du Zaza», qui font beau coup plus. rapides que le Flor : & au lieu de nous faire débouquer pour entrer dans’ la Baye , ilsnous failoient* rentrer dans le | Detroit... ; Il n'eft pas fatprehant, Monfieur, qu’ un Vaifleau fafle dans un Voyage de long cours plufieurs faufles routes. Les vents _ contraires en font la caufe mais tous les differens mouvemens que nous faifions’ _n’euflent pas fait impreffion dans le temps que nos Vailleaux étoient toüjours grapi« _ nez, fi nous n’euflions découvert de mo ment à autre les terres du côté du Nord: &: du Sud: F Amerique S'eptentrionale. x Leséfets que la nature produit dans ces climats font, Monfieur, dignes d'admira- tion. Ils 'éteve tout à coup je nuit dans le | temps le plus ferein des nuages plus blancs “que l’albâtre , & quoiqu'il ne fafle pour Mors aucun fouËlé de vent, ils volent avec tant d ‘agileté qu'ils prennent dans le mo- ment toutes fortes de figures. Il paroït au travers de ces nuages une lumiere fi belle “& fi éclatante qui les fait ; joüer, pour ainfi “dire, avec reffort que tout s’agite. Ils s'é_ teñdent comme des Cometes, enfuite fe zamaflent, & s'évanoüiflent à Lidfane. il femble même que ce foit uné gloire cele- te. Plus les nuits font obfcures plus l'éfet en elt admirable, & fans exageration l'on peut lire aifément : à la faveur de ces Phe- _nemenes. Tantôt le Cap de biais qui fait l'ex tremité du Détroit avec Salfbré & N'atin- gan, nous reftoit à quatre à cinq lieuës à TOielt Sud-Oùeft , & tantôt le bout de d'Eft de celle- ci hdd reftoit au Nord Eft- quart de Nord , enfuite nous étions jettez fur le travers des Ifles Turbes', que les An- glois apellent Zfes F ertes. Elles ‘font à VE du Cap de Digue, à dix fepe lieuës en dedans au 62. d. ÿ5. m. & 40. d 8, min, de vatiation Nord Oùüeft. Nous aper- gûmes à cinq où fix lieuës delà une grande 2 Æifloire de pointe qui nous reftoit au Sud du Compas, & dans lOtüeft de eette pointeenvironà une lieue & demie eftle Havre François. Les courants nous faifoient dériver de deux lieuës de cette cote du Sud. Nous dé. couvrimes un grand païs au Sud, quart du Sud El du Compas.Comme il Faifoit de le brume nous ne pâmes connoïtre fi c'étoic de Cap Charles ; du moins nous vimesune grande Baye, dans laquelle il y en avoit quantité d'autres petices, Nous en recon- numes encore une autre au Sud Sud Ef, & aprés nous être éloignez de la premiere, _ de Cap-Charles nous parut alors fort clair: c'elt une pointe de la côte du Sud , extré- mement élevée, à 22. lieues de S'alfbré : il fait avec jar de Digne Et & Oùüelt, éloigné de 30 à 32. liguës l un de l'autre, | Le vent de Nord:Eft qui eft tout à fait fa- vorable pour débouquer, nous obligea de dégrapirer. Nous l'obvoyames parmi les glaces depuis quatre heures du matin juf- ques a trois aprés midi. Les abordages de toutes ces glaces faifoient rad cra- quer notre Vaifleau , & nous chaffames à ærois lieuës proche de terre. Nous connu- mes le-quinze, jour de l’ AfHomption , par un Cap fort élevé , Que nous avions encore beaucoup dérivé, ne nous trouvant qu’à gne leu de rerre ; Pendant que nos “#4 * Yail- _L'Amerique Septentrionale. 73 Waifleaux {e trouverent prêts à échoïer à da côte. | » Lorfque nous nous voyons tojours jet. _sez d’une terre à l’autre fans pouvoir dé- _‘bouquer de ce détroit , il me fembloit, ‘Monfeur , que je fuivois la mauvaife de- ftinée d’Enée , aprés l'Incendie de Troyes. Nous nous trouvions dans un accablement a peu prés comme ces Dames Troyennes, qui embarquées fur la Flotte de ce Prince _ fouffroient tant de peines & de fatigues, fans pouvoir fe rendre au païs Latin. s | Heu? tot vada feflis Ettantum fupereile maris, vox omnibus une Urbem oranr. : _ Aprés avoir été entr'aînez l'efpace dé dix jours le long de la côte | nous nous trouvâmes tout proche le Cap de Digue. Cum frera cum terras emves ; tot inhofpita faxa , Ç Syderaque emenfi ferimur. Le Cap de Digue eft un endroit trop re. marquable pour ne vous en pas donner " une idée. II fait l'extrémité du détroit avec les Ifles de Salfbré & Natingan , qui en font éloignées de douze à treize lieuës. I] eft au 62. d. 45. min. & s'apelle Owelfin_ gan par les Auglois. Il y a trois petites Ifles à l'Oüct de ce Cap, que l’on apelle Tfles Digue, environ d’une ou deux lieucs Tome I, : G FA Hiftoire de. de tout chacune, dont la premiere n'en eft éloignée que d’une. Ce Cap en prend le fombre. L’on compte des Iles Bontonnes qui font l'embouchure de ce Dérroit juf- ques à ce Cap 135. lienës de long , Eft Sud- Eft ,Oüeft Nord_Oüeft, Toute gette côte et "extrémement haute, coupée par des grigs qui font des vallans efcarpez , lef- quels forment au pied de la mer de peti- Fes ances. Elle court Ef & Oüeft pendant vingt lieuës, & les autres terres plus < allé courent le Sud Eft-quart de Sud; mais elle baifle en doublant vers le Sud , quoique ce que nous ayons vû ait plus de 130. toi- fes à pic. Je remarquai que pendant le Flor la Marée étroit beaucoup plus forte u'au Zuxan, çar nous fimes au premier plus de trois lieuës & demie, au lieu que nous n’en fimes qu'une à celui. ch ‘Les: Marées rerardent donc beaucoup plus qu’en tous les autres endroits que nous ayons connus jufques à une heure & de- mie en vingt-quatre heures ,car le dix-. hui que nous nous trouvâmes ‘dans ce pa- rage , la marée commença à nous dériver vers l Eft à deux heures aprés midi , qui étoit le deuxiéme de la Lune, & le ‘dix- neuf elle ne commença qu’à ob dériver a nee heures aprés le Zuzxain. Jecroi- Fois que le a AunsE té prodigisufe de Baye | l'Ameriqué Septentrionale. T$ & deRivieres qui font dans le Nord & le Sud de ce détroit venant à fe dégorger ; concourent au mouvement précipité du Flux ; au lieu que ce pallage de douze à treize lieuës entre Digne , & Saifbré, Na- tingan» S ‘étant trouvé bouché par les gla- ces , arrétoit le courant de la grande Paye qui ébirdoïit le Flux, - , Il ÿ avoit trop long-temps que nous ref: pirions aprés les Efquimaux. C’eft une Na- tion trés cruelle, avec qui perfonne juf- ques-lä n'avoit jamais eu de commerce. Cependant nous en aperçümes fur les ola- ces lé dix-neuf, qui de fort loin nous Ésis foient de grands cris, fautans avec des ha: bits de Peaux de Caribous & d’autres ani- maux qu'ils nous montroient. L ecaftonr é étoit trop favorable vour là laiffer pafler. Martigni ayant pris toutes Les faretez pour n'être point leur victime, s’'embarqua dans un Efquif avec quatre À éinq hommes Bien armez. En abordanë fa glace où ils étoient il les trouva au nome bre de neuf, avec leur canot qu’ils avoient mis deflus. Il prefenta en arrivant le Ca- lumét à deux qui s'étoient avancez , pen- dant que les autres fe tenoient au bout: Lorfque les Sauvages de l'Amerique Septentrionale veulent faire quelque trai- £e de Paix, ils ont cette maxime qu'ils ne G::..2;: 76 = Hifforre de A 5 font jamais de convention qu'ils n’ayent vûs auparavant des prefages qui puilfent les aflurer & les confirmer dans l’union . que l’on veut faire avec eux. Cette cere- monie s’obferve differemment , car lors que Îles Sauvages qui tirent vers le Sud veulent annoncer la Paix, ils méttent en terre un bâton, ou un pieu , ou envoyent des colliers. ; Le Calumet eft done quelque chofe de fort mifterieux parmi les Sauvages du Nord : il eft le fimbole de la paix. C’eft une efpece de grande Pipe à fumer, com- me vous voyez, Monfeur, faite de Mar- bre rouge,noir oublanc. La rêéteeneft bien: polie, & a la figure d’un marteau d'armes, Il y à un tuyau orné de poils de Porc- épic, & de petits fils de peaux de pluficurs couleurs, | Martigni leur prefenta donc à cet abord une Pipe en facon de Calumert,& une Boë- te à tabac, fuma un petit moment,& leur donna à fumer. Les fept autres qui fe te- noient toûjours à l'écart, voyant la bonne foi avec laquelle l’on agifloit avec eux, vinrent à lui avec des acclamations de joye, faifant des cris d’untonde voix fort clair, fautans & fe frotans l’eftomac, qui 4 étoient les marques les plus convaincan- resfd’amitié & du bon Commerce qu'ils Tom.r. pag: 76° Casse tête. dont Reese JE lon west parle 20-20 be 2.0 22-65 pe La 000090800000 000 ET va au Tom 2.p ar RP cnrs mp aGe.197: [A : 24 l'Amerique Septentriorale. 7 voulôient avorr avec nous. Il leur donna un couteau, & ils lui firent prefent d’un habit de peaux.Ils firent comprendre qu'ils avoient dequoi faire la traite : Mais ,com- _ me nous étions bien aile de les dote dans notre vailleau , il leur donna à eñtendre qu'il n’avoit rien, les priant de venir avec” Jui. Quelques inftances & quelque acueil qu'on leur fit, ils ne voulurent jamais si fier. Martigni Le coucha fur la glace, leur montrant par la qu ‘il fe donnoit pour 6ta- ge ,à condicion qu'ils nous envoyaflent un _ des leurs. Ils voulurent en avoir deux poux un ,& Grandville Garde de la Marine re fa ‘audi pour Gtage. L'Efquimau étant tout au Lu de l’éz chelle de notre vaiffeau ,aperçüt un hom. me habillé de noir, ait il eutune fi gran- de frayeur qu il balança s il Ce jerreroir en bas, Celui-ci s'en étant apercü lui montra un couteau, ce qui le détermina d'entrer. _ Se voyant parmi cette foule d'équipageil . né parut point déconcerté, fautant, faifant _toûjours {es cris dans l'admiration d'uns Machine pa lui paroifloit fi furprenante 3 Et lors qu'il vit du feu allamé dans la cui- fine il fit un cri éfroyable , ne pouvant s’i+ maginer qu’un pareil élement e trouvant renfermé ne caufa une incendie, Mais au tant que nous l'avons pà conjecturer , il G 5$ LA 2e ee PSN ENS RARE © 78 Hijtoire de faut que ces gens la fe chauffent rarement, car il ni avoit pas un pouce de terre dans le détroit, n’i le moindre arbrifleau ; ou s'ils le font ils brülent de la graifle de Loups Marins & de Vaches Marines. L'on fervit à l'Efquinau un pâté : il faifoit tous fes éforts pour en témoigner fa reconnoif- fance. Je ne croi pas qu'il y ait de Nation qui parle plus vite. Il avoit l'accent Baf. que ne deflerrant point les dents, & arti- culant neanmoins fort diftinétement. On lui prefenta un petit morceau de pain, qu’il gliffa adroitement fous fon menton, entre fon habit & fa chair , affeétant de manger. Nous ne fimes pas femblant de nous en apercevoir , & nous vimes bien : qu'il avoit peur d'être empoifonné. Nous mangeâmes d'un autre morceau qu'on lui donna , qu’il mangea aprés. Nous oubliä- mes de boire dans un verre de vin, qu'il coula encore fous fon menton. Il falut en boire, & gouter auparavant tout ce qu'on lui vouloit donner. Le fon d'une four. chette d'argent lui plüt f: fort, qu'il la ca- cha fort fubtilement entre une piece de pâté & un morceau de pain. Jé m'embar- quai avec lui, & lorfque nous fumes ar- rivez fur la glace où étoient fes camara- des , ils vinrent tous m'entourer , crians, fautans. Je leur fis plufeurs liberalitez, #4 : / À l'Amerique Seprentrionale. 5 & bon gré mal gré ils vouloient fe mettre’ tout nuds pour me donner leurs habits, mais je voulus favoir dans la fuite s'ils: étoient fort fenfibles au froid. Ces gens- là étoient de belle taille , fe portant bien, paroiflans vigoureux , bien nerveux , la peau du corps fort blanche, la jambe trés- belle, le vifage bafané & aride, ce qui pro- vient du grand froid , les dents fort larges & fort mal propres , les cheveux noirs . avec un toupet au deffus du front, ayant la barbe de crois doigts,ce qui et une cho- fe tout à fait finguliere , Car generalement tous les Sauvages du Nord & des païs: chauds , n'en ont point, Leur Jufte-au- corps elt comme un Domino de Chanoine avec des manches, dont le bout leur vient à l’extremité du dos, fait de peaux d’ani- maux, comme d'Ours, de Loups Marins, de Caribous & de peaux de Gudes , qui font des Oifeaux de mer,.coufu d’une de- licatefle achevée , ( nos Couturieres n’en. aprochent point) avec de petits nerfs d’a- nimaux trés-fins. Leurs aiguilles font apa- remment d'arrête de Poiflons. Le haut de chaufle eft de même , avec des bandes de peaux d'Hermines & d’autres animaux : 8& pour chauflure ils mettent d’abord un Chaufon de peaux, le poil en dedans, & une Botte de même ,avec un fecond Chauf. an Hiffoire de | fon & une autre Botte ; de maniere qu'ils. ont les jambes prefque aufli grofles que le. corps : cela ne les empêche pas d’être bien « alerte. Ils fe fervent de Fléches ,donrles bouts font armez de dents de Vaches Ma- rines , au bout defquelles il y avoit du fer, Il faut qu'il s’i foit perdu quelques vaif- feaux Anglois à leur côte. | . La reception que nous leur avions faite Es or L h # tel les engagea d'envoyer deux autres à notre bord avec des Gtages :ils furent reçüûs auffs agreablement que le premier. Ils fe dé- poüillerent nuds comme la main , &c je Femarquai que s'étans vüs en cet état ils eurent de la pudeur. On leur donna des haut-de chaufle & ils ne firent aucun mou: vement pout témoignet qu'ils avoienrs froid. Ils avoient pourtant trois lieuës à {e rendre aux Ifles Digne, & il y en eutun en s'enallant qui me donna un morceau de Gode toute crut, que je voulus bien manger devant lui. H ft un cri de joye, & “» fucça en même temps un cœur de bœuf tout feignant , que nous lui avions donné. Éeurs Canots font de peaux de Loups Ma: rins-, pañlées & bien huilées , de douze à quatorze pieds de long , quelquefois de vingt, large de deux au milieu, tirans trois à quatre pouces d'eau , tout couverts fur la furface à la relerve d'un trou au mi- Tom-1: pag do, squimeau en canot de.r2. pieds À.la soude |À . B.la rame Cendrott ou ilattache son, gibie | autre canot À PRIME ne D. S'Eplace] À ATEN Im Datd pour prendre des Loup mannA. trou | 2quelon passe L La Corde B.kou pour # te la flche au) ji D Bouts de fleche desquumeaux il cn AAA N|| AN W KA | TAN OO NN AN D LL vo re PL EEE ge A enr rh Le Dé ) Loltts ne M ouf FRET PT ms rh ( b | r Amerique S eptentrionale. be à Se lieu dans lequel ils fe mettent ;qui eft re- fevé tout au cour d'un bord de cinq à fix pouces : autour duquel ils mettent une peau qui eft comme une bourfe ,avec au- tant de juftefle, que quelque orage qu'il fafle il n'i entre jamais d’eau , & pour na- ger ils fe fervent d'un aviron de quatre pieds qu'ils tiennent pat le milieu; & don- nant le mouvement à droit & à gauche pour voguer , ils vont fi vite avec cela qu'il ni a poiñr de mers qu'ils n’affron- cent , ni de chaloupes qui puiflent les join- dre, rs qu ils trouvent leur chemin bou- ché de glaces ils portent leur Canct fur les épaules jufqu’à ce qu'ils ayent trouvé de l’eau. Quand ils s'en retournerent chez: eux ils promirent de nous aporter des Ca’ nots, & en s’en allant c’étoient des cris de joye ‘qu ils faifoient retentir fur la mer ,: tant que l'on pouvoit les apercevoir. Il en vint deux autres l’aprés- dînée à d'un propos déliberé , fur une glace où nous étions à la Min qui traiterent aufli leurs habits pour des Couteaux, des Ci- feaux ,des Aiguilles , des Énlats. des De- niers, Are Éarres de jeu .de ébhane Pa- pier de Mufque , & generalement tout CE’ qu'on leur donnoit leur étoit précieux, Comme ces gens-là n’ont point de com- merce avec qui que ce foit , ils n'aporte- mere RE 2 | Éfifloiré de rent aucuñe peau : cependant il faut qu'il, y aitles plus belles Pellereries du mon de dans ce climar. Il y a quantité d’ Oùrs blancs. Nous fumes deux ou trois fois à la SE Chaîle far plufieurs qui s'étoient trouvez, Lt dégradez à plus de quatre lieuës. Ils font, 7 dangereux, s’élançans de glace en gla-. , & viennent même affronter les Ca-\ sut en mettant leurs pattes deflus pour} les faire virer :’aufli nous portions des Haches d'armes. L'arrivée de cés deux Efquimaux me! donnerent lieu de faire plufieurs refle= ions. Il ÿ enavoitun de vingt. deux 4 vingt-trois ans , fort bien fait. Il avoit une’ Phifionomie toût à fait heureufe,& un air dinnocence paroïfloit peint fur on vifage. Il y a une rvrés- grande quantité de Go des dans tous ces quartiers : Elles nous fu rent d'un grand fecours dans tous les pref- fans befoins où nous étions de rafraichif_ femens, car le froid ft mourir toutes nos volailles dans le détroit. Pendant que nous étions grapinéz entre le Cap de Digne & Salfbré, il y en avoit ur mouvement con- tinuel qui venoient ranger nôtre vaifleau, Elles partoient le matin de ce Cap pour Salfbré , où elles péchoient de petits poif=. fons qu elles raportoient le foir à leurs petits fur Les glaces. Nous en tuèmes- une! of e2 . \ 4 l Amerique ncte: 83 quantité furprenante. Ces oifeaux fonc ros comme des Canards: ils ont le ven- tre blanc , le dos & les aîles noires, & le bec de D Lea. Ils ne peuvent marcher, ayant les pieds en dehors, & ils font leurs petirs far les glaces. Quoique nous nous trouvaffions à l'en- trée de la Baye, il nous fut impoffible di entrer. Toutes fe glaces qui éroient dans cette vafte étendu& fe dégoroeoient dans ce détroit, Les mouvemens continuels que les courants leur faifoient faire , nous ob- ligeoient aufli d’en fuivre le caprice. Nous. fumes entrainez au bout des Ifles D; que. Je remarquai qu'en étant à cinq à fix | Jieués le vingt & un d'Août vers l'Oüeft, les courants portoient au large vers VER; | & au contraire lors « que nous raprochions _ de terre ils portoient à l'Oïüeft. Et, com- mejaidit, le F/or a beaucoup plus de for. ce le long de la terre que le Zuxin; au contraire , lorfque nous étions à fix lieuës | au large , le Zuzan avoit beaucoup plus de force que l’autre. | Dans le temps que nous crumes de- bouquer , les courants firent rentrer no- | tre vaiffeau à plus de huit lieuës dans Le | détroit , par un grand circuit qu'ils nous | firent Dre. étant toûjours attachez fur L glaces, & nous nous srouvâmes à la #4 us Hifire ! “MAENEE S 4 lace des autres qui furent portez le long. de terre, à l'endroit où nous étions. j Dum per mare magnum N Jraliam fiqmmur fugientem , € volvimure Andis. Enfin il s’éleva des brumes que le vend” d’ si Sud Eft diffipa. Nous dégrapinames | à quatre heures du matin le vingt-cinq. Août, & forçames de voile au travérs des. glaces, parce que comme nous étions tout de l’arriere des trois autres vaiffleaux qui, étoient au bout du détroit, nous voulions Jes joindre; mais à mefare que nous avan- £cions la Hit eve s’élevoit , & les courants es encr ‘ainerent a plus de cinq lieucs en. dedans , où ils reftérent feuls , pendant. que nous trouvâmes à la fin la Baye dé- gagée de toutes les glaces, | Ils furent obligez de grapirer à une. Jieue du Cap de Digne. Les brumes com- j mençans a fe diffiper, le Profond aperçut trois vailleaux. Du Guai qui le monroit. crut d’abord que c’étoit les trois de notre … Efcadre. Ceux-ci arriverent infenfible- ment {ur lui à caufe des courants, Il fut furpris de voir tout à coup une pareille . métamorphofe, car c'étoient trois Anglois | de 56,36,& 32 pieces de canon. Il dé- rapina nee le moment, & donna à rout hafard dans un Banc de glaces nr que de # l'Amerique Septentrionale. SF _ de fuccomber : il avoit même toutes nos munitions de guerre & de bouche pour l'expedition du Fort de Nellon. Les An- glois lui donnerent chafle, Serign & Chaf- trier voulurent venir à {on fecours, mais des glaces le reflerrerent. Le Profond fe trouva aufli renfermé avec le Dering & l'Hadfonfbaye. Le Combat commença donc le vingt-fix Août fur les neuf heures du matin. Duguai les attaqua , les autres le criblerent de coups , lui ayant haché toutes fes manœuvres , parce qu'il ne pût fe battre que de deux pieces de canon qui | avoient été mifes.dans l’arriere de la fain- | te Babe. Saint Aubin Pilote du Roi, Tour- dain & Vivien, qui faifoient tous trois | fonctions d'Officiers, fe diftinguerent d’u- ne maniere particuliere. | "L'Hamshier de 56. pieces ne püt les | joindre que le foir ; & aprés dix heures de Combat qui fe donna par intervalle , ils lai envoyerent tous crois leurs bordées & le”laiflerent dans cer état, croyant qu'il dût couler à fond. Il y eut quatre hom- |mes tuez dans le Profond. Il ne fe peut ique les Anglois n’en ayent eû des leurs, \puifque l'on trouva des bras d'homme fur june glace. Pour ce qui eft de nous , nous nenous trouvèmes point dans cette occa- fon qui étoit tout à fait glorieufe , & l'on Tome I, H 86 PA ERE 5 ( iffoire de. ÿ peut dire que c'eft Le premier Combat qui ne fe foit jamais donné dans les places. 4 Les courants fifenc donc débouquers feui le Pelican dans la Baye, & les Mare-w lots avoient lieu pour lors d’être contens de ne fe voir plus enchainez par les gla ces. Il s’éleya une petice fraiche ” nouÿ. fuc d'au grand fecours. 1 peeiia ['Jubet ocins omves Attoll malos , intendi brachia velis, | Monfeur d’Iberville ft hiffer auffi. tOEu Jes Huniers. L’é équipage fe trouva prompt à Jui obeïr. C'étoit à qui fe mettroit le premier à fon devoir. Les uns amuroient. la grande Voile , les autres bordoient las grande Ecoute & TArtimon. Les uns braf-\ {oient les Huniers , & les autres La Ci vadiere. à Ua omnes fecere per Pariterque f nféros Nunc déxtros folvere finus : Wa. ar Ana) Torquent , Anh. JEHA Corrna » detorgnentque. | À La premiere terre que l'on trouve } | Monfieur, dans la Baye, pour faire Ja ] sitable route du Fort de Nelfon et l'Ifle Phelipeanx ; dite Mansfeld par les Ans glois, qui eit en prenant au bout du Nord,, au 62. d. 56. m. à 29. lieuës du Cap des Dicue ; faifant l'Oüett quart Sud. Oïielf, (e ch une terre plate qui peut avoir vingf LA # % se Prius: te éprentrionale. 87] # feuf lieuës de long fur neuf à dix de large. Il y a quantité de Vaches Marines dans ces quartiers , dont les dents font plus blanches que l'ivoire. Elles ont certe pro- _ prieté qu'elles ñe jauniflent jamais. Le vent fraichir de plus ën plus, & nous | porta vers le Cap- Nord! , quieft au 63. d, ÿ5: min, C’eft une terre des plus hautes que nous ayons vs ; que l’on peut décow- vrir de quinze à vingt lieuës. IL eft an Nord. Oüeft quart-d'Oüelt > Corrigé du | Cap de: Digue , éloigné l'an de! l’autre de trente- fept lieuës , & de cinquante cinq de Natingan.C'eft l' endroit où nous ayons le plus élevé dans le Nord. Je ne croi pas que l’on peut äller plus loin dans l’A- merique Septentrionale , a moins que de vouloir s'expofer à erther un des bouts du monde, ou d’entret dans le Oùreft dû détroit de cu. qui à communication à ce que l'on prétend au Japon. L'on peutdire, Monfieur, que ces Mers- di ont quelque té de bee affreux. Si Horace en avoit eu éonnoillance il auroit donné à fon ami Valouis une idée bierr differente de celle de la Mer Cafpienne. Élle pafloit de fon temps pour la plus dan gereufe. En éfet , Pomponius Mela dit qu'elle eft toute honche . cruelle , fans Ports, expofée dé tous era tempé- | FFE | F8 RME res; plus remplie de monftres que toutes les autres, & par cette même raifon moins | navigable que les autres. A1 are Cafpinm conne atrox » favum ; fine portubus ; procel- dis undique expolitum ; ac belluis MAIS » quam catera refertum; © 1deo minus na- wigabile. Vous voulez bien me permettre, Mon- fieur ,de finir ici cette longue Lettre , & de vous demander pardon de vous avoir _ détourné de beaucoup d’occupations plus importantes. Le temps vous eft trop cher pour n'être pas fâché de vous l'avoir fait perdre à une qui n'aura peut-être man- qué de vousennuyer. Je fuis avec FAURE MONSIEUR, Votre trés humble ,&e: = l'Amerique Septentricuale. . &# ÉV. LETTRE. Combat du Pelican contre l'Hamshier de : 56. le Dering de 36. © l'Hndfinfbaye de ga pieces de Canonss | Viétoire remportée fur ces trois F'aiffeanx, Nanfrage du Pelican par la tempête. Bombardement © prife du Fort de Nelfôn, _H y a peu de perfônnes qui ne fe faf. fent un merite de faire l'éloge de fa Paz trie. J’aurois eu affez de matiere a décrire les mouvemens des guerres des Caraïbes, qui fe font faits dans la Guadaloupe notre patrie, dont mon Coufin votre Pere a té le Seigneur & le Gouverneur, fi la defti- née ne m'en eut éloigné pendant plufieurs annéces.Nos Comipatriotes ont eu du moins la fatisfaction de fuivre fes traces qui leur ont fervi de guides. Vous voulez bien que je vous fafle part de plufeurs évenemens fort tragiques qui font arrivez dans mon Voyage, mais qui n’en ont été que plus glorieux aux: armes du Roi, H ÿ 20 Hiftore de | Nous ne fommes pointnez pour nous- mêmes, & rien n’eft plus glorieux que de mourir pour fa patrie. Quiconque aime fon Prince ne doit refpirer que fa gloire, & l'on eff trop heureux de pouvoir facri- fier fa vie pour fon fervice. La conjoncture dans laquelle je me fuis trouvé avec quelques Ofhciers ,où l’hon- neur des armes de Sa Majelté paroifloit intereflée , nous a donné occafñon d’avoir ces mêmes fentimens. Si d'un côté le ha= fard nous a confervé, nous avons du moins fait paroïtre de l’autre que nous étions prêts d'immoler ce que nous avions de plus cher. La gloire du Roï nous engagea donc à la foûtenir dans une occafion où il s’agifloit de vaincre ou de mourir. Le pre. mier nous réüflit, mais notre bonheur fut prefque aufi tôt traverfé par le plus cruel élement de la nature. Et quoi qu’il nous ait fait fuccomber en nous obligeant de nous fauver l’épée à la main au milieu de fes flots , il ne diminua en rien de notre fermeté , puifque nous fimes voir dans la fuite que tout étoit poffible quand il s’a- gifloit du fervice de Sa Majefté. Voici comme la chofe s’eft paflée. Nous arrivèmes le troifiéme Septem- bre 1697. à la vûc du Fort de Nelfon, dit Bourbon , d'où les Anglois cirerens _ Ld'Ameriqne S'eprentrionale. CE: quelques coups de canon, qui étoient apa- remment les fignaux de recannoiflance our les Vaifleaux qu’ils attendoient d’An- _glecerre. Nous mouillämes à trois lieuës _& demie au Sud-Oüeft quart-d’Oùüeft de ce Fort, à la pleine mer d’un fond de fable vafart , étant furpris de n’i pas trouver le Palmier , le Weefph, & le Profond , qui naturellement devoient avoir debouqué devant nous , parce qu'ils étoient au bout de ce Cap , & que nous étions en dedans _ engagez dans les glaces. | _ ! Nous âperçûmes le cinq , âla pointe du jour trois Vaifleaux fous le vent , que nous: crûmes les nôtres. Aprés avoir levé l’an- ere fur les fept heures du matin nous chaf- _ fames fur eux, & leur fimes les fignaux de reconnoiflance ,aufquels ils ne répon- _dirent point , ce qui nous fit juger qu'ils _étoient Anglois. El eft vrai que l’un étoit l’'Hamshier de 56. canons, 250. hommes d'équipage , le Dering de 36. & l'Hud- * fonfbaye de 32. La partie n'étoit pas égale. Nous leur fimes cependant connoître dans la fuite que les armes du Roi s’immortalifoient avec dutant d'éclar & de gloire dans les Mers Glaciales que dans les autres en- droits les plus écartez de la terre. Comme iétoit de la prudence de fe tenir toûjours 92 | Hifloire de en état de n'être point la vitime de fes ennemis , nous nous trouvâmes tous dif pofez à Con le Combat; Nos forces étoient tout à fait médiocres , car nous aviôns à la découverte uñhe Chaloupe de- vingt-deux hommes ,avec Martigni & de Villeneuve Enfeigne de Vaiffeau , qui étoient allez à terte pour aptendre quel: ques nouvelles des Sauvages fur l'arrivée des Anglois danseur Fort,-& fur la quan- tité de monde qui étoient en garnifon: Nous avions quarante Scorbutiques hors d'état d'agir, & vingt-fepr Matelots qui avoient paflé fur le Profond en partant de Plaifance fans compter quelques morts que nous eûmes dans notre traverfée ,.de forte que nous n'avions que-cent cinquan- te combatans de deux cens cinquante que nous étions en partant de France, & qua- rante quatre pieces montées , En ayant donné deux autres à ce Vailleau, Chacun fe trouva datis fon- pofte. La Sale Enfeigne de Vaifleau., & Grandville Garde de la Marine . commandoient la batterie d'en bas. Bienville, frere de Mr; d'Iberville & le Chevalier de Ligondez Garde de la Marine’celle d’enhaus Mr. d'iberville me pria de commander le Château d'Avant, & de foûtenir l’abor- dage à la tête d'un détachement de Ca nadiens qu ’l me donna: l'Amerique Septentrionale. 93 Les ennemis fe mirent en ligne. L’'Ham- shier écoit à la tête , le Dering le fuivoit, _& l'Hudfonfbaye de l'arriere , tous trois fort proche les uns des autres. Le Com. bat commenca donc à neuf heures & de- mie du matin. Nous fumes droit fur FHamshier , qui croyant que nous vou- Hions laborder laifla tomber fa grande Voile , S& éventa fon petit Hunier. Aprés ce refus nous fumes fur le Dering, & lui coupames les Itaques de fa grande Voile : & l’Hudfonfbaye venant de l'avant nous Jui envoyames le refte de notre bordée. L'Hamshier revirant de bord au vent, fit ‘une décharge de moufqueterie fur le Chä- téau- d'avant, & envoya une bordée à mi- _traïlle qui donna deux coups de canon à Feau, un autre à la Civadiere ; coupa les bras & la fauffe Drifle du petit Hunier, un Galauban du petit Mats de Hune, & Je faux Etai de Mizaine. Le Combat s’o- piniâtra avec un feu continuel que ces trois Vaïffleanx faifoient fur nous , qui s'attachoient à nous démâter. Ils defa- grécrentune trés grande partie de maneu- vres,dont le recit feroit troplons. L'Ham- shier voyant qu’il ne pouvoir nous en- gager entre une Bafle & [es deux Vaif- feaux. & que tous les éforts qu'ilsavoient faits pendant crois heures & demie étoient + ÿ 4 she Me inutils | fe détermina pour nous coule bas, & pour cét éfer prenant fon air pour nos gagnet le vent (ce qu'ilne pût fai | re ) nous lé prolongeâmes vergue à ver- gue, Comme nous étions {r proche l’un de l'autre, je fis faire une décharge de mouf- quéterie fur fon Château d'avant, où il parut beaucoup de monde qui nous crioit de fauter à bord. Ils nous envoyerent aufh tôt la leur avec une bordée de canon à mitraille ,qui hacherent prefque toutes _ nos maneuvres & blefferent bien du mon- de. À mefure qu'ils prolongeoient notre. Vaifleau nous tirämes nos batteries, mais ños canons étoient pointez fi à propos “qu'ils firént un éfer admirable ;car nous ne fümes pas plutôt feparez l’un de Fau- tre , que l'Hamshier fombra dans le mo- ment fous voile, Le Dering qui nous te: hoit de prés nous envoya fa bordée , mais ce fut une cruelle cataftroghe pour eux ; car l'Hudfonfbaye emmena pavillon , & Je Dering prit la fuite. Nous eûmeés qua- torze hommes bleffez à la batterie d'en bas de la derniere bordée de l’'Hamshier, entr'autre le Chevalier de Ligondez , de deux éclats qui y étoit décendu, lequel fe paroïtre toute la valeur & la fermeré que Pon pouvoit fouhaiter. Les autres Ofh- ciers firent aufli parfaitement leur des nm, , 1? Dar + Amerique S'eptentrionale. 95 voir. Nous eûmes fept coups de canon à l'eau qui entroient à gros boüillon , fans plufieurs qui pafferent de bord en bord. Si tout autre que moi avoit commandé ce pofte, je dirois de lui ce que la modelftie . m'empêche de dire. Toute la Marine de Rochefort à avoüé que ce Combat a été un des plus rudes de cette guerre. Nous étions fi accablez de leur moufqueterie & de leurs bordées à mitraille qu ‘ils nous ti- rojént à portées de piftoler & à demi por- tte de fufl , que notre Mäât de Mizaine étoit farci de tour côté de balles de mouf. quets « de la hauteur de dix à douxe pieds ; : & fi je n’avois difpofé mon monde fur tout dans le moment que je voyois mettre | le feu aux canons, il ne fe feroit pas: fau- vé. quatre perfonnes ur. le Château- d’a- vant. J'en fus quirte à bon marché d’a- voir eu à la derniere bordée mon jufte. au- corps tout haché, & mon trapabord percé d'une balle. La Corboniere Canadien, qui étoit auprés de moi , eut le coude café, faint Martin la EE fracaflée , & pour éviter un plus long détail de ous mes bleflez., je fus celui qui fut le plus heu- reux en fait de bleffures. Je croi que je n’aurois pas été faché de me montrer devant Mr. de Pont- Chartrain avecune écharpe au bras, Cela frape 2 à la + 96 Hiftoire de | verité ,mais fices marques fenfbles déct- dent dédtà valeur d’un Ofhcier, je me fais trouvé auffi {ain & d'un aufi grand fens froid ee le Combat , que lors que Mr. d'Iberville nous fit mettre en lice , hors que l'on m’auroit pris pour us veritable Maure ; tant j'étois barbouillé de poudre au vifage. Je croi que les Anglois me prie rent à |’ abordage pour quelque Prince de. Guinée , car j'entendis une voix qui dit: 4 ce beat vifage de Guinée. Nous donnâmes challe au Dering , & nous l'euffions pris fi trois jours aupara- vant nous n'avions eù notre grande Ver- gue caffée en deux par le milieu d’un coup de vent. Notre prite qui étoit à une lieuë de nous auroit pü gagner l'entrée de la Ri- viere de Penechiouetchiou , dite fainte Therefe, qui eft celle du Fort de Nelfon, Nous revirämes de bord, & aprés l'avoir amariné nous chaffames vers l’'Hamshiere dans le deffein de fauver fon équipage. Nous le trouvèmes échoué fur la Bajje ; où il avoit voulu nous engager ; & le er devint fi rude aprés le Combat ; ul nous fut impoffble de mettre le chi not à la mer. Nous n’avions point de Cha- loupe , parce qu’elle ne püût revenir de la découverte. Nous motillames aflez prés, avec l’'amertüme de ne pouvoir donner ia conjon- "4 l Amerique Septertrionale. 97 Secours que nous étions obligez dans une conjoncture aufli embaraffante , & auffi fâcheufe qu'étoir celle-là. L'Hudfonfbaye ne pût même Je faire. Celui-ci avoit des _ éfers pour la traite du Fort de Nelfon qui auroient pù produire la valeur de cinquan- te mille écus en Caftors,& le Dering étoit - deftiné pour le Fort de Kichichouanne, qui eft au fond de la Baye, : | J'apris des prifonniers qu’il y avoit cent hommes «embarquez fur l’'Hamshier , & le Dering pour la garnifon de ces Forts, & qu'un Biülot avoit été écrafé par les &laces dans le détroit. Nous envoyämes le fx, à bord de l'Hudfonfbaye un mor- tier & des bombes dans l’efperance de le faire entrer dans la riviere fainte Therefe. Le vent d'Eft Nord-Eft qui régnoit alors fe fortifia de plus en plus. La mer devint affreufe, nous chaffant toûjours à la côte jufques au lendemain matin entre neuf à dix heures que notre souzernail donna _ deux coups de talon, Le Flotcommenca a monter , foible efperance pour des perfonnes dont la deftinée devint fi cruelle. Nous fümes contraints de couper à midi un cable pour appareiller, & chaflâmes jufques à quatre heures du foir. Le grand froid qu'il faifoit , la nége, & le verglats __ quiavoient couvert Loutes nos manñcÿe . Tome I. Ï 98° #71 faire de “D vres éroient de cruels obftacles. Comine. nous ne pûmes élever la côte ; nous mouil- Times à neuf brafles d'edb Nos ancres tinrent jufques à huit heures du foir, & en ce temps la grande rompit. Je ne fçaurois vôus exprimer, Monfeur , la defolation où fe trouva l'équipage. Les uns languifloient de maladies. Les plus | vigoureux écoient aux abois. Il étoit nuit, &. l'horreur des tenebres ne faifoient. qu'augmenter celle ss la mort. Le cahos & le défordre fe mêlerent bien vite parmi des gens accablez ; & quand la terreur fe fut répanduë , Loue ne pümes plus les. raffürer , & dans cet état déplorable je" me. fouvins plus d'une fois de ce qu ‘Hora- ce a dit avec tant de raifon, quoiqu'il ne fe für jamais trouvé dans une fi. fàcheufe conjoncture. Jils robur ; © &s triplez » Circa peëlus erat, qui fragiles » Truc: commifit pelago rarim, | Primus ; nc rimuit pracipirem africam ; Decertantem aquii ontbns > IVectriftes Hjadas » REC rabiem nôti. Ms: D Vaifleau étant apointé debout au: vent, l'ancre de touée & un Gréflin rom- pirent. Celle d'affourche ne pouvant tes nir, nous fümes contraints d'en couper Le’ gabie ph d fe vague fic fauter nÔtre galerie, - PAmerique Septentrionale. 99 & brifa une table & fes bancs qui étoienc dans la grand chambre, Nos perdimes notre gouvernail {ur les dix heures du foir _& nous nous crûmes entierement perdus. À mefure que la marée montoit, notre Vailleau qui étoit entrainé par (bre: Cours, talonñoit infenfiblement. Tous ces di Fu .rens mouvemens faifoient dreffer les che: veux aux plas infenfbles. Enfin il creva par le milieu de la Quille far le minuir, & _émplit d’eau par deflus l’entre-deux ponts. _ Nous paffämes la nuiten ce pitoyable 6 État . & nous vimes à la pointe du jour la terre _ à deux lieues. : Dans quelque cruelle ftuatioi où nous étions, nous confervèämes toujours quel- qu 'efperañce de ne pas perdre Ja vie, Mr, d'Iberville qui eut toute la prudence que on peut avoir dans une pareille cataftro_ pbe, {ongea & à fauver fon équipage, Il me pria de m ‘embarquer dans le canot pour tenter l'endroit où nous pourrions le faire * avec quelque fureté, Ilne s'agiffoit pas feulement de coriz _ferver la vie; il falloit encore foûtenir la: gloire que |’ on s’étoit acquife deux jours auparavant ; & perir pour perit il valoit mieux facrifier fa vie aux pieds d’un ba- ftion du Fort de Nelfon, que de languir dans un bois où il ÿ avoit déja un . de k ‘à 4 nr * je F Æ#OS : Fiffoiré dé ” _néges. fe m'embarquai donc le huit Se. ptembre, jour de la Nativité de la Vierge, dans le canot avec des Canadiens : & aprés nous être jettez à la mer jufques aux épau- les avec notre moufquet , une corne à. oudre fur la tête, & des balles, je le fi renvoyai, pendant qu'il faifoit faire des Rats d'eau & des Cayeux pour fauver es malades. Martigni arriva aufli avec un efquif. Nous nous tirâmes le mieux que nous pümes de l’eau qui étoir extrême ment froide. F PR _ Quelque vigueur & quelque prefence') _ d’efprit que j'euffe , la nature pâtifloit en. -moi d’une maniere fenfible : & comme je me trouvai extrémement accablé, je fou. hairai trouver un endroit pour me repoler.. me prit une faim cruelle, avec un defef- poir qui m'obligea de manger de l'herbe. qui flottoit fur la mer. Je fouhaitai, Mon- fieur, plus d'une fois ce repos dont parle le même Poëte , que fouhaitent ceux qui font furpris d’une affreufe tempête. | Otium divos rogat in patenti ; va Prenfus eÆgeo, fimul atra nubis\ Condidit lunam » neque certa fulgent» + Sydera nantis. Aprés avoir traverfé la mer plus d'une lieue | nous trouvâmes un Banc de nêges épais de plus de deux pieds , fouslequez =S SSSSS SR a — —- ———— D | De AR RTE 4-LeFebcan perita 2. eux de terre, B. Cayeux pour Sauver Les Malades, C.Banc deflege ,D. Camp - de grace, FES vi Ameriqte Seprenrriorale. 101 étoit de la vafe. Ce trajet fur bien rude qui coûta la vie à dix. huit foldats qui mou- rurent de froid en fe fauvant, & jaurois fuccombé fans le fecours de a uelques La nadiens qui me trouverent couché fur la nége. Mr. Fiche-Maurice de Kieri, dela maifon du Milord Kieri en Iilande , qui étoit notre Aumonier,foulagea avec Lee coup de charité pluficurs de nos gens qui h'avoient pas la force de fe trainer, Il ne les abandonna pas qu'ils ne fuflent arri- Vez dans un boëïs. Nous avions lieu d aprehender que les: _Angloisn ‘eufTent fait des se à , Car | ils virent nôtre Vailleau peri, & ils pou voient être témoins oculaires de nôtre dé cente fur leuf tèrre , puifque nous n'étions qu'a deux: lieues du Fort. Nous campämes dans un bois & fimes de grands feux; qui nous furent d’un grand fecours , car nous étions tous PH autre habit’ qu” un cafaquin afez leger, & tout dégoutant de nôtre naufrage. Nous décampâmes le lendemain ne Camp de Grace ( tel fut fon nom ) & pañlâmes par un marais d’où les chevaux n'auroient pû fe tirer. Cette marche dura plus d’une lieuë & demie ,& fimes un fe- _£ond Camp à à un Soir que l'on apelle le A ssti J° side fous filence que L 3 robe Hifhaire de : l'Hudfonfbaye eut le même fort que nous; s'étant perdu à huit lieués plus Sud. Sur ces entrefaites le Palmier,le Weefph & le Profond arriverent à l'embouchure de la riviere de fainte Therefe. Le premier avoit perdu fon gouvernail dans la riviere : de A anotcoufibr , dite Danoife , qui eft à quarante lieués plus Oüceft que celle-ci, ayant gouvérné pendant quarante lieues avec des avirons & des bout hors. Ils fu- rent bien-heureux de ne s'être point trou- vez moüillez avec nous , car leur defti- née auroit été aufli fatale que la notre. Nous décampâmes derechef le onze ; devant le jour, & fimes un troifiéme cam- pement à la portée du canon du Fort, dans un bois tailli, qui fut nommé Camp de Bourbon, M'étant trouvé au pofte avancé je fis faire du feu, car le temps étoit rude. La fumée nous attira plufieurs coups de canon au travers des aibres. Je fis faire. du feu davantage , afin que les Angiois croyans que nous voulions y faire des re- tranchémens , nous puflions faciliter à nos gens de défiler plus aifément le long de la riviere. La grande obfcurité qu'il failoit pour lors fur caufe que le Fort nous paroifloir plus éloigné. Nous com- mencèmes peu de remps aprés les efcar- mouches à la faveur de pluñeurs petits l’'Ameriqne Septentrionale. rO-3 . ruifleaux & de quelques troncs d'arbres brüûlez. Il fe fit de part & d’autre un grand: . feu. Les fauconeaux, & les canons à mi< - traille eurent dequoi s'exercer. | - Monfieur d'Iberville alla reconnoitre - Ja Place fur les onze heures du matin. Nous ne pûmes le faire fi à propos, qu'ils: ne nous tirafflent quelques coups de mouf. . quers & l’euffent fait à mitraille, fi nous: . n'avions défilé par de petits fentiers. Nous: ne laiflämes pas de refter à couvert pref- . qu'au pied du Fort, Il envoya querir Mar- tigni, & lui donna ordre d'aller reclamer deux Iroquois & deux François, qu'il {ça voit être dans cette Place,qui n’avoient pü: s’y rendre l’année derniere, avant queles ÂAnglois l’euffent prife fur les Canadiens. Lorfque Martigni fut arrivé aux portes du Fort avec pavillon blanc, qu'il ft por _ ter avec lui. Le Gouverneur lui fit bander: les yeux, & le fit conduire dans la Place. II tint confeil de guerre. La décifion fut qu'il étoit impofhible de les rendre dans. une pareille conjonéture. Une partie de l'Hudfonfbaye s'y étoit jettée aprés le naufrage , ce qui augmentoit leurs forces. Le Capitaine Semithfemd qui comman- doit ce Vaifleau avoit aflez d'autorité pour pouvoir donner à la Garnifon telles im preflions qu'il vouloit, Il aût que Mr, 10 4 Hifaire de d'Iberville avoit été tué dans le combat! Il fçavoit qu aprés la prife de fon Vaif- feau nous envoyâmes quinze pérfonnes pour l'amariner , perfuadé que prefque tout notre équipage avoit été tué dans le combat ; il s’imaginojit que nous ne ten- tions ce Fort que comme des gens defef- perez. Il eff vrai que , fans la poudre que nous fauvâmes dans le naufragé qui nous’ fit vivre de quelque g gibier , nous euflions été contraints de brouter de l'herbe juf- ques à l’atrivée de nos autres Vaifleaux. On drefla l’aprés-dîné dans le bois à deux’ cens pas du Fort la batterie pour un mor- tier ,-fans que les ennemis s'aperçuflent: de nos mouveméns: Comme la plate-for- me étroit prefque finie ,-ils entendirent le bruit de deux ou trois coups de mafle que” l’on donna fur des clouds , ce qui nous at- tira brufquement trois coups” de canons. dont l'on penfa tuer Mr. d’Iberville, & les deux autres me rangerent de fi prés que nous trouväimes le bouler à quatre pas de moi. Ce travail étant fini, nous revin- mes au camp. Ils nous tirerent du canon dans notre retraite, étant obligez de paf- fer le long de la riviere où ils nous dé: couvroient facilement. Nous fûmes occupez le refte de la jour- née à débarquer nos munitions de guéire À Debarquem!tdes Munitions de guerre etde Bouche .B, Camp de Bourbon . C. Morte cache dans le Bois D Escarmouches .E .Fortde Nelson. — ae hs 0 pe mas | + vi: di k de‘bouche. Le Weefph envoia le mor. tier dans une chaloupe que commandoit le Chevalier Montalamber de Serre, garde de là Marine, C'eft un Gentilhomme qui s'attache extrémement à fon métier. Il a: lhonneur d’ apartenir à Monfieur le Mare quis de Vilete, On mit ce mortieraterre, & quelque temps aprés fur fa baton Les ennemis tirerent beaucoup pendant ce débarquement dans le camp & fur les chaloupes. L'on ceupa chemin la nuit du onze au’ douze aux Anglois, qui alloient & ve foient querir les Macclots de l’'Hudfons. baye qui arrivoient de moment À autre, Le Commis de la compagnie de Londres Y fac tué .. & le douze il fe fit encore une | iouche qui dura deux heures. Nous cominençämes à bombarder la Fort fur les dix heures du matin. Comme nous vimes- que la tioifiéme bombe étoit | tombée au pied, Serigni fut. fommer le: Gouverneur de à rendre, Celui. ci témoi- gna qu'il ne vouloit. point fe faire couper le col... aïrnant mieux {ouffrir l'incendie’ de fa Place que de }a reridre: I] avoüoit” quil étoit hors d'état de recevoir aucun fecours d'Anglererre, & que , s’il fe trou. voit forcé de Capituler, ce fecaie un éfet: de fa mauvaife deftinée. Nous fçimes d: De. Septentrionale 10ÿ 106 | Fiffoire e aprés , qu'il animoit extrémement ri mon , promettant de lui faire Aer se augmentation de folde. Nous leur tirmes # encore quelques bombes. À Nous recommençcäimes entre une heure « & deux. Ils nous fitenc un feu continuel: de canoûs & de deux mortiers: Ils avoierit de trés-habiles canoniers. 11 n’y avoit que le bruit de nos bombes. qui pouvoient HA leur faire conjeéturer l'andeoit où nous étions , parce que le bois tailli où éroit. otre batterie leur Gtoit la jufte connoif.. fance de fa fituation: Cela n ‘empêchaf pas que deux coups de canon ne donnaflent dans le parapet, & qu'un autre ne nous couvrit de terre. Nos éfcarmouches fe re-. doubloient avec toute l’ardeur poffible ,: & ils blefferent à à mort St. Martinun Cu nadien. Nos bombes Sp avoir fait: 1 quelques effets par les Safaknés * que hos Canadiens failoient rétentir, car pen. dant que noûs les bombardions , ceux-ci les harceloient dans les Écatrqtle Serigni les alla fommer -derechef fur les’ quarte heures, & dit au Gouverneur que ce feroit la derniere fois qu'il le feroit. La’ refolution étant prife de leur donner un “affaut general , & quand il voudroit pour * Cris de Guerre & de Réjoiiffance à la façon dés” Sauvages du Cane: l'Ameriq ne S'eptentrionz ile. 107 faire des propofitions, on ne les rece_ it pas , l'affurant même , que, quoique Plon ne permit pas à nos Vaifleaux de ‘demeurer en ce climat plus de dix à douze fuf fantes pour | le prendre l'Hyver. Je vous avoue, Monfieur, que.s'il fur arri- les euffent empêchez d’artiver au Fort , fous n'avions pas d’autre parti : à prendre. Le defefpoir où nous euffions été de vivre Comme des bêtes dans les bois, nous eut Dr de p poufler les chofes’à l’ REA LS Nous avions réfolu de le forcer la nuit, Nc Is Ange pour cet éfec environné le E & à force de haches-d’armes nous éuffions fipé leurs Paliffades & leurs Ba- int eu de {alut pour eux. Üna falus vil rullam _Jperare flute. donneroit réponfe au Soleil vape Nous pi laifames pas de drelfer la batterie de Phelypeaux en deçà du Sud Sud-Oùüieft, au autoit fait un furieux defordre, fi ets ds fix heures du foir , le Gouverneur Æeu envoié Mr. Motilan aportér une jours , il lui refteroit des forces plus que Y é quelques accidens à nos Vaifleaux que. ous avions quittez dans le détroit , qui lftions , & ils pouvoient s'attendre que És forçant l'épée à la main, il n’y auroit. b Le Gouverneur Jui témoigna qu’il n’é- La pas tout-à- fait le maître, & qu'il lui PS LAS 108 LE Hifhoire de. "1 ‘Capitularion dans laquelle il deandett] À æout le Caftor quiapartenoit à la Comp. gnie de Londres. Je voulus fervir d'Inter-w prête, mais je vis bien queje perdois mon Latin avec ce Miniltre qui à peine pou- k voit décliner A7#f4. Je n'en fus pas fur- "| pris dans la fuite, puis qu'il y avoit peu, 5 _de Miniftres Ecole qui le fçûtfent. Cette, propofition étoit stop avantageufe à de | gens qui étoient à notre difcretion, & le ménagement que nous érions bien aife M d'avoir pour eux étoit plâtée l'efet de a generolité naturelle aux François. Où" Jeur refufa donc cette demande, Ce Mini-. ftre s’en retourna avec Caumont qui fai. foit fonétion de Major. Il avoir ordre de fçavoir de Mr. Baylei Gouverneur du Fort , s’il vouloit accepter les conditions. von lui prefcrivoit, & encas qu'il eut, été dans .ces Des , qu’il nous énvoia, trois ôrages. Ils tinrent confeil de guerres) & le Gouverneur envoia fur les huit heu res du foir Mr. Henri Kelfei le * Député Gouverneur, avec une lettre par laquel. Jeil demandoit deux mortiers de fonte 8 quatre pieces. de canon de cinq livres de même métail , qu'ils avoient aportez année LR d'Angleterre. Nous ne -youlumes point les leur accorder. Enfin # Licurenant de Roi, LOS 7: V M ART" a si L r Amerique Septentrionale. 169 Se lenderhain treize , le Gouverneur nous 1 -Envoy a trois étages nous. dire qu'il ren- oit la Place , nous priant d'en lailler fai. Te évacuation à une heure aprés midi. Les ordres que Mr. Bégon m'avoit donné en partant de Rochefort, d'agir de concer£ avec Mr..d'Iberville, fi l’on faifoit quel- que entreprife par etre, m'obligerent , Monfieur , de me Lepdée d' abord dans ce Fort. Le Gouverneur àla tête de fa: Oat- nifon , &' d'une partie de l'équipage de l'Hudfonfbaye fortit une heure aprés , tambour battant, balles en bouche, mé- ex, taque fallos | Porricr in faites, a VInA guentia funds : f Viil “NAME À V. 77$: "a # # l Amerique Septeñtrionale. NE Un Sauvage de cette nation qui vinthous voir le 6. Septembre aprés le combat que nous avions foûrenu contre les Anolois le jour auparavant, fe trouva dans nié con- jondure rout_à. fait fâcheufe, & sil a- voit pü prévoir la fuite de foi arrivée à notre bord qui lui fut auffi funefte qu'à nous , il fe feroit bien donné de garde de mous rendre vifite. Je lui vis faire des fa- crifices dans le temps d'une tempêre qui ous fit faire naufrage. I chantoit, & Jarmoyoit d'un ton ds: voix languilfant. IL fouffloit de temps en temps dans l'oreille de fa femme, ; païce que, ‘difoit:il, je veux chafler le mauvais efprit qui nous en _vironne:. Faire fumer le Soleil ne fe pratique que: te que dans des octafions de grande con: fequence ; & pour ce qui regarde leué culte ordinaire, “ils S'adreffent à leur A14< nitow, qui eft proprémentleur Dieu tute- laire: Ce ALamton et quelquefois un on- gle de caftor ; Le bout de la corne d’un pied de Caribow ; une petite peau d'hermine. J'en vis une Puel derriere le dos d’un Efquimau lorfque nous érions dans le dé troit qu il ne voulut jamais me donner quoiqu'il me traica generalement tous les “habite dont il étoit véru, un morceau de dents de vache marine , de nageoire de Mis 14 « Hiffoire de loup marin , & la plüpart reçoivent des Jongleurs ce M aniton qu'ils POELE toû. jours avec eux. Le démon paroït s'être emparé de l'ef_ prit de ces infortunez qui voulant fçavoir _ lévenement de quelques affaires, s’adrel. fenct à leurs Jongleurs,qui font, mn: je peux me fervir de ce terme, des Sofkiérs. La. Tonglerie fe fait difécrenimenthiElle. feii fait de cette maniere parmi la plûpart des: Sauvages qui viennent faire la traite. Le Jongleur fait une cabane en rond, faite de perches extrémement enfoncées dans Ja terre, entourée de peaux de Caribou où d'autres animaux.,ayec:une ouvérture en haut affez large pour paffer un homme. Le Jongleur qui s’ Y renferme tout. feul , chante, pleure, s'agite, fe tourmente ; fait des invocations & des i imprécations , & peu prés comme la Sibille dont parle Vir- gile, qui pouflée de l’ efprit d’ Apollon ren- doit fes Oracles avec cette même fureur, At P hœb: nondum paticrs immanis inantro, Bacchatur vates ; magnum fi peilore polfir ÆExcuffiffe Denm : tanto magis vlle farigat » Os rabidum ? fera corda domans ; prier premendo. Nir. |. 6. v. 77. 11 fait au A atchimaniton les demandes qu'il fouhaite. Celui-ci voulant donner séponfe , l’on entend tout à : un bruit P l Airique Septentrionale. #4 fourd comme une roche qui tombe : toutes ces perches font agitées avec une violence fi furprenante , que l'on croi. doit que tour eft renverfé. Le Jongleur -feçoit ainfi l’oracle : & cette confiance qu'ils ont aux veritez qu'il prononce fou- vent, font autant d’obftacles à rout.ce que l ôn peur leur reprocher fur la Aaufe _ érreur où ils font : aufli fe donnent-ils de : garde, qu ‘aucun François n'entre dans doi où fe fait la Tonglerie. La plus grande confolation que puiffe avoir un Pere de famille eft d'avoir beau coup de filles. Elles font le foûtien de la maifon , au lieu qu'un Pere qui n’a que des garçons fe voit à la veille d'en être ün. jour abandonné , lors qu’ils deviennent | grands: La chafle é Étant la feule reflource de la plûpart des Sauvages qui. ne peu- vent cultiver la terre qui ef G fterile dans tous ces païs » fait donc toure leur sicheffé. Quoi que Les Filles fallent tout le bon- heur du Pere & de la Mere, elles n’en fonc quelquefois pas plus heureufes. Is ne leur donnent point la permiflion de confuirer Jeur inclination , & fi le cœur d’une Fille fe trouve CRAN our engagé par un amour reciproque avéccelui de fon amant, & qu'il n'aicpas la réputation d’ bo gnaflear, ilfaut qu elle en fail le un facrifices m7: PAROISSE | FU 126 0 0 Fifroire de SN Lors qu’un jeune Sauvage fe veut r1a2 rier, il témoigne à fon Pere qu'ila de l’e- ftime pour une telle. Celui-ci la va de mauder en mariage, Si cela convient aux parens, le Sauvage rend vifite à fa maî- treffe l'efpace de cinq à fix jours: Il cou che dans la même cabane , en prefence di Pere & de la Mere, où tout fe palle avec bien-feance. La Fille pleure fa virginité... & ne trouvant point quelquefois à fon ‘gré fon prétendu mari, verfe beaucoup de: larmes. Ses parens tâchent de la confoler.. lui reprefentant que fon Amant eft un grand Chaleur , ou qu'il eft d’une grande Famille ; c’eft-a-dire qu'il a beaucoup de parens , ce qui eft encore une conjoncture des plus fortes pour faire une alliance: parce que fi l& mifere les atraquoït , ils auroient recours dans leurs befoins aux parens de leur Gendre. NS | La ceremonie du Mariage fe fait avec peu de formalité. Les parens fe trouvent de part & d'autre, & le jeune Sauvage dit: à fa maîtrelle qu'il la prend pour fa fem me. Celui-ci eft obligé de demeurer avec le Beaupere , qui eft le maître abfolu de la chafle , jufqu’a ce qu'il ait des enfans. Il. demeure ordinairement le refte de la vie: avec lui, à moins qu'il n’en recçoive quel- que chagrin, mais la politique du Pere de, L'Amerique Septentrionale. +27 famille eft de ménager l’efprit de fon Gen- dre. Si la jeune mariée devient à la fuite’ du temps fterile , fon mari ne fait point: difficulté de la quiter, fans qu'ilenarrive d’autres inconveniens ; & d'en prendre une’autre. La Poligamie eft permife par- mi ces Nations , où elle ne paffe pas pour un cas pendable. ci . Les Sauvageffes font d’un teñiperam: ment fi robufte , que fi par hafard elles fe’ trouvent obligées de faire leur couche dans le tranfport de leurs cabanes , elles fe repofent une heure ou deux, & enve- Jopent l'enfant dans une peau de caftor., & continuent leur voyage. Il faut qu’el- les fe trouvent extrémement accablées pour refter un jour ou deux en chemin. J'en vis une au Fort de Nelfon qui por- toit fon fils derriere le dos dans fon ber- ceau. C'’étoit une petite planche de bois de fapin fort minfe', affez grande & affez: large pour le contenir, I] étoit emmail- loté dans du caftor ,fans beguin, nonob: ftant que le froid étoit tout à faitrude. Il étoit parfaitement beau , & avoit un air de fanté admirable, La premiere fois qu’une Fille commen: ee à fe fentir malade d'une maladie ordi naire à fon {exe , elle fe retire dans unie cabane l'efpace de trente jours, EHefe 1 8 Hifloiré de. “À marache pendant ce temps: dei chatbon où de pierre noire. Une FA ou: fa ml re’ lui aporte à manger, & la laifle enfuite route feule , s’occupant à quelques petits ouvrages. particuliers pour fe defennuyer, Si elle fe trouve en marche auprés d'un. Eac ou d’un Ruifleau glacé jou elle auroit. énvie de boire, elle fait un trou pour y! puiler de l’eau, & metaux environs quel- ques marques ; qui font aflez connoïtre ce qui en eîft à ceux qui voudroient yboi- re, & les: pañans fe donnent bien de garde de boire au même endroit qui felon leur maxime eft réputé foüillé & impuit Si cet’ te incommodité arrivoie à-uhe fernme:,: elle garderoit la retraite: jufqu'a: ce qué fon infirmité fut pañlée, & lors qu'elle re- vient dans la éabane de la famille’ ,-elle é- teint tous Les feux qu’e He y trouve par une éfuñon d'eau ,:& le rallume de nouveau, … Lorfque le Pere & la Mere meurent: les Enfans ou les plus proches brülent le cadavre, Ils énvelopent ls ofemens dans de l'écorce d'arbres qu'ils mertent en terre & lui dreffent un maufolée.entou- ré de perches aufqueles ils. attachent du tabac pour faire fimer l'efptit qui aura foin d'eux en l’autre monde , avec des aros & des fléchies pour continuér la challes fe g'eft un chaleur, : :h s2r0l2l 08 * p RER 4 Lé _ l'Amerique Septentrien ale” Te t' | L Si un jeune enfant meurt , le Pere où (Ja Mere coupe une partie de fes cheveux | dont ils font un petit paquet avec tout ce | qu’ils ont de plus beau & de plus précieux. (Hs en font une maniere de poupée qu'ils apellent le Tehipaye , & le mettent en un lédroic le plus aparent de la cabane. La Mere perte le detiil de cet enfant qui con- fifte en pleurs & en larmes fort ameres, | qu'elle verfe le foir auprés du feu l’ efpace delvingt jours, & lorfque leurs amis les | viennent voir , elle leur fait lé recit de fes: ‘douleurs. Le bari dotine aufli-tôr À fimer: aceux-ci , qui pour le confoler dans leurs: aflliétions leur font des prefens. Ce mari ne manque point de faire des feftins , ou: ils font obligez par droit & par bout | @e de tout manger ; & ce Pere par un ef prit de reconnoillanee de la! part qu ils: prennent à fa douleur ne mange point ,; fe concentant de fumer, ou s’il avoir pe il prendroit plutôt d'autre viande que cel Le qu'il fert à fes amis. … Rien n’eît plus fenfble à un jeune Sau- yage que l'efperance qu'il a de pouvoir devenir un jour grand chaffeur. Lors qu'il fe trouve aflez fort pour y aller, il s’y dif pofe par un jeûne de trois jours ‘fans boire hi manger,{e marachant le vifage de noir. C'eit un facrifice qu'il croit être obligé de: 156 Hiffaire de 1 f faire au Grand Efprit, & pour lé téhdre. eñcore plus autentique , il adopte dans! éhaque efpece de bêtes’ fauves un mor-. ceau qu'il lui confacre comme la langue” ( & le mufle. Ce morceau s'apelle l° Mie chitagan, c'et à dire morceau refervé } && il eft f précieux à ce Sauvage , que ; quelque grande que puiffe être la famine & quelque difgrace qu'il arrive, PeCoii l ne de la famille n'ofe y ronchér que le. chaleur même , & les Etrangers qui le? viennent voir. Ils ont cette fauife croyan-" ce qu'ils mouroient ; s'ils en mangeoient.# Martigni quia vécu quinze mois parmi la plüpart de routes les nations dé ces païs à. voulut un jour manger de / Oüerchitagan d’un orignac, Des Sauvagefles fe jetterenti fur lui ; le priant avéc la derniéré inftanceh de ne le point faire; mais, comme il trouvoit , Que ce morceau étoit aflez dé | licat ; il pafa outre & n’en moürut point.h Elles lui dirent qu'étant François elles ne s’étonnerent point qu'il n'en für pas mort Quoique ces Sauvages donnent tout à leur. inclination naturelle ; ils ne laiflent pas d'être fort fobres quand ils le jugent propos. Lors qu'ils fe rouvent dans la dis fetre, ils promettent au grand efprit que la premiere bête qu'ils tuëronc , ils n'em ne point qu'ils n’en ayent fais ee. l''Amereque Septentrionales sx Hart à quelqu'un des plus confiderables de la nation , & il arrive qu'ils garderont quelquefois cette bête deux mois, jufques à ce qu'ils ayent trouvé une perfonne de remarque , s'étant feulement refervé les pieds & les endroits les moins bons: fi pendant ce temps, la bête venoit à fe gà- ter , ils la brülent pour en faire un Sacri. fice.. D’autres qui ne veulent rien offrir au grand efprit fe mettant feuls auprés du feu, prennent leur pipe, & la prefentent trois fois à leur Afamiton ; difent des chants lugubres, font des lamentations , _ &-lui recommandent leurs familles, La droirure eft le partage de ces nations. Silyenade particulieres qui ayent guer- re les unes contre les autres ,il faut qu'il _yaiteu de grands fujers de divorce, ce os provient la plüpart du temps pour les dfoits de chafle. ei Na is Ces Peuples donnent rarement des Ba. tailles en pleine campagne. Ils partent d'un fang froid de chez eux, fe cachent _ dans des endroits où ils jugent que leurs ennemis doivent pafler. Lors qu'ils tom- bent entre leurs mains ils leur enlevent la chevelure, Ils arrachent la peau qui _ couvre le crane, & ils mettent autant de marques fur eux qu'ils ont enlevé de che. velures. Je vis trois Oyerebigonchelinrs qui . A2 4 | Hifhoire de | à avoient des plumes d'Outardes attichées a leur bonet proche l'oreille, qui étoien les Trophées des victoires qu'ils avoienEt æenportées fur leurs ennemis. Ils ignorent la Fourbetie , & le Men- fonge elt en “horreur: chez eux. Celui que J'on ré ONE celeft repris publiquement, Ainf la Verité, la Droiture & la Valeur, fonc leurs trois “qualitez les plus effentiel- des. Il s'enfuit qu'un Sauvage qui a recon. nu la maifon d'un Caftor. , peut s’aflurer _ qu'unautre ne lui fera point. 4 injuftice d'en faire la pourfuite. Ils mettent aux envi: xons de fa maïfon quelques marques qui donnent lieu de croire qu'elle eft déja re- connuë. Mais fi par hafardun Sauvage qui pafleroit par là fe trouvoit fort preflé de la faim, il luieft permis de tuër le Caftor ; à condition d'en laiffer la peau & la queut, - qui eft le morceau le plus délicat. 0 Jene faurois vous parler, Monfieur, de get animal , qui fait toute la richefle de ce païs , que je n’avouë en même temps que c’eft celui de tous les animaux qui pa- soit avoir le plus de raïfonnement, & je ne fçai ce qu’en penferoientles Carrefens s'ils avoient vû l’adrefle avec laquelle il bâtit fa maifon, elle eft fi admirable que Yon reconnoît én lui l'autorité d’un maîe gre abfolu, le veritable caraétere d'un ds Ê € \: Tom:1. pag. 132. SRE J} 119,4! $ DE SANT DER LU SE _— —— Se COS = = RU EE CRT EL LEE SSSR SSI ÉELINERTEE ER SELBÉIEE LR RANS BAUER RS Se és per ure dun Castor. + Æ Amerique Septentrionale. | 433 Me famille, & le genie d'un habile Archi. recte : auf les Sauvages difent que c'e wnefprit & non pas un animal. Il juge de Aa longueur de l'Hiver,, & il y pourvoit avec toute la p écaution poffible. Les Caftors s’aflemblent plufeurs en- femble , ordinairement neuf , & connoif. {ent la bonté de leur établiffement par ra port à la quantité d'eau qu'ils trouvent, & ils ont aflez de penetration d’efpric, fi je peux me fervir de ces termes, pour ar- rèter cours d'un propos déliberé à de pe- æits torrens, dans l'aprehenfon où ils pour- roient être qu'ils ne tariflent ,ou qu'en fe débordant leurs maifons ne fuflentr ren- verfées. | & Lors qu'il s'agit de faire la charpente , il y a un Caftor qui commande & décide de tout : c'eft lui qui eft le premier mo- bile,& lors que l'arbre qu’ils coupent avec leurs dents eft prêt de tomber du côté où ii légjuge à propos , il fair un cri qui eft un fignal à tous les autres d'en éviter [a Chute. Le travaïl d’un Charpentier & l’a- | plication d’un Maflon y font obfervez avec Art. Les uns taillenc les arbres, d’autres font les fondations avec une force qu’un mouton ne pourroit faire entrer la piece de bois avec plus de folidité, & les autres pre- nant du limon avec leur queuë, en façon Tome 1, Mode. da 134 rrifoire d de | de truelle, en font le ciment des muraïl- les , qui fe trouvent à l'épreuve des inju- : Les 4 temps. Leurs maifons font faites de bois, de jones, & de bouëé. Elles ont » 11100 fix à fept pieds hors la furface de }’ eau. El... les ont trois ou quatre étages. Les plan- chers font faits de branches d'arbres grof- fes comme le bras, dont ils bouchent le vuide avec de la rerre & de la moufle, Jya plufieurs paneaux pour humecter la queuë , car ces animaux font amphibies, Cette chambre eft toûjours d’une grande propreté. Lorfque les eaux groflffent , ils montent à proportion à leur aparte- ment. Leurs ptovifions qui font des écor- ces de bois de tremble font la plus grande partie au fond de l’eau , toutautour de lui, quelquefois au dernier étage. Quand 1 | bâriflent fur lesrivieres , elles fonc un de- mi cercle afin de rompre le fil de l’eau , & lorfqu'ils le font dans Les lacs, elles font | en rond, & elles n'ont Be entrée ni {ortie par dehors. Les Caftors s’établiffent ordinairensétil ur les rivieres, les lacs, & les ruiffeaux. Les Sauvages voulant LE prendre dans les rivieres , examinent à peu prés la quantité de farties qu ils ont; car c’eft un éfet de Ja fubrilité du. Cañor. Ils coupent la glace > \ : l' Amerique Septentrionale. 136 afin que l’eau ait fon cours , qu'ils entou- rent de perches & de pieux pour les em pêcher de pafler outre, & laiflent au mi- lieu un filet de peaux de quelques bêtes fauves au lieu de chanvre. | Quand les Caftoïs ne paffent point par là , ils jangent qu'ils ont des trous fous’ {er. re, & pour les connoîtr£ is frapent er certains endrdits de la glace qui puiflenc renüre un fon clair, aufli-tôc ils y foncun ereux, & connoiflent au mouvement de l'eau que le Caftor fait agirer par fa ref- piration qu'il n'en eft pas éloigné : à peu _ prés comme le mouvement de petites on« des qu'exciteroit une petite pierre que l'or jetteroit dans un étang. Le Sauvage drefle _ des pieux aux environs de cette embow. chüure un peu'au large pour lui facilirer le pañage, & y met déux petites buchetes de bois qu'il faut de necéflité que ce petie mouvement d'eau faffe agiter : & lorfque Te Caftor y arrive , le Sauvage le prend par la pate de derriere ou par la queuë & l'enleve fur la glace où il lui caffe la rête. Si les Sauvages veulent les prendre dans les lacs , ils entourent des filets un peu au long leurs maifons ordinaires , & vont ra fer celle de la campagne qui eit environ à ‘ang cens pas, car ceux qui habitent les lacs en ont ,, celles-ci ne font point rem- M 2 136 _ FHiffoire e | plies de provifions comme les autres. Él- les @c leur fervent pour ainf dire, que pour s'égaier, & prendre le ral avec plus de cranquilité. La maifon de campa-. gne Étant donc abatuë , les Sauvages ÿ jettent quantité de pouffiere de bois pouri. pour les offufquer lorfqu'ils voudroiene s'enfuir par ce paflage. Cette defiruétion étant faite, les Sauv ages ravagent la pre- ‘miere BAT, d’où les Cafors veulent les uns fe fauver, & s’embaraflent dans les: filets qui font déja tendus, & les autres croyant trouver un plus g ré afñle, s'en fuyent à leur maifon de campagne où ils- fubifent le même fort. Enfin lorfque les Sauvages veulent les: prendre dans le ruiffeau , ‘ils détruifent leurs chauffces pour les defflecher. Le Ca- for croyant que la violence de l’eau [OMPE ‘fa dioue, veut y donner fecours ; pour Jors les Sauvages les tuent à coups de dards & de filcches. L'ufage du she eft confderable cn Europe, principalement chez les Etran- gers. Je trouve huit efpeces qui fe reçoi- vent au Bureau de la Forme. a premiere eft le Caftor gras d'Hiver. c'eft-a dire Caftor tué pendant le couis dE l'Hiver , quia été mis en robes & portéun sombre de temps fafhfant par les Sauva- l bris S epteniriongle. 137 ges pour l’engraifler. C’eft la meilleure qualité, & elle fe payoit cinq livres cinq fols la livre. #“ Le gras d Eté eft celui qui fe tuë pen- dant l'Eté, que l’on met aufli en robes, & que l'on engraifle à à force de porter Cou me le précedent , il valoit deux livres quinze fols la vée: Le fec d'Hiver & le Lodsun font de même nature ,& valoienr également trois hvres dix fols : mais la “one en eff que ie bardeau ft bien d’an plus gros cuir quele fec d'Hiver, par confequent coute moins & ne raporte pas tant de ne au: Chapelier, parce qu ‘il a moins de duvet. Le fec d'Eté valoit une livre quinze fols- la livre; mais il a été rejetté des Recepres,. ne bn à proprement parler aucune chofe. | . Le veüle eft du Caftor qui aprés avoir été mis en robe quelque temps par Îles Sauvages eft à demi engraïllé. Ainfiiln'« pas la même re que le gras d'Hiver, c'eft-à dire qu'il ne lie pas fi bien. Il valoit quatre livres dix fols. Le Mofcovite eft Caftor fec,d’un cuir fin & couvert tour par tout d'une grande foye. Celui-là s’ envoye en Mofcovie où les peu- ples de ces quartiers l’acheptent pour faire des Tapifleries & autres ouvrages à leur à. 338 . Hiffoire de ufage. Pour cet effet ils le peignent avec certaines grattes qu'ils ont, & en Otent tout le duvet, & ne refte fur la peau que certe grande foye. Cela eft confiderable chez eux. Il valoit au Bureau quatre livres dix fols. | Les rognures & les mitaines font des morceaux que l'on ôte des robes srafles pour les tailler à fa commodité, & les mi- taines font effectivement des mitaines que les Sauvages font pour fe garantir du froid, qui s'engraiffent à force d'être por- tées. On les prenoit fur le pied d’une livre quinze fols la livre. C’eft trop abufer de vos bontez , & vous me permettrez de vous aflurer que je fuis avec paflion , | MONSIEUR. si Vôtre trés-humble, &c l'Amerique S eprentrionale. 139 ÉFEPFEFEEEEEEEEEEEE VI LETTRE: | L'origine des établifemens du Nord du D : Canada ; dite Baye d'Hudfon , avec les differens monvemens qui fe font palfer entre les Françors © les Anglois, DT aus: . J'ai pour vous les mêmes fentimens que j'ai, & que j'aurai toùjours pour Monfieur le Marquis de Pomereuil * vôtre parent. La reception que vous m'avez _ faite à la Cour a été fi gracieufe, que je me croi obligé de répondre à toutes vos bonnêtetez par un trait d'Hiftoire qui re- garde l’établiffement du Nord du Cana- da. Vous y remarquerez, Monfieur , plu- fieurs évenemens finguliers. Penetrer dans un païs f1 éloigné par tant de peines, de fatigues , & d'embarras : y briller avec autant d'éclat, vous avourez, Monfeur , que quand il s'agit de la gloire du Roi, + Meffieurs de Livri & de Pomereuil font Coufine . Gexmainss 140 “Éifile de g l'on franchit avec ardeur quelques obftas cles qui puiffent s’y opofer. Ce feroit, Monlfieur, une trés- grande difcuflion, f je vertes aprofondir l'ori- gine de l'ésblifement du Canada. Il me faudroit pour cet effet recevoir à quan- tité de relations & aux-avenuës du Con- feil fouverain de Quebec. Mais pour éviter cet enchaînement de traits d'Hiftoire ,je me contenterai de vous: dire, Monfieur, que Jacques Cartier Pi- lote de faint Malo , Vifita en 1534. toutes* les côtes de ce valte païs, & que fi fix ans: aprés il hiverna avec Robecval Gentil- homme de Picardie ,à dix: lieuës au deflus de Quebec, qui eft encore connue fous: fon nom. Et pour ne pas enter dans tous les mouvemens que l'on fit en 1524. par le Commandement & aux dépens de Fran- : çois I. le long de la Caroline , la Virgi nie & la Floride , que les Anglois ufurpe- rent pendant les troubles qui étoient a- lors en France ,.s'étant emparez dans le fuite de la côte ‘dé l’Acadie. Pour ne pas entrer, dis je, dans ces: circonftances qui regardent le Sud du Ca- nada 5 je veux m'attacher uniquement à: en découvrir le Nord. Alphonfe natif de Xaintonge bite pouller fa découverte plus loin que Car: »* M, : kg ‘1 * de Amerique Septentrione ste, rat tier. Il courut en 1545. la côte du Nord ; mais Jean Bourdon penetra encore lus Join ; car côtoyant en 166 avec un bâti- ù he de 30 tonneaux Loue la côte de Eaborador , ikentra dans un détroit, ET + arriva au fond de la Baye, aprés avoir fait un circuit de fept à huit cens lieuës par mer , qui n'eft cépendant qu'à 130. de Quebec pat terre, qui fut nommée dans la fuite Baye d’ Hudfon par les Anglois. pe Bourdon lia donc commerce avec les Sauvages de ce quartier. Ceux-ci fça- chant qu'il y avoit une Nation érrangere dans leur voifinage , envoierent en 1661. par les terres à Quebec des Députez aux François pour faire un commerce, & de- _ manderent un Miffionnaire au Vicomte d'Argenfon qui en étoit pour lors Gouver- neur. [l leur envoia le Pere Dablon }efui- te avec Mr. dela Vallieie Gentilhomme dé Normandie , accompagné de Denis Guyon, Del prez Couture, & François Pelletier, qui s'y rendirent par terre, Des Sauvages de la riviere de Saguenée , qui fe perd à 40. lieuës de Quebec, dans le fleuve faint Laurent leur fervoient de œui- des ; mais la reflexion qu'ils firent en che: min fifde fur l’entreprife des François Jeur parut préjadiciable. Aprés Îles fe- sieufes reflexions qu'ils firent fur ce fujer., 142 Hifoire. dés Ne. | ils dirent que ne fçachant pas bien Tes chemins ils n’ofoient fe hafarder davanta- ge à les conduire. Ils furent contraints de s’en revenir. Les Sauvages de la Baye : renvoierent a Quebec en 1663 & prierent Mr. d’Avau- gour qui en étroit Gouverneur, de leur donner encote des François..Il ÿ renvoya la Couture avec cinq hommes, lequel en vertu de l’ordte de fon General, s’ ÿ tranf- porta par les terres ,; & étant arrivé à la’ Baye il en prit poffeffion. I] prit hautedi' pour cetéfet à un endroirs® :l planta une Croix. Il mit en terre au pied d'un gros atbre les armes du Roi, gravées fur du‘. cuivre , envelopées entre. deux plaques de plomb, & de l’écorcé par dellus. Defgrozeliers & Radiffon habitans de’ Canada fe formerenc des idées aflez chi: meriques fur la polfeflion de quelques endroits de cette Baye; mais voyant qu'ils: n’étoient pas en état de foûtenir une dé- penfe fi'confidetable , ils pañerent a. Paf fton, & de la a Londres où 1 firent des propofñitions d’établiffement. Les Anglois les écoutant volontiers: fans fe mettre en peine des mécontente- mens qu’ils avoient eùs à Quebec, y âf- riverent avec eux à la riviere qui prend fon nom du lac de Nemifco , qui eft au: \ d'Amerique Septentrionale. x45 fond de la Baye qu’ils apellerent Rupert, du nom du Prince Robert. Ce premier projet les engagea de s'établir enfuite à Monfpi & à Kichichotianne. +: 0 L'on n’eut point de connoiffance à Que- bec de l’entreprife & du fuccés des Def_ grozeliers & de Radiflon. Les Anglois de- meurerent les maitres de ces quartiers pendant quelque temps, jufques à ce que d'on en eùt avis à la Cour de France. Mr. Colbert qui s'attachoit beaucoup à l’aug- mentation des Colonies écrivit à Mr. du Chêneau Intendant du Canada, une lettre datée du 15. Mai 1678. par laqueile il lui mandoit, qu’il étoit avantageux au fervi. ce du Roi d'aller vers la Baye d'Hudfon pour en pouvoir contefter la proprieté aux Anglois qui prétendoient s'en mettre en poffeffion. | R _ Defgrozeliers & Radiffon s'étant repen- tis dans la fuite des fauffes démarches que ils avoient faites revinrent en France, & ayant obtenu leur pardon de Sa Majefté repafferent en Canada. La Colonie.commençant à devenir un peu confiderable , il fe forma une com- pagnie pour la Baye. Defgrozeliers & Ra- diflon eurent le commandement de deux petits bâtimens pour ces païs. Ils arrive. sent a la riviere de Penechioïüetchiou dite T4 4 Hiffoire de | fainte Therefe qui eft au ç7. d. 30. m. lat. Nord , où ils bâtirent un petit Fort. I : arriva trois jours aprés une barque de » Bafton , montée de dix hommes que les François reçûrent comme amis, lefquels . fe mirent dans la riviere de Poaoürinagaou. dite Bourbon, qui eft à fept lieués de l’au- tre, & quatre autres jours aprés l'on vit paroïtre au bas de Bourbon un vaifleau de Londres de quatre-vingt hommes. Ceux. de Bafton qui étoient venus en {sterlops | dans la Baye fur ceux de la même nation, aprehendant d'être pris fe mirent fous la protection des notres, Les Anglois du vaifleau de Londres prétendoient faire décente à'terre, & y prendre pofleffion de quelqu’endroir. Ceux du Fort s’y oppolerent, & fur ces conte- fes les glaces heurterent fi rudement l’An- glois qu’elles couperent fes cables, l’em- porterent au large, & fit naufrage avec . quatorze hommes. Une partie de l’équi- page s'étant fauvé à terre dans des chalou- pes implora le fecours des François. L'on eut pitié d'eux. Onleur donna même une … grande barque & des vivres, &ïls firent voile vers le fond de la Baye. | Defgrozeliers & R'adiflon ayant fait la traite avec les Sauvages, laiflerenc huit hommes feulement au Fort pour la conti- ‘nucr à 2 D LA LA à; 2 0 l'Amerigne Septentrionale, af nuër jufques à l'année fuivante. Ils em- menérent l’Interlép Anglois à Quebec que Mr. de la Barre Gouverneur renvoya fans le confifquer. Defgrozeliers & Radiffon ne furent pas contens de leurs affociez.Le chagrin les prit, & ils vinrent à Paris. Mi- Jord Prefton Ambañladeur d'Angleterre, foûr qu'ils yétoienc. Il fe fervit de routes forces de moyens pour les atirer encore à Londres. Il promit à Godet l’un de fes “domeftiques de le faire nommer Secre- taire perpetuel de l’Ambañlade , pourvû qu'il engagea Radiflon dans {on parti ; & pour y réüffir plus facilement Goder pro- smic de lui donner fa fille en mariage, qu'il époufa. … L'ambition commençant à s'emparer de fon cœur, il voulut profiter de la bon ne opinion que l'on concevoir de fon meri- te. Aprés tous les agrémens qu’il euten Angleterre , & la pofleflion du Fort de Nel{on, dit Bourbon, qu’on lui accorda, il les aflûra qu'il les en rendroit maîtres. Y1 n’eût pas de peine à y réüllir, puifqu’il avoit laiflé Chouard fon neveu, fils de Defgrozeliers, | « La retraite de ces deux perfides obligea les aflociez de prendre d'autres mefures. Elle voulut continuer fon commerce, & elle y envoia l'année fuivante deux petirs Tome I. | ES Het | Hifoire de: bârimens. Mr. de la Martiniere qui les commandoit fut bief furpris en arrivant | d'üne pareille métamorpl hofe ; & voyant que les Anglois s’en étoient séndus mai | res , il fuc contraint d'entrer dans la ri: viere de Matlcifpi, dite la Gargoufle, qui eft tout vis à-vis le Fort de Bourbon. I y hiverna dix mois , & aprés avoir fait . une traite fort rnelidert avec les Sauvages il fit voile pour Quebec le 16. Juillet. IL ropofa 2 a douze de fes gens de refter avec. pi a crois lieuës audeflus des Anglois, dans. une Ifle ou le Gardeur. avoit hiverné. El- l le étoit fortifiée d'elle même , Efcarpée & acceflible que par un petit endroit, d'où. l'on pouvoit empêcher fans peine l'abord des canots, & il y avoit un marais impra- £icable à l’ HUE La chafle yeutété abon= dante, & le bois pour {e chaufer n’y man- quoit pas. Mr. de la Martiniere eut beau reprefenter toutes ces raifons, perfonne ne voulue y confencir dans l'apprehenfon où ils étoient de manquer de vivres, 6 que r année fuivante on ne vint point le 4 donner du fecours , ce qui arriva cffeé de vement. Tant d’ obtacles l'obligerent de, mettre le feu à fon Fort & de s’en retours ner à Quebec. Il prit dans fa traverfée yne Quaiche Ang} oife à la côte de Labo: Pr que venoit à la Baye, & il eut pr l'Amérique S eprentrionale M éncore un autre bâtiment , s’il ne s’étoit trouvé foible d'équipage qui avoit le Scorbut. La nouvelle de l ufurpation du Fott de Bourbon ne laifla pas de coucher fenfible- ment la Compagnie. La perte qu'elle fai- foit montoir a trois cens mil livres, & elle voulut en avoir encore railon. Les afociez aiant remontté trés-hum- Blement à Sa Majelté l'injuttice que les | Anglois leur faifoient, obtinrent en pro- pre la pleine joilance de la riviere faince Fherele par un Arrêt du Confeil du vinge Ma ay 1685. Le Chevalier de Troyes Cine d’ Us fanterie à Quebec vint donc par terre l'année fuivante avec fainte Helene, d'E berville & Maricour trois freres Contre. diens {uivis de pluñeurs autres,dans Le def. fein-de faire la conquête des fours de Mon- fipi, Rupert ,; & Kichichonanne. Le Pere Die Jefüire , Miflionnaire d’un merite confommé,. voulut bien ÿ venir. LS partirent de Montreal au mois de Mars 1686 , tramerent & porterent fus le dos leurs canots avec leurs vivres une bonne partie da chemin dans le bois, où ils trouverent les rivieres qui avoient #10 riées. Cette marche dura jufques au vingt Jin, acompagnée de beaucoup de fatie N >: 2 We à À LAS © Hifloire dé | gues, & il falloit être Canadien pour fu. porter les incommoditez d’une fi longue traverfe. i Le Ils arriverent au nombre de quatre- | vingt-deux vers Monfpi qui eft au fond de la Baye,au 51. d. 17. min. latitude Nord. Lorfque ce Capitaine s’en vit pro- che , il prit toutes les précautions d’un ha- bile homme : mais pour vous donner une idée jufte de la maniere avec laquelle il fit les attaques de ce Fort, je croi Monfieur qu'il faut auparavant vous en décrire le PM à | à Il éroit de figure quarée, à trente pas du bord d’une riviere {ur une petite hauteur relevé de srofles paliflades de dix fept à dix-huit pieds , flanqué de quatre baftions revêtus en dedans de Mädriers ,avec une _terralle d’un pied d'épaifleur. è Il y avoit dans chaque baftion qui te- ardoit Ja riviere , trois pieces de canon de fix à fepr livres de bale, & deux dans les deux autres qui regardoient un defert de vingt arpens, Une grande porté au mi- lieu de la courtine, épaiffe d’un demi-pied, garnie de gros clous , de pentures & de barres de fer par derriere, faifoit face à la riviere, & une autre du côté du defert. L'on voioit au milieu de la Place une re- doute bârie de piece fur piece de vrente } »” # Amerique Septentrionale, 140 pieds de long du côté de là riviere fur vingt. huit de large, haut de trente pieds à trois étages avec és parapet tout autour fur lequel il y avoit à chaque face quatre embrafures , & fur le haut de la redoute, trois pieces de deux livres & une petire de huit de fonte. | Le Chevalier de Troyes ayant examiné les dehors fic en même temps un détache- ment pour garder tous les canots. L'on en ‘emmena deux qui étoient chargez de Ma- driers , piques , pioches , peiles, gabions, - & d’un belier. Sainte Helene & d’Iberville furent nom- mez pour l'ataque des deux flancs qui dé. fendoient la courtine du bois. La Liberté Sergent devoit faire une faufle attaque , & placer trois hommes à chaque flanc, _qui défend la courtine de main droite avec ordre que l’un des trois couperoit la - paliflade , & que les deux-autres tireroient dans les embrafures au moment qu'ils apércevroient: remucr le canon: Le Chevalier de Troyes qui s'étoit ré. _ fervé la. principale attaque , fit-:trois déra- chemens commandez Haras par an Ser- gent. Deux’ devoient fe jetter à ‘chaque flanc, & le troifiéme avoit ordre d’enfon_ cer fi porte avec le belier, Tous ces dér: chemens étant donc reolez par fa age N 3 150 Fiffoire de Le conduite. Sainte Helene & d’Iberville ar- . riverent à un baltion où ils firent lier deux: pieces de canon par la volée, & attache_ rent le bout de la corde à une fourche pour _æmpêcher qu'ils ne fe maniaffent, & en cas que les affiegez euflene voulu y mettre le feu, ils y avoient fait acommoder de gros cordages , de maniere que l'effort des coups de canon auroit arraché la moitié d’une palifflade. L'on {e fervir de ce ftra- tagème dans tous les endroits où il paroif- foit du canon. Sainte Helene & d’'Iberville fuivis de cinq ou fix autres fe rrouvtan les. plus alertes , efcaladerent la paliffade, ouvrirent la porte du bois qui n’étoit point fermée à clef, & gagnerent la porte de la redoute pour la brifer, Nos gens tirerenc . malheureufement fur eux du côté de la ri- viere par de petites ouvertures , en bleffe. rent-un, croyans qu'ils étoienr Anglois. Le belier arriva fur ces entrefaites devance Ja grande porte , lequel fit fon effet. Le chevalier de Troyes fe jetra aufli tôt dans le corps de la Place , & fie faire feu dans toutes les embrafures & les meurtrieres de la redoute. Cette faillie fut accompagnée, Monfieur , de rous les cris de guerre a lI- roquoife, L'on propofa bon quartier aux afliegez , mais il parut un Anglois qui ré- pondit avec aflez de cemerité qu'ils vou. Eu ? N DAS One Sue ui a AL TR NON pe l Amerique Septentrionale. TS ee une piece de canon ; fainte Helene ui caffa la tête d’un coup de fufl. L’on loient fe batre, & dans le moment qu'il aprocha le belier auprés de la porte de la redoute qui La démonta. D'Iber ville l'épée à la main, & fon fufl de l’autre fe jetta dedans ; mais, comme elle tenoit encore à une penture , un Anglois qui s’étoit trou- vé derriere la referma. D’Iberville qui ne voyoit ni ciel ni terre fe trouva aflez em. baraffé. Il entendit du monde qui décen- doit d'un efcalier , il tira deflus. On le fecourut à la hâte , car le belier ayant fait un dernier effort , nos gens entrerent en foule l'épée à la main, & trouverent les Anpglois nuds en chemifes qui ne s’éroient point aperçüs des premiers mouvemens que l’on avoir fait auparavant que d’atra- quer leur Fort. _ Cette premiere expedition étant faite. le chevalier de Troyes réfolut de pañer outre. Il étoit en fufpens, s’il iroit à Ru- pert, ou à Kichichouanne. Il avoit apris qu un bâtiment étoit parti la veille de fon arrivée à Monfipi pour Rupert, qui au- roit augmenté leur force. Il faloit faire quarante lieues le long de la mer pour s'y rendre. Les chemins en étoient trés- difhciles ; au lieu qu'il n'y es avoit que ærence pour Kichichoïanne, Il fçavoit que »“ } 152 __ Hifloire. de | lon ne faifoit point de garde au premier ;! & que dans l'autre elle s'y obfervoit fort reguliererhent ; mais l'attaque de l'un lui. paroifloit plus difhcile‘, parce que ce vail- feau ne manqueroit pas de moüiller à boue: touchant du Fort; ainfi, qu'il {eroit: obli- gé de le couler. à fond pour fe faciliter. quelques ouvertures favorables. Toutes: ces circonftances ne laifferent pas de l’ern- barafler. Il fe détermina à la fin d'aller à! Rupert. L'on conftruifit une chaloupe pour embarquer deux petites pieces de ca- nons. Les préparatifs étant donc faits, ils pertirent le vingt-cinq Juin au nombre de foixante &' arriverent devant Rupert: Je premier Juillet. Sainte Helene eut ot- dre de faire la découverte de fa fituation. Il raporta que le Fort étoit un quaré long, flanqué de quatre baftions,n’yayant point de canon, qu'il y avoit une redoute de- dans qui n’étoit pas tout-à-fait au milieu de la Place, de pareille conftruétion que celle de Monfipi, à la réferve qu’elle étoit couverte d’un toit plar fans parapet, qu'il y avoit une échelle contre le toit pour du feu , que la‘redoute avoit quatre petits ba- ftions élevez de terre de la hauteur d'hom- me, n'étant foûrenus d'aucun pillier, mais feulement de picces de bois qui forroient hors de la redoute, & qu'il paroifloic au \ D 2 l'Amerique Septentrionale. F3 deflus huit pieces de canon. Cette décou: ver ce ne laifla pas d'être faire à propos. L'on fit des affuts aux canons. L'on brébars toutes les grenades. L’on fit fai- re des Madriers pour attacher le Mineur. Quatorze hommes d'élite foûtenus par d'Iberville avoient pour partage le vaif- feau. Un Sergent avec un détachement devoir fe tenir en embufcade pour faire feu fur ceux qui paroïtroient fur le pont, & faince Helene avec fes gens devoit fai- re enfoncer la porte du Fort avec le belier.… - L'on étoic prés d’un côté pour faire agir le Canon, & de l’autre un Grehadier devoir diénrer à une échelle. Ils arriverent en: Bon ordre la nuit du trois au pied du Fort, @ù le chevalier de. Troyes fie faire Aie D'Iberville & Maricour rangerent dans le’ Moment le vaifleau à petites rames. Ils trouverent un Anglois envelopé dans {à couverture deffus le pont qui ens'éveillant: vouluc fe mettre {ur la défenfive & on ne’ lui en donna gueres le temps. D' Iberville frappa du pied pour réveiller les autres .. comme c'eft l'ufage dans les ATEN Lorfqu'il faur qu'un équipage fe leve: quand il arrive quelque chofe d’extraor- dinaire. L'un qui vouloit pañler la tête’ au deffus de l'échelle pour voir dequoi il étoit quefion ; Loi un coup de fabre par à ; 154 + Hifhoire dé | le milieu de la vête ; un autre qui avoit monté de l'avant perit de même. L'or força la chambre à coups de haches , 8 Von fit main baffe par tout. On leur donna quartier principalement à Bri-. | gueur Gouverneur de Monfipi qui venoie. relever celui de Kichichouanné, & qui avoir de plus la qualité de general de la Baye d'Hudfon. Pour ce qui eft du Chevalies de ray] | fon belier enfonça fans peine la porte du Fort dans lequel ils entrerent tous l'épée à la main. Le Grenadier gagna auffi-1ôt le haut de la redoute. Il jerta force Grenades’ dans le tuyau de la cheminée d'un poële qui prenoit du haut en bas au milieu de la: redoute. Tout creva. Il n’y eut pas moien de fe ténir dans cer endroir. Une femme! qui entendoit faire des trous au deflus dy plancher de fa chambre crût être plus en fureté dans un autre. Un éclat de grenade la frapa en fe fauvant. Tous les Canadiens! failoient un feu continuel dans toutes les embrafures & les meurtrieresi C’étoir un defordre efFro ÿabl e dans’cetté place. Dans le temps qu'on y dreffa: au milieu une ba terie pour détruire la redoute, le belier fit ce qu'il pât pour renverfer la porte. Le canon fupléa à fon defaut ; mais ce qui éroit encore de plus: embaraflant pour Îles! EC l'Amerique Septentrionale,. xç$ affiegez, c'eft que le Mineur avoittout dif- pofé &n'attendoit plus que l'ordre pour faire faurer la redoute.Les Anglois voyant quil n'y avoit plus moyen de refifter , de manderent heureufement quartier. On mic cous les prifonniers dans un Yacq qui étoit échoüé un peu loin duFort. L'on fit fauter enfuite la redoute, & couper la . paliffade , parce qu’il eut fallu trop de monde pour la garde de ce lieu. Sainte Helene & d'Iberville y refterent. Le Chevalier de Troyes ayant donné ordre que l’on radouba le Yacq, fe mit en ca. nots avec une partie de fon monde pour setourner à Monfipi. Il y trouva la prife qui étoit arrivée devant lui. Il fit mettre . des prifonniers de Rupert de l’autre bord de la riviere de Monfpi avec des vivres, des filets pour pêcher, deux fufñils, de la _ poudre & du plomb : défenfe à eux fous peine de :la vie de paffer outre ; & que, fi par hafard ils avoient quelque chofe d'im- portance à communiquer aux François ils __pouvoiens venir de marée bafle {ur une bature de fable avec deux hommes feule.. ment,qui mettroient un mouchoir au bout d'un bâton pour fignal, Le Chevalier de Troyes voyant que tout lui avoit réüffi jufques- là voulut terminer fes attaques par le Fort de Kichichouanne, I1 pria le 156 ‘" Hifrore de. pere Silvie de vouloir l'y accompagner 2 lequel éroit relté à MARS lorfqu'il alla a Rupert. ” Les chemins n’étoient. lgtières pratica- bles pour s’y rendre, Perfonne ne favoie au jufte fa fituation. Toute cette côte eft un Platin peu navigable, On étoit co!1- traint de doubler des pointes de bature à trois Jieuës au large. Lors que la marée. étoit baffe il faloit porter tout fon bagage & fes canots à une lieu£ au loin. Quand elle étoit haute l’on fe trouvoit engagé dans des glaces. Parmi toutes ces difhicul- tez l’on ne pouvoir encore trouver cet en- droit. Des Sauvages qui s'étoient flatez de le bien connoître ne favoient où ils en £toient. Ils avoient cependant fujec de bien conduire la Troupe, car les mécon- tentemens qu'ils avoient ebs des Anglois Jeur infpiroient trop de reflentiment pour en demeurer-là, L’on entendit dans ce contre-temps fept à huit coups de canon. C'en fut affez pour pouvoir tenter d'y at- river, & l’on jugeabien qu l y avoit : quel- que réjoüiflance. + On arriva, Monfieur , à un cote oû il y avoit une maniere d' ‘Eftrapade à à deux lieuës du Fort, au haut de laquelle étoit un liege pour pofer un Sentinelle, où les Anglois venoient de temps en temps aSta décou.… L) bAU UN Septentrionale. 1$7 découverte de leurs vaifleaux. Saint He- lene alla encore reconnoitre l’afliete de Ja Place. D'Iberville arriva fur ces entre: faites avec fa barque à l'embouchure de la riviere , avéc tous les Pavillons de la Compagnie d' Angleterre , ayant eù bien de la peine de fe tirer des glaces. Le Fort étant reconnu le Chevalier de Troyes fe rendit proche. Comme il ne trouvoit point de poltes avantageux pour _dreffer fes batteries, 1l crût qu’en envo- vant fommer de prime abord le Gouver neur , qu'il favoit n'être pas homme de guerre, cela pourroit l'ébranler, qui d’ail- leurs n’ignoroit point la reddition de Mon- fipi & de Rupert. Il prit prétexte outre cela qu'ayant arrêté il y avoit du temps trois François qu'il avoit même fort mal- æraitez, il vouloir les ravoir , faute dequoi ilfe rendroir maître de {a Plate Ce Gou- verneut reçüt fort civilement ceux qui avoient été envoyez le fommer , ne pat- Jant n° y de la rendre ,n'y de fe Lattre) Le Chevalier de Troyes jugea bien qu'il y avoit de la foiblefle en fon fair. I! falut cependant travailler de force à faire une batterie. Le Fort étoit à quaran- te pas du bord de l’eau , dans un terrain marécageux , entouré d’ G foffé ruiné, fe. paté de la batterie des Canadiens par un dome punir @) « sé | Hiflorre de ruiffeau d’une portée de fufil. Il y avoit un grand corps de logis de piece fur pie: ce, qui fervoit de cloture à-une Courtine de cinquante pieds, laquelle failoit face à Ja riviere où demeuroit la garnifon , celle qui regardoit le bois étoit de même manie: re , & les deux autres étoient de 42. pieds, Les quatre Baftions étoient aufli de piece fur piece de dix-huit pieds de haut, dont les flancs étoient de quatre & huit: pouces, les faces étant de vingt-deux & demie. Ils avoient une plate forme par deflus , fur laquelle il y avoit quatre pieces de canon à chaque baftion, & vingt-cinq dans les flancs miles par étage. Il yenavoit deux autres au milieu de la Place , Vis-à-vis les portes. | Le bâtiment entra heureufement dans la riviere. L'on débarqua le vingt trois Juillet dix pieces de canon pendant la nuit. On les poinra enfuite fut la chambre du Gouverneur. L'on fit feu dans letemps qu'il paroïfloit fort tranquille avec fa fa- mille. L’éfer du canon ne laifla pas de met- tre tout fans deflus deffous , fans qu'il y eut neanmoins perfonne hé, L'endroit n'étoit donc pas tenable , le refte du Fort le fut encore moins dan la fuire, La ba £erie étoit cachée dans un bois fur une hauteur qui commandoir, & le canon en ! _ _, L'Amerigüé Septenthronale. Yfà fat fi bien fervi qu'en moins de cinq quarts’ d'heures l’on tira plus de cent quarante volées , qui criblerent tour le Fort. Les Canadiens voyant que tout alloit bien fe mirent à crier vive le Roi. L'on entendit _én même temps du Fort des voix {ombres qui en firent autant. Il eft vrai que les Af- fregez: s’étoient tous renfermez dans une cave, & l'on aprit dans la fuite que per- fonne n'ayant voulu fe rifquer d'amener le Pavillon , ils avoient fair unanimement ce fignal pour faire connoître qu'ils vou« eut) fe fonte." 712% ie Les boulets manquerent, mais l’on s’é- toit pourvû en partant de Monfpi d'un moule pour en faire de plomb. Te vous avoiie, Monfieur , qu’il paroît extraordi- faire que l'on attaque des Forts avec des boulers de canon de cz métail. Quand'ils font de pieces de bois raportées,& de ter_ rafles palilladées , ils péuvent faire cepen< dant leur même éfer. hd | * Le Chevalier de Troyes fe trouvoit af- fez embaraflé. Dans le temps qu'il refle… Chiloit fur les moyens de faire un dernier’ éfort , on lui vincdire que l’on batroir l& chamade , & qu'il paroifloit un homme avec Pavillon blanc , qui s’embarquoit dans une chaloupe. Ce préfage heureux donna de la joye Oo 2 169 _ “Hiffoire de dans le Camp. Il y avoit déja du temps qu'on y languifloit. Le grand froid. & la: famine avoit accablé cout le monde. L'on. à _ étoit même réduit à ne manger plus que: du perfil de Macedoine, que l'on trouvoir: fur les bords de la mer. Ee Miniftre de ce’ Fort fit un long compliment au Chevalier de Troyes ,d’une voix peu raffurée.. Ce- Jui- ci lui demanda aflez brufquement qui l’'amenoit >: Monfieur le Gouverneur fou-. haiïteroit, Monfieur, vous parler. Si vo- tre Gouverneur , lui répondit.il, veurme parler , il y peut venir avec aflurance. Le: Chevalier de Troyes.aprehendant nean- moins qu'ils ne cruffent qu’il-étoit homme: fans aveu, voulut bien accepter la propoz, fition que le Miniftre lui ft de {e rendre à une certaine diftance. Le Gouverneur y: vint avec du vin d'Efpagne : &aprésavois: bû à la fanté des deux Rois, ilpriale Chez: valier de Troyes de lui dire ce qu'il fou. haitoit > L'autre lui répondit, que puifque, . il n'avoir pas voulu lui rendre fes trois: François | il vouloitavoir fa Place. Le: Gouverneur lui dit qu'il la lui donnerott: . volontiers, mais qu’il lai demandoit quel- que grace, Ce fur, Monfeur , la Capitu: lation que voici. | l'Amerique Septentrionale. 16t Articles accordées entre Mr. le Chevalier de Troyes , commandant le détachement ? du parti du Nord ; © le Sieur Henri- Sergent ; Goidetnear pour la Compa- grnie Angloife de la Baye de Hadfon» le 16. Juiller 1686. PREMIEREMÉENT. + a été accordé que le Fort feroît ren: À du avec tout ce qui apartient à ladite: Compagnie, dont on doit prendre une fa- éture pour notre fatisfaétion particuliere., & pour celle des deux parties en general. Il a été acordé que tous les- Done ues de la Compagnie qui font à la ri- viere Albani, jotiront de ce qui leur apar- tient en propre. Que ledit Henri Sergent Gouverneur à foüira &'pofledera tout ce qui lui apartient en propre , & que fon M: niftre, es trois Pomeltiques & fa Servante, hoh éoie avec lui & l’artendrorit, Que ledit Sieur Chevalier de Troyes: renvoyera les Domeftiques de la Compa- gnie à l'ifle de Charles-Efton, pour y at- tendre les Navires qui doivent venir d’An- glecerre pour les y pañfer. Eten cas que’ kefdirs Navires n'arcivent point, le Sieutt : 16% Fijfoire de | | Chevalier de Troyes les affiftera d’un vaif- feau tel qu'il pourra, pour les renvoyer | en Angleterre. HAE | _ Que ledit Sieur Chevalier de Troyes: donnera audit Henri-Sergent Gouver- neur ,ou à fon Commis, les vivres qu'il. croira lui être neceflaires pour lui & pour fon monde, pourle reconduire en Angle- terre ,files bâtimens n'arrivent pas à bon. port, & pendant ce temps-là leur donnera: des vivres pour attendre leurs vaiffeaux. _ Que les Magazins feront fermez & feei- lez, & les clefs feront delivrez au Lieu- tenant dudit Sieur Chevalier de Troyes, afin que rien ne foit détourné pour en: prendre une facture , fuivant le premier. Article. LE Que le Gouverneur & tous les Dome: ftiques de la Compagnie qui font à la ri- viere Albani, fortiront hors du Fort, & fe rendront audit Sieur Chevalier de Troyes, & tous feront fans armes , ex- cepté le Gouverneur & fon Fils, qui au- ront l’épée au côté. | Ces Articles furent fignez de part & d'autre. Sainte Helene & d’Iberville en-. trerent aufli- tôt dans le Fort. Celui-ci emmena le Gouverneur & fa fuite à l'Ifle de Charles Elton, & le refte des Anglois fe rendirent. à Monfpi.. Cette Ifle eft au: PAmerique Septentrionale. - 163 gr. d. dans l'Oïüelt Nord-Oüieft de Kichi- chouanne à 25. lieuës: Les Anglois y te- noient un Magafn.. C'étoit leur premier ‘abord devant que d'arriver à ce lieu-ci,. où l'on tranfportoic les Caftors dans une barque qui étoit deftinée pour cet effet. La conduite du Chevalier de Troyes fut tout-à.fait judicieufe dans toures fes en- treprifes. Les bons confeils du Pere Sil. vie lui fervirent beaucoup pendant le fe- jour qu'il-fit dans ces quartiers. Aprés qu’il eut mis bon ordre par tout il partit le dix: Août 1686. pour Montreal. . D'Iberville envoia les Anelois par mer en France, & fix mois aprés vint par ter- re à Montreal ayant laiffé fon frere Ma- _ricour pour commander dans ces endroits. _ Ilrevinten1690.avec la fainte Anne & _ les armes de la Compagnie, dans le def fein de prendre le Fort de Nelfon.1l mouil- Ja le vingt-quatre Septembre proche la ri- _ viere fainte Therefe. Il mit pied à terre: avec dix hommes pour faire quelques pri- fonniers, & fçavoir en quel état fe trou- voit le Fort. Il aperçüt un Sentinelle àun endroit que l’on apelle le Poffan, qui eft à une demie lieuë de l'embouchure, lequel porta l'alarme. Les Anglois détacherent aufh. tot un bâtiment de trente fix pieces: D'iberville fe rembarqua aflez précipi- 84 164 Hiffoire de tamment dans {à chaloupe & fut pourfuivi de deux autres qui firent feu fur lui. 11 ga gna fon bord & apareilla. Le Juzant vint fur ces entrefaires qui fit échouër l'An: elois fur desroches. D'Iberville fic exprés faulfe route pour leur faire croire qu'il s'en retournoit la nuit en France , & revi- rant de bord il gagna la riviere de Koüa- chaoüg dite des ce Huiles, parce qu'il: s’y en perdit une boëte oùil trouva le faine François commandé par Maricour. Ils fe rendirent maîtres du Fort de Nieufavanne qui étoit à trente lieuês du Fort de Nelfor, Les Anglois voyant qu ‘ils ne pouvoient le conferver, y mirentle feu, & fe refuoie- rent dans celui- ci, m'ayañit pû bruler leurs Caltors. D' Ibétvitle tranfporta tous ces effets à Kichichouanne dans la Sainte An- ne, les Armes de la Compagnie & le Sc. François. Il y hiverna avec le premier, envoya le troiliéme a Monfipi pour y por rer des vivres & des éfets pour la traite “avec quarante hommes de renfort. ré commerce le plus commun du fond de la Baye conffte en menuës Pelleteries , qui font des Martes les plus noires de tohe le Nord. Aprés que ce Vailleau eut été quelque temps à Monfipi, il alla hivérner à Ru: port, & les'armes de la Com pagnie mois. | l'Amerique Septentrionales 165$ #2 à Charles-Efton. D'Iberville ayant pris la Pelleterie de faint François, qui étoir arrivé à Kichichouanne repafla à à Quebec, devant lequel il y avoit une Efcadre An- gloife. Longueuil fon frere lui donna avis aux lfles aux Coudres de leur arrivée, ce qui l’obligea de faire voile pour Pre avec cout fon Caftor. Les Anglois voulu- rent, Monfeur, avoir leur revange en: 1603. Ils vinrent devant Kichichouanne “avec trois vaifleaux. Ils ne trouverent point de refftance , parce que la garnifon Cana- ‘dienne € étant dépourvüë de toutes fortes de “munitions de guerre & de bouche gagna Île Canada par terre, à laréferve de trois feulement qui invbrt tête à cent Anglois: dont ils en tuërent trois, & voyant qu He falloit fuccomber ils vent mieux s’en fuir la nuit dans Les bois que d’être à-leur difcretion,& paflerent à Quebec. La sy Annearriva, Monfeur, quatre jours apré @ette expedi tion, Le Capitaine mit En monde à terre pour fçavoir en quel état: fe trouvoient les Canadiens: Les Anglois: détacherent un vaifleau pour le: prendre .: mais celui ci gagnant le vent obligea on Anglois de rentter dans: la riviere, 8e s’en- retourna en Canada. D'abord que Kichichouanne fut pris Rupert & Monfipi fuivirent le même fort :: £ 166 Éiffoire & mais en 1694. Sa Maÿelté prêta à la Com: pagnie de Quebec , le Poli & la Salaman” de. D'Iberville qui en étoit le Commans dant vint a Quebec, où Lil prit cent vinge. Canadiens! pour faire |’ expedition du Foré de Nelfon. EH partit le huit Août, & arriva heureufement le vingt quatre Septembre’, devant que la riviere éormmencça à pren dre. 1] forma le Siege qui dura huit jours, & aprés l'avoir bombardé il s’en rendit le maître , le 12. Cobre L. Il y trouva cinquante piéces dé canon > cinquante-fix hommes de Garnifon (ns Pellereries , parce que les vaiffeaux d’An2 _ glecerre ne faifoiens que de partir. Il ÿ demeura quinze mois & repafla en France avec fa traite, aprés y avoir laiffé Ja Forêt pour Catébne avecla Plaque chef de Guerre chez les lroquois, qui a c T'honneur d’être connu du Roi. x. Les Anglois revinrent , Monfieur, en 1696. avec quatre vaifleaux de ouerre une galiote à bombe, devant le Fort dé Nelfon. La Forêt difputa le terrain le mieux qu'il pût, lequel faute de vivres fitune capitulation fort honorable, s'étant refervétout le Caftor. Serigni Lieutenant de vaifleaux , frere de d’Iberville ,arrivæ fur ces Lttétaqtes avec le Dragon & le: Hhardi ; mais ceux qui-‘arrivent devant ce + F Amerique Septentrionale: 167 Fort, ont, Monfeur, cet avantage qu'ils peuvent difputer fans peine l'entrée de la riviére comme je vous le ferai voir dans Ja fuite. Les Anglois n'obferverent poins Ja capitulation , Semparerent du Caftor qu'ils tranfporterent en Angleterre , & émmenerent le Chef de guerre des Iro- quois qu'ils ont renu prifonnier jufques a la paix. Enfin le Roï renvoia nôtre Ef. cadre en 169 7. pour l’expedition du For de Nelfon , ou fes armes'ont été pleines de gloire. Je n'ai pas été furpris, Monfieur, de la maniere avec laquelle les Canadiens fe font diftinguez dans ces quartiers. . Monfieur le Comte de Frontenac donna à ces jeunes Conquerans tant de preuves de fon experience au fait de la Guerre, qu'ils avoient fucé infenfiblement cer air martial qu'il leur avoit infpiré depuis tant d'années que le Roi les lui avoit confié. Ils ne pouvoient donc fe démentir de ce qu'illeur avoit apris, & il lui étoit d’au- tanc.plus glorieux de voir que les armes dy Roi ont penetré les climats les plus rudes de l'Univers fous l’étenduë de fon. Gene rAlat, que maloré tous les contretemps qui nous y font arrivez , il pouvoit dire avec juftice qu'il falloir être Canadien, ou avoir le cœur d’un Canadien pour être ggnu à b out d'une telle entreprile. | 168 | Hifhoire de - Aprés que Jean Bourdon eût le premier connu la Baye du Nord du Canada , & qu'il eut fait fon établiffement, les Darieil voulurent y venir en 1668. La premiere. terre qu'ils y connurent fut la riviere de Manotcoufbi au so. deg. lat. Nord, qui prend fa faurce dans le païs des Auiemof: picayes, & l'apellent encore la riviere Da2 noife, que les Anglois ont nommez Cher- chel. Les difgraces qu'ils eurent dans ce païs par les miferes& les maladies pareilles à celles que nous avons eûcs , firent mou- xir foixante hommes de foixante & quatre d’ équipage qu ils étoient fur deux vaif: feaux , ayant été obligez de laifler le plus grand pour ramener le petit. Cette mor- talité donna de trop mauvaifes impreffions au Roi de Dannemarx pour y faciliter dans la fuite une traite avec les Sauvages La premiere riviere que l'on trouve aprés la Danoife en tirant vers le Sud eft celle de Poaoürinagou, dite Bourbon, dé= ouverte par Defgrozeliers. Cette rivieré eft trés belle, large d'une lieué à fon em- bouchure hébitée par les Mashxegonhyri- nis , autrement Savanois , quigont ouerré - avec les Hakouhirmious. A cinq lieues en dedans l’on trouve deux petites Iles d’une deuc de tour chacune, où il ÿ. a de grands arbres. Certe riviere n’eft qu à cinq lienës par _ l'Amerique Séptentrionale. 169 pat terre de Penechiouerchiou, dire fainte Therefe | & de feprpar mer. C'eft à la -:yûc de ces deux rivieres où nous foûtinmes dans le Pelican la gloire des armes du Roi, par le premier combat qui fe foit donné dans ces mers glaciales, contre l'Hamshier, _l'Hudfonfbaye & le Dering , ayant coulé _ le premier à fond, pris le fecond , & mis en fuite le troifiéme , aprés un combat de quatre heures. Toute cette côte a environ cent lieuës de platin,& l’on ne trouve que . neufbraffes d’eau à fix lieuëés au large, Elle eft tout-à-fait dangereufe , lorfque les vencs de la mer regnent, principalement ceux d'Eft ; Eft-Sud-Eft, Eft Nord - Eft, d'où vient que les Vaiffeaux qui viennent _au Fort de Nelfon gagnent d’abord une Fofle que l'on apelle le sr0#. Ce trou elt un moüillage Et & Oüeft, entre deux Bancs, à une lieuë de l'embouchüre de la riviere Sainte Therefe. Il y à dix huit pieds d'eau marée baffe, & trente marée _ haute, larges de deux cens brafles fur fix cens de long. Lors qu'un Vaiffeau arrive, il doit ranger plûrôc ia barure du Nord que celle du Sud. __ - À une lieuë dans cette riviere eft fur le bord de la rive à ftribord Île Fort de Nel_ fon. Cette riviere prend fa fource d'un grand Lac qui fe nomme Michinipi , qui d Zome I, 70 HE d nées de eft le veritable païs des Kricas, \ d'où il y a communication aux Affiniboüels oi qu'extrémement éloignez les uns des autres. = À La riviere Mathifipi, dite Legané , du. nom d'un François qui étoit avec Def- | grozeliers, fe dégorge à Babord vers l'em- bouchôre , & environ une lieuë au. dellus vis-à-vis sus Fort eft Mat{chifipi dite la. Gargouffe, auffi Canadien. Par le moyen de ces deux rivieres les Sauvages vont au. Fort de Nicufavanne dont je vous ai, Monfieur , parlé, qui eft fur le bord d’ une grande riviere qu’ils apellent Koüachouc. A douze lieuës au. deffus du Fort eft la riviere Oùüjuragarchoufbi, & à deux lieuës - plus haut que celle-ci eft Apithfibi,dite ri- viere aux pierres à fléches,qui eft le chemin par lequel les Sauvages vont à un grand lac qu’ ils apellent Nameoufaki, dire rivie= re à Eturgeon où font les Nakoukouhi- xinous. À vingt lieuës au deffus d’Apithbi eft Kichematoüami, dite grande Fourche de riviere, par où l’on va à Kichichouanne, qui eft au fond de la Baye. Je n'ai tien épargné comme vous vO- yez , Monfieur, à connoiître à fond tour ce pais, qui . di: pour ainf dire à l’extré- ité de l'Amerique Seprentrionale , du l Amerique Septentrionale: 71 _oins le plus éloigné qui foit connu & pratiqué par les nations de l'Europe. Il ne me refte plus qu'à vous aflurer que je fuis avec paflion , | :MONSIEUR ; AT Vôtre trés-humble ; &cs 172 : _ Hifloire de epRnde sente che ée ohEBie GTR VII LETARE. Détail des Penples qui viennent faire la traite an Fort de Nelfon. Ceremone que l'on fait pour ouvrir le Coms merce des Pelleterres. Mousisues Porter un grand nom , & fe foûtenir par fon merite perfonel doivent être deux chofes infeparables. Aufli, fe trouvent- elles en vous parfaitement réünies. L'on ne peut entendre parler dans le monde du nom de Duquêne, que l’on ne parle en même tems d’un des boucliers de la France , de la terreur , & du foudre des mers. Ruiter, ce Heros fi recommandable dans la Hollande , redoutoit le grand Du- quêne votre oncle, de glorieufe memoire, dont la valeur & l’intrepidité vous ont été un modéle dans toutes les nations d'éclat où vous vous êtes fignalé. L'eftime que Sa Maijefté fait de votre merite en vous don- nant le Gouvernement general des Ifles de l'Amerique eft une preuve convaincante l’Amerique Septentrionale. . 173 qu’ilreconnoit tous vos travaux militaires, Fl vous fait même fucceder * à Mr. Phe- lipeaux qui étoit un general des plus con- … fommez dansle métier de la guerre. Nous avons perdu dans ce generalun pere & un protecteur de l’Amerique : mais nous ef- perons le retrouver en vous, & que vous aurez pour les Amériquains les fentimens qu'il avoit. Trop heureux en mon parti- culier de vous donner des marques de mon attachement pour votre perfonne vous priant en même-tems de recevoir un détail d'une partie d'un voyage que j'ay fair en un païs bien opolé à ma patrie. Le païs circonvoifin du Fort de Nelfom eff extrémement plat. Il eft rempli de fo- rêts dont les arbres font fort petits à caufe du grand froid. Il y a degrands marais pew praticables le long de la côte. J'eüsextré- mement de peine à en palier un qui avoit une lieue de long. Le Chevalier de Ligon- dez qui étoit beaucoup plus vigoureux que moi fe trouva même affez embarraflé. Un jeune Pilote de vingt ans qui nous avoit fuivi nous devint fort à chatge, Un Iroquois que nous avions mi fut d’un grand fecours qui lui porta fon fuñk. La nuit approchoit , & nous apprehendions de rencontrer quelques ours ou des loups, | wl; *# Ambaffadeur en Savoyss 174 _Hifhoire de qui font fort carnafliers. Nous arrivaämes: a la fin au bord de la mer. Les peuples les plus voifins de ce Fort font les Oxenchrgonbelims » c’eft-à-dire, gens des bords de la mer. Ils vivent de chaffe & de pêche. Les Loups marins y abondent, & ils font beaucoup plus gros qu'en Canada. Ils en font fondre la chair, dont ils font des huiles qu'ils traitent au Fort. Elle eft plus claire & meilleure que: celle de noix. C’eft quelque chofe de furprenant de voir la quantité prodigieufe d'Outardes , &c d'Ovyes fauvages le long du rivage. Ces peuples commercent le duvet de ce gibier qu'ils ramaflent à leur ponte, & la garni- fon Angloife ou Françoife n’a point d'au. tre but, Tel Lit vaudroit en France trois à quatre cens francs. Les perdrix blanches y font admirables, & il n’y en a point d'au- tres. Elles ont les pieds patüs,tes yeux bor- dez d'un plumage de couleur de feu,& elles {ont groffes comme de petits chapons. L'on trouve dans ces quartiess des Re- nards blancs, & des Martes Zebelines plus belles qu'en Mofcovie. Les Menfsunis , gens de marais , habi. tent un païs plus haut que les Oxerebigon. belimis ; qui eft fort rempli de marais. Comme il y a quantité de ruifleaux, & de l'Amerique Septentrionale. F7 Ç petites rivieres qui fe perdent infenfible. ment dans de grands Fleuves , ces peuples tuent beaucoup de Cafñtors ; car ces ani- maux qui font amphibies cherchent ordi. hairement les rivieres pour y faire leurs mailons. L'on y en trouve de trés noirs qualité affez rare , car les Caftors font or- _dinairement de couleur un peu roux. Ces peuples vouloient empêcher les autres na- tions plus éloignées d’aporter leurs Pelle- veries au Fort , mais les Anglois les obli- .gerent de leur donner le paffage libre fur leur terre, s'ils vouloient eux-mêmes com- mercer avec la nation Angloife, Les Savanors ; gens de Savanes , font plus loin en montant vers le Sud Ce ne font que favanes, prairies, & de beaux coteaux dans ce pais-là. L'Origuac, le Chevreuil , le Squenoton, & le Caribou y ont dequoi courir. _ Le Squenoton reffemble au Chevreuil ; il eft plus haut , la jambe plus fine, & la _tèce plus longue & plus pointue. Le Caribou a Ja tête femblable à un Veau. Il ena la chair & le goût. Les Chriffinaux où Kricas, e’eft-à- dire Sauvages, qui habitent les Lacs , de- meurent à cent foixante lieuës. Ils ont l'ufage des calumets de Paix. C’eft une na- tion nombreufe dont le païs eft vafte, ils 276. _ Hiffoire de s'étendent jufques au Lac fuperieut. Ils vont quelquefois en traite au faut de Ste. Marie & de Michilimakinak. Ce font gens. fort vifs , toüjours en action, danfant ou chantant. IR font avec cela guerriers &E ils ont affez les manieres des Gafcons. Les Migichihilinious. C'eft-4. dires Sauvages, qui ont des yeux d’Aiïgles, de- meurent à deux cens lienés. Les Affiniboëls habitent dans l'Oùüeft & le Nord. Ils ne font réputez qu'une même nation , à caufe du grand raport qu’ils ont en leur langue. Ce mot veut dire hommes: de roche. Ils fe fervent auffi de Caluméts. & demeurent à deux cens cinquante lieuës. Ils ont de grands traits marquez {ur le’ corps. Ils fent pofez & paroiffent avoir beaucoup de flegme. Ils aprochent allez du caractere des Flamands. Les Oskqufaquamais ne vivent ordinai- rement que de poiffons. Ils tuent peu de Caftors. Les robes qu'ils en portent font cependant les meilleures , & le Caftor en eft plus gras. Cette bout vient de leur malpropreté , s'efluyant leurs mains oraf- fes à leurs Los de Caftor. Les Michimipicpoets, c ‘eft-à-dire hom nes de pierre du grand Lac, demeurent À crois cens lieues, Cette nait habite Notd. & Sud. F Amerique Septentrionale. 177 Les Wetaonarfcmipoets ; c'elt.à- dire hommes de pointe, demeurent à quatre -cens lieuës. Les Attimofpiquaies. Ce mot fignifie çote de chiens. L'on n'a pas encore eù un commerce ouvert avéc eux, parce qu'ils n’ofent pañer fur les terres des M askego- _mehirinis avec qui ils font en guerre. Il ya chez eux des bœufs d’une grandeur prodi- gieufe, dontles téfticules fenrentle mufc, & le poil eftauffi fin que celui de Caftor, dont on peut faire même des chapeaux. Leurs cornes font un circuit à la tête comme celles des beliers. L'on aprend de ces sens. [à qu'il y a un détroit ,au bout duquel eft une mer glaciale qui À commu nication à celle du Sud. . Ceux d’entre ces nations qui viennent de loin pour faire la traite avec les Fran- gois s’y difpofent au mois de Mai. Lorfque Îles lacs & les rivieres commencent à cha- tier , ils s’aflemblent quelquefois douze à quinze cens fur le bord d'un Lac, qui eft _ün rendez-vous où ils prennent pour cet effet tous les ms Li neceflaires. pour Jeur voyage. . Les Chefs reprefentent les befoins de Ja nation, engagent les jeunes chaleurs de prendre les interêts publics , les con- jurans de fe charger des Caltors au nor PHONE que 178 PTS de 4 familles. Quand ils ont jetré les yeux fur un certain nombre, ce font des feftins que chaque famille leur fait. Pour lors Ja nation fe donné mutuellement toutes les marques d’eftime que l’on peut fouhai- ter. C’eltun renouvellement d'alliance qui fe fait. La joye , le plaifir, & la bonne chere regnent alors & pendant ce temps lon conftruit des canots pour le départ. Ils font faits d’écorce de bouleau, & ces arbres font d’une oroffeur plus ET RE ble que ceux que nous avons en France. Les fondemens font des varangues ou pe-_ titres pieces de bois blanc de la largeur de quatie doigts ,qui en font le gabari. Ils atrachent au haut des bâtons d'un pouce de large , qui foûtiennent l’ouverture des deux cotez. Ces petits bâtimens font une diligence furprenante. L'on peut faire en un jour plus de trente lieuës fur les rivie- res. On s’en fert aufli pour la met. Leur grandeur n'eft pas reglée. On les porte facilement fur le dos. Ils font fott volages à l’eau. Lorfque l’on veut ramer il faut fe tenir debout, à genoux , ou aflis dans le fond , parce qu ‘il n’y a point de lieges. LOU que les Sauvages font prêts de décendre , l’on choifit outre ces chaffeurs quelques chefs qui viennent her commer- ce de la part de la Nation. Je ne faurois Va Nina ae) Là de Ne MENT . d Amerique Septentrionale. 179 faire un juite dénombrement de la quan- tité de. Sauvages qui décendent , parce | qu'il y a des années qu'ils font occupez à la guerre, ce qui les détourne de la chaf- fe. *I] peut y arriver ordinairement mille hommes, quelques femmes & environ fix cens canots. Ils ont, Monfieur , cette po- Jitique qu'ils ne prennent point leur pofte en arrivant, que quelqu'un ne leur ait li- mité auparavant un endroit. Et lorfqu'ils font à une certaine diftance du Fort, ils {e laiflent aller infenfblement au courant , afin que l'on ait le temps de les aperce- voir, & ils font enfuite des cabanes fur le bord de la riviere. Le Chef d’une Nation entre au Fort avec un ou deux de fes Sauvages les plus qualifiez. Celui qui commandé dans cet- te place leur fait d'abord prefent d’une pipe & du tabac. Ce Chef lui faitun com- pliment fort fuccint,le priant d’avoir quel- que confideration pour fa Nation. Le Commandant l’äflure qu'il en fera fatis. fait. Le Chef ayant fumé fort de fang froid fans prendre congé de qui que ce foit. L'on ne s'en formalife même pas. Il affemble fes gens, leur fait le recit de l'acueil qui lui a été fair, & rentrant en- fuite au Fort fait prefent au Commandane ge quelques Pellereries,le priant derechef s$e | Fiftorre de | d’avoir en memoire fa Nation ; c'eft > Monfieur, leur expreflion ordinaire , & de ne pointtraiter fes marchandifes aufli. cher qu'aux autres nations, ear c'eft à qui. aura bon marché. Le Commandant le raflure de fa bienveillance, lui fait encore. prelent de pipes & de tabac pour faire fu. mer tous fes députez. Latraite fe faitaprés hors du Fort par une fenêtre grillée, car l’on ne fouffre point que le commun des’ Sauvages y entre. Lors qu'elle eft faite avec le Chef d’une Nation, on lui fait un feftin hors du Fort. L'on aporte une grande chaudiere fur l'herbe dans laquel- Je il y a des pois , des prunaux, & de la xnelafle, Lorfque les Sauvages font afflem- blez , une perfonne de la part du Com. mandant les voyant dans cette fituation, les prie de continuër toûjours la même alliance , prefente le calumet au Chef, & fait fumer tous les autres, Aprés que ce repas eft fait, on les prie de faire une dan. fe ; ce qu'ils font avec plaifir. Le Chef commençant le premier, dit un air {ur le champ fur l’agreable acueil qui lui a été fair. On lui donne à fon départ du tabac pour faire fumer ceux des autres nations qu'il rencontrera, & les engager de venir faire la traite, en cas qu'elles ne foient point encore venuës, Le tabac ef le pre- è _ fen£ l'Amerique Septentrionale. 18r ent le plus confiderable dont on puifle les régaler. Tel a été l'ufage pratiqué par les François , qui ont été maitres du Fort de Nelfon , auparavant que Sa Majefté y ait envoyé nôtre Efcadre. Je fuis avec pañlion , MONSIEUR, Votre trés. humble , &e, Tome À, nn Q_ Fr + Hifforre k ue 4 : nrerninntenntrinl VIE LETBRE Retour en France. | -Defcriprion d'une Maladie qui régne : da Baje d'Hudfon. : 4} Moxsrur, # 1 ni Qu'un Monarque comme notre Roi à À, nous eft précieux. Que la prolongation . de fes jours doit nous être à cœur, La. France vous a des obligations infinies de. l'attachement continnel , & des foins que. vous prenez de fa confervation. J'en ren- drai bon compte à mon retour dans n0= tre Ameriqne, dont le trajet ne fe peut. faire qu'avec beaucoup de rifques, car les perils, les hafards , mon naufrage, & d aus tres difgraces qui m ‘ang fuivi dans le Vo= yage que j'ai fait à la Baye d'Hudfon, n@ s’effaçent pas aifemenr, En effer, la Mer eftun élemenr fi terrible, qu ellen ‘a égard a qui que ce foit. Elle n'épargne pas plus l'honnête-homme que le fceletat , le pat vre que le riche , le lâche que le brave ,& quand on Le Erouve comme moi Laine l Amerique Septenfrionale 1 183 de [a colere on compte cela comme un bonheur infini. ’ | Nous partimes du Fort de Nelfon le 24. Septembre 1697. qui eft le tems que les rivieres & la mer fe glacent ordinaire- ment , ou qu'il furvient des vents trés- _crucls. Nous n'avions pû le faire plütôt à caufe du temps confderable que nous fü- mes engagez dans les glaces du détroit, ce qui nous empêcha d'arriver de bonne heure devant le Fort de Nelfon. Nous apareillämes d’un vent: de Sud Sud:Oüeft, à une heure aprés midi, Le _Profond, fur lequel avoit paflé notre équi- age , du Pelican qui s'étoir perdu , une partie de l'Hud{onfbaye, & de la garniton dé ce Fort ,échotia une heure aprés à onze pieds d’eau fur les Bancs du côté du Nord, Comme il nous reltoit encore prés d'une heure de :Flor ,; nous nous élevèmes, & nous fimes.ronte d’uu vent de Sud-Suds Ofeft ; fans cela nous aurions été obligez de faire palfer une partie de nos trois cens hommes fur le Weefph, qui ne fe trouva pas dans le même malheur que nous, & renvoier l’autre au Fort: Il eft certain que nous yaurions mis la famine | & dans le Weefph, parce que eelui-ci n’avoir tout au plus que ce qui lui falloit de vivres pour fon équipage , & l’autre unique- | Q 2 184 Hiffoire de ment pour la garnifon quénous ÿ avions _ daiflée. 4 ù ÿh Les vents furent le lendemain fort ru: des. Le froid augmentoit, parce que nous élevions vers le Pole, Les jours de- venoient trés-courts. Le Soleil ne paroif: foit plus, par confequent point dehauteur, Tempête manifefte. Nous faifons route fans fçavoir où nous étions , il nous fal- loit cependant donner dans le détroit, C’é- toit une pierre d'achopement pour pou- voir y entrer , puifque nous étions ren- fermez dans une Baye dont le bout du Nord eft inconnu. Nous étions errans dans un climat plein d’écueils: è Le mouvement continuel de toutes les: maneuvres accabloit nos Matelots. La mifere dans laquelle nous nous trouvions: tous faute de Hinge & d’habits , à caufe de notre naufrage, caufa tout-a.couple Scor- but, & je n'oferois vous dire, Monfeur, que nous étions tous rongez de vermine ., jufques.la que de nos Scorbutiques. qui Éroient devenus paralitiques en mouru- rent. Quand les Matelots décendoient des: hunes ils tomboient roides de froid: {ur le: pont, & il n'y avoit que les fomentations. qui pouvoient les faire un peu revenir. : Les uns fe faifoient à la côte du Nord ; les autres vers lIfle P helypeaux. Quand se Amerique Septentrionale. T6 $ mous nôus én vimes à 35. à 40. bralles, fond de fable dans le Nord Oùüeft, nous connûmes qu'en étant à deux ou trois hieuës il y avoit grand rifque , car cet peu de chemin quand on fe voit forcé d'un coup de vent, qui dure deux fois * vingt-quatre heures. | Comme nous courions pour lors à l’ EC _ nous nous trouvâmes heureufement fu fe détroit , ayant aperçü fur les dix beurés & demie di: loir l'Ifle de Salfbré au vent a nous , qui paroifloit toute blanche , parce qu'elle étoir couverte de néges. Elle demeuroitau Nord Eft du compas envi- ron trois lieuës. Les vents de Nord quart de Nord - Eft exciterent encore de gros temps, Nous portâmes à l'Ef avec les deux pacfis le long de cette côte, & le 21. Otobre nous vimes à la pointe du jour celle du Nord du Cap.Charles par {or travers , qui nous paroïifloit du côté du Oüeft. Nord Oüeft , route hachée en pe tites Ifles, & les terres qui couroiént à FES Sud Eft du côté des Iles Bonaventu. re, paroïfloient hautes , fort unies, auf couvertes de néges. Nous connûmes ces Ifles à deux tieués & demie de nous , fux les neuf heures du matin. Elles ons eote du Nord, au 63. fix m. pareftime, VE? " . variation Nord. Oùelt, a js; 186 Fiffoiré délire" \ 56. lieues de l’Ifle de Salfbré. Elles font l'entrée d’un grand enfoncement dont on ne voit pas le bout. Elles portent le nom d'un Canadien , Capitaine de Fregate lei gere qui monta un vaifleau il y aquelques. » années pour la compagnie du Canada. |, u Nous ne trouvämes plus de Bancs de : glaces dans le détroit. I y avoit encore . des Ifles flotantes extrèmement hautes »; échouées à une lieue ou deux des terres. : qui n'avoient pû fuivre le courant. Les. glaces qui font dans la Baye & dans le dé- troit tiennent plus de quatre cens lieuës. Elles vont fe dégorger dans la mer quand élles commencent à fe détacher. Les dé: bris en font fi grands que cinq à fix mille hommes pourroient fe mettre en ordre de. bataille fort aifément. Elles fe détachent ordinairement au mois de Juillet, & elles vont quelquefois fept cens lieuës au large, avant d’être tout-à fait fonduës. On en trouve aflez fouvent fur les açores du grand Banc, & qui y font encore fi hautes que des Corfaires avides & affamez les. ayant prifes pour des: Vaifleaux leur ont donné chafñfe ; maisilsne font pas peu fur. pris, quand prêts de venir à l’abordage, ils voyent fondre tout d’un coup à leurs. yeux leurs vaifleaux imaginaires , & éva- hoüir pat là leurs faufles efperances, La : l'Amerique Septentrionale. 187 mer étoit donc libre. 11 faifoit.un froid fs: perçant | que nôtre équipage.en fut en- tierement acablé. Prefque tous nos Mate- Jots devinrent Scorburiques, & il nous en reftoit fi peu en état d'agir que nous nous trouvâmes contraints de nous fervir de nos prifonniers Anglois.. Nous vimes le s. Oétobre à midi les Ifles Sauvages qui nous reftoient au Nord Eft. Elles font à la côte du Nord, loin d’une à deux lieuës de la Terre Ferme,qui font un grand enfoncement , dont l'em- bouchure peut avoir quatre à cinq lieuës. - Nous aperçûümes le fix le Cap-Dragon, à cinq lieués. Il eft au foixante-deux deg. 10. m. 38. de variation Nord Oüeft, & nous connûmes fur les huit heures du ma- tin à l'Oüeft Sud Oüeft le Cap d'Aman- . quamanca qui eft à la côte du Sud , & le: neuf faifant la route du Sud Eft quart de | Sud ,les Ifles Bontonnes nous parurent au nombre de huit. Elles paroïffent beaucoup plus hautes que celles de la Refolation, On les peut voir de treize à quatorze lieuës. Elles font à deux lieuës de la Ter- re-Ferme, entre laquelle il y a un bon paflage dont le Cap s’apelle Fleuri. Elles font l'embouchure du dérroit avec la Ke. folution dont les courans portoientau Nord. Nous commençâmes donc à nous trou- 16 1, Hiftaire de | ver hors des dangers , exemts Sd toutes) cés inquistudes qui nous avoient fait ap= po de perir à tout moment. O Jocrr ( neque enim vgnari fumus à anté Mmalorum O pañi gravrira s FAR Dens bi “queue firem. La derniere terre que nous lames. fut un endroit du païs de Laborador , que nous aperçümes à 25. lieuës, qui paroifloit | encore d’une hauteur prodigieufe & l’on peut dire que cette vafte côte qui com- mence depuis le Cap de Bel:1fle qui eft au $9. d. 8. m. jufques auxIfles Boston- nes, ce qui fait 202. lieuës en droite ligne, eft la terre la plus haute qui foit au mon- de, que l’on découvre quelquefois de 40: HeGEs en mer, Tous ces objets pleins d'hor- feur s'évanoüirent enfin à nôtre vue. Jam fatis terris nivss arque air » Grandinis mifit pañer. Nous n'avions plus qu'à prier de Ciek de nous être favorable dans le refte de nôtre traverfée & de nous écrier F’entorumqne vegar paters Obffrictis aliis > prater Tapiga: APE Je ne doute pas , Monheur, que fr vous in’aviez vû dans cet état vous ne: m'eufliez fait le même fouhait que fai- foi Horace à fon ami Virgile lors .qu'il 10 lAmerique Seprentrionale. 189: partit d'Italie pour Athenes. Il eft vrai que ce vent d'Yapix étoit un vent d'Oùelt Nord-Oùüeft , qui étoit large pour arriver en France, & à mefure que nous faifons route , il fembloit que nous approchions de la Zone torride. Comme les vents for- cerent ; nous nous tronvâmes tout à-COUP en un autre climat, Ce changement fi fu- bit caufa tant de mortalitez dans nos vaiffeaux que l’on jertoit des cinq ou fix _Marelots par jour à la mer. | C'étoit une maladie qui avoir infeété nos Vaifleaux. Vous ne ferez peut-être pas faché fi je vous en donne une idée. Mous allez voir que je fuis devenu grand Medecin dans ce voyage , & que je n'ai pas tour-à-fait oublié l'anatomie que jai apris pendant ma Philofophie. Vous fçaurez donc, Monfieur ,. que le changement fi {ubit où l'on {e trouve en arrivant dans ce climat, lorfque l'on quit- £e la faifon la plus douce & la plus agrea- blé de l'année, caufe rout à coup une ré- volution dans le corps humain, qui con tradte une maladie attachée à ces pais ;. que l’on apelle le Scorbut, Quoiqu'il atta- que les perfonnes qui vont dans les pais chauds auffi-bien que ceux qui vont a la Baye d'Hudfon, les fymptomes qui en arrivent me paroiflent tirer leur origine 190 | Hifloire de ; d'une caufe differente, puifque les efi, fers le font aufli. | 84 L’extrême froïd & principalément la, quantité prodigieufe de Nitre qui régne dans le détroit , forment des fels fixes qui. arrêtent la circulation du fang. Ces efz. prits fr mordicans caufent des acides qui Mminent petit à petit [a partié à laquelle. ils s’atrachent, & le Chile qui devient vif- queux , acide , falé & rerréftré , caufe l'épaicifement au Sang dont le mouvement circulaire fe trouvant interrompu, pro- duit en même-tems des douleurs que l’on reflent aux extrêmitez inférieures, com- me aux jambes aux cuiffes,& aux bras:l'on fe fent d'abord attaqué par cés endroits. Ces obftruétions étant dans les veines qui portent le fang de fa circonference au cœur qui en eft le centre, étant commé un obftacle | procurént des rumeurs œdes nateufes, 29 ent6 5 F06VITIS Ces parties deviennent infénfibles :noi- ratres ; & lors qu'onles touche il y refte des creux tels que l’on feroit dans une. pète molle. Er comme les exoftofes qui fe rencontrent dans la partie du tibia ne font produites que par les acides qui cau- fent des douleurs entre les os & lé periofte qui eft une membrane cinereufe, laquel- fe ne peut être émüc fans recevoir une ex- k | P'Amerique Septentrionale. x91 rrême douleur, il ne faut pas s'étonner fi les malades font de monde cris , quand on les touche. C'étoir, Monfeur , une chofe digne de | compaffion de voir des gens tout paraliti- ques qui ne pouvoient fe remuér dans leurs branles, qui avoient cependant l'ef_ prit fain & nêt. | Le peu d'exercice contribue beaucou a cette maladie ; cat comme nous fümes vingt- fix jours grapinez fur des glaces , Tinaction affoupifloit les fens : Et, dés- lors que l’on fe fent les jambes pefantes il faut courir & aller deflus pour diffiper cet engourdiflement. Mais,comme la mer geloit tous les jours de deux pouces dans le plus fort de la canicule , d'abord que le Soleil fe cou- choit, il étoit difficile que les équipages nefe Litafent aller à une parefle qui étoir une difpofition prochaine a les rendre malades. _ Les nouritures que l’on eft contraint de prendre fur mer n'y contribuent pas peu. Aufli ; la quantité d'acides qui font dans les viandes falées qu’on leur donne, com. me le bœuf & le lard, caufe un gonfie- | ment aux gencives & au obftruction dans Jes glandes falivales qui n’ont d’autre ufa- E qu'à filcrer la PAPE d'avec le fang &c | î 292 Flifloire de | Fi de l’aporter dans la bouche par de petits! conduits qui fervent de premier diflolvant” à la coËtion. Et, comme tous cés petits” Canaux fe LOVE offufquez par l’abon- dance de ces fels qui fonc fi penetrans , il. fe répand pour lors dans toute la bouche. une humeur épaille, gluante & vifqueufe. | Le fang trouvant alors fes conduits bou chez, il fe forme un amas de matiere pou- rie qui corrompt les gencives , déchaufle les dents, & les fait toutes tomber, Il ÿ en a qui ont un flux de bouche, d’autres un flux diffenterique. Les pre- miers bavent. La matiere vifqueufe qui fort de leur bouche caufe la cangrene dans les glandes & aux gencives. Il faut pour lors qu'un Chirurgien leur donne de bons gargarifmes : déterhfs qui puiflent dé- tacher cette matiere épaifle. Le jus de citron feroit d'un grand fecours. Ceux qui ont le flux diffenterique fuut beaucoup plus en danger de la vie. Il fe. _ forme en ces perfonnes une humeur ex- trémement corrofive dans le mézentaire. “Et comme les veines. foûclavieres reçoi- vent le chile pour le portér au ventricule droit du cœur, qui concourt à la nutrition du corps par l’Aorte, dés lors que ce fucfe | trouve corrompu, il faut de necefliité qu'il arrive des fincopes & des défaillances de cœur, l'Amerique Septentrionale. 194 Æœur, parce que celui-ci ne pouvant fab. filter que par la circulation d'un fang pur, net & vif, toute autre matiere qui s’v for- meroit ne peut qu'en détruire le cours or= dinaire : d’où il farvient aux uns des Fié- vres, des Sinoches fimples, aux autres tier- ces , double tierces, même quelques ac _Cez de quarte. Et la cangrene fe formant dans le mefentaire , aux inteftins, arrête les Loix de la circulation du fans. Les Polipes que j'apercevois à l'ouverture d’un Cadavre faifoient le même effit. Ce font des morceaux de fang caillé que pro- duit cette grande corruption , qui s’atta- chent aux ventricules du cœur , lefquels . venant à offufquer ce mouvement réglé, caufent des morts fubites. 15 Le cerveau ne fe trouvant plus hume- été de fes douces influences , reçoit des vapeurs qui lui caufent des délires, des tranfports, & la mort enfuite. J'en ai vû plufieurs qui paroiffoient avoir la voix ferme, l'œil bon, la langue faine , fans noirceur n'y excoriations, quicependant mouroient en parlant. | Il faut donc fe fervir d’alimens qui puif. fent diffoudre la mafle du fang , cnmme de Diflolvents fudorifiques & diaphore. _æiques, qui par leurs parties fulphureufes … Tome L. 394. Hiffore de | & volatiles, entrainent parune infenfible | tranfpiration les Acides, confomment les à cruditez de la mañle , & ‘puiflent faire rale. lier enfemble les Er du fang par de | bons alimens, leur donnant peu de vian- de falée mais db Ris, des Pois , des Fayols, des Lavemens un peu déterfifs, de l'Opiat aftringent où les cordiaux entfent ; les changeant aufli de linge ; ce qui eft un grand foulagement dans ces occafons. Cette Maladie ne fait qu augmenter l’a- etit. Les Malades ont des faims canines. il faut que ce foit la force des Acides qui £e trouvent dans les glandes de la troifiée me tunique du ventricule, qui l'irritenr. Je ne fus pas furpris , Monfieur , qué nous trouvant tout à coup en un fre cli- mat à nôtre retour , ce changement caufa tant de mortalitez ‘dans nos vaifleaux. I fe fäifoit pour lors une fermentation dans la mafle du fang , qui caufoit une corru- ption cangreneufe. Le chaud voulant di- later ce que le froid avoit rétrécis ce ne pouvoit donc être en ce moment qu'un combat. Et la nature fe trouvant affoiblie par la dilatation des pores, caufoit un dé. _‘bordemenr qui mertoit en : defordre toute cette Machine. La difference qu'il y a du Gé pitles des païs chauds viens de la puanteur « de l'eau ; r bia Sopiéntriondte. : 19f qui caufe une corruption dans la bouche ; _& s’infinue infenfiblement dans les parties nobles. Et par un contraire du climat des pais froids , lorfque les vailleaux retour- nent en France de ceux qui font chauds, - fe changement de climat qui eft froid en arrivant c'referre les pores , lefquels étant _ bouchez arrêtent la cireulation du fang déja corrompu, alors il fe fait un cahos & un defordre qui fuffoque un homme. | Enfin aprés tant de peines , de fatigues _ & de maux, nous arrivâmes à Belle. Ile le huitiéme Mnaire: Nous allâmes met- tre à l'Hôpital du Port. Loüis nos Scorbu- tiques, & nous partimes de là pour Ro- EE Séore. où nous defarmâmes. Hic Labor extremss ; longarum bac meta | DIATUM Graces au Seigneur, je fots, Monfieur, du plus affieux païs du iontiet Je ne croi pas que l’on m'y rarrape ; moi fur tout _quifuis né fous la Zone torride, Il eft jufte que chacun fafle fon Noviciar, FL’ entreprife que nous venons de faire ne peut ètre que fort glorieufe aux ar-, ‘ii du Roi. Cette devife eft bien jutte: Que non maria. En effet, l’activité & Par- deur avec laquelle hotte Miniftre envi. fage tout ce qui peut contribuër à la gloi- re du Roi, l'engagerent de faire partir cet 2 = 196 FHiffoire de te Efcadre pour la pouffer & l’étendre ju: ques au Pole Antartique, Tout à contri- bué à fes defleins ; Malgré tant de di ces qui nous font arrivées. À Au refte , quand la France re garderoit | point ce quartier-là, le Commerce de ER Pelleterie du Canada n'y perdroit pas ,au. contraire il en vaudroit mieux. Cette abon- dance de Pelleterie de furcroit de ia Baye. d'Hudfon,ne peut faire que dü tort à celui- là, f dans la fuite l'on confervoit ce Fort É. fur tout dans un temps de Paix. Les Mar- chands du Canada feroient pour lors obli- gez de vendre aux Sauvages leurs mar- chandifes à vil prix. L'on commence à fe pafler en France de beaucoup de Pellete- ries,& on néglige même de porter des Pala. tines par une mode toute nouvelle que l’on a trouvée d’en faire de -petits rubans, D'ailleurs ce Voyage-là ne fe fait qu'a vec des peines extrêmes, des travaux & des fatigues prefque infurmontables . & les vaifleaux ne retournent en France que tout. rongez, mangez, froiflez par les elaces , & prefque rous les équipages y periflent du Scorbut, Comme Rochefort fur la fin de notre navigation, ce fera aufli celle de ma Lettre, vous affurant que l’on ne peut être avec plus de paffion que je le fuis, | * MONSIEUR, | Votre trés humble , &c.. LA us k Î use pi so a a p=< Ni 4 & [gra = l'Amerique Septentrionale. 197 À #08) À NA 2 ay À NA Ne NA à ÉNRRÉNNRÉ NA D IX LETTRE. Defériprion du Fleuve faint Laurent juf. …. qu'a Quebec» Capitale de la nouvelle _ France. | De quelle maniere les François ort conns C6 Continent ; © le progrez, que l'on y a fait ponr la Fos. Mioume. Toutes vos manieres fi gracieufes, ce Cœur fi genereux que j'ai trouvé en vous Pour tout ce qui me regardo lors que j'ai Employé votre crédit à la Cour, me fait des impreflions fi vives & fi fortes fur mon efprit, que ma famille qui à l’hon- neur de vous apartenir avoit bien raifon de me dire que je trouverois encor en vous , Madame, beaucoup plus que ce qu'ils m'en ont dit. Pour moi qui ai per- du depuis plufeurs années le goût , la dé- ficatefle, & la politeffe de la France, je ne fçai plus la methode de m'énonceravec graces fur tous les remerciemens que je devrois vous faire, | | R'; Vu 198 Fiffoire de Vous me permettrez, Madame , de: vous dire que je fuis devenu un veritable . Troquois. Souffrez donc que je vous in-. troduife dans le nouveau monde par la” Lettre que j'ai l'honneur de vous écrire. . De toutes les navigations de long cours, celle de la Nouvelle France, jufqu'à l'em-. _ bouchure du Golphe de S. Laurent eft la. plus aifée, parce que les Pilotes qui re-. connoiffent d’abord le Grand-Banc ont. occafion de tenter facilement fon entrée qui eft entre le Cap de Retz dans l'Tfle de Terre-Neuve, & le Cap du Nord dans J'Ifle du Cap-Breton, apellée aujour- d'hui l’Ifle Royale. Entre ces deux Ifles . l'on trouve l’Ifle de S. Paul, éloignée du … Cap de Retz de dix-huit lieuës , & de _ cinq du Cap de Nord, les vaiffleaux paf- fent entre ces deux Caps. 1 Le Golphe de S. Laurent a pour bar- riere du côté de l'Orient la grande Ifle de Terre-neuve,qui eft prefqu'aufli gran- de que l’Angleterre , de forte qu'il peut avoir cent lieués de large. | d: Les Efkimaux habitent le coté du Nord, qui eft la terre de Eaborador, la- quelle a plus de cinq cens lieuës de cô: te jufques au Cap Digue, au 62. d. 45. im. à l'entrée de la Baye d'Hudfon. Ces. côtes font les plus élevées de tout l'U- Amerique Septenirionale. 199 mivers. On les aperçoit dans un beau tems de quarante lieuës. Ces peuples font tout- a-fair cruels |, avec lefquels il n'eft pas poffible d'avoir aucun commerce. Ils mangent la viande & le poiffon crüs. …. Le côté du Sud habité pat les Abena= ‘puis eft un beau païs. Il y croît du bled ;, mais comme je ne veux pas m'arrèter ;, - Madame, à décrire les quartiers les plus agreables par les rivieres , les grandes prairies, les beaux arbres, l'abondance d'outardes , d'oyes, de canards, farcel- les, pluviers, becaflines, tourtres, lié- vres, perdrix, gelinotes de bois, & d’au- _tres fortes de Gibiers que l’on ne voir point en Europe, comme canards bran- -chus qui perchent {ur les arbres, fans parler auffi des poiffons & de la pêche de la Moruë. Je vous dirai feulement, Ma- dame, que les Vaifleaux qui veulent en- trer dans le fleuve viennent ordinairement reconnoitre l’Ifle Percée , qui eft à l'ex- trémité de ce vafte païs. | Cette Ifle eft un rocher proche le Cap de Gafpée , qui peut avoir trois cens {oi- xante pieds de haut, efcarpée à pied droit des deux côrez , & vingt-quatre de baffle mer, On va de Terre-Ferme à pied fec. tout autour. Elle peut avoir de long en- iron quatre cens pas. Elle éroit autrefois 200 Hiftoire de | 4 plus longue ,allant jufques au Cap Mont joli , qui eft à une portée de fufñl ; mais la. mer l’a fapée par le pied & en a fait tom ber une partie. Il y a un trou en forme” d'arcade par lequel une chaloupe Bifca-« genne peut pafler à la voile. Lors que je rangeai cette Ifle , je m'imaginois que c’é-" toit l’antre dont parle Virgile, ou Protée fe retiroit quand il gardoit les troupeaux & les bœufs marins de Neptune. ; Il ya, dit ce Poëte ,une grande grote dans un roc, où les vents repoullent plu- fieurs vagues qui fe brifent en tourno- yant. Les Navires qui font en danger s'y. mettent quelquefois à l'abri , & Protée. fe cache dedans au fond de cet antre. L'Ile percée eft un endroit trés confide- fable pour la pêche de la Moruë qui y eft trés-abondante. Les Vaiffeaux y moüil-. lent tout proche à quatre cables, & y met. tent des flottes pour les fuporter de crain- te des Roches qui font au fond. Les Pé- cheurs font le long de la côte de la Terre- Ferme leur échafaux dans lequel ils habil=. lent les Moruës. Il y avoitaux environs un Convent de Recolets qui a été brûlé par les Anglois dans ces dernieres guerres. . On n'a pas plütôe quitté cette Ifle, que . peu de tems aprés on aperçoit le Cap des Roziers, qui fait le commencement du Ne | l'Amerique- S eptentrionale. 2Ô7 fleuve faint Laurent qui eft le plus beau de toute l'Amerique. Si Virgile l'eût connu il l’eut apellé fans doute le Roi des fleuves , & n'eut pas tant “exageré le Po par le titre qu'il lui doit de Fluviorum Rex Eridanus. Il a vingt- cinq lieuës de large à fon embouchure . & court du Sud Oücft au Nord Ef. _ Les monts Nôtre- Dame fur le fommet defquels il ya toûjours de la nêge dans la _ plus grande chaleur de l’année, fe décou- vrent de loin du côté du Sud. Cet afpect . donna tant de frayeur aux Efpagnols qui ont découvert les premiers le Canada, qu’ils lui donnerent en même temps le nom de Capo-Dinada , qui veut dire Cap derien, & ils congürent une fi mauvaile idéd de ce valte païs, qu'ils ne daignerent pas poufler plus loin leur découvèrre. Jacques Cartier l’un des plus habiles Pilotes de fon tems, fut plus heureux que Jean Verrazans, Florentin de nation , qui par ordre de François Ï. découvrit el 1524. toutes les côtes de la mer qui font depuis la Floride jufques à l'embouchure du fleuve fainc Eaurent: Cartier voulant fignaler fon courage par la découverte de _ quelque nouvelle terre, partit de Saint- Malole e 20, Avril Fou. Il reconaut les: côtes & les terres qui font au Nord & Sud — Ra | 202 Hiftoire de | de l'embouchure de ce fleuve, Le recié. | avantageux qu il en fit à fon retôur la mê-. me année , obligea François I. de l’y ren voyer pour penetrer le plus qu'il pour-. roit dans ce païs inconnu. Il eut l’avanta-w ge d'entrer le premier dans le fleuve , don- sul des noins qui fubäitent More au jourd’'hui aux Iles , aux Caps , aux motiil=\ fages, & aux re les plus niet le juiques a Montreal, quieft à cent quatre-. vingt lieuës de l'embouchure du Aeuve, | : Le froid excefif, la faifon de l’'Hyver ttc dinaement rigoureufe, & le Scor- but, l’avoient entierement defolé, Toutes: les mefures qu'il avoit prifes pour jetter les premiers fondemens d’une Colonie fu- rent-ainfi rompuës ce qui fut caufe que’ la Cour negligea pendant quelques ans. nées ce glorieux: deffein. Toutes les démarches que l'on fit dans: la fuite du temps pour ne pas laifler in- fruueux ce que Cartier avoit fi bien: commencé , me meneroient infenfble- . ment à un tes. orand détail. En un mot. Mr. Champlain Geographe du Roi &un. de fes Capitaines de Vaifleaux , qui fut foûrenu du credit & des biens dé Mr. de. ‘Monts Gentilhomme ordinaire d'Henri. ë IV. termina glorieufement ce que plu-. fieurs autres avoient: tenté. Il jetta donc” À à ” ae 2 de : 40) j La Amerique S eptentrionale. 203 des premiers fondemens dans l'endroit qui devoir être , comme il eft aujourd'hui la Capitale de la Nouvelle France , où il bâcit en 1603. une maifon qui Lui fervit de Magafin & de Po pour fe défendre gonuel les infultes des Sauvages. Il n’y a point de navigation plus dange. reufe que celle du Fleuve , & quelque experience que puiffent avoir les Pilotes qui le frequentent , ils ont encore aflez de peine à fe tirer Fe affaire. Les bâtures de Manixoüagan qui font à la côte du Nord font à craindre. J'y fs naufrage en 1698. Nous vimes dans un tems de bru- me le feu de quatre coups de canon que l'on tira fort précipitamment des Vaif- feaux du Roi , que nous avions joints trois jours auparavant. Notre Capitaine _jugea bien qu'ils avoient peur d’échouër, & fe croyant proche la côte du Sud il _ revtra de bord. À peine cette manœuvre fut faite que nous échouâmes dans Je mo- ment à route voile fur Le minuit. Jene fçaurois vous exprimer, Madame , l'ef- froi où fe trouva l'équipage , & une dou- zaine de Marchands qui venoient traf- quer. Il eft vrai que les perfonnes qui ne font pas accoütumez à ces fortes de contre_ tems , patiffent be eaucoup. Ce fut un ca- hos & un defordre fi fubir, que ne vo- FOR SR ASE RE À RSS pes > 11e 204 Hifloire de 3 ÿanc nile Ciel ni la mer, on n’enténdoït | que des cris & des gemiflemens. Un peu de prefence d’efprit & de fermeté eft d’un grand {ecours dans ces triftes momens. | J'avois fait naufrage trois fois cette mê- me année. Je m'en tirai plus heureufe- ment qu'à la Baye d'Hudfon. Je fçavois donc da conduite qu'il faloit tenir dans ces occafons. Je raflurai tous ces efprits | effrayez , & nous mîmes la chaloupe à la mer avec bien de Ja peine. Nous n'étions échoüez que fur une pointe de fable mou- vant, & la mer qui avoit été fort rude toute la nuit fe calma. Nous demeurèmes dans cet état cinq à fix heures , éloigné d'une grande lieue de terre, toute bordée en cet endroit de chaines de rochers , contre lefquels la mer fe brife. Enfin nous nous retirâmes de da fans autre mal. On voit dans le fleuve une trés-grande quantité de Baleines. Les Bafques y a- voient une pêche fedentaire il y a quel- ques années , & s'ils ne s’éroient pas amu- {6 a enlever fecretement toutes les pelle-. teries de Tadoullac & des environs, ils ne s'en feroient pas vûs fruftrez dans la fuite. JL eft difhcile d'arriver à Quebec de prime abord , à moins d’avoir un bon Nord Ef. Les Vaifleaux moüillent ordi- nairement à Tadouflac qui eft à quatre- vingt … à Amerique Septentrionale. 205 _wingt lieués de l'embouchure du fleuve {ainc Laurent. La riviere du Saguenai vienc-s'y décharger. Les bords en font tous remplis d'arbres. On n'y trouve point de fond quelques lieuës en remontant, & ; Jorfqu'un Vaïeau eft contraint d'y relà- cher, on l’amare aux arbres quand il ne peut aborder dans quelques petites ances. __. Lorfque la marée eft haute à l'embou- .chure de cette riviere, elle l’eft à la même heure à Chikoutimi, quieft à vingt-cinq lieues dans la profondeur. Cette marée irreguliere en aparence fembleroit extra- ordinaire , fi l’on n’en connoifloit pas la caufe qui eft tour-à fait naturelle. Elle monte fix heures à Tadouffac.Quand le de- _mi-flot eft à fon entrée deux heures aprés qu’elle a commencé à monter, elle ne fait alors que commencer à Chikoutimi , où elle en eft quatre à monter : ainf la rapidité du courant de la riviere refoulant Ja marée ne lui denne que le rems de monter infenfiblement pendant deux heu- res & demie, pour fe trouver en équilibre de Chixoutimi avec l'entrée de lariviere, de forte que , quand la marée eft haute à Tadouflac, elle left en même-temps à Chixoutimi. Cette grande rapidité vient de ce que la riviere fe trouve retraifie par la chûce d'une montagne qui a été ren. Tome I. 206 Hiftoire de verlée par un tremblement de terre ; la: quelle forme une Peninfalé que L'on ap- pelle Chixoutimi ; & comme il y a déja wn.rapide au. deffus qui contribué d'ailleurs a. la grande violence du courant, il ne faut pas s'étonner fi la marée à tant de peine à monter. : Tadouflac eft trés_confiderable par la traite de Ja plus belle Pelleterie du . Canada, (ur tout des Matches. I} yaune ‘compagnie de Marchands à Quebec qui payent rous les ans un certain prix aux Fermiers Generaux de la Compagnie du Canada pour avoir la permiflion de com- mercer feuls avec les Sauvages du Sague- nai. Lés Afonragnais habitent ces quar- tiers. lis regardoient autrefois les autres Nations avec mépris, s’eftimant les vrais Gentilshommes du païs. Ils étoient fuper_. fticieux au dernier point, attachez à leurs Jongleries , & fans forme d'aucune Reli- gion. Quand on leur demandoit quiavoit fair le Ciel & la rerrezils ne pouvoient dis re qui en étoit l’Auteur. Si nous y avions été, nous en pourrions fçavoir quelque chafe , tépondoient.ils. Pour la terre c’eft M ichaboche qui l'a faite. Ils rendoienc gaifon de fa creation avec un mélange de fable qui reffentoient quelque chofe du Deluge. Ils croyoient qu'il yavoit certains spi fit dans l'air qui ont la due is dé É- ; ARR l Haine S eptentricnale. 107 prédire les chofes, & lorfque l’on vouloit 1e donner la conti ci feel du vrai Dieu, à qui nous devions demander tous nos bé- foins , ils répondoïent qu ils voudroient bien le connoître, pour fçavoir s’il auroit Je pouvoir de Îeur donner des Orignaux & des Caftors. Ea converfon de ces peu- plesa été l’ouvrage du Ciel par les foins des zélez Mlionrniæités » “Dans dla difiribution des premieres Miflions que le Pere Denis Jamai, pre- mier Superieur des Recollets |; établir dansla Nouvelle France , avec Mr. Chams plain, le Pere Jean Dolbeau fut choift pour annoncer l'Evangile 2 a ces Peuples. I bâtit dans ces quartiers un petit loge ‘ment où il ménagea une Chapelle en ma: niere de Cabane > pour y affembler les Paurage Il acquit en trés-peu de tems Fincelligence & l'ufage de 1 langue de ces Barbarés. + El foûtint de grañds travaux par tous les tué qu'il fe donna à chercher ces peu- ples & à les vifier dans les lieux où ils étoient quelquefois afflemblez ( car ils font errans & vagabonds, n° ayant point de demeure fixe. ) Il pouffa même jufques aux Betfiamites , ,; Papinanchois , & Eski- maux, atborant. par tout le figne du falur, de forte que beaucoup d'années aprés on S 2 208 _ iffoire de 31 a trouvé des marqués du zéle de ce pré- . mier Miflionnaire, Les Jefuires font preféntement en pof.. feffion de cette Miffion qui eft à Chikou- ! timi. Le climat y eft beaucoup plus rude’! qu'a Quebec, quoi qu'il n’y ait que qua- | rante lieucs de diftance en remontant le: fleuve. Si le bled d'Inde, autrement bled. de Turquie, & le bled de France pou Voient y venir en maturité, plufieurs na tions s’y établiroient, On peut aller de là’ & la Baye d'Hudfon, par des rivieres &. des lacs, en faifant quelques porrages qui font des efpaces de terre pour aller d’une: riviere à l’autre. Cette communication: n'eft que de quatre vingt hHeuës par ce chemin, & ilen faudroit faire fept à huit cens par mer, fi l’on vouloit côtoyer le Das du fleuve, la terre de Laborador, tra+ verfer le détroit d'Hudfon , qui a cent trente-fix lieuës de long , montant juf- ques au foixante. trois degrez, & redécen- dant vers le cinquante & un au fond de la Baye , où eft Kichichoïüane , Port aparte- hant aux Angloïs. | 04 Ce fleuve eft rempli de quantité de belles Ifles remplies d'arbres , lefquelles: font aflez dangereufes par les Bancs de fable. Le pañlage de l’Ifle aux Coudres qui eft à crente- cinq licuës au-deflus de Ta- l’Amerique Septenrriondle, 2069 douflac, eft aifé à connoïître , n’æant qu'à une petite demie- lieuë de Terre. Ferme. Les Pilotes tiennent le milieu à _véé , ou un peu plus prés de l'Ifle que de la Grand’ Terre. Il eft fort difficile de fuivre le Chenail qui eft étroit en tour- nant , & extrèémement rapide. C'eft un É Gculte où il y a un grand fonds , de forte qu 1 faut avoir bonne marée & un vent forcé pour franchir ce pañage , fans quoi un Vaifleau ne pouvant gouverner fair la piroüete par la vitelle du courant. & eft w porté dans des rochers qi font à fleur d'eau, & dans-les remaules de la côte du Mort: Les tremblemens de terre ont caufé de orands de efordres dans cette Ifle & dans la Terre-Ferme , par la chûte de roffles montagnes, qui font tombées dans la mer. C’eft fans doute ce qui a formé en partie ce Goufre. Aprés que l’on a fair ce trajet , on ran= ge la Baye S. Paul qui apattient à a Mon- fieur de Laval', premier Evêque de Que bec. Elle eft confiderable par les plus beaux mâts du Canada. en ai vifité les Pinieres qui font iné- uifables. Je remarauetrois te de Sa P! pins. Les uns ont la feüille de la longueur & largeur d’un fer d'aiguillete, en pointe | ratigée le long de la branche. Cette efpe S % 216 _ Hifhoire de ce a auffi la feüille cout au tour ; mais. plus claire & éloignée, qui ne pique point. _ On l’apelle Pruffe, Son grain eft beau- coup plus ferré que les autres. La mâture de Norwegue a palfé pour la meilleure , & caufe de fon grain qui eft ferré , ce qui vient de ce que fes arbres qui eroiflent fur des montagnes ont le pied fec, de for- te que les grands froids qu'il fait en ces quartiers reflerrant le bois empêchent que la féve ne lui donne trop de nourriture our en faire enfler le grain. Celle dé l’Acadie n’eft pas bonne depuis la Haive qui eft au 44. d. jufques à l'entrée du fleuve faint Laurent , parce que le païs qui eft temperé rerid le grain bien plus gros, Mais celle qui vient en la Nouvelle France , principalement à la Baye faint Paul , a toutes les qualitez neceflaires pour être trés bonne. \Les arbres eroiflent fur le penchant des montagnes extrème- ment élevées, dont les eaux coulent dans la mer & dans une petite riviere. Le cli- mat eft froid ; mais le Soleil deflechant at fa force l'humeur fupeifluë de ces ar- bre les tient plus ferrez, & leur donne une liaifon bien plus forte, qui les rend de meilleure qualité que celle qui eft communiquée à ceux de la Norwegue par le froid. | | 3 Amerique Septentrionale. 21% Il y à encore une qualité de bois bierr meilleure que ceux-ci ,qui fontlesPins rouges. Is ne deviennent pas fi gros que les autres , quoi que l’on y en trouve de trente pouces de diametre à douze pieds du gros bout, & ils font fi fouples qu'ils caflent rarement dans les tempêtes. Mon- fieur de Laval y a un moulin à fcie, où l'on fait quelquefois par an vingt milliers de planches. Il y aun village à deux lieuës au-deffus à la petite riviere que l’on apel Je les habitans de la Baye faint Paul. Ils ent cent cinquante terres en valeur , fur Hefquelles ils oht recueilli en 1699. neuf cens minots de bled, cent minots de pois _& quarante d'avoine. Ils ont la chafle & Ja pêche en abondance ,, fur tout celle du Loup-marin. La Nouvelle France ne commence point Æencor à cette Baye , quoiqu’elle ne foit qu'à quinze lieuës de Quebec , & à cent cinq de l'embouchure du fleuve , & qu'il y ait des Habitans en plufieurs endroits , &c une Paroiffe à la Malbaye , qui eft à fix lieuës plus bas que la Baye. - Jacques Carrier place la terre ou Pro: vince du Canada à huit lieuës au-deflus de faint Paul, à des Ifles qui font par le tra. vers du Cap-Tourmente , d’où l'on dé. couvre Nord & Sud de ce Cap les habita. 4 AT à Hifloire dé tions qui forment aujourd’hwi la Coloie. Ce promontoire: eft fi haut, que l'on pourroit le voir de plus de vingt lieuës., s’il étoit fur le bord de la pleine mer. il faitune partie d’une chaîne de montagnes de cinq à fix cens lieuës de long. Parmi toutes les Ifles qui font vis-à- vis, l'Ile aux Ovyes eft'trés recommandaz ble: par le meilleur beure du païs , & à caufe des pâturages qui font fur les rivaz ges , & à caufe des Outardes & des Oyes qui y viennent aux mois d'Avril & de Se- prembre en nombre infini. Il fe trouve un conflit au Cap. Tirant te de l’eau douce avec celle de la mer. La traverfe y eft fort dangereufe. Quel- que conneiflance qu’en puiflent avoir les Pilotes, le plus für eft de la faire à la fonde en montant , d'attendre vent & marée, &: qu'elle foit hauteen déceridantde Quebec. | La premiere terre que l’on découvre au pied de ce Cap eft la Seigneurie de Beaupré,qui apartient en proprieté à Mon- fieur de Laval. Elle a cinq lieuës de long. Son domaft me eft de deux lieuës, quiconffte en prai= ries, bois, & a une lieuë de terres labou= rables. J y ai vû un trés. beau Château de: pierre de taille, de cent cinquanre pieds de long ,. qui a coûté oixante mil livres à: _ l'Amerique Septentrionale. 213 bicir. La grange & les étables font de la _ même grandeur. Il paroi uñe muraille de’ fix cens pieds de face fur deux d’épaifleur ;; qui n'eft pas encor finie, & tous ces bä- timens font eftimez cinquañte mil écus. Les pâturages y font admirables, On y compte deux cens cinquante bêtes à corne, Cette Seigneurie a trois Paroifles, dans lefquelles il ÿ à plus de mille habitans. Les terres font bonnes. Il y en a deux mil vquatre cens foixante & deux en valeur. On y a recueilli en 1699. quatorze mit cinq cens quinze minots de bled, quoi- qu'il y eût une famine par tout le Cana- da, fans compter huit cens quatre-vingr _ün minots de pois , & trois mil deux cens foixante & dix d'avoine. Il ÿ aonze cens quarante quatre bêtes à corne. Il ne m'a: pasété facile de fçavoir le revenu de certe terre,parce que le Seiñinairé à qui ce bien eft annexé tire toutes fes provifons en ef peces. Autant que j'en peux juger, eile vaudroit douze à quatorze mille livres "dérente. :. | 4 1 L'Ifle d'Orleans eft entre cette côte & celle du Sud. Elle a fix lieuës de long fur deux de large. Elle a été érigée en Comté fous le nom de faint Laurent en 1676. en faveur de Mr. Berthelot Commiflaire ge- neral d'artillerie , des poudres & falpêcres’ 134 Hifhaire de Ë de France. Il y a haute , moyenne ; & balle Juftice. Les habitations qui font: tout autour fur les bords font d’ agréables : points de vüés, avéc les bois &les cam- pagnes qui Le t infenfiblement en mon- tant. Les terres y fonc bonnes, Il y en 4 plus de quatre mille en valeur, fur lef quelles on a recueilli ces dérnières années rés de douze mille minots de bled. : Quebec eit au bout de l'Ifle d'Orleans } à deux lieües dans le Sud-Oüeft. Il y une riviere aune petite demie-lieüe de la , apellée Cabir-Coubar par les Sauvages , à raifon des tours & détours qu’elle ee Jacques Cartier lui donna le nom de Ste. Croix, parce qu Al arriva un pareil ; jour. C’eit le premier endroit où il ait hiverné. Elle s ‘pelle prefentement faint Charles, en memoire de Mr. Charles Des Bois ï Grand-Vicairé de Pontoife , fondateur de la premiere Miffion des Recolets de la Nouvelle France. Ils Ÿ bâtiréent en1620. un Convent fous le titre de Nôtre- Dame des Anges, dans une efpece de petite Ile entourée de grands bois où de trés-belles: caux ferpentent. | Monfeur l'Evêèque a achepté cet em- placement de ces Religieux où ila mis. des Hôpitalieres qui y ont foin de l'Hôpi- tal general qu’on y a bâti avec une gran de magnihcence, . % 4 Abri Septentrionale. 126 La Comté d’'Orfainville eft dans cette riviere. Sa Majefté voulant gratifier Mr. “Talon Intendant du pais , des fervices qu'illui avoit rendus, réünir en167 r. le Bourg Royal , le Bourg la Reine , & le Bourg Talon en la Baronie des Iflets , qui fut érigée en 167:5. en Comté d’ élit. le. Ses heritiers l'ont vendu à Mr. l'Evê- que, qui d'aréüni à l'Hôpital general. À Uoux lieies en remontant cette rivie= +reeft le village de la Nouvelle- Lorette, Habiré par des Hurons,qui | (ont souyr nez » par les Jefuites. L'Eglife eft bâtie fur le modéle de ai es d'Italie. Ils étoient il y a deux ans dans un autre endroit aflez voifin qu'ils ont “quitté, parce que le terrain commençoit -à être ingrat pour leur bled d'Inde, … Cette Nation eft originaire d'un grand lac qui s’apelle Huron, à trois cens foi- xante lieües de Quebec. Elle étoit la plus fiere & la plus redoutable de tous ces quar- tiers ; les Iroquois même l’aprehendoient, Ils l'onc cependant fubjuguée & prefque détruire. Ils afeéterent de faire alliance enfemble:; mais les Hurons donnerent trop aveuglement dans toutes leurs pro- teftations d'amitié. Les Iroquois trouve rent le moyen de les furprendre dans la foie, & cauferent chez eux un grand d de: + 0 126 _ Hijtoire de | fordre, contraignant les uns de s'enfuir à Quebec, & les autres dans le Sud. Tous leurs voifins apprirentavec effroi. leur défaite ,ne trouvant plus de feureté à caufe des incurfons que les Iroquois fai- foient dans le temps qu'ils s'y attendoieng le moins. Quoiqu’ils fe viflene difperfez ils ne laifferen pas de faire des tenratives pour trouver encore des voyes propres à . continüer la premiere alliance qu'ils a- voient faites avec les François du temps de M. Champlain. Ils firent un écablifle- ment à l'Ifle d'Orleans, où les Iroquois vinrent encore porter le fer & le feu à la vete de Quebec , fans que le Gouverneur ; general pût leur donner du fecours , ap- _-prehendant même qu'ils ny fiflent une décente. Les familles qui en rechaperent fe mirent entierement fous la protection des François. ANAL à | Il y ena de la même Nation qui demeu- rent à Michilimakinak parmi les Outa- oüaxs. Ils font du nombre de nos alliez. Ils nous ont cependant fort ermbarraflé dans ces dernieres guerres contre les Iro- quois & les Anglois. Ils fothairoient l'al- Jiance des Anglois pour pouvoir établir | un commerce‘ouvert avec eux , fe perfua: dant qu'ils en tireroient plus de profit de _gelui-ci, qu'avec les François’, dont ils | ont _ . 40 4 l'Amerique Septentrionale. 22% _ ent toüjours trouvé les marchandifes plus cheres , & ils étoient bien-aifes en même tems d’avoir pour amis les Iroquois , afin de n'être pas inquietez dans leur chaffe J: & dans les mefures qu’ils vouloient pren- dre avec les Anglois. Le Baron qui a été un des plus politiques Chefs de cette Na- tion, nous a donné bien de la peine par toutes fes rufes & fes ftratagèmes, Tan- 40t il étoit de nos amis, & tantôc il ren verfoir trous les projets des autres alliez qui.ne refpiroient que la deftruction des _Iroquois. On peut dire qu’ils font extrê- mement politiques, traîtres dans leurs «mouvemens , & extrémement crouc:Îl :ux, Ils ont beaucoup plus d'efprit que les au- tres Sauvages. Ils font genereux Lis one. de la délicatelfe dans leurs entretiens , ils parlent avec jufteffe, ils font infinuants + & il eft rare qu’ils foient la dupe dé qui que ce foit. Le Chriftianifme à beaucoup corrigé de leurs defauts dans ceux de Lo- rette, qui vivent avec une grande fubor… dinacion à leurs Miflionnaires. Ce Villag: eft contigu à Charles-Bourg qui eft vis à vis de Quebec , à l'Oüeft Nord-Oüeft a deux lietes dans la profon- deur des cerres, Les Jefuices en font Sei- gneurs, C'eft un des grands Villages de la Nouvelle France. Zoe ZI, T A A mer) | Hifloire de "2. | Jene vous parlerai point, Madame ; de pluñeurs Villages qui fontaux environs | de Quebec, ni de la Seigneurie de Bau- port qui eft à la cote du Nord, feparée de ! celle de Baupré par Île faut de Montmo- renci, qui eft une trés-belle chute d'eau . de plus de deux cens cinquante pieds de: haut. Sa Nape qui ef fort large tombe à - pic dans un abime & fur un gros rocher qui forme une pluye continuelle, on pale un ance. de trois cens pas où il eft renfer- mé, n'yayant qu'un pétit filer d'eau qui vient du baffin lors que la marée'eft baffle, | -Yoilà une idée de ce qu'il y a de plus particulier jufques à Quebec. Je fuis a: wec un profond refpe& , | MADAME, Votre crés-humble, &t 4 Û | LPURMEN id l Amerique -Septentrionale — 225 Le RU LETTRE. Gonvernement de Quebec ; ville Capitale de la Nouvelle-France. TÎdée du Commerce. | Caraëleré dés Canadiens , © la maniere dont ils font leur établifemert par les Caffors, | M ADAME, La vertu fe trouve dans route forte d’é- tats. Il ÿ en a où elle s'acquiert fans peine. Chacun s’anime pour lors les uns & les autres par un feu de charité, qui eft com- me forcé de s entretenir avec eux ;. mais Ja Cour eft un fejour qui me paroït un peu plus épineux. Je vous AVOuË que depuis feu f mois que j y fuis j'ai trouvé en vous. Madame, des qualitez Gi éminentes, que : je peux dire que vous avez réüinies Ua tre perfonne , & route la polireffe du cœur & toutes les vertus Les plus parfaites. Morx filence refpetueux m'arrête fur cet arti- éle. Vous ne ferez peut être pas fâchée, que je vous faffe voir , en vous parlant du 3 à 330 en de > P ee Gouvernement de Quebec, la Capitalede la Nouvelle-France, qu'il y a beaucoup de pieré dans ce nouveau monde. Vous ferez peut-être fürprife qu'un païs aufli fioid que celui-là ait donné une émulation aufñ grande à l’érablifflement de la Foi par l’a- plication des Miffionnaires & des Reli- gieufes , quin'ont rien épargné à donner de preuves de leur zéle pour la Hour de Dieu, Nous n’avons point de connoïffance dé l'éthimologie de Quebec. Les Sauvages qui y habitoient , lorfque. les François vinrent s’y établir, l’apelloient Stadaks, On tient que les Normands qui étoient avec Jacques Cattier à fa premiere de. couverte de la Nouvelle France, ; apper- cevant au bout de l’ifle d’ Orléans , dans le Sud Oüeft, un Cap fort élevé qui avan- çoit dans le “fleuve s ’écrierent Quel : ëz qu'a la {uite du temps le nom de bec lui eft refté. Je ne fuis pas barand à Madame, de cette étimolovie. Quoi qu 4 en foit, PE lieu eft devenu la Capitale de la Nouvelle France. Sa fituat'on eft trés- incommode di l Avr du terrain, mais Ja vûe eft des plus FA es qui fe puiffe voir &c la fituation des plus commodes ge le Commerce. Il ya un grand © Cana large d'une near & demie, qui s'étend depuis 7 td TOP: CPR url 7 ON ER, Apt TA: F3 rx 2 ME 4 LA ère À # D'Amerique S eptentrienale. 2e Wa côte de Bauport jufqu'a la pointe de | Levi, qui eft dans la Seigneurie de Lau- fon, qui tire fon nom d'un Confeiller d'E- k rat, qui a été Gouverneur general du païs, l'Ea Ville a une bonne Rade & un bon Port. Le Fleuve a quatre bras vis à-vis de cette Ville. L'un va au Sud de l'Ifle d'Or- Jeans, qui a prés d’une lieuë de large; le fecondau Nord de cette Îfle ; qui décend | au Cap-Tourmente : la riviere faint Char- | les fait le troifiéme , & le quatriéme vient - de Montreal , à foixante lieuës au deflus de e Quebec. Ce fut-là où ie Champlain fic Lo abord alliance avec les Algonxins. L’u- _nion devint fi étroite qui 4k fe trouva obli- gé de prendre leurs interêts contre Les Iro- | quois, qui faifoient la guerre à toutes les nations de l’ Amerique Seprentrionale , & ; il y. bâtit une maniere de Fort à mi. côte. Les Algonxins qui étoient les maîtres. de tous ces quartiers étoient fort. nom- breux ; ils ont été infenfiblement détruits par les Iroquois;nous en avons encor quel- ques familles quif'ont errantes, Il ya une jaloufie & une inimitié irreconciliable en- tre ces deux nations- Les Algonxins font: mieux faits que les Iroquois. Ils ont les traits du vifage afez reguliers pour des | Sauvages , Un air doux une phifñonomie : | | FT 3 hi 10 08 au 232 | Hipére de | revenante, & l'on remarque dans ft ete tretien une délicateffe que les autres Sau+ à vages n’ont pas. La Langue Algonkine eft | une Mere-Langue de laquelle beaucoup ÿ d’autres dérivent, & qui fe parle & s’en- : tend dans une grande partie a l'Ameri- que Seprentrionale. ; sebec eft au 46. des: 40. min. de la titude Nord : il eft le Siege d'un Evèque immediat de Rome, le fejour du Gouver: neur General, la HLftengé de l’Intendant,. 4 le Tribunal d' un Confeil fouverain , & 1 retraite de plufeurs Communaurez Reli: gieufes ; il y à haute &c baffle Ville, Celle. ci eft fur le bord du fleuve ; au pied d'une Montagne de quatre.vingt toifes de haut, & d’une Falaife de vingt-huit, nommée le Saut au Matelot, parce qu ti en tombz un du haut en bas. Les maifons y font de pierre de taille bien bâties ; les Marchands. ÿ demeurent pour la Etes du Commer- ce. Elle eft fibornée de ce côté-là qu'elle ne peut s'agrandir. Elle eft défenduë # | une Plate forme dans le milieu qui bat à fleur d’eau, de forte qu left difficile aux vaifleaux de pafler fans être incommodez. l On y voit la Chapelle de Notre Dame des Victoires, qui fut bâtie en ation de. graces de la ue du fiege des "Anglois. Le General Phips y vint en 1690. ‘avec k LS till EE till \ EE: LFortel Drew TI: La Redoute V à UE NU pur Ce { f nm de A nu _ l'Amerique Septentrionale. 233 Toutes les forces de la nouvelle Angleter- _ re ; mais Monfieur le Comte de Fronte- nac, qui étoir pouf lors Gouverneur, Ge neral , défit fes Troupes dans une décente que firent les Anglois à Bauport , & lui fit lever honceufement le fiege ,avec per- ce de plufieurs de fes vaiffeaux , & de plus _dehuit cens hommes d'équipage , dans le fleuve. Lt ET Il y à un chemin de la baffe à la haute Ville, qui va infenfblement en tournant, les Charettes & les Carolles neanmoins ont bien de la peine À monter. Le Palais Epifcopal eft fur la côte. Mon: fieur de faint Vallier,ci- devant Aumônier du Roi en eft l'Evèque. Nous en avons ur autre quieft Monfieur de Laval premier Evèque de la Nouvelle France ,ils’eit dé- mis de fon Evêché il y a plufieurs années aprés avoir beaucoup travaillé à l’établif- fement dela Foy.Il vit prefentement com me un fimple Ecclefiaftique dans fon Se. minaire. | Pour le Palais Epifcopal c’eft un grand Bâtiment de pierré de taille, dont le prin- cipal corps de logis avec la Chapelle qui doit faire le milieu regarde le Canal, il eft. acompagné d'une Aîle de foixante & dou- ze pieds de longueur, avec un Pavillon au bout, formantun avyant.corps du côté de (à 22. Hijfoiré de Li: 11 À V'Eft. Et dans l’Angle que fait le cotps de Jopis avec cette Aîle ,eft un Pavillon de la même hauteur, couvért.en forme d'Impe- riale , dans lequel eft le grand Efcalier. Le Rez de Chauflée de la: principale court étant plus élevé que les autres courts & le Jardin, fait que dans cer Aîle le Refe. étoire, le Offices & les Cuiflines font en partie fous terre toutes voûtées de brique, & ne prennent jour qué du côté de l'Eft. La Chapelle eft de foixante pieds de: longueur , fon Portail eft de l’ordre com- pofite , bâti de belle pierre de taille, qui eft une efpece-de Matbre brute. Ses: De. dans feront:magñnifiques par fon’ retable d’Autel ; dont les Ornemens font un ra- courci de celui du Val de Grace. Il y au- roit peu de Palais Epifcopaux en France qui puñlent l’égaler en beauté s'il étoir fini, Tous les Curez. de la campagne qui ont des affaires particulieres à. la Ville, y trouvent leur chambre, & mangent ordi- airement avec Monfieur l'Evèque:, qui fe trouve prefque toûjours au putin. La Cathedrale eft à la haute Ville. C'et uri aflez grand Vaiffeau..Le Chapitre étoit. compolé dans fon commencement de dou- ze Chanoïnes & de quatre Chapelains.. Il eft réduit prefentement à neuf, fans Cha- pelains à caufe du peu dereyenu : la réüiz _. l'Amerique Septentriorale, 235 . fon d’une Abbaye à ce Chapitre n'étant as encofe bien reglée. Il y a Doyen, grand Chantre ; Theologal, grand Peni- tencier , & grand Archidiacre. Le Seminaire eft tout proche ; Monfieur de Laval en eft le Fondateur. Il e@ fur la Plate: forme de la pointe qui donna le nom dé Quebec. La Face qui regarde le Canal, accompagnée de deux Pavillons , forme Ja plus belle veué de la Ville. L’Aïle gau- che où eft renfermée la Chapelle a deux cens vingt pieds de long, & la largeur du bâtiment eft de trente pieds en dehors. _ La Chapelle avec la Sacriftie a quaran- té pieds de long. La Sculpture que l'on _ eftime dix mille écus eneft trés-belle; elle: a été faite par des Seminariftes qui n’ont rien épargné pour mettre l'ouvrage dans fa perfetion. Le maïtre Autel eft un ou- vrage d’ Architecture à la Corinthienne : les murailles font revétues de Lambris & de Sculpture , dans lefquelles font plu- fieurs grands Tableaux, les Ornemens qui Jes accompagnent fe vont terminer fous la: corniche de la voûte qui eft à pans, fur lefquels font des compartimens en Lo- zange , accompagnez d'ornemens de fculpture peints & dorez. | _ Cette Maifon a coûté environ cinquan- te mille écus. Lorfque Mr, de Laval en 4 236 | Hiftoiré de | fit l'établiement en 1663. il lui referva les Dixmes de toutés les Paroifles à la charge de nourrir & d’ entretenir. does. les Curez tant dans les Cures que lorfqu’ ils feroienr apellez au Seminaire ‘ayant le droit de Îles retirer comme il Le jugeroit. à propos & d’en faire venir de France aux frais de la Communauté, les Curez étant pour lors amovibles 8e révocables ; Sa: Majefté les a fixez depuis par les ce dont ils joüiflent ; de forte que confir- mant la même année l'établiflement de ce Seminaire ; le Roi lui en accorda le trei- ziéme pour les faire fubfifter. Mais com- me pat la fuite du temps les Curez ont eu bien de la peine à vivre de leurs dixmes Sa Majelté leur donne huit mil dns tous Les ans fur les fonds du Treforier ge- ñeral de la marine, que Mr. l'Evêqueleur diftribue felon leurs befoins: | Ainfi les Curez font’ prefentement Gi xes, ils. jotiffent du revenu de leurs dixe mes , _& 370 * Hiffoire de cens trente mille quarante fix livres. Le Canada tient prefentement la Ferme. Les Fermiers d'Occident & le païs eurent de grandes conteftations en 1699. & 1700. fur la diminution du prix des Caftors. Il fe tint à Quebec plufeurs affemblées, où le Clergé, la Nobleffe & le tiers Pia {e _trouverent , pour reprefenter à Monfieur le Comte da Pontchartrain le tort que eauferoit cette diminution à la Nouvelle France. On a beaucoup envifagé la Reli- gion dans cette conjoncture par rapore À-tant de Nations fauvages nos alliez , qui fe foütiennent dans la Foi par la liaifôn: que nous avons avec eux, quiauroient pÜ faire commerce avec Les Anglois ; s'ils n'euflent pas été contens de nous. Le Sauvage eft difficile à manier quand F s'agit de Finterèr. Monfeur le Comte de Pontchartrain à trouvé un milieu dans toutes ces difcullions qui eft de donner au Canada la forme. Les Canadiens'ont éra- bli pour cet effet des Directeurs pour l’ad- miniftration des affaires. On a obligé ceux qui commercent d'y avoir action felon leurs facultez , & tous ceux qui. veulent | en être y font reçüs. ê I] ya encore le commerce de peaux d'O: rignaux qui étoit autrefois fort confidera- ble, Il yen avoit beaucoup dans le gou- \ l Amerique Septentrionale. 236 vernement de Quebec ; mais tout eft dé. croit, il faut aller bien avant dans les ter- “ res pour ‘en trouver. L'Orignac eft de la grandeur du eus + {a têce lui reffemble allez , il a le col plus long, les jambes fort feches, le pied four _ chu & le poil gris blanc ou pete & noir. 1h porte fur la tête un grand bois plat &: fourchu en forme de main, L Il y en a qui pefenr quelquefois jufques: à cent cinquante livres. On tient que fon pied gauche de derriere guerit du haut mal. Cet animal y eft fujer, & lors qu'il le fenc venir , il fe gratte L oreille de ce pied juf- ques Se qu'il en forte du fang. La chair de l’ Orignac eft plus délicate que celle du ICerf & nincommode jamais. On les prend avec plus de facilité l'Hi- ver ,; principalement lors qu’il y à beau« coup de péges fur terre. Auffi tôt que le Chaleur a découvert Lars les bois le ravage oùil s’eft attathé . (car il a cela de particulier qu'il demeur = long tems où il trouve le jet du bois qui a poulfé la même année) il tâche de le en par furprife ;. mais - lorfque l Orignac l’a: éventé,le Chaffeur le fuit quelquefois cinq: lieuës , la raquere aux pieds. Le verolats qui lai coupe les nerfs, l’accable fi fort. ‘it la fin le Sr vient à bour, 272 Élifhoire déve & qu'il le tuë de fon fufl , ou à coups ée poignard , quand ileft éhfouée dans la né: ».. Le nue eft le morceau le plus déli- cat, & la! langue d'un trés-bon goût. sdb ennemi mortel eft le Karkajou, qui eft beaucoup plus gros qu'un chat. Il guê- te l'Orignac de deflus un atbre , où le fuit à la courfe. Lors qu'il le peur joindre il. Fa für fa croupe, & fe va attacher à fon col qu'il entoure de fa queuë , il le mord & lui coupe [a veine. Son fang fe’ perdant infenfiblement il tombe en dé- faillance. L'Orignac a beau fe frotter contre les arbres, lé Karxajou ne quitte jamais prife, Lo moins que l'Orignac ne’ fe mette à l'eau La chaffe que le Karkajou & les Re- fards font enfemble de cet animal eft fr plaifante que je crois vous faire plaifir de” vous dire, Madame, de quelle mariere! ils s'y prennent. Les Renards qui ont le Cadth meil= Jeur que le Karxajou battent le bois à pe- tit bruit pour trouver la pifte de l'Orignac.: S'ils le voyent couché ou paiffant , ils ga- gnent le large pour trouver Paérote le’ plus Code a le faire palfer du côté _ que s’eft poité le Karkajou: Les Renards qui le mettent à vûë au milieu d'eux font comme deux Epreviers,# ER LR! F Amerique Septentrionale. Be pendant qu'un troifiéme qui eft derriere FOrignac jappe tout doucement pour le faire aller du côté du Karkajou : S'il s’en écarte , les autres jappent à leur tour fe. Jon le mouvement qu'il fait pour l’enga- ger de fe détourner. Ils font ce manége jufques à ce qu'ils l'ayenc fair tomber dans l’embufcade du Karkajou qui fe jet- te far lui. | _ Jene vous parle point, Madame, dela menuc pellererie qui confifte en Martes , Ours, loups de bois, loups cerviers, Re: | nards noirs & argentez. Karkajous , Pé- cans, Pichious Iflinois, dont le commerce va devenir confiderable plus que jamais. - Ife pourroit. faire d'autre commerce fi Jon vouloir s’y apliquer. On y feroit du godron en quantité. Le charbon de terre, le tranfport des planches de chêne, de fapin , des bois de charpente : la pêche du Saumon, de la morué & del anguille ; avec des farines quand les années font abondantes, auroient un grand cours aux Jfles de l’'Amerique. _ Ona fait en 1701. une tentative de la êche du Marfoiüin dans le fleuve à trente lieués plus bas que Quebec ,aux Ifles de Kamouraska. Monfeur de Vitré Confeil. ler du Confeil Souverain de Quebec, fa- _£hant qu'une trés-grande quantité de ces NX . voient rien qui les arrêta : mais dés-lors » + , 274 sta Hiffoire de Fe 4, poiffons qui font ous blancs ; conrent em “Æté le harang dans ces quartiers, fe perfua- da que fi l’on y rendoit des filets avec un arrangement particulier , 4l pourroit s’y en prendre, Il forma-une Societé de deux Marchands pour en faire les frais. Mon- fieur le Comte de Pontchartrain qui ne {ouhaite que l’établiffement & l'augmen.- tation des Colonies, leur fit envoyer de Rochefort en 1701. des cordages pour en faire des filets. Mr. de Vitré drefla entre ces Ifles & la Terre.Ferme du côté du Sud la longueur de plus d’une demie-lieuë de filets qui formoient differens cheneaux avec une ouverture aflez grande pour y laifler entier les Marfoüins. Ceux ci fort avide du harang n'y étoient pas plütôt , que des Canoteurs tout prêts tiroient une corde qui bouchoir ce palfage, | Les Marfoüins qui avoienr un champ affez vafte ne s’embarafloient pas pendant que la marée montoit | s'amufant aux harangs quand il s'y en trouvoit ; mais lors qu'elle diminuoit à un certain point, on leur remarquoit un mouvement & une agitation qui leur faifoic jerter des mugif- femens. Plus la marée décendoit bafle , , plus ils paroiffoient inquietez. Ils avoient beau aller de côté & d'autre , ils ne trou- A7 A it d'a T'Amerique Septentrionale. 2€ ue lamatée éroit fur fa fin, ils fe ramaf_ oient tous commie un troupcau de mou- sons , & échoüoïient pêle-mêle l'un fur l'autre. Monfeur de Vitré les envoyoit égorger , & les faifoit traîner, porter , ou femorquer à la marée montante quand ils étoient trop gros. Tels peloient trois milliers. Il en a fait des Hüïiles qui feront d'un trésbon ufage pour les Vaiffeaux. On en faic des Fritures , & on a trouvé le fecret de tanner les Peaux & de les pafler en Maroquin. La Peau du Marloüin eft tendre comme du lard ; elle a un limon d’un pouce d'épais que l’on gratte; elle devient comme ‘un cuir tranfparent : les _Taneurs les rendent minces ou épaifles fe- Jon l'aprêc qu’ils veulent y donner. On en LA peut faire des Hants-de-chauffes,des Vel tes trés déliées , & à l'épreuve du piftoler, & onen pourra faire des Imperiales de Caroffe, car il y en à de dix-huit pieds de Jons fur neuf de large. Une petite Balei- ne dérangea cctte Pêche qui promettoir beaucoup. Elle s'entortilla dans plus de quarante braffes de filets qu’elle entraîna avec elle. On l'a trouva échoïée dans cet équipage à fept lieués de là, Elle étoic fort maigre. On pourra tenter dans la fuite la Pêche de la Baleine, qui elt extrémement abon- Zome 1. F3 276 | Hiflairé d L dante dans Îe fleuve : il y aura dequoi oc cuper toute la jeunelfe du Canada, & j'e- ftimerois ce commerce Je plus confide- rable de toute l’Amerique Séptentriona- pa On le feroit fans beaucoup de peine à peu de frais. Quand une chaloupe que pris fa Baleine elle l’'emméneroit à terre, où l’on en compoferoit les huiles : on épargneroit un bâtiment & un grand équipage a entretenir, Si les Bafques qui avoient commencé cette Péche dans Île fleuve ne s ‘étoient pas amufez à enlever fecretement toutes les Pelleteries de nt doufac & des: environs, jls ne s’en feroient pas vüs privez comme ils le font pre- fentement. en + commerce des Marchandifes n’eft pas exrrémement confiderable : ;iln ef bon qu'ade petits Marchands forains qui aportent ou font venir tous les ans des Marchandifes de France pour fept à à huit mille francs, Quiconque en aporteroit our vingt mille francs il autoit de la pel- ne à faire la vente la même année, Il A cependant quelques Marchands particu- liers qui ne laiflent pas de faire un grand debit. On eft beaucoup ménager car on cherche le folide. Le vin & l’eau de vie fe debitent avec plu us de facilité que! tour autre chofe, | 3 _ lAmerijue Septeñtrionale. 23% Le temps où le commerce roule le plus à Quebéc ett aux mois d’Août, Septembre & Oétobre , que les vailfeaux arrivent de France. Il fe fair une Foire dans la baffé Ville ; toutes les Boutiques & les Maga- fins étalent leurs Marchandifés. Cene font qu'emprellemens, de parc & d'autre pour ‘fe défaire de fes éfets , où pour avoir bon marché. On ÿ voir fur la fin d'Oétobre les habitans des campagnes que l’on apelle- roit Païfans en tour autre lieu que le Ca- nada, qui viennent faire leurs empletes: Chacun tâche de régler fes affaires avant Ja Partance des Vailleaux, qui veulent pro- firer de la belle Saifon pour éviter un coup de vent de Nord Ef , qui vient quelques jours devant où aprés la Touflaints. Lors qu'ils different leur départ jufqu'au mois -de Novembre , ils courent rifque de ren- qu'ils ne connoiflent pas toûjours bien , ip ‘y eut pas moyen de les Y refoudre. L' Iroquois Chrétien ne pardonne. ordinairement non pis a liroquois, notre ennemi, qu'un - Algonkin pardonneroit à celui. ci.Chofe étrange La PlaquéChef deguerre de la montagne de Montreal tombant un jour fur fon Pere dans un combat, lui dit. Tu m'as donné la vie, jete la dénhé aujoure d’hui; mais nete retrouye plus fous ma main, Car je ne lépargnerois? pas. | Il ar donc partir avec tous ces pri-. fonniers que l’on mitau milieu dela mare che, les. François les plus alertes étant à Parriere. garde. Un Sauvage donna avis que les Angloisles pourfuivoient en toute diligence, les François fe trouverent em: barraflez plus que jamais. On pria derei chef nos alliez de précipiter la marche , pour n'être pas obligez de fe recrancher au milieu des bois où les- ennemis pou: voient nous affamer, Il n’y eut pas mo: yen d’en être écouté. On fit à la hâte un Fort à quatre Baftions entaflé d arbres les uns fur les autres ; entourez de pieux: Plufeurs Sauvages & François voulurent aller au- devant des ennemis pour ‘les em- pêcher | lAmerigue Septentrionale. 313 pêcher de fe fortifier. Ils les poufferent jufques à trois fois d’un retranchemenc où ils avoient fait alce ; mais l’on battit la retraite trés-mal à propos, ce qui caufa du defordre, Nous perdimes huit hommes & nous eûmes quinze bleffez. Nos Alliez fe rendirent à la fin aux preflantes folli- citations qu'on leur fit d'avancer incef- famment, pour n'être pas expofez d’aban- donner tous les bleflez dans les bois, fi malheureufement les Anglois qui étoient au nombre de fept cens faifoient venir du renfort. On pañla avec beaucoup de prom- ptitude la riviere d'Orange fur les glaces, _ pendant que les Anglois pourfuivoient af- fez lentement, Le tranfport de chaque _ bleifé que vingt honimes portoient dans un brancard étoit fort difficile. Plufeurs _ de nos Sauvages quitterent pour chafler » _ & beaucoup de prifonniers deferrerent ; _ ladifere des vivres fit prendre fon parti à la plüparr plutôt que de manger roûjours des fouliers fauvages , que l’on faifoit _boüillir, Depuis ce temps - la cette Na tion des Aniés elt devenuë la plus petite des cinq Nations Iroquoifes , & prefen- tement c'eft celle qui nous fair le moins d’ombrage, quoiqu'elle {oit voifine des Anglois. pes Le Lorfque lon à paffé Sorel en montant doms J, | 824 Hiffarede le fleuve on trouve S. Ours qui en eft à quatre lieuës. Le Seigneur de certe terre eft le premier Capitaine des troupes de Ja marine. C'eft un Gentilhomme des plus qualifiez du païs , il fait des preuves de cinq. cens ans de nobleffe. Quoique ce pais-ci ne foit pas fujet aux Ouragans il y en eut un à S. Ours en 1695: Ils ’éleva tout à-coup un vent du côté du Nord du milieu des bois, qui paflant à à travers le fleuve fit un ravage d'arbres de l’autre bord de la largeur de cinq à x arpens, qui - a penetré plus de cent lieuës de long dans les terres, c'eft un fi grand abatis que les arbres fe trouvent pêle- mêle , les racines en baut. Les melons font excellens à Saine Ours. Toute cette côte ft habitée Nord & Sud jufques à Montreal, la fituation en à eft belle; mais iln y a pas grande fureté °. dans tous ces quartiers quand nous avons Ja Guerre avec les Iroquois. Vercheres qui eft à quatre lieuës au deflus en a reflenti de cruels effets: Jene fcaurois paffer {ous filence l’ adkiori heroï- que de Mademoifelle de Vercheres. Vous verrez, Madame, que la Nouvelle Fran- cene life pas de produire des Heroïnes. Tout le Canada étoit dans des allarmes igenrinuelles à caufe des irruptions fre- Mn vi _ L’'Amerique Septentrionale. 32 quentes que les Iroquois faifoient dans le Gouvernement de Montreal. Il y eut un’ parti de quarante à cinquante Guer_ riers qui entourerent le Fort de Verche. es en l’année 1692. Ils étoient cachez dans de petits buiflons aux environs, ils n'eurent pas plutôt fair leurs cris de guer- fe, qu'ils donnerent précipitamment fur vingt-deux habitans qui travailloient à le campagne. Cette Demoifelle qui n'étoir qu'à deux cens pas du Fort, furle bord du fleuve faint Laurent voulut s'enfuir. Deux Icoquois tirerent en même temps {ur elle qui la manquérent. Il y en eut un autre qui la pourfuivit jufques à l'entrée du Fort où il crût l'avoir arrêtée par fon mou- choir de col qui lui refta dans les iains. Elle conferva aflez de prefence d’elprit pour fermer la porte du Fort fur l'Iroquois _ qui n'ofa rifquer d'y entrer à caufe du bruit qu'il y entendoir, Toutes les fem mes qui voyoient enlever leurs maris fans efpoir que l’on pür les fauver ; faifoienc des cris pitoyables, penetrées de douleur de ce qu'ils feroienc infailliblement brûlez _ par ces Barbares ; il eft vrai qu'il n’y en eut que deux d’exempts de ce fuplice. Mademoifelle de Vercheres prévoyant d’ailleurs , que toutes ces lamentations pourroient faire connoître aux Iroquois D d z 316 Hiffoire de qu'il n’y auroit perfonne à garder le Fort { car il n’y avoit pour lors qu'un Soldat } renferma toutes ces femmes. Elle mon- ta aufli-tôt fur un Baftion où étoit le Sol- dat, elle Gta fes coëfures & mit un cha- peau fur fa tête, & un fufil fur l'épaule , faifant plufieurs mouvemens militaires à Ja vûe des Iroquois , leur donnant à con- noitre par là que lon étoit fur la défenfi- ve, & faifant même feu fur eut. Commé is perfiftoient à entourer le Fort, ran- geant la nuit les paliflades , elle chargea _ elle. même un canon de huit livres de ba: Je, s'étant fervie d'une ferviete pour ta- pon qu'elle tira fur eux. Ce coup les é- pouvanta de fraieur , il rompit toutes leurs mefures & en même temps fit un fignal à tous les Forts Nord & Sud du fleuve depuis S. Ours jufques à Montreal, dont fe circnit eft de plus de vingt lieuës ï de fe tenir fur leurs gardes. Chaque Fort fe répondant donc de l’un à l'autre au pre- mier fignal de celui de Vercheres, juf- ques à Montreal , on détacha cent hom- es pour lui donner du fecours, qui arriva peu de temps aprés que les Iro- quois fe furent écliplez dans les bois. Jene peux aufli pañler fous filence l’a- étion que fit Madame fa mere deux ans auparayant,Les Iroquois caufant pour lors Es. mi LE ee té R à Amerique Septentrionale. 324 beaucoup de defordres à la côte di Sud du Gouvernement de Montreal, vinrent à Vercheres. Cette Dames 'ennayant de fe voir inveftie dans fon Fort, fe jetta dans üne Redoute qui en eft feparée de plus de cinquante pas. La mort d'un nommé l'Ef- perance qui y fut tué d’un coup de fufil par un Iroquois , l'obligea de ne pas per- dre detemps , parce qu'il ne reftoit plus que deux ou trois perfonnes. Elle prit fon fuñl , de la poudre & des bales, fe rendit à la redoute à la faveur d'ün chemin cou- vert. Elle n'y fut pas plütôt qu'elle fe battit avec toute l'intrepidité que le plus aguerri foldat auroit pü faire. Le choc dura deux fois vingt. quatre heures, & Mr. le Marquis de Crifafi vint à fon fe- cours , qui manqua d’un moment les Iro- quois qui avoient quitté prife.. e mandai il y a deux ans l’action de : Mademoifelle fa Fille à Monfieur le Com. te de Pontchartrain, qui eft le Proreéteur des Canadiens. Elle écrivit auffi à Mada- me la Comtefle de Pontchartrain , pour lai faplier de l'être aufli des Cahadiéanes: Cette action d’yne fille qui n’avoit pour lors que quatorze ans, parut trop belle & trop extraordinaire pour ne pas efperer qu'elle pourroit lui meriter quelque grace de 5a Majefté : Pour ne pas entrer dans D d 3 328 Æiftoire de un détail de toutes les circonflances qu'il fallut encore donner à la Cour pour con- firmer une chofe que l’on avoit cachée jufques alors , je vous dirai, Madame, que Madame la Comtefle de Pontchartrain à pris les interêts de cette Demoifelle avec tant de generofité, qu'elle lui à procuré pour toute fa-vie une penfon. Je ne vous parlerai point de toutes les autres terres où il s’eft fair plufñeurs coups de main avec les Iroquois, parce que ce- la me meneroit infenfiblement à un trop grand détail. | Boucherville qui eft un fief des plus confiderables de ce Gouvernement, mê. me de tout le Canada, eft allez recom- mandable, 11 y a dans cette Paroifle un bon Fort, & prés de cinq cens habitans. Longueville qui eft à deux Hieuës au deffus , eft la plus belle maifon de campa- one de la Nouvelle France. Il fe trouve beaucoup d'ifles entre ces deux terres. Le Fort de la prairie de la Magdeleine ui eft tout vis-à-vis Villemarie, { cet . _ Ja ville de Montreal } me donne lieu de vous donner une idée d’un des plüs rudes -combats qui fe foit donné dans le Canada, Monfieur de Callieres qui étoit pour lors Gouverneur de Montreal , ayant re- çû des avis que les Iroquois n'arténdoienc ; l'Amerique Septentrionale. 329 que le moment de faire des courfes de toutes parts, jugea qu'ils attaqueroient Chambli, où ils avoient déja eu cinq de Jeurs Efpions tuez par de nos Algonxins , où qu'ils couperoient à travers les bois pour tomber fur la Praïrie de la Magde- leine. Il détacha pour le premier endroit Mr. de Vallerenne ancien Capitaine , & trois autres avec Routine Chef des. The- miskaminoues, des Habitans , des Hurons de Lorette, & quelques Iroquois du Saut & de la Montagne de Montreal. Le fa- meux Autioiaé dont je vous parlerai dans la fuite étoit aufli de la partie. _ Nos troupes camperent à l’entour du Fort de la Magdeleine qui eft à trente pas du Fleuve, fur un lieu efcarpé, au milieu de deux Prairies , les habitans furent po- ftez à la droite d’un moulin avec des Ou. taoüaks qui étoient venus en traite de Mi- chilimakinax, & les Officiers étoienttout vis-à-vis fur une hauteur. Les ennemis arriverent à ce Fort , ils fe glifflerent le Tong de la petite riviere nommée la Four. che, & d'une ravine, à la faveur de la- quelle ils vinrent fondre tout-à- coup fur les habitans qu’ils mirent en defordre, & tuërent plufieurs Outaoüaxs. Mr. de S. Cirque qui commandoit en l’abfence de Mr, de Callieres ne pouvant comprendre 330 Hilfoire de que le grand nombre de perfonnes qu'il apercevoit au Camp des habitans fuflene les ennemis ; ne fut point averti de cetre furprife,quoiqu'une fentinelle avancée eut tiré un coup de fufil. Le grand bruit qu’il entendit au camp, l’obligea de marcher droit à eux le long du bord du fleuve. Les Anglois & les Iroquois qui éroient cachez firent une décharge de moufqueterie fur Jui, dont il recût un coup à la cuifle, Mr, Des Cairac fur bleflé à mort, & Mr. d'Ho- fta fur tué, Ce fut un grand defordre. Les Soldats donnant tête baiflée fur les-enne- mis , les pouflerent un peu trop loin, par- ce que les plus alertes tomberent dans une embufcade proche de la ravine ,où Mr. Domerguüe Lieutenant fut tué. Les Anglois firent ce qu’ils pürent pour emporter leeFort d'emblée ; mais Mr. de . S. Cirque les attaqua fi vivement , quoi qu’il eut la veine cave coupée; qu'il leur fit quitter prife ; aprés leur avoir tué beaucoup de monde, | Monfieur de Vallerene qui avoit été jufques alors dans l'inaétion , voulut auffi donner aux Sauvages des preuves de fon éxperience. Il pourfuivit les ennemis à la. pifte , à la tête de cent quatre-vingt hom. mes. Auffi-tôr qu'il les eût joint, il leur li=, Yra combat. Il fie un retranchement à 4 F. lAmerigue Septentrionale. 331 faveur de deux gros arbres renverfez par terre , il fit ranger tout fon monde en ordre. Ées ennemis qui n'obfervoient point d'ordre dans leur marche, crûürent jes intimider beaucoup par les hurlemens qu'ils vinrent faire à la portée du piftoler. Trente de nos gens tomberent aufli-tôt fur eux. Les Aniés & les Anglois revin- ent par trois fois à la charge. Les Loups leurs alliez plierent. Routine ft paroître beaucoup d’ardeur , & voulant les entou- ter ,il fut lui-même repouflé. IL falut en venir aux mains de part & d'autre. Les ennemis eurent d'abord tout lPavantage fur nous | parce que nos jeunes Habitans Qui n'étoient pas encore bien aguerris ; furent ébranlez. 34 Monfieur de Vallerene voyant qu'il és toit beaucoup inferieur en nombre, mon: tra une contenance fr fiere, que nos Chefs Sauvages ranimerent leurs gens avec une". telle intrepidité, qu’aprés s'être acharnez pendant deux.heures contre les ennemis, ils leur firent abandonner le champ de ba taille ; s’'emparerent de leurs Drapeaux & du Bagage , & les pourfuivirent dans des païs marécageu* , entrecoupez d'arbres renverfez, jufques à ce que fe trouvant eux-mêmes accablez de fatioues, Mr. de _Vallerene fut contraint de faire fare alte EN 4 HER 44 #52 … Hifforeide no: & de fe retrancher par un grand abbatis d'arbres. La déroute des ennemis fut donc generale, & l’on ne rencontroit dans les bois que des traces de fang. - _ Les Anïés eurent du malheur plus que Jes autres, car. il n’en réchapa que vingt de cent qu'ils étoient, Les Loups qui a- voient plié d’abord ne perdirent pas tant de motide. Les Anglois perdirent deux cens hommes, outre quantité de bleffez. Nous perdimes dans cette attaque & à la Prairie quarante hommes , & autant y furent bleffez. | Je dois vous parler ici du fameux Au- fioüaé , grand Chef de ouetre , le fidelle | ami de feu Mr. le Comte de Frontenac. 55. 4fe fignala beañcoup dans cette occafion, & eut la meilleure part à cette Victoire avec Mr. de Vallerene. | _… “Aurioüaé, qui étoit le Chef des Onne= + outs , fut arrêté au Fort Frontenac en _ 1687. avec quarante Guerriers, dans un _ Feftin qu'on leur fit exprés. On avoit fujer de fe plaindre des Tfonnontotïians ; qui malgré la Paix pilloient indifferem- ment tous les François qui alloïient en traite chez nos Alliez. Onles fic pafleren : France, où ils furent mis aux galeres. Monfieur de Frontenac revenant pour la ! feconde fois en Canada , reprefenta à la . "à FT Amerique S eptentrionale.… Et: Con que fl fi on lui rendoit Auriotiaé , fon arrivée pourroit faire quelque inpreffion fur fa Nation , & que fa prefence cal- meroit bezucoup les efprits qui étoienc fort irritez de cet enlevement. Aurioüaé ne fut pas plutôt à Quebec, qu'il infpira au Comte de Frontenac d'en- yoyer aux Iroquois quatre Députez, pour les avertir qu'ils étoient tous deux de re- tour : il les exhortoit d’ envoyer quelqu'un faluër leur Pere qu ls avoient perdu de- puis 1 long: temps, & de le remercier en même temps des Lo htez qu'il avoit eû pour eux en les faifant délivrer de l'efcla- vage. Les cinq Nations Iroquoifes envo- yérent en Ambaflade Gagniègoton , qui prefenta cinq Colliers au Comte de Écoct tenac ; & Aurioüaé les chargca de fon côté de huit Colliers qu'il prononça lui- même. 11 faut vous dire auparavant ce que c'eft qu'un Collier. Nous apellons Colliers des grains de Porcelaine enfilez , d'environ deux pieds de long, fur trois À quatre pouces de lar- ge, arrangez d'une telle maniere qu'ils Ent diverfes figures. C'eft leur écriture pour traiter de la Paix, pour faire des Am. balades, pour déclarer leurs penfées, pour apaifer les Procez, pour faire quelque en- preprile, pour juger , condamner ou ab- ue, HS #34 | Hiffoire de du foudre ; ils fervent d'ornémens aux jeu nes Guerriers lors qu’ils vont à la guerre, ils en font des bracelets & des ceintures qu’ils mettent fur leurs chemifes blan- ches. Ces Porcelaines viennent dé la côte de Manathe, en la Nouvelle York. Ce font des Bourgos ou Colimaçons, qui font blancs & violets, tirant fur le noir , qu'ils fcient avec une pierre à fufñl,-dont ils font des grains un peu longs & qu ls perçent : cela auf tient lieu de monnoye. Le A qui porta la parole d’ Au3 rioüaé. , parl a aux Îroquois en ces termes. Le premier Collier. ER pour efluyer les pleurs des cinq LÉ: banes { ce font les cinq Nations Iroquoi. fes ) & leur faire fortir de la gorge ce qui pourroit y être refté de mauvais fur les méchantes affaires qui fe font pallées, & pour efluyer. le fang dont ils font couv ÉrES. Le fecond Collier doit être divife en deux. | La premiere moitié eft pour leur témoi- gner la joye qu'Auriotiaé a eû d'aprendre que les Outaïüaxs ont promis de ramener aux Tfonnontoüans les prifonniers qu'ils avoient ; l’autre moitié pour leur dire qu'il : eft bien aile qu'ils l'ayenr averti de dire à Onontio qu'ils avoient recommandé à ‘ leurs Tom. PRg : 334 | Branches de porcelaines POP CRE NS Lai l'Amerique Septentriouale, ,3$ leurs gens qui écoient partis des l’Aurom- ñe pour aller en guerre, de conferver la vie aux prilonniers qu'ils pourroient faire fur les François , & qu'Osontio lui a pro- mis de fon côté que les François en fai. foient quelques-uns des ieurs , ils en ufe. roient demême jufques à ce qu’il eut ré- ponfe des gens qu'il envoyoit aux cinq Nations. | 4 Le trorfieme Collier. Remercie les cinq Nations d’avoir en- voyé prier Orontio de Îe renvoyer avec fes Neveux fur Îles glaces, & les prie de mettre tous les prilonniers François en. tre les mains des Onnontaguez, afin que _ files affaires s'acommodent ils les puif. fent rendre. | Le quatriéme Collier. Eft pour leur dire qu’il void bien qu'ils Font oublié , aufli-bien que leur ancien pere Onontio , puifqu'ils n’ont point en. voyé de leurs Notables pour le chercher & pour parler à leur Pere, & qu'ils lui auroient fait plaifir d'en envoyer feule. ” spgonns Le cinquième Collier, Æft pour dire à toutes les Nations qu’il Tome Z. Lu E e 336 Hifloire de defire voir des Notables à Montreal, qu'il eft comme un homme ivre , & qu’il a per- du l efprit de voir qu'ils n° envoyent per- fonne pour le chercher, & qu'il louhaite- roit que ceux qui RES accoëtumé de faire les affaires avec lui , vinflent afin qu ils puiflent connoïtre la bonne volonté qu Orontio à pour toute la Nation & les bons traitemens que lui & fes Neveux en ont reçû depuis qu‘ ils Jui ont été remis entre les mains. Le fixième Collier. Eft pour lier les bras des cinq Nations, afin de les attirer à Montreal, & qu’ aprés cela ils le ‘s ‘aménent avec eux. Le féptiéme Collier. Pour leur dire quec *eft à fa priere qu '0- #ontio à Envoyé pour accompagner fes ens Le Chevalier d'O , un des plus con fiderables Officiers qu il eut , qui même eft fort connu d’eux, que | ce Collier ef auffi pour les exhorter à ne point écouter les Anglois qui leur ont renverfé |’ efprit, & à ne {e point mêler dans leurs affaires, n' y être en peine de ce qu'Onontio a com. mencé à les châtier , parce que ce font des Rebelles à leur Roi legitime, que le | Grant pre de Frans pres (ils 5 PA merique Septentrionaléi 337 äpellent ainfi le Roi ) que cette guerre ne les regardent point ; qu'ils peuvent bien _éonnoître par ce que les.François ont fait en enlevant Corlard, où ils n'ont fait au cun mal: aux gens de leur Nation, qu'ils ont renvoyez, fans même en vouloir re- tenir de prifonniers. | | Le huitième © dernier Colliers . Êft pour dire que lui Aurioïaé eft frere de tous les François , mais particuliere- ment de Colin, qui a eù un crés grand foin d'eux pendant leur voyage de France, & depuis leur retour en ce païs ; qu'ils ne : font tous deux qu'un même corps, & que he voulant point les aller trouver, à moins qu'ils ne le viennent querir , quoi qu'il foit en pleine liberté de le faire, ille fe pare en deux, & leur en envoye une moi- tié pour les engager de fe venir trouver en toute affurance, puifque ils feront auffi li- bres que lui ; qu'il ne veut point quitter fon pere auquel il veuc être toûjours uni. Qu'ils prennent donc courage & viennent à Montreal où ils le trouveront avec Oxo: to ; qui conferve toüjours pour toute la Nation & pour lui la même amitié dont il leur à donné tant de marques pendant dix aniées, | | Les [roquois laifferent Anrioüié à (x Ec 2 ad 538 ait de : liberté : ; ayant fait tous leurs efforts pouf J'engager de venir dans fa patrie; mais fon attachement aux François étoit fi grand qu'il ne voulut jamais s’en feparer. Il dé- clara même la guerre aux Iroquois lors qu'ils prirent les armes contre nous, à la {olliciration des Anglois, il a porté loi feul Je fer & le feu dans le centre de fon pro- pre païs, il étoit quelquefois quatre à cinq mois fans revenir à Quebec. On tiroit fouvent d’aflez mauvais préjugez de ces fortes d’abfences. On le voyoit cependant | revenir victorieux avec quantité de che- velures d’Iroquois, qui font les marques les plus éclarantes de la valeur d’un hom- me :il mouruten 1697. aprés avoir don- né dans toutes les occafions les plus g gran des épreuves de fa fidelité. Mais lors qu'é- — tant à l’article de la mort on Jui dit que Jesus- -CHrisr étoit mort pour le faluc des hommes ; aprés avoir été crucifié par les Juifs. Que n'érois-je là, repartit Au- rioüaé, j'aurois vangé fa LE & je leur autois enlevé la chevelure. Il eft temps, Madame . de vous parler de l'Ifle de Afontreal , qui eft au 4: de- gré latitude Nord. Elle à environ quator- ze lieuës de long ; fur quatre dans fa plus grande largeur. Une Montagne fort éle- vée lui donne {on nom : la Ville s’apelle KA l'Amérique Seprentrionales 339 Villemarie ; elle eft fur le bord du fleuve qui à une loue de largeur. Sa fituation eft trés belle, & il eût éré à fouhaiter que l’on eût FN la Capitale de la Nouvelle France dans un endroit auffi avantageux ; on y compte prés de deux cens feux; Mef. fieurs du Seminaire de faint Sulpice : a Pa ris en font les Seigneurs. Cette Concef._ fion leur fut accordée en 1644. Ils ont Haute , Moyenne & Bafle Juftice. Depuis 1701. jufques en 1714. que j'en fuis forti, elle a augmenté de la moitié , avec une belle enceinte qui l'a met à l'abri de l'in- fulte des Iroquois. Cette Ville eft un quarré long entouré de grands pieux de dix-huit à v: ingt pieds de haut, Il y a un petit Fort revêtu de ter- rafle , dont les batteries enfilent les rucs d'un Dont à l’autre. De forte que fi les Iro- quois foûtenus même des Anglois, s’en rendolent! jamais les maîtres, Se ne pour- roient pas y tenir. Ellé ne craint point d’é- tre prile par la force du nr , puis qu'il eft moralement impoffbl e d’y en amenef au travers de plus de cent lieués de Forêts. Îl n° ÿ a donc qu'un coup de main à crain- dre:mais comme les orands mouvement ne fe font point ici que l’on n'ait aupara- vant le temps d'en être averti par des E(- pions, on eft à l'abri de ces fortes de fur prifes, Ée > / 3 "ii à 340 Hijtoire de Meffieurs de faint'Sulpice qui font les Curez primitifs, ont une grande Eolife de pierre de taille, Meflieurs d'Urfé & de Quelas ( familles flluftres ) ont jetté les premiers fondemens de l'établiffement de cette Communauté, qui a été gcouvernée dans la fuite par des perfonnes de qualité. : Le revenu qu'ils tirent de cette Ifls eft af- fez confiderable, il le feroit encore davan- rage f1 le quartier dela Chine, qui er fait la plus belle côte, n'avoir pas été rüiné tout-à-coup par douze à quinze cens Iro- quois qui vinrent y faire une irruption | en 1689. dans le temps que l’on croyoit qu'ils venoient demander la paix. Rien ne fut plus touchant, ïls brülerent cinq lieuës de païs, ils paflerent au fil de l'é- pée tout ce qu’ils trouverent, nous perdi- mes plus de mille hommes, ils ouvrirent le ventre des femmes enceintes dont ils mangerent les enfans , & en firent cre- ver d’autres avec de la poudre. Nous y avons un Convent de Recolers, une Communauté d'Hôpitalieres dont l’é- tabliflement a été fait en 1669. Elles font d'un grand fecours aux habitans , princi- palement à nos Soldats. | Les Filles de la Congregation qui font au nombre de cinquante.quatre, rendent aufi de grands fervices par l'inftruétion é Le né 1 "4 P Amerique Seprentriomale. UV AL & l'éducation des Filles qui n’en fortenc que trés bien élevées , elles s’établirent à Montreal en 1671, & elles ont des mai- fons particulieres dans les grandes Paroif- _ fes du païs. Je ne peux paffer us filence un trait de vertu tout-à.fait extraordinaire d’une Demoifelle qui fait fon fejour dans cette Communauté, Mademoifelle le Bert fille unique du plus riche commercant du Ca- nada , ayant mené une vie extrémement FE dans la maifon de fon pere, crût que Dieu demandoit d'elle un plus g Han receuillement , elle fe retira pour cet D effet ilya fepr : PR ie Me dela Cbn. gregation. Elle a un petit appartement où elle eft renfermée de murailles , n’a- yant communication que par une fenêtre qui donne dans la Chapelle. On lui ap- porte à art par une petite OUVErtUre qui eft à la porte de fa chambre. Cette fil- le eft gouvernée par Mr. Seguenau Eccle- fiaftique de faint Sulpice. Le & genre de vie qu'elle méne ne confifte point dans ces fpecularions abftraites d'Oraifon mentale, élle y employe cependant deux heures par jour ; elle s'occupe tour le refte du temps. à ee, Ouvrages dont elle fait prefent aux Communautez. Elle couche fur la dure, elle ne voit ME 342 . Hiftoire dé que fon Directeur & fon pere , une mA ou deux l'année , elle a cependant l’ efprit fort aifé & Re docile , elle s’eft fait un: nouveau temperamment dans cette foli- tude, de forte qu’elle auroit de la 5,2 a ie d’une autre maniere. La maifon des freres Hôpitaliers, que l'on pourroit apeller en Canada un bis f srà étoit finie , elt le plus beau bâtiment que l’on y voye. Mr. Charon ayant gagné beaucoup de bien dans le temps que le Caftor étoit fort cher ,l’a fit bâtir il y a quelques années pour fe retirer du com- merce de la vie, il établit pour lors une petite Societé in Freres , pour avoir foin des vieillards infirmes ; ou incurables , qu'il a retiré dans cate mailon. Ilya dans le Gouvernement de Mont- real depuis Sorel, Nord & Sud du fleuve jufques au bout de l'Ifle , plus de trenté Seigneuries. Le climat eft un peu plus de qu'à Quebec. On remarque que le Printemps y commence quinze jours où trois femaines plutot, l’on. y fait des fe- Hencet HUE MENE DE , & l'Hiver ÿ vient auifi i plus tard, Les melons Ÿÿ font excellens , & ont de la peine à venir ett ras à Quebec, on y a des prunes , des pêches , de la renete blanche & grife | en quantité ; les pommes de calvile y fonc ne F l’Amerique Septentrionale. 34 ên abondance. Tel aura dans fon jardin des deux à trois cens arbres fruitiers, &:. nous n'en fçaurions avoir à Quebec qu'a- vec bien de la peine ; cependant il n’y à que foixante lieues de difference Nord Med ou La maifon de Mr. l'Abbé de B:llemont de la maifon de faint André en Dauphi- né, qui eft à un quart de lieuë de la Vil- le eft un des plus beaux endroits du païs. Il eft de la Communauté de faint Sulpice. Il a dépenfé plus de cent mille francs à former une Miflion d’Iroquois , qui ont quitté leur païs pour adorer le vrai Dieu. Il eneft le pere & le foutien ; fa maifon eft un Fort de pierre à quatre Baftions il a une Chapelle de cinquante pieds de long fur vingt-cinq de large dont les mu- tailles font revêtucs d'un lambris , fur le_ quel il ya plañeurs Ornemens , comme d'Urnes , de Niches , de Pilaftres & de Pieds-d'Eftaux , en facon de marbre rouge _vené de blanc. Les cabanes des Iroquois qui font plus de cent vingt; joignent ce Fort, & [ont entourez de paliffadés. Mr. de Bellemont qui fcait parfairement bien leur langue, les inftruit lui-même , il leur fair un catechifme les jours ouvriers aprés qu'ils ont entendu la Mefle de grand ma- tin, Ils fe rendent le foir à la Chapelle ; “0 4 34 Hu Éiffoire dé | où ils font la priere en commun, ils chat tenc les jours ‘de Fêre la grande Mefle & les Vépres en leur langue, il emploie tout fon bien à l'entretien de cette Million , qu 1Af)4 partagé en deux. L'autre Ron qui eft de cent foixante perfonnes , eft à quatre lieuës de la Ville.du côté du Nord, Les Chefs s apercevant que le libertinage commençoit à corrompre les mœurs des jeunes Guerriers, par la proximité de la Ville, où'ilss miles à boire à l’excés,, éngagerentil y a un an Mr. de Be lemont de ie une feconde Miflion au Saut a Recolet, où les plus libertins demeurent $ dont un Ecclefaftique prend le foin, es policée que paie étre une pes ire Vi Île comme celle ci , il cft bien diff. cile d'y empêcher quantité d'abus qui ré éommertent , par une Nation qui eft l’ap pui & le foutien de toute Îa Nouvelle France , que nous ne pouvons même trop ménager. Le penchant qu ‘ils ont à aimer Pasas de- vie, les fait rtomber dans de fi grands éxcés, qu'ils ne font plus maïtres de leur paffion. J'en ai vû de cruels Sa Ne ; entr'autres un fils qui étoit ivre, donner des coups de coûteaux à fon pere :un mari s’en retourner ivre à fa cabane, & toute fa famille fuir à droit & à gauche pour | Amerique Septentrionale. 345 éviter d'être poignardez. L'Iroquois boir d'un propos déliberé pour avoir le plaifir de s’enivrer , & vendroit s'il pouvoit fa femme & fes enfans pour boire de l'eau- de- vie: quand il veut fe vanger de fon en- nemi il s 'enivre , & il eft à couvert par- Jà du reproche que l’on pourroit Jui faire en difant , j'étois ivre, je ne e fçavois ce que je failois. _ Il ya deux ans que je vis une bande de ces gens ivres Courir aprés un Algonxin , qui fe trouva fort heureux d’é être auprés du corps de garde. Ils s’éroient reprochez de part & d'autre quelques veritez qu'ils auroient tà dans un autre temps. Cet Al- gonkin étoit fort railleur , ils fe jetterent fur lui au nombre de vingt, fans atmes ni coûteaux ; mais lun lui mangea l'oreille , l'autre le nez, & c'étoit qui fe ruéroit fur ce pauvre miferable qui avoit tout fon corps déchiré des coups de dents, qu’ils lui avoient donné pour avoir chacun fa pie- ce. La Sentinelle vint au fecours qui fût lui- même battu & defarmé ; la garde y accoutut qui eut aflez de peine à délivrer Es Algonxin, _ Nous avons un autre Fort d'Iroquois à trois lieuës de la Ville, du côté du Sud , jue l'on apelle Iroquois du Saut. _ Le Saut eft une chûte de cafcades dang 846 _ Hiffoire dé Àe fleuve, large d’une demie lieue | fur rois quarts de longueur. Ce pañlage eft trés. dangereux, & à moins que les Cano- teurs ne foient fort adroits il leur eff trés difficile de s'en tirer. Cependant : on le franchit, & trous les Sauvages qui vien- nent de quatre à cinq cens heuës faire la xraire à Montreal font obligez d'y paller, Les Jefuites gouvernentla Miffion du Saur. © Les froquois du Saut & de la montagne de Mont real font pour ainf dire une fi- xiéme Nation, que la Religion & le com- merce avec [aé François Une réunis depuis trente Fe Les mœurs de ces gens fi fiers & fi cruels ont été adoucis fans doute par le Baptème , avant & aprés la guerre dé clarée contre les Iroquois non Chrétiens. 11s ont donné des marques d’ humanité, & quand ils ont vû que ceux-ci en abufoient ils ont fait connoître que le Chriftianifmé p infpiroit aucune lâcheté, ; Les Iroquois convertis qui font reftez chez eux pendant la Guerre, ont roûjours eu foin que leurs enfans n ’entendiflent point parler de fuperftitions & des coûtu- mes de leur païs,en leur faifant fucer la Foi avec le lait ils font en forte que leurs en- fans devenant grands ne demeurent plus au pais, de crainte qu'ils ne fé perdent. Fous avons eû parmi ces nouveaux Chré- fiens * _— l Amerique Septentrionale, 3 447 æens le Grand Anicr, Chef de cette Na tion ,! la Cendre-chande ; Chef des Onne. . yours, Paul Capitaine aufli, & Chef de la priere, & le Borgne. Ces gens ont fair des a@ions en Paix & en Guerre , qui meritent que je vous en parle. Le grand Anier fe fit Chrétien aprés a2 voir dompté la Nation des Loups. Il ap- prit de lui-même à prier Dieu , étant à la chaffe d'Hiver dans les bois. Il prêcha la Foi dans fon païs, & il l’emporta fur les : Anciens de fa Nation, qui ne vouloient pas que l’on vint demeurer à Montreal. Il emmena lui feul cinquante de fes gens dont une partie vit encore & fert de pierre fondamentale à l'Eglife du Saut. Il avoit fair plufñeurs belles actions contre les Tfonnontoïüans, Il s’attiroit l'affeion de out le monde par fa pieté & par fa va- leur, Il fut tué par un parti d’AlsonKins & d'Abenaguis de nos amis, commandé par un Officier François, s'étant attaquez les uns les autres à l'improvifte à la poin.. te du jour fans {e connoître.. Certe perte afligea fenfiblement le païs. Nos Iroquois ne laifferent pas d'emmener avec eux des Abenaguis qu'ils garderent quelque tems. Les Chefs de cette Nation voulant qu’on leur rendit leurs gens | envoyerent pour cet effer un Collier de condoleance pour Tome I. cas CE : * 8 43 … Hifraire de confoler les Iroquois du malheur qui étoir arrivé à quelques-uns des leurs,quiavoient M été tuez dans cette conjoncture , & voici de quelle maniere ils s’'énoncerent. Mon frere qui prie ( car, enfin c’eft le nom dont nous r'apellons ) depuis que lar priere & lobéiflance à * Onontio notre Pere commun nous ont heureufement réü- nis. Je vais te trouver par ce Collier pour te dire que ceux que tu gaïdes encor com- me Efclaves font mes parens ; & pour te rier de me les rendre. Ne croi point que j'aye l'efprit malfait de ce qui leur eft arri. vé. Voila ce que c’eft que la Guerre. Les amis fe tuent fouvent les uns les autres avant de fe teconnoitre. Ce font des mal- heurs qui accompagnent la Guerre, & que l'onne peut éviter; mais tu aurois T efprie mal fait, fi aprés avoir pris pour ennemis tes Alliez mes parens, & les avoir menez chez toi comme Efclaves, tu t’ "opiniàtrois a les garder lorfque tu connois que tu as tort. je mefure ton efprit fur le mien, Si ce qui v'eft arrivé m'étoit arrivé, & que j'eufle pris pour ennemis tes parens , je ne m'aperceverois pas plutôt de ma faute , que je leur donnero's la liberté & te les gendrois, Ne croi point, mon frere, que je ce trompe, lorfque je te dis qui ils fouÿ Mr. le Comte de Frontenac: Lu l'Amerique Septentrionale 349 mes parens. Les François peuvent bien rendre témoignage comme quelques-uns de ceux que tu as tuez ou pris les ont ac- compagné, aufh- bien que nous, lors qe nous étions allez contre les Anglois, & cela fort peu de jours avant que ce mal- heur arrivât. fene ve dis rien de la perte que tu as faite d’un de res braves, c'élt Je Grand Anié ,; quoique je la relfente vi- vement. Je fuis occupé à le pleurer avec deux braves que j'ai auffi perdus dans cet- fe trifte rencontre, Mon frere l'froquois qui prie. Pleurons les braves qui ne font plus, fans que leur mort nous renverfe Fefprit , & fepare nos cœurs que la prie- re & l'amitié uniffent depuis ff long-tems. L'on eût égard, Madame ; à leur priere & on rendit leurs prifonniers. | . La Cendre Chande éroit un des deux Capitaines qui gouvernoit la Nation des Onneyouts. Avanr qu'il fur Chrétien il avoit fait brûler le pere Brebeuf Jeluite ; mais aprés fon Baptême il fut prêcher l3 Foi aux Iroquois , il commença par les Aniez , & parcoutut les cinq Nations Iro- qüoifes. Son exemple & fon autorité en _ convertit quelques-uns , fon éloquence confondit les Anciens , il préchoit les Dimanches dans la cabane où il aflem- bloit la jeunefle, Quand la Guerre fur HUGUES TS 4 / TON TS - LA 5 456 Hifloire de déclarée ; ilalla avec Mr. le Marquis de _* Denonville, qui étoit pour lors Gouver- neur general ,aux Fionnontoüans où il fut tué combattant genereufement con- tre les ennemis. 16 é Paul étroit un Huron qui avoit beau- coup d’ardeur pour la Guerre, & qui foû- tenoit bien la Foi. Dieu l'a récompenie en lui donnant une fille qui à vécu comi- me une Keligieufe. Elle avoit à l'âge de treize ans avec l'innocence d’un enfant à fagelle d’une perfonne de trente an$ , elle eft morte vierge. Sa mere la voyant belle & bien faite, craïignit que ce don de la nature ne fut peur être‘un jour la caufe de fa perte , elle engagea fon marideprier unanimement le Seigneur de pérmertre qu'il lui arrivât quelque maladie qui püc lui ôter fa beauté. Peu de tems aprés il fe forma une taie fur fon œil, & érant devé- nuë éthique, elle mourut en exhortant fa mere à être toûjours conftante dans la Foi. _ Aprés qu'elle eut donné une couverture de taferas à l’Eclifeavec fes colliers, bra- _celets & ornemens, elle entra dans l'Egli- fe le jour de Noël, où elle dit à Notre- Seigneur an pied du Crucifix, qu’elle lui avoit donné tout ce qu’elle poffedoir , & que n'ayant plus que fon corps & fon ame, elle les lui offtoit, afin qu'il Penlé« _vât de ce monde, | Tom... Uag 3 52: PPS LA PL AS NS NK NK À SN à SSN ASS op el D: ' K _. ue 4 ÿ , S:ZLous du Sant Jro quorire de Montreal en Canada mort er odeur de Sa ., ? è zuele . oo l'Amerique Septentrionale. 1: à 0 Le Borgne, où en Iroquois Sogarefie, aétémisen prifon chez les Anglois, parce qu'il étoit trop ami des François , & au al prenoi It Trop les interêts de notre Reli ision. LI regretoit en mourant de ce que Dieu ne lui avoit pas fair la grace d'être mar- tirifé par les Anglois , 1l prenoit le foin des enfans dans la Miffion , il les catechi. foit, il leur faifoit faire les prieres. Sa fem me aécéai ff fervente que lui, & elle à de- meuré prés d'un an en prifon nee les An- glois avec fa mere. Sielle eut voulu fe dé- marier on l'en auroit fait fortir ; mais elle aima mieu* demeurer en prifon que de perdre la Foi & de fe feparer de fon mari. La réputation de Catherine Texakoüi- ta Iroquoife ,eft trop recommandable dans: ce nouveau monde pour paller fous filence ce modéle de vertu & de fainteté. Sa me- moire cften grande véneratioh On remar- que que beaucoup de serfonnes ont reffenti des effets admirables de la pieufe confian. ce qu'elles ont eu en elle en differentes éccafions: Quoiqu' ilenfoit. *Ilya vingt ans que l’on vit parmi les Iroquois une . fille de vingt-cinqans, dans laquelle les meilleures qualitez des Algonkins & des Iroquois s'étoient réünies ; elle étoir née d'une Algonxine & d’un Iroquois. Sa me: FE gi “£ En 1680, 352 Hiffoire de : re avoit été prife aux Trois-Rivieres, IE ÿ à quarante ans , dans la grande déroute de cette Nation. Elle fut conduite aux Iro- quois qui lui donnerent la vie & la marie. rent, elle avoit été Baptifée aux Trois. Rivieres par les Peres Jefuites, elle n’ou- _blia jamais au milieu d'une Nation infidé- le les devoirs du Chriftianifme, Texa- Koüita qu’elle eut dans la fuitea été fans doute la récompenfe de la vie Chrétienne qu'elle avoit roûjours menée. Cetre‘fille a vécu parmi les froquois dans une innoz cence qui ne fe peur expliquer; jufques à l'âge de vingt-deux ans ,elle eur la petite verole dans fa tendre jeunefle qui la dif. gracia beaucoup. Elle conferva toûjours avant {on Baptème une pudeur naturelle qui lui donnoit de l’averfion pour les plai- firs des fens, & même pour lemariage , car elle ne voulut jamais fe marier. Ce n'éroit pas pour être plus libre dans fes actions ; mais pour fe conduire unique- ment par la Providence , & pour vâquer plus librement aux exercices de pieté.. On ne remarquoit point en elle les vi- ces aufquels fotit fujettes les filles Sau- vages qui n'aiment que le libertinage , elle ne donnoit poine dans toutes leurs vifions , & les fonges qui occupent fi fort leur ima.- gination , & dont ils font une divinités dé l'Ameriqne Septentrionale. 353 Son plus grand defaut étoir de fouffrit qu'on l'habillät trop proprement , ce qu'elle ne faifoir que pour pañler le temps ou pour complaire à fes parens, qui vou-. loient l'obliger à fe marier. Quand ils la prefloient de fe déterminer , elle fe ca- . choït derriere une caifle de bled d'Inde; où elle s'enfuyoit dans les champs. Un mal qu’elle eût au pied qui l'oblis gea de demeurer dans la Cabane,ne con: tribua pas peu à fa converfon. Le Pere Jefuite qui étoit alors dans le village des Aniez , qu'on apelle Gandaotiaqué , entra par hafard dans fa Cabane. I] lui parla de la Foi & l'exhorta de venir prier : elle obeït. Sa devotion fervente fit avancer fon Baptème qui fut folermnel dans la Chapelle de fon Village le.jour de Pâques, Hl s’en trouve pluñéurs qui fe contentens d'être Baptifez feulement,& ne font pref- que aucune fonétion du Chriftianifme : ainfi c'éroit beaucoup à cette fille de fe foûrenir au milieu de tant de mauvais e- xemples: Mais ce qui étroit adimirable ett qu'elle refiftoit courageufement à toutes les tentations & à tous les efforts que l’on _faifoitr,pour l'empêcher de fuivre les exem- ples des Chrétiens les plus fervens. Un: . jour elle fut touchée de celui-ci. Les ivrognes vouloient obliger une ; 4 4- ; ‘ 34 | Hifhoire de “ femme Chrétienne à boire de l’eau: de-vie: ils l’attirerent adroirement dans la cabane & firent ce qu'ils pürent pour lui en couler dans la bouche :'elle la leur cracha au nez par trois fois, & en fit autant toutes les: fois qu'ils la preflerent d'en boire. L’e- xemple de cette bonne Chrétienne con- firma Tekakoüita dans fes bonnes réfo: lutions. On remarqua en elle pendant deux ans une perfeverance admirable au milieu de cette Babifone. Le Pere Jeluite qui l’inftruifoit des mifteres de notre Re- ligion , lui dit qu’elle ne vivroir jamais en repos dans fon païs , & qu'elle y feroit toüjours en danger de Le perdre : “elle con- çür qu'il avoit raifon, El y avoit déja du téms qu’elle étroit réfoluë de venir demeu: rer à Montreal :elle cherchoit quelque oc- cafion favorable pour y décendre fans que. l’on en eut le moindre foupçon. C’étroic 2 coûtume de ce tems. là parmi les Iroquois de fe vifiter au retour de la chaffe : lesuns venoient à Montreal en pañlant , & les au- tres alloient aux Anglois , & palfoient 2 = 4 ÀAnié pour voir leurs parens , & pour râ- cher d’infpirer à quelqu'un de devenir Chrériens. Certe vifite annuelle réüMifloit aflez & plufeurs quittoient Anié pour ve- nir demeurer avec leurs Él au Saut, proche Montreal 1j 64 # Amerique Sebinirional 35$ Un Capitaine d’ Orneyont nouvellement Baptifé,qui fut tué depuis à la Guerre con- tre Les Tionnontoüans, firun Voyage ex- rés en fon païs pour y aller prêcher la Foi. Il pafla d’abord à Anié où aprés a voir prêché en pleine affemblée plus par fon exemple que par fés paroles , il pto- cura à Fckakoüita une occafñon pour fe rendre à Montreal. Quand elle fur arri- vée au Saut , elle prit la réfolution d’ vre en parfaite Chrétienne. Elle eut vou- lu choifir un état dont elle n'avoir qu’une idée confufe qui étoir celui des Vierges. _ Ger état eft trop relevé pour être propofé à des Sauvages qui font fi charnels ; cet pourquoi on ne ui parloir que du ma- _riage, afin de engager à refter au Saut. Elle embraffa d'abord l’une de ces pros politions , qui étoir de fe fixer dans ce lieu ; maïs elle ne pouvoit fe refoudre à fe marier. Elle démeura dans cet érat deman- dant à Dieu de lui infpirer qui lui feroit le plus agreable. On dit que l'union étroite qu elle avoit avee une femme Onneyoute eut fervi beaucoup à lui faite émbrafler l’état de perfe@ion, Celle-ci étoit Bapti- fée depuis long-tems ; maïs elle ne s'é- toit convertié que depuis deux ans, Le fujec de fa converfon fut un accident qui Jüi arriva à la challe, D' une bande de ÿ6 FAR Éifloire dé douze chaffeurs parmi lefquels étoit fon mari, il n’en revint que deux, les dix autres moururenit de faim & ie man- gez par ceux qui refterent en vie. C’eft ce qui arrive fouvent aux Algonxins & aux autres Nations ,; & ce qui n’eft pas ordinaire parmi les Iroquois, parce que, outre la chañle, ils one encore le bled d'Inde ,| & vidanèns chercher des vivres quand la viande leur marque. Ceux dont je parlen ‘eurent pas cétre précaution : Ïls crûrent qu'en montant le long du Saut dans la riviere des Outaoüaxs ils Y trou- a des bêtes. Le contraire leur arri- Ils avoient avec eux un vieillard mourant qu il falloir porter. Il demanda Jui même qu'on le tuât. On ne voulut as le faire fans prendre confeil. On de manda à l’ Onneyoute qui étoit Bapti fée, ce que difoit la Loi Chrétienne la- deflis, Celle-ci apprehendant qu'on ne la tuâc auf à fon tour n’ofa répondre ; ‘Ja crainte de la mort, fes ivrégneries ; & la vie de- reglée qu ‘elle avoit menée pendant fepc ans depuis fon Baptème lui cauferent d'é É= tranges peines d’efprit : ‘elle ft cependant des reflexions aflez fortes pour comprén- dre qu’elle avoit manqué de fidelité aux lumieres & aux graces de Dieu : elle pro- mit de mener une vie toute oppolée , ft d'Amerique Septentrioncle, 357 ele pouvoit fe rerirer de la cruelle con. jonéture où elle fe trouvoit. Le viei lard moürut fur ces entrefaires, & fut mangé, Un enfant mourut quelque temps aprés qui le fut encore, & fucceflivement plu- fieurs autres ; jufques : à ce qu'ils furent ar- rivez à un Village d’ Alsonkins qui leur donnerent des vivres pour fe rendre chez eux. Ce defaftre toucha vivement cette femme qui changea de vie : elle a vécu dans la fuite en CUbhe Chrétienne, & a _perfeveré pendant vingt ans. Son mari mourut au retour de cette chaffe ,acçablé de mifere, Cerre veuve & Texakoüitra vécurent deux ans enfemble dans des excés de pe- nitence qui font connus de tout le Ca. nada. Le Pere Jefuite qui les conduifoic, voyant qu'il étoit temps de parler, leur découvrit | ‘excellence de l’état de viroini- té, & leur dit que Dieu nous avoit | fair maître de ces deux états, que c'étoit À nous de choifir. NV Loita embrafla ce- lui- ci avec une telle ferveur qu'elle en fit vœu le jour de l’Annonciation,& mourut vingt jours aprés. Plufieurs files fauvages l'ont imitéedans la fuite , malgré les 4e. fordres que ces dernieres : guerres Ont cau- fé parmi ces nouveaux Chrétiens. Pendant que j'étois en Canada, plu. VE 558 Hiftoiwe de fieurs perfonnes malades des fiévres, a: voient une grande confiance à Catherine Tekaxoüita ; mais depuis deux ans que. j'ensfuis forti, j'ai appris que pluñeurs malades avoient été gueris par fon inter- ceflion , & l’on a connu manifeltement qu'il y avoir quelque chofe d’extraordi- naire dans les graces que l'on obrenoit du Ciel en s’adreflant à elle. Ce n’elt pas ,: Madame , autrement mon fait de faire des Vers; mais j'ai crû ne pouvoir me difpenfer de faire ceux-ci à fa gloire. Deta grace Seigneur ; la lumiere éternelle Eclaire, quandtn veux > change, choifit» appelle pe Les plus fanvages cœurs © les attache à tor. Ainfr l'on voit paller par elle. Celui dure Iroquoife animé plein de zéle De la nuit de l'erreur au grand jour dela for. Quoique nos Iroquois ayent quitté tou- tes leurs fuperftitions , ils .ont cependant confervé plufieurs de leurs coûtumes qui regardent le civil. En effec , un Iroquois qui a fa famille à part, ne laifle pas d'avoir. une Cabane chez fa mere, où il à droit d'être nourri. Il eft afluré d’y trouver {on plat de viande. Lorfque fa mere vient à mourir, fes Tantes matefnelles qu’il ap- peile dans cette rencontre du même nom ge Meres, ne peuvent auffi lui refufer Re AT BUS | fon b PAT. l'Amerique Septentrionale. 359 fon plat. Si celles-ci viennent encore à mourir, toutes fes propres Sœurs tiennent leur place. S'iln’en à poinc , il a les mêmes prétentions chez les parens de fa Mere, On à foin de lui garderdans cette Cabane fa portion, fur tout quand il ÿ à quelque chofe de bon, fon penchant le portant or- dinairement à y demeurer la plus grande partie de la journée, parce que fa Mere & fes Sœurs lui font plus cheres que {a Femme. Celle-ci lui porte dans fa cabane fon plat de viande. Elle doit y porter ou faire porter dans certaines faifons de l'an. née vingroucrente cl es de petit bois fec que l’on coupe pre ment, & qui eft deftiné à faire boüillir haudiere quand on n'a pas le tems d’all! mer de gros bois, L'affeétion qu’il à pour la cabane de fa Mere & de fes Sœurs fe rallentic, lorf. qu’il commence à avoir plufeurs Enfans ; de forte qu'il n’en fait plus qu'une avec fa femme, quin’'a pas de plus grande con- folatton que celle d’avoir beaucoup d'en. fans. C'eft le moyen le plus efficace pour l’attacher auprés d'elle, Elle aime fi ten. drement fes enfans, qu’elle leur donne à teter jufqu’à trois à quatre ans, Il eft vrai qu'ils font extrèmement délicats dans ce bas âge ; mais ils deviennent dans la fuite du tems fort robuftes, Tome I. G g hu | NB) 360 Hiffoire de | | LH et à une troifiéme cabane qui eft celle où on pere eft né,où l’on ne man- que pas de lui prefenter aie plat quand il vient, Certe cabane eft fon Atom, comme qui diroit le lien, d’ où il eft né. Il y en à une quatriéme qui eft celle de fon cama- rade où il va fouvent , car chacun à le fien. Ils fe regalent fouvenc les uns les autres. On fait toujours honneur à l'ami de ce qu ‘ily a de meilleur lors qu’il vient, & même fans être invité. Le Saur eft compofe des cinq Nations froquoiles , des Aniez, des Onneyouts,. des Onnontaguez é jrs Goyogoiins , &Œ: 1 des he Ils ont une même late gue , avec que Iqie difference de mots & de finalüst : is ont eû connoiflance du De- luge & faifoienc décendre du Ciel le pre- mier Homue, où plutôt la premiere Fem- me , dont (as décendans ne durerent que jufques à à la troifiéme generation. Le De- Juge étant venu les bêtes fe changerent en Hommes : ils ont retenu les Noms de ces animaux par chaque Famille, & nous en voyons encor aujourd hui pas parmi les Aniez, celle dela Torçué, elle del’ Ours, & cos du Loup. On compte plus de mille Iroquois à la Miflion du Saut, qui a une grande vûë au milieu d du Fort, car le ur eftun efpege EE # ’ l' Amerique Septentrionale. 36? dé Fort, entouré de pieux de dix. huit pieds" de haut. La Famille la plus nombreufe de ces trois tient ordinairement un côté de ce Village, & les deux autres ont le re- fe. Il doit y avoir autant de cabanes d'un côté que de l’autre. Si la Famille la plus. grande ne peut occuper tout le rang de la rue , une partie d’une autre Famille fe joint au bout, & lé refte fe met vis à-vis les cabanes de cette Famille, . Chacun eft maître dans fa cabane ; qu'ils apellent communement leur feu. Ils fonc tous égaux, de forte qu'il n’y a ñi Gouverneut ni Chef qui puifle pref- érire des Loix à qui que ce loi. * Chaque état à les occupations ; Îles jeunes géns ont foin de faire les cabanes. Ils vont à la chafle ou à la Guerre contre es Iroquois non Chrétiens. Les vicillards s’occupent à la pêche, à faire des plats , des écuelles , à traiter ou regler les affai. tes, foit pour l’ordre du Village, foit pout la Guerre, & pour la Paix, les fenimes abbatent le bois ; travaillent à la campa- gne & font le ménage. | _ Les vieilles fé rendent venerables aux jeunes filles par leur travail & par l'affi- duité qu’elles ont à veiller , fe donnant €ertaine autorité par une vie exacte de reproches, : g 2 4 ; 362 | Hifhoire de . Chaque Famille à ordinairement un An- cien, où pluñeurs qui prennent le foin des affaires domeftiques ; comme.il s'eft acquis de l’experience & de l’eftime , on lui confie tout ce qui regarde l'interée commun. Ces Anciens s'aflemblent re y foit pour entretenir l’union, foit pour les affaires qui furviennent. gand elles font d'importance & qu'elles regardent le bien public, ils font des cris autour du Fort, pour avertir que tout le monde ait à, s’aflembler dans une cabane. Les femmes écoutent feulement, & les hommes déliberent. Un Ancien expole pour lors le fait dont il s’agit, & dit fon fentiment fans être interrompu ; celui d'une autre Famille dit le fien jufques à à un troifiéme. Si quelqu'un veut dire aprés fon avis, on l'écoute. L’afflemblée. finie, chacun fe retire ou s’entretient familierement dans les cabanes de ce qui a été propolé. Ils tombent fouvent dans le même fentiment ; & mettant toujours les chofes au pis, ils ne fe voyent point trompez dans leurs deffeins & entreprifes. Si le fuccez a été felon leurs defirs , ils ont pris en cela leur füreté contre ce qu ils craignoient , s'ilna pas été tel ils ne laiflent pas d'être con« tens. . l'Amerique Septentrionale. :363. Les Anciens donnent avis de tout ce. qu'il y a à faire, foit pour quelque feftin, ceremonies ou bives coûtumes particu- lieres , & perfonne ne les contredit jamais. Ils fe laiflent conduire entierement par le _ Gouverneur general qui les fait venir à Montreal lorfqu'il s'agit de quelque af- faire qui regarde le païs , & ils executent les ordres avec docilité. Nous les regar- dons comme le foutien de la Nation Fran- coife , ils fe joignent avec nous dans les partis île Guerre, ils font pour lors plus cruels:ennemis des Iroquois non Chrétiens que nous ñe le ferions nous - mêmes , n'épargnant point leurs parens quand ils tombent fous leurs mains. La Foi feule les engage de refter par minous. La fase conduite des Jefuices qui les gouvernent , les entretient dans une union fi grande , que rien au monde n’eft plus touchant que de voir la ferveur de ces nouveaux Chrétiens. Ils ne font en femble qu'un même efprit par toutes les pratiques de vertu & de piété qui les uniflent. Ils chantent la grande Mefle & difent leuts prieres en la langue Algon- kine,pout éviter une jaloufie qui auroit pü naïcre entre les cinq Nations. Les hom- . mes fe tiennent d’un côté de l’Eolife & les femmes de l'autre. Il y a un Clo le la ; Po. 364 Hiffoire de | priere qui eft comme le grand Chantre ; qui eft au milieu, tout de bour. Chacun : fe répond alternativement , & l’on y en- tend fouvent des Chœurs de mufque. Le grand commerce de toute la Nou- velle France fe fait dans la ville de Monc- real, où abordent des Nations de cinq à fix cens lieuëés , que nous apellons nos Al- liez. Ils commencent à venir au mois de Juin en grandes bandes. Les Chefs de chaque Nation vont d'abord faluër le Gouverneur , à qui ils font préfent de quelques Pellereries, & le prient en mê- me tems de ne pas fouffrir qu’on leur ven- de trop cher les marchandifes , quoiqu'il n'en foit pas le maître, puis qu'un chaz cun difpofe du fien comme il le juge à propos. Ils tiennent une Foire fur le bord du fleuve , le long des paliffades de la Ville. Des fentinelles empêchent que l’on n'entre dans leurs cabanes, pour éviter les chagrins qu’on leur pourroït faire, & pour leur donner la liberté d'aller & venir dans la Ville, où toutes les boutiques leur font ouvertes. C’eft à qui fera valoir fon talent. Les plus fortes amitiez ne laiflent pas de fe refroidir dans ces momens, Le mouve- ment tumultueux qui regne pour lors , & l'envie que l’on à de faire fon profit , diffipe cette ouverture de cœur, & à l'Amerique Seprentrionale. 36$ peine le fils reconnoir-quelquefois fon pe- res L'un attend au paflage un Sauvage qu'il voit chargé de Caftors, l’autre l’ar- tire chez lui & compofe du mieux qu'il peur. Celui-ci qui efk aufli rafiné que le Canadien fur le fait de la traite, examine attentivement ce qu'on lui montre. Ce commerce dure trois mois à plufieurs reprifes : On y voit des peaux d'ours, de loups cerviers, chats fauvages , pecans , mattes , pichioux, loutres, loups de bois, renards argentez, peaux de chevreuils , de Cerfs , de Squenontous & d’Orignaux vertes & pañlées, fur tout du Caftor de toutes les efpeces. On leur vend de ja poudre, des balles, des capottes , des habits à la Françoife , chamarez de dentelles d’or faux, qui leur donnent une figure tout. à. fait crorefque , du vermillon , des chaudieres, des mar- mites de fer & de cuivre, & toute forte de quiriquaillerie. o La Ville refflemble pour lors à un en. fer, par l'air affreux de tous les Sauvages qui fe matachent plus que jamais, cro- yant par là fe mettre fur leur propre. D'ailleurs les hurlemens , le tintamarre , les querelles & les diffenfions qui furvien- nent entr eux & nos Iroquois augmentent encore l'horreur de ces fpedtacles ;. car 366 Hiffoire de | quelque précaution que l'en prenne pote empêcher les Marchands de leur donner de l’eau-de-vie , il y a quantité de Sau- vages qui font ivres morts. Quoique les Canadiennes foient en quelque façon d’un Nouveau Monde, leurs manieres ne font pas f bifarres ni fi fauvages qu’on fe l'i imagineroit. Au con- traire ce fexe y eft aufli poli qu’en aucun lieu du Royaume. La Marchande tient de la femme de qualité, & celle d'Ofh- cier imite en tour le bon goût que l'on trouve en France. Il eft difhcile de crou- ver une plus grande union que celle qui eft entre les femmes d'Offhciers. Les Dames de Quebec n'aiment pas tout à fait les manieres des Montrealiftes : les premieres font beaucoup fur la referve, principalement les Confeilleres. Ces états qui font differens , forment differens ça- racteres d’efprit : les Montrealifkes ont à la verité des dehors plus libres, mais com- me elles ont plus de franéhiles ! elles ont plus de bonne foi, & font crés-fages & trés judicieufes. Le Canadien a d’affez bonnes qualite, il aime la guerre plus que tout autre cho- fe ,il eft brave de fa perfonne , il à de la difhofition pour les Arts, & pour peu qu il foit, inftruit il aprend aifement ce qu'on | l Amerique $ eptentriosale. 367 lui enfeigne ; mais il eft un peu vaiu & pré- fomptueux ; ilaime le bien, il le dépenfe aflez mal à propos. Ceux que l’on apelle des Coureurs de bois, qui alloient il y à quelques années en traite aux Outaoüaks; ceux-ci dépenfent fort vite ce qu'ils ont gagné en peu de temps, & rien ne leur coute quand ils ont dequoi. Quand je biä- me le Canadien d’avoir trop d attache au bien il eft un peuexcufable , car le païs de Canada n'eft pas riche, chacun en cherche {elon fon induftrie, & fans le commerce du Caftor la plus grande partie ne pourroit vivre du revenu de fes terres. Sa Majelté fait fubffter une bonne par- tie du païs, foit Convens, foit particuliers, par des penfons & des gratifications. Qua- tre cens mille francs qu'il envoye tous les ans ,nelaiflent pas d'être d’un grand fe. cours. Les Ofhciers qui font mariez ne foûtiennent leurs famiiles que de leurs a- pointemens; leurs femmes font à plaindre quand ils viennent à mourir : les T'roupes font d’un détachement de la Marine coma poféesde vingt-huit Compagnies. Les pre mieres qui arriverent en Canada étoient du Regiment de Carignan-Salieres, & de vingt-quatre Compagnies qui y étoient ; on en fit repañler en France au bout de trois ans , & les quatre qui demeurerent furent F Ki > TELE Er £ ur L£ RÉ AURAS ARTE De k 4 LE , na ; Frs ke ù S | FA "* RUN cu k du SE ; 468 Éifhoire de US tar qe 7j: hommes chacune! I] ÿ eut plus de trois cens perfonnes de ce Re- giment qui s'érablirent dans le païs, Ces qüatre Compagnies fatent encor refor- mées quelques années aprés , dont la pluf- part des reformez firent duë habitations. Celles-ci furent remplacées la même an- née par quatre sutre Compagnies. Les _ Officiers qui ne voulurent point paffer en France eurent des conceffions de terre, & quelques liberalités que Sa Majefté leur fic. de. Le Canada fur long-temps fans Trou- pes, joüiffant d’une profonde Paix, qui due ra vingtans. Je ne fuis pas farpris, Ma- dame , les Canadiens ont tant de valeur, puifque la plufpare viennent d'Officiers & de ces Soldats qui fortoient d'un des plus beaux Regimens de France. Le païs s’eft beaucoup augmenté depuis ce temps- là. On y compte prefentement quinze mille habitans. * L’érendaëe de la Colonie eft depuis le haut de l’Ifle de Montreal juf- ques à l’Ifle Percée, à l'embouchüre du fleuve faint Édiréte De l’un à l’aucre il ÿ À environ 180 lieues. Ce fleuve eft fans pareil , non feulement par fon étenduë, mais par tous les lacs qu'il forme. Sa four- ce eft bien loin au Nord-Oüeft, dans des Savannes & des Marais, où Le forment # En mil fépt cens: Le ENT dl ” j da … l'Amerique Septentrionales 369 pluñeurs rivieres, qui fe reüniflant font le lac des Affimiboels ; duquel fort une gran- de riviere, qui aprés avoir par un grand dé- tour pallé dans le lac des Chriffinanx, puis dans celui d'Alemipigon, vient enfin fe jet- ter dans le lac Superieur, qui a 450. lieués de tour, fur 70. de largeur, Ce orand & fameux lac tombe dans le lac Huron , par un canal de quatorze lieuës de longueur, dans lequel il y à une chute d’eau que l’on apelle le Saut Sainte Marie. Le lac Hu- ron qui a trois à quatre cens lieues de cir- cuit, fur plus de cinquante de Jargeur, fe décharge dans le Jac des Iflinois , connu fous le nomdu AZ écheygar, qui à prefque Ja même étendue. Le déscorgement de ces deux lacs tombe dans le lac Æerier, qui a trente à quarante pieds de largeur , fur prés de trois cens de circuit La Naviga- tion yeft trés dangereufe par tous fes bords efcarpez, qui font de terre glaife; les Flots venant à {e brifer contre rendent l’eau fi bourbeufe , que les Voyageurs fouffrent & rifquent beaucoup. Un détroit de vinge lieucs de long, large d’une portée de fufil boucanier dans le plus referré, forme le Saut de Miagara, quieft une des merveil- les de la nature. Sa nape d’eau à dix ar- pens de face, & fa chute fait un bruit que l'on entend à quinze lieuës loin: Le lag 370 Hifroire de l'Amerique Septent. Ontario , ou Frontenac, qui eft le plus petit de tous , eftle dernier de ce fleuve, il n'a qu'environ deux cens cinquante lieuës de tour, fur trente à trente cinq, dans fa plus grande largeur, fa fortie for- me un trés-beau rapide, fuivi de plufeurs autres jufques à Montreal. Nous avons dans ce lac le Fort de Frontenac, qui por- te le nom d’un Gouverneur: General de la Nouvelle France, il le fit bâtir pour tenir en bride les Iroquois pendant la Guerre dans leurs partis de Chafle, & pour les engager en temps de Paix d'entretenir un commerce d'amitié avec les François. Je fuis avec beaucoup de refpeét, MADAME, Vôtre trés-humble | &e. Fin du premier Tomes sh nt Fi 3 ; 4 A À NZ: VA NE N2 ZE NE NV: 2 NZ NZ V2 NE Ne Ve SA RSR SE Re a 6 e e” : . + à ‘ > Su De « ee É 2 NAN NP OPEN NP NN NANTES 109:09:09:0.909:0909):000,9:09:109:090,9:09:0%:09:0 NF ÉRN SNS ENSS. % > À + * tri DES LETTRES Dans GE PREMIER TOME. ES ; RTE E LI y Artance de la Rochelle: Circonftarces particulieres pendans la traverfe , def* cription de Plaifance dans l'Ifle de Terre- N'enve, © de fon Commerce. et Page r PAT RE IE Deffruction prefqu'entiere de la Colonie Angloife en l'Ifle de Terre-Neuve, er 1696 » © 1697. 22 LÉ ETIR E EI Defcription du détroit de la Baye d'Hudfon. H h k > Tome I, TA BW Evenemens confiderables. RS Nouvelle découverte. D 7 D'onvelle alliance avec les Efquimaux | Cap de Digne, au 62. degré AT tes latitude Nord. | * Combat du Profond dans les glaces; con- | tre les Anglois, 561 LETTRE IV. | Combat du Pelican coutre l’Hamshier de 56. le Dering de 36. Ô° l'Hudfonfbaye de 32. pieces de Canons. | Victoire remportée fur ces trois Vrailfeatx. Ë _ ANanfrage du Pelican par la tempéte. | Bombardement & prifé du Fort de N'elfons | e PR AA So” LETTRE... AAœurs des Sauvages > qui viennent farah La traite au Fort de Nelfon. 1158 LETTRE VI Dr LETTRES. # LETTRE VIL. Détail des Penples qui viennent faire la traite as Fort de Nelfôn, Ceremonie que l'on fait pour onvrir le Com merce des Pellereries. 72 LETTRE VIF Retour en France. , Deféripiion d'une Maladie qui régne à là Baye à | ‘74 18Ë LETTRE. Defcriprion du Flenue Fr Laurent jnf- qu'a Quebec ; Capitale de la nouvelle France, De quelle maniere les François ont connw ce Continent , © le progrez que l'on y a fars pour la Fois | 197 LÉTTRE %. Dies de Quebec ; ville Capitale de la Nouvelle France, Idée du Commerces | Carailere des Canadiens, © la maniere dont 115 font leur établiflement par les Caftors. 22 FABLE DES LÉTTRÉS. LETTRE &1 Le gouvernement des Trois. Rivières con: concernant La deftruëtion des Algonkins; peuples de l'Amerique Seprentrionale ; par les Jroquets. | Les interêts communs entré les Algonkins S les François. 1. ua LET TR É'XIL Gouvernement de l'Ifle de Montreal. Détail de toutes les côtes de ce gonver- nement. Plafieurs athions pallées entre les François .@ Les Iroquois. Etabliffement des Æroquoss Chrétiens à "2/1 ontreal»s | 31E À LS Fin de la Table du premier Tome. À AMI L en, Pad